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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre! La
commission des affaires sociales se réunit afin de procéder
à l'étude du projet de politique de santé mentale pour le
Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité
présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre
dernier.
Nous avons quorum. Est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a deux
remplacements: M. Gauthier (Roberval) est remplacé par M. Jolivet
(Laviolette) et M. Polak (Sainte-Anne) est remplacé par M. Doyon
(Louis-Hébert).
Auditions
Le Président (M. Bélanger): Bien. J'appelle, donc,
le premier groupe à la table des témoins. C'est le Syndicat
canadien de la fonction publique, Conseil provincial des affaires sociales.
C'est bien cela? Il est représenté par Mme Louise Vallquette,
présidente du Conseil provincial des affaires sociales; par M. Yvan
Lavoie, coordonnateur des affaires sociales; par M. Claude Turcotte,
responsable du comité de réinsertion sociale; par M. Serge Morin,
membre du comité de réinsertion sociale, et par Mme Lise
Gill-Foumier, membre du comité de réinsertion sociale.
Je voudrais, d'abord, que vous identifiiez votre porte-parole et les
membres de votre équipe, et vous rappeler nos règles de
procédure. Vous avez vingt minutes pour présenter votre
mémoire et la commission a quarante minutes pour vous
contre-interroger.
Alors, je vous cède la parole.
Conseil provincial des affaires sociales du
SCFP
Mme Valiquette (Louise): Je suis Louise Valiquette,
présidente du Conseil provincial des affaires sociales du Syndicat
canadien de la fonction publique, juste pour remettre à l'endroit la
présentation de tout à l'heure; à ma droite, M. Yvan
Lavoie, coordonnateur des affaires sociales et, à ma gauche, M. Serge
Morin, membre du comité de réinsertion sociale du conseil. M.
Claude Turcotte et Mme Lise Gill-Fournier sont absents ce matin.
Alors, rapidement, pour faire une courte présentation de
l'organisme, car vous avez déjà cela dans le mémoire que
vous avez reçu, on regroupe environ 16 000 membres oeuvrant dans tous
les titres d'emploi, que ce soit dans les hôpitaux, dans les centres
d'accueil, les CLSC, les CSS ou les CRSSS. On représente du monde qui
oeuvre quotidiennement auprès des gens. C'est pour nous un exercice un
peu Inhabituel de venir intervenir sur des politiques dans la mesure où
habituellement on travaille plutôt sur des cas concrets, mais on va,
quand même, essayer de rester le plus concret possible
là-dedans.
Parmi les choses qui ne sont pas déjà au mémoire
que vous avez et qui vont peut-être vous éclairer sur la
façon dont on a procédé pour le rédiger, il y a les
grands principes qu'on met de l'avant pour une politique de santé
mentale. D'abord, toute la question de prévenir à la source.
Alors, pour tout ce qui regarde la société, le travail, etc., il
y a une prévention à faire. On sait que vous en avez parlé
dans votre rapport. Deuxièmement, il vaut mieux guérir, donc
allouer les ressources nécessaires lorsque surviennent les
problèmes et, enfin, il vaut mieux réinsérer socialement.
Jusqu'Ici, la réinsertion sociale a plutôt été vue
comme une mesure d'économie que comme véritablement une
réinsertion sociale et on pense que cela ne devrait pas être
ça.
Le deuxième aspect dans les grands principes qu'on défend,
c'est que, pour nous, il ne doit nullement être question d'un
désengagement de l'État sur les questions de santé
mentale. Si l'État prend des responsabilités là-dedans -
en tout cas, il en a déjà et il continuera d'en prendre -
il ne doit nullement être question de retourner ça comme un
fardeau aux familles et aux femmes en particulier. Il y a moyen d'aller vers un
juste équilibre là-dedans. Cela ne doit pas, non plus, être
un moyen, toute cette nouvelle politique de santé mentale qui s'en
vient, de favoriser les entreprises privées à but lucratif qui
oeuvrent dans le domaine de la santé mentale. Donc, ce sont des
principes généraux, mais qui sont, tout de même, importants
pour nous.
Enfin, il y a un autre aspect de la santé mentale qui nous
apparaissait primordial, ce sont les problèmes de santé mentale
en milieu de travail. Les conditions de travail, le manque de travail
favorisent l'émergence de plusieurs problèmes de santé
mentale. Pour nous, cela devait être traité là-dedans. De
même, on avait dans nos priorités - cela avait été
l'objet de notre présentation quand on avait rencontré le
comité Harnois en mars dernier - les institutions qui ne sont pas des
institutions psychiatriques. On y traite, tout de même, les
problèmes de santé mentale et comment on le fait, c'était,
pous nous, une grande préoccupation également. Evidemment, tous
les autres aspects, environnementaux, socio-économiques, devaient
également faire partie de cette analyse.
Si on va dans les commentaires d'ordre vraiment général
sur le contenu du mémoire - Serge Morin poursuivra tantôt en
l'analysant plus spécifiquement - d'abord, un des oublis qui nous
paraissent majeurs compte tenu des remarques préliminaires qu'on vient
de faire,
c'est toute la question des conditions de travail et de leur Incidence
sur la santé mentale. On n'en traite pas beaucoup là-dedans. On
en traite de façon détournée. On englobe ça dans un
grand chapitre qui s'appelle "le domaine de la santé mentale" et on s'en
occupe un peu moins. Donc, cela, pour nous, c'est un oubli majeur.
De même, vous pariez de ce que vous appelez le domaine de la
santé mentale", mais rendus aux réponses, il y en a comme un peu
moins. Oui, il faut s'en préoccuper, mais cela arrête là.
Pour nous, cela aurait dû se traduire un peu plus concrètement. On
pense, entre autres, à l'importance que tous les ministères se
Joignent à cela. Il nous apparaît qu'il aurait fallu Insister plus
que cela. Il faut que le gouvernement, avec une politique de santé
mentale, soit lié et se sente obligé de travailler avec les
autres ministères. Il faut que ce soit une action tout au moins
concertée là-dessus; sinon, il n'y aura pas de possibilité
d'agir là-dessus.
On aurait pu aborder également la question du plein emploi comme
étant un des moyens de favoriser une meilleure santé mentale pour
toute la population en général. Cela n'a pas été
fait et c'est un aspect qui est, tout de même, Important. Vous avez,
d'ailleurs, dans vos statistiques l'Incidence du chômage sur la
santé mentale, ce que cela peut faire au niveau des statistiques.
Enfin, comme on le disait tantôt, il y a toute la question des
Institutions non psychiatriques. Qu'est-ce qu'on fait quand on reçoit
à l'urgence d'un centre hospitalier général des gens qui
ont des problèmes de santé mentale? Qu'est-ce qu'on fait
Immédiatement avec eux? Comment obtient-on - c'est vraiment sur le
comment - ta participation des autres institutions ou des autres ressources
là-dedans? Comment fait-on pour donner à ces gens-là les
soins dont ils ont besoin?
On pense, dans ce point-là également, à toutes les
résidences pour personnes âgées, aux foyers pour personnes
âgées, aux centres hospitaliers de soins prolongés
également où il y a une forte incidence, quant à nous, de
problèmes de santé mentale que vous avez soulevés comme
étant spécifiques aux personnes âgées, aux jeunes ou
aux femmes. Il y en a dans la société en général,
il y en a aussi en institution et on refuse de tes voir et de les
reconnaître comme tels. Donc, pour nous, c'est un aspect Important qu'on
a soulevé, mais sur lequel il n'y a pas d'accent qui a été
mis là où il aurait dû y en avoir.
De façon générale, pour ce qui est de dire que la
personne devrait être le centre de toute action en santé mentale,
je pense qu'il n'y a pas de problème. Je pense que personne n'est venu
vous dire: Non, cela n'a pas de bon sens. Il nous semble que c'est cela aussi.
Maintenant, c'est sur les conditions pour que cela se réalise qu'il
faudra possiblement avoir des discussions. Serge.
M. Morin (Serge): D'accord Rapidement, vu le temps dont on
dispose, si on prend te plan d'action - parce qu'on voulait s'attarder un peu
plus concrètement au plan d'action et revenir sur les détails du
mémoire à la période de questions - ce que nous notons,
c'est qu'il y a certains bons éléments dans le rapport, mais
qu'il y a certains éléments qui sont contradictoires par rapport
à des énoncés de faits qui sont traduits dans le rapport.
Entre autres, on s'étend beaucoup sur la notion de partenariat
élargi. Vous noterez dans notre mémoire que l'on considère
qu'il est fait peu de place à sa concrétisation au sein du
réseau entre les différents partenaires de ce réseau, que
ce soit les groupes de parents, les groupes de bénéficiaires ou
les partenaires syndicaux.
Les moyens qui sont mis en place. Évidemment, nous ne les
commenterons pas tous, mais il y a un certain nombre de moyens qui vont de soi,
je pense, et d'autres qui n'allaient peut-être pas de soi
antérieurement, mais qui nous semblent aller de soi maintenant, comme la
nécessité de la priorité de la santé mentale. Pour
ce qui est du programme de répit aux familles, nous
répéterons ce qu'on a déjà mentionné
ailleurs: Cela nous paraît un élément fondamental. Il
manque énormément de soutien. On se rend compte que, dans le
réseau, lorsqu'une personne décide de maintenir à la
maison un psychiatrisé ou un ex-psychiatrisé, elle ne dispose
absolument d'aucun moyen, finalement, pour être en mesure de vivre avec
ta personne et, dans les moments de crise importants, d'avoir du soutien
régulièrement. Donc, cela nous paraît non seulement
être un besoin, mais cela devra se traduire concrètement dans la
réalité.
L'Injection de budgets dans les ressources alternatives, on en a
parlé. Pour nous, il est important d'avoir non seulement la
reconnaissance financière des ressources alternatives, mais aussi - on
va y revenir un peu plus tard - la reconnaissance des pratiques qui se sont
développées dans les ressources alternatives. C'est là,
justement, qu'on note un certain nombre de contradictions dans le rapport
Harnois comme tel. On les retrouve peut-être plus spécifiquement
à l'intérieur du point 5, lorsqu'on parle de la mise sur pied de
programmes de formation continue.
Dans le rapport Hamois, on note, à un certain nombre d'endroits,
en fait, toute la question de la compartimentation des tâches, de la
hiérarchisation des fonctions à l'intérieur du milieu
hospitalier, entre autres, qui font que le travail d'équipe et te
soutien collectif sont peu ou pas existants On note ces faits qui ont
été apportés par différents organismes sur le
vécu à l'intérieur des milieux. Lorsqu'on traite de la
question de la formation, on fait un ordre de hiérarchisation; il y a la
formation des omnipraticiens, en premier lieu, en second lieu, celle des
infirmières et, finalement, en dernier lieu, celte des autres
Intervenants.
Comme notre approche vise avant tout non
pas à systématiser et à développer une
approche médicale en santé mentale, mais, au contraire, à
développer une approche d'assistance et d'aide, on se pose la question
de l'Importance qu'on devrait accorder au soutien aux intervenants directs qui,
souvent, sont soit des éducateurs, des infirmières auxiliaires ou
des préposés aux bénéficiaires qui vivent tous les
Jours les problèmes concrets des psychiatrisés et ont besoin, en
premier lieu, d'une formation très spécifique. On comprend mal,
lorsqu'on fait état dans le rapport de toute la compartimentation et du
fait qu'on laisse très souvent à elles-mêmes ces personnes
qui doivent vivre tous les jours le "acting out", qu'elles soient
placées en dernier lieu pour ce qui est de la formation prioritaire. On
n'interdira pas la formation des omnipraticiens ou des Infirmières,
c'est évident, mais on comprend mal que les autres soient laissés
en dernier lieu.
On ne reviendra pas sur la recherche. Il y a une note dans le
mémoire où on parte du développement de la recherche. Ce
qui nous préoccupe beaucoup, c'est que cette recherche se fasse par
rapport à la réalité sur le terrain. Il est arrivé
trop souvent que des intervenants dans le milieu développent des
expertises spécifiques à l'égard d'une certaine
clientèle. Parlons simplement de la communication, entre autres, des
personnes psychiatrisées qui sont sourdes et muettes, dont le
problème fondamental, finalement, était le manque de
communication, et que l'on fasse peu de cas de la mention qui leur a
été faite qu'il aurait peut-être été
important de développer une recherche en communication pour les
personnes psychiatrisées. Peut-être que c'était là
un des problèmes qui faisaient en sorte qu'on vivait des
régressions profondes chez ces personnes parce que ce n'était
peut-être pas un problème médical en premier lieu, mais un
problème de communication fondamental qui renforçait le
problème de psychiatrie.
Là où on note une contradiction importante, c'est en ce
qui a trait à la nomination par les conseils régionaux des
"ombudspersons". Évidemment, on voit cela comme un pas en avant, si on
peut parler ainsi, par rapport à ce qui se fait pratiquement dans le
réseau actuellement. Ce qui nous inquiète, c'est que le rapport
laisse les choses en place. On note qu'un des grands problèmes de
qualité de vie dans les milieux se retrouve souvent dans les
hôpitaux psychiatriques de grande envergure. On laisse la situation telle
qu'elle est, c'est-à-dire que les personnes ont été
nommées par les conseils d'administration, et sous l'autorité
fonctionnelle de ces conseils d'administration, mais on dit: Pour les autres,
cependant, cela pourrait aller au CRSSS.
Quant à nous, II ne nous serait jamais venu à
l'idée de nommer des vérificateurs sous l'autorité
fonctionnelle d'un trésorier d'une compagnie. On croit que c'est une
question de confiance qu'on doit avoir dans les personnes qui sont
nommées pour défendre les droits. II n'est absolument pas
question de maintenir le système tel qu'il est actuellement à la
lumière de la pratique. Il n'est pas question, non plus, pour nous, de
maintenir ce genre de système à l'intérieur du
réseau. On croit que ce genre de système devrait être
parrainé, si on peut dire, par un organisme indépendant qui
aurait toute l'autonomie nécessaire pour revendiquer la défense
des droits des personnes.
Pour le reste, ce qui nous apparaît, finalement, comme un
élément probablement positif - on mentionnait tantôt toute
la question de la reconnaissance des ressources alternatives - c'est que, plus
loin dans le rapport Harnois, on reconnaît l'enseignement et le
développement de formes nouvelles d'interventions et de pratiques, entre
autres, en ce qui a trait aux groupes de femmes en santé mentale. On
sait que les groupes de femmes ont développé depuis un certain
temps une approche non médicale, une approche de soutien, de
coopération collective. On regrette que, dans le rapport Harnois, on ne
retrouve pas ce genre de méthodologie qu'on devrait développer
à l'intérieur même du réseau, c'est-à-dire
apprendre des approches nouvelles pour intervenir dans d'autres milieux. On
croit qu'il y aurait place, justement, pour ce genre de développement
d'initiatives et d'approches nouvelles à l'intérieur du
réseau.
Comme dernier élément - on y reviendra à la
période de questions - on mentionne que toute la question de l'approche
socio-environnementale est, finalement, abordée dans le dernier
chapitre. On ne peut pas dire qu'on est contre; au contraire, on est, au moins,
content que soit abordée, bien que tardivement, toute la question de la
santé mentale des personnes âgées, des jeunes et des
femmes.
Sur la question du groupe d'experts, finalement, là aussi, on
note une espèce de contradiction, d'après nous. On croit qu'il y
a une expertise dans le milieu des ressources alternatives, des parents, des
intervenants et qu'un tel groupe d'experts, encore là, serait pour nous,
en ce qui a trait, notamment, à la question de la
désinstitutionnalisation, déconnecté de la
réalité. Nous serions plutôt tentés de parier de
tables de concertation avec les différents intervenants pour que ce soit
véritablement une approche collective suivie par tout le monde.
Dans ce sens-là, on préfère de beaucoup l'approche
qui a été développée, entre autres, sur la
déficience intellectuelle, par le groupe ministériel de travail,
il avait vraiment une approche collective de partenariat élargi, faisant
en sorte qu'au lieu de vivre des oppositions entre les différents
groupes on avait une tentation de concertation entre les différents
groupes et, finalement, une garantie mieux assurée d'arriver à un
projet de réalisation des volontés politiques en santé
mentale.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
le Syndicat canadien de la fonction publique pour son mémoire sur le
projet de politique de santé mentale. Vous avez soulevé plusieurs
questions; je n'ai peut-être pas toutes les réponses ici.
Évidemment, l'objet de la consultation, c'est, d'abord, de voir si c'est
un projet de politique qui répond, quand même, à la
réalité et qui est capable de faire un consensus suffisant pour
qu'on élabore davantage en ce qui a trait, par exemple, au plan
d'action, aux priorités qui pourraient être retenues, ainsi de
suite. Il y a juste quelques points particuliers sur lesquels je voudrais
revenir, par exemple, votre préoccupation quant aux
responsabilités des différents ministères en ce qui a
trait au domaine de la santé mentale ou à la prévention en
santé mentale. On peut penser au travail, on peut penser à
l'éducation ou même à l'habitation qui, fournit des
conditions de vie parfois tolérables, d'autres fois, Intolérables
qui agissent aussi sur la santé mentale. Pour nous, c'est une dimension
qui est importante. Comme vous le savez, dans d'autres secteurs où on
essaie de créer cette responsabilité interministérielle,
si on peut dire, cela demande souvent autant de changements d'attitudes que
parfois cela peut en exiger dans le réseau lui-même ou dans le
champ de l'action lui-même entre les différentes personnes qui
Interviennent dans le secteur de la santé mentale. Mais c'est une
préoccupation réelle que, d'ailleurs, vous retrouvez à
l'intérieur du rapport.
Dans votre mémoire - et vous y êtes revenus tout à
l'heure lorsque vous avez présenté un résumé de
votre mémoire - vous faites une dichotomie très prononcée
entre ce que vous appelez l'approche médico-nursing et l'approche aide
et assistance ou encore l'approche biologique versus une approche d'aide et
d'assistance. En ce qui a trait à l'approche médicale, plusieurs
intervenants sont venus ici et nous ont dit: On a trop tendance à
médicaliser la santé mentale, les problèmes de
santé mentale. Il faut chercher à s'en éloigner. Je me
demandais si vous pouviez développer davantage votre vision de cette
approche axée sur l'aide et l'assistance.
(10 h 30)
M. Morin: Voici ce qui nous apparaît comme une
contradiction; si on prend un exemple précis de ce qui se
développe comme ressources dans la communauté, on a des personnes
psychiatrisées qui ont le même degré de difficultés
que des personnes parfois qui vivent à l'intérieur du milieu
hospitalier. On le sait, d'ailleurs, on le dit à grands cris qu'il y a
beaucoup d'autres personnes qui pourraient vivre dans la société
n'eût été le manque de ressources. Or, on regarde ce qui
est développé comme ressources dans la communauté et
généralement les ressources qui sont développées
sont des intervenants en milieu résidentiel, des intervenants
communautaires. Ce sont généralement des ressources toujours,
évidemment, avec un suivi peut-être un peu plus lointain d'un
psychiatre, d'un psychologue ou de ressources professionnelles. Mais ce sont
toujours des ressources d'assistance et d'aide pour affronter les
problèmes de la vie quotidienne et pour donner un soutien par rapport
aux problèmes de la vie quotidienne.
 l'inverse, en milieu hospitalier général, c'est en
dernier lieu, finalement, qu'on développe cet aspect ou cette partie. Je
reviens à l'exemple que je mentionnais tantôt. On le vit
très concrètement. On a des personnes psychiatrisées qui
sont sourdes et muettes entre autres. On a pris longtemps à comprendre
l'Importance, tout simplement de leur apprentissage à un langage
gestuel, entre autres, vu qu'elles n'étaient pas comprises, lorsqu'elles
essayaient de s'exprimer, la seule forme d'expression qu'elles avaient,
c'était la révolte. À partir du moment où on
pouvait arriver, avec un langage gestuel, à leur faire comprendre un
certain nombre de choses, on atténuait une partie de leurs douleurs et
elles arrivaient à comprendre. Donc, ce sont des formes
d'assistance.
Ce n'est pas qu'on trace une séparation ultime; on croit qu'il y
a un domaine où le champ médical doit intervenir - c'est assez
évident dans un certain nombre de cas, on l'a dit aussi dans le
mémoire - et il y a le domaine des soins infirmiers aussi. Alors que
tout le monde s'entend pour dire qu'on doit essayer de développer
davantage de modèles d'assistance ou d'intervention, pratiquement
lorsqu'on regarde ce qui se développe comme mécanismes à
l'intérieur des milieux actuellement, on renforce tout ce qui est
pratique médicale. Alors, on revendique plus de psychiatres, on
revendique davantage d'infirmières en milieu pyschiatrique. En tout cas,
dans ta pratique, ce que nous disons, c'est qu'il y a de la place pour
l'ensemble de ces intervenants et pour une multfdisciplinarité. Il ne
nous apparaît pas évident qu'on renforce toute la dimension
d'intervention sociale à l'intérieur des milieux hospitaliers,
d'aide et d'assistance, le mécanisme de compréhension des
problèmes à la source que ces personnes ont vécus soit
face à leurs proches, soit face à leur milieu, et qui les
conduiraient éventuellement à une possibilité de
réinsertion sociale.
Alors, on les brise. On leur donne un modèle où ils vivent
avec l'infirmière, te médecin et le psychiatre et où,
finalement, ils ne reçoivent que des soins de base par le reste de la
catégorie des intervenants. Quand ils font le saut dans la
communauté maintenant, ils ont une panoplie d'intervenants sociaux qui
sont en mesure de répondre davantage à leurs problèmes
dans la communauté. On croit que c'est la coupure qui existe. Lorsqu'on
parle d'ouverture du réseau sur la réalité, si cela veut
dire que maintenant on va tirer profit de ce qui se passe dans les ressources
alternatives ou dans la communauté, de ce que tes groupes de femmes
font, entre autres, comme modèles d'Interventions, cela veut dire que le
réseau est capable de
faire sa propre critique et de dire: II y a peut-être moyen
d'apprendre à partir des modèles d'intervention plus
spécifiques qui apportent davantage aide et assistance.
Développer, entre autres, le langage gestuel, je ne crois pas que ce
soit le propre d'un médecin ou d'une Infirmière. Cela peut
être fait par tout le monde. C'est le propre d'un certain nombre
d'intervenants sociaux qui peuvent aider le reste des autres Intervenants
sociaux dans cette mécanique.
Nous trouvons que, dans les faits, le rapport mentionne qu'il y a cette
compartimentation des tâches, cette espèce de hiérarchie
dans laquelle on retrouve une panoplie d'Intervenants et ceux qui sont à
la base qui font les soins directs, mais nous ne retrouvons pas un
mécanisme qui fait en sorte de dire: Bien, écoutez, on va essayer
de développer l'ensemble de ces partenaires à l'intérieur
des ressources actuellement dans un nouveau modèle d'intervention
collectif. Nous ne sentons pas cela dans le rapport. Au contraire, nous avons
l'impression qu'on demande davantage encore de psychiatres et davantage
d'infirmières alors qu'on dit qu'il en manque, des infirmières,
entre autres, dans les hôpitaux généraux. Nous
considérons qu'il y a suffisamment d'intervenants dans le réseau
actuellement, mais qu'on ne les utilise pas comme ils sont utilisés
ailleurs dans des ressources où leur contribution est riche
d'expérience.
Mme Lavoie-Roux: Si je vous comprends bien - je ne voudrais pas
mal vous interpréter - s'il y avait tel montant d'argent
supplémentaire à investir dans le domaine de la santé
mentale, d'après la conclusion que vous venez d'énoncer - ce
n'était peut-être pas une conclusion, mais enfin - dans les
institutions psychiatriques où il y aurait suffisamment de ressources,
ces ressources additionnelles devraient être davantage mises à la
disposition soit de ressources communautaires ou encore de ressources qui
s'Intéressent davantage à la réinsertion directe.
Je ne veux pas dire que les gens qui sont dans les institutions ne s'y
intéressent pas, mais je veux parler d'une façon pragmatique,
dans le quotidien, de ceux qui s'intéressent davantage à la
réinsertion sociale des gens et à leur donner le soutien ou
à mettre à leur disposition des ressources, soit pour
l'intégration au travail ou à la communauté. Est-ce que
c'est là que vous mettriez l'accent?
M. Morin: Ce n'est pas exactement cela. Je crois que c'est une
dimension importante. Ce que je voulais dire, c'est qu'on a l'impression qu'on
dit: II y a les ressources alternatives qui ont tel modèle. C'est bien,
on va le leur laisser. Dans le réseau, on va conserver notre
modèle. Ce qu'on veut plutôt dire, c'est que le réseau
aurait Intérêt, lui aussi, à l'intérieur même
de ses propres structures, s'il y a des sommes d'argent à mettre... A
priori, souvent, on pense qu'il faut ajouter plus de psychiatres, plus de
personnel d'encadrement dans les soins infirmiers, plus d'argent dans la
recherche. C'est peut-être une certaine nécessité. Mais,
pour nous, s'il y a de l'argent à mettre, s'il y a de la recherche
à faire, évaluons, entre autres, la réussite
particulière d'un certain nombre de groupes dans le domaine de
l'intervention de santé mentale. Évaluons le mode d'organisation
que ces personnes se sont donné, le type d'intervenants qu'elles se sont
donnés.
On connaît beaucoup de ressources alternatives qui ne disposent
même pas d'un psychiatre et qui ont, quand même, un taux de
réussite de maintien dans la communauté qui est important. Ce
n'est pas qu'on dénigre le fait qu'il doit y avoir un psychiatre. Mais
on recherche constamment une solution à un niveau scientifique ou
médical élevé, alors que, très souvent, ce que nous
vivons dans la pratique, c'est qu'un simple intervenant, qui dispose d'un DEC
en sciences humaines, a tout simplement pensé que peut-être la
communication serait une bonne chose, il n'est ni médecin ni très
développé, mais il a développé par lui-même,
bénévolement, ce type de truc et, finalement, les gens ont
découvert que, oui, cela ne prenait pas un psychiatre de plus ou bien
beaucoup de choses de plus. Cela prenait un certain Investissement dans le
langage gestuel auprès de cette clientèle. Même si cela a
coûté un certain enseignement à court terme et de le
communiquer à tous les autres Intervenants du groupe par la suite, on a
bénéficié d'une communication formidable avec la
clientèle du milieu.
Ce qu'on dit, c'est qu'on ne doit pas avoir un réseau avec un
modèle et des ressources qui en ont un autre. On doit aussi, si on veut
s'ouvrir sur la communauté, apprendre du modèle des ressources.
Je pense que si on avait étudié... Et on le dit dans le document
- c'est ce qui est paradoxal - que les groupes de femmes, entre autres, ont un
modèle, des formes nouvelles d'approche. Mais on ne dit pas que, dans le
réseau, on doit avoir des formes nouvelles d'approche, qu'on doit
investir, notamment, dans le travail d'équipe, que l'équipe,
c'est un atout, c'est une ressource pour la personne psychiatri-sée
à l'intérieur d'un milieu institutionnel et qu'elle doit
être composée de différents types de connaissances et
d'acquis.
Mme Lavoie-Roux: Un des principes fondamentaux du rapport, qui
est même utilisé pour le titre du rapport, c'est la question du
partenariat. Si on arrivait à le développer, à le vivre
davantage... Parce qu'un mot en soi, cela ne fait pas de magie, non plus. Il ne
faut pas s'illusionner. Mais c'est, quand même, un effort afin de faire
évoluer tes attitudes pour une meilleure intégration de toutes
les ressources qui peuvent entourer une personne qui a besoin de soutien dans
le domaine de la santé mentale.
Ne croyez-vous pas qu'il y a là un élément qui
permettrait à chacun de faire évoluer ses connaissances et de
regarder un peu plus de
l'autre côté de la clôture ce qui se fait ailleurs,
etc.? Ne pensez-vous pas qu'il y a là un principe qui pourrait servir de
fondement, justement, à ce que vous souhaitez?
Mme Valiquette: Le mot partenariat, je ne sais pas comment il a
été choisi, mais je pense que c'est déjà, en
partant, une drôle de façon de poser le problème, dans la
mesure où on a été appelé, au cours des sept ou
huit dernières années, en tout cas, à ma mémoire
à moi, à participer à toutes sortes, vraiment à
toutes sortes de consultations, d'actions, etc. On nous appelait alors les
partenaires pour se rendre compte, à la fin, que ce qu'on avait dit ne
comptait pas. Alors, il y a déjà ce mot-là qui nous agace
un peu.
Ce commentaire étant fait, Je pense que c'est clair dans le
mémoire qu'on vous a soumis qu'on n'est pas fermés à une
pratique uniquement dans le réseau et qu'on ne veut pas nous nourrir de
nous-mêmes, non plus. Ce qu'on dit, c'est qu'il y a un réseau qui
existe actuellement qui a tout intérêt à s'adapter et on
est prêts dans ce sens-là à aller voir ce qui se passe
ailleurs. De toute façon, les intervenants et les intervenantes qui
travaillent dans le milieu présentement, Os vont voir ailleurs.
Je disais cela, il n'y a pas longtemps, ailleurs. Souvent, notre
personnel qui travaille, ce sont des gens qui font partie, par exemple, des
conseils d'administration de maisons pour femmes victimes de violence ou qui
oeuvrent également dans le réseau communautaire de la
santé mentale dans beaucoup de cas. Alors, ce sont des gens qui
connaissent cela et qui voient ailleurs ce qui se passe, mais à qui on
ne permet pas de faire évoluer la pratique qu'il y a actuellement
Ce qu'on dit, c'est: Permettez, au moins, au réseau de s'adapter.
On trouve qu'il est déjà un petit peu dépassé. Il y
a peut-être des actions qui ont du bon sens, mais permettez-lui de
s'adapter. On n'a aucun problème à travailler avec les ressources
dans ta communauté.
Mme Lavoie-Roux: Également, je trouve intéressant
ce que vous disiez au sujet de l'évaluation de ce qui se fait dans le
réseau et de ce qui se fait aussi à l'extérieur du
réseau. Comme vous le disiez, il y a des expériences
intéressantes qui se sont faites, mais qui ne se transmettent pas
facilement parce que les gens ne les connaissent pas ou parce qu'elles n'ont
peut-être pas été suffisamment évaluées, non
plus, pour justifier, même dans le secteur alternatif ou communautaire,
qu'elles soient davantage répandues. Je pense que des deux
côtés, II faut faire une évaluation un peu plus rigoureuse
des types d'interventions qui sont faites et des résultats que ces
interventions peuvent apporter.
En ce qui a trait à l'ombudsperson", tout le monde qui s'est
présenté ici ou à peu près s'est interrogé
non pas sur le principe même, mais sur l'endroit où il devrait
être rattaché et sur ta façon dont il devrait fonctionner,
etc. Je pense qu'on va devoir l'examiner d'un peu plus près.
Sur la question de ta formation, il y a également plusieurs
Intervenants qui sont venus Ici et qui nous ont fait part de la
nécessité de penser à la formation non seulement pour -
vous l'avez mentionné - les gens qui sont à l'intérieur du
réseau et pour certaines catégories de professionnels à
l'intérieur du réseau, mais de l'étendre à tous
ceux qui travaillent auprès des malades et même de déborder
possiblement à l'extérieur auprès des personnes qui jouent
un rôle dans la communauté.
J'aurais d'autres questions à vous poser, mais je vais laisser la
chance à mes collègues. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Merci d'être ici
ce matin. Cette discussion que vous aviez avec la ministre et vos explications
sont quelque chose d'Intéressant, à mon avis. Je pense que cela
vaut la peine de les poursuivre encore un moment.
Dans votre mémoire, à la page 5, vous dites:
"L'intervention en santé mentale doit-elle encore privilégier le
contrôle des comportements dits déviants ou doit-elle s'orienter
vers des interventions d'assistance, d'aide et de changements des conditions de
vie à la source?" Vous mentionniez les expériences vécues
dans les groupes communautaires ou dans les groupes alternatifs, comme on les
appelle, en sachant que plusieurs ont dit qu'on n'avait pas fait une grande
distinction entre les deux dans le rapport Harnois. On semblait même
vouloir tes agglomérer les uns aux autres, de sorte qu'il y a des
groupes qui ont mentionné l'utilisation de gens déjà en
difficulté dans le passé et qui ont, si vous me permettez
l'expression, réussi à s'en sortir. Ces gens veulent en aider
d'autres à le faire. Ils se sont sentis un peu mis de côté
par le rapport Harnois.
Votre texte indique ce que plusieurs ont déjà dit,
d'ailleurs, c'est qu'on a médicalisé l'ensemble du secteur de la
santé mentale. Il faudrait s'en sortir et arriver à utiliser
l'expérience en dehors du réseau pour faire évoluer le
réseau, tout en permettant aux groupes alternatifs et communautaires de
fonctionner. À partir de votre expérience dans le milieu,
j'aimerais que vous nous donniez des exemples de cas où II y a eu des
difficultés justement parce qu'on a trop basé l'intervention sur
le psychiatre en particulier qui, comme vous le dites dans votre
mémoire, a parfois moins de contacts avec la personne en
difficulté. Dans ce contexte, dites-nous comment vous voyez le
changement que vous souhaiteriez à l'intérieur du
réseau.
M. Morin: II y a toujours plusieurs cas qu'il est tentant de
citer, mais je reviens toujours à une expérience parce que j'ai
actuellement la chance de travailler là et parce que c'est
peut-être aussi ce qui est le plus évident. Pendant longtemps - on
ne se le cachera pas - une personne qui avait des troubles psychiatriques et
qui avait des problèmes de communication parce qu'elle était,
disons, sourde et muette, on disait qu'elle avait des problèmes
d'agressivité. Ce qu'on a fait longtemps à un des clients avec
qui je travaille, c'est qu'on l'a abondamment nourri de lithium. Il est
évident qu'il n'avait plus de problèmes de comportement. Quand
vous êtes sur le lithium, vous êtes passablement zombie; excusez
l'expression, mais c'est ça. Cela a pris un certain temps, mais un
Intervenant dans le groupe, entre autres, qui a fait énormément
de recherches sur le problème, a décidé que
peut-être, s'il pouvait apprendre le langage gestuel, il pourrait
apprendre à contrôler, par la suite, un certain nombre de
problèmes. (10 h 45)
On est maintenant dans la situation où, effectivement, on a
réussi à convaincre le psychiatre qu'on pouvait essayer de
laisser tomber le lithium pour tenter l'approche de communication. Maintenant,
sans lithium, sans médicalisation, mais, évidemment, avec une
certaine période de désintoxication, quand même, parce
qu'on n'arrête pas cela facilement du jour au lendemain sans qu'il y ait
de conséquences, on s'est rendu compte que, peut-être après
20 ans, en étant capable maintenant d'exprimer ses besoins à
partir du langage gestuel, pas toujours dans un langage très
élaboré, on pouvait diminuer de moitié les troubles de
comportement et l'agressivité de cette personne, qui étaient
fondés sur le fait qu'elle n'était pas comprise par nous, ni par
son entourage et qu'elle n'arrivait pas à faire comprendre ses besoins
à son entourage. C'est le modèle d'intervention qu'on va
retrouver souvent dans les ressources alternatives et le problème
n'était pas long à comprendre, évidemment, la personne
reste avec d'autres troubles psychiatriques et probablement avec un besoin
occasionnel de médication, mais beaucoup moindre que ce qu'il
était, parce qu'on a rapidement compris qu'une des sources de
régression constante ou de crise d'anxiété et d"acting ouf
profond que cette personne-là vivait, c'est parce qu'elle ne pouvait pas
communiquer. On rencontre cela souvent dans le milieu. Quand on dit genre
d'approche, c'est qu'il n'a pas fallu une recherche à 300 000 $ pour
comprendre le problème. Il a suffi qu'à un moment donné un
psychologue écoute ce qu'un éducateur, une éducatrice et
une infirmière avait à dire, soit: Écoute, je crois que
cette personne-là irait mieux avec un peu de communication. Finalement,
avec la pratique elle-même, on s'est rendu compte que cela pouvait se
faire.
De là revient à peu près la constante qu'on a dans
notre mémoire: oui à la recherche, mais il faut qu'elle soit
axée sur la bonne chose. Prenons des exemples. On a donné des
subventions formidables pour la recherche en pédopsychiatrie parce que
c'est un phénomène important. Dans certaines institutions, la
composition pédopsychiatrique, avec de telles subventions, est
maintenant d'environ 5 % ou 6 % et 300 000 $ ont été
octroyés pour une recherche sur la pédopsychatrie. Mais qu'est-ce
qui arrive des 600 autres adultes qui ont des troubles psychiatriques et qui
bénéficient d'une recherche d'environ 10 000 $ OU 15 000 $?
Je trouve formidable qu'on parie dans le rapport Harnois de donner des
orientations aux organismes subventionnaires pour décider là
où il y a des priorités à mettre, mais qu'on les identifie
d'avance. Pour nous, ce n'est pas suffisant de dire: On va donner des
priorités, mais lesquelles va-t-on donner éventuellement? C'est
cela qui nous apparaît important là-dedans: on n'est pas toujours
à l'écoute du milieu. Quand on dit: Apprendre les ressources
alternatives, c'est allez faire une recherche dans des groupes alternatifs et
vous allez voir qu'il y a des pratiques, il y a des méthodes
d'écoute et des moyens qui sont mis à la disposition des
personnes qui sont là, qu'on aurait intérêt à
développer nous-mêmes.
M. Jolivet: Quand vous dites: Être à l'écoute
de milieux autres que le réseau, cela implique que vous ayez, à
l'intérieur du réseau, des moyens de vous mettre en contact les
uns avec les autres, c'est-à-dire un comité, un organisme ou peu
importe comment vous allez le former. Qu'est-ce que vous proposez pour que le
psychiatre soit à l'écoute de l'infirmière d'une certaine
façon, de la personne qui est en contact direct avec l'individu, de
l'ensemble multidisciplinaire des intervenants auprès d'une personne en
particulier? On parlait, dans des groupes alternatifs, des gens qui
s'installaient avec la personne et qui essayaient de découvrir ses
besoins et, après cela, d'y répondre. Il fallait que les gens
aient une certaine forme d'humilité quant à leurs fonctions pour
dire: Je suis là pour aider une personne et non pas: Je suis là
pour lui dicter ce qui doit être fait. Les gens arrivaient à
mettre en place un programme pour un service Individualisé en tenant
compte des besoins. Qu'est-ce que vous proposez dans le réseau? De
quelle façon le voyez-vous, eu égard au rapport Harnois
lui-même?
Mme Valiquette: Je voudrais juste revenir sur l'une des choses
qu'on dit traditionnellement depuis déjà de nombreuses
années. Je pense que l'une des conditions - parce que là, on
parle du réseau spécifiquement - pour que cela se produise, c'est
qu'il y ait assez de gens pour pouvoir le faire. Je vais revenir encore sur la
question. Que ce soit des foyers pour personnes âgées, des
foyers pour jeunes ou des hôpitaux psychiatriques, il faut qu'il y
ait assez de gens pour pouvoir faire cela. Actuellement, on a difficilement la
possibilité de prendre le temps de faire cela C'est la première
chose.
La deuxième, c'est qu'il faudrait qu'il y ait un peu plus de
souplesse, peut-être, entre ce que nous faisons quotidiennement dans nos
établissements et ce que le psychiatre peut penser qu'on devrait faire
quand cela fait déjà un bout de temps qu'il n'a pas vu les gens
ou quand il n'est tout simplement pas venu les voir.
Troisièmement, comment pourrait-on communiquer? Il y a
déjà des mécanismes informels de communication avec le
réseau communautaire. Je ne sais pas comment on peut formaliser tout
cela, mais je ne pense pas qu'il faille créer une autre espèce de
superorganisme dans lequel on va "s'encarcaner" et d'où on ne sortira
pas. Il faut qu'il y ait une place pour qu'on puisse bouger, un certain espace.
Ce n'est pas comme compter des microbes sur la lamelle au laboratoire. C'est
vraiment un endroit où il faut qu'on puisse bouger un peu. Donc, pas de
mécanismes qui vont nous étouffer, non plus. Je ne connais pas le
moyen de la formaliser un peu plus qu'elle ne l'est, mais elle existe
déjà, cette communication. Peut-être que Serge voudrait
compléter sur cela.
M. Morin: Il a été un temps où on a
développé beaucoup ce qu'on appelle soit l'équipe
multidisciplinaire ou même le travail d'équipe où tous tes
différents intervenants, psychiatres, infirmières et même
parents, et occasionnellement te bénéficiaire, étaient
assis autour d'une table et profitaient de la situation pour vraiment faire un
tour d'horizon sur les meilleurs moyens d'agir et tes objectifs à
atteindre vis-à-vis de ce client. C'est une pratique qu'on a vue se
développer un certain temps, mais qu'on revit de moins en moins, car on
a de moins en moins de temps pour le faire. Même si on dit sur papier
qu'il doit y avoir ce genre d'initiative, c'est une pratique qui
disparaît graduellement ou qui est très occasionnelle ou qui se
fait paradoxalement pour les clients, comme on dit, qui sont plus
problématiques. Quand un client pose assez de problèmes,
là on dirait que cela déplace assez de monde et tes gens vont
s'asseoir. Mais le client qui fonctionne bien et qui n'a pas de
problèmes, lui, il n'a pas la chance d'avoir ces rencontres en
général. On est obligé d'y aller par ordre de
priorités en fonction des personnes qui posent des problèmes.
C'est dû à un manque de ressources ou à un manque de
volonté, mais c'est une pratique qui disparaît.
L'autre élément, sans créer, comme le mentionnait
Louise, de superorganisme, c'est que c'est incroyable de voir comment il est
difficile dans le réseau et dans le milieu hospitalier, entre autres, de
faire venir sur le terrain même des pratiques existant ailleurs et de
profiter de l'occasion pour dire: Bon, aujourd'hui, on a un colloque à
tel établissement ou on a une ren- contre de formation et on va discuter
des Initiatives de la maison X ou de telle ressource qui a une expertise
particulière, en tout cas, un modèle ou une approche à
discuter et engager une discussion avec les intervenants du milieu. On dirait
que cela crée une espèce de provocation parce que le
modèle est tellement différent, il y a tellement de
complicité entre les Intervenants, II y a tellement de travail
d'équipe que, finalement, le psychologue, qui a beau avoir une
maîtrise à trois étages, dans une ressource alternative, va
s'asseoir avec un éducateur de la rue, avec une infirmière qui a
décidé de travailler là. Louise l'a mentionné
précédemment: II y a beaucoup de nos gens qui, même si cela
peut occasionner une diminution de conditions de vie et de conditions de
travail en termes salariaux et autres très Importantes, vont
préférer travailler dans des ressources où on a au moins
le sentiment d'un travail d'équipe et d'écoute que de demeurer
à l'Intérieur du réseau. Finalement, à un moment
donné, tu restes à l'intérieur du réseau parce que,
bon, tu ne peux pas le quitter parce que tu ne peux pas te payer le luxe d'une
diminution aussi importante. Mais les gens vont quitter pour travailler SO ou
60 heures dans des ressources alternatives très souvent parce que les
conditions sont différentes. Je pense que le réseau a
intérêt, s'il veut vivre une transformation Importante, à
véhiculer de tels modèles.
M. Jolivet: Ma question arrivait à cette partie finale.
Est-ce qu'il y a un antagonisme tel que, finalement, on considère les
ressources alternatives comme étant quelque chose de moins
sérieux que ce que te réseau peut donner et, dans ce contexte,
est-ce que des gens les regardent du haut de leur grandeur plutôt que de
travailler avec elles?
Mme Valiquette: Comme on le mentionnait dans la
présentation au tout début, on n'est pas en guerre avec tes
ressources alternatives et communautaires. La seule mise en garde qu'il faut
faire...
M. Jolivet: Faites attention, je ne parle pas de votre organisme
comme tel; je parle de l'ensemble du réseau.
Mme Valiquette: L'ensemble du réseau, non plus. Je pense
qu'on se veut le porte-parole au moins des 16 000 membres qu'on
représente. Alors, il n'y a pas de guerre avec ce monde. Au contraire,
en dehors du milieu de travail, il y a même des grandes affinités.
Ce qu'il faut voir - et c'est là le grand défi de la politique de
santé mentale - c'est comment on va réaliser l'équilibre
entre le réseau et les ressources communautaires. On faisait la mise en
garde de ne pas s'enligner vers te privé à but lucratif. Je pense
que c'est toujours là et c'est toujours vrai. Mais comment s'enligner?
Actuellement, le communautaire ne peut pas survivre de fois en
fois. Le budget est précaire. Ils sont toujours pris. Ils
doivent, d'ailleurs, avoir des problèmes, à un certain moment, de
"burnout" sérieux à chercher des ressources et à essayer
de travailler avec ce qu'ils ont.
Donc, on dit: II faut tes reconnaître pour ce qu'ils sont pour les
financer comme tels et reconnaître les pratiques qu'ils ont il ne faut
pas, non plus, à l'inverse, tout basculer de ce côté. Je
pense qu'il y a un équilibre à réaliser entre les deux et
cet équilibre va être possible dans la mesure où on va
permettre au réseau de s'adapter, d'une part, et où on va,
d'autre part, s'assurer - je pense que les voix doivent être unanimes
là-dessus - que les groupes qui seront financés pourront offrir
qualité de service et sérieux. De façon
générale, ceux qu'on connaît, ceux avec qui on a des
contacts, on considère que ce sont des groupes très
sérieux qui méritent tout à fait cela. Mais il en pousse
partout et la thérapie, de je ne sais pas quel nom, qui sort la semaine
prochaine, peut-être qu'avant de la financer il faudra y regarder
à deux fois. Je pense que cela fait partie de vos préoccupations
aussi. Mais ce sont des préoccupations sérieuses. Je cherche le
terme français pour dire "scraper". Ce n'est pas nécessaire de
"scraper" le réseau au complet pour cela. Il y a une place pour les
deux. Dans la tête des gens, le réseau de la santé et des
services sociaux, malgré ses déficiences actuellement et
particulièrement en santé mentale, inspire, quand même, aux
gens un sentiment de sécurité présentement, pour beaucoup.
Il faut qu'il en reste un peu.
M. Jolivet: On a vécu une vague de
désins-titutionnalisation. On a vu aussi des gens se retrouver, toujours
entre guillemets, dans une vie plus normale, dans une vie plus proche de la
réalité, du monde habituel. Dans ce contexte, il y a eu des
problèmes parce que des gens se sont retrouvés en dehors de
l'institution, sans aucun soutien. Il est arrivé des groupes
alternatifs, des groupes communautaires. Vous faites mention dans votre texte
qu'une table de concertation des différents groupes impliqués
dans un projet de désinstitutionnalisation serait
préférable à la mise sur pied d'un groupe d'experts.
Je rappelle la recommandation 30 du rapport Harnois où on dit:
"Que la ministre de la Santé et des Services sociaux procède
à la création d'un groupe pluridisciplinaire d'experts
chargé de: conseiller les établissements dans
l'aménagement des conditions de réussite pour l'ensemble des
personnes visées; recommander aux autorités locales,
régionales et nationales les actions à entreprendre pour
éliminer ou réduire les difficultés de réalisation
de la désinstitutionnalisation.' Dans ce contexte, j'aimerais vous
entendre sur ce que vous dites, soit qu'une table de concertation est
préférable à la mise sur pied d'un groupe d'experts.
J'aimerais connaître par le fait même qu'elle est la position des
organismes syndicaux dans tout le processus de désinstitu-
tionnalisation.
M. Morin: Je vais essayer de vous résumer cela rapidement.
Je crois que c'est vous-même qui le mentionniez au début. Je
reviens à cet exemple qui me paraît très approprié.
Il y a souvent des gens qui avaient des problèmes. Ils ont
rencontré d'autres gens qui avaient surmonté leurs
problèmes et cela les a aidés. Tantôt, on parlait
d'apprendre des ressources alternatives, même de changer nos pratiques
dans le réseau. Quand tu as un problème de délinquance
avec troubles psychiatriques associés et que tu travailles avec des gens
qui ont l'air bien ordinaires comme toi et que ce ne sont pas des personnes qui
viennent d'en haut, peut-être que le jeune va surmonter ses
problèmes parce qu'il va avoir confiance en la personne qu'il a à
côté de lui.
Quand on parle de désinstitutionnalisation et qu'encore là
on essaie de greffer un groupe d'experts, ce que nous disons, c'est qu'il y a
des gens qui, tous les jours, sont devenus des experts par l'expérience.
Ils ont réussi. Ils ont été les moteurs d'une certaine
réinsertion sociale et ont été confrontés à
des obstacles. Ils peuvent vous mentionner les obstacles qu'on rencontre. Pas
besoin, comme le dirait M. Vachon, d'un dictionnaire pour comprendre cela.
Quand tu es avec un ex-psychiatrisé qui a été en
institution longtemps et qu'on ne lui a jamais expliqué la question de
la sexualité, qu'il a 25 ans, qu'il s'en va dans la communauté,
qu'il y a des films pornographiques à tous les coins de rue et qu'il
pense que c'est ouvert à tout le monde, qu'il va là-dedans, voit
comment cela se passe, décide que c'est comme cela que ça marche
et qu'il s'en va dans la communauté comme cela, pas besoin d'un expert
pour comprendre cela. Tu vols avec la personne qui vient de sortir qu'elle n'a
pas eu les mécanismes qu'il faut pour affronter les problèmes. On
ne lui a pas expliqué ce qu'était la sexualité, que tu
n'allais pas faire cela n'Importe où, n'importe comment et avec
n'Importe qui. Ce sont les problèmes réels qu'on rencontre.
Là, on prend un groupe d'experts. Ce que nous disons, c'est que
les ressources alternatives ont une expérience. Entre autres, quand un
ex-psychiatrisé vit un problème et qu'il s'en va rencontrer un
autre membre d'un groupe de soutien ou d'entraide et qu'il explique ses
problèmes, elles savent ce que sont les problèmes qu'il affronte
quotidiennement. Quand nous Intervenons et que nous faisons de la
réinsertion sociale, on connaît les problèmes qu'on
rencontre régulièrement de soutien là où ils
doivent être. Quand on soulève ces problèmes, on dit:
Peut-être qu'ils devraient être écoutés. Si on
mettait ce monde ensemble et qu'on parlait du concret avec les ressources
appropriées, je suis convaincu qu'on résoudrait un paquet de
problèmes. (11 heures)
Mais là, que va venir faire le groupe d'experts? Il va venir
encore expliquer que cela prend, sous une forme bien théorique, un
paquet de ressources et tout cela. Il est possible de s'asseoir et de faire
remarquer le genre de ressources qui sont absentes. Ce n'est pas
compliqué. On dirait que le problème, c'est qu'on n'aboutit
jamais à ces formules. Qu'on s'assoie, qu'on en discute et qu'on parte
de cas concrets.
C'est aussi vrai que très souvent on va discuter avec un
psychiatre d'un cas concret. Ce n'est pas par mauvaise foi du psychiatre. Pas
sérieux, pas de même, ce n'est pas comme cela que cela se passe!
On ne m'avait jamais dit cela! Ah! Bien oui, je veux dire, il est là.
Lui, normalement, il a un certain nombre de dossiers, mais il n'a pas le temps
de voir les 100 clients dont il est question. Nous, on les voit. Nous, on sait
qu'un tel ou une telle, c'est cela le problème qu'ils vont rencontrer.
C'est de tel type de ressources qu'ils ont besoin et de soutien.
Nous, on dit: Un groupe d'experts! Mettons des gens ensemble qui ont
déjà de l'expérience et du vécu. Assoyons-les
autour d'une table et je vous garantis qu'on va pouvoir trouver des solutions,
des mécanismes de réinsertion sociale et qu'on va trouver des
ressources.
M. Jolivet: Le président me fait mention que mon temps est
terminé. J'aurais aimé vous poser une question sur les relations
entre la personne que vous appelez client dans votre texte et les parents, les
proches qui ont à vivre avec lui le jour où il retourne à
la maison ou dans un secteur alternatif ou autre. Il y en aura peut-être
d'autres qui poseront ces questions. Je vous dis que c'est l'une des questions
qu'il m'Intéressait de vous poser. Je regardais votre texte qui faisait
mention, justement, aux pages 5 et 6 de ces étapes où des fois on
dit aux gens: SI tu n'es pas content, va-t'en ailleurs. Ce n'est pas la
réponse qu'on doit donner à des proches. Je vous remercie pour le
moment
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Laurier.
M. Sirros: J'ai une question par rapport à un commentaire
que vous avez fait et qui se retrouve aussi dans votre mémoire. À
un moment donné, vous avez parlé des appréhensions que
vous avez face au développement de la pratique privée dans le
domaine de la santé mentale. Est-ce quelque chose que vous avez vu dans
le rapport Harnois? Qu'est-ce qui vous a fait parler de cela? Qu'est-ce que
vous voyez comme développement de la pratique privée dans le
domaine de la santé mentale?
Mme Valiquette: Quand je parlais de pratique privée
tantôt, je parlais de pratique privée à but lucratif. Il en
est fait mention dans le rapport Harnois, mais ce n'est pas
précisément pour cette raison qu'on l'apporte. Ce sont des choses
qu'on avait présentées déjà au mois de mars dernier
au comité Harnois. Il est Important de voir - c'est une remarque qui
s'adresse autant à la santé mentale qu'à tout le
réseau de la santé et des services sociaux - ce qui arrive pour
les pratiques privées à but lucratif. Je pense qu'on a un nombre
Important d'exemples vécus tant aux États-Unis que dans d'autres
provinces: la médecine des riches et la médecine des pauvres, les
cas lourds qui viennent au réseau où II ne se passe pas
grand-chose et les cas légers, agréables et Intéressants
qui restent dans le privé à but lucratif et on prétend,
à ce moment-là, que cela coûte moins cher au privé
de faire des bonnes affaires et que cela coûte plus cher dans le
réseau public. Je comprends que cela coûte plus cher, ce sont tes
cas les plus lourds qui y sont. Finalement, à long terme c'est toujours
la population qui est perdante dans cela.
