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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Tuesday, January 19, 1988 - Vol. 29 N° 60

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de politique de santé mentale pour le Québec énoncé dans le rapport Harnois


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre! La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à l'étude du projet de politique de santé mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre dernier.

Nous avons quorum. Est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a deux remplacements: M. Gauthier (Roberval) est remplacé par M. Jolivet (Laviolette) et M. Polak (Sainte-Anne) est remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert).

Auditions

Le Président (M. Bélanger): Bien. J'appelle, donc, le premier groupe à la table des témoins. C'est le Syndicat canadien de la fonction publique, Conseil provincial des affaires sociales. C'est bien cela? Il est représenté par Mme Louise Vallquette, présidente du Conseil provincial des affaires sociales; par M. Yvan Lavoie, coordonnateur des affaires sociales; par M. Claude Turcotte, responsable du comité de réinsertion sociale; par M. Serge Morin, membre du comité de réinsertion sociale, et par Mme Lise Gill-Foumier, membre du comité de réinsertion sociale.

Je voudrais, d'abord, que vous identifiiez votre porte-parole et les membres de votre équipe, et vous rappeler nos règles de procédure. Vous avez vingt minutes pour présenter votre mémoire et la commission a quarante minutes pour vous contre-interroger.

Alors, je vous cède la parole.

Conseil provincial des affaires sociales du SCFP

Mme Valiquette (Louise): Je suis Louise Valiquette, présidente du Conseil provincial des affaires sociales du Syndicat canadien de la fonction publique, juste pour remettre à l'endroit la présentation de tout à l'heure; à ma droite, M. Yvan Lavoie, coordonnateur des affaires sociales et, à ma gauche, M. Serge Morin, membre du comité de réinsertion sociale du conseil. M. Claude Turcotte et Mme Lise Gill-Fournier sont absents ce matin.

Alors, rapidement, pour faire une courte présentation de l'organisme, car vous avez déjà cela dans le mémoire que vous avez reçu, on regroupe environ 16 000 membres oeuvrant dans tous les titres d'emploi, que ce soit dans les hôpitaux, dans les centres d'accueil, les CLSC, les CSS ou les CRSSS. On représente du monde qui oeuvre quotidiennement auprès des gens. C'est pour nous un exercice un peu Inhabituel de venir intervenir sur des politiques dans la mesure où habituellement on travaille plutôt sur des cas concrets, mais on va, quand même, essayer de rester le plus concret possible là-dedans.

Parmi les choses qui ne sont pas déjà au mémoire que vous avez et qui vont peut-être vous éclairer sur la façon dont on a procédé pour le rédiger, il y a les grands principes qu'on met de l'avant pour une politique de santé mentale. D'abord, toute la question de prévenir à la source. Alors, pour tout ce qui regarde la société, le travail, etc., il y a une prévention à faire. On sait que vous en avez parlé dans votre rapport. Deuxièmement, il vaut mieux guérir, donc allouer les ressources nécessaires lorsque surviennent les problèmes et, enfin, il vaut mieux réinsérer socialement. Jusqu'Ici, la réinsertion sociale a plutôt été vue comme une mesure d'économie que comme véritablement une réinsertion sociale et on pense que cela ne devrait pas être ça.

Le deuxième aspect dans les grands principes qu'on défend, c'est que, pour nous, il ne doit nullement être question d'un désengagement de l'État sur les questions de santé mentale. Si l'État prend des responsabilités là-dedans - en tout cas, il en a déjà et il continuera d'en prendre - il ne doit nullement être question de retourner ça comme un fardeau aux familles et aux femmes en particulier. Il y a moyen d'aller vers un juste équilibre là-dedans. Cela ne doit pas, non plus, être un moyen, toute cette nouvelle politique de santé mentale qui s'en vient, de favoriser les entreprises privées à but lucratif qui oeuvrent dans le domaine de la santé mentale. Donc, ce sont des principes généraux, mais qui sont, tout de même, importants pour nous.

Enfin, il y a un autre aspect de la santé mentale qui nous apparaissait primordial, ce sont les problèmes de santé mentale en milieu de travail. Les conditions de travail, le manque de travail favorisent l'émergence de plusieurs problèmes de santé mentale. Pour nous, cela devait être traité là-dedans. De même, on avait dans nos priorités - cela avait été l'objet de notre présentation quand on avait rencontré le comité Harnois en mars dernier - les institutions qui ne sont pas des institutions psychiatriques. On y traite, tout de même, les problèmes de santé mentale et comment on le fait, c'était, pous nous, une grande préoccupation également. Evidemment, tous les autres aspects, environnementaux, socio-économiques, devaient également faire partie de cette analyse.

Si on va dans les commentaires d'ordre vraiment général sur le contenu du mémoire - Serge Morin poursuivra tantôt en l'analysant plus spécifiquement - d'abord, un des oublis qui nous paraissent majeurs compte tenu des remarques préliminaires qu'on vient de faire,

c'est toute la question des conditions de travail et de leur Incidence sur la santé mentale. On n'en traite pas beaucoup là-dedans. On en traite de façon détournée. On englobe ça dans un grand chapitre qui s'appelle "le domaine de la santé mentale" et on s'en occupe un peu moins. Donc, cela, pour nous, c'est un oubli majeur.

De même, vous pariez de ce que vous appelez le domaine de la santé mentale", mais rendus aux réponses, il y en a comme un peu moins. Oui, il faut s'en préoccuper, mais cela arrête là. Pour nous, cela aurait dû se traduire un peu plus concrètement. On pense, entre autres, à l'importance que tous les ministères se Joignent à cela. Il nous apparaît qu'il aurait fallu Insister plus que cela. Il faut que le gouvernement, avec une politique de santé mentale, soit lié et se sente obligé de travailler avec les autres ministères. Il faut que ce soit une action tout au moins concertée là-dessus; sinon, il n'y aura pas de possibilité d'agir là-dessus.

On aurait pu aborder également la question du plein emploi comme étant un des moyens de favoriser une meilleure santé mentale pour toute la population en général. Cela n'a pas été fait et c'est un aspect qui est, tout de même, Important. Vous avez, d'ailleurs, dans vos statistiques l'Incidence du chômage sur la santé mentale, ce que cela peut faire au niveau des statistiques.

Enfin, comme on le disait tantôt, il y a toute la question des Institutions non psychiatriques. Qu'est-ce qu'on fait quand on reçoit à l'urgence d'un centre hospitalier général des gens qui ont des problèmes de santé mentale? Qu'est-ce qu'on fait Immédiatement avec eux? Comment obtient-on - c'est vraiment sur le comment - ta participation des autres institutions ou des autres ressources là-dedans? Comment fait-on pour donner à ces gens-là les soins dont ils ont besoin?

On pense, dans ce point-là également, à toutes les résidences pour personnes âgées, aux foyers pour personnes âgées, aux centres hospitaliers de soins prolongés également où il y a une forte incidence, quant à nous, de problèmes de santé mentale que vous avez soulevés comme étant spécifiques aux personnes âgées, aux jeunes ou aux femmes. Il y en a dans la société en général, il y en a aussi en institution et on refuse de tes voir et de les reconnaître comme tels. Donc, pour nous, c'est un aspect Important qu'on a soulevé, mais sur lequel il n'y a pas d'accent qui a été mis là où il aurait dû y en avoir.

De façon générale, pour ce qui est de dire que la personne devrait être le centre de toute action en santé mentale, je pense qu'il n'y a pas de problème. Je pense que personne n'est venu vous dire: Non, cela n'a pas de bon sens. Il nous semble que c'est cela aussi. Maintenant, c'est sur les conditions pour que cela se réalise qu'il faudra possiblement avoir des discussions. Serge.

M. Morin (Serge): D'accord Rapidement, vu le temps dont on dispose, si on prend te plan d'action - parce qu'on voulait s'attarder un peu plus concrètement au plan d'action et revenir sur les détails du mémoire à la période de questions - ce que nous notons, c'est qu'il y a certains bons éléments dans le rapport, mais qu'il y a certains éléments qui sont contradictoires par rapport à des énoncés de faits qui sont traduits dans le rapport. Entre autres, on s'étend beaucoup sur la notion de partenariat élargi. Vous noterez dans notre mémoire que l'on considère qu'il est fait peu de place à sa concrétisation au sein du réseau entre les différents partenaires de ce réseau, que ce soit les groupes de parents, les groupes de bénéficiaires ou les partenaires syndicaux.

Les moyens qui sont mis en place. Évidemment, nous ne les commenterons pas tous, mais il y a un certain nombre de moyens qui vont de soi, je pense, et d'autres qui n'allaient peut-être pas de soi antérieurement, mais qui nous semblent aller de soi maintenant, comme la nécessité de la priorité de la santé mentale. Pour ce qui est du programme de répit aux familles, nous répéterons ce qu'on a déjà mentionné ailleurs: Cela nous paraît un élément fondamental. Il manque énormément de soutien. On se rend compte que, dans le réseau, lorsqu'une personne décide de maintenir à la maison un psychiatrisé ou un ex-psychiatrisé, elle ne dispose absolument d'aucun moyen, finalement, pour être en mesure de vivre avec ta personne et, dans les moments de crise importants, d'avoir du soutien régulièrement. Donc, cela nous paraît non seulement être un besoin, mais cela devra se traduire concrètement dans la réalité.

L'Injection de budgets dans les ressources alternatives, on en a parlé. Pour nous, il est important d'avoir non seulement la reconnaissance financière des ressources alternatives, mais aussi - on va y revenir un peu plus tard - la reconnaissance des pratiques qui se sont développées dans les ressources alternatives. C'est là, justement, qu'on note un certain nombre de contradictions dans le rapport Harnois comme tel. On les retrouve peut-être plus spécifiquement à l'intérieur du point 5, lorsqu'on parle de la mise sur pied de programmes de formation continue.

Dans le rapport Hamois, on note, à un certain nombre d'endroits, en fait, toute la question de la compartimentation des tâches, de la hiérarchisation des fonctions à l'intérieur du milieu hospitalier, entre autres, qui font que le travail d'équipe et te soutien collectif sont peu ou pas existants On note ces faits qui ont été apportés par différents organismes sur le vécu à l'intérieur des milieux. Lorsqu'on traite de la question de la formation, on fait un ordre de hiérarchisation; il y a la formation des omnipraticiens, en premier lieu, en second lieu, celle des infirmières et, finalement, en dernier lieu, celte des autres Intervenants.

Comme notre approche vise avant tout non

pas à systématiser et à développer une approche médicale en santé mentale, mais, au contraire, à développer une approche d'assistance et d'aide, on se pose la question de l'Importance qu'on devrait accorder au soutien aux intervenants directs qui, souvent, sont soit des éducateurs, des infirmières auxiliaires ou des préposés aux bénéficiaires qui vivent tous les Jours les problèmes concrets des psychiatrisés et ont besoin, en premier lieu, d'une formation très spécifique. On comprend mal, lorsqu'on fait état dans le rapport de toute la compartimentation et du fait qu'on laisse très souvent à elles-mêmes ces personnes qui doivent vivre tous les jours le "acting out", qu'elles soient placées en dernier lieu pour ce qui est de la formation prioritaire. On n'interdira pas la formation des omnipraticiens ou des Infirmières, c'est évident, mais on comprend mal que les autres soient laissés en dernier lieu.

On ne reviendra pas sur la recherche. Il y a une note dans le mémoire où on parte du développement de la recherche. Ce qui nous préoccupe beaucoup, c'est que cette recherche se fasse par rapport à la réalité sur le terrain. Il est arrivé trop souvent que des intervenants dans le milieu développent des expertises spécifiques à l'égard d'une certaine clientèle. Parlons simplement de la communication, entre autres, des personnes psychiatrisées qui sont sourdes et muettes, dont le problème fondamental, finalement, était le manque de communication, et que l'on fasse peu de cas de la mention qui leur a été faite qu'il aurait peut-être été important de développer une recherche en communication pour les personnes psychiatrisées. Peut-être que c'était là un des problèmes qui faisaient en sorte qu'on vivait des régressions profondes chez ces personnes parce que ce n'était peut-être pas un problème médical en premier lieu, mais un problème de communication fondamental qui renforçait le problème de psychiatrie.

Là où on note une contradiction importante, c'est en ce qui a trait à la nomination par les conseils régionaux des "ombudspersons". Évidemment, on voit cela comme un pas en avant, si on peut parler ainsi, par rapport à ce qui se fait pratiquement dans le réseau actuellement. Ce qui nous inquiète, c'est que le rapport laisse les choses en place. On note qu'un des grands problèmes de qualité de vie dans les milieux se retrouve souvent dans les hôpitaux psychiatriques de grande envergure. On laisse la situation telle qu'elle est, c'est-à-dire que les personnes ont été nommées par les conseils d'administration, et sous l'autorité fonctionnelle de ces conseils d'administration, mais on dit: Pour les autres, cependant, cela pourrait aller au CRSSS.

Quant à nous, II ne nous serait jamais venu à l'idée de nommer des vérificateurs sous l'autorité fonctionnelle d'un trésorier d'une compagnie. On croit que c'est une question de confiance qu'on doit avoir dans les personnes qui sont nommées pour défendre les droits. II n'est absolument pas question de maintenir le système tel qu'il est actuellement à la lumière de la pratique. Il n'est pas question, non plus, pour nous, de maintenir ce genre de système à l'intérieur du réseau. On croit que ce genre de système devrait être parrainé, si on peut dire, par un organisme indépendant qui aurait toute l'autonomie nécessaire pour revendiquer la défense des droits des personnes.

Pour le reste, ce qui nous apparaît, finalement, comme un élément probablement positif - on mentionnait tantôt toute la question de la reconnaissance des ressources alternatives - c'est que, plus loin dans le rapport Harnois, on reconnaît l'enseignement et le développement de formes nouvelles d'interventions et de pratiques, entre autres, en ce qui a trait aux groupes de femmes en santé mentale. On sait que les groupes de femmes ont développé depuis un certain temps une approche non médicale, une approche de soutien, de coopération collective. On regrette que, dans le rapport Harnois, on ne retrouve pas ce genre de méthodologie qu'on devrait développer à l'intérieur même du réseau, c'est-à-dire apprendre des approches nouvelles pour intervenir dans d'autres milieux. On croit qu'il y aurait place, justement, pour ce genre de développement d'initiatives et d'approches nouvelles à l'intérieur du réseau.

Comme dernier élément - on y reviendra à la période de questions - on mentionne que toute la question de l'approche socio-environnementale est, finalement, abordée dans le dernier chapitre. On ne peut pas dire qu'on est contre; au contraire, on est, au moins, content que soit abordée, bien que tardivement, toute la question de la santé mentale des personnes âgées, des jeunes et des femmes.

Sur la question du groupe d'experts, finalement, là aussi, on note une espèce de contradiction, d'après nous. On croit qu'il y a une expertise dans le milieu des ressources alternatives, des parents, des intervenants et qu'un tel groupe d'experts, encore là, serait pour nous, en ce qui a trait, notamment, à la question de la désinstitutionnalisation, déconnecté de la réalité. Nous serions plutôt tentés de parier de tables de concertation avec les différents intervenants pour que ce soit véritablement une approche collective suivie par tout le monde.

Dans ce sens-là, on préfère de beaucoup l'approche qui a été développée, entre autres, sur la déficience intellectuelle, par le groupe ministériel de travail, il avait vraiment une approche collective de partenariat élargi, faisant en sorte qu'au lieu de vivre des oppositions entre les différents groupes on avait une tentation de concertation entre les différents groupes et, finalement, une garantie mieux assurée d'arriver à un projet de réalisation des volontés politiques en santé mentale.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier le Syndicat canadien de la fonction publique pour son mémoire sur le projet de politique de santé mentale. Vous avez soulevé plusieurs questions; je n'ai peut-être pas toutes les réponses ici. Évidemment, l'objet de la consultation, c'est, d'abord, de voir si c'est un projet de politique qui répond, quand même, à la réalité et qui est capable de faire un consensus suffisant pour qu'on élabore davantage en ce qui a trait, par exemple, au plan d'action, aux priorités qui pourraient être retenues, ainsi de suite. Il y a juste quelques points particuliers sur lesquels je voudrais revenir, par exemple, votre préoccupation quant aux responsabilités des différents ministères en ce qui a trait au domaine de la santé mentale ou à la prévention en santé mentale. On peut penser au travail, on peut penser à l'éducation ou même à l'habitation qui, fournit des conditions de vie parfois tolérables, d'autres fois, Intolérables qui agissent aussi sur la santé mentale. Pour nous, c'est une dimension qui est importante. Comme vous le savez, dans d'autres secteurs où on essaie de créer cette responsabilité interministérielle, si on peut dire, cela demande souvent autant de changements d'attitudes que parfois cela peut en exiger dans le réseau lui-même ou dans le champ de l'action lui-même entre les différentes personnes qui Interviennent dans le secteur de la santé mentale. Mais c'est une préoccupation réelle que, d'ailleurs, vous retrouvez à l'intérieur du rapport.

Dans votre mémoire - et vous y êtes revenus tout à l'heure lorsque vous avez présenté un résumé de votre mémoire - vous faites une dichotomie très prononcée entre ce que vous appelez l'approche médico-nursing et l'approche aide et assistance ou encore l'approche biologique versus une approche d'aide et d'assistance. En ce qui a trait à l'approche médicale, plusieurs intervenants sont venus ici et nous ont dit: On a trop tendance à médicaliser la santé mentale, les problèmes de santé mentale. Il faut chercher à s'en éloigner. Je me demandais si vous pouviez développer davantage votre vision de cette approche axée sur l'aide et l'assistance.

(10 h 30)

M. Morin: Voici ce qui nous apparaît comme une contradiction; si on prend un exemple précis de ce qui se développe comme ressources dans la communauté, on a des personnes psychiatrisées qui ont le même degré de difficultés que des personnes parfois qui vivent à l'intérieur du milieu hospitalier. On le sait, d'ailleurs, on le dit à grands cris qu'il y a beaucoup d'autres personnes qui pourraient vivre dans la société n'eût été le manque de ressources. Or, on regarde ce qui est développé comme ressources dans la communauté et généralement les ressources qui sont développées sont des intervenants en milieu résidentiel, des intervenants communautaires. Ce sont généralement des ressources toujours, évidemment, avec un suivi peut-être un peu plus lointain d'un psychiatre, d'un psychologue ou de ressources professionnelles. Mais ce sont toujours des ressources d'assistance et d'aide pour affronter les problèmes de la vie quotidienne et pour donner un soutien par rapport aux problèmes de la vie quotidienne.

 l'inverse, en milieu hospitalier général, c'est en dernier lieu, finalement, qu'on développe cet aspect ou cette partie. Je reviens à l'exemple que je mentionnais tantôt. On le vit très concrètement. On a des personnes psychiatrisées qui sont sourdes et muettes entre autres. On a pris longtemps à comprendre l'Importance, tout simplement de leur apprentissage à un langage gestuel, entre autres, vu qu'elles n'étaient pas comprises, lorsqu'elles essayaient de s'exprimer, la seule forme d'expression qu'elles avaient, c'était la révolte. À partir du moment où on pouvait arriver, avec un langage gestuel, à leur faire comprendre un certain nombre de choses, on atténuait une partie de leurs douleurs et elles arrivaient à comprendre. Donc, ce sont des formes d'assistance.

Ce n'est pas qu'on trace une séparation ultime; on croit qu'il y a un domaine où le champ médical doit intervenir - c'est assez évident dans un certain nombre de cas, on l'a dit aussi dans le mémoire - et il y a le domaine des soins infirmiers aussi. Alors que tout le monde s'entend pour dire qu'on doit essayer de développer davantage de modèles d'assistance ou d'intervention, pratiquement lorsqu'on regarde ce qui se développe comme mécanismes à l'intérieur des milieux actuellement, on renforce tout ce qui est pratique médicale. Alors, on revendique plus de psychiatres, on revendique davantage d'infirmières en milieu pyschiatrique. En tout cas, dans ta pratique, ce que nous disons, c'est qu'il y a de la place pour l'ensemble de ces intervenants et pour une multfdisciplinarité. Il ne nous apparaît pas évident qu'on renforce toute la dimension d'intervention sociale à l'intérieur des milieux hospitaliers, d'aide et d'assistance, le mécanisme de compréhension des problèmes à la source que ces personnes ont vécus soit face à leurs proches, soit face à leur milieu, et qui les conduiraient éventuellement à une possibilité de réinsertion sociale.

Alors, on les brise. On leur donne un modèle où ils vivent avec l'infirmière, te médecin et le psychiatre et où, finalement, ils ne reçoivent que des soins de base par le reste de la catégorie des intervenants. Quand ils font le saut dans la communauté maintenant, ils ont une panoplie d'intervenants sociaux qui sont en mesure de répondre davantage à leurs problèmes dans la communauté. On croit que c'est la coupure qui existe. Lorsqu'on parle d'ouverture du réseau sur la réalité, si cela veut dire que maintenant on va tirer profit de ce qui se passe dans les ressources alternatives ou dans la communauté, de ce que tes groupes de femmes font, entre autres, comme modèles d'Interventions, cela veut dire que le réseau est capable de

faire sa propre critique et de dire: II y a peut-être moyen d'apprendre à partir des modèles d'intervention plus spécifiques qui apportent davantage aide et assistance. Développer, entre autres, le langage gestuel, je ne crois pas que ce soit le propre d'un médecin ou d'une Infirmière. Cela peut être fait par tout le monde. C'est le propre d'un certain nombre d'intervenants sociaux qui peuvent aider le reste des autres Intervenants sociaux dans cette mécanique.

Nous trouvons que, dans les faits, le rapport mentionne qu'il y a cette compartimentation des tâches, cette espèce de hiérarchie dans laquelle on retrouve une panoplie d'Intervenants et ceux qui sont à la base qui font les soins directs, mais nous ne retrouvons pas un mécanisme qui fait en sorte de dire: Bien, écoutez, on va essayer de développer l'ensemble de ces partenaires à l'intérieur des ressources actuellement dans un nouveau modèle d'intervention collectif. Nous ne sentons pas cela dans le rapport. Au contraire, nous avons l'impression qu'on demande davantage encore de psychiatres et davantage d'infirmières alors qu'on dit qu'il en manque, des infirmières, entre autres, dans les hôpitaux généraux. Nous considérons qu'il y a suffisamment d'intervenants dans le réseau actuellement, mais qu'on ne les utilise pas comme ils sont utilisés ailleurs dans des ressources où leur contribution est riche d'expérience.

Mme Lavoie-Roux: Si je vous comprends bien - je ne voudrais pas mal vous interpréter - s'il y avait tel montant d'argent supplémentaire à investir dans le domaine de la santé mentale, d'après la conclusion que vous venez d'énoncer - ce n'était peut-être pas une conclusion, mais enfin - dans les institutions psychiatriques où il y aurait suffisamment de ressources, ces ressources additionnelles devraient être davantage mises à la disposition soit de ressources communautaires ou encore de ressources qui s'Intéressent davantage à la réinsertion directe.

Je ne veux pas dire que les gens qui sont dans les institutions ne s'y intéressent pas, mais je veux parler d'une façon pragmatique, dans le quotidien, de ceux qui s'intéressent davantage à la réinsertion sociale des gens et à leur donner le soutien ou à mettre à leur disposition des ressources, soit pour l'intégration au travail ou à la communauté. Est-ce que c'est là que vous mettriez l'accent?

M. Morin: Ce n'est pas exactement cela. Je crois que c'est une dimension importante. Ce que je voulais dire, c'est qu'on a l'impression qu'on dit: II y a les ressources alternatives qui ont tel modèle. C'est bien, on va le leur laisser. Dans le réseau, on va conserver notre modèle. Ce qu'on veut plutôt dire, c'est que le réseau aurait Intérêt, lui aussi, à l'intérieur même de ses propres structures, s'il y a des sommes d'argent à mettre... A priori, souvent, on pense qu'il faut ajouter plus de psychiatres, plus de personnel d'encadrement dans les soins infirmiers, plus d'argent dans la recherche. C'est peut-être une certaine nécessité. Mais, pour nous, s'il y a de l'argent à mettre, s'il y a de la recherche à faire, évaluons, entre autres, la réussite particulière d'un certain nombre de groupes dans le domaine de l'intervention de santé mentale. Évaluons le mode d'organisation que ces personnes se sont donné, le type d'intervenants qu'elles se sont donnés.

On connaît beaucoup de ressources alternatives qui ne disposent même pas d'un psychiatre et qui ont, quand même, un taux de réussite de maintien dans la communauté qui est important. Ce n'est pas qu'on dénigre le fait qu'il doit y avoir un psychiatre. Mais on recherche constamment une solution à un niveau scientifique ou médical élevé, alors que, très souvent, ce que nous vivons dans la pratique, c'est qu'un simple intervenant, qui dispose d'un DEC en sciences humaines, a tout simplement pensé que peut-être la communication serait une bonne chose, il n'est ni médecin ni très développé, mais il a développé par lui-même, bénévolement, ce type de truc et, finalement, les gens ont découvert que, oui, cela ne prenait pas un psychiatre de plus ou bien beaucoup de choses de plus. Cela prenait un certain Investissement dans le langage gestuel auprès de cette clientèle. Même si cela a coûté un certain enseignement à court terme et de le communiquer à tous les autres Intervenants du groupe par la suite, on a bénéficié d'une communication formidable avec la clientèle du milieu.

Ce qu'on dit, c'est qu'on ne doit pas avoir un réseau avec un modèle et des ressources qui en ont un autre. On doit aussi, si on veut s'ouvrir sur la communauté, apprendre du modèle des ressources. Je pense que si on avait étudié... Et on le dit dans le document - c'est ce qui est paradoxal - que les groupes de femmes, entre autres, ont un modèle, des formes nouvelles d'approche. Mais on ne dit pas que, dans le réseau, on doit avoir des formes nouvelles d'approche, qu'on doit investir, notamment, dans le travail d'équipe, que l'équipe, c'est un atout, c'est une ressource pour la personne psychiatri-sée à l'intérieur d'un milieu institutionnel et qu'elle doit être composée de différents types de connaissances et d'acquis.

Mme Lavoie-Roux: Un des principes fondamentaux du rapport, qui est même utilisé pour le titre du rapport, c'est la question du partenariat. Si on arrivait à le développer, à le vivre davantage... Parce qu'un mot en soi, cela ne fait pas de magie, non plus. Il ne faut pas s'illusionner. Mais c'est, quand même, un effort afin de faire évoluer tes attitudes pour une meilleure intégration de toutes les ressources qui peuvent entourer une personne qui a besoin de soutien dans le domaine de la santé mentale.

Ne croyez-vous pas qu'il y a là un élément qui permettrait à chacun de faire évoluer ses connaissances et de regarder un peu plus de

l'autre côté de la clôture ce qui se fait ailleurs, etc.? Ne pensez-vous pas qu'il y a là un principe qui pourrait servir de fondement, justement, à ce que vous souhaitez?

Mme Valiquette: Le mot partenariat, je ne sais pas comment il a été choisi, mais je pense que c'est déjà, en partant, une drôle de façon de poser le problème, dans la mesure où on a été appelé, au cours des sept ou huit dernières années, en tout cas, à ma mémoire à moi, à participer à toutes sortes, vraiment à toutes sortes de consultations, d'actions, etc. On nous appelait alors les partenaires pour se rendre compte, à la fin, que ce qu'on avait dit ne comptait pas. Alors, il y a déjà ce mot-là qui nous agace un peu.

Ce commentaire étant fait, Je pense que c'est clair dans le mémoire qu'on vous a soumis qu'on n'est pas fermés à une pratique uniquement dans le réseau et qu'on ne veut pas nous nourrir de nous-mêmes, non plus. Ce qu'on dit, c'est qu'il y a un réseau qui existe actuellement qui a tout intérêt à s'adapter et on est prêts dans ce sens-là à aller voir ce qui se passe ailleurs. De toute façon, les intervenants et les intervenantes qui travaillent dans le milieu présentement, Os vont voir ailleurs.

Je disais cela, il n'y a pas longtemps, ailleurs. Souvent, notre personnel qui travaille, ce sont des gens qui font partie, par exemple, des conseils d'administration de maisons pour femmes victimes de violence ou qui oeuvrent également dans le réseau communautaire de la santé mentale dans beaucoup de cas. Alors, ce sont des gens qui connaissent cela et qui voient ailleurs ce qui se passe, mais à qui on ne permet pas de faire évoluer la pratique qu'il y a actuellement

Ce qu'on dit, c'est: Permettez, au moins, au réseau de s'adapter. On trouve qu'il est déjà un petit peu dépassé. Il y a peut-être des actions qui ont du bon sens, mais permettez-lui de s'adapter. On n'a aucun problème à travailler avec les ressources dans ta communauté.

Mme Lavoie-Roux: Également, je trouve intéressant ce que vous disiez au sujet de l'évaluation de ce qui se fait dans le réseau et de ce qui se fait aussi à l'extérieur du réseau. Comme vous le disiez, il y a des expériences intéressantes qui se sont faites, mais qui ne se transmettent pas facilement parce que les gens ne les connaissent pas ou parce qu'elles n'ont peut-être pas été suffisamment évaluées, non plus, pour justifier, même dans le secteur alternatif ou communautaire, qu'elles soient davantage répandues. Je pense que des deux côtés, II faut faire une évaluation un peu plus rigoureuse des types d'interventions qui sont faites et des résultats que ces interventions peuvent apporter.

En ce qui a trait à l'ombudsperson", tout le monde qui s'est présenté ici ou à peu près s'est interrogé non pas sur le principe même, mais sur l'endroit où il devrait être rattaché et sur ta façon dont il devrait fonctionner, etc. Je pense qu'on va devoir l'examiner d'un peu plus près.

Sur la question de ta formation, il y a également plusieurs Intervenants qui sont venus Ici et qui nous ont fait part de la nécessité de penser à la formation non seulement pour - vous l'avez mentionné - les gens qui sont à l'intérieur du réseau et pour certaines catégories de professionnels à l'intérieur du réseau, mais de l'étendre à tous ceux qui travaillent auprès des malades et même de déborder possiblement à l'extérieur auprès des personnes qui jouent un rôle dans la communauté.

J'aurais d'autres questions à vous poser, mais je vais laisser la chance à mes collègues. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Merci d'être ici ce matin. Cette discussion que vous aviez avec la ministre et vos explications sont quelque chose d'Intéressant, à mon avis. Je pense que cela vaut la peine de les poursuivre encore un moment.

Dans votre mémoire, à la page 5, vous dites: "L'intervention en santé mentale doit-elle encore privilégier le contrôle des comportements dits déviants ou doit-elle s'orienter vers des interventions d'assistance, d'aide et de changements des conditions de vie à la source?" Vous mentionniez les expériences vécues dans les groupes communautaires ou dans les groupes alternatifs, comme on les appelle, en sachant que plusieurs ont dit qu'on n'avait pas fait une grande distinction entre les deux dans le rapport Harnois. On semblait même vouloir tes agglomérer les uns aux autres, de sorte qu'il y a des groupes qui ont mentionné l'utilisation de gens déjà en difficulté dans le passé et qui ont, si vous me permettez l'expression, réussi à s'en sortir. Ces gens veulent en aider d'autres à le faire. Ils se sont sentis un peu mis de côté par le rapport Harnois.

Votre texte indique ce que plusieurs ont déjà dit, d'ailleurs, c'est qu'on a médicalisé l'ensemble du secteur de la santé mentale. Il faudrait s'en sortir et arriver à utiliser l'expérience en dehors du réseau pour faire évoluer le réseau, tout en permettant aux groupes alternatifs et communautaires de fonctionner. À partir de votre expérience dans le milieu, j'aimerais que vous nous donniez des exemples de cas où II y a eu des difficultés justement parce qu'on a trop basé l'intervention sur le psychiatre en particulier qui, comme vous le dites dans votre mémoire, a parfois moins de contacts avec la personne en difficulté. Dans ce contexte, dites-nous comment vous voyez le changement que vous souhaiteriez à l'intérieur du réseau.

M. Morin: II y a toujours plusieurs cas qu'il est tentant de citer, mais je reviens toujours à une expérience parce que j'ai actuellement la chance de travailler là et parce que c'est peut-être aussi ce qui est le plus évident. Pendant longtemps - on ne se le cachera pas - une personne qui avait des troubles psychiatriques et qui avait des problèmes de communication parce qu'elle était, disons, sourde et muette, on disait qu'elle avait des problèmes d'agressivité. Ce qu'on a fait longtemps à un des clients avec qui je travaille, c'est qu'on l'a abondamment nourri de lithium. Il est évident qu'il n'avait plus de problèmes de comportement. Quand vous êtes sur le lithium, vous êtes passablement zombie; excusez l'expression, mais c'est ça. Cela a pris un certain temps, mais un Intervenant dans le groupe, entre autres, qui a fait énormément de recherches sur le problème, a décidé que peut-être, s'il pouvait apprendre le langage gestuel, il pourrait apprendre à contrôler, par la suite, un certain nombre de problèmes. (10 h 45)

On est maintenant dans la situation où, effectivement, on a réussi à convaincre le psychiatre qu'on pouvait essayer de laisser tomber le lithium pour tenter l'approche de communication. Maintenant, sans lithium, sans médicalisation, mais, évidemment, avec une certaine période de désintoxication, quand même, parce qu'on n'arrête pas cela facilement du jour au lendemain sans qu'il y ait de conséquences, on s'est rendu compte que, peut-être après 20 ans, en étant capable maintenant d'exprimer ses besoins à partir du langage gestuel, pas toujours dans un langage très élaboré, on pouvait diminuer de moitié les troubles de comportement et l'agressivité de cette personne, qui étaient fondés sur le fait qu'elle n'était pas comprise par nous, ni par son entourage et qu'elle n'arrivait pas à faire comprendre ses besoins à son entourage. C'est le modèle d'intervention qu'on va retrouver souvent dans les ressources alternatives et le problème n'était pas long à comprendre, évidemment, la personne reste avec d'autres troubles psychiatriques et probablement avec un besoin occasionnel de médication, mais beaucoup moindre que ce qu'il était, parce qu'on a rapidement compris qu'une des sources de régression constante ou de crise d'anxiété et d"acting ouf profond que cette personne-là vivait, c'est parce qu'elle ne pouvait pas communiquer. On rencontre cela souvent dans le milieu. Quand on dit genre d'approche, c'est qu'il n'a pas fallu une recherche à 300 000 $ pour comprendre le problème. Il a suffi qu'à un moment donné un psychologue écoute ce qu'un éducateur, une éducatrice et une infirmière avait à dire, soit: Écoute, je crois que cette personne-là irait mieux avec un peu de communication. Finalement, avec la pratique elle-même, on s'est rendu compte que cela pouvait se faire.

De là revient à peu près la constante qu'on a dans notre mémoire: oui à la recherche, mais il faut qu'elle soit axée sur la bonne chose. Prenons des exemples. On a donné des subventions formidables pour la recherche en pédopsychiatrie parce que c'est un phénomène important. Dans certaines institutions, la composition pédopsychiatrique, avec de telles subventions, est maintenant d'environ 5 % ou 6 % et 300 000 $ ont été octroyés pour une recherche sur la pédopsychatrie. Mais qu'est-ce qui arrive des 600 autres adultes qui ont des troubles psychiatriques et qui bénéficient d'une recherche d'environ 10 000 $ OU 15 000 $?

Je trouve formidable qu'on parie dans le rapport Harnois de donner des orientations aux organismes subventionnaires pour décider là où il y a des priorités à mettre, mais qu'on les identifie d'avance. Pour nous, ce n'est pas suffisant de dire: On va donner des priorités, mais lesquelles va-t-on donner éventuellement? C'est cela qui nous apparaît important là-dedans: on n'est pas toujours à l'écoute du milieu. Quand on dit: Apprendre les ressources alternatives, c'est allez faire une recherche dans des groupes alternatifs et vous allez voir qu'il y a des pratiques, il y a des méthodes d'écoute et des moyens qui sont mis à la disposition des personnes qui sont là, qu'on aurait intérêt à développer nous-mêmes.

M. Jolivet: Quand vous dites: Être à l'écoute de milieux autres que le réseau, cela implique que vous ayez, à l'intérieur du réseau, des moyens de vous mettre en contact les uns avec les autres, c'est-à-dire un comité, un organisme ou peu importe comment vous allez le former. Qu'est-ce que vous proposez pour que le psychiatre soit à l'écoute de l'infirmière d'une certaine façon, de la personne qui est en contact direct avec l'individu, de l'ensemble multidisciplinaire des intervenants auprès d'une personne en particulier? On parlait, dans des groupes alternatifs, des gens qui s'installaient avec la personne et qui essayaient de découvrir ses besoins et, après cela, d'y répondre. Il fallait que les gens aient une certaine forme d'humilité quant à leurs fonctions pour dire: Je suis là pour aider une personne et non pas: Je suis là pour lui dicter ce qui doit être fait. Les gens arrivaient à mettre en place un programme pour un service Individualisé en tenant compte des besoins. Qu'est-ce que vous proposez dans le réseau? De quelle façon le voyez-vous, eu égard au rapport Harnois lui-même?

Mme Valiquette: Je voudrais juste revenir sur l'une des choses qu'on dit traditionnellement depuis déjà de nombreuses années. Je pense que l'une des conditions - parce que là, on parle du réseau spécifiquement - pour que cela se produise, c'est qu'il y ait assez de gens pour pouvoir le faire. Je vais revenir encore sur la question. Que ce soit des foyers pour personnes âgées, des

foyers pour jeunes ou des hôpitaux psychiatriques, il faut qu'il y ait assez de gens pour pouvoir faire cela. Actuellement, on a difficilement la possibilité de prendre le temps de faire cela C'est la première chose.

La deuxième, c'est qu'il faudrait qu'il y ait un peu plus de souplesse, peut-être, entre ce que nous faisons quotidiennement dans nos établissements et ce que le psychiatre peut penser qu'on devrait faire quand cela fait déjà un bout de temps qu'il n'a pas vu les gens ou quand il n'est tout simplement pas venu les voir.

Troisièmement, comment pourrait-on communiquer? Il y a déjà des mécanismes informels de communication avec le réseau communautaire. Je ne sais pas comment on peut formaliser tout cela, mais je ne pense pas qu'il faille créer une autre espèce de superorganisme dans lequel on va "s'encarcaner" et d'où on ne sortira pas. Il faut qu'il y ait une place pour qu'on puisse bouger, un certain espace. Ce n'est pas comme compter des microbes sur la lamelle au laboratoire. C'est vraiment un endroit où il faut qu'on puisse bouger un peu. Donc, pas de mécanismes qui vont nous étouffer, non plus. Je ne connais pas le moyen de la formaliser un peu plus qu'elle ne l'est, mais elle existe déjà, cette communication. Peut-être que Serge voudrait compléter sur cela.

M. Morin: Il a été un temps où on a développé beaucoup ce qu'on appelle soit l'équipe multidisciplinaire ou même le travail d'équipe où tous tes différents intervenants, psychiatres, infirmières et même parents, et occasionnellement te bénéficiaire, étaient assis autour d'une table et profitaient de la situation pour vraiment faire un tour d'horizon sur les meilleurs moyens d'agir et tes objectifs à atteindre vis-à-vis de ce client. C'est une pratique qu'on a vue se développer un certain temps, mais qu'on revit de moins en moins, car on a de moins en moins de temps pour le faire. Même si on dit sur papier qu'il doit y avoir ce genre d'initiative, c'est une pratique qui disparaît graduellement ou qui est très occasionnelle ou qui se fait paradoxalement pour les clients, comme on dit, qui sont plus problématiques. Quand un client pose assez de problèmes, là on dirait que cela déplace assez de monde et tes gens vont s'asseoir. Mais le client qui fonctionne bien et qui n'a pas de problèmes, lui, il n'a pas la chance d'avoir ces rencontres en général. On est obligé d'y aller par ordre de priorités en fonction des personnes qui posent des problèmes. C'est dû à un manque de ressources ou à un manque de volonté, mais c'est une pratique qui disparaît.

L'autre élément, sans créer, comme le mentionnait Louise, de superorganisme, c'est que c'est incroyable de voir comment il est difficile dans le réseau et dans le milieu hospitalier, entre autres, de faire venir sur le terrain même des pratiques existant ailleurs et de profiter de l'occasion pour dire: Bon, aujourd'hui, on a un colloque à tel établissement ou on a une ren- contre de formation et on va discuter des Initiatives de la maison X ou de telle ressource qui a une expertise particulière, en tout cas, un modèle ou une approche à discuter et engager une discussion avec les intervenants du milieu. On dirait que cela crée une espèce de provocation parce que le modèle est tellement différent, il y a tellement de complicité entre les Intervenants, II y a tellement de travail d'équipe que, finalement, le psychologue, qui a beau avoir une maîtrise à trois étages, dans une ressource alternative, va s'asseoir avec un éducateur de la rue, avec une infirmière qui a décidé de travailler là. Louise l'a mentionné précédemment: II y a beaucoup de nos gens qui, même si cela peut occasionner une diminution de conditions de vie et de conditions de travail en termes salariaux et autres très Importantes, vont préférer travailler dans des ressources où on a au moins le sentiment d'un travail d'équipe et d'écoute que de demeurer à l'Intérieur du réseau. Finalement, à un moment donné, tu restes à l'intérieur du réseau parce que, bon, tu ne peux pas le quitter parce que tu ne peux pas te payer le luxe d'une diminution aussi importante. Mais les gens vont quitter pour travailler SO ou 60 heures dans des ressources alternatives très souvent parce que les conditions sont différentes. Je pense que le réseau a intérêt, s'il veut vivre une transformation Importante, à véhiculer de tels modèles.

M. Jolivet: Ma question arrivait à cette partie finale. Est-ce qu'il y a un antagonisme tel que, finalement, on considère les ressources alternatives comme étant quelque chose de moins sérieux que ce que te réseau peut donner et, dans ce contexte, est-ce que des gens les regardent du haut de leur grandeur plutôt que de travailler avec elles?

Mme Valiquette: Comme on le mentionnait dans la présentation au tout début, on n'est pas en guerre avec tes ressources alternatives et communautaires. La seule mise en garde qu'il faut faire...

M. Jolivet: Faites attention, je ne parle pas de votre organisme comme tel; je parle de l'ensemble du réseau.

Mme Valiquette: L'ensemble du réseau, non plus. Je pense qu'on se veut le porte-parole au moins des 16 000 membres qu'on représente. Alors, il n'y a pas de guerre avec ce monde. Au contraire, en dehors du milieu de travail, il y a même des grandes affinités. Ce qu'il faut voir - et c'est là le grand défi de la politique de santé mentale - c'est comment on va réaliser l'équilibre entre le réseau et les ressources communautaires. On faisait la mise en garde de ne pas s'enligner vers te privé à but lucratif. Je pense que c'est toujours là et c'est toujours vrai. Mais comment s'enligner? Actuellement, le communautaire ne peut pas survivre de fois en

fois. Le budget est précaire. Ils sont toujours pris. Ils doivent, d'ailleurs, avoir des problèmes, à un certain moment, de "burnout" sérieux à chercher des ressources et à essayer de travailler avec ce qu'ils ont.

Donc, on dit: II faut tes reconnaître pour ce qu'ils sont pour les financer comme tels et reconnaître les pratiques qu'ils ont il ne faut pas, non plus, à l'inverse, tout basculer de ce côté. Je pense qu'il y a un équilibre à réaliser entre les deux et cet équilibre va être possible dans la mesure où on va permettre au réseau de s'adapter, d'une part, et où on va, d'autre part, s'assurer - je pense que les voix doivent être unanimes là-dessus - que les groupes qui seront financés pourront offrir qualité de service et sérieux. De façon générale, ceux qu'on connaît, ceux avec qui on a des contacts, on considère que ce sont des groupes très sérieux qui méritent tout à fait cela. Mais il en pousse partout et la thérapie, de je ne sais pas quel nom, qui sort la semaine prochaine, peut-être qu'avant de la financer il faudra y regarder à deux fois. Je pense que cela fait partie de vos préoccupations aussi. Mais ce sont des préoccupations sérieuses. Je cherche le terme français pour dire "scraper". Ce n'est pas nécessaire de "scraper" le réseau au complet pour cela. Il y a une place pour les deux. Dans la tête des gens, le réseau de la santé et des services sociaux, malgré ses déficiences actuellement et particulièrement en santé mentale, inspire, quand même, aux gens un sentiment de sécurité présentement, pour beaucoup. Il faut qu'il en reste un peu.

M. Jolivet: On a vécu une vague de désins-titutionnalisation. On a vu aussi des gens se retrouver, toujours entre guillemets, dans une vie plus normale, dans une vie plus proche de la réalité, du monde habituel. Dans ce contexte, il y a eu des problèmes parce que des gens se sont retrouvés en dehors de l'institution, sans aucun soutien. Il est arrivé des groupes alternatifs, des groupes communautaires. Vous faites mention dans votre texte qu'une table de concertation des différents groupes impliqués dans un projet de désinstitutionnalisation serait préférable à la mise sur pied d'un groupe d'experts.

Je rappelle la recommandation 30 du rapport Harnois où on dit: "Que la ministre de la Santé et des Services sociaux procède à la création d'un groupe pluridisciplinaire d'experts chargé de: conseiller les établissements dans l'aménagement des conditions de réussite pour l'ensemble des personnes visées; recommander aux autorités locales, régionales et nationales les actions à entreprendre pour éliminer ou réduire les difficultés de réalisation de la désinstitutionnalisation.' Dans ce contexte, j'aimerais vous entendre sur ce que vous dites, soit qu'une table de concertation est préférable à la mise sur pied d'un groupe d'experts. J'aimerais connaître par le fait même qu'elle est la position des organismes syndicaux dans tout le processus de désinstitu- tionnalisation.

M. Morin: Je vais essayer de vous résumer cela rapidement. Je crois que c'est vous-même qui le mentionniez au début. Je reviens à cet exemple qui me paraît très approprié. Il y a souvent des gens qui avaient des problèmes. Ils ont rencontré d'autres gens qui avaient surmonté leurs problèmes et cela les a aidés. Tantôt, on parlait d'apprendre des ressources alternatives, même de changer nos pratiques dans le réseau. Quand tu as un problème de délinquance avec troubles psychiatriques associés et que tu travailles avec des gens qui ont l'air bien ordinaires comme toi et que ce ne sont pas des personnes qui viennent d'en haut, peut-être que le jeune va surmonter ses problèmes parce qu'il va avoir confiance en la personne qu'il a à côté de lui.

Quand on parle de désinstitutionnalisation et qu'encore là on essaie de greffer un groupe d'experts, ce que nous disons, c'est qu'il y a des gens qui, tous les jours, sont devenus des experts par l'expérience. Ils ont réussi. Ils ont été les moteurs d'une certaine réinsertion sociale et ont été confrontés à des obstacles. Ils peuvent vous mentionner les obstacles qu'on rencontre. Pas besoin, comme le dirait M. Vachon, d'un dictionnaire pour comprendre cela. Quand tu es avec un ex-psychiatrisé qui a été en institution longtemps et qu'on ne lui a jamais expliqué la question de la sexualité, qu'il a 25 ans, qu'il s'en va dans la communauté, qu'il y a des films pornographiques à tous les coins de rue et qu'il pense que c'est ouvert à tout le monde, qu'il va là-dedans, voit comment cela se passe, décide que c'est comme cela que ça marche et qu'il s'en va dans la communauté comme cela, pas besoin d'un expert pour comprendre cela. Tu vols avec la personne qui vient de sortir qu'elle n'a pas eu les mécanismes qu'il faut pour affronter les problèmes. On ne lui a pas expliqué ce qu'était la sexualité, que tu n'allais pas faire cela n'Importe où, n'importe comment et avec n'Importe qui. Ce sont les problèmes réels qu'on rencontre.

Là, on prend un groupe d'experts. Ce que nous disons, c'est que les ressources alternatives ont une expérience. Entre autres, quand un ex-psychiatrisé vit un problème et qu'il s'en va rencontrer un autre membre d'un groupe de soutien ou d'entraide et qu'il explique ses problèmes, elles savent ce que sont les problèmes qu'il affronte quotidiennement. Quand nous Intervenons et que nous faisons de la réinsertion sociale, on connaît les problèmes qu'on rencontre régulièrement de soutien là où ils doivent être. Quand on soulève ces problèmes, on dit: Peut-être qu'ils devraient être écoutés. Si on mettait ce monde ensemble et qu'on parlait du concret avec les ressources appropriées, je suis convaincu qu'on résoudrait un paquet de problèmes. (11 heures)

Mais là, que va venir faire le groupe d'experts? Il va venir encore expliquer que cela prend, sous une forme bien théorique, un paquet de ressources et tout cela. Il est possible de s'asseoir et de faire remarquer le genre de ressources qui sont absentes. Ce n'est pas compliqué. On dirait que le problème, c'est qu'on n'aboutit jamais à ces formules. Qu'on s'assoie, qu'on en discute et qu'on parte de cas concrets.

C'est aussi vrai que très souvent on va discuter avec un psychiatre d'un cas concret. Ce n'est pas par mauvaise foi du psychiatre. Pas sérieux, pas de même, ce n'est pas comme cela que cela se passe! On ne m'avait jamais dit cela! Ah! Bien oui, je veux dire, il est là. Lui, normalement, il a un certain nombre de dossiers, mais il n'a pas le temps de voir les 100 clients dont il est question. Nous, on les voit. Nous, on sait qu'un tel ou une telle, c'est cela le problème qu'ils vont rencontrer. C'est de tel type de ressources qu'ils ont besoin et de soutien.

Nous, on dit: Un groupe d'experts! Mettons des gens ensemble qui ont déjà de l'expérience et du vécu. Assoyons-les autour d'une table et je vous garantis qu'on va pouvoir trouver des solutions, des mécanismes de réinsertion sociale et qu'on va trouver des ressources.

M. Jolivet: Le président me fait mention que mon temps est terminé. J'aurais aimé vous poser une question sur les relations entre la personne que vous appelez client dans votre texte et les parents, les proches qui ont à vivre avec lui le jour où il retourne à la maison ou dans un secteur alternatif ou autre. Il y en aura peut-être d'autres qui poseront ces questions. Je vous dis que c'est l'une des questions qu'il m'Intéressait de vous poser. Je regardais votre texte qui faisait mention, justement, aux pages 5 et 6 de ces étapes où des fois on dit aux gens: SI tu n'es pas content, va-t'en ailleurs. Ce n'est pas la réponse qu'on doit donner à des proches. Je vous remercie pour le moment

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laurier.

M. Sirros: J'ai une question par rapport à un commentaire que vous avez fait et qui se retrouve aussi dans votre mémoire. À un moment donné, vous avez parlé des appréhensions que vous avez face au développement de la pratique privée dans le domaine de la santé mentale. Est-ce quelque chose que vous avez vu dans le rapport Harnois? Qu'est-ce qui vous a fait parler de cela? Qu'est-ce que vous voyez comme développement de la pratique privée dans le domaine de la santé mentale?

Mme Valiquette: Quand je parlais de pratique privée tantôt, je parlais de pratique privée à but lucratif. Il en est fait mention dans le rapport Harnois, mais ce n'est pas précisément pour cette raison qu'on l'apporte. Ce sont des choses qu'on avait présentées déjà au mois de mars dernier au comité Harnois. Il est Important de voir - c'est une remarque qui s'adresse autant à la santé mentale qu'à tout le réseau de la santé et des services sociaux - ce qui arrive pour les pratiques privées à but lucratif. Je pense qu'on a un nombre Important d'exemples vécus tant aux États-Unis que dans d'autres provinces: la médecine des riches et la médecine des pauvres, les cas lourds qui viennent au réseau où II ne se passe pas grand-chose et les cas légers, agréables et Intéressants qui restent dans le privé à but lucratif et on prétend, à ce moment-là, que cela coûte moins cher au privé de faire des bonnes affaires et que cela coûte plus cher dans le réseau public. Je comprends que cela coûte plus cher, ce sont tes cas les plus lourds qui y sont. Finalement, à long terme c'est toujours la population qui est perdante dans cela.

