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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Wednesday, January 13, 1988 - Vol. 29 N° 58

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de politique de santé mentale pour le Québec énoncé dans le rapport Harnois


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Audet): La commission des affaires sociales reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit aux fins d'étudier le projet de politique de santé mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre 1987.

M. le secrétaire, est-ce que vous pourriez annoncer les remplacements, s'il vous plaît?

Le Secrétaire: Oui. M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) est remplacé par M. Camden (Lotbinière), M. Bélanger (Laval-des-Rapides) est remplacé par M. Audet (Beauce-Nord) et M. Gauthier (Roberval) est remplacé par M. Jolivet (Laviolette).

Le Président (M. Audet): Merci.

Auditions

J'invite maintenant nos invités, soit la Confédération des syndicats nationaux et ses fédérations affiliées, à prendre place, s'il vous plaît!

Messieurs et mesdames, on vous souhaite la bienvenue à la commission des affaires sociales. Je vous rappelle le temps alloué pour la période de présentation et la période d'échanges, soit 20 minutes pour la présentation du mémoire et 40 minutes pour les échanges avec la commission.

Si vous voulez bien vous identifier, s'il vous plaît!

CSN et ses fédérations affiliées

Mme Simard (Monique): Bonjour. Je remercie la commission de nous entendre ce matin. Je me présente, je suis Monique Simard, première vice-présidente de la CSN. Je suis accompagnée de M. Carol Lebel, qui est membre de la CSN, psychologue et qui travaille depuis dix ans à l'hôpital Jean-Talon à la clinique de psychiatrie communautaire; Mme Michèle Lévesque, qui est éducatrice spécialisée à l'hôpital Louis-H.-Lafon-taine depuis quinze ans; enfin, M. Pierre Bonnet, qui est sociologue rattaché au service de recherche de la CSN et qui a contribué à l'élaboration du mémoire et de la position qu'on vous présentera ce matin.

Le Président (M. Audet): Merci. Je vous invite maintenant à présenter votre mémoire, s'il vous plaît, ou à le déposer.

Mme Simard: Je vais tenter de résumer notre mémoire parce que 20 minutes c'est un temps relativement court pour présenter une position sur une question qui est, finalement, très complexe et qui nous tient à coeur autant qu'à vous, j'imagine.

Peut-être faire des remarques générales dans un premier temps et, ensuite, donner nos opinions très précisément sur les recommandations qui sont contenues dans le rapport.

Je vais vous dire tout de suite que le rapport soulève des points d'Intérêt extrêmement importants, quand on pense, par exemple, à la recherche, à la prévention, la régionalisation, la répartition des ressources ainsi, évidemment, qu'à la nécessité d'accorder une place plus grande aux groupes communautaires et de permettre aux personnes qui ont un vécu psychiatrique de développer leur autonomie et de s'insérer dans la société. Tous ces points d'intérêt sont les nôtres également.

Cependant, on doit dire au départ que le caractère souvent très général du texte nous laisse peut-être un peu perplexes par rapport à la concrétisation de certains avancés. Mais, si le caractère générai du texte vise à ne pas court-circuiter une opération qui devra se faire dans les prochaines semaines et qui est celle du rapport de la commission Rochon que nous attendons tous, on s'en réjouira. Il faut tout de suite vous dire qu'on pense qu'il est difficile de travailler adéquatement sur une politique de santé mentale en dehors d'une politique générale de la santé. On craint et on tient à vous dire ce matin qu'on ne voudrait pas disposer d'une partie en dehors d'un tout Ce qu'on souhaite, c'est que te gouvernement puisse non seulement entendre les préoccupations du domaine de la santé mentale, mais les intégrer dans une problématique plus large qui est celle d'une politique de santé générale. D'autre part, on souhaite vivement que, sur toutes ces questions, il puisse y avoir un débat public le plus large possible. La tenue d'une commission parlementaire est une façon d'amorcer un débat, mais ce n'est pas l'unique façon. Nous réitérons donc notre souhait d'avoir une politique globale de santé.

Au départ, nous aimerions peut-être vous dire notre conception de la santé mentale. Pour bien définir et établir les paramètres d'une politique de santé, il est nécessaire, selon nous, d'élargir la conception véhiculée par la logique médicale qui prévaut et qui présente la maladie mentale comme étant une faille biologique et génétique dans l'individu sans tenir suffisamment compte du contexte socioculturel de la vie où s'enracinent des problèmes qui affectent la santé mentale et qui engendrent un certain nombre de troubles.

On ne veut pas ici nier, et je pense que c'est important de le dire tout de suite, l'importance des découvertes médicales qui ont pu être faites dans le traitement de troubles mentaux.

Mais, néanmoins, on croît important de rappeler ici qu'il n'y a pas uniquement un sens individuel, mais aussi un sens collectif et social à la santé mentale et à la souffrance affective dont on doit tenir compte lorsqu'on traite de ces questions. C'est pourquoi nous voulons voir les plus hautes instances, qu'elles soient politiques, médicales ou administratives, Ici au Québec, responsables finalement de la santé et des services de soins, poser la relation entre des troubles mentaux et des déterminants autres que biologiques et individuels, comme, par exemple, un certain nombre de déterminants socio-économiques. Le chômage, est-ce que cela peut être cause de certains troubles mentaux et de certains problèmes dans le domaine de la santé mentale qu'on peut constater dans notre société? Évidemment, cela ne vous étonnera pas que comme organisation syndicale non seulement sommes-nous préoccupés, comme citoyennes et citoyens à part entière de la société, des grands problèmes de santé que peut vivre une société mais on représente aussi beaucoup de personnes qui oeuvrent directement dans ce domaine, environ 100 000 personnes dans le domaine de la santé mais précisément 20 000 personnes qui travaillent dans le domaine de la santé mentale.

D'autre part, comme étant intervenants dans le monde du travail, on a une préoccupation tout à fait particulière à regarder comment le travail en soi peut parfois être cause de certains troubles mentaux, mais comment aussi l'absence de travail peut être cause d'autres problèmes en santé mentale. Finalement, c'est par chacune de ces avenues que la question nous intéresse.

Il y a nettement un caractère social et collectif aux questions qu'on pose et qui met finalement en cause toute la communauté. On pense finalement que lorsqu'on parle de santé en général, et donc de santé mentale, c'est évidemment l'amélioration de l'état de santé de la population qui nous préoccupe et qui doit nous guider, mais l'amélioration c'est aussi en visant qu'il y ait une réduction des écarts de niveaux de santé ou de problèmes de santé qu'on peut observer entre les différentes communautés. Évidemment, notre préoccupation sera toujours une recherche d'équité en matière de santé et une recherche d'égalité de chances quant à la possibilité d'avoir des services de santé. Je pense que la recherche d'équité peut se faire à deux niveaux, la promotion de la santé comme telle et l'égalité réelle d'accès à des services adéquats et suffisants pour tes populations.

Je veux vous dire tout de suite que le titre du rapport qui parle de politique de santé mentale ne nous semble correspondre vraiment ni au mandat ni au contenu. Le mandat était davantage de regarder ta question des services. Je pense que le rapport rend compte de ce mandat. Il ne faudrait pas prendre le rapport... En tout cas, selon la lecture que nous en faisons, pour nous ce n'est pas une politique de santé mentale, essentiellement parce que le rapport ne traite pas des causes des problèmes qu'on peut retrouver dans ce domaine. Il ne propose pas d'avenue non plus pour s'attaquer à ces causes. C'est une première chose qui nous semble mériter d'être clarifiée par rapport au rapport Harnols.

L'autre considération d'ordre général, c'est que le rapport parle de partenariat élargi et porte le titre, d'ailleurs, de partenariat élargi. Quant à nous, ce sous-titre, de la façon qu'on fait la lecture du rapport, nous semble erroné. De ce que nous en comprenons, on ne propose pas véritablement un partenariat et encore moins un partenariat élargi. On est d'accord avec beaucoup de choses qui sont contenues dans ce rapport. On est d'accord, par exemple, avec la définition qui est donnée aux intervenantes et intervenants en santé mentale. D'autant plus que cette définition nous concerne directement parce que, comme je le disais tout à l'heure, nous représentons beaucoup de ces intervenants et de ces intervenantes.

Cependant, on pense qu'il y a une mission importante, et c'est la référence, non seulement aux intervenants et aux intervenantes, aux travailleuses ou travailleurs salariés qui oeuvrent dans ce domaine, mais aussi de reconnaître que ces personnes se sont dotées d'organisations et que, dans ces organisations que sont les syndicats, elles cheminent et font des réflexions dans le domaine dont on parle aujourd'hui. Si on veut vraiment parler de partenariat, il faut reconnaître qu'il y a des salariés dans ce secteur qu'il est important de mettre à contribution, ainsi que leurs organisations. C'est une lacune qu'on veut tout de suite soulever.

D'autre part, d'autres types d'organisations représentant des intervenants dans ce milieu ne sont pas considérés. On pense que, si on veut vraiment implanter des réformes dans les services, I! faut que ces réformes soient discutées, il faut qu'elles soient élaborées, il faut qu'elles soient concrétisées et il faut le faire avec la participation pleine et entière de tous ceux qui peuvent avoir un intérêt et une place dans ce domaine. Je pense que ce sont les seules garanties de succès qu'on peut se donner, à défaut de quoi souvent les réformes sont imposées du haut et sont souvent mal comprises et non acceptées. Le succès, la réussite de la réforme en est d'autant handicapée.

Quand on parte de pleine participation, cela dépasse, selon notre entendement, la simple information de dernière minute où on dit aux gens: II y aura réforme d'ici un mois qui se passera de telle ou telle façon. C'est trop important ce qui s'amorcera dans les mois ou les années à venir pour qu'on ne tienne pas compte de l'implication, à tous tes niveaux, des intervenants et de leurs associations. C'est une deuxième remarque générale très Importante qui nous semble devoir être soulignée ce matin. Je vais vous dire que cela fait maintenant plusieurs années qu'on se préoccupe des questions de santé

mentale. Je veux aussi vous dire qu'on n'a pas attendu qu'il y ait une commission pour faire des débats dans nos rangs. Je pense, entre autres, à la question de la désinstitutionnalisation, où il y a un cheminement très important qui a été fait auprès des hommes et des femmes que nous représentons pour les amener à entrevoir et à proposer des alternatives à ce qu'on a pu connaître dans la forme de services, le type d'institutions et même le type de traitements qu'on peut trouver dans ce champ. On veut continuer à faire cela, on est prêt à poursuivre. C'est donc un peu un appel à la collaboration qu'on fait ici ce matin dans ce sens.

D'autre part, il faut, et je pense qu'on est peut-être mieux placés que d'autres, ou, à tout le moins, on a la responsabilité de le faire, rappeler qu'il y a des causes ou des problèmes de société réels qui peuvent être économiques ou autres qui sont source de certains problèmes de santé mentale. On pense que, comme intervenants dans cette société, on peut nous mettre à contribution pour tenter de résoudre ou de voir des avenues de solution par rapport à certaines causes des problèmes. Je ne pense pas qu'on puisse dire comme cela que le travail ou l'absence de travail est nécessairement source de problèmes mentaux. Ce n'est pas vrai que tous les gens qui vont perdre leur emploi vont avoir un problème, mais on sait que si on regarde cela sur un nombre relativement large... Des études ont été faites aux États-Unis ou même en Ontario, Les gens qui ont perdu leur emploi et qui voient la possibilité d'un chômage chronique commencent, après une période de deux ou trois mois, à développer un certain type de symptômes de souffrance mentale qui sont réels. Il n'y a pas nécessairement d'automatisme mais je pense que, dans notre société, il faut reconnaître qu'il y a des problèmes d'ordre économique qui peuvent engendrer des situations très souffrantes pour beaucoup d'individus.

Maintenant, pour en venir aux recommandations, on n'a pas beaucoup de temps et on est évidemment disposé à discuter et à répondre aux questions. Il faut dire que pour la recommandation 1, qui propose que le ministère fasse une campagne de sensibilisation et d'information, nous sommes évidemment d'accord avec cette recommandation à bien des égards. Il faut sensibiliser tout ie monde à la santé, à un concept de santé, il faut une plus grande sensibilisation de membres de la société à l'égard d'autres membres de la société qui souffrent à différents degrés de problèmes de cet ordre. Il y a déjà beaucoup de campagnes faites par le ministère, on pense qu'une de plus, comme celle-là, c'est tout à fait approprié.

Nous pensons cependant que pour faire une campagne de sensibilisation, j'y reviens encore, il faut mettre à contribution les intervenants du milieu pour que ce soit une garantie de succès. On peut faire des campagnes de publicité parce que, il faut le dire, il y a des campagnes de sensibilisation qui prennent davantage la forme d'une campagne de publicité. Nous espérons que ce n'est pas là l'intention. Ce qu'on voudrait, c'est une véritable campagne de sensibilisation préparée avec la contribution des Intervenants du milieu.

La recommandation 2. Oui, on est en faveur de l'Implantation d'un plan de services individualisé si ces services sont adaptés et si l'organisation permet d'exercer un suivi adéquat par rapport aux personnes en question. L'identification des services conduisant à la définition, finalement, des PSI, à notre avis, devrait être faite par des équipes multidisciplinaires formées des intervenants et intervenantes dans le milieu. Ces équipes devraient être Impliquées dans la préparation des PSI, et c'est important parce qu'on pense qu'il n'y a pas de formule magique. Si ces garanties ne sont pas données, on risque d'accroître la dépendance des personnes visées.

Nous pensons que les PSI pourraient être l'outil qui aide vraiment les personnes à renégocier d'une certaine façon leur statut avec leur environnement. Mais dans le rapport on n'aborde pas de façon très concrète comment cela va se faire dans les milieux, dans les conditions de vie et dans les communautés et comment sera assuré le suivi. Donc, il y a une certaine forme d'inquiétude de notre part que ça soit réduit peut-être à des plans de soins qui seraient essentiellement faits en milieu hospitalier institutionnel et curatif. Alors, on se questionne parce qu'il n'y a pas de précisions dans le rapport et on profite de l'occasion pour vous exprimer notre crainte à ce sujet-là. On pense, pour éviter ce que nous craignons, qu'il est très, très important que le ministère précise ses Intentions et qu'on arrive à toujours rechercher des formes de consensus lorsqu'on veut procéder à des modifications comme celle-là.

D'autre part, on veut souligner ici un aspect qui nous semble important, c'est de s'assurer que, lorsqu'on fait des réformes, les ressources d'appui soient là. On peut proposer une autre approche, on peut proposer une autre façon de donner des services, mais il faut encore là avoir des ressources d'appui à cela. On pense aux ressources en hébergement, par exemple, c'est assez fondamental, je n'ai pas besoin de m'étendre très longtemps ici sur ces questions-là. Je pense que tout le monde est conscient de ce type de problème. (10 h 30)

Comme par exempte, au chapitre de la réhabilitation, au chapitre du travail, il y a là aussi une considération, une attention très particulière à apporter. On sait qu'une des formes de réinsertion sociale les plus importantes c'est évidemment le travail. Comme l'absence de travail peut être cause de problèmes, donner du travail peut être parfois très bénéfique. Mais encore faut-il qu'on organise ça et qu'on donne la possibilité de le faire, et pas dans des conditions terribles où finalement cette main-d'oeuvre

devient de la main-d'oeuvre à bon marché. On sait tous que cela s'est produit à une large échelle et que, peut-être, à une moins large échelle aujourd'hui ça continue de se produire et qu'il y a des personnes qui souffrent d'un certain type de problèmes en santé mentale ou qui ont des vécus psychiatriques qui sont de la main-d'oeuvre à bon marché.

Le Président (M. Audet): II vous reste deux minutes pour conclure.

Mme Simard: Je le savais que cela allait arriver.

Une autre dimension que je voudrais vous dire tout de suite c'est qu'une des préoccupations qu'on a, et elle est large, dans une société plus on réduit les membres de cette société à un statut de dépendance, plus on peut s'attendre à ce qu'on trouve des problèmes.

Pour ce qui est du droit de recours et de répit, on pense aussi qu'il y a beaucoup d'améliorations à apporter. Ces personnes qui pourraient recevoir les recours, les appels, les plaintes pourraient faire rapport à ta ministre; que ce soit des personnes qui soient sensibles à la problématique et que certaines d'entre elles soient issues de milieux qui se sont voués à la défense de personnes vivant ces types de situation. En termes de recherche, nous sommes d'accord avec l'augmentation qui est proposée et on pense que cela peut être positif dans la mesure où ce ne soit pas consacré exclusivement à de la recherche médicale. On pense que l'intégration doit se faire aussi avec un concept de multidisclplinarité pas nécessairement verticale, comme on le voit très souvent, mais plutôt horizontale, et qu'on puisse mettre a contribution différentes disciplines non pas dans un concept de hiérarchie, mais dans un concept de collaboration et de complémentarité.

Quant à la recommandation 7, on pense qu'elle devrait être élargie. On ne pense pas que la formation de base devrait être exclusivement réservée à ces corps d'emploi. On pense, au contraire, qu'elle devrait s'étendre à d'autres corps d'emploi, et il faut tenir compte du personnel non spécialisé. Il y a des milliers de personnes qui n'ont pas de diplôme, qui travaillent dans ces institutions depuis des années et qui ont beaucoup à mettre à contribution, leur observation, leur expérience, que ce soit des gens qui travaillent directement auprès des malades, dans les départements - je pense que cela est important - comme des gens qui travaillent dans d'autres types d'intervention Je pense que c'est Important de vous le souligner. Également, lorsqu'on pense à développer des alternatives aux Institutions, il faudra penser aussi au personnel des institutions dans le cadre d'une réforme des services.

Enfin, l'Insistance qui est mise sur la question des groupes communautaires est très importante. On est heureux de voir combien c'est pris en considération. Nous travaillons beaucoup avec ces regroupements et ces groupes alternatifs depuis quelques années. C'est important de travailler avec ces gens-là même si nous ne représentons que des gens qui travaillent en institution essentiellement. Cependant, des remarques ont été faites par d'autres, mais je tes réitère ici, par exemple la part de 10 % qui est demandée pourrait être réduite de moitié, soit à 5 %.

On ne voudrait pas non plus qu'en donnant une place plus importante à ce réseau il devienne le substitut à. Je pense qu'il y a une complémentarité de types de réseau et c'est dans ce sens-là qu'on veut le comprendre.

Nous sommes d'accord avec la décentralisation, et je termine là-dessus. Je pourrai répondre aux questions.

Le Président (M. Audet): Merci.

Mme Simard: Cependant, on pense qu'il y a des modifications à apporter aux propositions qui sont faites dans le rapport. Finalement, une recommandation qui nous semble fondamentale, c'est la coordination Interministérielle. On ne peut pas avoir meilleur forum qu'ici pour dire combien on pense qu'il est très urgent que cette recommandation soit également retenue.

En gros, ce sont nos positions. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Audet): Merci beaucoup, madame.

Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants de la CSN pour leur mémoire sur le projet de politique de santé mentale. Je pense que vous avez fait une étude exhaustive de ce projet. Je crois comprendre aussi, et c'est justement l'objet de la commission, qu'en dépit de certaines réserves que vous avez, ou même de réserves importantes sur certains sujets, vous souscrivez à une bonne partie de cette action qui doit être entreprise dans le domaine de la santé mentale qui, comme vous le disiez, est une question qui vous préoccupe depuis fort longtemps et don! peut-être la dernière manifestation a été votre colloque international qui s'est tenu, je pense, au mois de novembre.

Je dois vous dire aussi que je le trouve très positif. Peut-être à cause de préjugés ou peut-être aussi à cause d'une certaine réalité, II aurait pu être axé presque essentiellement sur les droits des travailleurs ou des syndiqués, particulièrement dans le contexte de la désinstitutionnalisation. Même si on aura l'occasion de revenir sur ce sujet pour vous faire parier de votre expérience, je pense que, dans le fond, votre préoccupation est vraiment d'assurer à la population de meilleures conditions que celles qui

existent aujourd'hui dans le domaine de la santé mentale et cela m'apparaît extrêmement positif.

Comme le temps nous est limité aussi pour les questions, Je vais y passer immédiatement. Non, je voudrais peut-être répondre à certaines questions que vous avez soulevées ou recommandations que vous avez faites. Au sujet de ta campagne de sensibilisation, je trouve intéressante la suggestion que vous faites que des représentants des Intervenants soient Impliqués dans la préparation de cette campagne. Nous venons de finir une campagne de sensibilisation sur les maladies transmises sexuellement qui a quand même coûté beaucoup de sous, comme toutes ces campagnes, d'ailleurs, et nous en ferons l'analyse quant aux résultats que cela a pu donner. On est à travailler à ceci.

Je pense que si on ne veut pas uniquement ce que j'appellerais l'effet de flash mais vraiment un effet plus continu, on voudrait, en Impliquant davantage des gens du milieu, qu'après que la publicité ou la partie de publicité disparaîtra il y ait une continuité par les intervenants ou les personnes qui y seraient intéressées. Je trouve que c'est intéressant comme suggestion.

Vous vous inquiétez aussi sur l'absence d'une définition très précise du plan de services Individuel, et vous avez raison. Je dois vous dire que le ministère développera un programme-cadre en consultation avec les différentes personnes intéressées. C'est évident qu'on ne peut pas, sans tomber dans une rigidité extrême, laisser ça à la va-comme-je-te-pousse et qu'on se trouve finalement à recréer d'autres disparités. C'est l'intention du ministère qui travaille justement à produire ce programme-cadre qui pourrait être appliqué par les différents intervenants ou les différents milieux.

Vous avez raison de dire aussi que du côté du travail, celui-ci étant un élément important de la réadaptation pour ceux qui peuvent y accéder, le projet de politique est plutôt mince sur ce point particulier. Il a été peu discuté ici sauf par un ou deux intervenants ou groupes qui sont venus ici. Je pense que c'est toute ta question aussi du travail Interministériel ou intersectoriel qui s'imposera.

Quant à votre définition de la politique de la santé mentale que vous dites n'en pas être une, dans le mémoire, parce qu'elle n'englobe pas ce qui vous apparaît d'autres éléments tout aussi importants au-delà des facteurs biologiques et Individuels, ce que vous appelez les facteurs collectifs si je peux dire, je voudrais juste vous dire qu'on ne tes ignore quand même pas totalement. Si vous vous référez à la page 127 du projet de politique en santé mentale, vous avez à l'article 3.2.1 le statut socio-économique et le mode d'habitat comme étant des circonstances qui peuvent soit produire, soit aggraver ou encore empêcher la guérison ou la réadaptation des gens. Je pense que vous avez là, au moins, cette préoccupation d'ordre social dans le sens le plus large du terme. D'ailleurs, je vais le lire textuellement. "Sans répondre à ta question de façon exhaustive, on peut retenir que les personnes les plus défavorisées semblent être celles qui connaissent le plus de problèmes d'ordre psychique. Outre leur faible statut économique, le portrait de ces personnes révèle qu'elles habitent souvent seules et ont vécu quelques événements traumatisants ou conflictuels dans leur vie. Au Québec, le lien entre pauvreté et santé mentale doit être analysé de façon plus rigoureuse." C'est une observation générale dans les différents pays et je pense que personne ne met cela en question, mais on n'a peut-être pas encore d'analyse très rigoureuse. Relativement aux pertes d'emplois dont vous parliez tout à l'heure, des études ont été faites aux États-Unis et, au moment de la récession, il y avait une hausse, par exemple, du taux de suicides ou d'autres symptômes reliés à la santé mentale.

La première question que j'aimerais vous poser est la suivante. Vous dites - évidemment, nous sommes en 1988 et on a gagné une couple de semaines parce qu'on n'a pu tenir la commission au mois de décembre - que cette consultation aurait dû être tenue en 1988, mais je pense que ce n'était pas sur le mois. Je voudrais que vous m'expliquiez pourquoi on ne pourrait pas aller de l'avant avec ce qui touche la santé mentale sans que l'on ait reçu le rapport de la commission Rochon, qu'on ait pris position sur ce rapport ou qu'on ait élaboré une politique de santé générale pour le Québec. C'est évidemment un dossier qui attend depuis longtemps. Les problèmes ne vont pas en s'amenuisant. On sait qu'ils vont en augmentant avec le vieillissement de la population et qu'il y a beaucoup de problèmes du côté de la psychogériatrie, etc. J'essaie de comprendre pourquoi, dans le fond, on ralentirait - on sait que, dans un gouvernement, toutes les actions sont lentes, de toute façon - alors que les gens semblent être prêts à agir dans ce secteur.

Mme Simard: D'accord. Au départ, je vais vous dire très humblement, et vous le savez sans doute, que je ne suis pas personnellement issue du secteur de ta santé; c'est pour cela que je suis accompagnée de gens qui ont beaucoup d'expérience dans ce domaine. Cela dit, on sait que des réformes sont, depuis très longtemps, attendues dans le domaine de la santé mentale et qu'il y a eu toutes sortes de comités, de rapports, etc. On reconnaît qu'il y a là une urgence, mais il nous semble étrange qu'au moment... À cause des retards, on arrive un peu en même temps. On va avoir te rapport de la commission Rochon - c'est une question de journées, je ne crois pas me tromper. Est-ce qu'on ne disposerait pas finalement d'une partie, alors qu'on n'a pas décidé du tout?

Tout en reconnaissant qu'il y a une forme d'urgence, il me semble qu'une politique de santé mentale... Au départ, la première remarque, c'est qu'on ne pense pas que ce rapport soit une

véritable politique de santé mentale. On pense que c'est davantage une politique de services. Déjà là il y a comme un problème. Au moment où on s'apprête comme société à débattre d'un rapport majeur qui sera celui de la commission Rochon, cela nous semble à tout le moins étrange qu'on décide de disposer d'une partie sans savoir ce qu'il y aura dans le tout. C'est essentiellement pour cela.

Évidemment, Mme la ministre, je n'ai pas le rapport de la commission Rochon et je ne peux pas présumer des calendriers et de ce qui sera fait. Je sais que des actions de ce type sont souvent lentes à se concrétiser. Il n'en demeure pas moins qu'on pensait Important de vous le soulever parce qu'on pourrait peut-être se retrouver, à ta limite, avec des incohérences. Cela mérite d'être soulevé. Je ne sais pas s'il y en a qui veulent compléter. Non? C'est pour cela. (10 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Là-dessus, je voudrais juste ajouter, et je pense que vous le savez peut-être, en tout cas j'ai eu l'occasion de le dire à quelques occasions, que le groupe du comité Harnois a eu l'occasion de discuter à plusieurs reprises - je ne dirai pas de travailler avec - de ce projet de politique avec les membres de la commission Rochon. En ce qui concerne les appréhensions que vous avez à savoir qu'on pourrait peut-être en arriver, en mettant les choses au pire, avec des choses contradictoires, je pense qu'on n'a pas trop à s'inquiéter de cela. Quant à la commission Rochon - c'est presque public, le 9 février - je me dis qu'il reste que même après cela c'est quand même un rapport sur lequel... Enfin, vous aurez à ce moment peut-être l'occasion de parler d'un échéancier mais cela va être plus lent et on sera rendu moins loin dans la prise de décision qu'on peut l'être pour la santé mentale.

Même s'il y a une logique à ce que vous avancez, je me dis que, si on a senti une plus grande urgence d'agir dans le cas de la santé mentale, c'est que tes problèmes vont en grandissant et en s'accentuant. On a eu l'occasion d'en discuter. On a procédé à de la désinstitutionnalisation. Il y a encore d'autres projets particuliers qui sont dans la machine et on se dit: Essayons d'établir un plus grand consensus à cet égard. C'est ce qu'on veut faire. C'est un peu dans ce sens qu'on a traité cela Individuellement.

Ma deuxième question. Quand vous avez parlé du partenariat, vous avez parlé de la nécessité de l'implication plus grande de tous les employés et pas uniquement, comme on le perçoit peut-être dans le rapport, certains groupes de professionnels, alors qu'il y a beaucoup d'autres gens qui sont impliqués. Peut-être qu'on semble leur faire une place moins grande, bien que l'esprit du rapport a quand même identifié toutes les personnes, mais peut-être pas les syndiqués comme tels. Je ne saurais le dire, je ne me souviens pas. Je pense à tous les gens dans la communauté, etc.

Je voudrais vous poser la question en relation avec la désinstitutionnalisation. J'apprécie les efforts que la CSN a développés depuis quelques années justement pour faire faire un bout de route ou de cheminement dans toute cette question de la désinstitutionnalisation. Vous la reconnaissez comme une formule valable pour la réalisation des personnes. Je n'ai pas le texte exact, mais vous le mentionnez.

J'aimerais que vous nous parliez ce matin des problèmes que vous rencontrez avec vos syndiqués, les personnes que vous représentez dans cette... Ne partons pas de 1960 mais partons peut-être de plus récemment, depuis... Dans le fond, on s'est remis à réfléchir sur la désinstitunormalisation qu'on faisait depuis des années en disant comment peut-on mieux la faire? De quelle façon voyez-vous que le personnel pourrait être davantage impliqué? Vous avez dit tout à l'heure: Un mois, on nous dit demain c'est fini et ils vont sortir. Est-ce que vous avez, vous-mêmes, un schéma qui pourrait nous aider dans la réflexion?

Mme Simard: Je vais répondre. Je vais demander aussi à Mme Lévesque de compléter. Oui, c'est vrai. Notre position c'est d'être pour une politique de désinstitutlonnallsation. On l'a dit, on t'a répété. On pense entre autres que cela a eu des effets très positifs pour beaucoup de personnes. On a dit cela et on le répète. On a fait ces discussions et cela n'a pas toujours été facile de les faire parce que c'est changer toutes les mentalités, changer des concepts et des cadres de lieu et d'Intervention. On pensait qu'il fallait le faire, on l'a fait et on est heureux des résultats.

Cela dit, des problèmes très concrets se sont posés. Entre le principe qui peut être tout à fait louable et plein de bonnes intentions, il y a un monde si les ressources ne sont pas là et si on n'a pas mis à contribution d'ensemble des communautés, des Intervenants et aussi des travailleuses et travailleurs.

Mme Lévesque pourra vous le dire. Elle travaille dans une institution où il y a des plans de désinstitutionnalisation. Elle connaît aussi très bien la situation des autres.

Mme Lévesque (Michèle): Ce que je peux vous répondre là-dessus c'est que, effectivement, pour travailler dans une Institution psychiatrique et aussi pour être responsable de ce dossier à la fédération, il y a des problèmes. Le principe est bon. Dans le rapport Harnois, d'ailleurs, on dit qu'on doit travailler avec les intervenants à l'élaboration d'un plan de désinstitutionnalisation, etc. C'est un principe en général qui est très élaboré par le ministère et même dans le discours par les associations patronales. Sauf que, lorsque vient le temps de la pratique, c'est très différent. Quand vient le temps de la pratique, on est prêt à s'asseoir et à dire une fois l'an:

Voici ce qu'on va faire cette année au point de vue financier dans nos réalisations pour les prochaines ressources, etc. Mais, quand vient le temps de tenir compte de ces intervenants dans le cheminement de la désinstitutionnalisation, c'est-à-dire la fermeture d'unités, la fermeture de départements et l'élaboration de ressources, là c'est une autre paire de manches. Admettons qu'on n'en tient pas tellement compte, on a - comment pourrais-je dire cela - un genre de marketing qui dit, oui, on en tient compte mais quand arrive la pratique, c'est très différent On a plusieurs endroits où on a de la misère à s'asseoir avec les administrations patronales et à être capable, entre guillemets, de "négocier une certaine forme de fermeture et de réouverture à l'externe", etc. Dans les centres d'accueil particulièrement, ça ne se fait pas.

Dans les centres d'accueil que nous représentons, il y a à peu près deux centres d'accueil où on a négocié avec l'employeur sur tout le processus d'une désinstitutionnalisation. Dans les grands centres hospitaliers psychiatriques, je regrette, c'est comme une farce monumentale, à mon avis et à l'analyse qu'on en tire depuis deux ans, parce qu'il faut dire que depuis deux ans il y a un semblant de négociation et ce semblant de négociation nous nous fait dire qu'on ne tient pas compte des gens qui travaillent immédiatement dans le milieu. On prend encore toujours des décisions qui ont effet sur ces gens et qui ne sont pas consultés.

C'est pour cela qu'on dit qu'il faut que les syndicats soient mis à profit, les intervenants directs, s'ils ne sont pas mis à profit - moi en tout cas, ce que je peux vous dire pour être dans le milieu depuis quinze ans, si on n'est pas mis à profit, on n'a pas confiance, on est méfiant, on se rétracte et on ne veut pas le changement. Ce que la CSN et la FAS ont fait depuis exactement deux ans et demi, c'est de faire comprendre aux syndiqués que l'on représente qu'il faut un changement en santé mentale et c'est de plus en plus intégré dans ta mentalité. Mais, maintenant, il va falloir que d'autres partenaires fassent la même chose et appliquent les discours qui nous sont faits à juste titre.

Mme Simard: Pour compléter, le chapitre de la formation, il me semble que c'est très important et, d'autre part, on parle de désinstitutionnalisation, mais il y a une mission qu'il nous semble Important de vous souligner, c'est que, pour ceux qui demeureront en institutions, les pratiques seront-elles changées? Va-t-il y avoir des changements? Et là aussi je pense qu'il y a beaucoup à faire dans ce domaine à ce titre.

Le Président (M. Audet): Merci. Un court commentaire, Mme la ministre? Le temps est écoulé.

Mme Lavoie-Roux: Je n'ai plus de temps, alors j'espère que peut-être il y a de l'autre côté quelqu'un qui continuera à approfondir ce point. Il est très important.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Je veux sûrement continuer, mais préalablement - merci, M. le Président - je voudrais vous dire que non seulement je partage votre inquiétude, mais je suis en profond désaccord personnellement avec le fait que le rappport Harnois est une politique de santé mentale. Ce n'est pas une politique de santé mentale. C'est tout au plus un recueil de données, d'analyses, mais une politique de santé mentale, à mon point de vue, aurait dû être accompagnée, par exemple, de mesures concrètes pour la mise en application d'une politique. Il faut que ça sorte. Il faut que ce soit concret. "Axé sur la personne", mats qui est contre la vertu? Moi, en tout cas, ça fait 25, 30 ans que j'entends cela. J'étais membre d'un conseil d'administration dans les années soixante, en santé mentale on parlait d'une politique qui devrait être éventuellement axée sur la personne, sur la famille et les proches. H y a quelque chose comme 27 ans de cela.

On ne retrouve pas les conditions d'application. On ne retrouve pas de programme concret, par exemple, de recyclage de la main-d'oeuvre, de formation des familles. Quels sont les sous qui accompagneront tout cela? Pour la formation des familles d'accueil, pour la formation de la main-d'oeuvre qui aura à travailler dans ces familles d'accueil, on ne retrouve pas les budgets. On n'a pas de volonté de recyclage de la main-d'oeuvre, parce qu'on ne pense pas qu'on désinstitutionnalise pour faire des mises à pied nécessairement. Je ne vous vois pas avoir le même sourire, Mme Simard. Je suis sûr de cela.

On n'a pas défini les rôles dans ce rapport. Chaque fois que c'est conflictuel, le Dr Harnois a été très habile, il n'a pas parlé de cela. Donc, à mon point de vue, une politique de santé mentale cela aurait été un livre blanc de Mme la ministre partagé par le Conseil des ministres qui aurait indiqué clairement une volonté politique gouvernementale. C'est une consultation sur un rapport d'un monsieur qui est engagé pour faire un rapport. Ce n'est pas une politique de santé mentale. Moi je ne crois pas à cela. Je suis convaincu que la ministre, à moins qu'elle nous dise ce matin qu'elle a endossé tous les principes fondamentaux du rapport Harnois, qu'elle endosse toutes les données et toutes les recommandations et qu'elle a l'intention de concrétiser purement et simplement ces recommandations en allant voir M. Gobeil au Conseil du trésor pour décrocher les budgets et clarifier certaines données qui sont soulevées comme étant imprécises et non concrètes... Je dirais peut-être qu'il y a un semblant de volonté politique, mais, au moment où on se parle, te rapport Harnois n'est pas une politique de santé mentale.

Une allusion aussi à la commission Rochon.

Je partage votre point de vue que la commission Rochon pourrait bien toucher, par exempte, le pouvoir médical. La commission Rochon pourrait constater - remarquez bien que j'en doute fortement mais, quand même, on peut se permettre de rêver quelques minutes - la commission Rochon pourrait bien dire qu'il faut "démédicaliser", par exemple, la santé mentale; il n'y a rien d'impossible dans une commission où on retrouve d'autres éléments que des médecins exclusivement On peut peut-être rêver qu'il peut y avoir quelques chapitres sur le rôle des intervenants en santé. Cela pourrait influencer effectivement une politique de santé mentale. Je pense qu'effectivement... Mais ne vous faites pas de bile avec le rapport Harnois, on peut bien laisser sortir le rapport Rochon, il n'y aura pas de politique en santé mentale demain matin, c'est ma conviction, et je pense bien que la ministre aura le temps d'ajuster cela, si jamais la commission Rochon soulevait des espoirs extraordinaires au sujet du réajustement de certaines visions de ce qu'est la santé. On verra.

Je voudrais revenir plus particulièrement, après vous avoir dit que je partageais votre point de vue, sur la désinstitutionnalisation. C'est quand même une des clés, en plus de parler de multidisciplinarité, du rôle des intervenants, d'axer sur la famille, sur les proches - tout le monde est d'accord avec cela. Je vais commencer par un commentaire avant de vous interroger. La désinstitutionnalisation qui a été faite, à mon point de vue, il y a eu du bon, mais il y a eu également du "parking" de fait. J'ai visité plusieurs familles d'accueil, je suis passé dans plusieurs viltages, j'ai vu des patients se promener devant plusieurs portes, recevoir leurs médicaments à 16 h 30, manger à 11 heures et se coucher à 20 heures. Mais du travail concret de réinsertion complète dans la société, avec toutes les dimensions de l'être humain qui sont considérées, je ne pense pas que ce soit partout pareil. Quand on est rendu à mettre des cadenas sur les thermostats pour que cela ne monte pas à 72° mais que cela reste à 68°, comme le propriétaire l'a décidé, je ne trouve pas que c'est de l'intégration ni faire confiance à l'autonomie de la personne et à son développement.

Cela dit, j'aimerais que vous me parliez des programmes qui, selon vous, sont indispensables face à une désinstitutionnalisation.

Mme Simard: Évidemment, on peut dire que pour nous la désinstitutionnalisation ce n'est pas juste sortir les gens des institutions et en empêcher d'autres d'y entrer; ce n'est pas cela. Cela doit s'accompagner effectivement d'un objectif de réinsertion sociale adapté aux personnes et cela prend des ressources et des programmes. On en a mentionné quelques-uns, le travail étant fondamental, à mon avis. Il ne s'agit pas juste non plus - je pense qu'on n'arrêtera pas de le répéter - de sortir les gens qui sont institutionnalisés, mais le personnel de ces institutions; c'est un tout. Il y a eu des expériences dans d'autres pays, je suis certaine que vous les avez étudiées comme nous, par exemple, en Italie, et c'est très lié aux communautés aussi. La personne qui était institutionnalisée, le personnel qui était dans l'Institution et qui doit changer et la communauté dans laquelle la personne sera réinsérée, c'est un ensemble. C'est cela, je pense, qui doit nous guider. Ensuite arrivent les programmes, les mesures très précises, les ressources qu'il faut. Mais si, d'ores et déjà, on n'a pas accepté que cela doit se faire de cette façon, il y aura problèmes, il y aura "parking", une situation assez triste. Je pense que probablement sont venus ou vont venir des gens qui s'occupent de personnes sans abri, par exemple, dans une grande région comme celle de Montréal, ils vont venir vous dire: Vous savez, un tel pourcentage de ces personnes étaient auparavant en institution, il est arrivé quelque chose, on en perd la trace, etc., c'est tragique. Ce n'est pas cela, ce n'est pas du tout cela. (11 heures)

II y a une autre chose qui me semble également importante, ce sont les ressources d'hébergement. On parle beaucoup de la famille, cela va, mais ce n'est pas dans tous les cas que c'est faisable ou souhaitable. Dans certains cas, ce n'est pas possible que les familles puissent reprendre, prendre ou garder, pour toutes sortes de raisons. Dans d'autres cas, la famille peut elle-même souffrir de problèmes et on ne peut pas penser que c'est là le meilleur lieu. Il y a toutes les questions d'hébergement, la gamme de services qu'il faut développer. En termes de programmes, il y a ceux-là, mais, pour guider les programmes, II faut bien avoir la même définition de ce qu'on veut entendre comme programmes. Je ne sais pas s'il y en a qui veulent ajouter quelque chose.

M. Lebel (Carol): Je voudrais ajouter quelques petits éléments.

Le Président (M. Audet): Pour le Journal des débats, vous êtes M. Lebel?

M. Lebel: Oui. Un des éléments, c'est que si, dans la désinstitutionnalisation, il y a une espèce d'opération comptable qui prime sur la nécessité sur laquelle tout te monde s'entend de réhumaniser les services de santé mentale, on n'est pas d'accord que cette opération comptable prime. Parfois, on a l'impression que c'est comme cela que cela se fait, effectivement, c'est pour épargner de l'argent. On peut comprendre cela, mais ce n'est pas ainsi qu'on aura des services de santé mentale de qualité.

Un autre élément, c'est le travail, et je vais compléter ce que Mme Simard disait. On souhaiterait qu'il y ait une politique un peu plus évidente et un peu plus agressive par rapport à la réinsertion au travail. Entre autres, pensons au travail adapté. Encore aujourd'hui, il y a des

gens qui ont passé un certain nombre d'années en institution et qui se retrouvent dans des espèces d'ateliers protégés, tout le monde connaît cela, cela existe depuis longtemps, et qu'on occupe à 0,15 $ ou 0,25 $ l'heure. On ne pense pas que ce soit de la réinsertion sociale. C'est une autre forme de "parking", on les sort de l'asile pour les envoyer à ces ateliers, et on a des exemptes concrets en tête. Ce n'est pas cela, du travail adapté. Ces gens ne sortiront jamais de cet atelier jusqu'à leur mort On pense qu'il y a là quelque chose d'Important à faire, le travail adapté.

M. Chevrette: Dans l'ensemble, là où on a tenté des expériences en atelier, mais où on se préoccupe du placement du bénéficiaire après une certaine réadaptation au travail, je pense qu'on fait un travail extraordinaire dans certains lieux. Si c'est un autre endroit, juste de l'occupationnel à toutes fins utiles, et qu'on ne s'en sort pas, je partage votre point de vue. Je connais, entre autres, l'Atelier du ,FH au Bois à Joliette qui fait un travail extraordinaire parce qu'il se préoccupe de faire du placement avec la collaboration de l'entreprise, et je pense que c'est l'objectif. L'atelier protégé n'est là que comme période transitoire pour la réadaptation à du travail. Je pense que, si c'était conçu de cette façon, cela pourrait être bien vu comme formule de transition, et cela pourrait être un programme extrêmement Important. La personne qui, imaginez-vous, est en institution depuis 18 ans et qui veut être réinsérée dans la société avec l'aide des Intervenants, je pense qu'elle a besoin de cette période transitoire. On pourrait discuter, par exemple, des sommes, je suis d'accord avec vous, 0,25 $ l'heure, ce n'est peut-être la formule à privilégier. Il faudrait peut-être commencer à leur donner aussi le sens de ce que c'est de se reprendre en main, de commencer à équilibrer un petit budget, rendre la personne autonome, à toutes fins utiles. Si on la tient à coups de sommes aussi insignifiantes que celles dont on parle, c'est clair qu'on ne les réadapte pas aussi facilement et aussi rapidement.

J'avais une question toujours sur la désinstitutionnalisation. Là où il y en a eu jusqu'à maintenant et là où vous avez participé à des discussions, je pense entre autres à Louis-H.-Lafontaine, est-ce que les syndicats ont été vraiment mis dans le coup et est-ce que les programmes de recyclage de main-d'oeuvre étaient acceptés par les autorités? Est-ce que cela semblait vouloir donner quelque chose en fin de compte?

Mme Simard: II y a eu une première phase de désinstitutionnalisation il y a une dizaine d'années et cela s'est très bien passé parce que peut-être que les personnes visées à ce moment-là causaient moins de problèmes que celles qui ont suivi. Il y a eu beaucoup de participation à ce moment-là, il y a eu des aménagements, cela a très bien été. Là, la deuxième phase - si l'on peut l'appeler ainsi - pose peut-être des problèmes. Juste avant de passer la parole à Mme Lévesque, sur les ateliers protégés, nous voulons être très clairs, nous ne sommes pas contre la formule, il y en a d'excellents qui permettent de faire le pas. Je dois vous dire qu'à la CSN nous-mêmes embauchons d'une façon régulière des personnes souffrant de déficience mentale qui sont passées par un atelier et qui désormais viennent au travail, prennent l'autobus, prennent le métro pour se rendre, etc. On est partie de ça, nous le faisons nous autres mêmes à titre d'employeurs. Mais il y a des abus encore et c'est probablement ce qu'il y a de plus scandaleux dans une société que d'exploiter des gens qui sont dans ce type de situation. On devrait tous être horrifiés et très sévères par rapport à ça. Mais sur Louis-H.-Lafontaine...

Mme Lévesque: On pose la question: Est-ce que les syndicats ont été mis à contribution, particulièrement à Louis-H.-Lafontaine, sur la question du recyclage ou toute forme de formation? Il y a eu des propositions de faites par les syndicats, entre autres le syndicat CSN-Général, qui a fait des propositions de formation. Sauf que je dois vous dire que la réponse était qu'on n'avait pas assez de budget pour établir un programme de formation et surtout pas un programme de recyclage parce que le budget prévu... Il y a eu des ajouts d'argent depuis l'acceptation par le Conseil des ministres du projet de réorganisation et dans les ajouts d'argent il y avait un montant déterminé pour la formation et ce montant qui était déterminé pour la formation l'était aussi pour la préretraite ou la retraite. Alors l'employeur n'a pas à l'heure actuelle, encore aujourd'hui, acquiescé à la demande d'avoir un programme, soit de mise à jour, de formation ou de recyclage. On avait les trois formes que l'on proposait à l'employeur dans la négociation. Je dois vous dire qu'en ce moment la négociation, sous toute autre forme que celte de la formation, elle est à peu près inexistante. On ne négocie que pour dire aux syndicats que telle unité ferme, etc. C'est à peu près la seule forme de négociation qu'il y a en ce moment dans cet hôpital-là.

M. Chevrette: ...convention collective... Mme Lévesque: Exactement.

M. Chevrette: ...par exemple, sur le "bumping" possible et puis...

Mme Lévesque: Exactement.

M. Chevrette: Mais il n'y a pas d'offre de faite, par exemple, par l'affichage des ressources... Un besoin de transfert des ressources.

Mme Lévesque: II y a un affichage.

M. Chevrette: II y a un affichage sur les transferts de ressources...

Mme Lévesque: Oui. Il y a...

M. Chevrette: ...sur une base volontaire, les Individus transfèrent..

Mme Lévesque: Oui, c'est ça.

M. Chevrette: ...suivent les patients, par exemple.

Mme Lévesque: Oui. Mais il n'y a pas de recyclage de fait à cet égard-là. Il n'y a rien de proposé. Les gens s'en vont là Moi j'ai une copine qui - cela faisait 25 ans qu'elle travaillait comme éducatrice à Louis-H. - s'est retrouvée du jour au lendemain dans une maison communautaire qu'on appelle maison transitoire et c'est sûr que c'est une adaptation pour elle. Comme Mme Simard le disait tantôt, ta désinstitutionnalisation des Intervenants est aussi Importante. Et c'est dans ce sens-là que nous disons que ça prend de la mise à jour et peut-être de la formation de certains intervenants. Ce n'est pas parce que vous êtes un éducateur spécialisé que vous êtes, du jour au lendemain, après 25 ans de service dans une institution qui est très sécurisante, capable de vous en aller à l'extérieur et de voir à l'élaboration de toute une autonomie différente d'un client qui a toujours été institutionnalisé. Alors, c'est ça.

M. Chevrette: Comme le temps file vite, j'ai une question pour Mme Simard.

Vous parlez du pouvoir médical. Vous n'avez pas été trop explicite sauf que de dire qu'il était trop fort j'aimerais ça vous entendre me dire quelle est votre perception du pouvoir médical, ce qu'il devrait être. Ce qu'il est on le sait. Ce qu'il devrait être, on le sait moins. C'est là-dessus que j'aimerais vous entendre.

Mme Simard: C'est d'ailleurs un des sujets au coeur des débats de cette commission depuis une semaine, en tout cas à la lecture des journaux. Bon, on le remet en question.

Je pense qu'une chose qu'il est important de souligner c'est que le rapport n'en fait pas état, ne le condamne pas, ne l'accrédite pas. Qu'est-ce que ça veut dire? Il y a beau* coup...

M. Chevrette: ...trop conflictuel.

Mme Simard: ...de ces omissions dans le rapport qui, il faut nous comprendre, nous inquiètent parce qu'on ne sait pas si ça veut dire qu'on le remet en question ou si on maintient le statu quo. Par rapport au pouvoir médical, oui. On remet beaucoup en question le pouvoir médical dans le domaine de la santé mentale. Je vais vous dire que depuis des décades ce sont tes médecins qui contrôlent et qui ont le pouvoir dans ce domaine-là. Or, on constate qu'il y a des problèmes Importants et on est tous consciente de ça. Alors, est-ce que vraiment de maintenir les choses telles qu'elles sont va apporter une amélioration? Comme par exemple lorsqu'on parle d'accessibilité aux services. On réduit ça juste à la présence ou à l'absence de psychiatres en régions. On pense que c'est Incomplet. C'est ne pas tenir compte de tous les autres intervenants et on croit beaucoup à cela. On va être sévères à cet égard.

Cela nous amène à demander: Est-ce qu'on veut vraiment changer les pratiques? Si on veut vraiment les changer, il faut être capable de s'interroger sur ce pouvoir. Il faut que ces personnes que sont les médecins s'interrogent eux-mêmes sur les pratiques qu'ils ont développées depuis toujours. Je dois vous dire que ce n'est pas vrai... Les médecins ont aussi des positions différentes. Il n'y a pas qu'une seule façon de voir ou de faire les choses au sein du corps médical, mais II n'en demeure pas moins que leur domination... Il faut le dire, ce n'est pas vrai que les psychologues ou que d'autres niveaux de profession ont autant de pouvoirs. Ce n'est pas vrai. Parier de partenariat, parier de multidisciplinarité, c'est bien beau, mais, si on veut vraiment que cela se fasse sur des bases égalitalres, il va falloir quelque part équilibrer les choses.

Le Président (M. Audet): II vous reste cinq secondes, Mme Simard.

Mme Simard: D'accord. Quand on parle de partenariat, je vous le dis, ce n'est pas seulement les intervenants, c'est aussi la population. Une autre problématique mérite d'être fouillée beaucoup, soit la santé mentale des femmes. Il y a omission à ce chapitre; ce n'est pas assez fouillé à notre avis. On en parle comme étant un phénomène, mais il faut travailler beaucoup plus que ce qui a été fait jusqu'à maintenant. Je vous remercie de nous avoir entendus.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le chef de l'Opposition, vous avez le mot de la fin.

M. Chevrette: Je tiens à vous remercier. Nous allons suivre cela de très près comme Opposition. Nous partageons plusieurs de vos recommandations et nous espérons que le prochain livre ne sera pas Intitulé 'Harnois", mais que ce sera un livre blanc du gouvernement, ce qui nous permettra d'espérer voir une lumière au bout du tunnel. Merci infiniment.

Le Président (M. Audet): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: À mon tour, je veux remercier la CSN. Je suis sûre qu'on devra avoir d'autres discussions sur toute la question de la

désinstitutionnalisation. Je pense que quelque chose d'intéressant a déjà été amorcé dans le cas de la déficience intellectuelle. Je pense qu'on a quand même là des pistes qui sont intéressantes et qu'on peut suivre. Je voudrais simplement vous rassurer, la régionalisation ou la disparité Interrégionale est une chose qu'on veut corriger. D'ailleurs, je pense que c'est dans le rapport, non seulement concernant la main-d'oeuvre médicale, mais évidemment d'autres types de personnel et aussi de ressources parce qu'il y a des régions périphériques qui sont relativement bien nanties comparativement à d'autres. Cela ne peut pas être strictement un rattrapage de main-d'oeuvre médicale. De toute évidence, il y a aussi les ressources humaines et les ressources physiques et matérielles dans les différentes régions

Je vous remercie beaucoup.

Mme Simard: Merci beaucoup. On est un peu frustré. On en aurait encore long à dire, beaucoup à dire. Je vous remercie.

Le Président (M. Audet): On vous remercie, mesdames et monsieur. Bonne fin de journée.

Nous suspendons nos travaux pendant deux minutes et on reprend avec l'Association des hôpitaux du Québec.

(Suspension de la séance à 11 h 13)

(Reprise à 11 h 23)

Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous plaît! J'invite maintenant l'Association des hôpitaux du Québec à prendre place. Je rappelle que le temps alloué est de 20 minutes pour la présentation du mémoire.

Messieurs, on vous souhaite la bienvenue. Si vous pouviez vous identifier, s'il vous plaît!

Association des hôpitaux du Québec

M. McKay (Jacques): M. le Président, je me présente: Jacques McKay, de l'hôpital Rivière-des-Prairies. M'accompagnent Jacques Nolet, directeur général de Louis-H.-Lafontaine; Paul-André Bernier, directeur général de Robert-Gif-fard à Québec; Mme Ghislaine Desrosiers, de la permanence de l'AHQ; le Dr Richard Lessard, chef du département de santé communautaire de la Cité de la santé de Laval, et te Dr Mireille Lajoie, chef du département de santé communautaire à l'hôpital Sainte-Marie, de Trois-Rivières.

Le Président (M. Audet): Merci.

M. McKay: M. le Président, membres de la commission, étant donné que nous ferons une présentation abrégée de notre mémoire, nous demandons qu'il soit déposé dans sa version intégrale au Journal des débats.

