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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Audet): La commission des affaires
sociales reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de la commission. La
commission des affaires sociales se réunit aux fins d'étudier le
projet de politique de santé mentale pour le Québec tel
qu'énoncé dans le rapport du comité présidé
par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre 1987.
M. le secrétaire, est-ce que vous pourriez annoncer les
remplacements, s'il vous plaît?
Le Secrétaire: Oui. M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue) est remplacé par M. Camden
(Lotbinière), M. Bélanger (Laval-des-Rapides) est remplacé
par M. Audet (Beauce-Nord) et M. Gauthier (Roberval) est remplacé par M.
Jolivet (Laviolette).
Le Président (M. Audet): Merci.
Auditions
J'invite maintenant nos invités, soit la
Confédération des syndicats nationaux et ses
fédérations affiliées, à prendre place, s'il vous
plaît!
Messieurs et mesdames, on vous souhaite la bienvenue à la
commission des affaires sociales. Je vous rappelle le temps alloué pour
la période de présentation et la période
d'échanges, soit 20 minutes pour la présentation du
mémoire et 40 minutes pour les échanges avec la commission.
Si vous voulez bien vous identifier, s'il vous plaît!
CSN et ses fédérations
affiliées
Mme Simard (Monique): Bonjour. Je remercie la commission de nous
entendre ce matin. Je me présente, je suis Monique Simard,
première vice-présidente de la CSN. Je suis accompagnée de
M. Carol Lebel, qui est membre de la CSN, psychologue et qui travaille depuis
dix ans à l'hôpital Jean-Talon à la clinique de psychiatrie
communautaire; Mme Michèle Lévesque, qui est éducatrice
spécialisée à l'hôpital Louis-H.-Lafon-taine depuis
quinze ans; enfin, M. Pierre Bonnet, qui est sociologue rattaché au
service de recherche de la CSN et qui a contribué à
l'élaboration du mémoire et de la position qu'on vous
présentera ce matin.
Le Président (M. Audet): Merci. Je vous invite maintenant
à présenter votre mémoire, s'il vous plaît, ou
à le déposer.
Mme Simard: Je vais tenter de résumer notre mémoire
parce que 20 minutes c'est un temps relativement court pour présenter
une position sur une question qui est, finalement, très complexe et qui
nous tient à coeur autant qu'à vous, j'imagine.
Peut-être faire des remarques générales dans un
premier temps et, ensuite, donner nos opinions très
précisément sur les recommandations qui sont contenues dans le
rapport.
Je vais vous dire tout de suite que le rapport soulève des points
d'Intérêt extrêmement importants, quand on pense, par
exemple, à la recherche, à la prévention, la
régionalisation, la répartition des ressources ainsi,
évidemment, qu'à la nécessité d'accorder une place
plus grande aux groupes communautaires et de permettre aux personnes qui ont un
vécu psychiatrique de développer leur autonomie et de
s'insérer dans la société. Tous ces points
d'intérêt sont les nôtres également.
Cependant, on doit dire au départ que le caractère souvent
très général du texte nous laisse peut-être un peu
perplexes par rapport à la concrétisation de certains
avancés. Mais, si le caractère générai du texte
vise à ne pas court-circuiter une opération qui devra se faire
dans les prochaines semaines et qui est celle du rapport de la commission
Rochon que nous attendons tous, on s'en réjouira. Il faut tout de suite
vous dire qu'on pense qu'il est difficile de travailler adéquatement sur
une politique de santé mentale en dehors d'une politique
générale de la santé. On craint et on tient à vous
dire ce matin qu'on ne voudrait pas disposer d'une partie en dehors d'un tout
Ce qu'on souhaite, c'est que te gouvernement puisse non seulement entendre les
préoccupations du domaine de la santé mentale, mais les
intégrer dans une problématique plus large qui est celle d'une
politique de santé générale. D'autre part, on souhaite
vivement que, sur toutes ces questions, il puisse y avoir un débat
public le plus large possible. La tenue d'une commission parlementaire est une
façon d'amorcer un débat, mais ce n'est pas l'unique
façon. Nous réitérons donc notre souhait d'avoir une
politique globale de santé.
Au départ, nous aimerions peut-être vous dire notre
conception de la santé mentale. Pour bien définir et
établir les paramètres d'une politique de santé, il est
nécessaire, selon nous, d'élargir la conception
véhiculée par la logique médicale qui prévaut et
qui présente la maladie mentale comme étant une faille biologique
et génétique dans l'individu sans tenir suffisamment compte du
contexte socioculturel de la vie où s'enracinent des problèmes
qui affectent la santé mentale et qui engendrent un certain nombre de
troubles.
On ne veut pas ici nier, et je pense que c'est important de le dire tout
de suite, l'importance des découvertes médicales qui ont pu
être faites dans le traitement de troubles mentaux.
Mais, néanmoins, on croît important de rappeler ici qu'il
n'y a pas uniquement un sens individuel, mais aussi un sens collectif et social
à la santé mentale et à la souffrance affective dont on
doit tenir compte lorsqu'on traite de ces questions. C'est pourquoi nous
voulons voir les plus hautes instances, qu'elles soient politiques,
médicales ou administratives, Ici au Québec, responsables
finalement de la santé et des services de soins, poser la relation entre
des troubles mentaux et des déterminants autres que biologiques et
individuels, comme, par exemple, un certain nombre de déterminants
socio-économiques. Le chômage, est-ce que cela peut être
cause de certains troubles mentaux et de certains problèmes dans le
domaine de la santé mentale qu'on peut constater dans notre
société? Évidemment, cela ne vous étonnera pas que
comme organisation syndicale non seulement sommes-nous
préoccupés, comme citoyennes et citoyens à part
entière de la société, des grands problèmes de
santé que peut vivre une société mais on représente
aussi beaucoup de personnes qui oeuvrent directement dans ce domaine, environ
100 000 personnes dans le domaine de la santé mais
précisément 20 000 personnes qui travaillent dans le domaine de
la santé mentale.
D'autre part, comme étant intervenants dans le monde du travail,
on a une préoccupation tout à fait particulière à
regarder comment le travail en soi peut parfois être cause de certains
troubles mentaux, mais comment aussi l'absence de travail peut être cause
d'autres problèmes en santé mentale. Finalement, c'est par
chacune de ces avenues que la question nous intéresse.
Il y a nettement un caractère social et collectif aux questions
qu'on pose et qui met finalement en cause toute la communauté. On pense
finalement que lorsqu'on parle de santé en général, et
donc de santé mentale, c'est évidemment l'amélioration de
l'état de santé de la population qui nous préoccupe et qui
doit nous guider, mais l'amélioration c'est aussi en visant qu'il y ait
une réduction des écarts de niveaux de santé ou de
problèmes de santé qu'on peut observer entre les
différentes communautés. Évidemment, notre
préoccupation sera toujours une recherche d'équité en
matière de santé et une recherche d'égalité de
chances quant à la possibilité d'avoir des services de
santé. Je pense que la recherche d'équité peut se faire
à deux niveaux, la promotion de la santé comme telle et
l'égalité réelle d'accès à des services
adéquats et suffisants pour tes populations.
Je veux vous dire tout de suite que le titre du rapport qui parle de
politique de santé mentale ne nous semble correspondre vraiment ni au
mandat ni au contenu. Le mandat était davantage de regarder ta question
des services. Je pense que le rapport rend compte de ce mandat. Il ne faudrait
pas prendre le rapport... En tout cas, selon la lecture que nous en faisons,
pour nous ce n'est pas une politique de santé mentale, essentiellement
parce que le rapport ne traite pas des causes des problèmes qu'on peut
retrouver dans ce domaine. Il ne propose pas d'avenue non plus pour s'attaquer
à ces causes. C'est une première chose qui nous semble
mériter d'être clarifiée par rapport au rapport
Harnols.
L'autre considération d'ordre général, c'est que le
rapport parle de partenariat élargi et porte le titre, d'ailleurs, de
partenariat élargi. Quant à nous, ce sous-titre, de la
façon qu'on fait la lecture du rapport, nous semble erroné. De ce
que nous en comprenons, on ne propose pas véritablement un partenariat
et encore moins un partenariat élargi. On est d'accord avec beaucoup de
choses qui sont contenues dans ce rapport. On est d'accord, par exemple, avec
la définition qui est donnée aux intervenantes et intervenants en
santé mentale. D'autant plus que cette définition nous concerne
directement parce que, comme je le disais tout à l'heure, nous
représentons beaucoup de ces intervenants et de ces intervenantes.
Cependant, on pense qu'il y a une mission importante, et c'est la
référence, non seulement aux intervenants et aux intervenantes,
aux travailleuses ou travailleurs salariés qui oeuvrent dans ce domaine,
mais aussi de reconnaître que ces personnes se sont dotées
d'organisations et que, dans ces organisations que sont les syndicats, elles
cheminent et font des réflexions dans le domaine dont on parle
aujourd'hui. Si on veut vraiment parler de partenariat, il faut
reconnaître qu'il y a des salariés dans ce secteur qu'il est
important de mettre à contribution, ainsi que leurs organisations. C'est
une lacune qu'on veut tout de suite soulever.
D'autre part, d'autres types d'organisations représentant des
intervenants dans ce milieu ne sont pas considérés. On pense que,
si on veut vraiment implanter des réformes dans les services, I! faut
que ces réformes soient discutées, il faut qu'elles soient
élaborées, il faut qu'elles soient concrétisées et
il faut le faire avec la participation pleine et entière de tous ceux
qui peuvent avoir un intérêt et une place dans ce domaine. Je
pense que ce sont les seules garanties de succès qu'on peut se donner,
à défaut de quoi souvent les réformes sont imposées
du haut et sont souvent mal comprises et non acceptées. Le
succès, la réussite de la réforme en est d'autant
handicapée.
Quand on parte de pleine participation, cela dépasse, selon notre
entendement, la simple information de dernière minute où on dit
aux gens: II y aura réforme d'ici un mois qui se passera de telle ou
telle façon. C'est trop important ce qui s'amorcera dans les mois ou les
années à venir pour qu'on ne tienne pas compte de l'implication,
à tous tes niveaux, des intervenants et de leurs associations. C'est une
deuxième remarque générale très Importante qui nous
semble devoir être soulignée ce matin. Je vais vous dire que cela
fait maintenant plusieurs années qu'on se préoccupe des questions
de santé
mentale. Je veux aussi vous dire qu'on n'a pas attendu qu'il y ait une
commission pour faire des débats dans nos rangs. Je pense, entre autres,
à la question de la désinstitutionnalisation, où il y a un
cheminement très important qui a été fait auprès
des hommes et des femmes que nous représentons pour les amener à
entrevoir et à proposer des alternatives à ce qu'on a pu
connaître dans la forme de services, le type d'institutions et même
le type de traitements qu'on peut trouver dans ce champ. On veut continuer
à faire cela, on est prêt à poursuivre. C'est donc un peu
un appel à la collaboration qu'on fait ici ce matin dans ce sens.
D'autre part, il faut, et je pense qu'on est peut-être mieux
placés que d'autres, ou, à tout le moins, on a la
responsabilité de le faire, rappeler qu'il y a des causes ou des
problèmes de société réels qui peuvent être
économiques ou autres qui sont source de certains problèmes de
santé mentale. On pense que, comme intervenants dans cette
société, on peut nous mettre à contribution pour tenter de
résoudre ou de voir des avenues de solution par rapport à
certaines causes des problèmes. Je ne pense pas qu'on puisse dire comme
cela que le travail ou l'absence de travail est nécessairement source de
problèmes mentaux. Ce n'est pas vrai que tous les gens qui vont perdre
leur emploi vont avoir un problème, mais on sait que si on regarde cela
sur un nombre relativement large... Des études ont été
faites aux États-Unis ou même en Ontario, Les gens qui ont perdu
leur emploi et qui voient la possibilité d'un chômage chronique
commencent, après une période de deux ou trois mois, à
développer un certain type de symptômes de souffrance mentale qui
sont réels. Il n'y a pas nécessairement d'automatisme mais je
pense que, dans notre société, il faut reconnaître qu'il y
a des problèmes d'ordre économique qui peuvent engendrer des
situations très souffrantes pour beaucoup d'individus.
Maintenant, pour en venir aux recommandations, on n'a pas beaucoup de
temps et on est évidemment disposé à discuter et à
répondre aux questions. Il faut dire que pour la recommandation 1, qui
propose que le ministère fasse une campagne de sensibilisation et
d'information, nous sommes évidemment d'accord avec cette recommandation
à bien des égards. Il faut sensibiliser tout ie monde à la
santé, à un concept de santé, il faut une plus grande
sensibilisation de membres de la société à l'égard
d'autres membres de la société qui souffrent à
différents degrés de problèmes de cet ordre. Il y a
déjà beaucoup de campagnes faites par le ministère, on
pense qu'une de plus, comme celle-là, c'est tout à fait
approprié.
Nous pensons cependant que pour faire une campagne de sensibilisation,
j'y reviens encore, il faut mettre à contribution les intervenants du
milieu pour que ce soit une garantie de succès. On peut faire des
campagnes de publicité parce que, il faut le dire, il y a des campagnes
de sensibilisation qui prennent davantage la forme d'une campagne de
publicité. Nous espérons que ce n'est pas là l'intention.
Ce qu'on voudrait, c'est une véritable campagne de sensibilisation
préparée avec la contribution des Intervenants du milieu.
La recommandation 2. Oui, on est en faveur de l'Implantation d'un plan
de services individualisé si ces services sont adaptés et si
l'organisation permet d'exercer un suivi adéquat par rapport aux
personnes en question. L'identification des services conduisant à la
définition, finalement, des PSI, à notre avis, devrait être
faite par des équipes multidisciplinaires formées des
intervenants et intervenantes dans le milieu. Ces équipes devraient
être Impliquées dans la préparation des PSI, et c'est
important parce qu'on pense qu'il n'y a pas de formule magique. Si ces
garanties ne sont pas données, on risque d'accroître la
dépendance des personnes visées.
Nous pensons que les PSI pourraient être l'outil qui aide vraiment
les personnes à renégocier d'une certaine façon leur
statut avec leur environnement. Mais dans le rapport on n'aborde pas de
façon très concrète comment cela va se faire dans les
milieux, dans les conditions de vie et dans les communautés et comment
sera assuré le suivi. Donc, il y a une certaine forme
d'inquiétude de notre part que ça soit réduit
peut-être à des plans de soins qui seraient essentiellement faits
en milieu hospitalier institutionnel et curatif. Alors, on se questionne parce
qu'il n'y a pas de précisions dans le rapport et on profite de
l'occasion pour vous exprimer notre crainte à ce sujet-là. On
pense, pour éviter ce que nous craignons, qu'il est très,
très important que le ministère précise ses Intentions et
qu'on arrive à toujours rechercher des formes de consensus lorsqu'on
veut procéder à des modifications comme celle-là.
D'autre part, on veut souligner ici un aspect qui nous semble important,
c'est de s'assurer que, lorsqu'on fait des réformes, les ressources
d'appui soient là. On peut proposer une autre approche, on peut proposer
une autre façon de donner des services, mais il faut encore là
avoir des ressources d'appui à cela. On pense aux ressources en
hébergement, par exemple, c'est assez fondamental, je n'ai pas besoin de
m'étendre très longtemps ici sur ces questions-là. Je
pense que tout le monde est conscient de ce type de problème. (10 h
30)
Comme par exempte, au chapitre de la réhabilitation, au chapitre
du travail, il y a là aussi une considération, une attention
très particulière à apporter. On sait qu'une des formes de
réinsertion sociale les plus importantes c'est évidemment le
travail. Comme l'absence de travail peut être cause de problèmes,
donner du travail peut être parfois très bénéfique.
Mais encore faut-il qu'on organise ça et qu'on donne la
possibilité de le faire, et pas dans des conditions terribles où
finalement cette main-d'oeuvre
devient de la main-d'oeuvre à bon marché. On sait tous que
cela s'est produit à une large échelle et que, peut-être,
à une moins large échelle aujourd'hui ça continue de se
produire et qu'il y a des personnes qui souffrent d'un certain type de
problèmes en santé mentale ou qui ont des vécus
psychiatriques qui sont de la main-d'oeuvre à bon marché.
Le Président (M. Audet): II vous reste deux minutes pour
conclure.
Mme Simard: Je le savais que cela allait arriver.
Une autre dimension que je voudrais vous dire tout de suite c'est qu'une
des préoccupations qu'on a, et elle est large, dans une
société plus on réduit les membres de cette
société à un statut de dépendance, plus on peut
s'attendre à ce qu'on trouve des problèmes.
Pour ce qui est du droit de recours et de répit, on pense aussi
qu'il y a beaucoup d'améliorations à apporter. Ces personnes qui
pourraient recevoir les recours, les appels, les plaintes pourraient faire
rapport à ta ministre; que ce soit des personnes qui soient sensibles
à la problématique et que certaines d'entre elles soient issues
de milieux qui se sont voués à la défense de personnes
vivant ces types de situation. En termes de recherche, nous sommes d'accord
avec l'augmentation qui est proposée et on pense que cela peut
être positif dans la mesure où ce ne soit pas consacré
exclusivement à de la recherche médicale. On pense que
l'intégration doit se faire aussi avec un concept de
multidisclplinarité pas nécessairement verticale, comme on le
voit très souvent, mais plutôt horizontale, et qu'on puisse mettre
a contribution différentes disciplines non pas dans un concept de
hiérarchie, mais dans un concept de collaboration et de
complémentarité.
Quant à la recommandation 7, on pense qu'elle devrait être
élargie. On ne pense pas que la formation de base devrait être
exclusivement réservée à ces corps d'emploi. On pense, au
contraire, qu'elle devrait s'étendre à d'autres corps d'emploi,
et il faut tenir compte du personnel non spécialisé. Il y a des
milliers de personnes qui n'ont pas de diplôme, qui travaillent dans ces
institutions depuis des années et qui ont beaucoup à mettre
à contribution, leur observation, leur expérience, que ce soit
des gens qui travaillent directement auprès des malades, dans les
départements - je pense que cela est important - comme des gens qui
travaillent dans d'autres types d'intervention Je pense que c'est Important de
vous le souligner. Également, lorsqu'on pense à développer
des alternatives aux Institutions, il faudra penser aussi au personnel des
institutions dans le cadre d'une réforme des services.
Enfin, l'Insistance qui est mise sur la question des groupes
communautaires est très importante. On est heureux de voir combien c'est
pris en considération. Nous travaillons beaucoup avec ces regroupements
et ces groupes alternatifs depuis quelques années. C'est important de
travailler avec ces gens-là même si nous ne représentons
que des gens qui travaillent en institution essentiellement. Cependant, des
remarques ont été faites par d'autres, mais je tes
réitère ici, par exemple la part de 10 % qui est demandée
pourrait être réduite de moitié, soit à 5 %.
On ne voudrait pas non plus qu'en donnant une place plus importante
à ce réseau il devienne le substitut à. Je pense qu'il y a
une complémentarité de types de réseau et c'est dans ce
sens-là qu'on veut le comprendre.
Nous sommes d'accord avec la décentralisation, et je termine
là-dessus. Je pourrai répondre aux questions.
Le Président (M. Audet): Merci.
Mme Simard: Cependant, on pense qu'il y a des modifications
à apporter aux propositions qui sont faites dans le rapport. Finalement,
une recommandation qui nous semble fondamentale, c'est la coordination
Interministérielle. On ne peut pas avoir meilleur forum qu'ici pour dire
combien on pense qu'il est très urgent que cette recommandation soit
également retenue.
En gros, ce sont nos positions. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Audet): Merci beaucoup, madame.
Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
les représentants de la CSN pour leur mémoire sur le projet de
politique de santé mentale. Je pense que vous avez fait une étude
exhaustive de ce projet. Je crois comprendre aussi, et c'est justement l'objet
de la commission, qu'en dépit de certaines réserves que vous
avez, ou même de réserves importantes sur certains sujets, vous
souscrivez à une bonne partie de cette action qui doit être
entreprise dans le domaine de la santé mentale qui, comme vous le
disiez, est une question qui vous préoccupe depuis fort longtemps et
don! peut-être la dernière manifestation a été votre
colloque international qui s'est tenu, je pense, au mois de novembre.
Je dois vous dire aussi que je le trouve très positif.
Peut-être à cause de préjugés ou peut-être
aussi à cause d'une certaine réalité, II aurait pu
être axé presque essentiellement sur les droits des travailleurs
ou des syndiqués, particulièrement dans le contexte de la
désinstitutionnalisation. Même si on aura l'occasion de revenir
sur ce sujet pour vous faire parier de votre expérience, je pense que,
dans le fond, votre préoccupation est vraiment d'assurer à la
population de meilleures conditions que celles qui
existent aujourd'hui dans le domaine de la santé mentale et cela
m'apparaît extrêmement positif.
Comme le temps nous est limité aussi pour les questions, Je vais
y passer immédiatement. Non, je voudrais peut-être répondre
à certaines questions que vous avez soulevées ou recommandations
que vous avez faites. Au sujet de ta campagne de sensibilisation, je trouve
intéressante la suggestion que vous faites que des représentants
des Intervenants soient Impliqués dans la préparation de cette
campagne. Nous venons de finir une campagne de sensibilisation sur les maladies
transmises sexuellement qui a quand même coûté beaucoup de
sous, comme toutes ces campagnes, d'ailleurs, et nous en ferons l'analyse quant
aux résultats que cela a pu donner. On est à travailler à
ceci.
Je pense que si on ne veut pas uniquement ce que j'appellerais l'effet
de flash mais vraiment un effet plus continu, on voudrait, en Impliquant
davantage des gens du milieu, qu'après que la publicité ou la
partie de publicité disparaîtra il y ait une continuité par
les intervenants ou les personnes qui y seraient intéressées. Je
trouve que c'est intéressant comme suggestion.
Vous vous inquiétez aussi sur l'absence d'une définition
très précise du plan de services Individuel, et vous avez raison.
Je dois vous dire que le ministère développera un programme-cadre
en consultation avec les différentes personnes
intéressées. C'est évident qu'on ne peut pas, sans tomber
dans une rigidité extrême, laisser ça à la
va-comme-je-te-pousse et qu'on se trouve finalement à recréer
d'autres disparités. C'est l'intention du ministère qui travaille
justement à produire ce programme-cadre qui pourrait être
appliqué par les différents intervenants ou les différents
milieux.
Vous avez raison de dire aussi que du côté du travail,
celui-ci étant un élément important de la
réadaptation pour ceux qui peuvent y accéder, le projet de
politique est plutôt mince sur ce point particulier. Il a
été peu discuté ici sauf par un ou deux intervenants ou
groupes qui sont venus ici. Je pense que c'est toute ta question aussi du
travail Interministériel ou intersectoriel qui s'imposera.
Quant à votre définition de la politique de la
santé mentale que vous dites n'en pas être une, dans le
mémoire, parce qu'elle n'englobe pas ce qui vous apparaît d'autres
éléments tout aussi importants au-delà des facteurs
biologiques et Individuels, ce que vous appelez les facteurs collectifs si je
peux dire, je voudrais juste vous dire qu'on ne tes ignore quand même pas
totalement. Si vous vous référez à la page 127 du projet
de politique en santé mentale, vous avez à l'article 3.2.1 le
statut socio-économique et le mode d'habitat comme étant des
circonstances qui peuvent soit produire, soit aggraver ou encore empêcher
la guérison ou la réadaptation des gens. Je pense que vous avez
là, au moins, cette préoccupation d'ordre social dans le sens le
plus large du terme. D'ailleurs, je vais le lire textuellement. "Sans
répondre à ta question de façon exhaustive, on peut
retenir que les personnes les plus défavorisées semblent
être celles qui connaissent le plus de problèmes d'ordre
psychique. Outre leur faible statut économique, le portrait de ces
personnes révèle qu'elles habitent souvent seules et ont
vécu quelques événements traumatisants ou conflictuels
dans leur vie. Au Québec, le lien entre pauvreté et santé
mentale doit être analysé de façon plus rigoureuse." C'est
une observation générale dans les différents pays et je
pense que personne ne met cela en question, mais on n'a peut-être pas
encore d'analyse très rigoureuse. Relativement aux pertes d'emplois dont
vous parliez tout à l'heure, des études ont été
faites aux États-Unis et, au moment de la récession, il y avait
une hausse, par exemple, du taux de suicides ou d'autres symptômes
reliés à la santé mentale.
La première question que j'aimerais vous poser est la suivante.
Vous dites - évidemment, nous sommes en 1988 et on a gagné une
couple de semaines parce qu'on n'a pu tenir la commission au mois de
décembre - que cette consultation aurait dû être tenue en
1988, mais je pense que ce n'était pas sur le mois. Je voudrais que vous
m'expliquiez pourquoi on ne pourrait pas aller de l'avant avec ce qui touche la
santé mentale sans que l'on ait reçu le rapport de la commission
Rochon, qu'on ait pris position sur ce rapport ou qu'on ait
élaboré une politique de santé générale pour
le Québec. C'est évidemment un dossier qui attend depuis
longtemps. Les problèmes ne vont pas en s'amenuisant. On sait qu'ils
vont en augmentant avec le vieillissement de la population et qu'il y a
beaucoup de problèmes du côté de la psychogériatrie,
etc. J'essaie de comprendre pourquoi, dans le fond, on ralentirait - on sait
que, dans un gouvernement, toutes les actions sont lentes, de toute
façon - alors que les gens semblent être prêts à agir
dans ce secteur.
Mme Simard: D'accord. Au départ, je vais vous dire
très humblement, et vous le savez sans doute, que je ne suis pas
personnellement issue du secteur de ta santé; c'est pour cela que je
suis accompagnée de gens qui ont beaucoup d'expérience dans ce
domaine. Cela dit, on sait que des réformes sont, depuis très
longtemps, attendues dans le domaine de la santé mentale et qu'il y a eu
toutes sortes de comités, de rapports, etc. On reconnaît qu'il y a
là une urgence, mais il nous semble étrange qu'au moment...
À cause des retards, on arrive un peu en même temps. On va avoir
te rapport de la commission Rochon - c'est une question de journées, je
ne crois pas me tromper. Est-ce qu'on ne disposerait pas finalement d'une
partie, alors qu'on n'a pas décidé du tout?
Tout en reconnaissant qu'il y a une forme d'urgence, il me semble qu'une
politique de santé mentale... Au départ, la première
remarque, c'est qu'on ne pense pas que ce rapport soit une
véritable politique de santé mentale. On pense que c'est
davantage une politique de services. Déjà là il y a comme
un problème. Au moment où on s'apprête comme
société à débattre d'un rapport majeur qui sera
celui de la commission Rochon, cela nous semble à tout le moins
étrange qu'on décide de disposer d'une partie sans savoir ce
qu'il y aura dans le tout. C'est essentiellement pour cela.
Évidemment, Mme la ministre, je n'ai pas le rapport de la
commission Rochon et je ne peux pas présumer des calendriers et de ce
qui sera fait. Je sais que des actions de ce type sont souvent lentes à
se concrétiser. Il n'en demeure pas moins qu'on pensait Important de
vous le soulever parce qu'on pourrait peut-être se retrouver, à ta
limite, avec des incohérences. Cela mérite d'être
soulevé. Je ne sais pas s'il y en a qui veulent compléter. Non?
C'est pour cela. (10 h 45)
Mme Lavoie-Roux: Là-dessus, je voudrais juste ajouter, et
je pense que vous le savez peut-être, en tout cas j'ai eu l'occasion de
le dire à quelques occasions, que le groupe du comité Harnois a
eu l'occasion de discuter à plusieurs reprises - je ne dirai pas de
travailler avec - de ce projet de politique avec les membres de la commission
Rochon. En ce qui concerne les appréhensions que vous avez à
savoir qu'on pourrait peut-être en arriver, en mettant les choses au
pire, avec des choses contradictoires, je pense qu'on n'a pas trop à
s'inquiéter de cela. Quant à la commission Rochon - c'est presque
public, le 9 février - je me dis qu'il reste que même après
cela c'est quand même un rapport sur lequel... Enfin, vous aurez à
ce moment peut-être l'occasion de parler d'un échéancier
mais cela va être plus lent et on sera rendu moins loin dans la prise de
décision qu'on peut l'être pour la santé mentale.
Même s'il y a une logique à ce que vous avancez, je me dis
que, si on a senti une plus grande urgence d'agir dans le cas de la
santé mentale, c'est que tes problèmes vont en grandissant et en
s'accentuant. On a eu l'occasion d'en discuter. On a procédé
à de la désinstitutionnalisation. Il y a encore d'autres projets
particuliers qui sont dans la machine et on se dit: Essayons d'établir
un plus grand consensus à cet égard. C'est ce qu'on veut faire.
C'est un peu dans ce sens qu'on a traité cela Individuellement.
Ma deuxième question. Quand vous avez parlé du
partenariat, vous avez parlé de la nécessité de
l'implication plus grande de tous les employés et pas uniquement, comme
on le perçoit peut-être dans le rapport, certains groupes de
professionnels, alors qu'il y a beaucoup d'autres gens qui sont
impliqués. Peut-être qu'on semble leur faire une place moins
grande, bien que l'esprit du rapport a quand même identifié toutes
les personnes, mais peut-être pas les syndiqués comme tels. Je ne
saurais le dire, je ne me souviens pas. Je pense à tous les gens dans la
communauté, etc.
Je voudrais vous poser la question en relation avec la
désinstitutionnalisation. J'apprécie les efforts que la CSN a
développés depuis quelques années justement pour faire
faire un bout de route ou de cheminement dans toute cette question de la
désinstitutionnalisation. Vous la reconnaissez comme une formule valable
pour la réalisation des personnes. Je n'ai pas le texte exact, mais vous
le mentionnez.
J'aimerais que vous nous parliez ce matin des problèmes que vous
rencontrez avec vos syndiqués, les personnes que vous représentez
dans cette... Ne partons pas de 1960 mais partons peut-être de plus
récemment, depuis... Dans le fond, on s'est remis à
réfléchir sur la désinstitunormalisation qu'on faisait
depuis des années en disant comment peut-on mieux la faire? De quelle
façon voyez-vous que le personnel pourrait être davantage
impliqué? Vous avez dit tout à l'heure: Un mois, on nous dit
demain c'est fini et ils vont sortir. Est-ce que vous avez, vous-mêmes,
un schéma qui pourrait nous aider dans la réflexion?
Mme Simard: Je vais répondre. Je vais demander aussi
à Mme Lévesque de compléter. Oui, c'est vrai. Notre
position c'est d'être pour une politique de
désinstitutlonnallsation. On l'a dit, on t'a
répété. On pense entre autres que cela a eu des effets
très positifs pour beaucoup de personnes. On a dit cela et on le
répète. On a fait ces discussions et cela n'a pas toujours
été facile de les faire parce que c'est changer toutes les
mentalités, changer des concepts et des cadres de lieu et
d'Intervention. On pensait qu'il fallait le faire, on l'a fait et on est
heureux des résultats.
Cela dit, des problèmes très concrets se sont
posés. Entre le principe qui peut être tout à fait louable
et plein de bonnes intentions, il y a un monde si les ressources ne sont pas
là et si on n'a pas mis à contribution d'ensemble des
communautés, des Intervenants et aussi des travailleuses et
travailleurs.
Mme Lévesque pourra vous le dire. Elle travaille dans une
institution où il y a des plans de désinstitutionnalisation. Elle
connaît aussi très bien la situation des autres.
Mme Lévesque (Michèle): Ce que je peux vous
répondre là-dessus c'est que, effectivement, pour travailler dans
une Institution psychiatrique et aussi pour être responsable de ce
dossier à la fédération, il y a des problèmes. Le
principe est bon. Dans le rapport Harnois, d'ailleurs, on dit qu'on doit
travailler avec les intervenants à l'élaboration d'un plan de
désinstitutionnalisation, etc. C'est un principe en
général qui est très élaboré par le
ministère et même dans le discours par les associations
patronales. Sauf que, lorsque vient le temps de la pratique, c'est très
différent. Quand vient le temps de la pratique, on est prêt
à s'asseoir et à dire une fois l'an:
Voici ce qu'on va faire cette année au point de vue financier
dans nos réalisations pour les prochaines ressources, etc. Mais, quand
vient le temps de tenir compte de ces intervenants dans le cheminement de la
désinstitutionnalisation, c'est-à-dire la fermeture
d'unités, la fermeture de départements et l'élaboration de
ressources, là c'est une autre paire de manches. Admettons qu'on n'en
tient pas tellement compte, on a - comment pourrais-je dire cela - un genre de
marketing qui dit, oui, on en tient compte mais quand arrive la pratique, c'est
très différent On a plusieurs endroits où on a de la
misère à s'asseoir avec les administrations patronales et
à être capable, entre guillemets, de "négocier une certaine
forme de fermeture et de réouverture à l'externe", etc. Dans les
centres d'accueil particulièrement, ça ne se fait pas.
Dans les centres d'accueil que nous représentons, il y a à
peu près deux centres d'accueil où on a négocié
avec l'employeur sur tout le processus d'une désinstitutionnalisation.
Dans les grands centres hospitaliers psychiatriques, je regrette, c'est comme
une farce monumentale, à mon avis et à l'analyse qu'on en tire
depuis deux ans, parce qu'il faut dire que depuis deux ans il y a un semblant
de négociation et ce semblant de négociation nous nous fait dire
qu'on ne tient pas compte des gens qui travaillent immédiatement dans le
milieu. On prend encore toujours des décisions qui ont effet sur ces
gens et qui ne sont pas consultés.
C'est pour cela qu'on dit qu'il faut que les syndicats soient mis
à profit, les intervenants directs, s'ils ne sont pas mis à
profit - moi en tout cas, ce que je peux vous dire pour être dans le
milieu depuis quinze ans, si on n'est pas mis à profit, on n'a pas
confiance, on est méfiant, on se rétracte et on ne veut pas le
changement. Ce que la CSN et la FAS ont fait depuis exactement deux ans et
demi, c'est de faire comprendre aux syndiqués que l'on représente
qu'il faut un changement en santé mentale et c'est de plus en plus
intégré dans ta mentalité. Mais, maintenant, il va falloir
que d'autres partenaires fassent la même chose et appliquent les discours
qui nous sont faits à juste titre.
Mme Simard: Pour compléter, le chapitre de la formation,
il me semble que c'est très important et, d'autre part, on parle de
désinstitutionnalisation, mais il y a une mission qu'il nous semble
Important de vous souligner, c'est que, pour ceux qui demeureront en
institutions, les pratiques seront-elles changées? Va-t-il y avoir des
changements? Et là aussi je pense qu'il y a beaucoup à faire dans
ce domaine à ce titre.
Le Président (M. Audet): Merci. Un court commentaire, Mme
la ministre? Le temps est écoulé.
Mme Lavoie-Roux: Je n'ai plus de temps, alors j'espère que
peut-être il y a de l'autre côté quelqu'un qui continuera
à approfondir ce point. Il est très important.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le chef de
l'Opposition.
M. Chevrette: Je veux sûrement continuer, mais
préalablement - merci, M. le Président - je voudrais vous dire
que non seulement je partage votre inquiétude, mais je suis en profond
désaccord personnellement avec le fait que le rappport Harnois est une
politique de santé mentale. Ce n'est pas une politique de santé
mentale. C'est tout au plus un recueil de données, d'analyses, mais une
politique de santé mentale, à mon point de vue, aurait dû
être accompagnée, par exemple, de mesures concrètes pour la
mise en application d'une politique. Il faut que ça sorte. Il faut que
ce soit concret. "Axé sur la personne", mats qui est contre la vertu?
Moi, en tout cas, ça fait 25, 30 ans que j'entends cela. J'étais
membre d'un conseil d'administration dans les années soixante, en
santé mentale on parlait d'une politique qui devrait être
éventuellement axée sur la personne, sur la famille et les
proches. H y a quelque chose comme 27 ans de cela.
On ne retrouve pas les conditions d'application. On ne retrouve pas de
programme concret, par exemple, de recyclage de la main-d'oeuvre, de formation
des familles. Quels sont les sous qui accompagneront tout cela? Pour la
formation des familles d'accueil, pour la formation de la main-d'oeuvre qui
aura à travailler dans ces familles d'accueil, on ne retrouve pas les
budgets. On n'a pas de volonté de recyclage de la main-d'oeuvre, parce
qu'on ne pense pas qu'on désinstitutionnalise pour faire des mises
à pied nécessairement. Je ne vous vois pas avoir le même
sourire, Mme Simard. Je suis sûr de cela.
On n'a pas défini les rôles dans ce rapport. Chaque fois
que c'est conflictuel, le Dr Harnois a été très habile, il
n'a pas parlé de cela. Donc, à mon point de vue, une politique de
santé mentale cela aurait été un livre blanc de Mme la
ministre partagé par le Conseil des ministres qui aurait indiqué
clairement une volonté politique gouvernementale. C'est une consultation
sur un rapport d'un monsieur qui est engagé pour faire un rapport. Ce
n'est pas une politique de santé mentale. Moi je ne crois pas à
cela. Je suis convaincu que la ministre, à moins qu'elle nous dise ce
matin qu'elle a endossé tous les principes fondamentaux du rapport
Harnois, qu'elle endosse toutes les données et toutes les
recommandations et qu'elle a l'intention de concrétiser purement et
simplement ces recommandations en allant voir M. Gobeil au Conseil du
trésor pour décrocher les budgets et clarifier certaines
données qui sont soulevées comme étant imprécises
et non concrètes... Je dirais peut-être qu'il y a un semblant de
volonté politique, mais, au moment où on se parle, te rapport
Harnois n'est pas une politique de santé mentale.
Une allusion aussi à la commission Rochon.
Je partage votre point de vue que la commission Rochon pourrait bien
toucher, par exempte, le pouvoir médical. La commission Rochon pourrait
constater - remarquez bien que j'en doute fortement mais, quand même, on
peut se permettre de rêver quelques minutes - la commission Rochon
pourrait bien dire qu'il faut "démédicaliser", par exemple, la
santé mentale; il n'y a rien d'impossible dans une commission où
on retrouve d'autres éléments que des médecins
exclusivement On peut peut-être rêver qu'il peut y avoir quelques
chapitres sur le rôle des intervenants en santé. Cela pourrait
influencer effectivement une politique de santé mentale. Je pense
qu'effectivement... Mais ne vous faites pas de bile avec le rapport Harnois, on
peut bien laisser sortir le rapport Rochon, il n'y aura pas de politique en
santé mentale demain matin, c'est ma conviction, et je pense bien que la
ministre aura le temps d'ajuster cela, si jamais la commission Rochon soulevait
des espoirs extraordinaires au sujet du réajustement de certaines
visions de ce qu'est la santé. On verra.
Je voudrais revenir plus particulièrement, après vous
avoir dit que je partageais votre point de vue, sur la
désinstitutionnalisation. C'est quand même une des clés, en
plus de parler de multidisciplinarité, du rôle des intervenants,
d'axer sur la famille, sur les proches - tout le monde est d'accord avec cela.
Je vais commencer par un commentaire avant de vous interroger. La
désinstitutionnalisation qui a été faite, à mon
point de vue, il y a eu du bon, mais il y a eu également du "parking" de
fait. J'ai visité plusieurs familles d'accueil, je suis passé
dans plusieurs viltages, j'ai vu des patients se promener devant plusieurs
portes, recevoir leurs médicaments à 16 h 30, manger à 11
heures et se coucher à 20 heures. Mais du travail concret de
réinsertion complète dans la société, avec toutes
les dimensions de l'être humain qui sont considérées, je ne
pense pas que ce soit partout pareil. Quand on est rendu à mettre des
cadenas sur les thermostats pour que cela ne monte pas à 72° mais
que cela reste à 68°, comme le propriétaire l'a
décidé, je ne trouve pas que c'est de l'intégration ni
faire confiance à l'autonomie de la personne et à son
développement.
Cela dit, j'aimerais que vous me parliez des programmes qui, selon vous,
sont indispensables face à une désinstitutionnalisation.
Mme Simard: Évidemment, on peut dire que pour nous la
désinstitutionnalisation ce n'est pas juste sortir les gens des
institutions et en empêcher d'autres d'y entrer; ce n'est pas cela. Cela
doit s'accompagner effectivement d'un objectif de réinsertion sociale
adapté aux personnes et cela prend des ressources et des programmes. On
en a mentionné quelques-uns, le travail étant fondamental,
à mon avis. Il ne s'agit pas juste non plus - je pense qu'on
n'arrêtera pas de le répéter - de sortir les gens qui sont
institutionnalisés, mais le personnel de ces institutions; c'est un
tout. Il y a eu des expériences dans d'autres pays, je suis certaine que
vous les avez étudiées comme nous, par exemple, en Italie, et
c'est très lié aux communautés aussi. La personne qui
était institutionnalisée, le personnel qui était dans
l'Institution et qui doit changer et la communauté dans laquelle la
personne sera réinsérée, c'est un ensemble. C'est cela, je
pense, qui doit nous guider. Ensuite arrivent les programmes, les mesures
très précises, les ressources qu'il faut. Mais si, d'ores et
déjà, on n'a pas accepté que cela doit se faire de cette
façon, il y aura problèmes, il y aura "parking", une situation
assez triste. Je pense que probablement sont venus ou vont venir des gens qui
s'occupent de personnes sans abri, par exemple, dans une grande région
comme celle de Montréal, ils vont venir vous dire: Vous savez, un tel
pourcentage de ces personnes étaient auparavant en institution, il est
arrivé quelque chose, on en perd la trace, etc., c'est tragique. Ce
n'est pas cela, ce n'est pas du tout cela. (11 heures)
II y a une autre chose qui me semble également importante, ce
sont les ressources d'hébergement. On parle beaucoup de la famille, cela
va, mais ce n'est pas dans tous les cas que c'est faisable ou souhaitable. Dans
certains cas, ce n'est pas possible que les familles puissent reprendre,
prendre ou garder, pour toutes sortes de raisons. Dans d'autres cas, la famille
peut elle-même souffrir de problèmes et on ne peut pas penser que
c'est là le meilleur lieu. Il y a toutes les questions
d'hébergement, la gamme de services qu'il faut développer. En
termes de programmes, il y a ceux-là, mais, pour guider les programmes,
II faut bien avoir la même définition de ce qu'on veut entendre
comme programmes. Je ne sais pas s'il y en a qui veulent ajouter quelque
chose.
M. Lebel (Carol): Je voudrais ajouter quelques petits
éléments.
Le Président (M. Audet): Pour le Journal des
débats, vous êtes M. Lebel?
M. Lebel: Oui. Un des éléments, c'est que si, dans
la désinstitutionnalisation, il y a une espèce d'opération
comptable qui prime sur la nécessité sur laquelle tout te monde
s'entend de réhumaniser les services de santé mentale, on n'est
pas d'accord que cette opération comptable prime. Parfois, on a
l'impression que c'est comme cela que cela se fait, effectivement, c'est pour
épargner de l'argent. On peut comprendre cela, mais ce n'est pas ainsi
qu'on aura des services de santé mentale de qualité.
Un autre élément, c'est le travail, et je vais
compléter ce que Mme Simard disait. On souhaiterait qu'il y ait une
politique un peu plus évidente et un peu plus agressive par rapport
à la réinsertion au travail. Entre autres, pensons au travail
adapté. Encore aujourd'hui, il y a des
gens qui ont passé un certain nombre d'années en
institution et qui se retrouvent dans des espèces d'ateliers
protégés, tout le monde connaît cela, cela existe depuis
longtemps, et qu'on occupe à 0,15 $ ou 0,25 $ l'heure. On ne pense pas
que ce soit de la réinsertion sociale. C'est une autre forme de
"parking", on les sort de l'asile pour les envoyer à ces ateliers, et on
a des exemptes concrets en tête. Ce n'est pas cela, du travail
adapté. Ces gens ne sortiront jamais de cet atelier jusqu'à leur
mort On pense qu'il y a là quelque chose d'Important à faire, le
travail adapté.
M. Chevrette: Dans l'ensemble, là où on a
tenté des expériences en atelier, mais où on se
préoccupe du placement du bénéficiaire après une
certaine réadaptation au travail, je pense qu'on fait un travail
extraordinaire dans certains lieux. Si c'est un autre endroit, juste de
l'occupationnel à toutes fins utiles, et qu'on ne s'en sort pas, je
partage votre point de vue. Je connais, entre autres, l'Atelier du ,FH au Bois
à Joliette qui fait un travail extraordinaire parce qu'il se
préoccupe de faire du placement avec la collaboration de l'entreprise,
et je pense que c'est l'objectif. L'atelier protégé n'est
là que comme période transitoire pour la réadaptation
à du travail. Je pense que, si c'était conçu de cette
façon, cela pourrait être bien vu comme formule de transition, et
cela pourrait être un programme extrêmement Important. La personne
qui, imaginez-vous, est en institution depuis 18 ans et qui veut être
réinsérée dans la société avec l'aide des
Intervenants, je pense qu'elle a besoin de cette période transitoire. On
pourrait discuter, par exemple, des sommes, je suis d'accord avec vous, 0,25 $
l'heure, ce n'est peut-être la formule à privilégier. Il
faudrait peut-être commencer à leur donner aussi le sens de ce que
c'est de se reprendre en main, de commencer à équilibrer un petit
budget, rendre la personne autonome, à toutes fins utiles. Si on la
tient à coups de sommes aussi insignifiantes que celles dont on parle,
c'est clair qu'on ne les réadapte pas aussi facilement et aussi
rapidement.
J'avais une question toujours sur la désinstitutionnalisation.
Là où il y en a eu jusqu'à maintenant et là
où vous avez participé à des discussions, je pense entre
autres à Louis-H.-Lafontaine, est-ce que les syndicats ont
été vraiment mis dans le coup et est-ce que les programmes de
recyclage de main-d'oeuvre étaient acceptés par les
autorités? Est-ce que cela semblait vouloir donner quelque chose en fin
de compte?
Mme Simard: II y a eu une première phase de
désinstitutionnalisation il y a une dizaine d'années et cela
s'est très bien passé parce que peut-être que les personnes
visées à ce moment-là causaient moins de problèmes
que celles qui ont suivi. Il y a eu beaucoup de participation à ce
moment-là, il y a eu des aménagements, cela a très bien
été. Là, la deuxième phase - si l'on peut l'appeler
ainsi - pose peut-être des problèmes. Juste avant de passer la
parole à Mme Lévesque, sur les ateliers protégés,
nous voulons être très clairs, nous ne sommes pas contre la
formule, il y en a d'excellents qui permettent de faire le pas. Je dois vous
dire qu'à la CSN nous-mêmes embauchons d'une façon
régulière des personnes souffrant de déficience mentale
qui sont passées par un atelier et qui désormais viennent au
travail, prennent l'autobus, prennent le métro pour se rendre, etc. On
est partie de ça, nous le faisons nous autres mêmes à titre
d'employeurs. Mais il y a des abus encore et c'est probablement ce qu'il y a de
plus scandaleux dans une société que d'exploiter des gens qui
sont dans ce type de situation. On devrait tous être horrifiés et
très sévères par rapport à ça. Mais sur
Louis-H.-Lafontaine...
Mme Lévesque: On pose la question: Est-ce que les
syndicats ont été mis à contribution,
particulièrement à Louis-H.-Lafontaine, sur la question du
recyclage ou toute forme de formation? Il y a eu des propositions de faites par
les syndicats, entre autres le syndicat CSN-Général, qui a fait
des propositions de formation. Sauf que je dois vous dire que la réponse
était qu'on n'avait pas assez de budget pour établir un programme
de formation et surtout pas un programme de recyclage parce que le budget
prévu... Il y a eu des ajouts d'argent depuis l'acceptation par le
Conseil des ministres du projet de réorganisation et dans les ajouts
d'argent il y avait un montant déterminé pour la formation et ce
montant qui était déterminé pour la formation
l'était aussi pour la préretraite ou la retraite. Alors
l'employeur n'a pas à l'heure actuelle, encore aujourd'hui,
acquiescé à la demande d'avoir un programme, soit de mise
à jour, de formation ou de recyclage. On avait les trois formes que l'on
proposait à l'employeur dans la négociation. Je dois vous dire
qu'en ce moment la négociation, sous toute autre forme que celte de la
formation, elle est à peu près inexistante. On ne négocie
que pour dire aux syndicats que telle unité ferme, etc. C'est à
peu près la seule forme de négociation qu'il y a en ce moment
dans cet hôpital-là.
M. Chevrette: ...convention collective... Mme
Lévesque: Exactement.
M. Chevrette: ...par exemple, sur le "bumping" possible et
puis...
Mme Lévesque: Exactement.
M. Chevrette: Mais il n'y a pas d'offre de faite, par exemple,
par l'affichage des ressources... Un besoin de transfert des ressources.
Mme Lévesque: II y a un affichage.
M. Chevrette: II y a un affichage sur les transferts de
ressources...
Mme Lévesque: Oui. Il y a...
M. Chevrette: ...sur une base volontaire, les Individus
transfèrent..
Mme Lévesque: Oui, c'est ça.
M. Chevrette: ...suivent les patients, par exemple.
Mme Lévesque: Oui. Mais il n'y a pas de recyclage de fait
à cet égard-là. Il n'y a rien de proposé. Les gens
s'en vont là Moi j'ai une copine qui - cela faisait 25 ans qu'elle
travaillait comme éducatrice à Louis-H. - s'est retrouvée
du jour au lendemain dans une maison communautaire qu'on appelle maison
transitoire et c'est sûr que c'est une adaptation pour elle. Comme Mme
Simard le disait tantôt, ta désinstitutionnalisation des
Intervenants est aussi Importante. Et c'est dans ce sens-là que nous
disons que ça prend de la mise à jour et peut-être de la
formation de certains intervenants. Ce n'est pas parce que vous êtes un
éducateur spécialisé que vous êtes, du jour au
lendemain, après 25 ans de service dans une institution qui est
très sécurisante, capable de vous en aller à
l'extérieur et de voir à l'élaboration de toute une
autonomie différente d'un client qui a toujours été
institutionnalisé. Alors, c'est ça.
M. Chevrette: Comme le temps file vite, j'ai une question pour
Mme Simard.
Vous parlez du pouvoir médical. Vous n'avez pas été
trop explicite sauf que de dire qu'il était trop fort j'aimerais
ça vous entendre me dire quelle est votre perception du pouvoir
médical, ce qu'il devrait être. Ce qu'il est on le sait. Ce qu'il
devrait être, on le sait moins. C'est là-dessus que j'aimerais
vous entendre.
Mme Simard: C'est d'ailleurs un des sujets au coeur des
débats de cette commission depuis une semaine, en tout cas à la
lecture des journaux. Bon, on le remet en question.
Je pense qu'une chose qu'il est important de souligner c'est que le
rapport n'en fait pas état, ne le condamne pas, ne l'accrédite
pas. Qu'est-ce que ça veut dire? Il y a beau* coup...
M. Chevrette: ...trop conflictuel.
Mme Simard: ...de ces omissions dans le rapport qui, il faut nous
comprendre, nous inquiètent parce qu'on ne sait pas si ça veut
dire qu'on le remet en question ou si on maintient le statu quo. Par rapport au
pouvoir médical, oui. On remet beaucoup en question le pouvoir
médical dans le domaine de la santé mentale. Je vais vous dire
que depuis des décades ce sont tes médecins qui contrôlent
et qui ont le pouvoir dans ce domaine-là. Or, on constate qu'il y a des
problèmes Importants et on est tous consciente de ça. Alors,
est-ce que vraiment de maintenir les choses telles qu'elles sont va apporter
une amélioration? Comme par exemple lorsqu'on parle
d'accessibilité aux services. On réduit ça juste à
la présence ou à l'absence de psychiatres en régions. On
pense que c'est Incomplet. C'est ne pas tenir compte de tous les autres
intervenants et on croit beaucoup à cela. On va être
sévères à cet égard.
Cela nous amène à demander: Est-ce qu'on veut vraiment
changer les pratiques? Si on veut vraiment les changer, il faut être
capable de s'interroger sur ce pouvoir. Il faut que ces personnes que sont les
médecins s'interrogent eux-mêmes sur les pratiques qu'ils ont
développées depuis toujours. Je dois vous dire que ce n'est pas
vrai... Les médecins ont aussi des positions différentes. Il n'y
a pas qu'une seule façon de voir ou de faire les choses au sein du corps
médical, mais II n'en demeure pas moins que leur domination... Il faut
le dire, ce n'est pas vrai que les psychologues ou que d'autres niveaux de
profession ont autant de pouvoirs. Ce n'est pas vrai. Parier de partenariat,
parier de multidisciplinarité, c'est bien beau, mais, si on veut
vraiment que cela se fasse sur des bases égalitalres, il va falloir
quelque part équilibrer les choses.
Le Président (M. Audet): II vous reste cinq secondes, Mme
Simard.
Mme Simard: D'accord. Quand on parle de partenariat, je vous le
dis, ce n'est pas seulement les intervenants, c'est aussi la population. Une
autre problématique mérite d'être fouillée beaucoup,
soit la santé mentale des femmes. Il y a omission à ce chapitre;
ce n'est pas assez fouillé à notre avis. On en parle comme
étant un phénomène, mais il faut travailler beaucoup plus
que ce qui a été fait jusqu'à maintenant. Je vous remercie
de nous avoir entendus.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le chef de
l'Opposition, vous avez le mot de la fin.
M. Chevrette: Je tiens à vous remercier. Nous allons
suivre cela de très près comme Opposition. Nous partageons
plusieurs de vos recommandations et nous espérons que le prochain livre
ne sera pas Intitulé 'Harnois", mais que ce sera un livre blanc du
gouvernement, ce qui nous permettra d'espérer voir une lumière au
bout du tunnel. Merci infiniment.
Le Président (M. Audet): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: À mon tour, je veux remercier la CSN. Je
suis sûre qu'on devra avoir d'autres discussions sur toute la question de
la
désinstitutionnalisation. Je pense que quelque chose
d'intéressant a déjà été amorcé dans
le cas de la déficience intellectuelle. Je pense qu'on a quand
même là des pistes qui sont intéressantes et qu'on peut
suivre. Je voudrais simplement vous rassurer, la régionalisation ou la
disparité Interrégionale est une chose qu'on veut corriger.
D'ailleurs, je pense que c'est dans le rapport, non seulement concernant la
main-d'oeuvre médicale, mais évidemment d'autres types de
personnel et aussi de ressources parce qu'il y a des régions
périphériques qui sont relativement bien nanties comparativement
à d'autres. Cela ne peut pas être strictement un rattrapage de
main-d'oeuvre médicale. De toute évidence, il y a aussi les
ressources humaines et les ressources physiques et matérielles dans les
différentes régions
Je vous remercie beaucoup.
Mme Simard: Merci beaucoup. On est un peu frustré. On en
aurait encore long à dire, beaucoup à dire. Je vous remercie.
Le Président (M. Audet): On vous remercie, mesdames et
monsieur. Bonne fin de journée.
Nous suspendons nos travaux pendant deux minutes et on reprend avec
l'Association des hôpitaux du Québec.
(Suspension de la séance à 11 h 13)
(Reprise à 11 h 23)
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît! J'invite maintenant l'Association des hôpitaux du
Québec à prendre place. Je rappelle que le temps alloué
est de 20 minutes pour la présentation du mémoire.
Messieurs, on vous souhaite la bienvenue. Si vous pouviez vous
identifier, s'il vous plaît!
Association des hôpitaux du
Québec
M. McKay (Jacques): M. le Président, je me
présente: Jacques McKay, de l'hôpital Rivière-des-Prairies.
M'accompagnent Jacques Nolet, directeur général de
Louis-H.-Lafontaine; Paul-André Bernier, directeur général
de Robert-Gif-fard à Québec; Mme Ghislaine Desrosiers, de la
permanence de l'AHQ; le Dr Richard Lessard, chef du département de
santé communautaire de la Cité de la santé de Laval, et te
Dr Mireille Lajoie, chef du département de santé communautaire
à l'hôpital Sainte-Marie, de Trois-Rivières.
Le Président (M. Audet): Merci.
M. McKay: M. le Président, membres de la commission,
étant donné que nous ferons une présentation
abrégée de notre mémoire, nous demandons qu'il soit
déposé dans sa version intégrale au Journal des
débats.