Je pourrais vous renvoyer facilement au rapport du comité sur la réinsertion sociale des personnes présentant une déficience intellectuelle qui a fait une étude à ce sujet. Je pourrais vous en parler longuement, chiffres à l'appui. Je n'ai pas le rapport avec moi, mais c'est dans cette perspective qu'on dit cela. Évidemment, on considère le communautaire comme du privé, mais ce n'est pas du privé à but lucratif. Ce sont des groupes, il faut le répéter, qui ont leur place également, qu'il faut reconnaître et qu'il faut financer. Nous sommes contre tout ce qut va s'appeler privé à but lucratif à cause des abus et à cause des expériences vécues.

M. Sirros: Je voulais plutôt m'assurer que c'était par appréhension que vous aviez parié de cela et non pas en réaction à des expériences que vous avez vues se développer sur le champ. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je vais commencer par...

Le Président (M. Bélanger): Est-ce que vous voulez remercier le groupe?

Mme Vermette: Au nom de ma formation politique, je veux vous remercier. Malheureusement, je n'ai pas pu entendre tout votre mémoire. Ce qui est important en fin de compte, c'est que les gens se penchent sur le problème de la santé mentale et qu'on arrive à trouver des solutions favorables à l'ensemble de la population québécoise. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Encore une fois, je voudrais vous remercier pour votre présentation. J'aimerais, au passage, vous dire, puisque vous

vous êtes interrogés sur la place, par exemple, des syndicats à l'Intérieur de ce comité d'experts s'il devait être mis sur pied que je pense qu'un tel comité ne pourrait être mis sur pied sans une participation syndicale parce que, tant à l'intérieur des Institutions d'hébergement, si Je peux dire, que dans d'autres ressources du réseau, vous êtes des personnes extrêmement Importantes.

Très brièvement, sur la question du comité d'experts versus l'expertise locale, je pense que l'un ne contredit pas l'autre. J'ai cru comprendre que vous aviez participé au comité qui a travaillé à l'élaboration du cadre pour la désinstitution-nalisation des personnes qui ont une déficience intellectuelle. Je pense que vous avez travaillé là-dessus, vous avez fait allusion au rapport. Ce type d'expérience, que ce soit pour la déficience mentale ou que ce soit pour les psychiatriques, n'avait pas été nécessairement mauvais. Je pense que, à partir des expériences diversifiées qui ont été faites, on a appris des choses, mais cela a aussi eu comme résultat de créer des problèmes importants. Cette équipe d'experts ne pourrait pas se substituer à t'analyse locale, par les gens qui travaillent localement, de la meilleure façon dont un cadre de référence peut s'appliquer à des Individus. Et il ne faut pas non plus, comme vous disiez tout à l'heure, les "encarcaner" par un cadre général de telle façon qu'il n'y ait plus cette marge de manoeuvre indispensable au plan local pour faciliter une réinsertion sociale. Je pense que les deux doivent exister, mais que l'un ne va pas à rencontre de l'autre; il se veut d'ailleurs un soutien au type d'institutions locales qui est là où l'action se passe et là où les résultats vont pouvoir être analysés en fin de compte. Encore une fois, je vous remercie et nous allons continuer notre réflexion. Merci.

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales remercie le Syndicat canadien de la fonction publique et invite à la table l'Assocation des handicapés de Sainte-Marie de Beauce qui sera représentée par Mme Lyne Pépin, directrice générale, et par Mme Luce Fortin, secrétaire de l'association. Ce groupement aura 30 minutes. Les gens de l'Association des handicapés de Sainte-Marie de Beauce sont-ils ici? D'accord, excusez-moi, je ne vous voyais pas. Vous avez été prévenus que vous avez 30 minutes: 10 minutes pour ta présentation de votre mémoire et 20 minutes pour la période de questions. Je vous inviterais donc sans plus tarder d'abord à vous identifier, présenter votre partenaire, votre porte-parole et nous livrer, en 10 minutes, le résumé de votre mémoire. Je vous remercie.

Association des handicapés de Sainte-Marie de Beauce

Mme Pépin (Lyne): D'accord. Je suis Lyne Pépin, de l'Association des handicapés de Sain- te-Marie, je suis la permanente au niveau de l'association. La personne qui m'accompagne est Nathalie Cloutier. qui est une étudiante stagiaire et qui vient faire un stage chez nous dans le cadre de son travail en assistance sociale. Mme Fortin n'a pas pu être disponible.

En ce qui concerne te rapport, ce que je trouve très intéressant, c'est au niveau de fa sensibilisation pour la santé mentale, je trouve cela superbe. Au niveau de l'"ombusperson", je trouve cela Intéressant aussi. Les progammes de répit, la formation continue, c'est évidemment très intéressant. Reconnaître les dépenses de réadaptation et de réinsertion aussi. La chose que je me demande par rapport à ce qu'on vit, ce que je trouve le plus difficile, c'est que, souvent, on se demande, quand on a un problème concret, si on s'adresse au bon réseau, que ce soit au CLSC, au CSS ou autres. On se demande si on s'adresse au bon fonctionnaire dans la bonne case, parce que, souvent, on est renvoyé d'une personne à l'autre et on se demande si le client répond au programme étalé et si le fonctionnaire qui te répond connaît vraiment les problèmes de tes clients. On est confronté quelquefois à une personne qui se trouve entre la limite des services du CLSC et du CSS; à ce moment-là, on ne sait plus à qui renvoyer cette personne ni à qui demander de l'aide, parce qu'elle se trouve entre les deux. C'est ce qu'on trouve agaçant.

Ce qu'on trouve une grande réussite à notre association, c'est souvent quand ce sont les mêmes intervenants qui travaillent auprès de nos clients. Autrement, quand cela change constamment, que les dossiers des clients sont changés d'un à l'autre à cause de structures spéciales, entre autres les CLSC, le client perd confiance et on n'est plus capable de le récupérer et de faire quelque chose à long terme avec lui.

Un exemple concret qu'on a eu à vivre un moment donné avec l'un de nos clients... Nous avons des résidences d'hébergement. L'une de nos filles, qui est un cas psychiatrique, s'est ramassée à l'Hôtel-Dieu-de-Lévis, et eux disent: Non, ce n'est pas ici qu'elle doit venir, c'est au sanatorium. La fille se ramasse au sanatorium et on dit: Non, non, ce n'est pas ici qu'elle doit venir, c'est à Lévis. Qu'est-ce qu'on fait dans ce temps-là? La personne est en crise, on la ramasse chez nous et on ne sait pas quoi faire avec, parce qu'on a épuisé les ressources qu'on avait.

Un inconvénient aussi dans la région de la Beauce entre autres, surtout à Sainte-Marie, c'est qu'on n'a aucune institution près de chez nous et aucun hôpital, ce qui fait que les services de notre pauvre petite association, on les donne comme on peut, mais on est toujours tout seul, parce qu'on est isolé. Vu qu'on est minoritaire, cela ne prend pas beaucoup d'importance. Quand vous parlez de partenariat et de coopération Intersectorielle, je trouve cela

particulièrement intéressant

Ce que vous dites à un moment donné, c'est que la question de la santé mentale en ce qui concerne les Jeunes, les femmes et les personnes âgées, c'est très important. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais qu'est-ce qui se passe pour ce qui est des personnes qui sont nouvellement accidentées, qui se retrouvent paralysées d'un côté ou qui se retrouvent en fauteuil roulant, ces personnes qui voient tout leur univers basculer et qui deviennent diminuées physiquement et, des fois, ont des problèmes mentaux? Ces personnes, ce ne sont pas des jeunes, ni des femmes, ni des personnes âgées. Sont-elles des extraterrestres? Comment doit-on les classer, celles-là? Dans ce sens-là, Je trouve qu'il y a un peu de ségrégation pour ce groupe de personnes, parce qu'elles se retrouvent handicapées du jour au lendemain. Imaginez-vous en fauteuil roulant ici. Quand vous arrivez et qu'il y a des marches partout, vous ne pouvez aller nulle part. Quand vous arrivez pour solliciter un emploi et qu'il y a des marches, vous dites: Bien non, je ne peux pas aller là, alors, ]e ne vais pas là.

C'est partout.. Quand tu veux aller magasiner, quand tu veux aller... C'est dans ta vie sociale, partout Alors, je pense que cela, ça affecte un peu la santé mentale. Ce qui est important, c'est que, si vous ne les nommez pas dans votre rapport, ces personnes, en ce qui concerne les fonctionnaires, pour eux, si elles ne sont pas nommées, donc, elles ne seront pas prises en considération, parce qu'elles vont toutes dans des petites cases. Cette personne entre dans cette case-là. D'accord, on va s'en occuper. Elle n'entre pas dans cette case. Oh, bien non, on ne s'en occupera pas; elle n'est pas dans la bonne case. S'ils disent que... Ils parient de santé mentale. Bien, quand ils vont voir une personne en fauteuil roulant, ils ne la classeront pas à ce niveau-là. Ils vont dire: Bien non, c'est une handicapée. On ne s'en occupe pas; ce n'est pas ça la priorité, c'est la santé mentale, ils catégorisent toujours comme ça. Ce qu'elles vivent souvent, les personnes en fauteuil roulant, justement, c'est qu'elles sont restées cloîtrées chez leurs parents de 15 à 20 ans; à ce moment, c'est difficile pour eux de les réintégrer en société. En tout cas, je pense que c'est une des causes de leur maladie mentale, ce qui ne veut pas dire que tous les gens en fauteuil roulant souffrent de maladie mentale. C'est complètement Idiot. Mais il y en a qui ont à faire face à ces problèmes.

À un moment donné, vous disiez que pour les organismes communautaires, pour nous donner du soutien, vous iriez jusqu'à donner le double de l'argent qui est déjà investi. Mais, quand on n'en a déjà pas, deux fois zéro, cela fait encore zéro. Je me demandais sur quelle base vous arriviez à en donner, à qui et comment. Par exemple, nous, en ce qui concerne notre association, on a deux maisons d'hébergement qui sont hypothéquées pour aider à faire vivre ces gens-là en société et on a un atelier de travail. Notre principale subvention, c'est Centraide qui nous donne 20 000 $. C'est tout ce qu'on a. Par le fait qu'il n'y a pas d'Institutions et qu'il n'y pas d'hôpitaux dans notre coin, on va s'occuper des gens qui ont des besoins, ce qui veut dire qu'on va se ramasser avec des clientèles psychiatriques, on va se ramasser avec des déficients, des gens qui ont une paralysie cérébrale et des gens qui sont en fauteuil roulant en phase de devenir autonomes en société.

On ne peut pas être casé, parce qu'on s'occupe de toutes les sortes de clients. Donc, à ce moment-là, on va se faire répondre quoi? On a déjà demandé de l'aide à l'Office des personnes handicapées qui nous a répondu qu'on aurait tout simplement à mettre une certaine clientèle dehors et s'occuper d'une clientèle spécifique et que, là, on aurait peut-être de l'aide. Peut-être, mais je pense que, dans le milieu où on est, nous essayons d'aider les gens comme ils sont et avec les bénévoles qu'on a et on ne cherche pas à les mettre dans des cases. Je pense que c'est ça qui est intéressant et que c'est pour ça que nos gens réussissent à parvenir à faire des choses dans la société. Une part de notre temps, pour des organismes comme les nôtres, c'est qu'on recherche à avoir des subventions à droite et à gauche et cela sape énormément d'énergie, surtout quand tu n'as pas de personnel régulier. Cela demande beaucoup de détermination, de courage et de foi, des organismes comme le nôtre, pour lutter constamment pour survivre, parce que, pour nous, le potentiel de nos clients, on le connaît et on sait que cela prend un coup de pouce parfois pour les placer en société.

C'est un peu ce que j'avais le goût de vous dire ce matin.

Le Président (M. Bélanger): Bien. On vous remercie. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier les porte-parole de l'Association des handicapés de Sainte-Marie de Beauce pour leur mémoire. Il est très court, mais je pense que vous venez quand même nous livrer plusieurs de vos préoccupations sur ce qui peut se passer sur le plan théorique et sur le plan pratique. Vous le vivez d'une façon Intensive puisque, dans votre région, pour les personnes handicapées, qu'elles soient handicapées physiquement, mentalement, Intellectuellement ou autrement, les ressources ne sont pas multiples et c'est à force d'efforts d'organismes comme les vôtres que vous finissez par apporter un peu d'appui à ces personnes-là. (11 h 15)

Évidemment, Je pense que votre préoccupation pour les personnes handicapées reliées à la santé mentale se situe davantage dans le domaine de la santé mentale que dans le champ de la santé mentale, selon la distinction qu'en fait le rapport Harnois. Vous nous dites: Vous vous occupez des malades et tout mais nous avons des

gens qui peuvent souvent être l'objet d'une dépression, se sentir vraiment malheureux ou autre parce que le fait, tout d'un coup, de devenir handicapé ou même d'être handicapé au point de départ crée des tensions au plan psychique qui font que les gens peuvent avoir des problèmes d'ajustement Je pense qu'il est bon de nous le rappeler mais il reste quand même que, dans les plans de services que l'OPHQ prépare pour les personnes handicapées qui semblent extérieurement n'être que handicapées physiquement, il doit quand même y avoir des intervenants qui, dans leur approche de ces personnes, se soucient aussi de leur santé mentale. Je comprends qu'elles sont plus souvent isolées parce que leur mobilité est moins grande. Les relations sociales sont donc moins développées. Il y a une foule de circonstances qui créent ces problèmes.

J'aimerais que vous m'expliquiez, en page 3 - comme Je veux laisser à mes collègues le soin de vous poser d'autres questions - la remarque de l'OPHQ. Vous dites que l'OPHQ dit: C'est correct. Si vous voulez être subventionnés, changez de clientèle. Prenez-en une autre et vous aurez de meilleures chances d'être subventionnés. À quoi faites-vous allusion exactement?

Mme Pépin: C'est qu'à un moment donné, dans notre atelier, on en est venu à un point où on avait de la difficulté à le garder en vie parce que cela prenait des Intervenants. On a des bénévoles mais ils s'en vont. Ils ne restent pas parce que cela demande beaucoup d'énergie. À un moment donné, J'ai travaillé pendant six mois comme bénévole, à 50 heures par semaine à peu près. Cela devient lourd un peu, vous savez. Les gens partent et viennent. On avait de la difficulté à avoir du personnel régulier. Quand on a demandé de l'aide à l'Office des personnes handicapées, un agent est venu nous voir. Il nous disait que notre solution serait d'être un SAHT, soit un service d'apprentissage aux habitudes de travail. Pour cela, il faut être rattaché à une institution. Pour nous, l'institution se trouve à Saint-Georges, il y aurait des possibilités sauf que ce fameux SAHT, c'est pour des déficients moyens lourds. Que fait-on alors de nos cas psychiatriques? Que fait-on de nos personnes handicapées qui sont en fauteuil? Que fait-on de nos gens qui ont la paralysie cérébrale? Que fait-on de nos gens qui ont des traumatismes crâniens à la suite d'un accident d'auto? On nous répondait: Ils s'en iront chez eux comme n'importe qui peut être confronté à être dans un milieu sans travail. J'ai dit que ces gens allaient être complètement dégradés et qu'ils allaient se ramasser en institution. C'était complètement illogique. On a été confronté à cela. On n'était pas d'accord et on l'a rejeté complètement.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Merci, M. le Président. En fait, vous pariez d'un volet assez particulier dans votre mémoire et c'est la réalité et la qualité de vie que doivent vivre tes personnes qui ont un handicap, finalement. Plus souvent qu'autrement, on essaie de vendre à tous et à chacun ce beau concept de la qualité de vie mais, quand on arrive dans le concret, c'est très difficile. Cela peut avoir une incidence sur la santé mentale des individus parce qu'ils se retrouvent isolés et qu'ils éprouvent la difficulté à avoir une vie dite normale ou, en tout cas, à la mesure de leurs capacités.

Effectivement, depuis 1985, on attend finalement l'accès aux édifices publics. C'est une bonne loi du gouvernement péquiste qui est en voie de se réaliser mais, avec le changement de gouvernement, on l'attend toujours. Par contre, on savait que tout le monde était d'accord pour que cette politique sur l'accès aux édifices publics puisse être mise de l'avant. Ce serait déjà un bon pas, en tout cas, et cela sortirait sûrement certaines personnes de l'Isolement.

Par contre, en ce qui concerne votre mémoire, vous avez mentionné plusieurs volets, notamment, celui du manque de ressources dans votre région et qui seraient plutôt concentrées à Québec ou dans d'autres villes avoisinantes alors que, chez vous, cela semble plus difficile qu'autrement.

J'aimerais que vous nous expliquiez de quelle façon vous participez aux énoncés de politique en ce qui concerne votre clientèle? Est-ce qu'on vous consulte? Avez-vous le droit d'émettre votre opinion? Est-ce qu'il y a des mécanismes en place pour vous favoriser en raison de votre isolement? Sinon, quel genre de fonctionnement souhaiteriez-vous pour vous permettre de faire valoir vos revendications, justement?

Mme Pépin: D'accord. D'abord, au sujet de nos maisons d'hébergement, nous sommes rattachés aux familles d'accueil. Ce qui fait qu'il y a des gens des services sociaux qui vont collaborer avec nous pour le mieux-être de nos gens, parce qu'on discute de leur plan de services et de leur intégration. Donc, cela va quand même assez bien.

En ce qui concerne tes CLSC, ta barrière est vraiment très forte en ce sens qu'ils n'interviennent pas par rapport à la clientèle handicapée. Ils "priorisent" les jeunes et les personnes âgées. À ce moment, à l'occasion II peut avoir certaines interventions mais c'est très froid. Non pas parce que les Intervenants ne considèrent pas notre problème important, au contraire, mais plutôt qu'ils pensent qu'il y a d'autres priorités ailleurs tout simplement et ils axent cela sur les personnes âgées et les jeunes.

Mme Vermette: Dans vos clientèles cela

s'adresse à qui? Aux adultes de quel âge à quel âge? Il doit sûrement y avoir des jeunes aussi qui doivent présenter des handicaps de même que des personnes âgées. Il y a différentes caractéristiques finalement à l'intérieur des groupes d'âges. On dit qu'actuellement la maladie mentale atteint de plus en plus les jeunes, de zéro à cinq ans, et même des adolescents. C'est phénoménal actuellement en ce qui a trait à l'adolescence. On a fait presque une maladie de l'adolescence. Vous devez sûrement avoir des recours face à ces clientèles.

Mme Pépin: Disons que la clientèle qu'on touche c'est à peu près de 18 à 60 ans. S'ils ne sont pas en hébergement, à ce moment c'est avec les CLSC qu'il faut faire des contacts et essayer de voir des choses. Comme je vous dis c'est très difficile parce que ce n'est pas prioritaire. Donc, ils vont dire: Oui, on va l'étudier, oui, on va regarder cela, mais les réponses dans le concret sont très vagues. C'est plus difficile. Je suis dans le sous-comité de la santé mentale de la table de Beauce-Etchemln, à Beauceville. Cela aide à faire ouvrir des choses et à avoir des contacts avec des intervenants des milieux hospitaliers, etc. C'est très difficile. Nous sommes très Isolés.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je vous écoute et j'aurais des questions particulières à vous poser mais je n'ai pas le temps. Je vous tes poserai le plus rapidement possible. Vous dites: Nous ne sommes pas "priorisés" par les organismes régionaux. Dans le fond, c'est cela. Vous faites appel à ce moment à Centraide et probablement a vos municipalités qui peuvent vous aider et peut-être à votre député qui doit vous appuyer, je l'espère. Dans ce contexte, vous faites certainement des demandes à d'autres instances. Il y a l'Office des personnes handicapées qui petit vous être utile. Je ne sais pas ce que vous avez comme réponse de ces organismes. Normalement, vous avez aussi ce qu'on appellalt autrefois la FOBAS mais à cause du changement de nom du ministère ce n'est plus la même chose. C'était la Fédération des organismes bénévoles du ministère des Affaires sociales du Québec. Il y a un budget quelque part qui sert certainement pour vous. Avez-vous fait appel à ces organismes? Quelles sont les réponses, si ouf, que vous avez reçues?

Mme Pépin: D'accord, la Fédération des organismes bénévoles, à un moment donné, je ne sais pas si c'est le soutien aux organismes bénévoles, je suppose que c'est à peu près la même chose, on avait fait une demande par rapport au maintien à domicile. Sauf qu'ils nous ont refusés parce que nous ne répondions pas aux critères. Pour eux, nous n'étions pas du maintien à domicile. Cette année, nous avons fait une autre demande pour nous aider en ce qui a trait à notre atelier de travail en termes de nous aider en tant qu'organisme communautaire. J'attends la réponse. C'est le député, M. Audet, qui a suggéré d'aller là. En ce qui a trait à l'Office des personnes handicapées, j'ai fait des démarches depuis à peu près deux ans. Je les al relancés constamment. Encore avec eux, on ne répond pas aux critères. Nous avons trop de clientèles diversifiées. Nous, nous ne voulons pas pour notre client installer un téléphone dans son automobile. Ce n'est pas cela que nous voulons. C'est qu'on puisse, par le biais de l'office, avoir des Intervenants pour venir directement dans notre atelier pour aider ces gens quand ils sont en situation de crise et quand ils ne sont pas capables de vivre dans la société. L'Office des personnes handicapées va subventionner des centres de travail adapté et des salaires pour des gens, de l'équipement, des éducateurs dans les écoles au niveau scolaire et ils disent qu'ils ne veulent pas nous aider parce que nous sommes un organisme de services. Je trouve qu'il n'y a pas de logique.

M. Jolivet: Moi non plus. Je trouve qu'il y a quelque part des difficultés de compréhension. Le CLSC, normalement, devrait être un lieu pour aider à amener ces organismes, que ce soit l'Office des personnes handicapées, que ce soit le ministère de la Santé et des Services sociaux par l'Intermédiaire des organismes communautaires, à faire en sorte qu'au moins il y ait quelque chose qui sorte. Centraide va vous aider parce qu'Us considèrent qu'il y a un besoin certainement. Dans ce contexte, Il devrait y avoir d'autres personnes et d'autres organismes qui devraient vous aider.

Je vous poserais une dernière question qui est la suivante: Dans le rapport Harnois on dit que des organismes comme le vôtre devrait aller chercher 10 % du financement dans le milieu. Il est évident que vous me dites si j'ai zéro actuellement multiplié par deux cela va me donner zéro. La ministre, comme nous, à cette question l'autre jour, a dit: II va falloir qu'on regarde l'ensemble et qu'on arrive à faire en sorte qu'il y ait des critères autres que ce chiffre mathématique. Je pense que ce serait la logique même. Mais, vis-à-vis de cela, il me semble qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Alors, j'amerais savoir ce que vous pensez des 10 % à aller chercher dans le milieu.

Mme Pépin: Nous faisons des campagnes de financement occasionnellement. Ce n'est pas un problème d'aller chercher 10 %. C'est une question de survie, notre campagne. Justement, en 1986, on avait un véhicule pour voyager nos gens, parce qu'on n'a pas de service de transport adapté non plus. On est allé chercher 20 000 $ par le biais d'une campagne de financement pour se payer un bus pour voyager nos gens. Ce n'est

pas un problème en soit, aller chercher auprès des clients...

C'est juste que, quand c'est ta base de survie, cela demande tellement d'énergie qu'à un moment donné tu n'es plus capable. À un moment donné, tu lâches tout. Ge n'est pas possible. Il faut que tu prennes des vacances trois ou quatre fois par année, parce que tu n'es plus capable. C'est le fait d'être tout seul et d'avoir tous ces gens-là sur ton dos. Tu veux les aider. Tu sais comment les aider, mais tu n'es pas capable de les aider et cela, c'est extrêmement déroutant. Quand tu vois que tu n'aides pas quelqu'un et que le bonhomme se ramasse en institution, tu ne peux pas le prendre.

M. Jolivet: Surtout que, s'il s'en va là, c'est plus dispendieux pour la société que le service que vous rendez.

Mme Pépin: En plus.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion.

M. Jolivet: Je vais conclure en vous disant que j'espère que ce que vous venez de nous dire va Inciter les gens qui vous écoutent, en ce qui concerne les décisions à être prises, à faire en sorte que vous ayez au moins d'abord, au départ, le moyen de vous faire entendre. Cela en est un aujourd'hui; il devrait en avoir au niveau régional et il me semble que le CLSC devrait être le lieu pour permettre l'expression de vos besoins pour que le CRSSS, les CSS et tous les autres organismes incluant le ministère puissent regarder votre organisme comme étant quelque chose qui est un organisme à but non lucratif, alternatif aux besoins du réseau et que, à ce moment-là, vous soyez aidés, parce que je trouve que - j'ai des groupes dans mon coin qui organisent les mêmes choses - cela n'a pas de bon sens qu'on ne vous vienne pas en aide.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Châteauguay, vous aviez une question?

Mme Cardinal: Merci, M. le Président. J'aimerais savoir si vous ne considérez pas que la problématique des associations comme la vôtre, c'est effectivement d'avoir à répondre à une multitude de demandes étant donné que dans les régions - parce que, moi, j'ai eu à vivre cela - les parents qui y voient une alternative ou une possibilité d'avoir des services ont recours à vous. Moi, j'ai eu même des gens avec cécité, des semi-voyants, pour qui on n'avait pas de services pour répondre, mais dont on devait s'occuper et, effectivement, on n'a pas toujours les ressources du milieu. Également, vous mentionnez, à la page 3, les parents qui ont vécu cette problématique pendant 15 ou 20 ans et qui, subitement, voient cette lueur au bout du tunnel. On vous lance un peu - on vous remet, c'est-à-dire - la problématique entre vos mains. Par la suite, avez-vous la collaboration des parents dans un cheminement pour trouver d'autres alternatives ou d'autres ressources du milieu - je parle toujours du milieu - pour vous aider à trouver des solutions à ces multiples problèmes? Dans vos régions comme dans d'autres, il y a beaucoup de types de problématiques. Je vais jusqu'à cécité, parce que, que ce soit en déficience légère, que ce soit en déficience profonde, que ce soit des handicapés qui deviennent dans l'isolement problématiques psychologiquement, que ce soit même des semi-voyants ou des voyants... Alors, je pense que c'est là...

La majeure partie des associations comme la vôtre, lorsque vous vous regroupez, est-ce que c'est là que vous trouvez la problématique?

Mme Pépin: En ce qui concerne les parents, tu as à peu près deux ou trois directions qu'on peut voir. Il y a des parents qui délaissent complètement, parce qu'ils ne veulent plus rien savoir. Ils ont tout donné ce qu'ils avaient à donner et ils ne sont plus capables. D'eux autres, il n'y a plus moyen d'avoir rien. Tu as les parents qui se sentent beaucoup concernés par le problème, qui vont nous aider. Ils vont donner un coup de main. Mais ils vont moins aider la personne en particulier, parce que s'ils étaient capables de faire ce qu'ils veulent avec la personne et s'ils avaient toutes les possibilités, ils ne viendraient pas chez nous. S'ils viennent chez nous, c'est parce qu'ils sont dépassés. Tu sais, à un moment donné, ils ne savent plus où se garrocher, ils ne savent plus qui peut les aider et ils sont complètement dépassés. Ge ne sont pas juste les parents. Souvent, les intervenants seront aussi complètement dépassés. Ils font face à une clientèle et ils ne savent pas comment y répondre, surtout dans des cas de personnes nouvellement handicapées ou des cas psychiatriques. Ils ne savent pas... (11 h 30)

Parfois, on dirait que les intervenants font une distinction entre le problème de l'individu et la personnalité de l'individu. L'individu reste toujours une personnalité unique et il reste toujours un individu qui a droit à l'estime. On n'a pas à dire à quelqu'un qui est un cas psychiatrique: On va régler tout cela pour toi, mais tu n'as pas un mot à dire. Mais cet Individu a encore la force, est encore capable de parler et de décider de sa vie. De quel droit peut-on arriver à le mettre complètement de côté et décider de traiter sa maladie ou son handicap? Que fait-on de l'individu? Il est encore là et il est encore capable de penser. Si tu parles à quelqu'un en lui disant: Je vais t'hospitaliser... Mais si tu parles aux parents ou à n'importe qui à côté mais pas à l'individu, il n'est plus capable de comprendre lui, il est malade, cela n'a rien à voir.

Mais, quant aux parents, on a de l'aide selon qu'ils sont capables et selon qu'ils ne sont pas trop dépassés et pas complètement noyés

dans ce problème.

Mme Cardinal: Quant au partenariat, croyez-vous que les parents auraient un rôle à jouer en étant assurés d'un certain soutien? Parce que qui connaît mieux son enfant que quelqu'un qui a vécu pendant 20 ans avec lui? Il est certain qu'après 15 ou 20 ans on est épuisé physiquement, mais si on avait un soutien... Il faut dire qu'il y a les professionnels et ils sont importants. Mais en décloisonnant et en apportant une collaboration par la base, comme je dis toujours, parce que c'est le vécu qui est important.. Ce n'est pas une personne ou un professionnel, aussi compétents soient-Ils, qui ne vit que quelques heures avec la personne, mais ta famille qui a eu à vivre ces choses et la personne elle-même, comme vous le dites... Comment voyez-vous ce partenariat? Il pourrait être Important, mais en commençant peut-être par la personne elle-même, la personne concernée, les parents et, ensuite, les organismes qui viendront s'y greffer. D'après vous, comment voyez-vous cela?

Mme Pépin: Disons que, si on prend des parents dont l'enfant est nouvellement accidenté ou souffre d'une nouvelle maladie, ils vont se référer nécessairement au centre de services sociaux ou au CLSC, dépendamment s'ils veulent de l'hébergement ou pas.

Si c'était le CLSC et le CSS, il serait Intéressant que les gens se parlent et profitent de l'expertise des organismes communautaires sur ce qui est arrivé avec d'autres personnes. Il serait intéressant qu'ils aillent voir les parents et qu'ils leur exposent ce qui se passe ailleurs et impliquent ces parents. Dans une deuxième intervention, l'intervenant peut aller chez l'individu pour lui parler et parler à ses parents. C'est ce qui serait intéressant. Il ne faut pas oublier les organismes qui ont quand même une grande expertise là-dedans. Parce qu'au sous-comité sur la santé mentale dont je fais partie à Beauceville, j'ai apporté des éléments à un moment donné qui ont dépassé les Intervenants, parce qu'ils sont habitués dans le milieu tellement structuré des hôpitaux et des institutions. Le cas arrive, bien, ils vont le traiter en institution mais ce bonhomme-là, quand il sort dans la rue, c'est autre chose. C'est de cette façon-là que je le vois. Je ne sais pas si j'ai bien répondu.

Mme Cardinal: Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Je vous remercie d'être venue ce matin au nom des gens que vous représentez. Je pense qu'il est important qu'on entende des sons de gens qui sont dans le milieu et qui donnent des services extraordinaires avec les moyens du bord, comme on dit, avec les difficultés que cela comporte, avec les obligations que vous avez de faire des campagnes de financement qui, dans plusieurs cas, grugent tellement votre énergie que, finalement, à un moment donné, il y a des gens qui se découragent et laissent tomber.

Je vous demande de ne pas laisser tomber, parce que les gens ont besoin de vous autres. J'espère que votre message d'aujourd'hui sera entendu par les personnes qui ont des décisions à prendre. Bonne chance.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Également, je veux me joindre aux propos du député de Laviolette pour vous remercier de votre mémoire qui nous rappelle la réalité vécue par les gens. Je voudrais simplement, en terminant, vous dire que toute la question du financement des organismes bénévoles, ceux qui vous ont précédés l'ont soulevée aussi. Cela naît rapidement de partout. L'Implication des bénévoles, c'est-à-dire qui ne reçoivent pas de rémunération dans tous ces organismes, il est difficile aussi de la discerner véritablement. On n'a pas vraiment d'étude sur la persévérance des bénévoles. Finalement, est-ce qu'on se retrouve avec un ou deux permanents qui sont payés à des salaires dérisoires? Là-dessus, je ne me fais pas d'Illusion. Finalement, l'aspect bénévolat s'effrite assez rapidement. Ou encore est-ce qu'on donne les moyens de faire vivre le bénévolat ou de le garder actif?

On est placé devant... Pas sur la valeur des services communautaires, etc. Parfois, j'ai l'impression qu'il va falloir examiner de plus près dans quelle direction on va et peut-être choisir les cibles précises qu'on va aider. Chacun qui vient demander une subvention - et cela ne s'adresse pas à vous - vous regardez cela et vous dites: Oui, c'est vrai, ce serait bon. Au premier contact, il n'y en a aucun qu'on peut refuser. Je pense que c'est l'expérience que les députés ont aussi dans leur comté. Généralement les gens qui leur demandent d'appuyer leurs demandes auprès du ministre, c'est dans ce sens-là. Cela reste un problème complexe que nous examinons présentement

Mais, entre-temps, je vous remercie pour votre travail et comme on dit: Ne lâchez pas! Merci.

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales remercie l'Association des handicapés de Sainte-Marie de Beauce et invite le prochain groupe. Mademoiselle?

Mme Pépin: Est-ce que je pourrais ajouter un mot? Ce ne sera pas bien long.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie. Mme Pépin: Dans le bénévolat, c'est officiel

que les gens changent beaucoup. Quand Ils voient des organismes, que ce soit le nôtre ou plusieurs autres, qu'ils ont tellement de besoins, ils donnent beaucoup d'énergie à un moment donné et, tout à coup, ils ne sont plus capables. Par contre, si vous voulez savoir réellement ce qui se passe au niveau des organismes communautaires comme le nôtre et que vous voulez avoir un bon "feed-back", il y aurait Centraide qui finance beaucoup d'organismes comme nous et qui a à déterminer si, oui ou non, elle aide cet organisme plutôt que tel autre. Pourquoi et comment? Je pense qu'elle pourrait donner un bon coup de main là-dessus. Merci.

Le Président (M. Bélanger): On vous remercie. Nous Invitons les représentants du Service aux handicapés auditifs qui sont M. Jean Phaneuf, agent de relations humaines et intervenant au Service aux handicapés auditifs, et Mme Ariette Prud'homme, responsable au Service aux handicapés auditifs à l'intérieur du CSSMM.

Je vous en prie. Vous avez 30 minutes, c'est-à-dire 10 minutes pour la présentation de votre mémoire et 20 minutes pour les questions de la part des parlementaires. Je vous prierais d'abord d'identifier votre porte-parole et de bien vouloir procéder.

Service aux handicapés auditifs du CSSMM

M. iserie (Jean): Je m'appelle Jean Iserie. Je travaille, comme mes collègues, au Centre de services sociaux du Montréal métropolitain, plus particulièrement au bureau des services sociaux centre-nord. En ce qui concerne Mme Prud'homme et M. Phaneuf, ces deux personnes travaillent plus précisément au Service aux handicapés auditifs.

Notre petit mémoire porte sur la communauté sourde de Montréal et les problèmes de santé mentale. Nous ne connaissons pas trop les procédures. Nous nous sommes permis, M. le Président, de modifier légèrement le rapport qui vous a été remis. Il n'y a pas de modification sur le contenu, mais beaucoup sur la forme. Je demanderai à notre collègue, M. Jean Phaneuf, de vous en distribuer des copies.

Je profite de l'occasion pour présenter plus particulièrement Mme Ariette Prud'homme, qui est la responsable du Service aux handicapés auditifs au CSSMM et qui a une expérience longue et riche dans le réseau des affaires sociales. Elle a fondé différents services sociaux dans différentes sociétés, des infirmières visiteuses, des services de maintien à domicile du Montréal métropolitain. Elle a été directrice de succursale à la Société de service social aux familles et, depuis cinq ans, elle dirige le Service aux handicapés auditifs du CSSMM. À partir du moment où elle a accepté cette responsabilité, elle a appris, et très rapidement, le langage gestuel. Il en est de même de notre collègue, M. Jean Phaneuf, qui, avant de travailler au Service aux handicapés auditifs, a été psychoéducateur dans différents centres d'accueil. Il est au Service aux handicapés auditifs depuis cinq ans. Je veux tout simplement souligner qu'il a récemment écrit un livre que le Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse a publié, cela portait sur le suicide:

L'intervention en situation de crise.

On a parlé des deux personnes qui sont les plus expertes au CSSMM pour présenter les problèmes de santé mentale et la communauté sourde. Je voudrais dire quelques mots sur ce Service aux handicapés auditifs au CSSMM. C'est un tout petit service aux grandes responsabilités. Il y a un nombre très limité de personnes qui y travaillent, cinq postes et demi d'intervenants, avec deux postes administratifs. C'est également un service qui gère un programme d'interprètes. Ce service couvre toute la région 6A. Il a la même mission qu'un CSS, mais réduite à une communauté particulière, la communauté sourde, c'est-à-dire que ce Service aux handicapés auditifs dessert non seulement les familles, les enfants, les Jeunes adultes, les adultes et les personnes du troisième âge. je peux même dire qu'il reçoit également des représentants de différentes communautés culturelles qui viennent d'un peu partout et qui arrivent aussi quelquefois avec des handicaps de surdité.

Enfin, la raison qui nous amène à être ici, ce matin, tenait au fait que dans le rapport Harnois on a noté qu'il n'y avait aucune référence explicite, je dirais même implicite, à la communauté sourde et aux problèmes de santé mentale de cette communauté. Aussi le service vous a donc présenté un bref rapport. Je demanderai à Mme Prud'homme de nous communiquer les réactions générales qui sont en début de ce rapport. Par la suite, Jean Phaneuf présentera plus particulièrement les recommandations que nous suggérons à la commission parlementaire. Merci.

Mme Prud'homme (Ariette): Mme la ministre, M. le Président, mesdames et messieurs les députés. Notre recommandation porte tout particulièrement sur la catégorisation des réseaux de services engagés auprès des personnes qui présentent plusieurs problèmes. Dans le rapport on lit en page 99 ce qui suit: Les personnes aux prises avec de problèmes multiples. Outre le réseau des services en santé mentale, les principaux réseaux engagés auprès des personnes présentant des problèmes multiples sont ceux de la déficience intellectuelle, de la mésadaptation sociale et de la justice.

En tant que responsables du Service aux handicapés auditifs et intervenants auprès des personnes sourdes, on réalise que la problématique surdité et les réseaux de services engagés auprès des sourds ont été omis. L'Incidence d'un problème de santé mentale associée à la surdité nous incite à formuler notre recommandation. Il est impérieux de tenir compte de la population sourde et du réseau de services adaptés à la

surdité à l'intérieur d'un programme de santé mentale.

Peut-être vous posez-vous la question: Combien y a-t-il de sourds? Statistique Canada, en 1986, dénombre 1 500 000 personnes qui présenteraient un problème quelconque auditif et 200 000 personnes complètement sourdes. On aurait intérêt à raffiner ces données pour en connaître l'incidence et à Montréal et pour la province de Québec et aussi à s'entendre sur une définition de ce qu'est être sourd complètement.

Une autre question qu'on peut se poser: Est-ce qu'il y a un lien entre un problème de santé mentale et la surdité? L'Incidence des problèmes de santé mentale chez les personnes sourdes a été évaluée par quelques chercheurs. En 1966, Rainer et Aitschuler ont démontré que les difficultés d'adaptation sont très répandues chez les adultes qui souffrent de surdité. Une enquête de Meadow et Schlisinger constate que 31,2 % des enfants sourds qui faisaient partie de leur échantillon représentatif de grande taille souffraient de troubles affectifs modérés ou graves selon l'évaluation faite par leur enseignant Les recherches étant très peu nombreuses et aussi anciennes, l'une d'entre elles remonte à 1966, les résultats sont fragmentaires et l'ensemble de ces travaux ne peut nous éclairer en ce qui concerne le domaine de la santé mentale chez les personnes sourdes.

L'expertise en regard du psychodéveloppement de la personne sourde est très peu développée. Notre expérience nous démontre que très souvent on a étiqueté une personne sourde de déficiente intellectuelle alors qu'il y avait problème de santé mentale. Ceci crée un problème de diagnostic et de traitement.

L'accès aux services pour les personnes sourdes est limité. La surdité crée un problème de communication. Dans la région 6A il n'y a aucun psychiatre dans le secteur privé ou public qui communique en langage visuel, c'est-à-dire qui peut s'exprimer avec l'oralisme ou la communication signée. En plus du problème de santé mentale, la personne sourde vit le problème de la communication. Ce problème est tellement sérieux et grave que seules les personnes d'un niveau d'Intelligence moyen ou supérieur et fortement stimulées dans un milieu familial ou social peuvent arriver à s'actualiser. Je voudrais aussi ajouter que la moyenne du niveau de lecture d'une personne sourde profonde se situe au niveau d'une quatrième année. (11 h 45)

Comparativement au handicap visuel qui affecte la qualité de la communication, le handicap auditif affecte toute la communication. La personne handicapée visuelle utilise le même modèle de communication que nous, alors que la personne ayant un handicap auditif a un mode de communication qui lui est propre. On peut dire que toute personne peut prêter ses yeux à un aveugle, mais seuls les Initiés peuvent Interpréter en langage gestuel. Les épiphénomènes mention- nés par le comité, soit le suicide, les toxicomanies, la violence, l'alcoolisme, se retrouvent également chez les sourds et induisent alors la notion d'équité qui doit être retenue pour assurer la disponibilité de services dans le champ de la santé mentale.

Nous sommes en accord avec le pro|et de politique pour autant que soit reconnue, que soit nommée la problématique surdité et que la programmation ultérieure tienne compte des recommandations suivantes...

Le Président (M. Bélanger): il vous reste à peine deux minutes. SI vous vouliez nous présenter les conclusions, parce qu'on n'y arrivera pas, si vous permettez.

Mme Prud'homme: Cela va. C'est terminé.

M. Phaneuf (Jean): Rapidement, en ce qui concerne les recommandations, le projet de politique en santé mentale souligne à plusieurs endroits l'importance de l'accessibilité aux services et le respect des droits fondamentaux des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale.

Je vais aller rapidement. Nous recommandons que le ministère de la Santé et des Services sociaux rende accessibles les services en santé mentale pour les personnes sourdes en mettant sur pied des services d'Interprètes afin de répondre aux besoins des personnes sourdes, et aussi qu'on favorise à l'intérieur du réseau en santé mentale la présence de personnes sourdes ou de personnel familier avec le langage gestuel.

Deuxième recommandation. Nous recommandons l'élaboration par le ministère de la Santé et des Services sociaux d'une politique cohérente en matière de santé mentale et surdité.

Troisièmement, nous recommandons que le ministère de la Santé et des Services sociaux mette sur pied des tables régionales de concertation permettant ainsi un regroupement de tous les acteurs en surdité et en santé mentale, un partage des expertises et l'identification des besoins véritables de la population sourde.

Quatrièmement, nous croyons que ce n'est qu'à la suite de cette concertation que le ministère de la Santé sera en mesure de désigner un établissement habilité à offrir des services à une clientèle spécifique. Nous recommandons donc que le milieu de la surdité soit consulté avant le choix d'un établissement ou d'organismes désignés pour répondre aux besoins de la communauté sourde. Les mandats et responsabilités devront être clairement établis.

Cinquième recommandation. En regard de la formation des intervenants du réseau en santé mentale, nous recommandons que le phénomène de ta surdité et toutes ses complications psychosociales fassent partie des programmes de formation et de perfectionnement en - santé mentale. L'apprentissage du langage gestuel par certains membres du personnel des établissements

et différents milieux devrait être encouragé et favorisé par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Sixième recommandation. Nous recommandons que te ministère de la Santé et des Services sociaux développe des ressources de répit - familles d'accueil, foyers, appartements supervisés - pour personnes sourdes dont certains responsables seraient sourds ou devenus sourds.

D'autre part, le ministère de la Santé et des Services sociaux devra favoriser la création et le développement des ressources et services pour tes clientèles multihandicapées, de style surdi-cécité, déficience-surdité, avec problèmes de santé mentale.

En dernier lieu, II nous semble que l'énoncé de la recommandation 22 devrait identifier clairement la surdité comme clientèle spécifique et se lire comme suit: "Que les conseils de la santé et des services sociaux fassent état des mécanismes de collaboration qui doivent être créés, à l'intérieur comme à l'extérieur de leur région, entre les réseaux des services de santé mentale et les réseaux de la déficience Intellectuelle, de la surdité - ce qui n'est pas présent actuellement dans la recommandation - de la justice et de la mésadaptation sociale. "Que, consécutivement à cette démarche, le ministère de la Santé et des Services sociaux désigne les établissements et organismes mandatés pour développer des expertises particulières de même que la nature et l'étendue de leurs responsabilités."

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier les porte-parole du Service aux handicapés auditifs du CSSMM pour leur mémoire. Je pense que vous venez de nous sensibiliser à un aspect particulier du problème général de la santé mentale. Je dois vous dire qu'en ce qui a trait aux enfants il me semble que les pédopsychiatres sont justement sensibilisés à cette difficulté du diagnostic différentiel. Un enfant arrive soft parce qu'il ne parle pas, parce qu'il a un comportement bizarre ou présente de l'agressivité. Dans ce domaine-là, les pédopsychiatres, et ce, depuis plusieurs années - peut-être ne sont-ils pas suffisants à l'intérieur du Québec pour voir à tous ces enfants mais ils sont déjà sensibilisés à cette dimension de la clarification de l'étiologie de comportements déviants. Je ne serais peut-être pas aussi pessimiste que vous là-dessus.

Je pense, quand tes personnes adultes sont sourdes et présentent des problèmes de santé mentale, qu'on est peut-être moins outillés pour ceux-là au plan du traitement qu'on devrait l'être normalement. Je pense que dans le groupe de la fonction publique, qui s'est présenté en premier ce matin, un des porte-parole a beaucoup insisté sur cette question de communication gestuelle et autres avec les personnes qui ont des problèmes de surdité.

Ce qui me frappe, par contre, dans votre mémoire - je ne sais pas comment mes collègues réagiront - c'est ce que j'appellerais un Isolement, ce qui m'apparaît comme un isolement accentué de ces personnes. Il y a des personnes qui souffrent de problèmes de comportements, de problèmes de santé mentale. Vous dites qu'il y a des sourds parmi elles. Je suis d'accord qu'il y ait du personnel qualifié pour répondre aux besoins de ces sourds mais, à un moment donné, dans vos recommandations, vous nous entraînez vers une compartimentation encore plus grande. Vous dites qu'il devrait y avoir des tables régionales sur la surdité en santé mentale. S'il y avait une structure de table de concertation régionale par exemple, est-ce qu'on ne devrait pas s'assurer davantage que ta dimension de la surdité y ait voix plutôt que de créer une autre table? C'est une chose.

L'autre chose, un peu plus loin, c'est la recommandation d'une institution qui pourrait être désignée comme recevant ces personnes. C'est peut-être parce que j'ai mal perçu votre mémoire mais j'ai l'impression qu'on s'en va dans une voie qui va peut-être isoler davantage les personnes. Je pense qu'il faut que le personnel à l'intérieur des établissements soit qualifié, sensibilisé, etc. Mais j'ai un peu peur de cet isolement que l'on pourrait faire d'un groupe particulier parce que. à ce compte-là, on pourrait le faire pour... Je comprends que la communication est particulièrement importante dans le cas de la maladie mentale ou de la santé mentale et que la communication joue un rôle important mais on pourrait aussi tenir le même langage vis-à-vis des groupes ethniques, où la communication est aussi difficile. On se dit qu'il faut trouver des personnes qui puissent communiquer avec eux mais votre recommandation va davantage dans le sens de l'Isolement. En tout cas, c'est peut-être ce point que j'aimerais que vous éclairassiez, avec les points connexes.

Mme Prud'homme: À votre dernière remarque, quand on mentionne qu'on doit désigner un établissement, je voudrais vous donner un exemple. Vous savez que les sourds demeurent partout. La psychiatrie est sectorisée. Si vous devez aller dans votre territoire, s'il n'y a pas suffisamment de sourds, il est très difficile pour certains territoires ou pour certains milieux de développer une expertise ou d'avoir des Interprètes, au moment où les sourds vont s'adresser là pour obtenir des services. C'est une réalité.

Mme Lavoie-Roux: Dans ce sens-là, je peux comprendre votre point de vue.

Mme Prud'homme: Oui, c'est dans ce sens-là. Vous savez que ta population est éparpillée. Est-ce qu'on ne pourrait pas à ce moment-là avoir un endroit désigné où on pourrait... Et je sais que cela crée un isolement, mais, par

la qualité des services et une réponse adéquate, peut-être que l'isolement en serait réduit aussi.

Ensuite, vous parlez d'une table de concertation. C'est peut-être la manière de le présenter, plutôt que d'isoler une table de concertation en surdité. Mais il est vrai, tel que vous le suggérez - c'est une bonne suggestion - que cela puisse être une table de la santé mentale à l'intérieur de laquelle on pourrait avoir des représentants des personnes oeuvrant auprès de ta surdité. Des personnes, je souhaiterais que ce ne soit pas qu'un Individu, mais qu'on soit quelques-uns à siéger autour de cette table et qu'on y associe aussi une personne sourde.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Mme Prud'homme: Vous avez aussi parlé des pédopsychiatres, je vais répondre la même chose. Vous savez, si on va à l'hôpital Sainte-Justine, il n'y a pas d'interprètes, mais de très bons pédopsychiatres. Je ne suis pas sûre qu'on connaisse nécessairement la surdité. Le Dr Massé est un excellent psychiatre, mais quand vient le temps d'assurer le suivi, personne ne peut l'assurer, en termes de surdité. Ou bien on procède par étapes et on propose des interprètes et, après cela, ce personnel en pédopsychiatrie est un peu plus sensibilisé aux problèmes de ta petite enfance en rapport avec la surdité. Il y a des parents qui sont sourds et des frères et soeurs qui sont entendants; ce n'est pas toujours des familles de sourds. Ces familles-là présentent des caractéristiques bien spécifiques aussi.

Mme Lavoie-Roux: La question que je me pose, pour réagir, c'est jusqu'à quel point peut-on pousser la spécialisation? Quand j'ai parlé des pédopsychiatres, c'était au point de vue de l'établissement du disgnostic. Aujourd'hui, on est sensible au fait, par exemple, que des enfants qui présentent des comportements d'enfants autistes...

Mme Prud'homme: Oui.

Mme Lavoie-Roux: ...peuvent souvent, ou parfois en tout cas, être des enfants sourds. Quand je parlais de diagnostic différentiel, c'est dans ce sens que je l'entendais. Je pense que, déjà, depuis bien des années, on est...

Mme Prud'homme: Oui.

Mme Lavoie-Roux: ...sensibilisés en psychiatrie infantile à ce type de problème. Par contre, s'il s'agit d'un enfant véritablement sourd, qui a des problèmes de comportement, là, la question du traitement devient plus complexe selon... Parce qu'il n'y a évidemment personne qui peut communiquer avec lui, d'une façon gestuelle ou autrement. Généralement, ces enfants-là sont amenés quand ils ont deux, trois, quatre, cinq, six ans ou environ et quelquefois, quand le diagnostic a échappé, ils peuvent venir un peu plus tard. Là, il peut se poser des problèmes de ressources. Mais ce que Je voulais dire, c'est que...

Mme Prud'homme: Oui.

Mme Lavoie-Roux: ...quant au diagnostic, II me semble que...

Mme Prud'homme: Oui, j'ai compris.

Mme Lavoie-Roux: ...cela existe.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président Merci d'être venus nous sensibiliser à une expertise que vous possédez dans le domaine et aussi pour nous dire que le rapport Harnois n'y porte pas attention, et cela vous préoccupe. Vous voulez faire en sorte qu'avec ta politique de santé mentale que la ministre devra mettre sur pied - parce qu'on est devant une ébauche, on est devant un document qui nous permet de voir le futur - on n'oublie pas ce secteur dans les décisions qui seront prises.