Le Président (M. Audet): D'accord.

M. McKay: C'est avec beaucoup d'intérêt et d'attentes que l'Association des hôpitaux du Québec s'est penchée sur le projet de politique de santé mentale. La démarche que nous propose le comité Harnois, mandaté par la ministre, n'est pas facile. Situant la personne perturbée ou menacée au centre des enjeux, il nous interpelle à différents titres. Chacun d'entre nous se voit confirmer un rôle d'acteur dans cette problématique, soit comme citoyen, soit comme intervenant, soit comme décideur d'un réseau de services, soit comme personne souffrante. La souffrance psychique n'est pas toujours une réalité visible et peu d'entre nous y échappent au cours d'une vie. Comment assurer la cohérence d'action des acteurs si ce n'est par un cadre de référence, par une philosophie d'intervention commune? Le projet de politique nous en propose une et c'est là son principal mérite.

Toutefois, une politique ministérielle doit aller au-delà des principes généraux. On s'attend qu'elle définisse des responsabilités aux différentes instances de son réseau de services et qu'elle précise les priorités d'allocation budgétaire. Autrement dit, comment le ministère va-t-il permettre à son réseau d'agir pour atteindre les objectifs qu'il a fixés? Le projet de politique ne répond pas à cette question et c'est là sa grande faiblesse.

L'AHQ a analysé ce projet en s'appuyant sur l'expertise de deux groupes de centres hospitaliers: ceux ayant un département de santé communautaire et ceux offrant des services psychiatriques. Dans une première partie, nous présenterons les éléments les plus significatifs du projet de politique, ceux qui constituent des assises valables à une politique éventuelle. Dans un deuxième temps, nous soulignerons les imprécisions majeures qui devront être clarifiées.

Quels sont les aspects du projet qui nous apparaissent contribuer de façon significative et valable à l'élaboration d'une politique de santé mentale? Nous en avons retenu six. D'abord, tes niveaux de préoccupations de l'État. La clarification des niveaux de préoccupations de l'État en matière de santé mentale nous est apparue judicieuse car elle permet d'éviter la confusion dans les axes d'Intervention. Un axe, dénommé le champ, s'intéresse à l'éventail des moyens d'aide appropriés pour les Individus et l'autre, dénommé domaine, concerne les collectivités. Par exemple, le suicide pourra faire l'objet de préoccupations sous l'angle de la personne ou sous l'angle du phénomène social.

Deuxième point, la proposition d'un cadre de référence. Le rapport Harnois insiste beaucoup sur la nécessité du partage d'une philosophie d'intervention. Trop de débats idéologiques, trop de heurts entre différents groupes d'Intervenants ont miné l'efficience des services. L'antagonisme prime trop souvent sur la complémentarité. Nous

partageons donc les vues du comité lorsqu'il statue sur l'importance d'assurer la concentration des énergies vers la réalisation d'objectifs communs dans un contexte où la capacité d'investissement de l'État est resserrée et où les problèmes psychosociaux augmentent.

S'appuyant sur les principes de la primauté de la personne et de l'équité, l'ensemble des orientations préconisées, que l'on retrouve sous forme de tableau synthèse à la page 51 du rapport, est conforme aux positions déjà exprimées par l'Association des hôpitaux du Québec. Soulignons, notamment, le développement d'un partenariat, la promotion d'une approche communautaire de services et la priorité au maintien et à la réinsertion dans le milieu naturel.

Déjà, en 1984, l'AHQ soulignait que l'État a eu des attentes irréalistes envers son réseau hospitalier en ne misant que sur ce seul réseau pour faire face à tous les problèmes mentaux et même psychosociaux. La responsabilité des autres ressources publiques et des organismes communautaires est sûrement un principe fondamental à défendre. Cette proposition d'un cadre de référence constitue l'apport original du projet de politique.

Troisième point, l'accessibilité régionale aux services. Le rapport Harnois reconnaît que des acquis du système de santé en matière d'accessibilité à des services de santé mentale sont menacés, notamment à cause du fait que les services de traitement n'ont pas été supportés par des activités de prévention, de réadaptation et de soutien et qu'ils n'ont pas bénéficié de ressources suffisantes. Le projet de politique propose donc une gamme de services à rendre accessibles dans chacune des régions. L'AHQ appuie tant le principe de l'accessibilité régionale à la gamme entière de services nécessaires en santé mentale que la pertinence de ceux qui sont proposés.

Quatrièmement, la flexibilité dans l'organisation des services. L'AHQ a beaucoup insisté dans ses représentations antérieures sur la nécessaire flexibilité en matière d'organisation des services de santé mentale, il fallait éviter, disions-nous, le piège d'un modèle unique au Québec.

En effet, la clé de l'efficacité des services de santé mentale réside principalement dans leur adaptation aux réalités régionales, dans l'implication personnelle des intervenants qui y oeuvrent et dans la concertation des organismes concernés.

C'est pourquoi nous endossons la proposition de confier aux conseils de fa santé et des services sociaux la responsabilité d'entreprendre une démarche de planification de services à rendre disponibles à la population d'une région. Nous ajoutons que la nécessité de tenir compte de particularismes sous-régionaux ne devrait pas s'appliquer seulement au Montréal métropolitain. De plus, cette démarche devrait pouvoir impliquer les départements de santé communautaire qui ont, entre autres, une fonction d'identification des besoins de santé de la population. Toutefois, concernant les conditions de réalisation de cette démarche, on aurait pu s'attendre à quelques suggestions du comité sur des mécanismes pouvant rendre concrètement réalisable une telle concertation élargie, notamment concernant la représentation des acteurs.

Cinquième point, l'Importance de la recherche. Le rapport met en lumière le sous-financement de la recherche en santé mentale et le désintéressement pour ce champ. L'AHQ, qui a déjà dénoncé cet état de fait, accueille très favorablement les quatre recommandations qui touchent cet aspect. Il faut souligner, notamment, le principe de hausser d'ici trois ans le budget de recherche en santé mentale à 15 % du budget de la recherche en santé.

Une autre recommandation devrait, toutefois, prévoir la présence, et c'est très important, de personnes issues du secteur de la santé mentale au sein des conseils d'administration des organismes subventionnaires.

Enfin, sixièmement, la formation des Intervenants. L'AHQ considère ce facteur comme une variable clé vers une nouvelle orientation de services, notamment afin de soutenir le processus de changement de non-institutionnalisation des personnes souffrant de problèmes mentaux.

Nous sommes heureux de constater qu'il fait l'objet de plusieurs recommandations. Toutefois, les besoins de formation doivent déborder le seul groupe des Intervenants professionnels et ainsi des budgets de formation auprès des communautés devraient être dégagés et les départements de santé communautaire, ici encore, devraient participer à l'orientation de tels programmes de formation.

Ayant énoncé, dans cette première partie de notre exposé, les principaux aspects que nous accueillons favorablement, nous allons maintenant souligner, en deuxième partie, les imprécisions tout à fait fondamentales qui prévalent autour de la mise en oeuvre du cadre d'orientation proposé. En effet, le projet de politique nous apparaît davantage comme une étape préliminaire à l'élaboration d'une véritable politique.

Notons, d'abord, en lettres rouges qu'une politique de santé mentale devrait préciser des objectifs de santé et des indicateurs d'efficacité des services. Cette démarche reste complètement à effectuer.

Nos commentaires porteront principalement sur cinq points spécifiques. D'abord, le partage des responsabilités. On avait apprécié le mandat du comité Harnois à savoir qu'il devait centrer ses préoccupations sur le noyau dit dur des problèmes de santé mentale, sur les clientèles dites lourdes. Or, l'extrême prudence sémantique du projet de politique finit par occulter complètement la réalité de ta maladie mentale.

Par ailleurs, autant nous avons favorisé le principe de la concertation régionale et de la flexibilité dans l'organisation des services, autant

on ne peut pas Imaginer que cela puisse se faire sans lignes directrices.

Nous comprenons que le comité ait voulu éviter le piège de la réforme structurelle. Par ailleurs, on conçoit difficilement une démarche de partenariat où aucun acteur n'a de responsabilités particulières. Il apparaît utopique que le projet de politique puisse complètement passer au-dessus des structures à moins qu'il ne sous-entende par là qu'aucune d'entre elles ne serait a priori nécessaire.

La désignation de responsabilités particulières à certaines instances du réseau nous parait imperative. Ainsi, l'Association des hôpitaux du Québec considère nécessaire l'accès à des services psychosociaux dans le réseau public pour une clientèle légère présentant des problèmes situationnels, tels le deuil, le divorce, la perte d'emploi. Cette clientèle ne peut pas être satisfaite par l'organisation actuelle des services qui est concentrée en milieu hospitalier. Le réseau des CLSC est sûrement l'instance privilégiée pour répondre à ce mandat

Par ailleurs, il nous semble clair que les centres hospitaliers, étant donné leur expertise, doivent demeurer l'instance-pivot des services requis par les clientèles lourdes, complexes ou présentant des pathologies mentales sévères dûment diagnostiquées. Ces clientèles impliquent habituellement une prise en charge à long terme qui devrait favoriser, notamment, l'alternative à l'hospitalisation et s'appuyer sur une organisation de services en partie redéployée dans et avec la communauté. L'AHQ a précisé deux conditions importantes à cette réorganisation des services psychiatriques: 1° l'abolition des chasses gardées par classe d'établissements en matière de déploiement de ressources intermédiaires; 2° un assouplissement de la réglementation des hôpitaux permettant de modifier la prise en charge médicale à travers une gamme élargie de services hors les murs nécessaires à la désinstitutionnalisation. Dans le projet de politique, le seul élément de précision concernant les établissements a trait au mandat des grands établissements psychiatriques qui se verrait modifié de manière à se restreindre aux soins de longue durée. L'Association des hôpitaux du Québec s'est déjà fermement prononcée contre cette option.

D'abord, le concept de soins de courte et de longue durée ne s'avère pas adapté à une approche de désinstitutionnalisation des services psychiatriques. Il nous apparaît plus judicieux de faire référence à un concept de prise en charge à long terme qui s'actualise selon des modalités diverses où le séjour institutionnel (traditionnel) est évité ou, au moins, diminué. La recommandation 31, telle que formulée, réduit les établissements psychiatriques à une vocation asilaire. Or, pour des questions d'organisation et également en vertu de la nécessité d'avoir des instances plus particulièrement dédiées à toute la gamme des maladies mentales, l'Association des hôpitaux du Québec juge nécessaire le maintien de soins dits de courte durée dans les établissements psychiatriques, particulièrement, bien sûr, pour ceux qui ont des missions d'enseignement et de recherche.

Enfin, le maintien de services de traitement de courte durée aide à assurer le recrutement d'effectifs médicaux dynamiques prêts à partager leur tâche entre les soins de longue durée et ceux de courte durée.

Le projet de politique propose quelques autres principes directeurs à l'organisation des services. Nous commenterons brièvement celui qui concerne la priorité des ressources communautaires sur toute autre forme de structure. Bien que ce principe puisse être une des exigences de l'approche communautaire établie dans le cadre d'orientation, il demeure que le manque de précision des conditions afférentes à ce principe nous apparaît une source de confusion.

De plus, les administrations d'établissements hospitaliers s'inquiètent de la capacité des organismes sans but lucratif de pouvoir offrir une continuité de services. La persévérance des fondateurs de ces corporations est parfois aléatoire. Les établissements qui demeurent, en dernier ressort, responsables des services aux clientèles concernées peuvent avoir de grandes difficultés à s'ajuster au désistement éventuel de certains de ces partenaires.

Enfin, pour conclure sur l'organisation des services, nous demeurons fort perplexes lorsque, à la page 96 du projet de politique, on peut lire ceci: "Avec le cadre de référence proposé par cette politique, le ministère de la Santé et des Services sociaux dispose des critères lui permettant d'approuver le plan d'organisation de services d'une région et d'y donner suite". Le projet de politique ne semble pas faire la différence entre des principes directeurs et des critères décisionnels.

Maintenant, les ressources financières. À court terme, il est proposé que le financement du développement en santé mentale s'appuie sur une méthodologie basée sur l'équité interrégionale. L'équité interrégionale et l'équité entre les différents types d'activités en santé mentale sont des principes inattaquables. Cependant, ils ne sont pas faciles d'application, notamment lorsque le financement total du secteur de la santé mentale est insuffisant et que le réseau vit avec l'héritage du passé.

L'Association des hôpitaux du Québec considère que le projet est beaucoup trop timide sur la nécessité d'accroître l'Investissement dans le domaine de la santé mentale. En effet, en ne proposant pas un ordre de grandeur minimal d'investissements requis pour compléter la gamme de services nécessaires dans chaque région, le débat public sur les priorités de l'État ne pourra être engagé et on peut craindre que l'exercice de concertation régionale de services devienne surtout un forum de réallocation des ressources.

Troisième point, la continuité des services. Le projet de politique vise à atténuer la situation de rupture de l'individu avec son environ-

nement en préconisant l'implantation obligatoire d'un plan de services individualisé (PSI). Or, on ne précise pas en quoi cela va exiger une révision des types de pratiques professionnelles. Par ailleurs, nous nous interrogeons sur la possibilité réelle d'un "case manager* de pouvoir mettre en action des intervenants provenant de ressources dont il ne gère pas l'appartenance administrative.

Le plan de services ne peut pas répondre à toutes les exigences de la continuité. En cette matière, il n'y a pas de moyen miraculeux, car la continuité de services exige la disponibilité de services diversifiés. Par exemple, un aspect essentiel de cette continuité est l'intervention de crise disponible 24 heures sur 24, même à domicile. Ainsi, le développement de la gamme de services devrait précéder l'implantation de cet outil. Celle-ci devrait ête progressive et appliquée avec discernement aux clientèles pouvant en bénéficier Enfin, un système de continuité de services doit prévoir des lieux intégrés d'intervention de crise de manière à éviter la compar-tlmentalisatlon. Cela implique, notamment, la reconnaissance de l'évaluation psychosociale dans les services d'urgence des hôpitaux.

Quatrièmement, la promotion de la santé mentale. Une politique de santé mentale prend son véritable sens et mérite d'être considérée comme telle lorsqu'elle s'intéresse aux déterminants de la santé, incluant les facteurs socio-économiques. Dans un contexte où les problématiques qualifiées "d'épiphénomènes" sont en croissance, l'AHQ a accueilli avec déception le fait que la réflexion du comité à cet égard n'ait pas dépassé le stade préliminaire. La promotion de la santé mentale devrait faire l'objet d'une plus grande emphase. En effet, si on veut introduire et soutenir des changements d'attitude dans les communautés, l'Importance de la promotion et de la prévention doit être reconnue, notamment auprès de groupes cibles tels les enfants et les adolescents.

L'AHQ aurait souhaité voir confirmer l'Importance des départements de santé communautaire en matière de promotion de la santé mentale. De plus, un budget protégé devrait être dégagé au ministère pour des projets sous-régionaux dans la promotion de la santé mentale.

Cinquièmement, la distribution des effectifs médicaux spécialisés. Depuis plusieurs années déjà, l'AHQ fait des représentations vigoureuses concernant le problème de distribution géographique des médecins. À cet égard, le cadre de référence du ministère pour l'évaluation des pians régionaux d'effectifs médicaux, qui s'appuie sur un principe d'équité interrégionale, ne permet pas à lui seul le rattrapage absolument nécessaire même en régions universitaires pour certains établissements hospitaliers. Le domaine des effectifs psychiatriques, qui se particularise des autres spécialités à la fois par des disparités Interrégionales et par des disparités interprogramme dramatiques devrait être traité à part.

Le Président (M. Audet): Une minute.

M. McKay: Pour résumer notre pensée, te projet de politique désigne les acteurs, mais il n'ose distribuer les rôles et reste muet quant à la mise en scène. Ces réserves que nous émettons ne visent toutefois pas à reléguer aux oubliettes le projet de politique. Au contraire, celui-ci constitue un pas dans la bonne direction. De plus, à l'instar des signataires du projet, l'Association des hôpitaux du Québec considère que le débat public actuel doit constituer un moment privilégié d'affirmer l'importance de la santé mentale comme richesse collective à préserver et à développer. On doit espérer que la volonté politique sera suffisamment forte pour supporter concrètement cette affirmation.

Le Président (M. Audet): Merci. En l'absence de Mme la ministre qui a dû se rendre au Conseil des ministres, c'est l'adjoint parlementaire, M. le député de Laurier, qui la remplace. M. le député. (11 h 45)

M. Sirros: Merci, M. le Président. Effectivement, au nom de la ministre et en mon nom personnel, j'aimerais vous remercier pour votre mémoire. Le temps est très limité. Vous avez soulevé en moi plusieurs questions. On peut commencer tout de suite.

Tout d'abord, j'aime bien vous entendre dire que c'est un pas dans la bonne direction. Cela fait longtemps qu'on était à la même place dans le domaine de la santé mentale et, finalement, on commence à faire des pas. Dans ce sens, puisque vous voyez le rapport Harnois comme un cadre de référence intéressant, je pense qu'on peut accueillir vos commentaires avec un certain sourire, tout au moins.

Vous êtes certainement des acteurs majeurs dans tout le système d'organisation des soins et particulièrement aussi en santé mentale. À un moment donné, vous blâmez, en quelque sorte, le rapport Harnois de ne pas avoir défini clairement les rôles des personnes. Vous dites: Ils ont désigné les acteurs, mais Ils n'ont pas défini les rôles, etc. Vous dites aussi, à un moment donné, que vous aimeriez maintenir une flexibilité dans l'organisation et la dispensation des services en santé mentale. Ailleurs, vous dites que vous aimeriez avoir des précisions quant aux rôles et aux responsabilités de chacun. J'ai cru voir peut-être pas une contradiction, mats une opposition entre ces deux voeux exprimés et j'aimerais vous entendre sur cela. Vous avez dit clairement, à un moment donné, qu'on ne devrait pas nécessairement avoir un modèle unique pour toute la province. Comment concilie-t-on le désir de garder cette flexibilité avec votre demande de préciser par une instance - j'imagine, l'État ou le gouvernement - les rôles de chacun, dans un premier temps?

M. McKay: Deux exemples précis. Dans le

cas d'un établissement donné, nous préconisons un assouplissement des règles; qu'il devienne possible pour un hôpital, par exemple, de gérer certaines ressources Intermédiaires de façon à faciliter l'entrée et la sortie, d'avoir un certain contrôle sur le fonctionnement Immédiat des choses. De même, une certaine déréglementation pourrait permettre d'articuler de façon originale certains projets qui émergent. Le carcan actuel qui donne la responsabilité administrative, par exemple, de tout ce qui est service social à une énorme CSS et qui laisse l'hôpital obligé de négocier avec un centre d'accueil, de négocier toujours avec d'autres instances rend l'application de formules originales difficile. Donc, l'assouplissement est une chose que nous demandons.

À l'inverse - ce n'est pas une contradiction - nous voulons, quand même, que les gens aient des mandats globaux avec une certaine précision. Nous aurions aimé que les CLSC, par exemple, se voient donner un rôle précis en matière d'évaluation des problèmes psychosociaux qui, par un accident historique, viennent toujours aboutir dans les urgences des hôpitaux la nuit, créant un phénomène qui n'est bon ni pour ceux qui se présentent là pour cette raison-là, ni pour ceux qui se présentent là avec des problèmes majeurs de santé physique ou des problèmes psychiatriques d'une gravité qui appelle une intervention Immédiate.

Donc, il n'y a pas contradiction. Nous demandons, d'une part, l'assouplissement à l'intérieur de la réglementation afin qu'on puisse donner suite à des projets originaux sans avoir toujours l'Impression qu'il faut demander des permissions ou qu'il faut faire changer la loi. D'autre part, quand même, on demande de déterminer pour chacune des instances des mandats précis et, en plus, comme vous l'avez vu, qu'on puisse donner des critères d'évaluation pour s'assurer que ces mandats sont bien remplis.

M. Sirros: Quand vous parlez de l'assouplissement, pouvez-vous me donner un exemple? Je saisis un peu mal ce que vous voulez dire. Par exemple, vous avez parlé des CSS comme étant les grands responsables du domaine social. Un assouplissement de cela, qu'est-ce que ce serait?

M. McKay: Un exemple très simple. Si un établissement psychiatrique veut, par le biais de sa section centre d'accueil, ouvrir une famille d'accueil, il doit en référer à un autre organisme qui a une tout autre administration à l'extérieur, qui est le CSS. Il ne peut pas prendre cette décision par lui-même, son budget n'est pas prévu à cette fin et les réglementations disent qu'il doit passer par un autre organisme extérieur. S'il s'agit d'un établissement psychiatrique qui n'a pas de section centre d'accueil, à ce moment-là, la réglementation ne lui permettrait pas d'ouvrir un pavillon, par exemple, alors qu'il pourrait en avoir fort besoin. L'hôpital Notre-Dame, disons, qui a un gros service de psychiatrie, ne pourrait pas gérer un pavillon d'accueil comme, disons, l'hôpital Rlvière-des-Prairies peut le faire.

C'est donc une autre forme de déréglementation qui permettrait qu'un département de psychiatrie puisse gérer certaines ressources, puisse affecter certaines ressources en service social. Par exemple, il y a des ressources intermédiaires qui pourraient être aussi des ressources d'accueil, des ressources de transition en attendant l'hospitalisation, des ressources de tentative au moment de fa sortie. M. Bernier a, d'ailleurs, des choses à dire là-dessus, de par son expérience.

Le Président (M. Audet): M. Bernier.

M. Bernier {Paul-André): Je voudrais rajouter ceci sur l'assouplissement de la réglementation concernant les catégories d'établissements en ce qui a trait à la prise en charge. On sait que, dans les centres hospitaliers, tant au chapitre des admissions qu'au chapitre des inscriptions pour les bénéficiaires externes, il y a uniquement une prise en charge médicale. Il faut que la personne soit Inscrite au nom d'un médecin et toutes les autres équipes d'intervenants sont en relation avec cette prise en charge.

Or, dans tout le contexte de la réinsertion sociale, dans tout le contexte même d'un établissement qui est à vocations multiples, mais qui a des parties de projet de réinsertion qui touchent sa constituante centre hospitalier, en ce qui nous concerne, je pense qu'il va falloir penser à des assouplissements au niveau même des principes d'inscription et des principes de prise en charge. Il y a des ressources intermédiaires qui relèvent de ce secteur-là. Je pense à des ateliers, je pense à des appartements supervisés, je pense à des foyers de groupes, je pense à des appartements dans la communauté.

Légalement, actuellement, ça suppose que toutes ces personnes-là, qui sont prises en charge à l'externe par l'hôpital, soient prises en charge, d'abord, par un médecin. On n'est pas opposés à ça. Je pense que les médecins peuvent avoir une supervision de ces prises en charge mais ce n'est pas absolument nécessaire dans tous les cas que cette prise en charge là, sous le couvert d'une catégorie comme les centres hospitaliers, soit complètement toujours sous ta couverture d'un médecin. Cela pose des problèmes actuellement en ce qui a trait aux responsabilités professionnelles. Il ne faut pas se le cacher, on le fait actuellement. Toutes les prises en charge ne sont pas couvertes exclusivement par des médecins. Les gens disent: Bien, oui, il faudrait, quand même, s'en occuper, II faudrait y faire face parce que professionnellement on est responsables de ces prises en charge là. Donc, on doit assurer la supervision et on n'a pas les

moyens de le faire. Qu'on développe un centre de jour - on doit le faire prochainement - et c'est la même chose. Il est développé par la partie centre hospitalier et, à ce moment-là, cela supposerait nécessairement une prise en charge médicale.

Alors, quand on parle d'assouplissement en ce qui a trait aux catégories d'établissements, c'est un exempte. En ce qui concerne notre établissement, il y a d'autres catégories. Il y a la catégorie centres d'accueil et là ces problèmes de prise en charge se posent moins.

M. Sirros: Mais, à l'intérieur de ça, vous voyez donc que, dans chaque région, il pourrait y avoir des modèles différents qui se développent selon la dynamique qui peut exister dans la région.

M. McKay: C'est ça et que la réglementation ne bloque pas l'émergence de ces projets qui parfois sont fort créateurs et fort Intéressants, mais se heurtent à l'obligation soit de se faire dire non parce que les gens respectent le règlement ou de contourner le règlement, ce qui est toujours inconfortable et ce qui est l'objet de tensions particulières.

Le Dr Lessard veut ajouter quelque chose là-dessus.

M. Lessard (Richard): Oui. Je voulais parler aussi de flexibilité comme principe de gestion, pensant en particulier à la prévention. Actuellement, c'est assez difficile de mettre sur pted de nouveaux modèles d'expérimentation visant la prévention, c'est-à-dire des activités visant ta prévention selon des modèles nouveaux et différents qui permettraient d'amener un peu plus de vie dans le réseau, un peu plus d'expérimentation, de questionnement et d'identification de changement. En ce sens-là et comme principe de gestion, il serait intéressant que le ministère puisse avoir des moyens - je parle ici de ressources - permettant de commander ou de financer des expérimentations, avec la souplesse que ça prend. Un tel budget ou un tel principe de gestion permettrait aussi de stimuler les gens dans le réseau à ne pas faire que du quotidien, mais à remettre en question constamment leur pratique et à voir des collègues expérimenter ces nouvelles pratiques-là, donc, à permettre un certain renouvellement par la recherche, par l'expérimentation. Cela part d'un principe de gestion qui est ta flexibilité dans le financement.

M. Sirros: Bien, c'est un peu dans ce sens-là aussi que ma crainte, c'est que, si on précise tellement les rôles et fonctions de chacun, on élimine plus ou moins une flexibilité qui peut être génératrice de nouvelles idées et de situations qui s'adaptent à des réalités particulières dans chaque région.

M. McKay: Mais c'est ce mythe-là...

M. Sirros: Oui.

M. McKay: ...M. le Président, qu'il faut dissiper, car on peut donner des mandats clairs à des Instances, à des hôpitaux, à des CLSC, à des CSS, à des conseils régionaux et même avoir les instruments pour mesurer les résultats, cela n'empêche pas qu'à l'intérieur de l'exécution de ces mandats-là il puisse y avoir une souplesse réglementaire qui permet de contrôler l'embauche, par exemple, d'une travailleuse sociale ou le développement d'une ressource qui n'est pas prévue dans les règlements de la loi ou dans les directives habituelles. Et c'est cette souplesse à l'Intérieur du cadre que nous réclamons. Je crois que la distinction est d'importance. Il n'y a pas contradiction, loin de là.

M. Sirros: L'autre aspect sur lequel j'aimerais vous entendre, c'est toute la question des grands centres psychiatriques. Vous dites, à un moment donné, que vous vous opposez fermement à ce que cela soit limité à des soins de longue durée. Vous avez évoqué certains arguments qui, à première vue, en tout cas, me semblaient être en fonction des besoins de l'établissement. Par exemple, cela pouvait être un pôle d'attraction pour des psychiatres en régions, ce qui peut être valable au niveau des besoins des personnes dans l'endroit. Mais il me semble qu'il y aurait lieu que vous expliquiez un peu plus, comment vous voyez le rôle des grands établissements psychiatriques et pourquoi cette opposition ferme à ce que ce soit limité aux soins de longue durée.

M. McKay: C'est tout à fait capital. Vous avez devant vous trois directeurs d'hôpitaux psychiatriques.

M. Sirros: C'est l'endroit pour poser la question.

M. McKay: On connaît un peu le problème dont on parle. Si on veut éviter ce qui est dénoncé dans un quotidien montréalais d'hier à propos de certains établissements dont on dit méchamment qu'ils sont devenus des "parkings", si on veut éviter ce dont M. Chevrette a parlé il y a quelques minutes en posant des questions aux représentants de la CSN, si on veut éviter que les soins de longue durée ne soient perçus comme des mouroirs ou des "parkings" où il n'y a rien qui se fait, il y a lieu d'en faire des centres actifs. C'est psychologiquement, socialement très important et dans la réalité aussi, c'est important. C'est important pour le bénéficiaire qui entre dans cet hôpital que ce ne soit pas un hôpital exclusivement dédié aux cas désespérés. C'est fini, l'hôpital des mourants, l'hôpital dont on ne sortira plus, laissant l'espoir à la porte. Psychologiquement, pour celui qui entre, c'est important. C'est important pour la dynamique des équipes de voir toute ta gamme

des soins, pas seulement que des gens à un bout de la ligne volent les choses algues et ne les votent pas revenir quand cela se complique et les "pitchent" ailleurs. Dans une véritable continuité de soins, il doit y avoir une articulation entre les soins de courte durée et ceux de longue durée. C'est très mauvais comme orientation de laisser certains établissements se spécialiser dans ce qui va très vite et, dès que cela devient un peu plus long et un peu plus compliqué, de le passer à d'autres qui ne font que cela. Alors, vous auriez aussi deux sortes de spécialistes - il n'y a pas que les docteurs - deux sortes d'infirmières, deux sortes d'intervenants: ceux qui, dans un cas, ne verraient que les choses qui roulent très vite, qui sont relativement plus faciles à "manager" et, dans l'autre cas, ceux qui ne verraient jamais que des choses qui sont désespérantes et qui vont très mal. Donc, la notion de gamme complète des services est une notion fondamentale et les hôpitaux psychiatriques devraient retrouver une taille raisonnable. Qu'on les ramène tous à 600 lits, à 400 lits, si on le peut, très bien. Mais qu'ils aient dans leurs murs des soins de courte durée, cela me paraît essentiel pour la clientèle, pour la dynamique du personnel soignant, pour les malades, pour l'image sociale, pour la recherche, pour tout cela. J'espère avoir été clair.

M. Bernier: J'aimerais ajouter que le concept de courte durée et de longue durée traditionnel par rapport à la prise en charge des clientèles ayant des problèmes psychiatriques n'est pas tellement adapté. Même si on a un mandat de deuxième et de troisième ligne - c'est notre jargon - et que les références nous viennent après des prises en charge souvent par d'autres instances, cette prise en charge ne doit pas être, même si elle est à long terme, reliée à un internat, à une hospitalisation à long terme. Ainsi, il faut au moins qu'on ait la possibilité d'avoir, même dans une perspective de prise en charge à long terme, des sections de courte durée, pour du traitement à court terme et de retour dans la communauté; sinon, on aura une vocation, une mission, un mandat de s'occuper uniquement de garder à long terme des gens. Or, je pense que toute l'approche concernant les services psychiatriques et de santé mentale est d'éviter l'institutionnalisation, d'avoir des séjours les plus courts possible, dans un contexte de prise en charge à long terme. Je pense que c'est important de clarifier ces éléments.

Le Président (M. Audet): Un bref commentaire, M. le député.

M. Sirros: Le président m'indique qu'il reste environ 30 secondes. J'aurais deux ou trois autres questions. J'aimerais vous entendre réagir par rapport aux groupes communautaires ou aux ressources communautaires. Vous dites, à un moment donné, que ce ne sont pas des ressources nécessairement stables. Est-ce que vous voyez un rôle complémentaire pour les ressources communautaires? Est-ce que ce sont des ressources qui devraient se développer plus comme une alternative au réseau? Comment voyez-vous cela? L'autre question - et je suis certain que le chef de l'Opposition va ta poursuivre - concerne la répartition des effectifs médicaux et psychiatriques, en particulier. (12 heures)

Le Président (M. Audet): En étant très bref, s'il vous plaît!

M. McKay: Un mot de M. Nolet et un mot du Dr Lessard.

M. Nolet (Jacques): Nous croyons effectivement que les ressources communautaires sont le partenaire idéal sauf que, bien souvent, quelles que soient tes raisons... Je vous donne un exemple: une famille d'accueil, qui a eu pendant de nombreuses années de nos ex-bénéficiaires, de nos ex-malades, et qui travaille très bien avec eux. Or, à cause d'une maladie, d'un accident, etc., un des membres de cette famille tombe malade. La responsabilité du retour des bénéficiaires retournera toujours à l'hôpital. Nous sommes pour les partenaires, mais, par contre, lorsqu'il y aura des pots cassés, ce sera toujours l'hôpital qui recevra encore une fois les pots cassés. Donc, c'est pour ça que l'on dit qu'il faut, quand même, distinguer très bien quelle sorte de rôle auront les hôpitaux, les organismes communautaires, les organismes sans but lucratif qui fonctionnent très bien, mais, peut-être pour une chicane de clocher, décident de lever l'encre et, encore une fois, on se retrouve sans personne.

M. McKay: Un dernier mot pour M. Lessard. Le Président (M, Audet): Deux secondes.

M. Lessard: La même chose quant à la prévention en milieu défavorisé visant en particulier la négligence des enfants entre 0 et 5 ans. Plusieurs projets existent où l'on travaille avec des bénévoles, des groupes communautaires et des CLSC pour renforcer l'entraide entre les parents visant la prévention de la négligence de l'enfant et cela fonctionne très bien. Je pense que ce ne sont pas des ressources à négliger. Au contraire, nous ne pouvons pas nous payer toutes ces ressources pour faire le travail. Les bénévoles sont extraordinaires dans ce sens-là.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le chef de l'Opposition, la parole est à vous.

M. Chevrette: Merci. Tout d'abord, je dois vous dire que je trouve votre mémoire extrêmement intéressant. C'est un des bons mémoires qu'on a devant nous, qui pose les vraies questions, en tout cas, en ce qui regarde votre

propre vocation comme centre hospitalier et je trouve ça intéressant

Vos Interrogations sont de taille aussi. Je partage pleinement votre vision du fait que vous ne soyez pas les dépositaires des malades mentaux chroniques, Je ne vois pas comment vous pourriez motiver un tant soit peu un personnel s'il en était autrement. Je pense que ce serait catastrophique et, entre vous et mol, ça deviendrait des lieux même pas propices a une visite. Je trouve que ce serait contraire à l'esprit même du principe fondamental de la politique qu'on veut établir éventuellement Je suis d'accord avec vous que ce n'est pas une politique, ce sont des orientations en vue d'une politique. J'avais bien compris ça. Je suis convaincu qu'en vue d'une politique qu'on veut établir, si on part de ces principes fondamentaux, on ne peut pas arriver à d'autre conclusion que celle qu'on doit laisser la possibilité ouverte, comme vous le dites. Je pense que c'est primordial. Avec l'expertise des types de maladies qu'on recueille chez les uns, on peut facilement faire des échanges extrêmement profitables à ce moment-là, toujours en fonction de l'individu.

Je partage vos inquiétudes sur la clarification des rôles - depuis le début qu'on en parle - sur les budgets on n'a pas le choix. L'identification de la structure que sont les CLSC, je trouve ça Intéressant J'aurais aimé qu'on identifie le rôle Joué par les CLSC, qui est la structure la plus près des gens. Je pense que c'est probablement vers ça qu'il faudra aller parce que ce n'est pas dans tous les milieux qu'on a des centres psychiatriques, ce n'est pas dans tous les milieux, d'ailleurs, qu'on a des ressources psychiatriques, alors que le réseau des CLSC est pratiquement complété, qu'il pourrait jouer un rôle extrêmement important sur le plan psychosocial, avec des ressources, bien sûr, ne pas leur donner 235 000 $ et, ensuite, débrouillez-vous. Je pense qu'il faut leur donner les ressources proportionnelles au rôle qu'on veut leur faire jouer et je pense que c'est intéressant. C'est, en tout cas, une vision réaliste des choses. Si on veut mieux répartir les services dans tout le Québec, si on veut que la politique de santé mentale ne soit pas concentrée dans quelques centres seulement, mais que ce soit à la portée de l'ensemble des citoyens du Québec cela se fera sans doute par le réseau des CLSC. Comme formule, je trouve intéressant qu'on puisse impliquer les CLSC dans la politique de santé mentale.

Oui, je vais poser la question de la répartition, pas parce que le député me l'a demandé, mais parce que je l'ai posée à tous les groupes. Vous êtes, en plus, un des rares groupes à proposer une formule qui est intéressante parce qu'elle n'est pas coercitive dans sa présentation, mais elle l'est dans les faits. Je vais essayer d'expliquer ce que je veux dire. Elle n'est pas coercitive en ce sens que vous dites qu'il y a un budget régional en santé mentale, mais elle est coercitive en ce sens que, si vous ne vous répartissez pas et si vous vous concentrez en un seul endroit vous allez avoir un maigre budget

Je trouve votre présentation Intéressante parce que, à toutes fins utiles, elle se situe dans le médium de celles qu'on a entendues jusqu'à maintenant, la liberté totale d'Installation là où on le veut par rapport à la coercition totale qui dit: Va là, va là et va là. Je trouve cela intéressant. D'ailleurs, on l'a déjà envisagée il y a deux ou trois ans. Je me souviens d'avoir discuté de cette proposition. Je trouve cette approche intéressante. Elle peut permettre à du monde de réfléchir et à l'État de dire: Nous, c'est l'équité des services entre les régions que l'on recherche. Donc, il y a du monde qui doit se brancher par la suite. S'il ne se branche pas, il est automatiquement débranché du réseau. C'est ce que cela veut dire. Quant à moi, cela m'apparaît clair et j'adhère à toute formule qui a un peu l'air de vouloir démontrer une volonté politique. Je serais d'accord avec cela. Si c'était inclus dans la politique finale, je ne pourrais pas affirmer, comme membre de l'Opposition, qu'il n'y a pas un semblant de début de volonté de distribution équitable des ressources; je serais obligé de dire qu'il y a un pas en avant

Une question précise, cependant. À la continuité des services, vous dites ceci: Comment le responsable de son implantation pourra-t-il obliger les intervenants d'autres ressources à y répondre? À toutes fins utiles, vous semblez vous interroger très sérieusement sur le mécanisme ou le fonctionnement de ce que sera la complémentarité ou l'équipe multidisciplinaire et sur la façon dont vous allez souder cela. Vous dites que le rapport Harnois est muet. Mais comment le voyez-vous?

M. McKay: Un élément de cela se situe certainement au niveau de la formation et du décloisonnement des mentalités. Je pense que plusieurs y font allusion et il ne faudrait pas que cela reste juste des voeux pieux Je pense qu'il y a une pratique du fonctionnement en équipe qui permet de donner des responsabilités à des gens qui n'en ont pas sur le plan de la structure ou de la responsabilité professionnelle. Mais il faut, tout de même, une ligne de responsabilité quelque part. On a fait état du fait que le médecin ne peut pas être responsable de tout et on veut peut-être déréglementer pour permettre que certaines choses se fassent par l'intermédiaire des hôpitaux, hors les murs, sans que ce soit sous l'autorité directe du médecin, mais il reste qu'à l'Intérieur des équipes II faut, quand même, que chacun sache qui fait quoi.

Je pense qu'on peut s'Inquiéter d'une structure où tout le monde aurait l'impression que tout le monde peut faire à peu près n'Importe quoi et à son caprice. SI on veut vraiment qu'il y ait une organisation et un ordre là-dedans, je pense qu'une responsabilité du "case manager* doit être accrochée quelque part,

c'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait la possibilité, à un moment donné, que quelqu'un rende des comptes à quelqu'un. C'est peut-être dans cet esprit. Je ne sais pas si M. Nolet veut ajouter quelque chose là-dessus.

M. Nolet: Je pourrais peut-être ajouter, M. Chevrette, que les mentalités sont à changer. C'est une certitude. Dans ce réseau - on l'appelle un réseau - par contre, il y a des chasses gardées hospitalières, des chasses gardées de CSS, des chasses gardées d'autre chose et on veut un "case manager" qui, lui, sera effectivement le pivot pour l'organisation des soins directs aux malades désinstitutionnalisés.

Par contre, lorsque je vous dis que les mentalités sont à changer, elles sont à changer à tous les niveaux: au niveau hospitalier pour dire: Oui, on va écouter ce que ce bonhomme-là a à nous offrir pour donner les meilleurs services directement reliés aux malades. Le travailleur social devra aussi l'écouter, tout le monde devra écouter les besoins que te bénéficiaire aura effectivement énoncés, dits et commentés à ce "case manager* comme tel. Donc, c'est un changement de mentalités autant pour les professionnels que pour le réseau. Ce n'est pas facile à faire, par exemple.

M. McKay: Le Dr Lessard veut ajouter quelque chose.

M. Lessard: Un modèle intéressant est peut-être celui qui existe en maintien à domicile où on a ce qu'on appelle les infirmières de liaison, qui relèvent actuellement des départements de santé communautaire, mais qui pourraient relever d'autres structures, qui n'ont pas de pouvoir hiérarchique sur tes gens qui travaillent dans différents secteurs: CLSC, centres d'accueil, hôpitaux, etc., mais qui, de par leur présence et de par leur mandat, ont le rôle de faire en sorte que les communications existent entre les différentes institutions et que les patients aient accès aux ressources dont ils ont vraiment besoin, donc passage de l'hôpital au centre d'accueil, si c'est le cas, ou passage des services hospitaliers aux services hors de l'hôpital dans un CLSC. Ce n'est pas, à strictement parier, un "case manager" parce qu'il n'a pas de responsabilité déléguée sur le plan hiérarchique, mais fonctionnellement cela marche parce que les gens acceptent de déléguer un peu de leurs responsabilités à cette personne parce qu'ils lui font confiance et, avec le temps, cela finit par fonctionner. C'est un modèle qui pourrait être appliqué à la santé mentale.

M. McKay: M. te Président, M. Chevrette a soulevé la question de la répartition des psychiatres sur le territoire. Vous sembliez vouloir savoir quelles étaient tes mesures que l'AHQ voudrait privilégier. En réalité, nous en retenons cinq. Voulez-vous les connaître ici?

M. Chevrette: Est-ce que ce sont les mêmes que notre ami Roy?

M. McKay: Vous allez voir. On va vous les donner brièvement.

M. Chevrette: Si ce sont les mêmes, il a pris beaucoup de mon temps hier. Je ne veux pas que vous en laissez autant aujourd'hui.

M. McKay: Nous croyons qu'il est important de ne pas oublier qu'il y a des disparités entre établissements à l'intérieur des régions, ce que toutes les politiques à ce jour ont complètement occulté et nié. Donc, nous voulons que les objectifs soient identifiés, et par région, et par établissement dans des enveloppes fermées permettant de rémunérer les médecins qui pratiquent pour ces établissements ou pour ces régions.

Deuxièmement, nous croyons qu'il n'est pas abusif de parier de postes de résidents attribués à des centres hospitaliers désignés d'avance. Une partie des postes de résidents autorisés par le Trésor devrait être liée à des établissements en pénurie. Cela n'est pas sorcier. Cela aurait dû être fait depuis longtemps. Cela pourrait être fait immédiatement.

Troisièmement, le travail médical obligatoire pendant un certain temps en régions ou en établissement à forte pénurie ne nous parait pas abusif ou que c'est un privilège d'avoir accès à la médecine comme vie professionnelle et à ta spécialité comme telle.

Deux autres mesures qui me paraissent complémentaires. Si on ne veut pas que cela prenne 20 ans à faire le rattrapage, on pense qu'il devrait y avoir une certaine immigration sélective de médecins psychiatres pour des endroits qui en ont besoin et que c'est un enrichissement pour un État d'importer une main-d'oeuvre déjà formée sans avoir les coûts à payer.

Enfin, nous pensons qu'il devrait y avoir une majoration à 100 % du tarif pour la pratique dans des établissements en pénurie jusqu'à un certain pourcentage de l'atteinte de l'objectif de base et qu'en contrepartie la rémunération à 100 % dans tes hôpitaux bien nantis pour les gens qui ont un poste de professeur devrait être abolie.

M. te Président, je ferais aussi un plaidoyer vibrant en faveur d'une priorité absolue et urgente du développement de ta psychiatrie de l'enfant. Le nombre de pédopsychiatres va en diminuant et le nombre de jeunes pédopsychiatres devient inquiétant par sa diminution radicale. Les conditions de pratique de la pédopsychiatrie sont difficiles . et ne font l'objet d'aucune considération particulière par les fédérations dans les demandes de rémunération. Je pense que c'est une responsabilité sociale des ministères de voir à ce que la pédopsychiatrie soit développée si

cela n'intéresse pas les générations de médecins spécialistes,

M. Chevrette: Vous pouvez y aller sur mon temps, madame.

Mme Lajoie (Mireille): J'aimerais ajouter... Le Président (M. Audet): Dr Lajoie.

Mme Lajoie: Comme on pariait des pédopsychiatres et des besoins des enfants, je pense que c'est peut-être Important de souligner le type d'Intervention qui peut être fait pour cette clientèle. Les enfants sont habituellement les seuls qui ne sont pas représentés dans des groupes comme ici. Il est reconnu que des programmes de promotion et de prévention peuvent être efficaces pour renforcer les capacités des enfants ou des futurs adultes à faire face à différentes difficultés qu'ils auront à rencontrer au cours de la vie.

Pour nous, quand on parle d'Interdisciplinarité, lorsqu'on parle de rôle interministériel, les interventions auprès des enfants et des familles nous apparaissent essentielles. Si on parle de promotion et si on parle de prévention, il ne faut pas croire que ce sont des choses nouvelles, que ce sont des mots, que cela ne se fait pas, que ce sont toutes des choses à développer. Effectivement, dans les CLSC, il se fait beaucoup de programmes adressés à cette clientèle. Dans les départements de santé communautaire, tors d'un rencensement que nous avons fait en 1986, il y avait plus de 100 projets-programmes s'adressant à la santé mentale, dont une bonne partie s'adressait à la clientèle des enfants ou des familles. (12 h 15)

Je crois que, dans un programme ou dans une politique qui veut s'adresser à ta santé mentale, il est important de reconnaître les besoins des malades mentaux, mais il ne faut pas oublier les enfants et la clientèle de ceux qui actuellement sont bien ou sont à risque, d'accord, mais n'ont pas encore de problème de maladies mentales. Il faut agir maintenant C'est un principe de base en santé publique. Vous avez deux axes sur lesquels vous pouvez agir. Vous pouvez agir quand la maladie est là ou vous pouvez tenter de la prévenir. C'est le pendant de l'immunisation. Renforçons les capacités des enfants et des familles par des interventions qui font appel aux communautés, qui font appel aux CLSC, qui font appel à différents types d'organismes, non seulement aux organismes reliés au domaine de la santé, mais à des organismes qui sont reliés à d'autres types de secteurs.

Le Président (M. Audet): M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Je trouve intéressante votre proposition sur les budgets protégés. Vous parlez, des DSC vous autres, mais cela pourrait être en régions, pour les sous-régions, peu importe la structure. L'idée d'avoir des budgets protégés pour la promotion de la santé m'apparaît extrêmement intéressante. On sait les problèmes qu'on a vécus dans certaines sous-régions concernant la santé mentale et, avec des budgets protégés pour la promotion, cela aurait été important de préparer nos gens, la population en général pour éviter des réactions très négatives dans certains milieux. C'est nocif, en passant, auprès de nos malades eux-mêmes. Je trouve cela très intéressant

Je vais finir par un petit commentaire. Je pense que l'AHQ a une responsabilité extrême comme organisme, comme structure parce que vous ne devez être liés à aucun des intervenants en particulier, mais à l'ensemble des intervenants. C'est un rôle assez Important. Vous avez à l'intérieur de vos boîtes des catégories de professionnels, des catégories de salariés. Je pense qu'en particulier sur le plan de la désinstitutionnalisation et de l'amélioration de la santé mentale l'AHQ doit s'assurer que toutes les classes de travailleurs soient consultées, soient impliquées dans ces processus pour éviter du braquage. On ne peut pas reprocher aux gens de se braquer s'ils n'ont pas pu participer, s'ils n'ont pas pu donner leur point de vue, s'ils n'ont pas pu être de véritables partenaires.

J'ai comme l'impression, avec les discours que j'ai entendus ici - il y a peut-être une cinquantaine de groupes qui sont passés jusqu'à maintenant - qu'il va falloir qu'il y ait des structures qui assurent, justement, le Joint, parce que je ne vois pas comment on va concilier certaines positions, si ce n'est par une autorité bien établie en vertu des lois existantes. Et il faudra faire comprendre aux gens, même s'ils sont assis, eux aussi, sur des lois que, si le bien du patient doit primer, ça doit aller jusque sur l'esprit corporatiste. Je vous remercie beaucoup d'avoir participé.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Gouin.

M, Rochefort: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, je voudrais aborder, au fond, votre grande remarque soulignée en rouge que vous nous avez exposée dans la présentation de votre mémoire, qui est cette question de l'absence d'objectif de santé mentale dans le rapport Harnois. J'ai deux questions à vous poser autour de ce point que vous soulevez avec beaucoup de pertinence. On sait que, dans le domaine de la santé mentale - ce n'est pas propre au monde de la santé mentale, c'est vrai dans beaucoup de milieux, mais ce l'est aussi chez Iras Intervenants qui s'intéressent et qui oeuvrent dans le domaine de la santé mentale - ce n'est pas facile de concilier les positions de tout le monde. Ce n'est pas facile d'arriver à des consensus. C'est complexe, très varié. Il y a beaucoup d'Inter-

venants. Tout le monde a sa vision, ses orientations, ses objectifs, ses façons de faire, ses expériences, bon. On le voit. Je pense qu'une des explications du fait qu'on n'ait pas encore de politique de santé mentale, c'est parce que c'est difficile d'en arriver à un bloc suffisamment solide pour bâtir une politique qui soit celle non pas d'un gouvernement ou d'un autre, mais d'une société toute entière.

D'après vous, peut-on arriver plus facilement à s'entendre comme société sur des objectifs au niveau de la santé mentale? De la même façon, est-ce qu'on peut s'entendre aussi comme société - et là je pense que cela interpelle encore plus les intervenants - sur les indicateurs d'efficacité?

M. McKay: Je crois que c'est une démarche que l'association considère comme essentielle. Sans doute, pourrait-on se mettre d'accord assez facilement sur certains objectifs, cela m'apparaît évident. Peut-être que, sur les instruments de mesure, il y aurait des débats, mais nous avons de plus en plus des spécialistes dans ce domaine et on les retrouve en grande partie dans les départements de santé communautaire. Alors, je vais laisser la parole à M. Lessard là-dessus.

Le Président (M. Audet): M. Lessard.

M. Lessard: Effectivement, la démarche objectifs santé, c'est quelque chose de très simple, il s'agit de savoir ce qu'on vise et de s'organiser pour l'atteindre. Ce qu'on voit en particulier dans le rapport, c'est beaucoup de façons d'atteindre, mais on ne sait pas exactement trop quoi. C'est une critique qui est peut-être un peu facile, parce qu'effectivement identifier les objectifs n'est pas toujours une chose qui est aussi simple que cela. Par contre, il y a, en général, deux grandes voies qu'on peut examiner: ce qu'on veut améliorer, et là on le voit, et aussi ce qu'on veut diminuer comme problèmes, et cela aussi, on peut l'identifier. Là-dessus, je pense que les gens savent sur quoi Ils travaillent, ils savent quels sont les changements qu'ils veulent voir apparaître en termes d'objectifs finals. En termes d'objectifs intermédiaires, c'est-à-dire savoir comment on va s'y prendre, encore là, le rapport n'est pas allé assez loin là-dessus, il n'a pas dit quels étaient les changements à apporter. Il se fait cela actuellement et voici ce qui devrait se faire dorénavant Si on ne va pas jusqu'à identifier ces changements, on va continuer à parler de philosophie et de grands principes qui sont nécessaires. Là-dessus, est-ce que le consensus social va être plus facile? Je pense que, lorsqu'on va entrer dans le plus spécifique, c'est plus facile à discuter.

M. Rochefort: Comment, selon vous, pouvons-nous en arriver à nous entendre sur nos objectifs en santé mentale, vu que ce n'est pas dans le rapport Harnois? Est-ce que finaliser la politique de santé mentale, c'est exclusivement une démarche gouvernementale ou s'il doit y avoir avant un autre groupe qui va consulter à nouveau les intervenants en santé mentale? Quelle est la démarche qui doit être suivie, selon vous, pour en arriver à fixer ces objectifs, d'une part, pour être sûr qu'on ait les bons et, deuxièmement, pour que la démarche en elle-même soit aussi un facteur de consensus?

M. Lessard: Au sujet des objectifs de santé à viser, il y aura toujours plusieurs possibilités, mais une qui permet d'épargner un peu de temps, c'est de demander à un groupe qui s'y connaît de faire une proposition et d'établir une consultation sur ces objectifs. Je pense que c'est la démarche qui doit émaner du ministère dans un premier temps en consultation avec le milieu. Dans un deuxième temps, au sujet des changements à apporter, je pense qu'encore là il faut aller un peu plus loin avec les intervenants pour qu'ils identifient eux-mêmes dans leur milieu à partir de leur pratique - cela peut être fait à partir des corporations, cela peut être fait à partir des milieux de travail, il y a différentes façons de le faire - quelles sont les choses qui devraient exister dans leur façon de travailler et qui n'existent pas ou des choses qu'ils font encore et qu'ils ne devraient plus faire ou qu'ils devraient modifier. Je pense que, là, on parle de changements, d'orientations et de ce qu'on veut apporter comme modifications.

M. Rochefort: D'autre part, je voudrais revenir aux organismes sans but lucratif. Avec le député de Laurier, vous avez eu l'occasion d'aborder le sujet tantôt. J'ai le goût d'essayer d'aller un peu plus loin avec vous sur cette question. Si j'ai bien compris la réponse que M. Nolet a faite au député de Laurier, vous dites: On est pour cela et on en a besoin. Ce qu'on vous illustre, ce sont les problèmes que cela comporte. Vous allez un peu plus loin quand on lit votre document et quand on écoute votre discours. J'ai le goût d'essayer de conclure. Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais je veux être certain que je comprends bien ce que vous nous dites. Vous nous dites: On y tient et on en a besoin, mais cela apporte des problèmes. Une fois qu'on a dit cela, il y a un troisième pas qu'il faut franchir. Est-ce qu'au fond, ce que vous nous dites, c'est: On y tient, on en a besoin et, tenant compte des problèmes que cela implique, qui sont beaucoup des problèmes de structure au fond, l'idéal serait que toute la gamme de ressources complémentaires et de services offerts par des organismes sans but lucartif devrait être directement reliée à l'établissement? Est-ce que c'est cela que vous nous dites?

