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(Dix heures six minutes)
Le Président (M. La porte): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je constate que nous avons quorum. Je veux simplement rappeler le mandat
de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à une consultation générale et tenir des
auditions publiques dans le cadre de l'étude du document intitulé
"Pour une politique de sécurité du revenu"
Est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M le Président M. Thuringer
(Notre-Dame-de-Grâce) est remplacé par M. Doyon
(Louis-Hébert) et Mme Vermette (Mane-Victorin) est remplacée par
M. Desbiens (Dubuc).
Le Président (M. Laporte): C'est très bien.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président.
Le Président (M. Laporte): Oui?
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... est-ce qu'on peut
vérifier si le même consentement, qui avait été
gracieusement accordé la dernière fois pour les droits
d'intervention et de parole à Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine,
prévaut toujours?
Le Président (M. Laporte): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Certainement, M le Président, et la même
invitation est lancée au ministre délégué à
la Famille.
Le Président (M. Laporte): Merci, madame II y a
consentement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous allez le voir, vous allez le
voir.
M. Polak: Pas de problèmeicii.
Le Président (M. Laporte): J'inviterais les trois SEMO de
la région de Québec Centre Action-Travail inc., Centre
Étape inc. et Coup de pouce-Travail 1982 inc, et leurs
représentants à bien vouloir s avancer.
Premièrement, je voudrais vous souhaiter la bienvenue à la
commission. Peut-être que je pourrais vous rappeler brièvement que
nous avons 60 minutes dans le cadre des ententes qui ont été
prises à l'avance, dont 20 minutes pour votre exposé et 40
minutes d'échange de commentaires avec les parlementaires.
On demanderait au porte-parole de bien vouloir s'identifier et, par la
suite, de faire la présentation de votre mémoire.
Les trois SEMO de la région de
Québec
M. Daigneault (Marc): M.. le Président, M. le ministre et
membres de la commission, je vais d'abord présenter, à mon
extrême gauche, Mme Cécile Gadoury, directrice du SEMO Coup de
pouce-Travail, Mme Micheline Dubé, présidente de l'Association
des SEMO, Mme Christiane Tessier, directrice du SEMO Centre Étape, M.
Denis Lebel, président du conseil d'administration du SEMO Coup de
pouce-Travail, M. Daniel Fortin, administrateur au conseil d'administration du
Centre Action-Travail et, moi-même, Marc Daigneault, directeur du SEMO
Centre Action-Travail.
La présentation de notre mémoire sera faite par M. Denis
Lebel, qui traitera des thèmes "Origine, structure et fonctionnement des
SEMO" et du thème "Jeunes", M. Daniel Fortin, qui traitera des
thèmes "Employabilité, efficacité et complexité du
système" et Mme Christiane Tessier qui traitera des thèmes "Neuf
mois d'attente, évaluation, notion de conjoint". Sans plus tarder, je
laisse la parole à M. Denis Lebel.
M. Lebel (Denis): Comme il vient d'être annoncé, je
vais vous parler rapidement de l'origine des SEMO. Ce sont des groupes
d'intervention qui s appuient sur des organismes communautaires qui pour faire
face à la difficulté particulière reliée à
la crise de I'emploi dans certains milieux et pour certains publics
particuliers ont été mis en place avec l'appui des ressources
communautaires du milieu. Dans certains cas, cela a été des
paroisses, des patros des comités de citoyens, des comités de
femmes. Ces groupes d'intervention se sont attachés a fournir des
services aux personnes qui rencontrent des difficultés
particulières à intégrer le marché du travail.
Caractéristiques: ils obtenaient l'appui de leur milieu, ils ont
développé I'expertise professionnelle; ils sont devenus des
structures simples souples; capables d'adaptation, ils ont manifesté la
volonté de rester proches des besoins de la clientèle, de
s'adapter à chaque contexte particulier ou ces problèmes
étaient rencontres.
La caractéristique de leur mode d'intervention, c'est une
selection mutuelle SEMO-client, c'est-à-dire que le client qui s'adresse
à un SEMO l'a fait, jusqu'à maintenant, de façon
volontaire. C'est une caractéristique qui semble avoir été
génératrice de succès.
L'objectif des SEMO n'est pas strictement une mesure de
développement d'employabilité. II
vise l'intégration réelle au marché du travail.
Pour réaliser cela, il y a des services professionnels qui sont fournis,
un accompagnement personnalisé, le support professionnel, mais aussi le
support du groupe. II y a souvent des méthodes de groupes qui sont
utilisées par les SEMO. Il y a aussi l'utilisation de stages, qui ne
sont pas l'équivalent des stages en milieu de travail comme on les voit
dans les mesures de relance. Ce sont des stages pré-emploi,
c'est-à-dire des stages qui débouchent sur l'emploi. Un milieu de
stage est accepté par les SEMO, s'il y a une possibilité que ce
stage se transforme en emploi à court ou à moyen terme. Cela
implique une grande collaboration des employeurs. Cela implique de maintenir
avec les employeurs des relations de coopération, de collaboration. Cela
implique aussi que les clients participent activement à leur
démarche, s'engagent dans une démarche de changement et de
développement personnel. Jusqu'à maintenant, dans le SEMO dont je
suis président, le taux d'abandon au cours de ces démarches a
été, durant les trois dernières années, de l'ordre
de 2 %. Le taux de placement, avec maintien en emploi pendant au moins 30
semaines, est de l'ordre de 85 %. Ce qui caractérise l'intervention des
SEMO, c'est que cela représente une voie alternative aux voies
officielles des centres Travail-Québec, qui avaient de la
difficulté à rejoindre certains groupes particulièrement
éprouvés par la crise de l'emploi.
Donc, caractéristiques organisationnelles de petites
équipes qui travaillent avec de petits groupes de clients qui ciblent
bien les problèmes auxquels ils veulent trouver des réponses, des
équipes qui sont centrées sur les résultats à
obtenir. Les résultats obtenus d'ailleurs en témoignent. Ce sont
des équipes flexibles adaptées à des clientèles
différentes. Chaque SEMO a un peu sa personnalité propre. Ce sont
des organismes qui ont profité d'un financement public, mais qui sont
gérés par des corporations autonomes impliquées dans leur
milieu et représentatives un peu du milieu dans lequel ils
fonctionnent.
Je viens donc de parler du financement public. II faudrait aussi parler
un peu de I'histoire des relations avec les gouvernements, parce que quelques
uns de ces organismes-là ont commencé avec des subventions du
gouvernement fédéral. L'histoire est un peu l'alliance du pot de
fer et du pot de terre. Les SEMO ont besoin de l'aide gouvernementale pour
fonctionner. Cette aide a comporté, tout le long de I'histoire des SEMO,
un certain nombre de risques. Jusqu'en 1987, cela a été
l'incertitude chronique d'une subvention à l'autre d'un renouvellement
à l'autre. Depuis 1987 il y a eu de nouvelles directives, il y a eu un
contrat qui a été signé qui est entré en vigueur en
janvier 1988. Ce contrat - c'est ce qu'on mentionne dans notre mémoire -
est assez conforme à I'esprit de la politique qui est
présentée. Par contre, pour les
SEMO, il est perçu comme ayant eu un effort d'uniformisation des
standards des critères et des règles de fonctionnement. Il y a eu
addition de contrôles a priori, a posteriori, en cours de route
modification du rythme de travail des SEMO, perte d'autonomie, beaucoup de
temps passé à la gestion, à la satisfaction des exigences
administratives, alors que ce temps-là était passé en
interventions auprès du client. (10 h 15)
Et l'impression qui se dégage un peu du mois et demi ou des deux
mois d'expérience de ce nouveau contrat et à la lumière de
la politique, c'est quil y a un danger que les SEMO deviennent une
espèce de rouage additionnel à la structure gouvernementale une
sorte de sous-public, si on veut, parce que les gens des SEMO sont
généralement moins bien payés que les gens de la fonction
publique. Et le sous-public en question se chargerait d'un certain nombre de
mandats auprès de clienteles qui sont plus difficiles à
intégrer au marché du travail et pour qui le ministère est
peut-être moins bien équipé. Ces nouvelles directives ont
tendances à fonctionnariser, je dirais, le fonctionnement des SEMO. Et
cela n'est pas démenti par la politique comme telle. Au contraire, on
perçoit que le danger est que cela s'acccentue davantage.
En conclusion de la présentation des SEMO, je voudrais revenir au
document de politique et mentionner qu'on invite les différents
intervenants économiques et sociaux a la participation, à
I'implication. Et I'expérience des SEMO nous montre qu il y a plusieurs
façons d'atteindre autrement les mêmes résultats, parfois
dans des conditions plus difficiles, mais qu'il s agit à ce
moment-là de trouver les formules qui nous permettent de faire confiance
au dynamisme des milieux. Les SEMO croient tenir la bonne, bien sûr. Et
cela doit se faire dans le respect de l'autonomie du caractère
communautaire pour maintenir les conditions d'efficacité et de
complémentarité que les SEMO avaient développées
avec les centres Travail Québec.
Maintenant, j'aborderai rapidement, en conclusion de mon intervention,
le problème particulier des jeunes, puisque le SEMO dont je suis le
président intervient principalement auprès des clientèles
jeunes. Ce qui nous frappe dans la politique, c'est I'appel à la
solidarité familiale et la dépendance qui s'ensuit pour les
jeunes. Au sujet de l'appel à la solidarité familiale, il y a un
chercheur des HEC qui disait. C'est un terrain miné. On ne peut pas
légiférer sur la solidarité familiale comme on ne peut pas
légiférer sur les sentiments. " Donc, on ne sait pas exactement
ce que cela va donner, mais un des résultats les plus clairs, les plus
prévisibles, c'est qu'il y a un certain nombre de jeunes qui seront non
seulement privés d allocation, mais privés aussi de
l'accès aux services et de I'accès à des stages ou
à des formations dans les SEMO. Personnellement, je pense que s'inspirer
de la formule de dépendance de la part des jeunes vis-
à-vis de leur famille, cela maintient le jeune dans une situation
de dépendance. Je ne pense pas non plus que la formule ait donné
de très bons résultats dans le régime des prêts et
bourses, qui l'a inspirée. Cela a toujours été un facteur
de problème à la fois pour les individus et les groupes qui ont
eu à traiter avec cela. Je vous remercie.
M. Fortin (Daniel): Pour ma part, je vais traiter de trois
aspects qui, à notre avis, sont au coeur de la réforme:
premièrement, du concept d'employabilité; deuxièmement, de
la complexité des mesures proposées; et, troisièmement, de
l'efficacité de l'ensemble du projet.
Le concept d'employabilité est d'abord difficile à cerner.
C'est un concept qui, à notre avis, est circulaire et qui risque
également d'être utilisé au détriment des
bénéficiaires. Je m'explique.
C'est d'abord un concept difficile à cerner. Les
rédacteurs du document d'orientation n'ont pas réussi à
l'éclairer. D'une part, on affirme que toute personne est
présumée employable. D'autre part, on demande au
bénéficiaire de participer à des mesures de
relèvement d'employabilité. D'un côté, on dit qu'il
est employable et, de l'autre, on dit qu'il doit devenir plus employable ou
participer à des mesures d'employabilité. Le concept
d'employabilité est aussi un concept circulaire. D'une part, le
degré d'employabilité est défini en fonction de l'emploi
que le bénéficiaire n'a pas. En d'autres mots, ce qui prouve
qu'un bénéficiaire a un niveau d'employabilité
insuffisant, c'est le fait qu'il n'ait pas d'emploi. D'autre part, on explique
qu'il n'a pas d'emploi parce que son degré d'employabilité est
trop faible. Troisièmement, le concept d'employabilité risque
d'être utilisé au détriment des
bénéficiaires. Le fait de faire reposer sur les
bénéficiaires la responsabilité de ne pas avoir d'emploi,
alors que le fait d'être employable dépend au moins de trois
facteurs, fait en sorte que le bénéficiaire a peu de moyens de
défense.
Voyons ces quatre facteurs qui servent à définir
i'employabilité d'une personne. La qualification, on en convient, c'est
un élément important de I'employabilité.
L'employabilité dépend aussi des besoins du marché du
travail. L'employabilité dépend de l'endroit où le
bénéficiaire demeure. Enfin, le quatrième facteur,
I'employabilité dépend du nombre de candidats par emploi offert.
En fait, quelqu'un qui arrive sur le marché du travail doit faire face
à deux choses. D'abord, à I'employabilité, mais aussi
à une sélection. Le marché du travail sélectionne.
Il ne faut pas l'oublier lorsqu'on pense à la mise en place de ces
mesures-là.
De fait, si tous les bénéficiaires augmentent leur
employabilité de façon égale, leur position relative, les
uns par rapport aux autres, demeure la même. Ils sont alors placés
dans la position de quelqu'un qui monte un escalier roulant qui descend.
Notre expérience nous montre que beaucoup de
bénéficiaires sont prêts à faire des efforts pour
avoir une place au soleil. Mais faut-il encore que cette place ne recule pas
chaque fois qu'ils font un pas.
Le deuxième aspect touche la complexité. La
complexité de la réforme apparaît à deux niveaux;
elle porte principalement sur deux aspects. Le principal aspect relève
du nombre élevé de catégories de barèmes et du
nombre élevé de décisions pour arriver à
déterminer ces barèmes. Le deuxième problème de
complexité se réfère justement aux critères qui
serviront aux agents ou sur lesquels ceux-ci se baseront pour décider du
barème auquel le bénéficiaire aura droit. On pense
à des choses qui ne sont plus coupées au couteau comme
l'âge, le sexe ou des choses qui sont très claires. Maintenant,
avec la réforme, on tiendra compte de bénéficiaires qui
ont besoin de services spécialisés; on tiendra compte de
l'Intérêt des bénéficiaires, de leur motivation, de
leurs aptitudes, d'un ensemble de choses qui ne sont pas précises.
À notre avis, cette complexité aura deux effets. D'une part, cela
multipliera le risque que des décisions inadéquates soient prises
et cela aura aussi comme conséquence d'accroître le risque de
décisions arbitraires qui seraient prises, par exemple, uniquement pour
des critères administratifs. Le deuxième effet sera que cela
accroîtra la dépendance des bénéficiaires qui, par
le fait de la complexité, auront de moins en moins de moyens de
défense face à des décisions qui seront prises par les
agents du ministère.
Le troisième élément de la réforme sur
lequel on veut intervenir concerne la question de l'efficacité de cette
réforme. Nulle part dans le document on ne trouve de critères de
performance permettant de juger des mesures. Est-ce que ce seront les millions
dépensés, le nombre de participants, le taux de participation, le
nombre de personnes intégrant le marché du travail? Il y a une
panoplie possible de critères d'évaluation. On se demande un peu
à partir de quels critères cette réforme sera
jugée.
Cependant, à notre avis, un certain nombre de conditions doivent
être respectées pour que ces mesures soient efficaces. Ces
conditions sont au nombre de quatre.
Première condition, il doit y avoir de la place sur le
marché du travail, sans cela les bénéficiaires sont
condamnés à se promener d'une mesure à une autre. Cela
aura comme résultat d'aboutir à une nouvelle forme
d'institutionnalisation de la pauvreté Cela va aussi créer une
sorte d'accoutumance aux mesures qui, même si elles étaient
efficaces au départ, vont devenir inefficaces. Les
bénéficiaires vont apprendre à fonctionner avec les
mesures plutôt qu'avec le marché du travail.
Deuxième condition d'efficacité, il faut de
véritables mesures de maintien et de développement
d'employabilité. À ce moment-là, il faut que la
qualité de ce qui se fait chez les employeurs, lorsqu'il s'agit de
stages en milieu de travail ou
de ce qui se fait dans les organismes lorsque ce sont des travaux
communautaires ou à la commission scolaire lorsque c'est du rattrapage
scolaire, que toutes ces mesures soient évaluées sur le terrain
et que ce ne soit pas une évaluation globale.
Troisièmement, il faut que le personnel soit compétent. Le
ministère reconnaît lui-même que, à l'heure actuelle,
le personnel n'est pas qualifié pour mettre cette mesure en marche.
Même si on propose un calendrier d'implantation, on pense que les
prévisions sont optimistes et que le système est beaucoup plus
tent à bouger qu'on le suppose.
Enfin, dernière condition, il faut que les
bénéficiaires participent et utilisent le système de la
bonne façon. Si on se fie sur ce qui s'est passé avec les moins
de 30 ans, on s'aperçoit que le taux de participation est faible et que
le taux d'abandon est relativement élevé. Donc, à notre
avis, avec cette mesure, un certain nombre de bénéficiaires vont
s'ajuster à un revenu moindre et ils ne participeront pas aux mesures.
D'autre part, un certain nombre vont s'impliquer ou s'embarquer dans tes
activités d'employabilité, non pas dans le but de se trouver un
emploi, mais plutôt pour répondre à des besoins
immédiats. Là-dessus, je cède la parole à Mme
Tessier.
Mme Tessier (Christiane): Merci. Je vais aborder, pour ma part,
les points suivants: l'étape des neuf premiers mois, la notion
d'aptitude au travail, les étapes d'évaluation de
l'employabilité et la notion de conjoint.
Premièrement, l'étape des neuf mois. Pour ceux et celles
qui ont déjà travaillé, la nouvelle réforme propose
neuf mois de purgatoire supplémentaire à des gens qui ont
déjà épuisé douze mois de recherches infructueuses,
pendant lesquels ils ont utilisé sans résultat toutes les
ressources personnelles, l'énergie et les contacts sur lesquels ils
pouvaient compter. Par contre, pour ceux et celles qui n'ont jamais
travaillé, Je plus souvent des jeunes et des femmes, et qui en arrivent
à avoir besoin de l'aide sociale, il faut comprendre que s'iis en sont
venus à cette situation, c'est souvent à la suite d'un
déséquilibre familial quelconque, séparation ou autres, et
leur imposer neuf mois d'attente, c'est risquer de faire disparaître
l'enthousiasme et la motivation qu'ils peuvent avoir dès leur
entrée au programme.
Nous craignons donc les effets négatifs durables que ces neuf
mois d'attente avec allocation réduite peuvent entraîner. Nous
prouvons pourtant, par notre expertise d'intervenant SEMO, que c'est au moment
où une personne se dit prête qu'elle peut et doit entreprendre les
démarches pour sa prise en charge. Elle ne doit surtout pas être
ralentie dans ce processus par une machine administrative. En ce qui
concerne... Oui.
Le Président (M. Laporte): Je veux souligner qu'il reste
deux minutes pour la présentation de votre mémoire. S'il y a un
consentement...
Mme Harel: Qu'elle termine, c'est tellement intéressant.
On va sûrement en bénéficier.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Comme d'habitude.
Mme Harel: Excellent.
Le Président (M. Laporte): II y a consentement. Je vous
laisse continuer.
Mme Tessier: Je vais essayer de faire plus vite, mais c'est vrai
que c'est intéressant. En ce qui concerne, M. le Président,
l'évaluation de l'aptitude au travail, nous considérons
inacceptable que le fardeau de la preuve de son inaptitude repose sur les
épaules d'une personne qui, justement, n'est pas en pleine possession de
ses moyens. Si l'on reprend l'exempte donné dans le mémoire, en
page 19, c'est un peu comme si on demandait à une personne devant
être hospitalisée d'urgence de démontrer à la
satisfaction des autorités professionnelles et administratives de
l'hôpital les motifs qui peuvent justifier son hospitalisation.
Pour ce qui est des deux étapes d'évaluation de
l'employabilité, nous tenons d'abord à resouligner que la notion
même d'employabilité ne dépend pas que de la personne, mais
de l'état du marché du travail. Une personne pourra, en effet,
développer son employabilité pendant des mois, s'il n'y a pas de
possibilité d'emploi, elle n'atteindra jamais son objectif qui est de
travailler et non pas d'atteindre un haut degré
d'employabilité.
On parle dans le document de deux étapes d'évaluation de
l'employabilité, soit une au début de la période des neuf
mois qui, en fait, d'après sa description, servira surtout à
évaluer le montant des prestations auxquelles la personne aura droit et,
en plus, dans certains cas, à dépister certains problèmes
tels l'alcoolisme, la toxicomanie et autres. Ce n'est en réalité
qu'après neuf mois que la personne aura droit à une
évaluation approfondie de sa situation personnelle, c'est-à-dire
son état de santé, formation scolaire, qualifications
professionnelles, expérience de travail, motivation,
intérêt, etc. (10 h 30)
Or, pour qu'une personne puisse se livrer au cours d'une
évaluation personnelle de ce type, il doit y avoir un climat de
confiance établi entre elle et l'évaluateur. Dans le cas des
bénéficiaires, c'est l'information personnelle livrée
confidentiellement qui servira au ministère à fixer ses
règles, normes et, éventuellement, ses sanctions. Donc, ou bien
le bénéficiaire se confie à l'agent et les confidences
qu'il livre pourront être utilisées pour limiter ses droits et ses
choix, ou bien il ne se livre pas et ses droits sont
automatiquement limités. Nous prévoyons que la
réaction chez la plupart en sera une de soumission, de repli sur soi,
d'acceptation de la fatalité, et n'aura certainement aucun effet
incitatif au retour au travail.
Le dernier point que j'aborderai est celui de la notion de conjoint dont
nous souhaitons l'abolition pure et simple. Et si nous prônons dans notre
mémoire le critère de partage du logement, c'est sans la coupure
du chèque annoncée dans la réforme. Nous prônons ce
partage comme un moyen de survie, que ce soit pour des êtres de sexe
semblable ou différent. Merci.
M. Daigneault (Marc): M. le Président... Le
Président (M. Laporte): M. Daigneault.
M. Daigneault (Marc):... si quelques minutes nous sont encore
accordées, Mme Micheline Dubé voudrait ajouter quelques mots.
Le Président (M. Laporte): Le plus brièvement
possible afin de permettre un échange. Allez-y...
Mme Dubé (Micheline): D'accord.
Le Président (M. Laporte):... avec le consentement.
Mme Dubé (Micheline): Pour conclure, les services externes
de main-d'oeuvre sont des organismes ayant des corporations autonomes et sont
reconnus par votre ministère pour offrir des services professionnels et
spécialisés à une clientèle éprouvant des
difficultés à intégrer ou à
réintégrer le marché du travail.
Pour aider efficacement une clientèle en difficulté
à intégrer l'emploi, il y a une dimension que nous voyons comme
la plus importante, et c'est l'incitation. Nous croyons que les services
externes de main-d'oeuvre sont des mesures incitatives en soi, car, pour notre
clientèle, la mesure est volontaire. Elle vise te marché du
travail rémunéré, c'est-à-dire que la
clientèle devient un travailleur ou une travailleuse à part
entière. Elle accorde du temps et de l'attention personnalisés.
Et elle avait un encadrement financier pertinent à la clientèle
qu'elle desservait avant le 1 er janvier 1988.
C'est dans ces termes que nous parlons d'incitation à l'emploi et
que nous nous distinguons des autres mesures d'employabilité où
la clientèle porte toujours l'étiquette de
bénéficiaire d'aide sociale, selon les mesures auxquelles elle
aura à participer. C'est pourquoi nous vous demandons, dans la mesure
des services externes de main-d'oeuvre, de maintenir cette incitation telle
qu'elle est décrite. En plus, deux dimensions s'ajoutent: Que !es
revenus de salaire à l'intérieur du stage
rémunéré par les services externes de main-d'oeuvre chez
un employeur ne soient pas déductibles de son aide sociale - il est
à noter que ce stage ne peut dépasser quatre semaines, selon le
cadre normatif de votre ministère - deuxièmement, que les
personnes ayant suivi le programme des services externes de main-d'oeuvre et
qui, malheureusement, partent sans emploi ne soient pas
pénalisées à l'aide sociale après cette
démarche, car souvent ces personnes reçoivent des offres d'emploi
quelques semaines après leur départ.
Je vous remercie de votre attention. Comme association, nous appuyons
sans réserve ce mémoire qui vous a été
présenté ce matin. Merci.
Le Président (M. Laporte): Je remercie les
représentants des SEMO. M. Daigneault, avez-vous quelque chose à
ajouter?
M. Daigneault (Marc): Cela va.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, dans un premier temps, vous
me permettrez de remercier les représentants des SEMO et de
répéter, en ce début de journée, quelle est la
clientèle qu'on dessert comme ministère de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu dans notre volet sécurité du
revenu, de rappeler que 25 % de cette clientèle de quelque 400 000
ménages est composée de personnes considérées
admissibles au programme Soutien financier, donc avec des difficultés
énormes, ou inaptes au travail.
Parmi les gens qu'on considère aptes au travail - cela ne sera
pas nouveau pour les gens des SEMO, j'en conviens - vous savez
déjà que 36 % de ces gens sont des analphabètes
fonctionnels, 60 % de ces personnes n'ont pas complété leur cours
secondaire, 40 % n'ont aucune expérience de travail. Et, pour ceux qui
l'ignoreraient, les SEMO s'occupent des pires parmi ces cas. ils ont
vécu des expériences - cela a été souligné,
je pense, par je ne me souviens plus quel intervenant - insécurisantes
sous un gouvernement comme un autre; je ne pense pas qu'ils ont fait de la
politique en nous le disant. C'est devenu un petit peu moins
insécurisant, mais c'est devenu un petit peu plus normé. C'est le
message que j'ai retenu de votre intervention. On a troqué, et on
souhaite que ce soit un pari gagnant, un peu de sécurité pour un
peu plus de performance parce que nous sommes responsables des deniers
publiques et que nous voulons nous assurer que les SEMO performants continuent
à performer. Ceux qui ne le sont pas qu'ils soient sujets à une
évaluation parce qu'il y a des régions du Québec, encore
au moment où on se parle, qui ne sont même pas pourvues de SEMO.
Si l'on veut pourvoir l'ensemble des régions et desservir l'ensemble des
clientèles spécifiques, on doit s'assurer qu'on est à
l'abri de toute critique sur le plan de la performance. Et c'est
généralement le cas. Nous tenons à continuer à nous
en assurer.
En ce qui concerne la question de la solidarité familiale qui a
été soulevée, je n'y répondrai pas
immédiatement parce que les deux groupes qui vont suivre sont des
groupes de jeunes, autant du Parti libéral que du Parti
québécois. Je suis certain qu'ils vont aborder cette question
après avoir lu leur mémoire. Donc, je vous invite à rester
et à écouter l'échange qui va se produire. Cela pourra
peut-être aider à répondre à vos arguments
également M. Fortin, au sujet de vos interventions quant à la
question du fameux cercle vicieux ou de l'escalier roulant descendant, c'est
vrai. Je partage votre avis et votre analyse, sauf qu'il faut le briser ce
cercle. II faut arrêter de considérer, sauf pour les jeunes en bas
de 30 ans présentement et les familles monoparentales, de stationner ces
gens et de leur expédier un chèque mensuel et de dire. Bon, la
société a fait sa part, maintenant on les oublie!
Présentement, vous avez raison. II ny a pas de critères
d'employabilité de I'individu, pas de jobs sur le marché, etc. Le
coup de barre que nous tentons de donner, c'est de dire, on n'abandonnera pas
les gens qui n'ont pas fini leur secondaire. On va tenter de les inciter
à terminer leur secondaire, parce qu'on sait que plusieurs entreprises
même exigent le secondaire pour avoir la possibilité ou la
permission de poser sa candidature au poste ou les critères
d'employabilité sont les moins élevés. Cette personne est
automatiquement exclue du marché du travail. Est-ce qu'on a le droit,
comme société, de perpétuer le système actuel, de
les abandonner et de les marginaliser?
Vous dites que c'est un cercle vicieux, mais vous réussissez
quand même, comme SEMO à le briser avec les pourcentages et les
résultats que vous nous avez donnés. J'ai relevé là
une petite contradiction entre certaines représentations qui ont
été faites. Oui, le cercle est vicieux. Dans certains cas on
réussit à le briser. Et on doit davantage le briser avec
I'ensemble de nos clientèles. Vous parlez des critères de
performance qui devraient être là. Dans la première partie
on nous dit. Pas trop de critères de performance. Dans la
deuxième partie, on nous dit. Oui les critères de performance
pour les autres. Si les critères de performances deviennent pour les
SEMO quelque chose qui devient improductif on demeure ouvert, on est prêt
à vous entendre là-dessus. Ce qu'on vous dit, c'est qu'on a
besoin de résultats. On ne comparera pas vos résultats avec les
gens qui travaillent avec les clientèles les moins poquées. On
prend en considération cette notion que vous travaillez avec les
clientèles les plus difficiles.
Mme Tessier: Vous parlez des gens qui ont déjà
travaillé et de notre clientèle qui nous vient à l'aide
sociale. 60 % de notre clientèle qui nous arrive a déjà eu
une expérience de travail, donc, a passé à travers le
cheminement que vous avez mentionné des douze mois de
I'assurance-chômage et à travers les étapes psychologiques
qui nous ont été décrites hier par I'Association des
psychologues du Québec. Les neuf premiers mois dans ce cas, ce n'est
peut-être pas inutile, après douze mois où on a
épuisé, où on a passé à travers
psychologiquement toute cette épreuve et financièrement toutes
les difficultés que cela comporte, d'avoir un petit temps d'arrêt,
de se réévaluer et de voir si on est allé dans la bonne
direction.
Pour les autres, les 40 % qui sont sans expérience de travail,
qui sont souvent des cas un peu plus difficiles - il y en a même des
difficiles dans ceux qui sortent de l'assurance-chômage - je vous
indiquerai que le document d'orientation y fait déjà
référence à la page 27 en parlant des neuf premiers mois:
"Par ailleurs, des clientèles spécifiques pourraient être
admises à participer à certaines mesures de maintien et de
développement de l'employabilité dès leur admission au
programme. " De façon que, là ou le délai de carence de
neuf mois pourrait s'avérer préjudiciable, comme dans le cas des
analphabètes, pour vous donner un exemple - on a parlé entre
autres, en commission parlementaire, des familles monoparentales - ce
délai ne s'applique pas, et que, dans le cas ou il faut procéder
à une évaluation complète du dossier, cela s'applique.
Vous comprendrez que l'administration fait partie des contingences avec
lesquelles la politique doit composer et quon ne peut pas garantir à
tout le monde que, dès le lendemain de son arrivée, il aura le
service, malgré les meilleures intentions de n'importe quel politicien
ou parti politique.
Le fardeau de la preuve de l'inaptitude. Je ne me souviens pas qui a
soulevé. Vous soulevez cette question et vous avez une bonne logique
lorsque vous la soulevez, sauf qu'hier des gens qui représentaient les
personnes handicapées ont soulevé un peu I'inverse. Ils ont dit:
Ne nous cataloguez pas inaptes. On ne veut pas être catalogues inaptes.
On veut avoir un peu d'air un peu d'oxygène. On veut être capables
de faire nos choix et il y a des gens chez nous qui ont peut-être I'air
physiquement inaptes, mais qui sont beaucoup moins inaptes que des gens qui ont
I'air physiquement corrects. Ils nous ont demandé cette espèce de
liberté de choix. On soupèsera les arguments
présentés de part et d'autre mais on voulait vous les
communiquer.
Le travail par rapport au haut degré d'employabilite. S'il
fallait qu'on tienne pour acquis qu'il faut abandonner les gens dans un bas
niveau d'employabilité parce que, peut être, les emplois
n'existent pas. Tous les programmes qui ont été mis sur pied par
tous les gouvernements qui se sont succédé dans les
récentes années et qui s'appellent Jeunes entrepreneurs etc.,
nous démontrent que plus l'individu a un haut niveau
d'employabilité plus il est en mesure d'avoir un choix d'emplois, plus
il est mesure de commander une rémunération plus adéquate
et même plus il est en mesure de créer sa propre entreprise. Cela
s'est fait avec des jeunes qui avaient quand
même un certain niveau d'employabilité. Donc, le choix
qu'on a: on les abandonne ou on mise là-dessus. Ce n'est pas un pan
à 100 %, mais c'est un pan intéressant.
Notion de conjoint, partage de logement. Je vous invite encore à
rester parce que j'ai l'impression qu'avec les deux groupes de jeunes que nous
allons entendre, cette question sera débattue. Et Mme Dubé, qui a
parlé d'incitation au travail. Je m'excuse de résumer aussi
brièvement l'intervention, mais moi aussi, je suis encarcané dans
le temps. Le député de Taschereau m'a indiqué qu'il
insistait pour intervenir dans le cadre de cet échange.
En terminant, j'aurais peut être une question fondamentale
à vous poser. Le contrat récent qu'on a négocié
avec vous est-il un contrat qui, dans l'ensemble - dans un contrat, il y a des
choses qui font l'affaire et d'autres qui ne font pas l'affaire - vous
permettra de mieux fonctionner qu'avant, tout en considérant qu il est
encore améliorable?
Le Président (M. Laporte): Merci, M. le ministre. En
réaction?
M. Lebel: Je pourrais répondre au moins pour un SEMO. Je
peux difficilement répondre pour l'ensemble parce que je n'ai pas de
contact sur l'ensemble du réseau des SEMO. Ce contrat, effectivement,
comme vous l'avez mentionné au début de votre intervention
amène des éléments de sécurité qui
n'existaient pas avant. II amène un cadre relativement stable et il
introduit, mais très légèrement, la notion de performance.
Je veux dire qu'il n'est pas évident que ce soit un contrat qui a comme
objectif de miser sur la performance des SEMO.
Je comprends qu'on ne peut pas imposer des normes rigides exactement de
la même façon dans un centre-ville d'une région urbaine,
d'une région rurale, clientèle jeune, clientèle
âgée etc., mais il reste qu'on a fait une espèce de
mélange de tout cela et qu'on a fixé des barèmes
universels qui sont un peu le résultat d'une série de compromis
et d'approximations, mais qui sont les mêmes pour tout le monde. Le
résultat net dans le SEMO, pour lequel je donne du temps, c'est qu'on
doit admettre plus de candidats que les dernières années. La
performance qu'on attend de nous, c'est de placer moins de gens. C'est le
résultat pour notre SEMO. C'est la façon dont on vit ces
normes-là. La notion d'admis sert à justifier ta subvention. (10
h 45)
Évidemment, il y a eu des baisses de subvention aussi à
travers cela. On n'en a pas parlé, mais le budget est coupé. On
nous demande d'admettre plus de monde et on nous demande d'en placer moins que
dans les dernières années. Si on regarde cela dans la logique,
c'est très logique. On nous demande une performance de 50 %, alors que
notre performance se situait aux alentours de 80 % à 85 %. Mais en
augmen- tant le nombre d'admis, on augmente le fardeau des intervenants, on
raccourcit le temps d'intervention auprès des clients et, effectivement,
il y a des chances que notre performance baisse. Mais quant au nombre absolu de
personnes qui auront intégré le marché du travail par
notre SEMO, si on se fie aux exigences de ce contrat- là, on aura
satisfait aux exigences du contrat par une performance moindre que les
années antérieures.
II y a une autre dimension. D'abord, quand on parle de contrat
normalement, cela représente la volonté des parties. Et, dans ce
cas là, on peut dire que la volonté des SEMO a été
interprétée. Je veux dire qu'il n y a aucun représentant
des SEMO qui a négocié quoi que ce soit avec qui que ce soit dans
ce contrat-là. II n'y avait pas d'association à l'époque
ou il a été élaboré, mais on est arrivé avec
une formule et on a dit: Vous signez là, c'est ça le nouveau
contrat. Bon, alors c'est correct, on va signer là parce qu'on veut
continuer à intervenir comme SEMO. Mais, à l'intérieur de
ce contrat-là, il y a des clauses qui, en apparence, étaient
anodines et qui peuvent devenir bâdrantes en cours de route, entre autres
sur la circulation d'informations. On parlait tantôt de la
confidentialité de certaines informations livrées à un
conseiller. II y a un article du contrat - je ne me le rappelle pas à la
lettre - mais qui dit. En tout temps le ministère ou ses agents peuvent
demander à avoir accès à toute information. Et le rythme
de fonctionnement et les délais qu'on demande pour obtenir I'information
brisent souvent le rythme de travail de petites équipes. Chez nous au
SEMO, il y a cinq personnes. Jusque maintenant il y en avait à peu
près trois et demie qui agissaient comme intervenants et une et demie
s'occupait plus des questions administratives. Bien la c'est rendu à
deux sur les questions administratives. Vous voyez un peu les problèmes
dans lesquels on est pris avec ce contrat-là. On est
intéressés à le négocier de nouveau bien
sûr.
Le Président (M. Laporte): M. le députe de
Taschereau?
M. Leclerc: M. le Président évidemment |e voudrais
remercier les intervenants. Ce sont des gens fort actifs dans la région
de Québec. Ils nous ont fait savoir leur position notamment ce pourquoi
ils sont contre certaines mesures et, évidemment, ils ne sont pas ici
pour nous lancer des fleurs. On sait qu'ils sont contre le délai
d'attente des neuf premiers mois. Ils ont des réserves sur la notion de
conjoint et le partage du logement. J'aimerais cependant savoir parce que vous
êtes des intervenants indépendants, que vous travaillez de
très près avec la clientèle, quelles sont les mesures
spécifiques de notre réforme que vous appuyez?. Le programme
Soutien financier le programme APPORT?
Mme Harel:... des suggestions.
Le Président (M. Laporte): M. le député de
Taschereau, si vous voulez poursuivre.
M. Leclerc: Cela va.
Le Président (M. Laporte): Cela va.
Mme Tessier: II y a des mesures qu'on appuie, peut-être
avec réserve, mais qu'on appuie, comme le programme Soutien financier
qui peut être intéressant pour les gens qui sont vraiment inaptes
au travail, selon la façon dont ils sont jugés aptes ou inaptes.
Il y a aussi le programme APPORT, quoique ce soit encore avec réserve,
parce qu'on se pose des questions sur une personne, par exemple, dans mon cas,
chef de famille monoparentale, qui laisse l'aide sociale et va travailler au
salaire minimum, parce que, souvent, comme vous le disiez, la clientèle
SEMO, c'est une clientèle peu scolarisée, particulièrement
chez les femmes et c'est une clientèle qui a souvent une très
longue absence du marché du travail. Donc, si elle décide de
laisser laide sociale et d'aller travailler parce que le programme APPORT va
combler, en partie, le manque à gagner, ce qu'on se demande, c'est
combien de temps le programme APPORT va couvrir le déficit et, si jamais
elle perdait son emploi, ce qui arrive souvent parce que les emplois que ces
personnes peuvent se trouver sont des emplois précaires et difficiles
à maintenir, et qu'elle se retrouve au chômage, quelle sera sa
situation. C'est très insécurisant pour la clientèle. On
appuie ces choses-là, mais toujours avec réserve, parce qu'on n'a
peut-être pas toute l'information nécessaire.
Mme Gadoury (Cécile): Je pense que, comme SEMO, on est
aussi entièrement d'accord avec l'incitation au travail. Nous allons
dans le sens de ce principe.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Laporte): Merci bien, M. le ministre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'indiquais
Le Président (M. Laporte): Mme la députée de
Maisonneuve?
Mme Harel: Non non. Le député de Taschereau peut
continuer.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... strictement, quant au programme
APPORT, pour répondre aux questions que vous avez soulevées,
qu'il n y a pas de durée de temps fixée. C'est dans une
fourchette de revenus strictement, et tant que la personne se situe dans cette
fourchette de revenus, ses gains de travail sont supplémentés et
ses frais de garderie remboursés jusqu'à un maximum de 50 %.
Votre deuxième question, et j'ai demandé qu'on aille
vérifier concerne la personne qui occupe un emploi précaire,
quitte son emploi, devient prestataire de l'assurance-chômage. La
question qui m'est posée, et que j'ai demandé qu'on
vérifie, c'est: Est-ce que l'assurance-chômage va tenir compte,
dans le calcul de la prestation quelle verse à cette personne, non
seulement du gain de travail qui était versé par l'employeur,
mais également du supplément du programme APPORT?
Mme Tessier: C'est une question qu'on se fait poser très
souvent par la clientèle. On n'ose pas commencer un emploi tant qu'on
n'est pas sûr de toujours le garder, et cest impossible d'être
sûr de toujours le garder. Donc, il y a beaucoup d'hésitation
devant ce programme.
Le Président (M. Laporte): Mme Tessier?
Mme Tessier: J'aimerais répondre aussi en ce qui concerne
le nouveau contrat sur lequel M. le ministre Paradis nous demandait nos
commentaires. Je pense que vous avez bien décrit tout à l'heure
la clientèle SEMO, c'est-à-dire une clientèle
particulièrement défavorisée peu scolarisée - pour
les femmes c'est le cas - et une clientèle avec une très longue
absence du marché du travail. Vous avez aussi bien décrit les
exigences du marche du travail. C'est impossible d'entrer sur le marché
du travail dans un emploi si peu intéressant soit-il, et même
c'est impossible avec moins d'un secondaire V. Une des questions qu'on se pose
comme SEMO femmes c'est. Comment se fait-il à ce moment-là quand
vous reconnaissez tout cela que le retour aux études ne soit pas
reconnu? Quand on a fait un long travail sur une cliente et qu'elle finit par
choisir devant la réalité du marché du travail, devant la
réalité de sa situation et devant la réalité de
devoir se prendre en charge définitivement un jour comment se fait-il
que le retour aux études ne nous soit pas accordé comme un
résultat? Les résultats qu'on obtenait récemment
comportaient un grand pourcentage surtout chez les femmes - 30 % dans le cas de
Centre Etape - de retour aux études. Ce résultat ne nous est plus
reconnu dans le nouveau contrat et c est I'une des choses que les SEMO femmes
ont beaucoup de mal à comprendre. C'est quelque chose qui, selon nous n
est pas logique dans te sens de nos interventions dans le sens de la
réalité du marché du travail et de la
réalité des clientes qu'on vise Cest une question que je me
pose.
M Paradis (Brome-Missisquoi): Je veux bien saisir le sens s' il
me reste du temps.
Le Président (M Laporte): Le temps est
écoulé.
Mme Harel: Allez-y, M le ministre. Au contraire, on n'en est
pas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
Mme Tessier: Ce serait dommage que le temps soit
écoulé justement maintenant.
Mme Harel: on n'en est pas à une contradiction
près. Alors, vidons celle-là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme la députée de
Maisonneuve dénonce souvent le présent système. Moi aussi,
je le dénonce et c'est pour cela qu'on veut le changer. C'est la
situation actuelle.
Mme Harel: contrat SEMO du mois de janvier 1988.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais avec les programmes
actuels de l'aide sociale, par exemple, parce qu'on fait cela dans des balises
de programmes actuels de l'aide sociale. Est-ce que je comprends bien votre
question.
Mme Tessier: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): que la personne qui va chez vous,
vous ne pouvez pas la diriger ou lui offrir des mesures de rattrapage
scolaire?
Mme Tessier: Ce n est pas qu'on. Mme Harel: On peut.
Mme Tessier: On peut la diriger vers des mesures de rattrapage
scolaire. Mais, auparavant, c'était considéré comme un
résultat comme un placement, parce qu on ne dirige pas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord, pour I'organisme.
Mme Tessier: Pour l'organisme mais cela veut dire que si on est
évalué.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce n'est pas pour la personne.
C'est pour l'organisme.
Mme Tessier: sur nos résultats et que ce genre de
résultats ne nous est pas comptabilisé on diminue nos
résultats.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
Mme Tessier: Je dois dire également que toutes les femmes
ne peuvent pas bénéficier du programme. Rattrapage scolaire. On
est 25 % de femmes non bénéficiaires de l'aide sociale. Quant
à celles qui retournent aux études avec les prêts et
bourses au lieu de vouloir en arriver à I'aide sociale, après
avoir suivi une session d'orienta- tion chez nous, cela ne nous est pas reconnu
en aucune façon.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pourrais ajouter que les femmes
qui ont plus de 30 ans et qui ne sont pas dans le cas de situation
monoparentale ne sont pas admissibles et n'ont pas droit à ces
programmes présentement.
Mme Tessier: C'est cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En ce qui concerne la
reconnaissance, je m'inquiétais de savoir s'il s'agissait de la
reconnaissance pour la cliente...
Mme Tessier: On le fait.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... ou la reconnaissance pour le
système SEMO. Je ne dirais pas que cela règle le problème
mais cela me rassure que ce ne soit pas enlever de la reconnaissance aux
bénéficiaires de I'aide sociale. Entre organismes, je pense qu'on
peut se parler, on n'est pas aussi mal pris que nos
bénéficiaires.
Mme Tessier: C'est cela. On continue de donner ce service
là c'est bien évident, parce que c est le service dont les
clients ont besoin.
Le Président (M. La porte): Merci Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci M. le Président. Je pense que le dernier
exemple nous permet de constater que les beaux discours ne suffisent pas en
matière de plan de campagne de scolarisation. Si je comprends bien,
c'est dans le dernier contrat que vous avez dû signer - obligés
comme on dit - qui est en vigueur depuis le 1er janvier 1988, que les retours
aux études ne vous sont plus comptabilisés comme faisant partie
des succès que vous obtenez auprès de la clientèle. Au
moment même ou le ministre nous dit que toute sa réforme est
essentiellement pour que les 36 % de personnes analphabètes et les 60 %
qui n'ont pas terminé leur secondaire puissent avoir accès, entre
autres, à des mesures de scolarisation.
Juste une remarque avant d'aborder votre mémoire. Je pense que,
ce matin, vous nous avez vraiment permis de mettre le doigt sur les
difficultés pour ne pas dire la presque impossibilité d'appliquer
réellement les bonnes intentions du ministre. Ce que j'ai pensé
en vous écoutant, c'est qu'être bien intentionné ce n'est
pas assez. Si le ministre est vraiment sincère dans son intention de
vraiment aider ceux qui, parmi nos concitoyens, ont énormément de
difficultés sur le plan de la scolarisation, il faut lui demander
quelles discussions ont eu lieu avec le ministère de I'Éducation,
avec la Centrale de I'enseignement du Québec, quel est le plan de
campagne de scolarisation quelles sont les places nouvelles qui seront
offertes à ceux qui voudraient pouvoir augmenter mais aussi combien
peuvent le faire? Je pense que c'est votre expertise qui met en lumière
que ce n'est pas nécessairement toute la clientèle qui pourra
atteindre une scolarisation du niveau secondaire V sans qu'on ait une
dévaluation, si tant est que la personne ne peut pas, n'a pas les
aptitudes pour le réaliser parce que les aptitudes intellectuelles ne
sont pas partagées également dans notre
société.
Vous nous avez dit à la page 12 de votre mémoire: II faut
que la personne puisse se reprendre en main, se fixer des objectifs conformes
à ses capacités progresser vers ses objectifs dans une
démarche personnelle décidée et choisie pour
réintégrer le marché du travail. Considérez-vous
que le document d'orientation qui est à l'étude de la
société québécoise est conforme à ce que
vous décrivez dans votre mémoire?
M, Daigneault (Marc): Je vais parler là-dessus. Ce qu'on a
vu dans le mémoire, c'était surtout qu'à partir des
informations que le bénéficiaire livrait à I'agent du
ministère au centre Travail-Québec, un plan de formation
était élaboré. Ce que nous mettons en doute, c'est que la
personne qui élabore un plan de formation ici avec le
bénéficiaire, c'est aussi la personne qui impose les sanctions.
Je me demande dans quelle mesure il n'existera pas de pressions de la part des
agents du ministère afin de faire réaliser des plans de formation
qu'eux mêmes auront fixés, bien sûr, devant le
bénéficiaire et non avec. (11 heures)
Pour faire le lien avec nos organismes, la reforme soulève un
autre problème, étant donné que, dans nos organismes la
venue des gens était jusqu'à maintenant volontaire et que
c'était un facteur de réussite chez nous. Si des
bénéficiaires doivent passer par les CTQ pour venir par la suite
dans les SEMO, qu'il y ait un plan de formation dans les CTQ qui soit
établi et que le bénéficiaire vienne chez nous parce qu'il
y a un plan de formation établi dans le CTQ, cela remet bien sûr
en question toute notre intervention avec lui parce que, à ce moment
là, il ne vient pas de façon volontaire, mais parce qu'il a un
plan de formation établi avec son agent du SADE dans les centres Travail
Québec. Cette chose remet en question le type d'intervention et
probablement le type de résultat que nous avons avec les
clientèles actuelles.
Mme Gadoury: Je pense que c'est important de préciser
là-dessus que les centres Travail-Québec nous envoient
déjà des gens. Cela va très bien pour autant que la
personne choisisse de venir et quelle soit d'accord pour se présenter
dans un SEMO. Ce n'est pas le fait que c'est le centre qui nous I'envoie. Je
pense que cette précision est importante.
Mme Harel: Pour vous, le caractère volontaire est une
condition fondamentale pour la réussite du plan de formation?
Mme Gadoury. Oui.
Mme Harel: Comment concevez vous donc cette proposition
ministérielle pour inciter à la participation à ce
cheminement par un rabattement des barèmes des prestations, s'il n'y a
pas participation?
Le Président (M. Leclerc): Mme Tessier.
Mme Tessier: Le fait de se faire couper ses prestations ou
d'avoir du mal à survivre peut effectivement être un incitatif
à faire quelque chose. Par contre, quel succès peut-on attendre
d'une personne qui fait une démarche dans l'anxiété et la
panique? On est probablement en mesure de vous dire que ce n'est pas une mesure
incitative. Quand I'anxiété se crée dans un groupe parce
qu'un chèque a été coupé ou parce que quelqu'un
s'est trompé, et on est bien en mesure de vous le dire, plus personne ne
comprend et n'est en mesure d'entendre ce qu'il y aurait de bon à
entendre pour pouvoir intégrer le marché du travail. Donc, ce
serait sûrement incitatif pour les gens de circuler dans des mesures
d'employabilite, mais incitatif au travail, j'en doute beaucoup. Cela ne
crée pas de bonnes conditions.
Le Président (M Leclerc): M. Fortin.
M. Fortin (Daniel): Je pourrais peut être ajouter une autre
chose là-dessus. Vu l'état de résignation dans lequel se
trouvent beaucoup de bénéficiaires, le simple fait de se faire
couper leurs prestations n'est pas quelque chose de dynamique ou quelque chose
qui les stimule, mais plutôt quelque chose qui risque d'être
vécu beaucoup plus comme un écrasement.
Mme Harel: Alors vous concevez qu'une société qui
voudrait se porter responsable à I'égard de ceux et celles qui
ont ces difficultés à cheminer... Malgré que j'aie bien
noté dans votre mémoire, et je pense que c'est un
élément important, que vous dites à ia page 10: En
pratique le manque de jobs provoque la dévaluation de
l'employabilité des personnes elles mêmes. L'employabilité
des personnes est un élément nouveau jusqu'à maintenant
à la commission, ce n'est pas simplement du fait d'un manque de
formation, d'un manque de scolarisation ou non seulement de la durée
d'absence du marché de l'emploi, c'est aussi, et vous I'expliquez bien
le manque de jobs qui est un facteur de dévaluation de
I'employabilité. Et vous dites: "Si pour chaque nouveau poste ouvert il
se présente 50 candidats, I'entreprise, spontanément, peut juger
que les trois quarts ne sont pas suffisamment "employables". Le fait est qu'une
seule candida-
ture sera retenue. " Ce qui était, disons, nécessaire pour
être employé il y a dix ans pour faire de l'entretien dans des
bureaux ne l'est plus maintenant et le niveau d'employabilité a
simplement changé parce que la concurrence est plus féroce pour
occuper le poste. C'est ce que je dois donc conclure de votre
mémoire?
Donc, une société qui voudrait faire face à ce
défi, qui n'est pas seulement celui de la personne, mais de la
société, plutôt que de substituer des barèmes
d'allocations, devrait investir dans les plans de formation. C'est ce qu'on
doit comprendre de votre mémoire. Est-ce bien le cas?
M. Daigneault (Marc): C'est cela, dans des plans de formation qui
mènent à des emplois réels. Ce qui se passe, c'est que les
gens qui sont bénéficiaires de l'aide sociale ont besoin d'une
période tampon entre l'aide sociale et le marché du travail
où ils vont être soutenus de façon personnelle par des
organismes parce que ce n'est pas tout d'avoir des emplois à offrir
à ces gens. Si on offre seulement des emplois et qu'on n'offre pas le
support qui va leur permettre de passer d'une étape à l'autre...
Car il faut considérer que ces gens sont dans un état
psychologique, physique, très différent d'une personne apte
à occuper un emploi. Alors, il faut même, lorsqu'on a des jobs
à offrir à ces gens, donner l'aide qui va leur permettre de
franchir cette étape de façon qu'ils puissent conserver leur
emploi par après.
Mme Harel: Une vraie réforme consisterait à offrir
un soutien aux personnes qui ont actuellement des difficultés, mais dans
une démarche qui serait d'une incitation positive. C'est ce qu'on doit
comprendre.
M. Daigneault (Marc): C'est cela.
Mme Harel: Comme c'est le cas actuellement, disons, pour une
partie de la clientèle que vous recevez, à qui vous donnez le
soutien. C'est cela qu'il faut comprendre.