Souvent, parmi les gens qui viennent nous voir dans nos bureaux de comté, des personnes sont sourdes, d'autres sont aveugles. Les parents viennent nous voir et nous expliquent certains des problèmes qu'ils ont eus. Vous êtes dans une grande région qui est Montréal; d'autres sont dans des régions comme la nôtre et subissent des difficultés encore plus grandes parce qu'ils n'ont pas de lieu de référence où aller. Dans bien des cas, on a des enfants qui. à l'âge de deux ou trois ans, ne partent pas encore et on a l'Impression que c'est parce qu'ils sont têtus ou qu'ils ont de la difficulté à apprendre et. finalement, on s'aperçoit, après un certain laps de temps, que c'est parce qu'ils ne comprennent pas, Ils n'entendent rien de ce qu'on leur dit. Dans ce sens-là, Il faut avoir les moyens de dépister ces choses et permettre les correctifs qui s'imposent.

J'ai connu une personne qui, à l'âge de trois ans, ne parlait pas. Tout le monde disait: C'est parce qu'elle ne comprend pas du tout. Finalement, quand on s'est aperçu qu'elle était un peu sourde d'oreille, on a corrigé la situation par les opérations de l'époque; cela date de longtemps. Elle est toujours restée avec une certaine forme de handicap quand même, c'était une francophone comme tout le monde, et on disait qu'elle avait un accent anglais, parce qu'elle avait entendu parler anglais autour d'elle lorsqu'elle était Jeune. Elle était d'un milieu franco-ontarien. Elle a vieilli avec cela, c'est le problème qu'elle a connu parce qu'on n'a pas découvert assez tôt son handicap. Dans ce sens, ne serait-ce pas au conseil de la santé des régions de déterminer quels sont les services qui

peuvent être plus nationaux que d'autres, à Montréal ou à Québec? Dans nos propres régions, des fois cela ne suffit pas. Devraient-Ils déterminer quelles sont les ressources qui devraient être disponibles pour ces personnes? (12 heures)

Mme Prud'homme: C'est exact

M. Jotivet: Vous croyez donc que ce serait à eux de déterminer cela. Là, quand vous parlez de lieux spécialisés où il y aurait des personnes qui auraient un contact gestuel, un contact écrit ou d'autres formes de contact, a ce moment vous voyez que des pédopsychiatres ou des psychologues ou d'autres personnes devraient être initiés à ces problèmes et aussi aux moyens de répondre à ces demandes.

Mme Prud'homme: C'est cela. Tantôt, vous disiez, oui, c'est une bonne manière que le conseil régional soit sensibilisé. Mais, tout comme pour la déficience intellectuelle, je pense qu'il faut faciliter le regroupement de parents qui ont des enfants et eux peuvent être d'excellents porte-parole aussi auprès du conseil régional.

M. Jolivet: Mme la ministre faisait mention tout à l'heure de l'autisme. Il y a justement des gens qui ont fait des pressions. Dans mon coin il y a des enfants autistiques. On a de la difficulté auprès du ministère de l'Éducation, par l'intermédiaire des commissions scolaires, à donner un service à ces personnes. Finalement, cela coûte tellement cher aux parents et eux n'ont pas les capacités de supporter ce handicap et dans bien des cas ils demandent l'institutionnalisation de ces enfants, ce qui est mauvais d'une certaine façon. D'un autre côté, quels sont les moyens que vous voyez entre les différents ministères pour permettre qu'on puisse donner à ces enfants en particulier une éducation appropriée à leur handicap?

M. Phaneuf: Je pense que c'est important aussi, dans la lecture du rapport, de bien garder en tête que le Service aux handicapés auditifs est un service pour adultes. Non, ce n'est pas vrai ce que je viens de dire là! Non, Je m'excuse, c'est parce que je travaille avec une clientèle, mais gestuelle sourde. Alors, il y a un besoin très spécifique. Il y a des enfants mais particulièrement les enfants sourds sont suivis soit par l'école ou des choses comme cela.

M. Jolivet: Disons que j'ai vu des cas comme ceux-là où des enfants sourds ont été aidés par le ministère de l'Éducation avec l'expérience qui a été vécue...

M. Phaneuf: C'est cela.

M. Jolivet: ...l'Institut des sourds de Québec et qui leur permet d'avoir quelqu'un qui les suit aux niveaux primaire, secondaire et collégial, et là on est en train de négocier pour aller jusqu'à l'université et pour leur permettre de continuer. Il reste quand même que... On parlait de l'autisme comme un exemple où on faisait des difficultés d'un certaine façon parce que les écoles disent: On n'a pas le personnel requis pour donner cela dans nos régions. Or, à Montréal II y a peut-être plus de facilité de regrouper sans balkaniser un peu l'ensemble de ces enfants, mais de leur permettre d'être dans des classes de leur capacité ou à l'intérieur même de classes normales. J'aimerais avoir votre opinion.

Mme Prud'homme: Pour répondre à votre question d'abord, les tout-petits, il y a le diagnostic comme l'autisme et, dès qu'ils sont dépistés sourds, il devrait y avoir des programmes de stimulation précoce. Il y en a un à Montréal, à l'IRD. Celui-ci pourrait être implanté dans les différentes régions. Très tôt II faut commencer le dépistage précoce. Par ta suite, après ce dépistage précoce on pourrait utiliser tous les avantages du plan Bacon pour envoyer les enfants en garderie, pour les stimuler à développer le langage et tout ce qui est social. Après cela, comme vous le mentionniez tantôt, il y a un débat, à savoir si on doit scolariser les enfants dans les écoles spécialisées de sourds ou si on doit les Intégrer dans des écoles d'entendants. Je pourrais dire aussi que si les jeunes sourds ont pu accéder au CEGEP c'est parce que le CEGEP a développé le service d'interprètes.

M. Jolivet: Vous êtes dans une région qui est Montréal et vous représentez votre secteur. Compte tenu des contacts que vous avez au Québec, est-ce que je pourrais savoir ce que vous proposeriez si quelqu'un se présentait dans les CLSC au Québec? Quelles sortes de services devrait avoir une personne sourde si elle a un besoin urgent? Est-ce que cela veut dire dans votre esprit qu'il devrait y avoir une personne capable de lui donner une réponse par les gestes dans chacun des CLSC?

Mme Prud'homme: Non, non, ce n'est pas possible, même pour Montréal. Je reviens à la question de tantôt, il faudrait qu'on fasse exception de cette régionalisation de territoires de CLSC, parce que, vous savez, dans un CLSC, s'il y a une personne sourde, cela va être difficile de développer une expertise à l'intérieur des services. Il faudrait plutôt nommer un établissement le plus près, là où il y aura un plus grand bassin de population sourde qui y vit et, là, développer des services à l'intérieur de cet endroit et qu'en plus les régions environnantes puissent venir s'alimenter et référer les gens. Ces gens-là servent de points de repère, de formation et de sensibilisation pour les autres.

M. Jolivet: Est-ce que ça pourrait être, au lieu, disons, d'un établissement, dans le contexte

de discussion qu'on a jusqu'à maintenant, une sorte de ressource alternative dans le milieu qui serait aidée?

Mme Prud'homme: Oui, j'ai dit.. Toute forme de ressource.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion.

M. Jolivet: En conclusion, je vous remercie de venir nous sensibiliser aux problèmes que vous vivez de façon particulière dans votre milieu. Vous nous dites: II ne faudrait pas qu'on soit oublié dans ta future politique de santé mentale. Maintenant, il restera à définir, dans te Québec et dans les régions plus populeuses, quelle sorte d'aide pourrait être apportée pour donner les meilleurs services possible à des personnes atteintes de surdité grave, complète ou partielle.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux vous remercier. Une toute petite question. Est-ce qu'il y a une diminution du nombre de sourds, de personnes sourdes complètes, ou si. on reste toujours dans les mêmes statistiques depuis X années?

Mme Prud'homme: II y a une réduction et cela s'explique par l'amélioration des conditions de vie, par la prévention et, vous savez, la médecine a développé énormément de vaccins. Alors, la variole est en réduction, les oreillons, la rubéole, toutes les maladies de la petite enfance ont été presque éliminées.

Mme Lavoie-Roux: Les méningintes et toutes ces choses-là, oui.

Mme Prud'homme: Là, Il reste encore les accidents à l'accouchement. Mais c'est pas mal en réduction et, effectivement, le nombre de sourds profonds, de sourds dont la surdité est survenue en très bas âge est vraiment en réduction. Cela crée un problème. Ils sont peu nombreux mais, d'un autre côté, leur problématique est sévère et cela amène des questions de budgets, de gestion et de planification.

Mme Lavoie-Roux: Bon, alors, encore une fois, merci, parce que c'était la première fois qu'on était saisi véritablement de la santé mentale reliée à des personnes qui ont des problèmes de surdité profonde. D'ailleurs, je pense que, si cela diminue à un bout, cela augmente à l'autre bout avec le vieillissement. Évidemment, ce ne sont peut-être pas des problèmes aussi profonds, mais ils ont aussi des problèmes de santé mentale et d'adaptation chez les personnes âgées. C'est un cas sur lequel on devra se pencher également. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): La commission remercie le Service aux handicapés auditifs du Centre de services sociaux du Montréal métropolitain et appelle à la table le Comité de coordination en santé mentale de la sous-région nord du Montréal métropolitain.

Ce Comité de coordination en santé de la sous-région nord du Montréal métropolitain est représenté par M. Daniel Boivin, organisateur communautaire en CLSC, M, Pierre Cousineau, directeur du foyer de transition, Mme Diane Breton, travailleuse sociale en centre hospitalier, Mme Ginette Chartrand, travailleuse sociale en centre hospitalier, Mme Louise Beaudry, travailleuse sociale en CLSC.

Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire et il y a une quarantaine de minutes dévolues aux parlementaires pour poser des questions sur la compréhension de votre mémoire. Je vous prierais d'Identifier d'abord votre porte-parole et, si d'autres Intervenants de votre groupe ont à prendre la parole, de bien vouloir vous nommer, avant d'intervenir, pour les fins du Journal des débats. Ils ne vous connaissent pas et ils ne peuvent pas vous identifier. Alors, il faudrait vous identifier, s'il vous plaît. Je prierais donc votre porte-parole de bien vouloir nous présenter votre mémoire.

Comité de coordination en santé mentale de la sous-région nord du Montréal métropolitain

M. Cousineau (Pierre): Pour la présentation du mémoire, je prendrai la parole. Mon nom est Pierre Cousineau... Diane Breton, Ginette Chartrand, Daniel Boivin et Louise Beaudry.

Notre mémoire, celui que nous vous avions soumis, a été modifié, revu. On se permettrait de vous remettre des nouvelles copies du texte revu et modifié.

Avant de commencer, nous voudrions vous prévenir de toute ambiguïté possible que nous ne voulons véhiculer à aucun niveau. Nous ne sommes pas des représentants du comité "aviseur" ni d'une corporation ou d'une Institution spécifique, même si les signataires de ce mémoire travaillent tous et toutes dans différentes ressources auprès, très souvent, de la même clientèle.

En tant que travailleuses sociales, psychologues, organisateurs communautaires oeuvrant dans des CLSC, le centre d'intervention de crise, tes ressources d'hébergement, les centres hospitaliers ou au CSS, nous nous situons d'abord et avant tout comme intervenants en santé mentale de la sous-région nord.

Il y a deux ans, la sous-région nord de Montréal dispensait peu de services en santé mentale adulte, mis à part ceux offerts par les centres hospitaliers et quelques groupes communautaires. Avec l'arrivée du coordonnateur sous-régional en août 1985, M. Jean-Marc

Antoine, différentes ressources ont été implantées dans cette zone défavorisée à partir des besoins recensés. La dynamique de la sous-région, ainsi que l'Initiative du coordonnateur, permirent le rapprochement par le biais d'un regroupement des différents intervenants nouvellement arrivés. C'est donc la création du comité de coordination. Initialement, ce comité fut impliqué dans l'Implantation des ressources résidentielles de la sous-région, l'association Iris, qui comprend quatre groupes d'appartements supervisés de vingt places chacun et deux foyers de transition de huit places chacun. Graduellement, à chaque création de service s'ajoutaient d'autres intervenants provenant d'un milieu de jour et de soir, d'un centre d'intervention de crise, de trois équipes de santé mentale en CLSC, le tout, avec la participation des travailleuses sociales ressources en centre hospitalier et le coordonnateur sous-régional rattaché au comité "aviseur". Cette démarche de complémentarité et de solidarité marque la volonté de ce comité de jeter les bases d'un fonctionnement inspiré par le concept de partenariat en santé mentale.

À ce titre, nous présentons quelques réflexions découlant de la lecture du projet de politique de santé mentale pour le Québec. Le comité a exprimé que les propos du rapport rejoignent les préoccupations quotidiennes des intervenants. Spontanément, les recommandations contenues dans ce rapport reçoivent notre appui unanime car le projet contient, outre un énoncé de principe, des mesures concrètes ainsi qu'un plan d'action réalisable. Nous sommes par ailleurs heureux de constater que ce projet situe l'individu au centre de toute intervention. Plus spécifiquement, nous appuyons fortement les recommandations touchant l'information, les plans de services Individualisés, la nomination d'un "ombudsperson", le programme de répit à l'Intention des familles et des proches, de même que les plans d'organisation de services incluant les ressources communautaires.

Sur le plan de l'Information, il nous apparaît important de rappeler les recommandations 1 et 25, car un investissement dans le domaine d'une Information précise et pertinente est un préalable à l'implantation de projets spécifiques. La connaissance de notre milieu, qui comprend les territoires des DSC Sacré-Coeur et Cité de la santé, soit environ 600 000 personnes, nous indique que la population est fort peu informée sur la santé mentale. Pourtant, il existe une ouverture quant à l'Implication de la communauté dans ce domaine. Nous pourrions citer les groupes de parents, de loisirs, de défense des droits, d'entraide existant dans la sous-région. Nous croyons que la diffusion de l'information visant l'acceptation par le tissu social de la réalité de la personne ne peut être réservée à une structure spécifique. À notre avis, tout intervenant peut et doit participer à la sensibilisation du milieu dans lequel il évolue. Ce milieu, par rétroaction, peut et doit participer à la sensibilisation du réseau à sa réalité quotidienne. L'exemple récent d'un CLSC de la sous-région qui a organisé un colloque d'une journée sur la problématique de ta santé mentale, où plus de 150 personnes ont participé, témoigne de cette possibilité.

En ce qui concerne les plans de services individualisés, la recommandation 2, II nous paraît fondamental d'appuyer unanimement la recommandation du comité de politique de santé mentale tant sur le principe qu'au sujet de critères devant présider leur élaboration. Toutefois, nous tenons à souligner notre crainte de voir ces PSI devenir une autre lourdeur administrative. Ces derniers doivent, à notre avis, constituer un moyen et non une formule. Ces plans de services éviteraient la stagnation d'un client dans une ressource, l'évaluation de celui-ci à chaque porte d'entrée tout en gardant bien à vue l'ensemble des besoins de l'individu. L'engagement formel de l'ensemble des ressources à s'impliquer dans ces plans, c'est-à-dire la clarification des critères et procédures de référence, faciliterait le travail des intervenants tout en évitant des frictions de structures. D'autre part, la présence d'une personne-pivot permettrait d'assurer une continuité de l'intervention et un partage essentiel de l'information. Le comité de coordination s'est déjà engagé dans cette voie préalable du développement des moyens d'harmonisation des services offerts bien que la transcendance et la quotidienneté éprouvent parfois une difficile cohabitation. (12 h 15)

Au sujet de la nomination d'un "ombudsperson" par région, nous partageons la vision exprimée dans le rapport. Par contre, la présence sous-régionale d'une telle personne nous apparaît plus appropriée et réaliste. Toutefois, comme l'expérience le démontre, il nous apparaît pertinent de ne pas associer un tel rôle à une ressource spécifique. Ce mandat pourrait être assigné à une personne provenant de la communauté, quitte à lui adjoindre une expertise légale et administrative.

À la lecture de la recommandation 5, le comité est fort heureux de voir que les nombreux besoins des familles ont été reconnus. En ce sens, nous sommes favorables, à la suite de ta reconnaissance du conseil régional, à l'expérimentation d'un programme de répit aux familles par l'utilisation des structures existantes, tels les lits de dépannage des ressources résidentielles. Selon nous, une telle expérience ne nécessite pas un accroissement trop important des ressources humaines, tout en permettant la vérification de certaines hypothèses et ce, en attendant des budgets conséquents qui donneraient la possibilité à des organismes, tels les groupes de parents, de mettre en place et gérer ce programme.

Nous soutenons les recommandations 14, 15, 16 et 17 concernant la légitimité et le financement récurrent des ressources communautaires. Ces groupes ainsi dégagés de ta constante

recherche de leur moyen de survie pourront dès lors se consacrer pleinement à leur rôle.

Finalement, nous nous attarderons sur la recommandation 18 qui crée l'obligation d'un aménagement sous-régional de la démarche de planification. Pour rappeler que notre réflexion et nos actions tendent vers un réseau intégré de services, notre comité désire donc statuer sur l'importance d'un des éléments moteurs, à savoir les intervenants de la base, peu Importe leur provenance, qui constitueront ces services. En ce sens, nous pensons que notre connaissance du milieu peut contribuer à la réalisation des plans d'organisation de services.

Oui, cette politique est un projet de société, oui, comme intervenants de la sous-région nord, nous voulons participer à cette démarche. Nous désirons centrer nos actions sur le potentiel de chaque personne aux prises avec des problèmes mentaux, de leur famille et de leurs proches.

Le Président (M. Doyon): Mme ia ministre de la Santé et des Services sociaux, la parole est à vous.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président Je veux remercier les représentants du - excusez-moi, je sais que vous venez de la région nord de Montréal qui est la région où est situé mon comté - Comité de coordination en santé mentale de la sous-région nord du Montréal métropolitain. Cela me fait particulièrement plaisir de vous accueillir parce que je sais que, depuis une couple d'années, plusieurs initiatives ont été prises, même si parfois elles sont difficiles. Est-ce que je dois comprendre - ce n'était pas clair pour moi quand, à la fin de votre mémoire, vous parliez de sous-régionalisation - que vous êtes en faveur d'une planification au niveau sous-régional plutôt qu'une planification régionale? Vous tentez de répondre à cette question et vous ajoutez: Nous sommes pour un plan intégré de services. Mais je n'ai pas été capable de saisir si c'était...

M. Cousineau: Je pense que M. Jean-Marc Antoine, qui était le coordonnateur, avait cette idée, au moment de la création de ce comité, de mettre en place un réseau intégré de services où on ferait, dans la mesure du possible, abstraction des structures dont on fait partie et qui sont inévitables. Donc, essayer de mettre en communication les intervenants. Dans ce sens-là, l'optique sous-régionale de la planification est inévitable, à mon avis.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Un autre point qui n'est pas clair. Je pense que vous l'avez peut-être modifié quelque peu dans votre deuxième mémoire, c'est la question des plans de services individualisés. D'une part, vous craignez que cela ne devienne une lourdeur administrative, mais d'autre part je pense que vous reconnaissez qu'il y a moins de risques que les gens se perdent en cours de route ou que les plans soient modifiés selon qu'un individu s'adresse à une ressource ou à l'autre. Dans l'ensemble, le voyez-vous comme une mesure positive? C'est évidemment un cadre de référence, il ne s'agit pas d'imposer des critères stricts pour chaque plan individualisé qui serait fait, mais d'assurer que, pour une personne donnée, il y ait quand même une concertation pour définir un plan individualisé de services pour cette personne.

Mme Chartrand (Ginette): Nous accordons une très grande Importance à ta coordination des plans de services Individualisés, dans le sens qu'on est tout à fait d'accord avec les critères qui sont énoncés dans le rapport Cependant, pour nous, finalement... Déjà, on travaille en comité de coordination. Ce qu'on voudrait faire dans l'optique des plans de services individualisés, c'est se servir de cette table de coordination et en faire une table de concertation. À ce moment-là, il faudrait élargir la table et voir s'ajouter des Intervenants d'autres ressources qui ne font pas déjà partie du comité de coordination et avec un nombre de coordonnateurs restreint, à notre avis, parce qu'on considère que c'est important que le coordonnateur soit reconnu, qu'il ait un certain pouvoir; sinon, on ne voit pas tellement où ses actions pourraient mener.

Mme Lavoie-Roux: Je vous interromps parce que je ne vous suis pas.

Mme Chartrand: Non?

Mme Lavoie-Roux: La façon dont vous décrivez cela, on a l'impression que le plan individualisé de services devrait être défini à la table de coordination sous-régionale. Cela n'est pas cela que vous voulez dire.

Mme Chartrand: Non. d'accord C'est que nous, finalement, on voudrait actualiser la planification des plans de services, mais, pour ce faire, cela prend un coordonnateur. Des coordonnateurs, on ne croit pas qu'il devrait trop y en avoir dans chaque sous-région parce qu'on accorde un rôle important au coordonnateur du plan de services. C'est un rôle important dans le sens que cela déborde de la seule fonction d'actualiser la coordination; finalement, c'est une personne qui pourrait ramasser, faire le recensement des besoins; c'est une personne qui pourrait promouvoir l'approche réseau, etc. Finalement, cela nous amène à un modèle de coordination spécifique parce qu'on sait qu'il y a plusieurs modèles pour actualiser les PSI. Le modèle que nous privilégions, c'est que cela nous ramènerait à notre comité de coordination. Je ne suis pas sûre que vous suivez plus...

Mme Lavoie-Roux: Je vous suis, mais je ne

suis pas sûre que je suis d'accord avec vous. Je vous le dirai après.

Mme Chartrand: D'accord. C'est que cela nous ramènerait à notre table de coordination, comme Je vous le dis, qu'on voudrait élargir. Par ce fait, on travaillerait avec des intervenants qui sont près de la clientèle. On pourrait, avec le recensement des besoins, évaluer ces besoins, faire des recommandations. On pense que cela aurait un Impact sur la planification de services, qui est une autre recommandation, un peu plus loin. C'est qu'on trouve que, finalement, le rôle de coordonnateur de plan de services, il peut irradier sur d'autres fonctions, c'est comme interrelié à d'autres niveaux. On ne voudrait pas comme le mettre sous une cloche de verre. On ne dénigre pas et on n'accorde pas pour autant moins d'importance à la personne parce que cette dernière demeure toujours le point central. On accorde aussi beaucoup d'importance au fait que la personne participe à l'élaboration de son plan de services.

Mme Lavoie-Roux: Vous êtes membre d'un comité de coordination, j'avais votre titre exact, tantôt.

Une voix: Le comité de coordination.

Mme Lavoie-Roux: Le comité de coordination en santé mentale de la sous-région.

Mme Chartrand: Oui.

Mme Lavoie-Roux: J'ai l'impression que vous voyez le plan de services Individualisé comme une responsabilité supplémentaire qui incomberait à ce comité de coordination, auquel viendraient s'ajouter, dans un contexte élargi, des coordon-nateurs de plans de services, alors que pour nous, ou du moins les explications que j'ai eues du rapport Harnois, ce plan de services individualisé, c'est au niveau de l'individu même, c'est au niveau de l'établissement qu'il sert ou du service qu'il sert que cela doit être établi. Je vois mal la nécessité de faire remonter cela. Qu'il y ait un plan-cadre, je peux le voir. Alors, allez-y!

Mme Breton (Diane): D'accord, sur cela on s'entend bien, à savoir que chaque personne est partie prenante de son plan de services. Quand on parle de plan de services on inclut dans cela le plan de traitement qui est fait plus à l'hôpital et le plan de services en général qui touche tant les loisirs, les études, le retour au travail et la panoplie de thèmes. Chaque client a son plan de services. Le coordonnateur des plans de services, c'est là qu'on voit qu'il faut qu'à un moment donné II arrive quelque chose à une table. Si je suis coordonnatrice de 25 clients et que j'observe que ma clientèle, finalement, bloque toujours sur le dossier de travail... Quand je fais mes plans de services, cela va bien, quand j'écris cela sur mon beau papier, sauf que dans ma sous-région par rapport au travail il n'y a rien. C'est là qu'on voit la table de coordination où on peut arriver et amener la problématique qui est: Bon, chez nous, on veut bien actualiser les plans de services individuels de chacun, mais au niveau général II faudrait faire quelque chose pour le travail parce qu'il n'y a rien. Voyez-vous un peu la nuance? Il y a un plan de services individualisé pour chaque personne. Mais un coordonnateur peut coordonner plusieurs plans de services. Ce qui fait qu'il est à même d'observer les failles, à savoir, je ramène encore cela, qui est le travail. J'ai quinze clients, quand je fais te plan de services avec eux les clients veulent aller travailler. À Laval, on n'a rien. Alors, est-ce que je reste dans mon petit bureau à dire: Bien, oui, ce n'est pas drôle, à Laval, il n'y a rien? Il me faut une place pour aller dire cela, pour que ce soit acheminé et qu'on développe des services.

Mme Lavoie-Roux: Ah oui! Ce dont je voulais être certaine, même dans un établissement donné qui serait surtout à caractère psychiatrique, dans votre région on pourrait penser à Albert-Prévost, où évidemment il y a X nombre de... Qu'une personne tout à coup soit responsable de coordonner ou de voir à l'application de 40 plans de services Individualisés, ce n'est pas ce que nous vouions. Une personne peut se retrouver, parce qu'on lui a demandé de le faire ou qu'elle a été désignée comme la meilleure personne pouvant coordonner un plan de services individuel, peut-être avec dix, douze ou quinze plans de services parce qu'elle a dix ou quinze personnes dont elle s'occupe. Je comprends cela. Vous, ce que vous voulez, c'est que le besoin qui pourrait être ressenti dans une sphère donnée soit retransmis à une autre instance qui pourrait planifier dans une sphère d'activité qu'on n'a pas prévue ou qui est mat développée.

Mme Breton: Qu'il y ait une table où on peut amener le recensement des besoins, c'est-à-dire des besoins manquants. De ne pas seulement réaliser dans notre bureau que oui, je n'ai pas cela et je ne peux pas actualiser le dossier de travail. Qu'il y ait une table de coordination....

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que votre table...

Mme Breton: De coordination. C'est cela. Il y a déjà une infrastructure. Ce dont on parie là, ce n'est pas de créer de nouvelles choses. Il y a déjà quelque chose, II y a déjà une Infrastructure existante.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il n'y a rien qui empêcherait cela. Si on fait un plan de

développement pour une région ou une sous-région cela doit évidemment comprendre toutes les sphères d'activité ou les différents types de services qui seraient requis. Ce qui ne veut pas nécessairement dire qu'ils pourraient tous être développés au même rythme. Je pense que cela reste la responsabilité de la région ou de la sous-région, peu Importe, de ces comités de coordination. Je ne voudrais pas qu'on en ajoute un autre.

Mme Breton: Non, non.

Mme Lavoie-Roux: On en a assez,

Mme Breton: Ce n'est surtout pas notre vœu. L'autre question aussi, c'est important. On a souligné cela fortement dans le rapport. Je pense qu'il faut le redire. Il ne faut surtout pas que cela devienne un genre de CPMSP pour ceux qui sont familiers avec cela. Si on embarque dans cela... Des consoeurs travaillant dans un hôpital X à Montréal ont, sans exagérer, quinze pages, parce qu'il y a des pians de services qui sont déjà actualisés au niveau de la déficience, pour sortir des objectifs, de s'ouvrir un compte de banque et l'autre ]e l'oublie. Je pense que c'est la grande peur. Moi, j'embarque dans un plan comme cela, Je trouve cela pertinent mais mon Dieu! si on s'embarque avec un dossier à remplir et que tu passes trois heures dans ton bureau pour chaque client Juste à remplir te papier et marquer quelque chose parce qu'il faut bien que tu marques quelque chose, Je pense que c'est cela qui fait peur à tout le monde. Mais entre cela et ne rien avoir non plus... Ce qui ressort beaucoup du rapport c'est que chaque sous-région se donne des couleurs. Cela peut être intéressant qu'on développe ensemble des outils, mais régionaux, parce que c'est sûr, comme Marie-Claire Le Toumeux le disait, à Baie-Comeau et à Laval, les besoins sont différents. Mais je reste sceptique vis-à-vis cette chose. (12 h 30)

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Vous parliez de développement de services de répit. Vous dites: On serait prêt, si la région le voulait, à voir quel est le système de répit qu'on pourrait mettre en place pour les parents, en pariant de places disponibles, que ce soit dans les établissements, que ce soit dans les ressources intermédiaires ou autres. Est-ce que vous voyez les services de répit pour les parents strictement en fonction de places d'hébergement pour des périodes données ou si vous l'avez envisagé sous d'autres formes?

M. Cousineau: On l'a envisagé, je pense. Le service, il serait en deux volets, c'est-à-dire, une place d'hébergement pour une période déterminée pour un enfant d'une famille et, de l'autre côté, cela nous permettrait, Je dirais, pas d'offrir un certain encadrement aux parents, mais d'essayer de les informer, de leur amener plus d'informa- tion qu'ils n'en ont déjà.

Souvent, le problème rencontré par les familles, c'est le manque d'Information sur la maladie mentale ou sur le fonctionnement de tous les services. Le service que nous voudrions offrir, c'est qu'on permettrait d'une part à la famille de se délester un peu de la charge en prenant en charge l'enfant, l'individu concerné dans nos ressources où là il serait encadré 24 heures par jour dans des structures existantes, des ressources d'hébergement et, d'autre part, de permettre à la famille de recevoir l'Information ou l'enseignement, si on veut, qui lui permettrait de mieux assumer son rôle et moins vivre le stress Inhérent à sa situation.

Mme Lavoie-Roux: Votre deuxième volet, c'est dans le sens du soutien aux parents.

M, Cousineau: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Soutien psychologique ou enfin... Est-ce que vous ne verriez pas comme une possibilité, plutôt que de l'hébergement, que des personnes puissent assumer, au domicile de la personne qui est malade, des services directement dans son milieu, plutôt que de faire ce transfert vers une ressource extérieure, là où c'est possible? Il y a peut-être des endroits où cela ne l'est pas.

M. Cousineau: C'est une éventualité très intéressante, sauf que la façon dont on le présente, c'est qu'il y a des lits de disponibles dans le cadre des mesures de désengorgement des urgences. Il y a eu la création du centre de crise dans la sous-région et ce centre a mis en place un dispositif qui a des tits un peu partout dans des familles d'accueil, dans les ressources d'hébergement. Ces lits-là pourraient, après l'approbation du conseil régional, servir, quand ils sont inoccupés, au programme de répit aux familles, dans le cadre d'une expérimentation.

Dans ce sens-là, cela nécessiterait peu de moyens supplémentaires à ce qu'il y a déjà. C'est pour ça qu'il avait été envisagé de cette façon-là.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez combien de lits dans votre centre de crise?

M. Cousineau: Dans le centre en tant que tel, il y en a neuf, mais dans le dispositif, il y en a vingt.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ces lits-là sont toujours occupés à 99 %?

M. Cousineau: Je ne pourrais pas vous donner les chiffres précis, parce que je sais que les gens du centre d'Intervention de crise ont présenté ou sont sur le point de vous présenter un mémoire. Mais les lits sont, de façon très régulière, bien occupés. Il y a un taux d'occupa-

tion très élevé, sauf que, dans le cadre d'une entente comme ça, le dispositif de crise pourrait voir à garder un lit disponible pour une période précise, déterminée à l'avance, pour tel client et telle famille.

Dans ce sens-là, il y aurait moyen de... C'est sûr qu'on ne pourrait pas mettre vingt lits ou vingt places disponibles maintenant. On pensait plutôt à une place à chaque week-end, donc, une place pour une personne à chaque week-end et on ferait le tour des places disponibles dans...

Mme Lavoie-Roux: Alors, ce que vous dites, c'est que, déjà, il y aurait un réaménagement qui pourrait, dans un premier temps, permettre de faire une expérience de répit sur une base régulière et prévisible pour les familles qui en ont besoin.

M. Cousineau: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Il y en a d'autres qui veulent vous interroger.

Le Président (M, Bélanger): M. le député de Laviolette.

M, Jolivet: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec beaucoup d'attention ce qui a été dit jusqu'à maintenant et j'ai l'impression que j'étais mêlé un peu sur la question du plan de services individualisé. J'ai cru comprendre jusqu'à maintenant, dans toutes les propositions qui nous ont été faites sur ce dossier, que beaucoup de gens craignaient que cela ne devienne une formule administrative. Vous l'avez mentionné. Le fait d'avoir dix, quinze ou vingt pages à remplir n'a pas de bon sens, alors que le but recherché, d'après ce qu'on en a dit, n'était pas du tout celui-là.

Il y a des groupes alternatifs qui nous ont parlé de services individualisés dans la mesure où sont regroupés tous les gens qui donnent le service, que ce soit un psychologue, un travailleur social ou d'autres personnes qui, à partir du bon sens, déterminent en tenant compte des affinités de la personne qui est devant eux et des personnes qui ont à donner le service. Parce qu'on a souvent des choses semblables dans des maisons de femmes. C'est normal. C'est humain. Une personne arrive et, en termes de services, elle n'aime pas la face de quelqu'un, il vaut mieux ne pas la mettre en sa présence et attendre plutôt et l'insérer tranquillement dans le processus d'aide. Dans ce contexte, le principe du programme de services individualisé, le plan, dans mon esprit, avait pour but d'aider la personne à se découvrir quant à ses besoins et quant aux intervenants, à y répondre le plus adéquatement possible.

Ce que vous craignez, vous, parce que vous êtes dans le domaine, dans le réseau et dans les groupes d'Intervention par coordination, vous dites: On a assez vu autre chose qu'on a certaines craintes que cela devienne une formule bureaucratique. En ce sens, je vous comprends. Dans la deuxième partie, cependant, vous dites, et c'est à la page 4 de votre mémoire que vous nous avez lu tout à l'heure: "La présence d'une personne-pivot permettrait d'assurer une continuité de l'Intervention et un partage essentiel de l'information." Ce que j'ai cru comprendre au fond, c'est que vous disiez ceci: Nous avons des personnes qui viennent nous voir. Nous leur donnons un service individualisé dans les centres institutionnalisés, mais ce qui manque, c'est une certaine forme de coordination entre ce qui a été décidé pour tel type d'intervention ou pour tel autre type. On s'aperçoit, comme vous le disiez très bien, que, finalement, quand bien même je ferais un beau plan, ce plan va être sur papier parce que si je l'envoie à la banque - je vous donne un exemple -il n'y a pas de banque dans mon milieu, il n'y a que des caisses populaires, je suis pris. Dans ce sens, il faut donc s'assurer qu'il y ait une continuité quant au plan de services. Mais cette continuité doit permettre aux gens de s'assurer que ce qu'on leur propose comme services existe. S'ils n'existent pas et qu'on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de demandes en ce sens, il faudra peut-être donner ce service par l'intermédiaire des organismes qui sont dans votre milieu. Vous dites que le fait de faire ce suivi, le fait de regarder l'ensemble des besoins fera qu'on va demander à tel ministère, à tel organisme ou à tel groupe alternatif, pourquoi Ils ne donneraient pas ce service. Il y a plusieurs demandes dans notre milieu. Ai-je bien compris cette forme de coordination que vous proposez? Donc, pas de question bureaucratique, mais beaucoup plus un suivi nous permettant d'apporter des solutions aux problèmes ou aux demandes faites par les plans Individuels.

Mme Breton: Je veux reprendre deux choses dans ce que vous avez dit. Vous dites: On doit tenir compte de la personne. On doit plus que tenir compte de la personne. En tout cas, dans le plan de services, il faut qu'elle fixe ses objectifs dans la mesure du possible parce que ce que l'on constate souvent comme intervenants, c'est que ce sont nos objectifs à nous que l'on véhicule. Par exemple, le retour sur le marché du travail d'ici à six mois. Bien ouf, mais si elle ne le veut pas... C'est donc plus que de tenir compte de la personne. C'est d'en arriver à ce que de plus en plus la personne s'implique. Cela veut aussi dire chez des Intervenants de se poser de sérieuses questions. Mais c'est une autre partie parce qu'on a toujours été formés à décider pour eux. On a donc des choses à changer dans notre façon de travailler.

Le plan de services est un moyen. L'objectif visé est de rendre les personnes plus autonomes, plus responsables. Le moyen proposé est le plan de services individualisé. D'accord, il est certain que cela peut être dangereux si on s'embarque

dans des paquets de formulaires, mais, en tout cas, on a le souci... Évidemment, si cela devient un projet gouvernemental, c'est ce qui risque d'arriver. II y a certaines personnes ici, qui ont sûrement plein de qualités, qui vont s'asseoir et qui vont nous pondre des documents sauf que ce qu'on souhaiterait, c'est que ce soient les intervenants de la base qui puissent élaborer une grille et que ce soit sous-régional, encore là, pour ne pas faire des grilles pour tout le Québec. Je pense que chaque sous-région aura sa couleur à donner. En disant cela, j'ai perdu le dernier bout de votre question. C'était sur les plans de services... Ah oui! La création d'organismes de services... Ginette, veux-tu...

Mme Chartrand: C'est sur cela que j'insistais tantôt. Je me dis: D'accord, un coordonnateur actualise un plan de services toujours axé sur la personne, ses besoins, sur ce que ta personne veut faire aussi, comme Diane vient de le dire, c'est très Important parce que sinon, cela n'a pas de valeur. Ensuite, il faut ramasser cela, sinon je me dis que cela reste sous une cloche de verre et tu ne fais plus rien avec cela. Je trouve que c'est riche. C'est cela, le coordon-nateur de plans de services est en position de faire des actions multiples qui vont justement, comme Je le disais tantôt, collaborer, faire un recensement et II ramène ces informations. Mais là, ce qu'on a pensé, c'est cela, de ramener cela à une table de concertation qui est presque déjà complète chez nous. Les gens en parlent ensemble. La valeur que cette table a, c'est que, finalement, elle est composée d'Intervenants, des gens qui sont proches de la réalité et qui vont recommander des choses qui collent encore à la réalité et aux besoins.

M. Jolivet: Est-ce que je pourrais poser une question pour mieux comprendre? Vous êtes le Comité de coordination en santé mentale de la sous-région nord du Montréal métropolitain. Vous avez un organisateur communautaire, un directeur de foyer de transition, deux travailleuses sociales en centre hospitalier et une travailleuse sociale en CLSC, ceux qui sont ici ce matin. Vous faites partie d'un comité de coordination, mais vous êtes super quelque chose...

Une voix: Non.

M. Jolivet: Si tu es dans un CLSC, à l'intervention que vous devez faire au moment où vous recevez la personne, un comité, un groupe ou un travailleur social doit l'évaluer ou d'autres choses semblables. Si on est dans un centre de transition, c'est autre chose. Si vous faites une forme de coordination actuellement au-dessus de cela, c'est que vous vivez quotidiennement dans chacun de vos secteurs d'activité. Dans vos secteurs d'activité, quand vous allez recevoir quelqu'un, si vous voulez évaluer ses besoins, vous allez tes évaluer en tenant compte de ce que vous êtes dans le milieu. Vous dites dans votre texte: "La présence d'une personne-pivot permettrait d'assurer une continuité de l'intervention...* D'abord, qui est cette personne-pivot? C'est le coordinateur dont vous avez fait mention tout à l'heure? Qui nomme cette personne-pivot? En fait, qui est-elle? Je voudrais bien comprendre ce que vous voulez dire par là.

Si je me souviens de groupes qui sont venus me voir comme groupes alternatifs, ils ont leur système de fonctionnement et dans ce système, les gens se réunissent et la personne qu'ils doivent aider à préparer son plan individuel - il faut qu'elle soit aidée dans certaines circonstances - en fin de compte, elle fait son programme Individualisé qu'elle veut avoir et on la met en actualisation et on lui donne les moyens d'arriver à la finalité qu'elle recherche. Cela se passe dans un groupe alternatif. Dans un centre hospitalier où il y a des personnes qui ont des difficultés mentales, il y a d'autres personnes, des psychologues, des psychiatres et toutes sortes de gens qui travaillent, chacune dans leur spécialité. Mais où se trouve cette personne-pivot? Que fait-elle? Et qui la nomme?

M. Cousineau: Je vais essayer de faire la clarification. On dit à la page 62 du rapport: "...l'exercice de la nécessaire fonction de coordination, pour chacun des PSI..." Donc, chaque individu qui souffre de troubles sévères, c'est cité au début. Pour chaque individu est dessiné autour, et dans la mesure du possible par lui, un plan de services. Cet Individu détermine une personne qui est la personne-pivot qu'on appelle coordonnateur du plan de services. Dans cette optique, c'est complètement en aparté au comité de coordination. L'Individu, avec lui et autour de lui, on essaie de déterminer les services dont il aura besoin et une personne sera nommée pour coordonner ce plan de services. Où intervient le comité de coordination qu'on a en place? C'est de mettre en commun les besoins de ces personnes qui coordonnent ces plans de services, qui ont à négocier tes services pour les Individus. (12 h 45)

Mme Beaudry (Louise): Peut-être pour vous donner un exemple concret. Moi, je travaille dans un CLSC. Quand j'ai commencé, j'étais dans le projet du désengorgement des urgences, dans une équipe de santé mentale. Quand j'ai commencé, je suis arrivée dans la région, à Montréal-Nord, je ne connaissais pas... Je les connaissais parce que j'avais déjà travaillé dans le milieu, mais, finalement, je n'étais pas en contact avec les autres ressources du milieu. J'ai été Invitée à aller à cette espèce de comité, où on n'a pas un pouvoir décisionnel, où on est tous là des intervenants qui travaillons concrètement avec la clientèle. Mol, dans le CLSC, je reçois des Individus; un autre, c'est concernant l'hôpital, un autre pour ce qui a trait aux familles d'accueil ou au centre de crise; ensemble, on met

nos ressources en commun: Qu'est-ce que vous faites chez vous? Quels services offrez-vous?

Un exemple concret Si je regarde le CLSC de Ahuntsic, les gens avaient déjà commencé un travail avec un groupe de parents et amis de psychiatrisés. On est à côté, on est collé; ce qu'on a dit: D'accord, nous, on ne fera pas ce groupe-là parce que, à ce moment-là, la clientèle qui aura besoin de ce service, on va la référer chez vous. Comme je connais directement l'intervenant, je fais le contact téléphonique et c'est beaucoup plus facile. On évite de dédoubler des services et cela nous permet de dire: II n'y a personne qui répond à tel service, qu'est-ce qu'on peut mettre en place? Je pense que, par rapport à un coordonnateur d'un plan de soins, ce qu'on veut, c'est qu'il ait ce rôle. Ce qu'on dit, c'est que peut-être il doit avoir quelque part assez de crédibilité pour que, quand il arrive et qu'il dit: Par rapport à telle personne, moi, cela fait trois ou quatre personnes dont je m'occupe et qui ont cette difficulté, qui va répondre à cela... On est tous des gens qui travaillons dans le milieu, il va falloir qu'on dise: Lequel va créer quelque chose ou qu'est-ce que l'on va faire par rapport à ce besoin? Est-ce que c'est plus clair?

M. Jolivet: Oui. Cela m'éclaire quant à deux choses. Il y a d'abord le plan de services individualisé, qui est une chose, et le plan d'organisation des services, qui est autre chose. Là, j'avais l'impression que vous vouliez faire les deux à partir du plan individuel.

Mme Breton: Cela pourrait se faire. Dans l'infrastructure qu'on a, cela pourrait se faire. Si des plans de services individualisés... Qu'il y ait un endroit où on peut ramener les besoins parce que les besoins vont être recensés quand les plans de services vont être faits. Alors, au lieu de les garder dans nos bureaux, dans nos classeurs, qu'il y ait un endroit... On n'a pas à la faire, elle est là. SI elle n'avait pas été faite, on aurait peut-être trouvé d'autre chose. Il y a déjà une structure qui est là, alors on pourrait ramener cela là où il y a des intervenants qui offrent des services dans toute la sous-région.

M. Jolivet: J'avais compris que la question d'"être sous la cloche", cela voulait dire qu'on garde cela chez nous et on n'en parle à personne...

Mme Breton: C'est cela.

M. Jolivet: ...de telle sorte qu'on ne donne pas notre expérience aux autres.

Mme Breton: C'est cela.

M. Jolivet: C'est de cette façon que je l'avais comprise. Donc, il y a une première chose. Il y a un plan de services qui est Individualisé, qui se fait dans chacun des établisse- ments. Il y a une personne qui coordonne tout cela, on l'espère, parce qu'il ne faudrait pas que tout le monde soit responsable de tout, de telle sorte que rien ne se fait.

Une voix: C'est cela.

M. Jolivet: Comme des gens nous le disaient, ce qui arrive à la fin, c'est que l'autre se décharge en disant: Ce n'est pas ma responsabilité, c'est la tienne.

Une voix: C'est cela.

M. Jolivet: II faut donc que quelqu'un coordonne l'action dans chacun des établissements.

Une voix: C'est cela.

M. Jolivet: Une fois qu'on a fait cela, il faut que ces personnes-pivots, que vous nommez dans chacun des plans individuels, se rencontrent de temps en temps par une structure qui leur permette de véhiculer ce qu'elles font chez elles et ce qui se fait ailleurs, pour ne pas dédoubler les services et, en même temps, vivre de l'expérience de l'autre dans nos milieux respectifs.

Mme Breton: Vous avez bien compris parce que cela est bien compliqué! On a travaillé un an au CSS, avec Marie-Claire, pour essayer de comprendre les plans de services et ce n'est peut-être pas encore bien clair dans notre tête, mais plus on va y penser, plus cela va se clarifier. On va peut-être essayer d'actualiser certaines affaires et on se réajustera après.

Une petite parenthèse à cela. Le coordon-nateur - on ne voit pas cela dans le texte - il va falloir qu'il ait un pouvoir quelque part parce que si... Si on prend le fait que le coordonnateur identifie, par exemple, plusieurs de ses clients à chaque fois qu'ils vont au foyer de transition, il y a toujours quelque chose qui accroche. Cela ne marche pas. Si je suis coordonnatrice, de quel pouvoir vais-je pouvoir aller dire au directeur: Écoute, il y a des affaires dans ta ressource, cela ne fonctionne pas? Il va dire: Tu sais... Je pense que, quelque part, il falloir que les coordonnateurs... Il y a une recherche qui a été faite. Aux États-Unis, les coordonnateurs ont un pouvoir, à savoir que, lorsqu'on évalue avec les responsables des services qu'il y a quelque chose qui ne va pas, il faut quelque part être entendu; dans ce sens-là.

M. Jolivet: En tout cas, c'est le principe d'action-rétroaction, pour savoir ce qui s'est passé et comment on réagit.

La deuxième question a trait à la nomination de la personne qui est le "protecteur du bénéficiaire" - entre guillemets - parce qu'on se pose des questions quant à savoir si on garderait ce terme; d'autres appellent cela un client, c'est

l'ombudsperson". Vous faites mention que vous partagez la vision exprimée dans le rapport. D'autres ont dit qu'on devrait plutôt attendre toute la question de la Curatelle publique, le changement qui va se produire à ce niveau-là car il y a beaucoup de difficultés actuellement avec la Curatelle publique et la curatelle privée. Dans les institutions, d'autres gens disent: Oui, mais pourquoi le comité de bénéficiaires n'agirait-il pas pour et au nom de ceux qui ont à recevoir des services? Je vous demande, dans l'hypothèse où il y aurait un changement à la Curatelle publique et même des changements à la Loi sur la santé et les services sociaux quant aux comités de bénéficiaires dans les centres hospitaliers ou dans les Institutions, comment vous réagiriez. Garderiez-vous votre même proposition en disant que vous verriez la présence sous-régionale d'une telle personne comme plus appropriée et plus réaliste?

Vous dites que ce mandat pourrait être assigné à une personne provenant de la communauté, quitte à lui adjoindre une expertise légale et administrative. Donc, dans la proposition que vous faites dans votre texte, l'aimerais savoir comment vous réagissez aux différentes hypothèses véhiculées par la commission parlementaire depuis une couple de semaines?

M. Cousineau: Je pense que la proposition tiendrait toujours. On dit que certaines expériences démontrent qu'il est difficile pour une personne... Vous parlez de comités de bénéficiaires. On pense que c'est vraiment quelqu'un de la communauté, qui ne soit attaché à rien, à personne, nulle part, sauf, comme c'est mentionné, a tenir la publication d'un rapport annuel auprès de la ministre. C'est ce qui nous semble l'instance suprême, si on veut, parce que quelqu'un qui serait attaché à quelque structure que ce soit risquerait d'être biaisé. Dans ce sens-là, on dit que, même si une personne de la communauté n'a pas toute cette connaissance des lois ou de la réforme prochaine, de la réorganisation de la Loi sur la Curatelle publique ou de celle sur l'aide sociale, elle peut défendre les besoins, les problèmes ou les droits des individus, quitte à lui adjoindre une expertise légale administrative ou quelque autre expertise dont elle pourrait avoir besoin. Quelqu'un qui vit.., Je prends l'exemple d'un représentant d'un groupe de la Beauce qui nous a précédés, je pense que cette personne bien articulée est capable de défendre les besoins, les droits et les problèmes que vivent les personnes psychiatrisées. Si le problème, c'est qu'elle ne connaît pas telle ou telle loi, qu'on lui donne les services d'un avocat.

M. Jolivet: Vous savez qu'il y a des problèmes légaux reliés à tout cela.

M. Cousineau: Oui, c'est sûr.

M. Jolivet: Vous n'êtes pas sans le savoir. Il y en a qui disent que, plutôt d'avoir une formule comme celle-là, on devrait avoir une formule selon le parrainage, l'"advocacy", comme on l'appelle, selon le terme américain. D'autres prévoient d'autres formules. Vous dites que ce serait une personne de la communauté qui, sans avoir toutes les connaissances légales, pourrait être aidée par du personnel qui en a, de telle sorte que ses positions auraient une crédibilité, car c'est important qu'il y ait une crédibilité.

Deuxièmement, il faut aussi en même temps s'assurer que la personne vienne vraiment en aide à celle qui en a besoin et non pas aux parents ou aux proches qui font des pressions pour s'assurer que, si elle a une bonne dote, ce soient eux qui en obtiennent le bout. Vous savez ce que cela veut dire.

M. Cousineau: Oui, oui, oui.

M. Jolivet: J'en al connaissance chez mol et la Curatelle publique a actuellement certaines difficultés d'adaptation au système, mais la curatelle privée a aussi ses finalités, difficiles à réaliser dans certains cas.

C'est dans ce sens-là que je vous demandais si, au lieu d'avoir un système d'"ombudsperson", selon vous, un autre système comme celui de parrainage ou d'"advocacy", comme on le mentionne, serait plus réaliste.

M. Cousineau: Jusqu'à maintenant cette formule nous plaît.

M. Jolivet: D'accord. J'aurais une dernière question concernant la page 5 de votre nouveau texte. Vous dites que vous soutenez les recommandations 14, 15, 16 et 17 concernant la légitimité et le financement récurrent des ressources communautaires. Vous savez que plusieurs sont venus nous dire qu'ils avaient certaines difficultés à comprendre ce que voulait dire le rapport quant à d'autres formules que les formules communautaires, Une maison de transition peut être un organisme communautaire, mais, d'un autre côté, des organismes d'ex-psy-chiatrisés ou autres sont aussi des services alternatifs. Dans ce contexte, quand vous dites "communautaires", est-ce que vous agglomérez dans l'ensemble aussi bien les services communautalres qu'alternatifs? Et, deuxièmement, quant au financement plusieurs ont dit: Oui, mais demander 10 % - et tout à l'heure vous avez vu des gens de la Beauce nous répondre à ces questions-là - dans le milieu ça devient fastidieux, difficile. Il faut recommencer continuellement. Il faut remplir des rapports pour avoir un maigre montant de 2000 $ ou 3000 $ de telle sorte qu'au financement plusieurs se découragent. Plusieurs nous ont dit que 10 % c'était un peu trop. Des organismes syndicaux nous ont dit que 5 % serait le maximum. J'aimerais connaître, compte tenu que vous dites que vous êtes

d'accord avec les recommandations, si, devant ce qui a été dit Jusqu'à maintenant, vous maintenez votre position ou si vous argumentez autrement.

