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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Tuesday, March 1, 1988 - Vol. 29 N° 68

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le document intitulé 'Pour une politique de sécurité du revenu'


Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission se réunit afin de procéder à une consultation générale et à des auditions publiques dans le but d'étudier le document intitulé. Pour une politique de sécurité du revenu".

Ce matin, nous accueillons à la table des témoins la Chambre de commerce du Québec qui sera représentée par M. Louis Arsenault, M. Pierre Shooner, M. Jean-Paul Létourneau, Mme Nicole Ménard, M. Jean-Claude Riendeau et Mme Pierrette Fortin.

J'inviterais donc nos invités à s'installer à la table.

Auparavant, Je vais rappeler quelques points quant à la procédure, si vous me le permettez. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme

Cardinal (Châteauguay) sera remplacée par M.

Doyon (Louis-Hébert) et M. Chevrette (Juliette) par M. Desbiens (Dubuc).

Le Président (M. Bélanger): Si je comprends bien, ces deux changements compteront pour la durée de la commission.

La Secrétaire: Non. Ce ne sont pas les directives que j'ai eues.

Le Président (M. Bélanger): Bien.

Mme Harel: M. Chevrette a l'intention d'être des nôtres à l'occasion.

Le Président (M. Bélanger): Excellent. C'est son privilège. Il est membre de la commission.

MM. les représentants de la Chambre de commerce du Québec, vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez exactement 20 minutes pour présenter votre mémoire ou nous en faire un résumé et ensuite, un échange de 40 minutes avec les parlementaires. Je prierais le porte-parole de s'identifier et de présenter chacun des représentants. Lorsque vous aurez à prendre la parole, veuillez donner votre nom avant votre intervention pour les fins de la transcription du Journal des débats.

Si vous voulez bien commencer. Je vous remercie.

Chambre de commerce du Québec

M. Arsenault (Louis): Merci. M. le Président. Je tiens tout d'abord à remercier la commission des affaires sociales d'avoir accepté de nous rencontrer ce matin pour que nous lui présentions le point de vue de la Chambre de commerce du Québec, relativement au document intitulé. Pour une politique de sécurité du revenu".

Je vous présente d'abord les membres de notre délégation. Tout d'abord, à ma droite, M. Pierre Shooner, vice-président, administration gouvernementale de la Chambre de commerce du Québec. Il a aussi une autre occupation, Dieu merci, un peu plus lucrative, il est président et chef de l'exploitation de la société Les Coopérants; M. Jean-Paul Létourneau, vice-président exécutif de la Chambre de commerce du Québec; Mme Pierrette Fortin, directrice de l'information à la Chambre de commerce du Québec. M. Jean-Claude Riendeau et Mme Nicole Ménard, qui devaient nous accompagner ce matin, ne sont pas là. Mon nom est Louis Arsenault, je suis vice-président de premier rang de la Chambre de commerce du Québec.

Je laisserai tout à l'heure à mon collègue, Pierre Shooner, le soin de vous présenter plus à fond les recommandations de notre mémoire mais, auparavant, j'aimerais vous rappeler les trois principales raisons qui font que la Chambre de commerce du Québec s'intéresse au plus haut point à tout le dossier de la sécurité du revenu.

Tout d'abord, je dois préciser que la Chambre de commerce du Québec est favorable à attribuer davantage de ressources aux plus démunis. Elle insiste cependant sur la nécessité d'avoir recours à des principes de gestion plus rigoureux. Enfin, la chambre considère que le fait de compter parmi les bénéficiaires du régime des dizaines de milliers de personnes capables de travailler, constitue une grande perte sociale. Nous appuierons donc toute mesure qui visera à donner du travail à ces personnes de façon à éviter que se créent ou se perpétuent des générations d'assistés sociaux.

Je cède maintenant la parole à mon collègue, Pierre Shooner.

M. Shooner (Pierre): M. le Président de la commission, M. le ministre, madame et messieurs les députés, mesdames et messieurs, mon nom est Pierre Shooner. C'est à juste titre que les gens d'affaires s'intéressent à la réforme du système de sécurité du revenu.

En tant que citoyens, nous ne pouvons rester indifférents à la situation sans issue dans laquelle s'enlise une proportion de plus en plus importante de la société.

Notre responsabilité, comme chef d'entreprise, est de contribuer à créer et à maintenir des conditions économiques qui permettront de répondre efficacement aux besoins des citoyens démunis ou à faible revenu et qui faciliteront l'intégration sur le marché du travail de ceux qui

en ont la capacité. Cela ne saurait cependant se faire au détriment du caractère concurrentiel de nos entreprises. Seules des entreprises compétitives et rentables pourront créer des emplois et de la richesse dans notre société. Il est clair que le régime de sécurité du revenu proposé dépend, dans une large mesure, de cette capacité.

La Chambre de commerce du Québec et ses membres sont conscients de la responsabilité sociale des entreprises québécoises et du rôle important qu'aura à jouer le secteur privé dans la réforme qui s'amorce. Nous sommes venus vous dire aujourd'hui que nous sommes prêts à assumer cette responsabilité et vous exprimer notre volonté de nous associer de façon constructive à l'élaboration de la réforme. Nous sommes également venus insister pour que soit analysé de près l'impact prévisible des modifications proposées concernant l'économie québécoise. Il nous apparaît, en effet, primordial de nous assurer qu'elles ne créeront pas d'entrave aux lois du marché qui mettraient en péril les objectifs même de la réforme.

Le mémoire que nous déposons auprès de cette commission insiste sur certains faits que nous jugeons important de soulever dans le cadre des discussions en cours. Nous souhaitons qu'il contribue à enrichir et à éclairer les débats. Dans un premier temps, M. le Président, nous aimerions souligner la qualité de l'analyse de la situation présentée dans le document d'orientation proposé par le ministre. Celle-ci nous apparaît juste et elle rejoint nos propres constatations. Nous reconnaissons que le régime actuel n'est plus adapté à la réalité socio-économique et que ses objectifs correspondent mal aux besoins des bénéficiaires. Dans bien des cas, le système en place est, par ailleurs, inéquitable et déslncitatif pour les travailleurs à faible revenu. Enfin, l'escalade du nombre de bénéficiaires et des coûts oblige le gouvernement à consacrer une part croissante de son budget à la sécurité sociale, alors même qu'il tente de réduire son déficit.

Devant le caractère fondamental des problèmes mis en évidence, et devant l'échec des mesures de correction apportées au cours des dernières années, nous appuyons le gouvernement dans sa volonté de procéder à une réforme complète du régime. Ce qui est en cause, en effet, c'est beaucoup plus qu'un problème de calcul de prestations ou de contrôle plus rigoureux; c'est la philosophie de base du régime de sécurité sociale, les objectifs qu'il poursuit let les moyens dont il dispose pour les atteindre.

Alors que près de 75 % des bénéficiaires sont aptes au travail, nous ne pouvons plus, comme société, limiter notre intervention à un programme de transfert que le système fiscal et d'autres facteurs contribuent à refermer toujours davantage sur lui-même. Nous avons laissé se créer un cercle vicieux dont les conséquences sociales et économiques sont graves. Il nous faut le briser au plus tôt. Sur ce plan, la situation des jeunes nous apparaît particulièrement préoccupante. Notre société ne peut continuer à perpétuer les bases dans lesquelles se retrouvent les 90 000 jeunes de moins de 30 ans aptes au travail, et actuellement inscrits à l'aide sociale. Elle ne peut pas se priver ainsi de l'apport d'une relève dont la contribution lui est essentielle. De même, elle ne peut pas faire endosser à l'ensemble de la population les coûts présents et à venir de la dépendance, à moyen terme irréversible, d'un aussi grand nombre de citoyens. La situation actuelle, c'est un fait, est très inquiétante et te défi qu'elle nous propose en est un d'envergure. D'autant plus que ce défi, nous sommes appelés à y faire face dans une conjoncture de restriction des dépenses publiques qui nous oblige à nous poser une question fondamentale: combien, comme société, sommes-nous en mesure de payer pour le nouveau régime que nous mettons en place? Pouvons-nous augmenter les coûts que nous assumons présentement, sans mettre en danger notre croissance économique?

Cette question, qui peut sembler odieuse à certains, ne doit pas être évitée. Au contraire, elle est extrêmement pertinente dans le contexte actuel et elle fait appel à un réalisme essentiel au succès de la démarche en cours. Cette question, nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à la poser. L'Association internationale de la sécurité sociale rapporte en effet que l'équilibre financier de la sécurité sociale est menacé dans la plupart des pays industrialisés, qui ont dû, comme nous l'avons fait, élargir la mission de ces régimes ou répondre à des besoins accrus de protection.

La notion du maximum supportable financièrement a progressivement fait son apparition dans les débats publics, et la tendance qui se manifeste dans la gestion des programmes sociaux va désormais davantage dans le sens d'une rationnalisation des ressources financières et de leur meilleure allocation, plutôt que de leur augmentation. La chambre estime que le Québec a atteint ce maximum supportable par les contribuables et nous souhaitons que la réforme permette d'obtenir l'équilibre financier essentiel à la croissance économique et au développement de nos entreprises.

La solution du problème d'envergure auquel nous faisons face est donc loin d'être simple. Qui plus est, elle devient de plus en plus urgente. Le fait de retarder davantage les changements en profondeur qui s'imposent perpétue, en effet, une situation inéquitable, tant pour les bénéficiaires que pour les contribuables, et contribue à une détérioration du système qui devient de plus en plus difficile à corriger. Fortement sollicitée par l'intensification des débats, l'opinion publique est ainsi de plus en plus partagée devant l'émotivlté, voire l'agressivité dont ils sont chargés, ce qui entraîne une dégradation du climat social.

Par ailleurs, la croissance du nombre des bénéficiaires et des coûts alourdit le fardeau fiscal, se répercute sur le prix des biens et

services que nous produisons et freine les investissements au Québec. Des mesures doivent être prises rapidement pour alléger les contraintes ainsi imposées à nos entreprises, alors même qu'elles en sont à un tournant décisif pour notre avenir.

Enfin, le développement technologique et la libéralisation de nos échanges commerciaux entraînent des changements importants dans la structure même de l'emploi. Les aptitudes et les qualifications exigées des travailleurs évoluent rapidement. Comme la clientèle actuelle de l'aide sociale se recrute déjà, pour les trois-quarts, chez des personnes aptes au travail, dont les qualifications ne correspondent pas à l'offre du marché, il faut donc s'attendre que cette clientèle continue d'augmenter de façon alarmante Vouloir prévenir cette situation est un argument additionnel favorisant l'urgence de la réforme.

Trop de propositions ont été reportées ou écartées ces dernières années, faute d'une réelle volonté politique et collective qui aurait pu nous permettre d'arriver à un consensus équitable pour toutes les parties concernées. Nous encourageons donc le gouvernement à persévérer dans la démarche entreprise, et même à l'accélérer, tout en respectant les étapes de consultation et de vérification qui lui sont essentielles.

Pour notre part, malgré certaines réserves sur lesquelles je reviendrai, nous appuyons l'approche soumise par le ministre dans le document "Pour une politique de sécurité du revenu". Nous sommes heureux de constater qu'elle s'inscrit dans le sens des principes dont nous faisons la promotion depuis plusieurs années déjà.

Le projet énonce en effet clairement la vocation de programme de dernier recours du régime et il affirme la jonction que le nouveau programme doit établir avec le marché du travail, de même que la primauté du revenu de travail comme source d'autonomie des personnes.

Globalement, nous adhérons aux objectifs proposés. Premièrement, répondre plus généreusement aux besoins des personnes incapables de travailler; deuxièmement, favoriser la participation des bénéficiaires aptes au travail à des mesures de maintien et de développement de l'employabilité; et, troisièmement, inciter les travailleurs à faible revenu, à demeurer ou à retourner sur le marché du travail.

Notre société se doit, en effet, d'attribuer les ressources disponibles davantage aux plus démunis et de consacrer la valeur du travail comme moyen de réalisation et source d'autonomie. Ce faisant, le nouveau régime devrait cependant viser aussi la réduction du nombre de bénéficiaires et par conséquence, celle des coûts.

Cet aspect est toutefois passé sous silence dans le document d'orientation et nous le déplorons. Bien sûr, nous admettons que la réforme vise d'abord à répondre, de façon plus adéquate et généreuse, aux besoins des bénéficiaires et qu'elle ait fondamentalement d'autres objectifs que la recherche d'économie.

Il nous apparaîtrait cependant inadmissible d'écarter cette dimension comme si elle était négligeable ou inopportune. Dans cette optique, nous sommes également surpris que le document d'orientation ne précise pas les objectifs visés en termes quantifiés, et ce, pour une période minimum de trois ans.

Combien ou quel pourcentage de bénéficiaires le nouveau régime vise-t-il à intégrer sur le marché du travail? En combien de temps? Quelles économies espère-t-on obtenir ainsi à court ou à moyen terme? Autant de questions auxquelles les réponses sont essentielles pour mesurer la pertinence des ressources à consacrer aux différents programmes. Notre analyse des moyens proposés pour atteindre ces objectifs nous amène à la même conclusion. Ces moyens sont innovateurs et ils sont la preuve de l'ampleur de l'effort que le gouvernement est prêt à consacrer et à demander pour apporter des solutions aux problèmes de la sécurité sociale. Le réaménagement du programme de transfert et son articulation avec les mesures fiscales et les mesures de soutien à l'emploi donnent un système cohérent et bien intégré.

De prime abord, les moyens proposés semblent avancer des solutions adéquates à la plupart des lacunes identifiées. Nous disposons cependant de peu de données pour en prévoir l'efficacité. Certes, le régime sera plus généreux envers les bénéficiaires Incapables de travailler, et envers les jeunes de moins de 30 ans. De même, il sera plus équitable envers ceux qui choisissent de demeurer sur le marché du travail.

Pour ce qui est des programmes visant l'intégration de bénéficiaires au marché du travail, soit ceux qui touchent le plus grand nombre de bénéficiaires, nous sommes cependant dans l'inconnu le plus complet à l'égard des résultats que nous pouvons espérer.

Quelle est notre capacité réelle de créer un nombre d'emplois suffisants pour tous ceux qui auront ta capacité et la volonté de travailler? Combien de bénéficiaires le régime maintiendra-t-il à des coûts élevés dans des programmes de soutien qui se poursuivront indûment? Seules des analyses poussées - et nous ignorons si elles ont été réalisées - pourraient contribuer à apporter une réponse à ces questions.

Nui ne semble, par ailleurs, vouloir se prononcer sur la participation prévisible aux mesures de soutien et de développement de l'employabilité. Selon que la participation sera nulle ou de 100 %, ces programmes entraîneront annuellement des économies de 370 000 000 $ ou des déboursés de 445 000 000 $. L'écart est large; trop pour permettre la moindre appréciation. De même, nous ne disposons d'aucune appréciation de l'effet d'attraction du nouveau régime et des comportements qu'il pourrait susciter.

L'impossibilité dans laquelle nous nous trouvons d'évaluer les résultats des moyens proposés nous amène à exprimer des réserves à ce sujet, jusqu'à ce que les données nécessaires soient disponibles. Comme je l'ai souligné plus tôt, la Chambre de commerce du Québec ne saurait soutenir, du moins dans sa forme actuelle, une politique qui engagerait notre société dans une augmentation des coûts de la sécurité sociale. Or, si nous nous appuyons sur les chiffres, même incomplets, fournis dans le document d'orientation, la réduction des coûts nous semble très improbable. Et encore, une telle réduction ne serait possible qu'en cas dé non-participation aux programmes de développement de l'employabilité, ce dont iI n'y aurait pas lieu de se réjouir.

Sur un autre plan, nous envisageons avec réticence la croissance de l'appareil administratif responsable du régime et les coûts qui en découleront. De même, nous doutons que le mode de rémunération et d'évaluation du rendement actuellement en vigueur dans la fonction publique favorise la gestion des programmes dans le sens d'une réduction du nombre de bénéficiaires et des coûts. Malgré ce qui précède, nous tenons cependant à souligner que certaines dispositions du régime proposé nous semblent présenter des progrès très nets par rapport à la situation actuelle. Entre autres, les nouvelles mesures fiscales intégrées aux programmes de transfert; deuxièmement, l'introduction du principe de la contribution alimentaire parentale et, troisièmement, l'harmonisation des programmes avec ceux du fédéral constituent de bons exemples d'une gestion vigoureuse orientée vers l'efficacité et la réduction des coûts.

En terminant, M. le Président, J'aimerais vous faire part des recommandations élaborées par la chambre à la suite de son analyse du document d'orientation Pour une politique de sécurité du revenu soumis par le ministre. Ces recommandations qui font partie intégrante de notre mémoire résument bien notre position sur cette importante question.

Premièrement, que le gouvernement québécois poursuive les démarches amorcées en vue de réformer en profondeur le régime actuel de sécurité sociale et qu'il mette ainsi un terme à un système Inadéquat, qui impose un lourd tribut aux contribuables sans répondre aux vrais besoins des bénéficiaires.

Deuxièmement, que le nouveau régime consacre la valeur du travail comme source d'autonomie des personnes et qu'il mette tout en oeuvre pour faciliter la réintégration au marché du travail des bénéficiaires qui y sont aptes.

Troisièmement, que le gouvernement fasse, parallèlement, une priorité de la réduction des coûts de la sécurité sociale et de la diminution du nombre de bénéficiaires par leur réinsertion dans le marché du travail; que les dispositions du nouveau régime soient revues dans cette optique et que les résultats obtenus soient évalués selon ce critère.

Quatrièmement, que le nouveau régime conserve sa vocation de programme de dernier recours et tienne compte de l'ensemble des ressources des bénéficiaires lors de l'analyse de l'admissibilité ou du calcul des prestations.

Cinquièmement, que les dispositions du nouveau régime dépassent les programmes de transfert et s'appuient également sur les mesures fiscales harmonisées et sur des services adaptés de soutien à l'emploi.

Sixièmement, que l'ensemble des programmes proposés fasse l'objet d'analyses rigoureuses et d'études coûts-efficacité afin d'en mesurer tes résultats probables et d'en prévoir l'impact sur l'économie; de même, que les coûts de la gestion du régime et la taille de l'appareil administratif soient rigoureusement contrôlés pour en limiter les coûts.

Septièmement, que les objectifs des différents programmes soient clairement identifiés et quantifiés afin de mieux mesurer l'allocation des ressources et faciliter l'évaluation des résultats; que l'administration de ces programmes par les fonctionnaires se fasse selon les principes de la gestion par objectifs.

Huitièmement, que les nouveaux programmes soient partout harmonisés avec ceux des autres régimes de sécurité du revenu en place et avec les politiques de main-d'oeuvre en vigueur aux différents paliers de gouvernement.

Neuvièmement, que des contrôles rigoureux continuent d'être exercés pour éviter tout abus du système.

Et, enfin, que le secteur privé soit étroitement associé à l'élaboration et à l'application de programmes de soutien à l'emploi conçus selon une optique réaliste dans le respect des règles du marché.

Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez bien conclure, le temps est écoulé.

M. Shooner: Nous sommes confiants que les membres de ta commission analyseront ces recommandations et que, soucieux de ne pas réaliser un telle réforme au détriment du caractère concurrentiel de nos entreprises, ils proposeront les rajustements nécessaires. D'ici là, M. le Président, nous sommes prêts à participer activement à l'élaboration de la réforme. Nous continuerons à sensibiliser nos membres aux diverses facettes de leur responsabilité sociale et les encouragerons, le moment venu, à collaborer aux programmes qui seront mis en place. Merci, M. le Président

Le Président (M. Bélanger): Merci M. Shooner. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je tiens à remercier la Chambre de commerce du Québec ainsi que ses représentants

et pour le mémoire qu'ils nous ont soumis et pour la présentation orale qu'ils viennent de nous en faire.

Dans un premier temps, vous me permettrez de débuter cette journée en traçant le portrait statistique de la clientèle que nous avons à l'aide sociale à titre de ministère responsable de la Sécurité du revenu. Tout d'abord, il faut noter que 25 % de notre clientèle, soit quelque 100 000 chefs de ménage sur quelque 400 000 sont des gens qui sont généralement considérés incapables d'occuper un emploi rémunérateur dans la société et ce, pour une période prolongée. (10 h 30)

Quant aux autres 300 000 chefs de ménage, ils ont les caractéristiques suivantes: 36 % sont considérés comme des analphabètes fonctionnels; 60 % n'ont pas complété leurs études secondaires; 40 % n'ont aucune expérience antérieure de travail. Je tiens à citer ces statistiques parce qu'il existe un préjugé dans la société, à savoir que, bien que les emplois existent ou existeraient, les assistés sociaux n'ont pas la volonté de les décrocher ou de travailler. Je veux vous faire réaliser quelles sont les barrières qui se dressent entre le marché du travail et ces gens-là quant aux caractéristiques de leur employabilité. Je vous indiquerai également que l'ensemble des employeurs au Québec exigent, pour l'emploi le moins qualifié ou le moins spécifié, un secondaire V, un cours secondaire complété. Donc, vous voyez là le défi qui se pose au ministère en termes d'amélioration de l'employabilité de ces gens-là.

Quant à la situation économique, je vais la résumer brièvement parce que d'autres intervenants, devant cette commission, ont basé leur mémoire sur des statistiques qui remontaient, sur fe plan de la création d'emplois ou du type d'emploi qui était créé, à 1984. Je ne sais pas si la Chambre de commerce - je ne pense pas que ce soit le cas - se serve des mêmes statistiques, mais pour que l'on parle le même langage, reprenons les statistiques de janvier à janvier. Création nette de nouveaux emplois au Québec, entre janvier 1987 et janvier 1988, 122 000. Parmi ces emplois, 116 000 à temps plein et 5000 à temps partiel. Les secteurs où les emplois ont été créés: dans le domaine financier, des assurances, M. Shooner, les affaires Immobilières, 41 000; dans l'industrie manufacturière, 35 000; dans la construction, 16 000. Ce portrait étant fait, c'est dans ce cadre que j'aimerais vous faire mes remarques à la suite de vos interventions verbales et également retourner à votre mémoire et à vos propositions.

Ma première question, et vous êtes le premier groupe qui l'a soulevée, bien que j'aie adressé une question identique, je vous en préviens immédiatement, aux représentants du Conseil du patronat qui ne l'avait pas soulevée dans son mémoire, mais c'est la première question qui m'est venue à l'esprit lorsque. J'ai eu à discuter avec eux: Combien sommes-nous en mesure de payer? Le programme Soutien financier a un coût net additionnel de quelque 100 000 000 $ par année, indexé; vous savez à quelle clientèle il s'adresse. Le programme APPORT, si on tient compte de l'abolition de l'ancien programme SUPRET, a un coût additionnel de quelque 40 000 000 $ annuellement.

Une voix:...

M. Paradis (Brome-Missisquor): Tout près de l'indexation? Le programme APTE a un coût qui peut varier, comme vous l'avez mentionné, d'une fourchette d'économie de quelque 357 000 000 $ à une fourchette de déboursés de quelque 445 000 000 S si tout le monde participe au programme. Pour chacun des programmes, la question se pose différemment. Les coûts ont été bien évalués en ce qui concerne le programme Soutien financier; ils sont précisés et ils vont être déboursés. En ce qui concerne le programme APPORT, nous croyons avoir effectué le même calcul avec autant de justesse. En ce qui concerne le programme APTE, nous sommes conscients de la fourchette. Quelle est votre réaction sur les sommes additionnelles que nous consacrons dans deux des programmes et les sommes additionnelles que nous mettons sur la table pour les bénéficiaires qui veulent s'en prévaloir dans le cas du troisième programme?

M. Létourneau (Jean-Paul): Jean-Paul Létourneau. M. le Président, un des problèmes que nous avons soulevé dans cette évaluation, c'est quelle va être la popularité ou la possibilité de participation au programme APTE. On sait que cela ne peut pas être 100 %. Les statistiques qu'a mentionnées le ministre sont assez révélatrices à ce sujet. On espère bien que ce ne sera pas zéro. Est-ce que ce sera 25 % ou 30 %? Si c'était dans la fourchette de 25 à % 30 %, on a l'impression qu'il n'y aurait pas là de déboursé additionnel, d'après nos calculs, pour ce qui est du programme APTE.

Pour le programme APPORT, vous nous dites que le coût additionnel sera de 40 000 000 $. Peut-être notre appréciation était-elle faussée par de mauvaises statistiques, mais elle évaluait cela à 65 000 000 $.

M. Paradis (Brome-Missisquot): Excusez-moi, je veux simplement apporter une précision. Je pense que nous partons des mêmes chiffres. Le coût total sur une base annuelle du programme APPORT est de 65 000 000 $, mais, actuellement, le gouvernement débourse, dans le cadre du programme SUPRET, quelque 25 000 000 $ et le programme APPORT amène également l'abolition du programme SUPRET. Donc, le coût net additionnel serait de 40 000 000 $ annuellement.

M. Létourneau: Très bien. Nous avons indiqué notre appui au programme APPORT, ce qui implique les conséquences qui s'ensuivent,

c'est-à-dire les coûts additionnels que cela signifie Cependant, comme le mémoire l'indique bien, nous espérons que, dans tout le processus, il y aura, avec les autres mesures qui seront mises en action, possibilité de diminuer les coûts globaux du système en diminuant le nombre de bénéficiaires ou en ayant recours à la part que les parents peuvent faire pour un certain nombre d'entre eux.

M. Shooner: Si je peux ajouter un mot à cela, je ne voudrais pas qu'on limite le débat à un couloir très étroit qui s'appellerait combien de dollars allons-nous investir là-dedans? Est-ce 10 000 000 $ de plus ou 100 000 000 $ de moins? C'est sans doute très important, mais je pense que notre mémoire le situe d'une façon plus large, et cela me paraît majeur lorsque je lis le document d'orientation et que je raisonne un peu comme dans une entreprise, je me dis que je n'ai pas de programme à moyen terme là-dessus Quand je dis "moyen terme", disons que c'est pour trois ans. On sait combien cela nous coûtera ta première année. On nous dit: Indexez ces montants-là et ce sera cela par après Je pense que, lorsqu'on le dit comme cela, ce n'est pas dans l'esprit ni dans la philosophie qu'on veut développer dans ce programme-là.

La philosophie qui nous guide là-dedans, c'est qu'il y a 75 % de ces personnes qui sont aptes au travail C'est cela, le problème. Ces personnes sont aptes au travail et ne travaillent pas. Tous ensemble, comme société, on se prive de talents dont on n'a pas les moyens be se priver. Pour moi, c'est ce qui est fondamental. Ces gens-là sont dans un assujettissement par rapport à leur situation qui est totalement inacceptable II faut rendre à ces gens-là le moyen de s'épanouir, le moyen de mettre à contribution les talents qu'ils ont et de faire en sorte que notre société puisse également profiter de cela. Pour moi, ce sont les objectifs fondamentaux du programme et la philosophie avec laquelle nous sommes pleinement d'accord.

On dit là-dessus que, comme entreprises, on est prêts à faire notre bout de chemin pour favoriser cela. On est prêts à faire cela, on est prêts à aller dans ce sens-là, dans un programme intégré, innovateur et qui devrait donner des résultats.

Les coûts seront une conséquence bienheureuse ou malheureuse de l'atteinte des objectifs du programme qui est tracé. Pour nous, les coûts sont une conséquence. Évidemment, on est prudents sur la bureaucratie, on est prudents sur la concurrence. Vous êtes un gouvernement qui préconise le libre-échange, nous sommes un organisme qui le fait aussi. Vous n'êtes pas sans savoir cependant que cela nous lance de gros défis en termes de concurrence vis-à-vis des autres types d'entreprises qui sont, pour nous, des monstres américains ou pancanadiens qui viendront chez nous beaucoup plus librement nous faire concurrence. Cela nous lance des défis sérieux

Si on arrive au Québec avec des politiques qui font en sorte que cela nous "débalance" - entre guillemets - en termes de fiscalité, en termes de coûts par rapport à nos concurrents monstres qui sen viennent, évidemment on ne pourra pas tenir le coup et on va s'intégrer à ces monstres-là et disparaître comme entreprises. Ce sera aussi simple que cela.

Fondamentalement, donc, il ne faut pas limiter le débat à une simple question de 100 000 000 $ de plus ou 100 000 000 $ de moins. Ce qu'on na pas dans le programme et ce qu'on regrette, c'est qu'il n'y a pas une planification, je dis, pour trois ans, mais on peut dire pour cinq ans même, si possible. On en a fait tellement de ces longs programmes. Mais qu'on fait au moins pour trois ans pour savoir quels sont les résultats tangibles de retour au travail de 75 % des 400 000 aptes au travail. Qu'est-ce que ce programme va donner, si, comme entreprise privée, on joue notre rôle, si le gouvernement joue son rôle là-dedans? C'est pour cela qu'on dit qu'on est d'accord pour verser plus d'argent aux personnes inaptes au travail, mais l'objectif fondamental, ce n'est pas, en ce qui nous regarde, les inaptes au travail. Je pense bien que, dans ce cadre-là, comme société, on doit les aider et faire en sorte que ces gens aient le droit de continuer leur vie ici le mieux possible.

Notre objectif, c'est de nous asseoir avec le gouvernement pour dire. II y a 300 000 personnes dont on se prive comme société, il y a 300 000 personnes qui vivent dans des situations totalement inacceptables comme humains et qu'est-ce qu'on peut faire ensemble pour développer cela? Ce n'est pas une solution simple. C'est très compliqué. Si c'était simple, ce serait réglé depuis longtemps et ce serait réglé partout dans le monde. Ce n'est pas simple. On dit: Les objectifs qui sont là sont très louables, ils sont extraordinaires même. II y a de l'innovation dans ces programmes mais on ne sait pas trop où on s'en va dans un an, deux ans ou trois ans quant au succès de cette organisation. Si j'étais dans une entreprise privée, jusqu'à un certain point, je dirais. Apportez-moi ces chiffres-là avant qu'on décide.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Shooner, est-ce que j'interprète mal votre pensée en disant qu'avec la collaboration que vous offrez, avec la collaboration qui nous est également offerte de la part des groupes sociaux et communautaires, avec la collaboration que l'on tentera de susciter lorsque comparaîtront devant nous des groupes syndicaux, si on réussissait à relever le défi d'améliorer l'employabilité de 100 % de la clientèle, le défi par excellence.

M. Shooner: Oui, pourquoi pas?

M. Paradis(Brome-Missisquol):... et à rein-

tégrer ces gens-là, même si cela coûtait une somme additionnelle de 445 000 000 $ sur une base annuelle, votre organisme ne s'y opposerait pas si on réussissait à rejoindre toute cette clientèle?

M. Shooner: II faut faire l'étude coûts-bénéfices de cette situation et arriver à une démonstration qui va démontrer cela. C'est évident qu'il faut viser 100 %, M. le Président. C'est évident qu'il faut viser cela,

Maintenant, cela prendra combien de temps pour y arriver? On verse 445 000 000 $ pendant combien d'années? Avec quels résultats la première, la deuxième, la troisième et la huitième années? Finalement, où on s'en va avec cela? On ne peut pas répondre si on est d'accord en principe pour dire qu'on va dépenser 445 000 000 $ de plus et qu'on va avoir 300 000 emplois de plus au Québec. Si vous me dites que cela coûte 445 000 000 $ pour créer 300 000 emplois au Québec pour ces gens-là, si je fais la division entre les deux, je ne sais pas combien cela donne, mais je pense, si je me rappelle des chiffres du ministère de l'industrie et du Commerce, qu'on n'arriverait pas à un chiffre exagéré.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce n'est pas ce qu'on vous dit. Ce qu'on vous dit, c'est que, si tout le monde participe dans les mesures d'employabilité, ce qui ne constitue pas de la création d'emplois, mais des mesures qui visent à améliorer les caractéristiques d'une personne versus te marché qui cherche à l'employer, si tout le monde embarque, cela va coûter, à partir de la clientèle qu'on avait en mars 1987, il y a un an, 445 000 000 $ additionnels au programme APTE. C'est ce que nous vous disons.

M. Shooner: C'est celui-là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Maintenant, il est certain qu'au fur et à mesure que ta clientèle diminue, vous avez des diminutions dans les coûts de vos programmes d'employabilité parce que vous avez moins de personnes qui deviennent admissibles. Elles sont rendues sur le marché du travail et là, ce sont vos entreprises qui patent les salaires.

M. Shooner: C'est exactement ce qu'on ne sait pas, M. le ministre, et qu'on aimerait bien savoir.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous voudriez...

M. Shooner: On ne le sait pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... une échelle de décroissance du nombre d'assistés sociaux, c'est-à-dire que, si on baisse notre clientèle à l'intérieur de douze mois de 100 000 parce qu'elle a réintégré le marché du travail, quelle est la diminution des coûts?

M. Shooner: C'est-à-dire qu'on aimerait avoir une étude d'ensemble parce que si vous le dites comme cela, c'est aussi théorique, il faut aussi regarder la capacité d'absorption de ces personnes du côté du secteur privé. C'est cette composition, si vous voulez, d'un groupe qui dit: On souhaiterait que les gens retournent à 100 % sur le marché du travail, par exemple, avec le programme APTE, cela va coûter 445 000 000 $, bravo! Mais, d'autre part, il y a peut-être un travail à faire avec, par exemple, ie ministère de l'industrie et du Commerce ou d'autres ministères et avec d'autres organismes privés - la Chambre de commerce est disponible dans ce sens-là - pour dire: Cela étant, parfait. Alors, est-ce que le marché du travail peut maintenant l'absorber? Tenant compte des capacités d'absorption du marché du travail, tenant compte de ce programme, quelle est maintenant l'espérance, si vous voulez, qu'on peut avoir du retour graduel au marché du travail d'ici x années? Cela étant, on pourra, en fin de compte, mettre des prix, mettre un chiffre à cela. C'est la seule condition pour arriver à des chiffres valables. (10 h 45)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un peu comme le ministère des Finances à l'époque, en 1984, avait cette espèce de graphique pour l'application du livre blanc sur la fiscalité de M. Parizeau. Le ministère des Finances pourrait nous produire le même document compte tenu de ce que nous proposons. Nous pourrions, à ce moment, faire les comparaisons. Pour le moment, ce que je peux retenir de notre échange, c'est que, comme le Conseil du patronat, vous n'avez pas d'objection majeure à ce que le gouvernement investisse dans les mesures d'employabilité des bénéficiaires aptes au travail et qu'il consacre les sommes qui y sont nécessaires en tenant compte de faire attention, sur le plan de l'augmentation, de la bureaucratie qui pourrait être requise.

Je vous soumets cette question dans le cadre suivant. Au Québec, depuis deux ans, nous avons une diminution du chômage qui est suivie ou accompagnée d'une diminution du nombre d'assistés sociaux. Il y a un parallélisme entre les deux diminutions de clientèle. Alors que chez nos voisins, en Ontario, on a une diminution encore plus importante du chômage, qui est tombé en bas de 5 %, mais on a une augmentation Inquiétante du phénomène de l'aide sociale, des assistés sociaux. Nous nous demandons, et je ne sais pas si vous avez des renseignements sur ce sujet, si cela ne serait pas dû à cette carence entre les besoins des employeurs et l'employabilité de ces gens qui sont de plus en plus marginalisés et mis à l'écart de la société, parce que ces gens n'ont pas les caractéristiques que les employeurs recherchent chez des personnes dites employables.

M. Shooner: Écoutez, on en a traité tantôt À l'explication que vous avez il y a également le type d'entreprise, évidemment, lorsqu'on compare l'Ontario au Québec. On n'est pas dans les mêmes secteurs d'entreprise. En généra! les Ontariens ont des entreprises plus sophistiquées que les nôtres, donc, qui exigent une main-d'oeuvre un peu différente Mais, dans ce cadre, il est certain aussi et on le signalait tantôt, que l'orientation de ces entreprises n'est pas, comme on dit communément, "labour-intensive". Elle est habituellement beaucoup plus tournée vers la sophistication des emplois. Ce qui va à l'encontre d'une tendance qu'on recherche, avec l'objectif qu'on poursuit actuellement. C'est pour cela, d'ailleurs, que le gouvernement doit s'impliquer dans un programme comme cela. Je pense que. Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que le fait qu'une main-d'oeuvre soit qualifiée n'est pas un phénomène d'attraction des investissements, un phénomène d'attraction de la création d'emplois ici au Québec? Le fait que notre main-d'oeuvre soit qualifiée ou que l'on augmente ia qualification de cette main-d'oeuvre?

M. Shooner: Bien sûr. II ne faut pas se faire d'illusion. La création d'emplois vient d'abord et avant tout, probablement pour les quatre cinquièmes, des entreprises déjà en place. Cela ne vient pas des nouvelles entreprises à haute technologie qu'on va chercher un peu partout dans le monde et qu'on essaie d'attirer chez nous. Je ne veux pas les mésestimer. Ce sont des entreprises très importantes qui sont chez nous et qui arrivent chez nous, et d'autant plus importantes qu'elles vont créer beaucoup de sous-traitance chez nous et favoriser, effectivement, des emplois qui sont de type davantage de ceux qu'on recherche ce matin. Le nouvel emploi vient d'abord et avant tout de la PME, on le sait, 90 % des nouveaux emplois viennent des petites et moyennes entreprises et même, des petites entreprises plus souvent qu'autrement, non pas des moyennes. Ces emplois sont, le plus souvent, pas tellement sophistiqués, dans le sens dont on en parlait tantôt.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va.

Le Président (M. Laporte): Le temps est terminé, M. le ministre. Mme la députée de Maisconeuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. M. Létourneau, M. Shooner, M. Arsenault et Mme Fortin, je pense que c'est un échange important que nous allons avoir ce matin. En suivant l'échange que vous aviez avec le ministre, je pensais que, justement, on pouvait bien cerner que, dans le document d'orientation qui est devant nous, c'est ce que votre mémoire nous permettait de vérifier, dans le fond, la participa- tion aux mesures ne diminue pas le nombre de bénéficiaires. C'est sans doute là l'élément sur lequel il faut avoir plus de données.

Je me rappelle avoir reçu à mon bureau de comté, dans l'Est de Montréal, une mère de famille, avec de grands enfants, qui travaillait à la maison, si vous me permettiez l'expression, et qui venait se plaindre que son Pierre, pour lequel ni son mari ni elle n'avaient, malgré leur peu de revenus, demandé des prestations d'aide sociale, n'avait pas droit, lui, aux mesures parce qu'il n'était pas bénéficiaire de l'aide sociale. Elle me faisait part que l'un des dilemmes, surtout pour des gens de la classe ouvrière qui ne veulent pas tomber dans laide sociale, c'était lorsque leurs grands enfants avaient décroché, à un moment donné, de l'école, car l'une des façons de participer aux mesures était justement de s'inscrire, sur la rue Ontario, et d'être bénéficiaires de l'aide sociale.

Une partie du dilemme, c'est comment proposer des mesures uniquement dans le cadre de l'aide sociale? Les mesures qui sont proposées - d'ailleurs, vous le signaliez dans votre mémoire - vont, d'une certaine façon, diminuer les coûts s'il y a échec de participation. Les coûts augmentent s'il y a augmentation de la participation. Mais c'est une participation à des mesures qui ne sont pas des mesures de qualification professionnelle. Ce sont des mesures, entre autres, sur le plan de la formation scolaire, parce que, et avec raison, le ministre rappelle des chiffres qui sont quand même éloquents. Mais les mesures proposées sont des mesures de rattrapage scolaire en termes de formation générale.

Les personnes et organismes qui vous ont précédés nous ont, entre autres, interpellés sur le fait que ce qui manque beaucoup, c'est une formation, une qualification professionnelle et que, sur ce plan-là, il n'y a pas de projet en tant que tel de qualifications professionnelles.

Vous disiez dans votre mémoire, à la page 11: "Nous engager ainsi à l'aveuglette dans une réforme d'une telle envergure nous semble dangereux et démontrerait un manque de responsabilité sur le plan financier. " Beaucoup d'autres organismes sont venus, eux, nous dire que ce serait dangereux, mais que cela démontrerait un manque de responsabilité sur le plan social dans la mesure où il fallait évaluer les coûts sociaux, les coûts médicaux. L'Association des hôpitaux du Québec, l'AHQ, est venue ici faire part des coûts absolument astronomiques que la société consacre notamment à l'hospitalisation des personnes qui souffrent de carence alimentaire ou de malnutrition. Vous avez peut-être lu ces chiffres, ils ont été publiés dans les journaux depuis. La question, c'est est-ce que, finalement, la proposition applique au patient un médicament.

On s'entend tous et vous avez raison quand vous dites qu'on ne peut pas rester indifférents à la situation sans issue des gens qui sont

assujettis à un cul-de-sac présentement, Ce serait peut-être trop long, mais la corporation des conseillers nous parlait hier soir, en quittant la commission, de cas précis: Georges, père de famille, 56 ans. Il y a plus d'un an, l'entreprise pour laquelle il travaillait a fermé ses portes. Il n'a pu décrocher un nouvel emploi en raison de son âge, de sa faible scolarité et du ralentissement économique. Il est à la fois découragé et révolté que sa vie se termine ainsi.