M. Lessard: Pas tout à fait.

M. Rochefort: Parfait! Je veux être sûr qu'on se comprend bien, parce que je vous le répète: Vous nous décrivez des problèmes que je comprends facilement et auxquels j'ai déjà eu l'occasion d'être confronté. Vous nous dites en même temps: On a besoin de tout cela. Mais je cherche: une fois qu'on a dit cela, on fait quoi?

M. McKay: Une réponse un peu plus satisfaisante à votre question serait de dire: Nous croyons que la carte de ces organismes n'a pas été suffisamment jouée; elle doit donc l'être. Nous vous mettons en garde contre une croyance naïve: des structures bénévoles qui peuvent durer un certain temps, le temps de la vie professionnelle d'une famille d'accueil ou d'un organisme sans but lucratif qui s'est créé, il ne faut pas penser que cela va se substituer de façon complète à des structures qui ont une permanence; c'est un aspect. L'autre aspect, c'est qu'il faut prévoir des mécanismes d'articulation entre les instances qui ont une permanence et ces organismes bénévoles qui en ont moins. Le troisième aspect, c'est peut-être d'assurer, dans le financement dont ces organismes ont besoin, qu'il y ait aussi un minimum d'"accountability, si vous voulez, ou d'imputabilité qui fasse qu'on ne finance pas au petit bonheur, de façon égale, les organismes qui donnent de véritables services et ceux qui n'en donnent pas. Il y a donc une responsabilité de l'État à faire cela. M. Bernier veut ajouter quelque chose.

Le Président {M. Audet): Non, parce que le temps est très limité et, de plus, on est en retard. S'il vous plaît, je vous demanderais d'être très bref.

M. Bernier: En complément, il s'agit d'assurer la continuité d'un certain nombre d'organismes partenaires avec nous. Je pense qu'actuellement, pour beaucoup de ces organismes, l'avenir n'est pas nécessairement assuré. Je pense que les gens lancent des choses et c'est l'aléatoire de la continuité dans nos partenaires qui pose souvent un problème.

M. Rochefort: Je termine là-dessus, M. le Président: Est-ce que je dois comprendre que, essentiellement, tenant compte de vos deux réponses, c'est beaucoup lié au financement?

M. Bernier: En grande partie.

M. Rochefort: En grande partie, d'accord.

M. Bernier: À la reconnaissance de leur statut et à l'impulabilité qu'ils doivent avoir, eux aussi.

M. Rochefort: M. le Président, si j'avais une petite seconde, qu'est-ce que cela peut être l'imputabilité dans une famille d'accueif? Je cherche ce que cela peut être, Je comprends ce que vous voulez dire, mais ce sera quoi?

M. Bernier: Je pense aux familles d'accueil, il y a aussi des foyers de groupe.

M. McKay: Les familles d'accueil, c'est via l'agrément qui est fait par les services sociaux, mais dans des organismes à but non lucratif, il peut y avoir un compte-rendu des activités de l'année, par exemple, des choses qui permettent d'évaluer les activités a posteriori, au moins.

M. Rochefort: D'accord, merci.

Le Président (M. Audet): M. te chef de l'Opposition, pour le mot de la fin.

M. Chevrette: Merci. Je l'ai dit tantôt; donc, je le répète.

Le Président (M. Audet): M le leader parlementaire.

M. Sirros: Merci beaucoup de votre mémoire.

Le Président (M. Audet): Merci, messieurs-dames et bonne journée. Étant donné que nous sommes en retard, nous allons suspendre pour environ 30 secondes pour laisser au Regroupement des ressources alternatives en santé mentale le temps de s'approcher de ta table, s'il vous plaît. Trente secondes.

(Suspension de la séance à 12 h 27) (Reprise à 12 h 29)

Le Président (M. Audet): La commission reprend ses travaux.

Nous recevons maintenant le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, région 02. On vous souhaite la bienvenue. Je vous rappelle le temps qui vous est alloué pour la présentation de votre mémoire, soit 20 minutes. Étant donné qu'il y a d'autres groupes qui doivent se faire entendre, nous tenons à respecter ce temps-là. C'est peut-être déplaisant des fois. Étant donné que nous devons dépasser l'entente prévue, soit 13 heures, pour avoir le temps de vous entendre, je demande le consentement des deux partis pour pouvoir procéder après 13 heures. Consentement? Alors, mesdames, si vous voulez vous présenter, la parole est à vous.

Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, région 02

Mme Corriveau (Jennifer Ann): M. le Président, mesdames et messieurs les députés, il nous fait plaisir aujourd'hui de nous adresser à

la commission parlementaire des affaires sociales en ce qui concerne le projet de politique en santé mentale pour le Québec.

Sans plus tarder, laissez-moi vous présenter les représentants du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, de ta région 02. Mme Diane Rasmussen, à ma droite, Intervenante au Centre de rencontre Le Phare de La Baie, diplômée en sociologie de l'Université Laval; elle possède une expertise de trois ans en santé mentale communautaire. Mme Sylvie Tremblay, à ma droite, fondatrice et directrice générale du centre de rencontre L'Escale à Jonquière depuis trois ans et diplômée en animation culturelle de l'Université du Québec à Montréal. À mon extrême gauche, M. Rémi Bouchard, qui détient un diplôme d'études collégiales en sciences pures du cégep de Jonquière. ll représente les usagers des ressources alternatives de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Moi-même, Jennifer Ann Corriveau, directrice générale et fondatrice du Centre de rencontre Le Phare de La Baie; je possède un baccalauréat en nursing de l'Université de Manchester en Angleterre et un certificat en animation de l'Université du Québec à Chicoutimi. J'ai une expertise de treize ans en santé mentale, institutionnelle et communautaire, et ce, en Angleterre et au Québec.

En général, nous sommes favorables au projet de politique en santé mentale et espérons beaucoup de celui-ci. Notre exposé portera sur les points suivants: les critères de sélection et d'évaluation, le financement, la légitimité de l'action, la répartition du budget, le plan d'élaboration des services, le plan de services individualisé, les services offerts par les ressources alternatives et le témoignage d'un de nos usagers.

Nous sommes des ressources issues de ta communauté favorisant le mieux-être et l'autonomie des personnes psychiatrisées et ex-psychiatrisées de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Nous sommes des milieux ouverts aux personnes qui ont vécu des détresses émotionnelles et, chez nous, elles peuvent échanger sur des expériences similaires, s'aider mutuellement et participer à des activités selon leur goût.

Par diverses activités sociales, culturelles, éducatives et artisanales, une forme de thérapie s'exerce par un suivi quotidien des intervenants et par l'entraide des participants. Nous voulons aider la personne à cheminer vers son autonomie et lui donner des outils concrets afin qu'elle puisse surmonter tes difficultés qu'elle éprouve. C'est la personne qui décide des actions qu'elle a à réaliser afin de s'en sortir.

Critères de sélection et d'évaluation. À prime abord, le titre, Pour un partenariat élargi, laisse présager une orientation positive. Enfin, une politique axée sur la personne qui rejoint notre philosophie d'intervention appliquée depuis les tout débuts dans nos ressources alternatives en santé mentale. Malgré l'avis gouvernemental publié par le comité de santé mentale Intitulé "Rôle et place des ressources alternatives", le comité Harnois a préféré utiliser les mots "communautaires" ou "communauté" qui, selon nous, englobent toutes les autres ressources qui ne travaillent pas exclusivement dans le champ de ta santé mentale. Il serait important que pour le ministère les ressources alternatives soient clairement définies par rapport à leur pouvoir et à leur champ d'intervention dans un cadre de référence précis.

Au Québec, plusieurs ressources alternatives oeuvrent pour la réinsertion sociale des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale dont 42 sont affiliées au Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec dont le siège social est à Montréal.

Dans la mesure où le projet de politique insiste sur l'autonomie et la créativité des ressources alternatives, il apparaît nécessaire que l'État développe, conjointement avec les ressources existantes, un mode de sélection et d'évaluation spécifique à celles-ci. Les critères régissant les rapports annuels relatifs au financement doivent tenir compte des différences entre les institutions et les ressources alternatives. Ces dernières ne peuvent en effet s'en tenir strictement à l'aspect quantitatif et doivent intégrer surtout l'aspect qualitatif. Les critères relatifs à la sélection et à l'évaluation devraient tenir compte des caractéristiques suivantes: des efforts déployés par te milieu pour se doter d'une ressource alternative en santé mentale; des buts de maintien et de réinsertion de la personne dans sa communauté; des activités planifiées permettant à la personne de participer activement à la satisfaction de ses besoins en s'intégrant à son milieu: de sa volonté d'apporter des modifications en tenant compte de l'évolution des besoins de sa clientèle; du travail soutenu et Individualisé consacré à chaque usager; de la participation de l'organisme à la promotion et à la défense des droits et libertés; d'une grille d'activités créatrices et originales directement liées au cheminement spécifique de la clientèle; de la concertation mise de l'avant par la direction de la ressource auprès des établissements et du milieu; de ta spécificité de l'approche globale de la personne par une équipe multidisciplinaire; de l'inventaire des services offerts par l'organisme par rapport aux infrastructures en santé mentale en place dans le milieu d'Intervention.

Mme Rasmussen (Diane): Pour le financement, nous sommes d'accord pour que l'État veuille doubler les 4 000 000 $ déjà disponibles pour les ressources communautaires intervenant dans le champ de la santé mentale. Cependant, nous craignons que ce montant ne soit insuffisant pour l'implication de nouvelles ressources ainsi que pour le développement de celles déjà existantes. De plus, nous craignons que ces montants ne soient- largement utilisés pour des organismes rattachés au réseau et non pour des ressources alternatives. Par exempte, au Sague-

nay, en 1985, un montant de 150 000 $ était disponible pour des ressources alternatives. L'Institut psychiatrique Roland-Saucier a récupéré ce montant pour construire un pavillon pour personnes en perte d'autonomie. Pour nous, une maison d'hébergement telle que celle-ci est une ressource intermédiaire et non une ressource alternative. De plus, nous craignons que des organismes du réseau institutionnel ne se forment un conseil d'administration indépendant et accapare les budgets disponibles pour les organismes issus de ta communauté.

Compte tenu de la spécificité et de la qualité des services mis sur pied par les ressources alternatives, nous affirmons qu'elles demeurent pour le ministère de la Santé et des Services sociaux le choix le plus économique au niveau de la réadaptation et de la réinsertion sociale de la personne. Notre travail démontre la justesse et l'efficacité de notre intervention. À ce sujet, le taux de réhospitalisation par rapport au nombre total de nos usagers est Inférieur à 10 %. Nous estimons que nos possibilités sont freinées par un financement Inadéquat Le comité Harnois a tendance à sous-estimer le coût des services offerts par les ressources alternatives actuellement en place.

L'incertitude et le travail reliés aux projets gouvernementaux ont fait défiler plusieurs intervenants sur des projets de courte durée. Par exemple, une de nos ressources a eu 48 travailleurs différents au cours des trois dernières années. L'énergie énorme consacrée à trouver du financement dans le milieu ajoutée à nos tiroirs déjà vides créent un climat d'insécurité pour les travailleurs et surtout pour tes usagers du service qui, souvent, perdent leurs Intervenants avec qui ils avaient un suivi quotidien.

Alors que l'État a tendance à considérer les intervenants des ressources alternatives comme des travailleurs de troisième classe en les sous-payant, nous vous informons qu'actuellement, à l'intérieur de nos centres, le personnel est composé d'une équipe multidisciplinaire qui a des qualifications équivalentes à celles des travailleurs du réseau socio-sanitaire et qu'ils sont aptes à offrir des services quotidiens, personnalisés et de qualité. De plus, chaque nouveau travailleur qui entre dans nos ressources reçoit une formation spécifique à notre philosophie d'intervention et à la clientèle que nous desservons.

Tout comme les institutions psychiatriques, notre clientèle se compose de personnes ayant des problèmes d'ordre émotif, jusqu'à des personnes souffrant de pathologies graves. Parce que nous offrons une grande disponibilité dans nos heures d'ouverture et un service immédiat sans rendez-vous, nous agissons comme ressource de première ligne, mais il est déplorable que nos ressources financières limitées nous empêchent d'offrir un service d'hébergement en situation de crise ouvert 24 heures sur 24.

Malgré toute notre bonne volonté et malgré la qualité des services que nous offrons, le centre de rencontre Le Phare est condamné à fermer ses portes dans quinze jours et le centre de rencontre L'Escale n'ira pas plus loin que la fin de l'année financière et ce, avec des budgets très restreints. Pourtant, le ministère doit participer financièrement à part égale à la cure médicale, à la réadaptation et à la réinsertion sociale par le biais des ressources alternatives. Les coûts nécessités par l'Implication de ressources alternatives opérationnelles seront plus importants les premières années pour se stabiliser par la suite et devenir un placement sûr et rentable pour le ministère.

Mme Tremblay (Sylvie): Légitimité de l'action. La recommandation 15 veut reconnaître la légitimité de l'action des ressources communautaires. Nous espérons qu'une légitimation de nos actions ne sera pas synonyme d'encadrement ou de prise en charge par l'État de nos ressources. Une légitimation peut entraîner des restrictions ou limites à nos Interventions, chose que nous voyons difficilement en raison de la multiplicité des services qui sont différents d'une ressource à l'autre. Nous croyons qu'une légitimation de nos ressources doit se faire, tout en respectant l'Idéologie et la philosophie de base de nos ressources.

Répartition des budgets. La recommandation 26 se rapporte à la répartition des budgets en tenant compte de l'importance de ta population. Dans une région comme la nôtre, la densité de la population n'est pas la même que dans les grands centres. Lors de la répartition des sommes allouées aux régions éloignées, l'État ne tient pas toujours compte de certains facteurs relatifs à ta distance entre les localités et leurs différentes mentalités, l'accès difficile au transport en commun et les ressources financières limitées de ta clientèle psychiatrique. C'est pourquoi nous suggérons au ministère, dans la répartition des budgets, de tenir compte de l'étendue du territoire et non de la densité de la population en allouant des budgets selon les secteurs actuellement desservis par les CLSC.

Le plan d'élaboration des services, Nous accueillons positivement l'idée que les CRSSS aient te mandat d'élaborer le plan d'organisation des services avec les différents acteurs de notre région, mais nous aimerions exiger une participation active des ressources alternatives en santé mentale au sein de cette équipe. Dans le cadre d'un partenariat élargi, tes commissions administratives devraient Inclure les ressources alternatives lors de la planification et de l'organisation des services en santé mentale par le système de représentativité suivant: un tiers composé de ressources alternatives et communautaires représentant le champ et te domaine de ta santé mentale, un tiers composé d'établissements du réseau socio-sanitaire, un tiers composé des représentants des instances décisionnelles ayant un impact sur la santé mentale

du milieu.

Quant au plan de services individualisé, nous avons des appréhensions en raison du nombre d'Intervenants qui gravitent autour d'une personne vivant des problèmes d'ordre émotif. Nous considérons que la personne devrait être maîtresse de son plan de services et que le choix d'une personne pivot lui revient. Pour ce faire, une étroite concertation devrait s'établir entre les différents acteurs dans un respect mutuel de la confidentialité. Mais cette volonté de collaboration sera-t-elle partagée par tous les intervenants? L'opinion de l'usager sera-t-elle vraiment respectée?

M. Bouchard (Rémi): Les services offerts. Depuis près de trois ans, je fréquente une ressource alternative en santé mentale du Saguenay. Je suis en mesure de vous affirmer que celle-ci répond à plusieurs besoins des usagers non satisfaits par les institutions. Voici certains services offerts: il y a le service d'intervention individuelle; chaque usager peut bénéficier, selon sa volonté, d'un suivi individuel avec un intervenant qui lui permettra de développer son autonomie. La relation d'aide est souvent te moyen d'exploration utilisé afin d'aider la personne à se découvrir. En cas de crise, les intervenants peuvent se déplacer afin d'aider à atténuer l'état de la personne. Si l'hospitalisation s'avère nécessaire, ils accompagnent la personne à l'urgence. On peut régulièrement participer à des activités de groupe, comme des discussions, des jeux de connaissances et autres. Celles-ci nous permettent de confronter nos Idées, de partager celles-ci, d'apprendre à mieux nous connaître et à parler en groupe. Si on ne peut se rendre à la ressource, il y a toujours une oreille attentive disponible au téléphone. Le centre informe et conseille la famille ou les proches qui vivent la crise et qui désirent s'Impliquer dans notre réinsertion sociale. Des conférences et des kiosques d'information sont tenus à l'extérieur afin d'Informer la population sur la maladie mentale.

Si quelqu'un ne peut se déplacer, les intervenants peuvent se rendre au domicile de la personne. Même en cas d'hospitalisation, le centre ne perd pas le lien avec nous, car on vient nous visiter afin de nous réconforter et nous aider à penser à un retour dans la société. Que ce soit au cours d'un déménagement, d'un retour aux études ou pour toute autre démarche, il y a toujours quelqu'un de disponible pour nous aider. (12 h 45)

Maintenant, parlons des diverses activités qui répondent aux besoins de chacun. Il y a les activités de loisirs: physiques, ludiques, culturelles, sociales, éducatives, artisanales, etc. Celles-ci visent à la participation ainsi qu'au développement de la personne. Elles nous permettent' de nous intégrer dans un groupe et, entre autres, de nous faire des amis. Pour toute question, les animateurs sont prêts à aller chercher l'information pour nous orienter.

Maintenant, je vais vous donner un petit témoignage. Il est important pour mol de renforcer le bien-fondé des ressources alternatives en santé mentale, car j'ai traversé des difficultés et le centre m'a beaucoup aidé dans ma réinsertion sociale. Pour ma part, ma première hospitalisation fut en 1981 pour une période de trois mois. J'ai cessé mes études en sciences pures sans trop savoir si je les terminerais. À ce moment, j'étais plus ou moins fonctionnel chez mes parents. Je passais mon temps au strict nécessaire, c'est-à-dire télévision, repas, dodo et drogue. Je n'avais peu ou pratiquement pas de contacts avec ma famille, celle-ci ne sachant pas comment m'abor-der. Ayant perdu mes amis, je ne savais plus que faire.

À la suite d'une rechute en 1984, j'ai été hospitalisé une seconde fois contre mon gré. À t'aide d'une ordonnance de cour, des policiers sont venus me chercher. Au bout d'un mois, je sortis pour aller habiter un foyer de groupe pour une période d'un an. C'est pendant cette année que j'ai commencé à fréquenter une ressource alternative en santé mentale. Celle-ci m'a beaucoup aidé dans ma réinsertion sociale et ce, de plusieurs manières. J'ai rencontré des gens qui ont connu des problèmes similaires au mien. J'ai eu droit à un suivi. J'ai participé à des activités données par le centre. Graduellement, j'ai pris quelques responsabilités: bénévolat, membre du conseil d'administration, etc. J'ai repris contact avec ma famille, avec le soutien de la ressource. Il y avait toujours des gens à qui je pouvais me confier, et aujourd'hui encore.

Durant tout ce temps, j'ai eu l'occasion de travailler et de prendre quelques cours afin de terminer mon DEC. Je suis actuellement inscrit au cégep et j'entreprends le début d'une nouvelle technique en travail social. Je veux orienter ma vie à aider autrui. Pour ce faire, j'ai besoin d'un certain bagage qui, j'en suis persuadé, m'aidera aussi personnellement. C'est pourquoi j'incite le ministère à maintenir et à encourager le développement des ressources alternatives en santé mentale telles que celle-ci dans la communauté. Merci.

Le Président (M. Audet): Merci. Est-ce que vous avez d'autres commentaires? Il vous reste trois minutes?

Mme Corriveau: On a une chose à déposer, notre exposé et les statistiques de nos centres.

Le Président (M. Audet): D'accord, pas de problème. Je cède maintenant la parole à l'adjoint parlementaire, M. le député de Laurier.

M. Sirros: Merci, M. le Président, et merci au Regroupement des ressources alternatives en santé mentale de ta région 02. Laissez-moi d'abord vous dire que le message que vous avez,

en partie tout au moins, lancé concernant les difficultés financières que les deux groupes vivent actuellement a été reçu. On verra ce qui pourra être fait Je ne mets pas en doute la qualité du travail, te dévouement face à la problématique.

Le temps qu'on a est limité et je ne voudrais pas prendre le temps pour parler de problèmes spécifiques comme tels. J'aimerais prendre ce que J'ai pour ouvrir un débat, une discussion sur quelque chose qui me tracasse depuis longtemps et qui revient constamment. Vous l'avez abordé, vous autres aussi, quand vous avez décrié la situation par rapport au financement qui est donné au groupe communautaire. Je ne le place pas dans le contexte de ce gouvernement par rapport à un autre, mais en général. Vous aimeriez avoir un financement - et c'est normal de le voir ainsi de votre part - beaucoup plus substantiel, contenu dans une politique, de sorte que les groupes n'aient pas à justifier leur existence tous les six mots, tous les ans, etc.

Tout de suite après - et ce n'est pas juste vous, c'est un débat qui a lieu dans l'ensemble des ressources communautaires et pas seulement en santé mentale - vous dites: Nous espérons que le financement ne viendra pas nous encadrer ou que les groupes ne seront pas pris en charge ou "co-opted", en quelque sorte, par le réseau, par l'État ou par le gouvernement. Le chapitre sur lequel j'aimerais vous entendre, c'est celui sur le financement et la redevabilité. Pourquoi un État, un gouvernement financerait-il de façon... Pas pourquoi, mais comment le gouvernement pourrait-il justifier de financer de façon substantielle des groupes communautaires sur lesquels il n'aurait pas - pas mainmise, je n'aime pas le mot - mais devant qui les groupes ne seraient pas redevables.

Mme Tremblay: Cette question à propos de ta légitimité, c'est que chacune des ressources alternatives est différente. On ne veut pas être mis dans un bloc. On vient de la communauté, c'est ce qui fait un peu la différence entre nos ressources. On a d'autres services à offrir. On aimerait avoir une liberté d'action. Cependant, on est capable de fournir des rapports annuels, des statistiques quand même. On est capable de fournir l'aspect qualitatif de nos services. C'est pour cela qu'on parle de l'aspect de l'évaluation qualitative.

M. Sirros: Vous soumettez aussi un genre d'évaluation qualitative, comme les Institutions sont redevables devant le gouvernement par rapport non seulement à la gestion des fonds publics comme tels, mais aussi en termes de qualité de services. Il commence à y avoir, à ce moment, des normes qui se développent par rapport à tel ou tel genre de groupe. Cela pourrait se faire en collaboration avec les groupes, mais je voulais faire ressortir un peu toute cette dynamique qui existe entre recevoir des sommes d'argent de l'État... Je me rappelle même une époque où les groupes disaient: On ne veut rien savoir.

Mme Tremblay: Non. On ne dit pas qu'on ne veut rien savoir.

M. Sirros: Non, il y a eu une époque, ]e me rappelle, dans les années soixante, où il y avait pas mal de groupes qui disaient, finalement: On ne veut rien savoir parce qu'on craint trop que l'État n'ait la mainmise sur les groupes communautaires et donc contrôle, établisse des critères et des normes de fonctionnement, et qu'on perde tout le sens de ce qu'est un groupe autonome communautaire, sauf que les groupes maintenant ne prennent pas cette attitude comme telle. On réclame du financement, mais on ne parle pas beaucoup de ce qui pourrait venir avec une politique de financement plus substantielle des groupes communautaires. Je voulais juste ouvrir ce débat. Si vous avez des commentaires ou des réactions...

Mme Corriveau: Je pense qu'on a déjà donné des critères. On a demandé un cadre de référence, on a même donné comme exemple les critères qu'on voulait. Pour moi, cela dit que ce n'est pas parce qu'on ne veut rien savoir de l'État, au contraire. L'argent que te ministère nous donne, c'est l'argent du public et on a des comptes à rendre au public face à cela. Même si on a seulement 20 000 $ par année pour chacun des centres, on fait un rapport annuel très élaboré qui inclut la comptabilité de nos ressources, les statistiques. On a même mis les critères de sélection et d'évaluation qu'on souhaitait pour avoir cet argent.

M. Sirros: II y a donc possibilité d'élaborer ensemble des critères.

Mme Corriveau: Oui, on vient juste de lire nos critères.

M. Sirros: Ah! d'accord.

Mme Tremblay: Ce qu'on veut, c'est garder un peu notre liberté d'action. L'Important, c'est qu'on puisse améliorer la qualité de vie des personnes et garder une certaine liberté d'action, mais on peut vous faire des rapports, on peut... C'est difficile à expliquer, cela a peut-être l'air...

M. Sirros: D'accord. Je cède la parole à d'autres collègues.

Le Président (M, Audet): Cela va, M. le député?

M. Sirros: Oui, merci.

Le Président (M. Audet): M. le député de

Laviolette, vous avez la parole.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue Ici et merci de votre témoignage. Je suis à la fois surpris et pas surpris de la question du député de Laurier. Pour moi, c'est un peu la philosophie qu'on ressent, pas seulement pour les groupes alternatifs comme le vôtre, mais pour d'autres groupes, que ce soient les groupes de femmes ou les groupes de maisons de jeunes où on sent cette question: Ou bien on devient une Institution et on répond à des critères bien précis de l'ensemble du système, ou bien on est des ressources communautaires et alternatives, et, dans ce contexte, on va puiser à l'intérieur de l'ensemble de notre région des sommes et des moyens d'action, et on doit nous laisser une marge de manoeuvre nous permettant d'être regardés par l'ensemble de la population, et le ministère par ses organismes, que ce soit le CSS, le CLSC ou le CRSSS, comme étant performants, en résultat des actions qu'on aura menées. Ou on a cette liberté ou on ne l'a pas. J'ai cru comprendre qu'un groupe alternatif, un organisme communautaire, devait toujours posséder ce pouvoir puisqu'il provient de la communauté.

Dans ce contexte, j'ai remarqué que vous étiez un peu déçus de la définition, dans le rapport, d'intégrer à l'intérieur des groupes communautaires, des ressources communautaires, des ressources alternatives. Je peux vous référer à votre document qui nous a été remis et je crois saisir que vous avez de ta difficulté - c'est peut-être moi qui ai mal saisi - à définir la différence entre les deux. Vous parlez de recommandations qui sont de doubler les sommes allouées aux ressources communautaires et j'ai cru comprendre que vous vous intégriez à ces ressources communautaires. Je me réfère à votre document, à la recommandation numéro 2. Je vais à d'autres recommandations où on parle de ressources communautaires, la recommandation 4. On retrouve d'autres recommandations, comme la recommandation 6 où vous parlez d'intervenants de ressources alternatives. Pour les besoins des membres de la commission, pourriez-vous donner votre Interprétation de ce que sont les ressources communautaires et les ressources alternatives?

Mme Tremblay: Les ressources communautaires englobent les ressources qui agissent dans le champ de la santé mentale. Nous, on agit dans le champ, dans le domaine. Les centres pour femmes violentées, les centres de désintoxication, ce ne sont pas des ressources alternatives en santé mentale. Nous, notre clientèle, c'est seulement la clientèle des ex-psychiatrisés qui ont des problèmes de santé mentale. Pour nous, les ressources alternatives du champ de la santé mentale, c'est cela, ce ne sont pas les groupes de désintoxication, ce ne sont pas les centres pour femmes violentées.

Mme Corriveau: Si on a bien compris la politique, le domaine de la santé mentale, ce sont les groupes, comme Sylvie vient juste de l'expliquer, c'est un groupe comme la désintoxication. Mais, dans ce cas, il y a quand même la santé mentale qui est Impliquée parce que la désintoxication, c'est la fin, mais il y a quand même des problèmes qui ont amené cette personne à prendre des drogues. C'est un problème de santé mentale. Notre clientèle est composée de personnes qui ont vécu un certain temps à l'hôpital psychiatrique ou qui ont reçu un diagnostic psychiatrique. Ce sont strictement des personnes psychiatriques qui viennent à notre centre. Pour nous, c'est le champ de la santé mentale.

M. Jolivet: Donc, si je comprends bien, parce que j'ai, dans ma région, pas nécessairement dans mon comté, mais dans ma région des groupes qui essaient actuellement de faire valoir leur point de vue comme personnes ex-psychia-trisées et qui participent à l'élaboration des ressources alternatives dont vous faites mention avec des conseils d'administration qui sont formés de ces personnes, mais il y a aussi d'autres personnes de la communauté, que ce soient des gens des municipalités, des hôpitaux, des centres de services sociaux ou d'ailleurs dans la région et qui forment un conseil d'administration, qui est une formule alternative à l'institutionnalisation qu'on connaît actuellement. C'est dans ce sens que je dois donc comprendre une de vos recommandations, qui peut s'appliquer à vous autres, mais qui peut ne pas s'appliquer à toutes les Institutions au Québec. Je fais référence à votre plan de services individualisé. Vous dites: Le regroupement propose que l'individu lui-même choisisse la personne pivot pour agir à titre d'agent de liaison entre les différents intervenants des services afin d'établir un plan de services communs et, par le fait même, son propre plan à lui, comme individu, s'il doit le faire. Donc, dans ce contexte, est-ce que je dois interpréter que la recommandation que vous faites est dans le contexte de ressources alternatives, mais pas nécessairement de ressources institutionnalisées?

Mme Tremblay: On considère que, partout, cela devrait être la personne qui connaît ses objectifs. De quel droit un travailleur social ou un psychiatre dirait-il: Tu vas faire cela, tu vas faire cela? C'est lui qui connaît ses besoins. C'est lui qui va choisir la personne avec qui il se sent le plus en confiance pour se confier, qui, elle, va pouvoir parler avec les travailleurs sociaux, avec les organismes du milieu, avec les psychiatres, les éducateurs, parce qu'une personne qui a des problèmes de santé mentale - il ne faut pas se le cacher - elle rencontre un travailleur social, un psychiatre. Il y en a qui vont dans des centres de jour, dans des ressources alternatives. La personne est toute mêlée.

Elle joue différents rôles, selon les endroits où elle va, avec tous les intervenants. (13 heures)

Donc, on est d'accord avec le PSI, mais on se dit: Est-ce que tout le monde va se concerter là-dessus? Est-ce tous les intervenants du réseau vont nous consulter, nous, ta communauté, parce qu'on Joue un rôle? On dit que c'est la personne qui doit choisir son plan.

M. Jollvet: Vous déterminez par le fait même que toute personne est capable de prendre des décisions par elle-même. Est-ce cela que vous êtes en train de me dire ou si, dans certains cas, il n'y a pas Justement quelqu'un qui doit Intervenir et conseiller la personne ou l'amener à prendre des décisions, mais pas nécessairement dans certains cas être capable de prendre toutes les décisions?

Mme Tremblay: C'est cela. Il faut qu'au moins elle soit concertée; dans le PSI, que fa personne soit maîtresse de son plan de services.

M. Jolivet: Dans les régions, quels sont les organismes que vous voyez comme le plus près des personnes pouvant faire ce point d'entrée, soit en ressources alternatives, soft en ressources communautaires, dans tes Institutions ou ailleurs? Quel est l'organisme que vous verriez comme le plus approprié pour faire cette répartition?

Mme Corriveau: Si on parle de notre ressource, de notre clientèle, la première place qui va venir en situation de crise ou de détresse. c'est notre ressource. Comme cela, nous sommes une ressource de première ligne. Je vais vous donner l'exemple de l'un de nos bénéficiaires... Peut-être que tu peux expliquer ce qui est arrivé.

M. Jolivet: Est-ce que Je pourrais vous demander ceci, pour vous aider dans votre réponse: Est-ce que les gens vous sont référés?

Mme Corriveau: Oui.

M. Jolivet: Est-ce vous qui allez les chercher? Est-ce le CLSC, le CSS? Est-ce un organisme qui vous aide et qui aide les gens à trouver cette ressource alternative? Et, une fois que vous avez cette personne entre les mains, qu'est-ce qui se passe? Est-ce qu'elle est référée ailleurs ou si elle est intégrée dans les services que vous donnez? Quelles sont les sortes de services que vous pouvez donner?

Mme Corriveau: Justement, il y a de la clientèle qui est référée par plusieurs ressources dans le réseau socio-sanitaire et dans la communauté aussi. Sur notre façon de travailler, je vais laisser parler Diane.

M, Jolivet: D'accord.

Mme Corriveau: Justement, il s'agit d'un cas spécifique dont elle va parler, mais cela arrive avec plusieurs Intervenants dans le réseau et dans le milieu.

Mme Rasmussen: Toi, tu parlais d'un cas d'une de nos bénéficiaires. C'est une personne qui a une pathologie grave et qui demeure chez ses parents. Elle a maintenant 28 ans. Elle, son plus grand désir a toujours été de travailler et de mener une vie normale. Cela fait deux ans qu'elle fréquente le centre. C'est depuis deux ans qu'elle a le désir de travailler et qu'elle nous revient toujours avec ces propos. Elle est suivie par un ergothérapeute de l'Institut Roland-Saucier. Dernièrement, elle a commencé un stage à CENTRART. Pour elle, CENTRART, comme elle me le disait... Là aussi, on dessert une clientèle déficiente, même s'il y a un plateau de travail pour des personnes psychiatrisées. Elle se sentait diminuée. Elle sentait que d'être avec les personnes ta rabaissait, malgré son désir de s'intégrer et d'être comme tout le monde, de mener une vie normale. Nous, en tant que ressource alternative, on considérait qu'on devait partir de ses désirs, d'essayer dans ce sens, tranquillement pas vite, tout en respectant ses limites et ses capacités, d'aller avec elle à un stage dans un milieu où elle pourrait réaliser ses désirs et ses goûts.

Pour en revenir à ce que vous disiez tantôt, lorsque vous nous demandiez par qui nous étaient référés nos usagers, nous avons ici des statistiques - vous les avez sûrement reçues - pour te Centre amical, qui est une maison d'hébergement et qui reçoit autant d'hommes que de femmes. Si on prend l'année 1987, il y a 20 personnes qui nous ont été référées par le Centre amical; par l'Institut Roland-Saucier, il y a 26 personnes qui nous ont été référées; par l'Hôpital général, il y a 25 personnes; par le CLSC, il y a 16 personnes; par le CSS, il y a 6 personnes; par la Maison du repos, il y en a 4, qui est un centre de jour pour personnes alcooliques et toxicomanes; par les familles d'accueil, il y a 22 personnes; par les amis et les parents, on a 68 personnes. Alors, il y a beaucoup plus de bouche à oreille qui se fait actuellement pour ce qui est de la sensibilisation par rapport à un centre comme le nôtre.

Mme Corriveau: C'est Important de dire que cela fait juste trois ans que nos ressources sont au Saguenay-Lac-Saint-Jean et que cela a pris trois ans avant de pouvoir établir un contact avec les intervenants du réseau et du milieu. Le cas dont Diane a parlé, c'est un cas, mais il y en a plusieurs dans ce sens-là où on a la complémentarité avec les intervenants de l'Institut Roland-Saucier. C'est important de travailler avec ces personnes, parce que te client de qui elle vient Juste de parler avait le désir de continuer avec son Intervenant de l'Institut Roland-Saucier et avec nous. Comme cela, on a travaillé ensemble pour lui trouver une place où

travailler qui était son désir, comme l'a dit Diane. C'est là qu'on dit que c'est important d'être à l'écoute des besoins de la personne pour mieux l'aider. Avant, tout le monde était autour d'elle et tout le monde avait décidé, les intervenants, que c'était là qu'elle allait travailler. Elle a fait une rechute face à cela, parce que ce n'était pas son désir.

Maintenant, on va travailler dans ce sens-là. Cela, c'est un cas seulement. Mais, dans plusieurs cas, on a déjà travaillé dans ce sens-là et on a bien réussi avec la collaboration du réseau.

M. Jolivet: Je vous pose la question, parce qu'il y a deux plans qui me préoccupent dans la mesure où j'ai participé à un travail avec un groupe de notre milieu dans la région 04, La Mauricie. La philosophie est peut-être différente de la vôtre. Les gens des ressources alternatives voudraient bien fonctionner, mais les ressources du réseau mettent des blocages, parce qu'il y a une responsabilité qui peut être légale, d'une certaine façon, envers l'individu, et cette responsabilité légale, personne ne veut la distribuer à une autre personne tout en la gardant et, finalement, en ne lui donnant aucune de ces possibilités. Je fais référence à un conseil de santé et de services sociaux, à un CSS... Pas te conseil régional, parce que le conseil régional est d'accord et le CSS ne l'est pas. Finalement, l'hôpital d'où proviennent certaines de ces personnes qui sortent dans le milieu parce qu'on leur dit: Va-t-en chez vous, maintenant tu es correct, alors qu'elles ne se sentent pas prêtes à participer à la vie dite normale... Donc, ces personnes ont besoin de maisons de transition ou de lieux où on doit les aider à continuer leur cheminement et à s'intégrer à une vie dite normale. Dans ce contexte, les gens se sentent un peu mat à l'aise, parce que, s'il arrivait un événement quelconque, qui serait responsable légalement? Alors, les gens n'osent pas trop s'avancer et les psychiatres de l'institut au niveau de l'hôpital, il y en a qui prennent des risques; d'autres ne veulent pas en prendre. Alors, on se retrouve avec certaines difficultés quant à l'arrivée dans des ressources alternatives de ces personnes.

Mme Corriveau: Je peux répondre. Je siège à la table provinciale du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale. Comme cela, j'ai une vue globale de la province de Québec des ressources alternatives. C'est très important de ne pas oublier que de région en région c'est différent. Je viens d'Angleterre où on a une gamme de ressources dans la communauté et cela marche très bien avec le réseau.

Quand je suis arrivée au Canada, après ma recherche, j'ai vu que, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, cela prenait des ressources alternatives de ce genre-là. Je pense qu'on est tous d'accord que cela marche. Mais, dans les années passées, les ressources alternatives, dans les années soixante-cinq, soixante-dix, étaient militantes. Elles étaient même contre la psychiatrie, parce que les Instituts psychiatriques ne donnaient pas les résultats qu'on voulait On a commencé sur ces bases-là.

Nous, on n'a pas commencé sur ces bases-là, mais je respecte beaucoup l'évolution des ressources alternatives dans chacune des régions. C'est important de respecter le fait qu'il y a des bases différentes, et cela dépend de cela. Mais la philosophie du regroupement provincial, c'est de... Quand même, on a des choses en commun, chaque ressource alternative. On a à peu près dix services qu'on donne partout dans la province de Québec. Il y a des ressources qui donnent cinq de ces dix services, deux de ces services ou dix de ces services, et même plus. On a quand même des choses en commun. Mais la base, le militantisme antipsychiatrique, moi, je suis capable de comprendre cela.

M. Jolivet: Finalement, on avait raison dès le départ de dire que les ressources alternatives, il faut leur laisser une certaine souplesse et non pas leur imposer des critères tels que, finalement, elles deviennent un réseau par le fait même.

Je reviens à ma deuxième partie. Par exemple, une personne a besoin de vos services. Qu'est-ce qui arrive? Qui prend cette personne en charge? Qui en a la responsabilité parmi le groupe? Est-ce que c'est tout le monde qui a des responsabilités, de telle sorte que, finalement, personne ne s'y retrouve? Comment est-ce que cela fonctionne quand cette personne arrive chez vous et qu'elle est prise en charge?

Mme Corriveau: Premièrement, c'est le bénéficiaire qui décide qui il veut comme intervenant. Il y a un accueil au début; il y a un questionnaire pour savoir quels sont ses besoins, ses goûts, ses désirs. Après cela, il y a une conversation. On présente le bénéficiaire aux intervenants. Il y a une période de temps où il observe tout le monde et cela prend du temps avant qu'il ait confiance en quelqu'un; mais, aussitôt qu'il a confiance dans un intervenant, il va aller voir cette personne. C'est lui qui décide qui est son intervenant.

Mme Tremblay: Chaque personne est suivie individuellement, mais c'est elle qui choisit sa personne-ressource dans le centre.

M. Jolivet: D'une certaine façon, j'ai eu l'occasion, hier soir, à Grand-Mère, d'assister au souper annuel des autorités de l'Éveil féminin. Je fais un aparté pour vous dire que j'ai entendu cette même réflexion hier dans une maison pour femmes violentées. Là se trouvent différentes personnes. Celle qui a le plus d'affinités avec la personne qui arrive doit ensuite faire la relation avec tous les autres intervenants, de telle sorte

qu'au bout de la course elle se sent à l'aise avec tout le monde, même si, au départ, elle peut avoir des particularités qui font qu'elle ne sent pas la personne instinctivement

Dans ce contexte, chez vous, quelles sont les sortes de professions qui sont représentées? Est-ce que ce sont des personnes du service social, des ex-psychiatrisés, comme vous l'avez dit tout à l'heure, des psychiatres, des psycholoques? Quelles sont vos ressources actuelles?

Mme Tremblay: J'ai déjà eu une travailleuse sociale, des gens en assistance sociale, de l'éducation spécialisée, des sociologues. J'ai quelqu'un en réadaptation sociale aussi...

Mme Corriveau: Technique de loisirs.

Mme Tremblay: ...des animateurs. C'est une équipe multidisciplinaire.

Mme Corriveau: C'est vraiment multidisciplinaire, c'est très important

M. Jolivet: Donc, la question qu'on pose maintenant, vous l'avez dit, vous avez des difficultés financières, de telle sorte...

Une voix: Graves.

M. Jolivet: ...que vous allez peut-être fermer vos portes.

Une voix: Oui.

M. Jolivet: Les résultats seraient désastreux, j'en conviens avec beaucoup de gens qui, comme vous autres, travaillent dans le milieu, parce qu'ils disent: Si on doit fermer nos portes et être absents pendant six ou sept mois, revenir, c'est pire que de continuer actuellement Donc, vous allez certainement essayer de survivre. De quelle façon allez-vous essayer de survivre et quelles sont les attentes que vous avez envers le ministère?

Mme Corriveau: J'ai contacté le conseil régional qui est favorable aux ressources alternatives. Il a envoyé un télégramme urgent à Mme Thérèse Lavoie-Roux. Nous avons fait une publicité dans notre région. Cela disait: "Le Phare, menacé de fermer ses portes." Sylvie va faire la même chose. On incite la population à réagir et vu que le CRSSS est favorable, on attend une réponse d'ici à la fin de semaine. J'ai appris, ce matin, qu'apparemment il y a un budget de 300 000 $ quelque part..

M. Jolivet: Je suis bien content, je vais en parler pour Saint-Stanislas.

Mme Corriveau: On a appris cette nouvelle ce matin. On vous demande, si c'est possible, vu que c'est très grave, vu la qualité de nos services, vu que notre clientèle va vraiment être perdante si notre centre ferme, s'il y a possibilité d'avoir du financement, au moins jusqu'à la fin de l'année financière.

M. Jolivet: En tout cas, on vous remercie, puisque mon temps est écoulé.

Mme Corriveau: Je vous laisse avec cette question.

M. Jolivet: Je vous souhaite la meilleure des chances.

Mme Corriveau: Merci.

M. Jolivet: D'un autre côté, il est évident qu'on va devoir passer aux gestes, à un moment donné, aux actes, d'une certaine façon, et prévoir, si vous êtes d'accord avec l'ensemble de la philosophie du rapport, au moins une vraie politique, laquelle contiendra des échéanciers et des montants d'argent disponibles permettant justement qu'on atteigne les résultats qu'on désire. Alors, bonne chancel

Le Président (M. Audet): Je cède maintenant la parole à M, le député de Sainte-Anne. (13 h 15)

M. Polak: Merci, M. le Président. Je voudrais laisser un peu de temps au député de Laurier, mais la raison pour laquelle J'interviens - d'ailleurs, je vous ai rencontrés la semaine dernière, quand vous êtes venus pour voir comment cela se déroulait - c'est que je n'ai pas besoin d'être convaincu du travail des ressources alternatives. D'ailleurs, le fait que les députés de l'Opposition vous aient demandé d'expliquer la différence entre les ressources communautaires et les ressources alternatives démontre déjà qu'on ne connaît pas assez le sujet C'est un sujet assez complexe, mais vous aussi. Je ne vous blâme pas parce que, pour mol, le but de cette commission parlementaire, c'est justement de sensibiliser les politiciens, y inclus les nôtres, tout le monde, et la population à votre travail et aussi au travail général qui se fait dans le domaine de la santé mentale.

Savez-vous qu'à cause de toutes ces représentations... Ne pensons pas seulement aux ressources alternatives. On a eu aussi les bénéficiaires ici, on a eu le groupe de femmes, on a eu tes usagers. Ce qui m'a frappé et, à ce point de vue, je suis totalement d'accord avec le chef de l'Opposition, c'est que vous ne pratiquez pas le corporatisme. Beaucoup d'autres Intervenants, y inclus les médecins, les psychologues, les psychiatres, etc.. ont tous quelque chose à protéger. Je suis moi-même avocat, j'ai déjà appartenu à un groupe que je protège aussi; c'est du corporatisme. Ce que je trouve le plus intéressant de vous, c'est un nouveau vent, mais on n'est pas au courant Savez-vous que, pour la première fois cette semaine, The Gazette a écrit de grands

articles sur la santé mentale? Encore ce matin, on donne des exemples sur ce qui se passe. Je félicite l'hôpital de Verdun parce qu'on y fait largement toutes sortes d'expériences qui sont très bénéfiques et très intéressantes, et on donne des exemples sur ce qui se passe dans ce domaine. Donc, pour moi, nous sommes en train de sensibiliser... Et je veux sensibiliser la population avec vous. C'est pourquoi je ne veux pas poser trop de questions parce que nous n'en connaissons pas assez là-dedans. Comme je le disais, je suis député d'un comté où, justement, vous jouez un rôle très important

II est un peu malheureux - et cela, on le dit carrément dans un article traitant de statistiques - que certaines personnes bénéficiaires de l'aide sociale aient des problèmes pour se trouver un emploi, parce qu'elles sont ex-psy-chiatrisées, qu'elles sont bénéficiaires de l'aide sociale, etc. Donc, elles ont tendance à se retrouver dans une certaine région. Dans le sud-est de Montréal, on en trouve peut-être proportionnellement beaucoup plus qu'ailleurs. Vous le savez parce que Mme Blanchard, de votre fédération, est venue la semaine dernière. Je suis très Impressionné. Je suis ici depuis deux semaines maintenant. On pense déjà différemment. Quand on parlait des ressources alternatives au début de cette commission, personne ne savait ce que cela voulait dire. On commence maintenant à demander quelle est la distinction; c'est un pas en avant. Même dans le rapport Harnois... Je ne le critique pas, mais je dis qu'on peut toujours le bonifier. Les gens du comité Harnois ne sont pas nos ennemis, mais eux non plus n'ont pas vu la distinction. Vous l'avez critiqué, vous avez dit: Comment se fait-il que vous nous considériez comme des ressources communautaires? C'est une grosse gaffe. Je pense qu'on a réalisé l'importance de votre manière de résoudre les problèmes et la fonction importante que vous occupez. Pour mol, c'est très important; non seulement pour moi, mais aussi pour beaucoup d'autres députés, parce qu'on est ici pour apprendre. Je sais que le député de Notre-Da me-de-Grâce connaît te domaine lui aussi parce qu'il a travaillé là-dedans, mais je connais d'autres députés qui ne connaissent absolument rien là-dedans. Il est important qu'on soit sensibilisé par des groupements comme le vôtre à ce problème.

Il y a une autre suggestion que j'aimerais faire par votre entremise. Ce serait très intéressant que les fonctionnaires du ministère des Affaires sociales aillent visiter des endroits comme le vôtre.

Mme Corriveau: Ils sont déjà venus, on les a invités à plusieurs reprises.

M. Polak: Tant mieux! Fantatisque! Des voix: Ha, ha, ha!

M. Polak: Et les personnes qui y sont allées, j'aimerais qu'elles fassent un petit rapport et qu'elles nous fassent parvenir une copie de leurs constatations. C'est ce qu'on veut, parce que, comme cela, on sera sensibilisés. Je sais que la directrice adjointe du cabinet de ta ministre est allée à PAL, à Verdun. Alors, quand je pose des questions sur PAL, elle y est allée. On m'a dit qu'elle était allée les visiter. Il est Important qu'on aille directement à l'endroit pour voir ce qui s'y passe. Il n'y a pas de meilleure manière d'apprendre.

Je ne poserai pas de questions, j'ai une tonne de questions. Je voudrais, par exemple, vous demander Madame, vous avez pris un cours en Angleterre. Est-ce qu'en Angleterre on est en avance ou en retard? Aux États-Unis, est-ce qu'on est en avance ou en retard? L'Ontario - on compare toujours le Québec avec l'Ontario - est-il en avance ou en retard? Mais je n'ai pas le temps. On aura peut-être l'occasion d'en parler. Je laisse la parole à l'adjoint de la ministre. C'est la ministre qui a le plus d'influence: ensuite c'est lut, ensuite nous.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Polak: Merci beaucoup.

Le Président (M. Audet): Si vous me permettez...

M. Jolivet: Puis nous autres? On en a pas mal.

M. Polak: Aussil

Le Président (M. Audet): ...M. le député de Sainte-Anne...

Une voix: C'est lui qui va sortir le chèque.

Le Président (M. Audet): ...en tant que président, c'est moi qui dois céder la parole aux parlementaires. Le député de Laviolette avait peut-être un petit mot à ajouter en conclusion?

M. Jolivet: Non, non. Simplement pour dire qu'hier j'étais conférencier à la Chambre de commerce de Grand-Mère et souvent je disais que les gens de l'Opposition, compte tenu de leur poste, ont plus de pouvoir que les gens du pouvoir. Je vous remercie de votre visite et de l'information que vous nous avez donnée. Soyez assurés qu'on est bien conscients et bien au courant des problèmes parce que nous allons visiter des groupes comme le vôtre et d'autres groupes communautaires. Statistiquement, on est moins nombreux à en connaître moins que ceux de l'autre bord, mais vous autres, par exemple, vous vivez les problèmes tous les jours et c'est pour cela qu'on doit vous rendre hommage.

Le Président (M. Audet): M. le député de

Laurier.

M. Sirros: Merci d'être venus, merci pour le témoignage et merci de m'avoir permis de poser une question qui a semblé surprendre le député de Laviolette, mais je voulais vraiment me placer au-dessus de la partlsannerie dans le sens que, si le gouvernement précédent avait réglé la question, vous ne seriez pas aujourd'hui avec ce genre de choses. C'est une problématique qui, je pense, est partagée par n'importe qui est au gouvernement à un moment donné. Il faudrait s'intéresser à la question d'une politique de financement pour les ressources communautaires. Il est clair que, dans le rapport Harnois, II y a une grande place qui est faite aux ressources communautaires et à l'approche communautaire. Donc, 8 y a des choses qu'on peut espérer voir aboutir à un moment donné. Le message ou le cri d'alarme, l'appel que vous lancez par rapport au financement, je pense, a été entendu. Tout ce que je peux vous assurer à ce moment-ci, c'est qu'il est clair qu'il y a des gens qui cherchent une solution. Vous êtes déjà en contact avec des gens du ministère et on espère pouvoir rapidement vous donner une réponse tout au moins d'Ici à la fin de l'année, et on verra par la suite. Merci beaucoup.

Des voix: Merci.

Le Président (M. Audet): Alors, mesdames, messieurs, on vous remercie et, si vous devez retourner au Saguenay-Lac-Salnt-Jean, on va vous souhaiter bonne route et une bonne température par le fait même. Alors, merci bien.

La commission ajourne ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 22)

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je vous rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit aux fins d'étudier le projet de politique de santé mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre 1987.

J'invite la Fédération des centres locaux de services communautaires du Québec à prendre place, s'il vous plaît! Vous avez exactement une heure pour faire votre présentation. Nous avons une heure à vous consacrer. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Vous m'excuserez si j'ai à Intervenir pour ce qui est du temps, mais on doit nécessairement être assez rigoureux.

Messieurs, je vous souhaite, la bienvenue. Je demanderais au porte-parole de s'identifier et de nous présenter les gens qui l'accompagnent.

Fédération des CLSC

M. Ippersiel (Pierre): Merci, M. le Président. En premier lieu, j'aimerais vous présenter Mme Carole Lalonde, conseillère aux programmes à la Fédération des CLSC; M. Maurice Charlebois, directeur général de la Fédération des CLSC; M. Louis Côté, directeur général du CLSC Petite-Patrie, à Montréal. Mon nom est Pierre Ippersiel, du CLSC Petite-Nation. Soyez rassurés, seule notre nomenclature est minuscule parce que nous avons l'Intention de parler de grandes choses avec vous.

Le Président (M. Audet): C'est excellent.

M. Ippersiel: Dans un premier temps, je voudrais vous remercier, M. le Président, de nous avoir donné la chance de présenter notre point de vue dans ce contexte précis où le ministère s'apprête à écrire une politique de santé mentale à partir en particulier, et nous le souhaitons, des orientations et de la philosophie du rapport déposé par le comité Harnois. Notre rapport étant assez volumineux, Je me contenterai d'en présenter assez brièvement les grandes lignes pour laisser le plus de temps possible à la discussion et aux échanges de vues.

D'abord, notre mémoire souligne certains aspects que nous qualifions de très positifs dans le rapport. Je pointerai les principaux. D'abord, faire de la personne le centre même de cette organisation de services nous semble une orientation extrêmement Intéressante. L'Idée d'une approche régionale encadrée par le ministère nous semble également une orientation à privilégier. La réalité des plans de services, travailler avec l'environnement de la personne dans les services à rendre, le plan de services comme outil de travail, la valorisation, la reconnaissance des approches communautaires en santé mentale, autant d'aspects qu'on retrouve dans le rapport du comité Harnois qui nous semblent des dimensions Importantes, des dimensions très positives à partir desquelles un projet de politique devrait s'écrire. Toutefois, certaines questions sont objet de recommandations spécifiques dans notre rapport. Comme nos recommandations sont, somme toute, assez peu nombreuses, je me permettrai de les pointer une après l'autre.