M. Boivin (Daniel): Concernant la distinction entre le communautaire, l'alternatif et l'Intermédiaire, évidemment ça suscite beaucoup de débats ardents. Notre position là-dedans c'est de dire que c'est déjà assez compliqué de comprendre ce qu'est le communautaire qu'on ne va pas commencer à faire des distinctions entre communautaire, alternatif et Intermédiaire. Une ressource issue d'une volonté communautaire, d'une volonté de la communauté, pour nous c'est, par définition ou a priori, une ressource communautaire. Qu'elle se donne des moyens ou des références qui sont plus en réaction aux discours psychiatriques et en ce sens-là qu'elle soit une alternative aux modèles médico-hospitaliers, c'est son choix. Mais elle doit permettre aussi à d'autres modèles de services d'exister. En ce sens-là, nous nous en tenons plus au terme communautaire et qu'on reconnaisse finalement comme dans beaucoup d'autres domaines de la santé et des services sociaux la légitimité de l'action communautaire, des groupes communautaires, point. Leur méthode, leur référence à des modèles théoriques, c'est une autre question et c'est à débattre au niveau d'une sous-région, d'une région ou d'un... Est-ce que la méthode est appropriée ou elle ne l'est pas? Les gens sont capables de s'en parler. Ce sont des débats, à mon avis, qui sont infructueux et qui nous empêchent de nous orienter vers la vraie raison d'être qui est la clientèle.

Concernant les 10 %, je répondrais que c'est une demande tout à fait légitime et qui est très facile à satisfaire pour la majorité des groupes communautaires. Une fois que la structure de base est reconnue, une fois qu'il n'y a plus à mettre 60 % ou 50 % des énergies à la recherche de moyens de survie, trouver 10 % ce n'est pas compliqué. Mais si on le rajoute par-dessus la recherche de moyens de survie pour ce qui est d'une structure minimale, c'est sûr que ça devient gros. Mais une fois ça reconnu, je pense que ce n'est pas un problème.

M. Cousineau: D'autant plus, si je peux me permettre, si, comme à la recommandation 17 on maintient "pouvant prendre la forme d'actions bénévoles, d'appui financier" et tout autre service. On en parlait. Les gens qui siègent au conseil d'administration sont des gens qui nous offrent leurs connaissances bénévolement. Dans ce sens-là, je trouve que le groupe de la Beauce dont on parlait, qu'on a cité tout à l'heure, il en a largement au-dessus de 10 %. Ce n'est pas un problème, les 10 %, dans ce sens-là. Dans la mesure où ce n'est pas 10 % en argent liquide, sur table et que ça peut prendre diverses formes, c'est raisonnable, je pense.

M. Boivin: Je voudrais ajouter une dernière chose, à savoir, des budgets de départ pour des organismes. Dans une phase d'Implantation les ressources sont plus Importantes et on reconnaît très peu les difficultés d'implanter une ressource communautaire et les étapes inhérentes à la recherche de fonds. On se dit souvent: II faut trouver les fonds avant de commencer. Et finalement ça ne commence jamais.

Le Président (M. Bélanger): Alors, votre temps est écoulé.

Mme la députée de Châteauguay, vous avez une question.

Mme Cardinal: Merci, M. le Président.

J'aimerais simplement, peut-être, faire part de ce que nous avons fait à Châteauguay en ce qui concerne le répit aux familles. Il y a un organisme voué à la sensibilisation à l'intégration des personnes handicapées, déficientes mentales. Un groupe de bénévoles a acheté une petite roulotte dans un terrain de camping. Il a fallu négocier. C'est une première au Québec. Et cela permet aux parents, au moins, de prendre quinze jours de vacances, dix jours, quinze jours, selon leurs besoins et, dans beaucoup de cas ça faisait, mon Dieu! quinze ou vingt ans qu'ils avaient pris des vacances. Et cela s'avère très intéressant. Premièrement cela surprenait les campeurs de voir un groupe de handicapés. Cela se limite à huit. Par la suite, on a eu énormément de collaboration. On a eu énormément d'aide en ce qui a trait à l'Intégration, la sensibilisation et la participation à toutes les activités du camping. (13 heures)

C'est là que je vols l'importance pour le répit des familles d'amener la population, d'amener les groupes communautaires à s'impliquer. Cela n'a rien coûté d'autre parce qu'on a pris les personnes-ressources au niveau du centre d'intégration et de sensibilisation. Elles étaient partagées entre le centre à Châteauguay et le centre du camping. On avait l'aide, aussi, des bénévoles qui pouvaient compléter l'assistance.

Je dois dire que cela s'est révélé très intéressant comme expérience. C'est la première fois. On se dit pilote, on était très fier de cette réalisation. Moi, je dis: C'est sûr que ça ne s'applique pas aux cas lourds, forcément. Mais, dans beaucoup de cas, même physiques, on a accepté et cela a été une expérience qui peut-être serait intéressante à impliquer, à instaurer dans d'autres régions. J'aimais le mentionner parce que c'est déjà une ressource importante au niveau du répit. Et, par le fait même, étant donné que ces gens viennent au centre, les parents ont également quelques heures de répit par jour, qui est complété l'été par des vacances de dix jours ou deux semaines selon le cas, et cela échelonné, évidemment, sur une période de quatre à six mois. Je trouve que c'est assez intéressant comme expérience. Je tenais à le mentionner. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Vous avez une courte réponse. Je vous en prie.

Mme Beaudry: Oui. Je pense que le répit aux familles, ça ne doit pas être non plus que le répit aux familles naturelles. Je pense que les familles d'accueil, quand elles s'engagent dans ce travail, c'est un travail à temps plein et peut-être qu'il faut aussi penser pour ces personnes à des moments de répit.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Je vous remercie. Brièvement.

M. Cousineau: Moi, si je pouvais me permettre un dernier commentaire ou un dernier sujet qui est en parallèle avec ce projet de politique, c'est de soulever le problème de la taxation des organismes, des maisons de transition, des familles d'accueil. Je fais état de quelques exemples. Le foyer de groupe qui est situé à Montréal paie 2314,08 $ de taxe d'affaires. À notre avis, ce problème, c'est..

Le Président (M. Bélanger): II y a effectivement eu un amendement à cette partie de la loi qui fait que la municipalité peut vous exempter de cette taxe. Faites des représentations en conséquence.

M. Cousineau: Moi, j'ai ici un texte de la ville de Laval, la loi 16 adoptée en juin 1987.

Le Président (M. Bélanger): Je sais.

M. Cousineau: II vient modifier l'article 236. Ce qu'on me dit là-dedans en date du 10 novembre 1987, c'est que cette loi permet de donner une subvention pour 1985-1986. Mais à partir de 1987, il n'est plus permis à une municipalité d'accorder une telle subvention. Cela vient de Laval, 10 novembre 1987. Je ne sais pas si entre-temps il y a eu des développements, mais hier matin, à une famille d'accueil de Beauport, celle de Mme Lucette Girard, 915 $ de taxe d'affaires ont été signalés par la municipalité de Beauport. En ce sens, moi, je voulais souligner le problème parce qu'il y a le double problème de taxation. La taxe d'affaires, comment peut-on dire qu'une ressource de transition comme la nôtre, un foyer de groupe, est une place d'affaires, surtout que nous vivons principalement uniquement de subventions et de participation des bénéficiaires?

L'autre côté du problème de taxation, c'est le problème de la taxation foncière. Pour un organisme sans but lucratif comme le nôtre la seule porte de sortie pour éviter la taxe foncière qui, encore une fois, est entre 2000 $ et 3000 $ par année, par maison, le seul moyen de l'éviter, c'est par le biais d'un numéro de charité. Quand on s'est présenté à la Commission municipale... Et ce n'est pas mon intention de contester la Commission municipale ou les décisions de la

Commission municipale, mais la Commission municipale ne peut pas reconnaître comme lieu public un lieu comme un foyer de transition où les individus séjournent pour une période prolongée. Donc, c'est considéré maison privée et non pas lieu public, ce qui fait qu'on ne peut pas être exempté de la taxe foncière.

Il y a plusieurs organismes comme le nôtre qui sont coincés avec cette situation. Il s'agirait, à mon avis, de pressions de ta part d'une commission comme celle-là sur le ministre des Affaires municipales autant au niveau de la taxation foncière qu'au niveau de la taxe d'affaires. Pour éviter qu'on ne reçoive des subventions du ministère et qu'on ne doive les donner....

Le Président (M. Bélanger): Compte tenu du temps, je dois vous arrêter. Mais je retiens votre dernière suggestion et je ferai part aux membres de la commission de cette suggestion de votre part d'écrire au ministre des Affaires municipales et de le saisir de cette particularité du problème qui crée, je ne dirais pas un préjudice, mais des problèmes importants de fonctionnement, ce qui draine des ressources financières qui sont déjà si peu nombreuses et si importantes dans d'autres secteurs. On se fera un devoir de regarder, comme membres de la commission, si on ne devrait pas prendre cette position auprès du ministre des Affaires municipales.

Compte tenu de l'heure, j'Inviterais M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Oui. Je vous remercie. Ce que vous venez de soulever m'Incite peut-être à poser un peu une question - je sais que vous n'avez pas le temps de répondre - à la suite de la dernière intervention concernant les 10 % des organismes bénévoles. Vous imaginez, des organismes comme le vôtre, les maisons de transition ou autres, demandent d'être exemptés de taxes; alors, si on demandait à l'ensemble des secteurs public et parapublic d'aller chercher 10 % de leur financement, peut-être que vous comprendriez les organismes bénévoles, les organismes communautaires, les organismes alternatifs de dire que c'est un peu trop. C'est évident que dans certains milieux cela peut être possible, mais dans l'ensemble de chacune des municipalités du Québec on est tellement sollicité de partout pour toutes sortes de choses que, finalement, c'est difficile d'aller chercher 10 %.

C'était simplement une réflexion finale que je voulais vous faire. Merci de ce que vous avez apporté comme éclairage ce matin.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux également vous remercier. Je sais que vous allez être des collaborateurs importants dans la mise sur pied d'une politique. Il y a certainement un souhait

que je veux faire comme ministre titulaire de la santé et des services sociaux. C'est que, quelle que soit l'élaboration finale ou la formulation finale de la politique en santé mentale, je pense qu'il faut certainement éviter les pièges d'une plus grande bureaucratisation parce que, dans le fond, la politique de santé mentale est justement axée sur ce désir de déstructurer au profit de la personne que l'on veut aider.

Il faudrait éviter dans la rédaction ou l'adoption finale des mesures qui se traduiraient finalement par une plus grande complexité administrative. Je pense que c'est ce que tout le monde veut éviter. On ne peut plus se permettre ce genre de complexité bureaucratique qui fait que les services coûtent finalement beaucoup plus cher et en définitive la population reçoit moins qu'elle ne devrait normalement recevoir. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): La commission remercie le Comité de coordination en santé mentale de la sous-région nord du Montréal métropolitain et suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. {Suspension de la séance à 13 h 8)

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plait!

La commission des affaires sociales reprend ses travaux aux fins de procéder à l'étude du projet de politique de santé mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre dernier.

Nous accueillons maintenant le CLSC Hochelaga-Maisonneuve représenté par M. Jean Faucon, M. Jean Sévigny, Mme Geneviève Zuccaro, Mme Hélène Fleury, Mme Claudette Desbiens, Mme Viviane Brunet et M. Pierre Mercier. Je demanderais à ce groupe de bien vouloir s'approcher.

Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour présenter le résumé de votre mémoire et une période de 40 minutes vous est allouée pour un échange avec les parlementaires sur votre mémoire. Je vous prierais donc de vous identifier et de bien vouloir procéder à la présentation de votre mémoire.

CLSC Hochelaga-Maisonneuve

M. Sévigny (Jean): M. Faucon, président du CLSC, s'excuse de ne pas être Ici aujourd'hui: il a eu un empêchement Mon nom, est Jean Sévigny, directeur général du CLSC Hochelaga-Maisonneuve.

Mme la ministre, M. le Président, messieurs les membres de la commission parlementaire des affaires sociales, au nom du conseil d'administration et du personnel du CLSC Hochelaga-Maisonneuve, je vous remercie de nous permettre de partager avec vous nos réflexions sur la santé mentale basées sur l'Implication dans le milieu sociocommunautaire de notre région.

L'équipe multidisciplinaire qui m'accompagne est composée, à ma gauche, de Mme Geneviève Zuccaro, coordonnatrice de L'Entremise, centre de crise en santé mentale de la sous-région est, et de M. Pierre Mercier, à sa gauche, éducateur au même endroit. À ma droite, Mme Hélène Fleury, coordonnatrice par intérim du module sociocommunautaire du CLSC Hochelaga-Maisonneuve; M. Christian Magny, à l'extrême gauche, travailleur social au sein de l'équipe de santé mentale de première ligne au CLSC Hochelaga-Maisonneuve, et, à l'extrême droite, Mme Claudette Desbiens, assistante à la coordination des services à domicile au CLSC Hochelaga-Maisonneuve.

Pour le bénéfice des membres de la commission qui connaissent moins chacun des quartiers de Montréal, il peut être utile de situer le contexte géographique, socio-économique et sociosanitaire dans lequel nous oeuvrons depuis 1972. Le territoire desservi est situé entre la rue Sherbrooke, où est situé le stade olympique, et le fleuve Saint-Laurent, de part et d'autre du boulevard Pie-IX, soit au sud du Jardin botanique de Montréal. Notre population d'environ 48 000 personnes est ta plus âgée de la région de Montréal. Le territoire du CLSC présente des caractéristiques auxquelles il est souvent fait référence dans le projet de politique, soit la présence de nombreux groupes communautaires, plus de 100, d'une part, et, d'autre part, l'importance relative dans la population des groupes à risques: personnes seules, familles monoparentales, personnes peu scolarisées, personnes à faible revenu, personnes inactives.

L'âge de la clientèle touchée par nos services de santé mentale se situe entre 18 et 51 ans, avec une concentration de 67 % entre 20 et 40 ans; 66 % sont des femmes, 34 % sont des hommes, 59 % des interventions sont de type thérapie brève, 21 % sont des évaluations et orientations vers d'autres ressources et 20 % des Interventions de crise.

L'intervention en santé mentale au CLSC Hochelaga-Maisonneuve s'est greffée à une pratique déjà établie de concertation et de collaboration avec les organismes du milieu depuis plusieurs années. Le CLSC a amorcé depuis 1979, sans avoir reçu de ressources additionnelles, l'implantation d'un service de santé préventive dont les activités principales sont axées sur le bien-être physique et mental des usagers et de ses services. En 1985, il a développé, en collaboration avec les organismes communautaires, un programme de prévention primaire en santé mentale. Depuis janvier 1987, nous avons systématisé notre Intervention en constituant une équipe spécialisée en santé

mentale de première ligne. Cette équipe est constituée d'un psychologue, d'un travailleur social professionnel, d'une infirmière et d'un Intervenant communautaire.

Le cas par cas dans l'Intervention en santé mentale de première ligne s'est implanté dans la tradition préventive du CLSC et ce, en regard du partenariat local qu'il a développé au cours des années. Nous offrons des Interventions psychologiques à des personnes qui, en l'absence de ce service, vivraient une détérioration de leur santé mentale et se dirigeraient à plus long terme vers les urgences psychiatriques déjà débordées. Nous voulons éviter à tout prix la psychiatrisation pour le moins onéreuse des problèmes de santé mentale traitables par des ressources beaucoup plus légères. Nous offrons de l'aide individuelle et le soutien de la communauté locale aux Individus qui utilisent nos services. Nous souhaitons donc que les recommandations 19 à 28 du rapport Harnois laissent aux CLSC leur couleur locale et leur approche globale.

Notre service de santé mentale de première ligne apporte aussi un soutien aux clientèles lourdes en attente de services de deuxième et troisième ligne afin de pallier les carences institutionnelles de nos partenaires du réseau. Prenons à titre d'exemple la longue liste d'attente d'environ trois mois pour une évaluation en psychiatrie et t'amorce d'un suivi. Nos objectifs sont de l'ordre de la prévention primaire et secondaire. Les services professionnels que notre CLSC a mis sur pied visent à ce que des gens momentanément aux prises avec des problèmes d'ordre psychologique ou émotionnel qui les empêchent de fonctionner normalement puissent recevoir rapidement l'aide dont ils ont besoin pour rétablir l'équilibre d'avant la crise et, dans bien des cas, éviter un Inutile recours à des services plus lourds comme l'hospitalisation.

De plus, le CLSC Hochelaga-Maisonneuve a été choisi à l'automne 1986 pour Implanter un centre de crise à vocation sous-régionale pour l'est de l'Ile de Montréal. Cette nouvelle ressource offre un milieu d'accueil qui fournit des services de référence, d'évaluation, d'intervention de crise, d'hébergement et de counseling aux adultes de 18 ans et plus présentant des difficultés émotionnelles et psychosociales.

L'objectif premier de ce centre fixé par Mme la ministre est de contribuer à désengorger les salles d'urgence des hôpitaux psychiatriques de l'est de Montréal, principalement celles de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine et de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. Le modèle mis en place est communautaire, centré sur le client et exclut toute forme de thérapie ou de traitement à long ternie. Nous expérimentons le partenariat, tel que recommandé dans le rapport Harnols, depuis l'ouverture du centre et pouvons témoigner des aspects positifs de cette approche pour mieux répondre aux besoins de la population. C'est à la lumière de notre humble mais concrète expérience que nous apportons nos recommandations relatives au rapport Harnols.

Je n'ai pas l'intention de relire ici le texte qui vous a été soumis, mais plutôt de souligner nos principaux commentaires et recommandations. Dans un premier temps, nous tenons à souligner que le projet de politique intervient dans la phase post-Etat-providence du développement de l'État québécois. Le concept même du partenariat élargi relève de ce contexte. Son actualisation risque cependant d'être compromise aussi longtemps que les acteurs ne sauront pas de façon plus explicite comment un de leurs partenaires, l'État, entend assumer les rôles qui lui reviennent. De plus, la plupart des recommandations à propos de la communauté visent les organismes du milieu. On passe donc sous silence les partenaires de notre communauté constitués d'individus du voisinage proche. Suivant l'expérience des équipes de maintien à domicile, l'élaboration et la mise en oeuvre de plans de services Individualisés ne sont possibles que grâce à l'implication d'un voisin ou d'une voisine, du facteur, du dépanneur et de son livreur, du personnel de la caisse populaire, etc. La richesse de la communauté réside aussi à ce niveau et il importerait de le reconnaître de façon tangible dans l'énoncé de politique. Il nous semble aussi qu'on pourrait attendre des municipalités une implication plus grande que la seule réglementation en matière de zonage mentionnée dans la recommandation 25. En effet, nous recommandons que la formation à l'intervention de réseau soit priorisée dans la révision des programmes de formation de base et l'extension des programmes de formation continue.

La recommandation relative au plan de services Individualisé, la recommandation 2, soulève d'autant plus d'Intérêt que plusieurs intervenants du CLSC en ont fait l'expérience Suivant cette expérience, il apparaît qu'il faut éviter les formules standards qui conduisent à une Identification standard des besoins, qu'il importe de former les Intervenants à travailler avec des plans d'intervention, qu'on peut avoir les moyens d'établir un plan, mais pas ceux d'en assurer le suivi, que la mise en oeuvre d'un plan d'Intervention est en relation directe avec les ressources du milieu et qu'en conséquence cette approche n'est valable que dans la mesure où les ressources sont disponibles en variété et en nombre suffisants, que l'élaboration et le suivi d'un plan d'intervention demandent du temps; il faut donc réaliser que ce temps n'est pas consacré à la prestation directe de services et que cette recommandation implique l'ajout de ressources humaines.

Les intervenants veulent aussi exprimer leur désir de prendre part aux décisions concernant le modèle de PSI. Ils manifestent aussi des inquiétudes devant la multiplication des PSI, suivant qu'ils relèvent de la politique de maintien à domicile des personnes âgées, de la politique aux personnes handicapées ou de la politique en santé mentale.

(15 h 15)

II est difficile d'administrer ces différents plans. Le CLSC souscrit entièrement à la création des programmes de répit pour les familles. Les programmes courants des CLSC peuvent aussi apporter du soutien aux familles et répondre à leurs besoins. On pourrait ainsi faciliter et encourager la participation des proches à des programmes de relaxation, de gestion du stress, par exemple.

Le CLSC veut s'assurer que, dans l'esprit du comité, les acteurs significatifs dans le champ de la santé mentale comprennent aussi les organismes du milieu et les aidants naturels. C'est dans ce sens qu'ils recommandent que des budgets de formation soient mis à ta disposition des groupes communautaires et des aidants naturels.

Nous abondons dans le même sens que la recommandation 12 sur l'importance de la recherche évaluative, tout en précisant que le ministère de la Santé et des Services sociaux par l'intermédiaire de la Direction de l'évaluation des programmes met à la disposition des établissements et des groupes communautaires des outils et des protocoles de recherche pour faciliter le développement d'une fonction de recherche dans leur organisation.

Le CLSC Hochelaga-Maisonneuve considère qu'il ne suffit pas de préciser et de publiciser les critères de sélection pour simplifier l'accès au soutien proposé par le MSSS aux groupes d'entraide, de promotion et de défense des droits. Il importe aussi de s'assurer, au préalable, que ces critères répondent aux possibilités réelles de ces groupes.

Pour promouvoir une accessibilité accrue, le CLSC recommande donc que les programmes soient formulés en des termes compréhensibles et accessibles, que les règles de présentation des projets soient simplifiées et cohérentes, que les critères d'accessibilité soient moins restrictifs, qu'un soutien soit assuré par les organismes subventionnaires pour accompagner les groupes dans la présentation de projets et la préparation des rapports.

La recommandation 17 fait appel à la contribution directe et effective de la communauté au financement ou au fonctionnement des ressources. Le CLSC reconnaît le bien-fondé de cette recommandation, mais s'Interroge sur la part proposée de 10 %. Il lui semblerait plus judicieux que la contribution soit fixée à partir d'un Indice qui tienne compte de deux facteurs: l'indice de "défavorisation" du milieu et le nombre de ressources à supporter. Pour le CLSC Hochelaga-Maisonneuve, il s'agit de plus de 100 groupes communautaires, de plus de 300 permanents dans ces groupes et de plus de 1000 bénévoles.

Le CLSC Hochelaga-Maisonneuve recommande que la création d'un groupe multidis-ciplinaire d'experts, tel qu'énoncé dans la recommandation 30, reconnaisse aussi l'égalité et l'expertise spécifique des divers Intervenants institutionnels et communautaires et qu'on utilise au maximum leurs compétences sur le terrain. C'est une des conditions essentielles à l'instauration d'un partenariat véritable.

Nous tenons à souligner que des programmes de prévention devraient être développés à l'Intention des adolescents et des hommes de 12 à 65 ans relativement à la violence et aux abus sexuels. La volonté de référer les cas de crise suicidaire au centre de crise, telle que décrite dans la recommandation 33, doit s'accompagner d'un statut juridique clair concernant la responsabilité en cas de suicide ou de problèmes majeurs dans ce sens. Actuellement, seuls tes hôpitaux hébergent les personnes à risques suicidaires élevés et sont protégés au niveau de leur responsabilité légale. Les centres de crise n'ont pas de statut juridique leur permettant d'assumer cette responsabilité. Pour qu'un véritable partenariat et qu'une cohérence des services s'installent, il faut mettre fin, entre autres, à ta référence médicale exigée pour obtenir de nos clientèles des services de santé mentale de deuxième et troisième Iigne. C'est la notion de collaboration qu'il faut réinventer plutôt que de poursuivre le dumping que nous connaissons. Il est indispensable de se prémunir contre l'ingérence, voire l'envahissement dans les pratiques psychiatriques de notre processus de développement des services en santé mentale.

Finalement, nous souhaitons l'amorce d'une politique de la santé où la dualité santé physique et santé mentale sera dépassée. Nous favorisons une approche globale de la personne car cette approche sert actuellement de fondement et de perspective dans l'élaboration de nos programmations et la structuration de nos services.

Je termine mon intervention sur ce point. L'équipe qui est avec moi est entièrement à votre disposition pour répondre à vos questions et, si nécessaire, illustrer notre point de vue par des exemples pratiques. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le directeur général. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier tes représentants du CLSC Hochelaga-Maisonneuve pour leur mémoire présenté à la commission portant sur le projet de politique en santé mentale. Je pense que vous avez très bien travaillé pour tenter d'analyser l'ensemble du rapport Harnois. J'aurai quelques questions précises. Comme notre temps est limité, je vais aller directement aux questions en m'en tenant exactement aux informations que je veux obtenir.

À la page 2 de votre mémoire, vous dites que, compte tenu de l'expérience que vous avez eue comme service de première ligne en santé mentale, à laquelle s'est ajoutée votre expérience de centre de crise, vous croyez tout à fait

opportun et faisable d'envisager un partenariat élargi en santé mentale. Pourriez-vous élaborer un peu plus sur la façon dont vous voyez ce partenariat élargi?

M. Sévlgny: Peut-être que Mme Fleury pourrait répondre à cette question.

Mme Fleury (Hélène): Oui, je vais tenter de préciser ce qu'on a voulu dire, Dans Hochelaga-Maisonneuve, nous vivons depuis plusieurs années un partenariat avec les organismes locaux qui interviennent directement avec - nous le faisons d'ailleurs aussi - la population qui est concernée par différents problèmes. Nous souhaitons poursuivre et même améliorer cette collaboration avec les autres organismes qui jouent auprès des individus un rôle de soutien, un rôle d'entraide et qui se rendent mutuellement des services qu'on ne peut pas chiffrer en argent et qui, s'ils n'étalent pas rendus, créeraient de plus grandes difficultés aux populations concernées.

Je ne sais pas si Christian a des choses à apporter. Christian Magny intervient en santé mentale de première ligne au CLSC. Dans son Intervention, il intervient auprès d'individus, mais il intervient aussi auprès de groupes auxquels il apporte formation et soutien pour que les Intervenants de ces groupes poursuivent leur intervention auprès d'individus qui ne viennent pas dans des services de psychiatrie ou de santé mentale.

Mme Lavoie-Roux: ...cette phrase de votre mémoire: II est faisable d'envisager un partenariat élargi en santé mentale. C'est que dans votre CLSC il y a déjà une tradition ou une pratique - appelons-la comme on voudra - de travailler avec les organismes du milieu et, dans ce sens-là, c'est une approche qui peut s'appliquer au domaine de la santé mentale, comme elle s'est probablement appliquée dans d'autres secteurs, qu'il s'agisse des personnes âgées ou d'autres. Je pense que c'est dans ce sens-là qu'il faut l'interpréter.

Mme Fleury: C'est dans ce sens-là qu'il faut l'interpréter.

Mme Lavoie-Roux: Maintenant, vous ajoutez dans le paragraphe suivant: "...certains groupes d'acteurs appartenant à la communauté apparaissent trop peu mobilisés pour l'atteinte des objectifs de la politique." J'aimerais que vous expliquiez un peu plus. Cela semble un obstacle empêchant... En tout cas, de la façon qu'on le lit.

Mme Fleury: La mobilisation, quant aux groupes, est toujours reliée à un facteur de formation et à un facteur de financement aussi. Alors, quand on vit avec des groupes communautaires qui sont continuellement à ta recherche, de mois en mois, de semaine en semaine, de ressources financières pour payer le local, pour continuer à assurer les services de rencontre, d'entraide et de soutien qu'ils offrent, c'est difficile de maintenir une certaine stabilité, une certaine mobilisation pour continuer à offrir des services. Alors, les groupes avec lesquels on collabore, le premier point sur lequel Ils insistent toujours, c'est: Qu'est-ce que vous pouvez faire financièrement, en plus des services que vous nous offrez, pour qu'on puisse continuer? Parce que d'une année à l'autre ils ne sont jamais certains de pouvoir poursuivre. Alors, II y a une grande partie de leur agir qui est autour du financement

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais tout de suite aborder - j'ai eu l'occasion de le fafre en d'autres occasions au cours de cette commission - cette question des organismes volontaires qui ne savent jamais s'ils vont être financés d'une année à l'autre. J'en suis que les organismes communautaires puissent ne pas se trouver financés suffisamment. Je peux partager ce point de vue-là. Mais, à ma connaissance et, en tout cas, ce que j'observe depuis deux ans, c'est que le renouvellement d'une subvention, sauf, je dirais, dans les cas de malversation, qui sont très rares d'ailleurs, ou de cessation des activités, le renouvellement est automatique. Il n'y aura peut-être pas d'augmentation ou d'indexation, mais c'est quasi automatique, sauf dans les circonstances dont je viens de parler. Alors, plusieurs personnes sont venues nous dire: L'année suivante, ils ne savent jamais s'ils vont être financés. En tout cas, s'il y a plusieurs groupes dont on a arrêté le financement, j'aimerais en connaître les raisons parce que, à ma connaissance, cela est tout à fait exceptionnel.

Mme Fleury: Les groupes reçoivent une partie du financement, mais le financement qu'ils reçoivent d'organismes publics ne répond pas à 100 % de leurs besoins.

Mme Lavoie-Roux: Ah! je le sais. Qu'ils ne soient pas suffisamment financés, j'en suis, mais vous dites que, chaque année, ils se demandent si cela va être renouvelé. Cela m'étonne.

Mme Fleury: II y a des groupes qui reçoivent du financement du ministère, mais il y en a qui...

Une voix:...

Mme Lavoie-Roux: Pardon?

Une voix:...

Mme Lavoie-Roux: Allez-y!

M. Rochefort: De la façon qu'elle le dit, elle a raison. Je suis convaincu qu'il n'y a peut-être même pas de cas où II n'y a pas eu de

renouvellement Sauf que, entre une situation de fait et une certitude acquise dans l'appareil gouvernemental et auprès des groupes que, à moins que, c'est certain, et il y a une procédure et une tradition qui font que... Le problème, c'est que personne n'a pris d'engagement, de la même façon qu'on sait bien qu'un centre hospitalier, un CLSC, est sûr que, même si personne n'a pas signé de contrat avec lui indiquant qu'il ne sera pas fusionné, fermé, aboli, ou qu'on ne mettra pas la clé dans fa porte, il est sûr d'avoir son budget l'année suivante, ce qui n'est pas le cas d'un organisme communautaire, compte tenu de la fragilité de sa structure, du nombre d'années d'existence, de sorte qu'il n'est pas certain d'avoir son financement l'année suivante au même titre qu'un établissement du réseau. C'est dans ce sens-là que tout le monde vient nous dire ici ou dans chacun de nos bureaux de comté, quel que soit le côté où l'on est: Écoutez, on voudrait au moins avoir la certitude que, pendant trois ou quatre ans, on sera subventionné, à moins qu'il n'y ait malversation et tout cela.

Je résume. Entre ce que vous dites être juste et un engagement formel, à savoir que, oui, vous serez subventionnés pendant les cinq prochaines années, à moins que... Il y a une différence du Jour à la nuit pour un organisme communautaire et aussi pour sa capacité d'aller chercher de l'argent de l'extérieur, du privé, d'organismes qui subventionnent des groupes comme les leurs, etc.

Mme Lavoie-Roux: Un gouvernement ne peut s'engager... Je pense qu'on est ici pour discuter franchement. En 1986-1987, on n'a pas indexé - d'ailleurs, l'indexation était de 1,345 %; en tout cas, de 1,34 % ou quelque chose comme cela - et cet argent a finalement été utilisé pour d'autres qui étaient en attente, grosso modo, mais, comme je vous le dis, les autres ont été refinancés même s'il n'y a pas eu d'ajout. C'est dans ce sens que je dis qu'on ne peut pas toujours assurer l'Indexation parce qu'on sait que, dans les années passées, que ce soit dû à la récession ou à quelque facteur que ce soit, même dans le secteur public, il y a des années où les dépenses n'ont pas été indexées ou n'ont été indexées que partiellement Je pense qu'il n'y a pas de gouvernement qui puisse donner l'assurance que, ouf, chaque année, le renouvellement sera indexé au coût de la vie. Par contre, il y a peut-être moyen de voir s'il n'y aurait pas des règles minimales ou des critères minimaux. Dans les faits, je vous le dis, c'est une expérience de deux ans et on arrive à la troisième année cette année, sauf que, pour les raisons que je vous explique, on pourrait décider... On pourrait dire: On vous a toujours financés ici, mais, dans le fond, vous appartenez à Loisir, Chasse et Pêche. Il n'y en a pas beaucoup, mais cela pourrait aussi être une activité qui relève d'un autre... Cela aussi, c'est tellement marginal par rapport à l'ensemble des organismes... Il n'y en a peut-être même pas, en fait. Mais c'est strictement pour des raisons comme celles-là.

En tout cas, je vais examiner la question et voir si on peut au moins commencer par deux ans et on verra pour trois ans. Mais c'est tellement automatique, à toutes fins utiles, sauf les quelques exceptions que j'ai mentionnées, qu'on pourrait au moins donner cette assurance et, au lieu de retourner à la demande de renouvellement de la subvention la deuxième année, on pourrait se satisfaire d'un rapport d'activité parce que, d'un autre côté, on donne 35 000 000 $, grosso modo; l'an prochain, ce sera à peu près cela. Cette année, je pense que c'est 31 000 000 $ ou 32 000 000 $. On ne peut pas non plus laisser cela un peu à la va-comme-je-te-pousse. C'est de l'argent, 35 000 000 $. Je pense qu'il y a moyen d'arriver à régler cela. (15 h 30)

Le Président (M, Bélanger): M. Sévigny. vous vouliez réagir?

M. Sévigny: Oui. Mme la ministre, le point qui vient d'être soulevé prend une forme importante, surtout quand on le vit dans le partenariat. Je vous donne un exemple. Nous, quand on travaille en santé mentale, pour bien utiliser tes fonds et les ressources qui sont mis à notre disposition, il faut être capable de planifier. À partir du moment où tu ne fais pas que rêver au partenariat, mais que tu le vis avec tes groupes, tu essaies de planifier pour un an, deux ans, trois ans afin d'implanter et d'amener une modification ou une dynamique, mais ces gens, leur réaction, c'est de dire tout le temps: Je ne sais même pas si l'an prochain je vais être capable. Je ne peux pas m'engager comme partenaire avec toi pour un plan échelonné sur trois ans et arriver à un objectif très clair. Je pense qu'à ce moment-ci ce qui est important au niveau de notre réflexion, c'est que la dynamique du partenariat implique que ceux qui, sérieusement et à l'intérieur d'un cadre très bien déterminé... Cela devient quasiment un contrat entre nous. II va falloir qu'ils aient la même assurance que nous parce que, si un jour eux glissent parce que leur budget n'est pas assez élevé et que notre besoin augmente sensiblement à cause de l'engorgement des urgences et d'autres problématiques sociales du milieu, c'est sûr qu'on voit ces gens se dégager et se départager, c'est la réaction exactement contraire à celle de vouloir établir un vrai partenariat tous les jours.

Mme Lavoie-Roux: Écoutez, on a pris pas mal de temps sur cette première question. Très brièvement, je vais vous poser deux questions en même temps, même si elles sont d'ordre différent. La première, c'est relativement à l'ajout de ressources pour faire des plans de services. Cela m'a un peu surprise. Vous avez dit: Quand on fait des plans de services, on ne donne pas

des services directs, alors il faudrait un ajout de ressources. Je dois vous dire que, pour moi, normalement, il doit y avoir quelque forme de plan de services qui soit faite quand on reçoit un individu et qu'on décide de travailler avec lui. Là, ce qu'on dit, c'est: Faites-le, de telle sorte que toutes les personnes impliquées travaillent ensemble et qu'on ait un objectif au bout du compte. Mais, quand vous commencez déjà à me demander des ressources additionnelles pour arriver à faire le plan de services dans un établissement donné, je dois vous dire... Ceci est mon premier point

Mon deuxième point: Comme vous êtes peut-être le seul ou le premier CLSC qui ait eu un centre de crise, je voudrais en profiter pour vous demander dans quelle mesure vous trouvez que c'est une ressource utile. Pratiquez-vous des pratiques - excusez la redondance - d'exclusion de clientèles? Finalement, dans quelle mesure - je vous demande de faire des évaluations pour lesquelles vous n'avez peut-être pas les outils, mais au moins donnez-nous votre perception des choses - dans quelle mesure ceci est-il un élément qui contribue, d'une part, au désengorgement des urgences et, d'autre part, diminue - mais vous n'êtes peut-être pas capable de l'évaluer - le phénomène de la porte tournante, parce que vous êtes capables de stabiliser les gens pendant les huit, douze ou quatorze jours que vous les avez? C'est un peu une évaluation, je l'admets, qui va être grossière du centre de crise comme étant une ressource utile dans la santé mentale.

M. Sévigny: À votre première question, Mme la ministre, au niveau des plans de services, et je prendrai très peu de temps, quand on parle de ressources additionnelles, c'est qu'un plan de services, tel qu'il est imaginé, très souvent, de façon technique, consomme énormément de temps à l'implantation au suivi. Alors, quand on parle de ressources additionnelles, pour nous, ça ne prend pas une ampleur épouvantable, mais il ne faut pas oublier qu'on doit rendre des comptes quant à l'application de ces plans de services et qu'il y a certains critères qui, très souvent, sont dessinés pour des centres hospitaliers où la structure est assez importante. Chez nous, ce n'est pas le cas. Alors, cela veut dire que les intervenants, normalement, sont sur le terrain à donner de l'action directe à nos gens, mais on est obligé de récupérer quelques heures pour s'assurer que le plan de services est bien appliqué, C'est dans ce sens. Je ne prendrai pas plus de temps sur ce point.

Le deuxième point, en ce qui a trait au centre de crise, je pense que Mme Zuccaro pourrait répondre aux trois questions que vous avez posées.

Mme Zuccaro (Geneviève): Je pense que c'est une ressource qui est utile au CLSC dans le sens que cela fait suite à la préoccupation qu'avait le CLSC Hochelaga-Maisonneuve en santé mentale avant les mesures de désengorgement des salles d'urgence. Pour le moment, je peux dire que nous sommes quand même une ressource rattachée au CLSC Hochelaga-Maisonneuve qui dessert la sous-région est. Or, le CLSC est local. On est quand même sous-régional. On dessert encore exclusivement tes deux hôpitaux de la sous-région est qui sont Maisonneuve-Rosemont et Louis-Hippolyte-Lafontaine. Nous n'avons pas encore commencé la phase 2 qui est de répondre à la population en général sans passer par les urgences. C'est une décision qui a été prise en accord avec tous les partenaires de la sous-région est.

Alors, par rapport à l'exclusion de la clientèle, selon l'expérience que nous vivons, nous avons basé le centre de crise sur le désengorgement des salles d'urgence, ce qui était votre première demande, et c'est aussi une clientèle qui vit une crise psychosociale. Alors, on a voulu exclure le minimum d'individus à être référés au centre de crise et on s'aperçoit qu'on reçoit autant des cas psychiatriques lourds que des cas d'hommes ou de femmes qui vivent des problèmes de santé mentale ou des problèmes de crise aiguë, mais qui ne sont pas des cas psychiatriques. Notre Intervention basée sur la crise répond aux deux types d'Individus, qu'ils soient psychiatrisés ou non. C'est quand même une expérience intéressante parce qu'on n'a pas voulu dire: On ne reçoit qu'une clientèle psychiatrique. On n'a pas voulu dire: On ne reçoit qu'une clientèle psychosociale.

Mme Lavoie-Roux: II faut bien dire qu'au départ c'était vraiment pour la clientèle psychiatrique.

Mme Zuccaro: Oui, mais, comme nous dépendons de la référence des hôpitaux, ces derniers nous envolent parfois des cas qui sont en crise psychosociale.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que la majorité de vos références viennent des hôpitaux?

Mme Zuccaro: À 1OO %. Mme Lavoie-Roux: À 100 %.

Mme Zuccaro: On est encore en plein dans la phase 1 jusqu'au 31 mars 1988. La question que vous posez également au sujet du désengorgement des salles d'urgence, à savoir si cela répond vraiment à leurs besoins...

Mme Lavoie-Roux: Peut-être pas à leurs besoins, mais est-ce que cela a un effet, disons?

Mme Zuccaro: J'aurais tendance à dire que oui parce que, sur les 217 cas que nous avons reçus jusqu'à présent depuis le 2 mars 1987, il y en a à peu près 10 % qui sont retournés dans les

hôpitaux, ce qui n'est pas énorme, compte tenu du fait que nous avons reçu 45 % de clientèle psychiatrisée lourde. Les 55 %, finalement, c'est une clientèle en crise psychosociale. J'aurais quand même tendance à dire qu'on répond au mandat d'éviter l'Institution.

Mme Lavoie-Roux: Définissez-moi donc ce que vous appelez une crise psychosociale.

Mme Zuccaro: Une crise psychosociale, c'est une personne qui vit une situation difficile passagère sur le plan de son environnement immédiat, soit un deuil, soit une séparation. On travaille simplement à court terme sur la crise et sur les facteurs déclenchant la crise. Quand on s'aperçoit que c'est une pathologie plus sévère, à ce moment-là, nous référons le cas. C'est ce que je disais un peu au début - Je n'ai peut-être pas été très claire - l'intérêt de travailler directement sur la crise, c'est qu'on ne fait pas de sélection a priori sur d'autres problématiques qui seraient, par exemple, de dire: Vous n'allez pas recevoir d'itinérants. On aurait pu dire: On ne reçoit pas de cas psychiatriques lourds. En fait, on s'est rendu compte que les cas psychiatriques lourds étaient fonctionnels après quelques jours. Finalement, nous restons centrés - c'est ce qui est intéressant par rapport au rapport Har-nois - sur la personne. La crise momentanée que la personne est en train de vivre, qu'elle soit une personne dite psychiatrisée ou non, on travaille sur la crise et nous référons. L'intervention dure entre quinze jours et trois semaines.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Brièvement, M. Sévigny.

M. Sévigny: Oui. Mme la ministre, en ce qui a trait au désengorgement, je crois qu'il y a une information qu'il serait important de vous communiquer. Non seulement on vient vous expliquer que le centre de crise a joué son rôle dans le désengorgement des urgences des hôpitaux psychiatriques, mais aussi que le programme en santé mentale de première ligne qui a été instauré en Janvier joue un grand rôle chez nous à cause d'un processus qui est naturel: 62 % des gens qui s'adressent au programme de santé mentale de première ligne viennent d'eux-mêmes, sans aucune référence, pour des raisons historiques propres à notre milieu. Par le fait même, par le programme de santé mentale de première ligne, on évite qu'ils se rendent à l'urgence de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine. Je vous le donne à titre d'information. Les deux nouveaux programmes qui ont été institués en janvier 1987 ont atteint les objectifs que vous aviez fixés au départ.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de

Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'ai beaucoup retenu de la discussion que vous avez eue avec Mme la ministre. Vous allez me permettre de faire un passage rapide sur deux points. D'abord, la question du financement. Vous dites que la contribution demandée, en termes de principe de base, vous n'êtes pas en désaccord avec cela, mais vous en avez peut-être sur le bien-fondé des 10 % demandés. Ce sont des questions qu'on a posées à des organismes bénévoles et à des organismes alternatifs ou communautaires.

Ce que vous dites, c'est qu'on devrait tenir compte d'autres facteurs que de ces simples 10 %, à froid. Vous dites: Dans les milieux défavorisés - c'est une des interventions qu'on fait souvent - Il devient difficile, lorsqu'il y a plusieurs organismes communautaires, d'aller chercher un tel financement. Vous mettez des choses au pourcentage demandé en disant: On devrait tenir compte de l'indice de "défavorisation" du milieu et du nombre de ressources à supporter. On peut être en accord complet avec vous... D'ailleurs, on l'a dit, on l'a répété, les 10 %, cela devient difficile dans la mesure où il y a trop d'organismes dans le milieu qui vont venir demander à tout le monde, aux mêmes personnes de fournir un pourcentage allant jusqu'à 10 %.

Quant au plan de services individualisé, vous faites des recommandations dans le même sens que tous les organismes du milieu institutionnel. Vous dites: II faut éviter des formules standards d'identification des besoins, du genre CTMSP, pour les personnes âgées. Autrement dit, vous ne voulez pas que cela devienne une chose bureaucratique. Vous dites: Cependant, on devrait ajouter du personnel. J'aimerais vous entendre rapidement sur les deux sujets que j'ai soulevés pour que vous nous donniez davantage de renseignements sur ce que vous avez répondu à Mme la ministre - j'aimerais que vous insistiez davantage là-dessus - quand vous avez dit qu'il devra y avoir des ressources additionnelles pour la mise en place du plan de services individualisé.

M. Sévigny: Pour ce qui est de la question des 10 %, tout à l'heure, dans ma présentation, j'ai mis un peu plus de détails que ce qui est dans le mémoire. Seulement en nombre de ressources à supporter, surtout, comme je le disais tout à l'heure, quand on veut vraiment vivre le partenariat... Je donnais, à titre d'exemple, je disais qu'il y avait plus de 100 groupes communautaires chez nous qui jouaient un rôle de partenaire et qui comprenaient 300 permanents et 1000 bénévoles. Lorsqu'on parie des 10 %, ce n'est pas qu'on veut mettre un chiffre plus élevé, c'est seulement pour tenir compte - une forme de pondération pourrait être

aménagée; je pense qu'il y a moyen de le faire - lorsqu'on veut jouer un rôle de partenariat, du tissu d'organismes communautaires qui existe déjà dans le milieu et qui est très actif historiquement Effectivement, si on veut être capable de travailler au maximum avec ces gens-là, il va falloir en tenir compte. C'est dans ce sens-là qu'on le dit, mais ce ne sont pas nécessairement des dollars qu'on veut, c'est seulement de tenir compte d'une réalité qui est la nôtre et qui, idéalement, devrait être celle-là en termes de dynamique avec les partenaires du milieu.

Pour ce qui est des coûts additionnels pour le plan de soins, peut-être que Claudette...

Mme Desbiens (Claudette): C'est qu'en ce qui concerne le plan de soins, on a parfois à travailler avec différents partenaires. Une formule standard comme la CTMSP est assez longue à remplir et fastidieuse, en tout cas. Si on a une formule qui est à peu près dans le même style parce qu'on va travailler ensemble, pour remplir la CTMSP, cela Implique une heure et demie de travail avec la personne. Après cela, cela demande du travail au bureau parce qu'elle n'est pas entièrement complétée. Alors, c'est là qu'on demande des ressources additionnelles. C'est que, s'il y a une formule standard comme cela, cela va impliquer plus de travail pour l'intervenant De plus, on travaille auprès des personnes handicapées et des personnes du troisième âge, et en santé mentale auprès des moins de 60 ans. SI chacun a ses formulaires... Chacun a sa manière de procéder et sa méthode de travail. S'il faut qu'en plus il y ait une formule plus standard ou un plan de soins individualisé... On fait tous des plans de soins individualisés, mais on a chacun notre manière de procéder et on fonctionne ensemble après. C'est à cet égard. (15 h 45)

M. Jolivet: À la page de votre mémoire où vous faites mention du rôle du CLSC dans la gamme de services, vous dites: Le mémoire recommande une certaine forme de discrimination positive en faveur des CLSC étant donné leur implication locale et leur rôle de première ligne. Vous faites mention à un autre endroit d'une certaine absence quant à la référence du CLSC. Vous déplorez un peu cette absence de référence dans le projet de politique, malgré votre Implication dans la santé mentale. Tous les groupes qui sont venus veulent être impliqués dans la future politique de santé mentale au Québec. Les psychiatres l'ont dit d'une autre façon, les autres organismes aussi. Les syndicats disent: On veut être dedans. Les psychologues l'ont dit. J'aimerais savoir, compte tenu de votre implication dans le milieu, quel est le rôle que vous aimeriez voir jouer par les CLSC à l'intérieur de la future politique de santé mentale au Québec.

M. Sévigny: Quand on parle de discrimina- tion positive, c'est exactement ce qu'on veut dire. On pense qu'on démontre aujourd'hui non seulement notre volonté d'agir en santé mentale et, de façon globale, en partenariat avec ceux qui nous entourent, mais on le vit déjà. Ce qu'on vous présente aujourd'hui est un peu le résultat de ce qui a été vécu et c'est dans ce sens qu'on dit: On est là, on l'a fait et cela donne de bons produits. Il y a même des Idées qui sont énoncées dans le rapport Harnols qu'on a vérifiées dans le vécu, et, effectivement, c'est très positif.

Quand on dit qu'il manque de référence au CLSC, c'est qu'il y a des endroits où il aurait des rôles à jouer ou des responsabilités à assumer, mais cela n'est pas clairement Identifié. On dit: II manque de référence, on aurait pu dire carrément: C'est une vocation locale, c'est avec les groupes communautaires, etc. Pour nous, cela s'identifie au CLSC, mais ce n'est pas dit clairement dans le rapport C'est plus cet aspect qu'on voulait souligner. Nous, on croit déjà jouer un rôle important et on veut que cela continue. On offre à la population de continuer à jouer ce rôle.

M. Jolivet: II y en a qui disaient qu'ils voulaient être une sorte de porte d'entrée dans le système, si jamais on avait besoin de référer des personnes à des institutions ou à des organismes communautaires, à des organismes alternatifs. Est-ce que vous voyez cela comme ceci: la personne s'adresse d'abord à vous et, ensuite, vous la référez?

M. Sévigny: Ce que je mentionnais à Mme la ministre tout à l'heure, c'est que c'est un élément important chez nous. Le CLSC est installé depuis très longtemps. Il est né d'une volonté populaire, communautaire Quand je dis qu'en santé mentale on joue un rôle de très grande prévention, c'est que 62 % des gens qui ont été reçus sont venus spontanément chez nous. Cela veut dire que, dès qu'ils sentent qu'il commence à y avoir un déséquilibre, ils viennent nous voir, et, immédiatement, on résorbe. C'est de ta prévention. C'est cela la porte d'entrée des services en santé mentale. Peut-être que Christian pourrait expliciter cette approche, mais c'est une approche préventive dans tout son sens.

M. Magny (Christian): Très brièvement, pour expliquer que les gens se présentent spontanément au CLSC avec ou sans rendez-vous. Il n'y a pas de liste d'attente, ce qui fait que, dans un très court laps de temps, les gens sont en contact avec un intervenant de santé mentale de première ligne. Une première évaluation se fait. À partir de cette évaluation, si toutefois on considère que la personne a besoin d'un traitement spécialisé ou d'un traitement à long terme, il y a référence Immédiatement à Louis-Hippolyte-Lafontaine, par exemple. Sinon, si on considère, avec la motivation de la personne et

la problématique présentée, qu'on peut intervenir dans un cadre de quatre mois de façon efficace et satisfaisante pour le client, on amorce une prise en charge à ce moment-là. Alors, c'est dans ce sens que porte ouverte peut s'interpréter, c'est-à-dire qu'on reçoit les gens et on les oriente au besoin si on ne peut pas leur donner le service.

M. Jolivet: On devrait changer les mots "porte tournante" par "porte ouverte".

Une dernière question portant sur la désinstitutionnalisation. Ce matin, il y a un groupe qui est venu et qui nous a dit Justement que le groupe d'experts les inquiétait un peu. Vous demandez, comme vous le disiez tout à l'heure, qu'on reconnaisse plutôt l'expertise des acteurs sur le terrain, que ce soient les groupes communautaires, les proches, les CLSC, les aidants naturels. Est-ce que vous pourriez en dire davantage, par rapport au groupe d'experts proposé pour la désinstitutionnalisation, quant au rôle que vous voyez pour les autres intervenants, acteurs, CLSC, aidants naturels, proches et autres?