Alain, décrocheur de 19 ans, toxicomane, hostile avec les autres, incapable d'établir des relations adéquates avec des personnes du réseau, etc. Jacques, ex-bénéficiaire psychiatrique, etc. Pour la clientèle des aptes, les 75 %. de loin, le portrait, c'est qu'ils sont tous prêts à entrer sur le marché du travail; mais vu de près, il y a là des personnes qui ont déjà des difficultés et pour qui les mesures légères de réinsertion ne sont pas nécessairement les plus adéquates.

Est-ce qu'on ne va pas appliquer à tous ces patients, dans le fond, un médicament dont on n'a pas encore évalué les effets secondaires, sans connaître dans quelle voie on engage la société, parce qu'on n'a pas encore le résultat des programmes expérimentaux offerts aux moins de 30 ans? Finalement, le document d'orientation propose de prolonger ces programmes à tous les ménages, disons pour les 75 %.

Avez-vous déjà eu l'occasion vous-mêmes de vérifier les résultats obtenus avec les programmes expérimentaux? Jusqu'à maintenant, ce qu'on en sait, c'est qu'à peine 20 % des jeunes à qui ils étaient offerts y ont participé malgré une incitation financière qui était quand même considérable, puisque cela permettait de doubler plus ou moins la prestation que l'on sait être, vous-mêmes en convenez, très basse.

Est-ce que, sur le plan de la qualification de la main-d'oeuvre, sur le plan de la participation aux mesures, vous auriez des expériences à nous faire part?

M. Shooner: Je n'ai pas d'analyse fondamentale, mais j'avais une expérience à vous faire part et vous me faites penser à cela en en parlant. Pendant une dizaine ou une douzaine d'années, au siège social des Coopérants, on a utilisé pour l'entretien des personnes handicapées légèrement - je cherche le terme exact - des déficients légers. Je peux vous dire que c'était carrément une entreprise privée qui exige un certain encadrement et, évidemment, par exemple, un contremaître qui a la capacité de travailler avec ces gens-là. Mais, d'autre part, je peux vous dire qu'on a eu un travail extraordinaire de ces gens-là en termes d'honnêteté, de qualité du travail, de dévouement, de présence. Ce sont des gens vraiment extraordinaires et qui font un travail impeccable chez nous - je pense que je peux le dire - et bien supérieur à celui qu'on a dans les entreprises semblables, mais plus traditionnelles.

C'est une expérience qui est à Montréal, qui fonctionne, que je sache, très bien, en tout cas, qui va très bien chez nous. Malheureusement, quand on arrive dans un nouveau siège social du type qu'on a, à 500 000 pieds carrés, c'est devenu impossible de fonctionner dans un cadre comme celui-là. C'est plus facile dans un édifice de 100 000 pieds carrés où on est les seuls occupants et où on peut travailler étroitement avec ces personnes. Mais je donne cela comme expérience et, encore une fois, iI y a les statistiques, mais il y a les faits aussi et je demeure convaincu qu'avec un peu d'innovation, on peut développer des entreprises comme cela qui vont donner beaucoup de fierté à ces personnes. Tous les jours, je rencontrais ces personnes. Il s'agissait de jaser avec elles pour savoir comment elles étaient fières de travailler là. Même si, comme elles le disaient à l'occasion, elles devaient prendre quelques jours de congé pour aller faire un petit tour dans l'Est, ceci étant leur séjour là-bas, elles y allaient, elles en étaient conscientes et elles revenaient. Pour elles, c'était majeur de revenir, parce que c'était leur vie, c'était leur fierté et elles avaient un apport à la hauteur de leurs capacités dans notre société. Je pense que c'est ce qui est fondamental, qu'on puisse vraiment exploiter les talents qu'on a et elles le faisaient.

C'est une expérience que j'ai vécue. C'est une expérience qui se continue à cet endroit. Je donne cet exemple et je suis convaincu, encore une fois, qu'entre entreprises privées et gouvernement - dans ce cas, c'est nettement une entreprise privée qui a pris ses responsabilités et qui a agi comme cela - il y a beaucoup de mesures semblables qui peuvent être adoptées.

Mme Harel: Vous nous avez...

M. Shooner: Je ne crois pas que je réponde totalement à votre question, mais je donne un exemple.

Mme Harel: Cela reste intéressant, malgré que vous nous avez fait part, à titre de Chambre de commerce, que vous conceviez qu'avec la concurrence âpre que doivent vivre les entreprises présentement, il ne fallait pas penser à alourdir le fardeau notamment des responsabilités ou des charges, j'imagine.

Justement, la corporation des conseillers nous faisait part, hier, que l'incitation au travail, pour des personnes qui ont des difficultés du fait non seulement de leur Inaptitude physique ou mentale, mais aussi, cela peut être une inaptitude sociale qui s'est renforcée au cours des années - supposait une sorte d'Incitation à l'employeur, parce que l'employeur a un tel choix maintenant dans le bassin de main-d'oeuvre que ce choix lui permet parfois de sélectionner parmi des dizaines et des dizaines de candidats, ce qui dévalue d'autant l'employabilité même des personnes qui augmentent. Quelqu'un nous a dit: C'est finalement comme monter un escalier

roulant qui descend, d'une certaine façon, ce qui se passe dans notre société.

(11 heures)

Tantôt, vous pariiez du chômage des jeunes. Vous avez fait part que ce chômage vous interpellait. On se rend compte maintenant que le chômage affecte de plus en plus les groupes de 25 ans et plus et de moins en moins les moins de 25 ans. Tout cela c'est bien relatif, mais malgré un taux de chômage qui reste élevé chez les jeunes, on se rend compte que la situation s'améliore, tandis que c'est la situation des plus âgés qui se détériore. Je pense que l'ensemble de la société québécoise souscrit actuellement au même objectif, qui est celui d'autonomie. Félix Leclerc disait: La meilleure façon de tuer un homme, c'est de le payer à ne rien faire. Pour les femmes, c'est différent parce qu'elles ont déjà souvent beaucoup d'ouvrage, malgré qu'elles veulent partager aussi l'emploi.

Est-ce que vous concédez que l'État a une responsabilité en matière de création d'emplois socialement utiles? Disons qu'on pense à de grands programmes comme le développement de l'emploi dans les services de garde, le développement d'emplois communautaires ou d'emplois de services dans le domaine du maintien à domicile ou de la protection de l'environnement. Des groupes viendront ici plaider en faveur de programmes de création d'emplois socialement utiles pour générer des emplois dans le domaine de l'amélioration du réseau d'épuration des eaux, du recyclage, etc. Concevez-vous qu'il doit y avoir une responsabilité que l'État se donne dans le sens de générer des emplois socialement utiles pour ces personnes que vous dites, avec bon sens, dans un cul-de-sac présentement?

M. Shooner: Là, vous touchez un principe et vous touchez, d'autre part, une utilité, comme vous dites. C'est certain qu'en principe, quant au grossissement de la bureaucratie, la réponse est rapidement donnée, c'est non. Si on veut grossir l'appareil bureaucratique au Québec je ne pense pas que la solution passe par là, sincèrement. Je pense que, effectivement, cela enlève beaucoup de sens à l'innovation, cela enlève beaucoup de sens même à la fierté des personnes parce que, finalement, on devient fonctionnaire, bureaucrate et on n'est plus vraiment au service du client, le service du client passe en deuxième lieu parce que l'effet de concurrence n'est plus là. La meilleure motivation qu'on peut avoir dans la qualité du service, c'est la concurrence.

Quand vous dites: Socialement utile - c'est mon deuxième commentaire - pour le mot "socialement", cela va; là où c'est plus difficile, c'est pour le mot "utile". Qu'est-ce que c'est, utile? Il faudrait vraiment le regarder très attentivement. C'est bien certain qu'on ne peut pas être contre la vertu, mais ceci étant si on dit: Est-ce qu'on est pour des emplois socialement utiles, je dirai: Pour autant que c'est utile et que c'est socialement acceptable. Je ne pense pas que la solution passe par là.

Pour reprendre un peu le début de votre exposé, c'est tellement difficile d'atteindre l'objectif préconisé dans ce document que cela ne peut pas se faire sans un partnership étroit entre le gouvernement et l'entreprise privée. Ce n'est pas possible. Le gouvernement ne peut pas, seul, résoudre ce problème, cela va lui coûter trois fois ce que cela coûte présentement. Ce n'est pas possible, c'est en croissance géométrique, cette histoire, et la fierté de nos gens est en diminution géométrique face à ces programmes, ce n'est pas possible. Il faut à tout prix qu'on s'assoie ensemble et qu'on applique ces programmes et c'est certain que, pour les appliquer, cela sera toujours, dans l'entreprise, des décisions ad hoc. La haute direction de l'entreprise devra faire attention à cela, comme on dit, elle devra attirer l'attention de ses décideurs, dans ses cadres moyens et supérieurs ou dans ses cadres moyens, et dire: Dans telle fonction, dans telle organisation, dans telle chose, dans tel service, c'est clair, on veut que ce soit tel type de personne qui soit là.

Ce sera toujours de l'interventionnisme positif, si vous voulez, de la haute direction des entreprises, d'où ta nécessité d'un partenariat entre le gouvernement et l'entreprise privée. Pour moi, c'est clair, il ne faut pas orienter cela vers l'emploi gouvernemental, il faut orienter cela vers des entreprises privées. Mais cela ne se fera qu'au prix d'un effort très attentif de l'entreprise privée, et cela se fera à la pièce. Pour essayer de gagner un peu de temps, la meilleure position est de le faire avec des organisations qui regroupent des entreprises, par exemple, les chambres de commerce, sur des bases régionales, locales, pour faire en sorte qu'on rejoigne le plus rapidement possible le plus d'entreprises possible et que cela soit une espèce de mission commune qu'on se donne tous ensemble de remettre sur le marché du travail les 300 000 personnes qui sont là.

Mme Harel: En regardant les statistiques d'une seule année comme celles de 1987, on a parfois l'impression que cela va tellement bien et cela peut laisser entendre que si les gens le veulent, ils peuvent travailler. Par ailleurs, je pense bien que, vous de la chambre de commerce et vous, M. Shooner, avez pu constater de plus près que ces statistiques révèlent un taux d'activité exceptionnel qui ne va pas nécessairement se reproduire compte tenu de l'effet cyclique des ralentissements et des croissances. Surtout quand on regarde le rapport emploi-population, qui est comme on le sait, celui qui nous donne le vrai portrait du taux d'activité dans notre société, par exemple, entre 1981 et 1987, l'année record, ce rapport emploi-population a à peine augmenté de 0, 05 %, de 56, 3 % à 56, 8 %. Et, finalement, c'est un rapport emploi-population qui, malgré cette performance de l'entreprise, a à peine modifié l'activité à

l'emploi.

Est-ce qu'on peut - si on quitte le terrain idéologique et on veut se poser la question pratique - peut-être d'abord ne pas confondre intervention de l'État et gestion de l'état? Il n'est pas évident que des grands programmes de services communautaires ou des programmes socialement utiles devraient être gérés par l'État. On pourrait penser que les communautés locales, les MRC ou autres pourraient très bien penser des programmes adaptés à leur milieu.

M. Shooner: Très juste.

Mme Harel: Est-ce que le "partnership" auquel vous faites appel est important, essentiel en ce qui concerne l'entreprise mais aussi en ce qui concerne les centrales syndicales, pour ce qui est de l'ensemble des décideurs économiques? Qu'on le veuille ou pas, ils en sont.

M. Shooner: C'est cela.

Mme Harel: Je vous pose la question à nouveau: Est-ce qu'on peut, en dehors d'une mobilisation d'une société dans toutes ses dimensions publiques, communautaires et privées, arriver à offrir autre chose que des prestations à ceux de nos concitoyens qui, au fil du temps même en augmentant leur employabilité, se trouvent dans un marché de l'emploi très concurrentiel?

Finalement, comme il me reste peu de temps, j'aimerais aussi vérifier avec vous, en regard de l'articulation des mesures fiscales, si... Vous avez peut-être eu l'occasion d'examiner plus à fond le programme APPORT. Parce que le programme APPORT est celui qui incite à vraiment rester sur le marché de l'emploi et non pas à se satisfaire des prestations. C'est celui qui permet de sortir de ce qu'on appelle la trappe de pauvreté. Hier, je pouvais citer au ministre qui les a en main, des chiffres qui nous viennent du ministère des Finances. Ce sont des données qui, une fois pris en considération les revenus de travail, permettent de voir que même avec le programme APPORT, une chef de famille monoparentale avec un enfant de six ans, avec un revenu disponible de 9364 $ de prestations, si elle va sur le marché de l'emploi gagner 2000 $, même avec le programme APPORT, avec les taux marginaux de taxation, iI va lut rester exactement 67 $ sur ses 2000 $ en regard de sa prestation. Si elle va gagner 4000 $ de revenu de travail...

Le Président (M. Laporte): Mme la députée de Maisonneuve, succinctement, en conclusion.

Mme Harel:... il va lui rester 263 $ et si elle va chercher 8000 $ de revenu de travail, il lui en resterait 383 $. Tout étant considéré à ce moment-là, les allocations dans le cadre du programme APPORT, etc. Est-ce que c'est satisfaisant actuellement de penser qu'on propose à des personnes d'aller sur le marché de l'emploi, mais avec des taux marginaux de taxation qui leur coupent le cou dès qu'elles essaient de s'en sortir?

Le Président (M. Laporte): M Shooner, simplement pour vous indiquer, qu'avec l'autorisation des deux parties, succinctement vous pouvez répondre aux interrogations de Mme la députée de Maisonneuve. Le plus succinctement possible.

M. Shooner: Succinctement. Je vais prendre rapidement la première partie de votre exposé pour dire que c'est tellement particulier ce type d'emplois dont on parle que ce n'est pas possible de le faire sans partenariat. Cela me paraît clair; ce n'est pas possible. Sans une attention précise des dirigeants des entreprises, ce n'est pas possible.

Quant à l'autre partie, je sais qu'il y a des abris fiscaux qui sont prévus dans le partenariat. Je ne suis pas assez habile pour dire si c'est suffisant ou si ce n'est pas suffisant. Je sais une chose, cependant. L'objectif qui est là doit être maintenu, c'est-à-dire qu'il faut que ces personnes-là reviennent sur le marché du travail. Il faut qu'on leur donne l'occasion d'utiliser les talents qu'elles ont. On n'a pas le droit, comme société, de se priver de ces talents. On n'a pas les moyens de se priver de ces talents.

Le Président (M. La porte): Mme la députée.

Mme Harel: J'aurais tellement, en vous remerciant...

Le Président (M, Laporte): L'adresse de la fin. Je vous remercie.

Mme Harel: En vous remerciant, vous me laissez sur la question qui est la nôtre: Est-ce qu'en retournant sur le marché de l'emploi, on leur permet de sortir de la pauvreté ou si on leur propose seulement de sortir de l'aide sociale?

Je vous remercie pour votre contribution. Nous sommes dans un débat de fond présentement. Malgré toutes les mauvaises choses que je pense du document, il y a quand même un mérite, c'est de nous imposer ce débat au moment où la société doit le faire. Je vous remercie.

Le Président (M. Laporte): Merci. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Très brièvement, je vais tenter de vous parler en code parce que. mol aussi, je suis limité par le règlement. Quant à vos recommandations 1, 2, 4, 5, 6, 8, 9 et 10, nous les accueillons favorablement. Quant aux recommandations 3 et 7, nous

souhaiterions en discuter plus amplement avec la Chambre de commerce du Québec. Je prends bonne note de ce concept de partenariat sur lequel vous avez insisté. Ce partenariat doit exister avec les groupes communautaires, avec le secteur privé et avec le secteur syndical, et peut-être qu'il doit débuter par un conseil consultatif sur le travail, la main-d'oeuvre et la sécurité du revenu où vous pourriez jouer un rôle positif. Merci.

M. Shooner: M. le ministre, je ne sais pas si c'est à moi à remercier, mais je veux 'simplement ajouter un mot au dernier commentaire de Mme la députée. Sortir de l'aide sociale pour mol, c'est déjà sortir de la pauvreté, et se sortir de la pauvreté dans son sens le plus large, dans son sens biblique, si vous voulez. C'est-à-dire non seulement la pauvreté financière, mais la pauvreté aussi dans nos talents et dans la contribution qu'on peut apporter à la société. Plus vite on en sort, mieux c'est.

Le Président (M. Laporte): Merci bien. La commission tient à remercier les représentants de la Chambre de commerce du Québec pour la présentation de leur mémoire.

J'inviterais maintenant le représentant de la Fédération des associations québécoises des étudiants et étudiantes de secondaire pour adultes, M. Neault, à bien vouloir s'avancer.

La commission suspend ses travaux pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 13)

(Reprise à 11 h 17)

Le Président (M. Laporte): La commission reprend ses travaux. On aimerait souhaiter la bienvenue à M. Neault qui représente la Fédération des associations québécoises des étudiants et étudiantes de secondaire pour adultes. J'aimerais simplement vous rappeler brièvement la procédure. Vous connaissez le mandat de la commission. Vous avez 20 minutes pour exposer votre mémoire et, par la suite, il y aura échanges avec tes parlementaires.

La parole est à vous.

FAQEESA

M. Neault (Richard): Merci. M. le Président. J'aimerais d'abord dire qu'à la base, notre délégation devait être constituée de trois représentants. Malheureusement, certains événements ont contraint ces délégués à se désister. Néanmoins, ma tâche au sein de la FAQEESA me confère l'expertise nécessaire pour traiter de ce dossier.

Ainsi, après un exposé de quelque 20 minutes, je serai à la disposition des membres de la commission afin de répondre aux questions.

À la condition qu'il signifie réellement la parité entre les bénéficiaires, le concept de l'élimination de toute distinction fondée sur f'âge des individus correspond enfin à l'abolition d'un des nombreux obstacles rencontrés sur le chemin de l'accessibilité au programme de formation.

Nous croyons que l'âge des individus ne peut être considéré comme un critère d'admissibilité quant au choix de l'un ou l'autre des programmes offerts, d'autant plus que les bénéficiaires qui y sont inscrits subissent les mêmes pressions économiques et sociales, quel que soit leur âge. En somme, cette approche aurait l'avantage de réunir dans un même groupe toutes les personnes dont la caractéristique principale est un désir commun de l'amélioration de leur statut social par le biais de l'acquisition de connaissances nouvelles.

Par ailleurs, le principe de l'incitation au travail tel que proposé par le gouvernement peut-il vraiment être applicable dans l'état actuel des choses? Certes, cette hypothèse pourrait s'appliquer dans la mesure où les bénéficiaires auraient acquis une solide formation. Toutefois, il serait totalement dérisoire, compte tenu de plusieurs facteurs environnementaux, de souscrire à cet énoncé. D'ailleurs, l'analyse situationnelle nous permet d'identifier de façon formelle ces différents facteurs.

D'une part, la clientèle ciblée par ce concept présente des caractéristiques sociales particulières telles ta sous-scolarisation évidente, l'analphabétisme à différents niveaux et les conditions sociales dans lesquelles prime une constante Insécurité.

D'autre part, le contexte actuel pour ce qui est du marché du travail démontre que celui-ci est constitué de trois catégories distinctes de travailleurs d'où la reconnaissance économique et sociale de ces derniers augmente proportionnellement avec la somme de leurs connaissances.

Le premier groupe est celui où l'on retrouve des travailleurs hautement scolarisés et jouissant d'une expérience de travail significative. Néanmoins, ceux-ci représentent une faible proportion de la totalité des travailleurs.

Le deuxième répond à ceux dont le niveau de scolarisation correspond parfois au strict minimum requis mais qui possède en revanche une expérience de travail marquée.

Troisièmement, il y a ceux dont la sous-scolarisation maintient devant eux un perpétuel obstacle à l'atteinte de cette reconnaissance. Ce dernier groupe alimente d'ailleurs toute la vaste problématique de l'emploi. À la lumière de ces faits, nous sommes d'avis que la pratique de cette théorie n'améliorerait en rien la productivité du travail mais contribuerait plutôt à en élargir le nombre de bénéficiaires.

Il est indéniable en définitive, de reconnaître ces gens comme des travailleurs potentiels. Cependant, il est fondamentalement irrationnel de les inciter à déployer des énergies pour la

recherche d'emploi sans avoir préalablement fourni les outils propices pour répondre aux exigences du marché du travail.

La surprenante approche gouvernementale quant à l'application d'une nouvelle structure de barèmes nous porte à croire que le gouvernement persiste à jouer à l'autruche et se rend ainsi complice d'une situation de plus en plus problématique. En effet, celle-ci toucherait à la baisse les prestations d'une majorité de bénéficiaires. Or, cette attitude négative affecterait directement toute la théorie des besoins physiologiques de l'individu dont ie rapport de causalité agirait comme un agent démuitiplicateur en termes de motivation. On peut d'ailleurs constater, à la page 7 du mémoire proposé par notre organisme, l'écart dont souffrirait cette proportion de bénéficiaires advenant l'application de ces nouvelles mesures. L'hypothèse retenue pour élaborer ce tableau est celle d'un adulte apte et âgé de plus de 30 ans, avec un enfant à sa charge. On est à même de constater, à la lumière de ces données, le manque à gagner plutôt significatif résultant des mesures proposées comparativement à la situation actuelle indexée en 1989,

D'autre part, et de façon à compenser ces pertes, le gouvernement propose, parallèlement à cette nouvelle structure de barèmes, d'augmenter les exemptions relatives aux gains de travail. Cependant, je vous pose ici la question, quels en seront les avantages pour les étudiants dont les résultats sont proportionnels au nombre d'heures consacrées à l'étude? De plus, il nous a été impossible de retrouver à l'intérieur du document d'orientation tes données relatives au remboursement de frais de scolarité et de matériel didactique ainsi que celles d'une politique quant à la garde des enfants, pour les bénéficiaires participant à des mesures de développement d'employabilité.

L'évaluation des programmes actuels est un autre aspect de la problématique de l'aide sociale qui est totalement imperceptible dans le document d'orientation. Étant donné que les programmes de formation étaient, à leur début, sous une forme expérimentale, ils se devaient d'être suivis pour en mesurer l'efficacité d'une forme concrète d'évaluation. Malheureusement, ceux-ci n'ont à ce jour subi aucune forme systématique de contrôle. Pourtant, les besoins des usagers de ces programmes ont nécessairement évolué au fil des ans. En effet, on est à même de constater, depuis quelques années, le fouillis dans lequel ce type d'étudiants doivent évoluer. Fouillis administratif dont le sous-financement de certains types de formation est dû à l'incohérence des principaux ministères concernés, c'est-à-dire celui de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ainsi que le ministère de l'Éducation. Également les accords Québec-Canada en matière d'éducation laissent au gouvernement fédéral la liberté d'intervention dans les politiques éduca-tionnelles du Québec. Aussi, les structures d'accueil et de référence de premier niveau, c'est-à-dire les centres de Travail-Québec et ceux d'Emploi Immigration Canada sont, à notre avis, l'un des changements importants à envisager quant à la réorganisation de ces programmes. Effectivement, ces derniers ont vu, avec l'arrivée de ces programmes, l'accroissement de leur mandat dans lequel fut inclue la délicate tâche de diriger les bénéficiaires vers un programme de recyclage défini. Cependant, la tendance relative à ce désordre a et a eu la malheureuse conséquence de favoriser un retour diligent des bénéficiaires vers le marché du travail. C'est d'ailleurs dans ce contexte non professionnel que les bénéficiaires doivent établir un choix, non pas en fonction de leurs aptitudes ou de leurs attentes, mais selon le seul critère de l'accessibilité aux ressources financières. En somme, cet état de choses entraîne des répercussions plutôt coûteuses pour la société car les bénéficiaires, mal dirigés pour beaucoup, seront enclins à redécrocher.

D'autre part, quand on parle d'éducation permanente, on doit nécessairement penser aux trois niveaux s'y rattachant: le secondaire, incluant l'alphabétisation, le collégial et celui des études supérieures. Alors qu'une stratégie à long terme viserait à améliorer le climat et à créer chez les bénéficiaires une certaine confiance dans le devenir de ces programmes, le gouvernement, quant à lui, s'obstine à développer une philosophie dite du court terme, réduisant à néant toute initiative en ce sens. Actuellement, aucune politique officielle n'a été élaborée de façon à garantir aux adultes la formation minimale de base, soit le secondaire V. Conséquemment, le système tel que proposé par le gouvernement ne peut répondre aux exigences actuelles de la société. Devrons-nous, pour pallier ces nombreuses lacunes, créer un processus annuel de réforme?

Par ailleurs, les étudiants choisissent quelquefois un mode de formation autre que celui à temps plein et ce, pour différentes raisons dont, entre autres, les personnes ayant une santé précaire et celles qui désirent prendre part activement au développement de leur famille. On les surnomme alors les étudiants à temps partiel. Toutefois, ces personnes n'étant pas reconnues comme de véritables étudiants seront, en conséquence, exclues de presque toute forme possible de financement. Pourtant, cette formule répond à un réel besoin de la société et doit être envisagée comme telle.

Ce qui m'amène. M. le Président, à formuler les recommandations suivantes:

Attendu que le gouvernement propose de réviser à la baisse les prestations de base à l'égard d'une majorité de bénéficiaires;

Attendu qu'il est proposé d'offrir, pour compenser cet abaissement, une augmentation des exemptions relatives aux gains de travail, laquelle discriminerait plusieurs individus dont le cheminement à temps complet dans l'un ou dans

l'autre des programmes de formation, les laisserait dans l'incapacité de percevoir ces sommes.

Attendu que le montant de ces exemptions est égal à la perte que subiraient les bénéficiaires par rapport à la situation actuelie indexée advenant la concrétisation de ce projet de réforme, la FAQEESA recommande, en conséquence, que la somme allouée à ces exemptions soit intégrée aux prestations de base des bénéficiaires inscrits dans les divers programmes de formation mis à leur disposition.

Recommandation 2. Attendu que la présente conjoncture relative au marché du travail subit de profondes transformations technologiques dont la décroissance des emplois de type manuel en est la première conséquence;

Attendu que la clientèle employable souffre majoritairement de sous-scolarisation évidente et présente également des caractéristiques sociales particulières telles que le recours prolongé à l'aide sociale, la situation familiale, le peu d'expérience de travail et les personnes vivant seules;

Attendu qu'il est paradoxal de fournir des énergies afin de maintenir et de développer des emplois temporaires qui n'offriraient aucun intérêt pour l'avenir;

Attendu que l'approche gouvernementale consiste, et ce sans égard à la situation conjoncturelle de l'emploi, à contraindre les bénéficiaires d'adopter une attitude positive face à ce type d'emploi;

II est recommandé, en conséquence, par la FAQEESA, que le gouvernement adopte une attitude plus rationnelle et propose aux bénéficiaires, notamment envers ceux qui présentent des faiblesses quant à leur formation, d'accéder à des mesures relatives à l'éducation dès qu'une décision positive aura été formulée à l'égard de leur admissibilité à l'aide sociale. Que le gouvernement développe et approuve une politique intégrée de l'emploi dont la caractéristique fondamentale viserait à reconnaître l'essentiel besoin de formation adapté à ce renouveau technologique.

Recommandation 3. Attendu que les structures d'accueil et de référence des centres de Travail-Québec ne peuvent répondre adéquatement aux attentes des bénéficiaires en les dirigeant vers une formation dont ils portent peu d'intérêt;

Attendu qu'un des concepts fondamentaux de ce projet de réforme consiste à favoriser le retour diligent des bénéficiaires sur le marché du travail sans en avoir préalablement analysé leurs aptitutes;

Attendu que les programmes de formation ne peuvent garantir l'apprentissage minimal de base, c'est-à-dire l'atteinte du niveau secondaire V et que la stratégie gouvernementale ne repose aucunement sur un concept, tel l'éducation permanente, dont le fondement se caractérise d'ailleurs par des objectifs à long terme;

Attendu que les mesures de développement et de l'employabilité appliquées présentement, c est-à-dire le rattrapage scolaire, les stages en milieu de travail, les travaux communautaires, n'ont subi à ce jour aucune forme concrète d'évaluation relativement à l'évolution des besoins de leur clientèle;

Attendu que le statut d'étudiant à temps partiel correspond à un réel besoin, d'ailleurs un tel mode de formation mis en parallèle avec la pratique serait plus naturellement bénéfique compte tenu des conséquences positives en termes de quantité et de temps d'apprentissage qu'il produirait;

Attendu que l'infrastructure des programmes de formation ne pourrait être en mesure d'absorber actuellement une augmentation massive du nombre d'usagers;

Attendu que des faiblesses ont été constatées et dénotées à plusieurs niveaux dans ces programmes et. de ce fait, qu'aucune volonté politique n'a été démontrée de façon à corriger ces lacune;

En conséquence, la FAQÉÉSA recommande que le gouvernement reconnaisse et applique des méthodes systématiques d'évaluation pour les progammes de formation en cours afin de répondre aux besoins immédiats et à long terme des utilisateurs et ce, dans l'optique d'un développement réel de la main-d'oeuvre employable. Pour cela, il sera essentiel de prendre en considération les éléments qui ont été traités dans le présent document, à savoir l'établissement d'une structure plus personnalisée d'accueil et de référence indépendante et capable d'orienter adéquatement les bénéficiaires vers le marché du travail selon leurs ambitions et aptitudes, l'établissement d'une politique transparente en éducation pour adultes et fondée sur le concept de l'éducation permanente afin de promouvoir et de susciter l'intérêt face à l'entrepreneurship québécois, l'établissement d'un statut pour les étudiants à temps partiel afin de créer chez eux ou chez elles la motivation nécessaire à leur cheminement et développer ainsi un monde fonctionnel d'enrichissement de la collectivité.

En conclusion, j'aimerais ajouter que les bénéficiaires attendent davantage d'un projet qui se veut axé vers le développement de l'employabilité. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Nous vous remercions. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Neault, on vous remercie de même que la Fédération des associations québécoises des étudiants et des étudiantes de secondaire pour adultes pour le mémoire et pour la présentation que vous venez de faire.

Je suis limité dans le temps. Je vais traiter des recommandations que vous nous adressez dans un deuxième temps. Premièrement, vous me permettrez de replacer, encore une fois, dans le

contexte la clientèle du programme de sécurité du revenu. Vous savez que, présentement, sur les 400 000 ménages qui dépendent, comme unique moyen de subsistance, de l'aide sociale, il y en a environ 25 % qui sont ou qui seraient considérés comme admissibles au programme Soutien financier parce que ces personnes, sur une longue période de temps, ne peuvent subvenir par leur travail, à leurs besoins.

Vous savez également que les 75 % qui restent de la clientèle des quelque 300 autres ménages sont dans une situation qui, souvent, les empêche même d'avoir la possibilité de présenter leur candidature à une offre d'emploi. 36 % de ces gens qui sont considérés comme aptes au travail sont des analphabètes fonctionnels. 60 % n'ont pas terminé leur secondaire et 40 % n'ont pas d'expérience de travail. C'est la clientèle avec laquelle il nous faut travailler. Vous comprenez qu'il y a la des barrières qui sont érigées entre le marché du travail et le niveau d'employabilité de cette partie de la population.

Mais, comme vous êtes le premier à avoir soulevé un élément que je qualifierais de nouveau dans ie débat, je vous adresserai quelques questions. Vous êtes également le premier à le critiquer. Il ne faut pas que vous vous en fassiez un complexe, ce n'est pas parce qu'on est le premier à critiquer quelque chose que cela ne mérite pas d'être critiqué. Vous avez parlé dans votre énoncé des accords Canada-Québec et vous les avez critiqués. Étant donné que c'est la première fois comme ministre responsable, pour tes avoir négociés, que je reçois une critique, j'aimerais que vous explicitiez parce que vous êtes les clients, finalement, qui sont censés recevoir les services négociés en haut lieu.

Quelles sont les critiques spécifiques que vous adressez à ces accords Canada-Québec sur la formation?

M. Neault: Je peux répondre à votre question, M. le ministre. C'est évident que depuis que ces accords ont été produits, il y a eu, si on veut, un dédoublement dans les services offerts aux personnes qui désirent étudier, c'est-à-dire qu'il y a deux clientèles potentielles, parce qu'il y a deux réseaux potentiels. Il y a la clientèle des bénéficiaires d'aide sociale, comme telle, et il y a la clientèle des chômeurs.

Cette clientèle de chômeurs sera dirigée, dans un premier temps, via les services des centres d'emploi et immigration du Québec, vers une formation professionnelle offerte par la Commission de formation professionnelle du Québec. On ne prend pas en considération que ces gens puissent vouloir recevoir une formation autre que professionnelle. C'est-à-dire qu'une personne voulant devenir technicien en laboratoire, ce qui demande de l'étude générale au début et non de l'étude professionnelle, cette personne pourra même être refusée dans tes programmes, compte tenu de la priorité nationale que le gouvernement fédéral demande aux provinces, au Québec, en particulier, d'engager ces étudiants.

Donc, on peut vraiment voir qu'if y a une problématique de créée à ce point de vue-là. Les gens qui vont évoluer dans quelque chose et se rendre compte, finalement, que ce n'est vraiment pas ce qu'ils veulent avoir, vont être aptes à redécrocher du système. Au bout de 52 semaines, comme on le sait, ils deviennent automatiquement bénéficiaires de l'aide sociale s'ils n'ont pu se trouver un emploi.

C'est vraiment un contexte qui est à faire ressortir, parce que c'est avec ça qu'on peut vraiment voir que les bénéficiaires tournent et retournent constamment dans le cercle vicieux de l'aide sociale. Tout cela est basé sur l'orientation de ces étudiants.

Le Président (M. Laporte): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens à vous remercier de votre témoignage pratico-pratique. Il aidera celui ou celle qui aura à négocier les prochaines ententes Canada-Québec dans le domaine, et je peux vous assurer que le témoignage que vous avez livré ce matin sera également porté au dossier des négociations des ententes Canada-Québec.

En ce qui concerne les recommandations que vous nous adressez, à l'effet que la somme allouée aux exemptions soit intégrée aux prestations de base pour tes bénéficiaires inscrits aux programmes de formation, vous demandez donc un barème différent?

M. Neault: Non, pas un barème différent, M. le ministre, mais plutôt que de diminuer les prestations de base de tous les individus et de compenser par l'augmentation d'exemptions relatives aux gains de travail, ce qu'on demande, ce qu'on propose, c'est que ces exemptions, pour des étudiants qui étudient à temps plein et qui se doivent de le faire, que ces exemptions soient ajoutées à leurs prestations de base, de façon à les motiver pour qu'ils puissent continuer à étudier.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela clarifie cette demande. Que des mesures relatives à l'éducation soient accessibles dès l'admission à l'aide sociale et, si je comprends bien, vous faites référence a la période des neuf premiers mois, là-dessus, la réponse est la suivante: Les bénéficiaires qui désirent participer à un programme de rattrapage scolaire ou de formation n'auront pas à attendre neuf mois. Ils feront partie des clientèles cibles. Donc, il n'y aura pas d'attente de neuf mois pour ces clientèles sauf que, vous comprendrez, nous sommes également un peu victimes des sessions scolaires. Il est possible que la personne soit en attente de mesures jusqu'au début d'une session scolaire, si c'est au niveau secondaire, et que la session

commence en septembre ou en janvier. Nous sommes pris dans cette contingence qui nous est imposée par les négociations qui ont cours dans un autre ministère, qui s'appelle le ministère de l'Éducation, entre le ministère et la Centrale des enseignants du Québec.

M. Neault: J'aimerais ajouter à ça, M. le ministre, qu'au niveau secondaire, il y a cinq à six entrées d'étudiants par année.

M Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Disons qu'à chaque fois qu'il y aura une porte d'entrée, les clientèles y seront dirigées sans qu'on ait besoin d'attendre d'avoir complété une période de neuf mois. Que la formation soit adaptée au renouveau technologique de l'emploi. Vous avez là tout un beau défi. Comme ministre responsable non pas de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, mais surtout du Travail, j'ai eu à attaquer de front cette problématique dans

Iindustrie de la construction en mettant sur pied la Commission de la construction du Québec ou siègent des représentants du patronat, des travailleurs, du ministère du Travail, du ministère de la Main-d'Oeuvre et du ministère de l'Édu-ducation, de façon à s'assurer que la formation que nous donnions dans le domaine de la construction corresponde à l'évolution technologique des matériaux de construction et autres.

Nous avons au Québec un réseau de commissions de formation professionnelle dans chacune des régions où siègent également les représentants des employeurs et des travailleurs, généralement des travailleurs syndiqués. C'est le défi que nous posons à ces commissions de formation professionnelle, s'assurer que les évaluations des besoins de main-d'oeuvre tiennent compte des évolutions technologiques de façon que cette information passe du ministère de la Main-d'Oeuvre au ministère de I'Éducation et que les cours qui sont donnés soient des cours qui correspondent, sur le plan de l'employabilité, aux exigences du marché. C'est un défi de taille, je le confesse, mais c'est la voie qu'il faut suivre.

L'établissement dune structure plus personnalisée d'accueil Sur la principe, je pense qu'il n'y a pas de problème, c'est ce que vise la réforme. Maintenant, vous mentionnez dans votre mémoire que la fédération déplore l'absence d'évaluation des programmes de formation et l'inefficacité de la structure d'accueil dans les centres de Travail-Québec, entre parenthèses, SADE J'aimerais vous entendre sur cet élément de votre mémoire.

M. Neault: Tout d'abord, comme je l'expliquais pour les centres d'emploi et d'immigration, il se passe exactement le même problème au niveau des centres de Travail-Québec, c'est-à-dire que les gens sont habilités, via le processus d'un gros livre, à diriger un étudiant vers une formation quelconque Mais est-ce que cette formation conviendra vraiment à un étudiant? On peut lui proposer, oui, si tu étudies tu peux devenir médecin. Mais est-ce qu'on lui spécifie vraiment quelle sera la somme de travail qu il devra mettre pour devenir médecin? C'est ce concept qui n'est pas donné aux étudiants, justement, ce concept qui fait référence à une qualité de vie meilleure en faisant des études, mais sans amener l'étudiant à percevoir le fondement et la dure réalité de cela. Ce qu'on demande, justement, c'est que des gens soient habilités pour diriger les étudiants vers une formation qui répondra vraiment à leurs attentes et leurs aptitudes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les deux dernières recommandations I'établissement d'une politique d'éducation pour adultes fondée sur le concept d'éducation permanente. Vous conviendrez avec moi qu'il s'agit d'une recommandation que vous n'adressez pas strictement au ministère dont j'assume la responsabilité, mais également au ministère de l'Éducation?

M. Neault: Exactement, mais je crois que ces deux ministères, sur le plan de l'éducation, sont indissociables.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiendrais à vous rassurer sur cet élément en disant que les liens entre les deux ministères, depuis les deux dernières années se sont resserrés. Ils étaient, il y a deux ans quasi inexistants.

L'établissement d'un statut pour les étudiants à temps partiel iI s'agit là d'une demande qui nous a déjà été acheminée par un autre groupe, si ma mémoire est fidèle, la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec. Vous pouvez compter, là aussi, sur un allié de poids dans cette revendication. Maintenant, cette recommandation, également, s'adresse aux deux ministères concernés. Comme je me suis engagé à faire des démarches auprès du ministre de l'Éducation sur ce point auprès de la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec, je vous répète le même engagement.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve. (11 h 45)

Mme Harel: Oui, merci, M. le Président. M. Neault, vous représentez la Fédération des associations québécoises des étudiants et étudiantes du secondaire pour adultes.

M. Neault: C'est exact.

Mme Harel: Vous avez été précédé la semaine dernière par une délégation d'étudiants de centres, ici même, à Québec, qui nous ont fait part des difficultés qu'ils rencontraient et aussi du courage qu'il fallait avoir pour retourner aux études après l'échec, souvent, que le système scolaire avait été pour les décrocheurs qu'ils avaient été.

Vous avez parlé de "redécrochage" ou d'abandon. Vous avez parlé aussi dans votre mémoire d'absence dévaluation des programmes. Est-ce que vous entretenez des relations suivies avec le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu?' Est-ce que vous êtes accrédités comme association étudiante dans le processus d'accréditation des associations? Ceci est au ministère de I'Éducation.

M. Neault: Oui, le processus est déjà entamé. C'est-à-dire qu'on a déjà fait part d'une requête au ministère de I'Éducation qui devrait accréditer les associations adultes de niveau secondaire.

Mme Harel: Je pense que cette accréditation donne droit à un financement qui viendrait du ministère de l'Éducation. Est-ce bien le cas?

M Neault: Exactement. De façon à permettre qu'il y ait des individus qui fassent le suivi des dossiers dans les associations et permettent à ces associations de poursuivre selon le processus qui serait entamé.

Mme Harel: Est-ce que, jusqu'à maintenant vous avez entamé des pourparlers pour être reconnus comme partenaires par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu?

M. Neault: Quant aux communications qui ont été faites en ce sens avec le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, je dois dire que j'ai reçu un accusé de réception du ministre qui me stipulait seulement qu'il en ferait référence à son confrère de l'Éducation. Par ailleurs, il y a eu beaucoup plus de développements avec le ministère de l'éducation quant au partenariat et tout ce processus d'implication des étudiants dans leur cheminement.

