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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Thursday, February 25, 1988 - Vol. 29 N° 66

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le document intitulé 'Pour une politique de sécurité du revenu'


Journal des débats

 

(Dix heures six minutes)

Le Président (M. La porte): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je constate que nous avons quorum. Je veux simplement rappeler le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude du document intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu"

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M le Président M. Thuringer (Notre-Dame-de-Grâce) est remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert) et Mme Vermette (Mane-Victorin) est remplacée par M. Desbiens (Dubuc).

Le Président (M. Laporte): C'est très bien.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président.

Le Président (M. Laporte): Oui?

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... est-ce qu'on peut vérifier si le même consentement, qui avait été gracieusement accordé la dernière fois pour les droits d'intervention et de parole à Mme la ministre déléguée à la Condition féminine, prévaut toujours?

Le Président (M. Laporte): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Certainement, M le Président, et la même invitation est lancée au ministre délégué à la Famille.

Le Président (M. Laporte): Merci, madame II y a consentement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous allez le voir, vous allez le voir.

M. Polak: Pas de problèmeicii.

Le Président (M. Laporte): J'inviterais les trois SEMO de la région de Québec Centre Action-Travail inc., Centre Étape inc. et Coup de pouce-Travail 1982 inc, et leurs représentants à bien vouloir s avancer.

Premièrement, je voudrais vous souhaiter la bienvenue à la commission. Peut-être que je pourrais vous rappeler brièvement que nous avons 60 minutes dans le cadre des ententes qui ont été prises à l'avance, dont 20 minutes pour votre exposé et 40 minutes d'échange de commentaires avec les parlementaires.

On demanderait au porte-parole de bien vouloir s'identifier et, par la suite, de faire la présentation de votre mémoire.

Les trois SEMO de la région de Québec

M. Daigneault (Marc): M.. le Président, M. le ministre et membres de la commission, je vais d'abord présenter, à mon extrême gauche, Mme Cécile Gadoury, directrice du SEMO Coup de pouce-Travail, Mme Micheline Dubé, présidente de l'Association des SEMO, Mme Christiane Tessier, directrice du SEMO Centre Étape, M. Denis Lebel, président du conseil d'administration du SEMO Coup de pouce-Travail, M. Daniel Fortin, administrateur au conseil d'administration du Centre Action-Travail et, moi-même, Marc Daigneault, directeur du SEMO Centre Action-Travail.

La présentation de notre mémoire sera faite par M. Denis Lebel, qui traitera des thèmes "Origine, structure et fonctionnement des SEMO" et du thème "Jeunes", M. Daniel Fortin, qui traitera des thèmes "Employabilité, efficacité et complexité du système" et Mme Christiane Tessier qui traitera des thèmes "Neuf mois d'attente, évaluation, notion de conjoint". Sans plus tarder, je laisse la parole à M. Denis Lebel.

M. Lebel (Denis): Comme il vient d'être annoncé, je vais vous parler rapidement de l'origine des SEMO. Ce sont des groupes d'intervention qui s appuient sur des organismes communautaires qui pour faire face à la difficulté particulière reliée à la crise de I'emploi dans certains milieux et pour certains publics particuliers ont été mis en place avec l'appui des ressources communautaires du milieu. Dans certains cas, cela a été des paroisses, des patros des comités de citoyens, des comités de femmes. Ces groupes d'intervention se sont attachés a fournir des services aux personnes qui rencontrent des difficultés particulières à intégrer le marché du travail.

Caractéristiques: ils obtenaient l'appui de leur milieu, ils ont développé I'expertise professionnelle; ils sont devenus des structures simples souples; capables d'adaptation, ils ont manifesté la volonté de rester proches des besoins de la clientèle, de s'adapter à chaque contexte particulier ou ces problèmes étaient rencontres.

La caractéristique de leur mode d'intervention, c'est une selection mutuelle SEMO-client, c'est-à-dire que le client qui s'adresse à un SEMO l'a fait, jusqu'à maintenant, de façon volontaire. C'est une caractéristique qui semble avoir été génératrice de succès.

L'objectif des SEMO n'est pas strictement une mesure de développement d'employabilité. II

vise l'intégration réelle au marché du travail. Pour réaliser cela, il y a des services professionnels qui sont fournis, un accompagnement personnalisé, le support professionnel, mais aussi le support du groupe. II y a souvent des méthodes de groupes qui sont utilisées par les SEMO. Il y a aussi l'utilisation de stages, qui ne sont pas l'équivalent des stages en milieu de travail comme on les voit dans les mesures de relance. Ce sont des stages pré-emploi, c'est-à-dire des stages qui débouchent sur l'emploi. Un milieu de stage est accepté par les SEMO, s'il y a une possibilité que ce stage se transforme en emploi à court ou à moyen terme. Cela implique une grande collaboration des employeurs. Cela implique de maintenir avec les employeurs des relations de coopération, de collaboration. Cela implique aussi que les clients participent activement à leur démarche, s'engagent dans une démarche de changement et de développement personnel. Jusqu'à maintenant, dans le SEMO dont je suis président, le taux d'abandon au cours de ces démarches a été, durant les trois dernières années, de l'ordre de 2 %. Le taux de placement, avec maintien en emploi pendant au moins 30 semaines, est de l'ordre de 85 %. Ce qui caractérise l'intervention des SEMO, c'est que cela représente une voie alternative aux voies officielles des centres Travail-Québec, qui avaient de la difficulté à rejoindre certains groupes particulièrement éprouvés par la crise de l'emploi.

Donc, caractéristiques organisationnelles de petites équipes qui travaillent avec de petits groupes de clients qui ciblent bien les problèmes auxquels ils veulent trouver des réponses, des équipes qui sont centrées sur les résultats à obtenir. Les résultats obtenus d'ailleurs en témoignent. Ce sont des équipes flexibles adaptées à des clientèles différentes. Chaque SEMO a un peu sa personnalité propre. Ce sont des organismes qui ont profité d'un financement public, mais qui sont gérés par des corporations autonomes impliquées dans leur milieu et représentatives un peu du milieu dans lequel ils fonctionnent.

Je viens donc de parler du financement public. II faudrait aussi parler un peu de I'histoire des relations avec les gouvernements, parce que quelques uns de ces organismes-là ont commencé avec des subventions du gouvernement fédéral. L'histoire est un peu l'alliance du pot de fer et du pot de terre. Les SEMO ont besoin de l'aide gouvernementale pour fonctionner. Cette aide a comporté, tout le long de I'histoire des SEMO, un certain nombre de risques. Jusqu'en 1987, cela a été l'incertitude chronique d'une subvention à l'autre d'un renouvellement à l'autre. Depuis 1987 il y a eu de nouvelles directives, il y a eu un contrat qui a été signé qui est entré en vigueur en janvier 1988. Ce contrat - c'est ce qu'on mentionne dans notre mémoire - est assez conforme à I'esprit de la politique qui est présentée. Par contre, pour les

SEMO, il est perçu comme ayant eu un effort d'uniformisation des standards des critères et des règles de fonctionnement. Il y a eu addition de contrôles a priori, a posteriori, en cours de route modification du rythme de travail des SEMO, perte d'autonomie, beaucoup de temps passé à la gestion, à la satisfaction des exigences administratives, alors que ce temps-là était passé en interventions auprès du client. (10 h 15)

Et l'impression qui se dégage un peu du mois et demi ou des deux mois d'expérience de ce nouveau contrat et à la lumière de la politique, c'est quil y a un danger que les SEMO deviennent une espèce de rouage additionnel à la structure gouvernementale une sorte de sous-public, si on veut, parce que les gens des SEMO sont généralement moins bien payés que les gens de la fonction publique. Et le sous-public en question se chargerait d'un certain nombre de mandats auprès de clienteles qui sont plus difficiles à intégrer au marché du travail et pour qui le ministère est peut-être moins bien équipé. Ces nouvelles directives ont tendances à fonctionnariser, je dirais, le fonctionnement des SEMO. Et cela n'est pas démenti par la politique comme telle. Au contraire, on perçoit que le danger est que cela s'acccentue davantage.

En conclusion de la présentation des SEMO, je voudrais revenir au document de politique et mentionner qu'on invite les différents intervenants économiques et sociaux a la participation, à I'implication. Et I'expérience des SEMO nous montre qu il y a plusieurs façons d'atteindre autrement les mêmes résultats, parfois dans des conditions plus difficiles, mais qu'il s agit à ce moment-là de trouver les formules qui nous permettent de faire confiance au dynamisme des milieux. Les SEMO croient tenir la bonne, bien sûr. Et cela doit se faire dans le respect de l'autonomie du caractère communautaire pour maintenir les conditions d'efficacité et de complémentarité que les SEMO avaient développées avec les centres Travail Québec.

Maintenant, j'aborderai rapidement, en conclusion de mon intervention, le problème particulier des jeunes, puisque le SEMO dont je suis le président intervient principalement auprès des clientèles jeunes. Ce qui nous frappe dans la politique, c'est I'appel à la solidarité familiale et la dépendance qui s'ensuit pour les jeunes. Au sujet de l'appel à la solidarité familiale, il y a un chercheur des HEC qui disait. C'est un terrain miné. On ne peut pas légiférer sur la solidarité familiale comme on ne peut pas légiférer sur les sentiments. " Donc, on ne sait pas exactement ce que cela va donner, mais un des résultats les plus clairs, les plus prévisibles, c'est qu'il y a un certain nombre de jeunes qui seront non seulement privés d allocation, mais privés aussi de l'accès aux services et de I'accès à des stages ou à des formations dans les SEMO. Personnellement, je pense que s'inspirer de la formule de dépendance de la part des jeunes vis-

à-vis de leur famille, cela maintient le jeune dans une situation de dépendance. Je ne pense pas non plus que la formule ait donné de très bons résultats dans le régime des prêts et bourses, qui l'a inspirée. Cela a toujours été un facteur de problème à la fois pour les individus et les groupes qui ont eu à traiter avec cela. Je vous remercie.

M. Fortin (Daniel): Pour ma part, je vais traiter de trois aspects qui, à notre avis, sont au coeur de la réforme: premièrement, du concept d'employabilité; deuxièmement, de la complexité des mesures proposées; et, troisièmement, de l'efficacité de l'ensemble du projet.

Le concept d'employabilité est d'abord difficile à cerner. C'est un concept qui, à notre avis, est circulaire et qui risque également d'être utilisé au détriment des bénéficiaires. Je m'explique.

C'est d'abord un concept difficile à cerner. Les rédacteurs du document d'orientation n'ont pas réussi à l'éclairer. D'une part, on affirme que toute personne est présumée employable. D'autre part, on demande au bénéficiaire de participer à des mesures de relèvement d'employabilité. D'un côté, on dit qu'il est employable et, de l'autre, on dit qu'il doit devenir plus employable ou participer à des mesures d'employabilité. Le concept d'employabilité est aussi un concept circulaire. D'une part, le degré d'employabilité est défini en fonction de l'emploi que le bénéficiaire n'a pas. En d'autres mots, ce qui prouve qu'un bénéficiaire a un niveau d'employabilité insuffisant, c'est le fait qu'il n'ait pas d'emploi. D'autre part, on explique qu'il n'a pas d'emploi parce que son degré d'employabilité est trop faible. Troisièmement, le concept d'employabilité risque d'être utilisé au détriment des bénéficiaires. Le fait de faire reposer sur les bénéficiaires la responsabilité de ne pas avoir d'emploi, alors que le fait d'être employable dépend au moins de trois facteurs, fait en sorte que le bénéficiaire a peu de moyens de défense.

Voyons ces quatre facteurs qui servent à définir i'employabilité d'une personne. La qualification, on en convient, c'est un élément important de I'employabilité. L'employabilité dépend aussi des besoins du marché du travail. L'employabilité dépend de l'endroit où le bénéficiaire demeure. Enfin, le quatrième facteur, I'employabilité dépend du nombre de candidats par emploi offert. En fait, quelqu'un qui arrive sur le marché du travail doit faire face à deux choses. D'abord, à I'employabilité, mais aussi à une sélection. Le marché du travail sélectionne. Il ne faut pas l'oublier lorsqu'on pense à la mise en place de ces mesures-là.

De fait, si tous les bénéficiaires augmentent leur employabilité de façon égale, leur position relative, les uns par rapport aux autres, demeure la même. Ils sont alors placés dans la position de quelqu'un qui monte un escalier roulant qui descend.

Notre expérience nous montre que beaucoup de bénéficiaires sont prêts à faire des efforts pour avoir une place au soleil. Mais faut-il encore que cette place ne recule pas chaque fois qu'ils font un pas.

Le deuxième aspect touche la complexité. La complexité de la réforme apparaît à deux niveaux; elle porte principalement sur deux aspects. Le principal aspect relève du nombre élevé de catégories de barèmes et du nombre élevé de décisions pour arriver à déterminer ces barèmes. Le deuxième problème de complexité se réfère justement aux critères qui serviront aux agents ou sur lesquels ceux-ci se baseront pour décider du barème auquel le bénéficiaire aura droit. On pense à des choses qui ne sont plus coupées au couteau comme l'âge, le sexe ou des choses qui sont très claires. Maintenant, avec la réforme, on tiendra compte de bénéficiaires qui ont besoin de services spécialisés; on tiendra compte de l'Intérêt des bénéficiaires, de leur motivation, de leurs aptitudes, d'un ensemble de choses qui ne sont pas précises. À notre avis, cette complexité aura deux effets. D'une part, cela multipliera le risque que des décisions inadéquates soient prises et cela aura aussi comme conséquence d'accroître le risque de décisions arbitraires qui seraient prises, par exemple, uniquement pour des critères administratifs. Le deuxième effet sera que cela accroîtra la dépendance des bénéficiaires qui, par le fait de la complexité, auront de moins en moins de moyens de défense face à des décisions qui seront prises par les agents du ministère.

Le troisième élément de la réforme sur lequel on veut intervenir concerne la question de l'efficacité de cette réforme. Nulle part dans le document on ne trouve de critères de performance permettant de juger des mesures. Est-ce que ce seront les millions dépensés, le nombre de participants, le taux de participation, le nombre de personnes intégrant le marché du travail? Il y a une panoplie possible de critères d'évaluation. On se demande un peu à partir de quels critères cette réforme sera jugée.

Cependant, à notre avis, un certain nombre de conditions doivent être respectées pour que ces mesures soient efficaces. Ces conditions sont au nombre de quatre.

Première condition, il doit y avoir de la place sur le marché du travail, sans cela les bénéficiaires sont condamnés à se promener d'une mesure à une autre. Cela aura comme résultat d'aboutir à une nouvelle forme d'institutionnalisation de la pauvreté Cela va aussi créer une sorte d'accoutumance aux mesures qui, même si elles étaient efficaces au départ, vont devenir inefficaces. Les bénéficiaires vont apprendre à fonctionner avec les mesures plutôt qu'avec le marché du travail.

Deuxième condition d'efficacité, il faut de véritables mesures de maintien et de développement d'employabilité. À ce moment-là, il faut que la qualité de ce qui se fait chez les employeurs, lorsqu'il s'agit de stages en milieu de travail ou

de ce qui se fait dans les organismes lorsque ce sont des travaux communautaires ou à la commission scolaire lorsque c'est du rattrapage scolaire, que toutes ces mesures soient évaluées sur le terrain et que ce ne soit pas une évaluation globale.

Troisièmement, il faut que le personnel soit compétent. Le ministère reconnaît lui-même que, à l'heure actuelle, le personnel n'est pas qualifié pour mettre cette mesure en marche. Même si on propose un calendrier d'implantation, on pense que les prévisions sont optimistes et que le système est beaucoup plus tent à bouger qu'on le suppose.

Enfin, dernière condition, il faut que les bénéficiaires participent et utilisent le système de la bonne façon. Si on se fie sur ce qui s'est passé avec les moins de 30 ans, on s'aperçoit que le taux de participation est faible et que le taux d'abandon est relativement élevé. Donc, à notre avis, avec cette mesure, un certain nombre de bénéficiaires vont s'ajuster à un revenu moindre et ils ne participeront pas aux mesures. D'autre part, un certain nombre vont s'impliquer ou s'embarquer dans tes activités d'employabilité, non pas dans le but de se trouver un emploi, mais plutôt pour répondre à des besoins immédiats. Là-dessus, je cède la parole à Mme Tessier.

Mme Tessier (Christiane): Merci. Je vais aborder, pour ma part, les points suivants: l'étape des neuf premiers mois, la notion d'aptitude au travail, les étapes d'évaluation de l'employabilité et la notion de conjoint.

Premièrement, l'étape des neuf mois. Pour ceux et celles qui ont déjà travaillé, la nouvelle réforme propose neuf mois de purgatoire supplémentaire à des gens qui ont déjà épuisé douze mois de recherches infructueuses, pendant lesquels ils ont utilisé sans résultat toutes les ressources personnelles, l'énergie et les contacts sur lesquels ils pouvaient compter. Par contre, pour ceux et celles qui n'ont jamais travaillé, Je plus souvent des jeunes et des femmes, et qui en arrivent à avoir besoin de l'aide sociale, il faut comprendre que s'iis en sont venus à cette situation, c'est souvent à la suite d'un déséquilibre familial quelconque, séparation ou autres, et leur imposer neuf mois d'attente, c'est risquer de faire disparaître l'enthousiasme et la motivation qu'ils peuvent avoir dès leur entrée au programme.

Nous craignons donc les effets négatifs durables que ces neuf mois d'attente avec allocation réduite peuvent entraîner. Nous prouvons pourtant, par notre expertise d'intervenant SEMO, que c'est au moment où une personne se dit prête qu'elle peut et doit entreprendre les démarches pour sa prise en charge. Elle ne doit surtout pas être ralentie dans ce processus par une machine administrative. En ce qui concerne... Oui.

Le Président (M. Laporte): Je veux souligner qu'il reste deux minutes pour la présentation de votre mémoire. S'il y a un consentement...

Mme Harel: Qu'elle termine, c'est tellement intéressant. On va sûrement en bénéficier.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Comme d'habitude.

Mme Harel: Excellent.

Le Président (M. Laporte): II y a consentement. Je vous laisse continuer.

Mme Tessier: Je vais essayer de faire plus vite, mais c'est vrai que c'est intéressant. En ce qui concerne, M. le Président, l'évaluation de l'aptitude au travail, nous considérons inacceptable que le fardeau de la preuve de son inaptitude repose sur les épaules d'une personne qui, justement, n'est pas en pleine possession de ses moyens. Si l'on reprend l'exempte donné dans le mémoire, en page 19, c'est un peu comme si on demandait à une personne devant être hospitalisée d'urgence de démontrer à la satisfaction des autorités professionnelles et administratives de l'hôpital les motifs qui peuvent justifier son hospitalisation.

Pour ce qui est des deux étapes d'évaluation de l'employabilité, nous tenons d'abord à resouligner que la notion même d'employabilité ne dépend pas que de la personne, mais de l'état du marché du travail. Une personne pourra, en effet, développer son employabilité pendant des mois, s'il n'y a pas de possibilité d'emploi, elle n'atteindra jamais son objectif qui est de travailler et non pas d'atteindre un haut degré d'employabilité.

On parle dans le document de deux étapes d'évaluation de l'employabilité, soit une au début de la période des neuf mois qui, en fait, d'après sa description, servira surtout à évaluer le montant des prestations auxquelles la personne aura droit et, en plus, dans certains cas, à dépister certains problèmes tels l'alcoolisme, la toxicomanie et autres. Ce n'est en réalité qu'après neuf mois que la personne aura droit à une évaluation approfondie de sa situation personnelle, c'est-à-dire son état de santé, formation scolaire, qualifications professionnelles, expérience de travail, motivation, intérêt, etc. (10 h 30)

Or, pour qu'une personne puisse se livrer au cours d'une évaluation personnelle de ce type, il doit y avoir un climat de confiance établi entre elle et l'évaluateur. Dans le cas des bénéficiaires, c'est l'information personnelle livrée confidentiellement qui servira au ministère à fixer ses règles, normes et, éventuellement, ses sanctions. Donc, ou bien le bénéficiaire se confie à l'agent et les confidences qu'il livre pourront être utilisées pour limiter ses droits et ses choix, ou bien il ne se livre pas et ses droits sont

automatiquement limités. Nous prévoyons que la réaction chez la plupart en sera une de soumission, de repli sur soi, d'acceptation de la fatalité, et n'aura certainement aucun effet incitatif au retour au travail.

Le dernier point que j'aborderai est celui de la notion de conjoint dont nous souhaitons l'abolition pure et simple. Et si nous prônons dans notre mémoire le critère de partage du logement, c'est sans la coupure du chèque annoncée dans la réforme. Nous prônons ce partage comme un moyen de survie, que ce soit pour des êtres de sexe semblable ou différent. Merci.

M. Daigneault (Marc): M. le Président... Le Président (M. Laporte): M. Daigneault.

M. Daigneault (Marc):... si quelques minutes nous sont encore accordées, Mme Micheline Dubé voudrait ajouter quelques mots.

Le Président (M. Laporte): Le plus brièvement possible afin de permettre un échange. Allez-y...

Mme Dubé (Micheline): D'accord.

Le Président (M. Laporte):... avec le consentement.

Mme Dubé (Micheline): Pour conclure, les services externes de main-d'oeuvre sont des organismes ayant des corporations autonomes et sont reconnus par votre ministère pour offrir des services professionnels et spécialisés à une clientèle éprouvant des difficultés à intégrer ou à réintégrer le marché du travail.

Pour aider efficacement une clientèle en difficulté à intégrer l'emploi, il y a une dimension que nous voyons comme la plus importante, et c'est l'incitation. Nous croyons que les services externes de main-d'oeuvre sont des mesures incitatives en soi, car, pour notre clientèle, la mesure est volontaire. Elle vise te marché du travail rémunéré, c'est-à-dire que la clientèle devient un travailleur ou une travailleuse à part entière. Elle accorde du temps et de l'attention personnalisés. Et elle avait un encadrement financier pertinent à la clientèle qu'elle desservait avant le 1 er janvier 1988.

C'est dans ces termes que nous parlons d'incitation à l'emploi et que nous nous distinguons des autres mesures d'employabilité où la clientèle porte toujours l'étiquette de bénéficiaire d'aide sociale, selon les mesures auxquelles elle aura à participer. C'est pourquoi nous vous demandons, dans la mesure des services externes de main-d'oeuvre, de maintenir cette incitation telle qu'elle est décrite. En plus, deux dimensions s'ajoutent: Que !es revenus de salaire à l'intérieur du stage rémunéré par les services externes de main-d'oeuvre chez un employeur ne soient pas déductibles de son aide sociale - il est à noter que ce stage ne peut dépasser quatre semaines, selon le cadre normatif de votre ministère - deuxièmement, que les personnes ayant suivi le programme des services externes de main-d'oeuvre et qui, malheureusement, partent sans emploi ne soient pas pénalisées à l'aide sociale après cette démarche, car souvent ces personnes reçoivent des offres d'emploi quelques semaines après leur départ.

Je vous remercie de votre attention. Comme association, nous appuyons sans réserve ce mémoire qui vous a été présenté ce matin. Merci.

Le Président (M. Laporte): Je remercie les représentants des SEMO. M. Daigneault, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Daigneault (Marc): Cela va.

Le Président (M. Laporte): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, dans un premier temps, vous me permettrez de remercier les représentants des SEMO et de répéter, en ce début de journée, quelle est la clientèle qu'on dessert comme ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu dans notre volet sécurité du revenu, de rappeler que 25 % de cette clientèle de quelque 400 000 ménages est composée de personnes considérées admissibles au programme Soutien financier, donc avec des difficultés énormes, ou inaptes au travail.

Parmi les gens qu'on considère aptes au travail - cela ne sera pas nouveau pour les gens des SEMO, j'en conviens - vous savez déjà que 36 % de ces gens sont des analphabètes fonctionnels, 60 % de ces personnes n'ont pas complété leur cours secondaire, 40 % n'ont aucune expérience de travail. Et, pour ceux qui l'ignoreraient, les SEMO s'occupent des pires parmi ces cas. ils ont vécu des expériences - cela a été souligné, je pense, par je ne me souviens plus quel intervenant - insécurisantes sous un gouvernement comme un autre; je ne pense pas qu'ils ont fait de la politique en nous le disant. C'est devenu un petit peu moins insécurisant, mais c'est devenu un petit peu plus normé. C'est le message que j'ai retenu de votre intervention. On a troqué, et on souhaite que ce soit un pari gagnant, un peu de sécurité pour un peu plus de performance parce que nous sommes responsables des deniers publiques et que nous voulons nous assurer que les SEMO performants continuent à performer. Ceux qui ne le sont pas qu'ils soient sujets à une évaluation parce qu'il y a des régions du Québec, encore au moment où on se parle, qui ne sont même pas pourvues de SEMO. Si l'on veut pourvoir l'ensemble des régions et desservir l'ensemble des clientèles spécifiques, on doit s'assurer qu'on est à l'abri de toute critique sur le plan de la performance. Et c'est généralement le cas. Nous tenons à continuer à nous en assurer.

En ce qui concerne la question de la solidarité familiale qui a été soulevée, je n'y répondrai pas immédiatement parce que les deux groupes qui vont suivre sont des groupes de jeunes, autant du Parti libéral que du Parti québécois. Je suis certain qu'ils vont aborder cette question après avoir lu leur mémoire. Donc, je vous invite à rester et à écouter l'échange qui va se produire. Cela pourra peut-être aider à répondre à vos arguments également M. Fortin, au sujet de vos interventions quant à la question du fameux cercle vicieux ou de l'escalier roulant descendant, c'est vrai. Je partage votre avis et votre analyse, sauf qu'il faut le briser ce cercle. II faut arrêter de considérer, sauf pour les jeunes en bas de 30 ans présentement et les familles monoparentales, de stationner ces gens et de leur expédier un chèque mensuel et de dire. Bon, la société a fait sa part, maintenant on les oublie!

Présentement, vous avez raison. II ny a pas de critères d'employabilité de I'individu, pas de jobs sur le marché, etc. Le coup de barre que nous tentons de donner, c'est de dire, on n'abandonnera pas les gens qui n'ont pas fini leur secondaire. On va tenter de les inciter à terminer leur secondaire, parce qu'on sait que plusieurs entreprises même exigent le secondaire pour avoir la possibilité ou la permission de poser sa candidature au poste ou les critères d'employabilité sont les moins élevés. Cette personne est automatiquement exclue du marché du travail. Est-ce qu'on a le droit, comme société, de perpétuer le système actuel, de les abandonner et de les marginaliser?

Vous dites que c'est un cercle vicieux, mais vous réussissez quand même, comme SEMO à le briser avec les pourcentages et les résultats que vous nous avez donnés. J'ai relevé là une petite contradiction entre certaines représentations qui ont été faites. Oui, le cercle est vicieux. Dans certains cas on réussit à le briser. Et on doit davantage le briser avec I'ensemble de nos clientèles. Vous parlez des critères de performance qui devraient être là. Dans la première partie on nous dit. Pas trop de critères de performance. Dans la deuxième partie, on nous dit. Oui les critères de performance pour les autres. Si les critères de performances deviennent pour les SEMO quelque chose qui devient improductif on demeure ouvert, on est prêt à vous entendre là-dessus. Ce qu'on vous dit, c'est qu'on a besoin de résultats. On ne comparera pas vos résultats avec les gens qui travaillent avec les clientèles les moins poquées. On prend en considération cette notion que vous travaillez avec les clientèles les plus difficiles.

Mme Tessier: Vous parlez des gens qui ont déjà travaillé et de notre clientèle qui nous vient à l'aide sociale. 60 % de notre clientèle qui nous arrive a déjà eu une expérience de travail, donc, a passé à travers le cheminement que vous avez mentionné des douze mois de I'assurance-chômage et à travers les étapes psychologiques qui nous ont été décrites hier par I'Association des psychologues du Québec. Les neuf premiers mois dans ce cas, ce n'est peut-être pas inutile, après douze mois où on a épuisé, où on a passé à travers psychologiquement toute cette épreuve et financièrement toutes les difficultés que cela comporte, d'avoir un petit temps d'arrêt, de se réévaluer et de voir si on est allé dans la bonne direction.

Pour les autres, les 40 % qui sont sans expérience de travail, qui sont souvent des cas un peu plus difficiles - il y en a même des difficiles dans ceux qui sortent de l'assurance-chômage - je vous indiquerai que le document d'orientation y fait déjà référence à la page 27 en parlant des neuf premiers mois: "Par ailleurs, des clientèles spécifiques pourraient être admises à participer à certaines mesures de maintien et de développement de l'employabilité dès leur admission au programme. " De façon que, là ou le délai de carence de neuf mois pourrait s'avérer préjudiciable, comme dans le cas des analphabètes, pour vous donner un exemple - on a parlé entre autres, en commission parlementaire, des familles monoparentales - ce délai ne s'applique pas, et que, dans le cas ou il faut procéder à une évaluation complète du dossier, cela s'applique. Vous comprendrez que l'administration fait partie des contingences avec lesquelles la politique doit composer et quon ne peut pas garantir à tout le monde que, dès le lendemain de son arrivée, il aura le service, malgré les meilleures intentions de n'importe quel politicien ou parti politique.

Le fardeau de la preuve de l'inaptitude. Je ne me souviens pas qui a soulevé. Vous soulevez cette question et vous avez une bonne logique lorsque vous la soulevez, sauf qu'hier des gens qui représentaient les personnes handicapées ont soulevé un peu I'inverse. Ils ont dit: Ne nous cataloguez pas inaptes. On ne veut pas être catalogues inaptes. On veut avoir un peu d'air un peu d'oxygène. On veut être capables de faire nos choix et il y a des gens chez nous qui ont peut-être I'air physiquement inaptes, mais qui sont beaucoup moins inaptes que des gens qui ont I'air physiquement corrects. Ils nous ont demandé cette espèce de liberté de choix. On soupèsera les arguments présentés de part et d'autre mais on voulait vous les communiquer.

Le travail par rapport au haut degré d'employabilite. S'il fallait qu'on tienne pour acquis qu'il faut abandonner les gens dans un bas niveau d'employabilité parce que, peut être, les emplois n'existent pas. Tous les programmes qui ont été mis sur pied par tous les gouvernements qui se sont succédé dans les récentes années et qui s'appellent Jeunes entrepreneurs etc., nous démontrent que plus l'individu a un haut niveau d'employabilité plus il est en mesure d'avoir un choix d'emplois, plus il est mesure de commander une rémunération plus adéquate et même plus il est en mesure de créer sa propre entreprise. Cela s'est fait avec des jeunes qui avaient quand

même un certain niveau d'employabilité. Donc, le choix qu'on a: on les abandonne ou on mise là-dessus. Ce n'est pas un pan à 100 %, mais c'est un pan intéressant.

Notion de conjoint, partage de logement. Je vous invite encore à rester parce que j'ai l'impression qu'avec les deux groupes de jeunes que nous allons entendre, cette question sera débattue. Et Mme Dubé, qui a parlé d'incitation au travail. Je m'excuse de résumer aussi brièvement l'intervention, mais moi aussi, je suis encarcané dans le temps. Le député de Taschereau m'a indiqué qu'il insistait pour intervenir dans le cadre de cet échange.

En terminant, j'aurais peut être une question fondamentale à vous poser. Le contrat récent qu'on a négocié avec vous est-il un contrat qui, dans l'ensemble - dans un contrat, il y a des choses qui font l'affaire et d'autres qui ne font pas l'affaire - vous permettra de mieux fonctionner qu'avant, tout en considérant qu il est encore améliorable?

Le Président (M. Laporte): Merci, M. le ministre. En réaction?

M. Lebel: Je pourrais répondre au moins pour un SEMO. Je peux difficilement répondre pour l'ensemble parce que je n'ai pas de contact sur l'ensemble du réseau des SEMO. Ce contrat, effectivement, comme vous l'avez mentionné au début de votre intervention amène des éléments de sécurité qui n'existaient pas avant. II amène un cadre relativement stable et il introduit, mais très légèrement, la notion de performance. Je veux dire qu'il n'est pas évident que ce soit un contrat qui a comme objectif de miser sur la performance des SEMO.

Je comprends qu'on ne peut pas imposer des normes rigides exactement de la même façon dans un centre-ville d'une région urbaine, d'une région rurale, clientèle jeune, clientèle âgée etc., mais il reste qu'on a fait une espèce de mélange de tout cela et qu'on a fixé des barèmes universels qui sont un peu le résultat d'une série de compromis et d'approximations, mais qui sont les mêmes pour tout le monde. Le résultat net dans le SEMO, pour lequel je donne du temps, c'est qu'on doit admettre plus de candidats que les dernières années. La performance qu'on attend de nous, c'est de placer moins de gens. C'est le résultat pour notre SEMO. C'est la façon dont on vit ces normes-là. La notion d'admis sert à justifier ta subvention. (10 h 45)

Évidemment, il y a eu des baisses de subvention aussi à travers cela. On n'en a pas parlé, mais le budget est coupé. On nous demande d'admettre plus de monde et on nous demande d'en placer moins que dans les dernières années. Si on regarde cela dans la logique, c'est très logique. On nous demande une performance de 50 %, alors que notre performance se situait aux alentours de 80 % à 85 %. Mais en augmen- tant le nombre d'admis, on augmente le fardeau des intervenants, on raccourcit le temps d'intervention auprès des clients et, effectivement, il y a des chances que notre performance baisse. Mais quant au nombre absolu de personnes qui auront intégré le marché du travail par notre SEMO, si on se fie aux exigences de ce contrat- là, on aura satisfait aux exigences du contrat par une performance moindre que les années antérieures.

II y a une autre dimension. D'abord, quand on parle de contrat normalement, cela représente la volonté des parties. Et, dans ce cas là, on peut dire que la volonté des SEMO a été interprétée. Je veux dire qu'il n y a aucun représentant des SEMO qui a négocié quoi que ce soit avec qui que ce soit dans ce contrat-là. II n'y avait pas d'association à l'époque ou il a été élaboré, mais on est arrivé avec une formule et on a dit: Vous signez là, c'est ça le nouveau contrat. Bon, alors c'est correct, on va signer là parce qu'on veut continuer à intervenir comme SEMO. Mais, à l'intérieur de ce contrat-là, il y a des clauses qui, en apparence, étaient anodines et qui peuvent devenir bâdrantes en cours de route, entre autres sur la circulation d'informations. On parlait tantôt de la confidentialité de certaines informations livrées à un conseiller. II y a un article du contrat - je ne me le rappelle pas à la lettre - mais qui dit. En tout temps le ministère ou ses agents peuvent demander à avoir accès à toute information. Et le rythme de fonctionnement et les délais qu'on demande pour obtenir I'information brisent souvent le rythme de travail de petites équipes. Chez nous au SEMO, il y a cinq personnes. Jusque maintenant il y en avait à peu près trois et demie qui agissaient comme intervenants et une et demie s'occupait plus des questions administratives. Bien la c'est rendu à deux sur les questions administratives. Vous voyez un peu les problèmes dans lesquels on est pris avec ce contrat-là. On est intéressés à le négocier de nouveau bien sûr.

Le Président (M. Laporte): M. le députe de Taschereau?

M. Leclerc: M. le Président évidemment |e voudrais remercier les intervenants. Ce sont des gens fort actifs dans la région de Québec. Ils nous ont fait savoir leur position notamment ce pourquoi ils sont contre certaines mesures et, évidemment, ils ne sont pas ici pour nous lancer des fleurs. On sait qu'ils sont contre le délai d'attente des neuf premiers mois. Ils ont des réserves sur la notion de conjoint et le partage du logement. J'aimerais cependant savoir parce que vous êtes des intervenants indépendants, que vous travaillez de très près avec la clientèle, quelles sont les mesures spécifiques de notre réforme que vous appuyez?. Le programme Soutien financier le programme APPORT?

Mme Harel:... des suggestions.

Le Président (M. Laporte): M. le député de Taschereau, si vous voulez poursuivre.

M. Leclerc: Cela va.

Le Président (M. Laporte): Cela va.

Mme Tessier: II y a des mesures qu'on appuie, peut-être avec réserve, mais qu'on appuie, comme le programme Soutien financier qui peut être intéressant pour les gens qui sont vraiment inaptes au travail, selon la façon dont ils sont jugés aptes ou inaptes. Il y a aussi le programme APPORT, quoique ce soit encore avec réserve, parce qu'on se pose des questions sur une personne, par exemple, dans mon cas, chef de famille monoparentale, qui laisse l'aide sociale et va travailler au salaire minimum, parce que, souvent, comme vous le disiez, la clientèle SEMO, c'est une clientèle peu scolarisée, particulièrement chez les femmes et c'est une clientèle qui a souvent une très longue absence du marché du travail. Donc, si elle décide de laisser laide sociale et d'aller travailler parce que le programme APPORT va combler, en partie, le manque à gagner, ce qu'on se demande, c'est combien de temps le programme APPORT va couvrir le déficit et, si jamais elle perdait son emploi, ce qui arrive souvent parce que les emplois que ces personnes peuvent se trouver sont des emplois précaires et difficiles à maintenir, et qu'elle se retrouve au chômage, quelle sera sa situation. C'est très insécurisant pour la clientèle. On appuie ces choses-là, mais toujours avec réserve, parce qu'on n'a peut-être pas toute l'information nécessaire.

Mme Gadoury (Cécile): Je pense que, comme SEMO, on est aussi entièrement d'accord avec l'incitation au travail. Nous allons dans le sens de ce principe.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Laporte): Merci bien, M. le ministre?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'indiquais

Le Président (M. Laporte): Mme la députée de Maisonneuve?

Mme Harel: Non non. Le député de Taschereau peut continuer.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... strictement, quant au programme APPORT, pour répondre aux questions que vous avez soulevées, qu'il n y a pas de durée de temps fixée. C'est dans une fourchette de revenus strictement, et tant que la personne se situe dans cette fourchette de revenus, ses gains de travail sont supplémentés et ses frais de garderie remboursés jusqu'à un maximum de 50 %. Votre deuxième question, et j'ai demandé qu'on aille vérifier concerne la personne qui occupe un emploi précaire, quitte son emploi, devient prestataire de l'assurance-chômage. La question qui m'est posée, et que j'ai demandé qu'on vérifie, c'est: Est-ce que l'assurance-chômage va tenir compte, dans le calcul de la prestation quelle verse à cette personne, non seulement du gain de travail qui était versé par l'employeur, mais également du supplément du programme APPORT?

Mme Tessier: C'est une question qu'on se fait poser très souvent par la clientèle. On n'ose pas commencer un emploi tant qu'on n'est pas sûr de toujours le garder, et cest impossible d'être sûr de toujours le garder. Donc, il y a beaucoup d'hésitation devant ce programme.

Le Président (M. Laporte): Mme Tessier?

Mme Tessier: J'aimerais répondre aussi en ce qui concerne le nouveau contrat sur lequel M. le ministre Paradis nous demandait nos commentaires. Je pense que vous avez bien décrit tout à l'heure la clientèle SEMO, c'est-à-dire une clientèle particulièrement défavorisée peu scolarisée - pour les femmes c'est le cas - et une clientèle avec une très longue absence du marché du travail. Vous avez aussi bien décrit les exigences du marche du travail. C'est impossible d'entrer sur le marché du travail dans un emploi si peu intéressant soit-il, et même c'est impossible avec moins d'un secondaire V. Une des questions qu'on se pose comme SEMO femmes c'est. Comment se fait-il à ce moment-là quand vous reconnaissez tout cela que le retour aux études ne soit pas reconnu? Quand on a fait un long travail sur une cliente et qu'elle finit par choisir devant la réalité du marché du travail, devant la réalité de sa situation et devant la réalité de devoir se prendre en charge définitivement un jour comment se fait-il que le retour aux études ne nous soit pas accordé comme un résultat? Les résultats qu'on obtenait récemment comportaient un grand pourcentage surtout chez les femmes - 30 % dans le cas de Centre Etape - de retour aux études. Ce résultat ne nous est plus reconnu dans le nouveau contrat et c est I'une des choses que les SEMO femmes ont beaucoup de mal à comprendre. C'est quelque chose qui, selon nous n est pas logique dans te sens de nos interventions dans le sens de la réalité du marché du travail et de la réalité des clientes qu'on vise Cest une question que je me pose.

M Paradis (Brome-Missisquoi): Je veux bien saisir le sens s' il me reste du temps.

Le Président (M Laporte): Le temps est écoulé.

Mme Harel: Allez-y, M le ministre. Au contraire, on n'en est pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.

Mme Tessier: Ce serait dommage que le temps soit écoulé justement maintenant.

Mme Harel: on n'en est pas à une contradiction près. Alors, vidons celle-là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme la députée de Maisonneuve dénonce souvent le présent système. Moi aussi, je le dénonce et c'est pour cela qu'on veut le changer. C'est la situation actuelle.

Mme Harel: contrat SEMO du mois de janvier 1988.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais avec les programmes actuels de l'aide sociale, par exemple, parce qu'on fait cela dans des balises de programmes actuels de l'aide sociale. Est-ce que je comprends bien votre question.

Mme Tessier: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): que la personne qui va chez vous, vous ne pouvez pas la diriger ou lui offrir des mesures de rattrapage scolaire?

Mme Tessier: Ce n est pas qu'on. Mme Harel: On peut.

Mme Tessier: On peut la diriger vers des mesures de rattrapage scolaire. Mais, auparavant, c'était considéré comme un résultat comme un placement, parce qu on ne dirige pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord, pour I'organisme.

Mme Tessier: Pour l'organisme mais cela veut dire que si on est évalué.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce n'est pas pour la personne. C'est pour l'organisme.

Mme Tessier: sur nos résultats et que ce genre de résultats ne nous est pas comptabilisé on diminue nos résultats.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.

Mme Tessier: Je dois dire également que toutes les femmes ne peuvent pas bénéficier du programme. Rattrapage scolaire. On est 25 % de femmes non bénéficiaires de l'aide sociale. Quant à celles qui retournent aux études avec les prêts et bourses au lieu de vouloir en arriver à I'aide sociale, après avoir suivi une session d'orienta- tion chez nous, cela ne nous est pas reconnu en aucune façon.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pourrais ajouter que les femmes qui ont plus de 30 ans et qui ne sont pas dans le cas de situation monoparentale ne sont pas admissibles et n'ont pas droit à ces programmes présentement.

Mme Tessier: C'est cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En ce qui concerne la reconnaissance, je m'inquiétais de savoir s'il s'agissait de la reconnaissance pour la cliente...

Mme Tessier: On le fait.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... ou la reconnaissance pour le système SEMO. Je ne dirais pas que cela règle le problème mais cela me rassure que ce ne soit pas enlever de la reconnaissance aux bénéficiaires de I'aide sociale. Entre organismes, je pense qu'on peut se parler, on n'est pas aussi mal pris que nos bénéficiaires.

Mme Tessier: C'est cela. On continue de donner ce service là c'est bien évident, parce que c est le service dont les clients ont besoin.

Le Président (M. La porte): Merci Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci M. le Président. Je pense que le dernier exemple nous permet de constater que les beaux discours ne suffisent pas en matière de plan de campagne de scolarisation. Si je comprends bien, c'est dans le dernier contrat que vous avez dû signer - obligés comme on dit - qui est en vigueur depuis le 1er janvier 1988, que les retours aux études ne vous sont plus comptabilisés comme faisant partie des succès que vous obtenez auprès de la clientèle. Au moment même ou le ministre nous dit que toute sa réforme est essentiellement pour que les 36 % de personnes analphabètes et les 60 % qui n'ont pas terminé leur secondaire puissent avoir accès, entre autres, à des mesures de scolarisation.

Juste une remarque avant d'aborder votre mémoire. Je pense que, ce matin, vous nous avez vraiment permis de mettre le doigt sur les difficultés pour ne pas dire la presque impossibilité d'appliquer réellement les bonnes intentions du ministre. Ce que j'ai pensé en vous écoutant, c'est qu'être bien intentionné ce n'est pas assez. Si le ministre est vraiment sincère dans son intention de vraiment aider ceux qui, parmi nos concitoyens, ont énormément de difficultés sur le plan de la scolarisation, il faut lui demander quelles discussions ont eu lieu avec le ministère de I'Éducation, avec la Centrale de I'enseignement du Québec, quel est le plan de

campagne de scolarisation quelles sont les places nouvelles qui seront offertes à ceux qui voudraient pouvoir augmenter mais aussi combien peuvent le faire? Je pense que c'est votre expertise qui met en lumière que ce n'est pas nécessairement toute la clientèle qui pourra atteindre une scolarisation du niveau secondaire V sans qu'on ait une dévaluation, si tant est que la personne ne peut pas, n'a pas les aptitudes pour le réaliser parce que les aptitudes intellectuelles ne sont pas partagées également dans notre société.

Vous nous avez dit à la page 12 de votre mémoire: II faut que la personne puisse se reprendre en main, se fixer des objectifs conformes à ses capacités progresser vers ses objectifs dans une démarche personnelle décidée et choisie pour réintégrer le marché du travail. Considérez-vous que le document d'orientation qui est à l'étude de la société québécoise est conforme à ce que vous décrivez dans votre mémoire?

M, Daigneault (Marc): Je vais parler là-dessus. Ce qu'on a vu dans le mémoire, c'était surtout qu'à partir des informations que le bénéficiaire livrait à I'agent du ministère au centre Travail-Québec, un plan de formation était élaboré. Ce que nous mettons en doute, c'est que la personne qui élabore un plan de formation ici avec le bénéficiaire, c'est aussi la personne qui impose les sanctions. Je me demande dans quelle mesure il n'existera pas de pressions de la part des agents du ministère afin de faire réaliser des plans de formation qu'eux mêmes auront fixés, bien sûr, devant le bénéficiaire et non avec. (11 heures)

Pour faire le lien avec nos organismes, la reforme soulève un autre problème, étant donné que, dans nos organismes la venue des gens était jusqu'à maintenant volontaire et que c'était un facteur de réussite chez nous. Si des bénéficiaires doivent passer par les CTQ pour venir par la suite dans les SEMO, qu'il y ait un plan de formation dans les CTQ qui soit établi et que le bénéficiaire vienne chez nous parce qu'il y a un plan de formation établi dans le CTQ, cela remet bien sûr en question toute notre intervention avec lui parce que, à ce moment là, il ne vient pas de façon volontaire, mais parce qu'il a un plan de formation établi avec son agent du SADE dans les centres Travail Québec. Cette chose remet en question le type d'intervention et probablement le type de résultat que nous avons avec les clientèles actuelles.

Mme Gadoury: Je pense que c'est important de préciser là-dessus que les centres Travail-Québec nous envoient déjà des gens. Cela va très bien pour autant que la personne choisisse de venir et quelle soit d'accord pour se présenter dans un SEMO. Ce n'est pas le fait que c'est le centre qui nous I'envoie. Je pense que cette précision est importante.

Mme Harel: Pour vous, le caractère volontaire est une condition fondamentale pour la réussite du plan de formation?

Mme Gadoury. Oui.

Mme Harel: Comment concevez vous donc cette proposition ministérielle pour inciter à la participation à ce cheminement par un rabattement des barèmes des prestations, s'il n'y a pas participation?

Le Président (M. Leclerc): Mme Tessier.

Mme Tessier: Le fait de se faire couper ses prestations ou d'avoir du mal à survivre peut effectivement être un incitatif à faire quelque chose. Par contre, quel succès peut-on attendre d'une personne qui fait une démarche dans l'anxiété et la panique? On est probablement en mesure de vous dire que ce n'est pas une mesure incitative. Quand I'anxiété se crée dans un groupe parce qu'un chèque a été coupé ou parce que quelqu'un s'est trompé, et on est bien en mesure de vous le dire, plus personne ne comprend et n'est en mesure d'entendre ce qu'il y aurait de bon à entendre pour pouvoir intégrer le marché du travail. Donc, ce serait sûrement incitatif pour les gens de circuler dans des mesures d'employabilite, mais incitatif au travail, j'en doute beaucoup. Cela ne crée pas de bonnes conditions.

Le Président (M Leclerc): M. Fortin.

M. Fortin (Daniel): Je pourrais peut être ajouter une autre chose là-dessus. Vu l'état de résignation dans lequel se trouvent beaucoup de bénéficiaires, le simple fait de se faire couper leurs prestations n'est pas quelque chose de dynamique ou quelque chose qui les stimule, mais plutôt quelque chose qui risque d'être vécu beaucoup plus comme un écrasement.

Mme Harel: Alors vous concevez qu'une société qui voudrait se porter responsable à I'égard de ceux et celles qui ont ces difficultés à cheminer... Malgré que j'aie bien noté dans votre mémoire, et je pense que c'est un élément important, que vous dites à ia page 10: En pratique le manque de jobs provoque la dévaluation de l'employabilité des personnes elles mêmes. L'employabilité des personnes est un élément nouveau jusqu'à maintenant à la commission, ce n'est pas simplement du fait d'un manque de formation, d'un manque de scolarisation ou non seulement de la durée d'absence du marché de l'emploi, c'est aussi, et vous I'expliquez bien le manque de jobs qui est un facteur de dévaluation de I'employabilité. Et vous dites: "Si pour chaque nouveau poste ouvert il se présente 50 candidats, I'entreprise, spontanément, peut juger que les trois quarts ne sont pas suffisamment "employables". Le fait est qu'une seule candida-

ture sera retenue. " Ce qui était, disons, nécessaire pour être employé il y a dix ans pour faire de l'entretien dans des bureaux ne l'est plus maintenant et le niveau d'employabilité a simplement changé parce que la concurrence est plus féroce pour occuper le poste. C'est ce que je dois donc conclure de votre mémoire?

Donc, une société qui voudrait faire face à ce défi, qui n'est pas seulement celui de la personne, mais de la société, plutôt que de substituer des barèmes d'allocations, devrait investir dans les plans de formation. C'est ce qu'on doit comprendre de votre mémoire. Est-ce bien le cas?

M. Daigneault (Marc): C'est cela, dans des plans de formation qui mènent à des emplois réels. Ce qui se passe, c'est que les gens qui sont bénéficiaires de l'aide sociale ont besoin d'une période tampon entre l'aide sociale et le marché du travail où ils vont être soutenus de façon personnelle par des organismes parce que ce n'est pas tout d'avoir des emplois à offrir à ces gens. Si on offre seulement des emplois et qu'on n'offre pas le support qui va leur permettre de passer d'une étape à l'autre... Car il faut considérer que ces gens sont dans un état psychologique, physique, très différent d'une personne apte à occuper un emploi. Alors, il faut même, lorsqu'on a des jobs à offrir à ces gens, donner l'aide qui va leur permettre de franchir cette étape de façon qu'ils puissent conserver leur emploi par après.

Mme Harel: Une vraie réforme consisterait à offrir un soutien aux personnes qui ont actuellement des difficultés, mais dans une démarche qui serait d'une incitation positive. C'est ce qu'on doit comprendre.

M. Daigneault (Marc): C'est cela.

Mme Harel: Comme c'est le cas actuellement, disons, pour une partie de la clientèle que vous recevez, à qui vous donnez le soutien. C'est cela qu'il faut comprendre.