M. Sévigny: Mme Hélène Fleury va répondre.

Mme Fleury: En fait, actuellement, la façon de procéder, c'est qu'une personne est dans son milieu, elle fonctionne mai. Pour être suivie, recevoir des soins, il faut absolument qu'elle soit référée par un médecin. Même si, physiquement, elle n'a pas de problème médical, elle doit absolument aller voir un médecin de pratique générale qui va la référer. Ce que nous on dit, c'est qu'il y a d'autres Intervenants dans le milieu qui ont aussi des compétences et de l'expertise. Ce qu'on souhaiterait, finalement, à plus long terme, c'est qu'il n'y ait pas l'obligation de cette référence médicale, mais que, dans les milieux où il y a déjà une collaboration avec le CLSC ou avec des Intervenants du CLSC, que la personne qui ne va pas bien puisse être directement référée au service qui lui est nécessaire, sans nécessairement être obligée d'avoir le suivi médical.

Il y a des intervenants dans le milieu qui, de temps en temps, nous appellent pour nous dire: Je travaille avec Mme Unetelle. Elle ne va vraiment pas bien. Son enfant est décédé la semaine dernière, quelque chose de louche un peu, quelque chose de pas précis. Elle ne va pas bien, je ne sais pas trop quoi faire avec elle. Elle ne veut pas aller à l'hôpital, naturellement, parce que, aussitôt que tu ne vas pas bien dans ta tête, la mentalité, c'était l'hôpital psychiatrique. Elle ne veut pas se faire suivre en psychiatrie et tout ça. Souvent, dans certains cas, nous, on intervient avec la personne référante, qui, elle, va continuer à assurer le suivi auprès de la personne. Mais, si cette personne pouvait elle-même faire une démarche avec l'usager pour aller chercher des services sans avoir toute l'escalade des entrevues, le médecin, l'évaluation psychiatrique, la référence... Ce qu'on souhaite, c'est que les intervenants du milieu, les travailleurs de CLSC, les intervenants des groupes qui travaillent déjà en collaboration puissent avoir accès à des services plus spécialisés en partant de l'expertise et des connaissances qu'ils ont déjà-

M. Jolivet: En fait, vous parlez d'une désinstitutionnalisation en n'institutionnalisant pas la personne.

Mme Fleury: Absolument. En n'institutionnalisant pas...

M. Jolivet: Et non pas l'inverse.

Mme Fleury: il ne faut pas institutionnaliser, au contraire; surtout pas les gens qui n'ont jamais été Institutionnalisés. On a des exemples au CLSC de personnes qui sont venues demander des services et qui, parce que maintenant on a les services d'une psychologue et d'un travailleur social spécialisé en intervention en santé mentale, n'ont pas été hospitalisés, ne sont pas entrés dans tout le système de psychiatrisation, qui est très lourd et qui suit la personne pour le reste de sa vie, pour une crise finalement qui aurait pu se résorber autrement. On l'a vécu chez nous et on le vit actuellement avec des personnes qui sont dans des groupes du quartier, dans des ressources communautaires. On apporte de l'aide à l'intervenant qui est avec la personne, et celle-ci n'est pas vue au CLSC. Elle n'est pas vue non plus à Louis-Hippolyte. Elle continue d'aller aux activités de son groupe, mais il y a là une espèce de soutien parce que c'est quand même un cas lourd, quelque chose d'assez spécial que vit cette personne. Il y a un réseau, un tissu communautaire autour qui l'aide et qui, en cas de besoin, va pouvoir venir avec elle rencontrer un intervenant chez nous si c'est nécessaire. Tant qu'on peut éviter cela, que le milieu continue à prendre en charge, nous autres, on pense que c'est ce qui doit être poursuivi.

M. Jolivet: Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Oui, merci, M. le Président. Je voudrais revenir quelques minutes sur le centre de crise. Je trouve cela extrêmement Important comme nouveauté dans le système. Au fond, on discute beaucoup, en même temps qu'on discute du centre de crise, d'accessibilité et d'organisation des services. D'une part, ta ministre a soulevé ta question des exclusions de clientèles et, à partir des informations que moi j'avais, je ne suis pas certain que les réponses ont permis de bien vous faire comprendre. Par

exemple, ce que j'ai compris de votre réponse, c'est que ne sont exclues que les personnes qui ne sont pas référées par les deux hôpitaux du territoire. C'est un peu la réponse que J'ai l'impression que la ministre a comprise. Moi, c'est dans ce sens que je l'ai comprise. J'avais toujours entendu dire, par exemple, que les gens qui avaient des tendances suicidaires n'étaient pas reçus dans les centres de crise. J'aimerais que vous soyez un peu plus précis sur qui n'a pas un accès direct au centre de crise.

Mme Zuccaro: II y a deux façons pour mol de vous répondre. SI je parie de facteurs d'exclusion de l'entrée des clientèles au centre de crise, je vais pouvoir vous répondre que nous excluons les toxicomanes, les personnes qui ont un problème d'alcoolisme sévère, par exemple, qui seraient en cure de désintoxication; celles-là, on ne peut pas les intégrer dans notre milieu de vie. Nous excluons toute personne qui aurait des comportements agressifs qui mettraient en danger la sécurité des membres du groupe ou sa propre sécurité. C'est tout en termes d'exclusion vraiment de la clientèle. Vu que nous sommes dans la phase 1... Il y a deux phases dans l'Implantation des centres de crise. Il y a la phase I qui est exclusivement réservée aux hôpitaux psychiatriques de la région, donc, la mesure de désen-gorgement des salles d'urgences, et II y a la phase 2, qui devait commencer quelques mois après, six mois après l'implantation du centre de crise qui pouvait accepter de la clientèle référée par les groupes du quartier, par d'autres CLSC, ou par les services de santé mentale de première ligne. Compte tenu que nous avons vérifié, après six mois d'opération, avec le comité avlseur, avec tous les partenaires de la sous-région est, que six mois ce n'était pas suffisant pour pouvoir mesurer le potentiel de la clientèle que les hôpitaux pouvaient nous référer, d'un commun accord, nous avons prolongé la phase 1 de six mois. Et, normalement, à partir du 1er avril, nous pourrons recevoir la clientèle qui va nous être référée par tous les organismes qui ont une clientèle ayant des problèmes de santé mentale et qui ne seront pas obligés de passer par les urgences des hôpitaux pour arriver au centre de crise. Mais, actuellement, c'est encore le cas.

Quant à ta clientèle à risques suicidaires, nous acceptons les risques suicidaires pour autant qu'il n'y ait pas un risque élevé de passage à l'acte.

M. Rochefort: Est-ce que vous faites une distinction entre risque et tendance?

Mme Zuccaro: Oui. Nous recevons...

M. Rochefort: Je parle des gens à tendance suicidaire.

Mme Zuccaro: À tendance suicidaire... Pierre Mercier, qui est responsable de ça...

M. Rochefort: Ils sont exclus.

Mme Zuccaro: Absolument pas. Nous avons plus de la moitié de notre clientèle qui a des tendances suicidaires.

M. Mercier (Pierre): Je pourrais même dire jusqu'à 80 % des gens, parce qu'une personne qui vit une problématique psychiatrique est déjà une personne au potentiel élevé en ce qui a trait au suicide. Les gens que nous recevons en situation de crise, c'est sûr que leurs mécanismes sont un peu amoindris et qu'ils ont tous un potentiel suicidaire. Comment travaille-t-on avec ces gens-là? Ils sont en situation de crise et c'est là, au chapitre du partenariat, que nous travaillons beaucoup avec le psychiatre qui a fait l'évaluation. Nous avons des échanges et, en fait, c'est le psychiatre qui a la responsabilité du suivi.

M. Rochefort: Le psychiatre de l'établissement

M. Mercier: De l'établissement qui a référé le cas chez nous.

Pour ce qui est des crises suicidaires que J'appellerais plus situationneltes: où une personne - un exemple que je pourrais donner - qui a différentes pertes, des décès et tout cela, présentement, on est dans l'obligation de faire passer ces gens-là par l'urgence psychiatrique. A notre avis, nous pourrions jouer un rôle dans ce type d'intervention avec des gens qui ont une problématique suicidaire davantage rattachée à des facteurs psychosociaux, justement, en complémentarité avec les hôpitaux référants. il y a aussi la problématique suicidaire qui vient plus d'une crise existentielle, ou une chose du genre. Mais, quand on parle de complémentarité au chapitre des services, ça se vit présentement avec les travailleurs sociaux ou les psychiatres qui nous réfèrent des cas, parce qu'il y a des problématiques qui sont psychiatriques et il y a des cas qui nous sont référés en crise suicidaire et qui n'ont pas de profil psychiatrique ou de pathologie d'installée. À ce moment-là, on résorbe la crise et tout se joue au niveau de l'autonomie de la personne qui se prend en charge, parce qu'après l'évaluation on juge qu'elle est encore capable... Une fois le niveau de stress et le déséquilibre psychologique un peu abaissés, elle est en mesure de prendre ses propres décisions. C'est vraiment le type d'intervention qu'on prône au centre de crise.

M. Rochefort: Je reviens à cette question de la référence par l'établissement hospitalier. Vous nous dites que normalement, après les six premiers mois, II était prévu que cette obligation ne tienne plus. Vous nous dites: Compte tenu de certains facteurs, on a préféré prolonger cette période. Est-ce que maintenant c'est acquis que

cette période prendra fin dans les prochaines semaines? Finalement, c'est un peu un cercle vicieux. On dit qu'on met en place des centres de crise pour désengorger les salles d'urgence, que les salles d'urgence ne doivent plus être la porte d'entrée dans le réseau, mais, dans la mesure où on parle de la clientèle dont on parle actuellement, s'il faut absolument être référé par un établissement hospitalier, ça veut donc dire qu'il faut - et c'est parce que j'ai des cas en tête - absolument que la personne se présente dans une salle d'urgence pour avoir une chance d'aboutir dans un centre de crise. Ce qui fart qu'on est en train de dire au gens: N'oubliez pas de passer par la porte de la salle d'urgence si vous voulez venir au centre de crise, alors que le centre de crise était fait pour qu'il n'y ait pas de concentration aux salles d'urgence comme porte d'entrée du réseau.

Par contre, je comprends facilement avec vous que vous ne pouvez pas faire ça du jour au lendemain. Mais est-ce que c'est acquis que c'est une contrainte qui va être levée? (16 heures)

Mme Zuccaro: Écoutez, vous touchez le point qui est, justement, de changer les mentalités. Qu'est-ce qu'un partenariat? Je pense qu'on touche un problème de fond quand on parie de cela. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. Ce que je peux vous dire, c'est que, si vous voyiez un petit peu... Brièvement, nous recevons, nous, en tant que centre de crise faisant partie du réseau, la clientèle des hôpitaux exclusivement Nous nous en occupons un petit peu et, ensuite, on réfère souvent à des ressources alternatives et communautaires.

Depuis le début de ce dossier, on a toujours décidé de répondre d'abord aux besoins des urgences, de désengorger les salles d'urgence. Alors, le travail que nous faisons, mois après mois, avec les deux hôpitaux, nos partenaires, c'est que, quand les hôpitaux nous ont demandé de prolonger cette phase 1 pour qu'eux aient une meilleure connaissance de la clientèle qu'ils pourraient nous envoyer, on a dit oui, parce que c'est cela le partenariat, c'est de s'adapter à différents besoins et à différentes demandes aussi. C'est sûr qu'il y a eu quelques frustrations. Les groupes communautaires étaient prêts à nous envoyer de la clientèle, mais je dois vous dire que le programme est évalué quasiment à la semaine près, parce qu'on a une évaluation du programme depuis le 15 décembre.

La phase 2, pour le moment, on est en train de la travailler. C'est clair qu'on va commencer la phase 2 le 1er avril. Le modèle du centre de crise est un document - 30 pages - qui disait: Nous allons fonctionner comme cela. Il n'était pas encore concrètement réalisé sur le terrain. Nos partenaires nous ont demandé un délai pour des raisons qui sont légitimes. Ils ont dit: À partir du moment où vous allez avoir une clientèle qui va peut-être avoir une composante psychiatrique, mais qui ne va pas être psychiatrisée encore par le système, vous risquez, vous, n'ayant pas la possibilité sur place de faire une évaluation psychiatrique, vous allez nous la demander à nous parce qu'on est une porte d'entrée dans les urgences des hôpitaux. Nous, au centre de crise, quand on a un problème avec une clientèle, on téléphone. Cinq minutes après, on est à l'urgence; dix minutes après, la personne est reçue par un psychiatre. C'était normal que les psychiatres nous aient dit: Vous risquez de venir nous engorger par toute cette clientèle du milieu qui n'est encore connue par aucun médecin, par aucun psychiatre, et c'est vrai. Je peux vous dire que, sur te terrain, c'est vrai. Nous avons reçu, dans la mesure où H y avait certaines places de libres, des gens qui nous ont été référés directement en urgence, et on s'est aperçu, au bout de deux ou trois jours, qu'il n'y avait personne au dossier. Donc, il fallait trouver un travailleur social, il fallait trouver un psychiatre; Il fallait automatiquement renvoyer en évaluation psychiatrique. Je comprends les hôpitaux qui peuvent nous dire: Vous risquez de nous engorger. Alors, il faut être prudent

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! Le temps est écoulé, une dernière question.

M. Rochefort: Un dernier commentaire, M. le Président. Je comprends le sens de votre réponse et, de toute façon, je suis heureux qu'à partir du 1er avril il y ait possibilité de référence par les organismes communautaires et les groupes du milieu. Je vous dis que je suis à moitié le raisonnement des professionnels des établissements parce que, finalement, II ne s'agit pas de fermer les portes des établissements. C'est sûr qu'un jour on va avoir besoin des professionnels qui sont dans les établissements et des ressources qu'on y retrouve. Vous n'êtes pas un autre hôpital psychiatrique du territoire.

Je pense qu'il vaut mieux que les bénéficiaires passent par chez vous, dans la mesure du possible, avant que d'aller perdre leur temps, faire perdre le temps à bien du monde et, pendant ce temps-là, ne pas obtenir un service, alors qu'ils sont en situation de crise. C'est pour cela que, mol, je veux bien pour quelques mois, mais je ne suis pas tellement leur raisonnement.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Alors, merci. Ce sont les mots de la fin. Merci d'être venus nous donner votre expérience et, à partir de là, permettre que la politique de santé mentale soit la meilleure possible et que vous soyez un intervenant important.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je joins mes remerciements à ceux de mes collègues. Au nom de ma formation politique, je veux vous remercier. Je dois vous dire qu'évidemment, dans l'heure qui nous est donnée, on ne peut pas aborder tous les points qu'il serait non seulement Intéressant d'aborder, mais qu'il serait intéressant d'approfondir davantage. Si vous restez sur votre appétit, nous autres aussi, à certains moments.

Je dois vous dire que ces mémoires vont être lus attentivement et les aspects qui n'ont pas été abordés, ou on en reparlera avec les gens qui les ont présentés, ou on tentera d'Intégrer ce qui, croyons-nous, devrait l'être. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission des affaires sociales remercie le Centre local de services communautaires Hochelaga-Maisonneuve et appelle à la table des témoins l'Association des intervenants en toxicomanie du Québec inc., représentée par M. Claude Giroux et Mme Isabelle Gagné.

Nous recevons l'Association des Intervenants en toxicomanie du Québec. Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour votre présentation et les parlementaires ont 40 minutes pour vous questionner sur votre mémoire, pour une enveloppe globale d'une heure.

Je vous prierais de vous identifier, d'une part, et de procéder ensuite à la présentation de votre mémoire.

Association des intervenants en toxicomanie du Québec

Mme Gagné (Isabelle): Isabelle Gagné, directrice de l'Association des intervenants en toxicomanie du Québec.

M. Gîroux (Claude): Claude Giroux, président de l'association.

Mme Gagné: Mme la ministre, mesdames, messieurs, l'Association des Intervenants en toxicomanie du Québec est un organisme à but non lucratif fondé en 1977, à la suite du démantèlement de l'Office de la prévention et du traitement de l'alcoolisme et des autres toxicomanies, l'OPTAT.

Les intervenants en toxicomanie se retrouvaient Isolés, sans aucun lieu de rencontre, pour échanger sur des préoccupations communes. Au début, les membres proviennent principalement du secteur public, soit les centres d'accueil de réadaptation relevant du ministère des Affaires sociales de l'époque et les départements de toxicologie des centres hospitaliers. En 1980, on assiste à l'élargissement du membership avec l'apparition en plus grand nombre des program* mes d'aide aux employés.

Aux membres provenant du secteur public viennent alors s'ajouter des intervenants de secteurs non professionnels, des toxicomanes réadaptés et des bénévoles. En 1984, un autre courant développe un membership chez les intervenants en milieu scolaire, en milieu de la justice, qui sont confrontés à des problèmes de toxicomanie selon leurs clientèles. Le membership, constitué de membres-ressources qui sont des organismes offrant des services structurés de prévention, de traitement, de formation ou de recherche dans le domaine de l'usage et de l'abus des substances psychotropes, représente une soixantaine de ressources. Les membres individuels sont des personnes impliquées socialement ou professionnellement dans ce domaine. Nous comptons plus de 500 membres individuels.

L'AITQ est et est reconnue comme le seul groupement des intervenants en toxicomanie, qu'ils soient bénévoles, non professionnels ou professionnels. Notre but principal vise l'amélioration des Interventions en matière d'usage et d'abus de substances psychotropes.

Nous avons également un conseil d'administration actuellement composé de cinq représentants de membres-ressources et de quatre représentants de membres Individuels. Le président est M. Claude Giroux, pharmacien. Je crois avoir brossé un bref aperçu de ce qu'est l'Association des Intervenants en toxicomanie en 1987.

Je vous remercie d'avoir invité l'Association des Intervenants en toxicomanie à vous entretenir de ses préoccupations en regard du projet de politique de santé mentale. Le milieu de l'intervention est de plus en plus conscient des besoins spécifiques de notre collectivité et pour répondre, il nous faut tous travailler en étroite collaboration puisque notre but comme intervenant en toxicomanie devrait être la personne d'abord. Merci de votre attention et je cède la parole à notre président, M. Claude Giroux.

M, Giroux: La réalité des toxicomanies ne pourrait être sans danger et être qualifiée d'épiphénomène. Ça y est! Il a accroché sur le mot, vous allez me dire. Il y a un risque principal à utiliser le terme "épiphénomène", c'est de croire qu'on ne voit dans la toxicomanie qu'une manifestation accessoire qui serait en quelque sorte le symptôme manifesté d'une pathologie mieux circonscrite.

L'utilisation, dans le document étudié ici, du terme "épiphénomène" justifie une mise en garde - c'est un peu ce que nous venons vous apporter aujourd'hui - que nous allons tenter de vous exprimer, qui est issue des milieux spécialisés qui oeuvrent avec des personnes toxicomanes. Ces réserves - je tiens à le préciser avant de commencer - ne sont ni une désapprobation ni une contestation d'une démarche que, par ailleurs, on trouve très Intéressante et qui est même considérée par plusieurs comme courageuse parce que parler de partenariat, parler d'interventions systémiques, d'une complémentarité des services, cela heurte à un certain niveau la tranquille individualité de certains petits services

qui sont bien installés dans leur routine. Surtout dans le secteur de la santé, c'est une réalité que l'on connaît malheureusement C'est dans cet esprit d'ouverture, d'échange d'informations que l'Association des intervenants en toxicomanie vient vous faire part d'une opinion qui, dans l'ensemble, est partagée par les 500 membres et les organismes-ressources.

En parlant de toxicomanie, parler d'épiphénomène, c'est risquer de méconnaître ou encore éviter d'aborder la complexité d'un tableau. Une réflexion systémique qui serait ouverte aux multiples facettes de l'état de santé mentale des Québécois se doit de considérer un lien, un lien important qui existe entre les psychotropes, leur utilisation, licite ou non, et le traitement ou le maintien de pharmacodépendances. L'idée qui se dégage du rapport qui est présenté, c'est que la toxicomanie constitue un symptôme manifesté d'un désordre mental présent chez ta personne qui s'y livre. C'est une vision qui est largement répandue dans les milieux spécialisés. On parle moins, en effet, en 1988 des toxicomanes, on parie de plus en plus de la personne toxicomane, de la personne ayant des comportements toxicomanes. Ce concept s'accorde avec les données actuelles que l'on a.

Le risque qui est présent dans l'image qui est évoquée dans le rapport vient de ce que la relation de problèmes de santé mentale et psychotropes pourrait, par certains, être interprétée comme une relation à sens unique, une relation de cause à effet. Pourtant, ces deux éléments, le problème de santé mentale et le psychotrope, sont en Interrelation. Cela ne va pas de A à B. A affecte B et B affecte A.

Bien sûr, la faible estime de soi et le sentiment d'incompétence peuvent faciliter le développement d'une dépendance à l'expérience euphorisante lors de l'ingestion de la cocaine, c'est certain. Bien sûr, l'analgésie morale" que procure l'héroïne peut calmer les angoisses ou répondre aux besoins de certaines personnes plus agressives. C'est évident que l'Individu qui se trouve piégé dans une situation, coincé, saura utiliser les tranquillisants ou l'alcool pour éviter d'affronter certaines difficultés. Dans un sens, c'est vrai. Cependant, le jeune toxicomane qui se retrouve, après l'ingestion d'un "cap" de PCP - appelons les choses par le nom qu'on leur donne sur la rue - hospitalisé avec une médication antipsychotique qui va le suivre pendant ses prochaines années n'avait pas nécessairement de difficultés sous-jacentes. Pourtant, la personne âgée qui reçoit, à sa première nuit dans un nouveau foyer d'accueil, une dose routinière d'un hypnotique qu'elle va recevoir toutes les autres nuits n'avait peut-être pas de problème d'insomnie avant de recevoir sa dose. Je me souviens du cas d'une femme violentée qui était harcelée par son conjoint et à qui un médecin prescrivait des antidépresseurs. Pourtant, dans les circonstances, je pense que l'anxiété manifestée était on ne peut plus saine. Si l'abus de drogues peut être traité par notre système de soins actuel, II ne faudrait pas oublier non plus que notre système de soins peut aussi le favoriser.

La situation avait été soulignée par le document, "Médicaments ou potions magiques", que le ministère avait publié, il y a quelques années d'ailleurs, un document où on s'inquiétait de la forte consommation de psychotropes, entre autres chez les femmes, les assistés sociaux, les personnes âgées ainsi que de la médicalisation maintenant fréquente des problèmes sociaux ou psychologiques. On pourrait voir dans mes propos la traditionnelle attaque qu'on essaie de voir contre le système médical, contre la médecine, la pharmacie. Pourtant, c'est un pharmacien qui vous parle, un pharmacien qui, comme les médecins, les infirmières, les autres pharmaciens qui sont membres de l'AITQ, est conscient d'une faiblesse qui existe et qui est réelle dans notre système, une faiblesse dont on partage la vision avec les criminologues, les psychologues, les sociologues, les autres professionnels des sciences humaines qui font partie de l'AITQ. Une saisie globale de la situation et de l'Intervention en santé mentale se doit de considérer les innombrables facettes de cette intervention. Les questions de la médication psychotrope, des dépendances iatrogènes générées par le traitement thérapeutique pharmacologique, la médicalisation fréquente de difficultés normales de la vie quotidienne doivent figurer en bonne place dans une réflexion comme celle que le comité amorce. C'est sûr que comme pharmacien J'ai remarqué qu'on ne traitait pas beaucoup de médicaments. Pourtant une bonne partie de ma clientèle consomme des antfpsychotiques. C'est quand même une partie de la réalité du patient psychiatrisé. (16 h 15)

Parler de désinstitutlonnalisation aujourd'hui est possible grâce à l'arrivée d'un nombre considérable d'outils, des médicaments antipsychotiques. Des dizaines de produits permettent une réintégration dont on n'aurait même pas pu soupçonner la possibilité il y a quelques années. La qualité de vie des bénéficiaires s'en trouve améliorée. Plusieurs personnes ont pu éviter des séjours traumatisants en milieu spécialisé. C'est vrai. Mais parier de psychiatrisation, c'est aussi parier de dépression secondaire à un usage Irrationnel de tranquillisants. C'est parler des Halcion, des Ativan, des Valium, des produits d'un usage si fréquent que cette classe de médicaments remporte au palmarès des prescriptions la première place devant l'ensemble, tant au point de vue du nombre des ordonnances que de celui du pourcentage de la population consommatrice, l'ensemble de tous les autres médicaments utilisés entre autres chez les bénéficiaires de l'aide sociale.

C'est parler des clients qu'on ne veut pas traiter en psychiatrie parce qu'ils sont toxicomanes, des clients qui reçoivent des congés de salles d'urgence après une douzaine d'heures de

civière parce qu'ils sont toxicomanes. Des personnes qui sont envoyées ou à la DPJ ou à la cour, qui les réfèrent à des centres d'accueil où on découvre que la personne a un dossier psychiatrique; alors, on la réfère à nouveau au département de psychiatrie, qui l'avait refusée en premier lieu. L'Intervenant qui oeuvre avec un ou une toxicomane affronte les difficultés qui sont décrites par le comité, le manque de coordination entre les ressources dont on a moult fois parlé, te manque de coordination entre les services sociaux, judiciaires, médicaux et institutionnels, l'absence de ressources offertes aux familles et aux proches, qui devraient aussi faire l'objet d'une certaine intervention en toxicomanie.

Cette situation difficile est bien décrite par le rapport. Cependant, l'intervention avec un toxicomane se complique en plus de tout cela d'une définition confuse de certains territoires d'intervention qui résulte en références multiples, successives et bâclées, souvent, d'une ressource a l'autre alors que ni les services psychiatriques hospitaliers, ni les services médicaux d'urgence, ni les ressources traditionnelles d'aide aux démunis ne considèrent pouvoir aider une clientèle qu'ils trouvent peu gratifiante. Je me souviens de la directrice d'un organisme communautaire d'aide aux ex-détenus qui refusait d'aider les toxicomanes parce qu'elle trouvait qu'eux autres ne le méritaient pas. Cela n'a pas de sens, mats tout de même ça existe, on le voit SI la notion de maladie, de handicap physique, de problème de santé mentale ont obtenu, sinon une franche considération, du moins une certaine tolérance, dans les discours publics, on voit toujours dans la toxicomanie quelque chose d'un peu louche, d'un peu déplaisant ou déplacé, d'Inconfortable. On y voit un problème différent, quelque chose de marginal, si ce n'est pas encore la traditionnelle déficience morale.

Je me souviens d'un toxicomane qui résidait sur le territoire montréalais et qui désirait recevoir des services psychiatriques; il s'était présenté à trois hôpitaux successifs et s'était fait dire par chacune des admissions de ces hôpitaux qu'il n'était pas sur le territoire de l'hôpital. À certains moments, son logement était un domicile temporaire, alors ça n'entrait pas en ligne de compte. A d'autres moments, il était vraiment du mauvais côté de la rue. La personne en avait fini par conclure qu'elle ne relevait d'aucun hôpital. En plein coeur de Montréal, c'est tout de même assez inadmissible Des exemples comme ça, n'Importe quel Intervenant en toxicomanie de Montréal, de Baie-Comeau, de Chicoutimi ou de Chibougamau peut en apporter.

La marginalisation du toxicomane, en plus de cela, au sein des services de santé mentale résulte en une marginalisation des ressources d'intervention elles-mêmes. C'est un secteur méconnu de la population en général et, chose plus grave, des intervenants d'autres disciplines. L'AITQ suggère fortement que la sensibilisation des professionnels de la santé qui est suggérée dans le rapport Intègre des données relatives aux pharmacodépendances. Il nous Incombe tout de même de reconnaître que notre système de soins actuel peut favoriser le développement de certaines toxicomanies. Il est Impérieux de sensibiliser médecins, pharmaciens, infirmières, travailleurs sociaux et psychologues à la situation si on veut amorcer une action corrective. Seule cette sensibilisation, à notre avis, permet de diminuer la consommation Irrationnelle de médicaments psychotropes dans la population. C'est aussi la seule façon d'obtenir une collaboration vraiment efficace entre différents services qui, jusqu'ici, s'Ignorent presque et ne peuvent travailler en collaboration, dû à cette ignorance.

Il y a quelques mois la Corporation des psychologues du Québec et l'Ordre des pharmaciens organisaient pour leurs membres respectifs une séance d'information sur l'anxiété, les médicaments anxiolithiques, les rapports qui pouvaient exister entre l'anxiété et la pharmacothérapie. Alors que la presse n'y a vu qu'une attaque de certaines corporations contre l'ordre médical, plusieurs autres personnes ont su en percevoir le sens réel qui est celui de la reconnaissance d'Intérêts communs au-delà des barrières administratives ou corporatives chez un bon nombre d'intervenants du domaine de la santé.

L'AITQ suggère que le gouvernement lui-même donne l'exemple de la collaboration et de la concertation des effectifs en faisant en sorte que les objectifs et moyens d'action de la politique en santé mentale et ceux de la politique ou des orientations sur l'usage et l'abus des drogues dont l'annonce a été faite récemment par la ministre soit concordants et complémentaires, permettant d'établir leurs champs d'Intervention, leurs zones d'interrelation et favorisant finalement ce que nous recherchons tous, l'osmose nécessaire entre tes aspects d'une réalité commune, la santé mentale des Québécois. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, monsieur. Je vais reconnaître Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les porte-parole de l'Association des Intervenants en toxicomanie du Québec. On était particulièrement heureux que vous veniez. Vous êtes te seul groupe à vous être présenté Ici, justement pour parler... Je ne sais pas si on peut parler d'épiphénomène, c'est comme ça que le rapport Harnois en parte. Mais je pense que c'est un problème extrêmement important et qui, très souvent, est interrelié avec la santé mentale, comme vous l'Indiquez aussi dans votre mémoire.

Maintenant, j'aimerais vous rappeler que nous avons tenté, en tout cas cette année, par un plan d'action en alcoolisme et en toxicomanie, d'ajouter des ressources dans ce domaine-là. Je sais que c'est un domaine qui a traîné de la

patte pendant très longtemps et ça demeure un domaine où il y a encore beaucoup de gestes et d'actions à poser. Mais j'ai l'impression qu'on en a quand même posé quelques-uns de plus significatifs cette année par ce plan en alcoolisme et en toxicomanie qui, annuellement, va ajouter, je pense, près de 4 000 000 $ en ressources supplémentaires dans ce domaine. J'ai eu l'occasion, à un moment donné, d'en parler.

J'aimerais retourner à votre mémoire, en page 3, aux recommandations. La première: "Que les objectifs et les moyens d'action de la politique de santé mentale et ceux de la politique ou des orientations sur l'usage et l'abus des drogues soient concordants et complémentaires." Établir leur champ et leurs zones d'interrelation. Deuxièmement: "Que la contribution du système actuel des services de santé mentale et des services de santé et de services sociaux soit reconnue comme favorisant le développement de certaines toxicomanies." Par exemple, les personnes âgées et l'utilisation des médicaments, l'accessibilité aux psychotropes pour un certain nombre de personnes.

J'aimerais que vous développiez davantage. Évidemment, il y a une partie de ça qui est peut-être un peu, malheureusement, je ne devrais pas dire du folklore, mais il y en a peut-être une partie, maintenant, qui a été corrigée. On sait que dans certains centres d'accueil, dans le passé, on avait tendance à surmédicaliser les personnes âgées pour, en tout cas, avec des bonnes intentions, les faire dormir mais peut-être aussi les endormir un peu trop. Mais je trouve que c'est quand même un jugement très, très sévère quand vous dites: Qu'on reconnaisse la contribution du système actuel dans le réseau comme favorisant le développement de certaines toxicomanies.

Est-ce que vous jugez que c'est un phénomène répandu parmi les gens qui viennent chercher des services en urgence dans les hôpitaux, dans les CLSC? On a parlé des centres d'accueil tout à l'heure. Parce que c'est quand même une reconnaissance qui, d'une certaine façon, condamnerait tout te système aussi. J'aimerais peut-être que vous élaboriez sur des cas un peu plus précis que juste cette recommandation-là.

M. Giroux: Ce dont il est fait état, c'est d'un rôle. C'est évident qu'il y a un paquet de facteurs qui sont impliqués dans la naissance ou le maintien d'une toxicomanie. Ce dont on fait état ici c'est qu'il y a un rôle à jouer qui peut ou qui peut ne pas être joué par le système de soins actuel. On a tous, je pense, eu connaissance d'une relative facilité à l'obtention de médicaments psychotrophes. Récemment, je me souviens... D'ailleurs, je trouve dommage que la Corporation professionnelle des pharmaciens ne soit pas venue s'adresser à vous parce que je trouve que le médicament est quand même lié à ta santé mentale.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous travaillez - c'est peut-être Indiscret, si oui, vous ne me répondrez pas - à l'Intérieur du réseau? Où travaillez-vous, comme pharmacien?

M. Giroux: D'accord. J'enseigne à l'Université de Sherbrooke au certificat de toxicomanie.

Mme Lavoie-Roux: Ah oui!

M. Giroux: Je suis pharmacien; je fais de l'officine deux jours par semaine, je me tiens dans le secteur de l'intervention au niveau pharmacie et je m'occupe aussi d'un programme d'aide pour les pharmaciens toxicomanes, qui est l'équivalent, finalement, des programmes d'aide aux employés, qui est parallèle à la corporation, qui aide les pharmaciens dépressifs, alcooliques ou toxicomanes.

Mme Lavoie-Roux: Alors, vous êtes complètement dans le champ de l'intervention en toxicomanie.

M. Giroux: Oui, depuis un petit bout de temps; cela fait une dizaine d'années que j'évolue là-dedans...

Mme Lavoie-Roux: C'est celai

M. Giroux: ...suffisamment pour avoir constaté que, malheureusement, c'est vrai qu'il y a un abus de prescriptions. Le "double doctoring", le magasinage de médecins peut se faire. C'est certain qu'il y a toujours les syndics des corporations qui sont actifs, qui font très bien leur travail, qui vont veiller au maintien de pratiques rationnelles, mais il y a tout de même de nombreux abus qui existent. C'est fréquent de voir des gens qui se font commander, par téléphone, des Halcion, des Ativan. Un exemple que je peux vous donner, c'est du genre: J'ai besoin de pilules pour dormir. Le pharmacien peut dire: Non, ce n'est pas répétable. Appelle mon docteur, il va t'en donner. On téléphone, le docteur n'est pas là, sauf qu'il y a quelqu'un qui remplace à l'urgence et il dit: D'accord, donnez-lui-en, sans avoir vu le dossier, sans l'avoir consulté. Rien! La prescription, techniquement, est en ordre, mais ce sont des situations qui existent.

Des médicaments comme le Halcion sont présentement des substances que l'on rencontre très, très fréquemment dans les centres d'accueil pour toxicomanes, dans les bars du centre-ville, aux cafés campus; cela se vend par bouteilles de 500. C'est quand même des médicaments très forts, qui ont été interdits aux Pays-Bas parce qu'ils étaient trop puissants pour l'usage, chez les personnes âgées entre autres. Les jeunes, dans les maisons de jeunes, en prennent quatre ou cinq; ils les écrasent, les avaient et c'est le "party" pendant ce temps-là. Ce sont des subs-

tances qu'on n'obtient pas en volant dans les pharmacies. Il y a une certaine fréquence de vol dans les pharmacies, mais II y a une grande fréquence de détournement de drogues qui sont prescrites.

Plusieurs recommandations, depuis des années, sont émises. Il y a des conflits entre les corporations professionnelles. Je ne veux pas jouer sur ce plan-là, mais au plan purement et simplement de la médicalisation, sans parler des problèmes de trafic et tout cela, simplement au plan de l'intervention entre la personne qui a un problème et son milieu, qui est le milieu traitant, que ce soit à l'intérieur d'un service médical d'urgence ou à l'hôpital, il y a quand même un certain laisser-aller qui existe, une facilité relative. Il y a des gens qui m'ont déjà montré qu'ils étalent capables d'avoir, en dedans d'une Journée, 90 Vallum de trois médecins différents. Je l'ai déjà vu. Ce sont des choses qu'on dénonce régulièrement, mais qui existent toujours.

Là-dedans, il y a la faute de plusieurs personnes, mais il y a aussi le manque d'information et de sensibilisation. Quand je rencontre un pharmacien toxicomane, Je lui dis: Pourquoi? Tu connais le médicament Tu sais ce qu'il peut faire, tu as une idée des risques. Il dit: Oui, je le savais, mais je ne le vivais pas, je ne l'avais pas en dedans, je ne l'avais pas intégré. En quelque sorte, quand je regarde la formation qu'on donne aux médecins, aux infirmières, aux pharmaciens, dans un curriculum, cela peut représenter quelque chose comme cinq ou six heures de cours sur quatre ou cinq ans - ce n'est pas beaucoup - sur l'information des dépendances. Les gens ont de la difficulté à se prescrire à eux-mêmes et ils en ont encore plus à en prescrire aux autres. Je pense que le problème est réel et qu'il faudrait faire quelque chose au plan de la sensibilisation des professionnels.

Mme Lavoie-Roux: Je vais vous poser une question qui est un peu en dehors de cela mais qui, je pense, m'apparaît assez fondamentale. Vous dites que vous êtes participant au programme sur l'alcoolisme et la toxicomanie à l'Université de Sherbrooke, qui existe maintenant, de mémoire, je dirais depuis au moins quinze ans.

M. Giroux: Oui.

Mme Lavoie-Roux: À peu près quinze ans. C'est évident que le problème des drogues, de la toxicomanie est un problème important, en tout cas dans toutes nos sociétés occidentales; je ne connais pas assez les autres pour en parler. Parlons du Québec. Ici, pas plus que dans les autres provinces, peut-être, mais c'est un problème important, cela fait des années qu'on parle, par exemple, de l'utilisation qui semble exagérée des psychotropes par les femmes, de l'utilisation des médicaments par les personnes âgées.

(16 h 30)

II y a eu des efforts. Vous faisiez allusion tout à l'heure à la brochure sur les potions magiques publiée sous l'ancien gouvernement. Je vols qu'on fait de la publicité dans tes journaux: II faut utiliser les médicaments, mais il ne faut pas en abuser. Mais c'est comme si ce phénomène restait un peu dans l'ombre. On a fait un effort cette année pour s'Impliquer, mais on se demande, et je voudrais avoir votre point de vue, si la situation évolue pour le mieux ou pour le pire. Est-ce qu'elle est stable? Si elle est stagnante ou si elle a empiré, quelles sont, d'après vous, les premières actions qui devraient être faites pour modifier un peu la courbe dans un sens positif?

M. Giroux: C'est une bonne question.Dans la situation actuelle, j'aurais plus tendance à dire que la perception du problème, plus que le problème lui-même, peut changer. C'est difficile d'y voir clair. Les dernières données techniques auxquelles j'ai eu accès, c'était l'étude que le gouvernement canadien a faite sur la santé des Canadiens. Il peut y avoir des modifications dans tes habitudes de consommation, mais le recours à la consommation de psychotropes, que ce soit par le biais de prescriptions de psychotropes ou par un usage illicite, je ne pense pas que cela ait sensiblement changé. Une amélioration a été apportée dans notre société à l'image de la santé. La responsabilisation de l'individu face à sa santé est un phénomène qut se reflète aussi en toxicomanie. On a maintenant des toxicomanes qui font attention à leur santé, qui ne se perceront pas de trou dans la peau parce que ce n'est pas hygiénique et qui vont plutôt fumer de l'héroïne. On a des toxicomanes qui se bourrent de vitamines et d'aliments naturels.

Est-ce que l'impact est profond ou pas? Je pense que c'est une amélioration. Le changement d'attitude face à son corps et à sa santé, c'est une amélioration. Cependant, quand on parle de l'augmentation de la consommation de cocaïne ou quand on montre des nouvelles sur le "crack" ou sur d'autres drogues qui sont ou qui pourraient être ou dont on a peur qu'elles soient répandues au Québec, on donne finalement une information plus sur la substance que sur le phénomène de son usage. Je ne pense pas que l'usage soit vraiment en régression ou en progression. Peut-être que, maintenant, tes jeunes, au lieu de prendre de l'héroïne, vont prendre de la bière. C'est certain que, à toutes les tables, on voit de plus en plus le réflexe d'avoir une bonne bouteille de vin.

Mme Lavoie-Roux: ...mieux de prendre de la bière que de l'héroïne?

M. Giroux: Être dépendant, peu importe de quoi, que ce soit de la bière, de l'héroïne ou de la télévision, je ne pense pas que ce soit un mieux. C'est un petit peu notre point de vue.

C'est sûr que légalement, c'est mieux, mais cela se borne peut-être à cela. Je ne pense pas vraiment qu'il y ait une grosse... Et là Je vous donne une opinion qui est une opinion. Plusieurs personnes essaient présentement de faire des recherches là-dedans. On a très peu de données épidémiologiques au Québec. On a de la difficulté à avoir le portrait de nos populations quant à la consommation de psychotropes. On a des statistiques de saisie, mais n'Importe quel criminologue va vous dire que cela vaut finalement ce que vaut le service de police. Cela reflète la qualité du service policier plus que la consommation dans une région. On a des informations sur la prescription; on sait par exemple qu'il y a tant d'abus de drogues et tant de fausses prescriptions pour tel médicament. On a le palmarès des médicaments les plus recherchés sur la rue. On sait où vont se développer les foyers d'hépatites; on connaît les lieux à haut risque pour le SIDA, mais, dire que la consommation a vraiment été modifiée durant les dernières années, on n'a pas les faits qui nous permettent de l'affirmer. On présume; c'est anecdotique.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Merci, M. le Président. C'est heureux d'entendre un professionnel autre que le corps médical se prononcer sur les toxicomanies et même quant à l'utilisation des médicaments. Très souvent, on considère le pharmacien comme un vendeur de pilules et vous êtes en train de nous démontrer que vous avez une expertise hors de tout doute sur les modifications de la consommation et les conséquences d'une consommation abusive de médicaments. J'ose espérer espérer qu'on prendra bonne note de l'expertise des pharmaciens, qu'ils auront aussi une place Importante dans l'équipe multi-disciplinaire qu'on veut créer en ce qui concerne la santé mentale. Je pense que vous pouvez jouer un rôle assez important, d'autant plus que vous êtes plus habilités que n'importe qui à comprendre les différentes composantes qui entrent en ligne de compte en ce qui concerne l'absorption de médicaments et les conséquences, les résultats qui peuvent arriver aussi.

Peut-être qu'il serait intéressant, lors des traitements... Certains médecins sont très rapides sur le crayon et à rédiger une prescription. S'il y avait une consultation entre les médecins et les pharmaciens, ce serait peut-être intéressant d'avoir une consultation professionnelle au plan des pharmaciens. Cela changerait peut-être aussi la pratique médicale, à ce moment-là, et il y aurait peut-être moins d'abus de consommation. Plus souvent qu'autrement, vous êtes un peu juge et partie, parce que vous vendez aussi des médicaments. Donc, vous avez un commerce. Vous êtes un petit peu considérés comme étant des commerçants. Cela vous fait un peu deux poids, deux mesures ou deux chapeaux, tout compte fait.

Ce que Je trouve Impressionnant dans votre mémoire, c'est cette capacité que vous nous avez apportée, ou en tout cas la nuance en ce qui concerne l'absorption de médicaments, en disant: Probablement qu'on développe des toxicomanies par la forme de traitement que l'on propose dans certains cas, ce qui me semble monnaie courante, actuellement, dans notre système moderne; Je ne sais pas si c'est parce qu'on ne veut pas perdre de temps et que c'est plus rapide d'aller à la prescription. Finalement, cela permet de voir plus de cas dans une journée pour un médecin en cabinet, Je ne le sais pas. En tout cas, sûrement que cela sera évalué. J'espère qu'on évaluera la pratique sur ce plan parce que je pense que cela a des conséquences considérables sur nos concitoyens. Bon nombre de personnes ont de la difficulté à se sortir d'un problème de toxicomanie, quelles que soient les différentes formes que cela peut prendre, surtout concernant l'abus des psychotropes.

Alors, vous nous avez dit qu'il était difficile de vérifier s'il y a eu augmentation ou diminution. Une chose est certaine, c'est qu'il y a plein de gens qui consomment - je ne sais pas si c'est de plus en plus. On retrouve cela surtout chez les jeunes, finalement, et les personnes âgées; Il y a des milieux de travail qui sont plus propices que d'autres, qui favorisent cela; je pense, notamment, au personnel infirmier ou dans certains centres où on manipule plus facilement des médicaments. Donc, c'est peut-être, des fois, plus tentant, compte tenu de certains climats psychosociaux.

Ce qui m'a surpris, c'est que vous faisiez comme une équation entre ta condition sociale de certains Individus et l'abus de médicaments, en fin de compte. Vous disiez qu'il y a beaucoup de gens qui sont sur l'aide sociale et qui consomment beaucoup de médicaments. J'aimerais cela que vous alliez plus en profondeur là-dessus, vous me semblez avoir une expertise sur ce sujet.

M. Giroux: Les données dont Je faisais état nous viennent des statistiques de la RAMQ, de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. C'est certain qu'on identifie chez cette population dont on a un certain contrôle parce qu'on paie les médicaments... On peut savoir au juste ce que les gens prennent. Quant à la population dont le coût de médication n'est pas assumé par un tiers payant, on ne peut pas avoir d'idée de consommation.

Cependant, c'est une caractéristique de beaucoup de groupes de la population qui se trouvent coincés dans un système; ils ne voient pas d'autre issue que d'utiliser des psychotropes pour être capables de s'en sortir. Un système qui n'a pas d'issue, cela peut être dans certains régimes politiques étrangers la surconsommation

d'alcool, alors que la personne sait que, dans le fond, elle n'a pas d'autre moyen de se changer les idées le soir et de ne pas penser que, le lendemain, il y a des mitraillettes qui l'attendent Cela peut être aussi, dans notre réalité, une situation où tu sais que tu es rendu le 8 du mois, que tu n'as presque plus rien à manger et que, dans le fond, le restant des jours du mois, jusqu'au 1er où tu vas recevoir ton chèque, tu aimes mieux ne pas le voir. Les médicaments sont gratuits, contrairement à l'alcool qu'il faut payer. C'est une façon que beaucoup de personnes ont de s'anesthésier, de trouver l'ascenseur jusqu'à la semaine du chèque, de dire: Mol, j'aime mieux en perdre des bouts. Cette population qui est coincée, ce peut être une population favorisée comme une population défavorisée. Dans une situation où la personne est coincée, elle va prendre une porte de sortie et on lui offre une porte de sortie Intéressante avec des psychotropes gratuits.

Mme Vermette: Vous êtes conscients, en raison de votre pratique, que ces phénomènes risquent d'arriver. Est-ce que cela vous arrive d'avoir des échanges avec le corps médical ou avec certains médecins pour les mettre au courant de ia situation psychosociale de l'individu, en tout cas sur les habitudes de consommation de certaines personnes qui font référence à certains... De façon générale, ces personnes peuvent changer facilement de pharmacie parce qu'il y a assez de pharmacies dans un quartier. Est-ce qu'il y a des échanges qui se font entre les différentes corporations professionnelles? A l'heure actuelle, est-ce que ce sont des sujets sur lesquels vous discutez, la façon de prescrire des médicaments et le constat que vous faites en raison de votre pratique?

M. Giroux: Une collaboration existe. Cela demande de la part des partenaires - je vais employer la terminologie dont on se sert présentement - une certaine ouverture. Cela fonctionne très bien dans certains milieux. Des initiatives se prennent dans des centres d'accueil où il y a un personnel de formation en sciences humaines, où la pharmacienne et les médecins travaillent en collaboration pour amener, pour les gens qui s'y trouvent, une baisse de la médication psychotrope. Il y a des expériences qui se font. Janine Matte, pharmacienne, à Lac-Etchemin, a fait un travail intéressant là-dessus, il y a des expériences ponctuelles qui se font. Cela demande une ouverture, une vision de la pratique professionnelle, peu importe la profession, qui implique qu'on accepte de collaborer avec un autre partenaire. C'est dans cette optique que Je vous dis que c'est ponctuel. Ce n'est pas une vision qu'on avait. C'est aussi dans cette optique qu'on fait ici la recommandation d'essayer de favoriser le développement, chez les nouveaux professionnels, de ce type de fonctionnement. Cela se fait, cela fonctionne. Cela demande plus d'énergie.

Cela demande aussi comme professionnel une vision globale de la personne que l'on reçoit, pouvoir se justifier à soi-même que d'autres personnes aussi vont venir jouer dans nos plates-bandes. C'est difficile. Ce n'est pas facile, ça.

Mme Vermette: Vous dites que cela demande plus d'énergie. Est-ce que vous Iriez même jusqu'à dire que cela pourrait demander plus de personnel? Est-ce que cela change complètement la pratique? Est-ce qu'actuellement cette façon de faire, c'est parce qu'il peut manquer de personnel, soit dans les centres d'accueil ou dans les centres de courte durée? Est-ce parce qu'ils sont débordés sous différentes formes, par ce qui se passe à l'heure actuelle dans nos hôpitaux, dans ta pratique dans les CLSC ou autres?

M. Giroux: C'est une possibilité, mais présentement, dans la situation actuelle, j'ai l'impression que cela manque de gratification. Cela a l'air drôle de dire cela. On est habitué de parler en termes de lits, de personnel, de plus, de moins, de plus gros budgets, de plus petits budgets. Je suis de plus en plus conscient qu'auprès des personnes toxicomanes ou des intervenants qui oeuvrent avec ces gens-là il y a un phénomène d'épuisement professionnel horrible. Il y a un roulement terrible dans les centres d'accueil. Il y a des gens qui ont une sécurité d'emploi, des gens qui sont relativement bien rémunérés, qui ont un travail qui comporte ses bons et ses mauvais côtés et qui font des dépressions, qui sont brûlés, qui abandonnent carrément. Il y a des intervenants en toxicomanie qui deviennent toxicomanes. Ces situations sont souvent, à mon sens, te reflet d'un problème en ce qui concerne la gratification de l'intervention avec des populations qui présentent un problème de santé grave, pour autant que la toxicomanie puisse intégrer un problème grave. Je dirais que c'est plus en termes de gratification. Cela demande de l'énergie, mais c'est plus dans le sens où la gratification qui vient du bénéficiaire n'est pas très forte. La gratification qui vient du milieu, malheureusement, ce n'est pas quelque chose qui est encore très fréquent dans nos milieux de soins. On dirait: D'accord, on s'occupe de la gratification du personnel - ce peut être au niveau des budgets, ce peut être au niveau des tâches - on met plus de gens pour diminuer vos tâches. Il y a peut-être d'autres façons aussi de le considérer. C'est plus, présentement ma position actuelle là-dessus. (16 h 45)

Mme Vermette: Voudriez-vous dire que le personnel qui doit travailler avec des gens qui sont atteints de toxicomanie ou d'alcoolisme aurait besoin de beaucoup de soutien pour qu'il ne devienne pas, à son tour, dans une situation de "burnout" ou qu'il n'en vienne pas à prendre des médicaments pour oublier la lourdeur des cas ou le taux d'échec? C'est très difficile et H y a

beaucoup d'échecs dans ce milieu. Ce n'est pas gratifiant parce qu'il y a beaucoup de rechutes.

M. Giroux: Oui. Cette Idée suscite présentement beaucoup d'intérêt à l'Intérieur des rangs de l'AITQ. Un centre d'accueil, le Centre d'accueil Domrémy, a récemment rendu obligatoire une formation sur le "burnout" pour son personnel. Il y a de plus en plus d'intérêt face à cela et c'est vrai que le problème demanderait une intervention quelconque.