M. Daigneault (Marc): Oui.
Mme Harel: Vous nous avez certainement amenés à
réfléchir beaucoup sur la période tampon. Celle que vous
appelez, je pense que c'est Mme Tessier, cette période de recherche
infructueuse qui, pour un très grand nombre, a duré 52 semaines.
Les 52 semaines d'assurance-chômage, pendant lesquelles s'est
développée cette dynamique que nous a expliqué la
Corporation des psychologues, hier. D'abord, l'optimisme, ensuite la
frustration et, ensuite, la résignation et l'apathie. C'est surtout
pendant ces 52 semaines... Et là, vous recevez à ce moment,
où vous dites que le purgatoire de neuf mois... Le ministre d'ailleurs
disait, je pense, que c'est un petit temps d'arrêt. Concevez-vous que ce
petit temps d'arrêt est mal localisé?
Mme Tessier: Justement, un petit temps d'arrêt comme si
c'était pour se reposer, avec allocation réduite, alors que ces
gens ont déjà connu douze mois avec chômage, ce qui,
évidemment, n'est jamais suffisant. Je considère que ce n'est pas
vraiment nécessaire et c'est même beaucoup inutile. On
reçoit énormément de gens qui sont dans les
dernières semaines de chômage, essoufflés, en besoin tout
de suite et prêtes à faire quelque chose immédiatement. Si
nous, on doit, ou n'importe qui, ou n'importe quelle mesure, dire à ces
gens: Vous reviendrez dans neuf mois quand cela ira encore plus mal,
reposez-vous, ou bien faites de petites recherches, même si vous avez
épuisé, continuez à tourner en rond. Je pense que cela ne
peut pas être bon pour ces personnes. Ce n'est pas une bonne
période.
M. Daigneault (Marc): Je vais ajouter quelque chose
là-dessus. Si vous vous souvenez du processus que les psychologues vous
ont présenté hier, après douze mois, je pense que les gens
sont rendus à ce qu'ils appellent l'étape d'apathie.
L'étape d'apathie, c'est une étape où les gens vivent
quasiment une dépression. La pire chose à faire pour une personne
en dépression, c'est qu'elle parte en vacances ou la laisser seule.
C'est à ce moment qu'elle a le plus besoin d'encadrement.
Mme Gadoury: Et dans les SEMO, on permet aux gens de faire le
point, justement, à ce moment.
M. Fortin (Daniel): Peut-être un autre
élément aussi. C'est que la période de stress ou la
période d'anxiété, la période où les
énergies sont mobilisées, c'est justement la période qui
précède l'entrée à l'aide sociale. Les gens ne
veulent pas entrer à l'aide sociale et le fait de recevoir le premier
chèque, ça fait baisser l'anxiété. À ce
moment, le dynamisme n'est plus là. Je pense que c'est juste avant
qu'ils entrent à l'aide sociale qu'il faudrait que l'aide leur soit
apportée. C'est à ce moment que les SEMO sont utiles parce qu'on
ne reçoit pas uniquement des gens qui sont bénéficiaires,
mais aussi des gens qui veulent, normalement, tout simplement se trouver un
emploi.
Mme Harel: Mme Tessier, vous voulez dire quelque chose?
Mme Tessier: C'est pour des gens qui ont besoin d'autres types de
services, à ce moment parce qu'ils vivent réellement une
période de dépression, ou pour les femmes qui vivent un
déséquilibre familial, ou pour les jeunes qui viennent de partir
de chez eux, qui se retrouvent dans la situation de recevoir de. l'aide
sociale, s'ils ont besoin d'autres types de services, on est
en contact avec tous les autres types de services qu'il peut y avoir
dans le milieu, et on fait appel à toutes les formes d'aide utiles.
Mais, surtout, on n'envoie pas la personne attendre ailleurs. On va la prendre
en charge. On va lui faire faire une autre étape dans son cheminement
personnel et la recevoir tout de suite après, puis la suivre dans sa
démarche personnelle pour qu'elle n'abandonne pas l'espoir de trouver ou
de retrouver un jour son autonomie financière, même si cela doit
passer par des démarches personnelles.
Mme Harel: Je pense que votre expérience est très
précieuse parce que, d'une certaine façon, cela remet totalement
en question les cheminements que l'on retrouve dans le document d'orientation.
Il y a d'autres organismes qui nous en ont parlé, mais vous êtes
vraiment le premier à nous décrire si bien ce qui se vit sur le
plan personnel dans ces périodes, comme vous le mentionniez, à la
fin de la période de chômage, quand c'est toute
l'intensité, la fébrilité qui est mobilisée
à cette période avant même de recevoir. C'est le premier
chèque qui fait relâcher, d'une certaine façon, pas
seulement le désir, mais aussi la conviction de pouvoir s'en sortir. Je
me demande si on ne devrait pas recommander au ministre de négocier avec
son homologue fédéral pour que ce soit pendant la période
de chômage, pendant la période de 52 semaines, qu'il y ait, d'une
façon intensive, des mesures d'employabilité, de
relèvement de I'employabilité, pour celles des personnes qui ne
pourront pas, toutes seules, faire face à tout ce que vous nous avez
décrit comme facteurs de dévaluation de leur
employabilité. Si ce n'est pas bien plus à cette période
là, si son intention... Vous savez, en politique, on présume
toujours de la bonne foi des gens, c'est la mauvaise foi qui se prouve. Alors,
on présume qu'étant de bonne foi, avec l'expertise qui lui est
transmise, c'est dans la pénode de 52 semaines, dans les
premières périodes de chômage, au moment ou la personne est
mobilisée, que les mesures de relèvement de
l'employabilité devraient massivement être offertes. Vous
voulez...
Mme Tessier: Peut-être, effectivement, que c'est dans cette
période que ce serait le plus profitable, c'est de la médecine
préventive, des médecines douces. Par contre, je pense qu'une
mesure de relèvement de l'employabilité, c'est surtout utile au
moment ou la personne se dit prête. C'est souvent pendant les 52
premières semaines, mais c'est aussi quand une personne est prête,
qu'elle vient nous voir volontairement et qu'elle a décidé de
s'en sortir, peu importe pour quelle raison. Pour beaucoup de femmes c'est
parce que la famille est élevée, même si elles ont
été au bien-être social; les enfants sont à
I'école, la femme a vécu son divorce, bon! C'est au moment
où elle est prête qu'il faut la prendre. Évidemment, ce
serait préventif et peut- être meilleur pour le moral de tout le
monde et pour la santé de la société que ce soit pris
pendant les 52 premières semaines.
Mme Harel: Votre expérience vous démontre-t-elle
qu'un des mobiles, disons, un des motifs pour se motiver à ce
cheminement serait justement de ne pas tomber sur le bien-être
social?
Mme Tessier: Ou de s'en sortir...
Mme Harel: De s en sortir une fois...
Mme Tessier:... le plus rapidement possible.
Mme Harel: Mais avez-vous I'impression que, par exemple, pour les
personnes en chômage qui ont, pendant leurs 52 semaines...
Mme Tessier: Oui.
Mme Harel:... la crainte du bten-être...
Mme Tessier: Oui.
Mme Harel:... est un début, disons...
Mme Tessier: L'humiliation.
Mme Harel: Cela reste perçu comme une humiliation.
Mme Tessier: C'est I'humiliation d'en arriver là.
Mme Harel: Donc, c'est avant d'en arriver là qu'il faut
faire quelque chose; c'est bien cela!
Mme Tessier: Oui.
Mme Harel: Je ne sais pas combien de temps il me reste...
Le Président {M. Laporte): Trois minutes. Mme Harel:
Trois minutes.
Le Président (M Laporte): Un petit peu moins de trois
minutes.
Mme Harel: Bon, trois minutes pour entendre de vous ce que vous
avez à dire sur le rôle des conseillers.
À la page 20, vous nous avez décrit la situation qui
prévaudrait avec la combinaison de rôles que le document
d'orientation attribue aux conseillers, un rôle de contrôle et un
rôle de soutien. Est-ce que vous pensez que cela remet de toute
façon complètement en question les bonnes intentions
présumées de plans de formation?
M. Daigneault (Marc): Moi, |e pense que
oui. Ce sont deux choses complètement incompatibles. Comme
psychologue, conseiller en orientation, je pense que, pour établir une
relation d'aide avec quelqu'un, il ne faut pas qu'il y ait de
possibilité de sanction derrière cela, sinon la relation d'aide
ne peut pas exister. Ce qui va exister, c'est une relation entre deux gens qui
essaient de s'en sortir le mieux possible. Bien sûr, iI y a une personne
là-dedans qui détient toute l'information et le pouvoir de faire
ce quelle veut avec cette personne-là, mais c'est incompatible avec les
critères qui existent, à l'heure actuelle, en relation d'aide
afin de pouvoir justement établir un plan efficace de
développement de l'employabilité et de
réintégration au marché du travail. Ce sont deux
rôles complètement incompatibles à nos yeux. {It h 15)
Mme Harel: Votre recommandation de partage du logement,
j'aimerais vous entendre parier de cette question.
Mme Tessier: Nous pensons que partager un logement, quand on est
défavorisé financièrement et à plusieurs points de
vue, c'est bon d'encourager, mais pas de se faire couper un chèque parce
qu'on partage un logement. On est complètement contre la notion de
coupure de chèques pour le partage du logement. Mais on est d'accord
pour que les gens soient encouragés à mieux s'organiser pour que
la survie soit moins difficile, qu'ils partagent un logement, peu importe
qu'ils soient conjoints ou non. Partager un logement dans ce cas, cela permet
une vie plus facile tout simplement.
Mme Harel: II y a tellement de complexité, vous nous avez
aussi alertés à une autre dimension qui avait beaucoup
échappé à la commission. Le jeune qui, du fait
d'être considéré comme dépendant et que le test de
revenus des parents écarterait de l'aide sociale...
Le Président (M. Laporte): Mme la députée en
conclusion.
Mme Harel:... en conclusion, ce jeune serait aussi
écarté des mesures d'employabilité, donc, des services
SEMO. C'est bien le cas?
Le Président (M Laporte): Vous pouvez peut être
adresser les remerciements d usage.
Mme Harel: Mes remerciements à vous qui représentez
aussi le mouvement SEMO. J'ai eu l'occasion de bien les connaître avec
SORIF et Emploi Jeunesse dans Hochelaga Maisonneuve. Je connais le travail que
vous réalisez. Ce travail qui n'a pas été
réalisé par I'institutionnel. Merci infiniment de l'expertise que
vous avez apportée devant la commission. Je ne sais pas si elle peut
convaincre le ministre, mais je sais que vous devriez être des
partenaires écoutés du ministère sur la question de
l'employabilité.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voudrais remercier, mais
profiter également de l'occasion pour dire qu'il y a un
élément sur lequel vous semblez être tombés d'accord
avec Mme la députée de Maisonneuve et sur lequel je ne suis
absolument pas d'accord. Lorsque vous avez mentionné qu'on agirait par
prévention en convainquant le gouvernement fédéral de
commencer à s'occuper des chômeurs pendant la période de 52
semaines. Je ne peux pas être d'accord. Ce que nous avons
négocié et ce que nous avons réussi à obtenir,
c'est qu'on commence à s'en occuper lorsqu'on détecte des
possibilités de perte d emplois dans les entreprises parce que
l'équipement est trop usagé, etc. II y a de la prévention
qui doit se faire avant même que les 60 % de notre clientèle
perdent leur emploi. Là-dessus, dans le passé les gouvernements
ne sont pas intervenus - je ne me souviens pas qui était au gouvernement
- assez rapidement. C'est une nouvelle approche que nous avons prise de
façon à permettre à ces travailleurs et à ces
travailleuses de conserver leur emploi. II y a une deuxième étape
qui est faible présentement et sur laquelle je prends votre avis et
votre conseil, soit qu'il faut continuer a travailler à négocier
avec le fédéral pour ne pas les abandonner complètement
pendant les douze mois et pour ne jamais les abandonner. En disant "jamais les
abandonner", là, je rejoins la vocation des SEMO. Tantôt la
députée de Maisonneuve a dit: II y a des gens qui n'ont pas la
capacité de compléter leurs études.
Le Président (M Laporte): En conclusion, s' il vous
plaît!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, pour vous remercier.... leurs
études secondaires, etc.
Vous, vous refusez d'abandonner la clientèle la plus difficile de
l'aide sociale. Pour le travail que vous faites au nom de ces clients et du
gouvernement je vous dis merci.
Le Président (M Laporte): Je tiens à remercier les
représentants des Services externes de main-d'oeuvre pour la
présentation de leur mémoire. J'inviterais les
représentants de la Commission jeunesse du Parti liberal du
Québec à s avancer
Étant donné les délais qui nous sont impartis,
j'inviterais les membres de la commission à prendre leur siège.
Merci.
Je voudrais premièrement, souhaiter la bienvenue au
représentant de la Commission jeunesse du Parti liberal du Quebec. Je
rappelle la procédure à suivre, à savoir que vous avez 20
minutes pour présenter votre mémoire et que, par la suite il y a
40 minutes reparties entre les formations politiques sur des questions plus
précises à être posées justement à la suite
de la
présentation. Oui, M. Gauthier.
M. Gauthier (Joël): Oui, Juste une question. Si on ne prend
pas les 20 minutes parce qu'on veut être bref pour avoir plus de temps
pour répondre aux questions, est-ce qu'on va nous laisser une heure
quand même?
Le Président (M. Laporte): Oui. M. Gauthier: Oui,
merci.
Le Président (M. Laporte): C'est une heure quand
même.
Mme Harel: On partage vraiment le temps entre les formations
politiques.
Le Président (M. Laporte):... équitablement. M.
Gauthier, si vous voulez vous présenter de même que les membres
ici présents avec vous et, par la suite, commencer la
présentation de votre mémoire.
Commission jeunesse du Parti libéral du
Québec
M. Gauthier: Oui, cela nous fait plaisir, M. le Président.
À ma droite, pour présenter le mémoire de la commission
jeunesse avec moi, Mme Marie Gendron, conseillère politique à la
commission jeunesse; à ma gauche, M. Jean Daigneault, conseiller jeune
à l'exécutif national du parti, et moi-même, Joël
Gauthier, président de la Commission jeunesse du Parti
libéral.
Premièrement, je voudrais commencer par remercier les membres de
cette commission d'avoir accepté la présentation que la
commission jeunesse fait aujourd'hui. Je souhaite que les recommandations que
nous apporterons pourront être prises en sérieuse
considération.
Réformer le régime de l'aide sociale, c'est une
volonté qui date. Le pourquoi d'une réforme du régime de
l'aide sociale date probablement du déroulement ou du changement de la
clientèle qu'il y a eu au cours des dernières années.
Entre autres, la crise économique de 1982 a fait en sorte qu'il y a eu
un bouleversement dans les clientèles du régime de l'aide
sociale, ce qui fait qu'aujourd'hui, le régime est composé des
personnes dont environ 75 % sont aptes au travail et 25 % inaptes.
Le Parti libérai du Québec avait, de par sa commission
jeunesse, lors de la dernière campagne électorale, publié
un document qui s'appelait "Pour une réforme en profondeur", document de
novembre 1985, où il faisait état de l'action qu'il voulait poser
lors de la prise du pouvoir par l'éventuel gouvernement libéral.
De ce document-là, les grandes lignes étaient d'assurer une
équité entre chacun des bénéficiaires, d'abolir la
discrimination basée sur l'âge, de faire une distinction entre les
bénéficiaires sur l'aptitude et l'inaptitude au travail, de
créer des programmes pointu, où la participation
déterminerait le montant des prestations, et de réviser les
barèmes pour tenir compte des besoins, parce que les barèmes
étaient basés sur te Dispensaire diététique de
1949. La problématique, pour nous, selon notre analyse dans le
mémoire, se situe seulement pour la question jeunesse. On s'en excuse.
Au sujet de la problématique pour les moins de 30 ans, ce qu'on
constate, c'est que les bénéficiaires de moins de 30 ans qui sont
sur le régime de l'aide sociale sont peu scolarisés et que 40 %
d'entre eux n'ont aucune expérience de travail.
La présente réforme proposée par le ministre
s'inscrit aussi dans une démarche qu'on pourrait qualifier
d'internationale. Si on regarde la République fédérale
allemande, la Grande-Bretagne et les États-Unis, au cours de la
présente décennie, chacun de ces pays a fait en sorte de
réformer son système d'aide sociale pour assurer de donner des
outils ou assurer une réinsertion des bénéficiaires de
l'aide sociale.
Les trois grands objectifs de la réforme proposée sont,
pour nous, les suivants. Dans un premier temps, le programme Soutien financier.
Les objectifs de ce programme sont d'assurer de meilleures conditions de vie
aux personnes qui sont inaptes au travail. Je pense que c'est de la vertu, on
ne peut pas être contre l'objectif de Soutien financier.
Le deuxième objectif de la réforme proposée, le
programme APTE, Actions positives pour le travail et l'emploi. Donner des
outils pour favoriser la réinsertion, pour favoriser une meilleure
formation aux bénéficiaires d'aide sociale pour que ces derniers
puissent retourner sur le marché du travail et obtenir des emplois
décents. Dans un deuxième temps, abolir la discrimination
basée sur l'âge. Je pense que c'est, encore une fois, de la vertu
et on ne peut pas être contre le fait de donner des outils ou de tout
faire en sorte pour favoriser les bénéficiaires de t'aide
sociale.
Le troisième objectif de la réforme, ie programme APPORT.
Soutenir les familles à faible revenu et ce, mensuellement, pour
qu'elles demeurent sur le marché du travail et faire en sorte qu'elles
ne retournent pas sur l'aide sociale. Je pense que c'est encore une fois de la
vertu, et on ne peut pas être contre ce principe ou ces objectifs.
En ce qui a trait aux modalités qui sont proposées dans le
document d'orientation "Pour une politique de sécurité du
revenu", il nous apparaît que certaines d'entre elles contrecarrent les
objectifs, notamment, la contribution alimentaire. Le gouvernement veut
recréer le lien de solidarité familiale dans chacune des
familles, mais la façon dont il le choisit, dont cela est amené,
fait en sorte qu'il y a, pour nous, une discrimination implicite. Et cette
discrimination, d'après notre évaluation, serait sur les moins de
25 ans. C'est une discrimination implicite de par les critères de
dépendance ou d'indépendance qui
ont été choisis - on reviendra tantôt à la
détermination - mais les sept critères qui sont mis de l'avant.
Dépendance envers les parents et non l'inverse. On oublie tout le
principe des obligations filiales dans ces modalités d'application et
pourtant on en fait état à la page 17 du document d'orientation.
Donc, à cause de ces critères, nous estimons que cette
discrimination sera sur les moins de 25 ans. L'autre chose, de par les
critères qui sont choisis par le ministre pour apporter la contribution
alimentaire, c'est qu'il se base sur les critères de prêts et
bourses. Nous jugeons que ces critères sont un petit peu désuets.
Le ministre n'est certainement pas sans savoir qu'il y a une réforme
complète du régime de prêts et bourses qui s'en vient.
Donc, raison de plus pour peut-être remettre en question la contribution
alimentaire.
Dénuement total. Il y a une clause de dénuement total qui
est mentionnée dans le document, dans un paragraphe, je crois, de la
page 41, qui n'est pas définie. Pour nous, il y a plusieurs questions.
Avant de pouvoir accepter une contribution alimentaire, la clause de
dénuement total devrait être définie, pour savoir comment
serait reconnu un bénéficiaire qui serait dans une situation de
dénuement total. Qui déterminera que ce
bénéficiaire-là est dans une situation de dénuement
total? Lorsque la contribution alimentaire ne sera pas versée, est-ce
que le jeune se retrouvera dans une situation de dénuement total, oui ou
non? Ce sont des questions qui sont sans réponse dans le document
d'orientation.
Il y a un autre aspect aussi qui fait en sorte qu'on remet en question
cette contribution alimentaire, c'est l'appauvrissement ou l'effet qu'elle peut
avoir sur les bénéficiaires comme incitatif à participer
aux mesures d'employabilité. Et principalement, ce sont les moins de 30
ans qui, à cause de cette contribution, auront moins de prestations que
présentement pour participer aux mesures d'employabilité. Moins
de prestations et toujours le dilemne qu'il peut y avoir de retourner dans le
cercle vicieux. Donc, pour ces raisons - et j'espère avoir l'occasion
d'en discuter avec les représentants de la commission - nous remettons
en question cette partie qu'on appelle contribution alimentaire, et nous aurons
certainement des solutions à vous proposer dans quelques minutes.
Deuxième volet de notre mémoire: parité ou
abolition de la discrimination basée sur l'âge. Cette section
découle d'un engagement électoral ferme du Parti Libéral
du Québec au cours de la dernière campagne et qui disait d'abolir
la discrimination basée sur l'âge. Le document d'orientation
proposé en fait état noir sur blanc. Il y est
déclaré dans les premières lignes qu'il faut abolir cette
injustice. Ce qu'on constate c'est qu'on est heureux que le gouvernement dise
que, oui, il faut l'abolir. Il faudrait peut-être voir dans
l'application, pourquoi encore 18 mois. J'espère avoir l'occasion de
vous proposer des solutions au cours des prochaines minutes et au cours de nos
entretiens tantôt. Pour nous, il y a certainement d'autres solutions pour
résorber cette discrimination dans les plus brefs délais
plutôt que d'attendre 18 mois.
Troisième partie de notre mémoire: programme
d'employabiiité. Pour nous, la question de formation nécessaire
ne peut être dissociée de l'emploi. Il est important d'assurer une
formation nécessaire à chacun des bénéficiaires
pour qu'ils aient un emploi. Autre chose, notre évaluation ou notre
estimation fait en sorte que nous évaluons que tout gouvernement,
indépendamment de son parti politique, vise l'objectif du plein emploi,
et je pense que l'actuel gouvernement le fait. Mais notre croyance ou notre
estimation fait en sorte que nous croyons, oui, en la nécessité
des programmes d'employabilité, mais nous croyons qu'elle doit passer
par la création d'emplois qui, elle, doit être liée
à la croissance économique et non pas à la création
de programmes d'emploi. À cela, nous arrivons avec des solutions dont,
j'espère, nous aurons l'occasion de discuter, soit la mise en place de
programmes volontaires de partage du temps de travail et l'arrimage de certains
programmes d'employabilité avec les programmes d'adaptation de la
main-d'oeuvre que le gouvernement fédéral a promis de mettre en
application dans le cadre de l'entente de libre-échange. Voici donc un
bref résumé de ce que la commission jeunesse a écrit dans
son mémoire, de ce qu'on entend défendre au cours de cette
commission parlementaire. Et, sur ce, on vous laisse poser vos questions. (11 h
30)
Le Président (M. Laporte): Merci, M. Gauthier.
Nous allons maintenant passer à la période de questions.
M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans un premier temps, je veux
remercier les membres de la Commission jeunesse du Parti libéral, non
seulement de leur mémoire et de leur présence, mais aussi de leur
influence sur l'appareil politique québécois, non pas depuis
hier, mais avant les élections, pendant les élections et, je vous
prie de me croire, après les élections.
La clientèle de l'aide sociale, je le répète et je
ne le dirai pas assez souvent, est formée, dans l'ensemble, de 25 % de
ménages incapables de travailler. Parmi les gens capables de travailler,
36 % d'analphabètes fonctionnels, 60 % n'ont pas complété
leur secondaire et 40 % n'ont pas d'expérience de travail. Ces
statistiques s'appliquent également, sans grande variation, chez les
jeunes de moins de 30 ans. Étant donné qu'on est ici pour
discuter principalement de la question des jeunes de moins de 30 ans, je n'ai
pas l'intention de tenter de noyer le poisson et de vous parler de l'ensemble.
On va tomber immédiatement dans la clientèle qui vous
intéresse plus particulièrement.
Janvier 1986, 147 795 jeunes de moins de 30 ans, chefs de ménage,
bénéficiaires de l'aide sociale. Deux ans plus tard, janvier
1988, 106 700, soit une baisse de 41 095 jeunes pendant cette période.
Les 106 700 vont tous obtenir ce que j'appelle la parité pure, limpide
et claire. II reste le cas des autres 25 % à régler. Les 17 000,
selon les chiffres de la clientèle de mars 1987, qui seraient
affectés ou dont les prestations seraient complètement
coupées par l'application d'une notion de contribution alimentaire
parentale, et les 8000 qui seraient affectés de différentes
façons, certains à la hausse comparativement à ce qu'ils
ont présentement et certains autres à la baisse, si on part du
montant de 178 $... C'est toujours difficile de dire à des jeunes: Vous
n'avez pas tout obtenu à 100 %. Ce qu'on vous dit c'est qu'à 75
%, je me sens très à l'aise de vous répondre.
Je n'ai pas l'intention de traiter des 75 % plus longtemps, sauf pour
vous souligner que la contribution alimentaire parentale ne s'applique pas
à tout le monde, comme cela a été dit. Cela ne s'applique
pas dans 75 % des cas. Pour les 25 % des cas qui nous restent, on a des choix
à faire. Vous avez parlé tantôt de contribution alimentaire
parentale. Mais qu'en est-il en sens inverse? Est-ce que cela va venir un jour?
Vous avez peut-être une boule de cristal et vous réalisez
peut-être qu'avec les courbes démographiques, un jour, lorsque
vous serez à l'autre bout, on vous demandera de payer en sens inverse ou
de calculer en sens inverse? Pour le moment, comme ministre de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu, j'ai la responsabilité
d'administrer en fiducie le programme du dernier recours, et cela m'oblige a
tenir compte des autres programmes dans l'appareil gouvernemental.
II y a un autre programme que je connais bien, parce que j'en ai
bénéficié, et que vous connaissez bien également,
parce que c'est le même dont j'ai bénéficié, qui
s'appelle le régime de prêts et bourses aux étudiants. On
m'indique, on m'informe, on me dit et on m'a convaincu que, de la même
façon, si on ne conserve pas une incitation au travail en fonction du
salaire minimum et si on n'introduit pas une notion de contribution alimentaire
parentale identique à celle des prêts et bourses aux
étudiants, nous incitons les jeunes que vous représentez en
rendant, sur le plan financier, la situation beaucoup plus attrayante, parce
qu'il ne s'agit pas de prêts, mais qu'il s'agit de sommes versées
et de sommes beaucoup plus importantes, à abandonner leurs études
et à devenir des prestataires de l'aide sociale. Est-ce que c'est
là un objectif que vise la Commission jeunesse du Parti libéral
du Québec?
M. Gauthier: Si je comprends bien le ministre, la principale
raison de I'implantation d'une contribution alimentaire serait d'éviter
un transfert de clientèle entre prêts et bourses et aide sociale.
Est-ce bien ça?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une façon de le
formuler, mais disons que j'aime autant la mienne quand je dis "inciter les
jeunes à quitter les études pour devenir des
bénéficiaires de l'aide sociale".
M. Gauthier: Donc, on dit la même chose, mais c'est votre
principale raison.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
M. Gauthier: À cela, M. Paradis, je vous dirai qu'il y a
d'autres moyens pour faire en sorte qu'on n'incite pas un transfert de
clientèle de prêts et bourses vers l'aide sociale. Si vous avez lu
notre mémoire, vous verrez qu'il y a une section pour expliquer ce que
je ferai dans les prochaines minutes. À notre avis, il y a certainement
des moyens qui peuvent être pris pour éviter un transfert de
clientèle de prêts et bourses à l'aide sociale. La solution
qu'on vous suggère ou qu'on demande au ministre de mettre en application
ou d'étudier serait, premièrement, que, dans les critères
d'admissibilité à l'aide sociale, un bénéficiaire
puisse suivre jusqu'à un maximum d'un cours ou trois credits
postsecondaires et qu'une personne qui étudierait pour deux cours ou
plus ou trois crédits ou plus deviendrait admissible au régime de
prêts et bourses, ce qui ferait en sorte qu'il devrait y avoir un
arrimage entre le MMSR et le ministère de l'Éducation, et que
celui-ci ait à octroyer de l'aide financière pour les
étudiants a temps partiel. II y a présentement 30 000
étudiants à temps partiel qui ne bénéficient
d'aucune somme de l'État. En prenant cette solution-là, je pense,
d'abord, que le ministre a les outils nécessaires pour s'assurer qu'il
n' y aurait pas de transfert de clientèle. Deuxièmement, cela
permettrait aux jeunes du Québec de pouvoir parfaire leur formation et
avoir une subvention ou une aide de l'État, ce qu'ils n'ont pas
présentement parce qu'on sait que le régime de prêts et
bourses c'est pour douze crédits ou plus quatre cours ou plus. C'est la
solution qu'on propose. En appliquant ce quon propose, le ministre
éviterait le transfert de clientèle de prêts et bourses
à l'aide sociale et n'aurait même pas besoin de mettre une
contribution alimentaire qui toucherait 17 000 jeunes.
Mme Gendron (Marie): Si je peux juste ajouter quelque chose,
lorsque vous parliez tout à l'heure de la contribution alimentaire
parentale ou du beau principe de solidarité familiale, vous nous disiez
qu'on a réglé le problème pour à peu près 75
% des gens. On ne peut pas parler d'abolition de discrimination à 75 %.
Si on abolit, c'est à 100 %, sinon il faut changer le terme
Si on n'introduit pas une notion d'obligation filiale quand on parle du
principe de solidarité familiale, si on ne se concentre que sur la
contribution alimentaire parentale, cela reste discriminatoire, et pas
à 25 %, cela reste un principe discriminatoire. Si on veut que ce
principe ne le soit pas et n'inclue pas une discrimination implicite
basée sur l'âge, il faut, et dans notre cas c'est sine qua non,
qu'on parle d'obligation filiale.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce sont les revendications des
jeunes libéraux, on n'a pas vu les jeunes péquistes encore.
Sur le plan des principes, vous avez raison, madame, mais j'ai
indiqué à M. Gauthier tantôt que le programme dont j'ai la
responsabilité est celui du dernier recours et que, si je le rends plus
intéressant que le salaire minimum décrété par le
ministre du Travail ou si je le rends plus intéressant que le
régime de prêts et bourses décrété par le
ministre de l'Éducation, je crée de la distorsion qui peut avoir
des effets contraires et même pervers chez les clientèles.
En fonction du salaire minimum? Ce n'est pas compliqué, ce que je
fais. J'invite les gens qui travaillent au salaire minimum à quitter
leur emploi et à devenir, au Québec, des
bénéficiaires de l'aide sociale. En ne calquant pas cette
contribution alimentaire parentale sur celle des prêts et bourses aux
étudiants, je dis à vos jeunes. Quittez vos études,
venez-vous en à l'aide sociale, financièrement, vous allez
être beaucoup mieux.
J'ai maintenant une proposition qui est mise sur la table. Un deux ou
trois crédits, il y a 30 000 jeunes qui sont aux études à
temps partiel qui ne sont couverts ni par le régime de prêts et
bourses aux étudiants ni par le régime d'aide sociale? Vous nous
demandez de faire preuve d'ouverture d'esprit, de souplesse, dans I'intention
de pouvoir déclarer que le principe de la parité est là et
appliqué à 100 % sans doute. C'est intéressant comme
approche pour autant qu'on est concerné, mais on ne pourra bouger que si
le ministre de l'Éducation bouge. Et j'ai oui dire que vous aviez ces
jours-ci des rencontres avec le ministre de l'Éducation, cela pourrait
possiblement faire partie des sujets que vous aborderez avec lui dans le but de
détendre l'atmosphère.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Gendron: M. Paradis on a vu, par votre projet de
réforme, que vous avez quand même eu un instinct assez innovateur.
Comme on a considéré les critères des prêts et
bourses assez désuets, il y aurait peut-être lieu, encore une
fois, d'innover dans ce domaine.
M. Gauthier: À cela, si je peux ajouter, le ministre, par
le projet de réforme qu'il a déposé, a dû faire des
rencontres, s'accorder, avoir des ententes avec le Conseil du trésor, le
ministre des Finances et avec d'autres bureaux. Une rencontre de plus avec le
ministre de I'Éducation ne sera certainement pas quelque chose auquel
vous n'êtes pas habitué ou que vous n'êtes pas capable de
faire. On vous demande donc d'innover et d'y aller avec la proposition qu'on
vous fait.
M. Daigneault (Jean): M. Paradis, vous semblez partir de la
logique que vous devez vous ajuster au ministère de I'Éducation.
Ce qu'on vous demande, c'est plutôt de demander au ministère de
l'Éducation de s'ajuster à votre programme.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le danger de cette logique -
peut-être que j'aurais plus de marge de manoeuvre ou d'autorité
pour répondre directement comme responsable du ministère - s'il
fallait que le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu innove et que le ministère de
l'Éducation ne bouge pas, le danger que je vous soulignais d'un passage
de clientèles du monde scolaire au monde de l'aide sociale est, encore
là, présent. Et est-ce qu'on peut, comme gouvernement et comme
ministère, courir ce risque? Et là, je ne vous parle pas des
coûts financiers.
M. Gauthier: Pour vous, est-il socialement acceptable que, du
jour au lendemain, 17 000 personnes quittent le regime d'aide sociale et se
retrouvent sans aucune forme d'aide?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les choix que nous avons à
effectuer lorsque nous sommes de ce coté-ci de la table peuvent souvent
s'effectuer entre la moins pire des situations, et c'est ce type de choix que
reflète le document. Maintenant, je vous le dis et je vous le
répète vous avez une proposition sur la table, je ne la
rejetterai pas, je vais en discuter avec mon collègue de
I'Éducation.
Le Président (M Laporte): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci. M. le Président. Je dois comprendre que
nous avons finalement plus de temps que les 20 minutes qui nous sont
imparties.
Le Président (M. Laporte): 25 minutes de chaque
côte.
Mme Harel: Merci beaucoup, M. le Président. Je salue la
Commission jeunesse du Parti libéral, M. Gauthier, Mme Gendron et M.
Daigneault. J'ai assisté avec beaucoup d'intérêt à
I'échange que vous venez d'avoir. Je pense que c'est vraiment important
et intéressant aussi que nos formations politiques respectives aient une
jeunesse qui à l'occasion peut être turbulente, mais qui est
toujours consciente, d'une certaine façon, des enjeux. Et c'est un
service que vous rendez, je pense, même ce matin, d'une
certaine façon, à votre gouvernement en venant lui
rappeler, d'abord, ses engagements, mais aussi le sort de milliers de jeunes
que vous souhaitez représenter.
Une première remarque que je pense importante parce que c'est,
d'une certaine façon, inacceptable. À la lecture de votre
mémoire, il m'est apparu de façon évidente que vous aviez
eu accès à des informations et à des documents du
ministère qui n'avaient jamais et qui n'ont, jusqu'à maintenant,
jamais été rendus publics par le ministre. Ni les parlementaires
de l'Assemblée ni les membres de cette commission ni les autres
intervenants qui vous ont précédés ou qui vont vous
succédé n'ont pu, eux, avoir accès à ces
informations-là. {11 h 45)
Je pense, entre autres, à la page 24 de votre mémoire,
à la référence que vous faites à une étude,
dont nous souhaitons la publication par le ministre, "une étude,
dites-vous, faite par le gouvernement du Québec sur le taux de
réussite ou d'accès au marché du travail pour les
bénéficiaires d'aide sociale qui ont participé à
des mesures de développement de l'employabilité". Vous nous
donnez des résultats de cette étude. Le moins qu'on pourrait
souhaiter, c'est d'avoir, nous aussi, accès à ces études,
de pouvoir vérifier si les résultats que vous nous dites sont
ceux qui se retrouvent dans l'étude ou si, plutôt, le taux de
persistance serait très faible. Le résultat que vous nous
mentionnez dans votre mémoire ne vaudrait que pour les jeunes qui ont
complètement terminé les mesures, et non pas pour ceux et celles
d'entre eux qui les auraient quittées avant de les avoir
terminées, et le taux d'abandon serait très
élevé.
D'autre part, il est évident, également à la page
24, lorsque vous parlez d'une déduction de 100 $ pour la contribution
alimentaire et d'une déduction de 115 $ pour le partage du logement, que
vous avez eu au moment de la rédaction de votre mémoire et de son
dépôt le 8 février, des informations
privilégiées que nous n'avons pu obtenir que par des fuites
d'informations qui ont été divulguées le 18 février
par le Front commun des personnes assistées sociales. Vous conviendrez
que, le ministre n'ayant pas encore confirmé les chiffres contenus dans
le document confidentiel divulgué par le front commun, de les retrouver
dans votre mémoire, pour un parlementaire, cela joue sur notre gros
nerf. D'autant plus qu'à la page 33, vous retrouvez - c'est totalement
inédit - et vous m'en avez appris - et cela fait des mois, je peux vous
assurer, que je passe des heures et des semaines - vous nous donnez le
scénario, je vous en remercie beaucoup, de l'augmentation graduelle pour
les jeunes de moins de 30 ans.
Alors, franchement, merci! On aurait souhaité que cela vienne du
ministre, cependant, mais vraiment, vous savez, les informations malgré
tout, on les prend d'où elles nous viennent. C'est bien certain que
c'est malheureux d'avoir à ne procéder, à ne donner un
point de vue qu'avec des fuites et des omissions du ministre. Ce commentaire
étant fait, je vais vous inviter à réagir à la
déclaration du ministre voulant que - je pense que c'est 106 000
personnes, nous a-t-il dit - 106 000 jeunes auraient la "parité pure,
limpide et claire". Celle pour laquelle vous aviez pris un engagement et celle
qui fait dire à Mme Gendron que, pour cette catégorie de jeunes,
ce serait l'abolition de la discrimination.
J'ai ici un tableau dont je vais vous faire parvenir copie,
peut-être immédiatement, si c'était possible, ou même
le distribuer, j'en ai des copies pour tous nos invités, pour le
ministre aussi, pour les membres de la commission. C'est un tableau qui nous
permet de voir que, même en participant pleinement aux mesures, une
personne indépendante - j'ai aussi un tableau pour le jeune qui sera
considéré comme dépendant - mais même pour celui qui
aura la chance d'être considéré comme indépendant,
en partageant son logement, ce qui, rappelons-nous, est le cas d'au moins 40 %
des jeunes qui trouvent par cette forme de débrouillardise la seule
façon d'arriver à boucler un budget et à pouvoir manger
à la fin du mois, même en partageant un logement, donc, avec une
pleine participation, et là je prends les catégories qui seraient
les plus généreuses, parce que les autres, vous comprendrez bien,
qu'elles renvoient bien moins que ce dont on va se parler, c'est un maximum, en
participant pleinement à toutes les mesures, en 1989, d'allocation de
405 $ par mois qu'un jeune de moins de 30 ans, indépendant, qui partage
un logement, obtiendrait avec la pleine "parité pure, limpide et
claire". Celle qui lui était promise et qui lui permet
présentement, en participant au programme, il ne faut pas l'oublier,
d'obtenir, en 1988, 487 $ par mois. Cette participation au programme actuel
d'un jeune de moins de 30 ans qui partage un logement et qui est
indépendant de 487 $ par mois, avec la "parité pure, claire,
limpide", va lui en donner 405 $ en 1989. Est-ce que c'est le type de
parité que vous souhaitiez, d'une part, pour cette catégorie?
D'autre part, dans votre mémoire - pour cela, je pense que je vous en
félicite, c'est très clairvoyant - vous dites que la
discrimination explicite serait écartée, mais qu'il y aurait
introduction de la discrimination implicite. Concevez-vous que cette
discrimination implicite, qui est facilement décrite - comme vous le
signaliez, il s'agit des critères pour écarter les moins de 25
ans... Comme je le disais ici même à la commission, la police de
Montréal, pendant des années, n'a pas eu besoin de dire qu'elle
n'avait pas besoin de femmes ou de Vietnamiens, le critère de 5 pieds et
8 pouces suffisait pour les écarter. Alors, est-ce que cette
discrimination systémique apporte les mêmes effets que vous
dénonciez quand il s'agissait de discrimination, disiez-vous,
explicite?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président.
Le Président (M. Laporte): Oui, M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... peut-être avant la
réponse, je pense que j'ai été mis en cause comme
ministre, par la députée de Maison-neuve, concernant de
l'information qui aurait été accessible à un groupe et pas
à d'autres groupes. Je ne peux pas laisser passer cette affirmation sans
répondre ce qui suit: En ce qui concerne les étapes de la
parité, elles ont été rendues publiques par le
ministère le 10 décembre, en conférence de presse. En ce
qui concerne les 115 $ de partage du logement, je vous invite à prendre
le document rendu public le 10 décembre, à la page 41 au bas de
la page - des fois, il faut prendre le temps de lire avant de critiquer - on
indique également: "Pour en tenir compte, les allocations mensuelles des
chambreurs et des personnes partageant un logement seront réduites de
115 $ en 1989... " Si vous vous demandez où la commission Jeunesse a
pris cela, c'est à la page 41.
En ce qui concerne l'information qui découle de la contribution
minimale des. parents, il y est fait allusion à la page 44 du document
d'information...
Mme Harel: Est-ce que vous pouvez le lire, M. le ministre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, oui Mais est-ce que je peux
compléter ma réponse?
Mme Harel: Certainement, M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À la page 44, on lit ceci:
"De plus, une contribution minimale des parents sera comptabilisée afin
d'établir la prestation d'une personne dépendante. " Ce que la
commission jeunesse a fait après avoir lu cette phrase, ils ont
appelé au ministère et ils nous ont demandé combien
c'était. On leur a dit. Si vous aviez appelé, on vous l'aurait
dit.
Mme Harel: Ah! Ah!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La prochaine fois, prenez le
téléphone.
Mme Harel: Et I'étude sur les mesures
d'employabilité...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On est en train de verifier, on me
dit que c'est une étude qui date de 1984 lorsque vous étiez au
gouvernement
Le Président (M. Laporte): M. Gauthier.
M. Gauthier: Seulement pour répondre aux questions de la
députée de Maisonneuve - vous posez beaucoup de questions lorsque
vous en posez - on va les prendre une par une, Mme Harel.
La première question concernant une étude sur la
pertinence ou la performance des programmes d'employabilité, je vous
référerai - si jamais vous en voulez copie, j'ai la cassette dans
mon bureau à la permanence de Montréal - à une entrevue
sur une tribune radiophonique de Montréal que jai faite le 8 juin 1987
avec le député de Verchères qui était, à
I'époque, critique de l'Opposition en matière de
sécurité du revenu et Isabelle Courville qui est ici dans la
salle, qui déclarait: À la suite d'une étude de 1984 de la
ministre responsable, qui était Mme Marois, qui faisait état de
la pertinence et de ce qu'iI y avait sur les programmes
d'employabilité... J'ai cette étude à Montréal; si
vous la voulez, je vous en enverrai copie.
Au sujet de la deuxième chose dont vous parliez, d'informations
confidentielles sur les 420 $ par mois, I'hypothèse qu'on avait
émise dans le mémoire, 420 $ moins 115 $ moins 100 $, comme le
ministre Paradis I'a dit, nous, c'est à la page 39 du document
d'orientation qu'on I'a. À la suite dun appel téléphonique
pour savoir ce que serait une contribution alimentaire, on a eu une
réponse. Pour le scénario graduel, dont vous nous remerciez,
qu'on vous a présenté à la page 33 de notre document, on
est bien fier de vous avoir informée, mais si vous aviez lu les journaux
le vendredi 11 décembre, Le Soleil, André Forgues, et
La Presse, Gilbert Brunet, ces informations étaient là et
c'est de là que nous les avons tirées, on s'excuse de ne pas les
avoir citées dans le document.
Cela étant dit, je m'excuse Mme la députée,
c'étaient vos questions. Sur la discrimination implicite et la
discrimination explicite ou sur la discrimination "pure limpide et claire", je
pense que le ministre devrait nous répondre parce qu'on n a pas entendu
la même chose. Il a dit tantôt 106 700 assistés sociaux,
janvier 1988, dont 80 % ou 75 % auraient la "parité pure claire et
limpide". Est ce que c'est 75 % des 106 000? Est ce que c'est cela qu on
comprend?
Le Président (M Laporte): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cest ce que vous comprenez.
Le Président (M Laporte): M. Gauthier. M. Gauthier:
Quelle était la question?
Le Président (M Laporte): Mme la députée de
Maisonneuve
Mme Harel: La question: Est ce que cette "partie pure, claire et
limpide" pour les 75 % des 106 000 vous agrée avec une réduction
de 115 $
pour le partage du logement, ce qui fait qu'au mieux, même dans la
catégorie des participants. Là, je reviens sur l'étude,
parce que c'est de la mauvaise foi que d'avoir, dans un mémoire
cité en 1988 une étude de 1984 au moment où à peine
étaient ébauchés ces programmes, quand on sait que,
maintenant on veut les étendre à une clientèle de 283 000
ménages et que l'on n'a actuellement aucune information qui nous
permette de penser que ces programmes ont "per-formé" pour les 56 000
jeunes à qui ils étaient destinés. On n'a aucune
information autre que celle qu'à peine 20 % de ceux à qui ces
mesures étaient destinées les ont utilisées, malgré
une très forte incitation financière que I'on sait être du
double de la prestation des plus de 30 ans. Alors, si vous pouvez, vous, dans
un document que vous nous soumettez en 1988, justifier l'application des
mesures à I'ensemble du programme sur la base simplement de cette
étude de 1984, je peux vous dire que vous vous satisfaites de bien peu.
Moi, j'en demande beaucoup plus au ministre. Je demande au ministre qu'il rende
publique l'étude des résultats des mesures
d'employablilité, qui ont été utilisées depuis
trois ans à titre expérimental avant de les étendre
à l'ensemble des ménages du Québec. Alors, sur la
"parité pure, claire et limpide" est-ce que le barème de 405 $ en
1989 pour un jeune indépendant - on reviendra tantôt pour le jeune
dépendant - qui partage son logement quand il reçoit
présentement 487 $, vous satisfait?
Le Président (M. Laporte): Oui, M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur les dates de statistiques
encore hier devant cette commission le Conseil canadien du développement
social a cité des chiffres de 1984. Vous sembliez complètement
satisfaite des chiffres de 1984. Pourquoi êtes-vous plus exigeante envers
les jeunes qu'envers les gens qui sont plus âges dans la
société?
Mme Harel: Voyons donc!
M. Chevrette: M. le Président ce n'est pas une
competition! II y a des questions qui sont posées aux jeunes qui doivent
répondre.
Mme Harel: Franchement.
Le Président (M. Laporte): M. le chef de l'Opposition. II
m'est permis pour le bénéfice des parlementaires ici de voir si,
à tout le moins, le ministre peut intervenir afin d'éclairer les
membres de la commission. Là, je m'aperçois...
M Chevrette: II vient à la rescousse des jeunes qu'il les
laisse faire?
Le Président (M Laporte): Je vous remercie de votre
intervention, M. le chef de l'Opposition.
Mme Harel: Ils sont capables.
Le Président (M. Laporte): Présentement je vais
reconnaître...
M. Chevrette: Ils ont écrit des choses, ils devraient
être responsables.
Le Président (M. Laporte): Je vais présentement
reconnaître M Gauthier.
Mme Harel: Ils ne sont pas inaptes, ils sont aptes.
Mme Gendron: Non, je vais répondre. Le Président
(M. Laporte): Mme Gendron.
Mme Gendron: En ce qui a trait aux chiffres que vous donniez,
madame, lorsque Joel a fait la présentation tout à l'heure, on a
bien mentionné, quand on parle de contribution alimentaire et de partage
du logement qu'il y a clairement un appauvrissement des jeunes. On ne peut pas
s'opposer à cela, on est tout à fait d'accord avec vous que,
lorsqu'on déduit de 520 $ les 115 $, cela nous donne 405 $.
Effectivement ce n est pas la situation idéale.
En ce qui a trait à I'étude de 1984 sur laquelle on s'est
basés, si on avait pu avoir les autres études, soyez certaine
qu'on les aurait utilisées et qu'on les aurait argumentées au
sein de notre mémoire. On ne les a pas eues. Et ce sont les chiffres que
nous avons eus pour nous baser. On a essayé d'être plutôt
professionnels que de mauvaise foi.
M, Chevrette: Vous n'avez pas téléphoné au
ministre pour les avoir?
M Gauthier: On n'a pas accès a I'information
confidentielle contrairement à ce que vous pensez
M. Chevrette: II dit qu'il vous les donne sur coup de fil.
Le Président (M. Laporte): Oui. Mme la
députée de Maisonneuve.
M. Gauthier: C'est parce que ce n'était pas de
I'information confidentielle, ce qu'il nous a donné.
Mme Harel: Mais, écoutez, je ne vous fais pas le reproche
de ne pas avoir pu avoir d'autres études. Je crois que ce qu'on peut
tous souhaiter c'est d'avoir les résultats de ces études, de ces
mesures, qui n'étaient qu'expérimentales, et qu'on ait ces
résultats avant qu'il y ait prolongation d'une façon automatique
à I'ensemble des ménages du Québec. C'est évident
que, dans un contexte, on peut très difficilement se baser sur
I'étude de 1984, compte tenu du peu de durée et
du peu de possibilités qu'elle nous donne pour prolonger à
partir de 1984. En tout cas, en ce qui nous concerne, ce serait nettement
insuffisant, vous comprendrez, que de baser tout un virage uniquement sur des
résultats qui étaient très parcellaires. Vous dites dans
votre mémoire et si...
Mme Gendron: Je m'excuse. Cependant, nous demeurons d'accord avec
le principe de programmes d'employabilité et de formation. Si on avait
eu d'autres chiffres pour nous prouver que ceux de 1984, peut-être... On
ne les avait pas, sauf que le principe de base reste que, selon nous, il est
nécessaire de former les jeunes parce que 40 % d'entre eux n'ont jamais
eu accès au travail, selon les chiffres qu'on avait tout à
l'heure. Et on est d'accord avec cette approche d'investir dans des programmes
de formation et d'employabilité plutôt que d'investir de prime
abord dans des programmes de création d'emplois, seulement dans cela.
(12 heures)
Mme Harel: Je pense qu'on peut se féliciter que ces
programmes de formation aient été mis sur pied. Ce qu'on peut
souhaiter, c'est par ailleurs que - c'est ce que les groupes et organismes qui
vous ont précédés sont venus nous dire - la participation
à ces programmes n'implique pas pour autant des réductions de
prestations comme mesures incitatives à y participer, mais que, au
contraire, ce soient des programmes qui soient offerts sur une base volontaire,
comme c'est le cas présentement, et non pas sur une base coercitive.
Vous nous avez dit que vous teniez beaucoup à ces programmes. Donc, le
fait que l'ensemble des jeunes de moins de 30 ans qui seraient
écartés, puisque, pour y participer, pour avoir accès
à ces programmes, il faut être bénéficiaires de
l'aide sociale...
Le groupe qui vous a précédés nous a dit: Dans la
mesure où on applique la contribution parentale, pas simplement de 100
$, mais également le test de revenus qu'on ne connaît pas encore,
on ne sait pas encore... Cela aussi est une autre omission du ministre. Il ne
nous a pas indiqué quels seraient les montants qui seraient
effectivement réduits pour chaque tranche du salaire des parents,
À ce moment-là, le jeune pourrait se voir totalement
écarté de l'application des mesures d'employabilité pour
le motif que ses parents ont un revenu qui l'amène à ne pas
pouvoir bénéficier de ces programmes d'employabilité que
vous dites, très justement, s'être révélés
certainement intéressants pour un bon nombre de jeunes.
À votre avis, serait-il souhaitable... C'est la question que vous
posez, je ne sais pas si vous avez eu le temps d'y répondre
vous-même? Vous dites: Est-ce que le bénéficiaire devra
prendre un recours légal - contre ses parents, j'imagine -pour se faire
payer !a contribution parentale? Cette question ne vous apparaît-elle pas
poser justement le dilemme d'une contribution parentale qui, sous
prétexte de solidarité familiale, peut avoir comme effet pervers
la désintégration familiale?
Le Président (M. Laporte): Oui, Mme Gendron.
Mme Gendron: Si on a posé la question, c'était
évident qu'effectivement... On s'est fié d'ailleurs sur des
chiffres en rapport aux prêts et bourses, au sujet du versement de la
contribution parentale qui ne se faisait pas à un taux de 60 %. Nous
nous sommes dits que, si des jeunes doivent dépendre de ce
montant-là qui leur serait versé par leurs parents,
évidemment, il faudrait faire en sorte que le gouvernement assume la
responsabilité du versement des contributions pour ne pas
pénaliser les jeunes bénéficiaires.
Mme Harel: Avez-vous envisagé une sorte d'office de
perception des contributions parentales sur le modèle de l'office de
perception des pensions alimentaires qui ne sont pas versées?
M. Gauthier: On n'a pas envisagé d'office ou de terme, ce
qu'on a dit dans nos propositions, et vous l'avez dans notre document, c'est
que, si jamais le gouvernement décidait de procéder avec une
contribution alimentaire, nos recommandations sont d'inclure un
mécanisme de perception de la contribution alimentaire.