Je pourrais vous renvoyer facilement au rapport du comité sur la
réinsertion sociale des personnes présentant une
déficience intellectuelle qui a fait une étude à ce sujet.
Je pourrais vous en parler longuement, chiffres à l'appui. Je n'ai pas
le rapport avec moi, mais c'est dans cette perspective qu'on dit cela.
Évidemment, on considère le communautaire comme du privé,
mais ce n'est pas du privé à but lucratif. Ce sont des groupes,
il faut le répéter, qui ont leur place également, qu'il
faut reconnaître et qu'il faut financer. Nous sommes contre tout ce qut
va s'appeler privé à but lucratif à cause des abus et
à cause des expériences vécues.
M. Sirros: Je voulais plutôt m'assurer que c'était
par appréhension que vous aviez parié de cela et non pas en
réaction à des expériences que vous avez vues se
développer sur le champ. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je vais commencer par...
Le Président (M. Bélanger): Est-ce que vous voulez
remercier le groupe?
Mme Vermette: Au nom de ma formation politique, je veux vous
remercier. Malheureusement, je n'ai pas pu entendre tout votre mémoire.
Ce qui est important en fin de compte, c'est que les gens se penchent sur le
problème de la santé mentale et qu'on arrive à trouver des
solutions favorables à l'ensemble de la population
québécoise. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Encore une fois, je voudrais vous remercier pour
votre présentation. J'aimerais, au passage, vous dire, puisque vous
vous êtes interrogés sur la place, par exemple, des
syndicats à l'Intérieur de ce comité d'experts s'il devait
être mis sur pied que je pense qu'un tel comité ne pourrait
être mis sur pied sans une participation syndicale parce que, tant
à l'intérieur des Institutions d'hébergement, si Je peux
dire, que dans d'autres ressources du réseau, vous êtes des
personnes extrêmement Importantes.
Très brièvement, sur la question du comité
d'experts versus l'expertise locale, je pense que l'un ne contredit pas
l'autre. J'ai cru comprendre que vous aviez participé au comité
qui a travaillé à l'élaboration du cadre pour la
désinstitution-nalisation des personnes qui ont une déficience
intellectuelle. Je pense que vous avez travaillé là-dessus, vous
avez fait allusion au rapport. Ce type d'expérience, que ce soit pour la
déficience mentale ou que ce soit pour les psychiatriques, n'avait pas
été nécessairement mauvais. Je pense que, à partir
des expériences diversifiées qui ont été faites, on
a appris des choses, mais cela a aussi eu comme résultat de créer
des problèmes importants. Cette équipe d'experts ne pourrait pas
se substituer à t'analyse locale, par les gens qui travaillent
localement, de la meilleure façon dont un cadre de
référence peut s'appliquer à des Individus. Et il ne faut
pas non plus, comme vous disiez tout à l'heure, les "encarcaner" par un
cadre général de telle façon qu'il n'y ait plus cette
marge de manoeuvre indispensable au plan local pour faciliter une
réinsertion sociale. Je pense que les deux doivent exister, mais que
l'un ne va pas à rencontre de l'autre; il se veut d'ailleurs un soutien
au type d'institutions locales qui est là où l'action se passe et
là où les résultats vont pouvoir être
analysés en fin de compte. Encore une fois, je vous remercie et nous
allons continuer notre réflexion. Merci.
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales remercie le Syndicat canadien de la fonction publique et
invite à la table l'Assocation des handicapés de Sainte-Marie de
Beauce qui sera représentée par Mme Lyne Pépin, directrice
générale, et par Mme Luce Fortin, secrétaire de
l'association. Ce groupement aura 30 minutes. Les gens de l'Association des
handicapés de Sainte-Marie de Beauce sont-ils ici? D'accord,
excusez-moi, je ne vous voyais pas. Vous avez été prévenus
que vous avez 30 minutes: 10 minutes pour ta présentation de votre
mémoire et 20 minutes pour la période de questions. Je vous
inviterais donc sans plus tarder d'abord à vous identifier,
présenter votre partenaire, votre porte-parole et nous livrer, en 10
minutes, le résumé de votre mémoire. Je vous remercie.
Association des handicapés de Sainte-Marie de
Beauce
Mme Pépin (Lyne): D'accord. Je suis Lyne Pépin, de
l'Association des handicapés de Sain- te-Marie, je suis la permanente au
niveau de l'association. La personne qui m'accompagne est Nathalie Cloutier.
qui est une étudiante stagiaire et qui vient faire un stage chez nous
dans le cadre de son travail en assistance sociale. Mme Fortin n'a pas pu
être disponible.
En ce qui concerne te rapport, ce que je trouve très
intéressant, c'est au niveau de fa sensibilisation pour la santé
mentale, je trouve cela superbe. Au niveau de l'"ombusperson", je trouve cela
Intéressant aussi. Les progammes de répit, la formation continue,
c'est évidemment très intéressant. Reconnaître les
dépenses de réadaptation et de réinsertion aussi. La chose
que je me demande par rapport à ce qu'on vit, ce que je trouve le plus
difficile, c'est que, souvent, on se demande, quand on a un problème
concret, si on s'adresse au bon réseau, que ce soit au CLSC, au CSS ou
autres. On se demande si on s'adresse au bon fonctionnaire dans la bonne case,
parce que, souvent, on est renvoyé d'une personne à l'autre et on
se demande si le client répond au programme étalé et si le
fonctionnaire qui te répond connaît vraiment les problèmes
de tes clients. On est confronté quelquefois à une personne qui
se trouve entre la limite des services du CLSC et du CSS; à ce
moment-là, on ne sait plus à qui renvoyer cette personne ni
à qui demander de l'aide, parce qu'elle se trouve entre les deux. C'est
ce qu'on trouve agaçant.
Ce qu'on trouve une grande réussite à notre association,
c'est souvent quand ce sont les mêmes intervenants qui travaillent
auprès de nos clients. Autrement, quand cela change constamment, que les
dossiers des clients sont changés d'un à l'autre à cause
de structures spéciales, entre autres les CLSC, le client perd confiance
et on n'est plus capable de le récupérer et de faire quelque
chose à long terme avec lui.
Un exemple concret qu'on a eu à vivre un moment donné avec
l'un de nos clients... Nous avons des résidences d'hébergement.
L'une de nos filles, qui est un cas psychiatrique, s'est ramassée
à l'Hôtel-Dieu-de-Lévis, et eux disent: Non, ce n'est pas
ici qu'elle doit venir, c'est au sanatorium. La fille se ramasse au sanatorium
et on dit: Non, non, ce n'est pas ici qu'elle doit venir, c'est à
Lévis. Qu'est-ce qu'on fait dans ce temps-là? La personne est en
crise, on la ramasse chez nous et on ne sait pas quoi faire avec, parce qu'on a
épuisé les ressources qu'on avait.
Un inconvénient aussi dans la région de la Beauce entre
autres, surtout à Sainte-Marie, c'est qu'on n'a aucune institution
près de chez nous et aucun hôpital, ce qui fait que les services
de notre pauvre petite association, on les donne comme on peut, mais on est
toujours tout seul, parce qu'on est isolé. Vu qu'on est minoritaire,
cela ne prend pas beaucoup d'importance. Quand vous parlez de partenariat et de
coopération Intersectorielle, je trouve cela
particulièrement intéressant
Ce que vous dites à un moment donné, c'est que la question
de la santé mentale en ce qui concerne les Jeunes, les femmes et les
personnes âgées, c'est très important. Je suis tout
à fait d'accord avec vous. Mais qu'est-ce qui se passe pour ce qui est
des personnes qui sont nouvellement accidentées, qui se retrouvent
paralysées d'un côté ou qui se retrouvent en fauteuil
roulant, ces personnes qui voient tout leur univers basculer et qui deviennent
diminuées physiquement et, des fois, ont des problèmes mentaux?
Ces personnes, ce ne sont pas des jeunes, ni des femmes, ni des personnes
âgées. Sont-elles des extraterrestres? Comment doit-on les
classer, celles-là? Dans ce sens-là, Je trouve qu'il y a un peu
de ségrégation pour ce groupe de personnes, parce qu'elles se
retrouvent handicapées du jour au lendemain. Imaginez-vous en fauteuil
roulant ici. Quand vous arrivez et qu'il y a des marches partout, vous ne
pouvez aller nulle part. Quand vous arrivez pour solliciter un emploi et qu'il
y a des marches, vous dites: Bien non, je ne peux pas aller là, alors,
]e ne vais pas là.
C'est partout.. Quand tu veux aller magasiner, quand tu veux aller...
C'est dans ta vie sociale, partout Alors, je pense que cela, ça affecte
un peu la santé mentale. Ce qui est important, c'est que, si vous ne les
nommez pas dans votre rapport, ces personnes, en ce qui concerne les
fonctionnaires, pour eux, si elles ne sont pas nommées, donc, elles ne
seront pas prises en considération, parce qu'elles vont toutes dans des
petites cases. Cette personne entre dans cette case-là. D'accord, on va
s'en occuper. Elle n'entre pas dans cette case. Oh, bien non, on ne s'en
occupera pas; elle n'est pas dans la bonne case. S'ils disent que... Ils
parient de santé mentale. Bien, quand ils vont voir une personne en
fauteuil roulant, ils ne la classeront pas à ce niveau-là. Ils
vont dire: Bien non, c'est une handicapée. On ne s'en occupe pas; ce
n'est pas ça la priorité, c'est la santé mentale, ils
catégorisent toujours comme ça. Ce qu'elles vivent souvent, les
personnes en fauteuil roulant, justement, c'est qu'elles sont restées
cloîtrées chez leurs parents de 15 à 20 ans; à ce
moment, c'est difficile pour eux de les réintégrer en
société. En tout cas, je pense que c'est une des causes de leur
maladie mentale, ce qui ne veut pas dire que tous les gens en fauteuil roulant
souffrent de maladie mentale. C'est complètement Idiot. Mais il y en a
qui ont à faire face à ces problèmes.
À un moment donné, vous disiez que pour les organismes
communautaires, pour nous donner du soutien, vous iriez jusqu'à donner
le double de l'argent qui est déjà investi. Mais, quand on n'en a
déjà pas, deux fois zéro, cela fait encore zéro. Je
me demandais sur quelle base vous arriviez à en donner, à qui et
comment. Par exemple, nous, en ce qui concerne notre association, on a deux
maisons d'hébergement qui sont hypothéquées pour aider
à faire vivre ces gens-là en société et on a un
atelier de travail. Notre principale subvention, c'est Centraide qui nous donne
20 000 $. C'est tout ce qu'on a. Par le fait qu'il n'y a pas d'Institutions et
qu'il n'y pas d'hôpitaux dans notre coin, on va s'occuper des gens qui
ont des besoins, ce qui veut dire qu'on va se ramasser avec des
clientèles psychiatriques, on va se ramasser avec des déficients,
des gens qui ont une paralysie cérébrale et des gens qui sont en
fauteuil roulant en phase de devenir autonomes en société.
On ne peut pas être casé, parce qu'on s'occupe de toutes
les sortes de clients. Donc, à ce moment-là, on va se faire
répondre quoi? On a déjà demandé de l'aide à
l'Office des personnes handicapées qui nous a répondu qu'on
aurait tout simplement à mettre une certaine clientèle dehors et
s'occuper d'une clientèle spécifique et que, là, on aurait
peut-être de l'aide. Peut-être, mais je pense que, dans le milieu
où on est, nous essayons d'aider les gens comme ils sont et avec les
bénévoles qu'on a et on ne cherche pas à les mettre dans
des cases. Je pense que c'est ça qui est intéressant et que c'est
pour ça que nos gens réussissent à parvenir à faire
des choses dans la société. Une part de notre temps, pour des
organismes comme les nôtres, c'est qu'on recherche à avoir des
subventions à droite et à gauche et cela sape
énormément d'énergie, surtout quand tu n'as pas de
personnel régulier. Cela demande beaucoup de détermination, de
courage et de foi, des organismes comme le nôtre, pour lutter constamment
pour survivre, parce que, pour nous, le potentiel de nos clients, on le
connaît et on sait que cela prend un coup de pouce parfois pour les
placer en société.
C'est un peu ce que j'avais le goût de vous dire ce matin.
Le Président (M. Bélanger): Bien. On vous remercie.
Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier les porte-parole de
l'Association des handicapés de Sainte-Marie de Beauce pour leur
mémoire. Il est très court, mais je pense que vous venez quand
même nous livrer plusieurs de vos préoccupations sur ce qui peut
se passer sur le plan théorique et sur le plan pratique. Vous le vivez
d'une façon Intensive puisque, dans votre région, pour les
personnes handicapées, qu'elles soient handicapées physiquement,
mentalement, Intellectuellement ou autrement, les ressources ne sont pas
multiples et c'est à force d'efforts d'organismes comme les vôtres
que vous finissez par apporter un peu d'appui à ces personnes-là.
(11 h 15)
Évidemment, Je pense que votre préoccupation pour les
personnes handicapées reliées à la santé mentale se
situe davantage dans le domaine de la santé mentale que dans le champ de
la santé mentale, selon la distinction qu'en fait le rapport Harnois.
Vous nous dites: Vous vous occupez des malades et tout mais nous avons des
gens qui peuvent souvent être l'objet d'une dépression, se
sentir vraiment malheureux ou autre parce que le fait, tout d'un coup, de
devenir handicapé ou même d'être handicapé au point
de départ crée des tensions au plan psychique qui font que les
gens peuvent avoir des problèmes d'ajustement Je pense qu'il est bon de
nous le rappeler mais il reste quand même que, dans les plans de services
que l'OPHQ prépare pour les personnes handicapées qui semblent
extérieurement n'être que handicapées physiquement, il doit
quand même y avoir des intervenants qui, dans leur approche de ces
personnes, se soucient aussi de leur santé mentale. Je comprends
qu'elles sont plus souvent isolées parce que leur mobilité est
moins grande. Les relations sociales sont donc moins développées.
Il y a une foule de circonstances qui créent ces problèmes.
J'aimerais que vous m'expliquiez, en page 3 - comme Je veux laisser
à mes collègues le soin de vous poser d'autres questions - la
remarque de l'OPHQ. Vous dites que l'OPHQ dit: C'est correct. Si vous voulez
être subventionnés, changez de clientèle. Prenez-en une
autre et vous aurez de meilleures chances d'être subventionnés.
À quoi faites-vous allusion exactement?
Mme Pépin: C'est qu'à un moment donné, dans
notre atelier, on en est venu à un point où on avait de la
difficulté à le garder en vie parce que cela prenait des
Intervenants. On a des bénévoles mais ils s'en vont. Ils ne
restent pas parce que cela demande beaucoup d'énergie. À un
moment donné, J'ai travaillé pendant six mois comme
bénévole, à 50 heures par semaine à peu
près. Cela devient lourd un peu, vous savez. Les gens partent et
viennent. On avait de la difficulté à avoir du personnel
régulier. Quand on a demandé de l'aide à l'Office des
personnes handicapées, un agent est venu nous voir. Il nous disait que
notre solution serait d'être un SAHT, soit un service d'apprentissage aux
habitudes de travail. Pour cela, il faut être rattaché à
une institution. Pour nous, l'institution se trouve à Saint-Georges, il
y aurait des possibilités sauf que ce fameux SAHT, c'est pour des
déficients moyens lourds. Que fait-on alors de nos cas psychiatriques?
Que fait-on de nos personnes handicapées qui sont en fauteuil? Que
fait-on de nos gens qui ont la paralysie cérébrale? Que fait-on
de nos gens qui ont des traumatismes crâniens à la suite d'un
accident d'auto? On nous répondait: Ils s'en iront chez eux comme
n'importe qui peut être confronté à être dans un
milieu sans travail. J'ai dit que ces gens allaient être
complètement dégradés et qu'ils allaient se ramasser en
institution. C'était complètement illogique. On a
été confronté à cela. On n'était pas
d'accord et on l'a rejeté complètement.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Merci, M. le Président. En fait, vous pariez
d'un volet assez particulier dans votre mémoire et c'est la
réalité et la qualité de vie que doivent vivre tes
personnes qui ont un handicap, finalement. Plus souvent qu'autrement, on essaie
de vendre à tous et à chacun ce beau concept de la qualité
de vie mais, quand on arrive dans le concret, c'est très difficile. Cela
peut avoir une incidence sur la santé mentale des individus parce qu'ils
se retrouvent isolés et qu'ils éprouvent la difficulté
à avoir une vie dite normale ou, en tout cas, à la mesure de
leurs capacités.
Effectivement, depuis 1985, on attend finalement l'accès aux
édifices publics. C'est une bonne loi du gouvernement péquiste
qui est en voie de se réaliser mais, avec le changement de gouvernement,
on l'attend toujours. Par contre, on savait que tout le monde était
d'accord pour que cette politique sur l'accès aux édifices
publics puisse être mise de l'avant. Ce serait déjà un bon
pas, en tout cas, et cela sortirait sûrement certaines personnes de
l'Isolement.
Par contre, en ce qui concerne votre mémoire, vous avez
mentionné plusieurs volets, notamment, celui du manque de ressources
dans votre région et qui seraient plutôt concentrées
à Québec ou dans d'autres villes avoisinantes alors que, chez
vous, cela semble plus difficile qu'autrement.
J'aimerais que vous nous expliquiez de quelle façon vous
participez aux énoncés de politique en ce qui concerne votre
clientèle? Est-ce qu'on vous consulte? Avez-vous le droit
d'émettre votre opinion? Est-ce qu'il y a des mécanismes en place
pour vous favoriser en raison de votre isolement? Sinon, quel genre de
fonctionnement souhaiteriez-vous pour vous permettre de faire valoir vos
revendications, justement?
Mme Pépin: D'accord. D'abord, au sujet de nos maisons
d'hébergement, nous sommes rattachés aux familles d'accueil. Ce
qui fait qu'il y a des gens des services sociaux qui vont collaborer avec nous
pour le mieux-être de nos gens, parce qu'on discute de leur plan de
services et de leur intégration. Donc, cela va quand même assez
bien.
En ce qui concerne tes CLSC, ta barrière est vraiment très
forte en ce sens qu'ils n'interviennent pas par rapport à la
clientèle handicapée. Ils "priorisent" les jeunes et les
personnes âgées. À ce moment, à l'occasion II peut
avoir certaines interventions mais c'est très froid. Non pas parce que
les Intervenants ne considèrent pas notre problème important, au
contraire, mais plutôt qu'ils pensent qu'il y a d'autres priorités
ailleurs tout simplement et ils axent cela sur les personnes âgées
et les jeunes.
Mme Vermette: Dans vos clientèles cela
s'adresse à qui? Aux adultes de quel âge à quel
âge? Il doit sûrement y avoir des jeunes aussi qui doivent
présenter des handicaps de même que des personnes
âgées. Il y a différentes caractéristiques
finalement à l'intérieur des groupes d'âges. On dit
qu'actuellement la maladie mentale atteint de plus en plus les jeunes, de
zéro à cinq ans, et même des adolescents. C'est
phénoménal actuellement en ce qui a trait à l'adolescence.
On a fait presque une maladie de l'adolescence. Vous devez sûrement avoir
des recours face à ces clientèles.
Mme Pépin: Disons que la clientèle qu'on touche
c'est à peu près de 18 à 60 ans. S'ils ne sont pas en
hébergement, à ce moment c'est avec les CLSC qu'il faut faire des
contacts et essayer de voir des choses. Comme je vous dis c'est très
difficile parce que ce n'est pas prioritaire. Donc, ils vont dire: Oui, on va
l'étudier, oui, on va regarder cela, mais les réponses dans le
concret sont très vagues. C'est plus difficile. Je suis dans le
sous-comité de la santé mentale de la table de Beauce-Etchemln,
à Beauceville. Cela aide à faire ouvrir des choses et à
avoir des contacts avec des intervenants des milieux hospitaliers, etc. C'est
très difficile. Nous sommes très Isolés.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je vous écoute
et j'aurais des questions particulières à vous poser mais je n'ai
pas le temps. Je vous tes poserai le plus rapidement possible. Vous dites: Nous
ne sommes pas "priorisés" par les organismes régionaux. Dans le
fond, c'est cela. Vous faites appel à ce moment à Centraide et
probablement a vos municipalités qui peuvent vous aider et
peut-être à votre député qui doit vous appuyer, je
l'espère. Dans ce contexte, vous faites certainement des demandes
à d'autres instances. Il y a l'Office des personnes handicapées
qui petit vous être utile. Je ne sais pas ce que vous avez comme
réponse de ces organismes. Normalement, vous avez aussi ce qu'on
appellalt autrefois la FOBAS mais à cause du changement de nom du
ministère ce n'est plus la même chose. C'était la
Fédération des organismes bénévoles du
ministère des Affaires sociales du Québec. Il y a un budget
quelque part qui sert certainement pour vous. Avez-vous fait appel à ces
organismes? Quelles sont les réponses, si ouf, que vous avez
reçues?
Mme Pépin: D'accord, la Fédération des
organismes bénévoles, à un moment donné, je ne sais
pas si c'est le soutien aux organismes bénévoles, je suppose que
c'est à peu près la même chose, on avait fait une demande
par rapport au maintien à domicile. Sauf qu'ils nous ont refusés
parce que nous ne répondions pas aux critères. Pour eux, nous
n'étions pas du maintien à domicile. Cette année, nous
avons fait une autre demande pour nous aider en ce qui a trait à notre
atelier de travail en termes de nous aider en tant qu'organisme communautaire.
J'attends la réponse. C'est le député, M. Audet, qui a
suggéré d'aller là. En ce qui a trait à l'Office
des personnes handicapées, j'ai fait des démarches depuis
à peu près deux ans. Je les al relancés constamment.
Encore avec eux, on ne répond pas aux critères. Nous avons trop
de clientèles diversifiées. Nous, nous ne voulons pas pour notre
client installer un téléphone dans son automobile. Ce n'est pas
cela que nous voulons. C'est qu'on puisse, par le biais de l'office, avoir des
Intervenants pour venir directement dans notre atelier pour aider ces gens
quand ils sont en situation de crise et quand ils ne sont pas capables de vivre
dans la société. L'Office des personnes handicapées va
subventionner des centres de travail adapté et des salaires pour des
gens, de l'équipement, des éducateurs dans les écoles au
niveau scolaire et ils disent qu'ils ne veulent pas nous aider parce que nous
sommes un organisme de services. Je trouve qu'il n'y a pas de logique.
M. Jolivet: Moi non plus. Je trouve qu'il y a quelque part des
difficultés de compréhension. Le CLSC, normalement, devrait
être un lieu pour aider à amener ces organismes, que ce soit
l'Office des personnes handicapées, que ce soit le ministère de
la Santé et des Services sociaux par l'Intermédiaire des
organismes communautaires, à faire en sorte qu'au moins il y ait quelque
chose qui sorte. Centraide va vous aider parce qu'Us considèrent qu'il y
a un besoin certainement. Dans ce contexte, Il devrait y avoir d'autres
personnes et d'autres organismes qui devraient vous aider.
Je vous poserais une dernière question qui est la suivante: Dans
le rapport Harnois on dit que des organismes comme le vôtre devrait aller
chercher 10 % du financement dans le milieu. Il est évident que vous me
dites si j'ai zéro actuellement multiplié par deux cela va me
donner zéro. La ministre, comme nous, à cette question l'autre
jour, a dit: II va falloir qu'on regarde l'ensemble et qu'on arrive à
faire en sorte qu'il y ait des critères autres que ce chiffre
mathématique. Je pense que ce serait la logique même. Mais,
vis-à-vis de cela, il me semble qu'il y a quelque chose qui ne va pas.
Alors, j'amerais savoir ce que vous pensez des 10 % à aller chercher
dans le milieu.
Mme Pépin: Nous faisons des campagnes de financement
occasionnellement. Ce n'est pas un problème d'aller chercher 10 %. C'est
une question de survie, notre campagne. Justement, en 1986, on avait un
véhicule pour voyager nos gens, parce qu'on n'a pas de service de
transport adapté non plus. On est allé chercher 20 000 $ par le
biais d'une campagne de financement pour se payer un bus pour voyager nos gens.
Ce n'est
pas un problème en soit, aller chercher auprès des
clients...
C'est juste que, quand c'est ta base de survie, cela demande tellement
d'énergie qu'à un moment donné tu n'es plus capable.
À un moment donné, tu lâches tout. Ge n'est pas possible.
Il faut que tu prennes des vacances trois ou quatre fois par année,
parce que tu n'es plus capable. C'est le fait d'être tout seul et d'avoir
tous ces gens-là sur ton dos. Tu veux les aider. Tu sais comment les
aider, mais tu n'es pas capable de les aider et cela, c'est extrêmement
déroutant. Quand tu vois que tu n'aides pas quelqu'un et que le bonhomme
se ramasse en institution, tu ne peux pas le prendre.
M. Jolivet: Surtout que, s'il s'en va là, c'est plus
dispendieux pour la société que le service que vous rendez.
Mme Pépin: En plus.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion.
M. Jolivet: Je vais conclure en vous disant que j'espère
que ce que vous venez de nous dire va Inciter les gens qui vous
écoutent, en ce qui concerne les décisions à être
prises, à faire en sorte que vous ayez au moins d'abord, au
départ, le moyen de vous faire entendre. Cela en est un aujourd'hui; il
devrait en avoir au niveau régional et il me semble que le CLSC devrait
être le lieu pour permettre l'expression de vos besoins pour que le
CRSSS, les CSS et tous les autres organismes incluant le ministère
puissent regarder votre organisme comme étant quelque chose qui est un
organisme à but non lucratif, alternatif aux besoins du réseau et
que, à ce moment-là, vous soyez aidés, parce que je trouve
que - j'ai des groupes dans mon coin qui organisent les mêmes choses -
cela n'a pas de bon sens qu'on ne vous vienne pas en aide.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Châteauguay, vous aviez une question?
Mme Cardinal: Merci, M. le Président. J'aimerais savoir si
vous ne considérez pas que la problématique des associations
comme la vôtre, c'est effectivement d'avoir à répondre
à une multitude de demandes étant donné que dans les
régions - parce que, moi, j'ai eu à vivre cela - les parents qui
y voient une alternative ou une possibilité d'avoir des services ont
recours à vous. Moi, j'ai eu même des gens avec
cécité, des semi-voyants, pour qui on n'avait pas de services
pour répondre, mais dont on devait s'occuper et, effectivement, on n'a
pas toujours les ressources du milieu. Également, vous mentionnez,
à la page 3, les parents qui ont vécu cette problématique
pendant 15 ou 20 ans et qui, subitement, voient cette lueur au bout du tunnel.
On vous lance un peu - on vous remet, c'est-à-dire - la
problématique entre vos mains. Par la suite, avez-vous la collaboration
des parents dans un cheminement pour trouver d'autres alternatives ou d'autres
ressources du milieu - je parle toujours du milieu - pour vous aider à
trouver des solutions à ces multiples problèmes? Dans vos
régions comme dans d'autres, il y a beaucoup de types de
problématiques. Je vais jusqu'à cécité, parce que,
que ce soit en déficience légère, que ce soit en
déficience profonde, que ce soit des handicapés qui deviennent
dans l'isolement problématiques psychologiquement, que ce soit
même des semi-voyants ou des voyants... Alors, je pense que c'est
là...
La majeure partie des associations comme la vôtre, lorsque vous
vous regroupez, est-ce que c'est là que vous trouvez la
problématique?
Mme Pépin: En ce qui concerne les parents, tu as à
peu près deux ou trois directions qu'on peut voir. Il y a des parents
qui délaissent complètement, parce qu'ils ne veulent plus rien
savoir. Ils ont tout donné ce qu'ils avaient à donner et ils ne
sont plus capables. D'eux autres, il n'y a plus moyen d'avoir rien. Tu as les
parents qui se sentent beaucoup concernés par le problème, qui
vont nous aider. Ils vont donner un coup de main. Mais ils vont moins aider la
personne en particulier, parce que s'ils étaient capables de faire ce
qu'ils veulent avec la personne et s'ils avaient toutes les
possibilités, ils ne viendraient pas chez nous. S'ils viennent chez
nous, c'est parce qu'ils sont dépassés. Tu sais, à un
moment donné, ils ne savent plus où se garrocher, ils ne savent
plus qui peut les aider et ils sont complètement dépassés.
Ge ne sont pas juste les parents. Souvent, les intervenants seront aussi
complètement dépassés. Ils font face à une
clientèle et ils ne savent pas comment y répondre, surtout dans
des cas de personnes nouvellement handicapées ou des cas psychiatriques.
Ils ne savent pas... (11 h 30)
Parfois, on dirait que les intervenants font une distinction entre le
problème de l'individu et la personnalité de l'individu.
L'individu reste toujours une personnalité unique et il reste toujours
un individu qui a droit à l'estime. On n'a pas à dire à
quelqu'un qui est un cas psychiatrique: On va régler tout cela pour toi,
mais tu n'as pas un mot à dire. Mais cet Individu a encore la force, est
encore capable de parler et de décider de sa vie. De quel droit peut-on
arriver à le mettre complètement de côté et
décider de traiter sa maladie ou son handicap? Que fait-on de
l'individu? Il est encore là et il est encore capable de penser. Si tu
parles à quelqu'un en lui disant: Je vais t'hospitaliser... Mais si tu
parles aux parents ou à n'importe qui à côté mais
pas à l'individu, il n'est plus capable de comprendre lui, il est
malade, cela n'a rien à voir.
Mais, quant aux parents, on a de l'aide selon qu'ils sont capables et
selon qu'ils ne sont pas trop dépassés et pas complètement
noyés
dans ce problème.
Mme Cardinal: Quant au partenariat, croyez-vous que les parents
auraient un rôle à jouer en étant assurés d'un
certain soutien? Parce que qui connaît mieux son enfant que quelqu'un qui
a vécu pendant 20 ans avec lui? Il est certain qu'après 15 ou 20
ans on est épuisé physiquement, mais si on avait un soutien... Il
faut dire qu'il y a les professionnels et ils sont importants. Mais en
décloisonnant et en apportant une collaboration par la base, comme je
dis toujours, parce que c'est le vécu qui est important.. Ce n'est pas
une personne ou un professionnel, aussi compétents soient-Ils, qui ne
vit que quelques heures avec la personne, mais ta famille qui a eu à
vivre ces choses et la personne elle-même, comme vous le dites... Comment
voyez-vous ce partenariat? Il pourrait être Important, mais en
commençant peut-être par la personne elle-même, la personne
concernée, les parents et, ensuite, les organismes qui viendront s'y
greffer. D'après vous, comment voyez-vous cela?
Mme Pépin: Disons que, si on prend des parents dont
l'enfant est nouvellement accidenté ou souffre d'une nouvelle maladie,
ils vont se référer nécessairement au centre de services
sociaux ou au CLSC, dépendamment s'ils veulent de l'hébergement
ou pas.
Si c'était le CLSC et le CSS, il serait Intéressant que
les gens se parlent et profitent de l'expertise des organismes communautaires
sur ce qui est arrivé avec d'autres personnes. Il serait
intéressant qu'ils aillent voir les parents et qu'ils leur exposent ce
qui se passe ailleurs et impliquent ces parents. Dans une deuxième
intervention, l'intervenant peut aller chez l'individu pour lui parler et
parler à ses parents. C'est ce qui serait intéressant. Il ne faut
pas oublier les organismes qui ont quand même une grande expertise
là-dedans. Parce qu'au sous-comité sur la santé mentale
dont je fais partie à Beauceville, j'ai apporté des
éléments à un moment donné qui ont
dépassé les Intervenants, parce qu'ils sont habitués dans
le milieu tellement structuré des hôpitaux et des institutions. Le
cas arrive, bien, ils vont le traiter en institution mais ce
bonhomme-là, quand il sort dans la rue, c'est autre chose. C'est de
cette façon-là que je le vois. Je ne sais pas si j'ai bien
répondu.
Mme Cardinal: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Je vous remercie d'être venue ce matin au nom
des gens que vous représentez. Je pense qu'il est important qu'on
entende des sons de gens qui sont dans le milieu et qui donnent des services
extraordinaires avec les moyens du bord, comme on dit, avec les
difficultés que cela comporte, avec les obligations que vous avez de
faire des campagnes de financement qui, dans plusieurs cas, grugent tellement
votre énergie que, finalement, à un moment donné, il y a
des gens qui se découragent et laissent tomber.
Je vous demande de ne pas laisser tomber, parce que les gens ont besoin
de vous autres. J'espère que votre message d'aujourd'hui sera entendu
par les personnes qui ont des décisions à prendre. Bonne
chance.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Également, je veux me joindre aux propos
du député de Laviolette pour vous remercier de votre
mémoire qui nous rappelle la réalité vécue par les
gens. Je voudrais simplement, en terminant, vous dire que toute la question du
financement des organismes bénévoles, ceux qui vous ont
précédés l'ont soulevée aussi. Cela naît
rapidement de partout. L'Implication des bénévoles,
c'est-à-dire qui ne reçoivent pas de rémunération
dans tous ces organismes, il est difficile aussi de la discerner
véritablement. On n'a pas vraiment d'étude sur la
persévérance des bénévoles. Finalement, est-ce
qu'on se retrouve avec un ou deux permanents qui sont payés à des
salaires dérisoires? Là-dessus, je ne me fais pas d'Illusion.
Finalement, l'aspect bénévolat s'effrite assez rapidement. Ou
encore est-ce qu'on donne les moyens de faire vivre le bénévolat
ou de le garder actif?
On est placé devant... Pas sur la valeur des services
communautaires, etc. Parfois, j'ai l'impression qu'il va falloir examiner de
plus près dans quelle direction on va et peut-être choisir les
cibles précises qu'on va aider. Chacun qui vient demander une subvention
- et cela ne s'adresse pas à vous - vous regardez cela et vous dites:
Oui, c'est vrai, ce serait bon. Au premier contact, il n'y en a aucun qu'on
peut refuser. Je pense que c'est l'expérience que les
députés ont aussi dans leur comté.
Généralement les gens qui leur demandent d'appuyer leurs demandes
auprès du ministre, c'est dans ce sens-là. Cela reste un
problème complexe que nous examinons présentement
Mais, entre-temps, je vous remercie pour votre travail et comme on dit:
Ne lâchez pas! Merci.
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales remercie l'Association des handicapés de Sainte-Marie
de Beauce et invite le prochain groupe. Mademoiselle?
Mme Pépin: Est-ce que je pourrais ajouter un mot? Ce ne
sera pas bien long.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie. Mme
Pépin: Dans le bénévolat, c'est officiel
que les gens changent beaucoup. Quand Ils voient des organismes, que ce
soit le nôtre ou plusieurs autres, qu'ils ont tellement de besoins, ils
donnent beaucoup d'énergie à un moment donné et, tout
à coup, ils ne sont plus capables. Par contre, si vous voulez savoir
réellement ce qui se passe au niveau des organismes communautaires comme
le nôtre et que vous voulez avoir un bon "feed-back", il y aurait
Centraide qui finance beaucoup d'organismes comme nous et qui a à
déterminer si, oui ou non, elle aide cet organisme plutôt que tel
autre. Pourquoi et comment? Je pense qu'elle pourrait donner un bon coup de
main là-dessus. Merci.
Le Président (M. Bélanger): On vous remercie. Nous
Invitons les représentants du Service aux handicapés auditifs qui
sont M. Jean Phaneuf, agent de relations humaines et intervenant au Service aux
handicapés auditifs, et Mme Ariette Prud'homme, responsable au Service
aux handicapés auditifs à l'intérieur du CSSMM.
Je vous en prie. Vous avez 30 minutes, c'est-à-dire 10 minutes
pour la présentation de votre mémoire et 20 minutes pour les
questions de la part des parlementaires. Je vous prierais d'abord d'identifier
votre porte-parole et de bien vouloir procéder.
Service aux handicapés auditifs du
CSSMM
M. iserie (Jean): Je m'appelle Jean Iserie. Je travaille, comme
mes collègues, au Centre de services sociaux du Montréal
métropolitain, plus particulièrement au bureau des services
sociaux centre-nord. En ce qui concerne Mme Prud'homme et M. Phaneuf, ces deux
personnes travaillent plus précisément au Service aux
handicapés auditifs.
Notre petit mémoire porte sur la communauté sourde de
Montréal et les problèmes de santé mentale. Nous ne
connaissons pas trop les procédures. Nous nous sommes permis, M. le
Président, de modifier légèrement le rapport qui vous a
été remis. Il n'y a pas de modification sur le contenu, mais
beaucoup sur la forme. Je demanderai à notre collègue, M. Jean
Phaneuf, de vous en distribuer des copies.
Je profite de l'occasion pour présenter plus
particulièrement Mme Ariette Prud'homme, qui est la responsable du
Service aux handicapés auditifs au CSSMM et qui a une expérience
longue et riche dans le réseau des affaires sociales. Elle a
fondé différents services sociaux dans différentes
sociétés, des infirmières visiteuses, des services de
maintien à domicile du Montréal métropolitain. Elle a
été directrice de succursale à la Société de
service social aux familles et, depuis cinq ans, elle dirige le Service aux
handicapés auditifs du CSSMM. À partir du moment où elle a
accepté cette responsabilité, elle a appris, et très
rapidement, le langage gestuel. Il en est de même de notre
collègue, M. Jean Phaneuf, qui, avant de travailler au Service aux
handicapés auditifs, a été psychoéducateur dans
différents centres d'accueil. Il est au Service aux handicapés
auditifs depuis cinq ans. Je veux tout simplement souligner qu'il a
récemment écrit un livre que le Conseil québécois
pour l'enfance et la jeunesse a publié, cela portait sur le suicide:
L'intervention en situation de crise.
On a parlé des deux personnes qui sont les plus expertes au CSSMM
pour présenter les problèmes de santé mentale et la
communauté sourde. Je voudrais dire quelques mots sur ce Service aux
handicapés auditifs au CSSMM. C'est un tout petit service aux grandes
responsabilités. Il y a un nombre très limité de personnes
qui y travaillent, cinq postes et demi d'intervenants, avec deux postes
administratifs. C'est également un service qui gère un programme
d'interprètes. Ce service couvre toute la région 6A. Il a la
même mission qu'un CSS, mais réduite à une
communauté particulière, la communauté sourde,
c'est-à-dire que ce Service aux handicapés auditifs dessert non
seulement les familles, les enfants, les Jeunes adultes, les adultes et les
personnes du troisième âge. je peux même dire qu'il
reçoit également des représentants de différentes
communautés culturelles qui viennent d'un peu partout et qui arrivent
aussi quelquefois avec des handicaps de surdité.
Enfin, la raison qui nous amène à être ici, ce
matin, tenait au fait que dans le rapport Harnois on a noté qu'il n'y
avait aucune référence explicite, je dirais même implicite,
à la communauté sourde et aux problèmes de santé
mentale de cette communauté. Aussi le service vous a donc
présenté un bref rapport. Je demanderai à Mme Prud'homme
de nous communiquer les réactions générales qui sont en
début de ce rapport. Par la suite, Jean Phaneuf présentera plus
particulièrement les recommandations que nous suggérons à
la commission parlementaire. Merci.
Mme Prud'homme (Ariette): Mme la ministre, M. le
Président, mesdames et messieurs les députés. Notre
recommandation porte tout particulièrement sur la catégorisation
des réseaux de services engagés auprès des personnes qui
présentent plusieurs problèmes. Dans le rapport on lit en page 99
ce qui suit: Les personnes aux prises avec de problèmes multiples. Outre
le réseau des services en santé mentale, les principaux
réseaux engagés auprès des personnes présentant des
problèmes multiples sont ceux de la déficience intellectuelle, de
la mésadaptation sociale et de la justice.
En tant que responsables du Service aux handicapés auditifs et
intervenants auprès des personnes sourdes, on réalise que la
problématique surdité et les réseaux de services
engagés auprès des sourds ont été omis. L'Incidence
d'un problème de santé mentale associée à la
surdité nous incite à formuler notre recommandation. Il est
impérieux de tenir compte de la population sourde et du réseau de
services adaptés à la
surdité à l'intérieur d'un programme de
santé mentale.
Peut-être vous posez-vous la question: Combien y a-t-il de sourds?
Statistique Canada, en 1986, dénombre 1 500 000 personnes qui
présenteraient un problème quelconque auditif et 200 000
personnes complètement sourdes. On aurait intérêt à
raffiner ces données pour en connaître l'incidence et à
Montréal et pour la province de Québec et aussi à
s'entendre sur une définition de ce qu'est être sourd
complètement.
Une autre question qu'on peut se poser: Est-ce qu'il y a un lien entre
un problème de santé mentale et la surdité? L'Incidence
des problèmes de santé mentale chez les personnes sourdes a
été évaluée par quelques chercheurs. En 1966,
Rainer et Aitschuler ont démontré que les difficultés
d'adaptation sont très répandues chez les adultes qui souffrent
de surdité. Une enquête de Meadow et Schlisinger constate que 31,2
% des enfants sourds qui faisaient partie de leur échantillon
représentatif de grande taille souffraient de troubles affectifs
modérés ou graves selon l'évaluation faite par leur
enseignant Les recherches étant très peu nombreuses et aussi
anciennes, l'une d'entre elles remonte à 1966, les résultats sont
fragmentaires et l'ensemble de ces travaux ne peut nous éclairer en ce
qui concerne le domaine de la santé mentale chez les personnes
sourdes.
L'expertise en regard du psychodéveloppement de la personne
sourde est très peu développée. Notre expérience
nous démontre que très souvent on a étiqueté une
personne sourde de déficiente intellectuelle alors qu'il y avait
problème de santé mentale. Ceci crée un problème de
diagnostic et de traitement.
L'accès aux services pour les personnes sourdes est
limité. La surdité crée un problème de
communication. Dans la région 6A il n'y a aucun psychiatre dans le
secteur privé ou public qui communique en langage visuel,
c'est-à-dire qui peut s'exprimer avec l'oralisme ou la communication
signée. En plus du problème de santé mentale, la personne
sourde vit le problème de la communication. Ce problème est
tellement sérieux et grave que seules les personnes d'un niveau
d'Intelligence moyen ou supérieur et fortement stimulées dans un
milieu familial ou social peuvent arriver à s'actualiser. Je voudrais
aussi ajouter que la moyenne du niveau de lecture d'une personne sourde
profonde se situe au niveau d'une quatrième année. (11 h 45)
Comparativement au handicap visuel qui affecte la qualité de la
communication, le handicap auditif affecte toute la communication. La personne
handicapée visuelle utilise le même modèle de communication
que nous, alors que la personne ayant un handicap auditif a un mode de
communication qui lui est propre. On peut dire que toute personne peut
prêter ses yeux à un aveugle, mais seuls les Initiés
peuvent Interpréter en langage gestuel. Les
épiphénomènes mention- nés par le comité,
soit le suicide, les toxicomanies, la violence, l'alcoolisme, se retrouvent
également chez les sourds et induisent alors la notion
d'équité qui doit être retenue pour assurer la
disponibilité de services dans le champ de la santé mentale.
Nous sommes en accord avec le pro|et de politique pour autant que soit
reconnue, que soit nommée la problématique surdité et que
la programmation ultérieure tienne compte des recommandations
suivantes...
Le Président (M. Bélanger): il vous reste à
peine deux minutes. SI vous vouliez nous présenter les conclusions,
parce qu'on n'y arrivera pas, si vous permettez.
Mme Prud'homme: Cela va. C'est terminé.
M. Phaneuf (Jean): Rapidement, en ce qui concerne les
recommandations, le projet de politique en santé mentale souligne
à plusieurs endroits l'importance de l'accessibilité aux services
et le respect des droits fondamentaux des personnes aux prises avec des
problèmes de santé mentale.
Je vais aller rapidement. Nous recommandons que le ministère de
la Santé et des Services sociaux rende accessibles les services en
santé mentale pour les personnes sourdes en mettant sur pied des
services d'Interprètes afin de répondre aux besoins des personnes
sourdes, et aussi qu'on favorise à l'intérieur du réseau
en santé mentale la présence de personnes sourdes ou de personnel
familier avec le langage gestuel.
Deuxième recommandation. Nous recommandons l'élaboration
par le ministère de la Santé et des Services sociaux d'une
politique cohérente en matière de santé mentale et
surdité.
Troisièmement, nous recommandons que le ministère de la
Santé et des Services sociaux mette sur pied des tables
régionales de concertation permettant ainsi un regroupement de tous les
acteurs en surdité et en santé mentale, un partage des expertises
et l'identification des besoins véritables de la population sourde.
Quatrièmement, nous croyons que ce n'est qu'à la suite de
cette concertation que le ministère de la Santé sera en mesure de
désigner un établissement habilité à offrir des
services à une clientèle spécifique. Nous recommandons
donc que le milieu de la surdité soit consulté avant le choix
d'un établissement ou d'organismes désignés pour
répondre aux besoins de la communauté sourde. Les mandats et
responsabilités devront être clairement établis.
Cinquième recommandation. En regard de la formation des
intervenants du réseau en santé mentale, nous recommandons que le
phénomène de ta surdité et toutes ses complications
psychosociales fassent partie des programmes de formation et de
perfectionnement en - santé mentale. L'apprentissage du langage gestuel
par certains membres du personnel des établissements
et différents milieux devrait être encouragé et
favorisé par le ministère de la Santé et des Services
sociaux.
Sixième recommandation. Nous recommandons que te ministère
de la Santé et des Services sociaux développe des ressources de
répit - familles d'accueil, foyers, appartements supervisés -
pour personnes sourdes dont certains responsables seraient sourds ou devenus
sourds.
D'autre part, le ministère de la Santé et des Services
sociaux devra favoriser la création et le développement des
ressources et services pour tes clientèles multihandicapées, de
style surdi-cécité, déficience-surdité, avec
problèmes de santé mentale.
En dernier lieu, II nous semble que l'énoncé de la
recommandation 22 devrait identifier clairement la surdité comme
clientèle spécifique et se lire comme suit: "Que les conseils de
la santé et des services sociaux fassent état des
mécanismes de collaboration qui doivent être créés,
à l'intérieur comme à l'extérieur de leur
région, entre les réseaux des services de santé mentale et
les réseaux de la déficience Intellectuelle, de la surdité
- ce qui n'est pas présent actuellement dans la recommandation - de la
justice et de la mésadaptation sociale. "Que, consécutivement
à cette démarche, le ministère de la Santé et des
Services sociaux désigne les établissements et organismes
mandatés pour développer des expertises particulières de
même que la nature et l'étendue de leurs
responsabilités."
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier les porte-parole du Service
aux handicapés auditifs du CSSMM pour leur mémoire. Je pense que
vous venez de nous sensibiliser à un aspect particulier du
problème général de la santé mentale. Je dois vous
dire qu'en ce qui a trait aux enfants il me semble que les
pédopsychiatres sont justement sensibilisés à cette
difficulté du diagnostic différentiel. Un enfant arrive soft
parce qu'il ne parle pas, parce qu'il a un comportement bizarre ou
présente de l'agressivité. Dans ce domaine-là, les
pédopsychiatres, et ce, depuis plusieurs années - peut-être
ne sont-ils pas suffisants à l'intérieur du Québec pour
voir à tous ces enfants mais ils sont déjà
sensibilisés à cette dimension de la clarification de
l'étiologie de comportements déviants. Je ne serais
peut-être pas aussi pessimiste que vous là-dessus.
Je pense, quand tes personnes adultes sont sourdes et présentent
des problèmes de santé mentale, qu'on est peut-être moins
outillés pour ceux-là au plan du traitement qu'on devrait
l'être normalement. Je pense que dans le groupe de la fonction publique,
qui s'est présenté en premier ce matin, un des porte-parole a
beaucoup insisté sur cette question de communication gestuelle et autres
avec les personnes qui ont des problèmes de surdité.
Ce qui me frappe, par contre, dans votre mémoire - je ne sais pas
comment mes collègues réagiront - c'est ce que j'appellerais un
Isolement, ce qui m'apparaît comme un isolement accentué de ces
personnes. Il y a des personnes qui souffrent de problèmes de
comportements, de problèmes de santé mentale. Vous dites qu'il y
a des sourds parmi elles. Je suis d'accord qu'il y ait du personnel
qualifié pour répondre aux besoins de ces sourds mais, à
un moment donné, dans vos recommandations, vous nous entraînez
vers une compartimentation encore plus grande. Vous dites qu'il devrait y avoir
des tables régionales sur la surdité en santé mentale.
S'il y avait une structure de table de concertation régionale par
exemple, est-ce qu'on ne devrait pas s'assurer davantage que ta dimension de la
surdité y ait voix plutôt que de créer une autre table?
C'est une chose.
L'autre chose, un peu plus loin, c'est la recommandation d'une
institution qui pourrait être désignée comme recevant ces
personnes. C'est peut-être parce que j'ai mal perçu votre
mémoire mais j'ai l'impression qu'on s'en va dans une voie qui va
peut-être isoler davantage les personnes. Je pense qu'il faut que le
personnel à l'intérieur des établissements soit
qualifié, sensibilisé, etc. Mais j'ai un peu peur de cet
isolement que l'on pourrait faire d'un groupe particulier parce que. à
ce compte-là, on pourrait le faire pour... Je comprends que la
communication est particulièrement importante dans le cas de la maladie
mentale ou de la santé mentale et que la communication joue un
rôle important mais on pourrait aussi tenir le même langage
vis-à-vis des groupes ethniques, où la communication est aussi
difficile. On se dit qu'il faut trouver des personnes qui puissent communiquer
avec eux mais votre recommandation va davantage dans le sens de l'Isolement. En
tout cas, c'est peut-être ce point que j'aimerais que vous
éclairassiez, avec les points connexes.
Mme Prud'homme: À votre dernière remarque, quand on
mentionne qu'on doit désigner un établissement, je voudrais vous
donner un exemple. Vous savez que les sourds demeurent partout. La psychiatrie
est sectorisée. Si vous devez aller dans votre territoire, s'il n'y a
pas suffisamment de sourds, il est très difficile pour certains
territoires ou pour certains milieux de développer une expertise ou
d'avoir des Interprètes, au moment où les sourds vont s'adresser
là pour obtenir des services. C'est une réalité.
Mme Lavoie-Roux: Dans ce sens-là, je peux comprendre votre
point de vue.
Mme Prud'homme: Oui, c'est dans ce sens-là. Vous savez que
ta population est éparpillée. Est-ce qu'on ne pourrait pas
à ce moment-là avoir un endroit désigné où
on pourrait... Et je sais que cela crée un isolement, mais, par
la qualité des services et une réponse adéquate,
peut-être que l'isolement en serait réduit aussi.
Ensuite, vous parlez d'une table de concertation. C'est peut-être
la manière de le présenter, plutôt que d'isoler une table
de concertation en surdité. Mais il est vrai, tel que vous le
suggérez - c'est une bonne suggestion - que cela puisse être une
table de la santé mentale à l'intérieur de laquelle on
pourrait avoir des représentants des personnes oeuvrant auprès de
ta surdité. Des personnes, je souhaiterais que ce ne soit pas qu'un
Individu, mais qu'on soit quelques-uns à siéger autour de cette
table et qu'on y associe aussi une personne sourde.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Mme Prud'homme: Vous avez aussi parlé des
pédopsychiatres, je vais répondre la même chose. Vous
savez, si on va à l'hôpital Sainte-Justine, il n'y a pas
d'interprètes, mais de très bons pédopsychiatres. Je ne
suis pas sûre qu'on connaisse nécessairement la surdité. Le
Dr Massé est un excellent psychiatre, mais quand vient le temps
d'assurer le suivi, personne ne peut l'assurer, en termes de surdité. Ou
bien on procède par étapes et on propose des interprètes
et, après cela, ce personnel en pédopsychiatrie est un peu plus
sensibilisé aux problèmes de ta petite enfance en rapport avec la
surdité. Il y a des parents qui sont sourds et des frères et
soeurs qui sont entendants; ce n'est pas toujours des familles de sourds. Ces
familles-là présentent des caractéristiques bien
spécifiques aussi.
Mme Lavoie-Roux: La question que je me pose, pour réagir,
c'est jusqu'à quel point peut-on pousser la spécialisation? Quand
j'ai parlé des pédopsychiatres, c'était au point de vue de
l'établissement du disgnostic. Aujourd'hui, on est sensible au fait, par
exemple, que des enfants qui présentent des comportements d'enfants
autistes...
Mme Prud'homme: Oui.
Mme Lavoie-Roux: ...peuvent souvent, ou parfois en tout cas,
être des enfants sourds. Quand je parlais de diagnostic
différentiel, c'est dans ce sens que je l'entendais. Je pense que,
déjà, depuis bien des années, on est...
Mme Prud'homme: Oui.
Mme Lavoie-Roux: ...sensibilisés en psychiatrie infantile
à ce type de problème. Par contre, s'il s'agit d'un enfant
véritablement sourd, qui a des problèmes de comportement,
là, la question du traitement devient plus complexe selon... Parce qu'il
n'y a évidemment personne qui peut communiquer avec lui, d'une
façon gestuelle ou autrement. Généralement, ces
enfants-là sont amenés quand ils ont deux, trois, quatre, cinq,
six ans ou environ et quelquefois, quand le diagnostic a échappé,
ils peuvent venir un peu plus tard. Là, il peut se poser des
problèmes de ressources. Mais ce que Je voulais dire, c'est que...
Mme Prud'homme: Oui.
Mme Lavoie-Roux: ...quant au diagnostic, II me semble que...
Mme Prud'homme: Oui, j'ai compris.
Mme Lavoie-Roux: ...cela existe.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président Merci d'être
venus nous sensibiliser à une expertise que vous possédez dans le
domaine et aussi pour nous dire que le rapport Harnois n'y porte pas attention,
et cela vous préoccupe. Vous voulez faire en sorte qu'avec ta politique
de santé mentale que la ministre devra mettre sur pied - parce qu'on est
devant une ébauche, on est devant un document qui nous permet de voir le
futur - on n'oublie pas ce secteur dans les décisions qui seront
prises.