M. Daigneault (Marc): Oui.

Mme Harel: Vous nous avez certainement amenés à réfléchir beaucoup sur la période tampon. Celle que vous appelez, je pense que c'est Mme Tessier, cette période de recherche infructueuse qui, pour un très grand nombre, a duré 52 semaines. Les 52 semaines d'assurance-chômage, pendant lesquelles s'est développée cette dynamique que nous a expliqué la Corporation des psychologues, hier. D'abord, l'optimisme, ensuite la frustration et, ensuite, la résignation et l'apathie. C'est surtout pendant ces 52 semaines... Et là, vous recevez à ce moment, où vous dites que le purgatoire de neuf mois... Le ministre d'ailleurs disait, je pense, que c'est un petit temps d'arrêt. Concevez-vous que ce petit temps d'arrêt est mal localisé?

Mme Tessier: Justement, un petit temps d'arrêt comme si c'était pour se reposer, avec allocation réduite, alors que ces gens ont déjà connu douze mois avec chômage, ce qui, évidemment, n'est jamais suffisant. Je considère que ce n'est pas vraiment nécessaire et c'est même beaucoup inutile. On reçoit énormément de gens qui sont dans les dernières semaines de chômage, essoufflés, en besoin tout de suite et prêtes à faire quelque chose immédiatement. Si nous, on doit, ou n'importe qui, ou n'importe quelle mesure, dire à ces gens: Vous reviendrez dans neuf mois quand cela ira encore plus mal, reposez-vous, ou bien faites de petites recherches, même si vous avez épuisé, continuez à tourner en rond. Je pense que cela ne peut pas être bon pour ces personnes. Ce n'est pas une bonne période.

M. Daigneault (Marc): Je vais ajouter quelque chose là-dessus. Si vous vous souvenez du processus que les psychologues vous ont présenté hier, après douze mois, je pense que les gens sont rendus à ce qu'ils appellent l'étape d'apathie. L'étape d'apathie, c'est une étape où les gens vivent quasiment une dépression. La pire chose à faire pour une personne en dépression, c'est qu'elle parte en vacances ou la laisser seule. C'est à ce moment qu'elle a le plus besoin d'encadrement.

Mme Gadoury: Et dans les SEMO, on permet aux gens de faire le point, justement, à ce moment.

M. Fortin (Daniel): Peut-être un autre élément aussi. C'est que la période de stress ou la période d'anxiété, la période où les énergies sont mobilisées, c'est justement la période qui précède l'entrée à l'aide sociale. Les gens ne veulent pas entrer à l'aide sociale et le fait de recevoir le premier chèque, ça fait baisser l'anxiété. À ce moment, le dynamisme n'est plus là. Je pense que c'est juste avant qu'ils entrent à l'aide sociale qu'il faudrait que l'aide leur soit apportée. C'est à ce moment que les SEMO sont utiles parce qu'on ne reçoit pas uniquement des gens qui sont bénéficiaires, mais aussi des gens qui veulent, normalement, tout simplement se trouver un emploi.

Mme Harel: Mme Tessier, vous voulez dire quelque chose?

Mme Tessier: C'est pour des gens qui ont besoin d'autres types de services, à ce moment parce qu'ils vivent réellement une période de dépression, ou pour les femmes qui vivent un déséquilibre familial, ou pour les jeunes qui viennent de partir de chez eux, qui se retrouvent dans la situation de recevoir de. l'aide sociale, s'ils ont besoin d'autres types de services, on est

en contact avec tous les autres types de services qu'il peut y avoir dans le milieu, et on fait appel à toutes les formes d'aide utiles. Mais, surtout, on n'envoie pas la personne attendre ailleurs. On va la prendre en charge. On va lui faire faire une autre étape dans son cheminement personnel et la recevoir tout de suite après, puis la suivre dans sa démarche personnelle pour qu'elle n'abandonne pas l'espoir de trouver ou de retrouver un jour son autonomie financière, même si cela doit passer par des démarches personnelles.

Mme Harel: Je pense que votre expérience est très précieuse parce que, d'une certaine façon, cela remet totalement en question les cheminements que l'on retrouve dans le document d'orientation. Il y a d'autres organismes qui nous en ont parlé, mais vous êtes vraiment le premier à nous décrire si bien ce qui se vit sur le plan personnel dans ces périodes, comme vous le mentionniez, à la fin de la période de chômage, quand c'est toute l'intensité, la fébrilité qui est mobilisée à cette période avant même de recevoir. C'est le premier chèque qui fait relâcher, d'une certaine façon, pas seulement le désir, mais aussi la conviction de pouvoir s'en sortir. Je me demande si on ne devrait pas recommander au ministre de négocier avec son homologue fédéral pour que ce soit pendant la période de chômage, pendant la période de 52 semaines, qu'il y ait, d'une façon intensive, des mesures d'employabilité, de relèvement de I'employabilité, pour celles des personnes qui ne pourront pas, toutes seules, faire face à tout ce que vous nous avez décrit comme facteurs de dévaluation de leur employabilité. Si ce n'est pas bien plus à cette période là, si son intention... Vous savez, en politique, on présume toujours de la bonne foi des gens, c'est la mauvaise foi qui se prouve. Alors, on présume qu'étant de bonne foi, avec l'expertise qui lui est transmise, c'est dans la pénode de 52 semaines, dans les premières périodes de chômage, au moment ou la personne est mobilisée, que les mesures de relèvement de l'employabilité devraient massivement être offertes. Vous voulez...

Mme Tessier: Peut-être, effectivement, que c'est dans cette période que ce serait le plus profitable, c'est de la médecine préventive, des médecines douces. Par contre, je pense qu'une mesure de relèvement de l'employabilité, c'est surtout utile au moment ou la personne se dit prête. C'est souvent pendant les 52 premières semaines, mais c'est aussi quand une personne est prête, qu'elle vient nous voir volontairement et qu'elle a décidé de s'en sortir, peu importe pour quelle raison. Pour beaucoup de femmes c'est parce que la famille est élevée, même si elles ont été au bien-être social; les enfants sont à I'école, la femme a vécu son divorce, bon! C'est au moment où elle est prête qu'il faut la prendre. Évidemment, ce serait préventif et peut- être meilleur pour le moral de tout le monde et pour la santé de la société que ce soit pris pendant les 52 premières semaines.

Mme Harel: Votre expérience vous démontre-t-elle qu'un des mobiles, disons, un des motifs pour se motiver à ce cheminement serait justement de ne pas tomber sur le bien-être social?

Mme Tessier: Ou de s'en sortir...

Mme Harel: De s en sortir une fois...

Mme Tessier:... le plus rapidement possible.

Mme Harel: Mais avez-vous I'impression que, par exemple, pour les personnes en chômage qui ont, pendant leurs 52 semaines...

Mme Tessier: Oui.

Mme Harel:... la crainte du bten-être...

Mme Tessier: Oui.

Mme Harel:... est un début, disons...

Mme Tessier: L'humiliation.

Mme Harel: Cela reste perçu comme une humiliation.

Mme Tessier: C'est I'humiliation d'en arriver là.

Mme Harel: Donc, c'est avant d'en arriver là qu'il faut faire quelque chose; c'est bien cela!

Mme Tessier: Oui.

Mme Harel: Je ne sais pas combien de temps il me reste...

Le Président {M. Laporte): Trois minutes. Mme Harel: Trois minutes.

Le Président (M Laporte): Un petit peu moins de trois minutes.

Mme Harel: Bon, trois minutes pour entendre de vous ce que vous avez à dire sur le rôle des conseillers.

À la page 20, vous nous avez décrit la situation qui prévaudrait avec la combinaison de rôles que le document d'orientation attribue aux conseillers, un rôle de contrôle et un rôle de soutien. Est-ce que vous pensez que cela remet de toute façon complètement en question les bonnes intentions présumées de plans de formation?

M. Daigneault (Marc): Moi, |e pense que

oui. Ce sont deux choses complètement incompatibles. Comme psychologue, conseiller en orientation, je pense que, pour établir une relation d'aide avec quelqu'un, il ne faut pas qu'il y ait de possibilité de sanction derrière cela, sinon la relation d'aide ne peut pas exister. Ce qui va exister, c'est une relation entre deux gens qui essaient de s'en sortir le mieux possible. Bien sûr, iI y a une personne là-dedans qui détient toute l'information et le pouvoir de faire ce quelle veut avec cette personne-là, mais c'est incompatible avec les critères qui existent, à l'heure actuelle, en relation d'aide afin de pouvoir justement établir un plan efficace de développement de l'employabilité et de réintégration au marché du travail. Ce sont deux rôles complètement incompatibles à nos yeux. {It h 15)

Mme Harel: Votre recommandation de partage du logement, j'aimerais vous entendre parier de cette question.

Mme Tessier: Nous pensons que partager un logement, quand on est défavorisé financièrement et à plusieurs points de vue, c'est bon d'encourager, mais pas de se faire couper un chèque parce qu'on partage un logement. On est complètement contre la notion de coupure de chèques pour le partage du logement. Mais on est d'accord pour que les gens soient encouragés à mieux s'organiser pour que la survie soit moins difficile, qu'ils partagent un logement, peu importe qu'ils soient conjoints ou non. Partager un logement dans ce cas, cela permet une vie plus facile tout simplement.

Mme Harel: II y a tellement de complexité, vous nous avez aussi alertés à une autre dimension qui avait beaucoup échappé à la commission. Le jeune qui, du fait d'être considéré comme dépendant et que le test de revenus des parents écarterait de l'aide sociale...

Le Président (M. Laporte): Mme la députée en conclusion.

Mme Harel:... en conclusion, ce jeune serait aussi écarté des mesures d'employabilité, donc, des services SEMO. C'est bien le cas?

Le Président (M Laporte): Vous pouvez peut être adresser les remerciements d usage.

Mme Harel: Mes remerciements à vous qui représentez aussi le mouvement SEMO. J'ai eu l'occasion de bien les connaître avec SORIF et Emploi Jeunesse dans Hochelaga Maisonneuve. Je connais le travail que vous réalisez. Ce travail qui n'a pas été réalisé par I'institutionnel. Merci infiniment de l'expertise que vous avez apportée devant la commission. Je ne sais pas si elle peut convaincre le ministre, mais je sais que vous devriez être des partenaires écoutés du ministère sur la question de l'employabilité.

Le Président (M. Laporte): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voudrais remercier, mais profiter également de l'occasion pour dire qu'il y a un élément sur lequel vous semblez être tombés d'accord avec Mme la députée de Maisonneuve et sur lequel je ne suis absolument pas d'accord. Lorsque vous avez mentionné qu'on agirait par prévention en convainquant le gouvernement fédéral de commencer à s'occuper des chômeurs pendant la période de 52 semaines. Je ne peux pas être d'accord. Ce que nous avons négocié et ce que nous avons réussi à obtenir, c'est qu'on commence à s'en occuper lorsqu'on détecte des possibilités de perte d emplois dans les entreprises parce que l'équipement est trop usagé, etc. II y a de la prévention qui doit se faire avant même que les 60 % de notre clientèle perdent leur emploi. Là-dessus, dans le passé les gouvernements ne sont pas intervenus - je ne me souviens pas qui était au gouvernement - assez rapidement. C'est une nouvelle approche que nous avons prise de façon à permettre à ces travailleurs et à ces travailleuses de conserver leur emploi. II y a une deuxième étape qui est faible présentement et sur laquelle je prends votre avis et votre conseil, soit qu'il faut continuer a travailler à négocier avec le fédéral pour ne pas les abandonner complètement pendant les douze mois et pour ne jamais les abandonner. En disant "jamais les abandonner", là, je rejoins la vocation des SEMO. Tantôt la députée de Maisonneuve a dit: II y a des gens qui n'ont pas la capacité de compléter leurs études.

Le Président (M Laporte): En conclusion, s' il vous plaît!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, pour vous remercier.... leurs études secondaires, etc.

Vous, vous refusez d'abandonner la clientèle la plus difficile de l'aide sociale. Pour le travail que vous faites au nom de ces clients et du gouvernement je vous dis merci.

Le Président (M Laporte): Je tiens à remercier les représentants des Services externes de main-d'oeuvre pour la présentation de leur mémoire. J'inviterais les représentants de la Commission jeunesse du Parti liberal du Québec à s avancer

Étant donné les délais qui nous sont impartis, j'inviterais les membres de la commission à prendre leur siège. Merci.

Je voudrais premièrement, souhaiter la bienvenue au représentant de la Commission jeunesse du Parti liberal du Quebec. Je rappelle la procédure à suivre, à savoir que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et que, par la suite il y a 40 minutes reparties entre les formations politiques sur des questions plus précises à être posées justement à la suite de la

présentation. Oui, M. Gauthier.

M. Gauthier (Joël): Oui, Juste une question. Si on ne prend pas les 20 minutes parce qu'on veut être bref pour avoir plus de temps pour répondre aux questions, est-ce qu'on va nous laisser une heure quand même?

Le Président (M. Laporte): Oui. M. Gauthier: Oui, merci.

Le Président (M. Laporte): C'est une heure quand même.

Mme Harel: On partage vraiment le temps entre les formations politiques.

Le Président (M. Laporte):... équitablement. M. Gauthier, si vous voulez vous présenter de même que les membres ici présents avec vous et, par la suite, commencer la présentation de votre mémoire.

Commission jeunesse du Parti libéral du Québec

M. Gauthier: Oui, cela nous fait plaisir, M. le Président. À ma droite, pour présenter le mémoire de la commission jeunesse avec moi, Mme Marie Gendron, conseillère politique à la commission jeunesse; à ma gauche, M. Jean Daigneault, conseiller jeune à l'exécutif national du parti, et moi-même, Joël Gauthier, président de la Commission jeunesse du Parti libéral.

Premièrement, je voudrais commencer par remercier les membres de cette commission d'avoir accepté la présentation que la commission jeunesse fait aujourd'hui. Je souhaite que les recommandations que nous apporterons pourront être prises en sérieuse considération.

Réformer le régime de l'aide sociale, c'est une volonté qui date. Le pourquoi d'une réforme du régime de l'aide sociale date probablement du déroulement ou du changement de la clientèle qu'il y a eu au cours des dernières années. Entre autres, la crise économique de 1982 a fait en sorte qu'il y a eu un bouleversement dans les clientèles du régime de l'aide sociale, ce qui fait qu'aujourd'hui, le régime est composé des personnes dont environ 75 % sont aptes au travail et 25 % inaptes.

Le Parti libérai du Québec avait, de par sa commission jeunesse, lors de la dernière campagne électorale, publié un document qui s'appelait "Pour une réforme en profondeur", document de novembre 1985, où il faisait état de l'action qu'il voulait poser lors de la prise du pouvoir par l'éventuel gouvernement libéral. De ce document-là, les grandes lignes étaient d'assurer une équité entre chacun des bénéficiaires, d'abolir la discrimination basée sur l'âge, de faire une distinction entre les bénéficiaires sur l'aptitude et l'inaptitude au travail, de créer des programmes pointu, où la participation déterminerait le montant des prestations, et de réviser les barèmes pour tenir compte des besoins, parce que les barèmes étaient basés sur te Dispensaire diététique de 1949. La problématique, pour nous, selon notre analyse dans le mémoire, se situe seulement pour la question jeunesse. On s'en excuse. Au sujet de la problématique pour les moins de 30 ans, ce qu'on constate, c'est que les bénéficiaires de moins de 30 ans qui sont sur le régime de l'aide sociale sont peu scolarisés et que 40 % d'entre eux n'ont aucune expérience de travail.

La présente réforme proposée par le ministre s'inscrit aussi dans une démarche qu'on pourrait qualifier d'internationale. Si on regarde la République fédérale allemande, la Grande-Bretagne et les États-Unis, au cours de la présente décennie, chacun de ces pays a fait en sorte de réformer son système d'aide sociale pour assurer de donner des outils ou assurer une réinsertion des bénéficiaires de l'aide sociale.

Les trois grands objectifs de la réforme proposée sont, pour nous, les suivants. Dans un premier temps, le programme Soutien financier. Les objectifs de ce programme sont d'assurer de meilleures conditions de vie aux personnes qui sont inaptes au travail. Je pense que c'est de la vertu, on ne peut pas être contre l'objectif de Soutien financier.

Le deuxième objectif de la réforme proposée, le programme APTE, Actions positives pour le travail et l'emploi. Donner des outils pour favoriser la réinsertion, pour favoriser une meilleure formation aux bénéficiaires d'aide sociale pour que ces derniers puissent retourner sur le marché du travail et obtenir des emplois décents. Dans un deuxième temps, abolir la discrimination basée sur l'âge. Je pense que c'est, encore une fois, de la vertu et on ne peut pas être contre le fait de donner des outils ou de tout faire en sorte pour favoriser les bénéficiaires de t'aide sociale.

Le troisième objectif de la réforme, ie programme APPORT. Soutenir les familles à faible revenu et ce, mensuellement, pour qu'elles demeurent sur le marché du travail et faire en sorte qu'elles ne retournent pas sur l'aide sociale. Je pense que c'est encore une fois de la vertu, et on ne peut pas être contre ce principe ou ces objectifs.

En ce qui a trait aux modalités qui sont proposées dans le document d'orientation "Pour une politique de sécurité du revenu", il nous apparaît que certaines d'entre elles contrecarrent les objectifs, notamment, la contribution alimentaire. Le gouvernement veut recréer le lien de solidarité familiale dans chacune des familles, mais la façon dont il le choisit, dont cela est amené, fait en sorte qu'il y a, pour nous, une discrimination implicite. Et cette discrimination, d'après notre évaluation, serait sur les moins de 25 ans. C'est une discrimination implicite de par les critères de dépendance ou d'indépendance qui

ont été choisis - on reviendra tantôt à la détermination - mais les sept critères qui sont mis de l'avant. Dépendance envers les parents et non l'inverse. On oublie tout le principe des obligations filiales dans ces modalités d'application et pourtant on en fait état à la page 17 du document d'orientation. Donc, à cause de ces critères, nous estimons que cette discrimination sera sur les moins de 25 ans. L'autre chose, de par les critères qui sont choisis par le ministre pour apporter la contribution alimentaire, c'est qu'il se base sur les critères de prêts et bourses. Nous jugeons que ces critères sont un petit peu désuets. Le ministre n'est certainement pas sans savoir qu'il y a une réforme complète du régime de prêts et bourses qui s'en vient. Donc, raison de plus pour peut-être remettre en question la contribution alimentaire.

Dénuement total. Il y a une clause de dénuement total qui est mentionnée dans le document, dans un paragraphe, je crois, de la page 41, qui n'est pas définie. Pour nous, il y a plusieurs questions. Avant de pouvoir accepter une contribution alimentaire, la clause de dénuement total devrait être définie, pour savoir comment serait reconnu un bénéficiaire qui serait dans une situation de dénuement total. Qui déterminera que ce bénéficiaire-là est dans une situation de dénuement total? Lorsque la contribution alimentaire ne sera pas versée, est-ce que le jeune se retrouvera dans une situation de dénuement total, oui ou non? Ce sont des questions qui sont sans réponse dans le document d'orientation.

Il y a un autre aspect aussi qui fait en sorte qu'on remet en question cette contribution alimentaire, c'est l'appauvrissement ou l'effet qu'elle peut avoir sur les bénéficiaires comme incitatif à participer aux mesures d'employabilité. Et principalement, ce sont les moins de 30 ans qui, à cause de cette contribution, auront moins de prestations que présentement pour participer aux mesures d'employabilité. Moins de prestations et toujours le dilemne qu'il peut y avoir de retourner dans le cercle vicieux. Donc, pour ces raisons - et j'espère avoir l'occasion d'en discuter avec les représentants de la commission - nous remettons en question cette partie qu'on appelle contribution alimentaire, et nous aurons certainement des solutions à vous proposer dans quelques minutes.

Deuxième volet de notre mémoire: parité ou abolition de la discrimination basée sur l'âge. Cette section découle d'un engagement électoral ferme du Parti Libéral du Québec au cours de la dernière campagne et qui disait d'abolir la discrimination basée sur l'âge. Le document d'orientation proposé en fait état noir sur blanc. Il y est déclaré dans les premières lignes qu'il faut abolir cette injustice. Ce qu'on constate c'est qu'on est heureux que le gouvernement dise que, oui, il faut l'abolir. Il faudrait peut-être voir dans l'application, pourquoi encore 18 mois. J'espère avoir l'occasion de vous proposer des solutions au cours des prochaines minutes et au cours de nos entretiens tantôt. Pour nous, il y a certainement d'autres solutions pour résorber cette discrimination dans les plus brefs délais plutôt que d'attendre 18 mois.

Troisième partie de notre mémoire: programme d'employabiiité. Pour nous, la question de formation nécessaire ne peut être dissociée de l'emploi. Il est important d'assurer une formation nécessaire à chacun des bénéficiaires pour qu'ils aient un emploi. Autre chose, notre évaluation ou notre estimation fait en sorte que nous évaluons que tout gouvernement, indépendamment de son parti politique, vise l'objectif du plein emploi, et je pense que l'actuel gouvernement le fait. Mais notre croyance ou notre estimation fait en sorte que nous croyons, oui, en la nécessité des programmes d'employabilité, mais nous croyons qu'elle doit passer par la création d'emplois qui, elle, doit être liée à la croissance économique et non pas à la création de programmes d'emploi. À cela, nous arrivons avec des solutions dont, j'espère, nous aurons l'occasion de discuter, soit la mise en place de programmes volontaires de partage du temps de travail et l'arrimage de certains programmes d'employabilité avec les programmes d'adaptation de la main-d'oeuvre que le gouvernement fédéral a promis de mettre en application dans le cadre de l'entente de libre-échange. Voici donc un bref résumé de ce que la commission jeunesse a écrit dans son mémoire, de ce qu'on entend défendre au cours de cette commission parlementaire. Et, sur ce, on vous laisse poser vos questions. (11 h 30)

Le Président (M. Laporte): Merci, M. Gauthier.

Nous allons maintenant passer à la période de questions. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans un premier temps, je veux remercier les membres de la Commission jeunesse du Parti libéral, non seulement de leur mémoire et de leur présence, mais aussi de leur influence sur l'appareil politique québécois, non pas depuis hier, mais avant les élections, pendant les élections et, je vous prie de me croire, après les élections.

La clientèle de l'aide sociale, je le répète et je ne le dirai pas assez souvent, est formée, dans l'ensemble, de 25 % de ménages incapables de travailler. Parmi les gens capables de travailler, 36 % d'analphabètes fonctionnels, 60 % n'ont pas complété leur secondaire et 40 % n'ont pas d'expérience de travail. Ces statistiques s'appliquent également, sans grande variation, chez les jeunes de moins de 30 ans. Étant donné qu'on est ici pour discuter principalement de la question des jeunes de moins de 30 ans, je n'ai pas l'intention de tenter de noyer le poisson et de vous parler de l'ensemble. On va tomber immédiatement dans la clientèle qui vous intéresse plus particulièrement.

Janvier 1986, 147 795 jeunes de moins de 30 ans, chefs de ménage, bénéficiaires de l'aide sociale. Deux ans plus tard, janvier 1988, 106 700, soit une baisse de 41 095 jeunes pendant cette période. Les 106 700 vont tous obtenir ce que j'appelle la parité pure, limpide et claire. II reste le cas des autres 25 % à régler. Les 17 000, selon les chiffres de la clientèle de mars 1987, qui seraient affectés ou dont les prestations seraient complètement coupées par l'application d'une notion de contribution alimentaire parentale, et les 8000 qui seraient affectés de différentes façons, certains à la hausse comparativement à ce qu'ils ont présentement et certains autres à la baisse, si on part du montant de 178 $... C'est toujours difficile de dire à des jeunes: Vous n'avez pas tout obtenu à 100 %. Ce qu'on vous dit c'est qu'à 75 %, je me sens très à l'aise de vous répondre.

Je n'ai pas l'intention de traiter des 75 % plus longtemps, sauf pour vous souligner que la contribution alimentaire parentale ne s'applique pas à tout le monde, comme cela a été dit. Cela ne s'applique pas dans 75 % des cas. Pour les 25 % des cas qui nous restent, on a des choix à faire. Vous avez parlé tantôt de contribution alimentaire parentale. Mais qu'en est-il en sens inverse? Est-ce que cela va venir un jour? Vous avez peut-être une boule de cristal et vous réalisez peut-être qu'avec les courbes démographiques, un jour, lorsque vous serez à l'autre bout, on vous demandera de payer en sens inverse ou de calculer en sens inverse? Pour le moment, comme ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, j'ai la responsabilité d'administrer en fiducie le programme du dernier recours, et cela m'oblige a tenir compte des autres programmes dans l'appareil gouvernemental.

II y a un autre programme que je connais bien, parce que j'en ai bénéficié, et que vous connaissez bien également, parce que c'est le même dont j'ai bénéficié, qui s'appelle le régime de prêts et bourses aux étudiants. On m'indique, on m'informe, on me dit et on m'a convaincu que, de la même façon, si on ne conserve pas une incitation au travail en fonction du salaire minimum et si on n'introduit pas une notion de contribution alimentaire parentale identique à celle des prêts et bourses aux étudiants, nous incitons les jeunes que vous représentez en rendant, sur le plan financier, la situation beaucoup plus attrayante, parce qu'il ne s'agit pas de prêts, mais qu'il s'agit de sommes versées et de sommes beaucoup plus importantes, à abandonner leurs études et à devenir des prestataires de l'aide sociale. Est-ce que c'est là un objectif que vise la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec?

M. Gauthier: Si je comprends bien le ministre, la principale raison de I'implantation d'une contribution alimentaire serait d'éviter un transfert de clientèle entre prêts et bourses et aide sociale. Est-ce bien ça?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une façon de le formuler, mais disons que j'aime autant la mienne quand je dis "inciter les jeunes à quitter les études pour devenir des bénéficiaires de l'aide sociale".

M. Gauthier: Donc, on dit la même chose, mais c'est votre principale raison.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

M. Gauthier: À cela, M. Paradis, je vous dirai qu'il y a d'autres moyens pour faire en sorte qu'on n'incite pas un transfert de clientèle de prêts et bourses vers l'aide sociale. Si vous avez lu notre mémoire, vous verrez qu'il y a une section pour expliquer ce que je ferai dans les prochaines minutes. À notre avis, il y a certainement des moyens qui peuvent être pris pour éviter un transfert de clientèle de prêts et bourses à l'aide sociale. La solution qu'on vous suggère ou qu'on demande au ministre de mettre en application ou d'étudier serait, premièrement, que, dans les critères d'admissibilité à l'aide sociale, un bénéficiaire puisse suivre jusqu'à un maximum d'un cours ou trois credits postsecondaires et qu'une personne qui étudierait pour deux cours ou plus ou trois crédits ou plus deviendrait admissible au régime de prêts et bourses, ce qui ferait en sorte qu'il devrait y avoir un arrimage entre le MMSR et le ministère de l'Éducation, et que celui-ci ait à octroyer de l'aide financière pour les étudiants a temps partiel. II y a présentement 30 000 étudiants à temps partiel qui ne bénéficient d'aucune somme de l'État. En prenant cette solution-là, je pense, d'abord, que le ministre a les outils nécessaires pour s'assurer qu'il n' y aurait pas de transfert de clientèle. Deuxièmement, cela permettrait aux jeunes du Québec de pouvoir parfaire leur formation et avoir une subvention ou une aide de l'État, ce qu'ils n'ont pas présentement parce qu'on sait que le régime de prêts et bourses c'est pour douze crédits ou plus quatre cours ou plus. C'est la solution qu'on propose. En appliquant ce quon propose, le ministre éviterait le transfert de clientèle de prêts et bourses à l'aide sociale et n'aurait même pas besoin de mettre une contribution alimentaire qui toucherait 17 000 jeunes.

Mme Gendron (Marie): Si je peux juste ajouter quelque chose, lorsque vous parliez tout à l'heure de la contribution alimentaire parentale ou du beau principe de solidarité familiale, vous nous disiez qu'on a réglé le problème pour à peu près 75 % des gens. On ne peut pas parler d'abolition de discrimination à 75 %. Si on abolit, c'est à 100 %, sinon il faut changer le terme

Si on n'introduit pas une notion d'obligation filiale quand on parle du principe de solidarité familiale, si on ne se concentre que sur la

contribution alimentaire parentale, cela reste discriminatoire, et pas à 25 %, cela reste un principe discriminatoire. Si on veut que ce principe ne le soit pas et n'inclue pas une discrimination implicite basée sur l'âge, il faut, et dans notre cas c'est sine qua non, qu'on parle d'obligation filiale.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce sont les revendications des jeunes libéraux, on n'a pas vu les jeunes péquistes encore.

Sur le plan des principes, vous avez raison, madame, mais j'ai indiqué à M. Gauthier tantôt que le programme dont j'ai la responsabilité est celui du dernier recours et que, si je le rends plus intéressant que le salaire minimum décrété par le ministre du Travail ou si je le rends plus intéressant que le régime de prêts et bourses décrété par le ministre de l'Éducation, je crée de la distorsion qui peut avoir des effets contraires et même pervers chez les clientèles.

En fonction du salaire minimum? Ce n'est pas compliqué, ce que je fais. J'invite les gens qui travaillent au salaire minimum à quitter leur emploi et à devenir, au Québec, des bénéficiaires de l'aide sociale. En ne calquant pas cette contribution alimentaire parentale sur celle des prêts et bourses aux étudiants, je dis à vos jeunes. Quittez vos études, venez-vous en à l'aide sociale, financièrement, vous allez être beaucoup mieux.

J'ai maintenant une proposition qui est mise sur la table. Un deux ou trois crédits, il y a 30 000 jeunes qui sont aux études à temps partiel qui ne sont couverts ni par le régime de prêts et bourses aux étudiants ni par le régime d'aide sociale? Vous nous demandez de faire preuve d'ouverture d'esprit, de souplesse, dans I'intention de pouvoir déclarer que le principe de la parité est là et appliqué à 100 % sans doute. C'est intéressant comme approche pour autant qu'on est concerné, mais on ne pourra bouger que si le ministre de l'Éducation bouge. Et j'ai oui dire que vous aviez ces jours-ci des rencontres avec le ministre de l'Éducation, cela pourrait possiblement faire partie des sujets que vous aborderez avec lui dans le but de détendre l'atmosphère.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Gendron: M. Paradis on a vu, par votre projet de réforme, que vous avez quand même eu un instinct assez innovateur. Comme on a considéré les critères des prêts et bourses assez désuets, il y aurait peut-être lieu, encore une fois, d'innover dans ce domaine.

M. Gauthier: À cela, si je peux ajouter, le ministre, par le projet de réforme qu'il a déposé, a dû faire des rencontres, s'accorder, avoir des ententes avec le Conseil du trésor, le ministre des Finances et avec d'autres bureaux. Une rencontre de plus avec le ministre de I'Éducation ne sera certainement pas quelque chose auquel vous n'êtes pas habitué ou que vous n'êtes pas capable de faire. On vous demande donc d'innover et d'y aller avec la proposition qu'on vous fait.

M. Daigneault (Jean): M. Paradis, vous semblez partir de la logique que vous devez vous ajuster au ministère de I'Éducation. Ce qu'on vous demande, c'est plutôt de demander au ministère de l'Éducation de s'ajuster à votre programme.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le danger de cette logique - peut-être que j'aurais plus de marge de manoeuvre ou d'autorité pour répondre directement comme responsable du ministère - s'il fallait que le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu innove et que le ministère de l'Éducation ne bouge pas, le danger que je vous soulignais d'un passage de clientèles du monde scolaire au monde de l'aide sociale est, encore là, présent. Et est-ce qu'on peut, comme gouvernement et comme ministère, courir ce risque? Et là, je ne vous parle pas des coûts financiers.

M. Gauthier: Pour vous, est-il socialement acceptable que, du jour au lendemain, 17 000 personnes quittent le regime d'aide sociale et se retrouvent sans aucune forme d'aide?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les choix que nous avons à effectuer lorsque nous sommes de ce coté-ci de la table peuvent souvent s'effectuer entre la moins pire des situations, et c'est ce type de choix que reflète le document. Maintenant, je vous le dis et je vous le répète vous avez une proposition sur la table, je ne la rejetterai pas, je vais en discuter avec mon collègue de I'Éducation.

Le Président (M Laporte): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci. M. le Président. Je dois comprendre que nous avons finalement plus de temps que les 20 minutes qui nous sont imparties.

Le Président (M. Laporte): 25 minutes de chaque côte.

Mme Harel: Merci beaucoup, M. le Président. Je salue la Commission jeunesse du Parti libéral, M. Gauthier, Mme Gendron et M. Daigneault. J'ai assisté avec beaucoup d'intérêt à I'échange que vous venez d'avoir. Je pense que c'est vraiment important et intéressant aussi que nos formations politiques respectives aient une jeunesse qui à l'occasion peut être turbulente, mais qui est toujours consciente, d'une certaine façon, des enjeux. Et c'est un service que vous rendez, je pense, même ce matin, d'une

certaine façon, à votre gouvernement en venant lui rappeler, d'abord, ses engagements, mais aussi le sort de milliers de jeunes que vous souhaitez représenter.

Une première remarque que je pense importante parce que c'est, d'une certaine façon, inacceptable. À la lecture de votre mémoire, il m'est apparu de façon évidente que vous aviez eu accès à des informations et à des documents du ministère qui n'avaient jamais et qui n'ont, jusqu'à maintenant, jamais été rendus publics par le ministre. Ni les parlementaires de l'Assemblée ni les membres de cette commission ni les autres intervenants qui vous ont précédés ou qui vont vous succédé n'ont pu, eux, avoir accès à ces informations-là. {11 h 45)

Je pense, entre autres, à la page 24 de votre mémoire, à la référence que vous faites à une étude, dont nous souhaitons la publication par le ministre, "une étude, dites-vous, faite par le gouvernement du Québec sur le taux de réussite ou d'accès au marché du travail pour les bénéficiaires d'aide sociale qui ont participé à des mesures de développement de l'employabilité". Vous nous donnez des résultats de cette étude. Le moins qu'on pourrait souhaiter, c'est d'avoir, nous aussi, accès à ces études, de pouvoir vérifier si les résultats que vous nous dites sont ceux qui se retrouvent dans l'étude ou si, plutôt, le taux de persistance serait très faible. Le résultat que vous nous mentionnez dans votre mémoire ne vaudrait que pour les jeunes qui ont complètement terminé les mesures, et non pas pour ceux et celles d'entre eux qui les auraient quittées avant de les avoir terminées, et le taux d'abandon serait très élevé.

D'autre part, il est évident, également à la page 24, lorsque vous parlez d'une déduction de 100 $ pour la contribution alimentaire et d'une déduction de 115 $ pour le partage du logement, que vous avez eu au moment de la rédaction de votre mémoire et de son dépôt le 8 février, des informations privilégiées que nous n'avons pu obtenir que par des fuites d'informations qui ont été divulguées le 18 février par le Front commun des personnes assistées sociales. Vous conviendrez que, le ministre n'ayant pas encore confirmé les chiffres contenus dans le document confidentiel divulgué par le front commun, de les retrouver dans votre mémoire, pour un parlementaire, cela joue sur notre gros nerf. D'autant plus qu'à la page 33, vous retrouvez - c'est totalement inédit - et vous m'en avez appris - et cela fait des mois, je peux vous assurer, que je passe des heures et des semaines - vous nous donnez le scénario, je vous en remercie beaucoup, de l'augmentation graduelle pour les jeunes de moins de 30 ans.

Alors, franchement, merci! On aurait souhaité que cela vienne du ministre, cependant, mais vraiment, vous savez, les informations malgré tout, on les prend d'où elles nous viennent. C'est bien certain que c'est malheureux d'avoir à ne procéder, à ne donner un point de vue qu'avec des fuites et des omissions du ministre. Ce commentaire étant fait, je vais vous inviter à réagir à la déclaration du ministre voulant que - je pense que c'est 106 000 personnes, nous a-t-il dit - 106 000 jeunes auraient la "parité pure, limpide et claire". Celle pour laquelle vous aviez pris un engagement et celle qui fait dire à Mme Gendron que, pour cette catégorie de jeunes, ce serait l'abolition de la discrimination.

J'ai ici un tableau dont je vais vous faire parvenir copie, peut-être immédiatement, si c'était possible, ou même le distribuer, j'en ai des copies pour tous nos invités, pour le ministre aussi, pour les membres de la commission. C'est un tableau qui nous permet de voir que, même en participant pleinement aux mesures, une personne indépendante - j'ai aussi un tableau pour le jeune qui sera considéré comme dépendant - mais même pour celui qui aura la chance d'être considéré comme indépendant, en partageant son logement, ce qui, rappelons-nous, est le cas d'au moins 40 % des jeunes qui trouvent par cette forme de débrouillardise la seule façon d'arriver à boucler un budget et à pouvoir manger à la fin du mois, même en partageant un logement, donc, avec une pleine participation, et là je prends les catégories qui seraient les plus généreuses, parce que les autres, vous comprendrez bien, qu'elles renvoient bien moins que ce dont on va se parler, c'est un maximum, en participant pleinement à toutes les mesures, en 1989, d'allocation de 405 $ par mois qu'un jeune de moins de 30 ans, indépendant, qui partage un logement, obtiendrait avec la pleine "parité pure, limpide et claire". Celle qui lui était promise et qui lui permet présentement, en participant au programme, il ne faut pas l'oublier, d'obtenir, en 1988, 487 $ par mois. Cette participation au programme actuel d'un jeune de moins de 30 ans qui partage un logement et qui est indépendant de 487 $ par mois, avec la "parité pure, claire, limpide", va lui en donner 405 $ en 1989. Est-ce que c'est le type de parité que vous souhaitiez, d'une part, pour cette catégorie? D'autre part, dans votre mémoire - pour cela, je pense que je vous en félicite, c'est très clairvoyant - vous dites que la discrimination explicite serait écartée, mais qu'il y aurait introduction de la discrimination implicite. Concevez-vous que cette discrimination implicite, qui est facilement décrite - comme vous le signaliez, il s'agit des critères pour écarter les moins de 25 ans... Comme je le disais ici même à la commission, la police de Montréal, pendant des années, n'a pas eu besoin de dire qu'elle n'avait pas besoin de femmes ou de Vietnamiens, le critère de 5 pieds et 8 pouces suffisait pour les écarter. Alors, est-ce que cette discrimination systémique apporte les mêmes effets que vous dénonciez quand il s'agissait de discrimination, disiez-vous, explicite?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président.

Le Président (M. Laporte): Oui, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... peut-être avant la réponse, je pense que j'ai été mis en cause comme ministre, par la députée de Maison-neuve, concernant de l'information qui aurait été accessible à un groupe et pas à d'autres groupes. Je ne peux pas laisser passer cette affirmation sans répondre ce qui suit: En ce qui concerne les étapes de la parité, elles ont été rendues publiques par le ministère le 10 décembre, en conférence de presse. En ce qui concerne les 115 $ de partage du logement, je vous invite à prendre le document rendu public le 10 décembre, à la page 41 au bas de la page - des fois, il faut prendre le temps de lire avant de critiquer - on indique également: "Pour en tenir compte, les allocations mensuelles des chambreurs et des personnes partageant un logement seront réduites de 115 $ en 1989... " Si vous vous demandez où la commission Jeunesse a pris cela, c'est à la page 41.

En ce qui concerne l'information qui découle de la contribution minimale des. parents, il y est fait allusion à la page 44 du document d'information...

Mme Harel: Est-ce que vous pouvez le lire, M. le ministre?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, oui Mais est-ce que je peux compléter ma réponse?

Mme Harel: Certainement, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À la page 44, on lit ceci: "De plus, une contribution minimale des parents sera comptabilisée afin d'établir la prestation d'une personne dépendante. " Ce que la commission jeunesse a fait après avoir lu cette phrase, ils ont appelé au ministère et ils nous ont demandé combien c'était. On leur a dit. Si vous aviez appelé, on vous l'aurait dit.

Mme Harel: Ah! Ah!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La prochaine fois, prenez le téléphone.

Mme Harel: Et I'étude sur les mesures d'employabilité...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On est en train de verifier, on me dit que c'est une étude qui date de 1984 lorsque vous étiez au gouvernement

Le Président (M. Laporte): M. Gauthier.

M. Gauthier: Seulement pour répondre aux questions de la députée de Maisonneuve - vous posez beaucoup de questions lorsque vous en posez - on va les prendre une par une, Mme Harel.

La première question concernant une étude sur la pertinence ou la performance des programmes d'employabilité, je vous référerai - si jamais vous en voulez copie, j'ai la cassette dans mon bureau à la permanence de Montréal - à une entrevue sur une tribune radiophonique de Montréal que jai faite le 8 juin 1987 avec le député de Verchères qui était, à I'époque, critique de l'Opposition en matière de sécurité du revenu et Isabelle Courville qui est ici dans la salle, qui déclarait: À la suite d'une étude de 1984 de la ministre responsable, qui était Mme Marois, qui faisait état de la pertinence et de ce qu'iI y avait sur les programmes d'employabilité... J'ai cette étude à Montréal; si vous la voulez, je vous en enverrai copie.

Au sujet de la deuxième chose dont vous parliez, d'informations confidentielles sur les 420 $ par mois, I'hypothèse qu'on avait émise dans le mémoire, 420 $ moins 115 $ moins 100 $, comme le ministre Paradis I'a dit, nous, c'est à la page 39 du document d'orientation qu'on I'a. À la suite dun appel téléphonique pour savoir ce que serait une contribution alimentaire, on a eu une réponse. Pour le scénario graduel, dont vous nous remerciez, qu'on vous a présenté à la page 33 de notre document, on est bien fier de vous avoir informée, mais si vous aviez lu les journaux le vendredi 11 décembre, Le Soleil, André Forgues, et La Presse, Gilbert Brunet, ces informations étaient là et c'est de là que nous les avons tirées, on s'excuse de ne pas les avoir citées dans le document.

Cela étant dit, je m'excuse Mme la députée, c'étaient vos questions. Sur la discrimination implicite et la discrimination explicite ou sur la discrimination "pure limpide et claire", je pense que le ministre devrait nous répondre parce qu'on n a pas entendu la même chose. Il a dit tantôt 106 700 assistés sociaux, janvier 1988, dont 80 % ou 75 % auraient la "parité pure claire et limpide". Est ce que c'est 75 % des 106 000? Est ce que c'est cela qu on comprend?

Le Président (M Laporte): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cest ce que vous comprenez.

Le Président (M Laporte): M. Gauthier. M. Gauthier: Quelle était la question?

Le Président (M Laporte): Mme la députée de Maisonneuve

Mme Harel: La question: Est ce que cette "partie pure, claire et limpide" pour les 75 % des 106 000 vous agrée avec une réduction de 115 $

pour le partage du logement, ce qui fait qu'au mieux, même dans la catégorie des participants. Là, je reviens sur l'étude, parce que c'est de la mauvaise foi que d'avoir, dans un mémoire cité en 1988 une étude de 1984 au moment où à peine étaient ébauchés ces programmes, quand on sait que, maintenant on veut les étendre à une clientèle de 283 000 ménages et que l'on n'a actuellement aucune information qui nous permette de penser que ces programmes ont "per-formé" pour les 56 000 jeunes à qui ils étaient destinés. On n'a aucune information autre que celle qu'à peine 20 % de ceux à qui ces mesures étaient destinées les ont utilisées, malgré une très forte incitation financière que I'on sait être du double de la prestation des plus de 30 ans. Alors, si vous pouvez, vous, dans un document que vous nous soumettez en 1988, justifier l'application des mesures à I'ensemble du programme sur la base simplement de cette étude de 1984, je peux vous dire que vous vous satisfaites de bien peu. Moi, j'en demande beaucoup plus au ministre. Je demande au ministre qu'il rende publique l'étude des résultats des mesures d'employablilité, qui ont été utilisées depuis trois ans à titre expérimental avant de les étendre à l'ensemble des ménages du Québec. Alors, sur la "parité pure, claire et limpide" est-ce que le barème de 405 $ en 1989 pour un jeune indépendant - on reviendra tantôt pour le jeune dépendant - qui partage son logement quand il reçoit présentement 487 $, vous satisfait?

Le Président (M. Laporte): Oui, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur les dates de statistiques encore hier devant cette commission le Conseil canadien du développement social a cité des chiffres de 1984. Vous sembliez complètement satisfaite des chiffres de 1984. Pourquoi êtes-vous plus exigeante envers les jeunes qu'envers les gens qui sont plus âges dans la société?

Mme Harel: Voyons donc!

M. Chevrette: M. le Président ce n'est pas une competition! II y a des questions qui sont posées aux jeunes qui doivent répondre.

Mme Harel: Franchement.

Le Président (M. Laporte): M. le chef de l'Opposition. II m'est permis pour le bénéfice des parlementaires ici de voir si, à tout le moins, le ministre peut intervenir afin d'éclairer les membres de la commission. Là, je m'aperçois...

M Chevrette: II vient à la rescousse des jeunes qu'il les laisse faire?

Le Président (M Laporte): Je vous remercie de votre intervention, M. le chef de l'Opposition.

Mme Harel: Ils sont capables.

Le Président (M. Laporte): Présentement je vais reconnaître...

M. Chevrette: Ils ont écrit des choses, ils devraient être responsables.

Le Président (M. Laporte): Je vais présentement reconnaître M Gauthier.

Mme Harel: Ils ne sont pas inaptes, ils sont aptes.

Mme Gendron: Non, je vais répondre. Le Président (M. Laporte): Mme Gendron.

Mme Gendron: En ce qui a trait aux chiffres que vous donniez, madame, lorsque Joel a fait la présentation tout à l'heure, on a bien mentionné, quand on parle de contribution alimentaire et de partage du logement qu'il y a clairement un appauvrissement des jeunes. On ne peut pas s'opposer à cela, on est tout à fait d'accord avec vous que, lorsqu'on déduit de 520 $ les 115 $, cela nous donne 405 $. Effectivement ce n est pas la situation idéale.

En ce qui a trait à I'étude de 1984 sur laquelle on s'est basés, si on avait pu avoir les autres études, soyez certaine qu'on les aurait utilisées et qu'on les aurait argumentées au sein de notre mémoire. On ne les a pas eues. Et ce sont les chiffres que nous avons eus pour nous baser. On a essayé d'être plutôt professionnels que de mauvaise foi.

M, Chevrette: Vous n'avez pas téléphoné au ministre pour les avoir?

M Gauthier: On n'a pas accès a I'information confidentielle contrairement à ce que vous pensez

M. Chevrette: II dit qu'il vous les donne sur coup de fil.

Le Président (M. Laporte): Oui. Mme la députée de Maisonneuve.

M. Gauthier: C'est parce que ce n'était pas de I'information confidentielle, ce qu'il nous a donné.

Mme Harel: Mais, écoutez, je ne vous fais pas le reproche de ne pas avoir pu avoir d'autres études. Je crois que ce qu'on peut tous souhaiter c'est d'avoir les résultats de ces études, de ces mesures, qui n'étaient qu'expérimentales, et qu'on ait ces résultats avant qu'il y ait prolongation d'une façon automatique à I'ensemble des ménages du Québec. C'est évident que, dans un contexte, on peut très difficilement se baser sur I'étude de 1984, compte tenu du peu de durée et

du peu de possibilités qu'elle nous donne pour prolonger à partir de 1984. En tout cas, en ce qui nous concerne, ce serait nettement insuffisant, vous comprendrez, que de baser tout un virage uniquement sur des résultats qui étaient très parcellaires. Vous dites dans votre mémoire et si...

Mme Gendron: Je m'excuse. Cependant, nous demeurons d'accord avec le principe de programmes d'employabilité et de formation. Si on avait eu d'autres chiffres pour nous prouver que ceux de 1984, peut-être... On ne les avait pas, sauf que le principe de base reste que, selon nous, il est nécessaire de former les jeunes parce que 40 % d'entre eux n'ont jamais eu accès au travail, selon les chiffres qu'on avait tout à l'heure. Et on est d'accord avec cette approche d'investir dans des programmes de formation et d'employabilité plutôt que d'investir de prime abord dans des programmes de création d'emplois, seulement dans cela. (12 heures)

Mme Harel: Je pense qu'on peut se féliciter que ces programmes de formation aient été mis sur pied. Ce qu'on peut souhaiter, c'est par ailleurs que - c'est ce que les groupes et organismes qui vous ont précédés sont venus nous dire - la participation à ces programmes n'implique pas pour autant des réductions de prestations comme mesures incitatives à y participer, mais que, au contraire, ce soient des programmes qui soient offerts sur une base volontaire, comme c'est le cas présentement, et non pas sur une base coercitive. Vous nous avez dit que vous teniez beaucoup à ces programmes. Donc, le fait que l'ensemble des jeunes de moins de 30 ans qui seraient écartés, puisque, pour y participer, pour avoir accès à ces programmes, il faut être bénéficiaires de l'aide sociale...

Le groupe qui vous a précédés nous a dit: Dans la mesure où on applique la contribution parentale, pas simplement de 100 $, mais également le test de revenus qu'on ne connaît pas encore, on ne sait pas encore... Cela aussi est une autre omission du ministre. Il ne nous a pas indiqué quels seraient les montants qui seraient effectivement réduits pour chaque tranche du salaire des parents, À ce moment-là, le jeune pourrait se voir totalement écarté de l'application des mesures d'employabilité pour le motif que ses parents ont un revenu qui l'amène à ne pas pouvoir bénéficier de ces programmes d'employabilité que vous dites, très justement, s'être révélés certainement intéressants pour un bon nombre de jeunes.

À votre avis, serait-il souhaitable... C'est la question que vous posez, je ne sais pas si vous avez eu le temps d'y répondre vous-même? Vous dites: Est-ce que le bénéficiaire devra prendre un recours légal - contre ses parents, j'imagine -pour se faire payer !a contribution parentale? Cette question ne vous apparaît-elle pas poser justement le dilemme d'une contribution parentale qui, sous prétexte de solidarité familiale, peut avoir comme effet pervers la désintégration familiale?

Le Président (M. Laporte): Oui, Mme Gendron.

Mme Gendron: Si on a posé la question, c'était évident qu'effectivement... On s'est fié d'ailleurs sur des chiffres en rapport aux prêts et bourses, au sujet du versement de la contribution parentale qui ne se faisait pas à un taux de 60 %. Nous nous sommes dits que, si des jeunes doivent dépendre de ce montant-là qui leur serait versé par leurs parents, évidemment, il faudrait faire en sorte que le gouvernement assume la responsabilité du versement des contributions pour ne pas pénaliser les jeunes bénéficiaires.

Mme Harel: Avez-vous envisagé une sorte d'office de perception des contributions parentales sur le modèle de l'office de perception des pensions alimentaires qui ne sont pas versées?

M. Gauthier: On n'a pas envisagé d'office ou de terme, ce qu'on a dit dans nos propositions, et vous l'avez dans notre document, c'est que, si jamais le gouvernement décidait de procéder avec une contribution alimentaire, nos recommandations sont d'inclure un mécanisme de perception de la contribution alimentaire.