Juste pour ajouter à ce que Marie Gendron disait tantôt,
l'étude dont on faisait état, si jamais vous voulez la consulter,
c'est du Bureau de la statistique du Québec 1986. Comme Marie disait, 60
% des contributions - là on parle du régime de prêts et
bourses - ne sont pas versées. Pour les autres 40 % des contributions
qui sont versées, le versement n'est qu'à 65 % des prestations
estimées par le gouvernement ou par le régime de prêts et
bourses. Pour cette raison, la clause de dénuement total fait en sorte,
pour nous, qu'elle hypothèque encore une fois le pourquoi d'inclure une
contribution alimentaire. La principale raison invoquée par le ministre
pour appliquer cette contribution alimentaire, c'est qu'il veut éviter
un transfert de clientèles. Pour nous, le fait que la contribution
alimentaire soit discriminatoire dans les critères, qu'elle apporte une
discrimination implicite, le fait qu'il n'y ait aucune réponse qui ait
été donnée encore sur ce que serait le dénuement
total, le fait qu'il y ait une étude du Bureau de la statistique du
Québec dans un autre domaine qui est celui des prêts et bourses,
mais toujours sur une contribution alimentaire, qui tend à
démontrer que la majorité ne verse pas ou ne reçoit pas la
contribution, fait en sorte qu'on doit hypothéquer ou rejeter la
contribution alimentaire et prendre la solution qu'on propose au ministre.
Mme Harel: Et le motif invoqué de solida-
rite familiale vous semble-t-il adéquat, vous semble-t-il
conforme aux valeurs que vous concevez être celles des jeunes que vous
représentez?
M. Gauthier: Pour nous, si le gouvernement veut aller de l'avant
avec un principe de solidarité familiale et être cohérent
avec le discours qu'il a dans le document d'orientation qui dit que le
gouvernement ne doit pas se substituer aux ressources familiales... Et le
gouvernement se réfère aussi à l'article 633 du Code civil
qui dit que les parents de même ligne se doivent des aliments. Si jamais
il décidait d'aller de l'avant avec un principe de contribution
alimentaire ou un principe de solidarité familiale, il faudrait, pour
nous, que ce principe-là s'applique dans les deux directions, si on ne
veut pas qu'il soit discriminatoire. Notre gouvernement s'était
engagé, lors de la dernière élection, à abolir
toute discrimination fondée sur l'âge dans le régime d'aide
sociale.
Mme Gendron: En fait quand on parle de solidarité
familiale, celle-ci est constituée de deux éléments, c'est
à-dire contribution alimentaire et obligation filiale. Cela fait le tout
qui s'appelle solidarité familiale. Et, selon nous, le principe peut
être louable, mais I'application donnée dans le document n est pas
acceptable.
Mme Harel: À l'inverse, alors, il pourrait, par exemple,
théoriquement s'agir de réduction des pensions de vieillesse
selon le test de revenus des enfants. Est-ce que ce n'est pas totalement
anachronique de penser une politique de sécurité du revenu
à partir de l'article 633 du Code civil qui fait référence
au Code Napoléon, que l'ensemble de nos programmes sociaux sont venus
mettre en échec au fil des décennies? C'est là une sorte
de droit acquis pour I'ensemble de la société d'aller vers la
reconnaissance de l'autonomie des personnes et donc de l'intervention aussi de
l'État pour soutenir les personnes dans leur autonomie, plutôt que
d'aller, par un régime fiscal de justice distributive, de retourner en
arrière vers des obligations du temps de Napoléon.
Mme Gendron: C'est encore le Code civil qui est en vigueur au
Québec, alors...
Mme Harel: Pour des cas évidemment...
M. Daigneault: Si je pouvais ajouter, Mme la
députée. C'est qu'en réalité, la contribution
alimentaire s'insère à I'intérieur d'un débat sur
une politique familiale. Je crois que les débats commencent au
Québec sur cette question de dire que les principes de solidarité
familiale, c'est retourner en arrière. On n'en est pas tout à
fait certains quand même. Le débat n'a pas été
développe à fond au Québec pour faire des affirmations
comme celle là.
Mme Harel: C'est intéressant ce que vous nous dites, M.
Daigneault, parce que la COFAQ, qui représente les organismes familiaux
au Québec est venue justement nous dire: Faites très attention de
ne pas dénaturer le principe de solidarité familiale et de faire
la famille prison où l'État n'interviendrait que lorsqu'il y a
désintégration, lorsqu'il y a démembrement et lorsqu'il y
a échec, alors que le parent fait venir la police pour mettre son enfant
à la porte et qu'il peut y avoir à ce moment-là un test de
dénuement accepté par un agent. Tout cela peut finalement avoir
des effets assez pervers sur le principe même et créer l'effet
contraire de ce qui est recherché.
Alors, on est certainement dans le contexte de la présentation de
votre mémoire. Je crois important aussi de rappeler qu, dans la mesure
ou le critère de dépendance - cette fois je vous
réfère à la deuxième page du tableau - serait
utilisé et que ce critère de dépendance s'adresserait
à un jeune de moins de 30 ans qui a déjà quitté le
foyer familial et qui partage son logement, et qu'un tel jeune ne participerait
pas aux mesures comme c'est le cas présentement en 1989, son
barème - si on ne tient pas compte de l'impôt foncier qui est de
10 $ de toute façon - serait de 190 $ une fois déduits les 115 $
de partage de logement, les 100 $ de contribution minimale des parents. Ce
serait un barème pour refus de participer qui s'apparente exactement au
barème qui est actuellement versé lorsqu'il n'y a pas
participation aux mesures en 1988. La question c'est ou est la parité,
même la parité qui avait été un engagement ferme
à I'égard des jeunes de moins de 30 ans.
M. Gauthier: Je pense que la députée de Maisonneuve
est totalement en accord avec ce qu'il y a d'écrit dans notre
mémoire. Je la remercie qu'elle soit d'accord avec les objectifs du
programme et non pas avec les modalités comme nous. Et c'est le pourquoi
de la présentation d'aujourd'hui. C'est pourquoi on demande le retrait
de la contribution alimentaire dans le programme APTE, sans toutefois remettre
en question les objectifs du programme APTE. J'espère que vous comprenez
bien que le fait de donner des mesures de réinsertion de favoriser le
développement individuel des bénéficiaires est important
pour nous. Mais sur la question des modalités, le fait que la
contribution alimentaire puisse être discriminatoire, qu'elle
enlèvera des prestations fait en sorte qu'on en demande le rejet.
Mme Harel: Je vous remercie pour votre clairvoyance Je vous
inviterais par ailleurs à analyser cela plus à fond,
peut-être à la lumière et avec I éclairage des
mémoires qui sont présentés devant la commission. Je vous
rappelle qu'au-delà de 87 % de I'ensemble des organismes qui se
présentent devant nous ne sont pas simplement
hostiles aux modalités, mais la plupart en remettent en question
les fondements mêmes en invitant le gouvernement à ne pas
écarter une politique de protection contre la pauvreté et
à substituer la politique de dernier recours, qui est la seule politique
de protection, le seul programme de protection contre la pauvreté, par
une politique d'employabilité en invitant, comme on peut le souhaiter,
que ces programmes d'employabilité puissent être offerts sur une
base volontaire et permettent un véritable espoir aux jeunes et à
l'ensemble des personnes qui, actuellement, sont sans emploi, en leur
permettant par ailleurs de maintenir un niveau décent de soutien de
l'ensemble de la collectivité en regard de leurs besoins essentiels.
Je remercie la Commission jeunesse du Part libéral pour sa
contribution à nos travaux.
Le Président (M. Laporte): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: J'ai une seule question parce que, malheureusement, je
dois quitter. Je ne suis pas du tout d'accord avec Mme Harel en ce qui concerne
le Code Napoléon parce qu'il y a tout de même quelques principes
de base auxquels on peut souscrire. Je suis content qu'à la page 22,
vous parliez du fait que le principe de solidarité familiale en est un
fort louable. Mais vous vous posez beaucoup de questions, d'ailleurs comme nous
autres, sur les modalités. Maintenant, le ministre, depuis que nous
sommes ici, dans les réponses, revient toujours à la fois au lien
et à la différence entre le régime des prêts et
bourses et celui de l'aide sociale, ce qui explique vraiment la pensée
derrière tout cela. Tout à l'heure, vous avez mentionné
que le régime des prêts et bourses était désuet et
qu'il était en révision. Pourriez-vous nous dire si vous avez
fait des représentations concernant ce régime et où en
êtes-vous rendus? Je ne sais pas si vous avez des pourparlers ou quoi que
ce soit, mais vous avez des idées là-dessus. Pourriez-vous nous
renseigner un peu là-dessus? Peut-être qu'en faisant cela, vous
appuyez en même temps la position du ministre aujourd'hui et, disons, la
mienne.
M. Gauthier: Oui, M. Polak. Ce qu'on disait tantôt, c'est
que le ministre, et vous certainement, les parlementaires, ou l'ensemble de la
population étudiante, n'êtes pas sans savoir qu'il y aura une
réforme du régime des prêts et bourses dans les prochains
mois. Le ministre Ryan le dit depuis plusieurs mois. Je peux vous dire que nous
avons des contacts ou que nous discutons avec les membres du cabinet du
ministre Ryan, sur la question des prêts et bourses comme sur d'autres
questions. De plus, il y a un congrès du Parti libéral du
Québec qui a lieu cette fin de semaine-ci et qu'une résolution
sur une réforme des prêts et bourses sera apportée par la
commission jeunesse. Lorsqu'on parle de désuétude, il y a
peut-être à regarder la section d'octroyer de l'aide
financière aux étudiants à temps partiel, ce dont on
faisait état tantôt, peut-être réviser les tables de
contribution parentale, qui sont parfois irréalistes pour les
années qu'on vit présentement.
M. Polak: D'accord. Je vous remercie. Le Président (M.
Laporte): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'autre élément dont
vous discutez dans votre mémoire et qui semble vous poser certaines
difficultés s'appelle partage du logement. Cette notion existe
présentement. Elle est universelle et elle s'applique même aux
gens qui sont considérés inaptes au travail. Les principales
récriminations qui me proviennent des gens qui prennent la peine
d'écrire ou de téléphoner au ministère ou qui
prennent la peine de visiter leur député dans les bureaux de
comté veulent que le partage du logement, tel qu'il existe
présentement, est davantage au préjudice des gens
considérés inaptes au travail, surtout dans le cadre d'une
politique gouvernementale de désinstitutionnalisation et que les gens
qui sont désinstitutionnalisés ne devraient pas être
financièrement pénalisés, parce que l'entraide est une
nécessité de base pour ces personnes-là.
Ce que la réforme de sécurité du revenu propose,
c'est de ne pas appliquer le critère de partage du logement à 25
% de la clientèle qui est considérée comme inapte, de
façon à ne pas aller à rencontre du programme de
désinstitutionnalisation. Je pense que cette partie-là, bien
qu'elle n'ait pas été soulignée souvent, améliorera
la situation et ne pose pas de difficulté. (12 h 15)
Ce qui semble poser une difficulté, c'est dans le cas des autres
assistés sociaux. Pourquoi en arriver à soustraire, si les gens
s'entraident, tentent d'économiser, etc., 115 $ par mois ou le
coût réel du logement parce qu'on ne s'est pas figé dans le
ciment à 115 $ par mois. C'est une question de coût réel
qui est économisé. Cela fait partie de la problématique
avec laquelle ii nous faut composer et qui concerne toute la question de la vie
maritale dans le régime actuel.
En vertu des barèmes proposés, une personne seule qui
participe obtient 520 $ par mois. Un couple sans enfant, 820 S. Vous comprenez
l'incitatif financier qui est présent. Si nous n'appliquons pas ce
fameux partage du logement pour enlever cet incitatif financier, on me dit
qu'on devra continuer à contrôler ies chambres à coucher
des assistés sociaux. Est-ce que ce n'est pas là un coût
social plus important?
M. Gauthier: Je m'excuse auprès du ministre, mais en aucun
endroit dans le mémoire, on n'a remis en question le partage du
logement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une
question qui a été soulevée dans la discussion avec
Mme Harel.
M. Gauthier: Je peux vous dire qu'on est conscient que, dans
l'actuel régime d'aide sociale, il y a une contribution pour le partage
du logement qui se situe, je pense, à 85 $. Ce qui se passe dans la
réforme proposée, c'est que le ministre propose de la hausser de
85 $ à 115 $. Est-ce que le ministre peut me dire si la contribution de
logement ou le partage du logement, qui est de 85 $ actuellement et qu'il
désire hausser à 115 $, si 115 $ représentent les taux...
D'où sortent ces 115 $?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Pour qu'on se comprenne
très bien, présentement, elle est établie à 85 $.
On dit qu'elle représente les coûts réellement
épargnés. Elle s'applique à tous les
bénéficiaires de l'aide sociale, lorsqu'il y a lien de
parenté, et aux chambreurs.
Ce qui nous pose des difficultés dans le régime actuel -
et, je le souligne, des députés des deux côtés de la
Chambre l'ont souligné - surtout depuis que la politique de
désinstitutionnalisation a été amorcée, c'est que,
lorsque cela s'applique chez les personnes considérées inaptes au
travail, celles-ci ne peuvent pas vivre seules. Elles ont besoin d'aide et
d'entraide de la famille ou d'amis.
Ce que la politique de sécurité du revenu propose, c'est
de retirer cette participation de logement ou cet élément
"logement" pour ces gens-là. Pour les autres gens, dans le but
d'éliminer ce qu'on appelle le contrôle de la vie maritale, de ne
pas inciter les gens à se déclarer, soit d'une façon ou
d'une autre, qu'il y ait un incitatif, conjoint ou personne seule. Vous
constatez que les barèmes pour personnes seules sont à 520 $,
pour couples sans enfant à 820 $, et qu'il y a un incitatif de 220 $ par
mois à choisir un statut plutôt qu'un autre. La façon de le
contrôler, pour le ministère, a été jusqu'à
maintenant de contrôler la vie maritale des individus. En ayant une
participation de logement de 115 $, on abolit complètement cette
incitation et on pense qu'alors, on tient compte des coûts
réellement épargnés. Si les coûts réellement
épargnés ne sont pas de 115 $, à ce moment-là, ce
sera modifié. Si c'est 105 $, ce sera 105 $ et, si c'est 118 $, ce sera
118 $. C'est la politique telle qu'elle est proposée sur le partage du
logement.
Mme Harel: Alors, M. le ministre, il faut absolument que vous
rétablissiez les faits. Les familles ou les personnes seules qui
partagent un logement ne voient pas une réduction de 115 $ de leur
barème de prestations. Une famille monoparentale qui partage avec une
autre famille monoparentale n'a pas de réduction, bien au contraire.
C'est une façon de pouvoir se débrouiller pour arriver.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans le régime actuel, si
vous avez quelqu'un qui est parent avec vous...
Mme Harel: Deux familles monoparentales non.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): non Lorsque vous brisez le lien de
parenté, vous avez raison. Lorsque le lien de parenté est
présent, et c'est ce qui pose le plus de problèmes à cause
de la politique de désinstitutionnalisation, la politique de partage du
logement s'applique présentement et ce qu'on propose, c'est qu'elle ne
s'applique plus.
De l'autre côté, en vue d'éliminer tout ce
contrôle de vie maritale finalement, nous enlevons l'incitation à
l'ensemble des gens de choisir un statut social en fonction de l'attrait
pécuniaire. Est-ce que vous avez des réactions?
Le Président (M. Laporte): M. Gauthier.
M. Gauthier: Non, je pense que c'était clair pour nous. On
n'a malheureusement pas étudié cette question, on ne s'y est pas
attardé lors de l'étude de notre mémoire, on a voulu
être plus sectoriel.
M. Chevrette:... réponse. M. Gauthier: Pardon?
M. Chevrette: Vous êtes satisfaits de la coupure qu' il
fait?
M. Gauthier: Pour nous. c'était clair qu'il y avait une
contribution selon laquelle 85 $ étaient enlevés des
chèques des personnes qui partageaient un logement et qui avaient un
lien de parente. Pour nous, c' était clair.
M. Chevrette: II vient de parler de 85 $ à 115 $.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
Mme Harel: C'est légalité dans la malchance pour
tout le monde.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand Mme la députée
de Maisonneuve dit que c'est pour tout le monde, ce n'est pas une question
d'interpretation. c'est une question de ne pas lire ce qu'il y a dans le
document "Pour une politique de sécurité du revenu". On vient de
dire, et je viens de le répeter à plusieurs reprises - et je
pense, entre autres à un députe péquiste qui m
écrit environ une fois par mois sur des problèmes dans son
comté - que le fait que le partage du logement s'applique aux gens
inaptes
au travail dans le cadre de la politique de
désinstitutionnatisation du gouvernement crée des
problèmes particuliers présentement, avec la politique actuelle
dont nous avons héritée et que nous administrons. Dire que la
politique propose de l'appliquer à tout le monde est non seulement faux,
mais contraire à ce qui est écrit dans le document d'orientation
sur la politique de sécurité du revenu et contraire aux propos
tenus ici par les gens qui sont venus témoigner et par celui qui vous
parle.
Cette mise au point étant faite, je tiens à revenir sur le
critère qui a amené nos jeunes ici aujourd'hui,
spécialement la question de la parité, pour les assurer que la
volonté politique est encore aussi présente, que, dans les
mécanismes, nous sommes convaincus d'avoir franchi des étapes
très importantes et dans un pourcentage très important, que nous
prenons bonne note qu'un principe pour la Commission jeunesse du Parti liberal
du Québec, cela ne se règle pas à 75 %, j'oserais
même dire, pas à 80 %. et que tous les efforts que le
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu..
Le Président (M. Laporte): SI vous voulez conclure, M le
ministre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): pourra faire dans le but de
régler ce principe à 100 % sera fait, mais que je demande
à la commission jeunesse d'être également consciente
qu'autant nous sommes captifs, sur la question de I'incitation au travail, du
niveau du salaire minimum, autant nous sommes captifs du régime de
prêts et bourses aux étudiants, et que nous ne voulons en aucun
temps que notre politique de sécurité du revenu incite la
jeunesse québécoise à quitter ses études. Je crois
qu'à ce moment.
Le Président (M. Laporte): En conclusion.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... vous seriez les premiers
à nous le reprocher.
Le Président (M. Laporte): En conclusion. M. Paradis
(Brome-Missisquoi): J'ai fini.
Le Président (M. Laporte): Mme la députée de
Maisonneuve, avez-vous des remerciements?
M. Chevrette: C'est fait
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est déjà fait.
Mme Harel: Avec plaisir.
Le Président (M. Laporte): Très
brièvement.
Mme Harel: Oui, en souhaitant que la Commission jeunesse du Parti
libéral puisse peut-être se pencher sur toute la question du
partage du logement. II y a 40 % des jeunes de moins de 30 ans qui ont
trouvé cette façon de se débrouiller en vivant ensemble
présentement. C'est eux qui vont avoir à vivre cette
épargne sur leur dos. Le ministre me fait grief. Oui.
Le Président (M, Laporte): Succinctement, Mme la
députée de Maisonneuve, s'il vous plaît.
Mme Harel: Je termine en disant que le ministre ne peut pas faire
grief à personne de ne pas avoir toute l'information parce qu'il ne la
donne qu'au compte-gouttes. II y a tellement de catégories dans son
projet que chacune des catégories donne droit à un
contrôle. Ce qu'on peut souhaiter, c'est que votre message soit entendu
et que peut-être vous examiniez de plus près les effets
maléfiques qu'aura le partage du logement pour les jeunes de moins de 30
ans également.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre, vos
remerciements.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que je dirai à Mme la
députée de Maisonneuve, encore une fois, peut-être que ses
statistiques datent de 1982 ou 1981, c'est que 80 % de la clientèle qui
est représentée ici la clientèle jeunesse, demeure
déjà chez les parents. Donc, les effets dont vous parlez ne sont
pas présents. Encore une fois, vous soulevez un problème qui est
inexistant. Toutefois, le problème, que vous avez discuté
longuement avec les membres de la commission et que j'ai discuté, de la
contribution alimentaire parentale...
Le Président (M. Laporte): Succinctement, M. le ministre,
s il vous plaît.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... demeure. Des pistes de solution
ont été proposées par la Commission jeunesse du Parti
libéral du Quebec, et le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu entend bien prendre ces pistes de solution
dans le but d'apporter une solution complète au problème de la
parité, mais encore une fois sans inciter nos jeunes à quitter
l'école. Merci.
Le Président (M. Laporte): La commission tient à
remercier la Commission jeunesse du Parti libéral du Quebec pour la
presentation de son mémoire et invite le Comité national des
jeunes du Parti québécois à bien vouloir s'avancer. La
commission suspend pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 12 h 26)
(Reprise à 12 h 30)
Le Président (M. Laporte): À l'ordre, s il vous
plaît!
La commission reprend ses travaux. Mme Courville, la commission est
enchantée de vous recevoir comme représentants du Comité
national des jeunes du Parti québécois. Vous connaissez le mandat
de la commission. Je veux simplement, brièvement, vous rappeler que vous
avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et que, par
la suite, il y a 40 minutes d'échanges avec les parlementaires. Est-ce
qu'il vous serait possible de présenter les personnes qui vous
accompagnent aux fins d'identification et, ensuite, faire la
présentation de votre mémoire?
Comité national des jeunes du Parti
québécois
Mme Courville (Isabelle): Merci, M. le Président Alors,
à ma gauche, Mme Hélène Chartier, vice-présidente
aux affaires politiques du comité des jeunes et, à ma droite, M.
Sylvain Laporte, vice-président à l'organisation du comité
des jeunes.
Le Comité national des jeunes du Parti québécois
est heureux de pouvoir aujourd'hui contribuer à la réflexion qui
concerne la réforme de l'aide sociale. Notre analyse se fera à
travers le prisme de notre génération, c'est-à-dire les
moins de 30 ans. Nous nous attarderons surtout au programme APTE qui est le
coeur de la réforme en laissant à d'autres le soin de discuter
des autres aspects de cette réforme. Mme Chartier va commencer la
présentation de notre mémoire.
Mme Chartier (Hélène): Je commencerai cet
exposé en vous indiquant que, pour le Comité national des jeunes
du Parti québécois, le travail est une richesse incomparable qui
permet notre épanouissement. La sous-utilisation du potentiel humain que
l'on laisse dans un état de dépendance envers l'État est
extrêmement dommageable pour la société. C'est ni plus ni
moins la consécration d'une lente agonie physique, intellectuelle et
psychologique pour ces milliers de sans-emploi.
Notre objectif premier est donc de diminuer l'ampleur de ce mal qui, au
Québec, entraîne depuis maintes années déjà,
plusieurs jeunes dans une vie des plus difficiles. Nous croyons
nécessaire de tout mettre en branle pour leur redonner espoir,
dignité et autonomie. Nous espérons que l'actuel gouvernement
partage nos objectifs, mais nous tenons à souligner que la
réforme proposée semble bâtie sur un malheureux mais
profond vice de construction. En effet, en aucun temps le document ne parle
d'emplois ou plutôt de l'absence d'emplois. Au Québec, le taux de
chômage structurel oscille depuis longtemps déjà autour de
10 %.
Le projet de réforme APTE, sur lequel nous nous attarderons
surtout aujourd'hui, laisse croire qu'en développant
l'employabilité des assistés sociaux, ce taux de chômage
décroîtra de lui-même instantanément. Sans
connaître la théorie économique sur laquelle se base cette
analyse, les conclusions nous semblent quelque peu téméraires. En
fait, nous nous questionnons encore afin de savoir si le programme APTE sera un
échec d'excès d'optimisme ou s'il s'agit bel et bien d'un
échec prévu qui permettra d'économiser tout en
discréditant les bénéficiaires. Quoi qu'il en soit, nous
sommes déçus de voir que le gouvernement n'a pas su tirer de
leçons des résultats des options Déclic.
Le développement de l'employabilité est extrêmement
important dans la société actuelle, de même que les
programmes de recyclage, mais le taux de participation ainsi que le taux de
réussite des options Déclic parlent d'eux-mêmes. Selon
l'étude d'évaluation des mesures de relance, effectuée par
le MMSR en 1985, seulement 19, 86 % des bénéficiaires qui ont
quitté les options Déclic se sont trouvé un emploi. Les
jeunes assistés sociaux en ont assez de faire des efforts sans espoir de
récompense. Si les programmes de formation sont porteurs d'avenir, les
stages en milieu communautaire ressemblent plus à une voie de garage
où on occupe nos jeunes pendant un an.
Le taux de satisfaction est encore plus bas lorsqu'on analyse les
résultats des stages en entreprise. Selon la même étude, on
calcule que 12, 69 % des gens qui quittent les options Déclic et qui
sont en cours de stage se sont trouvé des emplois. Ainsi, un vaste
sentiment d'exploitation s'est propagé chez les assistés sociaux
qui croient, à juste titre, qu'il s'agit de la création d'une
sous-catégorie de travailleurs, de laquelle ils ne se sortiront jamais.
Ce genre de subventions indirectes aux entreprises est valable pour autant
qu'elles débouchent sur de vrais emplois. Pour permettre que des gens
travaillent en dessous du salaire minimum sans leur garantir aucune formation
en guise de compensation, c'est d'accepter que des gens sortent les vidanges
à 520 $ par mois sous prétexte qu'ils doivent prendre de
l'expérience.
Conséquemment, nous exigeons que tout programme
d'employabilité élaboré par une entreprise soit
accompagné d'une garantie minimale quant à l'existence d'un volet
formatif. Permettre à des entreprises de renouveler éternellement
leurs subventions, c'est accepter que les assistés sociaux soient un
bassin de main-d'oeuvre à bon marché qui. en fin de compte,
freinera la création des véritables emplois.
Le ministre Paradis admettait récemment que seulement 20 % des
18-29 ans se prévalent des programmes d'employabilité. Il y a
donc anguille sous roche. Et pourtant ces mesures ont été
développées pour les moins de 30 ans et s'appliqueront beaucoup
plus difficilement aux plus de 30 ans qui ont perdu leur emploi. L'incitatif
financier pour les moins de 30 ans est aujourd'hui très fort puisqu'il
s'agit de 296 $ par mois et le taux de participation est de 20 %. Comment
peut-on, logiquement, s'attendre à ce
que cela s'améliore en diminuant l'incitatif financier et en
impliquant la totalité des assistés sociaux? Nous croyons que
cela ne s'améliorera pas. Comme le document de réflexion
l'indique, avec 25 % de participation au programme APTE, le gouvernement pourra
économiser 145 000 000 $ sur le dos des plus démunis de notre
société. Ceci est fondamentalement inacceptable lorsque l'on sait
que vivre en deçà des normes de pauvreté a un coût
social si immense.
Mme Courville: Le Comité national des jeunes du Parti
québécois reproche donc à la réforme d'utiliser le
discours sur l'employabilité pour occulter le véritable
problème de fond, soit l'absence d'emplois pour tous. Comme ma
collègue l'a démontré, le programme APTE, tel que
conçu présentement, est voué à l'insuccès et
risque même d'avoir un effet dissuasif sur l'emploi en créant un
réservoir de travailleurs et de travailleuses au rabais. Nous estimons,
en effet, que les mesures d'employabilité déployées dans
le programme APTE ne pourront atteindre leurs fins que dans la mesure où
on aura le courage politique de les intégrer à des
éléments d'une politique de plein emploi.
Le plein emploi a toujours été une de nos
préoccupations majeures. Lors de notre colloque à Compton, en
janvier 1987, nous élaborions la notion du travail minimum requis,
ensemble de propositions originales visant à sortir les |eunes du cercle
vicieux: pas d'expérience, pas d'emploi, pas d'emploi, pas
d'expérience. Nous faisions aussi ressortir l'intérêt et la
nécessité, à la lumière de l'objectif du plein
emploi, d'arrêter une politique de partage du temps de travail.
Mesures d'employabilité et plein emploi sont les versants d'une
même médaille. Il importe donc d'élaborer une politique
intégrant mesures d'employabilité et plein emploi.
Trois objectifs sont poursuivis par une telle intégration. Le
premier objectif est d'apporter une solution au réel problème des
assistés sociaux, soit l'emploi. Le second objectif est
d'accroître la participation aux programmes d'employabilité en
leur donnant un but tangible, un emploi. Enfin, en intégrant programmes
d'employabilité et politique de plein emploi, on évite le travail
au rabais.
Allons-y maintenant de propositions concrètes. Le tableau de la
page 16 de notre mémoire illustre la proposition du ministre. Alors,
nous retrouvons à gauche notre contingent d'assistés sociaux de
moins de 30 ans qui accèdent à trois programmes visant à
augmenter ieur employabilité. Ainsi, après soit une
période de formation scolaire, soit une participation à des
services communautaires ou encore un stage dans une entreprise, c'est la
recherche d'un emploi, le marché du travail ou le retour à la
case du départ. Que la formation scolaire ou que la participation
à des services communautaires ne permettent pas d'obtenir un emploi, ce
n'est pas nouveau, mais là où le bât blesse, c'est lorsque
la période de formation en entreprise ne permet pas d'accéder
à un emploi.
Voyons donc maintenant en page 17, le schéma
d'employabilité que nous proposons. Les jeunes assistés sociaux
ont toujours accès aux trois types de programmes, mais ici, la
différence, c'est que les programmes de formation et de services
communautaires permettent également, si un emploi n'est pas obtenu,
l'accès au stage de formation. Formellement, notre proposition se lit
ainsi: "Que tout programme d'employabilité élaboré par une
entreprise soit accompagné d'une garantie minimale pour le
bénéficiaire d'obtenir prioritairement l'emploi pour lequel
l'employeur a bénéficié d'un programme pour le former. "
De cette façon, les bons services vont aux deux parties
concernées: l'employeur et le bénéficiaire. Comme il devra
être clair que les assistés sociaux ne sont pas des travailleurs
au rabais, l'entreprise qui les engage a donc un réel besoin de
main-d'oeuvre et profite donc d'un programme fortement subventionné,
comme ceux contenus dans le programme APTE, pour former un individu et,
après, pour l'engager.
Il est clair que les besoins de main-d'oeuvre sont rares et que de
nombreux bénéficiaires ne pourront participer, même s'ils
le désirent, aux programmes d'employabilité, qui mènent
réellement à un emploi. Ces gens qui ne participeront pas aux
mesures permettront au gouvernement d'économiser de fortes sommes, et il
est essentiel que ces sommes retournent aux bénéficiaires
directement par le biais d'un programme de création d'emplois. Nous
suggérons donc que ce programme de création d'emplois s'adresse
en priorité à ceux qui nous apparaissent être les
principales victimes du chômage structurel au Québec, les jeunes
qui ne détiennent pas de diplôme collégial ou
universitaire.
Comme l'indique le titre de notre mémoire, nous croyons qu'aucune
réforme véritable de l'aide sociale ne sera possible si elle
n'est accompagnée d'un sentiment de responsabilité collective de
tous les agents socio-économiques autour de l'emploi. Dans la mesure
où nous estimons que le travail est source de distribution des
richesses, nous pensons qu'il est normal et souhaitable que nous la partagions
collectivement. Cela demande du courage, certes, mais les dividendes collectifs
qu'un tel effort produira en valent la chandelle.
Pour le Comité national des jeunes du Parti
québécois, toute mesure de développement de
l'employabilité devra reposer sur un pacte collectif, le succès
de tels programmes en dépendra. Pour cela, nous proposons que le
gouvernement convoque, pour l'été prochain, une conférence
socio-économique sur l'emploi. Cette conférence
socio-économique pourrait ainsi jeter les bases d'une politique de plein
emploi, incluant la mise sur pied d'un éventail de programmes
d'employabilité destinés aux sans-emploi du Québec.
M. Laporte (Sylvain): La contribution parentale et l'autonomie.
Le droit à l'autonomie et à la dignité humaine devrait
sous-tendre toute réforme de l'aide sociale. II ne s'agit donc pas pour
le gouvernement de reprendre les critères de dépendance parentale
tels que ceux décrits dans le régime des prêts et bourses,
car ces critères sont souvent discriminatoires et tellement sinueux qu
ils poussent à la fraude Le gouvernement doit plutôt analyser
froidement la situation que vivent les étudiants avec les prêts et
bourses avant d'en photocopier les erreurs et de les appliquer à la
réforme de l'aide sociale.
Le régime des prêts et bourses, lorsqu il accorde une
bourse, calcule la capacité de l'étudiant de répondre de
lui-même à une partie de ses dépenses, par exemple, par son
emploi d'été ou un emploi à temps partiel.
Cette première déduction semble logique et ne pas faire de
problème, tombe un peu sous le sens finalement. Ensuite, le gouvernement
regarde les besoins financiers de I'étudiant et les compare aux revenus
de ses parents. Le gouvernement décide donc à ce moment-là
du montant que l'étudiant devra exiger de ses parents pour subvenir
à ses besoins de première nécessité. De plus, sans
savoir si les parents débourseront ou non cette somme, le gouvernement
la calcule d'office comme revenu de l'étudiant.
Les études dans le dossier par le ministre de l'Éducation
révèlent que, pour la clientèle de parents dont les
enfants sont aux études et |ugés dépendants, donc pour
cette clientèle,, seulement 30 % des parents donnent effectivement la
contribution exigée du gouvernement, que lui continue, peu importe le
cas, de calculer comme étant le revenu de l'étudiant.
En d'autres termes, qu'il y ait contribution parentale ou non, les
étudiants n'ayant aucun contact avec leurs parents, fait souvent
relié à leur départ de la maison, doivent vivre avec bien
moins que le minimum vital, parce que leurs parents, eux, ont droit à un
emploi et à un salaire décent.
Ces réels problèmes sont actuellement à
l'étude par le ministre de I'Éducation qui devrait, selon ses
dires, nous présenter d'ici l'automne une refonte du régime des
prêts et bourses. Ces critères, ceux des prêts et bourses,
d'être marié, d'avoir un enfant, d'avoir travaillé deux
ans, ne doivent pas être appliqués à l'aide sociale, car
cette panoplie de critères bloque une multitude de candidats à
l'aide sociale et peut-être des candidats aux programmes de
développement de I'employabilité. Comment peut-on briser ce
cercle vicieux de dépendance parentale totale envers la famille en
appliquant de telles mesures? Pour qu'un être adulte puisse se
développer, il doit pouvoir couper le cordon ombilical qui le lie
à sa famille. Toute situation de dépendance, qu elle soit envers
l'État ou la famille est regrettable. En effet, de tels contextes
entraînent généralement une déresponsabilisation des
individus qui nous conduit à moyen terme à un chaos.
Je suis sûr que le ministre de I'Éducation, dans sa grande
sagesse, saura mettre fin à ces inéquités sociales car,
contrairement à ce que semble croire le ministre Paradis, les jeunes
dont les parents ont un revenu décent n'ont pas la carte de
crédit de papa ou de maman. De deux choses l'une. Dans la meilleure
hypothèse, c'est que le ministre, en parlant d'exiger une contribution
parentale dont on ne connaît que le minimum de 100 $, ne sait pas de quoi
il retourne, il ne connaît pas la réalité que vivent
quotidiennement les jeunes. Ou il sait de quoi il parle, mais il ne s'en fait
pas et décide d'appliquer ces critères quand même, ce qui
est bien pire.
Le ministre tend la joue à une giffle. On pourrait dire de lui
que, dans son désir d'égalité sociale, il permettra
à tous, à l'aide sociale et aux prêts et bourses, de
souffrir des mêmes maux des mêmes injustices et des mêmes
carences, cela, parce qu'il veut être équitable. Plus malicieux
encore sera celui qui avancera que le ministre de l'Éducation gardera
les mêmes vieux critères dans sa réforme des prêts et
bourses que le ministre de la Main-d'Oeuvre après I'adoption de sa
réforme. Oui, nous créons et perpétuons de graves
injustices, mais tous y ont droit. Et par quoi la terre est-elle soutenue? Par
une tortue Et par quoi cette tortue est elle soutenue? Par une autre tortue.
Quelle tautologie? Les ministres pourront justifier entre eux les erreurs
respectives de leurs ministères. Quelle solidarité
ministérielle!
Alors, chiffrons donc cette fameuse contribution parentale dont, je vous
le rappelle, nous ne connaissons que le minimum. Prenons l'exemple d'une jeune
personne vivant faute d'emploi bien sûr de I'aide sociale et partageant
son appartement avec une autre personne. Sa prestation est de 405 $ par mois
moins un minimum de contribution parentale de 100 $. Le
bénéficiaire reçoit donc 305 $, car il est à
prévoir qu'au régime d'aide sociale, bien moins que 30 % des
étudiants recevront effectivement la contribution parentale pourtant
toujours déduite. Donc de ces 305 $, il faut déduire les 115 $ de
partage de logement, ce qui donne 190 $. Voilà la reforme. Les |eunes
passeront de 184 $, chiffre indexe à 190 $. Voilà cette
parité. (12 h 45)
De plus, le ministre craint un transfert de la clientèle des
prêts et bourses à celle de I'aide sociale. Que le ministre se
rassure. Les jeunes n'auront pas souvent le goût de rester neuf mois
à ne rien faire juste pour pouvoir bénéficier du
financement lors de leurs études. II serait surprenant de voir les rangs
des assistés sociaux se gonfler indûment de cette clientele.
L'espoir que nous entretenons vis a-vis d'une réforme de I'aide sociale
vient de la possibilité d'aider les bénéficiaires à
retrouver I'espoir la dignité et I'autonomie. Cela ne pourra se
réaliser que par l' intermédiaire de I'emploi. Or, si les
bénéficiai-
res ne peuvent plus recourir à cette aide, puisqu'ils sont
reconnus comme étant des êtres autonomes, nous nous exposons
à de graves conséquences sociales.
Mme Courville: La question de l'aide sociale a été
et continue d'être un sujet fort complexe. Une société
comme la nôtre, relativement riche en apparence, conserve un bastion de
sans-emploi qui a rarement cessé d'osciller autour de 10 %. Pour le
Québec, c'est plusieurs centaines de millliers de personnes qui sont
confinées à l'inactivité. La sous-utilisaiton de ce
potentiel humain représente, à notre avis, une tare
indésirable pour notre société. Le travail dans des
sociétés comme la nôtre a été
érigé en primauté. Il représente une source
privilégiée de valorisation personnelle et la base de toute
existence comme citoyen à part entière. Le travail apparaît
donc ici comme le moyen idéal de redistribuer la richesse. Et comme dans
toute redistribution de la richesse, il faut constater que certains en
bénéficient plus que d'autres. Dans cette optique, il revient
à l'État d'en assurer la répartition équitable.
Il importe à l'État de jouer son rôle d'arbitre et
c'est rien de moins que nous exigeons de nos décideurs politiques. Pour
tous les jeunes, le plus grand espoir, c'est celui de pouvoir travailler et
celui de se sentir utile à la société. On aura beau nous
parler de croissance économique et de création d'emplois, la
situation des jeunes continue à être dramatique. Le chômage
a baissé, certes, mais, pour notre génération, c'est tout
simplement parce qu'elle est constituée de moins d'individus. Notre
idéalisme, parce que nous en avons encore, nous amène à
croire et à espérer qu'il est possible et urgent de s'attaquer
d'abord au chômage des jeunes. Il est possible et urgent de briser le
cercle du "pas d'expérience, pas d'emploi". Il en va, non seulement de
l'avenir des jeunes, mais aussi de notre avenir collectif comme
société.
Le vieillissement de la population québécoise est
déjà pratiquement irréversible. Les coûts sociaux
enregistrés par cette situation seront astronomiques. Qui en paiera la
note si une bonne partie de la jeunesse québécoise est
déjà condamnée à la mendicité pour ne pas
dire à l'aide sociale? Tomber dans les filets de l'aide sociale, cela
signifie !a dégradation de son niveau de vie, mais, pour plusieurs, la
véritable tragédie réside dans l'érosion de
l'espoir, l'oubli de la dignité et la renonciation à l'autonomie.
Redonner espoir, dignité et autonomie aux centaines de milliers de nos
concitoyens et concitoyennes qui partagent le drame quotidien de l'aide
sociale, voilà, selon nous, ce que doit être l'objectif
fondamental de toute réforme.
Le ministre a eu la sagesse d'employer ces mots dans l'introduction de
son document. Aura-t-il maintenant le courage et la détermination de
traduire le vocabulaire de l'espoir, de la dignité et de l'autonomie en
action concrète? Pour le
Comité national des jeunes du Parti québécois,
toute réforme de l'aide sociale se doit de proposer la conquête de
l'espoir, de la dignité et de l'autonomie. Or, à notre avis, un
tel objectif ne peut être atteint qu'en intégrant des mesures
d'employabilité à une véritable politique de plein emploi,
car, pour nous, le drame de l'aide sociale n'est pas l'employabiiité,
mais bien l'inéquité du partage de l'emploi.
Comment raviver l'espoir lorsqu'on n'offre aucune espèce de
garantie que l'employabilité débouchera un jour sur l'emploi?
Qu'advient-il de la dignité lorsqu'on trace la voie menant à la
constitution d'un réservoir de travailleurs et de travailleuses à
bon marché et qu'on institutionnalise le "boubou macoutisme"? Que
reste-t-il de l'autonomie au moment où on nie le droit des jeunes
Québécois de s'assumer dès leur majorité et
où on reporte à une échéance lointaine et
incertaine cette promesse électorale majeure, la parité pour les
bénéficiaires de moins de 30 ans? Espoir, dignité et
autonomie, des mots qui doivent mobiliser les forces vives du Québec
moderne. Espoir, dignité et autonomie, une responsabilité
collective qui s'articule autour d'un nécessaire projet: offrir à
tous et à chacun la possibilité de façonner sa vie et de
participer au devenir de notre société. Merci beaucoup.
Le Président (M. Laporte): On est dans les délais.
On vous remercie. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je tiens à remercier
les jeunes du Parti québécois de leur présence et de leur
contribution. Vous étiez là lorsque, à l'occasion des deux
autres mémoires qui ont été présentés ce
matin, j'ai fait allusion à cette clientèle de l'aide sociale et
à ses caractéristiques. Vous étiez sans doute
également là lorsque j'ai livré ce matin, au groupe qui
vous a précédé, la baisse importante du nombre de jeunes
de moins de 30 ans à l'aide sociale de janvier 1986 à janvier
1988. Cette clientèle a baissé de plus de 40 000 personnes. Et
nous sommes d'avis, au ministère, que les 122 000 emplois à temps
plein qui ont été créés dans l'économie
québécoise ne sont pas étrangers au fait que ces jeunes se
sont trouvé des emplois dans la plupart des cas, Vous avez raison de
relier !e marché du travail aux programmes d'aptitudes de l'aide
sociale.
Je tiens - parce que c'est peut-être le groupe qui vous a
précédés qui l'a fait - à vous questionner un peu
sur les documents que vous avez publiés il n'y a pas tellement
longtemps, à l'automne 1985, dans le plan d'une continuité ou
d'un changement d'orientation. À l'automne 1985, dans un document "Faut
s'brancher et vite! Manifeste des jeunes du Parti québécois",
vous mentionniez que "la priorité des priorités doit être
mise, non pas sur les montants attribués aux victimes du chômage,
mais sur les moyens de faire sortir les jeunes assistés sociaux de leurs
conditions. En ce sens, nous considérons que les
différents programmes mis de l'avant par notre gouvernement sont
un excellent pas dans la bonne direction. " Je vous pose la question
immédiatement. J'ai un peu senti aujourd'hui un changement d'opinion
quant à ces programmes. Qu'est-ce qui vous a amenés à
changer d'opinion?
Le Président (M. Laporte): Mme Chattier.
Mme Chartier: Oui. Je voudrais d'abord répondre à
ce que vous avez mentionné au sujet de la décroissance du
pourcentage des jeunes qui sont à l'aide sociale. Associer croissance
économique à création d'emplois, c'est vrai que c'est bon,
mais quand une période de décroissance économique
s'annonce, cela risque d'être assez mesquin et cela risque d'être
assez dangereux. Donc, une politique de plein emploi, cela veut dire de mettre
toutes les mesures sociales en branle pour véritablement toujours
créer des emplois et faire en sorte que, continuellement, le taux
continue à diminuer.
Pour ce qui est du changement de position que vous avez
mentionné, je pense que la première analyse que nous faisons, qui
est une analyse assez dure, c'est que les options Déclic n'ont pas
donné les résultats auxquels on pouvait s'attendre. Cela ne veut
pas dire qu'on est contre les mesures de développement de
l'employabilité. Au contraire, on croit que c'est très important,
de même que les programmes de recyclage. Mais les options Déclic
ont quand même donné des résultats qui sont parcimonieux.
La preuve, c'est que les gens se sentent peu intéressés à
y participer. On le voit, 20 % seulement des catégories de moins de 30
ans, malgré l'incitatif financier, participent aux options
Déclic. Alors, nous, on se dit qu'il y a anguille sous roche. Les
options Déclic ne doivent pas répondre aux véritables
besoins des assistés sociaux et leur permettre véritablement de
réintégrer le marché du travail. Donc, il faut aller plus
loin.
Mme Courville: Notre hypothèse, M. le ministre...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais, simple précision,
vous ne condamnez pas le programme comme élément de base. Vous
dites qu'il faut ajouter.
Le Président {M. Laporte): Mme Courville.
Mme Courville: M. le ministre, je pense que les programmes
Déclic, comme disait ma collègue Hélène Chartier,
ont été une initiative originale en temps de récession
économique. Mais il est clair qu'il faut se baser sur l'analyse de ces
programmes pour aller plus loin et surtout pour laisser tomber la
barrière des 30 ans et appliquer des programmes qui étaient faits
pour une génération peut-être moins scolarisée que
l'autre, et les étendre. On dit, dans notre mémoire, qu'il Faut
absolument évaluer la réussite ou la non-réussite de ces
programmes avant de les appliquer. C'est ce que nous avons fait dans notre
mémoire, et notre analyse nous a permis de constater qu'en effet, il y
avait des carences importantes. Notre hypothèse, il peut y en avoir
d'autres, notre analyse de ces résultats, c'est qu'on proposait aux
jeunes un tunnel, une avenue, mais qu'il n'y avait pas de lumière au
bout du tunnel. Les jeunes décrochaient complètement de ces
programmes avec le sentiment de s'être fait exploiter ou le sentiment
d'avoir été occupés pendant quelque temps. Nous avons
rencontré ces jeunes-là à plusieurs reprises, et ils
étaient vraiment offusqués de s'être fait mettre sur ces
voies-là tout simplement parce qu'il faut prévoir au bout la
lumière. La lumière, c'est l'emploi, surtout pour les gens qui
sont dans les entreprises qui bénéficient de subventions pour
engager les jeunes. C'est vraiment scandaleux de voir les jeunes se
succéder, un après l'autre, pour faire des tâches non
formatives et, après, voir que la job offerte à quelqu'un d'autre
ou que la job n'est même pas ouverte du tout parce qu'il n'y avait pas
d'emploi, il n'y avait pas de place dans cette entreprise. C'était une
fausse ouverture du marché du travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez raison, et je ne dis pas
que la conjoncture était facile non plus parce que la clientèle
de l'aide sociale jusqu'à la fin de 1985 s'est ajoutée et
additionnée de mois en mois. Il y avait une courbe complètement
ascendante, et la conjoncture, à ce moment-là, a fait en sorte
que cela n'a pas aidé. Il y a un deuxième élément
sur lequel vous semblez avoir effectué un virage, c'est toute la
question du "cheap labour". Dans le même document de l'automne 1985, vous
mentionnez la participation des jeunes dans les programmes et vous dites: "En
ce sens, il est tout à fait logique que l'État demande un service
en retour d'une prestation. Cela ne s'inscrit pas dans une perspective de
"cheap labor", mais dans une vision de responsabilisation et de service
à la communauté. " Est-ce que, là aussi, vous avez
effectué un virage?
Le Président (M. Laporte): Mme Courville.
Mme Courville: Ce qu'on explique par le travail au rabais? Je ne
ferai plus référence au document dont vous parlez parce que je ne
l'ai plus en mémoire. Je pense que ce qu'il est important de voir, et
les groupes syndicaux en ont fait la démonstration devant la commission,
ce sont les différentes forces en présence quand on propose une
réforme comme la vôtre. Je suis sûre, M. le ministre, que
vous avez, vous aussi, examiné l'ensemble des autres programmes sociaux
et que vous avez déterminé l'impact de votre réforme sur
ces programmes-là. Nous, on
pense que c est là peut être la clef du succès d'une
réforme d'aide sociale et c'est pour cela qu'on a intitulé notre
mémoire "Une responsabilité collective".
Pour répondre à votre question? Quel est l'impact de ces
jeunes qu'on met à travailler comme assistés sociaux avec des
programmes subventionnés sur le marché du travail? De quelle
façon les intervenants sociaux qui ne sont pas des assistés
sociaux vont-ils réagir à cela? Je vous réponds deux
choses:: Former les jeunes, oui. Dans quel domaine? Leur faire prendre de
l'expérience, oui. Dans quel type d'industrie? Ou le marché du
travail va-t-il s'ouvrir dans les prochaines années? Ou peut-on se
permettre de former des jeunes? Dans quel domaine pourra-t-on les former et
comment leur arrivée sur le marché du travail ne va pas mettre
leurs parents dans la rue? C'est une question. On parlait, pendant la
présentation de nos prédécesseurs, de toutes sortes
d'études. Moi, la seule que je vous demanderais, M, le ministre, c'est
une étude justement sur la disponibilité des emplois par secteur,
par région. Ou est ce que le marché de l'emploi va s'ouvrir au
Québec? On peut déployer l'employabilité de 100 000
personnes dans un domaine complètement bouché. Rien ne peut nous
dire cela et rien ne peut nous le permettre. Les chômeurs instruits, M,
le ministre, ce n'est pas un mythe, et je ne pense pas qu'on rende service
à personne en les formant, en leur donnant de I'expérience dans
des domaines bouchés. Et ce n'est pas le jeune assiste social qui peut
savoir si tel domaine est bouché, je pense, cela prend des études
de ministères compétents. Donc, oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Là-dessus, est ce que je
peux vous dire qu'au ministère, grâce à nos commissions de
formation professionnelle, c'est le travail que nous effectuons et en
corrélation avec le ministère de I'Éducation. Vous avez
raison de souligner le problème selon lequel on a souvent des
chômeurs ou des inactifs instruits parce qu'on n'a pas fait les bonnes
analyses de marché. Disons que les outils se sont
améliorés et qu'on travaille dans ce sens là. Mais
convenez-vous quand même que la clientèle de ce qu'on peut appeler
les chômeurs ou inactifs instruits à I'aide sociale est loin
d'être notre clientèle majoritaire à partir des
statistiques qu'on vous a données, et des analphabètes
fonctionnels et des gens qui n ont pas complété leur cours
secondaire, entre autres?
Mme Courville: Non, non, vous avez totalement raison. De toute
façon on parlait surtout de chômeurs instruits. Je n'ai pas de
statistiques. Je pense qu'elles sont très faibles concernant les
assistés sociaux instruits. Mais je pense que vous reconnaissez que ces
démarches qui doivent finalement analyser le marche de l'emploi au
Québec sont essentielles et préalables à une politique de
plein emploi. Pour nous, c'est vraiment la seule voie à emprunter pour
régler le problème des assistés sociaux. Oui des
programmes d'employabilité qui débouchent sur un emploi, mais des
emplois ou comment et quand? C'est de cette façon en dirigeant les gens
dans des secteurs d'avenir qu'on va leur permettre ensuite d'avoir un vrai
travail et qu'on va éviter le travail au rabais. Le travail au rabais,
c'est une tare et je pense qu'on doit faire extrême ment attention
à ce phénomène qui pourrait être créé
par votre reforme.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux vous demander
votre opinion dans le sens de la discussion que nous avons sur notre
intervention dans le domaine de I'industrie de la construction avec la loi 119,
avec la mise sur pied d'une Commission de la construction du Québec
où siègent des éléments des parties syndicales
patronales, du ministère de I'Éducation, du ministère de
la Main-d'oeuvre et de la Sécurité, du revenu du ministère
du Travail, justement dans le but d'évaluer les besoins du marché
de la construction et quon forme les jeunes à I'école en fonction
des besoins et des techniques qui se développent dans la construction en
impliquant tous les partenaires? Est-ce que vous êtes d accord avec une
telle approche?
Mme Courville: Je vous répondrai M. le ministre en vous
rappelant que notre colloque de Compton en janvier 1987 avait
élaboré la notion qu'on appelait alors le travail minimum
garanti, notion qu'on a réussi à intégrer au programme du
parti. Cette notion prévoyait, dans I'ensemble des secteurs,
I'élaboration de comités comme celui dont vous faites mention
pour vraiment réussir a réunir, non pas tout le secteur de
I'éducation, tout le marché du travail, tous les syndicats et
tout cela dans la même boîte, mais vraiment par secteur,
c'est-à-dire les gens qui sont impliques par exemple dans un secteur
comme I'aluminium, ou les techniques aeronautiques, ou tout le secteur de
I'aviation, les gens qui se sont chargés de fa formation de ceux qui
entrent sur le marché du travail, des gens qui travaillent dans les
syndicats dans ce domaine-là, le patronat dans ie même secteur.