La première recommandation de notre rapport est de souhaiter que le gouvernement procède, avec toute la diligence nécessaire, à l'élaboration complète de cette politique en s'inspirant du cadre de référence donné par le rapport du comité Harnois et qu'il prenne les décisions nécessaires pour que cette politique soit mise en vigueur avec les moyens appropriés. Nous déposons cette recommandation parce que, fondamentalement, nous sommes d'accord avec le rapport du comité Hamois tant au niveau des approches proposées qu'au niveau du modèle suggéré par ce comité.

La deuxième recommandation: Que ta politique gouvernementale en santé mentale prévoie, au niveau de l'organisation des services, ta mise en place de services publics de première ligne et définisse des mandats clairs en ce sens pour les établissements, notamment pour les CLSC. Cette recommandation est très importante pour nous parce que, si nous avons à souhaiter que le rapport puisse aller plus loin notre recommandation va dans le sens de mieux définir les mandats et, en particulier, ceux qu'on voudrait confier aux CLSC.

Notre troisième recommandation: Que le ministère identifie les besoins de financement du réseau institutionnel en santé mentale, notamment du réseau de première ligne à consolider, et qu'il prenne les décisions en conséquence. Deuxième section de cette troisième recommandation: Que le ministère finalise la décentralisation des ressources psycho-sociales des CSS aux CLSC pour la région de Montréal puisqu'on sait que dans le cadre de partage la région de Montréal n'avait pas complété cette opération.

Notre dernière recommandation: Que le ministère encadre la démarche régionale de préparation du plan d'organisation des services à son point de départ par une proposition de politique qui Inclut la définition normative des responsabilités des établissements et, à son terme, par l'approbation des plans régionaux.

Nous croyons que, pour arriver à trouver dans l'ensemble du Québec des services adaptés aux besoins, il est nécessaire, tout en accordant toute la latitude souhaitée aux régions, qu'on puisse quand même s'inspirer d'une vision commune à l'ensemble du Québec.

Je me permets maintenant de souligner certains aspects qui nous semblent pertinents au moment où on s'apprête à mettre en place des services en santé mentale. Nous sommes maintenant un réseau de CLSC complet au Québec, présent dans l'ensemble des villages et des quartiers du Québec. Nous avons une expérience, une expertise au niveau des services de première ligne à offrir aux communautés et nous pensons que notre réseau peut être avantageusement mis à contribution dans la mise en place de ces services.

Nous soulignons également un aspect qui nous semble contenu dans cette problématique ou dans le rapport. Peut-être que certains grands principes sur l'universalité et sur l'accessibilité des services de santé sont mis en question et nous pensons que le ministère devra apporter des réponses à ces questions. Qu'on pense à l'ensemble des services auxquels les citoyens peuvent avoir accès et dont ils peuvent avoir besoin qui ne sont actuellement pas couverts par la Régie de l'assurance-maladie du Québec; qu'on- pense aux services qu'on peut avoir au plan des thérapies familiales, au plan des psychothérapies, ces services qui ne sont pas actuellement couverts par la Régie de l'assurance-maladie posent en quelque sorte la question de l'universalité et de l'accessibilité de l'ensemble des services pour la population.

Enfin, pour conclure un peu cette présentation, le rapport du comité Harnois suggère ou propose qu'on revoie tout le rôle des médecins omnipraticiens au plan de la santé mentale et la question que nous nous posons est la suivante: Ne serait-il pas souhaitable que les omnipraticiens soient Intégrés jusqu'à un certain point, en tout cas, dans les équipes en CLSC, pour pouvoir offrir la gamme d'expertise nécessaire dans l'ensemble de ces questions et qu'ils travaillent avec l'ensemble des professionnels intervenant en santé pour qu'on puisse pratiquer une véritable approche multidisciplinaire, en particulier au chapitre de la santé mentale?

Un dernier point sur lequel je veux attirer votre attention: le réseau des CLSC est assez d'accord sur l'importance qu'on accorde aux organismes communautaires dans toute cette question de la santé mentale parce que nous croyons qu'intervenir avec les ressources du milieu, Intervenir proche du milieu, avec au centre toujours de l'intervention la personne, nous croyons que cette approche est particulièrement à privilégier.

Voilà, c'est la présentation que je voulais faire de notre mémoire. Maintenant, nous serions disposés à échanger avec vous.

Le Président (M. Audet): Merci. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier la Fédération des CLSC du Québec pour son mémoire sur le projet de politique en santé mentale.

Il y a une première question ou une première réflexion que vous faites, en disant que le rapport ne définit pas suffisamment, et je dirais même en fait ne définit pas du tout, tes responsabilités de chacun des établissements ou même de chacun des intervenants dans le rôle qu'ils auraient à jouer dans l'application d'une politique en santé mentale.

Cette question a été soulevée par plusieurs autres groupes qui vous ont précédés. La réponse que je leur ai donnée, et je dois dire que je n'ai jamais demandé au comité si c'était la réponse qu'il voudrait donner, c'est que l'objectif du comité comme je le perçois, c'était de créer cet esprit de partenariat, de créer cet esprit de cohésion et de collaboration qui irait au-delà de ce qu'on décrit à certains endroits comme de la rigidité, un peu des querelles de chapelle ou des querelles de clocher, et de la même façon en ce qui a trait au rôle respectif de chacun des intervenants.

On l'a dit hier soir à quelques reprises, le rôle ou les fonctions de chacun des intervenants, du moins des intervenants professionnels, sont décrits par leur corporation et adoptés comme tels par l'Office des professions du Québec. Il semble que ce ne sont pas tellement les défini-

tions précises qui manquent que cette habilité ou cette capacité de modifier des attitudes ou des comportements qui ferait que, justement, le partenariat ne serait pas simplement un voeu pieux, mais quelque chose qui pourrait se réaliser dans la vie de tous les jours et ceci, au bénéfice des patients. (15 h 15)

C'est l'explication que J'y ai vue parce qu'ils auraient pu entrer dans une longue controverse, à savoir Qu'est-ce que l'un fait? Où commence l'un et où finit l'autre, où s'arrête l'autre et part le suivant? Je pense que ce sont des débats qu'on a eus qui sont souvent réfléchis dans les difficultés dont les établissements ou les partenaires du réseau rendent compte dans leur pratique quotidienne. Moi, c'est l'interprétation que j'en ai faite. En tout cas, Je pense qu'on pourra peut-être aussi, dans l'élaboration finale d'une politique, faire des efforts pour mieux définir ces choses. Je ne pense pas que ce soient les définitions qui manquent. C'est vraiment d'articuler tout ça ensemble.

Dans la première partie de votre mémoire, vous parlez du rôle que les CLSC - Je pense que c'est aux pages 7 et 8 - jouent déjà dans le domaine de la santé mentale, vous dites que déjà plusieurs CLSC ont développé des approches en santé mentale, évidemment, en première ligne. Pourriez-vous me dire, à votre connaissance, quel est le pourcentage du personnel des CLSC - j'imagine que ce n'est pas un gros pourcentage - pris globalement qui a des actions dans le domaine de la santé mentale? Ou y en a-t-il qui n'en ont pas du tout? Évidemment, tout le monde en a toujours un peu; quand on rencontre un autre être humain dans une relation de service, je pense que... Je veux dire une action plus précise.

M. Ippersiel: Peut-être dans une première partie de réponse, J'aimerais vous indiquer que, selon nos données statistiques, avant de parler du personne comme tel, selon les informations à partir de notre système de cueillette de données sur nos clientèles, il y a déjà entre 15 % et 20 % des gens qui viennent dans les CLSC et qui présentent des problèmes d'ordre qu'on peut qualifier de santé mentale, que ce soient des situations de détresse, des situations problématiques temporaires. Il y a donc déjà entre 15 % et 20 % de notre clientèle qui présente des problèmes concernant la santé mentale.

Quand on essaie de répondre à votre question du côté du personnel, nous retrouvons dans plusieurs CLSC des psychologues, des travailleurs sociaux, des infirmières et les médecins qui, également, interviennent par rapport à des problématiques en santé mentale.

Mme Lavoie-Roux: Je suis d'accord que vous avez ces professionnels qui peuvent intervenir. Mais, souvent, que ce soient vos travailleurs sociaux, vos infirmiers, infirmières ou d'autres, ils sont occupés à d'autres tâches que celle de la santé mentale. Mais constitués en équipes spécifiquement pour cette fin, y a-t-il des CLSC qui ont des équipes?

M. Côté (Louis): Si vous voulez qu'on développe, c'est sûr que, par rapport à votre question, disons, si on prend le cadre de référence du rapport Harnois, de toute façon, au niveau du champ de la santé mentale, il y avait trois clientèles cibles qui étalent Identifiées parmi les malades mentaux chroniques, les personnes qui présentent des troubles mentaux et les personnes dont ta santé mentale est menacée parce qu'elles vivent des situations de crise où des conditions de vie menacent leur santé mentale.

Aussi, quant au type de services, face à chacune de ces clientèles, cela peut varier d'un CLSC à l'autre. Si on prend des exemples par rapport aux malades mentaux chroniques, il y a des CLSC, en particulier dans la région de Montréal d'où je viens, qui sont Impliqués d'une manière active actuellement dans des programmes de soutien à la réinsertion sociale et de soutien à la vie en milieu naturel de patients psychiatriques qu'on qualifie de malades mentaux chroniques dans le projet de politique. Je prends l'exemple du CLSC d'où je viens: Dans le domaine de la réinsertion sociale, ce sont des équipes de deux ou trois personnes qui s'ajoutent aux équipes de base dans le domaine des services médicaux et sociaux courants ou des équipes psychosociales régulières des CLSC. Si vous prenez Juste un exemple dans une région comme celle de Montréal, si vous prenez 32 CLSC et que vous multipliez par 2 ou 3 personnes, on est rendu à des équipes sur l'ensemble de l'île potentiellement de 60 ou 65 personnes. Si dans chacun des quartiers on peut aider à maintenir en milieu naturel à domicile une trentaine de personnes souffrant d'une maladie mentale chronique, c'est un calcul qui monte assez vite. Vous arrivez à un potentiel d'à peu près 1000 ou 1200 personnes avec un investissement relativement limité parce qu'il s'ajoute des cas aux services de base que le CLSC offre. Je ne veux pas aller plus loin.

Au sujet des clientèles qui présentent des problèmes de santé mentale transitoires ou encore des crises ou des problèmes de conditions de vie, encore là, un CLSC comme le nôtre va avoir une équipe constituée d'à peu près cinq ou six intervenants qui vont offrir des services sociaux courants a la clientèle adulte. Donc, spécifiquement, ce seront des services sociaux ou psychosociaux courants à des gens des clientèles B ou C, ce qui est à peu près l'équivalent en quantité dans un CLSC comme le nôtre d'une équipe de secteur de clinique externe. Cela peut varier beaucoup d'un CLSC à l'autre, mais dans l'ensemble du Québec, Je dirais que la plupart des CLSC ont des équipes multidisciplinaires qui vont rejoindre des adultes ayant des problèmes

de santé mentale. Le degré d'Intervention va varier si on se compare à d'autres types d'intervenants dans le domaine de la santé mentale; c'est évident que le gros de la clientèle va être surtout des personnes dont la santé mentale est menacée à cause de problèmes situationnels, de problèmes familiaux, de crises situationnelles. On Intervient donc à ce moment-là comme un premier niveau de services. On va intervenir aussi face à des personnes qui présentent des troubles mentaux transitoires, des problèmes de névrose et tout cela, parce que certains CLSC, c'est plus réduit, vont avoir des services de psychothérapie, par exemple, et il y a déjà un certain nombre de CLSC qui offrent cette gamme de services.

Presque tous les CLSC, sauf ceux de la région de Montréal, offrent des services sociaux courants à l'ensemble de ces trois clientèles.

M. Charlebois (Maurice): Pour compléter, ce qu'on observe, c'est qu'à peu près 20 % de la clientèle qui se présente en CLSC serait affectée par des problèmes de santé mentale, mais 35 CLSC plus précisément auraient des programmes ou des activités structurées en santé mentale. Je pense qu'il y a une différence à faire entre les deux. Pour la santé mentale, il s'agit de programmes qui sont en train de se développer, il y a plusieurs CLSC qui ont reçu des mandats ou qui participent à des opérations régionales. Donc, programmes spécifiques, environ 35, mais de façon globale, à travers les services courants des CLSC ou même à travers des programmes comme le maintien à domicile, on constate qu'il y a environ 20 % de la clientèle actuelle des CLSC qui est une clientèle qui a des problèmes de santé mentale.

M. Ippersiel: Pour compléter également dans le sens de votre question, Mme la ministre, si on prend la région de l'Outaouais, la région 07 où un programme un peu pilote en santé mentale est en place, dans l'ensemble des CLSC, vous trouvez une équipe de base qui est constituée en général d'une infirmière psychiatrique, d'un psychologue, d'un travailleur social et d'un médecin. Dans les neuf CLSC de l'Outaouais. vous allez trouver cette équipe de base qui est l'équipe de base en intervention en santé mentale.

Mme Lavoie-Roux: Pourquoi Je vous posais la question, c'est que vous-mêmes, vous dites: On est équipé jusqu'à un certain point pour répondre aux services de première ligne, pour faire la prévention, et d'autres sont venus nous dire aussi: Le CLSC devrait être la porte d'entrée. C'est bien beau de dire que le CLSC est la porte d'entrée, mais cela se traduit à combien de personnes en termes de personnel? C'est dans ce sens que je vous le demandais. Là, c'est plus clair, vous en avez 35 sur 150, grosso modo, et sans aucun doute que les autres répondent à ce type de besoins dans les services psychosociaux courants. Ceux qui disent vraiment qu'ils ont un mandat précis qui est aussi important, peut-être pas en nombre, que les services à domicile ou la périnatalité, c'est à peu près le quart, même pas.

M. Charlebois: La proposition que nous faisons par notre mémoire, c'est justement que la politique prévoie l'extension, si vous voulez, à l'ensemble du réseau de telles équipes pour qu'il existe partout des équipes Intégrées au CLSC qui puissent assumer de véritables services de première ligne en santé mentale.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous croyez, par exemple... Je ne parle pas des régions rurales où les territoires sont très grands, parce que cela fait bien du monde, cela aussi. Vous dites: Quatre personnes, en partant. Vous multipliez cela par une centaine d'autres. C'est 400 personnes, seulement pour le personnel des CLSC. Est-ce que vous croyez que, dans les milieux urbains - je ne pense pas juste à Montréal et à Québec, quoique les autres aient seulement un CLSC, par exemple, Sherbrooke en a deux - dans des endroits où il y en a qui sont assez rapprochés les uns des autres, il pourrait y avoir un CLSC qui puisse prendre cette responsabilité, plutôt que de mettre ce même type de ressources dans chacun des CLSC du Québec? On veut mettre des ressources là, mais il y a aussi des ressources à mettre dans les mesures d'hébergement, enfin, dans toutes les autres mesures d'accompagnement requises pour les malades mentaux.

M. Charlebois: Dans les milieux urbains, on vient tout juste de parachever le réseau.

Mme Lavoie-Roux: On n'était pas riche.

M. Charlebois: Et je pense qu'on a déjà procédé à une opération de regroupement.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Charlebois: Les territoires en milieu urbain ne sont pas nécessairement grands, mais Ils rejoignent quand même, maintenant, une quantité de personnes assez ' impressionnante. C'est pourquoi je pense qu'il faudrait regarder cela de très près avant de conclure qu'en milieu urbain on pourrait avoir une équipe par territoire de DSC, par exemple, ou même élargir cela encore. Il s'agit vraiment de CLSC qui desservent entre 100 000, 120 000, 130 000 personnes, à certains endroits.

Mme Lavoie-Roux: Mais cela pourrait être examiné.

M. Charlebois: Cela pourrait être examiné. Mais, quant à moi, j'aurais des réserves, compte tenu du fait que des regroupements ont déjà été

faits tout récemment, un redécoupage dans l'ensemble des territoires urbains.

Le Président (M. Audet): Excusez-moi, messieurs. Pour les fins du Journal des débats, étant donné que vous êtes plusieurs à répondre aux questions de Mme la ministre, est-il possible de vous Identifier lorsque vous répondez, s'il vous plaît?

M. Côté (Louis): J'aimerais peut-être compléter Par rapport au milieu urbain...

Le Président (M. Audet}: C'est M. Côté?

M. Côté (Louis): Louis Côté, je m'excuse. Il y a différents modèles qui ont été étudiés en régions urbaines - Je prends l'exemple de la région de Montréal - par le conseil régional quant au développement de programmes et d'équipes de santé mentale dans les CLSC de la région. Si vous regardez la revue de programmes du conseil régional de Montréal depuis les trois dernières années, vous constaterez que, dans ces années, le conseil régional avait Identifié cela comme étant une priorité d'à peu près deuxième ou troisième niveau, parmi l'ensemble des priorités de développement des services en santé mentale dans ta région de Montréal. Le budget estimé pour compléter ce qui est déjà en implantation dans la région de Montréal se situe aux alentours de 4 000 000 $, si on regarde l'ensemble des CLSC de ta région de Montréal, pour un budget moyen d'à peu près 140 000 $ par CLSC.

Si on examine cela, l'investissement est relativement faible étant donné qu'il y a déjà un investissement de fait dans l'infrastructure et dans les services sociaux et psychosociaux courants. On ne part pas, dans un CLSC en milieu urbain, tabula rasa pour ce qui est des ressources du CLSC. Aussi, la chance en milieux urbains comme Québec et Montréal, c'est que plusieurs CLSC sont en phase d'implantation actuellement. Donc, leurs priorités et leurs engagements de ressources ne sont pas encore complètement concrétisés. En ce moment, si on veut privilégier une direction, cela pourrait être le bon moment de le faire dans ce sens plutôt que... Cela peut être une façon d'orienter les priorités des CLSC vers un service à une clientèle relativement prioritaire dans une région urbaine comme Montréal, disons, puisque, de toute façon, II y a un certain investissement qui est fait pour le parachèvement de ce réseau dans la région de Montréal. Par exemple, il y avait la moitié des CLSC qui n'étaient pas dotés... Comme ce sont de nouveaux CLSC comme tels, l'investissement est relativement minime, à ce moment-là.

Dans le mémoire du conseil régional de la région de Montréal, on recommande aussi de poursuivre cet objectif de doter les CLSC de la région de Montréal d'équipes de base en santé mentale, avec deux volets qui sont un peu les mêmes que ceux recommandés dans le rapport Brunet: soutien à la réinsertion sociale et intervention de première ligne. Par exemple, l'hôpital Douglas, dans la région de Montréal, qui vient de faire une opération de planification stratégique, recommande lui-même à moyen terme de se retirer des services de première ligne en santé mentale dans sa zone de desserte à condition que les CLSC qui s'implantent dans la zone de Verdun développent eux-mêmes des services de première ligne en santé mentale, la raison étant que les équipes externes spécialisées des hôpitaux offrent présentement des services de première ligne au niveau psychosocial. (15 h 30)

L'étude de Mme Brunet, rattachée à l'hôpital Douglas, démontrait que 60 % des clientèles d'une clinique externe dans l'ouest de la ville étaient des gens qui présentaient des problèmes sociaux courants et qui s'adressaient à la clinique externe puisque c'était un environnement où il n'y avait pas dans les CLSC de services de première ligne en santé mentale. À ce moment-là, cela peut être une façon de mieux utiliser des ressources ultraspécialisées qui ont été formées, qu'on continue à perfectionner et dont les équipes multidisciplinaires ont besoin d'un environnement plus spécialisé, par exemple, des psychothérapeutes, psychiatres, etc. II y a un gain relativement important en milieu urbain, d'après nous, à développer un service de première ligne. D'autre part, les CLSC en milieu urbain pourraient ne pas s'occuper de cette clientèle, mais cela créerait un problème, d'après nous, à savoir Est-ce qu'on va les rejeter aussi? Un CLSC est un organisme communautaire qui est ouvert dans chacun des quartiers d'un milieu urbain. Est-ce qu'il doit accueillir, aider et desservir toutes les personnes qui s'y adressent. y compris les personnes qui présentent des problèmes de santé mentale? Le virage qui peut être pris peut être important, à savoir si les CLSC vont, de fait, continuer à s'impliquer dans la réponse aux familles et aux personnes qui présentent des problèmes de santé mentale. C'est peut-être une façon d'encourager, de favoriser ce type de programme ou de priorité plutôt que d'autres.

Mme Lavoie-Roux: À partir de l'expérience que vous avez acquise dans le domaine de ta santé mentale, même si cela n'a pas toujours été d'une façon spécifique, quels sont, d'après vous, les mesures concrètes les plus importantes ou prioritaires qui devraient être mises en place ou les gestes qui devraient être posés dans le domaine de la prévention, évidemment en santé mentale?

M. Côté (Louis): Vous parlez du domaine de la prévention...

Mme Lavoie-Roux: Out.

M, Côté (Louis): ...en santé mentale et non pas dans le domaine de l'intervention auprès de personnes déjà en difficulté. Est-ce bien cela? Dans le domaine de la prévention comme tel...

Mme Lavoie-Roux: Parce que vous travaillez aussi dans le domaine de la prévention.

M. Côté (Louis): Oui, oui. Est-ce que je peux commencer à répondre?

M. Ippersiel: Pierre Ipperslel.

Le Président (M. Audet): M. Ippersiel.

M. Ippersiel: Le domaine dans lequel on a marqué des points, où on a acquis de l'expérience, c'est le domaine communautaire, tous les réseaux d'entraide qu'on a développés dans le cadre de nos programmes actuels. On a des réseaux d'entraide en puériculture. On a des réseaux d'entraide en maintien à domicile. Dans l'ensemble de nos programmes, on a créé des ressources communautaires. On a développé les réseaux naturels, les réseaux d'entraide. Je pense que l'utilisation de cette richesse, de ce réseau, est un premier endroit où peut se pratiquer une prévention qui risque d'être centrée sur des problèmes réels. Donc, une prévention très incarnée parce que j'ai l'Impression qu'une prévention dirigée sur des groupes précis avec lesquels on travaille, des groupes d'entraide, des groupes communautaires, c'est peut-être un premier niveau dans lequel il faudrait investir en termes de prévention. Je ne dis pas que c'est le seul, mais je pense que c'est un des niveaux dans lequel on devrait faire quelque chose.

Mme Lavoie-Roux: Vous dites que vous travaillez beaucoup, et je le sais, avec les groupes communautaires. Souvent, même, vous êtes tes initiateurs ou le soutien du développement de ces groupes communautaires. Je voudrais vous référer à la page 32 de votre mémoire où vous dites que vous vous interrogez sur l'opportunité de créer un nouveau réseau public d'établissements en reliant votre affirmation à la recommandation 15 du rapport, la recommandation qui est faite de réviser la Loi sur les services de santé et les services sociaux afin de reconnaître la légitimité de l'action des ressources communautaires exerçant les fonctions supplétives ou expérimentales dans la dispensation de services en santé mentale.

Comment voyez-vous que reconnaître la légitimité de ces organismes communautaires équivaut au développement d'un autre réseau public d'établissements?

M. Charlebois: Enfin, je pense que cette réflexion ou cette réaction est venue chez nous à la lumière de l'économie générale du rapport Hamois où aucun rôle n'est précisé pour aucun organisme, que ce soient des organismes du réseau ou des organismes communautaires. Les réflexions qu'on s'est faites sont que la mise à contribution des organismes communautaires existe, elle est sollicitée et encouragée dans d'autres champs d'intervention et plus particulièrement dans le domaine du maintien à domicile. Dans tout ce domaine il y a une contribution importante de différents organismes communautaires et on n'a pas senti le besoin de procéder par réglementation, par modifications réglementaires pour qu'il y ait une reconnaissance de tels organismes.

Il s'est agi simplement de balises Inscrites dans la politique de maintien à domicile et d'orientation de la politique de subventions du ministère qui a permis quand même de tracer certains créneaux pour différents organismes communautaires. Je pense que le fonctionnement est très heureux et ces différents organismes sont mis à contribution de façon importante.

C'est un peu et beaucoup parce que le rapport du comité Harnois ne précise pas de mandat que la question nous est venue de savoir si, au niveau du développement des services, puisque le rapport Harnois distingue entre deux types d'organismes communautaires, certains qui sont des organismes de promotion, de défense de droits et d'autres qui sont des organismes de soutien, on privilégiait ou si on encourageait, de ce fait, la mise en place d'un nouveau réseau de services qui serait un réseau hors réseau.

Je pense que c'est vraiment à la lumière de l'économie générale du rapport Harnois que ces commentaires nous viennent. Ce qu'on propose essentiellement dans notre mémoire au fond, c'est que le ministère adopte une politique qui s'Inspire de ces orientations et de ces approches, mais aussi d'autres politiques adoptées comme celle du maintien à domicile, laquelle, d'ailleurs, repose sur des approches similaires, maintien dans le milieu, encourager l'entraide, le partenariat aussi. Il y a une place pour à peu près tous les organismes et tes mandats sont précisés dans cette politique.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Il me reste quelques minutes et je vais les offrir à mes collègues de l'Opposition, mais, s'ils n'ont pas de question, je reviendrai ensuite. Merci.

Le Président (M. Audet): M. le député de Laviotette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Merci pour votre rapport, pour les recommandations que vous y faites et pour l'expertise que vous nous y apportez. Je suis d'accord avec vous quand vous dites que le rapport Harnois ne donne d'aucune façon de rôle à qui que ce soit, que ce soit aux institutions ou aux individus intervenant dans le système. Donc, sur ce point, cependant, on a à plusieurs occasions entendu des gens dire: Dans certains cas, les CLSC devraient être la porte d'entrée. Dans d'autres

cas, le CRSSS de la région de l'Outaouais disait: II y a différentes possibilités qui s'exercent dans notre région: groupes communautaires, groupes alternatifs, CLSC, CSS et autres. D'un autre côté, des groupes représentant des groupes alternatifs sont venus ce matin nous dire: Nous recevons, de la part des parents et de contacts que nous avons de bouche à oreille et même par l'intermédiaire des centres Institutionnels, des gens qui nous sont référés.

Cette question a été posée aussi en même temps; vu que le rapport ne donne pas de rôle à chacun, pour ne pas l'Imposer d'en haut, on a demandé à ceux d'en bas comment ils se voyaient dans le système. J'aurais le goût de vous poser la question suivante: Les CLSC dans tout le Québec, eu égard au mandat que vous avez et même eu égard à d'autres parties où on parle de prévention qui pourrait être analysée par d'autres comme étant le travail, la prérogative des départements de santé communautaire beaucoup plus que la vôtre, les études épidémiologiques ou l'ensemble des besoins dans le milieu, vous étant là comme des intervenants donnant des services à des individus ou à des groupes communautaires, à des personnes, à des secteurs de la population, j'aimerais savoir comment vous vous situez puisqu'on ne vous a pas situés dans le système à venir.

M, Ippersiel: Pierre ippersiel. Quant à la question que vous posez, une partie de notre mémoire vise à dire que le phénomène de la santé mentale, c'est une chose dans laquelle nous Intervenons déjà dans le cadre de nos programmes. Nous jouons déjà des rôles importants à ce niveau, que ce soit au niveau de nos programmes de promotion ou de nos programmes d'intervention. Une partie Importante de notre clientèle présente des problèmes en santé mentale et les approches que nous avons toujours tenté de développer, c'est-à-dire des approches locales, proches des communautés, de maintenir les gens dans leur milieu naturel, d'utiliser le réseau immédiat de la personne, sont autant de valeurs qu'on a toujours tenté d'actualiser et, dans notre pratique, c'est le modèle qu'on essaie de développer.

Alors, on dit: En santé mentale, on pense qu'on est déjà très Impliqué. On pense que, pour continuer à jouer notre rôle, il faudrait peut-être avoir des mandats que la politique pourrait donner et ajouter des ressources. Qu'on pense à l'intervention en situation de crise, on a fait allusion à plusieurs reprises à l'expérience de la région 07 de l'Outaouais, ce mandat d'intervention en situation de crise, ce sont les CLSC qui l'ont reçu et qui sont en train de l'actualiser. Il s'inscrit comme dans le prolongement d'une action qu'on faisait déjà, par les consultations psychosociales, par les programmes. On pense que ce mandat pourrait être étendu à l'ensemble des CLSC et que cette intervention pourrait être faite par les CLSC.

Donc, quand on parle de mandat, on fait allusion à une pratique qui est déjà la nôtre et on croit qu'elle doit se développer dans la ligne de la vision du rapport du comité Harnois qui Insiste toujours pour que la personne soit au centre de l'action, soit au centre des programmes et que l'action soit proche d'elle, proche de son milieu.

M. Jolivet: J'ai compris que vous dites dans votre document que vous proposez un modèle de services. Ce que vous dites au départ, c'est que le comité a évité de faire l'analyse du réseau institutionnel et préconise par le fait même un nouveau modèle de services.

Vous dites: Ce que nous proposons, c'est que ce modèle de services soit un modèle qui ressemble en tous points à ce' que donnent actuellement dans leurs interventions les centres locaux de services communautaires. C'est ce que j'ai bien compris de ce que vous nous dites.

Et vous dites à ce moment: Dans ce contexte, nous devrions - si je ne comprends pas comme il faut, vous me le dites être, je ne dirais pas la seule porte d'entrée parce qu'il y a beaucoup de gens qui pourraient dire qu'ils sont aussi une porte d'entrée et une place où les gens vont de façon première s'Identifier parce qu'ils ont entendu dire par les proches, par des services à l'Intérieur des institutions qu'il y a tel ou tel service qui se donne à telle ou telle place, que ce soit un groupe communautaire, un groupe alternatif, une maison de femmes ou d'autres ailleurs; on a plusieurs possibilités. C'est dans ce sens que je voudrais savoir si vous ne vous voyez pas comme étant le seul et de quelle façon vous voyez les relations avec les autres maintenant si vous n'êtes pas le seul.

Mme Lalonde (Carole): En fait, je pense que ce qu'on dit, c'est que le CLSC...

Le Président (M. Audet): Madame, si vous voulez vous Identifier, s'il vous plaît.

Mme Lalonde: Mme Carde Lalonde. Le Président (M. Audet): Merci.

Mme Lalonde: Ce qu'on dit essentiellement, c'est que les CLSC représentent déjà une infrastructure Intéressante puisqu'ils fournissent sur une base locate des services sociaux et médicaux courants, donc, des services sociaux et médicaux intégrés et qu'à cela peut se greffer un programme spécifique de santé mentale de première ligne qui pourrait jouer un rôle tant pour la prévention que pour le dépistage que pour le traitement de court terme, qui pourrait prendre des formes variées puisque déjà dans les quelque 30 CLSC Identifiés comme ayant des programmes structurés de santé mentale on sait qu'il y en a qui ont des équipes psychogériatriques à domicile, d'autres ont un programme de suivi de crise

dans le milieu, d'autres ont des programmes plus axés sur la prévention, par exemple, auprès des enfants avec des liens avec la pédopsychiatrie.

Il y a donc une Infrastructure dans chacun des milieux partout au Québec de services à partir desquels peut se greffer un programme spécifique relatif à la santé mentale.

M. Jolivet: Oui?

M. Côté (Louis): Je compléterai aussi là-dessus. Ce sont des choses qui ont été débattues lors du dernier congrès de la Fédération des CLSC. Mon nom est Louis Côté. On oublie toujours de se nommer. Je m'excuse.

Évidemment, l'ensemble des CLSC a pris une position où on a exprimé qu'on était en accord avec les recommandations là-dessus qui sont quand même relativement claires quand on parle de balises générales qui sont celles du rapport Brunet, finalement. Le rapport Brunet était relativement précis quant à ce qu'on demandait aux CLSC de jouer comme rôle dans le domaine de la santé mentale, soit vis-à-vis des clientèles cibles ainsi que sur le type de services à dispenser. Je pense que la position des CLSC là-dessus est raisonnablement en accord, en termes de balises générales, avec ce que recommande spécifiquement le rapport Brunet dans ce domaine, donc, un service de première ligne en santé mentale qui viserait à aider les personnes et les familles qui vivent des difficultés psychiques ou émotives qui nécessitent de l'aide pour maintenir ou rétablir un équilibre fonctionnel, donc, une intervention à ce moment d'accueil, évaluation, référence, psychothérapie à court terme, des services médicaux et sociaux courants à cette clientèle. C'est un prolongement des services sociaux et médicaux courants. L'appui aussi au réseau d'entraide naturel par le biais de nos services communautaires. C'est une chose qui pourrait être généralisée dans l'ensemble des CLSC. Il y a aussi l'Intervention au niveau de l'appui au retour et au maintien dans la communauté de personnes ayant des problèmes de santé mentale. Encore là, cela peut être modulé différemment d'une région à l'autre. Même dans une région en particulier, comme la région de Montréal, il peut y avoir une différence entre un CLSC et un autre quant aux modalités d'intervention. (15 h 45)

Je vais vous donner un exemple. Dans un quartier de Montréal, il y a un CLSC qui opère un centre de jour parce que c'est particulier à ce milieu. Il y avait un besoin et c'était l'organisme qui avait l'infrastructure physique et la capacité de commencer à donner ce type de service de développement en milieu de jour. Il y a un CLSC qui opère un centre de crise actuellement dans la région de Montréal. Il y a des CLSC qui offrent des services d'appui à domicile au point de vue des soins infirmiers et des auxiliaires familiales à des personnes ayant des problèmes de santé mentale. Mais, d'une façon générale, c'était une des recommandations du rapport Brunet, on souhaitait que les CLSC s'Impliquent dans l'appui à la communauté aux personnes ayant des problèmes de santé mentale. Là-dedans, notre relation avec les autres Intervenants; on sait, par exemple, que les CSS actuellement ont un mandat de développer toute une gamme de ressources Intermédiaires, disons. Certains centres hospitaliers aussi développent des ressources intermédiaires dans la communauté, des appartements supervisés, des foyers de groupes, ce type de ressources. On peut collaborer avec ce type de ressources qui sont développées par d'autres intervenants du réseau en offrant des services complémentaires à ces personnes qui vivent dans des appartements dans les quartiers où les CLSC sont.

On peut donner de l'appui aux familles de ces personnes, aux amis de ces personnes. On peut collaborer avec des organismes communautaires selon les besoins des organismes communautaires aussi parce que ça varie d'un milieu à l'autre. Certains organismes communautaires vont nous demander de l'aide, par exemple, au niveau de l'expertise en santé, de nos médecins, de nos infirmières parce que ce sont des types de ressources que n'ont pas les ressources communautaires. Pour tel autre type de ressource communautaire, on va nous demander de l'aide plus au niveau de l'organisation, aider à la demande de subventions, aider à la structuration de l'organisme. Dans d'autres cas, ça va être des projets ponctuels qu'on va faire en collaboration avec les organismes communautaires.

Là-dessus, je pense que la fédération est d'accord avec l'Idée de régionaliser le plus possible l'organisation des services parce que c'est la meilleure manière de coller à la réalité du Québec au potentiel de chaque région, mais cela n'empêche pas qu'on peut avoir des lignes générales, disons, qui permettent aux gens aussi de s'identifier et d'identifier leurs CLSC comme une ressource qui offre des services clairs et simplement reconnaissables partout. On sait qu'on ne sera jamais la seule porte d'entrée. Il n'y a aucun endroit qui va être la seule porte d'entrée d'aucun type de services. Les gens peuvent aller à l'urgence, s'adresser aux policiers, à l'école, à leurs parents, etc. Mais c'est important qu'on soit une porte d'entrée étant donné qu'on offre quand même des services de base à l'ensemble du territoire et on peut être une des bonnes portes d'entrée pour ce type de service, on croit.

M. Jolivet: Vous dites à la page 11. justement, que, malgré la multiplication des portes d'entrée, le centre hospitalier demeure encore actuellement le lieu où se dirigent normalement les personnes qui ont de ces troubles mentaux. Dans la suite logique de votre expertise, puisque vous parlez de 35 centres sur le réseau actuel qui commencent à donner des services et d'autres que vous voudriez voir étendre au Québec dans

l'ensemble du réseau, votre opinion de ce que vous connaissez actuellement sur le fait justement qu'on a peut-être médicalisé cette maladie... Deuxièmement, quels sont les suivis qui peuvent être donnés à des personnes qui sont dans des groupes qu'on disait communautaires ou alternatifs et qui sont des ex-psychiatrisés, qu'on désinstitutionnalise et qu'on renvoie dans le paysage, comme on dit, sans aucune ressource leur permettant d'affronter leur nouvelle vie?

M. Ippersiel: Sur le premier volet de votre question, la référence à la médicalisation, je pense que ce qui est riche dans notre expérience, si on peut s'exprimer ainsi, c'est d'avoir à l'intérieur de nos équipes l'ensemble des professionnels capables d'intervenir par rapport à une même clientèle. Plutôt que de parler en théorie, je pense qu'on est mieux de partir d'exemples concrets. Si je me réfère aux CLSC chez mol ou aux CLSC que je connais le plus, les références se font des médecins aux travailleurs sociaux, aux psychologues, parce que ces professionnels travaillent dans le même établissement et sont souvent en face d'un même client et cette circulation d'expertise, cette référence existe et on pense que c'est une approche intéressante. Quand on parlait au début d'un danger de médicalisation, on ne voulait pas du tout dire qu'il faut écarter le côté médical de cette question, pas du tout Au contraire, il a une place, il a un rôle à jouer, mais on a toujours insisté sur la nécessité qu'il y avait à aborder ces questions dans un contexte de multidiciplinarité. On pense que c'est important et que cela peut se faire dans un réseau d'établissements où on retrouve des professionnels de différentes formations capables de travailler avec les mêmes bénéficiaires. C'est une dimension qui nous parait extrêmement importante et encore plus dans un contexte de santé mentale, la nécessité que les professionnels de la santé travaillent ensemble.

M. Charlebois: Et ce type d'organisation de services est présent dans le rapport Harnois. C'est ce qui nous amène à dire dans notre . mémoire et dans les représentations qu'on fait aujourd'hui qu'on est d'accord avec les orientations, avec les approches, parce que c'est un peu tout cela que décrit le rapport Harnois. Il décrit également la nécessité de mettre en place un peu partout au Québec sur une base locale des réponses, justement, sous la forme d'équipes multidisciplinaires. La présence d'une équipe à l'intérieur de laquelle vont oeuvrer des médecins est peut-être un des facteurs qui peut restreindre une trop grande médicalisation des phénomènes ou des problèmes de santé mentale.

M. Jolivet: Est-ce que cela va jusqu'à dire que vous souhaiteriez voir un psychiatre par CLSC?

M. Charlebois: Oui, bien sûr. On a déjà fait des représentations à cette commission il y a deux ans maintenant et bien sûr que l'aide-conseil ou le support-conseil de ce type de profession peut être nécessaire. Cela ne veut pas dire qu'il doit y avoir dans chacun des CLSC l'embauche d'un psychiatre, mais il y a des CLSC à l'heure actuelle qui travaillent en collaboration avec des psychiatres.

M. Jolivet: Je sais que ma collègue, la députée de Johnson, voudrait poser une question, M. le Président, à moins qu'il n'y ait alternance. Non?

Mme Lavoie-Roux: On reviendra, il reste quelques minutes.

Le Président (M. Audet): Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Je vous remercie, M. le Président. La question que mon collègue posait à savoir si vous souhaiteriez un psychiatre par CLSC, je sais qu'il existe dans les CLS, en tout cas dans notre région, un territoire bien organisé, telle municipalité appartient à tel territoire. Je me pose la question, à savoir: Si, éventuellement, il n'y a pas les services comme vous le souhaiteriez dans tous les CLSC, comment allons-nous être en mesure de diriger nos gens vers un CLSC différent de celui dont le territoire est bien défini, comment allons-nous être en mesure de faire que les gens reçoivent les soins nécessaires dans un autre territoire quand vous comprendrez que les CLSC n'acceptent pas que des gens de tel territoire reçoivent des soins dispensés par un autre? En tout cas, cela ne se fait pas chez nous. Je ne sais pas si cela se fait ailleurs, mais pas chez nous.

M. Charlebois: Cela dépend pour quel type de services. Pour les services généraux, les CLSC sont tenus comme tous les autres établissements de recevoir les personnes qui s'y présentent.

Mme Juneau: Même s'ils ne sort pas de leur territoire?

M. Charlebois: Pour les services généraux. Il y a cependant des CLSC qui font du contingentement dans des programmes, forcément les programmes de maintien à domicile, de périnatalité, etc. Il y a un certain contingentement qui est rendu nécessaire par les moyens limités dont les CLSC disposent. Mais tout citoyen qui se présente à la porte d'un CLSC doit normalement recevoir le service courant. Cela ne veut pas dire qu'il va nécessairement avoir une inscription dans le programme de périnatalité; je distingue bien entre tes deux types d'activité.

Mme Juneau: Dans la réalité, celé ne se fait pas. Vous comprendrez que...

M. Charlebois: Ah! On vérifiera.

Mme Juneau: C'est pour cela que je me posais la question si, éventuellement... Je vois la ministre sourire, je pense qu'elle est au courant de la situation vécue. Je me dis: Si un CLSC ne peut offrir cela, tel qu'on le souhaiterait ou tel que vous venez de l'énoncer, comment fera-t-on pour que tes gens qui en ont réellement besoin puissent être transférés d'un CLSC à l'autre pour recevoir le service attendu? Avez-vous une suggestion?

M. Charlebois: Comment transférer ta population?

Mme Juneau: Comment va-t-on être en mesure - la flexibilité, finalement - d'offrir les services à la personne qui ne correspond pas au territoire donné?

M. Ipperstel: Peut-être qu'un des éléments de solution à ce problème serait le plan régional, qu'un ensemble de services soit pensé pour une région donnée avec des responsabilités bien claires pour tout le monde. Je pense qu'on pourrait éviter le problème auquel vous faites référence. Donc, une approche régionale à l'organisation de services, cela me semblerait un pas dans la bonne direction.

M. Côté (Louis): C'est un problème qui se présente pour d'autres types de services dans le réseau. Par exemple, la sectorisation des services de santé mentale dans une région comme Montréal qui couvre les hôpitaux. Les hôpitaux psychiatriques dans la région de Montréal ont des secteurs appropriés qui leur sont attribués, disons, et ce problème se pose, une personne a besoin de service X, l'hôpital Y est débordé, ta personne n'est pas dans son secteur, cela se règle par ajustement, par discussion. La loi prévoit que les gens ont accès au service selon leurs besoins, qu'un établissement ne doit pas les refuser, sauf qu'il y a la question des ressources disponibles. Évidemment, les établissements sont confrontés à ce problème. Habituellement, quand il y a un problème de pénurie de ressources, la solution, c'est de trouver des mécanismes régionaux qui permettent d'arbitrer les différends. Dans la région de Montréal, sur le plan des problèmes d'opérationalisation de la sectorisation des hôpitaux psychiatriques, la région essaiera de mettre sur pied un mécanisme qui permettra de régler les problèmes litigieux. Par exemple, une personne s'adresse à un hôpital X et ne peut obtenir les services, elle pourrait être desservie par l'hôpital Y qui n'est pas l'hôpital de son secteur, disons.

Actuellement, dans plusieurs services - je regarde dans le CLSC chez nous - on a beaucoup d'usagers des services généraux qui ne sont pas des gens résidant dans notre quartier, mais qui sont des gens travaillant dans le quartier ou transitant dans le quartier. Le problème, c'est quand les demandes sont faites dans les programmes superachalandés pour lesquels les ressources sont très restreintes. Par exemple, pour le maintien à domicile, actuellement, c'est évident que les CLSC desservent les gens de leur secteur, ils ont même de la difficulté à desservir les gens de leur secteur. On est amené à avoir des priorités qui sont difficiles à établir. Cela, c'est un problème partout dans le réseau, les ressources ne sont pas illimitées, il faut trouver des solutions ad hoc à ce type de problème. Il n'y a pas de solution parfaite, un établissement qui manque de ressources pour desservir sa clientèle cible aura toujours de la difficulté à prendre des clients de plus, à desservir des gens de plus, alors qu'il a déjà de ta difficulté à le faire. Cela collabore toujours mieux quand on est en surplus de ressources.

Mme Juneau: Est-ce que cela arrive?

M. Côté (Louis): Que les gens soient en surplus de ressources? C'est plutôt rare, mais II y a des programmes, quand même... Par exemple, la périnatalité, c'est quand même un programme qui subit moins de pression que le maintien à domicile. Là-dessus, il y a plus de facilité d'accès.

M. Jolivet: Justement, pour ajouter à ce que ma collègue dit, je poserai la question suivante: Sur les 35 qui ont mis en place un programme, est-ce qu'il y a eu des transferts de budgets de telle sorte que d'autres services ont été abandonnés?

Mme Lalonde: La plupart des 35 CLSC qui ont un programme structuré en santé mentale ont pu profiter de certaines sommes, soit dans le cadre du plan de désengorgement des urgences, par exemple, dans les régions de Montréal, Québec ou Trois-Rivières ou dans le cadre du plan de désinstitutionnalisation de l'hôpital Louis-H.-Lafontaine. Donc, il y a quand même eu des sommes dans le cadre de certains budgets définis au niveau régional, il y a eu des enveloppes consacrées aux CLSC, soit par transfert de mandat ou par des choix qui ont été effectués sur une base régionale.

M. Jolivet: Cela a été fait par te CRSSS.

Mme Lalonde: C'est sûr que cela a pris des sous nouveaux pour que les CLSC puissent intervenir, et cela s'est fait relativement en concertation, du moins pour les expériences...

M. Jolivet: Ce qui fait que, peut-être, des groupes alternatifs ou communautaires n'ont pas eu l'argent qu'ils auraient désiré, justement, avec les budgets?

Mme Lalonde: Je pense que ces 35 CLSC ne remplaçaient pas ce que des organismes communautaires auraient pu faire. Souvent, cela pouvait être une mise à contribution de certaines ressources au niveau du diagnostic, au niveau du traitement et dans la plupart des cas, d'ailleurs, les CLSC se sont associés sur des dimensions plus de maintien dans la communauté à des ressources communautaires là où ils existaient, parce qu'ils n'existaient pas partout. Ils se sont associés à ces ressources pour mettre leurs services en branle et pour voir comment un partenariat, du moins local, pouvait s'articuler par rapport au nouveau mandat qu'ils recevaient. Mais le lien se faisait davantage avec les équipes psychiatriques ou avec les hôpitaux. (16 heures)

M. Jolivet: Dans ce contexte, je fais référence à la recommandation 15 du rapport qui parle justement - c'est une des difficultés que vous mentionniez tout à l'heure - de reconnaître la légitimité de l'action des ressources communautaires - et on ne définît pas trop ce que sont les ressources communautaires; les gens des ressources alternatives nous l'ont dit - exerçant les fonctions supplétives ou expérimentales dans la dispensation des services en santé mentale. Ce sont des questions qu'on est en droit de se poser. Dans ce contexte, comme organisme CLSC, vos contacts avec l'autre partie qui est le département de santé communautaire sont de quel ordre dans toute la recherche en santé mentale dans les régions du Québec?

M. Charlebois: Dans la recherche.

M. Jolivet: La prévention. Les études que peuvent faire les départements de santé communautaire par leur mandat. Eu égard au fait qu'il y a peut-être de l'empiétement de part et d'autre, j'aimerais bien savoir quels sont les contacts que vous avez en santé mentale avec les départements de santé communautaire.

M. Charlebois: Je vais donner une première réponse générale et M. Côté pourra compléter. Le type de rapports qu'il peut y avoir entre DSC et CLSC est variable d'une région à l'autre. Dans beaucoup de régions, il existe ce qu'on appelle une table de concertation où les projets des DSC seront discutés avec les CLSC. Habituellement, la recherche se fait au DSC même. Elle ne se fait pas par le personnel du CLSC. À plusieurs endroits, le personnel du CLSC peut aider à alimenter et à documenter les équipes de recherche des DSC. Cela se fait souvent, encore une fois, par une table de concertation sous-régionale. II en existe à peu près partout, des tables de concertation sous-régionales entre DSC et CLSC. M. Côté pourrait peut-être compléter à partir d'expériences concrètes à Montréal.

M. Côté (Louis): C'est un peu dans le même sens. Cela varie beaucoup d'un DSC à l'autre, la priorité qui est accordée à la recherche dans le domaine de la santé mentale, comme tel, en particulier en ce qui a trait aux adultes. Si vous prenez une région comme Montréal, il y a des DSC qui ont fait beaucoup de recherches dans ce domaine et d'autres, moins. Là-dessus, c'est un rôle carrément complémentaire qu'on a avec les DSC, surtout depuis que tous les services directs à la population, qui étaient du mandat de première ligne, ont été transférés dans les CLSC. A ce moment-là, entre les DSC et les CLSC, il y a une complémentarité à peu près totale dans ces domaines pour ce qui est des services, puisqu'on a un rôle de dispensation de services et eux un rôle de recherche et de planification.

Il faut aussi penser que la plupart des conseils régionaux ont des commissions administratives en santé mentale, avec un personnel et des équipes de coordination et de planification. Je peux parler personnellement. D'après moi, la meilleure façon d'assurer une coordination pour développer des plans d'organisation régionaux, c'est que la concertation se situe au niveau des conseils régionaux. Les CLSC, les hôpitaux et tous les acteurs peuvent être coordonnés par le conseil régional, à ce moment-là. Quant aux commissions administratives dans le domaine de ta santé mentale, les DSC sont représentés à ces commissions. Le problème se situe... Le Président (M. Audet): En conclusion, M. Côté, s'il vous plaît.

M. Côté (Louis): Oui. Il me semble qu'il y a un problème aussi entre les DSC et les conseils régionaux, à savoir quels sont les mandats respectifs de l'un et de l'autre type d'organisme quant à la recherche dans le domaine de la santé mentale. Actuellement, nous collaborons avec les deux dans l'état d'organisation du réseau.

Le Président (M. Audet): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous disposez d'une minute, trente secondes, questions et réponses.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Thuringer: Ha, ha. ha! Bon! Je vais aller vite, merci. Vous mentionnez que votre clientèle dans ce domaine touche à peu près 20 %. On a entendu, ces derniers jours, des parents de bénéficlares qui ont parlé des problèmes à entrer vraiment dans te système, soit à l'hôpital, soit dans la communauté. J'aimerais avoir vos commentaires sur les problèmes que les patients ont.

Deuxième chose. On parlait d'une équipe formée de médecins, de travailleurs sociaux et d'autres, mais où sont les bénéficiaires? Quel rôle peuvent-ils jouer dans votre réseau? Quelle est la définition du rôle des gens des CLSC et aussi des ressources alternatives? It me semble qu'il y a tellement de confusion encore et pour moi d'abord. Comment les gens peuvent-Ils se

servir de ce réseau, le vôtre ou le secteur communautaire? Je sais que c'est beaucoup de questions.

Le Président (M. Audet): La réponse devra être très brève.

M. Charlebois: Rapidement, le premier élément. En ce qui a trait aux parents, à moins que je ne me trompe, vous vous référez peut-être particulièrement aux parents d'enfants qui sont en institution et qui vivent le problème de la désinstitutionnallsation ou des problèmes parce que leurs enfants sont en institution. Le genre de services que les CLSC offrent... Enfin, il n'y a pas d'hébergement en CLSC, il n'y a pas de rapport, si vous voulez, avec des parents, si ce n'est occasionnellement - il faudrait vérifier; à mon point de vue, c'est relativement rare sauf peut-être dans l'est de Montréal - si ce n'est dans des cas de déslnstitutionnalisation où les CLSC peuvent offrir certains appuis. La problématique des rapports entre parents et réseaux se pose plus en regard des centres d'accueil de réadaptation ou en regard des hôpitaux et non pas en regard des CLSC. La place des bénéficiaires, encore là c'est un peu la même problématique. L'intervention du CLSC, c'est dans la communauté. C'est en milieu ouvert. Ce n'est pas une Institution. Alors, la clientèle du CLSC va être une clientèle qu'on dit...

M. Thuringer: Simplement pour préciser. Supposons que vous avez une équipe sur place pour étudier un plan d'action pour un patient. Il y a des professionnels qui sont nommés. Quelqu'un qui a vécu cette expérience peut certainement beaucoup aider au sein de cette même équipe.

M, Charlebois: Au niveau de la consultation dans les comités de citoyens, les comités de bénéficiaires, etc.

M. Thuringer: C'est cela.

M. Charlebois: Enfin, cela est variable. Les directeurs ici présents peuvent peut-être témoigner de certaines expériences chez eux. Il y a toutes sortes de formules. J'ai en mémoire une expérience faite très récemment d'un CLSC qui a organisé un colloque avec plusieurs citoyens ou ex-patients psychiatrisés pour essayer d'orienter son intervention en santé mentale. Il y a des expériences qui se font. Cela est d'ailleurs encouragé par nous, auprès de nos membres, soit d'essayer d'ouvrir à la consultation l'orientation des différentes interventions et des différents programmes. Les CLSC versus les ressources alternatives, il semble effectivement se développer une certaine confusion, comme si un CLSC était une ressource alternative. Je pense qu'il faudrait...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Changer la vocation.

M. Charlebois: ...dissiper autant que possible cette confusion. Je ne sais pas si on a réussi à la dissiper. Le CLSC est vraiment un établissement public. C'est un réseau complet dans tout le Québec qui dispense des services dans le cadre de la loi, dans le cadre de mandats et de programmes également, et qui devrait être accessible à l'ensemble de la population. Ce qu'on appelle des ressources alternatives, ce ne sont pas en soi des établissements au même titre que les CLSC. Je pense qu'il y a une distinction à faire entre le deux. Les ressources alternatives, particulièrement celles qui rendent des services, sont présentes en milieu urbain, peut-être un peu moins en milieu rural. C'est dans ce sens-là aussi qu'on invite le ministère à préciser sa politique pour miser sur les réseaux qu'on a déjà développés depuis de nombreuses années.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Laviolette, le mot de la fin.