Mme Harel: Vous êtes des étudiants adultes. Alors je pense que c'est le point de départ. Est-ce que vous êtes consultés dans l'élaboration des programmes pédagogiques, des programmes de formation? En d'autres termes, est-ce que les étudiants que vous représentez ont l'impression d'entrer dans le même système scolaire qu'ils avaient abandonné ou s'il entrent avec de nouvelles conditions dans un nouveau système plus adéquat, plus adapté?

M. Neault: Au départ, la perception du système peut être bonne ou mauvaise, mais on se rend compte que le mur psychologique, on le rencontre après quatre mois.

Mme Harel: Quatre mois?

M. Neault: À peu près.

Mme Harel: Vous chiffrez à quatre mois?

M. Neault: Pardon?

Mme Harel: Vous chiffrez à quatre mois?

M. Neault: Oui avec I'expérience on chiffre à quatre mois. C'est là qu'on peut se rendre compte que les participants, les bénéficiaires qui participent aux programmes commencent à être démotivés, commencent à en percevoir les lacunes. Et, justement, ayant été moi-même président d'une association étudiante en 1985, il y a eu beaucoup de demandes faites en ce sens qu'il fallait améliorer la participation des étudiants dans le processus même. Cependant on doit dire que ce processus là n'a pas tellement évolué. On nous parle beaucoup de comités consultatifs qui font rapport au ministère mais je crois qu'il devrait y avoir aussi une communication qui soit établie, une communication bilatérale, pour ne pas dire trilatérale, avec tous les intervenants concernés dans les ministères. Nous parlons de faire partie du processus décisionnel à partir de la base, c'est-à-dire directement dans les institutions, ensuite dans les commissions scolaires, dans les centres régionaux, pour en venir après cela au ministère directement.

Mme Harel: Selon vous, de quel ordre sont les lacunes? Évidemment, c'est un portrait d'ensemble, peut-être. Mais certains sont venus expliquer que c'était difficile d'étudier avec le ventre vide. Est-ce que les lacunes se situent au niveau des conditions de vie ou des conditions d apprentissage? Vous faites allusion dans votre mémoire à des mesures tatillonnes qui iraient contre l'autonomie des personnes Quelles sont-elles ces lacunes?

M. Neault: Bon, finalement, il y a les ressources financières. Travailler avec le ventre vide est une réalité de tous les jours. On ne peut pas s'en cacher, cela existe vraiment. Par contre, il y a aussi des réalités entre autres, ce qu'on pourrait appeler l'épée de Damoclès au-dessus de la tête des étudiants. Comme il n'y a aucune politique de coulée dans le ciment en matière d'éducation les étudiants se demandent toujours ou ils pourront aller si jamais ces programmes sont coupés. On sait aussi qu'un étudiant peut faire son secondaire, puis vouloir aller au niveau postsecondaire. Là, il rencontre encore de nouveaux problèmes qui, bien souvent, vont lui couper net le chemin dans la progression de ses études.

Alors, l'étudiant sera ramené dans le fameux cercle des assistés sociaux. On lui dira presque daller s'asseoir chez lui parce qu'il n'y a pas d'argent pour lui dans un tel programme. On rencontre cela surtout chez les étudiants à temps partiel. Les programmes ne sont vraiment pas faits pour les étudiants à temps partiel. Pourtant, c'est un type de formation que les étudiants apprécient. Comment espérer avoir une formation quand le ministère ne veut même pas

défrayer les coûts de gardiennage pour des gens qui voudraient persister dans leurs études? il y a vraiment une problématique sociale de reconnaissance On a beaucoup parlé de la variable économique. On ne peut passer à côté de cela. mais ta variable facteur humain, je crois que c'est celle qu'on a le moins touchée. C'est celle aussi dont on ne pourra plus se passer. Actuellement, l'entreprise privée fait des pieds et des mains pour ramener le facteur humain à un niveau acceptable On sait que cela améliore grandement la productivité. Je crois qu'il serait de mise de gérer avec le facteur humain, la politique pour les étudiants.

Mme Harel: Vous avez l'impression que cela augmenterait aussi votre productivité?

M. Neault: Facilement. Les étudiants seraient beaucoup plus intéressés dans leur formation. Ils seraient beaucoup plus motivés. Il y a beaucoup de problèmes d'ordre physiologique qui tomberaient en conséquence, en étant assurés de pouvoir faire une continuité. Quand on parle de continuité, on parle toujours dans l'optique éducation permanente, c'est-à-dire de partir de l'analphabétisme si la personne est analphabète, de continuer au niveau secondaire, d'aller au collège et même daller à l'université. SI on peut s'entendre sur un tel concept, je crois que, déjà là, on augmente de beaucoup la motivation chez les gens.

Mme Harel: La corporation des psychologues est venue nous expliquer qu'habituellement - cela me faisait penser; c'est à peu près les mêmes délais, trois à quatre mois, disons, sans emploi - la personne reste optimiste C'est un peu comme trois ou quatre mois dans un nouveau programme. La personne est optimiste. Après, i! y a une période de frustration. Après, il y a une période d'anxiété et, après, une période d'apathie, lis sont venus nous expliquer, ainsi que la corporation des orienteurs, que cette période d'apathie fait qu'un échec amène ta personne à ne plus vouloir rien entreprendre. Je me disais: J'ai hâte de voir cela avec le ministre. Cela fera à peu près trois mois que son document d'orientation est déposé; i! est encore optimiste, il reste à peu près un mois. Après, iI va tomber dans la période d'anxiété, et je ne sais pas quand il va tomber dans la période d'apathie - ha! ha! ha! - qu'il ne voudra plus rien entreprendre!

Revenons aux étudiants que vous représentez. Est-ce qu'il y a un taux d'abandon relativement élevé ou peu élevé? Est-ce que les études sont adéquates, adaptées? J'ai rencontré à mon bureau un étudiant qui me faisait part que sur le plan académique, c'était bien, mais qu'il n'y avait pas une sorte d'appui du genre second départ qui, chaque matin, lui aurait dit: T'es capable, étant donné que plusieurs avaient de gros problèmes d'estime ou de confiance en eux.

Sur le plan académique, cela va, mais est-ce que vous avez l'impression, quand on retourne aux études en tant qu'adulte, qu'il y a autre chose qui devrait être ajouté?

M. Neault: Exactement. C'est très difficile, dans le système actuel, pour une personne de se réaliser On sait que, pour être capable d'en arriver à se réaliser, il faut d'abord combler tes besoins physiologiques qui sont essentiels Quant à ce niveau, quand les besoins ne sont pas comblés, un étudiant ne pourra jamais en arriver à se réaliser pleinement, d'autant plus...

Mme Harel: Qu'est-ce que vous entendez par besoins physiologiques?

M. Neault: Ce sont les besoins de base, c'est-à-dire se nourrir, se loger. Tout ce que peut comporter un besoin de base, un besoin de confiance en soi-même, ce qui amènera plus lard l'étudiant à être capable de se réaliser. Car, dans le contexte actuel, il y a plein de gens qui n'ont aucune confiance en eux-mêmes, non pas parce qu'ils n'ont aucun potentiel, au contraire, je crois qu'il y a beaucoup de potentiel créateur dans ces gens-là qui pourrait être ressorti, mais ils manquent tellement de confiance en eux-mêmes qu'ils évoluent à pas de tortue ou n'évoluent pas du tout. C'est l'état de confiance justement qu'il faut arriver à élaborer. Je crois que cette élaboration sera justement possible s'il y a une communication avec toutes les instances décisionnelles de façon à amener vraiment les personnes, les étudiants à se prendre en charge.

Mme Harel: Les agents d'aide socio-économiques vous aident-ils?

M. Neault: Encore là, je pourrais reléguer cette question dans la problématique des choses Les agents d'aide sociale ne connaissent pas finalement le système scolaire comme tel. Il peut y avoir une ou deux personnes à l'intérieur d'un bureau régional qui connaissent ie système, mais, en général, les agents ne connaissent pas réellement la problématique. Je crois que même s'ils la connaissaient, Ils n'auraient pas assez de pouvoir pour réagir à cela.

Mme Harel: Quand vous faites allusion aux agents d'aide sociaie, vous pensez aussi à ceux qui s'occupent des mesures d'employabilité. ceux qui rencontrent ceux qui veulent retourner aux études ou faire des travaux communautaires?

M. Neault: Ce sont les deux ou trois personnes qu'il peut y avoir dans chaque bureau régional. Je crois que ces personnes-là n'ont pas !a formation adéquate pour répondre réellement aux besoins des futurs étudiants, si on veut.

Mme Harel: Vous voulez dire qu'ils ne

peuvent pas leur servir de conseiller d'orientation C'est cela?

M. Neault: Exactement.

Mme Harel: C'est sur le plan de l'orientation de la personne?

M. Neault: Exactement. Je pense que le coeur de la problématique est axé sur l'orientation même des étudiants.

Mme Harel: Je vous remercie. Lorsque des étudiants adultes des centres de Québec sont venus, et c'est aussi le cas pour vous, je me disais que c'est bien évident, et vous le manifestez comme eux l'ont manifesté, que le potentiel de ceux qui retournent faire leur rattrapage scolaire... Il y a même un journaliste, après ta présentation des étudiants de Québec, qui me disait que ces gens-là parlent comme des sous-ministres. Je pense que cela dénote bien pour mol la concurrence féroce maintenant pour ce qui est de l'emploi parce qu'il faut tellement, d'une certaine façon, pouvoir gérer plein de talents et de qualités parce que c'est de plus en plus exigeant.

Je conclus en disant ceci. Je souhaite que la Fédération des associations québécoises des étudiants et étudiantes de secondaire pour adultes soit vraiment considérée comme partenaire interlocuteur associé. J'imagine que, comme nous, vous n'avez pas encore obtenu l'évaluation des mesures jusqu'à maintenant offertes aux moins de 30 ans, à savoir combien les ont utilisées, combien, du fait de leur utilisation, ont trouvé un emploi, combien sont revenus à l'aide sociale, combien ont poursuivi au niveau collégial? Ce sont là des données qui seraient indispensables pour nous brosser un tableau d'ensemble.

M. Neault: Exactement.

Mme Harel: J'imagine que vous les souhaitez autant que je les souhaite.

M. Neault: On les souhaite et nous n'avons pas les ressources financières pour élaborer un tel tableau.

Mme Harel: Nous non plus. De toute façon, si le ministre croit de façon aussi sincère qu'il faut le présumer, à son plan, on ne comprend pas qu'il retarde de rendre publiques ces données de base qui sont indispensables. Je vous remercie.

M. Neault: Exactement.

Le Président (M. Laporte): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. M. le ministre, pour l'adresse de la fin. (12 heures)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Neault, je tiens à vous remercier pour votre mémoire et pour l'argumentation que vous nous avez servie sur les ententes Canada-Québec. Je retiens également, dans l'ensemble des sujets que vous avez abordés, toute la question du statut des étudiants à temps partiel qui sont un peu placés dans ce qu'on appelle un "no man's land", entre le ministère de l'Education et le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu et qui auraient tout avantage à resituer leur statut ou à repositionner, pour une fois, ce statut de l'étudiant à temps partiel.

Je voudrais également vous féliciter pour la qualité de votre argumentation verbale. Vous vous êtes présenté seul. Cela prenait le courage de le faire, mais vous ne l'avez pas fait seulement avec courage, vous l'avez fait, comme l'a souligné Mme la députée de Maisonneuve, d'une façon claire et précise. Au nom de la commission, je vous en remercie.

Le Président (M. Laporte): La commission tient à remercier M. Neault, représentant de ia Fédération des associations québécoises des étudiants et étudiantes de secondaire pour adultes, pour la présentation de son mémoire. Nous vous souhaitons un bon retour. Merci bien.

J'inviterais maintenant le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec à prendre place à la table, Mmes Blanchard et Laurin et M. Morin.

Le Président (M. Bélanger): Oui, je vous en prie, M. le ministre. Si vous permettez quelques Instants, M. le ministre a dû s'absenter.

Nous recevons donc le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec représenté par Mme Michèle Blanchard, Mme Claudine Laurin et M. Paul Morin. Je vous prierais, premièrement, d'Identifier votre porte-parole, deuxièmement, de bien vouloir vous identifier. Chaque fois que vous aurez à prendre la parole, vous voudrez bien donner votre nom auparavant pour les fins de transcription au Journal des débats.

Vous avez vingt minutes fermes pour présenter votre mémoire. Je vous invite donc à vous identifier et à procéder à la présentation de votre mémoire.

Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec

Mme Blanchard (Michèle): Merci, M. le Président. Je suis Michèle Blanchard, présidente du ' Regroupement des ressources alternatives en santé mentale; voici M. Paul Morin, agent de développement à la permanence du regroupement. Nous voulons excuser Mme Claudine Laurin qui a eu un malencontreux accident de ski et s'est cassé un bras. Elle ne pouvait pas venir aujourd'hui.

D'abord, peut-être pour situer les gens, on

aimerait vous parler un peu du regroupement, quel est rapidement son objectif, de qui on parle et pour qui on vient vous parler aujourd'hui. Le regroupement des ressources alternatives existe depuis 1982. Il représente 40 groupes membres au Québec dont les secteurs d'activité sont dans le domaine des ressources qui offrent beaucoup d'appui par l'entraide, le travail et une intervention thérapeutique dans les milieux d'hébergement aussi.

On parle d'une clientèle qui sort et rentre très souvent dans un hôpital psychiatrique. Une recherche en 1986 nous a permis d'identifier que 95 % de notre clientèle sont des bénéficiaires de l'aide sociale. C'est pour cela, aujourd'hui particulièrement, qu'on vient vous parler puisque notre clientèle va être très touchée, d'après ce qu'on comprend de la réforme qui est proposée. Notre clientèle aussi en est une qui est relativement abîmée, abusée par les problèmes qu'elle vit, émotionnellement parlant. Ce sont des gens qui vivent très souvent seuls et isolés, donc, qui se retrouvent en chambre ou en petit logement et sont, pour la plupart encore, suivis en thérapie et "médiqués". On vient vous parler au nom de plusieurs personnes psychiatrisées au Québec, au nom des ressources alternatives qui ont formé un comité ad hoc pour étudier la réforme et, aujourd'hui, on voudrait vous présenter quelques points sur lesquels nous sommes très inquiets.

D'abord, en guise d'introduction, on voudrait vous dire rapidement qu'en plaçant la notion d'employabilité au coeur du système et son corroliaire, l'expertise, la réforme favorise l'arbitraire et situe les carences, encore une fois, chez la personne comme individu. Je voudrais seulement vous dire qu'on ne veut pas lire notre mémoire. J'espère que vous en avez une copie. On voudrait vous résumer quelques points pour pouvoir recevoir vos réactions.

Selon nous, c'est inquiétant, cette notion d'employabilité et la façon dont elle est présentée. En plus d'avoir un diagnostic, par exemple, d'être schizophrène, on se retrouve avec une catégorie en plus, c'est-à-dire employable ou inemployable, une étiquette de plus, une catégorisation de plus. C'est très inquiétant, selon nous, pour la santé mentale de milliers de personnes qui, déjà, ont de la difficulté à vivre avec l'étiquette qu'on leur a fait subir en psychiatrie. C'est un certain recul social dans la description qu'on veut amener aujourd'hui dans la réforme.

M. Morin (Paul): Par rapport à la partie de notre mémoire intitulée: De la pauvreté, je ne reprendrai pas les différentes études, recherches qui sont citées dans notre mémoire. Je pense que d'autres organismes l'ont aussi fait, montrant de façon claire et précise qu'il y a une reproduction des inégalités ici, au Québec. Tout simplement pour dire aussi, par rapport à cette section, que le regroupement est membre de la COPMAN, la Confédération des organismes provinciaux de personnes handicapées du Québec, qui a été entendue la semaine passée. Ces gens ont aussi parié dans leur mémoire, sous cette section, de la pauvreté. Tout simplement, peut-être, pour souligner une recherche qui a été publiée l'an passé par le Centre des services sociaux du Montréal métropolitain intitulée: La distribution de la pauvreté et de la richesse dans les régions urbaines du Québec. La recherche soulignait que sur le plan de la santé mentale, la pauvreté et le chômage ont pour conséquence, de plusieurs manières, d'augmenter le risque de problèmes de maladies mentales. Une maladie mentale constitue un des problèmes de santé les plus importants de notre société. Ce groupe de maladies vient au premier rang dans l'ordre des dépenses publiques de santé au Québec.

Dans le même ordre d'idée, j'aimerais citer un paragraphe du mémoire écrit par le comité exécutif de la Conférence des CRSSS. Ce paragraphe fait référence à ce qui suit: Considérant que les personnes à faible revenu vivant dans des conditions socio-économiques défavorables sont reconnues à risques pour une multitude de problèmes sociaux et de santé, nous sommes inquiets du fait que le projet de politique de sécurité du revenu ne contienne pas de préoccupations relatives aux besoins socio-sanitaires des personnes bénéficiaires de l'aide sociale. Mme Michèle Blanchard va justement enchaîner sur les conséquences que cela peut avoir pour notre monde.

Mme Blanchard: D'abord, la notion d'expertise nous inquiète. Oui sera, à ce moment-ci, l'expert pour décider si une personne démontre une aptitude ou une inaptitude à travailler, une disponibilité ou non, temporaire ou permanente. Tous ces termes sont très épeurants pour une population qui déjà, comme vous pouvez l'imaginer, doit passer par un réseau qui a beaucoup trop utilisé de ces diagnostics et terminologies pour encore stigmatiser les gens. C'est aussi, pour nous, un recul quant aux propositions que nous avons faites à la commission parlementaire, il y a quelques semaines, sur le projet de la réforme en santé mentale. C'est encore un pouvoir de plus qu'on donne aux médecins. Comme pouvoir, on se pose la question: est-ce qu'on ne va pas à l'encontre d'un essai, comme le proposait la réforme en santé mentale, d'ouvrir un plus grand partenariat des gens qui travaillent dans le milieu? Si ce ne sont pas les psychiatres, à ce moment-là qui seront les experts? Qui va entraîner ces gens qui doivent décider du sort des gens, à savoir s'ils sont employables ou non?

Donc, cela a un impact énorme sur la santé mentale de laisser encore aux professionnels de la santé le soin de décider qui est employable ou non. Aussi, dans une relation d'aide qui se crée entre thérapeute et client, évidemment, de savoir que son thérapeute aura un certain jugement à porter, cela aura certainement des effets sur le

type de relations que peut avoir un client avec son thérapeute. Pour ces raisons, on croit que ce sera encore un recul puisque les gens devront adopter une certaine aptitude et vont tout faire, à tout prix, pour pouvoir survivre et démontrer qu'ils sont, en effet, très malades. À ce moment-ci, cela va à ['encontre terrible, selon nous, d'une réintégration sociale où les ressources alternatives et les gens du réseau de la santé mentale essaient d'encourager les gens à briser leur statut de malade. Mais s'il faut à tout prix démontrer à son médecin que, pour survivre, on est malade, c'est ce qui va se passer. Cela démontre qu'il va falloir travailler à une carrière de malades mentaux pour pouvoir survivre. C'est forcément cela.

C'est aussi une dévalorisation personnelle, je crois, qui sera ajoutée, donc aggravée. La réforme incite alors pour qu'ils soient encore plus stéréotypés et classifiés. Pour nous, cela ne fera qu'augmenter évidemment les coûts des soins de santé et des services sociaux, en plus de provoquer une autre couche de personnes qu'on va taxer d'improductive. Donc, le programme soutien financier n'y changerait probablement rien.

Je voudrais vous rapporter un fait. On vient de me téléphoner pour me dire que, à Verdun, dans notre quartier, 500 bénéficiaires viennent de recevoir des cartes les avisant qu'ils n'auront pas leur chèque aujourd'hui, c'est le 1er mars, et qu'ils doivent se présenter au bureau de l'aide sociale le 4. Donc, Ils n'auront pas leur chèque avant le 4. Il y en a une quinzaine qui sont venus ce matin, en panique générale, pour nous dire qu'ils n'auront pas leur chèque aujourd'hui. Ce qui m'incite à vous poser la question... C'est inquiétant pour nous de venir ici pour partager nos craintes avant que la réforme ne soit mise en branle. Est-ce que ce n'est pas un début de la machine qui commence à faire ses investigations? Je peux vous assurer que l'angoisse et l'anxiété qut sont créées chez les clientèles dont on vous parle sont très grandes. Du fait de ne pas pouvoir payer son loyer aujourd'hui, de ne pas pouvoir aller s'acheter de la nourriture, ce sont des gens qui vont aboutir forcément à l'urgence d'un hôpital plus rapidement qu'on ne l'espérait.

M. Morin: Brièvement, simplement pour enchaîner sur quelques points de ce programme, Soutien financier, je pense que Mme Blanchard a déjà beaucoup élaboré sur toute la question de l'inaptitude qui est te coeur du programme. On a simplement remarqué que le ministère prévoit une baisse des prestataires puisque, d'après les statistiques, on prévoit que le nombre de ménages non-employables passerait de 103 744 en mars 1987 à une estimation de 95 000. Donc, sans tomber dans le procès d'intention, on peut imaginer que cela constitue un resserrement des critères. Cela nous amène à nous poser de sérieuses questions sur les critères selon lesquels on jugera de l'inemployabllité d'une personne. Dans ce sens-là, ce que nous disons, c'est qu'il peut y avoir une "incentive" à être reconnu participant au programme Soutien financier. Dans ce sens, cela peut renforcer l'arbitraire psychiatrique, puisque la différence est grande entre le programme Soutien financier et le programme APTE..

Ce que nous disons, c'est que la catégorisation employable ou non employable n'est pas une solution aux conditions de vie misérables des personnes psychiatrisées. Dans ce sens-là, le programme APTE non plus, n'est pas vraiment une solution dans le sens que celui-ci relève d'une conception coercitive de la vie en société et crée, de façon non équivoque, une réserve de main-d'oeuvre à bon marché. Dans notre mémoire, par exemple, on se demandait si le gouvernement n'est pas en train de s'assurer d'une main-d'oeuvre à bon marché pour ses projets de désinstitutionnalisation et de non-institutionnalisation. Ce qu'on veut dire par là, c'est que, par exemple, on développe beaucoup de projets de maintien à domicile. Par exemple, dans l'Etat de New York, on a beaucoup développé de projets de maintien à domicile, mais il y a beaucoup de problèmes parce que les employés sont sous-payés. (12 h 15)

Cela veut dire que si, au Québec, on veut développer ce type de projet de maintien à domicile, il faut que les employés qui s'occupent des personnes handicapées qui veulent rester chez elles soient payés. Alors, encore là, sans tomber dans le procès d'intention, on peut se demander si... Parce qu'il existe, par exemple, dans le domaine des travaux communautaires de tels types de programmes qui aident les personnes handicapées à rester dans le cadre de maintien à domicile. Est-ce qu'on veut généraliser ce type de travail? Nous sommes absolument contre une généralisation de ce type de travail par rapport à la qualité de vie des personnes handicapées qui veulent rester à domicile.

On se pose aussi de sérieuses questions par rapport à la fameuse catégorie admissible, non-disponible, parce qu'on a fortement l'impression que cela va toucher beaucoup de personnes chez nos membres et entraîner d'énormes problèmes de santé mentale. Quand on parle de révision mensuelle, je ne sais pas si on s'imagine, en termes bureaucratiques, ce que cela peut provoquer comme machine.

Mais, ce qu'on sait, par exemple, c'est que cela va injecter de nombreuses personnes dans la catégorie employable qui vont être prises dans un marché du travail ultra-compétitif et ce qui fait en sorte que ces personnes, qui sont souvent très fragiles, peuvent facilement se retrouver chez les ressources ou à l'urgence psychiatrique.

Dans notre mémoire, on parlait aussi du caractère discriminatoire que ce programme

exerce envers les femmes. On ne s'étendra pas là-dessus Cela a déjà été souligné par 'd'autres personnes. Il y a aussi la question de la discrimination fondée sur l'âge qui est abolie, mats le principe de contribution parentale est introduit. Encore là, d'autres l'ont amenée et on ne s'étendra pas là-dessus.

Mme Blanchard: On achève. On voudrait peut-être préciser l'aspect de l'entraide et de l'hébergement et le travail dans nos ressources alternatives. On a focalisé depuis plusieurs années un travail assez important vers l'entraide. Cela touche... Dans la réforme, on s'inquiète de la façon dont on veut pénaliser les personnes qui seraient peut-être considérées aptes et, donc, pénalisées à une réduction de leur chèque d'aide sociale, si elles vivent à deux ou trois ensemble en logement. Pour nous, c'est assez surprenant de voir une telle démarche. On trouve qu'on a tellement travaillé longtemps à ce que les collectivités s'entraident, qu'il y ait moyen de vivre avec une meilleure qualité et un peu plus de dignité humaine en partageant des logements. Chez nous, par exemple, à Verdun - M. Polak est notre député - il y a eu un effort énorme pour créer des milieux de vie plausibles où les gens peuvent partager des logements. Si la réforme est prise telle quelle, cela nous inquiète quant à ces projets, évidemment, qui non seulement aident les gens à joindre les deux bouts à la fin du mois, mais aident leur santé mentale, c'est-à-dire tes aide à briser l'isolement dans lequel la plupart sont pris.

Sur le plan du travail, nous voudrions simplement vous dire que les ressources alternatives ont aussi essayé de développer des milieux, des plateaux de travail parce que la majorité de notre clientèle veut travailler. C'est très clair, j'ai fait une recherche personnelle, chez nous, chez des gens institutionnalisés depuis des années, tout le monde veut travailler, mais le problème est que le niveau du travail qu'on exige d'eux n'est pas dans leur capacité. Nousproposons évidemment, dans nos ressources, d'adapter des milieux de travail où les gens peuvent se sentir utiles et à part égale comme citoyens dans la société dans laquelle on vit. Par exemple on a un projet Cyclo-ballade, qui est très populaire chez nous, qui a été lancé par une ressource, Maison Saint-Jacques, une entreprise de location et de réparations de bicyclettes, au Vieux-Port de Montréal. Il y a aussi une ressource qui s'appelle le réseau d'aide Le Tremplin, à Drummondville, qui développe les possibilités de l'empioyabilité, de la recherche d'emploi et de l'accompagnement, et cela fonctionne. Avec un soutien, les gens désirent travailler le maximum d'heures qu'ils peuvent par semaine et saris être exploités. Je pense que notre expérience peut vous démontrer que la clientèle veut en effet travailler, mais non pas dans n'importe quelle condition. Il y a possibilité, s'il y a des financements, s'il y a une volonté politique, d'avoir des programmes structurés qui peuvent leur donner le soutien nécessaire pour ce travail.

M. Morin: En conclusion, on citait une recherche qui portait sur l'évolution de la pauvreté et des attitudes face à la pauvreté en Europe. Ce n'était pas cité pour faire preuve d'érudition, mais simplement pour démontrer que c'est un vieux débat de société. La question, justement, d'accorder de l'aide sociale à des personnes aptes ou inaptes au travail, c'est un très vieux débat. On dit qu'il faut faire un choix, que c'est un choix de philosophie et que ce choix ne doit pas être motivé par des considérations de clientèles ou de coûts financiers. On dit que le fait que la notion de pauvreté soit totalement absente du document sur la sécurité du revenu est plus qu'un épiphénomène: elle renvoie au choix fondamental qui nous est proposé, celui de faire abstraction de décennies de progrès social en niant que la sécurité financière est un droit et non un privilège

Nous demandons donc que ce document d'orientation reste sur le plan des intentions et qu'une véritable politique de sécurité du revenu soit établie, qui tienne compte de l'ensemble des problématiques: personnes handicapées, politique familiale, politique fiscale, etc. Un document dont l'une des ambitions est de simplifier le système et qui aboutit à un régime à 54 niveaux ne mérite pas d'autre sort. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie de votre présentation. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Premièrement, je vais vous remercier pour le mémoire et la présentation. Dans un deuxième temps, je vais tenter de discuter un peu, comme vous l'avez fait, sans me référer directement au mémoire, mais je ne peux pas l'oublier non plus parce que votre mémoire contient des éléments qui, je pense, méritent soit des réponses, soit des clarifications sur des interprétations qui peuvent diverger, et c'est là un des buts de la commission parlementaire.

Je vais vous épargner - parce que vous étiez présents dans la salle - la description de la clientèle que vous connaissez bien et je sais que Mme la députée de Maisonneuve va m'en savoir gré. Vous mentionnez que 95 % des personnes avec qui vous transigez sont des prestataires d'aide sociale. Est-ce que les autres 5 % sont composés - si vous le savez, vous me le dites, si vous ne le savez pas, cela va également - de prestataires d'assurance-chômage ou de travailleurs à faible revenu ou d'une combinaison des deux? Ou de non-enregistrés? C'est possible qu'ils ne soient nulle part dans le système.

Mme Blanchard: Je me risquerais à vous dire que les 5 %, s'ils ont été hospitalisés, sont évidemment sans travail. Donc, ils bénéficient

d'une certaine assurance du départ de travail pour une période de temps ou de l'assurance-chômage.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le deuxième élément...

Mme Blanchard: Je voudrais rajouter, M. le ministre, que dans nos recherches aussi, c'est très clair que toute personne qui a passé par l'hôpital psychiatrique une fois dans sa vie n'a presque jamais eu la possibilité de retourner à son projet de travail initial.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous sais gré de le souligner. C'est exactement ce que nous possédons comme information au ministère et c'est une des informations qui nous a amenés à introduire, dans te programme Soutien financier, l'ensemble des éléments que nous y avons introduits à ce jour. Ce qui m'amène à traiter du sujet dont vous avez traité et qui a été repris par M. Morin également. Vous l'avez appelé, dans votre première intervention, la question de l'étiquetage entre aptes au programme Soutien financier et au programme APTE.

Nous avons eu d'autres organismes qui sont venus et qui représentaient des clientèles sensiblement identifiables à celle que vous représentez. Entre autres, Je me souviens du groupe des bénéficiaires de Louis-Hippolyte-Lafontaine, de l'Hôpital Rivière-des-Prairies, etc. Ce qu'ils nous ont demandé, c'est de considérer toute personne comme étant apte au travail et de laisser la possibilité du libre choix. Ils ont également demandé de ne pas marginaliser, si je peux utiliser l'expression, ces gens-là en disant: Une fois que vous avez choisi un programme. II n'y a plus de possibilité d'améliorer votre employabilité ou de participer à des mesures.

Ce que je vous dis - je ne vous demande pas de changer d'idée - c'est que le libre choix dans te programme existe aux deux niveaux. La base de la politique de la sécurité du revenu est de considérer toute personne comme étant apte au travail. Le programme Soutien financier est un programme qui s'applique, suivant sa définition, à des personnes qui, pour une durée prolongée de leur vie, sans que ce soit leur faute, n'auront jamais l'occasion de gagner même le salaire minimum ou un peu plus et de s'accumuler un certain pécule. Il se veut financièrement plus équitable et plus juste pour ces gens-là. Mais il ne leur ferme pas la porte des mesures d'employabllité du programme APTE. Les autres groupes nous ont dit: C'est bien beau, vos mesures d'employabilité du programme APTE, mais, dans certains cas, ces mesures d'employabilité ne sont pas adaptées à nos clientèles spécifiques. J'ai pris bonne note de cette revendication légitime, je pense, des trois groupes, jusqu'à présent, qui nous demandent d'avoir des mesures d'employabilité adaptées aux clientèles spécifiques. Je me demande s'il ne s'agit pas, là aussi, d'une de vos revendications.

Je peux poser ma série de questions. Deuxième question, vous semblez - cela s'est traduit dans vos propos de façon verbale, mais, je pense, encore plus intensément dans votre mémoire - avoir une peur bleue de l'arbitraire - je vais utiliser un terme utilisé par, je crois, M. Morin - l'arbitraire psychiatrique: livrer pieds et poings liés tes personnes que vous représentez ici, ce matin, à cet arbitraire psychiatrique. Vous désirez des éclaircissements, à savoir qui va poser les jugements. Est-ce que ce sera des décisions finales et sans appel? De quelle façon vos gens vont être livrés à ce système? Je vous dirai d'abord que le moyen courant de l'évaluation médicale, dans le cas des gens que vous représentez, c'est l'évaluation psychiatrique, mais ce que l'on retient à partir de l'expérience vécue, c'est que ce ne soit plus obligatoirement par le psychiatre. Je ne vous parle pas d'exclusion totale et complète du psychiatre, mais que ce ne soit plus obligatoirement par le psychiatre. Ce que l'on serait tentés de proposer - j'attends vos réactions également - c'est l'évaluation psychosociale qui serait effectuée, suivant un rapport complet, par un travailleur social, un conseiller en orientation, un psychologue, etc., un groupe multidisciplinaire. Est-ce qu'une telle approche ajouterait à vos craintes face au phénomène de l'arbitraire psychiatrique ou en enlèverait? C'est la deuxième question que j'avais à vous poser sur votre exposé verbal.

L'autre élément, c'est la question de Verdun que vous avez soulevée et vous comprendrez que vous venez de m'en prévenir.

M. Polak: Moi aussi.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le député de Sainte-Anne m'indique que lui aussi. Je considère que c'est là votre rôle de le faire. Je veux ajouter sans crainte que, lorsqu'il y a des ratés dans la machine - on est en train de vérifier si c'est le cas - il faut que nous en soyons avertis et les groupes que vous représentez constituent le niveau d'intervention par excellence pour nous en avertir et nous en prévenir dans les meilleurs délais et sans crainte de représailles quelles qu'elles soient. En tout cas, je pense que, depuis deux ans et demi que j'assume la direction du ministère c'est la façon dont j'ai traité les dossiers. Je pourrais même ajouter ce que fut également, lorsqu'elle en a été avertie, l'attitude de celle qui m'a précédé sous l'ancien gouvernement à ce titre-là. Je n'ai pas eu conscience de représailles adressées à des gens qui ont dénoncé des situations qui ne fonctionnaient pas dans la machine.

Vous parlez de comités de bénéficiaires comme ressources alternatives. Les gens qui se sont ' présentés devant nous nous ont demandé d'impliquer davantage tes groupes communautaires. La réponse a été une ouverture en ce sens-

là et, cette ouverture, je la manifeste à votre groupe également pour que vous deveniez ce que l'on appelle un plateau de travail.

Dans votre mémoire vous traitez des 125 $ pour les personnes hébergées. Je présume que vous avez été averti qu'un comité a été formé de membres du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, du ministère de la Santé et des Services sociaux et des représentants de Rivière-des-Prairies et de Louis-Hippolyte-Lafontaine, pour évaluer, parce que ces 125 $ sont ventilés en fonction de certains besoins. Ce que les groupes de Louis-Hippolyte-Lafontaine et de Rivière-des-Prairies ont demandé entre autres, c'étaient 190 $ plutôt que 125 $. Les gens vont se rencontrer sur une base technique pour s'assurer que les besoins sont comblés.

Vous soulevez dans votre mémoire écrit la question de l'absence de SEMO dans la région de Québec. Celui qui nous quitte à l'heure actuelle me harcèle, depuis que je suis ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu pour que l'on s'assure de l'implantation, dans la région de Québec, d'un SEMO pour personnes handicapées. C'est un besoin que je qualifierais d'essentiel et je vais vous confier que je suis présentement en demande au Conseil du trésor pour l'obtenir. (12 h 30)

Vous avez parlé de la question du partage du logement J'ai peut-être une clarification à apporter et une discussion à entreprendre. Le partage du logement ne s'appliquera pas dans le cas de la majorité des clientèles que vous représentez. Pour les gens admissibles au programme de Soutien financier, iI n'y a pas de partage du logement applicable en vertu de la réforme.

Présentement, vous avez un partage du logement applicable. Dans le cas de toutes les personnes, il est de 85 $. À mon avis, cette attitude va à l'encontre de la politique de désinstitutionnalisation du ministère de la Santé et des Services sociaux. La réforme propose la non-application de ce critère et pour la personne admissible au programme et pour l'autre qui pourrait demeurer avec. Vous aviez raison, ce n'était pas clair dans le mémoire et cela nécessite une clarification.

Dans le cas du programme APTE, partage du logement, vous avez des arguments qui ont de la valeur, qui font appel au concept d'entraide chez tes gens qui, dans la société, sont économiquement au bas de l'échelle. On s'est fait reprocher hier - remarquez que cela a été retiré par, je crois, tes médecins de CLSC - d'avoir un angle ou une conception complètement antifamiliale dans la politique de sécurité du revenu. À titre d'exemple, on donnait la présence d'un enfant jusqu'à deux ans plutôt qu'à l'âge préscolaire. Nous avons manifesté certaines ouvertures à cet effet bien qu'aucune décision ne soit arrêtée au moment où nous nous parlons. On donnait également à titre d'exempte la notion de partage de logement. J'ai sursauté parce que, lorsque les barèmes ont été préparés, avec la collaboration d'autres ministères, nous avons eu des arbitrages et des choix qui ne sont pas toujours faciles à faire en politique.

Si vous prenez le cas du couple dans la société et de la personne seule, vous avez, dans le barème de pleine participation, sans compter les exemptions de travail, un barème de 520 $ par mois pour une personne seule. Par contre - et j'y vais de mémoire - pour un couple sans enfant, vous avez un barème de 840 $. Si vous appliquez la notion de partage de logement, il ne devient plus avantageux de choisir un statut ou l'autre. Mais si vous n'appliquez pas cette notion de partage de logement, n'avez-vous pas ce que nous reprochaient les médecins des CLSC, hier, c'est-à-dire une approche basée sur l'individu qui fait une abstraction complète de l'unité familiale?

Ce sont là mes questions qui sont nombreuses.

M. Morin: Concernant l'expertise psychosociale...

Le Président (M. Bélanger): M. Morin, s'il vous plaît.

M. Morin: Pardon.

Le Président (M. Bélanger): Excusez, il y a une interaction Ici basée uniquement sur la sémantique. On remet la parole à M. Morin.

M. Morin: Concernant la question portant sur l'arbitraire psychiatrique, c'est effectivement intéressant qu'on puisse dire que ce n'est pas obligatoirement le psychiatre. Remarquez que vous n'avez pas vraiment d'autre choix dans le sens que la moyenne d'âge des psychiatres au Québec est de 53 ans. Donc, il se fait une attrition naturelle de ce côté. C'est évident que l'évaluation psychosociale est relativement plus intéressante que l'évaluation médicale. Il n'en reste pas moins que, pour faire une évaluation, il faut accepter le critère d'employabilité, il faut accepter le coeur de la réforme qui est apte ou non. Bon, ce que nous disons, c'est qu'on refuse cette distinction. Dans ce sens, je ne voudrais pas m'embarquer dans ce débat. Effectivement, psychosocial est mieux que médical, mais notre point, c'est que la distinction entre inapte et apte va se faire au détriment de la personne. Il n'en reste pas moins qu'une évaluation psychosociale est encore une évaluation qui relève de l'expertise. Les gens qui sont allés en psychiatrie sont très souvent habitués à se faire expertiser. Dans ce sens, cela ne changera pas grand-chose sur le fond.

Quant au fait que vous souhaitiez que les groupes communautaires deviennent des plateaux de travail. Enfin, je ne sais pas exactement dans

quel sens que vous vouiez aller là-dessus. Ce que nous disions dans notre mémoire, c'est que les ressources alternatives ne sont pas intéressées à présenter ce que vous appeliez, dans votre document, des projets pour favoriser l'employabilité. C'est un peu l'argumentation qu'on a développée tantôt au niveau d'une réserve de main-d'oeuvre à bon marché. C'est évident qu'on pourrait imaginer que les ressources alternatives pourraient développer des projets pour garder les personnes handicapées chez elles. Encore là, par rapport - je n'appelle même pas cela du salaire - à l'argent que les personnes vont avoir pour aider des personnes, par exemple, si c'est un projet de maintien à domicile, je pense que cela peut entraîner des conséquences assez graves pour la personne qui, en termes de qualité de vie, en ce sens, par rapport à nos groupes, je ne pense pas qu'on soit intéressé à présenter des projets pour favoriser l'employabilité. Par rapport aux autres questions...

Par rapport à la référence au comité, sur la question du libre choix, on ne volt pas cela vraiment comme un libre choix. Simplement, la réforme dit: Toute personne est employable de prime abord. Dans ce sens, lorsqu'on dit: La personne est employable et si on veut considérer la personne non employable, il faut qu'il y ait une expertise psychosociale ou médicale pour dire que la personne est non employable. Dans ce sens, on n'appelle pas cela un libre choix. Ce sont beaucoup plus des mesures coercitives qu'un libre choix. C'est carrément une régression plutôt qu'un avancé social dans ce sens. Quant au SEMO, enfin, pour le Québec, on espère que cela va se concrétiser étant une des personnes qui ont travaillé sur ce projet, il y a déjà plus de deux ans, dans le groupe Auto-Psy. Nous espérons que cela va finir par se concrétiser.

Je ne ramènerai pas sur la table - enfin oui, je vais le ramener - ce que la COPHAN a amené la semaine passée, le CT du Conseil du trésor qui concernait les personnes handicapées au plan de leur insertion au travail, je veux bien croire le ministre quand on dit qu'on va favoriser l'employabilité des personnes handicapées. Il n'en reste pas moins qu'il y a un CT sur la table qui vient du Conseil du trésor. Au niveau du partage du logement, j'ai de la misère à comprendre que notre critique du partage du logement fasse abstraction de l'unité familiale.