(13 heures)
En assoyant les gens autour d'une même table, secteur par secteur,
on peu, je crois, très facilement faire I'analyse. Pour le secteur que
je connais - je suis ingenieure - on peut tout de suite voir les failles - il
n'y a pas beaucoup de chômage chez les ingénieurs, je vous le dis
tout de suite - de formation et voir quels étudiants sont diriges sur
des votes de garage et dans quels domaines. Cette analyse se fait secteur par
secteur. Je suis sûre que si chacun des domaines au Québec se
responsabilisait, autant les syndicats que le monde du travail, si les gens se
souciaient de la génération qui vient derrière eux, que
ces gens là n auront pas de place, car ils savent qu'ils nous forment
sur des voies de garage, je pense qu'on serait beaucoup
mieux sur le marché de l'emploi dans tous les secteurs.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): De quelle façon
évaluez-vous ou percevez-vous - cela devrait peut-être être
une meilleure question -le travail qui est fait un peu dans ce sens là
par les commissions de formation professionnelle, un peu partout, dans toutes
les régions du Québec?
Mme Courville: Je ne suis pas apte à évaluer le
travail des commissions professionnelles dans tout le Québec.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je reviendrai tantôt parce
que, sur les douze recommandations que vous effectuez à la
dernière page de votre mémoire, il y en a qui d'après
nous, font déjà partie de ce que nous proposons. Pour vous citer
quelques exemples, la douzième que vous avez mise en ligne, et
j'espère que ce n'était pas par ordre d'importance pour vous,
c'est la question de la parité. Nous prétendons que nous
l'accordons, mais pas dans les délais que vous nous demandez, que les
jeunes libéraux nous demandent, comme tous les jeunes. J'aimerais vous
entendre sur ce que les jeunes qui vous ont précédé nous
ont dit, soit sur l'effet de la contribution alimentaire parentale.
M. Laporte (Sylvain): Écoutez, au sujet de l'effet de la
contribution parentale, les études qui ont été
endossées par le ministre Ryan, lors du dépôt du
mémoire que I'on avait fait, je pense, à l'automne 1986, nous
laissait croire que moins de 30 % des parents donnaient effectivement la
contribution maximale exigée des parents. On dit 40 % quand on parle de
65 % de la contribution et plus, mais, lorsqu'on parle de 100 % de la
contribution, on parle d'à peu près 30 %. Alors il est à
croire que, dans le régime de l'aide sociale, ce pourcentage ne sera pas
augmenté et, à la rigueur, qu'il pourrait peut être
même diminuer. C'est ce qui nous laisse un peu perplexe.
Maintenant, quant à la parité de l'aide sociale, je ne
considère pas que le travail que vous faites, que je respecte
énormément, corresponde le moindrement à I'engagement du 2
décembre 1985. Il correspond à un nouvel engagement, celui du 25
février 1988 qui est dans quelques domaines une amélioration de
la situation, mais, dans bien d'autres, une détérioration. Pour
plusieurs de ces jeunes, la parité de l'aide sociale pour 17 657, c'est
la perte de tout revenu, pour 3616, c'est la réduction de leur
chèque mensuel pour la plupart des autres cest-à-dire les 4273
autres, écoutez, c'est une contribution parentale qu'on évalue
à 100$ minimum et dont on ne connaît pas le plafond.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le plafond, ce sont les
prêts et bourses.
M. Laporte (Sylvain): D'accord. Alors, maintenant qu'on
connaît le plafond, c'est aussi dangereux, on peut s'y cogner la
tête, tellement il est bas. Mais, écoutez, on ne s'attend pas que
ces 4273 puissent recevoir la contribution parentale qui est pourtant
exigée. Alors, ce qu'on exige du gouvernement, c'est qu'il mette de
l'avant la promesse de décembre 1985 et qu'il ne se soucie pas des
différentes distorsions qu'il pourra créer avec le ministre de
I'Éducation, parce que ce dernier doit aussi proposer une
réforme. Je pense que, malgré la grosseur de la fonction
publique, vos deux bureaux et les bureaux d'autres de vos camarades ne sont pas
si loin que vous ne puissiez vous consulter avant de présenter chacun
votre réforme. Ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut pas craindre une
distorsion de l'aide des prêts et bourses par la réforme de I'
aide sociale.
M. Paradis (Brome-Missisquoi) Si je vous soulignais que je ne
suis pas le premier à exprimer de telles craintes et que dans une
politique proposée ou mise de l'avant dans un livre blanc sur la
fiscalité, quelqu'un en 1984, même en s'opposant à la
parité, même en demeurant au petit barème pour les jeunes
en bas de 30 ans disait: La politique actuelle concernant les jeunes
d'âge scolaire incite peu aux études, particulièrement les
jeunes qui sont considérés à la charge de leurs parents
aux fins du régime de prêts et bourses. À titre d'exemple,
un élève de 18 ans aux études collégiales,
demeurant chez ses parents et dont le père gagne un salaire égal
au salaire industriel moyen, recevra annuellement un prêt de 1075 $ en
vertu du régime de prêts et bourses, alors que, s'il décide
de décrocher, il recevra annuellement 1758 $ du programme d'aide
sociale. Dans le premier cas, il devra rembourser le prêt obtenu alors
que dans le deuxième, il n'aura rien a rembourser. On pourrait citer
d'autres exemples où le jeune aura le choix entre aucune aide
financière pour ses études, aucune bourse et aucun prêt, si
ses parents sont plus fortunés, et un montant de 1758 $, s'il est
bénéficiaire de I'aide sociale. À la limite, si les
parents sont bénéficiaires de I'aide sociale, il recevrait 1250 $
en bourse et 1195 $ en prêt, s'il est au cégep contre 1758 $, s'il
est bénéficiaire de l'aide sociale. Ce sont des chiffres sans
accorder la parité, même en se prononçant contre la
parité. En accordant la parité, nous soulevons que I'incitatif
crée est augmente considérablement. Est-ce que vous ne
considérez pas qu'il serait dangereux d'avoir une politique de
sécurité du revenu qui financièrement, inciterait les
jeunes à considérer l'option de I'aide sociale plutôt que
la continuation des études?
Mme Courville: M. Paradis, nous sommes dans une commission
parlementaire sur I'aide sociale, mais je vais faire une petite escapade du
côté de l'éducation qui est un dossier que
j'affectionne également. Le problème, c'est que vous
comparez deux régimes, en tenant pour acquis que le régime des
prêts et bourses est en général satisfaisant. Or, vous
n'êtes pas sans savoir que la majorité et même la
totalité des associations étudiantes ont, depuis dix ans,
entrepris des batailles avec le gouvernement du Parti québécois
et avec le gouvernement du Parti libéral également pour souligner
les immenses trous qu'il y a dans ce régime de prêts et bourses.
Nous avons une solution à proposer. Vous pourrez l'adresser de ma part
au ministre de l'Éducation, nous l'avons déjà fait. Cela
s'intitule "I'impôt universitaire". Nous ne croyons pas, tout comme vous,
que la situation des jeunes qui sont aux études collégiales et
universitaires soit adéquate pour l'instant. En effet, il y a
désincitation, non pas simplement à cause de l'aide sociale, mais
à cause d une multitude de facteurs. Les chiffres qui indiquent le
nombre de jeunes qui doivent travailler à temps partiel durant leurs
études sont effarants, car un travail à temps partiel ne permet
pas une implication aussi grande dans les études, surtout quand le
travail à temps partiel est de 25 et 30 heures, presque une semaine
complète. Vous ne me ferez pas dire que les études et la
qualité de la formation est aussi grande. Toutes ces revendicalions sont
faites depuis longtemps par les associations étudiantes au
ministère. La solution que nous amenons: abolir les frais de
scolarité, hé oui, et les remplacer par un impôt selon
lequel la personne qui a terminé ses études et qui est rendue sur
le marché du travail comme avocat, ingénieur, technicien en
aéronautique ou n importe quoi et a maintenant des revenus peut - par
année nous avions calculé un taux de 3 % - permettre au
gouvernement de retirer 3 % de son chèque de paie pour rembourser tout
ce qu'il a eu et permettre après cela aux jeunes qui le suivent de faire
des études encore plus adéquates. Cette façon de faire que
nous avons proposée à notre parti et qui a été
entérinée par le Parti québécois nous
apparaît idéale, car cela libère complètement les
jeunes de contraintes financières durant la période où ils
doivent se consacrer à leur formation et vraiment être
complètement plongés dans le milieu des études pour,
après cela, leur permettre, sur le marché du travail, bon
d'accord de le financer pendant peut être dix ans. II faudrait faire des
études actuarielles pour définir les montants. Cette façon
de faire en ce qui a trait aux prêts et bourses permettrait donc aux
jeunes en remboursant... Le régime des prêts et bourses pourrait
être collé à cette notion d impôt universitaire. II y
a plusieurs facettes à regarder avec cela. Cela permettrait de mettre de
I'argent neuf dans les universités. cela permettrait aux jeunes de se
concentrer et vous oublieriez votre problème de concilier I'aide sociale
avec le régime des prêts et bourses. Le régime des
prêts et bourses aurait été totalement modifié par
une solution innovatrice.
Maintenant si on revient à l'aide sociale, on n'aurait plus
besoin de faire cette harmonisation et on permettrait aux jeunes qui tombent
dans les trous des prêts et bourses, parce qu'il y en a des trous, de ne
pas tomber dans la rue, mais de tomber à l'aide sociale quelque temps,
le temps de se ressaisir et de retourner à I'école.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais céder
à...
Le Président (M. La porte): Mme la députée
de Maisonneuve.
Mme Harel: Vous avez pu constater, M. le ministre. que le
Comité national des jeunes du Parti québécois a des
représentants qui ont la capacité de systématiser leur
pensée et de bien la présenter. Je veux vous dire avec
d'autant...
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... témoin de cela par le
biais des médias.
Mme Harel: J'allais dire qu'avec autant de
sincérité que je l'ai fait pour vos prédécesseurs,
je crois que nos formations politiques respectives sont finalement
bénéficiaires de I'indépendance d'esprit de l'autonomie
dont témoignent nos comités respectifs. J'ai pu le constater ce
matin, M. le ministre. C'est intéressant que vous nous rappeliez ici en
commission parlementaire des mesures assez novatrices: l'impôt
universitaire I'emploi minimum garanti tout le concept d'emploi minimum garanti
qui a été introduit par le Comité national des jeunes du
Parti québécois dans le programme. J'aimerais peut être
examiner avec vous - le ministre vous interrogeait sur les positions 1985 et
sur celles qui prevalent dans votre mémoire - une étude sur le
chômage des jeunes qui a été publiée dans la revue
Le Marché du travail. Cette étude est intéressante
à bien des égards parce que d'une certaine façon, elle
permet de verifier que, s'il y a toujours des problèmes - et ils sont
réels votre prédécesseur le notait un peu plus même
de 15 % - on peut quand même constater une réalité, c'est
que la situation s'améliore, elle ne se détériore pas
malgré qu'elle est relativement plus difficile encore.
Sans doute que vos préoccupations sont telles, et vous nous le
rappeliez, que cette amelioration ne trouve pas a se perdre dans une
perspective de ralentissement économique comme celle qui est
prévue à court et moyen terme. Je pense que vous aviez raison de
nous rappeler que ce sont finalement toujours les jeunes dans les cycles de
décroissance qui sont les victimes. On sait qu'avec la crise de 1982,
c'est un taux de chômage record qui avait été
propulsé à 23 %. C'est une amélioration, mais vous avez
raison de nous rappeler que cette amélioration est fragile et qu'elle
suppose, même en temps de croissance, une préoccupation de la part
du gouvernement
puisque les taux de croissance record de l'emploi ont à peine
fait vaciller le chômage de quelques fractions de 1 % ou plus, autour de
9, 7 %. Et ce sont des croissances records qu'il est fort possible qu'on
n'atteigne pas pour bien longtemps encore.
Si on reprend toute la question des prêts et bourses, la question
des transferts de clientèles, vous avez été très
explicite sur cette question. En réponse, le ministre vous dit que, si
une autre philosophie n'est pas adoptée aux prêts et bourses, si
c'était la même qui était maintenue par son gouvernement,
dans cette logique, il y aurait des problèmes de transfert. Si vous
vouliez, on ferait l'exercice de prendre cette logique juste pour voir s'il y a
des problèmes de transfert.
Le ministre nous dit: Un jeune qui va obtenir un prêt... Et il
nous donne les chiffres, 1075 $ pour un prêt et il nous donne les
chiffres de la bourse, et c'est toujours en relation avec les 1758 $ de l'aide
sociale de maintenant. Les 1758 $, si on divise par 365 jours par année,
représentent 5 $ par jour. Donc, l'incitation actuelle de quitter le
collégial parce qu'il n'y a pas de prêts et bourses autres que
pour des études collégiales et universitaires. Donc, on pense
à un jeune qui va au cégep, un jeune qui va à
l'université. Le ministre craint... En tout cas, il nous dit que les
craintes seraient fondées qu'il y aurait une incitation à quitter
des études collégiales et universitaires.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je
m'excuse. Si vous me permettez d'interrompre parce que ce n'est pas moi qui ai
dit cela, c'est l'auteur du livre blanc sur la fiscalité.
Le Président (M. La porte): On va permettre à Mme
la députée de Maisonneuve de continuer.
Mme Harel: Les spécialistes. Ah bon! D'accord. Mais il
fait siennes ces craintes. II les fait siennes à ce point que, dans son
document d'orientation, il les a trouvées suffisamment fondées
pour introduire la contribution parentale de peur justement. Ces craintes, il
les partage tout au moins. Alors, j'aimerais faire I'exercice avec vous si vous
pensez qu'elles doivent être partagées.
Croyez-vous qu'un étudiant de niveau cégep, de niveau
universitaire peut être tenté de quitter ses études, qui
sont un investissement pour I'avenir, ne l'oublions pas, pour obtenir, s'il est
à la maison comme dans l'exemple du ministre et qu'il habite avec ses
parents, qu'il est donc dépendant l'équivaient de 5 $ par jour?
Le ministre ajoute, et je pense qu'il faut en tenir compte aussi: L'incitation
ne sera t'elle pas plus grande avec ma réforme de la parité?
Parce que sa crainte est doublement amplifiée du fait que, maintenant,
il accorde la parité. (13 h 15)
Peut-être pourrions-nous examiner, avec les chiffres que vous nous
donniez, si l'incitation serait plus grande pour un jeune de 18 ans qui est
dépendant et qui partage le logement avec ses parents, qui habite chez
ses parents si le ministre doit craindre... Les chiffres que j'ai, c'est que ce
jeune, dans la même situation que maintenant, aurait soit 190 $ en 1989
avec sa réforme parce qu'il partage son logement et qu'il est
dépendant. Ou il est admissible, il attend les mesures et, alors, il
aurait 205 $. Cela lui fait une petite augmentation de 15 $ en 1989, parce
qu'il est admissible aux mesures, qu'il est dépendant et qu'il partage
un logement. Au mieux, il participe aux mesures, ce jeune qui quitte le
cégep, mais, selon ces mesures, il ne quitte pas le cégep pour
retourner finir son secondaire. II participe à des mesures qui seraient
stages en entreprise ou travaux communautaires. Stage en entreprise, mon Dieu
qu'on aimerait donc cela avoir les résultats des études que le
ministère a fait faire sur les stages en entreprise et qui semblent
indiquer tous les problèmes posés par les milieux qui ne sont pas
propices à la formation. Mais, au mieux, il pourrait améliorer
beaucoup son sort parce qu'il aurait 305 $ par mois, quand présentement
il a 487 $.
Croyez vous fondée la crainte partagée par le ministre
d'un problème de transfert de clientèle du cégep ou de
l'université à l'aide sociale?
Mme Chartier: Mme Harel, je pense que vous avez extrêmement
bien cerné la problématique. C'est sûr que I'idéal
ce serait un réajustement du régime des prêts et bourses
selon I'idée de I'impôt universitaire que nous avons
développée. Mais en admettant que le ministère de
I'Éducation prenne son temps dans cette demarche, vous avez tout a fait
raison en disant que pour les jeunes qui sont dépendants, ils ne
considéreront pas qu'il y a une diminution de I'incitation aux
études. Maintenant pour les jeunes qui sont indépendants, il y a
quand même une différence de 5 $ par jour comme I'indiquait M. le
ministre, mais quand même presque une chance d'avoir le BS pour le
restant de sa vie, ou la possibilité d aller s'éduquer et quand
même d'augmenter sa chance d'avoir un emploi rémunérateur
dans I'avenir.
Le taux de rendement d'une étude d'un cours, que ce soit au
niveau collégial, que ce soit au niveau universitaire, c'est sûr
que ce n'est pas ce que c'était dans le temps, mais c'est quand
même extrêmement fort par rapport aux gens qui sont
décrocheurs. Toutes les études s accordent pour le dire toutes
les études disent la même chose à cet effet. Donc, pour
qu'un jeune, en ce moment,, qui est indépendant choisisse les 5 $ par
jour pour le restant de sa vie, entre guillemets, ou une éducation avec
une beaucoup plus grande possibilité de se trouver un emploi, je pense
que c'est très clair que le transfert ne se fera pas et que les jeunes
vont
continuer à étudier.
Mme Courville: De toute façon, M. le ministre et Mme la
députée, je crois qu'il faut regarder les pourcentages. Je n'ai
pas les chiffres. Je vais juste vous lancer des questions. Le pourcentage qu'on
prévoit de jeunes qui pourraient transférer d'un programme de
prêts et bourses, qui lâcherait les études pendant neuf mois
et qui s'en irait après cela à l'aide sociale pour continuer les
mêmes études, il faudrait évaluer le chiffre. On peut le
faire rapidement, 5 %, je ne sais pas. Le pourcentage de jeunes qui se font
couper l'aide sociale, par exemple, on peut l'évaluer rapidement, c'est
dans votre document. Il y a 17 000 jeunes sur un total de 140 000.
Je pense qu'on peut regarder la quantité de gens affectés.
Je pense que, parmi les gens affectés qui se font couper l'aide sociale
ou qui se le font réduire par une mesure de contribution parentale, le
nombre de personnes, de jeunes touchés là, est-ce que cela
correspond aux jeunes qui vont transférer du régime de
prêts et bourses à l'aide sociale? Moi, je ne crois pas. Je crois
que c'est un faux problème. Les jeunes qui vont transférer, il se
peut qu'il y en ait, cela va être marginal par rapport à la
quantité de jeunes qu'on brime pour ces quelques cas. C'est comme les
problèmes de fraude. On ne va pas se mettre à judiciariser tout
un système pour des gens qui ne fraudent pas plus que les compagnies
fraudent leur impôt.
Mme Harel: Me permettez-vous une question justement sur la
question de la judiciarisation. On retrouve dans les recommandations de la
Commission jeunesse du Parti libéral - je vous les lis - que, si le
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
décidait de procéder avec le principe de solidarité
familiale - permettez-moi juste de tiquer un peu parce que c'est plutôt
une contribution parentale - premièrement, qu'il modifie les
critères qui déterminent la dépendance d'un
bénéficiaire pour assurer de façon non équivoque
qu'aucune discrimination fondée sur l'âge soit implicite et qu'il
reconnaisse par le fait même l'obligation filiale, avec les
conséquences que l'on sait de ce que peut être l'obligation
filiale. Alors, l'autre recommandation, c'est qu'il mette en place un
mécanisme administratif apte à assurer le versement effectif de
la contribution alimentaire. C'est une des recommandations du groupe qui vous a
précédé. Troisièmement, qu'il explicite la notion
de dénuement total et son application.
Concevez-vous que le critère de contribution parentale devrait
donner lieu à une judiciarisation des relations familiales pour
établir le paiement ou rendre obligatoire le paiement de cette
contribution parentale?
Mme Chartier: C'est très clair que la notion de
contribution parentale ou filiale entraîne une judiciarisation accrue.
Bon, une judiciarisation, c'est évidemment ce qu'on appelle, nous, dans
notre mémoire, le "boubou macoutisme". Un "boubou macoutisme" qui dort
probablement à nos portes, étant donné le nombre
considérable de catégories et de critères inédits
qui font partie du projet de réforme. Une chose est certaine, c'est que
le bénéficiaire risque d'être perdu dans une espèce
de dédale bureaucratique et, malheureusement, un
bénéficiaire qui est face à un agent du gouvernement en
train d'établir un contrat... Je pourrais citer un extrait du document
"Pour une politique de sécurité du revenu". On dit que les deux
ensemble devront établir le plan d'action. Le plan d'action prendra la
forme d'un engagement contractuel qui définira les obligations des deux
parties. Quand on parle d'obligations des deux parties, encore faudrait-il que
les deux parties soient égales, et, malheureusement, je ne pense pas
qu'un bénéficiaire soit exactement sur un terrain
d'égalité avec un agent du gouvernement. Cela nous apparaît
extrêmement dangereux. Tout ce qui pourra accentuer les méthodes,
les mécanismes de contrôle de l'appareil gouvernemental, est
extrêmement dangereux pour ces bénéficiaires.
La solution que nous proposons, c'est de former une commission d'appel
ayant juridiction pour entendre ces griefs et trancher entre le
bénéficiaire et l'appareil gouvernemental. Une telle commission
d'appel pourrait aussi, si jamais on adoptait la recommandation visant à
intégrer un volet formatif obligatoire dans les stages en entreprise,
trancher entre l'entreprise qui devrait donner son volet formatif et le
bénéficiaire qui se sentirait lésé parce qu'il ne
l'aurait pas obtenu. Donc, une commission d'appel semblable à la
Régie du logement ou à d'autres mécanismes assez
similaires existants à l'heure actuelle, qui pourrait permettre aux
bénéficiaires de se sentir un peu plus défendus.
Mme Harel: On retrouve cette recommandation à la page 22
du mémoire, où on fait toute l'étude de la
problématique, notamment quand vous dites: "Peut-on sérieusement
soutenir que le bénéficiaire de l'aide sociale et l'agent du
ministère dialoguent d'égal à égal?" Encore une
fois, je m'en veux de le répéter, mais c'est indispensable parce
que, sans cet éclairage, comment peut-on, de façon
sérieuse, évaluer ce qu'on s'apprête à faire quand
on n'a même pas les résultats des études sur les stages en
entreprise, les effets qu'ils ont eus, le taux de persistance. Vous savez sans
doute qu'il y a une catégorie qui fait que, si on quitte le programme
pendant six mois, on ne peut pas participer à de nouvelles mesures. Je
ne sais pas si, comme moi, vous avez assisté à la
présentation du premier groupe qui représentait les SEMO. Il
mettait en lumière une autre dimension, soit que du fait que 17 000
jeunes n'obtiendraient plus d'allocations, ils n'auraient plus accès aux
mesures d'employabilité. Non seulement accroît-on leur totale
dépendance, mais plus encore, ces mesures d'employabilité
- auxquelles on croit, je pense qu'il faut le dire, autant que le ministre dit
également le croire - ne seraient plus accessibles à ces jeunes
parce que, pour être accessibles, il leur faut être
bénéficiaires. Ne l'étant plus, ils ne pourraient plus
avoir droit à ces mesures. Je pense que c'est un trou dans le
système. C'est dans sa propre logique d'employabilité.
Je veux vous poser une question importante qui n'est peut-être pas
facile, mais qui est importante. Le ministre a dit qu'il peut y avoir un danger
s'il y avait une vraie parité. Supposons que le ministre se rende aux
arguments de l'ensemble des groupes ou la presque totalité des groupes
qui viennent devant la commission, demandant de mettre de côté,
parce que néfaste, la contribution parentale et de mettre de
côté la réduction pour le partage du logement, parce que
néfaste aux efforts consentis par des personnes pour améliorer
leur sort, et qu'il instaure une véritable parité à partir
de l'âge adulte de 18 ans et que cette parité, espérons-le,
serait accompagnée de mesures d'employabilité
particulièrement axées sur cette catégorie de personnes,
les 18-21 ans. On peut utiliser des catégories sans que cela signifie
une réduction des prestations. Il faut bien se comprendre. Est-ce que
vous concevez que les allocations, les barèmes devraient, dans tous les
cas, être offerts sans qu'il y ait, pour une catégorie qui serait
les 18-21 ans, l'obligation de participer à des mesures qui leur
permettent de mieux s'instrumenter pour faire face aux problèmes
auxquels ils auront à faire face dans l'avenir? Qu'est-ce que vous
considérez être la vraie parité?
Mme Courville: Je ne suis pas sûre de comprendre la
question, Je vais essayer de la cerner au début de ma réponse. Ce
que vous nous demandez finalement, c'est qu'est-ce que la parité? Est-ce
que c'est la parité à la baisse ou la parité à la
hausse? Est-ce que c'est tout le monde dans le même bain pour que tout le
monde soit lavé de la même façon? Premièrement, on a
étudié surtout la problématique des moins de 30 ans. Je
peux très brièvement vous dire qu'au sujet des plus de 30 ans,
c'est clair que des choses vont être dénoncées par d'autres
groupes, sur lesquelles nous sommes d'accord, que des femmes qui ont des
enfants de trois ans ne peuvent plus, et d'autres... Disons que, chez les moins
de 30 ans, il faut voir l'évolution du régime d'aide sociale,
voir s'il s'en va dans la bonne direction. Et, nous, notre principal but, ce
qu'on souhaite à ces gens qui font partie de notre
génération, c'est un emploi.
La meilleure façon d'y arriver, ce n'est pas facile, mais la
meilleure façon, bien sûr, c'est qu'ils se mettent à
l'ouvrage, qu'ils se mettent à participer à des programmes.
Encore faut-il qu'il y en ait, des programmes. Encore faut-il qu'il y en ait!
Un fait qui nous apparaît particulièrement... En fait, ce sont des
questions, parce qu'on n'a pas toutes les réponses dans cette
réforme. Les jeunes admissibles à des mesures, mais qui ne
peuvent pas participer aux stages parce qu'il n'y en a pas, ce n'est pas leur
faute. Ont-ils la parité totale? Ont-ils le montant des stages? Je sais
que la réponse est non. C'est quand même inadmissible parce que ce
jeune n'aura pas le plein montant, mais ce n'est vraiment pas de ses
possibilités de participer à des stages s'il n'y en a pas.
Alors, nous, ce qu'on propose, entre autres, dans notre mémoire,
c'est tout cet argent qui sera récupéré parce que le jeune
veut participer, qu'il est admissible, qu'il a 420 $ ou moins, selon les
différents statuts, mettons 420 $, il devrait avoir 520 $ parce qu'il a
le goût de participer, qu'il est libre et disponible à participer.
Ces 100 $, il faut qu'ils retournent à cette personne. La meilleure
façon de les lui retourner - il y en a deux - on peut !ui donner le
chèque ou on peut aussi investir énormément dans les
programmes de formation d'emploi. Cet argent peut faire partie, ne pas
être la seule subvention, mais faire partie d'un programme
résolument axé sur leur problème qui est l'emploi. Cet
argent doit retourner à ces bénéficiaires, il est hors de
question de faire des transferts, de décider qu'une année il n'y
a pas de programme d'employabilité, que les jeunes seront tous à
420 $ au lieu de 520 $, et que tout cet argent s'en va au Conseil du
trésor pour, Dieu sait quoi, réduire le déficit. C'est
important que l'ensemble des montants alloués à l'aide sociale
soient retournés aux bénéficiaires, et la façon de
les leur retourner, c'est de leur trouver un emploi. Alors, il faut
évaluer la façon la plus efficace. Il ne faut pas les laisser
dans la pauvreté. Et, s'ils ne peuvent participer à des stages,
ils doivent pouvoir récupérer cet argent sous forme d'aide au
travail.
Mme Harel: Votre principe se chiffre...
Le Président (M. Laporte): II reste une minute, Mme la
députée. C'est tout simplement pour vous le souligner.
Mme Harel: Oui, merci. Votre principe se chiffre parce qu'une
politique qui serait centrée, non pas simplement les mots pour le dire,
mais les moyens pour la réaliser, ce serait une politique qui
investirait à peu près 445 000 000 $, puisque c'est ce montant
qui supposerait la réalisation du projet, 445 000 000 $ de plus, sans
pour autant aller faire des économies de 100 000 000 $ dans le partage
du logement, 82 000 000 $ dans îa contribution parentale, etc. La
question est la suivante: Est-ce que, tout en étant bien
intentionnée, la proposition est de dire aux gens: On va couper vos
prestations pour mieux vous aider? C'est un peu tout l'enjeu. Il faut investir,
mais de façon que les gens ne soient pas pénalisés de
l'accompagnement qu'on veut faire pour qu'ils
soient mieux instrumentés.
C'est intéressant. Je ne sais pas si je vais en profiter
immédiatement pour vous remercier?
Le Président (M. Laporte): Oui, s'il vous plaît.
Mme Harel: M le Président, je pense que cest une
contribution intéressante et importante. Je souhaite qu'il y ait encore
d'autres groupes de jeunes. J'imagine que le peu de délai entre
Noël et la date du dépôt du 8 février n'a
peut-être pas permis à tous les organismes jeunesse de pouvoir se
présenter.
Relativement à l'ensemble des autres groupes qui se
présentent devant la commission, il y en a relativement peu. Mais je
vous remercie, comme on doit certainement remercier les organismes jeunesse qui
viennent défendre les gens de leur génération devant la
commission.
Le Président (M. Laporte). M. le ministre en vous
précisant qu il reste une courte minute. (13 h 30)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Une courte minute qui va
être jointe à des remerciements M. le President. Je dirai aux
représentants de la commission jeunesse que je suis conscient qu'ils ont
aussi travaillé durant des années sur ce fameux dossier de la
parité de l'aide sociale. Cela a dû être décevant -
ce n'est pas nécessairement pour les mêmes personnes, mais pour la
commission comme telle - jusqu'en 1985 de voir qu'il manquait même une
volonté politique de réaliser cette parité. Cela n'a pas
été facile non plus pour vos collègues de I'autre
formation politique. Ils y ont travaillé comme je l'ai indiqué
tantôt, avant I'élection, pendant I'élection, et je suis
bien placé pour vous dire qu'ils n'ont pas cessé de talonner le
dossier depuis I'élection. Cependant, je remarque que vous vous
rejoignez sur un aspect de cette parité qui s'appelle la contribution
alimentaire et je me dois également de constater que les
appréhensions de transfert de clientèle de l'école vers
I'aide sociale, si cette contribution alimentaire parentale n existe pas, je ne
suis pas le seul à les partager. Le seul candidat présentement en
lice à la direction du parti politique dans lequel vous militez la
partageait, et même en l'absence de parité. C'est encore beaucoup
plus grave. Peut être que, comme les jeunes du Parti Iibéral vont
sans doute continuer à insister pour que les ajustements se fassent du
côté des prêts et bourses, du côté du Parti
québécois, on pourrait également poursuivre la
réflexion dans ce sens là et convaincre ceux et celles qui
prendront les décisions finales.
Je vous remercie de votre contribution positive surtout en
matière de qualité des emplois et d'employabilité sur le
marché régulier du travail.
Le Président (M Laporte): La commission tient à
remercier le Comité national des jeunes du Parti québécois
pour sa présentation. Et la commission suspend ses travaux
jusqu'à 14 heures. Je disais aux parlementaires qu'on a un horaire
chargé cet après-midi.
Une voix: Jusqu'à 14 h 15, M. le Président.
Le Président (M. Laporte):... selon une entente et on
apprécierait que les gens puissent être ici à 14 h 15
précisément. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 32)
(Reprise à 14 h 22)
Le Président (M. Laporte): À l'ordre s'il vous
plaît! La commission reprend ses travaux J'aimerais rappeler le mandat de
la commission qui est de procéder à une consultation
générale et tenir des auditions publiques afin d'étudier
le document intitulé "Pour une politique de la sécurité du
revenu"
J'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Duquette du Dispensaire
diététique de Montréal. J'aimerais peut être vous
rappeler la procédure. Vous avez 20 minutes pour exposer votre
mémoire. Par la suite les différentes formations politiques ont
40 minutes pour discuter avec vous sur votre mémoire. Comme le
délai nous commande, je vous demanderais de bien vouloir débuter.
Merci.
Dispensaire diététique de
Montréal
Mme Duquette (Marie-Paule): Merci. M. le Président,
Mesdames et messieurs les députés, membres de la commission
parlementaire, j'aimerais d'abord vous remercier de cette invitation. II me
fait plaisir aussi de vous faire part des opinions du Dispensaire
diététique de Montréal au sujet de ce document
préparatoire au projet de la réforme d'aide sociale. Vous avez
déjà en main notre première réaction à
laquelle j'ajouterai aujourd'hui certaines précisions.
Je peux dire que les éléments majeurs quon a
retrouvés dans la réforme d'aide sociale sont d'une part
I'établissement des barèmes d'aide sociale et d'autre part les
programmes d'emploi et d'employabilité. Le dispensaire a acquis une
expertise dans la détermination des montants minimums requis pour
permettre la survie et le confort minimum. D'ailleurs ils étaient
auparavant utilisés par le ministère pour établir les
seuils d assistance sociale.
Donc dans mon exposé, j'aborderai principalement peut-être
nos craintes, je dirais et nos recommandations face aux barèmes
d'assistance sociale proposes et j'énumérerai aussi les points de
la politique ou des programmes d'emploi et d'employabilité sur lesquels
nous aimerions peut être attirer I'attention.
Les barèmes proposes prévoient une baisse
des prestations de base pour les assistés sociaux dits aptes au
travail. Les prestations antérieures étaient déjà
précaires. L'évidence de la relation entre la pauvreté et
le mauvais état de santé nous démontre bien l'importance
d'un revenu minimum garanti ou décent, finalement, comme première
mesure de prévention pour les personnes démunies. Cependant, le
projet prévoit remplacer les barèmes basés sur les besoins
par des barèmes basés sur les dépenses des familles
à faible revenu. On sait que ces familles à faible revenu ne
dépensent que ce qu'elles ont à dépenser, ce qui ne
correspond pas nécessairement aux besoins de base. De plus, si
l'écart continue d'augmenter entre les riches et les pauvres, leur
pouvoir d'achat s'amenuise. Leurs dépenses seront donc moindres et nous
craignons donc que les barèmes s'ajusteront aussi à la baisse. Ce
qui nous fait dire qu'utiliser la notion de dépenses des familles
à faible revenu ne répond pas nécessairement aux besoins
élémentaires de la personne. Le Dispensaire
diététique de Montréal a basé ses budgets de
confort minimum sur la notion de besoins minimums afin de bien saisir que les
besoins couverts sont basés sur un strict minimum, et cela sans aucun
artifice.
J'aimerais peut-être réviser avec vous les articles et les
quantités que nous avons inclus. Pour cela je vous inviterais à
consulter mon texte original en pages 13, 14 et 15, le tableau 1. J'illustrais
ici quels étaient les budgets de subsistance. Quand on parle de budgets
de subsistance c'étaient des budgets qui représentent les
exigences minimales pour préserver la santé physique de
l'individu. Dans nos préparations de budgets de subsistance on incluait
huit besoins de base, le logement, la taxe d'eau, le chauffage,
l'électricité, la nourriture, vêtements, soins personnels
et entretien ménager. Ces besoins sont simplement des besoins de base.
La quantité qu'on inclut dans ces besoins-là, c'est vraiment
minime. Par exemple, pour l'électricité c'est simplement le
nombre de kilowatts nécessaires pour éclairer la maison, pour se
servir de quelques appareils ménagers comme le grille-pain, le
réfrigérateur, la cuisinière, le chauffe-eau et aussi pour
la radio seulement. On n'a pas, dans cela, la consommation
d'électricité pour la télévision, un
stéréo ou des choses comme cela. Alors, c'est vraiment des
stricts minimums. Ce ne sont pas les minimums?
En plus des besoins de subsistance, on a calculé ce qu'on appelle
les budgets de confort minimum; c'est-à-dire qu'aux huit besoins de
base, on a ajouté des besoins qu'on appelle les besoins de confort
minimum. Disons que si on veut que la personne aille au travail, eh bien, il va
falloir un moyen de transport; alors, dans cela, on inclut une passe d'autobus.
Le téléphone, c'est aussi essentiel. On inclut aussi les
journaux, des effets scolaires pour les enfants et quelques menus articles.
Finalement, tout cela en termes de chiffres, si vous regardez au tableau
II, ce sont des quantités minimales. Quand on parle qu'on a
inclus un petit montant pour les visiteurs, les amis qui viendraient, ce sont
des montants de 7 $ par mois pour une famille. Alors ce n'est vraiment pas de
recevoir, c'est simplement acheter un petit peu de nourriture de plus, mais tu
ne vas pas bien bien loin avec 7 $ de plus.
Seulement pour vous montrer le strict minimum de ces budgets, on peut
voir que, finalement, le total des dépenses est porté... Disons,
qu'il y a quasiment 86 % vont pour le logement et la nourriture. Le reste,
c'est simplement pour quelques articles pour les soins personnels et
domestiques. Alors, nos budgets, finalement, ce ne sont pas des recommandations
comme telles. On dit: Quel est le strict minimum en dessous duquel la
santé des gens peut être mise à risque? il faudrait
quasiment avoir un doctorat en mathématiques pour pouvoir
budgétiser de cette façon et arriver à se maintenir en
santé.
Alors, si on regarde au tableau III, vous allez avoir... On a fait un
petit exercice ici pour voir... Si j'étais une assistée sociale
et que l'avais un revenu selon le soutien financier, femme seule avec deux
enfants de deux et quatre ans, je recevrais des montants qui sont à peu
près conformes au budget de confort minimum du dispensaire, soit 956 $,
comparé à 915 $ qu'on avait déterminé, tandis que
si je suis un famille de deux adultes et deux enfants de quatre et sept ans et
que j'étais participante au programme, à ce moment-là, on
aurait un revenu de 1049 $ et, selon le confort minimum du dispensaire, bien
1166 $ seraient nécessaires pour cette famille. Cela veut dire que cette
famille aurait un déficit budgétaire de 117 $.
Si elle ne participe pas, son revenu est réduit encore, alors il
y a encore un plus grand déficit. Déjà, cette famille
devrait dépenser au-delà de 39 % de son revenu pour assurer une
alimentation adéquate à tous les membres de la famille. Alors,
c'est sûr que le point budget alimentaire, c'est toujours celui qui est
le plus compressé dans le budget, et c'est toujours sur cela qu'on coupe
pour aller aux urgences, pour payer des urgences. Ce qui en résulte, eh
bien, c'est au détriment de la santé des membres de la famille.
On voit cela tous les jours au dispensaire avec les milliers de femmes
enceintes qu'on reçoit au bureau.
Au tableau V, vous allez avoir une comparaison des budgets du
dispensaire. Disons que si on regarde la colonne du confort minimum et si on
était élu apte et participant, on se rend compte que...
Finalement, si je suis apte et participante, si je suis une Famille de deux
adultes, deux enfants, on reçoit un revenu de 1012 $, alors que pour
cette même famille, 1189 $ est le minimum requis pour assurer un certain
minimum vital, je dirais. Les barèmes proposés, il faut se
rappeler que ce sont les barèmes qui pourraient être
proposés - je ne
sais pas si je me trompe - pour janvier 1989. Alors, d'ici là,
l'Inflation va sûrement aggraver cet écart, à moins qu'il
n'y ait là une augmentation ou un réajustement de ces
chiffres.
Dans le contexte actuel du chômage, i! est fort probable que la
majorité des assistés sociaux aptes, donc plusieurs d'entre eux,
ne réussiront pas à accumuler le gain de travail; donc ils auront
à survivre sur des revenus vraiment Inadéquats. Comment demander
à ces gens de se prendre en main en réduisant les revenus
à des taux inférieurs aux besoins élémentaires? Les
effets escomptés d'une telle politique risquent d'être
annulés. Cette politique ne fera qu'augmenter, je dirais, l'écart
entre les riches et les pauvres. De plus, étant donné que le
maintien des barèmes insuffisants entraîne des conséquences
dont les contribuables assument les frais de toute façon, il est
fortement recommandé qu'on établisse des barèmes
d'assistance reconnus comme étant des minimums vitaux pour tous les
assistés sociaux. Sans compter que l'application de la réforme
proposée coûtera très cher aux contribuables. Alors, il
faut éviter de créer un système qui est un peu trop
complexe, peut-être, et qui serait peut-être très
coûteux aussi, un système qui ne réponde pas
nécessairement aux besoins surtout que je pense que les assistés
sociaux ont des problèmes nombreux et très divers. Alors, on ne
peut pas s'attendre que les agents d'aide sociale soient aptes du jour au
lendemain à pouvoir intervenir et décider du sort de ces gens
rapidement. (14 h 30)
II y a aussi un point important que j'aimerais signaler. C'est pour les
femmes enceintes en difficulté. Nous souhaitons un statut
privilégié pour ces femmes. La réforme prévoit
qu'à partir de la 24e semaine de grossesse, c'est-à-dire le
sixième mois, la femme enceinte verra sa prestation passer de 720 $
à 660 $ par mois alors que, selon nos budgets, le minimum vital serait
de 780 $ tel qu'indiqué au tableau V de notre rapport initial.
On voit que les femmes enceintes, même si elles participent,
auraient des montants inférieurs à nos conforts minimums. Puis,
si elles deviennent non disponibles, hé bien! si c'est une femme seule
avec deux enfants, elle voit son revenu réduit à 762 $ alors que
le montant pour le confort minimum est de 928 $. Les prestations pour la femme
enceinte devraient, au contraire, être accrues pour faire face à
ses besoins nutritionnels et autres qui sont beaucoup plus
élevés. Surtout dans cette période de la 20e semaine, elle
se doit de manger en plus grande quantité et de consommer des aliments
de meilleure qualité, particulièrement durant cette
période où le cerveau de l'enfant atteint son pic de
développement.
Des études ont démontré qu'un état de
malnutrition durant cette période peut entraîner des dommages
irréversibles au cerveau. Une telle mesure doit être
corrigée. Pour les femmes enceintes, nous recommandons que son revenu
soit complété d'un supplément de revenu qui tienne compte
des besoins accrus de grossesse. Une suggestion serait peut-être de
considérer son foetus au même titre qu'un enfant
nouveau-né, donc un adulte et un enfant.
Les prestations à des femmes enceintes sont un investissement et
non une dépense. Saviez-vous que les bébés de petit poids
à la naissance sont plus maladifs, qu'il y a de plus longs
séjours d'hospitalisation, souffrent treize fois plus de retard mental
et sont plus à risque de se retrouver à l'adolescence ou à
la vie adulte avec des problèmes de comportement. Leur nombre est deux
fois plus élevé en milieu défavorisé qu'en milieu
favorisé. Oui, il est certain que le seul fait que la mère soit
mal nourrie durant sa grossesse produit des bébés qui
coûtent très cher à la société. Pensez
seulement à ce que cela peut coûter de garder un enfant en
institution, ce que cela peut coûter aussi de garder un adolescent en
centre, ce que cela peut coûter un adulte en prison finalement. Ces
enfants hypothéqués pour la vie, ce sont justement des
bébés de petit poids, des bébés de mères mal
nourries et qui, au cours de leur grossesse, ont connu des difficultés
ou des stress très grands.
Rappelez-vous que les bébés de petit poids
requièrent initialement, dès la naissance, en moyenne quatorze
jours d'hospitalisation au lieu de deux à trois jours pour un
bébé de poids normal. Le système de santé est
déjà surchargé. Il ne faut pas y contribuer davantage.
Nous recommandons donc que les foetus en croissance soient
considérés comme un être avec des besoins, tout autant que
l'enfant nouveau-né, donc que toute femme enceinte soit
considérée une adulte, un enfant.
De plus, le gouvernement vient de poser des jalons pour une politique
familiale. Dans le but de favoriser la politique familiale et de soutenir
l'effort des parents dans l'éducation des enfants, nous tenons à
mentionner que le traitement des femmes ayant à charge des enfants en
bas âge, nous semble peu conforme aux objectifs d'une politique familiale
rentable.
Pour ce qui est des moins de 30 ans, nous demandons aussi la
parité d'aide sociale pour eux. Des milliers de jeunes de moins de 30
ans sont aujourd'hui sans avenir, désespérés, n'arrivent
plus à s'en sortir et s'évadent dans !e monde illusoire de la
drogue, de l'alcool ou de la prostitution. Pour ces moins de 30 ans, nous
souhaitons la parité dès maintenant et non en janvier 1989. Les
jeunes de moins de 30 ans sont très nombreux et leur nombre continue
d'augmenter. Ces jeunes formeront la société de demain. Ils se
doivent d'y contribuer activement. Il faut leur donner des moyens financiers
pour subsister tout en appuyant les diverses mesures qui les inciteront
à poursuivre leurs études.
De plus, il nous faudra améliorer les programmes d'aide aux
décrocheurs. Je pense que c'est essayer de viser ou miser, cibler sur
ces
jeunes pour avoir notre programme d'emploi et
d'employabilité.
Enfin, les diverses questions que nous aimerions soulever sont à
savoir si la personne qui reçoit les montants d'assurance-chômage
inférieurs aux barèmes a toujours droit à un
supplément d'aide sociale, si le supplément de 20 $ pour la femme
enceinte est de ce fait éliminé, quelles sont les
répartitions, selon les besoins, des montants proposés et si les
assistés sociaux auront droit d'appel. C'est un autre point. L'emploi et
l'employabilité. La problématique de l'emploi et de
l'employabilité, je suis d'accord, possède des racines vraiment
multiples. Alors, il faudra s'interroger au-delà de la réforme
sociale pour trouver la solution.
Plusieurs points dans cette politique se doivent d'être
considérés, sinon les effets escomptés seront
annulés. Les points que nous dirions faibles, c'est que la solution
nécessiterait au-delà de 400 000 emplois. Ces emplois
rémunérateurs n'existent pas. Je pense que c'est un fait. II faut
partir avec ce fait en réalité. Je pense que la solution, telle
que proposée, surestime la capacité de la structure qu'on a
présentement en place. Aussi, quant à la solution, on met aussi
le fait qu'il y a une très grande diversité entre les
assistés sociaux. Ce n'est pas toute une étiquette de personnes.
C'est une diversité de personnes. Ces diversités de personnes ont
de multiples problèmes, alors on ne peut pas avoir une formule
universelle qui va guérir tous ces maux. Je ne sais pas si l'agent
d'aide sociale va être toujours qualifié pour vraiment apporter
des approches tout à fait spécialisées et
diversifiées aussi pour aider à les guider, à les mieux
placer dans leur plan d'action personnalisé.
Je pense qu'il faudrait axer davantage les programmes d'emploi et
d'employabilité. Je pense que c'est bien qu'on ait des programmes, qu'on
ait une politique d'emploi et d'employabilité. Il faudrait quand
même axer ces programmes plus vers des gens qui sont employables au
départ que d'essayer d'atteindre tout le monde du même coup, tels
les travailleurs récemment mis à pied. Je pense que ce serait un
groupe à cibler en premier lieu. Les jeunes décrocheurs, c'est un
autre groupe à cibler en premier lieu. Peut-être se donner plus de
temps pour appliquer la politique sur une période très courte
d'un an. Disons que la solution telle que proposée présentement
sous-estime, je pense les coûts de son application. Cela impliquerait la
formation d'agents et de l'embauche d'agents de programmes spéciaux qui
ne sont pas sur place présentement. Je pense qu'il faudrait vraiment
penser à une application sur une longue période de temps.
Aussi, je pense que la solution du problème de I'emploi et de
l'employabilité des gens nécessiterait peut-être une
structure de concertation avec tous les organismes en dehors du gouvernement,
organismes privés ou bénévoles qui, eux aussi, travaillent
dans le milieu, auprès de ces gens des milieux défavorisés
qui ont déjà des programmes qui sont mis sur pied,
peut-être de concert avec autant le ministère, avec le monde des
affaires, avec les syndicats, avec les organismes bénévoles pour
arriver à formuler finalement et réaliser des programmes qui
soient vraiment efficaces. Le gouvernement demeure premier intervenant dans
tout cela, c'est certain, mais je pense, que la collaboration de ces
gens-là va être très importante.
Le débat sur la problématique de l'emploi et de
l'employabilité se devra d'être accompagné d'une
série d'autres interventions. Je pense qu'on ne peut pas, avec juste la
réforme de l'aide sociale proposée, penser qu'on va pouvoir
résoudre beaucoup de problèmes tout de suite. II faut vraiment
avoir d'autres temps accompagnés d'une série d'autres
interventions finalement après cette première discussion.
En résume, je dirais que le Dispensaire diététique
de Montréal recommande donc que les barèmes d'aide sociale
couvrent les besoins vitaux pour tous les bénéficiaires. Nous
recommandons aussi qu'un statut privilégié soit accordé
aux femmes enceintes. Nous recommandons la parité des jeunes de moins de
30 ans dès maintenant et de faire porter d'abord sur eux tous les
efforts de réinsertion au marché du travail. Nous recommandons
que les programmes d'emploi et d'employabilité soient plus approfondis,
peut-être mieux ciblés et appliqués de façon
progressive. Ainsi ce sera probablement voué à un plus grand
succès.
Ce projet de réforme est un pas à la recherche d'une
solution au problème de la pauvreté. Nous vivons depuis quelques
années une détérioration sociale évidente qui nous
inquiète. Ne rien faire ou réduire davantage leurs moyens, c'est
se condamner soi-même. Cela nous mène vers une très grande
instabilité sociale. Le défi à relever est à la
fois énorme et très complexe je suis d'accord. Nous croyons
fermement que c'est en misant sur ce qu'il y a de meilleur au sein de
l'individu que cette politique réussira vraiment. Évitons de
nourrir les préjugés par une attitude peut être un peu
punitive à I' égard de ces gens.
Le gouvernement se doit aussi de considérer toute dépense
pour améliorer cette situation comme un investissement important pour
I'avenir de notre société. Merci.
Le Président. (M. Laporte): Merci, Mme Duquette. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie Mme Duquette et
l'organisme qu'elle représente, le Dispensaire diététique
de Montréal. Oui, pour son mémoire, oui pour sa
présentation et également oui pour un travail de longue haleine.
Votre intervention n'est pas nouvelle dans ce type de dossier.
La clientèle de I'aide sociale n'est pas une clientèle qui
est facilement employable. Sur les 400 000 chefs de familles qui sont
présentement
des prestataires de l'aide sociale, vous en retrouvez à peu
près 100 000 qui seraient éligibles, suivant les
évaluations du ministère, au programme Soutien financier, donc
qui ont des difficultés très majeures de se trouver un emploi.
Parmi l'autre 75 % des 300 000, il y en a régulièrement à
peu près 75 000 à 85 000 qui sont considérés comme
non disponibles pour les motifs énumérés dans le document
de sécurité du revenu. Donc, il reste, grosso modo, quelque 225
000 personnes qui sont considérées employables. C'est un gros
mot, considérées employables. On les considérera
employables lorsqu'on aura réussi, dans plusieurs cas, à
améliorer leur employabilité. 36 % de cette clientèle sont
des analphabètes fonctionnels. De nos 300 000 personnes aptes, 36 % qui
sont analphabètes fonctionnels. 60 % n'ont pas complété
leur cours secondaire, et on sait combien d'entreprises exigent aujourd'hui,
strictement pour avoir la permission de poser sa candidature sur l'emploi qui
exige le moins d'employabilité, qu'on détienne au moins un
diplôme d études secondaires. II y en a 40 % qui n'ont pas
d'expérience de travail, aucune expérience de travail. On sait
combien d'entreprises exigent également qu'on ait au moins une ou deux
ou trois expériences de travail.
On fonctionne donc à partir d'une clientèle qui,
même si elle souhaite travailler, fait face à des barrières
et à des handicaps qui sont importants et qui sont majeurs.
Jusqu'à ce jour, le gouvernement a offert des programmes
d'em-ployabilité à des jeunes de moins de 30 ans ainsi
qu'à des chefs de familles monoparentales. Il s'est contenté
d'envoyer des chèques mensuels aux autres en leur souhaitant bonne
chance et en ayant la conscience tranquille, parce qu'on avait fait ce qu'on
pensait avoir à faire envers la société.
Pendant ce temps-là, on a des problèmes majeurs chez les
jeunes à 178 $ par mois. Qu'on prenne les chiffres du Dispensaire
diététique de Montréal ou les nouveaux ou les anciens ou
à peu près n'importe quelle formule, à 178 $ par mois au
moment ou on se parle, il ny a personne qui peut subvenir à ses besoins
de base essentiels qui sont la nourriture et le logement. II nous faut donc
corriger - et vous dites demain matin - cette lacune.
II y a également d'autres défis qui se posent. Est-ce
qu'on peut abandonner également toute cette clientèle des 30-65
ans comme l'ont fait les gouvernements jusqu à date? Est ce qu on peut
les considérer comme étant bien stationnés, au moment ou
on se parle, et dormir la conscience tranquille en connaissant leur situation?
Nous disons que non. Il y a quand même des évolutions qui sont
là, des paramètres dans la société qui nous
indiquent qu'il y a un développement, même avec le système
actuel qui peut s'avérer positif. Prenez la situation des jeunes.