M. Jolivet: Je vous remercie pour l'ensemble des renseignements que vous nous avez donnés. Tout en regardant vers l'avenir et en sachant ce qu'a dit le rapport Brunet, ainsi que les orientations que semble donner la ministre dans une future politique, on verra si vous êtes ceux qui vont ramasser les gens en état de crise.

Le Président (M. Audet): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: À mon tour, je veux remercier la Fédération des CLSC. Je suis sûre qu'on aura d'autres occasions de discuter. Encore une fois, nous tenterons de préciser, au moment de la rédaction finale du mémoire, les différents éléments que plusieurs groupes ont fait valoir ici. Je vous remercie.

Le Président (M. Audet): Merci, mesdames et messieurs. Bonne fin de journée et bon retour!

J'invite maintenant le Conseil des affaires sociales et de la famille à prendre place.

Nous allons suspendre nos travaux 15 à 20 secondes et on reviendra.

(Suspension de la séance à 16 h 9)

(Reprise à 16 h 10)

Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.

Mesdames, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Je vous rappelle que vous disposez de 20 minutes pour présenter votre mémoire. Nous essaierons d'être très clairs et très brefs dans nos questions de sorte que nous aurons des réponses très brèves et très courtes pour respec-

ter notre horaire.

Si vous vouliez bien vous présenter et nous présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plait! La parole est à vous.

Conseil des affaires

sociales et de la famille

Mme Blanchet (Madeleine): Madeleine Blanchet, présidente du Conseil des affaires sociales et de la famille; à ma droite immédiate, Mme Madeleine Moranville, qui est présidente du Centre de ressources Institutionnelles de la Côte-Nord; à mon extrême droite, Mme Solange Fernet-Gervais, qui est directrice du Centre d'action bénévole Normandie, membre du conseil d'administration du CLSC Normandie et membre de la table de concertation santé et services sociaux du Centre Maurice-Normandie, le tout se trouvant dans la région 04 Trois-Rivières; à ma gauche, Mme Colette Lanthier, docteur en psychologie et auteure de la recherche dont nous allons faire état au Conseil des affaires sociales et de la famille.

Notre mémoire étant très bref, je me permettrai de le lire en partie et de faire certains commentaires qui permettront, je crois, de préciser certains points et d'en arriver également à suggérer des mesures concrètes.

Premièrement, je voudrais remercier la ministre de la Santé et des Services sociaux, les députés ici présents de nous avoir permis de nous présenter à cette importante commission qui permettra de doter le Québec d'une politique en santé mentale.

Vous avez devant vous quatre femmes. Nous devions être accompagnées d'un homme mais le Dr Robert Maguire a été retenu chez lui par des responsabilités familiales. Vous voyez que notre société évolue, ce sont maintenant tes hommes qui restent à la maison. Nous allons quand même tenter de faire état de ses recommandations et de ce qu'il nous a demandé de faire valoir auprès de vous cet après-midi.

Ce projet de politique en santé mentale élaboré par le Comité de la politique de santé mentale qui a été rendu public en septembre dernier ne saurait laisser notre conseil indifférent. Le conseil doit d'abord louer l'effort considérable qui a été déployé par le comité pour doter le Québec d'une véritable politique de la santé mentale. Nous partageons entièrement la vision du rapport Harnois selon laquelle la santé mentale englobe tout autant la promotion, la prévention que l'aide, le traitement, la réadaptation, la réinsertion et le soutien à la personne atteinte de problèmes de santé mentale.

Déjà en 1983 le Conseil des affaires sociales et de la famille avait souligné que les troubles mentaux venaient en tête des maladies les plus coûteuses au Québec. Ils entraînaient déjà, parmi toutes les maladies chez les jeunes de 10 à 20 ans, les plus longs séjours à l'hôpital. C'est pourquoi le conseil préconisait l'intervention précoce auprès des enfants en bas âge. En 1984 le conseil proposait dans son rapport intitulé "Objectif: santé" un certain nombre d'objectifs en vue d'améliorer la santé des Québécois, Parmi les dix objectifs prioritaires, il incluait celui de favoriser le développement affectif et social des enfants âgés de 0 à 5 ans.

Le conseil recommandait du reste trois mesures précises pour atteindre cet objectif. Premièrement, renforcer le rôle joué par les services de première ligne dans la détection et le traitement des troubles de développement des jeunes enfants ainsi que la continuité dans leur suivi.

J'aimerais insister aujourd'hui sur l'importance du diagnostic précis. Des parents d'enfants gravement atteints sont souvent ballotés entre pédiatres, psychologues et psychiatres. Les pédiatres et les psychologues se font rassurants; ils parlent de problèmes de relation; ils parlent d'un manque de stimulation de l'enfant, si bien que, lorsque les parents vont enfin voir un pédopsychiatre, le diagnostic est porté très tard. Ce cloisonnement entre les professions du champ de la santé mentale nuit au public et ce, dès le plus bas âge; on ne fait pas le bon diagnostic ou on le fait très tardivement.

Le conseil à cette époque, en 1984, parlait déjà de favoriser, deuxièmement, le développement des groupes d'entraide destinés à informer et à soutenir les parents les plus démunis. Nous avions constaté que ce sont les parents qui ont déjà un enfant atteint qui peuvent le mieux comprendre et aider d'autres parents. Enfin, troisièmement, accroître l'accessibilité à des ressources intermédiaires telles que la maternelle en milieu défavorisé et nous pourrions ajouter, de nos jours, les garderies.

Le conseil insiste de nouveau sur l'Importance d'inclure, dans la politique de la santé mentale, des mesures visant la prévention des problèmes mentaux grâce à une action systématique auprès des Jeunes enfants et de leur famille. Les plus grands analystes du domaine de l'enfance, tels que Mélanie Klein, Spitz, Bowlby, Françoise Dolto, s'accordent pour situer la genèse de la maladie mentale dans la prime enfance, incluant évidemment les problèmes d'ordre génétique. On connaît cette expression de Dodson: Tout se joue avant six ans", qui exprime très bien cette réalité.

Tout au long du projet de politique en santé mentale, on perçoit en filigrane l'intérêt porté aux jeunes. Mais je dois dire que ce sont plutôt des minuscules que des majuscules. Ce qui est plus grave, à notre avis, c'est que, dans le projet, il n'y a pas d'actualisation de propositions très concrètes. Pourtant, le rapport Harnois reconnaît que la situation des jeunes est de nature à inquiéter à plus d'un point de vue. On commence à enregistrer des consommations importantes de services médicaux psychiatriques chez les enfants dès l'âge de 5 à 9 ans. Par ailleurs, le groupe des 15 à 19 ans est celui qui

connaît actuellement la plus forte augmentation dans le recours à des traitements psychiatriques. Le rapport ajoute qu'il est inquiétant de constater l'existence d'un ensemble de problèmes qui vont s'accentuer avec l'âge. Mais ce constat ne permet pas cependant d'arriver à des mesures concrètes.

Ajoutons quelques chiffres. Le Comité de la santé mentale dont le président est le Dr Harnois avait déjà identifié, en 1983, que 30 833 enfants âgés de 0 à 17 ans avaient reçu un diagnostic de trouble mental, que, parmi ceux-là, 13 000 avaient été traités en cabinet privé, qu'il y avait 7000 enfants inscrits dans les cliniques externes de pédopsychiatrie et que, toujours dans ces années, plus de 2000 enfants avaient dû être hospitalisés pour troubles mentaux. Cette même année, 12 604 jeunes âgés de 0 à 17 ans étaient inscrits dans les centres d'accueil pour mésadaptés socio-affectifs, pour toxicomanes et dans des centres pour jeunes mères en difficulté; en outre, nous savons hélas, les journaux nous le rappellent fréquemment, que le nombre de signalements à la Direction de la protection de la jeunesse ne cesse d'augmenter et les listes d'attente de s'allonger.

Les données et ces quelques chiffres ne tiennent pas compte des enfants et des adolescents qui sont suivis en CLSC pour des problèmes de santé mentale, ni de ceux identifiés à la garderie ou à l'école comme présentant des problèmes de comportement, ni. à plus forte raison, de ceux suivis en bureau privé par les psychologues. En plus, on ne peut passer sous silence la hausse récente de la prostitution et de l'itinérance chez les jeunes. Le taux anormalement élevé des suicides chez les jeunes de 15 à 24 ans commanderait à lui seul une intervention précoce dès l'enfance. Or, que recommande le rapport Hamois dans son plan d'action concernant les jeunes? Une première recommandation, c'est de mettre sur pied un groupe de travail chargé de développer une approche intégrée de services pour rejoindre les jeunes présentant des problèmes de santé mentale, donc déjà malades. Dans une deuxième étape, la mise en place de tables régionales de concertation-jeunesse pour appuyer et encourager les activités de prévention, spécialement en milieu scolaire. Donc, rien qui s'adresserait spécifiquement à la petite enfance. Donc, rien n'est proposé qui s'adresserait aux enfants en bas âge par le biais de leurs parents.

Pourtant, déjà en 1985 le Comité de la santé mentale, dans un avis qui s'intitulait "La santé mentale des enfants et des adolescents", avait identifié et analysé les différents facteurs qui conditionnent et influencent la qualité de ta santé mentale des enfants et des adolescents. Ce comité soulignait entre autres le rôle primordial joué par les parents dans l'équilibre mental de leur enfant. Le bien-être des enfants, affirmait-il, passe à peu près toujours par le bien-être des parents.

Le rapport Brunet est venu confirmer et appuyer aussi ce principe en confiant aux centres locaux de services communautaires la tâche de rendre disponible un programme spécifique qui s'adresse à l'enfant et à la famille à risque. Il leur demande également de continuer le travail déjà quelque peu amorcé auprès de la petite enfance. Le rapport Harnois souligne pertinemment que la détérioration de la santé mentale des Québécois ne peut être freinée par des mesures qui ne s'adressent qu'aux malades mentaux. Par conséquent, une politique de la santé mentale demeurerait incomplète si elle ne s'adressait pas aussi aux jeunes enfants et à leurs parents.

Depuis quelques années, certaines institutions, centres hospitaliers, centres locaux de services communautaires et centres de services sociaux, interviennent à la fois auprès des enfants et de leur famille. On parle de plus en plus de thérapie familiale. Le succès remporté par ces programmes et ces thérapies démontre bien que cette approche se révèle une voie privilégiée pour prévenir l'apparition de problèmes ultérieurs plus graves.

De nos jours, la plupart des parents choisissent de garder leur enfant, même gravement atteint, à la maison de façon à lui donner le maximum de chances de se développer. Ce n'est pas facile d'être une famille normale de nos jours. C'est encore plus difficile d'être une famille thérapeutique. C'est lourd à porter au fil des jours, au fil des années. Souvent, un des parents, c'est généralement la mère, va devoir abandonner sa profession, sa carrière pour se consacrer aux soins de l'enfant.

L'entourage, les grands-parents, le reste de la famille qu'on voudrait très aidants ne sont pas toujours aussi près des parents qu'on le voudrait. Ils sont souvent critiques vis-à-vis de la façon dont les parents veulent éduquer l'enfant. Aussi, le conseil souhaite-t-il le développement de services axés sur les familles en pariant d'un meilleur suivi durant la période prénatale jusqu'à la garderie et la prématernelle. L'apport du psychologue, qui est le spécialiste du développement affectif et des relations affectives parent-enfant, constituerait une ressource professionnelle précieuse auprès du personnel de ces services. Les psychologues pourraient être mis à contribution pour le dépistage, dès le suivi prénatal, des parents susceptibles de développer des problèmes relationnels avec leur enfant.

Vous allez me dire: Vous rêvez en couleur. Je vous réponds: Non, cela se fait déjà. Il y a plusieurs hôpitaux où cela se fait. Il est Intéressant de voir qu'il s'agit d'un développement extrêmement récent qu'on voit dans de nombreuses régions du Québec, et il s'agit surtout des régions périphériques du Québec. Un petit exemple, à Chicoutimi toute femme qui vient de donner naissance à un enfant est vue dans la pouponnière ou aux alentours de la pouponnière

et le personnel de l'hôpital fait remplir un questionnaire. Grâce à ce questionnaire, on arrive à dépister environ le 10 % des parents, des familles les plus à risque. Cela nous paraît un exemple de ce qui peut être fait immédiatement après la naissance, sinon même avant la naissance.

Des exemples nous ont aussi été donnés d'Initiatives de ce genre dans l'Outaouais où un projet pilote très vaste de prévention et de traitement de la maladie mentale est actuellement en cours. Mes collègues vous feront état de programmes dans leur propre région.

Venons-en à des questions d'organisation. Les spécialistes américains qui se sont penchés sur ce domaine ont fait réaliser que, quand on veut organiser quelque chose d'Important et de vraiment solide dans un état en prévention, il faut qu'il y ait une organisation forte qui soit résolument engagée dans ce domaine et qui surveille le développement de ce domaine préventif de façon continue. Cette organisation, elle existe en promotion de la santé physique au Québec. Elle existe un tout petit peu. On voit des éléments qui se sont développés en santé mentale. Ce qui nous paraît intéressant, c'est que cette organisation est plus accessible, est plus développée ici qu'aux États-Unis et que dans la plupart des pays occidentaux. C'est le réseau de la santé communautaire qui est maintenant formé d'un grand nombre de personnels oeuvrant en CLSC ou en DSC. Ce réseau devrait favoriser le développement de groupes d'entraide formés de parents appelés à soutenir d'autres parents.

Le rapport Harnols avance l'Idée d'un partenariat comme orientation majeure d'une politique de ta santé mentale. Nous disons: Les parents sont les premiers partenaires de leurs enfants et, aux yeux du conseil, la politique de la santé mentale doit mettre résolument l'accent sur la famille comme premier milieu de développement de la santé mentale d'une population.

Nous recommandons donc que tout d'abord le gouvernement et ses institutions reconnaissent ce rôle primordial des parents dans l'équilibre mental de leur enfant et en fasse les partenaires premiers de leurs Interventions. Que le gouvernement dégage les ressources humaines et financières qui sont requises auprès des professionnels qui suivent les femmes enceintes, qui suivent les parents, lors des tout débuts de la vie de l'enfant, afin de prévenir dès le début de la vie le développement de relations névrotiques entre les parents et les enfants et d'identifier précocement les problèmes les plus graves des psychoses, l'autisme, etc. Et que le réseau de la santé communautaire favorise la création et le développement de groupes d'entraide de parents appelés à soutenir d'autres parents.

J'aimerais maintenant, dans les quelque cinq minutes qui nous restent pour la présentation, céder la parole à Mme Madeleine Moranville, qui, comme je vous le disais, vient de la Côte-Nord, est un des membres du conseil qui vient des régions périphériques et qui a quelque chose de très Intéressant, de très concret à vous raconter sur certaines communautés de la Côte-Nord.

Le Président (M. Audet): Mme Moranville,

Mme Moranville (Madeleine): Merci. Je vais compléter un peu la présentation aussi. J'ai été en 1982, pour une année, aussi présidente du CRSSS de la région 09. Donc, j'ai vu un peu au réseau, à l'organisation. Je dois dire déjà que cela a changé de 1981 jusqu'à nos jours. Je suis aussi bénévole, mère de famille à temps plein, éducatrice de mes cinq enfants qui sont partis de la maison.

Ce dont je voulais vous parler, justement dans le contexte que Mme Blanchet vient de situer, ce qu'on déplorait peut-être un peu - c'était peut-être sous-entendu dans le rapport Harnois, mais n'avait pas été explicité - c'était la question de la relation parent-enfant, les services qui pourraient se donner et la prise en charge d'une communauté au niveau des 0 à 5 ans.

On a beaucoup entendu parler les CLSC avant nous. Il s'agit justement d'un projet du CLSC de la région de Forestville où Is ont mis quatre villages, où on s'est occupé de quatre villages pendant deux ans. Il en reste encore deux autres à voir. C'est un projet pour trois ans. On disait que ce projet, en fait, était pour le développement des services en santé mentale qui étaient destinés à la petite enfance. On a fait la promotion de la santé globale, c'est-à-dire le bien-être physique, social et mental des enfants. C'était le premier objectif. L'objectif caché était d'aller dépister les situations difficiles. On voulait, par cette expérience, aller rejoindre des familles ou on peut dire la clientèle cible qu'on ne rejoint pas d'ordinaire. (16 h 30)

Ce qu'il y a d'original dans cette Intervention, c'est qu'on a formé une travailleuse communautaire, comme on l'appelle. Le CRSSS a encouragé ce projet qui a coûté 34 000 $ par année constituant le salaire de la travailleuse communautaire qui devient le soutien, le lien, la personne-ressource entre tous les Intervenants du réseau de la santé. Ces gens ne vont pas directement aux professionnels de la santé, soit par manque de scolarité ou encore parce qu'ils sont éloignés ou à cause d'expériences qui ont été un peu déplorables.

Alors, cette travailleuse, pour commencer, a rencontré les gens qui ont affaire à ces gens-là, soit des diététiciennes, des pharmaciennes, des psychologues, ils ont formé une équipe et c'est elle-même qui est allée dans les familles et qui a formé des groupes. Ensuite, ils ont formé des groupes de parents leaders et ces parents leaders sont entrés en communication avec d'autres familles les amenant à participer à des séances d'information sur des sujets comme

l'alimentation, l'apprentissage du langage, etc. Ensuite, ces parents ont formé d'autres équipes qui se sont entraidées et ils en sont venus à parrainer une garderie. Ils ont aussi des séances d'Information qui ont lieu tous les mois où ils font appel à des personnes du CLSC comme personnes-ressources et ils ont réussi à mettre sur pied un atelier de socialisation pour les enfants une fois la semaine et c'est une mère qui a été formée et qui s'occupe uniquement de... De la sorte, les parents se prennent en charge, ils ont quand même besoin de soutien financier pour les locaux, les jeux ou les techniques d'animation. La personne-ressource s'efface tranquillement pour aller vers les deux autres villages cette année. On entend apporter cette expertise, l'étendre à tous les CLSC de la Côte-Nord et peut-être même provincialement si cela peut être possible. Il s'agit d'aller voir ce qui se passe dans les milieux, de laisser venir les gens étaler eux-mêmes leurs besoins et non pas leur imposer et leur dire quoi faire; c'est ce que les gens n'aiment pas dans les régions éloignées quand ils disent avoir eu de mauvais contacts avec les professionnels de la santé... Je reviendrai sur autre chose, mais, pour le moment, je cesserai Ici.

Le Président (M. Audet): Merci, madame. Je vous remercie d'avoir respecté le temps qui vous était accordé.

Mme Moranville: On a les documents, si vous en avez besoin.

Le Président (M. Audet): Je cède la parole à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier le Conseil des affaires sociales et de la famille de son mémoire et, d'une façon particulière, Mme Moranville pour la description qu'elle nous a donnée de cette initiative de la Côte-Nord où on sait que, selon certaines statistiques, les problèmes de santé mentale sont particulièrement aigus, probablement à cause de l'isolement, d'une foule de facteurs que, d'ailleurs, l'enquête Santé-Québec pourra nous décrire d'une façon plus précise dans quelque temps.

Dr Blanchet, évidemment, vous avez mis l'accent sur la petite enfance, même à partir de la naissance, comme étant un âge de la vie où il faut prévenir, où il faut assister, appuyer, soutenir, comme étant un âge déterminant pour l'équilibre affectif auquel on arrivera comme adulte. La question que j'aimerais vous poser, et je pense que cela demeure toujours vrai... Quelqu'un disait dans un mémoire, hier, que tout se joue de 0 à 6 ans. Je pense que c'est une vérité reconnue ou, en tout cas, une affirmation que tout le monde connaît. Vous disiez, eu égard au suicide, que c'est Important d'agir jeune pour prévenir te suicide plus tard. Croyez-vous qu'aujourd'hui, même si cela demeure toujours fondé que l'équilibre émotif se prépare en bas âge, les facteurs sociaux et environnementaux qui Interviennent maintenant d'une façon beaucoup plus dure, beaucoup plus fréquente qu'autrefois ne sont pas aussi des déterminants Importants pour la santé mentale et que même si de 0 à 6 ans... Si vous avez une mère qui vous a laissé enfermé dans une chambre de 0 à 2 ans, c'est évident que vous allez avoir des problèmes, mais si on prend la moyenne des gens, je me demande... Hier ou avant-hier, justement, sur le suicide, on en a parlé. Les psychiatres nous disaient que, finalement, c'était encore - je ne sais pas si on peut parler de pathologie - un symptôme dont les causes étaient difficilement identifiables. Ils nous disaient également qu'en dépit des ressources d'assistance pour le suicide, les centres de prévention du suicide, etc., il ne semblait pas que ceci ait un effet; en tout cas, c'est un effet qu'on ne pouvait pas encore mesurer, qui n'avait jamais été mesuré sur la diminution du taux de suicide.

La question que je vous pose, je pense que c'est Important que la petite enfance se déroute dans un milieu le plus sain possible, le plus équilibrant possible, mais il va quand même y avoir des priorités à établir. Je vous voyais par exemple recommander - je ne sais pas si je vais le retrouver - "que le gouvernement dégage des ressources humaines et financières requises auprès des professionnels qui suivent les femmes enceintes afin de prévenir dès le début de la vie le développement de relations névrotiques entre les parents et leur enfant". Est-ce que, d'une part, II y a vraiment besoin d'ajouter des ressources? Est-ce que les intervenants eux-mêmes, qu'ils soient médecins, infirmiers ou infirmières, qu'ils soient d'une autre profession, ne devraient pas eux-mêmes être outillés pour justement être capables de faire ce dépistage, comprendre l'anxiété que la femme enceinte peut avoir dans une situation particulièrement difficile ou les réactions affectives qui peuvent suivre l'accouchement, etc.?

Vous parlez encore d'ajouter des professionnels afin de prévenir, dès le début de la vie, le développement de relations névrotiques. À un moment donné, comment est-ce qu'on établit nos priorités et dans quel domaine on agit? Vous aviez tout à l'heure devant vous - je ne dis pas que ce n'est pas bon - les CLSC qui nous disaient: II faudrait une équipe dans chaque CLSC. On a estimé cela grossièrement, par des calculs à longue distance, probablement à 400 personnes de plus. Est-ce qu'on ne devrait pas réorienter certaines ressources, c'est-à-dire les former différemment, plutôt que de toujours penser d'additionner et d'additionner? Il faudra ajouter des ressources, ce n'est pas ce que je veux mettre en question. J'aimerais vous enten-' dre un peu plus longtemps là-dessus. On n'y arrivera pas, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, même avec la plus grande volonté

politique gouvernementale qu'on pourrait Imaginer.

Mme Blanchet: La ministre fait une longue réflexion en partant du constat que les spécialistes ont toujours dit que tout se joue avant six ans. Je ne pense pas qu'on puisse remettre cela tellement en question, mais ce qu'on peut remettre en question, c'est à savoir si on peut tout dépister précocement Je pense bien qu'il faut avouer que non. Il y a des suicides qui sont absolument imprévus et qu'on ne pourra jamais prévenir.

Là où je crois que notre mémoire voulait surtout Insister - je passerai après cela à ta question des ressources - c'est que les priorités, évidemment, devront être... C'est la tâche du ministère d'élaborer à partir du document Harnois où on va mettre l'argent En ce moment, tel que le rapport apparaît, il semble que l'argent nouveau irait beaucoup encore au soutien de gens qui sont des parents ou des groupes communautaires de soutien ou de gens qui sont déjà malades mentaux. C'est là où nous pensons qu'on pourrait Intervenir plus précocement là-dedans. On ne pourra pas tout prévenir, mais il est possible, il existe des outils qui permettent au personnel bien formé d'aller repérer quelles seraient les familles à risque. On estime qu'il y en a à peu près 10 % au Québec.

Admettons qu'il y a 80 000 naissances - on est descendu de 90 000 à 80 000 dans les dernières années - il s'agirait, au fond, de repérer les 8000 personnes quf sont susceptibles d'avoir des problèmes dans la famille, à partir d'outils assez simples. Là où je suis bien d'accord avec vous, Mme la ministre, je pense que ce n'est pas l'addition d'un grand nombre de ressources. Il suffirait qu'il y ait quelques personnes consultantes qui pourraient former les infirmières qui voient les mères. Et, également, je reviens à ce que disait Madeleine Moranville, c'est qu'il y a beaucoup de parents qui sont des aidants naturels, mais ce dont Ils manquent, c'est peut-être une ressource supplémentaire, une ressource que j'appellerais plutôt du domaine psychologique, ces ressources qui sont à peu près absentes de notre système public en ce moment, que sont les psychologues. La plupart des problèmes, quand même, en santé mentale ne sont pas des psychoses, il y a beaucoup de problèmes d'ordre comportemental, d'ordre relationnel et ce sont des problèmes qui occupent beaucoup le personnel actuel. Il y a beaucoup de psychiatres qui passent leur temps à voir ces problèmes. Ils ne voient même pas des fois les plus graves.

Pour répondre à votre question, nous sommes fermement convaincus qu'on peut identifier précocement les parents et les familles qui comportent le plus de risques et qu'il est possible de développer à même nos ressources... Avec l'addition peut-être de ressources du côté pédopsychiatrique et psychologique, il y aurait moyen de former davantage le personnel de la santé communautaire et le personnel des hôpitaux pour arriver à ce qu'ils s'utilisent eux-mêmes de façon différente d'auparavant.

Madeleine Moranville a dit une chose très importante, elle a dit: "II ne faut pas aller imposer nos vues et nos programmes". Ils ont cherché à Imposer Parents anonymes. Cela n'a pas fonctionné. Les parents ont choisi une autre façon de fonctionner. Ils ne voulaient pas entrer dans ce modèle de parents anonymes.

Alors ici vous avez raison d'essayer de nous amener à préciser cette deuxième recommandation. Quand on disait de dégager des ressources, II s'agit peut-être de ressources qui sont déjà présentes en milieu hospitalier, on l'a vu à Chicoutimi, mais qui ne sont pas utilisées à cette fin. C'est vraiment le rôle, d'ailleurs, d'une politique en santé mentale de dire: Nous avons un immense problème au Québec, il faut que nos ressources actuellement.. Utiliser, par exemple, les Infirmières en question auparavant... Pour en revenir à l'exemple de Chicoutiml et être très très concret, ils voulaient apprendre aux mères comment baigner les bébés. Alors ce n'est pas ça que les mères voulaient savoir. Les mères voulaient savoir comment ça se développe un enfant Est-ce qu'il y a des choses que je dois lui dire? Quelle est la stimulation d'un enfant? Les demandes des gens étaient beaucoup plus dans la sphère santé mentale que dans la sphère santé physique, qui a d'ailleurs été très bien couverte.

Alors, pour en revenir à la deuxième recommandation que nous avons faite, quand on parlait de dégager des ressources ce ne sont pas nécessairement des ressources nouvelles. Ce sont des ressources qui ne sont pas utilisées en ce moment auprès de ces parents-là, qui sont utilisées auprès de toute autre personne mais qui ne sont pas utilisées auprès des parents. À notre avis, dans ce domaine-là, on en est vraiment au B.A.-Ba, en ce qui concerne l'organisation, non seulement de la prévention, mais du dépistage.

Cependant, l'existence de projets concrets qui semblent extrêmement satisfaisants pour les parents nous porte à croire qu'il y aurait là une brèche Intéressante et relativement peu coûteuse, d'ailleurs, à combler.

Mme Lavoie-Roux: Alors, je vous remercie. J'ai des collègues qui veulent poser des questions.

Le Président (M. Audet): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président.

D'abord bienvenue à vous toutes et de façon particulière, si on me le permet, à Mme Solange Femet-Gervais, qui est de mon district et qui est une bénévole acharnée dans notre région.

Je dois vous dire que le document que vous nous présentez aujourd'hui c'est un peu un air

frais par rapport à l'ensemble de ce qu'on a entendu Jusqu'à maintenant. On a parlé beaucoup plus de guérison ou d'aide à la mise en place de structures ou d'aide pour que les personnes puissent revenir dans un monde, entre guillemets, "normal" dans ta mesure où ils ont eu à subir des traitements qui leur étaient dus à des moments plus difficiles de leur vie. Et on voit que ce qui est proposé a trait beaucoup plus à la partie aide à l'Intégration dans le milieu naturel, aide à la guérfson, qu'à ce que vous proposez, qui est beaucoup plus de la prévention.

On a des organismes comme le CLSC dont les représentants sont venus nous dire qu'ils avaient un rôle à jouer dans cette partie-là. On sait que les départements de santé communautaire aussi ont à travailler dans ce secteur. Mais vous nous dites: Si on prenait les moyens et on mettait en place les moyens de faire cette prévention dès le départ... Et là vous parlez à la naissance même, vous donnez des exemples, entre autres l'exemple de Chicoutimi, et vous nous dites: À ce moment-là nous croyons qu'on pourrait dès le départ faire en sorte qu'il y ait moins de gens qui soient sujets à des séjours dans des hôpitaux psychiatriques ou autres. Dans ce contexte-là, par rapport à l'ensemble de ce qu'on a entendu depuis le début, c'est différent {16 h 45)

Mme la ministre est également Intervenue dans ce sens-là et je suis d'accord avec elle sur cette partie quand on dit "dégage les ressources humaines et financières requises auprès des professionnels". On voit souvent qu'il y a des personnes qui sont beaucoup plus portées à dicter qu'à écouter dans le sens où elles ont une formation qui est celle de faire des diagnostics, de dire: Voici, dans telle circonstance, ce qu'on devrait faire. Vous dites à ce moment-là que les gens devraient se prendre en charge, d'une certaine façon. Vous nous avez cité l'exemple de la Côte-Nord. Je pose la question pour aller plus en profondeur dans ce que vous avez dit jusqu'à maintenant: Ne serait-ce pas plutôt de dégager des ressources nouvelles, d'utiliser, comme on l'a fait, si j'ai bien compris, à Chicoutimi et comme on le fait sur la Côte-Nord, les ressources existantes pour amener les gens à se prendre en charge et ce, dès la petite enfance, est-ce que ce n'est pas dans ce sens-là qu'on devrait parler de dégagement de ressources, non pas de ressources additionnelles nécessairement, mais de ressources mieux utilisées, pour tes gens qui sont en place actuellement?

Mme Fernet-Gervais (Solange): On parle d'air frais, mais aussi il faudrait parler d'argent frais pour les régions où il y a du rattrapage à faire. Je pense en particulier à ma région; je vais donner un exemple. Après que le CRSSS-04 en eut fait une priorité et un dossier no 1, on a demandé de dégager des sommes assez importantes, mais qui sont réalistes, 800 000 $, pour aider l'hôpital Sainte-Thérèse, un hôpital psychiatrique régional, à institutionnaliser tout le domaine de la santé mentale. On a reçu jusqu'à présent à peu près le quart de cette somme. On a fait un bon recrutement de spécialistes, mais ces spécialistes, ne voyant pas de déterminant par rapport à la situation économique, sont prêts à partir. Après trois pédopsychiatres, maintenant on parte de deux. Il faudrait aussi faire le recrutement d'autres spécialistes. SI on parie de disponibilité des services, de continuité, de sécurité, d'accessibilité, de qualité, de répartition géographique et de gratuité, il faut plus parler d'approche régionale et de rattrapage à faire dans certaines régions. Je pense que le partenariat doit se faire aussi avec les régions périphériques. Si la "famille thérapeutique" - entre guillemets - comme on l'a nommée tantôt, peut dégager 30 000 $ par année pour soutenir un enfant en difficulté, cela veut dire de 20 000 $ à 25 000 $ pour la femme qui doit, pas par choix, mais par obligation, arrêter sa carrière pour subvenir à des besoins, pour encadrer un enfant en difficulté, voyager jusqu'à trois et quatre fois par semaine pour se rendre dans des milieux spécialisés qu'on ne retrouve pas chez nous parce qu'on n'a pas les ressources financières et parce qu'on n'a pas encore les ressources en spécialistes, À Trois-Rivières, on refuse des services à une population parce que, géographiquement, ce n'est pas le secteur, alors qu'on doit se diriger vers Montréal et Québec, et cela crée des difficultés. Il faut dégager une personne. Il faut avoir une automobile, voyager avec un enfant, et cela peut coûter jusqu'à 30 000 $ d'être famille thérapeutique. Alors, il y a du rattrapage à faire dans certaines régions pour rendre accessibles les soins. La réflexion doit se continuer dans ce sens-là pour nous.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous me permettez de poser une question?

M. Jolivet: Oui.

Le Président (M. Audet): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais bien comprendre. N'y a-t-il pas eu des cliniques pédopsychiatriques qui ont été ouvertes ou qui devaient être ouvertes chez vous?

Mme Fernet-Gervais: Elles devaient être ouvertes. Il y a déjà des spécialistes qui font bien leur travail. Ce dossier a bien avancé et, présentement, il est cautionné par les auxiliaires de l'hôpital ainsi qu'une équipe de bénévoles. Il y a du rattrapage à faire dans le milieu, Le centre de jour a commencé ses activités, mais n'atteint que la ville de Shawinigan, peut-être Grand-Mère; ces semaines-ci, je ne suis pas au courant. Ils n'atteignent pas encore les milieux à faible densité de population et tes milieux ruraux. Si on veut rendre ces services accessibles, il faudra

dégager...

Mme Lavoie-Roux: Selon l'information que j'ai, l'argent a été accordé, c'est-à-dire une partie de l'argent..

Mme Fernet-Gervais: Une partie de l'argent

Mme Lavoie-Roux: ...mais elle n'a pas été utilisée pour les fins pour lesquelles elle avait été accordée.

Mme Fernet-Gervais: M. Boucher, de l'hôpital, pourrait vous répondre.

Mme Lavoie-Roux: Bon, alors...

Mme Fernet-Gervais: Je sais qu'actuellement, étant membre de la table de concertation, il y a beaucoup de rattrapage à faire. Il y a beaucoup d'Insécurité par rapport au milieu vis-à-vis du lancement de programmes parce qu'il y a une insécurité qui se vit à long terme vis-à-vis des dégagements financiers.

Mme Lavoie-Roux: On va l'examiner de plus près.

M. Jolivet: On s'en reparlera. Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est ça.

Le Président (M. Audet): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Dans la mesure où vous présentez des choses qui doivent être faites dès la prime enfance, est-ce que vous voyez comme une des possibilités, si on prend la recommandation 1, de faire une campagne de sensibilisation dans les écoles à travers le Québec, au sein des organismes communautaires qui font de la prévention, je prends les CLSC en particulier, qui peuvent aller dans chacun des milieux et faire cette forme de prévention? Comment voyez-vous cette sensibilisation pour indiquer justement que des problèmes peuvent être résolus si on fait le dépistage dès le bas âge, à part l'expérience de Chicoutimi ou de la Côte-Nord?

Mme Blanchet: M. le député de Laviolette, Je pense que les campagnes que l'on fait sont toujours des toiles de fond. Il faut aussi des acteurs dans un théâtre. D'une part, la campagne est très très importante, c'est sûr il est nécessaire de toucher l'opinion publique sur bien des aspects de la maladie mentale et pas juste la déficience ou la violence et les enfants violentés. Il y a beaucoup d'autres aspects à toucher. Les campagnes ne sont donc que des toiles de fond. Si on fait naître des attentes, des situations où tes gens identifieront plus facilement les problèmes qu'ils ont ou sont susceptibles d'avoir dans le cas de leur enfant, par exemple, il faut pouvoir offrir les services.

Rien n'est mieux souvent dans un domaine aussi délicat que celui-là - parce qu'il y a beaucoup de résistance de la part des parents aussi. Ce n'est pas si facile que ça. Solange me racontait justement ce midi, tu me corrigeras si je fais erreur, qu'ils ont essayé d'en faire dans les garderies, et les parents disaient: Non, pas du tout Comment, vous croyez vraiment que mon enfant a un problème? Ce n'est pas si facile que ça, ce n'est pas ouvert. C'est pour ça que je ne pense pas que ça devrait être dans les écoles seulement. C'est sûr qu'il peut y avoir beaucoup d'initiatives et il s'en prend dans certaines régions dans les écoles où les parents patronnent des rencontres à l'heure du midi avec des enfants qui ne sont pas des adolescents, ce sont des jeunes... Ils appellent ça...

Mme Moranville: Info-Midi. C'est au niveau de la polyvalente, c'est le début de l'adolescence.

Mme Blanchet: II y a donc des actions prises dans différents milieux. La nécessité d'une campagne est évidente mais, d'autre part, ça ne nierait pas non plus la nécessité d'avoir auprès des parents, lorsque l'enfant est vraiment naissant, un certain support qui peut venir d'un personnel hospitalier mieux formé et formé peut-être par des pédopsychiatres qui sont dans le milieu, si on en a. et qui peut venir aussi, dans certains cas... Mme Fernet-Gervais le disait, dans certains cas Il y a des régions qui n'ont pas encore fait leur rattrapage. Il faudra déployer certaines ressources dans ces régions-là, des régions qui ne sont pas complètement périphériques, pas totalement rurales mais qui souffrent justement du fait d'être des régions un peu intermédiaires telles que celle d'où elle vient particulièrement, la région est de la Mauricie.

M. Jolivet: Oui.

Mme Lanthier (Colette): Colette Lanthier. Vous posiez précédemment la question à savoir quelle action les CLSC voyaient dans le domaine de la prévention. Ils semblaient ne pas trop savoir comment Identifier, alors que dans chacun des CLSC - je pense que si ce n'est pas établi ça devrait l'être, sinon ce l'est dans les DSC - il y a toujours une équipe de santé maternelle et Infantile. Dans la plupart des régions où il y a présentement des programmes de prévention en santé mentale pour la petite enfance, c'est à partir de cette équipe que les dirigeants ont formée, avec une formation de 15, 16 ou 17 heures pour permettre de vraiment mieux détecter quelles sont les familles à risque Comme vous le disiez, Mme la ministre, il est vrai que ce ne sont pas seulement des facteurs psychologiques qui font les malades mentaux adultes. Il y a beaucoup de facteurs et le facteur le plus à risque parmi les facteurs présents chez

les parents, c'est la solitude de la mère; c'est celui qui se retrouve dans toutes les pathologies adultes.

Je pense que, lorsqu'on fait un programme de prévention pour la femme enceinte, c'est dès l'abord de la vie que l'on veut déjà, par les réseaux d'entraide et par les services en CLSC, donner ce qu'il faut à cette femme pour qu'elle établisse, dès le début, une relation satisfaisante avec son enfant et qu'elle sache comprendre l'enfant qui arrive aussi avec une sensibilité plus ou moins grande à développer une maladie mentale. Ce n'est pas seulement te milieu qui est pathologique, c'est aussi l'enfant qui est spécial, qui est plus sensible ou plus prédisposé à présenter cette maladie. Alors, c'est vraiment à ce niveau-là et je ne pense pas que cela demande. tellement de ressources additionnelles, sauf peut-être dans des zones semi-périphériques, mais cela demande une formation de tout le secteur santé maternelle et infantile.

Tantôt, on disait que les pressions dans les CLSC se font beaucoup plus fortes auprès des services à domicile qu'auprès des équipes de santé maternelle et infantile. On ne voudrait pas voir transférer les budgets, faute de pressions, vers les services à domicile parce que je pense que les petits enfants entre 0 et 5 ans ne crient pas, mais on les voit à la DPJ entre 5 et 12 ans, on le voit dans les suicides chez des enfants de 15 à 18 ans, mais cela se prépare. On connaît les facteurs sur lesquels ils faut agir ou qui présentent des risques de développer de la maladie mentale plus tard. C'est vraiment dans les premières années.

M. Jolivet: Avant de céder ia parole à Mme la députée de Marie-Victorin, ma collègue, Mme Moranville, tout à l'heure, nous a offert de nous donner les documents. J'aimerais si on pouvait les distribuer aux membres de la commission, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Pas d'objection, M. le député.

Une voix: C'est bien.

Le Président (M. Audet): Je m'excuse, par contre, le député de Fabre avait demandé la parole, M. le député de Laviolette. Alors, je cède la parole au député de Fabre.

M. Joly: Merci, M. le Président, de respecter la règle de l'alternance. C'est sûr que chacun des membres de cette commission aimerait avoir le loisir de s'exprimer tout le temps voulu. Mais on sait qu'on est autant limité que vous. C'est quand même drôlement rassurant et motivant de rencontrer des groupes tels que le vôtre, je tiens à le souligner, surtout que vous arrivez avec des solutions à suggérer. Alors, à partir de là, je pense que tout le monde peut laisser marcher son imagination, l'accepter et chercher à le propager un peu partout en province si le cas était jugé valable.

Mme Moranville, tantôt, a émis une idée qui me plaît énormément, celle endossée par le CLSC, soit de bâtir ou d'encourager qu'une partie de son budget soit consacrée à la formation d'une travailleuse ou d'un travailleur communautaire en y consacrant 34 000 $. Vous avez sûrement eu à négocier ces 34 000 $, parce que sortir 34 000 $ d'un CLSC...

Mme Moranville: Une petite correction. Je crois que c'est le CRSSS.

M. Joly: ...CRSSS. Alors, réussir à diriger un montant de 34 000 $ pour de la prévention, surtout quand on sait que la prévention, c'est quand même difficile à mesurer et à évaluer quant à toutes les retombées qui peuvent en découler...

Ce qui retient mon attention, Mme Moranville, c'est que vous avez mentionné que cette idée va déborder et va aller se prolonger dans deux autres communautés voisines ou villages, et vous avez aussi ouvert une parenthèse en disant: Nous souhaitons que cela puisse se réaliser dans toute la province. Quand on fait des choses positives, que ce soit dans un CLSC, dans un DSC ou ainsi de suite, est-ce qu'il y existe, disons, au chapitre des CLSC, un genre de journal dans lequel ces bonnes nouvelles, des choses positives qui s'accomplissent, peuvent être connues dans la province? (17 heures)

Si c'était une compagnie pharmaceutique qui faisait une recherche sur un médicament et qu'on veuille protéger cette recherche de façon à mieux l'exploiter et faire plus d'argent, je comprendrais. Mais quand c'est une idée telle que celle que vous venez de mentionner et que vous êtes actuellement en mesure d'évaluer comme étant potable, comme étant quelque chose de positif... Si vous gardez cela strictement dans votre région ou pour une commission parlementaire, c'est bien sûr qu'on a déjà accompli quelque chose localement, mais, en ce qui a trait au débordement provincial, qui va s'occuper de véhiculer cette nouvelle? J'aimerais que vous me disiez s'il se fait quelque chose dans ce sens.

Mme Moranville: D'abord, il restait une toute dernière année parce que le budget a été reconduit, ce budget de fonctionnement de 34 000 $ a été reconduit pour une année. Je crois que les trois ans d'expérience se terminent en décembre 1988 parce qu'il reste encore des dossiers à actualiser. Monsieur a déjà tous mes papiers mais, quand même, disons que ce dont je me souviens c'est qu'il reste encore des choses à actualiser. Il y a les deux villages à mettre en branle, c'est-à-dire que les villages sont déjà là mais il s'agit de commencer ce développement à la petite enfance. On attendait d'en faire une évaluation pour ensuite passer l'expérience aux

autres CLSC de la Côte-Nord, On disait qu'on espérait que cela pouvait aller ailleurs, que cela pourrait être un modèle parce qu'à l'intérieur de cela vous allez voir des données qui disent: On a étudié les clientèles, on a étudié les gens. Quitte à savoir où travaillent ces gens. Est-ce que les gens du rang parlent aux gens du village? Cela va aussi loin que cela quand on veut rejoindre une clientèle. Ce n'est pas juste pour les gens des villes.

On reste en régions éloignées mais la périphérie, quand on parle de ce document et de l'autre que j'ai déposé qui est "Étude des zéro à cinq ans en milieu périphérique", cela peut aussi bien être une rue de Montréal qui est la périphérie. Quand on emploie le mot "périphérie", cela peut être une rue à Baie-Comeau. Pour ces gens, Baie-Comeau est considérée la ville.

M. Joly: En fait...

Mme Moranville: C'est pour cela que Je vous dis que je ne crois pas que cela a été publié. C'est encore une...

M. Joly: Donc, il n'existe actuellement aucun mécanisme de communication à l'intérieur des CLSC pour se communiquer...

Mme Moranville: Ah! C'est possible.

M. Joly: ...ce qui se fait de bon et de potable. Quand on parle de former une personne qui à son tour va aller former des agents multiplicateurs qui, dans leur milieu, vont passer aux vrais besoins de ta communauté sans pour autant se faire Imposer une ligne directrice des CLSC, mais pour couvrir les vrais besoins, il me semble que cela se devrait d'être encouragé pas simplement localement, pas simplement en petites périphéries mais dans toute la province, si l'idée est bonne.

Alors, si cela a été jugé, si on a déjà fait une forme de bilan de ce qui a été accompli et qu'on est sur le point de le communiquer en périphérie, je dis: De grâce, faisons en sorte qu'on étende cela et qu'on aille plus loin que la périphérie, qu'on aille dans toute la province. C'est pour cela que je suis un peu surpris de savoir que dans toute l'organisation de CLSC et ainsi de suite 0 n'existe pas un genre de bulletin pour pouvoir communiquer toutes ces bonnes nouvelles. C'est la question que je pose. S'il y en a un, y a-t-il quelqu'un qui va s'organiser pour aller chercher des informations chez vous et centraliser?

Mme Moranville: Je vais passer le message mais je pense qu'il y a quelqu'un qui peut répondre.

Mme Fernet-Gervais: II y a Fédé Express, qui est distribué dans tous les CLSC - comme membre du conseil d'administration, je reçois une copie - et qui donne des expériences des Intervenants et des communautés. Il y a aussi eu un colloque en santé mentale, qui ne donnait peut-être pas expressément cet exempte, où on a réfléchi sur les Interventions qui se faisaient dans le milieu. J'ai reçu ce document au début de 1986. Il y a les congrès où, dans les coulisses, on se parle beaucoup de nos bons coups. Il y a aussi tous les centres d'action bénévole qui réunissent les différents Intervenants communautaires qui racontent aussi dans différentes occasions les bons coups que les communautés peuvent faire.

M. Joly: J'apprécie. Je vais sûrement demander qu'au moins tous les députés soient sur la liste de façon qu'on puisse recevoir les bulletins et être certains que dans nos propres régions, s'il y a des idées qu'on croit valables, on puisse être en mesure de les défendre à notre tour. J'apprécie beaucoup.

Le Président (M. Audet): Le temps étant écoulé pour ce groupe, je dois céder la parole à Mme la députée de Marie - Victorin.

Mme Vermette: Merci, M. le Président. À la lecture de votre mémoire, il me semble que vous revenez beaucoup sur la responsabilité des parents. Il nous semble que c'est comme si les parents étalent dépossédés de leurs enfants lorsqu'ils ont un problème d'ordre psychologique ou de nature plus profonde avec une maladie mentale, il y a beaucoup de groupes qui sont venus nous voir, entre autres, le parent pour les enfants ayant une maladie mentale, ou l'ami de la maladie mentale. Tous ces gens nous ont dit: On est toujours considéré, nous, les parents, comme étant un peu le trouble-fête à l'Intérieur d'une équipe ou la personne qui cherche trop à vouloir intervenir ou orienter, ou en tout cas qui a de la difficulté à admettre que son enfant puisse avoir un problème. C'est très difficile finalement de l'Intégrer à l'Intérieur d'une équipe.

D'après votre expérience, vous en avez fait des réseaux d'entraide, est-ce que c'était parce que c'était trop difficile pour vous autres de vous insérer à l'intérieur d'une équipe? Est-ce que vous vous sentez finalement à l'aise? Que seraient les critères à développer, en tout cas, dans le cadre d'une politique de santé mentale, pour établir une place de choix aux parents à l'intérieur d'une approche globale qui transpire dans le rapport Harnois, d'ailleurs? Je pense que normalement c'est la personne avant toute chose. On se pose souvent la question: Est-ce vraiment l'intérêt? Mais, en tout cas, c'est ce qu'on nous dit

Mme Lanthier: Colette Lanthier. J'avais le goût de marquer dans le mémoire, lorsque le rapport Harnols dit que la personne doit être responsable ou en tout cas la première concernée

et mise à part entière dans l'équipe d'intervenants, que pour l'enfant cela devrait être ses parents qui soient consultés, qui soient pris à partie, qu'on les intègre aussi. Ce qu'on regrette souvent, en tout cas, que moi je regrette, c'est qu'en pédopsychiatrie on intervient auprès de l'enfant alors que la relation significative qu'il a déjà établie c'est avec ses parents. Cela se développe de plus en plus, les thérapies familiales où les Interventions de réseau au niveau des enfants... Jean-Talon, entre autres, en pédopsychiatrie, fait un travail vraiment extraordinaire. Ils interviennent toujours à deux, un couple, homme et femme. Ils Interviennent toujours au niveau de la famille et ils vont chercher te réseau - les grands-parents, si des grands-parents interviennent de façon très significative, ou l'école ou la garderie - pour que tout le monde puisse aider cet enfant à vraiment résoudre son problème, qu'il puisse le faire avec les personnes qui sont autour de lui.

Mme Vermette: Vous parlez d'un contexte d'une famille normale, un couple normal, c'est-à-dire le père et la mère alors qu'il y a plusieurs formes de familles. Il y a la famille élargie aujourd'hui.

Mme Lanthier: C'est la même chose.

Mme Vermette: II y a toutes les formes de couples, les variations à l'intérieur de ce qui est possible, finalement au niveau des équations. Exactement, cela veut dire qu'il y aurait plusieurs Intervenants qui pourraient rentrer juste pour représenter la famille.

Mme Lanthier: Je ne sais pas si je comprends bien votre question.

Mme Vermette: C'est parce qu'une famille aujourd'hui n'est pas nécessairement le père et la mère. Il y a plein...

Mme Lanthier: Oui, effectivement, oui. C'est la famille...

Mme Vermette: La famille est élargie.

Mme Lanthier: ...où vit l'enfant. Si la mère est toute seule ou si elle a un nouveau conjoint avec d'autres enfants, ceux-là sont impliqués aussi dans le processus thérapeutique.

Mme Vermette: On nous a dit: Quand l'enfant est en bas âge, le parent peut avoir un rôle important à jouer, mais la première question que je me pose est: Est-ce que tous les parents sont aptes à pouvoir élever et éduquer un enfant? La deuxième c'est que, très souvent aussi, il faudrait peut-être qu'on démystifie le rôle des parents et qu'on arrête de tes culpabiliser quelquefois lorsqu'ils ont certains problèmes avec leur enfant, évidemment. Il faudrait peut-être aussi apprendre aux parents que c'est peut-être nécessaire pour une période de temps de ne pas intervenir auprès de l'enfant, mais que ce soit quelqu'un d'autre qui puisse Intervenir.

Je ne sais pas, vous n'en avez pas fait mention de ça. Est-ce que ça fait partie un peu des expériences que vous avez pu vivre et des échanges qui se passent?

Mme Lanthier: On a mis l'accent sur 0-5 ans, ce qui fait que la plupart du temps le parent est avec son enfant. Le problème n'est pas majeur, il est mineur, ce qui fait que le parent, en tout cas, normalement, n'a pas encore développé ce sentiment de culpabilité énorme. Ce qu'on veut, même avant qu'il y ait un symptôme ou un comportement qui se développe chez l'enfant, c'est qu'on Intervienne avant même pour que tout se passe de façon harmonieuse. Mais ce qu'on regrette, c'est que souvent ça ne se poursuit pas. On n'a pas assez d'effectifs au CLSC pour donner des services de consultation auprès des garderies entre autres, On a des Intervenants psychologiques, des travailleurs sociaux en matière scolaire, mais qui n'interviennent que pour les troubles d'apprentissage. Ils n'Interviennent pas lorsqu'il s'agit de troubles de mésadaptation socio-affective. À ce moment-là, on se retrouve avec ta psychiatrie, ce qui est trop lourd par rapport aux problèmes de l'enfant. À mon avis, il devrait y avoir des équipes spécialisées en interventions infantiles dans tes CLSC.

Le Président (M. Audet): Mme Blanchet.

Mme Blanchet: Le temps qui nous... C'est ce que vous allez me dire, M. le Président, que notre temps est écoulé. Je voulais terminer en disant que je pense qu'il y a un rayon d'espoir si on s'adresse à une population qui n'est pas encore trop "poquée". Nous sommes d'autant plus optimistes qu'avec l'optique générale du rapport Harnois les quelques modifications que nous suggérons permettraient de réorienter beaucoup du travail qui se fait déjà en santé communautaire, mais qui est très orienté du côté physique, vers les aspects plus psychologiques. Au cours des dernières années, depuis que le Comité de la santé mentale a écrit cet excellent rapport sur les enfants et les adolescents - c'est peut-être un des effets de ce rapport - on a vu se développer beaucoup ce secteur, à la fois dans les hôpitaux et les organismes de santé communautaire. Donc, nous croyons que de très petites modifications au rapport Harnois pour intégrer ce domaine d'interventions auprès de la petite enfance permettraient d'avoir au Québec une politique de la santé mentale qui comble les aspects tes plus préventifs autant que les aspects les plus curatifs. Je vous remercie.

Le Président (M. Audet): M. le député de Laviolette, pour le mot de la fin.

M. Jolivet: Alors, merci de votre intervention. Soyez assurées que nous suivrons avec beaucoup d'intérêt la position que la ministre prendra lors du dépôt de la future politique en matière de santé mentale.

Le Président (M. Audet): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: A mon tour, je veux remercier le Conseil des affaires sociales et de la famille d'avoir participé à nos travaux et d'avoir mis davantage l'accent sur la petite enfance qui demeure un secteur important de la prévention en santé mentale quand il ne s'agit pas de corrections - le moins possible, on l'espère, à cet âge. Merci.

Le Président (M. Audet): Mesdames, merci beaucoup. 8on retour et bonne fin de journée.

J'invite maintenant l'Unité de recherche en santé mentale du centre hospitalier de l'Université Laval à prendre place, s'il vous plaît.

À l'ordre, s'il vous plait!

Nous recevons maintenant l'Unité de recherche en santé mentale du centre hospitalier de l'Université Laval.