Juste pour ajouter à ce que Marie Gendron disait tantôt, l'étude dont on faisait état, si jamais vous voulez la consulter, c'est du Bureau de la statistique du Québec 1986. Comme Marie disait, 60 % des contributions - là on parle du régime de prêts et bourses - ne sont pas versées. Pour les autres 40 % des contributions qui sont versées, le versement n'est qu'à 65 % des prestations estimées par le gouvernement ou par le régime de prêts et bourses. Pour cette raison, la clause de dénuement total fait en sorte, pour nous, qu'elle hypothèque encore une fois le pourquoi d'inclure une contribution alimentaire. La principale raison invoquée par le ministre pour appliquer cette contribution alimentaire, c'est qu'il veut éviter un transfert de clientèles. Pour nous, le fait que la contribution alimentaire soit discriminatoire dans les critères, qu'elle apporte une discrimination implicite, le fait qu'il n'y ait aucune réponse qui ait été donnée encore sur ce que serait le dénuement total, le fait qu'il y ait une étude du Bureau de la statistique du Québec dans un autre domaine qui est celui des prêts et bourses, mais toujours sur une contribution alimentaire, qui tend à démontrer que la majorité ne verse pas ou ne reçoit pas la contribution, fait en sorte qu'on doit hypothéquer ou rejeter la contribution alimentaire et prendre la solution qu'on propose au ministre.

Mme Harel: Et le motif invoqué de solida-

rite familiale vous semble-t-il adéquat, vous semble-t-il conforme aux valeurs que vous concevez être celles des jeunes que vous représentez?

M. Gauthier: Pour nous, si le gouvernement veut aller de l'avant avec un principe de solidarité familiale et être cohérent avec le discours qu'il a dans le document d'orientation qui dit que le gouvernement ne doit pas se substituer aux ressources familiales... Et le gouvernement se réfère aussi à l'article 633 du Code civil qui dit que les parents de même ligne se doivent des aliments. Si jamais il décidait d'aller de l'avant avec un principe de contribution alimentaire ou un principe de solidarité familiale, il faudrait, pour nous, que ce principe-là s'applique dans les deux directions, si on ne veut pas qu'il soit discriminatoire. Notre gouvernement s'était engagé, lors de la dernière élection, à abolir toute discrimination fondée sur l'âge dans le régime d'aide sociale.

Mme Gendron: En fait quand on parle de solidarité familiale, celle-ci est constituée de deux éléments, c'est à-dire contribution alimentaire et obligation filiale. Cela fait le tout qui s'appelle solidarité familiale. Et, selon nous, le principe peut être louable, mais I'application donnée dans le document n est pas acceptable.

Mme Harel: À l'inverse, alors, il pourrait, par exemple, théoriquement s'agir de réduction des pensions de vieillesse selon le test de revenus des enfants. Est-ce que ce n'est pas totalement anachronique de penser une politique de sécurité du revenu à partir de l'article 633 du Code civil qui fait référence au Code Napoléon, que l'ensemble de nos programmes sociaux sont venus mettre en échec au fil des décennies? C'est là une sorte de droit acquis pour I'ensemble de la société d'aller vers la reconnaissance de l'autonomie des personnes et donc de l'intervention aussi de l'État pour soutenir les personnes dans leur autonomie, plutôt que d'aller, par un régime fiscal de justice distributive, de retourner en arrière vers des obligations du temps de Napoléon.

Mme Gendron: C'est encore le Code civil qui est en vigueur au Québec, alors...

Mme Harel: Pour des cas évidemment...

M. Daigneault: Si je pouvais ajouter, Mme la députée. C'est qu'en réalité, la contribution alimentaire s'insère à I'intérieur d'un débat sur une politique familiale. Je crois que les débats commencent au Québec sur cette question de dire que les principes de solidarité familiale, c'est retourner en arrière. On n'en est pas tout à fait certains quand même. Le débat n'a pas été développe à fond au Québec pour faire des affirmations comme celle là.

Mme Harel: C'est intéressant ce que vous nous dites, M. Daigneault, parce que la COFAQ, qui représente les organismes familiaux au Québec est venue justement nous dire: Faites très attention de ne pas dénaturer le principe de solidarité familiale et de faire la famille prison où l'État n'interviendrait que lorsqu'il y a désintégration, lorsqu'il y a démembrement et lorsqu'il y a échec, alors que le parent fait venir la police pour mettre son enfant à la porte et qu'il peut y avoir à ce moment-là un test de dénuement accepté par un agent. Tout cela peut finalement avoir des effets assez pervers sur le principe même et créer l'effet contraire de ce qui est recherché.

Alors, on est certainement dans le contexte de la présentation de votre mémoire. Je crois important aussi de rappeler qu, dans la mesure ou le critère de dépendance - cette fois je vous réfère à la deuxième page du tableau - serait utilisé et que ce critère de dépendance s'adresserait à un jeune de moins de 30 ans qui a déjà quitté le foyer familial et qui partage son logement, et qu'un tel jeune ne participerait pas aux mesures comme c'est le cas présentement en 1989, son barème - si on ne tient pas compte de l'impôt foncier qui est de 10 $ de toute façon - serait de 190 $ une fois déduits les 115 $ de partage de logement, les 100 $ de contribution minimale des parents. Ce serait un barème pour refus de participer qui s'apparente exactement au barème qui est actuellement versé lorsqu'il n'y a pas participation aux mesures en 1988. La question c'est ou est la parité, même la parité qui avait été un engagement ferme à I'égard des jeunes de moins de 30 ans.

M. Gauthier: Je pense que la députée de Maisonneuve est totalement en accord avec ce qu'il y a d'écrit dans notre mémoire. Je la remercie qu'elle soit d'accord avec les objectifs du programme et non pas avec les modalités comme nous. Et c'est le pourquoi de la présentation d'aujourd'hui. C'est pourquoi on demande le retrait de la contribution alimentaire dans le programme APTE, sans toutefois remettre en question les objectifs du programme APTE. J'espère que vous comprenez bien que le fait de donner des mesures de réinsertion de favoriser le développement individuel des bénéficiaires est important pour nous. Mais sur la question des modalités, le fait que la contribution alimentaire puisse être discriminatoire, qu'elle enlèvera des prestations fait en sorte qu'on en demande le rejet.

Mme Harel: Je vous remercie pour votre clairvoyance Je vous inviterais par ailleurs à analyser cela plus à fond, peut-être à la lumière et avec I éclairage des mémoires qui sont présentés devant la commission. Je vous rappelle qu'au-delà de 87 % de I'ensemble des organismes qui se présentent devant nous ne sont pas simplement

hostiles aux modalités, mais la plupart en remettent en question les fondements mêmes en invitant le gouvernement à ne pas écarter une politique de protection contre la pauvreté et à substituer la politique de dernier recours, qui est la seule politique de protection, le seul programme de protection contre la pauvreté, par une politique d'employabilité en invitant, comme on peut le souhaiter, que ces programmes d'employabilité puissent être offerts sur une base volontaire et permettent un véritable espoir aux jeunes et à l'ensemble des personnes qui, actuellement, sont sans emploi, en leur permettant par ailleurs de maintenir un niveau décent de soutien de l'ensemble de la collectivité en regard de leurs besoins essentiels.

Je remercie la Commission jeunesse du Part libéral pour sa contribution à nos travaux.

Le Président (M. Laporte): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: J'ai une seule question parce que, malheureusement, je dois quitter. Je ne suis pas du tout d'accord avec Mme Harel en ce qui concerne le Code Napoléon parce qu'il y a tout de même quelques principes de base auxquels on peut souscrire. Je suis content qu'à la page 22, vous parliez du fait que le principe de solidarité familiale en est un fort louable. Mais vous vous posez beaucoup de questions, d'ailleurs comme nous autres, sur les modalités. Maintenant, le ministre, depuis que nous sommes ici, dans les réponses, revient toujours à la fois au lien et à la différence entre le régime des prêts et bourses et celui de l'aide sociale, ce qui explique vraiment la pensée derrière tout cela. Tout à l'heure, vous avez mentionné que le régime des prêts et bourses était désuet et qu'il était en révision. Pourriez-vous nous dire si vous avez fait des représentations concernant ce régime et où en êtes-vous rendus? Je ne sais pas si vous avez des pourparlers ou quoi que ce soit, mais vous avez des idées là-dessus. Pourriez-vous nous renseigner un peu là-dessus? Peut-être qu'en faisant cela, vous appuyez en même temps la position du ministre aujourd'hui et, disons, la mienne.

M. Gauthier: Oui, M. Polak. Ce qu'on disait tantôt, c'est que le ministre, et vous certainement, les parlementaires, ou l'ensemble de la population étudiante, n'êtes pas sans savoir qu'il y aura une réforme du régime des prêts et bourses dans les prochains mois. Le ministre Ryan le dit depuis plusieurs mois. Je peux vous dire que nous avons des contacts ou que nous discutons avec les membres du cabinet du ministre Ryan, sur la question des prêts et bourses comme sur d'autres questions. De plus, il y a un congrès du Parti libéral du Québec qui a lieu cette fin de semaine-ci et qu'une résolution sur une réforme des prêts et bourses sera apportée par la commission jeunesse. Lorsqu'on parle de désuétude, il y a peut-être à regarder la section d'octroyer de l'aide financière aux étudiants à temps partiel, ce dont on faisait état tantôt, peut-être réviser les tables de contribution parentale, qui sont parfois irréalistes pour les années qu'on vit présentement.

M. Polak: D'accord. Je vous remercie. Le Président (M. Laporte): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'autre élément dont vous discutez dans votre mémoire et qui semble vous poser certaines difficultés s'appelle partage du logement. Cette notion existe présentement. Elle est universelle et elle s'applique même aux gens qui sont considérés inaptes au travail. Les principales récriminations qui me proviennent des gens qui prennent la peine d'écrire ou de téléphoner au ministère ou qui prennent la peine de visiter leur député dans les bureaux de comté veulent que le partage du logement, tel qu'il existe présentement, est davantage au préjudice des gens considérés inaptes au travail, surtout dans le cadre d'une politique gouvernementale de désinstitutionnalisation et que les gens qui sont désinstitutionnalisés ne devraient pas être financièrement pénalisés, parce que l'entraide est une nécessité de base pour ces personnes-là.

Ce que la réforme de sécurité du revenu propose, c'est de ne pas appliquer le critère de partage du logement à 25 % de la clientèle qui est considérée comme inapte, de façon à ne pas aller à rencontre du programme de désinstitutionnalisation. Je pense que cette partie-là, bien qu'elle n'ait pas été soulignée souvent, améliorera la situation et ne pose pas de difficulté. (12 h 15)

Ce qui semble poser une difficulté, c'est dans le cas des autres assistés sociaux. Pourquoi en arriver à soustraire, si les gens s'entraident, tentent d'économiser, etc., 115 $ par mois ou le coût réel du logement parce qu'on ne s'est pas figé dans le ciment à 115 $ par mois. C'est une question de coût réel qui est économisé. Cela fait partie de la problématique avec laquelle ii nous faut composer et qui concerne toute la question de la vie maritale dans le régime actuel.

En vertu des barèmes proposés, une personne seule qui participe obtient 520 $ par mois. Un couple sans enfant, 820 S. Vous comprenez l'incitatif financier qui est présent. Si nous n'appliquons pas ce fameux partage du logement pour enlever cet incitatif financier, on me dit qu'on devra continuer à contrôler ies chambres à coucher des assistés sociaux. Est-ce que ce n'est pas là un coût social plus important?

M. Gauthier: Je m'excuse auprès du ministre, mais en aucun endroit dans le mémoire, on n'a remis en question le partage du logement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une

question qui a été soulevée dans la discussion avec Mme Harel.

M. Gauthier: Je peux vous dire qu'on est conscient que, dans l'actuel régime d'aide sociale, il y a une contribution pour le partage du logement qui se situe, je pense, à 85 $. Ce qui se passe dans la réforme proposée, c'est que le ministre propose de la hausser de 85 $ à 115 $. Est-ce que le ministre peut me dire si la contribution de logement ou le partage du logement, qui est de 85 $ actuellement et qu'il désire hausser à 115 $, si 115 $ représentent les taux... D'où sortent ces 115 $?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Pour qu'on se comprenne très bien, présentement, elle est établie à 85 $. On dit qu'elle représente les coûts réellement épargnés. Elle s'applique à tous les bénéficiaires de l'aide sociale, lorsqu'il y a lien de parenté, et aux chambreurs.

Ce qui nous pose des difficultés dans le régime actuel - et, je le souligne, des députés des deux côtés de la Chambre l'ont souligné - surtout depuis que la politique de désinstitutionnalisation a été amorcée, c'est que, lorsque cela s'applique chez les personnes considérées inaptes au travail, celles-ci ne peuvent pas vivre seules. Elles ont besoin d'aide et d'entraide de la famille ou d'amis.

Ce que la politique de sécurité du revenu propose, c'est de retirer cette participation de logement ou cet élément "logement" pour ces gens-là. Pour les autres gens, dans le but d'éliminer ce qu'on appelle le contrôle de la vie maritale, de ne pas inciter les gens à se déclarer, soit d'une façon ou d'une autre, qu'il y ait un incitatif, conjoint ou personne seule. Vous constatez que les barèmes pour personnes seules sont à 520 $, pour couples sans enfant à 820 $, et qu'il y a un incitatif de 220 $ par mois à choisir un statut plutôt qu'un autre. La façon de le contrôler, pour le ministère, a été jusqu'à maintenant de contrôler la vie maritale des individus. En ayant une participation de logement de 115 $, on abolit complètement cette incitation et on pense qu'alors, on tient compte des coûts réellement épargnés. Si les coûts réellement épargnés ne sont pas de 115 $, à ce moment-là, ce sera modifié. Si c'est 105 $, ce sera 105 $ et, si c'est 118 $, ce sera 118 $. C'est la politique telle qu'elle est proposée sur le partage du logement.

Mme Harel: Alors, M. le ministre, il faut absolument que vous rétablissiez les faits. Les familles ou les personnes seules qui partagent un logement ne voient pas une réduction de 115 $ de leur barème de prestations. Une famille monoparentale qui partage avec une autre famille monoparentale n'a pas de réduction, bien au contraire. C'est une façon de pouvoir se débrouiller pour arriver.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans le régime actuel, si vous avez quelqu'un qui est parent avec vous...

Mme Harel: Deux familles monoparentales non.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): non Lorsque vous brisez le lien de parenté, vous avez raison. Lorsque le lien de parenté est présent, et c'est ce qui pose le plus de problèmes à cause de la politique de désinstitutionnalisation, la politique de partage du logement s'applique présentement et ce qu'on propose, c'est qu'elle ne s'applique plus.

De l'autre côté, en vue d'éliminer tout ce contrôle de vie maritale finalement, nous enlevons l'incitation à l'ensemble des gens de choisir un statut social en fonction de l'attrait pécuniaire. Est-ce que vous avez des réactions?

Le Président (M. Laporte): M. Gauthier.

M. Gauthier: Non, je pense que c'était clair pour nous. On n'a malheureusement pas étudié cette question, on ne s'y est pas attardé lors de l'étude de notre mémoire, on a voulu être plus sectoriel.

M. Chevrette:... réponse. M. Gauthier: Pardon?

M. Chevrette: Vous êtes satisfaits de la coupure qu' il fait?

M. Gauthier: Pour nous. c'était clair qu'il y avait une contribution selon laquelle 85 $ étaient enlevés des chèques des personnes qui partageaient un logement et qui avaient un lien de parente. Pour nous, c' était clair.

M. Chevrette: II vient de parler de 85 $ à 115 $.

Le Président (M. Laporte): M. le ministre.

Mme Harel: C'est légalité dans la malchance pour tout le monde.

Le Président (M. Laporte): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand Mme la députée de Maisonneuve dit que c'est pour tout le monde, ce n'est pas une question d'interpretation. c'est une question de ne pas lire ce qu'il y a dans le document "Pour une politique de sécurité du revenu". On vient de dire, et je viens de le répeter à plusieurs reprises - et je pense, entre autres à un députe péquiste qui m écrit environ une fois par mois sur des problèmes dans son comté - que le fait que le partage du logement s'applique aux gens inaptes

au travail dans le cadre de la politique de désinstitutionnatisation du gouvernement crée des problèmes particuliers présentement, avec la politique actuelle dont nous avons héritée et que nous administrons. Dire que la politique propose de l'appliquer à tout le monde est non seulement faux, mais contraire à ce qui est écrit dans le document d'orientation sur la politique de sécurité du revenu et contraire aux propos tenus ici par les gens qui sont venus témoigner et par celui qui vous parle.

Cette mise au point étant faite, je tiens à revenir sur le critère qui a amené nos jeunes ici aujourd'hui, spécialement la question de la parité, pour les assurer que la volonté politique est encore aussi présente, que, dans les mécanismes, nous sommes convaincus d'avoir franchi des étapes très importantes et dans un pourcentage très important, que nous prenons bonne note qu'un principe pour la Commission jeunesse du Parti liberal du Québec, cela ne se règle pas à 75 %, j'oserais même dire, pas à 80 %. et que tous les efforts que le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu..

Le Président (M. Laporte): SI vous voulez conclure, M le ministre?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): pourra faire dans le but de régler ce principe à 100 % sera fait, mais que je demande à la commission jeunesse d'être également consciente qu'autant nous sommes captifs, sur la question de I'incitation au travail, du niveau du salaire minimum, autant nous sommes captifs du régime de prêts et bourses aux étudiants, et que nous ne voulons en aucun temps que notre politique de sécurité du revenu incite la jeunesse québécoise à quitter ses études. Je crois qu'à ce moment.

Le Président (M. Laporte): En conclusion.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... vous seriez les premiers à nous le reprocher.

Le Président (M. Laporte): En conclusion. M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai fini.

Le Président (M. Laporte): Mme la députée de Maisonneuve, avez-vous des remerciements?

M. Chevrette: C'est fait

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est déjà fait.

Mme Harel: Avec plaisir.

Le Président (M. Laporte): Très brièvement.

Mme Harel: Oui, en souhaitant que la Commission jeunesse du Parti libéral puisse peut-être se pencher sur toute la question du partage du logement. II y a 40 % des jeunes de moins de 30 ans qui ont trouvé cette façon de se débrouiller en vivant ensemble présentement. C'est eux qui vont avoir à vivre cette épargne sur leur dos. Le ministre me fait grief. Oui.

Le Président (M, Laporte): Succinctement, Mme la députée de Maisonneuve, s'il vous plaît.

Mme Harel: Je termine en disant que le ministre ne peut pas faire grief à personne de ne pas avoir toute l'information parce qu'il ne la donne qu'au compte-gouttes. II y a tellement de catégories dans son projet que chacune des catégories donne droit à un contrôle. Ce qu'on peut souhaiter, c'est que votre message soit entendu et que peut-être vous examiniez de plus près les effets maléfiques qu'aura le partage du logement pour les jeunes de moins de 30 ans également.

Le Président (M. Laporte): M. le ministre, vos remerciements.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que je dirai à Mme la députée de Maisonneuve, encore une fois, peut-être que ses statistiques datent de 1982 ou 1981, c'est que 80 % de la clientèle qui est représentée ici la clientèle jeunesse, demeure déjà chez les parents. Donc, les effets dont vous parlez ne sont pas présents. Encore une fois, vous soulevez un problème qui est inexistant. Toutefois, le problème, que vous avez discuté longuement avec les membres de la commission et que j'ai discuté, de la contribution alimentaire parentale...

Le Président (M. Laporte): Succinctement, M. le ministre, s il vous plaît.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... demeure. Des pistes de solution ont été proposées par la Commission jeunesse du Parti libéral du Quebec, et le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu entend bien prendre ces pistes de solution dans le but d'apporter une solution complète au problème de la parité, mais encore une fois sans inciter nos jeunes à quitter l'école. Merci.

Le Président (M. Laporte): La commission tient à remercier la Commission jeunesse du Parti libéral du Quebec pour la presentation de son mémoire et invite le Comité national des jeunes du Parti québécois à bien vouloir s'avancer. La commission suspend pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 26)

(Reprise à 12 h 30)

Le Président (M. Laporte): À l'ordre, s il vous plaît!

La commission reprend ses travaux. Mme Courville, la commission est enchantée de vous recevoir comme représentants du Comité national des jeunes du Parti québécois. Vous connaissez le mandat de la commission. Je veux simplement, brièvement, vous rappeler que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et que, par la suite, il y a 40 minutes d'échanges avec les parlementaires. Est-ce qu'il vous serait possible de présenter les personnes qui vous accompagnent aux fins d'identification et, ensuite, faire la présentation de votre mémoire?

Comité national des jeunes du Parti québécois

Mme Courville (Isabelle): Merci, M. le Président Alors, à ma gauche, Mme Hélène Chartier, vice-présidente aux affaires politiques du comité des jeunes et, à ma droite, M. Sylvain Laporte, vice-président à l'organisation du comité des jeunes.

Le Comité national des jeunes du Parti québécois est heureux de pouvoir aujourd'hui contribuer à la réflexion qui concerne la réforme de l'aide sociale. Notre analyse se fera à travers le prisme de notre génération, c'est-à-dire les moins de 30 ans. Nous nous attarderons surtout au programme APTE qui est le coeur de la réforme en laissant à d'autres le soin de discuter des autres aspects de cette réforme. Mme Chartier va commencer la présentation de notre mémoire.

Mme Chartier (Hélène): Je commencerai cet exposé en vous indiquant que, pour le Comité national des jeunes du Parti québécois, le travail est une richesse incomparable qui permet notre épanouissement. La sous-utilisation du potentiel humain que l'on laisse dans un état de dépendance envers l'État est extrêmement dommageable pour la société. C'est ni plus ni moins la consécration d'une lente agonie physique, intellectuelle et psychologique pour ces milliers de sans-emploi.

Notre objectif premier est donc de diminuer l'ampleur de ce mal qui, au Québec, entraîne depuis maintes années déjà, plusieurs jeunes dans une vie des plus difficiles. Nous croyons nécessaire de tout mettre en branle pour leur redonner espoir, dignité et autonomie. Nous espérons que l'actuel gouvernement partage nos objectifs, mais nous tenons à souligner que la réforme proposée semble bâtie sur un malheureux mais profond vice de construction. En effet, en aucun temps le document ne parle d'emplois ou plutôt de l'absence d'emplois. Au Québec, le taux de chômage structurel oscille depuis longtemps déjà autour de 10 %.

Le projet de réforme APTE, sur lequel nous nous attarderons surtout aujourd'hui, laisse croire qu'en développant l'employabilité des assistés sociaux, ce taux de chômage décroîtra de lui-même instantanément. Sans connaître la théorie économique sur laquelle se base cette analyse, les conclusions nous semblent quelque peu téméraires. En fait, nous nous questionnons encore afin de savoir si le programme APTE sera un échec d'excès d'optimisme ou s'il s'agit bel et bien d'un échec prévu qui permettra d'économiser tout en discréditant les bénéficiaires. Quoi qu'il en soit, nous sommes déçus de voir que le gouvernement n'a pas su tirer de leçons des résultats des options Déclic.

Le développement de l'employabilité est extrêmement important dans la société actuelle, de même que les programmes de recyclage, mais le taux de participation ainsi que le taux de réussite des options Déclic parlent d'eux-mêmes. Selon l'étude d'évaluation des mesures de relance, effectuée par le MMSR en 1985, seulement 19, 86 % des bénéficiaires qui ont quitté les options Déclic se sont trouvé un emploi. Les jeunes assistés sociaux en ont assez de faire des efforts sans espoir de récompense. Si les programmes de formation sont porteurs d'avenir, les stages en milieu communautaire ressemblent plus à une voie de garage où on occupe nos jeunes pendant un an.

Le taux de satisfaction est encore plus bas lorsqu'on analyse les résultats des stages en entreprise. Selon la même étude, on calcule que 12, 69 % des gens qui quittent les options Déclic et qui sont en cours de stage se sont trouvé des emplois. Ainsi, un vaste sentiment d'exploitation s'est propagé chez les assistés sociaux qui croient, à juste titre, qu'il s'agit de la création d'une sous-catégorie de travailleurs, de laquelle ils ne se sortiront jamais. Ce genre de subventions indirectes aux entreprises est valable pour autant qu'elles débouchent sur de vrais emplois. Pour permettre que des gens travaillent en dessous du salaire minimum sans leur garantir aucune formation en guise de compensation, c'est d'accepter que des gens sortent les vidanges à 520 $ par mois sous prétexte qu'ils doivent prendre de l'expérience.

Conséquemment, nous exigeons que tout programme d'employabilité élaboré par une entreprise soit accompagné d'une garantie minimale quant à l'existence d'un volet formatif. Permettre à des entreprises de renouveler éternellement leurs subventions, c'est accepter que les assistés sociaux soient un bassin de main-d'oeuvre à bon marché qui. en fin de compte, freinera la création des véritables emplois.

Le ministre Paradis admettait récemment que seulement 20 % des 18-29 ans se prévalent des programmes d'employabilité. Il y a donc anguille sous roche. Et pourtant ces mesures ont été développées pour les moins de 30 ans et s'appliqueront beaucoup plus difficilement aux plus de 30 ans qui ont perdu leur emploi. L'incitatif financier pour les moins de 30 ans est aujourd'hui très fort puisqu'il s'agit de 296 $ par mois et le taux de participation est de 20 %. Comment peut-on, logiquement, s'attendre à ce

que cela s'améliore en diminuant l'incitatif financier et en impliquant la totalité des assistés sociaux? Nous croyons que cela ne s'améliorera pas. Comme le document de réflexion l'indique, avec 25 % de participation au programme APTE, le gouvernement pourra économiser 145 000 000 $ sur le dos des plus démunis de notre société. Ceci est fondamentalement inacceptable lorsque l'on sait que vivre en deçà des normes de pauvreté a un coût social si immense.

Mme Courville: Le Comité national des jeunes du Parti québécois reproche donc à la réforme d'utiliser le discours sur l'employabilité pour occulter le véritable problème de fond, soit l'absence d'emplois pour tous. Comme ma collègue l'a démontré, le programme APTE, tel que conçu présentement, est voué à l'insuccès et risque même d'avoir un effet dissuasif sur l'emploi en créant un réservoir de travailleurs et de travailleuses au rabais. Nous estimons, en effet, que les mesures d'employabilité déployées dans le programme APTE ne pourront atteindre leurs fins que dans la mesure où on aura le courage politique de les intégrer à des éléments d'une politique de plein emploi.

Le plein emploi a toujours été une de nos préoccupations majeures. Lors de notre colloque à Compton, en janvier 1987, nous élaborions la notion du travail minimum requis, ensemble de propositions originales visant à sortir les |eunes du cercle vicieux: pas d'expérience, pas d'emploi, pas d'emploi, pas d'expérience. Nous faisions aussi ressortir l'intérêt et la nécessité, à la lumière de l'objectif du plein emploi, d'arrêter une politique de partage du temps de travail.

Mesures d'employabilité et plein emploi sont les versants d'une même médaille. Il importe donc d'élaborer une politique intégrant mesures d'employabilité et plein emploi.

Trois objectifs sont poursuivis par une telle intégration. Le premier objectif est d'apporter une solution au réel problème des assistés sociaux, soit l'emploi. Le second objectif est d'accroître la participation aux programmes d'employabilité en leur donnant un but tangible, un emploi. Enfin, en intégrant programmes d'employabilité et politique de plein emploi, on évite le travail au rabais.

Allons-y maintenant de propositions concrètes. Le tableau de la page 16 de notre mémoire illustre la proposition du ministre. Alors, nous retrouvons à gauche notre contingent d'assistés sociaux de moins de 30 ans qui accèdent à trois programmes visant à augmenter ieur employabilité. Ainsi, après soit une période de formation scolaire, soit une participation à des services communautaires ou encore un stage dans une entreprise, c'est la recherche d'un emploi, le marché du travail ou le retour à la case du départ. Que la formation scolaire ou que la participation à des services communautaires ne permettent pas d'obtenir un emploi, ce n'est pas nouveau, mais là où le bât blesse, c'est lorsque la période de formation en entreprise ne permet pas d'accéder à un emploi.

Voyons donc maintenant en page 17, le schéma d'employabilité que nous proposons. Les jeunes assistés sociaux ont toujours accès aux trois types de programmes, mais ici, la différence, c'est que les programmes de formation et de services communautaires permettent également, si un emploi n'est pas obtenu, l'accès au stage de formation. Formellement, notre proposition se lit ainsi: "Que tout programme d'employabilité élaboré par une entreprise soit accompagné d'une garantie minimale pour le bénéficiaire d'obtenir prioritairement l'emploi pour lequel l'employeur a bénéficié d'un programme pour le former. " De cette façon, les bons services vont aux deux parties concernées: l'employeur et le bénéficiaire. Comme il devra être clair que les assistés sociaux ne sont pas des travailleurs au rabais, l'entreprise qui les engage a donc un réel besoin de main-d'oeuvre et profite donc d'un programme fortement subventionné, comme ceux contenus dans le programme APTE, pour former un individu et, après, pour l'engager.

Il est clair que les besoins de main-d'oeuvre sont rares et que de nombreux bénéficiaires ne pourront participer, même s'ils le désirent, aux programmes d'employabilité, qui mènent réellement à un emploi. Ces gens qui ne participeront pas aux mesures permettront au gouvernement d'économiser de fortes sommes, et il est essentiel que ces sommes retournent aux bénéficiaires directement par le biais d'un programme de création d'emplois. Nous suggérons donc que ce programme de création d'emplois s'adresse en priorité à ceux qui nous apparaissent être les principales victimes du chômage structurel au Québec, les jeunes qui ne détiennent pas de diplôme collégial ou universitaire.

Comme l'indique le titre de notre mémoire, nous croyons qu'aucune réforme véritable de l'aide sociale ne sera possible si elle n'est accompagnée d'un sentiment de responsabilité collective de tous les agents socio-économiques autour de l'emploi. Dans la mesure où nous estimons que le travail est source de distribution des richesses, nous pensons qu'il est normal et souhaitable que nous la partagions collectivement. Cela demande du courage, certes, mais les dividendes collectifs qu'un tel effort produira en valent la chandelle.

Pour le Comité national des jeunes du Parti québécois, toute mesure de développement de l'employabilité devra reposer sur un pacte collectif, le succès de tels programmes en dépendra. Pour cela, nous proposons que le gouvernement convoque, pour l'été prochain, une conférence socio-économique sur l'emploi. Cette conférence socio-économique pourrait ainsi jeter les bases d'une politique de plein emploi, incluant la mise sur pied d'un éventail de programmes d'employabilité destinés aux sans-emploi du Québec.

M. Laporte (Sylvain): La contribution parentale et l'autonomie. Le droit à l'autonomie et à la dignité humaine devrait sous-tendre toute réforme de l'aide sociale. II ne s'agit donc pas pour le gouvernement de reprendre les critères de dépendance parentale tels que ceux décrits dans le régime des prêts et bourses, car ces critères sont souvent discriminatoires et tellement sinueux qu ils poussent à la fraude Le gouvernement doit plutôt analyser froidement la situation que vivent les étudiants avec les prêts et bourses avant d'en photocopier les erreurs et de les appliquer à la réforme de l'aide sociale.

Le régime des prêts et bourses, lorsqu il accorde une bourse, calcule la capacité de l'étudiant de répondre de lui-même à une partie de ses dépenses, par exemple, par son emploi d'été ou un emploi à temps partiel.

Cette première déduction semble logique et ne pas faire de problème, tombe un peu sous le sens finalement. Ensuite, le gouvernement regarde les besoins financiers de I'étudiant et les compare aux revenus de ses parents. Le gouvernement décide donc à ce moment-là du montant que l'étudiant devra exiger de ses parents pour subvenir à ses besoins de première nécessité. De plus, sans savoir si les parents débourseront ou non cette somme, le gouvernement la calcule d'office comme revenu de l'étudiant.

Les études dans le dossier par le ministre de l'Éducation révèlent que, pour la clientèle de parents dont les enfants sont aux études et |ugés dépendants, donc pour cette clientèle,, seulement 30 % des parents donnent effectivement la contribution exigée du gouvernement, que lui continue, peu importe le cas, de calculer comme étant le revenu de l'étudiant.

En d'autres termes, qu'il y ait contribution parentale ou non, les étudiants n'ayant aucun contact avec leurs parents, fait souvent relié à leur départ de la maison, doivent vivre avec bien moins que le minimum vital, parce que leurs parents, eux, ont droit à un emploi et à un salaire décent.

Ces réels problèmes sont actuellement à l'étude par le ministre de I'Éducation qui devrait, selon ses dires, nous présenter d'ici l'automne une refonte du régime des prêts et bourses. Ces critères, ceux des prêts et bourses, d'être marié, d'avoir un enfant, d'avoir travaillé deux ans, ne doivent pas être appliqués à l'aide sociale, car cette panoplie de critères bloque une multitude de candidats à l'aide sociale et peut-être des candidats aux programmes de développement de I'employabilité. Comment peut-on briser ce cercle vicieux de dépendance parentale totale envers la famille en appliquant de telles mesures? Pour qu'un être adulte puisse se développer, il doit pouvoir couper le cordon ombilical qui le lie à sa famille. Toute situation de dépendance, qu elle soit envers l'État ou la famille est regrettable. En effet, de tels contextes entraînent généralement une déresponsabilisation des individus qui nous conduit à moyen terme à un chaos.

Je suis sûr que le ministre de I'Éducation, dans sa grande sagesse, saura mettre fin à ces inéquités sociales car, contrairement à ce que semble croire le ministre Paradis, les jeunes dont les parents ont un revenu décent n'ont pas la carte de crédit de papa ou de maman. De deux choses l'une. Dans la meilleure hypothèse, c'est que le ministre, en parlant d'exiger une contribution parentale dont on ne connaît que le minimum de 100 $, ne sait pas de quoi il retourne, il ne connaît pas la réalité que vivent quotidiennement les jeunes. Ou il sait de quoi il parle, mais il ne s'en fait pas et décide d'appliquer ces critères quand même, ce qui est bien pire.

Le ministre tend la joue à une giffle. On pourrait dire de lui que, dans son désir d'égalité sociale, il permettra à tous, à l'aide sociale et aux prêts et bourses, de souffrir des mêmes maux des mêmes injustices et des mêmes carences, cela, parce qu'il veut être équitable. Plus malicieux encore sera celui qui avancera que le ministre de l'Éducation gardera les mêmes vieux critères dans sa réforme des prêts et bourses que le ministre de la Main-d'Oeuvre après I'adoption de sa réforme. Oui, nous créons et perpétuons de graves injustices, mais tous y ont droit. Et par quoi la terre est-elle soutenue? Par une tortue Et par quoi cette tortue est elle soutenue? Par une autre tortue. Quelle tautologie? Les ministres pourront justifier entre eux les erreurs respectives de leurs ministères. Quelle solidarité ministérielle!

Alors, chiffrons donc cette fameuse contribution parentale dont, je vous le rappelle, nous ne connaissons que le minimum. Prenons l'exemple d'une jeune personne vivant faute d'emploi bien sûr de I'aide sociale et partageant son appartement avec une autre personne. Sa prestation est de 405 $ par mois moins un minimum de contribution parentale de 100 $. Le bénéficiaire reçoit donc 305 $, car il est à prévoir qu'au régime d'aide sociale, bien moins que 30 % des étudiants recevront effectivement la contribution parentale pourtant toujours déduite. Donc de ces 305 $, il faut déduire les 115 $ de partage de logement, ce qui donne 190 $. Voilà la reforme. Les |eunes passeront de 184 $, chiffre indexe à 190 $. Voilà cette parité. (12 h 45)

De plus, le ministre craint un transfert de la clientèle des prêts et bourses à celle de I'aide sociale. Que le ministre se rassure. Les jeunes n'auront pas souvent le goût de rester neuf mois à ne rien faire juste pour pouvoir bénéficier du financement lors de leurs études. II serait surprenant de voir les rangs des assistés sociaux se gonfler indûment de cette clientele. L'espoir que nous entretenons vis a-vis d'une réforme de I'aide sociale vient de la possibilité d'aider les bénéficiaires à retrouver I'espoir la dignité et I'autonomie. Cela ne pourra se réaliser que par l' intermédiaire de I'emploi. Or, si les bénéficiai-

res ne peuvent plus recourir à cette aide, puisqu'ils sont reconnus comme étant des êtres autonomes, nous nous exposons à de graves conséquences sociales.

Mme Courville: La question de l'aide sociale a été et continue d'être un sujet fort complexe. Une société comme la nôtre, relativement riche en apparence, conserve un bastion de sans-emploi qui a rarement cessé d'osciller autour de 10 %. Pour le Québec, c'est plusieurs centaines de millliers de personnes qui sont confinées à l'inactivité. La sous-utilisaiton de ce potentiel humain représente, à notre avis, une tare indésirable pour notre société. Le travail dans des sociétés comme la nôtre a été érigé en primauté. Il représente une source privilégiée de valorisation personnelle et la base de toute existence comme citoyen à part entière. Le travail apparaît donc ici comme le moyen idéal de redistribuer la richesse. Et comme dans toute redistribution de la richesse, il faut constater que certains en bénéficient plus que d'autres. Dans cette optique, il revient à l'État d'en assurer la répartition équitable.

Il importe à l'État de jouer son rôle d'arbitre et c'est rien de moins que nous exigeons de nos décideurs politiques. Pour tous les jeunes, le plus grand espoir, c'est celui de pouvoir travailler et celui de se sentir utile à la société. On aura beau nous parler de croissance économique et de création d'emplois, la situation des jeunes continue à être dramatique. Le chômage a baissé, certes, mais, pour notre génération, c'est tout simplement parce qu'elle est constituée de moins d'individus. Notre idéalisme, parce que nous en avons encore, nous amène à croire et à espérer qu'il est possible et urgent de s'attaquer d'abord au chômage des jeunes. Il est possible et urgent de briser le cercle du "pas d'expérience, pas d'emploi". Il en va, non seulement de l'avenir des jeunes, mais aussi de notre avenir collectif comme société.

Le vieillissement de la population québécoise est déjà pratiquement irréversible. Les coûts sociaux enregistrés par cette situation seront astronomiques. Qui en paiera la note si une bonne partie de la jeunesse québécoise est déjà condamnée à la mendicité pour ne pas dire à l'aide sociale? Tomber dans les filets de l'aide sociale, cela signifie !a dégradation de son niveau de vie, mais, pour plusieurs, la véritable tragédie réside dans l'érosion de l'espoir, l'oubli de la dignité et la renonciation à l'autonomie. Redonner espoir, dignité et autonomie aux centaines de milliers de nos concitoyens et concitoyennes qui partagent le drame quotidien de l'aide sociale, voilà, selon nous, ce que doit être l'objectif fondamental de toute réforme.

Le ministre a eu la sagesse d'employer ces mots dans l'introduction de son document. Aura-t-il maintenant le courage et la détermination de traduire le vocabulaire de l'espoir, de la dignité et de l'autonomie en action concrète? Pour le

Comité national des jeunes du Parti québécois, toute réforme de l'aide sociale se doit de proposer la conquête de l'espoir, de la dignité et de l'autonomie. Or, à notre avis, un tel objectif ne peut être atteint qu'en intégrant des mesures d'employabilité à une véritable politique de plein emploi, car, pour nous, le drame de l'aide sociale n'est pas l'employabiiité, mais bien l'inéquité du partage de l'emploi.

Comment raviver l'espoir lorsqu'on n'offre aucune espèce de garantie que l'employabilité débouchera un jour sur l'emploi? Qu'advient-il de la dignité lorsqu'on trace la voie menant à la constitution d'un réservoir de travailleurs et de travailleuses à bon marché et qu'on institutionnalise le "boubou macoutisme"? Que reste-t-il de l'autonomie au moment où on nie le droit des jeunes Québécois de s'assumer dès leur majorité et où on reporte à une échéance lointaine et incertaine cette promesse électorale majeure, la parité pour les bénéficiaires de moins de 30 ans? Espoir, dignité et autonomie, des mots qui doivent mobiliser les forces vives du Québec moderne. Espoir, dignité et autonomie, une responsabilité collective qui s'articule autour d'un nécessaire projet: offrir à tous et à chacun la possibilité de façonner sa vie et de participer au devenir de notre société. Merci beaucoup.

Le Président (M. Laporte): On est dans les délais. On vous remercie. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je tiens à remercier les jeunes du Parti québécois de leur présence et de leur contribution. Vous étiez là lorsque, à l'occasion des deux autres mémoires qui ont été présentés ce matin, j'ai fait allusion à cette clientèle de l'aide sociale et à ses caractéristiques. Vous étiez sans doute également là lorsque j'ai livré ce matin, au groupe qui vous a précédé, la baisse importante du nombre de jeunes de moins de 30 ans à l'aide sociale de janvier 1986 à janvier 1988. Cette clientèle a baissé de plus de 40 000 personnes. Et nous sommes d'avis, au ministère, que les 122 000 emplois à temps plein qui ont été créés dans l'économie québécoise ne sont pas étrangers au fait que ces jeunes se sont trouvé des emplois dans la plupart des cas, Vous avez raison de relier !e marché du travail aux programmes d'aptitudes de l'aide sociale.

Je tiens - parce que c'est peut-être le groupe qui vous a précédés qui l'a fait - à vous questionner un peu sur les documents que vous avez publiés il n'y a pas tellement longtemps, à l'automne 1985, dans le plan d'une continuité ou d'un changement d'orientation. À l'automne 1985, dans un document "Faut s'brancher et vite! Manifeste des jeunes du Parti québécois", vous mentionniez que "la priorité des priorités doit être mise, non pas sur les montants attribués aux victimes du chômage, mais sur les moyens de faire sortir les jeunes assistés sociaux de leurs conditions. En ce sens, nous considérons que les

différents programmes mis de l'avant par notre gouvernement sont un excellent pas dans la bonne direction. " Je vous pose la question immédiatement. J'ai un peu senti aujourd'hui un changement d'opinion quant à ces programmes. Qu'est-ce qui vous a amenés à changer d'opinion?

Le Président (M. Laporte): Mme Chattier.

Mme Chartier: Oui. Je voudrais d'abord répondre à ce que vous avez mentionné au sujet de la décroissance du pourcentage des jeunes qui sont à l'aide sociale. Associer croissance économique à création d'emplois, c'est vrai que c'est bon, mais quand une période de décroissance économique s'annonce, cela risque d'être assez mesquin et cela risque d'être assez dangereux. Donc, une politique de plein emploi, cela veut dire de mettre toutes les mesures sociales en branle pour véritablement toujours créer des emplois et faire en sorte que, continuellement, le taux continue à diminuer.

Pour ce qui est du changement de position que vous avez mentionné, je pense que la première analyse que nous faisons, qui est une analyse assez dure, c'est que les options Déclic n'ont pas donné les résultats auxquels on pouvait s'attendre. Cela ne veut pas dire qu'on est contre les mesures de développement de l'employabilité. Au contraire, on croit que c'est très important, de même que les programmes de recyclage. Mais les options Déclic ont quand même donné des résultats qui sont parcimonieux. La preuve, c'est que les gens se sentent peu intéressés à y participer. On le voit, 20 % seulement des catégories de moins de 30 ans, malgré l'incitatif financier, participent aux options Déclic. Alors, nous, on se dit qu'il y a anguille sous roche. Les options Déclic ne doivent pas répondre aux véritables besoins des assistés sociaux et leur permettre véritablement de réintégrer le marché du travail. Donc, il faut aller plus loin.

Mme Courville: Notre hypothèse, M. le ministre...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais, simple précision, vous ne condamnez pas le programme comme élément de base. Vous dites qu'il faut ajouter.

Le Président {M. Laporte): Mme Courville.

Mme Courville: M. le ministre, je pense que les programmes Déclic, comme disait ma collègue Hélène Chartier, ont été une initiative originale en temps de récession économique. Mais il est clair qu'il faut se baser sur l'analyse de ces programmes pour aller plus loin et surtout pour laisser tomber la barrière des 30 ans et appliquer des programmes qui étaient faits pour une génération peut-être moins scolarisée que l'autre, et les étendre. On dit, dans notre mémoire, qu'il Faut absolument évaluer la réussite ou la non-réussite de ces programmes avant de les appliquer. C'est ce que nous avons fait dans notre mémoire, et notre analyse nous a permis de constater qu'en effet, il y avait des carences importantes. Notre hypothèse, il peut y en avoir d'autres, notre analyse de ces résultats, c'est qu'on proposait aux jeunes un tunnel, une avenue, mais qu'il n'y avait pas de lumière au bout du tunnel. Les jeunes décrochaient complètement de ces programmes avec le sentiment de s'être fait exploiter ou le sentiment d'avoir été occupés pendant quelque temps. Nous avons rencontré ces jeunes-là à plusieurs reprises, et ils étaient vraiment offusqués de s'être fait mettre sur ces voies-là tout simplement parce qu'il faut prévoir au bout la lumière. La lumière, c'est l'emploi, surtout pour les gens qui sont dans les entreprises qui bénéficient de subventions pour engager les jeunes. C'est vraiment scandaleux de voir les jeunes se succéder, un après l'autre, pour faire des tâches non formatives et, après, voir que la job offerte à quelqu'un d'autre ou que la job n'est même pas ouverte du tout parce qu'il n'y avait pas d'emploi, il n'y avait pas de place dans cette entreprise. C'était une fausse ouverture du marché du travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez raison, et je ne dis pas que la conjoncture était facile non plus parce que la clientèle de l'aide sociale jusqu'à la fin de 1985 s'est ajoutée et additionnée de mois en mois. Il y avait une courbe complètement ascendante, et la conjoncture, à ce moment-là, a fait en sorte que cela n'a pas aidé. Il y a un deuxième élément sur lequel vous semblez avoir effectué un virage, c'est toute la question du "cheap labour". Dans le même document de l'automne 1985, vous mentionnez la participation des jeunes dans les programmes et vous dites: "En ce sens, il est tout à fait logique que l'État demande un service en retour d'une prestation. Cela ne s'inscrit pas dans une perspective de "cheap labor", mais dans une vision de responsabilisation et de service à la communauté. " Est-ce que, là aussi, vous avez effectué un virage?

Le Président (M. Laporte): Mme Courville.

Mme Courville: Ce qu'on explique par le travail au rabais? Je ne ferai plus référence au document dont vous parlez parce que je ne l'ai plus en mémoire. Je pense que ce qu'il est important de voir, et les groupes syndicaux en ont fait la démonstration devant la commission, ce sont les différentes forces en présence quand on propose une réforme comme la vôtre. Je suis sûre, M. le ministre, que vous avez, vous aussi, examiné l'ensemble des autres programmes sociaux et que vous avez déterminé l'impact de votre réforme sur ces programmes-là. Nous, on

pense que c est là peut être la clef du succès d'une réforme d'aide sociale et c'est pour cela qu'on a intitulé notre mémoire "Une responsabilité collective".

Pour répondre à votre question? Quel est l'impact de ces jeunes qu'on met à travailler comme assistés sociaux avec des programmes subventionnés sur le marché du travail? De quelle façon les intervenants sociaux qui ne sont pas des assistés sociaux vont-ils réagir à cela? Je vous réponds deux choses:: Former les jeunes, oui. Dans quel domaine? Leur faire prendre de l'expérience, oui. Dans quel type d'industrie? Ou le marché du travail va-t-il s'ouvrir dans les prochaines années? Ou peut-on se permettre de former des jeunes? Dans quel domaine pourra-t-on les former et comment leur arrivée sur le marché du travail ne va pas mettre leurs parents dans la rue? C'est une question. On parlait, pendant la présentation de nos prédécesseurs, de toutes sortes d'études. Moi, la seule que je vous demanderais, M, le ministre, c'est une étude justement sur la disponibilité des emplois par secteur, par région. Ou est ce que le marché de l'emploi va s'ouvrir au Québec? On peut déployer l'employabilité de 100 000 personnes dans un domaine complètement bouché. Rien ne peut nous dire cela et rien ne peut nous le permettre. Les chômeurs instruits, M, le ministre, ce n'est pas un mythe, et je ne pense pas qu'on rende service à personne en les formant, en leur donnant de I'expérience dans des domaines bouchés. Et ce n'est pas le jeune assiste social qui peut savoir si tel domaine est bouché, je pense, cela prend des études de ministères compétents. Donc, oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Là-dessus, est ce que je peux vous dire qu'au ministère, grâce à nos commissions de formation professionnelle, c'est le travail que nous effectuons et en corrélation avec le ministère de I'Éducation. Vous avez raison de souligner le problème selon lequel on a souvent des chômeurs ou des inactifs instruits parce qu'on n'a pas fait les bonnes analyses de marché. Disons que les outils se sont améliorés et qu'on travaille dans ce sens là. Mais convenez-vous quand même que la clientèle de ce qu'on peut appeler les chômeurs ou inactifs instruits à I'aide sociale est loin d'être notre clientèle majoritaire à partir des statistiques qu'on vous a données, et des analphabètes fonctionnels et des gens qui n ont pas complété leur cours secondaire, entre autres?

Mme Courville: Non, non, vous avez totalement raison. De toute façon on parlait surtout de chômeurs instruits. Je n'ai pas de statistiques. Je pense qu'elles sont très faibles concernant les assistés sociaux instruits. Mais je pense que vous reconnaissez que ces démarches qui doivent finalement analyser le marche de l'emploi au Québec sont essentielles et préalables à une politique de plein emploi. Pour nous, c'est vraiment la seule voie à emprunter pour régler le problème des assistés sociaux. Oui des programmes d'employabilité qui débouchent sur un emploi, mais des emplois ou comment et quand? C'est de cette façon en dirigeant les gens dans des secteurs d'avenir qu'on va leur permettre ensuite d'avoir un vrai travail et qu'on va éviter le travail au rabais. Le travail au rabais, c'est une tare et je pense qu'on doit faire extrême ment attention à ce phénomène qui pourrait être créé par votre reforme.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux vous demander votre opinion dans le sens de la discussion que nous avons sur notre intervention dans le domaine de I'industrie de la construction avec la loi 119, avec la mise sur pied d'une Commission de la construction du Québec où siègent des éléments des parties syndicales patronales, du ministère de I'Éducation, du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité, du revenu du ministère du Travail, justement dans le but d'évaluer les besoins du marché de la construction et quon forme les jeunes à I'école en fonction des besoins et des techniques qui se développent dans la construction en impliquant tous les partenaires? Est-ce que vous êtes d accord avec une telle approche?