Mme Vermette: Est-ce vrai que les personnes qui consomment de l'héroïne ou qui se piquent à l'héroïne sont des individus que les psychiatres sont plus ou moins intéressés à traiter parce que ce sont des cas où le taux d'échec est très fort et que c'est très décevant, quelle que soit la thérapie qu'on entreprend dans ces cas-là?

M. Giroux: Je pense que tout le monde est intéressé à traiter un beau cas. Malheureusement, les beaux cas... Cela pourrait être certains héroïnomanes. Je connais le cas d'une personne qui avait un revenu de 150 000 $ par année; il était vice-président d'une compagnie multinationale et on l'avait laissé au rancart avec son salaire parce que, finalement, if dérangeait un peu quand il se piquait. C'est un beau cas. Même s'il était héroïnomane, celui-là, les gens ont trouvé intérêt à le prendre.

C'est certain que le "junkie" du coin de la rue, qui va aller dans les toilettes publiques d'un restaurant style fast food" pour se piquer, qui a de la misère à s'exprimer, qui a de gros problèmes de santé, cela devient un cas un petit peu lourd. Dans le décor, c'est pesant. C'est vrai que ces gens-là peuvent avoir tendance à former des groupes, à se rassembler par sous-culture, mais, moi aussi, si j'étais hospitalisé dans une unité quelconque d'un hôpital, où ta majorité des gens sont alcooliques, vont avoir 65 ans, que c'est unité de désintoxication, qu'on est trois jeunes de 23 ans, peut-être que, moi aussi, même si l'autre est héroïnomane - même s'il n'est pas héroïnomane, cela n'a pas d'importance - Je vais me tenir avec. C'est certain que la population héroïnomane présente des aspects Intéressants au plan du travail. Beaucoup de centres, y compris les centres d'accueil en toxicomanie, sont réticents à les admettre. On est en train d'essayer de réfléchir un peu pour savoir quoi faire avec cela.

Si on a de la misère à les admettre en toxicomanie, c'est évident que, dans les milieux moins spécialisés, où, peu importe la toxicomanie, un toxicomane, ce n'est pas beau, on ne les cherchera pas. On va les prendre quand ils vont arriver. On va faire un travail temporaire et on va les laisser aller. Je fais allusion, par exemple, à des héroïnomanes en sevrage qui ont été admis et qui demandaient de l'aide; alors, on leur a donné du Demeroi pour qu'ils puissent toffer" la nuit, jusqu'à ce que, le lendemain matin, ils aillent dans un hôpital. Ce n'est pas un usage rationnel du médicament; ce n'est pas approuvé par la corporation médicale ni par personne, mais cela répondait aux besoins de l'urgence, sinon aux besoins du patient.

Mme Vermette: Au plan communautaire, il y a certaines ressources capables, à un moment donné, de prendre ces personnes en charge, sinon où se ramassent ces gens-là? Les centres hospitaliers de courte durée n'ont pas toujours le temps non plus de les garder.

M. Giroux: On dit que l'idée n'est pas de marginaliser les populations en disant que cela va prendre une ressource spécialisée. Souvent, la clientèle va nous arriver en disant: J'ai besoin d'un centre pour toxicomanes qui serait situé dans la partie nord de Chibougamau; loin, loin, loin avec des petits oiseaux et des fleurs, me sortir de la réalité pour que je revienne ensuite en forme, bien correct.

Selon nous, l'idéal serait d'équiper notre système actuel d'intervention en santé mentale pour qu'il puisse travailler, sinon avec les cas les plus complexes, du moins avec les cas qui seraient de son ressort au niveau des toxicomanes. Ce ne sont pas tous les jeunes consommateurs de "pot" qui méritent d'avoir une intervention avec tout un arsenal thérapeutique, avec des thérapies-groupe à tout bout de champ ou qui méritent d'entrer en cure fermée. Il y a moyen de travailler avec ce qu'on a, sauf qu'il faut façonner un peu l'outil pour cela. Façonner l'outil veut dire sensibiliser les gens au fait que, si j'ai un héroïnomane qui arrive dans une unité, il ne faut pas commencer à fouiller tout le monde qui y arrive. Il ne faut pas non plus commencer, parce que l'un est héroïnomane et que l'autre est alcoolique, à dire à l'héroïnomane: Toi, on va barrer les fenêtres de ta chambre. Les autres auront le droit d'ouvrir la fenêtre et toi, on a peur que tu te jettes en bas. Cette sensibilisation-là, je crois, que c'est plutôt cela qui pourrait être une solution. Mettre sur pied un nouveau système, un nouveau réseau, de nouvelles ressources, je ne pense pas que ce soit une solution pratique.

Mme Vermette: Je pensais au secteur communautaire, parce qu'il y a beaucoup de ressources communautaires ou ressources alternatives. Je pense au Portage qui favorise des cures de désintoxication et qui joue un rôle très important à l'heure actuelle. Il y a des choses, surtout dans ce secteur, qui sont entreprises par le milieu. Actuellement, il en existe passablement qui pourraient répondre à la demande ou c'est plutôt rare?

M. Giroux: II est intéressant de constater, justement, qu'il y a de plus en plus de ces ressources communautaires. Dans l'annonce des

nouveaux budgets qui avait été faite, on décidait de consacrer une partie du budget au perfectionnement de ces ressources qui ont un grand besoin de perfectionnement Pas d'encadrement, nécessairement, mais d'une aide qui leur permettra d'acquérir une structure de fonctionnement qui va respecter l'Individu, qui va faire en sorte qu'il ne soit pas marginalisé parce que sa ressource est communautaire et pas publique. C'est un risque présent de dire: Toi, tu es dans une ressource subventionnée, toi, tu es dans une ressource pas subventionnée. Si tu viens d'une ressource subventionnée, déjà, tu n'es pas un toxicomane réadapté comme un autre. SI tu viens d'un groupe d'entraide, tu es un toxicomane réadapté, mais d'un groupe d'entraide. Souvent on va faire des différences dans ces groupes. Je pense que c'est humain, mais je pense qu'il y aurait moyen aussi d'apporter des correctifs pour qu'on évite de faire cela en subventionnant des groupes d'entraide.

Mme Vermette: II y a déjà des problèmes au niveau des perceptions des groupes qui s'occupent de certains cas, finalement, tout dépendant de la façon dont ils sont subventionnés.

M. Giroux: Oui, le milieu est complexe. C'est pour cela qu'en Intervenant là-dedans on ne peut pas s'attendre à être vraiment capable de corriger un point sans avoir une action sur les autres. Les groupes d'entraide, qu'on le veuille ou non, ça travaille autour d'une personne qui elle a d'autres intervenants, qui souvent va être en suivi thérapeutique dans un centre de réadaptation, qui va avoir un dossier médical chez un psychiatre, qui va avoir un dossier ouvert dans trois salles d'urgence, qui va être une personne dont présentement la GRC a un dossier actif et qui peut en plus faire l'objet de différentes poursuites. C'est très complexe la problématique de la toxicomanie et c'est cette complexité qu'on ne voudrait pas voir passée sous silence dans le rapport.

Mme Vermette: Comment pensez-vous que la prévention se fait en toxicomanie? Est-ce qu'une campagne de sensibilisation peut avoir un impact important? Si c'est Important une campagne de sensibilisation, par qui devrait-elle être faite, ou quelle orientation devrait-elle prendre?

M. Giroux: Le consensus actuel est plus que l'information est nécessaire, mais pas suffisante au niveau de la toxicomanie, si on veut avoir une approche préventive. Les expériences présentes sont plus une démarche d'Intégration, apprendre, par exemple, à la personne à faire des choix très jeunes. Les fameuses campagnes sur les options: Moi, j'ai le droit de dire non. Moi, j'ai le droit de choisir, ça fait partie vraiment de ce qu'on essaie de faire. Les Initiatives actuelles en prévention, ce sont des campagnes de formation des barmen. Ce sont des campagnes d'intervention au niveau maternel. On commence à dire: II ne suffit pas d'arriver dans un pénitencier et de dire aux gars qui sont là: Écoutez, les gars, la drogue c'est ça, ce n'est pas bon. Il est peut-être un peu tard pour faire une rééducation. Une Information oui, mais vraiment une éducation, je pense.

Le Président (M, Joly): Une très courte, madame.

Mme Vermette: On me dit que j'ai pratiquement écoulé...

Le Président (M. Joly); II reste une demi-minute.

Mme Vermette: ...mon temps. Donc, je vais vous remercier pour l'éclairage que vous nous avez apporté sur ce volet de la maladie mentale même si ce n'en est pas nécessairement, mais cela peut devenir une conséquence de la maladie mentale, ce qu'on appelle un épiphénomène. Vous nous avez fait des mises en garde. J'espère que lorsqu'on écrira la politique on prendra en considération vos mises en garde et qu'on apportera toute la dimension nécessaire à ce volet Je vous remercie bien.

Le Président (M. Joly): Merci. À mon tour, M. Giroux, j'aimerais moi aussi vous poser une ou deux questions à l'Intérieur du temps qui m'est dévolu. Mme la députée de Marie-Victorin a touché dans sa dernière question un peu ce qui avait trait à la publicité. Si on recule un peu dans te passé, on se souviendra sûrement que souvent on véhiculait, toujours avec une bonne intention, de ta publicité axée sur les produits et tout ça dans le but de décourager les jeunes de consommer de la drogue. Je me souviens, et je pense que cela a été banni dernièrement, que certains corps de police se promenaient avec des plaquettes pour aller identifier les produits dans les écoles. Le peu que je connais du système comme tel m'amène à croire que, quand on présente un produit, normalement on peut réussir à faire des ventes. Je sais qu'on ne prend jamais de la drogue s'il n'y a pas de disponibilité du produit au départ et si notre curiosité n'est pas agacée. Alors, les deux points que je touche actuellement sont peut-être deux des raisons pour lesquelles les jeunes consomment de la drogue: la curiosité et la disponibilité du produit. On a identifié aussi beaucoup d'autres causes. Alors, actuellement on fait des campagnes de publicité avec la participation de jeunes qui réussissent dans leur milieu, qui parlent de choix, comme vous le souligniez tantôt. Je me demande aussi si le fait de se servir d'hommes à succès ou de femmes à succès, que ce soit dans le sport ou dans d'autres domaines, va amener un meilleur résultat que la publicité du produit.

M. Giroux: D'accord. Je voudrais juste faire

la nuance entre... Quand vous parlez de curiosité et de disponibilité, c'est entièrement vrai, la disponibilité est là, la curiosité aussi. C'est normal à un certain âge. Je pense que ce sont des causes suffisantes pour justifier l'approche d'une substance psychotrope. Le développement d'une toxicomanie ou d'une dépendance demande quand même quelque chose d'un peu plus que cela, sinon on se retrouverait dans les polyvalentes, en même temps qu'à une cérémonie de graduation, à avoir une cérémonie de remise de certificats de centres de désintoxication. La plupart des jeunes - je pense qu'on l'évalue présentement aux deux tiers - vont, un jour ou l'autre, avoir expérimenté une substance psychotrope. Les plus bénignes, habituellement, vont être l'alcool ou le cannabis.

Le travail présentement avec les modèles, ce à quoi vous faites allusion, c'est quand on va utiliser un modèle en vue pour faire la promotion d'une idée relative à la consommation de drogues; c'est un peu aussi le travail de marketing quand on utilise un lutteur pour faire la promotion de bière, cela fonctionne. Cela fonctionne bien dans la mesure où on peut véhiculer une image positive qui est toujours mieux reçue par les jeunes. Cependant, le risque de ces campagnes de prévention c'est d'y voir la panacée, c'est d'y voir le remède. C'est aussi de se donner bonne conscience, parfois, en disant: J'ai fait ce que j'avais à faire. J'ai fait le vidéo cette année qui allait remplir notre besoin. C'est un risque. Il y a des commissaires scolaires qui, des fois, font venir des intervenants dans des polyvalentes qui peuvent être des personnes en vue de la région, qui peuvent être des gens qui ont eu des gros problèmes de drogue et qui s'en sont sortis et qui vont se dire: J'ai fait ce qu'il fallait faire dans ma polyvalente. Cette année on a invité un joueur de baseball. C'est une action Intéressante. C'est peut-être le commencement de quelque chose de bien. Avoir l'Impression, cependant, que c'est l'action et que c'est l'Intervention, c'est un risque. On peut passer à côté du bateau en s'assoyant sur ses lauriers trop tôt.

Le Président (M. Joly): On fait la même publicité, on tourne sensiblement à peu près tous les mêmes messages maintenant, on s'accorde à dire: Les drogues, parlons-en. Parce que dans le fond c'est ça qu'on véhicule comme message. N'ayons pas peur d'en parler! Parlons-en! Ce n'est pas sorcier. Ce sont seulement des produits. Quant au reste, bien, l'individu avant toute chose, comme partout ailleurs. Mais même si on véhicule ça aux jeunes, même si on les sensibilise et que, rendus chez eux, le noyau familial est éclaté et qu'on ne peut pas en parler, bien, cela s'arrête à l'annonce qui passe. Est-ce qu'il y a un geste plus concret, en tant que société, qu'on devrait faire si on veut vraiment parler de prévention autre que le vidéo, comme vous le mentionnez tantôt, ou le flash qui passe, si vous voulez, dix fois par jour? Est-ce qu'il y a quelque chose de plus concret que, vous, vous voyez ou que vous envisageriez qu'on fasse?

M. Giroux: II y a d'autres avenues. De dire que c'est plus concret, je vous laisse juge. C'est certain qu'au chapitre de l'intervention... Quand je parlais de prévention... On parle d'éducation quand on parle de prévention. Quand on parle d'éducation, on parle d'un processus de formation. Les plus gros surconsommateurs de vitamines, présentement au Québec, sont les enfants de moins de cinq ans. Ce n'est pas parce qu'ils vont en acheter à la pharmacie. Ce sont leurs parents qui les font consommer. (17 heures)

II a été démontré dans les statistiques - et je fais référence aux statistiques tirées de "Médicaments ou potions magiques - que les mères qui sont les plus portées à manifester des symptômes quelconques, à aller fréquemment chez le médecin sont les plus portées à amener leurs enfants aux médecins, sont les plus portées à leur voir des pathologies qu'ils n'ont pas nécessairement. C'est un phénomène d'éducation, je parle toujours de processus. C'est certain qu'il faut qu'il y ait quelque chose qui se fasse dans ce milieu, que l'intervention que le gouvernement, que l'école, que l'église, que les groupes sociaux - parce qu'il y a des groupes sociaux qui ont une action intéressante au plan des toxicomanies - font, c'est une action qui est limitée pour autant qu'elle ne va pas se refléter au niveau d'une action que la famille pose. Quand on parle de famille éclatée, c'est un problème; c'est vraiment à ce plan-là, je pense.

Le Président (M. Joly): Je vous remercie beaucoup, M. Giroux. Maintenant, pour le mot de la fin, je vais céder la parole à Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Écoutez, je pense que vous avez apporté - au risque de me répéter - un éclairage intéressant. Effectivement, on est tous pris, on entend tous parler, de près ou de loin, d'une personne, soit qu'elle ait des problèmes d'alcoolisme ou de toxicomanie. Je pense qu'on ne peut pas rester insensible à cette problématique. À mon avis, c'est autant sur la prévention que sur la guérison qu'il est Important qu'on mette l'accent et que, finalement, on trouve le moyen de remédier le plus possible à cette consommation qui, actuellement, semble de plus en plus monnaie courante. Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Merci, madame. Mme la ministre, s'il vous plaît, pour le mot de la fin.

Mme Lavoîe-Roux: Merci beaucoup. Je pense que c'est une contribution importante. On essaiera de tenir compte de certaines recommandations. Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Merci. La commis-

sion des affaires sociales remercie les représentants de l'Association des Intervenants en toxicomanie du Québec.

Maintenant, Je demanderais à M. Guy Ausloos de bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît J'aimerais vous souhaiter la bienvenue, M. Ausloos, et vous rappeler que vous avez dix minutes pour exposer votre mémoire et vingt minutes seront dévolues à la commission pour vous poser des questions. Merci. Allez, s'il vous plaît

M. Guy Ausloos

M, Ausloos (Guy): Je vous remercie. Je ne vais pas reprendre systématiquement tous les points que j'ai mis dans mon mémoire. Quand j'ai lu le rapport Harnols, j'avais envie de venir échanger sur quelques idées qui me sont venues à sa lecture, peut-être d'autant plus envie que, comme je l'ai dit dans mon mémoire, je trouve que c'est un projet tout à fait intéressant, mais qu'il est menacé par toute une série de choses dans les fonctionnements bureaucratiques et autres. J'avais envie d'échanger là-dessus.

Premier point: peut-être, le mémoire insiste beaucoup sur le fait de centrer l'intervention sur la personne. J'ai regretté qu'on n'y trouve peut-être pas plus la notion d'équipe; on parle de notion de partenariat, mais je me demandais si partenariat n'était pas un peu trop compétitif, chacun dans son coin, le CSS d'un côté et les hôpitaux de l'autre, le CLSC à un troisième niveau et le CRSSS, alors qu'il me semble qu'une notion d'équipe est une notion tout à fait fondamentale en santé mentale. En tant que psychiatre, je ne crois pas que je peux suffire pour un patient, mais je crois que ce n'est pas plus vrai pour les autres intervenants.

Peut-être que... Le deuxième point que je voudrais souligner, c'est qu'un des pièges de la psychiatrie, c'est d'avoir pris un modèle médical. Un modèle médical, c'est un modèle qui est centré sur des lésions. Quand on a un diabète, c'est que le pancréas ne fonctionne pas et on peut, à ce moment-là, faire un traitement étlologique, c'est-à-dire donner la substance que le pancréas aurait pu donner. Quand on se trouve dans un problème psychiatrique, à part peut-être S % des cas, on n'est pas dans une situation léslonnelle, mais dans une situation relationnelle, dans une situation d'interaction et, donc, dans une situation qui ne concerne pas seulement l'individu qui est porteur du symptôme, mais toute la communauté et, au sens plus étroit, sa famille et ses proches. Alors, je trouvais tout à fait intéressant l'accent mis par le rapport sur l'intervention au plan de la famille et des proches, mais j'ai fait de la formation pendant une dizaine d'années en thérapie familiale et en approche systémique en Europe avant de venir ici, et ce que j'ai pu réaliser, pour moi d'abord et puis pour les gens que j'ai formés, c'est combien il est difficile, lorsqu'on a été formé à travailler avec un Individu, d'intégrer les proches. Il est beaucoup plus difficile d'avoir un entretien avec une famille que d'avoir un entretien avec un Individu. Mais ce qui est encore plus difficile, c'est de changer notre mentalité d'intervenant, et je crois que c'est vrai pour les psychiatres, les psychologues, les travailleurs sociaux et les infirmiers, une mentalité où nous a appris à repérer les pathologies et non les compétences, à repérer ce qui ne va pas plutôt que ce qui fonctionne encore, à repérer les pathologies plutôt que les potentiels. Là, je pense qu'il ne suffira pas de quelques séances d'Information ou de formation dans les différentes régions ou dans les différents milieux de travail, mais qu'un réel travail de formation pour changer la mentalité des intervenants doit être fait et cela m'apparaît un point tout à fait important.

J'ai été très heureux de voir qu'on envisageait de prendre contact avec les universités pour leur demander d'emblée de modifier leur programme parce qu'il est vrai que l'approche systémique dont je me réclame, par exemple, est une approche connue depuis une vingtaine d'années, mais qui, jusqu'à maintenant, est très peu enseignée parce qu'on est resté dans une psychologie centrée sur l'individu plutôt que dans une psychologie centrée sur les Interactions et sur les relations avec autrui. C'est peut-être un peu moins vrai en travail social où on a essayé de développer un modèle déjà beaucoup plus interactionne!, mais, en tout cas, en psychologie et en psychiatrie, c'est comme si l'individu était quelqu'un qui n'avait aucune relation avec son entourage et à qui à ce moment-là une pilule suffît pour retrouver son équilibre.

Je passe à un autre point concernant la désinstitutlonnalisation. Étant en région éloignée, à Rouyn-Noranda, le principal problème auquel je suis confronté, c'est le manque de ressources Intermédiaires dans la mesure où, Inévitablement, certains patients sont atteints de pathologies lourdes et n'ont pas d'espoir vrai de guérison ou de réadaptation au sens où on pourrait l'entendre, d'amélioration de leur état. Ce qui est le plus probable, c'est qu'au contraire il y aura malheureusement péjoratlon. C'est une petite minorité, mais ces patients-là ont besoin de quelque chose de plus que seulement une famille d'accueil; ils ont besoin d'une ressources Intermédiaire avec des professionnels qui puissent tes accueillir. Actuellement, dans l'hôpital où je travaille, nous avons quatre chroniques qui sont là depuis douze, cinq, quatre et trois ans et je pense que c'est quelque chose de très lourd à vivre pour le service, mais aussi pour tous les patients actifs qui ont l'impression que c'est cela le bout du chemin où ils vont arriver, alors que leur pathologie n'a que peu ou pas de rapport avec ces patients chroniques.

Dernier point que j'ai mentionné dans mon rapport. Je me suis beaucoup préoccupé de la question de la formation du nursing parce que je

me rends compte dans mon service que, d'une part, j'ai très peu de personnel stable, les infirmières changent très fréquemment, sont brûlées - on en a parlé à propos des Intervenants en toxicomanie, mais c'est très vrai aussi au niveau des intervenants psychiatriques - parce qu'elles n'ont pas de formation spécifique, parce qu'on a, entre autres, supprimé les études postcollégiales en psychiatrie pour les Infirmières et que, alors, un certain nombre de membres du personnel nursing se retrouvent en psychiatrie, non parce qu'ils veulent travailler dans un hôpital général, mais simplement parce qu'ils sont sur la liste de rappel et que, alors qu'ils voudraient être en chirurgie ou en médecine, ils se retrouvent en psychiatrie, ce qui amène une équipe à avoir parfois un ou deux infirmiers ou infirmières qui ont une expérience en psychiatrie. Certains jours, j'arrive et je ne connais personne parce qu'ils sont tous sur la liste de rappel. Évidemment, il y a une appétence énorme à l'égard du psychiatre, puisqu'il devient la seule personne stable dans le traitement.

Je crois que la formation déjà au niveau postcollégial, mais aussi dans les services, pourrait assurer, d'une part, une meilleure rétention, d'autre part, une meilleure valorisation et peut-être une reconnaissance pour le personnel nursing qui lui éviterait d'être brûlé trop rapidement

Deux points que je n'avais pas mentionnés, un qui pourrait être très bref puisque les Intervenants qui ont parlé juste avant moi ont parlé de toxicomanie, c'est un problème auquel, à Rouyn, on est nouvellement sensibilisé; en une année, on a eu douze patients chez qui la problématique majeure était la toxicomanie et, dans les douze, huit utilisaient des drogues par injection. Je ne sais si c'est le boom minier en Abitibi qui favorise cela, mais, avant cela, cela n'existait pas. Il semble donc qu'en Abitibi il y a un nouveau problème et je suis infiniment persuadé que ce n'est pas la psychiatrie qui est la mieux placée pour soigner les toxicomanes et qu'il faudrait donc là développer des ressources communautaires, donner des moyens à ceux qui ont commencé à faire quelque chose à ce niveau.

L'autre point, et ce sera mon dernier point parce que mes dix minutes sont écoulées, c'est au niveau de la recherche. J'ai vu avec Intérêt qu'une recommandation proposait d'augmenter les subsides pour la recherche. Je suis praticien depuis 20 ans. J'ai enseigné dans les universités. Je me suis toujours fait reprocher que les recherches que je faisais étaient trop cliniques, c'est-à-dire qu'elles se prêtaient mal à une appréciation statistique, à un X , à un échantillonnage suffisamment grand et en même temps je reprochais aux chercheurs que ce qu'ils m'apprenaient ne m'était pas très utile dans ma pratique.

Je me demande s'il serait possible qu'il y ait un lien beaucoup plus organique entre chercheurs et praticiens parce qu'en tant que praticien il y a des choses que je voudrais savoir, mais que je n'ai pas le temps de chercher et peut-être que pour un certain nombre de chercheurs, s'ils étaient moins soumis à des contraintes universitaires de publication, ils pourraient, à ce moment-là, donner beaucoup plus de conseils Immédiatement pratiques au niveau de leur recherche. Je crois que je vais m'arrêter là pour respecter mes dix minutes.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier le Dr Ausloos pour sa présentation et les quelques réflexions qu'il a voulu partager avec nous. En ce qui a trait à votre dernière touchant la recherche et les liens à établir entre le praticien et le chercheur, j'ose espérer que c'est une préoccupation que les gens auront dans le domaine de la recherche. Je pense que le fait qu'il y ait un accent Important de mis sur la recherche de nature psychosociale, qui normalement doit se faire aussi avec les praticiens, peut-être que cela aurait une influence dans le sens où vous te désirez.

Je voudrais vous poser une question parce qu'on a dix minutes et j'ai un collègue qui veut en poser une. Vous pratiquez en Abitibi, je crois comprendre. On sait qu'en Abitibi il y a trois psychiatres pour une population de 130 000, 140 000. Depuis, on a appris qu'il y en avait six. Mais, à tout événement, l'Association des psychiatres qui est venue ici devant nous a plaidé que, par exemple, dans la définition des plans de services Individualisés, il devait y avoir un chef de file qui devait être le psychiatre. Moi, dans un contexte comme celui où vous pratiquez, je me demande comment on peut réaliser, si on garde les gens sur son territoire ou on tente de les garder sur son territoire, comment on peut aller dans le sens d'une telle orientation parce que je pense que physiquement ou matériellement ça devient impossible. Je voudrais avoir votre point de vue là-dessus. Est-ce que tes régions, justement, qui sont en pénurie considérable de psychiatres ont trouvé des mesures compensatoires qui finalement peuvent répondre, au moins en partie, aux besoins des personnes de la région?

M. Ausloos: Je ne sais pas si on a trouvé des mesures compensatoires. En Abitibi, je n'ai pas l'impression qu'on en soit à ce stade. Pour le moment, la seule mesure compensatoire serait d'utiliser au maximum les généralistes, les omnipraticiens, mais qui sont déjà eux-mêmes débordés. Il y a 37 omnipraticiens pour 35 000 habitants à Rouyn-Noranda. On n'est pas dans la même situation que d'autres régions comme Drummondville, par exemple, où les omnipraticiens avaient plus de disponibilité. Vous faites allusion au plan de services individualisé. C'est clair que les jours où je vois dix, douze, quinze patients, j'ai peu de temps pour faire un plan de

services individualisé. Je me suis un peu Interrogé sur ce plan de services parce qu'il me séduisait parce qu'il permet une continuité de l'intervention et une certaine cohérence. En même temps, il m'inquiétait comme les Intervenants du début de l'après-midi par le temps qu'il risquait de prendre. Il m'inquiétait aussi parce qu'il risque peut-être de déresponsabiliser le patient. Le patient devient une espèce d'objet, peut-être, qu'on peut se transférer d'un service à l'autre et qui porte sa pancarte de plan de services Individualisé. (17 h 15)

II risque aussi de démobiliser, peut-être, l'Intervenant qui sera moins stimulé dans sa créativité parce qu'on va lui dire: Voilà, il y a M. Untel, c'est un schizophrène, voilà le plan de services qui est établi depuis deux ans. On en est là. Vous pouvez remplir l'étape trois. Je pense que, faire appel à la créativité de l'Intervenant, c'est Justement utiliser l'interaction entre ce patient et l'intervenant, mais aussi entre le patient, sa famille et les Intervenants. Je ne sais pas si le plan de services ne risque pas de diminuer cela.

Enfin, mon dernier point, c'est que la révision est peut-être difficile. Une fois qu'on a fait un beau plan de services, qui va le revoir lorsque le diagnostic n'est peut-être plus celui qui convient? Je parlais de toxicomanes. Trois de ces toxicomanes que J'ai eus cette année avaient déjà deux hospitalisations et l'un, quatre, avec chaque fois le diagnostic de schizophrénie, parce qu'on s'était arrêté seulement à l'élément délirant qu'ils présentaient après prise de drogue et puis on avait pensé que les neuroleptiques avaient supprimé le délire. On ne s'était pas Interrogé sur l'éventuelle toxicomanie. J'avais presque l'impression qu'un plan de services risquerait d'accentuer cela parce qu'on risquerait de rester dans le plan qui a été établi et auquel on ferait confiance.

Mais, pour répondre tout à fait précisément à votre question, je pense qu'en région j'aurais beaucoup de peine à trouver du temps pour remplir un pian de services en tant que psychiatre. Je crois, par contre, qu'une des réponses c'est de revaloriser le nursing, c'est de revaloriser les autres intervenants. Je pense, entre autres, qu'à l'urgence - et là je rejoindrais peut-être aussi certaines choses qui ont été dites par le CLSC Hochelaga-Maisonneuve - à peu près la moitié des situations pour lesquelles je suis appelé en consultation, seraient des situations psychosociales. Pourquoi dois-je intervenir, moi, comme psychiatre, alors qu'il s'agit d'une querelle entre le père et son fils adolescent qui a amené un petit geste suicidaire chez l'adolescent? Est-ce que là je ne pourrais pas avoir un personnel nursing qui pourrait déjà, au moins, faire une évaluation et qui serait, à ce moment-là, de nouveau valorisé dans son travail? Alors, pour moi ce seraient des avenues d'éléments de solution. Je ne dirais pas que le psychiatre doit être le chef de file. Je suis un peu embêté de me désolidariser de mes confrères. Mais je dirais qu'au mieux ça doit être le premier violon, c'est-à-dire quelqu'un qui va participer à la symphonie, qui a un rôle très important. C'est peut-être un soliste. Mais il y a des symphonies qu'on peut jouer sans soliste.

Mme Lavoie-Roux: Alors, je pense que ça répond... Mais, quand on parte d'un plan de services individualisé, en tout cas, dans l'esprit où on l'a discuté Ici - remarquez bien, on dit: De la coupe aux lèvres, des fois il y a une grande distance - les gens ont toujours parlé d'un plan de services où le premier responsable serait le patient lui-même et non pas chacun qui, tour à tour, décide qu'à ce moment-ci on fait un virage à droite, à gauche, au centre ou autre. Mais c'était dans ce sens, je pense, que vous avez répondu. Évidemment, 6 psychiatres pour 160 000 habitants en Abitibi ne pourront nécessairement pas diriger un plan de services. Il peut être élaboré avec le psychiatre et les autres Intervenants, mais quelqu'un d'autre peut en assumer le suivi et l'application. Êtes-vous d'accord avec ça?

M, Ausloos: Tout à fait. Oui, oui. Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Je reconnais M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président

Je dois vous dire que ce que vous nous avez donné comme Information à partir des idées que vous émettez fait partie de ce qu'on a entendu la semaine passée de psychiatres, individuellement, bien entendu, et d'infirmières, Je me souviens que les deux dernières que nous avons rencontrées la semaine passée, jeudi, étaient le Dr Suzanne Lamarre et Diane Beauséjour qui étaient ici devant nous. Mme Lamarre nous disait que, dans tout être humain, peut Importe la maladie qu'il a, il y a toujours une partie du corps qui est saine et c'est sur celle-là qu'on doit travailler d'abord. Et la deuxième chose qu'elle disait, c'est qu'il faut aussi savoir quel est l'environnement de la personne, elle l'appelait le protecteur, et éviter que le psychiatre ne devienne par le fait même le protecteur à venir, s'assurer de travailler d'abord sur la personne qui protège trop l'individu et, dans ce sens-là, vous venez ajouter à cela. Elle nous Informait, elle nous disait comment elle voyait le travail qu'elle avait à faire comme psychiatre. Un autre groupe de l'Université de Montréal est venu avant, la faculté des Sciences infirmières; il est venu nous dire qu'effectivement il devrait y avoir, de la part des infirmières, la possibilité d'aller suivre des cours postsecondaires au plan de la psychiatrie et qu'en conséquence on devrait remettre en place l'ensemble du service pour ces

personnes - elles qui sont déjà à l'intérieur du BAC - pour les Infirmières.

Donc, vous venez, comme elles, nous renseigner sur la vision qu'ont des gens individuellement et non pas la corporation, la fédération ou l'association parce que ce n'est pas le même langage qu'on a entendu. Ma question va porter justement sur cette partie: Comment verriez-vous la possibilité pour les intervenants autour de vous de vous référer des patients, si on peut les appeler comme tels, les omnipraticiens? On a entendu différents sons de cloche. Est-ce que les omnis, comme on les appelle, ne devraient pas être amenés, compte tenu qu'ils sont les premiers à recevoir dans un centre hospitalier ces personnes, en état de crise ou autre, surtout dans les régions éloignées comme la vôtre, à suivre des cours ou à être perfectionnés pour, justement, éviter de vous surcharger? Une des réponses qu'on a souvent, c'est que: On est surchargé, on ne peut pas suffire à la tâche parce qu'il y a des gens qui ne veulent pas prendre une certaine forme de responsabilité en bas et les assurances étant ce qu'elles sont actuellement, ils réfèrent plutôt à l'autre en haut et c'est lui qui est pris avec le problème. J'aimerais vous entendre sur cette partie.

M. Ausloos: II y a beaucoup de choses dans votre question. Vous avez cité le Or Lamarre et cela me fait très plaisir parce que c'est quelqu'un qui partage la même école de pensée que mol, l'approche systémique, qui est, de fait, une autre façon de regarder la psychiatrie que la psychiatrie traditionnelle et qui se centre beaucoup plus, justement, sur les ressources que sur les défauts.

À propos de votre question pour les omnis, je dirais qu'il faut distinguer... Je dirais presque que, à Rouyn, un peu moins du quart des omnipraticiens sont réellement Intéressés à travailler en psychiatrie; il y a un certain nombre d'omnipraticiens qui n'ont aucun Intérêt, qui ont même une peur de la psychiatrie. Je pense que c'est vrai aussi parmi le personnel nursing. Je vois cela quand je vais sur les étages, pour beaucoup d'infirmières, le patient psychiatrique est quelqu'un de dangereux, qui est potentiellement violent, qui risque de se suicider, qui est bizarre. Je ne suis pas sûr qu'on pourrait faire beaucoup plus, en général, pour les omnipraticiens.

Par contre, pour ceux qui sont intéressés, là, je crois qu'on pourrait faire beaucoup plus. Dans le plan de restructuration que j'ai fait dans mon service, je proposais que, pendant une année, ils travaillent trois heures avec leurs patients, trois heures avec le psychiatre dans une espèce de tutorat où ils accompagneraient le psychiatre pour apprendre des techniques d'entretien, d'intervention, de travail avec la famille et aussi trois heures de coordination-réunion. Cela me semblerait tout à fait souhaitable. Le problème auquel je me heurtais jusqu'à ce matin, parce qu'on est ailé au ministère ce matin pour essayer de résoudre ce problème, c'était le financement. Un omnipraticien rémunéré à l'acte ne va évidemment pas être intéressé pour 10 $ à venir voir son patient pendant 20 minutes, à discuter avec les Infirmières, à mettre ses notes dans le dossier; cela devient vraiment du bénévolat de sa part. Cela est un problème important, c'est le financement de cette formation des omnipraticiens.

Mais je suis tout à fait d'accord avec vous que, si on peut trouver des omnipraticiens intéressés, motivés et les former, c'est un élément de solution tout à fait Important.

M. Jolivet: Donc, cela veut dire que cela pourrait être un moyen de voir à colmater un peu la brèche, la pénurie qu'il y a dans les milieux éloignés.

Deuxièmement, pour ce qui est des infirmières qui pourraient avoir un diplôme additionnel en psychiatrie, cela pourrait aussi vous être utile dans les secteurs éloignés comme le vôtre.

M. Ausloos: Pour mol, c'est plus qu'être utile, cela me semble totalement Indispensable. Dans tout le personnel nursing de l'étage où il y a 22 lits, 4 infirmières travaillent depuis plus d'un an dans le service. Ce qui veut dire qu'en comptant les congés de maladie, les congés normaux, par jour, on a des chances qu'il y ait une infirmière qui a une certaine expérience qui soit sur l'étage. Alors, c'est sûr que, s'il y avait des infirmières avec des études postcollégiales et, bien sûr, une rémunération qui assure une valorisation de ces études, c'est sûr que cela faciliterait énormément le travail, alors que, maintenant, quand j'entre sur l'étage, je dirais que j'ai presque peur de traverser pour aller au poste parce que je sais que les patients vont se jeter sur moi comme la seule référence, la seule personne stable, pas par incompétence des Infirmières, bien au contraire, mais simplement parce que les deux ou trois compétents ne peuvent évidemment pas répondre à tous les patients. Alors, pour moi, c'est plus qu'utile, ce serait vraiment indispensable et te plus vite possible.

M. Jolivet: Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Fabre.

M, Joly: Merci, M. le Président. À la lecture de votre mémoire, il semble ressortir deux réactions; une première où vous êtes entièrement d'accord avec ce qui est préconisé dans le rapport, du moins dans son ensemble et une deuxième réaction, à un moment donné, lorsque vous soulignez que l'enfer psychiatrique est trop souvent pavé des meilleures intentions planificatrices. J'aimerais que vous explicitiez davantage ce que vous voulez dire. Considé-

rez-vous cela simplement comme des voeux pieux?

M. Ausloos: J'ai été un peu effrayé de voir, à partir de la recommandation 18 jusqu'à environ 30, que les recommandations contiennent chaque fois: il faudrait qu'on fasse une planification; il faudrait des évaluations; il faudrait du contrôle; il faudrait qu'une commission soit mise en place. J'ai très peur qu'à augmenter les évaluations, les contrôles, tes commissions et les concertations, il n'y ait plus d'Indiens pour s'occuper des patients.

J'ai un peu le sentiment - et je sais que je vais peut-être me faire des ennemis - que beaucoup de CRSSS sont devenus un endroit où on planifie beaucoup, où on réfléchit beaucoup, mais dont le praticien ne trouve absolument aucun effet dans sa pratique. Venant d'Europe, j'avais presque envie de dire: Je crois qu'il y a de bonnes choses en Europe et j'ai envie d'amener les bonnes choses, mais, surtout, ne pensez pas qu'une des bonnes choses soit la bureaucratie. Si vous pouvez préserver le Québec de plus de bureaucratie et, entre autres, au chapitre de la santé mentale, cela me semblerait important. Je crois que, chaque fois qu'on met en place des procédures d'évaluation, on met, de l'autre côté, des gens qui vont se défendre contre les évaluations; chaque fois qu'on met des procédures de contrôle, on se contrôle sol-même, et j'étais très Intéressé d'entendre Mme la ministre, à 15 h 30, dire que les ressources communautaires avaient un renouvellement presque automatique de leur mandat.

Je suis toujours effrayé de voir le nombre de statistiques qu'il faut envoyer pour justifier la moindre chose, comme s'il y avait une espèce de défiance, comme si tous les intervenants n'avaient qu'un seul but, celui de rouler le ministère en essayant de voler de l'argent, du temps ou autre chose. Je crois qu'il y a réellement beaucoup d'intervenants qui ont envie de travailler et qui sont très embêtés de devoir remplir beaucoup de papiers ou de participer à beaucoup de tables de concertation ou de discussions. C'était cela que j'avais envie de dire à propos des meilleures intentions planificatrices. Je crois que, parfois, une petite solution originale dans une région n'a pas Intérêt à être répandue dans tout le Québec et inversement.

Je viens aussi de Suisse où tout est régionalisé à l'extrême. Le centre, c'est le village, puis la ville, puis le canton, puis, très très loin, la confédération. Mais c'est vrai que cela permet parfois justement aux gens de s'Impliquer très personnellement parce que c'est leur affaire, alors que, quand c'est l'affaire du ministère, cela devient beaucoup moins emballant, disons. Je ne sais pas si j'ai répondu.

M. Joly: Oui. Juste pour reprendre ce que vous mentionniez concernant les ressources communautaires et les budgets accordés par le ministère, vous semblez favoriser ce qu'on peut appeler la reconduction automatique sans pour autant qu'on leur mette d'enfarges, si vous voulez, dans la réalisation de leurs objectifs et éviter qu'ils n'aient à passer dans le monde des rapports ou des justifications. C'est certain que, selon ce qu'on a entendu des gens qui ont présenté le mémoire avant vous et qui l'ont souligné, on mentionnait quand même qu'on devrait respecter les ressources communautaires sérieuses, mais, pour en arriver à reconnaître le sérieux de ces organismes communautaires, il y a, à mon sens, quand même un minimum que le gouvernement se doit de demander, surtout si on sait que cela coûte 35 000 000 $. En partant de là, est-ce qu'on doit le considérer comme une dépense ou comme un Investissement? Je ne pense pas qu'on puisse tenir rigueur à un gouvernement sérieux de chercher à évaluer des ressources sérieuses. (17 h 30)

M. Ausloos: Mon point est peut-être que beaucoup d'intervenants ont développé de bonnes stratégies pour fournir des évaluations sérieuses. Peut-être que la très mauvaise ressource va être repérée par l'évaluation. La ressource moyenne, je ne suis pas sûr qu'elle va être repérée par cette évaluation parce qu'elle aura des arguments plausibles. Par contre, elle risque de disparaître par elle-même si elle ne fournit pas un service suffisamment intéressant par "burnout", par désintérêt ou, comme le mentionnaient les intervenants sur la toxicomanie, par renouvellement des gens. C'est un peu l'expérience que moi, j'ai eue en Europe que les ressources non sérieuses disparaissaient très rapidement.

M. Joly: On parle de partenariat élargi, automatiquement, le fait que ce soit élargi...

Le Président (M. Bélanger): Le temps est écoulé. Un dernier commentaire, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Oui. Je pense que c'est intéressant de vous entendre dire des choses de cette façon. Je pense que ça recoupe ce que sont venues nous dire de façon individuelle des personnes. Ce qui est important, c'est d'en tirer le meilleur pour faire en sorte que la future politique de santé mentale au Québec, sans répondre à tout, au moins, essaie de répondre à beaucoup de choses et, en particulier, à votre préoccupation. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: À mon tour, je veux vous remercier de votre déplacement parce que, pour faire ce témoignage, vous êtes venu de loin. C'est une contribution qui nous Intéresse beaucoup. Je vous souhaite le meilleur succès possible

dans vos travaux en région éloignée. Merci. Surtout, merci d'y être.

Le Président (M. Bélanger): La commission vous remercie de votre participation. J'appelle le prochain groupe qui est la Commission des citoyens pour les droits de l'homme, représentée par Mme Gaétane Asselin et par M. Jean Larivière.

En attendant que le prochain groupe prenne place à la table des témoins, je voudrais proposer aux parlementaires un aménagement d'horaire pour ce soir. II serait possible de reprendre nos travaux à 19 heures et de les terminer à 21 heures. Est-ce qu'on accepterait ce changement d'horaire?

Mme Lavoie-Roux: Nos invités de 20 heures ne sont pas arrivés.

M, Joiivet: Ceux de 13 heures?

Le Président (M. Bélanger): Ceux de 18 heures ne sont pas arrivés, mais cela réduirait d'une heure ce soir.

M. Jotivet: Qui est à 18 heures?

Le Président (M. Bélanger): C'est L'Atelier d'artisanat centre-ville Inc.

M. Jolivet: II est à 21 heures.

Le Président (M. Bélanger): Y a-t-II des représentants de l'Atelier d'artisanat centre-ville Inc. Ici? Non. L'autre groupe, oui. J'ai eu la confirmation. Donc, si ça vous convient - écoutez, je ne voudrais pas qu'on prenne beaucoup de temps là-dessus - les travaux seraient de 19 heures à 21 heures, au lieu de 20 heures à 22 heures.

M. Jolivet: Les gens des ressources alternatives sont-ils Ici? Oui. Donc, après ce groupe, on pourrait les recevoir et on s'ajustera pour le dernier après.

Le Président (M. Bélanger): Je ne suis pas trop au courant. Il semblerait qu'ils auraient demandé de passer juste vers 19 heures. Ils voulaient avoir une heure de répit. Je ne connais pas leur raison. Écoutez, avant la suspension des travaux à 18 heures, est-ce qu'on pourrait me donner une réponse? Je maintiens cela en suspension.

La commission reçoit donc la Commission des citoyens pour les droits de l'homme. J'ai devant moi Mme Asselin, je présume, et M. Larivière. Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire et 20 minutes d'échanges avec les membres de la commission. Je vous prierais donc de procéder à la présentation du résumé de votre mémoire.

Commission des citoyens pour les droits de l'homme

Mme Asselin (Gaétane): Je voudrais dire bonjour à tous les membres de la commission. Pour ceux qui ne connaissent pas la commission, je voudrais juste spécifier que c'est un groupe qui est établi par l'Église de Scientologie. Je le dis pour qu'il n'y ait pas de confusion avec la Commission des droits de la personne, qui est un groupe gouvernemental. C'est aussi un groupe international. Dans les années 1975 à 1978, c'est nous qui avons dénoncé le couloir de sécurité à Saint-Jean-de-Dieu et différentes actions comme ça qui s'étaient passées à l'hôpital Saint-Michel-Archange qui est maintenant Robert-Giffard.

D'après nous et d'après notre mémoire, une des principales erreurs qu'il y a dans le rapport, c'est que, quand on passe une année à étudier la santé mentale sans avoir regardé ce qu'est la psychiatrie ou sans jeter un coup d'oeil sur l'échec qu'est la psychiatrie, c'est un manque assez flagrant pour nous. Du fait aussi que le mandat avait été confié à un psychiatre, il fallait s'attendre en même temps que la psychiatrie ne soit pas regardée. Donc, je trouve, quand même, Important qu'on soulève certains points là-dessus parce que, pour nous, il y a eu une erreur au départ.

De toute évidence, en dix minutes, je n'aurai pas le temps de soulever tous les points avec lesquels on est en désaccord, mais je vais souligner ceux avec lesquels on est le plus en désaccord. Pour nous, la psychiatrie est la cause de la détérioration de la société. Donc, qu'on prenne toute une année - je vais me répéter souvent, j'en ai l'impression - pour faire une recherche sur la santé mentale sans avoir jeté un coup d'oeil sur la psychiatrie, c'est un très, très grand manque. Pour être allée moi-même visiter beaucoup d'hôpitaux psychiatriques, pour être allée voir les patients eux-mêmes et leur avoir demandé quels genres de traitements ils avaient, comment Ils se sentaient depuis qu'ils étaient dans des hôpitaux psychiatriques, j'ai vu qu'il y avait certaines lacunes assez Importantes que, peut-être, je le comprends bien, un psychiatre ne veut pas toujours regarder.

Entre autres, J'ai vu des gens qui étaient internés dans des hôpitaux psychiatriques depuis des dizaines d'années, des vies qui sont détruites automatiquement. En effet, qui va vouloir engager ou faire quoi que ce soit avec des gens qui marqueraient sur leur curriculum vitae qu'ils ont passé les vingt dernières années dans un hôpital psychiatrique? Ensuite, il y a toujours les électrochocs qui continuent à être administrés, ce qui est toujours inacceptable. Même s'ils ont diminué de beaucoup, il n'en reste pas moins que les électrochocs se donnent toujours encore à l'heure actuelle.

Il y a aussi la drogue qui est administrée comme étant, apparemment, le remède pour guérir les patients mentaux et qui est donnée à

profusion. J'ai vu même des gens, quand ils refusaient de prendre leur drogue, se faire menacer de se faire placer en cure fermée ou de se faire envoyer dans une salle d'isolement J'ai moi-même vu ces salles d'isolement. C'est un lit bien simple avec des bandes de cuir à peu près larges comme ça aux poignets et aux pieds et, quand la personne veut prendre ses médicaments, on la sort de là. J'ai vu ça moi-même et pas en 1950. Je n'étais pas là. Je l'ai vu en 1986-1987 et ça se passe encore à l'heure actuelle.

Ensuite, j'ai vu toutes sortes de maladies, si je peux dire, créées par la psychiatrie, comme le syndrome de la porte tournante qui, pour mol, n'est rien d'autre qu'une révélation que la psychiatrie ne marche pas. Cela ne marche tellement pas qu'un patient sort, II est obligé d'entrer à nouveau. Il sort, il rentre. Il sort, il rentre. Donc, si ça marchait, la psychiatrie et si vraiment les patients pouvaient être guéris, il n'y aurait pas de syndrome de la porte tournante d'une façon aussi régulière, ce n'est pas vrai.

Il y a aussi la maladie qui a été créée et qui s'appelle la dyskinésie. Quand on dit à un patient qu'il souffre de dyskinésie, c'est parce que les traitements qui lui ont été administrés ont eu de nombreux effets secondaires que les psychiatres avaient mal planifiés. Plutôt que de dire que cela a été mal planifié, on dit qu'il est atteint de dyskinésie.

Donc, II y a différentes lacunes comme ça. Il y a aussi le côté inhumain des traitements psychiatriques, le fait que les patients ne sont pas suivis. Les psychiatres ne font que regarder les dossiers. Différents traitements sont prescrits sans que les psychiatres aient forcément vu les patients. Toutes sortes de drogues ou toutes sortes de traitements leur sont prescrits sans qu'ils soient vus.

Il y a maintenant aussi la drogue qu'ils donnent aux enfants. Ce n'est pas juste dans les hôpitaux psychiatriques, par contre. Mais c'est à partir des écoles. Aussitôt qu'un enfant commence à être un peu trop actif dans les écoles, on le traite d'hyperactif et on lui administre une drogue qui s'appelle ritalin. C'est une drogue qui est utilisée de plus en plus. Entre autres, on regardait juste le nombre d'ordonnances qui sont données aux enfants de moins de quatre ans. En 1984, D y avait 19 000 prescriptions faites à des enfants de moins de quatre ans, en 1985 il y en avait 24 000 et, en 1986, il y en avait 30 000. C'est donc qu'il y a une augmentation très grande, à chaque année, des ordonnances données aux enfants de moins de quatre ans et donc des millions et des millions de dollars qui sont investis dans la psychiatrie en fonction des résultats qui sont obtenus.

Donc, pour nous, le rapport Harnois ne mentionne pas ou n'a pas du tout regardé l'échec qu'est ta psychiatrie. La psychiatrie n'était pas aussi populaire il y a vingt ans. Il y a vingt ans, les soeurs ou ceux qui avaient soin de ces choses-là se sont fait mettre à la porte par les psychiatres qui allaient prendre le contrôle de cela, mais je ne crois pas que leurs résultats sont très évidents.

J'ai, d'ailleurs, quelques statistiques que j'aimerais vous montrer. Est-ce que c'est possible de donner à la commission les feuilles de statistiques? Oui. En même temps, on va vous les montrer en plus gros. Il y a ici un aperçu des coûts d'ordonnances qui Indique nettement qu'il y a de plus en plus de personnes qui sont sous différentes drogues ou produits chimiques. Cela en est une. Ceux-là, c'est seulement à partir de l'assurance-maladie. Ce ne sont pas toutes tes ordonnances qui sont données à tout le monde, mais vraiment les ordonnances qui sont données par le biais de l'assurance-maladie.

Ensuite, il y a le coût des traitements psychiatriques; encore là, c'est seulement pour ceux qui sont couverts par l'assurance-maladle, donc les personnes qui sont sur l'aide sociale, C'est une pente qui monte, quand même, d'une façon assez évidente.

Par hasard, en même temps, depuis que la psychiatrie a vraiment essayé de prendre le contrôle - je dis bien essayé de prendre le contrôle - de la santé mentale, les taux de la criminalité ont augmenté d'une façon très évidente.

La dernière que je voulais vous montrer ici, ce sont les taux de suicide, Incluant les personnes mineures qui se suicident. Cela a comme triplé depuis que la psychiatrie a vraiment essayé de prendre le contrôle de la santé mentale.

Donc, quand je vois, malgré des statistiques aussi alarmantes, que, maintenant, le rapport Harnois voudrait que des groupes ou des ressources communautaires soient formés et qu'ils deviennent compétents, Gela ne m'inspire pas vraiment. Je ne vois pas vraiment leurs compétences là-dedans et Je trouve qu'ils sont un peu de mauvais conseillers là-dedans parce que leur échec est flagrant.