Le Président (M. Audet): D'accord.
M. McKay: C'est avec beaucoup d'intérêt et
d'attentes que l'Association des hôpitaux du Québec s'est
penchée sur le projet de politique de santé mentale. La
démarche que nous propose le comité Harnois, mandaté par
la ministre, n'est pas facile. Situant la personne perturbée ou
menacée au centre des enjeux, il nous interpelle à
différents titres. Chacun d'entre nous se voit confirmer un rôle
d'acteur dans cette problématique, soit comme citoyen, soit comme
intervenant, soit comme décideur d'un réseau de services, soit
comme personne souffrante. La souffrance psychique n'est pas toujours une
réalité visible et peu d'entre nous y échappent au cours
d'une vie. Comment assurer la cohérence d'action des acteurs si ce n'est
par un cadre de référence, par une philosophie d'intervention
commune? Le projet de politique nous en propose une et c'est là son
principal mérite.
Toutefois, une politique ministérielle doit aller au-delà
des principes généraux. On s'attend qu'elle définisse des
responsabilités aux différentes instances de son réseau de
services et qu'elle précise les priorités d'allocation
budgétaire. Autrement dit, comment le ministère va-t-il permettre
à son réseau d'agir pour atteindre les objectifs qu'il a
fixés? Le projet de politique ne répond pas à cette
question et c'est là sa grande faiblesse.
L'AHQ a analysé ce projet en s'appuyant sur l'expertise de deux
groupes de centres hospitaliers: ceux ayant un département de
santé communautaire et ceux offrant des services psychiatriques. Dans
une première partie, nous présenterons les éléments
les plus significatifs du projet de politique, ceux qui constituent des assises
valables à une politique éventuelle. Dans un deuxième
temps, nous soulignerons les imprécisions majeures qui devront
être clarifiées.
Quels sont les aspects du projet qui nous apparaissent contribuer de
façon significative et valable à l'élaboration d'une
politique de santé mentale? Nous en avons retenu six. D'abord, tes
niveaux de préoccupations de l'État. La clarification des niveaux
de préoccupations de l'État en matière de santé
mentale nous est apparue judicieuse car elle permet d'éviter la
confusion dans les axes d'Intervention. Un axe, dénommé le champ,
s'intéresse à l'éventail des moyens d'aide
appropriés pour les Individus et l'autre, dénommé domaine,
concerne les collectivités. Par exemple, le suicide pourra faire l'objet
de préoccupations sous l'angle de la personne ou sous l'angle du
phénomène social.
Deuxième point, la proposition d'un cadre de
référence. Le rapport Harnois insiste beaucoup sur la
nécessité du partage d'une philosophie d'intervention. Trop de
débats idéologiques, trop de heurts entre différents
groupes d'Intervenants ont miné l'efficience des services. L'antagonisme
prime trop souvent sur la complémentarité. Nous
partageons donc les vues du comité lorsqu'il statue sur
l'importance d'assurer la concentration des énergies vers la
réalisation d'objectifs communs dans un contexte où la
capacité d'investissement de l'État est resserrée et
où les problèmes psychosociaux augmentent.
S'appuyant sur les principes de la primauté de la personne et de
l'équité, l'ensemble des orientations préconisées,
que l'on retrouve sous forme de tableau synthèse à la page 51 du
rapport, est conforme aux positions déjà exprimées par
l'Association des hôpitaux du Québec. Soulignons, notamment, le
développement d'un partenariat, la promotion d'une approche
communautaire de services et la priorité au maintien et à la
réinsertion dans le milieu naturel.
Déjà, en 1984, l'AHQ soulignait que l'État a eu des
attentes irréalistes envers son réseau hospitalier en ne misant
que sur ce seul réseau pour faire face à tous les
problèmes mentaux et même psychosociaux. La responsabilité
des autres ressources publiques et des organismes communautaires est
sûrement un principe fondamental à défendre. Cette
proposition d'un cadre de référence constitue l'apport original
du projet de politique.
Troisième point, l'accessibilité régionale aux
services. Le rapport Harnois reconnaît que des acquis du système
de santé en matière d'accessibilité à des services
de santé mentale sont menacés, notamment à cause du fait
que les services de traitement n'ont pas été supportés par
des activités de prévention, de réadaptation et de soutien
et qu'ils n'ont pas bénéficié de ressources suffisantes.
Le projet de politique propose donc une gamme de services à rendre
accessibles dans chacune des régions. L'AHQ appuie tant le principe de
l'accessibilité régionale à la gamme entière de
services nécessaires en santé mentale que la pertinence de ceux
qui sont proposés.
Quatrièmement, la flexibilité dans l'organisation des
services. L'AHQ a beaucoup insisté dans ses représentations
antérieures sur la nécessaire flexibilité en
matière d'organisation des services de santé mentale, il fallait
éviter, disions-nous, le piège d'un modèle unique au
Québec.
En effet, la clé de l'efficacité des services de
santé mentale réside principalement dans leur adaptation aux
réalités régionales, dans l'implication personnelle des
intervenants qui y oeuvrent et dans la concertation des organismes
concernés.
C'est pourquoi nous endossons la proposition de confier aux conseils de
fa santé et des services sociaux la responsabilité d'entreprendre
une démarche de planification de services à rendre disponibles
à la population d'une région. Nous ajoutons que la
nécessité de tenir compte de particularismes
sous-régionaux ne devrait pas s'appliquer seulement au Montréal
métropolitain. De plus, cette démarche devrait pouvoir impliquer
les départements de santé communautaire qui ont, entre autres,
une fonction d'identification des besoins de santé de la population.
Toutefois, concernant les conditions de réalisation de cette
démarche, on aurait pu s'attendre à quelques suggestions du
comité sur des mécanismes pouvant rendre concrètement
réalisable une telle concertation élargie, notamment concernant
la représentation des acteurs.
Cinquième point, l'Importance de la recherche. Le rapport met en
lumière le sous-financement de la recherche en santé mentale et
le désintéressement pour ce champ. L'AHQ, qui a
déjà dénoncé cet état de fait, accueille
très favorablement les quatre recommandations qui touchent cet aspect.
Il faut souligner, notamment, le principe de hausser d'ici trois ans le budget
de recherche en santé mentale à 15 % du budget de la recherche en
santé.
Une autre recommandation devrait, toutefois, prévoir la
présence, et c'est très important, de personnes issues du secteur
de la santé mentale au sein des conseils d'administration des organismes
subventionnaires.
Enfin, sixièmement, la formation des Intervenants. L'AHQ
considère ce facteur comme une variable clé vers une nouvelle
orientation de services, notamment afin de soutenir le processus de changement
de non-institutionnalisation des personnes souffrant de problèmes
mentaux.
Nous sommes heureux de constater qu'il fait l'objet de plusieurs
recommandations. Toutefois, les besoins de formation doivent déborder le
seul groupe des Intervenants professionnels et ainsi des budgets de formation
auprès des communautés devraient être dégagés
et les départements de santé communautaire, ici encore, devraient
participer à l'orientation de tels programmes de formation.
Ayant énoncé, dans cette première partie de notre
exposé, les principaux aspects que nous accueillons favorablement, nous
allons maintenant souligner, en deuxième partie, les imprécisions
tout à fait fondamentales qui prévalent autour de la mise en
oeuvre du cadre d'orientation proposé. En effet, le projet de politique
nous apparaît davantage comme une étape préliminaire
à l'élaboration d'une véritable politique.
Notons, d'abord, en lettres rouges qu'une politique de santé
mentale devrait préciser des objectifs de santé et des
indicateurs d'efficacité des services. Cette démarche reste
complètement à effectuer.
Nos commentaires porteront principalement sur cinq points
spécifiques. D'abord, le partage des responsabilités. On avait
apprécié le mandat du comité Harnois à savoir qu'il
devait centrer ses préoccupations sur le noyau dit dur des
problèmes de santé mentale, sur les clientèles dites
lourdes. Or, l'extrême prudence sémantique du projet de politique
finit par occulter complètement la réalité de ta maladie
mentale.
Par ailleurs, autant nous avons favorisé le principe de la
concertation régionale et de la flexibilité dans l'organisation
des services, autant
on ne peut pas Imaginer que cela puisse se faire sans lignes
directrices.
Nous comprenons que le comité ait voulu éviter le
piège de la réforme structurelle. Par ailleurs, on conçoit
difficilement une démarche de partenariat où aucun acteur n'a de
responsabilités particulières. Il apparaît utopique que le
projet de politique puisse complètement passer au-dessus des structures
à moins qu'il ne sous-entende par là qu'aucune d'entre elles ne
serait a priori nécessaire.
La désignation de responsabilités particulières
à certaines instances du réseau nous parait imperative. Ainsi,
l'Association des hôpitaux du Québec considère
nécessaire l'accès à des services psychosociaux dans le
réseau public pour une clientèle légère
présentant des problèmes situationnels, tels le deuil, le
divorce, la perte d'emploi. Cette clientèle ne peut pas être
satisfaite par l'organisation actuelle des services qui est concentrée
en milieu hospitalier. Le réseau des CLSC est sûrement l'instance
privilégiée pour répondre à ce mandat
Par ailleurs, il nous semble clair que les centres hospitaliers,
étant donné leur expertise, doivent demeurer l'instance-pivot des
services requis par les clientèles lourdes, complexes ou
présentant des pathologies mentales sévères dûment
diagnostiquées. Ces clientèles impliquent habituellement une
prise en charge à long terme qui devrait favoriser, notamment,
l'alternative à l'hospitalisation et s'appuyer sur une organisation de
services en partie redéployée dans et avec la communauté.
L'AHQ a précisé deux conditions importantes à cette
réorganisation des services psychiatriques: 1° l'abolition des
chasses gardées par classe d'établissements en matière de
déploiement de ressources intermédiaires; 2° un
assouplissement de la réglementation des hôpitaux permettant de
modifier la prise en charge médicale à travers une gamme
élargie de services hors les murs nécessaires à la
désinstitutionnalisation. Dans le projet de politique, le seul
élément de précision concernant les établissements
a trait au mandat des grands établissements psychiatriques qui se
verrait modifié de manière à se restreindre aux soins de
longue durée. L'Association des hôpitaux du Québec s'est
déjà fermement prononcée contre cette option.
D'abord, le concept de soins de courte et de longue durée ne
s'avère pas adapté à une approche de
désinstitutionnalisation des services psychiatriques. Il nous
apparaît plus judicieux de faire référence à un
concept de prise en charge à long terme qui s'actualise selon des
modalités diverses où le séjour institutionnel
(traditionnel) est évité ou, au moins, diminué. La
recommandation 31, telle que formulée, réduit les
établissements psychiatriques à une vocation asilaire. Or, pour
des questions d'organisation et également en vertu de la
nécessité d'avoir des instances plus particulièrement
dédiées à toute la gamme des maladies mentales,
l'Association des hôpitaux du Québec juge nécessaire le
maintien de soins dits de courte durée dans les établissements
psychiatriques, particulièrement, bien sûr, pour ceux qui ont des
missions d'enseignement et de recherche.
Enfin, le maintien de services de traitement de courte durée aide
à assurer le recrutement d'effectifs médicaux dynamiques
prêts à partager leur tâche entre les soins de longue
durée et ceux de courte durée.
Le projet de politique propose quelques autres principes directeurs
à l'organisation des services. Nous commenterons brièvement celui
qui concerne la priorité des ressources communautaires sur toute autre
forme de structure. Bien que ce principe puisse être une des exigences de
l'approche communautaire établie dans le cadre d'orientation, il demeure
que le manque de précision des conditions afférentes à ce
principe nous apparaît une source de confusion.
De plus, les administrations d'établissements hospitaliers
s'inquiètent de la capacité des organismes sans but lucratif de
pouvoir offrir une continuité de services. La persévérance
des fondateurs de ces corporations est parfois aléatoire. Les
établissements qui demeurent, en dernier ressort, responsables des
services aux clientèles concernées peuvent avoir de grandes
difficultés à s'ajuster au désistement éventuel de
certains de ces partenaires.
Enfin, pour conclure sur l'organisation des services, nous demeurons
fort perplexes lorsque, à la page 96 du projet de politique, on peut
lire ceci: "Avec le cadre de référence proposé par cette
politique, le ministère de la Santé et des Services sociaux
dispose des critères lui permettant d'approuver le plan d'organisation
de services d'une région et d'y donner suite". Le projet de politique ne
semble pas faire la différence entre des principes directeurs et des
critères décisionnels.
Maintenant, les ressources financières. À court terme, il
est proposé que le financement du développement en santé
mentale s'appuie sur une méthodologie basée sur
l'équité interrégionale. L'équité
interrégionale et l'équité entre les différents
types d'activités en santé mentale sont des principes
inattaquables. Cependant, ils ne sont pas faciles d'application, notamment
lorsque le financement total du secteur de la santé mentale est
insuffisant et que le réseau vit avec l'héritage du
passé.
L'Association des hôpitaux du Québec considère que
le projet est beaucoup trop timide sur la nécessité
d'accroître l'Investissement dans le domaine de la santé mentale.
En effet, en ne proposant pas un ordre de grandeur minimal d'investissements
requis pour compléter la gamme de services nécessaires dans
chaque région, le débat public sur les priorités de
l'État ne pourra être engagé et on peut craindre que
l'exercice de concertation régionale de services devienne surtout un
forum de réallocation des ressources.
Troisième point, la continuité des services. Le projet de
politique vise à atténuer la situation de rupture de l'individu
avec son environ-
nement en préconisant l'implantation obligatoire d'un plan de
services individualisé (PSI). Or, on ne précise pas en quoi cela
va exiger une révision des types de pratiques professionnelles. Par
ailleurs, nous nous interrogeons sur la possibilité réelle d'un
"case manager* de pouvoir mettre en action des intervenants provenant de
ressources dont il ne gère pas l'appartenance administrative.
Le plan de services ne peut pas répondre à toutes les
exigences de la continuité. En cette matière, il n'y a pas de
moyen miraculeux, car la continuité de services exige la
disponibilité de services diversifiés. Par exemple, un aspect
essentiel de cette continuité est l'intervention de crise disponible 24
heures sur 24, même à domicile. Ainsi, le développement de
la gamme de services devrait précéder l'implantation de cet
outil. Celle-ci devrait ête progressive et appliquée avec
discernement aux clientèles pouvant en bénéficier Enfin,
un système de continuité de services doit prévoir des
lieux intégrés d'intervention de crise de manière à
éviter la compar-tlmentalisatlon. Cela implique, notamment, la
reconnaissance de l'évaluation psychosociale dans les services d'urgence
des hôpitaux.
Quatrièmement, la promotion de la santé mentale. Une
politique de santé mentale prend son véritable sens et
mérite d'être considérée comme telle lorsqu'elle
s'intéresse aux déterminants de la santé, incluant les
facteurs socio-économiques. Dans un contexte où les
problématiques qualifiées "d'épiphénomènes"
sont en croissance, l'AHQ a accueilli avec déception le fait que la
réflexion du comité à cet égard n'ait pas
dépassé le stade préliminaire. La promotion de la
santé mentale devrait faire l'objet d'une plus grande emphase. En effet,
si on veut introduire et soutenir des changements d'attitude dans les
communautés, l'Importance de la promotion et de la prévention
doit être reconnue, notamment auprès de groupes cibles tels les
enfants et les adolescents.
L'AHQ aurait souhaité voir confirmer l'Importance des
départements de santé communautaire en matière de
promotion de la santé mentale. De plus, un budget protégé
devrait être dégagé au ministère pour des projets
sous-régionaux dans la promotion de la santé mentale.
Cinquièmement, la distribution des effectifs médicaux
spécialisés. Depuis plusieurs années déjà,
l'AHQ fait des représentations vigoureuses concernant le problème
de distribution géographique des médecins. À cet
égard, le cadre de référence du ministère pour
l'évaluation des pians régionaux d'effectifs médicaux, qui
s'appuie sur un principe d'équité interrégionale, ne
permet pas à lui seul le rattrapage absolument nécessaire
même en régions universitaires pour certains établissements
hospitaliers. Le domaine des effectifs psychiatriques, qui se particularise des
autres spécialités à la fois par des disparités
Interrégionales et par des disparités interprogramme dramatiques
devrait être traité à part.
Le Président (M. Audet): Une minute.
M. McKay: Pour résumer notre pensée, te projet de
politique désigne les acteurs, mais il n'ose distribuer les rôles
et reste muet quant à la mise en scène. Ces réserves que
nous émettons ne visent toutefois pas à reléguer aux
oubliettes le projet de politique. Au contraire, celui-ci constitue un pas dans
la bonne direction. De plus, à l'instar des signataires du projet,
l'Association des hôpitaux du Québec considère que le
débat public actuel doit constituer un moment privilégié
d'affirmer l'importance de la santé mentale comme richesse collective
à préserver et à développer. On doit espérer
que la volonté politique sera suffisamment forte pour supporter
concrètement cette affirmation.
Le Président (M. Audet): Merci. En l'absence de Mme la
ministre qui a dû se rendre au Conseil des ministres, c'est l'adjoint
parlementaire, M. le député de Laurier, qui la remplace. M. le
député. (11 h 45)
M. Sirros: Merci, M. le Président. Effectivement, au nom
de la ministre et en mon nom personnel, j'aimerais vous remercier pour votre
mémoire. Le temps est très limité. Vous avez
soulevé en moi plusieurs questions. On peut commencer tout de suite.
Tout d'abord, j'aime bien vous entendre dire que c'est un pas dans la
bonne direction. Cela fait longtemps qu'on était à la même
place dans le domaine de la santé mentale et, finalement, on commence
à faire des pas. Dans ce sens, puisque vous voyez le rapport Harnois
comme un cadre de référence intéressant, je pense qu'on
peut accueillir vos commentaires avec un certain sourire, tout au moins.
Vous êtes certainement des acteurs majeurs dans tout le
système d'organisation des soins et particulièrement aussi en
santé mentale. À un moment donné, vous blâmez, en
quelque sorte, le rapport Harnois de ne pas avoir défini clairement les
rôles des personnes. Vous dites: Ils ont désigné les
acteurs, mais Ils n'ont pas défini les rôles, etc. Vous dites
aussi, à un moment donné, que vous aimeriez maintenir une
flexibilité dans l'organisation et la dispensation des services en
santé mentale. Ailleurs, vous dites que vous aimeriez avoir des
précisions quant aux rôles et aux responsabilités de
chacun. J'ai cru voir peut-être pas une contradiction, mats une
opposition entre ces deux voeux exprimés et j'aimerais vous entendre sur
cela. Vous avez dit clairement, à un moment donné, qu'on ne
devrait pas nécessairement avoir un modèle unique pour toute la
province. Comment concilie-t-on le désir de garder cette
flexibilité avec votre demande de préciser par une instance -
j'imagine, l'État ou le gouvernement - les rôles de chacun, dans
un premier temps?
M. McKay: Deux exemples précis. Dans le
cas d'un établissement donné, nous préconisons un
assouplissement des règles; qu'il devienne possible pour un
hôpital, par exemple, de gérer certaines ressources
Intermédiaires de façon à faciliter l'entrée et la
sortie, d'avoir un certain contrôle sur le fonctionnement Immédiat
des choses. De même, une certaine déréglementation pourrait
permettre d'articuler de façon originale certains projets qui
émergent. Le carcan actuel qui donne la responsabilité
administrative, par exemple, de tout ce qui est service social à une
énorme CSS et qui laisse l'hôpital obligé de
négocier avec un centre d'accueil, de négocier toujours avec
d'autres instances rend l'application de formules originales difficile. Donc,
l'assouplissement est une chose que nous demandons.
À l'inverse - ce n'est pas une contradiction - nous voulons,
quand même, que les gens aient des mandats globaux avec une certaine
précision. Nous aurions aimé que les CLSC, par exemple, se voient
donner un rôle précis en matière d'évaluation des
problèmes psychosociaux qui, par un accident historique, viennent
toujours aboutir dans les urgences des hôpitaux la nuit, créant un
phénomène qui n'est bon ni pour ceux qui se présentent
là pour cette raison-là, ni pour ceux qui se présentent
là avec des problèmes majeurs de santé physique ou des
problèmes psychiatriques d'une gravité qui appelle une
intervention Immédiate.
Donc, il n'y a pas contradiction. Nous demandons, d'une part,
l'assouplissement à l'intérieur de la réglementation afin
qu'on puisse donner suite à des projets originaux sans avoir toujours
l'Impression qu'il faut demander des permissions ou qu'il faut faire changer la
loi. D'autre part, quand même, on demande de déterminer pour
chacune des instances des mandats précis et, en plus, comme vous l'avez
vu, qu'on puisse donner des critères d'évaluation pour s'assurer
que ces mandats sont bien remplis.
M. Sirros: Quand vous parlez de l'assouplissement, pouvez-vous me
donner un exemple? Je saisis un peu mal ce que vous voulez dire. Par exemple,
vous avez parlé des CSS comme étant les grands responsables du
domaine social. Un assouplissement de cela, qu'est-ce que ce serait?
M. McKay: Un exemple très simple. Si un
établissement psychiatrique veut, par le biais de sa section centre
d'accueil, ouvrir une famille d'accueil, il doit en référer
à un autre organisme qui a une tout autre administration à
l'extérieur, qui est le CSS. Il ne peut pas prendre cette
décision par lui-même, son budget n'est pas prévu à
cette fin et les réglementations disent qu'il doit passer par un autre
organisme extérieur. S'il s'agit d'un établissement psychiatrique
qui n'a pas de section centre d'accueil, à ce moment-là, la
réglementation ne lui permettrait pas d'ouvrir un pavillon, par exemple,
alors qu'il pourrait en avoir fort besoin. L'hôpital Notre-Dame, disons,
qui a un gros service de psychiatrie, ne pourrait pas gérer un pavillon
d'accueil comme, disons, l'hôpital Rlvière-des-Prairies peut le
faire.
C'est donc une autre forme de déréglementation qui
permettrait qu'un département de psychiatrie puisse gérer
certaines ressources, puisse affecter certaines ressources en service social.
Par exemple, il y a des ressources intermédiaires qui pourraient
être aussi des ressources d'accueil, des ressources de transition en
attendant l'hospitalisation, des ressources de tentative au moment de fa
sortie. M. Bernier a, d'ailleurs, des choses à dire là-dessus, de
par son expérience.
Le Président (M. Audet): M. Bernier.
M. Bernier {Paul-André): Je voudrais rajouter ceci sur
l'assouplissement de la réglementation concernant les catégories
d'établissements en ce qui a trait à la prise en charge. On sait
que, dans les centres hospitaliers, tant au chapitre des admissions qu'au
chapitre des inscriptions pour les bénéficiaires externes, il y a
uniquement une prise en charge médicale. Il faut que la personne soit
Inscrite au nom d'un médecin et toutes les autres équipes
d'intervenants sont en relation avec cette prise en charge.
Or, dans tout le contexte de la réinsertion sociale, dans tout le
contexte même d'un établissement qui est à vocations
multiples, mais qui a des parties de projet de réinsertion qui touchent
sa constituante centre hospitalier, en ce qui nous concerne, je pense qu'il va
falloir penser à des assouplissements au niveau même des principes
d'inscription et des principes de prise en charge. Il y a des ressources
intermédiaires qui relèvent de ce secteur-là. Je pense
à des ateliers, je pense à des appartements supervisés, je
pense à des foyers de groupes, je pense à des appartements dans
la communauté.
Légalement, actuellement, ça suppose que toutes ces
personnes-là, qui sont prises en charge à l'externe par
l'hôpital, soient prises en charge, d'abord, par un médecin. On
n'est pas opposés à ça. Je pense que les médecins
peuvent avoir une supervision de ces prises en charge mais ce n'est pas
absolument nécessaire dans tous les cas que cette prise en charge
là, sous le couvert d'une catégorie comme les centres
hospitaliers, soit complètement toujours sous ta couverture d'un
médecin. Cela pose des problèmes actuellement en ce qui a trait
aux responsabilités professionnelles. Il ne faut pas se le cacher, on le
fait actuellement. Toutes les prises en charge ne sont pas couvertes
exclusivement par des médecins. Les gens disent: Bien, oui, il faudrait,
quand même, s'en occuper, II faudrait y faire face parce que
professionnellement on est responsables de ces prises en charge là.
Donc, on doit assurer la supervision et on n'a pas les
moyens de le faire. Qu'on développe un centre de jour - on doit
le faire prochainement - et c'est la même chose. Il est
développé par la partie centre hospitalier et, à ce
moment-là, cela supposerait nécessairement une prise en charge
médicale.
Alors, quand on parle d'assouplissement en ce qui a trait aux
catégories d'établissements, c'est un exempte. En ce qui concerne
notre établissement, il y a d'autres catégories. Il y a la
catégorie centres d'accueil et là ces problèmes de prise
en charge se posent moins.
M. Sirros: Mais, à l'intérieur de ça, vous
voyez donc que, dans chaque région, il pourrait y avoir des
modèles différents qui se développent selon la dynamique
qui peut exister dans la région.
M. McKay: C'est ça et que la réglementation ne
bloque pas l'émergence de ces projets qui parfois sont fort
créateurs et fort Intéressants, mais se heurtent à
l'obligation soit de se faire dire non parce que les gens respectent le
règlement ou de contourner le règlement, ce qui est toujours
inconfortable et ce qui est l'objet de tensions particulières.
Le Dr Lessard veut ajouter quelque chose là-dessus.
M. Lessard (Richard): Oui. Je voulais parler aussi de
flexibilité comme principe de gestion, pensant en particulier à
la prévention. Actuellement, c'est assez difficile de mettre sur pted de
nouveaux modèles d'expérimentation visant la prévention,
c'est-à-dire des activités visant ta prévention selon des
modèles nouveaux et différents qui permettraient d'amener un peu
plus de vie dans le réseau, un peu plus d'expérimentation, de
questionnement et d'identification de changement. En ce sens-là et comme
principe de gestion, il serait intéressant que le ministère
puisse avoir des moyens - je parle ici de ressources - permettant de commander
ou de financer des expérimentations, avec la souplesse que ça
prend. Un tel budget ou un tel principe de gestion permettrait aussi de
stimuler les gens dans le réseau à ne pas faire que du quotidien,
mais à remettre en question constamment leur pratique et à voir
des collègues expérimenter ces nouvelles pratiques-là,
donc, à permettre un certain renouvellement par la recherche, par
l'expérimentation. Cela part d'un principe de gestion qui est ta
flexibilité dans le financement.
M. Sirros: Bien, c'est un peu dans ce sens-là aussi que ma
crainte, c'est que, si on précise tellement les rôles et fonctions
de chacun, on élimine plus ou moins une flexibilité qui peut
être génératrice de nouvelles idées et de situations
qui s'adaptent à des réalités particulières dans
chaque région.
M. McKay: Mais c'est ce mythe-là...
M. Sirros: Oui.
M. McKay: ...M. le Président, qu'il faut dissiper, car on
peut donner des mandats clairs à des Instances, à des
hôpitaux, à des CLSC, à des CSS, à des conseils
régionaux et même avoir les instruments pour mesurer les
résultats, cela n'empêche pas qu'à l'intérieur de
l'exécution de ces mandats-là il puisse y avoir une souplesse
réglementaire qui permet de contrôler l'embauche, par exemple,
d'une travailleuse sociale ou le développement d'une ressource qui n'est
pas prévue dans les règlements de la loi ou dans les directives
habituelles. Et c'est cette souplesse à l'Intérieur du cadre que
nous réclamons. Je crois que la distinction est d'importance. Il n'y a
pas contradiction, loin de là.
M. Sirros: L'autre aspect sur lequel j'aimerais vous entendre,
c'est toute la question des grands centres psychiatriques. Vous dites, à
un moment donné, que vous vous opposez fermement à ce que cela
soit limité à des soins de longue durée. Vous avez
évoqué certains arguments qui, à première vue, en
tout cas, me semblaient être en fonction des besoins de
l'établissement. Par exemple, cela pouvait être un pôle
d'attraction pour des psychiatres en régions, ce qui peut être
valable au niveau des besoins des personnes dans l'endroit. Mais il me semble
qu'il y aurait lieu que vous expliquiez un peu plus, comment vous voyez le
rôle des grands établissements psychiatriques et pourquoi cette
opposition ferme à ce que ce soit limité aux soins de longue
durée.
M. McKay: C'est tout à fait capital. Vous avez devant vous
trois directeurs d'hôpitaux psychiatriques.
M. Sirros: C'est l'endroit pour poser la question.
M. McKay: On connaît un peu le problème dont on
parle. Si on veut éviter ce qui est dénoncé dans un
quotidien montréalais d'hier à propos de certains
établissements dont on dit méchamment qu'ils sont devenus des
"parkings", si on veut éviter ce dont M. Chevrette a parlé il y a
quelques minutes en posant des questions aux représentants de la CSN, si
on veut éviter que les soins de longue durée ne soient
perçus comme des mouroirs ou des "parkings" où il n'y a rien qui
se fait, il y a lieu d'en faire des centres actifs. C'est psychologiquement,
socialement très important et dans la réalité aussi, c'est
important. C'est important pour le bénéficiaire qui entre dans
cet hôpital que ce ne soit pas un hôpital exclusivement
dédié aux cas désespérés. C'est fini,
l'hôpital des mourants, l'hôpital dont on ne sortira plus, laissant
l'espoir à la porte. Psychologiquement, pour celui qui entre, c'est
important. C'est important pour la dynamique des équipes de voir toute
ta gamme
des soins, pas seulement que des gens à un bout de la ligne
volent les choses algues et ne les votent pas revenir quand cela se complique
et les "pitchent" ailleurs. Dans une véritable continuité de
soins, il doit y avoir une articulation entre les soins de courte durée
et ceux de longue durée. C'est très mauvais comme orientation de
laisser certains établissements se spécialiser dans ce qui va
très vite et, dès que cela devient un peu plus long et un peu
plus compliqué, de le passer à d'autres qui ne font que cela.
Alors, vous auriez aussi deux sortes de spécialistes - il n'y a pas que
les docteurs - deux sortes d'infirmières, deux sortes d'intervenants:
ceux qui, dans un cas, ne verraient que les choses qui roulent très
vite, qui sont relativement plus faciles à "manager" et, dans l'autre
cas, ceux qui ne verraient jamais que des choses qui sont
désespérantes et qui vont très mal. Donc, la notion de
gamme complète des services est une notion fondamentale et les
hôpitaux psychiatriques devraient retrouver une taille raisonnable. Qu'on
les ramène tous à 600 lits, à 400 lits, si on le peut,
très bien. Mais qu'ils aient dans leurs murs des soins de courte
durée, cela me paraît essentiel pour la clientèle, pour la
dynamique du personnel soignant, pour les malades, pour l'image sociale, pour
la recherche, pour tout cela. J'espère avoir été
clair.
M. Bernier: J'aimerais ajouter que le concept de courte
durée et de longue durée traditionnel par rapport à la
prise en charge des clientèles ayant des problèmes psychiatriques
n'est pas tellement adapté. Même si on a un mandat de
deuxième et de troisième ligne - c'est notre jargon - et que les
références nous viennent après des prises en charge
souvent par d'autres instances, cette prise en charge ne doit pas être,
même si elle est à long terme, reliée à un internat,
à une hospitalisation à long terme. Ainsi, il faut au moins qu'on
ait la possibilité d'avoir, même dans une perspective de prise en
charge à long terme, des sections de courte durée, pour du
traitement à court terme et de retour dans la communauté; sinon,
on aura une vocation, une mission, un mandat de s'occuper uniquement de garder
à long terme des gens. Or, je pense que toute l'approche concernant les
services psychiatriques et de santé mentale est d'éviter
l'institutionnalisation, d'avoir des séjours les plus courts possible,
dans un contexte de prise en charge à long terme. Je pense que c'est
important de clarifier ces éléments.
Le Président (M. Audet): Un bref commentaire, M. le
député.
M. Sirros: Le président m'indique qu'il reste environ 30
secondes. J'aurais deux ou trois autres questions. J'aimerais vous entendre
réagir par rapport aux groupes communautaires ou aux ressources
communautaires. Vous dites, à un moment donné, que ce ne sont pas
des ressources nécessairement stables. Est-ce que vous voyez un
rôle complémentaire pour les ressources communautaires? Est-ce que
ce sont des ressources qui devraient se développer plus comme une
alternative au réseau? Comment voyez-vous cela? L'autre question - et je
suis certain que le chef de l'Opposition va ta poursuivre - concerne la
répartition des effectifs médicaux et psychiatriques, en
particulier. (12 heures)
Le Président (M. Audet): En étant très bref,
s'il vous plaît!
M. McKay: Un mot de M. Nolet et un mot du Dr Lessard.
M. Nolet (Jacques): Nous croyons effectivement que les ressources
communautaires sont le partenaire idéal sauf que, bien souvent, quelles
que soient tes raisons... Je vous donne un exemple: une famille d'accueil, qui
a eu pendant de nombreuses années de nos ex-bénéficiaires,
de nos ex-malades, et qui travaille très bien avec eux. Or, à
cause d'une maladie, d'un accident, etc., un des membres de cette famille tombe
malade. La responsabilité du retour des bénéficiaires
retournera toujours à l'hôpital. Nous sommes pour les partenaires,
mais, par contre, lorsqu'il y aura des pots cassés, ce sera toujours
l'hôpital qui recevra encore une fois les pots cassés. Donc, c'est
pour ça que l'on dit qu'il faut, quand même, distinguer
très bien quelle sorte de rôle auront les hôpitaux, les
organismes communautaires, les organismes sans but lucratif qui fonctionnent
très bien, mais, peut-être pour une chicane de clocher,
décident de lever l'encre et, encore une fois, on se retrouve sans
personne.
M. McKay: Un dernier mot pour M. Lessard. Le Président
(M, Audet): Deux secondes.
M. Lessard: La même chose quant à la
prévention en milieu défavorisé visant en particulier la
négligence des enfants entre 0 et 5 ans. Plusieurs projets existent
où l'on travaille avec des bénévoles, des groupes
communautaires et des CLSC pour renforcer l'entraide entre les parents visant
la prévention de la négligence de l'enfant et cela fonctionne
très bien. Je pense que ce ne sont pas des ressources à
négliger. Au contraire, nous ne pouvons pas nous payer toutes ces
ressources pour faire le travail. Les bénévoles sont
extraordinaires dans ce sens-là.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le chef de
l'Opposition, la parole est à vous.
M. Chevrette: Merci. Tout d'abord, je dois vous dire que je
trouve votre mémoire extrêmement intéressant. C'est un des
bons mémoires qu'on a devant nous, qui pose les vraies questions, en
tout cas, en ce qui regarde votre
propre vocation comme centre hospitalier et je trouve ça
intéressant
Vos Interrogations sont de taille aussi. Je partage pleinement votre
vision du fait que vous ne soyez pas les dépositaires des malades
mentaux chroniques, Je ne vois pas comment vous pourriez motiver un tant soit
peu un personnel s'il en était autrement. Je pense que ce serait
catastrophique et, entre vous et mol, ça deviendrait des lieux
même pas propices a une visite. Je trouve que ce serait contraire
à l'esprit même du principe fondamental de la politique qu'on veut
établir éventuellement Je suis d'accord avec vous que ce n'est
pas une politique, ce sont des orientations en vue d'une politique. J'avais
bien compris ça. Je suis convaincu qu'en vue d'une politique qu'on veut
établir, si on part de ces principes fondamentaux, on ne peut pas
arriver à d'autre conclusion que celle qu'on doit laisser la
possibilité ouverte, comme vous le dites. Je pense que c'est primordial.
Avec l'expertise des types de maladies qu'on recueille chez les uns, on peut
facilement faire des échanges extrêmement profitables à ce
moment-là, toujours en fonction de l'individu.
Je partage vos inquiétudes sur la clarification des rôles -
depuis le début qu'on en parle - sur les budgets on n'a pas le choix.
L'identification de la structure que sont les CLSC, je trouve ça
Intéressant J'aurais aimé qu'on identifie le rôle
Joué par les CLSC, qui est la structure la plus près des gens. Je
pense que c'est probablement vers ça qu'il faudra aller parce que ce
n'est pas dans tous les milieux qu'on a des centres psychiatriques, ce n'est
pas dans tous les milieux, d'ailleurs, qu'on a des ressources psychiatriques,
alors que le réseau des CLSC est pratiquement complété,
qu'il pourrait jouer un rôle extrêmement important sur le plan
psychosocial, avec des ressources, bien sûr, ne pas leur donner 235 000 $
et, ensuite, débrouillez-vous. Je pense qu'il faut leur donner les
ressources proportionnelles au rôle qu'on veut leur faire jouer et je
pense que c'est intéressant. C'est, en tout cas, une vision
réaliste des choses. Si on veut mieux répartir les services dans
tout le Québec, si on veut que la politique de santé mentale ne
soit pas concentrée dans quelques centres seulement, mais que ce soit
à la portée de l'ensemble des citoyens du Québec cela se
fera sans doute par le réseau des CLSC. Comme formule, je trouve
intéressant qu'on puisse impliquer les CLSC dans la politique de
santé mentale.
Oui, je vais poser la question de la répartition, pas parce que
le député me l'a demandé, mais parce que je l'ai
posée à tous les groupes. Vous êtes, en plus, un des rares
groupes à proposer une formule qui est intéressante parce qu'elle
n'est pas coercitive dans sa présentation, mais elle l'est dans les
faits. Je vais essayer d'expliquer ce que je veux dire. Elle n'est pas
coercitive en ce sens que vous dites qu'il y a un budget régional en
santé mentale, mais elle est coercitive en ce sens que, si vous ne vous
répartissez pas et si vous vous concentrez en un seul endroit vous allez
avoir un maigre budget
Je trouve votre présentation Intéressante parce que,
à toutes fins utiles, elle se situe dans le médium de celles
qu'on a entendues jusqu'à maintenant, la liberté totale
d'Installation là où on le veut par rapport à la
coercition totale qui dit: Va là, va là et va là. Je
trouve cela intéressant. D'ailleurs, on l'a déjà
envisagée il y a deux ou trois ans. Je me souviens d'avoir
discuté de cette proposition. Je trouve cette approche
intéressante. Elle peut permettre à du monde de
réfléchir et à l'État de dire: Nous, c'est
l'équité des services entre les régions que l'on
recherche. Donc, il y a du monde qui doit se brancher par la suite. S'il ne se
branche pas, il est automatiquement débranché du réseau.
C'est ce que cela veut dire. Quant à moi, cela m'apparaît clair et
j'adhère à toute formule qui a un peu l'air de vouloir
démontrer une volonté politique. Je serais d'accord avec cela. Si
c'était inclus dans la politique finale, je ne pourrais pas affirmer,
comme membre de l'Opposition, qu'il n'y a pas un semblant de début de
volonté de distribution équitable des ressources; je serais
obligé de dire qu'il y a un pas en avant
Une question précise, cependant. À la continuité
des services, vous dites ceci: Comment le responsable de son implantation
pourra-t-il obliger les intervenants d'autres ressources à y
répondre? À toutes fins utiles, vous semblez vous interroger
très sérieusement sur le mécanisme ou le fonctionnement de
ce que sera la complémentarité ou l'équipe
multidisciplinaire et sur la façon dont vous allez souder cela. Vous
dites que le rapport Harnois est muet. Mais comment le voyez-vous?
M. McKay: Un élément de cela se situe certainement
au niveau de la formation et du décloisonnement des mentalités.
Je pense que plusieurs y font allusion et il ne faudrait pas que cela reste
juste des voeux pieux Je pense qu'il y a une pratique du fonctionnement en
équipe qui permet de donner des responsabilités à des gens
qui n'en ont pas sur le plan de la structure ou de la responsabilité
professionnelle. Mais il faut, tout de même, une ligne de
responsabilité quelque part. On a fait état du fait que le
médecin ne peut pas être responsable de tout et on veut
peut-être déréglementer pour permettre que certaines choses
se fassent par l'intermédiaire des hôpitaux, hors les murs, sans
que ce soit sous l'autorité directe du médecin, mais il reste
qu'à l'Intérieur des équipes II faut, quand même,
que chacun sache qui fait quoi.
Je pense qu'on peut s'Inquiéter d'une structure où tout le
monde aurait l'impression que tout le monde peut faire à peu près
n'Importe quoi et à son caprice. SI on veut vraiment qu'il y ait une
organisation et un ordre là-dedans, je pense qu'une
responsabilité du "case manager* doit être accrochée
quelque part,
c'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait la possibilité,
à un moment donné, que quelqu'un rende des comptes à
quelqu'un. C'est peut-être dans cet esprit. Je ne sais pas si M. Nolet
veut ajouter quelque chose là-dessus.
M. Nolet: Je pourrais peut-être ajouter, M. Chevrette, que
les mentalités sont à changer. C'est une certitude. Dans ce
réseau - on l'appelle un réseau - par contre, il y a des chasses
gardées hospitalières, des chasses gardées de CSS, des
chasses gardées d'autre chose et on veut un "case manager" qui, lui,
sera effectivement le pivot pour l'organisation des soins directs aux malades
désinstitutionnalisés.
Par contre, lorsque je vous dis que les mentalités sont à
changer, elles sont à changer à tous les niveaux: au niveau
hospitalier pour dire: Oui, on va écouter ce que ce bonhomme-là a
à nous offrir pour donner les meilleurs services directement
reliés aux malades. Le travailleur social devra aussi l'écouter,
tout le monde devra écouter les besoins que te
bénéficiaire aura effectivement énoncés, dits et
commentés à ce "case manager* comme tel. Donc, c'est un
changement de mentalités autant pour les professionnels que pour le
réseau. Ce n'est pas facile à faire, par exemple.
M. McKay: Le Dr Lessard veut ajouter quelque chose.
M. Lessard: Un modèle intéressant est
peut-être celui qui existe en maintien à domicile où on a
ce qu'on appelle les infirmières de liaison, qui relèvent
actuellement des départements de santé communautaire, mais qui
pourraient relever d'autres structures, qui n'ont pas de pouvoir
hiérarchique sur tes gens qui travaillent dans différents
secteurs: CLSC, centres d'accueil, hôpitaux, etc., mais qui, de par leur
présence et de par leur mandat, ont le rôle de faire en sorte que
les communications existent entre les différentes institutions et que
les patients aient accès aux ressources dont ils ont vraiment besoin,
donc passage de l'hôpital au centre d'accueil, si c'est le cas, ou
passage des services hospitaliers aux services hors de l'hôpital dans un
CLSC. Ce n'est pas, à strictement parier, un "case manager" parce qu'il
n'a pas de responsabilité déléguée sur le plan
hiérarchique, mais fonctionnellement cela marche parce que les gens
acceptent de déléguer un peu de leurs responsabilités
à cette personne parce qu'ils lui font confiance et, avec le temps, cela
finit par fonctionner. C'est un modèle qui pourrait être
appliqué à la santé mentale.
M. McKay: M. te Président, M. Chevrette a soulevé
la question de la répartition des psychiatres sur le territoire. Vous
sembliez vouloir savoir quelles étaient tes mesures que l'AHQ voudrait
privilégier. En réalité, nous en retenons cinq.
Voulez-vous les connaître ici?
M. Chevrette: Est-ce que ce sont les mêmes que notre ami
Roy?
M. McKay: Vous allez voir. On va vous les donner
brièvement.
M. Chevrette: Si ce sont les mêmes, il a pris beaucoup de
mon temps hier. Je ne veux pas que vous en laissez autant aujourd'hui.
M. McKay: Nous croyons qu'il est important de ne pas oublier
qu'il y a des disparités entre établissements à
l'intérieur des régions, ce que toutes les politiques à ce
jour ont complètement occulté et nié. Donc, nous voulons
que les objectifs soient identifiés, et par région, et par
établissement dans des enveloppes fermées permettant de
rémunérer les médecins qui pratiquent pour ces
établissements ou pour ces régions.
Deuxièmement, nous croyons qu'il n'est pas abusif de parier de
postes de résidents attribués à des centres hospitaliers
désignés d'avance. Une partie des postes de résidents
autorisés par le Trésor devrait être liée à
des établissements en pénurie. Cela n'est pas sorcier. Cela
aurait dû être fait depuis longtemps. Cela pourrait être fait
immédiatement.
Troisièmement, le travail médical obligatoire pendant un
certain temps en régions ou en établissement à forte
pénurie ne nous parait pas abusif ou que c'est un privilège
d'avoir accès à la médecine comme vie professionnelle et
à ta spécialité comme telle.
Deux autres mesures qui me paraissent complémentaires. Si on ne
veut pas que cela prenne 20 ans à faire le rattrapage, on pense qu'il
devrait y avoir une certaine immigration sélective de médecins
psychiatres pour des endroits qui en ont besoin et que c'est un enrichissement
pour un État d'importer une main-d'oeuvre déjà
formée sans avoir les coûts à payer.
Enfin, nous pensons qu'il devrait y avoir une majoration à 100 %
du tarif pour la pratique dans des établissements en pénurie
jusqu'à un certain pourcentage de l'atteinte de l'objectif de base et
qu'en contrepartie la rémunération à 100 % dans tes
hôpitaux bien nantis pour les gens qui ont un poste de professeur devrait
être abolie.
M. te Président, je ferais aussi un plaidoyer vibrant en faveur
d'une priorité absolue et urgente du développement de ta
psychiatrie de l'enfant. Le nombre de pédopsychiatres va en diminuant et
le nombre de jeunes pédopsychiatres devient inquiétant par sa
diminution radicale. Les conditions de pratique de la pédopsychiatrie
sont difficiles . et ne font l'objet d'aucune considération
particulière par les fédérations dans les demandes de
rémunération. Je pense que c'est une responsabilité
sociale des ministères de voir à ce que la pédopsychiatrie
soit développée si
cela n'intéresse pas les générations de
médecins spécialistes,
M. Chevrette: Vous pouvez y aller sur mon temps, madame.
Mme Lajoie (Mireille): J'aimerais ajouter... Le
Président (M. Audet): Dr Lajoie.
Mme Lajoie: Comme on pariait des pédopsychiatres et des
besoins des enfants, je pense que c'est peut-être Important de souligner
le type d'Intervention qui peut être fait pour cette clientèle.
Les enfants sont habituellement les seuls qui ne sont pas
représentés dans des groupes comme ici. Il est reconnu que des
programmes de promotion et de prévention peuvent être efficaces
pour renforcer les capacités des enfants ou des futurs adultes à
faire face à différentes difficultés qu'ils auront
à rencontrer au cours de la vie.
Pour nous, quand on parle d'Interdisciplinarité, lorsqu'on parle
de rôle interministériel, les interventions auprès des
enfants et des familles nous apparaissent essentielles. Si on parle de
promotion et si on parle de prévention, il ne faut pas croire que ce
sont des choses nouvelles, que ce sont des mots, que cela ne se fait pas, que
ce sont toutes des choses à développer. Effectivement, dans les
CLSC, il se fait beaucoup de programmes adressés à cette
clientèle. Dans les départements de santé communautaire,
tors d'un rencensement que nous avons fait en 1986, il y avait plus de 100
projets-programmes s'adressant à la santé mentale, dont une bonne
partie s'adressait à la clientèle des enfants ou des familles.
(12 h 15)
Je crois que, dans un programme ou dans une politique qui veut
s'adresser à ta santé mentale, il est important de
reconnaître les besoins des malades mentaux, mais il ne faut pas oublier
les enfants et la clientèle de ceux qui actuellement sont bien ou sont
à risque, d'accord, mais n'ont pas encore de problème de maladies
mentales. Il faut agir maintenant C'est un principe de base en santé
publique. Vous avez deux axes sur lesquels vous pouvez agir. Vous pouvez agir
quand la maladie est là ou vous pouvez tenter de la prévenir.
C'est le pendant de l'immunisation. Renforçons les capacités des
enfants et des familles par des interventions qui font appel aux
communautés, qui font appel aux CLSC, qui font appel à
différents types d'organismes, non seulement aux organismes
reliés au domaine de la santé, mais à des organismes qui
sont reliés à d'autres types de secteurs.
Le Président (M. Audet): M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Je trouve intéressante votre proposition sur
les budgets protégés. Vous parlez, des DSC vous autres, mais cela
pourrait être en régions, pour les sous-régions, peu
importe la structure. L'idée d'avoir des budgets protégés
pour la promotion de la santé m'apparaît extrêmement
intéressante. On sait les problèmes qu'on a vécus dans
certaines sous-régions concernant la santé mentale et, avec des
budgets protégés pour la promotion, cela aurait été
important de préparer nos gens, la population en général
pour éviter des réactions très négatives dans
certains milieux. C'est nocif, en passant, auprès de nos malades
eux-mêmes. Je trouve cela très intéressant
Je vais finir par un petit commentaire. Je pense que l'AHQ a une
responsabilité extrême comme organisme, comme structure parce que
vous ne devez être liés à aucun des intervenants en
particulier, mais à l'ensemble des intervenants. C'est un rôle
assez Important. Vous avez à l'intérieur de vos boîtes des
catégories de professionnels, des catégories de salariés.
Je pense qu'en particulier sur le plan de la désinstitutionnalisation et
de l'amélioration de la santé mentale l'AHQ doit s'assurer que
toutes les classes de travailleurs soient consultées, soient
impliquées dans ces processus pour éviter du braquage. On ne peut
pas reprocher aux gens de se braquer s'ils n'ont pas pu participer, s'ils n'ont
pas pu donner leur point de vue, s'ils n'ont pas pu être de
véritables partenaires.
J'ai comme l'impression, avec les discours que j'ai entendus ici - il y
a peut-être une cinquantaine de groupes qui sont passés
jusqu'à maintenant - qu'il va falloir qu'il y ait des structures qui
assurent, justement, le Joint, parce que je ne vois pas comment on va concilier
certaines positions, si ce n'est par une autorité bien établie en
vertu des lois existantes. Et il faudra faire comprendre aux gens, même
s'ils sont assis, eux aussi, sur des lois que, si le bien du patient doit
primer, ça doit aller jusque sur l'esprit corporatiste. Je vous remercie
beaucoup d'avoir participé.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Gouin.
M, Rochefort: Merci, M. le Président. Dans un premier
temps, je voudrais aborder, au fond, votre grande remarque soulignée en
rouge que vous nous avez exposée dans la présentation de votre
mémoire, qui est cette question de l'absence d'objectif de santé
mentale dans le rapport Harnois. J'ai deux questions à vous poser autour
de ce point que vous soulevez avec beaucoup de pertinence. On sait que, dans le
domaine de la santé mentale - ce n'est pas propre au monde de la
santé mentale, c'est vrai dans beaucoup de milieux, mais ce l'est aussi
chez Iras Intervenants qui s'intéressent et qui oeuvrent dans le domaine
de la santé mentale - ce n'est pas facile de concilier les positions de
tout le monde. Ce n'est pas facile d'arriver à des consensus. C'est
complexe, très varié. Il y a beaucoup d'Inter-
venants. Tout le monde a sa vision, ses orientations, ses objectifs, ses
façons de faire, ses expériences, bon. On le voit. Je pense
qu'une des explications du fait qu'on n'ait pas encore de politique de
santé mentale, c'est parce que c'est difficile d'en arriver à un
bloc suffisamment solide pour bâtir une politique qui soit celle non pas
d'un gouvernement ou d'un autre, mais d'une société toute
entière.
D'après vous, peut-on arriver plus facilement à s'entendre
comme société sur des objectifs au niveau de la santé
mentale? De la même façon, est-ce qu'on peut s'entendre aussi
comme société - et là je pense que cela interpelle encore
plus les intervenants - sur les indicateurs d'efficacité?
M. McKay: Je crois que c'est une démarche que
l'association considère comme essentielle. Sans doute, pourrait-on se
mettre d'accord assez facilement sur certains objectifs, cela m'apparaît
évident. Peut-être que, sur les instruments de mesure, il y aurait
des débats, mais nous avons de plus en plus des spécialistes dans
ce domaine et on les retrouve en grande partie dans les départements de
santé communautaire. Alors, je vais laisser la parole à M.
Lessard là-dessus.
Le Président (M. Audet): M. Lessard.
M. Lessard: Effectivement, la démarche objectifs
santé, c'est quelque chose de très simple, il s'agit de savoir ce
qu'on vise et de s'organiser pour l'atteindre. Ce qu'on voit en particulier
dans le rapport, c'est beaucoup de façons d'atteindre, mais on ne sait
pas exactement trop quoi. C'est une critique qui est peut-être un peu
facile, parce qu'effectivement identifier les objectifs n'est pas toujours une
chose qui est aussi simple que cela. Par contre, il y a, en
général, deux grandes voies qu'on peut examiner: ce qu'on veut
améliorer, et là on le voit, et aussi ce qu'on veut diminuer
comme problèmes, et cela aussi, on peut l'identifier. Là-dessus,
je pense que les gens savent sur quoi Ils travaillent, ils savent quels sont
les changements qu'ils veulent voir apparaître en termes d'objectifs
finals. En termes d'objectifs intermédiaires, c'est-à-dire savoir
comment on va s'y prendre, encore là, le rapport n'est pas allé
assez loin là-dessus, il n'a pas dit quels étaient les
changements à apporter. Il se fait cela actuellement et voici ce qui
devrait se faire dorénavant Si on ne va pas jusqu'à identifier
ces changements, on va continuer à parler de philosophie et de grands
principes qui sont nécessaires. Là-dessus, est-ce que le
consensus social va être plus facile? Je pense que, lorsqu'on va entrer
dans le plus spécifique, c'est plus facile à discuter.
M. Rochefort: Comment, selon vous, pouvons-nous en arriver
à nous entendre sur nos objectifs en santé mentale, vu que ce
n'est pas dans le rapport Harnois? Est-ce que finaliser la politique de
santé mentale, c'est exclusivement une démarche gouvernementale
ou s'il doit y avoir avant un autre groupe qui va consulter à nouveau
les intervenants en santé mentale? Quelle est la démarche qui
doit être suivie, selon vous, pour en arriver à fixer ces
objectifs, d'une part, pour être sûr qu'on ait les bons et,
deuxièmement, pour que la démarche en elle-même soit aussi
un facteur de consensus?
M. Lessard: Au sujet des objectifs de santé à
viser, il y aura toujours plusieurs possibilités, mais une qui permet
d'épargner un peu de temps, c'est de demander à un groupe qui s'y
connaît de faire une proposition et d'établir une consultation sur
ces objectifs. Je pense que c'est la démarche qui doit émaner du
ministère dans un premier temps en consultation avec le milieu. Dans un
deuxième temps, au sujet des changements à apporter, je pense
qu'encore là il faut aller un peu plus loin avec les intervenants pour
qu'ils identifient eux-mêmes dans leur milieu à partir de leur
pratique - cela peut être fait à partir des corporations, cela
peut être fait à partir des milieux de travail, il y a
différentes façons de le faire - quelles sont les choses qui
devraient exister dans leur façon de travailler et qui n'existent pas ou
des choses qu'ils font encore et qu'ils ne devraient plus faire ou qu'ils
devraient modifier. Je pense que, là, on parle de changements,
d'orientations et de ce qu'on veut apporter comme modifications.
M. Rochefort: D'autre part, je voudrais revenir aux organismes
sans but lucratif. Avec le député de Laurier, vous avez eu
l'occasion d'aborder le sujet tantôt. J'ai le goût d'essayer
d'aller un peu plus loin avec vous sur cette question. Si j'ai bien compris la
réponse que M. Nolet a faite au député de Laurier, vous
dites: On est pour cela et on en a besoin. Ce qu'on vous illustre, ce sont les
problèmes que cela comporte. Vous allez un peu plus loin quand on lit
votre document et quand on écoute votre discours. J'ai le goût
d'essayer de conclure. Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais
je veux être certain que je comprends bien ce que vous nous dites. Vous
nous dites: On y tient et on en a besoin, mais cela apporte des
problèmes. Une fois qu'on a dit cela, il y a un troisième pas
qu'il faut franchir. Est-ce qu'au fond, ce que vous nous dites, c'est: On y
tient, on en a besoin et, tenant compte des problèmes que cela implique,
qui sont beaucoup des problèmes de structure au fond, l'idéal
serait que toute la gamme de ressources complémentaires et de services
offerts par des organismes sans but lucartif devrait être directement
reliée à l'établissement? Est-ce que c'est cela que vous
nous dites?