Mme Blanchard: Je regrette, je n'ai pas compris, M. le Président, ce que vous vouliez dire par...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais vous l'expliquer. Je vais être obligé, faute de temps - et le député de Sainte-Anne insiste pour intervenir - de vous référer au mémoire et à ce qu'ont dit, hier, les médecins des CLSC dans leur témoignage. C'est transcrit, à ce moment, et vous pourrez puiser.

Mme Blanchard: D'accord, merci. M. Morin: D'accord, merci.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve, en vertu de l'alternance.

Mme Harel: L'alternance c'est 20 minutes, 20 minutes?

Le Président (M. Bélanger): Non, c'est au plan des personnes, mais remarquez qu'il n'y a pas de problème.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une nouvelle forme de règlement.

Mme Harel: Cela me fait plaisir de recevoir le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale. J'avais déjà eu l'occasion de vous entendre en entrevue, Mme Blanchard, et de vous rencontrer aussi, M. Morin, sur ces problèmes que vous mentionnez et de mieux connaître aussi un plateau de travail qui s'appelle Cyclo-balade dans le Vieux-Port à Montréal et qui permet aussi de constater qu'il est possible de faire de la réinsertion. Je me souviens d'avoir discuté avec les responsables pour comprendre quelle aide, quel accompagnement ils doivent apporter aux personnes qui leur étaient référées.

Votre mémoire est bien intéressant. Vous l'avez mentionné, il renvoie aussi, en termes d'appui, à celui que la COPHAN nous a présentés. Comme le parti ministériel s'est réservé du temps, je demanderais au ministre, lorsqu'il interviendra de nouveau, qu'il nous dise où en est rendu justement le CT, où en est rendu ce problème qui a été porté à sa connaissance par la...

M. Morin: COPHAN.

Mme Harel:... COPHAN, c'est bien cela. Est-il en demande actuellement pour que soit modifiée la décision gouvernementale qui, au dire de la COPHAN, allait complètement à l'encontre de tous les principes d'intégration sociale des personnes handicapées? Il aura peut-être la chance de vous dire où cela en est rendu. D'autre part, dans l'établissement, finalement, d'une certaine façon, vous êtes le quatrième groupe que l'on reçoit et dans les mémoires qui nous sont présentés, avec la COPHAN, qui portaient plus sur tes déficiences physiques, d'une certaine façon, les deux autres groupes qui sont venus devant la commission représentaient des bénéficiaires de Louis-H. -Lafontaine et de l'hôpital Rivière-des-Prairies et cela portait plutôt sur la déficience mentale, tandis que vous représentez beaucoup plus des personnes qui ont des problèmes de santé mentale. Je crois que c'est vraiment comme une autre dimension qui nous est présentée. J'aimerais vous inviter

peut-être à.

Je dois vous dire que, notamment, tout le préambule de votre mémoire sur la question des fondements de la réforme, à la page 3 et qui s'intitule". De la pauvreté", 'cest sans doute, en deux ou trois pages, celui qui, selon moi parmi les mémoires qu'on a vus jusqu'à maintenant, articule le mieux la problématique. Je suis très surprise des chiffres. Vous y révélez, entre autres, que les maladies mentales constituent l'un des problèmes de santé les plus importants et, notamment, que ce groupe de maladie vient au premier rang dans l'ordre des dépenses publiques de santé au Québec.

Moi, je suis une profane en matière de problème de santé, je I'admets, je connais plutôt les problèmes de société, mais je me familiarise avec les problèmes de santé. Que ce soit là le premier rang des groupes de la maladie dans l'ordre de dépenses publiques, cela doit quand même attirer certainement notre attention et, notamment, la citation que vous faites du comité spécial du Sénat sur la pauvreté, je pense que cest un élément à ajouter à l'examen des propositions d'employabilité pour l'ensemble des personnes de notre société. Vous dites. Le bénéficiaire, comme le propose le document d'orientation, doit donc assumer la responsabilité de son intégration au marché du travail. C'est la thèse du document et vous nous citez le comité spécial du Sénat qui dit: "Les sociétés industrielles entretiennent le mythe de l'incapacité des individus afin de justement cacher l'inégalité des chances inscrites". Nous disons que, non seulement elles ne sont pas incapables, mais elles sont capables de tout. Elles sont tellement capables qu'elles sont même responsables. Le discours en est de "capable", mais de capable qui leur attribue une responsabilité de laquelle se désengage finalement la société.

Vous êtes l'un des premiers à citer le livre blanc sur la fiscalité des particuliers, je crois que vous êtes même le premier, si ma mémoire est bonne. Je trouve cela fort intéressant. Je dois vous dire que je lai lu très attentivement et je vous remercie de. J'avais assez à boire et à manger sans avoir à me rappeler cette citation, je l'avais finalement oubliée et vous me la rappelez à bon droit, qui dit: "Dès qu'un programme de transferts applique une pénalité ou accorde un traitement plus favorable à un groupe particulier de bénéficiaires, selon qu'il répond ou non à des critères précis état de santé, mode de référence, niveau de revenu, il crée, par le fait même, une incitation financière à la fraude. " C'est cette citation qui vous permet de rémettre en cause la distinction entre inapte et apte. Vous nous dites que les personnes vont plaider des troubles émotionnels plus graves pour se faire reconnaître finalement, comme le dit le livre blanc, un niveau de prestations plus élevé.

Le ministre vous a demandé si le fait que ce soit une évaluation blopsychosoclalé qui remplace la simple évaluation médicale cela vous agréait plus. Cest le chemin qu'on ouvre quand on commence à catégoriser ici à votre place, les psychologues sont venus dire. Les médecins ne sont pas encore assez aptes il faudrait en faire partie. Après, il y aura tous les autres professionnels qui vont vouloir aussi, à juste droit, de façon légitime, ajouter leur évaluation à celle des autres pour en faire une la plus globale possible. Et là on "hyperprofessionnalise" et cette "hyperprofesslonnalisation-là" va aussi de pair avec un droit d'appel parce que, évidemment, dans notre société ou il y a légalité des droits et I'absence de discrimination, une décision qui nous concerne peut être contestée. Alors, ià, on s'en va devant des comités de révision devant des commissions d'appel et on judiciarise. Il y a des avocats qui se mettent de la partie et qui veulent, eux, aller plaider pour le patient. On monte comme cela un énorme système, on "build up" si vous me permettez une mauvaise expression, un énorme système et, après cela on est surpris de voir ce qu'il en coûte en coûts de tous ordres à la société Ce sont des coûts de professionnels, des coûts de système.

Est ce que je dois conclure que c'est là votre évaluation du document qui est déposé? Pas du document en entier, j'imagine. Est-ce là votre évaluation de la distinction entre apte et inapte? (12 h 45)

M. Morin: Oui, tout à fait.

Mme Harel: Bien. Cest une pièce que je veux verser, non pas dans mes archives, mais dans les dossiers que je prépare pour mes collègues.

Vous nous dites, à la page 11, que vous craignez une baisse de prestataires notamment si était appliquée cette distinction apte ou inapte parce que vous nous dites qu'il y a actuellement 103 744 ménages non employables, selon les chiffres de mars 1987, et que le document parle d'une estimation de 95 000, donc 8744, presque 9000 personnes qui seraient considérées comme employables. C'est une autre question. C'est presque une chance que M. le ministre se soit réservé du temps, il pourra répondre aux questions mentionnées dans votre mémoire.

Vous nous parlez - à la page 13 - d'une interrogation sur la fameuse catégone admissible non disponible. J'aimerais vous interroger là-dessus. Je pense que vous êtes les premiers à en parler et cela ne m'étonne pas parce que, finalement, les personnes admissibles non disponibles sont celles qui seront éjectées, malgré leur volonté d'être reconnues - tragiquement - comme ayant une carrière en santé mentale. Elles vont se faire éjecter, mais elles ne seront pas nécessairement soutenues pour autre chose et elles vont se retrouver dans la catégone admissibles au programme APTE tout en étant non disponibles parce que malades.

Est-ce que vous avez l'impression que c'est là où on va retrouver une partie de votre

clientèle?

Mme Blanchard: Certainement. Cela nous a pris un peu de temps à essayer de voir dans toutes les catégories...

Mme Harel: Moi aussi, et je viens de comprendre.

Mme Blanchard:... mais cela a été la première réaction: de voir où cela nous touche. Assurément, dans nos ressources, s'il faut penser à une catégorie, ce sera certainement celle-là. Donc, la population serait clairement défavorisée en termes de prestations.

J'aimerais faire un commentaire. Cela laisse croire que les personnes seront en même temps pénalisées de vouloir changer de statut, de vouloir enfin dire: Oui, je crois que je suis capable de travailler. Ouvrir cette porte risque de les pénaliser à long terme. Pour nous, c'est absolument incroyable que les gens se retrouvent dans cette position d'être honnête et de dire: Oui, je pense que je serais capable de travailler, vite on l'entre dans la machine et, après la période transitoire, au bout d'un certain temps, on va demander: Bon, est-ce que tu travailles? As-tu fait des démarches? La pression fait le "build-up". Donc, ce ne sera pas long, la stratégie instinctive de survivance va rapidement revenir: Je ne suis plus disponible ni capable de travailler. Pour moi, c'est très clair.

Mme Harel: Je pense que vous êtes en contact avec une quarantaine d'organismes. La personne qui s'adresse à un des organismes est une personne qui peut avoir le désir, peut l'exprimer comme tel et se faire considérer comme apte, tout en ayant des problèmes de santé mentale qui font qu'elle peut avoir des problèmes à fonctionner. Est-ce que je dois le comprendre dans ce sens?

Mme Blanchard: Absolument, Mme la députée, c'est exactement le portrait que vous avez. Je pense que si, aujourd'hui, j'avais invité tous les membres de mon organisme à venir vous parler, ils auraient tous dit: Nous voulons travailler demain matin. M. le ministre a bien dit que le problème, dans ce type de loi, c'est qu'on n'adapte pas les possibilités d'emploi aux personnes; on veut, au contraire, les mettre tous en catégorie. Se faire dire inapte au travail, c'est probablement la plus grande perte de dignité humaine que les gens vivent. Ils se retrouvent dans un ghetto où, je pense, il n'y a pas de porte de sortie.

Mme Harel: Vous dites, au tout début de votre mémoire, que ce n'est pas parce que les personnes seraient employables, une fois qu'elles sont considérées comme inaptes... Attendez, où est-ce qu'on retrouve cela? Je pense que je devance un peu. Le ministre va dire: Oui, mais si elles sont inaptes, elles pourront quand même participer aux mesures de réinsertion. La question, évidemment, c'est de savoir, tout d'abord, s'il y aura assez de mesures et si elles seront déterminées comme prioritaires, ce serait étonnant quand on voit toute la clientèle des moins de 30 ans et la clientèle des personnes qui ont perdu leur emploi depuis moins de deux ans. Il faudra sans doute demander si ce sera une clientèle prioritaire. Cela le sera peut-être pour le ministre. Mais je ne sais pas si cela le sera dans les bureaux locaux, où, finalement, ce sera, doit-on comprendre, encore plus difficile de soutenir et de supporter ces personnes-là vers des démarches de réinsertion ou de participation aux mesures. Donc, il peut y avoir à ce moment-là... Vous craignez que le résultat final soit que les personnes répondent: Oui, je suis apte. Auquel cas, elles peuvent se retrouver dans des catégories puisqu'il n'y a pas de préparation du marché, ni de l'emploi ni des mesures comme telles.

Mme Blanchard: II n'y a non seulement cela, mais il n'y a pas d'endroit où on va adapter tes capacités des gens dans le milieu du travail. Cela a été clairement dit que les gens qui veulent travailler se sentent capables de faire, par exemple, 25 heures, 30 heures de travail par semaine, peut-être 15. Sauf que, déjà, dans la machine, on appelle les personnes de chez nous à venir au bureau d'emploi s'inscrire à des postes où on exige 40 heures par semaine. Donc, cela élimine tout de suite un potentiel de personnes, qui seraient capables, à assumer une tâche de travail pour peut-être 20 heures, mais non pas 40 heures. C'est donc un échec. C'est une autre instance de faillite. C'est une autre occasion pour retourner dans la porte tournante de l'hôpital psychiatrique.

Mme Harel: J'imagine que cela va être une sorte d'indication que la personne va chercher à se faire éjecter en se faisant considérer, cette fois-là, vraiment comme totalement inapte. Elle va vouloir plaider médicalement...

Mme Blanchard: Cela va être son seul moyen de survivance. Oui.

Mme Harel: Je pense que c'est un élément Important que vous introduisez.

Sur la question du partage du logement, d'une certaine façon... Je ne voudrais pas rentrer dans les discussions que le ministre a eues avec les médecins des CLSC, la Fédération des médecins des CLSC. C'est que les médecins des CLSC considéraient le partage du logement comme antifamilial du fait qu'il était beaucoup utilisé aussi par les familles monoparentales et c'est une sorte d'entraide mutuelle. La question est que le couple... Au départ, comme le document d'orientation définit des besoins essentiels et que ces besoins essentiels... là encore, II

faudrait examiner à nouveau cette question des besoins essentiels - à notre connaissance ceux définis comme essentiels par la propre étude du ministère, ne se retrouvent pas indexés en 1989 dans le document d orientation. II y a même des éléments comme l'habillement ou l'ameublement, en 1989, pour lesquels l'allocation est moindre que la définition qu'on en retrouve en 1985. II faudrait donc évaluer, à ce chapitre-là si itl faudrait que le ministre dépose - parce qu'on travaille avec les fuites d'information quon a pu obtenir, heureusement - on confirme exactement quelle est la ventilation des besoins essentiels.

Par ailleurs, la grande question qu'il faut se poser - et dans la même étude du ministère elle était posée - c'est: Pourquoi ne pas accorder une prime supplémentaire lorsqu'il y a occupation seule d'un logement, comme le fait le régime d imposition? Parce qu'il y a une déduction fiscale allouée à la personne qui habite seule. On ne va pas charger une taxe aux couples| mariés qui habitent ensemble. C'est plutôt une déduction fiscale et on avantage la personne qui est seule plutôt que de pénaliser celles qui habitent en couple. Le ministre, à l'inverse, dit. Lorsque le couple marié, ou qu'un parent et un enfant, une grand-mère et son petit-fils habitent ensemble, il y a une réduction. Mais la réduction ne vaut que pour un barème Tandis que, là, ce qu'il ne prend pas en considération, c'est que les deux vont avoir à subir une réduction de 115$. Par exemple, deux familles monoparentales, les deux vont avoir une réduction de 115 $.

Je pense que le principe, c'est: Faut-il toujours que les programmes de transfert soient réduits? Cela vaut autant pour les prêts et bourses que pour le partage du logement ou pour la contribution parentale? Ou faut-il envisager de supplémenter quand les personnes habitent seules? Enfin, je vous laisse sur cette interrogation.

Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la députée.

M le député de Sainte-Anne, je me réserverai une intervention par la suite, si vous le permettez.

M. Polak: Merci, M. le Président. Brièvement, c'est toujours malheureux qu'il ne reste pas beaucoup de temps. D'abord, vous vous rappelez, Mme Blanchard, être venue ici - le même groupe - au mois de janvier, pour discuter de santé mentale devant la même commission. Je pense qu'on a réussi à sensibiliser le ministre au travail de votre fédération et de vos groupes individuels, comme PALL, à Verdun, ainsi que le Dr Harnois. J'ai été très fier de participer à changer les idées du Dr Harnols qu'il a sur le travail de vos groupes. Aujourd'hui, à la commission sur l'aide sociale, c'est peut-être un peu différent. Je dois d'abord vous dire que je suis d'accord avec les principes contenus dans le document. J'ai aussi beaucoup de questions concernant les modalités Je tente encore de fortifier le document de le bonifier et je pense que vous ne devnez pas avoir peur. J'ai lu votre document et vous êtes, cette fois-ci, un peu plus négatifs que j'aurais pensé. Le programme Soutien financier, je ne le vois pas du tout comme vous. Je ne le vois pas du tout dans le sens de catégoriser les gens en situation de désespoir et qu'ils vont souffrir encore plus. Je ne vois pas du tout cela ainsi.

Je vois le programme Soutien financier comme vraiment un recours ou ils ont peu de repos, ou ils vont être traités un peu mieux, un peu plus humainement, avec également un peu plus de chances de sortir de cet état. Je pense qu'il y a une approche personnelle dans toute cette politique et dans le programme Soutien financier. Je ne veux pas parler d'étiquette apte et inapte, et tout le reste, mais des gens qui tomberont là-dedans, comme les gens que je rencontre chez vous quand je vous rends visite. Je suis certain que la grande majorité d'entre eux vont se qualifier au programme Soutien financier et je pense qu'il y aurait finalement un peu de répit et aussi moyen de se retrouver.

Quand vous parlez du partage des frais de logement, je suis d'accord qu'il y a un grave problème. Par exemple, à Verdun, c'est impossible d'obtenir un appartement à 25 % du revenu. Donc, un assisté social paierait beaucoup plus que 25 % de son revenu pour avoir un appartement ou même un logement quelque peu convenable. Ils sont presque forcés de combiner et il y a une pénalité de 115 $. En tout cas, il faut en parier. J'y vois là un grand problème.

Je vais vous parler des bonnes choses qui sont sorties d'ici parce que je suis à la commission depuis le début même si, de temps en temps, je m'absente une journée, comme hier il faut penser au comté aussi, voyez-vous À l'égard de l'expertise médicale, il ne faut pas avoir de crainte. D'abord, ce n'est pas le médecin du gouvernement qui va dire. Vous êtes apte ou inapte. À un moment donné. Les gens pensaient que c'étaient les médecins du gouvernement qui déclaraient les gens aptes 25 personnes un matin, on les passe vite. Cela ne fonctionne pas du tout comme cela. Ce sera l'individu, un peu comme à la CSST, qui, le premier, a le choix de dire: Mon médecin me déclare inapte au travail. Si les gens à l'aide sociale ne sont pas d'accord avec cela, une contre-expertise peut être demandée. Comme le ministre l'a expliqué très souvent, ce n'est pas nécessaire de la demander parce que nous sommes d'accord sur la consultation. Si les deux médecins ne s'entendent pas sur la conclusion, il y a moyen d'aller en appel devant la Commission des affaires sociales. Comme cela a été expliqué, non pas dans le document, mais comme le ministre l'a fait, cela va se trouver dans les règlements plus tard. II y a là des inquiétudes qui existent présentement.

J'ai une seule question à vous poser. Cela m'a frappé aussi parce que c'est positif. J'ai

appris, pour la première fois quand le YMCA est venu ici, la semaine dernière, qu'ils ont déjà des programmes de réinsertion sociale, d'emplois, des programmes très Intéressants. Il a dit qu'il voyait la possibilité de les incorporer dans des tentatives de se servir de leur expertise.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le député.

M. Polak: En conclusion. Pourriez-vous me dire si votre regroupement comme tel a déjà des cas concrets de réinsertion sociale d'ex-psychia-trisés que vous avez ramenés sur le marché du travail, que vous avez aidés? S'il vous plait, dites-le-lui parce qu'il va vous encourager.

Le Président (M. Bélanger): Votre temps est terminé. Je vous en prie. Laissez M. Morin répondre.

Mme Blanchard: C'est une grande question. Le Président (M. Bélanger): Mme Blanchard.

Mme Blanchard: D'abord, il faudrait définir "réinsertion sociale". M. le député, pour nous, c'est un grand mot. Je pense que nous sommes malheureusement à la limite de pouvoir maintenir les gens dans une survivance minimale à la suite de plusieurs hospitalisations en psychiatrie. Une réinsertion sociale, pour nous, implique retour au travail, qualité de vie, qualité d'hébergement et aussi une qualité de nutrition; et nous sommes très loin de cette réalité. Donc, notre réponse, c'est qu'un nombre très minime qui réussit finalement à quitter te réseau psychiatrique et nos ressources d'une façon définitive. Nous sommes heureux de ne plus revoir ceux qui réussissent, mais ce n'est qu'un nombre très minime.

M. Polak: Si vous aviez des moyens, est-ce qu'il existe un programme... Le Président (M. Bélanger): M. le député de Sainte-Anne, je m'excuse mais votre temps est écoulé. Je cède la parole à Mme la députée de Maisonneuve. Il reste deux minutes à votre formation.

Mme Harel: Oui. Je vais permettre à mon collègue de vous poser la question ou de réagir.

Le Président (M. Bélanger): Merci, madame. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci. Je m'entends toujours très bien avec la députée de Maisonneuve. Ma question est simplement celle-ci: Si on incorporait, dans le cadre de cette politique, des organismes comme le vôtre dans la participation active pour tenter de réinsérer les gens surtout sur le marché du travail, êtes-vous prêts à vous embarquer là-dedans?

Mme Blanchard: II y a plusieurs ressources alternatives qui ont fait des demandes et qui ont étudié des projets de retour au travail, chez nous à PALL. Par exemple, la maison Saint-Jacques a présenté un projet qui s'appelle Accessible. Elle s'est rendue, apparemment avec un dossier très épais d'une étude de marché, de faisabilité, jusqu'à M. Mulroney. Et encore une fois, on se retrouve avec personne prêt à s'engager, à mettre 300 000 $ pour trois ans pour que l'entreprise puisse ensuite avoir ses propres profits qui pourraient profiter justement et être utiles à des gens qui seraient capables. Donc, c'est un exemple qui illustre à quel mur on fait face quand on présente des projets comme celui d'Accessible.

Le Président (M. Bélanger): Cela termine. J'avais une intervention à faire comme député de Laval-des-Rapides. Si vous me le permettez, je prendrais 30 secondes, je parle si peu souvent. Je comprends bien votre inquiétude face au mot "inapte". Je pense que, pour vous, "inapte", ça devient une autre étiquette, comme schizophrène, et cela risque de suivre cette personne pour le reste de ses jours, ou de la stigmatiser, comme le disait la commission Batshaw, II y a une quinzaine d'années. Dans ce sens-là, je comprends votre réaction concernant les étiquettes et j'espère que M. le ministre trouvera une solution pour décrire la même réalité. Mais ce sont souvent les mots qui font peur. On sait comment on accapare les mots et on leur donne des sens, mais j'espère que M. le ministre trouvera une façon de décrire cette réalité, si le programme reste le même, pour qu'elle ne soit pas stigmatisante, comme on le disait. Là-dessus, j'appuie vos revendications.

Je me permettrais un deuxième commentaire, à l'égard de votre organisme. J'ai compris tout à l'heure, et j'avais aussi remarqué avec ta commission de la santé mentale, que le ministre accorde beaucoup d'estime et de crédibilité à votre organisme et je trouve que, par votre façon d'intervenir, vous le méritez bien. Ce sont des dossiers où II est facile de charrier, de dire n'importe quoi et vous avez tellement d'exemples pour le faire que c'est facile. Cela n'amène rien ou cela ne construit pas souvent grand-chose. Vous faites toujours une démonstration bien fondée, bien articulée et jamais agressante. Je trouve cela très agréable. C'est un commentaire très personnel. Peut-être que je devrais m'en abstenir, mais je tiens à vous le dire. C'est d'autant plus au mérite de votre organisme que vous jouez un rôle de tampon entre une clientèle qui a des problèmes d'intégration sociale - je n'aime pas plus cette catégorisation que d'autres - mais vous êtes vraiment un tampon entre cette clientèle et la machine psychiatrique. Et Dieu sait comment, parce que j'ai travaillé fort longtemps dans ces milieux-là, et quand la

machine lient quelqu'un, c'est difficile de s'en sortir. Et, quand elle le lâche, c'est d'un coup sec; il n'a plus de ressource, il n'a plus rien, il ne sait pius où il s'en va. Donc, vous êtes vraiment un tampon et une bouée de sauvetage pour beaucoup de gens. À cet égard, je vous incite à continuer cet excellent travail et la bonne collaboration avec le ministère de M. Paradis, à devenir des plateaux de stages et à manifester votre dynamisme dans le meilleur intérêt de vos clientèles.

Mme Blanchard: Merci.

Le Président {M. Bélanger): La commission vous remercie. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Je voudrais vous remercier et m'associer aux propos du président de la commission. Je sais qu'il n'est pas nécessaire de vous rappeler que ce ne sont pas seulement les mots qui font ma!, mais que ce sont aussi des barèmes différents qui peuvent blesser les gens. Je vous remercie en espérant que, puisque tout le monde convient que vous parlez bien, vous soyez aussi bien écoutés.

Mme Blanchard: Mme la députée, vous pourrez venir nous visiter dans nos ressources n'importe quand.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): j'aimerais me joindre aux remerciements adressés par Mme la députée de Maisonneuve et par M. le président de la commission des affaires sociales. Je retiens également de votre intervention que ce qui fait également mal, c'est le peu de ressources ou cette marginalisation que nous connaissons sous le système actuel et que nous ne pouvons continuer longtemps.

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales remercie le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec et, compte tenu de l'heure, suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h S)

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations générales et de tenir des auditions publiques pour étudier le document intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu'.

Nous invitons à la table des témoins les Responsables des projets d'implication communautaire qui seront représentés par Mme Lucette Lessard et Mme Claire Bonin.

Bonjour, mesdames. Pendant que vous vous installez, je vais en profiter pour vous expliquer les régles de procédure. Vous avez 20 minutes fermes pour présenter votre mémoire, c'est-à-dire qu'en principe, on ne doit pas excéder 20 minutes, à moins de consentement des deux côtés. Par la suite, les parlementaires ont 40 minutes pour procéder a l'Interrogation, aux discussions ou aux échanges sur votre mémoire. Quand vous prenez la parole, je vous prierais de bien vous identifier chaque fois pour que les préposées à la transcription du Journal des débats puissent avoir vos noms pour la publication. Je vous prierais donc de vous présenter et de présenter votre mémoire. Merci.

Responsables des projets d'implication communautaire

Mme Lessard (Lucette): Bonjour à tous. Lucette Lessard, promoteure des projets d'implication communautaire dans la région d'Iber-ville.

Mme Bonin (Claire): Claire Bonin. Je représente des organismes communautaires de la région de Saint-Jean et d'Iberville.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie. Procédez.

Mme Lessard: D'accord. Nous sommes ici pour parler de l'expérience que nous avons vécue en ce qui concerne les projets d'implication communautaire dans notre région. Nous avons décidé ensemble de faire un bilan de ces projets déjà implantés dans notre secteur afin de vous en informer.

Au premier plan pour nous, tous ces projets permettent à des jeunes assistés sociaux de vivre une expérience de travail durant une année ou moins, avec un programme de formation établi selon leurs besoins. Ainsi, ils arrivent à aimer donner à une société qui leur donne beaucoup. Ils ne sont plus les marginaux qu'ils étaient, car ils sont utiles et vivent dans un climat d'entraide auprès d'une clientèle qui a, elle aussi, des besoins bio-psycho-sociaux.

Au second plan, ces projets nous apportent une aide significative auprès d'une clientèle très diversifiée, allant du nouveau-né à la personne âgée. Cette aide nous permet d'améliorer nos services et de donner une meilleure qualité et une plus grande quantité de soins à notre clientèle.

Les objectifs de ces projets d'implication communautaire nous permettent d'inculquer à ces jeunes des habitudes de travail telles que la ponctualité, l'assiduité, l'initiative, le respect et ia responsabilité face aux tâches à effectuer; de procurer à ces jeunes la possibilité de faire valoir leurs connaissances et leurs talents dans des domaines choisis; de leur faire prendre conscience qu'ils ont un rôle important à jouer

dans notre société d'aujourd'hui, rôle qu'ils ont quelquefois oublié et de leur donner de nouvelles connaissances par un programme de formation continue afin de les aider dans leur cheminement personnel face au travail; en un mot, augmenter leurs chances de retourner sur le marché du travail et aux études le plus tôt possible.

Notre rôle, en tant que promoteurs de projets de travaux communautaires, est de procurer à ces clientèles un climat de travail propice à leur épanouissement; d'assurer une discipline de travail avec un encadrement sécuritaire, mais aussi ouvert aux changements; d'élaborer un programme de formation de qualité, afin de motiver les participants à retourner sur le marché du travail ou à retourner aux études. Ce programme de formation est élaboré par le promoteur. Celui-ci en est le maître d'oeuvre. C'est son rôle d'adapter le programme par rapport aux participants. Les participants retrouvent le goût de retourner aux études et de vivre de nouveaux apprentissages.

Il faut faire prendre conscience à ces gens qu'ils ont un potentiel Individuel qui peut encore être utile dans notre société. Concernant le programme de formation, il touche à beaucoup de domaines. Les participants ont une formation sur le budget, l'alimentation, une recherche dynamique d'emploi, la psychologie de la personne âgée, la psychologie de l'adolescent, fa relation d'aide, les soins physiques à la personne âgée, l'animation en milieu gérontologique, l'animation de groupes, l'initiation au travail en équipe, les activités adaptées au quatrième âge, les jeux coopératifs; des cours de dactylo, de français, de mathématiques, d'anglais, un cours de premiers soins, général, de même qu'un cours de premiers soins pour les nouveaux-nés; le cours de PDSB, qui est un cours de principe des déplacements sécuritaires des bénéficiaires; le cours sur la planification et l'évaluation d'un travail, sans oublier les cours sur la connaissance de soi et sur les instances de la personnalité.

Ces cours sont échelonnés sur une période d'une année et permettent de garder la motivation de notre clientèle. Chaque promoteur de projet possède un calendrier de formation adapté à sa clientèle. Nos recommandations seraient: premièrement, l'intégration à ces projets de la clientèle de plus de 30 ans. Aujourd'hui, la clientèle de 18-30 ans est saturée, c'est-à-dire que les participants qui étaient volontaires sont maintenant éliminés de ces projets. Notre deuxième recommandation serait d'avoir un budget régulier, selon le nombre de participants, car ce critère ne dépend pas des promoteurs. Il est difficile d'assurer le salaire du coordonnateur qui n'est pas stable, et d'avoir un coordonnateur de qualité. Troisièmement, l'allocation supplémentaire pour tous les participants, car à travail égal salaire égal. Celui qui fait la même tâche que l'autre, en fin de compte, s'il n'a pas son secondaire V il n'a aucun salaire, aucun surplus.

Comme conclusion, tous ces projets ont permis de réintégrer ces participants dans une société où ils ont une place qu'ils pensaient avoir perdue. L'inutilité rémunérée, c'est-à-dire les prestations d'aide sociale, leur avait fait perdre leur estime de soi, leur confiance en eux et avait étouffé leurs capacités et leurs talents. Avec de tels projets, les jeunes participants retrouvent une joie de vivre au travail, de nouveaux amis, la possibilité de retrouver une place dans notre société. Les résultats sont évidents: 14 % retournent aux études et 50 % se trouvent un emploi. Avec les coupures budgétaires actuelles dans le domaine de la santé, ces projets ont permis d'augmenter dans nos organismes la quantité de services auprès de notre clientèle. Pour toutes ces raisons, nous dirions que ces projets ont une place privilégiée dans notre société d'aujourd'hui.

C'est ce que nous avions à dire au nom des douze promoteurs de projets que nous représentons. On pourrait parler de nos expériences personnelles, mais...

Le Président (M. Bélanger): Vous avez encore quelques minutes. Procédez, je vous en prie.

Mme Lessard:... notre expérience.

Le Président (M. Bélanger): Allez-y, je vous en prie.

Mme Lessard: Bon, au niveau des projets, nous... Personnellement, mol je travaille dans un établissement, dans une institution où il y a seize jeunes assistés sociaux qui roulent, si on peut parler ainsi, depuis trois ans. Cela a permis de donner une qualité de vie beaucoup plus adéquate à notre clientèle. Mais le plus gros de tout cela, c'est que cela a permis de donner à ces jeunes une qualité de présence, une qualité - comment pourrais-je dire - de bien-être physique. Ils se sentent vraiment bien. Ils se sentent utiles dans notre société, dans notre institution. On a choisi de relier ces deux clientèles, qui sont peut-être les deux clientèles les plus marginales de la société, parce que notre établissement est un centre pour personnes âgées. Donc, la personne âgée est déjà marginalisée étant institutionnalisée, et le jeune assisté social est aussi marginalisé. On a fait une bonne association. On a créé un climat d'entraide, un climat de partage et un climat de joie de vivre.

Mme Bonin: Claire Bonin, je représente un organisme communautaire. J'ai 20 participants. Nous, nous faisons le maintien à domicile. Cela veut dire qu'on visite entre 50 et 60 personnes âgées par semaine. Pour les plus autonomes, on donne une demi-journée par semaine. Pour les plus âgés, plus dépendants, on peut aller jusqu'à quatre demi-journées par semaine. Chaque matin, II y a une présence. On apporte beaucoup de

sécurité aux personnes âgées, beaucoup de désennui aussi, parce qu'on fait l'entretien, les repas et l'accompagnement. On dessert aussi les families en difficulté, les familles en état de crise, les handicapés et tous les bénéficiaires du service nous sont référés par le CLSC de la région après une évaluation de leur travailleuse sociale. Ce qui veut dire qu'on est beaucoup apprécié par le CLSC étant donné qu'on leur enlève une bonne surcharge. Nous prenons les cas légers et eux peuvent s'occuper davantage des cas lourds.

Dans mon projet, je peux dire que 45 % des participants se sont trouvé des emplois permanents, 20 % sont retournés aux études et 10 % ont fait des stages en milieu de travail. Cela veut dire que, concernant les participants, on rend un grand service à des jeunes qui étaient chez eux bénéficiant de l'aide sociale seulement. Pour moi, c'est tout.

Le Président (M. Bélanger): Bien. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mmes Lessard et Bonin, je vous remercie de votre témoignage. Depuis le début de la commission, certains parlementaires autour de cette table nous demandent des statistiques d'évaluation de certains programmes qui sont mis de l'avant par le ministère. Vous nous apportez une expérience vécue et vous articulez votre discours autour d'un certain taux de réussite. Je prends la dernière page de votre mémoire, l'annexe où vous iistez l'ensemble des projets: Club optimiste du Haut-Richelieu, le nombre de participants: 15... emploi permanent, cela veut dire que ce sont des gens qui se sont trouvé des emplois permanents à la suite de cette expérience et 10 % deretours aux études. Le Club optimiste Iberville: 16 participants. C'est le groupe de Mme Lessard, si je ne m'abuse. 60 % d'emplois permanents et 20 % de retours aux études. Le Centre de bénévolat d'Iberville: 20 participants; 37 % d'emplois permanents; 5 % de retours aux études, etc. Avez-vous une Indication à savoir dans quel type d'activité sont les emplois permanents occupés par les gens qui ont été de passage chez vous?

Mme Lessard: Oui. C'est même plus haut, c'est 60 %, mais j'ai rétabli les dernières données en considérant le dernier projet, et c'est 74, 7 % d'emplois. Par rapport à mon projet, parce que je ne peux parler que de mon projet concernant les données par rapport aux emplois, beaucoup se sont trouvés des emplois comme préposé aux bénéficiaires, comme auxiliaire familial dans les CLSC, comme animatrice dans les foyers privés ou dans les foyers subventionnés et dans des boutiques; II y en a beaucoup qui se sont trouvés des emplois à ces endroits-là, aussi.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux poser la question. Mme la députée de Maisonneuve me suggère la question suivante: Est-ce qu'il s'agissait de personnel majoritairement féminin, ces stagiaires?

Mme Lessard: Oui.

M. Paradis {Brome-Missisquoi): Oui? Est-ce que vous avez une idée de la proportion, du pourcentage?

Mme Lessard: Je peux vous dire que sur 67 candidats, il y a eu cinq hommes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans les recommandations que vous nous adressez, votre première recommandation touche l'élargissement de la clientèle. Je vous indique déjà que la politique de sécurité du revenu propose d'élargir les mesures d'employabllité à l'ensemble des bénéficiaires. C'est la façon dont vous le formulez. Vous dites: L'intégration à ces projets de la clientèle de plus de 30 ans car, aujourd'hui, ta clientèle 18-30 ans est saturée, c'est-à-dire que les participants qui étaient volontaires sont maintenant éliminés de ces projets.

Est-ce que vous voulez dire que tes jeunes de moins de 30 ans qui peuvent obtenir la parité ou la quasi parité, selon le type de programme auquel ils participent, vous ne réussissez plus à en recruter?

Mme Lessard: C'est exact. C'est très difficile. Avant, quand on avait un départ, cela prenait deux jours et on avait tout de suite un candidat; maintenant, cela peut prendre deux, trois semaines, parfois même un mois.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous nous avez indiqué que vous travailliez en collaboration avec les CLSC, donc vous utilisez les ressources existantes des CLSC de la région. Est-ce que vous utilisez également les ressources du centre Travail-Québec?

Mme Lessard: Ce sont les ressources de Travail-Québec que nous utilisons.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pas les ressources du CLSC, pour la référence de la clientèle?

Mme Lessard: Non. On réfère pour les faire travailler, au niveau du CLSC; c'est l'Inverse.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous référez vos stagiaires pour qu'ils soient engagés de façon permanente dans les CLSC dans les programmes réguliers.

Mme Lessard: Notre recrutement se fait exclusivement par le centre Travail-Québec.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Deuxième

recommandation, budget de fonctionnement: "Avoir un budget régulier selon te nombre de participants, car ce critère ne dépend pas de nous et il nous est difficile d'assurer le salaire du coordonnâtes s'il n'est pas stable. " Je pense que cet énoncé se comprend aisément, et surtout que, lorsque vous avez plus de difficulté à recruter, vous en subissez les répercussions financières en ce qui concerne le coordonnateur. Est-ce que vous ne pensez pas qu'en ouvrant la mesure aux plus de 30 ans, vous auriez plus de facilité sur le plan du recrutement de la clientèle et qu'à ce moment-là, ce problème pourrait s'éliminer de lui-même?

Mme Lessard: J'espère. Parce que c'est important que le coordonnateur ait un salaire stable... Pour avoir une personne de qualité, s'il faut jouer avec le salaire selon le nombre de candidats, on ne peut pas se trouver un coordinateur qui a une compétence valable.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Troisième recommandation: "Allocation supplémentaire pour tous les participants, car à travail égal, salaire égal. " Vous mentionnez le cas spécialement des jeunes de 24 ans qui n'ont pas terminé leur secondaire et qui subissent une diminution de prestation mensuelle de 100 $. Nous prenons bonne note de cette recommandation pour que tous et chacun soient traités équitablement, Mme Harel.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. C'est intéressant de voir concrètement, comme vous nous l'avez présentée, Mmes Bonin et Lessard, l'applicabilité des mesures qui avaient été mises en place en 1984. C'est une expérience qui est positive pour la région de Saint-Jean et d'Iberville et je pense... Oui, Brome-Missisquoi. J'ai cru remarquer que tes expériences qui sont menées un peu partout au Québec sont aussi intéressantes. En fait, celles que je connais le mieux, soit celles menées dans l'est de Montréal et encore mieux dans le bas de la ville et plus particulièrement dans Hochelaga-Maisonneuve, sont aussi des expériences positives. J'aimerais bien examiner avec vous les conditions de succès. Vous nous avez dit tantôt, Mme Lessard, qu'il y avait cinq hommes sur les 67 personnes candidates. Au mois de septembre dernier J'ai fait une tournée à travers le Québec avec d'autres collègues, tournée qui s'est appelée du nom célèbre de Tournée des grandes oreilles". J'ai fait le tour de toutes les régions et j'ai pris connaissance partout de tous les programmes, pour me rendre compte que c'était très majoritairement des femmes qui oeuvraient dans des travaux communautaires, ma foi, presque à 80 %. Vous me le confirmez encore. Je ne sais pas si c'est la même chose pour Mme Bonin?

Mme Bonin:...

Mme Harel: C'est la même chose.

Mme Bonin: Présentement, j'ai trois hommes sur 20 candidats.

Mme Harel: Quand vous dites, candidats... Par exemple, tantôt, Mme Lessard, votre projet, c'est le Club optimiste d'Iberville?

Mme Lessard: Oui.

Mme Harel: Alors il y avait seize participants et vous nous parlez de 67 candidats.

Mme Lessard: Depuis trois ans.

Mme Harel: D'accord. Donc, il y a au-delà de 67 participants...

Mme Lessard: Oui. Mme Harel:... en trois ans. Mme Lessard: Oui.

Mme Harel: Donc, le maximum à chaque année est à peu près de seize stages, seize postes? Comment dire, seize...

Mme Lessard: Seize postes, seize stagiaires. Oui.

Mme Harel: Donc, cela veut dire, qu'en trois ans il y a eu presque 50 % de départ.

Mme Lessard: Oui. Mais la première année, je n'en avais que douze.

Mme Harel: Douze, la première année. Si on dit douze ta première année, seize la deuxième et seize cette année, disons sur trois ans, cela fait 44. Vous avez eu 67 personnes.

Mme Lessard: Candidats.

Mme Harel: À ce moment-là, cela veut donc dire qu'il y en a 23 qui s'en sont allés, qui ont quitté. C'est cela?

Mme Lessard: Oui.