Il essaie aussi de faire en sorte que les groupes soient légitimés et qu'ils soient en accord avec la loi, etc. Cela me dit que les psychiatres ont réalisé qu'ils perdent beaucoup de pouvoirs parce que les gens, avant de se rendre dans les hôpitaux psychiatriques, vont aller voir ailleurs. Les gens vont voir dans les différentes ressources communautaires pour vraiment essayer de trouver autre chose avant d'en arriver à la psychiatrie.

Le Président (M. Bélanger): Le temps est, malheureusement, écoulé; si vous voulez conclure très rapidement.

Mme Asselin: Oui. Quand te rapport Harnois mentionne que les subventions soient données à ceux qui ont les produits, je suis tout à fait d'accord, mais je voudrais aussi que ce soit appliqué à ta psychiatrie. C'est principalement mon message. Aussi, étant donné qu'une année a été passée, si je peux dire, à étudier ta santé

mentale au Québec sans qu'on ait regardé la psychiatrie, la recommandation que nous faisons, c'est qu'il faudrait prendre autant de temps pour faire une même recherche, mais sur la psychiatrie. De toute évidence, il ne faudrait pas que ce soit un psychiatre qui regarde ce qui se passe, pas plus nous et peut-être pas quelqu'un du gouvernement, mais un professeur qui est complètement à l'extérieur de la scène et qui irait voir les patients et non pas les psychiatres pour savoir quel genre de choses se passent là-dedans. Cela en dirait probablement long sur ce qui se passe en santé mentale.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier le groupe et je vais passer la parole à mon adjoint parlementaire, le député de Laurier.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laurier.

M. Sirros: Ma première réaction, ce serait de vous dire que vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère concernant la psychiatrie, que vous identifiez comme la cause principale de la détérioration de la société.

Mme Asselin: Je le maintiens. (17 h 45)

Une voix: Qu'est-ce qu'elle a dit?

M. Sirros: Elle dit qu'elle maintient sa déclaration, à savoir que la psychiatrie, c'est la cause de la détérioration de la société, mais soit que vous accordiez beaucoup plus d'Importance à la psychiatrie qu'elle n'en a, soit qu'il y ait des tentacules de la psychiatrie qui découlent vers toute la société et nous touchent tous à un moment donné. J'ai un peu de misère à saisir cette affirmation, d'une part, le rôle de la commission des citoyens des droits de la personne, le lien avec l'Église de Scientologie et finalement l'ensemble de vos recommandations. Vous faites une recommandation spécifique concernant le rapport Harnois, c'est de donner tout l'argent que vous octroyez actuellement à la psychiatrie aux groupes communautaires. En le lisant, et j'ai parcouru le rapport, c'est ce qui ressort. J'aimerais avoir votre réaction.

Mme Asselin: Ce qu'on a voulu faire ressortir - j'ai à répondre à plusieurs questions en même temps - c'est que c'est un grand manque, je crois l'avoir répété plusieurs fois, que la psychiatrie n'ait pas été regardée. Je peux très bien comprendre que ce soit quelque chose de très lourd à confronter parce que, à un moment donné, cela marchait moins bien et les psychiatres ont sauté sur la santé mentale en voulant la régler. Je crois qu'on s'attendait à beaucoup de résultats. Mais, quand vous allez vraiment voir les patients, quand vous allez vraiment voir ce qui se passe là et que les patients, ensuite, peut-être après cinq ou dix ans, rassortent de là, ces gens-là ne sont pas juste marqués à vie, ils sont finis à vie.

Il faudrait peut-être que vous me répétiez chacune des questions parce que je ne me souviens pas de toutes les questions que vous avez posées, mais, pour nous, il y a beaucoup de choses qui se passent en psychiatrie à l'heure actuelle qui devraient être vues. Je sais que cela peut paraître lourd, je sais que cela peut paraître énorme à confronter parce qu'on avait peut-être mis beaucoup de confiance, à un moment donné, dans la psychiatrie, mais je ne crois plus que ces gens peuvent mériter le rôle de ceux qui savent, donc, je ne crois pas non plus qu'ils devraient mériter le titre de ceux qui vont maintenant pouvoir diriger les petits groupes de ressources humaines parce que l'exemple qu'ils ont eux-mêmes donné ne reflète pas vraiment qu'ils ont eu des produits ou de bons résultats. Donc, je ne vois pas pourquoi ils nous conseilleraient, nous.

Donc, ce qu'on fait au départ, c'est qu'on va voir dans les hôpitaux psychiatriques; on dénonce beaucoup les abus et toutes sortes de choses qui se passent dans les hôpitaux psychiatriques. On se rend dans les hôpitaux psychiatriques mêmes; de toute évidence, on ne va pas voir les psychiatres pour savoir si tout va bien; on va voir les patients. Quand vous en ressortez, après une fois, vous êtes à peu près sous le choc. Si, sans que personne ne vous connaisse comme étant député ou ministre, parce que je n'ai pas entendu votre nom, vous alliez voir les patients, vous seriez étonné de ce qui se passe là-dedans.

M. Sirros: Vous serez donc au moins d'accord avec une des recommandations qui est l'institution d'un genre d'"ombudsperson" pour les patients.

Mme Asselin: Si ce ne sont pas des psychiatres, oui.

M. Sirros: Ha, ha, ha!

M. Doyon: La confiance règne.

M. Sirros: La confiance règne.

Mme Lavoie-Roux: Deux secondes parce que je n'ai vraiment pas de temps. Ici, on a eu à discuter du rôle que les psychiatres jouent à l'intérieur d'une équipe multidisciplinaire, etc. J'endosse complètement les propos du député de Laurier quand il dit: Vous savez, vous nous avez montré vos graphiques et je ne les mets pas en doute quant aux chiffres qui sont dessus. Mais de dire que la psychiatrie est responsable de la criminalité et de l'augmentation du taux de suicide, vous y allez allègrement.

Mais, en contrepartie, n'êtes-vous pas prêts à admettre quand même que la psychiatrie a évolué dans le sens des efforts supplémentaires qui ont été faits pour la réinsertion sociale versus l'Institutionnalisation presque permanente qui, d'ailleurs, n'était pas due aux psychiatres? Je pense qu'il faut se référer à toute l'attitude de la société et on n'est pas pour entrer dans une grande discussion sociologique - pour savoir comment la société jugeait ses malades mentaux et comment elle les traitait et, finalement, les psychiatres étaient à ce moment-là beaucoup plus axés sur la neurologie que sur tous les autres aspects socio-psychiques, etc. Il reste que la psychiatrie a fait évoluer des choses et, aujourd'hui, si on traite un peu mieux les patients psychiatriques, c'est que la psychiatrie a justement apporté des choses positives. Vous êtes tellement tout blancs ou tout noirs que...

Mme Asselin: C'est clair, n'est-ce pas?

Mme Lavoie-Roux: ...je m'excuse de vous le dire, mais cela vous enlève un petit peu de crédibilité. Vous savez, il n'y a rien dans la vie qui soit tranché tout blanc ou tout noir.

Mme Asselin: D'accord. Bon, peut-être que c'est cela pour vous, mais je crois que c'est Important, étant donné que le rapport Harnois était tout noir, que nous, on mette ça tout blanc aussi. Nous on ne trouve pas que la psychiatrie a évolué. Peut-être que ces gens font des choses d'une façon moins évidente, moins claire. On a dénoncé beaucoup toutes sortes de choses dans les hôpitaux de Montréal, spécialement. Je sais qu'il fallait qu'il y ait des changements majeurs là-dessus parce que les électrochocs étaient utilisés à grands coups. Mais de là à dire que cela a évolué et que maintenant ils essaient d'envoyer les gens à l'extérieur, je m'excuse de ma rudesse, mais c'est probablement parce qu'ils ne savent plus eux-mêmes quoi en faire.

Ces personnes, quand elles sortent dans la rue, leur seule sortie, elles ne peuvent pas s'en aller... SI vous avez passé cinq ans dans un hôpital psychiatrique, essayez d'aller poser votre candidature quelque part pour savoir si on va vous engager.

Mme Lavoie-Roux: J'en connais qui sont engagés après quinze ans d'institutionnalisation.

Mme Asselin: il a fallu qu'il y ait quelqu'un derrière qui a pu les supporter et les faire entrer avec lui, je suis sûre de cela, parce qu'une personne qui a passé quinze ans dans un hôpital psychiatrique ne va pas juste se présenter chez quelqu'un et se faire engager comme ça. Je suis convaincue de cela. Quant au taux de suicide et de criminalité, je veux juste soulever un point là-dessus. Quand c'étaient les soeurs qui avaient plus le contrôle des hôpitaux psychiatrique et ce genre de choses, le taux de criminalité et de suicide existait quand même. Ça montait peut-être de 1.1 % par année, 2.2 %, ce genre de chose. À partir du moment où en 1964 la psychiatrie est arrivée, cela a commencé à faire cela comme cela, ce qui est différent et qui nous porte à dire qu'il y a de gros effets secondaires, si je peux dire, de la psychiatrie.

Mme Lavoie-Roux: Que faites-vous de tous les problèmes sociaux qui ont augmenté, la criminalité, le suicide, etc.? Enfin, je pense qu'on pourrait en discuter jusqu'à demain matin.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Oui, merci, M. le Président. Écoutez, c'est rare que, finalement, on abonde dans le même sens que le gouvernement, mais effectivement je dois admettre avec lui, en fin de compte, qu'il n'y a pas tellement de nuances dans votre rapport et que dans une société il y a plusieurs variables, il y a plusieurs circonstances qui font qu'il se passe des situations et surtout plus qu'autrement dans une civilisation nord-américaine, postindustrielle qui a apporté énormément de changements. La technologie a évolué tellement rapidement que cela a eu des conséquences dramatiques à plus d'un égard au niveau de nos sociétés.

Mais de là à dire que tout repose sur les épaules des psychiatres, je ferais une nuance à ce niveau. Il se peut que, par la pratique antérieure, eu égard à certains événements, on puisse mettre en doute certains agissements. Mais de là à dire qu'ils ne sont plus nécessaires dans notre société ou en tout cas qu'ils deviennent très suspects dans la société, c'est autre chose. La preuve, avant votre présentation, nous avons eu l'apport d'un psychiatre qui, à mon avis, a apporté toutes les nuances importantes et qui s'est dissocié, finalement, de la corporation en tant que professionnel dans une pratique individuelle et qui était capable de faire la part des choses. Donc, il faut croire que, finalement, à l'intérieur même de la profession, il y a toutes formes d'Individus. Il ne faudrait pas généraliser parce qu'il y en a quelques-uns qui ont des pratiques plus ou moins douteuses et dire que tout le monde est douteux à l'Intérieur de la profession.

Ce qui m'amène à dire probablement que oui, vous êtes peut-être sur un choc, sur une consternation de certains états de fait à l'intérieur de certaines institutions parce que, lorsqu'on n'est pas habitué de voir la déchéance ou la détresse humaine, c'est très difficile et c'est très lourd à subir. J'en conviens avec vous et je pense que, quels que soient les individus, on voudrait toujours avoir la meilleure qualité de vie pour ses semblables. C'est ce que nous souhaitons. Je pense que c'est ce pourquoi nous avons fait une commission parlementaire Ici. C'est parce que nous voulions trouver des

éléments de solution qui favoriseraient, dans l'ensemble, quels que soient les citoyens, le fait de leur permettre d'avoir un peu part au soleil et qu'ils puissent avoir aussi une participation et de les intégrer dans la société.

Moi, j'aimerais que vous puissiez nous donner, à la suite des commentaires que vous nous avez fait parvenir, quel serait pour vous le meilleur mode d'intervention au-delà des transferts de responsabilité et de fonds de groupes communautaires. Finalement, quels seraient pour vous les modes d'intervention qui seraient les plus aptes à favoriser l'insertion sociale des personnes ayant une maladie mentale et d'après vous, quels seraient les intervenants tes plus susceptibles d'apporter une aide réelle qui favoriserait des changements, des comportements de société?

Mme Asselin: Moi, je dis, premièrement, avant que cela soit fait, je le répète encore, qu'il devrait y avoir une grosse recherche dans tout ce qui se passe en psychiatrie parce que je ne veux pas dire pour autant que, tout à coup, toute la psychiatrie devrait être fermée, etc. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Mais tous les traitements que ces gens font subir, tout le travail que fa psychiatrie fait devrait être regardé pour ce qu'il est. Je sais que c'est quelque chose de dur et, contrairement un petit peu à ce que vous disiez, ce n'est pas juste le fait d'avoir vu ça une fois qui fait que je pars en peur là-dessus. C'est comme ça que ça se passe à l'heure actuelle. C'est ça qui est là. Et juste le fait d'être consternée comme ça, c'est de penser qu'il y a des dizaines et des dizaines de milliers de personnes qui sont sous ces traitements-là à l'heure actuelle.

Donc, pour nous, il faudrait vraiment qu'il y ait une étude qui soit faite sur le domaine de la psychiatrie et non pas par un psychiatre, non pas par une personne du gouvernement, pas par nous non plus. Par quelqu'un qui serait de l'extérieur et qui pourrait regarder ce qui se passe là-dedans. Je sais que, si différents traitements pouvaient juste sauter, je veux dire qu'il n'y aurait peut-être pas autant de groupes... Parce qu'à l'heure actuelle, d'après nous, ce qui aide le plus les patients psychiatriques ce sont vraiment les groupes, différents groupes. Je connais différents groupes de Montréal qui font un travail fantastique pour essayer d'aller récupérer quelqu'un qui est envoyé des hôpitaux psychiatriques. Ils vont vraiment travailler avec lui, etc. Tous ces différents groupes de ressources humaines font beaucoup pour le patient mental qui sort après cinq, dix, quinze ans ou quoi que ce soit. Je crois que je n'ai pas demandé... C'est sûr que, pour les différents groupes, cela serait bien qu'ils aient beaucoup plus de subventions qu'à l'heure actuelle. Je parle de ça sans parler pour nous parce qu'on n'en a pas, de subvention du gouvernement. Donc, ce n'est pas pour moi que je la demande. Je ne dis pas qu'on ne fera jamais de demande. Ce n'est pas ce que je dis non plus. Mais je dis qu'il y a beaucoup de bon travail qui se fait là-dedans.

Même en dépit du fait que le rapport Harnois voudrait que les gens soient plus compétents, je pense que, pour eux, pour les gens qui ont travaillé au rapport Harnois, les gens ne sont pas compétents, eux ils apportent beaucoup de produits et Ils apportent beaucoup de réconfort et d'aide aux gens qui ont passé entre les mains des psychiatres.

Mme Vermette: Oans le rapport Harnois, justement, on parle d'une équipe multidisciplinaire et de différents intervenants avec différents champs d'expérience qui pourraient mettre à profit leurs connaissances respectives à partir justement de leur vécu, de l'échantillonnage qu'ils ont dans leur milieu de travail pour arriver à faire un plan individuel centré sur la personne. C'est un petit peu ce que vous recherchez sans que le monopole appartienne uniquement aux psychiatres, mais qu'il soit partagé parmi les intervenants qui sont les plus susceptibles d'apporter une aide à la personne selon sa maladie et selon la déficience dont elle est victime.

Mme Asselin: C'est ce qui est fait à l'heure actuelle. Les groupes de ressources humaines ne travaillent pas avec des centaines de cas en même temps. Ils travaillent pour chaque Individu. C'est ce qui est fait à l'heure actuelle. Le rapport Harnois n'a rien apporté de nouveau là-dessus. C'est ce qui est fait à l'heure actuelle. Quand une personne s'en va dans un groupe de ressources humaines, elle va être aidée. Il va y avoir différents programmes sans que ça soit le rapport Harnois qui ait dit de faire ça. C'est déjà fait à l'heure actuelle.

Mme Vermette: Alors, à ce moment-là, ce que vous demandez à l'intérieur.., Vous dites que les choses se font à l'heure actuelle. Ce qu'on demande actuellement... Qu'est-ce que vous voulez? Est-ce enlever la responsabilité aux psychiatres? Ce serait quoi, finalement, vos...

Mme Asseiin: Que les gens cessent de penser que les psychiatres sont les experts de la santé mentale. Qu'ils n'aient pas plus d'autorité que ça à l'heure actuelle parce qu'eux-mêmes n'ont pas pu remplir le mandat qu'ils avaient décidé de prendre il y a 20 ans. Et, vraiment, qu'ils essaient de réparer ou reconstruire ce qu'ils ont fait avec les gens qu'ils ont dans leurs hôpitaux et qu'ils puissent laisser les autres continuer comme ils sont là. Je crois que ça va bien comme ça, mais les groupes de ressources humaines n'ont peut-être pas suffisamment d'aide pour pouvoir subvenir à tous les gens qui sortent de là ou qui ont besoin d'aide.

Le Président (M. Bélanger): Bien; alors, le

temps est écoulé.

Mme Asselin: Merci.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Marie-Victorin, si vous voulez remercier le groupe.

Mme Vermette: Alors je vous remercie en tout cas d'au moins la franchise de vos propos. Du moins on ne peut pas mettre ça en doute. On espère que tes différents intervenants trouveront ensemble les solutions les plus adaptées pour répondre aux personnes qui sont dans le besoin dans ce domaine. Je vous remercie.

Mme Asselin: Je l'espère aussi.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Alors, je veux également vous remercier pour votre contribution. Au moins sur le rôle que les organismes communautaires peuvent jouer, je pense qu'il y a là un point de rencontre. C'est déjà important

Mme Asselin: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Et sur le reste, évidemment, peut-être que du choc des Idées naît la vérité. Je ne le sais pas, mais je vous remercie, à tout événement

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission remercie la Commission des citoyens pour les droits de l'homme et suspend ses travaux jusqu'à 19 heures, c'est-à-dire 7 heures, et nous reprendrons nos travaux à ce moment-là. D'accord.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 19 h 5)

Le Président (M. Laporte): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.

Je demanderais au Regroupement des ressources alternatives et communautaires en santé mentale de l'Estrle de bien vouloir prendre place à l'avant. On vous souhaite la bienvenue à la commission des affaires sociales. Pour l'enregistrement, est-ce qu'il vous serait possible de vous identifier? Comme vous le savez sans doute et comme le président a pu l'expliquer, vous faisiez partie, à l'arrière... vous avez pu voir le déroulement des séances. Vous avez vingt minutes pour faire l'exposé de votre mémoire et, par la suite, chacun des partis politiques de la commission aura vingt minutes pour vous questionner, vous Interroger à la suite de la présentation de votre mémoire. Je vous remercie.

Regroupement des ressources alternatives et communautaires en santé mentale de l'Estrle

Mme Viau (Danièle): Mon nom est Danièle Viau. Je représente l'organisme La Cordée transit de jour qui fait partie du Regroupement des ressources alternatives et communautaires en santé mentale de l'Estrle.

Mme Leduc (Guylaine): Mon nom est Guylaine Leduc. Je fais partie du centre de transition L'Élan de Magog. Je fais aussi partie du Regroupement des ressources alternatives et communautaires en santé mentale de l'Estrie.

Le Président (M. Laporte): On vous écoute.

Mme Viau: Alors, je vais vous faire lecture du document qui a été déposé. L'origine. Les ressources alternatives se sont regroupées à l'occasion de la Semaine de la santé mentale, en mars 1985. Quelques organismes unissaient alors leurs efforts pour rédiger un article d'Information sur les ressources alternatives dans le quotidien La Tribune de Sherbrooke. C'est avec cette première activité que prenaient naissance les organismes membres du Regroupement des ressources alternatives et communautaires en santé mentale de l'Estrle. On a défini des objectifs généraux qui sont, entre autres, de créer une table régionale des organismes membres afin de promouvoir le développement, la collaboration et la complémentarité entre ces ressources, d'établir des liens de communication entre les organismes membres, d'une part, le CRSSS et le MSSS, d'autre part, de mettre sur pied, en collaboration avec les établissements et organismes du réseau, des événements particuliers touchant la santé mentale de la population et promouvoir l'acquisition de moyens financiers adéquats pour les organismes membres.

Les ressources alternatives qui sont présentées proviennent de différentes régions de l'Estrie, entre autres, Magog, Lac-Mégantic, Weedon. Sherbrooke et Richmond. Elles sont pour la plupart nées de la volonté et de l'Initiative d'individus sensibles aux besoins de la communauté. Malgré les difficultés de financement, ces ressources se sont, jusqu'à ce jour, maintenues grâce à l'implication et au dynamisme de nombreuses personnes du milieu et ce, en grande partie par des actions bénévoles. On assiste donc, par la croissance des ressources alternatives en Estrie, à une prise en charge progressive de la communauté par elle-même.

Ayant été implantés à la suite de l'identification de besoins spécifiques à chacun des milieux concernés, il va sans dire que les programmes sont différents d'une ressource à l'autre. Néanmoins, les ressources ont toutes en commun la volonté d'établir des rapports égalitaires et une approche globale centrée avant tout

sur la personne et sa prise en charge par elle-même.

La situation actuelle en Estrie. Malgré les efforts déployés par les organismes membres et malgré le dynamisme et l'appui de la communauté, la survie de la majorité de ces ressources demeurera précaire tant qu'une reconnaissance réelle de la part des instances gouvernementales ne se sera pas traduite de façon concrète par des appuis financiers substantiels. On a annexé, à la fin du document, l'état des résultats et des besoins financiers réels que les ressources ont identifiés.

Voici un résumé de nos réflexions sur le projet de politique en santé mentale. Les principes généraux présentés dans le projet de politique de la santé mentale du Québec rejoignent étroitement la philosophie de base de nos ressources alternatives, c'est-à-dire le partenariat, l'approche globale de la personne, une continuité dans les services, la promotion, la prévention et la réadaptation. Le projet de politique en santé mentale accorde une place concrète aux ressources communautaires. Elle leur donne voix au chapitre, ce qui nous paraît satisfaisant. Il est évident que cette place, les ressources alternatives la prendront à la mesure de leurs capacités financières et qu'en ce sens la région de l'Estrie... Dans la région, il reste plusieurs pas à franchir. Il nous faut plus que doubler nos budgets cette année et il nous est nécessaire d'avoir des indices de développement au plan de ces budgets pour répondre à plusieurs besoins de base, dont celui des ressources alternatives d'hébergement qui sont inexistantes en Estrie. À ce propos, il y a quand même une interrogation qui se pose. On a entendu dire que les établissements en Estrie allaient chercher près des deux tiers des budgets en santé. On se demande si, quelque part, il y aurait possibilité de réallouer ces budgets pour que les ressources alternatives puissent bénéficier de ressources financières adéquates leur permettant d'être de réels partenaires.

Il est recommandé qu'une politique de financement récurrente soit mise en place pour les ressources communautaires en santé mentale. Par ailleurs, il nous apparaît essentiel que le ministère de la Santé et des Services sociaux mette à la disposition des organismes bénévoles et communautaires des budgets leur permettant de faire l'évaluation de leurs programmes. L'évaluation de nos programmes ne pourrait être envisagée de la même façon que pour le milieu institutionnel et ce, de façon à respecter nos différences et à préserver le caractère alternatif de nos ressources.

C'est l'approche globale qui caractérise nos ressources. En ce sens, nous déplorons le principe de classification des ressources communautaires présenté dans le projet de politique; il tend à morceler nos services, à limiter notre champ d'action et fait obstacle à l'application d'une approche globale. Ainsi, nous recomman- dons que tous les types de services soient reconnus de la même façon et reçoivent leur financement de la même enveloppe, c'est-à-dire l'entraide, les droits, l'information et tout ce qu'on appelle services.

Par ailleurs, le projet de politique reconnaît l'importance d'implanter une gamme de services disponibles et accessibles dans chaque milieu. Cet aspect nous paraît tout à fait indispensable. Nous souhaitons que le critère d'évaluation des besoins de chacune des communautés ne repose pas sur le taux d'hospitalisation. Plusieurs régions de l'Estrie ne peuvent disposer de ces données, n'ayant pas de départements de psychiatrie au sein de leurs hôpitaux. Par conséquent, cette pratique ne permet pas de mettre en lumière les besoins réels de chaque milieu et semble créer un obstacle à la déslnstitutionnalisatlon en éloignant davantage te principal acteur de son milieu de vie naturel. Dans le projet de politique en santé mentale, le comité aurait dû tenir compte des réalités socio-économiques avec lesquelles doivent composer les principaux acteurs du milieu de vie naturel. Le réajustement des mesures socio-économiques aurait un impact certain sur le maintien des personnes dans leur milieu.

Le Regroupement des ressources alternatives et communautaires en santé mentale de l'Estrie trouve que l'implantation d'un programme de répit n'est pas suffisant pour encourager la famille et les proches à prendre soin adéquatement des personnes en difficulté. Avant même d'instaurer un programme de répit, il faudrait assurer un soutien à la famille et aux proches en ce qui a trait à l'information sur la maladie et au sujet des ressources disponibles et des moyens d'intervention qu'ils ou qu'elles peuvent utiliser afin de les rendre plus capables d'assumer leur rôle.

Dans un autre ordre d'idées, nous considérons que la formation des intervenants risque fort d'augmenter le cloisonnement et la hiérarchisation. Aussi, recommandons-nous que des programmes de formation continue avec un contenu pratique soient priorisés et visent des rapports égalitaires entre les différents partenaires. En vue de concrétiser une concertation entre les différents partenaires, il est souhaité que les groupes communautaires participent à la perception du besoin, à l'identification de l'aide nécessaire, à la disponibilité des services requis, à la mise à contribution des ressources et à l'évaluation des résultats.

Pour conclure, nous voyons la nécessité évidente d'accroître l'investissement dans le secteur de la santé mentale et, ainsi, en faire une priorité. Dans la mesure où les sommes nécessaires sont consenties, nous pensons que le mouvement de déslnstitutionnalisation pourra être efficace au Québec.

Le Président (M. Laporte): Je vous remercie. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier les porte-parole du Regroupement des ressources alternatives et communautaires en santé mentale de l'Estrie. C'est un regroupement qui remonte, avez-vous dit, à quelques années?

Mme Viau: À 1985.

Mme Lavoie-Roux: À 1985. Est-ce que les ressources qui sont énumérées constituent seulement une partie des ressources communautaires en santé mentale de l'Estrie ou si ailes constituent l'ensemble?

Mme Viau: Elles contistuent l'ensemble des ressources actuelles. Toutefois, ce qu'il faut considérer, c'est que ces ressources, en 1985, existaient toutes. Elles existent encore toutes aujourd'hui en ce sens que toutes les corporations ne sont pas dissoutes, sauf que toutes ne sont pas en mesure actuellement d'offrir des services parce que les budgets sont épuisés. En décembre 1986, le Dr Voisine et M. Carignan sont venus en Estrie vérifier quels étalent nos besoins à la suite du mémoire qui avait été déposé. En conséquence, ils nous ont permis d'avoir des budgets non récurrents pour terminer l'année financière. Cette année financière s'est terminée en mars 1987. Or, depuis, il y a plusieurs ressources qui vivotent et qui ne sont plus en mesure d'offrir des services à la clientèle. (19 h 15)

Mme Lavoie-Roux: Vous voulez dire que vous n'avez pas reçu d'argent pour 1987-1988?

Mme Viau: La Cordée transit de jour est le seul organisme qui reçoit des budgets récurrents actuellement. Toutes les autres ressources vivotaient à partir de projets de création d'emplois; bien sûr, tous ces projets-là ne permettent pas d'offrir des services à longueur d'année. Certaines ressources, dont celles de Mégantic et de Weedon, ne sont plus en mesure actuellement d'offrir des services à la population.

Mme Lavoie-Roux: Me dites-vous que, pour 1987-1988, vous n'avez reçu aucune somme d'argent du ministère de la Santé et des Services sociaux pour les autres ressources que La Cordée transit?

Mme Viau: Certaines ressources ont reçu des montants provenant des enveloppes de services sociaux, soutien aux organismes communautaires.

Mme Lavoie-Roux: Vous en avez reçu alors?

Mme Viau: Mais en l'occurrence, la ressource L'Envol de Mégantic et Weedon n'a reçu aucune de ces sommes-là. Comme les projets de création d'emplois n'ont pas permis que les services se poursuivent, ces ressources-là sont actuellement sans ressources.

Mme Lavoie-Roux: Et les autres, ont-elles reçu quelque chose? Le Carrefour intervention suicide a reçu 30 000 $.

Mme Viau: Oui, 34 000 $ de la direction de ta santé cette année, mais les deux ressources dont je vous parle n'ont rien reçu jusqu'à maintenant et elles ne sont pas en mesure d'offrir des services.

Mme Lavoie-Roux: Les ressources qu'elles avaient reçues avant 1986 venaient-eltes du programme de subvention des organismes bénévoles?

Mme Viau: Vous dites les...

Mme Lavoie-Roux: Vous dites que ces six ou sept ressources...

Mme Viau: Oui.

Mme Lavoie-Roux: ...existaient en 1985. Est-ce que, à ce moment-là, elles recevaient toutes une subvention du programme de subvention des organismes bénévoles?

Mme Viau: Non.

Mme Lavoie-Roux: Ah bon! Alors, il n'y en a pas qui ont été coupées en sol.

Mme Viau: C'est-à-dire que La Cordée transit de jour a été coupée cette année et la subvention est passée de 10 000 $ à 5000 $. Les autres qui en recevaient n'ont pas été coupées et celles qui n'en recevaient pas n'en ont pas plus reçu.

Mme Lavoie-Roux: Sauf le Carrefour Intervention suicide.

Mme Viau: Oui, mais ce n'est pas le soutien aux organismes communautaires.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas un organisme communautaire.

Mme Viau: Non, cela ne provient pas de l'enveloppe du budget soutien aux organismes communautaires, cela provient de la direction de la santé mentale.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais il reste que...

Mme Viau: ...c'est le seul organisme, oui, qui ait reçu des sommes supplémentaires.

Mme Lavoie-Roux: Bon. Et tous les autres n'ont jamais reçu d'argent

Mme Viau: En décembre 1986, quand M. Carignan est venu, le ministère s'était Impliqué et il a permis à l'ensemble des ressources de

terminer l'année financière se terminant donc en mars 1987. Or, depuis, bien sûr, il n'y a pas eu possibilité de réinjecter des fonds supplémentaires.

Mme Lavoie-Roux: D'accord, parfait! Pou-vez-vous me dire combien de bénévoles s'impliquent d'une façon régulière dans ces organismes?

Mme Viau: Entre autres, à La Cordée transit, qui est située à Sherbrooke et qui a donc un bassin de population plus large, permettant ainsi une Implication plus grande des personnes bénévoles, on a un service aux groupes d'entraide qui permet de faire de l'accompagnement suivi d'un jumelage entre un bénévole et un usager. Pour ce service, on rejoint annuellement une quarantaine de bénévoles. Bien sûr qu'en milieu rural ou semi-rural, comme Magog, Mégantic, Weedon et Richmond, où il n'y a aucune ressource humaine, aucune permanence permettant d'encadrer des bénévoles et ce, de façon régulière et annuelle, on ne demande pas la même implication des personnes bénévoles. Le service est fait, je dirais, à certains moments de l'année, sur une base bénévole, même de la part de la permanence, et à d'autres moments, avec une rémunération pas très décente, si je peux m'exprimer comme cela. Les services offerts par les bénévoles fluctuent en conséquence. On demande aux personnes bénévoles dans les régions de s'impliquer davantage dans la prévention, dans l'accompagnement, mais sur une plus courte durée, de faire de l'accompagnement non pas dans le sens de créer un lien significatif avec la personne, mais plus un accompagnement qui va répondre à des besoins ponctuels, telle de l'aide pour déménager. On va également demander aux personnes bénévoles de s'Impliquer en faisant du covoiturage, des choses comme ça. Le nombre des personnes bénévoles en région diffère. Je dirais qu'à Magog on peut rejoindre environ une quinzaine de bénévoles annuellement; le nombre d'heures investies va être très différent. L'année dernière, on a rejoint une personne qui a fait 20 heures de bénévolat par semaine. Cela fluctue, cela dépend des capacités d'investissement.

Maintenant, à Mégantic, c'est sûr que, parce que la ressource est très instable financièrement - c'est d'ailleurs une des ressources que j'ai nommées tout à l'heure qui n'offrent plus de services maintenant - c'est sûr que les bénévoles quelque part se sont désimpllqués également. On n'a plus de personnes-ressources pour les encadrer.

Mme Lavoie-Roux: Quand ces ressources ont-elles été créées? Pas le regroupement, c'est en 1985, mais les ressources existent depuis combien d'années?

Mme Viau: Lac-Mégantic, Magog, Weedon,

La Cordée, ce sont des ressources de la communauté qui sont implantées depuis 1983. Carrefour intervention suicide est arrivé il y a près de deux ans maintenant.

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est plus récent.

Mme Viau: Oui. Le Rivage du Val Saint-François, qui est une ressource située à Richmond, est implantée depuis deux ans également. Il m'en manque une... L'APAMM, qui est l'association de parents et amis, existe depuis un peu plus de quatre ans.

Mme Lavoie-Roux: De toute évidence, il semble que vous n'ayez pas suffisamment de financement, mais j'aimerais revenir sur la question des bénévoles. Vous dites que là où il n'y a pas de permanence ou d'argent suffisant pour payer un coordonnateur, une coordonnatrice ou, enfin, une présence, la fluctuation des bénévoles est très grande et vous ne pouvez pas leur demander la même implication que là où il y a quelqu'un qui est rémunéré pour faire la coordination. Maintenant, il semble qu'à La Cordée transit, il y ait un certain financement.

Mme Viau: Un certain financement. Je pense que c'est un financement de base qui permet d'assurer les services de base. Évidemment qu'une permanence pour ce qui est du service des bénévoles permet d'assurer une continuité, d'assurer que les personnes bénévoles aient une formation, une supervision en conséquence.

Mme Lavoie-Roux: Alors, vous auriez combien de bénévoles dans cette ressource qui s'impliqueraient, je ne veux pas dire à temps plein, mais d'une façon régulière, à des jours donnés, à des périodes données, vis-à-vis des responsabilités régulières?

Mme Viau: Combien on en a? Mme Lavoie-Roux: Oui.

Mme Viau: Cela tourne autour d'une quarantaine par année.

Mme Lavoie-Roux: Une quarantaine par année. Alors, cela veut dire qu'elles ne...

Mme Viau: Quel investissement ces gens-là font à ce moment-là?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Mme Viau: C'est un minimum de trois heures par semaine dans de l'accompagnement avec des usagers. Il y a différents types d'implication bénévole, mais les 40 personnes dont je vous parle, cela implique un minimum de trois heures par semaine dans de l'accompagnement suivi avec un usager. Ce type d'accompagnement

est supervisé.

Mme Lavoie-Roux: Oui, et elles ou Ils sont assidus dans ce type de tâche?

Mme Viau: Oui, dans la mesure où elles ont un soutien, évidemment Je pense que c'est un aspect des services offerts dans une ressource alternative. Ce qu'il faut également voir, c'est qu'il y a d'autres types de services qu'on offre où la communauté s'implique, mais la communauté est aussi composée de personnes qui sont malades. À ce titre, je peux mentionner qu'un des services offerts dans toutes les ressources qui sont en région, c'est-à-dire celles de Richmond, Lac-Mégantic, Weedon, Magog et La Cordée, c'est un service d'atelier C'est une activité où on offre une approche qui est différente et où les usagers s'impliquent. Ils peuvent même animer des ateliers après une démarche faite avec nous.

Mme Lavoie-Roux: Dans votre dossier, vous indiquez que l'évaluation de vos programmes ne pourra être envisagée de la même façon que pour le milieu institutionnel: "de façon à respecter nos différences et à préserver le caractère alternatif de nos ressources." J'aimerais que vous explicitiez. On a l'impression que vous dites que cela devrait être différent.. Évidemment, on n'évaluera pas les mêmes choses, on ne partira peut-être pas des mêmes critères, mais est-ce la ressource elle-même qui s'évaluera ou si ce sera quelqu'un de l'extérieur qui l'évaluera?

Mme Viau: Je pense qu'on est ouvert à l'évaluation. Comme vous l'avez spécifié, nous ne serions pas évalués sur les mêmes critères. À ce propos, je pense qu'il est important que l'on participe à l'élaboration de ces critères. Je pense que c'est plus cela que l'on veut mettre en lumière. Pourquoi participer à l'élaboration de ces critères? Je pense que c'est parce qu'on se distingue de l'institution, d'une part, et que l'on veut justement que cela soit plus centré sur un aspect qualitatif que quantitatif. Pour nous, il est important que l'évaluation puisse vérifier ta satisfaction des usagers, et pas tellement en termes de nombre de personnes ou en termes de diminution de symptômes.

Mme Lavoie-Roux: Prenons toujours celle de Sherbrooke parce que je crois comprendre que c'est la vôtre. Elle fonctionne peut-être dans des circonstances un peu plus faciles que les autres. Combien de personnes rejoignez-vous dans une année?

Mme Viau: Les personnes inscrites, qui font une démarche d'une durée moyenne de six à neuf mois, étaient à peu près de 104 l'année dernière, je pense. En plus de cette catégorie de gens qui se sont inscrits dans une démarche régulière, il y a des usagers qui viennent sur une base plus ouverte, je dirais. Ils ne sont pas nécessairement amenés à être assidus dans une démarche. Ce sont des activités sociales que nous offrons à ces gens-là. On rejoint, par le biais de ces activités offertes le soir et la fin de semaine, près de 74 personnes par mois. C'est ce qui se passe actuellement. C'est un des services qui va grandissant. On est en train de s'apercevoir que ce service est la porte d'entrée des personnes psychiatrisées à la ressource pour, dans un deuxième temps, s'Impliquer dans une démarche.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez quand même l'Hôtel-Dieu qui a le département le plus important de psychiatrie à Sherbrooke, si je ne m'abuse. Avez-vous des contacts avec le département de psychiatrie de l'Hôtel-Dieu ou si vous fonctionnez autrement? On peut bien vous référer quelqu'un en disant: Va donc à La Cordée, mais est-ce que vous entretenez des contacts avec l'Hôtel-Dieu?

Mme Viau: Oui. Non seulement avec l'Hôtel-Dieu, mais avec l'ensemble des établissements de la région. Je pense que ce qui est important, c'est qu'on essaie vraiment de faire valoir un partenariat. En ce sens, bien sûr que les hôpitaux, au même titre que le CSS et les CLSC, nous réfèrent de la clientèle. Je pense que l'aspect de soutien que peut apporter l'Institution est intéressant. Souvent, on va aller vers eux pour discuter de la situation des usagers, mais aussi pour aller chercher de l'Information et de la formation. (19 h 30)

Mme Lavoie-Roux: Vous pouvez les reconsulter quand ils vous ont référé une personne.

Mme Viau: Absolument!

Mme Lavoie-Roux: II y a un mouvement d'aller retour entre votre service et les services qu'ils peuvent rendre.

Mme Viau: Oui. On parle des établissements et, bien sûr, qu'un établissement est composé d'intervenants. Il y a des gens qui sont, je dirais, beaucoup plus ouverts, mais, dans l'ensemble, c'est satisfaisant. Il continue d'y avoir des pas à franchir en vue d'une meilleure concertation à certains niveaux, mais je pense que les gens apprennent à reconnaître les actions entreprises dans la ressource. À ce propos, je pense qu'ils sont aussi de plus en plus conscients des services offerts et des objectifs thérapeutiques poursuivis.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question. Vous l'avez peut-être dit et je l'ai oublié: Allez-vous chercher des fonds dans le public?

Mme Viau: Oui. Bien sûr, l'ensemble des ressources s'efforce de faire une action en s'implantant dans la communauté de cette façon. J'aurais envie de dire que, à mon sens, c'est

Inégal d'une ressource à l'autre la façon dont on peut aller chercher des sous et aussi la somme recueillie. Il y a des milieux plus pauvres que d'autres.

Mme Lavoie-Roux: Je me référais toujours à Sherbrooke, à votre ressource.

Mme Viau: Ah bon! Je pense que c'est important de faire la distinction.

Mme Lavoie-Roux: Oui. J'Imagine que la population de Lac-Mégantic n'est pas très...

Mme Viau: Je prends Lac-Mégantic, mais cela s'applique aussi à Magog, à Weedon ou à Richmond.

Mme Lavoie-Roux: Magog est quand même une ville d'une importance raisonnable.

Mme Viau: J'aurais envie de dire que la majorité des usagers qui fréquentent la ressource proviennent des campagnes environnantes. À ce propos, ces gens-là ont une mentalité très différente, plus semi-rurale qu'urbaine.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais pour revenir à votre ressource...

Mme Viau: Oui, on va chercher du financement dans le milieu, mais on n'est pas non plus la seule ressource alternative qui va chercher des fonds. En 1985, on a organisé un colloque suivi d'un souper bénéfice; ce colloque avait pour thème: La santé mentale, l'affaire de tous. Bien sûr que là aussi on a fait notre bout de chemin pour Impliquer les gens de façon à mieux se faire connaître, mais également pour qu'il s'articule une meilleure complémentarité. Ce souper bénéfice a été intéressant parce que toutes les ressources alternatives de la région se sont impliquées dans son organisation. On a ainsi favorisé la réduction des écarts entre les régions pour que tout le monde puisse aller chercher le maximum de sous pour survivre.

Mme Lavoie-Roux: Ah! Cela a été réparti... Je vous remercie du travail que vous faites dans des circonstances qui n'apparaissent pas très faciles.

Mme Viau: Non, je pense que cela appelle un changement rapide, car des populations sont maintenant sans services.

Le Président (M. La porte): Merci, Mme la ministre. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci. Je suis content de la dernière réflexion de la ministre disant que vous travaillez dans des conditions très difficiles. J'en suis conscient, venant d'une région où les distances sont différentes de celles qu'il y a entre deux buildings à Montréal ou à Québec. On peut organiser une soupe populaire dans un building à Montréal sans problème ou donner des services à Québec à des personnes âgées. Quand elles sont toutes regroupées dans la même bâtisse, cela va bien, mais, quand on fait la tournée de nos régions et de nos milieux ruraux, ce n'est pas la même chose et on a besoin d'appui.

La ministre posait des questions tout à l'heure concernant le nombre de bénévoles et les heures qu'ils accordent. Je vous dis qu'il faut venir en région pour voir ce qui s'y passe. Mon but ce soir n'est pas de vous poser trop de questions, mais de vous dire que j'admire énormément votre travail. Je suis toujours surpris qu'on pose des questions à des organismes bénévoles comme le vôtre et qu'on leur demande combien d'heures ils mettent et combien de bénévoles ils ont. Je me souviens que, quand mon beau-père était à la préretraite, on lui demandait d'aller reconduire des gens de Grand-Mère à Trois-Rivières, d'aller à l'hôpital, de les attendre là et de revenir. Il ne demandait pas une cenne à personne, cela lui faisait plaisir. Cela ne se calcule pas. Ces gens âgés refusent parfois d'écrire leur nom parce qu'ils disent: Je ne veux pas que mon nom paraisse nulle part; je t'ai rendu un service et on n'en parle plus. C'est parfois difficile de tenir des statistiques, mais, chose certaine, on sait qu'il y a des résultats au bout de la course. Quand le centre de bénévolat à Grand-Mère, tous les matins, rappelle le lendemain, par l'entremise d'une aide qui est à temps plein, pour dire: C'est à ton tour de me préparer des desserts pour X personnes qu'on va recevoir à dîner, que le lendemain c'est une autre personne et que cela se fait tous les jours, la personne, ce sera peut-être son tour une fois par mois, mais cela comprend 35 bénévoles qui font cela pendant le mois, par exemple. Cela dépend des besoins qu'on a.

Dans ce sens-là, je dis que la permanence dont vous parlez devient donc nécessaire et essentielle pour coordonner ces efforts. Quand vous pariez de l'état de la situation, à la page 1 de votre mémoire, quand vous commencez: Origine et philosophie, vous dites: "Malgré les efforts déployés par les organismes membres et malgré le dynamisme et l'appui de la communauté, la survie de la majorité de ces ressources demeurera précaire tant qu'une reconnaissance réelle de la part des instances gouvernementales ne se sera pas traduite de façon concrète par des appuis financiers substantiels." Effectivement, on voit arriver des groupes dans le milieu. Le problème, c'est peut-être de vraiment prendre le temps, comme c'est le temps aujourd'hui avec l'étude du rapport qui est devant nous et de la politique qui s'en vient, de vérifier... Quelqu'un nous faisait une suggestion cet après-midi en disant - il venait de la Beauce, cet après-midi ou ce matin: Un des critères, peut-être qu'il faudrait le regarder avec Centraide qui aide des

organismes comme ceux-là concernant l'implication dans le milieu.

Je ne peux pas être en désaccord avec votre demande, à savoir qu'il y ait quelque chose qui nous permette d'avoir un budget pour deux ou trois ans, mais de s'assurer qu'on ne soit pas, tous les ans, à la merci d'une décision arbitraire, parce qu'il n'y a pas de programme, ou qu'on a un beau programme mais qu'il n'est pas appliqué. Dans ce contexte, il y a d'autres groupes qui subissent les mêmes contrecoups actuellement. Ils nous disent: On pense qu'on va l'avoir, mais on n'est pas sûr. Finalement, parfois, ceia arrive en retard et, même, dans d'autres organismes, le chèque qui devait arriver pour tel mois arrive un mois et demi ou deux mois en retard. Pour certains, un mois et demi ou deux mois en retard, c'est quelque chose, surtout si on leur demande d'aller chercher 10 % dans le milieu. Comme vous venez d'un secteur qui comprend des milieux ruraux, j'aimerais connaître votre opinion sur la recommandation qui dit que tous les organismes communautaires ou alternatifs seront obligés d'aller chercher 10 % dans le milieu. Est-ce que vous croyez que c'est quelque chose qui est possible ou si cela va vous demander tellement d'efforts que, finalement, vous allez gruger beaucoup de temps et d'efforts rien qu'à alter chercher ces montants d'argent?

Mme Viau: On est d'accord avec la position du regroupement provincial sur ce plan-là. On appuie les termes employés, à savoir que, d'une part, on ne comprend pas ce qui fait qu'on a augmenté de 5 % à 10 %, mais, en même temps, je pense que ce qu'il faut voir, c'est que cela n'illustre pas la façon dont on peut avoir un lien avec la communauté.

Il y a aussi un élément important à souligner quand vous dites que cela va aller chercher énormément d'énergie. De fait, quand tu t'en vas dans une sous-région et que tu dépenses pratiquement autant en essence à cause des distances à parcourir pour aller de porte en porte chercher des sous, c'est comme un peu inutile. J'ai envie de dire que cela m'apparait difficile d'imposer des mesures semblables à tout le monde, en même temps que, quelque part, ce n'est pas significatif qu'on puisse aller regarder la façon dont on va Illustrer que la communauté s'Implique. On peut regarder cela d'une autre façon que de l'évaluer avec des chiffres comme ceux-là et en comptabilisant les heures de bénévolat

M. Jotivet: Vous dites que votre évaluation doit être différente - la ministre vous a posé des questions sur cela tout à l'heure - de celle du secteur institutionnel. D'un autre côté, vous dites que notre approche doit être globale. À ce moment-là, les ressources doivent être vérifiées eu égard à cette approche globale. Vous dites: "En ce sens, nous déplorons le principe de classification des ressources communautaires présenté dans le projet de politique; il tend à morceler nos services, à limiter notre champ d'action et fait - obstacle à l'application d'une approche globale." J'aimerais que vous me donniez davantage de renseignements sur les raisons pour lesquelles vous dites cela, avec la connaissance que vous avez de votre milieu.

Mme Viau: Vous me demandez pourquoi on ne veut pas qu'il y ait de classification en ce qui a trait aux ressources?

M. Jolivet: C'est cela. On dit: On déplore le principe de classification des ressources qui est présenté. Cela aura pour effet de faire obstacle à l'application de l'approche globale dans laquelle on doit agir.

Mme Viau: Pour nous, ce qui est clair, c'est qu'on veut répondre à l'ensemble des besoins de la personne. Les différentes options offertes, que ce soit sur les droits, l'information, les services ou l'entraide, pour mol, c'est clair que cela répond à l'ensemble des besoins de la clientèle. À ce propos, si on veut respecter une approche globale. Il ne s'agit surtout pas de morceler la façon dont on répond aux besoins de la personne. Pour moi, ce qui est clair, c'est qu'on ne va pas classifier les ressources ou même, comme il est proposé dans la politique, d'en mettre plus en valeur que d'autres. Pour mol. c'est clair qu'on veut répondre à l'ensemble des besoins de la personne, qu'on ne veut surtout pas cloisonner nos différents services - je vais les appeler comme cela. Autrement, cela va à l'encontre d'une approche globale comme telle. Cela ne peut pas répondre à l'ensemble des besoins de la personne.

M. Jolivet: En fait, vous dites: L'évaluation doit être différente de celle du milieu institutionnel. Je pense qu'il n'y a pas de problème à bien comprendre cela. Ce que vous dites, c'est que c'est une approche globale. J'aimerais comprendre ce que vous entendez par approche globale. Si vous me dites: C'est la personne dans sa globalité, Je comprendrais d'une certaine façon, mais, même là, j'aurais de la difficulté à saisir. Vous dites: Notre approche est globale, C'est toute la personne au complet, mais est-ce le service? C'est quoi?

Mme Viau: C'est quoi?

M. Jolivet: Le mot globalité, vous l'employez dans le sens de services ou bien dans le sens de la personne? De quelle façon?

Mme Viau: D'accord. La personne peut avoir différents besoins et, en regard des besoins qu'elle a, on peut répondre par une gamme de services qui, elle, va être diversifiée.

M. Jolivet: Donc, la personne arrive à vos services. Peu importe d'où elle vient, vous

examinez ses demandes et vous la référez aux organismes plus spécialisés?

Mme Viau: Non. Je pense qu'une ressource comme telle se donne des moyens de faire en sorte que la personne puisse trouver des réponses à ses besoins. Les différents moyens employés peuvent être de favoriser de l'entraide, de favoriser une bonne information de la personne sur ses droits, de favoriser l'accompagnement pour être mieux informée à ce sujet.

M. Jolivet: Ce matin ou cet après-midi, je ne sais à quel moment, quelqu'un est venu nous dire que le programme de services individualisé, peu importe, le plan de services individualisé, le PSI... Les gens disaient qu'il fallait qu'il y ait une personne qui soit le pivot de cela et s'assure que le plan qu'on aura mis ensemble avec la personne soit le plus possible actualisé. Une fois qu'ils ont dit cela, ils ont dit: Cependant, ces personnes doivent ensuite se rencontrer a un autre niveau pour coordonner tout l'ensemble et voir, si on s'aperçoit que quatre ou cinq personnes demandent telle activité et que cela ne marche pas parce qu'il n'y en pas dans le milieu, à s'organiser pour l'avoir. Donc, vous dites: Nos services pourraient répondre à tout cela. Eux nous disaient, et là je parle d'un organisme de coordination des organismes d'une certaine partie de la région de Montréal: II faut coordonner tout cela et, en conséquence, II faut avoir des réunions entre nous pour nous assurer que le service soit donné. Je donne un exemple: II faudrait qu'il y ait de l'emploi dans telle branche. Le ministère de la Main-d'Oeuvre ne peut pas fournir cela parce que cela n'existe pas. Il faudrait donc organiser un programme de recyclage ou quelque chose comme cela par l'intermédiaire du Centre de formation professionnelle pour permettre de répondre à ces personnes. C'est une hypothèse qu'on émet. Vous, vous dites: Nos services peuvent répondre à tout cela. Et, eux, ils nous disaient: II faut coordonner parce que nos services ne peuvent pas tout donner cela. (19 h 45)

Mme Viau: Je ne pense pas que les services qu'on offre actuellement répondent à la gamme de tous les besoins. En Estrie, par exemple, on n'offre pas de services d'hébergement. C'est clair que, si les besoins sont tels, il faut orienter la personne en conséquence. Est-ce dans ce sens-là que vous posez la question?