Souvent, parmi les gens qui viennent nous voir dans nos bureaux de
comté, des personnes sont sourdes, d'autres sont aveugles. Les parents
viennent nous voir et nous expliquent certains des problèmes qu'ils ont
eus. Vous êtes dans une grande région qui est Montréal;
d'autres sont dans des régions comme la nôtre et subissent des
difficultés encore plus grandes parce qu'ils n'ont pas de lieu de
référence où aller. Dans bien des cas, on a des enfants
qui. à l'âge de deux ou trois ans, ne partent pas encore et on a
l'Impression que c'est parce qu'ils sont têtus ou qu'ils ont de la
difficulté à apprendre et. finalement, on s'aperçoit,
après un certain laps de temps, que c'est parce qu'ils ne comprennent
pas, Ils n'entendent rien de ce qu'on leur dit. Dans ce sens-là, Il faut
avoir les moyens de dépister ces choses et permettre les correctifs qui
s'imposent.
J'ai connu une personne qui, à l'âge de trois ans, ne
parlait pas. Tout le monde disait: C'est parce qu'elle ne comprend pas du tout.
Finalement, quand on s'est aperçu qu'elle était un peu sourde
d'oreille, on a corrigé la situation par les opérations de
l'époque; cela date de longtemps. Elle est toujours restée avec
une certaine forme de handicap quand même, c'était une francophone
comme tout le monde, et on disait qu'elle avait un accent anglais, parce
qu'elle avait entendu parler anglais autour d'elle lorsqu'elle était
Jeune. Elle était d'un milieu franco-ontarien. Elle a vieilli avec cela,
c'est le problème qu'elle a connu parce qu'on n'a pas découvert
assez tôt son handicap. Dans ce sens, ne serait-ce pas au conseil de la
santé des régions de déterminer quels sont les services
qui
peuvent être plus nationaux que d'autres, à Montréal
ou à Québec? Dans nos propres régions, des fois cela ne
suffit pas. Devraient-Ils déterminer quelles sont les ressources qui
devraient être disponibles pour ces personnes? (12 heures)
Mme Prud'homme: C'est exact
M. Jotivet: Vous croyez donc que ce serait à eux de
déterminer cela. Là, quand vous parlez de lieux
spécialisés où il y aurait des personnes qui auraient un
contact gestuel, un contact écrit ou d'autres formes de contact, a ce
moment vous voyez que des pédopsychiatres ou des psychologues ou
d'autres personnes devraient être initiés à ces
problèmes et aussi aux moyens de répondre à ces
demandes.
Mme Prud'homme: C'est cela. Tantôt, vous disiez, oui, c'est
une bonne manière que le conseil régional soit
sensibilisé. Mais, tout comme pour la déficience intellectuelle,
je pense qu'il faut faciliter le regroupement de parents qui ont des enfants et
eux peuvent être d'excellents porte-parole aussi auprès du conseil
régional.
M. Jolivet: Mme la ministre faisait mention tout à l'heure
de l'autisme. Il y a justement des gens qui ont fait des pressions. Dans mon
coin il y a des enfants autistiques. On a de la difficulté auprès
du ministère de l'Éducation, par l'intermédiaire des
commissions scolaires, à donner un service à ces personnes.
Finalement, cela coûte tellement cher aux parents et eux n'ont pas les
capacités de supporter ce handicap et dans bien des cas ils demandent
l'institutionnalisation de ces enfants, ce qui est mauvais d'une certaine
façon. D'un autre côté, quels sont les moyens que vous
voyez entre les différents ministères pour permettre qu'on puisse
donner à ces enfants en particulier une éducation
appropriée à leur handicap?
M. Phaneuf: Je pense que c'est important aussi, dans la lecture
du rapport, de bien garder en tête que le Service aux handicapés
auditifs est un service pour adultes. Non, ce n'est pas vrai ce que je viens de
dire là! Non, Je m'excuse, c'est parce que je travaille avec une
clientèle, mais gestuelle sourde. Alors, il y a un besoin très
spécifique. Il y a des enfants mais particulièrement les enfants
sourds sont suivis soit par l'école ou des choses comme cela.
M. Jolivet: Disons que j'ai vu des cas comme ceux-là
où des enfants sourds ont été aidés par le
ministère de l'Éducation avec l'expérience qui a
été vécue...
M. Phaneuf: C'est cela.
M. Jolivet: ...l'Institut des sourds de Québec et qui leur
permet d'avoir quelqu'un qui les suit aux niveaux primaire, secondaire et
collégial, et là on est en train de négocier pour aller
jusqu'à l'université et pour leur permettre de continuer. Il
reste quand même que... On parlait de l'autisme comme un exemple
où on faisait des difficultés d'un certaine façon parce
que les écoles disent: On n'a pas le personnel requis pour donner cela
dans nos régions. Or, à Montréal II y a peut-être
plus de facilité de regrouper sans balkaniser un peu l'ensemble de ces
enfants, mais de leur permettre d'être dans des classes de leur
capacité ou à l'intérieur même de classes normales.
J'aimerais avoir votre opinion.
Mme Prud'homme: Pour répondre à votre question
d'abord, les tout-petits, il y a le diagnostic comme l'autisme et, dès
qu'ils sont dépistés sourds, il devrait y avoir des programmes de
stimulation précoce. Il y en a un à Montréal, à
l'IRD. Celui-ci pourrait être implanté dans les différentes
régions. Très tôt II faut commencer le dépistage
précoce. Par ta suite, après ce dépistage précoce
on pourrait utiliser tous les avantages du plan Bacon pour envoyer les enfants
en garderie, pour les stimuler à développer le langage et tout ce
qui est social. Après cela, comme vous le mentionniez tantôt, il y
a un débat, à savoir si on doit scolariser les enfants dans les
écoles spécialisées de sourds ou si on doit les
Intégrer dans des écoles d'entendants. Je pourrais dire aussi que
si les jeunes sourds ont pu accéder au CEGEP c'est parce que le CEGEP a
développé le service d'interprètes.
M. Jolivet: Vous êtes dans une région qui est
Montréal et vous représentez votre secteur. Compte tenu des
contacts que vous avez au Québec, est-ce que je pourrais savoir ce que
vous proposeriez si quelqu'un se présentait dans les CLSC au
Québec? Quelles sortes de services devrait avoir une personne sourde si
elle a un besoin urgent? Est-ce que cela veut dire dans votre esprit qu'il
devrait y avoir une personne capable de lui donner une réponse par les
gestes dans chacun des CLSC?
Mme Prud'homme: Non, non, ce n'est pas possible, même pour
Montréal. Je reviens à la question de tantôt, il faudrait
qu'on fasse exception de cette régionalisation de territoires de CLSC,
parce que, vous savez, dans un CLSC, s'il y a une personne sourde, cela va
être difficile de développer une expertise à
l'intérieur des services. Il faudrait plutôt nommer un
établissement le plus près, là où il y aura un plus
grand bassin de population sourde qui y vit et, là, développer
des services à l'intérieur de cet endroit et qu'en plus les
régions environnantes puissent venir s'alimenter et
référer les gens. Ces gens-là servent de points de
repère, de formation et de sensibilisation pour les autres.
M. Jolivet: Est-ce que ça pourrait être, au lieu,
disons, d'un établissement, dans le contexte
de discussion qu'on a jusqu'à maintenant, une sorte de ressource
alternative dans le milieu qui serait aidée?
Mme Prud'homme: Oui, j'ai dit.. Toute forme de ressource.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion.
M. Jolivet: En conclusion, je vous remercie de venir nous
sensibiliser aux problèmes que vous vivez de façon
particulière dans votre milieu. Vous nous dites: II ne faudrait pas
qu'on soit oublié dans ta future politique de santé mentale.
Maintenant, il restera à définir, dans te Québec et dans
les régions plus populeuses, quelle sorte d'aide pourrait être
apportée pour donner les meilleurs services possible à des
personnes atteintes de surdité grave, complète ou partielle.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux vous remercier. Une toute petite
question. Est-ce qu'il y a une diminution du nombre de sourds, de personnes
sourdes complètes, ou si. on reste toujours dans les mêmes
statistiques depuis X années?
Mme Prud'homme: II y a une réduction et cela s'explique
par l'amélioration des conditions de vie, par la prévention et,
vous savez, la médecine a développé
énormément de vaccins. Alors, la variole est en réduction,
les oreillons, la rubéole, toutes les maladies de la petite enfance ont
été presque éliminées.
Mme Lavoie-Roux: Les méningintes et toutes ces
choses-là, oui.
Mme Prud'homme: Là, Il reste encore les accidents à
l'accouchement. Mais c'est pas mal en réduction et, effectivement, le
nombre de sourds profonds, de sourds dont la surdité est survenue en
très bas âge est vraiment en réduction. Cela crée un
problème. Ils sont peu nombreux mais, d'un autre côté, leur
problématique est sévère et cela amène des
questions de budgets, de gestion et de planification.
Mme Lavoie-Roux: Bon, alors, encore une fois, merci, parce que
c'était la première fois qu'on était saisi
véritablement de la santé mentale reliée à des
personnes qui ont des problèmes de surdité profonde. D'ailleurs,
je pense que, si cela diminue à un bout, cela augmente à l'autre
bout avec le vieillissement. Évidemment, ce ne sont peut-être pas
des problèmes aussi profonds, mais ils ont aussi des problèmes de
santé mentale et d'adaptation chez les personnes âgées.
C'est un cas sur lequel on devra se pencher également. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bélanger): La commission remercie
le Service aux handicapés auditifs du Centre de services sociaux du
Montréal métropolitain et appelle à la table le
Comité de coordination en santé mentale de la sous-région
nord du Montréal métropolitain.
Ce Comité de coordination en santé de la
sous-région nord du Montréal métropolitain est
représenté par M. Daniel Boivin, organisateur communautaire en
CLSC, M, Pierre Cousineau, directeur du foyer de transition, Mme Diane Breton,
travailleuse sociale en centre hospitalier, Mme Ginette Chartrand, travailleuse
sociale en centre hospitalier, Mme Louise Beaudry, travailleuse sociale en
CLSC.
Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20
minutes pour faire la présentation de votre mémoire et il y a une
quarantaine de minutes dévolues aux parlementaires pour poser des
questions sur la compréhension de votre mémoire. Je vous prierais
d'Identifier d'abord votre porte-parole et, si d'autres Intervenants de votre
groupe ont à prendre la parole, de bien vouloir vous nommer, avant
d'intervenir, pour les fins du Journal des débats. Ils ne vous
connaissent pas et ils ne peuvent pas vous identifier. Alors, il faudrait vous
identifier, s'il vous plaît. Je prierais donc votre porte-parole de bien
vouloir nous présenter votre mémoire.
Comité de coordination en santé mentale de la
sous-région nord du Montréal métropolitain
M. Cousineau (Pierre): Pour la présentation du
mémoire, je prendrai la parole. Mon nom est Pierre Cousineau... Diane
Breton, Ginette Chartrand, Daniel Boivin et Louise Beaudry.
Notre mémoire, celui que nous vous avions soumis, a
été modifié, revu. On se permettrait de vous remettre des
nouvelles copies du texte revu et modifié.
Avant de commencer, nous voudrions vous prévenir de toute
ambiguïté possible que nous ne voulons véhiculer à
aucun niveau. Nous ne sommes pas des représentants du comité
"aviseur" ni d'une corporation ou d'une Institution spécifique,
même si les signataires de ce mémoire travaillent tous et toutes
dans différentes ressources auprès, très souvent, de la
même clientèle.
En tant que travailleuses sociales, psychologues, organisateurs
communautaires oeuvrant dans des CLSC, le centre d'intervention de crise, tes
ressources d'hébergement, les centres hospitaliers ou au CSS, nous nous
situons d'abord et avant tout comme intervenants en santé mentale de la
sous-région nord.
Il y a deux ans, la sous-région nord de Montréal
dispensait peu de services en santé mentale adulte, mis à part
ceux offerts par les centres hospitaliers et quelques groupes communautaires.
Avec l'arrivée du coordonnateur sous-régional en août 1985,
M. Jean-Marc
Antoine, différentes ressources ont été
implantées dans cette zone défavorisée à partir des
besoins recensés. La dynamique de la sous-région, ainsi que
l'Initiative du coordonnateur, permirent le rapprochement par le biais d'un
regroupement des différents intervenants nouvellement arrivés.
C'est donc la création du comité de coordination. Initialement,
ce comité fut impliqué dans l'Implantation des ressources
résidentielles de la sous-région, l'association Iris, qui
comprend quatre groupes d'appartements supervisés de vingt places chacun
et deux foyers de transition de huit places chacun. Graduellement, à
chaque création de service s'ajoutaient d'autres intervenants provenant
d'un milieu de jour et de soir, d'un centre d'intervention de crise, de trois
équipes de santé mentale en CLSC, le tout, avec la participation
des travailleuses sociales ressources en centre hospitalier et le coordonnateur
sous-régional rattaché au comité "aviseur". Cette
démarche de complémentarité et de solidarité marque
la volonté de ce comité de jeter les bases d'un fonctionnement
inspiré par le concept de partenariat en santé mentale.
À ce titre, nous présentons quelques réflexions
découlant de la lecture du projet de politique de santé mentale
pour le Québec. Le comité a exprimé que les propos du
rapport rejoignent les préoccupations quotidiennes des intervenants.
Spontanément, les recommandations contenues dans ce rapport
reçoivent notre appui unanime car le projet contient, outre un
énoncé de principe, des mesures concrètes ainsi qu'un plan
d'action réalisable. Nous sommes par ailleurs heureux de constater que
ce projet situe l'individu au centre de toute intervention. Plus
spécifiquement, nous appuyons fortement les recommandations touchant
l'information, les plans de services Individualisés, la nomination d'un
"ombudsperson", le programme de répit à l'Intention des familles
et des proches, de même que les plans d'organisation de services incluant
les ressources communautaires.
Sur le plan de l'Information, il nous apparaît important de
rappeler les recommandations 1 et 25, car un investissement dans le domaine
d'une Information précise et pertinente est un préalable à
l'implantation de projets spécifiques. La connaissance de notre milieu,
qui comprend les territoires des DSC Sacré-Coeur et Cité de la
santé, soit environ 600 000 personnes, nous indique que la population
est fort peu informée sur la santé mentale. Pourtant, il existe
une ouverture quant à l'Implication de la communauté dans ce
domaine. Nous pourrions citer les groupes de parents, de loisirs, de
défense des droits, d'entraide existant dans la sous-région. Nous
croyons que la diffusion de l'information visant l'acceptation par le tissu
social de la réalité de la personne ne peut être
réservée à une structure spécifique. À notre
avis, tout intervenant peut et doit participer à la sensibilisation du
milieu dans lequel il évolue. Ce milieu, par rétroaction, peut et
doit participer à la sensibilisation du réseau à sa
réalité quotidienne. L'exemple récent d'un CLSC de la
sous-région qui a organisé un colloque d'une journée sur
la problématique de ta santé mentale, où plus de 150
personnes ont participé, témoigne de cette
possibilité.
En ce qui concerne les plans de services individualisés, la
recommandation 2, II nous paraît fondamental d'appuyer unanimement la
recommandation du comité de politique de santé mentale tant sur
le principe qu'au sujet de critères devant présider leur
élaboration. Toutefois, nous tenons à souligner notre crainte de
voir ces PSI devenir une autre lourdeur administrative. Ces derniers doivent,
à notre avis, constituer un moyen et non une formule. Ces plans de
services éviteraient la stagnation d'un client dans une ressource,
l'évaluation de celui-ci à chaque porte d'entrée tout en
gardant bien à vue l'ensemble des besoins de l'individu. L'engagement
formel de l'ensemble des ressources à s'impliquer dans ces plans,
c'est-à-dire la clarification des critères et procédures
de référence, faciliterait le travail des intervenants tout en
évitant des frictions de structures. D'autre part, la présence
d'une personne-pivot permettrait d'assurer une continuité de
l'intervention et un partage essentiel de l'information. Le comité de
coordination s'est déjà engagé dans cette voie
préalable du développement des moyens d'harmonisation des
services offerts bien que la transcendance et la quotidienneté
éprouvent parfois une difficile cohabitation. (12 h 15)
Au sujet de la nomination d'un "ombudsperson" par région, nous
partageons la vision exprimée dans le rapport. Par contre, la
présence sous-régionale d'une telle personne nous apparaît
plus appropriée et réaliste. Toutefois, comme l'expérience
le démontre, il nous apparaît pertinent de ne pas associer un tel
rôle à une ressource spécifique. Ce mandat pourrait
être assigné à une personne provenant de la
communauté, quitte à lui adjoindre une expertise légale et
administrative.
À la lecture de la recommandation 5, le comité est fort
heureux de voir que les nombreux besoins des familles ont été
reconnus. En ce sens, nous sommes favorables, à la suite de ta
reconnaissance du conseil régional, à l'expérimentation
d'un programme de répit aux familles par l'utilisation des structures
existantes, tels les lits de dépannage des ressources
résidentielles. Selon nous, une telle expérience ne
nécessite pas un accroissement trop important des ressources humaines,
tout en permettant la vérification de certaines hypothèses et ce,
en attendant des budgets conséquents qui donneraient la
possibilité à des organismes, tels les groupes de parents, de
mettre en place et gérer ce programme.
Nous soutenons les recommandations 14, 15, 16 et 17 concernant la
légitimité et le financement récurrent des ressources
communautaires. Ces groupes ainsi dégagés de ta constante
recherche de leur moyen de survie pourront dès lors se consacrer
pleinement à leur rôle.
Finalement, nous nous attarderons sur la recommandation 18 qui
crée l'obligation d'un aménagement sous-régional de la
démarche de planification. Pour rappeler que notre réflexion et
nos actions tendent vers un réseau intégré de services,
notre comité désire donc statuer sur l'importance d'un des
éléments moteurs, à savoir les intervenants de la base,
peu Importe leur provenance, qui constitueront ces services. En ce sens, nous
pensons que notre connaissance du milieu peut contribuer à la
réalisation des plans d'organisation de services.
Oui, cette politique est un projet de société, oui, comme
intervenants de la sous-région nord, nous voulons participer à
cette démarche. Nous désirons centrer nos actions sur le
potentiel de chaque personne aux prises avec des problèmes mentaux, de
leur famille et de leurs proches.
Le Président (M. Doyon): Mme ia ministre de la
Santé et des Services sociaux, la parole est à vous.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président Je veux remercier
les représentants du - excusez-moi, je sais que vous venez de la
région nord de Montréal qui est la région où est
situé mon comté - Comité de coordination en santé
mentale de la sous-région nord du Montréal métropolitain.
Cela me fait particulièrement plaisir de vous accueillir parce que je
sais que, depuis une couple d'années, plusieurs initiatives ont
été prises, même si parfois elles sont difficiles. Est-ce
que je dois comprendre - ce n'était pas clair pour moi quand, à
la fin de votre mémoire, vous parliez de sous-régionalisation -
que vous êtes en faveur d'une planification au niveau
sous-régional plutôt qu'une planification régionale? Vous
tentez de répondre à cette question et vous ajoutez: Nous sommes
pour un plan intégré de services. Mais je n'ai pas
été capable de saisir si c'était...
M. Cousineau: Je pense que M. Jean-Marc Antoine, qui était
le coordonnateur, avait cette idée, au moment de la création de
ce comité, de mettre en place un réseau intégré de
services où on ferait, dans la mesure du possible, abstraction des
structures dont on fait partie et qui sont inévitables. Donc, essayer de
mettre en communication les intervenants. Dans ce sens-là, l'optique
sous-régionale de la planification est inévitable, à mon
avis.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Un autre point qui n'est pas clair. Je
pense que vous l'avez peut-être modifié quelque peu dans votre
deuxième mémoire, c'est la question des plans de services
individualisés. D'une part, vous craignez que cela ne devienne une
lourdeur administrative, mais d'autre part je pense que vous reconnaissez qu'il
y a moins de risques que les gens se perdent en cours de route ou que les plans
soient modifiés selon qu'un individu s'adresse à une ressource ou
à l'autre. Dans l'ensemble, le voyez-vous comme une mesure positive?
C'est évidemment un cadre de référence, il ne s'agit pas
d'imposer des critères stricts pour chaque plan individualisé qui
serait fait, mais d'assurer que, pour une personne donnée, il y ait
quand même une concertation pour définir un plan
individualisé de services pour cette personne.
Mme Chartrand (Ginette): Nous accordons une très grande
Importance à ta coordination des plans de services
Individualisés, dans le sens qu'on est tout à fait d'accord avec
les critères qui sont énoncés dans le rapport Cependant,
pour nous, finalement... Déjà, on travaille en comité de
coordination. Ce qu'on voudrait faire dans l'optique des plans de services
individualisés, c'est se servir de cette table de coordination et en
faire une table de concertation. À ce moment-là, il faudrait
élargir la table et voir s'ajouter des Intervenants d'autres ressources
qui ne font pas déjà partie du comité de coordination et
avec un nombre de coordonnateurs restreint, à notre avis, parce qu'on
considère que c'est important que le coordonnateur soit reconnu, qu'il
ait un certain pouvoir; sinon, on ne voit pas tellement où ses actions
pourraient mener.
Mme Lavoie-Roux: Je vous interromps parce que je ne vous suis
pas.
Mme Chartrand: Non?
Mme Lavoie-Roux: La façon dont vous décrivez cela,
on a l'impression que le plan individualisé de services devrait
être défini à la table de coordination
sous-régionale. Cela n'est pas cela que vous voulez dire.
Mme Chartrand: Non. d'accord C'est que nous, finalement, on
voudrait actualiser la planification des plans de services, mais, pour ce
faire, cela prend un coordonnateur. Des coordonnateurs, on ne croit pas qu'il
devrait trop y en avoir dans chaque sous-région parce qu'on accorde un
rôle important au coordonnateur du plan de services. C'est un rôle
important dans le sens que cela déborde de la seule fonction
d'actualiser la coordination; finalement, c'est une personne qui pourrait
ramasser, faire le recensement des besoins; c'est une personne qui pourrait
promouvoir l'approche réseau, etc. Finalement, cela nous amène
à un modèle de coordination spécifique parce qu'on sait
qu'il y a plusieurs modèles pour actualiser les PSI. Le modèle
que nous privilégions, c'est que cela nous ramènerait à
notre comité de coordination. Je ne suis pas sûre que vous suivez
plus...
Mme Lavoie-Roux: Je vous suis, mais je ne
suis pas sûre que je suis d'accord avec vous. Je vous le dirai
après.
Mme Chartrand: D'accord. C'est que cela nous ramènerait
à notre table de coordination, comme Je vous le dis, qu'on voudrait
élargir. Par ce fait, on travaillerait avec des intervenants qui sont
près de la clientèle. On pourrait, avec le recensement des
besoins, évaluer ces besoins, faire des recommandations. On pense que
cela aurait un Impact sur la planification de services, qui est une autre
recommandation, un peu plus loin. C'est qu'on trouve que, finalement, le
rôle de coordonnateur de plan de services, il peut irradier sur d'autres
fonctions, c'est comme interrelié à d'autres niveaux. On ne
voudrait pas comme le mettre sous une cloche de verre. On ne dénigre pas
et on n'accorde pas pour autant moins d'importance à la personne parce
que cette dernière demeure toujours le point central. On accorde aussi
beaucoup d'importance au fait que la personne participe à
l'élaboration de son plan de services.
Mme Lavoie-Roux: Vous êtes membre d'un comité de
coordination, j'avais votre titre exact, tantôt.
Une voix: Le comité de coordination.
Mme Lavoie-Roux: Le comité de coordination en santé
mentale de la sous-région.
Mme Chartrand: Oui.
Mme Lavoie-Roux: J'ai l'impression que vous voyez le plan de
services Individualisé comme une responsabilité
supplémentaire qui incomberait à ce comité de
coordination, auquel viendraient s'ajouter, dans un contexte élargi, des
coordon-nateurs de plans de services, alors que pour nous, ou du moins les
explications que j'ai eues du rapport Harnois, ce plan de services
individualisé, c'est au niveau de l'individu même, c'est au niveau
de l'établissement qu'il sert ou du service qu'il sert que cela doit
être établi. Je vois mal la nécessité de faire
remonter cela. Qu'il y ait un plan-cadre, je peux le voir. Alors, allez-y!
Mme Breton (Diane): D'accord, sur cela on s'entend bien, à
savoir que chaque personne est partie prenante de son plan de services. Quand
on parle de plan de services on inclut dans cela le plan de traitement qui est
fait plus à l'hôpital et le plan de services en
général qui touche tant les loisirs, les études, le retour
au travail et la panoplie de thèmes. Chaque client a son plan de
services. Le coordonnateur des plans de services, c'est là qu'on voit
qu'il faut qu'à un moment donné II arrive quelque chose à
une table. Si je suis coordonnatrice de 25 clients et que j'observe que ma
clientèle, finalement, bloque toujours sur le dossier de travail...
Quand je fais mes plans de services, cela va bien, quand j'écris cela
sur mon beau papier, sauf que dans ma sous-région par rapport au travail
il n'y a rien. C'est là qu'on voit la table de coordination où on
peut arriver et amener la problématique qui est: Bon, chez nous, on veut
bien actualiser les plans de services individuels de chacun, mais au niveau
général II faudrait faire quelque chose pour le travail parce
qu'il n'y a rien. Voyez-vous un peu la nuance? Il y a un plan de services
individualisé pour chaque personne. Mais un coordonnateur peut
coordonner plusieurs plans de services. Ce qui fait qu'il est à
même d'observer les failles, à savoir, je ramène encore
cela, qui est le travail. J'ai quinze clients, quand je fais te plan de
services avec eux les clients veulent aller travailler. À Laval, on n'a
rien. Alors, est-ce que je reste dans mon petit bureau à dire: Bien,
oui, ce n'est pas drôle, à Laval, il n'y a rien? Il me faut une
place pour aller dire cela, pour que ce soit acheminé et qu'on
développe des services.
Mme Lavoie-Roux: Ah oui! Ce dont je voulais être certaine,
même dans un établissement donné qui serait surtout
à caractère psychiatrique, dans votre région on pourrait
penser à Albert-Prévost, où évidemment il y a X
nombre de... Qu'une personne tout à coup soit responsable de coordonner
ou de voir à l'application de 40 plans de services
Individualisés, ce n'est pas ce que nous vouions. Une personne peut se
retrouver, parce qu'on lui a demandé de le faire ou qu'elle a
été désignée comme la meilleure personne pouvant
coordonner un plan de services individuel, peut-être avec dix, douze ou
quinze plans de services parce qu'elle a dix ou quinze personnes dont elle
s'occupe. Je comprends cela. Vous, ce que vous voulez, c'est que le besoin qui
pourrait être ressenti dans une sphère donnée soit
retransmis à une autre instance qui pourrait planifier dans une
sphère d'activité qu'on n'a pas prévue ou qui est mat
développée.
Mme Breton: Qu'il y ait une table où on peut amener le
recensement des besoins, c'est-à-dire des besoins manquants. De ne pas
seulement réaliser dans notre bureau que oui, je n'ai pas cela et je ne
peux pas actualiser le dossier de travail. Qu'il y ait une table de
coordination....
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que votre table...
Mme Breton: De coordination. C'est cela. Il y a
déjà une infrastructure. Ce dont on parie là, ce n'est pas
de créer de nouvelles choses. Il y a déjà quelque chose,
II y a déjà une Infrastructure existante.
Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il n'y a rien qui empêcherait
cela. Si on fait un plan de
développement pour une région ou une sous-région
cela doit évidemment comprendre toutes les sphères
d'activité ou les différents types de services qui seraient
requis. Ce qui ne veut pas nécessairement dire qu'ils pourraient tous
être développés au même rythme. Je pense que cela
reste la responsabilité de la région ou de la sous-région,
peu Importe, de ces comités de coordination. Je ne voudrais pas qu'on en
ajoute un autre.
Mme Breton: Non, non.
Mme Lavoie-Roux: On en a assez,
Mme Breton: Ce n'est surtout pas notre vu. L'autre question
aussi, c'est important. On a souligné cela fortement dans le rapport. Je
pense qu'il faut le redire. Il ne faut surtout pas que cela devienne un genre
de CPMSP pour ceux qui sont familiers avec cela. Si on embarque dans cela...
Des consoeurs travaillant dans un hôpital X à Montréal ont,
sans exagérer, quinze pages, parce qu'il y a des pians de services qui
sont déjà actualisés au niveau de la déficience,
pour sortir des objectifs, de s'ouvrir un compte de banque et l'autre ]e
l'oublie. Je pense que c'est la grande peur. Moi, j'embarque dans un plan comme
cela, Je trouve cela pertinent mais mon Dieu! si on s'embarque avec un dossier
à remplir et que tu passes trois heures dans ton bureau pour chaque
client Juste à remplir te papier et marquer quelque chose parce qu'il
faut bien que tu marques quelque chose, Je pense que c'est cela qui fait peur
à tout le monde. Mais entre cela et ne rien avoir non plus... Ce qui
ressort beaucoup du rapport c'est que chaque sous-région se donne des
couleurs. Cela peut être intéressant qu'on développe
ensemble des outils, mais régionaux, parce que c'est sûr, comme
Marie-Claire Le Toumeux le disait, à Baie-Comeau et à Laval, les
besoins sont différents. Mais je reste sceptique vis-à-vis cette
chose. (12 h 30)
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Vous parliez de développement
de services de répit. Vous dites: On serait prêt, si la
région le voulait, à voir quel est le système de
répit qu'on pourrait mettre en place pour les parents, en pariant de
places disponibles, que ce soit dans les établissements, que ce soit
dans les ressources intermédiaires ou autres. Est-ce que vous voyez les
services de répit pour les parents strictement en fonction de places
d'hébergement pour des périodes données ou si vous l'avez
envisagé sous d'autres formes?
M. Cousineau: On l'a envisagé, je pense. Le service, il
serait en deux volets, c'est-à-dire, une place d'hébergement pour
une période déterminée pour un enfant d'une famille et, de
l'autre côté, cela nous permettrait, Je dirais, pas d'offrir un
certain encadrement aux parents, mais d'essayer de les informer, de leur amener
plus d'informa- tion qu'ils n'en ont déjà.
Souvent, le problème rencontré par les familles, c'est le
manque d'Information sur la maladie mentale ou sur le fonctionnement de tous
les services. Le service que nous voudrions offrir, c'est qu'on permettrait
d'une part à la famille de se délester un peu de la charge en
prenant en charge l'enfant, l'individu concerné dans nos ressources
où là il serait encadré 24 heures par jour dans des
structures existantes, des ressources d'hébergement et, d'autre part, de
permettre à la famille de recevoir l'Information ou l'enseignement, si
on veut, qui lui permettrait de mieux assumer son rôle et moins vivre le
stress Inhérent à sa situation.
Mme Lavoie-Roux: Votre deuxième volet, c'est dans le sens
du soutien aux parents.
M, Cousineau: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Soutien psychologique ou enfin... Est-ce que
vous ne verriez pas comme une possibilité, plutôt que de
l'hébergement, que des personnes puissent assumer, au domicile de la
personne qui est malade, des services directement dans son milieu, plutôt
que de faire ce transfert vers une ressource extérieure, là
où c'est possible? Il y a peut-être des endroits où cela ne
l'est pas.
M. Cousineau: C'est une éventualité très
intéressante, sauf que la façon dont on le présente, c'est
qu'il y a des lits de disponibles dans le cadre des mesures de
désengorgement des urgences. Il y a eu la création du centre de
crise dans la sous-région et ce centre a mis en place un dispositif qui
a des tits un peu partout dans des familles d'accueil, dans les ressources
d'hébergement. Ces lits-là pourraient, après l'approbation
du conseil régional, servir, quand ils sont inoccupés, au
programme de répit aux familles, dans le cadre d'une
expérimentation.
Dans ce sens-là, cela nécessiterait peu de moyens
supplémentaires à ce qu'il y a déjà. C'est pour
ça qu'il avait été envisagé de cette
façon-là.
Mme Lavoie-Roux: Vous avez combien de lits dans votre centre de
crise?
M. Cousineau: Dans le centre en tant que tel, il y en a neuf,
mais dans le dispositif, il y en a vingt.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ces lits-là sont toujours
occupés à 99 %?
M. Cousineau: Je ne pourrais pas vous donner les chiffres
précis, parce que je sais que les gens du centre d'Intervention de crise
ont présenté ou sont sur le point de vous présenter un
mémoire. Mais les lits sont, de façon très
régulière, bien occupés. Il y a un taux d'occupa-
tion très élevé, sauf que, dans le cadre d'une
entente comme ça, le dispositif de crise pourrait voir à garder
un lit disponible pour une période précise,
déterminée à l'avance, pour tel client et telle
famille.
Dans ce sens-là, il y aurait moyen de... C'est sûr qu'on ne
pourrait pas mettre vingt lits ou vingt places disponibles maintenant. On
pensait plutôt à une place à chaque week-end, donc, une
place pour une personne à chaque week-end et on ferait le tour des
places disponibles dans...
Mme Lavoie-Roux: Alors, ce que vous dites, c'est que,
déjà, il y aurait un réaménagement qui pourrait,
dans un premier temps, permettre de faire une expérience de répit
sur une base régulière et prévisible pour les familles qui
en ont besoin.
M. Cousineau: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Il y en a d'autres qui veulent
vous interroger.
Le Président (M, Bélanger): M. le
député de Laviolette.
M, Jolivet: Merci, M. le Président. J'ai
écouté avec beaucoup d'attention ce qui a été dit
jusqu'à maintenant et j'ai l'impression que j'étais
mêlé un peu sur la question du plan de services
individualisé. J'ai cru comprendre jusqu'à maintenant, dans
toutes les propositions qui nous ont été faites sur ce dossier,
que beaucoup de gens craignaient que cela ne devienne une formule
administrative. Vous l'avez mentionné. Le fait d'avoir dix, quinze ou
vingt pages à remplir n'a pas de bon sens, alors que le but
recherché, d'après ce qu'on en a dit, n'était pas du tout
celui-là.
Il y a des groupes alternatifs qui nous ont parlé de services
individualisés dans la mesure où sont regroupés tous les
gens qui donnent le service, que ce soit un psychologue, un travailleur social
ou d'autres personnes qui, à partir du bon sens, déterminent en
tenant compte des affinités de la personne qui est devant eux et des
personnes qui ont à donner le service. Parce qu'on a souvent des choses
semblables dans des maisons de femmes. C'est normal. C'est humain. Une personne
arrive et, en termes de services, elle n'aime pas la face de quelqu'un, il vaut
mieux ne pas la mettre en sa présence et attendre plutôt et
l'insérer tranquillement dans le processus d'aide. Dans ce contexte, le
principe du programme de services individualisé, le plan, dans mon
esprit, avait pour but d'aider la personne à se découvrir quant
à ses besoins et quant aux intervenants, à y répondre le
plus adéquatement possible.
Ce que vous craignez, vous, parce que vous êtes dans le domaine,
dans le réseau et dans les groupes d'Intervention par coordination, vous
dites: On a assez vu autre chose qu'on a certaines craintes que cela devienne
une formule bureaucratique. En ce sens, je vous comprends. Dans la
deuxième partie, cependant, vous dites, et c'est à la page 4 de
votre mémoire que vous nous avez lu tout à l'heure: "La
présence d'une personne-pivot permettrait d'assurer une
continuité de l'Intervention et un partage essentiel de l'information."
Ce que j'ai cru comprendre au fond, c'est que vous disiez ceci: Nous avons des
personnes qui viennent nous voir. Nous leur donnons un service
individualisé dans les centres institutionnalisés, mais ce qui
manque, c'est une certaine forme de coordination entre ce qui a
été décidé pour tel type d'intervention ou pour tel
autre type. On s'aperçoit, comme vous le disiez très bien, que,
finalement, quand bien même je ferais un beau plan, ce plan va être
sur papier parce que si je l'envoie à la banque - je vous donne un
exemple -il n'y a pas de banque dans mon milieu, il n'y a que des caisses
populaires, je suis pris. Dans ce sens, il faut donc s'assurer qu'il y ait une
continuité quant au plan de services. Mais cette continuité doit
permettre aux gens de s'assurer que ce qu'on leur propose comme services
existe. S'ils n'existent pas et qu'on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de
demandes en ce sens, il faudra peut-être donner ce service par
l'intermédiaire des organismes qui sont dans votre milieu. Vous dites
que le fait de faire ce suivi, le fait de regarder l'ensemble des besoins fera
qu'on va demander à tel ministère, à tel organisme ou
à tel groupe alternatif, pourquoi Ils ne donneraient pas ce service. Il
y a plusieurs demandes dans notre milieu. Ai-je bien compris cette forme de
coordination que vous proposez? Donc, pas de question bureaucratique, mais
beaucoup plus un suivi nous permettant d'apporter des solutions aux
problèmes ou aux demandes faites par les plans Individuels.
Mme Breton: Je veux reprendre deux choses dans ce que vous avez
dit. Vous dites: On doit tenir compte de la personne. On doit plus que tenir
compte de la personne. En tout cas, dans le plan de services, il faut qu'elle
fixe ses objectifs dans la mesure du possible parce que ce que l'on constate
souvent comme intervenants, c'est que ce sont nos objectifs à nous que
l'on véhicule. Par exemple, le retour sur le marché du travail
d'ici à six mois. Bien ouf, mais si elle ne le veut pas... C'est donc
plus que de tenir compte de la personne. C'est d'en arriver à ce que de
plus en plus la personne s'implique. Cela veut aussi dire chez des Intervenants
de se poser de sérieuses questions. Mais c'est une autre partie parce
qu'on a toujours été formés à décider pour
eux. On a donc des choses à changer dans notre façon de
travailler.
Le plan de services est un moyen. L'objectif visé est de rendre
les personnes plus autonomes, plus responsables. Le moyen proposé est le
plan de services individualisé. D'accord, il est certain que cela peut
être dangereux si on s'embarque
dans des paquets de formulaires, mais, en tout cas, on a le souci...
Évidemment, si cela devient un projet gouvernemental, c'est ce qui
risque d'arriver. II y a certaines personnes ici, qui ont sûrement plein
de qualités, qui vont s'asseoir et qui vont nous pondre des documents
sauf que ce qu'on souhaiterait, c'est que ce soient les intervenants de la base
qui puissent élaborer une grille et que ce soit sous-régional,
encore là, pour ne pas faire des grilles pour tout le Québec. Je
pense que chaque sous-région aura sa couleur à donner. En disant
cela, j'ai perdu le dernier bout de votre question. C'était sur les
plans de services... Ah oui! La création d'organismes de services...
Ginette, veux-tu...
Mme Chartrand: C'est sur cela que j'insistais tantôt. Je me
dis: D'accord, un coordonnateur actualise un plan de services toujours
axé sur la personne, ses besoins, sur ce que ta personne veut faire
aussi, comme Diane vient de le dire, c'est très Important parce que
sinon, cela n'a pas de valeur. Ensuite, il faut ramasser cela, sinon je me dis
que cela reste sous une cloche de verre et tu ne fais plus rien avec cela. Je
trouve que c'est riche. C'est cela, le coordon-nateur de plans de services est
en position de faire des actions multiples qui vont justement, comme Je le
disais tantôt, collaborer, faire un recensement et II ramène ces
informations. Mais là, ce qu'on a pensé, c'est cela, de ramener
cela à une table de concertation qui est presque déjà
complète chez nous. Les gens en parlent ensemble. La valeur que cette
table a, c'est que, finalement, elle est composée d'Intervenants, des
gens qui sont proches de la réalité et qui vont recommander des
choses qui collent encore à la réalité et aux besoins.
M. Jolivet: Est-ce que je pourrais poser une question pour mieux
comprendre? Vous êtes le Comité de coordination en santé
mentale de la sous-région nord du Montréal métropolitain.
Vous avez un organisateur communautaire, un directeur de foyer de transition,
deux travailleuses sociales en centre hospitalier et une travailleuse sociale
en CLSC, ceux qui sont ici ce matin. Vous faites partie d'un comité de
coordination, mais vous êtes super quelque chose...
Une voix: Non.
M. Jolivet: Si tu es dans un CLSC, à l'intervention que
vous devez faire au moment où vous recevez la personne, un
comité, un groupe ou un travailleur social doit l'évaluer ou
d'autres choses semblables. Si on est dans un centre de transition, c'est autre
chose. Si vous faites une forme de coordination actuellement au-dessus de cela,
c'est que vous vivez quotidiennement dans chacun de vos secteurs
d'activité. Dans vos secteurs d'activité, quand vous allez
recevoir quelqu'un, si vous voulez évaluer ses besoins, vous allez tes
évaluer en tenant compte de ce que vous êtes dans le milieu. Vous
dites dans votre texte: "La présence d'une personne-pivot permettrait
d'assurer une continuité de l'intervention...* D'abord, qui est cette
personne-pivot? C'est le coordinateur dont vous avez fait mention tout à
l'heure? Qui nomme cette personne-pivot? En fait, qui est-elle? Je voudrais
bien comprendre ce que vous voulez dire par là.
Si je me souviens de groupes qui sont venus me voir comme groupes
alternatifs, ils ont leur système de fonctionnement et dans ce
système, les gens se réunissent et la personne qu'ils doivent
aider à préparer son plan individuel - il faut qu'elle soit
aidée dans certaines circonstances - en fin de compte, elle fait son
programme Individualisé qu'elle veut avoir et on la met en actualisation
et on lui donne les moyens d'arriver à la finalité qu'elle
recherche. Cela se passe dans un groupe alternatif. Dans un centre hospitalier
où il y a des personnes qui ont des difficultés mentales, il y a
d'autres personnes, des psychologues, des psychiatres et toutes sortes de gens
qui travaillent, chacune dans leur spécialité. Mais où se
trouve cette personne-pivot? Que fait-elle? Et qui la nomme?
M. Cousineau: Je vais essayer de faire la clarification. On dit
à la page 62 du rapport: "...l'exercice de la nécessaire fonction
de coordination, pour chacun des PSI..." Donc, chaque individu qui souffre de
troubles sévères, c'est cité au début. Pour chaque
individu est dessiné autour, et dans la mesure du possible par lui, un
plan de services. Cet Individu détermine une personne qui est la
personne-pivot qu'on appelle coordonnateur du plan de services. Dans cette
optique, c'est complètement en aparté au comité de
coordination. L'Individu, avec lui et autour de lui, on essaie de
déterminer les services dont il aura besoin et une personne sera
nommée pour coordonner ce plan de services. Où intervient le
comité de coordination qu'on a en place? C'est de mettre en commun les
besoins de ces personnes qui coordonnent ces plans de services, qui ont
à négocier tes services pour les Individus. (12 h 45)
Mme Beaudry (Louise): Peut-être pour vous donner un exemple
concret. Moi, je travaille dans un CLSC. Quand j'ai commencé,
j'étais dans le projet du désengorgement des urgences, dans une
équipe de santé mentale. Quand j'ai commencé, je suis
arrivée dans la région, à Montréal-Nord, je ne
connaissais pas... Je les connaissais parce que j'avais déjà
travaillé dans le milieu, mais, finalement, je n'étais pas en
contact avec les autres ressources du milieu. J'ai été
Invitée à aller à cette espèce de comité,
où on n'a pas un pouvoir décisionnel, où on est tous
là des intervenants qui travaillons concrètement avec la
clientèle. Mol, dans le CLSC, je reçois des Individus; un autre,
c'est concernant l'hôpital, un autre pour ce qui a trait aux familles
d'accueil ou au centre de crise; ensemble, on met
nos ressources en commun: Qu'est-ce que vous faites chez vous? Quels
services offrez-vous?
Un exemple concret Si je regarde le CLSC de Ahuntsic, les gens avaient
déjà commencé un travail avec un groupe de parents et amis
de psychiatrisés. On est à côté, on est
collé; ce qu'on a dit: D'accord, nous, on ne fera pas ce
groupe-là parce que, à ce moment-là, la clientèle
qui aura besoin de ce service, on va la référer chez vous. Comme
je connais directement l'intervenant, je fais le contact
téléphonique et c'est beaucoup plus facile. On évite de
dédoubler des services et cela nous permet de dire: II n'y a personne
qui répond à tel service, qu'est-ce qu'on peut mettre en place?
Je pense que, par rapport à un coordonnateur d'un plan de soins, ce
qu'on veut, c'est qu'il ait ce rôle. Ce qu'on dit, c'est que
peut-être il doit avoir quelque part assez de crédibilité
pour que, quand il arrive et qu'il dit: Par rapport à telle personne,
moi, cela fait trois ou quatre personnes dont je m'occupe et qui ont cette
difficulté, qui va répondre à cela... On est tous des gens
qui travaillons dans le milieu, il va falloir qu'on dise: Lequel va
créer quelque chose ou qu'est-ce que l'on va faire par rapport à
ce besoin? Est-ce que c'est plus clair?
M. Jolivet: Oui. Cela m'éclaire quant à deux
choses. Il y a d'abord le plan de services individualisé, qui est une
chose, et le plan d'organisation des services, qui est autre chose. Là,
j'avais l'impression que vous vouliez faire les deux à partir du plan
individuel.
Mme Breton: Cela pourrait se faire. Dans l'infrastructure qu'on
a, cela pourrait se faire. Si des plans de services individualisés...
Qu'il y ait un endroit où on peut ramener les besoins parce que les
besoins vont être recensés quand les plans de services vont
être faits. Alors, au lieu de les garder dans nos bureaux, dans nos
classeurs, qu'il y ait un endroit... On n'a pas à la faire, elle est
là. SI elle n'avait pas été faite, on aurait
peut-être trouvé d'autre chose. Il y a déjà une
structure qui est là, alors on pourrait ramener cela là où
il y a des intervenants qui offrent des services dans toute la
sous-région.
M. Jolivet: J'avais compris que la question d'"être sous la
cloche", cela voulait dire qu'on garde cela chez nous et on n'en parle à
personne...
Mme Breton: C'est cela.
M. Jolivet: ...de telle sorte qu'on ne donne pas notre
expérience aux autres.
Mme Breton: C'est cela.
M. Jolivet: C'est de cette façon que je l'avais comprise.
Donc, il y a une première chose. Il y a un plan de services qui est
Individualisé, qui se fait dans chacun des établisse- ments. Il y
a une personne qui coordonne tout cela, on l'espère, parce qu'il ne
faudrait pas que tout le monde soit responsable de tout, de telle sorte que
rien ne se fait.
Une voix: C'est cela.
M. Jolivet: Comme des gens nous le disaient, ce qui arrive
à la fin, c'est que l'autre se décharge en disant: Ce n'est pas
ma responsabilité, c'est la tienne.
Une voix: C'est cela.
M. Jolivet: II faut donc que quelqu'un coordonne l'action dans
chacun des établissements.
Une voix: C'est cela.
M. Jolivet: Une fois qu'on a fait cela, il faut que ces
personnes-pivots, que vous nommez dans chacun des plans individuels, se
rencontrent de temps en temps par une structure qui leur permette de
véhiculer ce qu'elles font chez elles et ce qui se fait ailleurs, pour
ne pas dédoubler les services et, en même temps, vivre de
l'expérience de l'autre dans nos milieux respectifs.
Mme Breton: Vous avez bien compris parce que cela est bien
compliqué! On a travaillé un an au CSS, avec Marie-Claire, pour
essayer de comprendre les plans de services et ce n'est peut-être pas
encore bien clair dans notre tête, mais plus on va y penser, plus cela va
se clarifier. On va peut-être essayer d'actualiser certaines affaires et
on se réajustera après.
Une petite parenthèse à cela. Le coordon-nateur - on ne
voit pas cela dans le texte - il va falloir qu'il ait un pouvoir quelque part
parce que si... Si on prend le fait que le coordonnateur identifie, par
exemple, plusieurs de ses clients à chaque fois qu'ils vont au foyer de
transition, il y a toujours quelque chose qui accroche. Cela ne marche pas. Si
je suis coordonnatrice, de quel pouvoir vais-je pouvoir aller dire au
directeur: Écoute, il y a des affaires dans ta ressource, cela ne
fonctionne pas? Il va dire: Tu sais... Je pense que, quelque part, il falloir
que les coordonnateurs... Il y a une recherche qui a été faite.
Aux États-Unis, les coordonnateurs ont un pouvoir, à savoir que,
lorsqu'on évalue avec les responsables des services qu'il y a quelque
chose qui ne va pas, il faut quelque part être entendu; dans ce
sens-là.
M. Jolivet: En tout cas, c'est le principe
d'action-rétroaction, pour savoir ce qui s'est passé et comment
on réagit.
La deuxième question a trait à la nomination de la
personne qui est le "protecteur du bénéficiaire" - entre
guillemets - parce qu'on se pose des questions quant à savoir si on
garderait ce terme; d'autres appellent cela un client, c'est
l'ombudsperson". Vous faites mention que vous partagez la vision
exprimée dans le rapport. D'autres ont dit qu'on devrait plutôt
attendre toute la question de la Curatelle publique, le changement qui va se
produire à ce niveau-là car il y a beaucoup de difficultés
actuellement avec la Curatelle publique et la curatelle privée. Dans les
institutions, d'autres gens disent: Oui, mais pourquoi le comité de
bénéficiaires n'agirait-il pas pour et au nom de ceux qui ont
à recevoir des services? Je vous demande, dans l'hypothèse
où il y aurait un changement à la Curatelle publique et
même des changements à la Loi sur la santé et les services
sociaux quant aux comités de bénéficiaires dans les
centres hospitaliers ou dans les Institutions, comment vous réagiriez.
Garderiez-vous votre même proposition en disant que vous verriez la
présence sous-régionale d'une telle personne comme plus
appropriée et plus réaliste?
Vous dites que ce mandat pourrait être assigné à une
personne provenant de la communauté, quitte à lui adjoindre une
expertise légale et administrative. Donc, dans la proposition que vous
faites dans votre texte, l'aimerais savoir comment vous réagissez aux
différentes hypothèses véhiculées par la commission
parlementaire depuis une couple de semaines?
M. Cousineau: Je pense que la proposition tiendrait toujours. On
dit que certaines expériences démontrent qu'il est difficile pour
une personne... Vous parlez de comités de bénéficiaires.
On pense que c'est vraiment quelqu'un de la communauté, qui ne soit
attaché à rien, à personne, nulle part, sauf, comme c'est
mentionné, a tenir la publication d'un rapport annuel auprès de
la ministre. C'est ce qui nous semble l'instance suprême, si on veut,
parce que quelqu'un qui serait attaché à quelque structure que ce
soit risquerait d'être biaisé. Dans ce sens-là, on dit que,
même si une personne de la communauté n'a pas toute cette
connaissance des lois ou de la réforme prochaine, de la
réorganisation de la Loi sur la Curatelle publique ou de celle sur
l'aide sociale, elle peut défendre les besoins, les problèmes ou
les droits des individus, quitte à lui adjoindre une expertise
légale administrative ou quelque autre expertise dont elle pourrait
avoir besoin. Quelqu'un qui vit.., Je prends l'exemple d'un représentant
d'un groupe de la Beauce qui nous a précédés, je pense que
cette personne bien articulée est capable de défendre les
besoins, les droits et les problèmes que vivent les personnes
psychiatrisées. Si le problème, c'est qu'elle ne connaît
pas telle ou telle loi, qu'on lui donne les services d'un avocat.
M. Jolivet: Vous savez qu'il y a des problèmes
légaux reliés à tout cela.
M. Cousineau: Oui, c'est sûr.
M. Jolivet: Vous n'êtes pas sans le savoir. Il y en a qui
disent que, plutôt d'avoir une formule comme celle-là, on devrait
avoir une formule selon le parrainage, l'"advocacy", comme on l'appelle, selon
le terme américain. D'autres prévoient d'autres formules. Vous
dites que ce serait une personne de la communauté qui, sans avoir toutes
les connaissances légales, pourrait être aidée par du
personnel qui en a, de telle sorte que ses positions auraient une
crédibilité, car c'est important qu'il y ait une
crédibilité.
Deuxièmement, il faut aussi en même temps s'assurer que la
personne vienne vraiment en aide à celle qui en a besoin et non pas aux
parents ou aux proches qui font des pressions pour s'assurer que, si elle a une
bonne dote, ce soient eux qui en obtiennent le bout. Vous savez ce que cela
veut dire.
M. Cousineau: Oui, oui, oui.
M. Jolivet: J'en al connaissance chez mol et la Curatelle
publique a actuellement certaines difficultés d'adaptation au
système, mais la curatelle privée a aussi ses finalités,
difficiles à réaliser dans certains cas.
C'est dans ce sens-là que je vous demandais si, au lieu d'avoir
un système d'"ombudsperson", selon vous, un autre système comme
celui de parrainage ou d'"advocacy", comme on le mentionne, serait plus
réaliste.
M. Cousineau: Jusqu'à maintenant cette formule nous
plaît.
M. Jolivet: D'accord. J'aurais une dernière question
concernant la page 5 de votre nouveau texte. Vous dites que vous soutenez les
recommandations 14, 15, 16 et 17 concernant la légitimité et le
financement récurrent des ressources communautaires. Vous savez que
plusieurs sont venus nous dire qu'ils avaient certaines difficultés
à comprendre ce que voulait dire le rapport quant à d'autres
formules que les formules communautaires, Une maison de transition peut
être un organisme communautaire, mais, d'un autre côté, des
organismes d'ex-psy-chiatrisés ou autres sont aussi des services
alternatifs. Dans ce contexte, quand vous dites "communautaires", est-ce que
vous agglomérez dans l'ensemble aussi bien les services communautalres
qu'alternatifs? Et, deuxièmement, quant au financement plusieurs ont
dit: Oui, mais demander 10 % - et tout à l'heure vous avez vu des gens
de la Beauce nous répondre à ces questions-là - dans le
milieu ça devient fastidieux, difficile. Il faut recommencer
continuellement. Il faut remplir des rapports pour avoir un maigre montant de
2000 $ ou 3000 $ de telle sorte qu'au financement plusieurs se
découragent. Plusieurs nous ont dit que 10 % c'était un peu trop.