Mme Courville: Je vous répondrai M. le ministre en vous rappelant que notre colloque de Compton en janvier 1987 avait élaboré la notion qu'on appelait alors le travail minimum garanti, notion qu'on a réussi à intégrer au programme du parti. Cette notion prévoyait, dans I'ensemble des secteurs, I'élaboration de comités comme celui dont vous faites mention pour vraiment réussir a réunir, non pas tout le secteur de I'éducation, tout le marché du travail, tous les syndicats et tout cela dans la même boîte, mais vraiment par secteur, c'est-à-dire les gens qui sont impliques par exemple dans un secteur comme I'aluminium, ou les techniques aeronautiques, ou tout le secteur de I'aviation, les gens qui se sont chargés de fa formation de ceux qui entrent sur le marché du travail, des gens qui travaillent dans les syndicats dans ce domaine-là, le patronat dans ie même secteur. (13 heures)

En assoyant les gens autour d'une même table, secteur par secteur, on peu, je crois, très facilement faire I'analyse. Pour le secteur que je connais - je suis ingenieure - on peut tout de suite voir les failles - il n'y a pas beaucoup de chômage chez les ingénieurs, je vous le dis tout de suite - de formation et voir quels étudiants sont diriges sur des votes de garage et dans quels domaines. Cette analyse se fait secteur par secteur. Je suis sûre que si chacun des domaines au Québec se responsabilisait, autant les syndicats que le monde du travail, si les gens se souciaient de la génération qui vient derrière eux, que ces gens là n auront pas de place, car ils savent qu'ils nous forment sur des voies de garage, je pense qu'on serait beaucoup

mieux sur le marché de l'emploi dans tous les secteurs.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): De quelle façon évaluez-vous ou percevez-vous - cela devrait peut-être être une meilleure question -le travail qui est fait un peu dans ce sens là par les commissions de formation professionnelle, un peu partout, dans toutes les régions du Québec?

Mme Courville: Je ne suis pas apte à évaluer le travail des commissions professionnelles dans tout le Québec.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je reviendrai tantôt parce que, sur les douze recommandations que vous effectuez à la dernière page de votre mémoire, il y en a qui d'après nous, font déjà partie de ce que nous proposons. Pour vous citer quelques exemples, la douzième que vous avez mise en ligne, et j'espère que ce n'était pas par ordre d'importance pour vous, c'est la question de la parité. Nous prétendons que nous l'accordons, mais pas dans les délais que vous nous demandez, que les jeunes libéraux nous demandent, comme tous les jeunes. J'aimerais vous entendre sur ce que les jeunes qui vous ont précédé nous ont dit, soit sur l'effet de la contribution alimentaire parentale.

M. Laporte (Sylvain): Écoutez, au sujet de l'effet de la contribution parentale, les études qui ont été endossées par le ministre Ryan, lors du dépôt du mémoire que I'on avait fait, je pense, à l'automne 1986, nous laissait croire que moins de 30 % des parents donnaient effectivement la contribution maximale exigée des parents. On dit 40 % quand on parle de 65 % de la contribution et plus, mais, lorsqu'on parle de 100 % de la contribution, on parle d'à peu près 30 %. Alors il est à croire que, dans le régime de l'aide sociale, ce pourcentage ne sera pas augmenté et, à la rigueur, qu'il pourrait peut être même diminuer. C'est ce qui nous laisse un peu perplexe.

Maintenant, quant à la parité de l'aide sociale, je ne considère pas que le travail que vous faites, que je respecte énormément, corresponde le moindrement à I'engagement du 2 décembre 1985. Il correspond à un nouvel engagement, celui du 25 février 1988 qui est dans quelques domaines une amélioration de la situation, mais, dans bien d'autres, une détérioration. Pour plusieurs de ces jeunes, la parité de l'aide sociale pour 17 657, c'est la perte de tout revenu, pour 3616, c'est la réduction de leur chèque mensuel pour la plupart des autres cest-à-dire les 4273 autres, écoutez, c'est une contribution parentale qu'on évalue à 100$ minimum et dont on ne connaît pas le plafond.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le plafond, ce sont les prêts et bourses.

M. Laporte (Sylvain): D'accord. Alors, maintenant qu'on connaît le plafond, c'est aussi dangereux, on peut s'y cogner la tête, tellement il est bas. Mais, écoutez, on ne s'attend pas que ces 4273 puissent recevoir la contribution parentale qui est pourtant exigée. Alors, ce qu'on exige du gouvernement, c'est qu'il mette de l'avant la promesse de décembre 1985 et qu'il ne se soucie pas des différentes distorsions qu'il pourra créer avec le ministre de I'Éducation, parce que ce dernier doit aussi proposer une réforme. Je pense que, malgré la grosseur de la fonction publique, vos deux bureaux et les bureaux d'autres de vos camarades ne sont pas si loin que vous ne puissiez vous consulter avant de présenter chacun votre réforme. Ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut pas craindre une distorsion de l'aide des prêts et bourses par la réforme de I' aide sociale.

M. Paradis (Brome-Missisquoi) Si je vous soulignais que je ne suis pas le premier à exprimer de telles craintes et que dans une politique proposée ou mise de l'avant dans un livre blanc sur la fiscalité, quelqu'un en 1984, même en s'opposant à la parité, même en demeurant au petit barème pour les jeunes en bas de 30 ans disait: La politique actuelle concernant les jeunes d'âge scolaire incite peu aux études, particulièrement les jeunes qui sont considérés à la charge de leurs parents aux fins du régime de prêts et bourses. À titre d'exemple, un élève de 18 ans aux études collégiales, demeurant chez ses parents et dont le père gagne un salaire égal au salaire industriel moyen, recevra annuellement un prêt de 1075 $ en vertu du régime de prêts et bourses, alors que, s'il décide de décrocher, il recevra annuellement 1758 $ du programme d'aide sociale. Dans le premier cas, il devra rembourser le prêt obtenu alors que dans le deuxième, il n'aura rien a rembourser. On pourrait citer d'autres exemples où le jeune aura le choix entre aucune aide financière pour ses études, aucune bourse et aucun prêt, si ses parents sont plus fortunés, et un montant de 1758 $, s'il est bénéficiaire de I'aide sociale. À la limite, si les parents sont bénéficiaires de I'aide sociale, il recevrait 1250 $ en bourse et 1195 $ en prêt, s'il est au cégep contre 1758 $, s'il est bénéficiaire de l'aide sociale. Ce sont des chiffres sans accorder la parité, même en se prononçant contre la parité. En accordant la parité, nous soulevons que I'incitatif crée est augmente considérablement. Est-ce que vous ne considérez pas qu'il serait dangereux d'avoir une politique de sécurité du revenu qui financièrement, inciterait les jeunes à considérer l'option de I'aide sociale plutôt que la continuation des études?

Mme Courville: M. Paradis, nous sommes dans une commission parlementaire sur I'aide sociale, mais je vais faire une petite escapade du côté de l'éducation qui est un dossier que

j'affectionne également. Le problème, c'est que vous comparez deux régimes, en tenant pour acquis que le régime des prêts et bourses est en général satisfaisant. Or, vous n'êtes pas sans savoir que la majorité et même la totalité des associations étudiantes ont, depuis dix ans, entrepris des batailles avec le gouvernement du Parti québécois et avec le gouvernement du Parti libéral également pour souligner les immenses trous qu'il y a dans ce régime de prêts et bourses. Nous avons une solution à proposer. Vous pourrez l'adresser de ma part au ministre de l'Éducation, nous l'avons déjà fait. Cela s'intitule "I'impôt universitaire". Nous ne croyons pas, tout comme vous, que la situation des jeunes qui sont aux études collégiales et universitaires soit adéquate pour l'instant. En effet, il y a désincitation, non pas simplement à cause de l'aide sociale, mais à cause d une multitude de facteurs. Les chiffres qui indiquent le nombre de jeunes qui doivent travailler à temps partiel durant leurs études sont effarants, car un travail à temps partiel ne permet pas une implication aussi grande dans les études, surtout quand le travail à temps partiel est de 25 et 30 heures, presque une semaine complète. Vous ne me ferez pas dire que les études et la qualité de la formation est aussi grande. Toutes ces revendicalions sont faites depuis longtemps par les associations étudiantes au ministère. La solution que nous amenons: abolir les frais de scolarité, hé oui, et les remplacer par un impôt selon lequel la personne qui a terminé ses études et qui est rendue sur le marché du travail comme avocat, ingénieur, technicien en aéronautique ou n importe quoi et a maintenant des revenus peut - par année nous avions calculé un taux de 3 % - permettre au gouvernement de retirer 3 % de son chèque de paie pour rembourser tout ce qu'il a eu et permettre après cela aux jeunes qui le suivent de faire des études encore plus adéquates. Cette façon de faire que nous avons proposée à notre parti et qui a été entérinée par le Parti québécois nous apparaît idéale, car cela libère complètement les jeunes de contraintes financières durant la période où ils doivent se consacrer à leur formation et vraiment être complètement plongés dans le milieu des études pour, après cela, leur permettre, sur le marché du travail, bon d'accord de le financer pendant peut être dix ans. II faudrait faire des études actuarielles pour définir les montants. Cette façon de faire en ce qui a trait aux prêts et bourses permettrait donc aux jeunes en remboursant... Le régime des prêts et bourses pourrait être collé à cette notion d impôt universitaire. II y a plusieurs facettes à regarder avec cela. Cela permettrait de mettre de I'argent neuf dans les universités. cela permettrait aux jeunes de se concentrer et vous oublieriez votre problème de concilier I'aide sociale avec le régime des prêts et bourses. Le régime des prêts et bourses aurait été totalement modifié par une solution innovatrice.

Maintenant si on revient à l'aide sociale, on n'aurait plus besoin de faire cette harmonisation et on permettrait aux jeunes qui tombent dans les trous des prêts et bourses, parce qu'il y en a des trous, de ne pas tomber dans la rue, mais de tomber à l'aide sociale quelque temps, le temps de se ressaisir et de retourner à I'école.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais céder à...

Le Président (M. La porte): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Vous avez pu constater, M. le ministre. que le Comité national des jeunes du Parti québécois a des représentants qui ont la capacité de systématiser leur pensée et de bien la présenter. Je veux vous dire avec d'autant...

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... témoin de cela par le biais des médias.

Mme Harel: J'allais dire qu'avec autant de sincérité que je l'ai fait pour vos prédécesseurs, je crois que nos formations politiques respectives sont finalement bénéficiaires de I'indépendance d'esprit de l'autonomie dont témoignent nos comités respectifs. J'ai pu le constater ce matin, M. le ministre. C'est intéressant que vous nous rappeliez ici en commission parlementaire des mesures assez novatrices: l'impôt universitaire I'emploi minimum garanti tout le concept d'emploi minimum garanti qui a été introduit par le Comité national des jeunes du Parti québécois dans le programme. J'aimerais peut être examiner avec vous - le ministre vous interrogeait sur les positions 1985 et sur celles qui prevalent dans votre mémoire - une étude sur le chômage des jeunes qui a été publiée dans la revue Le Marché du travail. Cette étude est intéressante à bien des égards parce que d'une certaine façon, elle permet de verifier que, s'il y a toujours des problèmes - et ils sont réels votre prédécesseur le notait un peu plus même de 15 % - on peut quand même constater une réalité, c'est que la situation s'améliore, elle ne se détériore pas malgré qu'elle est relativement plus difficile encore.

Sans doute que vos préoccupations sont telles, et vous nous le rappeliez, que cette amelioration ne trouve pas a se perdre dans une perspective de ralentissement économique comme celle qui est prévue à court et moyen terme. Je pense que vous aviez raison de nous rappeler que ce sont finalement toujours les jeunes dans les cycles de décroissance qui sont les victimes. On sait qu'avec la crise de 1982, c'est un taux de chômage record qui avait été propulsé à 23 %. C'est une amélioration, mais vous avez raison de nous rappeler que cette amélioration est fragile et qu'elle suppose, même en temps de croissance, une préoccupation de la part du gouvernement

puisque les taux de croissance record de l'emploi ont à peine fait vaciller le chômage de quelques fractions de 1 % ou plus, autour de 9, 7 %. Et ce sont des croissances records qu'il est fort possible qu'on n'atteigne pas pour bien longtemps encore.

Si on reprend toute la question des prêts et bourses, la question des transferts de clientèles, vous avez été très explicite sur cette question. En réponse, le ministre vous dit que, si une autre philosophie n'est pas adoptée aux prêts et bourses, si c'était la même qui était maintenue par son gouvernement, dans cette logique, il y aurait des problèmes de transfert. Si vous vouliez, on ferait l'exercice de prendre cette logique juste pour voir s'il y a des problèmes de transfert.

Le ministre nous dit: Un jeune qui va obtenir un prêt... Et il nous donne les chiffres, 1075 $ pour un prêt et il nous donne les chiffres de la bourse, et c'est toujours en relation avec les 1758 $ de l'aide sociale de maintenant. Les 1758 $, si on divise par 365 jours par année, représentent 5 $ par jour. Donc, l'incitation actuelle de quitter le collégial parce qu'il n'y a pas de prêts et bourses autres que pour des études collégiales et universitaires. Donc, on pense à un jeune qui va au cégep, un jeune qui va à l'université. Le ministre craint... En tout cas, il nous dit que les craintes seraient fondées qu'il y aurait une incitation à quitter des études collégiales et universitaires.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je m'excuse. Si vous me permettez d'interrompre parce que ce n'est pas moi qui ai dit cela, c'est l'auteur du livre blanc sur la fiscalité.

Le Président (M. La porte): On va permettre à Mme la députée de Maisonneuve de continuer.

Mme Harel: Les spécialistes. Ah bon! D'accord. Mais il fait siennes ces craintes. II les fait siennes à ce point que, dans son document d'orientation, il les a trouvées suffisamment fondées pour introduire la contribution parentale de peur justement. Ces craintes, il les partage tout au moins. Alors, j'aimerais faire I'exercice avec vous si vous pensez qu'elles doivent être partagées.

Croyez-vous qu'un étudiant de niveau cégep, de niveau universitaire peut être tenté de quitter ses études, qui sont un investissement pour I'avenir, ne l'oublions pas, pour obtenir, s'il est à la maison comme dans l'exemple du ministre et qu'il habite avec ses parents, qu'il est donc dépendant l'équivaient de 5 $ par jour? Le ministre ajoute, et je pense qu'il faut en tenir compte aussi: L'incitation ne sera t'elle pas plus grande avec ma réforme de la parité? Parce que sa crainte est doublement amplifiée du fait que, maintenant, il accorde la parité. (13 h 15)

Peut-être pourrions-nous examiner, avec les chiffres que vous nous donniez, si l'incitation serait plus grande pour un jeune de 18 ans qui est dépendant et qui partage le logement avec ses parents, qui habite chez ses parents si le ministre doit craindre... Les chiffres que j'ai, c'est que ce jeune, dans la même situation que maintenant, aurait soit 190 $ en 1989 avec sa réforme parce qu'il partage son logement et qu'il est dépendant. Ou il est admissible, il attend les mesures et, alors, il aurait 205 $. Cela lui fait une petite augmentation de 15 $ en 1989, parce qu'il est admissible aux mesures, qu'il est dépendant et qu'il partage un logement. Au mieux, il participe aux mesures, ce jeune qui quitte le cégep, mais, selon ces mesures, il ne quitte pas le cégep pour retourner finir son secondaire. II participe à des mesures qui seraient stages en entreprise ou travaux communautaires. Stage en entreprise, mon Dieu qu'on aimerait donc cela avoir les résultats des études que le ministère a fait faire sur les stages en entreprise et qui semblent indiquer tous les problèmes posés par les milieux qui ne sont pas propices à la formation. Mais, au mieux, il pourrait améliorer beaucoup son sort parce qu'il aurait 305 $ par mois, quand présentement il a 487 $.

Croyez vous fondée la crainte partagée par le ministre d'un problème de transfert de clientèle du cégep ou de l'université à l'aide sociale?

Mme Chartier: Mme Harel, je pense que vous avez extrêmement bien cerné la problématique. C'est sûr que I'idéal ce serait un réajustement du régime des prêts et bourses selon I'idée de I'impôt universitaire que nous avons développée. Mais en admettant que le ministère de I'Éducation prenne son temps dans cette demarche, vous avez tout a fait raison en disant que pour les jeunes qui sont dépendants, ils ne considéreront pas qu'il y a une diminution de I'incitation aux études. Maintenant pour les jeunes qui sont indépendants, il y a quand même une différence de 5 $ par jour comme I'indiquait M. le ministre, mais quand même presque une chance d'avoir le BS pour le restant de sa vie, ou la possibilité d aller s'éduquer et quand même d'augmenter sa chance d'avoir un emploi rémunérateur dans I'avenir.

Le taux de rendement d'une étude d'un cours, que ce soit au niveau collégial, que ce soit au niveau universitaire, c'est sûr que ce n'est pas ce que c'était dans le temps, mais c'est quand même extrêmement fort par rapport aux gens qui sont décrocheurs. Toutes les études s accordent pour le dire toutes les études disent la même chose à cet effet. Donc, pour qu'un jeune, en ce moment,, qui est indépendant choisisse les 5 $ par jour pour le restant de sa vie, entre guillemets, ou une éducation avec une beaucoup plus grande possibilité de se trouver un emploi, je pense que c'est très clair que le transfert ne se fera pas et que les jeunes vont

continuer à étudier.

Mme Courville: De toute façon, M. le ministre et Mme la députée, je crois qu'il faut regarder les pourcentages. Je n'ai pas les chiffres. Je vais juste vous lancer des questions. Le pourcentage qu'on prévoit de jeunes qui pourraient transférer d'un programme de prêts et bourses, qui lâcherait les études pendant neuf mois et qui s'en irait après cela à l'aide sociale pour continuer les mêmes études, il faudrait évaluer le chiffre. On peut le faire rapidement, 5 %, je ne sais pas. Le pourcentage de jeunes qui se font couper l'aide sociale, par exemple, on peut l'évaluer rapidement, c'est dans votre document. Il y a 17 000 jeunes sur un total de 140 000.

Je pense qu'on peut regarder la quantité de gens affectés. Je pense que, parmi les gens affectés qui se font couper l'aide sociale ou qui se le font réduire par une mesure de contribution parentale, le nombre de personnes, de jeunes touchés là, est-ce que cela correspond aux jeunes qui vont transférer du régime de prêts et bourses à l'aide sociale? Moi, je ne crois pas. Je crois que c'est un faux problème. Les jeunes qui vont transférer, il se peut qu'il y en ait, cela va être marginal par rapport à la quantité de jeunes qu'on brime pour ces quelques cas. C'est comme les problèmes de fraude. On ne va pas se mettre à judiciariser tout un système pour des gens qui ne fraudent pas plus que les compagnies fraudent leur impôt.

Mme Harel: Me permettez-vous une question justement sur la question de la judiciarisation. On retrouve dans les recommandations de la Commission jeunesse du Parti libéral - je vous les lis - que, si le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu décidait de procéder avec le principe de solidarité familiale - permettez-moi juste de tiquer un peu parce que c'est plutôt une contribution parentale - premièrement, qu'il modifie les critères qui déterminent la dépendance d'un bénéficiaire pour assurer de façon non équivoque qu'aucune discrimination fondée sur l'âge soit implicite et qu'il reconnaisse par le fait même l'obligation filiale, avec les conséquences que l'on sait de ce que peut être l'obligation filiale. Alors, l'autre recommandation, c'est qu'il mette en place un mécanisme administratif apte à assurer le versement effectif de la contribution alimentaire. C'est une des recommandations du groupe qui vous a précédé. Troisièmement, qu'il explicite la notion de dénuement total et son application.

Concevez-vous que le critère de contribution parentale devrait donner lieu à une judiciarisation des relations familiales pour établir le paiement ou rendre obligatoire le paiement de cette contribution parentale?

Mme Chartier: C'est très clair que la notion de contribution parentale ou filiale entraîne une judiciarisation accrue. Bon, une judiciarisation, c'est évidemment ce qu'on appelle, nous, dans notre mémoire, le "boubou macoutisme". Un "boubou macoutisme" qui dort probablement à nos portes, étant donné le nombre considérable de catégories et de critères inédits qui font partie du projet de réforme. Une chose est certaine, c'est que le bénéficiaire risque d'être perdu dans une espèce de dédale bureaucratique et, malheureusement, un bénéficiaire qui est face à un agent du gouvernement en train d'établir un contrat... Je pourrais citer un extrait du document "Pour une politique de sécurité du revenu". On dit que les deux ensemble devront établir le plan d'action. Le plan d'action prendra la forme d'un engagement contractuel qui définira les obligations des deux parties. Quand on parle d'obligations des deux parties, encore faudrait-il que les deux parties soient égales, et, malheureusement, je ne pense pas qu'un bénéficiaire soit exactement sur un terrain d'égalité avec un agent du gouvernement. Cela nous apparaît extrêmement dangereux. Tout ce qui pourra accentuer les méthodes, les mécanismes de contrôle de l'appareil gouvernemental, est extrêmement dangereux pour ces bénéficiaires.

La solution que nous proposons, c'est de former une commission d'appel ayant juridiction pour entendre ces griefs et trancher entre le bénéficiaire et l'appareil gouvernemental. Une telle commission d'appel pourrait aussi, si jamais on adoptait la recommandation visant à intégrer un volet formatif obligatoire dans les stages en entreprise, trancher entre l'entreprise qui devrait donner son volet formatif et le bénéficiaire qui se sentirait lésé parce qu'il ne l'aurait pas obtenu. Donc, une commission d'appel semblable à la Régie du logement ou à d'autres mécanismes assez similaires existants à l'heure actuelle, qui pourrait permettre aux bénéficiaires de se sentir un peu plus défendus.

Mme Harel: On retrouve cette recommandation à la page 22 du mémoire, où on fait toute l'étude de la problématique, notamment quand vous dites: "Peut-on sérieusement soutenir que le bénéficiaire de l'aide sociale et l'agent du ministère dialoguent d'égal à égal?" Encore une fois, je m'en veux de le répéter, mais c'est indispensable parce que, sans cet éclairage, comment peut-on, de façon sérieuse, évaluer ce qu'on s'apprête à faire quand on n'a même pas les résultats des études sur les stages en entreprise, les effets qu'ils ont eus, le taux de persistance. Vous savez sans doute qu'il y a une catégorie qui fait que, si on quitte le programme pendant six mois, on ne peut pas participer à de nouvelles mesures. Je ne sais pas si, comme moi, vous avez assisté à la présentation du premier groupe qui représentait les SEMO. Il mettait en lumière une autre dimension, soit que du fait que 17 000 jeunes n'obtiendraient plus d'allocations, ils n'auraient plus accès aux mesures d'employabilité. Non seulement accroît-on leur totale

dépendance, mais plus encore, ces mesures d'employabilité - auxquelles on croit, je pense qu'il faut le dire, autant que le ministre dit également le croire - ne seraient plus accessibles à ces jeunes parce que, pour être accessibles, il leur faut être bénéficiaires. Ne l'étant plus, ils ne pourraient plus avoir droit à ces mesures. Je pense que c'est un trou dans le système. C'est dans sa propre logique d'employabilité.

Je veux vous poser une question importante qui n'est peut-être pas facile, mais qui est importante. Le ministre a dit qu'il peut y avoir un danger s'il y avait une vraie parité. Supposons que le ministre se rende aux arguments de l'ensemble des groupes ou la presque totalité des groupes qui viennent devant la commission, demandant de mettre de côté, parce que néfaste, la contribution parentale et de mettre de côté la réduction pour le partage du logement, parce que néfaste aux efforts consentis par des personnes pour améliorer leur sort, et qu'il instaure une véritable parité à partir de l'âge adulte de 18 ans et que cette parité, espérons-le, serait accompagnée de mesures d'employabilité particulièrement axées sur cette catégorie de personnes, les 18-21 ans. On peut utiliser des catégories sans que cela signifie une réduction des prestations. Il faut bien se comprendre. Est-ce que vous concevez que les allocations, les barèmes devraient, dans tous les cas, être offerts sans qu'il y ait, pour une catégorie qui serait les 18-21 ans, l'obligation de participer à des mesures qui leur permettent de mieux s'instrumenter pour faire face aux problèmes auxquels ils auront à faire face dans l'avenir? Qu'est-ce que vous considérez être la vraie parité?

Mme Courville: Je ne suis pas sûre de comprendre la question, Je vais essayer de la cerner au début de ma réponse. Ce que vous nous demandez finalement, c'est qu'est-ce que la parité? Est-ce que c'est la parité à la baisse ou la parité à la hausse? Est-ce que c'est tout le monde dans le même bain pour que tout le monde soit lavé de la même façon? Premièrement, on a étudié surtout la problématique des moins de 30 ans. Je peux très brièvement vous dire qu'au sujet des plus de 30 ans, c'est clair que des choses vont être dénoncées par d'autres groupes, sur lesquelles nous sommes d'accord, que des femmes qui ont des enfants de trois ans ne peuvent plus, et d'autres... Disons que, chez les moins de 30 ans, il faut voir l'évolution du régime d'aide sociale, voir s'il s'en va dans la bonne direction. Et, nous, notre principal but, ce qu'on souhaite à ces gens qui font partie de notre génération, c'est un emploi.

La meilleure façon d'y arriver, ce n'est pas facile, mais la meilleure façon, bien sûr, c'est qu'ils se mettent à l'ouvrage, qu'ils se mettent à participer à des programmes. Encore faut-il qu'il y en ait, des programmes. Encore faut-il qu'il y en ait! Un fait qui nous apparaît particulièrement... En fait, ce sont des questions, parce qu'on n'a pas toutes les réponses dans cette réforme. Les jeunes admissibles à des mesures, mais qui ne peuvent pas participer aux stages parce qu'il n'y en a pas, ce n'est pas leur faute. Ont-ils la parité totale? Ont-ils le montant des stages? Je sais que la réponse est non. C'est quand même inadmissible parce que ce jeune n'aura pas le plein montant, mais ce n'est vraiment pas de ses possibilités de participer à des stages s'il n'y en a pas.

Alors, nous, ce qu'on propose, entre autres, dans notre mémoire, c'est tout cet argent qui sera récupéré parce que le jeune veut participer, qu'il est admissible, qu'il a 420 $ ou moins, selon les différents statuts, mettons 420 $, il devrait avoir 520 $ parce qu'il a le goût de participer, qu'il est libre et disponible à participer. Ces 100 $, il faut qu'ils retournent à cette personne. La meilleure façon de les lui retourner - il y en a deux - on peut !ui donner le chèque ou on peut aussi investir énormément dans les programmes de formation d'emploi. Cet argent peut faire partie, ne pas être la seule subvention, mais faire partie d'un programme résolument axé sur leur problème qui est l'emploi. Cet argent doit retourner à ces bénéficiaires, il est hors de question de faire des transferts, de décider qu'une année il n'y a pas de programme d'employabilité, que les jeunes seront tous à 420 $ au lieu de 520 $, et que tout cet argent s'en va au Conseil du trésor pour, Dieu sait quoi, réduire le déficit. C'est important que l'ensemble des montants alloués à l'aide sociale soient retournés aux bénéficiaires, et la façon de les leur retourner, c'est de leur trouver un emploi. Alors, il faut évaluer la façon la plus efficace. Il ne faut pas les laisser dans la pauvreté. Et, s'ils ne peuvent participer à des stages, ils doivent pouvoir récupérer cet argent sous forme d'aide au travail.

Mme Harel: Votre principe se chiffre...

Le Président (M. Laporte): II reste une minute, Mme la députée. C'est tout simplement pour vous le souligner.

Mme Harel: Oui, merci. Votre principe se chiffre parce qu'une politique qui serait centrée, non pas simplement les mots pour le dire, mais les moyens pour la réaliser, ce serait une politique qui investirait à peu près 445 000 000 $, puisque c'est ce montant qui supposerait la réalisation du projet, 445 000 000 $ de plus, sans pour autant aller faire des économies de 100 000 000 $ dans le partage du logement, 82 000 000 $ dans îa contribution parentale, etc. La question est la suivante: Est-ce que, tout en étant bien intentionnée, la proposition est de dire aux gens: On va couper vos prestations pour mieux vous aider? C'est un peu tout l'enjeu. Il faut investir, mais de façon que les gens ne soient pas pénalisés de l'accompagnement qu'on veut faire pour qu'ils

soient mieux instrumentés.

C'est intéressant. Je ne sais pas si je vais en profiter immédiatement pour vous remercier?

Le Président (M. Laporte): Oui, s'il vous plaît.

Mme Harel: M le Président, je pense que cest une contribution intéressante et importante. Je souhaite qu'il y ait encore d'autres groupes de jeunes. J'imagine que le peu de délai entre Noël et la date du dépôt du 8 février n'a peut-être pas permis à tous les organismes jeunesse de pouvoir se présenter.

Relativement à l'ensemble des autres groupes qui se présentent devant la commission, il y en a relativement peu. Mais je vous remercie, comme on doit certainement remercier les organismes jeunesse qui viennent défendre les gens de leur génération devant la commission.

Le Président (M. Laporte). M. le ministre en vous précisant qu il reste une courte minute. (13 h 30)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Une courte minute qui va être jointe à des remerciements M. le President. Je dirai aux représentants de la commission jeunesse que je suis conscient qu'ils ont aussi travaillé durant des années sur ce fameux dossier de la parité de l'aide sociale. Cela a dû être décevant - ce n'est pas nécessairement pour les mêmes personnes, mais pour la commission comme telle - jusqu'en 1985 de voir qu'il manquait même une volonté politique de réaliser cette parité. Cela n'a pas été facile non plus pour vos collègues de I'autre formation politique. Ils y ont travaillé comme je l'ai indiqué tantôt, avant I'élection, pendant I'élection, et je suis bien placé pour vous dire qu'ils n'ont pas cessé de talonner le dossier depuis I'élection. Cependant, je remarque que vous vous rejoignez sur un aspect de cette parité qui s'appelle la contribution alimentaire et je me dois également de constater que les appréhensions de transfert de clientèle de l'école vers I'aide sociale, si cette contribution alimentaire parentale n existe pas, je ne suis pas le seul à les partager. Le seul candidat présentement en lice à la direction du parti politique dans lequel vous militez la partageait, et même en l'absence de parité. C'est encore beaucoup plus grave. Peut être que, comme les jeunes du Parti Iibéral vont sans doute continuer à insister pour que les ajustements se fassent du côté des prêts et bourses, du côté du Parti québécois, on pourrait également poursuivre la réflexion dans ce sens là et convaincre ceux et celles qui prendront les décisions finales.

Je vous remercie de votre contribution positive surtout en matière de qualité des emplois et d'employabilité sur le marché régulier du travail.

Le Président (M Laporte): La commission tient à remercier le Comité national des jeunes du Parti québécois pour sa présentation. Et la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Je disais aux parlementaires qu'on a un horaire chargé cet après-midi.

Une voix: Jusqu'à 14 h 15, M. le Président.

Le Président (M. Laporte):... selon une entente et on apprécierait que les gens puissent être ici à 14 h 15 précisément. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 32)

(Reprise à 14 h 22)

Le Président (M. Laporte): À l'ordre s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux J'aimerais rappeler le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques afin d'étudier le document intitulé "Pour une politique de la sécurité du revenu"

J'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Duquette du Dispensaire diététique de Montréal. J'aimerais peut être vous rappeler la procédure. Vous avez 20 minutes pour exposer votre mémoire. Par la suite les différentes formations politiques ont 40 minutes pour discuter avec vous sur votre mémoire. Comme le délai nous commande, je vous demanderais de bien vouloir débuter. Merci.

Dispensaire diététique de Montréal

Mme Duquette (Marie-Paule): Merci. M. le Président, Mesdames et messieurs les députés, membres de la commission parlementaire, j'aimerais d'abord vous remercier de cette invitation. II me fait plaisir aussi de vous faire part des opinions du Dispensaire diététique de Montréal au sujet de ce document préparatoire au projet de la réforme d'aide sociale. Vous avez déjà en main notre première réaction à laquelle j'ajouterai aujourd'hui certaines précisions.

Je peux dire que les éléments majeurs quon a retrouvés dans la réforme d'aide sociale sont d'une part I'établissement des barèmes d'aide sociale et d'autre part les programmes d'emploi et d'employabilité. Le dispensaire a acquis une expertise dans la détermination des montants minimums requis pour permettre la survie et le confort minimum. D'ailleurs ils étaient auparavant utilisés par le ministère pour établir les seuils d assistance sociale.

Donc dans mon exposé, j'aborderai principalement peut-être nos craintes, je dirais et nos recommandations face aux barèmes d'assistance sociale proposes et j'énumérerai aussi les points de la politique ou des programmes d'emploi et d'employabilité sur lesquels nous aimerions peut être attirer I'attention.

Les barèmes proposes prévoient une baisse

des prestations de base pour les assistés sociaux dits aptes au travail. Les prestations antérieures étaient déjà précaires. L'évidence de la relation entre la pauvreté et le mauvais état de santé nous démontre bien l'importance d'un revenu minimum garanti ou décent, finalement, comme première mesure de prévention pour les personnes démunies. Cependant, le projet prévoit remplacer les barèmes basés sur les besoins par des barèmes basés sur les dépenses des familles à faible revenu. On sait que ces familles à faible revenu ne dépensent que ce qu'elles ont à dépenser, ce qui ne correspond pas nécessairement aux besoins de base. De plus, si l'écart continue d'augmenter entre les riches et les pauvres, leur pouvoir d'achat s'amenuise. Leurs dépenses seront donc moindres et nous craignons donc que les barèmes s'ajusteront aussi à la baisse. Ce qui nous fait dire qu'utiliser la notion de dépenses des familles à faible revenu ne répond pas nécessairement aux besoins élémentaires de la personne. Le Dispensaire diététique de Montréal a basé ses budgets de confort minimum sur la notion de besoins minimums afin de bien saisir que les besoins couverts sont basés sur un strict minimum, et cela sans aucun artifice.

J'aimerais peut-être réviser avec vous les articles et les quantités que nous avons inclus. Pour cela je vous inviterais à consulter mon texte original en pages 13, 14 et 15, le tableau 1. J'illustrais ici quels étaient les budgets de subsistance. Quand on parle de budgets de subsistance c'étaient des budgets qui représentent les exigences minimales pour préserver la santé physique de l'individu. Dans nos préparations de budgets de subsistance on incluait huit besoins de base, le logement, la taxe d'eau, le chauffage, l'électricité, la nourriture, vêtements, soins personnels et entretien ménager. Ces besoins sont simplement des besoins de base. La quantité qu'on inclut dans ces besoins-là, c'est vraiment minime. Par exemple, pour l'électricité c'est simplement le nombre de kilowatts nécessaires pour éclairer la maison, pour se servir de quelques appareils ménagers comme le grille-pain, le réfrigérateur, la cuisinière, le chauffe-eau et aussi pour la radio seulement. On n'a pas, dans cela, la consommation d'électricité pour la télévision, un stéréo ou des choses comme cela. Alors, c'est vraiment des stricts minimums. Ce ne sont pas les minimums?

En plus des besoins de subsistance, on a calculé ce qu'on appelle les budgets de confort minimum; c'est-à-dire qu'aux huit besoins de base, on a ajouté des besoins qu'on appelle les besoins de confort minimum. Disons que si on veut que la personne aille au travail, eh bien, il va falloir un moyen de transport; alors, dans cela, on inclut une passe d'autobus. Le téléphone, c'est aussi essentiel. On inclut aussi les journaux, des effets scolaires pour les enfants et quelques menus articles. Finalement, tout cela en termes de chiffres, si vous regardez au tableau

II, ce sont des quantités minimales. Quand on parle qu'on a inclus un petit montant pour les visiteurs, les amis qui viendraient, ce sont des montants de 7 $ par mois pour une famille. Alors ce n'est vraiment pas de recevoir, c'est simplement acheter un petit peu de nourriture de plus, mais tu ne vas pas bien bien loin avec 7 $ de plus.

Seulement pour vous montrer le strict minimum de ces budgets, on peut voir que, finalement, le total des dépenses est porté... Disons, qu'il y a quasiment 86 % vont pour le logement et la nourriture. Le reste, c'est simplement pour quelques articles pour les soins personnels et domestiques. Alors, nos budgets, finalement, ce ne sont pas des recommandations comme telles. On dit: Quel est le strict minimum en dessous duquel la santé des gens peut être mise à risque? il faudrait quasiment avoir un doctorat en mathématiques pour pouvoir budgétiser de cette façon et arriver à se maintenir en santé.

Alors, si on regarde au tableau III, vous allez avoir... On a fait un petit exercice ici pour voir... Si j'étais une assistée sociale et que l'avais un revenu selon le soutien financier, femme seule avec deux enfants de deux et quatre ans, je recevrais des montants qui sont à peu près conformes au budget de confort minimum du dispensaire, soit 956 $, comparé à 915 $ qu'on avait déterminé, tandis que si je suis un famille de deux adultes et deux enfants de quatre et sept ans et que j'étais participante au programme, à ce moment-là, on aurait un revenu de 1049 $ et, selon le confort minimum du dispensaire, bien 1166 $ seraient nécessaires pour cette famille. Cela veut dire que cette famille aurait un déficit budgétaire de 117 $.

Si elle ne participe pas, son revenu est réduit encore, alors il y a encore un plus grand déficit. Déjà, cette famille devrait dépenser au-delà de 39 % de son revenu pour assurer une alimentation adéquate à tous les membres de la famille. Alors, c'est sûr que le point budget alimentaire, c'est toujours celui qui est le plus compressé dans le budget, et c'est toujours sur cela qu'on coupe pour aller aux urgences, pour payer des urgences. Ce qui en résulte, eh bien, c'est au détriment de la santé des membres de la famille. On voit cela tous les jours au dispensaire avec les milliers de femmes enceintes qu'on reçoit au bureau.

Au tableau V, vous allez avoir une comparaison des budgets du dispensaire. Disons que si on regarde la colonne du confort minimum et si on était élu apte et participant, on se rend compte que... Finalement, si je suis apte et participante, si je suis une Famille de deux adultes, deux enfants, on reçoit un revenu de 1012 $, alors que pour cette même famille, 1189 $ est le minimum requis pour assurer un certain minimum vital, je dirais. Les barèmes proposés, il faut se rappeler que ce sont les barèmes qui pourraient être proposés - je ne

sais pas si je me trompe - pour janvier 1989. Alors, d'ici là, l'Inflation va sûrement aggraver cet écart, à moins qu'il n'y ait là une augmentation ou un réajustement de ces chiffres.

Dans le contexte actuel du chômage, i! est fort probable que la majorité des assistés sociaux aptes, donc plusieurs d'entre eux, ne réussiront pas à accumuler le gain de travail; donc ils auront à survivre sur des revenus vraiment Inadéquats. Comment demander à ces gens de se prendre en main en réduisant les revenus à des taux inférieurs aux besoins élémentaires? Les effets escomptés d'une telle politique risquent d'être annulés. Cette politique ne fera qu'augmenter, je dirais, l'écart entre les riches et les pauvres. De plus, étant donné que le maintien des barèmes insuffisants entraîne des conséquences dont les contribuables assument les frais de toute façon, il est fortement recommandé qu'on établisse des barèmes d'assistance reconnus comme étant des minimums vitaux pour tous les assistés sociaux. Sans compter que l'application de la réforme proposée coûtera très cher aux contribuables. Alors, il faut éviter de créer un système qui est un peu trop complexe, peut-être, et qui serait peut-être très coûteux aussi, un système qui ne réponde pas nécessairement aux besoins surtout que je pense que les assistés sociaux ont des problèmes nombreux et très divers. Alors, on ne peut pas s'attendre que les agents d'aide sociale soient aptes du jour au lendemain à pouvoir intervenir et décider du sort de ces gens rapidement. (14 h 30)

II y a aussi un point important que j'aimerais signaler. C'est pour les femmes enceintes en difficulté. Nous souhaitons un statut privilégié pour ces femmes. La réforme prévoit qu'à partir de la 24e semaine de grossesse, c'est-à-dire le sixième mois, la femme enceinte verra sa prestation passer de 720 $ à 660 $ par mois alors que, selon nos budgets, le minimum vital serait de 780 $ tel qu'indiqué au tableau V de notre rapport initial.

On voit que les femmes enceintes, même si elles participent, auraient des montants inférieurs à nos conforts minimums. Puis, si elles deviennent non disponibles, hé bien! si c'est une femme seule avec deux enfants, elle voit son revenu réduit à 762 $ alors que le montant pour le confort minimum est de 928 $. Les prestations pour la femme enceinte devraient, au contraire, être accrues pour faire face à ses besoins nutritionnels et autres qui sont beaucoup plus élevés. Surtout dans cette période de la 20e semaine, elle se doit de manger en plus grande quantité et de consommer des aliments de meilleure qualité, particulièrement durant cette période où le cerveau de l'enfant atteint son pic de développement.

Des études ont démontré qu'un état de malnutrition durant cette période peut entraîner des dommages irréversibles au cerveau. Une telle mesure doit être corrigée. Pour les femmes enceintes, nous recommandons que son revenu soit complété d'un supplément de revenu qui tienne compte des besoins accrus de grossesse. Une suggestion serait peut-être de considérer son foetus au même titre qu'un enfant nouveau-né, donc un adulte et un enfant.

Les prestations à des femmes enceintes sont un investissement et non une dépense. Saviez-vous que les bébés de petit poids à la naissance sont plus maladifs, qu'il y a de plus longs séjours d'hospitalisation, souffrent treize fois plus de retard mental et sont plus à risque de se retrouver à l'adolescence ou à la vie adulte avec des problèmes de comportement. Leur nombre est deux fois plus élevé en milieu défavorisé qu'en milieu favorisé. Oui, il est certain que le seul fait que la mère soit mal nourrie durant sa grossesse produit des bébés qui coûtent très cher à la société. Pensez seulement à ce que cela peut coûter de garder un enfant en institution, ce que cela peut coûter aussi de garder un adolescent en centre, ce que cela peut coûter un adulte en prison finalement. Ces enfants hypothéqués pour la vie, ce sont justement des bébés de petit poids, des bébés de mères mal nourries et qui, au cours de leur grossesse, ont connu des difficultés ou des stress très grands.

Rappelez-vous que les bébés de petit poids requièrent initialement, dès la naissance, en moyenne quatorze jours d'hospitalisation au lieu de deux à trois jours pour un bébé de poids normal. Le système de santé est déjà surchargé. Il ne faut pas y contribuer davantage.

Nous recommandons donc que les foetus en croissance soient considérés comme un être avec des besoins, tout autant que l'enfant nouveau-né, donc que toute femme enceinte soit considérée une adulte, un enfant.

De plus, le gouvernement vient de poser des jalons pour une politique familiale. Dans le but de favoriser la politique familiale et de soutenir l'effort des parents dans l'éducation des enfants, nous tenons à mentionner que le traitement des femmes ayant à charge des enfants en bas âge, nous semble peu conforme aux objectifs d'une politique familiale rentable.

Pour ce qui est des moins de 30 ans, nous demandons aussi la parité d'aide sociale pour eux. Des milliers de jeunes de moins de 30 ans sont aujourd'hui sans avenir, désespérés, n'arrivent plus à s'en sortir et s'évadent dans !e monde illusoire de la drogue, de l'alcool ou de la prostitution. Pour ces moins de 30 ans, nous souhaitons la parité dès maintenant et non en janvier 1989. Les jeunes de moins de 30 ans sont très nombreux et leur nombre continue d'augmenter. Ces jeunes formeront la société de demain. Ils se doivent d'y contribuer activement. Il faut leur donner des moyens financiers pour subsister tout en appuyant les diverses mesures qui les inciteront à poursuivre leurs études.

De plus, il nous faudra améliorer les programmes d'aide aux décrocheurs. Je pense que c'est essayer de viser ou miser, cibler sur ces

jeunes pour avoir notre programme d'emploi et d'employabilité.

Enfin, les diverses questions que nous aimerions soulever sont à savoir si la personne qui reçoit les montants d'assurance-chômage inférieurs aux barèmes a toujours droit à un supplément d'aide sociale, si le supplément de 20 $ pour la femme enceinte est de ce fait éliminé, quelles sont les répartitions, selon les besoins, des montants proposés et si les assistés sociaux auront droit d'appel. C'est un autre point. L'emploi et l'employabilité. La problématique de l'emploi et de l'employabilité, je suis d'accord, possède des racines vraiment multiples. Alors, il faudra s'interroger au-delà de la réforme sociale pour trouver la solution.

Plusieurs points dans cette politique se doivent d'être considérés, sinon les effets escomptés seront annulés. Les points que nous dirions faibles, c'est que la solution nécessiterait au-delà de 400 000 emplois. Ces emplois rémunérateurs n'existent pas. Je pense que c'est un fait. II faut partir avec ce fait en réalité. Je pense que la solution, telle que proposée, surestime la capacité de la structure qu'on a présentement en place. Aussi, quant à la solution, on met aussi le fait qu'il y a une très grande diversité entre les assistés sociaux. Ce n'est pas toute une étiquette de personnes. C'est une diversité de personnes. Ces diversités de personnes ont de multiples problèmes, alors on ne peut pas avoir une formule universelle qui va guérir tous ces maux. Je ne sais pas si l'agent d'aide sociale va être toujours qualifié pour vraiment apporter des approches tout à fait spécialisées et diversifiées aussi pour aider à les guider, à les mieux placer dans leur plan d'action personnalisé.

Je pense qu'il faudrait axer davantage les programmes d'emploi et d'employabilité. Je pense que c'est bien qu'on ait des programmes, qu'on ait une politique d'emploi et d'employabilité. Il faudrait quand même axer ces programmes plus vers des gens qui sont employables au départ que d'essayer d'atteindre tout le monde du même coup, tels les travailleurs récemment mis à pied. Je pense que ce serait un groupe à cibler en premier lieu. Les jeunes décrocheurs, c'est un autre groupe à cibler en premier lieu. Peut-être se donner plus de temps pour appliquer la politique sur une période très courte d'un an. Disons que la solution telle que proposée présentement sous-estime, je pense les coûts de son application. Cela impliquerait la formation d'agents et de l'embauche d'agents de programmes spéciaux qui ne sont pas sur place présentement. Je pense qu'il faudrait vraiment penser à une application sur une longue période de temps.

Aussi, je pense que la solution du problème de I'emploi et de l'employabilité des gens nécessiterait peut-être une structure de concertation avec tous les organismes en dehors du gouvernement, organismes privés ou bénévoles qui, eux aussi, travaillent dans le milieu, auprès de ces gens des milieux défavorisés qui ont déjà des programmes qui sont mis sur pied, peut-être de concert avec autant le ministère, avec le monde des affaires, avec les syndicats, avec les organismes bénévoles pour arriver à formuler finalement et réaliser des programmes qui soient vraiment efficaces. Le gouvernement demeure premier intervenant dans tout cela, c'est certain, mais je pense, que la collaboration de ces gens-là va être très importante.

Le débat sur la problématique de l'emploi et de l'employabilité se devra d'être accompagné d'une série d'autres interventions. Je pense qu'on ne peut pas, avec juste la réforme de l'aide sociale proposée, penser qu'on va pouvoir résoudre beaucoup de problèmes tout de suite. II faut vraiment avoir d'autres temps accompagnés d'une série d'autres interventions finalement après cette première discussion.

En résume, je dirais que le Dispensaire diététique de Montréal recommande donc que les barèmes d'aide sociale couvrent les besoins vitaux pour tous les bénéficiaires. Nous recommandons aussi qu'un statut privilégié soit accordé aux femmes enceintes. Nous recommandons la parité des jeunes de moins de 30 ans dès maintenant et de faire porter d'abord sur eux tous les efforts de réinsertion au marché du travail. Nous recommandons que les programmes d'emploi et d'employabilité soient plus approfondis, peut-être mieux ciblés et appliqués de façon progressive. Ainsi ce sera probablement voué à un plus grand succès.

Ce projet de réforme est un pas à la recherche d'une solution au problème de la pauvreté. Nous vivons depuis quelques années une détérioration sociale évidente qui nous inquiète. Ne rien faire ou réduire davantage leurs moyens, c'est se condamner soi-même. Cela nous mène vers une très grande instabilité sociale. Le défi à relever est à la fois énorme et très complexe je suis d'accord. Nous croyons fermement que c'est en misant sur ce qu'il y a de meilleur au sein de l'individu que cette politique réussira vraiment. Évitons de nourrir les préjugés par une attitude peut être un peu punitive à I' égard de ces gens.

Le gouvernement se doit aussi de considérer toute dépense pour améliorer cette situation comme un investissement important pour I'avenir de notre société. Merci.

Le Président. (M. Laporte): Merci, Mme Duquette. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie Mme Duquette et l'organisme qu'elle représente, le Dispensaire diététique de Montréal. Oui, pour son mémoire, oui pour sa présentation et également oui pour un travail de longue haleine. Votre intervention n'est pas nouvelle dans ce type de dossier.

La clientèle de I'aide sociale n'est pas une clientèle qui est facilement employable. Sur les 400 000 chefs de familles qui sont présentement

des prestataires de l'aide sociale, vous en retrouvez à peu près 100 000 qui seraient éligibles, suivant les évaluations du ministère, au programme Soutien financier, donc qui ont des difficultés très majeures de se trouver un emploi. Parmi l'autre 75 % des 300 000, il y en a régulièrement à peu près 75 000 à 85 000 qui sont considérés comme non disponibles pour les motifs énumérés dans le document de sécurité du revenu. Donc, il reste, grosso modo, quelque 225 000 personnes qui sont considérées employables. C'est un gros mot, considérées employables. On les considérera employables lorsqu'on aura réussi, dans plusieurs cas, à améliorer leur employabilité. 36 % de cette clientèle sont des analphabètes fonctionnels. De nos 300 000 personnes aptes, 36 % qui sont analphabètes fonctionnels. 60 % n'ont pas complété leur cours secondaire, et on sait combien d'entreprises exigent aujourd'hui, strictement pour avoir la permission de poser sa candidature sur l'emploi qui exige le moins d'employabilité, qu'on détienne au moins un diplôme d études secondaires. II y en a 40 % qui n'ont pas d'expérience de travail, aucune expérience de travail. On sait combien d'entreprises exigent également qu'on ait au moins une ou deux ou trois expériences de travail.

On fonctionne donc à partir d'une clientèle qui, même si elle souhaite travailler, fait face à des barrières et à des handicaps qui sont importants et qui sont majeurs. Jusqu'à ce jour, le gouvernement a offert des programmes d'em-ployabilité à des jeunes de moins de 30 ans ainsi qu'à des chefs de familles monoparentales. Il s'est contenté d'envoyer des chèques mensuels aux autres en leur souhaitant bonne chance et en ayant la conscience tranquille, parce qu'on avait fait ce qu'on pensait avoir à faire envers la société.

Pendant ce temps-là, on a des problèmes majeurs chez les jeunes à 178 $ par mois. Qu'on prenne les chiffres du Dispensaire diététique de Montréal ou les nouveaux ou les anciens ou à peu près n'importe quelle formule, à 178 $ par mois au moment ou on se parle, il ny a personne qui peut subvenir à ses besoins de base essentiels qui sont la nourriture et le logement. II nous faut donc corriger - et vous dites demain matin - cette lacune.