Mme Harel: À quoi attribuez-vous leur départ? C'est presque le tiers, 33„%.

Mme Lessard: Des emplois.

Mme Harel: Ce sont des personnes qui se sont trouvé des emplois.

Mme Lessard: Oui. Là-dessus, il y en a cinq qui ont arrêté pour cause de maladie, des maladies subites, une grossesse ectopique. Il y

avait beaucoup de problèmes de santé.

Mme Harel: Un mauvais état de santé.

Mme Lessard: Oui, mais les autres, ce sont des retours aux études et au marché du travail.

Mme Harel: À ce moment-là, est-ce qu'elles font partie des 60 % que vous nous mentionnez en annexe? J'essaie de comprendre. Il y en a eu 67. Là-dessus, il y a eu 44 participants. Sur les 60 % que vous mentionnez, est-ce que c'est 60 % sur les seize ou 60 % sur les 67?

Mme Lessard: Sur la globalité. Mme Harel: Sur les 67? Mme Lessard: Oui.

Mme Harel: D'accord, en tenant compte de ceux et celles - iI faut plutôt dire celles - qui ont quitté avant de terminer le projet comme tel. Alors, cela doit faire partie aussi des 40 % qui se trouvent un emploi dans les neuf premiers mois de leur demande. Dites-moi, celles qui sont venues à vos projets, est-ce qu'il y a longtemps qu'elles recevaient de l'aide sociale?

Mme Lessard: Au tout début, je dirais que non parce que, quand les projets ont commencé, on avait les dernières recrues. De plus en plus, oui, il y en a que cela fait plusieurs années. (15 h 30)

Mme Harel: C'est récent. Est-ce que c'est la première année cette année ou si c'était comme cela l'an passé aussi?

Mme Lessard: Je dirais depuis 18 mois ce sont des assistés sociaux depuis au moins trois ou quatre ans. Il y en a que cela fait un ou deux ans, mais ce n'est pas la majorité.

Mme Harel: C'est intéressant. Tantôt vous disiez que le recrutement était plus difficile. Vos références viennent du centre Travail-Québec. Quels sont les motifs, les raisons qui, pensez-vous, justifient ce tarissement du recrutement?

Mme Lessard: Probablement parce qu'il y a beaucoup de projets d'implication dans notre région. Il y en a beaucoup. Les personnes choisissent. Elles ont un grand choix de projets dans notre région. Elles choisissent. Cela fait trois ou quatre ans que ces projets existent.

Mme Harel: Une personne qui participe à un de vos projets, une fois terminé... C'est un an, je pense. Avez-vous des recommandations à faire sur la durée? Pensez-vous qu'un an c'est suffisant?

Mme Lessard: Je dirais, par expérience personnelle, que cela dépend des cas. Personnellement il y en a, pour les rendre aptes au travail, si je peux parler ainsi, que je mets à un autre niveau, celui des stages en milieu de travail. Avec le stage en milieu de travail, cela leur fait une année de plus et ensuite ils sont aptes au travail. Ce n'est pas tout le monde qui peut faire cela. Je le peux parce que je fais partie d'une institution mais ce n'est pas tout le monde qui peut le faire.

Mme Harel: Mme Bonin, que pensez-vous de cette question d'une année seulement de l'admissibilité...

Mme Bonin: Je réponds comme Lucette que, dans certains cas, il serait préférable que ce soit allongé d'un an, que ce soit deux ans au lieu d'un an. En général, je dirais qu'un an c'est suffisant.

Mme Harel: Une année de travaux communautaires, c'est suffisant.

Mme Bonin: Oui, parce qu'à l'intérieur de cette année-là, ils ont le temps de se réorienter, de voir s'ils veulent faire un retour aux études ou s'orienter sur le marché du travail.

Mme Harel: Est-ce qu'il y en a qui ont quitté pour des raisons de grossesse? Enfin, je dois comprendre que 90 % sont des femmes. C'est bien le cas?

Mme Bonin: Oui.

Mme Harel: Est-ce qu'il y en a qui ont quitté parce qu'elles voulaient se charger de l'éducation de leurs enfants? Est-ce que ce sont des femmes seules, célibataires ou des femmes avec enfants?

Mme Lessard: Pour mol, ce sont des femmes avec enfants pour la plupart.

Mme Harel: Chefs de famille ou en couple? Mme Bonin: Chefs de famille.

Mme Harel: Et qui ont en général moins de 30 ans, évidemment.

Mme Bonin: Oui.

Mme Harel: Ou qui peuvent avoir plus de 30 ans aussi.

Mme Bonin: Toujours moins de 30 ans.

Mme Lessard: Actuellement, le programme se limite aux 30 ans.

Mme Harel: Et leur incitation financière n'existait pas à ce moment-là parce qu'elles

avaient déjà le plein montant étant chef de famille avec des enfants. II faut vous comprendre.

Mme Lessard: C'est ça

Mme Harel: Oh! oui je comprends. Cela veut donc dire que, dans le fond, vous aviez des femmes très motivées parce que vous me dites que les personnes sont à 90 % des femmes presque la grande majorité chefs de famille avec des enfants elles avaient donc déjà le plein barème de prestations. Dans le document d'orientation, cela repose sur le fait qu'il faut une baisse des barèmes pour inciter à participer aux mesures. Vous nous dites. Cela a très bien été chez nous. C'étaient des femmes et presque toutes chefs de famille avec des enfants et pourtant elles n'avaient pas d'incitation financière. Quelle incitation financière avaient-elles?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): 100 $

Mme Harel: Oui, mais ce sont les frais de participation

Mme Lessard: C'est plus que ça

Mme Harel: Je voudrais vous entendre, Mme Lessard Les deux vous avez quelque chose à dire là-dessus. Oui, Mme Bonin aussi, enfin l'une ou I'autre.

Mme Bonin: C'est plus de 100 $ parce qu'elles ont 100 $ de besoins spéciaux, le projet donne 100 $ et les frais de gardienne sont payés.

Mme Harel: Mais les frais de gardienne, même si elles étalent à la maison avec l'allocation aux parents des garderies, elles n'auraient pas à débourser.

Mme Bonin: Oui, mais pour elles, c'est plus avantageux qu'un emploi, finalement, parce que les frais de gardienne sont payés.

Mme Harel: C'est intéressant. Donc, ça leur donnait le plein montant.

Mme Bonin: C'est ça.

Mme Harel: Si on reprend, juste pour voir la réalité Monoparentale avec un enfant, le système actuel en 1988 est de combien? J'ai cela quelque part. Je ne sais pas si les spécialistes du ministère peuvent nous dire cela. Attendez Parfait. Merci. Alors, un adulte et un enfant, c'est 662 $. Donc, elles avaient 662 $ plus 100 $ de frais de participation.

Mme Lessard: Elles n'ont pas toutes droit aux 100 $.

Mme Harel: Ah bon!

Mme Lessard: Si elles n'ont pas 25 ans ou si elles n'ont pas le secondaire V elles n'ont pas le surplus d'allocation supplémentaire. J'ai plusieurs jeunes monoparentales qui n'ont pas I' allocation supplémentaire.

Mme Harel: Et qui n'avait que le montant de 100 $ de I organisme ou aucun? Uniquement 662 $?

Mme Lessard: Oui oui. Mme Harel: Sans rien d'autre?Mme Lessard: Sans rien d'autre.

Mme Harel: Quel est le pourcentage de celles qui, simplement avec leur barème sans obligation de participer aux mesures, simplement pour ce goût quelles avaient de participer à un projet comme vous nous l'avez décrit qui est un projet de prise en charge de soi et d'autonomie. À combien évaluez-vous le pourcentage de celles qui participaient simplement avec leur barème de base comme chef de famille monoparentale?

Mme Lessard: Actuellement, sur les seize candidats. C'est difficile à dire.

Mme Harel: Savez-vous pourquoi c'est intéressant? Oui, allez-y. Je vous écoute.

Mme Lessard: Non, dites-le. Je continuerai après.

Mme Harel: Parce que je pense que c'est une question clé. Qu'est-ce qui motive les gens, les hommes les femmes? Dans votre document, vous nous utilisez un langage d'estime de soi. de confiance, vous nous parlez de reprise en main, d'autonomie, etc.

Mme Lessard:... des projets d'implication communautaire si on veut qu ils fonctionnent.

Mme Harel: Et vous nous dites qu'il y a des femmes qui participent à ces projets pour poursuivre ces objectifs sans avoir l'incitation Financière. Donc.

Mme Lessard: Même.

Mme Harel: Allez-y.

Mme Bonin: Il y en a plusieurs aussi.

Mme Lessard: Même chez les jeunes qui ont moins de 30 ans, qui n'ont pas fait leur secondaire V Actuellement, j'ai seize candidats et j'ai neuf personnes qui ont leur allocation supplémentaire. Les autres viennent pour vivre une expérience, finalement. Ils viennent chercher une expérience de travail, une expérience de travail

en équipe parce qu'ils sont quand même seize. Vous savez, vivre quatre heures par jour, cinq jours par semaine, avec seize personnes I'autour de soi quand on a déjà des problèmes personnels, il faut le faire. Ils n'ont pas de surplus! Leur compagne à côté d'elles a un surplus et elle fait le même travail. Puis, celle qui n'a pas son secondaire V et qui n'a pas 25 ans n'a rien d'autre que sa motivation personnelle.

Mme Harel: Elles sont motivées.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce qu'on peut tirer quelque chose au clair juste pour une question de précision, Mme la députée?

Mme Harel: Certainement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que m'indiquent des fonctionnaires, c'est qu'il y a en fait deux 100 $ différents, distincts. Il y a le montant de 100 $ dont vous partez qui est l'allocation mensuelle qui ne s'applique pas aux 25 ans et moins qui n'ont pas complété leur secondaire, mais dans tous les cas, à ce qu'on m'indique, il y a un montant de 100 $ pour un chef de famille monoparentale ou un membre d'un couple avec enfant à charge, une allocation de 100 $ par mois à laquelle s'ajoute une allocation de frais de garde d'enfant pouvant aller jusqu'à 10 $ par jour. On me dit que cela est présent dans tous les cas de participation. Et il y a l'autre montant de 100 $ qui est une distinction. C'est pour que ce soit clair. Je pensais qu'il y avait une incompréhension.

Mme Lessard: L'autre montant de 100 $ est donné par l'assistance sociale, tandis que le montant de 100 $ auquel je dis qu'ils n'ont pas droit, c'est celui que je donne en tant que promoteure de projets. C'est différent.

Mme Bonin: Celui qui est payé par l'aide sociale s'appelle le besoin spécial.

Mme Harel: C'est cela.

Mme Bonin: Et le nôtre, c'est allocation supplémentaire.

Mme Harel: D'accord. Cela veut donc dire que présentement, il y a des personnes pour qui simplement leurs besoins spéciaux sont leurs frais de participation, de déplacement, parce que j'imagine qu'il n'y a pas de transport en commun. Ce sont quand même des personnes qui doivent se déplacer, trouver sans doute un voisin, un parent qui les voyage. Cela ne se fait pas à pied.

Mme Bonin: Non. C'est nous qui faisons le maintien à domicile. Il y a un chauffeur qui est chargé d'aller chercher les participants le matin et le soir il va les reconduire.

Mme Harel: Oui. Je comprends cela pour vous, Mme Bonin. Mais pour l'ensemble des programmes, il n'y a pas nécessairement un chauffeur qui va les reconduire et les chercher. J'imagine qu'il y a une mobilité.

Mme Lessard: Pas chez nous.

Mme Bonin: Cela dépend. Pas en institution, c'est certain.

Mme Harel: C'est cela. Alors, dans votre cas, Mme Lessard, ils doivent se déplacer.

Mme Lessard: Oui. Ils doivent s'organiser.

Mme Harel: Vous êtes installée à Ibervllle même?

Mme Lessard: Oui.

Mme Harel: Ils sont tous d'Iberville?

Mme Lessard: Non.

Mme Harel: Non.

Mme Lessard: Non. Ils sont dans les environs, par exemple. Mais ils se trouvent un transport, une façon de voyager.

Mme Harel: D'accord. Cela veut donc dire, par exemple, puisqu'il s'agit surtout de femmes chefs de famille monoparentale, que le système actuel indexé en 1989 leur donne 684 $, avec les 100 $ de besoins spéciaux plus les 100 $ de l'organisme; elles peuvent avoir jusqu'à 864 $ par mois, plus les frais de garde. C'est le système actuel. Bon. Si on examine la situation qui prévaudrait avec la proposition du ministre, on va à la catégorie, à la case du participant, 720 $. Et de ces 720 $ faut-il ajouter 60, 40 $? Pour un chef de famille qui participe, il est compris. Les premiers 100 $ des besoins spéciaux sont compris.

M. Paradis (Brome-Missîsquoi): II serait calculé de la même façon que pour la personne seule, c'est-à-dire que les frais de participation sont évalués à approximativement 40 $ et l'allocation de participation qui est cet incitatif serait évalué à peu près à 60 $.

Mme Harel: Est-ce que cela s'ajoute aux 720 $, à ce moment?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, il est inclus dans les 720 $.

Mme Harel: II est inclus. À ce moment, le seul montant supplémentaire serait celui que l'organisme attribue à la personne. Faut-il ajouter ces 100 $, M. le ministre?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si c'est 100 $, il pourrait y avoir un système ou ces montants pourraient fluctuer et être plus élevés dans certains cas, selon la nature du programme de participation.

Mme Harel: Si je comprends bien, les stages en entreprise pourraient être différents des travaux communautaires.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une négociation qui pourrait dépendre, quand vous parlez de stage en entreprise, du nombre de prestataires que l'entreprise s'engage à retenir à la suite des stages, etc. II s'agit de conserver de la souplesse.

Mme Harel: Peut-être pour Mme Bonin et Mme Lessard, aux fins de comparer ce qu'on peut comparer présentement, disons une femme chef de famille monoparentale, le système reste ce qu'il est, mais il est ouvert aux plus de 30 ans avec la modification que vous proposez. Une femme chef de famille aurait 684 $ par mois plus 100 $ de besoins spéciaux, plus les 100 $ de l'organisme, pour un total de 884 $. Là si on confirme avec le document d'orientation, avec la proposition, la même personne recevrait 720 $ par mois plus éventuellement les 100 $ pour un montant de 820 $. II faut comprendre, à ce moment, qu'il y aurait une perte de 64 $ pour la participation à la mesure en 1989. C'est ce qui amenait le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au marché du travail à nous dire qu'à une exception, près sur l'ensemble de toutes les possibilités, l'exception, je pense, d'une femme monoparentale avec deux enfants, tout le reste des catégories y perdait avec les nouveaux barèmes.

Mais le ministre a invité le groupe à faire l'examen avec ses fonctionnaires pour voir s'il n'y aurait pas une autre exception, la règle étant que finalement c'était une sorte de perte financière, en tout cas, avec la proposition pour la participation Je reviens à la question du climat d'entraide, des conditions du climat d'entraide qui s'installe dans le groupe parce qu'il doit y avoir aussi de la coopération au sein même du groupe de participantes, j'imagine. Ce climat se perpétue après la fin du stage ou des travaux communautaires Y a-t-il encore des rencontres qui se sont poursuivies Cela fait trois ans Y a-t-il encore des stagiaires, à votre connaissance, ou des participantes qui se rencontrent? Avez-vous un conventum?

Mme Bonin: Moi, j'en fais un prochainement.

Mme Harel: C'est vrai?

Mme Bonin:... à la cabane à sucre. J'invite les anciens.

Mme Harel: C'est très intégrateur socialement.

Mme Bonin: Oui.

Mme Harel: Ce sont des femmes qui ont vécu des séparations, des échecs ou des divorces.

Mme Bonin: II y en a beaucoup. Moi, ce que I'ai remarqué, c'est le changement du participant dans une période de six mois. Au bout de six mois, au point de vue épanouissement, il y a un gros changement parce que la vie de groupe aide beaucoup. (15 h 45)

Mme Harel: Est-ce que les personnes qui vous sont référées acceptent volontairement ou avez-vous l'impression qu'elles sont incitées fortement sinon un peu pressées par Travail-Québec. Arrivent-elles enthousiastes de participer?

Mme Lessard: Enthousiastes... Moi, je peux dire que la plupart du temps elles ne sont pas vraiment conscientes dans quoi elles embarquent. Je ne sais pas si c'est par manque d'information ou par manque de question, ces gens-là ne posent pas tellement de questions, mais ils sont volontaires.

Mme Bonin: Je trouve que cela varie d'un candidat à l'autre.

Mme Harel: Dans la réforme proposée, je reprends toujours la même catégorie, celle des chefs de famille monoparentale qui ont un enfant, qui refuseraient de participer, ils perdraient 99 $ par mois. Donc dorénavant, avec le document, cela deviendrait obligatoire d'accepter, sinon il y aurait une perte de 99 $ par mois. Vous savez ce que cela peut représenter. Alors, est-ce que vous pensez que l'aspect obligatoire peut changer le caractère de la qualité de la participation?

Mme Lessard: Je ne le sais pas. Je ne le sais pas parce que l'élément motivation doit s'installer à un moment donné. Je me dis que quand ils viennent s'inscrire à un projet comme celui-là, bien des fois, ils ne savent pas, vraiment pas, dans quoi ils s'embarquent. À ce moment-là, ils vont à l'aveuglette. Je me dis si elle sait qu'en refusant, elle a une barrière au départ, pourquoi refuserait-elle si les autres n'ont pas refusé, ne sachant pas vraiment dans quoi. Parce qu'ils ne savent pas.

Mme Harel: Je veux vous poser une question importante pour moi: Les enfants ont quel âge? Les enfants de ces femmes, avec qui vous travaillez, en général sont-ils des bébés naissants, un an, deux ans ou plus de deux ans?

Mme Bonin: Chez moi, c'est plutôt cinq ans en montant.

Mme Harel: Cinq ans en montant?

Mme Lessard: Chez moi, cela va de cinq mois à sept ans.

Mme Haret: Oui. Disons cinq ans pour vous, mais pour vous, de cinq mots à sept ans, c'est où essentiellement? Elle veulent, parce que si elles s'inscrivent actuellement, c'est volontaire.

Mme Lessard: Oui.

Mme Harel: Parce qu'elles ne sont pas du tout obligées. Elles ont te même barème ou presque, presque en fait à une différence qui est quand même sensible à ce niveau de revenu, mais...

Mme Lessard: Mais chose curieuse, chez moi, à l'intérieur de mon projet, les femmes monoparentales que j'ai, ce sont elles qui font le premier pas. Ce n'est pas mol qui les trouve. Ce sont elles qui viennent me trouver.

Mme Harel: Oui. Cela est évident, parce qu'elles sont prêtes d'une certaine façon.

Mme Lessard: C'est cela.

Mme Harel: Là, la question est: Si on renverse les termes et si même, puisque c'est le cas, on les y oblige, est-ce qu'elles vont avoir le même degré de relation avec vous? Enfin, c'est une question.

Mme Lessard: Oui. Cela dépendrait du projet, de la motivation qu'elles vont avoir à vivre une expérience à l'intérieur d'un projet parce qu'elles ont le choix.

Mme Harel: Actuellement, elles ont le choix. Mme Lessard: Actuellement, oui. Mme Harel: Très bien.

Mme Lessard: Elles ont quand même un choix de projet, parce qu'on est quand même douze dans la région.

Mme Harel: Oui, mais il y en a qui peuvent avoir comme projet da vie de rester avec leurs enfants aussi.

Mme Lessard: Oui, d'accord.

Mme Harel: Je vous remercie beaucoup, Mme Bonin et Mme Lessard.

Mme Lessard: Merci.

Mme Bonin: Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Thurin-ger.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Noîre-Dame-de-Grâce.

M. Thuringer: Merci, M. le Président. Je vous félicite pour le bon travail que vous faites. J'aimerais que vous parliez un peu plus de la façon dont vous recrutez les gens qui s'inscrivent dans votre projet. Par exemple, vous disiez que les femmes monoparentales vous cherchent, Est-ce que c'est ta même chose pour tous les projets? Est-ce que les gens vont chez vous? Est-ce que vous devez les chercher?

Mme Bonin: On est en communication avec des agents d'employabilité dans les centres Travail-Québec. Eux, nous réfèrent des jeunes qui viennent nous voir. Si nous autres on juge qu'ils peuvent faire le travail, on les embauche.

M. Thuringer: Ah! bon!

Mme Bonin: Mais c'est toujours par Travail-Québec qu'on a nos jeunes.

M. Thuringer: D'accord. Maintenant, quels sont les problèmes auxquels vous faites face tous les jours, les problèmes les plus difficiles?

Mme Bonin: Chez moi, c'est le taux d'absentéisme.

M. Thuringen Oui?

Mme Bonin: Au tout début, oui. Au tout début, c'est épouvantable.

M. Thuringer: Combien, par exemple?

Mme Bonin: Ah! mon Dieu! Quand le projet commence, sur les seize, chez nous ils font quatre heures par jour cinq jours par semaine, pour leur inculquer une discipline de travail. Il y a deux équipes: une équipe le matin et une équipe l'après-midi. Donc, ils sont huit à chaque fois. Au tout début, il en manque un par équipe à tous les jours, des fois même deux quand on n'est pas chanceux. Mais à un moment donné, peut-être au bout de trois mois, cela diminue. On s'aperçoit que là, iI n'y a plus d'absence ou les absences sont motivées. Ils s'organisent pour se faire remplacer. Il n'y a plus de trou. C'est comme une responsabilité qui a été prise à savoir qu'ils prennent conscience que s'ils ne sont pas là, personne ne va les remplacer. Une motivation

s'inscrit à ce moment-là. Ils se font remplacer ou ils changent leur journée, en tout cas ils s organisent entre eux. C'est intéressant pour nous, c'est le " f un".

M. Thuringer: Oui. Votre expérience est-elle la même?

Mme Bonin: Le problème quotidien est cela aussi.

M. Thuringer: Oui.

Mme Bonin: Sur vingt, il va en manquer cinq.

M. Thuringer: Parmi les gens qui se présentent, quel niveau de scolarité ont-ils générale-ment atteint ?

Mme Lessard: Secondaire II. M. Thuringer: Secondaire II. Mme Lessard: Oui.

Mme Bonin: Moi, je peux peux dire que la majorité a un secondaire V.

Mme Lessard: Ah! Tu es chanceuse.

Mme Bonin: J'en ai seulement trois qui ne sont pas admissibles aux 100 $.

M. Thuringer: Un autre sujet dont j'aime-rais que vous parliez un peu, c'est l'agent économique, tel que décrit dans le projet, qui va aider les personnes aptes au travail à vraiment s'organiser. Vous êtes très près de cette problématique. Selon le profil décrit dans le document, pensez-vous que cette personne peut remplir les fonctions telles que décrites? Comprenez-vous?

Mme Bonin: Je comprends mal la question.

M. Thuringer: L'agent économique va vraiment aider les gens à faire leur plan pour une réinsertion au travail. Quelques-unes des personnes ont déjà remarqué qu'on donne une responsabilité assez lourde pour faire une évaluation et vraiment aider cette personne dans le plan Je me demande si vous trouvez que cette responsabilité est trop lourde.

Mme Bonin: Si je comprends bien la question, vous voulez dire que l'agent qui est responsable de l'employabilité du jeune a un rôle à jouer une fois qu'il est sorti du projet et vous voulez savoir notre rôle.

M. Thuringer: Oui, peut-être que je m'exprime mal, mais certaines des personnes qui sont venues ici disent que, dans le projet, la personne qui doit être l'agent pour aider...

Mme Bonin: Oui.

M. Thuringer:... a tellement de responsabilités à remplir que ce n'est pas juste. II faudrait être Dieu pour remplir ces responsabili-tés-là.

Mme Bonin:... pour les réintégrer sur le marché du travail?

M. Thuringer: Oui, oui.

Mme Bonin: Oui. Ce n'est quand même pas facile parce que les jeunes qui arrivent chez nous sont désorientés, ils ne savent pas du tout ce qu'ils veulent faire. Alors, il y a cette étape il faut les suivre et les motiver tout le temps aussi. Le travail qu'on leur fait faire, ce nest pas nécessairement ce qu'ils veulent faire dans la vie. II faut toujours les motiver et les aider pour savoir ce qu 'ils veulent.

M. Thuringer: Quelle qualité trouvez-vous nécessaire chez une personne comme cela?

Mme Lessard: Par rapport à l'agent pour l'employabllité, mon Dieu! Ce que je dirais là-dessus, c'est que ces gens là devraient être beaucoup plus consultatifs. Ils ne sont pas consultatifs. Ils ne viennent pas voir comment les participants ont fonctionné dans le projet. Je n'ai eu qu'un appel pour avoir une référence, enfin une idée du travail du jeune. Personnellement, je n'ai vraiment pas eu, au point de vue consultatif. J'ai l'impression qu'ils agissent seuls au niveau du jeune assisté. Pour les qualités, je dirais qu'il faut beaucoup d'écoute. Vu qu'ils ne consultent pas beaucoup, il va falloir qu'ils soient beaucoup à l'écoute du jeune pour savoir ce qu'il a vécu et ce qu'il a retiré de ce projet pour aller plus loin.

M. Thuringer: Merci.

Le Président (M. Bélanger): II reste encore six minutes à la formation ministérielle.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je n'ai pas le goût de toutes les utiliser, mais une question me chicote. Vous travaillez toutes les deux comme responsables de projets ou de groupes de personnes qui oeuvrent auprès des personnes âgées. Vous le faites avec un taux de succès remarquable. Votre témoignage montre que les gens qui rendent les services, les prestataires des services, le font de façon à améliorer leur propre employabilité et à se sortir de l'aide sociale.

Ma question va toucher les gens à qui ces services sont rendus. Votre clientèle, à qui vous rendez des services par personne interposée, ce sont des personnes âgées. De quelle façon évaluez-vous les services donnés à ces personnes âgées et le taux de satisfaction qu'en retire

cette clientèle, si taux de satisfaction il y a?

Mme Lessard: Je n'ai qu'un mot à dire, c'est extraordinaire Personnellement, pour ce qui est du centre ou je travaille, c'était triste, il n'y avait rien, ça ne bougeait pas beaucoup, et avec eux, ça bouge, il y a de la vie, il y a du mouvement, il y a toujours quelqu'un dans les corridors, il y a toujours un jeune, un stagiaire avec une personne âgée, on les rencontre, ils sont partout. Je me dis que juste cela crée un mouvement qui n'existait pas avant dans l'institution. En plus, avec eux, on a pu améliorer la qualité sur le plan des activités, ce qu'on n'avait pas avant parce qu'on n'avait personne pour faire le transport et pour accompagner la personne âgée et lui dire. Non, ce n'est pas à droite, c'est à gauche qu'il faut que tu ailles. Avant, on n'avait personne, personne n'est rémunéré pour faire cela, il n'y a jamais eu de poste pour cela. Eux, le font en tant que bénévoles stagiaires et ils le font tellement bien. C'est une réciprocité tellement grande, tellement importante, ils s'en rendent compte, l'un et l'autre ont besoin d'aide. Ils font un partage, un échange de connaissances. Des rencontres ont lieu un après-midi par semaine, les animateurs sont là et n'ont pas un mot à dire, cela se fait entre eux, on n'a même pas besoin d'être là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme Bonin, vous n'êtes pas obligée de répondre la même chose, je vous adresse la même question.

Mme Bonin: Pour nous, c'est différent nous allons à domicile, mais je peux dire un mot, aussi, on est indispensable. Toutes les personnes âgées qui ont commencé à bénéficier du service, qu'il s'agisse d'une demi-journée par semaine ou d'une journée par semaine, ne peuvent plus s'en passer. Pour eux, c'est beaucoup de sécurité de savoir qu'une personne va aller faire l'entretien, cela leur apporte un grand soulagement.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve, est-ce que vous voulez remercier le groupe?

Mme Harel: Oui, certainement. Merci. Je sentais dans votre exposé l'affection que vous portez à ces personnes. J'imagine que c'est absolument essentiel pour que cela donne les résultats que vous nous avez exposés. C'est un élément sur laque! on ne légifère pas. mais qui est pourtant extrêmement important. Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci, Mmes Lessard et Bonin pour le travail que vous avez effectué auprès de ces jeunes, parce qu'il s'agit jusqu'à maintenant strictement de jeunes ainsi que des gens qui ont bénéficié des services parce que vous avez décidé de vous impliquer. Au nom du gouvernement du Québec, merci. (16 heures)

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales remercie les Responsables des projets d'implication communautaire. Elle invite à la table des témoins la Coalltition populaire régionale de l'Outaouais, qui sera représentée par M. Mario Dion et M. Guy Fortier. Vous connaissez sans doute nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire ou son résumé. Et il y a 40 minutes de discussion avec les parlementaires. Je vous prierais aussi, à chaque fois que vous intervenez, de bien vouloir vous identifier aux fins de la transcription du Journal des débats. Si vous pouviez vous présenter et ensuite nous présenter votre mémoire.

Coalition populaire régionale de l'Outaouais

M. Fortier (Guy): Bonjour, tout le monde. Je suis Guy Fortier, représentant de la table régionale des OVEP de l'Outaouais - table ronde des OVEP de l'Outaouais - membre de la Coalition populaire régionale de l'Outaouais et membre du Comité de coordination de la coalition.

M. Dion (Mario): Bonjour. Je m'appelle Mario Dion. Je représente le diocèse de Gati-neau-Hull. Je fais aussi partie du conseil d'administration du Mouvement action-chômage de l'Outaouais et je suis également coordonnateur, membre de l'équipe de coordination, de la Coalition populaire régionale de l'Outaouais.

M. Fortier (Guy): Je voulais juste souligner, au départ, que la Coalition populaire régionale de l'Outaouais regroupe une douzaine d'organismes de la région de l'Outaouais dont l'Assemblée des groupes de femmes en intervention régionale, la Coopérative d'économie familiale de l'Outaouais. l'Association de défense des droits sociaux de Mull, le Conseil central CSN de l'Outaouais, le diocèse de Gatineau-Hull, le Mouvement action-chômage de l'Outaouais, le Mouvement des travailleurs, travailleuses, chrétiens et chrétiennes de l'Outaouais, le groupe Là je m'en occupe, la Fédération des travailleurs du Québec, secteur de Hull, de l'Outaouais. Table ronde des OVEP de l'Outaouais, le Syndicat de l'emploi de l'immigration du Canada et le Syndicat de l'enseignement de l'Outaouais.

Nous avons aussi apporté d'autres copies du mémoire, vu qu'il y avait des petites erreurs dans celui qu'on avait envoyé. Je ne sais pas lequel vous avez en main. En tout cas, il est ici. On va surtout vous présenter une synthèse verbale du mémoire, croyant que vous en avez déjà eu l'essentiel et on va pouvoir faire notre exposé d'une façon plus large et plus étendue. II y aura certaines données ou statistiques pour appuyer ce qu'on dit: Elles ne sont pas con-

tenues dans le document, mais il peut être utile pour vous de les noter.

M. Dion: Je commencerai par une brève introduction. Il me semble que, dans un premier temps, pour nous à la coalition, ce qui est important c'est de situer la question de l'aide sociale dans une perspective historique. Trop souvent, surtout chez les politiciens en général, on manque de mémoire. Si on regarde donc, dans un premier temps, l'histoire, au tableau de la page 9 du document "Pour une politique de sécurité du revenu", on se rend compte que, de 1974 à 1985, il y a une augmentation constante du nombre de personnes bénéficiaires de l'aide sociale. De la même façon, dans les statistiques, on se rend compte que le taux de chômage augmente aussi. Ce qui veut dire que les assistés sociaux, les personnes bénéficiaires de l'aide sociale, sont des chômeurs et chômeuses déguisés. De 1985 à 1987, on voit une baisse. Que veut dire cette baisse? C'est qu'il y a une reprise économique à la suite de la crise économique qu'on a connue en 1981 et en 1982. Il y a eu une reprise et il y a comme une baisse du nombre de personnes bénéficiaires de l'aide sociale. On peut comprendre facilement, de ce qu'on a écouté tout à l'heure, que, dans les programmes où il y avait un certain taux de succès en ce qui concerne les emplois à temps plein, ce n'est pas à cause des programmes X ou Y, c'est à cause d'une reprise globale de l'économie.

C'est que les partis politiques, par exemple, que ce soit les conservateurs ou les libéraux, au niveau provincial ou fédéral, se vantent d'avoir favorisé l'emploi depuis X années, depuis qu'ils sont au pouvoir. En réalité, c'est une conjoncture économique qui en est ta cause. Ce sont les cycles économiques. Quand on a un peu de notions en économie, on se rend compte qu'il y a des cycles économiques et que ça Joue là-dessus. Cela a été défavorable pour le PQ en 1980-1981. C'est peut-être pour cela qu'il a perdu ses élections. On se rend compte qu'il faut regarder la situation des assistés sociaux dans une perspective globale. Cela veut dire que les véritables responsables de la situation qu'on connaît et qu'on a connue pendant un nombre considérable d'années, pendant quinze ans, ce ne sont pas celles qui bénéficient de l'aide sociale. Ce sont les gouvernements. La succession des gouvernements, au cours des quinze dernières années, a fait en sorte qu'aujourd'hui on veuitle mettre la responsabilité des situations tragiques de l'aide sociale sur le dos de l'aide sociale elle-même, alors que c'est la responsabilité des différents gouvernements de l'histoire récente. Cela veut dire la privatisation de l'aide sociale. Pour nous, c'est ce que cela veut dire. La privatisation de l'aide sociale, cela va avec la privatisation des entreprises. Cela va avec toute la déréglementation. Elle est fondamentalement reliée à toute une organisation de notre société et à une perspective globale de l'économie et de la politique. Pour nous, il est inconvenable de penser un projet de politique de sécurité du revenu sans se rappeler cette mémoire collective du Québec d'aujourd'hui. Si on n'a pas cette mémoire-là, on fait des politiques à courte vue comme, selon nous, ce document veut prétendre faire.

Par conséquent, pour nous, ce qui est important et fondamental, c'est une politique de plein emploi. Ce n'est pas l'unique chose. On sait que le plein emploi est relié à la fiscalité. Quand on pense qu'en 1983, les personnes qui gagnaient plus de 100 000 $ n'ont pas payé un cent d'impôt au Canada, ça c'est un scandale. C'est, pour nous, la preuve que la question de l'emploi est reliée aussi à la fiscalité. Elle est reliée à l'ensemble de l'organisation sociale d'une société.

Cela dit, nous avons choisi le plein emploi. À la coalition, c'est à cela qu'on s'attaque. C'est pour cela qu'on s'est groupé ensemble. Pour nous, le plein emploi doit être une priorité économique et sociale. On définit le plein emploi à ia page 2. Le plein emploi désigne une situation réalisée lorsque toute personne qui peut travailler, tout en faisant respecter son intégrité physique et mentale, sans être forcée de changer de localité, trouve un emploi à un taux salarial décent, dans un délai raisonnable et respectant son niveau de qualification et de capacité, qui peut lui assurer une qualité de vie. On a construit le mémoire à partir de ces volets. En quatre volets, on a développé un chapitre pour expliciter cette définition.

À la page 3, on dit: Toute personne qui peut travailler tout en faisant respecter son intégrité physique et mentale. Derrière cela, c'est le concept de l'employabilité. Pour nous, c'est une hypothèse de base, c'est-à-dire qu'en ce qui concerne le marché du travail, la demande d'emploi doit correspondre à l'offre. Cela présuppose qu'il y a des emplois pour les gens, donc qu'on n'a qu'à offrir des programmes de formation, des projets, etc., pour faire correspondre la demande de travail à l'offre de travail. C'est l'hypothèse de fond de ce document dans la section des aptes, deuxième volet du document, "Pour une politique de sécurité du revenu". Cette hypothèse, à notre avis, est fausse. Nons disons qu'il n'y a pas d'emploi. Vous avez des statistiques que je n'énuméreral pas ici, mais que vous pouvez lire, et d'autres mouvements sont aussi venus ici, devant fa commission, pour dire qu'il n'y en a pas d'emplois. C'est notre prédicat de base. Il n'y a pas d'emploi. Mais, on dit qu'il y en a. Cela engendre des préjugés envers les assistés sociaux. Le premier préjugé, c'est que les assistés sociaux ne veulent pas travailler, et c'est répandu dans notre société. Cette politique de sécurité du revenu à l'incitation au travail, dit-on, c'est de dire, comme prédicat de base, que les assistés sociaux ne veulent pas travailler, donc il faut les soumettre à des programmes obligatoires pour les obliger à travailler.

Les assistés sociaux, ce sont des fraudeurs et des fraudeuses. Hier, vous avez accueilli, ici en commission, des médecins des CLSC qui ont dit pourquoi les jeunes fraudaient. Vous avez accueilli la Ligue des droits et libertés qui disait pourquoi les femmes chefs de famille monoparentale faisaient supposément de la fraude à cause d'une mauvaise définition de la notion "fraude maritale". Pour nous, il y a aussi d'autres fraudes dont on parle très peu dans notre société; les fraudes que les compagnies font, et là dans le document on vous donne un exemple, mais il y en a une foule d'autres. C'est à coup de millions et de milliards. Quand on arrive pour parler des assistés sociaux, on a fini par en découvrir un avec cinq cartes de cinq noms différents. On met ça en première vue dans les manchettes, ce qui renforce les préjugés et surtout on pense que ce sont des gens qui profitent de l'État. Oui profite de l'État dans notre société? C'est l'État providence qu'on veut remettre en question dans le fond.

On s'est amusé à vous faire quelques petites statistiques avec vos augmentations que vous avez reçues, messieurs et mesdames les députés, à Noël 1987. En 1985 un chômeur recevait en moyenne 3100 $ par année. Vous avez reçu une augmentation de 9280 $, sans parler des bonus, etc, etc. Qu'est-ce que ça veut dire? 9280 S divisés par 52, ça fait 178 $ d'augmentation par semaine. C'est ce que reçoit un jeune assisté social par mois. Si vous prenez 178 $ et que vous divisez ça par 40 heures, ça fait disons que vous travaillez plus de 40 heures, mais nous autres aussi on travaille plus de 40 heures, il n'y a pas juste vous autres - 4. 46 $ l'heure. C'est le salaire minimum, ça. Vous vous êtes donnés une augmentation du salaire minimum alors que dans votre document, M. le ministre, vous proposez qu'on ne dépasse pas le seuil minimum, le salaire minimum, alors que vous et les autres députés vous vous êtes donnés une augmentation qui équivaut au salaire minimum.

Qui vit de l'État providence? Les assistés sociaux... Un jeune, supposons, de plus 'de 25 ans, participant selon la réforme, on passe de 503 $ indexés en 1989 à 520 $, ce qui veut dire 17 $ d'augmentation par mois. On leur donne une augmentation de 204 $ par année, soit un revenu de 6240 $. Vous pouvez faire les comptes sur le pourcentage que cela représente par rapport à votre augmentation. Ce sont des chiffres qui parlent, mais on pourrait sortir des chiffres comma ça à la tonne pour savoir qui profite de l'État dans notre société.

On parle aussi, dans notre document, de la situation des femmes et pour nous c'est très important la catégorisation des femmes et des jeunes. Les femmes en particulier parce que les femmes représentent la majorité à l'aide sociale.

Quand on dit dans notre document: La catégorisation affectera particulièrement les femmes. Les femmes continuent de subir la discrimination sur le marché du travail. Les femmes chefs de famille qui, en plus de la difficulté d'obtenir un emploi, sont seules pour s'occuper des enfants et des autres tâches ménagères, n'ont pas seulement des difficultés à avoir un emploi à temps plein - 75 % des emplois qui ont été créés depuis les dernières années sont des emplois à temps partiel - mais aussi, elles ne peuvent accéder à des promotions. En 1933, le revenu moyen des familles ayant une femme comme chef était seulement de 19 661 $ comparativement à 36 878 $ pour les familles ayant un chef de sexe masculin. Une catégorisation telle que proposée dans le document d'orientation risque de marginaliser davantage les femmes et particulièrement les femmes chefs de famille. (16 h 15)

Finalement, pour nous la deuxième partie - sans être forcé de changer de localité - veut aussi faire référence à toute la question rurale et la mobilité des personnes. On laisse un gros silence là-dessus. Il y a encore de l'exode rural au Québec. On parle de Pontiac, de la région de Maniwaki dans l'Outaouais. Il y a des zones pauvres où les jeunes quittent les régions. Des études de tout acabit ont été faites sur ce problème ou le fait de venir trouver de l'emploi dans les villes, soit l'exode rural. Nous posons des questions. On n'en parle pas dans le document. Dans une zone rurale affectée par un taux de chômage, forcerons-nous les personnes aptes à changer de localité pour une expérience en milieu de travail sans garantie de stabilité? Exigerons-nous une mobilité des ruraux pour participer à des emplois précaires en milieu urbain? En d'autres mots, quel genre de pression sera faite sur les personnes qui bénéficient de l'aide sociale pour les amener à changer de milieu, si elles sont jugées aptes et disponibles, pour être considérées participantes et avoir plein droit à leurs prestations? Pour nous, il ne peut pas y avoir de politique de sécurité du revenu s'il n'y a pas un développement économique régional. Il me semble que cela est fondamental. Sinon, on crée des catégorisations, on ne tient pas compte de la réalité des gens en milieux ruraux.