Des organismes syndicaux nous ont dit que 5 % serait le maximum. J'aimerais
connaître, compte tenu que vous dites que vous êtes
d'accord avec les recommandations, si, devant ce qui a été
dit Jusqu'à maintenant, vous maintenez votre position ou si vous
argumentez autrement.
M. Boivin (Daniel): Concernant la distinction entre le
communautaire, l'alternatif et l'Intermédiaire, évidemment
ça suscite beaucoup de débats ardents. Notre position
là-dedans c'est de dire que c'est déjà assez
compliqué de comprendre ce qu'est le communautaire qu'on ne va pas
commencer à faire des distinctions entre communautaire, alternatif et
Intermédiaire. Une ressource issue d'une volonté communautaire,
d'une volonté de la communauté, pour nous c'est, par
définition ou a priori, une ressource communautaire. Qu'elle se donne
des moyens ou des références qui sont plus en réaction aux
discours psychiatriques et en ce sens-là qu'elle soit une alternative
aux modèles médico-hospitaliers, c'est son choix. Mais elle doit
permettre aussi à d'autres modèles de services d'exister. En ce
sens-là, nous nous en tenons plus au terme communautaire et qu'on
reconnaisse finalement comme dans beaucoup d'autres domaines de la santé
et des services sociaux la légitimité de l'action communautaire,
des groupes communautaires, point. Leur méthode, leur
référence à des modèles théoriques, c'est
une autre question et c'est à débattre au niveau d'une
sous-région, d'une région ou d'un... Est-ce que la méthode
est appropriée ou elle ne l'est pas? Les gens sont capables de s'en
parler. Ce sont des débats, à mon avis, qui sont infructueux et
qui nous empêchent de nous orienter vers la vraie raison d'être qui
est la clientèle.
Concernant les 10 %, je répondrais que c'est une demande tout
à fait légitime et qui est très facile à satisfaire
pour la majorité des groupes communautaires. Une fois que la structure
de base est reconnue, une fois qu'il n'y a plus à mettre 60 % ou 50 %
des énergies à la recherche de moyens de survie, trouver 10 % ce
n'est pas compliqué. Mais si on le rajoute par-dessus la recherche de
moyens de survie pour ce qui est d'une structure minimale, c'est sûr que
ça devient gros. Mais une fois ça reconnu, je pense que ce n'est
pas un problème.
M. Cousineau: D'autant plus, si je peux me permettre, si, comme
à la recommandation 17 on maintient "pouvant prendre la forme d'actions
bénévoles, d'appui financier" et tout autre service. On en
parlait. Les gens qui siègent au conseil d'administration sont des gens
qui nous offrent leurs connaissances bénévolement. Dans ce
sens-là, je trouve que le groupe de la Beauce dont on parlait, qu'on a
cité tout à l'heure, il en a largement au-dessus de 10 %. Ce
n'est pas un problème, les 10 %, dans ce sens-là. Dans la mesure
où ce n'est pas 10 % en argent liquide, sur table et que ça peut
prendre diverses formes, c'est raisonnable, je pense.
M. Boivin: Je voudrais ajouter une dernière chose,
à savoir, des budgets de départ pour des organismes. Dans une
phase d'Implantation les ressources sont plus Importantes et on reconnaît
très peu les difficultés d'implanter une ressource communautaire
et les étapes inhérentes à la recherche de fonds. On se
dit souvent: II faut trouver les fonds avant de commencer. Et finalement
ça ne commence jamais.
Le Président (M. Bélanger): Alors, votre temps est
écoulé.
Mme la députée de Châteauguay, vous avez une
question.
Mme Cardinal: Merci, M. le Président.
J'aimerais simplement, peut-être, faire part de ce que nous avons
fait à Châteauguay en ce qui concerne le répit aux
familles. Il y a un organisme voué à la sensibilisation à
l'intégration des personnes handicapées, déficientes
mentales. Un groupe de bénévoles a acheté une petite
roulotte dans un terrain de camping. Il a fallu négocier. C'est une
première au Québec. Et cela permet aux parents, au moins, de
prendre quinze jours de vacances, dix jours, quinze jours, selon leurs besoins
et, dans beaucoup de cas ça faisait, mon Dieu! quinze ou vingt ans
qu'ils avaient pris des vacances. Et cela s'avère très
intéressant. Premièrement cela surprenait les campeurs de voir un
groupe de handicapés. Cela se limite à huit. Par la suite, on a
eu énormément de collaboration. On a eu énormément
d'aide en ce qui a trait à l'Intégration, la sensibilisation et
la participation à toutes les activités du camping. (13
heures)
C'est là que je vols l'importance pour le répit des
familles d'amener la population, d'amener les groupes communautaires à
s'impliquer. Cela n'a rien coûté d'autre parce qu'on a pris les
personnes-ressources au niveau du centre d'intégration et de
sensibilisation. Elles étaient partagées entre le centre à
Châteauguay et le centre du camping. On avait l'aide, aussi, des
bénévoles qui pouvaient compléter l'assistance.
Je dois dire que cela s'est révélé très
intéressant comme expérience. C'est la première fois. On
se dit pilote, on était très fier de cette réalisation.
Moi, je dis: C'est sûr que ça ne s'applique pas aux cas lourds,
forcément. Mais, dans beaucoup de cas, même physiques, on a
accepté et cela a été une expérience qui
peut-être serait intéressante à impliquer, à
instaurer dans d'autres régions. J'aimais le mentionner parce que c'est
déjà une ressource importante au niveau du répit. Et, par
le fait même, étant donné que ces gens viennent au centre,
les parents ont également quelques heures de répit par jour, qui
est complété l'été par des vacances de dix jours ou
deux semaines selon le cas, et cela échelonné, évidemment,
sur une période de quatre à six mois. Je trouve que c'est assez
intéressant comme expérience. Je tenais à le mentionner.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): Vous avez une courte
réponse. Je vous en prie.
Mme Beaudry: Oui. Je pense que le répit aux familles,
ça ne doit pas être non plus que le répit aux familles
naturelles. Je pense que les familles d'accueil, quand elles s'engagent dans ce
travail, c'est un travail à temps plein et peut-être qu'il faut
aussi penser pour ces personnes à des moments de répit.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Je vous remercie.
Brièvement.
M. Cousineau: Moi, si je pouvais me permettre un dernier
commentaire ou un dernier sujet qui est en parallèle avec ce projet de
politique, c'est de soulever le problème de la taxation des organismes,
des maisons de transition, des familles d'accueil. Je fais état de
quelques exemples. Le foyer de groupe qui est situé à
Montréal paie 2314,08 $ de taxe d'affaires. À notre avis, ce
problème, c'est..
Le Président (M. Bélanger): II y a effectivement eu
un amendement à cette partie de la loi qui fait que la
municipalité peut vous exempter de cette taxe. Faites des
représentations en conséquence.
M. Cousineau: Moi, j'ai ici un texte de la ville de Laval, la loi
16 adoptée en juin 1987.
Le Président (M. Bélanger): Je sais.
M. Cousineau: II vient modifier l'article 236. Ce qu'on me dit
là-dedans en date du 10 novembre 1987, c'est que cette loi permet de
donner une subvention pour 1985-1986. Mais à partir de 1987, il n'est
plus permis à une municipalité d'accorder une telle subvention.
Cela vient de Laval, 10 novembre 1987. Je ne sais pas si entre-temps il y a eu
des développements, mais hier matin, à une famille d'accueil de
Beauport, celle de Mme Lucette Girard, 915 $ de taxe d'affaires ont
été signalés par la municipalité de Beauport. En ce
sens, moi, je voulais souligner le problème parce qu'il y a le double
problème de taxation. La taxe d'affaires, comment peut-on dire qu'une
ressource de transition comme la nôtre, un foyer de groupe, est une place
d'affaires, surtout que nous vivons principalement uniquement de subventions et
de participation des bénéficiaires?
L'autre côté du problème de taxation, c'est le
problème de la taxation foncière. Pour un organisme sans but
lucratif comme le nôtre la seule porte de sortie pour éviter la
taxe foncière qui, encore une fois, est entre 2000 $ et 3000 $ par
année, par maison, le seul moyen de l'éviter, c'est par le biais
d'un numéro de charité. Quand on s'est présenté
à la Commission municipale... Et ce n'est pas mon intention de contester
la Commission municipale ou les décisions de la
Commission municipale, mais la Commission municipale ne peut pas
reconnaître comme lieu public un lieu comme un foyer de transition
où les individus séjournent pour une période
prolongée. Donc, c'est considéré maison privée et
non pas lieu public, ce qui fait qu'on ne peut pas être exempté de
la taxe foncière.
Il y a plusieurs organismes comme le nôtre qui sont coincés
avec cette situation. Il s'agirait, à mon avis, de pressions de ta part
d'une commission comme celle-là sur le ministre des Affaires municipales
autant au niveau de la taxation foncière qu'au niveau de la taxe
d'affaires. Pour éviter qu'on ne reçoive des subventions du
ministère et qu'on ne doive les donner....
Le Président (M. Bélanger): Compte tenu du temps,
je dois vous arrêter. Mais je retiens votre dernière suggestion et
je ferai part aux membres de la commission de cette suggestion de votre part
d'écrire au ministre des Affaires municipales et de le saisir de cette
particularité du problème qui crée, je ne dirais pas un
préjudice, mais des problèmes importants de fonctionnement, ce
qui draine des ressources financières qui sont déjà si peu
nombreuses et si importantes dans d'autres secteurs. On se fera un devoir de
regarder, comme membres de la commission, si on ne devrait pas prendre cette
position auprès du ministre des Affaires municipales.
Compte tenu de l'heure, j'Inviterais M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Oui. Je vous remercie. Ce que vous venez de soulever
m'Incite peut-être à poser un peu une question - je sais que vous
n'avez pas le temps de répondre - à la suite de la
dernière intervention concernant les 10 % des organismes
bénévoles. Vous imaginez, des organismes comme le vôtre,
les maisons de transition ou autres, demandent d'être exemptés de
taxes; alors, si on demandait à l'ensemble des secteurs public et
parapublic d'aller chercher 10 % de leur financement, peut-être que vous
comprendriez les organismes bénévoles, les organismes
communautaires, les organismes alternatifs de dire que c'est un peu trop. C'est
évident que dans certains milieux cela peut être possible, mais
dans l'ensemble de chacune des municipalités du Québec on est
tellement sollicité de partout pour toutes sortes de choses que,
finalement, c'est difficile d'aller chercher 10 %.
C'était simplement une réflexion finale que je voulais
vous faire. Merci de ce que vous avez apporté comme éclairage ce
matin.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux également vous remercier. Je sais
que vous allez être des collaborateurs importants dans la mise sur pied
d'une politique. Il y a certainement un souhait
que je veux faire comme ministre titulaire de la santé et des
services sociaux. C'est que, quelle que soit l'élaboration finale ou la
formulation finale de la politique en santé mentale, je pense qu'il faut
certainement éviter les pièges d'une plus grande
bureaucratisation parce que, dans le fond, la politique de santé mentale
est justement axée sur ce désir de déstructurer au profit
de la personne que l'on veut aider.
Il faudrait éviter dans la rédaction ou l'adoption finale
des mesures qui se traduiraient finalement par une plus grande
complexité administrative. Je pense que c'est ce que tout le monde veut
éviter. On ne peut plus se permettre ce genre de complexité
bureaucratique qui fait que les services coûtent finalement beaucoup plus
cher et en définitive la population reçoit moins qu'elle ne
devrait normalement recevoir. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): La commission remercie
le Comité de coordination en santé mentale de la
sous-région nord du Montréal métropolitain et suspend ses
travaux jusqu'à 15 heures. {Suspension de la séance à 13 h
8)
(Reprise à 15 h 4)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plait!
La commission des affaires sociales reprend ses travaux aux fins de
procéder à l'étude du projet de politique de santé
mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du
comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le
30 septembre dernier.
Nous accueillons maintenant le CLSC Hochelaga-Maisonneuve
représenté par M. Jean Faucon, M. Jean Sévigny, Mme
Geneviève Zuccaro, Mme Hélène Fleury, Mme Claudette
Desbiens, Mme Viviane Brunet et M. Pierre Mercier. Je demanderais à ce
groupe de bien vouloir s'approcher.
Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20
minutes pour présenter le résumé de votre mémoire
et une période de 40 minutes vous est allouée pour un
échange avec les parlementaires sur votre mémoire. Je vous
prierais donc de vous identifier et de bien vouloir procéder à la
présentation de votre mémoire.
CLSC Hochelaga-Maisonneuve
M. Sévigny (Jean): M. Faucon, président du CLSC,
s'excuse de ne pas être Ici aujourd'hui: il a eu un empêchement Mon
nom, est Jean Sévigny, directeur général du CLSC
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme la ministre, M. le Président, messieurs les membres de la
commission parlementaire des affaires sociales, au nom du conseil
d'administration et du personnel du CLSC Hochelaga-Maisonneuve, je vous
remercie de nous permettre de partager avec vous nos réflexions sur la
santé mentale basées sur l'Implication dans le milieu
sociocommunautaire de notre région.
L'équipe multidisciplinaire qui m'accompagne est composée,
à ma gauche, de Mme Geneviève Zuccaro, coordonnatrice de
L'Entremise, centre de crise en santé mentale de la sous-région
est, et de M. Pierre Mercier, à sa gauche, éducateur au
même endroit. À ma droite, Mme Hélène Fleury,
coordonnatrice par intérim du module sociocommunautaire du CLSC
Hochelaga-Maisonneuve; M. Christian Magny, à l'extrême gauche,
travailleur social au sein de l'équipe de santé mentale de
première ligne au CLSC Hochelaga-Maisonneuve, et, à
l'extrême droite, Mme Claudette Desbiens, assistante à la
coordination des services à domicile au CLSC Hochelaga-Maisonneuve.
Pour le bénéfice des membres de la commission qui
connaissent moins chacun des quartiers de Montréal, il peut être
utile de situer le contexte géographique, socio-économique et
sociosanitaire dans lequel nous oeuvrons depuis 1972. Le territoire desservi
est situé entre la rue Sherbrooke, où est situé le stade
olympique, et le fleuve Saint-Laurent, de part et d'autre du boulevard Pie-IX,
soit au sud du Jardin botanique de Montréal. Notre population d'environ
48 000 personnes est ta plus âgée de la région de
Montréal. Le territoire du CLSC présente des
caractéristiques auxquelles il est souvent fait référence
dans le projet de politique, soit la présence de nombreux groupes
communautaires, plus de 100, d'une part, et, d'autre part, l'importance
relative dans la population des groupes à risques: personnes seules,
familles monoparentales, personnes peu scolarisées, personnes à
faible revenu, personnes inactives.
L'âge de la clientèle touchée par nos services de
santé mentale se situe entre 18 et 51 ans, avec une concentration de 67
% entre 20 et 40 ans; 66 % sont des femmes, 34 % sont des hommes, 59 % des
interventions sont de type thérapie brève, 21 % sont des
évaluations et orientations vers d'autres ressources et 20 % des
Interventions de crise.
L'intervention en santé mentale au CLSC Hochelaga-Maisonneuve
s'est greffée à une pratique déjà établie de
concertation et de collaboration avec les organismes du milieu depuis plusieurs
années. Le CLSC a amorcé depuis 1979, sans avoir reçu de
ressources additionnelles, l'implantation d'un service de santé
préventive dont les activités principales sont axées sur
le bien-être physique et mental des usagers et de ses services. En 1985,
il a développé, en collaboration avec les organismes
communautaires, un programme de prévention primaire en santé
mentale. Depuis janvier 1987, nous avons systématisé notre
Intervention en constituant une équipe spécialisée en
santé
mentale de première ligne. Cette équipe est
constituée d'un psychologue, d'un travailleur social professionnel,
d'une infirmière et d'un Intervenant communautaire.
Le cas par cas dans l'Intervention en santé mentale de
première ligne s'est implanté dans la tradition préventive
du CLSC et ce, en regard du partenariat local qu'il a développé
au cours des années. Nous offrons des Interventions psychologiques
à des personnes qui, en l'absence de ce service, vivraient une
détérioration de leur santé mentale et se dirigeraient
à plus long terme vers les urgences psychiatriques déjà
débordées. Nous voulons éviter à tout prix la
psychiatrisation pour le moins onéreuse des problèmes de
santé mentale traitables par des ressources beaucoup plus
légères. Nous offrons de l'aide individuelle et le soutien de la
communauté locale aux Individus qui utilisent nos services. Nous
souhaitons donc que les recommandations 19 à 28 du rapport Harnois
laissent aux CLSC leur couleur locale et leur approche globale.
Notre service de santé mentale de première ligne apporte
aussi un soutien aux clientèles lourdes en attente de services de
deuxième et troisième ligne afin de pallier les carences
institutionnelles de nos partenaires du réseau. Prenons à titre
d'exemple la longue liste d'attente d'environ trois mois pour une
évaluation en psychiatrie et t'amorce d'un suivi. Nos objectifs sont de
l'ordre de la prévention primaire et secondaire. Les services
professionnels que notre CLSC a mis sur pied visent à ce que des gens
momentanément aux prises avec des problèmes d'ordre psychologique
ou émotionnel qui les empêchent de fonctionner normalement
puissent recevoir rapidement l'aide dont ils ont besoin pour rétablir
l'équilibre d'avant la crise et, dans bien des cas, éviter un
Inutile recours à des services plus lourds comme l'hospitalisation.
De plus, le CLSC Hochelaga-Maisonneuve a été choisi
à l'automne 1986 pour Implanter un centre de crise à vocation
sous-régionale pour l'est de l'Ile de Montréal. Cette nouvelle
ressource offre un milieu d'accueil qui fournit des services de
référence, d'évaluation, d'intervention de crise,
d'hébergement et de counseling aux adultes de 18 ans et plus
présentant des difficultés émotionnelles et
psychosociales.
L'objectif premier de ce centre fixé par Mme la ministre est de
contribuer à désengorger les salles d'urgence des hôpitaux
psychiatriques de l'est de Montréal, principalement celles de
l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine et de l'hôpital
Maisonneuve-Rosemont. Le modèle mis en place est communautaire,
centré sur le client et exclut toute forme de thérapie ou de
traitement à long ternie. Nous expérimentons le partenariat, tel
que recommandé dans le rapport Harnols, depuis l'ouverture du centre et
pouvons témoigner des aspects positifs de cette approche pour mieux
répondre aux besoins de la population. C'est à la lumière
de notre humble mais concrète expérience que nous apportons nos
recommandations relatives au rapport Harnols.
Je n'ai pas l'intention de relire ici le texte qui vous a
été soumis, mais plutôt de souligner nos principaux
commentaires et recommandations. Dans un premier temps, nous tenons à
souligner que le projet de politique intervient dans la phase
post-Etat-providence du développement de l'État
québécois. Le concept même du partenariat élargi
relève de ce contexte. Son actualisation risque cependant d'être
compromise aussi longtemps que les acteurs ne sauront pas de façon plus
explicite comment un de leurs partenaires, l'État, entend assumer les
rôles qui lui reviennent. De plus, la plupart des recommandations
à propos de la communauté visent les organismes du milieu. On
passe donc sous silence les partenaires de notre communauté
constitués d'individus du voisinage proche. Suivant l'expérience
des équipes de maintien à domicile, l'élaboration et la
mise en oeuvre de plans de services Individualisés ne sont possibles que
grâce à l'implication d'un voisin ou d'une voisine, du facteur, du
dépanneur et de son livreur, du personnel de la caisse populaire, etc.
La richesse de la communauté réside aussi à ce niveau et
il importerait de le reconnaître de façon tangible dans
l'énoncé de politique. Il nous semble aussi qu'on pourrait
attendre des municipalités une implication plus grande que la seule
réglementation en matière de zonage mentionnée dans la
recommandation 25. En effet, nous recommandons que la formation à
l'intervention de réseau soit priorisée dans la révision
des programmes de formation de base et l'extension des programmes de formation
continue.
La recommandation relative au plan de services Individualisé, la
recommandation 2, soulève d'autant plus d'Intérêt que
plusieurs intervenants du CLSC en ont fait l'expérience Suivant cette
expérience, il apparaît qu'il faut éviter les formules
standards qui conduisent à une Identification standard des besoins,
qu'il importe de former les Intervenants à travailler avec des plans
d'intervention, qu'on peut avoir les moyens d'établir un plan, mais pas
ceux d'en assurer le suivi, que la mise en oeuvre d'un plan d'Intervention est
en relation directe avec les ressources du milieu et qu'en conséquence
cette approche n'est valable que dans la mesure où les ressources sont
disponibles en variété et en nombre suffisants, que
l'élaboration et le suivi d'un plan d'intervention demandent du temps;
il faut donc réaliser que ce temps n'est pas consacré à la
prestation directe de services et que cette recommandation implique l'ajout de
ressources humaines.
Les intervenants veulent aussi exprimer leur désir de prendre
part aux décisions concernant le modèle de PSI. Ils manifestent
aussi des inquiétudes devant la multiplication des PSI, suivant qu'ils
relèvent de la politique de maintien à domicile des personnes
âgées, de la politique aux personnes handicapées ou de la
politique en santé mentale.
(15 h 15)
II est difficile d'administrer ces différents plans. Le CLSC
souscrit entièrement à la création des programmes de
répit pour les familles. Les programmes courants des CLSC peuvent aussi
apporter du soutien aux familles et répondre à leurs besoins. On
pourrait ainsi faciliter et encourager la participation des proches à
des programmes de relaxation, de gestion du stress, par exemple.
Le CLSC veut s'assurer que, dans l'esprit du comité, les acteurs
significatifs dans le champ de la santé mentale comprennent aussi les
organismes du milieu et les aidants naturels. C'est dans ce sens qu'ils
recommandent que des budgets de formation soient mis à ta disposition
des groupes communautaires et des aidants naturels.
Nous abondons dans le même sens que la recommandation 12 sur
l'importance de la recherche évaluative, tout en précisant que le
ministère de la Santé et des Services sociaux par
l'intermédiaire de la Direction de l'évaluation des programmes
met à la disposition des établissements et des groupes
communautaires des outils et des protocoles de recherche pour faciliter le
développement d'une fonction de recherche dans leur organisation.
Le CLSC Hochelaga-Maisonneuve considère qu'il ne suffit pas de
préciser et de publiciser les critères de sélection pour
simplifier l'accès au soutien proposé par le MSSS aux groupes
d'entraide, de promotion et de défense des droits. Il importe aussi de
s'assurer, au préalable, que ces critères répondent aux
possibilités réelles de ces groupes.
Pour promouvoir une accessibilité accrue, le CLSC recommande donc
que les programmes soient formulés en des termes compréhensibles
et accessibles, que les règles de présentation des projets soient
simplifiées et cohérentes, que les critères
d'accessibilité soient moins restrictifs, qu'un soutien soit
assuré par les organismes subventionnaires pour accompagner les groupes
dans la présentation de projets et la préparation des
rapports.
La recommandation 17 fait appel à la contribution directe et
effective de la communauté au financement ou au fonctionnement des
ressources. Le CLSC reconnaît le bien-fondé de cette
recommandation, mais s'Interroge sur la part proposée de 10 %. Il lui
semblerait plus judicieux que la contribution soit fixée à partir
d'un Indice qui tienne compte de deux facteurs: l'indice de
"défavorisation" du milieu et le nombre de ressources à
supporter. Pour le CLSC Hochelaga-Maisonneuve, il s'agit de plus de 100 groupes
communautaires, de plus de 300 permanents dans ces groupes et de plus de 1000
bénévoles.
Le CLSC Hochelaga-Maisonneuve recommande que la création d'un
groupe multidis-ciplinaire d'experts, tel qu'énoncé dans la
recommandation 30, reconnaisse aussi l'égalité et l'expertise
spécifique des divers Intervenants institutionnels et communautaires et
qu'on utilise au maximum leurs compétences sur le terrain. C'est une des
conditions essentielles à l'instauration d'un partenariat
véritable.
Nous tenons à souligner que des programmes de prévention
devraient être développés à l'Intention des
adolescents et des hommes de 12 à 65 ans relativement à la
violence et aux abus sexuels. La volonté de référer les
cas de crise suicidaire au centre de crise, telle que décrite dans la
recommandation 33, doit s'accompagner d'un statut juridique clair concernant la
responsabilité en cas de suicide ou de problèmes majeurs dans ce
sens. Actuellement, seuls tes hôpitaux hébergent les personnes
à risques suicidaires élevés et sont
protégés au niveau de leur responsabilité légale.
Les centres de crise n'ont pas de statut juridique leur permettant d'assumer
cette responsabilité. Pour qu'un véritable partenariat et qu'une
cohérence des services s'installent, il faut mettre fin, entre autres,
à ta référence médicale exigée pour obtenir
de nos clientèles des services de santé mentale de
deuxième et troisième Iigne. C'est la notion de collaboration
qu'il faut réinventer plutôt que de poursuivre le dumping que nous
connaissons. Il est indispensable de se prémunir contre
l'ingérence, voire l'envahissement dans les pratiques psychiatriques de
notre processus de développement des services en santé
mentale.
Finalement, nous souhaitons l'amorce d'une politique de la santé
où la dualité santé physique et santé mentale sera
dépassée. Nous favorisons une approche globale de la personne car
cette approche sert actuellement de fondement et de perspective dans
l'élaboration de nos programmations et la structuration de nos
services.
Je termine mon intervention sur ce point. L'équipe qui est avec
moi est entièrement à votre disposition pour répondre
à vos questions et, si nécessaire, illustrer notre point de vue
par des exemples pratiques. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le
directeur général. Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
tes représentants du CLSC Hochelaga-Maisonneuve pour leur mémoire
présenté à la commission portant sur le projet de
politique en santé mentale. Je pense que vous avez très bien
travaillé pour tenter d'analyser l'ensemble du rapport Harnois. J'aurai
quelques questions précises. Comme notre temps est limité, je
vais aller directement aux questions en m'en tenant exactement aux informations
que je veux obtenir.
À la page 2 de votre mémoire, vous dites que, compte tenu
de l'expérience que vous avez eue comme service de première ligne
en santé mentale, à laquelle s'est ajoutée votre
expérience de centre de crise, vous croyez tout à fait
opportun et faisable d'envisager un partenariat élargi en
santé mentale. Pourriez-vous élaborer un peu plus sur la
façon dont vous voyez ce partenariat élargi?
M. Sévlgny: Peut-être que Mme Fleury pourrait
répondre à cette question.
Mme Fleury (Hélène): Oui, je vais tenter de
préciser ce qu'on a voulu dire, Dans Hochelaga-Maisonneuve, nous vivons
depuis plusieurs années un partenariat avec les organismes locaux qui
interviennent directement avec - nous le faisons d'ailleurs aussi - la
population qui est concernée par différents problèmes.
Nous souhaitons poursuivre et même améliorer cette collaboration
avec les autres organismes qui jouent auprès des individus un rôle
de soutien, un rôle d'entraide et qui se rendent mutuellement des
services qu'on ne peut pas chiffrer en argent et qui, s'ils n'étalent
pas rendus, créeraient de plus grandes difficultés aux
populations concernées.
Je ne sais pas si Christian a des choses à apporter. Christian
Magny intervient en santé mentale de première ligne au CLSC. Dans
son Intervention, il intervient auprès d'individus, mais il intervient
aussi auprès de groupes auxquels il apporte formation et soutien pour
que les Intervenants de ces groupes poursuivent leur intervention auprès
d'individus qui ne viennent pas dans des services de psychiatrie ou de
santé mentale.
Mme Lavoie-Roux: ...cette phrase de votre mémoire: II est
faisable d'envisager un partenariat élargi en santé mentale.
C'est que dans votre CLSC il y a déjà une tradition ou une
pratique - appelons-la comme on voudra - de travailler avec les organismes du
milieu et, dans ce sens-là, c'est une approche qui peut s'appliquer au
domaine de la santé mentale, comme elle s'est probablement
appliquée dans d'autres secteurs, qu'il s'agisse des personnes
âgées ou d'autres. Je pense que c'est dans ce sens-là qu'il
faut l'interpréter.
Mme Fleury: C'est dans ce sens-là qu'il faut
l'interpréter.
Mme Lavoie-Roux: Maintenant, vous ajoutez dans le paragraphe
suivant: "...certains groupes d'acteurs appartenant à la
communauté apparaissent trop peu mobilisés pour l'atteinte des
objectifs de la politique." J'aimerais que vous expliquiez un peu plus. Cela
semble un obstacle empêchant... En tout cas, de la façon qu'on le
lit.
Mme Fleury: La mobilisation, quant aux groupes, est toujours
reliée à un facteur de formation et à un facteur de
financement aussi. Alors, quand on vit avec des groupes communautaires qui sont
continuellement à ta recherche, de mois en mois, de semaine en semaine,
de ressources financières pour payer le local, pour continuer à
assurer les services de rencontre, d'entraide et de soutien qu'ils offrent,
c'est difficile de maintenir une certaine stabilité, une certaine
mobilisation pour continuer à offrir des services. Alors, les groupes
avec lesquels on collabore, le premier point sur lequel Ils insistent toujours,
c'est: Qu'est-ce que vous pouvez faire financièrement, en plus des
services que vous nous offrez, pour qu'on puisse continuer? Parce que d'une
année à l'autre ils ne sont jamais certains de pouvoir
poursuivre. Alors, II y a une grande partie de leur agir qui est autour du
financement
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais tout de suite aborder - j'ai eu
l'occasion de le fafre en d'autres occasions au cours de cette commission -
cette question des organismes volontaires qui ne savent jamais s'ils vont
être financés d'une année à l'autre. J'en suis que
les organismes communautaires puissent ne pas se trouver financés
suffisamment. Je peux partager ce point de vue-là. Mais, à ma
connaissance et, en tout cas, ce que j'observe depuis deux ans, c'est que le
renouvellement d'une subvention, sauf, je dirais, dans les cas de malversation,
qui sont très rares d'ailleurs, ou de cessation des activités, le
renouvellement est automatique. Il n'y aura peut-être pas d'augmentation
ou d'indexation, mais c'est quasi automatique, sauf dans les circonstances dont
je viens de parler. Alors, plusieurs personnes sont venues nous dire:
L'année suivante, ils ne savent jamais s'ils vont être
financés. En tout cas, s'il y a plusieurs groupes dont on a
arrêté le financement, j'aimerais en connaître les raisons
parce que, à ma connaissance, cela est tout à fait
exceptionnel.
Mme Fleury: Les groupes reçoivent une partie du
financement, mais le financement qu'ils reçoivent d'organismes publics
ne répond pas à 100 % de leurs besoins.
Mme Lavoie-Roux: Ah! je le sais. Qu'ils ne soient pas
suffisamment financés, j'en suis, mais vous dites que, chaque
année, ils se demandent si cela va être renouvelé. Cela
m'étonne.
Mme Fleury: II y a des groupes qui reçoivent du
financement du ministère, mais il y en a qui...
Une voix:...
Mme Lavoie-Roux: Pardon?
Une voix:...
Mme Lavoie-Roux: Allez-y!
M. Rochefort: De la façon qu'elle le dit, elle a raison.
Je suis convaincu qu'il n'y a peut-être même pas de cas où
II n'y a pas eu de
renouvellement Sauf que, entre une situation de fait et une certitude
acquise dans l'appareil gouvernemental et auprès des groupes que,
à moins que, c'est certain, et il y a une procédure et une
tradition qui font que... Le problème, c'est que personne n'a pris
d'engagement, de la même façon qu'on sait bien qu'un centre
hospitalier, un CLSC, est sûr que, même si personne n'a pas
signé de contrat avec lui indiquant qu'il ne sera pas fusionné,
fermé, aboli, ou qu'on ne mettra pas la clé dans fa porte, il est
sûr d'avoir son budget l'année suivante, ce qui n'est pas le cas
d'un organisme communautaire, compte tenu de la fragilité de sa
structure, du nombre d'années d'existence, de sorte qu'il n'est pas
certain d'avoir son financement l'année suivante au même titre
qu'un établissement du réseau. C'est dans ce sens-là que
tout le monde vient nous dire ici ou dans chacun de nos bureaux de
comté, quel que soit le côté où l'on est:
Écoutez, on voudrait au moins avoir la certitude que, pendant trois ou
quatre ans, on sera subventionné, à moins qu'il n'y ait
malversation et tout cela.
Je résume. Entre ce que vous dites être juste et un
engagement formel, à savoir que, oui, vous serez subventionnés
pendant les cinq prochaines années, à moins que... Il y a une
différence du Jour à la nuit pour un organisme communautaire et
aussi pour sa capacité d'aller chercher de l'argent de
l'extérieur, du privé, d'organismes qui subventionnent des
groupes comme les leurs, etc.
Mme Lavoie-Roux: Un gouvernement ne peut s'engager... Je pense
qu'on est ici pour discuter franchement. En 1986-1987, on n'a pas indexé
- d'ailleurs, l'indexation était de 1,345 %; en tout cas, de 1,34 % ou
quelque chose comme cela - et cet argent a finalement été
utilisé pour d'autres qui étaient en attente, grosso modo, mais,
comme je vous le dis, les autres ont été refinancés
même s'il n'y a pas eu d'ajout. C'est dans ce sens que je dis qu'on ne
peut pas toujours assurer l'Indexation parce qu'on sait que, dans les
années passées, que ce soit dû à la récession
ou à quelque facteur que ce soit, même dans le secteur public, il
y a des années où les dépenses n'ont pas été
indexées ou n'ont été indexées que partiellement Je
pense qu'il n'y a pas de gouvernement qui puisse donner l'assurance que, ouf,
chaque année, le renouvellement sera indexé au coût de la
vie. Par contre, il y a peut-être moyen de voir s'il n'y aurait pas des
règles minimales ou des critères minimaux. Dans les faits, je
vous le dis, c'est une expérience de deux ans et on arrive à la
troisième année cette année, sauf que, pour les raisons
que je vous explique, on pourrait décider... On pourrait dire: On vous a
toujours financés ici, mais, dans le fond, vous appartenez à
Loisir, Chasse et Pêche. Il n'y en a pas beaucoup, mais cela pourrait
aussi être une activité qui relève d'un autre... Cela
aussi, c'est tellement marginal par rapport à l'ensemble des
organismes... Il n'y en a peut-être même pas, en fait. Mais c'est
strictement pour des raisons comme celles-là.
En tout cas, je vais examiner la question et voir si on peut au moins
commencer par deux ans et on verra pour trois ans. Mais c'est tellement
automatique, à toutes fins utiles, sauf les quelques exceptions que j'ai
mentionnées, qu'on pourrait au moins donner cette assurance et, au lieu
de retourner à la demande de renouvellement de la subvention la
deuxième année, on pourrait se satisfaire d'un rapport
d'activité parce que, d'un autre côté, on donne 35 000 000
$, grosso modo; l'an prochain, ce sera à peu près cela. Cette
année, je pense que c'est 31 000 000 $ ou 32 000 000 $. On ne peut pas
non plus laisser cela un peu à la va-comme-je-te-pousse. C'est de
l'argent, 35 000 000 $. Je pense qu'il y a moyen d'arriver à
régler cela. (15 h 30)
Le Président (M, Bélanger): M. Sévigny. vous
vouliez réagir?
M. Sévigny: Oui. Mme la ministre, le point qui vient
d'être soulevé prend une forme importante, surtout quand on le vit
dans le partenariat. Je vous donne un exemple. Nous, quand on travaille en
santé mentale, pour bien utiliser tes fonds et les ressources qui sont
mis à notre disposition, il faut être capable de planifier.
À partir du moment où tu ne fais pas que rêver au
partenariat, mais que tu le vis avec tes groupes, tu essaies de planifier pour
un an, deux ans, trois ans afin d'implanter et d'amener une modification ou une
dynamique, mais ces gens, leur réaction, c'est de dire tout le temps: Je
ne sais même pas si l'an prochain je vais être capable. Je ne peux
pas m'engager comme partenaire avec toi pour un plan échelonné
sur trois ans et arriver à un objectif très clair. Je pense
qu'à ce moment-ci ce qui est important au niveau de notre
réflexion, c'est que la dynamique du partenariat implique que ceux qui,
sérieusement et à l'intérieur d'un cadre très bien
déterminé... Cela devient quasiment un contrat entre nous. II va
falloir qu'ils aient la même assurance que nous parce que, si un jour eux
glissent parce que leur budget n'est pas assez élevé et que notre
besoin augmente sensiblement à cause de l'engorgement des urgences et
d'autres problématiques sociales du milieu, c'est sûr qu'on voit
ces gens se dégager et se départager, c'est la réaction
exactement contraire à celle de vouloir établir un vrai
partenariat tous les jours.
Mme Lavoie-Roux: Écoutez, on a pris pas mal de temps sur
cette première question. Très brièvement, je vais vous
poser deux questions en même temps, même si elles sont d'ordre
différent. La première, c'est relativement à l'ajout de
ressources pour faire des plans de services. Cela m'a un peu surprise. Vous
avez dit: Quand on fait des plans de services, on ne donne pas
des services directs, alors il faudrait un ajout de ressources. Je dois
vous dire que, pour moi, normalement, il doit y avoir quelque forme de plan de
services qui soit faite quand on reçoit un individu et qu'on
décide de travailler avec lui. Là, ce qu'on dit, c'est:
Faites-le, de telle sorte que toutes les personnes impliquées
travaillent ensemble et qu'on ait un objectif au bout du compte. Mais, quand
vous commencez déjà à me demander des ressources
additionnelles pour arriver à faire le plan de services dans un
établissement donné, je dois vous dire... Ceci est mon premier
point
Mon deuxième point: Comme vous êtes peut-être le seul
ou le premier CLSC qui ait eu un centre de crise, je voudrais en profiter pour
vous demander dans quelle mesure vous trouvez que c'est une ressource utile.
Pratiquez-vous des pratiques - excusez la redondance - d'exclusion de
clientèles? Finalement, dans quelle mesure - je vous demande de faire
des évaluations pour lesquelles vous n'avez peut-être pas les
outils, mais au moins donnez-nous votre perception des choses - dans quelle
mesure ceci est-il un élément qui contribue, d'une part, au
désengorgement des urgences et, d'autre part, diminue - mais vous
n'êtes peut-être pas capable de l'évaluer - le
phénomène de la porte tournante, parce que vous êtes
capables de stabiliser les gens pendant les huit, douze ou quatorze jours que
vous les avez? C'est un peu une évaluation, je l'admets, qui va
être grossière du centre de crise comme étant une ressource
utile dans la santé mentale.
M. Sévigny: À votre première question, Mme
la ministre, au niveau des plans de services, et je prendrai très peu de
temps, quand on parle de ressources additionnelles, c'est qu'un plan de
services, tel qu'il est imaginé, très souvent, de façon
technique, consomme énormément de temps à l'implantation
au suivi. Alors, quand on parle de ressources additionnelles, pour nous,
ça ne prend pas une ampleur épouvantable, mais il ne faut pas
oublier qu'on doit rendre des comptes quant à l'application de ces plans
de services et qu'il y a certains critères qui, très souvent,
sont dessinés pour des centres hospitaliers où la structure est
assez importante. Chez nous, ce n'est pas le cas. Alors, cela veut dire que les
intervenants, normalement, sont sur le terrain à donner de l'action
directe à nos gens, mais on est obligé de récupérer
quelques heures pour s'assurer que le plan de services est bien
appliqué, C'est dans ce sens. Je ne prendrai pas plus de temps sur ce
point.
Le deuxième point, en ce qui a trait au centre de crise, je pense
que Mme Zuccaro pourrait répondre aux trois questions que vous avez
posées.
Mme Zuccaro (Geneviève): Je pense que c'est une ressource
qui est utile au CLSC dans le sens que cela fait suite à la
préoccupation qu'avait le CLSC Hochelaga-Maisonneuve en santé
mentale avant les mesures de désengorgement des salles d'urgence. Pour
le moment, je peux dire que nous sommes quand même une ressource
rattachée au CLSC Hochelaga-Maisonneuve qui dessert la
sous-région est. Or, le CLSC est local. On est quand même
sous-régional. On dessert encore exclusivement tes deux hôpitaux
de la sous-région est qui sont Maisonneuve-Rosemont et
Louis-Hippolyte-Lafontaine. Nous n'avons pas encore commencé la phase 2
qui est de répondre à la population en général sans
passer par les urgences. C'est une décision qui a été
prise en accord avec tous les partenaires de la sous-région est.
Alors, par rapport à l'exclusion de la clientèle, selon
l'expérience que nous vivons, nous avons basé le centre de crise
sur le désengorgement des salles d'urgence, ce qui était votre
première demande, et c'est aussi une clientèle qui vit une crise
psychosociale. Alors, on a voulu exclure le minimum d'individus à
être référés au centre de crise et on
s'aperçoit qu'on reçoit autant des cas psychiatriques lourds que
des cas d'hommes ou de femmes qui vivent des problèmes de santé
mentale ou des problèmes de crise aiguë, mais qui ne sont pas des
cas psychiatriques. Notre Intervention basée sur la crise répond
aux deux types d'Individus, qu'ils soient psychiatrisés ou non. C'est
quand même une expérience intéressante parce qu'on n'a pas
voulu dire: On ne reçoit qu'une clientèle psychiatrique. On n'a
pas voulu dire: On ne reçoit qu'une clientèle psychosociale.
Mme Lavoie-Roux: II faut bien dire qu'au départ
c'était vraiment pour la clientèle psychiatrique.
Mme Zuccaro: Oui, mais, comme nous dépendons de la
référence des hôpitaux, ces derniers nous envolent parfois
des cas qui sont en crise psychosociale.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que la majorité de vos
références viennent des hôpitaux?
Mme Zuccaro: À 1OO %. Mme Lavoie-Roux: À 100
%.
Mme Zuccaro: On est encore en plein dans la phase 1 jusqu'au 31
mars 1988. La question que vous posez également au sujet du
désengorgement des salles d'urgence, à savoir si cela
répond vraiment à leurs besoins...
Mme Lavoie-Roux: Peut-être pas à leurs besoins, mais
est-ce que cela a un effet, disons?
Mme Zuccaro: J'aurais tendance à dire que oui parce que,
sur les 217 cas que nous avons reçus jusqu'à présent
depuis le 2 mars 1987, il y en a à peu près 10 % qui sont
retournés dans les
hôpitaux, ce qui n'est pas énorme, compte tenu du fait que
nous avons reçu 45 % de clientèle psychiatrisée lourde.
Les 55 %, finalement, c'est une clientèle en crise psychosociale.
J'aurais quand même tendance à dire qu'on répond au mandat
d'éviter l'Institution.
Mme Lavoie-Roux: Définissez-moi donc ce que vous appelez
une crise psychosociale.
Mme Zuccaro: Une crise psychosociale, c'est une personne qui vit
une situation difficile passagère sur le plan de son environnement
immédiat, soit un deuil, soit une séparation. On travaille
simplement à court terme sur la crise et sur les facteurs
déclenchant la crise. Quand on s'aperçoit que c'est une
pathologie plus sévère, à ce moment-là, nous
référons le cas. C'est ce que je disais un peu au début -
Je n'ai peut-être pas été très claire -
l'intérêt de travailler directement sur la crise, c'est qu'on ne
fait pas de sélection a priori sur d'autres problématiques qui
seraient, par exemple, de dire: Vous n'allez pas recevoir d'itinérants.
On aurait pu dire: On ne reçoit pas de cas psychiatriques lourds. En
fait, on s'est rendu compte que les cas psychiatriques lourds étaient
fonctionnels après quelques jours. Finalement, nous restons
centrés - c'est ce qui est intéressant par rapport au rapport
Har-nois - sur la personne. La crise momentanée que la personne est en
train de vivre, qu'elle soit une personne dite psychiatrisée ou non, on
travaille sur la crise et nous référons. L'intervention dure
entre quinze jours et trois semaines.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Brièvement, M.
Sévigny.
M. Sévigny: Oui. Mme la ministre, en ce qui a trait au
désengorgement, je crois qu'il y a une information qu'il serait
important de vous communiquer. Non seulement on vient vous expliquer que le
centre de crise a joué son rôle dans le désengorgement des
urgences des hôpitaux psychiatriques, mais aussi que le programme en
santé mentale de première ligne qui a été
instauré en Janvier joue un grand rôle chez nous à cause
d'un processus qui est naturel: 62 % des gens qui s'adressent au programme de
santé mentale de première ligne viennent d'eux-mêmes, sans
aucune référence, pour des raisons historiques propres à
notre milieu. Par le fait même, par le programme de santé mentale
de première ligne, on évite qu'ils se rendent à l'urgence
de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine. Je vous le donne à titre
d'information. Les deux nouveaux programmes qui ont été
institués en janvier 1987 ont atteint les objectifs que vous aviez
fixés au départ.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de
Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'ai beaucoup retenu
de la discussion que vous avez eue avec Mme la ministre. Vous allez me
permettre de faire un passage rapide sur deux points. D'abord, la question du
financement. Vous dites que la contribution demandée, en termes de
principe de base, vous n'êtes pas en désaccord avec cela, mais
vous en avez peut-être sur le bien-fondé des 10 % demandés.
Ce sont des questions qu'on a posées à des organismes
bénévoles et à des organismes alternatifs ou
communautaires.
Ce que vous dites, c'est qu'on devrait tenir compte d'autres facteurs
que de ces simples 10 %, à froid. Vous dites: Dans les milieux
défavorisés - c'est une des interventions qu'on fait souvent - Il
devient difficile, lorsqu'il y a plusieurs organismes communautaires, d'aller
chercher un tel financement. Vous mettez des choses au pourcentage
demandé en disant: On devrait tenir compte de l'indice de
"défavorisation" du milieu et du nombre de ressources à
supporter. On peut être en accord complet avec vous... D'ailleurs, on l'a
dit, on l'a répété, les 10 %, cela devient difficile dans
la mesure où il y a trop d'organismes dans le milieu qui vont venir
demander à tout le monde, aux mêmes personnes de fournir un
pourcentage allant jusqu'à 10 %.
Quant au plan de services individualisé, vous faites des
recommandations dans le même sens que tous les organismes du milieu
institutionnel. Vous dites: II faut éviter des formules standards
d'identification des besoins, du genre CTMSP, pour les personnes
âgées. Autrement dit, vous ne voulez pas que cela devienne une
chose bureaucratique. Vous dites: Cependant, on devrait ajouter du personnel.
J'aimerais vous entendre rapidement sur les deux sujets que j'ai
soulevés pour que vous nous donniez davantage de renseignements sur ce
que vous avez répondu à Mme la ministre - j'aimerais que vous
insistiez davantage là-dessus - quand vous avez dit qu'il devra y avoir
des ressources additionnelles pour la mise en place du plan de services
individualisé.
M. Sévigny: Pour ce qui est de la question des 10 %, tout
à l'heure, dans ma présentation, j'ai mis un peu plus de
détails que ce qui est dans le mémoire. Seulement en nombre de
ressources à supporter, surtout, comme je le disais tout à
l'heure, quand on veut vraiment vivre le partenariat... Je donnais, à
titre d'exemple, je disais qu'il y avait plus de 100 groupes communautaires
chez nous qui jouaient un rôle de partenaire et qui comprenaient 300
permanents et 1000 bénévoles. Lorsqu'on parie des 10 %, ce n'est
pas qu'on veut mettre un chiffre plus élevé, c'est seulement pour
tenir compte - une forme de pondération pourrait être
aménagée; je pense qu'il y a moyen de le faire - lorsqu'on
veut jouer un rôle de partenariat, du tissu d'organismes communautaires
qui existe déjà dans le milieu et qui est très actif
historiquement Effectivement, si on veut être capable de travailler au
maximum avec ces gens-là, il va falloir en tenir compte. C'est dans ce
sens-là qu'on le dit, mais ce ne sont pas nécessairement des
dollars qu'on veut, c'est seulement de tenir compte d'une réalité
qui est la nôtre et qui, idéalement, devrait être
celle-là en termes de dynamique avec les partenaires du milieu.
Pour ce qui est des coûts additionnels pour le plan de soins,
peut-être que Claudette...
Mme Desbiens (Claudette): C'est qu'en ce qui concerne le plan de
soins, on a parfois à travailler avec différents partenaires. Une
formule standard comme la CTMSP est assez longue à remplir et
fastidieuse, en tout cas. Si on a une formule qui est à peu près
dans le même style parce qu'on va travailler ensemble, pour remplir la
CTMSP, cela Implique une heure et demie de travail avec la personne.
Après cela, cela demande du travail au bureau parce qu'elle n'est pas
entièrement complétée. Alors, c'est là qu'on
demande des ressources additionnelles. C'est que, s'il y a une formule standard
comme cela, cela va impliquer plus de travail pour l'intervenant De plus, on
travaille auprès des personnes handicapées et des personnes du
troisième âge, et en santé mentale auprès des moins
de 60 ans. SI chacun a ses formulaires... Chacun a sa manière de
procéder et sa méthode de travail. S'il faut qu'en plus il y ait
une formule plus standard ou un plan de soins individualisé... On fait
tous des plans de soins individualisés, mais on a chacun notre
manière de procéder et on fonctionne ensemble après. C'est
à cet égard. (15 h 45)
M. Jolivet: À la page de votre mémoire où
vous faites mention du rôle du CLSC dans la gamme de services, vous
dites: Le mémoire recommande une certaine forme de discrimination
positive en faveur des CLSC étant donné leur implication locale
et leur rôle de première ligne. Vous faites mention à un
autre endroit d'une certaine absence quant à la référence
du CLSC. Vous déplorez un peu cette absence de référence
dans le projet de politique, malgré votre Implication dans la
santé mentale. Tous les groupes qui sont venus veulent être
impliqués dans la future politique de santé mentale au
Québec. Les psychiatres l'ont dit d'une autre façon, les autres
organismes aussi. Les syndicats disent: On veut être dedans. Les
psychologues l'ont dit. J'aimerais savoir, compte tenu de votre implication
dans le milieu, quel est le rôle que vous aimeriez voir jouer par les
CLSC à l'intérieur de la future politique de santé mentale
au Québec.
M. Sévigny: Quand on parle de discrimina- tion positive,
c'est exactement ce qu'on veut dire. On pense qu'on démontre aujourd'hui
non seulement notre volonté d'agir en santé mentale et, de
façon globale, en partenariat avec ceux qui nous entourent, mais on le
vit déjà. Ce qu'on vous présente aujourd'hui est un peu le
résultat de ce qui a été vécu et c'est dans ce sens
qu'on dit: On est là, on l'a fait et cela donne de bons produits. Il y a
même des Idées qui sont énoncées dans le rapport
Harnols qu'on a vérifiées dans le vécu, et, effectivement,
c'est très positif.
Quand on dit qu'il manque de référence au CLSC, c'est
qu'il y a des endroits où il aurait des rôles à jouer ou
des responsabilités à assumer, mais cela n'est pas clairement
Identifié. On dit: II manque de référence, on aurait pu
dire carrément: C'est une vocation locale, c'est avec les groupes
communautaires, etc. Pour nous, cela s'identifie au CLSC, mais ce n'est pas dit
clairement dans le rapport C'est plus cet aspect qu'on voulait souligner. Nous,
on croit déjà jouer un rôle important et on veut que cela
continue. On offre à la population de continuer à jouer ce
rôle.
M. Jolivet: II y en a qui disaient qu'ils voulaient être
une sorte de porte d'entrée dans le système, si jamais on avait
besoin de référer des personnes à des institutions ou
à des organismes communautaires, à des organismes alternatifs.
Est-ce que vous voyez cela comme ceci: la personne s'adresse d'abord à
vous et, ensuite, vous la référez?
M. Sévigny: Ce que je mentionnais à Mme la ministre
tout à l'heure, c'est que c'est un élément important chez
nous. Le CLSC est installé depuis très longtemps. Il est
né d'une volonté populaire, communautaire Quand je dis qu'en
santé mentale on joue un rôle de très grande
prévention, c'est que 62 % des gens qui ont été
reçus sont venus spontanément chez nous. Cela veut dire que,
dès qu'ils sentent qu'il commence à y avoir un
déséquilibre, ils viennent nous voir, et, immédiatement,
on résorbe. C'est de ta prévention. C'est cela la porte
d'entrée des services en santé mentale. Peut-être que
Christian pourrait expliciter cette approche, mais c'est une approche
préventive dans tout son sens.
M. Magny (Christian): Très brièvement, pour
expliquer que les gens se présentent spontanément au CLSC avec ou
sans rendez-vous. Il n'y a pas de liste d'attente, ce qui fait que, dans un
très court laps de temps, les gens sont en contact avec un intervenant
de santé mentale de première ligne. Une première
évaluation se fait. À partir de cette évaluation, si
toutefois on considère que la personne a besoin d'un traitement
spécialisé ou d'un traitement à long terme, il y a
référence Immédiatement à
Louis-Hippolyte-Lafontaine, par exemple. Sinon, si on considère, avec la
motivation de la personne et
la problématique présentée, qu'on peut intervenir
dans un cadre de quatre mois de façon efficace et satisfaisante pour le
client, on amorce une prise en charge à ce moment-là. Alors,
c'est dans ce sens que porte ouverte peut s'interpréter,
c'est-à-dire qu'on reçoit les gens et on les oriente au besoin si
on ne peut pas leur donner le service.
M. Jolivet: On devrait changer les mots "porte tournante" par
"porte ouverte".
Une dernière question portant sur la
désinstitutionnalisation. Ce matin, il y a un groupe qui est venu et qui
nous a dit Justement que le groupe d'experts les inquiétait un peu. Vous
demandez, comme vous le disiez tout à l'heure, qu'on reconnaisse
plutôt l'expertise des acteurs sur le terrain, que ce soient les groupes
communautaires, les proches, les CLSC, les aidants naturels. Est-ce que vous
pourriez en dire davantage, par rapport au groupe d'experts proposé pour
la désinstitutionnalisation, quant au rôle que vous voyez pour les
autres intervenants, acteurs, CLSC, aidants naturels, proches et autres?