Tantôt vous avez cité que la clientèle jeune va en
augmentant à l'aide sociale. Ce n'est pas le cas. En tout cas ce fut le
cas jusquà la fin de 1985. Cette clientèle de jeunes de moins de
30 ans à l'aide sociale, en janvier 1986, s'évaluait
précisément à 147 795. En janvier 1988, deux ans
après, ce sont 106 700 jeunes de moins de 30 ans que l'on retrouve
à I'aide sociale. Il y a quand même une baisse de 41 095 jeunes
pour être très exact. (14 h 45)
Le défi c'est de donner la parité, d'accorder la
parité à I'ensemble de ces jeunes. Avec ce que l'on propose, je
pense que les jeunes vont l'obtenir dans une proportion importante,
c'est-à-dire qu'à peu près 75 % des jeunes ne seront pas
affectés par ce qu'on appelle la contribution alimentaire parentale.
Quant à l'autre 25 %, il y aurait, suivant les statistiques ou la
clientèle de mars 1987 quelque 17 000 jeunes qui, à cause de
cette contribution alimentaire parentale, seraient évincés de
l'aide sociale et quelque 8000 autres seraient ajustés, soit à la
hausse, soit à la baisse. C'est le portrait. Oui, parce quà
partir... Je peux répondre. Mme la députée de Maisonneuve
a semblé impressionnée lorsque j'ai dit à la hausse. La
réponse, cest: Oui, à la hausse. À 178 $, lorsque vous
donnez la parité, même si vous entrez en fonction une contribution
alimentaire parentale, il est possible que quelqu'un termine - un cas
très pratique - à 250 $, 255 $, 260 $. On peut vous le ventiler
si on là. Cela me fera plaisir.
Mme Harel: Ils peuvent avoir 487 $ tout de suite.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ne vous choquez pas. J'expliquais
la réalité à madame. C'est la clientèle avec
laquelle nous devons composer.
Vous êtes des spécialistes ou votre organisme se
spécialise dans I'établissement des besoins de base. Un choix
majeur a été fait par le gouvernement à partir dune
décision quon se devait de prendre. Est-ce qu'on devait continuer
à utiliser les barèmes que vous développez, qui ont comme
base un système qui est parti depuis 1949 et qui a continué a
évoluer avec les années ou choisir un autre barème? Est-ce
que le choix d'un barème implique également de quelque
façon que ce soit notre obligation ou notre souhait d harmoniser avec fa
fiscalité? Est-ce que les barèmes ou I'établissement des
besoins de base que l'on effectue sont les mêmes que ceux du
ministère des Finances? C'est important qu'à un moment
donné - tout le monde le dit I'Opposition le réclame - il y ait
harmonisation avec la fiscalité. Lorsqu'on est pris dans ces choix on
tente au maximum d'harmoniser les programmes gouvernementaux et de prendre les
besoins de base dont le ministère des Finances se sert pour effectuer
ses calculs quant a la fiscalité.
C'est quoi cette recette magique, cette recette secrète que le
ministère des Finances
utilise? Finalement, ce sont les dépenses de consommation - cela
n'est pas fait de façon arbitraire; c'est Statistique Canada qui,
à tous les quatre ans, en fait l'inventaire - des travailleurs à
faible revenu dans la société, des gens qui travaillent Les
premiers 10 % de ces gens-là... Sur le plan des chiffres, qu'est-ce que
cela donne plus précisément? Cela donne, pour 1985, des
ménages avec un revenu net de 14 060 $. On prend ce que ces
gens-là dépensent réellement et on dit: C'est cela qui va
servir à établir les besoins de base des autres personnes dans la
société qui dépendent du système de
sécurité du revenu. Ce faisant, on a l'impression de ne pas
exercer de choix arbitraire On prend les dépenses des bas
salariés et on se dit: Les gens qui sont à l'aide sociale auront,
en ce qui concerne les besoins essentiels, des montants qui sont à peu
près les mêmes si on se fie aux dépenses de ces gens.
Je ne prétends pas que c'est parfait comme méthode de
détermination Je prétends, par exemple, que cela nous assure que,
dans tous les cas, les besoins des gens qui aspirent à devenir des
travailleurs ne sont pas comblés d'une façon supérieure
à ceux des travailleurs C'est un principe qui est important dans cette
réforme que nous présentons Cela nous assure également que
c'est harmonisé, finalement, enfin! avec la fiscalité au
Québec et cette fiscalité pourra s'appliquer à l'ensemble
des individus Les bénéficiaires de l'aide sociale ne seront pas
traités différemment, à partir d'autres critères de
besoins essentiels, de l'ensemble de la population du Québec
Quelles conséquences cela peut-il avoir? On peut être
optimiste. On peut être alarmiste On peut être moyen. La commission
parlementaire n'est pas tellement avancée, mais on a eu l'occasion de
poser des questions à des organismes qui s'occupent des gens les plus
démunis dans notre société Chaque fois - je continuerai
à le faire - on a demandé aux gens Quel est le pourcentage de
votre clientèle constituée d'assistés sociaux, de
chômeurs ou de bas salariés? On se rend compte, jusqu'à
présent, au moment ou on se parle, pour ces groupements qui s'occupent
des plus démunis, que le pourcentage de la clientèle
composée de bas salariés est généralement
très faible. Dans certains cas, il est inexistant Est-ce à dire
que les besoins de base essentiels de ces gens-là sont comblés?
On peut dire oui ou on peut dire non On peut dire qu il ne se retrouve pas dans
les bras de ces organismes communautaires et donc qu'il doit y avoir un certain
mérite à ce barème
C'était la représentation que ]'avais à vous faire
pour effectuer le choix gouvernemental du barème, en ne disant pas que
le barème préparé par votre organisme est un barème
faux, mais ce n'est pas le barème dont se sert le ministère des
Finances, vous en êtes consciente et, lorsque nous tentons de maintenir,
à l'intérieur d'une réforme de sécurité du
revenu, l'élément incitatif au travail pour toutes les personnes
aptes, parce que le barème du soutien financier est, et je pense que
vous le concéderez, non simplement basé sur les besoins, on a un
ajout de 25 $ au bout pour tenir compte du fait que ces gens-là ne sont
à peu près jamais sur le marché du travail.
Je retiens également de vos propos qu'il nous faudra apporter une
attention particulière et spéciale à toute cette
période, et cela ajoute à des représentations que nous
avons déjà eues, où la femme est enceinte et où il
y a à la maison de jeunes enfants jusqu'à un certain âge.
C'étaient là les explications que je désirais vous fournir
de vive voix concernant les choix gouvernementaux et je vous demande de
réagir.
Le Président (M. Laporte): Mme Duquette.
Mme Duquette: Que le gouvernement choisisse d'établir ses
barèmes ou qu'il regarde à voir les tableaux basés sur les
dépenses des familles à faible revenu, c'est tout à fait
à propos. Ce qui est important, je pense que les conséquences de
cela, c'est que, finalement, si l'écart entre les riches et les pauvres
continue d'augmenter, cela veut dire que les dépenses des gens à
faible revenu vont diminuer, parce que leurs moyens de dépenser seront
moindres. Le risque de cela, c'est peut-être de se rendre compte que le
montant d'argent qu'ils dépenseront pour la nourriture sera
éventuellement moindre que leurs besoins et ne répondra pas
à des besoins essentiels pour assurer une certaine santé à
ces gens-là. Je pense que cela peut être une des
conséquences de choisir des dépenses, peut-être
aujourd'hui, en se basant sur les dépenses des familles à faible
revenu. On voit que les barèmes sont de façon un petit peu
comparable aux données du dispensaire, sauf plus du côté
des budgets de subsistance que des budgets de confort minimum. Alors, on disait
initialement que nos données étaient inadéquates ou
périmées du fait que leur mise à jour était, mais
en...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Toute donnée est toujours
discutable.
Mme Duquette: Pardon?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai dit toute donnée est
toujours discutable.
Mme Duquette: C'est cela, ce sont des estimations, c'est
sûr. II demeure qu'il faut finalement s'assurer que ces gens-là
auront quand même un mimimum. Je pense que la Loi sur l'aide sociale,
c'est d'accorder un minimum de bien-être à ces gens-là pour
éviter qu'ils ne s'enlisent pas dans une mauvaise santé, dans une
malnutrition, car les conséquences de la mauvaise santé,
finalement, qui les paie? Ce sont les contribuables. Alors, il faut essayer, en
tant que
gouvernement... Quand le gouvernement se donne comme loi sociale d'aider
les gens, il faudrait toujours s'assurer que ces montant-là seront
au-delà d'un minimum qui peut aggraver leur état de santé.
Je pense que c'est une des conséquences qui nous inquiètent. Ce
n'est pas le fait de choisir, oui ou non, entre te dispensaire ou Statistique
Canada, mais surtout une question à savoir s! ces minimums vont assurer
le minimum à ces gens-là pour le maintien de leur santé.
Je pense que c'était l'un des problèmes les plus graves.
Ce dont on se rend compte, c'est que le confort minimum, on veut, dans
ce programme d'aide sociale, faire en sorte que les gens soient capables de se
rendre sur le milieu du travail, qu'ils soient capables de se déplacer
pour ce faire. Alors, il faudrait que les montants proposés viennent en
fonction de ce qu'il en coûterait à un travailleur pour se
déplacer. Si je regarde le tableau des données du dispensaire, on
a alloué un petit montant au travailleur pour se déplacer. Je lui
accorde aussi un journal pour lire les emplois disponibles. Le montant
accordé, si j'étais participante pour une famille d'une adulte et
de deux enfants, c'est 822 $; cela ne correspond qu'à nos budgets de
subsistance, c'est-à-dire juste les huit besoins vitaux et c'est tout.
Cela ne correspond pas du tout aux autres besoins qui sont aussi essentiels que
de se déplacer: le transport, le téléphone, le journal,
tes articles scolaires, les crayons, les timbres pour poster les lettres de
demande d'emploi.
Je veux dire que pour ces choses, il n'y a pas de montant dans cela.
Cela correspond à 822 $ pour 827 $, alors qu'on dit que ces
familles-là auraient besoin d'au moins 1040 $, juste pour
répondre à ces besoins de base. Cela nous inquiète aussi
pour cela, parce que c'est difficile de leur dire: allez vous chercher du
travail, ceux qui sont capables, ou joignez-vous à des programmes
d'emploi, sans leur accorder le minimum pour le faire. Je pense qu'il faut
être... De plus en plus, on se rend compte... Nous, en tout cas, on
travaille avec des femmes enceintes de milieux défavorisés. On en
reçoit au delà de 2500 par année. On a six intervenantes.
Ces femmes, de plus en plus, n'ont même plus le téléphone.
L'appareil téléphonique n'existe plus. Il faut les appeler en
passant par des amis, par toutes sortes de moyens parce que, finalement, elles
n'ont pas suffisamment. Les gens, de plus en plus, font appel à des
banques alimentaires. Cela, c'est une détérioration dont on se
rend compte, à laquelle on fait face tous les jours. Plus les gens
s'enlisent dans cette situation-là, plus il sera difficile de les rendre
disponibles ou employables finalement. Je pense qu'il faut au moins leur
garantir une alimentation adéquate. Nous, on le vit tous les jours. On
sait que dans ces familles-là, ce qui arrive, c'est qu'elles coupent sur
le budget alimentaire pour payer leurs dépenses, leurs urgences, leur
transport et tout. Finalement, c'est la santé des gens qui est
détériorée.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un problème de relations du
travail. Je vais céder ou demander à Mme Harel, en vertu de
l'alternance, de poser des questions, quitte à revenir.
Le Président (M. Laporte): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Oui. Pourtant, M. le Président, je dois vous
dire que j'aurais eu, moi aussi, des questions à poser au ministre parce
qu'il y a des jours où on se sent moins patiente que d'autres.
Là, aujourd'hui, je dois vous dire que, pas pour des raisons qu'on pense
habituelles, je suis tannée de jouer à la cachette avec les
chiffres. Je suis vraiment profondément fatiguée de voir que le
ministre n'a pas le minimum du sens des responsabilités pour nous mettre
tous les chiffres sur la table. Je veux avoir les chiffres des besoins
essentiels tels que définis par le ministère en fonction de son
échantillonnage de 62 ménages qui l'amènent à
vouloir changer des besoins jusqu'à maintenant établis par le
Dispensaire diététique de Montréal comme dépenses
des travailleurs parmi les plus faibles de notre société. Peut-on
avoir ces chiffres, M. le ministre, pour travailler correctement avec le
Dispensaire diététique de Montréal cet après-midi?
Je veux avoir les chiffres des besoins essentiels selon la catégorie des
ménages en 1989 et en 1990.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, j'ai compris d'une oreille
distraite. Ce sont encore des demandes de chiffres. Moi, j'ai été
à même de constater...
Mme Harel: Ce sont des demandes de chiffres qui mettent en jeu !e
sort de centaines de milliers de nos concitoyens.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai été à
même de constater... Est-ce que je peux avoir la permission de
répondre, M. le Président?
Le Président (M. Laporte): M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi, j'ai été
stupéfait ce matin encore de constater que Mme la députée
de Maisonneuve n'avait pas encore terminé la lecture du document "Pour
une politique de sécurité du revenu" à l'occasion de la
comparution devant nous des jeunes de la commission jeunesse du Parti
Libéral du Québec. Elle pensait que ces jeunes avaient obtenu du
ministère de l'information dite confidentielle,
alors que l'information était contenue...
Mme Harel: M. le Président, il y a une question qui est
posée et c'est une réponse qui est donnée.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... alors que l'information
était contenue...
Mme Harel: Le ministre n'a pas à faire son fin fin.
Le Président (M. Laporte): Permettez, permettez...
Permettez, madame. Permettez, Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: La question, c'est: est-ce qu'il va nous permettre de
travailler sérieusement avec les tableaux des besoins essentiels selon
la catégorie des ménages?
Le Président (M. Laporte): Mme la députée de
Maisonneuve, pour la bonne marche des travaux qui, jusqu'à
présent, ont très bien fonctionné, j'aimerais vous
souligner que vous avez posé...
Mme Harel: Je suis tannée. Donnez-nous les chiffres.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Commencez par lire ce que vous
avez.
Le Président (M. Laporte):... que vous avez posé,
Mme la députée de Maisonneuve - M. le ministre, s'il vous
plaît - une question au ministre, à laquelle il a
répondu.
Mme Harel: II n'a pas répondu. Est-ce que j'aurai les
chiffres?
Le Président (M. Laporte): Madame.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous n'êtes pas satisfaite
de la réponse, c'est différent. Ce que je vous dis, Mme la
députée de Maison-neuve...
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est qu'il était clair, ce
matin, que vous n'aviez pas terminé...
Mme Harel: C'est que vous ne me les donnez pas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous n'aviez pas terminé...
Le Président (M. Laporte): M. le ministre,
Mme la députée. Mme la députée, comme je
l'indiquais, à laquelle...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On a un groupe. On est ici pour
l'entendre.
Le Président (M. Laporte): C'est cela.... à
laquelle le ministre a répondu selon ce qu'il a indiqué. Je vous
prierais de continuer dans le même sens.
Mme Harel: Alors, je vais devoir continuer, Mme Duquette, avec
les chiffres que j'ai parce qu'ils ont été divulgués
à la suite de fuites d'informations, grâce au Front commun des
assistés sociaux et assistées sociales. Ce sont les seuls
chiffres sur lesquels on puisse décemment travailler, étant
donné que sur la plupart de ce dont on aurait besoin actuellement pour
se faire une idée précise du sens dans lequel va la
réforme, il nous manque les informations les plus essentielles. (15
heures)
Je vais reprendre les besoins essentiels, je vais vous en faire parvenir
copie pour qu'on puisse examiner ensemble si cela correspond aux
définitions de besoins essentiels que vous concevez, au Dispensaire
diététique de Montréal, comme étant le confort
minimum. Si je comprends bien, c'est pour vous l'équivalent de ce qu'on
appelle des dépenses de survie.
Mme Duquette: C'est cela.
Mme Harel: C'est cela. D'abord, juste un mot parce que,
voyez-vous, à force de l'entendre là... Une première fois,
cela va, une deuxième, troisième, sixième, septième
fois, d'entendre que le ministre est bien intentionné et qu'il veut
s'occuper de tout le monde, pas seulement des jeunes de moins de 30 ans a qui
les mesures d'employabilité étaient offertes, tant mieux! C'est
là une intention louable à laquelle on souscrit. La question est
de savoir si, pour s'en occuper, il va mettre plus de monde dans la
pauvreté pour mieux les aider? C'est la question à laquelle il
n'a pas encore répondu. Évidemment, c'est une vraie honte de
faire accroire au monde que c'est pour leur bien qu'on va les couper. Quant au
mémoire que vous nous présentez, vous mettez en cause la base de
calcul en regard de ce que vous en connaissez par ce document d'orientation qui
n'en dit pas beaucoup. On conviendra qu'il ne nous donne que le résultat
final. Mais, en aucune façon, il ne nous décrit ce qu'il en sera
pour chacune des catégories essentielles de survie: alimentation,
logement, entretien ménager, soins personnels, communications.
Actuellement, êtes-vous en mesure, vous, de savoir si c'est... Les
connaissez-vous, d'abord, les chiffres du ministère? Est-ce qu'ils vous
ont été communiqués par...
Mme Duquette: Non, je n'ai pas les chiffres du ministère
en main. Je n'ai jamais eu l'occasion de voir les chiffres du ministère
alors, je ne peux pas... Sauf ce que vous venez de me
faire parvenir sur les données, sur les chiffres. Alors, je ne
peux pas vraiment comparer entre les données du ministère et
celles du dispensaire. Est-ce que les deux sont comparables ou est-ce qu'on
assure des montants adéquats pour la nutrition pour tous tes membres de
la famille? Eh bien cela, il faudrait faire des calculs.
Mme Harel: J'ai presque le goût de faire l'exercice avec
vous mais comme, là encore, il faut présumer que ce qui se
retrouverait dans le document-fiche du ministère consiste bien dans les
besoins que nous donnent les résultats qu'on retrouve dans le document
d'orientation, il faut le présumer parce que le ministre n'a pas le
courage de le confirmer. Alors, dans ces besoins essentiels, vous nous dites:
Remettre en cause d'abord la base de calcul elle-même. À cet
effet, je ne sais si... Je peux peut-être vous référer
à l'étude que le ministère a publiée dans une des
revues où il... Parce que le ministre vous a
référée à Statistique Canada en disant que
Statistique Canada utilise les dépenses de consommation. Mais pour les
fins du projet de réforme d'aide sociale, il s'agit d'une étude
réalisée par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et, que je sache, cette étude n'a pas
encore été validée par Statistique Canada. Statistique
Canada ne valide que les études où l'échantillonnage est
de plus de 100 ménages et l'étude n'aurait été
basée que sur un échantillonnage de 62 ménages pour
déterminer, en 1982, indexés plus tard, les besoins essentiels de
centaines de milliers de personnes. Dans cette étude, ce qu'on peut
constater, c'est peut-être d'examiner si réellement l'objectif que
le ministre dit poursuivre, de permettre à des gens de les instrumenter
en matière d'employabilité, si cela est
réalisé.
Alors, on pourrait peut-être regarder la catégorie avec un
même ménage d'une famille, chef de famille monoparentale avec deux
enfants. Prenons, par exemple, la taille de la famille de trois personnes, une
chef de famille avec deux enfants. Vous nous dites qu'une telle famille
nécessite un revenu de 915 $, c' est bien le cas?
Mme Duquette: Oui.
Mme HareL: Ce montant de 915 $, vous le...
Mme Duquette: Si les enfants ont deux ans et quatre ans. Si les
enfants sont un peu plus âgés, sept ans et dix ans, la même
famille nécessitera 1020 $.
Mme Harel: Est-ce que vous recommandez une modulation des
allocations selon l'âge des enfants?
Mme Duquette: Oui. C'est sûr qu'il en coûte beaucoup
plus cher. Si on fait référence au tableau IV du mémoire
original, vous allez avoir la variante dans les chiffres qui sont écrits
entre parenthèses. Vous avez un adulte et un enfant, avec un coût
de loyer de 262 $. La variante pour l'enfant, ce sont les chiffres entre
parenthèses. De 0 à 5 ans, cela va coûter 780 $. Mais, si
l'enfant est plus âgé, entre 13 et 15 ans, cela peut coûter
jusqu'à 881 $ pour ce même enfant. On a fait une moyenne à
837 $, montrée dans le tableau IV. C'est sûr qu'il en coûte
plus cher pour un enfant plus âgé et plus cher pour les
garçons que pour les filles, quand on fait nos travaux de
préparation de budget de subsistance.
Mme Harel: Quand vous nous dites qu'il y aurait
intérêt à moduler selon I'âge, il est donc
également nécessaire de moduler selon la taille de la famille.
Par exemple, cette réforme ne prévoit pas corriger le fait que
les barèmes s'arrêtent à deux enfants et que le
troisième n'est pas couvert, sauf pour les allocations familiales.
Qu'est-ce que vous...
Mme Duquette: Prenons juste l'exemple d'une famille qui
reçoit le soutien financier qui selon la nouvelle réforme, est le
montant le plus élevé. Si cette famille comprend deux adultes et
deux enfants, elle recevra, selon le soutien financier, 1037 $. Selon nos taux
de budget de subsistance, ce serait 1189 $, au minimum, avec un loyer de 275 $
par mois. On sait que ces coûts de loyer sont très rares de nos
jours. C'est difficile pour ces... Si ce sont des gens qui participent, deux
adultes aptes au travail, ils recevront 1012 $, alors qu'on dit que les besoins
sont de 1189$.
Mme Harel: Donc, deux adultes, deux enfants, 1189 $. Si on
examine la catégorie la plus méritante, celle qui est
considérée comme composée des vrais, un ménage
recevrait 1037 $, donc, mensuellement, 152 $ de moins que ce que vous
considérez comme un budget de survie.
Mme Duquette: Un budget de subsistance... Mme Harel: Un
budget de subsistance.
Mme Duquette:... de confort, ce qu'on appelle le confort
minimum.
Mme Harel: Oui, c'est peut-être mal.
Mme Duquette: Survie. Le confort est très mal... On ne
devrait pas dire confort. Budget minimum, point.
Mme Harel: Finalement, pour avoir déjà
travaillé avec vos chiffres, je me rendais compte que cela suppose de
faire quasiment trois fois de la soupe avec le même os.
Mme Duquette: Oui, ce sont vraiment des extrêmes minimums.
On n'a jamais mis dans nos budgets des données qui pourraient
être... On
essaie de toujours maintenir nos chiffres au strict minimum pour voir ce
qui en est. En fin de compte, l'exercice avait été fait
initialement pour le dispensaire pour aider, pour intervenir auprès de
notre clientèle. On remet un litre de lait aux femmes enceintes si leur
revenu est inférieur à ces budgets minimums qu'on a
établis. C'est rendu que, de plus en plus, les familles doivent en
recevoir. On doit donner des milliers de litres de lait par mois.
Mme Harel: Si on regarde le tableau des besoins essentiels qui
serait celui - il faut le présumer parce qu'on n'en a pas d'autre -
utilisé par le ministère on voit que, pour un couple biparental
avec deux enfants, le budget de long terme défini dans les besoins
essentiels serait de 1053 $, comparativement à ce que vous venez de nous
signaler, c'est-à-dire 1189 $. C'est donc une perte sèche de 136
$ par mois qu'une famille de deux enfants et de deux adultes aurait à
connaître avec la nouvelle définition des besoins essentiels que
le ministère adopterait, plutôt que de continuer à
travailler avec la définition du dispensaire. Dans le discours politique
qui justifie le changement, dans le document, on nous dit: Les chiffres du
dispensaire ne sont plus adéquats, ils datent de 1949. Est-ce que vous
pensez que vos chiffres n'étaient plus adéquats et justifiaient
le ministère de vouloir les changer?
Mme Duquette: Dans mon mémoire initial, j'ai
signalé le fait qu'on laisse planer le doute que les budgets du
dispensaire ne sont pas mis à jour. J'ai eu plusieurs appels à
savoir: Est-ce que le Dispensaire diététique a vraiment
formulé ses budgets en 1949 et ne les a jamais mis à jours
depuis?
Mme Harel: Comme cela a l'air d'être indiqué dans le
mémoire, dans le document plutôt.
Mme Duquette: Alors, j'ai eu des dizaines d'appels en regard de
cela depuis la sortie de la réforme. C'est peut être juste une
façon de la voir écrite dans le rapport. Mais de toute
façon, disons que les budgets ont été conçus en
1959 et que depuis ce temps ils sont mis à jour tous les ans. Quant aux
biens et services inclus dans chacune des listes, disons que la mise à
jour des prix se fait annuellement. Pour ce qui est de la nourriture, elle se
fait à tous les quatre mois, mais pour ce qui est des listes des biens
et services, elles sont mises à jour selon un rythme spécial.
Comme là, maintenant, les budgets de nourriture sont mis à jour
selon les standards canadiens de la nutrition pour s'assurer que les commandes
alimentaires qu'on préconise répondent au besoins nutritionnels
de chacun des membres de la famille.
Mme Harel: Alors, je dois faire constater au ministre qu'il y a
non seulement des omissions dans son document, il y a aussi des erreurs. II y
en a une évidente, en fait, en regard des besoins définis par le
dispensaire. Est-ce que vous concevez que le changement envisagé en
matière de définitions des besoins essentiels est un changement
qui va aller dans le sens d'une bonification pour I'avenir en faveur des
bénéfi ciaires ou s'il va aller dans le sens d'un
rétrécissement ou d'une réduction de leurs dépenses
de consommation?
Mme Duquette: Bien, une des craintes du dispensaire, c'est que,
finalement, cette formule va faire en sorte, parce que j'imagine que dans les
dépenses des familles à faible revenu peut s'inclure aussi ce
qu'on dit des petits salariés, mais on peut avoir parmi ceux
là... Je ne sais pas. Quand on fait appels aux études de
Statistique Canada, je ne sais pas du tout quelles sont les 62 familles qu'ils
ont prises. Est-ce que ce sont vraiment des travailleurs ou est-ce que ce sont
les petits salaries? Quand on dit que Statistique Canada a fait ses
études selon les dépenses des gens à faible revenu, est ce
que parmi ceux là, il n y a pas des assistés sociaux?Est-ce que parmi ces données de Statistique Canada, il y aurait
aussi beaucoup de personnes âgées? Alors, finalement, vu avec
I'économie qu'on connaît maintenant, je pense que I'écart
entre les riches et les pauvres va augmenter et que leurs dépenses vont
être réduites. Donc, finalement, on craint le risque que les
barèmes, éventuellement, soient ajustés peut être
plus à la baisse ou maintenus. Les dépenses des gens ne peuvent
pas augmenter parce qu'ils ne peuvent pas dépenser plus que I'argent
qu'ils ont en main. Disons que cela était une des inquiétudes du
dispensaire.
Alors, on craint beaucoup que, finalement, cela puisse rendre à
la baisse et le fait que, présentement, les barèmes tels que
proposés, ce sont les familles qui vont en souffrir le plus. Ce sont les
familles qui seront le plus affectées avec des taux moindres que le
confort minimum. Quant aux adultes vivant seuls ou deux adultes seuls, c'est
correct, mais si on prend des revenus de familles, si on prend les tables selon
les revenus de familles avec deux ou trois enfants, plus tu as des enfants,
plus la perte de revenu est grande. Si on a une famille de deux adultes et
trois enfants, si on est participant, on aura un revenu de 1184 $ incluant
l'allocation familiale, alors que les budgets du dispensaire sont de 1478 $
pour cette même famille. Ce qui veut dire que cette même famille
devrait dépenser plus que 86 % de son revenu juste pour son loyer et la
nourriture, pour s'assurer un toit et de quoi manger à tous les membres
de la famille. Alors, ce qui arrive, c'est qu'ils doivent toujours couper sur
la nourriture pour répondre à d'autres exigences et on sait que
si la personne ne s'alimente pas bien, c'est au détriment de sa
santé. Alors, c'est sûr qu'elle ne pourra pas non plus être
productive dans des programmes
d'employabilité, si on ne lui donne pas assez pour se nourrir. On
le sait, cela, dans les études chez les enfants, des choses comme cela.
Si les enfants ne sont pas en bonne santé au départ, ils ne
pourront pas fonctionner comme il faut à l'école et
peut-être, quand ils atteindront le secondaire, qu'ils vont facilement se
décourager parce qu'ils auront un échec à l'école
primaire et au secondaire. Alors, il vont être plus facilement des
décrocheurs et on ne s'en sortira jamais. Je pense que c'est une raison
pour laquelle il serait bon d'investir maintenant pour ne pas avoir à
payer plus tard. (15 h 15)
Je dirais qu'il y a toute une question qui nous préoccupe
beaucoup, à savoir comment on détermine ceux qui, comme on dit,
ne sont pas disponibles à subvenir de façon permanente à
leurs besoins. Qui sont ces gens-là? Est-ce que ce ne sont que les gens
vraiment handicapés ou est-ce que la femme enceinte qui, elle, ne
pourrait plus, parce que disons qu'elle a eu des problèmes... La femme
enceinte qui attend des jumeaux, est-ce qu'elle sera considérée
simplement non disponible à partir de la vingt-quatrième semaine
ou est-ce qu'il y aura aussi des variantes à cela ou est-ce qu'elle sera
de soutien financier? Il y a plusieurs petites questions qui ne sont pas tout a
fait claires dans la politique et qui nous inquiètent beaucoup en tant
que travailleuse auprès des milieux des gens défavorisés.
Je pense qu'il est important qu'on essaie de voir comment peut s'articuler
cette politique-là.
Mme Harel: Mme Duquette, ce serait extrêmement utile je
pense, pas simplement pour moi, mais pour les membres de la commission, si nous
pouvions obtenir ce tableau que vous avez préparé, qui
démontre que plus il y a d'enfants, plus la perte de revenu est grande.
Est-ce qu'il vous serait possible de nous le faire parvenir?
Mme Duquette: Oui. Il était dans le...
Mme Harel: Parce qu'on pourrait peut-être demander à
la secrétaire de la commission.
Mme Duquette:... dans le mémoire original; le tableau III,
si vous avez le mémoire.
Mme Harel: Dans le mémoire original?
Mme Duquette: Oui, tableau III, il y avait celui-là, puis
il y avait aussi d'une façon encore plus détaillée...
Mme Harel: Alors on retrouve le 1478 $ pour les revenus
nécessaires avec, disons, la taille de la famille, deux adultes, trois
enfants. C'est cela?
Mme Duquette: C'est cela.
Mme Harel: C'est cela. D'accord.
Mme Duquette: Mais vous l'avez aussi à l'autre...
Mme Harel: Nous allons le faire connaître au ministre de la
famille dès qu'il nous fera le plaisir d'être parmi nous pour
discuter de ces importantes questions à l'égard des familles.
Mme Duquette: De façon plus détaillée, on
l'a encore au tableau IV. Vous l'avez disons si la personne était
à soutien financier participant, non disponible ou simplement celle qui
ne peut pas entrer, elle est admissible au programme. Que seraient les revenus
comparativement à nos conforts minimums? Alors, on peut faire la
différence tout simplement comme une famille de deux adultes, trois
enfants, bien c'est 1037 $ pour 1012 $ si elle est participante, alors...
Mme Harel: Et c'est là que l'on constate que, même
dans la catégorie soutien financier, il y a une perte à
l'égard des besoins de survie.
Mme Duquette: Nos budgets minimums, finalement,
préconisent 1375 $ alors que c'est 1037 $ qu'ils recevront au soutien
financier. Et même si on ajoute les allocations familiales à ces
montants-là, cela ne répondra pas non plus. Même si
j'ajoutais à cela les montants d'allocation familiale de 172 $ pour
cette famille-ci, cela ne répondrait pas nécessairement aux
besoins de minimum qu'on a établi.
Le Président (M. Laporte): Je vous remercie bien. On m'indique
que le temps est écoulé. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je veux en profiter, parce que
lorsqu'on établit des barèmes qui couvrent des besoins,
l'échelle de base est extrêmement importante parce que toute les
extrapolations que l'on en fait par la suite peuvent être, soit
vérifiées, soit faussées.
À la page 22 de la politique sur la sécurité du
revenu, vous retrouvez ce que le gouvernement a adopté comme
méthode et a choisi, ce que le ministère des Finances utilise
également. On lit ce qui suit: "La structure des barèmes
proposés dans le nouveau système de sécurité du
revenu repose non plus sur la méthode du budget type établi
après les données du Dispensaire diététique de
Montréal, DDM, mais sur un relevé des dépenses
effectivement encourues par les ménages de travailleurs à faible
revenu du premier décile effectué par Statistique Canada. "
Là, il y a une note au bas qui dit qu'il s'agit des premiers 10 %
des travailleurs ayant les revenus les plus faibles, c'est-à-dire ceux
qui gagnaient moins de 13 700 $ en 1982. Puis on indique les montants qui
étaient indexés annuellement. Pour répondre en partie
à une des questions que vous avez posée: Non. ce ne sont
ni les assistés-sociaux ni les chômeurs; il faut que la
personne soit au travail. "Cette méthode permet de déterminer les
montants minimums nécessaires pour assurer la couverture de divers
besoins ordinaires par opposition à des besoins spéciaux tels que
le logement, l'habitation, l'habillement ou autres. "
Si l'on considère que certaines dépenses sont plus viables
que d'autres et que les besoins d'une personne depuis longtemps sans ressources
sont plus aigus que ceux d'une personne qui devient bénéficiaire
de l'aide sociale, trois catégories de dépenses -ou de besoins
peuvent être définis: les besoins de court terme, et on les
identifie clairement, les besoins de moyen, et on en ajoute, et les besoins de
long terme, et on en ajoute.
Je vous dis que ces chiffres-là sont disponibles, c'est public.
C'est l'enquête sur les dépenses familiales de Statistique Canada
1982; c'est publié. Dans votre cas, on va vous les faire parvenir et en
même temps on en fera une copie pour Mme fa députée de
Maisonneuve. C'est à la bibliothèque de l'Assemblée
nationale du Québec. Aussi loin que cela. Je pense qu'on aurait besoin
de votre expertise.
Mme Duquette: La préoccupation qu'on avait, c'était
dans les besoins à long terme. À la lecture de cette politique,
je ne pouvais pas vraiment voir si le transport était inclus ou non pour
ceux qui seront aptes au travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, vous allez être
capable, parce que c'est défini dans les statistiques.
Deuxièmement, chaque fois qu'on parle d'un programme particulier, on dit
si on couvre en prestations les besoins de court terme, les besoins de court et
de moyen terme ou les besoins de court terme jusqu'aux besoins de long terme.
À ce moment-là, dans les besoins à court terme, vous avez
l'alimentation, le logement, les communications, l'entretien ménager et
les soins personnels. Lorsque vous ajoutez les besoins de moyen terme...
Le Président (M. La porte): M. le ministre, en
conclusion.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... vous ajoutez l'habillement. Et
lorsque vous ajoutez les besoins à long terme, vous avez l'ameublement,
le transport - l'exemple que vous venez donner - et les loisirs, ce qui vous
permettrait - j'en profite pour vous remercier, en même temps - de
peut-être nous faire une contre-expertise. Vous avez une expertise qui
date d'assez longtemps dans le domaine. On prétend, au ministère
des Finances et au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, que cela correspond mieux, que c'est moins
arbitraire, aux dépenses vraiment effectuées par les travailleurs
à faible revenu. Maintenant, à partir des éléments
qu'on vous com- muniquera, si vous pouviez nous fournir votre contre-expertise
- critiquer les autres pour une fois - nous l'apprécierions. On a besoin
de s'assurer que notre base est véritablement bonne.
Le Président (M. Laporte): Merci, M. le ministre. Pour vos
remarques finales, Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci. Le Dispensaire diététique de
Montréal est bien connu, non seulement dans l'ouest, mais aussi dans
l'est de Montréal. Il rend des services absolument inestimables. Une
étude qui vient d'être publiée et qui s'intitule
Naître égaux et en santé, révèle tous
les coûts sociaux, économiques et humains des grossesses en milieu
défavorisé. J'ai pensé l'apporter pour le ministre, mais
je pense que je ferais mieux de l'envoyer au ministère des Finances.
J'ai l'impression qu'elle pourrait sans doute sensibiliser les gens des
Finances, eux qui n'ont que les colonnes de coûts comme
préoccupation. On pourrait les sensibiliser aux coûts
astronomiques qu'une société, que l'ensemble de la
collectivité a finalement à assumer à cause du peu
d'investissements que l'on fait contre la pauvreté.
Je voudrais peut-être...
Le Président (M. Laporte): Rapidement, s'il vous
plaît, Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel:... vous remercier. En vous remerciant je ne peux pas
ne pas demander au ministre ce qu'est devenue l'étude de Fugère
et Lanctôt, l'étude du ministère de la Main d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu sur la méthodologie de
détermination des seuils du revenu minimum qui sert à
déterminer la prestation d'aide sociale au Québec? Quand il me
renvoie à Statistique Canada, je le renvoie à cette étude
qui a servi de base au changement, au virage qu'il veut faire. Je lui demande
de rendre publique la définition des besoins essentiels selon la
catégorie des ménages, telle qu'établie dans cette
méthodologie et telle qu'il a décidé de l'appliquer pour
déterminer le sort de milliers de nos concitoyens.
Le Président (M. Laporte): Merci bien, Mme la
députée de Maisonneuve.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je ne peux
pas laisser...
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... passer... On me dit que
l'étude est encore au ministère. On fait dss études sur
plusieurs éléments. Mais ce dont on s'est servi, on vous l'a
indiqué dans le document. On aime mieux vous fournir les études
sur lesquelles on s'est basé pour établir nos barèmes que
les études sur lesquelles on ne s'est
pas basé. Maintenant, si vous voulez l'avoir quand même, il
s'agit d'une publication du ministère et on va vous la donner.
Mme Harel: Non. M. le ministre, ce sont vos barèmes qu'on
veut obtenir. Est-ce que c'est...
Le Président (M. La porte): Mme la députée
de Maisonneuve.
Mme Harel:... possible d'avoir les barèmes, non pas les
études qui ont servi à obtenir vos barèmes, mais les
barèmes?
Le Président (M. Lapone): Mme la députée de
Maisonneuve...
Mme Harel: Les barèmes, s'il vous plaît!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ils sont publiés.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre, on est aux
remarques de la fin, s'il vous plaît.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Le Président (M.
Laporte): Merci.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne voudrais pas que vous
partiez avec un mauvais souvenir et que vous pensiez que Mme la
députée de Maisonneuve et moi sommes toujours à couteaux
tirés. On a quand même des discussions qui, actuellement,
s'effectuent dans la sérénité, l'amitié et le
partage d'idées. Je voudrais vous remercier de nous avoir
communiqué l'opinion de l'organisme crédible que vous
représentez. Et je vous remercie par anticipation pour le travail que je
vous ai confie.
Le Président (M. Laporte): Mme Duquette, la commission
tient à vous remercier ainsi que l'organisme que vous
représentez, le Dispensaire diététique de Montréal,
pour la présentation de votre mémoire.
On inviterait à se joindre à nous...
Mme Harel: Ils sont où, les barèmes?
Le Président (M. Laporte):... le Comité des
bénéficiaires de l'hôpital Rivière-des-Prairies et
la protectrice du bénéficiaire.
La commission suspend ses travaux deux minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 25)
(Reprise à 15 h 31)
Le Président (M. Laporte): Vous allez m'excuser pour
tantôt. J'aimerais souhaiter la bienvenue au Comité des
bénéficiaires de l'hôpital Rivière-des-Prairies et
la protectrice du bénéficiaire. J'aimerais que la
représentante du groupe puisse s'identifier et aussi, pour fins
d'enregistrement, identifier les personnes qui l'accompagnent. J'aimerais vous
rappeler aussi succinctement que vous avez 20 minutes pour la
présentation de votre mémoire et, par la suite, il y aura 40
minutes de discussion avec les parlementaires. La parole est à vous.
Comité des bénéficiaires
de
l'hôpital Rivière-des-Prairies
et la protectrice du
bénéficiaire
M. Richard (Gilles): M. le Président de la commission, M.
le ministre, mesdames et messieurs les députés, membres de la
commission parlementaire. Permettez-moi de vous présenter les membres du
Comité des bénéficiaires: Mme Françoise Laurin,
vice-présidente, M. Yvon Clermont, trésorier, Mme Lili Aubin,
vice-présidente, Mme Jocelyne Charbonneau, protectrice du
bénéficiaire de l'hôpital Rivière-des-Prairies.
Comme le document d'orientation du ministère le
reconnaît... Ah, je m'excuse.
Le Président (M. Laporte): Oui, M. Richard.
M. Richard (Gilles): Votre tout dévoué Gilles
Richard, président du Comité des bénéficiaires. Je
m'excuse, M. le Président.
Comme le document d'orientation du ministère le reconnaît,
le régime actuel ne fait aucune distinction selon l'aptitude au travail.
Citons à la page 13: "II semble évident que les personnes qui,
pour raison de santé, sont incapables de travailler, ne devraient pas
être traitées de la même façon que celles aptes
à travailler. L'aide sociale actuelle fait abstraction de la
diversité des besoins des bénéficiaires et de leur
aptitude à y subvenir. Pourtant, les besoins d'un
bénéficiaire permanent diffèrent de ceux d'un prestataire
passager et l'aide ne devrait pas y répondre de la même
façon. " Nous appuyons sans réserve cet énoncé et
vous encourageons de tout coeur à persévérer dans cette
voie.
Le Comité des bénéficiaires de l'hôpital
Rivière-des-Prairies a été formé selon la Loi sur
les services de santé et les services sociaux, article 118. 1.
L'état de santé de leurs bénéficiaires ne leur
permettant pas de faire partie d'un comité statutaire, ce sont cinq
parents élus par leurs pairs qui siègent à ce
comité. La protectrice du bénéficiaire est l'agente de
liaison entre le bénéficiaire et l'hôpital.
Un des mandats du comité est de défendre les
intérêts collectifs des bénéficiaires, un de ceux de
la protectrice est de promouvoir et de défendre les droits des
bénéficiaires. C'est pourquoi nous avons conjointement
rédigé un mémoire sur le document d'orientation concernant
la politique de la sécurité du revenu.
Le comité des bénéficiaires et la protectrice sont
les porte-parole d'environ 1500 personnes, dont près de 800 sont des
bénéficiaires adultes prestataires d'allocations sociales.
Le mémoire que nous avons présenté a pour but de
faire comprendre la situation particulière vécue par ces
personnes frappées d'un handicap intellectuel, physique ou sensoriel,
associé ou non à une maladie mentale. Celles-ci ont des
conditions de vie et de travail fort différentes de celles d'un
prestataire inapte au travail, suite à un accident du travail ou
à une maladie industrielle. En effet, tous les
bénéficiaires adultes ont en commun un passé ou un
présent institutionnel et des déficiences ou
vulnérabilités qui les maintiennent longtemps en situation de
semi-autonomie. Même si un fort pourcentage d'entre eux acquièrent
des apprentissages au travail par la voie du service d'intégration
socioprofessionnel de l'hôpital, ils demeurent le plus souvent non
compétitifs sur le marché de l'emploi.
Je passe la parole à Mme Jocelyne Char-bonneau.
Mme Charbonneau (Jocelyne): Tel que mentionné par M.
Richard, nous représentons une clientèle de personnes atteintes
d'une déficience lourde, soit moyenne ou sévère. Pourtant
80 % d'entre elles fréquentent le service d'intégration
socioprofessionnel de l'hôpital Rivière-des-Prairies, ce qui
signifie des préateliers, des ateliers ou des plateaux de travail. La
loi actuelle et le règlement actuel de l'aide sociale prévoient
une indexation, pour ce type de travail, qui se situe à un taux de 21,
80 S maximum, par semaine, pour une personne qui fréquente ce genre de
programme thérapeutique. Il n'y aurait pas eu d'indexation depuis 1980,
c'est pourquoi on demande que, dans la présente réforme d'aide
sociale, il y ait une indexation de prévue et que cette indexation
amène le montant d'allocation à 39, 32 $ par semaine et qu'en
plus y soient maintenus les 25 S additionnels d'exemption, tel que prévu
actuellement dans le règlement d'aide sociale, pour les frais
découlant du fait d'occuper un emploi. On considère que pour
quelqu'un dans cette situation, il y a des frais qui s'ajoutent pour le
transport, comme il en était question tantôt. Alors, on demande
que cette exemption soit maintenue. Dans le mémoire, à la page 3,
on appelle ça la déduction mensuelle, parce que c'était le
terme employé dans le règlement précédent.
Donc, pour des services rendus par notre clientèle à la
société, on demande qu'il y ait des exemptions de 200 $ par mois
au lieu de 100 S par mois, tel que prévu dans le projet de
règlement. De plus, même si notre clientèle est une
clientèle qui apprend à travailler, elle est néanmoins une
clientèle qui a besoin d'un soutien financier permanent parce qu'elle ne
répond pas aux normes du marché du travail. La plupart du temps,
les personnes qui fréquentent des services d'intégration
socioprofessionnelle arrivent à produire à un niveau qui peut
atteindre jusqu'à 75 % du taux de productivité habituel, et c'est
pourquoi on a pensé à une formule qui, finalement,
réduirait les frais de l'État, tout en augmentant la valorisation
du travailleur qui serait plus facile à intégrer ou à
inciter à s'intégrer au marché du travail. C'est ce qu'on
a appelé dans notre mémoire la "rémunération
individualisée"; la formule finalement qui, à la page 4 du
mémoire, tient compte du taux de productivité des individus qui
se préparent à entrer sur le marché du travail, qui ne
seront jamais compétitifs dans aucune entreprise privée, ni
même publique, mais qui sont prêts à fournir des
services.
On prévoyait qu'avec cette formule de rémunération
individualisée, le pourcentage de productivité assumée
comme dans l'emploi prévu serait défrayé par l'employeur
et que le pourcentage du déficit fonctionnel pourrait être
assumé par l'État. Ce qui offre la possibilité d'une
permanence pour l'individu qui a besoin d'une stabilité de son soutien
financier et, en même temps, ça l'empêche de perdre son
statut dans les bureaux de Travail-Québec pour ne pas avoir à
réentreprendre des démarches administratives pour redemander
l'aide sociale au moment où cette personne-là
"décompenserait" ou aurait une perte de travail attribuante à une
mise à pied ou du chômage ou à une fermeture de
l'entreprise où elle serait employée, parce qu'il y a des
délais encourus par ça et nos bénéficiaires ont de
la difficulté déjà à se trouver une situation
stable. Alors, on aimerait qu'ils continuent à être sur le
programme de soutien financier, mais avec un service adapté, C'est ce
qu'on a appelé les "services adaptés". Ceci lui permettrait aussi
de maintenir la carte-santé qui est très utile pour la plupart de
nos bénéficiaires qui ont des problèmes de santé
associés à leurs problèmes de déficience ou leur
problème de maladie mentale. Là-dessus, je passe la parole
à Mme Laurin qui va vous parler de la carte-santé.
Mme Laurin (Françoise): La troisième partie de
notre mémoire contient certaines demandes reliées à notre
clientèle lourdement handicapée. Dans le but d'atteindre les
objectifs d'autonomie et de normalisation visés par la politique de
retrait de l'institution, il importe que les services paramédicaux, tels
la psychologie - un psychologue peut être jugé nécessaire
lors d'une période difficile - la physiothérapie - un
physiothérapeute pourra être bénéfique pour soulager
des problèmes de maux de dos - la diététique -une
diététiste corrigera les effets secondaires tel un
problème d'obésité relié à une
médication - très important, la podiatrie - le podiatre est
essentiel pour pallier certaines pathologies dont l'onychomycose qui exige que
les ongles des orteils soient taillés à l'aide d'instruments
spécialisés; exemple, une fraise - soient assurés par la
carte-santé lorsqu'ils sont prescrits par un
médecin et accessibles hors des murs de l'Institution.
Paragraphe 3. 2. C'est important que le bénéficiaire ait
la gestion de ses revenus. Certains, plus économes, accumulent leur
prime hebdomadaire dans l'éventualité d'un congé du milieu
protégé. Malheureusement, la limite liquide décrite dans
la loi est en contradiction avec sa volonté d'autonomie. C'est pourquoi
nous demandons que les allocations perçues par les stagiaires d'un
programme thérapeutique puissent accumuler ces montants dans un compte
personnel indépendant. À vous, M. Clermont.
M. Clermont (Yvon): Les parents d'enfants et de jeunes adultes
affligés de déficience intellectuelle ou mentale permanente sont
également fort inquiets du sort réservé à leurs
enfants lorsqu'ils ne seront plus là pour suppléer à
l'aide founie par l'État, ils craignent que ces enfants sans
défense, désinstitutionnalisés, ballottés d'un
centre d'accueil à l'autre, ne soient condamnés à vivre
sous le seuil de pauvreté et à venir grossir les rangs des
itinérants et même à se retrouver parfois dans l'aile
psychiatrique de nos Institutions pénitentiaires. Faites votre testament
en conséquence, leur dira-t-on. S'ils disposent d'une grande fortune,
cela peut convenir. S'ils sont complètement dépourvus, il ne leur
reste qu'à s'en remettre à l'État providence. Mais, comme
c'est souvent le cas, s'ils ont réussi à accumuler un petit
capital, ils souhaitent accorder à leur enfant qui en a le plus besoin
sa part d'héritage. Ils sont vite pris alors dans un terrible dilemme.
En effet, si le legs destiné à leur enfant malade sans espoir a
pour conséquence de dépasser le plafond de 1500 $ fixé par
l'article 52 du règlement, il sera privé du bien-être
social tant et aussi longtemps que le legs reçu n'aura pas
été liquidé, dépensé. Alors, il ne reste
plus aux parents, le coeur meurtri, qu'à déshériter
complètement cet enfant le plus démuni, c'est-à-dire
à l'abandonner, ni plus ni moins, et à le répudier. (15 h
45)
Vous me direz: C'est bien triste. Sans doute! Mais alors ils peuvent
léguer leurs biens à leurs autres enfants et se fier à
ceux-ci pour les remplacer auprès de l'enfant handicape. Avec l'esprit
de famille qui règne de nos jours, ce n'est pas une très forte
garantie. Pire que cela: Que faire lorsque ces parents n'ont que cet enfant
handicapé ou même deux enfants tous les deux handicapés
mentalement et intellectuellement? Rien qu'à l'hôpital
Rivière-des-Prairies, nous pourrions vous dresser la liste d'une bonne
dizaine de parents qui vivent cette tragédie, Comment alors, me
demandez-vous, atténuer sinon parer à pareille situation? Nous
estimons qu'il y aurait lieu d'apporter certaines modifications au
règlement 1 sur l'aide sociale et particulièrement, si vous nous
permettez de vous le suggérer, premièrement, en ajoutant à
l'article 53 du règlement, article qui commence par les mots "ne compte
pas comme bien", le paragraphe suivant qui porterait peut-être la lettre
g: "le capital provenant d'une succession, d'une fiducie ou d'une donation
ouverte en ligne directe - afin que ce soit entre parents et enfants - au
profit d'une personne atteinte de déficience intellectuelle ou d'une
maladie mentale permanente. "
Deuxièmement, en ajoutant à l'article 47 du même
règlement l'article débutant par les mots "ne sont pas des
revenus", le paragraphe suivant o: "Les revenus d'une succession, d'une fiducie
ou d'une donation ouverte en ligne directe - toujours, donc, de parents
à enfants - au profit d'une personne atteinte de déficience
intellectuelle ou d'une maladie mentale permanente, jusqu'à concurrence
- c'est une suggestion que nous faisons - du montant requis pour combler
l'écart entre l'aide sociale et le seuil de pauvreté pour une
année donnée. "
Je passe maintenant la parole à Mme Charbonneau.
Mme Charbonneau: Ici, j'aborderai la question de la page 9, soit
la situation de la personne qui vit en institution. Dans notre mémoire
on fait état de la prestation qui a été majorée
à 125 $ et qui est à 115 $. On considère que cette somme
n'est pas suffisante pour les gens qui sont hébergés en centre
d'accueil ou en centre hospitalier. Cette prétention peut paraître
assez surprenante pour des gens qui vivent à l'extérieur parce
que les gens s'imaginent que ceux qui vivent en institution, une fois qu'ils
sont nourris et logés, n'ont pas d'autres besoins. Les gens qui sont en
centre d'accueil et surtout en centre hospitalier psychiatrique ont besoin,
plus que des gens souvent qui sont en société, de moyens pour
réapprendre à se réintéresser à des
activités, que ce soit à des activités socioculturelles,
culturelles ou communautaires, ce qui entraîne des coûts qui ne
sont pas prévus quand on fixe des barèmes de l'aide sociale,
parce qu'on ne pense pas à cette clientèle là, on pense
que ces besoins primaires sont comblés. Si on veut suivre les politiques
sociales actuelles, qui sont valables d'ailleurs, de réinsérer le
plus possible les personnes qui vivent en institution et d'augmenter leur
normalisation, à ce moment, cela implique un habillement qui est
différent peut-être de celui qu'on retrouvait anciennement dans
les centres hospitaliers, un habillement qui doit répondre aux quatre
saisons parce que les gens ont des activités, même s'ils sont
hospitalisés ou hébergés, autant à l'interne
qu'à l'externe. Cela comprend aussi une autre clientèle dont on
parle peut-être un peu moins mais qui est aussi présente, laquelle
a des comportements qui les amène à déchirer leurs
vêtements d'une façon systématique, donc un remplacement
constant du vêtement. Une vie en institution implique aussi une perte de
vêtements plus grande que dans une maison ordinaire, dans le sens
où les vêtements sont envoyés à une buanderie
centrale, ce qui fait qu'ils peuvent se
perdre en cours de route. Du point de vue de l'habillement cela demande
peut-être plus qu'à une personne qui vit dans la
société.