II y a également d'autres défis qui se posent. Est-ce qu'on peut abandonner également toute cette clientèle des 30-65 ans comme l'ont fait les gouvernements jusqu à date? Est ce qu on peut les considérer comme étant bien stationnés, au moment ou on se parle, et dormir la conscience tranquille en connaissant leur situation? Nous disons que non. Il y a quand même des évolutions qui sont là, des paramètres dans la société qui nous indiquent qu'il y a un développement, même avec le système actuel qui peut s'avérer positif. Prenez la situation des jeunes. Tantôt vous avez cité que la clientèle jeune va en augmentant à l'aide sociale. Ce n'est pas le cas. En tout cas ce fut le cas jusquà la fin de 1985. Cette clientèle de jeunes de moins de 30 ans à l'aide sociale, en janvier 1986, s'évaluait précisément à 147 795. En janvier 1988, deux ans après, ce sont 106 700 jeunes de moins de 30 ans que l'on retrouve à I'aide sociale. Il y a quand même une baisse de 41 095 jeunes pour être très exact. (14 h 45)

Le défi c'est de donner la parité, d'accorder la parité à I'ensemble de ces jeunes. Avec ce que l'on propose, je pense que les jeunes vont l'obtenir dans une proportion importante, c'est-à-dire qu'à peu près 75 % des jeunes ne seront pas affectés par ce qu'on appelle la contribution alimentaire parentale. Quant à l'autre 25 %, il y aurait, suivant les statistiques ou la clientèle de mars 1987 quelque 17 000 jeunes qui, à cause de cette contribution alimentaire parentale, seraient évincés de l'aide sociale et quelque 8000 autres seraient ajustés, soit à la hausse, soit à la baisse. C'est le portrait. Oui, parce quà partir... Je peux répondre. Mme la députée de Maisonneuve a semblé impressionnée lorsque j'ai dit à la hausse. La réponse, cest: Oui, à la hausse. À 178 $, lorsque vous donnez la parité, même si vous entrez en fonction une contribution alimentaire parentale, il est possible que quelqu'un termine - un cas très pratique - à 250 $, 255 $, 260 $. On peut vous le ventiler si on là. Cela me fera plaisir.

Mme Harel: Ils peuvent avoir 487 $ tout de suite.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ne vous choquez pas. J'expliquais la réalité à madame. C'est la clientèle avec laquelle nous devons composer.

Vous êtes des spécialistes ou votre organisme se spécialise dans I'établissement des besoins de base. Un choix majeur a été fait par le gouvernement à partir dune décision quon se devait de prendre. Est-ce qu'on devait continuer à utiliser les barèmes que vous développez, qui ont comme base un système qui est parti depuis 1949 et qui a continué a évoluer avec les années ou choisir un autre barème? Est-ce que le choix d'un barème implique également de quelque façon que ce soit notre obligation ou notre souhait d harmoniser avec fa fiscalité? Est-ce que les barèmes ou I'établissement des besoins de base que l'on effectue sont les mêmes que ceux du ministère des Finances? C'est important qu'à un moment donné - tout le monde le dit I'Opposition le réclame - il y ait harmonisation avec la fiscalité. Lorsqu'on est pris dans ces choix on tente au maximum d'harmoniser les programmes gouvernementaux et de prendre les besoins de base dont le ministère des Finances se sert pour effectuer ses calculs quant a la fiscalité.

C'est quoi cette recette magique, cette recette secrète que le ministère des Finances

utilise? Finalement, ce sont les dépenses de consommation - cela n'est pas fait de façon arbitraire; c'est Statistique Canada qui, à tous les quatre ans, en fait l'inventaire - des travailleurs à faible revenu dans la société, des gens qui travaillent Les premiers 10 % de ces gens-là... Sur le plan des chiffres, qu'est-ce que cela donne plus précisément? Cela donne, pour 1985, des ménages avec un revenu net de 14 060 $. On prend ce que ces gens-là dépensent réellement et on dit: C'est cela qui va servir à établir les besoins de base des autres personnes dans la société qui dépendent du système de sécurité du revenu. Ce faisant, on a l'impression de ne pas exercer de choix arbitraire On prend les dépenses des bas salariés et on se dit: Les gens qui sont à l'aide sociale auront, en ce qui concerne les besoins essentiels, des montants qui sont à peu près les mêmes si on se fie aux dépenses de ces gens.

Je ne prétends pas que c'est parfait comme méthode de détermination Je prétends, par exemple, que cela nous assure que, dans tous les cas, les besoins des gens qui aspirent à devenir des travailleurs ne sont pas comblés d'une façon supérieure à ceux des travailleurs C'est un principe qui est important dans cette réforme que nous présentons Cela nous assure également que c'est harmonisé, finalement, enfin! avec la fiscalité au Québec et cette fiscalité pourra s'appliquer à l'ensemble des individus Les bénéficiaires de l'aide sociale ne seront pas traités différemment, à partir d'autres critères de besoins essentiels, de l'ensemble de la population du Québec

Quelles conséquences cela peut-il avoir? On peut être optimiste. On peut être alarmiste On peut être moyen. La commission parlementaire n'est pas tellement avancée, mais on a eu l'occasion de poser des questions à des organismes qui s'occupent des gens les plus démunis dans notre société Chaque fois - je continuerai à le faire - on a demandé aux gens Quel est le pourcentage de votre clientèle constituée d'assistés sociaux, de chômeurs ou de bas salariés? On se rend compte, jusqu'à présent, au moment ou on se parle, pour ces groupements qui s'occupent des plus démunis, que le pourcentage de la clientèle composée de bas salariés est généralement très faible. Dans certains cas, il est inexistant Est-ce à dire que les besoins de base essentiels de ces gens-là sont comblés? On peut dire oui ou on peut dire non On peut dire qu il ne se retrouve pas dans les bras de ces organismes communautaires et donc qu'il doit y avoir un certain mérite à ce barème

C'était la représentation que ]'avais à vous faire pour effectuer le choix gouvernemental du barème, en ne disant pas que le barème préparé par votre organisme est un barème faux, mais ce n'est pas le barème dont se sert le ministère des Finances, vous en êtes consciente et, lorsque nous tentons de maintenir, à l'intérieur d'une réforme de sécurité du revenu, l'élément incitatif au travail pour toutes les personnes aptes, parce que le barème du soutien financier est, et je pense que vous le concéderez, non simplement basé sur les besoins, on a un ajout de 25 $ au bout pour tenir compte du fait que ces gens-là ne sont à peu près jamais sur le marché du travail.

Je retiens également de vos propos qu'il nous faudra apporter une attention particulière et spéciale à toute cette période, et cela ajoute à des représentations que nous avons déjà eues, où la femme est enceinte et où il y a à la maison de jeunes enfants jusqu'à un certain âge. C'étaient là les explications que je désirais vous fournir de vive voix concernant les choix gouvernementaux et je vous demande de réagir.

Le Président (M. Laporte): Mme Duquette.

Mme Duquette: Que le gouvernement choisisse d'établir ses barèmes ou qu'il regarde à voir les tableaux basés sur les dépenses des familles à faible revenu, c'est tout à fait à propos. Ce qui est important, je pense que les conséquences de cela, c'est que, finalement, si l'écart entre les riches et les pauvres continue d'augmenter, cela veut dire que les dépenses des gens à faible revenu vont diminuer, parce que leurs moyens de dépenser seront moindres. Le risque de cela, c'est peut-être de se rendre compte que le montant d'argent qu'ils dépenseront pour la nourriture sera éventuellement moindre que leurs besoins et ne répondra pas à des besoins essentiels pour assurer une certaine santé à ces gens-là. Je pense que cela peut être une des conséquences de choisir des dépenses, peut-être aujourd'hui, en se basant sur les dépenses des familles à faible revenu. On voit que les barèmes sont de façon un petit peu comparable aux données du dispensaire, sauf plus du côté des budgets de subsistance que des budgets de confort minimum. Alors, on disait initialement que nos données étaient inadéquates ou périmées du fait que leur mise à jour était, mais en...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Toute donnée est toujours discutable.

Mme Duquette: Pardon?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai dit toute donnée est toujours discutable.

Mme Duquette: C'est cela, ce sont des estimations, c'est sûr. II demeure qu'il faut finalement s'assurer que ces gens-là auront quand même un mimimum. Je pense que la Loi sur l'aide sociale, c'est d'accorder un minimum de bien-être à ces gens-là pour éviter qu'ils ne s'enlisent pas dans une mauvaise santé, dans une malnutrition, car les conséquences de la mauvaise santé, finalement, qui les paie? Ce sont les contribuables. Alors, il faut essayer, en tant que

gouvernement... Quand le gouvernement se donne comme loi sociale d'aider les gens, il faudrait toujours s'assurer que ces montant-là seront au-delà d'un minimum qui peut aggraver leur état de santé. Je pense que c'est une des conséquences qui nous inquiètent. Ce n'est pas le fait de choisir, oui ou non, entre te dispensaire ou Statistique Canada, mais surtout une question à savoir s! ces minimums vont assurer le minimum à ces gens-là pour le maintien de leur santé. Je pense que c'était l'un des problèmes les plus graves.

Ce dont on se rend compte, c'est que le confort minimum, on veut, dans ce programme d'aide sociale, faire en sorte que les gens soient capables de se rendre sur le milieu du travail, qu'ils soient capables de se déplacer pour ce faire. Alors, il faudrait que les montants proposés viennent en fonction de ce qu'il en coûterait à un travailleur pour se déplacer. Si je regarde le tableau des données du dispensaire, on a alloué un petit montant au travailleur pour se déplacer. Je lui accorde aussi un journal pour lire les emplois disponibles. Le montant accordé, si j'étais participante pour une famille d'une adulte et de deux enfants, c'est 822 $; cela ne correspond qu'à nos budgets de subsistance, c'est-à-dire juste les huit besoins vitaux et c'est tout. Cela ne correspond pas du tout aux autres besoins qui sont aussi essentiels que de se déplacer: le transport, le téléphone, le journal, tes articles scolaires, les crayons, les timbres pour poster les lettres de demande d'emploi.

Je veux dire que pour ces choses, il n'y a pas de montant dans cela. Cela correspond à 822 $ pour 827 $, alors qu'on dit que ces familles-là auraient besoin d'au moins 1040 $, juste pour répondre à ces besoins de base. Cela nous inquiète aussi pour cela, parce que c'est difficile de leur dire: allez vous chercher du travail, ceux qui sont capables, ou joignez-vous à des programmes d'emploi, sans leur accorder le minimum pour le faire. Je pense qu'il faut être... De plus en plus, on se rend compte... Nous, en tout cas, on travaille avec des femmes enceintes de milieux défavorisés. On en reçoit au delà de 2500 par année. On a six intervenantes. Ces femmes, de plus en plus, n'ont même plus le téléphone. L'appareil téléphonique n'existe plus. Il faut les appeler en passant par des amis, par toutes sortes de moyens parce que, finalement, elles n'ont pas suffisamment. Les gens, de plus en plus, font appel à des banques alimentaires. Cela, c'est une détérioration dont on se rend compte, à laquelle on fait face tous les jours. Plus les gens s'enlisent dans cette situation-là, plus il sera difficile de les rendre disponibles ou employables finalement. Je pense qu'il faut au moins leur garantir une alimentation adéquate. Nous, on le vit tous les jours. On sait que dans ces familles-là, ce qui arrive, c'est qu'elles coupent sur le budget alimentaire pour payer leurs dépenses, leurs urgences, leur transport et tout. Finalement, c'est la santé des gens qui est détériorée.

Le Président (M. Laporte): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un problème de relations du travail. Je vais céder ou demander à Mme Harel, en vertu de l'alternance, de poser des questions, quitte à revenir.

Le Président (M. Laporte): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui. Pourtant, M. le Président, je dois vous dire que j'aurais eu, moi aussi, des questions à poser au ministre parce qu'il y a des jours où on se sent moins patiente que d'autres. Là, aujourd'hui, je dois vous dire que, pas pour des raisons qu'on pense habituelles, je suis tannée de jouer à la cachette avec les chiffres. Je suis vraiment profondément fatiguée de voir que le ministre n'a pas le minimum du sens des responsabilités pour nous mettre tous les chiffres sur la table. Je veux avoir les chiffres des besoins essentiels tels que définis par le ministère en fonction de son échantillonnage de 62 ménages qui l'amènent à vouloir changer des besoins jusqu'à maintenant établis par le Dispensaire diététique de Montréal comme dépenses des travailleurs parmi les plus faibles de notre société. Peut-on avoir ces chiffres, M. le ministre, pour travailler correctement avec le Dispensaire diététique de Montréal cet après-midi? Je veux avoir les chiffres des besoins essentiels selon la catégorie des ménages en 1989 et en 1990.

Le Président (M. Laporte): M. le ministre. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, j'ai compris d'une oreille distraite. Ce sont encore des demandes de chiffres. Moi, j'ai été à même de constater...

Mme Harel: Ce sont des demandes de chiffres qui mettent en jeu !e sort de centaines de milliers de nos concitoyens.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai été à même de constater... Est-ce que je peux avoir la permission de répondre, M. le Président?

Le Président (M. Laporte): M. le ministre, vous avez la parole.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi, j'ai été stupéfait ce matin encore de constater que Mme la députée de Maisonneuve n'avait pas encore terminé la lecture du document "Pour une politique de sécurité du revenu" à l'occasion de la comparution devant nous des jeunes de la commission jeunesse du Parti Libéral du Québec. Elle pensait que ces jeunes avaient obtenu du ministère de l'information dite confidentielle,

alors que l'information était contenue...

Mme Harel: M. le Président, il y a une question qui est posée et c'est une réponse qui est donnée.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... alors que l'information était contenue...

Mme Harel: Le ministre n'a pas à faire son fin fin.

Le Président (M. Laporte): Permettez, permettez... Permettez, madame. Permettez, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: La question, c'est: est-ce qu'il va nous permettre de travailler sérieusement avec les tableaux des besoins essentiels selon la catégorie des ménages?

Le Président (M. Laporte): Mme la députée de Maisonneuve, pour la bonne marche des travaux qui, jusqu'à présent, ont très bien fonctionné, j'aimerais vous souligner que vous avez posé...

Mme Harel: Je suis tannée. Donnez-nous les chiffres.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Commencez par lire ce que vous avez.

Le Président (M. Laporte):... que vous avez posé, Mme la députée de Maisonneuve - M. le ministre, s'il vous plaît - une question au ministre, à laquelle il a répondu.

Mme Harel: II n'a pas répondu. Est-ce que j'aurai les chiffres?

Le Président (M. Laporte): Madame.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous n'êtes pas satisfaite de la réponse, c'est différent. Ce que je vous dis, Mme la députée de Maison-neuve...

Le Président (M. Laporte): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est qu'il était clair, ce matin, que vous n'aviez pas terminé...

Mme Harel: C'est que vous ne me les donnez pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous n'aviez pas terminé... Le Président (M. Laporte): M. le ministre,

Mme la députée. Mme la députée, comme je l'indiquais, à laquelle...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On a un groupe. On est ici pour l'entendre.

Le Président (M. Laporte): C'est cela.... à laquelle le ministre a répondu selon ce qu'il a indiqué. Je vous prierais de continuer dans le même sens.

Mme Harel: Alors, je vais devoir continuer, Mme Duquette, avec les chiffres que j'ai parce qu'ils ont été divulgués à la suite de fuites d'informations, grâce au Front commun des assistés sociaux et assistées sociales. Ce sont les seuls chiffres sur lesquels on puisse décemment travailler, étant donné que sur la plupart de ce dont on aurait besoin actuellement pour se faire une idée précise du sens dans lequel va la réforme, il nous manque les informations les plus essentielles. (15 heures)

Je vais reprendre les besoins essentiels, je vais vous en faire parvenir copie pour qu'on puisse examiner ensemble si cela correspond aux définitions de besoins essentiels que vous concevez, au Dispensaire diététique de Montréal, comme étant le confort minimum. Si je comprends bien, c'est pour vous l'équivalent de ce qu'on appelle des dépenses de survie.

Mme Duquette: C'est cela.

Mme Harel: C'est cela. D'abord, juste un mot parce que, voyez-vous, à force de l'entendre là... Une première fois, cela va, une deuxième, troisième, sixième, septième fois, d'entendre que le ministre est bien intentionné et qu'il veut s'occuper de tout le monde, pas seulement des jeunes de moins de 30 ans a qui les mesures d'employabilité étaient offertes, tant mieux! C'est là une intention louable à laquelle on souscrit. La question est de savoir si, pour s'en occuper, il va mettre plus de monde dans la pauvreté pour mieux les aider? C'est la question à laquelle il n'a pas encore répondu. Évidemment, c'est une vraie honte de faire accroire au monde que c'est pour leur bien qu'on va les couper. Quant au mémoire que vous nous présentez, vous mettez en cause la base de calcul en regard de ce que vous en connaissez par ce document d'orientation qui n'en dit pas beaucoup. On conviendra qu'il ne nous donne que le résultat final. Mais, en aucune façon, il ne nous décrit ce qu'il en sera pour chacune des catégories essentielles de survie: alimentation, logement, entretien ménager, soins personnels, communications. Actuellement, êtes-vous en mesure, vous, de savoir si c'est... Les connaissez-vous, d'abord, les chiffres du ministère? Est-ce qu'ils vous ont été communiqués par...

Mme Duquette: Non, je n'ai pas les chiffres du ministère en main. Je n'ai jamais eu l'occasion de voir les chiffres du ministère alors, je ne peux pas... Sauf ce que vous venez de me

faire parvenir sur les données, sur les chiffres. Alors, je ne peux pas vraiment comparer entre les données du ministère et celles du dispensaire. Est-ce que les deux sont comparables ou est-ce qu'on assure des montants adéquats pour la nutrition pour tous tes membres de la famille? Eh bien cela, il faudrait faire des calculs.

Mme Harel: J'ai presque le goût de faire l'exercice avec vous mais comme, là encore, il faut présumer que ce qui se retrouverait dans le document-fiche du ministère consiste bien dans les besoins que nous donnent les résultats qu'on retrouve dans le document d'orientation, il faut le présumer parce que le ministre n'a pas le courage de le confirmer. Alors, dans ces besoins essentiels, vous nous dites: Remettre en cause d'abord la base de calcul elle-même. À cet effet, je ne sais si... Je peux peut-être vous référer à l'étude que le ministère a publiée dans une des revues où il... Parce que le ministre vous a référée à Statistique Canada en disant que Statistique Canada utilise les dépenses de consommation. Mais pour les fins du projet de réforme d'aide sociale, il s'agit d'une étude réalisée par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et, que je sache, cette étude n'a pas encore été validée par Statistique Canada. Statistique Canada ne valide que les études où l'échantillonnage est de plus de 100 ménages et l'étude n'aurait été basée que sur un échantillonnage de 62 ménages pour déterminer, en 1982, indexés plus tard, les besoins essentiels de centaines de milliers de personnes. Dans cette étude, ce qu'on peut constater, c'est peut-être d'examiner si réellement l'objectif que le ministre dit poursuivre, de permettre à des gens de les instrumenter en matière d'employabilité, si cela est réalisé.

Alors, on pourrait peut-être regarder la catégorie avec un même ménage d'une famille, chef de famille monoparentale avec deux enfants. Prenons, par exemple, la taille de la famille de trois personnes, une chef de famille avec deux enfants. Vous nous dites qu'une telle famille nécessite un revenu de 915 $, c' est bien le cas?

Mme Duquette: Oui.

Mme HareL: Ce montant de 915 $, vous le...

Mme Duquette: Si les enfants ont deux ans et quatre ans. Si les enfants sont un peu plus âgés, sept ans et dix ans, la même famille nécessitera 1020 $.

Mme Harel: Est-ce que vous recommandez une modulation des allocations selon l'âge des enfants?

Mme Duquette: Oui. C'est sûr qu'il en coûte beaucoup plus cher. Si on fait référence au tableau IV du mémoire original, vous allez avoir la variante dans les chiffres qui sont écrits entre parenthèses. Vous avez un adulte et un enfant, avec un coût de loyer de 262 $. La variante pour l'enfant, ce sont les chiffres entre parenthèses. De 0 à 5 ans, cela va coûter 780 $. Mais, si l'enfant est plus âgé, entre 13 et 15 ans, cela peut coûter jusqu'à 881 $ pour ce même enfant. On a fait une moyenne à 837 $, montrée dans le tableau IV. C'est sûr qu'il en coûte plus cher pour un enfant plus âgé et plus cher pour les garçons que pour les filles, quand on fait nos travaux de préparation de budget de subsistance.

Mme Harel: Quand vous nous dites qu'il y aurait intérêt à moduler selon I'âge, il est donc également nécessaire de moduler selon la taille de la famille. Par exemple, cette réforme ne prévoit pas corriger le fait que les barèmes s'arrêtent à deux enfants et que le troisième n'est pas couvert, sauf pour les allocations familiales. Qu'est-ce que vous...

Mme Duquette: Prenons juste l'exemple d'une famille qui reçoit le soutien financier qui selon la nouvelle réforme, est le montant le plus élevé. Si cette famille comprend deux adultes et deux enfants, elle recevra, selon le soutien financier, 1037 $. Selon nos taux de budget de subsistance, ce serait 1189 $, au minimum, avec un loyer de 275 $ par mois. On sait que ces coûts de loyer sont très rares de nos jours. C'est difficile pour ces... Si ce sont des gens qui participent, deux adultes aptes au travail, ils recevront 1012 $, alors qu'on dit que les besoins sont de 1189$.

Mme Harel: Donc, deux adultes, deux enfants, 1189 $. Si on examine la catégorie la plus méritante, celle qui est considérée comme composée des vrais, un ménage recevrait 1037 $, donc, mensuellement, 152 $ de moins que ce que vous considérez comme un budget de survie.

Mme Duquette: Un budget de subsistance... Mme Harel: Un budget de subsistance.

Mme Duquette:... de confort, ce qu'on appelle le confort minimum.

Mme Harel: Oui, c'est peut-être mal.

Mme Duquette: Survie. Le confort est très mal... On ne devrait pas dire confort. Budget minimum, point.

Mme Harel: Finalement, pour avoir déjà travaillé avec vos chiffres, je me rendais compte que cela suppose de faire quasiment trois fois de la soupe avec le même os.

Mme Duquette: Oui, ce sont vraiment des extrêmes minimums. On n'a jamais mis dans nos budgets des données qui pourraient être... On

essaie de toujours maintenir nos chiffres au strict minimum pour voir ce qui en est. En fin de compte, l'exercice avait été fait initialement pour le dispensaire pour aider, pour intervenir auprès de notre clientèle. On remet un litre de lait aux femmes enceintes si leur revenu est inférieur à ces budgets minimums qu'on a établis. C'est rendu que, de plus en plus, les familles doivent en recevoir. On doit donner des milliers de litres de lait par mois.

Mme Harel: Si on regarde le tableau des besoins essentiels qui serait celui - il faut le présumer parce qu'on n'en a pas d'autre - utilisé par le ministère on voit que, pour un couple biparental avec deux enfants, le budget de long terme défini dans les besoins essentiels serait de 1053 $, comparativement à ce que vous venez de nous signaler, c'est-à-dire 1189 $. C'est donc une perte sèche de 136 $ par mois qu'une famille de deux enfants et de deux adultes aurait à connaître avec la nouvelle définition des besoins essentiels que le ministère adopterait, plutôt que de continuer à travailler avec la définition du dispensaire. Dans le discours politique qui justifie le changement, dans le document, on nous dit: Les chiffres du dispensaire ne sont plus adéquats, ils datent de 1949. Est-ce que vous pensez que vos chiffres n'étaient plus adéquats et justifiaient le ministère de vouloir les changer?

Mme Duquette: Dans mon mémoire initial, j'ai signalé le fait qu'on laisse planer le doute que les budgets du dispensaire ne sont pas mis à jour. J'ai eu plusieurs appels à savoir: Est-ce que le Dispensaire diététique a vraiment formulé ses budgets en 1949 et ne les a jamais mis à jours depuis?

Mme Harel: Comme cela a l'air d'être indiqué dans le mémoire, dans le document plutôt.

Mme Duquette: Alors, j'ai eu des dizaines d'appels en regard de cela depuis la sortie de la réforme. C'est peut être juste une façon de la voir écrite dans le rapport. Mais de toute façon, disons que les budgets ont été conçus en 1959 et que depuis ce temps ils sont mis à jour tous les ans. Quant aux biens et services inclus dans chacune des listes, disons que la mise à jour des prix se fait annuellement. Pour ce qui est de la nourriture, elle se fait à tous les quatre mois, mais pour ce qui est des listes des biens et services, elles sont mises à jour selon un rythme spécial. Comme là, maintenant, les budgets de nourriture sont mis à jour selon les standards canadiens de la nutrition pour s'assurer que les commandes alimentaires qu'on préconise répondent au besoins nutritionnels de chacun des membres de la famille.

Mme Harel: Alors, je dois faire constater au ministre qu'il y a non seulement des omissions dans son document, il y a aussi des erreurs. II y en a une évidente, en fait, en regard des besoins définis par le dispensaire. Est-ce que vous concevez que le changement envisagé en matière de définitions des besoins essentiels est un changement qui va aller dans le sens d'une bonification pour I'avenir en faveur des bénéfi ciaires ou s'il va aller dans le sens d'un rétrécissement ou d'une réduction de leurs dépenses de consommation?

Mme Duquette: Bien, une des craintes du dispensaire, c'est que, finalement, cette formule va faire en sorte, parce que j'imagine que dans les dépenses des familles à faible revenu peut s'inclure aussi ce qu'on dit des petits salariés, mais on peut avoir parmi ceux là... Je ne sais pas. Quand on fait appels aux études de Statistique Canada, je ne sais pas du tout quelles sont les 62 familles qu'ils ont prises. Est-ce que ce sont vraiment des travailleurs ou est-ce que ce sont les petits salaries? Quand on dit que Statistique Canada a fait ses études selon les dépenses des gens à faible revenu, est ce que parmi ceux là, il n y a pas des assistés sociaux?Est-ce que parmi ces données de Statistique Canada, il y aurait aussi beaucoup de personnes âgées? Alors, finalement, vu avec I'économie qu'on connaît maintenant, je pense que I'écart entre les riches et les pauvres va augmenter et que leurs dépenses vont être réduites. Donc, finalement, on craint le risque que les barèmes, éventuellement, soient ajustés peut être plus à la baisse ou maintenus. Les dépenses des gens ne peuvent pas augmenter parce qu'ils ne peuvent pas dépenser plus que I'argent qu'ils ont en main. Disons que cela était une des inquiétudes du dispensaire.

Alors, on craint beaucoup que, finalement, cela puisse rendre à la baisse et le fait que, présentement, les barèmes tels que proposés, ce sont les familles qui vont en souffrir le plus. Ce sont les familles qui seront le plus affectées avec des taux moindres que le confort minimum. Quant aux adultes vivant seuls ou deux adultes seuls, c'est correct, mais si on prend des revenus de familles, si on prend les tables selon les revenus de familles avec deux ou trois enfants, plus tu as des enfants, plus la perte de revenu est grande. Si on a une famille de deux adultes et trois enfants, si on est participant, on aura un revenu de 1184 $ incluant l'allocation familiale, alors que les budgets du dispensaire sont de 1478 $ pour cette même famille. Ce qui veut dire que cette même famille devrait dépenser plus que 86 % de son revenu juste pour son loyer et la nourriture, pour s'assurer un toit et de quoi manger à tous les membres de la famille. Alors, ce qui arrive, c'est qu'ils doivent toujours couper sur la nourriture pour répondre à d'autres exigences et on sait que si la personne ne s'alimente pas bien, c'est au détriment de sa santé. Alors, c'est sûr qu'elle ne pourra pas non plus être productive dans des programmes

d'employabilité, si on ne lui donne pas assez pour se nourrir. On le sait, cela, dans les études chez les enfants, des choses comme cela. Si les enfants ne sont pas en bonne santé au départ, ils ne pourront pas fonctionner comme il faut à l'école et peut-être, quand ils atteindront le secondaire, qu'ils vont facilement se décourager parce qu'ils auront un échec à l'école primaire et au secondaire. Alors, il vont être plus facilement des décrocheurs et on ne s'en sortira jamais. Je pense que c'est une raison pour laquelle il serait bon d'investir maintenant pour ne pas avoir à payer plus tard. (15 h 15)

Je dirais qu'il y a toute une question qui nous préoccupe beaucoup, à savoir comment on détermine ceux qui, comme on dit, ne sont pas disponibles à subvenir de façon permanente à leurs besoins. Qui sont ces gens-là? Est-ce que ce ne sont que les gens vraiment handicapés ou est-ce que la femme enceinte qui, elle, ne pourrait plus, parce que disons qu'elle a eu des problèmes... La femme enceinte qui attend des jumeaux, est-ce qu'elle sera considérée simplement non disponible à partir de la vingt-quatrième semaine ou est-ce qu'il y aura aussi des variantes à cela ou est-ce qu'elle sera de soutien financier? Il y a plusieurs petites questions qui ne sont pas tout a fait claires dans la politique et qui nous inquiètent beaucoup en tant que travailleuse auprès des milieux des gens défavorisés. Je pense qu'il est important qu'on essaie de voir comment peut s'articuler cette politique-là.

Mme Harel: Mme Duquette, ce serait extrêmement utile je pense, pas simplement pour moi, mais pour les membres de la commission, si nous pouvions obtenir ce tableau que vous avez préparé, qui démontre que plus il y a d'enfants, plus la perte de revenu est grande. Est-ce qu'il vous serait possible de nous le faire parvenir?

Mme Duquette: Oui. Il était dans le...

Mme Harel: Parce qu'on pourrait peut-être demander à la secrétaire de la commission.

Mme Duquette:... dans le mémoire original; le tableau III, si vous avez le mémoire.

Mme Harel: Dans le mémoire original?

Mme Duquette: Oui, tableau III, il y avait celui-là, puis il y avait aussi d'une façon encore plus détaillée...

Mme Harel: Alors on retrouve le 1478 $ pour les revenus nécessaires avec, disons, la taille de la famille, deux adultes, trois enfants. C'est cela?

Mme Duquette: C'est cela.

Mme Harel: C'est cela. D'accord.

Mme Duquette: Mais vous l'avez aussi à l'autre...

Mme Harel: Nous allons le faire connaître au ministre de la famille dès qu'il nous fera le plaisir d'être parmi nous pour discuter de ces importantes questions à l'égard des familles.

Mme Duquette: De façon plus détaillée, on l'a encore au tableau IV. Vous l'avez disons si la personne était à soutien financier participant, non disponible ou simplement celle qui ne peut pas entrer, elle est admissible au programme. Que seraient les revenus comparativement à nos conforts minimums? Alors, on peut faire la différence tout simplement comme une famille de deux adultes, trois enfants, bien c'est 1037 $ pour 1012 $ si elle est participante, alors...

Mme Harel: Et c'est là que l'on constate que, même dans la catégorie soutien financier, il y a une perte à l'égard des besoins de survie.

Mme Duquette: Nos budgets minimums, finalement, préconisent 1375 $ alors que c'est 1037 $ qu'ils recevront au soutien financier. Et même si on ajoute les allocations familiales à ces montants-là, cela ne répondra pas non plus. Même si j'ajoutais à cela les montants d'allocation familiale de 172 $ pour cette famille-ci, cela ne répondrait pas nécessairement aux besoins de minimum qu'on a établi.

Le Président (M. Laporte): Je vous remercie bien. On m'indique que le temps est écoulé. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je veux en profiter, parce que lorsqu'on établit des barèmes qui couvrent des besoins, l'échelle de base est extrêmement importante parce que toute les extrapolations que l'on en fait par la suite peuvent être, soit vérifiées, soit faussées.

À la page 22 de la politique sur la sécurité du revenu, vous retrouvez ce que le gouvernement a adopté comme méthode et a choisi, ce que le ministère des Finances utilise également. On lit ce qui suit: "La structure des barèmes proposés dans le nouveau système de sécurité du revenu repose non plus sur la méthode du budget type établi après les données du Dispensaire diététique de Montréal, DDM, mais sur un relevé des dépenses effectivement encourues par les ménages de travailleurs à faible revenu du premier décile effectué par Statistique Canada. "

Là, il y a une note au bas qui dit qu'il s'agit des premiers 10 % des travailleurs ayant les revenus les plus faibles, c'est-à-dire ceux qui gagnaient moins de 13 700 $ en 1982. Puis on indique les montants qui étaient indexés annuellement. Pour répondre en partie à une des questions que vous avez posée: Non. ce ne sont

ni les assistés-sociaux ni les chômeurs; il faut que la personne soit au travail. "Cette méthode permet de déterminer les montants minimums nécessaires pour assurer la couverture de divers besoins ordinaires par opposition à des besoins spéciaux tels que le logement, l'habitation, l'habillement ou autres. "

Si l'on considère que certaines dépenses sont plus viables que d'autres et que les besoins d'une personne depuis longtemps sans ressources sont plus aigus que ceux d'une personne qui devient bénéficiaire de l'aide sociale, trois catégories de dépenses -ou de besoins peuvent être définis: les besoins de court terme, et on les identifie clairement, les besoins de moyen, et on en ajoute, et les besoins de long terme, et on en ajoute.

Je vous dis que ces chiffres-là sont disponibles, c'est public. C'est l'enquête sur les dépenses familiales de Statistique Canada 1982; c'est publié. Dans votre cas, on va vous les faire parvenir et en même temps on en fera une copie pour Mme fa députée de Maisonneuve. C'est à la bibliothèque de l'Assemblée nationale du Québec. Aussi loin que cela. Je pense qu'on aurait besoin de votre expertise.

Mme Duquette: La préoccupation qu'on avait, c'était dans les besoins à long terme. À la lecture de cette politique, je ne pouvais pas vraiment voir si le transport était inclus ou non pour ceux qui seront aptes au travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, vous allez être capable, parce que c'est défini dans les statistiques. Deuxièmement, chaque fois qu'on parle d'un programme particulier, on dit si on couvre en prestations les besoins de court terme, les besoins de court et de moyen terme ou les besoins de court terme jusqu'aux besoins de long terme. À ce moment-là, dans les besoins à court terme, vous avez l'alimentation, le logement, les communications, l'entretien ménager et les soins personnels. Lorsque vous ajoutez les besoins de moyen terme...

Le Président (M. La porte): M. le ministre, en conclusion.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... vous ajoutez l'habillement. Et lorsque vous ajoutez les besoins à long terme, vous avez l'ameublement, le transport - l'exemple que vous venez donner - et les loisirs, ce qui vous permettrait - j'en profite pour vous remercier, en même temps - de peut-être nous faire une contre-expertise. Vous avez une expertise qui date d'assez longtemps dans le domaine. On prétend, au ministère des Finances et au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, que cela correspond mieux, que c'est moins arbitraire, aux dépenses vraiment effectuées par les travailleurs à faible revenu. Maintenant, à partir des éléments qu'on vous com- muniquera, si vous pouviez nous fournir votre contre-expertise - critiquer les autres pour une fois - nous l'apprécierions. On a besoin de s'assurer que notre base est véritablement bonne.

Le Président (M. Laporte): Merci, M. le ministre. Pour vos remarques finales, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci. Le Dispensaire diététique de Montréal est bien connu, non seulement dans l'ouest, mais aussi dans l'est de Montréal. Il rend des services absolument inestimables. Une étude qui vient d'être publiée et qui s'intitule Naître égaux et en santé, révèle tous les coûts sociaux, économiques et humains des grossesses en milieu défavorisé. J'ai pensé l'apporter pour le ministre, mais je pense que je ferais mieux de l'envoyer au ministère des Finances. J'ai l'impression qu'elle pourrait sans doute sensibiliser les gens des Finances, eux qui n'ont que les colonnes de coûts comme préoccupation. On pourrait les sensibiliser aux coûts astronomiques qu'une société, que l'ensemble de la collectivité a finalement à assumer à cause du peu d'investissements que l'on fait contre la pauvreté.

Je voudrais peut-être...

Le Président (M. Laporte): Rapidement, s'il vous plaît, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel:... vous remercier. En vous remerciant je ne peux pas ne pas demander au ministre ce qu'est devenue l'étude de Fugère et Lanctôt, l'étude du ministère de la Main d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu sur la méthodologie de détermination des seuils du revenu minimum qui sert à déterminer la prestation d'aide sociale au Québec? Quand il me renvoie à Statistique Canada, je le renvoie à cette étude qui a servi de base au changement, au virage qu'il veut faire. Je lui demande de rendre publique la définition des besoins essentiels selon la catégorie des ménages, telle qu'établie dans cette méthodologie et telle qu'il a décidé de l'appliquer pour déterminer le sort de milliers de nos concitoyens.

Le Président (M. Laporte): Merci bien, Mme la députée de Maisonneuve.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je ne peux pas laisser...

Le Président (M. Laporte): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... passer... On me dit que l'étude est encore au ministère. On fait dss études sur plusieurs éléments. Mais ce dont on s'est servi, on vous l'a indiqué dans le document. On aime mieux vous fournir les études sur lesquelles on s'est basé pour établir nos barèmes que les études sur lesquelles on ne s'est

pas basé. Maintenant, si vous voulez l'avoir quand même, il s'agit d'une publication du ministère et on va vous la donner.

Mme Harel: Non. M. le ministre, ce sont vos barèmes qu'on veut obtenir. Est-ce que c'est...

Le Président (M. La porte): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel:... possible d'avoir les barèmes, non pas les études qui ont servi à obtenir vos barèmes, mais les barèmes?

Le Président (M. Lapone): Mme la députée de Maisonneuve...

Mme Harel: Les barèmes, s'il vous plaît!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ils sont publiés.

Le Président (M. Laporte): M. le ministre, on est aux remarques de la fin, s'il vous plaît.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Le Président (M. Laporte): Merci.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne voudrais pas que vous partiez avec un mauvais souvenir et que vous pensiez que Mme la députée de Maisonneuve et moi sommes toujours à couteaux tirés. On a quand même des discussions qui, actuellement, s'effectuent dans la sérénité, l'amitié et le partage d'idées. Je voudrais vous remercier de nous avoir communiqué l'opinion de l'organisme crédible que vous représentez. Et je vous remercie par anticipation pour le travail que je vous ai confie.

Le Président (M. Laporte): Mme Duquette, la commission tient à vous remercier ainsi que l'organisme que vous représentez, le Dispensaire diététique de Montréal, pour la présentation de votre mémoire.

On inviterait à se joindre à nous...

Mme Harel: Ils sont où, les barèmes?

Le Président (M. Laporte):... le Comité des bénéficiaires de l'hôpital Rivière-des-Prairies et la protectrice du bénéficiaire.

La commission suspend ses travaux deux minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 25)

(Reprise à 15 h 31)

Le Président (M. Laporte): Vous allez m'excuser pour tantôt. J'aimerais souhaiter la bienvenue au Comité des bénéficiaires de l'hôpital Rivière-des-Prairies et la protectrice du bénéficiaire. J'aimerais que la représentante du groupe puisse s'identifier et aussi, pour fins d'enregistrement, identifier les personnes qui l'accompagnent. J'aimerais vous rappeler aussi succinctement que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et, par la suite, il y aura 40 minutes de discussion avec les parlementaires. La parole est à vous.

Comité des bénéficiaires de

l'hôpital Rivière-des-Prairies

et la protectrice du bénéficiaire

M. Richard (Gilles): M. le Président de la commission, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, membres de la commission parlementaire. Permettez-moi de vous présenter les membres du Comité des bénéficiaires: Mme Françoise Laurin, vice-présidente, M. Yvon Clermont, trésorier, Mme Lili Aubin, vice-présidente, Mme Jocelyne Charbonneau, protectrice du bénéficiaire de l'hôpital Rivière-des-Prairies.

Comme le document d'orientation du ministère le reconnaît... Ah, je m'excuse.

Le Président (M. Laporte): Oui, M. Richard.

M. Richard (Gilles): Votre tout dévoué Gilles Richard, président du Comité des bénéficiaires. Je m'excuse, M. le Président.

Comme le document d'orientation du ministère le reconnaît, le régime actuel ne fait aucune distinction selon l'aptitude au travail. Citons à la page 13: "II semble évident que les personnes qui, pour raison de santé, sont incapables de travailler, ne devraient pas être traitées de la même façon que celles aptes à travailler. L'aide sociale actuelle fait abstraction de la diversité des besoins des bénéficiaires et de leur aptitude à y subvenir. Pourtant, les besoins d'un bénéficiaire permanent diffèrent de ceux d'un prestataire passager et l'aide ne devrait pas y répondre de la même façon. " Nous appuyons sans réserve cet énoncé et vous encourageons de tout coeur à persévérer dans cette voie.

Le Comité des bénéficiaires de l'hôpital Rivière-des-Prairies a été formé selon la Loi sur les services de santé et les services sociaux, article 118. 1. L'état de santé de leurs bénéficiaires ne leur permettant pas de faire partie d'un comité statutaire, ce sont cinq parents élus par leurs pairs qui siègent à ce comité. La protectrice du bénéficiaire est l'agente de liaison entre le bénéficiaire et l'hôpital.

Un des mandats du comité est de défendre les intérêts collectifs des bénéficiaires, un de ceux de la protectrice est de promouvoir et de défendre les droits des bénéficiaires. C'est pourquoi nous avons conjointement rédigé un mémoire sur le document d'orientation concernant la politique de la sécurité du revenu.

Le comité des bénéficiaires et la protectrice sont les porte-parole d'environ 1500 personnes, dont près de 800 sont des bénéficiaires adultes prestataires d'allocations sociales.

Le mémoire que nous avons présenté a pour but de faire comprendre la situation particulière vécue par ces personnes frappées d'un handicap intellectuel, physique ou sensoriel, associé ou non à une maladie mentale. Celles-ci ont des conditions de vie et de travail fort différentes de celles d'un prestataire inapte au travail, suite à un accident du travail ou à une maladie industrielle. En effet, tous les bénéficiaires adultes ont en commun un passé ou un présent institutionnel et des déficiences ou vulnérabilités qui les maintiennent longtemps en situation de semi-autonomie. Même si un fort pourcentage d'entre eux acquièrent des apprentissages au travail par la voie du service d'intégration socioprofessionnel de l'hôpital, ils demeurent le plus souvent non compétitifs sur le marché de l'emploi.

Je passe la parole à Mme Jocelyne Char-bonneau.

Mme Charbonneau (Jocelyne): Tel que mentionné par M. Richard, nous représentons une clientèle de personnes atteintes d'une déficience lourde, soit moyenne ou sévère. Pourtant 80 % d'entre elles fréquentent le service d'intégration socioprofessionnel de l'hôpital Rivière-des-Prairies, ce qui signifie des préateliers, des ateliers ou des plateaux de travail. La loi actuelle et le règlement actuel de l'aide sociale prévoient une indexation, pour ce type de travail, qui se situe à un taux de 21, 80 S maximum, par semaine, pour une personne qui fréquente ce genre de programme thérapeutique. Il n'y aurait pas eu d'indexation depuis 1980, c'est pourquoi on demande que, dans la présente réforme d'aide sociale, il y ait une indexation de prévue et que cette indexation amène le montant d'allocation à 39, 32 $ par semaine et qu'en plus y soient maintenus les 25 S additionnels d'exemption, tel que prévu actuellement dans le règlement d'aide sociale, pour les frais découlant du fait d'occuper un emploi. On considère que pour quelqu'un dans cette situation, il y a des frais qui s'ajoutent pour le transport, comme il en était question tantôt. Alors, on demande que cette exemption soit maintenue. Dans le mémoire, à la page 3, on appelle ça la déduction mensuelle, parce que c'était le terme employé dans le règlement précédent.

Donc, pour des services rendus par notre clientèle à la société, on demande qu'il y ait des exemptions de 200 $ par mois au lieu de 100 S par mois, tel que prévu dans le projet de règlement. De plus, même si notre clientèle est une clientèle qui apprend à travailler, elle est néanmoins une clientèle qui a besoin d'un soutien financier permanent parce qu'elle ne répond pas aux normes du marché du travail. La plupart du temps, les personnes qui fréquentent des services d'intégration socioprofessionnelle arrivent à produire à un niveau qui peut atteindre jusqu'à 75 % du taux de productivité habituel, et c'est pourquoi on a pensé à une formule qui, finalement, réduirait les frais de l'État, tout en augmentant la valorisation du travailleur qui serait plus facile à intégrer ou à inciter à s'intégrer au marché du travail. C'est ce qu'on a appelé dans notre mémoire la "rémunération individualisée"; la formule finalement qui, à la page 4 du mémoire, tient compte du taux de productivité des individus qui se préparent à entrer sur le marché du travail, qui ne seront jamais compétitifs dans aucune entreprise privée, ni même publique, mais qui sont prêts à fournir des services.

On prévoyait qu'avec cette formule de rémunération individualisée, le pourcentage de productivité assumée comme dans l'emploi prévu serait défrayé par l'employeur et que le pourcentage du déficit fonctionnel pourrait être assumé par l'État. Ce qui offre la possibilité d'une permanence pour l'individu qui a besoin d'une stabilité de son soutien financier et, en même temps, ça l'empêche de perdre son statut dans les bureaux de Travail-Québec pour ne pas avoir à réentreprendre des démarches administratives pour redemander l'aide sociale au moment où cette personne-là "décompenserait" ou aurait une perte de travail attribuante à une mise à pied ou du chômage ou à une fermeture de l'entreprise où elle serait employée, parce qu'il y a des délais encourus par ça et nos bénéficiaires ont de la difficulté déjà à se trouver une situation stable. Alors, on aimerait qu'ils continuent à être sur le programme de soutien financier, mais avec un service adapté, C'est ce qu'on a appelé les "services adaptés". Ceci lui permettrait aussi de maintenir la carte-santé qui est très utile pour la plupart de nos bénéficiaires qui ont des problèmes de santé associés à leurs problèmes de déficience ou leur problème de maladie mentale. Là-dessus, je passe la parole à Mme Laurin qui va vous parler de la carte-santé.

Mme Laurin (Françoise): La troisième partie de notre mémoire contient certaines demandes reliées à notre clientèle lourdement handicapée. Dans le but d'atteindre les objectifs d'autonomie et de normalisation visés par la politique de retrait de l'institution, il importe que les services paramédicaux, tels la psychologie - un psychologue peut être jugé nécessaire lors d'une période difficile - la physiothérapie - un physiothérapeute pourra être bénéfique pour soulager des problèmes de maux de dos - la diététique -une diététiste corrigera les effets secondaires tel un problème d'obésité relié à une médication - très important, la podiatrie - le podiatre est essentiel pour pallier certaines pathologies dont l'onychomycose qui exige que les ongles des orteils soient taillés à l'aide d'instruments spécialisés; exemple, une fraise - soient assurés par la carte-santé lorsqu'ils sont prescrits par un

médecin et accessibles hors des murs de l'Institution.

Paragraphe 3. 2. C'est important que le bénéficiaire ait la gestion de ses revenus. Certains, plus économes, accumulent leur prime hebdomadaire dans l'éventualité d'un congé du milieu protégé. Malheureusement, la limite liquide décrite dans la loi est en contradiction avec sa volonté d'autonomie. C'est pourquoi nous demandons que les allocations perçues par les stagiaires d'un programme thérapeutique puissent accumuler ces montants dans un compte personnel indépendant. À vous, M. Clermont.

M. Clermont (Yvon): Les parents d'enfants et de jeunes adultes affligés de déficience intellectuelle ou mentale permanente sont également fort inquiets du sort réservé à leurs enfants lorsqu'ils ne seront plus là pour suppléer à l'aide founie par l'État, ils craignent que ces enfants sans défense, désinstitutionnalisés, ballottés d'un centre d'accueil à l'autre, ne soient condamnés à vivre sous le seuil de pauvreté et à venir grossir les rangs des itinérants et même à se retrouver parfois dans l'aile psychiatrique de nos Institutions pénitentiaires. Faites votre testament en conséquence, leur dira-t-on. S'ils disposent d'une grande fortune, cela peut convenir. S'ils sont complètement dépourvus, il ne leur reste qu'à s'en remettre à l'État providence. Mais, comme c'est souvent le cas, s'ils ont réussi à accumuler un petit capital, ils souhaitent accorder à leur enfant qui en a le plus besoin sa part d'héritage. Ils sont vite pris alors dans un terrible dilemme. En effet, si le legs destiné à leur enfant malade sans espoir a pour conséquence de dépasser le plafond de 1500 $ fixé par l'article 52 du règlement, il sera privé du bien-être social tant et aussi longtemps que le legs reçu n'aura pas été liquidé, dépensé. Alors, il ne reste plus aux parents, le coeur meurtri, qu'à déshériter complètement cet enfant le plus démuni, c'est-à-dire à l'abandonner, ni plus ni moins, et à le répudier. (15 h 45)

Vous me direz: C'est bien triste. Sans doute! Mais alors ils peuvent léguer leurs biens à leurs autres enfants et se fier à ceux-ci pour les remplacer auprès de l'enfant handicape. Avec l'esprit de famille qui règne de nos jours, ce n'est pas une très forte garantie. Pire que cela: Que faire lorsque ces parents n'ont que cet enfant handicapé ou même deux enfants tous les deux handicapés mentalement et intellectuellement? Rien qu'à l'hôpital Rivière-des-Prairies, nous pourrions vous dresser la liste d'une bonne dizaine de parents qui vivent cette tragédie, Comment alors, me demandez-vous, atténuer sinon parer à pareille situation? Nous estimons qu'il y aurait lieu d'apporter certaines modifications au règlement 1 sur l'aide sociale et particulièrement, si vous nous permettez de vous le suggérer, premièrement, en ajoutant à l'article 53 du règlement, article qui commence par les mots "ne compte pas comme bien", le paragraphe suivant qui porterait peut-être la lettre g: "le capital provenant d'une succession, d'une fiducie ou d'une donation ouverte en ligne directe - afin que ce soit entre parents et enfants - au profit d'une personne atteinte de déficience intellectuelle ou d'une maladie mentale permanente. "

Deuxièmement, en ajoutant à l'article 47 du même règlement l'article débutant par les mots "ne sont pas des revenus", le paragraphe suivant o: "Les revenus d'une succession, d'une fiducie ou d'une donation ouverte en ligne directe - toujours, donc, de parents à enfants - au profit d'une personne atteinte de déficience intellectuelle ou d'une maladie mentale permanente, jusqu'à concurrence - c'est une suggestion que nous faisons - du montant requis pour combler l'écart entre l'aide sociale et le seuil de pauvreté pour une année donnée. "

Je passe maintenant la parole à Mme Charbonneau.

Mme Charbonneau: Ici, j'aborderai la question de la page 9, soit la situation de la personne qui vit en institution. Dans notre mémoire on fait état de la prestation qui a été majorée à 125 $ et qui est à 115 $. On considère que cette somme n'est pas suffisante pour les gens qui sont hébergés en centre d'accueil ou en centre hospitalier. Cette prétention peut paraître assez surprenante pour des gens qui vivent à l'extérieur parce que les gens s'imaginent que ceux qui vivent en institution, une fois qu'ils sont nourris et logés, n'ont pas d'autres besoins. Les gens qui sont en centre d'accueil et surtout en centre hospitalier psychiatrique ont besoin, plus que des gens souvent qui sont en société, de moyens pour réapprendre à se réintéresser à des activités, que ce soit à des activités socioculturelles, culturelles ou communautaires, ce qui entraîne des coûts qui ne sont pas prévus quand on fixe des barèmes de l'aide sociale, parce qu'on ne pense pas à cette clientèle là, on pense que ces besoins primaires sont comblés. Si on veut suivre les politiques sociales actuelles, qui sont valables d'ailleurs, de réinsérer le plus possible les personnes qui vivent en institution et d'augmenter leur normalisation, à ce moment, cela implique un habillement qui est différent peut-être de celui qu'on retrouvait anciennement dans les centres hospitaliers, un habillement qui doit répondre aux quatre saisons parce que les gens ont des activités, même s'ils sont hospitalisés ou hébergés, autant à l'interne qu'à l'externe. Cela comprend aussi une autre clientèle dont on parle peut-être un peu moins mais qui est aussi présente, laquelle a des comportements qui les amène à déchirer leurs vêtements d'une façon systématique, donc un remplacement constant du vêtement. Une vie en institution implique aussi une perte de vêtements plus grande que dans une maison ordinaire, dans le sens où les vêtements sont envoyés à une buanderie centrale, ce qui fait qu'ils peuvent se

perdre en cours de route. Du point de vue de l'habillement cela demande peut-être plus qu'à une personne qui vit dans la société.