M. Fortier (Guy): Je continuerais la présentation de notre mémoire sur les deux derniers volets de notre définition du plein emploi, c'est-à-dire; trouver un emploi à un taux salarial décent dans un délai raisonnable. C'est sûr que sous ce volet, on touche plutôt l'aspect économique ou le revenu d'un emploi. On va d'abord commencer par dire qu'il y a des prédicats qui sont présentés dans le document avec lesquels on est d'accord, c'est-à-dire que l'autonomie financière devrait être assurée par un travail ou un emploi. On ne met pas cela en cause. L'autonomie financière comprise dans le sens de pouvoir subvenir aux besoins fondamentaux essentiels de la famille: logement, vêtements, nourriture, loisirs, soins de santé. L'employabilité

aussi. On dit que si c'est pris dans le sens d'un droit fondamental pour une personne de travailler et de mettre tout en oeuvre pour que ce droit soit respecté, on dit oui, on est d'accord avec cela. On ne sera pas contre cela si on entend employabilité dans ce sens.

II y a aussi un autre point sur lequel on dit. C'est vrai l'aide sociale ne doit pas se substituer à d'autres régimes d'assistance sociale. Si cela se produit actuellement, je pense que le gouvernement doit plutôt interroger l'ensemble des politiques régissant les autres régimes aussi. C'est souvent I'accessibilité, l'admissibilité et les lenteurs administratives qui engendrent la conséquence suivante, des gens qui devraient recevoir des prestations de la CSST ou d'ailleurs sont refusés et on les retrouve bénéficiant de l'aide sociale.

Mais il y a des prédicats qui masquent des réalités, par exemple. Là-dessus, on dit, et il y en a d'abord un qui nous a vraiment déconcerté, à savoir, qu'on prenne comme base pour comparer les barèmes d'aide sociale te taux du salaire minimum actuel, c'est-à-dire que les prestations ne doivent pas dépasser ce qu'une personne peut gagner au salaire minimum. C'est presque dire que le salaire minimum, comme c'est suffisant, tes prestations d'aide sociale ne doivent pas être plus élevées pour que les gens aient le goût de retourner sur le marché du travail. Alors, nous disons que ni le salaire minimum et qu'encore moins ie taux des prestations suggérées ne correspondent à un revenu minimal qui permette à des gens d'avoir une autonomie financière dans le sens qu'on voulait l'entendre.

Deuxièmement, on se dit. Dans le programme APPORT, ie gouvernement reconnaît cette carence puisque pour le revenu d'une famille qui est sur le marché du travail, si le revenu n'est pas suffisant on dit que l'on va combler. Alors, c'est nettement suffisant. On a une question Quand une famille ou un individu exerce son droit de travail, pourquoi n'est-il pas en mesure d'attendre de cet exercice un revenu décent pour répondre à ses besoins essentiels? Comment se fait-il que l'État reconnaît qu'il doit combler un trou ou un vide?

Une autre question. Cela revient à la question qui profite de l'État? On se rend compte que dans un revenu mensuel qu'une personne apte et disponible et participante pourrait recevoir dans une participation au programme, le taux de participation de l'employeur est d'environ 80 %. Cela n'est pas seulement pour les employeurs. On dit que cela peut créer une question de sous-traitance et les employeurs peuvent avoir des gens en formation, qui développent l'employabilité dans leur usine ou dans leur compagnie et ils n'ont à débourser que 80 $ puisque la personne a le droit de gagner 80 $. Cela fait une main-d'oeuvre à très bon marché pour des employeurs aussi bien que pour les ministères, parce qu'on sait que cela se produit aussi dans les ministères, pour des emplois ou des besoins que les ministères ont, que les compagnies ont d'avoir des gens qui travaillent pour 80 $. On retrouve à ce moment dans les milieux de travail, deux sortes de catégories de travailleurs. Une qui est à l'emploi régulier, à un salaire protégé, ou protégé par des différentes normes et une autre qui n'a pas d avantages reliés à un emploi.

Le Président (M Bélanger): Si vous voulez bien conclure s'il vous plaît.

M. Fortier (Guy): On va passer à la conclusion. De toute façon je vous inviterai à lire le mémoire au complet. On se rend compte qu'ironiquement le gouvernement ose reconnaître que toute société respectueuse des droits humains doit fournir à ses citoyens la possibilité de se trouver un emploi rémunérateur. La coalition, qui a comme raison d'être la promotion du plein emploi, ne peut être que d'accord avec cette affirmation. D'ailleurs, c'est précisément l'impossibilité des milliers de Québécois et de Québécoises de se trouver un emploi qui fait que notre société n'est pas respectueuse des droits humains. Avec la réforme d'aide sociale proposée par le gouvernement, le mépris des droits humains va continuer. Lorsque le gouvernement prétend que, malgré un taux de chômage qui demeure encore élevé, les personnes employables pourront retourner sur le marché du travail et sauront se créer un emploi, la démagogie prend des proportions grandioses. Cette prétention démesurée est en fait un mensonge grossier Mensonge, parce que le gouvernement reconnaît, et se doit de reconnaître, que ces 341 536 personnes dites employables sont en réalité des victimes de la récession économique, du virage technologique et de la monoparentalité. Et grossier, parce qu'il entretient et cautionne des préjugés à l'endroit des victimes.

Si la reprise économique a donné lieu à une croissance inespérée, force est de constater que la situation de l'emploi demeure toujours dramatique La reprise économique n'a pas profité aux 630 000 Québécois et Québécoises sans emploi, ni aux 400 000 Québécoises sous-employées, ni aux milliers de travailleurs et de travailleuses au salaire minimum. Si en temps de prospérité notre économie libre n'est pas en mesure de répondre aux besoins des sans-emploi, elle ne le fera pas davantage pendant les années de vaches maigres. L'hypothèse d'un essoufflement économique ou même d'une autre récession n'est pas à écarter, à la lumière des récents chocs boursiers. Dans les déclarations prébudgétalres, le Conseil économique du Canada et la Conference Board prévolent, pour les années à venir, un ralentissement économique tous les deux ans.

Les défenseurs de I'économie libre répondront sans doute qu'il faut réduire encore plus les déficits par d'autres coupures dans les programmes sociaux et poursuivre la déréglementation et la privatisation. Ainsi le Québec sera

plus concurrentiel. Des investissements afflueront et la situation d'emploi sera redressée. C'est dans une telle perspective trompeuse que la réforme de l'aide sociale est préconisée. Cette perspective propose et prône le maintien du salaire minimum en-deçà du seuil de pauvreté pour garantir une main-d'oeuvre à bon marché, le maintien d'un écart entre le salaire minimum et les prestations d'aide sociale maximum, pour assurer un budget de dépenses sociales modeste, l'introduction de barèmes plus réduits pour lesdits employables, pour augmenter l'offre de la main-d'oeuvre et, par conséquent réduire sa valeur d'échange, finalement, l'introduction de contrats coercitifs pour garantir une main-d'oeuvre à très bon marché. La coalition s'oppose énergiquement.

Le Président (M. Bélanger): C'est tout le temps dont on disposait, je m'en excuse. Quelques mots pour conclure très brièvement, s'il vous plaît.

M. Dion: C'est parce que dans le document que vous avez, il n'y a pas notre recommandation, alors on a une recommandation. Est-ce qu'on peut en faire lecture?

Le Président (M. Bélanger): J'ai consentement, allez-y.

M. Dion: C'est parce qu'il y a des copies ici pour ceux et celles qui en voudraient. Notre recommandation, évidemment, a un lien avec le texte. La Coalition populaire régionale de l'Outaouais n'a qu'une seule recommandation à faire à cette commission concernant la proposition gouvernementale en matière de sécurité du revenu. Il faut rejeter ce projet de réforme en entier. Que le gouvernement fasse table rase et recommence l'exercice pour arriver à un projet de réforme qui réponde aux questions soulevées dans notre mémoire. À cause de ses fondements erronés et intellectuellement malhonnêtes, les corrections qui s'imposent à ladite proposition gouvernementale dépassent largement les limites d'un ou des amendements. À la lumière des arguments énoncés à l'intérieur du présent mémoire, nous proposons que soit développée une politique de plein emploi fondée sur la reconnaissance du droit au travail, non pas comme une abstraction, mais accompagnée de mesures visant à rendre l'exercice de ce droit une réalité et qu'en attendant la mise en place d'une telle politique, que soit reconnu aux jeunes de 18 à 30 ans, sans référence aux catégories de dépendants ou d'indépendants, le droit à la parité des prestations d'aide sociale pour personnes seules et ce, le plus rapidement possible.

Le Président (M. Bélanger): Merci M. le ministre

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je veux remercier la Coalition populaire régionale de l'Outaouais et ses porte-parole, MM. Dion et Fortier. Moi aussi, je suis un peu encarcané dans le temps. Votre mémoire et les sujets qu'il aborde mériteraient plus de temps de discussion. Je vais donc tenter de répondre, dans un premier temps aux arguments verbaux que vous nous avez acheminés et, si le temps me le permet, de retomber dans votre mémoire et de vous adresser quelques questions pour des points de clarification ou pour des échanges.

Je vous dirai immédiatement que j'apprécie le ton, malgré que le vocabulaire soit lourd, le ton de discussion est adéquat. Je vous dirai qu'à partir de quelques statistiques que vous avez citées, peut-être que j'en serais arrivé aux mêmes conclusions que vous, mais il me semble et il m'apparaît que les statistiques dont vous disposez sont des statistiques qui remontent dans le temps Je ne vous en tiens pas rigueur. Une organisation aussi importante que la CSN nous est arrivé cette semaine avec des statistiques de 1984. On sait comment cela peut évoluer rapidement dans le domaine économique, dans un sens ou dans l'autre.

Dans un premier temps, j'aimerais qu'on se comprenne bien sur les préjugés qui existent dans la société et que vous avez mentionnés. De façon à clarifier ces préjugés et à tenter de renverser ia tendance, je vous indiquerai ou tenterai de vous décrire brièvement quelle est la clientèle que nous avons à l'aide sociale et dont nous sommes responsables comme ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Cette clientèle est composée d'approximativement 400 000 chefs de ménage, parmi lesquels 25 % ou 100 000 sont considérés comme incapables de subvenir par leur travail à leurs besoins de base et ce, pour une longue période pendant leur vie. Le reste des 300 000 ménages, ou les 75 % que l'on dit capables de subvenir à leurs besoins, n'a peut-être pas accès au marché du travail. Je rejoindrai tantôt une notion que vous avez soulevée qui m'apparaît de plus en plus importante dans cette discussion le droit au travail. Dans cette clientèle composée de 36 % d'analphabètes fonctionnels, 60 % ne détiennent pas de diplôme d'études secondaires, 40 % n'ont pas d'expérience de travail antérieure. Vous n'avez qu'à prendre le journal d'aujourd'hui, d'hier et probablement celui de demain et vérifier les offres d'emploi, on ne peut prétendre que cette clientèle, à cause de ses lacunes en matière d'employabilité, a le droit au travail parce qu'elle n'a même pas le droit, dans la majorité des emplois, de poser sa candidature pour l'obtenir. Et il y a là une responsabilité qui n'est pas simplement, comme vous sembliez l'indiquer, due à la personne, mais il y a également une responsabilité due au système et aux gouvernements qui se succèdent et qui tiennent pour acquis qu'en plaçant ces gens en marge de la société, en leur adressant un chèque mensuel, on a accompli ce qu'on devait accomplir comme gouvernement.

Dans les statistiques de création d'emplois, ce ne sont pas les plus récentes, il y a les quinzaines, mais je vais vous donner les dernières mensuelles, de janvier à janvier, donc janvier 1987 à janvier 1988, création d'emplois au Québec: 122 000 emplois nouveaux ont été créés. Parmi ces emplois, là qualité de ces emplois est également importante parce que vous avez mentionné qu'il s'agissait d'emplois particulièrement à temps partiel, etc. C'est complètement erroné comme approche. Dans ces 122 000 emplois, 116 000 sont des emplois à temps plein, 5 000 sont des emplois à temps partiel. Les secteurs d'activité où ces emplois ont été créés: dans les secteurs des finances, de l'assurance et des affaires immobilières, 41 000; des industries manufacturières, 35 000; de la construction, 16 000.

Pour la question de la proportion des emplois créés qui sont allés aux gens de sexe féminin dans la société, je vous réfère à la revue le Marché du travail de novembre 1987. Selon les estimations non désaisonnalisées de Statistiques Canada, 101 000 emplois se sont ajoutés au Québec en septembre 1987 par rapport à septembre 1986, une croissance de 3, 5 %. Les femmes sont les grandes gagnantes de cette progression puisqu'elles ont accaparé 70 % des nouveaux emplois, une augmentation de 5, 9 % en regard de 1, 8 % pour les hommes. Les femmes de 45 à 64 ans ont connu la hausse la plus spectaculaire, etc. (16 h 30)

Cela situe le marché de l'emploi dans un contexte que je qualifierais de différent de celui que vous nous avez présenté quant à l'obtention d'emploi selon le sexe et quant à la qualité et au nombre des emplois qui ont été créés au cours de la dernière année.

Vous avez fait allusion, et je pense que c'est M. Dion, à toute la question de la privatisation, de la déréglementation, etc. J'ai été l'un des ministres, non pas comme ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, qui ont été responsables d'une importante politique de déréglementation. Je vous dirai que je suis ici devant vous et j'en suis fier. Je vais vous rappeler quelle politique de déréglementation. Les gens de l'Outaouais nous ont soutenus en majorité dans cette politique de déréglementation, en tout cas par la voix de leur député, et c'est également l'écho qu'on a eu des groupes qu'il représentait dans la région, en matière de construction. On a déréglementé le fameux permis de travail en matière de construction qui empêchait les jeunes d'avoir accès à l'industrie de la construction. Tous les jeunes qui ont terminé, à la suite de cette déréglementation, dans nos écoles secondaires, avec un diplôme dans le domaine se sont trouvé des emplois dans l'industrie de la construction au cours de l'été dernier.

De la déréglementation, il peut, je vous le souligne bien humblement, y avoir des effets qui soient bénéfiques pour la société iI ne s'agit pas, dans ces domaines ou dans ces matières, d'avoir des approches dites dogmatiques, il s'agit de regarder secteur d'activité par secteur d'activité et de réglementer là où cela nous apparaît plus socialement juste et, également, d'avoir une approche de déréglementation là également où il y a eu des abus dans le passé, là où des couches de la société ont été complètement exclues de la notion même du droit au travail et c'était le cas dans l'industrie de la construction jusqu'au moment où nous avons déréglementé.

Mobilité des personnes. Je pense que votre mémoire est d'une pertinence à ce sujet qui est rafraîchissante. Vous êtes le deuxième ou le troisième groupe régional - si j'exclus les dames qui vous ont précédés parce qu'il s'agissait quand même de travaux communautaires effectués en régions, et iI y avait les gens de Nicolet la semaine dernière - qui insistez pour que les programmes mis en place ne provoquent pas un nouvel exode rural ou ne l'accentue pas. Je vous dirai que, comme député de région, je prends excessivement bonne note de ces propos et j'y porterai une attention particulière. Il y a déjà un aspect de la régionalisation des mesures qui apparaît dans le livre vert. Dans son application, je m'assurerai que cela ne le provoque pas. Cela veut dire que, de façon pratique, tous les programmes devraient être disponibles en régions de façon à ne pas forcer ou provoquer cet exode. Le développement économique régional fait également partie - et vous avez raison de le souligner - d'une digue à cet exode rural. Je vous indiquerai que les politiques mises de l'avant par l'actuel gouvernement ont fait en sorte que - sauf pour deux régions qui sont, si ma mémoire m'est fidèle, le Bas-Saint-Laurent et les Laurentides - le taux de chômage et le nombre d'assistés sociaux ont baissé dans chacune des régions au Québec.

Vous avez parlé des tracasseries administratives à la Régie des rentes, la CSST ou la Régie de l'assurance automobile, vous avez raison également là. Il faut que l'aide sociale demeure un palier de dernier recours et il ne faut pas que les tracasseries administratives au niveau de ces programmes nous amènent de la clientèle qui devrait aller ailleurs.

Taux du salaire minimum. Là, je souhaiterais qu'on ait un échange de fond. Je vais admettre - et je pense que ce n'est pas une admission qui est difficile - que le taux du salaire minimum se situe en deçà des seuils de pauvreté qui sont établis par Statistique Canada. C'est aussi simple que cela. Je vous dirai que des efforts ont été faits par l'actuel gouvernement. Il n'y a pas eu indexation du salaire minimum au cours des deux dernières années, il y a eu une augmentation au cours des deux dernières années supérieure à l'inflation. Du rattrapage a été fait, mais il en reste à faire. Je vous dirai que le gouvernement précédent nous a placés dans une

situation extrêmement difficile quant au salaire minimum, il faut se rappeler qu'il l'avait gelé pendant une période de cinq ans.

Le risque que vous énoncez, parce que vous soulevez tellement de questions intéressantes, c'est celui de créer du "cheap labour". Vous' avez fait appel à la notion d'entreprise et à la notion du gouvernemental ou paragouvernemental. Là aussi, vos informations devraient être revérifiées. Sur le plan gouvernemental, je vais vous donner un exemple. À l'été 1987, les assistés sociaux qui ont participé aux programmes de stage en entreprise à la société REXFOR ont eu des rémunérations ou des conditions de travail qui se lisent comme suit. Salaire, taux horaire: 10, 69 $; cédule de travail, 38 h 45 par semaine; allocation pour équipement, allocation de transport, etc., en ajout. C'est la façon dont sont rémunérés les assistés sociaux qui participent à des mesures de stages en entreprise au gouvernement.

Si vous en doutez, je peux vous communiquer que mon collègue Albert Côté, ministre responsable des Forêts, trouve qu'on paie cher. On ne paie pas cher parce que c'est donner à ces gens des conditions de travail, lorsqu'ils effectuent du travail de production, égalés aux autres travailleurs qui travaillent dans la même entreprise. Nous considérons qu'il s'agit là d'un principe important.

Sur les points que j'ai soulevés spécifiquement quant au salaire minimum qui constitue, ce que J'ai dit, un des principes de base, je souhaiterais vous entendre davantage parce qu'il s'agit là d'une des pierres d'assise du système. Parce que nous avons vécu une période où c'était plus payant d'être bénéficiaire de l'aide sociale que de travailler au salaire minimum, l'effet sur les clientèles a été radical. Il ne s'agit pas strictement d'effet économique, parce qu'on a eu des psychologues, on a eu même des assistés sociaux qui sont venus nous donner les effets secondaires de se retrouver bénéficiaire de l'aide sociale.

Il nous apparaît important de maintenir cet incitatif de façon que les travailleurs et travailleuses au salaire minimium demeurent sur le marché du travail et que ceux et celles qui sont bénéficiaires de l'aide sociale aspirent à devenir des travailleurs sur le marché régulier du travail. Il me semble qu'il y a une divergence profonde entre nos interprétations. Non?

M. Fortier (Guy): Non, ce n'est pas une divergence.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une opposition?

M. Fortier (Guy): C'est la base de calcul. Qu'on tienne pour acquis que c'est socialement intéressant ou que c'est quelque chose auquel un travailleur ou une travailleuse un chef de famille peut aspirer, le salaire minimum, et qu'une mesure incitative punitive pour y arriver soit de baisser un barème d'aide sociale qui est déjà en dessous de ce qui est essentiel, on dit que ce n'est peut-être pas une façon d'aborder la question. Vous avez soulevé que le salaire minimum est déjà très loin du seuil de pauvreté, est-ce qu'une personne qui, par malchance, est bénéficiaire de l'aide sociale doit être punitivement encore plus mal soutenue financièrement? C'est tout simplement cela. Ce n'est pas une opposition, c'est une base de calcul sur laquelle on dit que cela nous a surpris de voir qu'on prenait le salaire minimum comme quelque chose d'enviable, quelque chose auquel on peut aspirer ou espérer comme personne ou comme famille. Parce que les emplois disponibles pour des personnes qui n'ont pas une formation très développée, qui n'ont pas une formation qualifiante, ce sont des emplois très faiblement rémunérés, souvent au salaire minimum, et ce ne sont pas nécessairement les mesures incitatives qu'on perçoit, c'est-à-dire les mesures coercitives d'incitation punitive qui vont pousser quelqu'un... Avec une formation de secondaire V, on n'accède pas nécessairement à un des 122 000 emplois dans le domaine de l'assurance ou dans ce que vous avez énuméré. Ce sont beaucoup plus des sous-emplois ou des emplois mal rémunérés, mal protégés, saisonniers ou à temps partiel. Je pense que la clientèle de l'aide sociale est fortement touchée là-dedans. Qu'on parle des 122 000 emplois, je dis oui, je ne dis pas qu'il n'y a pas eu d'emplois créés, mais quels emplois et accessibles à qui? C'est la question.

La question de l'accessibilité ou de la formation qualifiante, je n'ai pas eu le temps d'en parler tantôt, mais c'est une question qui est soulevée dans le domaine de l'éducation dans notre région parce que la formation qualifiante est accessible vraiment à qui et comment, actuellement? Si une personne est prête à entreprendre des démarches de formation collégiale ou universitaire, quelles sont les mesures qui vont aider ou soutenir cette personne dans ses démarches? Pour le secondaire V il n'y a pas de problème. On veut qu'ils fassent leur secondaire V et on leur donne 100 $. Mais quand ils sont rendus au niveau universitaire, on les envoie à un régime de prêts et bourses et il n'y a pas beaucoup de mesures sociales pour appuyer ces démarches. Il y a des frais de garde déductibles d'impôt, mais il n'y a pas de garderies accessibles à des frais qui ont de l'allure. Alors, comme la majorité des personnes visées par l'aide sociale sont des femmes chefs de famille monoparentale, il faudra envisager des mesures et permettre des investissements pour développer des mesures pour permettre une formation qualifiante.

C'est la même chose dans le domaine de la reconnaissance des "acquis expérienciels" que ce soit par un travail à la maison, une présence sur le marché du bénévolat ou par expérience de travail déjà acquise. Quand une femme, pour un certain temps donné, se retire du marché du travail et veut y retourner pour assumer ses

responsabilités familiales, quels sont les mécanismes qu'on a, au niveau institutionnel actuellement, pour reconnaître ces expériences qui peuvent être qualifiantes? Dans les dossiers actuelfement, que ce soit au niveau secondaire, collégial ou universitaire, c'est encore bien moins. Les pas ne se font pas assez vite. Il faut absolument retourner sur le banc d'école. C'est comme s'il n'y avait pas possibilité de faire reconnaître la formation qu'une personne peut avoir acquise, soit dans le bénévolat, l'implication communautaire ou par son travail, alors que les acquis sont là. Je me dis que la formation qualifiante, c'est dans ce sens-là... Formation qualifiante, oui, mais accessible comment et à qui et quelles sont les chances réelles qui vont... Je vois des gens qui sont forcés d'aller en alphabétisation pour avoir le supplément. Des personnes directrices des projets d'alphabétisation pour aller en secondaire V me disent: On a de la misère, parce qu'elles sont forcées d'y aller. Alors, est-ce que c'est le mécanisme qu'on veut prendre pour accéder à des emplois et à quelle sorte d'emplois?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On m'indique que je suis bâillonné et que mon temps est expiré. Je vous dirai que je trouve intéressant l'énoncé que vous faites au bas de la page 12 et au haut de la page 13. Je dois maintenant céder mon droit de parole à Mme la députée de Maisonneuve.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je veux également saluer la Coalition populaire régionale de l'Outaouals. J'ai lu, dans votre mémoire, les actions que vous avez menées au moment de l'étude de la commission Forget sur l'assurance-chômage. Donc, J'ai conclu que vous aviez également consulté tous les organismes regroupés au sein de la coalition à ce moment-là pour la présentation du présent mémoire.

D'abord, je voudrais peut-être revenir sur l'exemple des stages en entreprise que le ministre donnait. C'est d'abord très, très parcellaire de nous citer REXFOR parce que la connaissance qu'on en a... Malgré que le ministre ne publie pas ses chiffres... Encore une fois, je pense qu'il faut le réitérer, il est impensable pour une société de faire un débat comme celui que l'on fait sans avoir tout le portrait de la famille et des grands bouts nous manquent encore. Parce que la connaissance qu'on a des stages en entreprise, c'est surtout dans les PME et pas du tout dans des grandes entreprises, bien au contraire, les grandes entreprises, pour la plupart, auraient boudé ces stages d'une certaine façon. Alors, quand le ministre nous cite REXFOR, j'ai bien l'impression que c'est vraiment l'exception de l'exception.

M. le ministre, je réitérais que ce qu'on souhaitait, c'est d'avoir tout le portrait des mesures, notamment des stages en entreprise parce que la connaissance qu'on en a, c'est que ce n'est surtout pas dans les grandes entreprises qu'il y a eu des stages, mais surtout dans les PME. Quand vous citez REXFOR, c'est non seulement l'exception, mais l'exception de l'exception.

D'autre part, je vous écoutais tantôt présenter votre mémoire et je me disais: D'une certaine façon, c'est évident que, depuis le début de la commission, il y a comme deux réalités qui sont toutes les deux aussi vraies l'une que l'autre et qui s'exposent l'une à l'autre sans que l'une ne puisse prétendre que l'autre est fausse et vice versa. C'est-à-dire que, en d'autres termes, le ministre dit qu'il y a eu création d'emplois, c'est vrai, 122 000 emplois records, c'est vrai. Par ailleurs, en l'écoutant, j'ai parfois l'impression qu'il confond précaire et temps partiel. Cela peut être un emploi à temps plein et être quand même précaire. Précaire, cela peut vouloir dire que cela ne dure pas longtemps. On sait que, pendant la vie d'une petite et moyenne entreprise au Québec, sur 20 ans, il y en a au moins 19 d'entre elles sur 20 qui décèdent, on se dit que c'est précaire. En tout cas, cela ne dure pas le temps d'une vie. C'est de plus en plus évident. (16 h 45)

M. Dion:...

Mme Harel: Pardon?

M. Dion: Le temps d'une paix.

Mme Harel: Le temps d'une paix. Je reprenais les chiffres que nous citait un groupe qu'on n'a pas encore entendu, qui s'appelle Action-travail des femmes et qui va venir devant la commission. Il citait une étude très récente, Emploi-Avenir; perspectives professionnelles jusqu'en 1995, une étude publiée par Emploi et Immigration qui constatait que les dix occupations qui vont contribuer le plus à la croissance des emplois jusqu'en 1985, vont toutes être peu rémunératrices et procurer des salaires à peine plus élevés que le salaire minimum. Ces emplois sont déjà majoritairement occupés par les femmes puisqu'il s'agit essentiellement, parmi les dix occupations les plus créatrices d'emplois, de vente au détail, secrétariat et emploi de bureau, restauration, enseignement au niveau primaire, etc. On aura l'occasion avec Action-travail des femmes, lorsqu'elles viendront, d'explorer davantage cette dimension. Mais il demeure que la réalité du rapport emploi-population, la réalité du taux d'activité des personnes en emploi dans une société, disons, de 1981 à 1987, dénote que finalement cela ne bouge à peu près pas. Donc, malgré les taux records, parce qu'il y a modernisation, parce qu'il y a des changementas technologiques, parce qu'il y a des mutationss technologiques... La caisse enregistreuse à fonc-

tions multiples qui fait bip bip, cela en a enlevé des emplois. Il a beau s'en créer beaucoup, mais pour que le taux de chômage ne change pas plus que cela, il faut comprendre qu'en même temps qu'il s'en crée beaucoup, il se crée aussi des fermetures, des licenciements, des changements, des fermetures de postes. Il y a aussi une arrivée massive et historique des femmes sur le marché du travail. Je lisais des chiffres qui disaient qu'entre 1971 et 1981, c'est passé de 32 % à 51 % et qu'on n'aurait rien vu encore parce qu'une société comme le Québec va bientôt se rapprocher de celle de l'Ontario, soit 60 %. Alors, cela va aller aussi en augmentant. Qu'il y ait le moindrement un ralentissement, c'est la catastrophe. Le ralentissement, les observateurs le prévoient pour bientôt. Il ne faut pas le souhaiter, mais cela a l'air que c'est cyclique et c'est ce qu'il faut planifier.

Vous venez de l'Outaouais. Je relisais le mémoire du Conseil des affaires sociales et de la famille qui démontrait que, même s'il y avait eu évolution nette et une augmentation d'emplois, les disparités entre les municipalités n'avaient cessé d'augmenter. Ces gens ont fait une carte. Ils ont recensé les emplois pour se rendre compte que c'était déjà dans les territoires où il y en avait, c'est dans ces mêmes territoires, que cela a augmenté. Finalement, relativement, il y a des régions, et des quartiers qui sont encore plus sans emploi, malgré les taux du ministre. Ce qui a été conclu, c'est qu'il y a deux Québec: II y a un Québec qui est en croissance réelle et un Québec qui est en sous-développement réel. Cette étude est saisissante. Comment les deux Québec sont aussi vrais l'un que l'autre? Vous parlez du Québec en sous-développement et le ministre parle du Québec en croissance. Le problème, c'est qu'ils sont en train de s'éloigner l'un de l'autre. Cela me fait penser, pour ma démonstration, à ceci: est-ce que ce verre est à moitié vide ou à moitié plein? On peut s'obstiner comme cela pendant des semaines. Le problème c'est est-ce qu'il a quelqu'un qui va se donner la responsabilité de le remplir? Quelles sont les mesures que l'on peut utiliser? Je vois que vous voulez intervenir. Vous avez peut-être une recommandation à nous faire.

M. Dion: Je suis conscient que j'aimerais beaucoup réagir à vos mémoires que vous nous faites, vos mémoires verbaux. Je ne pense pas qu'D y ait deux Québec. Il y en a deux dans l'actualité, mais c'est parce qu'on oublié l'histoire, on oublie ce qui se passe dans notre société sur une longue période. Vous êtes des politiciens, vous travaillez à court terme. On nous donne des statistiques de 1987-1988, pour un an. Comme l'a dit Mme la députée, on aurait pu faire la même argumentation avec vos statistiques. Mais, plus fondamentalement encore, selon nous, iI faut voir cela sur une longue perspective. C'est pour cela que l'encadrement de notre Intervention était important. Il faut situer cela dans une histoire. Ce qui veut dire que l'écart entre les plus riches de notre société par rapport aux autres s'en va en augmentant. De la même façon, on parle de deux Québec comme on parle de deux mondes entre le tiers monde et le premier monde, entre le Nord et le Sud, c'est la même problématique. L'écart s'en va grandissant, c'est une mondialisation de l'économie. Vos politiques sont toujours à court terme mais jamais deux gouvernements vont dire, que ce soit un gouvernement libéral, péquiste, NPD, on s'en sacre... Ce qu'il faut, c'est une politique de plein emploi à long terme, que les gouvernements s'engagent, avec le patronat, avec les syndicats pour dire: Ensemble, on va faire une société différente. Pour qui? Pour les gens qui subissent l'organisation de notre société. C'est cela qu'il faut comprendre et c'est un point de vue à partir des assistés sociaux. Ce n'est pas à partir de ceux ou celles qui ont le pouvoir dans notre société.

Vous pouvez citer REXFOR, c'est un cas particulier. Je pourrais en nommer d'autres cas. J'ai été moi-même assisté social. Vous dites: Qui sont les assistés sociaux? J'ai été deux ans assisté social, j'ai été au chômage pendant trois ans. Je sais quelle est la condition d'un assisté social parce qu'on le vit. Je sais comment c'est dépressif. J'ai monté un projet pour des assistés sociaux, j'étais sur le bien-être. Ce sont des conditions de vie, du vécu qui font que la structure de notre société engendre ce monde-là et c'est ce qu'on a de la misère à comprendre quand on fait des politiques à court terme comme celle-ci et comme d'autres politiques sociales.

II n'y a pas deux points de vue. Il y a peut-être ceux qui ont de l'argent, le pouvoir qui ont un point de vue et ceux qui sont en bas en ont un autre aussi, comme le tiers monde en a un par rapport au Nord. Selon moi, c'est cela qu'il faut comprendre, c'est une perspective globale et c'est cela qu'il faut situer.

Mme Harel: Je vous remercie. Je ne veux en aucune façon interférer dans les propos mais j'ai retrouvé la citation du Conseil des affaires sociales qui disait: Après avoir utilisé 92 indicateurs qui tous donnaient les mêmes résultats, nous pouvons partager la population du Québec en deux groupes de citoyens et de citoyennes: ceux et celles qui vivent dans des municipalités - ils peuvent même les identifier ' exactement - et des quartiers de ville - qu'ils peuvent Identifier et nous aussi on peut les identifier seulement à voir les gens qui présentent des mémoires et qui font valoir leurs préoccupations ici - en voie de désintégration, mais sur le plan de tous les indicateurs, sans une exception ou dans un état de sous-développement économique et social. D'autre part, ceux et celles - donc des citoyens et des citoyennes qui vivent dans des municipalités qu'ils peuvent aussi identifier - dans des quartiers de ville en

croissance démographique, en croissance de développement économique et en croissance de développement économique et social.

Je pense que ce que cette commission sera obligée de mettre en lumière c'est s'il y aura une interpénétration des uns ou des autres ou bien s'il y aura un rejet dos à dos des uns et des autres. D'une certaine façon c'est un peu le défi. Je pense que vous voulez... Allez-y!

M. Dion: C'est parce qu'on pariait de REXFOR, mais on pourrait parler de la Donohue. Cela a été un cadeau à M. Péladeau. On fait des cadeaux de 10. 69 $ aux assistés sociaux, alors qu'on en fait de millions à M. Péladeau. C'est un peu comme cela que cela marche. C'est de la privatisation.

Mme Harel: On revient à vos recommandations.

M. Dion: On pourrait prendre toutes les statistiques et... Excusez-moi.

Mme Harel: Non, On revient à vos recommandations si vous le voulez bien. Je voudrais quand même qu'on ait l'occasion de les examiner. Vous demandez au gouvernement d'injecter des sommes supplémentaires dans des programmes permettant aux personnes souffrant de handicap physique ou mental d'intégrer le marché du travail. Vous demandez d'allouer des sommes supplémentaires au ministère de l'Éducation pour accélérer le dossier de la reconnaissance des acquis. Souvent, des groupes qui vous ont précédés sont venus nous dire: Sans un secondaire V, pense-y pas, on ne peut même pas trouver un emploi qui ne supposait même pas une septième année avant.

Vous demandez l'accès à une formation qualifiante dans dix ans. Cela veut dire une formation professionnelle, ce que n'offrent pas actuellement les mesures à l'aide sociale. Est-ce que vous voudriez insister? J'aimerais cela, parce que le ministre ne vous a pas interrogés là-dessus. J'aimerais savoir si c'est important pour vous.

M. Fortier (Guy): Oui. Les mesures apportées sont des questions qui viennent à partir... On disait: On veut une formation qualifiante, on souhaite que par les stages en milieu de travail des gens puissent accéder à des emplois. On suppose que cela veut dire autonomie financière. On disait: Retour à une formation scolaire. C'est sûr qu'une formation secondaire V c'est rendu que c'est plus que le minimum. Même avec ce minimum, le genre d'emplois possibles, ce sont des emplois sous-rémunérés ou précaires comme vous le disiez tantôt.

Il y a des exemples concrets des choses qu'on a amenées comme les sommes supplémentaires. On disait: Les personnes souffrant d'un handicap physique ou mental. La proposition gouvernementale risque de les catégoriser encore plus ou de les marginaliser. Il y a des possibilités. Je fais partie de l'Association de parrainage civique. Je suis moi-même parrain civique d'un jeune handicapé qui travaille en entreprise actuellement et qui est sur un projet d'aide sociale qui permet à l'employeur d'avoir... L'employeur est prêt à embaucher ce garçon qui a peut-être, je dirais, environ douze ans d'âge mental, mais qui est très bien capable d'exercer un travail d'entretien. Il est prêt à l'employer. Sauf qu'advenant le cas où il est obligé de le mettre à pied, ce jeune handicapé mental n'a plus droit aux services. En tout cas, il y a des dangers, il y a des appuis qu'il n'aura plus. La famille d'accueil qui travaille avec lui a dit: Nous sommes pris avec cela. On ne sait pas trop si on doit demander qu'il devienne salarié ou qu'il ait un statut de travailleur ou...

Mme Harel: Le danger n'est pas s'il perd, c'est que s'il devient salarié il perd ses besoins spéciaux.

M. Fortier (Guy): Oui. En tout cas, il y a des recours et des soutiens... La famille d'accueil se demande si c'est un service à lui rendre. Il y aurait quelque chose à travailler là et aussi des possibilités encore plus grandes. Cela veut dire un revenu d'environ 23 $ par semaine pour un jeune handicapé mental mais qui, physiquement, exerce un travail comme n'importe quel travailleur et sur qui l'entreprise peut compter. Il est fiable.

Il y a des exemples comme cela quand on fouille. Je me dis que pour développer l'employabilité, si on ne veut pas catégoriser ou marginaliser les handicapés physiques ou mentaux, il faudra réviser les mesures qu'on a actuellement pour des réintégrations vraiment valables.

Sur la question de la reconnaissance des acquis d'expérience, on peut avoir un secondaire V mais il y a aussi... Nous sommes des organismes communautaires, nous sommes des lieux privilégiés de formation pour les stagiaires des collèges et des universités qui viennent faire leur expérience dans nos groupes temporairement. On les forme, on les aide, on leur fait partager nos outils d'analyse mais tes femmes, en majorité, il faut le dire, la majorité des femmes qui sont dans les organisations communautaires et qui assument cette formation n'ont pas nécessairement le statut et la reconnaissance quand elles vont sur le marché du travail. Elles ont la possibilité de former des gens qui vont avoir des statuts professionnels ou des formations universitaires mais quand elles viennent pour aller rechercher des emplois, si elles n'ont qu'un secondaire V ou même si elles ne l'ont pas, elles n'ont pas la reconnaissance qualifiante qui leur permettrait d'accéder à des emplois rémunérateurs.

Il y a là une question. On explore la reconnaissance des acquis d'expérience mais c'est

très onéreux et ce n'est pas nécessairement accessible partout. Comme je le disais, pour le secondaire V on va reconnaître des emplois, en tout cas en formation professionnelle, je sais que dans notre région on a développé le 'dossier de personnel d'hôtellerie, mais quand on regarde le genre d'emplois que cela crée... Je me dis que c'est déjà quelque chose, des pas sont faits mais ce n'est pas accessible partout en province. Il y a des dossiers comme cela qui se développent dans chacune des régions. Au collégial, c'est la même chose. On a les techniques policières. Ils sont en train de travailler tes techniques de garderie. Pourtant, je dois dire qu'il y a des femmes qui ont beaucoup d'expérience là-dedans mais ce n'est pas au point. Cela fait trois ans que le dossier est...

Le Président (M. Sirros): II reste environ une minute. J'aimerais peut-être réserver un peu de temps pour...

M. Fortier (Guy): Je ne sais pas. Ce sont des exemptes pour appuyer. Je ne sais pas si cela répond.

Mme Harel: C'est intéressant. J'aurais aimé vous poser une autre grande question mais paraît-il que je n'ai pas beaucoup de temps.

Le Président (M. Sirros): Pas trop longue. Vous avez 30 secondes et le ministre aussi

Mme Harel: Que concevez-vous comme responsabilité en matière de création d'emploi de la part de l'État? Concevez-vous, compte tenu de ce qu'on sait être le marché de l'emploi et compte tenu de ce qu'on sait être la main-d'œuvre et des difficultés d'absorption avec la présence massive maintenant des femmes, etc., sur le marché de l'emploi, que l'État doit faire des investissements dans certains grands secteurs de création d'emploi, comme par exemple, service de garde, les politiques d'environnement ou autres?

Le Président (M. Sirros): En quelques secondes.

M. Fortier (Guy): Oui, vous nommez des choses, on parlait de mesures sociales, des garderies accessibles, il y a de l'emploi là. On a parlé tantôt de besoins qui étaient comblés par des gens à l'aide sociale. Mais ce sont des besoins, ce sont des emplois possibles. On a dit que les personnes âgées avaient besoin d'une présence, avaient besoin de quelqu'un qui était capable d'être en contact avec eux autres. On va le combler par le programme d'aide sociale, mais des emplois ouverts, ce sont des possibilités, ce sont des besoins sociaux. Il y a aussi, bon, mesures sociales...

Mme Harel: L'environnement.

M. Fortier (Guy): Oui, environnement, qualité de vie. Cela fait partie de notre mémoire. On s'est dit. À aucune place on ne parle de la qualité de vie des genres d'emploi et il y a de l'ouverture. C'est même urgent, comme société, de se poser des questions sur l'environnement et d'investir de ce côté parce qu'on est en train de s'asphyxier, on est en train d'étouffer, de dilapider nos ressources naturelles et il y a de l'urgence et il y a de ia possibilité. Je pense que ce n'est pas une dépense gouvernementale, c'est un investissement, comme vous disiez, Mme Harel.

Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le mot de la fin. Ce sont des remerciements. Je vous l'ai indiqué, les sujets que vous avez soulevés verbalement et dans votre mémoire ont suscité des discussions et des échanges qui auraient pu durer beaucoup plus longtemps que le temps qui nous est imparti par le règlement et par la commission. Pour la qualité du mémoire, pour la qualité des échanges et pour le ton sur lequel ces échanges se sont tenus, en mon nom et au nom de la formation politique que je représente, je tiens à vous remercier.

Le Président (M. Sirros): Au nom de la commission des affaires sociales, on vous remercie beaucoup. On inviterait le prochain organisme, l'Organisation d'aide aux assistés sociaux, à se présenter à la table. On pourrait peut-être suspendre deux minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 3)

(Reprise à 17 h 4)

Le Président (M. Sirros): Je vous demanderais de vous présenter et d'identifier votre porte-parole et de ne pas oublier de vous identifier chaque fois que vous intervenez, pour les fins d'enregistrement des débats. Les règles de procédure. Vous savez que vous avez vingt minutes pour présenter votre mémoire, la formation ministérielle dispose de vingt minutes de questions et commentaires ainsi que l'Opposition. J'invite donc l'Organisation d'aide aux assistés sociaux à prendre la parole.

Organisation d'aide aux assistés sociaux

M. Cormier (Gilles): Je vous remercie, M. le Président. Je vais vous présenter les gens qui m'accompagnent. Complètement à ma gauche, Mme Thérèse Montpetit, coordonnatrice et aussi assistée sociale; à ma gauche, soeur Margot Power, présidente du conseil d'administration de

notre organisme. Je m'appelle Gilles Cormier. Je vais agir comme porte-parole aujourd'hui. Je suis bénévole pour l'organisme. À ma droite, c'est M. Jean-Claude Rondeau, membre du conseil d'administration de notre organisation.

Donc, je ne ferai pas... Est-ce qu'on peut déposer les documents cet après-midi?

Le Président (M. Sirros): Oui. Je pense que oui, s'il y a consentement. Il n'y a pas de problème.

M. Cormier: Ce sont de petites brochures qu'on va utiliser tantôt. Mme Montpetit va nous parler de cela quelques minutes. Compte tenu du temps très limité et que notre mémoire est assez long, j'ai préparé un condensé de quelques pages dont je vais faire la lecture. À l'intérieur de cela, je vais demander à Mme Montpetit d'intervenir, à un moment donné, pour expliquer un petit sondage qu'on a fait dans notre coin avec nos membres. Je vais aussi demander à soeur Margot Power de parier de son expérience de quinze ans auprès des assistés sociaux dans le sud-ouest de Montréal.

M. le Président, notre organisme, un regroupement d'assistés sociaux du sud-ouest de Montréal, dont le principal objectif est la défense des intérêts et des droits des assistés sociaux, rejette complètement la réforme de l'aide sociale telle que proposée dans le document d'orientation "Pour une politique de sécurité du revenu" pour les raisons suivantes.

La parité de l'aide sociale n'est pas accordée aux jeunes de moins de 30 ans avant deux ans et la conception de la pauvreté à la base du document repose sur une vision pathologique de l'individu pauvre et sans emploi, vision qui prétend à tort que les pauvres sont paresseux et qui occulte les véritables causes de leur pauvreté, c'est-à-dire les tendances économiques actuelles et les politiques de développement économique qui les encouragent. En plus, et c'est sans doute ce qu'il y a de plus dangereux dans ce document, avec une telle vision, on se croit légitimé d'utiliser la discipline et le contrôle à l'égard des défaillants.

La parité: encore deux ans à attendre avant que les jeunes aient la parité, c'est beaucoup trop tard. La situation des jeunes est urgente et on doit agir vite. La plupart des groupes qui ont défilé devant cette commission jusqu'ici sont unanimes à reconnaître cette faiblesse dans la réforme proposée. Alors qu'est-ce qu'on attend? Que les jeunes quittent d'eux-mêmes le système? Quelle sorte d'économie aura-t-on réalisé alors? Quelques dizaines de millions dans l'immédiat? Mais à long terme, ce sont des centaines de millions que cela coûtera au Québec en frais de santé et de services sociaux pour corriger ce tort.

De plus, si l'on tient compte des attentes très claires des jeunes, lorsqu'on regarde de près les quelque 20 % d'entre eux qui participent actuellement aux mesures de développement de l'employabilité, on se rend bien compte que celles-ci ne représentent que très peu d'espoir pour eux Ce qu'ils veulent, c'est de l'emploi, de l'emploi, de l'emploi1

Avant de faire un usage aussi large des mesures de développement de l'employabilité dans la réforme proposée, après l'expérience des jeunes et leur faible participation, il aurait fallu tout au moins en vérifier l'efficacité. Peut-être qu'alors on serait arrivés à la conclusion que, sans une politique de plein emploi, de telles mesures sont tout à fait inefficaces.

On ne peut pas passer sous silence l'opération des boubous macoutes concernant les abus à l'aide sociale. Depuis près de deux ans, le ministre s'acharne a croire et à faire croire à la population qu'il y a beaucoup d'abus de la part des bénéficiaires de l'aide sociale alors que les faits disent le contraire et confirment d'ailleurs ce que les groupes de défense des assistés sociaux ont toujours dit. Presque au terme d'une première année de visites à domicile, entre le 20 mai 1986 et le 31 mars 1987, il n'y a eu que 13 789 dossiers où l'aide a été diminuée ou annulée, ce qui, rapporté au nombre total de ménages sur l'aide sociale en mars 1987, soit 390 366, représentent en pourcentage 3, 5 %. Ce pourcentage correspond à la proportion des dossiers qui comportaient des erreurs qui avantageaient les bénéficiaires au-delà de ce que la loi prescrit et ce, par rapport au nombre total de ménages à l'aide sociale. Ce pourcentage très faible ne correspond pas aux fraudeurs de l'aide sociale puisque les erreurs dans les dossiers peuvent avoir été causées par les agents eux-mêmes compte tenu du nombre élevé de dossiers que chaque agent doit traiter.

D'ailleurs, le ministre a admis l'année dernière que: "Les seuls cas, dit-il, que je suis prêt à considérer comme étant des cas de fraude, sont des cas où la personne a été condamnée suivant le Code criminel en dernière instance par un tribunal de droit commun. " C'est tiré du Journal des débats du 26 mal, à la commission de l'étude des crédits alloués à l'aide sociale. Alors pourquoi continuer à s'acharner sur les abus? Pour prouver quoi? Que le ministre a du courage politique, selon les propos de Jacques Parizeau, ou bien pour économiser de l'argent avec ceux qui préféreront vivre misérablement plutôt que d'avoir à subir l'humiliation.

La conception de la pauvreté, à la base du document "Pour une politique de sécurité du revenu" repose sur une vision pathologique de l'individu. Selon cette conception, les causes de la pauvreté seraient attribuables aux défaillances de l'individu pauvre et sans emploi. En insistant fortement sur les défaillances de l'individu, on en vient à justifier par la suite l'utilisation de mesures disciplinaires à son égard. Parmi les défaillances, celle que l'on pointe particulièrement du doigt - voir à la page 11 - c'est la perte de l'éthique du travail. C'est une manière

élégante de prétendre que les assistés sociaux sont paresseux. Un tel préjugé n'est pas nouveau. À l'origine, ce sont les patrons et les milieux d'affaires qui ont propagé ce préjugé, eux qui croient que les mesures de sécurité sociale désincitent au travail. Pour nous, iI est clair que les assistés sociaux veulent travailler.

Notre organisme a fait, la semaine dernière, un petit sondage dont Mme Montpetit va vous parler, c'est le dépliant qu'on vient de vous distribuer, le document qu'on a déposé tantôt.

Mme Montpetit (Thérèse): Bonjour, M. le Président, bonjour tout le monde. Je vous ai remis la petite brochure, si on veut prendre la page 1. Nous avons fait un petit sondage avec les assistés sociaux sur leur vécu. Il y avait au moins 60 personnes présentes dans la saille. Ce qui est ressorti le plus souvent, après avoir fait de petits ateliers, revenait toujours à argent ou logement. Le gros problème auquel on doit faire face, c'est trouver un travail, mais un travail décent et comme dépannage, t'aide sociale. Les gens répondaient que le travail était très important, que c'était une fierté en soi. Sans un travail, il faut revenir au bien-être social. C'est ce que tous les gens ont toujours mentionné dans les petits ateliers, parce qu'il n'y a pas d'autre solution.

M. le Président, beaucoup nous ont fait la remarque: Ce n'est pas parce que nous sommes des assistés sociaux que nous ne sommes pas intelligents, mais nous ne sommes pas des paresseux. Merci.

M. Cormier: L'importance accordée à la valeur travail ne semble pas le fait exclusif des assistés sociaux du sud-ouest de Montréal, puisque des études tant américaines que québécoises... Nous en avons cité quelques-unes dans notre mémoire a la partie 4. Il y a eu une étude américaine du U. S. Department of Health and Human Services qui est très intéressante, et au Québec, il y a eu deux études, une qui a été faire avant la crise de 1980-1981, l'étude de Larouche & Fortin sur les faibles revenus face au chômage et à l'aide sociale qui confirme l'importance de la valeur travail, et iI y a eu aussi l'étude, le sondage qui a été fait par les économistes Diane Bellemare et Lise Poulin-Simon. Ces études confirment que même en tant que bénéficiaire de l'aide de l'État, une personne continue d'accorder beaucoup d'importance au travail. Il est faux de prétendre que l'une des causes de la pauvreté, c'est la perte de l'éthique du travail. Il faut chercher ailleurs les causes de la pauvreté des sans-emploi.

J'aimerais dire aussi quelques mots sur la conception du travail. Autant on fait fausse route dans le document sur la motivation à travailler des bénéficiaires de l'aide sociale, autant on fait fausse route dans le document d'orientation sur la façon de concevoir le travail. Celui-ci n'est pas qu'un simple moyen pour l'individu de satisfaire ses intérêts immédiats, ses propres besoins. Le travail est bien plus que cela, il répond à nos plus chers désirs d'épanouissement tant individuel que collectif. C'est pourquoi l'État a un rôle capital à jouer dans la manière de réaliser nos aspirations tout en protégeant les intérêts de chacun.

Le fait d'exercer un travail dans un climat d'austérité et de discipline va à l'encontre de nos droits les plus fondamentaux. L'État est là pour éviter de tels abus. L'État n'est-il pas en train de pervertir son rôle en étant lui-même l'instigateur de mesures de discipline et d'austérité dans l'exercice du droit au travail en permettant que certains bénéficiaires travailleurs ne soient pas protégés par les lois existantes du travail? Le ministre n'a d'ailleurs pas caché cette intention lorsqu'il a fait part publiquement de ses tractations avec Hyundai à qui il réserve 200 assistés sociaux, 200 bêtes de somme. De la sorte, on accepte qu'une catégorie de la population n'ait pas les mêmes droits que les autres. Comment arrive-t-on à légitimer en droit une inégalité aussi flagrante? Par ailleurs, on risque de passer complètement à côté de l'objectif visé dans le document, qui est de redonner le sens du travail à ceux qui, apparemment, l'auraient perdu. On veut inciter tes gens au désespoir avec des mesures d'austérité et de discipline qui n'aboutiront nulle part.

Avec une conception de la pauvreté basée sur une vision pathologique de l'individu, on occulte les véritables causes de la pauvreté. Ces causes sont les tendances économiques actuelles et les politiques de développement économique qui favorisent ces tendances. Par tendances économiques, on entend les nouvelles technologies qui, tout en permettant des gains de productivité et une augmentation des profits, sont aussi cause de chômage par le remplacement de la main-d'oeuvre par la machine. Même dans le secteur des services, selon une étude récente du ministère de l'Éducation du Québec parue dans Le Devoir du 9 février dernier, les cinq sous-secteurs les plus forts, services Informatiques, bureaux d'expertise en gestion, services divers à la gestion, services d'ingénierie, bureaux d'archives n'emploient que 2 % des travailleurs canadiens.

Il y a aussi la tendance actuelle des investissements étrangers qui, sans être directement responsables du chômage, à tout le moins, ne semblent pas être très efficaces à le résorber. En effet, selon les données d'investissement Canada pour l'année 1986-1987, le Québec a récolté un maigre montant de 2 700 000 000 $ sur un total de 13 400 000 000 $, alors que l'Ontario raflait 7 600 000 000 $. De plus, il ne faut pas se leurrer, 93 % des investissements ont servi à l'acquisition d'entreprises déjà constituées et non à la création d'emplois. Enfin ces tendances économiques font en sorte qu'au Québec une bonne partie de la population profite de la manne alors qu'une autre partie de plus en plus

nombreuse est laissée de côté car il semble que la croissance économique ne soit pas faite pour elle. Et l'État dans tout cela, le garant des intérêts de chacun, semble fléchir dans son rôle.

Les politiques de développement économique mises de l'avant actuellement, telle l'ouverture des frontières entre le Canada et les États-Unis ainsi que la politique industrielle canadienne qui consiste à favoriser les secteurs exportateurs et de haute technologie et ce, au détriment de tout un pan du secteur manufacturier, ont leur part de responsabilité vis-à-vis des taux élevés de chômage et de sans-emploi au Québec. Le gouvernement du Québec est d'accord avec l'une et l'autre de ces politiques même si le Québec fait partie des provinces qui subissent durement les contrecoups de telles politiques.

Le sud-ouest de Montréal. Les effets désastreux de ces grands facteurs tant économiques que politiques continuent de faire leurs preuves dans le sud-ouest de Montréal qui est particulièrement affecté par la désindustrialisation. Depuis dix ans ce sont 10 000 emplois qui ont été perdus dans le sud-ouest, territoire qui comprend les quartiers Saint-Henri, Petite-Bourgogne, Griffintown, Pointe-Saint-Charles, Ville-Eymard et Côte-Saint-Paul. Le sud-ouest a une population totale de 68 874, une population active de 30 315, 3601 chômeurs et chômeuses et 14 942 assistés sociaux. Le taux de chômage est près de 12 % dans notre région. Si on ajoute le nombre de ménages à l'aide sociale qui sont aptes au travail, soit 6445, on fait grimper le taux de chômage jusqu'à 27, 3 %. Les chances de trouver un emploi dans notre coin sont très minces et ce, pour des raisons hors de la volonté et du contrôle des individus.

Malgré tout, le sud-ouest a aussi une population qui se prend en main. L'année dernière à ia suite de t'annonce de fermeture des usines Coléco et Simmons, les syndicats et les organismes de la région, avec l'appui de la population, ont formé une coalition, Urgence Sud-Ouest, dont le but premier est de rappeler aux gouvernements leurs responsabilités face à la tragédie des pertes massives d'emplois depuis de nombreuses années. Grâce à ces représentations, Urgence Sud-Ouest a obtenu qu'un comité de relance, comme dans l'est de Montréal, soit mis sur pied. On attend sous peu l'annonce officielle de sa création.

Je vais passer la parole à soeur Margot pour qu'elle nous parle de son expérience avec tes assistés sociaux dans le sud-ouest. Je terminerai avec les solutions après son Intervention.

Le Président (M. Sirros): J'en profite pour vous indiquer qu'il vous reste environ quatre minutes.

M. Cormier: Quatre minutes. Je vais passer la parole à soeur Margot. Ensuite, s'il reste quelques minutes, on reviendra aux solutions.

Mme Power (Margot): M. le Président, pour commencer, je vais faire quelques remarques critiques qui découlent de mon expérience. Je ne parle pas en tant que scientifique, comme Gilles, mais je vais vous dire ce que j'ai vécu au cours des quinze années que je suis dans le domaine. J'aimerais souligner que je dis cela dans un esprit de bienveillance parce que je crois beaucoup à votre désir d'améliorer notre société. En même temps, je dis que vous avez peut-être une tâche impossible, parce que nous pensons avec les pieds. Alors, vous avez les pieds ailleurs que là où sont les assistés sociaux. Je ne peux pas vous demander de vivre pendant six mois, et même pendant un mois, ce que vit l'assisté social. D'après ma propre expérience, j'ai été, pendant 65 ans, identifiée aux riches et aux super-riches. Depuis quinze ans, je suis identifiée aux assistés sociaux. Il y a un changement d'idées qu'aucun livre n'aurait pu m'enseigner comme d'avoir changé les pieds de terrain. Cela me donne beaucoup de sympathie pour tes gens qui n'ont pas cette capacité d'avoir changé tes pieds.

J'aimerais dire qu'après cette expérience de quinze ans - j'aurai 80 ans cette année - la nature humaine, les besoins humains de base fondamentaux sont pareils, qu'on soit riches ou pauvres. Ce n'est pas seulement les paresseux qui sont assistés sociaux. Les riches aussi comptent des paresseux, des gens qui ne veulent pas travailler comme quelques assistés sociaux. Je trouve, pour appuyer le document que Gilles vient de lire, qu'un des désastres que je vois, d'après mon expérience, c'est cette division. Le monsieur avant nous a dit: Deux Québec. Ou Louise Harel a dit: Deux Québec. Il y a deux Québec dans le sens qu'il y a deux catégories de citoyens. Il semble qu'on ne peut demander à tout un secteur de notre population dont le douzième sont des assistés sociaux - 700 000, je crois, c'est te douzième de la population du Québec - si on ajoute les chômeurs qui seront prochainement assistés sociaux si on ne leur trouve pas de jobs, c'est près du sixième de la population, je ne vois pas comment on peut faire comme dans le document, dire que certaines personnes vont travailler pour beaucoup moins que le salaire minimum. Ces 150 $ de plus que le bien-être va donner, c'est beaucoup moins que le salaire minimum. C'est illégal. De plus, pas de chômage, pas de droit de se syndiquer, pas de droits acquis des travailleurs. Par exemple, dire comme dans le document, qu'un assisté social peut vivre avec 405 $ par mois quand on peut à peine survivre avec 487 $ maintenant, c'est dire: Vous êtes différents de nous autres.

Ce matin dans Le Devoir on disait que M. Paradis veut bonifier, qu'il est prêt à bonifier. C'est un autre mot mais ça veut dire bonifier sans changer l'orientation de base.

Ainsi, la formation était l'en-tête de l'intervention de M. Paradis ce matin. Je crois que nous sommes tous d'accord que la formation

est essentielle à tous les niveaux, mais on ne doit pas faire payer ça par d'autres assistés sociaux. II semble que c'est ça qui revient quand on voit les coupures prévues, à savoir qu'on va payer la formation pour certains en en coupant d'autres J'espère que ce ne sera pas le cas, mais il semble que ce soit ça.

Le Président (M. Sirros): En conclusion, s'il vous plaît!

Mme Power: Je veux juste dire une dernière chose. C'est peut-être trop idéaliste mais avant, je veux demander au Parti libéral si, dans l'atmosphère des Olympiques, vous visez être les champions de coupures. J'ai vécu avec les assistés sous les deux gouvernements Bourassa, quand il a coupé les taxes d'eau, et vous semblez viser le prix olympique pour les coupures. Ce qui serait peut-être idéal, j'aimerais lancer l'idée, c'est une de mes expériences d'avoir passé de riche à pauvre et avec tout ce que cela veut dire d'une connaissance assez profonde de chaque côté. Je ne vois pas comment, dans une société où le décalage entre les riches et les pauvres augmente au lieu de diminuer et avec le projet en question, il semble que cela va faire encore plus de décalage. Est-ce qu'on ne peut pas penser à un autre projet de société que celle qu'on a ? Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Sirros): Nous vous remercions également. M le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je souhaiterais remercier, tout d'abord, l'organisation let ses porte-parole. J'ai l'habitude d'intervenir longuement ou trop longuement, dans un premier temps, et mes collègues me le reprochent sans cesse et m'indiquent que chaque député devrait posséder un droit de parole égal autour de cette table. Dans les circonstances, comme vous êtes des gens fidèlement et assidûment représentés à l'Assemblée nationale, surtout par le député de Sainte-Anne, je devrais dire depuis plus longtemps, et par le député de Notre-Dame-de-Grâce, je leur ai demandé de me réserver quelques minutes mais je vais immédiatement leur céder la parole pour qu'ils interviennent au nom de la formation gouvernementale.

Le Président (M. Sirros): M le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président et M. le ministre. La raison pour laquelle j'ai demandé au ministre de prendre un peu plus que les deux ou trois minutes qui restent d'habitude, parce que 20 minutes ce n'est pas beaucoup, c'est que d'abord je connais très bien votre organisme, vous le savez. Je connais surtout Mme Power et Mme Montpetit. Je connais M Cormier depuis moins longtemps, mais on a travaillé ensemble dans le sud-ouest pour tenter de suivre la formule de l'est de Montréal. Vous représentez un organisme très important dans le sud-ouest de Montréal. J'ai toujours admiré vos interventions et le travail que vous faites. Je pense que c'est important que vous réalisiez un peu aussi la position des députés parce qu'à un moment donné on parle du document du ministre Paradis et je pense que c'est important de jouer notre rôle. Comme je vous l'ai expliqué quand vous êtes venus à mon bureau avec d'autres représentants, Mme Montpetit, j'ai rencontré tous les organismes importants dans le quartier sur cette réforme justement pour comprendre vos réactions. Je vous ai dit, à ce moment - et je le répète, je ne change absolument rien - que je pense que c'est notre devoir comme député - je suis certain que le député de Notre-Dame-de-Grâce, je lui parle souvent, pense exactement comme mol, il va vous en parler lui-même - que nous ne sommes pas ici juste pour remplir l'espace malgré l'impression laissée de temps en temps, mais aussi pour participer activement et pour tenter d'influencer le gouvernement et les ministres. (17 h 30)

Sur le document concernant le principe de base, je suis en désaccord avec vous, je n'ai pas la même opinion que vous. Je pense vraiment que I'intention du document est de briser ce cercle vicieux qui existe depuis trop longtemps et qu'il faut faire quelque chose pour sortir de cet état et trouver une solution pour améliorer la condition de tout le monde et surtout des bénéficiaires de l'aide sociale.

Quand vous dites l'emploi, l'emploi, l'emploi, je répète et je suis certain que le ministre parle exactement aussi de l'emploi, l'emploi, l'emploi. Mais nous avons l'espoir et nous sommes optimistes qu'on peut régler te problème et qu'il faut commencer à travailler quelque part

Vous avez fait circuler beaucoup de lettres du genre avec signature. J'ai répondu aux membres que je trouve cela un peu regrettable qu'avant même que la commission ait débuté ses travaux, on recevait déjà des lettres pour dire. Nous ne sommes pas d'accord avec. Dans ma réponse, j'ai dit et je répète que j'espère que les auditions publiques témoigneront d'une grande ouverture d'esprit de part et d'autre.

Je fais partie de cette commission depuis le début et je pense que le ministre montre justement cette ouverture d'esprit et que c'est à nous d'être certains qu'il continue à avoir cette ouverture d'esprit. Quelques points ont été discutés et sur lesquels j'aimerais avoir un peu plus vos commentaires. Je pense que le ministre a déjà démontré que nous sommes ici pour une vraie consultation. Ce n'est pas une consultation bidon qui a décidé d'avance du projet de loi à venir. Je pense vraiment qu'on est ici pour apprendre, écouter et tenter de trouver une solution et améliorer des documents et des solutions acceptables pour tout le monde.

Une petite remarque préliminaire. Vous avez fait référence aux boubous-macoutes, à la campagne de dénigrement des assistés sociaux dans vos mots d'introduction. Je dois vous dire et je le répète, et Mme Montpetit vient d'apprendre cela. Quand j'ai commencé, J'ai dit: S'il y a le moindre scandale, le moindre problème, venez me voir. Je suis votre député dans la région. Venez me voir. Je ne peux pas m'occuper d'autres comtés, mais dans Sainte-Anne - et la Petite Bourgogne se trouve dans Sainte-Anne - venez me voir. Vous n'avez pas besoin d'engager un professeur de McGill pour faire valoir vos points de vue... Venez les faire valoir chez moi. Si je pense qu'il y a un problème ou un scandale, je vais voir le ministre Paradis que je connais assez bien depuis longtemps.

Je dois aussi vous dire que jamais personne n'est venu me voir avec un cas concret en disant: Voici tel et tel problème, tel et tel scandale, voulez-vous vous en occuper? Mme Montpetit le sait parce qu'on a même eu un échange de correspondance dans notre fameux journal local La Voie populaire, où vous avez votre opinion. J'ai réagi et je pense que c'est très important qu'on ait cette communication.

Maintenant, je voudrais devenir un peu votre agent pour avancer quelques idées quii ont été discutées, Mme Montpetit, à mon bureau et que je trouve aussi très importantes. On a parlé du problème de la réduction de l'allocation mensuelle de 115 $. Auparavant, j'ai posé des questions là-dessus à d'autres organismes. Le ministre sait ce que j'en pense. J'ai un problème avec cette affaire-là parce que, personnellement, je crois que l'assisté social moyen ne débourse pas 25 % de l'allocation qu'il reçoit pour le loyer. Avez-vous des statistiques ou des expériences vécues? Je demande cela à Mme Montpetit, qui est vraiment très active sur ce point de vue dans la Petite Bourgogne. Qu'est-ce que les gens paient en moyenne pour leur logement? Selon vous, quelle est la raison qui fait qu'ils se groupent pour partager un logement?

Mme Montpetit: Quand on partage le logement comme cela, c'est parce qu'on n'arrive pas, parce que le taux du loyer est tellement élevé. Je vais parler pour moi parce que c'est mon vécu. Je partage justement un loyer avec quelqu'un. Je suis mieux de dire "amie" parce que je ne veux pas être coupée tout de suite ce soir. Je ne vis pas maritalement. Alors... Je suis vraiment stressée et même que je suis vraiment mal à l'aise ici. Je peux vous dire que je ne me sens pas bien. Je me sens vraiment mal à l'aise. Je ne suis pas habituée. La première des choses, je n'ai pas un langage comme le vôtre, mais je pense que, quand on peut s'aider un peu comme ça en partageant le loyer, comment dirais-je, comme moi je ne veux pas étaler toute ma vie au complet parce que cela va être pas mal long, je pense. Rendue à 57 ans, je me sens vraiment stressée et je le suis encore aujourd'hui. Quand j'ai un stress de même, je sais que l'ambulance n'est pas trop loin qui me ramasse à l'hôpital. Je peux vous dire cela.

Je voudrais aussi mentionner... Comment dirais-je? Vous voyez, j'ai même de la difficulté à m'exprimer tellement je suis stressée, je le vis et quand on me dit qu'on va me couper de 115 $, je trouve cela pas mal exorbitant parce que je pense que, s'il y en a une qui peut parler ici, c'est bien moi Je pense que je ne mérite pas cela après les deux cancers que j'ai vécus, je suis encore sur place. Je pense que je défends mon point de vue facilement. Je ne sais pas si j'aurais autre chose à ajouter, peut-être que cela va me revenir. En tout cas, je me sens vraiment.,.

M. Cormier: Sur la question du logement, il y a quelque temps on avait fait un petit sondage auprès de nos gens comme on a fait jeudi passé pour découvrir finalement que les gens, consacraient de 40 % à 60 % de leurs revenus pour se loger dans notre coin. D'ailleurs, la Société Saint-Vincent-de-Paul, a mentionné le fait que les assistés sociaux à Montréal étaient obligés, bien souvent, de consacrer jusqu'à 40 % de leur revenu pour se loger. On n'est pas les premiers à le dire. Je pense qu'il y a bien des groupes qui disent la même chose.

M. Polak: J'ai trois petits points que je vais soulever. Je vous laisse discuter. Je voudrais que le ministre nous réponde là-dessus. C'est le problème qu'on a souvent mentionné dans mon district, le danger du "cheap labor" où les assistés sociaux délogent des travailleurs à faible revenu permanent Cela a été soulevé souvent. Je sais que le ministre a certaines idées en réponse là-dessus. Peut-être pourrait-il éclairer le groupe un peu là-dessus.

J'ai une autre question. J'ai aussi posé la question au ministre. Pourquoi la parité le 1er janvier 1990? Pourquoi pas avant? Il a répondu: On a maintenant la parité conditionnelle, le programme qui existe. C'est Intéressant, par exemple, que dans La Voix populaire d'hier je note que la Garde-Amie à la Petite Bourgogne invite le monde à embarquer. Êtes-vous entre 18 et 30 ans, si vous recevez de l'aide sociale, vous avez le goût de travailler, d'augmenter vos revenus, alors vous êtes sûrement intéressé par le programme des travaux communautaires de Garde-Amie. Ces gens demandent des volontaires pour embarquer dans le programme.

Je trouve cela intéressant. Je ne dis pas que cela règle le problème de tout le monde. Mais, apparemment, il y a des ouvertures et j'aimerais avoir quelques commentaires du ministre là-dessus. Le troisième problème dont je discutais avec M. Cormier, c'est que, vous savez, dans le document, on parle d'un travailleur de 55 ans et plus qui a le droit de se déclarer lui-même non disponible. Qu'est-ce qu'on va faire

avec le travailleur de 50 ans qui perd son emploi chez Coleco - c'est le cas que M. Cormier connaît très bien - à l'âge de 50 ans, le monsieur était chez Coleco depuis, disons, 25, 30 ans comme employé, il n'a pas de connaissances techniques, il ne peut pas se recycler. Qu'est-ce qu'on fait avec cela? C'est un autre sujet qui a été soulevé.

Maintenant, il faut bien comprendre. Je pourrais vous demander de discourir là-dessus. Mais je reprends un peu la question que vous m'avez posée et je suis ici vraiment pour avancer vos arguments et pour montrer que peut-être le ministre en répondant à cela, pourrait nous satisfaire tous en même temps. Ce n'est peut-être pas la manière régulière de procéder mais je vous dis que Je vais tenter d'être votre porte-parole autant que possible.

Le Président (M. Sirros): Si je comprends, vous posez des questions au ministre.

M. Polak: Par l'entremise du groupe.

Le Président (M. Sirros): Par l'entremise du groupe.

M. Polak: Ce sont trois sujets très importants.

Le Président (M. Sirros): Mme la députée de Maisonneuve, normalement c'est l'alternance. Est-ce que vous permettrez que le ministre réponde à des questions posées par le député de Sainte-Anne par l'entremise du groupe ou voulez-vous qu'il revienne plus tard?

Mme Harel: Oui, je permets.

Le Président (M. Sirros): Voilà. M. le ministre.

Mme Harel: On est perdus un peu là. Le député qui interroge le ministre. Il y a des endroits pour faire cela: cela s'appelle les caucus. S'il veut le faire en commission.

M. Polak: C'est une consultation.

Mme Harel: Allez-y! Cela m'intéresse, de toute façon, d'avoir la réponse.

Le Président (M. Sirros): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi, je vous dirai que je suis aussi surpris de la question que vous pouvez l'être de la procédure. Il ne me les avait pas posées en caucus. S'il y a consentement, je vais répondre. S'il n'y a pas consentement, on va procéder suivant les règles usuelles.

Mme Harel: Consentement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): S'il y a consentement. La question du partage des logements. Une des problématiques que l'on retrouve, présentement, chez les gens qui vivent les politiques de désinstitutionnalisation surtout, c'est qu'ils sont souvent hébergés par un membre de la famille, direct ou indirect, ou par quelqu'un d'autre parce que quelqu'un doit s'en occuper. Le fait que ces personnes-là cohabitent ensemble, on leur soustrait de leur allocation d'aide sociale un montant de 85 $ par mois, au moment où on se parle. Cela s'applique chez tous les individus qui cohabitent avec des gens qui ont des tiens de parenté ou dans le cas de chambreur. La politique proposée maintient la question d'une soustraction pour partage du logement. On évalue que, dans deux ans, elle va valoir 115 $ plutôt que 85 $, mais cela reste à voir. Ce sont les coûts des économies réelles qui sont prises en considération. Mais on l'appliquera plus chez les gens incapables de travailler, incapables de subvenir à leurs besoins pour une longue période. Cela veut dire que tous les gens, à peu près tous les gens qui sont désinstitutionnalisés, s'ils vont vivre chez un parent, etc., ils n'auront plus cette coupure de 85 $. J'écoutais Mme Montpetit témoigner de son propre cas et je n'ai jamais voulu substituer mon opinion à celle des médecins et surtout pas faire un diagnostic médical. Mais j'ai capté, dans une des phrases que vous avez prononcées: Moi, j'ai vécu deux cancers, etc. Je ne veux pas dire qu'automatiquement vous seriez admissible au programme Soutien financier, mais cela me semble probable. Dans ce cas-là, vous n'auriez pas de partage du logement qui s'appliquerait, aucune façon.

La deuxième question posée par le député de Sainte-Anne a trait au danger du "cheap labor", si je peux utiliser l'expression. Les gens qui prendraient le travail d'autres travailleurs qui travaillent déjà au salaire minimum ou juste légèrement au dessus du salaire minimum... Je ne pense pas que ce danger existe dans le cadre du programme Rattrapage scolaire. On ne prend pas ia place de personne, on s'en va compléter nos études secondaires. Dans le cas des travaux communautaires, iI y a des groupes qui sont venus cet après-midi. Je ne sais pas si vous étiez arrivés. Il y a deux dames qui sont venues nous expliquer le genre de travail qu'elles faisaient auprès des personnes âgées, entre autres. Ce travail-là n'était pas fait par personne d'autre et on ne prenait pas la place d'emplois réguliers. Cela peut possiblement exister - vous avez peut-être raison de le souligner, M. le député - en ce qui concerne les stages en entreprise. Sur cela, il faut être prudent et s'assurer que te stage en entreprise ait un contenu formation qui soit beaucoup plus important que le contenu production. Il s'agit d'une mise en garde qui nous est servie par à peu près tous les organismes qui viennent et qui est reprise par le député de Sainte-Anne.

La parité au 1er janvier 1990. La parité fait partie de cette politique de sécurité du revenu.

Nous nous y sommes engagés et nous avons l'intention de la livrer. Mais demain matin - et, dans son quartier, le député de Sainte-Anne a été d'une vigilance extrême à cet égard - on peut vous assurer qu'il y a et les argents et les programmes et les ressources humaines disponibles pour qu'un jeune âgé entre 18 et 30 ans qui se présente au centre Travail-Québec puisse s'inscrire dans une des mesures de développement de l'employabilité et ainsi obtenir, dans la plupart des cas, la parité, sauf dans quelques exceptions qu'on a vues. S'il participe à du rattrapage scolaire, ce n'est pas tout à fait la parité, mais il n'y a personne qui est condamné à vivre avec les fameux 178 $, avec lesquels on ne peut absolument pas vivre.

Je m'excuse si j'ai été long dans les réponses, mais c'étaient les réponses que j'avais à apporter aux questions surprises du député de Sainte-Anne.

Le Président (M. Sirros): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Je voudrais souhaiter la bienvenue aux gens de l'ODAS. Je crois que de porter un tel nom indique bien, d'une certaine façon, la motivation qui vous anime en venant nous présenter votre mémoire. J'ai toujours pensé, comme beaucoup de gens dans mon quartier de Hochefaga-Maisonneuve, qu'il y a beaucoup de ressemblances entre votre quartier et le nôtre. D'abord, nous avons été dès l'origine des quartiers ouvriers où on retrouvait à la fois un développement résidentiel, commercial et industriel, avec l'infrastructure du début du siècle qui allait de Pointe-Saint-Charles à Pointe-aux-Trembles. Vous avez vécu la désindustrialisation plus tôt que dans mon quartier, c'est-à-dire il y a maintenant plus de quinze ans. Vous en avez connu les effets, tous les départs vers la transcanadienne des usines qui se trouvaient le long du canal Lachine au point où c'est maintenant une piste cyclable, mais iI n'y a plus personne qui travaille dans le secteur. Vous faites écho dans votre mémoire aux 10 000 pertes d'emplois depuis dix ans.

Je crois, par ailleurs, qu'il y a autant d'organisations communautaires dans nos quartiers respectifs qu'il y a de problèmes sociaux, ce qui fait constater qu'il y a un très haut niveau d'organisation, un très haut niveau de participation communautaire également et c'est sans doute ce qui permet à nos quartiers de ne pas se désintégrer plus que ce qu'ils peuvent vivre présentement. (17 h 45)

J'aimerais beaucoup vous interroger sur toute la question de l'éthique du travail. Vous avez beaucoup parlé de toute cette question dans votre mémoire. Je pense qu'il est assez fondamental qu'on revienne sur cette question. Si on reprend essentiellement le postulat de base de ce qui se trouve dans ce document, le premier postulat, c'est la division entre aptes et inaptes; le deuxième postulat, c'est qu'il y a toujours un écart entre le revenu du salaire minimum et te revenu des ménages aptes. Alors qu'est-ce que cela introduit? C'est comme les deux pierres d'assise, si vous voulez, du projet. Des groupes qui vous ont précédés nous ont dit: En introduisant la division entre aptes et inaptes et toutes les autres catégories, on introduit une sorte de système qui fait que, fatalement, les gens vont essayer de plaider leur incapacité. Au moment où l'objectif est censé être celui de la réinsertion, à bien des égards, tout le monde... Regardez la réaction du ministre envers vous, Mme Montpetit - et on ne peut l'en blâmer - c'est la réaction qu'on aura dans nos bureaux de comté, comme député, c'est la réaction que les organismes communautaires auront, c'est immédiatement ta réaction: On va essayer de le faire admettre au programme Soutien financier. Cela va être nécessairement la porte de sortie, imaginez-vous! C'est la logique. Cette logique nous entraîne finalement - et on a pu le constater aussi - à une sorte d'hyper-professionnalisation parce que, là, certains commencent à dire - et c'est légitime de le dire - Un instant! Ce ne sera pas seulement sur les questions médicales, il ne faut pas que ce soit seulement un médecin, il faut que ce soit biopsychosocial. Donc, il faudrait que ce soient des psychologues, médecins, travailleurs sociaux et, là, on va installer ce que j'appelle en "build up" pour bien évaluer l'individu, si l'évaluation est bonne. Et, là, il faut avoir des "labels" de bonne évaluation. Ensuite - c'est légitime et normal - la personne pourra en appeler. Il y aura les avocats, tout l'autre réseau qui voudra éventuellement contester, et tout cela se met en place à partir d'un projet dont les intentions étaient louables au départ, mais qui, sur le plan des modalités, obtient exactement l'effet inverse de celui recherché, l'effet étant le plus possible d'amener des gens, à cause des impacts dus à ta réduction de l'allocation, à vouloir absolument se faire reconnaître comme incapables. Le ministre aura beau dire qu'ils pourraient quand même participer à des programmes, vous comprendrez que ce ne sera certainement pas la clientèle priorisée, quand on sait qu'il y a 300 000 chômeurs et 253 000 ménages qui bénéficieraient du programme APTE. Cela, c'est le premier élément.

Le second, c'est de dire que, pour inciter les gens au travail, il faut abaisser les barèmes. Dans le fond, la vraie explication, c'est de dire qu'il faut l'écart entre le salaire minimum et la personne qui bénéficie du programme APTE. Ce qui fait que, même en allant chercher le gain d'emploi - il a quand même été bien amélioré, il faut bien le constater - fictif ou théorique, additionné au barème réduit, il ne sera jamais plus que les besoins essentiels et toujours moins que le salaire minimum. Si la personne va chercher un travail à temps partiel, ou essaie un peu, si elle n'a pas d'enfant, elle est finie. Si

elle en a, les chiffres qu'on a, pour une femme chef de famille monoparentale avec un enfant, si elle va chercher 2000 S, il lui en reste 67 $ par année, 5, 50 $ par mois. Si elle va chercher 4000 $, il lui en reste à peu près 250 $.

Finalement, c'est toujours l'écart qui sert de point de départ. La question qu'il faut se poser, c'est en termes d'éthique du travail. Vous plaidez qu'il y a une éthique du travail et qu'on a à abaisser les barèmes pour que les gens cherchent de l'emploi et que tout cela pourrait reposer sur d'autres fondements, sur une autre proposition sécurité du revenu. J'ai l'impression que, ou bien vous n'avez pas eu le temps de la préparer... Je ne sais pas si vous seriez prêt à nous en parler, mais avez-vous des propositions à faire à cette commission?

M. Cormier: C'est-à-dire qu'on n'a pas eu la chance d'élaborer sur les solutions. Mais auparavant, je veux revenir sur... On parle de l'éthique du travail et on la met en relation avec la conception de la pauvreté développée dans le document, qui attribue les causes de la pauvreté aux individus, à une défaillance des individus.

Vous mentionnez qu'il y aura une incitation à se faire admettre au Soutien financier. Autant on a voulu démontrer, dans notre document, que la conception de la pauvreté ne correspondait pas à la réalité des assistés sociaux et à leur motivation et qu'il y avait une incompréhension fondamentale, comme l'a mentionnée soeur Margot Power, incompréhension qui ne vient peut-être pas du fait des mauvaises intentions qu'on a, mais justement du fait que, là où on a les pieds, c'est la manière dont on pense... On ne peut pas comprendre l'état de pauvreté quand on est dans un état de richesse.