M. Lessard: Pas tout à fait.
M. Rochefort: Parfait! Je veux être sûr qu'on se
comprend bien, parce que je vous le répète: Vous nous
décrivez des problèmes que je comprends facilement et auxquels
j'ai déjà eu l'occasion d'être confronté. Vous nous
dites en même temps: On a besoin de tout cela. Mais je cherche: une fois
qu'on a dit cela, on fait quoi?
M. McKay: Une réponse un peu plus satisfaisante à
votre question serait de dire: Nous croyons que la carte de ces organismes n'a
pas été suffisamment jouée; elle doit donc l'être.
Nous vous mettons en garde contre une croyance naïve: des structures
bénévoles qui peuvent durer un certain temps, le temps de la vie
professionnelle d'une famille d'accueil ou d'un organisme sans but lucratif qui
s'est créé, il ne faut pas penser que cela va se substituer de
façon complète à des structures qui ont une permanence;
c'est un aspect. L'autre aspect, c'est qu'il faut prévoir des
mécanismes d'articulation entre les instances qui ont une permanence et
ces organismes bénévoles qui en ont moins. Le troisième
aspect, c'est peut-être d'assurer, dans le financement dont ces
organismes ont besoin, qu'il y ait aussi un minimum d'"accountability, si vous
voulez, ou d'imputabilité qui fasse qu'on ne finance pas au petit
bonheur, de façon égale, les organismes qui donnent de
véritables services et ceux qui n'en donnent pas. Il y a donc une
responsabilité de l'État à faire cela. M. Bernier veut
ajouter quelque chose.
Le Président {M. Audet): Non, parce que le temps est
très limité et, de plus, on est en retard. S'il vous plaît,
je vous demanderais d'être très bref.
M. Bernier: En complément, il s'agit d'assurer la
continuité d'un certain nombre d'organismes partenaires avec nous. Je
pense qu'actuellement, pour beaucoup de ces organismes, l'avenir n'est pas
nécessairement assuré. Je pense que les gens lancent des choses
et c'est l'aléatoire de la continuité dans nos partenaires qui
pose souvent un problème.
M. Rochefort: Je termine là-dessus, M. le
Président: Est-ce que je dois comprendre que, essentiellement, tenant
compte de vos deux réponses, c'est beaucoup lié au
financement?
M. Bernier: En grande partie.
M. Rochefort: En grande partie, d'accord.
M. Bernier: À la reconnaissance de leur statut et à
l'impulabilité qu'ils doivent avoir, eux aussi.
M. Rochefort: M. le Président, si j'avais une petite
seconde, qu'est-ce que cela peut être l'imputabilité dans une
famille d'accueif? Je cherche ce que cela peut être, Je comprends ce que
vous voulez dire, mais ce sera quoi?
M. Bernier: Je pense aux familles d'accueil, il y a aussi des
foyers de groupe.
M. McKay: Les familles d'accueil, c'est via l'agrément qui
est fait par les services sociaux, mais dans des organismes à but non
lucratif, il peut y avoir un compte-rendu des activités de
l'année, par exemple, des choses qui permettent d'évaluer les
activités a posteriori, au moins.
M. Rochefort: D'accord, merci.
Le Président (M. Audet): M. te chef de l'Opposition, pour
le mot de la fin.
M. Chevrette: Merci. Je l'ai dit tantôt; donc, je le
répète.
Le Président (M. Audet): M le leader parlementaire.
M. Sirros: Merci beaucoup de votre mémoire.
Le Président (M. Audet): Merci, messieurs-dames et bonne
journée. Étant donné que nous sommes en retard, nous
allons suspendre pour environ 30 secondes pour laisser au Regroupement des
ressources alternatives en santé mentale le temps de s'approcher de ta
table, s'il vous plaît. Trente secondes.
(Suspension de la séance à 12 h 27) (Reprise à 12 h
29)
Le Président (M. Audet): La commission reprend ses
travaux.
Nous recevons maintenant le Regroupement des ressources alternatives en
santé mentale, région 02. On vous souhaite la bienvenue. Je vous
rappelle le temps qui vous est alloué pour la présentation de
votre mémoire, soit 20 minutes. Étant donné qu'il y a
d'autres groupes qui doivent se faire entendre, nous tenons à respecter
ce temps-là. C'est peut-être déplaisant des fois.
Étant donné que nous devons dépasser l'entente
prévue, soit 13 heures, pour avoir le temps de vous entendre, je demande
le consentement des deux partis pour pouvoir procéder après 13
heures. Consentement? Alors, mesdames, si vous voulez vous présenter, la
parole est à vous.
Regroupement des ressources alternatives en santé mentale,
région 02
Mme Corriveau (Jennifer Ann): M. le Président, mesdames et
messieurs les députés, il nous fait plaisir aujourd'hui de nous
adresser à
la commission parlementaire des affaires sociales en ce qui concerne le
projet de politique en santé mentale pour le Québec.
Sans plus tarder, laissez-moi vous présenter les
représentants du Regroupement des ressources alternatives en
santé mentale, de ta région 02. Mme Diane Rasmussen, à ma
droite, Intervenante au Centre de rencontre Le Phare de La Baie,
diplômée en sociologie de l'Université Laval; elle
possède une expertise de trois ans en santé mentale
communautaire. Mme Sylvie Tremblay, à ma droite, fondatrice et
directrice générale du centre de rencontre L'Escale à
Jonquière depuis trois ans et diplômée en animation
culturelle de l'Université du Québec à Montréal.
À mon extrême gauche, M. Rémi Bouchard, qui détient
un diplôme d'études collégiales en sciences pures du
cégep de Jonquière. ll représente les usagers des
ressources alternatives de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Moi-même, Jennifer Ann Corriveau, directrice générale et
fondatrice du Centre de rencontre Le Phare de La Baie; je possède un
baccalauréat en nursing de l'Université de Manchester en
Angleterre et un certificat en animation de l'Université du
Québec à Chicoutimi. J'ai une expertise de treize ans en
santé mentale, institutionnelle et communautaire, et ce, en Angleterre
et au Québec.
En général, nous sommes favorables au projet de politique
en santé mentale et espérons beaucoup de celui-ci. Notre
exposé portera sur les points suivants: les critères de
sélection et d'évaluation, le financement, la
légitimité de l'action, la répartition du budget, le plan
d'élaboration des services, le plan de services individualisé,
les services offerts par les ressources alternatives et le témoignage
d'un de nos usagers.
Nous sommes des ressources issues de ta communauté favorisant le
mieux-être et l'autonomie des personnes psychiatrisées et
ex-psychiatrisées de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Nous
sommes des milieux ouverts aux personnes qui ont vécu des
détresses émotionnelles et, chez nous, elles peuvent
échanger sur des expériences similaires, s'aider mutuellement et
participer à des activités selon leur goût.
Par diverses activités sociales, culturelles, éducatives
et artisanales, une forme de thérapie s'exerce par un suivi quotidien
des intervenants et par l'entraide des participants. Nous voulons aider la
personne à cheminer vers son autonomie et lui donner des outils concrets
afin qu'elle puisse surmonter tes difficultés qu'elle éprouve.
C'est la personne qui décide des actions qu'elle a à
réaliser afin de s'en sortir.
Critères de sélection et d'évaluation. À
prime abord, le titre, Pour un partenariat élargi, laisse
présager une orientation positive. Enfin, une politique axée sur
la personne qui rejoint notre philosophie d'intervention appliquée
depuis les tout débuts dans nos ressources alternatives en santé
mentale. Malgré l'avis gouvernemental publié par le comité
de santé mentale Intitulé "Rôle et place des ressources
alternatives", le comité Harnois a préféré utiliser
les mots "communautaires" ou "communauté" qui, selon nous, englobent
toutes les autres ressources qui ne travaillent pas exclusivement dans le champ
de ta santé mentale. Il serait important que pour le ministère
les ressources alternatives soient clairement définies par rapport
à leur pouvoir et à leur champ d'intervention dans un cadre de
référence précis.
Au Québec, plusieurs ressources alternatives oeuvrent pour la
réinsertion sociale des personnes aux prises avec des problèmes
de santé mentale dont 42 sont affiliées au Regroupement des
ressources alternatives en santé mentale du Québec dont le
siège social est à Montréal.
Dans la mesure où le projet de politique insiste sur l'autonomie
et la créativité des ressources alternatives, il apparaît
nécessaire que l'État développe, conjointement avec les
ressources existantes, un mode de sélection et d'évaluation
spécifique à celles-ci. Les critères régissant les
rapports annuels relatifs au financement doivent tenir compte des
différences entre les institutions et les ressources alternatives. Ces
dernières ne peuvent en effet s'en tenir strictement à l'aspect
quantitatif et doivent intégrer surtout l'aspect qualitatif. Les
critères relatifs à la sélection et à
l'évaluation devraient tenir compte des caractéristiques
suivantes: des efforts déployés par te milieu pour se doter d'une
ressource alternative en santé mentale; des buts de maintien et de
réinsertion de la personne dans sa communauté; des
activités planifiées permettant à la personne de
participer activement à la satisfaction de ses besoins en
s'intégrant à son milieu: de sa volonté d'apporter des
modifications en tenant compte de l'évolution des besoins de sa
clientèle; du travail soutenu et Individualisé consacré
à chaque usager; de la participation de l'organisme à la
promotion et à la défense des droits et libertés; d'une
grille d'activités créatrices et originales directement
liées au cheminement spécifique de la clientèle; de la
concertation mise de l'avant par la direction de la ressource auprès des
établissements et du milieu; de ta spécificité de
l'approche globale de la personne par une équipe multidisciplinaire; de
l'inventaire des services offerts par l'organisme par rapport aux
infrastructures en santé mentale en place dans le milieu
d'Intervention.
Mme Rasmussen (Diane): Pour le financement, nous sommes d'accord
pour que l'État veuille doubler les 4 000 000 $ déjà
disponibles pour les ressources communautaires intervenant dans le champ de la
santé mentale. Cependant, nous craignons que ce montant ne soit
insuffisant pour l'implication de nouvelles ressources ainsi que pour le
développement de celles déjà existantes. De plus, nous
craignons que ces montants ne soient- largement utilisés pour des
organismes rattachés au réseau et non pour des ressources
alternatives. Par exempte, au Sague-
nay, en 1985, un montant de 150 000 $ était disponible pour des
ressources alternatives. L'Institut psychiatrique Roland-Saucier a
récupéré ce montant pour construire un pavillon pour
personnes en perte d'autonomie. Pour nous, une maison d'hébergement
telle que celle-ci est une ressource intermédiaire et non une ressource
alternative. De plus, nous craignons que des organismes du réseau
institutionnel ne se forment un conseil d'administration indépendant et
accapare les budgets disponibles pour les organismes issus de ta
communauté.
Compte tenu de la spécificité et de la qualité des
services mis sur pied par les ressources alternatives, nous affirmons qu'elles
demeurent pour le ministère de la Santé et des Services sociaux
le choix le plus économique au niveau de la réadaptation et de la
réinsertion sociale de la personne. Notre travail démontre la
justesse et l'efficacité de notre intervention. À ce sujet, le
taux de réhospitalisation par rapport au nombre total de nos usagers est
Inférieur à 10 %. Nous estimons que nos possibilités sont
freinées par un financement Inadéquat Le comité Harnois a
tendance à sous-estimer le coût des services offerts par les
ressources alternatives actuellement en place.
L'incertitude et le travail reliés aux projets gouvernementaux
ont fait défiler plusieurs intervenants sur des projets de courte
durée. Par exemple, une de nos ressources a eu 48 travailleurs
différents au cours des trois dernières années.
L'énergie énorme consacrée à trouver du financement
dans le milieu ajoutée à nos tiroirs déjà vides
créent un climat d'insécurité pour les travailleurs et
surtout pour tes usagers du service qui, souvent, perdent leurs Intervenants
avec qui ils avaient un suivi quotidien.
Alors que l'État a tendance à considérer les
intervenants des ressources alternatives comme des travailleurs de
troisième classe en les sous-payant, nous vous informons
qu'actuellement, à l'intérieur de nos centres, le personnel est
composé d'une équipe multidisciplinaire qui a des qualifications
équivalentes à celles des travailleurs du réseau
socio-sanitaire et qu'ils sont aptes à offrir des services quotidiens,
personnalisés et de qualité. De plus, chaque nouveau travailleur
qui entre dans nos ressources reçoit une formation spécifique
à notre philosophie d'intervention et à la clientèle que
nous desservons.
Tout comme les institutions psychiatriques, notre clientèle se
compose de personnes ayant des problèmes d'ordre émotif,
jusqu'à des personnes souffrant de pathologies graves. Parce que nous
offrons une grande disponibilité dans nos heures d'ouverture et un
service immédiat sans rendez-vous, nous agissons comme ressource de
première ligne, mais il est déplorable que nos ressources
financières limitées nous empêchent d'offrir un service
d'hébergement en situation de crise ouvert 24 heures sur 24.
Malgré toute notre bonne volonté et malgré la
qualité des services que nous offrons, le centre de rencontre Le Phare
est condamné à fermer ses portes dans quinze jours et le centre
de rencontre L'Escale n'ira pas plus loin que la fin de l'année
financière et ce, avec des budgets très restreints. Pourtant, le
ministère doit participer financièrement à part
égale à la cure médicale, à la réadaptation
et à la réinsertion sociale par le biais des ressources
alternatives. Les coûts nécessités par l'Implication de
ressources alternatives opérationnelles seront plus importants les
premières années pour se stabiliser par la suite et devenir un
placement sûr et rentable pour le ministère.
Mme Tremblay (Sylvie): Légitimité de l'action. La
recommandation 15 veut reconnaître la légitimité de
l'action des ressources communautaires. Nous espérons qu'une
légitimation de nos actions ne sera pas synonyme d'encadrement ou de
prise en charge par l'État de nos ressources. Une légitimation
peut entraîner des restrictions ou limites à nos Interventions,
chose que nous voyons difficilement en raison de la multiplicité des
services qui sont différents d'une ressource à l'autre. Nous
croyons qu'une légitimation de nos ressources doit se faire, tout en
respectant l'Idéologie et la philosophie de base de nos ressources.
Répartition des budgets. La recommandation 26 se rapporte
à la répartition des budgets en tenant compte de l'importance de
ta population. Dans une région comme la nôtre, la densité
de la population n'est pas la même que dans les grands centres. Lors de
la répartition des sommes allouées aux régions
éloignées, l'État ne tient pas toujours compte de certains
facteurs relatifs à ta distance entre les localités et leurs
différentes mentalités, l'accès difficile au transport en
commun et les ressources financières limitées de ta
clientèle psychiatrique. C'est pourquoi nous suggérons au
ministère, dans la répartition des budgets, de tenir compte de
l'étendue du territoire et non de la densité de la population en
allouant des budgets selon les secteurs actuellement desservis par les
CLSC.
Le plan d'élaboration des services, Nous accueillons positivement
l'idée que les CRSSS aient te mandat d'élaborer le plan
d'organisation des services avec les différents acteurs de notre
région, mais nous aimerions exiger une participation active des
ressources alternatives en santé mentale au sein de cette équipe.
Dans le cadre d'un partenariat élargi, tes commissions administratives
devraient Inclure les ressources alternatives lors de la planification et de
l'organisation des services en santé mentale par le système de
représentativité suivant: un tiers composé de ressources
alternatives et communautaires représentant le champ et te domaine de ta
santé mentale, un tiers composé d'établissements du
réseau socio-sanitaire, un tiers composé des représentants
des instances décisionnelles ayant un impact sur la santé
mentale
du milieu.
Quant au plan de services individualisé, nous avons des
appréhensions en raison du nombre d'Intervenants qui gravitent autour
d'une personne vivant des problèmes d'ordre émotif. Nous
considérons que la personne devrait être maîtresse de son
plan de services et que le choix d'une personne pivot lui revient. Pour ce
faire, une étroite concertation devrait s'établir entre les
différents acteurs dans un respect mutuel de la confidentialité.
Mais cette volonté de collaboration sera-t-elle partagée par tous
les intervenants? L'opinion de l'usager sera-t-elle vraiment
respectée?
M. Bouchard (Rémi): Les services offerts. Depuis
près de trois ans, je fréquente une ressource alternative en
santé mentale du Saguenay. Je suis en mesure de vous affirmer que
celle-ci répond à plusieurs besoins des usagers non satisfaits
par les institutions. Voici certains services offerts: il y a le service
d'intervention individuelle; chaque usager peut bénéficier, selon
sa volonté, d'un suivi individuel avec un intervenant qui lui permettra
de développer son autonomie. La relation d'aide est souvent te moyen
d'exploration utilisé afin d'aider la personne à se
découvrir. En cas de crise, les intervenants peuvent se déplacer
afin d'aider à atténuer l'état de la personne. Si
l'hospitalisation s'avère nécessaire, ils accompagnent la
personne à l'urgence. On peut régulièrement participer
à des activités de groupe, comme des discussions, des jeux de
connaissances et autres. Celles-ci nous permettent de confronter nos
Idées, de partager celles-ci, d'apprendre à mieux nous
connaître et à parler en groupe. Si on ne peut se rendre à
la ressource, il y a toujours une oreille attentive disponible au
téléphone. Le centre informe et conseille la famille ou les
proches qui vivent la crise et qui désirent s'Impliquer dans notre
réinsertion sociale. Des conférences et des kiosques
d'information sont tenus à l'extérieur afin d'Informer la
population sur la maladie mentale.
Si quelqu'un ne peut se déplacer, les intervenants peuvent se
rendre au domicile de la personne. Même en cas d'hospitalisation, le
centre ne perd pas le lien avec nous, car on vient nous visiter afin de nous
réconforter et nous aider à penser à un retour dans la
société. Que ce soit au cours d'un déménagement,
d'un retour aux études ou pour toute autre démarche, il y a
toujours quelqu'un de disponible pour nous aider. (12 h 45)
Maintenant, parlons des diverses activités qui répondent
aux besoins de chacun. Il y a les activités de loisirs: physiques,
ludiques, culturelles, sociales, éducatives, artisanales, etc. Celles-ci
visent à la participation ainsi qu'au développement de la
personne. Elles nous permettent' de nous intégrer dans un groupe et,
entre autres, de nous faire des amis. Pour toute question, les animateurs sont
prêts à aller chercher l'information pour nous orienter.
Maintenant, je vais vous donner un petit témoignage. Il est
important pour mol de renforcer le bien-fondé des ressources
alternatives en santé mentale, car j'ai traversé des
difficultés et le centre m'a beaucoup aidé dans ma
réinsertion sociale. Pour ma part, ma première hospitalisation
fut en 1981 pour une période de trois mois. J'ai cessé mes
études en sciences pures sans trop savoir si je les terminerais.
À ce moment, j'étais plus ou moins fonctionnel chez mes parents.
Je passais mon temps au strict nécessaire, c'est-à-dire
télévision, repas, dodo et drogue. Je n'avais peu ou pratiquement
pas de contacts avec ma famille, celle-ci ne sachant pas comment m'abor-der.
Ayant perdu mes amis, je ne savais plus que faire.
À la suite d'une rechute en 1984, j'ai été
hospitalisé une seconde fois contre mon gré. À t'aide
d'une ordonnance de cour, des policiers sont venus me chercher. Au bout d'un
mois, je sortis pour aller habiter un foyer de groupe pour une période
d'un an. C'est pendant cette année que j'ai commencé à
fréquenter une ressource alternative en santé mentale. Celle-ci
m'a beaucoup aidé dans ma réinsertion sociale et ce, de plusieurs
manières. J'ai rencontré des gens qui ont connu des
problèmes similaires au mien. J'ai eu droit à un suivi. J'ai
participé à des activités données par le centre.
Graduellement, j'ai pris quelques responsabilités:
bénévolat, membre du conseil d'administration, etc. J'ai repris
contact avec ma famille, avec le soutien de la ressource. Il y avait toujours
des gens à qui je pouvais me confier, et aujourd'hui encore.
Durant tout ce temps, j'ai eu l'occasion de travailler et de prendre
quelques cours afin de terminer mon DEC. Je suis actuellement inscrit au
cégep et j'entreprends le début d'une nouvelle technique en
travail social. Je veux orienter ma vie à aider autrui. Pour ce faire,
j'ai besoin d'un certain bagage qui, j'en suis persuadé, m'aidera aussi
personnellement. C'est pourquoi j'incite le ministère à maintenir
et à encourager le développement des ressources alternatives en
santé mentale telles que celle-ci dans la communauté. Merci.
Le Président (M. Audet): Merci. Est-ce que vous avez
d'autres commentaires? Il vous reste trois minutes?
Mme Corriveau: On a une chose à déposer, notre
exposé et les statistiques de nos centres.
Le Président (M. Audet): D'accord, pas de problème.
Je cède maintenant la parole à l'adjoint parlementaire, M. le
député de Laurier.
M. Sirros: Merci, M. le Président, et merci au
Regroupement des ressources alternatives en santé mentale de ta
région 02. Laissez-moi d'abord vous dire que le message que vous
avez,
en partie tout au moins, lancé concernant les difficultés
financières que les deux groupes vivent actuellement a été
reçu. On verra ce qui pourra être fait Je ne mets pas en doute la
qualité du travail, te dévouement face à la
problématique.
Le temps qu'on a est limité et je ne voudrais pas prendre le
temps pour parler de problèmes spécifiques comme tels. J'aimerais
prendre ce que J'ai pour ouvrir un débat, une discussion sur quelque
chose qui me tracasse depuis longtemps et qui revient constamment. Vous l'avez
abordé, vous autres aussi, quand vous avez décrié la
situation par rapport au financement qui est donné au groupe
communautaire. Je ne le place pas dans le contexte de ce gouvernement par
rapport à un autre, mais en général. Vous aimeriez avoir
un financement - et c'est normal de le voir ainsi de votre part - beaucoup plus
substantiel, contenu dans une politique, de sorte que les groupes n'aient pas
à justifier leur existence tous les six mots, tous les ans, etc.
Tout de suite après - et ce n'est pas juste vous, c'est un
débat qui a lieu dans l'ensemble des ressources communautaires et pas
seulement en santé mentale - vous dites: Nous espérons que le
financement ne viendra pas nous encadrer ou que les groupes ne seront pas pris
en charge ou "co-opted", en quelque sorte, par le réseau, par
l'État ou par le gouvernement. Le chapitre sur lequel j'aimerais vous
entendre, c'est celui sur le financement et la redevabilité. Pourquoi un
État, un gouvernement financerait-il de façon... Pas pourquoi,
mais comment le gouvernement pourrait-il justifier de financer de façon
substantielle des groupes communautaires sur lesquels il n'aurait pas - pas
mainmise, je n'aime pas le mot - mais devant qui les groupes ne seraient pas
redevables.
Mme Tremblay: Cette question à propos de ta
légitimité, c'est que chacune des ressources alternatives est
différente. On ne veut pas être mis dans un bloc. On vient de la
communauté, c'est ce qui fait un peu la différence entre nos
ressources. On a d'autres services à offrir. On aimerait avoir une
liberté d'action. Cependant, on est capable de fournir des rapports
annuels, des statistiques quand même. On est capable de fournir l'aspect
qualitatif de nos services. C'est pour cela qu'on parle de l'aspect de
l'évaluation qualitative.
M. Sirros: Vous soumettez aussi un genre d'évaluation
qualitative, comme les Institutions sont redevables devant le gouvernement par
rapport non seulement à la gestion des fonds publics comme tels, mais
aussi en termes de qualité de services. Il commence à y avoir,
à ce moment, des normes qui se développent par rapport à
tel ou tel genre de groupe. Cela pourrait se faire en collaboration avec les
groupes, mais je voulais faire ressortir un peu toute cette dynamique qui
existe entre recevoir des sommes d'argent de l'État... Je me rappelle
même une époque où les groupes disaient: On ne veut rien
savoir.
Mme Tremblay: Non. On ne dit pas qu'on ne veut rien savoir.
M. Sirros: Non, il y a eu une époque, ]e me rappelle, dans
les années soixante, où il y avait pas mal de groupes qui
disaient, finalement: On ne veut rien savoir parce qu'on craint trop que
l'État n'ait la mainmise sur les groupes communautaires et donc
contrôle, établisse des critères et des normes de
fonctionnement, et qu'on perde tout le sens de ce qu'est un groupe autonome
communautaire, sauf que les groupes maintenant ne prennent pas cette attitude
comme telle. On réclame du financement, mais on ne parle pas beaucoup de
ce qui pourrait venir avec une politique de financement plus substantielle des
groupes communautaires. Je voulais juste ouvrir ce débat. Si vous avez
des commentaires ou des réactions...
Mme Corriveau: Je pense qu'on a déjà donné
des critères. On a demandé un cadre de référence,
on a même donné comme exemple les critères qu'on voulait.
Pour moi, cela dit que ce n'est pas parce qu'on ne veut rien savoir de
l'État, au contraire. L'argent que te ministère nous donne, c'est
l'argent du public et on a des comptes à rendre au public face à
cela. Même si on a seulement 20 000 $ par année pour chacun des
centres, on fait un rapport annuel très élaboré qui inclut
la comptabilité de nos ressources, les statistiques. On a même mis
les critères de sélection et d'évaluation qu'on souhaitait
pour avoir cet argent.
M. Sirros: II y a donc possibilité d'élaborer
ensemble des critères.
Mme Corriveau: Oui, on vient juste de lire nos
critères.
M. Sirros: Ah! d'accord.
Mme Tremblay: Ce qu'on veut, c'est garder un peu notre
liberté d'action. L'Important, c'est qu'on puisse améliorer la
qualité de vie des personnes et garder une certaine liberté
d'action, mais on peut vous faire des rapports, on peut... C'est difficile
à expliquer, cela a peut-être l'air...
M. Sirros: D'accord. Je cède la parole à d'autres
collègues.
Le Président (M, Audet): Cela va, M. le
député?
M. Sirros: Oui, merci.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Laviolette, vous avez la parole.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue Ici
et merci de votre témoignage. Je suis à la fois surpris et pas
surpris de la question du député de Laurier. Pour moi, c'est un
peu la philosophie qu'on ressent, pas seulement pour les groupes alternatifs
comme le vôtre, mais pour d'autres groupes, que ce soient les groupes de
femmes ou les groupes de maisons de jeunes où on sent cette question: Ou
bien on devient une Institution et on répond à des
critères bien précis de l'ensemble du système, ou bien on
est des ressources communautaires et alternatives, et, dans ce contexte, on va
puiser à l'intérieur de l'ensemble de notre région des
sommes et des moyens d'action, et on doit nous laisser une marge de manoeuvre
nous permettant d'être regardés par l'ensemble de la population,
et le ministère par ses organismes, que ce soit le CSS, le CLSC ou le
CRSSS, comme étant performants, en résultat des actions qu'on
aura menées. Ou on a cette liberté ou on ne l'a pas. J'ai cru
comprendre qu'un groupe alternatif, un organisme communautaire, devait toujours
posséder ce pouvoir puisqu'il provient de la communauté.
Dans ce contexte, j'ai remarqué que vous étiez un peu
déçus de la définition, dans le rapport, d'intégrer
à l'intérieur des groupes communautaires, des ressources
communautaires, des ressources alternatives. Je peux vous référer
à votre document qui nous a été remis et je crois saisir
que vous avez de ta difficulté - c'est peut-être moi qui ai mal
saisi - à définir la différence entre les deux. Vous
parlez de recommandations qui sont de doubler les sommes allouées aux
ressources communautaires et j'ai cru comprendre que vous vous intégriez
à ces ressources communautaires. Je me réfère à
votre document, à la recommandation numéro 2. Je vais à
d'autres recommandations où on parle de ressources communautaires, la
recommandation 4. On retrouve d'autres recommandations, comme la recommandation
6 où vous parlez d'intervenants de ressources alternatives. Pour les
besoins des membres de la commission, pourriez-vous donner votre
Interprétation de ce que sont les ressources communautaires et les
ressources alternatives?
Mme Tremblay: Les ressources communautaires englobent les
ressources qui agissent dans le champ de la santé mentale. Nous, on agit
dans le champ, dans le domaine. Les centres pour femmes violentées, les
centres de désintoxication, ce ne sont pas des ressources alternatives
en santé mentale. Nous, notre clientèle, c'est seulement la
clientèle des ex-psychiatrisés qui ont des problèmes de
santé mentale. Pour nous, les ressources alternatives du champ de la
santé mentale, c'est cela, ce ne sont pas les groupes de
désintoxication, ce ne sont pas les centres pour femmes
violentées.
Mme Corriveau: Si on a bien compris la politique, le domaine de
la santé mentale, ce sont les groupes, comme Sylvie vient juste de
l'expliquer, c'est un groupe comme la désintoxication. Mais, dans ce
cas, il y a quand même la santé mentale qui est Impliquée
parce que la désintoxication, c'est la fin, mais il y a quand même
des problèmes qui ont amené cette personne à prendre des
drogues. C'est un problème de santé mentale. Notre
clientèle est composée de personnes qui ont vécu un
certain temps à l'hôpital psychiatrique ou qui ont reçu un
diagnostic psychiatrique. Ce sont strictement des personnes psychiatriques qui
viennent à notre centre. Pour nous, c'est le champ de la santé
mentale.
M. Jolivet: Donc, si je comprends bien, parce que j'ai, dans ma
région, pas nécessairement dans mon comté, mais dans ma
région des groupes qui essaient actuellement de faire valoir leur point
de vue comme personnes ex-psychia-trisées et qui participent à
l'élaboration des ressources alternatives dont vous faites mention avec
des conseils d'administration qui sont formés de ces personnes, mais il
y a aussi d'autres personnes de la communauté, que ce soient des gens
des municipalités, des hôpitaux, des centres de services sociaux
ou d'ailleurs dans la région et qui forment un conseil d'administration,
qui est une formule alternative à l'institutionnalisation qu'on
connaît actuellement. C'est dans ce sens que je dois donc comprendre une
de vos recommandations, qui peut s'appliquer à vous autres, mais qui
peut ne pas s'appliquer à toutes les Institutions au Québec. Je
fais référence à votre plan de services
individualisé. Vous dites: Le regroupement propose que l'individu
lui-même choisisse la personne pivot pour agir à titre d'agent de
liaison entre les différents intervenants des services afin
d'établir un plan de services communs et, par le fait même, son
propre plan à lui, comme individu, s'il doit le faire. Donc, dans ce
contexte, est-ce que je dois interpréter que la recommandation que vous
faites est dans le contexte de ressources alternatives, mais pas
nécessairement de ressources institutionnalisées?
Mme Tremblay: On considère que, partout, cela devrait
être la personne qui connaît ses objectifs. De quel droit un
travailleur social ou un psychiatre dirait-il: Tu vas faire cela, tu vas faire
cela? C'est lui qui connaît ses besoins. C'est lui qui va choisir la
personne avec qui il se sent le plus en confiance pour se confier, qui, elle,
va pouvoir parler avec les travailleurs sociaux, avec les organismes du milieu,
avec les psychiatres, les éducateurs, parce qu'une personne qui a des
problèmes de santé mentale - il ne faut pas se le cacher - elle
rencontre un travailleur social, un psychiatre. Il y en a qui vont dans des
centres de jour, dans des ressources alternatives. La personne est toute
mêlée.
Elle joue différents rôles, selon les endroits où
elle va, avec tous les intervenants. (13 heures)
Donc, on est d'accord avec le PSI, mais on se dit: Est-ce que tout le
monde va se concerter là-dessus? Est-ce tous les intervenants du
réseau vont nous consulter, nous, ta communauté, parce qu'on Joue
un rôle? On dit que c'est la personne qui doit choisir son plan.
M. Jollvet: Vous déterminez par le fait même que
toute personne est capable de prendre des décisions par elle-même.
Est-ce cela que vous êtes en train de me dire ou si, dans certains cas,
il n'y a pas Justement quelqu'un qui doit Intervenir et conseiller la personne
ou l'amener à prendre des décisions, mais pas
nécessairement dans certains cas être capable de prendre toutes
les décisions?
Mme Tremblay: C'est cela. Il faut qu'au moins elle soit
concertée; dans le PSI, que fa personne soit maîtresse de son plan
de services.
M. Jolivet: Dans les régions, quels sont les organismes
que vous voyez comme le plus près des personnes pouvant faire ce point
d'entrée, soit en ressources alternatives, soft en ressources
communautaires, dans tes Institutions ou ailleurs? Quel est l'organisme que
vous verriez comme le plus approprié pour faire cette
répartition?
Mme Corriveau: Si on parle de notre ressource, de notre
clientèle, la première place qui va venir en situation de crise
ou de détresse. c'est notre ressource. Comme cela, nous sommes une
ressource de première ligne. Je vais vous donner l'exemple de l'un de
nos bénéficiaires... Peut-être que tu peux expliquer ce qui
est arrivé.
M. Jolivet: Est-ce que Je pourrais vous demander ceci, pour vous
aider dans votre réponse: Est-ce que les gens vous sont
référés?
Mme Corriveau: Oui.
M. Jolivet: Est-ce vous qui allez les chercher? Est-ce le CLSC,
le CSS? Est-ce un organisme qui vous aide et qui aide les gens à trouver
cette ressource alternative? Et, une fois que vous avez cette personne entre
les mains, qu'est-ce qui se passe? Est-ce qu'elle est
référée ailleurs ou si elle est intégrée
dans les services que vous donnez? Quelles sont les sortes de services que vous
pouvez donner?
Mme Corriveau: Justement, il y a de la clientèle qui est
référée par plusieurs ressources dans le réseau
socio-sanitaire et dans la communauté aussi. Sur notre façon de
travailler, je vais laisser parler Diane.
M, Jolivet: D'accord.
Mme Corriveau: Justement, il s'agit d'un cas spécifique
dont elle va parler, mais cela arrive avec plusieurs Intervenants dans le
réseau et dans le milieu.
Mme Rasmussen: Toi, tu parlais d'un cas d'une de nos
bénéficiaires. C'est une personne qui a une pathologie grave et
qui demeure chez ses parents. Elle a maintenant 28 ans. Elle, son plus grand
désir a toujours été de travailler et de mener une vie
normale. Cela fait deux ans qu'elle fréquente le centre. C'est depuis
deux ans qu'elle a le désir de travailler et qu'elle nous revient
toujours avec ces propos. Elle est suivie par un ergothérapeute de
l'Institut Roland-Saucier. Dernièrement, elle a commencé un stage
à CENTRART. Pour elle, CENTRART, comme elle me le disait... Là
aussi, on dessert une clientèle déficiente, même s'il y a
un plateau de travail pour des personnes psychiatrisées. Elle se sentait
diminuée. Elle sentait que d'être avec les personnes ta
rabaissait, malgré son désir de s'intégrer et d'être
comme tout le monde, de mener une vie normale. Nous, en tant que ressource
alternative, on considérait qu'on devait partir de ses désirs,
d'essayer dans ce sens, tranquillement pas vite, tout en respectant ses limites
et ses capacités, d'aller avec elle à un stage dans un milieu
où elle pourrait réaliser ses désirs et ses
goûts.
Pour en revenir à ce que vous disiez tantôt, lorsque vous
nous demandiez par qui nous étaient référés nos
usagers, nous avons ici des statistiques - vous les avez sûrement
reçues - pour te Centre amical, qui est une maison d'hébergement
et qui reçoit autant d'hommes que de femmes. Si on prend l'année
1987, il y a 20 personnes qui nous ont été
référées par le Centre amical; par l'Institut
Roland-Saucier, il y a 26 personnes qui nous ont été
référées; par l'Hôpital général, il y
a 25 personnes; par le CLSC, il y a 16 personnes; par le CSS, il y a 6
personnes; par la Maison du repos, il y en a 4, qui est un centre de jour pour
personnes alcooliques et toxicomanes; par les familles d'accueil, il y a 22
personnes; par les amis et les parents, on a 68 personnes. Alors, il y a
beaucoup plus de bouche à oreille qui se fait actuellement pour ce qui
est de la sensibilisation par rapport à un centre comme le
nôtre.
Mme Corriveau: C'est Important de dire que cela fait juste trois
ans que nos ressources sont au Saguenay-Lac-Saint-Jean et que cela a pris trois
ans avant de pouvoir établir un contact avec les intervenants du
réseau et du milieu. Le cas dont Diane a parlé, c'est un cas,
mais il y en a plusieurs dans ce sens-là où on a la
complémentarité avec les intervenants de l'Institut
Roland-Saucier. C'est important de travailler avec ces personnes, parce que te
client de qui elle vient Juste de parler avait le désir de continuer
avec son Intervenant de l'Institut Roland-Saucier et avec nous. Comme cela, on
a travaillé ensemble pour lui trouver une place où
travailler qui était son désir, comme l'a dit Diane. C'est
là qu'on dit que c'est important d'être à l'écoute
des besoins de la personne pour mieux l'aider. Avant, tout le monde
était autour d'elle et tout le monde avait décidé, les
intervenants, que c'était là qu'elle allait travailler. Elle a
fait une rechute face à cela, parce que ce n'était pas son
désir.
Maintenant, on va travailler dans ce sens-là. Cela, c'est un cas
seulement. Mais, dans plusieurs cas, on a déjà travaillé
dans ce sens-là et on a bien réussi avec la collaboration du
réseau.
M. Jolivet: Je vous pose la question, parce qu'il y a deux plans
qui me préoccupent dans la mesure où j'ai participé
à un travail avec un groupe de notre milieu dans la région 04, La
Mauricie. La philosophie est peut-être différente de la
vôtre. Les gens des ressources alternatives voudraient bien fonctionner,
mais les ressources du réseau mettent des blocages, parce qu'il y a une
responsabilité qui peut être légale, d'une certaine
façon, envers l'individu, et cette responsabilité légale,
personne ne veut la distribuer à une autre personne tout en la gardant
et, finalement, en ne lui donnant aucune de ces possibilités. Je fais
référence à un conseil de santé et de services
sociaux, à un CSS... Pas te conseil régional, parce que le
conseil régional est d'accord et le CSS ne l'est pas. Finalement,
l'hôpital d'où proviennent certaines de ces personnes qui sortent
dans le milieu parce qu'on leur dit: Va-t-en chez vous, maintenant tu es
correct, alors qu'elles ne se sentent pas prêtes à participer
à la vie dite normale... Donc, ces personnes ont besoin de maisons de
transition ou de lieux où on doit les aider à continuer leur
cheminement et à s'intégrer à une vie dite normale. Dans
ce contexte, les gens se sentent un peu mat à l'aise, parce que, s'il
arrivait un événement quelconque, qui serait responsable
légalement? Alors, les gens n'osent pas trop s'avancer et les
psychiatres de l'institut au niveau de l'hôpital, il y en a qui prennent
des risques; d'autres ne veulent pas en prendre. Alors, on se retrouve avec
certaines difficultés quant à l'arrivée dans des
ressources alternatives de ces personnes.
Mme Corriveau: Je peux répondre. Je siège à
la table provinciale du Regroupement des ressources alternatives en
santé mentale. Comme cela, j'ai une vue globale de la province de
Québec des ressources alternatives. C'est très important de ne
pas oublier que de région en région c'est différent. Je
viens d'Angleterre où on a une gamme de ressources dans la
communauté et cela marche très bien avec le réseau.
Quand je suis arrivée au Canada, après ma recherche, j'ai
vu que, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, cela prenait des
ressources alternatives de ce genre-là. Je pense qu'on est tous d'accord
que cela marche. Mais, dans les années passées, les ressources
alternatives, dans les années soixante-cinq, soixante-dix,
étaient militantes. Elles étaient même contre la
psychiatrie, parce que les Instituts psychiatriques ne donnaient pas les
résultats qu'on voulait On a commencé sur ces
bases-là.
Nous, on n'a pas commencé sur ces bases-là, mais je
respecte beaucoup l'évolution des ressources alternatives dans chacune
des régions. C'est important de respecter le fait qu'il y a des bases
différentes, et cela dépend de cela. Mais la philosophie du
regroupement provincial, c'est de... Quand même, on a des choses en
commun, chaque ressource alternative. On a à peu près dix
services qu'on donne partout dans la province de Québec. Il y a des
ressources qui donnent cinq de ces dix services, deux de ces services ou dix de
ces services, et même plus. On a quand même des choses en commun.
Mais la base, le militantisme antipsychiatrique, moi, je suis capable de
comprendre cela.
M. Jolivet: Finalement, on avait raison dès le
départ de dire que les ressources alternatives, il faut leur laisser une
certaine souplesse et non pas leur imposer des critères tels que,
finalement, elles deviennent un réseau par le fait même.
Je reviens à ma deuxième partie. Par exemple, une personne
a besoin de vos services. Qu'est-ce qui arrive? Qui prend cette personne en
charge? Qui en a la responsabilité parmi le groupe? Est-ce que c'est
tout le monde qui a des responsabilités, de telle sorte que, finalement,
personne ne s'y retrouve? Comment est-ce que cela fonctionne quand cette
personne arrive chez vous et qu'elle est prise en charge?
Mme Corriveau: Premièrement, c'est le
bénéficiaire qui décide qui il veut comme intervenant. Il
y a un accueil au début; il y a un questionnaire pour savoir quels sont
ses besoins, ses goûts, ses désirs. Après cela, il y a une
conversation. On présente le bénéficiaire aux
intervenants. Il y a une période de temps où il observe tout le
monde et cela prend du temps avant qu'il ait confiance en quelqu'un; mais,
aussitôt qu'il a confiance dans un intervenant, il va aller voir cette
personne. C'est lui qui décide qui est son intervenant.
Mme Tremblay: Chaque personne est suivie individuellement, mais
c'est elle qui choisit sa personne-ressource dans le centre.
M. Jolivet: D'une certaine façon, j'ai eu l'occasion, hier
soir, à Grand-Mère, d'assister au souper annuel des
autorités de l'Éveil féminin. Je fais un aparté
pour vous dire que j'ai entendu cette même réflexion hier dans une
maison pour femmes violentées. Là se trouvent différentes
personnes. Celle qui a le plus d'affinités avec la personne qui arrive
doit ensuite faire la relation avec tous les autres intervenants, de telle
sorte
qu'au bout de la course elle se sent à l'aise avec tout le monde,
même si, au départ, elle peut avoir des particularités qui
font qu'elle ne sent pas la personne instinctivement
Dans ce contexte, chez vous, quelles sont les sortes de professions qui
sont représentées? Est-ce que ce sont des personnes du service
social, des ex-psychiatrisés, comme vous l'avez dit tout à
l'heure, des psychiatres, des psycholoques? Quelles sont vos ressources
actuelles?
Mme Tremblay: J'ai déjà eu une travailleuse
sociale, des gens en assistance sociale, de l'éducation
spécialisée, des sociologues. J'ai quelqu'un en
réadaptation sociale aussi...
Mme Corriveau: Technique de loisirs.
Mme Tremblay: ...des animateurs. C'est une équipe
multidisciplinaire.
Mme Corriveau: C'est vraiment multidisciplinaire, c'est
très important
M. Jolivet: Donc, la question qu'on pose maintenant, vous l'avez
dit, vous avez des difficultés financières, de telle sorte...
Une voix: Graves.
M. Jolivet: ...que vous allez peut-être fermer vos
portes.
Une voix: Oui.
M. Jolivet: Les résultats seraient désastreux, j'en
conviens avec beaucoup de gens qui, comme vous autres, travaillent dans le
milieu, parce qu'ils disent: Si on doit fermer nos portes et être absents
pendant six ou sept mois, revenir, c'est pire que de continuer actuellement
Donc, vous allez certainement essayer de survivre. De quelle façon
allez-vous essayer de survivre et quelles sont les attentes que vous avez
envers le ministère?
Mme Corriveau: J'ai contacté le conseil régional
qui est favorable aux ressources alternatives. Il a envoyé un
télégramme urgent à Mme Thérèse Lavoie-Roux.
Nous avons fait une publicité dans notre région. Cela disait: "Le
Phare, menacé de fermer ses portes." Sylvie va faire la même
chose. On incite la population à réagir et vu que le CRSSS est
favorable, on attend une réponse d'ici à la fin de semaine. J'ai
appris, ce matin, qu'apparemment il y a un budget de 300 000 $ quelque
part..
M. Jolivet: Je suis bien content, je vais en parler pour
Saint-Stanislas.
Mme Corriveau: On a appris cette nouvelle ce matin. On vous
demande, si c'est possible, vu que c'est très grave, vu la
qualité de nos services, vu que notre clientèle va vraiment
être perdante si notre centre ferme, s'il y a possibilité d'avoir
du financement, au moins jusqu'à la fin de l'année
financière.
M. Jolivet: En tout cas, on vous remercie, puisque mon temps est
écoulé.
Mme Corriveau: Je vous laisse avec cette question.
M. Jolivet: Je vous souhaite la meilleure des chances.
Mme Corriveau: Merci.
M. Jolivet: D'un autre côté, il est évident
qu'on va devoir passer aux gestes, à un moment donné, aux actes,
d'une certaine façon, et prévoir, si vous êtes d'accord
avec l'ensemble de la philosophie du rapport, au moins une vraie politique,
laquelle contiendra des échéanciers et des montants d'argent
disponibles permettant justement qu'on atteigne les résultats qu'on
désire. Alors, bonne chancel
Le Président (M. Audet): Je cède maintenant la
parole à M, le député de Sainte-Anne. (13 h 15)
M. Polak: Merci, M. le Président. Je voudrais laisser un
peu de temps au député de Laurier, mais la raison pour laquelle
J'interviens - d'ailleurs, je vous ai rencontrés la semaine
dernière, quand vous êtes venus pour voir comment cela se
déroulait - c'est que je n'ai pas besoin d'être convaincu du
travail des ressources alternatives. D'ailleurs, le fait que les
députés de l'Opposition vous aient demandé d'expliquer la
différence entre les ressources communautaires et les ressources
alternatives démontre déjà qu'on ne connaît pas
assez le sujet C'est un sujet assez complexe, mais vous aussi. Je ne vous
blâme pas parce que, pour mol, le but de cette commission parlementaire,
c'est justement de sensibiliser les politiciens, y inclus les nôtres,
tout le monde, et la population à votre travail et aussi au travail
général qui se fait dans le domaine de la santé
mentale.
Savez-vous qu'à cause de toutes ces représentations... Ne
pensons pas seulement aux ressources alternatives. On a eu aussi les
bénéficiaires ici, on a eu le groupe de femmes, on a eu tes
usagers. Ce qui m'a frappé et, à ce point de vue, je suis
totalement d'accord avec le chef de l'Opposition, c'est que vous ne pratiquez
pas le corporatisme. Beaucoup d'autres Intervenants, y inclus les
médecins, les psychologues, les psychiatres, etc.. ont tous quelque
chose à protéger. Je suis moi-même avocat, j'ai
déjà appartenu à un groupe que je protège aussi;
c'est du corporatisme. Ce que je trouve le plus intéressant de vous,
c'est un nouveau vent, mais on n'est pas au courant Savez-vous que, pour la
première fois cette semaine, The Gazette a écrit de grands
articles sur la santé mentale? Encore ce matin, on donne des
exemples sur ce qui se passe. Je félicite l'hôpital de Verdun
parce qu'on y fait largement toutes sortes d'expériences qui sont
très bénéfiques et très intéressantes, et on
donne des exemples sur ce qui se passe dans ce domaine. Donc, pour moi, nous
sommes en train de sensibiliser... Et je veux sensibiliser la population avec
vous. C'est pourquoi je ne veux pas poser trop de questions parce que nous n'en
connaissons pas assez là-dedans. Comme je le disais, je suis
député d'un comté où, justement, vous jouez un
rôle très important
II est un peu malheureux - et cela, on le dit carrément dans un
article traitant de statistiques - que certaines personnes
bénéficiaires de l'aide sociale aient des problèmes pour
se trouver un emploi, parce qu'elles sont ex-psy-chiatrisées, qu'elles
sont bénéficiaires de l'aide sociale, etc. Donc, elles ont
tendance à se retrouver dans une certaine région. Dans le sud-est
de Montréal, on en trouve peut-être proportionnellement beaucoup
plus qu'ailleurs. Vous le savez parce que Mme Blanchard, de votre
fédération, est venue la semaine dernière. Je suis
très Impressionné. Je suis ici depuis deux semaines maintenant.
On pense déjà différemment. Quand on parlait des
ressources alternatives au début de cette commission, personne ne savait
ce que cela voulait dire. On commence maintenant à demander quelle est
la distinction; c'est un pas en avant. Même dans le rapport Harnois... Je
ne le critique pas, mais je dis qu'on peut toujours le bonifier. Les gens du
comité Harnois ne sont pas nos ennemis, mais eux non plus n'ont pas vu
la distinction. Vous l'avez critiqué, vous avez dit: Comment se fait-il
que vous nous considériez comme des ressources communautaires? C'est une
grosse gaffe. Je pense qu'on a réalisé l'importance de votre
manière de résoudre les problèmes et la fonction
importante que vous occupez. Pour mol, c'est très important; non
seulement pour moi, mais aussi pour beaucoup d'autres députés,
parce qu'on est ici pour apprendre. Je sais que le député de
Notre-Da me-de-Grâce connaît te domaine lui aussi parce qu'il a
travaillé là-dedans, mais je connais d'autres
députés qui ne connaissent absolument rien là-dedans. Il
est important qu'on soit sensibilisé par des groupements comme le
vôtre à ce problème.
Il y a une autre suggestion que j'aimerais faire par votre entremise. Ce
serait très intéressant que les fonctionnaires du
ministère des Affaires sociales aillent visiter des endroits comme le
vôtre.
Mme Corriveau: Ils sont déjà venus, on les a
invités à plusieurs reprises.
M. Polak: Tant mieux! Fantatisque! Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Polak: Et les personnes qui y sont allées, j'aimerais
qu'elles fassent un petit rapport et qu'elles nous fassent parvenir une copie
de leurs constatations. C'est ce qu'on veut, parce que, comme cela, on sera
sensibilisés. Je sais que la directrice adjointe du cabinet de ta
ministre est allée à PAL, à Verdun. Alors, quand je pose
des questions sur PAL, elle y est allée. On m'a dit qu'elle était
allée les visiter. Il est Important qu'on aille directement à
l'endroit pour voir ce qui s'y passe. Il n'y a pas de meilleure manière
d'apprendre.
Je ne poserai pas de questions, j'ai une tonne de questions. Je
voudrais, par exemple, vous demander Madame, vous avez pris un cours en
Angleterre. Est-ce qu'en Angleterre on est en avance ou en retard? Aux
États-Unis, est-ce qu'on est en avance ou en retard? L'Ontario - on
compare toujours le Québec avec l'Ontario - est-il en avance ou en
retard? Mais je n'ai pas le temps. On aura peut-être l'occasion d'en
parler. Je laisse la parole à l'adjoint de la ministre. C'est la
ministre qui a le plus d'influence: ensuite c'est lut, ensuite nous.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Polak: Merci beaucoup.
Le Président (M. Audet): Si vous me permettez...
M. Jolivet: Puis nous autres? On en a pas mal.
M. Polak: Aussil
Le Président (M. Audet): ...M. le député de
Sainte-Anne...
Une voix: C'est lui qui va sortir le chèque.
Le Président (M. Audet): ...en tant que président,
c'est moi qui dois céder la parole aux parlementaires. Le
député de Laviolette avait peut-être un petit mot à
ajouter en conclusion?
M. Jolivet: Non, non. Simplement pour dire qu'hier j'étais
conférencier à la Chambre de commerce de Grand-Mère et
souvent je disais que les gens de l'Opposition, compte tenu de leur poste, ont
plus de pouvoir que les gens du pouvoir. Je vous remercie de votre visite et de
l'information que vous nous avez donnée. Soyez assurés qu'on est
bien conscients et bien au courant des problèmes parce que nous allons
visiter des groupes comme le vôtre et d'autres groupes communautaires.
Statistiquement, on est moins nombreux à en connaître moins que
ceux de l'autre bord, mais vous autres, par exemple, vous vivez les
problèmes tous les jours et c'est pour cela qu'on doit vous rendre
hommage.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Laurier.
M. Sirros: Merci d'être venus, merci pour le
témoignage et merci de m'avoir permis de poser une question qui a
semblé surprendre le député de Laviolette, mais je voulais
vraiment me placer au-dessus de la partlsannerie dans le sens que, si le
gouvernement précédent avait réglé la question,
vous ne seriez pas aujourd'hui avec ce genre de choses. C'est une
problématique qui, je pense, est partagée par n'importe qui est
au gouvernement à un moment donné. Il faudrait
s'intéresser à la question d'une politique de financement pour
les ressources communautaires. Il est clair que, dans le rapport Harnois, II y
a une grande place qui est faite aux ressources communautaires et à
l'approche communautaire. Donc, 8 y a des choses qu'on peut espérer voir
aboutir à un moment donné. Le message ou le cri d'alarme, l'appel
que vous lancez par rapport au financement, je pense, a été
entendu. Tout ce que je peux vous assurer à ce moment-ci, c'est qu'il
est clair qu'il y a des gens qui cherchent une solution. Vous êtes
déjà en contact avec des gens du ministère et on
espère pouvoir rapidement vous donner une réponse tout au moins
d'Ici à la fin de l'année, et on verra par la suite. Merci
beaucoup.
Des voix: Merci.
Le Président (M. Audet): Alors, mesdames, messieurs, on
vous remercie et, si vous devez retourner au Saguenay-Lac-Salnt-Jean, on va
vous souhaiter bonne route et une bonne température par le fait
même. Alors, merci bien.
La commission ajourne ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 22)
(Reprise à 15 h 4)
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je vous rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires
sociales se réunit aux fins d'étudier le projet de politique de
santé mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le
rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et
rendu public le 30 septembre 1987.
J'invite la Fédération des centres locaux de services
communautaires du Québec à prendre place, s'il vous plaît!
Vous avez exactement une heure pour faire votre présentation. Nous avons
une heure à vous consacrer. Vous avez 20 minutes pour présenter
votre mémoire. Vous m'excuserez si j'ai à Intervenir pour ce qui
est du temps, mais on doit nécessairement être assez
rigoureux.
Messieurs, je vous souhaite, la bienvenue. Je demanderais au
porte-parole de s'identifier et de nous présenter les gens qui
l'accompagnent.
Fédération des CLSC
M. Ippersiel (Pierre): Merci, M. le Président. En premier
lieu, j'aimerais vous présenter Mme Carole Lalonde, conseillère
aux programmes à la Fédération des CLSC; M. Maurice
Charlebois, directeur général de la Fédération des
CLSC; M. Louis Côté, directeur général du CLSC
Petite-Patrie, à Montréal. Mon nom est Pierre Ippersiel, du CLSC
Petite-Nation. Soyez rassurés, seule notre nomenclature est minuscule
parce que nous avons l'Intention de parler de grandes choses avec vous.
Le Président (M. Audet): C'est excellent.
M. Ippersiel: Dans un premier temps, je voudrais vous remercier,
M. le Président, de nous avoir donné la chance de
présenter notre point de vue dans ce contexte précis où le
ministère s'apprête à écrire une politique de
santé mentale à partir en particulier, et nous le souhaitons, des
orientations et de la philosophie du rapport déposé par le
comité Harnois. Notre rapport étant assez volumineux, Je me
contenterai d'en présenter assez brièvement les grandes lignes
pour laisser le plus de temps possible à la discussion et aux
échanges de vues.
D'abord, notre mémoire souligne certains aspects que nous
qualifions de très positifs dans le rapport. Je pointerai les
principaux. D'abord, faire de la personne le centre même de cette
organisation de services nous semble une orientation extrêmement
Intéressante. L'Idée d'une approche régionale
encadrée par le ministère nous semble également une
orientation à privilégier. La réalité des plans de
services, travailler avec l'environnement de la personne dans les services
à rendre, le plan de services comme outil de travail, la valorisation,
la reconnaissance des approches communautaires en santé mentale, autant
d'aspects qu'on retrouve dans le rapport du comité Harnois qui nous
semblent des dimensions Importantes, des dimensions très positives
à partir desquelles un projet de politique devrait s'écrire.