M. Sévigny: Mme Hélène Fleury va
répondre.
Mme Fleury: En fait, actuellement, la façon de
procéder, c'est qu'une personne est dans son milieu, elle fonctionne
mai. Pour être suivie, recevoir des soins, il faut absolument qu'elle
soit référée par un médecin. Même si,
physiquement, elle n'a pas de problème médical, elle doit
absolument aller voir un médecin de pratique générale qui
va la référer. Ce que nous on dit, c'est qu'il y a d'autres
Intervenants dans le milieu qui ont aussi des compétences et de
l'expertise. Ce qu'on souhaiterait, finalement, à plus long terme, c'est
qu'il n'y ait pas l'obligation de cette référence
médicale, mais que, dans les milieux où il y a déjà
une collaboration avec le CLSC ou avec des Intervenants du CLSC, que la
personne qui ne va pas bien puisse être directement
référée au service qui lui est nécessaire, sans
nécessairement être obligée d'avoir le suivi
médical.
Il y a des intervenants dans le milieu qui, de temps en temps, nous
appellent pour nous dire: Je travaille avec Mme Unetelle. Elle ne va vraiment
pas bien. Son enfant est décédé la semaine
dernière, quelque chose de louche un peu, quelque chose de pas
précis. Elle ne va pas bien, je ne sais pas trop quoi faire avec elle.
Elle ne veut pas aller à l'hôpital, naturellement, parce que,
aussitôt que tu ne vas pas bien dans ta tête, la mentalité,
c'était l'hôpital psychiatrique. Elle ne veut pas se faire suivre
en psychiatrie et tout ça. Souvent, dans certains cas, nous, on
intervient avec la personne référante, qui, elle, va continuer
à assurer le suivi auprès de la personne. Mais, si cette personne
pouvait elle-même faire une démarche avec l'usager pour aller
chercher des services sans avoir toute l'escalade des entrevues, le
médecin, l'évaluation psychiatrique, la
référence... Ce qu'on souhaite, c'est que les intervenants du
milieu, les travailleurs de CLSC, les intervenants des groupes qui travaillent
déjà en collaboration puissent avoir accès à des
services plus spécialisés en partant de l'expertise et des
connaissances qu'ils ont déjà-
M. Jolivet: En fait, vous parlez d'une
désinstitutionnalisation en n'institutionnalisant pas la personne.
Mme Fleury: Absolument. En n'institutionnalisant pas...
M. Jolivet: Et non pas l'inverse.
Mme Fleury: il ne faut pas institutionnaliser, au contraire;
surtout pas les gens qui n'ont jamais été
Institutionnalisés. On a des exemples au CLSC de personnes qui sont
venues demander des services et qui, parce que maintenant on a les services
d'une psychologue et d'un travailleur social spécialisé en
intervention en santé mentale, n'ont pas été
hospitalisés, ne sont pas entrés dans tout le système de
psychiatrisation, qui est très lourd et qui suit la personne pour le
reste de sa vie, pour une crise finalement qui aurait pu se résorber
autrement. On l'a vécu chez nous et on le vit actuellement avec des
personnes qui sont dans des groupes du quartier, dans des ressources
communautaires. On apporte de l'aide à l'intervenant qui est avec la
personne, et celle-ci n'est pas vue au CLSC. Elle n'est pas vue non plus
à Louis-Hippolyte. Elle continue d'aller aux activités de son
groupe, mais il y a là une espèce de soutien parce que c'est
quand même un cas lourd, quelque chose d'assez spécial que vit
cette personne. Il y a un réseau, un tissu communautaire autour qui
l'aide et qui, en cas de besoin, va pouvoir venir avec elle rencontrer un
intervenant chez nous si c'est nécessaire. Tant qu'on peut éviter
cela, que le milieu continue à prendre en charge, nous autres, on pense
que c'est ce qui doit être poursuivi.
M. Jolivet: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: Oui, merci, M. le Président. Je voudrais
revenir quelques minutes sur le centre de crise. Je trouve cela
extrêmement Important comme nouveauté dans le système. Au
fond, on discute beaucoup, en même temps qu'on discute du centre de
crise, d'accessibilité et d'organisation des services. D'une part, ta
ministre a soulevé ta question des exclusions de clientèles et,
à partir des informations que moi j'avais, je ne suis pas certain que
les réponses ont permis de bien vous faire comprendre. Par
exemple, ce que j'ai compris de votre réponse, c'est que ne sont
exclues que les personnes qui ne sont pas référées par les
deux hôpitaux du territoire. C'est un peu la réponse que J'ai
l'impression que la ministre a comprise. Moi, c'est dans ce sens que je l'ai
comprise. J'avais toujours entendu dire, par exemple, que les gens qui avaient
des tendances suicidaires n'étaient pas reçus dans les centres de
crise. J'aimerais que vous soyez un peu plus précis sur qui n'a pas un
accès direct au centre de crise.
Mme Zuccaro: II y a deux façons pour mol de vous
répondre. SI je parie de facteurs d'exclusion de l'entrée des
clientèles au centre de crise, je vais pouvoir vous répondre que
nous excluons les toxicomanes, les personnes qui ont un problème
d'alcoolisme sévère, par exemple, qui seraient en cure de
désintoxication; celles-là, on ne peut pas les intégrer
dans notre milieu de vie. Nous excluons toute personne qui aurait des
comportements agressifs qui mettraient en danger la sécurité des
membres du groupe ou sa propre sécurité. C'est tout en termes
d'exclusion vraiment de la clientèle. Vu que nous sommes dans la phase
1... Il y a deux phases dans l'Implantation des centres de crise. Il y a la
phase I qui est exclusivement réservée aux hôpitaux
psychiatriques de la région, donc, la mesure de désen-gorgement
des salles d'urgences, et II y a la phase 2, qui devait commencer quelques mois
après, six mois après l'implantation du centre de crise qui
pouvait accepter de la clientèle référée par les
groupes du quartier, par d'autres CLSC, ou par les services de santé
mentale de première ligne. Compte tenu que nous avons
vérifié, après six mois d'opération, avec le
comité avlseur, avec tous les partenaires de la sous-région est,
que six mois ce n'était pas suffisant pour pouvoir mesurer le potentiel
de la clientèle que les hôpitaux pouvaient nous
référer, d'un commun accord, nous avons prolongé la phase
1 de six mois. Et, normalement, à partir du 1er avril, nous pourrons
recevoir la clientèle qui va nous être
référée par tous les organismes qui ont une
clientèle ayant des problèmes de santé mentale et qui ne
seront pas obligés de passer par les urgences des hôpitaux pour
arriver au centre de crise. Mais, actuellement, c'est encore le cas.
Quant à ta clientèle à risques suicidaires, nous
acceptons les risques suicidaires pour autant qu'il n'y ait pas un risque
élevé de passage à l'acte.
M. Rochefort: Est-ce que vous faites une distinction entre risque
et tendance?
Mme Zuccaro: Oui. Nous recevons...
M. Rochefort: Je parle des gens à tendance suicidaire.
Mme Zuccaro: À tendance suicidaire... Pierre Mercier, qui
est responsable de ça...
M. Rochefort: Ils sont exclus.
Mme Zuccaro: Absolument pas. Nous avons plus de la moitié
de notre clientèle qui a des tendances suicidaires.
M. Mercier (Pierre): Je pourrais même dire jusqu'à
80 % des gens, parce qu'une personne qui vit une problématique
psychiatrique est déjà une personne au potentiel
élevé en ce qui a trait au suicide. Les gens que nous recevons en
situation de crise, c'est sûr que leurs mécanismes sont un peu
amoindris et qu'ils ont tous un potentiel suicidaire. Comment travaille-t-on
avec ces gens-là? Ils sont en situation de crise et c'est là, au
chapitre du partenariat, que nous travaillons beaucoup avec le psychiatre qui a
fait l'évaluation. Nous avons des échanges et, en fait, c'est le
psychiatre qui a la responsabilité du suivi.
M. Rochefort: Le psychiatre de l'établissement
M. Mercier: De l'établissement qui a
référé le cas chez nous.
Pour ce qui est des crises suicidaires que J'appellerais plus
situationneltes: où une personne - un exemple que je pourrais donner -
qui a différentes pertes, des décès et tout cela,
présentement, on est dans l'obligation de faire passer ces
gens-là par l'urgence psychiatrique. A notre avis, nous pourrions jouer
un rôle dans ce type d'intervention avec des gens qui ont une
problématique suicidaire davantage rattachée à des
facteurs psychosociaux, justement, en complémentarité avec les
hôpitaux référants. il y a aussi la problématique
suicidaire qui vient plus d'une crise existentielle, ou une chose du genre.
Mais, quand on parle de complémentarité au chapitre des services,
ça se vit présentement avec les travailleurs sociaux ou les
psychiatres qui nous réfèrent des cas, parce qu'il y a des
problématiques qui sont psychiatriques et il y a des cas qui nous sont
référés en crise suicidaire et qui n'ont pas de profil
psychiatrique ou de pathologie d'installée. À ce
moment-là, on résorbe la crise et tout se joue au niveau de
l'autonomie de la personne qui se prend en charge, parce qu'après
l'évaluation on juge qu'elle est encore capable... Une fois le niveau de
stress et le déséquilibre psychologique un peu abaissés,
elle est en mesure de prendre ses propres décisions. C'est vraiment le
type d'intervention qu'on prône au centre de crise.
M. Rochefort: Je reviens à cette question de la
référence par l'établissement hospitalier. Vous nous dites
que normalement, après les six premiers mois, II était
prévu que cette obligation ne tienne plus. Vous nous dites: Compte tenu
de certains facteurs, on a préféré prolonger cette
période. Est-ce que maintenant c'est acquis que
cette période prendra fin dans les prochaines semaines?
Finalement, c'est un peu un cercle vicieux. On dit qu'on met en place des
centres de crise pour désengorger les salles d'urgence, que les salles
d'urgence ne doivent plus être la porte d'entrée dans le
réseau, mais, dans la mesure où on parle de la clientèle
dont on parle actuellement, s'il faut absolument être
référé par un établissement hospitalier, ça
veut donc dire qu'il faut - et c'est parce que j'ai des cas en tête -
absolument que la personne se présente dans une salle d'urgence pour
avoir une chance d'aboutir dans un centre de crise. Ce qui fart qu'on est en
train de dire au gens: N'oubliez pas de passer par la porte de la salle
d'urgence si vous voulez venir au centre de crise, alors que le centre de crise
était fait pour qu'il n'y ait pas de concentration aux salles d'urgence
comme porte d'entrée du réseau.
Par contre, je comprends facilement avec vous que vous ne pouvez pas
faire ça du jour au lendemain. Mais est-ce que c'est acquis que c'est
une contrainte qui va être levée? (16 heures)
Mme Zuccaro: Écoutez, vous touchez le point qui est,
justement, de changer les mentalités. Qu'est-ce qu'un partenariat? Je
pense qu'on touche un problème de fond quand on parie de cela. Cela ne
se fait pas du jour au lendemain. Ce que je peux vous dire, c'est que, si vous
voyiez un petit peu... Brièvement, nous recevons, nous, en tant que
centre de crise faisant partie du réseau, la clientèle des
hôpitaux exclusivement Nous nous en occupons un petit peu et, ensuite, on
réfère souvent à des ressources alternatives et
communautaires.
Depuis le début de ce dossier, on a toujours décidé
de répondre d'abord aux besoins des urgences, de désengorger les
salles d'urgence. Alors, le travail que nous faisons, mois après mois,
avec les deux hôpitaux, nos partenaires, c'est que, quand les
hôpitaux nous ont demandé de prolonger cette phase 1 pour qu'eux
aient une meilleure connaissance de la clientèle qu'ils pourraient nous
envoyer, on a dit oui, parce que c'est cela le partenariat, c'est de s'adapter
à différents besoins et à différentes demandes
aussi. C'est sûr qu'il y a eu quelques frustrations. Les groupes
communautaires étaient prêts à nous envoyer de la
clientèle, mais je dois vous dire que le programme est
évalué quasiment à la semaine près, parce qu'on a
une évaluation du programme depuis le 15 décembre.
La phase 2, pour le moment, on est en train de la travailler. C'est
clair qu'on va commencer la phase 2 le 1er avril. Le modèle du centre de
crise est un document - 30 pages - qui disait: Nous allons fonctionner comme
cela. Il n'était pas encore concrètement réalisé
sur le terrain. Nos partenaires nous ont demandé un délai pour
des raisons qui sont légitimes. Ils ont dit: À partir du moment
où vous allez avoir une clientèle qui va peut-être avoir
une composante psychiatrique, mais qui ne va pas être
psychiatrisée encore par le système, vous risquez, vous, n'ayant
pas la possibilité sur place de faire une évaluation
psychiatrique, vous allez nous la demander à nous parce qu'on est une
porte d'entrée dans les urgences des hôpitaux. Nous, au centre de
crise, quand on a un problème avec une clientèle, on
téléphone. Cinq minutes après, on est à l'urgence;
dix minutes après, la personne est reçue par un psychiatre.
C'était normal que les psychiatres nous aient dit: Vous risquez de venir
nous engorger par toute cette clientèle du milieu qui n'est encore
connue par aucun médecin, par aucun psychiatre, et c'est vrai. Je peux
vous dire que, sur te terrain, c'est vrai. Nous avons reçu, dans la
mesure où H y avait certaines places de libres, des gens qui nous ont
été référés directement en urgence, et on
s'est aperçu, au bout de deux ou trois jours, qu'il n'y avait personne
au dossier. Donc, il fallait trouver un travailleur social, il fallait trouver
un psychiatre; Il fallait automatiquement renvoyer en évaluation
psychiatrique. Je comprends les hôpitaux qui peuvent nous dire: Vous
risquez de nous engorger. Alors, il faut être prudent
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
Le temps est écoulé, une dernière question.
M. Rochefort: Un dernier commentaire, M. le Président. Je
comprends le sens de votre réponse et, de toute façon, je suis
heureux qu'à partir du 1er avril il y ait possibilité de
référence par les organismes communautaires et les groupes du
milieu. Je vous dis que je suis à moitié le raisonnement des
professionnels des établissements parce que, finalement, II ne s'agit
pas de fermer les portes des établissements. C'est sûr qu'un jour
on va avoir besoin des professionnels qui sont dans les établissements
et des ressources qu'on y retrouve. Vous n'êtes pas un autre
hôpital psychiatrique du territoire.
Je pense qu'il vaut mieux que les bénéficiaires passent
par chez vous, dans la mesure du possible, avant que d'aller perdre leur temps,
faire perdre le temps à bien du monde et, pendant ce temps-là, ne
pas obtenir un service, alors qu'ils sont en situation de crise. C'est pour
cela que, mol, je veux bien pour quelques mois, mais je ne suis pas tellement
leur raisonnement.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Alors, merci. Ce sont les mots de la fin. Merci
d'être venus nous donner votre expérience et, à partir de
là, permettre que la politique de santé mentale soit la meilleure
possible et que vous soyez un intervenant important.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je joins mes remerciements à ceux de mes
collègues. Au nom de ma formation politique, je veux vous remercier. Je
dois vous dire qu'évidemment, dans l'heure qui nous est donnée,
on ne peut pas aborder tous les points qu'il serait non seulement
Intéressant d'aborder, mais qu'il serait intéressant
d'approfondir davantage. Si vous restez sur votre appétit, nous autres
aussi, à certains moments.
Je dois vous dire que ces mémoires vont être lus
attentivement et les aspects qui n'ont pas été abordés, ou
on en reparlera avec les gens qui les ont présentés, ou on
tentera d'Intégrer ce qui, croyons-nous, devrait l'être. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission
des affaires sociales remercie le Centre local de services communautaires
Hochelaga-Maisonneuve et appelle à la table des témoins
l'Association des intervenants en toxicomanie du Québec inc.,
représentée par M. Claude Giroux et Mme Isabelle
Gagné.
Nous recevons l'Association des Intervenants en toxicomanie du
Québec. Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez
20 minutes pour votre présentation et les parlementaires ont 40 minutes
pour vous questionner sur votre mémoire, pour une enveloppe globale
d'une heure.
Je vous prierais de vous identifier, d'une part, et de procéder
ensuite à la présentation de votre mémoire.
Association des intervenants en toxicomanie du
Québec
Mme Gagné (Isabelle): Isabelle Gagné, directrice de
l'Association des intervenants en toxicomanie du Québec.
M. Gîroux (Claude): Claude Giroux, président de
l'association.
Mme Gagné: Mme la ministre, mesdames, messieurs,
l'Association des Intervenants en toxicomanie du Québec est un organisme
à but non lucratif fondé en 1977, à la suite du
démantèlement de l'Office de la prévention et du
traitement de l'alcoolisme et des autres toxicomanies, l'OPTAT.
Les intervenants en toxicomanie se retrouvaient Isolés, sans
aucun lieu de rencontre, pour échanger sur des préoccupations
communes. Au début, les membres proviennent principalement du secteur
public, soit les centres d'accueil de réadaptation relevant du
ministère des Affaires sociales de l'époque et les
départements de toxicologie des centres hospitaliers. En 1980, on
assiste à l'élargissement du membership avec l'apparition en plus
grand nombre des program* mes d'aide aux employés.
Aux membres provenant du secteur public viennent alors s'ajouter des
intervenants de secteurs non professionnels, des toxicomanes
réadaptés et des bénévoles. En 1984, un autre
courant développe un membership chez les intervenants en milieu
scolaire, en milieu de la justice, qui sont confrontés à des
problèmes de toxicomanie selon leurs clientèles. Le membership,
constitué de membres-ressources qui sont des organismes offrant des
services structurés de prévention, de traitement, de formation ou
de recherche dans le domaine de l'usage et de l'abus des substances
psychotropes, représente une soixantaine de ressources. Les membres
individuels sont des personnes impliquées socialement ou
professionnellement dans ce domaine. Nous comptons plus de 500 membres
individuels.
L'AITQ est et est reconnue comme le seul groupement des intervenants en
toxicomanie, qu'ils soient bénévoles, non professionnels ou
professionnels. Notre but principal vise l'amélioration des
Interventions en matière d'usage et d'abus de substances
psychotropes.
Nous avons également un conseil d'administration actuellement
composé de cinq représentants de membres-ressources et de quatre
représentants de membres Individuels. Le président est M. Claude
Giroux, pharmacien. Je crois avoir brossé un bref aperçu de ce
qu'est l'Association des Intervenants en toxicomanie en 1987.
Je vous remercie d'avoir invité l'Association des Intervenants en
toxicomanie à vous entretenir de ses préoccupations en regard du
projet de politique de santé mentale. Le milieu de l'intervention est de
plus en plus conscient des besoins spécifiques de notre
collectivité et pour répondre, il nous faut tous travailler en
étroite collaboration puisque notre but comme intervenant en toxicomanie
devrait être la personne d'abord. Merci de votre attention et je
cède la parole à notre président, M. Claude Giroux.
M,
Giroux: La réalité des toxicomanies ne
pourrait être sans danger et être qualifiée
d'épiphénomène. Ça y est! Il a accroché sur
le mot, vous allez me dire. Il y a un risque principal à utiliser le
terme "épiphénomène", c'est de croire qu'on ne voit dans
la toxicomanie qu'une manifestation accessoire qui serait en quelque sorte le
symptôme manifesté d'une pathologie mieux circonscrite.
L'utilisation, dans le document étudié ici, du terme
"épiphénomène" justifie une mise en garde - c'est un peu
ce que nous venons vous apporter aujourd'hui - que nous allons tenter de vous
exprimer, qui est issue des milieux spécialisés qui oeuvrent avec
des personnes toxicomanes. Ces réserves - je tiens à le
préciser avant de commencer - ne sont ni une désapprobation ni
une contestation d'une démarche que, par ailleurs, on trouve très
Intéressante et qui est même considérée par
plusieurs comme courageuse parce que parler de partenariat, parler
d'interventions systémiques, d'une complémentarité des
services, cela heurte à un certain niveau la tranquille
individualité de certains petits services
qui sont bien installés dans leur routine. Surtout dans le
secteur de la santé, c'est une réalité que l'on
connaît malheureusement C'est dans cet esprit d'ouverture,
d'échange d'informations que l'Association des intervenants en
toxicomanie vient vous faire part d'une opinion qui, dans l'ensemble, est
partagée par les 500 membres et les organismes-ressources.
En parlant de toxicomanie, parler d'épiphénomène,
c'est risquer de méconnaître ou encore éviter d'aborder la
complexité d'un tableau. Une réflexion systémique qui
serait ouverte aux multiples facettes de l'état de santé mentale
des Québécois se doit de considérer un lien, un lien
important qui existe entre les psychotropes, leur utilisation, licite ou non,
et le traitement ou le maintien de pharmacodépendances. L'idée
qui se dégage du rapport qui est présenté, c'est que la
toxicomanie constitue un symptôme manifesté d'un désordre
mental présent chez ta personne qui s'y livre. C'est une vision qui est
largement répandue dans les milieux spécialisés. On parle
moins, en effet, en 1988 des toxicomanes, on parie de plus en plus de la
personne toxicomane, de la personne ayant des comportements toxicomanes. Ce
concept s'accorde avec les données actuelles que l'on a.
Le risque qui est présent dans l'image qui est
évoquée dans le rapport vient de ce que la relation de
problèmes de santé mentale et psychotropes pourrait, par
certains, être interprétée comme une relation à sens
unique, une relation de cause à effet. Pourtant, ces deux
éléments, le problème de santé mentale et le
psychotrope, sont en Interrelation. Cela ne va pas de A à B. A affecte B
et B affecte A.
Bien sûr, la faible estime de soi et le sentiment
d'incompétence peuvent faciliter le développement d'une
dépendance à l'expérience euphorisante lors de l'ingestion
de la cocaine, c'est certain. Bien sûr, l'analgésie morale" que
procure l'héroïne peut calmer les angoisses ou répondre aux
besoins de certaines personnes plus agressives. C'est évident que
l'Individu qui se trouve piégé dans une situation, coincé,
saura utiliser les tranquillisants ou l'alcool pour éviter d'affronter
certaines difficultés. Dans un sens, c'est vrai. Cependant, le jeune
toxicomane qui se retrouve, après l'ingestion d'un "cap" de PCP -
appelons les choses par le nom qu'on leur donne sur la rue - hospitalisé
avec une médication antipsychotique qui va le suivre pendant ses
prochaines années n'avait pas nécessairement de
difficultés sous-jacentes. Pourtant, la personne âgée qui
reçoit, à sa première nuit dans un nouveau foyer
d'accueil, une dose routinière d'un hypnotique qu'elle va recevoir
toutes les autres nuits n'avait peut-être pas de problème
d'insomnie avant de recevoir sa dose. Je me souviens du cas d'une femme
violentée qui était harcelée par son conjoint et à
qui un médecin prescrivait des antidépresseurs. Pourtant, dans
les circonstances, je pense que l'anxiété manifestée
était on ne peut plus saine. Si l'abus de drogues peut être
traité par notre système de soins actuel, II ne faudrait pas
oublier non plus que notre système de soins peut aussi le favoriser.
La situation avait été soulignée par le document,
"Médicaments ou potions magiques", que le ministère avait
publié, il y a quelques années d'ailleurs, un document où
on s'inquiétait de la forte consommation de psychotropes, entre autres
chez les femmes, les assistés sociaux, les personnes âgées
ainsi que de la médicalisation maintenant fréquente des
problèmes sociaux ou psychologiques. On pourrait voir dans mes propos la
traditionnelle attaque qu'on essaie de voir contre le système
médical, contre la médecine, la pharmacie. Pourtant, c'est un
pharmacien qui vous parle, un pharmacien qui, comme les médecins, les
infirmières, les autres pharmaciens qui sont membres de l'AITQ, est
conscient d'une faiblesse qui existe et qui est réelle dans notre
système, une faiblesse dont on partage la vision avec les criminologues,
les psychologues, les sociologues, les autres professionnels des sciences
humaines qui font partie de l'AITQ. Une saisie globale de la situation et de
l'Intervention en santé mentale se doit de considérer les
innombrables facettes de cette intervention. Les questions de la
médication psychotrope, des dépendances iatrogènes
générées par le traitement thérapeutique
pharmacologique, la médicalisation fréquente de
difficultés normales de la vie quotidienne doivent figurer en bonne
place dans une réflexion comme celle que le comité amorce. C'est
sûr que comme pharmacien J'ai remarqué qu'on ne traitait pas
beaucoup de médicaments. Pourtant une bonne partie de ma
clientèle consomme des antfpsychotiques. C'est quand même une
partie de la réalité du patient psychiatrisé. (16 h
15)
Parler de désinstitutlonnalisation aujourd'hui est possible
grâce à l'arrivée d'un nombre considérable d'outils,
des médicaments antipsychotiques. Des dizaines de produits permettent
une réintégration dont on n'aurait même pas pu
soupçonner la possibilité il y a quelques années. La
qualité de vie des bénéficiaires s'en trouve
améliorée. Plusieurs personnes ont pu éviter des
séjours traumatisants en milieu spécialisé. C'est vrai.
Mais parier de psychiatrisation, c'est aussi parier de dépression
secondaire à un usage Irrationnel de tranquillisants. C'est parler des
Halcion, des Ativan, des Valium, des produits d'un usage si fréquent que
cette classe de médicaments remporte au palmarès des
prescriptions la première place devant l'ensemble, tant au point de vue
du nombre des ordonnances que de celui du pourcentage de la population
consommatrice, l'ensemble de tous les autres médicaments utilisés
entre autres chez les bénéficiaires de l'aide sociale.
C'est parler des clients qu'on ne veut pas traiter en psychiatrie parce
qu'ils sont toxicomanes, des clients qui reçoivent des congés de
salles d'urgence après une douzaine d'heures de
civière parce qu'ils sont toxicomanes. Des personnes qui sont
envoyées ou à la DPJ ou à la cour, qui les
réfèrent à des centres d'accueil où on
découvre que la personne a un dossier psychiatrique; alors, on la
réfère à nouveau au département de psychiatrie, qui
l'avait refusée en premier lieu. L'Intervenant qui oeuvre avec un ou une
toxicomane affronte les difficultés qui sont décrites par le
comité, le manque de coordination entre les ressources dont on a moult
fois parlé, te manque de coordination entre les services sociaux,
judiciaires, médicaux et institutionnels, l'absence de ressources
offertes aux familles et aux proches, qui devraient aussi faire l'objet d'une
certaine intervention en toxicomanie.
Cette situation difficile est bien décrite par le rapport.
Cependant, l'intervention avec un toxicomane se complique en plus de tout cela
d'une définition confuse de certains territoires d'intervention qui
résulte en références multiples, successives et
bâclées, souvent, d'une ressource a l'autre alors que ni les
services psychiatriques hospitaliers, ni les services médicaux
d'urgence, ni les ressources traditionnelles d'aide aux démunis ne
considèrent pouvoir aider une clientèle qu'ils trouvent peu
gratifiante. Je me souviens de la directrice d'un organisme communautaire
d'aide aux ex-détenus qui refusait d'aider les toxicomanes parce qu'elle
trouvait qu'eux autres ne le méritaient pas. Cela n'a pas de sens, mats
tout de même ça existe, on le voit SI la notion de maladie, de
handicap physique, de problème de santé mentale ont obtenu, sinon
une franche considération, du moins une certaine tolérance, dans
les discours publics, on voit toujours dans la toxicomanie quelque chose d'un
peu louche, d'un peu déplaisant ou déplacé,
d'Inconfortable. On y voit un problème différent, quelque chose
de marginal, si ce n'est pas encore la traditionnelle déficience
morale.
Je me souviens d'un toxicomane qui résidait sur le territoire
montréalais et qui désirait recevoir des services psychiatriques;
il s'était présenté à trois hôpitaux
successifs et s'était fait dire par chacune des admissions de ces
hôpitaux qu'il n'était pas sur le territoire de l'hôpital.
À certains moments, son logement était un domicile temporaire,
alors ça n'entrait pas en ligne de compte. A d'autres moments, il
était vraiment du mauvais côté de la rue. La personne en
avait fini par conclure qu'elle ne relevait d'aucun hôpital. En plein
coeur de Montréal, c'est tout de même assez inadmissible Des
exemples comme ça, n'Importe quel Intervenant en toxicomanie de
Montréal, de Baie-Comeau, de Chicoutimi ou de Chibougamau peut en
apporter.
La marginalisation du toxicomane, en plus de cela, au sein des services
de santé mentale résulte en une marginalisation des ressources
d'intervention elles-mêmes. C'est un secteur méconnu de la
population en général et, chose plus grave, des intervenants
d'autres disciplines. L'AITQ suggère fortement que la sensibilisation
des professionnels de la santé qui est suggérée dans le
rapport Intègre des données relatives aux
pharmacodépendances. Il nous Incombe tout de même de
reconnaître que notre système de soins actuel peut favoriser le
développement de certaines toxicomanies. Il est Impérieux de
sensibiliser médecins, pharmaciens, infirmières, travailleurs
sociaux et psychologues à la situation si on veut amorcer une action
corrective. Seule cette sensibilisation, à notre avis, permet de
diminuer la consommation Irrationnelle de médicaments psychotropes dans
la population. C'est aussi la seule façon d'obtenir une collaboration
vraiment efficace entre différents services qui, jusqu'ici, s'Ignorent
presque et ne peuvent travailler en collaboration, dû à cette
ignorance.
Il y a quelques mois la Corporation des psychologues du Québec et
l'Ordre des pharmaciens organisaient pour leurs membres respectifs une
séance d'information sur l'anxiété, les médicaments
anxiolithiques, les rapports qui pouvaient exister entre
l'anxiété et la pharmacothérapie. Alors que la presse n'y
a vu qu'une attaque de certaines corporations contre l'ordre médical,
plusieurs autres personnes ont su en percevoir le sens réel qui est
celui de la reconnaissance d'Intérêts communs au-delà des
barrières administratives ou corporatives chez un bon nombre
d'intervenants du domaine de la santé.
L'AITQ suggère que le gouvernement lui-même donne l'exemple
de la collaboration et de la concertation des effectifs en faisant en sorte que
les objectifs et moyens d'action de la politique en santé mentale et
ceux de la politique ou des orientations sur l'usage et l'abus des drogues dont
l'annonce a été faite récemment par la ministre soit
concordants et complémentaires, permettant d'établir leurs champs
d'Intervention, leurs zones d'interrelation et favorisant finalement ce que
nous recherchons tous, l'osmose nécessaire entre tes aspects d'une
réalité commune, la santé mentale des
Québécois. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, monsieur. Je vais
reconnaître Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
les porte-parole de l'Association des Intervenants en toxicomanie du
Québec. On était particulièrement heureux que vous veniez.
Vous êtes te seul groupe à vous être présenté
Ici, justement pour parler... Je ne sais pas si on peut parler
d'épiphénomène, c'est comme ça que le rapport
Harnois en parte. Mais je pense que c'est un problème extrêmement
important et qui, très souvent, est interrelié avec la
santé mentale, comme vous l'Indiquez aussi dans votre
mémoire.
Maintenant, j'aimerais vous rappeler que nous avons tenté, en
tout cas cette année, par un plan d'action en alcoolisme et en
toxicomanie, d'ajouter des ressources dans ce domaine-là. Je sais que
c'est un domaine qui a traîné de la
patte pendant très longtemps et ça demeure un domaine
où il y a encore beaucoup de gestes et d'actions à poser. Mais
j'ai l'impression qu'on en a quand même posé quelques-uns de plus
significatifs cette année par ce plan en alcoolisme et en toxicomanie
qui, annuellement, va ajouter, je pense, près de 4 000 000 $ en
ressources supplémentaires dans ce domaine. J'ai eu l'occasion, à
un moment donné, d'en parler.
J'aimerais retourner à votre mémoire, en page 3, aux
recommandations. La première: "Que les objectifs et les moyens d'action
de la politique de santé mentale et ceux de la politique ou des
orientations sur l'usage et l'abus des drogues soient concordants et
complémentaires." Établir leur champ et leurs zones
d'interrelation. Deuxièmement: "Que la contribution du système
actuel des services de santé mentale et des services de santé et
de services sociaux soit reconnue comme favorisant le développement de
certaines toxicomanies." Par exemple, les personnes âgées et
l'utilisation des médicaments, l'accessibilité aux psychotropes
pour un certain nombre de personnes.
J'aimerais que vous développiez davantage. Évidemment, il
y a une partie de ça qui est peut-être un peu, malheureusement, je
ne devrais pas dire du folklore, mais il y en a peut-être une partie,
maintenant, qui a été corrigée. On sait que dans certains
centres d'accueil, dans le passé, on avait tendance à
surmédicaliser les personnes âgées pour, en tout cas, avec
des bonnes intentions, les faire dormir mais peut-être aussi les endormir
un peu trop. Mais je trouve que c'est quand même un jugement très,
très sévère quand vous dites: Qu'on reconnaisse la
contribution du système actuel dans le réseau comme favorisant le
développement de certaines toxicomanies.
Est-ce que vous jugez que c'est un phénomène
répandu parmi les gens qui viennent chercher des services en urgence
dans les hôpitaux, dans les CLSC? On a parlé des centres d'accueil
tout à l'heure. Parce que c'est quand même une reconnaissance qui,
d'une certaine façon, condamnerait tout te système aussi.
J'aimerais peut-être que vous élaboriez sur des cas un peu plus
précis que juste cette recommandation-là.
M. Giroux: Ce dont il est fait état, c'est d'un
rôle. C'est évident qu'il y a un paquet de facteurs qui sont
impliqués dans la naissance ou le maintien d'une toxicomanie. Ce dont on
fait état ici c'est qu'il y a un rôle à jouer qui peut ou
qui peut ne pas être joué par le système de soins actuel.
On a tous, je pense, eu connaissance d'une relative facilité à
l'obtention de médicaments psychotrophes. Récemment, je me
souviens... D'ailleurs, je trouve dommage que la Corporation professionnelle
des pharmaciens ne soit pas venue s'adresser à vous parce que je trouve
que le médicament est quand même lié à ta
santé mentale.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous travaillez - c'est
peut-être Indiscret, si oui, vous ne me répondrez pas - à
l'Intérieur du réseau? Où travaillez-vous, comme
pharmacien?
M. Giroux: D'accord. J'enseigne à l'Université de
Sherbrooke au certificat de toxicomanie.
Mme Lavoie-Roux: Ah oui!
M. Giroux: Je suis pharmacien; je fais de l'officine deux jours
par semaine, je me tiens dans le secteur de l'intervention au niveau pharmacie
et je m'occupe aussi d'un programme d'aide pour les pharmaciens toxicomanes,
qui est l'équivalent, finalement, des programmes d'aide aux
employés, qui est parallèle à la corporation, qui aide les
pharmaciens dépressifs, alcooliques ou toxicomanes.
Mme Lavoie-Roux: Alors, vous êtes complètement dans
le champ de l'intervention en toxicomanie.
M. Giroux: Oui, depuis un petit bout de temps; cela fait une
dizaine d'années que j'évolue là-dedans...
Mme Lavoie-Roux: C'est celai
M. Giroux: ...suffisamment pour avoir constaté que,
malheureusement, c'est vrai qu'il y a un abus de prescriptions. Le "double
doctoring", le magasinage de médecins peut se faire. C'est certain qu'il
y a toujours les syndics des corporations qui sont actifs, qui font très
bien leur travail, qui vont veiller au maintien de pratiques rationnelles, mais
il y a tout de même de nombreux abus qui existent. C'est fréquent
de voir des gens qui se font commander, par téléphone, des
Halcion, des Ativan. Un exemple que je peux vous donner, c'est du genre: J'ai
besoin de pilules pour dormir. Le pharmacien peut dire: Non, ce n'est pas
répétable. Appelle mon docteur, il va t'en donner. On
téléphone, le docteur n'est pas là, sauf qu'il y a
quelqu'un qui remplace à l'urgence et il dit: D'accord, donnez-lui-en,
sans avoir vu le dossier, sans l'avoir consulté. Rien! La prescription,
techniquement, est en ordre, mais ce sont des situations qui existent.
Des médicaments comme le Halcion sont présentement des
substances que l'on rencontre très, très fréquemment dans
les centres d'accueil pour toxicomanes, dans les bars du centre-ville, aux
cafés campus; cela se vend par bouteilles de 500. C'est quand même
des médicaments très forts, qui ont été interdits
aux Pays-Bas parce qu'ils étaient trop puissants pour l'usage, chez les
personnes âgées entre autres. Les jeunes, dans les maisons de
jeunes, en prennent quatre ou cinq; ils les écrasent, les avaient et
c'est le "party" pendant ce temps-là. Ce sont des subs-
tances qu'on n'obtient pas en volant dans les pharmacies. Il y a une
certaine fréquence de vol dans les pharmacies, mais II y a une grande
fréquence de détournement de drogues qui sont prescrites.
Plusieurs recommandations, depuis des années, sont émises.
Il y a des conflits entre les corporations professionnelles. Je ne veux pas
jouer sur ce plan-là, mais au plan purement et simplement de la
médicalisation, sans parler des problèmes de trafic et tout cela,
simplement au plan de l'intervention entre la personne qui a un problème
et son milieu, qui est le milieu traitant, que ce soit à
l'intérieur d'un service médical d'urgence ou à
l'hôpital, il y a quand même un certain laisser-aller qui existe,
une facilité relative. Il y a des gens qui m'ont déjà
montré qu'ils étalent capables d'avoir, en dedans d'une
Journée, 90 Vallum de trois médecins différents. Je l'ai
déjà vu. Ce sont des choses qu'on dénonce
régulièrement, mais qui existent toujours.
Là-dedans, il y a la faute de plusieurs personnes, mais il y a
aussi le manque d'information et de sensibilisation. Quand je rencontre un
pharmacien toxicomane, Je lui dis: Pourquoi? Tu connais le médicament Tu
sais ce qu'il peut faire, tu as une idée des risques. Il dit: Oui, je le
savais, mais je ne le vivais pas, je ne l'avais pas en dedans, je ne l'avais
pas intégré. En quelque sorte, quand je regarde la formation
qu'on donne aux médecins, aux infirmières, aux pharmaciens, dans
un curriculum, cela peut représenter quelque chose comme cinq ou six
heures de cours sur quatre ou cinq ans - ce n'est pas beaucoup - sur
l'information des dépendances. Les gens ont de la difficulté
à se prescrire à eux-mêmes et ils en ont encore plus
à en prescrire aux autres. Je pense que le problème est
réel et qu'il faudrait faire quelque chose au plan de la sensibilisation
des professionnels.
Mme Lavoie-Roux: Je vais vous poser une question qui est un peu
en dehors de cela mais qui, je pense, m'apparaît assez fondamentale. Vous
dites que vous êtes participant au programme sur l'alcoolisme et la
toxicomanie à l'Université de Sherbrooke, qui existe maintenant,
de mémoire, je dirais depuis au moins quinze ans.
M. Giroux: Oui.
Mme Lavoie-Roux: À peu près quinze ans. C'est
évident que le problème des drogues, de la toxicomanie est un
problème important, en tout cas dans toutes nos sociétés
occidentales; je ne connais pas assez les autres pour en parler. Parlons du
Québec. Ici, pas plus que dans les autres provinces, peut-être,
mais c'est un problème important, cela fait des années qu'on
parle, par exemple, de l'utilisation qui semble exagérée des
psychotropes par les femmes, de l'utilisation des médicaments par les
personnes âgées.
(16 h 30)
II y a eu des efforts. Vous faisiez allusion tout à l'heure
à la brochure sur les potions magiques publiée sous l'ancien
gouvernement. Je vols qu'on fait de la publicité dans tes journaux: II
faut utiliser les médicaments, mais il ne faut pas en abuser. Mais c'est
comme si ce phénomène restait un peu dans l'ombre. On a fait un
effort cette année pour s'Impliquer, mais on se demande, et je voudrais
avoir votre point de vue, si la situation évolue pour le mieux ou pour
le pire. Est-ce qu'elle est stable? Si elle est stagnante ou si elle a
empiré, quelles sont, d'après vous, les premières actions
qui devraient être faites pour modifier un peu la courbe dans un sens
positif?
M. Giroux: C'est une bonne question.Dans la situation actuelle,
j'aurais plus tendance à dire que la perception du problème, plus
que le problème lui-même, peut changer. C'est difficile d'y voir
clair. Les dernières données techniques auxquelles j'ai eu
accès, c'était l'étude que le gouvernement canadien a
faite sur la santé des Canadiens. Il peut y avoir des modifications dans
tes habitudes de consommation, mais le recours à la consommation de
psychotropes, que ce soit par le biais de prescriptions de psychotropes ou par
un usage illicite, je ne pense pas que cela ait sensiblement changé. Une
amélioration a été apportée dans notre
société à l'image de la santé. La
responsabilisation de l'individu face à sa santé est un
phénomène qut se reflète aussi en toxicomanie. On a
maintenant des toxicomanes qui font attention à leur santé, qui
ne se perceront pas de trou dans la peau parce que ce n'est pas
hygiénique et qui vont plutôt fumer de l'héroïne. On a
des toxicomanes qui se bourrent de vitamines et d'aliments naturels.
Est-ce que l'impact est profond ou pas? Je pense que c'est une
amélioration. Le changement d'attitude face à son corps et
à sa santé, c'est une amélioration. Cependant, quand on
parle de l'augmentation de la consommation de cocaïne ou quand on montre
des nouvelles sur le "crack" ou sur d'autres drogues qui sont ou qui pourraient
être ou dont on a peur qu'elles soient répandues au Québec,
on donne finalement une information plus sur la substance que sur le
phénomène de son usage. Je ne pense pas que l'usage soit vraiment
en régression ou en progression. Peut-être que, maintenant, tes
jeunes, au lieu de prendre de l'héroïne, vont prendre de la
bière. C'est certain que, à toutes les tables, on voit de plus en
plus le réflexe d'avoir une bonne bouteille de vin.
Mme Lavoie-Roux: ...mieux de prendre de la bière que de
l'héroïne?
M. Giroux: Être dépendant, peu importe de quoi, que
ce soit de la bière, de l'héroïne ou de la
télévision, je ne pense pas que ce soit un mieux. C'est un petit
peu notre point de vue.
C'est sûr que légalement, c'est mieux, mais cela se borne
peut-être à cela. Je ne pense pas vraiment qu'il y ait une
grosse... Et là Je vous donne une opinion qui est une opinion. Plusieurs
personnes essaient présentement de faire des recherches
là-dedans. On a très peu de données
épidémiologiques au Québec. On a de la difficulté
à avoir le portrait de nos populations quant à la consommation de
psychotropes. On a des statistiques de saisie, mais n'Importe quel criminologue
va vous dire que cela vaut finalement ce que vaut le service de police. Cela
reflète la qualité du service policier plus que la consommation
dans une région. On a des informations sur la prescription; on sait par
exemple qu'il y a tant d'abus de drogues et tant de fausses prescriptions pour
tel médicament. On a le palmarès des médicaments les plus
recherchés sur la rue. On sait où vont se développer les
foyers d'hépatites; on connaît les lieux à haut risque pour
le SIDA, mais, dire que la consommation a vraiment été
modifiée durant les dernières années, on n'a pas les faits
qui nous permettent de l'affirmer. On présume; c'est anecdotique.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Mme la députée de
Marie-Victorin.
Mme Vermette: Merci, M. le Président. C'est heureux
d'entendre un professionnel autre que le corps médical se prononcer sur
les toxicomanies et même quant à l'utilisation des
médicaments. Très souvent, on considère le pharmacien
comme un vendeur de pilules et vous êtes en train de nous
démontrer que vous avez une expertise hors de tout doute sur les
modifications de la consommation et les conséquences d'une consommation
abusive de médicaments. J'ose espérer espérer qu'on
prendra bonne note de l'expertise des pharmaciens, qu'ils auront aussi une
place Importante dans l'équipe multi-disciplinaire qu'on veut
créer en ce qui concerne la santé mentale. Je pense que vous
pouvez jouer un rôle assez important, d'autant plus que vous êtes
plus habilités que n'importe qui à comprendre les
différentes composantes qui entrent en ligne de compte en ce qui
concerne l'absorption de médicaments et les conséquences, les
résultats qui peuvent arriver aussi.
Peut-être qu'il serait intéressant, lors des traitements...
Certains médecins sont très rapides sur le crayon et à
rédiger une prescription. S'il y avait une consultation entre les
médecins et les pharmaciens, ce serait peut-être
intéressant d'avoir une consultation professionnelle au plan des
pharmaciens. Cela changerait peut-être aussi la pratique médicale,
à ce moment-là, et il y aurait peut-être moins d'abus de
consommation. Plus souvent qu'autrement, vous êtes un peu juge et partie,
parce que vous vendez aussi des médicaments. Donc, vous avez un
commerce. Vous êtes un petit peu considérés comme
étant des commerçants. Cela vous fait un peu deux poids, deux
mesures ou deux chapeaux, tout compte fait.
Ce que Je trouve Impressionnant dans votre mémoire, c'est cette
capacité que vous nous avez apportée, ou en tout cas la nuance en
ce qui concerne l'absorption de médicaments, en disant: Probablement
qu'on développe des toxicomanies par la forme de traitement que l'on
propose dans certains cas, ce qui me semble monnaie courante, actuellement,
dans notre système moderne; Je ne sais pas si c'est parce qu'on ne veut
pas perdre de temps et que c'est plus rapide d'aller à la prescription.
Finalement, cela permet de voir plus de cas dans une journée pour un
médecin en cabinet, Je ne le sais pas. En tout cas, sûrement que
cela sera évalué. J'espère qu'on évaluera la
pratique sur ce plan parce que je pense que cela a des conséquences
considérables sur nos concitoyens. Bon nombre de personnes ont de la
difficulté à se sortir d'un problème de toxicomanie,
quelles que soient les différentes formes que cela peut prendre, surtout
concernant l'abus des psychotropes.
Alors, vous nous avez dit qu'il était difficile de
vérifier s'il y a eu augmentation ou diminution. Une chose est certaine,
c'est qu'il y a plein de gens qui consomment - je ne sais pas si c'est de plus
en plus. On retrouve cela surtout chez les jeunes, finalement, et les personnes
âgées; Il y a des milieux de travail qui sont plus propices que
d'autres, qui favorisent cela; je pense, notamment, au personnel infirmier ou
dans certains centres où on manipule plus facilement des
médicaments. Donc, c'est peut-être, des fois, plus tentant, compte
tenu de certains climats psychosociaux.
Ce qui m'a surpris, c'est que vous faisiez comme une équation
entre ta condition sociale de certains Individus et l'abus de
médicaments, en fin de compte. Vous disiez qu'il y a beaucoup de gens
qui sont sur l'aide sociale et qui consomment beaucoup de médicaments.
J'aimerais cela que vous alliez plus en profondeur là-dessus, vous me
semblez avoir une expertise sur ce sujet.
M. Giroux: Les données dont Je faisais état nous
viennent des statistiques de la RAMQ, de la Régie de l'assurance-maladie
du Québec. C'est certain qu'on identifie chez cette population dont on a
un certain contrôle parce qu'on paie les médicaments... On peut
savoir au juste ce que les gens prennent. Quant à la population dont le
coût de médication n'est pas assumé par un tiers payant, on
ne peut pas avoir d'idée de consommation.
Cependant, c'est une caractéristique de beaucoup de groupes de la
population qui se trouvent coincés dans un système; ils ne voient
pas d'autre issue que d'utiliser des psychotropes pour être capables de
s'en sortir. Un système qui n'a pas d'issue, cela peut être dans
certains régimes politiques étrangers la surconsommation
d'alcool, alors que la personne sait que, dans le fond, elle n'a pas
d'autre moyen de se changer les idées le soir et de ne pas penser que,
le lendemain, il y a des mitraillettes qui l'attendent Cela peut être
aussi, dans notre réalité, une situation où tu sais que tu
es rendu le 8 du mois, que tu n'as presque plus rien à manger et que,
dans le fond, le restant des jours du mois, jusqu'au 1er où tu vas
recevoir ton chèque, tu aimes mieux ne pas le voir. Les
médicaments sont gratuits, contrairement à l'alcool qu'il faut
payer. C'est une façon que beaucoup de personnes ont de
s'anesthésier, de trouver l'ascenseur jusqu'à la semaine du
chèque, de dire: Mol, j'aime mieux en perdre des bouts. Cette population
qui est coincée, ce peut être une population favorisée
comme une population défavorisée. Dans une situation où la
personne est coincée, elle va prendre une porte de sortie et on lui
offre une porte de sortie Intéressante avec des psychotropes
gratuits.
Mme Vermette: Vous êtes conscients, en raison de votre
pratique, que ces phénomènes risquent d'arriver. Est-ce que cela
vous arrive d'avoir des échanges avec le corps médical ou avec
certains médecins pour les mettre au courant de ia situation
psychosociale de l'individu, en tout cas sur les habitudes de consommation de
certaines personnes qui font référence à certains... De
façon générale, ces personnes peuvent changer facilement
de pharmacie parce qu'il y a assez de pharmacies dans un quartier. Est-ce qu'il
y a des échanges qui se font entre les différentes corporations
professionnelles? A l'heure actuelle, est-ce que ce sont des sujets sur
lesquels vous discutez, la façon de prescrire des médicaments et
le constat que vous faites en raison de votre pratique?
M. Giroux: Une collaboration existe. Cela demande de la part des
partenaires - je vais employer la terminologie dont on se sert
présentement - une certaine ouverture. Cela fonctionne très bien
dans certains milieux. Des initiatives se prennent dans des centres d'accueil
où il y a un personnel de formation en sciences humaines, où la
pharmacienne et les médecins travaillent en collaboration pour amener,
pour les gens qui s'y trouvent, une baisse de la médication psychotrope.
Il y a des expériences qui se font. Janine Matte, pharmacienne, à
Lac-Etchemin, a fait un travail intéressant là-dessus, il y a des
expériences ponctuelles qui se font. Cela demande une ouverture, une
vision de la pratique professionnelle, peu importe la profession, qui implique
qu'on accepte de collaborer avec un autre partenaire. C'est dans cette optique
que Je vous dis que c'est ponctuel. Ce n'est pas une vision qu'on avait. C'est
aussi dans cette optique qu'on fait ici la recommandation d'essayer de
favoriser le développement, chez les nouveaux professionnels, de ce type
de fonctionnement. Cela se fait, cela fonctionne. Cela demande plus
d'énergie.
Cela demande aussi comme professionnel une vision globale de la personne
que l'on reçoit, pouvoir se justifier à soi-même que
d'autres personnes aussi vont venir jouer dans nos plates-bandes. C'est
difficile. Ce n'est pas facile, ça.
Mme Vermette: Vous dites que cela demande plus d'énergie.
Est-ce que vous Iriez même jusqu'à dire que cela pourrait demander
plus de personnel? Est-ce que cela change complètement la pratique?
Est-ce qu'actuellement cette façon de faire, c'est parce qu'il peut
manquer de personnel, soit dans les centres d'accueil ou dans les centres de
courte durée? Est-ce parce qu'ils sont débordés sous
différentes formes, par ce qui se passe à l'heure actuelle dans
nos hôpitaux, dans ta pratique dans les CLSC ou autres?
M. Giroux: C'est une possibilité, mais
présentement, dans la situation actuelle, j'ai l'impression que cela
manque de gratification. Cela a l'air drôle de dire cela. On est
habitué de parler en termes de lits, de personnel, de plus, de moins, de
plus gros budgets, de plus petits budgets. Je suis de plus en plus conscient
qu'auprès des personnes toxicomanes ou des intervenants qui oeuvrent
avec ces gens-là il y a un phénomène d'épuisement
professionnel horrible. Il y a un roulement terrible dans les centres
d'accueil. Il y a des gens qui ont une sécurité d'emploi, des
gens qui sont relativement bien rémunérés, qui ont un
travail qui comporte ses bons et ses mauvais côtés et qui font des
dépressions, qui sont brûlés, qui abandonnent
carrément. Il y a des intervenants en toxicomanie qui deviennent
toxicomanes. Ces situations sont souvent, à mon sens, te reflet d'un
problème en ce qui concerne la gratification de l'intervention avec des
populations qui présentent un problème de santé grave,
pour autant que la toxicomanie puisse intégrer un problème grave.
Je dirais que c'est plus en termes de gratification. Cela demande de
l'énergie, mais c'est plus dans le sens où la gratification qui
vient du bénéficiaire n'est pas très forte. La
gratification qui vient du milieu, malheureusement, ce n'est pas quelque chose
qui est encore très fréquent dans nos milieux de soins. On
dirait: D'accord, on s'occupe de la gratification du personnel - ce peut
être au niveau des budgets, ce peut être au niveau des tâches
- on met plus de gens pour diminuer vos tâches. Il y a peut-être
d'autres façons aussi de le considérer. C'est plus,
présentement ma position actuelle là-dessus. (16 h 45)
Mme Vermette: Voudriez-vous dire que le personnel qui doit
travailler avec des gens qui sont atteints de toxicomanie ou d'alcoolisme
aurait besoin de beaucoup de soutien pour qu'il ne devienne pas, à son
tour, dans une situation de "burnout" ou qu'il n'en vienne pas à prendre
des médicaments pour oublier la lourdeur des cas ou le taux
d'échec? C'est très difficile et H y a
beaucoup d'échecs dans ce milieu. Ce n'est pas gratifiant parce
qu'il y a beaucoup de rechutes.
M. Giroux: Oui. Cette Idée suscite présentement
beaucoup d'intérêt à l'Intérieur des rangs de
l'AITQ. Un centre d'accueil, le Centre d'accueil Domrémy, a
récemment rendu obligatoire une formation sur le "burnout" pour son
personnel. Il y a de plus en plus d'intérêt face à cela et
c'est vrai que le problème demanderait une intervention quelconque.