En ce qui a trait aux soins personnels, on veut normaliser. Donc, on
incite les gens à choisir leur propre shampoing, leur propre dentifrice,
leur propre savon; en fait, à développer des goûts
personnels qu'ils ont perdus souvent en raison de leur maladie ou qu'ils n'ont
jamais eus en raison du manque de stimulation ou de révolution de la
maladie. Comme je le disais tantôt, comme c'est un programme
thérapeutique qui est mis sur pied dans ces centres hospitaliers ou dans
ces centres d'accueil, il y a des activités communautaires qui sont
vraiment poussées, stimulées, ce qui amène peut-être
plus de visites au restaurant qu'on pourrait se le permettre dans un vie
courante et des activités de magasinage pour sensibiliser les gens
à la relation finalement par un moyen concret, ce qui amène des
dépenses supplémentaires qui ne seraient peut-être pas
souhaitées dans un autre milieu mais qui, dans un programme
thérapeutique, sont nécessaires.
C'est pourquoi on a demandé que la prestation pour les personnes
hébergées soit indexée à plus de 125 $ et on
suggérait un montant de 190 $ qui répondrait finalement à
tous ces objectifs.
Il y a aussi des bénéficiaires qui sont
hospitalisés et qui n'utiliseraient pas toutes ces sommes. Alors, elles
seraient retournées à l'État, ce qui fait qu'on ne parle
pas de 100 % de nos bénéficiaires; un pourcentage de clients ne
pourraient pas profiter de cet argent et il serait retourné à
l'État comme c'est prévu par les réserves liquides.
À la dernière partie de notre mémoire, à la
page 10, on mentionne la nécessité d'établir une prime
d'installation en société. Ce qu'on appelle une "prime
d'installation en société", c'est qu'on considère que les
gens qui vivent en institution depuis au moins six mois et quand on regarde la
clientèle qui est celle de notre centre hospitalier, c'est une
clientèle de personnes seules, de personnes célibataires et moins
des deux tiers ont des contacts familiaux. Quand je dis des contacts familiaux,
cela peut être des contacts annuels comme fréquents, mais disons
qu'il n'y en a pas beaucoup qui continuent d'avoir des contacts. Donc, quand
ils reçoivent leur congé définitif de l'hôpital, ils
n'ont absolument aucun appui dans la société pour la plupart
d'entre eux.
Il est fort difficile, pour une personne qui est déjà dans
une situation de vulnérabilité pour avoir été
amenée à demeurer dans un centre hospitalier psychiatrique,
d'avoir toute l'énergie pour trouver les moyens de se meubler au moment
où elle arrive à prendre un logis après un séjour
en institution. Je ne sais pas si vous avez déjà fait un calcul
pour savoir ce que cela prend - j'ai parlé de meubler, mais seulement du
reste - la vaisselle, les chaudrons, les linges à vaisselle, la
lingerie, les équipements etc., tout cela plus un lit, une commode, des
chaises, une table - j'espère qu'elles auront quand même la
possibilité d'asseoir quelqu'un d'autre à sa table - et un
fauteuil, une télévision, une radio, des choses de base, c'est au
moins 1500 $. C'est pour cela que, pour favoriser les politiques sociales, il
faut être conséquent et donner des moyens à ces
gens-là de se réinsérer, de se réintégrer
dans la communauté et c'est par l'aide sociale que ces moyens-là
peuvent être donnés. C'est pour cela qu'on voulait sensibiliser la
commission, le ministre et les députés à ce besoin
réel qui existe pour les gens qui sortent d'un milieu institutionnel et
qui en reçoivent leur congé définitif.
Pour la conclusion, M. Richard.
M. Richard (Gilles): M, le Président de la commission, M.
le ministre et les membres de la commission, le comité des
bénéficiaires et la protectrice du bénéficiaire ont
voulu sensibiliser le législateur aux réalités
inhérentes à une clientèle permanente de l'aide sociale
qui a des besoins qui leur sont propres. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Laporte): Merci bien. J'aimerais aussi
souligner qu'avec l'autorisation du ministre et de la critique officielle de
l'Opposition, on a pu vous permettre de continuer et dépasser un peu
votre temps. M. le ministre.
M. Richard (Gilles): Je vous en remercie. Le Président (M.
Laporte): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je remercie le comité
des bénéficiaires ainsi que la protectrice du
bénéficiaire. Vous avez un mémoire qui nous
éclaire, mais je tenterai quand même, non pas pour le noyer, mais
pour tenter de le situer dans sa perspective d'ensemble, de vous expliquer un
peu l'approche que nous avons adoptée et nos premières
réactions à toute une liste d'épicerie. L'approche que
nous avons adoptée et qui vise, dans une proportion fort importante, les
gens que vous représentez, consiste à leur donner, oui, les
besoins de base dans la société lorsqu'ils sont des personnes sur
l'aide sociale, mais à les rendre éligibles en très grande
partie au programme Soutien financier et à ajouter dans ce programme, si
on se compare à la situation qui existe actuellement, parce qu'il faut
partir de quelque part, sur une base annuelle environ 100 000 000 $.
Si on veut replacer le chiffre dans des proportions individuelles, cela
va s'appliquer à peu près à 100 000 personnes ou chefs de
ménage. Cela veut dire un revenu additionnel indexé annuel
d'environ 1000 S par année. J'ai déjà eu l'occasion de le
dire et je le répète, ce n'est pas le Klondike, ce n'est pas le
paradis, mais, en ce faisant, on vise un petit peu plus
d'équité envers ces gens-là dans la
société.
Maintenant, s! je comprends vos demandes, en plus des 1000 $, vous
souhaiteriez que la politique de sécurité du revenu
réponde positivement aux dix points que vous avez mis de l'avant; est-ce
que c'est exact? Et en posant ces demandes, vous étiez conscients de
l'ajout, en moyenne, de 1000 $.
Mme Charbonneau: On est conscients que ces montants paraissent
énormes.
M. Paradis (Brome-Mîssisquoi): Ah bon!
Mme Charbonneau: Je pense qu'on en est conscients, sauf qu'il y a
des politiques qui s'émettent au plan des politiques sociales, à
savoir qu'il faut désinstitutionnaliser et normaliser et on a une
clientèle qui est très particulière, qui a besoin d'un
soutien financier important, peut-être plus important que pour ceux qui
sont en situation d'autonomie, alors que les nôtres sont en situation de
semi-autonomie. C'est pour cela que même si on trouvait cela gros, on
voulait que les gens qui sont appelés à émettre et
à rédiger des lois soient conscients d'une clientèle pour
laquelle il y a peu de représentants, habituellement, parce qu'ils
peuvent difficilement venir vous expliquer ce qu'ils vivent. Même si les
montants paraissent élevés, ils nous semblent
nécessaires.
M. Paradis (Brome-Miasisquoi): D'abord, Mme Charbonneau, je vais
prendre les points que vous avez soulevés vous-même, quitte
à revenir aux points qui ont été soulevés par
d'autres intervenants. Le point 10 - je pense que vous ne les avez pas
posés par ordre de priorité, il fallait les établir
à un moment donné - la prime d'installation pour personne seule.
Il s'agit d'un élément, comme vous l'indiquez, qui est important,
mais est-ce que ce n'est pas un élément qui devrait faire partie
directement d'une politique de désinstitutionnalisation,
c'est-à-dire qu'à partir du moment où on prend un
bénéficiaire, qui est déjà hébergé,
et qu'on applique une politique de désinstitutionnalisation qui fait en
sorte qu'il se retrouve dans la vraie vie. dans le quotidien, qui a un besoin,
comme vous l'avez indiqué, pour son matériel de base, c'est un
besoin qui arrive d'un coup sec, immédiat et qui ne se
répétera pas de mois en mois dans sa vie?
Mme Charbonneau: Voulez-vous que je vous réponde?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, oui.
Mme Charbonneau: Oui! Ce qu'on craint... On avait pensé
que la réponse serait celle-là ou, en tout cas, une
réponse semblable, dans le sens "Repassons la patate chaude à
quelqu'un d'autre". En fait, la désinstitutionnalisation a
déjà des coûts énormes en installant des
bénéficiaires dans des foyers de groupes, dans des
résidences supervisées, dans des appartements supervisés
pour une période préparatoire au congé définitif
pour la plupart. Alors, à ce moment-là, l'installation est
fournie par les budgets des programmes de désinstitutionnalisation. Mais
à partir du moment où la personne quitte ce réseau, elle
appartient à la normalisation, aux programmes normaux; elle n'appartient
plus à un programme de désinstitutionnalisation. Elle fait partie
des gens qui reçoivent un congé d'un centre hospitalier. C'est
pourquoi on pense que c'est à l'aide sociale d'assumer ces
responsabilités.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On est réticent à en
assumer davantage parce qu'on trouve... On savait qu'on en avait beaucoup. La
commission nous confirme qu'on avait déjà un pan de
responsabilités qui était assez large.
Votre élément 9, hébergement dans un centre
d'accueil, je vous dirai que le Comité des bénéficiaires
de Louis-Hippolyte-Lafontaine nous a fait des représentations qui vont
dans le même sens que celles que vous venez de nous faire. À la
suite de leur comparution devant cette commission, ii y a eu un comité
de formé entre des fonctionnaires du ministère et tes
représentants du Comité de bénéficiaires de
Louis-Hippolyte-Lafontaine en vue de ventiler et d'évaluer les 125 $. Je
ne sais pas si c'est par coïncidence ou parce que vous les connaissez bien
également, mais la demande était aussi de 190 $.
Mme Charbonneau: Non, ce n'est pas une coïncidence. C'est
que sur ce plan, comme nos bénéficiaires sont des gens qui ne
peuvent pas exprimer leurs besoins d'une façon aussi claire que
peut-être certains bénéficiaires de l'hôpital
Louis-Hippolyte-Lafontaine, on a fait une ventilation avec eux et...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
Mme Charbonneau:... ce n'était pas de connivence, mais
c'était dit-on en accord...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En accord. Mme Charbonneau:... sur
le montant.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Disons que pour éviter que
la balle se lance d'un ministère à l'autre également, le
comité est formé de ces gens-là, des représentants
du ministère de la Santé et des Services sociaux et du
ministère de la Main-d'oeuvre et de ia Sécurité du revenu;
donc, il n'y aura pas possibilité d'envoyer la balle ailleurs. (16
heures)
Mme Charbonneau: Maintenant, ai-je bien compris quand vous avez
dit qu'il y avait des représentants du comité des
bénéficiaires de Louis-Hippolyte-Lafontaine à ce
comité?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): De mémoire, si vous me
demandez, si vous voulez vous joindre...
Mme Charbonneau: En fait, vous avez bien saisi mon...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Votre.... En fait, est-ce que cela
peut-être... Cela va, on se voit après.
Un point difficile, si je me souviens bien, soulevé par un homme
de loi. Ce n'est pas un point que j'aborde pour la première fois comme
politicien. Il s'agit de toute la question des fameux 1500 $. Dans un sens
comme dans un autre, celui qui les donne comme celui qui les reçoit.
Moi, je vous dirai que, comme député, j'ai souvent eu de la
visite à mon bureau de comté de gens qui disaient: Est-ce que le
gouvernement nous demande de dilapider nos biens de façon que la
société prenne soin de nous? J'ai longuement et souvent
cherché une réponse. Quand j'étais dans l'Opposition, je
faisais un peu comme Mme Harel, je disais: C'est la faute du gouvernement.
Depuis que je suis au pouvoir, c'est ma faute. Vous proposez une solution. Vous
avez pris le temps de bien rédiger vos articles de règlement et
même de nous suggérer la renumérotation appropriée.
Je n'ai pas pris le temps d'analyser les impacts comme tels. Tout ce que je
vous dis, c'est que ces impacts seront analysés et que je vous
répondrai personnellement sur la proposition que vous faites, parce que
cela cause à plusieurs personnes qui partagent le même sens des
valeurs dans la société que vous nous avez décrite, cela
pose, dis-je des problèmes, je dirais même non seulement pratiques
et financiers mais des problèmes de conscience dans plusieurs cas.
Mme Laurin. Son intervention en matière de carte-santé,
entre autres, que les services de psychologie, de physiothérapie, de
diététique et de podiatrie soient inclus dans les services
assures par la carte-santé lorsqu'ils sont prescrits par un
médecin. Il y a deux problèmes que cela soulève. C'est
l'inclusion et la prestation du service comme tel. Dans plusieurs cas ou dans
plusieurs centres, les professionnels pour rendre les services ne sont pas sur
place. C'est un problème qui, lui aussi, relève, d'après
nous, davantage du ministère de la Santé et des Services sociaux.
Je pense que là, ce n'est pas à juridiction partagée. Les
besoins de santé qui sont inclus sur la carte nous viennent et sont
analysés par le ministère de la Santé et des Services
sociaux et nous, nous les administrons comme ministère de la
Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu. Je tiens donc pour
acquis que vous souhaiteriez que cette demande soit adressée là
où elle doit être adressée et que nous, si on nous demande
de les administrer, cela nous fera plaisir de les administrer, mais on comprend
bien la situation que vous nous indiquez.
Le programme du soutien financier pour handicapés. Vous
êtes le troisième ou le quatrième organisme qui traite de
ce sujet avec nous ici. Pour les handicapés, les organismes
généralement nous demandent le maximum de liberté de
choix, en ce sens, qu'en vertu de la politique de sécurité du
revenu, toute personne est présumée apte au travail. Le programme
Soutien financier, pour devenir admissible, il faut le demander, etc. Les
organismes semblaient apprécier que l'on considère toute personne
dans la société apte au travail. On nous a même dit que des
personnes qui pouvaient sembler incapables de travailler à cause d'un
handicap physique lourd pouvaient être beaucoup plus capables,
aujourd'hui, à cause de l'automatisation etc., que d'autres personnes et
que le degré fonctionnel d'un individu dans la société a
plusieurs facettes finalement.
Maintenant, nous n'avons pas voulu, une fois qu'une personne devient
admissible au programme Soutien financier, la stationner là et
l'oublier. Toutes ces personnes, je souhaite que vous l'ayez vu dans notre
politique, sont également admissibles au programme APTE et au programme
régulier APTE avec - et cela va répondre à d'autres
questions qui ont été posées - l'allocation de
participation et les frais de participation. Cela veut dire les 40 $ et cela
veut dire les 60 $ qui s'ajoutent à la prestation Soutien financier.
C'est-à-dire que la personne conserve sa prestation Soutien financier et
qu'on ajoute 100 $ de frais et d'allocation de participation si elle participe.
Maintenant, au ministère, nous sommes conscients que nos programmes qui
s'adressent aux personnes considérées aptes ne seront pas
toujours des programmes adaptés aux personnes handicapées et nous
sommes à développer les programmes adaptés qui pourraient
s'adapter à cette clientèle de façon à ne pas la
marginaliser et de façon qu'elle s'implique davantage dans la
société québécoise. Oui, Mme Charbonneau, la langue
vous brûle.
Mme Charbonneau: Oui. La raison pour laquelle, contrairement
à d'autres organismes, nous avions dit - nous avons écrit
même - que le programme des services adaptés devrait demeurer sous
celui du programme de Soutien financier au lieu d'être sur le programme
APTE et être un programme adapté de Soutien financier plutôt
que du programme APTE, c'est qu'il est vrai que les personnes sont plus
capables de travailler qu'on ne l'aurait jamais imaginé il y a dix ans
par exemple, mais comme je vous disais tantôt, leur taux de
productivité sera toujours moindre que celui de l'individu. Je ne parie
pas de tout le monde, je parle d'une clientèle de gens frappés
d'un handicap sévère qui, eux aussi, participent selon leur taux
de productivité à des programmes d'intégration
socioprofessionnelle qui les aident à déboucher sur un
fonctionnement optimal qui pourrait les amener à travailler à
l'intérieur d'une entreprise, mais on les laisse tout seuls, sans leur
donner un autre apport, c'est là... Dans le programme APTE, on dit: Si
tu
n'arrives pas à t'intégrer, à ce moment-là,
on te pénalise, parce qu'il y a neuf mois d'intégration et,
après cela, la personne arrive sur un autre... On ne veut pas cela, on
voudrait que ce soit un programme de Soutien financier adapté,
individualisé.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je comprends ce que vous voulez
dire, sauf que je pense que vous avez une mauvaise perception. C'est que les
neuf mois ne s'appliquent jamais à une personne qui est éligible
au programme Soutien financier. Ce que l'on propose, c'est Soutien financier,
interconnexion à un programme d'employabilité avec prime de
participation et d'incitation. Nous vous disons que nous ajoutons à ces
programmes réguliers des programmes adaptés qui sont sous le
programme APTE finalement. Vous demandez s'il y a possibilité de ramener
Soutien financier, programme adapté avec le même système
qu'APTE. C'est votre demande.
Mme Charbonneau: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Exemption pour gains de travail.
On a des problèmes sérieux à partir du moment où
les barèmes du programme Soutien financier sont déjà plus
élevés en commençant. On ajoute à ces
barèmes les 100 $ de participation et, à ce moment-là, on
tombe à un niveau qui, comparativement au salaire minimum, est
dépassé. Si, sur le plan de la fiscalité, on ajoute une
autre déduction pour gain de travail, c'est-à-dire non imposition
supérieure à des niveaux de participation, cela pose, sur le pian
de la fiscalité, une difficulté énorme à
surmonter.
Mme Charbonneau: Vous parlez des réserves liquides ou vous
parlez de l'exemption de travail?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'exemption pour gain de
travail.
Mme Charbonneau: Oui. En fait, cela touche deux sujets, c'est
pour cela que je vous posais la question. Est-ce que cela a rapport avec les
réserves liquides ou avec les 21, 80 $ indexés à 39, 32
$?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, cela a rapport... Je le
prends à la page 4 de votre mémoire...
Mme Charbonneau: D'accord.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ... où vous demandez que
l'exemption pour gains de travail pour les personnes en stage soit de 200 $ par
mois et indexée annuellement.
Mme Charbonneau: C'est cela. C'est l'indexation qui est
actuellement permise à 21, 80 $ par semaine pour des programmes
thérapeu- tiques...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord, cela va.
Mme Charbonneau:... qu'on voudrait voir indexée à
39, 32 $ par semaine, une indexation qui est, selon nous, importante dans le
sens où elle n'a pas été faite depuis 1980 et que les gens
qui travaillent sur des plateaux de travail de sept heures par jour et qui ne
fonctionnent peut-être pas à 100 % comme une personne dans une
entreprise, mais qui fonctionnent à la limite de leurs capacités,
donc qui travaillent aussi fort que nous, même si leur taux de
productivité est moindre. C'est pour cela qu'on trouve que 39, 32 $
maximum est une minime proportion. Ce sont ceux qui arrivent au fonctionnement
optimal qui reçoivent habituellement ce montant-là. Cela nous
paraît dérisoire.
Il est sûr que lorsqu'on voit 100 $ d'exemption pour gains de
travail, cela peut paraître alléchant, mais quand on regarde la
réalité, ils ont cela actuellement 100 $ d'exemption de travail.
Cela n'apporte aucun changement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis d'accord. Encore une fois,
dans ce cas-là, le ministère de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu n'est que le bras servile du ministère
de la Santé et des Services sociaux qui décide de ces
choses-là; nous, nous les administrons parce que nous avons les
facilités administratives et nous distribuons l'argent.
MmeHarel:...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pardon?
Mme Harel: Pour une fois que ce n'est pas le bras servile des
Finances!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous, nous aimons rendre service
à tout le monde finalement...
Mme Harel: Sauf aux bénéficiaires.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que pour les
bénéficiaires qui sont représentés par les gens qui
sont ici... Je ne dis pas que c'est une réforme qui est satisfaisante
à 100 %. mais c'est une réforme dans laquelle on investit
beaucoup en ressources financières et humaines. Est-ce qu'on
répond à la question de l'allocation de travail et de la
déduction mensuelle, en ajoutant à la prestation du programme
Soutien financier l'allocation de participation de 60 $ et les frais de
participation de 40 $?
Mme Charbonneau: Qui s'ajoutent à l'exemption de 100
$?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
Mme Charbonneau: C'est dans l'application, à ce
moment-là, que cela deviendra un grand point d'interrogation.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez là la même
question qu'avaient les bénéficiaires de
Louis-Hippolyte-Lafontaine.
Mme Charbonneau: Pourtant, là on ne s'était pas
consulté.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va pour le moment.
Le Président (M. Laporte): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Haret: Alors merci, M. le Président. Je veux saluer le
Comité des bénéficiaires de l'hôpital
Rivière-des-Prairies, M. Richard, le président et Mme
Charbonneau, protectrice. Alors vous êtes une employée de
l'hôpital Rivière-des-Prairies. Vous agissez comme
personne-ressource auprès du comité des
bénéficiaires. C'est- bien cela? Alors je constate, M. Richard,
que vous avez quelqu'un qui prend à coeur l'intérêt des
personnes que le comité représente.
J'avais d'abord une question en regard d'un mémoire qu'on a
examiné ici hier avec la Confédération desorganismes provinciaux des personnes handicapées du Québec.
Je ne sais pas si le comité des bénéficiaires est membre
de la confédération. Non?
M. Richard (Gilles): Non.
Mme Harel: ta confédération représente des
déficients à la fois intellectuels et physiques, je pense. Ils
sont venus indiquer leur rejet formel du concept central de la réforme
qui, à leur avis, et je les cite au mot - je les avais notés mot
à mot - est inacceptable, parce que, disaient-ils, "le document ignore
totalement les principes contenus dans. À part... égale,
politique d'ensemble du gouvernement québécois sur
l'intégration sociale des personnes handicapées et sur la
prévention des déficiences". Et là, ils sont venus nous
expliquer qu'on avait une sorte de conception biaisée au départ
en pensant que le handicap était nécessairement autre chose qu'un
handicap dans la société et qu'il fallait plutôt
aménager des postes de travail, donner des allocations spéciales
mais ne pas réunir dans des catégories à part des
personnes qui pouvaient finalement en pâtir, d'une certaine façon,
puisque cette catégorisation les amenait à ne plus voir
nécessairement à mobiliser l'ensemble des ressources pour changer
les conditions de travail qui, elles, ont bougé beaucoup moins
rapidement souvent que les autres services de notre société comme
les services de transport ou autres. Je pense que vous, contrairement à
la confédération, vous appuyez les catégorisations. Je ne
vais pas jusqu'à penser que vous avez eu le temps de les étudier
et d'être d'accord avec les structures de barèmes avec la
réduction à la baisse pour les deux autres catégories,
mais si je conçois votre point de vue, c'est que vous appuyez ces
catégories qui vont faire que les personnes dites déficientes
vont se retrouver dans une catégorie à part...
Mme Charbonneau: Ce qu'on a obtenu en fait - c'est un peu ce que
je disais à M. Paradis - c'est que, jusqu'à maintenant, la
société ne prévoyait aucun programme pour les gens qui
étaient prestataires permanents de l'aide sociale. Comme je le disais
aussi tantôt à M. Paradis, c'est une majorité importante de
la clientèle de la confédération qui, probablement,
profitera du programme APTE avec ce que cela suppose. Peut-être qu'ils
sont en fait choqués de voir cette clientèle marquée par
un programme qui leur appartient. Nous n'avons pas eu cette réaction,
parce qu'on a trouvé que c'était une ouverture par rapport
à une clientèle qui était sévèrement
handicapée et cette clientèle, même s'il y a plusieurs
hôpitaux psychiatriques ou des centres de santé mentale dans la
province de Québec, il n'y en a pas beaucoup qui ont notre type de
clientèle. C'est peut-être pour cela qu'on a eu une ouverture plus
grande par rapport à ce programme de soutien financier que d'autres
organismes qui, eux, ont peut-être en majorité une
clientèle beaucoup moins handicapée. (16 h 15)
Mme Harel: Si j'ai bien compris, votre clientèle ne va sur
le marché du travail que lorsqu'il y a un support. Est-ce que vous avez
des bénéficiaires - un seul serait déjà beaucoup -
qui sont sur le marché du travail de façon autonome ou si la
totalité d'entre eux le sont avec des emplois subventionnés?
Mme Charbonneau: Très peu sont autonomes, mais il y en
a.
Mme Harel: II y en a?
Mme Charbonneau: Je dirais qu'il y en a des unités
actuellement. Il n'y en a pas beaucoup. Il y a des gens qui travaillent
à temps plein dans des CTA ou dans des endroits entièrement
subventionnés, mais ils fournissent quand même un travail
constant; ce sont finalement des organismes sans but lucratif,
subventionnés par l'État.
Mme Harel: Je n'ai peut-être pas bien posé ma
question. Je ne doute pas qu'il y en ait qui soient très productifs.
Vous faites bien la distinction, et je l'ai bien apprécié, entre
productif et compétitif. Dans votre mémoire, vous dites: Nos
bénéficiaires peuvent être productifs sans pour autant
être compétitifs. Alors je conçois qu'ils ne peuvent
être productifs qu'à 75 %, même certains à 100 %.
Mais ce que je
veux savoir, c'est s'il y en a qui sont sur le marché
privé de l'emploi.
Mme Charbonneau: Oui, c'est ce que je vous ai répondu, des
unités.
Mme Harel: Vous me parliez d'organismes communautaires ou sans
but lucratif.
Mme Charbonneau: Ah! Çà, c'est...
Mme Harel: Mais, sur le marché totalement privé de
l'emploi?
Mme Charbonneau: Oui, il y en a des unités.
Mme Harel: Ce que les autres associations mettaient en
lumière, c'est qu'il y avait perte de couverture des besoins
spéciaux lorsqu'il y avait intégration sur le marché du
travail. Il faut comprendre que ce n'est pas !e cas pour vos
bénéficiaires actuellement.
Mme Charbonneau: Non, mais ce sont des choses qui vont venir.
À cause de toute la pensée qui se développe, les
politiques qui prônent la désinstitutionnalisation, la
normalisation, de plus en plus de gens vont être retirés de
services intégrés et seront plutôt intégrés
dans les entreprises. Tantôt je mentionnais les plateaux, les stages en
milieu de travail. Il y a des gens qui pourraient travailler à
l'intérieur d'une entreprise privée, mais on est inquiet et on
n'ose pas les engager parce qu'ils ont un statut particulier, celui
d'être venus par la voie d'un service d'intégration
professionnelle d'un centre de santé mentale. Ces gens-là sont
toujours en situation un peu insécurisante et c'est pour cela qu'on
mettrait de l'avant que ces personnes ont toujours des besoins spéciaux
à combler alors qu'elles continuent à être sur le programme
de soutien financier. Que ce soit minime, ce n'est pas important, mais que ce
soit encore, pour un temps du moins, subventionné par l'État pour
la carte santé ou...
Mme Harel: D'accord. Cela rejoint par ailleurs la même
revendication que ta Confédération des organismes provinciaux qui
demandait que soit réalisé l'objectif d'intégration sur le
marché de l'emploi, mais que cet objectif soit associé au fait
que ce n'est pas une perte et donc une réduction de la qualité de
vie d'aller sur le marché de l'emploi et il nous faisait valoir que bon
nombre se désincitent à aller sur le marché de l'emploi
parce que cela leur fait perdre notamment les besoins spéciaux, non
seulement ceux de la carte-santé, mais les autres et que cela peut donc
avoir un effet nettement désincitatif pour retourner ou intégrer
le marché de l'emploi. Quand vous... Oui, vous avez quelque chose
à ajouter?
Mme Charbonneau: Oui. Tantôt vous me demandiez s'il y avait
des gens qui étaient sur le marché du travail. On a des gens qui
ont parfois besoin d'une médication assez importante et, avec le salaire
minimum, ces gens-là n'arriveraient pas à assumer à la
fois le coût de leur médication et les coûts
inhérents à la vie normale.
Mme Harel: Actuellement, ceux qui sont sur le salaire minimum
dans un travail régulier et qui ont besoin de cette médication,
qu'est-ce qui leur arrive?
Mme Charbonneau: Je pense qu'à ce moment-là des
fonds sont trouvés. On essaie de trouver des moyens pour
empêcher... Il y a des gens qui sont dans de sérieuses
difficultés parce qu'il y a de nouvelles hospitalisations qui sont
parfois dues à des stress comme ceux-là.
Mme Harel: Est-ce que certains d'entre eux utilisaient SUPRET?
Vous savez, le programme qui supplémente le revenu lorsqu'on est sur le
marché du travail au salaire minimum?
Mme Charbonneau: Je ne crois pas. Je ne pourrais pas...
Mme Harel: Vous avez parlé du bien-fondé et vous
avez plaidé avec des arguments qui nous font comprendre les conditions
de vie dans l'établissement. Vous avez plaidé en faveur d'un
rétablissement à la hausse des besoins de l'allocation, donc
d'une redéfinition des besoins essentiels.
Vous étiez sans doute là lorsque, avec le ministre, j'ai
discuté sur le fait qu'on ne connaît malheureusement pas de
façon publique la définition, catégorie par
catégorie, des besoins essentiels concernant l'alimentation, le
logement, l'entretien ménager, les soins personnels, etc. Concernant
l'habillement, je pense que vous invoquiez qu'il est tout aussi
nécessaire d'avoir un habillement pour les quatre saisons même si
on est bénéficiaire, etc. Je dois vous dire, Mme Charbonneau,
qu'autant vos propos me semblent justifiés - la plaidoirie que vous
faisiez - autant je pense qu'on ne peut pas justifier les besoins des uns en
prétendant qu'ils sont peut-être plus justifiés que ceux
des autres.
C'est donc dire que je ne pense pas que cela puisse convaincre l'opinion
publique, encore moins, je ne sais pas, peut-être ie ministre oui, si
tant est qu'il est plus sensible à ce genre d'argument de dire qu'on le
mérite plus que les autres. Ceux qui vont être tenus, et je pense
autant aux familles monoparentales qu'aux personnes seules, à se
déplacer, à participer à des mesures
d'employabilité, à trouver de l'emploi, vous savez qu'elles vont
aussi avoir à se présenter d'une certaine façon.
J'espère bien que dans cette commission on ne mettra jamais les
besoins des uns en balance
par rapport aux besoins des autres.
Mme Charbonneau: J'aimerais absolument m'expliquer. Tout ce que
j'ai voulu faire, c'est mettre en lumière, et je regrette d'avoir fait
le contraire, que les besoins de gens qui sont hébergés ne sont
pas moindres que ceux des gens qui sont à l'extérieur, sauf pour
les besoins de la nourriture et les besoins de logement et qu'on sous-stimule
jusqu'à un certain point ces gens dans des activités, ce qu'on
essaie de diminuer chez d'autres. Mais ce n'est pas pour discréditer ce
qui est donné aux autres ou ce qui devrait être donné aux
autres, au contraire.
Mme Harel: En fait, je peux ne travailler qu'avec les chiffres
que j'ai et cela ne vient que de fuites du ministère. Mais l'habillement
pour une personne seule correspondrait à un montant de 45 $ par mois.
C'est là le montant qui serait prévu à l'habillement. Pour
les loisirs, ce serait un montant de 16 $ par mois; pour le transport, 19 $. Je
ne sais pas si le transport est alloué aux bénéficiaires.
J'imagine qu'il y a des déplacements aussi. L'ameublement, cela ne doit
pas l'être, c'est un montant de 20 $. Les communications, 17 $ par mois
pour une personne seule j'imagine. Je ne sais pas si ce montant est
attribué. Et pour les soins personnels, 22 $.
Finalement, si on ajoute - ce qui n'est pas le cas pour les
bénéficiaires - alimentation et logement, tout cela
établit un niveau de besoins essentiels reconnu. Ces besoins essentiels
qui, vous avez peut-être pu l'entendre tantôt, ne sont plus ceux
établis par le Dispensaire diététique ou ne le seraient
plus tout au moins, cela reste conditionnel, mais ils deviendraient ceux
établis par une enquête du ministère. D'une certaine
façon, ces besoins ne sont plus comblés, sauf pour ceux du
soutien financier.
Alors, quand vous parliez tantôt des exemptions pour gain de
travail, j'ai cru comprendre par ailleurs que ce n'étaient pas les
exemptions de ceux qui sont sur le marché de l'emploi comme travailleurs
au salaire minimum mais des exemptions qui relèvent des emplois
subventionnés qui ne sont pas indexés et que cela relève
de la santé. C'est bien cela? D'accord.
Sur l'autre aspect, ii y a, là aussi, un autre problème au
sens où un de vos bénéficiaires qui irait participer
à un programme et qui reçoit soutien financier ne pourrait pas
avoir un gain d'emploi supérieur à un montant de 80 $? C'est bien
le cas? Le gain d'emploi du soutien financier.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un montant de 100 $; 60 $ plus 40
$.
Mme Harel: Un montant de 100 $. C'est cela, 25 $ par mois; 60 $
plus 40 $ en participant. C'est cela. Et au-delà, si tant est, par
exemple...
M. Paradis (Brome-Missisquot): Ce montant s'ajoute à
l'autre 100 $.
Mme Harel: S'ajoute aux 100 $ spécifiques, aux 100 $ des
besoins spéciaux du fait d'être déficient. C'est cela? Le
ministre me dit que oui. Vous, Mme Charbonneau, vous semblez dire que non.
Mme Charbonneau: C'est parce que c'est l'expression que vous avez
utilisée: "les besoins spéciaux du fait d'être
déficient". Je pense que quelqu'un qui est dans un service
d'intégration socioprofessionnel c'est un service qui est là. Ce
n'est pas le fait d'être déficient, c'est le fait d'offrir des
services qui fait qu'il y a une allocation qui est celle dont on parlait
tantôt. C'est votre expression qui m'a fait sursauter.
Mme Harel: Très bien. Là la question qui est
nécessairement posée, c'est: Y aura-t-il un seuil d'imposition?
Où sera le seuil d'imposition? Vous voyez, ici, le salaire minimum
à 699 $. Au salaire minimum, le travailleur paie en impôt
provincial actuellement, cette année, 245 $, même une fois qu'on a
réduit son crédit d'impôt foncier et son crédit
d'impôt à la consommation. Le soutien financier qui obtient un
programme de transfert qui équivaut aux besoins essentiels reconnus,
contrairement aux autres catégories, c'est 560 $, c'est bien cela,
aurait un 100 $ de plus, 660 $, et éventuellement, comme vous nous
l'avez indiqué, un autre 600 $ au chapitre du programme
d'intégration. Alors, cela ferait 760 $, donc au-delà du salaire
minimum et serait amené à être imposé sur ces
montants.
J'attire simplement votre attention là-dessus parce qu'il y
aurait sans doute des représentations à faire au comité
où vous allez dorénavant siéger avec les
bénéficiaires de Louis-Hippolyte-Lafontaine. Ce sera sans doute
l'occasion d'examiner l'arrimage entre tous ces programmes de transfert et le
taux d'imposition qui fait qu'ils seront possiblement imposables sur ces
montants.
Une dernière question concernant les réserves liquides.
Les réserves liquides et la proposition que vous avez faite pour que la
personne, le bénéficiaire puisse garder jusqu'à
l'équivalent du seuil de pauvreté du capital qui lui serait
transmis par succession. Considérez-vous que la baisse de 1500 S
à 500 S... C'est bien le cas. la réduction qui est prévue
dans le document d'orientation, à la page 43, des biens
possédés par un ménage dont la valeur totale
dépasse 500 $ alors, qu'actuellement c'est 1500 $. Avez-vous des
représentations à faire? Je ne les ai peut-être pas lues
attentivement dans votre mémoire. Prenez-vous en considération
que cette baisse doit avoir lieu? Actuellement, un ménage familial peut
garder 2500 S de biens et une personne seule, comme vous le savez 1500 $. Dans
le projet, il y a réduction de 1500 $ à 500 $. On dit: Les autres
biens possédés par un
ménage, deuxième automobile, chalet, terrain et dont la
valeur totale dépasse 500 $, 1500 $ actuellement. Donc, il y aurait
réduction de la valeur des biens de 1500 $ à 500 $.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux apporter juste
une précision pour fins d'éclaircissement pour qu'on se comprenne
bien, pour être certain qu'on parle du même chiffre. Vous avez les
chiffres de la page 42 qui correspondent aux arguments qui ont
été présentés par Me Clermont.
Mme Harel: Je suis à la page 43.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous expliquer la
différence.
Mme Harel: Je la connais la différence.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez 1500 $ au milieu de la
page 42...
Mme Harel: Oui, oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... qui sont les sommes liquides
dont parlait Me Clermont. Cela demeure la même chose. L'autre point que
vous faites, et vous avez possiblement raison de le faire, cela touche
très peu la clientèle représentée par ces gens.
Mme Harel: À moins que ce ne soit une maison.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est cela, exact.
Mme Harel: À moins que le testament - à titre de
trésorier, la recommandation que vous faites - ne lègue une
maison, auquel cas il faudrait aussi voir dans vos recommandations au ministre
à combler cet anachronisme parce que si la maison était, disons,
léguée, pas nécessairement des biens en capitaux, mais la
maison en tant que telle, si c'était une maison que le parent
léguait à son enfant, alors, il faudrait aussi, pour être
logique dans vos revendications, qu'on augmente pour ces personnes que vous
voulez protéger le montant d'évaluation au-delà duquel
elles vont pouvoir obtenir une allocation sociale. Est-ce qu'on se comprend
bien? (16 h 30)
Mme Charbonneau: Quand vous parlez d'une maison, ce qu'on a
compris, c'est qu'à la page 43, c'était la maison, une valeur de
50 000 $ Les 500 $, c'était pour d'autres biens.
Mme Harel: Oui. C'est cela. Évidemment, la maison, dans la
mesure ou on l'habite soi-même. II pourrait peut-être arriver par
exemple qu on lègue une maison à un
bénéficiaire.
Mme Charbonneau: Cela pose un problème.
Mme Harel:... et qu'il habite en logement partagé ou
subventionné. II demeure qu'il pourrait y avoir un anachronisme aussi en
regard des recommandations que vous faites et il y aurait lieu sans doute
d'appliquer la même logique.
M. Clermont: Est-ce que vous voulez dire, madame, que
d'après le projet, la valeur d'une résidence prévue
à l'article 54 du règlement, sera supprimée?
Mme Harel: Non.
M. Clermont: II y avait une résidence de 50 000 $, je
crois, et ce serait supprimé cette valeur? Ce ne serait pas
compté? "Ne comptent pas comme biens, les meubles, jusqu'à
concurrence de 4000 $ " l'article 53. C'est le texte actuel, ce qui existe
actuellement.
Mme Harel: Ce sont pour les autres biens. M. Clermont:
Oui.
Mme Harel: Et pour ces biens, il faut évidemment habiter
la maison. Alors, il serait possible que le bénéficiaire ne
I'habite pas, pour toutes sortes de bonnes raisons qui sont liées
à sa condition.
Mme Charbonneau: C'est pour cela que, dans la proposition, la
recommandation qui avait été faite dans le mémoire
à ce sujet, on parlait de laisser I'usufruit finalement courir jusqu'au
seuil de pauvreté en pensant à une situation comme
celle-là ou le bénéficiaire ne pourrait pas profiter du
legs, dans le cas d'une maison, et qui pourrait finalement continuer à
produire des fruits...
Mme Harel: Des fruits.
Le Président (M. Laporte): Oui.
Mme Charbonneau: Des fruits, ça va bien, pour permettre
à cette personne de conserver son bien. Si un jour elle peut l'habiter,
tant mieux, mais sans pénaliser finalement son allocation sociale.
Le Président (M. Laporte): Le temps étant
terminé, M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est pour vous remercier de votre
présence de votre mémoire, du travail que vous faites
auprès des bénéficiaires et vous indiquer que je suis
encore d'avis qu'une personne qui est dans I'obligation de passer une
très longue période de sa vie à I'aide sociale a des
besoins qui, finalement, sont un peu plus élevés que la personne
de passage à l'aide sociale, Mme Charbonneau l'a bien
indiqué,
peut-être a contrario, en disant: "Lorsque la personne en sort, il
y a des articles qu'elle doit s'acheter", etc. La personne qui a la
possibilité de travailler à un moment donné dans sa vie
accumule ces choses-là à partir de ses gains de travail et
lorsqu'elle arrive à l'aide sociale, elle les a. Votre clientèle
n'a pas eu cette possibilité et c'est de cela que la politique que nous
mettons de l'avant tente de tenir compte, peut-être pas assez
généreusement, mais avec un peu plus d'équité
qu'avant. Merci de votre participation à la commission.
Le Président (M. La porte): La commission tient à
remercier le Comité des bénéficiaires de l'hôpital
Rivière-des-Prairies et la protectrice du bénéficiaire en
vous souhaitant bon retour à Montréal. Oui?
M. Richard (Gilles): Je vous remercie, M. le Président, et
les membres de la commission parlementaire.
Le Président (M. Laporte): Cela nous a fait plaisir.
J'invite maintenant à s'avancer à la table les
représentants du Bureau de consultation jeunesse inc.
Nous souhaitons la bienvenue aux représentants du Bureau de
consultation jeunesse inc. Vous connaissez sans doute le mandat de la
commission. Au départ, je vous demanderais de bien vouloir vous
identifier pour les fins de l'enregistrement. Je désire vous indiquer
qu'en ce qui concerne la procédure, vous avez 20 minutes pour nous
présenter votre mémoire. Par la suite, il y aura une discussion
d'une quarantaine de minutes avec les parlementaires. Est-ce que le responsable
de votre groupe veut bien s'identifier et identifier les collègues qui
l'accompagnent? La parole est à vous.
Bureau de consultation jeunesse Inc.
Mme Dubé (Marcelle): Je dis bonjour à tout le
monde. Mesdames, messieurs, j'aimerais vous présenter les gens qui
m'accompagnent. À l'extrême gauche, il y a M. Jean Fallon, du
Bureau de consultation jeunesse de Laval, un intervenant communautaire; ici, M.
Fernand Fournier, du CRIC, le Collectif de recherche d'intervention
communautaire et, à ma droite, M. Jacques Pector, du Projet
d'intervention auprès des mineurs prostitués. Il manque une
personne qui va se joindre à nous; elle s'appelle Alice Dionne et vient
du CRIC aussi. Mon nom est Marcelle Dubé, je suis du Projet jeunes
décro-cheurs et décrocheuses.
Dans un premier temps, j'aimerais vous préciser la raison de
notre venue à cette audience. Nous avons fait parvenir un mémoire
pour le 8 février qu'il nous semblait important de déposer, vu la
problématique avec laquelle nous travaillons depuis plusieurs
années, c'est-à-dire la jeunesse. Il nous semblait important de
vous dire ce qu'on faisait auprès des jeunes et pourquoi on le faisait,
et aussi ce nous pensions de la réforme de l'aide sociale; c'est ce
qu'on a écrit dans le mémoire. Aujourd'hui, nous aimerions
poursuivre ce qu'on a écrit dans ce mémoire, aller au-delà
de cela et vous expliquer un peu plus, à travers notre expertise sur le
terrain, ce qu'on connaît des jeunes.
Alors, qu'est-ce que c'est, le Bureau de consultation jeunesse? Le
Bureau de consultation jeunesse est un organisme communautaire qui travaille
auprès des jeunes dans la région de Montréal. Il a
à peu près une douzaine de points de service qui sont
situés sur I'île de Montréal, à Longueuil et
à Laval. Nous faisons du travail auprès de la jeunesse qu'on
situe entre 15 et 30 ans. Nous sommes là depuis près de 13 ans.
Nous avons touché plusieurs aspects chez les jeunes par notre travail
sur le terrain, entre autres, l'idée d'aider les jeunes à se
prendre en main, la capacité de ces jeunes de se prendre en main et de
devenir autonomes. Nous avons aussi, au cours de ces 18 années,
travaillé à expérimenter plusieurs ressources novatrices
en matière de travail et de non-travail auprès des jeunes. Je
citerais, entre autres, le projet d'intégration au travail, les projets
SEMO, Élan Laval et l'Atelier de travail jeunesse. Et, à travers
les autres points de service aussi, les jeunes nous ont souvent
consultés sur la question du travail.
Nous avons aussi toujours voulu travailler avec la communauté;
c'est l'essentiel de notre intervention. C'est-à-dire que nous
travaillons avec les jeunes qui viennent nous voir, mais nous n'isolons pas le
jeune, nous le remettons dans son contexte de quartier. Nous travaillons donc
aussi auprès d'adultes qui sont signifiants pour ces jeunes: ce sont des
parents, des professeurs, en fait, toute la communauté qui tourne autour
de ces jeunes et aussi des employeurs.
Chez nous, comme travail d'intervention, nous avons plutôt envie
de travailler avec les jeunes par l'aspect positif, parce que la plupart des
jeunes qui viennent chez nous, on a l'impression qu'ils arrivent avec un fort
sentiment d'échec et pour nous, c'est important de partir de ce que ces
jeunes ont comme potentiel. La plupart des jeunes justement ont vécu des
échecs à l'école, sont issus de familles avec lesquelles
il y a des problèmes et ont eu beaucoup de difficultés aussi
concernant l'intégration au travail. Pour nous, il y a beaucoup de
potentiel chez les jeunes et notre objectif, ce n'est pas de regarder les
échecs, mais plutôt ce qui peut être fait avec ces
jeunes.
On aborde aussi les jeunes dans leur réalité
complète et non pas juste par le biais du travail ou par le biais de la
sexualité. Pour nous, ce sont toutes des réalités qui
forment l'ensemble des jeunes qu'on voit. Chez nous, en fait, on a l'impression
de travailler beaucoup à aider le jeune à devenir autonome,
à lui donner une certaine dignité, à iui redonner l'espoir
dans sa vie.
On vous a parlé, dans notre mémoire, de l'illusion du
plein emploi, des valeurs individuelles et sociales puis, aussi, on a
regardé la situation du programme d'action positive pour le travail de
l'emploi, mais aujourd'hui, en fait, on a plus envie de vous dire ce qu'on
trouve inacceptable dans la réforme, ce qu'on trouve, quelque part, qui
est même négatif concernant l'image des jeunes dans votre
réforme. Alors pour cette partie, je vais passer la parole à M.
Fournier.
M. Fournier (Fernand): Merci. Lorsqu'on a eu vent qu'il y avait
une réforme - on avait ce vent-là d'ailleurs depuis quelques
années, parce que cela n'arrive pas comme un cheveu sur la soupe - on a
dit: Ils vont sortir un texte et finalement on a pu l'avoir. On a
commencé à le lire individuellement puis on s'est rendu compte
qu'on trouvait cela vraiment passionnant. Alors on s'est dit: il y a anguille
sous roche, il faut qu'on lise cela ensemble. On s'est donc mis à
échanger des points de vue sur cette réforme-là qui,
peut-être, ne touche pas beaucoup, Je dirais, l'ensemble de ce qu'on fait
avec les jeunes. C'est un peu tardivement qu'on s'est dit: II faudrait
peut-être, nous aussi, écrire un mémoire. Si on a
décidé de le faire, ce mémoire-là, je tiens
à vous le rappeler, c'est parce qu'on se sent vraiment concernés
par la problématique qu'il y a dans cette réforme. On ne vous
parlera pas de chiffres beaucoup. On veut vous dire que les désaccords
qui ont été mentionnés à cette commission, depuis
le début, selon ce qu'on a lu dans les journaux, on est pas mal d'accord
avec cela. Ce qu'on aimerait mettre en évidence ici, ce sont des
réalités qui, peut-être, ne seront pas touchées par
d'autres organismes. On le fera en vrac, on arrêtera dans quinze minutes
et on pourra répondre à vos questions par la suite.
Une chose qui nous préoccupe vraiment, ce sont les besoins des
jeunes. J'étais heureux, tantôt, d'entendre quelqu'un vous dire
que les besoins des gens qui sont sur le bien-être social sont les
mêmes que ceux des autres membres de la population et je trouve que dans
la réforme telle qu'on peut la percevoir globalement, ce n'est pas
nécessairement évident.
Je veux vous dire aussi que, personnellement, dans le CRIC ce que je
fais depuis quatre ans, c'est de la formation, des rencontres, des
conférences, des séminaires avec des parents, des enseignants,
des travailleurs sociaux, des gens des CLSC, des gens des loisirs dans tout le
Québec et le Canada francophone. Donc ce sont aussi des commentaires
qu'on a eus de ces gens-là sur l'image qu'ils se font des jeunes et des
jeunes sur le BS. C'est une image qui n'est pas tellement reluisante. (16 h
45)
Quand on parle des besoins des jeunes, il y a un besoin très
important qui est celui de vivre en collectivité. Les gens nous disent
que, depuis 1970, les jeunes forment une classe sociale. Dans cette
réforme, on a souvent l'impression qu'on va demander aux jeunes de se
"réisoler". Je vais vous donner un exemple, qu'on pourrait multiplier
par mille, d'un beau jeune qui a 22 ans, qui étudie à
l'Université de Montréal en criminologie - il va peut-être
finir ses jours ici! - et qui a dû s'en aller en appartement pour aller
étudier, l'an dernier, pour sa première année
d'université. Alors, il a quitté le foyer familial, qui est un
foyer très heureux, uni, riche et tout ce que vous voudrez, pour aller
aux études. Il a fait son année d'études l'an dernier, de
façon intéressante, mais en partageant un appartement avec trois
autres copains parce qu'il n'arrivait pas à payer son loyer pour les
raisons que vous connaissez tout aussi bien que moi.
Ce jeune a fait son année. À la fin de l'année, il
est revenu chez ses parents, parce qu'il voulait ramasser plus d'argent, se
trouver un job d'été et tout. En septembre, il retourne à
sa deuxième année d'université, encore avec deux autres,
un copain et une copine, mais, cette fois-là, ils ne sont pas
étudiants dans la même branche que lui. Je l'ai rencontré
à Noël et il me disait: Fernand, cela n'a plus d'allure, je ne suis
même plus capable d'étudier. Tu sais, on se partage l'appartement
et nos sous, on se partage le grille-pain, l'auto - il y avait même une
auto prêtée en quelque part - mais je ne suis plus capable
d'étudier parce que je suis tout seul. Il faut que je discute avec les
gens et je ne les vois pas parce qu'on ne travaille pas aux mêmes heures.
Alors, c'est ce qui fait que, actuellement, il cherche à revenir en
quelque part. Donc, je trouve que... Vous voyez, il y a une
réalité qui est intéressante chez les jeunes et qui est
fondamentale, actuellement.
Il y a deux jours, je faisais un séminaire à
Sainte-Adèle avec des intervenants-jeunesse de maisons de jeunes. Dans
ce séminaire, il y avait deux jeunes qui font partie d'un projet que
vous devriez connaître, puisqu'il vient du gouvernement; il s'appelle
Jeunes volontaires. Vous devriez demander à ceux qui font ce projet
pourquoi ils parlent de volontariat, parce qu'il n'en est pas beaucoup question
dans votre réforme. Les jeunes n'ont pas l'air à pouvoir
être très volontaires dans les dédales du cheminement que
vous voulez leur faire suivre. Ces deux jeunes volontaires me disent: On
travaille à la Maison bleue La Maison bleue, c'est une maison qu'ils ont
louée parce qu'ils ont trois autres jeunes de 17 et 18 ans qui
étaient dans des centres d'accueil des Laurentides, ils sont sortis des
centres d'accueil et ils habitent avec eux. Quand on s'est mis à parler
de la réforme, ils ont dit: Est-ce que cela veut dire, Fernand, que si
c'était là demain, on se ferait tous couper notre BS, toute la
"gang". Je pense que oui. Là, l'un me dit: On ne pourrait plus arriver
à louer cette maison, parce qu'il faut qu'on ait ce qu'on a actuellement
pour la louer, autrement on n'a plus d'argent.. Donc, ces jeunes ne pourraient
plus avoir ce lieu d'appartenance qui est une
résidence commune. Ils seraient obligés probablement de
quitter et de se retrouver là ou vous savez probablement, c'est
à-dire dans la rue ou je ne sais trop ou. Je trouve que. Oui, vous ne
comprenez pas peut-être parce que...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je fronce les sourcils
énormément, là.