Toutefois, certaines questions sont objet de recommandations spécifiques
dans notre rapport. Comme nos recommandations sont, somme toute, assez peu
nombreuses, je me permettrai de les pointer une après l'autre.
La première recommandation de notre rapport est de souhaiter que
le gouvernement procède, avec toute la diligence nécessaire,
à l'élaboration complète de cette politique en s'inspirant
du cadre de référence donné par le rapport du
comité Harnois et qu'il prenne les décisions nécessaires
pour que cette politique soit mise en vigueur avec les moyens
appropriés. Nous déposons cette recommandation parce que,
fondamentalement, nous sommes d'accord avec le rapport du comité Hamois
tant au niveau des approches proposées qu'au niveau du modèle
suggéré par ce comité.
La deuxième recommandation: Que ta politique gouvernementale en
santé mentale prévoie, au niveau de l'organisation des services,
ta mise en place de services publics de première ligne et
définisse des mandats clairs en ce sens pour les établissements,
notamment pour les CLSC. Cette recommandation est très importante pour
nous parce que, si nous avons à souhaiter que le rapport puisse aller
plus loin notre recommandation va dans le sens de mieux définir les
mandats et, en particulier, ceux qu'on voudrait confier aux CLSC.
Notre troisième recommandation: Que le ministère identifie
les besoins de financement du réseau institutionnel en santé
mentale, notamment du réseau de première ligne à
consolider, et qu'il prenne les décisions en conséquence.
Deuxième section de cette troisième recommandation: Que le
ministère finalise la décentralisation des ressources
psycho-sociales des CSS aux CLSC pour la région de Montréal
puisqu'on sait que dans le cadre de partage la région de Montréal
n'avait pas complété cette opération.
Notre dernière recommandation: Que le ministère encadre la
démarche régionale de préparation du plan d'organisation
des services à son point de départ par une proposition de
politique qui Inclut la définition normative des responsabilités
des établissements et, à son terme, par l'approbation des plans
régionaux.
Nous croyons que, pour arriver à trouver dans l'ensemble du
Québec des services adaptés aux besoins, il est
nécessaire, tout en accordant toute la latitude souhaitée aux
régions, qu'on puisse quand même s'inspirer d'une vision commune
à l'ensemble du Québec.
Je me permets maintenant de souligner certains aspects qui nous semblent
pertinents au moment où on s'apprête à mettre en place des
services en santé mentale. Nous sommes maintenant un réseau de
CLSC complet au Québec, présent dans l'ensemble des villages et
des quartiers du Québec. Nous avons une expérience, une expertise
au niveau des services de première ligne à offrir aux
communautés et nous pensons que notre réseau peut être
avantageusement mis à contribution dans la mise en place de ces
services.
Nous soulignons également un aspect qui nous semble contenu dans
cette problématique ou dans le rapport. Peut-être que certains
grands principes sur l'universalité et sur l'accessibilité des
services de santé sont mis en question et nous pensons que le
ministère devra apporter des réponses à ces questions.
Qu'on pense à l'ensemble des services auxquels les citoyens peuvent
avoir accès et dont ils peuvent avoir besoin qui ne sont actuellement
pas couverts par la Régie de l'assurance-maladie du Québec;
qu'on- pense aux services qu'on peut avoir au plan des thérapies
familiales, au plan des psychothérapies, ces services qui ne sont pas
actuellement couverts par la Régie de l'assurance-maladie posent en
quelque sorte la question de l'universalité et de l'accessibilité
de l'ensemble des services pour la population.
Enfin, pour conclure un peu cette présentation, le rapport du
comité Harnois suggère ou propose qu'on revoie tout le rôle
des médecins omnipraticiens au plan de la santé mentale et la
question que nous nous posons est la suivante: Ne serait-il pas souhaitable que
les omnipraticiens soient Intégrés jusqu'à un certain
point, en tout cas, dans les équipes en CLSC, pour pouvoir offrir la
gamme d'expertise nécessaire dans l'ensemble de ces questions et qu'ils
travaillent avec l'ensemble des professionnels intervenant en santé pour
qu'on puisse pratiquer une véritable approche multidisciplinaire, en
particulier au chapitre de la santé mentale?
Un dernier point sur lequel je veux attirer votre attention: le
réseau des CLSC est assez d'accord sur l'importance qu'on accorde aux
organismes communautaires dans toute cette question de la santé mentale
parce que nous croyons qu'intervenir avec les ressources du milieu, Intervenir
proche du milieu, avec au centre toujours de l'intervention la personne, nous
croyons que cette approche est particulièrement à
privilégier.
Voilà, c'est la présentation que je voulais faire de notre
mémoire. Maintenant, nous serions disposés à
échanger avec vous.
Le Président (M. Audet): Merci. Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
la Fédération des CLSC du Québec pour son mémoire
sur le projet de politique en santé mentale.
Il y a une première question ou une première
réflexion que vous faites, en disant que le rapport ne définit
pas suffisamment, et je dirais même en fait ne définit pas du
tout, tes responsabilités de chacun des établissements ou
même de chacun des intervenants dans le rôle qu'ils auraient
à jouer dans l'application d'une politique en santé mentale.
Cette question a été soulevée par plusieurs autres
groupes qui vous ont précédés. La réponse que je
leur ai donnée, et je dois dire que je n'ai jamais demandé au
comité si c'était la réponse qu'il voudrait donner, c'est
que l'objectif du comité comme je le perçois, c'était de
créer cet esprit de partenariat, de créer cet esprit de
cohésion et de collaboration qui irait au-delà de ce qu'on
décrit à certains endroits comme de la rigidité, un peu
des querelles de chapelle ou des querelles de clocher, et de la même
façon en ce qui a trait au rôle respectif de chacun des
intervenants.
On l'a dit hier soir à quelques reprises, le rôle ou les
fonctions de chacun des intervenants, du moins des intervenants professionnels,
sont décrits par leur corporation et adoptés comme tels par
l'Office des professions du Québec. Il semble que ce ne sont pas
tellement les défini-
tions précises qui manquent que cette habilité ou cette
capacité de modifier des attitudes ou des comportements qui ferait que,
justement, le partenariat ne serait pas simplement un voeu pieux, mais quelque
chose qui pourrait se réaliser dans la vie de tous les jours et ceci, au
bénéfice des patients. (15 h 15)
C'est l'explication que J'y ai vue parce qu'ils auraient pu entrer dans
une longue controverse, à savoir Qu'est-ce que l'un fait? Où
commence l'un et où finit l'autre, où s'arrête l'autre et
part le suivant? Je pense que ce sont des débats qu'on a eus qui sont
souvent réfléchis dans les difficultés dont les
établissements ou les partenaires du réseau rendent compte dans
leur pratique quotidienne. Moi, c'est l'interprétation que j'en ai
faite. En tout cas, Je pense qu'on pourra peut-être aussi, dans
l'élaboration finale d'une politique, faire des efforts pour mieux
définir ces choses. Je ne pense pas que ce soient les définitions
qui manquent. C'est vraiment d'articuler tout ça ensemble.
Dans la première partie de votre mémoire, vous parlez du
rôle que les CLSC - Je pense que c'est aux pages 7 et 8 - jouent
déjà dans le domaine de la santé mentale, vous dites que
déjà plusieurs CLSC ont développé des approches en
santé mentale, évidemment, en première ligne.
Pourriez-vous me dire, à votre connaissance, quel est le pourcentage du
personnel des CLSC - j'imagine que ce n'est pas un gros pourcentage - pris
globalement qui a des actions dans le domaine de la santé mentale? Ou y
en a-t-il qui n'en ont pas du tout? Évidemment, tout le monde en a
toujours un peu; quand on rencontre un autre être humain dans une
relation de service, je pense que... Je veux dire une action plus
précise.
M. Ippersiel: Peut-être dans une première partie de
réponse, J'aimerais vous indiquer que, selon nos données
statistiques, avant de parler du personne comme tel, selon les informations
à partir de notre système de cueillette de données sur nos
clientèles, il y a déjà entre 15 % et 20 % des gens qui
viennent dans les CLSC et qui présentent des problèmes d'ordre
qu'on peut qualifier de santé mentale, que ce soient des situations de
détresse, des situations problématiques temporaires. Il y a donc
déjà entre 15 % et 20 % de notre clientèle qui
présente des problèmes concernant la santé mentale.
Quand on essaie de répondre à votre question du
côté du personnel, nous retrouvons dans plusieurs CLSC des
psychologues, des travailleurs sociaux, des infirmières et les
médecins qui, également, interviennent par rapport à des
problématiques en santé mentale.
Mme Lavoie-Roux: Je suis d'accord que vous avez ces
professionnels qui peuvent intervenir. Mais, souvent, que ce soient vos
travailleurs sociaux, vos infirmiers, infirmières ou d'autres, ils sont
occupés à d'autres tâches que celle de la santé
mentale. Mais constitués en équipes spécifiquement pour
cette fin, y a-t-il des CLSC qui ont des équipes?
M. Côté (Louis): Si vous voulez qu'on
développe, c'est sûr que, par rapport à votre question,
disons, si on prend le cadre de référence du rapport Harnois, de
toute façon, au niveau du champ de la santé mentale, il y avait
trois clientèles cibles qui étalent Identifiées parmi les
malades mentaux chroniques, les personnes qui présentent des troubles
mentaux et les personnes dont ta santé mentale est menacée parce
qu'elles vivent des situations de crise où des conditions de vie
menacent leur santé mentale.
Aussi, quant au type de services, face à chacune de ces
clientèles, cela peut varier d'un CLSC à l'autre. Si on prend des
exemples par rapport aux malades mentaux chroniques, il y a des CLSC, en
particulier dans la région de Montréal d'où je viens, qui
sont Impliqués d'une manière active actuellement dans des
programmes de soutien à la réinsertion sociale et de soutien
à la vie en milieu naturel de patients psychiatriques qu'on qualifie de
malades mentaux chroniques dans le projet de politique. Je prends l'exemple du
CLSC d'où je viens: Dans le domaine de la réinsertion sociale, ce
sont des équipes de deux ou trois personnes qui s'ajoutent aux
équipes de base dans le domaine des services médicaux et sociaux
courants ou des équipes psychosociales régulières des
CLSC. Si vous prenez Juste un exemple dans une région comme celle de
Montréal, si vous prenez 32 CLSC et que vous multipliez par 2 ou 3
personnes, on est rendu à des équipes sur l'ensemble de
l'île potentiellement de 60 ou 65 personnes. Si dans chacun des quartiers
on peut aider à maintenir en milieu naturel à domicile une
trentaine de personnes souffrant d'une maladie mentale chronique, c'est un
calcul qui monte assez vite. Vous arrivez à un potentiel d'à peu
près 1000 ou 1200 personnes avec un investissement relativement
limité parce qu'il s'ajoute des cas aux services de base que le CLSC
offre. Je ne veux pas aller plus loin.
Au sujet des clientèles qui présentent des
problèmes de santé mentale transitoires ou encore des crises ou
des problèmes de conditions de vie, encore là, un CLSC comme le
nôtre va avoir une équipe constituée d'à peu
près cinq ou six intervenants qui vont offrir des services sociaux
courants a la clientèle adulte. Donc, spécifiquement, ce seront
des services sociaux ou psychosociaux courants à des gens des
clientèles B ou C, ce qui est à peu près
l'équivalent en quantité dans un CLSC comme le nôtre d'une
équipe de secteur de clinique externe. Cela peut varier beaucoup d'un
CLSC à l'autre, mais dans l'ensemble du Québec, Je dirais que la
plupart des CLSC ont des équipes multidisciplinaires qui vont rejoindre
des adultes ayant des problèmes
de santé mentale. Le degré d'Intervention va varier si on
se compare à d'autres types d'intervenants dans le domaine de la
santé mentale; c'est évident que le gros de la clientèle
va être surtout des personnes dont la santé mentale est
menacée à cause de problèmes situationnels, de
problèmes familiaux, de crises situationnelles. On Intervient donc
à ce moment-là comme un premier niveau de services. On va
intervenir aussi face à des personnes qui présentent des troubles
mentaux transitoires, des problèmes de névrose et tout cela,
parce que certains CLSC, c'est plus réduit, vont avoir des services de
psychothérapie, par exemple, et il y a déjà un certain
nombre de CLSC qui offrent cette gamme de services.
Presque tous les CLSC, sauf ceux de la région de Montréal,
offrent des services sociaux courants à l'ensemble de ces trois
clientèles.
M. Charlebois (Maurice): Pour compléter, ce qu'on observe,
c'est qu'à peu près 20 % de la clientèle qui se
présente en CLSC serait affectée par des problèmes de
santé mentale, mais 35 CLSC plus précisément auraient des
programmes ou des activités structurées en santé mentale.
Je pense qu'il y a une différence à faire entre les deux. Pour la
santé mentale, il s'agit de programmes qui sont en train de se
développer, il y a plusieurs CLSC qui ont reçu des mandats ou qui
participent à des opérations régionales. Donc, programmes
spécifiques, environ 35, mais de façon globale, à travers
les services courants des CLSC ou même à travers des programmes
comme le maintien à domicile, on constate qu'il y a environ 20 % de la
clientèle actuelle des CLSC qui est une clientèle qui a des
problèmes de santé mentale.
M. Ippersiel: Pour compléter également dans le sens
de votre question, Mme la ministre, si on prend la région de
l'Outaouais, la région 07 où un programme un peu pilote en
santé mentale est en place, dans l'ensemble des CLSC, vous trouvez une
équipe de base qui est constituée en général d'une
infirmière psychiatrique, d'un psychologue, d'un travailleur social et
d'un médecin. Dans les neuf CLSC de l'Outaouais. vous allez trouver
cette équipe de base qui est l'équipe de base en intervention en
santé mentale.
Mme Lavoie-Roux: Pourquoi Je vous posais la question, c'est que
vous-mêmes, vous dites: On est équipé jusqu'à un
certain point pour répondre aux services de première ligne, pour
faire la prévention, et d'autres sont venus nous dire aussi: Le CLSC
devrait être la porte d'entrée. C'est bien beau de dire que le
CLSC est la porte d'entrée, mais cela se traduit à combien de
personnes en termes de personnel? C'est dans ce sens que je vous le demandais.
Là, c'est plus clair, vous en avez 35 sur 150, grosso modo, et sans
aucun doute que les autres répondent à ce type de besoins dans
les services psychosociaux courants. Ceux qui disent vraiment qu'ils ont un
mandat précis qui est aussi important, peut-être pas en nombre,
que les services à domicile ou la périnatalité, c'est
à peu près le quart, même pas.
M. Charlebois: La proposition que nous faisons par notre
mémoire, c'est justement que la politique prévoie l'extension, si
vous voulez, à l'ensemble du réseau de telles équipes pour
qu'il existe partout des équipes Intégrées au CLSC qui
puissent assumer de véritables services de première ligne en
santé mentale.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous croyez, par exemple... Je ne
parle pas des régions rurales où les territoires sont très
grands, parce que cela fait bien du monde, cela aussi. Vous dites: Quatre
personnes, en partant. Vous multipliez cela par une centaine d'autres. C'est
400 personnes, seulement pour le personnel des CLSC. Est-ce que vous croyez
que, dans les milieux urbains - je ne pense pas juste à Montréal
et à Québec, quoique les autres aient seulement un CLSC, par
exemple, Sherbrooke en a deux - dans des endroits où il y en a qui sont
assez rapprochés les uns des autres, il pourrait y avoir un CLSC qui
puisse prendre cette responsabilité, plutôt que de mettre ce
même type de ressources dans chacun des CLSC du Québec? On veut
mettre des ressources là, mais il y a aussi des ressources à
mettre dans les mesures d'hébergement, enfin, dans toutes les autres
mesures d'accompagnement requises pour les malades mentaux.
M. Charlebois: Dans les milieux urbains, on vient tout juste de
parachever le réseau.
Mme Lavoie-Roux: On n'était pas riche.
M. Charlebois: Et je pense qu'on a déjà
procédé à une opération de regroupement.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Charlebois: Les territoires en milieu urbain ne sont pas
nécessairement grands, mais Ils rejoignent quand même, maintenant,
une quantité de personnes assez ' impressionnante. C'est pourquoi je
pense qu'il faudrait regarder cela de très près avant de conclure
qu'en milieu urbain on pourrait avoir une équipe par territoire de DSC,
par exemple, ou même élargir cela encore. Il s'agit vraiment de
CLSC qui desservent entre 100 000, 120 000, 130 000 personnes, à
certains endroits.
Mme Lavoie-Roux: Mais cela pourrait être
examiné.
M. Charlebois: Cela pourrait être examiné. Mais,
quant à moi, j'aurais des réserves, compte tenu du fait que des
regroupements ont déjà été
faits tout récemment, un redécoupage dans l'ensemble des
territoires urbains.
Le Président (M. Audet): Excusez-moi, messieurs. Pour les
fins du Journal des débats, étant donné que vous
êtes plusieurs à répondre aux questions de Mme la ministre,
est-il possible de vous Identifier lorsque vous répondez, s'il vous
plaît?
M. Côté (Louis): J'aimerais peut-être
compléter Par rapport au milieu urbain...
Le Président (M. Audet}: C'est M. Côté?
M. Côté (Louis): Louis Côté, je
m'excuse. Il y a différents modèles qui ont été
étudiés en régions urbaines - Je prends l'exemple de la
région de Montréal - par le conseil régional quant au
développement de programmes et d'équipes de santé mentale
dans les CLSC de la région. Si vous regardez la revue de programmes du
conseil régional de Montréal depuis les trois dernières
années, vous constaterez que, dans ces années, le conseil
régional avait Identifié cela comme étant une
priorité d'à peu près deuxième ou troisième
niveau, parmi l'ensemble des priorités de développement des
services en santé mentale dans ta région de Montréal. Le
budget estimé pour compléter ce qui est déjà en
implantation dans la région de Montréal se situe aux alentours de
4 000 000 $, si on regarde l'ensemble des CLSC de ta région de
Montréal, pour un budget moyen d'à peu près 140 000 $ par
CLSC.
Si on examine cela, l'investissement est relativement faible
étant donné qu'il y a déjà un investissement de
fait dans l'infrastructure et dans les services sociaux et psychosociaux
courants. On ne part pas, dans un CLSC en milieu urbain, tabula rasa pour ce
qui est des ressources du CLSC. Aussi, la chance en milieux urbains comme
Québec et Montréal, c'est que plusieurs CLSC sont en phase
d'implantation actuellement. Donc, leurs priorités et leurs engagements
de ressources ne sont pas encore complètement concrétisés.
En ce moment, si on veut privilégier une direction, cela pourrait
être le bon moment de le faire dans ce sens plutôt que... Cela peut
être une façon d'orienter les priorités des CLSC vers un
service à une clientèle relativement prioritaire dans une
région urbaine comme Montréal, disons, puisque, de toute
façon, II y a un certain investissement qui est fait pour le
parachèvement de ce réseau dans la région de
Montréal. Par exemple, il y avait la moitié des CLSC qui
n'étaient pas dotés... Comme ce sont de nouveaux CLSC comme tels,
l'investissement est relativement minime, à ce moment-là.
Dans le mémoire du conseil régional de la région de
Montréal, on recommande aussi de poursuivre cet objectif de doter les
CLSC de la région de Montréal d'équipes de base en
santé mentale, avec deux volets qui sont un peu les mêmes que ceux
recommandés dans le rapport Brunet: soutien à la
réinsertion sociale et intervention de première ligne. Par
exemple, l'hôpital Douglas, dans la région de Montréal, qui
vient de faire une opération de planification stratégique,
recommande lui-même à moyen terme de se retirer des services de
première ligne en santé mentale dans sa zone de desserte à
condition que les CLSC qui s'implantent dans la zone de Verdun
développent eux-mêmes des services de première ligne en
santé mentale, la raison étant que les équipes externes
spécialisées des hôpitaux offrent présentement des
services de première ligne au niveau psychosocial. (15 h 30)
L'étude de Mme Brunet, rattachée à l'hôpital
Douglas, démontrait que 60 % des clientèles d'une clinique
externe dans l'ouest de la ville étaient des gens qui
présentaient des problèmes sociaux courants et qui s'adressaient
à la clinique externe puisque c'était un environnement où
il n'y avait pas dans les CLSC de services de première ligne en
santé mentale. À ce moment-là, cela peut être une
façon de mieux utiliser des ressources ultraspécialisées
qui ont été formées, qu'on continue à perfectionner
et dont les équipes multidisciplinaires ont besoin d'un environnement
plus spécialisé, par exemple, des psychothérapeutes,
psychiatres, etc. II y a un gain relativement important en milieu urbain,
d'après nous, à développer un service de première
ligne. D'autre part, les CLSC en milieu urbain pourraient ne pas s'occuper de
cette clientèle, mais cela créerait un problème,
d'après nous, à savoir Est-ce qu'on va les rejeter aussi? Un CLSC
est un organisme communautaire qui est ouvert dans chacun des quartiers d'un
milieu urbain. Est-ce qu'il doit accueillir, aider et desservir toutes les
personnes qui s'y adressent. y compris les personnes qui présentent des
problèmes de santé mentale? Le virage qui peut être pris
peut être important, à savoir si les CLSC vont, de fait, continuer
à s'impliquer dans la réponse aux familles et aux personnes qui
présentent des problèmes de santé mentale. C'est
peut-être une façon d'encourager, de favoriser ce type de
programme ou de priorité plutôt que d'autres.
Mme Lavoie-Roux: À partir de l'expérience que vous
avez acquise dans le domaine de ta santé mentale, même si cela n'a
pas toujours été d'une façon spécifique, quels
sont, d'après vous, les mesures concrètes les plus importantes ou
prioritaires qui devraient être mises en place ou les gestes qui
devraient être posés dans le domaine de la prévention,
évidemment en santé mentale?
M. Côté (Louis): Vous parlez du domaine de la
prévention...
Mme Lavoie-Roux: Out.
M, Côté (Louis): ...en santé mentale et non
pas dans le domaine de l'intervention auprès de personnes
déjà en difficulté. Est-ce bien cela? Dans le domaine de
la prévention comme tel...
Mme Lavoie-Roux: Parce que vous travaillez aussi dans le domaine
de la prévention.
M. Côté (Louis): Oui, oui. Est-ce que je peux
commencer à répondre?
M. Ippersiel: Pierre Ipperslel.
Le Président (M. Audet): M. Ippersiel.
M. Ippersiel: Le domaine dans lequel on a marqué des
points, où on a acquis de l'expérience, c'est le domaine
communautaire, tous les réseaux d'entraide qu'on a
développés dans le cadre de nos programmes actuels. On a des
réseaux d'entraide en puériculture. On a des réseaux
d'entraide en maintien à domicile. Dans l'ensemble de nos programmes, on
a créé des ressources communautaires. On a
développé les réseaux naturels, les réseaux
d'entraide. Je pense que l'utilisation de cette richesse, de ce réseau,
est un premier endroit où peut se pratiquer une prévention qui
risque d'être centrée sur des problèmes réels. Donc,
une prévention très incarnée parce que j'ai l'Impression
qu'une prévention dirigée sur des groupes précis avec
lesquels on travaille, des groupes d'entraide, des groupes communautaires,
c'est peut-être un premier niveau dans lequel il faudrait investir en
termes de prévention. Je ne dis pas que c'est le seul, mais je pense que
c'est un des niveaux dans lequel on devrait faire quelque chose.
Mme Lavoie-Roux: Vous dites que vous travaillez beaucoup, et je
le sais, avec les groupes communautaires. Souvent, même, vous êtes
tes initiateurs ou le soutien du développement de ces groupes
communautaires. Je voudrais vous référer à la page 32 de
votre mémoire où vous dites que vous vous interrogez sur
l'opportunité de créer un nouveau réseau public
d'établissements en reliant votre affirmation à la recommandation
15 du rapport, la recommandation qui est faite de réviser la Loi sur les
services de santé et les services sociaux afin de reconnaître la
légitimité de l'action des ressources communautaires
exerçant les fonctions supplétives ou expérimentales dans
la dispensation de services en santé mentale.
Comment voyez-vous que reconnaître la légitimité de
ces organismes communautaires équivaut au développement d'un
autre réseau public d'établissements?
M. Charlebois: Enfin, je pense que cette réflexion ou
cette réaction est venue chez nous à la lumière de
l'économie générale du rapport Hamois où aucun
rôle n'est précisé pour aucun organisme, que ce soient des
organismes du réseau ou des organismes communautaires. Les
réflexions qu'on s'est faites sont que la mise à contribution des
organismes communautaires existe, elle est sollicitée et
encouragée dans d'autres champs d'intervention et plus
particulièrement dans le domaine du maintien à domicile. Dans
tout ce domaine il y a une contribution importante de différents
organismes communautaires et on n'a pas senti le besoin de procéder par
réglementation, par modifications réglementaires pour qu'il y ait
une reconnaissance de tels organismes.
Il s'est agi simplement de balises Inscrites dans la politique de
maintien à domicile et d'orientation de la politique de subventions du
ministère qui a permis quand même de tracer certains
créneaux pour différents organismes communautaires. Je pense que
le fonctionnement est très heureux et ces différents organismes
sont mis à contribution de façon importante.
C'est un peu et beaucoup parce que le rapport du comité Harnois
ne précise pas de mandat que la question nous est venue de savoir si, au
niveau du développement des services, puisque le rapport Harnois
distingue entre deux types d'organismes communautaires, certains qui sont des
organismes de promotion, de défense de droits et d'autres qui sont des
organismes de soutien, on privilégiait ou si on encourageait, de ce
fait, la mise en place d'un nouveau réseau de services qui serait un
réseau hors réseau.
Je pense que c'est vraiment à la lumière de
l'économie générale du rapport Harnois que ces
commentaires nous viennent. Ce qu'on propose essentiellement dans notre
mémoire au fond, c'est que le ministère adopte une politique qui
s'Inspire de ces orientations et de ces approches, mais aussi d'autres
politiques adoptées comme celle du maintien à domicile, laquelle,
d'ailleurs, repose sur des approches similaires, maintien dans le milieu,
encourager l'entraide, le partenariat aussi. Il y a une place pour à peu
près tous les organismes et tes mandats sont précisés dans
cette politique.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Il me reste quelques minutes
et je vais les offrir à mes collègues de l'Opposition, mais,
s'ils n'ont pas de question, je reviendrai ensuite. Merci.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Laviotette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Merci pour votre
rapport, pour les recommandations que vous y faites et pour l'expertise que
vous nous y apportez. Je suis d'accord avec vous quand vous dites que le
rapport Harnois ne donne d'aucune façon de rôle à qui que
ce soit, que ce soit aux institutions ou aux individus intervenant dans le
système. Donc, sur ce point, cependant, on a à plusieurs
occasions entendu des gens dire: Dans certains cas, les CLSC devraient
être la porte d'entrée. Dans d'autres
cas, le CRSSS de la région de l'Outaouais disait: II y a
différentes possibilités qui s'exercent dans notre région:
groupes communautaires, groupes alternatifs, CLSC, CSS et autres. D'un autre
côté, des groupes représentant des groupes alternatifs sont
venus ce matin nous dire: Nous recevons, de la part des parents et de contacts
que nous avons de bouche à oreille et même par
l'intermédiaire des centres Institutionnels, des gens qui nous sont
référés.
Cette question a été posée aussi en même
temps; vu que le rapport ne donne pas de rôle à chacun, pour ne
pas l'Imposer d'en haut, on a demandé à ceux d'en bas comment ils
se voyaient dans le système. J'aurais le goût de vous poser la
question suivante: Les CLSC dans tout le Québec, eu égard au
mandat que vous avez et même eu égard à d'autres parties
où on parle de prévention qui pourrait être analysée
par d'autres comme étant le travail, la prérogative des
départements de santé communautaire beaucoup plus que la
vôtre, les études épidémiologiques ou l'ensemble des
besoins dans le milieu, vous étant là comme des intervenants
donnant des services à des individus ou à des groupes
communautaires, à des personnes, à des secteurs de la population,
j'aimerais savoir comment vous vous situez puisqu'on ne vous a pas
situés dans le système à venir.
M, Ippersiel: Pierre ippersiel. Quant à la question que
vous posez, une partie de notre mémoire vise à dire que le
phénomène de la santé mentale, c'est une chose dans
laquelle nous Intervenons déjà dans le cadre de nos programmes.
Nous jouons déjà des rôles importants à ce niveau,
que ce soit au niveau de nos programmes de promotion ou de nos programmes
d'intervention. Une partie Importante de notre clientèle présente
des problèmes en santé mentale et les approches que nous avons
toujours tenté de développer, c'est-à-dire des approches
locales, proches des communautés, de maintenir les gens dans leur milieu
naturel, d'utiliser le réseau immédiat de la personne, sont
autant de valeurs qu'on a toujours tenté d'actualiser et, dans notre
pratique, c'est le modèle qu'on essaie de développer.
Alors, on dit: En santé mentale, on pense qu'on est
déjà très Impliqué. On pense que, pour continuer
à jouer notre rôle, il faudrait peut-être avoir des mandats
que la politique pourrait donner et ajouter des ressources. Qu'on pense
à l'intervention en situation de crise, on a fait allusion à
plusieurs reprises à l'expérience de la région 07 de
l'Outaouais, ce mandat d'intervention en situation de crise, ce sont les CLSC
qui l'ont reçu et qui sont en train de l'actualiser. Il s'inscrit comme
dans le prolongement d'une action qu'on faisait déjà, par les
consultations psychosociales, par les programmes. On pense que ce mandat
pourrait être étendu à l'ensemble des CLSC et que cette
intervention pourrait être faite par les CLSC.
Donc, quand on parle de mandat, on fait allusion à une pratique
qui est déjà la nôtre et on croit qu'elle doit se
développer dans la ligne de la vision du rapport du comité
Harnois qui Insiste toujours pour que la personne soit au centre de l'action,
soit au centre des programmes et que l'action soit proche d'elle, proche de son
milieu.
M. Jolivet: J'ai compris que vous dites dans votre document que
vous proposez un modèle de services. Ce que vous dites au départ,
c'est que le comité a évité de faire l'analyse du
réseau institutionnel et préconise par le fait même un
nouveau modèle de services.
Vous dites: Ce que nous proposons, c'est que ce modèle de
services soit un modèle qui ressemble en tous points à ce' que
donnent actuellement dans leurs interventions les centres locaux de services
communautaires. C'est ce que j'ai bien compris de ce que vous nous dites.
Et vous dites à ce moment: Dans ce contexte, nous devrions - si
je ne comprends pas comme il faut, vous me le dites être, je ne dirais
pas la seule porte d'entrée parce qu'il y a beaucoup de gens qui
pourraient dire qu'ils sont aussi une porte d'entrée et une place
où les gens vont de façon première s'Identifier parce
qu'ils ont entendu dire par les proches, par des services à
l'Intérieur des institutions qu'il y a tel ou tel service qui se donne
à telle ou telle place, que ce soit un groupe communautaire, un groupe
alternatif, une maison de femmes ou d'autres ailleurs; on a plusieurs
possibilités. C'est dans ce sens que je voudrais savoir si vous ne vous
voyez pas comme étant le seul et de quelle façon vous voyez les
relations avec les autres maintenant si vous n'êtes pas le seul.
Mme Lalonde (Carole): En fait, je pense que ce qu'on dit, c'est
que le CLSC...
Le Président (M. Audet): Madame, si vous voulez vous
Identifier, s'il vous plaît.
Mme Lalonde: Mme Carde Lalonde. Le Président (M.
Audet): Merci.
Mme Lalonde: Ce qu'on dit essentiellement, c'est que les CLSC
représentent déjà une infrastructure Intéressante
puisqu'ils fournissent sur une base locate des services sociaux et
médicaux courants, donc, des services sociaux et médicaux
intégrés et qu'à cela peut se greffer un programme
spécifique de santé mentale de première ligne qui pourrait
jouer un rôle tant pour la prévention que pour le dépistage
que pour le traitement de court terme, qui pourrait prendre des formes
variées puisque déjà dans les quelque 30 CLSC
Identifiés comme ayant des programmes structurés de santé
mentale on sait qu'il y en a qui ont des équipes
psychogériatriques à domicile, d'autres ont un programme de suivi
de crise
dans le milieu, d'autres ont des programmes plus axés sur la
prévention, par exemple, auprès des enfants avec des liens avec
la pédopsychiatrie.
Il y a donc une Infrastructure dans chacun des milieux partout au
Québec de services à partir desquels peut se greffer un programme
spécifique relatif à la santé mentale.
M. Jolivet: Oui?
M. Côté (Louis): Je compléterai aussi
là-dessus. Ce sont des choses qui ont été débattues
lors du dernier congrès de la Fédération des CLSC. Mon nom
est Louis Côté. On oublie toujours de se nommer. Je m'excuse.
Évidemment, l'ensemble des CLSC a pris une position où on
a exprimé qu'on était en accord avec les recommandations
là-dessus qui sont quand même relativement claires quand on parle
de balises générales qui sont celles du rapport Brunet,
finalement. Le rapport Brunet était relativement précis quant
à ce qu'on demandait aux CLSC de jouer comme rôle dans le domaine
de la santé mentale, soit vis-à-vis des clientèles cibles
ainsi que sur le type de services à dispenser. Je pense que la position
des CLSC là-dessus est raisonnablement en accord, en termes de balises
générales, avec ce que recommande spécifiquement le
rapport Brunet dans ce domaine, donc, un service de première ligne en
santé mentale qui viserait à aider les personnes et les familles
qui vivent des difficultés psychiques ou émotives qui
nécessitent de l'aide pour maintenir ou rétablir un
équilibre fonctionnel, donc, une intervention à ce moment
d'accueil, évaluation, référence, psychothérapie
à court terme, des services médicaux et sociaux courants à
cette clientèle. C'est un prolongement des services sociaux et
médicaux courants. L'appui aussi au réseau d'entraide naturel par
le biais de nos services communautaires. C'est une chose qui pourrait
être généralisée dans l'ensemble des CLSC. Il y a
aussi l'Intervention au niveau de l'appui au retour et au maintien dans la
communauté de personnes ayant des problèmes de santé
mentale. Encore là, cela peut être modulé
différemment d'une région à l'autre. Même dans une
région en particulier, comme la région de Montréal, il
peut y avoir une différence entre un CLSC et un autre quant aux
modalités d'intervention. (15 h 45)
Je vais vous donner un exemple. Dans un quartier de Montréal, il
y a un CLSC qui opère un centre de jour parce que c'est particulier
à ce milieu. Il y avait un besoin et c'était l'organisme qui
avait l'infrastructure physique et la capacité de commencer à
donner ce type de service de développement en milieu de jour. Il y a un
CLSC qui opère un centre de crise actuellement dans la région de
Montréal. Il y a des CLSC qui offrent des services d'appui à
domicile au point de vue des soins infirmiers et des auxiliaires familiales
à des personnes ayant des problèmes de santé mentale.
Mais, d'une façon générale, c'était une des
recommandations du rapport Brunet, on souhaitait que les CLSC s'Impliquent dans
l'appui à la communauté aux personnes ayant des problèmes
de santé mentale. Là-dedans, notre relation avec les autres
Intervenants; on sait, par exemple, que les CSS actuellement ont un mandat de
développer toute une gamme de ressources Intermédiaires, disons.
Certains centres hospitaliers aussi développent des ressources
intermédiaires dans la communauté, des appartements
supervisés, des foyers de groupes, ce type de ressources. On peut
collaborer avec ce type de ressources qui sont développées par
d'autres intervenants du réseau en offrant des services
complémentaires à ces personnes qui vivent dans des appartements
dans les quartiers où les CLSC sont.
On peut donner de l'appui aux familles de ces personnes, aux amis de ces
personnes. On peut collaborer avec des organismes communautaires selon les
besoins des organismes communautaires aussi parce que ça varie d'un
milieu à l'autre. Certains organismes communautaires vont nous demander
de l'aide, par exemple, au niveau de l'expertise en santé, de nos
médecins, de nos infirmières parce que ce sont des types de
ressources que n'ont pas les ressources communautaires. Pour tel autre type de
ressource communautaire, on va nous demander de l'aide plus au niveau de
l'organisation, aider à la demande de subventions, aider à la
structuration de l'organisme. Dans d'autres cas, ça va être des
projets ponctuels qu'on va faire en collaboration avec les organismes
communautaires.
Là-dessus, je pense que la fédération est d'accord
avec l'Idée de régionaliser le plus possible l'organisation des
services parce que c'est la meilleure manière de coller à la
réalité du Québec au potentiel de chaque région,
mais cela n'empêche pas qu'on peut avoir des lignes
générales, disons, qui permettent aux gens aussi de s'identifier
et d'identifier leurs CLSC comme une ressource qui offre des services clairs et
simplement reconnaissables partout. On sait qu'on ne sera jamais la seule porte
d'entrée. Il n'y a aucun endroit qui va être la seule porte
d'entrée d'aucun type de services. Les gens peuvent aller à
l'urgence, s'adresser aux policiers, à l'école, à leurs
parents, etc. Mais c'est important qu'on soit une porte d'entrée
étant donné qu'on offre quand même des services de base
à l'ensemble du territoire et on peut être une des bonnes portes
d'entrée pour ce type de service, on croit.
M. Jolivet: Vous dites à la page 11. justement, que,
malgré la multiplication des portes d'entrée, le centre
hospitalier demeure encore actuellement le lieu où se dirigent
normalement les personnes qui ont de ces troubles mentaux. Dans la suite
logique de votre expertise, puisque vous parlez de 35 centres sur le
réseau actuel qui commencent à donner des services et d'autres
que vous voudriez voir étendre au Québec dans
l'ensemble du réseau, votre opinion de ce que vous connaissez
actuellement sur le fait justement qu'on a peut-être
médicalisé cette maladie... Deuxièmement, quels sont les
suivis qui peuvent être donnés à des personnes qui sont
dans des groupes qu'on disait communautaires ou alternatifs et qui sont des
ex-psychiatrisés, qu'on désinstitutionnalise et qu'on renvoie
dans le paysage, comme on dit, sans aucune ressource leur permettant
d'affronter leur nouvelle vie?
M. Ippersiel: Sur le premier volet de votre question, la
référence à la médicalisation, je pense que ce qui
est riche dans notre expérience, si on peut s'exprimer ainsi, c'est
d'avoir à l'intérieur de nos équipes l'ensemble des
professionnels capables d'intervenir par rapport à une même
clientèle. Plutôt que de parler en théorie, je pense qu'on
est mieux de partir d'exemples concrets. Si je me réfère aux CLSC
chez mol ou aux CLSC que je connais le plus, les références se
font des médecins aux travailleurs sociaux, aux psychologues, parce que
ces professionnels travaillent dans le même établissement et sont
souvent en face d'un même client et cette circulation d'expertise, cette
référence existe et on pense que c'est une approche
intéressante. Quand on parlait au début d'un danger de
médicalisation, on ne voulait pas du tout dire qu'il faut écarter
le côté médical de cette question, pas du tout Au
contraire, il a une place, il a un rôle à jouer, mais on a
toujours insisté sur la nécessité qu'il y avait à
aborder ces questions dans un contexte de multidiciplinarité. On pense
que c'est important et que cela peut se faire dans un réseau
d'établissements où on retrouve des professionnels de
différentes formations capables de travailler avec les mêmes
bénéficiaires. C'est une dimension qui nous parait
extrêmement importante et encore plus dans un contexte de santé
mentale, la nécessité que les professionnels de la santé
travaillent ensemble.
M. Charlebois: Et ce type d'organisation de services est
présent dans le rapport Harnois. C'est ce qui nous amène à
dire dans notre . mémoire et dans les représentations qu'on fait
aujourd'hui qu'on est d'accord avec les orientations, avec les approches, parce
que c'est un peu tout cela que décrit le rapport Harnois. Il
décrit également la nécessité de mettre en place un
peu partout au Québec sur une base locale des réponses,
justement, sous la forme d'équipes multidisciplinaires. La
présence d'une équipe à l'intérieur de laquelle
vont oeuvrer des médecins est peut-être un des facteurs qui peut
restreindre une trop grande médicalisation des phénomènes
ou des problèmes de santé mentale.
M. Jolivet: Est-ce que cela va jusqu'à dire que vous
souhaiteriez voir un psychiatre par CLSC?
M. Charlebois: Oui, bien sûr. On a déjà fait
des représentations à cette commission il y a deux ans maintenant
et bien sûr que l'aide-conseil ou le support-conseil de ce type de
profession peut être nécessaire. Cela ne veut pas dire qu'il doit
y avoir dans chacun des CLSC l'embauche d'un psychiatre, mais il y a des CLSC
à l'heure actuelle qui travaillent en collaboration avec des
psychiatres.
M. Jolivet: Je sais que ma collègue, la
députée de Johnson, voudrait poser une question, M. le
Président, à moins qu'il n'y ait alternance. Non?
Mme Lavoie-Roux: On reviendra, il reste quelques minutes.
Le Président (M. Audet): Mme la députée de
Johnson.
Mme Juneau: Je vous remercie, M. le Président. La question
que mon collègue posait à savoir si vous souhaiteriez un
psychiatre par CLSC, je sais qu'il existe dans les CLS, en tout cas dans notre
région, un territoire bien organisé, telle municipalité
appartient à tel territoire. Je me pose la question, à savoir:
Si, éventuellement, il n'y a pas les services comme vous le souhaiteriez
dans tous les CLSC, comment allons-nous être en mesure de diriger nos
gens vers un CLSC différent de celui dont le territoire est bien
défini, comment allons-nous être en mesure de faire que les gens
reçoivent les soins nécessaires dans un autre territoire quand
vous comprendrez que les CLSC n'acceptent pas que des gens de tel territoire
reçoivent des soins dispensés par un autre? En tout cas, cela ne
se fait pas chez nous. Je ne sais pas si cela se fait ailleurs, mais pas chez
nous.
M. Charlebois: Cela dépend pour quel type de services.
Pour les services généraux, les CLSC sont tenus comme tous les
autres établissements de recevoir les personnes qui s'y
présentent.
Mme Juneau: Même s'ils ne sort pas de leur territoire?
M. Charlebois: Pour les services généraux. Il y a
cependant des CLSC qui font du contingentement dans des programmes,
forcément les programmes de maintien à domicile, de
périnatalité, etc. Il y a un certain contingentement qui est
rendu nécessaire par les moyens limités dont les CLSC disposent.
Mais tout citoyen qui se présente à la porte d'un CLSC doit
normalement recevoir le service courant. Cela ne veut pas dire qu'il va
nécessairement avoir une inscription dans le programme de
périnatalité; je distingue bien entre tes deux types
d'activité.
Mme Juneau: Dans la réalité, celé ne se fait
pas. Vous comprendrez que...
M. Charlebois: Ah! On vérifiera.
Mme Juneau: C'est pour cela que je me posais la question si,
éventuellement... Je vois la ministre sourire, je pense qu'elle est au
courant de la situation vécue. Je me dis: Si un CLSC ne peut offrir
cela, tel qu'on le souhaiterait ou tel que vous venez de l'énoncer,
comment fera-t-on pour que tes gens qui en ont réellement besoin
puissent être transférés d'un CLSC à l'autre pour
recevoir le service attendu? Avez-vous une suggestion?
M. Charlebois: Comment transférer ta population?
Mme Juneau: Comment va-t-on être en mesure - la
flexibilité, finalement - d'offrir les services à la personne qui
ne correspond pas au territoire donné?
M. Ipperstel: Peut-être qu'un des éléments de
solution à ce problème serait le plan régional, qu'un
ensemble de services soit pensé pour une région donnée
avec des responsabilités bien claires pour tout le monde. Je pense qu'on
pourrait éviter le problème auquel vous faites
référence. Donc, une approche régionale à
l'organisation de services, cela me semblerait un pas dans la bonne
direction.
M. Côté (Louis): C'est un problème qui se
présente pour d'autres types de services dans le réseau. Par
exemple, la sectorisation des services de santé mentale dans une
région comme Montréal qui couvre les hôpitaux. Les
hôpitaux psychiatriques dans la région de Montréal ont des
secteurs appropriés qui leur sont attribués, disons, et ce
problème se pose, une personne a besoin de service X, l'hôpital Y
est débordé, ta personne n'est pas dans son secteur, cela se
règle par ajustement, par discussion. La loi prévoit que les gens
ont accès au service selon leurs besoins, qu'un établissement ne
doit pas les refuser, sauf qu'il y a la question des ressources disponibles.
Évidemment, les établissements sont confrontés à ce
problème. Habituellement, quand il y a un problème de
pénurie de ressources, la solution, c'est de trouver des
mécanismes régionaux qui permettent d'arbitrer les
différends. Dans la région de Montréal, sur le plan des
problèmes d'opérationalisation de la sectorisation des
hôpitaux psychiatriques, la région essaiera de mettre sur pied un
mécanisme qui permettra de régler les problèmes litigieux.
Par exemple, une personne s'adresse à un hôpital X et ne peut
obtenir les services, elle pourrait être desservie par l'hôpital Y
qui n'est pas l'hôpital de son secteur, disons.
Actuellement, dans plusieurs services - je regarde dans le CLSC chez
nous - on a beaucoup d'usagers des services généraux qui ne sont
pas des gens résidant dans notre quartier, mais qui sont des gens
travaillant dans le quartier ou transitant dans le quartier. Le
problème, c'est quand les demandes sont faites dans les programmes
superachalandés pour lesquels les ressources sont très
restreintes. Par exemple, pour le maintien à domicile, actuellement,
c'est évident que les CLSC desservent les gens de leur secteur, ils ont
même de la difficulté à desservir les gens de leur secteur.
On est amené à avoir des priorités qui sont difficiles
à établir. Cela, c'est un problème partout dans le
réseau, les ressources ne sont pas illimitées, il faut trouver
des solutions ad hoc à ce type de problème. Il n'y a pas de
solution parfaite, un établissement qui manque de ressources pour
desservir sa clientèle cible aura toujours de la difficulté
à prendre des clients de plus, à desservir des gens de plus,
alors qu'il a déjà de ta difficulté à le faire.
Cela collabore toujours mieux quand on est en surplus de ressources.
Mme Juneau: Est-ce que cela arrive?
M. Côté (Louis): Que les gens soient en surplus de
ressources? C'est plutôt rare, mais II y a des programmes, quand
même... Par exemple, la périnatalité, c'est quand
même un programme qui subit moins de pression que le maintien à
domicile. Là-dessus, il y a plus de facilité d'accès.
M. Jolivet: Justement, pour ajouter à ce que ma
collègue dit, je poserai la question suivante: Sur les 35 qui ont mis en
place un programme, est-ce qu'il y a eu des transferts de budgets de telle
sorte que d'autres services ont été abandonnés?
Mme Lalonde: La plupart des 35 CLSC qui ont un programme
structuré en santé mentale ont pu profiter de certaines sommes,
soit dans le cadre du plan de désengorgement des urgences, par exemple,
dans les régions de Montréal, Québec ou
Trois-Rivières ou dans le cadre du plan de
désinstitutionnalisation de l'hôpital Louis-H.-Lafontaine. Donc,
il y a quand même eu des sommes dans le cadre de certains budgets
définis au niveau régional, il y a eu des enveloppes
consacrées aux CLSC, soit par transfert de mandat ou par des choix qui
ont été effectués sur une base régionale.
M. Jolivet: Cela a été fait par te CRSSS.
Mme Lalonde: C'est sûr que cela a pris des sous nouveaux
pour que les CLSC puissent intervenir, et cela s'est fait relativement en
concertation, du moins pour les expériences...
M. Jolivet: Ce qui fait que, peut-être, des groupes
alternatifs ou communautaires n'ont pas eu l'argent qu'ils auraient
désiré, justement, avec les budgets?
Mme Lalonde: Je pense que ces 35 CLSC ne remplaçaient pas
ce que des organismes communautaires auraient pu faire. Souvent, cela pouvait
être une mise à contribution de certaines ressources au niveau du
diagnostic, au niveau du traitement et dans la plupart des cas, d'ailleurs, les
CLSC se sont associés sur des dimensions plus de maintien dans la
communauté à des ressources communautaires là où
ils existaient, parce qu'ils n'existaient pas partout. Ils se sont
associés à ces ressources pour mettre leurs services en branle et
pour voir comment un partenariat, du moins local, pouvait s'articuler par
rapport au nouveau mandat qu'ils recevaient. Mais le lien se faisait davantage
avec les équipes psychiatriques ou avec les hôpitaux. (16
heures)
M. Jolivet: Dans ce contexte, je fais référence
à la recommandation 15 du rapport qui parle justement - c'est une des
difficultés que vous mentionniez tout à l'heure - de
reconnaître la légitimité de l'action des ressources
communautaires - et on ne définît pas trop ce que sont les
ressources communautaires; les gens des ressources alternatives nous l'ont dit
- exerçant les fonctions supplétives ou expérimentales
dans la dispensation des services en santé mentale. Ce sont des
questions qu'on est en droit de se poser. Dans ce contexte, comme organisme
CLSC, vos contacts avec l'autre partie qui est le département de
santé communautaire sont de quel ordre dans toute la recherche en
santé mentale dans les régions du Québec?
M. Charlebois: Dans la recherche.
M. Jolivet: La prévention. Les études que peuvent
faire les départements de santé communautaire par leur mandat. Eu
égard au fait qu'il y a peut-être de l'empiétement de part
et d'autre, j'aimerais bien savoir quels sont les contacts que vous avez en
santé mentale avec les départements de santé
communautaire.
M. Charlebois: Je vais donner une première réponse
générale et M. Côté pourra compléter. Le type
de rapports qu'il peut y avoir entre DSC et CLSC est variable d'une
région à l'autre. Dans beaucoup de régions, il existe ce
qu'on appelle une table de concertation où les projets des DSC seront
discutés avec les CLSC. Habituellement, la recherche se fait au DSC
même. Elle ne se fait pas par le personnel du CLSC. À plusieurs
endroits, le personnel du CLSC peut aider à alimenter et à
documenter les équipes de recherche des DSC. Cela se fait souvent,
encore une fois, par une table de concertation sous-régionale. II en
existe à peu près partout, des tables de concertation
sous-régionales entre DSC et CLSC. M. Côté pourrait
peut-être compléter à partir d'expériences
concrètes à Montréal.
M. Côté (Louis): C'est un peu dans le même
sens. Cela varie beaucoup d'un DSC à l'autre, la priorité qui est
accordée à la recherche dans le domaine de la santé
mentale, comme tel, en particulier en ce qui a trait aux adultes. Si vous
prenez une région comme Montréal, il y a des DSC qui ont fait
beaucoup de recherches dans ce domaine et d'autres, moins. Là-dessus,
c'est un rôle carrément complémentaire qu'on a avec les
DSC, surtout depuis que tous les services directs à la population, qui
étaient du mandat de première ligne, ont été
transférés dans les CLSC. A ce moment-là, entre les DSC et
les CLSC, il y a une complémentarité à peu près
totale dans ces domaines pour ce qui est des services, puisqu'on a un
rôle de dispensation de services et eux un rôle de recherche et de
planification.
Il faut aussi penser que la plupart des conseils régionaux ont
des commissions administratives en santé mentale, avec un personnel et
des équipes de coordination et de planification. Je peux parler
personnellement. D'après moi, la meilleure façon d'assurer une
coordination pour développer des plans d'organisation régionaux,
c'est que la concertation se situe au niveau des conseils régionaux. Les
CLSC, les hôpitaux et tous les acteurs peuvent être
coordonnés par le conseil régional, à ce moment-là.
Quant aux commissions administratives dans le domaine de ta santé
mentale, les DSC sont représentés à ces commissions. Le
problème se situe... Le Président (M. Audet): En
conclusion, M. Côté, s'il vous plaît.
M. Côté (Louis): Oui. Il me semble qu'il y a un
problème aussi entre les DSC et les conseils régionaux, à
savoir quels sont les mandats respectifs de l'un et de l'autre type d'organisme
quant à la recherche dans le domaine de la santé mentale.
Actuellement, nous collaborons avec les deux dans l'état d'organisation
du réseau.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, vous disposez d'une minute, trente secondes,
questions et réponses.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Thuringer: Ha, ha. ha! Bon! Je vais aller vite, merci. Vous
mentionnez que votre clientèle dans ce domaine touche à peu
près 20 %. On a entendu, ces derniers jours, des parents de
bénéficlares qui ont parlé des problèmes à
entrer vraiment dans te système, soit à l'hôpital, soit
dans la communauté. J'aimerais avoir vos commentaires sur les
problèmes que les patients ont.
Deuxième chose. On parlait d'une équipe formée de
médecins, de travailleurs sociaux et d'autres, mais où sont les
bénéficiaires? Quel rôle peuvent-ils jouer dans votre
réseau? Quelle est la définition du rôle des gens des CLSC
et aussi des ressources alternatives? It me semble qu'il y a tellement de
confusion encore et pour moi d'abord. Comment les gens peuvent-Ils se
servir de ce réseau, le vôtre ou le secteur communautaire?
Je sais que c'est beaucoup de questions.
Le Président (M. Audet): La réponse devra
être très brève.
M. Charlebois: Rapidement, le premier élément. En
ce qui a trait aux parents, à moins que je ne me trompe, vous vous
référez peut-être particulièrement aux parents
d'enfants qui sont en institution et qui vivent le problème de la
désinstitutionnallsation ou des problèmes parce que leurs enfants
sont en institution. Le genre de services que les CLSC offrent... Enfin, il n'y
a pas d'hébergement en CLSC, il n'y a pas de rapport, si vous voulez,
avec des parents, si ce n'est occasionnellement - il faudrait vérifier;
à mon point de vue, c'est relativement rare sauf peut-être dans
l'est de Montréal - si ce n'est dans des cas de
déslnstitutionnalisation où les CLSC peuvent offrir certains
appuis. La problématique des rapports entre parents et réseaux se
pose plus en regard des centres d'accueil de réadaptation ou en regard
des hôpitaux et non pas en regard des CLSC. La place des
bénéficiaires, encore là c'est un peu la même
problématique. L'intervention du CLSC, c'est dans la communauté.
C'est en milieu ouvert. Ce n'est pas une Institution. Alors, la
clientèle du CLSC va être une clientèle qu'on dit...
M. Thuringer: Simplement pour préciser. Supposons que vous
avez une équipe sur place pour étudier un plan d'action pour un
patient. Il y a des professionnels qui sont nommés. Quelqu'un qui a
vécu cette expérience peut certainement beaucoup aider au sein de
cette même équipe.
M, Charlebois: Au niveau de la consultation dans les
comités de citoyens, les comités de bénéficiaires,
etc.
M. Thuringer: C'est cela.
M. Charlebois: Enfin, cela est variable. Les directeurs ici
présents peuvent peut-être témoigner de certaines
expériences chez eux. Il y a toutes sortes de formules. J'ai en
mémoire une expérience faite très récemment d'un
CLSC qui a organisé un colloque avec plusieurs citoyens ou ex-patients
psychiatrisés pour essayer d'orienter son intervention en santé
mentale. Il y a des expériences qui se font. Cela est d'ailleurs
encouragé par nous, auprès de nos membres, soit d'essayer
d'ouvrir à la consultation l'orientation des différentes
interventions et des différents programmes. Les CLSC versus les
ressources alternatives, il semble effectivement se développer une
certaine confusion, comme si un CLSC était une ressource alternative. Je
pense qu'il faudrait...
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Changer la vocation.
M. Charlebois: ...dissiper autant que possible cette confusion.
Je ne sais pas si on a réussi à la dissiper. Le CLSC est vraiment
un établissement public. C'est un réseau complet dans tout le
Québec qui dispense des services dans le cadre de la loi, dans le cadre
de mandats et de programmes également, et qui devrait être
accessible à l'ensemble de la population. Ce qu'on appelle des
ressources alternatives, ce ne sont pas en soi des établissements au
même titre que les CLSC. Je pense qu'il y a une distinction à
faire entre le deux. Les ressources alternatives, particulièrement
celles qui rendent des services, sont présentes en milieu urbain,
peut-être un peu moins en milieu rural. C'est dans ce sens-là
aussi qu'on invite le ministère à préciser sa politique
pour miser sur les réseaux qu'on a déjà
développés depuis de nombreuses années.