Mme Vermette: Est-ce vrai que les personnes qui consomment de
l'héroïne ou qui se piquent à l'héroïne sont des
individus que les psychiatres sont plus ou moins intéressés
à traiter parce que ce sont des cas où le taux d'échec est
très fort et que c'est très décevant, quelle que soit la
thérapie qu'on entreprend dans ces cas-là?
M. Giroux: Je pense que tout le monde est intéressé
à traiter un beau cas. Malheureusement, les beaux cas... Cela pourrait
être certains héroïnomanes. Je connais le cas d'une personne
qui avait un revenu de 150 000 $ par année; il était
vice-président d'une compagnie multinationale et on l'avait
laissé au rancart avec son salaire parce que, finalement, if
dérangeait un peu quand il se piquait. C'est un beau cas. Même
s'il était héroïnomane, celui-là, les gens ont
trouvé intérêt à le prendre.
C'est certain que le "junkie" du coin de la rue, qui va aller dans les
toilettes publiques d'un restaurant style fast food" pour se piquer, qui a de
la misère à s'exprimer, qui a de gros problèmes de
santé, cela devient un cas un petit peu lourd. Dans le décor,
c'est pesant. C'est vrai que ces gens-là peuvent avoir tendance à
former des groupes, à se rassembler par sous-culture, mais, moi aussi,
si j'étais hospitalisé dans une unité quelconque d'un
hôpital, où ta majorité des gens sont alcooliques, vont
avoir 65 ans, que c'est unité de désintoxication, qu'on est trois
jeunes de 23 ans, peut-être que, moi aussi, même si l'autre est
héroïnomane - même s'il n'est pas héroïnomane,
cela n'a pas d'importance - Je vais me tenir avec. C'est certain que la
population héroïnomane présente des aspects
Intéressants au plan du travail. Beaucoup de centres, y compris les
centres d'accueil en toxicomanie, sont réticents à les admettre.
On est en train d'essayer de réfléchir un peu pour savoir quoi
faire avec cela.
Si on a de la misère à les admettre en toxicomanie, c'est
évident que, dans les milieux moins spécialisés,
où, peu importe la toxicomanie, un toxicomane, ce n'est pas beau, on ne
les cherchera pas. On va les prendre quand ils vont arriver. On va faire un
travail temporaire et on va les laisser aller. Je fais allusion, par exemple,
à des héroïnomanes en sevrage qui ont été
admis et qui demandaient de l'aide; alors, on leur a donné du Demeroi
pour qu'ils puissent toffer" la nuit, jusqu'à ce que, le lendemain
matin, ils aillent dans un hôpital. Ce n'est pas un usage rationnel du
médicament; ce n'est pas approuvé par la corporation
médicale ni par personne, mais cela répondait aux besoins de
l'urgence, sinon aux besoins du patient.
Mme Vermette: Au plan communautaire, il y a certaines ressources
capables, à un moment donné, de prendre ces personnes en charge,
sinon où se ramassent ces gens-là? Les centres hospitaliers de
courte durée n'ont pas toujours le temps non plus de les garder.
M. Giroux: On dit que l'idée n'est pas de marginaliser les
populations en disant que cela va prendre une ressource
spécialisée. Souvent, la clientèle va nous arriver en
disant: J'ai besoin d'un centre pour toxicomanes qui serait situé dans
la partie nord de Chibougamau; loin, loin, loin avec des petits oiseaux et des
fleurs, me sortir de la réalité pour que je revienne ensuite en
forme, bien correct.
Selon nous, l'idéal serait d'équiper notre système
actuel d'intervention en santé mentale pour qu'il puisse travailler,
sinon avec les cas les plus complexes, du moins avec les cas qui seraient de
son ressort au niveau des toxicomanes. Ce ne sont pas tous les jeunes
consommateurs de "pot" qui méritent d'avoir une intervention avec tout
un arsenal thérapeutique, avec des thérapies-groupe à tout
bout de champ ou qui méritent d'entrer en cure fermée. Il y a
moyen de travailler avec ce qu'on a, sauf qu'il faut façonner un peu
l'outil pour cela. Façonner l'outil veut dire sensibiliser les gens au
fait que, si j'ai un héroïnomane qui arrive dans une unité,
il ne faut pas commencer à fouiller tout le monde qui y arrive. Il ne
faut pas non plus commencer, parce que l'un est héroïnomane et que
l'autre est alcoolique, à dire à l'héroïnomane: Toi,
on va barrer les fenêtres de ta chambre. Les autres auront le droit
d'ouvrir la fenêtre et toi, on a peur que tu te jettes en bas. Cette
sensibilisation-là, je crois, que c'est plutôt cela qui pourrait
être une solution. Mettre sur pied un nouveau système, un nouveau
réseau, de nouvelles ressources, je ne pense pas que ce soit une
solution pratique.
Mme Vermette: Je pensais au secteur communautaire, parce qu'il y
a beaucoup de ressources communautaires ou ressources alternatives. Je pense au
Portage qui favorise des cures de désintoxication et qui joue un
rôle très important à l'heure actuelle. Il y a des choses,
surtout dans ce secteur, qui sont entreprises par le milieu. Actuellement, il
en existe passablement qui pourraient répondre à la demande ou
c'est plutôt rare?
M. Giroux: II est intéressant de constater, justement,
qu'il y a de plus en plus de ces ressources communautaires. Dans l'annonce
des
nouveaux budgets qui avait été faite, on décidait
de consacrer une partie du budget au perfectionnement de ces ressources qui ont
un grand besoin de perfectionnement Pas d'encadrement, nécessairement,
mais d'une aide qui leur permettra d'acquérir une structure de
fonctionnement qui va respecter l'Individu, qui va faire en sorte qu'il ne soit
pas marginalisé parce que sa ressource est communautaire et pas
publique. C'est un risque présent de dire: Toi, tu es dans une ressource
subventionnée, toi, tu es dans une ressource pas subventionnée.
Si tu viens d'une ressource subventionnée, déjà, tu n'es
pas un toxicomane réadapté comme un autre. SI tu viens d'un
groupe d'entraide, tu es un toxicomane réadapté, mais d'un groupe
d'entraide. Souvent on va faire des différences dans ces groupes. Je
pense que c'est humain, mais je pense qu'il y aurait moyen aussi d'apporter des
correctifs pour qu'on évite de faire cela en subventionnant des groupes
d'entraide.
Mme Vermette: II y a déjà des problèmes au
niveau des perceptions des groupes qui s'occupent de certains cas, finalement,
tout dépendant de la façon dont ils sont
subventionnés.
M. Giroux: Oui, le milieu est complexe. C'est pour cela qu'en
Intervenant là-dedans on ne peut pas s'attendre à être
vraiment capable de corriger un point sans avoir une action sur les autres. Les
groupes d'entraide, qu'on le veuille ou non, ça travaille autour d'une
personne qui elle a d'autres intervenants, qui souvent va être en suivi
thérapeutique dans un centre de réadaptation, qui va avoir un
dossier médical chez un psychiatre, qui va avoir un dossier ouvert dans
trois salles d'urgence, qui va être une personne dont présentement
la GRC a un dossier actif et qui peut en plus faire l'objet de
différentes poursuites. C'est très complexe la
problématique de la toxicomanie et c'est cette complexité qu'on
ne voudrait pas voir passée sous silence dans le rapport.
Mme Vermette: Comment pensez-vous que la prévention se
fait en toxicomanie? Est-ce qu'une campagne de sensibilisation peut avoir un
impact important? Si c'est Important une campagne de sensibilisation, par qui
devrait-elle être faite, ou quelle orientation devrait-elle prendre?
M. Giroux: Le consensus actuel est plus que l'information est
nécessaire, mais pas suffisante au niveau de la toxicomanie, si on veut
avoir une approche préventive. Les expériences présentes
sont plus une démarche d'Intégration, apprendre, par exemple,
à la personne à faire des choix très jeunes. Les fameuses
campagnes sur les options: Moi, j'ai le droit de dire non. Moi, j'ai le droit
de choisir, ça fait partie vraiment de ce qu'on essaie de faire. Les
Initiatives actuelles en prévention, ce sont des campagnes de formation
des barmen. Ce sont des campagnes d'intervention au niveau maternel. On
commence à dire: II ne suffit pas d'arriver dans un pénitencier
et de dire aux gars qui sont là: Écoutez, les gars, la drogue
c'est ça, ce n'est pas bon. Il est peut-être un peu tard pour
faire une rééducation. Une Information oui, mais vraiment une
éducation, je pense.
Le Président (M, Joly): Une très courte,
madame.
Mme Vermette: On me dit que j'ai pratiquement
écoulé...
Le Président (M. Joly); II reste une demi-minute.
Mme Vermette: ...mon temps. Donc, je vais vous remercier pour
l'éclairage que vous nous avez apporté sur ce volet de la maladie
mentale même si ce n'en est pas nécessairement, mais cela peut
devenir une conséquence de la maladie mentale, ce qu'on appelle un
épiphénomène. Vous nous avez fait des mises en garde.
J'espère que lorsqu'on écrira la politique on prendra en
considération vos mises en garde et qu'on apportera toute la dimension
nécessaire à ce volet Je vous remercie bien.
Le Président (M. Joly): Merci. À mon tour, M.
Giroux, j'aimerais moi aussi vous poser une ou deux questions à
l'Intérieur du temps qui m'est dévolu. Mme la
députée de Marie-Victorin a touché dans sa dernière
question un peu ce qui avait trait à la publicité. Si on recule
un peu dans te passé, on se souviendra sûrement que souvent on
véhiculait, toujours avec une bonne intention, de ta publicité
axée sur les produits et tout ça dans le but de décourager
les jeunes de consommer de la drogue. Je me souviens, et je pense que cela a
été banni dernièrement, que certains corps de police se
promenaient avec des plaquettes pour aller identifier les produits dans les
écoles. Le peu que je connais du système comme tel m'amène
à croire que, quand on présente un produit, normalement on peut
réussir à faire des ventes. Je sais qu'on ne prend jamais de la
drogue s'il n'y a pas de disponibilité du produit au départ et si
notre curiosité n'est pas agacée. Alors, les deux points que je
touche actuellement sont peut-être deux des raisons pour lesquelles les
jeunes consomment de la drogue: la curiosité et la disponibilité
du produit. On a identifié aussi beaucoup d'autres causes. Alors,
actuellement on fait des campagnes de publicité avec la participation de
jeunes qui réussissent dans leur milieu, qui parlent de choix, comme
vous le souligniez tantôt. Je me demande aussi si le fait de se servir
d'hommes à succès ou de femmes à succès, que ce
soit dans le sport ou dans d'autres domaines, va amener un meilleur
résultat que la publicité du produit.
M. Giroux: D'accord. Je voudrais juste faire
la nuance entre... Quand vous parlez de curiosité et de
disponibilité, c'est entièrement vrai, la disponibilité
est là, la curiosité aussi. C'est normal à un certain
âge. Je pense que ce sont des causes suffisantes pour justifier
l'approche d'une substance psychotrope. Le développement d'une
toxicomanie ou d'une dépendance demande quand même quelque chose
d'un peu plus que cela, sinon on se retrouverait dans les polyvalentes, en
même temps qu'à une cérémonie de graduation,
à avoir une cérémonie de remise de certificats de centres
de désintoxication. La plupart des jeunes - je pense qu'on
l'évalue présentement aux deux tiers - vont, un jour ou l'autre,
avoir expérimenté une substance psychotrope. Les plus
bénignes, habituellement, vont être l'alcool ou le cannabis.
Le travail présentement avec les modèles, ce à quoi
vous faites allusion, c'est quand on va utiliser un modèle en vue pour
faire la promotion d'une idée relative à la consommation de
drogues; c'est un peu aussi le travail de marketing quand on utilise un lutteur
pour faire la promotion de bière, cela fonctionne. Cela fonctionne bien
dans la mesure où on peut véhiculer une image positive qui est
toujours mieux reçue par les jeunes. Cependant, le risque de ces
campagnes de prévention c'est d'y voir la panacée, c'est d'y voir
le remède. C'est aussi de se donner bonne conscience, parfois, en
disant: J'ai fait ce que j'avais à faire. J'ai fait le vidéo
cette année qui allait remplir notre besoin. C'est un risque. Il y a des
commissaires scolaires qui, des fois, font venir des intervenants dans des
polyvalentes qui peuvent être des personnes en vue de la région,
qui peuvent être des gens qui ont eu des gros problèmes de drogue
et qui s'en sont sortis et qui vont se dire: J'ai fait ce qu'il fallait faire
dans ma polyvalente. Cette année on a invité un joueur de
baseball. C'est une action Intéressante. C'est peut-être le
commencement de quelque chose de bien. Avoir l'Impression, cependant, que c'est
l'action et que c'est l'Intervention, c'est un risque. On peut passer à
côté du bateau en s'assoyant sur ses lauriers trop tôt.
Le Président (M. Joly): On fait la même
publicité, on tourne sensiblement à peu près tous les
mêmes messages maintenant, on s'accorde à dire: Les drogues,
parlons-en. Parce que dans le fond c'est ça qu'on véhicule comme
message. N'ayons pas peur d'en parler! Parlons-en! Ce n'est pas sorcier. Ce
sont seulement des produits. Quant au reste, bien, l'individu avant toute
chose, comme partout ailleurs. Mais même si on véhicule ça
aux jeunes, même si on les sensibilise et que, rendus chez eux, le noyau
familial est éclaté et qu'on ne peut pas en parler, bien, cela
s'arrête à l'annonce qui passe. Est-ce qu'il y a un geste plus
concret, en tant que société, qu'on devrait faire si on veut
vraiment parler de prévention autre que le vidéo, comme vous le
mentionnez tantôt, ou le flash qui passe, si vous voulez, dix fois par
jour? Est-ce qu'il y a quelque chose de plus concret que, vous, vous voyez ou
que vous envisageriez qu'on fasse?
M. Giroux: II y a d'autres avenues. De dire que c'est plus
concret, je vous laisse juge. C'est certain qu'au chapitre de l'intervention...
Quand je parlais de prévention... On parle d'éducation quand on
parle de prévention. Quand on parle d'éducation, on parle d'un
processus de formation. Les plus gros surconsommateurs de vitamines,
présentement au Québec, sont les enfants de moins de cinq ans. Ce
n'est pas parce qu'ils vont en acheter à la pharmacie. Ce sont leurs
parents qui les font consommer. (17 heures)
II a été démontré dans les statistiques - et
je fais référence aux statistiques tirées de
"Médicaments ou potions magiques - que les mères qui sont les
plus portées à manifester des symptômes quelconques,
à aller fréquemment chez le médecin sont les plus
portées à amener leurs enfants aux médecins, sont les plus
portées à leur voir des pathologies qu'ils n'ont pas
nécessairement. C'est un phénomène d'éducation, je
parle toujours de processus. C'est certain qu'il faut qu'il y ait quelque chose
qui se fasse dans ce milieu, que l'intervention que le gouvernement, que
l'école, que l'église, que les groupes sociaux - parce qu'il y a
des groupes sociaux qui ont une action intéressante au plan des
toxicomanies - font, c'est une action qui est limitée pour autant
qu'elle ne va pas se refléter au niveau d'une action que la famille
pose. Quand on parle de famille éclatée, c'est un
problème; c'est vraiment à ce plan-là, je pense.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie beaucoup, M.
Giroux. Maintenant, pour le mot de la fin, je vais céder la parole
à Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Écoutez, je pense que vous avez
apporté - au risque de me répéter - un éclairage
intéressant. Effectivement, on est tous pris, on entend tous parler, de
près ou de loin, d'une personne, soit qu'elle ait des problèmes
d'alcoolisme ou de toxicomanie. Je pense qu'on ne peut pas rester insensible
à cette problématique. À mon avis, c'est autant sur la
prévention que sur la guérison qu'il est Important qu'on mette
l'accent et que, finalement, on trouve le moyen de remédier le plus
possible à cette consommation qui, actuellement, semble de plus en plus
monnaie courante. Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. Mme la ministre,
s'il vous plaît, pour le mot de la fin.
Mme Lavoîe-Roux: Merci beaucoup. Je pense que c'est une
contribution importante. On essaiera de tenir compte de certaines
recommandations. Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci. La commis-
sion des affaires sociales remercie les représentants de
l'Association des Intervenants en toxicomanie du Québec.
Maintenant, Je demanderais à M. Guy Ausloos de bien vouloir
s'avancer, s'il vous plaît J'aimerais vous souhaiter la bienvenue, M.
Ausloos, et vous rappeler que vous avez dix minutes pour exposer votre
mémoire et vingt minutes seront dévolues à la commission
pour vous poser des questions. Merci. Allez, s'il vous plaît
M. Guy Ausloos
M, Ausloos (Guy): Je vous remercie. Je ne vais pas reprendre
systématiquement tous les points que j'ai mis dans mon mémoire.
Quand j'ai lu le rapport Harnols, j'avais envie de venir échanger sur
quelques idées qui me sont venues à sa lecture, peut-être
d'autant plus envie que, comme je l'ai dit dans mon mémoire, je trouve
que c'est un projet tout à fait intéressant, mais qu'il est
menacé par toute une série de choses dans les fonctionnements
bureaucratiques et autres. J'avais envie d'échanger
là-dessus.
Premier point: peut-être, le mémoire insiste beaucoup sur
le fait de centrer l'intervention sur la personne. J'ai regretté qu'on
n'y trouve peut-être pas plus la notion d'équipe; on parle de
notion de partenariat, mais je me demandais si partenariat n'était pas
un peu trop compétitif, chacun dans son coin, le CSS d'un
côté et les hôpitaux de l'autre, le CLSC à un
troisième niveau et le CRSSS, alors qu'il me semble qu'une notion
d'équipe est une notion tout à fait fondamentale en santé
mentale. En tant que psychiatre, je ne crois pas que je peux suffire pour un
patient, mais je crois que ce n'est pas plus vrai pour les autres
intervenants.
Peut-être que... Le deuxième point que je voudrais
souligner, c'est qu'un des pièges de la psychiatrie, c'est d'avoir pris
un modèle médical. Un modèle médical, c'est un
modèle qui est centré sur des lésions. Quand on a un
diabète, c'est que le pancréas ne fonctionne pas et on peut,
à ce moment-là, faire un traitement étlologique,
c'est-à-dire donner la substance que le pancréas aurait pu
donner. Quand on se trouve dans un problème psychiatrique, à part
peut-être S % des cas, on n'est pas dans une situation
léslonnelle, mais dans une situation relationnelle, dans une situation
d'interaction et, donc, dans une situation qui ne concerne pas seulement
l'individu qui est porteur du symptôme, mais toute la communauté
et, au sens plus étroit, sa famille et ses proches. Alors, je trouvais
tout à fait intéressant l'accent mis par le rapport sur
l'intervention au plan de la famille et des proches, mais j'ai fait de la
formation pendant une dizaine d'années en thérapie familiale et
en approche systémique en Europe avant de venir ici, et ce que j'ai pu
réaliser, pour moi d'abord et puis pour les gens que j'ai formés,
c'est combien il est difficile, lorsqu'on a été formé
à travailler avec un Individu, d'intégrer les proches. Il est
beaucoup plus difficile d'avoir un entretien avec une famille que d'avoir un
entretien avec un Individu. Mais ce qui est encore plus difficile, c'est de
changer notre mentalité d'intervenant, et je crois que c'est vrai pour
les psychiatres, les psychologues, les travailleurs sociaux et les infirmiers,
une mentalité où nous a appris à repérer les
pathologies et non les compétences, à repérer ce qui ne va
pas plutôt que ce qui fonctionne encore, à repérer les
pathologies plutôt que les potentiels. Là, je pense qu'il ne
suffira pas de quelques séances d'Information ou de formation dans les
différentes régions ou dans les différents milieux de
travail, mais qu'un réel travail de formation pour changer la
mentalité des intervenants doit être fait et cela m'apparaît
un point tout à fait important.
J'ai été très heureux de voir qu'on envisageait de
prendre contact avec les universités pour leur demander d'emblée
de modifier leur programme parce qu'il est vrai que l'approche
systémique dont je me réclame, par exemple, est une approche
connue depuis une vingtaine d'années, mais qui, jusqu'à
maintenant, est très peu enseignée parce qu'on est resté
dans une psychologie centrée sur l'individu plutôt que dans une
psychologie centrée sur les Interactions et sur les relations avec
autrui. C'est peut-être un peu moins vrai en travail social où on
a essayé de développer un modèle déjà
beaucoup plus interactionne!, mais, en tout cas, en psychologie et en
psychiatrie, c'est comme si l'individu était quelqu'un qui n'avait
aucune relation avec son entourage et à qui à ce moment-là
une pilule suffît pour retrouver son équilibre.
Je passe à un autre point concernant la
désinstitutlonnalisation. Étant en région
éloignée, à Rouyn-Noranda, le principal problème
auquel je suis confronté, c'est le manque de ressources
Intermédiaires dans la mesure où, Inévitablement, certains
patients sont atteints de pathologies lourdes et n'ont pas d'espoir vrai de
guérison ou de réadaptation au sens où on pourrait
l'entendre, d'amélioration de leur état. Ce qui est le plus
probable, c'est qu'au contraire il y aura malheureusement péjoratlon.
C'est une petite minorité, mais ces patients-là ont besoin de
quelque chose de plus que seulement une famille d'accueil; ils ont besoin d'une
ressources Intermédiaire avec des professionnels qui puissent tes
accueillir. Actuellement, dans l'hôpital où je travaille, nous
avons quatre chroniques qui sont là depuis douze, cinq, quatre et trois
ans et je pense que c'est quelque chose de très lourd à vivre
pour le service, mais aussi pour tous les patients actifs qui ont l'impression
que c'est cela le bout du chemin où ils vont arriver, alors que leur
pathologie n'a que peu ou pas de rapport avec ces patients chroniques.
Dernier point que j'ai mentionné dans mon rapport. Je me suis
beaucoup préoccupé de la question de la formation du nursing
parce que je
me rends compte dans mon service que, d'une part, j'ai très peu
de personnel stable, les infirmières changent très
fréquemment, sont brûlées - on en a parlé à
propos des Intervenants en toxicomanie, mais c'est très vrai aussi au
niveau des intervenants psychiatriques - parce qu'elles n'ont pas de formation
spécifique, parce qu'on a, entre autres, supprimé les
études postcollégiales en psychiatrie pour les Infirmières
et que, alors, un certain nombre de membres du personnel nursing se retrouvent
en psychiatrie, non parce qu'ils veulent travailler dans un hôpital
général, mais simplement parce qu'ils sont sur la liste de rappel
et que, alors qu'ils voudraient être en chirurgie ou en médecine,
ils se retrouvent en psychiatrie, ce qui amène une équipe
à avoir parfois un ou deux infirmiers ou infirmières qui ont une
expérience en psychiatrie. Certains jours, j'arrive et je ne connais
personne parce qu'ils sont tous sur la liste de rappel. Évidemment, il y
a une appétence énorme à l'égard du psychiatre,
puisqu'il devient la seule personne stable dans le traitement.
Je crois que la formation déjà au niveau
postcollégial, mais aussi dans les services, pourrait assurer, d'une
part, une meilleure rétention, d'autre part, une meilleure valorisation
et peut-être une reconnaissance pour le personnel nursing qui lui
éviterait d'être brûlé trop rapidement
Deux points que je n'avais pas mentionnés, un qui pourrait
être très bref puisque les Intervenants qui ont parlé juste
avant moi ont parlé de toxicomanie, c'est un problème auquel,
à Rouyn, on est nouvellement sensibilisé; en une année, on
a eu douze patients chez qui la problématique majeure était la
toxicomanie et, dans les douze, huit utilisaient des drogues par injection. Je
ne sais si c'est le boom minier en Abitibi qui favorise cela, mais, avant cela,
cela n'existait pas. Il semble donc qu'en Abitibi il y a un nouveau
problème et je suis infiniment persuadé que ce n'est pas la
psychiatrie qui est la mieux placée pour soigner les toxicomanes et
qu'il faudrait donc là développer des ressources communautaires,
donner des moyens à ceux qui ont commencé à faire quelque
chose à ce niveau.
L'autre point, et ce sera mon dernier point parce que mes dix minutes
sont écoulées, c'est au niveau de la recherche. J'ai vu avec
Intérêt qu'une recommandation proposait d'augmenter les subsides
pour la recherche. Je suis praticien depuis 20 ans. J'ai enseigné dans
les universités. Je me suis toujours fait reprocher que les recherches
que je faisais étaient trop cliniques, c'est-à-dire qu'elles se
prêtaient mal à une appréciation statistique, à un X
, à un échantillonnage suffisamment grand et en même temps
je reprochais aux chercheurs que ce qu'ils m'apprenaient ne m'était pas
très utile dans ma pratique.
Je me demande s'il serait possible qu'il y ait un lien beaucoup plus
organique entre chercheurs et praticiens parce qu'en tant que praticien il y a
des choses que je voudrais savoir, mais que je n'ai pas le temps de chercher et
peut-être que pour un certain nombre de chercheurs, s'ils étaient
moins soumis à des contraintes universitaires de publication, ils
pourraient, à ce moment-là, donner beaucoup plus de conseils
Immédiatement pratiques au niveau de leur recherche. Je crois que je
vais m'arrêter là pour respecter mes dix minutes.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier le Dr Ausloos pour sa
présentation et les quelques réflexions qu'il a voulu partager
avec nous. En ce qui a trait à votre dernière touchant la
recherche et les liens à établir entre le praticien et le
chercheur, j'ose espérer que c'est une préoccupation que les gens
auront dans le domaine de la recherche. Je pense que le fait qu'il y ait un
accent Important de mis sur la recherche de nature psychosociale, qui
normalement doit se faire aussi avec les praticiens, peut-être que cela
aurait une influence dans le sens où vous te désirez.
Je voudrais vous poser une question parce qu'on a dix minutes et j'ai un
collègue qui veut en poser une. Vous pratiquez en Abitibi, je crois
comprendre. On sait qu'en Abitibi il y a trois psychiatres pour une population
de 130 000, 140 000. Depuis, on a appris qu'il y en avait six. Mais, à
tout événement, l'Association des psychiatres qui est venue ici
devant nous a plaidé que, par exemple, dans la définition des
plans de services Individualisés, il devait y avoir un chef de file qui
devait être le psychiatre. Moi, dans un contexte comme celui où
vous pratiquez, je me demande comment on peut réaliser, si on garde les
gens sur son territoire ou on tente de les garder sur son territoire, comment
on peut aller dans le sens d'une telle orientation parce que je pense que
physiquement ou matériellement ça devient impossible. Je voudrais
avoir votre point de vue là-dessus. Est-ce que tes régions,
justement, qui sont en pénurie considérable de psychiatres ont
trouvé des mesures compensatoires qui finalement peuvent
répondre, au moins en partie, aux besoins des personnes de la
région?
M. Ausloos: Je ne sais pas si on a trouvé des mesures
compensatoires. En Abitibi, je n'ai pas l'impression qu'on en soit à ce
stade. Pour le moment, la seule mesure compensatoire serait d'utiliser au
maximum les généralistes, les omnipraticiens, mais qui sont
déjà eux-mêmes débordés. Il y a 37
omnipraticiens pour 35 000 habitants à Rouyn-Noranda. On n'est pas dans
la même situation que d'autres régions comme Drummondville, par
exemple, où les omnipraticiens avaient plus de disponibilité.
Vous faites allusion au plan de services individualisé. C'est clair que
les jours où je vois dix, douze, quinze patients, j'ai peu de temps pour
faire un plan de
services individualisé. Je me suis un peu Interrogé sur ce
plan de services parce qu'il me séduisait parce qu'il permet une
continuité de l'intervention et une certaine cohérence. En
même temps, il m'inquiétait comme les Intervenants du début
de l'après-midi par le temps qu'il risquait de prendre. Il
m'inquiétait aussi parce qu'il risque peut-être de
déresponsabiliser le patient. Le patient devient une espèce
d'objet, peut-être, qu'on peut se transférer d'un service à
l'autre et qui porte sa pancarte de plan de services Individualisé. (17
h 15)
II risque aussi de démobiliser, peut-être, l'Intervenant
qui sera moins stimulé dans sa créativité parce qu'on va
lui dire: Voilà, il y a M. Untel, c'est un schizophrène,
voilà le plan de services qui est établi depuis deux ans. On en
est là. Vous pouvez remplir l'étape trois. Je pense que, faire
appel à la créativité de l'Intervenant, c'est Justement
utiliser l'interaction entre ce patient et l'intervenant, mais aussi entre le
patient, sa famille et les Intervenants. Je ne sais pas si le plan de services
ne risque pas de diminuer cela.
Enfin, mon dernier point, c'est que la révision est
peut-être difficile. Une fois qu'on a fait un beau plan de services, qui
va le revoir lorsque le diagnostic n'est peut-être plus celui qui
convient? Je parlais de toxicomanes. Trois de ces toxicomanes que J'ai eus
cette année avaient déjà deux hospitalisations et l'un,
quatre, avec chaque fois le diagnostic de schizophrénie, parce qu'on
s'était arrêté seulement à l'élément
délirant qu'ils présentaient après prise de drogue et puis
on avait pensé que les neuroleptiques avaient supprimé le
délire. On ne s'était pas Interrogé sur
l'éventuelle toxicomanie. J'avais presque l'impression qu'un plan de
services risquerait d'accentuer cela parce qu'on risquerait de rester dans le
plan qui a été établi et auquel on ferait confiance.
Mais, pour répondre tout à fait précisément
à votre question, je pense qu'en région j'aurais beaucoup de
peine à trouver du temps pour remplir un pian de services en tant que
psychiatre. Je crois, par contre, qu'une des réponses c'est de
revaloriser le nursing, c'est de revaloriser les autres intervenants. Je pense,
entre autres, qu'à l'urgence - et là je rejoindrais
peut-être aussi certaines choses qui ont été dites par le
CLSC Hochelaga-Maisonneuve - à peu près la moitié des
situations pour lesquelles je suis appelé en consultation, seraient des
situations psychosociales. Pourquoi dois-je intervenir, moi, comme psychiatre,
alors qu'il s'agit d'une querelle entre le père et son fils adolescent
qui a amené un petit geste suicidaire chez l'adolescent? Est-ce que
là je ne pourrais pas avoir un personnel nursing qui pourrait
déjà, au moins, faire une évaluation et qui serait,
à ce moment-là, de nouveau valorisé dans son travail?
Alors, pour moi ce seraient des avenues d'éléments de solution.
Je ne dirais pas que le psychiatre doit être le chef de file. Je suis un
peu embêté de me désolidariser de mes confrères.
Mais je dirais qu'au mieux ça doit être le premier violon,
c'est-à-dire quelqu'un qui va participer à la symphonie, qui a un
rôle très important. C'est peut-être un soliste. Mais il y a
des symphonies qu'on peut jouer sans soliste.
Mme Lavoie-Roux: Alors, je pense que ça répond...
Mais, quand on parte d'un plan de services individualisé, en tout cas,
dans l'esprit où on l'a discuté Ici - remarquez bien, on dit: De
la coupe aux lèvres, des fois il y a une grande distance - les gens ont
toujours parlé d'un plan de services où le premier responsable
serait le patient lui-même et non pas chacun qui, tour à tour,
décide qu'à ce moment-ci on fait un virage à droite,
à gauche, au centre ou autre. Mais c'était dans ce sens, je
pense, que vous avez répondu. Évidemment, 6 psychiatres pour 160
000 habitants en Abitibi ne pourront nécessairement pas diriger un plan
de services. Il peut être élaboré avec le psychiatre et les
autres Intervenants, mais quelqu'un d'autre peut en assumer le suivi et
l'application. Êtes-vous d'accord avec ça?
M, Ausloos: Tout à fait. Oui, oui. Mme Lavoie-Roux:
Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Je reconnais M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président
Je dois vous dire que ce que vous nous avez donné comme
Information à partir des idées que vous émettez fait
partie de ce qu'on a entendu la semaine passée de psychiatres,
individuellement, bien entendu, et d'infirmières, Je me souviens que les
deux dernières que nous avons rencontrées la semaine
passée, jeudi, étaient le Dr Suzanne Lamarre et Diane
Beauséjour qui étaient ici devant nous. Mme Lamarre nous disait
que, dans tout être humain, peut Importe la maladie qu'il a, il y a
toujours une partie du corps qui est saine et c'est sur celle-là qu'on
doit travailler d'abord. Et la deuxième chose qu'elle disait, c'est
qu'il faut aussi savoir quel est l'environnement de la personne, elle
l'appelait le protecteur, et éviter que le psychiatre ne devienne par le
fait même le protecteur à venir, s'assurer de travailler d'abord
sur la personne qui protège trop l'individu et, dans ce sens-là,
vous venez ajouter à cela. Elle nous Informait, elle nous disait comment
elle voyait le travail qu'elle avait à faire comme psychiatre. Un autre
groupe de l'Université de Montréal est venu avant, la
faculté des Sciences infirmières; il est venu nous dire
qu'effectivement il devrait y avoir, de la part des infirmières, la
possibilité d'aller suivre des cours postsecondaires au plan de la
psychiatrie et qu'en conséquence on devrait remettre en place l'ensemble
du service pour ces
personnes - elles qui sont déjà à
l'intérieur du BAC - pour les Infirmières.
Donc, vous venez, comme elles, nous renseigner sur la vision qu'ont des
gens individuellement et non pas la corporation, la fédération ou
l'association parce que ce n'est pas le même langage qu'on a entendu. Ma
question va porter justement sur cette partie: Comment verriez-vous la
possibilité pour les intervenants autour de vous de vous
référer des patients, si on peut les appeler comme tels, les
omnipraticiens? On a entendu différents sons de cloche. Est-ce que les
omnis, comme on les appelle, ne devraient pas être amenés, compte
tenu qu'ils sont les premiers à recevoir dans un centre hospitalier ces
personnes, en état de crise ou autre, surtout dans les régions
éloignées comme la vôtre, à suivre des cours ou
à être perfectionnés pour, justement, éviter de vous
surcharger? Une des réponses qu'on a souvent, c'est que: On est
surchargé, on ne peut pas suffire à la tâche parce qu'il y
a des gens qui ne veulent pas prendre une certaine forme de
responsabilité en bas et les assurances étant ce qu'elles sont
actuellement, ils réfèrent plutôt à l'autre en haut
et c'est lui qui est pris avec le problème. J'aimerais vous entendre sur
cette partie.
M. Ausloos: II y a beaucoup de choses dans votre question. Vous
avez cité le Or Lamarre et cela me fait très plaisir parce que
c'est quelqu'un qui partage la même école de pensée que
mol, l'approche systémique, qui est, de fait, une autre façon de
regarder la psychiatrie que la psychiatrie traditionnelle et qui se centre
beaucoup plus, justement, sur les ressources que sur les défauts.
À propos de votre question pour les omnis, je dirais qu'il faut
distinguer... Je dirais presque que, à Rouyn, un peu moins du quart des
omnipraticiens sont réellement Intéressés à
travailler en psychiatrie; il y a un certain nombre d'omnipraticiens qui n'ont
aucun Intérêt, qui ont même une peur de la psychiatrie. Je
pense que c'est vrai aussi parmi le personnel nursing. Je vois cela quand je
vais sur les étages, pour beaucoup d'infirmières, le patient
psychiatrique est quelqu'un de dangereux, qui est potentiellement violent, qui
risque de se suicider, qui est bizarre. Je ne suis pas sûr qu'on pourrait
faire beaucoup plus, en général, pour les omnipraticiens.
Par contre, pour ceux qui sont intéressés, là, je
crois qu'on pourrait faire beaucoup plus. Dans le plan de restructuration que
j'ai fait dans mon service, je proposais que, pendant une année, ils
travaillent trois heures avec leurs patients, trois heures avec le psychiatre
dans une espèce de tutorat où ils accompagneraient le psychiatre
pour apprendre des techniques d'entretien, d'intervention, de travail avec la
famille et aussi trois heures de coordination-réunion. Cela me
semblerait tout à fait souhaitable. Le problème auquel je me
heurtais jusqu'à ce matin, parce qu'on est ailé au
ministère ce matin pour essayer de résoudre ce problème,
c'était le financement. Un omnipraticien rémunéré
à l'acte ne va évidemment pas être intéressé
pour 10 $ à venir voir son patient pendant 20 minutes, à discuter
avec les Infirmières, à mettre ses notes dans le dossier; cela
devient vraiment du bénévolat de sa part. Cela est un
problème important, c'est le financement de cette formation des
omnipraticiens.
Mais je suis tout à fait d'accord avec vous que, si on peut
trouver des omnipraticiens intéressés, motivés et les
former, c'est un élément de solution tout à fait
Important.
M. Jolivet: Donc, cela veut dire que cela pourrait être un
moyen de voir à colmater un peu la brèche, la pénurie
qu'il y a dans les milieux éloignés.
Deuxièmement, pour ce qui est des infirmières qui
pourraient avoir un diplôme additionnel en psychiatrie, cela pourrait
aussi vous être utile dans les secteurs éloignés comme le
vôtre.
M. Ausloos: Pour mol, c'est plus qu'être utile, cela me
semble totalement Indispensable. Dans tout le personnel nursing de
l'étage où il y a 22 lits, 4 infirmières travaillent
depuis plus d'un an dans le service. Ce qui veut dire qu'en comptant les
congés de maladie, les congés normaux, par jour, on a des chances
qu'il y ait une infirmière qui a une certaine expérience qui soit
sur l'étage. Alors, c'est sûr que, s'il y avait des
infirmières avec des études postcollégiales et, bien
sûr, une rémunération qui assure une valorisation de ces
études, c'est sûr que cela faciliterait énormément
le travail, alors que, maintenant, quand j'entre sur l'étage, je dirais
que j'ai presque peur de traverser pour aller au poste parce que je sais que
les patients vont se jeter sur moi comme la seule référence, la
seule personne stable, pas par incompétence des Infirmières, bien
au contraire, mais simplement parce que les deux ou trois compétents ne
peuvent évidemment pas répondre à tous les patients.
Alors, pour moi, c'est plus qu'utile, ce serait vraiment indispensable et te
plus vite possible.
M. Jolivet: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Fabre.
M, Joly: Merci, M. le Président. À la lecture de
votre mémoire, il semble ressortir deux réactions; une
première où vous êtes entièrement d'accord avec ce
qui est préconisé dans le rapport, du moins dans son ensemble et
une deuxième réaction, à un moment donné, lorsque
vous soulignez que l'enfer psychiatrique est trop souvent pavé des
meilleures intentions planificatrices. J'aimerais que vous explicitiez
davantage ce que vous voulez dire. Considé-
rez-vous cela simplement comme des voeux pieux?
M. Ausloos: J'ai été un peu effrayé de voir,
à partir de la recommandation 18 jusqu'à environ 30, que les
recommandations contiennent chaque fois: il faudrait qu'on fasse une
planification; il faudrait des évaluations; il faudrait du
contrôle; il faudrait qu'une commission soit mise en place. J'ai
très peur qu'à augmenter les évaluations, les
contrôles, tes commissions et les concertations, il n'y ait plus
d'Indiens pour s'occuper des patients.
J'ai un peu le sentiment - et je sais que je vais peut-être me
faire des ennemis - que beaucoup de CRSSS sont devenus un endroit où on
planifie beaucoup, où on réfléchit beaucoup, mais dont le
praticien ne trouve absolument aucun effet dans sa pratique. Venant d'Europe,
j'avais presque envie de dire: Je crois qu'il y a de bonnes choses en Europe et
j'ai envie d'amener les bonnes choses, mais, surtout, ne pensez pas qu'une des
bonnes choses soit la bureaucratie. Si vous pouvez préserver le
Québec de plus de bureaucratie et, entre autres, au chapitre de la
santé mentale, cela me semblerait important. Je crois que, chaque fois
qu'on met en place des procédures d'évaluation, on met, de
l'autre côté, des gens qui vont se défendre contre les
évaluations; chaque fois qu'on met des procédures de
contrôle, on se contrôle sol-même, et j'étais
très Intéressé d'entendre Mme la ministre, à 15 h
30, dire que les ressources communautaires avaient un renouvellement presque
automatique de leur mandat.
Je suis toujours effrayé de voir le nombre de statistiques qu'il
faut envoyer pour justifier la moindre chose, comme s'il y avait une
espèce de défiance, comme si tous les intervenants n'avaient
qu'un seul but, celui de rouler le ministère en essayant de voler de
l'argent, du temps ou autre chose. Je crois qu'il y a réellement
beaucoup d'intervenants qui ont envie de travailler et qui sont très
embêtés de devoir remplir beaucoup de papiers ou de participer
à beaucoup de tables de concertation ou de discussions. C'était
cela que j'avais envie de dire à propos des meilleures intentions
planificatrices. Je crois que, parfois, une petite solution originale dans une
région n'a pas Intérêt à être répandue
dans tout le Québec et inversement.
Je viens aussi de Suisse où tout est régionalisé
à l'extrême. Le centre, c'est le village, puis la ville, puis le
canton, puis, très très loin, la confédération.
Mais c'est vrai que cela permet parfois justement aux gens de s'Impliquer
très personnellement parce que c'est leur affaire, alors que, quand
c'est l'affaire du ministère, cela devient beaucoup moins emballant,
disons. Je ne sais pas si j'ai répondu.
M. Joly: Oui. Juste pour reprendre ce que vous mentionniez
concernant les ressources communautaires et les budgets accordés par le
ministère, vous semblez favoriser ce qu'on peut appeler la reconduction
automatique sans pour autant qu'on leur mette d'enfarges, si vous voulez, dans
la réalisation de leurs objectifs et éviter qu'ils n'aient
à passer dans le monde des rapports ou des justifications. C'est certain
que, selon ce qu'on a entendu des gens qui ont présenté le
mémoire avant vous et qui l'ont souligné, on mentionnait quand
même qu'on devrait respecter les ressources communautaires
sérieuses, mais, pour en arriver à reconnaître le
sérieux de ces organismes communautaires, il y a, à mon sens,
quand même un minimum que le gouvernement se doit de demander, surtout si
on sait que cela coûte 35 000 000 $. En partant de là, est-ce
qu'on doit le considérer comme une dépense ou comme un
Investissement? Je ne pense pas qu'on puisse tenir rigueur à un
gouvernement sérieux de chercher à évaluer des ressources
sérieuses. (17 h 30)
M. Ausloos: Mon point est peut-être que beaucoup
d'intervenants ont développé de bonnes stratégies pour
fournir des évaluations sérieuses. Peut-être que la
très mauvaise ressource va être repérée par
l'évaluation. La ressource moyenne, je ne suis pas sûr qu'elle va
être repérée par cette évaluation parce qu'elle aura
des arguments plausibles. Par contre, elle risque de disparaître par
elle-même si elle ne fournit pas un service suffisamment
intéressant par "burnout", par désintérêt ou, comme
le mentionnaient les intervenants sur la toxicomanie, par renouvellement des
gens. C'est un peu l'expérience que moi, j'ai eue en Europe que les
ressources non sérieuses disparaissaient très rapidement.
M. Joly: On parle de partenariat élargi, automatiquement,
le fait que ce soit élargi...
Le Président (M. Bélanger): Le temps est
écoulé. Un dernier commentaire, M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Oui. Je pense que c'est intéressant de vous
entendre dire des choses de cette façon. Je pense que ça recoupe
ce que sont venues nous dire de façon individuelle des personnes. Ce qui
est important, c'est d'en tirer le meilleur pour faire en sorte que la future
politique de santé mentale au Québec, sans répondre
à tout, au moins, essaie de répondre à beaucoup de choses
et, en particulier, à votre préoccupation. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: À mon tour, je veux vous remercier de
votre déplacement parce que, pour faire ce témoignage, vous
êtes venu de loin. C'est une contribution qui nous Intéresse
beaucoup. Je vous souhaite le meilleur succès possible
dans vos travaux en région éloignée. Merci.
Surtout, merci d'y être.
Le Président (M. Bélanger): La commission vous
remercie de votre participation. J'appelle le prochain groupe qui est la
Commission des citoyens pour les droits de l'homme, représentée
par Mme Gaétane Asselin et par M. Jean Larivière.
En attendant que le prochain groupe prenne place à la table des
témoins, je voudrais proposer aux parlementaires un aménagement
d'horaire pour ce soir. II serait possible de reprendre nos travaux à 19
heures et de les terminer à 21 heures. Est-ce qu'on accepterait ce
changement d'horaire?
Mme Lavoie-Roux: Nos invités de 20 heures ne sont pas
arrivés.
M, Joiivet: Ceux de 13 heures?
Le Président (M. Bélanger): Ceux de 18 heures ne
sont pas arrivés, mais cela réduirait d'une heure ce soir.
M. Jotivet: Qui est à 18 heures?
Le Président (M. Bélanger): C'est L'Atelier
d'artisanat centre-ville Inc.
M. Jolivet: II est à 21 heures.
Le Président (M. Bélanger): Y a-t-II des
représentants de l'Atelier d'artisanat centre-ville Inc. Ici? Non.
L'autre groupe, oui. J'ai eu la confirmation. Donc, si ça vous convient
- écoutez, je ne voudrais pas qu'on prenne beaucoup de temps
là-dessus - les travaux seraient de 19 heures à 21 heures, au
lieu de 20 heures à 22 heures.
M. Jolivet: Les gens des ressources alternatives sont-ils Ici?
Oui. Donc, après ce groupe, on pourrait les recevoir et on s'ajustera
pour le dernier après.
Le Président (M. Bélanger): Je ne suis pas trop au
courant. Il semblerait qu'ils auraient demandé de passer juste vers 19
heures. Ils voulaient avoir une heure de répit. Je ne connais pas leur
raison. Écoutez, avant la suspension des travaux à 18 heures,
est-ce qu'on pourrait me donner une réponse? Je maintiens cela en
suspension.
La commission reçoit donc la Commission des citoyens pour les
droits de l'homme. J'ai devant moi Mme Asselin, je présume, et M.
Larivière. Vous connaissez nos règles de procédure. Vous
avez 10 minutes pour présenter votre mémoire et 20 minutes
d'échanges avec les membres de la commission. Je vous prierais donc de
procéder à la présentation du résumé de
votre mémoire.
Commission des citoyens pour les droits de
l'homme
Mme Asselin (Gaétane): Je voudrais dire bonjour à
tous les membres de la commission. Pour ceux qui ne connaissent pas la
commission, je voudrais juste spécifier que c'est un groupe qui est
établi par l'Église de Scientologie. Je le dis pour qu'il n'y ait
pas de confusion avec la Commission des droits de la personne, qui est un
groupe gouvernemental. C'est aussi un groupe international. Dans les
années 1975 à 1978, c'est nous qui avons dénoncé le
couloir de sécurité à Saint-Jean-de-Dieu et
différentes actions comme ça qui s'étaient passées
à l'hôpital Saint-Michel-Archange qui est maintenant
Robert-Giffard.
D'après nous et d'après notre mémoire, une des
principales erreurs qu'il y a dans le rapport, c'est que, quand on passe une
année à étudier la santé mentale sans avoir
regardé ce qu'est la psychiatrie ou sans jeter un coup d'oeil sur
l'échec qu'est la psychiatrie, c'est un manque assez flagrant pour nous.
Du fait aussi que le mandat avait été confié à un
psychiatre, il fallait s'attendre en même temps que la psychiatrie ne
soit pas regardée. Donc, je trouve, quand même, Important qu'on
soulève certains points là-dessus parce que, pour nous, il y a eu
une erreur au départ.
De toute évidence, en dix minutes, je n'aurai pas le temps de
soulever tous les points avec lesquels on est en désaccord, mais je vais
souligner ceux avec lesquels on est le plus en désaccord. Pour nous, la
psychiatrie est la cause de la détérioration de la
société. Donc, qu'on prenne toute une année - je vais me
répéter souvent, j'en ai l'impression - pour faire une recherche
sur la santé mentale sans avoir jeté un coup d'oeil sur la
psychiatrie, c'est un très, très grand manque. Pour être
allée moi-même visiter beaucoup d'hôpitaux psychiatriques,
pour être allée voir les patients eux-mêmes et leur avoir
demandé quels genres de traitements ils avaient, comment Ils se
sentaient depuis qu'ils étaient dans des hôpitaux psychiatriques,
j'ai vu qu'il y avait certaines lacunes assez Importantes que, peut-être,
je le comprends bien, un psychiatre ne veut pas toujours regarder.
Entre autres, J'ai vu des gens qui étaient internés dans
des hôpitaux psychiatriques depuis des dizaines d'années, des vies
qui sont détruites automatiquement. En effet, qui va vouloir engager ou
faire quoi que ce soit avec des gens qui marqueraient sur leur curriculum vitae
qu'ils ont passé les vingt dernières années dans un
hôpital psychiatrique? Ensuite, il y a toujours les électrochocs
qui continuent à être administrés, ce qui est toujours
inacceptable. Même s'ils ont diminué de beaucoup, il n'en reste
pas moins que les électrochocs se donnent toujours encore à
l'heure actuelle.
Il y a aussi la drogue qui est administrée comme étant,
apparemment, le remède pour guérir les patients mentaux et qui
est donnée à
profusion. J'ai vu même des gens, quand ils refusaient de prendre
leur drogue, se faire menacer de se faire placer en cure fermée ou de se
faire envoyer dans une salle d'isolement J'ai moi-même vu ces salles
d'isolement. C'est un lit bien simple avec des bandes de cuir à peu
près larges comme ça aux poignets et aux pieds et, quand la
personne veut prendre ses médicaments, on la sort de là. J'ai vu
ça moi-même et pas en 1950. Je n'étais pas là. Je
l'ai vu en 1986-1987 et ça se passe encore à l'heure
actuelle.
Ensuite, j'ai vu toutes sortes de maladies, si je peux dire,
créées par la psychiatrie, comme le syndrome de la porte
tournante qui, pour mol, n'est rien d'autre qu'une révélation que
la psychiatrie ne marche pas. Cela ne marche tellement pas qu'un patient sort,
II est obligé d'entrer à nouveau. Il sort, il rentre. Il sort, il
rentre. Donc, si ça marchait, la psychiatrie et si vraiment les patients
pouvaient être guéris, il n'y aurait pas de syndrome de la porte
tournante d'une façon aussi régulière, ce n'est pas
vrai.
Il y a aussi la maladie qui a été créée et
qui s'appelle la dyskinésie. Quand on dit à un patient qu'il
souffre de dyskinésie, c'est parce que les traitements qui lui ont
été administrés ont eu de nombreux effets secondaires que
les psychiatres avaient mal planifiés. Plutôt que de dire que cela
a été mal planifié, on dit qu'il est atteint de
dyskinésie.
Donc, II y a différentes lacunes comme ça. Il y a aussi le
côté inhumain des traitements psychiatriques, le fait que les
patients ne sont pas suivis. Les psychiatres ne font que regarder les dossiers.
Différents traitements sont prescrits sans que les psychiatres aient
forcément vu les patients. Toutes sortes de drogues ou toutes sortes de
traitements leur sont prescrits sans qu'ils soient vus.
Il y a maintenant aussi la drogue qu'ils donnent aux enfants. Ce n'est
pas juste dans les hôpitaux psychiatriques, par contre. Mais c'est
à partir des écoles. Aussitôt qu'un enfant commence
à être un peu trop actif dans les écoles, on le traite
d'hyperactif et on lui administre une drogue qui s'appelle ritalin. C'est une
drogue qui est utilisée de plus en plus. Entre autres, on regardait
juste le nombre d'ordonnances qui sont données aux enfants de moins de
quatre ans. En 1984, D y avait 19 000 prescriptions faites à des enfants
de moins de quatre ans, en 1985 il y en avait 24 000 et, en 1986, il y en avait
30 000. C'est donc qu'il y a une augmentation très grande, à
chaque année, des ordonnances données aux enfants de moins de
quatre ans et donc des millions et des millions de dollars qui sont investis
dans la psychiatrie en fonction des résultats qui sont obtenus.
Donc, pour nous, le rapport Harnois ne mentionne pas ou n'a pas du tout
regardé l'échec qu'est ta psychiatrie. La psychiatrie
n'était pas aussi populaire il y a vingt ans. Il y a vingt ans, les
soeurs ou ceux qui avaient soin de ces choses-là se sont fait mettre
à la porte par les psychiatres qui allaient prendre le contrôle de
cela, mais je ne crois pas que leurs résultats sont très
évidents.
J'ai, d'ailleurs, quelques statistiques que j'aimerais vous montrer.
Est-ce que c'est possible de donner à la commission les feuilles de
statistiques? Oui. En même temps, on va vous les montrer en plus gros. Il
y a ici un aperçu des coûts d'ordonnances qui Indique nettement
qu'il y a de plus en plus de personnes qui sont sous différentes drogues
ou produits chimiques. Cela en est une. Ceux-là, c'est seulement
à partir de l'assurance-maladie. Ce ne sont pas toutes tes ordonnances
qui sont données à tout le monde, mais vraiment les ordonnances
qui sont données par le biais de l'assurance-maladie.
Ensuite, il y a le coût des traitements psychiatriques; encore
là, c'est seulement pour ceux qui sont couverts par l'assurance-maladle,
donc les personnes qui sont sur l'aide sociale, C'est une pente qui monte,
quand même, d'une façon assez évidente.
Par hasard, en même temps, depuis que la psychiatrie a vraiment
essayé de prendre le contrôle - je dis bien essayé de
prendre le contrôle - de la santé mentale, les taux de la
criminalité ont augmenté d'une façon très
évidente.
La dernière que je voulais vous montrer ici, ce sont les taux de
suicide, Incluant les personnes mineures qui se suicident. Cela a comme
triplé depuis que la psychiatrie a vraiment essayé de prendre le
contrôle de la santé mentale.
Donc, quand je vois, malgré des statistiques aussi alarmantes,
que, maintenant, le rapport Harnois voudrait que des groupes ou des ressources
communautaires soient formés et qu'ils deviennent compétents,
Gela ne m'inspire pas vraiment. Je ne vois pas vraiment leurs
compétences là-dedans et Je trouve qu'ils sont un peu de mauvais
conseillers là-dedans parce que leur échec est flagrant.