M. Jolivet: C'est aussi compliqué que cet après-midi quand on posait la question, parce qu'on avait de la misère à comprendre ce qu'on voulait vraiment nous dire. Disons que je vais vous voir parce que j'ai un problème et que je vous demande de faire avec moi un plan pour mes propres besoins. Il y a une personne qui va coordonner tout cela dans le groupe chez vous, parce qu'il ne faut pas que tout le monde se lance la balle en disant: ce n'est pas à moi à faire cela, c'est à l'autre; finalement, personne ne le fait. Donc, il faut qu'il y ait une personne qui coordonne tout cela. Après avoir coordonné tout cela, il y en a qui disent: Si toutes ces personnes qui font des plans individuels ne se rencontrent pas, rentrent dans leur petite coquille et travaillent séparément... Mais, si on se ramasse ensemble, on va s'apercevoir qu'on a tous le même problème et, là, on va trouver une solution conjointe ou encore il va arriver un moment où les gens vont dire: À force de voir tel ou tel problème, on peut corriger notre façon d'agir dans notre milieu. Donc, il y a une certaine forme de coordination qui doit exister, disait-on, cet après-midi. Vous me dites: Nos services peuvent répondre à tout cela. Quand vous parlez de globalité, c'est ce que je crois comprendre, que vous êtes capables de répondre à tout cela. C'est cela que j'ai de la misère à comprendre. D'une part, on était dans un milieu urbain et on avait de la misère à faire cette globalité et, vous autres, vous êtes dans un milieu rural et vous dites: On est capables de le faire. Comment cela se fait-il?

Mme Viau: Je ne suis pas sûre de comprendre. En fait, vous me dites que vous voulez avoir une explication sur l'approche globale comme telle et vous me dites que, quelque part, vous pensez qu'on offre tous les types de services.

M. Jolivet: En réponse à ce que j'ai posé sur la question de la globalité, vous avez dit: Nos services peuvent répondre aux besoins de la personne. Donc, s'ils peuvent répondre aux besoins de la personne, je pose la question si le mot globalité veut dire répondre à tout ou bien répondre seulement à une partie.

Mme Viau: C'est répondre, finalement, à ce que la personne nous exprime, à ses propres besoins. Mais il est clair que cela ne veut pas dire que nous offrons tous tes services. Ce que je dis, c'est qu'on peut offrir différents types de services au niveau des ressources alternatives. Cela peut être de l'entraide, donner de l'information sur les droits, offrir des services de réinsertion au travail, en logement. C'est l'ensemble des services qui sont offerts. Pour moi, il est clair que, selon le financement accordé aux ressources, il y a des services qu'on peut offrir aux gens à partir de la nature des besoins qui sont exprimés. D'accord?

M. Jolivet: C'est ce que je posais comme question subsidiaire tout à l'heure. À ce moment-là, si vous n'êtes pas capables de répondre aux besoins directs de la personne, vous la référez à des organismes plus spécialisés. C'est dans ce sens-là que...

Mme Viau: ...mais on va rester en lien.

M. Jolivet: D'accord. Donc, vous faites te suivi après que vous ayez envoyé la personne à tel centre hospitalier ou à tel organisme comme action suicide ou un autre...

Mme Viau: On va rester en lien constant autant avec un organisme du milieu communautaire qu'avec un établissement

M. Jolivet: Donc, vous vous assurez que la personne reçoit les services auxquels elle est en droit de s'attendre, eu égard au plan de services que vous allez établir avec elle, pour, après, vous assurer que, si vous l'avez envoyée à telle place, le service sera donné.

Mme Viau: C'est-à-dire qu'on va garder contact avec l'Intervenant qui va la suivre ailleurs de façon que l'approche soit respectée quelque part, que l'Individu reçoive une réponse qui soit satisfaisante pour lui.

M. Jolivet: À la page 3, vous dites: "Plusieurs régions de l'Estrie ne peuvent disposer de ces données, n'ayant pas de départements de psychiatrie au sein de leurs hôpitaux. Par conséquent, cette pratique ne permet pas de mettre en lumière les besoins réels de chaque milieu et semble créer un obstacle à la désinstitutionnalisation en éloignant davantage le principal acteur de son milieu de vie naturel." Voulez-vous dire par là que, du fait que vous n'avez pas de tels départements dans les centres hospitaliers, il faut soigner dans le milieu, de telle sorte qu'une personne qui doit demeurer dans tel milieu naturel elle ne le peut pas parce qu'elle doit aller à l'extérieur?

Mme Viau: Ce qu'on voit souvent, j'appelle cela de la déportation de clientèle. SI la personne est en situation de crise, elle sera hospitalisée à Sherbrooke. Il n'y a pas de psychiatre en région si bien que, quand la personne ne peut bénéficier de ressource d'hébergement dans son milieu de vie naturel, elle est aussi amenée à être hébergée en famille d'accueil ou en ressource non traditionnelle, mais à Sherbrooke toujours, si bien qu'on la déracine de son milieu.

Le Président (M. La porte): Je vous remercie bien, M. le député de Laviolette. M. le député de Laurier.

M. Sirros: Pour reprendre un peu ce qu'avait commencé à dire le député de Laviolette, vous dites, par exemple, que vous déplorez ta classification faite aux groupes. On sait que le projet de politique classifie un peu les groupes en groupes de promotion et en groupes communautaires de services, comme on les appelle. Vous, vous dites: On n'est pas d'accord avec ça. Tous les groupes devraient être vus de la même façon et financés de la même façon. Ce que j'ai le goût de vous demander, c'est qu'advenant la possibilité qu'il n'y ait pas assez d'argent pour financer tous les besoins de tout le monde, comment établiriez-vous les priorités? Est-ce qu'à ce moment-là il y a des critères qui pourraient entrer en ligne de compte, tels qu'ils sont présentés dans le rapport, dans le projet de politique, promotion versus services ou services versus promotion?

Je comprends très bien votre position en disant qu'il faut prendre les groupes dans leur ensemble. Ce sont tous des groupes de services dans le sens que même faire la promotion, c'est rendre service à une clientèle particulière. Mais, comme je vous le disais, advenant cette possibilité que les ressources ne soient pas illimitées, comment prioriser les choses? Ou est-ce que vous le feriez?

Mme Viau: Je vois difficilement comment on pourrait prioriser les différents types d'aide offerts. Je pense que ce serait tout simplement morceler la ressource alternative qui, elle, se diversifie. Je pense que cela Irait à rencontre de ce qui est prôné dans la politique dans le sens de décloisonner les services. Il ne faudrait pas non plus commencer à cloisonner les ressources alternatives.

Le Président (M, La porte): On vous remercie bien. Pour le mot de la fin, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Oui, merci des informations que vous nous avez données et, surtout, bonne chance, parce que... Je recommence.

Mme Viau:...

M. Jolivet: Merci pour les informations que vous nous avez données, mais surtout bonne chance dans la mesure où vous faites un travail que je considère comme important et qui ne se calcule pas en argent, mais en services que vous rendez à des gens qui en ont vraiment besoin.

Le Président (M. Laporte): Merci bien. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux également vous remercier de votre participation et vous dire que nous nous penchons sur toute cette question du financement des organismes bénévoles, mais il y a aussi des contraintes sur le plan financier et, d'autre part, une responsabilité de l'État quand il dépense les fonds publics, que ce soit dans son réseau ou que ce soit pour appuyer des organismes bénévoles. Il y a quand même des critères à établir pour s'assurer que tout cet argent, d'un côté comme de l'autre, soit utilisé le plus efficacement possible.

Je pense qu'on est quand même au début de notre réflexion, quand on regarde tous les problèmes qu'il a fallu vivre pendant un bout de temps, il y a maintenant des problèmes qui nous

apparaissent et qui demandent plus de réflexion, mais, en mettant tous nos efforts ensemble, je pense qu'on va y arriver. Je vous remercie.

Le Président (M, Laporte): Très brièvement, s'il vous plaît!

Mme Viau: Oui. Ce que je peux dire, c'est que, quelque part, je trouve ça intéressant qu'on ait le souci de vérifier cette qualité des services. Pour nous, c'est évident qu'il y a des résultats qui sont significatifs dans l'intervention qu'on fait auprès des usagers. Je pense qu'on diminue les hospitalisations. On a un Impact quant au phénomène de la porte tournante. Je pense que cela, c'est reconnu dans notre région. C'est pour ça, d'ailleurs, qu'on continue toujours de nous référer de la clientèle, et de plus en plus. Je pense qu'on a le souci qu'il y ait une reconnaissance à tous les niveaux et on a le goût de s'impliquer dans l'organisation des services pour faire valoir l'approche qu'on prône comme ressource alternative.

Le Président (M. Laporte): Nous remercions les représentantes du Regroupement des ressources alternatives et communautaires en santé mentale de l'Estrie en leur souhaitant un bon retour dans cette magnifique région. Merci bien. Nous invitons maintenant les représentants de l'Atelier d'artisanat centre-ville Inc. à bien vouloir se présenter en avant.

Nous vous souhaitons la bienvenue à la commission des affaires sociales. Je vous demanderais, pour les fins de l'enregistrement, de bien vouloir vous identifier. Je tiens à vous préciser les délais, que vous devez sûrement connaître. Comme on l'a expliqué tantôt, vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Par la suite, les parlementaires vous interrogeront pour une période de 40 minutes. Dr Losson.

Atelier d'artisanat centre-ville Inc.

M. Losson (Jean-Pierre): Bonsoir, M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs. Je suis le Dr Jean-Pierre Losson, directeur' du département psychiatrique de l'Hôtel-Dieu à Montréal. À ma droite, il y a Mme Mildred Ryerson, qui est fondatrice de l'Atelier d'artisanat centre-ville et qui continue à y travailler avec efficacité et passion, Mme Fay Bland, qui est la présidente sortante du conseil d'administration de ce même organisme, Mme Denise LeBlanc-Bantey, que vous connaissez, qui travaille également dans cet organisme.

Je pense que vous avez reçu déjà un mémoire qui a été déposé et qui est une réaction en particulier au rapport Harnois. Ce que je vais faire ce soir, c'est vous lire peut-être un très court texte qui situe le problème tel que nous le voyons. Il n'y en aura pas pour 20 minutes.

J'intitule ce texte: Considérations générales sur la désinstitutionnalisation en psychiatrie. Le maître mot pour caractériser l'évolution contemporaine de la psychiatrie et de la prise en charge des maladies mentales est sans doute la désinstitutionnalisation. Le mouvement hors des murs des institutions et vers des structures plus communautaires est probablement Irréversible et se trouve au coeur des pratiques et des réflexions dans ce champ d'action particulier.

On ne peut pas dire pour autant que les choses soient simples et force nous est de constater qu'il subsiste de graves insuffisances au niveau des concepts comme au niveau des réalisations pratiques. D'abord, il faut déplorer une regrettable indigence au chapitre d'une réflexion adaptée sur ce que l'on prétend dépasser, c'est-à-dire l'institution elle-même.

On tient pour acquis un peu trop vite d'une façon générale que l'institution psychiatrique est en soi une aberration diabolique qui ne comporte que des inconvénients et qui ne fait qu'exprimer la perversion fondamentale d'exploiteurs et de geôliers exerçant leurs maléfices sur des pauvres malades victimes.

Il conviendrait d'être un peu circonspects et d'aborder cette question avec un esprit sainement critique vis-à-vis des Idées reçues, ce qui permettrait, entre autres, d'éviter certaines erreurs dans la réalisation adaptée d'une désinstitutionnalisation nécessaire en tout état de cause. Dans cette optique, il conviendrait de se poser quelques questions sur la nature de l'institution qu'il s'agit précisément d'éviter et II conviendrait notamment d'examiner les fonctions sociales qu'elle remplissait de façon à tenter de lui donner un ou des substituts qui aient quelque chance d'être en rapport avec les nécessités réelles des patients.

Il est impossible d'élaborer cette question de façon approfondie ici. Disons seulement que l'hôpital psychiatrique traditionnel a été présent dans tout l'Occident selon un modèle assez uniforme. Seulement, il n'a pas été constitué du jour au lendemain pas plus que la psychiatrie elle-même ne s'est faite en un jour. Sur une période historiquement repérable, il s'est trouvé des Institutions dont la vocation, les buts et les moyens se sont constitués selon un processus qui a consisté essentiellement en une addition de fonctions sociales que l'évolution rendait nécessaire d'ajouter les unes aux autres, pour aboutir à l'hôpital contemporain dans la configuration que nous lui connaissons.

Ses fonctions sont multiples et sans doute d'importance variable. Sans entrer dans tes détails, on peut en signaler quelques-unes. Il y a d'abord une fonction de soins. Elle est complexe, mais tout le monde doit savoir au moins que soigner en psychiatrie est une activité qui ne s'improvise pas et qui requiert une compétence aux multiples facettes. Mais il y a aussi d'autres fonctions: l'hébergement, la contention ou l'Isolement, comme on voudra, l'éducation sous certaines formes particulières, la formation professionnelle, des fonctions proprement cultu-

relies dont on ne saurait surestimer l'Importance au chapitre de l'oméostasie générale de la société, etc.

Toutes ces fonctions se sont constituées peu à peu pour conférer à l'hôpital psychiatrique un aspect très complexe répondant à des nécessités multiples. Ces inconvénients très réels ne doivent pas faire oublier l'Importance de ces fonctions. (20 heures)

Mais revenons à la désinstitutlonnalisation. Si elle correspond simplement à un mouvement de fuite irréfléchi hors des murs de l'hôpital, il y a toutes tes chances qu'elle aboutisse à des désastres. C'est malheureusement ce qui s'est produit un peu partout, notamment aux États-Unis, où des millions de psychotiques chroniques se sont retrouvés clochardisés dans des conditions abjectes, au terme de ce qui apparaît de plus en plus comme l'un des grands scandales de l'histoire de la médecine. Il y a là une perspective qu'il faut éviter à tout prix et c'est possible.

L'approche que nous préconisons consiste à relier les unes aux autres, à la manière des maillons d'une chaîne, diverses institutions communautaires qui reprendraient, chacune pour son compte, une ou plusieurs des fonctions autrefois agglomérées dans un seul et même endroit et d'articuler ces institutions entre elles de manière réelle de façon à créer un réseau d'organismes communautaires fonctionnel en tant que réseau. Le principe est facile à énoncer, mais qu'on sache bien que, pour des quantités de raisons dont certaines découlent de mentalités bien établies, ia réalisation est difficile et exige volonté, consistance et clairvoyance. Dans cette optique, la réalisation d'une entreprise telle que l'atelier de centre-ville, fondé par Mme Ryerson, prend une signification bien particulière. Il s'agit d'un organisme qui, reprenant sous des formes qui lui sont spécifiques, le projet fonction qui a été celui de l'ergothérapie dans les hôpitaux psychiatriques, se propose d'intervenir au plan de la créativité mutilée par la maladie, au plan de la capacité à travailler et à produire dans un environnement cohérent, au plan de la capacité à s'exprimer et à s'organiser dans un contexte de groupe, etc.

C'est dire que l'atelier a une vocation qui concerne l'un des aspects essentiels de la lutte contre les effets de la maladie mentale. Personne ne prétendra qu'une structure telle que l'atelier puisse, à elle seule, répondre à tous les besoins du patient psychiatrique. Mais, dans la mesure où il constitue un des maillons importants d'une chaîne qu'il associe à d'autres structures proposant d'autres services, on peut considérer que son rôle est essentiel dès lors qu'on veut, d'une part, éviter les énormes institutions psychiatriques dont les inconvénients sont trop connus et qu'on veut, dans le même temps, éviter de simplement livrer le patient à une errance dont les inconvénients sont pires encore.

Pour résumer cette question à l'extrême, on peut donc soutenir que, dès lors que la société se propose de prendre en charge adéquatement, efficacement et avec la dignité requise ceux de ses membres atteints de maladie mentale, les choix sont limités. Ou bien la société maintient des hôpitaux psychiatriques dont plus personne ne semble vouloir, ou bien elle se donne les moyens de procéder autrement, ce qui revient à dire qu'elle assure à des organismes communautaires les moyens de remplir les missions qu'elle leur confie.

Le Président (M. Laporte): On vous remercie. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup. Je veux remercier les représentants de l'Atelier d'artisanat centre-ville pour leur participation aux travaux de la commission. C'est un milieu que j'ai eu l'occasion... Est-ce que Mme Ryerson comprend le français?

Mme Ryerson (Mildred): Un petit peu.

Mme Lavoie-Roux: Un peu. I will say a few words In English because I think that, if your center is here tonight, it Is due to the efforts and the long-sighted views of Mrs. Ryerson who got interested in that type of work probably long before many others did involve themselves In similar type of services to a very special part of our population.

Je voulais vous dire, M. le président du conseil d'administration, que je suis familière avec l'oeuvre de l'atelier d'artisanat. Je connais également les difficultés financières qu'il a connues à travers les années avec des hauts et des baisses; peut-être pour faire allusion à une valeur à laquelle les gens ne font plus souvent référence, probablement que la Providence y a vu de temps à autre, parce que le financement a vraiment été assez chaotique. Peut-être qu'aujourd'hui, alors qu'il y a un peu plus de ressources dans la communauté... Au moment où l'atelier s'est mis en place, il n'y avait, à toutes fins utiles, rien dans la communauté. Dans ce sens-là, Je pense que Mme Ryerson a été une pionnière dans ce domaine.

Je voudrais revenir davantage sur le texte que vous nous avez remis ce soir, Considérations générales sur la désinstitutlonnalisation en psychiatrie. Vous dites qu'on semble engagés dans une vague de désinstitutionnalisation. Vous qui êtes psychiatre en êtes sûrement au moins autant au courant que nous, sinon davantage. Il ne s'agit pas d'une nouvelle vague de désinstitutionnalisation, il s'agit d'une continuation d'une désinstitutionnalisation qui a commencé au début des années soixante. C'est peut-être une nouvelle vague à cause de l'évolution de la population, des mentalités, et peut-être forts aussi des expériences trop souvent malheureuses que cette désinstitutionnalisation a connues... C'est peut-

être une nouvelle vague dans le sens de l'envisager d'une nouvelle façon et c'est vraiment l'objectif de l'exercice que nous faisons ensemble depuis quelques jours.

Je pense que vous posez une question fort pertinente qu'on a à peine effleurée, même si je pense que c'est dans l'esprit de chacun. Dans le fond, je ne pense pas que personne veut retourner à une institutionnalisation quasi systématique des gens qu'on trouve difficiles autour de nous ou qui nous rendent mai à l'aise parce qu'ils ont des comportements qui sont peut-être un peu déviants par rapport à la moyenne. Je ne crois pas que ce soit la vision de personne. Par contre, à quel rythme, comme société, peut-on, d'une part, continuer cette désinstitutionnalisa-tion et, d'autre part, quels sont les moyens qu'on peut mettre en place pour empêcher l'institutionnalisation? Cela aussi, c'est depuis le début des années soixante-dix, soixante-douze qu'on a décidé de ne plus institutionnaliser, à toutes fins utiles et les gens qui travaillent dans les hôpitaux de courte durée ou encore qui travaillent dans d'autres ressources savent que c'est quasi Impossible d'institutionnaliser dans nos grands hôpitaux psychiatriques quelqu'un qui, peut-être, en aurait besoin.

On retrouve une remarque dans le mémoire disant que les grandes institutions ne sont peut-être pas aussi machiavéliques ou aussi barbares qu'on les décrit parce que je pense qu'elles aussi ont évolué. Elles ont peut-être évolué uniquement aussi au rythme des ressources qu'on leur a accordées, pas dans le sens qu'elles n'en avaient pas suffisamment, mais dans le sens qu'elles étaient déjà affectées d'une façon presque cimentée dans certaines tâches et que c'était très difficile de faire, même à l'Intérieur des établissements, des réallocations de ressources.

J'aimerais concrètement vous demander quel est, d'après vous, le nombre de personnes qui, aujourd'hui, à vos yeux, requerraient dans la société, prenons la société québécoise, une institution à long terme et où vous feriez le passage entre ta nécessité d'une institutionnalisation et la possibilité d'une désinstitutionnalisation. Est-ce qu'il y a, pour vous, certains critères auxquels on peut se référer?

M. Losson: Question très difficile. Il y a des chiffres dont je ne suis d'ailleurs pas très certain, mais il semblerait qu'il y ait, dans la ville de Montréal, environ 10 000 errants dont à peu près la moitié... Évidemment, cela ne correspond pas à un travail épidémiologique précis, mais on considère qu'à peu près la moitié présente des perturbations psychiatriques graves. Alors, cela fait donc 5000 personnes qui sont en difficulté et qui ne sont pas prises en charge de manière cohérente dans une organisation quelconque. Cela fait quand même un nombre....

Mme Lavoie-Roux: Mais est-ce que ces 5000 personnes-là devraient être en institution chronique ou en institution de longue durée?

M. Losson: Non, je ne dirais pas cela, mais je crois que le problème tel qu'il se pose maintenant n'est pas tant de savoir s'il faut créer des Institutions et de quel type, mais plutôt de voir ce qu'on peut faire avec ce qui existe déjà. J'ai été très frappé de voir, autour de l'Hôtel-Dieu... Enfin, c'est une des choses que j'ai essayé de faire depuis que j'ai pris la direction de ce département, l'inventaire des ressources qui existent dans le quartier, dans le secteur de l'Hôtel-Dieu, de prendre contact avec ces ressources et de voir comment on pouvait fonctionner les uns avec les autres. C'est dans cette démarche que j'ai rencontré Mme Ryerson et que je suis venu à m'intéresser à ce qui se passait là, mais il n'y a pas que l'atelier, je dois dire, il y a aussi une autre institution bien connue avec laquelle on a pu collaborer d'une manière intéressante, c'est le Chaînon. Alors, on s'aperçoit, par exemple, si on prend l'exemple du Chaînon qui est situé non loin de l'Hôtel-Dieu, qu'il y a là des gens en détresse et qui présentent... Là, je peux vous donner un chiffre précis. Il y a deux ans, cette institution a reçu 800 femmes en détresse, puisqu'il s'agit d'une Institution pour femmes, et sur ces 800 femmes il y en avait à peu près 250 qui présentaient, au Chaînon même, des troubles psychiatriques évidents et graves.

Il est évident que si le département de psychiatrie avec une capacité technique qui lui est propre, intervient ou propose un service au Chaînon même, on va élargir la compétence thérapeutique du Chaînon et on ne va pas nécessairement psychiatriser les gens qui se trouvent dans cette circonstance. Et puis, j'ai fait la même chose avec les Églises unies du Canada; enfin, il y a aussi des foyers qui sont autour de l'Hôtel-Dieu. Je cite l'exemple de l'Hôtel-Dieu parce que c'est celui que je connais, mais je pense qu'il est possible d'améliorer très considérablement la performance et le service rendu auprès des gens qui en ont besoin en s'articulant les uns avec tes autres, mais en ne prétendant pas toujours faire la même chose. Au début, nous avons reçu beaucoup de gens du Chaînon qu'on a soignés à l'Hôtel-Dieu, mais depuis l'année dernière, le Chaînon reçoit davantage de gens de l'Hôtel-Dieu que l'inverse.

Alors, je crois que le problème, c'est de créer des réseaux d'institutions qui sont complémentaires les unes par rapport aux autres et qui collaborent selon des modalités qui sont à élaborer en fonction des circonstances, du contexte, des gens, enfin, il n'y a pas de recette toute faite. Si on procédait de cette façon, d'abord on procéderait à une espèce de déségrégation les uns par rapport aux autres parce que je me suis aperçu d'une chose, c'est que les psychiatres n'ont pas très bonne presse dans la communauté et la communauté n'a pas néces-

sairement bonne presse avec les psychiatres. Il y a une grande part d'Injustice des deux côtés. Il y a des reproches qui sont faits aux psychiatres qui ne sont pas tout à fait fondés et il y a des psychiatres qui considèrent que les ressources sont peut-être plus agressives qu'elles ne le sont en réalité. Enfin, il faut rompre la glace, si vous voulez.

Alors, je pense que l'action à entreprendre consiste à articuler, mais de manière réelle et pas théorique - n'est-ce-pas? - les ressources qui existent déjà et j'ai l'Impression qu'on épongerait pas mal de ces gens dont vous parlez et qui sont tes errants.

Mme Lavoie-Roux: I would like to ask a question to Mrs. Ryerson. You have been working with the ex-psychiatric patients for a number of years and I have read your brief in which you detail the kind of clientele you have and the way you work with them. I would like to ask you: Have you been able to reintegrate on the work market a certain number of them?

Mme Ryerson: Yes. We do not know exactly how many. We have had a few people... We have had some weddings that work out very happily. I think we have caught a lot of the revolving doors for people. I know many of them who still come back to say: Heliol We are working and married. They may not be completely well, but they understand themselves enough. So, they stay out of hospital and they can get over crises on their own pretty well with we help just from the doctor. They do not need the hospital. I could not count them. We have had over 3000 people in the atelier. We do not have the staff to keep track of them after they leave. But I think we have had some success right now, since we have a boutique and they are out in society. I think that is helping. What we really want to do, I think, is to bring back the craftsperson Into society. This building and this room is an example of great craftsmen who lived and worked in other times and they brought the beauty to life. I feel it Is very Important to good health. I think that this population can learn the craft, can work at the crafts which, I think, uses a part of the brain that' produces a good chemistry because the creative part of the brain is not developed in our school system and I think this is a great lack. But we think that the craftsperson has got to come back that a lot of the people we work with now could live good happy lives, useful lives with dignity as a craftsperson. We feel that we are trying to build that wedge and hope that it will open up.

Mme Lavoie-Roux: I would like to ask you what kinds of links you have been able to establish with the two main school boards of the Island of Montreal whether it is the CECM or the PSBGM because, looking through your brief, you realise that you have a certain number of your clientele that is illiterate, they might have been literate at some time, but some are for... They are not functlonnal literate people at this time. I saw (ha t at a certain time you did get some support from these boards but now they have withdrawn to quite an extent, I have believed. How have you been able to supplement? I suppose that those boards were involved In relation to this type of problem or other types of daily life problems, I would say. What should be the part of education in this whole area of "réinsertion sociale" social reintegration?

Mme Ryerson: I am happy to say that has started. We do now have young woman who comes to the workshop and is beginning to work with people who have had difficulties, who do not know to read, write or deal with figures. And so, that has started and I think it is going to add a great deal to our work. It is a very necessary thing. And one, I had not thought of that Denise Bantey has helped start. So, that Is coming along. Ideally, we should have music, we should have theatre, we should have everything. I think that the people we work with have a lot to say and that we should listen. I think they could be writing plays and giving concerts. Those are the next things I want to work for.

Mme Lavoie-Roux: Alors, merci beaucoup.

Le Président (M. Laporte): M. le député de Laviotette.

M. Jolivet: Oui, merci, M. le Président. D'abord, j'aimerais dire à monsieur le psychiatre que je suis surpris et, en même temps, heureux de voir qu'effectivement vous accompagnez un groupe dit communautaire. C'est la première occasion que nous avons - nous terminons nos travaux demain - de voir ce que plusieurs gens disent, mais ne font pas. C'est dans ce sens que vous avez décidé de passer de la parole aux actes, en allant voir quels sont les organismes du milieu qui peuvent vous être utiles. Vous nous disiez tout à l'heure qu'à l'Inverse de ce qui se passait autrefois davantage de gens partent de vos institutions pour aller vers ces ressources communautaires. Par le fait même, vous donnez un moyen de réintégrer ces personnes dans un milieu plus naturel. (20 h 15)

Dans ce contexte, vous avez donc fait ta preuve que des organismes communautaires peuvent être utiles et vous dites qu'ils doivent être davantage aidés qu'ils ne te sont actuellement, dans la mesure où il faut éviter tes aléas. De telle sorte que, d'année en année, on ne sait pas quels sont les montants disponibles et ce qui arrivera s'ils n'ont pas ces sommes. Cela vous permet de mieux planifier l'ensemble de vos besoins, aussi, comme Institution. Vous dites Si cela est respecté, s'il y a un programme qui est récurrent d'une certaine façon, qui permet même

un programme de deux à trois ans, surtout trois ans, dans ce contexte-là, nous sommes plus à même d'utiliser les ressources du milieu. J'aimerais vous entendre parler Justement de ce que vous disiez sur le financement des ressources dans votre document, où vous dites que vous êtes d'accord avec l'autofinancement à 10 %, mais que cependant vous aimeriez mieux que la continuité du financement, au lieu d'être de deux ans, comme proposé par le rapport Harnois, soit de trois ans pour permettre une meilleure planification.

M. Losson: J'imagine qu'il y a plusieurs modalités techniques envisageables, mais en tant que, je dirais, utilisateur, enfin, par l'intermédiaire des patients de ces structures, il me semble que la précarité du financement rend les choses difficiles. Je suis personnellement, évidemment, convaincu de la valeur de ces Institutions, Je crois qu'à partir du moment où on a pu se persuader qu'elles sont valables et qu'elles remplissent une fonction effective et sérleure, hé bien, à partir d'un financement qui est assuré, cela permet à ces institutions de recruter des gens qui ont une formation adéquate, pas seulement de s'en tenir à un bénévolat qui a trop longtemps subsisté, par exemple, à l'atelier Cela permet de créer aussi, je dirais, une espèce d'esprit d'entreprise, cela permet de roder des mécanismes, de créer des traditions dans le milieu. Je réponds à votre question comme cela, je suis convaincu qu'il est indispensable, pour créer un système, un réseau, que les Institutions qui en font partie aient au moins une assurance de pouvoir subsister et qu'on ne vive pas avec une espèce d'épée de Damoclès qui fait craindre qu'elles disparaissent l'année suivante. J'ai présidé aussi le comité "aviseur" qui distribuait les 600 000 $ mis à la disposition des institutions communautaires par Mme la ministre et J'ai pu voir de près comment cela se faisait et quelles étaient les difficultés budgétaires d'un certain nombre d'Institutions et, vraiment, Je pense que c'est nécessaire qu'elles soient solidement implantées avec un système de contrôle adéquat, pas trop lourd, mais adéquat quand même et, à partir de ce moment-là, on peut commencer à travailler dans le long terme.

M. Jolivet: Les organismes communautaires ou alternatifs disent que - et vous avez entendu avant vous, justement, l'autre groupe qui est venu de l'Estrie - que 10 %, pour eux, c'est beaucoup. D'autres cet après-midi disaient que, dans la mesure où II y a tellement de demandes venant de partout, c'est même très gros. Vous, vous dites, avec votre groupe, que vous êtes d'accord avec les 10 %. Je vous pose la question dans le contexte où les gens en font mention comme étant une certaine forme de difficulté parce qu'il y a tellement de demandes de toutes sortes d'organismes - pas juste pour la santé mentale, pour d'autres, des handicapés à d'autres niveaux, d'autres demandes qui sont faites dans le milieu - que cela devient un peu fastidieux, cela draine l'ensemble des énergies. J'aimerais connaître votre opinion.

M. Losson: Bien, je vais vous la donner.

Au niveau du comité "aviseur*, on remplissait une mission qui nous avait été définie par Mme la ministre et qui consistait à mettre en place un système qui permette de soulager les urgences. Bon. Donc, dans la définition même de la vocation de ce qu'on devait susciter ou entretenir, il y avait une obligation qui a été d'intervenir sur une clientèle particulière qui était la clientèle des malades mentaux. Alors, les critères, dont vous partiez tout à l'heure, employés par ce comité "aviseur* étaient simples, enfin, on ne s'occupait que des structures qui prenaient en charge les malades, les gens qui avaient un passé psychiatrique, qui avaient eu à être pris en charge dans le système psychiatrique et on a exclu d'autres ressources tout à fait admirables et valables. Enfin, je ne dis rien qui soit dévalorisant pour lui, mais il aurait été nécessaire de créer sûrement des associations de chômeurs ou des foyers d'errants, d'autres types de souffrances sociales auraient pu être traitées, mais le critère qu'on a pris, c'étaient les malades mentaux. Alors, à partir du moment où on prend cela comme critère, on commence par éliminer un grand nombre de ces Institutions qui, évidemment, tendent toutes le chapeau pour avoir des sous et on les réduit parce que pas toutes ces institutions ne sont Intéressées ou capables de prendre en charge des patients en psychiatrie comme Mme Ryerson le fait, comme le Chaînon le fait ou comme le faisaient aussi les Églises du Canada ou d'autres encore. Je pense qu'il faut restreindre, dans cette enveloppe budgétaire, l'aide à ces institutions qui répondent aux malades psychiatriques. Encore une fois, pour ce qui est des modalités techniques, j'Imagine qu'on doit pouvoir envisager toutes sortes de solutions, 10 % ou d'autres pourcentages. Je ne m'accrocherai pas là-dessus. Je n'ai pas une compétence d'administrateur particulier. Je vois bien les difficultés qu'il y a au niveau du gouvernement. il y a tellement de demandes; il faut forcément restreindre. Pour ce qui est de la psychiatrie, puisque c'est de cela qu'il est question, ou de santé mentale, Je crois qu'il faut mettre en place un système et dépasser la bonne volonté des gens. Il ne faut pas qu'une organisation comme celle de Mme Ryerson dépende de la bonne volonté de Mme Ryerson. Il s'agit, une fois que son utilité sociale est reconnue, qu'elle ait une assurance de suivie.

M. Jolivet: Je reviens quand même aux 10 %. En faisant référence au fait que vous parlez de maladie mentale, les gens disent ceci: Oui, si nous sommes dans l'organisation d'aide aux personnes qui ont des problèmes de santé mentale, à côté de cela, il y a aussi d'autres

organismes qui ont d'autres besoins. Vous parliez des 10 %, mais le problème, c'est qu'il y a tellement de cueillettes par toutes sortes d'organismes qui sont tous, les uns comme les autres, nécessaires, d'une certaine façon, que ce soient les personnes handicapées ou d'autres formes d'organisations. Les gens disent: II y a tellement d'autres organismes qui viennent chercher de l'argent dans le milieu que dans certains secteurs, comme le disaient les gens du CLSC Hochelaga-Maisonneuve, finalement, le milieu est tellement pauvre qu'ils ne pourront pas résister à cela. Le danger qu'il y a, c'est que cela peut devenir un des critères pour les abolir ou les faire disparaître. Dans ce sens, si on considère vraiment qu'un des critères est de donner un service à une population qui en a besoin et que, parce qu'il ne va pas chercher 10 %, on ne le finance pas, ce n'est pas mieux non plus. C'est pourquoi je vous posais la question: Est-ce que, dans cette hypothèse, vous conservez toujours les 10 % ou si vous les retreignez?

M. Losson: Je n'ai pas d'opinion très précise là-dessus, malheureusement Je pense que c'est une tradition qui s'installe, de toute façon. C'est comme cela que cela se passe. Je n'y vois pas d'Inconvénient particulier. Je pense qu'il n'est pas mal non plus, évidemment, que des organismes même très spécifiques comme ceux qu'on essaie de susciter ne dépendent pas exclusivement du gouvernement et aient une activité privée de ressources; c'est une bonne chose. Maintenant, je ne voudrais pas prendre position sur un chiffre précis.

M. Jolivet: D'accord. Je pense que l'important est de connaître la position de tout le monde et qu'une décision sort prise à partir de ce que les gens ont vécu.

M. Losson: Cela me paraît satisfaisant.

M. Jolivet: Parfait! Une autre question qui concerne toute la question de la complémentarité et de la concertation dont vous faites preuve ce soir. Dans vos textes, on dit: Malgré les revendications autonomistes, les ressources sont conscientes de l'Importance d'une concertation dans le système global. Une telle concertation permettrait de régulariser les rapports entre institutions et ressources communautaires et de maximiser les bénéfices découlant d'Investissements de fonds publics. Il s'agit maintenant de faire en sorte que tous les Intervenants puissent fonctionner dans la formule de complémentarité. Dans ce contexte, l'une des recommandations parle de formule supplétive ou de choses semblables, mais ne parle pas nécessairement de cette complémentarité. D'ailleurs, des groupes communautaires ou alternatifs disent: Le rapport Hamois semble tout mêlé, en termes communautaires, alors qu'il y a peut-être d'autres formules que la formule communautaire et, dans ce sens, on est plus que supplétif; on est là aussi pour donner des choses qui ne sont pas données par des institutions. J'aimerais connaître l'opinion de votre groupe sur cela, par rapport à ce que vous vivez, à la complémentarité dont vous faites mention depuis le début

M. Losson: Le problème, c'est de trouver un moyen effectif de travailler ensemble, Heureusement on dispose d'un outil Intégrateur qui est bien commode, c'est le CLSC. Il faut bien partir de quelque part. Je trouve que le CLSC a la vocation bien particulière d'être le carrefour, d'être le lieu de rencontre, d'être l'endroit où peuvent s'aggréger comme cela les liens entre les différentes institutions. Le problème, Je crois qu'il est variable en fonction des contextes. Dans le centre-ville de Montréal, il y a beaucoup d'activités, II y a beaucoup de ressources communautaires et d'intervenants. Alors, cela dépend de la volonté des gens, cela dépend de facteurs qui ne sont pas facilement administrables, de la volonté de ce qui peut être fait; je crois que c'est très difficile de légiférer là-dessus. La complémentarité procède d'une espèce de nécessité vécue. Mol, j'ai besoin d'un endroit où Je vais pouvoir envoyer des patients parce qu'ils peuvent quitter l'hôpital, mais ce serait vraiment dommage ou très néfaste qu'ils s'en aillent chez eux dans leur chambre tout seuls, écouter la radio et ne rien faire d'autre. J'ai donc besoin de l'atelier pour que le programme de Mme Ryerson soit offert pour qu'effectivement leur créativité soit stimulée, etc., mais je peux aussi avoir besoin, pendant un certain temps, du Chaînon parce que telle femme attend un placement ou quelque chose, il y en a pour quinze jours, puis elle serait quand même mieux là que dans un département hospitalier où cela coûte d'ailleurs plus cher, etc. Il y a des problèmes de logement qui se posent au CLSC; au CLSC Saint-Louis du Parc, par exemple, il y a un programme de prise en charge des patients qui quittent le département avec des infirmières qui vont à domicile, qui les suivent, qui, enfin, assurent cette... Cela se fait petit à petit, cela se fait en surmontant les malentendus, cela se fait ainsi. C'est un truc de longue haleine.

M, Jolivet: Parce que, dans le fond, vous êtes sorti de votre institution, vous êtes allé voir ce qui se passait autour, le besoin que vous aviez de réintégrer la personne dans un milieu naturel et de ne pas la laisser errante, de telle sorte que vous avez fait ce geste-là, mais ce n'est pas tout le monde qui a fait cela. Et, dans ce contexte-là, II faut louanger le travail que vous avez fait puis dire que c'est parfait, sauf qu'il va falloir, si on présente une politique de santé mentale, arriver à ce qu'il y ait quelqu'un qui fasse cet job de réunir, de "complémentariser" l'ensemble des services en dehors de l'institution pour éviter, comme vous le disiez, que la désinstitutionnalisation ne soit quelque

chose d'aberrant II faut donc avoir des services communautaires alternatifs à l'extérieur pour permettre l'intégration. Est-ce que vous croyez, dans ce contexte-là, comme vous le dites, que ce serait le CLSC qui pourrait être la porte d'entrée ou le moyen, ou le CRSSS ou quelqu'un d'autre, l'Institution qui devrait être, dans le fond, l'organisme ou la personne amenant le monde à se parler, à enlever les difficultés de compréhension à l'un à l'autre, à enlever la partie où on regarde l'autre comme un chien de faillance de telle sorte que finalement tout le monde travaille dans le même sens, c'est-à-dire pour l'être humain qui est devant nous qui a besoin de services?

M. Losson: Bien, dans le contexte réel qui existe, il me semble que c'est le CLSC qui est le mieux placé pour faire ce travail-là, il me semble que oui. Il dispose d'un certain nombre de ressources, il n'est pas trop médicalisé, enfin, il a un profil qui s'y prête. Encore faut-il que les gens dans tel ou tel CLSC le veuillent bien aussi. Je pense aussi que c'est un travail de très longue haleine et Je dis ici, aussi, qu'en ce qui concerne la formation des différents intervenants il devrait y avoir quelque chose qui peut-être se fasse un peu plus. Ce ne se fera pas du jour au lendemain. Une politique ne va pas réaliser cela du jour au lendemain. Je constate simplement qu'il y a des réticences, n'est-ce-pas, en particulier chez certains médecins vis-à-vis des CLSC; peut-être est-ce fondé, mais je pense que les bénéfices à long terme qu'il y a à retirer d'une collaboration avec les CLSC étant entendu que ce ne sera pas du jour au lendemain et qu'il faut vouloir y aller...

Personnellement, je pense que ce qui me motive beaucoup, c'est vraiment une Indignation très forte vis-à-vis de cette situation américaine où on voit des schizophrènes qui crèvent dans la rue. Je trouve cela absolument épouvantable; enfin, on n'a pas le droit de parler de science psychiatrique quand on voit des choses comme celles-là. Je dois dire que la situation n'est absolument pas comparable Ici, mais il y a des gens qui mènent une existence misérable de chroniques, pire que dans les asiles dans certains endroits où véritablement II n'y a rien, c'est lugubre, c'est sinistre et c'est inadmissible. Cela me motive beaucoup. Je constate simplement qu'il y a des ressources qu'on peut utiliser. J'ai beaucoup d'admiration pour le concept du CLSC.

M, Jolivet: Je vous remercie.

Le Président (M. La porte): On vous remercie bien.

Peut-être que, si vous avez un mot en conclusion... Vous avez une autre question, Mme la ministre? (20 h 30)

Mme Lavoie-Roux: C'est-à-dire que c'est juste une piste de réflexion sur la question de la fameuse contribution des 10 % qu'on demanderait aux organismes bénévoles de recueillir comme partie de leur financement Évidemment, il y a des gens qui ont dit: Oui, 10 %; d'autres ont dit: C'est beaucoup; d'autres ont dit: Écoutez, cela nous mobilise trop, etc. Mais plaçons-nous dans la perspective, je dis cela autant pour mes collègues que pour vous, où du jour au lendemain on ne demanderait plus aucun autofinancement de la part des ressources alternatives, qu'elles soient en santé mentale... Si on le fait pour la santé mentale il faudrait le faire pour les autres types d'activité que les ressources bénévoles ont. Peut-être que ce serait plus facile momentanément parce que les gens sauraient qu'ils reçoivent, disons, 25 000 $ et qu'ils n'ont pas à s'en préoccuper. Ils font leur budget en fonction des 25 000 $. Ils ne sont pas obligés d'aller en chercher 3000 $ ou 4000 $ de plus.

Je pense que le danger qui nous guetterait avec une approche comme celle-là, c'est que finalement c'est tout l'État, encore une fois, qui reprendrait cela pour le moment d'une façon probablement très magnanime, mais qui petit à petit pourrait un jour se réveiller et dire: Une minute, c'est nous qui finançons tout cela, est-ce que nos critères deviennent plus rigides? Est-ce que notre contrôle devient plus rigide? Je pense que le danger est là pour les organismes bénévoles que, si on arrive à ce que l'État finance tout, ce principe d'autonomie qu'ils ont voulu voir respecté et qui est bon parce que souvent cela laisse avec un contrôle beaucoup moins rigide que ce qu'on impose aux établissements du réseau... Il y a des initiatives qui ont été prises qui autrement n'auraient pas été prises. Il y a peut-être des erreurs de commises, mais à partir des erreurs aussi on peut construire d'autres choses. Je pense qu'il y a un danger. Ce n'est pas pour défendre un point de vue plutôt que l'autre. Cela apparaît séduisant au point de départ de dire: Bon, enfin là, on n'aura plus à se soucier du financement, mais je pense que l'effet pervers c'est que, à un moment donné, c'est l'État finalement qui dit: Bien, c'est moi qui donne les sous partout.

Il y a aussi un deuxième inconvénient. C'est bon que la population s'implique. Chacun d'entre nous, probablement, dit: Moi, quand on me sollicite, c'est ce genre d'activité que je vais supporter. On ne peut pas nous non plus, même si on donne juste quelques dollars, répondre à toutes les demandes. Mais on dit: C'est vraiment le domaine qui m'Intéresse. On s'identifie à un domaine. C'est une sorte d'implication des citoyens un peu comme dans le financement des partis politiques si on veut faire une certaine analogie et cela aussi disparaîtrait. Cela demande plus de réflexion. Des fois cela a l'air séduisant quand les gens viennent nous dire: Bien, écoutez, c'est dur pour nous d'aller chercher de l'argent. C'est sûrement vrai. Il y a probablement des critères à établir quant à la richesse des milieux,

mais il ne faut pas non plus se laisser trop séduire par l'idée qu'on va leur enlever tous leurs problèmes. On va les leur enlever momentanément, mais on va peut-être en créer d'autres dans les années qui suivront. C'est simplement cette réflexion. On aura l'occasion d'en discuter. Je ne sais pas si le député de Laviolette veut réagir.

Le Président (M. La porte): Vos commentaires, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Dans la mesure où ce n'est pas ce qu'on dit... D'ailleurs, mes questions sont pour faire ressortir les différences.

Mme Lavoie-Roux: Nous aussi, on a posé cela.

M. Jolivet: Ce n'est pas dans le but de dire qu'il n'y a pas aucun montant d'argent. Actuellement. on demande 5 %. La seule chose, c'est qu'on propose de monter cela à 10 %.

Mme Lavoie-Roux: Cela dépend. Cela varie. M. Jolivet: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: II n'y a aucune norme actuellement.

M. Jolivet: C'est cela. C'est pour cela que je dis que vis-à-vis de cela il faut en établir peut-être une. La deuxième, il faut peut-être mettre des critères, mais si on commence à mettre des critères, cela n'a pas la même valeur, il faut regarder cela bien comme il faut. La seule chose que je dis et je reprends les mots du docteur: Quand un organisme a fait la preuve de sa capacité de répondre aux besoins du milieu, il devrait être assuré d'un financement qui soit plus qu'annuellement, même si vous me dites: II est renouvelable s'il ne fait pas de malversation ou autres. Mol, je trouve que ce n'est pas suffisant. C'est dans ce sens que tout le monde dit: On devra avoir au moins un programme de trois ans dans lequel on est sûrs qu'il y aura un renouvellement à la fin des trois ans si on n'a pas, en cours de route, fait des choses qui soient mauvaises et, deuxièmement, si on n'a pas arrêté nos activités, Donc, on part du principe que, si c'est bon et que c'est prouvé que c'est bon dans le milieu, on devrait être assuré d'un financement à long terme d'au moins trois ans. C'est dans ce sens que j'ai compris.

Mme Lavoie-Roux: Ce point particulier, je me suis montrée disposée à l'examiner. Mais ce que je veux vraiment examiner sérieusement, c'est quel piège caché ceci peut avoir. Parce que cela fait des années que les organismes bénévoles demandent que ce soit sur deux ans - généralement, c'était sur trois ans - et pour qu'au- cun gouvernement..

M. Jolivet: Vous êtes poignés avec la même chose que nous, c'est toujours le Conseil du trésor qui met des réticences, il s'agit de casser la glace.

Mme Lavoie-Roux: Casser le Conseil du trésor.

M. Jolivet: Non, la glace.

Mme Lavoie-Roux: Pour qu'aucun gouvernement n'y accède, c'est qu'il y a peut-être - c'est cela qu'il faut examiner - des difficultés. Mol, je suis assez sympathique, mais j'essaie de voir quelle a été la résistance, depuis tant d'années, à ce qu'on pense à un budget sur une base triennale. Je voudrais vous remercier...

Le Président {M. Laporte): Non, je crois que le Dr Losson...

Mme Lavoie-Roux: Ah! Excusez-moi.

Le Président (M. Laporte): ...voulait réagir à ce qui avait été dit.

M. Losson: Oui, j'exprimerais un point de vue légèrement différent, bien que je reconnaisse le bien-fondé de votre remarque. D'abord, il me semble qu'on a affaire à une population qui, de toute façon, est assistée. Il me semble que quelque chose ne va pas quand on y applique un raisonnement qui est sûrement valable alors au niveau de l'industrie ou pour susciter des choses comme cela. Ce sont des gens qu'il faudra toujours assister. Au fond, tes 10 % ou non, je ne suis pas convaincu que cela ait des effets bien bénéfiques d'exiger cet effort qui est vraiment souvent extrêmement important et qui est une difficulté très grande chaque année.

Par ailleurs, le comité "aviseur" que vous avez institué et que j'ai présidé, je me suis quand même aperçu que ce comité 'aviseur" agit aussi comme une espèce d'inspection du travail et il ne peut pas se passer n'importe quoi. Tous ces organismes ont des comptes à rendre et je trouve qu'il serait dommage que les comptes à rendre se fassent d'une manière très bureaucratique avec des gens parachutés du gouvernement qui viennent regarder comme cela. Mais on a une espèce d'intimité qui se développe entre le comité "aviseur", par exemple, et toutes les ressources qui sont financées par le ministère et on sait ce qui s'y passe. C'est un comité qui reliait des gens situés dans toutes sortes d'organismes divers et variés, très critiques les uns vis-à-vis des autres. Je n'ai pas le sentiment, avec la structure qui est en place, qu'il puisse y avoir beaucoup d'aberrations, enfin, des gens qui se reposeraient sur leurs lauriers. Je trouve que c'est sévère de... Peut-être qu'il est mieux

d'exiger de ces organismes qu'ils aillent chercher quelque chose et que ce ne soit pas toujours le gouvernement qui donne tout, mais avec la population qu'on traite, c'est souvent sévère. C'est mon point de vue, n'est-ce pas?

Mme Lavoie-Roux: Ce ne sont pas les personnes qui sont assistées qui sont obligées d'aller chercher de l'argent

M. Losson: Oui, oui, mais leur nécessité...

Mme Lavoie-Roux: Et on va chercher l'argent peut-être auprès de l'Industrie ou de particuliers qui, comme je le disais tout à l'heure, s'Identifient à une cause. C'est une implication, une sensibilisation, aussi, auprès de la population. Je pense que...

M. Losson: J'entends bien que ce ne sont pas les malades eux-mêmes qui vont faire la quête comme cela, mais c'est une dépense d'énergie absolument fantastique.

Mme Lavoie-Roux: Quand je dis que le gouvernement... Vous dites que cela ne doit pas venir contrôler... Je ne dis pas que, automatiquement, cela pourrait se traduire par un contrôle rigide, mais la tentation serait forte de la part des , gouvernements de dire éventuellement: Pourquoi n'ont-ils pas le même type de contrôle que les autres? Sur-le-champ, je pense que cela ne se produirait pas, mais je pense que c'est un danger qui guetterait les organismes bénévoles. Enfin, c'est un échange de points de vue, la réponse n'est pas facile.

Le Président (M. Laporte): En conclusion, Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je voulais simplement vous remercier. Je pense que, même si, évidemment, les différents groupes on fait valoir des points qui étalent tantôt convergents, tantôt distants, la discussion nous amène toujours à aborder un peu plus en profondeur certains problèmes qui ont seulement été effleurés dans les premières rencontres. J'espère que l'esprit de partenariat ou d'équipe que vous avez pourra aussi en Influencer d'autres parce que c'est quand même à la base d'une action cohérente éventuellement pour ces personnes que l'on veut assister temporairement ou, quelquefois, d'une façon plus longue et qui ont des problèmes de santé mentale. Je vous remercie beaucoup. Thank you very much, Mrs. Ryerson, for your work and again I want to congratulate you and your team. I think you are doing a very great job.

Mme Ryerson: Thank you very much.

Le Président (M. Laporte): La commission remercie les gens de l'atelier d'artisanat Bon retour à Montréal!

La commission ajourne ses travaux au mercredi, 20 janvier 1988, à 10 heures. Merci à tous.

(Fin de la séance à 20 h 41)

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