À l'ordre, s'il vous plaît! Merci.

Messieurs, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Vous me permettrez, messieurs, mesdames de la commission, de souhaiter la bienvenue de façon toute particulière à un ancien copain de collège, le Dr Gaston Guimond. J'aurais été tenté de le nommer par son prénom, mais je pense que...

Une voix: Lui, il a réussi.

Des voix: Ha! ha!

(17 h 15)

Le Président (M. Audet): ...à l'extrême-gauche... J'aurais été tenté de le présenter par son surnom de collège, mais je pense que ]e vais en faire grâce aux membres de la commission.

Messieurs, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Je vous invite à vous présenter et je vous cède la parole. Merci.

Unité de recherche en santé mentale du CHUL

M. Cormier (Hugues): À ma droite, comme vous le dites, le Dr Gaston Guimond, qui est médecin omnipraticien à l'unité de recherche en santé mentale et, à ma gauche, M. Luc Ailard, psychologue et membre de l'unité de recherche en santé mentale. Je suis Hugues Cormier, natif d'un coin du comté de Mme Juneau, Richmond, pour faire le même lien...

Mme Lavoie-Roux: Vous êtes sur un terrain amical.

M. Cormier: C'est cela, on est en famille. Je suis psychiatre et responsable de l'unité de recherche, et je présente le mémoire.

Notre unité de recherche, dans ses travaux, s'intéresse particulièrement a développer des outils de réadaptation ou des programmes pour favoriser la réadaptation des personnes qui souffrent de troubles mentaux sévères et à évaluer l'efficacité de ces nouvelles interventions. L'objet du mémoire qu'on vous a soumis et pour la présentation duquel on vous remercie de nous avoir invités est assez précis, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas d'une critique ou de commentaires globaux sur le rapport Harnois, mais on s'adresse spécifiquement a ce que Mme la ministre avait donné comme mandat. On mentionne à la page 7 du rapport que la cible principale du mandat confié au comité était les personnes souffrant de troubles mentaux sévères et on espère que l'illustration des programmes et d'études réalisés au Québec pourra être utile pour formuler la politique de santé mentale.

Je vais vous décrire deux études. La première a été réalisée dans l'Estrie et au centre-sud du Québec au début des années quatre-vingt concernant les besoins de services pour les personnes souffrant de troubles mentaux sévères. Par personnes souffrant de troubles mentaux sévères, on entend les personnes qui, à cause des problèmes qu'elles présentent, réussissent difficilement à vivre dans leur communauté et à s'adapter de façon stable à la vie en milieu naturel, à moins d'avoir une aide spéciale. Les problèmes de ces gens sont souvent de nature psychotique.

On s'est Intéressé à déterminer les besoins de services de ces personnes et à regarder l'adéquation qu'il pouvait y avoir entre les besoins de services qui étaient perçus par les évaluateurs et les services qui étaient utilisés et disponibles dans le réseau de la santé ou encore dans la communauté en général. Les principaux résultats, les faits saillants de cette étude nous ont montré que les services les plus souvent Indiqués étaient la médication psychotrope, l'organisation de services de loisir, ce qu'on appelle aussi le suivi global ou, en anglais, le "case management", c'est-à-dire la coordination par un professionnel de l'ensemble des services auxquels la personne peut avoir besoin de faire appel en l'aidant dans ce cheminement qui n'est pas toujours simple. On a aussi mis en lumière que la thérapie individuelle, l'alliance Individuelle de soutien à long terme, était un service souvent nécessaire.

Là-dessus, il n'y avait pas particulièrement de choses nouvelles, mais on a aussi mis en lumière le fait que les lacunes principales du réseau de soins se situaient au niveau de la réadaptation et des services psychosociaux. On a aussi montré, dans plusieurs études, qu'une façon d'améliorer l'utilisation des services qui peuvent prévenir les rechutes et les réhospitalisations à

répétition, c'est, comme je le mentionnais tantôt le service de "case management* ou de suivi global. Dans l'étude particulière dont on vous parle aujourd'hui, ce service avait été Jugé Indiqué chez plus des trois quarts de la population étudiée, alors que seulement le quart avait pu en bénéficier. Ce sont les principaux faits saillants de cette étude concernant les besoins et l'utilisation de services dans la région de l'Estrie.

La seconde étude ou le second sujet, c'est de vous parier des principales caractéristiques d'un programme de soutien communautaire qui fonctionne maintenant depuis trois ans. Il y a trois ans cette semaine que le programme donne des services. Ce programme est Implanté au CLSC de Portneuf et a été développé conjointement avec nous.

La région de Portneuf - quelques mots pour situer où fonctionne ce programme-là - comme vous le savez, est une étendue géographique assez grande. Par exemple, le CLSC qui s'y trouve a trois points de services pour pouvoir rejoindre sa population. Environ 45 000 personnes y vivent. Dans une étude préparatoire à la mise en place du programme, on avait trouvé qu'une centaine de résidents de cette région-là, au cours d'une seule année, avaient été hospitalisés pour troubles psychotiques et ce, dans neuf centres hospitaliers différents. Donc, c'est pour vous montrer qu'il n'y avait pas de coordination de services très grande.

Je vais vous donner les grandes lignes du programme en ce qui concerne sa clientèle cible, sa philosophie, ses objectifs, les ressources humaines de l'équipe de soins. Ensuite, je dirai quelques mots sur son fonctionnement et sur les principaux services pour, enfin, en venir aux premiers résultats d'une évaluation qui est en cours depuis le début du fonctionnement de ce programme.

La clientèle cible, c'est celle dont je vous ai parlé tantôt, c'est-à-dire les personnes de la région de Portneuf qui souffrent de troubles mentaux sévères. J'aimerais souligner, comme, d'ailleurs, je l'ai bien compris dans votre utilisation de ce terme, qu'on n'entend pas par là que les autres problèmes de santé mentale ne sont ni sérieux ou sévères, mais c'est un qualificatif qu'on emploie pour parler de ce qu'en d'autres temps on appelait les personnes qui souffraient de maladie mentale chronique, c'est bien ça.

Donc, la philosophie du programme en est une de santé mentale communautaire où on insiste beaucoup sur la continuité des services dans le temps, sur l'accessibilité la plus grande possible et sur les efforts pour favoriser la réinsertion sociale et la prévention des rechutes. Ce qui est peut-être particulier à ce programme-là par rapport à d'autres expériences qui ont pu être faites dans les CLSC, c'est que le programme s'adresse à une clientèle particulière qui, par ailleurs, ressemble beaucoup, je crois, à celle que le rapport Brunet identifie comme étant une clientèle qui mériterait la mise sur pied de programmes particuliers pour favoriser la réinsertion sociale, alors que les autres problèmes de santé mentale seraient particulièrement pris en charge par le programme de services courants médicaux et sociaux.

Le programme du CLSC de Portneuf vise cette clientèle particulière avec la mise sur pied de services particulièrement adpatés à la clientèle, avec une philosophie aussi de dose minimale efficace autant pour la médication que pour les différentes interventions psychologiques ou sociales qui peuvent être faites, c'est-à-dire intervenir de façon minimale, toujours viser, évidemment, une action efficace, mais sans surcharger les interventions. Aussi, te modèle mis de l'avant, c'est le modèle médical contemporain biopsychosocial où on met l'emphase sur la complémentarité à la fois biologique, psychologique et sociale.

Les objectifs généraux sont de favoriser la qualité de vie des usagers du programme et de diminuer le fardeau pour la famille et la société en général. L'objectif intermédiaire qui est visé, c'est d'améliorer l'adéquation entre tes besoins de services et l'utilisation de ces services-là. Les objectifs spécifiques qui font l'objet de l'évaluation sont d'améliorer l'état des usagers en termes de leurs symptômes, de leur niveau d'autonomie ou d'incapacité, du réseau social, de leur bien-être, de leur qualité de vie et de leur satisfaction par rapport aux services. Cela, c'est au sujet des usagers, des bénéficiaires. Pour ce qui est des membres de la famille, on vise à diminuer le fardeau que représente pour eux le membre de la famille qui est atteint et à améliorer leur satisfaction aussi par rapport aux services offerts. Enfin, un autre objectif spécifique, c'est de diminuer tes réadmissions à l'hôpital et les coûts qui y sont reliés.

Les ressources humaines actuelles de l'équipe d'intervention sont de cinq personnes. Il y a trois infirmières en santé mentale communautaire qui travaillent quatre jours par semaine à chacun des trois points de services du CLSC. Il y a un médecin généraliste qui est consultant à demi-temps et un médecin psychiatre qui est consultant également pour l'équivalent d'une demi-journée par semaine.

À ce noyau de l'équipe de base s'ajoute une foule de collaborateurs. Il y a les médecins traitants de chacun des bénéficiaires qui sont soit l'omnipraticien qui travaille dans la région de Portneuf, autant dans le secteur privé qu'au CLSC, ou encore, à l'occasion, des médecins spécialistes des régions de Québec et de Trois-Rivières. Il y a aussi les proches, les membres de la famille qui sont vus comme un allié de première importance et qui travaillent de concert avec les membres de l'équipe de soins, ainsi que les autres intervenants du CLSC qui peuvent être appelés en consultation. Enfin, II y a les bénéficiaires eux-mêmes qui, par le biais de groupes d'entraide, contribuent, pour une part importante,

à l'aide qu'ils peuvent recevoir dans le cadre du programme.

Le fonctionnement et les principaux services du programme. Au moment de l'admission, lorsque la personne est référée et évaluée, si elle présente les problèmes pour lesquels le programme est mis sur pied, il y a principalement l'identification des problèmes d'autonomie que présente la personne, la détermination d'objectifs d'amélioration de cette autonomie et la détermination d'un plan d'action pour atteindre ces objectifs qui sont vérifiés de façon périodique. Il y a la mise sur pied de nouvelles interventions selon l'évolution de chacune des personnes.

Les activités se font principalement dans le cadre d'une relation thérapeute-usager sur un plan individuel, mais aussi par le biais de l'intervention de groupe. Pour ce qui est du suivi individuel, il y a, comme je vous te disais, au moment de l'évaluation, la détermination des objectifs qui, lorsqu'on regarde la liste qui est présentée à la page 21 de notre mémoire, peut aussi constituer pour chaque individu un plan de services individualisé, si on emploie la formulation qu'on retrouve dans le rapport Harnois.

Les principaux services. Il y a l'Information sur la maladie avec Insistance, comme je l'ai mentionné, sur l'identification des principaux symptômes avant-coureurs de rechute pour prévenir l'apparition des décompensations et les réhospitalisations. Il y a l'information à la famille et le soutien qui lui est apporté. Il y a le suivi et l'identification des problèmes physiques et des principaux symptômes psychiatriques. Il y a l'amélioration de la compétence dans les activités de la vie quotidienne, l'aide qui est apportée pour le retour aux études ou le retour à l'emploi, lorsque c'est Indiqué. Il y a le soutien dans d'autres démarches à caractère social, par exemple, le logement, les problèmes conjugaux ou autres qui peuvent survenir.

Pour ce qui est des activités de groupe, on peut mentionner le fonctionnement d'activités de loisir et de socialisation une demi-journée par semaine, ainsi que des activités de thérapie occupationnelle. Il y a également le fonctionnement de groupes d'entraide des membres de la famille des personnes qui souffrent de troubles mentaux. Il s'agit d'un programme, qui s'étale sur huit semaines, de rencontres de deux heures avec développement de différents thèmes pour aider les membres de la famille. Il y a aussi le développement d'un module d'éducation au traitement neuroleptique pour aider les gens à devenir de plus en plus autonomes par rapport à leur médication, a savoir reconnaître leurs symptômes et discuter avec les professionnels de la santé des problèmes éventuels de cette médication.

Au point de vue de l'évaluation des premiers résultats du fonctionnement de ce programme, mentionnons qu'une soixantaine d'individus avaient été référés au cours des 30 premiers mois de fonctionnement de ce program- me. La grande majorité d'entre eux ont été admis à ce programme et, après plusieurs mois de fonctionnement, Ils continuent à recevoir les services. Il y a une participation, une continuité qui se vérifie après trois ans de fonctionnement. (17 h 30)

Une autre caractéristique de la clientèle, des personnes qui ont été admises, c'est qu'en moyenne chacune avait été hospitalisée quatre fois pour troubles de psychose avant son admission au programme, ce qui confirme, donc, la lourdeur relative de la clientèle à qui ce programme est offert.

Au point de vue des effets du programme, aujourd'hui on a des premiers résultats concernant seulement quatre des différents objectifs spécifiques qui font l'objet de l'évaluation. Quant au premier objectif, celui de favoriser une meilleure adéquation entre tes besoins de services et ceux utilisés, on note qu'avant l'admission au programme environ 30 % des besoins de services étalent comblés alors qu'après un an de participation au programme ce pourcentage passe à 80 %.

Quant à l'Incapacité de fonctionnement des individus, on a aussi trouvé des résultats, soit une amélioration significative du fonctionnement des personnes évaluées.

Quant aux jours d'hospitalisation, on a trouvé que, dans les deux années qui ont précédé leur admission au programme, les gens passaient en moyenne une trentaine de jours par année à l'hôpital alors qu'après leur admission au programme cette moyenne annuelle était diminuée à 4 ou 5 jours par année environ. Il en est de même pour les coûts reliés aux hospitalisations. Donc, ces résultats sont encourageants et semblent montrer un impact positif du programme, bien qu'il faille les regarder en ayant conscience de leurs limites. Il sera intéressant de voir chez un nombre plus élevé de sujets, pour de plus longues périodes et, autant que possible, avec un groupe témoin de personnes qui bénéficieraient de services conventionnels, quels seraient les résultats à plus long terme. D'autres variables, qui sont décrites dans les objectifs spécifiques, mériteraient aussi d'être évaluées plus en détail.

En conclusion de ces deux études réalisées au Québec, on aimerait vous suggérer les choses suivantes. Par exemple, dans la recommandation 18 du rapport Harnois, on fait état de l'importance de faire une planification au niveau régional de la gamme des services à mettre sur pied pour répondre aux besoins en santé mentale. On veut souligner l'importance de cela pour une clientèle comme celle des personnes qui souffrent de troubles mentaux sévères qui constituent un problème de santé publique important étant donné la sévérité des problèmes, la souffrance associée à ces maladies-là pour les gens atteints, ainsi que pour leur famille et pour la société en termes de coûts. Ce ne sont peut-être pas les plus nombreux, mais, en termes d'Impacts sur la

société, je crois qu'on peut, par différents Indicateurs, démontrer l'Importance, en termes de santé publique, de ce problème-là. À notre avis, il faudrait porter une attention particulière, dans la planification des services qui sera faite, à des populations cibles et éviter de vouloir faire une planification tous azimuts de tous les problèmes de santé mentale qui sont très différents les uns des autres. Vous comprendrez qu'on ne veut pas par là dire qu'il faudrait négliger les autres, mais il ne faudrait pas mettre ensemble des choses qui méritent une planification spécifique, à notre avis.

Même à l'Intérieur de cette clientèle constituée des personnes qui souffrent de troubles mentaux sévères, on a l'impression qu'on aurait grand avantage à accorder une attention spécifique aux gens qui vivent en Institution actuellement versus les gens qui, malgré un trouble mental sévère, vivent dans la communauté. Les services à mettre sur pied - on pourra y revenir au moment de la discussion - ne sont peut-être pas toujours faciles à coordonner pour ces deux sous-groupes-là.

On pense que, pour les personnes qui souffrent de troubles mentaux sévères et qui, malgré ce problème-là, vivent dans la communauté, les CLSC et les centres hospitaliers de courte durée, de concert avec le conseil régional de leur région, sont particulièrement bien placés pour offrir les services en collaboration avec les groupes communautaires.

Donc, pour terminer, il nous apparaîtrait important de mettre à l'épreuve un programme comme celui du CLSC de Portneuf dans d'autres milieux pour vérifier si l'impact favorable qu'on a dans les résultats premiers pourrait être étendu à d'autres programmes du même type ailleurs au Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Audet): Merci. Je reconnais maintenant Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier l'Unité de recherche en santé mentale du centre hospitalier de l'Université Laval. C'est la première fois en commission parlementaire sur ce projet de politique de santé mentale qu'un groupe nous présente un mémoire portant davantage sur l'évaluation plus rigoureuse des services donnés à une partie de la population atteinte de problèmes de santé mentale. Votre expérience m'apparaît extrêmement Importante, mais davantage le fait qu'on ne peut plus aujourd'hui mettre en place ou ajouter de nouvelles mesures sans mesurer ou tenter d'en mesurer les résultats. Sans cela - les chiffres que je donne n'ont pas d'importance - on a dix psychologues, quinze travailleurs sociaux et cinq psychiatres et on dit: Écoutez, dans la première catégorie, il en faudrait 20, dans, la deuxième, il en faudrait 30 et, dans la troisième, il en faudrait 15.

Compte tenu de l'importance des problèmes sociaux - et fà je le prends dans un sens très large - qu'ils soient rattachés à la santé mentale, à la santé physique ou à d'autres problématiques sociales, on ne peut plus se permettre, comme vous le disiez, de s'en aller tous azimuts dans toutes les directions en se disant tout simplement: Mais, c'est une addition de ressources. On ne nie pas le fait qu'il y ait des domaines particuliers ou des secteurs d'intervention où Il faut ajouter des ressources, mais nous n'arriverons jamais, et pas un gouvernement n'y arrivera, à répondre à toutes tes demandes si on n'a pas cette préoccupation, lorsqu'on établit un programme ou lorsqu'on modifie une approche, de tenter en même temps d'en évaluer les résultats et de remettre en question les mesures mises en place si les résultats ne concordent pas avec les objectifs qu'on s'était fixés au point de départ. Ce raisonnement semble très élémentaire, mais j'ai l'Impression qu'on l'a oublié trop souvent dans le domaine de la santé et des services sociaux. Dans ce sens-là, je trouve fort intéressant que vous veniez nous le rappeler d'une façon fort concrète.

Vous avez raison de dire qu'au point de départ la préoccupation que nous avions lorsqu'on s'est penché davantage sur les problèmes de santé mentale était véritablement reliée aux pathologies plus sévères ou plus sérieuses, pour la bonne et simple raison que c'était comme conséquences d'une mauvaise planification de services pour ces personnes-là que se développaient concurremment une foule de problèmes sociaux, que l'on pense aux sans-abri, au fameux symptôme de la porte tournante et ainsi de suite. Alors, dans mon esprit, cette partie de ta population doit être sur la première ligne dans les interventions ou dans les actions éventuelles qu'on va poser en santé mentale. Évidemment, quand on parle de politique de santé mentale, cela ne veut pas dire qu'on écarte toute la question du dépistage, de la prévention et les différentes approches qui peuvent être développées, mais je pense que nos efforts devront, compte tenu des ressources qui nous sont allouées, porter en premier lieu sur cette catégorie de patients.

C'est vrai qu'on peut se sentir plus ou moins bien dans sa peau et qu'à ce moment-là on rend tes gens autour de nous plus ou moins heureux dans leur peau et ainsi de suite, mais il y a, quand même, dans l'ordre des problèmes, des prioriétés à établir et je pense que, comme société, on doit tenter, en tout cas, de corriger les problèmes qui semblent les plus aigus et les plus importants. Dans ce sens-là, quand des êtres humains sont rendus dans une situation où on se pose des questions sur leur dignité et sur le respect qu'on leur doit, je pense que c'est peut-être là en premier lieu que doivent porter les efforts.

Dans le projet de politique de santé mentale, on parle du plan de services individualisé.

On a déjà commencé à l'appeler le PSI. Cela ne prend pas de temps que les sigles se développent. Je me demandais si ce que vous appelez le 'case management" dans le cas du projet de Portneuf, peut-être pas dans toutes les situations, mais, en tout cas, pour une certaine catégorie de personnes atteintes de problèmes de santé mentale, ne pourrait pas être un modèle parmi d'autres de PSI. Je pense qu'il faudra en examiner plusieurs, mais ne trouve-t-on pas là un peu l'équivalent de ce que nous ou de ce que le rapport Harnois appelle le plan de services individualisé?

M. Cormier. La nuance que j'apporterais, c'est que dans le rapport Hamols, lorsqu'on parte du plan de services individualisé, on en parle pour l'ensemble des problèmes de santé mentale. Ici, si on regarde l'ensemble des services mentionnés à la page 21 de ce document, il s'agit d'un plan de services individualisé qui est fait pour une clientèle cible particulière. Évidemment, pour d'autres types de problèmes de santé mentale, la gamme de services pourra certainement compter certains des services qu'on retrouve ici, mais il y en a d'autres, qui seront peut-être plus adaptés à ces autres clientèles, qui ne sont pas mentionnés ici.

Effectivement, je pense qu'on peut considérer que le programme de Portneuf est une expérience concrète du plan de services individualisé pour la clientèle cible des personnes qui souffrent de troubles mentaux sévères. C'est-à-dire que les thérapeutes principales, les infirmières, au moment de leurs évaluations cliniques, regardent les besoins de chacun de leurs bénéficiaires et se demandent parmi cette gamme, quels sont les services prioritaires à donner à la personne qu'elles ont devant elles au moment spécifique où elles l'évaluent.

Mme Lavoie-Roux: Quel était te budget qui avait été accordé pour le projet de Portneuf?

M. Cormier: Pour le programme de Portneuf, l'ordre des coûts de fonctionnement est d'environ 85 000 $, 90 000 $ par année.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'ils couvrent vos trois Infirmières à quatre jours, votre omnipraticien à deux jours, etc?

M. Cormier: Oui. Les trois infirmières et les frais de déplacement dans cette région.

Mme Lavoie-Roux: Ah, oui. Pour votre omnipraticien, ils sont payés par la Régie de l'assurance-maladie.

M. Cormier: C'est cela. Cela n'inclut pas le temps de...

Mme Lavoie-Roux: Mais le transport et le temps des trois infirmières.

M. Cormier: C'est cela et te fonctionnement du programme dans ces activités.

Mme Lavoie-Roux: Les frais administratifs. M. Cormier: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Vous l'avez peut-être dit, mais cela m'échappe. Vous disiez qu'il y avait une centaine de personnes avec une pathologie plus sévère.

M. Cormier. Oui.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela vous a permis... Non. Est-ce là qu'il y en a eu six d'éliminées?

M. Cormier: Regardez. Tous ces chiffres sont mêlants.

Mme Lavoie-Roux: C'est parce qu'il faut que je les dise de mémoire, n'est-ce pas?

M. Cormier: Oui, c'est cela. Les 100 individus, on ne peut pas dire que c'est l'ensemble de la population. Donc, sur une année, on a fait un relevé dans toutes les archives des centres hospitaliers des régions de Québec et de Trois-Rivières. On a relevé 100 personnes qui habitaient la région de Portneuf, qut avaient été hospitalisées pour un problème psychotique. C'est pendant l'année 1983. On ne peut pas vous dire si les 60 et quelques individus qui participent au programme sont 60 de ces 100. Fort probable qu'il y en a une bonne part, mais étant donné qu'on a utilisé le système Med-Echo du ministère pour le relevé des 100 Individus, c'est anonyme. On ne sait pas de quelles personnes spécifiquement il s'agit.

Maintenant, ta question que vous posez, c'est: Est-ce qu'on rejoint la population cible, est-ce qu'on rejoint l'ensemble des personnes qui souffrent de troubles mentaux sévères de la région de Portneuf? C'est un des éléments qui font l'objet de l'évaluation actuelle. On ne peut pas vous donner la réponse aujourd'hui, mats on peut penser qu'une forte proportion de la population cible est rejointe. Probablement aussi qu'il s'agit des personnes qui ont les problèmes les plus sévères qui ont été rejointes jusqu'à maintenant. Mais ce sera seulement dans l'avenir qu'on pourra le savoir parce que ça fait partie de l'évaluation qui est en cours.

Mme Lavoie-Roux: Mais ces 60 personnes ont été suivies régulièrement.

M. Cormier: Oui, elles sont suivies. Il y a maintenant plus de 60 personnes qui ont été admises au programme et qui sont suivies régulièrement. (17 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Vous Indiquez également

dans la recherche que vous avez noté que les carences de services les plus prononcées étalent dans le secteur de la réadaptation et des services psychosociaux. Si on regarde tes résultats que vous avez obtenus, de quelle façon avez-vous pu compenser sans ressources additionnelles, sauf vos 90 000 $, dans vos "case management" cette carence de ressources dans ces deux secteurs ou si vous avez pu fonctionner sans cela?

M. Cormier: II y a une bonne part des services psychosociaux et de réadaptation dont on parle qui sont offerts par les thérapeutes, les trois infirmières en question, qui elles-mêmes les dispensent. Non seulement elles créent l'alliance thérapeutique avec l'individu et sa famille, mais elles offrent de l'information sur la maladie, différentes autres interventions qui sont mentionnées ici. Il y a eu mise sur pied aussi par l'équipe d'activités de groupe en collaboration avec un groupe communautaire de la région. Il y a, pour le transport, un organisme qui s'appelle Transport adapté qui a été contacté et qui collabore. Il y a d'autres groupes qui existaient qui étaient dans la région qui ont été mis à contribution pour combler en partie les lacunes et les besoins qu'on rencontrait. Est-ce que ça répond?

Mme Lavoie-Roux: Allez.

M. Cormier: Si on regarde avant l'admission et un an plus tard, par exemple, pour les résultats qu'on a ici, on voit qu'il y a une grande part des services non comblés avant qui le sont maintenant et une bonne part de ces services l'ont été par les membres de l'équipe de soins, mais aussi par le biais du "case management", c'est-à-dire par la thérapeute qui va au devant des groupes communautaires ou des organismes comme ceux qui s'occupent de transport et tout ça s'assurer que, pour leurs bénéficiaires, ce service sera disponible. C'est une mise à profit de choses qui étaient présentes. Il y a aussi les programmes de retour à l'emploi et de stages en milieu de travail, des choses comme ça qui existent. Mais, pour l'individu qui souffre de trouble mental sévère, ce n'est pas simple de s'inscrire et de suivre toutes les étapes pour en bénéficier. Souvent, l'infirmière va informer le bénéficiaire ou sa famille de l'existence de ces programmes de retour au travail ou de stages en milieu de travail, va l'aider par l'aide juridique. Donc, il y a d'autres services comme ceux-là qui sont sur place, mais qui sont parfois non utilisés parce que la personne n'a pas les ressources pour en bénéficier.

Mme Lavoie-Roux: Je vais arrêter mes questions ici. Il y en a qui me font de gros yeux, ils veulent avoir leur tour.

M. Cormier: D'accord.

Le Président (M. Audet): M. te député de Laviolette, à vous la parole.

M. Jolivet: Merci, mais ce n'est pas mol qui fais de gros yeux, c'est de son bord.

Des voix: Ha, ha!

Mme Lavoie-Roux: C'est vrai que c'est de mon bord.

M. Jolivet: Merci, d'abord, de votre expérience qui nous est racontée aujourd'hui avec les effets qu'elle a apportés. Je dois vous poser une question en rapport avec ce qui a été dit par d'autres groupes avant vous, en particulier par les ressources alternatives qui ont dit qu'il fallait aller au rythme de la personne, qu'il fallait donner la possibilité aux personnes d'avoir un contact qui permette la mise en confiance et, ensuite, entrer tranquillement dans un processus de réadaptation, de réhabilitation. Je reviens à la description que vous faites de votre clientèle cible à la page 10 où on donne les critères d'admission au programme qui a été fait au CLSC de Portneuf. On parle, en particulier, au cinquième tiret, 'd'accepter l'offre de soins qui est faite à l'issue de l'entrevue d'évaluation." Est-ce que je peux vous demander - parce que vous parlez d'une possibilité de réussite qui permette une moins grande hospitalisation annuellement - si l'offre des soins a été discutée par le comité des infirmières avec les individus choisis un à un? De quelle façon a-t-on procédé? Est-ce que cela leur a été imposé? J'aimerais savoir comment le processus s'est fait.

M. Guimond (Gaston): C'est bien simple, l'offre de soins est faite lors de l'entrevue d'admission où sont présents l'usager et un membre de la famille, le médecin évaluateur, moi-même, et l'infirmière du secteur. Quand on fait l'entrevue d'admission, on discute avec l'usager et le membre de sa famille vers quoi on peut aller. On constate qu'il y a telle et telle lacune, tel et tel besoin. Qu'est-ce que vous pensez? On commence par cela. On vous conseillerait peut-être cela ou autre chose et, ensemble, on décide. Donc, c'est pour cela qu'on parle d'accepter l'offre de soins. En fait, elle est acceptée étant donné la discussion qu'on fait avant. Il y a un consensus avant. Quand on a un consensus, évidemment, l'acceptation de l'offre de soins est automatique.

M. Jolivet: On parle de gens qui ont des troubles profonds et pas seulement légers, si j'ai bien compris...

M. Guimond: Oui.

M. Jolivet: ...dans ceux que vous avez examinés, ceux qui sont en soins hospitaliers dans des institutions et ceux qui sont hors

institution dans les familles ou dans leur milieu de vie actuel. Cela veut donc dire que, pour vous, la personne, à partir de ce que vous avez comme connaissances de votre groupe de travail, avec l'entrevue que vous faites avec elle, vous lui proposez une possibilité de plan de travail pour vous permettre de voyager pour les semaines à venir.

M. Guimond: C'est cela, quitte à réévaluer le patient. Comme on le disait tout à l'heure D est évalué de façon automatique tous tes six mois, mais D peut être évalué au bout d'un mois s'il présente des problèmes nouveaux, des besoins nouveaux. On peut dire à ce moment-là: Tel besoin n'est plus le besoin prioritaire et on peut en prioriser un autre.

M. Jolivet: Et vous déterminez quelles sont les personnes qui peuvent lui venir en aide. Vous partez d'infirmières, de médecins, au départ, mais il va y avoir d'autres personnes qui vont pouvoir l'aider te travailleur social, te psychologue et d'autres à l'intérieur du milieu de Portneuf.

M. Guimond: C'est exact.

Vous mentionnez dans votre conclusion, à la page 25: "Pour le premier sous-groupe - cela va s'établir par tes autres, aussi - il nous semble que les plans d'action de réinsertion sociale devraient être l'œuvre des grands établissements psychiatriques et des centres de services sociaux, de concert avec le conseil régional et en collaboration avec les groupes communautaires." Est-ce que vous pouvez me faire une description de groupes communautaires qui existent et qui sont partie prenante, actuellement, à votre expérience de Portneuf?

M, Cormier: Dans la région de Portneuf, il y a un groupe particulier, dans la région de Donnacona, qui est constitué de personnes bénévoles qui contribuent à faire fonctionner l'activité hebdomadaire de socialisation et de loisir du programme. Donc, ces gens participent à la planification des activités et à leur réalisation, à l'animation des activités comme telles. Ils n'Interviennent pas, par exemple, dans des choses aussi spécifiques que l'apprentissage, l'habileté sociale ou de choses comme cela, mais bien uniquement dans des activités de loisir et de socialisation. Cela, c'est dans notre expérience, mais je pense que, dans d'autres milieux urbains, il y a peut-être des groupes communautaires qui ont des interventions plus développées.

M. Jolivet: II y a plusieurs personnes qui ont fait mention du fait qu'on n'a pas la possibilité de penser que les groupes alternatifs, qui sont différents des groupes communautaires, soient inclus dans la définition des groupes communautaires. Dans ce contexte, est-ce qu'il y a, dans votre travail actuel, des gens qui proviennent de groupes alternatifs, incluant des personnes ex-psychiatrisées?

M. Guimond: À ma connaissance, non. D'après ce que l'entends et ce que je comprends des groupes alternatifs, je dirais que non, il n'y en a pas.

M. Cormier: J'aimerais Intervenir ici. Il y a vraiment un esprit de complémentarité et non pas d'opposition, d'alternance dans ce qu'on vit, dans l'expérience actuelle.

M. Guimond: Le groupe communautaire va donner quelque chose à sa mesure et sa manière, va donner une teinte que nous, on ne donnera pas, mais cela va dans le même sens. Effectivement, comme le dit Hugues, c'est complémentaire et ils le font d'une manière différente de nous. Mais cela poursuit toujours le même objectif.

M. Jolivet: Dans les 60 personnes que vous avez actuellement, est-ce qu'il y a des gens qui sont en institution et d'autres qui ne le sont pas ou sont-ils tous en dehors de l'institution?

M. Cormier: Elles sont toutes en dehors de l'institution. Mais, comme je le mentionnais, elles avaient été hospitalisées en moyenne quatre fois. Mais c'était le phénomène de la porte tournante, c'est-à-dire des gens qui avaient des hospitalisations de trois semaines à un mois assez régulièrement, peut-être une fois par année et, donc, ce genre de problèmes là. Il n'y a pas de gens qui sont devenus partie de ce programme-là après un séjour prolongé d'une dizaine d'années en milieu psychiatrique, par exemple. Certaines d'entre elles ont déjà eu des séjours prolongés et avaient été désinstitutionnalisées dans la première vague des années soixante et, par la suite, avaient eu - si on généralise - quelques hospitalisations de courte durée pour des rechutes et ont pu, comme ça, être admises ensuite au programme. Elles vivent dans leur famille en général, actuellement.

M. Jolivet: Cela fait trois ans que vous faites cette étude. Ordinairement, quand on pense que ça fonctionne très bien et que ça donne des résultats positifs, on est porté à dire: On devrait élargir ça à d'autres secteurs de la population dans le Québec. Dans ce contexte-là, comment voyez-vous l'exportation, si je peux dire, de l'expérience de la région de Portneuf à d'autres régions? Est-ce qu'il y a des choses qui sont possibles? De quelle façon devrait-on réagir? Qui pourrait en être responsable ailleurs au Québec?

M. Cormier: En réponse à ça, j'aimerais dire que, dans le rapport Brunet, on disait: Bon, des programmes dans les CLSC, ça mérite qu'on en mette sur pied quand on a face à sot ce qu'ils appelaient un problème fondamental de santé, c'est-à-dire un problème qui est fréquent, qui est important, qui a des conséquences sur la santé

publique importantes. Et ils ouvraient la porte - souvent, ils en pariaient - à un programme pour des clientèles particulières pour un CLSC qui, par exemple, se retrouverait dans un secteur où il y a un problème de santé spécifique. Mais ils disaient: II y a certains problèmes de santé fondamentaux qui méritent la mise sur pied de programmes à plusieurs endroits. Et, dans leur rapport, ils mentionnent un programme favorisant la réinsertion sociale des personnes qui ont des troubles mentaux sévères. Par exemple, pour la région de Portneuf où il y a 45 000 personnes, on se rend compte que ça n'a pas été un problème de trouver une clientèle. Il y avait vraiment un problème important et on se rend compte que ce sont des gens qui, avant, sans être Institutionnalisés, sans être dans des hôpitaux, étalent peut-être, si on accepte ma façon de le dire, une façon caricaturale, institutionnalisés dans leur sous-sol et ne participaient pas à leur communauté. Ils demeurent avec un problème important, mais ils sont maintenant en meilleure santé mentale. Leur qualité de vie s'améliore.

C'est une expérience intéressante. Maintenant, l'exportabilité? Je ne sais pas si c'est pour cette raison mais, étant donné qu'on travaille dans une unité de recherche, quand on en a discuté, on s'est dit qu'il s'agissait moins de répéter et d'essaimer en disant: Bon, cela semble aller bien, allons-y que de mettre à l'épreuve, dans des milieux différents, un programme du même type, mais toujours en tenant compte de l'endroit où cela sera mis en place, en vérifiant si, dans un secteur urbain pour un quartier donné, dans un milieu semi-urbain, dans d'autres régions ou dans d'autres secteurs ruraux, on peut retrouver des résultats similaires. Si cela se confirmait et qu'on évaluait l'investissement utile, on pourrait peut-être penser à l'élargir beaucoup plus. Je ne sais pas si cela peut être imaginé, dans un projet de politique, d'y aller un peu par expérimentation, vérification et évaluation de tentatives, de programmes qu'on met à l'épreuve. (18 heures)

Autrement dit, on trouve que les résultats de l'expérience actuelle sont encourageants et nous encouragent à faire des vérifications plus nombreuses et dans des milieux différents.

M. Jolivet: Pour libérer le président, je lui donne la possibilité de continuer passé 18 heures, si c'est le problème que vous avez.

Le Président (M. Audet): J'allais, justement, le demander. J'attendais que monsieur ait terminé son intervention.

M. Jolivet: II y a une recherche que vous avez faite. Vous parlez d'une centaine de cas qui ont été vérifiés. Dans votre recherche de ces personnes dans les milieux psychiatriques autrefois, dans des centres hospitaliers de longue durée ou même de celles qui étaient à la maison, quelles sont les réticences que vous avez eues, parce qu'on a toujours cette impression qu'il y a encore des parents aujourd'hui qui cachent des enfants ou des adultes même, comme vous le disiez, dans des sous-sol? Avez-vous eu ces problèmes dans votre recherche de cas? Quand vous dites: Oui, dans cette région, il devrait y en avoir une centaine, c'est qu'il y a certainement des personnes qu'on n'a pas rejointes parce qu'elles sont encore cachées.

M. Cormier: Une précision, car je me suis peut-être mal exprimé; il y a certainement beaucoup plus que 100 individus. C'est minimal. Ce sont des gens qui avaient été hospitalisés pendant un an. Donc, ça ne reflète pas nécessairement toute la population de gens qui souffrent de troubles mentaux sévères. Si on se sert d'études épidémiologiques, on peut penser que c'est de l'ordre de 400 et plus. Dans le travail quotidien aussi des infirmières qui travaillent dans ce programme-là, je dois dire que, pour elles, le bénéficiaire, c'est la personne qui souffre de trouble mental, mais aussi les membres de la famille et le milieu. Donc, elles interviennent auprès de l'individu malade, mais aussi de sa famille. Donc, cela fait une population cible beaucoup plus importante que seulement 100.

On ne se trompe pas en s'adressant aux membres des familles de ces gens-là qui ont des problèmes de santé mentale, parce que c'est très pénible bien souvent pour eux. Justement, leur attitude n'a pas été, en général, d'avoir des réserves, on est même plutôt, très souvent, soulagés car, enfin, on peut compter sur de l'aide.

M. Jolivet: Voici ma question avant de laisser le soin à d'autres de mes collègues de poser des questions. Le résultat que vous nous apportez aujourd'hui, je l'espère, recevra une certaine publicité permettant de donner un impact plus positif que négatif à ces choses. Est-ce que vous avez pris soin d'informer la population des résultats positifs, de telle sorte que vous aurez probablement une clientèle additionnelle de gens qui disent: Si cela a fonctionné, pourquoi cela ne fonctionnerait-il pas pour mon fils, ma fille, mon père, ma mère? Dans ce sens-là, le CLSC donnerait davantage de services.

M. Cormier: Le programme a fait l'objet de différentes communications et, entre autres, dans l'hebdomadaire régional, local, le directeur général du CLSC récemment en a parié. Il y a eu un article, à un moment donné, qui décrivait le programme. Il y a eu des efforts de ce type-là qui ont été faits. Aussi à l'occasion d'activités portes ouvertes du CLSC, il y a eu un kiosque d'information.

M. Jolivet: Merci.

Le Président (M. Audet): Mme la députée de Johnson, la parole est à vous.

Mme Juneau: II n'y a pas d'alternance, M. le Président?

Le Président (M. Audet): Étant donné que vous étiez la seule à avoir demandé la parole avant les députés ministériels, je vous reconnais immédiatement.

Mme Juneau: Je vous remercie, M. le Président. Je n'ai rien contre cela.

Le Président (M. Audet): Allez-y. Mme la députée.

Mme Juneau: Dr Cormier, il y a d'autres groupes qui sont venus nous dire qu'ils ne croyaient pas que la désinstltutionnallsatlon coûterait moins cher que l'institutionnalisation. D'après l'expérience que vous venez de vivre dans Portneuf, pouvez-vous nous dire si cette voie va nous coûter moins cher que ce que cela coûte à présent?

M. Cormier: J'aimerais bien savoir la bonne réponse, mais II faut réaliser qu'il y a eu une première vague de désinstitutionnalisatlon. Il y a des gens qui maintenant sont moins institutionnalisés, les personnes plus jeunes qui souffrent de troubles comme cela. Quand on parle de la désinstitutionnalisation en 1987, on parle, donc, des gens qui sont actuellement dans les hôpitaux psychiatriques. Il y a l'échelle New York qui évaluait qu'une bonne part de ces personnes-là pourraient vivre dans la communauté pour autant qu'elles puissent bénéficier des services dont elles ont besoin.

Il faut réaliser que probablement ces gens-là qui sont encore en institution aujourd'hui présentent des problèmes un peu plus sévères encore que ceux qui sont actuellement dans la communauté. Donc, les coûts qu'on a observés ici, qui sont très partiels et qui ne sont que les coûts reliés à l'hospitalisation, nous montrent que, au moins pour ces gens-là qui sont nombreux, il y a peut-être moyen de mettre sur pied des services et de faire certaines économies de réhospitalisation pour cette clientèle-là.

Maintenant, savoir si cela ne coûterait pas plus cher de sortir des hôpitaux psychiatriques des gens qui y sont actuellement et d'offrir les services dans la communauté, je pense que ce sera peut-être en faisant des expériences qui seraient évaluées qu'on va pouvoir y répondre, mais c'est difficile d'être précis à ce moment-ci.

Mme Juneau: Pour les plans de services individualisés aussi, vous avez répondu à une question de la ministre tout à l'heure que c'était propre à Portneuf et cela voulait dire que, dans d'autres régions, peut-être qu'il y a d'autres choses qui seraient plus actualisées aux besoins des gens. Cela m'amène à penser que bien souvent ici on fait des plans ou des programmes et cela manque de flexibilité, c'est rigide, Les gens doivent entrer dans un cadre très rigide et non adaptable. Je pense que cela se vit. On comprend que, sur la Côte-Nord, en Estrie, en Abitibi et à Montréal, ce ne sont pas du tout les mêmes attentes et les mêmes besoins en termes de services. Est-ce qu'il pourrait y avoir, je ne sais pas, un plan national, mais adaptable? Comment verriez-vous cela?

Le Président (M. Audet): II vous reste une minute dans votre enveloppe pour terminer.

Mme Juneau: Ah, ce n'est pas vrai! M. Cormier: D'accord.

Le Président (M. Audet): Si vous voulez être bref, merci.

M. Cormier: Je vais répéter ce que je disais. Pour être le plus adaptés et le plus pertinents possible dans nos services offerts, je pense qu'on peut penser en termes de régions et de variations selon les régions, mais il faut surtout ne pas oublier la variation en termes de clientèles cibles. Les personnes qui souffrent de troubles mentaux sévères, ce n'est pas la même chose que les personnes qui souffrent de troubles d'anxiété ou de troubles psychosomatiques ou d'autres problèmes de santé mentale qui sont tous très Importants et sur lesquels on doit se pencher. Mais l'adaptabilité et la pertinence des programmes à mettre sur pied doivent être surtout, je crois, en fonction des problématiques qu'on veut viser. C'est-à-dire que, si on développe des services pertinents et spécifiques pour les gens qui souffrent de troubles mentaux sévères, ils risquent d'être autant pertinents dans Portneuf que sur la Côte-Nord avec, évidemment, l'adaptation. Si tel service est déjà disponible dans une région, il ne s'agit pas de le répéter.

Le Président (M. Audet): Merci. Je reconnais maintenant le député de Notre-Dame-de-Grâce. Votre enveloppe est épuisée, Mme la députée. Le député de Notre-Darne-de-Grâce.

M. Thuringer: Merci, M. le Président. L'évaluation et la recherche ne sont pas seulement nécessaires, mais importants. Mais dans un contexte où les ressources sont limitées, est-ce qu'il y a d'autres types de recherche qui peuvent aider plus à sensibiliser les gens en général, un des objectifs Indiqués dans le rapport Harnols? Et la deuxième chose: on a rencontré bien des groupes. Les statistiques des problèmes montent beaucoup. Je viens d'être un peu découragé. Je me demande dans un champ de recherche: Est-ce qu'il y a des lumières ou des espoirs que vous voyez?

M. Cormier: Mon cher monsieur, c'est vous qui me découragez un peu.

Des voix: Ha, ha, hat

M. Cormier: Parce qu'il me semble que les résultats qu'on vous présente aujourd'hui, on essaie de ne pas leur donner des portées qu'ils n'auraient pas. Il me semble qu'effectivement ce sont des résultats encourageants pour des personnes qui souffrent de maladies sévères. Il me semble que, oui, il y en a de la lumière et, oui, il y a à mettre à l'épreuve dans d'autres milieux des expériences semblables. On n'a pas à s'inquiéter et à se demander: Est-ce qu'on fait bien d'intervenir pour ces gens-là? Ce sont des gens qui souffrent, qui sont malades. Ce sont des gens qui sont avec des familles et qui vivent des problèmes très sérieux et très importants. Ils sont bien contents de bénéficier de services comme ceux qui ont été mis sur pied. Là, il y a même certains indicateurs que cela pourrait peut-être, pour cette sous-population dans un système, quasiment équivaloir aux coûts de la mise sur pied des services. Donc, je trouve cela plutôt encourageant.

M. Thuringer: Je ne suis pas découragé par ta recherche dont vous partez, mais il me semble qu'il n'y a personne qui ferme le robinet. Cela augmente toujours.

M. Cormier: Vous voulez dire les problèmes de santé mentale?

M. Thuringer: C'est cela, c'est cela,

M. Cormier: Oui, il y en a beaucoup, mais je pense qu'il faut accepter d'identifier des pistes, des cibles précises et y aller à fond pour celles-là. Vous savez, nous, comme unité de recherche en santé mentale, on entend souvent d'autres groupes nous dire: Oui, mais c'est Important aussi, tel autre problème et tel autre problème, mais on trouve qu'on retire des bénéfices d'avoir décidé, depuis quelques années, de cibfer notre Intervention sur une population particulière, d'avoir développé des programmes spécifiques pour cette clientèle, de nouvelles approches pour favoriser la réadaptation et aider les familles. On acquiert une expérience qui pourra servir dans d'autres milieux.

Il s'agit d'espérer que, pour d'autres problèmes, il se développe d'autres équipes de recherche et que, problème par problème, on arrive à attaquer cette montagne de problèmes de santé mentale.

Le Président (M. Audet): M. le député de Fabre, vous disposez de trois minutes et demie, environ.

M. Joly: Merci, M. le Président. Je serai très bref, sans pour autant être expéditif parce que c'est, quand même, important.

Je ne sais pas si c'est le Or Cormier ou le Dr Guimond qui mentionnait qu'avec un budget d'application et de fonctionnement de 90 000 $ annuellement vous réussissez à couvrir un champ d'action qui semble regrouper, si on parle de 60 bénéficiaires répartis sur une période de 30 mois, une moyenne d'une vingtaine de bénéficiaires par année. Vous réussissez à aller au devant des problèmes. Donc, vous anticipez d'autres problèmes; c'est ce qui fait que l'hospitalisation de ces gens-là semble avoir été contrôlée dans le sens qu'ils sont beaucoup moins hospitalisés ou que, du moins, la durée de l'hospitalisation est beaucoup moins longue. Cela ne semble pas être un effet du hasard qu'on arrive à cela. Donc, la prévention des problèmes futurs ou des problèmes anticipés, vous y voyez.

Tantôt, on disait: Est-ce que cela coûte moins cher de désinstitutionnaliser et de traiter à domicile? Moi, hors de tout doute, avec ce que vous nous avancez, je serais tenté de croire que oui, vous êtes une des ressources, que vous êtes un groupe qui a trouvé un semblant de solution, un pendant, si vous voulez, qui nous amène à espérer pour l'avenir.

Mais pour reprendre ce que le député de Laviolette tantôt a cerné, mais qu'il a lâché aussi comme sillon d'exploitation et au risque d'être redondant moi-même, vous effectuez quelque chose qui semble très positif. Vous te faites à l'Intérieur d'une région donnée et cela ne déborde pas ailleurs, dans le sens qu'il n'y a personne d'autre que vous autres et nous, lors d'une commission parlementaire, qui t'apprend. Vous allez me dire que, peut-être, de bouche à oreille, cela peut se dire ou cela peut se faire dans un couloir ou lors d'une rencontre ou d'un colloque quelconque, il me semble qu'il manque un lien quelque part. Cela fait deux ou trois organismes qu'on "auditionne", si on me permet l'expression. On sent qu'il y en a qui ont de bonnes idées qui ont des choses pratiques qu'ils mettent en application, mais cela s'arrête à des régions données.

Mors, en tant que parlementaires, je serais tenté d'espérer, de souhaiter de façon très sérieuse qu'il y ait quelqu'un qui prenne la responsabilité - c'est bien sûr que cela peut demander de l'argent pour un CLSC ou pour un CRSSS - de coordonner tout cela. SI vous avez réussi à négocier 90 000 $ avec un CLSC - j'imagine que les fonds viennent de là - si vous avez réussi à l'amener à la conception de la prévention, bien, à ce moment-là, j'imagine qu'il y aurait quelqu'un à l'intérieur de tous les CLSC qui pourrait dire: On va consacrer X milliers de dollars par année et on va véhiculer les bonnes nouvelles et les bonnes choses qu'on fait. Ce serait drôlement valorisant pour vous tous et sécurisant pour tous ceux qui doivent espérer des solutions. Vous en avez, des solutions, dites-le fort.

Ce sont simplement les commentaires que je voulais faire, M. le Président Merci.

Le Président (M. Audet): Est-ce que vous avez un bref commentaire à faire? Il reste à peu près 25 secondes, trois mots.

M. Cormier: Très bref pour dire que oui, on pense que ce serait utile de répéter l'expérience, de la mettre à l'épreuve dans d'autres milieux. Cela prend probablement de l'argent nouveau. Ce n'est pas à l'Intérieur d'un budget de CLSC qu'on peut Identifier 90 000 $. Ce budget venait du conseil régional qui, avec te ministère de la Santé, avait décidé, pour cette région de Port-neuf, de tenter une expérience nouvelle. C'est comme ça qu'on pourra continuer.

Le Président (M. Audet): Merci. Le mot de la fin, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci. Sachant qu'on ne peut pas tout exporter, mais qu'on peut en retenir les bénéfices, votre expérience est intéressante. Que ceux qui en ont entendu parler et qui en entendront parier dans l'avenir en prennent les meilleurs bénéfices et qu'ils essaient de voir ce qui pourrait être utile pour la clientèle de leur milieu parce qu'une région, c'est une région, ce n'est pas ta même chose partout

Le Président (M. Audet): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Un grand merci, cela a été très intéressant Je voudrais revenir sur des Inquiétudes que des gens ont exprimées quant à la définition des rôles. La députée de Johnson l'a soulevé, souvent on est trop rigide. Les gens voudraient encore qu'on "encarcane" tout le monde dans des définitions absolument rigides alors que l'esprit du rapport est vraiment que chacun trouve ensemble les définitions qui conviennent mieux aux circonstances, sans tomber dans une espèce de vague ou de flou qui créerait plus de problèmes.

Je ne sais pas si mes collègues de l'Opposition me permettraient Juste une petite question si vous pouvez y répondre en deux secondes.

Mme Juneau: C'est le président qui permet.

Mme Lavoie-Roux: Me le permettez-vous, M. le Président?

Le Président (M. Audet): Si l'Opposition est d'accord, je n'ai pas d'objection, Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: II faudrait qu'ils s'y opposent Très brièvement À la page 112 du rapport de la commission Harnois, on expose les conditions de la réalisation de la désinstitutionnalisation. Il y en a quatre: "une Intervention en situation de crise disponible de façon permanen- te; une médication appropriée lorsqu'elle est requise; une intervention auprès de l'entourage le plus significatif; une continuité de services." Vous qui avez, quand même, fait une expérience pour au moins empêcher la réinstitutionnalisation, pensez-vous que ces quatre conditions peuvent couvrir assez bien un programme de désinstitutionnnalisation ou de non-institutionnalisation?

M. Cormier: Je dirais que ouf, mais en vous signalant que continuité de services, c'en est seulement une sur quatre qui en cache peut-être un bon nombre.

Mme Lavoie-Roux: Oui. D'accord.

M. Cormier Vous comprenez? On a continuité de services... Quels services? Là, il faut peut-être faire référence à la liste qu'on a dans notre mémoire.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Audet): Merci, messieurs. Bon retour. La commission suspend ses travaux et les reprendra à 20 heures, au même endroit.

(Suspension de la séance à 18 h 19)

(Reprise à 19 h 59)

Le Président (M. Joiy): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je voudrais rappeler le mandat de la commission qui est d'étudier le projet de politique de santé mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre 1987.

Je vois que les intervenants qui représentent la Conférence des conseils régionaux de santé et de services sociaux du Québec sont déjà présents. Alors, je vais vous rappeler les règles: vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et, par la suite, le temps est dévolu aux deux formations pour leur permettre de poser des questions. J'apprécierais que le ou la responsable du groupe se présente et présente les autres intervenants qui l'accompagnent.

Conférence des CRSSS

Mme Lalancette (Denise): Merci, M. le Président. M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs les députés membres de cette commission, j'ai tout d'abord le plaisir de vous présenter les personnes qui m'accompagnent, soit, à ma droite, Mme Hélène Morais, directrice générale de la Conférence des CRSSS; à sa droite, M. Claude Boisjoli, directeur général du conseil régional de la Côte-Nord et membre du comité administratif de la conférence; à ma

gauche, M. Michel Léger, premier vice-président de la conférence et directeur général du conseil régional de Laurentides-Lanaudière, et, à sa gauche, M. Jean-François Thiboutot, deuxième vice-président de la conférence et président du conseil régional d'Abitibi-Témiscamingue. Pour ma part, je suis Denise Lalancette; je suis présidente du conseil régional de l'Estrie et présidente de la Conférence des CRSSS.

Le Président (M. Joly): Merci. Allez-y, madame!