Le Président (M. Audet): Merci. M. le député
de Laviolette, le mot de la fin.
M. Jolivet: Je vous remercie pour l'ensemble des renseignements
que vous nous avez donnés. Tout en regardant vers l'avenir et en sachant
ce qu'a dit le rapport Brunet, ainsi que les orientations que semble donner la
ministre dans une future politique, on verra si vous êtes ceux qui vont
ramasser les gens en état de crise.
Le Président (M. Audet): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: À mon tour, je veux remercier la
Fédération des CLSC. Je suis sûre qu'on aura d'autres
occasions de discuter. Encore une fois, nous tenterons de préciser, au
moment de la rédaction finale du mémoire, les différents
éléments que plusieurs groupes ont fait valoir ici. Je vous
remercie.
Le Président (M. Audet): Merci, mesdames et messieurs.
Bonne fin de journée et bon retour!
J'invite maintenant le Conseil des affaires sociales et de la famille
à prendre place.
Nous allons suspendre nos travaux 15 à 20 secondes et on
reviendra.
(Suspension de la séance à 16 h 9)
(Reprise à 16 h 10)
Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission reprend ses travaux.
Mesdames, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Je vous rappelle
que vous disposez de 20 minutes pour présenter votre mémoire.
Nous essaierons d'être très clairs et très brefs dans nos
questions de sorte que nous aurons des réponses très
brèves et très courtes pour respec-
ter notre horaire.
Si vous vouliez bien vous présenter et nous présenter les
gens qui vous accompagnent, s'il vous plait! La parole est à vous.
Conseil des affaires
sociales et de la famille
Mme Blanchet (Madeleine): Madeleine Blanchet, présidente
du Conseil des affaires sociales et de la famille; à ma droite
immédiate, Mme Madeleine Moranville, qui est présidente du Centre
de ressources Institutionnelles de la Côte-Nord; à mon
extrême droite, Mme Solange Fernet-Gervais, qui est directrice du Centre
d'action bénévole Normandie, membre du conseil d'administration
du CLSC Normandie et membre de la table de concertation santé et
services sociaux du Centre Maurice-Normandie, le tout se trouvant dans la
région 04 Trois-Rivières; à ma gauche, Mme Colette
Lanthier, docteur en psychologie et auteure de la recherche dont nous allons
faire état au Conseil des affaires sociales et de la famille.
Notre mémoire étant très bref, je me permettrai de
le lire en partie et de faire certains commentaires qui permettront, je crois,
de préciser certains points et d'en arriver également à
suggérer des mesures concrètes.
Premièrement, je voudrais remercier la ministre de la
Santé et des Services sociaux, les députés ici
présents de nous avoir permis de nous présenter à cette
importante commission qui permettra de doter le Québec d'une politique
en santé mentale.
Vous avez devant vous quatre femmes. Nous devions être
accompagnées d'un homme mais le Dr Robert Maguire a été
retenu chez lui par des responsabilités familiales. Vous voyez que notre
société évolue, ce sont maintenant tes hommes qui restent
à la maison. Nous allons quand même tenter de faire état de
ses recommandations et de ce qu'il nous a demandé de faire valoir
auprès de vous cet après-midi.
Ce projet de politique en santé mentale élaboré par
le Comité de la politique de santé mentale qui a
été rendu public en septembre dernier ne saurait laisser notre
conseil indifférent. Le conseil doit d'abord louer l'effort
considérable qui a été déployé par le
comité pour doter le Québec d'une véritable politique de
la santé mentale. Nous partageons entièrement la vision du
rapport Harnois selon laquelle la santé mentale englobe tout autant la
promotion, la prévention que l'aide, le traitement, la
réadaptation, la réinsertion et le soutien à la personne
atteinte de problèmes de santé mentale.
Déjà en 1983 le Conseil des affaires sociales et de la
famille avait souligné que les troubles mentaux venaient en tête
des maladies les plus coûteuses au Québec. Ils entraînaient
déjà, parmi toutes les maladies chez les jeunes de 10 à 20
ans, les plus longs séjours à l'hôpital. C'est pourquoi le
conseil préconisait l'intervention précoce auprès des
enfants en bas âge. En 1984 le conseil proposait dans son rapport
intitulé "Objectif: santé" un certain nombre d'objectifs en vue
d'améliorer la santé des Québécois, Parmi les dix
objectifs prioritaires, il incluait celui de favoriser le développement
affectif et social des enfants âgés de 0 à 5 ans.
Le conseil recommandait du reste trois mesures précises pour
atteindre cet objectif. Premièrement, renforcer le rôle
joué par les services de première ligne dans la détection
et le traitement des troubles de développement des jeunes enfants ainsi
que la continuité dans leur suivi.
J'aimerais insister aujourd'hui sur l'importance du diagnostic
précis. Des parents d'enfants gravement atteints sont souvent
ballotés entre pédiatres, psychologues et psychiatres. Les
pédiatres et les psychologues se font rassurants; ils parlent de
problèmes de relation; ils parlent d'un manque de stimulation de
l'enfant, si bien que, lorsque les parents vont enfin voir un
pédopsychiatre, le diagnostic est porté très tard. Ce
cloisonnement entre les professions du champ de la santé mentale nuit au
public et ce, dès le plus bas âge; on ne fait pas le bon
diagnostic ou on le fait très tardivement.
Le conseil à cette époque, en 1984, parlait
déjà de favoriser, deuxièmement, le développement
des groupes d'entraide destinés à informer et à soutenir
les parents les plus démunis. Nous avions constaté que ce sont
les parents qui ont déjà un enfant atteint qui peuvent le mieux
comprendre et aider d'autres parents. Enfin, troisièmement,
accroître l'accessibilité à des ressources
intermédiaires telles que la maternelle en milieu
défavorisé et nous pourrions ajouter, de nos jours, les
garderies.
Le conseil insiste de nouveau sur l'Importance d'inclure, dans la
politique de la santé mentale, des mesures visant la prévention
des problèmes mentaux grâce à une action
systématique auprès des Jeunes enfants et de leur famille. Les
plus grands analystes du domaine de l'enfance, tels que Mélanie Klein,
Spitz, Bowlby, Françoise Dolto, s'accordent pour situer la genèse
de la maladie mentale dans la prime enfance, incluant évidemment les
problèmes d'ordre génétique. On connaît cette
expression de Dodson: Tout se joue avant six ans", qui exprime très bien
cette réalité.
Tout au long du projet de politique en santé mentale, on
perçoit en filigrane l'intérêt porté aux jeunes.
Mais je dois dire que ce sont plutôt des minuscules que des majuscules.
Ce qui est plus grave, à notre avis, c'est que, dans le projet, il n'y a
pas d'actualisation de propositions très concrètes. Pourtant, le
rapport Harnois reconnaît que la situation des jeunes est de nature
à inquiéter à plus d'un point de vue. On commence à
enregistrer des consommations importantes de services médicaux
psychiatriques chez les enfants dès l'âge de 5 à 9 ans. Par
ailleurs, le groupe des 15 à 19 ans est celui qui
connaît actuellement la plus forte augmentation dans le recours
à des traitements psychiatriques. Le rapport ajoute qu'il est
inquiétant de constater l'existence d'un ensemble de problèmes
qui vont s'accentuer avec l'âge. Mais ce constat ne permet pas cependant
d'arriver à des mesures concrètes.
Ajoutons quelques chiffres. Le Comité de la santé mentale
dont le président est le Dr Harnois avait déjà
identifié, en 1983, que 30 833 enfants âgés de 0 à
17 ans avaient reçu un diagnostic de trouble mental, que, parmi
ceux-là, 13 000 avaient été traités en cabinet
privé, qu'il y avait 7000 enfants inscrits dans les cliniques externes
de pédopsychiatrie et que, toujours dans ces années, plus de 2000
enfants avaient dû être hospitalisés pour troubles mentaux.
Cette même année, 12 604 jeunes âgés de 0 à 17
ans étaient inscrits dans les centres d'accueil pour
mésadaptés socio-affectifs, pour toxicomanes et dans des centres
pour jeunes mères en difficulté; en outre, nous savons
hélas, les journaux nous le rappellent fréquemment, que le nombre
de signalements à la Direction de la protection de la jeunesse ne cesse
d'augmenter et les listes d'attente de s'allonger.
Les données et ces quelques chiffres ne tiennent pas compte des
enfants et des adolescents qui sont suivis en CLSC pour des problèmes de
santé mentale, ni de ceux identifiés à la garderie ou
à l'école comme présentant des problèmes de
comportement, ni. à plus forte raison, de ceux suivis en bureau
privé par les psychologues. En plus, on ne peut passer sous silence la
hausse récente de la prostitution et de l'itinérance chez les
jeunes. Le taux anormalement élevé des suicides chez les jeunes
de 15 à 24 ans commanderait à lui seul une intervention
précoce dès l'enfance. Or, que recommande le rapport Hamois dans
son plan d'action concernant les jeunes? Une première recommandation,
c'est de mettre sur pied un groupe de travail chargé de
développer une approche intégrée de services pour
rejoindre les jeunes présentant des problèmes de santé
mentale, donc déjà malades. Dans une deuxième
étape, la mise en place de tables régionales de
concertation-jeunesse pour appuyer et encourager les activités de
prévention, spécialement en milieu scolaire. Donc, rien qui
s'adresserait spécifiquement à la petite enfance. Donc, rien
n'est proposé qui s'adresserait aux enfants en bas âge par le
biais de leurs parents.
Pourtant, déjà en 1985 le Comité de la santé
mentale, dans un avis qui s'intitulait "La santé mentale des enfants et
des adolescents", avait identifié et analysé les
différents facteurs qui conditionnent et influencent la qualité
de ta santé mentale des enfants et des adolescents. Ce comité
soulignait entre autres le rôle primordial joué par les parents
dans l'équilibre mental de leur enfant. Le bien-être des enfants,
affirmait-il, passe à peu près toujours par le bien-être
des parents.
Le rapport Brunet est venu confirmer et appuyer aussi ce principe en
confiant aux centres locaux de services communautaires la tâche de rendre
disponible un programme spécifique qui s'adresse à l'enfant et
à la famille à risque. Il leur demande également de
continuer le travail déjà quelque peu amorcé auprès
de la petite enfance. Le rapport Harnois souligne pertinemment que la
détérioration de la santé mentale des
Québécois ne peut être freinée par des mesures qui
ne s'adressent qu'aux malades mentaux. Par conséquent, une politique de
la santé mentale demeurerait incomplète si elle ne s'adressait
pas aussi aux jeunes enfants et à leurs parents.
Depuis quelques années, certaines institutions, centres
hospitaliers, centres locaux de services communautaires et centres de services
sociaux, interviennent à la fois auprès des enfants et de leur
famille. On parle de plus en plus de thérapie familiale. Le
succès remporté par ces programmes et ces thérapies
démontre bien que cette approche se révèle une voie
privilégiée pour prévenir l'apparition de problèmes
ultérieurs plus graves.
De nos jours, la plupart des parents choisissent de garder leur enfant,
même gravement atteint, à la maison de façon à lui
donner le maximum de chances de se développer. Ce n'est pas facile
d'être une famille normale de nos jours. C'est encore plus difficile
d'être une famille thérapeutique. C'est lourd à porter au
fil des jours, au fil des années. Souvent, un des parents, c'est
généralement la mère, va devoir abandonner sa profession,
sa carrière pour se consacrer aux soins de l'enfant.
L'entourage, les grands-parents, le reste de la famille qu'on voudrait
très aidants ne sont pas toujours aussi près des parents qu'on le
voudrait. Ils sont souvent critiques vis-à-vis de la façon dont
les parents veulent éduquer l'enfant. Aussi, le conseil souhaite-t-il le
développement de services axés sur les familles en pariant d'un
meilleur suivi durant la période prénatale jusqu'à la
garderie et la prématernelle. L'apport du psychologue, qui est le
spécialiste du développement affectif et des relations affectives
parent-enfant, constituerait une ressource professionnelle précieuse
auprès du personnel de ces services. Les psychologues pourraient
être mis à contribution pour le dépistage, dès le
suivi prénatal, des parents susceptibles de développer des
problèmes relationnels avec leur enfant.
Vous allez me dire: Vous rêvez en couleur. Je vous réponds:
Non, cela se fait déjà. Il y a plusieurs hôpitaux où
cela se fait. Il est Intéressant de voir qu'il s'agit d'un
développement extrêmement récent qu'on voit dans de
nombreuses régions du Québec, et il s'agit surtout des
régions périphériques du Québec. Un petit exemple,
à Chicoutimi toute femme qui vient de donner naissance à un
enfant est vue dans la pouponnière ou aux alentours de la
pouponnière
et le personnel de l'hôpital fait remplir un questionnaire.
Grâce à ce questionnaire, on arrive à dépister
environ le 10 % des parents, des familles les plus à risque. Cela nous
paraît un exemple de ce qui peut être fait immédiatement
après la naissance, sinon même avant la naissance.
Des exemples nous ont aussi été donnés
d'Initiatives de ce genre dans l'Outaouais où un projet pilote
très vaste de prévention et de traitement de la maladie mentale
est actuellement en cours. Mes collègues vous feront état de
programmes dans leur propre région.
Venons-en à des questions d'organisation. Les spécialistes
américains qui se sont penchés sur ce domaine ont fait
réaliser que, quand on veut organiser quelque chose d'Important et de
vraiment solide dans un état en prévention, il faut qu'il y ait
une organisation forte qui soit résolument engagée dans ce
domaine et qui surveille le développement de ce domaine préventif
de façon continue. Cette organisation, elle existe en promotion de la
santé physique au Québec. Elle existe un tout petit peu. On voit
des éléments qui se sont développés en santé
mentale. Ce qui nous paraît intéressant, c'est que cette
organisation est plus accessible, est plus développée ici qu'aux
États-Unis et que dans la plupart des pays occidentaux. C'est le
réseau de la santé communautaire qui est maintenant formé
d'un grand nombre de personnels oeuvrant en CLSC ou en DSC. Ce réseau
devrait favoriser le développement de groupes d'entraide formés
de parents appelés à soutenir d'autres parents.
Le rapport Harnols avance l'Idée d'un partenariat comme
orientation majeure d'une politique de ta santé mentale. Nous disons:
Les parents sont les premiers partenaires de leurs enfants et, aux yeux du
conseil, la politique de la santé mentale doit mettre résolument
l'accent sur la famille comme premier milieu de développement de la
santé mentale d'une population.
Nous recommandons donc que tout d'abord le gouvernement et ses
institutions reconnaissent ce rôle primordial des parents dans
l'équilibre mental de leur enfant et en fasse les partenaires premiers
de leurs Interventions. Que le gouvernement dégage les ressources
humaines et financières qui sont requises auprès des
professionnels qui suivent les femmes enceintes, qui suivent les parents, lors
des tout débuts de la vie de l'enfant, afin de prévenir
dès le début de la vie le développement de relations
névrotiques entre les parents et les enfants et d'identifier
précocement les problèmes les plus graves des psychoses,
l'autisme, etc. Et que le réseau de la santé communautaire
favorise la création et le développement de groupes d'entraide de
parents appelés à soutenir d'autres parents.
J'aimerais maintenant, dans les quelque cinq minutes qui nous restent
pour la présentation, céder la parole à Mme Madeleine
Moranville, qui, comme je vous le disais, vient de la Côte-Nord, est un
des membres du conseil qui vient des régions périphériques
et qui a quelque chose de très Intéressant, de très
concret à vous raconter sur certaines communautés de la
Côte-Nord.
Le Président (M. Audet): Mme Moranville,
Mme Moranville (Madeleine): Merci. Je vais compléter un
peu la présentation aussi. J'ai été en 1982, pour une
année, aussi présidente du CRSSS de la région 09. Donc,
j'ai vu un peu au réseau, à l'organisation. Je dois dire
déjà que cela a changé de 1981 jusqu'à nos jours.
Je suis aussi bénévole, mère de famille à temps
plein, éducatrice de mes cinq enfants qui sont partis de la maison.
Ce dont je voulais vous parler, justement dans le contexte que Mme
Blanchet vient de situer, ce qu'on déplorait peut-être un peu -
c'était peut-être sous-entendu dans le rapport Harnois, mais
n'avait pas été explicité - c'était la question de
la relation parent-enfant, les services qui pourraient se donner et la prise en
charge d'une communauté au niveau des 0 à 5 ans.
On a beaucoup entendu parler les CLSC avant nous. Il s'agit justement
d'un projet du CLSC de la région de Forestville où Is ont mis
quatre villages, où on s'est occupé de quatre villages pendant
deux ans. Il en reste encore deux autres à voir. C'est un projet pour
trois ans. On disait que ce projet, en fait, était pour le
développement des services en santé mentale qui étaient
destinés à la petite enfance. On a fait la promotion de la
santé globale, c'est-à-dire le bien-être physique, social
et mental des enfants. C'était le premier objectif. L'objectif
caché était d'aller dépister les situations difficiles. On
voulait, par cette expérience, aller rejoindre des familles ou on peut
dire la clientèle cible qu'on ne rejoint pas d'ordinaire. (16 h 30)
Ce qu'il y a d'original dans cette Intervention, c'est qu'on a
formé une travailleuse communautaire, comme on l'appelle. Le CRSSS a
encouragé ce projet qui a coûté 34 000 $ par année
constituant le salaire de la travailleuse communautaire qui devient le soutien,
le lien, la personne-ressource entre tous les Intervenants du réseau de
la santé. Ces gens ne vont pas directement aux professionnels de la
santé, soit par manque de scolarité ou encore parce qu'ils sont
éloignés ou à cause d'expériences qui ont
été un peu déplorables.
Alors, cette travailleuse, pour commencer, a rencontré les gens
qui ont affaire à ces gens-là, soit des
diététiciennes, des pharmaciennes, des psychologues, ils ont
formé une équipe et c'est elle-même qui est allée
dans les familles et qui a formé des groupes. Ensuite, ils ont
formé des groupes de parents leaders et ces parents leaders sont
entrés en communication avec d'autres familles les amenant à
participer à des séances d'information sur des sujets comme
l'alimentation, l'apprentissage du langage, etc. Ensuite, ces parents
ont formé d'autres équipes qui se sont entraidées et ils
en sont venus à parrainer une garderie. Ils ont aussi des séances
d'Information qui ont lieu tous les mois où ils font appel à des
personnes du CLSC comme personnes-ressources et ils ont réussi à
mettre sur pied un atelier de socialisation pour les enfants une fois la
semaine et c'est une mère qui a été formée et qui
s'occupe uniquement de... De la sorte, les parents se prennent en charge, ils
ont quand même besoin de soutien financier pour les locaux, les jeux ou
les techniques d'animation. La personne-ressource s'efface tranquillement pour
aller vers les deux autres villages cette année. On entend apporter
cette expertise, l'étendre à tous les CLSC de la Côte-Nord
et peut-être même provincialement si cela peut être possible.
Il s'agit d'aller voir ce qui se passe dans les milieux, de laisser venir les
gens étaler eux-mêmes leurs besoins et non pas leur imposer et
leur dire quoi faire; c'est ce que les gens n'aiment pas dans les
régions éloignées quand ils disent avoir eu de mauvais
contacts avec les professionnels de la santé... Je reviendrai sur autre
chose, mais, pour le moment, je cesserai Ici.
Le Président (M. Audet): Merci, madame. Je vous remercie
d'avoir respecté le temps qui vous était accordé.
Mme Moranville: On a les documents, si vous en avez besoin.
Le Président (M. Audet): Je cède la parole à
Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier le Conseil des affaires
sociales et de la famille de son mémoire et, d'une façon
particulière, Mme Moranville pour la description qu'elle nous a
donnée de cette initiative de la Côte-Nord où on sait que,
selon certaines statistiques, les problèmes de santé mentale sont
particulièrement aigus, probablement à cause de l'isolement,
d'une foule de facteurs que, d'ailleurs, l'enquête
Santé-Québec pourra nous décrire d'une façon plus
précise dans quelque temps.
Dr Blanchet, évidemment, vous avez mis l'accent sur la petite
enfance, même à partir de la naissance, comme étant un
âge de la vie où il faut prévenir, où il faut
assister, appuyer, soutenir, comme étant un âge déterminant
pour l'équilibre affectif auquel on arrivera comme adulte. La question
que j'aimerais vous poser, et je pense que cela demeure toujours vrai...
Quelqu'un disait dans un mémoire, hier, que tout se joue de 0 à 6
ans. Je pense que c'est une vérité reconnue ou, en tout cas, une
affirmation que tout le monde connaît. Vous disiez, eu égard au
suicide, que c'est Important d'agir jeune pour prévenir te suicide plus
tard. Croyez-vous qu'aujourd'hui, même si cela demeure toujours
fondé que l'équilibre émotif se prépare en bas
âge, les facteurs sociaux et environnementaux qui Interviennent
maintenant d'une façon beaucoup plus dure, beaucoup plus
fréquente qu'autrefois ne sont pas aussi des déterminants
Importants pour la santé mentale et que même si de 0 à 6
ans... Si vous avez une mère qui vous a laissé enfermé
dans une chambre de 0 à 2 ans, c'est évident que vous allez avoir
des problèmes, mais si on prend la moyenne des gens, je me demande...
Hier ou avant-hier, justement, sur le suicide, on en a parlé. Les
psychiatres nous disaient que, finalement, c'était encore - je ne sais
pas si on peut parler de pathologie - un symptôme dont les causes
étaient difficilement identifiables. Ils nous disaient également
qu'en dépit des ressources d'assistance pour le suicide, les centres de
prévention du suicide, etc., il ne semblait pas que ceci ait un effet;
en tout cas, c'est un effet qu'on ne pouvait pas encore mesurer, qui n'avait
jamais été mesuré sur la diminution du taux de
suicide.
La question que je vous pose, je pense que c'est Important que la petite
enfance se déroute dans un milieu le plus sain possible, le plus
équilibrant possible, mais il va quand même y avoir des
priorités à établir. Je vous voyais par exemple
recommander - je ne sais pas si je vais le retrouver - "que le gouvernement
dégage des ressources humaines et financières requises
auprès des professionnels qui suivent les femmes enceintes afin de
prévenir dès le début de la vie le développement de
relations névrotiques entre les parents et leur enfant". Est-ce que,
d'une part, II y a vraiment besoin d'ajouter des ressources? Est-ce que les
intervenants eux-mêmes, qu'ils soient médecins, infirmiers ou
infirmières, qu'ils soient d'une autre profession, ne devraient pas
eux-mêmes être outillés pour justement être capables
de faire ce dépistage, comprendre l'anxiété que la femme
enceinte peut avoir dans une situation particulièrement difficile ou les
réactions affectives qui peuvent suivre l'accouchement, etc.?
Vous parlez encore d'ajouter des professionnels afin de prévenir,
dès le début de la vie, le développement de relations
névrotiques. À un moment donné, comment est-ce qu'on
établit nos priorités et dans quel domaine on agit? Vous aviez
tout à l'heure devant vous - je ne dis pas que ce n'est pas bon - les
CLSC qui nous disaient: II faudrait une équipe dans chaque CLSC. On a
estimé cela grossièrement, par des calculs à longue
distance, probablement à 400 personnes de plus. Est-ce qu'on ne devrait
pas réorienter certaines ressources, c'est-à-dire les former
différemment, plutôt que de toujours penser d'additionner et
d'additionner? Il faudra ajouter des ressources, ce n'est pas ce que je veux
mettre en question. J'aimerais vous enten-' dre un peu plus longtemps
là-dessus. On n'y arrivera pas, qu'est-ce que vous voulez que je vous
dise, même avec la plus grande volonté
politique gouvernementale qu'on pourrait Imaginer.
Mme Blanchet: La ministre fait une longue réflexion en
partant du constat que les spécialistes ont toujours dit que tout se
joue avant six ans. Je ne pense pas qu'on puisse remettre cela tellement en
question, mais ce qu'on peut remettre en question, c'est à savoir si on
peut tout dépister précocement Je pense bien qu'il faut avouer
que non. Il y a des suicides qui sont absolument imprévus et qu'on ne
pourra jamais prévenir.
Là où je crois que notre mémoire voulait surtout
Insister - je passerai après cela à ta question des ressources -
c'est que les priorités, évidemment, devront être... C'est
la tâche du ministère d'élaborer à partir du
document Harnois où on va mettre l'argent En ce moment, tel que le
rapport apparaît, il semble que l'argent nouveau irait beaucoup encore au
soutien de gens qui sont des parents ou des groupes communautaires de soutien
ou de gens qui sont déjà malades mentaux. C'est là
où nous pensons qu'on pourrait Intervenir plus précocement
là-dedans. On ne pourra pas tout prévenir, mais il est possible,
il existe des outils qui permettent au personnel bien formé d'aller
repérer quelles seraient les familles à risque. On estime qu'il y
en a à peu près 10 % au Québec.
Admettons qu'il y a 80 000 naissances - on est descendu de 90 000
à 80 000 dans les dernières années - il s'agirait, au
fond, de repérer les 8000 personnes quf sont susceptibles d'avoir des
problèmes dans la famille, à partir d'outils assez simples.
Là où je suis bien d'accord avec vous, Mme la ministre, je pense
que ce n'est pas l'addition d'un grand nombre de ressources. Il suffirait qu'il
y ait quelques personnes consultantes qui pourraient former les
infirmières qui voient les mères. Et, également, je
reviens à ce que disait Madeleine Moranville, c'est qu'il y a beaucoup
de parents qui sont des aidants naturels, mais ce dont Ils manquent, c'est
peut-être une ressource supplémentaire, une ressource que
j'appellerais plutôt du domaine psychologique, ces ressources qui sont
à peu près absentes de notre système public en ce moment,
que sont les psychologues. La plupart des problèmes, quand même,
en santé mentale ne sont pas des psychoses, il y a beaucoup de
problèmes d'ordre comportemental, d'ordre relationnel et ce sont des
problèmes qui occupent beaucoup le personnel actuel. Il y a beaucoup de
psychiatres qui passent leur temps à voir ces problèmes. Ils ne
voient même pas des fois les plus graves.
Pour répondre à votre question, nous sommes fermement
convaincus qu'on peut identifier précocement les parents et les familles
qui comportent le plus de risques et qu'il est possible de développer
à même nos ressources... Avec l'addition peut-être de
ressources du côté pédopsychiatrique et psychologique, il y
aurait moyen de former davantage le personnel de la santé communautaire
et le personnel des hôpitaux pour arriver à ce qu'ils s'utilisent
eux-mêmes de façon différente d'auparavant.
Madeleine Moranville a dit une chose très importante, elle a dit:
"II ne faut pas aller imposer nos vues et nos programmes". Ils ont
cherché à Imposer Parents anonymes. Cela n'a pas
fonctionné. Les parents ont choisi une autre façon de
fonctionner. Ils ne voulaient pas entrer dans ce modèle de parents
anonymes.
Alors ici vous avez raison d'essayer de nous amener à
préciser cette deuxième recommandation. Quand on disait de
dégager des ressources, II s'agit peut-être de ressources qui sont
déjà présentes en milieu hospitalier, on l'a vu à
Chicoutimi, mais qui ne sont pas utilisées à cette fin. C'est
vraiment le rôle, d'ailleurs, d'une politique en santé mentale de
dire: Nous avons un immense problème au Québec, il faut que nos
ressources actuellement.. Utiliser, par exemple, les Infirmières en
question auparavant... Pour en revenir à l'exemple de Chicoutiml et
être très très concret, ils voulaient apprendre aux
mères comment baigner les bébés. Alors ce n'est pas
ça que les mères voulaient savoir. Les mères voulaient
savoir comment ça se développe un enfant Est-ce qu'il y a des
choses que je dois lui dire? Quelle est la stimulation d'un enfant? Les
demandes des gens étaient beaucoup plus dans la sphère
santé mentale que dans la sphère santé physique, qui a
d'ailleurs été très bien couverte.
Alors, pour en revenir à la deuxième recommandation que
nous avons faite, quand on parlait de dégager des ressources ce ne sont
pas nécessairement des ressources nouvelles. Ce sont des ressources qui
ne sont pas utilisées en ce moment auprès de ces
parents-là, qui sont utilisées auprès de toute autre
personne mais qui ne sont pas utilisées auprès des parents.
À notre avis, dans ce domaine-là, on en est vraiment au B.A.-Ba,
en ce qui concerne l'organisation, non seulement de la prévention, mais
du dépistage.
Cependant, l'existence de projets concrets qui semblent
extrêmement satisfaisants pour les parents nous porte à croire
qu'il y aurait là une brèche Intéressante et relativement
peu coûteuse, d'ailleurs, à combler.
Mme Lavoie-Roux: Alors, je vous remercie. J'ai des
collègues qui veulent poser des questions.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président.
D'abord bienvenue à vous toutes et de façon
particulière, si on me le permet, à Mme Solange Femet-Gervais,
qui est de mon district et qui est une bénévole acharnée
dans notre région.
Je dois vous dire que le document que vous nous présentez
aujourd'hui c'est un peu un air
frais par rapport à l'ensemble de ce qu'on a entendu
Jusqu'à maintenant. On a parlé beaucoup plus de guérison
ou d'aide à la mise en place de structures ou d'aide pour que les
personnes puissent revenir dans un monde, entre guillemets, "normal" dans ta
mesure où ils ont eu à subir des traitements qui leur
étaient dus à des moments plus difficiles de leur vie. Et on voit
que ce qui est proposé a trait beaucoup plus à la partie aide
à l'Intégration dans le milieu naturel, aide à la
guérfson, qu'à ce que vous proposez, qui est beaucoup plus de la
prévention.
On a des organismes comme le CLSC dont les représentants sont
venus nous dire qu'ils avaient un rôle à jouer dans cette
partie-là. On sait que les départements de santé
communautaire aussi ont à travailler dans ce secteur. Mais vous nous
dites: Si on prenait les moyens et on mettait en place les moyens de faire
cette prévention dès le départ... Et là vous parlez
à la naissance même, vous donnez des exemples, entre autres
l'exemple de Chicoutimi, et vous nous dites: À ce moment-là nous
croyons qu'on pourrait dès le départ faire en sorte qu'il y ait
moins de gens qui soient sujets à des séjours dans des
hôpitaux psychiatriques ou autres. Dans ce contexte-là, par
rapport à l'ensemble de ce qu'on a entendu depuis le début, c'est
différent {16 h 45)
Mme la ministre est également Intervenue dans ce sens-là
et je suis d'accord avec elle sur cette partie quand on dit "dégage les
ressources humaines et financières requises auprès des
professionnels". On voit souvent qu'il y a des personnes qui sont beaucoup plus
portées à dicter qu'à écouter dans le sens
où elles ont une formation qui est celle de faire des diagnostics, de
dire: Voici, dans telle circonstance, ce qu'on devrait faire. Vous dites
à ce moment-là que les gens devraient se prendre en charge, d'une
certaine façon. Vous nous avez cité l'exemple de la
Côte-Nord. Je pose la question pour aller plus en profondeur dans ce que
vous avez dit jusqu'à maintenant: Ne serait-ce pas plutôt de
dégager des ressources nouvelles, d'utiliser, comme on l'a fait, si j'ai
bien compris, à Chicoutimi et comme on le fait sur la Côte-Nord,
les ressources existantes pour amener les gens à se prendre en charge et
ce, dès la petite enfance, est-ce que ce n'est pas dans ce
sens-là qu'on devrait parler de dégagement de ressources, non pas
de ressources additionnelles nécessairement, mais de ressources mieux
utilisées, pour tes gens qui sont en place actuellement?
Mme Fernet-Gervais (Solange): On parle d'air frais, mais aussi il
faudrait parler d'argent frais pour les régions où il y a du
rattrapage à faire. Je pense en particulier à ma région;
je vais donner un exemple. Après que le CRSSS-04 en eut fait une
priorité et un dossier no 1, on a demandé de dégager des
sommes assez importantes, mais qui sont réalistes, 800 000 $, pour aider
l'hôpital Sainte-Thérèse, un hôpital psychiatrique
régional, à institutionnaliser tout le domaine de la santé
mentale. On a reçu jusqu'à présent à peu
près le quart de cette somme. On a fait un bon recrutement de
spécialistes, mais ces spécialistes, ne voyant pas de
déterminant par rapport à la situation économique, sont
prêts à partir. Après trois pédopsychiatres,
maintenant on parte de deux. Il faudrait aussi faire le recrutement d'autres
spécialistes. SI on parie de disponibilité des services, de
continuité, de sécurité, d'accessibilité, de
qualité, de répartition géographique et de
gratuité, il faut plus parler d'approche régionale et de
rattrapage à faire dans certaines régions. Je pense que le
partenariat doit se faire aussi avec les régions
périphériques. Si la "famille thérapeutique" - entre
guillemets - comme on l'a nommée tantôt, peut dégager 30
000 $ par année pour soutenir un enfant en difficulté, cela veut
dire de 20 000 $ à 25 000 $ pour la femme qui doit, pas par choix, mais
par obligation, arrêter sa carrière pour subvenir à des
besoins, pour encadrer un enfant en difficulté, voyager jusqu'à
trois et quatre fois par semaine pour se rendre dans des milieux
spécialisés qu'on ne retrouve pas chez nous parce qu'on n'a pas
les ressources financières et parce qu'on n'a pas encore les ressources
en spécialistes, À Trois-Rivières, on refuse des services
à une population parce que, géographiquement, ce n'est pas le
secteur, alors qu'on doit se diriger vers Montréal et Québec, et
cela crée des difficultés. Il faut dégager une personne.
Il faut avoir une automobile, voyager avec un enfant, et cela peut coûter
jusqu'à 30 000 $ d'être famille thérapeutique. Alors, il y
a du rattrapage à faire dans certaines régions pour rendre
accessibles les soins. La réflexion doit se continuer dans ce
sens-là pour nous.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous me permettez de poser une
question?
M. Jolivet: Oui.
Le Président (M. Audet): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais bien comprendre. N'y a-t-il pas eu
des cliniques pédopsychiatriques qui ont été ouvertes ou
qui devaient être ouvertes chez vous?
Mme Fernet-Gervais: Elles devaient être ouvertes. Il y a
déjà des spécialistes qui font bien leur travail. Ce
dossier a bien avancé et, présentement, il est cautionné
par les auxiliaires de l'hôpital ainsi qu'une équipe de
bénévoles. Il y a du rattrapage à faire dans le milieu, Le
centre de jour a commencé ses activités, mais n'atteint que la
ville de Shawinigan, peut-être Grand-Mère; ces semaines-ci, je ne
suis pas au courant. Ils n'atteignent pas encore les milieux à faible
densité de population et tes milieux ruraux. Si on veut rendre ces
services accessibles, il faudra
dégager...
Mme Lavoie-Roux: Selon l'information que j'ai, l'argent a
été accordé, c'est-à-dire une partie de
l'argent..
Mme Fernet-Gervais: Une partie de l'argent
Mme Lavoie-Roux: ...mais elle n'a pas été
utilisée pour les fins pour lesquelles elle avait été
accordée.
Mme Fernet-Gervais: M. Boucher, de l'hôpital, pourrait vous
répondre.
Mme Lavoie-Roux: Bon, alors...
Mme Fernet-Gervais: Je sais qu'actuellement, étant membre
de la table de concertation, il y a beaucoup de rattrapage à faire. Il y
a beaucoup d'Insécurité par rapport au milieu vis-à-vis du
lancement de programmes parce qu'il y a une insécurité qui se vit
à long terme vis-à-vis des dégagements financiers.
Mme Lavoie-Roux: On va l'examiner de plus près.
M. Jolivet: On s'en reparlera. Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est
ça.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Dans la mesure où vous présentez des
choses qui doivent être faites dès la prime enfance, est-ce que
vous voyez comme une des possibilités, si on prend la recommandation 1,
de faire une campagne de sensibilisation dans les écoles à
travers le Québec, au sein des organismes communautaires qui font de la
prévention, je prends les CLSC en particulier, qui peuvent aller dans
chacun des milieux et faire cette forme de prévention? Comment
voyez-vous cette sensibilisation pour indiquer justement que des
problèmes peuvent être résolus si on fait le
dépistage dès le bas âge, à part l'expérience
de Chicoutimi ou de la Côte-Nord?
Mme Blanchet: M. le député de Laviolette, Je pense
que les campagnes que l'on fait sont toujours des toiles de fond. Il faut aussi
des acteurs dans un théâtre. D'une part, la campagne est
très très importante, c'est sûr il est nécessaire de
toucher l'opinion publique sur bien des aspects de la maladie mentale et pas
juste la déficience ou la violence et les enfants violentés. Il y
a beaucoup d'autres aspects à toucher. Les campagnes ne sont donc que
des toiles de fond. Si on fait naître des attentes, des situations
où tes gens identifieront plus facilement les problèmes qu'ils
ont ou sont susceptibles d'avoir dans le cas de leur enfant, par exemple, il
faut pouvoir offrir les services.
Rien n'est mieux souvent dans un domaine aussi délicat que
celui-là - parce qu'il y a beaucoup de résistance de la part des
parents aussi. Ce n'est pas si facile que ça. Solange me racontait
justement ce midi, tu me corrigeras si je fais erreur, qu'ils ont essayé
d'en faire dans les garderies, et les parents disaient: Non, pas du tout
Comment, vous croyez vraiment que mon enfant a un problème? Ce n'est pas
si facile que ça, ce n'est pas ouvert. C'est pour ça que je ne
pense pas que ça devrait être dans les écoles seulement.
C'est sûr qu'il peut y avoir beaucoup d'initiatives et il s'en prend dans
certaines régions dans les écoles où les parents
patronnent des rencontres à l'heure du midi avec des enfants qui ne sont
pas des adolescents, ce sont des jeunes... Ils appellent ça...
Mme Moranville: Info-Midi. C'est au niveau de la polyvalente,
c'est le début de l'adolescence.
Mme Blanchet: II y a donc des actions prises dans
différents milieux. La nécessité d'une campagne est
évidente mais, d'autre part, ça ne nierait pas non plus la
nécessité d'avoir auprès des parents, lorsque l'enfant est
vraiment naissant, un certain support qui peut venir d'un personnel hospitalier
mieux formé et formé peut-être par des
pédopsychiatres qui sont dans le milieu, si on en a. et qui peut venir
aussi, dans certains cas... Mme Fernet-Gervais le disait, dans certains cas Il
y a des régions qui n'ont pas encore fait leur rattrapage. Il faudra
déployer certaines ressources dans ces régions-là, des
régions qui ne sont pas complètement périphériques,
pas totalement rurales mais qui souffrent justement du fait d'être des
régions un peu intermédiaires telles que celle d'où elle
vient particulièrement, la région est de la Mauricie.
M. Jolivet: Oui.
Mme Lanthier (Colette): Colette Lanthier. Vous posiez
précédemment la question à savoir quelle action les CLSC
voyaient dans le domaine de la prévention. Ils semblaient ne pas trop
savoir comment Identifier, alors que dans chacun des CLSC - je pense que si ce
n'est pas établi ça devrait l'être, sinon ce l'est dans les
DSC - il y a toujours une équipe de santé maternelle et
Infantile. Dans la plupart des régions où il y a
présentement des programmes de prévention en santé mentale
pour la petite enfance, c'est à partir de cette équipe que les
dirigeants ont formée, avec une formation de 15, 16 ou 17 heures pour
permettre de vraiment mieux détecter quelles sont les familles à
risque Comme vous le disiez, Mme la ministre, il est vrai que ce ne sont pas
seulement des facteurs psychologiques qui font les malades mentaux adultes. Il
y a beaucoup de facteurs et le facteur le plus à risque parmi les
facteurs présents chez
les parents, c'est la solitude de la mère; c'est celui qui se
retrouve dans toutes les pathologies adultes.
Je pense que, lorsqu'on fait un programme de prévention pour la
femme enceinte, c'est dès l'abord de la vie que l'on veut
déjà, par les réseaux d'entraide et par les services en
CLSC, donner ce qu'il faut à cette femme pour qu'elle établisse,
dès le début, une relation satisfaisante avec son enfant et
qu'elle sache comprendre l'enfant qui arrive aussi avec une sensibilité
plus ou moins grande à développer une maladie mentale. Ce n'est
pas seulement te milieu qui est pathologique, c'est aussi l'enfant qui est
spécial, qui est plus sensible ou plus prédisposé à
présenter cette maladie. Alors, c'est vraiment à ce
niveau-là et je ne pense pas que cela demande. tellement de ressources
additionnelles, sauf peut-être dans des zones
semi-périphériques, mais cela demande une formation de tout le
secteur santé maternelle et infantile.
Tantôt, on disait que les pressions dans les CLSC se font beaucoup
plus fortes auprès des services à domicile qu'auprès des
équipes de santé maternelle et infantile. On ne voudrait pas voir
transférer les budgets, faute de pressions, vers les services à
domicile parce que je pense que les petits enfants entre 0 et 5 ans ne crient
pas, mais on les voit à la DPJ entre 5 et 12 ans, on le voit dans les
suicides chez des enfants de 15 à 18 ans, mais cela se prépare.
On connaît les facteurs sur lesquels ils faut agir ou qui
présentent des risques de développer de la maladie mentale plus
tard. C'est vraiment dans les premières années.
M. Jolivet: Avant de céder ia parole à Mme la
députée de Marie-Victorin, ma collègue, Mme Moranville,
tout à l'heure, nous a offert de nous donner les documents. J'aimerais
si on pouvait les distribuer aux membres de la commission, M. le
Président.
Le Président (M. Audet): Pas d'objection, M. le
député.
Une voix: C'est bien.
Le Président (M. Audet): Je m'excuse, par contre, le
député de Fabre avait demandé la parole, M. le
député de Laviolette. Alors, je cède la parole au
député de Fabre.
M. Joly: Merci, M. le Président, de respecter la
règle de l'alternance. C'est sûr que chacun des membres de cette
commission aimerait avoir le loisir de s'exprimer tout le temps voulu. Mais on
sait qu'on est autant limité que vous. C'est quand même
drôlement rassurant et motivant de rencontrer des groupes tels que le
vôtre, je tiens à le souligner, surtout que vous arrivez avec des
solutions à suggérer. Alors, à partir de là, je
pense que tout le monde peut laisser marcher son imagination, l'accepter et
chercher à le propager un peu partout en province si le cas était
jugé valable.
Mme Moranville, tantôt, a émis une idée qui me
plaît énormément, celle endossée par le CLSC, soit
de bâtir ou d'encourager qu'une partie de son budget soit
consacrée à la formation d'une travailleuse ou d'un travailleur
communautaire en y consacrant 34 000 $. Vous avez sûrement eu à
négocier ces 34 000 $, parce que sortir 34 000 $ d'un CLSC...
Mme Moranville: Une petite correction. Je crois que c'est le
CRSSS.
M. Joly: ...CRSSS. Alors, réussir à diriger un
montant de 34 000 $ pour de la prévention, surtout quand on sait que la
prévention, c'est quand même difficile à mesurer et
à évaluer quant à toutes les retombées qui peuvent
en découler...
Ce qui retient mon attention, Mme Moranville, c'est que vous avez
mentionné que cette idée va déborder et va aller se
prolonger dans deux autres communautés voisines ou villages, et vous
avez aussi ouvert une parenthèse en disant: Nous souhaitons que cela
puisse se réaliser dans toute la province. Quand on fait des choses
positives, que ce soit dans un CLSC, dans un DSC ou ainsi de suite, est-ce
qu'il y existe, disons, au chapitre des CLSC, un genre de journal dans lequel
ces bonnes nouvelles, des choses positives qui s'accomplissent, peuvent
être connues dans la province? (17 heures)
Si c'était une compagnie pharmaceutique qui faisait une recherche
sur un médicament et qu'on veuille protéger cette recherche de
façon à mieux l'exploiter et faire plus d'argent, je
comprendrais. Mais quand c'est une idée telle que celle que vous venez
de mentionner et que vous êtes actuellement en mesure d'évaluer
comme étant potable, comme étant quelque chose de positif... Si
vous gardez cela strictement dans votre région ou pour une commission
parlementaire, c'est bien sûr qu'on a déjà accompli quelque
chose localement, mais, en ce qui a trait au débordement provincial, qui
va s'occuper de véhiculer cette nouvelle? J'aimerais que vous me disiez
s'il se fait quelque chose dans ce sens.
Mme Moranville: D'abord, il restait une toute dernière
année parce que le budget a été reconduit, ce budget de
fonctionnement de 34 000 $ a été reconduit pour une année.
Je crois que les trois ans d'expérience se terminent en décembre
1988 parce qu'il reste encore des dossiers à actualiser. Monsieur a
déjà tous mes papiers mais, quand même, disons que ce dont
je me souviens c'est qu'il reste encore des choses à actualiser. Il y a
les deux villages à mettre en branle, c'est-à-dire que les
villages sont déjà là mais il s'agit de commencer ce
développement à la petite enfance. On attendait d'en faire une
évaluation pour ensuite passer l'expérience aux
autres CLSC de la Côte-Nord, On disait qu'on espérait que
cela pouvait aller ailleurs, que cela pourrait être un modèle
parce qu'à l'intérieur de cela vous allez voir des données
qui disent: On a étudié les clientèles, on a
étudié les gens. Quitte à savoir où travaillent ces
gens. Est-ce que les gens du rang parlent aux gens du village? Cela va aussi
loin que cela quand on veut rejoindre une clientèle. Ce n'est pas juste
pour les gens des villes.
On reste en régions éloignées mais la
périphérie, quand on parle de ce document et de l'autre que j'ai
déposé qui est "Étude des zéro à cinq ans en
milieu périphérique", cela peut aussi bien être une rue de
Montréal qui est la périphérie. Quand on emploie le mot
"périphérie", cela peut être une rue à Baie-Comeau.
Pour ces gens, Baie-Comeau est considérée la ville.
M. Joly: En fait...
Mme Moranville: C'est pour cela que Je vous dis que je ne crois
pas que cela a été publié. C'est encore une...
M. Joly: Donc, il n'existe actuellement aucun mécanisme de
communication à l'intérieur des CLSC pour se communiquer...
Mme Moranville: Ah! C'est possible.
M. Joly: ...ce qui se fait de bon et de potable. Quand on parle
de former une personne qui à son tour va aller former des agents
multiplicateurs qui, dans leur milieu, vont passer aux vrais besoins de ta
communauté sans pour autant se faire Imposer une ligne directrice des
CLSC, mais pour couvrir les vrais besoins, il me semble que cela se devrait
d'être encouragé pas simplement localement, pas simplement en
petites périphéries mais dans toute la province, si l'idée
est bonne.
Alors, si cela a été jugé, si on a
déjà fait une forme de bilan de ce qui a été
accompli et qu'on est sur le point de le communiquer en
périphérie, je dis: De grâce, faisons en sorte qu'on
étende cela et qu'on aille plus loin que la périphérie,
qu'on aille dans toute la province. C'est pour cela que je suis un peu surpris
de savoir que dans toute l'organisation de CLSC et ainsi de suite 0 n'existe
pas un genre de bulletin pour pouvoir communiquer toutes ces bonnes nouvelles.
C'est la question que je pose. S'il y en a un, y a-t-il quelqu'un qui va
s'organiser pour aller chercher des informations chez vous et centraliser?
Mme Moranville: Je vais passer le message mais je pense qu'il y a
quelqu'un qui peut répondre.
Mme Fernet-Gervais: II y a Fédé Express, qui est
distribué dans tous les CLSC - comme membre du conseil d'administration,
je reçois une copie - et qui donne des expériences des
Intervenants et des communautés. Il y a aussi eu un colloque en
santé mentale, qui ne donnait peut-être pas expressément
cet exempte, où on a réfléchi sur les Interventions qui se
faisaient dans le milieu. J'ai reçu ce document au début de 1986.
Il y a les congrès où, dans les coulisses, on se parle beaucoup
de nos bons coups. Il y a aussi tous les centres d'action
bénévole qui réunissent les différents Intervenants
communautaires qui racontent aussi dans différentes occasions les bons
coups que les communautés peuvent faire.
M. Joly: J'apprécie. Je vais sûrement demander qu'au
moins tous les députés soient sur la liste de façon qu'on
puisse recevoir les bulletins et être certains que dans nos propres
régions, s'il y a des idées qu'on croit valables, on puisse
être en mesure de les défendre à notre tour.
J'apprécie beaucoup.
Le Président (M. Audet): Le temps étant
écoulé pour ce groupe, je dois céder la parole à
Mme la députée de Marie - Victorin.
Mme Vermette: Merci, M. le Président. À la lecture
de votre mémoire, il me semble que vous revenez beaucoup sur la
responsabilité des parents. Il nous semble que c'est comme si les
parents étalent dépossédés de leurs enfants
lorsqu'ils ont un problème d'ordre psychologique ou de nature plus
profonde avec une maladie mentale, il y a beaucoup de groupes qui sont venus
nous voir, entre autres, le parent pour les enfants ayant une maladie mentale,
ou l'ami de la maladie mentale. Tous ces gens nous ont dit: On est toujours
considéré, nous, les parents, comme étant un peu le
trouble-fête à l'Intérieur d'une équipe ou la
personne qui cherche trop à vouloir intervenir ou orienter, ou en tout
cas qui a de la difficulté à admettre que son enfant puisse avoir
un problème. C'est très difficile finalement de l'Intégrer
à l'Intérieur d'une équipe.
D'après votre expérience, vous en avez fait des
réseaux d'entraide, est-ce que c'était parce que c'était
trop difficile pour vous autres de vous insérer à
l'intérieur d'une équipe? Est-ce que vous vous sentez finalement
à l'aise? Que seraient les critères à développer,
en tout cas, dans le cadre d'une politique de santé mentale, pour
établir une place de choix aux parents à l'intérieur d'une
approche globale qui transpire dans le rapport Harnois, d'ailleurs? Je pense
que normalement c'est la personne avant toute chose. On se pose souvent la
question: Est-ce vraiment l'intérêt? Mais, en tout cas, c'est ce
qu'on nous dit
Mme Lanthier: Colette Lanthier. J'avais le goût de marquer
dans le mémoire, lorsque le rapport Harnols dit que la personne doit
être responsable ou en tout cas la première concernée
et mise à part entière dans l'équipe
d'intervenants, que pour l'enfant cela devrait être ses parents qui
soient consultés, qui soient pris à partie, qu'on les
intègre aussi. Ce qu'on regrette souvent, en tout cas, que moi je
regrette, c'est qu'en pédopsychiatrie on intervient auprès de
l'enfant alors que la relation significative qu'il a déjà
établie c'est avec ses parents. Cela se développe de plus en
plus, les thérapies familiales où les Interventions de
réseau au niveau des enfants... Jean-Talon, entre autres, en
pédopsychiatrie, fait un travail vraiment extraordinaire. Ils
interviennent toujours à deux, un couple, homme et femme. Ils
Interviennent toujours au niveau de la famille et ils vont chercher te
réseau - les grands-parents, si des grands-parents interviennent de
façon très significative, ou l'école ou la garderie - pour
que tout le monde puisse aider cet enfant à vraiment résoudre son
problème, qu'il puisse le faire avec les personnes qui sont autour de
lui.
Mme Vermette: Vous parlez d'un contexte d'une famille normale, un
couple normal, c'est-à-dire le père et la mère alors qu'il
y a plusieurs formes de familles. Il y a la famille élargie
aujourd'hui.
Mme Lanthier: C'est la même chose.
Mme Vermette: II y a toutes les formes de couples, les variations
à l'intérieur de ce qui est possible, finalement au niveau des
équations. Exactement, cela veut dire qu'il y aurait plusieurs
Intervenants qui pourraient rentrer juste pour représenter la
famille.
Mme Lanthier: Je ne sais pas si je comprends bien votre
question.
Mme Vermette: C'est parce qu'une famille aujourd'hui n'est pas
nécessairement le père et la mère. Il y a plein...
Mme Lanthier: Oui, effectivement, oui. C'est la famille...
Mme Vermette: La famille est élargie.
Mme Lanthier: ...où vit l'enfant. Si la mère est
toute seule ou si elle a un nouveau conjoint avec d'autres enfants,
ceux-là sont impliqués aussi dans le processus
thérapeutique.
Mme Vermette: On nous a dit: Quand l'enfant est en bas âge,
le parent peut avoir un rôle important à jouer, mais la
première question que je me pose est: Est-ce que tous les parents sont
aptes à pouvoir élever et éduquer un enfant? La
deuxième c'est que, très souvent aussi, il faudrait
peut-être qu'on démystifie le rôle des parents et qu'on
arrête de tes culpabiliser quelquefois lorsqu'ils ont certains
problèmes avec leur enfant, évidemment. Il faudrait
peut-être aussi apprendre aux parents que c'est peut-être
nécessaire pour une période de temps de ne pas intervenir
auprès de l'enfant, mais que ce soit quelqu'un d'autre qui puisse
Intervenir.
Je ne sais pas, vous n'en avez pas fait mention de ça. Est-ce que
ça fait partie un peu des expériences que vous avez pu vivre et
des échanges qui se passent?
Mme Lanthier: On a mis l'accent sur 0-5 ans, ce qui fait que la
plupart du temps le parent est avec son enfant. Le problème n'est pas
majeur, il est mineur, ce qui fait que le parent, en tout cas, normalement, n'a
pas encore développé ce sentiment de culpabilité
énorme. Ce qu'on veut, même avant qu'il y ait un symptôme ou
un comportement qui se développe chez l'enfant, c'est qu'on Intervienne
avant même pour que tout se passe de façon harmonieuse. Mais ce
qu'on regrette, c'est que souvent ça ne se poursuit pas. On n'a pas
assez d'effectifs au CLSC pour donner des services de consultation
auprès des garderies entre autres, On a des Intervenants psychologiques,
des travailleurs sociaux en matière scolaire, mais qui n'interviennent
que pour les troubles d'apprentissage. Ils n'Interviennent pas lorsqu'il s'agit
de troubles de mésadaptation socio-affective. À ce
moment-là, on se retrouve avec ta psychiatrie, ce qui est trop lourd par
rapport aux problèmes de l'enfant. À mon avis, il devrait y avoir
des équipes spécialisées en interventions infantiles dans
tes CLSC.
Le Président (M. Audet): Mme Blanchet.
Mme Blanchet: Le temps qui nous... C'est ce que vous allez me
dire, M. le Président, que notre temps est écoulé. Je
voulais terminer en disant que je pense qu'il y a un rayon d'espoir si on
s'adresse à une population qui n'est pas encore trop "poquée".
Nous sommes d'autant plus optimistes qu'avec l'optique générale
du rapport Harnois les quelques modifications que nous suggérons
permettraient de réorienter beaucoup du travail qui se fait
déjà en santé communautaire, mais qui est très
orienté du côté physique, vers les aspects plus
psychologiques. Au cours des dernières années, depuis que le
Comité de la santé mentale a écrit cet excellent rapport
sur les enfants et les adolescents - c'est peut-être un des effets de ce
rapport - on a vu se développer beaucoup ce secteur, à la fois
dans les hôpitaux et les organismes de santé communautaire. Donc,
nous croyons que de très petites modifications au rapport Harnois pour
intégrer ce domaine d'interventions auprès de la petite enfance
permettraient d'avoir au Québec une politique de la santé mentale
qui comble les aspects tes plus préventifs autant que les aspects les
plus curatifs. Je vous remercie.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Laviolette, pour le mot de la fin.
M. Jolivet: Alors, merci de votre intervention. Soyez
assurées que nous suivrons avec beaucoup d'intérêt la
position que la ministre prendra lors du dépôt de la future
politique en matière de santé mentale.
Le Président (M. Audet): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: A mon tour, je veux remercier le Conseil des
affaires sociales et de la famille d'avoir participé à nos
travaux et d'avoir mis davantage l'accent sur la petite enfance qui demeure un
secteur important de la prévention en santé mentale quand il ne
s'agit pas de corrections - le moins possible, on l'espère, à cet
âge. Merci.
Le Président (M. Audet): Mesdames, merci beaucoup. 8on
retour et bonne fin de journée.
J'invite maintenant l'Unité de recherche en santé mentale
du centre hospitalier de l'Université Laval à prendre place, s'il
vous plaît.
À l'ordre, s'il vous plait!
Nous recevons maintenant l'Unité de recherche en santé
mentale du centre hospitalier de l'Université Laval.