Il essaie aussi de faire en sorte que les groupes soient
légitimés et qu'ils soient en accord avec la loi, etc. Cela me
dit que les psychiatres ont réalisé qu'ils perdent beaucoup de
pouvoirs parce que les gens, avant de se rendre dans les hôpitaux
psychiatriques, vont aller voir ailleurs. Les gens vont voir dans les
différentes ressources communautaires pour vraiment essayer de trouver
autre chose avant d'en arriver à la psychiatrie.
Le Président (M. Bélanger): Le temps est,
malheureusement, écoulé; si vous voulez conclure très
rapidement.
Mme Asselin: Oui. Quand te rapport Harnois mentionne que les
subventions soient données à ceux qui ont les produits, je suis
tout à fait d'accord, mais je voudrais aussi que ce soit appliqué
à ta psychiatrie. C'est principalement mon message. Aussi, étant
donné qu'une année a été passée, si je peux
dire, à étudier ta santé
mentale au Québec sans qu'on ait regardé la psychiatrie,
la recommandation que nous faisons, c'est qu'il faudrait prendre autant de
temps pour faire une même recherche, mais sur la psychiatrie. De toute
évidence, il ne faudrait pas que ce soit un psychiatre qui regarde ce
qui se passe, pas plus nous et peut-être pas quelqu'un du gouvernement,
mais un professeur qui est complètement à l'extérieur de
la scène et qui irait voir les patients et non pas les psychiatres pour
savoir quel genre de choses se passent là-dedans. Cela en dirait
probablement long sur ce qui se passe en santé mentale.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier le groupe et je vais passer la
parole à mon adjoint parlementaire, le député de
Laurier.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Laurier.
M. Sirros: Ma première réaction, ce serait de vous
dire que vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère concernant la
psychiatrie, que vous identifiez comme la cause principale de la
détérioration de la société.
Mme Asselin: Je le maintiens. (17 h 45)
Une voix: Qu'est-ce qu'elle a dit?
M. Sirros: Elle dit qu'elle maintient sa déclaration,
à savoir que la psychiatrie, c'est la cause de la
détérioration de la société, mais soit que vous
accordiez beaucoup plus d'Importance à la psychiatrie qu'elle n'en a,
soit qu'il y ait des tentacules de la psychiatrie qui découlent vers
toute la société et nous touchent tous à un moment
donné. J'ai un peu de misère à saisir cette affirmation,
d'une part, le rôle de la commission des citoyens des droits de la
personne, le lien avec l'Église de Scientologie et finalement l'ensemble
de vos recommandations. Vous faites une recommandation spécifique
concernant le rapport Harnois, c'est de donner tout l'argent que vous octroyez
actuellement à la psychiatrie aux groupes communautaires. En le lisant,
et j'ai parcouru le rapport, c'est ce qui ressort. J'aimerais avoir votre
réaction.
Mme Asselin: Ce qu'on a voulu faire ressortir - j'ai à
répondre à plusieurs questions en même temps - c'est que
c'est un grand manque, je crois l'avoir répété plusieurs
fois, que la psychiatrie n'ait pas été regardée. Je peux
très bien comprendre que ce soit quelque chose de très lourd
à confronter parce que, à un moment donné, cela marchait
moins bien et les psychiatres ont sauté sur la santé mentale en
voulant la régler. Je crois qu'on s'attendait à beaucoup de
résultats. Mais, quand vous allez vraiment voir les patients, quand vous
allez vraiment voir ce qui se passe là et que les patients, ensuite,
peut-être après cinq ou dix ans, rassortent de là, ces
gens-là ne sont pas juste marqués à vie, ils sont finis
à vie.
Il faudrait peut-être que vous me répétiez chacune
des questions parce que je ne me souviens pas de toutes les questions que vous
avez posées, mais, pour nous, il y a beaucoup de choses qui se passent
en psychiatrie à l'heure actuelle qui devraient être vues. Je sais
que cela peut paraître lourd, je sais que cela peut paraître
énorme à confronter parce qu'on avait peut-être mis
beaucoup de confiance, à un moment donné, dans la psychiatrie,
mais je ne crois plus que ces gens peuvent mériter le rôle de ceux
qui savent, donc, je ne crois pas non plus qu'ils devraient mériter le
titre de ceux qui vont maintenant pouvoir diriger les petits groupes de
ressources humaines parce que l'exemple qu'ils ont eux-mêmes donné
ne reflète pas vraiment qu'ils ont eu des produits ou de bons
résultats. Donc, je ne vois pas pourquoi ils nous conseilleraient,
nous.
Donc, ce qu'on fait au départ, c'est qu'on va voir dans les
hôpitaux psychiatriques; on dénonce beaucoup les abus et toutes
sortes de choses qui se passent dans les hôpitaux psychiatriques. On se
rend dans les hôpitaux psychiatriques mêmes; de toute
évidence, on ne va pas voir les psychiatres pour savoir si tout va bien;
on va voir les patients. Quand vous en ressortez, après une fois, vous
êtes à peu près sous le choc. Si, sans que personne ne vous
connaisse comme étant député ou ministre, parce que je
n'ai pas entendu votre nom, vous alliez voir les patients, vous seriez
étonné de ce qui se passe là-dedans.
M. Sirros: Vous serez donc au moins d'accord avec une des
recommandations qui est l'institution d'un genre d'"ombudsperson" pour les
patients.
Mme Asselin: Si ce ne sont pas des psychiatres, oui.
M. Sirros: Ha, ha, ha!
M. Doyon: La confiance règne.
M. Sirros: La confiance règne.
Mme Lavoie-Roux: Deux secondes parce que je n'ai vraiment pas de
temps. Ici, on a eu à discuter du rôle que les psychiatres jouent
à l'intérieur d'une équipe multidisciplinaire, etc.
J'endosse complètement les propos du député de Laurier
quand il dit: Vous savez, vous nous avez montré vos graphiques et je ne
les mets pas en doute quant aux chiffres qui sont dessus. Mais de dire que la
psychiatrie est responsable de la criminalité et de l'augmentation du
taux de suicide, vous y allez allègrement.
Mais, en contrepartie, n'êtes-vous pas prêts à
admettre quand même que la psychiatrie a évolué dans le
sens des efforts supplémentaires qui ont été faits pour la
réinsertion sociale versus l'Institutionnalisation presque permanente
qui, d'ailleurs, n'était pas due aux psychiatres? Je pense qu'il faut se
référer à toute l'attitude de la société et
on n'est pas pour entrer dans une grande discussion sociologique - pour savoir
comment la société jugeait ses malades mentaux et comment elle
les traitait et, finalement, les psychiatres étaient à ce
moment-là beaucoup plus axés sur la neurologie que sur tous les
autres aspects socio-psychiques, etc. Il reste que la psychiatrie a fait
évoluer des choses et, aujourd'hui, si on traite un peu mieux les
patients psychiatriques, c'est que la psychiatrie a justement apporté
des choses positives. Vous êtes tellement tout blancs ou tout noirs
que...
Mme Asselin: C'est clair, n'est-ce pas?
Mme Lavoie-Roux: ...je m'excuse de vous le dire, mais cela vous
enlève un petit peu de crédibilité. Vous savez, il n'y a
rien dans la vie qui soit tranché tout blanc ou tout noir.
Mme Asselin: D'accord. Bon, peut-être que c'est cela pour
vous, mais je crois que c'est Important, étant donné que le
rapport Harnois était tout noir, que nous, on mette ça tout blanc
aussi. Nous on ne trouve pas que la psychiatrie a évolué.
Peut-être que ces gens font des choses d'une façon moins
évidente, moins claire. On a dénoncé beaucoup toutes
sortes de choses dans les hôpitaux de Montréal,
spécialement. Je sais qu'il fallait qu'il y ait des changements majeurs
là-dessus parce que les électrochocs étaient
utilisés à grands coups. Mais de là à dire que cela
a évolué et que maintenant ils essaient d'envoyer les gens
à l'extérieur, je m'excuse de ma rudesse, mais c'est probablement
parce qu'ils ne savent plus eux-mêmes quoi en faire.
Ces personnes, quand elles sortent dans la rue, leur seule sortie, elles
ne peuvent pas s'en aller... SI vous avez passé cinq ans dans un
hôpital psychiatrique, essayez d'aller poser votre candidature quelque
part pour savoir si on va vous engager.
Mme Lavoie-Roux: J'en connais qui sont engagés
après quinze ans d'institutionnalisation.
Mme Asselin: il a fallu qu'il y ait quelqu'un derrière qui
a pu les supporter et les faire entrer avec lui, je suis sûre de cela,
parce qu'une personne qui a passé quinze ans dans un hôpital
psychiatrique ne va pas juste se présenter chez quelqu'un et se faire
engager comme ça. Je suis convaincue de cela. Quant au taux de suicide
et de criminalité, je veux juste soulever un point là-dessus.
Quand c'étaient les soeurs qui avaient plus le contrôle des
hôpitaux psychiatrique et ce genre de choses, le taux de
criminalité et de suicide existait quand même. Ça montait
peut-être de 1.1 % par année, 2.2 %, ce genre de chose. À
partir du moment où en 1964 la psychiatrie est arrivée, cela a
commencé à faire cela comme cela, ce qui est différent et
qui nous porte à dire qu'il y a de gros effets secondaires, si je peux
dire, de la psychiatrie.
Mme Lavoie-Roux: Que faites-vous de tous les problèmes
sociaux qui ont augmenté, la criminalité, le suicide, etc.?
Enfin, je pense qu'on pourrait en discuter jusqu'à demain matin.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Oui, merci, M. le Président. Écoutez,
c'est rare que, finalement, on abonde dans le même sens que le
gouvernement, mais effectivement je dois admettre avec lui, en fin de compte,
qu'il n'y a pas tellement de nuances dans votre rapport et que dans une
société il y a plusieurs variables, il y a plusieurs
circonstances qui font qu'il se passe des situations et surtout plus
qu'autrement dans une civilisation nord-américaine, postindustrielle qui
a apporté énormément de changements. La technologie a
évolué tellement rapidement que cela a eu des conséquences
dramatiques à plus d'un égard au niveau de nos
sociétés.
Mais de là à dire que tout repose sur les épaules
des psychiatres, je ferais une nuance à ce niveau. Il se peut que, par
la pratique antérieure, eu égard à certains
événements, on puisse mettre en doute certains agissements. Mais
de là à dire qu'ils ne sont plus nécessaires dans notre
société ou en tout cas qu'ils deviennent très suspects
dans la société, c'est autre chose. La preuve, avant votre
présentation, nous avons eu l'apport d'un psychiatre qui, à mon
avis, a apporté toutes les nuances importantes et qui s'est
dissocié, finalement, de la corporation en tant que professionnel dans
une pratique individuelle et qui était capable de faire la part des
choses. Donc, il faut croire que, finalement, à l'intérieur
même de la profession, il y a toutes formes d'Individus. Il ne faudrait
pas généraliser parce qu'il y en a quelques-uns qui ont des
pratiques plus ou moins douteuses et dire que tout le monde est douteux
à l'Intérieur de la profession.
Ce qui m'amène à dire probablement que oui, vous
êtes peut-être sur un choc, sur une consternation de certains
états de fait à l'intérieur de certaines institutions
parce que, lorsqu'on n'est pas habitué de voir la
déchéance ou la détresse humaine, c'est très
difficile et c'est très lourd à subir. J'en conviens avec vous et
je pense que, quels que soient les individus, on voudrait toujours avoir la
meilleure qualité de vie pour ses semblables. C'est ce que nous
souhaitons. Je pense que c'est ce pourquoi nous avons fait une commission
parlementaire Ici. C'est parce que nous voulions trouver des
éléments de solution qui favoriseraient, dans l'ensemble,
quels que soient les citoyens, le fait de leur permettre d'avoir un peu part au
soleil et qu'ils puissent avoir aussi une participation et de les
intégrer dans la société.
Moi, j'aimerais que vous puissiez nous donner, à la suite des
commentaires que vous nous avez fait parvenir, quel serait pour vous le
meilleur mode d'intervention au-delà des transferts de
responsabilité et de fonds de groupes communautaires. Finalement, quels
seraient pour vous les modes d'intervention qui seraient les plus aptes
à favoriser l'insertion sociale des personnes ayant une maladie mentale
et d'après vous, quels seraient les intervenants tes plus susceptibles
d'apporter une aide réelle qui favoriserait des changements, des
comportements de société?
Mme Asselin: Moi, je dis, premièrement, avant que cela
soit fait, je le répète encore, qu'il devrait y avoir une grosse
recherche dans tout ce qui se passe en psychiatrie parce que je ne veux pas
dire pour autant que, tout à coup, toute la psychiatrie devrait
être fermée, etc. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Mais tous les
traitements que ces gens font subir, tout le travail que fa psychiatrie fait
devrait être regardé pour ce qu'il est. Je sais que c'est quelque
chose de dur et, contrairement un petit peu à ce que vous disiez, ce
n'est pas juste le fait d'avoir vu ça une fois qui fait que je pars en
peur là-dessus. C'est comme ça que ça se passe à
l'heure actuelle. C'est ça qui est là. Et juste le fait
d'être consternée comme ça, c'est de penser qu'il y a des
dizaines et des dizaines de milliers de personnes qui sont sous ces
traitements-là à l'heure actuelle.
Donc, pour nous, il faudrait vraiment qu'il y ait une étude qui
soit faite sur le domaine de la psychiatrie et non pas par un psychiatre, non
pas par une personne du gouvernement, pas par nous non plus. Par quelqu'un qui
serait de l'extérieur et qui pourrait regarder ce qui se passe
là-dedans. Je sais que, si différents traitements pouvaient juste
sauter, je veux dire qu'il n'y aurait peut-être pas autant de groupes...
Parce qu'à l'heure actuelle, d'après nous, ce qui aide le plus
les patients psychiatriques ce sont vraiment les groupes, différents
groupes. Je connais différents groupes de Montréal qui font un
travail fantastique pour essayer d'aller récupérer quelqu'un qui
est envoyé des hôpitaux psychiatriques. Ils vont vraiment
travailler avec lui, etc. Tous ces différents groupes de ressources
humaines font beaucoup pour le patient mental qui sort après cinq, dix,
quinze ans ou quoi que ce soit. Je crois que je n'ai pas demandé...
C'est sûr que, pour les différents groupes, cela serait bien
qu'ils aient beaucoup plus de subventions qu'à l'heure actuelle. Je
parle de ça sans parler pour nous parce qu'on n'en a pas, de subvention
du gouvernement. Donc, ce n'est pas pour moi que je la demande. Je ne dis pas
qu'on ne fera jamais de demande. Ce n'est pas ce que je dis non plus. Mais je
dis qu'il y a beaucoup de bon travail qui se fait là-dedans.
Même en dépit du fait que le rapport Harnois voudrait que
les gens soient plus compétents, je pense que, pour eux, pour les gens
qui ont travaillé au rapport Harnois, les gens ne sont pas
compétents, eux ils apportent beaucoup de produits et Ils apportent
beaucoup de réconfort et d'aide aux gens qui ont passé entre les
mains des psychiatres.
Mme Vermette: Oans le rapport Harnois, justement, on parle d'une
équipe multidisciplinaire et de différents intervenants avec
différents champs d'expérience qui pourraient mettre à
profit leurs connaissances respectives à partir justement de leur
vécu, de l'échantillonnage qu'ils ont dans leur milieu de travail
pour arriver à faire un plan individuel centré sur la personne.
C'est un petit peu ce que vous recherchez sans que le monopole appartienne
uniquement aux psychiatres, mais qu'il soit partagé parmi les
intervenants qui sont les plus susceptibles d'apporter une aide à la
personne selon sa maladie et selon la déficience dont elle est
victime.
Mme Asselin: C'est ce qui est fait à l'heure actuelle. Les
groupes de ressources humaines ne travaillent pas avec des centaines de cas en
même temps. Ils travaillent pour chaque Individu. C'est ce qui est fait
à l'heure actuelle. Le rapport Harnois n'a rien apporté de
nouveau là-dessus. C'est ce qui est fait à l'heure actuelle.
Quand une personne s'en va dans un groupe de ressources humaines, elle va
être aidée. Il va y avoir différents programmes sans que
ça soit le rapport Harnois qui ait dit de faire ça. C'est
déjà fait à l'heure actuelle.
Mme Vermette: Alors, à ce moment-là, ce que vous
demandez à l'intérieur.., Vous dites que les choses se font
à l'heure actuelle. Ce qu'on demande actuellement... Qu'est-ce que vous
voulez? Est-ce enlever la responsabilité aux psychiatres? Ce serait
quoi, finalement, vos...
Mme Asseiin: Que les gens cessent de penser que les psychiatres
sont les experts de la santé mentale. Qu'ils n'aient pas plus
d'autorité que ça à l'heure actuelle parce
qu'eux-mêmes n'ont pas pu remplir le mandat qu'ils avaient
décidé de prendre il y a 20 ans. Et, vraiment, qu'ils essaient de
réparer ou reconstruire ce qu'ils ont fait avec les gens qu'ils ont dans
leurs hôpitaux et qu'ils puissent laisser les autres continuer comme ils
sont là. Je crois que ça va bien comme ça, mais les
groupes de ressources humaines n'ont peut-être pas suffisamment d'aide
pour pouvoir subvenir à tous les gens qui sortent de là ou qui
ont besoin d'aide.
Le Président (M. Bélanger): Bien; alors, le
temps est écoulé.
Mme Asselin: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Marie-Victorin, si vous voulez remercier le
groupe.
Mme Vermette: Alors je vous remercie en tout cas d'au moins la
franchise de vos propos. Du moins on ne peut pas mettre ça en doute. On
espère que tes différents intervenants trouveront ensemble les
solutions les plus adaptées pour répondre aux personnes qui sont
dans le besoin dans ce domaine. Je vous remercie.
Mme Asselin: Je l'espère aussi.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Alors, je veux également vous remercier
pour votre contribution. Au moins sur le rôle que les organismes
communautaires peuvent jouer, je pense qu'il y a là un point de
rencontre. C'est déjà important
Mme Asselin: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Et sur le reste, évidemment,
peut-être que du choc des Idées naît la
vérité. Je ne le sais pas, mais je vous remercie, à tout
événement
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission
remercie la Commission des citoyens pour les droits de l'homme et suspend ses
travaux jusqu'à 19 heures, c'est-à-dire 7 heures, et nous
reprendrons nos travaux à ce moment-là. D'accord.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise à 19 h 5)
Le Président (M. Laporte): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission reprend ses travaux.
Je demanderais au Regroupement des ressources alternatives et
communautaires en santé mentale de l'Estrle de bien vouloir prendre
place à l'avant. On vous souhaite la bienvenue à la commission
des affaires sociales. Pour l'enregistrement, est-ce qu'il vous serait possible
de vous identifier? Comme vous le savez sans doute et comme le président
a pu l'expliquer, vous faisiez partie, à l'arrière... vous avez
pu voir le déroulement des séances. Vous avez vingt minutes pour
faire l'exposé de votre mémoire et, par la suite, chacun des
partis politiques de la commission aura vingt minutes pour vous questionner,
vous Interroger à la suite de la présentation de votre
mémoire. Je vous remercie.
Regroupement des ressources alternatives et
communautaires en santé mentale de l'Estrle
Mme Viau (Danièle): Mon nom est Danièle Viau. Je
représente l'organisme La Cordée transit de jour qui fait partie
du Regroupement des ressources alternatives et communautaires en santé
mentale de l'Estrle.
Mme Leduc (Guylaine): Mon nom est Guylaine Leduc. Je fais partie
du centre de transition L'Élan de Magog. Je fais aussi partie du
Regroupement des ressources alternatives et communautaires en santé
mentale de l'Estrie.
Le Président (M. Laporte): On vous écoute.
Mme Viau: Alors, je vais vous faire lecture du document qui a
été déposé. L'origine. Les ressources alternatives
se sont regroupées à l'occasion de la Semaine de la santé
mentale, en mars 1985. Quelques organismes unissaient alors leurs efforts pour
rédiger un article d'Information sur les ressources alternatives dans le
quotidien La Tribune de Sherbrooke. C'est avec cette première
activité que prenaient naissance les organismes membres du Regroupement
des ressources alternatives et communautaires en santé mentale de
l'Estrle. On a défini des objectifs généraux qui sont,
entre autres, de créer une table régionale des organismes membres
afin de promouvoir le développement, la collaboration et la
complémentarité entre ces ressources, d'établir des liens
de communication entre les organismes membres, d'une part, le CRSSS et le MSSS,
d'autre part, de mettre sur pied, en collaboration avec les
établissements et organismes du réseau, des
événements particuliers touchant la santé mentale de la
population et promouvoir l'acquisition de moyens financiers adéquats
pour les organismes membres.
Les ressources alternatives qui sont présentées
proviennent de différentes régions de l'Estrie, entre autres,
Magog, Lac-Mégantic, Weedon. Sherbrooke et Richmond. Elles sont pour la
plupart nées de la volonté et de l'Initiative d'individus
sensibles aux besoins de la communauté. Malgré les
difficultés de financement, ces ressources se sont, jusqu'à ce
jour, maintenues grâce à l'implication et au dynamisme de
nombreuses personnes du milieu et ce, en grande partie par des actions
bénévoles. On assiste donc, par la croissance des ressources
alternatives en Estrie, à une prise en charge progressive de la
communauté par elle-même.
Ayant été implantés à la suite de
l'identification de besoins spécifiques à chacun des milieux
concernés, il va sans dire que les programmes sont différents
d'une ressource à l'autre. Néanmoins, les ressources ont toutes
en commun la volonté d'établir des rapports égalitaires et
une approche globale centrée avant tout
sur la personne et sa prise en charge par elle-même.
La situation actuelle en Estrie. Malgré les efforts
déployés par les organismes membres et malgré le dynamisme
et l'appui de la communauté, la survie de la majorité de ces
ressources demeurera précaire tant qu'une reconnaissance réelle
de la part des instances gouvernementales ne se sera pas traduite de
façon concrète par des appuis financiers substantiels. On a
annexé, à la fin du document, l'état des résultats
et des besoins financiers réels que les ressources ont
identifiés.
Voici un résumé de nos réflexions sur le projet de
politique en santé mentale. Les principes généraux
présentés dans le projet de politique de la santé mentale
du Québec rejoignent étroitement la philosophie de base de nos
ressources alternatives, c'est-à-dire le partenariat, l'approche globale
de la personne, une continuité dans les services, la promotion, la
prévention et la réadaptation. Le projet de politique en
santé mentale accorde une place concrète aux ressources
communautaires. Elle leur donne voix au chapitre, ce qui nous paraît
satisfaisant. Il est évident que cette place, les ressources
alternatives la prendront à la mesure de leurs capacités
financières et qu'en ce sens la région de l'Estrie... Dans la
région, il reste plusieurs pas à franchir. Il nous faut plus que
doubler nos budgets cette année et il nous est nécessaire d'avoir
des indices de développement au plan de ces budgets pour répondre
à plusieurs besoins de base, dont celui des ressources alternatives
d'hébergement qui sont inexistantes en Estrie. À ce propos, il y
a quand même une interrogation qui se pose. On a entendu dire que les
établissements en Estrie allaient chercher près des deux tiers
des budgets en santé. On se demande si, quelque part, il y aurait
possibilité de réallouer ces budgets pour que les ressources
alternatives puissent bénéficier de ressources financières
adéquates leur permettant d'être de réels partenaires.
Il est recommandé qu'une politique de financement
récurrente soit mise en place pour les ressources communautaires en
santé mentale. Par ailleurs, il nous apparaît essentiel que le
ministère de la Santé et des Services sociaux mette à la
disposition des organismes bénévoles et communautaires des
budgets leur permettant de faire l'évaluation de leurs programmes.
L'évaluation de nos programmes ne pourrait être envisagée
de la même façon que pour le milieu institutionnel et ce, de
façon à respecter nos différences et à
préserver le caractère alternatif de nos ressources.
C'est l'approche globale qui caractérise nos ressources. En ce
sens, nous déplorons le principe de classification des ressources
communautaires présenté dans le projet de politique; il tend
à morceler nos services, à limiter notre champ d'action et fait
obstacle à l'application d'une approche globale. Ainsi, nous recomman-
dons que tous les types de services soient reconnus de la même
façon et reçoivent leur financement de la même enveloppe,
c'est-à-dire l'entraide, les droits, l'information et tout ce qu'on
appelle services.
Par ailleurs, le projet de politique reconnaît l'importance
d'implanter une gamme de services disponibles et accessibles dans chaque
milieu. Cet aspect nous paraît tout à fait indispensable. Nous
souhaitons que le critère d'évaluation des besoins de chacune des
communautés ne repose pas sur le taux d'hospitalisation. Plusieurs
régions de l'Estrie ne peuvent disposer de ces données, n'ayant
pas de départements de psychiatrie au sein de leurs hôpitaux. Par
conséquent, cette pratique ne permet pas de mettre en lumière les
besoins réels de chaque milieu et semble créer un obstacle
à la déslnstitutionnalisatlon en éloignant davantage te
principal acteur de son milieu de vie naturel. Dans le projet de politique en
santé mentale, le comité aurait dû tenir compte des
réalités socio-économiques avec lesquelles doivent
composer les principaux acteurs du milieu de vie naturel. Le
réajustement des mesures socio-économiques aurait un impact
certain sur le maintien des personnes dans leur milieu.
Le Regroupement des ressources alternatives et communautaires en
santé mentale de l'Estrie trouve que l'implantation d'un programme de
répit n'est pas suffisant pour encourager la famille et les proches
à prendre soin adéquatement des personnes en difficulté.
Avant même d'instaurer un programme de répit, il faudrait assurer
un soutien à la famille et aux proches en ce qui a trait à
l'information sur la maladie et au sujet des ressources disponibles et des
moyens d'intervention qu'ils ou qu'elles peuvent utiliser afin de les rendre
plus capables d'assumer leur rôle.
Dans un autre ordre d'idées, nous considérons que la
formation des intervenants risque fort d'augmenter le cloisonnement et la
hiérarchisation. Aussi, recommandons-nous que des programmes de
formation continue avec un contenu pratique soient priorisés et visent
des rapports égalitaires entre les différents partenaires. En vue
de concrétiser une concertation entre les différents partenaires,
il est souhaité que les groupes communautaires participent à la
perception du besoin, à l'identification de l'aide nécessaire,
à la disponibilité des services requis, à la mise à
contribution des ressources et à l'évaluation des
résultats.
Pour conclure, nous voyons la nécessité évidente
d'accroître l'investissement dans le secteur de la santé mentale
et, ainsi, en faire une priorité. Dans la mesure où les sommes
nécessaires sont consenties, nous pensons que le mouvement de
déslnstitutionnalisation pourra être efficace au
Québec.
Le Président (M. Laporte): Je vous remercie. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier les porte-parole du
Regroupement des ressources alternatives et communautaires en santé
mentale de l'Estrie. C'est un regroupement qui remonte, avez-vous dit, à
quelques années?
Mme Viau: À 1985.
Mme Lavoie-Roux: À 1985. Est-ce que les ressources qui
sont énumérées constituent seulement une partie des
ressources communautaires en santé mentale de l'Estrie ou si ailes
constituent l'ensemble?
Mme Viau: Elles contistuent l'ensemble des ressources actuelles.
Toutefois, ce qu'il faut considérer, c'est que ces ressources, en 1985,
existaient toutes. Elles existent encore toutes aujourd'hui en ce sens que
toutes les corporations ne sont pas dissoutes, sauf que toutes ne sont pas en
mesure actuellement d'offrir des services parce que les budgets sont
épuisés. En décembre 1986, le Dr Voisine et M. Carignan
sont venus en Estrie vérifier quels étalent nos besoins à
la suite du mémoire qui avait été déposé. En
conséquence, ils nous ont permis d'avoir des budgets non
récurrents pour terminer l'année financière. Cette
année financière s'est terminée en mars 1987. Or, depuis,
il y a plusieurs ressources qui vivotent et qui ne sont plus en mesure d'offrir
des services à la clientèle. (19 h 15)
Mme Lavoie-Roux: Vous voulez dire que vous n'avez pas reçu
d'argent pour 1987-1988?
Mme Viau: La Cordée transit de jour est le seul organisme
qui reçoit des budgets récurrents actuellement. Toutes les autres
ressources vivotaient à partir de projets de création d'emplois;
bien sûr, tous ces projets-là ne permettent pas d'offrir des
services à longueur d'année. Certaines ressources, dont celles de
Mégantic et de Weedon, ne sont plus en mesure actuellement d'offrir des
services à la population.
Mme Lavoie-Roux: Me dites-vous que, pour 1987-1988, vous n'avez
reçu aucune somme d'argent du ministère de la Santé et des
Services sociaux pour les autres ressources que La Cordée transit?
Mme Viau: Certaines ressources ont reçu des montants
provenant des enveloppes de services sociaux, soutien aux organismes
communautaires.
Mme Lavoie-Roux: Vous en avez reçu alors?
Mme Viau: Mais en l'occurrence, la ressource L'Envol de
Mégantic et Weedon n'a reçu aucune de ces sommes-là. Comme
les projets de création d'emplois n'ont pas permis que les services se
poursuivent, ces ressources-là sont actuellement sans ressources.
Mme Lavoie-Roux: Et les autres, ont-elles reçu quelque
chose? Le Carrefour intervention suicide a reçu 30 000 $.
Mme Viau: Oui, 34 000 $ de la direction de ta santé cette
année, mais les deux ressources dont je vous parle n'ont rien
reçu jusqu'à maintenant et elles ne sont pas en mesure d'offrir
des services.
Mme Lavoie-Roux: Les ressources qu'elles avaient reçues
avant 1986 venaient-eltes du programme de subvention des organismes
bénévoles?
Mme Viau: Vous dites les...
Mme Lavoie-Roux: Vous dites que ces six ou sept ressources...
Mme Viau: Oui.
Mme Lavoie-Roux: ...existaient en 1985. Est-ce que, à ce
moment-là, elles recevaient toutes une subvention du programme de
subvention des organismes bénévoles?
Mme Viau: Non.
Mme Lavoie-Roux: Ah bon! Alors, il n'y en a pas qui ont
été coupées en sol.
Mme Viau: C'est-à-dire que La Cordée transit de
jour a été coupée cette année et la subvention est
passée de 10 000 $ à 5000 $. Les autres qui en recevaient n'ont
pas été coupées et celles qui n'en recevaient pas n'en ont
pas plus reçu.
Mme Lavoie-Roux: Sauf le Carrefour Intervention suicide.
Mme Viau: Oui, mais ce n'est pas le soutien aux organismes
communautaires.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas un organisme communautaire.
Mme Viau: Non, cela ne provient pas de l'enveloppe du budget
soutien aux organismes communautaires, cela provient de la direction de la
santé mentale.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais il reste que...
Mme Viau: ...c'est le seul organisme, oui, qui ait reçu
des sommes supplémentaires.
Mme Lavoie-Roux: Bon. Et tous les autres n'ont jamais reçu
d'argent
Mme Viau: En décembre 1986, quand M. Carignan est venu, le
ministère s'était Impliqué et il a permis à
l'ensemble des ressources de
terminer l'année financière se terminant donc en mars
1987. Or, depuis, bien sûr, il n'y a pas eu possibilité de
réinjecter des fonds supplémentaires.
Mme Lavoie-Roux: D'accord, parfait! Pou-vez-vous me dire combien
de bénévoles s'impliquent d'une façon
régulière dans ces organismes?
Mme Viau: Entre autres, à La Cordée transit, qui
est située à Sherbrooke et qui a donc un bassin de population
plus large, permettant ainsi une Implication plus grande des personnes
bénévoles, on a un service aux groupes d'entraide qui permet de
faire de l'accompagnement suivi d'un jumelage entre un bénévole
et un usager. Pour ce service, on rejoint annuellement une quarantaine de
bénévoles. Bien sûr qu'en milieu rural ou semi-rural, comme
Magog, Mégantic, Weedon et Richmond, où il n'y a aucune ressource
humaine, aucune permanence permettant d'encadrer des bénévoles et
ce, de façon régulière et annuelle, on ne demande pas la
même implication des personnes bénévoles. Le service est
fait, je dirais, à certains moments de l'année, sur une base
bénévole, même de la part de la permanence, et à
d'autres moments, avec une rémunération pas très
décente, si je peux m'exprimer comme cela. Les services offerts par les
bénévoles fluctuent en conséquence. On demande aux
personnes bénévoles dans les régions de s'impliquer
davantage dans la prévention, dans l'accompagnement, mais sur une plus
courte durée, de faire de l'accompagnement non pas dans le sens de
créer un lien significatif avec la personne, mais plus un accompagnement
qui va répondre à des besoins ponctuels, telle de l'aide pour
déménager. On va également demander aux personnes
bénévoles de s'Impliquer en faisant du covoiturage, des choses
comme ça. Le nombre des personnes bénévoles en
région diffère. Je dirais qu'à Magog on peut rejoindre
environ une quinzaine de bénévoles annuellement; le nombre
d'heures investies va être très différent. L'année
dernière, on a rejoint une personne qui a fait 20 heures de
bénévolat par semaine. Cela fluctue, cela dépend des
capacités d'investissement.
Maintenant, à Mégantic, c'est sûr que, parce que la
ressource est très instable financièrement - c'est d'ailleurs une
des ressources que j'ai nommées tout à l'heure qui n'offrent plus
de services maintenant - c'est sûr que les bénévoles
quelque part se sont désimpllqués également. On n'a plus
de personnes-ressources pour les encadrer.
Mme Lavoie-Roux: Quand ces ressources ont-elles été
créées? Pas le regroupement, c'est en 1985, mais les ressources
existent depuis combien d'années?
Mme Viau: Lac-Mégantic, Magog, Weedon,
La Cordée, ce sont des ressources de la communauté qui
sont implantées depuis 1983. Carrefour intervention suicide est
arrivé il y a près de deux ans maintenant.
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est plus récent.
Mme Viau: Oui. Le Rivage du Val Saint-François, qui est
une ressource située à Richmond, est implantée depuis deux
ans également. Il m'en manque une... L'APAMM, qui est l'association de
parents et amis, existe depuis un peu plus de quatre ans.
Mme Lavoie-Roux: De toute évidence, il semble que vous
n'ayez pas suffisamment de financement, mais j'aimerais revenir sur la question
des bénévoles. Vous dites que là où il n'y a pas de
permanence ou d'argent suffisant pour payer un coordonnateur, une
coordonnatrice ou, enfin, une présence, la fluctuation des
bénévoles est très grande et vous ne pouvez pas leur
demander la même implication que là où il y a quelqu'un qui
est rémunéré pour faire la coordination. Maintenant, il
semble qu'à La Cordée transit, il y ait un certain
financement.
Mme Viau: Un certain financement. Je pense que c'est un
financement de base qui permet d'assurer les services de base.
Évidemment qu'une permanence pour ce qui est du service des
bénévoles permet d'assurer une continuité, d'assurer que
les personnes bénévoles aient une formation, une supervision en
conséquence.
Mme Lavoie-Roux: Alors, vous auriez combien de
bénévoles dans cette ressource qui s'impliqueraient, je ne veux
pas dire à temps plein, mais d'une façon régulière,
à des jours donnés, à des périodes données,
vis-à-vis des responsabilités régulières?
Mme Viau: Combien on en a? Mme Lavoie-Roux: Oui.
Mme Viau: Cela tourne autour d'une quarantaine par
année.
Mme Lavoie-Roux: Une quarantaine par année. Alors, cela
veut dire qu'elles ne...
Mme Viau: Quel investissement ces gens-là font à ce
moment-là?
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Mme Viau: C'est un minimum de trois heures par semaine dans de
l'accompagnement avec des usagers. Il y a différents types d'implication
bénévole, mais les 40 personnes dont je vous parle, cela implique
un minimum de trois heures par semaine dans de l'accompagnement suivi avec un
usager. Ce type d'accompagnement
est supervisé.
Mme Lavoie-Roux: Oui, et elles ou Ils sont assidus dans ce type
de tâche?
Mme Viau: Oui, dans la mesure où elles ont un soutien,
évidemment Je pense que c'est un aspect des services offerts dans une
ressource alternative. Ce qu'il faut également voir, c'est qu'il y a
d'autres types de services qu'on offre où la communauté
s'implique, mais la communauté est aussi composée de personnes
qui sont malades. À ce titre, je peux mentionner qu'un des services
offerts dans toutes les ressources qui sont en région,
c'est-à-dire celles de Richmond, Lac-Mégantic, Weedon, Magog et
La Cordée, c'est un service d'atelier C'est une activité
où on offre une approche qui est différente et où les
usagers s'impliquent. Ils peuvent même animer des ateliers après
une démarche faite avec nous.
Mme Lavoie-Roux: Dans votre dossier, vous indiquez que
l'évaluation de vos programmes ne pourra être envisagée de
la même façon que pour le milieu institutionnel: "de façon
à respecter nos différences et à préserver le
caractère alternatif de nos ressources." J'aimerais que vous
explicitiez. On a l'impression que vous dites que cela devrait être
différent.. Évidemment, on n'évaluera pas les mêmes
choses, on ne partira peut-être pas des mêmes critères, mais
est-ce la ressource elle-même qui s'évaluera ou si ce sera
quelqu'un de l'extérieur qui l'évaluera?
Mme Viau: Je pense qu'on est ouvert à l'évaluation.
Comme vous l'avez spécifié, nous ne serions pas
évalués sur les mêmes critères. À ce propos,
je pense qu'il est important que l'on participe à l'élaboration
de ces critères. Je pense que c'est plus cela que l'on veut mettre en
lumière. Pourquoi participer à l'élaboration de ces
critères? Je pense que c'est parce qu'on se distingue de l'institution,
d'une part, et que l'on veut justement que cela soit plus centré sur un
aspect qualitatif que quantitatif. Pour nous, il est important que
l'évaluation puisse vérifier ta satisfaction des usagers, et pas
tellement en termes de nombre de personnes ou en termes de diminution de
symptômes.
Mme Lavoie-Roux: Prenons toujours celle de Sherbrooke parce que
je crois comprendre que c'est la vôtre. Elle fonctionne peut-être
dans des circonstances un peu plus faciles que les autres. Combien de personnes
rejoignez-vous dans une année?
Mme Viau: Les personnes inscrites, qui font une démarche
d'une durée moyenne de six à neuf mois, étaient à
peu près de 104 l'année dernière, je pense. En plus de
cette catégorie de gens qui se sont inscrits dans une démarche
régulière, il y a des usagers qui viennent sur une base plus
ouverte, je dirais. Ils ne sont pas nécessairement amenés
à être assidus dans une démarche. Ce sont des
activités sociales que nous offrons à ces gens-là. On
rejoint, par le biais de ces activités offertes le soir et la fin de
semaine, près de 74 personnes par mois. C'est ce qui se passe
actuellement. C'est un des services qui va grandissant. On est en train de
s'apercevoir que ce service est la porte d'entrée des personnes
psychiatrisées à la ressource pour, dans un deuxième
temps, s'Impliquer dans une démarche.
Mme Lavoie-Roux: Vous avez quand même l'Hôtel-Dieu
qui a le département le plus important de psychiatrie à
Sherbrooke, si je ne m'abuse. Avez-vous des contacts avec le département
de psychiatrie de l'Hôtel-Dieu ou si vous fonctionnez autrement? On peut
bien vous référer quelqu'un en disant: Va donc à La
Cordée, mais est-ce que vous entretenez des contacts avec
l'Hôtel-Dieu?
Mme Viau: Oui. Non seulement avec l'Hôtel-Dieu, mais avec
l'ensemble des établissements de la région. Je pense que ce qui
est important, c'est qu'on essaie vraiment de faire valoir un partenariat. En
ce sens, bien sûr que les hôpitaux, au même titre que le CSS
et les CLSC, nous réfèrent de la clientèle. Je pense que
l'aspect de soutien que peut apporter l'Institution est intéressant.
Souvent, on va aller vers eux pour discuter de la situation des usagers, mais
aussi pour aller chercher de l'Information et de la formation. (19 h
30)
Mme Lavoie-Roux: Vous pouvez les reconsulter quand ils vous ont
référé une personne.
Mme Viau: Absolument!
Mme Lavoie-Roux: II y a un mouvement d'aller retour entre votre
service et les services qu'ils peuvent rendre.
Mme Viau: Oui. On parle des établissements et, bien
sûr, qu'un établissement est composé d'intervenants. Il y a
des gens qui sont, je dirais, beaucoup plus ouverts, mais, dans l'ensemble,
c'est satisfaisant. Il continue d'y avoir des pas à franchir en vue
d'une meilleure concertation à certains niveaux, mais je pense que les
gens apprennent à reconnaître les actions entreprises dans la
ressource. À ce propos, je pense qu'ils sont aussi de plus en plus
conscients des services offerts et des objectifs thérapeutiques
poursuivis.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question. Vous l'avez
peut-être dit et je l'ai oublié: Allez-vous chercher des fonds
dans le public?
Mme Viau: Oui. Bien sûr, l'ensemble des ressources
s'efforce de faire une action en s'implantant dans la communauté de
cette façon. J'aurais envie de dire que, à mon sens, c'est
Inégal d'une ressource à l'autre la façon dont on
peut aller chercher des sous et aussi la somme recueillie. Il y a des milieux
plus pauvres que d'autres.
Mme Lavoie-Roux: Je me référais toujours à
Sherbrooke, à votre ressource.
Mme Viau: Ah bon! Je pense que c'est important de faire la
distinction.
Mme Lavoie-Roux: Oui. J'Imagine que la population de
Lac-Mégantic n'est pas très...
Mme Viau: Je prends Lac-Mégantic, mais cela s'applique
aussi à Magog, à Weedon ou à Richmond.
Mme Lavoie-Roux: Magog est quand même une ville d'une
importance raisonnable.
Mme Viau: J'aurais envie de dire que la majorité des
usagers qui fréquentent la ressource proviennent des campagnes
environnantes. À ce propos, ces gens-là ont une mentalité
très différente, plus semi-rurale qu'urbaine.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais pour revenir à votre
ressource...
Mme Viau: Oui, on va chercher du financement dans le milieu, mais
on n'est pas non plus la seule ressource alternative qui va chercher des fonds.
En 1985, on a organisé un colloque suivi d'un souper
bénéfice; ce colloque avait pour thème: La santé
mentale, l'affaire de tous. Bien sûr que là aussi on a fait notre
bout de chemin pour Impliquer les gens de façon à mieux se faire
connaître, mais également pour qu'il s'articule une meilleure
complémentarité. Ce souper bénéfice a
été intéressant parce que toutes les ressources
alternatives de la région se sont impliquées dans son
organisation. On a ainsi favorisé la réduction des écarts
entre les régions pour que tout le monde puisse aller chercher le
maximum de sous pour survivre.
Mme Lavoie-Roux: Ah! Cela a été réparti...
Je vous remercie du travail que vous faites dans des circonstances qui
n'apparaissent pas très faciles.
Mme Viau: Non, je pense que cela appelle un changement rapide,
car des populations sont maintenant sans services.
Le Président (M. La porte): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci. Je suis content de la dernière
réflexion de la ministre disant que vous travaillez dans des conditions
très difficiles. J'en suis conscient, venant d'une région
où les distances sont différentes de celles qu'il y a entre deux
buildings à Montréal ou à Québec. On peut organiser
une soupe populaire dans un building à Montréal sans
problème ou donner des services à Québec à des
personnes âgées. Quand elles sont toutes regroupées dans la
même bâtisse, cela va bien, mais, quand on fait la tournée
de nos régions et de nos milieux ruraux, ce n'est pas la même
chose et on a besoin d'appui.
La ministre posait des questions tout à l'heure concernant le
nombre de bénévoles et les heures qu'ils accordent. Je vous dis
qu'il faut venir en région pour voir ce qui s'y passe. Mon but ce soir
n'est pas de vous poser trop de questions, mais de vous dire que j'admire
énormément votre travail. Je suis toujours surpris qu'on pose des
questions à des organismes bénévoles comme le vôtre
et qu'on leur demande combien d'heures ils mettent et combien de
bénévoles ils ont. Je me souviens que, quand mon beau-père
était à la préretraite, on lui demandait d'aller
reconduire des gens de Grand-Mère à Trois-Rivières,
d'aller à l'hôpital, de les attendre là et de revenir. Il
ne demandait pas une cenne à personne, cela lui faisait plaisir. Cela ne
se calcule pas. Ces gens âgés refusent parfois d'écrire
leur nom parce qu'ils disent: Je ne veux pas que mon nom paraisse nulle part;
je t'ai rendu un service et on n'en parle plus. C'est parfois difficile de
tenir des statistiques, mais, chose certaine, on sait qu'il y a des
résultats au bout de la course. Quand le centre de
bénévolat à Grand-Mère, tous les matins, rappelle
le lendemain, par l'entremise d'une aide qui est à temps plein, pour
dire: C'est à ton tour de me préparer des desserts pour X
personnes qu'on va recevoir à dîner, que le lendemain c'est une
autre personne et que cela se fait tous les jours, la personne, ce sera
peut-être son tour une fois par mois, mais cela comprend 35
bénévoles qui font cela pendant le mois, par exemple. Cela
dépend des besoins qu'on a.
Dans ce sens-là, je dis que la permanence dont vous parlez
devient donc nécessaire et essentielle pour coordonner ces efforts.
Quand vous pariez de l'état de la situation, à la page 1 de votre
mémoire, quand vous commencez: Origine et philosophie, vous dites:
"Malgré les efforts déployés par les organismes membres et
malgré le dynamisme et l'appui de la communauté, la survie de la
majorité de ces ressources demeurera précaire tant qu'une
reconnaissance réelle de la part des instances gouvernementales ne se
sera pas traduite de façon concrète par des appuis financiers
substantiels." Effectivement, on voit arriver des groupes dans le milieu. Le
problème, c'est peut-être de vraiment prendre le temps, comme
c'est le temps aujourd'hui avec l'étude du rapport qui est devant nous
et de la politique qui s'en vient, de vérifier... Quelqu'un nous faisait
une suggestion cet après-midi en disant - il venait de la Beauce, cet
après-midi ou ce matin: Un des critères, peut-être qu'il
faudrait le regarder avec Centraide qui aide des
organismes comme ceux-là concernant l'implication dans le
milieu.
Je ne peux pas être en désaccord avec votre demande,
à savoir qu'il y ait quelque chose qui nous permette d'avoir un budget
pour deux ou trois ans, mais de s'assurer qu'on ne soit pas, tous les ans,
à la merci d'une décision arbitraire, parce qu'il n'y a pas de
programme, ou qu'on a un beau programme mais qu'il n'est pas appliqué.
Dans ce contexte, il y a d'autres groupes qui subissent les mêmes
contrecoups actuellement. Ils nous disent: On pense qu'on va l'avoir, mais on
n'est pas sûr. Finalement, parfois, ceia arrive en retard et, même,
dans d'autres organismes, le chèque qui devait arriver pour tel mois
arrive un mois et demi ou deux mois en retard. Pour certains, un mois et demi
ou deux mois en retard, c'est quelque chose, surtout si on leur demande d'aller
chercher 10 % dans le milieu. Comme vous venez d'un secteur qui comprend des
milieux ruraux, j'aimerais connaître votre opinion sur la recommandation
qui dit que tous les organismes communautaires ou alternatifs seront
obligés d'aller chercher 10 % dans le milieu. Est-ce que vous croyez que
c'est quelque chose qui est possible ou si cela va vous demander tellement
d'efforts que, finalement, vous allez gruger beaucoup de temps et d'efforts
rien qu'à alter chercher ces montants d'argent?
Mme Viau: On est d'accord avec la position du regroupement
provincial sur ce plan-là. On appuie les termes employés,
à savoir que, d'une part, on ne comprend pas ce qui fait qu'on a
augmenté de 5 % à 10 %, mais, en même temps, je pense que
ce qu'il faut voir, c'est que cela n'illustre pas la façon dont on peut
avoir un lien avec la communauté.
Il y a aussi un élément important à souligner quand
vous dites que cela va aller chercher énormément
d'énergie. De fait, quand tu t'en vas dans une sous-région et que
tu dépenses pratiquement autant en essence à cause des distances
à parcourir pour aller de porte en porte chercher des sous, c'est comme
un peu inutile. J'ai envie de dire que cela m'apparait difficile d'imposer des
mesures semblables à tout le monde, en même temps que, quelque
part, ce n'est pas significatif qu'on puisse aller regarder la façon
dont on va Illustrer que la communauté s'Implique. On peut regarder cela
d'une autre façon que de l'évaluer avec des chiffres comme
ceux-là et en comptabilisant les heures de bénévolat
M. Jotivet: Vous dites que votre évaluation doit
être différente - la ministre vous a posé des questions sur
cela tout à l'heure - de celle du secteur institutionnel. D'un autre
côté, vous dites que notre approche doit être globale.
À ce moment-là, les ressources doivent être
vérifiées eu égard à cette approche globale. Vous
dites: "En ce sens, nous déplorons le principe de classification des
ressources communautaires présenté dans le projet de politique;
il tend à morceler nos services, à limiter notre champ d'action
et fait - obstacle à l'application d'une approche globale." J'aimerais
que vous me donniez davantage de renseignements sur les raisons pour lesquelles
vous dites cela, avec la connaissance que vous avez de votre milieu.
Mme Viau: Vous me demandez pourquoi on ne veut pas qu'il y ait de
classification en ce qui a trait aux ressources?
M. Jolivet: C'est cela. On dit: On déplore le principe de
classification des ressources qui est présenté. Cela aura pour
effet de faire obstacle à l'application de l'approche globale dans
laquelle on doit agir.
Mme Viau: Pour nous, ce qui est clair, c'est qu'on veut
répondre à l'ensemble des besoins de la personne. Les
différentes options offertes, que ce soit sur les droits, l'information,
les services ou l'entraide, pour mol, c'est clair que cela répond
à l'ensemble des besoins de la clientèle. À ce propos, si
on veut respecter une approche globale. Il ne s'agit surtout pas de morceler la
façon dont on répond aux besoins de la personne. Pour moi, ce qui
est clair, c'est qu'on ne va pas classifier les ressources ou même, comme
il est proposé dans la politique, d'en mettre plus en valeur que
d'autres. Pour mol. c'est clair qu'on veut répondre à l'ensemble
des besoins de la personne, qu'on ne veut surtout pas cloisonner nos
différents services - je vais les appeler comme cela. Autrement, cela va
à l'encontre d'une approche globale comme telle. Cela ne peut pas
répondre à l'ensemble des besoins de la personne.
M. Jolivet: En fait, vous dites: L'évaluation doit
être différente de celle du milieu institutionnel. Je pense qu'il
n'y a pas de problème à bien comprendre cela. Ce que vous dites,
c'est que c'est une approche globale. J'aimerais comprendre ce que vous
entendez par approche globale. Si vous me dites: C'est la personne dans sa
globalité, Je comprendrais d'une certaine façon, mais, même
là, j'aurais de la difficulté à saisir. Vous dites: Notre
approche est globale, C'est toute la personne au complet, mais est-ce le
service? C'est quoi?
Mme Viau: C'est quoi?
M. Jolivet: Le mot globalité, vous l'employez dans le sens
de services ou bien dans le sens de la personne? De quelle façon?
Mme Viau: D'accord. La personne peut avoir différents
besoins et, en regard des besoins qu'elle a, on peut répondre par une
gamme de services qui, elle, va être diversifiée.
M. Jolivet: Donc, la personne arrive à vos services. Peu
importe d'où elle vient, vous
examinez ses demandes et vous la référez aux organismes
plus spécialisés?
Mme Viau: Non. Je pense qu'une ressource comme telle se donne des
moyens de faire en sorte que la personne puisse trouver des réponses
à ses besoins. Les différents moyens employés peuvent
être de favoriser de l'entraide, de favoriser une bonne information de la
personne sur ses droits, de favoriser l'accompagnement pour être mieux
informée à ce sujet.
M. Jolivet: Ce matin ou cet après-midi, je ne sais
à quel moment, quelqu'un est venu nous dire que le programme de services
individualisé, peu importe, le plan de services individualisé, le
PSI... Les gens disaient qu'il fallait qu'il y ait une personne qui soit le
pivot de cela et s'assure que le plan qu'on aura mis ensemble avec la personne
soit le plus possible actualisé. Une fois qu'ils ont dit cela, ils ont
dit: Cependant, ces personnes doivent ensuite se rencontrer a un autre niveau
pour coordonner tout l'ensemble et voir, si on s'aperçoit que quatre ou
cinq personnes demandent telle activité et que cela ne marche pas parce
qu'il n'y en pas dans le milieu, à s'organiser pour l'avoir. Donc, vous
dites: Nos services pourraient répondre à tout cela. Eux nous
disaient, et là je parle d'un organisme de coordination des organismes
d'une certaine partie de la région de Montréal: II faut
coordonner tout cela et, en conséquence, II faut avoir des
réunions entre nous pour nous assurer que le service soit donné.
Je donne un exemple: II faudrait qu'il y ait de l'emploi dans telle branche. Le
ministère de la Main-d'Oeuvre ne peut pas fournir cela parce que cela
n'existe pas. Il faudrait donc organiser un programme de recyclage ou quelque
chose comme cela par l'intermédiaire du Centre de formation
professionnelle pour permettre de répondre à ces personnes. C'est
une hypothèse qu'on émet. Vous, vous dites: Nos services peuvent
répondre à tout cela. Et, eux, ils nous disaient: II faut
coordonner parce que nos services ne peuvent pas tout donner cela. (19 h
45)
Mme Viau: Je ne pense pas que les services qu'on offre
actuellement répondent à la gamme de tous les besoins. En Estrie,
par exemple, on n'offre pas de services d'hébergement. C'est clair que,
si les besoins sont tels, il faut orienter la personne en conséquence.