Mme Lalancette: En guise de préliminaire, on me permettra de rappeler aux membres de ta commission que la Conférence des conseils régionaux de la santé et des services sociaux a été créée en 1983 et qu'elle regroupe les treize conseils régionaux disséminés sur le vaste territoire du Québec. La conférence fait état dans son mémoire de positions ayant réuni des consensus au niveau des treize conseils régionaux.

La conférence a pour mission, bien sûr, de favoriser les échanges et une plus grande cohésion entre les conseils régionaux, mais son existence se justifie également par la nécessité de promouvoir la régionalisation du système de santé.

Ainsi que nous l'affirmions dans le mémoire que nous avons présenté en juillet 1986 à la commission d'enquête sur les services de santé et les services sociaux, le rapprochement des centres de décision de l'action et une participation plus large de la population à la définition de ses besoins et priorités peuvent seuls assurer une plus grande équité entre tes citoyens et les citoyennes et entre les diverses régions, une meilleure adaptation des services aux besoins en évolution et une utilisation rationnelle et optimale des ressources.

Ces objectifs sont contenus dans le mandat que les conseils régionaux de santé et de services sociaux ont reçu lors de la réforme de 1971 qui les chargeait de planifier et de mettre en oeuvre, en concertation avec tes Instances et acteurs concernés, un réseau de services intégrés adaptés aux besoins. Le décret gouvernemental promulgué en 1979 est venu renforcer les rôles confiés aux conseils régionaux en ce qui concerne l'administration de certains programmes, la mise en commun des ressources et la participation de la population aux décisions.

Malgré les difficultés nombreuses qu'ils ont eues à surmonter et sur lesquelles nous reviendrons plus loin, on peut dire que tes conseils régionaux de santé et de services sociaux ont assumé ces responsabilités avec beaucoup de dynamisme, de compétence et une attention soutenue aux besoins de l'ensemble de la population. Notre position face au rapport du comité Harnois ne peut être dissociée de ce contexte.

Je vous remercie donc, mesdames et messieurs, de nous permettre de réagir publiquement au rapport Harnois. Les auteurs avaient eux-mêmes formulé le souhait que leur énoncé de politique soit l'occasion d'un large débat public sur la santé mentale au Québec. La tenue de cette commission parlementaire répond déjà en partie à ce voeu. Nous y voyons, en même temps qu'une reconnaissance de la qualité du travail des membres du comité, une volonté d'amorcer un processus de changement dont le besoin n'a plus à être démontré. Depuis 25 ans, le domaine de la santé mentale a connu de profonds bouleversements au Québec. La psychiatrie a considérablement évolué et l'État a restructuré complètement les services en partant du principe de l'universalité. Néanmoins, en 1988, il n'existe pas au Québec de politique en santé mentale, si bien que les ressources importantes qui y sont consacrées sont souvent gérées dans la confusion, mal distribuées sur le territoire et ne répondent que très partiellement aux besoins. Le seul exemple de la répartition des effectifs médicaux l'illustre éloquemment. Le rapport Harnois arrive donc à point et il frappe juste.

La problématique et les grandes orientations. Dans l'ensemble, nous tenons à exprimer notre accord avec l'approche développée, tant au plan de l'analyse qu'à celui des grandes orientations et des priorités qui y sont retenues. Nous souscrivons entièrement, en effet, à la décision du comité de resituer la personne aux prises avec des problèmes mentaux au coeur du projet et à la démarche de recherche d'un partenariat élargi. Le principe de la désinstitutionnalisation n'a de valeur, en effet, que s'il s'applique dans un contexte de respect des droits et de dignité des personnes et des familles, et dans un environnement organisationnel multidisciplinalre qui intègre les ressources de la communauté.

Les problèmes. L'identification des problèmes prioritaires est réaliste et conforme au consensus établi par différents acteurs depuis plusieurs années dans le réseau. On me permettra de rappeler tes plus importants à nos yeux: tout d'abord, les difficultés pour les personnes souffrant de problèmes de santé mentale à avoir accès à des services continus intégrant l'ensemble de leurs besoins; les problèmes de disponibilité et d'accessibilité de certains types de services de santé et de services sociaux, le cloisonnement, l'absence de souplesse des organisations et les faibles liens qui existent entre elles, l'iniquité qui résulte d'une mauvaise répartition géographique des ressources humaines, matérielles et financières; l'absence de participation véritable de la communauté et les carences dans la formation des intervenants et le développement des connaissances en santé mentale. Tous ces problèmes font l'objet, dans le rapport Harnois, d'une analyse pertinente et rigoureuse.

Les solutions. Cette rigueur et cette lucidité se retrouvent également dans l'exposé des principales recommandations faites par le comité pour résoudre les problèmes identifiés. Nous endossons d'abord pleinement la demande d'un

plan quinquennat d'action fondé sur des objectifs clairs et une définition précise des responsabilités de l'État, qui comporte notamment le développement de mécanismes appropriés d'évaluation des résultats et de l'Impact réel des politiques mises de l'avant.

Nous appuyons également, sans la moindre réserve, toutes les recommandations inspirées par la préoccupation de placer les besoins de la personne et de ses proches au point de départ de toutes les actions à envisager au-delà des Intérêts corporatistes et des structures. Nous pensons principalement au respect de l'autonomie, au maintien dans le milieu, au soutien à fournir aux familles, au plan de services individualisé, au développement des ressources communautaires, à la continuité et à la coordination des services. Nous souscrivons aussi, bien sûr, à la nécessité amplement démontrée de réaliser cette fameuse équité interrégionale et intra-régionale dans la distribution des ressources. Enfin, les objectifs de formation, de recherche, de sensibilisation et d'information de la population doivent être vigoureusement appuyés.

La nécessaire régionalisation. Le rapport fait une large place à l'implication régionale. Il y est proposé, notamment, de consolider la planification régionale réalisée le plus près possible de l'action, centrée sur les besoins des personnes, à la lumière des particularités des milieux où se vivent les problèmes et où se donnent les services, avec la participation conjointe et harmonieuse des différents acteurs des établissements et de la communauté. Également, que chaque conseil régional traduise cette planification par un plan régional ou des plans sous-régionaux d'organisation des services.

Les membres du comité ont donc bien vu la nécessité de l'intervention du palier régional, mais le mandat qu'ils veulent confier au conseil régional d'entreprendre une démarche de planification et de coordonner l'élaboration d'un plan d'organisation des services avec les différents acteurs nous paraît nettement insuffisant

À notre avis, seule une véritable délégation au conseil régional du mandat d'implanter et d'administrer le programme régional de santé mentale avec les différents acteurs concernés peut permettre d'assurer la mise en place d'une gamme de services guidés par des principes d'équité, d'accessibilité, de complémentarité, de continuité et d'autosuffisance régionale ou sous-régionale. Cette responsabilité déléguée au conseil régional comprend un ensemble d'activités cohérentes d'animation, de consultation, de planification, de programmation, de budgétisation, d'allocation et de réallocation des ressources, de coordination des services et de coordination de l'accès aux services, de gestion, de contrôle et d'évaluation.

Il faut, en effet, que les plans de services ne demeurent pas au niveau des intentions, mais qu'ils se traduisent dans l'organisation d'une gamme de services continus. De même, nous paraît nécessaire la mise en oeuvre de mécanismes régionaux et sous-régionaux d'évaluation et d'accès aux services. Les personnes qui ont besoin de services, et particulièrement les clientèles prioritaires, doivent pouvoir compter sur une évaluation globale de qualité, une orientation vers les services correspondant à cette évaluation et une admission dans les meilleurs délais dans les établissements qui les dispensent. Cette responsabilité de coordination de l'accès aux services, si importante à nos yeux, se situe bien au-delà des rôles spécifiques des établissements et des professionnels Et tout le monde sait, par ailleurs, que ce n'est pas à Québec qu'on peut le mieux réaliser tes objectifs d'équité et d'accessibilité qui sont au coeur de la réforme proposée.

Donc, si on pense que c'est en région et même dans les sous-régions que peuvent être mis sur pied les services continus et intégrés dont il est question, il faut être cohérent et donner aux conseils régionaux les moyens d'agir. Ceux-ci ne veulent plus se voir confier des mandats qu'ils sont impuissants à remplir parce que coincés entre, d'une part, un pouvoir central qui ne se résout pas à se départir des rôles qui doivent justement être délégués et, d'autre part, des institutions et des établissements qui ne cessent d'en appeler à Québec des décisions des conseils régionaux.

Il me vient ici un exemple que j'aimerais partager avec vous et qui s'est passé dans la région d'où je viens. À un certain moment, 52 000 $ avaient été accordés par le ministère pour un programme de santé mentale, en argent nouveau, non récurrent. On avait réussi à asseoir autour d'une table des directeurs généraux d'établissements pour faire une répartition de ce montant selon des priorités qui étaient définies. Ils ont réussi à te faire et nous avons transmis ce projet au ministère pour recevoir, peu de temps après, une lettre disant: Ce n'est pas ainsi que nous allons le répartir, mais de telle autre façon. Vous comprendrez que plus Jamais nous n'avons réussi à asseoir à une table ces directeurs généraux pour participer à un projet de régionalisation ou de répartition des ressources. Nous ne voudrions plus que des choses comme cela se reproduisent.

L'expérience de l'application du décret de 1979 devrait nous servir. On ne peut pas décentraliser à moitié ou placer les mêmes pouvoirs à deux endroits différents, pour ne pas dire à deux niveaux différents Les conseils régionaux ont amplement fait la preuve qu'ils étaient capables d'exercer ces fonctions si délicates d'implantation, de répartition, d'harmonisation et de rationalisation de ressources. On peut faire confiance aux instruments de planification et aux mécanismes de concertation régionaux et sous-régionaux. {20 h 15)

Les conseils régionaux possèdent à la fois l'expérience et l'expertise, et je veux bien

préciser que, quand je dis: les conseils régionaux possèdent, j'entends que les conseils régionaux, à ces niveaux, travaillent avec les représentants des divers établissements. Ce n'est pas simplement, par exemple, le 2424 King ouest ou n'Importe quelle adresse d'un autre conseil régional, mais c'est toujours un travail de concertation avec les établissements et de plus en plus avec les organismes communautaires également.

Il faut aux conseils régionaux ainsi entendus des leviers d'action spécifiques. Nous faisons donc les propositions suivantes: Que soit prévu pour chaque région un budget de transition permettant de réaliser les transformations et de développer des services. Qu'on mette en fiducie chaque année au conseil régional une enveloppe de développement et/ou de transition, ainsi que le budget global ou un pourcentage du budget global de la région à cet effet; le conseil régional pourrait ainsi réaliser les allocations ou la réallocation en fonction des plans régionaux d'organisation de services. Que soit également constituée une enveloppe régionale affectée à la main-d'oeuvre médicale psychiatrique. Que soient, de plus, alloués des budgets de formation et de perfectionnement conformément au plan régional.

Une adaptation du cadre législatif et budgétaire apparaît également indispensable si l'on veut que les établissements réalisent les réaménagements requis de façon harmonieuse et dans le respect du plan régional d'organisation de services.

À notre avis, la philosophie du rapport Harnois, son parti pris pour une articulation des services en fonction des besoins des personnes et en fonction des particularités de chaque milieu, avec la collaboration active de l'ensemble des intervenants impliqués et de la communauté, débouchent logiquement sur une plus grande responsabilisation du palier régional, et les caractéristiques géographiques et démographiques du Québec viennent renforcer cette nécessité. Nos régions sont en effet tellement différentes les unes des autres qu'on ne peut concevoir un modèle central d'organisation qui convienne aux uns et aux autres. Les problèmes de l'Abitibi-Témiscamingue, par exemple, n'ont rien à voir, ou si peu, avec ceux de Montréal ou même d'une région comme l'Estrie.

Les autres conditions de réussite. Selon nous, d'autres conditions de réussite doivent être mises en lumière. D'abord, une démarche d'autorité ministérielle est nécessaire pour déterminer les orientations nationales, les objectifs, les clientèles prioritaires et les services à rendre. Cette démarche dort déboucher sur l'élaboration d'un plan d'action national qui fixe les priorités, identifie l'ensemble des ressources financières à affecter au domaine de la santé mentale et en prévoit une utilisation qui respecte à la fois les orientations nationales et les plans régionaux d'organisation de services.

Enfin, il nous faut Insister sur la disponibi- lité des moyens financiers nécessaires pour assurer une gamme suffisante de services aux personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et à leur famille. La réinsertion sociale, l'équité Inter et Intraréglonale, le développement des ressources manquantes, notamment, les ressources psychosociales et communautaires, en tenant compte de la nécessité d'établir des liens fonctionnels avec tes ressources privées hors réseau, tout cela va requérir, dès le départ, une mobilisation Importante des moyens. Là-dessus, le gouvernement doit préciser ses intentions te plus rapidement possible.

D'autres intervenants ont fait ressortir devant vous les nombreuses carences du système, les problèmes de pénurie de ressources auxquels nous sommes confrontés et qui n'épargnent aucune région. L'institutionnalisation coûte cher, c'est connu, mais la mise en place de services qui doit accompagner la politique de désinstitutionnalisation, si on veut que celle-ci soit Implantée d'une manière qui respecte les droits, la dignité et les besoins des personnes concernées, va nécessiter une injection de fonds supplémentaires. Il ne faut pas se leurrer, on ne réglera pas tout par une simple réallocation des ressources.

Le Président (M. Joly): Madame, il vous reste une minute pour conclure. C'est fait? Merci. Je vais donner la parole à Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants de la Conférence des CRSSS qui sont fidèles au rendez-vous. Évidemment, vous êtes largement touchés par certains énoncés que l'on retrouve dans le projet de politique de santé mentale. Je crois comprendre que vous êtes d'accord avec les principes généraux, avec l'esprit du rapport. Ce qui vous préoccupe le plus, c'est comment on va articuler, à l'intérieur des régions, une politique de santé mentale, enfin, l'application d'une politique de santé mentale qui respecte les différences régionales et qui permette la meilleure concertation possible à l'intérieur des régions.

Vous parlez de l'adaptation du cadre législatif et budgétaire actuel pour réaliser la planification régionale. Qu'est-ce que vous entendez par ce type de levier d'action? Est-ce qu'il y a des expériences concrètes que vous avez réalisées dans des régions à cet effet?

Mme Lalancette: Mme la ministre, ce levier d'action se situe dans l'ensemble de la délégation, dans tes régions, de toutes les phases du processus administratif qui permettra l'implantation de cette politique. Il nous semble qu'uniquement une décentralisation de la planification, qui doit être faite avec les divers Intervenants de notre réseau régional, est vouée à l'échec si nous n'avons pas les moyens de l'implanter. Cela

veut dire la responsabilité non seulement de planifier, mais de programmer, d'organiser, de budgétiser, de contrôler et d'évaluer, et cela, les personnes de nos établissements s'appliquent à le faire. Je ne vous dirai pas sans difficulté ni sans des discussions, comme on dit, viriles, même si parfois I! y a des femmes qui y sont aussi, mais des discussions très sérieuses, sauf qu'on arrive à le faire et à établir un plan régional, à répartir les services à rendre, et à les rendre effectivement, à permettre rapidement - chez nous, nous l'avons vu pour d'autres programmes - à redistribuer des fonds rapidement lorsque les clientèles deviennent différentes de ce qu'elles étaient au moment où les fonds ont été impartis. Cela veut dire qu'on peut organiser sur place une gamme, un réseau de services et non pas d'établissements, et que tous les établissements participent à cette planification et à son application. Il faut absolument qu'il y ait une volonté de déléguer ces fonctions aux conseils régionaux pour que les gens aient la volonté de le faire.

Une voix: Peut-être que certaines expériences...

Mme Lalancette: Mme Morais ou monsieur...?

Le Président (M. Joly): Pourriez-vous vous Identifier, s'il vous plaît, pour le Journal des débats?

M. Léger (Michel): Michel Léger. Quand on centre l'action sur un plan de services pour une personne et que l'on se met beaucoup plus à financer le service qu'à financer des structures d'établissement, cela introduit nécessairement des façons différentes de faire des allocations budgétaires à des établissements. C'est ce type de modification qu'on devrait réussir à introduire. Bien sûr, par le passé, on a réussi à faire quelques exemples avec ce que j'appelle une délinquance acceptée de part et d'autre, CRSSS et ministère, où on est passé par certaines méthodes de fiducie ou par certaines méthodes qui ont permis de transférer de l'argent dans tel ou tel établissement.

Mais tous ces exemples qui ont donné de bons résultats se font avec une dépense d'énergie extrêmement importante et Ils sont toujours valables à partir du moment où on fonctionne quasiment dans le cas d'un projet pilote ou d'un projet tout à fait particulier. Donc, dans ce sens, on pourrait noter des exemples où on a été capable de faire des réallocations budgétaires, où le ministère, malgré sa volonté d'éviter les fiducies dans les conseils régionaux, a accepté, pour tel exemple particulier, d'envoyer en fiducie dans un conseil régional pour ensuite utiliser de l'argent non récurrent et réussir à faire démarrer un autre projet. Donc, des exemples concrets, on pourrait vous en donner. Je sais qu'il y en a eu sur la Côte-Nord; M. Boisjoli pourrait vous donner des exemples tout à fait concrets.

C'est ce type de modification de type de budgétisation qui est nécessaire, et d'autant plus nécessaire au moment d'une transformation, c'est-à-dire au moment de passer d'un système très institutionnalisant à un système beaucoup plus éclaté dans la communauté où on a besoin d'une souplesse d'allocation budgétaire majeure. C'est ce type de modification qu'on devra réussir à assouplir entre les règles budgétaires strictes, et c'est normal au niveau du ministère, avec des projets beaucoup plus éclatés et beaucoup plus proches de la communauté qui font en sorte que les budgets doivent suivre l'évolution des clientèles et cette espèce de mouvance sur le terrain des clientèles.

Mme Lavoie-Roux: Selon vous, cela va-t-ll nécessiter des modifications législatives ou des amendements à la loi actuelle?

M. Léger: Au point de vue administratif, je ne voudrais pas vous embarquer dans la révision de la Loi sur l'administration financière, mais c'est sûr qu'on a déjà commencé à développer, par les années passées, des modalités de financement plus en concertation avec les conseils régionaux, mais, si on veut vraiment, de façon claire, avoir plus de latitude pour travailler de façon souple et financer les services de façon directe auprès des clientèles des différentes communautés, il est sûr que la façon traditionnelle de financer directement l'institution, que ce soit un CLSC, un centre d'accueil, un centre hospitalier ou un CSS, peu importe, va nécessiter des ajustements Indiscutables.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que les établissements de vos régions sont prêts à fonctionner dans cette démarche où de plus en plus d'allocations de budgets sont faites aux régions qui, ensuite, les réallouent aux différentes Institutions? En tout cas, dans la région de Montréal, il y avait passablement de critiques à cet égard. Je ne sais pas si c'est différent dans d'autres régions du Québec.

Mme Lalancette: Je pense que M. Boisjoli est en mesure de nous citer des expériences importantes.

M. Boisjoli (Claude): En fait, je peux parler brièvement de l'expérience qu'on a vécue sur la Côte-Nord. Je dois dire cependant que, n'eût été la collaboration de tous les instants des fonctionnaires, qui auraient pu, à tout moment, bloquer ce projet-là parce que le fonctionnement budgétaire était difficile... Je vous donne comme exemple la Côte-Nord où on a divisé, pour les services en santé mentale, la région en deux sous-régions, la sous-région de Sept-îles et celle qui se trouve à l'est de Sept-îles, et la sous-réglon de Baie-Comeau. On a pu démarrer notre

planification des services en insistant sur le fait qu'à partir d'un département de psychiatrie qui existait d'abord dans le secteur ouest, à Baie-Comeau, on souhaitait avoir des équipes de base multidisciplinaires dans chaque CLSC ou centre de santé qui couvrait le territoire. Vous savez que notre territoire étant très étendu, on est obligé de bien répartir les ressources. Aussi, on était devant la nécessité de mettre en place des ressources alternatives intermédiaires. Par le biais, une première année, d'une réallocation budgétaire qui était dans un centre hospitalier, on a pu mettre cet argent en fiducie au conseil régional et le réallouer dans les CLSC pour mettre en place les équipes de base. On a pu le réallouer pour la mise en place d'un foyer de transition. Finalement, le tout aura pris place dans l'année budgétaire subséquente où les ajustements mécaniques ont été faits au ministère pour que l'argent parte de l'hôpital pour aller dans le CLSC, d'où il est parti pour aller dans les ressources communautaires.

On a vécu la même chose une année ou une année et demie plus tard dans le secteur est, ce qui fait que par la réallocation - je ne veux pas dire par là que tout est possible par la réallocation, mais il y a sûrement des choses qui sont possibles - on a pu implanter des équipes de base multidisciplinaires dans chaque CLSC et centre de santé de la région. On a pu implanter un centre de jour à Baie-Comeau avec un foyer de transition. On a_ pu Implanter une ressource intermédiaire à Sept-îles et, finalement, on a pu, en finançant le service... Évidemment, le temps que le service s'implante a pu permettre certaines liquidités. Cela nous a permis ensuite de financer sur une base non récurrente certaines expériences, comme une expérience d'intervention précoce au niveau de la petite enfance qui a pu ensuite être étendue à l'ensemble du territoire. (20 h 30)

On a pu mettre de l'argent dans la formation des intervenants et on a même pu aider au démarrage d'un centre de recherche en santé mentale à Baie-Comeau. Tout cela s'est fait, évidemment, avec la collaboration des gens du milieu, mais aussi, je le dis, grâce à la collaboration des fonctionnaires parce que la mécanique était très compliquée.

Mme Lavoie-Roux: Ce sont les succès que vous avez eus. Je sais que dans d'autres domaines vous en avez eu aussi. On pourrait penser au plan de désengorgement des urgences, par exemple, où vous avez assumé ces tâches. Par contre, je dois vous dire que vous n'êtes pas toujours à l'abri de critiques, et je vais prendre un exemple très particulier. Dans la réallocation que vous faites des sommes qui vous sont confiées en santé mentale, il y a, par exemple, la répartition entre les organismes bénévoles. Quelqu'un peut toujours trouver qu'il n'y en a pas assez, mais, si je pense à la dernière répartition qu'on a faite pour l'allocation en raison de l'alourdissement de la clientèle, le ministère avait quand même développé des outils pour arriver à une équité interrégionale. On a eu des répercussions des régions qui, elles, trouvaient - parce que vous deviez vous autres aussi en faire une Intrarégionale - que cette réallocation intrarégionale ou que cette répartition équitable intrarégionale - je pense à une ou deux régions - n'avait pas donné satisfaction.

Alors, quelles sont tes garanties que vous mettez de votre côté pour que, justement... Vous savez, parfois, on se plaint que c'est le ministère et, après ça, on se plaint que c'est le CRSSS. Est-ce que ce sont des outils que vous développez et qui sont à se raffiner?

Mme Lalancette: Je crois que M. Léger veut intervenir.

M. Léger: Mme Lavoie-Roux, je vais vous répondre avec une pointe d'humour. Toute instance qui prend une décision n'est pas à l'abri des critiques. Dans ce sens, je pourrais vous dire que le ministère s'est lui-même fait critiquer dans une méthode intéressante d'une meilleure répartition de l'alourdissement des clientèles, par exemple. La méthode n'est pas parfaite et il y a toujours ce que j'appelle des tireurs d'élite qui sont capables, à un moment ou à un autre, de dire: La méthode n'est pas parfaite, il y a des injustices, II y a des iniquités, même s'il y a des efforts louables d'aller dans te bon sens.

Les conseils régionaux, à cet égard, sont placés exactement dans la même situation, c'est-à-dire qu'à partir du moment où on réussit - pas toujours avec beaucoup de facilité - à asseoir tout le monde pour faire un plan régional et des réallocations de services, il y a ce qu'on appelle, hélas, des gagnants et des perdants. À l'intérieur de cela, le problème et la différence d'avec le ministère, c'est qu'à partir du moment où les pouvoirs sont mal répartis, c'est-à-dire à partir du moment où le pouvoir n'est pas très clairement en région pour prendre des décisions, à ce moment-là, c'est bien clair... Dites-vous bien que ceux qui ne sont pas contents, ils ont 36 niveaux d'appel pour faire en sorte de bloquer un plan pourtant au départ relativement concerté, avec un consensus que j'appelle élargi. Il va toujours y en avoir deux ou trois qui vont se considérer un peu plus lésés que les autres, souvent à tort: Parfois, il peut s'être glissé une certaine erreur, mais, dans ce sens-là, c'est normal qu'à partir du moment où il y a un appel au niveau des fonctionnaires, qui, de temps en temps, prêtent une oreille attentive à ce genre de choses, qu'il y a un autre niveau d'appel à un palier supérieur au ministère et qu'ensuite de cela... Je pourrais lister l'ensemble des appels plus près de l'ensemble des députés d'une région. Je peux vous dire que les conseils régionaux, avec le peu de pouvoirs, si ce n'est le pouvoir de la plus grande perfection possible pour qu'il n'y ait pas de failles dans le plan... C'est cela

notre outil. Et quand on parle d'expertise et d'expérience, c'est à ceta qu'on fait appel, c'est-à-dire qu'on est obligé de développer deux, trots ou quatre fois plus que quiconque des méthodologies à l'épreuve de tout pour éviter justement qu'il n'y ait des appels en cascade qui font que les décisions ne se prennent pas. Quand on vous dit que dans l'implantation, il n'y ait pas seulement l'aspect de la planification et de la programmation, mais qu'en plus de cela les conseils régionaux soient dotés de leviers d'action pour pouvoir implanter comme tel, avec des éléments concrets et des leviers de type budgétaire pour faire en sorte que cela marche et qu'il y ait des décisions qui se prennent, c'est cela qu'on veut vous dire.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais également vous demander: Qui identifieriez-vous comme clientèle prioritaire dans une première allocation de ressources supplémentaires en santé mentale?

Mme Lalancette: C'est assez difficile pour nous de répondre à ce moment-ci parce que notre position, c'est que chaque plan régional de services devra faire cette identification dans sa région.

Mme Lavoie-Roux: Je vous arrête, parce que vous me dites, dans votre mémoire, qu'il devra y avoir - je ne sais pas comment vous dites cela - une volonté ministérielle ou, en tout cas, une initiative ministérielle de définir les clientèles, les priorités, les objectifs. Alors là, vous me dites qu'il faut que ce soft chacun qui te fasse.

M. Léger: En ce qui concerne les clientèles et les services prioritaires, la position des conseils régionaux, qui sont très sensibles à une répartition des rôles de plus en plus claire entre le ministère et les conseils régionaux, c'est que les clientèles et les services prioritaires, c'est une responsabilité du gouvernement ou du ministère comme tel. Dans ce sens-là, vous avez, dans le rapport Hamois, un certain nombre de suggestions et l'identification de clientèles prioritaires avec lesquelles les conseils régionaux sont d'accord.

Maintenant, il est certain que ces clientèles prioritaires, identifiées dans le rapport Harnois, sont des clientèles au plan provincial comme tel, en fonction de l'ensemble des données qu'on avait pour en faire l'identification. Maintenant, d'une région à une autre et d'une sous-région à une autre, il est possible qu'il y ait des ajustements à faire et que seuls les plans régionaux soient capables de dire: Là, on va inverser telle ou telle clientèle qui avait été identifiée comme prioritaire par le ministère ou par les recommandations du rapport Harnois.

Mme Lavoie-Roux: D'accord, je vous remercie. Je laisse la parole aux autres. Il ne leur en reste pas beaucoup.

Le Président (M. Joly): Merci. Je vais maintenant céder la parole au député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue aux membres de la Conférence des conseils régionaux de santé et de services sociaux! Je vous demanderais, M, le Président, de laisser à ma collègue, la députée de Johnson, le soin de débuter, et je reviendrai après.

Le Président (M. Joly): Merci. Mme la députée de Johnson, s'il vous plaît!

Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Vous me permettrez certainement de saluer tout particulièrement les gens de l'Estrie que je connais davantage. Je suis fière de vous dire que, déjà, en juin 1986, on a établi dans la région des priorités avec un groupe de travail et on retrouve au premier rang les problèmes de santé mentale dans le document Donc, en Estrie on est fin prêt à entrer dans le futur projet de Mme ta ministre.

Dans votre mémoire, vous parlez d'une démarche qui doit déboucher sur un plan d'action national qui pourrait avoir des orientations sur les plans régionaux et sous-régionaux d'organisation. Je voudrais que vous m'expliquiez à peu près de quelle façon vous voyez cela, vous.

Mme Lalancette: II y a des décisions qui sont nettement politiques et nationales, en ce sens que, comme vient de le dire mon collègue, au niveau ministériel, il y a des choix politiques qui doivent être faits. Après cela, la façon dont nous le voyons, c'est que chaque région ou sous-région devra faire son plan d'organisation de services, tel qu'il est prévu à l'Intérieur du rapport Harnois, ce qui est déjà commencé, parce que, oui, en Estrie, il y a des priorités régionales. Nous avons aussi un programme-cadre de services en santé mentale qui a été approuvé au conseil d'administration et qui, je dois dire, est très cohérent avec l'approche du comité Harnois. Donc, nous sommes très près de la mise en application.

C'est vraiment un principe d'administration par palier, en ce sens que le palier national émet ses politiques d'action, décide des enveloppes budgétaires et des priorités majeures et, à chaque niveau, nous sommes responsables, donc à chaque région et sous-région de mettre en application et d'opérattonnaliser les politiques nationales avec ses couleurs régionales, c'est-à-dire en regard des politiques nationales, quels sont nos principaux besoins, nous. Cela peut faire changer d'étage certains éléments de la politique nationale, parce que, chez nous, une problématique peut être beaucoup plus importante ou encore plus démunie par rapport aux services. Mais, une fois que nous avons fait ce plan

d'organisation, nous devons aussi avoir les leviers d'action pour mener à terme la mise en application, le contrôle et l'évaluation des services que nous aurons à faire. Nous l'avons fait dans d'autres domaines, nous sommes en mesure de le faire, mais toujours... On n'a pas à mettre en opposition le conseil régional, les établissements et les organismes communautaires, parce que la façon dont nous l'entrevoyons, c'est que le plan régional de services doit être fait en collaboration avec les établissements et les organismes communautaires. Nous insistons sur la nécessité de mettre en place un réseau de services et non pas un réseau de rôles d'établissements.

Mme Juneau: Dans votre programme, à la page 4, vous parlez de l'iniquité qui résulte d'une mauvaise répartition géographique des ressources humaines, matérielles et financières. Pourriez-vous expliciter davantage?

Mme Lalancette: Quand nous regardons les chiffres qui viennent du ministère quant à la répartition des pourcentages budgétaires qui sont impartis dans chacune des régions et que nous regardons les pourcentages de clientèles desservies dans chacune des régions, tant en termes de montants d'argent que, nous le savons bien, en termes de ressources humaines, nous voyons qu'il y a une disparité. Ce à quoi nous faisons appel, c'est à un équilibre dans la répartition des ressources financières et des ressources humaines, donc des intervenants. M. Léger?

M. Léger: En complément d'information, dans l'histoire du Québec, les services en santé mentale qui étaient d'ordre beaucoup plus institutionnel ont été dispersés un peu partout sur le territoire, au fur et à mesure de nos croyances aux différentes époques qui ont dicté d'aller à L'Annonciation, d'aller à Joliette, d'aller à Roberval, peu importe, dans ces grandes institutions. Finalement, comme, par la suite, le budget a suivi en général ces endroits et que, là, on fait un grand virage dans le maintien des personnes dans la communauté, il est sûr que d'une région à une autre les allocations budgétaires sont assez disparates. De plus, il est certain que d'autres types de services, notamment les services psychosociaux et communautaires, devront être mis à contribution pour offrir l'ensemble de ces services. Ces services, eux aussi, pour des raisons historiques, qu'il n'y a pas lieu de développer ici, ont besoin d'être répartis de façon plus équitable d'une région à une autre. C'est pour cela qu'on insiste de façon importante sur une plus grande équité dans la répartition des différents budgets afférents aux services de santé mentale entre les différentes régions du Québec.

Mme Juneau: Le rapport Harnois ne distribue pas de rôle précis à tel ou tel organisme. Est-ce que vous avez prévu quelque chose là-dessus?

Mme Lalancette: Nous prévoyons que le plan régional de services fera l'évaluation des services requis dans la région et les affectera ou en rendra responsables les divers établissements et organismes communautaires selon la vocation de ces établissements, mais cela ne veut pas dire de façon identique dans chacune des régions ou des sous-régions. Je pense qu'il y a des particularités. Par exemple, dans une région où il y a un ou deux centres hospitaliers qui offrent des services, mais par ailleurs un certain nombre de CLSC, je crois qu'à ce moment-là certains CLSC peuvent être appelés à rendre des services que, dans d'autres régions ou sous-régions, le centre hospitalier rendra. Ce qui nous paraît la clé de cette politique, ce serait de ne pas décider, sur le plan national, des fonctions de chacun de ces établissements. À ce moment-là, on établirait un beau réseau d'établissements, mais pas forcément un bon réseau de services.

Mme Juneau: Vous souhaiteriez que ce soit au niveau des conseils régionaux que puisse être prise la décision convenant à l'ensemble d'une région?

Mme Lalancette: En accord avec les différents intervenants, les différents établissements et organismes communautaires. M. Boisjoli?

M. Boisjoli: Je voudrais juste ajouter un commentaire là-dessus. Je pense que le problème a été soulevé tantôt au sujet des critiques. Il est certain qu'à partir du moment où on souhaite qu'il y ait un réseau de services qui soit coordonné à partir des personnes et pas nécessairement à partir d'une autorité financière, cette coordination des services amène un changement de mentalité par rapport à la réalité qui existe actuellement où la programmation budgétaire est plutôt centrée sur l'établissement que sur les services. Cette orientation fait en sorte qu'on ne peut pas penser à une certaine flexibilité en région sans permettre une certaine flexibilité dans le financement, mais cela a des limites aussi. Cela se situe dans le cadre de la loi actuelle. On ne peut pas chambarder tous les éléments qui existent, mais je pense qu'il y a place à de la souplesse si on veut financer des services et si on veut que ce soit centré sur les personnes en besoin. (20 h 45)

Mme Juneau: Compte tenu qu'on va ramener, si je veux m'exprimer très clairement, le malade dans sa famille, il faut être conscient que ce sont surtout les femmes qui prennent soin à la maison des personnes âgées ou des personnes ayant un problème de santé mentale. Ce sont elles qui vont avoir la responsabilité de ces personnes. Je ne sais pas, mais est-ce qu'il n'y aurait pas un mécanisme qui permette de donner un certain répit à ces familles, à ces femmes qui

vont être prises avec un malade quand même Important, qui demande 24 heures de surveillance par jour, et tout cela? Est-ce que vous avez pensé à un mécanisme quelconque pour aider ces familles à recevoir le malade, finalement?

Mme Lalancette: Le rapport Harnols prévoit un programme de répit pour les familles. Nous, à ce sujet, ce que nous voulons souligner comme étant très important, c'est non seulement un programme de répit pour les familles, mais un programme de soutien aux familles, programme qui Inclut le répit, mais qui inclut aussi tout au long de l'année, en attendant la vacance annuelle, des interventions de soutien, soit de la part d'organismes communautaires, soit de la part d'intervenants professionnels, pour permettre à ces familles... Il faut bien se dire que, lorsqu'on dit familles, c'est plus souvent une famille substitut qu'une famille naturelle. Souvent, ces personnes sont en famille d'accueil, en foyer d'accueil, et les gens qui les reçoivent et qui accomplissent une tâche extraordinaire ont besoin d'une aide pour d'abord ne pas s'essouffler et être obligés de remettre au réseau régulier le malade et, deuxièmement, maintenir une attitude qui soit le moindrement thérapeutique, si on peut s'exprimer ainsi, pour le malade qui est là. Donc, non seulement répit aux familles, mais soutien tout au long.

Mme Juneau: Je vous remercie, madame.

Le Président (M. Joly): Afin de respecter l'alternance, je reconnais la députée de Château-guay.

Mme Cardinal: Merci, M. le Président. J'aimerais savoir s'il existe, dans un autre ordre d'idées, des mécanismes d'admission pour la clientèle qui demande de l'hébergement à long terme pour des soins psychiatrisants, parce qu'il y a quand même aussi ces cas qui demanderont toujours des services spécialisés. Comment en évaluez-vous le fonctionnement?

M. Léger : Je pense que...

Le Président (M. Joly): Identifiez-vous, s'il vous plaît!

M. Léger: Michel Léger.

Dans un premier temps, il faut faire bien attention quand on parle d'hébergement à long terme. Si on parle d'hébergement à long terme comme tel de personnes ayant atteint un âge respectable et en grande perte d'autonomie, de plus en plus, dans le réseau de la santé et des services sociaux, pour la personne âgée qui a atteint un certain niveau de sénilité et qui, dans bien des cas, a besoin d'une intervention d'ordre psychiatrique, et la personne qui, pendant toute sa vie, a eu des épisodes psychotiques, mais qui, en fonction de l'âge, comme toutes les autres personnes, a atteint un niveau nécessitant des soins de longue durée, de plus en plus, il y a ce qu'on appelle tes centres hospitaliers de soins de longue durée, ou des unités dans des hôpitaux, ou des centres à part. Pour ces lits hospitaliers de soins de longue durée, il y a des mécanismes d'admission régionaux qui sont très clairement établis et non équivoques.

Maintenant, dans certains hôpitaux notamment, il y a des unités de psychogériatrie ou autres où il y a des malades chroniques de plus long terme. Par rapport à ces clientèles, les mécanismes d'admission d'ordre régional sont moins bien établis. À cet effet, on pense que des dispositions au moins réglementaires devraient permettre et donner exactement les mêmes orientations et pouvoirs dans les régions que le gouvernement avait été amené à faire par rapport à l'admission dans les centres hospitaliers de soins de longue durée où, autrefois, le pouvoir entre guillemets, médical faisait en sorte que, de temps en temps, il n'y avait pas fa même équité d'accessibilité des services pour les soins de longue durée. Dans ce sens-là, il y aurait sûrement lieu d'examiner cet aspect en ce qui concerne l'accès des soins de longue durée dans les unités de psychogériatrie à ce niveau.

Maintenant, l'aspect de l'accessibilité aux services doit être pris de façon beaucoup plus large et pas seulement selon l'aspect de la longue durée comme telle. Mais, quand on va avoir affaire à une gamme de services, on devra penser, comme on l'a fait dans d'autres secteurs, notamment auprès des handicapés Intellectuels, à des mécanismes régionaux ou sous-régionaux flexibles d'accessibilité aux services, comme on en retrouve d'ailleurs au niveau des personnes âgées ou autres, pour s'assurer d'une équité d'accessibilité au niveau de ta gamme de services. Ces éléments-là devraient faire partie des commandes que le ministère devrait donner aux conseils régionaux lors de l'élaboration des plans régionaux de services pour s'assurer qu'il y ait à l'Intérieur de cela un mécanisme de coordination, d'admission et d'accessibilité à la gamme des services en santé mentale dans une sous-région ou dans une région.

Le Président (M. Joly): Merci. Je crois que l'enveloppe de temps du côté ministériel est épuisée.

Mme Cardinal: Elle est déjà épuisée, c'est terrible.

Le Président (M. Joly): Je vais reconnaître le député de Laviolette, s'il vous plaît!

M. Jolivet: Merci, M. le Président.

On peut être d'accord avec le fait d'avoir ce qu'on peut appeler un budget protégé au niveau d'une distribution qui pourrait être faite par le Conseil régional de la santé et des services sociaux. Cependant, vous allez me

permettre d'être un peu critique dans la mesure où on a vécu certaines expériences à une époque où la mise en place de certains services qui devaient aller à la clientèle s'est plutôt faite pour augmenter le personnel dans différents secteurs. Je fais allusion Ici à la première sortie d'argent pour les soins à domicile. On a vu la correction qu'il a fallu apporter en cours de route. J'aimerais savoir, dans l'hypothèse où, après avoir déterminé au niveau national les objectifs que nous voulons atteindre... On a répété à plusieurs occasions, M. Léger et Mme Lalancette, que vous étiez d'accord pour des services. J'ai donc cru comprendre par le fait même que ce n'étaient pas des structures et, dans ce contexte-là, j'aimerais connaître votre opinion dans la mesure où il y aurait un budget protégé pour la santé mentale dans chacune des régions du Québec, budget distribué, bien entendu, par le Conseil régional de la santé et des services sociaux, avec ce que disait M. Léger, le fait qu'il y a des problèmes qui surgiront toujours dans la mesure où on prend une décision.

Mme Lalancette: Les plans de services régionaux démontreront les besoins en services au niveau de la région et les enveloppes... Quand vous parlez d'une enveloppe protégée, j'entends une enveloppe qui ne devra servir qu'à la santé mentale et, à ce moment-là, chez nous, du moins, et sûrement dans beaucoup d'autres conseils régionaux, pour d'autres progammations, j'ai vu fréquemment nos dirigeants d'établissements s'asseoir autour d'une table de concertation pour une problématique donnée et avoir développé beaucoup d'expertise à tenter de chiffrer le poids relatif des coûts pour divers types de clientèles sur diverses façons. Il y a peu de fait dans le domaine de la santé mentale, mais je pense que c'est quelque chose qui peut être développé parce que cela a déjà été fait pour autre chose. Il s'agit, bien sûr, du poids relatif des services par rapport à d'autres et d'en arriver à distribuer les fonds selon le nombre de clientèles. Cela a été fait pour du maintien à domicile, cela a été fait pour, par exemple, l'hébergement à tong terme, les personnes en besoin d'hébergement, cela a été fait dans le réseau - chez nous, du moins - le réseau 08, pour la mésadaptation sociale. Donc, cela peut être fait dans d'autres domaines aussi. C'est un gros travail, mais cela peut être fait

M. Jolivet: M. Léger?

M. Léger: Oui, là-dessus, je ne pense pas qu'il faille établir un lien de façon systématique entre l'enveloppe protégée et l'aspect pervers de mettre de l'argent dans l'administration. Je pense que ce sont deux choses qui ne sont pas forcément liées en même temps. Je crois que les effets qu'on a pu constater jadis dans le fait que l'enveloppe protégée de maintien à domicile avait, dans certains cas, vu une proportion importante mise dans l'administration sont beaucoup plus attribuables à des relents de la société d'abondance dans laquelle on a vécu il y a un certain temps maintenant et qui est notablement révolue. Je pense que, tant de la part des Intervenants du ministère au niveau des fonctionnaires que de la part des conseils régionaux, et maintenant de plus en plus dans tous les établissements, la conscientisation de donner d'abord l'argent au niveau des services et de réduire au maximum les frais administratifs est quand même une garantie. Maintenant, les conseils régionaux, de plus, s'ils avaient des mandats plus précis en termes d'allocation, auraient aussi, dans les différents projets qui seraient proposés par les établissements, à s'assurer que la proportion des coûts administratifs soit des plus raisonnables et des plus restreintes.

M. Jolivet: Une des critiques qu'on a souvent quand on fait l'allocation des ressources, l'allocation de l'argent disponible dans le milieu par le CRSSS, a trait à des gens qui sont dans des groupes communautaires ou des groupes alternatifs, dans le contexte dont on parle, dans la mesure où lis se sentent un peu mis de côté par rapport à l'ensemble des autres établissements, de la structure organisationnelle du ministère et de la région en termes d'institutions. Comment voyez-vous cela pour permettre à chacun d'obtenir les moyens nécessaires de donner le service le plus près possible * de la clientèle? Je fais allusion aux organismes communautaires mal définis dans le rapport Harnois, en particulier pour les ressources alternatives.

Mme Lalancette: Encore là, quant à nous, les ressources communautaires ou les organismes communautaires doivent être partie prenante dans l'organisation régionale des services et leur financement par le réseau public doit être fait selon l'ordre des priorités régionales et le plan d'organisation des services. Le rapport Harnois fait état de leur ancrage dans la communauté en levant au moins 10 % des fonds qu'ils utilisent. Nous disons, par exemple, que chaque tranche de 100 $ ne garantit pas nécessairement 900 $ du réseau public, à moins que leurs services ne soient tout à fait intégrés dans le pian régional de services. Au moment où ils sont partie prenante au plan d'organisation régionale de services et que ce sont des services qui sont financés, et non pas des établissements ou des organismes communautaires, je pense que, de cette façon, le problème disparaît

M. Jolivet: Une dernière question, puisque le temps file. Elle a trait à la recommandation 3 du rapport Harnois qui dit que les conseils de la santé et des services sociaux procèdent à la nomination d'une personne qui exerce, dans chaque région, les rôles et responsabilités dévolus à la fonction... Ici, Je change le mot

"ombudsperson" par "protecteur du bénéficiaire". Dans ce sens-là, j'aimerais savoir quelle est votre...

Mme Lavoie-Roux: Le mot "bénéficiaire" aussi.

M. Jolivet: Pardon?

Mme Lavoie-Roux: On pourrait changer le mot "bénéficiaire" aussi.

M. Jolivet: Oui, peut-être. Par quoi?

Mme Lavoie-Roux: il faudrait y penser.

M. Jolivet: D'accord. Pour le moment, c'est celui qu'on a trouvé. Trouvez-m'en un autre.

Mme Lavoîe-Roux: C'est une question qu'on se pose réciproquement.

M. Jolivet: C'est cela. Oui, je sais. Je veux simplement vous demander quel est votre rôle. Est-ce que vous pensez avoir un rôle à jouer en regard du rapport Hamois? Est-ce que vous croyez que c'est une personne dont le poste devrait être mis en place dans chacune des régions?

Mme Lalancette: À la conférence, ce sur quoi nous nous entendons entre les conseils régionaux, c'est sur l'Importance qu'il y a à ce qu'une personne exerce cette fonction. Il n'y a pas un accord entier entre les divers conseils régionaux, à savoir ce qui doit être le point d'ancrage de cette personne-là. Il faut absolument que cette personne ait pleine liberté d'action et qu'il y en ait une. Sur cela, nous nous entendons. Je ne vous ai pas répondu, à savoir où elle doit être, par exemple.

M. Jolivet: Si jamais cette personne existait, vous me dites ce qu'elle serait, mais est-ce que vous croyez que c'est nécessaire aussi?

Mme Lalancette: Oui.

M. Jolivet: Oui.

Mme Lalancette: Qu'il y en ait une, oui.

M. Jolivet: Et une personne qui soit Indépendante des services actuellement en place de telle sorte qu'elle ait pleine liberté d'action.

Mme Lalancette: Une personne qui ait liberté d'action pour dire les vraies choses.

M. Jolivet: M. Boisjoli, je pense que vous avez quelque chose à ajouter?

M. Boisjoli: Oui. J'ajouterais que, dans le secteur de la santé et des services sociaux, quand on parle d'un comité d'accès aux services qui soit centré sur ta personne, il y a une espèce de volonté d'avoir un point fixe dans un territoire et qu'une personne, une fois désinstitutionnalisée, ne reste pas isolée ou sans services; donc, une espèce de prise en charge. Je pense qu'il y a déjà là un certain élément de réponse. Si la protection va Jusqu'à couvrir tous les aspects de la vie, le logement, l'accès à la sécurité du revenu et autres, il m'apparaît que c'est un rôle qui se rapproche de celui du Protecteur du citoyen et qui doit être indépendant de toutes les structures.

M. Jolivet: Cela va plus loin que la personne qui est en dehors de l'institution. il y a aussi la personne qui est à l'Intérieur de l'institution et qui fait partie des comités de bénéficiaires.

M. Boisjoli: Bien sûr! (21 heures)

Le Président (M. Joly): Je m'excuse, le temps alloué est malheureusement déjà épuisé et je demanderais au député de Laviolette de passer aux remarques de clôture.

M. Jolivet: Ce sera bref. Merci de votre témoignage et j'espère qu'il fera avancer le débat, comme vous le disiez au départ, sur toute la question de la santé mentale au Québec.

Le Président (M. Joly): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci. Je suis sûre qu'on aura d'autres occasions d'échanger plus en profondeur; un tas de questions se soulèvent autour de cette démarche de décentralisation de budgets et de responsabilités au niveau des conseils régionaux. Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): À mon tour, je vous remercie et je vous souhaite un bon voyage de retour.

Nous allons maintenant demander au prochain groupe, le Centre de crise de Québec, de bien vouloir s'approcher. S'il vous plaît, je demanderais au Centre de crise de Québec de bien vouloir s'approcher de la table.

Avec la permission de tout le monde, nous allons procéder. J'aimerais rappeler te but du mandat. La commission des affaires sociales se réunit aux fins d'étudier le projet de politique de santé mentale pour te Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le docteur Gaston Hamois et rendu public le 30 septembre 1987,

Maintenant, j'aimerais vous rappeler les règles du jeu, si on me permet l'expression. Vous avez dix minutes pour présenter votre mémoire et, par la suite, les deux formations politiques auront dix minutes chacune pour vous questionner. En partant de là, j'apprécierais que le responsable du groupe s'identifie et qu'il identifie les gens qui l'accompagnent.

Centre de crise de Québec

M. Légaré (Claude): Je suis le responsable du groupe, Claude Légaré, président du conseil d'administration du Centre de crise de Québec. À ma droite, Mme Judith Bruneau, vice-présidente du Centre de crise de Québec; toujours à ma droite. Mme Esther Taillon, secrétaire du Centre de crise de Québec et, à ma gauche, M. Luc Tremblay, directeur général du Centre de crise de Québec.

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse. Quel est votre titre?

M. Légaré: Claude Légaré.

Mme Lavoie-Roux: Non, mais votre responsabilité?

M. Légaré: Je suis le président du Centre de crise de Québec.

Mme Lavoie-Roux: Vous êtes tous du centre de crise.

M. Légaré: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Je pensais qu'il y en avait un qui était du centre pour la prévention du suicide.

M. Légaré: C'est après nous.

Mme Lavoie-Roux: Ah! C'est après. D'accord, je m'excuse.

M. Légaré: Le Centre de prévention du suicide est après nous.

Le Président (M. Joly): Alors, allez, M. Légaré, vous avez la parole.

M. Légaré: Le Centre de crise de Québec, opérationnel depuis juin 1987, est un organisme sans but lucratif créé dans le cadre des mesures de désengorgement des urgences. Bien que financé à 100 % par le ministère de la Santé et des Services sociaux, son conseil d'administration est autonome. Actuellement, nous sommes sept administrateurs et administratrices provenant de différents milieux. Trois personnes viennent de la communauté; une travaille dans un organisme communautaire en santé mentale, une travaille au Centre de services sociaux de Québec, une autre dans un centre hospitalier et, enfin, la dernière, dans un CLSC de la région.

Notre conseil d'administration est hétérogène, ce qui lui permet d'avoir une vision diversifiée de la problématique de la santé mentale au Québec. Le centre de crise s'est donné comme mission de contribuer au désengorgement des urgences en offrant des services de première ligne en intervention de crise. Nous intervenons auprès des personnes en situation de crise psychosociale. Ces personnes proviennent soit de la communauté, soit des urgences des hôpitaux.

Notre orientation se veut communautaire et situationnelle. Communautaire parce que nous tentons d'Impliquer les proches, la famille, le milieu, les aidants naturels de la personne en situation de crise. Situationnelle parce que par nos interventions nous enclenchons le processus de résorption de crise. Par la suite, nous faisons référence aux personnes ou organismes, qu'ils soient communautaires ou du réseau, qui eux assurent le suivi de la personne. Nos services d'accueil, de référence, d'intervention offerts soit au centre, au domicile de la personne ou encore au téléphone nous permettent d'atteindre nos objectifs généraux.

En rapport maintenant avec le projet de politique en santé mentale, nous sommes d'accord avec les grands principes. Comment ne pas souscrire au recentrage des services autour de la personne, de sa famille et de son entourage? Comment ne pas souscrire à l'élaboration de services en fonction de la diversité des milieux? Cependant, les moyens pour atteindre ces objectifs, bien qu'intéressants, demeurent plutôt évasifs en regard des responsabilités et rôles des différents intervenants, qu'ils soient communautaires ou du réseau des affaires sociales.

Ce qui nous a amenés à déposer un mémoire en commission parlementaire, c'est la recommandation 33 dont je fais la lecture: "Que les services d'Intervention en situation de crise, à prévoir dans la démarche régionale de planification de services, aient l'obligation soit par une responsabilité directe, soit en lien avec des organismes spécifiques lorsqu'il en existe, d'inclure la crise suicidaire dans leur mandat." Le Centre de crise de Québec considère qu'il est de son devoir de répondre à toute situation de crise. Nous considérons qu'il est également de notre devoir de référer à l'organisme spécialisé, communautaire ou du réseau, la personne en situation de crise psychosociale qui nécessite un suivi. C'est ce qui se produit entre autres dans le cas des crises suicidaires avec le Centre de prévention du suicide de Québec. Agir autrement serait, à notre avis, irrespectueux envers ces organismes et contraire à la programmation du Centre de crise de Québec, programmation qui, d'ailleurs, a été approuvée par le Conseil régional de la santé et des services sociaux. C'est tout pour notre allocution.

Le Président (M. Joly): Vous avez encore quelques minutes, M. Légaré, si vous voulez ajouter des choses.

M. Légaré: Je ne sais pas si M. le directeur aurait des éléments complémentaires à ajouter.

M. Tremblay (Luc): Non, on va attendre les questions, je préfère.

Le Président (M. Joly): Parfait, merci. Je vais demander à Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie de votre mémoire. La raison pour laquelle vous ne voulez pas que soit retenue la recommandation que votre centre puisse inclure la crise suicidaire, c'est que vous dites: Ça ne relève pas de nous, ça relève du Centre de prévention du suicide. C'est ça que je crois comprendre.

M. Légaré: Non. ce n'est pas tout à fait cela.

Mme Lavoîe-Roux: Non?