À l'ordre, s'il vous plaît! Merci.
Messieurs, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Vous me
permettrez, messieurs, mesdames de la commission, de souhaiter la bienvenue de
façon toute particulière à un ancien copain de
collège, le Dr Gaston Guimond. J'aurais été tenté
de le nommer par son prénom, mais je pense que...
Une voix: Lui, il a réussi.
Des voix: Ha! ha!
(17 h 15)
Le Président (M. Audet): ...à
l'extrême-gauche... J'aurais été tenté de le
présenter par son surnom de collège, mais je pense que ]e vais en
faire grâce aux membres de la commission.
Messieurs, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire. Je vous invite à vous
présenter et je vous cède la parole. Merci.
Unité de recherche en santé mentale du
CHUL
M. Cormier (Hugues): À ma droite, comme vous le dites, le
Dr Gaston Guimond, qui est médecin omnipraticien à l'unité
de recherche en santé mentale et, à ma gauche, M. Luc Ailard,
psychologue et membre de l'unité de recherche en santé mentale.
Je suis Hugues Cormier, natif d'un coin du comté de Mme Juneau,
Richmond, pour faire le même lien...
Mme Lavoie-Roux: Vous êtes sur un terrain amical.
M. Cormier: C'est cela, on est en famille. Je suis psychiatre et
responsable de l'unité de recherche, et je présente le
mémoire.
Notre unité de recherche, dans ses travaux, s'intéresse
particulièrement a développer des outils de réadaptation
ou des programmes pour favoriser la réadaptation des personnes qui
souffrent de troubles mentaux sévères et à évaluer
l'efficacité de ces nouvelles interventions. L'objet du mémoire
qu'on vous a soumis et pour la présentation duquel on vous remercie de
nous avoir invités est assez précis, c'est-à-dire qu'il ne
s'agit pas d'une critique ou de commentaires globaux sur le rapport Harnois,
mais on s'adresse spécifiquement a ce que Mme la ministre avait
donné comme mandat. On mentionne à la page 7 du rapport que la
cible principale du mandat confié au comité était les
personnes souffrant de troubles mentaux sévères et on
espère que l'illustration des programmes et d'études
réalisés au Québec pourra être utile pour formuler
la politique de santé mentale.
Je vais vous décrire deux études. La première a
été réalisée dans l'Estrie et au centre-sud du
Québec au début des années quatre-vingt concernant les
besoins de services pour les personnes souffrant de troubles mentaux
sévères. Par personnes souffrant de troubles mentaux
sévères, on entend les personnes qui, à cause des
problèmes qu'elles présentent, réussissent difficilement
à vivre dans leur communauté et à s'adapter de
façon stable à la vie en milieu naturel, à moins d'avoir
une aide spéciale. Les problèmes de ces gens sont souvent de
nature psychotique.
On s'est Intéressé à déterminer les besoins
de services de ces personnes et à regarder l'adéquation qu'il
pouvait y avoir entre les besoins de services qui étaient perçus
par les évaluateurs et les services qui étaient utilisés
et disponibles dans le réseau de la santé ou encore dans la
communauté en général. Les principaux résultats,
les faits saillants de cette étude nous ont montré que les
services les plus souvent Indiqués étaient la médication
psychotrope, l'organisation de services de loisir, ce qu'on appelle aussi le
suivi global ou, en anglais, le "case management", c'est-à-dire la
coordination par un professionnel de l'ensemble des services auxquels la
personne peut avoir besoin de faire appel en l'aidant dans ce cheminement qui
n'est pas toujours simple. On a aussi mis en lumière que la
thérapie individuelle, l'alliance Individuelle de soutien à long
terme, était un service souvent nécessaire.
Là-dessus, il n'y avait pas particulièrement de choses
nouvelles, mais on a aussi mis en lumière le fait que les lacunes
principales du réseau de soins se situaient au niveau de la
réadaptation et des services psychosociaux. On a aussi montré,
dans plusieurs études, qu'une façon d'améliorer
l'utilisation des services qui peuvent prévenir les rechutes et les
réhospitalisations à
répétition, c'est, comme je le mentionnais tantôt le
service de "case management* ou de suivi global. Dans l'étude
particulière dont on vous parle aujourd'hui, ce service avait
été Jugé Indiqué chez plus des trois quarts de la
population étudiée, alors que seulement le quart avait pu en
bénéficier. Ce sont les principaux faits saillants de cette
étude concernant les besoins et l'utilisation de services dans la
région de l'Estrie.
La seconde étude ou le second sujet, c'est de vous parier des
principales caractéristiques d'un programme de soutien communautaire qui
fonctionne maintenant depuis trois ans. Il y a trois ans cette semaine que le
programme donne des services. Ce programme est Implanté au CLSC de
Portneuf et a été développé conjointement avec
nous.
La région de Portneuf - quelques mots pour situer où
fonctionne ce programme-là - comme vous le savez, est une étendue
géographique assez grande. Par exemple, le CLSC qui s'y trouve a trois
points de services pour pouvoir rejoindre sa population. Environ 45 000
personnes y vivent. Dans une étude préparatoire à la mise
en place du programme, on avait trouvé qu'une centaine de
résidents de cette région-là, au cours d'une seule
année, avaient été hospitalisés pour troubles
psychotiques et ce, dans neuf centres hospitaliers différents. Donc,
c'est pour vous montrer qu'il n'y avait pas de coordination de services
très grande.
Je vais vous donner les grandes lignes du programme en ce qui concerne
sa clientèle cible, sa philosophie, ses objectifs, les ressources
humaines de l'équipe de soins. Ensuite, je dirai quelques mots sur son
fonctionnement et sur les principaux services pour, enfin, en venir aux
premiers résultats d'une évaluation qui est en cours depuis le
début du fonctionnement de ce programme.
La clientèle cible, c'est celle dont je vous ai parlé
tantôt, c'est-à-dire les personnes de la région de Portneuf
qui souffrent de troubles mentaux sévères. J'aimerais souligner,
comme, d'ailleurs, je l'ai bien compris dans votre utilisation de ce terme,
qu'on n'entend pas par là que les autres problèmes de
santé mentale ne sont ni sérieux ou sévères, mais
c'est un qualificatif qu'on emploie pour parler de ce qu'en d'autres temps on
appelait les personnes qui souffraient de maladie mentale chronique, c'est bien
ça.
Donc, la philosophie du programme en est une de santé mentale
communautaire où on insiste beaucoup sur la continuité des
services dans le temps, sur l'accessibilité la plus grande possible et
sur les efforts pour favoriser la réinsertion sociale et la
prévention des rechutes. Ce qui est peut-être particulier à
ce programme-là par rapport à d'autres expériences qui ont
pu être faites dans les CLSC, c'est que le programme s'adresse à
une clientèle particulière qui, par ailleurs, ressemble beaucoup,
je crois, à celle que le rapport Brunet identifie comme étant une
clientèle qui mériterait la mise sur pied de programmes
particuliers pour favoriser la réinsertion sociale, alors que les autres
problèmes de santé mentale seraient particulièrement pris
en charge par le programme de services courants médicaux et sociaux.
Le programme du CLSC de Portneuf vise cette clientèle
particulière avec la mise sur pied de services particulièrement
adpatés à la clientèle, avec une philosophie aussi de dose
minimale efficace autant pour la médication que pour les
différentes interventions psychologiques ou sociales qui peuvent
être faites, c'est-à-dire intervenir de façon minimale,
toujours viser, évidemment, une action efficace, mais sans surcharger
les interventions. Aussi, te modèle mis de l'avant, c'est le
modèle médical contemporain biopsychosocial où on met
l'emphase sur la complémentarité à la fois biologique,
psychologique et sociale.
Les objectifs généraux sont de favoriser la qualité
de vie des usagers du programme et de diminuer le fardeau pour la famille et la
société en général. L'objectif intermédiaire
qui est visé, c'est d'améliorer l'adéquation entre tes
besoins de services et l'utilisation de ces services-là. Les objectifs
spécifiques qui font l'objet de l'évaluation sont
d'améliorer l'état des usagers en termes de leurs
symptômes, de leur niveau d'autonomie ou d'incapacité, du
réseau social, de leur bien-être, de leur qualité de vie et
de leur satisfaction par rapport aux services. Cela, c'est au sujet des
usagers, des bénéficiaires. Pour ce qui est des membres de la
famille, on vise à diminuer le fardeau que représente pour eux le
membre de la famille qui est atteint et à améliorer leur
satisfaction aussi par rapport aux services offerts. Enfin, un autre objectif
spécifique, c'est de diminuer tes réadmissions à
l'hôpital et les coûts qui y sont reliés.
Les ressources humaines actuelles de l'équipe d'intervention sont
de cinq personnes. Il y a trois infirmières en santé mentale
communautaire qui travaillent quatre jours par semaine à chacun des
trois points de services du CLSC. Il y a un médecin
généraliste qui est consultant à demi-temps et un
médecin psychiatre qui est consultant également pour
l'équivalent d'une demi-journée par semaine.
À ce noyau de l'équipe de base s'ajoute une foule de
collaborateurs. Il y a les médecins traitants de chacun des
bénéficiaires qui sont soit l'omnipraticien qui travaille dans la
région de Portneuf, autant dans le secteur privé qu'au CLSC, ou
encore, à l'occasion, des médecins spécialistes des
régions de Québec et de Trois-Rivières. Il y a aussi les
proches, les membres de la famille qui sont vus comme un allié de
première importance et qui travaillent de concert avec les membres de
l'équipe de soins, ainsi que les autres intervenants du CLSC qui peuvent
être appelés en consultation. Enfin, II y a les
bénéficiaires eux-mêmes qui, par le biais de groupes
d'entraide, contribuent, pour une part importante,
à l'aide qu'ils peuvent recevoir dans le cadre du programme.
Le fonctionnement et les principaux services du programme. Au moment de
l'admission, lorsque la personne est référée et
évaluée, si elle présente les problèmes pour
lesquels le programme est mis sur pied, il y a principalement l'identification
des problèmes d'autonomie que présente la personne, la
détermination d'objectifs d'amélioration de cette autonomie et la
détermination d'un plan d'action pour atteindre ces objectifs qui sont
vérifiés de façon périodique. Il y a la mise sur
pied de nouvelles interventions selon l'évolution de chacune des
personnes.
Les activités se font principalement dans le cadre d'une relation
thérapeute-usager sur un plan individuel, mais aussi par le biais de
l'intervention de groupe. Pour ce qui est du suivi individuel, il y a, comme je
vous te disais, au moment de l'évaluation, la détermination des
objectifs qui, lorsqu'on regarde la liste qui est présentée
à la page 21 de notre mémoire, peut aussi constituer pour chaque
individu un plan de services individualisé, si on emploie la formulation
qu'on retrouve dans le rapport Harnois.
Les principaux services. Il y a l'Information sur la maladie avec
Insistance, comme je l'ai mentionné, sur l'identification des principaux
symptômes avant-coureurs de rechute pour prévenir l'apparition des
décompensations et les réhospitalisations. Il y a l'information
à la famille et le soutien qui lui est apporté. Il y a le suivi
et l'identification des problèmes physiques et des principaux
symptômes psychiatriques. Il y a l'amélioration de la
compétence dans les activités de la vie quotidienne, l'aide qui
est apportée pour le retour aux études ou le retour à
l'emploi, lorsque c'est Indiqué. Il y a le soutien dans d'autres
démarches à caractère social, par exemple, le logement,
les problèmes conjugaux ou autres qui peuvent survenir.
Pour ce qui est des activités de groupe, on peut mentionner le
fonctionnement d'activités de loisir et de socialisation une
demi-journée par semaine, ainsi que des activités de
thérapie occupationnelle. Il y a également le fonctionnement de
groupes d'entraide des membres de la famille des personnes qui souffrent de
troubles mentaux. Il s'agit d'un programme, qui s'étale sur huit
semaines, de rencontres de deux heures avec développement de
différents thèmes pour aider les membres de la famille. Il y a
aussi le développement d'un module d'éducation au traitement
neuroleptique pour aider les gens à devenir de plus en plus autonomes
par rapport à leur médication, a savoir reconnaître leurs
symptômes et discuter avec les professionnels de la santé des
problèmes éventuels de cette médication.
Au point de vue de l'évaluation des premiers résultats du
fonctionnement de ce programme, mentionnons qu'une soixantaine d'individus
avaient été référés au cours des 30 premiers
mois de fonctionnement de ce program- me. La grande majorité d'entre eux
ont été admis à ce programme et, après plusieurs
mois de fonctionnement, Ils continuent à recevoir les services. Il y a
une participation, une continuité qui se vérifie après
trois ans de fonctionnement. (17 h 30)
Une autre caractéristique de la clientèle, des personnes
qui ont été admises, c'est qu'en moyenne chacune avait
été hospitalisée quatre fois pour troubles de psychose
avant son admission au programme, ce qui confirme, donc, la lourdeur relative
de la clientèle à qui ce programme est offert.
Au point de vue des effets du programme, aujourd'hui on a des premiers
résultats concernant seulement quatre des différents objectifs
spécifiques qui font l'objet de l'évaluation. Quant au premier
objectif, celui de favoriser une meilleure adéquation entre tes besoins
de services et ceux utilisés, on note qu'avant l'admission au programme
environ 30 % des besoins de services étalent comblés alors
qu'après un an de participation au programme ce pourcentage passe
à 80 %.
Quant à l'Incapacité de fonctionnement des individus, on a
aussi trouvé des résultats, soit une amélioration
significative du fonctionnement des personnes évaluées.
Quant aux jours d'hospitalisation, on a trouvé que, dans les deux
années qui ont précédé leur admission au programme,
les gens passaient en moyenne une trentaine de jours par année à
l'hôpital alors qu'après leur admission au programme cette moyenne
annuelle était diminuée à 4 ou 5 jours par année
environ. Il en est de même pour les coûts reliés aux
hospitalisations. Donc, ces résultats sont encourageants et semblent
montrer un impact positif du programme, bien qu'il faille les regarder en ayant
conscience de leurs limites. Il sera intéressant de voir chez un nombre
plus élevé de sujets, pour de plus longues périodes et,
autant que possible, avec un groupe témoin de personnes qui
bénéficieraient de services conventionnels, quels seraient les
résultats à plus long terme. D'autres variables, qui sont
décrites dans les objectifs spécifiques, mériteraient
aussi d'être évaluées plus en détail.
En conclusion de ces deux études réalisées au
Québec, on aimerait vous suggérer les choses suivantes. Par
exemple, dans la recommandation 18 du rapport Harnois, on fait état de
l'importance de faire une planification au niveau régional de la gamme
des services à mettre sur pied pour répondre aux besoins en
santé mentale. On veut souligner l'importance de cela pour une
clientèle comme celle des personnes qui souffrent de troubles mentaux
sévères qui constituent un problème de santé
publique important étant donné la sévérité
des problèmes, la souffrance associée à ces
maladies-là pour les gens atteints, ainsi que pour leur famille et pour
la société en termes de coûts. Ce ne sont peut-être
pas les plus nombreux, mais, en termes d'Impacts sur la
société, je crois qu'on peut, par différents
Indicateurs, démontrer l'Importance, en termes de santé publique,
de ce problème-là. À notre avis, il faudrait porter une
attention particulière, dans la planification des services qui sera
faite, à des populations cibles et éviter de vouloir faire une
planification tous azimuts de tous les problèmes de santé mentale
qui sont très différents les uns des autres. Vous comprendrez
qu'on ne veut pas par là dire qu'il faudrait négliger les autres,
mais il ne faudrait pas mettre ensemble des choses qui méritent une
planification spécifique, à notre avis.
Même à l'Intérieur de cette clientèle
constituée des personnes qui souffrent de troubles mentaux
sévères, on a l'impression qu'on aurait grand avantage à
accorder une attention spécifique aux gens qui vivent en Institution
actuellement versus les gens qui, malgré un trouble mental
sévère, vivent dans la communauté. Les services à
mettre sur pied - on pourra y revenir au moment de la discussion - ne sont
peut-être pas toujours faciles à coordonner pour ces deux
sous-groupes-là.
On pense que, pour les personnes qui souffrent de troubles mentaux
sévères et qui, malgré ce problème-là,
vivent dans la communauté, les CLSC et les centres hospitaliers de
courte durée, de concert avec le conseil régional de leur
région, sont particulièrement bien placés pour offrir les
services en collaboration avec les groupes communautaires.
Donc, pour terminer, il nous apparaîtrait important de mettre
à l'épreuve un programme comme celui du CLSC de Portneuf dans
d'autres milieux pour vérifier si l'impact favorable qu'on a dans les
résultats premiers pourrait être étendu à d'autres
programmes du même type ailleurs au Québec. Je vous remercie.
Le Président (M. Audet): Merci. Je reconnais maintenant
Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier l'Unité de recherche en santé mentale du centre
hospitalier de l'Université Laval. C'est la première fois en
commission parlementaire sur ce projet de politique de santé mentale
qu'un groupe nous présente un mémoire portant davantage sur
l'évaluation plus rigoureuse des services donnés à une
partie de la population atteinte de problèmes de santé mentale.
Votre expérience m'apparaît extrêmement Importante, mais
davantage le fait qu'on ne peut plus aujourd'hui mettre en place ou ajouter de
nouvelles mesures sans mesurer ou tenter d'en mesurer les résultats.
Sans cela - les chiffres que je donne n'ont pas d'importance - on a dix
psychologues, quinze travailleurs sociaux et cinq psychiatres et on dit:
Écoutez, dans la première catégorie, il en faudrait 20,
dans, la deuxième, il en faudrait 30 et, dans la troisième, il en
faudrait 15.
Compte tenu de l'importance des problèmes sociaux - et fà
je le prends dans un sens très large - qu'ils soient rattachés
à la santé mentale, à la santé physique ou à
d'autres problématiques sociales, on ne peut plus se permettre, comme
vous le disiez, de s'en aller tous azimuts dans toutes les directions en se
disant tout simplement: Mais, c'est une addition de ressources. On ne nie pas
le fait qu'il y ait des domaines particuliers ou des secteurs d'intervention
où Il faut ajouter des ressources, mais nous n'arriverons jamais, et pas
un gouvernement n'y arrivera, à répondre à toutes tes
demandes si on n'a pas cette préoccupation, lorsqu'on établit un
programme ou lorsqu'on modifie une approche, de tenter en même temps d'en
évaluer les résultats et de remettre en question les mesures
mises en place si les résultats ne concordent pas avec les objectifs
qu'on s'était fixés au point de départ. Ce raisonnement
semble très élémentaire, mais j'ai l'Impression qu'on l'a
oublié trop souvent dans le domaine de la santé et des services
sociaux. Dans ce sens-là, je trouve fort intéressant que vous
veniez nous le rappeler d'une façon fort concrète.
Vous avez raison de dire qu'au point de départ la
préoccupation que nous avions lorsqu'on s'est penché davantage
sur les problèmes de santé mentale était
véritablement reliée aux pathologies plus sévères
ou plus sérieuses, pour la bonne et simple raison que c'était
comme conséquences d'une mauvaise planification de services pour ces
personnes-là que se développaient concurremment une foule de
problèmes sociaux, que l'on pense aux sans-abri, au fameux
symptôme de la porte tournante et ainsi de suite. Alors, dans mon esprit,
cette partie de ta population doit être sur la première ligne dans
les interventions ou dans les actions éventuelles qu'on va poser en
santé mentale. Évidemment, quand on parle de politique de
santé mentale, cela ne veut pas dire qu'on écarte toute la
question du dépistage, de la prévention et les différentes
approches qui peuvent être développées, mais je pense que
nos efforts devront, compte tenu des ressources qui nous sont allouées,
porter en premier lieu sur cette catégorie de patients.
C'est vrai qu'on peut se sentir plus ou moins bien dans sa peau et
qu'à ce moment-là on rend tes gens autour de nous plus ou moins
heureux dans leur peau et ainsi de suite, mais il y a, quand même, dans
l'ordre des problèmes, des prioriétés à
établir et je pense que, comme société, on doit tenter, en
tout cas, de corriger les problèmes qui semblent les plus aigus et les
plus importants. Dans ce sens-là, quand des êtres humains sont
rendus dans une situation où on se pose des questions sur leur
dignité et sur le respect qu'on leur doit, je pense que c'est
peut-être là en premier lieu que doivent porter les efforts.
Dans le projet de politique de santé mentale, on parle du plan de
services individualisé.
On a déjà commencé à l'appeler le PSI. Cela
ne prend pas de temps que les sigles se développent. Je me demandais si
ce que vous appelez le 'case management" dans le cas du projet de Portneuf,
peut-être pas dans toutes les situations, mais, en tout cas, pour une
certaine catégorie de personnes atteintes de problèmes de
santé mentale, ne pourrait pas être un modèle parmi
d'autres de PSI. Je pense qu'il faudra en examiner plusieurs, mais ne
trouve-t-on pas là un peu l'équivalent de ce que nous ou de ce
que le rapport Harnois appelle le plan de services individualisé?
M. Cormier. La nuance que j'apporterais, c'est que dans le
rapport Hamols, lorsqu'on parte du plan de services individualisé, on en
parle pour l'ensemble des problèmes de santé mentale. Ici, si on
regarde l'ensemble des services mentionnés à la page 21 de ce
document, il s'agit d'un plan de services individualisé qui est fait
pour une clientèle cible particulière. Évidemment, pour
d'autres types de problèmes de santé mentale, la gamme de
services pourra certainement compter certains des services qu'on retrouve ici,
mais il y en a d'autres, qui seront peut-être plus adaptés
à ces autres clientèles, qui ne sont pas mentionnés
ici.
Effectivement, je pense qu'on peut considérer que le programme de
Portneuf est une expérience concrète du plan de services
individualisé pour la clientèle cible des personnes qui souffrent
de troubles mentaux sévères. C'est-à-dire que les
thérapeutes principales, les infirmières, au moment de leurs
évaluations cliniques, regardent les besoins de chacun de leurs
bénéficiaires et se demandent parmi cette gamme, quels sont les
services prioritaires à donner à la personne qu'elles ont devant
elles au moment spécifique où elles l'évaluent.
Mme Lavoie-Roux: Quel était te budget qui avait
été accordé pour le projet de Portneuf?
M. Cormier: Pour le programme de Portneuf, l'ordre des
coûts de fonctionnement est d'environ 85 000 $, 90 000 $ par
année.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'ils couvrent vos trois
Infirmières à quatre jours, votre omnipraticien à deux
jours, etc?
M. Cormier: Oui. Les trois infirmières et les frais de
déplacement dans cette région.
Mme Lavoie-Roux: Ah, oui. Pour votre omnipraticien, ils sont
payés par la Régie de l'assurance-maladie.
M. Cormier: C'est cela. Cela n'inclut pas le temps de...
Mme Lavoie-Roux: Mais le transport et le temps des trois
infirmières.
M. Cormier: C'est cela et te fonctionnement du programme dans ces
activités.
Mme Lavoie-Roux: Les frais administratifs. M. Cormier:
C'est cela.
Mme Lavoie-Roux: Vous l'avez peut-être dit, mais cela
m'échappe. Vous disiez qu'il y avait une centaine de personnes avec une
pathologie plus sévère.
M. Cormier. Oui.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela vous a permis... Non. Est-ce
là qu'il y en a eu six d'éliminées?
M. Cormier: Regardez. Tous ces chiffres sont mêlants.
Mme Lavoie-Roux: C'est parce qu'il faut que je les dise de
mémoire, n'est-ce pas?
M. Cormier: Oui, c'est cela. Les 100 individus, on ne peut pas
dire que c'est l'ensemble de la population. Donc, sur une année, on a
fait un relevé dans toutes les archives des centres hospitaliers des
régions de Québec et de Trois-Rivières. On a relevé
100 personnes qui habitaient la région de Portneuf, qut avaient
été hospitalisées pour un problème psychotique.
C'est pendant l'année 1983. On ne peut pas vous dire si les 60 et
quelques individus qui participent au programme sont 60 de ces 100. Fort
probable qu'il y en a une bonne part, mais étant donné qu'on a
utilisé le système Med-Echo du ministère pour le
relevé des 100 Individus, c'est anonyme. On ne sait pas de quelles
personnes spécifiquement il s'agit.
Maintenant, ta question que vous posez, c'est: Est-ce qu'on rejoint la
population cible, est-ce qu'on rejoint l'ensemble des personnes qui souffrent
de troubles mentaux sévères de la région de Portneuf?
C'est un des éléments qui font l'objet de l'évaluation
actuelle. On ne peut pas vous donner la réponse aujourd'hui, mats on
peut penser qu'une forte proportion de la population cible est rejointe.
Probablement aussi qu'il s'agit des personnes qui ont les problèmes les
plus sévères qui ont été rejointes jusqu'à
maintenant. Mais ce sera seulement dans l'avenir qu'on pourra le savoir parce
que ça fait partie de l'évaluation qui est en cours.
Mme Lavoie-Roux: Mais ces 60 personnes ont été
suivies régulièrement.
M. Cormier: Oui, elles sont suivies. Il y a maintenant plus de
60 personnes qui ont été admises au programme et qui sont suivies
régulièrement. (17 h 45)
Mme Lavoie-Roux: Vous Indiquez également
dans la recherche que vous avez noté que les carences de services
les plus prononcées étalent dans le secteur de la
réadaptation et des services psychosociaux. Si on regarde tes
résultats que vous avez obtenus, de quelle façon avez-vous pu
compenser sans ressources additionnelles, sauf vos 90 000 $, dans vos "case
management" cette carence de ressources dans ces deux secteurs ou si vous avez
pu fonctionner sans cela?
M. Cormier: II y a une bonne part des services psychosociaux et
de réadaptation dont on parle qui sont offerts par les
thérapeutes, les trois infirmières en question, qui
elles-mêmes les dispensent. Non seulement elles créent l'alliance
thérapeutique avec l'individu et sa famille, mais elles offrent de
l'information sur la maladie, différentes autres interventions qui sont
mentionnées ici. Il y a eu mise sur pied aussi par l'équipe
d'activités de groupe en collaboration avec un groupe communautaire de
la région. Il y a, pour le transport, un organisme qui s'appelle
Transport adapté qui a été contacté et qui
collabore. Il y a d'autres groupes qui existaient qui étaient dans la
région qui ont été mis à contribution pour combler
en partie les lacunes et les besoins qu'on rencontrait. Est-ce que ça
répond?
Mme Lavoie-Roux: Allez.
M. Cormier: Si on regarde avant l'admission et un an plus tard,
par exemple, pour les résultats qu'on a ici, on voit qu'il y a une
grande part des services non comblés avant qui le sont maintenant et une
bonne part de ces services l'ont été par les membres de
l'équipe de soins, mais aussi par le biais du "case management",
c'est-à-dire par la thérapeute qui va au devant des groupes
communautaires ou des organismes comme ceux qui s'occupent de transport et tout
ça s'assurer que, pour leurs bénéficiaires, ce service
sera disponible. C'est une mise à profit de choses qui étaient
présentes. Il y a aussi les programmes de retour à l'emploi et de
stages en milieu de travail, des choses comme ça qui existent. Mais,
pour l'individu qui souffre de trouble mental sévère, ce n'est
pas simple de s'inscrire et de suivre toutes les étapes pour en
bénéficier. Souvent, l'infirmière va informer le
bénéficiaire ou sa famille de l'existence de ces programmes de
retour au travail ou de stages en milieu de travail, va l'aider par l'aide
juridique. Donc, il y a d'autres services comme ceux-là qui sont sur
place, mais qui sont parfois non utilisés parce que la personne n'a pas
les ressources pour en bénéficier.
Mme Lavoie-Roux: Je vais arrêter mes questions ici. Il y en
a qui me font de gros yeux, ils veulent avoir leur tour.
M. Cormier: D'accord.
Le Président (M. Audet): M. te député de
Laviolette, à vous la parole.
M. Jolivet: Merci, mais ce n'est pas mol qui fais de gros yeux,
c'est de son bord.
Des voix: Ha, ha!
Mme Lavoie-Roux: C'est vrai que c'est de mon bord.
M. Jolivet: Merci, d'abord, de votre expérience qui nous
est racontée aujourd'hui avec les effets qu'elle a apportés. Je
dois vous poser une question en rapport avec ce qui a été dit par
d'autres groupes avant vous, en particulier par les ressources alternatives qui
ont dit qu'il fallait aller au rythme de la personne, qu'il fallait donner la
possibilité aux personnes d'avoir un contact qui permette la mise en
confiance et, ensuite, entrer tranquillement dans un processus de
réadaptation, de réhabilitation. Je reviens à la
description que vous faites de votre clientèle cible à la page 10
où on donne les critères d'admission au programme qui a
été fait au CLSC de Portneuf. On parle, en particulier, au
cinquième tiret, 'd'accepter l'offre de soins qui est faite à
l'issue de l'entrevue d'évaluation." Est-ce que je peux vous demander -
parce que vous parlez d'une possibilité de réussite qui permette
une moins grande hospitalisation annuellement - si l'offre des soins a
été discutée par le comité des infirmières
avec les individus choisis un à un? De quelle façon a-t-on
procédé? Est-ce que cela leur a été imposé?
J'aimerais savoir comment le processus s'est fait.
M. Guimond (Gaston): C'est bien simple, l'offre de soins
est faite lors de l'entrevue d'admission où sont présents
l'usager et un membre de la famille, le médecin évaluateur,
moi-même, et l'infirmière du secteur. Quand on fait l'entrevue
d'admission, on discute avec l'usager et le membre de sa famille vers quoi on
peut aller. On constate qu'il y a telle et telle lacune, tel et tel besoin.
Qu'est-ce que vous pensez? On commence par cela. On vous conseillerait
peut-être cela ou autre chose et, ensemble, on décide. Donc, c'est
pour cela qu'on parle d'accepter l'offre de soins. En fait, elle est
acceptée étant donné la discussion qu'on fait avant. Il y
a un consensus avant. Quand on a un consensus, évidemment, l'acceptation
de l'offre de soins est automatique.
M. Jolivet: On parle de gens qui ont des troubles profonds et pas
seulement légers, si j'ai bien compris...
M. Guimond: Oui.
M. Jolivet: ...dans ceux que vous avez examinés, ceux qui
sont en soins hospitaliers dans des institutions et ceux qui sont hors
institution dans les familles ou dans leur milieu de vie actuel. Cela
veut donc dire que, pour vous, la personne, à partir de ce que vous avez
comme connaissances de votre groupe de travail, avec l'entrevue que vous faites
avec elle, vous lui proposez une possibilité de plan de travail pour
vous permettre de voyager pour les semaines à venir.
M. Guimond: C'est cela, quitte à réévaluer
le patient. Comme on le disait tout à l'heure D est évalué
de façon automatique tous tes six mois, mais D peut être
évalué au bout d'un mois s'il présente des
problèmes nouveaux, des besoins nouveaux. On peut dire à ce
moment-là: Tel besoin n'est plus le besoin prioritaire et on peut en
prioriser un autre.
M. Jolivet: Et vous déterminez quelles sont les personnes
qui peuvent lui venir en aide. Vous partez d'infirmières, de
médecins, au départ, mais il va y avoir d'autres personnes qui
vont pouvoir l'aider te travailleur social, te psychologue et d'autres à
l'intérieur du milieu de Portneuf.
M. Guimond: C'est exact.
Vous mentionnez dans votre conclusion, à la page 25: "Pour le
premier sous-groupe - cela va s'établir par tes autres, aussi - il nous
semble que les plans d'action de réinsertion sociale devraient
être l'uvre des grands établissements psychiatriques et des
centres de services sociaux, de concert avec le conseil régional et en
collaboration avec les groupes communautaires." Est-ce que vous pouvez me faire
une description de groupes communautaires qui existent et qui sont partie
prenante, actuellement, à votre expérience de Portneuf?
M, Cormier: Dans la région de Portneuf, il y a un groupe
particulier, dans la région de Donnacona, qui est constitué de
personnes bénévoles qui contribuent à faire fonctionner
l'activité hebdomadaire de socialisation et de loisir du programme.
Donc, ces gens participent à la planification des activités et
à leur réalisation, à l'animation des activités
comme telles. Ils n'Interviennent pas, par exemple, dans des choses aussi
spécifiques que l'apprentissage, l'habileté sociale ou de choses
comme cela, mais bien uniquement dans des activités de loisir et de
socialisation. Cela, c'est dans notre expérience, mais je pense que,
dans d'autres milieux urbains, il y a peut-être des groupes
communautaires qui ont des interventions plus développées.
M. Jolivet: II y a plusieurs personnes qui ont fait mention du
fait qu'on n'a pas la possibilité de penser que les groupes alternatifs,
qui sont différents des groupes communautaires, soient inclus dans la
définition des groupes communautaires. Dans ce contexte, est-ce qu'il y
a, dans votre travail actuel, des gens qui proviennent de groupes alternatifs,
incluant des personnes ex-psychiatrisées?
M. Guimond: À ma connaissance, non. D'après ce que
l'entends et ce que je comprends des groupes alternatifs, je dirais que non, il
n'y en a pas.
M. Cormier: J'aimerais Intervenir ici. Il y a vraiment un esprit
de complémentarité et non pas d'opposition, d'alternance dans ce
qu'on vit, dans l'expérience actuelle.
M. Guimond: Le groupe communautaire va donner quelque chose
à sa mesure et sa manière, va donner une teinte que nous, on ne
donnera pas, mais cela va dans le même sens. Effectivement, comme le dit
Hugues, c'est complémentaire et ils le font d'une manière
différente de nous. Mais cela poursuit toujours le même
objectif.
M. Jolivet: Dans les 60 personnes que vous avez actuellement,
est-ce qu'il y a des gens qui sont en institution et d'autres qui ne le sont
pas ou sont-ils tous en dehors de l'institution?
M. Cormier: Elles sont toutes en dehors de l'institution. Mais,
comme je le mentionnais, elles avaient été hospitalisées
en moyenne quatre fois. Mais c'était le phénomène de la
porte tournante, c'est-à-dire des gens qui avaient des hospitalisations
de trois semaines à un mois assez régulièrement,
peut-être une fois par année et, donc, ce genre de
problèmes là. Il n'y a pas de gens qui sont devenus partie de ce
programme-là après un séjour prolongé d'une dizaine
d'années en milieu psychiatrique, par exemple. Certaines d'entre elles
ont déjà eu des séjours prolongés et avaient
été désinstitutionnalisées dans la première
vague des années soixante et, par la suite, avaient eu - si on
généralise - quelques hospitalisations de courte durée
pour des rechutes et ont pu, comme ça, être admises ensuite au
programme. Elles vivent dans leur famille en général,
actuellement.
M. Jolivet: Cela fait trois ans que vous faites cette
étude. Ordinairement, quand on pense que ça fonctionne
très bien et que ça donne des résultats positifs, on est
porté à dire: On devrait élargir ça à
d'autres secteurs de la population dans le Québec. Dans ce
contexte-là, comment voyez-vous l'exportation, si je peux dire, de
l'expérience de la région de Portneuf à d'autres
régions? Est-ce qu'il y a des choses qui sont possibles? De quelle
façon devrait-on réagir? Qui pourrait en être responsable
ailleurs au Québec?
M. Cormier: En réponse à ça, j'aimerais dire
que, dans le rapport Brunet, on disait: Bon, des programmes dans les CLSC,
ça mérite qu'on en mette sur pied quand on a face à sot ce
qu'ils appelaient un problème fondamental de santé,
c'est-à-dire un problème qui est fréquent, qui est
important, qui a des conséquences sur la santé
publique importantes. Et ils ouvraient la porte - souvent, ils en
pariaient - à un programme pour des clientèles
particulières pour un CLSC qui, par exemple, se retrouverait dans un
secteur où il y a un problème de santé spécifique.
Mais ils disaient: II y a certains problèmes de santé
fondamentaux qui méritent la mise sur pied de programmes à
plusieurs endroits. Et, dans leur rapport, ils mentionnent un programme
favorisant la réinsertion sociale des personnes qui ont des troubles
mentaux sévères. Par exemple, pour la région de Portneuf
où il y a 45 000 personnes, on se rend compte que ça n'a pas
été un problème de trouver une clientèle. Il y
avait vraiment un problème important et on se rend compte que ce sont
des gens qui, avant, sans être Institutionnalisés, sans être
dans des hôpitaux, étalent peut-être, si on accepte ma
façon de le dire, une façon caricaturale,
institutionnalisés dans leur sous-sol et ne participaient pas à
leur communauté. Ils demeurent avec un problème important, mais
ils sont maintenant en meilleure santé mentale. Leur qualité de
vie s'améliore.
C'est une expérience intéressante. Maintenant,
l'exportabilité? Je ne sais pas si c'est pour cette raison mais,
étant donné qu'on travaille dans une unité de recherche,
quand on en a discuté, on s'est dit qu'il s'agissait moins de
répéter et d'essaimer en disant: Bon, cela semble aller bien,
allons-y que de mettre à l'épreuve, dans des milieux
différents, un programme du même type, mais toujours en tenant
compte de l'endroit où cela sera mis en place, en vérifiant si,
dans un secteur urbain pour un quartier donné, dans un milieu
semi-urbain, dans d'autres régions ou dans d'autres secteurs ruraux, on
peut retrouver des résultats similaires. Si cela se confirmait et qu'on
évaluait l'investissement utile, on pourrait peut-être penser
à l'élargir beaucoup plus. Je ne sais pas si cela peut être
imaginé, dans un projet de politique, d'y aller un peu par
expérimentation, vérification et évaluation de tentatives,
de programmes qu'on met à l'épreuve. (18 heures)
Autrement dit, on trouve que les résultats de l'expérience
actuelle sont encourageants et nous encouragent à faire des
vérifications plus nombreuses et dans des milieux différents.
M. Jolivet: Pour libérer le président, je lui donne
la possibilité de continuer passé 18 heures, si c'est le
problème que vous avez.
Le Président (M. Audet): J'allais, justement, le demander.
J'attendais que monsieur ait terminé son intervention.
M. Jolivet: II y a une recherche que vous avez faite. Vous parlez
d'une centaine de cas qui ont été vérifiés. Dans
votre recherche de ces personnes dans les milieux psychiatriques autrefois,
dans des centres hospitaliers de longue durée ou même de celles
qui étaient à la maison, quelles sont les réticences que
vous avez eues, parce qu'on a toujours cette impression qu'il y a encore des
parents aujourd'hui qui cachent des enfants ou des adultes même, comme
vous le disiez, dans des sous-sol? Avez-vous eu ces problèmes dans votre
recherche de cas? Quand vous dites: Oui, dans cette région, il devrait y
en avoir une centaine, c'est qu'il y a certainement des personnes qu'on n'a pas
rejointes parce qu'elles sont encore cachées.
M. Cormier: Une précision, car je me suis peut-être
mal exprimé; il y a certainement beaucoup plus que 100 individus. C'est
minimal. Ce sont des gens qui avaient été hospitalisés
pendant un an. Donc, ça ne reflète pas nécessairement
toute la population de gens qui souffrent de troubles mentaux
sévères. Si on se sert d'études
épidémiologiques, on peut penser que c'est de l'ordre de 400 et
plus. Dans le travail quotidien aussi des infirmières qui travaillent
dans ce programme-là, je dois dire que, pour elles, le
bénéficiaire, c'est la personne qui souffre de trouble mental,
mais aussi les membres de la famille et le milieu. Donc, elles interviennent
auprès de l'individu malade, mais aussi de sa famille. Donc, cela fait
une population cible beaucoup plus importante que seulement 100.
On ne se trompe pas en s'adressant aux membres des familles de ces
gens-là qui ont des problèmes de santé mentale, parce que
c'est très pénible bien souvent pour eux. Justement, leur
attitude n'a pas été, en général, d'avoir des
réserves, on est même plutôt, très souvent,
soulagés car, enfin, on peut compter sur de l'aide.
M. Jolivet: Voici ma question avant de laisser le soin à
d'autres de mes collègues de poser des questions. Le résultat que
vous nous apportez aujourd'hui, je l'espère, recevra une certaine
publicité permettant de donner un impact plus positif que négatif
à ces choses. Est-ce que vous avez pris soin d'informer la population
des résultats positifs, de telle sorte que vous aurez probablement une
clientèle additionnelle de gens qui disent: Si cela a fonctionné,
pourquoi cela ne fonctionnerait-il pas pour mon fils, ma fille, mon
père, ma mère? Dans ce sens-là, le CLSC donnerait
davantage de services.
M. Cormier: Le programme a fait l'objet de différentes
communications et, entre autres, dans l'hebdomadaire régional, local, le
directeur général du CLSC récemment en a parié. Il
y a eu un article, à un moment donné, qui décrivait le
programme. Il y a eu des efforts de ce type-là qui ont été
faits. Aussi à l'occasion d'activités portes ouvertes du CLSC, il
y a eu un kiosque d'information.
M. Jolivet: Merci.
Le Président (M. Audet): Mme la députée de
Johnson, la parole est à vous.
Mme Juneau: II n'y a pas d'alternance, M. le
Président?
Le Président (M. Audet): Étant donné que
vous étiez la seule à avoir demandé la parole avant les
députés ministériels, je vous reconnais
immédiatement.
Mme Juneau: Je vous remercie, M. le Président. Je n'ai
rien contre cela.
Le Président (M. Audet): Allez-y. Mme la
députée.
Mme Juneau: Dr Cormier, il y a d'autres groupes qui sont venus
nous dire qu'ils ne croyaient pas que la désinstltutionnallsatlon
coûterait moins cher que l'institutionnalisation. D'après
l'expérience que vous venez de vivre dans Portneuf, pouvez-vous nous
dire si cette voie va nous coûter moins cher que ce que cela coûte
à présent?
M. Cormier: J'aimerais bien savoir la bonne réponse, mais
II faut réaliser qu'il y a eu une première vague de
désinstitutionnalisatlon. Il y a des gens qui maintenant sont moins
institutionnalisés, les personnes plus jeunes qui souffrent de troubles
comme cela. Quand on parle de la désinstitutionnalisation en 1987, on
parle, donc, des gens qui sont actuellement dans les hôpitaux
psychiatriques. Il y a l'échelle New York qui évaluait qu'une
bonne part de ces personnes-là pourraient vivre dans la
communauté pour autant qu'elles puissent bénéficier des
services dont elles ont besoin.
Il faut réaliser que probablement ces gens-là qui sont
encore en institution aujourd'hui présentent des problèmes un peu
plus sévères encore que ceux qui sont actuellement dans la
communauté. Donc, les coûts qu'on a observés ici, qui sont
très partiels et qui ne sont que les coûts reliés à
l'hospitalisation, nous montrent que, au moins pour ces gens-là qui sont
nombreux, il y a peut-être moyen de mettre sur pied des services et de
faire certaines économies de réhospitalisation pour cette
clientèle-là.
Maintenant, savoir si cela ne coûterait pas plus cher de sortir
des hôpitaux psychiatriques des gens qui y sont actuellement et d'offrir
les services dans la communauté, je pense que ce sera peut-être en
faisant des expériences qui seraient évaluées qu'on va
pouvoir y répondre, mais c'est difficile d'être précis
à ce moment-ci.
Mme Juneau: Pour les plans de services individualisés
aussi, vous avez répondu à une question de la ministre tout
à l'heure que c'était propre à Portneuf et cela voulait
dire que, dans d'autres régions, peut-être qu'il y a d'autres
choses qui seraient plus actualisées aux besoins des gens. Cela
m'amène à penser que bien souvent ici on fait des plans ou des
programmes et cela manque de flexibilité, c'est rigide, Les gens doivent
entrer dans un cadre très rigide et non adaptable. Je pense que cela se
vit. On comprend que, sur la Côte-Nord, en Estrie, en Abitibi et à
Montréal, ce ne sont pas du tout les mêmes attentes et les
mêmes besoins en termes de services. Est-ce qu'il pourrait y avoir, je ne
sais pas, un plan national, mais adaptable? Comment verriez-vous cela?
Le Président (M. Audet): II vous reste une minute dans
votre enveloppe pour terminer.
Mme Juneau: Ah, ce n'est pas vrai! M. Cormier: D'accord.
Le Président (M. Audet): Si vous voulez être bref,
merci.
M. Cormier: Je vais répéter ce que je disais. Pour
être le plus adaptés et le plus pertinents possible dans nos
services offerts, je pense qu'on peut penser en termes de régions et de
variations selon les régions, mais il faut surtout ne pas oublier la
variation en termes de clientèles cibles. Les personnes qui souffrent de
troubles mentaux sévères, ce n'est pas la même chose que
les personnes qui souffrent de troubles d'anxiété ou de troubles
psychosomatiques ou d'autres problèmes de santé mentale qui sont
tous très Importants et sur lesquels on doit se pencher. Mais
l'adaptabilité et la pertinence des programmes à mettre sur pied
doivent être surtout, je crois, en fonction des problématiques
qu'on veut viser. C'est-à-dire que, si on développe des services
pertinents et spécifiques pour les gens qui souffrent de troubles
mentaux sévères, ils risquent d'être autant pertinents dans
Portneuf que sur la Côte-Nord avec, évidemment, l'adaptation. Si
tel service est déjà disponible dans une région, il ne
s'agit pas de le répéter.
Le Président (M. Audet): Merci. Je reconnais maintenant le
député de Notre-Dame-de-Grâce. Votre enveloppe est
épuisée, Mme la députée. Le député de
Notre-Darne-de-Grâce.
M. Thuringer: Merci, M. le Président. L'évaluation
et la recherche ne sont pas seulement nécessaires, mais importants. Mais
dans un contexte où les ressources sont limitées, est-ce qu'il y
a d'autres types de recherche qui peuvent aider plus à sensibiliser les
gens en général, un des objectifs Indiqués dans le rapport
Harnols? Et la deuxième chose: on a rencontré bien des groupes.
Les statistiques des problèmes montent beaucoup. Je viens d'être
un peu découragé. Je me demande dans un champ de recherche:
Est-ce qu'il y a des lumières ou des espoirs que vous voyez?
M. Cormier: Mon cher monsieur, c'est vous qui me
découragez un peu.
Des voix: Ha, ha, hat
M. Cormier: Parce qu'il me semble que les résultats qu'on
vous présente aujourd'hui, on essaie de ne pas leur donner des
portées qu'ils n'auraient pas. Il me semble qu'effectivement ce sont des
résultats encourageants pour des personnes qui souffrent de maladies
sévères. Il me semble que, oui, il y en a de la lumière
et, oui, il y a à mettre à l'épreuve dans d'autres milieux
des expériences semblables. On n'a pas à s'inquiéter et
à se demander: Est-ce qu'on fait bien d'intervenir pour ces
gens-là? Ce sont des gens qui souffrent, qui sont malades. Ce sont des
gens qui sont avec des familles et qui vivent des problèmes très
sérieux et très importants. Ils sont bien contents de
bénéficier de services comme ceux qui ont été mis
sur pied. Là, il y a même certains indicateurs que cela pourrait
peut-être, pour cette sous-population dans un système, quasiment
équivaloir aux coûts de la mise sur pied des services. Donc, je
trouve cela plutôt encourageant.
M. Thuringer: Je ne suis pas découragé par ta
recherche dont vous partez, mais il me semble qu'il n'y a personne qui ferme le
robinet. Cela augmente toujours.
M. Cormier: Vous voulez dire les problèmes de santé
mentale?
M. Thuringer: C'est cela, c'est cela,
M. Cormier: Oui, il y en a beaucoup, mais je pense qu'il faut
accepter d'identifier des pistes, des cibles précises et y aller
à fond pour celles-là. Vous savez, nous, comme unité de
recherche en santé mentale, on entend souvent d'autres groupes nous
dire: Oui, mais c'est Important aussi, tel autre problème et tel autre
problème, mais on trouve qu'on retire des bénéfices
d'avoir décidé, depuis quelques années, de cibfer notre
Intervention sur une population particulière, d'avoir
développé des programmes spécifiques pour cette
clientèle, de nouvelles approches pour favoriser la réadaptation
et aider les familles. On acquiert une expérience qui pourra servir dans
d'autres milieux.
Il s'agit d'espérer que, pour d'autres problèmes, il se
développe d'autres équipes de recherche et que, problème
par problème, on arrive à attaquer cette montagne de
problèmes de santé mentale.
Le Président (M. Audet): M. le député de
Fabre, vous disposez de trois minutes et demie, environ.
M. Joly: Merci, M. le Président. Je serai très
bref, sans pour autant être expéditif parce que c'est, quand
même, important.
Je ne sais pas si c'est le Or Cormier ou le Dr Guimond qui mentionnait
qu'avec un budget d'application et de fonctionnement de 90 000 $ annuellement
vous réussissez à couvrir un champ d'action qui semble regrouper,
si on parle de 60 bénéficiaires répartis sur une
période de 30 mois, une moyenne d'une vingtaine de
bénéficiaires par année. Vous réussissez à
aller au devant des problèmes. Donc, vous anticipez d'autres
problèmes; c'est ce qui fait que l'hospitalisation de ces gens-là
semble avoir été contrôlée dans le sens qu'ils sont
beaucoup moins hospitalisés ou que, du moins, la durée de
l'hospitalisation est beaucoup moins longue. Cela ne semble pas être un
effet du hasard qu'on arrive à cela. Donc, la prévention des
problèmes futurs ou des problèmes anticipés, vous y
voyez.
Tantôt, on disait: Est-ce que cela coûte moins cher de
désinstitutionnaliser et de traiter à domicile? Moi, hors de tout
doute, avec ce que vous nous avancez, je serais tenté de croire que oui,
vous êtes une des ressources, que vous êtes un groupe qui a
trouvé un semblant de solution, un pendant, si vous voulez, qui nous
amène à espérer pour l'avenir.
Mais pour reprendre ce que le député de Laviolette
tantôt a cerné, mais qu'il a lâché aussi comme sillon
d'exploitation et au risque d'être redondant moi-même, vous
effectuez quelque chose qui semble très positif. Vous te faites à
l'Intérieur d'une région donnée et cela ne déborde
pas ailleurs, dans le sens qu'il n'y a personne d'autre que vous autres et
nous, lors d'une commission parlementaire, qui t'apprend. Vous allez me dire
que, peut-être, de bouche à oreille, cela peut se dire ou cela
peut se faire dans un couloir ou lors d'une rencontre ou d'un colloque
quelconque, il me semble qu'il manque un lien quelque part. Cela fait deux ou
trois organismes qu'on "auditionne", si on me permet l'expression. On sent
qu'il y en a qui ont de bonnes idées qui ont des choses pratiques qu'ils
mettent en application, mais cela s'arrête à des régions
données.
Mors, en tant que parlementaires, je serais tenté
d'espérer, de souhaiter de façon très sérieuse
qu'il y ait quelqu'un qui prenne la responsabilité - c'est bien
sûr que cela peut demander de l'argent pour un CLSC ou pour un CRSSS - de
coordonner tout cela. SI vous avez réussi à négocier 90
000 $ avec un CLSC - j'imagine que les fonds viennent de là - si vous
avez réussi à l'amener à la conception de la
prévention, bien, à ce moment-là, j'imagine qu'il y aurait
quelqu'un à l'intérieur de tous les CLSC qui pourrait dire: On va
consacrer X milliers de dollars par année et on va véhiculer les
bonnes nouvelles et les bonnes choses qu'on fait. Ce serait drôlement
valorisant pour vous tous et sécurisant pour tous ceux qui doivent
espérer des solutions. Vous en avez, des solutions, dites-le fort.
Ce sont simplement les commentaires que je voulais faire, M. le
Président Merci.
Le Président (M. Audet): Est-ce que vous avez un bref
commentaire à faire? Il reste à peu près 25 secondes,
trois mots.
M. Cormier: Très bref pour dire que oui, on pense que ce
serait utile de répéter l'expérience, de la mettre
à l'épreuve dans d'autres milieux. Cela prend probablement de
l'argent nouveau. Ce n'est pas à l'Intérieur d'un budget de CLSC
qu'on peut Identifier 90 000 $. Ce budget venait du conseil régional
qui, avec te ministère de la Santé, avait décidé,
pour cette région de Port-neuf, de tenter une expérience
nouvelle. C'est comme ça qu'on pourra continuer.
Le Président (M. Audet): Merci. Le mot de la fin, M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci. Sachant qu'on ne peut pas tout exporter, mais
qu'on peut en retenir les bénéfices, votre expérience est
intéressante. Que ceux qui en ont entendu parler et qui en entendront
parier dans l'avenir en prennent les meilleurs bénéfices et
qu'ils essaient de voir ce qui pourrait être utile pour la
clientèle de leur milieu parce qu'une région, c'est une
région, ce n'est pas ta même chose partout
Le Président (M. Audet): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Un grand merci, cela a été
très intéressant Je voudrais revenir sur des Inquiétudes
que des gens ont exprimées quant à la définition des
rôles. La députée de Johnson l'a soulevé, souvent on
est trop rigide. Les gens voudraient encore qu'on "encarcane" tout le monde
dans des définitions absolument rigides alors que l'esprit du rapport
est vraiment que chacun trouve ensemble les définitions qui conviennent
mieux aux circonstances, sans tomber dans une espèce de vague ou de flou
qui créerait plus de problèmes.
Je ne sais pas si mes collègues de l'Opposition me permettraient
Juste une petite question si vous pouvez y répondre en deux
secondes.
Mme Juneau: C'est le président qui permet.
Mme Lavoie-Roux: Me le permettez-vous, M. le
Président?
Le Président (M. Audet): Si l'Opposition est d'accord, je
n'ai pas d'objection, Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: II faudrait qu'ils s'y opposent Très
brièvement À la page 112 du rapport de la commission Harnois, on
expose les conditions de la réalisation de la
désinstitutionnalisation. Il y en a quatre: "une Intervention en
situation de crise disponible de façon permanen- te; une
médication appropriée lorsqu'elle est requise; une intervention
auprès de l'entourage le plus significatif; une continuité de
services." Vous qui avez, quand même, fait une expérience pour au
moins empêcher la réinstitutionnalisation, pensez-vous que ces
quatre conditions peuvent couvrir assez bien un programme de
désinstitutionnnalisation ou de non-institutionnalisation?
M. Cormier: Je dirais que ouf, mais en vous signalant que
continuité de services, c'en est seulement une sur quatre qui en cache
peut-être un bon nombre.
Mme Lavoie-Roux: Oui. D'accord.
M. Cormier Vous comprenez? On a continuité de services...
Quels services? Là, il faut peut-être faire
référence à la liste qu'on a dans notre
mémoire.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Audet): Merci, messieurs. Bon retour. La
commission suspend ses travaux et les reprendra à 20 heures, au
même endroit.
(Suspension de la séance à 18 h 19)
(Reprise à 19 h 59)
Le Président (M. Joiy): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je voudrais rappeler le mandat de la commission qui est d'étudier
le projet de politique de santé mentale pour le Québec tel
qu'énoncé dans le rapport du comité présidé
par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre 1987.
Je vois que les intervenants qui représentent la
Conférence des conseils régionaux de santé et de services
sociaux du Québec sont déjà présents. Alors, je
vais vous rappeler les règles: vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire et, par la suite, le temps est
dévolu aux deux formations pour leur permettre de poser des questions.
J'apprécierais que le ou la responsable du groupe se présente et
présente les autres intervenants qui l'accompagnent.
Conférence des CRSSS
Mme Lalancette (Denise): Merci, M. le Président. M. le
Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs les
députés membres de cette commission, j'ai tout d'abord le plaisir
de vous présenter les personnes qui m'accompagnent, soit, à ma
droite, Mme Hélène Morais, directrice générale de
la Conférence des CRSSS; à sa droite, M. Claude Boisjoli,
directeur général du conseil régional de la
Côte-Nord et membre du comité administratif de la
conférence; à ma
gauche, M. Michel Léger, premier vice-président de la
conférence et directeur général du conseil régional
de Laurentides-Lanaudière, et, à sa gauche, M.
Jean-François Thiboutot, deuxième vice-président de la
conférence et président du conseil régional
d'Abitibi-Témiscamingue. Pour ma part, je suis Denise Lalancette; je
suis présidente du conseil régional de l'Estrie et
présidente de la Conférence des CRSSS.