En ce qui a trait aux soins personnels, on veut normaliser. Donc, on incite les gens à choisir leur propre shampoing, leur propre dentifrice, leur propre savon; en fait, à développer des goûts personnels qu'ils ont perdus souvent en raison de leur maladie ou qu'ils n'ont jamais eus en raison du manque de stimulation ou de révolution de la maladie. Comme je le disais tantôt, comme c'est un programme thérapeutique qui est mis sur pied dans ces centres hospitaliers ou dans ces centres d'accueil, il y a des activités communautaires qui sont vraiment poussées, stimulées, ce qui amène peut-être plus de visites au restaurant qu'on pourrait se le permettre dans un vie courante et des activités de magasinage pour sensibiliser les gens à la relation finalement par un moyen concret, ce qui amène des dépenses supplémentaires qui ne seraient peut-être pas souhaitées dans un autre milieu mais qui, dans un programme thérapeutique, sont nécessaires.

C'est pourquoi on a demandé que la prestation pour les personnes hébergées soit indexée à plus de 125 $ et on suggérait un montant de 190 $ qui répondrait finalement à tous ces objectifs.

Il y a aussi des bénéficiaires qui sont hospitalisés et qui n'utiliseraient pas toutes ces sommes. Alors, elles seraient retournées à l'État, ce qui fait qu'on ne parle pas de 100 % de nos bénéficiaires; un pourcentage de clients ne pourraient pas profiter de cet argent et il serait retourné à l'État comme c'est prévu par les réserves liquides.

À la dernière partie de notre mémoire, à la page 10, on mentionne la nécessité d'établir une prime d'installation en société. Ce qu'on appelle une "prime d'installation en société", c'est qu'on considère que les gens qui vivent en institution depuis au moins six mois et quand on regarde la clientèle qui est celle de notre centre hospitalier, c'est une clientèle de personnes seules, de personnes célibataires et moins des deux tiers ont des contacts familiaux. Quand je dis des contacts familiaux, cela peut être des contacts annuels comme fréquents, mais disons qu'il n'y en a pas beaucoup qui continuent d'avoir des contacts. Donc, quand ils reçoivent leur congé définitif de l'hôpital, ils n'ont absolument aucun appui dans la société pour la plupart d'entre eux.

Il est fort difficile, pour une personne qui est déjà dans une situation de vulnérabilité pour avoir été amenée à demeurer dans un centre hospitalier psychiatrique, d'avoir toute l'énergie pour trouver les moyens de se meubler au moment où elle arrive à prendre un logis après un séjour en institution. Je ne sais pas si vous avez déjà fait un calcul pour savoir ce que cela prend - j'ai parlé de meubler, mais seulement du reste - la vaisselle, les chaudrons, les linges à vaisselle, la lingerie, les équipements etc., tout cela plus un lit, une commode, des chaises, une table - j'espère qu'elles auront quand même la possibilité d'asseoir quelqu'un d'autre à sa table - et un fauteuil, une télévision, une radio, des choses de base, c'est au moins 1500 $. C'est pour cela que, pour favoriser les politiques sociales, il faut être conséquent et donner des moyens à ces gens-là de se réinsérer, de se réintégrer dans la communauté et c'est par l'aide sociale que ces moyens-là peuvent être donnés. C'est pour cela qu'on voulait sensibiliser la commission, le ministre et les députés à ce besoin réel qui existe pour les gens qui sortent d'un milieu institutionnel et qui en reçoivent leur congé définitif.

Pour la conclusion, M. Richard.

M. Richard (Gilles): M, le Président de la commission, M. le ministre et les membres de la commission, le comité des bénéficiaires et la protectrice du bénéficiaire ont voulu sensibiliser le législateur aux réalités inhérentes à une clientèle permanente de l'aide sociale qui a des besoins qui leur sont propres. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laporte): Merci bien. J'aimerais aussi souligner qu'avec l'autorisation du ministre et de la critique officielle de l'Opposition, on a pu vous permettre de continuer et dépasser un peu votre temps. M. le ministre.

M. Richard (Gilles): Je vous en remercie. Le Président (M. Laporte): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je remercie le comité des bénéficiaires ainsi que la protectrice du bénéficiaire. Vous avez un mémoire qui nous éclaire, mais je tenterai quand même, non pas pour le noyer, mais pour tenter de le situer dans sa perspective d'ensemble, de vous expliquer un peu l'approche que nous avons adoptée et nos premières réactions à toute une liste d'épicerie. L'approche que nous avons adoptée et qui vise, dans une proportion fort importante, les gens que vous représentez, consiste à leur donner, oui, les besoins de base dans la société lorsqu'ils sont des personnes sur l'aide sociale, mais à les rendre éligibles en très grande partie au programme Soutien financier et à ajouter dans ce programme, si on se compare à la situation qui existe actuellement, parce qu'il faut partir de quelque part, sur une base annuelle environ 100 000 000 $.

Si on veut replacer le chiffre dans des proportions individuelles, cela va s'appliquer à peu près à 100 000 personnes ou chefs de ménage. Cela veut dire un revenu additionnel indexé annuel d'environ 1000 S par année. J'ai déjà eu l'occasion de le dire et je le répète, ce n'est pas le Klondike, ce n'est pas le paradis, mais, en ce faisant, on vise un petit peu plus

d'équité envers ces gens-là dans la société.

Maintenant, s! je comprends vos demandes, en plus des 1000 $, vous souhaiteriez que la politique de sécurité du revenu réponde positivement aux dix points que vous avez mis de l'avant; est-ce que c'est exact? Et en posant ces demandes, vous étiez conscients de l'ajout, en moyenne, de 1000 $.

Mme Charbonneau: On est conscients que ces montants paraissent énormes.

M. Paradis (Brome-Mîssisquoi): Ah bon!

Mme Charbonneau: Je pense qu'on en est conscients, sauf qu'il y a des politiques qui s'émettent au plan des politiques sociales, à savoir qu'il faut désinstitutionnaliser et normaliser et on a une clientèle qui est très particulière, qui a besoin d'un soutien financier important, peut-être plus important que pour ceux qui sont en situation d'autonomie, alors que les nôtres sont en situation de semi-autonomie. C'est pour cela que même si on trouvait cela gros, on voulait que les gens qui sont appelés à émettre et à rédiger des lois soient conscients d'une clientèle pour laquelle il y a peu de représentants, habituellement, parce qu'ils peuvent difficilement venir vous expliquer ce qu'ils vivent. Même si les montants paraissent élevés, ils nous semblent nécessaires.

M. Paradis (Brome-Miasisquoi): D'abord, Mme Charbonneau, je vais prendre les points que vous avez soulevés vous-même, quitte à revenir aux points qui ont été soulevés par d'autres intervenants. Le point 10 - je pense que vous ne les avez pas posés par ordre de priorité, il fallait les établir à un moment donné - la prime d'installation pour personne seule. Il s'agit d'un élément, comme vous l'indiquez, qui est important, mais est-ce que ce n'est pas un élément qui devrait faire partie directement d'une politique de désinstitutionnalisation, c'est-à-dire qu'à partir du moment où on prend un bénéficiaire, qui est déjà hébergé, et qu'on applique une politique de désinstitutionnalisation qui fait en sorte qu'il se retrouve dans la vraie vie. dans le quotidien, qui a un besoin, comme vous l'avez indiqué, pour son matériel de base, c'est un besoin qui arrive d'un coup sec, immédiat et qui ne se répétera pas de mois en mois dans sa vie?

Mme Charbonneau: Voulez-vous que je vous réponde?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, oui.

Mme Charbonneau: Oui! Ce qu'on craint... On avait pensé que la réponse serait celle-là ou, en tout cas, une réponse semblable, dans le sens "Repassons la patate chaude à quelqu'un d'autre". En fait, la désinstitutionnalisation a déjà des coûts énormes en installant des bénéficiaires dans des foyers de groupes, dans des résidences supervisées, dans des appartements supervisés pour une période préparatoire au congé définitif pour la plupart. Alors, à ce moment-là, l'installation est fournie par les budgets des programmes de désinstitutionnalisation. Mais à partir du moment où la personne quitte ce réseau, elle appartient à la normalisation, aux programmes normaux; elle n'appartient plus à un programme de désinstitutionnalisation. Elle fait partie des gens qui reçoivent un congé d'un centre hospitalier. C'est pourquoi on pense que c'est à l'aide sociale d'assumer ces responsabilités.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On est réticent à en assumer davantage parce qu'on trouve... On savait qu'on en avait beaucoup. La commission nous confirme qu'on avait déjà un pan de responsabilités qui était assez large.

Votre élément 9, hébergement dans un centre d'accueil, je vous dirai que le Comité des bénéficiaires de Louis-Hippolyte-Lafontaine nous a fait des représentations qui vont dans le même sens que celles que vous venez de nous faire. À la suite de leur comparution devant cette commission, ii y a eu un comité de formé entre des fonctionnaires du ministère et tes représentants du Comité de bénéficiaires de Louis-Hippolyte-Lafontaine en vue de ventiler et d'évaluer les 125 $. Je ne sais pas si c'est par coïncidence ou parce que vous les connaissez bien également, mais la demande était aussi de 190 $.

Mme Charbonneau: Non, ce n'est pas une coïncidence. C'est que sur ce plan, comme nos bénéficiaires sont des gens qui ne peuvent pas exprimer leurs besoins d'une façon aussi claire que peut-être certains bénéficiaires de l'hôpital

Louis-Hippolyte-Lafontaine, on a fait une ventilation avec eux et...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.

Mme Charbonneau:... ce n'était pas de connivence, mais c'était dit-on en accord...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En accord. Mme Charbonneau:... sur le montant.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Disons que pour éviter que la balle se lance d'un ministère à l'autre également, le comité est formé de ces gens-là, des représentants du ministère de la Santé et des Services sociaux et du ministère de la Main-d'oeuvre et de ia Sécurité du revenu; donc, il n'y aura pas possibilité d'envoyer la balle ailleurs. (16 heures)

Mme Charbonneau: Maintenant, ai-je bien compris quand vous avez dit qu'il y avait des représentants du comité des bénéficiaires de Louis-Hippolyte-Lafontaine à ce comité?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): De mémoire, si vous me demandez, si vous voulez vous joindre...

Mme Charbonneau: En fait, vous avez bien saisi mon...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Votre.... En fait, est-ce que cela peut-être... Cela va, on se voit après.

Un point difficile, si je me souviens bien, soulevé par un homme de loi. Ce n'est pas un point que j'aborde pour la première fois comme politicien. Il s'agit de toute la question des fameux 1500 $. Dans un sens comme dans un autre, celui qui les donne comme celui qui les reçoit. Moi, je vous dirai que, comme député, j'ai souvent eu de la visite à mon bureau de comté de gens qui disaient: Est-ce que le gouvernement nous demande de dilapider nos biens de façon que la société prenne soin de nous? J'ai longuement et souvent cherché une réponse. Quand j'étais dans l'Opposition, je faisais un peu comme Mme Harel, je disais: C'est la faute du gouvernement. Depuis que je suis au pouvoir, c'est ma faute. Vous proposez une solution. Vous avez pris le temps de bien rédiger vos articles de règlement et même de nous suggérer la renumérotation appropriée. Je n'ai pas pris le temps d'analyser les impacts comme tels. Tout ce que je vous dis, c'est que ces impacts seront analysés et que je vous répondrai personnellement sur la proposition que vous faites, parce que cela cause à plusieurs personnes qui partagent le même sens des valeurs dans la société que vous nous avez décrite, cela pose, dis-je des problèmes, je dirais même non seulement pratiques et financiers mais des problèmes de conscience dans plusieurs cas.

Mme Laurin. Son intervention en matière de carte-santé, entre autres, que les services de psychologie, de physiothérapie, de diététique et de podiatrie soient inclus dans les services assures par la carte-santé lorsqu'ils sont prescrits par un médecin. Il y a deux problèmes que cela soulève. C'est l'inclusion et la prestation du service comme tel. Dans plusieurs cas ou dans plusieurs centres, les professionnels pour rendre les services ne sont pas sur place. C'est un problème qui, lui aussi, relève, d'après nous, davantage du ministère de la Santé et des Services sociaux. Je pense que là, ce n'est pas à juridiction partagée. Les besoins de santé qui sont inclus sur la carte nous viennent et sont analysés par le ministère de la Santé et des Services sociaux et nous, nous les administrons comme ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu. Je tiens donc pour acquis que vous souhaiteriez que cette demande soit adressée là où elle doit être adressée et que nous, si on nous demande de les administrer, cela nous fera plaisir de les administrer, mais on comprend bien la situation que vous nous indiquez.

Le programme du soutien financier pour handicapés. Vous êtes le troisième ou le quatrième organisme qui traite de ce sujet avec nous ici. Pour les handicapés, les organismes généralement nous demandent le maximum de liberté de choix, en ce sens, qu'en vertu de la politique de sécurité du revenu, toute personne est présumée apte au travail. Le programme Soutien financier, pour devenir admissible, il faut le demander, etc. Les organismes semblaient apprécier que l'on considère toute personne dans la société apte au travail. On nous a même dit que des personnes qui pouvaient sembler incapables de travailler à cause d'un handicap physique lourd pouvaient être beaucoup plus capables, aujourd'hui, à cause de l'automatisation etc., que d'autres personnes et que le degré fonctionnel d'un individu dans la société a plusieurs facettes finalement.

Maintenant, nous n'avons pas voulu, une fois qu'une personne devient admissible au programme Soutien financier, la stationner là et l'oublier. Toutes ces personnes, je souhaite que vous l'ayez vu dans notre politique, sont également admissibles au programme APTE et au programme régulier APTE avec - et cela va répondre à d'autres questions qui ont été posées - l'allocation de participation et les frais de participation. Cela veut dire les 40 $ et cela veut dire les 60 $ qui s'ajoutent à la prestation Soutien financier. C'est-à-dire que la personne conserve sa prestation Soutien financier et qu'on ajoute 100 $ de frais et d'allocation de participation si elle participe. Maintenant, au ministère, nous sommes conscients que nos programmes qui s'adressent aux personnes considérées aptes ne seront pas toujours des programmes adaptés aux personnes handicapées et nous sommes à développer les programmes adaptés qui pourraient s'adapter à cette clientèle de façon à ne pas la marginaliser et de façon qu'elle s'implique davantage dans la société québécoise. Oui, Mme Charbonneau, la langue vous brûle.

Mme Charbonneau: Oui. La raison pour laquelle, contrairement à d'autres organismes, nous avions dit - nous avons écrit même - que le programme des services adaptés devrait demeurer sous celui du programme de Soutien financier au lieu d'être sur le programme APTE et être un programme adapté de Soutien financier plutôt que du programme APTE, c'est qu'il est vrai que les personnes sont plus capables de travailler qu'on ne l'aurait jamais imaginé il y a dix ans par exemple, mais comme je vous disais tantôt, leur taux de productivité sera toujours moindre que celui de l'individu. Je ne parie pas de tout le monde, je parle d'une clientèle de gens frappés d'un handicap sévère qui, eux aussi, participent selon leur taux de productivité à des programmes d'intégration socioprofessionnelle qui les aident à déboucher sur un fonctionnement optimal qui pourrait les amener à travailler à l'intérieur d'une entreprise, mais on les laisse tout seuls, sans leur donner un autre apport, c'est là... Dans le programme APTE, on dit: Si tu

n'arrives pas à t'intégrer, à ce moment-là, on te pénalise, parce qu'il y a neuf mois d'intégration et, après cela, la personne arrive sur un autre... On ne veut pas cela, on voudrait que ce soit un programme de Soutien financier adapté, individualisé.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je comprends ce que vous voulez dire, sauf que je pense que vous avez une mauvaise perception. C'est que les neuf mois ne s'appliquent jamais à une personne qui est éligible au programme Soutien financier. Ce que l'on propose, c'est Soutien financier, interconnexion à un programme d'employabilité avec prime de participation et d'incitation. Nous vous disons que nous ajoutons à ces programmes réguliers des programmes adaptés qui sont sous le programme APTE finalement. Vous demandez s'il y a possibilité de ramener Soutien financier, programme adapté avec le même système qu'APTE. C'est votre demande.

Mme Charbonneau: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Exemption pour gains de travail. On a des problèmes sérieux à partir du moment où les barèmes du programme Soutien financier sont déjà plus élevés en commençant. On ajoute à ces barèmes les 100 $ de participation et, à ce moment-là, on tombe à un niveau qui, comparativement au salaire minimum, est dépassé. Si, sur le plan de la fiscalité, on ajoute une autre déduction pour gain de travail, c'est-à-dire non imposition supérieure à des niveaux de participation, cela pose, sur le pian de la fiscalité, une difficulté énorme à surmonter.

Mme Charbonneau: Vous parlez des réserves liquides ou vous parlez de l'exemption de travail?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'exemption pour gain de travail.

Mme Charbonneau: Oui. En fait, cela touche deux sujets, c'est pour cela que je vous posais la question. Est-ce que cela a rapport avec les réserves liquides ou avec les 21, 80 $ indexés à 39, 32 $?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, cela a rapport... Je le prends à la page 4 de votre mémoire...

Mme Charbonneau: D'accord.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ... où vous demandez que l'exemption pour gains de travail pour les personnes en stage soit de 200 $ par mois et indexée annuellement.

Mme Charbonneau: C'est cela. C'est l'indexation qui est actuellement permise à 21, 80 $ par semaine pour des programmes thérapeu- tiques...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord, cela va.

Mme Charbonneau:... qu'on voudrait voir indexée à 39, 32 $ par semaine, une indexation qui est, selon nous, importante dans le sens où elle n'a pas été faite depuis 1980 et que les gens qui travaillent sur des plateaux de travail de sept heures par jour et qui ne fonctionnent peut-être pas à 100 % comme une personne dans une entreprise, mais qui fonctionnent à la limite de leurs capacités, donc qui travaillent aussi fort que nous, même si leur taux de productivité est moindre. C'est pour cela qu'on trouve que 39, 32 $ maximum est une minime proportion. Ce sont ceux qui arrivent au fonctionnement optimal qui reçoivent habituellement ce montant-là. Cela nous paraît dérisoire.

Il est sûr que lorsqu'on voit 100 $ d'exemption pour gains de travail, cela peut paraître alléchant, mais quand on regarde la réalité, ils ont cela actuellement 100 $ d'exemption de travail. Cela n'apporte aucun changement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis d'accord. Encore une fois, dans ce cas-là, le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu n'est que le bras servile du ministère de la Santé et des Services sociaux qui décide de ces choses-là; nous, nous les administrons parce que nous avons les facilités administratives et nous distribuons l'argent.

MmeHarel:...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pardon?

Mme Harel: Pour une fois que ce n'est pas le bras servile des Finances!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous, nous aimons rendre service à tout le monde finalement...

Mme Harel: Sauf aux bénéficiaires.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que pour les bénéficiaires qui sont représentés par les gens qui sont ici... Je ne dis pas que c'est une réforme qui est satisfaisante à 100 %. mais c'est une réforme dans laquelle on investit beaucoup en ressources financières et humaines. Est-ce qu'on répond à la question de l'allocation de travail et de la déduction mensuelle, en ajoutant à la prestation du programme Soutien financier l'allocation de participation de 60 $ et les frais de participation de 40 $?

Mme Charbonneau: Qui s'ajoutent à l'exemption de 100 $?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

Mme Charbonneau: C'est dans l'application, à ce moment-là, que cela deviendra un grand point d'interrogation.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez là la même question qu'avaient les bénéficiaires de Louis-Hippolyte-Lafontaine.

Mme Charbonneau: Pourtant, là on ne s'était pas consulté.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va pour le moment.

Le Président (M. Laporte): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Haret: Alors merci, M. le Président. Je veux saluer le Comité des bénéficiaires de l'hôpital Rivière-des-Prairies, M. Richard, le président et Mme Charbonneau, protectrice. Alors vous êtes une employée de l'hôpital Rivière-des-Prairies. Vous agissez comme personne-ressource auprès du comité des bénéficiaires. C'est- bien cela? Alors je constate, M. Richard, que vous avez quelqu'un qui prend à coeur l'intérêt des personnes que le comité représente.

J'avais d'abord une question en regard d'un mémoire qu'on a examiné ici hier avec la Confédération desorganismes provinciaux des personnes handicapées du Québec. Je ne sais pas si le comité des bénéficiaires est membre de la confédération. Non?

M. Richard (Gilles): Non.

Mme Harel: ta confédération représente des déficients à la fois intellectuels et physiques, je pense. Ils sont venus indiquer leur rejet formel du concept central de la réforme qui, à leur avis, et je les cite au mot - je les avais notés mot à mot - est inacceptable, parce que, disaient-ils, "le document ignore totalement les principes contenus dans. À part... égale, politique d'ensemble du gouvernement québécois sur l'intégration sociale des personnes handicapées et sur la prévention des déficiences". Et là, ils sont venus nous expliquer qu'on avait une sorte de conception biaisée au départ en pensant que le handicap était nécessairement autre chose qu'un handicap dans la société et qu'il fallait plutôt aménager des postes de travail, donner des allocations spéciales mais ne pas réunir dans des catégories à part des personnes qui pouvaient finalement en pâtir, d'une certaine façon, puisque cette catégorisation les amenait à ne plus voir nécessairement à mobiliser l'ensemble des ressources pour changer les conditions de travail qui, elles, ont bougé beaucoup moins rapidement souvent que les autres services de notre société comme les services de transport ou autres. Je pense que vous, contrairement à la confédération, vous appuyez les catégorisations. Je ne vais pas jusqu'à penser que vous avez eu le temps de les étudier et d'être d'accord avec les structures de barèmes avec la réduction à la baisse pour les deux autres catégories, mais si je conçois votre point de vue, c'est que vous appuyez ces catégories qui vont faire que les personnes dites déficientes vont se retrouver dans une catégorie à part...

Mme Charbonneau: Ce qu'on a obtenu en fait - c'est un peu ce que je disais à M. Paradis - c'est que, jusqu'à maintenant, la société ne prévoyait aucun programme pour les gens qui étaient prestataires permanents de l'aide sociale. Comme je le disais aussi tantôt à M. Paradis, c'est une majorité importante de la clientèle de la confédération qui, probablement, profitera du programme APTE avec ce que cela suppose. Peut-être qu'ils sont en fait choqués de voir cette clientèle marquée par un programme qui leur appartient. Nous n'avons pas eu cette réaction, parce qu'on a trouvé que c'était une ouverture par rapport à une clientèle qui était sévèrement handicapée et cette clientèle, même s'il y a plusieurs hôpitaux psychiatriques ou des centres de santé mentale dans la province de Québec, il n'y en a pas beaucoup qui ont notre type de clientèle. C'est peut-être pour cela qu'on a eu une ouverture plus grande par rapport à ce programme de soutien financier que d'autres organismes qui, eux, ont peut-être en majorité une clientèle beaucoup moins handicapée. (16 h 15)

Mme Harel: Si j'ai bien compris, votre clientèle ne va sur le marché du travail que lorsqu'il y a un support. Est-ce que vous avez des bénéficiaires - un seul serait déjà beaucoup - qui sont sur le marché du travail de façon autonome ou si la totalité d'entre eux le sont avec des emplois subventionnés?

Mme Charbonneau: Très peu sont autonomes, mais il y en a.

Mme Harel: II y en a?

Mme Charbonneau: Je dirais qu'il y en a des unités actuellement. Il n'y en a pas beaucoup. Il y a des gens qui travaillent à temps plein dans des CTA ou dans des endroits entièrement subventionnés, mais ils fournissent quand même un travail constant; ce sont finalement des organismes sans but lucratif, subventionnés par l'État.

Mme Harel: Je n'ai peut-être pas bien posé ma question. Je ne doute pas qu'il y en ait qui soient très productifs. Vous faites bien la distinction, et je l'ai bien apprécié, entre productif et compétitif. Dans votre mémoire, vous dites: Nos bénéficiaires peuvent être productifs sans pour autant être compétitifs. Alors je conçois qu'ils ne peuvent être productifs qu'à 75 %, même certains à 100 %. Mais ce que je

veux savoir, c'est s'il y en a qui sont sur le marché privé de l'emploi.

Mme Charbonneau: Oui, c'est ce que je vous ai répondu, des unités.

Mme Harel: Vous me parliez d'organismes communautaires ou sans but lucratif.

Mme Charbonneau: Ah! Çà, c'est...

Mme Harel: Mais, sur le marché totalement privé de l'emploi?

Mme Charbonneau: Oui, il y en a des unités.

Mme Harel: Ce que les autres associations mettaient en lumière, c'est qu'il y avait perte de couverture des besoins spéciaux lorsqu'il y avait intégration sur le marché du travail. Il faut comprendre que ce n'est pas !e cas pour vos bénéficiaires actuellement.

Mme Charbonneau: Non, mais ce sont des choses qui vont venir. À cause de toute la pensée qui se développe, les politiques qui prônent la désinstitutionnalisation, la normalisation, de plus en plus de gens vont être retirés de services intégrés et seront plutôt intégrés dans les entreprises. Tantôt je mentionnais les plateaux, les stages en milieu de travail. Il y a des gens qui pourraient travailler à l'intérieur d'une entreprise privée, mais on est inquiet et on n'ose pas les engager parce qu'ils ont un statut particulier, celui d'être venus par la voie d'un service d'intégration professionnelle d'un centre de santé mentale. Ces gens-là sont toujours en situation un peu insécurisante et c'est pour cela qu'on mettrait de l'avant que ces personnes ont toujours des besoins spéciaux à combler alors qu'elles continuent à être sur le programme de soutien financier. Que ce soit minime, ce n'est pas important, mais que ce soit encore, pour un temps du moins, subventionné par l'État pour la carte santé ou...

Mme Harel: D'accord. Cela rejoint par ailleurs la même revendication que ta Confédération des organismes provinciaux qui demandait que soit réalisé l'objectif d'intégration sur le marché de l'emploi, mais que cet objectif soit associé au fait que ce n'est pas une perte et donc une réduction de la qualité de vie d'aller sur le marché de l'emploi et il nous faisait valoir que bon nombre se désincitent à aller sur le marché de l'emploi parce que cela leur fait perdre notamment les besoins spéciaux, non seulement ceux de la carte-santé, mais les autres et que cela peut donc avoir un effet nettement désincitatif pour retourner ou intégrer le marché de l'emploi. Quand vous... Oui, vous avez quelque chose à ajouter?

Mme Charbonneau: Oui. Tantôt vous me demandiez s'il y avait des gens qui étaient sur le marché du travail. On a des gens qui ont parfois besoin d'une médication assez importante et, avec le salaire minimum, ces gens-là n'arriveraient pas à assumer à la fois le coût de leur médication et les coûts inhérents à la vie normale.

Mme Harel: Actuellement, ceux qui sont sur le salaire minimum dans un travail régulier et qui ont besoin de cette médication, qu'est-ce qui leur arrive?

Mme Charbonneau: Je pense qu'à ce moment-là des fonds sont trouvés. On essaie de trouver des moyens pour empêcher... Il y a des gens qui sont dans de sérieuses difficultés parce qu'il y a de nouvelles hospitalisations qui sont parfois dues à des stress comme ceux-là.

Mme Harel: Est-ce que certains d'entre eux utilisaient SUPRET? Vous savez, le programme qui supplémente le revenu lorsqu'on est sur le marché du travail au salaire minimum?

Mme Charbonneau: Je ne crois pas. Je ne pourrais pas...

Mme Harel: Vous avez parlé du bien-fondé et vous avez plaidé avec des arguments qui nous font comprendre les conditions de vie dans l'établissement. Vous avez plaidé en faveur d'un rétablissement à la hausse des besoins de l'allocation, donc d'une redéfinition des besoins essentiels.

Vous étiez sans doute là lorsque, avec le ministre, j'ai discuté sur le fait qu'on ne connaît malheureusement pas de façon publique la définition, catégorie par catégorie, des besoins essentiels concernant l'alimentation, le logement, l'entretien ménager, les soins personnels, etc. Concernant l'habillement, je pense que vous invoquiez qu'il est tout aussi nécessaire d'avoir un habillement pour les quatre saisons même si on est bénéficiaire, etc. Je dois vous dire, Mme Charbonneau, qu'autant vos propos me semblent justifiés - la plaidoirie que vous faisiez - autant je pense qu'on ne peut pas justifier les besoins des uns en prétendant qu'ils sont peut-être plus justifiés que ceux des autres.

C'est donc dire que je ne pense pas que cela puisse convaincre l'opinion publique, encore moins, je ne sais pas, peut-être ie ministre oui, si tant est qu'il est plus sensible à ce genre d'argument de dire qu'on le mérite plus que les autres. Ceux qui vont être tenus, et je pense autant aux familles monoparentales qu'aux personnes seules, à se déplacer, à participer à des mesures d'employabilité, à trouver de l'emploi, vous savez qu'elles vont aussi avoir à se présenter d'une certaine façon.

J'espère bien que dans cette commission on ne mettra jamais les besoins des uns en balance

par rapport aux besoins des autres.

Mme Charbonneau: J'aimerais absolument m'expliquer. Tout ce que j'ai voulu faire, c'est mettre en lumière, et je regrette d'avoir fait le contraire, que les besoins de gens qui sont hébergés ne sont pas moindres que ceux des gens qui sont à l'extérieur, sauf pour les besoins de la nourriture et les besoins de logement et qu'on sous-stimule jusqu'à un certain point ces gens dans des activités, ce qu'on essaie de diminuer chez d'autres. Mais ce n'est pas pour discréditer ce qui est donné aux autres ou ce qui devrait être donné aux autres, au contraire.

Mme Harel: En fait, je peux ne travailler qu'avec les chiffres que j'ai et cela ne vient que de fuites du ministère. Mais l'habillement pour une personne seule correspondrait à un montant de 45 $ par mois. C'est là le montant qui serait prévu à l'habillement. Pour les loisirs, ce serait un montant de 16 $ par mois; pour le transport, 19 $. Je ne sais pas si le transport est alloué aux bénéficiaires. J'imagine qu'il y a des déplacements aussi. L'ameublement, cela ne doit pas l'être, c'est un montant de 20 $. Les communications, 17 $ par mois pour une personne seule j'imagine. Je ne sais pas si ce montant est attribué. Et pour les soins personnels, 22 $.

Finalement, si on ajoute - ce qui n'est pas le cas pour les bénéficiaires - alimentation et logement, tout cela établit un niveau de besoins essentiels reconnu. Ces besoins essentiels qui, vous avez peut-être pu l'entendre tantôt, ne sont plus ceux établis par le Dispensaire diététique ou ne le seraient plus tout au moins, cela reste conditionnel, mais ils deviendraient ceux établis par une enquête du ministère. D'une certaine façon, ces besoins ne sont plus comblés, sauf pour ceux du soutien financier.

Alors, quand vous parliez tantôt des exemptions pour gain de travail, j'ai cru comprendre par ailleurs que ce n'étaient pas les exemptions de ceux qui sont sur le marché de l'emploi comme travailleurs au salaire minimum mais des exemptions qui relèvent des emplois subventionnés qui ne sont pas indexés et que cela relève de la santé. C'est bien cela? D'accord.

Sur l'autre aspect, ii y a, là aussi, un autre problème au sens où un de vos bénéficiaires qui irait participer à un programme et qui reçoit soutien financier ne pourrait pas avoir un gain d'emploi supérieur à un montant de 80 $? C'est bien le cas? Le gain d'emploi du soutien financier.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un montant de 100 $; 60 $ plus 40 $.

Mme Harel: Un montant de 100 $. C'est cela, 25 $ par mois; 60 $ plus 40 $ en participant. C'est cela. Et au-delà, si tant est, par exemple...

M. Paradis (Brome-Missisquot): Ce montant s'ajoute à l'autre 100 $.

Mme Harel: S'ajoute aux 100 $ spécifiques, aux 100 $ des besoins spéciaux du fait d'être déficient. C'est cela? Le ministre me dit que oui. Vous, Mme Charbonneau, vous semblez dire que non.

Mme Charbonneau: C'est parce que c'est l'expression que vous avez utilisée: "les besoins spéciaux du fait d'être déficient". Je pense que quelqu'un qui est dans un service d'intégration socioprofessionnel c'est un service qui est là. Ce n'est pas le fait d'être déficient, c'est le fait d'offrir des services qui fait qu'il y a une allocation qui est celle dont on parlait tantôt. C'est votre expression qui m'a fait sursauter.

Mme Harel: Très bien. Là la question qui est nécessairement posée, c'est: Y aura-t-il un seuil d'imposition? Où sera le seuil d'imposition? Vous voyez, ici, le salaire minimum à 699 $. Au salaire minimum, le travailleur paie en impôt provincial actuellement, cette année, 245 $, même une fois qu'on a réduit son crédit d'impôt foncier et son crédit d'impôt à la consommation. Le soutien financier qui obtient un programme de transfert qui équivaut aux besoins essentiels reconnus, contrairement aux autres catégories, c'est 560 $, c'est bien cela, aurait un 100 $ de plus, 660 $, et éventuellement, comme vous nous l'avez indiqué, un autre 600 $ au chapitre du programme d'intégration. Alors, cela ferait 760 $, donc au-delà du salaire minimum et serait amené à être imposé sur ces montants.

J'attire simplement votre attention là-dessus parce qu'il y aurait sans doute des représentations à faire au comité où vous allez dorénavant siéger avec les bénéficiaires de Louis-Hippolyte-Lafontaine. Ce sera sans doute l'occasion d'examiner l'arrimage entre tous ces programmes de transfert et le taux d'imposition qui fait qu'ils seront possiblement imposables sur ces montants.

Une dernière question concernant les réserves liquides. Les réserves liquides et la proposition que vous avez faite pour que la personne, le bénéficiaire puisse garder jusqu'à l'équivalent du seuil de pauvreté du capital qui lui serait transmis par succession. Considérez-vous que la baisse de 1500 S à 500 S... C'est bien le cas. la réduction qui est prévue dans le document d'orientation, à la page 43, des biens possédés par un ménage dont la valeur totale dépasse 500 $ alors, qu'actuellement c'est 1500 $. Avez-vous des représentations à faire? Je ne les ai peut-être pas lues attentivement dans votre mémoire. Prenez-vous en considération que cette baisse doit avoir lieu? Actuellement, un ménage familial peut garder 2500 S de biens et une personne seule, comme vous le savez 1500 $. Dans le projet, il y a réduction de 1500 $ à 500 $. On dit: Les autres biens possédés par un

ménage, deuxième automobile, chalet, terrain et dont la valeur totale dépasse 500 $, 1500 $ actuellement. Donc, il y aurait réduction de la valeur des biens de 1500 $ à 500 $.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux apporter juste une précision pour fins d'éclaircissement pour qu'on se comprenne bien, pour être certain qu'on parle du même chiffre. Vous avez les chiffres de la page 42 qui correspondent aux arguments qui ont été présentés par Me Clermont.

Mme Harel: Je suis à la page 43.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous expliquer la différence.

Mme Harel: Je la connais la différence.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez 1500 $ au milieu de la page 42...

Mme Harel: Oui, oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... qui sont les sommes liquides dont parlait Me Clermont. Cela demeure la même chose. L'autre point que vous faites, et vous avez possiblement raison de le faire, cela touche très peu la clientèle représentée par ces gens.

Mme Harel: À moins que ce ne soit une maison.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est cela, exact.

Mme Harel: À moins que le testament - à titre de trésorier, la recommandation que vous faites - ne lègue une maison, auquel cas il faudrait aussi voir dans vos recommandations au ministre à combler cet anachronisme parce que si la maison était, disons, léguée, pas nécessairement des biens en capitaux, mais la maison en tant que telle, si c'était une maison que le parent léguait à son enfant, alors, il faudrait aussi, pour être logique dans vos revendications, qu'on augmente pour ces personnes que vous voulez protéger le montant d'évaluation au-delà duquel elles vont pouvoir obtenir une allocation sociale. Est-ce qu'on se comprend bien? (16 h 30)

Mme Charbonneau: Quand vous parlez d'une maison, ce qu'on a compris, c'est qu'à la page 43, c'était la maison, une valeur de 50 000 $ Les 500 $, c'était pour d'autres biens.

Mme Harel: Oui. C'est cela. Évidemment, la maison, dans la mesure ou on l'habite soi-même. II pourrait peut-être arriver par exemple qu on lègue une maison à un bénéficiaire.

Mme Charbonneau: Cela pose un problème.

Mme Harel:... et qu'il habite en logement partagé ou subventionné. II demeure qu'il pourrait y avoir un anachronisme aussi en regard des recommandations que vous faites et il y aurait lieu sans doute d'appliquer la même logique.

M. Clermont: Est-ce que vous voulez dire, madame, que d'après le projet, la valeur d'une résidence prévue à l'article 54 du règlement, sera supprimée?

Mme Harel: Non.

M. Clermont: II y avait une résidence de 50 000 $, je crois, et ce serait supprimé cette valeur? Ce ne serait pas compté? "Ne comptent pas comme biens, les meubles, jusqu'à concurrence de 4000 $ " l'article 53. C'est le texte actuel, ce qui existe actuellement.

Mme Harel: Ce sont pour les autres biens. M. Clermont: Oui.

Mme Harel: Et pour ces biens, il faut évidemment habiter la maison. Alors, il serait possible que le bénéficiaire ne I'habite pas, pour toutes sortes de bonnes raisons qui sont liées à sa condition.

Mme Charbonneau: C'est pour cela que, dans la proposition, la recommandation qui avait été faite dans le mémoire à ce sujet, on parlait de laisser I'usufruit finalement courir jusqu'au seuil de pauvreté en pensant à une situation comme celle-là ou le bénéficiaire ne pourrait pas profiter du legs, dans le cas d'une maison, et qui pourrait finalement continuer à produire des fruits...

Mme Harel: Des fruits.

Le Président (M. Laporte): Oui.

Mme Charbonneau: Des fruits, ça va bien, pour permettre à cette personne de conserver son bien. Si un jour elle peut l'habiter, tant mieux, mais sans pénaliser finalement son allocation sociale.

Le Président (M. Laporte): Le temps étant terminé, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est pour vous remercier de votre présence de votre mémoire, du travail que vous faites auprès des bénéficiaires et vous indiquer que je suis encore d'avis qu'une personne qui est dans I'obligation de passer une très longue période de sa vie à I'aide sociale a des besoins qui, finalement, sont un peu plus élevés que la personne de passage à l'aide sociale, Mme Charbonneau l'a bien indiqué,

peut-être a contrario, en disant: "Lorsque la personne en sort, il y a des articles qu'elle doit s'acheter", etc. La personne qui a la possibilité de travailler à un moment donné dans sa vie accumule ces choses-là à partir de ses gains de travail et lorsqu'elle arrive à l'aide sociale, elle les a. Votre clientèle n'a pas eu cette possibilité et c'est de cela que la politique que nous mettons de l'avant tente de tenir compte, peut-être pas assez généreusement, mais avec un peu plus d'équité qu'avant. Merci de votre participation à la commission.

Le Président (M. La porte): La commission tient à remercier le Comité des bénéficiaires de l'hôpital Rivière-des-Prairies et la protectrice du bénéficiaire en vous souhaitant bon retour à Montréal. Oui?

M. Richard (Gilles): Je vous remercie, M. le Président, et les membres de la commission parlementaire.

Le Président (M. Laporte): Cela nous a fait plaisir. J'invite maintenant à s'avancer à la table les représentants du Bureau de consultation jeunesse inc.

Nous souhaitons la bienvenue aux représentants du Bureau de consultation jeunesse inc. Vous connaissez sans doute le mandat de la commission. Au départ, je vous demanderais de bien vouloir vous identifier pour les fins de l'enregistrement. Je désire vous indiquer qu'en ce qui concerne la procédure, vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire. Par la suite, il y aura une discussion d'une quarantaine de minutes avec les parlementaires. Est-ce que le responsable de votre groupe veut bien s'identifier et identifier les collègues qui l'accompagnent? La parole est à vous.

Bureau de consultation jeunesse Inc.

Mme Dubé (Marcelle): Je dis bonjour à tout le monde. Mesdames, messieurs, j'aimerais vous présenter les gens qui m'accompagnent. À l'extrême gauche, il y a M. Jean Fallon, du Bureau de consultation jeunesse de Laval, un intervenant communautaire; ici, M. Fernand Fournier, du CRIC, le Collectif de recherche d'intervention communautaire et, à ma droite, M. Jacques Pector, du Projet d'intervention auprès des mineurs prostitués. Il manque une personne qui va se joindre à nous; elle s'appelle Alice Dionne et vient du CRIC aussi. Mon nom est Marcelle Dubé, je suis du Projet jeunes décro-cheurs et décrocheuses.

Dans un premier temps, j'aimerais vous préciser la raison de notre venue à cette audience. Nous avons fait parvenir un mémoire pour le 8 février qu'il nous semblait important de déposer, vu la problématique avec laquelle nous travaillons depuis plusieurs années, c'est-à-dire la jeunesse. Il nous semblait important de vous dire ce qu'on faisait auprès des jeunes et pourquoi on le faisait, et aussi ce nous pensions de la réforme de l'aide sociale; c'est ce qu'on a écrit dans le mémoire. Aujourd'hui, nous aimerions poursuivre ce qu'on a écrit dans ce mémoire, aller au-delà de cela et vous expliquer un peu plus, à travers notre expertise sur le terrain, ce qu'on connaît des jeunes.

Alors, qu'est-ce que c'est, le Bureau de consultation jeunesse? Le Bureau de consultation jeunesse est un organisme communautaire qui travaille auprès des jeunes dans la région de Montréal. Il a à peu près une douzaine de points de service qui sont situés sur I'île de Montréal, à Longueuil et à Laval. Nous faisons du travail auprès de la jeunesse qu'on situe entre 15 et 30 ans. Nous sommes là depuis près de 13 ans. Nous avons touché plusieurs aspects chez les jeunes par notre travail sur le terrain, entre autres, l'idée d'aider les jeunes à se prendre en main, la capacité de ces jeunes de se prendre en main et de devenir autonomes. Nous avons aussi, au cours de ces 18 années, travaillé à expérimenter plusieurs ressources novatrices en matière de travail et de non-travail auprès des jeunes. Je citerais, entre autres, le projet d'intégration au travail, les projets SEMO, Élan Laval et l'Atelier de travail jeunesse. Et, à travers les autres points de service aussi, les jeunes nous ont souvent consultés sur la question du travail.

Nous avons aussi toujours voulu travailler avec la communauté; c'est l'essentiel de notre intervention. C'est-à-dire que nous travaillons avec les jeunes qui viennent nous voir, mais nous n'isolons pas le jeune, nous le remettons dans son contexte de quartier. Nous travaillons donc aussi auprès d'adultes qui sont signifiants pour ces jeunes: ce sont des parents, des professeurs, en fait, toute la communauté qui tourne autour de ces jeunes et aussi des employeurs.

Chez nous, comme travail d'intervention, nous avons plutôt envie de travailler avec les jeunes par l'aspect positif, parce que la plupart des jeunes qui viennent chez nous, on a l'impression qu'ils arrivent avec un fort sentiment d'échec et pour nous, c'est important de partir de ce que ces jeunes ont comme potentiel. La plupart des jeunes justement ont vécu des échecs à l'école, sont issus de familles avec lesquelles il y a des problèmes et ont eu beaucoup de difficultés aussi concernant l'intégration au travail. Pour nous, il y a beaucoup de potentiel chez les jeunes et notre objectif, ce n'est pas de regarder les échecs, mais plutôt ce qui peut être fait avec ces jeunes.

On aborde aussi les jeunes dans leur réalité complète et non pas juste par le biais du travail ou par le biais de la sexualité. Pour nous, ce sont toutes des réalités qui forment l'ensemble des jeunes qu'on voit. Chez nous, en fait, on a l'impression de travailler beaucoup à aider le jeune à devenir autonome, à lui donner une certaine dignité, à iui redonner l'espoir dans sa vie.

On vous a parlé, dans notre mémoire, de l'illusion du plein emploi, des valeurs individuelles et sociales puis, aussi, on a regardé la situation du programme d'action positive pour le travail de l'emploi, mais aujourd'hui, en fait, on a plus envie de vous dire ce qu'on trouve inacceptable dans la réforme, ce qu'on trouve, quelque part, qui est même négatif concernant l'image des jeunes dans votre réforme. Alors pour cette partie, je vais passer la parole à M. Fournier.

M. Fournier (Fernand): Merci. Lorsqu'on a eu vent qu'il y avait une réforme - on avait ce vent-là d'ailleurs depuis quelques années, parce que cela n'arrive pas comme un cheveu sur la soupe - on a dit: Ils vont sortir un texte et finalement on a pu l'avoir. On a commencé à le lire individuellement puis on s'est rendu compte qu'on trouvait cela vraiment passionnant. Alors on s'est dit: il y a anguille sous roche, il faut qu'on lise cela ensemble. On s'est donc mis à échanger des points de vue sur cette réforme-là qui, peut-être, ne touche pas beaucoup, Je dirais, l'ensemble de ce qu'on fait avec les jeunes. C'est un peu tardivement qu'on s'est dit: II faudrait peut-être, nous aussi, écrire un mémoire. Si on a décidé de le faire, ce mémoire-là, je tiens à vous le rappeler, c'est parce qu'on se sent vraiment concernés par la problématique qu'il y a dans cette réforme. On ne vous parlera pas de chiffres beaucoup. On veut vous dire que les désaccords qui ont été mentionnés à cette commission, depuis le début, selon ce qu'on a lu dans les journaux, on est pas mal d'accord avec cela. Ce qu'on aimerait mettre en évidence ici, ce sont des réalités qui, peut-être, ne seront pas touchées par d'autres organismes. On le fera en vrac, on arrêtera dans quinze minutes et on pourra répondre à vos questions par la suite.

Une chose qui nous préoccupe vraiment, ce sont les besoins des jeunes. J'étais heureux, tantôt, d'entendre quelqu'un vous dire que les besoins des gens qui sont sur le bien-être social sont les mêmes que ceux des autres membres de la population et je trouve que dans la réforme telle qu'on peut la percevoir globalement, ce n'est pas nécessairement évident.

Je veux vous dire aussi que, personnellement, dans le CRIC ce que je fais depuis quatre ans, c'est de la formation, des rencontres, des conférences, des séminaires avec des parents, des enseignants, des travailleurs sociaux, des gens des CLSC, des gens des loisirs dans tout le Québec et le Canada francophone. Donc ce sont aussi des commentaires qu'on a eus de ces gens-là sur l'image qu'ils se font des jeunes et des jeunes sur le BS. C'est une image qui n'est pas tellement reluisante. (16 h 45)

Quand on parle des besoins des jeunes, il y a un besoin très important qui est celui de vivre en collectivité. Les gens nous disent que, depuis 1970, les jeunes forment une classe sociale. Dans cette réforme, on a souvent l'impression qu'on va demander aux jeunes de se "réisoler". Je vais vous donner un exemple, qu'on pourrait multiplier par mille, d'un beau jeune qui a 22 ans, qui étudie à l'Université de Montréal en criminologie - il va peut-être finir ses jours ici! - et qui a dû s'en aller en appartement pour aller étudier, l'an dernier, pour sa première année d'université. Alors, il a quitté le foyer familial, qui est un foyer très heureux, uni, riche et tout ce que vous voudrez, pour aller aux études. Il a fait son année d'études l'an dernier, de façon intéressante, mais en partageant un appartement avec trois autres copains parce qu'il n'arrivait pas à payer son loyer pour les raisons que vous connaissez tout aussi bien que moi.

Ce jeune a fait son année. À la fin de l'année, il est revenu chez ses parents, parce qu'il voulait ramasser plus d'argent, se trouver un job d'été et tout. En septembre, il retourne à sa deuxième année d'université, encore avec deux autres, un copain et une copine, mais, cette fois-là, ils ne sont pas étudiants dans la même branche que lui. Je l'ai rencontré à Noël et il me disait: Fernand, cela n'a plus d'allure, je ne suis même plus capable d'étudier. Tu sais, on se partage l'appartement et nos sous, on se partage le grille-pain, l'auto - il y avait même une auto prêtée en quelque part - mais je ne suis plus capable d'étudier parce que je suis tout seul. Il faut que je discute avec les gens et je ne les vois pas parce qu'on ne travaille pas aux mêmes heures. Alors, c'est ce qui fait que, actuellement, il cherche à revenir en quelque part. Donc, je trouve que... Vous voyez, il y a une réalité qui est intéressante chez les jeunes et qui est fondamentale, actuellement.

Il y a deux jours, je faisais un séminaire à Sainte-Adèle avec des intervenants-jeunesse de maisons de jeunes. Dans ce séminaire, il y avait deux jeunes qui font partie d'un projet que vous devriez connaître, puisqu'il vient du gouvernement; il s'appelle Jeunes volontaires. Vous devriez demander à ceux qui font ce projet pourquoi ils parlent de volontariat, parce qu'il n'en est pas beaucoup question dans votre réforme. Les jeunes n'ont pas l'air à pouvoir être très volontaires dans les dédales du cheminement que vous voulez leur faire suivre. Ces deux jeunes volontaires me disent: On travaille à la Maison bleue La Maison bleue, c'est une maison qu'ils ont louée parce qu'ils ont trois autres jeunes de 17 et 18 ans qui étaient dans des centres d'accueil des Laurentides, ils sont sortis des centres d'accueil et ils habitent avec eux. Quand on s'est mis à parler de la réforme, ils ont dit: Est-ce que cela veut dire, Fernand, que si c'était là demain, on se ferait tous couper notre BS, toute la "gang". Je pense que oui. Là, l'un me dit: On ne pourrait plus arriver à louer cette maison, parce qu'il faut qu'on ait ce qu'on a actuellement pour la louer, autrement on n'a plus d'argent.. Donc, ces jeunes ne pourraient plus avoir ce lieu d'appartenance qui est une

résidence commune. Ils seraient obligés probablement de quitter et de se retrouver là ou vous savez probablement, c'est à-dire dans la rue ou je ne sais trop ou. Je trouve que. Oui, vous ne comprenez pas peut-être parce que...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je fronce les sourcils énormément, là.

M. Fournier:... l'on est un peu impressionné d'avoir à vous parler. Alors, vous nous poserez des questions.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.