M, Légaré: C'est que nous nous considérons comme étant à peu près au même titre que les urgences, sans vouloir être prétentieux, par rapport aux crises psychosociales. Que ce soit une crise suicidaire ou une crise agressive, on se sent responsable par rapport à la personne et on se demande, en fait, pourquoi dans te rapport Harnois il est indiqué que spécifiquement par rapport aux crises suicidaires... Nous répondons déjà à des personnes qui appellent chez nous et qui sont en crise suicidaire. Nous faisons la première Intervention et nous faisons référence par la suite au Centre de prévention du suicide qui, lui, assure le suivi de la crise. Ce n'est pas dans notre mandat à nous d'assurer un suivi des différents types de crises.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Écoutez, je pense que je vais en rediscuter. Je ne connais pas les raisons pour lesquelles on l'a inclus, mais il y a une chose certaine, il y a au Québec, à l'heure où nous nous parlons, à peu près huit centres de crise, si je ne m'abuse. Dans le cas de Québec comme dans le cas de Montréal II y a deux centres de prévention du suicide qui peut-être même font de l'hébergement, ils nous le diront après, ou n'en font pas. Je l'Ignore. Mais il y a d'autres régions où se trouvent des centres de crise et où il n'y a pas de centre de prévention du suicide. Je comprends que vous Intervenez dans une limite de temps, mais il reste que la crise suicidaire, c'est aussi une crise psychosociale, si on veut, si on l'examine sous un autre angle. Je pense que le reproche qui a été fait au centre de crise - je ne parle pas pour les sept ou huit, est-ce que c'était pour un ou pour deux? - est dans le sens que vous étiez très sélectifs dans le type de cas que vous receviez. Un des cas que vous n'acceptiez pas, c'étaient les cas de crise suicidaire.

Alors, je n'ai pas d'idée très arrêtée, mais je me demande pourquoi quelqu'un, qui a une crise suicidaire et qui n'a pas d'autre centre autour de lui - je comprends que ce n'est pas un suivi que vous pouvez faire et assurer indéfiniment... Mais là où quelqu'un est en besoin d'aide et d'aide urgente, pourquoi ne l'accepteriez-vous pas?

Le Président (M. Joly): M. Tremblay.

M. Tremblay (Luc): Je pense qu'il y a un point qui n'est pas clair entre nous présentement. La recommandation 33, en fait, on peut dire que nous sommes d'accord avec cette recommandation. Nous ne la mettons pas de côté. Ce que nous disons et ce que nous reconnaissons, c'est qu'actuellement le mandat du centre de crise, c'est de recevoir, en fait, les demandes de personnes, quelles que soient les crises qu'elles vivent Cela est clair et net, c'est ce que nous vivons présentement.

Cependant, comme pour n'importe quel type de crise, nous n'accordons pas de suivi à la personne.

Mme Lavoie-Roux: Oui, oui, je comprends cela

M. Tremblay (Luc): D'accord, vous comprenez cela. Alors, ce pourquoi nous tenons, en fait, à Insister sur la recommandation 33, c'est pour reconnaître principalement qu'une fois la première intervention faite par rapport à n'importe quel type de crise nous référons...

Mme Lavoie-Roux: Vous référez à la ressource...

M. Tremblay (Luc): ...nous collaborons avec les ressources, comme par exemple le centre de prévention; à Québec, c'est effectivement le cas, il y a un centre, comme à Montréal. Je comprends aussi que, dans d'autres régions où il y a des centres de crise, il n'y a pas, comme tel, de centre de prévention auquel les gens puissent référer. Nous tenons, en fait, à appuyer sur cette recommandation.

Mme Lavoie-Roux: Si je vous comprends bien, cela va être mon dernier point, c'est qu'en soi, quant aux principes, admettre quelqu'un qui est en crise suicidaire et qui arrive chez vous comme étant la première ressource où il peut se référer, vous n'avez pas d'objection à te recevoir comme étant...

M. Tremblay (Luc): Absolument pas.

Mme Lavoie-Roux: Mais, à partir de cela, comme dans d'autres cas, vous allez le référer à la ressource la mieux appropriée pour le suivi. C'est cela que vous voulez nous dire.

M. Tremblay (Luc): C'est en plein cela.

Mme Lavoie-Roux: C'est parce qu'on l'a inclus... Si on l'inclut, c'est parce qu'ils étaient exclus, peut-être pas chez vous, mais ailleurs.

M, Légaré: Ils étaient exclus ailleurs.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Légaré: Dans d'autres centres de crise.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Moi, je pense qu'un centre de crise... Comme vous dites, peut-être que vous l'aurez même seulement au téléphone, peut-être seulement trois heures et peut-être que, des fois, il faudra que vous l'ayez cinq jours, mais il tombe dans la même catégorie que les autres personnes en état d'urgence ou en état de crise.

M. Tremblay (Luc): Absolument d'accord. Mme Lavoie-Roux: Ah!

Le Président (M. Joly): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: C'est exactement ce que j'essayais de comprendre, moi aussi, parce que, dans le fond, vous ne pouvez pas déterminer avant même qu'il vous appelle ou qu'il aille vous voir qu'il est en état de crise suicidaire. Vous allez le déterminer là. Donc, ce que vous dites, c'est que vous ne voulez, en aucune façon, les refuser, pour au moins être la ressource de première ligne et, ensuite, le référer à qui de droit. Ce que vous dites, c'est qu'au plan de votre responsabilité, quelle que soit la crise que subit la personne, vous la recevez. Mais une fois que vous avez détecté ce qu'elle a, vous la référez à des services qui sont plus spécialisés. Vous le dites bien: Nous sommes des généralistes, nous ne sommes pas des gens spécialistes dans chacun des cas.

M. Tremblay (Luc): C'est exact M. Légaré: C'est cela.

M. Jolivet: J'aimerais avoir quelques détails sur votre façon de fonctionner. Est-ce que vous êtes ouverts 24 heures sur 24, sept jours par semaine?

M. Tremblay (Luc): Oui.

M. Jolivet: Comme toute urgence au Québec.

M. Légaré: Ouf.

M. Jolivet: Vous avez des gens qui peuvent être des adolescents ou des adultes et qui sont référés soit par le bouche à oreille, par des organismes dans le milieu ou par les hôpitaux, dans le sens, comme vous le dites, du désengorgement, des gens qui, à un certain moment, ont besoin d'une présence humaine. Ce n'est pas à l'urgence de l'hôpital qu'on doit l'avoir, c'est plutôt dans des centres comme le vôtre. Après cela, on déterminera quelle sorte de besoins doivent être comblés pour que cette personne puisse se sentir plus à l'aise. C'est dans ce sens-là que vous fonctionnez? (21 h t5)

M. Légaré: Oui, tout à fait, oui. On reçoit les personnes à partir... Notre clientèle est à partir de gens de quatorze ans et plus, de toute provenance, soit des urgences des hôpitaux, des organismes communautaires, des gens de la communauté qui connaissent l'existence du centre de crise et qui les réfèrent directement au centre de crise. Cela n'apparaît pas nécessairement dans les statistiques des urgences d'hôpitaux. On est un peu comme avant l'urgence de l'hôpital. Très souvent, nous pensons, nous empêchons une personne... Plutôt que de se rendre directement à l'urgence, elle entre en contact avec nous et on intervient Alors, cela n'apparaît pas nécessairement dans les statistiques des urgences.

M. Jolivet: Oui.

M. Tremblay (Luc): J'aimerais compléter en disant que le mandat du centre de crise de Québec - et je crois comprendre que tous les centres au Québec ont ce mandat-là en priorité - c'est d'abord de répondre à des demandes qui viennent des urgences des hôpitaux, c'est clair et net.

Mme Lavoie-Roux: C'est pour cela qu'ils ont été créés au départ.

M. Tremblay (Luc): Exactement. Je pense que c'est important de le mentionner, c'est la priorité "numéro un" pour nous, comme ailleurs, j'Imagine.

M. Jolivet: Vous êtes financés de quelle façon? Vous êtes combien de personnes? Est-ce que vous avez des bénévoles? De quelle façon fonctionnez-vous?

M. Tremblay (Luc): Nous sommes financés à 100 % par le ministère de la Santé et des Services sociaux Présentement, nous avons un personnel qui est composé d'une quinzaine d'intervenants. Il est prévu dans le plan, dans la programmation, qu'éventuellement les bénévoles vont s'intégrer au fonctionnement du centre et, donc, collaborer à offrir les services à la clientèle. Actuellement, nous en sommes à ce point-là.

Mme Lavoie-Roux: Votre budget est de l'ordre d'à peu près combien?

M. Tremblay (Luc): 450 000 $.

Mme Lavoie-Roux: 450 000 $, hein?

M. Tremblay (Luc): Oui.

Le Président (M. Joly): Mme la députée de

Marie-Victorin.

Mme Vermette: Cet après-midi aussi, nous avons eu le centre de crise Préfontaine de Montréal qui nous disait qu'avant de recevoir certains cas on devait travailler avec les établissements, notamment certaines urgences ou certains CLSC et on devait faire un petit peu un compte rendu du dossier de la personne, parce qu'on disait qu'on ne pouvait pas toujours répondre aux besoins, parce qu'une fois que la personne est à l'intérieur, c'est très difficile de trouver, finalement, une ressource qui pourrait reprendre cette personne-là, notamment au niveau des urgences ou en milieu Institutionnel. C'est important pour eux de prendre des références sur la personne qui demandait. Est-ce que chez vous cela se passe aussi comme ça?

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas cela exactement. Je m'excuse, Mme la députée de Marie-Victorin. Ce n'est pas ce que ces gens ont dit. Ils ne leur ont pas dit qu'il fallait qu'ils demandent des références aux personnes.

Mme Vermette: Non, pas aux personnes, mais aux institutions comme à l'urgence, au médecin traitant...

Mme Lavoie-Roux: Les institutions demandaient, oui.

M. Jolivet: Oui.

Mme Lavoie-Roux: C'est-à-dire les hôpitaux.

Mme Vermette: Aux hôpitaux, aux institutions, aux CLSC...

Mme Lavoie-Roux: Surtout les hôpitaux.

Mme Vermette: Surtout les hôpitaux, oui. Est-ce que chez vous cela se passe aussi de cette façon-là?

M. Tremblay (Luc): A la suite d'échanges d'informations avec Mme la ministre, j'aimerais que vous précisiez votre question. Vous faites référence à un centre de crise...

Mme Vermette: Un centre de crise qui est le centre de crise Préfontaine.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas un centre de crise, le centre Préfontaine.

Mme Vermette: Non?

Mme Lavoie-Roux: Bien non.

Mme Vermette: Ah.

Mme Lavoie-Roux: C'est un centre de désintoxication pour des...

Mme Vermette: Ah bon. Il était venu avec tes groupes de centres de crise, mais.., Ah bon, d'accord, cela va. Eux fonctionnaient... Ils représentaient, en tout cas, les centres de crise et leurs principaux problèmes, c'est que, quand on leur référait une personne, qu'elle vienne d'un centre hospitalier, quelquefois d'un CLSC, mais plus souvent qu'autrement d'une urgence d'un centre hospitalier, ils demandaient, finalement, les références pour la patiente du médecin traitant, à savoir, un petit peu les origines ou la nature et quelquefois, vu l'abondance de la demande, ils étaient obligés de faire un certain échantillonnage de la clientèle, parce que très souvent plus qu'autrement ils étaient pris avec la clientèle et c'était très difficile pour eux de retrouver un autre endroit. Une fois là, elle était comme "stockée", finalement, à l'intérieur du centre de crise.

M. Tremblay (Luc): Est-ce que cela pouvait correspondre à une certaine forme de dumping?

Mme Vermette: Non. M. Tremblay (Luc): Non.

Mme Vermette: Ils ne nous l'ont pas dit tout à fait comme cela. J'avais plutôt l'Impression que le centre de crise est temporaire, de toute façon. Ce n'est pas vraiment de l'hébergement Donc, pour eux, c'était surtout la question de mentalité des urgences versus les centres de crise et à cause de cette situation-là, ils devaient être plus exigeants vis-à-vis des bénéficiaires. Je ne sais comment ils les référaient.

M. Tremblay (Luc): Je peux vous dire que, pratiquement, à Québec, la façon dont on fonctionne avec les urgences des hôpitaux est la suivante. On leur demande, lorsqu'ils font une référence, d'accompagner leur demande de deux formulaires qu'ils ont déjà en leur possession. C'est une formule de demande. En fait, cela correspond à une demande de consultation, si on peut dire; je pense que c'est ainsi qu'on appelle cela. Il y a une autre formule qui est un genre de formule de départ de l'hôpital ou de l'urgence. On a développé cette pratique, justement pour éviter ce genre de situation.

Dans d'autres cas, des demandes nous sont formulées de ta façon suivante. L'urgence nous dit: Cette personne est en crise, on n'a pas à la garder à l'hôpital, par exemple, en psychiatrie Pourriez-vous la prendre sous observation pendant 24 ou 48 heures? Et ensuite nous la reprendrons pour évaluer si, effectivement, elle est en mesure de retourner chez elle ou, tout simplement, on va la garder si ia situation est trop grave et on va l'hospitaliser, à ce moment-là. On a développé ce genre de pratique avec les urgences, ce qui évite peut-être le

genre de situation dont vous parlez. Dans certains cas "extrêmes" - entre guillemets - où les ressources sont manquantes, nous avons eu aussi des expériences comme se retrouver avec des personnes qui viennent d'autres régions et qui aboutissent chez nous. Elles ne sont en contact avec aucun réseau. Nous sommes obligés de les garder plus que 24 ou 48 heures; le temps de leur trouver une ressource, au fond, puisqu'elles ont coupé le contact avec toutes les ressources de la région ou de leur région.

Le Président (M. Joly): Je vais reconnaître le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.

M. Thuringer: Merci, M. le Président. Si je comprends bien, vous existez depuis juin 1987.

M. Légaré: On est opérationnel depuis juin 1987. Il y avait un conseil d'administration provisoire qui, pendant une année, a développé la programmation du centre, les budgets et tout.

M. Thuringer: Depuis ce temps, quels sont les problèmes auxquels vous faites face le plus souvent chaque jour?

M. Légaré: En termes de types de crises?

M. Thuringer: Oui. Mais aussi, quant à l'acceptation des hôpitaux et des autres intervenants communautaires. Comment êtes-vous vus par la communauté?

M. Légaré: D'accord, ta perception que la communauté et le réseau ont de nous. Je vais peut-être laisser répondre Luc sur l'aspect de la clientèle, dans un premier temps.

M. Tremblay (Luc): Je peux vous dire que, depuis notre ouverture, nous avons eu passablement plus de demandes de services venant directement de la communauté que des urgences. La communauté, de plus en plus, exprime ses besoins de services, du moins à l'endroit du centre de crise, chez nous. Le genre de crise qu'on rencontre le plus souvent, pour compléter ta question que vous m'avez posée... On peut donner des noms à des crises. Je préférerais peut-être vous donner plutôt le portrait d'une personne qu'on retrouve le plus généralement en crise.

Généralement, ce sont des personnes qui sont isolées, des personnes qui n'ont plus ce qu'on appelle de réseau social pour les soutenir dans les moments difficiles qu'elles traversent. Vous comme moi, à l'occasion, avons pu être en contact avec des gens qui vivent des situations de crise. Au fond, n'importe qui peut vivre un type de situation de crise. Lorsqu'on peut être soutenu, écouté par quelqu'un de la famille ou de l'entourage, on peut passer à travers cette situation difficile, à moins que ce ne soit une crise de type psychiatrique - comme on en pariait Ici - psychotique, ce sont des crises très sérieuses, c'est autre chose. Mais, lorsqu'on est bien soutenu dans des crises de moindre gravité, on peut passer à travers sans avoir besoin d'aller à l'hôpital ou d'avoir recours à un centre de crise. Mais les gens qui sont Isolés et qui sont seuls, ce sont souvent ces gens qu'on finit par retrouver à notre porte.

Le Président (M. Joly): M. le député de Laviolette, s'il vous plaît.

M. Jolivet: Je terminerai en vous disant que j'ai compris que vous êtes d'accord avec l'ensemble de la problématique présentée, que vous êtes d'accord avec la recommandation 33 pour autant qu'on ne vous oblige pas à garder la personne et qu'on vous permette de pouvoir la transférer dans des lieux plus spécialisés que le vôtre, le vôtre n'étant finalement qu'un moyen de désengorger l'ensemble des urgences hospitalières en particulier. D'autre part, vous dites: Nous sommes là pour aider à répartir les gens qui peuvent venir nous voir dans des lieux plus spécialisés que le nôtre si vraiment un des besoins est en rapport avec la question du suicide.

Le Président (M. Joly): Mme Bruneau.

Mme Bruneau (Judith): Nous ne sommes pas d'accord avec la résolution 33 si elle parle de suivi de crise comme étant notre propre responsabilité.

M. Jolivet: D'accord.

Mme Bruneau: Ce qui nous a un peu surpris, c'est qu'on dit que c'est un problème qui est très Important au Québec présentement et on dit, tout au long du rapport Harnois, qu'il faut développer ce qui existe déjà. Il existe des centres de prévention du suicide, par exemple, qui ont une très bonne expertise dans ce domaine et on ne semble pas vouloir les utiliser. C'est certain que nous allons accepter tous les types de crise, mais si le problème suicidaire est si Important au Québec, je pense qu'on doit continuer à aider les organismes à assumer, en tout cas, à prendre une partie de la responsabilité des crises suicidaires. C'est pourquoi nous avons décidé de présenter un mémoire, pour approuver la philosophie et pour dire qu'il faut continuer à développer les ressources si le problème est si important.

M. Jolivet: Je vais vous poser une question subsidiaire à celle-là, dans le sens suivant. Il y a des centres hospitaliers au Québec qui refusent, dans certaines circonstances, d'accueillir des gens en état de crise, des alcooliques, et ils les réfèrent directement à des organismes qui oeuvrent dans ce domaine. Souvent, il y a des

médecins qui ne veulent même pas les accueillir à l'hôpital parce qu'ils disent que cela dérange. Dans ce contexte-là, je vais vous poser la même question. SI vous parlez du suicide, d'une part, est-ce que ce serait la même chose dans le cas des gens qui sont alcooliques, qui sont en crise d'alcoolisme?

M. Tremblay (Luc): Je vais répondre à cette question. Notre pratique jusqu'à maintenant nous a amenés à être en contact avec des gens qui sont alcooliques. Dans un premier temps, on a répondu à la situation de crise comme telle avec notre mandat de 24 ou 48 heures et on a pris le temps, avec les gens, de leur trouver soit une ressource de désintoxication - il en existe, entre autres, à Québec; il y en a une à l'hôpital Saint-François-d'Assise - ou des ressources dans la communauté comme telle, par exemple des maisons de désintoxication qui offrent l'hébergement, etc. C'est notre démarche par rapport à cette problématique.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Tremblay. J'aimerais, à mon tour, déborder de mon rôle de président et vous poser une question.

M. Jolivet: Vous ne débordez pas, M. le Président Vous y avez droit.

Le Président (M. Joly): On a mentionné, du moins vous l'avez souligné tantôt, M. Tremblay, que le gros de votre clientèle s'identifiait d'elle-même, soit des gens du milieu qui, à un moment donné, sont conscients qu'ils ont des services qui leur sont offerts et que ce n'était pas la majorité qui vous était référée par les hôpitaux ou par les urgences. J'aimerais, à ce stade-ci, faire une évaluation au cours des six derniers mois. Combien avez-vous eu de cas en tout et partout qui vous ont été référés et combien provenaient des urgences? Est-ce que vous avez des statistiques là-dessus? Combien de personnes ont été hébergées chez vous et combien avez-vous de lits pour les héberger?

M. Tremblay (Luc): Je vais commencer par le nombre de lits. Nous avons quatre places d'hébergement au centre. Dans le but de préciser cet élément, ce sont quatre places qui sont pour nous un moyen d'aider une personne à passer à travers sa situation de crise. Je le précise parce qu'on a eu souvent des demandes d'hébergement pures et simples. Pour quelqu'un sur le trottoir, on nous demandait: Pouvez-vous prendre cette personne?

Mme Lavoie-Roux: Les sans-abri.

M. Tremblay (Luc): Pardon?

Mme Lavoie-Roux: Les sans-abri.

M. Tremblay (Luc): C'est cela, les sans-abri.

Nous ne sommes pas un centre pour accueillir les sans-abri, malheureusement Ils n'en ont pas, mats on n'est pas là pour cela. C'est pour cette raison que j'ai précisé que les quatre places, c'est pour aider la personne pendant qu'elle est en était de crise, 24 ou 48 heures. Pendant les six premiers mois de pratique où on a offert des services, nous avons répondu directement à 450 personnes, à trois reprises et plus, ce qui veut dire qu'il y a des gens qui sont revenus et auxquels on a offert deux ou trois services. Là-dessus, moins de 10 % de ces personnes nous ont été référées par les urgences des hôpitaux. (21 h 30)

Mme Bruneau: Je tiens à spécifier que, même quand cela n'arrive pas directement de l'urgence, il faut nous considérer comme une ressource alternative, donc, je dirais peut-être que, sur les 90 % qui restent, 75 % auraient fait une demande ou la personne dans ta communauté aurait fait une demande auprès des urgences. Il faut toujours considérer que nous sommes une ressource alternative à l'urgence et que les gens auxquels on répond, s'ils ne sont pas référés par l'urgence, seraient probablement allés à l'urgence si on n'avait pas été là. Je voudrais que cela soit assez clair.

Le Président (M. Joly): La répartition de vos intervenants, on mentionne que vous en avez quinze et que vous fonctionnez 24 heures par jour, donc, si on me permet l'expression "chiffres", trois chiffres, est-ce cinq, cinq, cinq ou s'il y a des temps durant la journée où c'est plus occupé?

M. Tremblay (Luc): Oui. Présentement, on a pu observer que les heures les plus en demande ou les plus occupées sont durant les fins de journée et en début de soirée, alors qu'on est obligé de faire une nouvelle répartition de personnel pour répondre plus durant cette période-là.

Le Président (M. Joly): Merci, monsieur. En remarques de conclusion, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Je vous remercie d'être venus nous expliquer la situation dans laquelle vous vivez et vos intentions pour l'avenir. J'espère qu'on entendra votre appel.

Le Président (M. Joly): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup et merci pour le travail que vous faites. Cela ne doit pas toujours être facile dans les centres de crise non plus.

Le Président (M. Joly): À mon tour, je vous remercie et je vous souhaite bonne chance dans vos démarches.

Je vais maintenant appeler le prochain

groupe, le Centre de prévention du suicide de Québec. S'il vous plaîtl

Je vais vous rappeler le mandat de la commission qui est d'étudier le projet de politique de santé mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre 1987. Je me permets de le souligner à nouveau, car on ne sait pas si vous étiez dans la salle tantôt. J'aimerais Ici vous souhaiter la bienvenue et demander au responsable ou à la responsable du groupe de s'identifier et d'identifier les gens qui l'accompagnent

Centre de prévention du suicide de Québec

Mme Delisle (Linda): Bonsoir, tout le monde. Vous m'entendez bien?

Le Président (M. Joly): Oui, madame.

Mme Delisle: M. le Président, Mme la ministre, je vous présente, à mon extrême gauche, M. Jean Blaquière, psychologue et président du conseil d'administration au Centre de prévention du suicide, Mme Lynda Pomerieau, psychologue et responsable de tous les services cliniques au Centre de prévention du suicide, Mme Marie-France Charron, épidémiologiste et sulcidologue et aussi membre du conseil d'administration du Centre de prévention du suicide, et M. René Jean, directeur général au Centre de prévention du suicide. Je suis Linda Delisle, responsable de tous les services communautaires au Centre de prévention du suicide.

Je vais commencer immédiatement. M. le Président, Mme la ministre, messieurs et mesdames, nous sommes d'accord dans l'ensemble avec les grands principes dont s'est inspiré le comité Harnois parce que, d'une part, il y a reconnaissance des organismes communautaires en les insérant dans un réseau de services et, d'autre part, on recommande de doubler les budgets consacrés au financement de ces derniers. De plus, la gamme des services du Centre de prévention du suicide s'établit dans la même philosophie que celte proposée par le comité Harnois, c'est-à-dire la primauté de la personne ainsi que le partenariat.

Depuis neuf ans, le Centre de prévention du suicide a des programmes d'information sur les services disponibles, des activités de prévention et de promotion de la santé mentale. Des exemptes de cela, des programmes de consultation en milieu scolaire; nous entrons dans les écoles, nous allons former des comités de prévention du suicide, nous les formons, les appuyons pour développer des outils d'intervention auprès des jeunes dans les écoles. La même chose dans les milieux carcéraux. Nous rencontrons l'administration, les détenus, mais aussi tous les agents de ta paix qui sont à l'intérieur de la prison pour qu'ils soient capables de dépister davantage les personnes suicidaires et de les référer soit au Centre de prévention du suicide, ou encore en utilisant au maximum les ressources de leur prison au sujet desquelles on les a déjà formés au préalable.

Donc, le Centre de prévention du suicide répond aux besoins d'intervention en situation de crise suicidaire ou d'urgence. Nous avons un service d'intervention téléphonique, 24 heures sur 24, et aussi un service de crise à domicile. Nous nous déplaçons et nous recevons au Centre de prévention du suicide les individus qui sont en crise suicidaire. Le centre assume aussi des fonctions d'accueil, d'orientation, de référence sur une base permanente, des services d'entrevue, d'évaluation pour vérifier avec la personne ce qui se passe et si le centre peut lui donner un service ou encore l'orienter dans la communauté avec les ressources communautaires et aussi du réseau officiel pour que cette personne ait la meilleure aide possible au moment de sa crise.

Nous avons aussi un service de répit aux familles et aux proches. Premièrement, on va penser aux groupes d'aide à l'entourage des personnes suicidaires. On s'est rendu compte, après plusieurs années auprès des familles, que ceux qui vivent avec une personne suicidaire ont un besoin d'Information, de compréhension de ce phénomène, mais parallèlement à cela un besoin de support parce que ces gens ne savent plus quoi faire à un moment donné. Ils sont dépassés par la situation. Donc, nous au centre, nous offrons réellement ce service. Nous assumons aussi, pour résumer tous ces services, des fonctions relatives à la réadaptation et à la réinsertion sociales des personnes suicidaires. Plus particulièrement, le CPS, le Centre de prévention du suicide - ça va être plus court - est la seule ressource organisée du genre dans la région de Québec qui s'occupe spécifiquement de la problématique du suicide.

En termes de services, le CPS est un centre d'intervention de crise suicidaire ouvert 24 heures sur 24, 7 jours semaine, qui depuis la dernière année a reçu 14 500 appels et a effectué 260 déplacements à domicile. Il a un service clinique qui a dispensé l'an dernier environ 1000 rencontres auprès d'individus suicidaires et aussi dans le but d'assurer leur prise en charge. Un service de formation en intervention de crise suicidaire qui depuis l'ouverture du centre a formé pas moins de 6500 Intervenants. Un service à la communauté qui par te biais de conférences, de rencontres dans le milieu, auprès des maisons de jeunes, auprès des urgences des hôpitaux, auprès des CLSC, des Intervenants du réseau, a mis sur pied des programmes de prévention et on a rejoint tout près de 20 000 étudiants par le biais du programme en milieu scolaire. Aussi un service de recherche qui oeuvre à améliorer le diagnostic et le dépistage des personnes suicidaires. Nous avons aussi un service de supervision et de support à tous les intervenants de notre région qui depuis la dernière année - on en a

fait environ au moins 300. Donc, c'est tout l'aspect - excusez le terme - "coaching*, la supervision de ces cas.

En termes de clientèle, nous avons à ce jour environ 10 000 dossiers. Donc, 10 000 individus qui ont contacté le Centre de prévention du suicide, et dont l'âge moyen se situe autour de 30 ans, et 56 % d'entre eux rapportent une tentative de suicide avant d'avoir contacté le centre. Une personne sur 20, lorsqu'elle établit un premier contact avec le Centre de prévention du suicide, a au moins fait une tentative de suicide. Il y a 29 % de ces personnes qui vivent seules. Je m'excuse. Alors, une personne sur 20, lorsqu'elle établit un premier contact avec le centre, est soit en train de se suicider, ou a tenté de le faire dans les 12 heures qui ont précédé l'appel.

Il y a 36 % des bénéficiaires du centre qui sont salariés et 23 % touchent des prestations du bien-être social. Il y en a 17 % qui sont en chômage. Il y en a 8 % qui sont rentiers. Il y en a 16 % qui ont une autre forme de revenus. L'occupation, 27 % de cols blancs, 24 % aux études, 20 % de cols bleus, 20 % au foyer et 9 % de professionnels, On se rend compte que ça touche toutes les classes de la société. Il y a 55 % de notre clientèle qui est de sexe féminin et 45 % de sexe masculin; 46 % de notre clientèle sont des célibataires, 21 % sont mariés, 22 % séparés ou divorcés, 7 % ont un conjoint et 4 % sont veufs.

Donc, en termes d'objectifs, le Centre de prévention du suicide vise à réduire le taux de tentative et de mortalité par suicide, à intervenir promptement auprès de ceux et celles qui veulent se suicider. Nous sommes là aussi pour encourager, stimuler et appuyer tous les efforts en termes de prévention du suicide dans notre région et aussi afin d'éduquer la population pour qu'elle identifie les personnes suicidaires dans son entourage afin qu'eux-mêmes, ou encore avec l'aide du Centre de prévention du suicide, puissent intervenir à temps.

En termes de reconnaissance, le Centre de prévention du suicide a été te premier centre au Québec et au Canada, Nous avons reçu, en 1984, une mention spéciale de la Fondation Desjardins en reconnaissance du travail effectué visant l'amélioration de la qualité de vie dans son milieu. Nous sommes membres de l'Association québécoise de suicidologie et l'Association canadienne de suicidologle et aussi, en 1985, nous avons été le premier centre canadien d'intervention de crise reconnu et certifié par l'American Association of Suicidology. C'est une association, en fait, multidisciplinaire, internationalement reconnue pour son expertise en suicidologle, c'est-à-dire aux plans recherche, intervention et prévention.

Nous avons aussi, dans le même ordre d'idées, participé à la création d'autres centres de prévention du suicide dans la province. C'est bien certain, puisque nous étions les premiers, on nous contactait pour aller donner des sessions d'Information, des rencontres dans le milieu, d'où l'émergence et tout le soutien du centre pour toutes ces ouvertures de centres de prévention du suicide.

Le centre de Québec est le seul à offrir des services spécifiques - je termine - tels l'aide aux tiers, les programmes de prévention du suicide dans le milieu scolaire et les thérapies de deuil. Nous avons été sanctionnés par le ministère afin de donner de la formation aux Intervenants du réseau. Nous avons aussi, avec le Centre de crise de Québec, une collaboration dans le sens suivant: une évaluation conjointe des personnes suicidaires. C'est le Centre de prévention du suicide qui donne le suivi thérapeutique. Donc, une expertise sur le plan de l'évaluation de crise suicidaire auprès des suicidaires comme tels, au plan des familles en deuil par le suicide et aussi dans l'élaboration et l'application de programmes.

J'en arrive aux recommandations, pour terminer. Alors, notre première recommandation quant à R-32, c'est que le ministère de la Santé et des Services sociaux s'engage à ce que l'harmonisation des moyens retenus par sa politique de santé mentale ne se fasse pas au détriment des organismes déjà existants; que te ministère de la Santé et des Services sociaux s'engage à ce que le processus d'harmonisation des moyens retenus se fasse en consultation avec les organismes qui ont acquis une expertise particulière dans te domaine du suicide; que des démarches régionales de planification de services dans l'obligation d'inclure la crise suicidaire dans leur mandat soient d'abord confiées à des organismes ayant une expertise particulière en intervention de crise suicidaire, et aussi qu'on voie à ouvrir de tels organismes s'ils n'existent pas en région; de plus, que le ministère de la Santé et des Services sociaux prévoie, dans ses politiques d'allocation de budgets aux organismes ayant une expertise particulière en intervention de crise suicidaire, des ressources supplémentaires leur permettant de développer des activités de recherche, des services d'hébergement à court terme, mais aussi des programmes d'Intervention spécifiques en regard des populations à haut risque.

Je vous remercie de votre attention. Si vous avez des questions...

Le Président (M. Joly): Merci, madame. La parole est maintenant à Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.

Je veux vous remercier d'être tel, mais je vais immédiatement passer la parole à un de mes collègues et je reviendrai par la suite,

Le Président (M. Joly): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.

M. Thuringer: Merci, M. le Président. Merci

pour votre présentation. Je pense que votre mémoire indique clairement le travail valable que vous faites.

Je suis quand même porté à penser que la première recommandation me semble être plus sur la défensive, dans le sens que: Est-ce que vous avez des craintes? Est-ce qu'il y a eu des gestes qui ont déjà été posés qui ont menacé votre... Il me semble que vous fonctionnez bien dans la communauté. Pourquoi le rapport Harnois vous pose des problèmes? La première recommandation dit que, s'il y a une harmonisation, pas de garantie qu'on peut rester. Pourquoi pensez-vous... (21 h 45)

Mme Pomerleau (Lynda): C'est-à-dire qu'on ne se sent pas menacés dans notre expertise, après neuf, dix ans d'expérience. De plus en plus, notre travail est de superviser et de former des intervenants. Je suis reponsable d'un secteur clinique et, régulièrement, dans une journée, it y a peut-être dix, quinze intervenants qui demandent à être supervisés dans leur Intervention. Et c'est ce qu'on veut de plus en plus préconiser. Toutefois, on parle aussi de l'ensemble des centres de prévention du suicide qui ont été créés depuis trois, quatre ans dans la province de Québec. Ces organismes ont déjà une expertise. Notre recommandation est de respecter aussi l'expertise qu'ont développée ces jeunes centres de prévention du suicide qui ont quand même une capacité d'évaluer rapidement le potentiel suicidaire des bénéficiaires. Je vous disais tout à l'heure qu'on supervise beaucoup les intervenants. Les intervenants, face à la crise suicidaire, le malaise qu'ils ont, c'est l'insécurité de ne pas être assez habilités à évaluer le potentiel suicidaire.

M. Thuringer: Merci. Sur la question de la supervision, justement, pouvez-vous nous dire plus en détail comment vous faites cela?

Mme Pomerleau: Pour ce qui est de la supervision clinique, ces sont des intervenants des CSS, des CLSC et des centres d'accueil qui nous appellent en disant: J'ai un jeune ou j'ai une personne qui a une crise suicidaire, elle a telle ou telle planification, qu'est-ce que je fais avec? Est-ce que je peux me permettre de te l'envoyer? Est-ce que je peux la laisser aller sans danger? Ce dont ils ont besoin c'est d'évaluer le risque de passage à l'acte de cette personne et de savoir ce qu'ils doivent travailler avec elle. Est-ce que je dois travailler comme je travaille normalement avec un carencé affectif, avec un toxicomane? Qu'est-ce qu'il y a de particulier chez cette personne?

M. Thuringer: Par exemple, est-ce que vous entrez aussi dans le milieu scolaire ou est-ce que vous donnez des conseils aux professeurs? Même, dans le domaine de l'Industrie, par exemple, est-ce que vous êtes appelés...

Mme Delisle: Absolument. Dans le milieu scolaire, c'est bien établi. En fait, depuis l'ouverture du centre, nous travaillons dans le milieu afin de monter des comités pour que ceux-ci, dans l'école, soient capables de donner l'information aux jeunes et aussi aux parents de ces jeunes. Vous savez, en réalité, lorsqu'on va donner une conférence ou qu'on a une rencontre auprès des jeunes - en tout cas, moi, pour l'avoir fait longtemps - on parle du suicide. On te démystifie. On parle des signes précurseurs. On fait du dépistage. Sauf que, dans la réalité. ces jeunes viennent nous voir après, en disant: Moi, je pense à me suicider; moi, mon père s'est pendu la semaine dernière, qu'est-ce que je peux faire? On doit habiliter le milieu à recevoir ce genre de réaction, après une conférence. On ne peut pas s'improviser intervenant de crise du jour au lendemain dans ce domaine. Donc, tout l'aspect supervision se fait à partir des écoles. Dans le milieu carcéral, comme tel...

Je pense, par exemple, à la Société des postes. On a monté des programmes pour tes employés. Il y a certains ministère où il y a de l'aide aux employés. Nous formons des gens. Nous les aidons à bien évaluer la crise suicidaire, le risque de la personne suicidaire, mais aussi nous leur donnons tous les moyens et les outils nécessaires pour intervenir adéquatement et efficacement auprès des personnes suicidaires.

M. Thuringer: Dans la...

Le Président (M. Joly): Excusez-moi, M. le député. Pour respecter l'alternance, je vais reconnaître le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je vous remercie de votre présence ici ce soir afin d'expliquer votre compréhension du rapport Harnois. Je dois dire que d'après ce qu'on a entendu juste avant vous il y a certainement une coopération intense entre le Centre de crise de Québec et vous autres, un organisme à but non lucratif. C'est probablement dans ce sens que vous avez proposé votre première recommandation. Vous craignez que la recommandation 33 vienne justement nuire un peu à cet effort que vous avez fourni depuis dix ans - si j'ai bien compris - pour donner des services à une population qui en a besoin. C'est peut-être dans ce sens que je le comprends.

Mme Delisle: C'est un peu dans ce sens, mais c'est aussi davantage, je pense, pour accentuer le fait que le suicide, c'est quelque chose de particulier. Une personne suicidaire a des besoins spécifiques et le Centre de prévention du suicide donne justement une réponse à ces besoins particuliers de la communauté, à tous les niveaux d'intervention possibles: primaire, éducation; secondaire, intervention et tertiaire, suivi. C'est dans ce sens que nous avons retra-

vaille la proposition 1.

M. Jolivet: D'accord. J'aurais peut-être pu poser la question tout à l'heure, mais le temps manquait, cela concernait la différence entre une personne en état de crise suicidaire reçue au centre de crise et une autre personne en crise à cause de l'alcool, car on peut avoir des tendances à ce moment-là. Quelle différence peut-on faire entre les deux et, en termes de services que vous rendez, vous devez aussi recevoir ces personnes-là et vous devez les référer à d'autres groupes?

Mme Delisle: En tout cas, je comprends votre question en deux partie et, pour répondre à la deuxième partie, oui, nous recevons des appels de la communauté en général, de l'entourage des personnes suicidaires, mais 30 % de nos appels proviennent aussi du réseau, des hôpitaux, des services sociaux, des intervenants, des infirmières scolaires, tout cela.

Qu'est-ce qui fait la différence? En fait, la différence est là; une personne suicidaire, s'il n'y a pas d'intervention, va aller se suicider; c'est dans l'immédiateté de l'intervention, dans ce sens-là. C'est une crise psychosociale aiguë, dans le sens que, s'il n'y a pas d'intervention, ta personne se tue. C'est plutôt une crise à tendance violente et, à ce moment-là, il y a du danger pour l'extérieur; ce n'est pas du tout la même chose. Veux-tu ajouter quelque chose, Lynda?

Mme Pomerleau: C'est cela. Les besoins immédiats de la personne suicidaire, c'est de préserver la vie. Cela va?

M, Jollvet: Oui.

Mme Pomerleau: Donc, c'est vraiment de préserver la vie et, pour cela, elle a besoin de sentir que l'intervenant est sécure là-dedans. Ce qu'on disait, c'est que, souvent, les intervenants qui ne sont pas habitués à travailler avec des personnes suicidaires sont un peu paniques. Quand c'est la première fois que cela vous arrive, c'est paniquant de savoir que, si je n'Interviens pas rapidement et adéquatement dans l'immédiat, je risque que cette personne-là se tue.

M. Jolivet: Justement, dans ce contexte-là, une question surgissait tout à l'heure concernant le centre d'écoute au téléphone, 24 heures par jour, sept jours par semaine. Cela a, comme résultat depuis vos dix ans d'existence, sauvé la vie à combien de personnes? Avez-vous des statistiques dans ce sens-là?

Mme Delisle: Ce que je peux vous dire là-dessus, c'est que, sur 10 000 dossiers existant au Centre de prévention du suicide, il y en a 67 qui se sont effectivement suicidés, de ce qu'on a appris selon les ententes que nous avons avec le bureau du coroner à Québec pour dégager qui de nos clients se sont suicidés. Je ne voudrais pas dire par là que les 9900 autres sont tous en vie et en bonne santé mentale et tout Ce n'est pas nécessairement ce que Je veux apporter, sauf que, oui, cela arrive dans un centre de prévention du suicide et c'est "normal", entre guillemets, que le risque suicidaire soit plus grand et que cela arrive; la probabilité est plus grande.

En fait, si on compare avec les centres américains, le Centre de prévention du suicide de Los Angeles, sa clientèle a 100 fois plus de risques de se suicider que la clientèle extérieure. Donc, It y a 65 personnes du Centre de prévention du suicide qui se sont effectivement suicidées depuis l'ouverture du centre. Mais, quotidiennement, ce que je veux aussi apporter, c'est qu'il y a de deux à trois interventions majeures à domicile et, si ce n'était de ces Interventions, le taux de suicide serait sûrement beaucoup plus élevé dans notre région.

M. Jolivet: D'accord. Une autre question concernant les ressources financières. Vous êtes une corporation à but non lucratif et, comme corporation, vous vous financez à partir d'argent provenant de quel endroit, de façon plus particulière? Vous dites que vous voudriez voir augmenter les ressources financières et, en plus, que d'autres centres devraient être créés au Québec.

Mme Delisle: Par rapport aux ressources financières, c'est en évolution, donc tout le monde se comprend là-dedans. Il y a des besoins urgents d'hébergement comme tel, mais aussi de services particuliers. Je pense à la prévention comme telle où il y a deux personnes au Centre de prévention du suicide qui Interviennent dans le milieu. On se rend compte qu'il y a des besoins, des demandes d'information d'organisations communautaires à ce plan.

La deuxième partie de votre question...

Mme Pomerleau: Pour répondre à votre question, on est subventionné par le MSSS, et, en plus de cela, on va chercher dans les fonds privés. On fait annuellement une petite campagne de financement où les gens nous font des dons.

Mme Delisle: C'est souvent la clientèle du centre ou les familles endeuillées par suicide. Lorsqu'il se produit un suicide dans une Industrie, les gens vont faire un don assez important au Centre de prévention du suicide pour montrer qu'ils nous appuient et pour nous Inciter à continuer.

Le Président (M. Joly): Merci. J'aimerais, à mon tour, en me prévalant de mon droit de parlementaire, poser quelques questions. Au départ, je vais essayer de les poser toutes dans la même, mais elle peut comprendre plusieurs

volets. Alors, peut-être pourriez-vous vous la partager.

Vous fonctionnez avec un "staff de combien de personnes?

Mme Delisle: Dix permanents... Oh, excusez!

Le Président (M. Joly): Non, non, parfait.

Pour chacun de vous, combien d'années de service avez-vous? Quelle est votre formation?

Combien de lignes téléphoniques avez-vous? Cela semble fou à dire, mais vous allez comprendre pourquoi. Combien de votre budget provient du CRSSS et combien...

Mme Lavoie-Roux: Du ministère.

Le Président (M. Joly): ...du ministère, excusez, et combien provient de levées de fonds? Ce qui m'amène à vous poser cet ensemble de questions, c'est que j'ai de la difficulté à cerner que vous avez reçu 14 500 appels dans l'année et qu'à l'intérieur de tout cela vous avez fait un bon "screening" ou une bonne évaluation et que vous n'avez retenu que 2 %, pour en arriver avec 260 déplacements d'urgence à domicile. SI on dit aussi qu'une personne sur 20 avait déjà attenté à ses jours, à ce moment-là, on parle de 725 personnes à l'intérieur du groupe de 14 500, et vous en avez retenu 260. Ce sont des chiffres... À 40 appels par jour, je trouve cela lourd et je me dis que vous vivez dans une région qui est drôlement inquiétante parce que, avec 14 500 appels dans un an, je vais inciter tous ceux que je connais dans la région à déménager ailleurs.

Mme Delisle: D'accord. M. le Président, pour répondre à cette partie de question, c'est que, peut-êre, j'ai tout simplement mal expliqué au départ; c'est que, sur les 14 500 appels reçus annuellement, ce n'est pas 14 500 Individus... Une personne suicidaire peut appeler 10, 20 ou 50 fois. C'est le nombre d'appels, d'interventions. Annuellement, c'est environ 900 à 1000 individus différents. D'accord?

Une voix: 1300.

Mme Delisle: Donc, 1300. Ce n'est pas 14 500 Individus. Depuis l'ouverture, nous avons 10 000 personnes, donc c'est environ une moyenne de 1000, annuellement. D'accord?

Pour ce qui est du personnel, il y a dix permanents. Il y a 75 à 100 bénévoles qui sont actifs à tous les paliers d'intervention que je vous ai nommés précédemment. Pour ce qui est de la formation, habituellement, les gens qui travaillent au centre ont une formation en psychologie, en andragogie au plan de la formation comme telle des individus, en service social, en "counseling" et orientation, en communication, mais II y a aussi des aidants naturels qui, de par leur expérience et leur formation pratique au centre, ont acquis, ni plus ni moins, une expé- rience très valable dans le domaine.

Pour ce qui est du nombre de lignes téléphoniques, nous avons trois lignes téléphoniques; donc, il y a trois personnes à la fois qui peuvent téléphoner au centre et où nous pouvons intervenir immédiatement. Et, au téléphone, de la façon que cela fonctionne, c'est qu'il y a un ou deux bénévoles qui répondent, qui sont là pour désamorcer la crise suicidaire. Si le téléphone n'est pas suffisant, l'équipe mobile, donc deux individus, va se rendre à domicile pour prendre la crise en charge et donner à cette personne toute l'aide nécessaire.

Par rapport au budget, nous avons, annuellement, 343 000 $ pour le fonctionnement qui nous sont donnés par le ministère de la Santé et des Services sociaux et nous allons chercher une levée de fonds d'environ 12 000 $ à 15 000 $ dans le milieu. Est-ce que cela répond entièrement à vos questions?

Le Président (M. Joly): Cela répond assez clairement parce que j'avais de la difficulté à m'expliquer comment vous pouviez établir toutes les statistiques...

Mme Delisle: Je vous comprends très bien.

Le Président (M. Joly): ...établir tous les fichiers sur chacun, surtout sur 14 500 appels...

Mme Delisle: Oui, oui.

Le Président (M. Joly): Je trouvais cela difficile. Je vais maintenant céder la parole à Mme la ministre, pour revenir après à Mme la députée de Châteauguay.

Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas vous poser trop de questions précises parce que j'ai déjà eu des contacts avec le Centre de prévention du suicide du Québec. Il y a juste deux points.

Vous avez demandé des fonds supplémentaires pour de la recherche. Est-ce que déjà il ne se fait pas de ta recherche à l'Université Laval, soit au département de sociologie ou au département de sciences humaines, où on peut faire ces études-là? Est-ce qu'il n'y a pas déjà eu des recherches sur le suicide financées par le fonds de recherche sociale du Québec?

Mme Delisle: Effectivement, Mme la ministre, il y a des gens au centre qui s'occupent de ta recherche. Il y a aussi souvent des stagiaires... Je pense à un, en particulier, qui fait un doctorat en psychologie sur l'aspect évaluatif de l'entourage des personnes suicidaires parce qu'il n'y a rien de fait au Québec en ce domaine en termes d'études comme telles. Il y a aussi des subventions qu'on est allé chercher dans un programme d'aide - je ne me rappelle jamais le nom, je suis désolée...

M. Jolivet:...

Mme Delisle: Non.

Mme Pomerleau: Dernièrement... On a été subventionné, il y a plusieurs années, pour faire une recherche sur l'évaluation du potentiel suicidaire. Cette recherche vient d'être terminée. On envisage peut-être d'y donner suite en créant peut-être une échelle beaucoup plus valide pour mesurer le potentiel suicidaire.

Pour ce qui est de la recherche à l'Université Laval, pour l'instant, il n'y a pas de professeur qui travaille particulièrement sur cela. Sauf que nous favorisons la recherche avec les étudiants. Jusqu'ici nos contacts sont plus étroits avec les étudiants de l'Université de Montréal.

Mme Lavoie-Roux: Une autre question avant cela. Cela fait dix ans au moins que vous avez des statistiques puisque cela fait dix ans au moins que le centre existe. Est-ce que vous voyez une évolution quant à l'âge des personnes qui, finalement, se suicident?

Mme Pomerleau: D'accord.

Mme Lavoie-Roux: À un moment donné, on a dit que c'est chez les jeunes que c'est le plus étevé. Là, cela augmente chez les personnes âgées. Est-ce que vous avez des statistiques un peu plus précises que ces vagues impressions?

Mme Pomerleau: Es-tu bonne, Marie-France?

Mme Charron (Marie-France): Ce que je dirais sur cela, pour l'ensemble du Québec on a des taux très élevés de suicide chez les jeunes hommes. C'est toujours vrai, c'est vrai depuis le début des années soixante-dix. Nous avons l'un des taux les plus élevés au monde pour les décès par suicide chez les jeunes hommes, c'est-à-dire entre 20 et 30 ans.

Mme Lavoie-Roux: Êtes-vous sûre que c'est l'un des plus élevés au monde? Avez-vous fait tout te tour?

Mme Charron: Je pense que c'est le deuxième ou le troisième.

Mme Lavoie-Roux: Oui?

Mme Charron: Dans ce groupe d'âge particulier. Le deuxième ou le troisième, vous savez, ce sont des taux qui sont de l'ordre...

Mme Lavoie-Roux: C'est important, ce n'est pas...

Mme Charron: Oui. Par contre, pour l'ensemble de la population le Québec a une situation moyenne dans l'ensemble des pays industrialisés. Dans les pays du tiers monde ce n'est pas un problème qui se présente, le suicide. Dans les pays industrialisés le Québec a une position moyenne. Mais chez les jeunes, les jeunes hommes en particulier, la situation est plus grave. Ce qui s'est passé c'est que dans les années plus récentes il y a eu une augmentation des taux chez les gens plus âgés. C'est frappant au Québec, les taux sont très élevés chez les jeunes; par contre, le phénomène n'est pas négligeable chez les gens âgés. Chez les hommes, par exemple, chez les jeunes hommes, les taux les plus élevés sont vers 30 ans. C'est de l'ordre de 40 par 100 000. Chez les gens de 50 à 60 ans, le taux est de l'ordre de peut-être 30 par 100 000. Ce n'est pas beaucoup plus faible, sauf qu'à cet âge on meurt tellement d'autres problèmes, on a tellement d'autres maladies que c'est noyé dans tout cela. Cela ne veut pas dire que le problème est négligeable chez les gens âgés.

Le Président (M. Joly): Est-ce qu'on peut avoir la permission des membres de la commission pour déborder d'une question?

M. Jolivet: Oui, avec plaisir.

Mme Lavoie-Roux: Cela m'a l'air que mes questions sont finies.

Le Président (M. Joly): Non, ce n'est pas pour mol, c'est pour madame. C'est par respect pour...

Mme Lavoie-Roux: Non, non allez-y!

Mme Cardinal: C'est juste une question. Merci, M. le Président. C'est une question qui me préoccupe beaucoup. Je pense que votre expérience va pouvoir m'éclairer. Est-il juste de reconnaître qu'une personne qui a déjà tenté le suicide récidivera, et cela même à plusieurs reprises, et a donc un besoin d'un suivi plus adéquat? On nous dit cela, on m'a dit cela souvent. J'ai été mêlée à ce milieu et cela m'a toujours intriguée. Peut-être, par votre expérience, vous pouvez vraiment le dire. Est-ce vrai? On dit: Si elle a déjà pensé au suicide, méfie-toi, elle va recommencer. Est-ce vrai?

Mme Delisle: Dans le style un peu, ce que vous dites, madame, suicidaire un Jour, suicidaire toujours?

Mme Cardinal: Oui. Mme Delisle: Non. Mme Cardinal: Bon.

Mme Delisle: Ce n'est pas le cas, ce n'est pas la réalité. Une crise c'est quelque chose qui est peut être situationnel. Les personnes s'en sortent non seulement bien mais mieux après. C'est bien certain que, tant et aussi longtemps

que la personne qui est en crise suicidaire n'a pas l'aide nécessaire, elle va récidiver jusqu'à temps qu'elle se suicide parce qu'elle a besoin d'aide. Son but n'est pas de mourir, à la personne suicidaire, c'est d'arrêter de souffrir.

Mme Cardinal: C'est d'avoir de l'aide. Merci, cela confirme mes convictions.

Le Président (M. Joly): Une courte question rapide. Le député de Laurier, avec un sourire.

M. Sirros: D'accord. C'est quant au financement. Vous avez parlé du souriait d'une augmentation du financement. Vous devez avoir une évaluation de ce que vous jugez qui serait adéquat en ce qui concerne votre fonctionnement Je vous demanderais aussi si vous avez une évaluation par rapport au financement pour l'ensemble du Québec pour des centres de prévention du suicide.

Mme Delisle: Je m'excuse. J'ai mal saisi votre question, M. le député.

M. Sirros: Cela coûterait combien, selon vous? Avez-vous fait une évaluation...

Mme Delisle: Oui.

M. Sirros: ...quant aux coûts pour l'ensemble du Québec?

Mme Delisle: II faudrait peut-être...

Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, vous avez demandé plus d'argent.

Mme Delisle: Au centre de prévention... M. Sirros: Combien demandez-vous?

Mme Delisle: Nous allons parler pour nous. Le double, au moins le double.

M. Jolivet: C'est dans la proportion du double du rapport Harnois.

Mme Delisle: Exactement. Pour aller dans le même sens que le rapport Harnois, le double ce serait bien.

M. Sirros: Quant au reste, avez-vous une idée de..

Mme Delisle: Je vais vous référer, sur cette question, mon cher monsieur, à l'Association québécoise de suicidologie qui passera demain en commission parlementaire vers 15 heures.

M. Sirros: D'accord.

Mme Lavoie-Roux: Bon, d'accord.

Mme Delisle: D'accord. Merci de votre attention.

Le Président {M. Joly): En remarques de clôture, Mme la ministre?

À mon tour de vous remercier. La commission ajourne ses travaux au jeudi 14 janvier, soit demain, à 10 heures à la salle du Conseil législatif. Merci.

(Fin de la séance à 22 h 5)

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