Est-ce dans ce sens-là que vous posez la question?
M. Jolivet: C'est aussi compliqué que cet
après-midi quand on posait la question, parce qu'on avait de la
misère à comprendre ce qu'on voulait vraiment nous dire. Disons
que je vais vous voir parce que j'ai un problème et que je vous demande
de faire avec moi un plan pour mes propres besoins. Il y a une personne qui va
coordonner tout cela dans le groupe chez vous, parce qu'il ne faut pas que tout
le monde se lance la balle en disant: ce n'est pas à moi à faire
cela, c'est à l'autre; finalement, personne ne le fait. Donc, il faut
qu'il y ait une personne qui coordonne tout cela. Après avoir
coordonné tout cela, il y en a qui disent: Si toutes ces personnes qui
font des plans individuels ne se rencontrent pas, rentrent dans leur petite
coquille et travaillent séparément... Mais, si on se ramasse
ensemble, on va s'apercevoir qu'on a tous le même problème et,
là, on va trouver une solution conjointe ou encore il va arriver un
moment où les gens vont dire: À force de voir tel ou tel
problème, on peut corriger notre façon d'agir dans notre milieu.
Donc, il y a une certaine forme de coordination qui doit exister, disait-on,
cet après-midi. Vous me dites: Nos services peuvent répondre
à tout cela. Quand vous parlez de globalité, c'est ce que je
crois comprendre, que vous êtes capables de répondre à tout
cela. C'est cela que j'ai de la misère à comprendre. D'une part,
on était dans un milieu urbain et on avait de la misère à
faire cette globalité et, vous autres, vous êtes dans un milieu
rural et vous dites: On est capables de le faire. Comment cela se fait-il?
Mme Viau: Je ne suis pas sûre de comprendre. En fait, vous
me dites que vous voulez avoir une explication sur l'approche globale comme
telle et vous me dites que, quelque part, vous pensez qu'on offre tous les
types de services.
M. Jolivet: En réponse à ce que j'ai posé
sur la question de la globalité, vous avez dit: Nos services peuvent
répondre aux besoins de la personne. Donc, s'ils peuvent répondre
aux besoins de la personne, je pose la question si le mot globalité veut
dire répondre à tout ou bien répondre seulement à
une partie.
Mme Viau: C'est répondre, finalement, à ce que la
personne nous exprime, à ses propres besoins. Mais il est clair que cela
ne veut pas dire que nous offrons tous tes services. Ce que je dis, c'est qu'on
peut offrir différents types de services au niveau des ressources
alternatives. Cela peut être de l'entraide, donner de l'information sur
les droits, offrir des services de réinsertion au travail, en logement.
C'est l'ensemble des services qui sont offerts. Pour moi, il est clair que,
selon le financement accordé aux ressources, il y a des services qu'on
peut offrir aux gens à partir de la nature des besoins qui sont
exprimés. D'accord?
M. Jolivet: C'est ce que je posais comme question subsidiaire
tout à l'heure. À ce moment-là, si vous n'êtes pas
capables de répondre aux besoins directs de la personne, vous la
référez à des organismes plus spécialisés.
C'est dans ce sens-là que...
Mme Viau: ...mais on va rester en lien.
M. Jolivet: D'accord. Donc, vous faites te suivi après
que vous ayez envoyé la personne à tel centre hospitalier ou
à tel organisme comme action suicide ou un autre...
Mme Viau: On va rester en lien constant autant avec un organisme
du milieu communautaire qu'avec un établissement
M. Jolivet: Donc, vous vous assurez que la personne reçoit
les services auxquels elle est en droit de s'attendre, eu égard au plan
de services que vous allez établir avec elle, pour, après, vous
assurer que, si vous l'avez envoyée à telle place, le service
sera donné.
Mme Viau: C'est-à-dire qu'on va garder contact avec
l'Intervenant qui va la suivre ailleurs de façon que l'approche soit
respectée quelque part, que l'Individu reçoive une réponse
qui soit satisfaisante pour lui.
M. Jolivet: À la page 3, vous dites: "Plusieurs
régions de l'Estrie ne peuvent disposer de ces données, n'ayant
pas de départements de psychiatrie au sein de leurs hôpitaux. Par
conséquent, cette pratique ne permet pas de mettre en lumière les
besoins réels de chaque milieu et semble créer un obstacle
à la désinstitutionnalisation en éloignant davantage le
principal acteur de son milieu de vie naturel." Voulez-vous dire par là
que, du fait que vous n'avez pas de tels départements dans les centres
hospitaliers, il faut soigner dans le milieu, de telle sorte qu'une personne
qui doit demeurer dans tel milieu naturel elle ne le peut pas parce qu'elle
doit aller à l'extérieur?
Mme Viau: Ce qu'on voit souvent, j'appelle cela de la
déportation de clientèle. SI la personne est en situation de
crise, elle sera hospitalisée à Sherbrooke. Il n'y a pas de
psychiatre en région si bien que, quand la personne ne peut
bénéficier de ressource d'hébergement dans son milieu de
vie naturel, elle est aussi amenée à être
hébergée en famille d'accueil ou en ressource non traditionnelle,
mais à Sherbrooke toujours, si bien qu'on la déracine de son
milieu.
Le Président (M. La porte): Je vous remercie bien, M. le
député de Laviolette. M. le député de Laurier.
M. Sirros: Pour reprendre un peu ce qu'avait commencé
à dire le député de Laviolette, vous dites, par exemple,
que vous déplorez ta classification faite aux groupes. On sait que le
projet de politique classifie un peu les groupes en groupes de promotion et en
groupes communautaires de services, comme on les appelle. Vous, vous dites: On
n'est pas d'accord avec ça. Tous les groupes devraient être vus de
la même façon et financés de la même façon. Ce
que j'ai le goût de vous demander, c'est qu'advenant la
possibilité qu'il n'y ait pas assez d'argent pour financer tous les
besoins de tout le monde, comment établiriez-vous les priorités?
Est-ce qu'à ce moment-là il y a des critères qui
pourraient entrer en ligne de compte, tels qu'ils sont présentés
dans le rapport, dans le projet de politique, promotion versus services ou
services versus promotion?
Je comprends très bien votre position en disant qu'il faut
prendre les groupes dans leur ensemble. Ce sont tous des groupes de services
dans le sens que même faire la promotion, c'est rendre service à
une clientèle particulière. Mais, comme je vous le disais,
advenant cette possibilité que les ressources ne soient pas
illimitées, comment prioriser les choses? Ou est-ce que vous le
feriez?
Mme Viau: Je vois difficilement comment on pourrait prioriser les
différents types d'aide offerts. Je pense que ce serait tout simplement
morceler la ressource alternative qui, elle, se diversifie. Je pense que cela
Irait à rencontre de ce qui est prôné dans la politique
dans le sens de décloisonner les services. Il ne faudrait pas non plus
commencer à cloisonner les ressources alternatives.
Le Président (M, La porte): On vous remercie bien. Pour le
mot de la fin, M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: Oui, merci des informations que vous nous avez
données et, surtout, bonne chance, parce que... Je recommence.
Mme Viau:...
M. Jolivet: Merci pour les informations que vous nous avez
données, mais surtout bonne chance dans la mesure où vous faites
un travail que je considère comme important et qui ne se calcule pas en
argent, mais en services que vous rendez à des gens qui en ont vraiment
besoin.
Le Président (M. Laporte): Merci bien. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux également vous remercier de votre
participation et vous dire que nous nous penchons sur toute cette question du
financement des organismes bénévoles, mais il y a aussi des
contraintes sur le plan financier et, d'autre part, une responsabilité
de l'État quand il dépense les fonds publics, que ce soit dans
son réseau ou que ce soit pour appuyer des organismes
bénévoles. Il y a quand même des critères à
établir pour s'assurer que tout cet argent, d'un côté comme
de l'autre, soit utilisé le plus efficacement possible.
Je pense qu'on est quand même au début de notre
réflexion, quand on regarde tous les problèmes qu'il a fallu
vivre pendant un bout de temps, il y a maintenant des problèmes qui
nous
apparaissent et qui demandent plus de réflexion, mais, en mettant
tous nos efforts ensemble, je pense qu'on va y arriver. Je vous remercie.
Le Président (M, Laporte): Très brièvement,
s'il vous plaît!
Mme Viau: Oui. Ce que je peux dire, c'est que, quelque part, je
trouve ça intéressant qu'on ait le souci de vérifier cette
qualité des services. Pour nous, c'est évident qu'il y a des
résultats qui sont significatifs dans l'intervention qu'on fait
auprès des usagers. Je pense qu'on diminue les hospitalisations. On a un
Impact quant au phénomène de la porte tournante. Je pense que
cela, c'est reconnu dans notre région. C'est pour ça, d'ailleurs,
qu'on continue toujours de nous référer de la clientèle,
et de plus en plus. Je pense qu'on a le souci qu'il y ait une reconnaissance
à tous les niveaux et on a le goût de s'impliquer dans
l'organisation des services pour faire valoir l'approche qu'on prône
comme ressource alternative.
Le Président (M. Laporte): Nous remercions les
représentantes du Regroupement des ressources alternatives et
communautaires en santé mentale de l'Estrie en leur souhaitant un bon
retour dans cette magnifique région. Merci bien. Nous invitons
maintenant les représentants de l'Atelier d'artisanat centre-ville Inc.
à bien vouloir se présenter en avant.
Nous vous souhaitons la bienvenue à la commission des affaires
sociales. Je vous demanderais, pour les fins de l'enregistrement, de bien
vouloir vous identifier. Je tiens à vous préciser les
délais, que vous devez sûrement connaître. Comme on l'a
expliqué tantôt, vous avez 20 minutes pour la présentation
de votre mémoire. Par la suite, les parlementaires vous interrogeront
pour une période de 40 minutes. Dr Losson.
Atelier d'artisanat centre-ville Inc.
M. Losson (Jean-Pierre): Bonsoir, M. le Président, Mme la
ministre, mesdames et messieurs. Je suis le Dr Jean-Pierre Losson, directeur'
du département psychiatrique de l'Hôtel-Dieu à
Montréal. À ma droite, il y a Mme Mildred Ryerson, qui est
fondatrice de l'Atelier d'artisanat centre-ville et qui continue à y
travailler avec efficacité et passion, Mme Fay Bland, qui est la
présidente sortante du conseil d'administration de ce même
organisme, Mme Denise LeBlanc-Bantey, que vous connaissez, qui travaille
également dans cet organisme.
Je pense que vous avez reçu déjà un mémoire
qui a été déposé et qui est une réaction en
particulier au rapport Harnois. Ce que je vais faire ce soir, c'est vous lire
peut-être un très court texte qui situe le problème tel que
nous le voyons. Il n'y en aura pas pour 20 minutes.
J'intitule ce texte: Considérations générales sur
la désinstitutionnalisation en psychiatrie. Le maître mot pour
caractériser l'évolution contemporaine de la psychiatrie et de la
prise en charge des maladies mentales est sans doute la
désinstitutionnalisation. Le mouvement hors des murs des institutions et
vers des structures plus communautaires est probablement Irréversible et
se trouve au coeur des pratiques et des réflexions dans ce champ
d'action particulier.
On ne peut pas dire pour autant que les choses soient simples et force
nous est de constater qu'il subsiste de graves insuffisances au niveau des
concepts comme au niveau des réalisations pratiques. D'abord, il faut
déplorer une regrettable indigence au chapitre d'une réflexion
adaptée sur ce que l'on prétend dépasser,
c'est-à-dire l'institution elle-même.
On tient pour acquis un peu trop vite d'une façon
générale que l'institution psychiatrique est en soi une
aberration diabolique qui ne comporte que des inconvénients et qui ne
fait qu'exprimer la perversion fondamentale d'exploiteurs et de geôliers
exerçant leurs maléfices sur des pauvres malades victimes.
Il conviendrait d'être un peu circonspects et d'aborder cette
question avec un esprit sainement critique vis-à-vis des Idées
reçues, ce qui permettrait, entre autres, d'éviter certaines
erreurs dans la réalisation adaptée d'une
désinstitutionnalisation nécessaire en tout état de cause.
Dans cette optique, il conviendrait de se poser quelques questions sur la
nature de l'institution qu'il s'agit précisément d'éviter
et II conviendrait notamment d'examiner les fonctions sociales qu'elle
remplissait de façon à tenter de lui donner un ou des substituts
qui aient quelque chance d'être en rapport avec les
nécessités réelles des patients.
Il est impossible d'élaborer cette question de façon
approfondie ici. Disons seulement que l'hôpital psychiatrique
traditionnel a été présent dans tout l'Occident selon un
modèle assez uniforme. Seulement, il n'a pas été
constitué du jour au lendemain pas plus que la psychiatrie
elle-même ne s'est faite en un jour. Sur une période
historiquement repérable, il s'est trouvé des Institutions dont
la vocation, les buts et les moyens se sont constitués selon un
processus qui a consisté essentiellement en une addition de fonctions
sociales que l'évolution rendait nécessaire d'ajouter les unes
aux autres, pour aboutir à l'hôpital contemporain dans la
configuration que nous lui connaissons.
Ses fonctions sont multiples et sans doute d'importance variable. Sans
entrer dans tes détails, on peut en signaler quelques-unes. Il y a
d'abord une fonction de soins. Elle est complexe, mais tout le monde doit
savoir au moins que soigner en psychiatrie est une activité qui ne
s'improvise pas et qui requiert une compétence aux multiples facettes.
Mais il y a aussi d'autres fonctions: l'hébergement, la contention ou
l'Isolement, comme on voudra, l'éducation sous certaines formes
particulières, la formation professionnelle, des fonctions proprement
cultu-
relies dont on ne saurait surestimer l'Importance au chapitre de
l'oméostasie générale de la société,
etc.
Toutes ces fonctions se sont constituées peu à peu pour
conférer à l'hôpital psychiatrique un aspect très
complexe répondant à des nécessités multiples. Ces
inconvénients très réels ne doivent pas faire oublier
l'Importance de ces fonctions. (20 heures)
Mais revenons à la désinstitutlonnalisation. Si elle
correspond simplement à un mouvement de fuite irréfléchi
hors des murs de l'hôpital, il y a toutes tes chances qu'elle aboutisse
à des désastres. C'est malheureusement ce qui s'est produit un
peu partout, notamment aux États-Unis, où des millions de
psychotiques chroniques se sont retrouvés clochardisés dans des
conditions abjectes, au terme de ce qui apparaît de plus en plus comme
l'un des grands scandales de l'histoire de la médecine. Il y a là
une perspective qu'il faut éviter à tout prix et c'est
possible.
L'approche que nous préconisons consiste à relier les unes
aux autres, à la manière des maillons d'une chaîne,
diverses institutions communautaires qui reprendraient, chacune pour son
compte, une ou plusieurs des fonctions autrefois agglomérées dans
un seul et même endroit et d'articuler ces institutions entre elles de
manière réelle de façon à créer un
réseau d'organismes communautaires fonctionnel en tant que
réseau. Le principe est facile à énoncer, mais qu'on sache
bien que, pour des quantités de raisons dont certaines découlent
de mentalités bien établies, ia réalisation est difficile
et exige volonté, consistance et clairvoyance. Dans cette optique, la
réalisation d'une entreprise telle que l'atelier de centre-ville,
fondé par Mme Ryerson, prend une signification bien particulière.
Il s'agit d'un organisme qui, reprenant sous des formes qui lui sont
spécifiques, le projet fonction qui a été celui de
l'ergothérapie dans les hôpitaux psychiatriques, se propose
d'intervenir au plan de la créativité mutilée par la
maladie, au plan de la capacité à travailler et à produire
dans un environnement cohérent, au plan de la capacité à
s'exprimer et à s'organiser dans un contexte de groupe, etc.
C'est dire que l'atelier a une vocation qui concerne l'un des aspects
essentiels de la lutte contre les effets de la maladie mentale. Personne ne
prétendra qu'une structure telle que l'atelier puisse, à elle
seule, répondre à tous les besoins du patient psychiatrique.
Mais, dans la mesure où il constitue un des maillons importants d'une
chaîne qu'il associe à d'autres structures proposant d'autres
services, on peut considérer que son rôle est essentiel dès
lors qu'on veut, d'une part, éviter les énormes institutions
psychiatriques dont les inconvénients sont trop connus et qu'on veut,
dans le même temps, éviter de simplement livrer le patient
à une errance dont les inconvénients sont pires encore.
Pour résumer cette question à l'extrême, on peut
donc soutenir que, dès lors que la société se propose de
prendre en charge adéquatement, efficacement et avec la dignité
requise ceux de ses membres atteints de maladie mentale, les choix sont
limités. Ou bien la société maintient des hôpitaux
psychiatriques dont plus personne ne semble vouloir, ou bien elle se donne les
moyens de procéder autrement, ce qui revient à dire qu'elle
assure à des organismes communautaires les moyens de remplir les
missions qu'elle leur confie.
Le Président (M. Laporte): On vous remercie. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup. Je veux remercier les
représentants de l'Atelier d'artisanat centre-ville pour leur
participation aux travaux de la commission. C'est un milieu que j'ai eu
l'occasion... Est-ce que Mme Ryerson comprend le français?
Mme Ryerson (Mildred): Un petit peu.
Mme Lavoie-Roux: Un peu. I will say a few words In English
because I think that, if your center is here tonight, it Is due to the efforts
and the long-sighted views of Mrs. Ryerson who got interested in that type of
work probably long before many others did involve themselves In similar type of
services to a very special part of our population.
Je voulais vous dire, M. le président du conseil
d'administration, que je suis familière avec l'oeuvre de l'atelier
d'artisanat. Je connais également les difficultés
financières qu'il a connues à travers les années avec des
hauts et des baisses; peut-être pour faire allusion à une valeur
à laquelle les gens ne font plus souvent référence,
probablement que la Providence y a vu de temps à autre, parce que le
financement a vraiment été assez chaotique. Peut-être
qu'aujourd'hui, alors qu'il y a un peu plus de ressources dans la
communauté... Au moment où l'atelier s'est mis en place, il n'y
avait, à toutes fins utiles, rien dans la communauté. Dans ce
sens-là, Je pense que Mme Ryerson a été une
pionnière dans ce domaine.
Je voudrais revenir davantage sur le texte que vous nous avez remis ce
soir, Considérations générales sur la
désinstitutlonnalisation en psychiatrie. Vous dites qu'on semble
engagés dans une vague de désinstitutionnalisation. Vous qui
êtes psychiatre en êtes sûrement au moins autant au courant
que nous, sinon davantage. Il ne s'agit pas d'une nouvelle vague de
désinstitutionnalisation, il s'agit d'une continuation d'une
désinstitutionnalisation qui a commencé au début des
années soixante. C'est peut-être une nouvelle vague à cause
de l'évolution de la population, des mentalités, et
peut-être forts aussi des expériences trop souvent malheureuses
que cette désinstitutionnalisation a connues... C'est peut-
être une nouvelle vague dans le sens de l'envisager d'une nouvelle
façon et c'est vraiment l'objectif de l'exercice que nous faisons
ensemble depuis quelques jours.
Je pense que vous posez une question fort pertinente qu'on a à
peine effleurée, même si je pense que c'est dans l'esprit de
chacun. Dans le fond, je ne pense pas que personne veut retourner à une
institutionnalisation quasi systématique des gens qu'on trouve
difficiles autour de nous ou qui nous rendent mai à l'aise parce qu'ils
ont des comportements qui sont peut-être un peu déviants par
rapport à la moyenne. Je ne crois pas que ce soit la vision de personne.
Par contre, à quel rythme, comme société, peut-on, d'une
part, continuer cette désinstitutionnalisa-tion et, d'autre part, quels
sont les moyens qu'on peut mettre en place pour empêcher
l'institutionnalisation? Cela aussi, c'est depuis le début des
années soixante-dix, soixante-douze qu'on a décidé de ne
plus institutionnaliser, à toutes fins utiles et les gens qui
travaillent dans les hôpitaux de courte durée ou encore qui
travaillent dans d'autres ressources savent que c'est quasi Impossible
d'institutionnaliser dans nos grands hôpitaux psychiatriques quelqu'un
qui, peut-être, en aurait besoin.
On retrouve une remarque dans le mémoire disant que les grandes
institutions ne sont peut-être pas aussi machiavéliques ou aussi
barbares qu'on les décrit parce que je pense qu'elles aussi ont
évolué. Elles ont peut-être évolué uniquement
aussi au rythme des ressources qu'on leur a accordées, pas dans le sens
qu'elles n'en avaient pas suffisamment, mais dans le sens qu'elles
étaient déjà affectées d'une façon presque
cimentée dans certaines tâches et que c'était très
difficile de faire, même à l'Intérieur des
établissements, des réallocations de ressources.
J'aimerais concrètement vous demander quel est, d'après
vous, le nombre de personnes qui, aujourd'hui, à vos yeux, requerraient
dans la société, prenons la société
québécoise, une institution à long terme et où vous
feriez le passage entre ta nécessité d'une institutionnalisation
et la possibilité d'une désinstitutionnalisation. Est-ce qu'il y
a, pour vous, certains critères auxquels on peut se
référer?
M. Losson: Question très difficile. Il y a des chiffres
dont je ne suis d'ailleurs pas très certain, mais il semblerait qu'il y
ait, dans la ville de Montréal, environ 10 000 errants dont à peu
près la moitié... Évidemment, cela ne correspond pas
à un travail épidémiologique précis, mais on
considère qu'à peu près la moitié présente
des perturbations psychiatriques graves. Alors, cela fait donc 5000 personnes
qui sont en difficulté et qui ne sont pas prises en charge de
manière cohérente dans une organisation quelconque. Cela fait
quand même un nombre....
Mme Lavoie-Roux: Mais est-ce que ces 5000 personnes-là
devraient être en institution chronique ou en institution de longue
durée?
M. Losson: Non, je ne dirais pas cela, mais je crois que le
problème tel qu'il se pose maintenant n'est pas tant de savoir s'il faut
créer des Institutions et de quel type, mais plutôt de voir ce
qu'on peut faire avec ce qui existe déjà. J'ai été
très frappé de voir, autour de l'Hôtel-Dieu... Enfin, c'est
une des choses que j'ai essayé de faire depuis que j'ai pris la
direction de ce département, l'inventaire des ressources qui existent
dans le quartier, dans le secteur de l'Hôtel-Dieu, de prendre contact
avec ces ressources et de voir comment on pouvait fonctionner les uns avec les
autres. C'est dans cette démarche que j'ai rencontré Mme Ryerson
et que je suis venu à m'intéresser à ce qui se passait
là, mais il n'y a pas que l'atelier, je dois dire, il y a aussi une
autre institution bien connue avec laquelle on a pu collaborer d'une
manière intéressante, c'est le Chaînon. Alors, on
s'aperçoit, par exemple, si on prend l'exemple du Chaînon qui est
situé non loin de l'Hôtel-Dieu, qu'il y a là des gens en
détresse et qui présentent... Là, je peux vous donner un
chiffre précis. Il y a deux ans, cette institution a reçu 800
femmes en détresse, puisqu'il s'agit d'une Institution pour femmes, et
sur ces 800 femmes il y en avait à peu près 250 qui
présentaient, au Chaînon même, des troubles psychiatriques
évidents et graves.
Il est évident que si le département de psychiatrie avec
une capacité technique qui lui est propre, intervient ou propose un
service au Chaînon même, on va élargir la compétence
thérapeutique du Chaînon et on ne va pas nécessairement
psychiatriser les gens qui se trouvent dans cette circonstance. Et puis, j'ai
fait la même chose avec les Églises unies du Canada; enfin, il y a
aussi des foyers qui sont autour de l'Hôtel-Dieu. Je cite l'exemple de
l'Hôtel-Dieu parce que c'est celui que je connais, mais je pense qu'il
est possible d'améliorer très considérablement la
performance et le service rendu auprès des gens qui en ont besoin en
s'articulant les uns avec tes autres, mais en ne prétendant pas toujours
faire la même chose. Au début, nous avons reçu beaucoup de
gens du Chaînon qu'on a soignés à l'Hôtel-Dieu, mais
depuis l'année dernière, le Chaînon reçoit davantage
de gens de l'Hôtel-Dieu que l'inverse.
Alors, je crois que le problème, c'est de créer des
réseaux d'institutions qui sont complémentaires les unes par
rapport aux autres et qui collaborent selon des modalités qui sont
à élaborer en fonction des circonstances, du contexte, des gens,
enfin, il n'y a pas de recette toute faite. Si on procédait de cette
façon, d'abord on procéderait à une espèce de
déségrégation les uns par rapport aux autres parce que je
me suis aperçu d'une chose, c'est que les psychiatres n'ont pas
très bonne presse dans la communauté et la communauté n'a
pas néces-
sairement bonne presse avec les psychiatres. Il y a une grande part
d'Injustice des deux côtés. Il y a des reproches qui sont faits
aux psychiatres qui ne sont pas tout à fait fondés et il y a des
psychiatres qui considèrent que les ressources sont peut-être plus
agressives qu'elles ne le sont en réalité. Enfin, il faut rompre
la glace, si vous voulez.
Alors, je pense que l'action à entreprendre consiste à
articuler, mais de manière réelle et pas théorique -
n'est-ce-pas? - les ressources qui existent déjà et j'ai
l'Impression qu'on épongerait pas mal de ces gens dont vous parlez et
qui sont tes errants.
Mme Lavoie-Roux: I would like to ask a question to Mrs. Ryerson.
You have been working with the ex-psychiatric patients for a number of years
and I have read your brief in which you detail the kind of clientele you have
and the way you work with them. I would like to ask you: Have you been able to
reintegrate on the work market a certain number of them?
Mme Ryerson: Yes. We do not know exactly how many. We have had a
few people... We have had some weddings that work out very happily. I think we
have caught a lot of the revolving doors for people. I know many of them who
still come back to say: Heliol We are working and married. They may not be
completely well, but they understand themselves enough. So, they stay out of
hospital and they can get over crises on their own pretty well with we help
just from the doctor. They do not need the hospital. I could not count them. We
have had over 3000 people in the atelier. We do not have the staff to keep
track of them after they leave. But I think we have had some success right now,
since we have a boutique and they are out in society. I think that is helping.
What we really want to do, I think, is to bring back the craftsperson Into
society. This building and this room is an example of great craftsmen who lived
and worked in other times and they brought the beauty to life. I feel it Is
very Important to good health. I think that this population can learn the
craft, can work at the crafts which, I think, uses a part of the brain that'
produces a good chemistry because the creative part of the brain is not
developed in our school system and I think this is a great lack. But we think
that the craftsperson has got to come back that a lot of the people we work
with now could live good happy lives, useful lives with dignity as a
craftsperson. We feel that we are trying to build that wedge and hope that it
will open up.
Mme Lavoie-Roux: I would like to ask you what kinds of links you
have been able to establish with the two main school boards of the Island of
Montreal whether it is the CECM or the PSBGM because, looking through your
brief, you realise that you have a certain number of your clientele that is
illiterate, they might have been literate at some time, but some are for...
They are not functlonnal literate people at this time. I saw (ha t at a certain
time you did get some support from these boards but now they have withdrawn to
quite an extent, I have believed. How have you been able to supplement? I
suppose that those boards were involved In relation to this type of problem or
other types of daily life problems, I would say. What should be the part of
education in this whole area of "réinsertion sociale" social
reintegration?
Mme Ryerson: I am happy to say that has started. We do now have
young woman who comes to the workshop and is beginning to work with people who
have had difficulties, who do not know to read, write or deal with figures. And
so, that has started and I think it is going to add a great deal to our work.
It is a very necessary thing. And one, I had not thought of that Denise Bantey
has helped start. So, that Is coming along. Ideally, we should have music, we
should have theatre, we should have everything. I think that the people we work
with have a lot to say and that we should listen. I think they could be writing
plays and giving concerts. Those are the next things I want to work for.
Mme Lavoie-Roux: Alors, merci beaucoup.
Le Président (M. Laporte): M. le député de
Laviotette.
M. Jolivet: Oui, merci, M. le Président. D'abord,
j'aimerais dire à monsieur le psychiatre que je suis surpris et, en
même temps, heureux de voir qu'effectivement vous accompagnez un groupe
dit communautaire. C'est la première occasion que nous avons - nous
terminons nos travaux demain - de voir ce que plusieurs gens disent, mais ne
font pas. C'est dans ce sens que vous avez décidé de passer de la
parole aux actes, en allant voir quels sont les organismes du milieu qui
peuvent vous être utiles. Vous nous disiez tout à l'heure
qu'à l'Inverse de ce qui se passait autrefois davantage de gens partent
de vos institutions pour aller vers ces ressources communautaires. Par le fait
même, vous donnez un moyen de réintégrer ces personnes dans
un milieu plus naturel. (20 h 15)
Dans ce contexte, vous avez donc fait ta preuve que des organismes
communautaires peuvent être utiles et vous dites qu'ils doivent
être davantage aidés qu'ils ne te sont actuellement, dans la
mesure où il faut éviter tes aléas. De telle sorte que,
d'année en année, on ne sait pas quels sont les montants
disponibles et ce qui arrivera s'ils n'ont pas ces sommes. Cela vous permet de
mieux planifier l'ensemble de vos besoins, aussi, comme Institution. Vous dites
Si cela est respecté, s'il y a un programme qui est récurrent
d'une certaine façon, qui permet même
un programme de deux à trois ans, surtout trois ans, dans ce
contexte-là, nous sommes plus à même d'utiliser les
ressources du milieu. J'aimerais vous entendre parler Justement de ce que vous
disiez sur le financement des ressources dans votre document, où vous
dites que vous êtes d'accord avec l'autofinancement à 10 %, mais
que cependant vous aimeriez mieux que la continuité du financement, au
lieu d'être de deux ans, comme proposé par le rapport Harnois,
soit de trois ans pour permettre une meilleure planification.
M. Losson: J'imagine qu'il y a plusieurs modalités
techniques envisageables, mais en tant que, je dirais, utilisateur, enfin, par
l'intermédiaire des patients de ces structures, il me semble que la
précarité du financement rend les choses difficiles. Je suis
personnellement, évidemment, convaincu de la valeur de ces Institutions,
Je crois qu'à partir du moment où on a pu se persuader qu'elles
sont valables et qu'elles remplissent une fonction effective et
sérleure, hé bien, à partir d'un financement qui est
assuré, cela permet à ces institutions de recruter des gens qui
ont une formation adéquate, pas seulement de s'en tenir à un
bénévolat qui a trop longtemps subsisté, par exemple,
à l'atelier Cela permet de créer aussi, je dirais, une
espèce d'esprit d'entreprise, cela permet de roder des
mécanismes, de créer des traditions dans le milieu. Je
réponds à votre question comme cela, je suis convaincu qu'il est
indispensable, pour créer un système, un réseau, que les
Institutions qui en font partie aient au moins une assurance de pouvoir
subsister et qu'on ne vive pas avec une espèce d'épée de
Damoclès qui fait craindre qu'elles disparaissent l'année
suivante. J'ai présidé aussi le comité "aviseur" qui
distribuait les 600 000 $ mis à la disposition des institutions
communautaires par Mme la ministre et J'ai pu voir de près comment cela
se faisait et quelles étaient les difficultés budgétaires
d'un certain nombre d'Institutions et, vraiment, Je pense que c'est
nécessaire qu'elles soient solidement implantées avec un
système de contrôle adéquat, pas trop lourd, mais
adéquat quand même et, à partir de ce moment-là, on
peut commencer à travailler dans le long terme.
M. Jolivet: Les organismes communautaires ou alternatifs disent
que - et vous avez entendu avant vous, justement, l'autre groupe qui est venu
de l'Estrie - que 10 %, pour eux, c'est beaucoup. D'autres cet
après-midi disaient que, dans la mesure où II y a tellement de
demandes venant de partout, c'est même très gros. Vous, vous
dites, avec votre groupe, que vous êtes d'accord avec les 10 %. Je vous
pose la question dans le contexte où les gens en font mention comme
étant une certaine forme de difficulté parce qu'il y a tellement
de demandes de toutes sortes d'organismes - pas juste pour la santé
mentale, pour d'autres, des handicapés à d'autres niveaux,
d'autres demandes qui sont faites dans le milieu - que cela devient un peu
fastidieux, cela draine l'ensemble des énergies. J'aimerais
connaître votre opinion.
M. Losson: Bien, je vais vous la donner.
Au niveau du comité "aviseur*, on remplissait une mission qui
nous avait été définie par Mme la ministre et qui
consistait à mettre en place un système qui permette de soulager
les urgences. Bon. Donc, dans la définition même de la vocation de
ce qu'on devait susciter ou entretenir, il y avait une obligation qui a
été d'intervenir sur une clientèle particulière qui
était la clientèle des malades mentaux. Alors, les
critères, dont vous partiez tout à l'heure, employés par
ce comité "aviseur* étaient simples, enfin, on ne s'occupait que
des structures qui prenaient en charge les malades, les gens qui avaient un
passé psychiatrique, qui avaient eu à être pris en charge
dans le système psychiatrique et on a exclu d'autres ressources tout
à fait admirables et valables. Enfin, je ne dis rien qui soit
dévalorisant pour lui, mais il aurait été
nécessaire de créer sûrement des associations de
chômeurs ou des foyers d'errants, d'autres types de souffrances sociales
auraient pu être traitées, mais le critère qu'on a pris,
c'étaient les malades mentaux. Alors, à partir du moment
où on prend cela comme critère, on commence par éliminer
un grand nombre de ces Institutions qui, évidemment, tendent toutes le
chapeau pour avoir des sous et on les réduit parce que pas toutes ces
institutions ne sont Intéressées ou capables de prendre en charge
des patients en psychiatrie comme Mme Ryerson le fait, comme le Chaînon
le fait ou comme le faisaient aussi les Églises du Canada ou d'autres
encore. Je pense qu'il faut restreindre, dans cette enveloppe
budgétaire, l'aide à ces institutions qui répondent aux
malades psychiatriques. Encore une fois, pour ce qui est des modalités
techniques, j'Imagine qu'on doit pouvoir envisager toutes sortes de solutions,
10 % ou d'autres pourcentages. Je ne m'accrocherai pas là-dessus. Je
n'ai pas une compétence d'administrateur particulier. Je vois bien les
difficultés qu'il y a au niveau du gouvernement. il y a tellement de
demandes; il faut forcément restreindre. Pour ce qui est de la
psychiatrie, puisque c'est de cela qu'il est question, ou de santé
mentale, Je crois qu'il faut mettre en place un système et
dépasser la bonne volonté des gens. Il ne faut pas qu'une
organisation comme celle de Mme Ryerson dépende de la bonne
volonté de Mme Ryerson. Il s'agit, une fois que son utilité
sociale est reconnue, qu'elle ait une assurance de suivie.
M. Jolivet: Je reviens quand même aux 10 %. En faisant
référence au fait que vous parlez de maladie mentale, les gens
disent ceci: Oui, si nous sommes dans l'organisation d'aide aux personnes qui
ont des problèmes de santé mentale, à côté de
cela, il y a aussi d'autres
organismes qui ont d'autres besoins. Vous parliez des 10 %, mais le
problème, c'est qu'il y a tellement de cueillettes par toutes sortes
d'organismes qui sont tous, les uns comme les autres, nécessaires, d'une
certaine façon, que ce soient les personnes handicapées ou
d'autres formes d'organisations. Les gens disent: II y a tellement d'autres
organismes qui viennent chercher de l'argent dans le milieu que dans certains
secteurs, comme le disaient les gens du CLSC Hochelaga-Maisonneuve, finalement,
le milieu est tellement pauvre qu'ils ne pourront pas résister à
cela. Le danger qu'il y a, c'est que cela peut devenir un des critères
pour les abolir ou les faire disparaître. Dans ce sens, si on
considère vraiment qu'un des critères est de donner un service
à une population qui en a besoin et que, parce qu'il ne va pas chercher
10 %, on ne le finance pas, ce n'est pas mieux non plus. C'est pourquoi je vous
posais la question: Est-ce que, dans cette hypothèse, vous conservez
toujours les 10 % ou si vous les retreignez?
M. Losson: Je n'ai pas d'opinion très précise
là-dessus, malheureusement Je pense que c'est une tradition qui
s'installe, de toute façon. C'est comme cela que cela se passe. Je n'y
vois pas d'Inconvénient particulier. Je pense qu'il n'est pas mal non
plus, évidemment, que des organismes même très
spécifiques comme ceux qu'on essaie de susciter ne dépendent pas
exclusivement du gouvernement et aient une activité privée de
ressources; c'est une bonne chose. Maintenant, je ne voudrais pas prendre
position sur un chiffre précis.
M. Jolivet: D'accord. Je pense que l'important est de
connaître la position de tout le monde et qu'une décision sort
prise à partir de ce que les gens ont vécu.
M. Losson: Cela me paraît satisfaisant.
M. Jolivet: Parfait! Une autre question qui concerne toute la
question de la complémentarité et de la concertation dont vous
faites preuve ce soir. Dans vos textes, on dit: Malgré les
revendications autonomistes, les ressources sont conscientes de l'Importance
d'une concertation dans le système global. Une telle concertation
permettrait de régulariser les rapports entre institutions et ressources
communautaires et de maximiser les bénéfices découlant
d'Investissements de fonds publics. Il s'agit maintenant de faire en sorte que
tous les Intervenants puissent fonctionner dans la formule de
complémentarité. Dans ce contexte, l'une des recommandations
parle de formule supplétive ou de choses semblables, mais ne parle pas
nécessairement de cette complémentarité. D'ailleurs, des
groupes communautaires ou alternatifs disent: Le rapport Hamois semble tout
mêlé, en termes communautaires, alors qu'il y a peut-être
d'autres formules que la formule communautaire et, dans ce sens, on est plus
que supplétif; on est là aussi pour donner des choses qui ne sont
pas données par des institutions. J'aimerais connaître l'opinion
de votre groupe sur cela, par rapport à ce que vous vivez, à la
complémentarité dont vous faites mention depuis le
début
M. Losson: Le problème, c'est de trouver un moyen effectif
de travailler ensemble, Heureusement on dispose d'un outil Intégrateur
qui est bien commode, c'est le CLSC. Il faut bien partir de quelque part. Je
trouve que le CLSC a la vocation bien particulière d'être le
carrefour, d'être le lieu de rencontre, d'être l'endroit où
peuvent s'aggréger comme cela les liens entre les différentes
institutions. Le problème, Je crois qu'il est variable en fonction des
contextes. Dans le centre-ville de Montréal, il y a beaucoup
d'activités, II y a beaucoup de ressources communautaires et
d'intervenants. Alors, cela dépend de la volonté des gens, cela
dépend de facteurs qui ne sont pas facilement administrables, de la
volonté de ce qui peut être fait; je crois que c'est très
difficile de légiférer là-dessus. La
complémentarité procède d'une espèce de
nécessité vécue. Mol, j'ai besoin d'un endroit où
Je vais pouvoir envoyer des patients parce qu'ils peuvent quitter
l'hôpital, mais ce serait vraiment dommage ou très néfaste
qu'ils s'en aillent chez eux dans leur chambre tout seuls, écouter la
radio et ne rien faire d'autre. J'ai donc besoin de l'atelier pour que le
programme de Mme Ryerson soit offert pour qu'effectivement leur
créativité soit stimulée, etc., mais je peux aussi avoir
besoin, pendant un certain temps, du Chaînon parce que telle femme attend
un placement ou quelque chose, il y en a pour quinze jours, puis elle serait
quand même mieux là que dans un département hospitalier
où cela coûte d'ailleurs plus cher, etc. Il y a des
problèmes de logement qui se posent au CLSC; au CLSC Saint-Louis du
Parc, par exemple, il y a un programme de prise en charge des patients qui
quittent le département avec des infirmières qui vont à
domicile, qui les suivent, qui, enfin, assurent cette... Cela se fait petit
à petit, cela se fait en surmontant les malentendus, cela se fait ainsi.
C'est un truc de longue haleine.
M, Jolivet: Parce que, dans le fond, vous êtes sorti de
votre institution, vous êtes allé voir ce qui se passait autour,
le besoin que vous aviez de réintégrer la personne dans un milieu
naturel et de ne pas la laisser errante, de telle sorte que vous avez fait ce
geste-là, mais ce n'est pas tout le monde qui a fait cela. Et, dans ce
contexte-là, II faut louanger le travail que vous avez fait puis dire
que c'est parfait, sauf qu'il va falloir, si on présente une politique
de santé mentale, arriver à ce qu'il y ait quelqu'un qui fasse
cet job de réunir, de "complémentariser" l'ensemble des services
en dehors de l'institution pour éviter, comme vous le disiez, que la
désinstitutionnalisation ne soit quelque
chose d'aberrant II faut donc avoir des services communautaires
alternatifs à l'extérieur pour permettre l'intégration.
Est-ce que vous croyez, dans ce contexte-là, comme vous le dites, que ce
serait le CLSC qui pourrait être la porte d'entrée ou le moyen, ou
le CRSSS ou quelqu'un d'autre, l'Institution qui devrait être, dans le
fond, l'organisme ou la personne amenant le monde à se parler, à
enlever les difficultés de compréhension à l'un à
l'autre, à enlever la partie où on regarde l'autre comme un chien
de faillance de telle sorte que finalement tout le monde travaille dans le
même sens, c'est-à-dire pour l'être humain qui est devant
nous qui a besoin de services?
M. Losson: Bien, dans le contexte réel qui existe, il me
semble que c'est le CLSC qui est le mieux placé pour faire ce
travail-là, il me semble que oui. Il dispose d'un certain nombre de
ressources, il n'est pas trop médicalisé, enfin, il a un profil
qui s'y prête. Encore faut-il que les gens dans tel ou tel CLSC le
veuillent bien aussi. Je pense aussi que c'est un travail de très longue
haleine et Je dis ici, aussi, qu'en ce qui concerne la formation des
différents intervenants il devrait y avoir quelque chose qui
peut-être se fasse un peu plus. Ce ne se fera pas du jour au lendemain.
Une politique ne va pas réaliser cela du jour au lendemain. Je constate
simplement qu'il y a des réticences, n'est-ce-pas, en particulier chez
certains médecins vis-à-vis des CLSC; peut-être est-ce
fondé, mais je pense que les bénéfices à long terme
qu'il y a à retirer d'une collaboration avec les CLSC étant
entendu que ce ne sera pas du jour au lendemain et qu'il faut vouloir y
aller...
Personnellement, je pense que ce qui me motive beaucoup, c'est vraiment
une Indignation très forte vis-à-vis de cette situation
américaine où on voit des schizophrènes qui crèvent
dans la rue. Je trouve cela absolument épouvantable; enfin, on n'a pas
le droit de parler de science psychiatrique quand on voit des choses comme
celles-là. Je dois dire que la situation n'est absolument pas comparable
Ici, mais il y a des gens qui mènent une existence misérable de
chroniques, pire que dans les asiles dans certains endroits où
véritablement II n'y a rien, c'est lugubre, c'est sinistre et c'est
inadmissible. Cela me motive beaucoup. Je constate simplement qu'il y a des
ressources qu'on peut utiliser. J'ai beaucoup d'admiration pour le concept du
CLSC.
M, Jolivet: Je vous remercie.
Le Président (M. La porte): On vous remercie bien.
Peut-être que, si vous avez un mot en conclusion... Vous avez une
autre question, Mme la ministre? (20 h 30)
Mme Lavoie-Roux: C'est-à-dire que c'est juste une piste
de réflexion sur la question de la fameuse contribution des 10 % qu'on
demanderait aux organismes bénévoles de recueillir comme partie
de leur financement Évidemment, il y a des gens qui ont dit: Oui, 10 %;
d'autres ont dit: C'est beaucoup; d'autres ont dit: Écoutez, cela nous
mobilise trop, etc. Mais plaçons-nous dans la perspective, je dis cela
autant pour mes collègues que pour vous, où du jour au lendemain
on ne demanderait plus aucun autofinancement de la part des ressources
alternatives, qu'elles soient en santé mentale... Si on le fait pour la
santé mentale il faudrait le faire pour les autres types
d'activité que les ressources bénévoles ont.
Peut-être que ce serait plus facile momentanément parce que les
gens sauraient qu'ils reçoivent, disons, 25 000 $ et qu'ils n'ont pas
à s'en préoccuper. Ils font leur budget en fonction des 25 000 $.
Ils ne sont pas obligés d'aller en chercher 3000 $ ou 4000 $ de
plus.
Je pense que le danger qui nous guetterait avec une approche comme
celle-là, c'est que finalement c'est tout l'État, encore une
fois, qui reprendrait cela pour le moment d'une façon probablement
très magnanime, mais qui petit à petit pourrait un jour se
réveiller et dire: Une minute, c'est nous qui finançons tout
cela, est-ce que nos critères deviennent plus rigides? Est-ce que notre
contrôle devient plus rigide? Je pense que le danger est là pour
les organismes bénévoles que, si on arrive à ce que
l'État finance tout, ce principe d'autonomie qu'ils ont voulu voir
respecté et qui est bon parce que souvent cela laisse avec un
contrôle beaucoup moins rigide que ce qu'on impose aux
établissements du réseau... Il y a des initiatives qui ont
été prises qui autrement n'auraient pas été prises.
Il y a peut-être des erreurs de commises, mais à partir des
erreurs aussi on peut construire d'autres choses. Je pense qu'il y a un danger.
Ce n'est pas pour défendre un point de vue plutôt que l'autre.
Cela apparaît séduisant au point de départ de dire: Bon,
enfin là, on n'aura plus à se soucier du financement, mais je
pense que l'effet pervers c'est que, à un moment donné, c'est
l'État finalement qui dit: Bien, c'est moi qui donne les sous
partout.
Il y a aussi un deuxième inconvénient. C'est bon que la
population s'implique. Chacun d'entre nous, probablement, dit: Moi, quand on me
sollicite, c'est ce genre d'activité que je vais supporter. On ne peut
pas nous non plus, même si on donne juste quelques dollars,
répondre à toutes les demandes. Mais on dit: C'est vraiment le
domaine qui m'Intéresse. On s'identifie à un domaine. C'est une
sorte d'implication des citoyens un peu comme dans le financement des partis
politiques si on veut faire une certaine analogie et cela aussi
disparaîtrait. Cela demande plus de réflexion. Des fois cela a
l'air séduisant quand les gens viennent nous dire: Bien, écoutez,
c'est dur pour nous d'aller chercher de l'argent. C'est sûrement vrai. Il
y a probablement des critères à établir quant à la
richesse des milieux,
mais il ne faut pas non plus se laisser trop séduire par
l'idée qu'on va leur enlever tous leurs problèmes. On va les leur
enlever momentanément, mais on va peut-être en créer
d'autres dans les années qui suivront. C'est simplement cette
réflexion. On aura l'occasion d'en discuter. Je ne sais pas si le
député de Laviolette veut réagir.
Le Président (M. La porte): Vos commentaires, M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Dans la mesure où ce n'est pas ce qu'on dit...
D'ailleurs, mes questions sont pour faire ressortir les différences.
Mme Lavoie-Roux: Nous aussi, on a posé cela.
M. Jolivet: Ce n'est pas dans le but de dire qu'il n'y a pas
aucun montant d'argent. Actuellement. on demande 5 %. La seule chose, c'est
qu'on propose de monter cela à 10 %.
Mme Lavoie-Roux: Cela dépend. Cela varie. M. Jolivet:
C'est cela.
Mme Lavoie-Roux: II n'y a aucune norme actuellement.
M. Jolivet: C'est cela. C'est pour cela que je dis que
vis-à-vis de cela il faut en établir peut-être une. La
deuxième, il faut peut-être mettre des critères, mais si on
commence à mettre des critères, cela n'a pas la même
valeur, il faut regarder cela bien comme il faut. La seule chose que je dis et
je reprends les mots du docteur: Quand un organisme a fait la preuve de sa
capacité de répondre aux besoins du milieu, il devrait être
assuré d'un financement qui soit plus qu'annuellement, même si
vous me dites: II est renouvelable s'il ne fait pas de malversation ou autres.
Mol, je trouve que ce n'est pas suffisant. C'est dans ce sens que tout le monde
dit: On devra avoir au moins un programme de trois ans dans lequel on est
sûrs qu'il y aura un renouvellement à la fin des trois ans si on
n'a pas, en cours de route, fait des choses qui soient mauvaises et,
deuxièmement, si on n'a pas arrêté nos activités,
Donc, on part du principe que, si c'est bon et que c'est prouvé que
c'est bon dans le milieu, on devrait être assuré d'un financement
à long terme d'au moins trois ans. C'est dans ce sens que j'ai
compris.
Mme Lavoie-Roux: Ce point particulier, je me suis montrée
disposée à l'examiner. Mais ce que je veux vraiment examiner
sérieusement, c'est quel piège caché ceci peut avoir.
Parce que cela fait des années que les organismes
bénévoles demandent que ce soit sur deux ans -
généralement, c'était sur trois ans - et pour qu'au- cun
gouvernement..
M. Jolivet: Vous êtes poignés avec la même
chose que nous, c'est toujours le Conseil du trésor qui met des
réticences, il s'agit de casser la glace.
Mme Lavoie-Roux: Casser le Conseil du trésor.
M. Jolivet: Non, la glace.
Mme Lavoie-Roux: Pour qu'aucun gouvernement n'y accède,
c'est qu'il y a peut-être - c'est cela qu'il faut examiner - des
difficultés. Mol, je suis assez sympathique, mais j'essaie de voir
quelle a été la résistance, depuis tant d'années,
à ce qu'on pense à un budget sur une base triennale. Je voudrais
vous remercier...
Le Président {M. Laporte): Non, je crois que le Dr
Losson...
Mme Lavoie-Roux: Ah! Excusez-moi.
Le Président (M. Laporte): ...voulait réagir
à ce qui avait été dit.
M. Losson: Oui, j'exprimerais un point de vue
légèrement différent, bien que je reconnaisse le
bien-fondé de votre remarque. D'abord, il me semble qu'on a affaire
à une population qui, de toute façon, est assistée. Il me
semble que quelque chose ne va pas quand on y applique un raisonnement qui est
sûrement valable alors au niveau de l'industrie ou pour susciter des
choses comme cela. Ce sont des gens qu'il faudra toujours assister. Au fond,
tes 10 % ou non, je ne suis pas convaincu que cela ait des effets bien
bénéfiques d'exiger cet effort qui est vraiment souvent
extrêmement important et qui est une difficulté très grande
chaque année.
Par ailleurs, le comité "aviseur" que vous avez institué
et que j'ai présidé, je me suis quand même aperçu
que ce comité 'aviseur" agit aussi comme une espèce d'inspection
du travail et il ne peut pas se passer n'importe quoi. Tous ces organismes ont
des comptes à rendre et je trouve qu'il serait dommage que les comptes
à rendre se fassent d'une manière très bureaucratique avec
des gens parachutés du gouvernement qui viennent regarder comme cela.
Mais on a une espèce d'intimité qui se développe entre le
comité "aviseur", par exemple, et toutes les ressources qui sont
financées par le ministère et on sait ce qui s'y passe. C'est un
comité qui reliait des gens situés dans toutes sortes
d'organismes divers et variés, très critiques les uns
vis-à-vis des autres. Je n'ai pas le sentiment, avec la structure qui
est en place, qu'il puisse y avoir beaucoup d'aberrations, enfin, des gens qui
se reposeraient sur leurs lauriers. Je trouve que c'est sévère
de... Peut-être qu'il est mieux
d'exiger de ces organismes qu'ils aillent chercher quelque chose et que
ce ne soit pas toujours le gouvernement qui donne tout, mais avec la population
qu'on traite, c'est souvent sévère. C'est mon point de vue,
n'est-ce pas?
Mme Lavoie-Roux: Ce ne sont pas les personnes qui sont
assistées qui sont obligées d'aller chercher de l'argent
M. Losson: Oui, oui, mais leur nécessité...
Mme Lavoie-Roux: Et on va chercher l'argent peut-être
auprès de l'Industrie ou de particuliers qui, comme je le disais tout
à l'heure, s'Identifient à une cause. C'est une implication, une
sensibilisation, aussi, auprès de la population. Je pense que...
M. Losson: J'entends bien que ce ne sont pas les malades
eux-mêmes qui vont faire la quête comme cela, mais c'est une
dépense d'énergie absolument fantastique.
Mme Lavoie-Roux: Quand je dis que le gouvernement... Vous dites
que cela ne doit pas venir contrôler... Je ne dis pas que,
automatiquement, cela pourrait se traduire par un contrôle rigide, mais
la tentation serait forte de la part des , gouvernements de dire
éventuellement: Pourquoi n'ont-ils pas le même type de
contrôle que les autres? Sur-le-champ, je pense que cela ne se produirait
pas, mais je pense que c'est un danger qui guetterait les organismes
bénévoles. Enfin, c'est un échange de points de vue, la
réponse n'est pas facile.
Le Président (M. Laporte): En conclusion, Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je voulais simplement vous remercier. Je pense
que, même si, évidemment, les différents groupes on fait
valoir des points qui étalent tantôt convergents, tantôt
distants, la discussion nous amène toujours à aborder un peu plus
en profondeur certains problèmes qui ont seulement été
effleurés dans les premières rencontres. J'espère que
l'esprit de partenariat ou d'équipe que vous avez pourra aussi en
Influencer d'autres parce que c'est quand même à la base d'une
action cohérente éventuellement pour ces personnes que l'on veut
assister temporairement ou, quelquefois, d'une façon plus longue et qui
ont des problèmes de santé mentale. Je vous remercie beaucoup.
Thank you very much, Mrs. Ryerson, for your work and again I want to
congratulate you and your team. I think you are doing a very great job.
Mme Ryerson: Thank you very much.
Le Président (M. Laporte): La commission remercie les gens
de l'atelier d'artisanat Bon retour à Montréal!
La commission ajourne ses travaux au mercredi, 20 janvier 1988, à
10 heures. Merci à tous.
(Fin de la séance à 20 h 41)