M. Fournier: Une autre réalité qui nous intrigue dans cette réforme, c'est celle de la perception qu'on se fait de la famille et des valeurs. Vous savez, on parle de liens d'appartenance de responsabilités parentales, de responsabilités des enfants, un jeune qui demeure chez ses parents et dont les parents gagneraient tel montant verrait son allocation diminuée selon le salaire des parents et tout cela, toute cette problématique dans un esprit de justice et d'équité. Cependant, nous disons: Ce n'est pas comme cela la réalité. II y a des jeunes qui ont à sortir de chez eux, dans des milieux autant favorisés que défavorisés. II y a des parents - j'en sais quelque chose pour en avoir rencontré environ 30 000 depuis deux ans - qui ne sont plus capables de vivre avec leur enfant pour un tas de raisons qu'on n a pas à s'expliquer ici. Donc, on dit: Qu'est-ce qui va advenir de ces gens-là? Quelle est la perception qu'on a du monde réel?

Vous savez, depuis la semaine dernière, cela ne fait pas longtemps, il y a eu neuf émissions de télévision où on parlait de l'éclatement de la famille. II y a l'émission Les Enfants de la rue qui va commencer ce soir; la petite émission de Roch où on parle d'un jeune qui part de la Côte-Nord et qui s'en vient en ville, une série de cinq émissions. Vous savez, ce qui est intéressant dans cette émission... J'ai lu une entrevue dans le journal avec le jeune qui joue le rôle de Roch, un beau jeune de 17 ans qui étudie au conservatoire Lasalle, qui est tout heureux de I'expérience et qui est enrichi, parce qu'il dit: J'ai plus conscience, maintenant, de la réalité de Roch. Moi, je ne suis pas comme Roch. Je n'ai pas quitté chez nous et je ne fais pas de prostitution. Ce jeune homme de 17 ans déclare dans le journal - il s'appelle Patrick Lab-bé - avoue avoir une certaine ressemblance avec Roch. Et, dit-il, il perçoit ce dernier, c'est-à-dire ce jeune délinquant, comme le reflet de la collectivité des adolescents. Cela ne veut pas dire que tous les jeunes sont délinquants, mais cela veut dire que les préoccupations des jeunes qui ont plus de difficultés sont les mêmes pour I ensemble des autres jeunes.

À I'émission Emprise, on nous parlait des femmes battues qui se comptent par une sur sept. Je ne sais pas si les enfants de 16 ou 19 ans peuvent vivre longtemps dans ces milieux. Je ne sais pas si les parents seront réceptifs lorsqu'on leur rappellera leurs devoirs parentaux. Votre gouvernement mène une campagne publicitaire, depuis deux semaines, dans les grosses cotes d'écoute de télévision, ou on nous parle de la violence conjugale. II y a même dans le programme Des Dames de coeur, chéri de tous, le plus beau couple "straight" qui vient de "péter" lundi soir dernier, ou le bonhomme a sacré dehors sa femme et ses "flos". Et ces gens sont d'un milieu très favorisé, je vous prie de me croire.

Je veux vous dire que cela ne fait qu'une semaine qu'on regarde ces émissions à la télé et qu'on se rend compte que I'intention peut être derrière les voeux pieux de cette réforme n'est pas tellement réaliste. J'aimerais quon tienne compte de cette réalité.

Une autre chose qui nous préoccupe beaucoup, c'est qu'avant même que ce projet de loi soit adopté alors qu'on est encore en rencontre pour en débattre il y a déjà une image très péjorative des jeunes et des autres gens qui sont sur le BS qui est en train d'exploser. II y a deux semaines, on venait de terminer la rédaction de notre mémoire et je terminais une session avec 80 directeurs d'école de la Commission des écoles catholiques de Montréal, une série de six journées de rencontre et il y avait là quinze directeurs d'école avec lesquels on parlait de la motivation des jeunes à I'école. Et dans l'informel de cette rencontre, je me mets à dire à ces gens-là que nous, au BCJ, avions rédigé un mémoire pour vous presenter etc. Là, les direcleurs commencent les litanies du BS de père en fils; quand on veut, on peut, les jeunes aiment mieux se "pogner le cul que de gagner 4, 50 $ l'heure. Tant mieux si la réforme leur donne moins que ceux qui en ont moins parce qu'ils n'en méritent... etc. Ils étaient tellement enflammes que lorsqu'on est revenu à notre rencontre formelle, il a fallu en discuter pendant une heure de temps alors que ce n était pas notre propos.

On s'est mis à considérer les liens qu'on pouvait faire au-delà de I'image qu'on projetait et au bout de cette heure-là, un directeur m'a dit: Fernand, tu sais, cela fait au moins huit ans que je travaille vraiment dans un milieu défavorisé ou 80 % de ma clientèle sont des gens sur le BS. L'autre dit: Bien moi aussi, c'est de même, mais c'est peut être 60 %. Et il m'a dit: Comment se fait-il qu'on a cette image péjorative? Tu sais il n'y a jamais personne qui nous a parlé du BS comme vous le faites. Et je pense que je le crois quand vous nous dites la réalité comme elle est. Avez-vous écrit quelque chose là-dessus? Alors là, je lui ai demandé de vous écrire, M. Paradis, parce que je crois que vous avez peut être des choses a lui dire.

Ce que je veux dire derrière cette image c'est qu'on est en train de se redonner une image très péjorative des gens qui sont les plus

démunis de notre société et, particulièrement des jeunes. Je ne sais pas si vous avez vu la caricature de M. Girerd, dans La Presse, hier matin. Je n'ai pas trouvé cela vraiment drôle, parce que, voyez-vous, c'est écrit dessus: inciter les aptes à aller à l'école.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avez-vous vu Le Devoir aussi?

M. Fournier: Mais vous savez, ce n'est pas cela, ta jeunesse sur le BS. Ces jeunes-là ne sont pas à genoux, Ils sont à quatre pattes à terre, avec une canette de bière et ils ont l'air pa-quetés comme des hommes de 45 ans quand ils sortent du hockey. Je me dis que quand les jeunes, les parents que je rencontre voient cette image, cela n'a pour effet que de renforcer une image complètement péjorative qu'on a de la société et des jeunes. Nous trouvons cela vraiment inacceptable. On ne trouve pas cela acceptable que les jeunes qui n'ont même pas le minimum essentiel actuellement soient coupés et on ne trouve surtout pas acceptable que, derrière la réforme, ils se représentent une image que quand on veut, on peut; la famille traditionnelle, c'est la meilleure. Vous savez il y a 50 % des familles au Québec qui sont ou monoparentales ou reconstituées. Si c'est cela des marginaux, la marge commence à être pas mal large. Présentement, il y a 48 modèles différents de familles reconstituées au Québec. Je ne peux pas vous les expliquer. Il y a certainement une couple de personnes qui en vivent de cela ici. Cela nous préoccupe parce que ce n'est pas présent ni dans les textes du mémoire ni dans ce qu'on a lu de qui que ce soit actuellement. Quelle est la parole qu'on a sur la place des jeunes dans notre société québécoise? Qu'est-ce que ce projet de loi vit des valeurs, des changements, des nouvelles réalités? Comment cela peut-il être un soutien? On voit cela dans des chiffres? Je trouve que vous utilisez l'équité un peu trop vite. Dans le texte que nous avons lu, nous n'en avons pas vu nécessairement. Je crois que l'équité se situe au-dessus de la justice. Un jeune qui est sur le BS et qui gagnerait plus qu'un autre qui a le salaire minimum, c'est peut-être injuste mais c'est peut-être aussi équitable. On aimerait voir apparaître certaines nuances de cet ordre, parce que je vous prie de nous croire, ce n'est rien. Cette réforme va être votée. Les gens qui ont le pouvoir économique vont l'appuyer. Elle rallie les gens dans leur peur. Elle rallie les gens dans l'Image qu'ils se font, péjorative, des gens qui sont un peu démunis. Cela nous inquiète. Tant mieux si cela n'a pas cet effet pervers, mais nous croyons que cela peut l'avoir puisque déjà depuis deux ou trois semaines ce n'est que ce type de discours que j'entends lorsque je rencontre et des adolescents et des parents et des éducateurs et des gens qui sont préoccupés par les jeunes.

En terminant cette première période, ce que nous aimerions vous dire de façon peut-être un peu malhabile, c'est que c'est avec beaucoup d'humilité face aux jeunes que nous avons décidé de venir vous rencontrer et de prendre la parole en leur nom devant cette commission. Si nous le faisons c'est parce que nous avons appris à nous laisser questionner par les jeunes depuis quinze ans. Nous avons appris non seulement à les connaître mais à les reconnaître et peut-être aussi à les aimer, même si cela fait quétaine. Si nous avons appris à les aimer, c'est parce que eux nous ont appris quelle était vraiment leur réalité. Nous croyons profondément que ce n'est pas par le contrôle et la peur que les humains vont grandir. Nous sommes venus à cette commission aussi parce que nous avions un "char" pour venir; à cinq on a pu en trouver un. Même si nous ne gagnons pas des salaires faramineux, nous pouvions nous permettre de prendre une journée de congé pour venir. C'est aussi le DCJ en collectif qui nous a permis de lire ensemble votre document pour essayer de le comprendre, d'en saisir la portée et d'y décoder les Implicites qu'il sous-tend.

La Présidente (Mme Cardinal): Malheureusement, vous devez conclure. Votre temps est écoulé.

M. Fournier: Oui, il me reste deux lignes. Les vrais jeunes qui devraient être ici évidemment ils n'y sont pas présentement. Je pense qu'ils ne disposent pas des moyens pour venir ici. De toute façon, je crois que s'ils étaient là, face à l'espoir que vous leur offrez, à peu près la seule chose qu'ils pourraient présenter c'est probablement un "blanc de mémoire".

La Présidente (Mme Cardinal): Merci, M. Fournier. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Fournier, je vais peut-être commencer avec votre dernière parole. Un "blanc de mémoire", ce serait la chose la plus facile à présenter. Ce serait maintenir et perpétuer la situation dont nous avons hérité. Une situation qui discrimine contre les jeunes et les condamne à vivre à 178 $ par mois, ce serait un "blanc de mémoire". Une situation qui faisait en sorte que, parce qu'on a oublié, la société, de hausser le salaire minimum pendant cinq ans, c'est devenu plus rentable financièrement d'être à l'aide sociale. On a eu un "blanc de mémoire" pendant cinq ans.

On pourrait continuer à avoir le même "blanc de mémoire" et continuer à souhaiter qu'il y ait plus d'assistés sociaux que de travailleurs dans la société. Ce n'est pas ce qu'on a choisi. On a choisi de mettre une proposition devant les gens. On a choisi de mettre certains principes de l'avant. On a choisi d'indiquer même les modalités et de mettre les barèmes dans un document qu'on a rendu public. On n'est pas rendu au processus législatif. On est rendu au processus de

réflexion dans la société. On l'a envoyé un peu partout et on la chiffré. On a dit: C'est ce que seront les barèmes. Pas juste des phrases, des chiffres au bout pour que la personne se retrouve et se voie. C'est dans ce cadre que vous êtes venus nous voir, pour réagir et pour dire. Bon, il y a des choses qu'on soupçonne, il y en a d'autres qu'on découvre etc.

Moi, j'ai senti dans la première intervention de Mme Dubé qu'elle nous a livré son expérience. Elle nous a dit que, finalement, son expérience c'était quand même une expérience heureuse dans le contexte que I'on vit présentement Difficile, mais heureuse. (17 heures)

Vous avez peut-être raison, parce que des jeunes à l'aide sociale il y en a déjà eu beaucoup et on en a encore un peu trop. Quand je suis arrivé au ministère, on m'a confié cela en fiducie, en janvier 1986, il y avait 147 795 - je sais que vous n'aimez pas les statistiques, je n'en parlerai pas longtemps - jeunes à l'aide à sociale. Je suis obligé d'y faire face comme clientèle. Deux ans plus tard, il y en a à peu près 42 000 de moins. C'est quand même beaucoup trop.

C'est qui ces jeunes-là? Est-ce que ce sont des paresseux qui ne veulent pas travailler? Est-ce que c'est cela? Je regarde la caractéristique de cette clientèle et je me dis: Même s'ils voulaient travailler, est-ce qu ils pourraient? J'en ai 36 % qui sont analphabètes fonctionnels. Est-ce que c'est facile pour un analphabète fonctionnel de se trouver un emploi dans la société? J'en ai 60 % qui n'ont pas complété leur secondaire. Je fais comme vous, une fois de temps en temps j'achète le journal et je regarde les offres d'emplois parce que, en politique, c'est passager. Mais cela prend un secondaire pour poser sa candidature dans la majorité des offres d'emplois que l'on retrouve, entre autres dans les journaux. 60 % de ces gens là n'ont même pas leur cours secondaire. Dans d'autres offres d emplois qu'est-ce qu'on retrouve? Expérience de travail 40 %n en ont pas.

Est-ce que je choisis, comme gouvernement ou comme société, de dire: Bon je m'en occupe. Je vais leur envoyer un chèque chaque mois. On va faire une petite commission parlementaire avec l'Opposition et je vais argumenter sur ce que sont les besoins de base essentiels et quand j'aurai oxygéné ma conscience, une fois par mois, je mettrai à la poste un chèque, puis je pourrai aller dire dans les discours politiques que j'ai fait ce que j'avais à faire envers ces gens-là. C'est un peu ce que traditionnellement la société a fait; en tout cas, depuis l'actuelle Loi sur l'aide sociale, qui date du début des années soixante-dix. Relever le défi et ouvrir la "canne" de vers, ce n'est pas facile, parce que quelle que soit la politique que l'on propose ou que I'on mette de l'avant, il y a des gens qui seront satisfaits et d'autres qui seront insatisfaits. Ce qu'il faut éviter ce sont les injustices.

Les jeunes que vous représentez, on leur dit: la parité. Cela fait assez longtemps que vous l'avez réclamée, vous l'avez réclamée sous le gouvernement précédent pendant des années. Depuis que les libéraux sont au pouvoir, vous n'avez pas changé d'idée, vous voulez la parité. Vous ne voulez plus de discrimination à cause de votre âge dans la société, pour les jeunes au bas de l'échelle des assistés sociaux.

On pense livrer en très grande partie cette parité, bien qu'on se soit fait dire, ce matin, par deux organismes de jeunes, que c'était, à leurs yeux, loin d'être complet, à cause de la contribution alimentaire parentale que vous avez mentionnée avec ses effets sur la famille. On souhaiterait vous la donner complètement, sauf qu'avec ce qui existe aux prêts et bourses aux étudiants... On n'est pas seuls à penser cela, il y a d'autres politiciens qui y ont pensé avant nous, des grands économistes qui ont écrit des livres blancs sur la fiscalité en 1984 et qui nous disent: Faites attention, parce que si votre régime d'aide sociale est plus généreux que prêts et bourses aux étudiants, vous allez inciter les jeunes à quitter l'école et à devenir des prestataires d'aide sociale et cela va envenimer et empirer votre problème.

On met tout cela ensemble et on tente de proposer quelque chose qui soit incitatif au travail, parce que on a vu que lorsque c'était plus payant d'être à l'aide sociale qu'au salaire minimum, les gens savent compter, puis à un moment donné, ce n'est pas la seule considération. La seule considération pécuniaire n'est pas I'unique considération, mais ça fait partie des considérations quand tu es dans ces niveaux-là de revenus dont tu tiens compte obligatoirement.

Donc, l'image du jeune qu'on voudrait que la population ait à la suite de cette commission parlementaire, c'est l'image du jeune qu'on vous a décrit. Pas le jeune qui ne veut pas travailler, mais le jeune à qui la société...

M. Fournier:... qu'elle reçoit.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Depuis qu'on entend des groupements de jeunes, je prends le temps, au début, de décrire ce profil de clientèle pour que tout le monde en soit à un moment donné imbibé. Je l'ai répété je ne sais pas combien de fois aujourd'hui ce profil de clientèle. II ny a pas à une occasion ou je ne l'ai pas répété sauf au groupe qui vous a précédé.

M. Fallon (Jean): Par rapport à cela est-ce que je pourrais donner quelques réponses? Vous parliez tout à I'heure de jeunes condamnés, que s'ils avaient réellement un "blanc de mémoire", les jeunes seraient encore condamnés pour 20 ans à venir, à 170 $ par semaine.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À 178 $. M Fallon: À 178 $, d accord.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela revient au même.

M. Fallon: Avec la nouvelle réforme, les jeunes sont condamnés à 420 $ par semaine, c'est déjà mieux, mais ils sont condamnés à se faire dépister par une première entrevue, ils sont condamnés à se faire étiqueter, à se faire contrôler et à se faire soigner contre leur gré. On parle déjà - dans une conférence de presse qui a été donnée il y adeux ans - de 50 000 jeunes intouchables au Québec qui ne sont ni sur le bien-être social, ni sur le chômage, ni au travail. Ces jeunes ont déjà refusé de seulement se déplacer et de se faire poser des questions pour 170 $ par mois. Est-ce que vous croyez sérieusement que ces jeunes vont accepter de se faire étiqueter, de se faire obliger à des traitements, si on parle de toxicomanie, si on parle de délinquance, tel que décrit dans votre document? Est-ce que vous croyez sérieusement que ces jeunes vont accepter de faire tout cela pour 420 $ par semaine? Nous croyons que le chiffre de 50 000 intouchables va augmenter très rapidement. Aussi, tout à l'heure, Marcelle parlait..

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux répondre à votre question?

M. Fallon: Est-ce que je pourrais juste continuer?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

M. Fallon: Je crois que vous avez une bonne mémoire pour les réponses.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je prends des notes, en tout cas.

M. Failon: Bon! D'accord. Tout à l'heure, Marcelle parlait des projets, de toute notre expertise et tout. J'ai cru dénoter - j'espère que je me trompe - un certain sarcasme face à votre réponse à Marcelle. Ces projets ont démontré que les jeunes avec qui on travaille depuis 18 ans s'impliquent, si on a le temps de travailler la motivation avec eux, si on a le temps de travailler sur ce qu'ils ont le goût de faire. Cela a aussi démontré que si les jeunes sont forcés de se faire motiver, ils vont débarquer. De toute façon, on parle des programmes Jeunes volontaires, des programmes. Déclic et de 50 % d'abandon. Je ne crois pas que ce soit les jeunes qui soient tout mêlés. C'est juste par rapport à cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans la première partie, on parle de 50 000 jeunes non identifiés, etc. Je ne veux pas citer de chiffres, je ne veux pas en endosser et je ne veux pas en réfuter. Quand les gens sont non identifiés...

M. Fallon:... tantôt Ha, ha. ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Lorsque les gens sont identifiés, c'est plus facile. Quand ils sont non identifiés, c'est beaucoup plus volatile comme chiffres. Mais disons qu'il y en a, de ces gens, qu'ils existent et que le rôle d'organismes comme les vôtres, dans la société, c'est de nous aider à les dépister. Si vous dites non, c'est votre droit. Personne n'est obligé d'avoir recours à l'aide sociale. II n'y a personne qui, à l'aide sociale, est obligé de se faire traiter pour sa toxicomanie, pas plus que quelqu'un dans la société ordinaire n'est obligé de se faire traiter. Mais lorsque quelqu'un a des besoins de base et que vous savez qu'un système existe et que vous pouvez mettre ce système à contribution, être un trait d'union entre un système qui existe et un individu et que vous pensez que c'est de le faire, on vous invite à le faire. Maintenant, si vous pensez que vous pouvez l'intégrer directement, sans avoir recours aux ressources du ministère, vous pouvez également le faire. L'avantage de groupes comme les vôtres, c'est qu'ils ne sont pas encarcanés dans des normes, dans des directives, dans des bouquins de procédures et qu'ils peuvent fonctionner avec beaucoup plus de maniabilité auprès de ces clientèles. Ce que nous vous disons, c'est que lorsqu'on intervient, on ne peut pas intervenir d'une façon absolument non normée. Notre approche, dans cette réforme de la sécurité du revenu est une approche beaucoup plus personnalisée que dans l'ancien système. Maintenant, on ne sera jamais aussi personnalisé qu'un organisme comme le vôtre parce que...

M. Fallon:... on dit non. Vous avez dit Nous voulons votre collaboration. Lorsque j'ai répondu non, ce n'est pas. Non, nous ne voulons pas collaborer. C'est: Non, nous ne dépisterons pas. Et tant mieux si nous réussissons à faire bouger un jeune s'il le veut. Le seul mandat que nous avons, c'est de redonner une dignité à un jeune. On ne fera jamais entrer un jeune à genoux dans un bureau d'aide sociale parce qu'il meurt de faim ou parce qu'il a le choix entre l'aide sociale ou la rue. De toute façon, les jeunes avec lesquels on travaille, les 50 000 qui ne sont pas dans les chiffres, on les a. Dans nos heures de travail, on les a quotidiennement. Ils vont choisir la rue. C'est beaucoup plus payant de se faire exploiter dans la rue par semaine, que de se faire exploiter et de se faire enlever sa dignité par mois, sur le bien-être social

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je sais que mon temps est épuisé mais j'aurais peut-être...

Le Président (M. Laporte): II n'est pas épuisé.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Il n'est pas épuisé? D'accord. J'aurais peut-être une question dans.

Mme Harel:...

Le Président (M. La porte): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous, vous êtes épuisée?

Mme Harel: De vous entendre.

Le Président (M. Laporte): M. le ministre...

M. Fournier: C'est qu'il y a aussi une grande partie des jeunes qui sont sur le bien-être ou aptes ou inaptes, on ne sait plus trop comment le définir, qui ne se rendront même pas. C'est ce qui nous touche. Ils ne viendront pas, eux, rencontrer vos psychologues. Ce sera une bonne chose. Il y en aura moins sur le BS, je suis convaincu. Quand vous sortirez des chiffres, dans deux ou trois ans, vous allez dire: II y a moins de jeunes sur le BS. Mais ces jeunes-là, ils n'auront pas un mieux-être, et c'est cela qui nous préoccupe nous. On le sait, cela fait 18 ans qu'on travaille avec eux, ils n'iront pas dans cette structure-là. Ce qu'on veut savoir, c'est, s'ils n'y vont pas, s'ils ne sont plus comptabilisés, qu'est-ce que vous allez faire avec eux. Vous comprenez? C'est ce qui nous touche. C'est pour cette raison que nous sommes ici ce matin, ce n'est pas pour mettre notre bedaine sur la table et vous faire "triper" sur votre conscience sociale; on n'en a que foutre, mais on sait que les "flos" n'iront pas vous voir et c'est notre expérience-terrain qui nous dit cela, parce qu'ils n'y vont pas actuellement, même sur le chômage, parce qu'ils n'y vont pas actuellement, même dans des projets qui pourraient être intéressants. Ce qui est apparent dans ce que vous proposez, c'est qu'ils iront encore moins. Alors cela nous touche, c'est bien évident que cela nous touche. Ces jeunes-là ont besoin du minimum essentiel aussi pour vivre, mais ils ne se rendront pas. Votre service personnalisé sera perçu par les jeunes comme un service individualisé pour mieux les contrôler. C'est comme cela qu'ils vont le vivre et probablement qu'avec vos fonctionnaires, c'est comme cela qu'ils vont leur faire sentir aussi. Alors cela nous inquiète.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que la majorité des gens qui ont recours à vos services présentement sont des gens qui ne sont ni sur les prêts et bourses aux étudiants ni prestataires d'aide sociale ou d'assurance-chômage etc. ? Est-ce que l'ensemble des gens qui font affaires chez vous sont des gens qui ne sont inscrits nulle part finalement dans la société?

M. Fallon: Vous savez, on ne les dénombre pas par ce biais-là. On ne les compte pas comme cela, dans quel carré ils peuvent rentrer de cette façon-là. Ils viennent nous voir et on fait quelque chose avec eux. Il y en a de toutes les sortes, mais il y en a une bonne partie qui sont...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand même, quand la personne vient vous voir, moi je suis prêt à jouer pas de règles puis toute la chose, mais quand quelqu'un vient vous voir et qu'elle n'a pas ce qu'on appelle les ressources minimums, vous n'allez nulle part etc., vous devez, si vous l'aidez, si vous gagnez sa confiance etc., à un moment donné être en mesure de constater quelles sont ses occupations, qu'est-ce qu'elle fait, pourquoi elle est comme cela etc.

Le Président {M. Laporte): Mme Dubé, vous avez demandé la parole?

Mme Dubé (Marcelle): Je peux peut-être répondre à cette question-là. C'est que, quand on a eu des projets qui nous demandaient entre autres de comptabiliser, j'ai nommé tantôt deux projets SEMO et le programme d'intégration au travail qui était une subvention spéciale donnée par le gouvernement fédéral, et qu'on avait à tenir, entre autres, des statistiques, ce dont on s'est rendu compte, c'est que la clientèle qui venait nous voir était au moins à 50 % des jeunes qui n'avaient aucun revenu. Cela veut dire qu'ils n'étaient ni inscrits à l'aide sociale ni inscrits au chômage, ni à l'école. Il y en avait la moitié et tranquillement pas vite, on sentait de plus en plus qu'il fallait, dans ces programmes-là, se diriger vers la clientèle uniquement qui était inscrite à l'aide sociale. Quand on travaille dans le travail qu'on fait, le travail communautaire, on n'a pas envie de sélectionner, d'obliger, comme on vous a dit tantôt, mais à quelque part oui, il y a une majorité de jeunes qui viennent nous voir et qui ne sont pas inscrits nulle part.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sans que vous calculiez, juste pour tenter de percevoir l'ampleur du phénomème, vous dites que vous fonctionnez à partir de Montréal, de Laval et de Longueuil, dans vos notes d'introduction. Il passe combien de jeunes chez vous par année, à peu près? Et !a deuxième question, c'est: Est-ce qu'ils reviennent? Est-ce que, lorsqu'ils réussissent à s'en sortir, c'est permanent ou est-ce qu'ils reviennent?

Le Président (M. Laporte): M Fournier.

M. Pector (Jacques): Je pourrais peut-être essayer de répondre. On rejoint à peu près 15 000 jeunes par année plus les parents. Qu'est-ce qu'on fait avec, bien on essaie de... c'est que c'est un projet de socialisation et ce qui nous inquiète dans votre projet de loi, c'est que c'est un projet que nous percevons comme de "désocialisation" et cela est inquiétant, parce qu'on essaie de rétablir des liens avec la communauté de base, la famille notamment, mais aussi avec

les pères, et comme le soulignait Fernand, il y a des systèmes de débrouille qui ne sont pas forcément des systèmes illégaux, mais qui sont des systèmes de connivence, de solidarité dans les quartiers et tout ça, et les jeunes refusent systématiquement en grande partie, au moins à 50 %, pour une question de dignité et aussi pour des raisons autres, institutionnelles et culturelles, de s'inscrire dans des programmes spécialisés. (17 h 15)

Cela nous prend beaucoup de temps, par exemple, pour faire toute une démarche du côté hygiène mentale ou physique. Donc, c'est tout un rapport humain qu'on établit et ce sont des programmes qui se font à long terme. Ce qu'ils font? Eh bien, ils essaient de se réinscrire quelque part dans la société, mais ce que l'on perçoit actuellement... Notamment, on a fait l'expérience de plusieurs SEMO au début des années quatre-vingt et ces SEMO ont été de plus en plus difficilement gérables par nous, dans la mesure où c'étaient des critères d'employabilité qui prédominaient et non plus des critères de socialisation. Ce qui fait qu'il y a trois ans, on a été obligés de fermer deux SEMO parce que c'était impossible de continuer à travailler dans ces conditions.

Le Président (M. Laporte): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je crois que devant... Certainement.

M. Pector: Actuellement, les SEMO dans la région de Montréal fonctionnent à 50 % de leur capacité. Les jeunes n'y vont plus. Il n'y a plus de place dans les entreprises pour eux. Ce n'est pas uniquement pour des raisons d'emplois, mais c'est aussi pour des raisons culturelles.

Le Président (M. Laporte): Mme la députée.

Mme Harel: M. le Président, je crois que c'est heureux que nous puissions terminer - pas tout à fait, il y aura un groupe qui vous suivra, mais presque terminer - la première semaine d'audition des organismes et groupes sur ce projet de réforme, en fait de contre-réforme. J'ai beaucoup de difficulté à utiliser le mot "réforme" dans ce cas qui nous intéresse. Non, parce que je ne veux pas faire un discours politique, je crois que votre mémoire nous appelle à un autre type de réflexion.

Je voudrais reprendre à partir de l'intervention d'ouverture que vous avez faite. Vous disiez que vous pensiez que ce projet serait adopté. Cela m'a surprise beaucoup. J'aimerais savoir pourquoi vous pensez qu'il ne sera pas mis en échec par ce que je crois être une solidarité québécoise qui s'est enclenchée dans un contexte qui n'était pas facile. Le document a été rendu public le 10 décembre. On était dans les choux et les paquets de Noël. La publication de l'avis pour la tenue de la commission parlementaire a eu lieu le 23 décembre. C'était pas mal à la veille des tourtières. Puis la date de dépôt était le 8 février. Alors il fallait commencer à le rédiger pas mal après les "parties" pour que ce soit prêt. Et malgré tout, on est rendus au 120e organisme qui s'est inscrit et, que je sache, pour tout de suite, à part le Conseil du patronat, Alliance Québec et quelques autres, qui totalisent sept ou huit, à peine neuf, c'est pour la très grande majorité une fin de non-recevoir sur le fond, non seulement sur les modalités.

Alors, vous nous parlez d'une sorte d'explosion présentement et peut-être pouvons-nous justement penser, à l'occasion cette explosion, qui est occasionnée par le débat actuel, pouvoir vider l'abcès. Il arrive parfois que dans des situations d'adversité, on puisse au contraire marquer des progrès. Alors, dans la mesure où il pourrait y avoir échec - et je pense qu'il peut y avoir échec à un tel projet - il peut certainement, de l'ensemble de la considération ou de la réflexion qui est obligée actuellement... Cela aura été le mérite, d'une certaine façon, que je reconnais au ministre. Son mérite aura été d'obliger d'une certaine façon toutes les forces de la société à se resituer, se repositionner par rapport à un projet qui ne soit pas qu'un projet de réforme d'aide sociale, mais de sécurité du revenu, avec l'ensemble de... n'appelons pas ça de la politique, mais appelons ça l'ensemble des considérations d'un projet de vie familiale, tout en tenant compte de ce que vous apportez sur le fait qu'il n'y a plus de modèle unique, mais des façons différentes de vivre la famille. Ne pensez-vous pas que tout cela peut finalement, malgré tout, être salutaire?

M. Fournier: Oui, lorsque j'ai dit cela, c'était au début, lorsqu'on a reçu, nous autres aussi, l'avis.. On a même pensé que c'était une stratégie de déposer ce mémoire à la veille des fêtes, mais on s'est dit: C'est cela, cela peut passer facilement. C'était à ce moment-là.

Ce qui nous préoccupe plus maintenant, vous savez, ce sont les jeunes. On ne peut pas voir... Dans ce mémoire, ce qui nous préoccupe, c'est la situation des jeunes, et on s'aperçoit que la façon dont !es gens vont monnayer le discours autour de ce mémoire va aussi nous faire reculer sur la perception que les gens ont des jeunes, parce que, actuellement, on ne sait plus trop où sont les valeurs et comment aider les jeunes à se prendre en charge. C'est dans ce sens-là.

Quand on discutait de cette caricature que je mentionnais au début, les professeurs, les gens moyens vont garder cette image-là. Donc, dès qu'un jeune sera en échec scolaire, qu'il soit sur le BS ou non, dès qu'un jeune va parler d'abandon scolaire - il y a 50 % de jeunes qui abandonnent le cégep à la première année - les gens vont réutiliser cette image-là. Je ne dis pas que c'est à cause du mémoire, mais c'est un effet pervers. Si, en mettant sur la table du Québec la

discussion de la problématique derrière le mémoire, on a cet effet-là, je considère qu'on doit aussi mettre des énergies pour ajuster le tir, donc parler des valeurs qu'on sous-tend, de ce qu'on veut comme projet de société, etc. C'est dans cette optique que je faisais ce petit commentaire.

Mme Harel: C'est intéressant parce que vous avez parlé d'un projet de "désocialisation". Je vous le dis, je veux plus essayer d'aller au fond des choses avec vous. Par ailleurs, vous avez dit, en vous adressant aux membres de la commission, au ministre comme à l'ensemble des membres Je ne fais pas appel à votre conscience sociale. Vous I'avez dit, je crois?

M. Fournier C'est-à-dire que j'ai perçu dans la première réponse de M. le ministre que... Vous savez, on n'est pas ici pour 'flyer" sur: c'est de valeur. Il faut être concret. Je l'ai perçu comme cela. Même si je parle de qualité, de besoins et d'intuition, je ne considère pas que ce discours soit nécessairement "flyé" ou qu'il faille revenir à terre. C'est dans ce sens-là que j'ai dit que je ne voulais pas faire appel à votre conscience. Tout le monde aime tout le monde et on veut le bien des jeunes. C'est pour cela que j'ai dit qu'on n'emploie pas le mot "équité" impunément... impunément, je ne veux pas dire un si gros mot dans cette salle, mais "équité" veut dire quelque chose et je pense qu'il faut se dire ce qu'on cache derrière ça.

Mme Harel: Dans une société, le mot "équité" revêt des conceptions qui peuvent être différentes. C'est d'autant plus important de prendre la parole comme vous le faites pour nous rappeler qu'il ne faut pas nécessairement faire équivaloir justice et équité. Mais, dans un gouvernement, il y a aussi un autre mot qui prend un sens bien important, c'est le mot "instabilité". Ce n'est pas tant la description de ce que cela pourrait être inique, que la conclusion qui pourrait être tirée de l'ensemble des interventions qui sont faites, que cela pourrait instaurer une sorte d instabilité, car l'instabililté est une crainte permanente pour tout parti au gouvernement.

Dans la mesure ou la démonstration pourrait être faite que de telles mesures instaurent l'instabilité sociale, il m'apparaît assez évident que, si cela n'amène pas de craintes salutaires chez le ministre, cela pourra en amener chez le premier ministre qui, lui, est assez sensible, semble-t-il, à ce facteur d'instabilité sociale. Vous l'avez lu collectivement et Mme Duquette du Dispensaire diététique de Montréal a parlé de I'instabilité sociale que cela pourrait créer et elle a dit qu'il fallait à I'inverse, investir d'une façon importante contre la pauvreté pour I'avenir de notre société. Je ne veux pas nécessairement vous faire faire des discours là-dessus, mais avez-vous I'impression que c'est ou non facteur d'instabilité sociale ou que c'est tout simplement un facteur de désintégration sociale? Est-ce que...

Le Président (M. Laporte): Mme Dionne.

Mme Dionne (Alice): C'est que I'instabilité est déjà tellement là, que ce que je veux dire, c'est qu'on a l'impression que cela va simplement la renforcer. Tantôt il y avait des interventions au sujet de l'augmentation des jeunes qui ne rentreront dans aucun créneau. Cela veut dire que plus on veut cadrer, dans le fond, plus on crée en même temps une instabilité par le fait de vouloir mettre des cadres, parce que de toute manière les gens n'y entreront pas. C'est peut-être simplement la continuité, si on ne change pas notre regard sur les choses, de ce qui est déjà en place. Mais c est encore plus figé.

M. Fournier: Donc polarité. Je pense que cela peut augmenter I'instabilité mais cela peut aussi polariser les débats et renforcer certaines images negatives qu'on a des jeunes des gens démunis ou des personnes du troisième âge pour qui c'est le même phénomène. Alors, je pense qu'il y a un mouvement de cet ordre-là aussi parce que les gens cherchent à avancer. Et comme cela ne donnera pas nous croyons fermement... Ce qu'on escompte dans cette réforme, je ne pense pas que cela va apparaître, alors cela risque de polariser non seulement des débats mais des visions arrêtées. Donc, c'est la violence, c'est le suicide qui augmente. Je ne veux pas vous faire paniquer, mais il faut voir la réalité comme elle est aussi. Et |e pense que les jeunes sont comme cela. S'ils n'arrivent pas à prendre la parole ou eux-mêmes à se trouver aptes... Vous savez, nous aussi on les trouve aptes les "flos", mais le problème est qu'ils n'ont pas besoin que vous les trouviez aptes, ils ont besoin de se trouver aptes eux mêmes. Quand même il y aurait un fonctionnaire qui viendrait dire à un jeune qu'il est apte à travailler, ce n'est pas sûr qu'il va venir. C'est un peu comme vous autres qui êtes élus. Ce n'est pas parce que vous êtes élus que vous êtes aptes à voter sur ce projet de loi. Alors il y a quelque chose qui est pareil chez les jeunes. Ils ont besoin de se reconnaître eux mêmes comme ayant un potentiel, comme étant utiles dans la société.

J'aurais aimé cela qu'on parle d'utilité là-dedans, comment le jeune va se sentir utile. Ce sont des mots qui reviennent constamment lorsque je rencontre des jeunes actuellement. Le drame des jeunes c'est cela. C'est celui de I'inutilité et de la solitude. Alors comment va-ton contrer cette solitude-là? Comment va-t on faire naître le besoin essentiel qu'ils ont d'être utiles dans la société puisque ce sont eux notre avenir? Toujours.

Mme Harel: Dans votre discours, lors de I'ouverture, vous avez donne I'exemple d un jeune

qui était étudiant, qui allait au cégep, qui cohabitait avec des étudiants - à l'université plutôt - et cela m'a fait penser - c'est juste une distorsion par rapport à votre intervention - que, dans la mesure où le ministre veut rendre comparatif le programme prêts et bourses avec le programme d'allocations sociales pour le rattrapage scolaire pour te motif de justice. Dans cette logique-là, quand on la pousse... On sait très bien - je ne veux pas revenir là-dessus - qu'en introduisant la contribution parentale, à la limite, cela peut vouloir dire une désintégration même plus grande des familles, puisqu'il va falloir polariser et confronter finalement, de façon visible. Un peu comme quand on demande un divorce pour sanctionner un échec dans une relation. Souvent, le divorce amplifie l'aggravation, la détérioration des relations et a des effets sur les enfants, parce que c'est la procédure judiciaire comme telle qui a un effet de polarisation. Effectivement la même situation peut survenir, une polarisation, comme vous le dites, une confrontation pour prouver qu'il y a échec et donc, indépendance de la famille. Mais cela peut, dans cette même logique, amener le ministre, plus tard, à réduire les prêts et bourses des 115 $ de partage du logement. Parce qu'à force de vouloir toujours comparer à la baisse, si on dit qu'on va donner aux jeunes assistés sociaux les mêmes montants que les prêts et bourses, mais qu'en plus on leur enlève 115 $ pour le partage du logement, parce qu'ils sont débrouillards... Pour tout de suite, dans le programme des prêts et bourses, il n'y a pas de 115 $ de réduction pour le partage de logement entre étudiants. Mais qui sait si, dans un souci d'équité, il n'y aura pas, éventuellement, une réduction de 115 $ d'un prêt-bourse pour l'harmoniser avec le système d'aide sociale dans cette logique-là? C'est une logique qui n'a pas de fin, parce que la logique vers le bas c'est une logique qui nous amène - pourquoi pas? - c'est une logique qui n'a pas finalement sa propre limite parce que ce n'est pas une logique des valeurs d'une certaine façon. (17 h 30)

Je ne voudrais pas trop insister parce que je pense que vous nous avez dit l'essentiel. Je voudrais simplement vous dire ceci. Il y a des sociétés, je pense à la société soviétique qui connaît présentement une politique d'ouverture qui aurait même été impensable il y a cinq ans, sembie-t-il, je ne la connais pas bien. Ce que j'en lis c'est que tous les observateurs en disent et ils ont l'air de penser que ce que le "glasnost" offre maintenant est une politique d'ouverture d'une société qui était complètement rigide.

Ce que je pense, c'est que le document qui est devant nous est finalement en filiation directe avec des études menées dans un livre blanc publié en 1984 par le ministère des Finances et par le ministre des Finances de l'époque, mais totalement acheté par le ministre de la

Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu de maintenant. Ce que j'ai à dire comme critique ou porte-parole de l'Opposition de mon parti, c'est que j'attendrais du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu la même politique d'ouverture à l'égard des nouvelles réalités qui nous sont dévoilées, la réalité de la pauvreté en termes de coûts sociaux et de coûts économiques, comme l'a fait le Conseil des affaires sociales et de la famille, comme l'a fait l'AHPQ. Ce sont des réalités nouvelles qui donnent un éclairage de l'autre côté de la lune à l'étude menée en 1984.

Autant l'auteur de l'époque est prêt à reconnaître qu'il y avait des dimensions cachées qu'il doit considérer maintenant, autant je m'attendrais à ce que l'actuel ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ne prétende à aucune filiation antérieure pour reconnaître maintenant qu'il doit prendre en considération des dimensions qui nous ont été notamment mieux connues avec les études menées, notamment l'étude sur les municipalités qui a révélé la désintégration sociale que vit actuellement le Québec des régions en particulier et de certains quartiers dans les villes aussi.

Je termine là-dessus. C'était tellement intéressant de vous entendre que si j'avais encore quelques minutes je vous les offrirais.

Le Président (M. Laporte): II reste quatre minutes, Mme la députée.

M. Fournier: Une partie de ce que vous avez dit, on le voit actuellement aussi dans le monde du travail et dans l'éducation. Je pense qu'il y aurait aussi avantage à considérer, pas nécessairement dans des multinationales, comment on fait la gestion des employés actuellement.

J'ai rencontré des gens et c'est effarant de voir comment on ne peut plus dire: tu fais cela, cela et on te donne cela, cela. Non seulement c'est insuffisant mais cela devient insatisfaisant. Je travaille dans les écoles depuis très longtemps. Je rencontre des enseignants à coeur de semaine. Si vous saviez comment ces gens ne peuvent plus enseigner et gérer leur classe, que ce soit au primaire, au collégial ou au régulier secondaire, public ou privé, de la même façon qu'avant. Ce que je retrouve c'est un modèle de cheminement tellement en dehors de la réalité que juste à cause de ce modèle, les gens ne pourront pas s'y intégrer. Cela va être plus fort qu'eux.

Et je ne dis même pas si c'est bon ou non. Je parle juste du type de modèle qu'on met en place. Je pense que cela vaut la peine d'aller voir parce que vous passez, n'est-ce pas? et nous aussi probablement, mais les modèles risquent de durer un bout de temps et d'avoir des effets secondaires un peu surprenants. Je crois qu'on ne sait pas encore totalement les effets que quelque réforme que ce soit, mais particulièrement dans une optique comme celle qu'on entrevoit actuellement, va avoir, parce que si on le savait, on

ne serait même pas en commission parlementaire. On serait sur le terrain et on irait voir.

Je ne sais pas s'il y a des amis qui veulent parler.

Le Président (M. La porte): Mme la députée.

Mme Harel: Je vais vous remercier. Je pense que loin d'être déconnecté, c'est bien au contraire un arrimage qui nous manquait.

Le Président (M. Laporte): Merci. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je vais vous remercier également un peu en partageant l'opinion - c'est rare qu'on s'accorde avec la députée de Maisonneuve - mais en disant que de la façon dont vous avez abordé le problème est une façon qui se différencie de celle qu'ont adoptée les autres groupes et chacun est libre de sa présentation.

C'était rafraîchissant. Je vous dirai que vous nous aviez dit que vous avez pris une journée de travail pour venir nous parler de l'amour que vous aviez pour les jeunes. Tout ce que je peux vous dire c'est qu'on l'a senti. Vous nous invitez à regarder d'autres aspects et nous les regarderons. Merci de votre présence.

Le Président (M. Laporte): La commission tient à vous remercier de vous être déplacés et de l'avoir fait profiter de votre expertise. Nous remercions encore tous les membres du Bureau de consultation jeunesse.

J'inviterais les représentants du Carrefour d'initiatives jeunesse à s'avancer.

Nous suspendons nos travaux deux minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 36)

(Reprise à 17 h 40)

Le Président (M. Laporte): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous reprenons nos travaux. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux personnes responsables du Carrefour d'initiatives jeunesse. Je demande au responsable de bien vouloir s'identifier et d'identifier les personnes avec qui il est présent actuellement. J'aimerais aussi vous rappeler la procédure, très brièvement. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire qui sera suivie d'un échange de propos d'une quarantaine de minutes avec les parlementaires. La parole est à vous.

Carrefour d'initiatives jeunesse

M. Proulx (Jean): Moi c'est Jean Proulx. Je suis intervenant au Carrefour d'initiatives jeunesse, et je suis aussi du conseil d'administration.

Mme Dupuis (France): D'accord. Mon nom est France Dupuis; je suis intervenante au Carrefour d'Initiatives jeunesse.

M. Dumesnil (Michel): Michel Dumesnil, assisté social à Nicolet.

M. Tessier (Jean-Pierre): Jean-Pierre Tessier, intervenant au Carrefour d'initiatives jeunesse.

Le Président (M. Laporte): Je m'excuse, j'ai mal saisi à l'avant-dernière personne.

M. Dumesnil: Assisté social de Nicolet. Michel Dumesnil.

Le Président (M. Laporte): Merci.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'excuse, c'est Michel Dumesnil?

M. Dumesnil: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord.

Mme Dupuis: Je vais débuter en vous présentant ce qu'est le Carrefour d'initiatives jeunesse qui a sa demeure à Nicolet. Le Carrefour d'initiatives jeunesse, c'est premièrement une maison de regroupement et d'appartenance pour les jeunes de 16 à 30 ans, bon, qui présentent des problèmes d'ordre social ou économique, en gros. La majorité des jeunes qui fréquentent le carrefour sont des assistés sociaux. Quand je dis la majorité, c'est à peu près presque tout le monde. Le carrefour a été mis sur pied par le Centre d'aide aux défavorisés, l'AMI en décembre 1985. Les objectifs poursuivis par cet organisme sont, d'une part, de permettre aux jeunes de se donner un projet de vie pour favoriser leur prise en charge personnelle, sociale et surtout financière. Il vise aussi à donner aux jeunes d'aujourd'hui un projet de société basé sur l'égalité et la justice.

Pour ce faire, le Carrefour d'initiatives jeunesse offre plusieurs services en commençant par répondre aux besoins de base des jeunes: repas à prix modiques, cueillettes d'aliments, dépannage-coucher et loisirs. Mais aussi, il permet aux jeunes de travailler, soit en créant des petites "jobs", qu'on appelle "jobbines" temporaires, ou encore, par le biais des programmes d'employabilité. Actuellement, cinq projets Jeunes volontaires ont leurs locaux au carrefour. Le carrefour offre aussi un service de relation d'aide individuelle pour permettre ainsi aux jeunes de cheminer et de mieux découvrir leur potentiel. Ce service permet aussi un soutien aux jeunes pour qui le découragement est facile.

Enfin, une formation est offerte aux jeunes suivant leurs besoins: alphabétisation, connaissance de soi, communications, etc. On trouve

aussi de l'accueil qui se fait inconditionnellement. Toute personne est la bienvenue. Nous avons aussi un service d'information et de références. L'esprit d'équipe ou la dynamique qui tend à être au centre en est une d'entraide, de partage et de participation de chacun afin de solidifier leur appartenance collective.

J'aimerais peut-être vous donner quelques statistiques en vigueur au carrefour de l'année 1986-1987. Au sujet du nombre de jeunes rejoints, ce qui est satisfaisant, c'est que la clientèle augmente toujours depuis le début. Les statistiques sont entre autres pour les entrevues individuelles. On entend par là aide individuelle apportée. Cela se chiffre à 43. Les repas, 40 jeunes y ont participé, les activités de loisirs, 20, les activités de formation, qui sont des cours de formation en tant que tels, 20 aussi; l'opportunité de travail, 35. La fréquentation au centre, 90. C'est le nombre de jeunes rejoints.

Ce qui est important pour moi, entre autres, c'est de parler de la clientèle visée. La clientèle touchée au Carrefour d'initiatives jeunesse en est une généralement dite problématique. Si on prend la peine de mieux la connaître, on se rend vite compte que les usagers du carrefour sont des individus ayant, premièrement, à peu près tous un bagage familial déficient à la base. Plusieurs d'entre eux ont vécu en foyers d'accueil ou en ont fait plusieurs, n'ont pas connu leurs vrais parents ou s'ils les ont connus un peu, ils ne se sont jamais sentis véritablement désirés, acceptés ou aimés pour ce qu'ils étaient simplement. Quelques-uns de ces mêmes participants sont aux prises avec un problème bien actuel, celui de l'abus ou de la consommation d'alcool ou de drogues, moyen utilisé pour fuir leur réalité, par lequel ils anesthésient leur douleur, leur carence affective, leur désespoir ou leur questionnement passé et actuel. D'autres vivent beaucoup d'ambiguïté face à leur propre identité et sont dépendants des autres, d'une autre ou d'un autre. Par exemple, nous supportons présentement dans sa recherche d'autonomie, entre autres, une femme ayant un enfant, exploitée et abusée violemment par son mari.

Notre but est, comme je le disais ci-haut, d'aider et de supporter du mieux que l'on peut ces individus dans la découverte de leurs potentiel et richesses intérieures afin qu'ils soient plus aptes à exercer leurs capacités au sein de leur propre projet de vie et, par le fait même, face à la société. Car toutes ces personnes recèlent un trésor infini de bonté, de compréhension, de talent et de qualités intérieures et qui ne demandent qu'à être reconnus aux yeux de tous et de la société en particulier. Chaque personne a le droit à son autonomie et comment peut-on atteindre son autonomie sinon que par au moins une répartition des richesses et non inlassablement par une lutte à la pauvreté?

M. Proulx: Je voudrais, avant que Michel nous donne un peu plus en détails le contenu du mémoire qu'on a déposé, essayer de situer dans quel contexte social et économique on voit que la réforme se situe. J'aimerais commencer par vous lire un article qu'on a trouvé dans la Charte des droits et libertés de la personne qui dit: "Toute personne a droit pour elle et sa famille à des mesures d'assistance financière et à des mesures sociales prévues par la loi susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent. " Pour nous, d'une part, je ne pense pas que la réforme de l'aide sociale, telle que proposée par M. Paradis, réponde à cet article de la Charte des droits et libertés. Encore faudra-t-il s'entendre sur le mot "décent". Mais pour moi, des revenus décents, ce n'est pas ce qu'on trouve dans la réforme de l'aide sociale.

Actuellement, le discours politique qu'on entend ici au Québec, au Canada et à l'extérieur aussi, on dit: Les problèmes sociaux, on va y répondre quand l'économie va tourner mieux et qu'on aura plus de sous. À ce moment-là, on sera capable de répondre aux besoins sociaux.

Je ferais le raisonnement inverse et je dirais que si on a des problèmes sociaux, c'est parce que la société crée elle-même ces problèmes sociaux par sa politique de travailler pour les plus riches et non pas pour l'ensemble de la population. Je pense qu'il est évident que l'État ne travaille pas pour l'ensemble de la population et se trouve incapable de rendre l'ensemble de la population heureux. On n'a qu'à regarder le vandalisme, le taux de criminalité qui est presque toujours en hausse, tous les problèmes de consommation d'alcool et de drogues qu'on a au Québec, c'est épouvantable! Le nombre de dépressions est en hausse aussi. Je pense que, quelque part, il y a quelque chose qui ne marche pas bien. Je pense que, dans les orientations que nos gouvernements prennent, il y a quelque chose qui ne va pas dans cela. Donc, pour nous, le gouvernement ne joue vraiment pas son rôle de régulateur, il ne joue pas son rôle pour que l'ensemble de la société soit bien mais favorise une partie et cela occasionne des problèmes sociaux

Nous disons que puisque c'est la société qui crée ces problèmes sociaux, c'est de son devoir d'y répondre et non pas de se fier sur l'entreprise privée qui n'a d'autre but, évidemment, que de faire des profits. N'importe qui qui a une entreprise, son but unique est de faire des profits et non pas de combler les besoins sociaux. Je pense qu'actuellement le gouvernement a tendance à dire: L'entreprise va tout régler cela, on va subventionner l'entreprise, elle va créer des emplois et cela va tout régler. Je ne pense pas que ce soit comme cela qu'on parvienne à régler nos problèmes sociaux.