M. Fournier:... l'on est un peu impressionné d'avoir
à vous parler. Alors, vous nous poserez des questions.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
M. Fournier: Une autre réalité qui nous intrigue
dans cette réforme, c'est celle de la perception qu'on se fait de la
famille et des valeurs. Vous savez, on parle de liens d'appartenance de
responsabilités parentales, de responsabilités des enfants, un
jeune qui demeure chez ses parents et dont les parents gagneraient tel montant
verrait son allocation diminuée selon le salaire des parents et tout
cela, toute cette problématique dans un esprit de justice et
d'équité. Cependant, nous disons: Ce n'est pas comme cela la
réalité. II y a des jeunes qui ont à sortir de chez eux,
dans des milieux autant favorisés que défavorisés. II y a
des parents - j'en sais quelque chose pour en avoir rencontré environ 30
000 depuis deux ans - qui ne sont plus capables de vivre avec leur enfant pour
un tas de raisons qu'on n a pas à s'expliquer ici. Donc, on dit:
Qu'est-ce qui va advenir de ces gens-là? Quelle est la perception qu'on
a du monde réel?
Vous savez, depuis la semaine dernière, cela ne fait pas
longtemps, il y a eu neuf émissions de télévision
où on parlait de l'éclatement de la famille. II y a
l'émission Les Enfants de la rue qui va commencer ce soir; la petite
émission de Roch où on parle d'un jeune qui part de la
Côte-Nord et qui s'en vient en ville, une série de cinq
émissions. Vous savez, ce qui est intéressant dans cette
émission... J'ai lu une entrevue dans le journal avec le jeune qui joue
le rôle de Roch, un beau jeune de 17 ans qui étudie au
conservatoire Lasalle, qui est tout heureux de I'expérience et qui est
enrichi, parce qu'il dit: J'ai plus conscience, maintenant, de la
réalité de Roch. Moi, je ne suis pas comme Roch. Je n'ai pas
quitté chez nous et je ne fais pas de prostitution. Ce jeune homme de 17
ans déclare dans le journal - il s'appelle Patrick Lab-bé - avoue
avoir une certaine ressemblance avec Roch. Et, dit-il, il perçoit ce
dernier, c'est-à-dire ce jeune délinquant, comme le reflet de la
collectivité des adolescents. Cela ne veut pas dire que tous les jeunes
sont délinquants, mais cela veut dire que les préoccupations des
jeunes qui ont plus de difficultés sont les mêmes pour I ensemble
des autres jeunes.
À I'émission Emprise, on nous parlait des femmes battues
qui se comptent par une sur sept. Je ne sais pas si les enfants de 16 ou 19 ans
peuvent vivre longtemps dans ces milieux. Je ne sais pas si les parents seront
réceptifs lorsqu'on leur rappellera leurs devoirs parentaux. Votre
gouvernement mène une campagne publicitaire, depuis deux semaines, dans
les grosses cotes d'écoute de télévision, ou on nous parle
de la violence conjugale. II y a même dans le programme Des Dames de
coeur, chéri de tous, le plus beau couple "straight" qui vient de
"péter" lundi soir dernier, ou le bonhomme a sacré dehors sa
femme et ses "flos". Et ces gens sont d'un milieu très favorisé,
je vous prie de me croire.
Je veux vous dire que cela ne fait qu'une semaine qu'on regarde ces
émissions à la télé et qu'on se rend compte que
I'intention peut être derrière les voeux pieux de cette
réforme n'est pas tellement réaliste. J'aimerais quon tienne
compte de cette réalité.
Une autre chose qui nous préoccupe beaucoup, c'est qu'avant
même que ce projet de loi soit adopté alors qu'on est encore en
rencontre pour en débattre il y a déjà une image
très péjorative des jeunes et des autres gens qui sont sur le BS
qui est en train d'exploser. II y a deux semaines, on venait de terminer la
rédaction de notre mémoire et je terminais une session avec 80
directeurs d'école de la Commission des écoles catholiques de
Montréal, une série de six journées de rencontre et il y
avait là quinze directeurs d'école avec lesquels on parlait de la
motivation des jeunes à I'école. Et dans l'informel de cette
rencontre, je me mets à dire à ces gens-là que nous, au
BCJ, avions rédigé un mémoire pour vous presenter etc.
Là, les direcleurs commencent les litanies du BS de père en fils;
quand on veut, on peut, les jeunes aiment mieux se "pogner le cul que de gagner
4, 50 $ l'heure. Tant mieux si la réforme leur donne moins que ceux qui
en ont moins parce qu'ils n'en méritent... etc. Ils étaient
tellement enflammes que lorsqu'on est revenu à notre rencontre formelle,
il a fallu en discuter pendant une heure de temps alors que ce n était
pas notre propos.
On s'est mis à considérer les liens qu'on pouvait faire
au-delà de I'image qu'on projetait et au bout de cette heure-là,
un directeur m'a dit: Fernand, tu sais, cela fait au moins huit ans que je
travaille vraiment dans un milieu défavorisé ou 80 % de ma
clientèle sont des gens sur le BS. L'autre dit: Bien moi aussi, c'est de
même, mais c'est peut être 60 %. Et il m'a dit: Comment se fait-il
qu'on a cette image péjorative? Tu sais il n'y a jamais personne qui
nous a parlé du BS comme vous le faites. Et je pense que je le crois
quand vous nous dites la réalité comme elle est. Avez-vous
écrit quelque chose là-dessus? Alors là, je lui ai
demandé de vous écrire, M. Paradis, parce que je crois que vous
avez peut être des choses a lui dire.
Ce que je veux dire derrière cette image c'est qu'on est en train
de se redonner une image très péjorative des gens qui sont les
plus
démunis de notre société et,
particulièrement des jeunes. Je ne sais pas si vous avez vu la
caricature de M. Girerd, dans La Presse, hier matin. Je n'ai pas
trouvé cela vraiment drôle, parce que, voyez-vous, c'est
écrit dessus: inciter les aptes à aller à
l'école.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avez-vous vu Le Devoir aussi?
M. Fournier: Mais vous savez, ce n'est pas cela, ta jeunesse sur
le BS. Ces jeunes-là ne sont pas à genoux, Ils sont à
quatre pattes à terre, avec une canette de bière et ils ont l'air
pa-quetés comme des hommes de 45 ans quand ils sortent du hockey. Je me
dis que quand les jeunes, les parents que je rencontre voient cette image, cela
n'a pour effet que de renforcer une image complètement péjorative
qu'on a de la société et des jeunes. Nous trouvons cela vraiment
inacceptable. On ne trouve pas cela acceptable que les jeunes qui n'ont
même pas le minimum essentiel actuellement soient coupés et on ne
trouve surtout pas acceptable que, derrière la réforme, ils se
représentent une image que quand on veut, on peut; la famille
traditionnelle, c'est la meilleure. Vous savez il y a 50 % des familles au
Québec qui sont ou monoparentales ou reconstituées. Si c'est cela
des marginaux, la marge commence à être pas mal large.
Présentement, il y a 48 modèles différents de familles
reconstituées au Québec. Je ne peux pas vous les expliquer. Il y
a certainement une couple de personnes qui en vivent de cela ici. Cela nous
préoccupe parce que ce n'est pas présent ni dans les textes du
mémoire ni dans ce qu'on a lu de qui que ce soit actuellement. Quelle
est la parole qu'on a sur la place des jeunes dans notre société
québécoise? Qu'est-ce que ce projet de loi vit des valeurs, des
changements, des nouvelles réalités? Comment cela peut-il
être un soutien? On voit cela dans des chiffres? Je trouve que vous
utilisez l'équité un peu trop vite. Dans le texte que nous avons
lu, nous n'en avons pas vu nécessairement. Je crois que
l'équité se situe au-dessus de la justice. Un jeune qui est sur
le BS et qui gagnerait plus qu'un autre qui a le salaire minimum, c'est
peut-être injuste mais c'est peut-être aussi équitable. On
aimerait voir apparaître certaines nuances de cet ordre, parce que je
vous prie de nous croire, ce n'est rien. Cette réforme va être
votée. Les gens qui ont le pouvoir économique vont l'appuyer.
Elle rallie les gens dans leur peur. Elle rallie les gens dans l'Image qu'ils
se font, péjorative, des gens qui sont un peu démunis. Cela nous
inquiète. Tant mieux si cela n'a pas cet effet pervers, mais nous
croyons que cela peut l'avoir puisque déjà depuis deux ou trois
semaines ce n'est que ce type de discours que j'entends lorsque je rencontre et
des adolescents et des parents et des éducateurs et des gens qui sont
préoccupés par les jeunes.
En terminant cette première période, ce que nous aimerions
vous dire de façon peut-être un peu malhabile, c'est que c'est
avec beaucoup d'humilité face aux jeunes que nous avons
décidé de venir vous rencontrer et de prendre la parole en leur
nom devant cette commission. Si nous le faisons c'est parce que nous avons
appris à nous laisser questionner par les jeunes depuis quinze ans. Nous
avons appris non seulement à les connaître mais à les
reconnaître et peut-être aussi à les aimer, même si
cela fait quétaine. Si nous avons appris à les aimer, c'est parce
que eux nous ont appris quelle était vraiment leur
réalité. Nous croyons profondément que ce n'est pas par le
contrôle et la peur que les humains vont grandir. Nous sommes venus
à cette commission aussi parce que nous avions un "char" pour venir;
à cinq on a pu en trouver un. Même si nous ne gagnons pas des
salaires faramineux, nous pouvions nous permettre de prendre une journée
de congé pour venir. C'est aussi le DCJ en collectif qui nous a permis
de lire ensemble votre document pour essayer de le comprendre, d'en saisir la
portée et d'y décoder les Implicites qu'il sous-tend.
La Présidente (Mme Cardinal): Malheureusement, vous devez
conclure. Votre temps est écoulé.
M. Fournier: Oui, il me reste deux lignes. Les vrais jeunes qui
devraient être ici évidemment ils n'y sont pas
présentement. Je pense qu'ils ne disposent pas des moyens pour venir
ici. De toute façon, je crois que s'ils étaient là, face
à l'espoir que vous leur offrez, à peu près la seule chose
qu'ils pourraient présenter c'est probablement un "blanc de
mémoire".
La Présidente (Mme Cardinal): Merci, M. Fournier. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Fournier, je vais
peut-être commencer avec votre dernière parole. Un "blanc de
mémoire", ce serait la chose la plus facile à présenter.
Ce serait maintenir et perpétuer la situation dont nous avons
hérité. Une situation qui discrimine contre les jeunes et les
condamne à vivre à 178 $ par mois, ce serait un "blanc de
mémoire". Une situation qui faisait en sorte que, parce qu'on a
oublié, la société, de hausser le salaire minimum pendant
cinq ans, c'est devenu plus rentable financièrement d'être
à l'aide sociale. On a eu un "blanc de mémoire" pendant cinq
ans.
On pourrait continuer à avoir le même "blanc de
mémoire" et continuer à souhaiter qu'il y ait plus
d'assistés sociaux que de travailleurs dans la société. Ce
n'est pas ce qu'on a choisi. On a choisi de mettre une proposition devant les
gens. On a choisi de mettre certains principes de l'avant. On a choisi
d'indiquer même les modalités et de mettre les barèmes dans
un document qu'on a rendu public. On n'est pas rendu au processus
législatif. On est rendu au processus de
réflexion dans la société. On l'a envoyé un
peu partout et on la chiffré. On a dit: C'est ce que seront les
barèmes. Pas juste des phrases, des chiffres au bout pour que la
personne se retrouve et se voie. C'est dans ce cadre que vous êtes venus
nous voir, pour réagir et pour dire. Bon, il y a des choses qu'on
soupçonne, il y en a d'autres qu'on découvre etc.
Moi, j'ai senti dans la première intervention de Mme Dubé
qu'elle nous a livré son expérience. Elle nous a dit que,
finalement, son expérience c'était quand même une
expérience heureuse dans le contexte que I'on vit présentement
Difficile, mais heureuse. (17 heures)
Vous avez peut-être raison, parce que des jeunes à l'aide
sociale il y en a déjà eu beaucoup et on en a encore un peu trop.
Quand je suis arrivé au ministère, on m'a confié cela en
fiducie, en janvier 1986, il y avait 147 795 - je sais que vous n'aimez pas les
statistiques, je n'en parlerai pas longtemps - jeunes à l'aide à
sociale. Je suis obligé d'y faire face comme clientèle. Deux ans
plus tard, il y en a à peu près 42 000 de moins. C'est quand
même beaucoup trop.
C'est qui ces jeunes-là? Est-ce que ce sont des paresseux qui ne
veulent pas travailler? Est-ce que c'est cela? Je regarde la
caractéristique de cette clientèle et je me dis: Même s'ils
voulaient travailler, est-ce qu ils pourraient? J'en ai 36 % qui sont
analphabètes fonctionnels. Est-ce que c'est facile pour un
analphabète fonctionnel de se trouver un emploi dans la
société? J'en ai 60 % qui n'ont pas complété leur
secondaire. Je fais comme vous, une fois de temps en temps j'achète le
journal et je regarde les offres d'emplois parce que, en politique, c'est
passager. Mais cela prend un secondaire pour poser sa candidature dans la
majorité des offres d'emplois que l'on retrouve, entre autres dans les
journaux. 60 % de ces gens là n'ont même pas leur cours
secondaire. Dans d'autres offres d emplois qu'est-ce qu'on retrouve?
Expérience de travail 40 %n en ont pas.
Est-ce que je choisis, comme gouvernement ou comme
société, de dire: Bon je m'en occupe. Je vais leur envoyer un
chèque chaque mois. On va faire une petite commission parlementaire avec
l'Opposition et je vais argumenter sur ce que sont les besoins de base
essentiels et quand j'aurai oxygéné ma conscience, une fois par
mois, je mettrai à la poste un chèque, puis je pourrai aller dire
dans les discours politiques que j'ai fait ce que j'avais à faire envers
ces gens-là. C'est un peu ce que traditionnellement la
société a fait; en tout cas, depuis l'actuelle Loi sur l'aide
sociale, qui date du début des années soixante-dix. Relever le
défi et ouvrir la "canne" de vers, ce n'est pas facile, parce que quelle
que soit la politique que l'on propose ou que I'on mette de l'avant, il y a des
gens qui seront satisfaits et d'autres qui seront insatisfaits. Ce qu'il faut
éviter ce sont les injustices.
Les jeunes que vous représentez, on leur dit: la parité.
Cela fait assez longtemps que vous l'avez réclamée, vous l'avez
réclamée sous le gouvernement précédent pendant des
années. Depuis que les libéraux sont au pouvoir, vous n'avez pas
changé d'idée, vous voulez la parité. Vous ne voulez plus
de discrimination à cause de votre âge dans la
société, pour les jeunes au bas de l'échelle des
assistés sociaux.
On pense livrer en très grande partie cette parité, bien
qu'on se soit fait dire, ce matin, par deux organismes de jeunes, que
c'était, à leurs yeux, loin d'être complet, à cause
de la contribution alimentaire parentale que vous avez mentionnée avec
ses effets sur la famille. On souhaiterait vous la donner complètement,
sauf qu'avec ce qui existe aux prêts et bourses aux étudiants...
On n'est pas seuls à penser cela, il y a d'autres politiciens qui y ont
pensé avant nous, des grands économistes qui ont écrit des
livres blancs sur la fiscalité en 1984 et qui nous disent: Faites
attention, parce que si votre régime d'aide sociale est plus
généreux que prêts et bourses aux étudiants, vous
allez inciter les jeunes à quitter l'école et à devenir
des prestataires d'aide sociale et cela va envenimer et empirer votre
problème.
On met tout cela ensemble et on tente de proposer quelque chose qui soit
incitatif au travail, parce que on a vu que lorsque c'était plus payant
d'être à l'aide sociale qu'au salaire minimum, les gens savent
compter, puis à un moment donné, ce n'est pas la seule
considération. La seule considération pécuniaire n'est pas
I'unique considération, mais ça fait partie des
considérations quand tu es dans ces niveaux-là de revenus dont tu
tiens compte obligatoirement.
Donc, l'image du jeune qu'on voudrait que la population ait à la
suite de cette commission parlementaire, c'est l'image du jeune qu'on vous a
décrit. Pas le jeune qui ne veut pas travailler, mais le jeune à
qui la société...
M. Fournier:... qu'elle reçoit.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Depuis qu'on entend des
groupements de jeunes, je prends le temps, au début, de décrire
ce profil de clientèle pour que tout le monde en soit à un moment
donné imbibé. Je l'ai répété je ne sais pas
combien de fois aujourd'hui ce profil de clientèle. II ny a pas à
une occasion ou je ne l'ai pas répété sauf au groupe qui
vous a précédé.
M. Fallon (Jean): Par rapport à cela est-ce que je
pourrais donner quelques réponses? Vous parliez tout à I'heure de
jeunes condamnés, que s'ils avaient réellement un "blanc de
mémoire", les jeunes seraient encore condamnés pour 20 ans
à venir, à 170 $ par semaine.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À 178 $. M Fallon:
À 178 $, d accord.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela revient au même.
M. Fallon: Avec la nouvelle réforme, les jeunes sont
condamnés à 420 $ par semaine, c'est déjà mieux,
mais ils sont condamnés à se faire dépister par une
première entrevue, ils sont condamnés à se faire
étiqueter, à se faire contrôler et à se faire
soigner contre leur gré. On parle déjà - dans une
conférence de presse qui a été donnée il y adeux ans - de 50 000 jeunes intouchables au Québec qui ne sont ni
sur le bien-être social, ni sur le chômage, ni au travail. Ces
jeunes ont déjà refusé de seulement se déplacer et
de se faire poser des questions pour 170 $ par mois. Est-ce que vous croyez
sérieusement que ces jeunes vont accepter de se faire étiqueter,
de se faire obliger à des traitements, si on parle de toxicomanie, si on
parle de délinquance, tel que décrit dans votre document? Est-ce
que vous croyez sérieusement que ces jeunes vont accepter de faire tout
cela pour 420 $ par semaine? Nous croyons que le chiffre de 50 000 intouchables
va augmenter très rapidement. Aussi, tout à l'heure, Marcelle
parlait..
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux répondre
à votre question?
M. Fallon: Est-ce que je pourrais juste continuer?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
M. Fallon: Je crois que vous avez une bonne mémoire pour
les réponses.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je prends des notes, en tout
cas.
M. Failon: Bon! D'accord. Tout à l'heure, Marcelle parlait
des projets, de toute notre expertise et tout. J'ai cru dénoter -
j'espère que je me trompe - un certain sarcasme face à votre
réponse à Marcelle. Ces projets ont démontré que
les jeunes avec qui on travaille depuis 18 ans s'impliquent, si on a le temps
de travailler la motivation avec eux, si on a le temps de travailler sur ce
qu'ils ont le goût de faire. Cela a aussi démontré que si
les jeunes sont forcés de se faire motiver, ils vont débarquer.
De toute façon, on parle des programmes Jeunes volontaires, des
programmes. Déclic et de 50 % d'abandon. Je ne crois pas que ce soit les
jeunes qui soient tout mêlés. C'est juste par rapport à
cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans la première partie, on
parle de 50 000 jeunes non identifiés, etc. Je ne veux pas citer de
chiffres, je ne veux pas en endosser et je ne veux pas en réfuter. Quand
les gens sont non identifiés...
M. Fallon:... tantôt Ha, ha. ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Lorsque les gens sont
identifiés, c'est plus facile. Quand ils sont non identifiés,
c'est beaucoup plus volatile comme chiffres. Mais disons qu'il y en a, de ces
gens, qu'ils existent et que le rôle d'organismes comme les vôtres,
dans la société, c'est de nous aider à les
dépister. Si vous dites non, c'est votre droit. Personne n'est
obligé d'avoir recours à l'aide sociale. II n'y a personne qui,
à l'aide sociale, est obligé de se faire traiter pour sa
toxicomanie, pas plus que quelqu'un dans la société ordinaire
n'est obligé de se faire traiter. Mais lorsque quelqu'un a des besoins
de base et que vous savez qu'un système existe et que vous pouvez mettre
ce système à contribution, être un trait d'union entre un
système qui existe et un individu et que vous pensez que c'est de le
faire, on vous invite à le faire. Maintenant, si vous pensez que vous
pouvez l'intégrer directement, sans avoir recours aux ressources du
ministère, vous pouvez également le faire. L'avantage de groupes
comme les vôtres, c'est qu'ils ne sont pas encarcanés dans des
normes, dans des directives, dans des bouquins de procédures et qu'ils
peuvent fonctionner avec beaucoup plus de maniabilité auprès de
ces clientèles. Ce que nous vous disons, c'est que lorsqu'on intervient,
on ne peut pas intervenir d'une façon absolument non normée.
Notre approche, dans cette réforme de la sécurité du
revenu est une approche beaucoup plus personnalisée que dans l'ancien
système. Maintenant, on ne sera jamais aussi personnalisé qu'un
organisme comme le vôtre parce que...
M. Fallon:... on dit non. Vous avez dit Nous voulons votre
collaboration. Lorsque j'ai répondu non, ce n'est pas. Non, nous ne
voulons pas collaborer. C'est: Non, nous ne dépisterons pas. Et tant
mieux si nous réussissons à faire bouger un jeune s'il le veut.
Le seul mandat que nous avons, c'est de redonner une dignité à un
jeune. On ne fera jamais entrer un jeune à genoux dans un bureau d'aide
sociale parce qu'il meurt de faim ou parce qu'il a le choix entre l'aide
sociale ou la rue. De toute façon, les jeunes avec lesquels on
travaille, les 50 000 qui ne sont pas dans les chiffres, on les a. Dans nos
heures de travail, on les a quotidiennement. Ils vont choisir la rue. C'est
beaucoup plus payant de se faire exploiter dans la rue par semaine, que de se
faire exploiter et de se faire enlever sa dignité par mois, sur le
bien-être social
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je sais que mon temps est
épuisé mais j'aurais peut-être...
Le Président (M. Laporte): II n'est pas
épuisé.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Il n'est pas épuisé?
D'accord. J'aurais peut-être une question dans.
Mme Harel:...
Le Président (M. La porte): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous, vous êtes
épuisée?
Mme Harel: De vous entendre.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre...
M. Fournier: C'est qu'il y a aussi une grande partie des jeunes
qui sont sur le bien-être ou aptes ou inaptes, on ne sait plus trop
comment le définir, qui ne se rendront même pas. C'est ce qui nous
touche. Ils ne viendront pas, eux, rencontrer vos psychologues. Ce sera une
bonne chose. Il y en aura moins sur le BS, je suis convaincu. Quand vous
sortirez des chiffres, dans deux ou trois ans, vous allez dire: II y a moins de
jeunes sur le BS. Mais ces jeunes-là, ils n'auront pas un
mieux-être, et c'est cela qui nous préoccupe nous. On le sait,
cela fait 18 ans qu'on travaille avec eux, ils n'iront pas dans cette
structure-là. Ce qu'on veut savoir, c'est, s'ils n'y vont pas, s'ils ne
sont plus comptabilisés, qu'est-ce que vous allez faire avec eux. Vous
comprenez? C'est ce qui nous touche. C'est pour cette raison que nous sommes
ici ce matin, ce n'est pas pour mettre notre bedaine sur la table et vous faire
"triper" sur votre conscience sociale; on n'en a que foutre, mais on sait que
les "flos" n'iront pas vous voir et c'est notre expérience-terrain qui
nous dit cela, parce qu'ils n'y vont pas actuellement, même sur le
chômage, parce qu'ils n'y vont pas actuellement, même dans des
projets qui pourraient être intéressants. Ce qui est apparent dans
ce que vous proposez, c'est qu'ils iront encore moins. Alors cela nous touche,
c'est bien évident que cela nous touche. Ces jeunes-là ont besoin
du minimum essentiel aussi pour vivre, mais ils ne se rendront pas. Votre
service personnalisé sera perçu par les jeunes comme un service
individualisé pour mieux les contrôler. C'est comme cela qu'ils
vont le vivre et probablement qu'avec vos fonctionnaires, c'est comme cela
qu'ils vont leur faire sentir aussi. Alors cela nous inquiète.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que la majorité des
gens qui ont recours à vos services présentement sont des gens
qui ne sont ni sur les prêts et bourses aux étudiants ni
prestataires d'aide sociale ou d'assurance-chômage etc. ? Est-ce que
l'ensemble des gens qui font affaires chez vous sont des gens qui ne sont
inscrits nulle part finalement dans la société?
M. Fallon: Vous savez, on ne les dénombre pas par ce
biais-là. On ne les compte pas comme cela, dans quel carré ils
peuvent rentrer de cette façon-là. Ils viennent nous voir et on
fait quelque chose avec eux. Il y en a de toutes les sortes, mais il y en a une
bonne partie qui sont...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand même, quand la
personne vient vous voir, moi je suis prêt à jouer pas de
règles puis toute la chose, mais quand quelqu'un vient vous voir et
qu'elle n'a pas ce qu'on appelle les ressources minimums, vous n'allez nulle
part etc., vous devez, si vous l'aidez, si vous gagnez sa confiance etc.,
à un moment donné être en mesure de constater quelles sont
ses occupations, qu'est-ce qu'elle fait, pourquoi elle est comme cela etc.
Le Président {M. Laporte): Mme Dubé, vous avez
demandé la parole?
Mme Dubé (Marcelle): Je peux peut-être
répondre à cette question-là. C'est que, quand on a eu des
projets qui nous demandaient entre autres de comptabiliser, j'ai nommé
tantôt deux projets SEMO et le programme d'intégration au travail
qui était une subvention spéciale donnée par le
gouvernement fédéral, et qu'on avait à tenir, entre
autres, des statistiques, ce dont on s'est rendu compte, c'est que la
clientèle qui venait nous voir était au moins à 50 % des
jeunes qui n'avaient aucun revenu. Cela veut dire qu'ils n'étaient ni
inscrits à l'aide sociale ni inscrits au chômage, ni à
l'école. Il y en avait la moitié et tranquillement pas vite, on
sentait de plus en plus qu'il fallait, dans ces programmes-là, se
diriger vers la clientèle uniquement qui était inscrite à
l'aide sociale. Quand on travaille dans le travail qu'on fait, le travail
communautaire, on n'a pas envie de sélectionner, d'obliger, comme on
vous a dit tantôt, mais à quelque part oui, il y a une
majorité de jeunes qui viennent nous voir et qui ne sont pas inscrits
nulle part.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sans que vous calculiez, juste
pour tenter de percevoir l'ampleur du phénomème, vous dites que
vous fonctionnez à partir de Montréal, de Laval et de Longueuil,
dans vos notes d'introduction. Il passe combien de jeunes chez vous par
année, à peu près? Et !a deuxième question, c'est:
Est-ce qu'ils reviennent? Est-ce que, lorsqu'ils réussissent à
s'en sortir, c'est permanent ou est-ce qu'ils reviennent?
Le Président (M. Laporte): M Fournier.
M. Pector (Jacques): Je pourrais peut-être essayer de
répondre. On rejoint à peu près 15 000 jeunes par
année plus les parents. Qu'est-ce qu'on fait avec, bien on essaie de...
c'est que c'est un projet de socialisation et ce qui nous inquiète dans
votre projet de loi, c'est que c'est un projet que nous percevons comme de
"désocialisation" et cela est inquiétant, parce qu'on essaie de
rétablir des liens avec la communauté de base, la famille
notamment, mais aussi avec
les pères, et comme le soulignait Fernand, il y a des
systèmes de débrouille qui ne sont pas forcément des
systèmes illégaux, mais qui sont des systèmes de
connivence, de solidarité dans les quartiers et tout ça, et les
jeunes refusent systématiquement en grande partie, au moins à 50
%, pour une question de dignité et aussi pour des raisons autres,
institutionnelles et culturelles, de s'inscrire dans des programmes
spécialisés. (17 h 15)
Cela nous prend beaucoup de temps, par exemple, pour faire toute une
démarche du côté hygiène mentale ou physique. Donc,
c'est tout un rapport humain qu'on établit et ce sont des programmes qui
se font à long terme. Ce qu'ils font? Eh bien, ils essaient de se
réinscrire quelque part dans la société, mais ce que l'on
perçoit actuellement... Notamment, on a fait l'expérience de
plusieurs SEMO au début des années quatre-vingt et ces SEMO ont
été de plus en plus difficilement gérables par nous, dans
la mesure où c'étaient des critères d'employabilité
qui prédominaient et non plus des critères de socialisation. Ce
qui fait qu'il y a trois ans, on a été obligés de fermer
deux SEMO parce que c'était impossible de continuer à travailler
dans ces conditions.
Le Président (M. Laporte): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je crois que devant...
Certainement.
M. Pector: Actuellement, les SEMO dans la région de
Montréal fonctionnent à 50 % de leur capacité. Les jeunes
n'y vont plus. Il n'y a plus de place dans les entreprises pour eux. Ce n'est
pas uniquement pour des raisons d'emplois, mais c'est aussi pour des raisons
culturelles.
Le Président (M. Laporte): Mme la
députée.
Mme Harel: M. le Président, je crois que c'est heureux que
nous puissions terminer - pas tout à fait, il y aura un groupe qui vous
suivra, mais presque terminer - la première semaine d'audition des
organismes et groupes sur ce projet de réforme, en fait de
contre-réforme. J'ai beaucoup de difficulté à utiliser le
mot "réforme" dans ce cas qui nous intéresse. Non, parce que je
ne veux pas faire un discours politique, je crois que votre mémoire nous
appelle à un autre type de réflexion.
Je voudrais reprendre à partir de l'intervention d'ouverture que
vous avez faite. Vous disiez que vous pensiez que ce projet serait
adopté. Cela m'a surprise beaucoup. J'aimerais savoir pourquoi vous
pensez qu'il ne sera pas mis en échec par ce que je crois être une
solidarité québécoise qui s'est enclenchée dans un
contexte qui n'était pas facile. Le document a été rendu
public le 10 décembre. On était dans les choux et les paquets de
Noël. La publication de l'avis pour la tenue de la commission
parlementaire a eu lieu le 23 décembre. C'était pas mal à
la veille des tourtières. Puis la date de dépôt
était le 8 février. Alors il fallait commencer à le
rédiger pas mal après les "parties" pour que ce soit prêt.
Et malgré tout, on est rendus au 120e organisme qui s'est inscrit et,
que je sache, pour tout de suite, à part le Conseil du patronat,
Alliance Québec et quelques autres, qui totalisent sept ou huit,
à peine neuf, c'est pour la très grande majorité une fin
de non-recevoir sur le fond, non seulement sur les modalités.
Alors, vous nous parlez d'une sorte d'explosion présentement et
peut-être pouvons-nous justement penser, à l'occasion cette
explosion, qui est occasionnée par le débat actuel, pouvoir vider
l'abcès. Il arrive parfois que dans des situations d'adversité,
on puisse au contraire marquer des progrès. Alors, dans la mesure
où il pourrait y avoir échec - et je pense qu'il peut y avoir
échec à un tel projet - il peut certainement, de l'ensemble de la
considération ou de la réflexion qui est obligée
actuellement... Cela aura été le mérite, d'une certaine
façon, que je reconnais au ministre. Son mérite aura
été d'obliger d'une certaine façon toutes les forces de la
société à se resituer, se repositionner par rapport
à un projet qui ne soit pas qu'un projet de réforme d'aide
sociale, mais de sécurité du revenu, avec l'ensemble de...
n'appelons pas ça de la politique, mais appelons ça l'ensemble
des considérations d'un projet de vie familiale, tout en tenant compte
de ce que vous apportez sur le fait qu'il n'y a plus de modèle unique,
mais des façons différentes de vivre la famille. Ne pensez-vous
pas que tout cela peut finalement, malgré tout, être
salutaire?
M. Fournier: Oui, lorsque j'ai dit cela, c'était au
début, lorsqu'on a reçu, nous autres aussi, l'avis.. On a
même pensé que c'était une stratégie de
déposer ce mémoire à la veille des fêtes, mais on
s'est dit: C'est cela, cela peut passer facilement. C'était à ce
moment-là.
Ce qui nous préoccupe plus maintenant, vous savez, ce sont les
jeunes. On ne peut pas voir... Dans ce mémoire, ce qui nous
préoccupe, c'est la situation des jeunes, et on s'aperçoit que la
façon dont !es gens vont monnayer le discours autour de ce
mémoire va aussi nous faire reculer sur la perception que les gens ont
des jeunes, parce que, actuellement, on ne sait plus trop où sont les
valeurs et comment aider les jeunes à se prendre en charge. C'est dans
ce sens-là.
Quand on discutait de cette caricature que je mentionnais au
début, les professeurs, les gens moyens vont garder cette
image-là. Donc, dès qu'un jeune sera en échec scolaire,
qu'il soit sur le BS ou non, dès qu'un jeune va parler d'abandon
scolaire - il y a 50 % de jeunes qui abandonnent le cégep à la
première année - les gens vont réutiliser cette
image-là. Je ne dis pas que c'est à cause du mémoire, mais
c'est un effet pervers. Si, en mettant sur la table du Québec la
discussion de la problématique derrière le mémoire,
on a cet effet-là, je considère qu'on doit aussi mettre des
énergies pour ajuster le tir, donc parler des valeurs qu'on sous-tend,
de ce qu'on veut comme projet de société, etc. C'est dans cette
optique que je faisais ce petit commentaire.
Mme Harel: C'est intéressant parce que vous avez
parlé d'un projet de "désocialisation". Je vous le dis, je veux
plus essayer d'aller au fond des choses avec vous. Par ailleurs, vous avez dit,
en vous adressant aux membres de la commission, au ministre comme à
l'ensemble des membres Je ne fais pas appel à votre conscience sociale.
Vous I'avez dit, je crois?
M. Fournier C'est-à-dire que j'ai perçu dans la
première réponse de M. le ministre que... Vous savez, on n'est
pas ici pour 'flyer" sur: c'est de valeur. Il faut être concret. Je l'ai
perçu comme cela. Même si je parle de qualité, de besoins
et d'intuition, je ne considère pas que ce discours soit
nécessairement "flyé" ou qu'il faille revenir à terre.
C'est dans ce sens-là que j'ai dit que je ne voulais pas faire appel
à votre conscience. Tout le monde aime tout le monde et on veut le bien
des jeunes. C'est pour cela que j'ai dit qu'on n'emploie pas le mot
"équité" impunément... impunément, je ne veux pas
dire un si gros mot dans cette salle, mais "équité" veut dire
quelque chose et je pense qu'il faut se dire ce qu'on cache derrière
ça.
Mme Harel: Dans une société, le mot
"équité" revêt des conceptions qui peuvent être
différentes. C'est d'autant plus important de prendre la parole comme
vous le faites pour nous rappeler qu'il ne faut pas nécessairement faire
équivaloir justice et équité. Mais, dans un gouvernement,
il y a aussi un autre mot qui prend un sens bien important, c'est le mot
"instabilité". Ce n'est pas tant la description de ce que cela pourrait
être inique, que la conclusion qui pourrait être tirée de
l'ensemble des interventions qui sont faites, que cela pourrait instaurer une
sorte d instabilité, car l'instabililté est une crainte
permanente pour tout parti au gouvernement.
Dans la mesure ou la démonstration pourrait être faite que
de telles mesures instaurent l'instabilité sociale, il m'apparaît
assez évident que, si cela n'amène pas de craintes salutaires
chez le ministre, cela pourra en amener chez le premier ministre qui, lui, est
assez sensible, semble-t-il, à ce facteur d'instabilité sociale.
Vous l'avez lu collectivement et Mme Duquette du Dispensaire
diététique de Montréal a parlé de
I'instabilité sociale que cela pourrait créer et elle a dit qu'il
fallait à I'inverse, investir d'une façon importante contre la
pauvreté pour I'avenir de notre société. Je ne veux pas
nécessairement vous faire faire des discours là-dessus, mais
avez-vous I'impression que c'est ou non facteur d'instabilité sociale ou
que c'est tout simplement un facteur de désintégration sociale?
Est-ce que...
Le Président (M. Laporte): Mme Dionne.
Mme Dionne (Alice): C'est que I'instabilité est
déjà tellement là, que ce que je veux dire, c'est qu'on a
l'impression que cela va simplement la renforcer. Tantôt il y avait des
interventions au sujet de l'augmentation des jeunes qui ne rentreront dans
aucun créneau. Cela veut dire que plus on veut cadrer, dans le fond,
plus on crée en même temps une instabilité par le fait de
vouloir mettre des cadres, parce que de toute manière les gens n'y
entreront pas. C'est peut-être simplement la continuité, si on ne
change pas notre regard sur les choses, de ce qui est déjà en
place. Mais c est encore plus figé.
M. Fournier: Donc polarité. Je pense que cela peut
augmenter I'instabilité mais cela peut aussi polariser les débats
et renforcer certaines images negatives qu'on a des jeunes des gens
démunis ou des personnes du troisième âge pour qui c'est le
même phénomène. Alors, je pense qu'il y a un mouvement de
cet ordre-là aussi parce que les gens cherchent à avancer. Et
comme cela ne donnera pas nous croyons fermement... Ce qu'on escompte dans
cette réforme, je ne pense pas que cela va apparaître, alors cela
risque de polariser non seulement des débats mais des visions
arrêtées. Donc, c'est la violence, c'est le suicide qui augmente.
Je ne veux pas vous faire paniquer, mais il faut voir la réalité
comme elle est aussi. Et |e pense que les jeunes sont comme cela. S'ils
n'arrivent pas à prendre la parole ou eux-mêmes à se
trouver aptes... Vous savez, nous aussi on les trouve aptes les "flos", mais le
problème est qu'ils n'ont pas besoin que vous les trouviez aptes, ils
ont besoin de se trouver aptes eux mêmes. Quand même il y aurait un
fonctionnaire qui viendrait dire à un jeune qu'il est apte à
travailler, ce n'est pas sûr qu'il va venir. C'est un peu comme vous
autres qui êtes élus. Ce n'est pas parce que vous êtes
élus que vous êtes aptes à voter sur ce projet de loi.
Alors il y a quelque chose qui est pareil chez les jeunes. Ils ont besoin de se
reconnaître eux mêmes comme ayant un potentiel, comme étant
utiles dans la société.
J'aurais aimé cela qu'on parle d'utilité là-dedans,
comment le jeune va se sentir utile. Ce sont des mots qui reviennent
constamment lorsque je rencontre des jeunes actuellement. Le drame des jeunes
c'est cela. C'est celui de I'inutilité et de la solitude. Alors comment
va-ton contrer cette solitude-là? Comment va-t on faire naître le
besoin essentiel qu'ils ont d'être utiles dans la société
puisque ce sont eux notre avenir? Toujours.
Mme Harel: Dans votre discours, lors de I'ouverture, vous avez
donne I'exemple d un jeune
qui était étudiant, qui allait au cégep, qui
cohabitait avec des étudiants - à l'université
plutôt - et cela m'a fait penser - c'est juste une distorsion par rapport
à votre intervention - que, dans la mesure où le ministre veut
rendre comparatif le programme prêts et bourses avec le programme
d'allocations sociales pour le rattrapage scolaire pour te motif de justice.
Dans cette logique-là, quand on la pousse... On sait très bien -
je ne veux pas revenir là-dessus - qu'en introduisant la contribution
parentale, à la limite, cela peut vouloir dire une
désintégration même plus grande des familles, puisqu'il va
falloir polariser et confronter finalement, de façon visible. Un peu
comme quand on demande un divorce pour sanctionner un échec dans une
relation. Souvent, le divorce amplifie l'aggravation, la
détérioration des relations et a des effets sur les enfants,
parce que c'est la procédure judiciaire comme telle qui a un effet de
polarisation. Effectivement la même situation peut survenir, une
polarisation, comme vous le dites, une confrontation pour prouver qu'il y a
échec et donc, indépendance de la famille. Mais cela peut, dans
cette même logique, amener le ministre, plus tard, à
réduire les prêts et bourses des 115 $ de partage du logement.
Parce qu'à force de vouloir toujours comparer à la baisse, si on
dit qu'on va donner aux jeunes assistés sociaux les mêmes montants
que les prêts et bourses, mais qu'en plus on leur enlève 115 $
pour le partage du logement, parce qu'ils sont débrouillards... Pour
tout de suite, dans le programme des prêts et bourses, il n'y a pas de
115 $ de réduction pour le partage de logement entre étudiants.
Mais qui sait si, dans un souci d'équité, il n'y aura pas,
éventuellement, une réduction de 115 $ d'un prêt-bourse
pour l'harmoniser avec le système d'aide sociale dans cette
logique-là? C'est une logique qui n'a pas de fin, parce que la logique
vers le bas c'est une logique qui nous amène - pourquoi pas? - c'est une
logique qui n'a pas finalement sa propre limite parce que ce n'est pas une
logique des valeurs d'une certaine façon. (17 h 30)
Je ne voudrais pas trop insister parce que je pense que vous nous avez
dit l'essentiel. Je voudrais simplement vous dire ceci. Il y a des
sociétés, je pense à la société
soviétique qui connaît présentement une politique
d'ouverture qui aurait même été impensable il y a cinq ans,
sembie-t-il, je ne la connais pas bien. Ce que j'en lis c'est que tous les
observateurs en disent et ils ont l'air de penser que ce que le "glasnost"
offre maintenant est une politique d'ouverture d'une société qui
était complètement rigide.
Ce que je pense, c'est que le document qui est devant nous est
finalement en filiation directe avec des études menées dans un
livre blanc publié en 1984 par le ministère des Finances et par
le ministre des Finances de l'époque, mais totalement acheté par
le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu de maintenant.
Ce que j'ai à dire comme critique ou porte-parole de l'Opposition de mon
parti, c'est que j'attendrais du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu la même politique d'ouverture à
l'égard des nouvelles réalités qui nous sont
dévoilées, la réalité de la pauvreté en
termes de coûts sociaux et de coûts économiques, comme l'a
fait le Conseil des affaires sociales et de la famille, comme l'a fait l'AHPQ.
Ce sont des réalités nouvelles qui donnent un éclairage de
l'autre côté de la lune à l'étude menée en
1984.
Autant l'auteur de l'époque est prêt à
reconnaître qu'il y avait des dimensions cachées qu'il doit
considérer maintenant, autant je m'attendrais à ce que l'actuel
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ne
prétende à aucune filiation antérieure pour
reconnaître maintenant qu'il doit prendre en considération des
dimensions qui nous ont été notamment mieux connues avec les
études menées, notamment l'étude sur les
municipalités qui a révélé la
désintégration sociale que vit actuellement le Québec des
régions en particulier et de certains quartiers dans les villes
aussi.
Je termine là-dessus. C'était tellement intéressant
de vous entendre que si j'avais encore quelques minutes je vous les
offrirais.
Le Président (M. Laporte): II reste quatre minutes, Mme la
députée.
M. Fournier: Une partie de ce que vous avez dit, on le voit
actuellement aussi dans le monde du travail et dans l'éducation. Je
pense qu'il y aurait aussi avantage à considérer, pas
nécessairement dans des multinationales, comment on fait la gestion des
employés actuellement.
J'ai rencontré des gens et c'est effarant de voir comment on ne
peut plus dire: tu fais cela, cela et on te donne cela, cela. Non seulement
c'est insuffisant mais cela devient insatisfaisant. Je travaille dans les
écoles depuis très longtemps. Je rencontre des enseignants
à coeur de semaine. Si vous saviez comment ces gens ne peuvent plus
enseigner et gérer leur classe, que ce soit au primaire, au
collégial ou au régulier secondaire, public ou privé, de
la même façon qu'avant. Ce que je retrouve c'est un modèle
de cheminement tellement en dehors de la réalité que juste
à cause de ce modèle, les gens ne pourront pas s'y
intégrer. Cela va être plus fort qu'eux.
Et je ne dis même pas si c'est bon ou non. Je parle juste du type
de modèle qu'on met en place. Je pense que cela vaut la peine d'aller
voir parce que vous passez, n'est-ce pas? et nous aussi probablement, mais les
modèles risquent de durer un bout de temps et d'avoir des effets
secondaires un peu surprenants. Je crois qu'on ne sait pas encore totalement
les effets que quelque réforme que ce soit, mais particulièrement
dans une optique comme celle qu'on entrevoit actuellement, va avoir, parce que
si on le savait, on
ne serait même pas en commission parlementaire. On serait sur le
terrain et on irait voir.
Je ne sais pas s'il y a des amis qui veulent parler.
Le Président (M. La porte): Mme la
députée.
Mme Harel: Je vais vous remercier. Je pense que loin d'être
déconnecté, c'est bien au contraire un arrimage qui nous
manquait.
Le Président (M. Laporte): Merci. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je vais vous remercier
également un peu en partageant l'opinion - c'est rare qu'on s'accorde
avec la députée de Maisonneuve - mais en disant que de la
façon dont vous avez abordé le problème est une
façon qui se différencie de celle qu'ont adoptée les
autres groupes et chacun est libre de sa présentation.
C'était rafraîchissant. Je vous dirai que vous nous aviez
dit que vous avez pris une journée de travail pour venir nous parler de
l'amour que vous aviez pour les jeunes. Tout ce que je peux vous dire c'est
qu'on l'a senti. Vous nous invitez à regarder d'autres aspects et nous
les regarderons. Merci de votre présence.
Le Président (M. Laporte): La commission tient à
vous remercier de vous être déplacés et de l'avoir fait
profiter de votre expertise. Nous remercions encore tous les membres du Bureau
de consultation jeunesse.
J'inviterais les représentants du Carrefour d'initiatives
jeunesse à s'avancer.
Nous suspendons nos travaux deux minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 36)
(Reprise à 17 h 40)
Le Président (M. Laporte): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous reprenons nos travaux. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux
personnes responsables du Carrefour d'initiatives jeunesse. Je demande au
responsable de bien vouloir s'identifier et d'identifier les personnes avec qui
il est présent actuellement. J'aimerais aussi vous rappeler la
procédure, très brièvement. Vous avez 20 minutes pour la
présentation de votre mémoire qui sera suivie d'un échange
de propos d'une quarantaine de minutes avec les parlementaires. La parole est
à vous.
Carrefour d'initiatives jeunesse
M. Proulx (Jean): Moi c'est Jean Proulx. Je suis intervenant au
Carrefour d'initiatives jeunesse, et je suis aussi du conseil
d'administration.
Mme Dupuis (France): D'accord. Mon nom est France Dupuis; je suis
intervenante au Carrefour d'Initiatives jeunesse.
M. Dumesnil (Michel): Michel Dumesnil, assisté social
à Nicolet.
M. Tessier (Jean-Pierre): Jean-Pierre Tessier, intervenant au
Carrefour d'initiatives jeunesse.
Le Président (M. Laporte): Je m'excuse, j'ai mal saisi
à l'avant-dernière personne.
M. Dumesnil: Assisté social de Nicolet. Michel
Dumesnil.
Le Président (M. Laporte): Merci.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'excuse, c'est Michel
Dumesnil?
M. Dumesnil: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.
Mme Dupuis: Je vais débuter en vous présentant ce
qu'est le Carrefour d'initiatives jeunesse qui a sa demeure à Nicolet.
Le Carrefour d'initiatives jeunesse, c'est premièrement une maison de
regroupement et d'appartenance pour les jeunes de 16 à 30 ans, bon, qui
présentent des problèmes d'ordre social ou économique, en
gros. La majorité des jeunes qui fréquentent le carrefour sont
des assistés sociaux. Quand je dis la majorité, c'est à
peu près presque tout le monde. Le carrefour a été mis sur
pied par le Centre d'aide aux défavorisés, l'AMI en
décembre 1985. Les objectifs poursuivis par cet organisme sont, d'une
part, de permettre aux jeunes de se donner un projet de vie pour favoriser leur
prise en charge personnelle, sociale et surtout financière. Il vise
aussi à donner aux jeunes d'aujourd'hui un projet de
société basé sur l'égalité et la
justice.
Pour ce faire, le Carrefour d'initiatives jeunesse offre plusieurs
services en commençant par répondre aux besoins de base des
jeunes: repas à prix modiques, cueillettes d'aliments,
dépannage-coucher et loisirs. Mais aussi, il permet aux jeunes de
travailler, soit en créant des petites "jobs", qu'on appelle "jobbines"
temporaires, ou encore, par le biais des programmes d'employabilité.
Actuellement, cinq projets Jeunes volontaires ont leurs locaux au carrefour. Le
carrefour offre aussi un service de relation d'aide individuelle pour permettre
ainsi aux jeunes de cheminer et de mieux découvrir leur potentiel. Ce
service permet aussi un soutien aux jeunes pour qui le découragement est
facile.
Enfin, une formation est offerte aux jeunes suivant leurs besoins:
alphabétisation, connaissance de soi, communications, etc. On trouve
aussi de l'accueil qui se fait inconditionnellement. Toute personne est
la bienvenue. Nous avons aussi un service d'information et de
références. L'esprit d'équipe ou la dynamique qui tend
à être au centre en est une d'entraide, de partage et de
participation de chacun afin de solidifier leur appartenance collective.
J'aimerais peut-être vous donner quelques statistiques en vigueur
au carrefour de l'année 1986-1987. Au sujet du nombre de jeunes
rejoints, ce qui est satisfaisant, c'est que la clientèle augmente
toujours depuis le début. Les statistiques sont entre autres pour les
entrevues individuelles. On entend par là aide individuelle
apportée. Cela se chiffre à 43. Les repas, 40 jeunes y ont
participé, les activités de loisirs, 20, les activités de
formation, qui sont des cours de formation en tant que tels, 20 aussi;
l'opportunité de travail, 35. La fréquentation au centre, 90.
C'est le nombre de jeunes rejoints.
Ce qui est important pour moi, entre autres, c'est de parler de la
clientèle visée. La clientèle touchée au Carrefour
d'initiatives jeunesse en est une généralement dite
problématique. Si on prend la peine de mieux la connaître, on se
rend vite compte que les usagers du carrefour sont des individus ayant,
premièrement, à peu près tous un bagage familial
déficient à la base. Plusieurs d'entre eux ont vécu en
foyers d'accueil ou en ont fait plusieurs, n'ont pas connu leurs vrais parents
ou s'ils les ont connus un peu, ils ne se sont jamais sentis
véritablement désirés, acceptés ou aimés
pour ce qu'ils étaient simplement. Quelques-uns de ces mêmes
participants sont aux prises avec un problème bien actuel, celui de
l'abus ou de la consommation d'alcool ou de drogues, moyen utilisé pour
fuir leur réalité, par lequel ils anesthésient leur
douleur, leur carence affective, leur désespoir ou leur questionnement
passé et actuel. D'autres vivent beaucoup d'ambiguïté face
à leur propre identité et sont dépendants des autres,
d'une autre ou d'un autre. Par exemple, nous supportons présentement
dans sa recherche d'autonomie, entre autres, une femme ayant un enfant,
exploitée et abusée violemment par son mari.
Notre but est, comme je le disais ci-haut, d'aider et de supporter du
mieux que l'on peut ces individus dans la découverte de leurs potentiel
et richesses intérieures afin qu'ils soient plus aptes à exercer
leurs capacités au sein de leur propre projet de vie et, par le fait
même, face à la société. Car toutes ces personnes
recèlent un trésor infini de bonté, de
compréhension, de talent et de qualités intérieures et qui
ne demandent qu'à être reconnus aux yeux de tous et de la
société en particulier. Chaque personne a le droit à son
autonomie et comment peut-on atteindre son autonomie sinon que par au moins une
répartition des richesses et non inlassablement par une lutte à
la pauvreté?
M. Proulx: Je voudrais, avant que Michel nous donne un peu plus
en détails le contenu du mémoire qu'on a déposé,
essayer de situer dans quel contexte social et économique on voit que la
réforme se situe. J'aimerais commencer par vous lire un article qu'on a
trouvé dans la Charte des droits et libertés de la personne qui
dit: "Toute personne a droit pour elle et sa famille à des mesures
d'assistance financière et à des mesures sociales prévues
par la loi susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent. " Pour
nous, d'une part, je ne pense pas que la réforme de l'aide sociale,
telle que proposée par M. Paradis, réponde à cet article
de la Charte des droits et libertés. Encore faudra-t-il s'entendre sur
le mot "décent". Mais pour moi, des revenus décents, ce n'est pas
ce qu'on trouve dans la réforme de l'aide sociale.
Actuellement, le discours politique qu'on entend ici au Québec,
au Canada et à l'extérieur aussi, on dit: Les problèmes
sociaux, on va y répondre quand l'économie va tourner mieux et
qu'on aura plus de sous. À ce moment-là, on sera capable de
répondre aux besoins sociaux.