Le Président (M. Joly): Merci. Allez-y, madame!
Mme Lalancette: En guise de préliminaire, on me permettra
de rappeler aux membres de ta commission que la Conférence des conseils
régionaux de la santé et des services sociaux a été
créée en 1983 et qu'elle regroupe les treize conseils
régionaux disséminés sur le vaste territoire du
Québec. La conférence fait état dans son mémoire de
positions ayant réuni des consensus au niveau des treize conseils
régionaux.
La conférence a pour mission, bien sûr, de favoriser les
échanges et une plus grande cohésion entre les conseils
régionaux, mais son existence se justifie également par la
nécessité de promouvoir la régionalisation du
système de santé.
Ainsi que nous l'affirmions dans le mémoire que nous avons
présenté en juillet 1986 à la commission d'enquête
sur les services de santé et les services sociaux, le rapprochement des
centres de décision de l'action et une participation plus large de la
population à la définition de ses besoins et priorités
peuvent seuls assurer une plus grande équité entre tes citoyens
et les citoyennes et entre les diverses régions, une meilleure
adaptation des services aux besoins en évolution et une utilisation
rationnelle et optimale des ressources.
Ces objectifs sont contenus dans le mandat que les conseils
régionaux de santé et de services sociaux ont reçu lors de
la réforme de 1971 qui les chargeait de planifier et de mettre en
oeuvre, en concertation avec tes Instances et acteurs concernés, un
réseau de services intégrés adaptés aux besoins. Le
décret gouvernemental promulgué en 1979 est venu renforcer les
rôles confiés aux conseils régionaux en ce qui concerne
l'administration de certains programmes, la mise en commun des ressources et la
participation de la population aux décisions.
Malgré les difficultés nombreuses qu'ils ont eues à
surmonter et sur lesquelles nous reviendrons plus loin, on peut dire que tes
conseils régionaux de santé et de services sociaux ont
assumé ces responsabilités avec beaucoup de dynamisme, de
compétence et une attention soutenue aux besoins de l'ensemble de la
population. Notre position face au rapport du comité Harnois ne peut
être dissociée de ce contexte.
Je vous remercie donc, mesdames et messieurs, de nous permettre de
réagir publiquement au rapport Harnois. Les auteurs avaient
eux-mêmes formulé le souhait que leur énoncé de
politique soit l'occasion d'un large débat public sur la santé
mentale au Québec. La tenue de cette commission parlementaire
répond déjà en partie à ce voeu. Nous y voyons, en
même temps qu'une reconnaissance de la qualité du travail des
membres du comité, une volonté d'amorcer un processus de
changement dont le besoin n'a plus à être démontré.
Depuis 25 ans, le domaine de la santé mentale a connu de profonds
bouleversements au Québec. La psychiatrie a considérablement
évolué et l'État a restructuré complètement
les services en partant du principe de l'universalité. Néanmoins,
en 1988, il n'existe pas au Québec de politique en santé mentale,
si bien que les ressources importantes qui y sont consacrées sont
souvent gérées dans la confusion, mal distribuées sur le
territoire et ne répondent que très partiellement aux besoins. Le
seul exemple de la répartition des effectifs médicaux l'illustre
éloquemment. Le rapport Harnois arrive donc à point et il frappe
juste.
La problématique et les grandes orientations. Dans l'ensemble,
nous tenons à exprimer notre accord avec l'approche
développée, tant au plan de l'analyse qu'à celui des
grandes orientations et des priorités qui y sont retenues. Nous
souscrivons entièrement, en effet, à la décision du
comité de resituer la personne aux prises avec des problèmes
mentaux au coeur du projet et à la démarche de recherche d'un
partenariat élargi. Le principe de la désinstitutionnalisation
n'a de valeur, en effet, que s'il s'applique dans un contexte de respect des
droits et de dignité des personnes et des familles, et dans un
environnement organisationnel multidisciplinalre qui intègre les
ressources de la communauté.
Les problèmes. L'identification des problèmes prioritaires
est réaliste et conforme au consensus établi par
différents acteurs depuis plusieurs années dans le réseau.
On me permettra de rappeler tes plus importants à nos yeux: tout
d'abord, les difficultés pour les personnes souffrant de
problèmes de santé mentale à avoir accès à
des services continus intégrant l'ensemble de leurs besoins; les
problèmes de disponibilité et d'accessibilité de certains
types de services de santé et de services sociaux, le cloisonnement,
l'absence de souplesse des organisations et les faibles liens qui existent
entre elles, l'iniquité qui résulte d'une mauvaise
répartition géographique des ressources humaines,
matérielles et financières; l'absence de participation
véritable de la communauté et les carences dans la formation des
intervenants et le développement des connaissances en santé
mentale. Tous ces problèmes font l'objet, dans le rapport Harnois, d'une
analyse pertinente et rigoureuse.
Les solutions. Cette rigueur et cette lucidité se retrouvent
également dans l'exposé des principales recommandations faites
par le comité pour résoudre les problèmes
identifiés. Nous endossons d'abord pleinement la demande d'un
plan quinquennat d'action fondé sur des objectifs clairs et une
définition précise des responsabilités de l'État,
qui comporte notamment le développement de mécanismes
appropriés d'évaluation des résultats et de l'Impact
réel des politiques mises de l'avant.
Nous appuyons également, sans la moindre réserve, toutes
les recommandations inspirées par la préoccupation de placer les
besoins de la personne et de ses proches au point de départ de toutes
les actions à envisager au-delà des Intérêts
corporatistes et des structures. Nous pensons principalement au respect de
l'autonomie, au maintien dans le milieu, au soutien à fournir aux
familles, au plan de services individualisé, au développement des
ressources communautaires, à la continuité et à la
coordination des services. Nous souscrivons aussi, bien sûr, à la
nécessité amplement démontrée de réaliser
cette fameuse équité interrégionale et
intra-régionale dans la distribution des ressources. Enfin, les
objectifs de formation, de recherche, de sensibilisation et d'information de la
population doivent être vigoureusement appuyés.
La nécessaire régionalisation. Le rapport fait une large
place à l'implication régionale. Il y est proposé,
notamment, de consolider la planification régionale
réalisée le plus près possible de l'action, centrée
sur les besoins des personnes, à la lumière des
particularités des milieux où se vivent les problèmes et
où se donnent les services, avec la participation conjointe et
harmonieuse des différents acteurs des établissements et de la
communauté. Également, que chaque conseil régional
traduise cette planification par un plan régional ou des plans
sous-régionaux d'organisation des services.
Les membres du comité ont donc bien vu la nécessité
de l'intervention du palier régional, mais le mandat qu'ils veulent
confier au conseil régional d'entreprendre une démarche de
planification et de coordonner l'élaboration d'un plan d'organisation
des services avec les différents acteurs nous paraît nettement
insuffisant
À notre avis, seule une véritable délégation
au conseil régional du mandat d'implanter et d'administrer le programme
régional de santé mentale avec les différents acteurs
concernés peut permettre d'assurer la mise en place d'une gamme de
services guidés par des principes d'équité,
d'accessibilité, de complémentarité, de continuité
et d'autosuffisance régionale ou sous-régionale. Cette
responsabilité déléguée au conseil régional
comprend un ensemble d'activités cohérentes d'animation, de
consultation, de planification, de programmation, de budgétisation,
d'allocation et de réallocation des ressources, de coordination des
services et de coordination de l'accès aux services, de gestion, de
contrôle et d'évaluation.
Il faut, en effet, que les plans de services ne demeurent pas au niveau
des intentions, mais qu'ils se traduisent dans l'organisation d'une gamme de
services continus. De même, nous paraît nécessaire la mise
en oeuvre de mécanismes régionaux et sous-régionaux
d'évaluation et d'accès aux services. Les personnes qui ont
besoin de services, et particulièrement les clientèles
prioritaires, doivent pouvoir compter sur une évaluation globale de
qualité, une orientation vers les services correspondant à cette
évaluation et une admission dans les meilleurs délais dans les
établissements qui les dispensent. Cette responsabilité de
coordination de l'accès aux services, si importante à nos yeux,
se situe bien au-delà des rôles spécifiques des
établissements et des professionnels Et tout le monde sait, par
ailleurs, que ce n'est pas à Québec qu'on peut le mieux
réaliser tes objectifs d'équité et d'accessibilité
qui sont au coeur de la réforme proposée.
Donc, si on pense que c'est en région et même dans les
sous-régions que peuvent être mis sur pied les services continus
et intégrés dont il est question, il faut être
cohérent et donner aux conseils régionaux les moyens d'agir.
Ceux-ci ne veulent plus se voir confier des mandats qu'ils sont impuissants
à remplir parce que coincés entre, d'une part, un pouvoir central
qui ne se résout pas à se départir des rôles qui
doivent justement être délégués et, d'autre part,
des institutions et des établissements qui ne cessent d'en appeler
à Québec des décisions des conseils régionaux.
Il me vient ici un exemple que j'aimerais partager avec vous et qui
s'est passé dans la région d'où je viens. À un
certain moment, 52 000 $ avaient été accordés par le
ministère pour un programme de santé mentale, en argent nouveau,
non récurrent. On avait réussi à asseoir autour d'une
table des directeurs généraux d'établissements pour faire
une répartition de ce montant selon des priorités qui
étaient définies. Ils ont réussi à te faire et nous
avons transmis ce projet au ministère pour recevoir, peu de temps
après, une lettre disant: Ce n'est pas ainsi que nous allons le
répartir, mais de telle autre façon. Vous comprendrez que plus
Jamais nous n'avons réussi à asseoir à une table ces
directeurs généraux pour participer à un projet de
régionalisation ou de répartition des ressources. Nous ne
voudrions plus que des choses comme cela se reproduisent.
L'expérience de l'application du décret de 1979 devrait
nous servir. On ne peut pas décentraliser à moitié ou
placer les mêmes pouvoirs à deux endroits différents, pour
ne pas dire à deux niveaux différents Les conseils
régionaux ont amplement fait la preuve qu'ils étaient capables
d'exercer ces fonctions si délicates d'implantation, de
répartition, d'harmonisation et de rationalisation de ressources. On
peut faire confiance aux instruments de planification et aux mécanismes
de concertation régionaux et sous-régionaux. {20 h 15)
Les conseils régionaux possèdent à la fois
l'expérience et l'expertise, et je veux bien
préciser que, quand je dis: les conseils régionaux
possèdent, j'entends que les conseils régionaux, à ces
niveaux, travaillent avec les représentants des divers
établissements. Ce n'est pas simplement, par exemple, le 2424 King ouest
ou n'Importe quelle adresse d'un autre conseil régional, mais c'est
toujours un travail de concertation avec les établissements et de plus
en plus avec les organismes communautaires également.
Il faut aux conseils régionaux ainsi entendus des leviers
d'action spécifiques. Nous faisons donc les propositions suivantes: Que
soit prévu pour chaque région un budget de transition permettant
de réaliser les transformations et de développer des services.
Qu'on mette en fiducie chaque année au conseil régional une
enveloppe de développement et/ou de transition, ainsi que le budget
global ou un pourcentage du budget global de la région à cet
effet; le conseil régional pourrait ainsi réaliser les
allocations ou la réallocation en fonction des plans régionaux
d'organisation de services. Que soit également constituée une
enveloppe régionale affectée à la main-d'oeuvre
médicale psychiatrique. Que soient, de plus, alloués des budgets
de formation et de perfectionnement conformément au plan
régional.
Une adaptation du cadre législatif et budgétaire
apparaît également indispensable si l'on veut que les
établissements réalisent les réaménagements requis
de façon harmonieuse et dans le respect du plan régional
d'organisation de services.
À notre avis, la philosophie du rapport Harnois, son parti pris
pour une articulation des services en fonction des besoins des personnes et en
fonction des particularités de chaque milieu, avec la collaboration
active de l'ensemble des intervenants impliqués et de la
communauté, débouchent logiquement sur une plus grande
responsabilisation du palier régional, et les caractéristiques
géographiques et démographiques du Québec viennent
renforcer cette nécessité. Nos régions sont en effet
tellement différentes les unes des autres qu'on ne peut concevoir un
modèle central d'organisation qui convienne aux uns et aux autres. Les
problèmes de l'Abitibi-Témiscamingue, par exemple, n'ont rien
à voir, ou si peu, avec ceux de Montréal ou même d'une
région comme l'Estrie.
Les autres conditions de réussite. Selon nous, d'autres
conditions de réussite doivent être mises en lumière.
D'abord, une démarche d'autorité ministérielle est
nécessaire pour déterminer les orientations nationales, les
objectifs, les clientèles prioritaires et les services à rendre.
Cette démarche dort déboucher sur l'élaboration d'un plan
d'action national qui fixe les priorités, identifie l'ensemble des
ressources financières à affecter au domaine de la santé
mentale et en prévoit une utilisation qui respecte à la fois les
orientations nationales et les plans régionaux d'organisation de
services.
Enfin, il nous faut Insister sur la disponibi- lité des moyens
financiers nécessaires pour assurer une gamme suffisante de services aux
personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et
à leur famille. La réinsertion sociale, l'équité
Inter et Intraréglonale, le développement des ressources
manquantes, notamment, les ressources psychosociales et communautaires, en
tenant compte de la nécessité d'établir des liens
fonctionnels avec tes ressources privées hors réseau, tout cela
va requérir, dès le départ, une mobilisation Importante
des moyens. Là-dessus, le gouvernement doit préciser ses
intentions te plus rapidement possible.
D'autres intervenants ont fait ressortir devant vous les nombreuses
carences du système, les problèmes de pénurie de
ressources auxquels nous sommes confrontés et qui n'épargnent
aucune région. L'institutionnalisation coûte cher, c'est connu,
mais la mise en place de services qui doit accompagner la politique de
désinstitutionnalisation, si on veut que celle-ci soit Implantée
d'une manière qui respecte les droits, la dignité et les besoins
des personnes concernées, va nécessiter une injection de fonds
supplémentaires. Il ne faut pas se leurrer, on ne réglera pas
tout par une simple réallocation des ressources.
Le Président (M. Joly): Madame, il vous reste une minute
pour conclure. C'est fait? Merci. Je vais donner la parole à Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
les représentants de la Conférence des CRSSS qui sont
fidèles au rendez-vous. Évidemment, vous êtes largement
touchés par certains énoncés que l'on retrouve dans le
projet de politique de santé mentale. Je crois comprendre que vous
êtes d'accord avec les principes généraux, avec l'esprit du
rapport. Ce qui vous préoccupe le plus, c'est comment on va articuler,
à l'intérieur des régions, une politique de santé
mentale, enfin, l'application d'une politique de santé mentale qui
respecte les différences régionales et qui permette la meilleure
concertation possible à l'intérieur des régions.
Vous parlez de l'adaptation du cadre législatif et
budgétaire actuel pour réaliser la planification
régionale. Qu'est-ce que vous entendez par ce type de levier d'action?
Est-ce qu'il y a des expériences concrètes que vous avez
réalisées dans des régions à cet effet?
Mme Lalancette: Mme la ministre, ce levier d'action se situe dans
l'ensemble de la délégation, dans tes régions, de toutes
les phases du processus administratif qui permettra l'implantation de cette
politique. Il nous semble qu'uniquement une décentralisation de la
planification, qui doit être faite avec les divers Intervenants de notre
réseau régional, est vouée à l'échec si nous
n'avons pas les moyens de l'implanter. Cela
veut dire la responsabilité non seulement de planifier, mais de
programmer, d'organiser, de budgétiser, de contrôler et
d'évaluer, et cela, les personnes de nos établissements
s'appliquent à le faire. Je ne vous dirai pas sans difficulté ni
sans des discussions, comme on dit, viriles, même si parfois I! y a des
femmes qui y sont aussi, mais des discussions très sérieuses,
sauf qu'on arrive à le faire et à établir un plan
régional, à répartir les services à rendre, et
à les rendre effectivement, à permettre rapidement - chez nous,
nous l'avons vu pour d'autres programmes - à redistribuer des fonds
rapidement lorsque les clientèles deviennent différentes de ce
qu'elles étaient au moment où les fonds ont été
impartis. Cela veut dire qu'on peut organiser sur place une gamme, un
réseau de services et non pas d'établissements, et que tous les
établissements participent à cette planification et à son
application. Il faut absolument qu'il y ait une volonté de
déléguer ces fonctions aux conseils régionaux pour que les
gens aient la volonté de le faire.
Une voix: Peut-être que certaines expériences...
Mme Lalancette: Mme Morais ou monsieur...?
Le Président (M. Joly): Pourriez-vous vous Identifier,
s'il vous plaît, pour le Journal des débats?
M. Léger (Michel): Michel Léger. Quand on centre
l'action sur un plan de services pour une personne et que l'on se met beaucoup
plus à financer le service qu'à financer des structures
d'établissement, cela introduit nécessairement des façons
différentes de faire des allocations budgétaires à des
établissements. C'est ce type de modification qu'on devrait
réussir à introduire. Bien sûr, par le passé, on a
réussi à faire quelques exemples avec ce que j'appelle une
délinquance acceptée de part et d'autre, CRSSS et
ministère, où on est passé par certaines méthodes
de fiducie ou par certaines méthodes qui ont permis de transférer
de l'argent dans tel ou tel établissement.
Mais tous ces exemples qui ont donné de bons résultats se
font avec une dépense d'énergie extrêmement importante et
Ils sont toujours valables à partir du moment où on fonctionne
quasiment dans le cas d'un projet pilote ou d'un projet tout à fait
particulier. Donc, dans ce sens, on pourrait noter des exemples où on a
été capable de faire des réallocations budgétaires,
où le ministère, malgré sa volonté d'éviter
les fiducies dans les conseils régionaux, a accepté, pour tel
exemple particulier, d'envoyer en fiducie dans un conseil régional pour
ensuite utiliser de l'argent non récurrent et réussir à
faire démarrer un autre projet. Donc, des exemples concrets, on pourrait
vous en donner. Je sais qu'il y en a eu sur la Côte-Nord; M. Boisjoli
pourrait vous donner des exemples tout à fait concrets.
C'est ce type de modification de type de budgétisation qui est
nécessaire, et d'autant plus nécessaire au moment d'une
transformation, c'est-à-dire au moment de passer d'un système
très institutionnalisant à un système beaucoup plus
éclaté dans la communauté où on a besoin d'une
souplesse d'allocation budgétaire majeure. C'est ce type de modification
qu'on devra réussir à assouplir entre les règles
budgétaires strictes, et c'est normal au niveau du ministère,
avec des projets beaucoup plus éclatés et beaucoup plus proches
de la communauté qui font en sorte que les budgets doivent suivre
l'évolution des clientèles et cette espèce de mouvance sur
le terrain des clientèles.
Mme Lavoie-Roux: Selon vous, cela va-t-ll nécessiter des
modifications législatives ou des amendements à la loi
actuelle?
M. Léger: Au point de vue administratif, je ne voudrais
pas vous embarquer dans la révision de la Loi sur l'administration
financière, mais c'est sûr qu'on a déjà
commencé à développer, par les années
passées, des modalités de financement plus en concertation avec
les conseils régionaux, mais, si on veut vraiment, de façon
claire, avoir plus de latitude pour travailler de façon souple et
financer les services de façon directe auprès des
clientèles des différentes communautés, il est sûr
que la façon traditionnelle de financer directement l'institution, que
ce soit un CLSC, un centre d'accueil, un centre hospitalier ou un CSS, peu
importe, va nécessiter des ajustements Indiscutables.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que les établissements de vos
régions sont prêts à fonctionner dans cette démarche
où de plus en plus d'allocations de budgets sont faites aux
régions qui, ensuite, les réallouent aux différentes
Institutions? En tout cas, dans la région de Montréal, il y avait
passablement de critiques à cet égard. Je ne sais pas si c'est
différent dans d'autres régions du Québec.
Mme Lalancette: Je pense que M. Boisjoli est en mesure de nous
citer des expériences importantes.
M. Boisjoli (Claude): En fait, je peux parler brièvement
de l'expérience qu'on a vécue sur la Côte-Nord. Je dois
dire cependant que, n'eût été la collaboration de tous les
instants des fonctionnaires, qui auraient pu, à tout moment, bloquer ce
projet-là parce que le fonctionnement budgétaire était
difficile... Je vous donne comme exemple la Côte-Nord où on a
divisé, pour les services en santé mentale, la région en
deux sous-régions, la sous-région de Sept-îles et celle qui
se trouve à l'est de Sept-îles, et la sous-réglon de
Baie-Comeau. On a pu démarrer notre
planification des services en insistant sur le fait qu'à partir
d'un département de psychiatrie qui existait d'abord dans le secteur
ouest, à Baie-Comeau, on souhaitait avoir des équipes de base
multidisciplinaires dans chaque CLSC ou centre de santé qui couvrait le
territoire. Vous savez que notre territoire étant très
étendu, on est obligé de bien répartir les ressources.
Aussi, on était devant la nécessité de mettre en place des
ressources alternatives intermédiaires. Par le biais, une
première année, d'une réallocation budgétaire qui
était dans un centre hospitalier, on a pu mettre cet argent en fiducie
au conseil régional et le réallouer dans les CLSC pour mettre en
place les équipes de base. On a pu le réallouer pour la mise en
place d'un foyer de transition. Finalement, le tout aura pris place dans
l'année budgétaire subséquente où les ajustements
mécaniques ont été faits au ministère pour que
l'argent parte de l'hôpital pour aller dans le CLSC, d'où il est
parti pour aller dans les ressources communautaires.
On a vécu la même chose une année ou une
année et demie plus tard dans le secteur est, ce qui fait que par la
réallocation - je ne veux pas dire par là que tout est possible
par la réallocation, mais il y a sûrement des choses qui sont
possibles - on a pu implanter des équipes de base multidisciplinaires
dans chaque CLSC et centre de santé de la région. On a pu
implanter un centre de jour à Baie-Comeau avec un foyer de transition.
On a_ pu Implanter une ressource intermédiaire à Sept-îles
et, finalement, on a pu, en finançant le service... Évidemment,
le temps que le service s'implante a pu permettre certaines liquidités.
Cela nous a permis ensuite de financer sur une base non récurrente
certaines expériences, comme une expérience d'intervention
précoce au niveau de la petite enfance qui a pu ensuite être
étendue à l'ensemble du territoire. (20 h 30)
On a pu mettre de l'argent dans la formation des intervenants et on a
même pu aider au démarrage d'un centre de recherche en
santé mentale à Baie-Comeau. Tout cela s'est fait,
évidemment, avec la collaboration des gens du milieu, mais aussi, je le
dis, grâce à la collaboration des fonctionnaires parce que la
mécanique était très compliquée.
Mme Lavoie-Roux: Ce sont les succès que vous avez eus. Je
sais que dans d'autres domaines vous en avez eu aussi. On pourrait penser au
plan de désengorgement des urgences, par exemple, où vous avez
assumé ces tâches. Par contre, je dois vous dire que vous
n'êtes pas toujours à l'abri de critiques, et je vais prendre un
exemple très particulier. Dans la réallocation que vous faites
des sommes qui vous sont confiées en santé mentale, il y a, par
exemple, la répartition entre les organismes bénévoles.
Quelqu'un peut toujours trouver qu'il n'y en a pas assez, mais, si je pense
à la dernière répartition qu'on a faite pour l'allocation
en raison de l'alourdissement de la clientèle, le ministère avait
quand même développé des outils pour arriver à une
équité interrégionale. On a eu des répercussions
des régions qui, elles, trouvaient - parce que vous deviez vous autres
aussi en faire une Intrarégionale - que cette réallocation
intrarégionale ou que cette répartition équitable
intrarégionale - je pense à une ou deux régions - n'avait
pas donné satisfaction.
Alors, quelles sont tes garanties que vous mettez de votre
côté pour que, justement... Vous savez, parfois, on se plaint que
c'est le ministère et, après ça, on se plaint que c'est le
CRSSS. Est-ce que ce sont des outils que vous développez et qui sont
à se raffiner?
Mme Lalancette: Je crois que M. Léger veut intervenir.
M. Léger: Mme Lavoie-Roux, je vais vous répondre
avec une pointe d'humour. Toute instance qui prend une décision n'est
pas à l'abri des critiques. Dans ce sens, je pourrais vous dire que le
ministère s'est lui-même fait critiquer dans une méthode
intéressante d'une meilleure répartition de l'alourdissement des
clientèles, par exemple. La méthode n'est pas parfaite et il y a
toujours ce que j'appelle des tireurs d'élite qui sont capables,
à un moment ou à un autre, de dire: La méthode n'est pas
parfaite, il y a des injustices, II y a des iniquités, même s'il y
a des efforts louables d'aller dans te bon sens.
Les conseils régionaux, à cet égard, sont
placés exactement dans la même situation, c'est-à-dire
qu'à partir du moment où on réussit - pas toujours avec
beaucoup de facilité - à asseoir tout le monde pour faire un plan
régional et des réallocations de services, il y a ce qu'on
appelle, hélas, des gagnants et des perdants. À
l'intérieur de cela, le problème et la différence d'avec
le ministère, c'est qu'à partir du moment où les pouvoirs
sont mal répartis, c'est-à-dire à partir du moment
où le pouvoir n'est pas très clairement en région pour
prendre des décisions, à ce moment-là, c'est bien clair...
Dites-vous bien que ceux qui ne sont pas contents, ils ont 36 niveaux d'appel
pour faire en sorte de bloquer un plan pourtant au départ relativement
concerté, avec un consensus que j'appelle élargi. Il va toujours
y en avoir deux ou trois qui vont se considérer un peu plus
lésés que les autres, souvent à tort: Parfois, il peut
s'être glissé une certaine erreur, mais, dans ce sens-là,
c'est normal qu'à partir du moment où il y a un appel au niveau
des fonctionnaires, qui, de temps en temps, prêtent une oreille attentive
à ce genre de choses, qu'il y a un autre niveau d'appel à un
palier supérieur au ministère et qu'ensuite de cela... Je
pourrais lister l'ensemble des appels plus près de l'ensemble des
députés d'une région. Je peux vous dire que les conseils
régionaux, avec le peu de pouvoirs, si ce n'est le pouvoir de la plus
grande perfection possible pour qu'il n'y ait pas de failles dans le plan...
C'est cela
notre outil. Et quand on parle d'expertise et d'expérience, c'est
à ceta qu'on fait appel, c'est-à-dire qu'on est obligé de
développer deux, trots ou quatre fois plus que quiconque des
méthodologies à l'épreuve de tout pour éviter
justement qu'il n'y ait des appels en cascade qui font que les décisions
ne se prennent pas. Quand on vous dit que dans l'implantation, il n'y ait pas
seulement l'aspect de la planification et de la programmation, mais qu'en plus
de cela les conseils régionaux soient dotés de leviers d'action
pour pouvoir implanter comme tel, avec des éléments concrets et
des leviers de type budgétaire pour faire en sorte que cela marche et
qu'il y ait des décisions qui se prennent, c'est cela qu'on veut vous
dire.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais également vous demander: Qui
identifieriez-vous comme clientèle prioritaire dans une première
allocation de ressources supplémentaires en santé mentale?
Mme Lalancette: C'est assez difficile pour nous de
répondre à ce moment-ci parce que notre position, c'est que
chaque plan régional de services devra faire cette identification dans
sa région.
Mme Lavoie-Roux: Je vous arrête, parce que vous me dites,
dans votre mémoire, qu'il devra y avoir - je ne sais pas comment vous
dites cela - une volonté ministérielle ou, en tout cas, une
initiative ministérielle de définir les clientèles, les
priorités, les objectifs. Alors là, vous me dites qu'il faut que
ce soft chacun qui te fasse.
M. Léger: En ce qui concerne les clientèles et les
services prioritaires, la position des conseils régionaux, qui sont
très sensibles à une répartition des rôles de plus
en plus claire entre le ministère et les conseils régionaux,
c'est que les clientèles et les services prioritaires, c'est une
responsabilité du gouvernement ou du ministère comme tel. Dans ce
sens-là, vous avez, dans le rapport Hamois, un certain nombre de
suggestions et l'identification de clientèles prioritaires avec
lesquelles les conseils régionaux sont d'accord.
Maintenant, il est certain que ces clientèles prioritaires,
identifiées dans le rapport Harnois, sont des clientèles au plan
provincial comme tel, en fonction de l'ensemble des données qu'on avait
pour en faire l'identification. Maintenant, d'une région à une
autre et d'une sous-région à une autre, il est possible qu'il y
ait des ajustements à faire et que seuls les plans régionaux
soient capables de dire: Là, on va inverser telle ou telle
clientèle qui avait été identifiée comme
prioritaire par le ministère ou par les recommandations du rapport
Harnois.
Mme Lavoie-Roux: D'accord, je vous remercie. Je laisse la parole
aux autres. Il ne leur en reste pas beaucoup.
Le Président (M. Joly): Merci. Je vais maintenant
céder la parole au député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue aux
membres de la Conférence des conseils régionaux de santé
et de services sociaux! Je vous demanderais, M, le Président, de laisser
à ma collègue, la députée de Johnson, le soin de
débuter, et je reviendrai après.
Le Président (M. Joly): Merci. Mme la
députée de Johnson, s'il vous plaît!
Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Vous me
permettrez certainement de saluer tout particulièrement les gens de
l'Estrie que je connais davantage. Je suis fière de vous dire que,
déjà, en juin 1986, on a établi dans la région des
priorités avec un groupe de travail et on retrouve au premier rang les
problèmes de santé mentale dans le document Donc, en Estrie on
est fin prêt à entrer dans le futur projet de Mme ta ministre.
Dans votre mémoire, vous parlez d'une démarche qui doit
déboucher sur un plan d'action national qui pourrait avoir des
orientations sur les plans régionaux et sous-régionaux
d'organisation. Je voudrais que vous m'expliquiez à peu près de
quelle façon vous voyez cela, vous.
Mme Lalancette: II y a des décisions qui sont nettement
politiques et nationales, en ce sens que, comme vient de le dire mon
collègue, au niveau ministériel, il y a des choix politiques qui
doivent être faits. Après cela, la façon dont nous le
voyons, c'est que chaque région ou sous-région devra faire son
plan d'organisation de services, tel qu'il est prévu à
l'Intérieur du rapport Harnois, ce qui est déjà
commencé, parce que, oui, en Estrie, il y a des priorités
régionales. Nous avons aussi un programme-cadre de services en
santé mentale qui a été approuvé au conseil
d'administration et qui, je dois dire, est très cohérent avec
l'approche du comité Harnois. Donc, nous sommes très près
de la mise en application.
C'est vraiment un principe d'administration par palier, en ce sens que
le palier national émet ses politiques d'action, décide des
enveloppes budgétaires et des priorités majeures et, à
chaque niveau, nous sommes responsables, donc à chaque région et
sous-région de mettre en application et d'opérattonnaliser les
politiques nationales avec ses couleurs régionales, c'est-à-dire
en regard des politiques nationales, quels sont nos principaux besoins, nous.
Cela peut faire changer d'étage certains éléments de la
politique nationale, parce que, chez nous, une problématique peut
être beaucoup plus importante ou encore plus démunie par rapport
aux services. Mais, une fois que nous avons fait ce plan
d'organisation, nous devons aussi avoir les leviers d'action pour mener
à terme la mise en application, le contrôle et l'évaluation
des services que nous aurons à faire. Nous l'avons fait dans d'autres
domaines, nous sommes en mesure de le faire, mais toujours... On n'a pas
à mettre en opposition le conseil régional, les
établissements et les organismes communautaires, parce que la
façon dont nous l'entrevoyons, c'est que le plan régional de
services doit être fait en collaboration avec les établissements
et les organismes communautaires. Nous insistons sur la nécessité
de mettre en place un réseau de services et non pas un réseau de
rôles d'établissements.
Mme Juneau: Dans votre programme, à la page 4, vous parlez
de l'iniquité qui résulte d'une mauvaise répartition
géographique des ressources humaines, matérielles et
financières. Pourriez-vous expliciter davantage?
Mme Lalancette: Quand nous regardons les chiffres qui viennent du
ministère quant à la répartition des pourcentages
budgétaires qui sont impartis dans chacune des régions et que
nous regardons les pourcentages de clientèles desservies dans chacune
des régions, tant en termes de montants d'argent que, nous le savons
bien, en termes de ressources humaines, nous voyons qu'il y a une
disparité. Ce à quoi nous faisons appel, c'est à un
équilibre dans la répartition des ressources financières
et des ressources humaines, donc des intervenants. M. Léger?
M. Léger: En complément d'information, dans
l'histoire du Québec, les services en santé mentale qui
étaient d'ordre beaucoup plus institutionnel ont été
dispersés un peu partout sur le territoire, au fur et à mesure de
nos croyances aux différentes époques qui ont dicté
d'aller à L'Annonciation, d'aller à Joliette, d'aller à
Roberval, peu importe, dans ces grandes institutions. Finalement, comme, par la
suite, le budget a suivi en général ces endroits et que,
là, on fait un grand virage dans le maintien des personnes dans la
communauté, il est sûr que d'une région à une autre
les allocations budgétaires sont assez disparates. De plus, il est
certain que d'autres types de services, notamment les services psychosociaux et
communautaires, devront être mis à contribution pour offrir
l'ensemble de ces services. Ces services, eux aussi, pour des raisons
historiques, qu'il n'y a pas lieu de développer ici, ont besoin
d'être répartis de façon plus équitable d'une
région à une autre. C'est pour cela qu'on insiste de façon
importante sur une plus grande équité dans la répartition
des différents budgets afférents aux services de santé
mentale entre les différentes régions du Québec.
Mme Juneau: Le rapport Harnois ne distribue pas de rôle
précis à tel ou tel organisme. Est-ce que vous avez prévu
quelque chose là-dessus?
Mme Lalancette: Nous prévoyons que le plan régional
de services fera l'évaluation des services requis dans la région
et les affectera ou en rendra responsables les divers établissements et
organismes communautaires selon la vocation de ces établissements, mais
cela ne veut pas dire de façon identique dans chacune des régions
ou des sous-régions. Je pense qu'il y a des particularités. Par
exemple, dans une région où il y a un ou deux centres
hospitaliers qui offrent des services, mais par ailleurs un certain nombre de
CLSC, je crois qu'à ce moment-là certains CLSC peuvent être
appelés à rendre des services que, dans d'autres régions
ou sous-régions, le centre hospitalier rendra. Ce qui nous paraît
la clé de cette politique, ce serait de ne pas décider, sur le
plan national, des fonctions de chacun de ces établissements. À
ce moment-là, on établirait un beau réseau
d'établissements, mais pas forcément un bon réseau de
services.
Mme Juneau: Vous souhaiteriez que ce soit au niveau des conseils
régionaux que puisse être prise la décision convenant
à l'ensemble d'une région?
Mme Lalancette: En accord avec les différents
intervenants, les différents établissements et organismes
communautaires. M. Boisjoli?
M. Boisjoli: Je voudrais juste ajouter un commentaire
là-dessus. Je pense que le problème a été
soulevé tantôt au sujet des critiques. Il est certain qu'à
partir du moment où on souhaite qu'il y ait un réseau de services
qui soit coordonné à partir des personnes et pas
nécessairement à partir d'une autorité financière,
cette coordination des services amène un changement de mentalité
par rapport à la réalité qui existe actuellement où
la programmation budgétaire est plutôt centrée sur
l'établissement que sur les services. Cette orientation fait en sorte
qu'on ne peut pas penser à une certaine flexibilité en
région sans permettre une certaine flexibilité dans le
financement, mais cela a des limites aussi. Cela se situe dans le cadre de la
loi actuelle. On ne peut pas chambarder tous les éléments qui
existent, mais je pense qu'il y a place à de la souplesse si on veut
financer des services et si on veut que ce soit centré sur les personnes
en besoin. (20 h 45)
Mme Juneau: Compte tenu qu'on va ramener, si je veux m'exprimer
très clairement, le malade dans sa famille, il faut être conscient
que ce sont surtout les femmes qui prennent soin à la maison des
personnes âgées ou des personnes ayant un problème de
santé mentale. Ce sont elles qui vont avoir la responsabilité de
ces personnes. Je ne sais pas, mais est-ce qu'il n'y aurait pas un
mécanisme qui permette de donner un certain répit à ces
familles, à ces femmes qui
vont être prises avec un malade quand même Important, qui
demande 24 heures de surveillance par jour, et tout cela? Est-ce que vous avez
pensé à un mécanisme quelconque pour aider ces familles
à recevoir le malade, finalement?
Mme Lalancette: Le rapport Harnols prévoit un programme de
répit pour les familles. Nous, à ce sujet, ce que nous voulons
souligner comme étant très important, c'est non seulement un
programme de répit pour les familles, mais un programme de soutien aux
familles, programme qui Inclut le répit, mais qui inclut aussi tout au
long de l'année, en attendant la vacance annuelle, des interventions de
soutien, soit de la part d'organismes communautaires, soit de la part
d'intervenants professionnels, pour permettre à ces familles... Il faut
bien se dire que, lorsqu'on dit familles, c'est plus souvent une famille
substitut qu'une famille naturelle. Souvent, ces personnes sont en famille
d'accueil, en foyer d'accueil, et les gens qui les reçoivent et qui
accomplissent une tâche extraordinaire ont besoin d'une aide pour d'abord
ne pas s'essouffler et être obligés de remettre au réseau
régulier le malade et, deuxièmement, maintenir une attitude qui
soit le moindrement thérapeutique, si on peut s'exprimer ainsi, pour le
malade qui est là. Donc, non seulement répit aux familles, mais
soutien tout au long.
Mme Juneau: Je vous remercie, madame.
Le Président (M. Joly): Afin de respecter l'alternance, je
reconnais la députée de Château-guay.
Mme Cardinal: Merci, M. le Président. J'aimerais savoir
s'il existe, dans un autre ordre d'idées, des mécanismes
d'admission pour la clientèle qui demande de l'hébergement
à long terme pour des soins psychiatrisants, parce qu'il y a quand
même aussi ces cas qui demanderont toujours des services
spécialisés. Comment en évaluez-vous le
fonctionnement?
M. Léger : Je pense que...
Le Président (M. Joly): Identifiez-vous, s'il vous
plaît!
M. Léger: Michel Léger.
Dans un premier temps, il faut faire bien attention quand on parle
d'hébergement à long terme. Si on parle d'hébergement
à long terme comme tel de personnes ayant atteint un âge
respectable et en grande perte d'autonomie, de plus en plus, dans le
réseau de la santé et des services sociaux, pour la personne
âgée qui a atteint un certain niveau de sénilité et
qui, dans bien des cas, a besoin d'une intervention d'ordre psychiatrique, et
la personne qui, pendant toute sa vie, a eu des épisodes psychotiques,
mais qui, en fonction de l'âge, comme toutes les autres personnes, a
atteint un niveau nécessitant des soins de longue durée, de plus
en plus, il y a ce qu'on appelle tes centres hospitaliers de soins de longue
durée, ou des unités dans des hôpitaux, ou des centres
à part. Pour ces lits hospitaliers de soins de longue durée, il y
a des mécanismes d'admission régionaux qui sont très
clairement établis et non équivoques.
Maintenant, dans certains hôpitaux notamment, il y a des
unités de psychogériatrie ou autres où il y a des malades
chroniques de plus long terme. Par rapport à ces clientèles, les
mécanismes d'admission d'ordre régional sont moins bien
établis. À cet effet, on pense que des dispositions au moins
réglementaires devraient permettre et donner exactement les mêmes
orientations et pouvoirs dans les régions que le gouvernement avait
été amené à faire par rapport à l'admission
dans les centres hospitaliers de soins de longue durée où,
autrefois, le pouvoir entre guillemets, médical faisait en sorte que, de
temps en temps, il n'y avait pas fa même équité
d'accessibilité des services pour les soins de longue durée. Dans
ce sens-là, il y aurait sûrement lieu d'examiner cet aspect en ce
qui concerne l'accès des soins de longue durée dans les
unités de psychogériatrie à ce niveau.
Maintenant, l'aspect de l'accessibilité aux services doit
être pris de façon beaucoup plus large et pas seulement selon
l'aspect de la longue durée comme telle. Mais, quand on va avoir affaire
à une gamme de services, on devra penser, comme on l'a fait dans
d'autres secteurs, notamment auprès des handicapés Intellectuels,
à des mécanismes régionaux ou sous-régionaux
flexibles d'accessibilité aux services, comme on en retrouve d'ailleurs
au niveau des personnes âgées ou autres, pour s'assurer d'une
équité d'accessibilité au niveau de ta gamme de services.
Ces éléments-là devraient faire partie des commandes que
le ministère devrait donner aux conseils régionaux lors de
l'élaboration des plans régionaux de services pour s'assurer
qu'il y ait à l'Intérieur de cela un mécanisme de
coordination, d'admission et d'accessibilité à la gamme des
services en santé mentale dans une sous-région ou dans une
région.
Le Président (M. Joly): Merci. Je crois que l'enveloppe de
temps du côté ministériel est épuisée.
Mme Cardinal: Elle est déjà épuisée,
c'est terrible.
Le Président (M. Joly): Je vais reconnaître le
député de Laviolette, s'il vous plaît!
M. Jolivet: Merci, M. le Président.
On peut être d'accord avec le fait d'avoir ce qu'on peut appeler
un budget protégé au niveau d'une distribution qui pourrait
être faite par le Conseil régional de la santé et des
services sociaux. Cependant, vous allez me
permettre d'être un peu critique dans la mesure où on a
vécu certaines expériences à une époque où
la mise en place de certains services qui devaient aller à la
clientèle s'est plutôt faite pour augmenter le personnel dans
différents secteurs. Je fais allusion Ici à la première
sortie d'argent pour les soins à domicile. On a vu la correction qu'il a
fallu apporter en cours de route. J'aimerais savoir, dans l'hypothèse
où, après avoir déterminé au niveau national les
objectifs que nous voulons atteindre... On a répété
à plusieurs occasions, M. Léger et Mme Lalancette, que vous
étiez d'accord pour des services. J'ai donc cru comprendre par le fait
même que ce n'étaient pas des structures et, dans ce
contexte-là, j'aimerais connaître votre opinion dans la mesure
où il y aurait un budget protégé pour la santé
mentale dans chacune des régions du Québec, budget
distribué, bien entendu, par le Conseil régional de la
santé et des services sociaux, avec ce que disait M. Léger, le
fait qu'il y a des problèmes qui surgiront toujours dans la mesure
où on prend une décision.
Mme Lalancette: Les plans de services régionaux
démontreront les besoins en services au niveau de la région et
les enveloppes... Quand vous parlez d'une enveloppe protégée,
j'entends une enveloppe qui ne devra servir qu'à la santé mentale
et, à ce moment-là, chez nous, du moins, et sûrement dans
beaucoup d'autres conseils régionaux, pour d'autres progammations, j'ai
vu fréquemment nos dirigeants d'établissements s'asseoir autour
d'une table de concertation pour une problématique donnée et
avoir développé beaucoup d'expertise à tenter de chiffrer
le poids relatif des coûts pour divers types de clientèles sur
diverses façons. Il y a peu de fait dans le domaine de la santé
mentale, mais je pense que c'est quelque chose qui peut être
développé parce que cela a déjà été
fait pour autre chose. Il s'agit, bien sûr, du poids relatif des services
par rapport à d'autres et d'en arriver à distribuer les fonds
selon le nombre de clientèles. Cela a été fait pour du
maintien à domicile, cela a été fait pour, par exemple,
l'hébergement à tong terme, les personnes en besoin
d'hébergement, cela a été fait dans le réseau -
chez nous, du moins - le réseau 08, pour la mésadaptation
sociale. Donc, cela peut être fait dans d'autres domaines aussi. C'est un
gros travail, mais cela peut être fait
M. Jolivet: M. Léger?
M. Léger: Oui, là-dessus, je ne pense pas qu'il
faille établir un lien de façon systématique entre
l'enveloppe protégée et l'aspect pervers de mettre de l'argent
dans l'administration. Je pense que ce sont deux choses qui ne sont pas
forcément liées en même temps. Je crois que les effets
qu'on a pu constater jadis dans le fait que l'enveloppe protégée
de maintien à domicile avait, dans certains cas, vu une proportion
importante mise dans l'administration sont beaucoup plus attribuables à
des relents de la société d'abondance dans laquelle on a
vécu il y a un certain temps maintenant et qui est notablement
révolue. Je pense que, tant de la part des Intervenants du
ministère au niveau des fonctionnaires que de la part des conseils
régionaux, et maintenant de plus en plus dans tous les
établissements, la conscientisation de donner d'abord l'argent au niveau
des services et de réduire au maximum les frais administratifs est quand
même une garantie. Maintenant, les conseils régionaux, de plus,
s'ils avaient des mandats plus précis en termes d'allocation, auraient
aussi, dans les différents projets qui seraient proposés par les
établissements, à s'assurer que la proportion des coûts
administratifs soit des plus raisonnables et des plus restreintes.
M. Jolivet: Une des critiques qu'on a souvent quand on fait
l'allocation des ressources, l'allocation de l'argent disponible dans le milieu
par le CRSSS, a trait à des gens qui sont dans des groupes
communautaires ou des groupes alternatifs, dans le contexte dont on parle, dans
la mesure où lis se sentent un peu mis de côté par rapport
à l'ensemble des autres établissements, de la structure
organisationnelle du ministère et de la région en termes
d'institutions. Comment voyez-vous cela pour permettre à chacun
d'obtenir les moyens nécessaires de donner le service le plus
près possible * de la clientèle? Je fais allusion aux organismes
communautaires mal définis dans le rapport Harnois, en particulier pour
les ressources alternatives.
Mme Lalancette: Encore là, quant à nous, les
ressources communautaires ou les organismes communautaires doivent être
partie prenante dans l'organisation régionale des services et leur
financement par le réseau public doit être fait selon l'ordre des
priorités régionales et le plan d'organisation des services. Le
rapport Harnois fait état de leur ancrage dans la communauté en
levant au moins 10 % des fonds qu'ils utilisent. Nous disons, par exemple, que
chaque tranche de 100 $ ne garantit pas nécessairement 900 $ du
réseau public, à moins que leurs services ne soient tout à
fait intégrés dans le pian régional de services. Au moment
où ils sont partie prenante au plan d'organisation régionale de
services et que ce sont des services qui sont financés, et non pas des
établissements ou des organismes communautaires, je pense que, de cette
façon, le problème disparaît
M. Jolivet: Une dernière question, puisque le temps file.
Elle a trait à la recommandation 3 du rapport Harnois qui dit que les
conseils de la santé et des services sociaux procèdent à
la nomination d'une personne qui exerce, dans chaque région, les
rôles et responsabilités dévolus à la fonction...
Ici, Je change le mot
"ombudsperson" par "protecteur du bénéficiaire". Dans ce
sens-là, j'aimerais savoir quelle est votre...
Mme Lavoie-Roux: Le mot "bénéficiaire" aussi.
M. Jolivet: Pardon?
Mme Lavoie-Roux: On pourrait changer le mot
"bénéficiaire" aussi.
M. Jolivet: Oui, peut-être. Par quoi?
Mme Lavoie-Roux: il faudrait y penser.
M. Jolivet: D'accord. Pour le moment, c'est celui qu'on a
trouvé. Trouvez-m'en un autre.
Mme Lavoîe-Roux: C'est une question qu'on se pose
réciproquement.
M. Jolivet: C'est cela. Oui, je sais. Je veux simplement vous
demander quel est votre rôle. Est-ce que vous pensez avoir un rôle
à jouer en regard du rapport Hamois? Est-ce que vous croyez que c'est
une personne dont le poste devrait être mis en place dans chacune des
régions?
Mme Lalancette: À la conférence, ce sur quoi nous
nous entendons entre les conseils régionaux, c'est sur l'Importance
qu'il y a à ce qu'une personne exerce cette fonction. Il n'y a pas un
accord entier entre les divers conseils régionaux, à savoir ce
qui doit être le point d'ancrage de cette personne-là. Il faut
absolument que cette personne ait pleine liberté d'action et qu'il y en
ait une. Sur cela, nous nous entendons. Je ne vous ai pas répondu,
à savoir où elle doit être, par exemple.
M. Jolivet: Si jamais cette personne existait, vous me dites ce
qu'elle serait, mais est-ce que vous croyez que c'est nécessaire
aussi?
Mme Lalancette: Oui.
M. Jolivet: Oui.
Mme Lalancette: Qu'il y en ait une, oui.
M. Jolivet: Et une personne qui soit Indépendante des
services actuellement en place de telle sorte qu'elle ait pleine liberté
d'action.
Mme Lalancette: Une personne qui ait liberté d'action pour
dire les vraies choses.
M. Jolivet: M. Boisjoli, je pense que vous avez quelque chose
à ajouter?
M. Boisjoli: Oui. J'ajouterais que, dans le secteur de la
santé et des services sociaux, quand on parle d'un comité
d'accès aux services qui soit centré sur ta personne, il y a une
espèce de volonté d'avoir un point fixe dans un territoire et
qu'une personne, une fois désinstitutionnalisée, ne reste pas
isolée ou sans services; donc, une espèce de prise en charge. Je
pense qu'il y a déjà là un certain élément
de réponse. Si la protection va Jusqu'à couvrir tous les aspects
de la vie, le logement, l'accès à la sécurité du
revenu et autres, il m'apparaît que c'est un rôle qui se rapproche
de celui du Protecteur du citoyen et qui doit être indépendant de
toutes les structures.
M. Jolivet: Cela va plus loin que la personne qui est en dehors
de l'institution. il y a aussi la personne qui est à l'Intérieur
de l'institution et qui fait partie des comités de
bénéficiaires.
M. Boisjoli: Bien sûr! (21 heures)
Le Président (M. Joly): Je m'excuse, le temps
alloué est malheureusement déjà épuisé et je
demanderais au député de Laviolette de passer aux remarques de
clôture.
M. Jolivet: Ce sera bref. Merci de votre témoignage et
j'espère qu'il fera avancer le débat, comme vous le disiez au
départ, sur toute la question de la santé mentale au
Québec.
Le Président (M. Joly): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci. Je suis sûre qu'on aura d'autres
occasions d'échanger plus en profondeur; un tas de questions se
soulèvent autour de cette démarche de décentralisation de
budgets et de responsabilités au niveau des conseils régionaux.
Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): À mon tour, je vous
remercie et je vous souhaite un bon voyage de retour.
Nous allons maintenant demander au prochain groupe, le Centre de crise
de Québec, de bien vouloir s'approcher. S'il vous plaît, je
demanderais au Centre de crise de Québec de bien vouloir s'approcher de
la table.
Avec la permission de tout le monde, nous allons procéder.
J'aimerais rappeler te but du mandat. La commission des affaires sociales se
réunit aux fins d'étudier le projet de politique de santé
mentale pour te Québec tel qu'énoncé dans le rapport du
comité présidé par le docteur Gaston Hamois et rendu
public le 30 septembre 1987,
Maintenant, j'aimerais vous rappeler les règles du jeu, si on me
permet l'expression. Vous avez dix minutes pour présenter votre
mémoire et, par la suite, les deux formations politiques auront dix
minutes chacune pour vous questionner. En partant de là,
j'apprécierais que le responsable du groupe s'identifie et qu'il
identifie les gens qui l'accompagnent.
Centre de crise de Québec
M. Légaré (Claude): Je suis le responsable du
groupe, Claude Légaré, président du conseil
d'administration du Centre de crise de Québec. À ma droite, Mme
Judith Bruneau, vice-présidente du Centre de crise de Québec;
toujours à ma droite. Mme Esther Taillon, secrétaire du Centre de
crise de Québec et, à ma gauche, M. Luc Tremblay, directeur
général du Centre de crise de Québec.
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse. Quel est votre titre?
M. Légaré: Claude Légaré.
Mme Lavoie-Roux: Non, mais votre responsabilité?
M. Légaré: Je suis le président du Centre de
crise de Québec.
Mme Lavoie-Roux: Vous êtes tous du centre de crise.
M. Légaré: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Je pensais qu'il y en avait un qui était
du centre pour la prévention du suicide.
M. Légaré: C'est après nous.
Mme Lavoie-Roux: Ah! C'est après. D'accord, je
m'excuse.
M. Légaré: Le Centre de prévention du
suicide est après nous.
Le Président (M. Joly): Alors, allez, M.
Légaré, vous avez la parole.
M. Légaré: Le Centre de crise de Québec,
opérationnel depuis juin 1987, est un organisme sans but lucratif
créé dans le cadre des mesures de désengorgement des
urgences. Bien que financé à 100 % par le ministère de la
Santé et des Services sociaux, son conseil d'administration est
autonome. Actuellement, nous sommes sept administrateurs et administratrices
provenant de différents milieux. Trois personnes viennent de la
communauté; une travaille dans un organisme communautaire en
santé mentale, une travaille au Centre de services sociaux de
Québec, une autre dans un centre hospitalier et, enfin, la
dernière, dans un CLSC de la région.
Notre conseil d'administration est hétérogène, ce
qui lui permet d'avoir une vision diversifiée de la problématique
de la santé mentale au Québec. Le centre de crise s'est
donné comme mission de contribuer au désengorgement des urgences
en offrant des services de première ligne en intervention de crise. Nous
intervenons auprès des personnes en situation de crise psychosociale.
Ces personnes proviennent soit de la communauté, soit des urgences des
hôpitaux.
Notre orientation se veut communautaire et situationnelle. Communautaire
parce que nous tentons d'Impliquer les proches, la famille, le milieu, les
aidants naturels de la personne en situation de crise. Situationnelle parce que
par nos interventions nous enclenchons le processus de résorption de
crise. Par la suite, nous faisons référence aux personnes ou
organismes, qu'ils soient communautaires ou du réseau, qui eux assurent
le suivi de la personne. Nos services d'accueil, de référence,
d'intervention offerts soit au centre, au domicile de la personne ou encore au
téléphone nous permettent d'atteindre nos objectifs
généraux.
En rapport maintenant avec le projet de politique en santé
mentale, nous sommes d'accord avec les grands principes. Comment ne pas
souscrire au recentrage des services autour de la personne, de sa famille et de
son entourage? Comment ne pas souscrire à l'élaboration de
services en fonction de la diversité des milieux? Cependant, les moyens
pour atteindre ces objectifs, bien qu'intéressants, demeurent
plutôt évasifs en regard des responsabilités et rôles
des différents intervenants, qu'ils soient communautaires ou du
réseau des affaires sociales.
Ce qui nous a amenés à déposer un mémoire en
commission parlementaire, c'est la recommandation 33 dont je fais la lecture:
"Que les services d'Intervention en situation de crise, à prévoir
dans la démarche régionale de planification de services, aient
l'obligation soit par une responsabilité directe, soit en lien avec des
organismes spécifiques lorsqu'il en existe, d'inclure la crise
suicidaire dans leur mandat." Le Centre de crise de Québec
considère qu'il est de son devoir de répondre à toute
situation de crise. Nous considérons qu'il est également de notre
devoir de référer à l'organisme spécialisé,
communautaire ou du réseau, la personne en situation de crise
psychosociale qui nécessite un suivi. C'est ce qui se produit entre
autres dans le cas des crises suicidaires avec le Centre de prévention
du suicide de Québec. Agir autrement serait, à notre avis,
irrespectueux envers ces organismes et contraire à la programmation du
Centre de crise de Québec, programmation qui, d'ailleurs, a
été approuvée par le Conseil régional de la
santé et des services sociaux. C'est tout pour notre allocution.
Le Président (M. Joly): Vous avez encore quelques minutes,
M. Légaré, si vous voulez ajouter des choses.
M. Légaré: Je ne sais pas si M. le directeur aurait
des éléments complémentaires à ajouter.
M. Tremblay (Luc): Non, on va attendre les questions, je
préfère.
Le Président (M. Joly): Parfait, merci. Je vais demander
à Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie de votre mémoire. La
raison pour laquelle vous ne voulez pas que soit retenue la recommandation que
votre centre puisse inclure la crise suicidaire, c'est que vous dites:
Ça ne relève pas de nous, ça relève du Centre de
prévention du suicide. C'est ça que je crois comprendre.
M. Légaré: Non. ce n'est pas tout à fait
cela.
Mme Lavoîe-Roux: Non?