Quand je dis que la réforme de l'aide sociale ne permet pas un revenu décent et que c'est carrément un désengagement de l'État de ses responsabilités sociales, on n'a qu'à voir toutes les coupures qu'il y a dans cela par

rapport au système actuel. Que I'on pense à l'abolition des besoins spéciaux, à la coupure de 115 $ par mois pour les chambreurs et les personnes qui partagent un logement, au resserrement des règles d'attribution et de remboursement de l'aide conditionnelle, à la réduction de la valeur excédentaire des biens permis, à I'introduction d'un test de revenus pour les bénéficiaires de HLM, à la restriction au droit à l'aide sociale pour les jeunes adultes en prenant en considération le revenu de leurs parents. Pour moi, ce sont toutes des mesures qui consacrent en quelque sorte le désengagement de toutes ses responsabilités sociales et qui tend encore à accroître I'écart entre les riches et les pauvres.

D'autre part, j'aimerais cela dire aussi que, en lisant le document d'orientation du ministre Paradis, on ne peut pas faire autrement que de voir que toute la réforme est basée sur une prémisse qui m'apparaît fausse, savoir que les gens sur l'aide sociale sont des gens qui semblent bien sur l'aide sociale et qu'il faut arrêter ces profiteurs du système au plus vite. C'est cela que j'entends quand on regarde la réforme de l'aide sociale. Cela ma sauté aux yeux quand j'ai lu cela. Les gens sur l'aide sociale ce sont des lâches, ce sont des bons à rien, ils ne veulent pas, ils ne veulent rien faire, il faut absolument les inciter au travail. Pour moi, c'est une prémisse qui est fausse. Je pense au contraire que les gens sur l'aide sociale vont en sortir de I'aide sociale s'ils ont un minimum décent justement, s'ils ont un minimum de quoi vivre. Après cela, je pense que les gens vont être motivés à aller travailler et ils vont être motivés à faire quelque chose de positif.

Pour s'en rendre compte, j'ai vu tantôt que vous aviez reçu hier ou avant-hier la Corporation des psychologues du Québec. Je ne sais pas s'ils vous ont parlé de la pyramide des besoins. La pyramide des besoins est évidente. Ce qui est évident dans cela, c'est que les besoins de base, qui sont manger, dormir, etc. doivent être comblés avant qu'on puisse se réaliser, avant qu'on puisse faire d'autre chose. Si on ne répond pas à ce besoin en premier, ne demandez pas à quelqu'un d'être motivé à faire quelque chose! Cela fait deux ans que je travaille avec des jeunes. C'est extrêmement difficile ce qu'on leur demande. On leur demande de faire quelque chose alors qu'ils n'ont même pas le minimum vital pour vivre. Je pense que la prémisse qui est là pour la réforme de I'aide sociale est complète ment fausse. Sur cela je vais laisser la parole à Michel.

M. Dumesnil: Le gouvernement nous avait promis la parité avec les plus de 30 ans. On pourrait dire que notre demande a été exaucée, mais quand on regarde de plus près, on s'aperçoit que l'augmentation que I'on nous donne n'est pas généreuse. II y a aussi beaucoup de mesures qui sont loin de nous aider dans la réforme. Les jeunes du Carrefour d initiatives jeunesse trouvent que, dans l'ensemble, la réforme fait dur et que c'est rire de nous autres que de nous proposer de travailler pour moins que rien. Présentement, nous sommes plusieurs au carrefour à travailler sur des projets Jeunes volontaires. Nous avons 188 $ par mois d'aide sociale et 161 $ pour notre projet Jeunes volontaires. Cela nous fait 349 $ au total par mois. Le gouvernement veut nous donner 405 $ par mois pendant les neuf premiers mois de la réforme. Cela fait seulement 56 $ d'augmentation par mois. Ce n'est pas quelque chose pour sauter au plafond et ce nest pas assez non plus pour vivre convenablement. Même avec 520 $ par mois si on travaille sur un projet ce n'est pas assez non plus.

De plus, vous voulez couper nos chèques de 115 $ par mois si on partage notre logement. Pour nous, partager notre logement, c'est la façon qu on a trouvée pour s'aider entre jeunes à se sortir un peu du trou. Avec votre réforme, si on le fait, on va se retrouver avec 290 $ ou, au mieux, avec 405 $ par mois pour vivre.

Vous voulez de plus couper les frais de lunettes auxquels nous avions droit. On a besoin de cela comme tout le monde et c'est impossible de se les payer avec ce que vous voulez nous donner. Comment voulez-vous qu'on vive le reste du mois?

Vous dites aussi quon va pouvoir aller travailler et gagner 140 $ ou 155 $ par mois pendant qu'on va être sur I'aide sociale sans être coupés. Mais ou voulez vous qu'on aille travailler? II n'y en a pas de jobs! Puis les compagnies ne veulent pas nous embaucher parce qu'on est sur le bien être social. Ce n'est pas de cette façon non plus qu'on va arriver à avoir plus d'argent pour vivre.

Cest la même chose pour les neuf premiers mois de la réforme. Vous dites qu'on va être en recherche active d'emploi. On se demande ce que cela va donner, parce qu'il n'y en a pas d'emplois même si on cherche il n'y en aura pas plus.

II y a une autre affaire qu'on ne trouve pas correcte dans la réforme. Vous dites que nos chèques vont être coupés si on demeure chez nos parents parce que ces derniers devraient nous donner de I'argent pour vivre. Cela ne veut pas dire que nos parents vont nous en donner et ce n'est pas de cette façon qu'on va devenir autonomes. On est tannés d'être dépendants pour vivre. On est tannés d'être dépendants de nos parents et on est tannés d'être dépendants du bien être. On ne veut pas que vous pensiez qu'on ne veut pas travailler on veut travailler mais pas pour des "pinottes".

Nous autres, au carrefour, ce que I'on veut c'est que vous créiez de vrais jobs, pas des programmes sur l'aide sociale. Vous dites que vous allez trouver de I'ouvrage pour tout le monde avec les programmes. Pourquoi n'êtes vous pas capables de trouver des vrais jobs pour tout le monde? On veut travailler au moins au salaire

minimum. Présentement, on travaille 20 heures/semaine pour 3, 87 $, cela ne fait pas gros à la fin du mois. Le pire, c'est qu'on travaille toujours plus de 20 heures/semaine, parce que l'on aime ce que l'on fait. Si on calcule cela, on travaille pour 2, 25 $ l'heure et moins. De plus, une vraie "job", c'est plus valorisant qu'un programme.

Au carrefour, on pense que vous seriez capables de créer de l'emploi. Vous pourriez encourager les compagnies a nous faire confiance. SI elles n'avaient pas de préjugés envers nous, elles nous engageraient. Vous pourriez aussi encourager les personnes de 60 ans et plus, qui veulent prendre leur retraite, à te faire; cela ferait de la place pour nous autres. Puis, tout l'argent que vous dépensez pour l'aide sociale pourrait servir à créer des emplois. Ce serait bien mieux comme cela. En travaillant à temps plein avec un salaire, on n'aurait plus besoin de se faire payer nos lunettes, on pourrait partager notre logement avec qui on veut et on serait plus autonomes.

Nous autres, les jeunes du Carrefour d'initiatives jeunesse, on veut travailler dans quelque chose qu'on aime, mais pas en continuant à être sur l'aide sociale. Votre réforme veut nous faire travailler, mais pour qu'on soit encore dépendants du bien-être pour vivre. C'est pour cela qu'on n'est pas d'accord.

En résumé, les jeunes du Carrefour d'initiatives jeunesse sont contre la réforme d'aide sociale que vous voulez faire parce que vous nous obligez à travailler sur des programmes pour un peu plus d'argent, mais en coupant ailleurs. De plus, on veut être autonomes et non pas dépendants du bien-être pour vivre. Nous demandons au gouvernement de créer de vrais jobs et non des programmes, d'encourager les compagnies à engager des assistés sociaux, d'encourager les personnes de 60 ans et plus à prendre leur retraite, pour ceux qui le voudraient mais qui n'ont pas les moyens, et que soit mis sur pied, dans chaque bureau d'aide sociale, un protecteur des assistés sociaux nommé par les gens du milieu communautaire, de façon à protéger les assistés sociaux contre l'abus des agents d'aide sociale.

Le Président (M. Laporte): On vous remercie de votre présentation. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je pense que je vais reprendre là où j'ai commencé à peu près toute la journée, en tentant d'identifier et de décrire, le plus correctement possible, qui sont les gens qui sont sur l'aide sociale et surtout les jeunes.

Sur l'aide sociale, vous avez, au moment où on se parle, au Québec, à peu près 400 000 chefs de ménage. Parmi ces 400 000 chefs de ménage, vous avez des caractéristiques qu'on va retrouver tantôt dans des proportions qui sont identiques chez les jeunes de moins de 30 ans. Vous avez 25 % des chefs de ménage, donc à peu près 100 000 chefs de ménage, qui sont considérés comme admissibles à un des volet de la politique de sécurité du revenu, le volet soutien financier, des gens qui, à cause d'un handicap physique ou mental important, sont condamnés un peu à passer une partie importante de leur vie sur l'aide sociale. Les autres 75 %, dans quel état se retrouvent-ils? Est-ce que ce sont des gens qui ne veulent pas travailler? Il y en a 36 % qui sont des analphabètes fonctionnels; ils ne sont pas capables de lire ou d'écrire. Il y en a 60 % qui n'ont pas complété leurs études secondaires. (18 heures)

Je ne sais pas si c'est pareil dans la région de Nicolet, mais dans la région de chez nous, quand je regarde les annonces d'offres d'emploi, le minimum d'exigences quel que ce soit l'emploi: complété études secondaires. Il y en a 40 % qui n'ont aucune expérience antérieure de travail. Les mêmes offres d'emploi: expérience antérieure de travail. Ces caractéristiques s'appliquent aux jeunes qui sont à l'aide sociale. Proportion de notre clientèle qui est composée de jeunes de moins de 30 ans? Quand on est arrivé au gouvernement, en janvier 1986, il y avait quasiment 150 000 jeunes. Il y en avait exactement 147 795 qui étaient recensés, ce qui n'inclut pas les gens qui n'étaient pas recensés dont on nous a parlé tantôt. Deux ans après, il en reste 106 700 qui ont les mêmes caractéristiques. Cela fait juste un peu plus longtemps qu'ils n'ont pas travaillé. Ils ne sont pas plus aiphabètes, pour ceux qui n'ont pas participé aux mesures, etc. Ces gens vivent, tentent de vivre ou se débrouillent - parce que je ne pense pas qu'on puisse vivre - avec 178 $ par mois au moment où on se parle.

La solution de facilité pour le gouvernement, ce serait de dire: Bon, le précédent gouvernement était tellement bon qu'on va continuer à appliquer ce qu'il appliquait, 178 $ pour les jeunes de moins de 30 ans, avec des programmes d'employabilité.

Mme Harel:... 487 $.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): 487 $ avec les programmes? Mme la députée de Maisonneuve voudrait que cela demeure comme cela. On abandonne complètement les autres personnes de 30 ans jusqu'à 65 ans. Pas de programme, on satisfait notre conscience de politicien en leur postant un chèque mensuel et on se dit: Bon, bien c'est comme cela que la société doit fonctionner. Ou bien on ouvre le dossier et on reçoit des gens comme vous. Vous nous dites: Bon, bien il y a peut-être des choses correctes, mais faites attention, il y a pas mal de choses pas correctes. Choses pas correctes? Je prends peut-être la liste et on est ici pour en discuter ensemble. Des suggestions, je ne dis pas que vous dites que ce sont toutes des choses pas correctes.

Vous parlez d'incitation au travail et, à la

page 4 de votre mémoire, vous nous dites: Votre réforme veut nous faire travailler, mais qu'on soit encore dépendants du bien-être pour vivre. On veut que vous en sortiez, du bien-être. Il y a une façon. On a regardé ce qui s'est passé ailleurs. On n'est pas en train de réinventer la planète ni la roue.

Si on conserve une incitation au travail entre le salaire minimum, en haut, et vos mesures de participation, vos exemptions pour gain de travail, vos barèmes et tout cela, on a confiance que c'est un des éléments qui va vous inciter à en sortir. Il y a des gens à des endroits qui m'ont rendu les programmes d'employabilité aussi intéressants que le salaire minimum. Ils se sont rendu compte, après un certain nombre d'années d'expérience, qu'ils développaient une classe de gens dans la société qui, sans être confortables là, se disaient: Qu'est-ce que cela donne de m'en sortir, je vais continuer ad vitam aeternam, amen dans les programmes d'employabilité. Donc, on pense avoir réussi à préserver, sur le plan financier, un petit peu d'incitatifs à aller travailler au salaire minimum et plus, si possible. Premier point.

Deuxième point. Vous parlez des personnes de plus de 60 ans. Vous en avez parlé verbalement et également à la page 4 de votre mémoire: "Encourager les personnes de 60 ans et plus qui veulent prendre leur retraite à la prendre. " En 1982, l'Assemblée nationale a adopté une loi qui dit aux gens: Prenez votre retraite à l'âge où vous voulez bien prendre votre retraite. On a tenté cependant, en même temps, de les encourager à la prendre à 60 ans. C'est difficile de dire à des gens qui sont encore productifs, encore capables de travailler: Vous n'êtes plus nécessaires dans la société. La Régie des rentes a fait en sorte que si les gens se retirent dès 60 ans, ils peuvent déjà obtenir une partie ou une portion de leur rente. Je vous dirai qu'à ce jour, on ne réussit pas tellement dans l'application de ta politique. Les succès qu'on obtient, si vous obteniez cela à l'école, je ne suis pas sûr que vous auriez la note de passage. En tout cas, les gens ne sortent pas. Est-ce que c'est un bien ou un mal? Tout ce que je vous dis, c'est que cela ne fonctionne pas.

On regarde ailleurs. La France a tenté de mettre sur pied des programmes où on a voulu signer des contrats avec les individus. Là non plus, cela n'a pas fonctionné. On regarde l'évolution de la société et on se dit: Tantôt, à cause des fameuses courbes démographiques, le "baby-boom" rendu où il est rendu et la dénatalité au stade où elle se trouve, il va y en avoir, des gens de 60 et de 65 ans et, s'ils sont tous à ne rien faire, les plus jeunes auront à payer pour eux et cela va coûter cher aussi. Est-ce qu'on a vraiment avantage à les forcer? Je vous donne cela pour fins de réflexion.

Éléments 5 et 6, création d'emplois et confiance des compagnies. Cela a été soulevé et dans le mémoire, à la page 4, et verbalement.

Création d'emplois. Il y a des périodes où cela va mieux et des périodes où cela va moins bien; on appelle cela des conjonctures. Les douze derniers mois ont été très favorables au Québec comme conjoncture. Il s'est créé au Québec, au cours des douze derniers mois, plus de 122 000 emplois. Des emplois permanents, il y en a dans une proportion très Intéressante. Sur les 122 000, 116 000 étaient des emplois à temps plein. C'est une nouvelle caractéristique des emplois créés parce qu'on a connu des périodes de création d'emplois à temps partiel; et c'est bien divisé dans les secteurs où c'est créé. 41 000 ont été créés dans les secteurs des finances, des assurances et des affaires immobilières, 35 000 dans les industries et 16 000 dans la construction. Dans la construction, ce sont surtout des jeunes qui sont entrés, cet été, parce qu'on a mis fin à une discrimination, là aussi, contre la jeunesse, en adoptant la loi sur la fameuse carte dans la construction. Cet été, tous les jeunes qui ont fini leur secondaire et ayant un diplôme en construction sont entrés dans la construction.

On a dit: Vous pourriez encourager les compagnies à nous faire confiance. Il y avait des petits articles ce matin - je les avais dans mes coupures de presse - je ne sais pas si vous les avez vus, concernant les nouvelles initiatives que le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu prend avec les compagnies auxquelles il donne des subventions pour former des travailleurs. On avait donné, hier ou avant-hier, ici - avant-hier peut-être, Mme la députée de Maisonneuve - l'exemple de Hyundai...

Une voix: Avant-hier.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... avant-hier, l'exemple de la compagnie Hyundai qui s'installe à Bromont. On honore des signatures de contrats de l'ancien gouvernement qui s'est engagé à payer la formation des travailleurs, mais on profite un peu de notre marge de négociation avant d'apposer notre signature pour les inviter à prendre des gens à l'aide sociale et en faire des travailleurs réguliers, avec le même salaire que les autres travailleurs et les mêmes droits que les autres travailleurs. Parce qu'on prend ces initiatives et que des citoyens corporatifs acceptent de s'impliquer, on va réussir là. Il y a d'autres dossiers dont je ne peux pas parler présentement, mais c'est la nouvelle politique du gouvernement.

Quand vous nous dites: Incitez les compagnies à nous faire confiance, on essaie avec les moyens du bord, mais cette approche-là est nouvelle. Elle n'existait pas sous l'ancien gouvernement. L'actuel gouvernement tente de la mettre en place.

Vous nous dites également: Même 520 $, par mois, si on travaille sur un projet, ce n'est pas assez non plus. À la page 3 du mémoire. C'est possiblement vrai que ce ne soit pas assez. Celui qui vous parie est également responsable du

salaire minimum. Je ne peux pas renvoyer la balle ailleurs, pas comme ministre de la. Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, mais comme ministre du Travail. Quand je suis arrivé en fonction, le salaire minimum n'avait pas bougé d'un cent depuis cinq ans. II était resté là, de 1980 à 1985, gelé, paralysé, oublié. En tout cas, avec SUPPRET - savez-vous ce que c'est SUPPRET, non? Les autres intervenants qui sont passés avant vous le savent.

Une voix:...

M. Paradis (Brome-MIssisquoi): Ah! Oui, c'est bon. II n'y en a pas beaucoup qui le savent Vous l'avez expliqué? Je vous demande cela parce que les gens qui y sont admissibles ne font même pas la demande. Donc, cela doit être très bon.

Le salaire minimum avait été gelé pendant cinq ans. On l'a dégelé et un peu plus vite que le coût de la vie depuis les deux dernières années, et on sait qu'il y a encore du rattrapage à faire. Mais, si on donne, si on accorde ou si on décide que c'est plus de 520 $ et plus de 80 $, seriez-vous d'accord, et c'est la question que je vais vous poser, que les programmes de participation, qu'il s'agisse de rattrapage scolaire, de stages en entreprise, de travaux communautaires, de travail social, le travail que vous faites, soient rémunérés lorsqu'une personne est bénéficiaire du programme APTE, à l'aide sociale, d'une façon supérieure ou égaie au salaire minimum? Est-ce votre revendication?

M. Proulx: Je vais répondre et je vais vous dire, d'une part, qu'avant d'en venir à votre question, cela a été long. Donc, je pense que je vais être long, moi aussi, avant la réponse.

M, Paradis (Brome-Missisquoi): On va être égaux comme cela.

M. Proulx: Au début, vous avez essayé de nous faire un portrait de la clientèle en nous disant qu'il y avait beaucoup d'analphabètes fonctionnels etc. Je pense que je connais très bien la clientèle et ce n'était pas nécessaire de le faire. Je travaille depuis trois ans avec cette clientèle-là. Je la connais probablement mieux que vous, sans vouloir vous insulter, mais je travaille avec elle.

Vous semblez dire avec cela que la solution, c'est le retour aux études. Je suis très conscient que, lorsqu on fait des démarches pour un emploi quand on regarde les annonces dans les journaux, on voit que cela prend un secondaire V. Sauf que, dans la réalité, ce n'est pas aussi simple que cela pour un jeune assisté social qui a 188 $ par mois de retourner aux études, même avec le supplément, s il prend le rattrapage scolaire. II y a tout un problème de démotivation. Cela fait souvent trois ans, quatre ans qu'il ne s'est pas assis sur un banc d'école. Depuis ce temps-là aussi, il a peut-être pris certaines habitudes de drogue et de choses comme cela. Bravo, c'est certain! Mais cela fait deux ans que je suis au carrefour et je n'ai pas réussi encore personnellement - et je pense qu'il n'y a pas un intervenant qui a réussi encore - à motiver assez un jeune pour aller à l'école. D'accord? Ce n'est pas aussi facile que cela. C'est un beau discours mais ce n'est pas facile. C'est ça que j'ai le goût de vous dire. Je suis bien d'accord pour que les jeunes retournent à l'école Je le répète - en tout cas il y en a qui vont pouvoir le dire - finis ton secondaire. Mais ce n'est pas aussi simple que cela.

Une chose que vous avez dite aussi. Vous avez dit qu'à un moment donné, il y avait une certaine classe dans la société pour qui c'était plus avantageux de retourner sur le bien-être social que de travailler au salaire minimum. Vous avez parlé de cela tantôt, qu'il se formait une nouvelle classe de gens dans la société.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux juste préciser - cela va prendre deux secondes - que dans d'autres sociétés ou on a expérimenté. Ailleurs...

M. Proulx: D'accord

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... c'était I'État de New York. Une classe sociale s'est développée.

M. Proulx: Je suis d'accord. Ce que j'ai envie de vous dire là dessus, c'est que je pense que la réforme va former deux nouvelles classes dans la société: les travailleurs qui sont régis par les normes du travail et les travailleurs qui vont faire du "cheap labor" pour les compagnies qui vont les engager sur les programmes. Je pense que c'est cela qui va se passer. On va se retrouver avec deux nouvelles classes de travailleurs. Je ne peux pas trouver cela acceptable.

Après cela, je voulais juste vous spécifier que lorsque les jeunes du carrefour proposent qu'on pourrait inciter les gens qui veulent prendre leur retraite à 60 ans, je pense que c'est bien dit que c'est ceux qui le veulent. Je comprends que ce n'est pas si simple que cela non plus pour une personne d'arrêter de travailler... On parlait aussi d'incitation pour les gens qui n'ont pas les moyens. Je pense qu'il y a des gens qui voudraient peut être prendre leur retraite à 60 ans, mais qui ne peuvent pas parce que, financièrement, ils n'en ont pas les moyens. Ma mère a eu 63 ans, il y a deux ans. Cela faisait un maudit bout de temps quelle aurait voulu arrêter de travailler, mais elle ne pouvait pas D'accord?

Quand vous parlez aussi que 122 000 emplois ont été créés, c'est bien beau, je suis bien content, mais il faut croire que ce n'est pas assez parce qu'il y en a encore pas mal qui... Aussi quand je parle de création d'emplois, je n'entends pas, nécessairement, subventionner des

entreprises pour qu'elles puissent engager du monde. Je parle d'emplois directs que le gouvernement pourrait créer lui-même plutôt que de donner des sous pour des programmes. Je pense qu'il est aussi dit dans le mémoire que vous allez créer de l'emploi, finalement, pour tout le monde sur tes programmes. Nous ne demandons pas de créer de l'emploi sur les programmes mais de créer de l'emploi avec des vrais jobs. Je pense qu'il y a en masse de travail à faire au Québec. Qu'on pense à l'environnement, qu'on pense au maintien à domicile, je pense qu'il y a en masse d'ouvrage là et je pense qu'il y a bien des jeunes qui, même s'ils sont analphabètes fonctionnels un peu, seraient capables de faire des jobs de ce genre-là. C'est ce que j'avais à dire.

Pour répondre à votre question concernant le salaire minimum. Pour moi c'est sûr que c'est un danger qu'il y ait des gens qui soient au salaire minimum et qui décident de s'en aller sur l'aide sociale parce que c'est plus payant ou parce que, en tout cas, c'est à peu près équivalent. D'une part, je dis que le salaire minimum n'est pas encore assez élevé et d'autre part, je fais confiance à l'individu et je me dis que toute personne a te goût, dans la vie, à quelque part, de faire quelque chose. Je ne pense pas qu'il y ait personne qui ait le goût d'être assis chez lui à ne rien faire. Ce n'est pas vrai. Je pense que tout le monde a des choses qu'il aime faire, il y a des choses qu'il aurait le goût de faire. Je pense que c'est de trouver le moyen de leur faire découvrir cela. Nous, en tout cas, c'est ce qu'on essaie de faire avec les jeunes au carrefour: leur faire découvrir ce qu'ils aiment faire dans la vie, de quoi ils ont le goût et, à partir de là on est des "boosters". Il y a tel moyen peut-être que tu pourrais prendre. J'ai connu des jeunes qui auraient pu avoir des revenus plus élevés et qui sont restés sur un programme Jeunes volontaires parce qu'ils faisaient dans cela quelque chose qu'ils aimaient. J'ai vu cela souvent. Je pense qu'il faut peut-être miser là-dessus. (18 h 15)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci. Le détour était long mais il valait la peine. C'est une belie expérience que vous nous avez racontée et de plus vous nous avez apporté des éléments de réflexion intéressants. À ce moment-ci, je vais demander à Mme la députée de Maisonneuve de vous poser quelques questions. Je reviendrai par la suite.

Le Président (M. Laporte): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Vous êtes de Nicolet, je crois. Est-ce que vous êtes tous les quatre de la ville même de Nicolet?

Une voix: Oui.

Mme Harel: C'est bien le cas? Oui. Je pense que c'est le premier organisme que l'on reçoit qui soit un organisme - il y en aura quelques autres - en région. Ce serait intéressant aussi que vous puissiez faire connaître à la commission la dimension peut-être particulière d'une région. Dans la vôtre, par ailleurs, je ne sais pas quel est le niveau d'inactivité, le niveau de chômage. C'est évident, quand on parle, comme vous le disiez, de très grand nombre d'emplois créés, il faut bien voir qu'il y a dû y avoir des fermetures pas mal aussi. Cela peut faire bouger le taux de chômage. Même s'il y a eu un niveau record de création d'emplois, on me dit que 60 % des emplois ont été occupés entre autres par des femmes et qu'à peine ces nouveaux emplois ont pu absorber la nouvelle main-d'oeuvre et ont pu absorber... C'est bien le cas 60 % des emplois ont été occupés par des femmes?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La statistique n'était pas visible le dernier mois, mais le mois précédent c'était le cas, Mme Harel.

Mme Harel: C'était le cas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une tendance en plus de cela, c'est une majorité de femmes.

Mme Harel: Je pense que le ministre, pour qu'il s'attende que non seulement on croie qu'il veut le faire, mais qu'on croie que cela va se faire, il faudrait qu'il mette sur la table, non pas lui seul, mais son gouvernement, un certain nombre de grands plans de campagne. On termine avec vous cette semaine. Je ne sais pas s'il va recommencer lundi, mais avec chaque organisme, il reprend le profil de la clientèle. Là, je me dis que c'est intéressant peut-être, malgré que c'est tellement connu, surtout de ceux qui viennent, qui sont familiers finalement avec cette réalité. Je ne sais pas, quand la CEQ va venir, s'il va faire la même chose. À ce moment-là, un jour, quelqu'un va lui demander de sortir sur la table son grand plan de campagne de scolarisation. C'est vrai qu'il y a des problèmes, mais il faut qu'il y ait un plan de campagne de scolarisation. Il faut que cela vienne du ministre de l'Éducation. On ne coupe pas des budgets à l'éducation des adultes en même temps que l'on veut donner suite, on a l'air en tout cas, puisqu'on dit que c'est dramatique qu'il y en ait 60 % qui n'ont pas terminé leur secondaire et 36 % qui sont analphabètes fonctionnels... Ce grand plan de scolarisation on ne le fait pas à l'insu de tout le milieu de l'enseignement lui-même. On les met dans le coup. Cela ne se fait pas juste par en haut, comme la Pentecôte, et penser que cela va tomber sur les bénéficiaires.

Cela vaut aussi pour ce que vous nous dites à propos des travaux qui pourraient être faits par exemple dans le maintien à domicile. Il n'est pas dit qu'il ne pourrait pas y avoir un plan, par

exemple, de travaux ménagers qui accompagnent le maintien à domicile, qui est fait par les CLSC, qui ne pourrait pas être négocié à léchelle de tout le Québec. Il faudrait aussi qu'il y ait une sorte de plan d'ensemble pour tout de suite. Le ministre veut qu'on le croie sur parole. Comme le lui disait la Fédération des femmes du Québec, s'il a les mots pour le dire, il n'a pas encore les moyens pour le faire. Le moyen, en tout cas, qu'on a dans ce document, c'est de baisser tout le monde pour leur donner le goût de faire quelque chose. En fait, c'est I'incitation négative, tout le monde en a parlé. Ce n'est pas parce que c'est moi qui le dis que c'est vrai, c'est parce que comme cela a l'air que tout le Québec le pense, cela doit être pas mal plus vrai que le ministre ne le pense.

Alors, si on reprend les éléments que vous nous apportiez le premier vous nous avez dit la Charte des droits et libertés au Québec a ses exigences et une de ses exigences à quel article nous avez-vous dit?

M. Proulx: Je sais lequel mais...

Mme Harel: De toute façon, c'est peut-être dans le préambule, mais je le lirai. Leurs préambules sont censés être aussi importants que les articles, semble t il, n'est-ce pas? C'est cela qu'ils nous ont dit pour notre spécificité. Alors ce niveau de vie décent, je pense que c'est là peut-être le joint qui ne se fait pas. Le ministre dit, je le cite au mot: on veut vous en sortir du bien être. La question, comme l'avait posée le Conseil canadien de développement, est que se sortir du bien-être, ce n'est pas se sortir de la pauvreté. Une politique de sécurité du revenu, ce n'est pas une politique pour se sortir du bien-être, c'est une politique pour se sortir de la pauvreté. Pour tout de suite, car on I'attend encore. Le document d'orientation c'est un document. Vous étiez là, je pense, quand on a eu l'altercation concernant les besoins essentiels. Non? Vous n'étiez peut-être pas là, mais en fait, on n'a pas de définition de ce que le ministère considère être, pour chacun des éléments de subsistance, de survie logement, alimentation, soins personnels, etc., on ne sait pas à combien il évalue. À moins que vous vous n'ayez une opinion...

M. Proulx: Nous autres au carrefour... Mme Harel:... ou une fuite.

Le Président (M. Laporte): Juste avant de répondre, j'ai cru comprendre le consentement implicite pour qu'on dépasse 18 heures. Merci. C'était juste pour confirmer.

Mme Harel: On arrêtera à 18 h 30

Le Président (M. Laporte): Je vous remercie bien. On s'excuse. La parole est à vous.

M Proulx: Ce que je peux vous dire c'est que nous autres, au carrefour, on a fait un petit exercice à un moment donné, pour le fun combien cela prend, à Nicolet, pas à Montréal pas à Quebec, mais a Nicolet, pour vivre décemment. Décemment, cela veut dire que ce n'est pas le luxe, ce n'est pas la piscine dans la cour, c'est avoir une automobile de "seconde main" et avoir vraiment un minimum qui n'est pas.

Mme Harel: Parlez moi de I'auto de "seconde main". Moi venant du quartier d'ou je viens il n'y a pas un assisté social - dans mon quartier c'est la majorité dans la population - ils n'ont pas d'auto. Vous allez me dire qu'ils ont le transport en commun. C'est quoi une automobile pour un assisté social en région, ceux que vous connaissez?

M. Proulx: C'est important.

Mme Harel: Parlez m'en, parce que si vous voulez que j'en parle, à certains moments, il faut que je le sache.

M Proulx: Je vais vous donner la réponse à la question combien cela prend pour vivre. On est arrivé nous autres à 227 $ clair par semaine. Présentement |e fais I'expérience de cela. Je vis avec 227 $ clair par semaine. Je ne suis pas assisté social heureusement. Je vous dis que ce n'est pas facile. On est loin de 520 $ par mois. Maintenant, si tu veux répondre à I'importance de l'automobile, France dans un milieu rural.

Mme Dupuis: L'importance de I'automobile. Je peux vous dire que peu importe I'âge qu'on a, pour répondre spécialement à ta question, j'ai dépassé les 25 ans je n'ai jamais eu d'auto, je n'ai jamais eu les moyens d'avoir une auto. Je pense que ce n'est pas essentiel à la vie d'une personne, mais quand tu vis dans un milieu ou il ny a aucun moyen de transport, entre autres, je crois que cela peut devenir un bon moyen, pour ceux qui en ont, de se permettre un peu plus d'autonomie, d'indépendance, de confiance en soi. Cela va chercher plusieurs valeurs, je pense. Je ne te parle pas d'avoir I'auto de I'année avec des prix imbattables. Je te parle juste d'une petite auto. Je me contenterais, c'est fou, j'adore ces petites autos, les anciennes petites Volkswagen les coccinelles.

C'est bien de valeur. Si j'avais un char avec quatre roues et une carrosserie pour me déplacer pour aller à mes cours à Trois Rivières, pour aller à mon emploi et pour aller ou je veux en général, ce serait vraiment important.

Mme Harel: Le paradis.

Mme Dupuis: Oui ce serait très bien. Pourtant je ne suis pas une assistée sociale moi

non plus. Je l'ai déjà été. J'ai même déjà participé à des mesures, à des programmes, laissez-moi vous dire que je suis totalement contre les programmes, en passant.

Mme Harel: Je n'ai pas bien compris.

Mme Dupuis: Réflexion personnelle, j'ai dit: Je suis totalement contre tes programmes faits par le ministère du revenu et de l'emploi.

Mme Harel: Les mesures d'employabilité. Mme Dupuis: Et voilà. Mme Harel: Pourquoi?

Mme Dupuis: Premièrement, je trouve que c'est, au départ, de ne pas avoir assez confiance en la personne. C'est de les cataloguer et de les mettre encore dans des petits coins réservés à des "jobs". Moi "ma job" était très plate, d'ailleurs.

Mme Harel: Qu'est-ce que c'était?

Mme Dupuis: Je travaillais à l'évêché, à Nicolet, à la transcription d'archives. Toujours la même chose à faire, tous les jours, sans aucun contact extérieur. On travaillait à deux personnes, dans une salle grande comme ma main, sans aucune possibilité de te faire reconnaître, d'accord, par le restant de la société.

Mme Haret: C'était de la retranscription qui consistait en quoi?

Mme Dupuis: À simplement reprendre les archives des naissances, de morts et je ne me souviens plus exactement; j'ai voulu oublier cet emploi.

Mme Harel: Est-ce que cela t'a donné confiance en toi?

Mme Dupuis: Pas du tout. Je dois dire qu'à cette période, j'avais des problèmes de toxicomanie d'ailleurs et cet emploi aussi stupide me paraissait tel qu'il me convenait très bien à ce moment-là. Je ne pense pas que... En tout cas, j'ai pour mon dire que...

Mme Harel: Est-ce que cela t'a donné un coup de main, par exemple, cet emploi?

Mme Dupuis: Je ne pense pas que le fait d'avoir cela comme expérience au niveau des travaux communautaires dans mon curriculum vitae joue en ma faveur.

Mme Harel: Dans les circonstances que vous viviez à cette époque, est-ce que c'était utile?

Mme Dupuis: Peu importe les circonstances.

D'accord. Dans le temps, à part cela, c'était en 1985, on n'avait pas les mêmes revenus qu'on a en 1988. Je ne me souviens pas exactement du salaire que je faisais; c'était minable. Je sais qu'aujourd'hui, les salaires ont augmenté un petit peu, mais je ne pense pas, en tout cas, pour être sortie de la toxicomanie depuis deux ans, je ne pense pas que ces programmes-là favorisent la prise en main et la prise en charge d'une personne humaine, la comble en ce qui concerne ses besoins primaires et secondaires lui donne le goût d'aller plus loin. On se sent cantonné dans un milieu bien restreint à nous autres, les pauvres de la société. C'est ce que je crois, puis on nous offre un petit peu plus pour qu'on se ferme un petit peu mieux la "margoulette"; ne criez pas trop fort. Après, on fait des mesures comme cela.

Mme Harel: Tu as envie toi d'en sortir?

Mme Dupuis: Qu'est-ce qui m'a permis de m'en sortir? J'avais quand même des études. J'ai un bac et je suis en train de faire un certificat. Malgré que mon bac, j'ai jamais cherché... J'avais un bac en éducation et je n'ai jamais cherché à travailler dans ce domaine-là. À ce moment-là, j'étais empreinte de peur et de non-confiance en moi. En tout cas, je n'avais pas tellement de courage je pense.

Mme Harel: De toute façon, je voulais juste voir si en quelque part, un coup de main ne t'était pas venu d'un programme ou d'un appui.

Mme Dupuis: Non, pas du tout. Mme Harel: D'un agent ou en fait.

Mme Dupuis: C'est ma prise en charge personnelle.

Mme Harel: D'accord. Très bien.

Oui, je pense que tu voulais continuer...

Mme Dupuis: Non, pas si Michel veut y aller.

M. Dumesnil: Moi, c'est simplement une constatation que je voudrais faire sur moi-même.

Par le biais justement des programmes qu'on nous offre encore à nouveau... J'ai 21 ans présentement Je suis arrivé à 18 ans dans la vie, pas de famille rien, je me suis dit: On va commencer à se débrouiller. Je gagnais 156 $ par mois, il y a trois ans, sur l'aide sociale. J'ai passé trois ans sur divers programmes: stage dans milieu de travail, rattrapage scolaire, programme Jeunes volontaires, pour me retrouver aujourd'hui avec 188 $ par mois pour vivre, après trois ans parce que, bon... Justement, un projet sur lequel j'étais, voilà trois semaines, qui était un projet Jeunes volontaires, bien un comité local a décidé, parce qu'il manquait de com-

munication et qu'il ne s'est pas forcé plus que cela pour aller en chercher, il a décidé de couper ce projet-là.

Là, je me retrouve à nouveau avec 188 $ par mois pour me débrouiller. C'est impossible de vivre avec cela.

Mme Harel: Est-ce que tu partages un logement avec un autre ou si tu es tout seul?

M. Dumesnil: Non, j'étais résident au carrefour. Si je voulais me reprendre un loyer, le chèque de bien-être y passe et puis il en manquerait peut-être une petite partie, mais le reste, comment je fais pour manger, m'habiller et avoir la résistance au froid en hiver? Il faut que tu manges au moins deux fois par jour, minimum au moins, mais tu ne peux pas te permettre cela quand tu es assisté social.

Mme Harel: Le carrefour fait de l'hébergement aussi?

M. Proulx: À l'occasion. On n'est pas équipé pour en faire bien gros parce qu'il y a un autre problème qui se présente qui n'est peut-être pas l'affaire ici, mais en étant ministre, vous pouvez toujours avoir l'occasion d'en entendre parler au cabinet, le financement des groupes communautaires. Voilà le problème qu'on vit.

Mme Harel: Alors l'hébergement, c'est un hébergement temporaire à ce moment-là.

M. Proulx: Oui.

Mme Harel: La prochaine étape sera de vivre avec d'autres, ce sera...

M. Dumesnil: De vivre en appartement, autonome.

Mme Harel: Autonome seul, tu veux dire? M. Dumesnil: Oui.

Mme Harel: Votre expérience à vous au carrefour, c'est que la majorité vit en appartement seul, vit avec d'autres, vit avec la famille.

M. Dumesnil: On se regroupe de temps en temps en appartement trois, quatre personnes pour pouvoir arriver; mais si tu essaies de faire cela, ils vont te couper ton chèque de bien-être. Alors tu essaies de dire: bon bien, je vais vivre tout seul, je vais me débrouiller. Tu ne peux pas arriver, c'est impossible. À un moment donné, ton espérance de vie vient à zéro. Tu n'as plus l'espérance qu'un jour, tu vas t'en sortir. Par chance qu'il y a encore des boîtes justement comme le Carrefour d'initiatives jeunesse qui est là pour te donner un petit coup de main pour t'en sortir. (18 h 30)

Mme Harel: Parce que vous en avez parlé dans votre mémoire, j'aimerais cela que le ministre vous donne une réponse. Est-ce que dans son projet, pour les personnes aptes, les lunettes sont coupées ou si elles pourront y avoir accès? Aussi, toute la question de l'indexation. Je pense que peu de groupes ont vu que seule la catégorie des méritants au soutien financier aurait une Indexation complète au coût de la vie. L'indexation des autres catégories, c'est incertain, cela va dépendre de bien des facteurs. Quand il y un et caetera dans un document, il faut toujours penser que c'est un peu inquiétant. Un autre facteur. Est-ce qu'il y aura une indexation? Le ministre reproche au précédent gouvernement de ne pas avoir indexé le salaire minimum, avec un programme de supplément de revenu qui n'a pas eu l'efficacité souhaitée, mais est-ce qu'il s'engage à indexer les barèmes des bénéficiaires du programme APTE? Ce n'est pas clair non plus.

M. Proulx: J'ai cru comprendre que ce ne le serait pas, dans le programme de soutien financier en tout cas. Je ne pourrais pas vous dire à quelle page, mais en tout cas. Dans le programme de soutien financier, il est dit clairement que c'est ajusté au coût de la vie et, dans le programme APTE, ce n'est pas dit clairement. En tout cas, si c'est le cas, ce n'est pas dit clairement.

Mme Harel: Finalement, les jeunes qui sont à Nicolet, est-ce qu'il y en a plusieurs d'entre eux qui quittent pour la grande ville - disons, je ne sais pas si c'est Trois-Rivières, Montréal ou Québec? Est-ce qu'il y en a plusieurs qui vont s'essayer ailleurs? Est-ce qu'il y en a qui reviennent ou s'ils sont pour la plupart sédentaires et restent à Nicolet?

M. Proulx: Je pense qu'il y en a qui essaient de temps en temps, mais la situation n'est pas mieux ailleurs. En tout cas, je sais qu'il y en a qui sont partis et qui sont revenus au carrefour, à un moment donné. Je pense que la situation n'est pas mieux ailleurs, tout simplement.

Mme Harel: Combien de personnes recevez-vous, à peu près, par semaine?

M. Proulx: Il y a un noyau d'à peu près une quinzaine qui vient tous les jours et il y en a peut-être une vingtaine qui vient toutes les semaines. À un moment donné, il en arrive de nouveaux et ils repartent. France en a parlé tantôt, depuis l'ouverture, en décembre 1985, il y a une centaine de jeunes qui sont passés au carrefour et il y a 300 jeunes sur l'aide sociale qui auraient besoin du carrrefour à Nicolet et région; c'est beaucoup.

Mme Harel: À Nicolet et région de Nicolet?

M. Proulx: Oui.

Mme Harel: Non pas la région de Trois Rivières, mais la région de Nicolet.

M. Proulx: De Nicolet. La région desservie par le centre Travail-Québec de Nicolet. C'est beaucoup.

Mme Harel: C'est beaucoup, certain!

M. Proulx: J'aimerais répondre à une de vos questions de tantôt.

Mme Harel: Est-ce qu'il y a des possibilités de stage en entreprise chez vous?

M. Proulx: C'est-à-dire que le programme existe. Mais c'est une autre chose qu'on n'a pas dite encore. C'est un peu une crainte vis-à-vis de la réforme de l'aide sociale. Est-ce que des programmes seront disponibles? Actuellement, chez nous, dans notre région, il y a un mois qu'une fille du carrefour a fait sa demande pour un stage en milieu de travail. Donc, cela fait presque un mois qu'elle a 180 $ par mois pour vivre. Cela fait un mois qu'elle a fait sa demande. Son dossier est en-dessous de la pile et I'agent lui a dit. Hé, ton tour va passer en même temps que tout le monde. Combien de temps cela va-t-il prendre encore?

Deuxièmement, en ce qui concerne le programme Travaux communautaires, au carrefour, nous en avons demandé un, parce qu'on n'a pas le choix. Pour que les jeunes réussissent à augmenter un peu leur revenu, c'est quasiment la seule ressource qu'on a et elle est insuffisante. Cela fait depuis le mois d'août qu'il n'y a plus un sou au régional pour le programme Travaux communautaires. Est-ce qu'avec la réforme et avec tous les beaux programmes, la catégorie qui est à 420 $ et les personnes seules admissibles à des mesures... Elles peuvent peut-être être longtemps admissibles à des mesures sans pouvoir participer à une mesure, c'est une autre crainte qu'on a. J'ai un peu peur que le gouvernement ne soit pas capable de permettre à chacun qui le veut d'embarquer dans un programme.

Mme Harel: Je pense que vous avez mis le doigt sur un problème. S'il y a cette catégorie admissible, c'est parce que, au fond, le gouvernement sait très bien qu'il peut avoir des incapacités administratives, simplement parce que les sessions scolaires sont commencées, etc. II ne se met pas sur les épaules la responsabilité d'offrir finalement... II met sur le jeune le fardeau d'attendre qu'il puisse pleinement répondre à sa demande de participation. Tant qu'il y a une catégorie comme celle-là, il est évident que c'est à cela qu'elle sert, c est I'antichambre.

M. Proulx: Par rapport à cela aussi. En tout cas, une autre chose, dans la région chez nous, on a une particularité c'est rural. C'est bien beau que de tels programmes existent mais si ce sont des industries qui sont à Saint-Grégoire ou à Saint-Célestin ou je ne sais où, le jeune n'a pas d'auto pour s'y rendre aussi. C'est un autre problème qu'on ne pourrait peut-être pas retrouver à Montréal. On a beau trouver un programme pour un jeune à Saint-Célestin, c'est à 20 milles de Nicolet. Pour se rendre, je ne pense pas qu'il soit intéressé à le faire sur le pouce soir et matin. C'est une autre réalité qu'on a.

Le Président (M. Laporte): Merci.

Mme Harel: Je vais terminer et vous remercier en disant que votre contribution a été bien importante. Je suis certaine que cela va permettre au ministre... Je le lisais mardi, cette semaine à I'émission de Proulx à CJMS, vous disiez, et je vous cite: "Je tiens à I'indiquer, il n'y a pas personne qui est condamné, par exemple, à vivre à 170 $ par mois maintenant. Si quelqu'un va dans un centre Travail Québec un jeune en bas de 30 ans, demain matin il se dit. Je suis prêt soit à retourner à I'école, soit à faire des travaux communautaires, soit à faire un stage en entreprise, ce jeune obtient immédiatement la parité et il reçoit tout près de 500 $ par mois".

Une voix: C est archifaux.

Le Président (M Laporte): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je vais répondre à cela en disant à Mme la députée de Maisonneuve - ce n'est pas important - que ce n'est pas mardi. Mardi, j'étais ici. C'est la semaine passé, je pense que c'était jeudi ou vendredi. Ce n'est pas la date qui est importante C'est ce que j'ai dit. Je l'ai vraiment dit. Lorsque vous avez mentionné la question de la jeune fille chez vous qui était en demande et le manque d'argent sur travaux communautaires ce n'est pas la première fois que, dans le ministère, j ai des ratés administratifs.

Un cas qui m'avait été rapporté par M. Mongrain à I'émission "Mongrain de sel" à Sherbrooke. On est supposé avoir dans tous les centres Travail-Quebec, une caisse de dépannage. On tient pour acquis que la machine fonctionne, sauf qu'il y avait un cas ou la caisse de dépannage n'avait pas fonctionné à Sherbrooke. On a revérifié tout le système administratif. On s'est assuré que cela fonctionne à I'avenir et cela nous a permis d'apporter des correctifs.

Dans le cas que vous venez de nous souligner, j'avais pris ma petite note. Je vais m'assurer que les correctifs nécessaires soient apportés dans votre région. Je ne prétends jamais que le système est parfait. Je vous dis que ce sont là les instructions qu'on a passées, que les crédits nécessaires sont supposes être là parce

qu'ils ont été votés par l'Assemblée nationale du Québec. Maintenant, s'il y a des ratés administratifs, vous en tenez au courant les intervenants et les ajustements sont supposés arriver. Dans le cas que vous nous avez dénoncé, je vais donner le suivi nécessaire.

Je vais profiter de l'occasion pour répondre à deux questions, peut-être la question des soins de santé, tout ce qui est relié à la santé parce que vous soulignez deux éléments dans votre mémoire. Ce n'était pas seulement pour les lunettes, vous parliez également des soins dentaires si ma mémoire est fidèle. Tous les besoins spéciaux reliés à la santé sont maintenus et c'est indiqué à la page 34 du mémoire.

Mme Harel:...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est indiqué que tous les besoins spéciaux reliés à la santé sont couverts.

En ce qui concerne l'ajustement des barèmes et prestations, votre interprétation était exacte. À la page 42, on n'est pas aussi clair que dans le programme, pour utiliser vos propos, Soutien financier parce que cela ne fonctionnera pas de la même façon. Ce qu'on dit, c'est que les barèmes et les prestations seront ajustés par le gouvernement en fonction des paramètres tels le salaire minimum, l'incitation au travail, l'évolution du coût de la vie. La mécanique devrait fonctionner à peu près de la façon suivante: De la façon dont on établit les besoins de base des gens qui sont à l'aide sociale, on prend les dépenses de consommation de besoins essentiels des travailleurs qui sont dans les 10 % des plus faiblement rémunérés dans la société, le salaire minimum et un peu plus.

Cette étude de Statistique Canada sort à tous les quatre ans. Lorsque l'étude sort, c'est facile d'évaluer les besoins et de les fixer en fonction de cette étude. Ce que l'on fait entre les quatre ans, on l'indexe. Lorsque la quatrième année arrive, on l'ajuste au chiffre qui sort en fonction des dépenses de consommation des travailleurs à faible revenu. C'est ce que veut dire l'expression à la page 42.

Je vais également profiter de l'occasion, vu qu'il me reste à peu près 30 secondes, pour vous remercier de votre témoignage, des mises en garde que vous nous avez faites, des situations de fonctionnement que vous nous avez dénoncées et également de l'approche régionale. Mme la députée de Maisonneuve avait raison de le souligner, vous êtes le premier groupe régional à se présenter. Vous nous avez fait valoir certaines choses. Par exemple, on dit souvent: en ville le loyer est plus cher, donc en région on devrait recevoir moins de l'aide sociale. Mais peut-être qu'en ville, il y a du transport en commun et que l'obligation d'avoir une auto n'est pas aussi nécessaire que dans un milieu régional. Il faut peser et sous-peser tous ces éléments pour en arriver à l'équilibre le plus parfait. Je suis certain que les propos que vous nous avez tenus vont nous inciter ou nous aider à retrouver cet équilibre. Merci.

Le Président (M. Laporte): Merci, M. le ministre. Je tiens à remercier Carrefour d'initiatives jeunesse de s'être déplacé pour venir faire la présentation de son mémoire. On vous remercie beaucoup. On va vous souhaiter un bon retour. Au critique de l'Opposition, au ministre ainsi qu'aux membres de la commission, merci de votre attention.

La commission ajourne ses travaux au lundi 29 février, 15 heures.

(Fin de la séance à 18 h 40)

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