Je ferais le raisonnement inverse et je dirais que si on a des
problèmes sociaux, c'est parce que la société crée
elle-même ces problèmes sociaux par sa politique de travailler
pour les plus riches et non pas pour l'ensemble de la population. Je pense
qu'il est évident que l'État ne travaille pas pour l'ensemble de
la population et se trouve incapable de rendre l'ensemble de la population
heureux. On n'a qu'à regarder le vandalisme, le taux de
criminalité qui est presque toujours en hausse, tous les
problèmes de consommation d'alcool et de drogues qu'on a au
Québec, c'est épouvantable! Le nombre de dépressions est
en hausse aussi. Je pense que, quelque part, il y a quelque chose qui ne marche
pas bien. Je pense que, dans les orientations que nos gouvernements prennent,
il y a quelque chose qui ne va pas dans cela. Donc, pour nous, le gouvernement
ne joue vraiment pas son rôle de régulateur, il ne joue pas son
rôle pour que l'ensemble de la société soit bien mais
favorise une partie et cela occasionne des problèmes sociaux
Nous disons que puisque c'est la société qui crée
ces problèmes sociaux, c'est de son devoir d'y répondre et non
pas de se fier sur l'entreprise privée qui n'a d'autre but,
évidemment, que de faire des profits. N'importe qui qui a une
entreprise, son but unique est de faire des profits et non pas de combler les
besoins sociaux. Je pense qu'actuellement le gouvernement a tendance à
dire: L'entreprise va tout régler cela, on va subventionner
l'entreprise, elle va créer des emplois et cela va tout régler.
Je ne pense pas que ce soit comme cela qu'on parvienne à régler
nos problèmes sociaux.
Quand je dis que la réforme de l'aide sociale ne permet pas un
revenu décent et que c'est carrément un désengagement de
l'État de ses responsabilités sociales, on n'a qu'à voir
toutes les coupures qu'il y a dans cela par
rapport au système actuel. Que I'on pense à l'abolition
des besoins spéciaux, à la coupure de 115 $ par mois pour les
chambreurs et les personnes qui partagent un logement, au resserrement des
règles d'attribution et de remboursement de l'aide conditionnelle,
à la réduction de la valeur excédentaire des biens permis,
à I'introduction d'un test de revenus pour les
bénéficiaires de HLM, à la restriction au droit à
l'aide sociale pour les jeunes adultes en prenant en considération le
revenu de leurs parents. Pour moi, ce sont toutes des mesures qui consacrent en
quelque sorte le désengagement de toutes ses responsabilités
sociales et qui tend encore à accroître I'écart entre les
riches et les pauvres.
D'autre part, j'aimerais cela dire aussi que, en lisant le document
d'orientation du ministre Paradis, on ne peut pas faire autrement que de voir
que toute la réforme est basée sur une prémisse qui
m'apparaît fausse, savoir que les gens sur l'aide sociale sont des gens
qui semblent bien sur l'aide sociale et qu'il faut arrêter ces profiteurs
du système au plus vite. C'est cela que j'entends quand on regarde la
réforme de l'aide sociale. Cela ma sauté aux yeux quand j'ai lu
cela. Les gens sur l'aide sociale ce sont des lâches, ce sont des bons
à rien, ils ne veulent pas, ils ne veulent rien faire, il faut
absolument les inciter au travail. Pour moi, c'est une prémisse qui est
fausse. Je pense au contraire que les gens sur l'aide sociale vont en sortir de
I'aide sociale s'ils ont un minimum décent justement, s'ils ont un
minimum de quoi vivre. Après cela, je pense que les gens vont être
motivés à aller travailler et ils vont être motivés
à faire quelque chose de positif.
Pour s'en rendre compte, j'ai vu tantôt que vous aviez reçu
hier ou avant-hier la Corporation des psychologues du Québec. Je ne sais
pas s'ils vous ont parlé de la pyramide des besoins. La pyramide des
besoins est évidente. Ce qui est évident dans cela, c'est que les
besoins de base, qui sont manger, dormir, etc. doivent être
comblés avant qu'on puisse se réaliser, avant qu'on puisse faire
d'autre chose. Si on ne répond pas à ce besoin en premier, ne
demandez pas à quelqu'un d'être motivé à faire
quelque chose! Cela fait deux ans que je travaille avec des jeunes. C'est
extrêmement difficile ce qu'on leur demande. On leur demande de faire
quelque chose alors qu'ils n'ont même pas le minimum vital pour vivre. Je
pense que la prémisse qui est là pour la réforme de I'aide
sociale est complète ment fausse. Sur cela je vais laisser la parole
à Michel.
M. Dumesnil: Le gouvernement nous avait promis la parité
avec les plus de 30 ans. On pourrait dire que notre demande a été
exaucée, mais quand on regarde de plus près, on s'aperçoit
que l'augmentation que I'on nous donne n'est pas généreuse. II y
a aussi beaucoup de mesures qui sont loin de nous aider dans la réforme.
Les jeunes du Carrefour d initiatives jeunesse trouvent que, dans l'ensemble,
la réforme fait dur et que c'est rire de nous autres que de nous
proposer de travailler pour moins que rien. Présentement, nous sommes
plusieurs au carrefour à travailler sur des projets Jeunes volontaires.
Nous avons 188 $ par mois d'aide sociale et 161 $ pour notre projet Jeunes
volontaires. Cela nous fait 349 $ au total par mois. Le gouvernement veut nous
donner 405 $ par mois pendant les neuf premiers mois de la réforme. Cela
fait seulement 56 $ d'augmentation par mois. Ce n'est pas quelque chose pour
sauter au plafond et ce nest pas assez non plus pour vivre convenablement.
Même avec 520 $ par mois si on travaille sur un projet ce n'est pas assez
non plus.
De plus, vous voulez couper nos chèques de 115 $ par mois si on
partage notre logement. Pour nous, partager notre logement, c'est la
façon qu on a trouvée pour s'aider entre jeunes à se
sortir un peu du trou. Avec votre réforme, si on le fait, on va se
retrouver avec 290 $ ou, au mieux, avec 405 $ par mois pour vivre.
Vous voulez de plus couper les frais de lunettes auxquels nous avions
droit. On a besoin de cela comme tout le monde et c'est impossible de se les
payer avec ce que vous voulez nous donner. Comment voulez-vous qu'on vive le
reste du mois?
Vous dites aussi quon va pouvoir aller travailler et gagner 140 $ ou 155
$ par mois pendant qu'on va être sur I'aide sociale sans être
coupés. Mais ou voulez vous qu'on aille travailler? II n'y en a pas de
jobs! Puis les compagnies ne veulent pas nous embaucher parce qu'on est sur le
bien être social. Ce n'est pas de cette façon non plus qu'on va
arriver à avoir plus d'argent pour vivre.
Cest la même chose pour les neuf premiers mois de la
réforme. Vous dites qu'on va être en recherche active d'emploi. On
se demande ce que cela va donner, parce qu'il n'y en a pas d'emplois même
si on cherche il n'y en aura pas plus.
II y a une autre affaire qu'on ne trouve pas correcte dans la
réforme. Vous dites que nos chèques vont être coupés
si on demeure chez nos parents parce que ces derniers devraient nous donner de
I'argent pour vivre. Cela ne veut pas dire que nos parents vont nous en donner
et ce n'est pas de cette façon qu'on va devenir autonomes. On est
tannés d'être dépendants pour vivre. On est tannés
d'être dépendants de nos parents et on est tannés
d'être dépendants du bien être. On ne veut pas que vous
pensiez qu'on ne veut pas travailler on veut travailler mais pas pour des
"pinottes".
Nous autres, au carrefour, ce que I'on veut c'est que vous créiez
de vrais jobs, pas des programmes sur l'aide sociale. Vous dites que vous allez
trouver de I'ouvrage pour tout le monde avec les programmes. Pourquoi
n'êtes vous pas capables de trouver des vrais jobs pour tout le monde? On
veut travailler au moins au salaire
minimum. Présentement, on travaille 20 heures/semaine pour 3, 87
$, cela ne fait pas gros à la fin du mois. Le pire, c'est qu'on
travaille toujours plus de 20 heures/semaine, parce que l'on aime ce que l'on
fait. Si on calcule cela, on travaille pour 2, 25 $ l'heure et moins. De plus,
une vraie "job", c'est plus valorisant qu'un programme.
Au carrefour, on pense que vous seriez capables de créer de
l'emploi. Vous pourriez encourager les compagnies a nous faire confiance. SI
elles n'avaient pas de préjugés envers nous, elles nous
engageraient. Vous pourriez aussi encourager les personnes de 60 ans et plus,
qui veulent prendre leur retraite, à te faire; cela ferait de la place
pour nous autres. Puis, tout l'argent que vous dépensez pour l'aide
sociale pourrait servir à créer des emplois. Ce serait bien mieux
comme cela. En travaillant à temps plein avec un salaire, on n'aurait
plus besoin de se faire payer nos lunettes, on pourrait partager notre logement
avec qui on veut et on serait plus autonomes.
Nous autres, les jeunes du Carrefour d'initiatives jeunesse, on veut
travailler dans quelque chose qu'on aime, mais pas en continuant à
être sur l'aide sociale. Votre réforme veut nous faire travailler,
mais pour qu'on soit encore dépendants du bien-être pour vivre.
C'est pour cela qu'on n'est pas d'accord.
En résumé, les jeunes du Carrefour d'initiatives jeunesse
sont contre la réforme d'aide sociale que vous voulez faire parce que
vous nous obligez à travailler sur des programmes pour un peu plus
d'argent, mais en coupant ailleurs. De plus, on veut être autonomes et
non pas dépendants du bien-être pour vivre. Nous demandons au
gouvernement de créer de vrais jobs et non des programmes, d'encourager
les compagnies à engager des assistés sociaux, d'encourager les
personnes de 60 ans et plus à prendre leur retraite, pour ceux qui le
voudraient mais qui n'ont pas les moyens, et que soit mis sur pied, dans chaque
bureau d'aide sociale, un protecteur des assistés sociaux nommé
par les gens du milieu communautaire, de façon à protéger
les assistés sociaux contre l'abus des agents d'aide sociale.
Le Président (M. Laporte): On vous remercie de votre
présentation. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je pense que je vais
reprendre là où j'ai commencé à peu près
toute la journée, en tentant d'identifier et de décrire, le plus
correctement possible, qui sont les gens qui sont sur l'aide sociale et surtout
les jeunes.
Sur l'aide sociale, vous avez, au moment où on se parle, au
Québec, à peu près 400 000 chefs de ménage. Parmi
ces 400 000 chefs de ménage, vous avez des caractéristiques qu'on
va retrouver tantôt dans des proportions qui sont identiques chez les
jeunes de moins de 30 ans. Vous avez 25 % des chefs de ménage, donc
à peu près 100 000 chefs de ménage, qui sont
considérés comme admissibles à un des volet de la
politique de sécurité du revenu, le volet soutien financier, des
gens qui, à cause d'un handicap physique ou mental important, sont
condamnés un peu à passer une partie importante de leur vie sur
l'aide sociale. Les autres 75 %, dans quel état se retrouvent-ils?
Est-ce que ce sont des gens qui ne veulent pas travailler? Il y en a 36 % qui
sont des analphabètes fonctionnels; ils ne sont pas capables de lire ou
d'écrire. Il y en a 60 % qui n'ont pas complété leurs
études secondaires. (18 heures)
Je ne sais pas si c'est pareil dans la région de Nicolet, mais
dans la région de chez nous, quand je regarde les annonces d'offres
d'emploi, le minimum d'exigences quel que ce soit l'emploi:
complété études secondaires. Il y en a 40 % qui n'ont
aucune expérience antérieure de travail. Les mêmes offres
d'emploi: expérience antérieure de travail. Ces
caractéristiques s'appliquent aux jeunes qui sont à l'aide
sociale. Proportion de notre clientèle qui est composée de jeunes
de moins de 30 ans? Quand on est arrivé au gouvernement, en janvier
1986, il y avait quasiment 150 000 jeunes. Il y en avait exactement 147 795 qui
étaient recensés, ce qui n'inclut pas les gens qui
n'étaient pas recensés dont on nous a parlé tantôt.
Deux ans après, il en reste 106 700 qui ont les mêmes
caractéristiques. Cela fait juste un peu plus longtemps qu'ils n'ont pas
travaillé. Ils ne sont pas plus aiphabètes, pour ceux qui n'ont
pas participé aux mesures, etc. Ces gens vivent, tentent de vivre ou se
débrouillent - parce que je ne pense pas qu'on puisse vivre - avec 178 $
par mois au moment où on se parle.
La solution de facilité pour le gouvernement, ce serait de dire:
Bon, le précédent gouvernement était tellement bon qu'on
va continuer à appliquer ce qu'il appliquait, 178 $ pour les jeunes de
moins de 30 ans, avec des programmes d'employabilité.
Mme Harel:... 487 $.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): 487 $ avec les programmes? Mme la
députée de Maisonneuve voudrait que cela demeure comme cela. On
abandonne complètement les autres personnes de 30 ans jusqu'à 65
ans. Pas de programme, on satisfait notre conscience de politicien en leur
postant un chèque mensuel et on se dit: Bon, bien c'est comme cela que
la société doit fonctionner. Ou bien on ouvre le dossier et on
reçoit des gens comme vous. Vous nous dites: Bon, bien il y a
peut-être des choses correctes, mais faites attention, il y a pas mal de
choses pas correctes. Choses pas correctes? Je prends peut-être la liste
et on est ici pour en discuter ensemble. Des suggestions, je ne dis pas que
vous dites que ce sont toutes des choses pas correctes.
Vous parlez d'incitation au travail et, à la
page 4 de votre mémoire, vous nous dites: Votre réforme
veut nous faire travailler, mais qu'on soit encore dépendants du
bien-être pour vivre. On veut que vous en sortiez, du bien-être. Il
y a une façon. On a regardé ce qui s'est passé ailleurs.
On n'est pas en train de réinventer la planète ni la roue.
Si on conserve une incitation au travail entre le salaire minimum, en
haut, et vos mesures de participation, vos exemptions pour gain de travail, vos
barèmes et tout cela, on a confiance que c'est un des
éléments qui va vous inciter à en sortir. Il y a des gens
à des endroits qui m'ont rendu les programmes d'employabilité
aussi intéressants que le salaire minimum. Ils se sont rendu compte,
après un certain nombre d'années d'expérience, qu'ils
développaient une classe de gens dans la société qui, sans
être confortables là, se disaient: Qu'est-ce que cela donne de
m'en sortir, je vais continuer ad vitam aeternam, amen dans les programmes
d'employabilité. Donc, on pense avoir réussi à
préserver, sur le plan financier, un petit peu d'incitatifs à
aller travailler au salaire minimum et plus, si possible. Premier point.
Deuxième point. Vous parlez des personnes de plus de 60 ans. Vous
en avez parlé verbalement et également à la page 4 de
votre mémoire: "Encourager les personnes de 60 ans et plus qui veulent
prendre leur retraite à la prendre. " En 1982, l'Assemblée
nationale a adopté une loi qui dit aux gens: Prenez votre retraite
à l'âge où vous voulez bien prendre votre retraite. On a
tenté cependant, en même temps, de les encourager à la
prendre à 60 ans. C'est difficile de dire à des gens qui sont
encore productifs, encore capables de travailler: Vous n'êtes plus
nécessaires dans la société. La Régie des rentes a
fait en sorte que si les gens se retirent dès 60 ans, ils peuvent
déjà obtenir une partie ou une portion de leur rente. Je vous
dirai qu'à ce jour, on ne réussit pas tellement dans
l'application de ta politique. Les succès qu'on obtient, si vous
obteniez cela à l'école, je ne suis pas sûr que vous auriez
la note de passage. En tout cas, les gens ne sortent pas. Est-ce que c'est un
bien ou un mal? Tout ce que je vous dis, c'est que cela ne fonctionne pas.
On regarde ailleurs. La France a tenté de mettre sur pied des
programmes où on a voulu signer des contrats avec les individus.
Là non plus, cela n'a pas fonctionné. On regarde
l'évolution de la société et on se dit: Tantôt,
à cause des fameuses courbes démographiques, le "baby-boom" rendu
où il est rendu et la dénatalité au stade où elle
se trouve, il va y en avoir, des gens de 60 et de 65 ans et, s'ils sont tous
à ne rien faire, les plus jeunes auront à payer pour eux et cela
va coûter cher aussi. Est-ce qu'on a vraiment avantage à les
forcer? Je vous donne cela pour fins de réflexion.
Éléments 5 et 6, création d'emplois et confiance
des compagnies. Cela a été soulevé et dans le
mémoire, à la page 4, et verbalement.
Création d'emplois. Il y a des périodes où cela va
mieux et des périodes où cela va moins bien; on appelle cela des
conjonctures. Les douze derniers mois ont été très
favorables au Québec comme conjoncture. Il s'est créé au
Québec, au cours des douze derniers mois, plus de 122 000 emplois. Des
emplois permanents, il y en a dans une proportion très
Intéressante. Sur les 122 000, 116 000 étaient des emplois
à temps plein. C'est une nouvelle caractéristique des emplois
créés parce qu'on a connu des périodes de création
d'emplois à temps partiel; et c'est bien divisé dans les secteurs
où c'est créé. 41 000 ont été
créés dans les secteurs des finances, des assurances et des
affaires immobilières, 35 000 dans les industries et 16 000 dans la
construction. Dans la construction, ce sont surtout des jeunes qui sont
entrés, cet été, parce qu'on a mis fin à une
discrimination, là aussi, contre la jeunesse, en adoptant la loi sur la
fameuse carte dans la construction. Cet été, tous les jeunes qui
ont fini leur secondaire et ayant un diplôme en construction sont
entrés dans la construction.
On a dit: Vous pourriez encourager les compagnies à nous faire
confiance. Il y avait des petits articles ce matin - je les avais dans mes
coupures de presse - je ne sais pas si vous les avez vus, concernant les
nouvelles initiatives que le ministère de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu prend avec les compagnies auxquelles il donne
des subventions pour former des travailleurs. On avait donné, hier ou
avant-hier, ici - avant-hier peut-être, Mme la députée de
Maisonneuve - l'exemple de Hyundai...
Une voix: Avant-hier.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... avant-hier, l'exemple de la
compagnie Hyundai qui s'installe à Bromont. On honore des signatures de
contrats de l'ancien gouvernement qui s'est engagé à payer la
formation des travailleurs, mais on profite un peu de notre marge de
négociation avant d'apposer notre signature pour les inviter à
prendre des gens à l'aide sociale et en faire des travailleurs
réguliers, avec le même salaire que les autres travailleurs et les
mêmes droits que les autres travailleurs. Parce qu'on prend ces
initiatives et que des citoyens corporatifs acceptent de s'impliquer, on va
réussir là. Il y a d'autres dossiers dont je ne peux pas parler
présentement, mais c'est la nouvelle politique du gouvernement.
Quand vous nous dites: Incitez les compagnies à nous faire
confiance, on essaie avec les moyens du bord, mais cette approche-là est
nouvelle. Elle n'existait pas sous l'ancien gouvernement. L'actuel gouvernement
tente de la mettre en place.
Vous nous dites également: Même 520 $, par mois, si on
travaille sur un projet, ce n'est pas assez non plus. À la page 3 du
mémoire. C'est possiblement vrai que ce ne soit pas assez. Celui qui
vous parie est également responsable du
salaire minimum. Je ne peux pas renvoyer la balle ailleurs, pas comme
ministre de la. Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, mais
comme ministre du Travail. Quand je suis arrivé en fonction, le salaire
minimum n'avait pas bougé d'un cent depuis cinq ans. II était
resté là, de 1980 à 1985, gelé, paralysé,
oublié. En tout cas, avec SUPPRET - savez-vous ce que c'est SUPPRET,
non? Les autres intervenants qui sont passés avant vous le savent.
Une voix:...
M. Paradis (Brome-MIssisquoi): Ah! Oui, c'est bon. II n'y en a
pas beaucoup qui le savent Vous l'avez expliqué? Je vous demande cela
parce que les gens qui y sont admissibles ne font même pas la demande.
Donc, cela doit être très bon.
Le salaire minimum avait été gelé pendant cinq ans.
On l'a dégelé et un peu plus vite que le coût de la vie
depuis les deux dernières années, et on sait qu'il y a encore du
rattrapage à faire. Mais, si on donne, si on accorde ou si on
décide que c'est plus de 520 $ et plus de 80 $, seriez-vous d'accord, et
c'est la question que je vais vous poser, que les programmes de participation,
qu'il s'agisse de rattrapage scolaire, de stages en entreprise, de travaux
communautaires, de travail social, le travail que vous faites, soient
rémunérés lorsqu'une personne est
bénéficiaire du programme APTE, à l'aide sociale, d'une
façon supérieure ou égaie au salaire minimum? Est-ce votre
revendication?
M. Proulx: Je vais répondre et je vais vous dire, d'une
part, qu'avant d'en venir à votre question, cela a été
long. Donc, je pense que je vais être long, moi aussi, avant la
réponse.
M, Paradis (Brome-Missisquoi): On va être égaux
comme cela.
M. Proulx: Au début, vous avez essayé de nous faire
un portrait de la clientèle en nous disant qu'il y avait beaucoup
d'analphabètes fonctionnels etc. Je pense que je connais très
bien la clientèle et ce n'était pas nécessaire de le
faire. Je travaille depuis trois ans avec cette clientèle-là. Je
la connais probablement mieux que vous, sans vouloir vous insulter, mais je
travaille avec elle.
Vous semblez dire avec cela que la solution, c'est le retour aux
études. Je suis très conscient que, lorsqu on fait des
démarches pour un emploi quand on regarde les annonces dans les
journaux, on voit que cela prend un secondaire V. Sauf que, dans la
réalité, ce n'est pas aussi simple que cela pour un jeune
assisté social qui a 188 $ par mois de retourner aux études,
même avec le supplément, s il prend le rattrapage scolaire. II y a
tout un problème de démotivation. Cela fait souvent trois ans,
quatre ans qu'il ne s'est pas assis sur un banc d'école. Depuis ce
temps-là aussi, il a peut-être pris certaines habitudes de drogue
et de choses comme cela. Bravo, c'est certain! Mais cela fait deux ans que je
suis au carrefour et je n'ai pas réussi encore personnellement - et je
pense qu'il n'y a pas un intervenant qui a réussi encore - à
motiver assez un jeune pour aller à l'école. D'accord? Ce n'est
pas aussi facile que cela. C'est un beau discours mais ce n'est pas facile.
C'est ça que j'ai le goût de vous dire. Je suis bien d'accord pour
que les jeunes retournent à l'école Je le répète -
en tout cas il y en a qui vont pouvoir le dire - finis ton secondaire. Mais ce
n'est pas aussi simple que cela.
Une chose que vous avez dite aussi. Vous avez dit qu'à un moment
donné, il y avait une certaine classe dans la société pour
qui c'était plus avantageux de retourner sur le bien-être social
que de travailler au salaire minimum. Vous avez parlé de cela
tantôt, qu'il se formait une nouvelle classe de gens dans la
société.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux juste préciser -
cela va prendre deux secondes - que dans d'autres sociétés ou on
a expérimenté. Ailleurs...
M. Proulx: D'accord
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... c'était I'État de
New York. Une classe sociale s'est développée.
M. Proulx: Je suis d'accord. Ce que j'ai envie de vous dire
là dessus, c'est que je pense que la réforme va former deux
nouvelles classes dans la société: les travailleurs qui sont
régis par les normes du travail et les travailleurs qui vont faire du
"cheap labor" pour les compagnies qui vont les engager sur les programmes. Je
pense que c'est cela qui va se passer. On va se retrouver avec deux nouvelles
classes de travailleurs. Je ne peux pas trouver cela acceptable.
Après cela, je voulais juste vous spécifier que lorsque
les jeunes du carrefour proposent qu'on pourrait inciter les gens qui veulent
prendre leur retraite à 60 ans, je pense que c'est bien dit que c'est
ceux qui le veulent. Je comprends que ce n'est pas si simple que cela non plus
pour une personne d'arrêter de travailler... On parlait aussi
d'incitation pour les gens qui n'ont pas les moyens. Je pense qu'il y a des
gens qui voudraient peut être prendre leur retraite à 60 ans, mais
qui ne peuvent pas parce que, financièrement, ils n'en ont pas les
moyens. Ma mère a eu 63 ans, il y a deux ans. Cela faisait un maudit
bout de temps quelle aurait voulu arrêter de travailler, mais elle ne
pouvait pas D'accord?
Quand vous parlez aussi que 122 000 emplois ont été
créés, c'est bien beau, je suis bien content, mais il faut croire
que ce n'est pas assez parce qu'il y en a encore pas mal qui... Aussi quand je
parle de création d'emplois, je n'entends pas, nécessairement,
subventionner des
entreprises pour qu'elles puissent engager du monde. Je parle d'emplois
directs que le gouvernement pourrait créer lui-même plutôt
que de donner des sous pour des programmes. Je pense qu'il est aussi dit dans
le mémoire que vous allez créer de l'emploi, finalement, pour
tout le monde sur tes programmes. Nous ne demandons pas de créer de
l'emploi sur les programmes mais de créer de l'emploi avec des vrais
jobs. Je pense qu'il y a en masse de travail à faire au Québec.
Qu'on pense à l'environnement, qu'on pense au maintien à
domicile, je pense qu'il y a en masse d'ouvrage là et je pense qu'il y a
bien des jeunes qui, même s'ils sont analphabètes fonctionnels un
peu, seraient capables de faire des jobs de ce genre-là. C'est ce que
j'avais à dire.
Pour répondre à votre question concernant le salaire
minimum. Pour moi c'est sûr que c'est un danger qu'il y ait des gens qui
soient au salaire minimum et qui décident de s'en aller sur l'aide
sociale parce que c'est plus payant ou parce que, en tout cas, c'est à
peu près équivalent. D'une part, je dis que le salaire minimum
n'est pas encore assez élevé et d'autre part, je fais confiance
à l'individu et je me dis que toute personne a te goût, dans la
vie, à quelque part, de faire quelque chose. Je ne pense pas qu'il y ait
personne qui ait le goût d'être assis chez lui à ne rien
faire. Ce n'est pas vrai. Je pense que tout le monde a des choses qu'il aime
faire, il y a des choses qu'il aurait le goût de faire. Je pense que
c'est de trouver le moyen de leur faire découvrir cela. Nous, en tout
cas, c'est ce qu'on essaie de faire avec les jeunes au carrefour: leur faire
découvrir ce qu'ils aiment faire dans la vie, de quoi ils ont le
goût et, à partir de là on est des "boosters". Il y a tel
moyen peut-être que tu pourrais prendre. J'ai connu des jeunes qui
auraient pu avoir des revenus plus élevés et qui sont
restés sur un programme Jeunes volontaires parce qu'ils faisaient dans
cela quelque chose qu'ils aimaient. J'ai vu cela souvent. Je pense qu'il faut
peut-être miser là-dessus. (18 h 15)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci. Le détour
était long mais il valait la peine. C'est une belie expérience
que vous nous avez racontée et de plus vous nous avez apporté des
éléments de réflexion intéressants. À ce
moment-ci, je vais demander à Mme la députée de
Maisonneuve de vous poser quelques questions. Je reviendrai par la suite.
Le Président (M. Laporte): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Vous êtes de Nicolet, je crois. Est-ce que vous
êtes tous les quatre de la ville même de Nicolet?
Une voix: Oui.
Mme Harel: C'est bien le cas? Oui. Je pense que c'est le premier
organisme que l'on reçoit qui soit un organisme - il y en aura quelques
autres - en région. Ce serait intéressant aussi que vous puissiez
faire connaître à la commission la dimension peut-être
particulière d'une région. Dans la vôtre, par ailleurs, je
ne sais pas quel est le niveau d'inactivité, le niveau de chômage.
C'est évident, quand on parle, comme vous le disiez, de très
grand nombre d'emplois créés, il faut bien voir qu'il y a
dû y avoir des fermetures pas mal aussi. Cela peut faire bouger le taux
de chômage. Même s'il y a eu un niveau record de création
d'emplois, on me dit que 60 % des emplois ont été occupés
entre autres par des femmes et qu'à peine ces nouveaux emplois ont pu
absorber la nouvelle main-d'oeuvre et ont pu absorber... C'est bien le cas 60 %
des emplois ont été occupés par des femmes?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La statistique n'était pas
visible le dernier mois, mais le mois précédent c'était le
cas, Mme Harel.
Mme Harel: C'était le cas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une tendance en plus de
cela, c'est une majorité de femmes.
Mme Harel: Je pense que le ministre, pour qu'il s'attende que non
seulement on croie qu'il veut le faire, mais qu'on croie que cela va se faire,
il faudrait qu'il mette sur la table, non pas lui seul, mais son gouvernement,
un certain nombre de grands plans de campagne. On termine avec vous cette
semaine. Je ne sais pas s'il va recommencer lundi, mais avec chaque organisme,
il reprend le profil de la clientèle. Là, je me dis que c'est
intéressant peut-être, malgré que c'est tellement connu,
surtout de ceux qui viennent, qui sont familiers finalement avec cette
réalité. Je ne sais pas, quand la CEQ va venir, s'il va faire la
même chose. À ce moment-là, un jour, quelqu'un va lui
demander de sortir sur la table son grand plan de campagne de scolarisation.
C'est vrai qu'il y a des problèmes, mais il faut qu'il y ait un plan de
campagne de scolarisation. Il faut que cela vienne du ministre de
l'Éducation. On ne coupe pas des budgets à l'éducation des
adultes en même temps que l'on veut donner suite, on a l'air en tout cas,
puisqu'on dit que c'est dramatique qu'il y en ait 60 % qui n'ont pas
terminé leur secondaire et 36 % qui sont analphabètes
fonctionnels... Ce grand plan de scolarisation on ne le fait pas à
l'insu de tout le milieu de l'enseignement lui-même. On les met dans le
coup. Cela ne se fait pas juste par en haut, comme la Pentecôte, et
penser que cela va tomber sur les bénéficiaires.
Cela vaut aussi pour ce que vous nous dites à propos des travaux
qui pourraient être faits par exemple dans le maintien à domicile.
Il n'est pas dit qu'il ne pourrait pas y avoir un plan, par
exemple, de travaux ménagers qui accompagnent le maintien
à domicile, qui est fait par les CLSC, qui ne pourrait pas être
négocié à léchelle de tout le Québec. Il
faudrait aussi qu'il y ait une sorte de plan d'ensemble pour tout de suite. Le
ministre veut qu'on le croie sur parole. Comme le lui disait la
Fédération des femmes du Québec, s'il a les mots pour le
dire, il n'a pas encore les moyens pour le faire. Le moyen, en tout cas, qu'on
a dans ce document, c'est de baisser tout le monde pour leur donner le
goût de faire quelque chose. En fait, c'est I'incitation négative,
tout le monde en a parlé. Ce n'est pas parce que c'est moi qui le dis
que c'est vrai, c'est parce que comme cela a l'air que tout le Québec le
pense, cela doit être pas mal plus vrai que le ministre ne le pense.
Alors, si on reprend les éléments que vous nous apportiez
le premier vous nous avez dit la Charte des droits et libertés au
Québec a ses exigences et une de ses exigences à quel article
nous avez-vous dit?
M. Proulx: Je sais lequel mais...
Mme Harel: De toute façon, c'est peut-être dans le
préambule, mais je le lirai. Leurs préambules sont censés
être aussi importants que les articles, semble t il, n'est-ce pas? C'est
cela qu'ils nous ont dit pour notre spécificité. Alors ce niveau
de vie décent, je pense que c'est là peut-être le joint qui
ne se fait pas. Le ministre dit, je le cite au mot: on veut vous en sortir du
bien être. La question, comme l'avait posée le Conseil canadien de
développement, est que se sortir du bien-être, ce n'est pas se
sortir de la pauvreté. Une politique de sécurité du
revenu, ce n'est pas une politique pour se sortir du bien-être, c'est une
politique pour se sortir de la pauvreté. Pour tout de suite, car on
I'attend encore. Le document d'orientation c'est un document. Vous étiez
là, je pense, quand on a eu l'altercation concernant les besoins
essentiels. Non? Vous n'étiez peut-être pas là, mais en
fait, on n'a pas de définition de ce que le ministère
considère être, pour chacun des éléments de
subsistance, de survie logement, alimentation, soins personnels, etc., on ne
sait pas à combien il évalue. À moins que vous vous n'ayez
une opinion...
M. Proulx: Nous autres au carrefour... Mme Harel:... ou
une fuite.
Le Président (M. Laporte): Juste avant de répondre,
j'ai cru comprendre le consentement implicite pour qu'on dépasse 18
heures. Merci. C'était juste pour confirmer.
Mme Harel: On arrêtera à 18 h 30
Le Président (M. Laporte): Je vous remercie bien. On
s'excuse. La parole est à vous.
M Proulx: Ce que je peux vous dire c'est que nous autres, au
carrefour, on a fait un petit exercice à un moment donné, pour le
fun combien cela prend, à Nicolet, pas à Montréal pas
à Quebec, mais a Nicolet, pour vivre décemment. Décemment,
cela veut dire que ce n'est pas le luxe, ce n'est pas la piscine dans la cour,
c'est avoir une automobile de "seconde main" et avoir vraiment un minimum qui
n'est pas.
Mme Harel: Parlez moi de I'auto de "seconde main". Moi venant du
quartier d'ou je viens il n'y a pas un assisté social - dans mon
quartier c'est la majorité dans la population - ils n'ont pas d'auto.
Vous allez me dire qu'ils ont le transport en commun. C'est quoi une automobile
pour un assisté social en région, ceux que vous connaissez?
M. Proulx: C'est important.
Mme Harel: Parlez m'en, parce que si vous voulez que j'en parle,
à certains moments, il faut que je le sache.
M Proulx: Je vais vous donner la réponse à la
question combien cela prend pour vivre. On est arrivé nous autres
à 227 $ clair par semaine. Présentement |e fais
I'expérience de cela. Je vis avec 227 $ clair par semaine. Je ne suis
pas assisté social heureusement. Je vous dis que ce n'est pas facile. On
est loin de 520 $ par mois. Maintenant, si tu veux répondre à
I'importance de l'automobile, France dans un milieu rural.
Mme Dupuis: L'importance de I'automobile. Je peux vous dire que
peu importe I'âge qu'on a, pour répondre spécialement
à ta question, j'ai dépassé les 25 ans je n'ai jamais eu
d'auto, je n'ai jamais eu les moyens d'avoir une auto. Je pense que ce n'est
pas essentiel à la vie d'une personne, mais quand tu vis dans un milieu
ou il ny a aucun moyen de transport, entre autres, je crois que cela peut
devenir un bon moyen, pour ceux qui en ont, de se permettre un peu plus
d'autonomie, d'indépendance, de confiance en soi. Cela va chercher
plusieurs valeurs, je pense. Je ne te parle pas d'avoir I'auto de
I'année avec des prix imbattables. Je te parle juste d'une petite auto.
Je me contenterais, c'est fou, j'adore ces petites autos, les anciennes petites
Volkswagen les coccinelles.
C'est bien de valeur. Si j'avais un char avec quatre roues et une
carrosserie pour me déplacer pour aller à mes cours à
Trois Rivières, pour aller à mon emploi et pour aller ou je veux
en général, ce serait vraiment important.
Mme Harel: Le paradis.
Mme Dupuis: Oui ce serait très bien. Pourtant je ne suis
pas une assistée sociale moi
non plus. Je l'ai déjà été. J'ai même
déjà participé à des mesures, à des
programmes, laissez-moi vous dire que je suis totalement contre les programmes,
en passant.
Mme Harel: Je n'ai pas bien compris.
Mme Dupuis: Réflexion personnelle, j'ai dit: Je suis
totalement contre tes programmes faits par le ministère du revenu et de
l'emploi.
Mme Harel: Les mesures d'employabilité. Mme Dupuis:
Et voilà. Mme Harel: Pourquoi?
Mme Dupuis: Premièrement, je trouve que c'est, au
départ, de ne pas avoir assez confiance en la personne. C'est de les
cataloguer et de les mettre encore dans des petits coins réservés
à des "jobs". Moi "ma job" était très plate,
d'ailleurs.
Mme Harel: Qu'est-ce que c'était?
Mme Dupuis: Je travaillais à l'évêché,
à Nicolet, à la transcription d'archives. Toujours la même
chose à faire, tous les jours, sans aucun contact extérieur. On
travaillait à deux personnes, dans une salle grande comme ma main, sans
aucune possibilité de te faire reconnaître, d'accord, par le
restant de la société.
Mme Haret: C'était de la retranscription qui consistait en
quoi?
Mme Dupuis: À simplement reprendre les archives des
naissances, de morts et je ne me souviens plus exactement; j'ai voulu oublier
cet emploi.
Mme Harel: Est-ce que cela t'a donné confiance en toi?
Mme Dupuis: Pas du tout. Je dois dire qu'à cette
période, j'avais des problèmes de toxicomanie d'ailleurs et cet
emploi aussi stupide me paraissait tel qu'il me convenait très bien
à ce moment-là. Je ne pense pas que... En tout cas, j'ai pour mon
dire que...
Mme Harel: Est-ce que cela t'a donné un coup de main, par
exemple, cet emploi?
Mme Dupuis: Je ne pense pas que le fait d'avoir cela comme
expérience au niveau des travaux communautaires dans mon curriculum
vitae joue en ma faveur.
Mme Harel: Dans les circonstances que vous viviez à cette
époque, est-ce que c'était utile?
Mme Dupuis: Peu importe les circonstances.
D'accord. Dans le temps, à part cela, c'était en 1985, on
n'avait pas les mêmes revenus qu'on a en 1988. Je ne me souviens pas
exactement du salaire que je faisais; c'était minable. Je sais
qu'aujourd'hui, les salaires ont augmenté un petit peu, mais je ne pense
pas, en tout cas, pour être sortie de la toxicomanie depuis deux ans, je
ne pense pas que ces programmes-là favorisent la prise en main et la
prise en charge d'une personne humaine, la comble en ce qui concerne ses
besoins primaires et secondaires lui donne le goût d'aller plus loin. On
se sent cantonné dans un milieu bien restreint à nous autres, les
pauvres de la société. C'est ce que je crois, puis on nous offre
un petit peu plus pour qu'on se ferme un petit peu mieux la "margoulette"; ne
criez pas trop fort. Après, on fait des mesures comme cela.
Mme Harel: Tu as envie toi d'en sortir?
Mme Dupuis: Qu'est-ce qui m'a permis de m'en sortir? J'avais
quand même des études. J'ai un bac et je suis en train de faire un
certificat. Malgré que mon bac, j'ai jamais cherché... J'avais un
bac en éducation et je n'ai jamais cherché à travailler
dans ce domaine-là. À ce moment-là, j'étais
empreinte de peur et de non-confiance en moi. En tout cas, je n'avais pas
tellement de courage je pense.
Mme Harel: De toute façon, je voulais juste voir si en
quelque part, un coup de main ne t'était pas venu d'un programme ou d'un
appui.
Mme Dupuis: Non, pas du tout. Mme Harel: D'un agent ou en
fait.
Mme Dupuis: C'est ma prise en charge personnelle.
Mme Harel: D'accord. Très bien.
Oui, je pense que tu voulais continuer...
Mme Dupuis: Non, pas si Michel veut y aller.
M. Dumesnil: Moi, c'est simplement une constatation que je
voudrais faire sur moi-même.
Par le biais justement des programmes qu'on nous offre encore à
nouveau... J'ai 21 ans présentement Je suis arrivé à 18
ans dans la vie, pas de famille rien, je me suis dit: On va commencer à
se débrouiller. Je gagnais 156 $ par mois, il y a trois ans, sur l'aide
sociale. J'ai passé trois ans sur divers programmes: stage dans milieu
de travail, rattrapage scolaire, programme Jeunes volontaires, pour me
retrouver aujourd'hui avec 188 $ par mois pour vivre, après trois ans
parce que, bon... Justement, un projet sur lequel j'étais, voilà
trois semaines, qui était un projet Jeunes volontaires, bien un
comité local a décidé, parce qu'il manquait de com-
munication et qu'il ne s'est pas forcé plus que cela pour aller
en chercher, il a décidé de couper ce projet-là.
Là, je me retrouve à nouveau avec 188 $ par mois pour me
débrouiller. C'est impossible de vivre avec cela.
Mme Harel: Est-ce que tu partages un logement avec un autre ou si
tu es tout seul?
M. Dumesnil: Non, j'étais résident au carrefour. Si
je voulais me reprendre un loyer, le chèque de bien-être y passe
et puis il en manquerait peut-être une petite partie, mais le reste,
comment je fais pour manger, m'habiller et avoir la résistance au froid
en hiver? Il faut que tu manges au moins deux fois par jour, minimum au moins,
mais tu ne peux pas te permettre cela quand tu es assisté social.
Mme Harel: Le carrefour fait de l'hébergement aussi?
M. Proulx: À l'occasion. On n'est pas équipé
pour en faire bien gros parce qu'il y a un autre problème qui se
présente qui n'est peut-être pas l'affaire ici, mais en
étant ministre, vous pouvez toujours avoir l'occasion d'en entendre
parler au cabinet, le financement des groupes communautaires. Voilà le
problème qu'on vit.
Mme Harel: Alors l'hébergement, c'est un
hébergement temporaire à ce moment-là.
M. Proulx: Oui.
Mme Harel: La prochaine étape sera de vivre avec d'autres,
ce sera...
M. Dumesnil: De vivre en appartement, autonome.
Mme Harel: Autonome seul, tu veux dire? M. Dumesnil: Oui.
Mme Harel: Votre expérience à vous au carrefour,
c'est que la majorité vit en appartement seul, vit avec d'autres, vit
avec la famille.
M. Dumesnil: On se regroupe de temps en temps en appartement
trois, quatre personnes pour pouvoir arriver; mais si tu essaies de faire cela,
ils vont te couper ton chèque de bien-être. Alors tu essaies de
dire: bon bien, je vais vivre tout seul, je vais me débrouiller. Tu ne
peux pas arriver, c'est impossible. À un moment donné, ton
espérance de vie vient à zéro. Tu n'as plus
l'espérance qu'un jour, tu vas t'en sortir. Par chance qu'il y a encore
des boîtes justement comme le Carrefour d'initiatives jeunesse qui est
là pour te donner un petit coup de main pour t'en sortir. (18 h 30)
Mme Harel: Parce que vous en avez parlé dans votre
mémoire, j'aimerais cela que le ministre vous donne une réponse.
Est-ce que dans son projet, pour les personnes aptes, les lunettes sont
coupées ou si elles pourront y avoir accès? Aussi, toute la
question de l'indexation. Je pense que peu de groupes ont vu que seule la
catégorie des méritants au soutien financier aurait une
Indexation complète au coût de la vie. L'indexation des autres
catégories, c'est incertain, cela va dépendre de bien des
facteurs. Quand il y un et caetera dans un document, il faut toujours penser
que c'est un peu inquiétant. Un autre facteur. Est-ce qu'il y aura une
indexation? Le ministre reproche au précédent gouvernement de ne
pas avoir indexé le salaire minimum, avec un programme de
supplément de revenu qui n'a pas eu l'efficacité
souhaitée, mais est-ce qu'il s'engage à indexer les
barèmes des bénéficiaires du programme APTE? Ce n'est pas
clair non plus.
M. Proulx: J'ai cru comprendre que ce ne le serait pas, dans le
programme de soutien financier en tout cas. Je ne pourrais pas vous dire
à quelle page, mais en tout cas. Dans le programme de soutien financier,
il est dit clairement que c'est ajusté au coût de la vie et, dans
le programme APTE, ce n'est pas dit clairement. En tout cas, si c'est le cas,
ce n'est pas dit clairement.
Mme Harel: Finalement, les jeunes qui sont à Nicolet,
est-ce qu'il y en a plusieurs d'entre eux qui quittent pour la grande ville -
disons, je ne sais pas si c'est Trois-Rivières, Montréal ou
Québec? Est-ce qu'il y en a plusieurs qui vont s'essayer ailleurs?
Est-ce qu'il y en a qui reviennent ou s'ils sont pour la plupart
sédentaires et restent à Nicolet?
M. Proulx: Je pense qu'il y en a qui essaient de temps en temps,
mais la situation n'est pas mieux ailleurs. En tout cas, je sais qu'il y en a
qui sont partis et qui sont revenus au carrefour, à un moment
donné. Je pense que la situation n'est pas mieux ailleurs, tout
simplement.
Mme Harel: Combien de personnes recevez-vous, à peu
près, par semaine?
M. Proulx: Il y a un noyau d'à peu près une
quinzaine qui vient tous les jours et il y en a peut-être une vingtaine
qui vient toutes les semaines. À un moment donné, il en arrive de
nouveaux et ils repartent. France en a parlé tantôt, depuis
l'ouverture, en décembre 1985, il y a une centaine de jeunes qui sont
passés au carrefour et il y a 300 jeunes sur l'aide sociale qui auraient
besoin du carrrefour à Nicolet et région; c'est beaucoup.
Mme Harel: À Nicolet et région de Nicolet?
M. Proulx: Oui.
Mme Harel: Non pas la région de Trois Rivières,
mais la région de Nicolet.
M. Proulx: De Nicolet. La région desservie par le centre
Travail-Québec de Nicolet. C'est beaucoup.
Mme Harel: C'est beaucoup, certain!
M. Proulx: J'aimerais répondre à une de vos
questions de tantôt.
Mme Harel: Est-ce qu'il y a des possibilités de stage en
entreprise chez vous?
M. Proulx: C'est-à-dire que le programme existe. Mais
c'est une autre chose qu'on n'a pas dite encore. C'est un peu une crainte
vis-à-vis de la réforme de l'aide sociale. Est-ce que des
programmes seront disponibles? Actuellement, chez nous, dans notre
région, il y a un mois qu'une fille du carrefour a fait sa demande pour
un stage en milieu de travail. Donc, cela fait presque un mois qu'elle a 180 $
par mois pour vivre. Cela fait un mois qu'elle a fait sa demande. Son dossier
est en-dessous de la pile et I'agent lui a dit. Hé, ton tour va passer
en même temps que tout le monde. Combien de temps cela va-t-il prendre
encore?
Deuxièmement, en ce qui concerne le programme Travaux
communautaires, au carrefour, nous en avons demandé un, parce qu'on n'a
pas le choix. Pour que les jeunes réussissent à augmenter un peu
leur revenu, c'est quasiment la seule ressource qu'on a et elle est
insuffisante. Cela fait depuis le mois d'août qu'il n'y a plus un sou au
régional pour le programme Travaux communautaires. Est-ce qu'avec la
réforme et avec tous les beaux programmes, la catégorie qui est
à 420 $ et les personnes seules admissibles à des mesures...
Elles peuvent peut-être être longtemps admissibles à des
mesures sans pouvoir participer à une mesure, c'est une autre crainte
qu'on a. J'ai un peu peur que le gouvernement ne soit pas capable de permettre
à chacun qui le veut d'embarquer dans un programme.
Mme Harel: Je pense que vous avez mis le doigt sur un
problème. S'il y a cette catégorie admissible, c'est parce que,
au fond, le gouvernement sait très bien qu'il peut avoir des
incapacités administratives, simplement parce que les sessions scolaires
sont commencées, etc. II ne se met pas sur les épaules la
responsabilité d'offrir finalement... II met sur le jeune le fardeau
d'attendre qu'il puisse pleinement répondre à sa demande de
participation. Tant qu'il y a une catégorie comme celle-là, il
est évident que c'est à cela qu'elle sert, c est
I'antichambre.
M. Proulx: Par rapport à cela aussi. En tout cas, une
autre chose, dans la région chez nous, on a une particularité
c'est rural. C'est bien beau que de tels programmes existent mais si ce sont
des industries qui sont à Saint-Grégoire ou à
Saint-Célestin ou je ne sais où, le jeune n'a pas d'auto pour s'y
rendre aussi. C'est un autre problème qu'on ne pourrait peut-être
pas retrouver à Montréal. On a beau trouver un programme pour un
jeune à Saint-Célestin, c'est à 20 milles de Nicolet. Pour
se rendre, je ne pense pas qu'il soit intéressé à le faire
sur le pouce soir et matin. C'est une autre réalité qu'on a.
Le Président (M. Laporte): Merci.
Mme Harel: Je vais terminer et vous remercier en disant que votre
contribution a été bien importante. Je suis certaine que cela va
permettre au ministre... Je le lisais mardi, cette semaine à
I'émission de Proulx à CJMS, vous disiez, et je vous cite: "Je
tiens à I'indiquer, il n'y a pas personne qui est condamné, par
exemple, à vivre à 170 $ par mois maintenant. Si quelqu'un va
dans un centre Travail Québec un jeune en bas de 30 ans, demain matin il
se dit. Je suis prêt soit à retourner à I'école,
soit à faire des travaux communautaires, soit à faire un stage en
entreprise, ce jeune obtient immédiatement la parité et il
reçoit tout près de 500 $ par mois".
Une voix: C est archifaux.
Le Président (M Laporte): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je vais répondre
à cela en disant à Mme la députée de Maisonneuve -
ce n'est pas important - que ce n'est pas mardi. Mardi, j'étais ici.
C'est la semaine passé, je pense que c'était jeudi ou vendredi.
Ce n'est pas la date qui est importante C'est ce que j'ai dit. Je l'ai vraiment
dit. Lorsque vous avez mentionné la question de la jeune fille chez vous
qui était en demande et le manque d'argent sur travaux communautaires ce
n'est pas la première fois que, dans le ministère, j ai des
ratés administratifs.
Un cas qui m'avait été rapporté par M. Mongrain
à I'émission "Mongrain de sel" à Sherbrooke. On est
supposé avoir dans tous les centres Travail-Quebec, une caisse de
dépannage. On tient pour acquis que la machine fonctionne, sauf qu'il y
avait un cas ou la caisse de dépannage n'avait pas fonctionné
à Sherbrooke. On a revérifié tout le système
administratif. On s'est assuré que cela fonctionne à I'avenir et
cela nous a permis d'apporter des correctifs.
Dans le cas que vous venez de nous souligner, j'avais pris ma petite
note. Je vais m'assurer que les correctifs nécessaires soient
apportés dans votre région. Je ne prétends jamais que le
système est parfait. Je vous dis que ce sont là les instructions
qu'on a passées, que les crédits nécessaires sont supposes
être là parce
qu'ils ont été votés par l'Assemblée
nationale du Québec. Maintenant, s'il y a des ratés
administratifs, vous en tenez au courant les intervenants et les ajustements
sont supposés arriver. Dans le cas que vous nous avez
dénoncé, je vais donner le suivi nécessaire.
Je vais profiter de l'occasion pour répondre à deux
questions, peut-être la question des soins de santé, tout ce qui
est relié à la santé parce que vous soulignez deux
éléments dans votre mémoire. Ce n'était pas
seulement pour les lunettes, vous parliez également des soins dentaires
si ma mémoire est fidèle. Tous les besoins spéciaux
reliés à la santé sont maintenus et c'est indiqué
à la page 34 du mémoire.
Mme Harel:...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est indiqué que tous les
besoins spéciaux reliés à la santé sont
couverts.
En ce qui concerne l'ajustement des barèmes et prestations, votre
interprétation était exacte. À la page 42, on n'est pas
aussi clair que dans le programme, pour utiliser vos propos, Soutien financier
parce que cela ne fonctionnera pas de la même façon. Ce qu'on dit,
c'est que les barèmes et les prestations seront ajustés par le
gouvernement en fonction des paramètres tels le salaire minimum,
l'incitation au travail, l'évolution du coût de la vie. La
mécanique devrait fonctionner à peu près de la
façon suivante: De la façon dont on établit les besoins de
base des gens qui sont à l'aide sociale, on prend les dépenses de
consommation de besoins essentiels des travailleurs qui sont dans les 10 % des
plus faiblement rémunérés dans la société,
le salaire minimum et un peu plus.
Cette étude de Statistique Canada sort à tous les quatre
ans. Lorsque l'étude sort, c'est facile d'évaluer les besoins et
de les fixer en fonction de cette étude. Ce que l'on fait entre les
quatre ans, on l'indexe. Lorsque la quatrième année arrive, on
l'ajuste au chiffre qui sort en fonction des dépenses de consommation
des travailleurs à faible revenu. C'est ce que veut dire l'expression
à la page 42.
Je vais également profiter de l'occasion, vu qu'il me reste
à peu près 30 secondes, pour vous remercier de votre
témoignage, des mises en garde que vous nous avez faites, des situations
de fonctionnement que vous nous avez dénoncées et
également de l'approche régionale. Mme la députée
de Maisonneuve avait raison de le souligner, vous êtes le premier groupe
régional à se présenter. Vous nous avez fait valoir
certaines choses. Par exemple, on dit souvent: en ville le loyer est plus cher,
donc en région on devrait recevoir moins de l'aide sociale. Mais
peut-être qu'en ville, il y a du transport en commun et que l'obligation
d'avoir une auto n'est pas aussi nécessaire que dans un milieu
régional. Il faut peser et sous-peser tous ces éléments
pour en arriver à l'équilibre le plus parfait. Je suis certain
que les propos que vous nous avez tenus vont nous inciter ou nous aider
à retrouver cet équilibre. Merci.
Le Président (M. Laporte): Merci, M. le ministre. Je tiens
à remercier Carrefour d'initiatives jeunesse de s'être
déplacé pour venir faire la présentation de son
mémoire. On vous remercie beaucoup. On va vous souhaiter un bon retour.
Au critique de l'Opposition, au ministre ainsi qu'aux membres de la commission,
merci de votre attention.
La commission ajourne ses travaux au lundi 29 février, 15
heures.
(Fin de la séance à 18 h 40)