M, Légaré: C'est que nous nous considérons
comme étant à peu près au même titre que les
urgences, sans vouloir être prétentieux, par rapport aux crises
psychosociales. Que ce soit une crise suicidaire ou une crise agressive, on se
sent responsable par rapport à la personne et on se demande, en fait,
pourquoi dans te rapport Harnois il est indiqué que
spécifiquement par rapport aux crises suicidaires... Nous
répondons déjà à des personnes qui appellent chez
nous et qui sont en crise suicidaire. Nous faisons la première
Intervention et nous faisons référence par la suite au Centre de
prévention du suicide qui, lui, assure le suivi de la crise. Ce n'est
pas dans notre mandat à nous d'assurer un suivi des différents
types de crises.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Écoutez, je pense que je vais en
rediscuter. Je ne connais pas les raisons pour lesquelles on l'a inclus, mais
il y a une chose certaine, il y a au Québec, à l'heure où
nous nous parlons, à peu près huit centres de crise, si je ne
m'abuse. Dans le cas de Québec comme dans le cas de Montréal II y
a deux centres de prévention du suicide qui peut-être même
font de l'hébergement, ils nous le diront après, ou n'en font
pas. Je l'Ignore. Mais il y a d'autres régions où se trouvent des
centres de crise et où il n'y a pas de centre de prévention du
suicide. Je comprends que vous Intervenez dans une limite de temps, mais il
reste que la crise suicidaire, c'est aussi une crise psychosociale, si on veut,
si on l'examine sous un autre angle. Je pense que le reproche qui a
été fait au centre de crise - je ne parle pas pour les sept ou
huit, est-ce que c'était pour un ou pour deux? - est dans le sens que
vous étiez très sélectifs dans le type de cas que vous
receviez. Un des cas que vous n'acceptiez pas, c'étaient les cas de
crise suicidaire.
Alors, je n'ai pas d'idée très arrêtée, mais
je me demande pourquoi quelqu'un, qui a une crise suicidaire et qui n'a pas
d'autre centre autour de lui - je comprends que ce n'est pas un suivi que vous
pouvez faire et assurer indéfiniment... Mais là où
quelqu'un est en besoin d'aide et d'aide urgente, pourquoi ne
l'accepteriez-vous pas?
Le Président (M. Joly): M. Tremblay.
M. Tremblay (Luc): Je pense qu'il y a un point qui n'est pas
clair entre nous présentement. La recommandation 33, en fait, on peut
dire que nous sommes d'accord avec cette recommandation. Nous ne la mettons pas
de côté. Ce que nous disons et ce que nous reconnaissons, c'est
qu'actuellement le mandat du centre de crise, c'est de recevoir, en fait, les
demandes de personnes, quelles que soient les crises qu'elles vivent Cela est
clair et net, c'est ce que nous vivons présentement.
Cependant, comme pour n'importe quel type de crise, nous n'accordons pas
de suivi à la personne.
Mme Lavoie-Roux: Oui, oui, je comprends cela
M. Tremblay (Luc): D'accord, vous comprenez cela. Alors, ce
pourquoi nous tenons, en fait, à Insister sur la recommandation 33,
c'est pour reconnaître principalement qu'une fois la première
intervention faite par rapport à n'importe quel type de crise nous
référons...
Mme Lavoie-Roux: Vous référez à la
ressource...
M. Tremblay (Luc): ...nous collaborons avec les ressources, comme
par exemple le centre de prévention; à Québec, c'est
effectivement le cas, il y a un centre, comme à Montréal. Je
comprends aussi que, dans d'autres régions où il y a des centres
de crise, il n'y a pas, comme tel, de centre de prévention auquel les
gens puissent référer. Nous tenons, en fait, à appuyer sur
cette recommandation.
Mme Lavoie-Roux: Si je vous comprends bien, cela va être
mon dernier point, c'est qu'en soi, quant aux principes, admettre quelqu'un qui
est en crise suicidaire et qui arrive chez vous comme étant la
première ressource où il peut se référer, vous
n'avez pas d'objection à te recevoir comme étant...
M. Tremblay (Luc): Absolument pas.
Mme Lavoie-Roux: Mais, à partir de cela, comme dans
d'autres cas, vous allez le référer à la ressource la
mieux appropriée pour le suivi. C'est cela que vous voulez nous
dire.
M. Tremblay (Luc): C'est en plein cela.
Mme Lavoie-Roux: C'est parce qu'on l'a inclus... Si on l'inclut,
c'est parce qu'ils étaient exclus, peut-être pas chez vous, mais
ailleurs.
M, Légaré: Ils étaient exclus ailleurs.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Légaré: Dans d'autres centres de crise.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Moi, je pense qu'un centre de crise...
Comme vous dites, peut-être que vous l'aurez même seulement au
téléphone, peut-être seulement trois heures et
peut-être que, des fois, il faudra que vous l'ayez cinq jours, mais il
tombe dans la même catégorie que les autres personnes en
état d'urgence ou en état de crise.
M. Tremblay (Luc): Absolument d'accord. Mme Lavoie-Roux:
Ah!
Le Président (M. Joly): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: C'est exactement ce que j'essayais de comprendre, moi
aussi, parce que, dans le fond, vous ne pouvez pas déterminer avant
même qu'il vous appelle ou qu'il aille vous voir qu'il est en état
de crise suicidaire. Vous allez le déterminer là. Donc, ce que
vous dites, c'est que vous ne voulez, en aucune façon, les refuser, pour
au moins être la ressource de première ligne et, ensuite, le
référer à qui de droit. Ce que vous dites, c'est qu'au
plan de votre responsabilité, quelle que soit la crise que subit la
personne, vous la recevez. Mais une fois que vous avez détecté ce
qu'elle a, vous la référez à des services qui sont plus
spécialisés. Vous le dites bien: Nous sommes des
généralistes, nous ne sommes pas des gens spécialistes
dans chacun des cas.
M. Tremblay (Luc): C'est exact M. Légaré:
C'est cela.
M. Jolivet: J'aimerais avoir quelques détails sur votre
façon de fonctionner. Est-ce que vous êtes ouverts 24 heures sur
24, sept jours par semaine?
M. Tremblay (Luc): Oui.
M. Jolivet: Comme toute urgence au Québec.
M. Légaré: Ouf.
M. Jolivet: Vous avez des gens qui peuvent être des
adolescents ou des adultes et qui sont référés soit par le
bouche à oreille, par des organismes dans le milieu ou par les
hôpitaux, dans le sens, comme vous le dites, du désengorgement,
des gens qui, à un certain moment, ont besoin d'une présence
humaine. Ce n'est pas à l'urgence de l'hôpital qu'on doit l'avoir,
c'est plutôt dans des centres comme le vôtre. Après cela, on
déterminera quelle sorte de besoins doivent être comblés
pour que cette personne puisse se sentir plus à l'aise. C'est dans ce
sens-là que vous fonctionnez? (21 h t5)
M. Légaré: Oui, tout à fait, oui. On
reçoit les personnes à partir... Notre clientèle est
à partir de gens de quatorze ans et plus, de toute provenance, soit des
urgences des hôpitaux, des organismes communautaires, des gens de la
communauté qui connaissent l'existence du centre de crise et qui les
réfèrent directement au centre de crise. Cela n'apparaît
pas nécessairement dans les statistiques des urgences d'hôpitaux.
On est un peu comme avant l'urgence de l'hôpital. Très souvent,
nous pensons, nous empêchons une personne... Plutôt que de se
rendre directement à l'urgence, elle entre en contact avec nous et on
intervient Alors, cela n'apparaît pas nécessairement dans les
statistiques des urgences.
M. Jolivet: Oui.
M. Tremblay (Luc): J'aimerais compléter en disant que le
mandat du centre de crise de Québec - et je crois comprendre que tous
les centres au Québec ont ce mandat-là en priorité - c'est
d'abord de répondre à des demandes qui viennent des urgences des
hôpitaux, c'est clair et net.
Mme Lavoie-Roux: C'est pour cela qu'ils ont été
créés au départ.
M. Tremblay (Luc): Exactement. Je pense que c'est important de le
mentionner, c'est la priorité "numéro un" pour nous, comme
ailleurs, j'Imagine.
M. Jolivet: Vous êtes financés de quelle
façon? Vous êtes combien de personnes? Est-ce que vous avez des
bénévoles? De quelle façon fonctionnez-vous?
M. Tremblay (Luc): Nous sommes financés à 100 % par
le ministère de la Santé et des Services sociaux
Présentement, nous avons un personnel qui est composé d'une
quinzaine d'intervenants. Il est prévu dans le plan, dans la
programmation, qu'éventuellement les bénévoles vont
s'intégrer au fonctionnement du centre et, donc, collaborer à
offrir les services à la clientèle. Actuellement, nous en sommes
à ce point-là.
Mme Lavoie-Roux: Votre budget est de l'ordre d'à peu
près combien?
M. Tremblay (Luc): 450 000 $.
Mme Lavoie-Roux: 450 000 $, hein?
M. Tremblay (Luc): Oui.
Le Président (M. Joly): Mme la députée
de
Marie-Victorin.
Mme Vermette: Cet après-midi aussi, nous avons eu le
centre de crise Préfontaine de Montréal qui nous disait qu'avant
de recevoir certains cas on devait travailler avec les établissements,
notamment certaines urgences ou certains CLSC et on devait faire un petit peu
un compte rendu du dossier de la personne, parce qu'on disait qu'on ne pouvait
pas toujours répondre aux besoins, parce qu'une fois que la personne est
à l'intérieur, c'est très difficile de trouver,
finalement, une ressource qui pourrait reprendre cette personne-là,
notamment au niveau des urgences ou en milieu Institutionnel. C'est important
pour eux de prendre des références sur la personne qui demandait.
Est-ce que chez vous cela se passe aussi comme ça?
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas cela exactement. Je m'excuse, Mme
la députée de Marie-Victorin. Ce n'est pas ce que ces gens ont
dit. Ils ne leur ont pas dit qu'il fallait qu'ils demandent des
références aux personnes.
Mme Vermette: Non, pas aux personnes, mais aux institutions comme
à l'urgence, au médecin traitant...
Mme Lavoie-Roux: Les institutions demandaient, oui.
M. Jolivet: Oui.
Mme Lavoie-Roux: C'est-à-dire les hôpitaux.
Mme Vermette: Aux hôpitaux, aux institutions, aux
CLSC...
Mme Lavoie-Roux: Surtout les hôpitaux.
Mme Vermette: Surtout les hôpitaux, oui. Est-ce que chez
vous cela se passe aussi de cette façon-là?
M. Tremblay (Luc): A la suite d'échanges d'informations
avec Mme la ministre, j'aimerais que vous précisiez votre question. Vous
faites référence à un centre de crise...
Mme Vermette: Un centre de crise qui est le centre de crise
Préfontaine.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas un centre de crise, le centre
Préfontaine.
Mme Vermette: Non?
Mme Lavoie-Roux: Bien non.
Mme Vermette: Ah.
Mme Lavoie-Roux: C'est un centre de désintoxication pour
des...
Mme Vermette: Ah bon. Il était venu avec tes groupes de
centres de crise, mais.., Ah bon, d'accord, cela va. Eux fonctionnaient... Ils
représentaient, en tout cas, les centres de crise et leurs principaux
problèmes, c'est que, quand on leur référait une personne,
qu'elle vienne d'un centre hospitalier, quelquefois d'un CLSC, mais plus
souvent qu'autrement d'une urgence d'un centre hospitalier, ils demandaient,
finalement, les références pour la patiente du médecin
traitant, à savoir, un petit peu les origines ou la nature et
quelquefois, vu l'abondance de la demande, ils étaient obligés de
faire un certain échantillonnage de la clientèle, parce que
très souvent plus qu'autrement ils étaient pris avec la
clientèle et c'était très difficile pour eux de retrouver
un autre endroit. Une fois là, elle était comme "stockée",
finalement, à l'intérieur du centre de crise.
M. Tremblay (Luc): Est-ce que cela pouvait correspondre à
une certaine forme de dumping?
Mme Vermette: Non. M. Tremblay (Luc): Non.
Mme Vermette: Ils ne nous l'ont pas dit tout à fait comme
cela. J'avais plutôt l'Impression que le centre de crise est temporaire,
de toute façon. Ce n'est pas vraiment de l'hébergement Donc, pour
eux, c'était surtout la question de mentalité des urgences versus
les centres de crise et à cause de cette situation-là, ils
devaient être plus exigeants vis-à-vis des
bénéficiaires. Je ne sais comment ils les
référaient.
M. Tremblay (Luc): Je peux vous dire que, pratiquement, à
Québec, la façon dont on fonctionne avec les urgences des
hôpitaux est la suivante. On leur demande, lorsqu'ils font une
référence, d'accompagner leur demande de deux formulaires qu'ils
ont déjà en leur possession. C'est une formule de demande. En
fait, cela correspond à une demande de consultation, si on peut dire; je
pense que c'est ainsi qu'on appelle cela. Il y a une autre formule qui est un
genre de formule de départ de l'hôpital ou de l'urgence. On a
développé cette pratique, justement pour éviter ce genre
de situation.
Dans d'autres cas, des demandes nous sont formulées de ta
façon suivante. L'urgence nous dit: Cette personne est en crise, on n'a
pas à la garder à l'hôpital, par exemple, en psychiatrie
Pourriez-vous la prendre sous observation pendant 24 ou 48 heures? Et ensuite
nous la reprendrons pour évaluer si, effectivement, elle est en mesure
de retourner chez elle ou, tout simplement, on va la garder si ia situation est
trop grave et on va l'hospitaliser, à ce moment-là. On a
développé ce genre de pratique avec les urgences, ce qui
évite peut-être le
genre de situation dont vous parlez. Dans certains cas "extrêmes"
- entre guillemets - où les ressources sont manquantes, nous avons eu
aussi des expériences comme se retrouver avec des personnes qui viennent
d'autres régions et qui aboutissent chez nous. Elles ne sont en contact
avec aucun réseau. Nous sommes obligés de les garder plus que 24
ou 48 heures; le temps de leur trouver une ressource, au fond, puisqu'elles ont
coupé le contact avec toutes les ressources de la région ou de
leur région.
Le Président (M. Joly): Je vais reconnaître le
député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.
M. Thuringer: Merci, M. le Président. Si je comprends
bien, vous existez depuis juin 1987.
M. Légaré: On est opérationnel depuis juin
1987. Il y avait un conseil d'administration provisoire qui, pendant une
année, a développé la programmation du centre, les budgets
et tout.
M. Thuringer: Depuis ce temps, quels sont les problèmes
auxquels vous faites face le plus souvent chaque jour?
M. Légaré: En termes de types de crises?
M. Thuringer: Oui. Mais aussi, quant à l'acceptation des
hôpitaux et des autres intervenants communautaires. Comment
êtes-vous vus par la communauté?
M. Légaré: D'accord, ta perception que la
communauté et le réseau ont de nous. Je vais peut-être
laisser répondre Luc sur l'aspect de la clientèle, dans un
premier temps.
M. Tremblay (Luc): Je peux vous dire que, depuis notre ouverture,
nous avons eu passablement plus de demandes de services venant directement de
la communauté que des urgences. La communauté, de plus en plus,
exprime ses besoins de services, du moins à l'endroit du centre de
crise, chez nous. Le genre de crise qu'on rencontre le plus souvent, pour
compléter ta question que vous m'avez posée... On peut donner des
noms à des crises. Je préférerais peut-être vous
donner plutôt le portrait d'une personne qu'on retrouve le plus
généralement en crise.
Généralement, ce sont des personnes qui sont
isolées, des personnes qui n'ont plus ce qu'on appelle de réseau
social pour les soutenir dans les moments difficiles qu'elles traversent. Vous
comme moi, à l'occasion, avons pu être en contact avec des gens
qui vivent des situations de crise. Au fond, n'importe qui peut vivre un type
de situation de crise. Lorsqu'on peut être soutenu, écouté
par quelqu'un de la famille ou de l'entourage, on peut passer à travers
cette situation difficile, à moins que ce ne soit une crise de type
psychiatrique - comme on en pariait Ici - psychotique, ce sont des crises
très sérieuses, c'est autre chose. Mais, lorsqu'on est bien
soutenu dans des crises de moindre gravité, on peut passer à
travers sans avoir besoin d'aller à l'hôpital ou d'avoir recours
à un centre de crise. Mais les gens qui sont Isolés et qui sont
seuls, ce sont souvent ces gens qu'on finit par retrouver à notre
porte.
Le Président (M. Joly): M. le député de
Laviolette, s'il vous plaît.
M. Jolivet: Je terminerai en vous disant que j'ai compris que
vous êtes d'accord avec l'ensemble de la problématique
présentée, que vous êtes d'accord avec la recommandation 33
pour autant qu'on ne vous oblige pas à garder la personne et qu'on vous
permette de pouvoir la transférer dans des lieux plus
spécialisés que le vôtre, le vôtre n'étant
finalement qu'un moyen de désengorger l'ensemble des urgences
hospitalières en particulier. D'autre part, vous dites: Nous sommes
là pour aider à répartir les gens qui peuvent venir nous
voir dans des lieux plus spécialisés que le nôtre si
vraiment un des besoins est en rapport avec la question du suicide.
Le Président (M. Joly): Mme Bruneau.
Mme Bruneau (Judith): Nous ne sommes pas d'accord avec la
résolution 33 si elle parle de suivi de crise comme étant notre
propre responsabilité.
M. Jolivet: D'accord.
Mme Bruneau: Ce qui nous a un peu surpris, c'est qu'on dit que
c'est un problème qui est très Important au Québec
présentement et on dit, tout au long du rapport Harnois, qu'il faut
développer ce qui existe déjà. Il existe des centres de
prévention du suicide, par exemple, qui ont une très bonne
expertise dans ce domaine et on ne semble pas vouloir les utiliser. C'est
certain que nous allons accepter tous les types de crise, mais si le
problème suicidaire est si Important au Québec, je pense qu'on
doit continuer à aider les organismes à assumer, en tout cas,
à prendre une partie de la responsabilité des crises suicidaires.
C'est pourquoi nous avons décidé de présenter un
mémoire, pour approuver la philosophie et pour dire qu'il faut continuer
à développer les ressources si le problème est si
important.
M. Jolivet: Je vais vous poser une question subsidiaire à
celle-là, dans le sens suivant. Il y a des centres hospitaliers au
Québec qui refusent, dans certaines circonstances, d'accueillir des gens
en état de crise, des alcooliques, et ils les réfèrent
directement à des organismes qui oeuvrent dans ce domaine. Souvent, il y
a des
médecins qui ne veulent même pas les accueillir à
l'hôpital parce qu'ils disent que cela dérange. Dans ce
contexte-là, je vais vous poser la même question. SI vous parlez
du suicide, d'une part, est-ce que ce serait la même chose dans le cas
des gens qui sont alcooliques, qui sont en crise d'alcoolisme?
M. Tremblay (Luc): Je vais répondre à cette
question. Notre pratique jusqu'à maintenant nous a amenés
à être en contact avec des gens qui sont alcooliques. Dans un
premier temps, on a répondu à la situation de crise comme telle
avec notre mandat de 24 ou 48 heures et on a pris le temps, avec les gens, de
leur trouver soit une ressource de désintoxication - il en existe, entre
autres, à Québec; il y en a une à l'hôpital
Saint-François-d'Assise - ou des ressources dans la communauté
comme telle, par exemple des maisons de désintoxication qui offrent
l'hébergement, etc. C'est notre démarche par rapport à
cette problématique.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Tremblay. J'aimerais,
à mon tour, déborder de mon rôle de président et
vous poser une question.
M. Jolivet: Vous ne débordez pas, M. le Président
Vous y avez droit.
Le Président (M. Joly): On a mentionné, du moins
vous l'avez souligné tantôt, M. Tremblay, que le gros de votre
clientèle s'identifiait d'elle-même, soit des gens du milieu qui,
à un moment donné, sont conscients qu'ils ont des services qui
leur sont offerts et que ce n'était pas la majorité qui vous
était référée par les hôpitaux ou par les
urgences. J'aimerais, à ce stade-ci, faire une évaluation au
cours des six derniers mois. Combien avez-vous eu de cas en tout et partout qui
vous ont été référés et combien provenaient
des urgences? Est-ce que vous avez des statistiques là-dessus? Combien
de personnes ont été hébergées chez vous et combien
avez-vous de lits pour les héberger?
M. Tremblay (Luc): Je vais commencer par le nombre de lits. Nous
avons quatre places d'hébergement au centre. Dans le but de
préciser cet élément, ce sont quatre places qui sont pour
nous un moyen d'aider une personne à passer à travers sa
situation de crise. Je le précise parce qu'on a eu souvent des demandes
d'hébergement pures et simples. Pour quelqu'un sur le trottoir, on nous
demandait: Pouvez-vous prendre cette personne?
Mme Lavoie-Roux: Les sans-abri.
M. Tremblay (Luc): Pardon?
Mme Lavoie-Roux: Les sans-abri.
M. Tremblay (Luc): C'est cela, les sans-abri.
Nous ne sommes pas un centre pour accueillir les sans-abri,
malheureusement Ils n'en ont pas, mats on n'est pas là pour cela. C'est
pour cette raison que j'ai précisé que les quatre places, c'est
pour aider la personne pendant qu'elle est en était de crise, 24 ou 48
heures. Pendant les six premiers mois de pratique où on a offert des
services, nous avons répondu directement à 450 personnes,
à trois reprises et plus, ce qui veut dire qu'il y a des gens qui sont
revenus et auxquels on a offert deux ou trois services. Là-dessus, moins
de 10 % de ces personnes nous ont été
référées par les urgences des hôpitaux. (21 h
30)
Mme Bruneau: Je tiens à spécifier que, même
quand cela n'arrive pas directement de l'urgence, il faut nous
considérer comme une ressource alternative, donc, je dirais
peut-être que, sur les 90 % qui restent, 75 % auraient fait une demande
ou la personne dans ta communauté aurait fait une demande auprès
des urgences. Il faut toujours considérer que nous sommes une ressource
alternative à l'urgence et que les gens auxquels on répond, s'ils
ne sont pas référés par l'urgence, seraient probablement
allés à l'urgence si on n'avait pas été là.
Je voudrais que cela soit assez clair.
Le Président (M. Joly): La répartition de vos
intervenants, on mentionne que vous en avez quinze et que vous fonctionnez 24
heures par jour, donc, si on me permet l'expression "chiffres", trois chiffres,
est-ce cinq, cinq, cinq ou s'il y a des temps durant la journée
où c'est plus occupé?
M. Tremblay (Luc): Oui. Présentement, on a pu observer que
les heures les plus en demande ou les plus occupées sont durant les fins
de journée et en début de soirée, alors qu'on est
obligé de faire une nouvelle répartition de personnel pour
répondre plus durant cette période-là.
Le Président (M. Joly): Merci, monsieur. En remarques de
conclusion, M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: Je vous remercie d'être venus nous expliquer la
situation dans laquelle vous vivez et vos intentions pour l'avenir.
J'espère qu'on entendra votre appel.
Le Président (M. Joly): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup et merci pour le travail que vous
faites. Cela ne doit pas toujours être facile dans les centres de crise
non plus.
Le Président (M. Joly): À mon tour, je vous
remercie et je vous souhaite bonne chance dans vos démarches.
Je vais maintenant appeler le prochain
groupe, le Centre de prévention du suicide de Québec. S'il
vous plaîtl
Je vais vous rappeler le mandat de la commission qui est
d'étudier le projet de politique de santé mentale pour le
Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité
présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre
1987. Je me permets de le souligner à nouveau, car on ne sait pas si
vous étiez dans la salle tantôt. J'aimerais Ici vous souhaiter la
bienvenue et demander au responsable ou à la responsable du groupe de
s'identifier et d'identifier les gens qui l'accompagnent
Centre de prévention du suicide de
Québec
Mme Delisle (Linda): Bonsoir, tout le monde. Vous m'entendez
bien?
Le Président (M. Joly): Oui, madame.
Mme Delisle: M. le Président, Mme la ministre, je vous
présente, à mon extrême gauche, M. Jean Blaquière,
psychologue et président du conseil d'administration au Centre de
prévention du suicide, Mme Lynda Pomerieau, psychologue et responsable
de tous les services cliniques au Centre de prévention du suicide, Mme
Marie-France Charron, épidémiologiste et sulcidologue et aussi
membre du conseil d'administration du Centre de prévention du suicide,
et M. René Jean, directeur général au Centre de
prévention du suicide. Je suis Linda Delisle, responsable de tous les
services communautaires au Centre de prévention du suicide.
Je vais commencer immédiatement. M. le Président, Mme la
ministre, messieurs et mesdames, nous sommes d'accord dans l'ensemble avec les
grands principes dont s'est inspiré le comité Harnois parce que,
d'une part, il y a reconnaissance des organismes communautaires en les
insérant dans un réseau de services et, d'autre part, on
recommande de doubler les budgets consacrés au financement de ces
derniers. De plus, la gamme des services du Centre de prévention du
suicide s'établit dans la même philosophie que celte
proposée par le comité Harnois, c'est-à-dire la
primauté de la personne ainsi que le partenariat.
Depuis neuf ans, le Centre de prévention du suicide a des
programmes d'information sur les services disponibles, des activités de
prévention et de promotion de la santé mentale. Des exemptes de
cela, des programmes de consultation en milieu scolaire; nous entrons dans les
écoles, nous allons former des comités de prévention du
suicide, nous les formons, les appuyons pour développer des outils
d'intervention auprès des jeunes dans les écoles. La même
chose dans les milieux carcéraux. Nous rencontrons l'administration, les
détenus, mais aussi tous les agents de ta paix qui sont à
l'intérieur de la prison pour qu'ils soient capables de dépister
davantage les personnes suicidaires et de les référer soit au
Centre de prévention du suicide, ou encore en utilisant au maximum les
ressources de leur prison au sujet desquelles on les a déjà
formés au préalable.
Donc, le Centre de prévention du suicide répond aux
besoins d'intervention en situation de crise suicidaire ou d'urgence. Nous
avons un service d'intervention téléphonique, 24 heures sur 24,
et aussi un service de crise à domicile. Nous nous
déplaçons et nous recevons au Centre de prévention du
suicide les individus qui sont en crise suicidaire. Le centre assume aussi des
fonctions d'accueil, d'orientation, de référence sur une base
permanente, des services d'entrevue, d'évaluation pour vérifier
avec la personne ce qui se passe et si le centre peut lui donner un service ou
encore l'orienter dans la communauté avec les ressources communautaires
et aussi du réseau officiel pour que cette personne ait la meilleure
aide possible au moment de sa crise.
Nous avons aussi un service de répit aux familles et aux proches.
Premièrement, on va penser aux groupes d'aide à l'entourage des
personnes suicidaires. On s'est rendu compte, après plusieurs
années auprès des familles, que ceux qui vivent avec une personne
suicidaire ont un besoin d'Information, de compréhension de ce
phénomène, mais parallèlement à cela un besoin de
support parce que ces gens ne savent plus quoi faire à un moment
donné. Ils sont dépassés par la situation. Donc, nous au
centre, nous offrons réellement ce service. Nous assumons aussi, pour
résumer tous ces services, des fonctions relatives à la
réadaptation et à la réinsertion sociales des personnes
suicidaires. Plus particulièrement, le CPS, le Centre de
prévention du suicide - ça va être plus court - est la
seule ressource organisée du genre dans la région de
Québec qui s'occupe spécifiquement de la problématique du
suicide.
En termes de services, le CPS est un centre d'intervention de crise
suicidaire ouvert 24 heures sur 24, 7 jours semaine, qui depuis la
dernière année a reçu 14 500 appels et a effectué
260 déplacements à domicile. Il a un service clinique qui a
dispensé l'an dernier environ 1000 rencontres auprès d'individus
suicidaires et aussi dans le but d'assurer leur prise en charge. Un service de
formation en intervention de crise suicidaire qui depuis l'ouverture du centre
a formé pas moins de 6500 Intervenants. Un service à la
communauté qui par te biais de conférences, de rencontres dans le
milieu, auprès des maisons de jeunes, auprès des urgences des
hôpitaux, auprès des CLSC, des Intervenants du réseau, a
mis sur pied des programmes de prévention et on a rejoint tout
près de 20 000 étudiants par le biais du programme en milieu
scolaire. Aussi un service de recherche qui oeuvre à améliorer le
diagnostic et le dépistage des personnes suicidaires. Nous avons aussi
un service de supervision et de support à tous les intervenants de notre
région qui depuis la dernière année - on en a
fait environ au moins 300. Donc, c'est tout l'aspect - excusez le terme
- "coaching*, la supervision de ces cas.
En termes de clientèle, nous avons à ce jour environ 10
000 dossiers. Donc, 10 000 individus qui ont contacté le Centre de
prévention du suicide, et dont l'âge moyen se situe autour de 30
ans, et 56 % d'entre eux rapportent une tentative de suicide avant d'avoir
contacté le centre. Une personne sur 20, lorsqu'elle établit un
premier contact avec le Centre de prévention du suicide, a au moins fait
une tentative de suicide. Il y a 29 % de ces personnes qui vivent seules. Je
m'excuse. Alors, une personne sur 20, lorsqu'elle établit un premier
contact avec le centre, est soit en train de se suicider, ou a tenté de
le faire dans les 12 heures qui ont précédé l'appel.
Il y a 36 % des bénéficiaires du centre qui sont
salariés et 23 % touchent des prestations du bien-être social. Il
y en a 17 % qui sont en chômage. Il y en a 8 % qui sont rentiers. Il y en
a 16 % qui ont une autre forme de revenus. L'occupation, 27 % de cols blancs,
24 % aux études, 20 % de cols bleus, 20 % au foyer et 9 % de
professionnels, On se rend compte que ça touche toutes les classes de la
société. Il y a 55 % de notre clientèle qui est de sexe
féminin et 45 % de sexe masculin; 46 % de notre clientèle sont
des célibataires, 21 % sont mariés, 22 % séparés ou
divorcés, 7 % ont un conjoint et 4 % sont veufs.
Donc, en termes d'objectifs, le Centre de prévention du suicide
vise à réduire le taux de tentative et de mortalité par
suicide, à intervenir promptement auprès de ceux et celles qui
veulent se suicider. Nous sommes là aussi pour encourager, stimuler et
appuyer tous les efforts en termes de prévention du suicide dans notre
région et aussi afin d'éduquer la population pour qu'elle
identifie les personnes suicidaires dans son entourage afin qu'eux-mêmes,
ou encore avec l'aide du Centre de prévention du suicide, puissent
intervenir à temps.
En termes de reconnaissance, le Centre de prévention du suicide a
été te premier centre au Québec et au Canada, Nous avons
reçu, en 1984, une mention spéciale de la Fondation Desjardins en
reconnaissance du travail effectué visant l'amélioration de la
qualité de vie dans son milieu. Nous sommes membres de l'Association
québécoise de suicidologie et l'Association canadienne de
suicidologle et aussi, en 1985, nous avons été le premier centre
canadien d'intervention de crise reconnu et certifié par l'American
Association of Suicidology. C'est une association, en fait, multidisciplinaire,
internationalement reconnue pour son expertise en suicidologle,
c'est-à-dire aux plans recherche, intervention et prévention.
Nous avons aussi, dans le même ordre d'idées,
participé à la création d'autres centres de
prévention du suicide dans la province. C'est bien certain, puisque nous
étions les premiers, on nous contactait pour aller donner des sessions
d'Information, des rencontres dans le milieu, d'où l'émergence et
tout le soutien du centre pour toutes ces ouvertures de centres de
prévention du suicide.
Le centre de Québec est le seul à offrir des services
spécifiques - je termine - tels l'aide aux tiers, les programmes de
prévention du suicide dans le milieu scolaire et les thérapies de
deuil. Nous avons été sanctionnés par le ministère
afin de donner de la formation aux Intervenants du réseau. Nous avons
aussi, avec le Centre de crise de Québec, une collaboration dans le sens
suivant: une évaluation conjointe des personnes suicidaires. C'est le
Centre de prévention du suicide qui donne le suivi thérapeutique.
Donc, une expertise sur le plan de l'évaluation de crise suicidaire
auprès des suicidaires comme tels, au plan des familles en deuil par le
suicide et aussi dans l'élaboration et l'application de programmes.
J'en arrive aux recommandations, pour terminer. Alors, notre
première recommandation quant à R-32, c'est que le
ministère de la Santé et des Services sociaux s'engage à
ce que l'harmonisation des moyens retenus par sa politique de santé
mentale ne se fasse pas au détriment des organismes déjà
existants; que te ministère de la Santé et des Services sociaux
s'engage à ce que le processus d'harmonisation des moyens retenus se
fasse en consultation avec les organismes qui ont acquis une expertise
particulière dans te domaine du suicide; que des démarches
régionales de planification de services dans l'obligation d'inclure la
crise suicidaire dans leur mandat soient d'abord confiées à des
organismes ayant une expertise particulière en intervention de crise
suicidaire, et aussi qu'on voie à ouvrir de tels organismes s'ils
n'existent pas en région; de plus, que le ministère de la
Santé et des Services sociaux prévoie, dans ses politiques
d'allocation de budgets aux organismes ayant une expertise particulière
en intervention de crise suicidaire, des ressources supplémentaires leur
permettant de développer des activités de recherche, des services
d'hébergement à court terme, mais aussi des programmes
d'Intervention spécifiques en regard des populations à haut
risque.
Je vous remercie de votre attention. Si vous avez des questions...
Le Président (M. Joly): Merci, madame. La parole est
maintenant à Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.
Je veux vous remercier d'être tel, mais je vais
immédiatement passer la parole à un de mes collègues et je
reviendrai par la suite,
Le Président (M. Joly): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.
M. Thuringer: Merci, M. le Président. Merci
pour votre présentation. Je pense que votre mémoire
indique clairement le travail valable que vous faites.
Je suis quand même porté à penser que la
première recommandation me semble être plus sur la
défensive, dans le sens que: Est-ce que vous avez des craintes? Est-ce
qu'il y a eu des gestes qui ont déjà été
posés qui ont menacé votre... Il me semble que vous fonctionnez
bien dans la communauté. Pourquoi le rapport Harnois vous pose des
problèmes? La première recommandation dit que, s'il y a une
harmonisation, pas de garantie qu'on peut rester. Pourquoi pensez-vous... (21 h
45)
Mme Pomerleau (Lynda): C'est-à-dire qu'on ne se sent pas
menacés dans notre expertise, après neuf, dix ans
d'expérience. De plus en plus, notre travail est de superviser et de
former des intervenants. Je suis reponsable d'un secteur clinique et,
régulièrement, dans une journée, it y a peut-être
dix, quinze intervenants qui demandent à être supervisés
dans leur Intervention. Et c'est ce qu'on veut de plus en plus
préconiser. Toutefois, on parle aussi de l'ensemble des centres de
prévention du suicide qui ont été créés
depuis trois, quatre ans dans la province de Québec. Ces organismes ont
déjà une expertise. Notre recommandation est de respecter aussi
l'expertise qu'ont développée ces jeunes centres de
prévention du suicide qui ont quand même une capacité
d'évaluer rapidement le potentiel suicidaire des
bénéficiaires. Je vous disais tout à l'heure qu'on
supervise beaucoup les intervenants. Les intervenants, face à la crise
suicidaire, le malaise qu'ils ont, c'est l'insécurité de ne pas
être assez habilités à évaluer le potentiel
suicidaire.
M. Thuringer: Merci. Sur la question de la supervision,
justement, pouvez-vous nous dire plus en détail comment vous faites
cela?
Mme Pomerleau: Pour ce qui est de la supervision clinique, ces
sont des intervenants des CSS, des CLSC et des centres d'accueil qui nous
appellent en disant: J'ai un jeune ou j'ai une personne qui a une crise
suicidaire, elle a telle ou telle planification, qu'est-ce que je fais avec?
Est-ce que je peux me permettre de te l'envoyer? Est-ce que je peux la laisser
aller sans danger? Ce dont ils ont besoin c'est d'évaluer le risque de
passage à l'acte de cette personne et de savoir ce qu'ils doivent
travailler avec elle. Est-ce que je dois travailler comme je travaille
normalement avec un carencé affectif, avec un toxicomane? Qu'est-ce
qu'il y a de particulier chez cette personne?
M. Thuringer: Par exemple, est-ce que vous entrez aussi dans le
milieu scolaire ou est-ce que vous donnez des conseils aux professeurs?
Même, dans le domaine de l'Industrie, par exemple, est-ce que vous
êtes appelés...
Mme Delisle: Absolument. Dans le milieu scolaire, c'est bien
établi. En fait, depuis l'ouverture du centre, nous travaillons dans le
milieu afin de monter des comités pour que ceux-ci, dans l'école,
soient capables de donner l'information aux jeunes et aussi aux parents de ces
jeunes. Vous savez, en réalité, lorsqu'on va donner une
conférence ou qu'on a une rencontre auprès des jeunes - en tout
cas, moi, pour l'avoir fait longtemps - on parle du suicide. On te
démystifie. On parle des signes précurseurs. On fait du
dépistage. Sauf que, dans la réalité. ces jeunes viennent
nous voir après, en disant: Moi, je pense à me suicider; moi, mon
père s'est pendu la semaine dernière, qu'est-ce que je peux
faire? On doit habiliter le milieu à recevoir ce genre de
réaction, après une conférence. On ne peut pas
s'improviser intervenant de crise du jour au lendemain dans ce domaine. Donc,
tout l'aspect supervision se fait à partir des écoles. Dans le
milieu carcéral, comme tel...
Je pense, par exemple, à la Société des postes. On
a monté des programmes pour tes employés. Il y a certains
ministère où il y a de l'aide aux employés. Nous formons
des gens. Nous les aidons à bien évaluer la crise suicidaire, le
risque de la personne suicidaire, mais aussi nous leur donnons tous les moyens
et les outils nécessaires pour intervenir adéquatement et
efficacement auprès des personnes suicidaires.
M. Thuringer: Dans la...
Le Président (M. Joly): Excusez-moi, M. le
député. Pour respecter l'alternance, je vais reconnaître le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je vous remercie de
votre présence ici ce soir afin d'expliquer votre compréhension
du rapport Harnois. Je dois dire que d'après ce qu'on a entendu juste
avant vous il y a certainement une coopération intense entre le Centre
de crise de Québec et vous autres, un organisme à but non
lucratif. C'est probablement dans ce sens que vous avez proposé votre
première recommandation. Vous craignez que la recommandation 33 vienne
justement nuire un peu à cet effort que vous avez fourni depuis dix ans
- si j'ai bien compris - pour donner des services à une population qui
en a besoin. C'est peut-être dans ce sens que je le comprends.
Mme Delisle: C'est un peu dans ce sens, mais c'est aussi
davantage, je pense, pour accentuer le fait que le suicide, c'est quelque chose
de particulier. Une personne suicidaire a des besoins spécifiques et le
Centre de prévention du suicide donne justement une réponse
à ces besoins particuliers de la communauté, à tous les
niveaux d'intervention possibles: primaire, éducation; secondaire,
intervention et tertiaire, suivi. C'est dans ce sens que nous avons retra-
vaille la proposition 1.
M. Jolivet: D'accord. J'aurais peut-être pu poser la
question tout à l'heure, mais le temps manquait, cela concernait la
différence entre une personne en état de crise suicidaire
reçue au centre de crise et une autre personne en crise à cause
de l'alcool, car on peut avoir des tendances à ce moment-là.
Quelle différence peut-on faire entre les deux et, en termes de services
que vous rendez, vous devez aussi recevoir ces personnes-là et vous
devez les référer à d'autres groupes?
Mme Delisle: En tout cas, je comprends votre question en deux
partie et, pour répondre à la deuxième partie, oui, nous
recevons des appels de la communauté en général, de
l'entourage des personnes suicidaires, mais 30 % de nos appels proviennent
aussi du réseau, des hôpitaux, des services sociaux, des
intervenants, des infirmières scolaires, tout cela.
Qu'est-ce qui fait la différence? En fait, la différence
est là; une personne suicidaire, s'il n'y a pas d'intervention, va aller
se suicider; c'est dans l'immédiateté de l'intervention, dans ce
sens-là. C'est une crise psychosociale aiguë, dans le sens que,
s'il n'y a pas d'intervention, ta personne se tue. C'est plutôt une crise
à tendance violente et, à ce moment-là, il y a du danger
pour l'extérieur; ce n'est pas du tout la même chose. Veux-tu
ajouter quelque chose, Lynda?
Mme Pomerleau: C'est cela. Les besoins immédiats de la
personne suicidaire, c'est de préserver la vie. Cela va?
M, Jollvet: Oui.
Mme Pomerleau: Donc, c'est vraiment de préserver la vie
et, pour cela, elle a besoin de sentir que l'intervenant est sécure
là-dedans. Ce qu'on disait, c'est que, souvent, les intervenants qui ne
sont pas habitués à travailler avec des personnes suicidaires
sont un peu paniques. Quand c'est la première fois que cela vous arrive,
c'est paniquant de savoir que, si je n'Interviens pas rapidement et
adéquatement dans l'immédiat, je risque que cette
personne-là se tue.
M. Jolivet: Justement, dans ce contexte-là, une question
surgissait tout à l'heure concernant le centre d'écoute au
téléphone, 24 heures par jour, sept jours par semaine. Cela a,
comme résultat depuis vos dix ans d'existence, sauvé la vie
à combien de personnes? Avez-vous des statistiques dans ce
sens-là?
Mme Delisle: Ce que je peux vous dire là-dessus, c'est
que, sur 10 000 dossiers existant au Centre de prévention du suicide, il
y en a 67 qui se sont effectivement suicidés, de ce qu'on a appris selon
les ententes que nous avons avec le bureau du coroner à Québec
pour dégager qui de nos clients se sont suicidés. Je ne voudrais
pas dire par là que les 9900 autres sont tous en vie et en bonne
santé mentale et tout Ce n'est pas nécessairement ce que Je veux
apporter, sauf que, oui, cela arrive dans un centre de prévention du
suicide et c'est "normal", entre guillemets, que le risque suicidaire soit plus
grand et que cela arrive; la probabilité est plus grande.
En fait, si on compare avec les centres américains, le Centre de
prévention du suicide de Los Angeles, sa clientèle a 100 fois
plus de risques de se suicider que la clientèle extérieure. Donc,
It y a 65 personnes du Centre de prévention du suicide qui se sont
effectivement suicidées depuis l'ouverture du centre. Mais,
quotidiennement, ce que je veux aussi apporter, c'est qu'il y a de deux
à trois interventions majeures à domicile et, si ce
n'était de ces Interventions, le taux de suicide serait sûrement
beaucoup plus élevé dans notre région.
M. Jolivet: D'accord. Une autre question concernant les
ressources financières. Vous êtes une corporation à but non
lucratif et, comme corporation, vous vous financez à partir d'argent
provenant de quel endroit, de façon plus particulière? Vous dites
que vous voudriez voir augmenter les ressources financières et, en plus,
que d'autres centres devraient être créés au
Québec.
Mme Delisle: Par rapport aux ressources financières, c'est
en évolution, donc tout le monde se comprend là-dedans. Il y a
des besoins urgents d'hébergement comme tel, mais aussi de services
particuliers. Je pense à la prévention comme telle où il y
a deux personnes au Centre de prévention du suicide qui Interviennent
dans le milieu. On se rend compte qu'il y a des besoins, des demandes
d'information d'organisations communautaires à ce plan.
La deuxième partie de votre question...
Mme Pomerleau: Pour répondre à votre question, on
est subventionné par le MSSS, et, en plus de cela, on va chercher dans
les fonds privés. On fait annuellement une petite campagne de
financement où les gens nous font des dons.
Mme Delisle: C'est souvent la clientèle du centre ou les
familles endeuillées par suicide. Lorsqu'il se produit un suicide dans
une Industrie, les gens vont faire un don assez important au Centre de
prévention du suicide pour montrer qu'ils nous appuient et pour nous
Inciter à continuer.
Le Président (M. Joly): Merci. J'aimerais, à mon
tour, en me prévalant de mon droit de parlementaire, poser quelques
questions. Au départ, je vais essayer de les poser toutes dans la
même, mais elle peut comprendre plusieurs
volets. Alors, peut-être pourriez-vous vous la partager.
Vous fonctionnez avec un "staff de combien de personnes?
Mme Delisle: Dix permanents... Oh, excusez!
Le Président (M. Joly): Non, non, parfait.
Pour chacun de vous, combien d'années de service avez-vous?
Quelle est votre formation?
Combien de lignes téléphoniques avez-vous? Cela semble fou
à dire, mais vous allez comprendre pourquoi. Combien de votre budget
provient du CRSSS et combien...
Mme Lavoie-Roux: Du ministère.
Le Président (M. Joly): ...du ministère, excusez,
et combien provient de levées de fonds? Ce qui m'amène à
vous poser cet ensemble de questions, c'est que j'ai de la difficulté
à cerner que vous avez reçu 14 500 appels dans l'année et
qu'à l'intérieur de tout cela vous avez fait un bon "screening"
ou une bonne évaluation et que vous n'avez retenu que 2 %, pour en
arriver avec 260 déplacements d'urgence à domicile. SI on dit
aussi qu'une personne sur 20 avait déjà attenté à
ses jours, à ce moment-là, on parle de 725 personnes à
l'intérieur du groupe de 14 500, et vous en avez retenu 260. Ce sont des
chiffres... À 40 appels par jour, je trouve cela lourd et je me dis que
vous vivez dans une région qui est drôlement inquiétante
parce que, avec 14 500 appels dans un an, je vais inciter tous ceux que je
connais dans la région à déménager ailleurs.
Mme Delisle: D'accord. M. le Président, pour
répondre à cette partie de question, c'est que, peut-êre,
j'ai tout simplement mal expliqué au départ; c'est que, sur les
14 500 appels reçus annuellement, ce n'est pas 14 500 Individus... Une
personne suicidaire peut appeler 10, 20 ou 50 fois. C'est le nombre d'appels,
d'interventions. Annuellement, c'est environ 900 à 1000 individus
différents. D'accord?
Une voix: 1300.
Mme Delisle: Donc, 1300. Ce n'est pas 14 500 Individus. Depuis
l'ouverture, nous avons 10 000 personnes, donc c'est environ une moyenne de
1000, annuellement. D'accord?
Pour ce qui est du personnel, il y a dix permanents. Il y a 75 à
100 bénévoles qui sont actifs à tous les paliers
d'intervention que je vous ai nommés précédemment. Pour ce
qui est de la formation, habituellement, les gens qui travaillent au centre ont
une formation en psychologie, en andragogie au plan de la formation comme telle
des individus, en service social, en "counseling" et orientation, en
communication, mais II y a aussi des aidants naturels qui, de par leur
expérience et leur formation pratique au centre, ont acquis, ni plus ni
moins, une expé- rience très valable dans le domaine.
Pour ce qui est du nombre de lignes téléphoniques, nous
avons trois lignes téléphoniques; donc, il y a trois personnes
à la fois qui peuvent téléphoner au centre et où
nous pouvons intervenir immédiatement. Et, au téléphone,
de la façon que cela fonctionne, c'est qu'il y a un ou deux
bénévoles qui répondent, qui sont là pour
désamorcer la crise suicidaire. Si le téléphone n'est pas
suffisant, l'équipe mobile, donc deux individus, va se rendre à
domicile pour prendre la crise en charge et donner à cette personne
toute l'aide nécessaire.
Par rapport au budget, nous avons, annuellement, 343 000 $ pour le
fonctionnement qui nous sont donnés par le ministère de la
Santé et des Services sociaux et nous allons chercher une levée
de fonds d'environ 12 000 $ à 15 000 $ dans le milieu. Est-ce que cela
répond entièrement à vos questions?
Le Président (M. Joly): Cela répond assez
clairement parce que j'avais de la difficulté à m'expliquer
comment vous pouviez établir toutes les statistiques...
Mme Delisle: Je vous comprends très bien.
Le Président (M. Joly): ...établir tous les
fichiers sur chacun, surtout sur 14 500 appels...
Mme Delisle: Oui, oui.
Le Président (M. Joly): Je trouvais cela difficile. Je
vais maintenant céder la parole à Mme la ministre, pour revenir
après à Mme la députée de Châteauguay.
Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas vous poser trop de questions
précises parce que j'ai déjà eu des contacts avec le
Centre de prévention du suicide du Québec. Il y a juste deux
points.
Vous avez demandé des fonds supplémentaires pour de la
recherche. Est-ce que déjà il ne se fait pas de ta recherche
à l'Université Laval, soit au département de sociologie ou
au département de sciences humaines, où on peut faire ces
études-là? Est-ce qu'il n'y a pas déjà eu des
recherches sur le suicide financées par le fonds de recherche sociale du
Québec?
Mme Delisle: Effectivement, Mme la ministre, il y a des gens au
centre qui s'occupent de ta recherche. Il y a aussi souvent des stagiaires...
Je pense à un, en particulier, qui fait un doctorat en psychologie sur
l'aspect évaluatif de l'entourage des personnes suicidaires parce qu'il
n'y a rien de fait au Québec en ce domaine en termes d'études
comme telles. Il y a aussi des subventions qu'on est allé chercher dans
un programme d'aide - je ne me rappelle jamais le nom, je suis
désolée...
M. Jolivet:...
Mme Delisle: Non.
Mme Pomerleau: Dernièrement... On a été
subventionné, il y a plusieurs années, pour faire une recherche
sur l'évaluation du potentiel suicidaire. Cette recherche vient
d'être terminée. On envisage peut-être d'y donner suite en
créant peut-être une échelle beaucoup plus valide pour
mesurer le potentiel suicidaire.
Pour ce qui est de la recherche à l'Université Laval, pour
l'instant, il n'y a pas de professeur qui travaille particulièrement sur
cela. Sauf que nous favorisons la recherche avec les étudiants.
Jusqu'ici nos contacts sont plus étroits avec les étudiants de
l'Université de Montréal.
Mme Lavoie-Roux: Une autre question avant cela. Cela fait dix ans
au moins que vous avez des statistiques puisque cela fait dix ans au moins que
le centre existe. Est-ce que vous voyez une évolution quant à
l'âge des personnes qui, finalement, se suicident?
Mme Pomerleau: D'accord.
Mme Lavoie-Roux: À un moment donné, on a dit que
c'est chez les jeunes que c'est le plus étevé. Là, cela
augmente chez les personnes âgées. Est-ce que vous avez des
statistiques un peu plus précises que ces vagues impressions?
Mme Pomerleau: Es-tu bonne, Marie-France?
Mme Charron (Marie-France): Ce que je dirais sur cela, pour
l'ensemble du Québec on a des taux très élevés de
suicide chez les jeunes hommes. C'est toujours vrai, c'est vrai depuis le
début des années soixante-dix. Nous avons l'un des taux les plus
élevés au monde pour les décès par suicide chez les
jeunes hommes, c'est-à-dire entre 20 et 30 ans.
Mme Lavoie-Roux: Êtes-vous sûre que c'est l'un des
plus élevés au monde? Avez-vous fait tout te tour?
Mme Charron: Je pense que c'est le deuxième ou le
troisième.
Mme Lavoie-Roux: Oui?
Mme Charron: Dans ce groupe d'âge particulier. Le
deuxième ou le troisième, vous savez, ce sont des taux qui sont
de l'ordre...
Mme Lavoie-Roux: C'est important, ce n'est pas...
Mme Charron: Oui. Par contre, pour l'ensemble de la population le
Québec a une situation moyenne dans l'ensemble des pays
industrialisés. Dans les pays du tiers monde ce n'est pas un
problème qui se présente, le suicide. Dans les pays
industrialisés le Québec a une position moyenne. Mais chez les
jeunes, les jeunes hommes en particulier, la situation est plus grave. Ce qui
s'est passé c'est que dans les années plus récentes il y a
eu une augmentation des taux chez les gens plus âgés. C'est
frappant au Québec, les taux sont très élevés chez
les jeunes; par contre, le phénomène n'est pas négligeable
chez les gens âgés. Chez les hommes, par exemple, chez les jeunes
hommes, les taux les plus élevés sont vers 30 ans. C'est de
l'ordre de 40 par 100 000. Chez les gens de 50 à 60 ans, le taux est de
l'ordre de peut-être 30 par 100 000. Ce n'est pas beaucoup plus faible,
sauf qu'à cet âge on meurt tellement d'autres problèmes, on
a tellement d'autres maladies que c'est noyé dans tout cela. Cela ne
veut pas dire que le problème est négligeable chez les gens
âgés.
Le Président (M. Joly): Est-ce qu'on peut avoir la
permission des membres de la commission pour déborder d'une
question?
M. Jolivet: Oui, avec plaisir.
Mme Lavoie-Roux: Cela m'a l'air que mes questions sont
finies.
Le Président (M. Joly): Non, ce n'est pas pour mol, c'est
pour madame. C'est par respect pour...
Mme Lavoie-Roux: Non, non allez-y!
Mme Cardinal: C'est juste une question. Merci, M. le
Président. C'est une question qui me préoccupe beaucoup. Je pense
que votre expérience va pouvoir m'éclairer. Est-il juste de
reconnaître qu'une personne qui a déjà tenté le
suicide récidivera, et cela même à plusieurs reprises, et a
donc un besoin d'un suivi plus adéquat? On nous dit cela, on m'a dit
cela souvent. J'ai été mêlée à ce milieu et
cela m'a toujours intriguée. Peut-être, par votre
expérience, vous pouvez vraiment le dire. Est-ce vrai? On dit: Si elle a
déjà pensé au suicide, méfie-toi, elle va
recommencer. Est-ce vrai?
Mme Delisle: Dans le style un peu, ce que vous dites, madame,
suicidaire un Jour, suicidaire toujours?
Mme Cardinal: Oui. Mme Delisle: Non. Mme Cardinal:
Bon.
Mme Delisle: Ce n'est pas le cas, ce n'est pas la
réalité. Une crise c'est quelque chose qui est peut être
situationnel. Les personnes s'en sortent non seulement bien mais mieux
après. C'est bien certain que, tant et aussi longtemps
que la personne qui est en crise suicidaire n'a pas l'aide
nécessaire, elle va récidiver jusqu'à temps qu'elle se
suicide parce qu'elle a besoin d'aide. Son but n'est pas de mourir, à la
personne suicidaire, c'est d'arrêter de souffrir.
Mme Cardinal: C'est d'avoir de l'aide. Merci, cela confirme mes
convictions.
Le Président (M. Joly): Une courte question rapide. Le
député de Laurier, avec un sourire.
M. Sirros: D'accord. C'est quant au financement. Vous avez
parlé du souriait d'une augmentation du financement. Vous devez avoir
une évaluation de ce que vous jugez qui serait adéquat en ce qui
concerne votre fonctionnement Je vous demanderais aussi si vous avez une
évaluation par rapport au financement pour l'ensemble du Québec
pour des centres de prévention du suicide.
Mme Delisle: Je m'excuse. J'ai mal saisi votre question, M. le
député.
M. Sirros: Cela coûterait combien, selon vous? Avez-vous
fait une évaluation...
Mme Delisle: Oui.
M. Sirros: ...quant aux coûts pour l'ensemble du
Québec?
Mme Delisle: II faudrait peut-être...
Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, vous avez demandé
plus d'argent.
Mme Delisle: Au centre de prévention... M.
Sirros: Combien demandez-vous?
Mme Delisle: Nous allons parler pour nous. Le double, au moins le
double.
M. Jolivet: C'est dans la proportion du double du rapport
Harnois.
Mme Delisle: Exactement. Pour aller dans le même sens que
le rapport Harnois, le double ce serait bien.
M. Sirros: Quant au reste, avez-vous une idée de..
Mme Delisle: Je vais vous référer, sur cette
question, mon cher monsieur, à l'Association québécoise de
suicidologie qui passera demain en commission parlementaire vers 15 heures.
M. Sirros: D'accord.
Mme Lavoie-Roux: Bon, d'accord.
Mme Delisle: D'accord. Merci de votre attention.
Le Président {M. Joly): En remarques de clôture, Mme
la ministre?
À mon tour de vous remercier. La commission ajourne ses travaux
au jeudi 14 janvier, soit demain, à 10 heures à la salle du
Conseil législatif. Merci.
(Fin de la séance à 22 h 5)