Cette incompréhension va jouer aussi quand on verra que nos distinctions un quart, trois quarts des personnes qui sont jugées aptes au travail ne refléteront pas la réalité quand on appliquera ce système. J'ose espérer qu'on ne l'appliquera jamais, mais si jamais on venait à l'appliquer, si on voit que des gens ont tendance à aller du côté du Soutien financier, on va encore avoir les mêmes réactions et cela va être l'escalade des contrôles. On va réagir de la même façon. On va penser que les gens abusent. On ne réussira pas à comprendre pourquoi les gens font cela. Vous mentionnez qu'il y avait des professionnels de la santé et des services sociaux qui vont être autour de cela. Mais on voit actuellement comment on fait confiance aux médecins. Un vieux médecin du Plateau-Mont-Royal qui a plusieurs dizaines années d'expérience comme médecin est poursuivi pour avoir accordé un mois de parité à une jeune assistée sociale fictive. Est-ce qu'on va faire confiance aux professionnels aussi? Il va y avoir des contrôles, plus de contrôles parce qu'on juge que, par les contrôles, par la discipline, on va venir à bout d'un mal qu'on voit dans notre tête, mais qui n'est pas là.

Les assistés sociaux veulent travailler et, pour cela, je pense que les solutions à mettre d'avant sont des solutions de solidarité, d'être le plus juste et le plus équitable possible, d'augmenter les barèmes et non pas de les couper comme on le fait actuellement. Merci.

Mme Harel: Quand vous constatez comme vous le faites... Je trouve cela intéressant d'ailleurs quand vous avez dit: On pense comme là où on a les pieds. On a beau penser n'importe quoi - et c'est vrai, je le disais souvent ici au Parlement - dans la tête, on finit au moins, en tout cas, par voter comme là où on a les pieds, parfois Enfin, je ne veux pas, par là, expliquer pourquoi j'ai voté différemment des autres à certaines occasions, mais cela joue quand même à l'occasion. En reprenant le tableau qui est derrière le ministre - vous voyez le trait rouge, il indique le salaire minimum - le salaire minimum actuellement est au total, par mois, disons grosso modo, de 689 $. En haut, ce qui n'est pas indiqué - on aurait pu le mettre plus haut encore - c'est le seuil de pauvreté pour une personne seule, qui est à 999 $ selon Statistique Canada. Le ministre sait - on peut faire de la politique avec cela - qu'il y a eu indexation trimestrielle de l'aide sociale. Il en parle habituellement. Il ne vous en a peut-être pas parlé encore, mais s'il a quelques minutes, il va peut-être vous en parler. Là, évidemment, l'écart a fait qu'il y a indexation trimestrielle de l'aide sociale avec un salaire minimum qui n'a pas été haussé avec une stratégie de supplément d'un revenu minimum qui s'appelle SUPRET, qui n'a pas été aussi efficace, sans doute parce que c'était annuel et sans doute parce que cela suppose des contrôles auxquels les travailleurs ne veulent pas se soumettre même si c'est pour avoir un peu d'avantages. Ce phénomène peut lui permettre de dire qu'ils l'ont haussé à 4, 35 $. La question à laquelle il aura à répondre, c'est: Êtes-vous prêt à le hausser jusqu'au niveau où il pourrait atteindre le seuil de la pauvreté, c'est-à-dire 6 $? Je pense que lui poser la question, c'est répondre aussi, compte tenu du mécanisme mis en place pour harmoniser avec l'Ontario, que ce n'est pas vers cette stratégie qu'on s'en va. Même s'il a haussé pour le comité qui est mis en place... Non? Il n'y a pas de comité, II n'y a pas de mécanisme, II n'y a pas non plus de préoccupation d'harmoniser avec l'Ontario?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, il y a une préoccupation, mais il n'y a pas de comité.

Mme Harel: Oui. Bon. La question, c'est: Quelle sera la stratégie pour lutter efficacement contre la pauvreté, la pauvreté aussi de ceux qui travaillent? Ce document s'appelle "Pour une politique de sécurité du revenu", mais il parle juste d'aide sociale. Il y a une pauvreté chez ceux qui travaillent parce que ceux qui travaillent n'ont plus les moyens d'avoir des enfants.

On s'entend tous pour dire qu'au salaire minimum, on ne peut pas avoir d'enfants Même dans ce projet, une famille monoparentale avec un enfant, le barème de l'aide sociale indexé, c'est le salaire minimum. Donc, c'est une stratégie d'ensemble qu'il faut sur la question du seuil de la pauvreté de façon à avoir des mesures qui vont faire en sorte que tout le monde pourra s'en sortir. Si on reste à l'écart entre les deux, vous comprendrez que le plafond est trop bas et que ce plafond bas, aussi bas qu'il puisse être, va faire que. Le ministre va nous demander de bonifier sa réforme, d'enlever des cases, d'en ajouter, d'enlever des catégories, mais c'est le plafond, d'une certaine façon, qui n'est pas modifié. Je ne sais pas si c'est comme cela que vous voyez, d'une certaine façon, les problèmes Parce que vous devez travailler aussi avec des travailleurs à faible revenu qui sont aussi pauvres, même s'ils sont sur le marché du travail.

M. Cormier: Chose étrange aussi, le seuil de la pauvreté qu'on utilise dans le document, les 13 700 $, soit 10 % des personnes qui ont les plus faibles revenus, finalement on compare les pauvres entre eux. On mentionnait tantôt les gens qui ont travaillé chez Coleco. J'ai travaillé chez Coleco J'ai travaillé au salaire minimum à poser 5000 broches par jour dans les jeux de hockey, 1200 jeux de hockey. Actuellement, je réussis à me dépanner, mais quand je n'aurai plus un sou, ce sera l'aide sociale. Les gens qui travaillent et la catégorie des gens qu'on a utilisée, qui gagnent un peu moins de 13 700 $, sont des gens d'après le document auquel on s'est référé, qui ont moins 50 % des revenus de travail. Donc, ce sont des gens qui ont aussi des revenus de transfert, des gens qui ont peut-être bénéficié de l'aide sociale, qui ont reçu de I'assurance chômage. On compare les pauvres entre eux et on pense que, de la sorte, on va réussir à sortir les gens du cercle vicieux de la pauvreté. On est très optimiste.

Mme Harel: D'ailleurs, du Dispensaire diététique de Montréal, Mme Duquette qui est la directrice générale est venue présenter un mémoire la semaine dernière. Vous savez sans doute que depuis très longtemps c'étaient finalement les besoins indexés, tels que définis par le Dispensaire, qui servaient à la détermination Selon le mémoire présenté par Mme Duquette, l'ensemble des familles était perdantes finalement avec la nouvelle définition des dépenses. On n'examinera plus les besoins des personnes, mais les dépenses de celles qui sont parmi les 10 % des travailleurs à plus faible revenu.

Dans votre mémoire, vous parlez de barèmes qui iraient jusqu'au seuil de la pauvreté.

M. Cormier: Celui de Statistique Canada

Mme Harel: Oui. Mais, vous vous rendez compte de ce que ça signifie, des barèmes qui iraient jusqu'au seuil de la pauvreté. Vous savez que le salaire minimum est bien en deçà, il est de 300 $ de moins par mois

M. Cormier: Une fois, j'avais dit cela à quelqu'un dans notre coin et il m'avait dit. On va se retrouver avec une société d'artistes, on va se retrouver avec des gens qui vont être créateurs. Ce n'est pas parce que les gens vont avoir ce montant-là que, nécessairement, ils ne travailleront plus. On en a l'impression et on a cette impression-là pour les autres parce qu'on ne l'a pas pour soi. Parce que les députés ont augmenté leur revenu, ils gagnaient tant, ils en voulaient encore plus, alors pourquoi pour les gens qui sont à faible revenu, ces gens-là, à un moment donné, la machine humaine, égoïste, se déréglerait, c'est la contradiction qu'on a. Dans le cas des pauvres, l'intérêt n'est plus là, la machine se dérègle. Les gens qui recevraient trop deviennent démotivés, ils n'iraient plus travailler

Mme Harel: Permettez-moi une question Pourquoi des gens iraient-ils travailler si cela ne leur rapporte moins? Je suis fondamentalement favorable à combler les besoins essentiels dans notre société, il faut aussi des incitations, mais pas à la baisse, il faut supplémenter le revenu de travail. Pourquoi les gens iraient-Ils travailler dans des emplois qui ne sont pas nécessairement valorisants ou intéressants au lieu de faire justement des choses créatrices?

M. Cormier: Bien, à ce moment-là, c'est cela En posant la question, vous avez la réponse. Si on fait cela, c'est parce qu'on veut que les gens aillent vers les emplois où on veut les mener et non pas vers où ils veulent, voudraient travailler ou répondre à leurs attentes fondamentales. On veut que les gens aillent travailler là où on veut qu'ils aillent travailler. Les programmes seront ajustés en fonction de plus en plus de la contrainte. Si on trouve absolument impensable actuellement d'arriver avec des barèmes aussi généreux, c'est qu'il y a quelque chose là, c'est que tout le monde a admis qu'il y a des contraintes. Les lois du marché, les contraintes internationales font que c'est impensable, à moins, comme disait soeur Power tantôt, d'avoir un tout autre projet de société

Le Président (M. Sirros): II vous reste à peu près deux minutes, Mme...

Mme Harel: Je vais laisser la paroie à l'autre formation pour l'alternance et je reviendrai avec mes deux minutes

Le Président (M. Sirros): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce

M. Thuringer: Merci. J'aimerais féliciter le groupe pour son travail. J'aimerais aussi poser

une question à soeur Power. I have known Sister Power for a long time. She has indicated to us how she lived in two worlds and through a challenge, as her colleague Mr Cormier, that where we are and what we live is how we judge and judge others. It seems to me, as I listen to these briefs there it is like two trains passing in the night almost. We are on parallel tracks. If I look at the statistics, those who have and those who have not and if those who all have are still making decisions, it is going to be a long time before changes are coming. I am just wondering if you have any suggestions for those of us who still have our feet in other lands, how we might approach this?

Mme Power: Je vais répondre en français avec mon mauvais français, mais à cause de tout le monde ici.

Je n'ai pas de réponse absolue. Je crois que personne n'a des réponses toutes faites il faut aller dans une certaine direction avec une certaine vision et faire des choses limitées dans le présent, mais dans une vue à long terme. Simplement pour une affaire pratique. L'autre jour, j'ai entendu qu'on avait questionné des membres du Parlement sur leur augmentation de 9000 $ et qu'ils avaient répondu. On a étudié nos besoins et on avait besoin de cela. Je crois qu'aucun gouvernement n'a jamais consulté des assistés-sociaux sur leurs besoins. On décide qu'on a besoin de cela Je crois que c'était 85 $ pour le loyer d'une famille, 65 $ pour un individu. C'est irréel au possible. Personne ne peut avoir cela. Tout au commencement, il y a eu une coupure pour en arriver là. C'était 145 $, je crois, le maximum pour le loyer Est-ce qu'il sera possible pour les ministres concernés, surtout le ministre de la Sécurité du revenu, mais aussi les autres ministres de l'Éducation, délégué à la famille, à la Condition féminine, avec la représentation du patronat, avec une représentation des syndicats, des travailleurs et les assistés et les chômeurs, de discuter ensemble, pour qu'au moins, on puisse faire cette correction qui sort d un autre vécu?

Je crois que, si je n'avais pas écouté beaucoup les assistés, dans les détails de leur vie... Mon père était banquier. J'arrive là, une femme me dit: J'ai cinq enfants et chacun prend son tour pour aller acheter la bouteille de lait à chaque repas, parce qu'on ne n'a pas de réfrigérateur - c'était l'été et il faisait très chaud - il est défectueux et je n'ai pas 80 $ pour le faire réparer. C'était tellement une affaire que je n'avais jamais vécue, je n'étais pas capable de m'imaginer cela. Elle n'avait pas de compte en banque. Je me disais: Moi, j'ai été baptisée avec un compte en banque.

Pour moi, ce sera cela, dans la pratique, écouter plus. C'est pourquoi, je vous ai remercié d'écouter au moins les pauvres du Québec qui lisent votre document. Je suis sûre que M. le ministre va bonifier cela, comme il a dit, sans changer les principes immuables et sur lesquels nous sommes d'accord quant au fond. Est-ce qu'on peut croire que tout le monde a droit au même respect, au même besoin foncier de manger comme il faut? La quatrième semaine, c'est un slogan chez nous, qu'est-ce qu'on mange la quatrième semaine? C'est toute une acrobatie. II me semble qu'on doit aller dans ce sens. II ny a aucun pays parfait. Je crois que le temps passe, peut-être que je peux finir.

L'autre jour, j'ai écouté Joan Chang. Elle joue le rôle de l'impératrice dans le film The Last Emperor - peut-être que vous l'avez vu - The Last Emperor de la Chine. Elle a joué six mois à Hollywood et six mois à Shanghai. Quand on lui a demandé Comment as-tu vécu la différence? Elle a répondu: À Shanghai, on nous a dit: Votre travail comme comédienne, c'est un travail pour votre peuple chinois. J'ai gagné 18 $ par mois, ce qui était le salaire d'un ouvrier ordinaire. J'ai vécu avec cela. Je n'ai jamais pensé que je devais avoir plus. J'arrive à Hollywood et on ne me parle que des "bucks" - elle a dit cela, c'était en anglais - des dollars. Elle n'a pas fait d'autres réflexions politiques ou autres. C'est la vision longue, est-ce qu'on peut éduquer le monde pour penser plus à comment servir le peuple au lieu de faire encore des "bucks", des dollars? C'est très long Le ministre de l'Éducation devrait certainement être là, si vous faites la réunion.

Le Président (M. Sirros): Merci Mme la députée de Maisonneuve, pour les mots de remerciement.

Mme Harel: Est-ce que vous aviez d'autre chose à ajouter? Non?

Je voudrais tellement être éloquente pour vous remercier de la présentation de votre mémoire. À l'ouverture, vous avez dit: Ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas capables de travailler, c'est-à-dire qu'il ne faut par leur faire porter, en plus d'être sans emploi, la responsabilité de ne pas avoir de travail. C'est plutôt collectif. Cela me faisait penser, entre autres, à ce qui a été fortement critiqué, la question du taux de change du dollar canadien qui, tout seul, sans le concours d'aucun décideur, ici au Québec, mine de rien peut décider du sort de quoi, 50 000 personnes qui du jour au lendemain peuvent se retrouver sans emploi. Alors, II me semble qu'on devrait prendre conscience que ce ne sont pas seulement les individus qui sont parfois victimes, il y a aussi des sociétés qui elles-mêmes, dans leurs collectivités, peuvent être victimes de décisions prises ailleurs. D'une certaine façon, que la Banque du Canada décide de s'intéresser plus à l'inflation qu'à autre chose, ce sont automatiquement des dizaines de milliers de chômeurs de plus pour le Québec.

Je dis tout cela parce que, d'une certaine façon ici, on s'intéresse au grand système. Mais chacun de nous, indépendamment du fait de ses

responsabilités, a une échelle de valeurs et chacun a aussi des préjugés. Mais par ailleurs, ici, ils ne sont jamais mis sur la table, ni les uns ni les autres, ou presque. Chacun peut toujours citer le cas de quelqu'un qui ne veut pas travailler. Par ailleurs, si on établit notre solidaridé sociale sur cette base-là, alors on installe un long chemin de contrôles sociaux qui vont simplement multiplier l'apathie. Parce qu'il y a des professionnels qui sont venus pour nous expliquer que finalement, souvent, la seule réaction normale de l'organisme humain de la personne contre le système qui la défavorisait, c'était de développer son apathie.

Enfin, je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

Le Président (M. Sirros): Merci. M. le ministre, un mot de remerciement?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voudrais remercier l'Organisation d'aide aux assistés sociaux et ses porte-parole. Je vous dirai que, depuis le début de cette commission, je n'ai jamais, dans un certain sens, été autant à l'écoute. Je remercie les députés qui sont intervenus, spécialement le député de Notre-Dame-de-Grâce et, malgré tout, le député de Sainte-Anne, malgré ses questions surprises.

Des voix: Ha, ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'espère que vous allez conserver le contact avec les gens qui sont vos porte-parole parce qu'il s'agit d'une opération, comme vous l'avez souligné, de consultation et d'écoute d'envergure. Et que nous prenons au sérieux chacune des propositions qui nous sont faites. Pour cette contribution positive, au nom du gouvernement du Québec, je vous dis merci.

Mme Power: Merci.

Le Président (M. Sirros): La commission vous remercie également et elle suspend ses travaux jusqu'à 20 heures, ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 13)

(Reprise à 20 h 3)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plattl

Bonsoir, je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa place, s'il vous plaît, la commission va commencer ses travaux.

La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques dans le but d'étudier te document intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu*.

Nous en sommes, ce soir, à la Corporation professionnelle des médecins du Québec représentée par le Dr Augustin Roy, le Dr André La-pierre et le Dr Pierre Morency. Je pense que vous êtes des habitués des commissions. Je vous fais grâce de toutes les grandes explications préalables. Je vous donne simplement les répartitions de temps. Nous avons globalement une heure, c'est-à-dire 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et 40 minutes pour discussion avec les parlementaires. Pourriez-vous, s'il vous plaît, vous identifier chaque fois que vous prenez la parole pour les fins de transcription du Journal des débats.

Je vous prierais de vous identifier, de présenter vos collègues et de bien vouloir commencer.

Corporation professionnelle des médecins du Québec

M. Roy (Augustin): Merci, M. le Président. M. le ministre et Mme la députée de l'Opposition, je vous présente mes collègues. À ma gauche, le Dr André Lapierre, secrétaire général adjoint de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, et, à ma droite, le Dr Pierre Morency, omnipraticien de Charlesbourg, et membre du comité administratif de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, et moi-même, Dr Augustin Roy, président de ia corporation.

Nous allons lire brièvement le mémoire qui n'est pas très volumineux. Nous serons ensuite disposés à répondre à toutes les questions que vous voudrez bien nous adresser.

La politique de sécurité du revenu, selon le document d'orientation à l'étude, devra tenir compte de l'état de santé de certaines des personnes qui requerront des prestations d'aide sociale. Ces personnes devront alors se munir d'un certificat médical pour répondre aux exigences de la politique. De plus, dans ce document d'orientation, il est mentionné que, et je cite: "II ne faut pas imputer aux programmes des problèmes qui naissent de certains comportements. Il faut néanmoins s'attaquer résolument aux failles. "

L'émission d'un certificat médical pour aptitude ou inaptitude au travail constitue, selon la Corporation professionnelle des médecins du Québec, un des problèmes qu'il est possible d'éviter ou d'atténuer et sur lequel nous désirons attirer votre attention.

Ce problème provient de trois sources: premièrement, l'imprécision des définitions de certains termes utilisés dans l'élaboration d'une politique de sécurité du revenu ou d'un programme d'aide sociale; deuxièmement, le contenu du certificat médical lui-même et, troisièmement, les formulaires utilisés à titre de certificat médical.

Imprécision des définitions et des termes utilisés. Dans le document d'orientation intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu", on utilise très fréquemment et indifféremment les

notions et termes suivants, sans les définir de façon suffisamment précise: santé physique et mentale, raisons de santé, travail, apte ou inapte au travail, incapable de travailler, incapable de subvenir à leurs besoins.

Le premier paragraphe de ia page 19 se lit d'ailleurs comme suit: "Ce programme s'adressera aux personnes ou aux ménages dont l'un des conjoints connaît un état de santé physique ou mental altéré de façon significative pendant une période relativement longue et qui, pour ces raisons, sont et demeurent dans l'impossibilité de subvenir à leurs besoins".

Les termes que nous avons soulignés dans ce paragraphe ont tous une élasticité telle que plusieurs personnes pourraient se sentir en droit de requérir un certificat médical et que plusieurs médecins, appelés à compléter un tel certificat, pourraient être justifiés d'y répondre avantageusement pour le requérant.

Il nous apparaît important de bien définir au départ les divers termes et notions de référence pour bien tracer le cadre dans lequel évolueront les travailleurs, les bénéficiaires d'aide sociale, les médecins et les autres professionnels de la santé et les fonctionnaires.

La politique de sécurité du revenu devrait préciser à quelle définition de santé mentale ou physique il fait référence.. Celle de l'OMS dont on parle beaucoup? Celle du Comité Harnois dont on a parlé lors des commissions parlementaires du mois de janvier? Ou une autre? Le gouvernement, dans sa politique du revenu devrait veiller à utiliser la même définition que celle qu'il utilisera dans sa politique de santé mentale. Il faut ici bien réaliser que l'émission ou non d'un bon nombre de certificats médicaux pour inaptitude au travail pourrait dépendre de cette définition.

Le document d'orientation, lorsqu'il fait référence à la notion de travail, ne précise pas s'il faut se référer au travail antérieur de l'individu concerné ou au travail entendu dans son sens large, c'est-à-dire tout travail qu'un individu serait susceptible de faire; l'aptitude au travail d'un bûcheron est différente de celle d'un comptable. De même, lorsque le document fait référence à l'inaptitude au travail, il n'est pas précisé si celle-ci est reliée à une incapacité totale ou partielle, temporaire ou permanente.

Enfin, rappelons la définition de l'employa-bii'rté telle que rapportée à la page 123 du document, et je cite: "L'employabilité d'une personne peut se définir comme étant l'adéquation entre certaines caractéristiques de cette personne et la nature des emplois disponibles sur le marché. " En plus d'insister sur l'imprécision des termes soulignés, nous voulons attirer votre attention sur le fait que la détermination de l'employabilité d'une personne n'est pas une décision médicale et ne devrait pas reposer sur le seul certificat médical. Le Code de déontologie de notre corporation stipule d'ailleurs que le médecin doit s'abstenir de délivrer à quiconque et pour quelque motif que ce soit un certificat de complaisance ou des documents contenant de faux renseignements. " Il est déjà souvent très difficile de préciser la limite à partir de laquelle le certificat médical peut être taxé de complaisance. Il ne faudrait pas, par des notions et termes imprécis d'une politique de sécurité du revenu, rendre cette limite encore plus floue et ainsi amplifier une zone déjà grise.

Un deuxième point, le contenu du certificat médical. Le certificat médical est un document qui a comme objectif d'attester de l'état de santé d'une personne à un moment donné pour diverses fins: assurance, travail, admission au sein d'un organisme, etc. Ce certificat comporte généralement, lorsqu'il y a pathologie, le diagnostic et le traitement incluant la période de repos ou de convalescence requise par la maladie. Il peut arriver que l'abandon du travail et le retour au travail soit une prescription médicale pour les besoins de santé de ia personne concernée. Ce certificat peut aussi devenir plus spécifique et attester que telle personne n'est pas apte à accomplir tel travail ou telle fonction durant telle période.

Plus le certificat devient spécifique, plus le médecin qui rédige ce certificat doit avoir une bonne connaissance tant de l'état de santé de ta personne concernée que de la nature et des exigences du travail ou de la fonction qu'elle a ou aura à accomplir.

Le certificat médical est un document qui doit demeurer le plus objectif possible et s'en tenir à la description de l'état de santé de la personne concernée, soit le diagnostic et le traitement incluant la période de convalescence. Si on veut que le médecin établisse un lien entre l'état de santé d'une personne et le travail, c'est-à-dire qu'il juge de l'aptitude ou de l'inaptitude au travail pour une période donnée, il faut alors lui donner toutes les informations relatives à ce travail et requises pour établir une telle relation de cause à effet.

Il est utopique de croire que tous les médecins de la province sont en mesure d'émettre un tel certificat. Ceux-ci n'ont généralement pas les informations suffisantes relativement au travail pour émettre de telles opinions à moins qu'une durée relativement précise de repos ou de convalescence ne soit, de consensus médical, rattachée à la maladie. Certains médecins qui ont acquis une formation ou une expérience particulière en santé au travail, peuvent détenir ces informations, mais leur opinion relève souvent du domaine de l'expertise.

Il existe sûrement plusieurs cas, particulièrement dans le domaine de l'aide sociale, où la détermination d'un congé de maladie est une affaire de jugement sans qu'il n'existe aucune norme précise de référence. Il faut se rappeler que, dans un tel cas, le médecin peut émettre une opinion dans l'intérêt légitime du patient ou de la patiente concerné. Un tel certificat peut perdre alors de son objectivité, notamment s'il

est basé sur des symptômes subjectifs que le médecin ne peut pas toujours vérifier. II faut donc se garder de demander aux médecins de louer un rôle de "garde barrière" dans les programmes d'aide sociale ou de sécurité du revenu. II faut plutôt demander au médecin de s'en tenir à I'exercice de la médecine et laisser à des personnes dûment mandatées la décision d'accorder ou non des prestations d'aide sociale compte tenu dun ensemble de facteurs tels le certificat médical le rapport du travailleur social, la nature et les exigences du travail à accomplir etc.

Nous croyons que la personne qui demande le certificat devrait être impliquée dès le départ dans le processus en I'obligeant à déclarer les raisons pour lesquelles elle croit ne pas être en mesure de travailler.

Il y aurait avantage à prévoir un mécanisme d'appel auquel les certificats complexes douteux ou litigieux pourraient être soumis. Les droits des personnes seraient ainsi mieux respectés et la possibilité de contestation possible d'une certificat incitera à la prudence celui qui l'émet. Les certificats de complaisance peuvent toujours être rapportés à la Corporation professionnelle des médecins du Québec, qui prend, chaque fois les dispositions nécessaires selon le Code des professions. L'accomplissement de cette tâche sera d'autant plus facile que le projet de politique de sécurité du revenu établira un cadre et des termes de référence clairs et bien définis plutôt que de maintenir ou d'élargir une zone grise.

Les formulaires utilisés à titre de certificat médical. II existe plusieurs formulaires utilisés à titre de certificat médical. Souvent, les organismes chargés d'administrer une loi ou un programme de compensation adoptent des formulaires adaptés à leur besoin, par exemple la CSST, la Régie de I'assurance automobile du Québec, etc.

Les formulaires de la CSST et de la RAAQ ont été élaborés à la suite de consultations avec la profession médicale et comportent des questions relativement précises qui se rapportent à un accident et ou à un travail donné. Ces formulaires laissent moins de place à des réponses trop générales et partant moins de place aux certificats dits de complaisance.

Le formulaire actuel du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ne nous apparaît aucunement adapté pour I'ensemble des bénéficiaires d'aide sociale, il a été préparé en fonction des bénéficiaires en quête d'une place dans un établissement d'hébergement. Une bonne partie des questions qui y sont posées ne concernent aucunement, entre autres, les bénéficiaires d'aide sociale de moins de 30 ans. Ce formulaire oblige les médecins à ne répondre qu'à l'une ou l'autre des questions suivantes. La personne concernée est-elle capable de travailler, ou incapable de travailler, de façon temporaire ou permanente, le travail étant entendu dans le sens le plus général du terme?

À moins d'avoir affaire à une maladie fort débilitante ou à une pathologie importante il est difficile pour un médecin d'affirmer qu'une personne de moins de 30 ans est incapable de travailler dans le sens le plus général du terme c'est à-dire d'accomplir quelque travail que ce soit. Les formulaires actuels placent le médecin dans une situation ou il n'a d'autre choix que de faire des déclarations beaucoup trop générales et qui souvent ne sont pas pertinentes au cas soumis.

Nous demandons au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu 1° de consulter la profession médicale pour la préparation des formulaires de certificats médicaux, 2° de faire en sorte que les certificats médicaux demeurent des documents objectifs 3° de faire en sorte que le médecin qui complète un certificat médical demeure à l'intérieur de l'exercice de la médecine, 4° de ne pas faire du médecin un "garde barrière" de I'aide sociale 5° de prévoir, selon le cas un recours à I'expertise, 6e de prévoir un mécanisme d'appel dans les cas douteux ou litigieux, 7° et dernièrement, de faire en sorte que la personne qui demande une prestation daide sociale soit impliquée, dès le départ, dans le processus en l'obligeant à déclarer les raisons pour lesquelles elle croit ne pas être en mesure de travailler Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Merci, M. Roy. Je veux simplement vous prévenir que les bruits qu'on entend, ce ne sont pas des contestations, ni contre votre exposé ni contre le projet du ministre ou contre les paroles de Mme la députée de Maisonneuve, c'est tout simplement qu'on déglace le toit. On leur a demandé de commencer par I'autre bout, alors, quand ils arriveront ici on devrait avoir fini. Ce n'est pas le ciel qui nous tombe sur la tête.

M le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens à remercier la Corporation professionnelle des médecins du Québec pour son mémoire ainsi que pour la présentation orale qu'elle nous en a fait. J'aurais, dans un premier temps, quatre sujets à aborder avec la corporation professionnelle. Le premier touche une suggestion qu'elle nous adresse pour que nous précisions les termes de la définition. Je pense que vous avez raison et j'ajouterai qu'il serait, pour nous, probablement utile d'utiliser des termes qui ont déjà fait I'objet de décisions, soit de la Commission des affaires sociales, ou entérinées par des tribunaux de droit commun, de façon à baliser les interprétations qut peuvent en être faites. Là-dessus, nous accueillons très favorablement cette recommandation de la Corporation professionnelle des médecins du Québec.

Le deuxième point, qui rejoint peut-être mon quatrième également vous avez fait allusion dans votre mémoire à d'autres organismes gouvernementaux, CSST, Régie des rentes inva-

lidité, Régie de l'assurance automobile du Québec. Ce sont des organismes dans lesquels vos membres sont généralement impliqués dans le processus de décision qui affectera les droits du bénéficiaire. Je vous l'ai déjà dit et vous le répète, comme député de comté, chaque semaine des gens viennent nous voir et il nous faut absolument à leur dossier une expertise médicale si nous voulons être en mesure de les conseiller sur les possibilités pour eux d'avoir raison, soit pour la révision d'une décision administrative, soit devant la Commission des affaires sociales. Et sans cet indispensable document médical, nous ne sommes pas en mesure de les conseiller. Quelle façon ou quelle sorte de satisfaction ou de non-satisfaction éprouvez-vous à l'endroit des trois mécanismes que je viens d'énumérer?

M. Roy: Le Dr Pierre Morency qui est en exercice actif et qui traite avec ces organismes régulièrement peut vous donner une appréciation qu'on en a en général.

M. Morency (Pierre): En général, ces formules-là permettent de bien évaluer une situation médicale. Entre autres, la formule de la Régie des rentes du Québec est une formule assez élaborée qui permet au médecin de tracer un bilan de l'état de santé de l'individu et de faire un bilan des antécédents. Il est au courant dans ce problème-là de l'état de validité ou d'invalidité face à un travail. Il est capable de se prononcer et d'établir un pronostic, et c'est un jugement d'ordre médical. Dans la formule de la CSST, il y a l'évaluation en fonction de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle; il y a l'évaluation de l'individu par rapport à cette notion d'accident de travail. Le médecin est capable de porter un jugement sur une condition médicale et de dire: C'est effectivement une pathologie qui peut relever d'un accident ou d'une maladie professionnelle. Alors, dans ces deux formules en particulier, dans la formule de la Régie de l'assurance automobile du Québec, il y a également place pour l'élément subjectif, mais pour l'évaluation médicale, le médecin doit se prononcer sur une durée de temps et sur des restrictions qui pourraient être permanentes ou temporaires. Alors, ces formules sont bâties de façon à laisser libre cours et à permettre d'établir tous les points d'un diagnostic, d'un pronostic.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux interpréter honnêtement votre réponse en disant que vous êtes généralement satisfaits, et du formulaire, et de la façon de fonctionner dans les trois cas énumérés, soit la Régie des rentes du Québec, la CSST et la Régie de l'assurance automobile du Québec.

M. Roy: Le docteur Lapierre va...

M. Lapierre (André): En fait, ce que nous pouvons dire, c'est que les formules de la CSST et les formules de la Régie de l'assurance automobile du Québec ont été rédigées en consultation avec la profession médicale. Et les questions y sont pertinentes et précises. En ce qui concerne le degré de satisfaction, il faudrait plutôt s'adresser à la CSST ou à la RAAQ pour demander ce qu'elles pensent de leurs formules. Mais si on regarde le formulaire du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, c'est un formulaire qui est très général et qui a été conçu avec la profession médicale, mais pour les personnes en quête d'un hébergement. Et je vous donne une idée des questions qu'on pose. Imaginez l'éventail des bénéficiaires qui peuvent exiger un tel certificat et regardez les questions. Est-il en fauteuil roulant? Incontinence anale? Incontinence véslcale? Mange-t-il seul ou avec aide? Est-ce qu'il a des plaies de lit? Ce sont toutes des questions qui ne se rapportent aucunement à une jeune personne ou à une personne qui n'est pas atteinte d'une maladie chronique mais à une personne âgée. Et la seule possibilité que le médecin a est de déclarer que cette personne a une incapacité permanente de travailler ou une incapacité temporaire de travailler ou cette personne est capable de travailler. À notre sens, ce sont des questions beaucoup trop générales auxquelles il est très difficile de répondre. Parce que identifier une personne comme étant incapable de travailler pour le reste de sa vie, m'apparaît être une décision qui ne peut s'appliquer qu'à des personnes fort atteintes d'une déficience importante.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Troisième élément. Les mécanismes d'appel. Je pense qu'ils sont indispensables. Là aussi nous retenons votre proposition. Maintenant, dans le fonctionnement actuel, iI y a ce qu'on appelle la révision administrative et il y a l'appel proprement dit devant un tribunal de nature quasi judiciaire qui est la Commission des affaires sociales. Si vous étiez à la place de celui ou de celle qui a à prendre les dernières décisions, est-ce que vous retiendriez ce double processus ou si vous en suggéreriez un autre?

M. Roy: Je pense qu'il faut qu'il y ait un mécanisme d'appel, comme vous le suggérez, pour les cas qui peuvent être discutables, et ce ne doit pas être le médecin qui doit trancher. Le rôle du médecin traitant, c'est de déterminer l'état de santé de la personne devant lui en donnant les symptômes et les signes qu'il détecte ou qu'il voit. Si le gouvernement, le ministère en cause ou l'organisme en cause n'est pas satisfait de ce qu'il trouve sur la formule remplie par le médecin traitant, c'est son devoir d'avoir un contrôle par le biais d'un organisme d'appel ou un autre médecin va réviser la situation. Si jamais. II y a doute et conflit entre les deux

rapports, à ce moment-là un arbitre doit être en mesure de trancher, comme cela se fait actuellement dans le cas de la CSST qui a mis en vigueur un mécanisme nouveau qui semble donner de bons résultats. On a affaire à des individus, à des personnes, à des médecins qui ont des sentiments personnels. On a affaire à des patients qui viennent donner des symptômes qui, souvent, sont invérifiables. Est-ce qu'on doit croire ou non un patient? Je pense que c'est fondamental en médecine que le médecin croit ce que lui dit le patient. Si le patient lui dit qu'il a mal au dos, il doit tenir pour acquis que le patient ne ment pas. Évidemment, ce n'est pas toujours facile de détecter s'il a vraiment un mal de dos organique ou non, et même quand il a un vrai mal de dos, souvent vous n'aurez pas de possibilité de l'objectiver par une radiographie ou par un test de laboratoire. C'est un ensemble de facteurs qui vont faire en sorte que quelqu'un a un mal de dos. C'est bien sûr qu'il y a des gens qui vont mimer des maux de dos, qui vont exagérer. Cela existe dans toutes les couches de la société, mais il y a des gens qui ont été pénalisés parce qu'on ne les a pas crus et il y en a d'autres, évidemment, qui ont abusé du système parce qu'on leur a donné le bénéfice du doute. Il faut trouver un mécanisme qui fasse en sorte que le citoyen soit protégé, puisse bénéficier des lois qui sont votées par le Parlement et qu'en même temps le médecin ne soit pas susceptible d'être pénalisé parce qu'il exerce un jugement qui ne serait pas le même que celui du fonctionnaire qui va avoir à régler le problème. Je pense qu'il appartient au gouvernement, il appartient au ministère de déterminer des barèmes et, ensuite, de déterminer les montants que les gens peuvent avoir en rapport avec les symptômes et les maladies dont ils souffrent, Pour ce faire, il faut véritablement un mécanisme d'appel et même un mécanisme d'arbitrage pour les cas litigieux.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un autre élément, brièvement. Vous avez évoqué une consultation sur le formulaire comme tel avec la corporation que vous dirigez ou que vous présider C'est une autre suggestion qui sera retenue par le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Sur ce, en vertu de la règle de l'alternance, je cède la parole à Mme la députée de Maison-neuve.

M. Roy: Je vous remercie. Je pense que la corporation et les fédérations médicales qui représentent les médecins omnipraticiens et spécialistes et qui ont des membres en exercice sont bien placées pour donner des suggestions constructrves au gouvernement de façon que tout le monde soit bien traité.

Le Président (M, Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je veux vous saluer, Dr Roy, ainsi que le Dr Morency et le Dr Lapierre qui vous accompagnent. Votre mémoire fait état principalement de la définition qu'on retrouve dans le document d'orientation à la catégorie Soutien financier; c'est ce qu'on retrouve à la page 2 de votre mémoire et vous faites état des difficultés d'interprétation lorsque la définition nous dit: "Ce programme s'adressera aux personnes ou aux ménages dont l'un des conjoints connaît un état de santé physique ou mentale altéré de façon significative pendant une période relativement longue et qui, pour ces raisons, sont et demeurent dans l'impossibilité de subvenir à leurs besoins".

Je veux attirer votre attention sur le fait que vous êtes également mis à contribution pour une autre catégorie de bénéficiaires, celle-là dite admissible non disponible qu'on retrouvait à la page 30 du document d'orientation. Je vous lis la définition qu'en donne le document d'orientation du ministre: Les personnes éprouvant temporairement des problèmes de santé physique ou mentale tels que certifiés par un professionnel autorisé, les rendant incapables de participer à une mesure d'employabilité, et là, maintenant, c'est: les empêchant de gagner un revenu de travail, plutôt que: de subvenir à leurs besoins. C'est, si vous voulez, l'autre catégorie pour laquelle vous serez, d'une certaine façon, arbitre. (20 h 30)

On voit que simplement ces deux définitions, dans un cas, c'est: altéré de façon significative et, dans l'autre cas, c'est: temporairement des problèmes de santé. Dans un cas, c'est: dans l'impossibilité de subvenir à leurs besoins et, dans l'autre: de gagner un revenu de travail. Je pense, si ma mémoire ne fait pas défaut, que vous êtes sans doute le 37e ou le 38e groupe... Attendez, le 39e groupe, le 39e organisme que l'on entend en commission. Très nombreux, sont venus les représentants d'organismes qui nous ont dit qu'un des défauts majeurs du projet était de médicaliser toute cette question de l'aptitude ou de l'inaptitude. D'une part, l'Association des hôpitaux du Québec est l'un des premiers groupes à être venus nous dire - je vous lis exactement ce qu'on retrouve à la page 2 de son mémoire - "Le réseau de la santé et des services sociaux devient de plus en plus le refuge des "cas" sociaux, des gens qui vivent juste à la frontière de nos systèmes d'aide ou de nos quelques moyens d'entraide. Ainsi, quand une personne atteint un seuil critique, quand elle ne peut plus s'en sortir elle-même, on la retrouve à l'urgence d'un hôpital". Il faut croire qu'on la retrouve aussi dans les salles d'attente des médecins.

Que pensez-vous, d'une part, de cette protestation qui est venue des rangs que vous occupez en disant au ministre: II ne peut pas y avoir qu'une évaluation physique de la personne, parce que c'est biophysiosoclal son aptitude ou

son inaptitude, sa mésadaptation, etc? D'autres corporations sont venues dire qu'il ne fallait pas que ce soit l'exclusivité des médecins de prononcer un diagnostic sur la personne est-elle capable ou pas de subvenir à ses besoins, est-elle capable ou pas de gagner un revenu de travail? Elles ont dit qu'elles voulaient être associées à une sorte d'échange multiprofessionnel ou interprofessionnel. Aussi, le reproche le plus sévère est venu des représentants des groupes de personnes déficientes qui ont dit: La déficience, ce n'est pas une mauvaise santé. On peut être en bonne santé et être déficient et on peut être en mauvaise santé et, à ce moment, ce n'est pas le diagnostic médical parce que notre état de déficience, disons notre état de handicap, ne doit pas nous empêcher d'être soutenu pour gagner notre vie dans la société en modifiant le milieu de travail pour nous recevoir Que pensez-vous, finalement, de tous ces points de vue?

M. Roy: Ce que vous dites, Mme la députée de Maisonneuve, illustre bien l'importance de définir les termes utilisés dès le départ! C'est bien à notre corps défendant qu'on médicalise le système, mais qu'on le veuille ou non, quand on a affaire à des gens malades, c'est vraiment le médecin qui est le mieux placé pour établir un diagnostic. C'est bien sûr que, quand on parle de cas sociaux, c'est très différent, mais c'est pour cela qu'il ne faudrait pas confondre les deux. Lorsqu'on a affaire à des gens souffrant de problèmes organiques, de diabète, d'infarctus, de fracture, c'est clair, c'est relativement facile Avant la révision de la Loi sur l'aide sociale, même, je pense, avant que la loi soit votée en 1969, il était très difficile d'obtenir de l'aide sociale. Il fallait, dans le temps où j'exerçais la médecine, donner des cartes roses qui venaient des municipalités, il y avait une contribution du gouvernement, des municipalités. On parlait des cartes roses de M Duplessis. Dans ce temps-là, quand quelqu'un avait une carte rose, il n'avait pas cela parce qu'il souffrait de dépression ou qu'il était mal dans sa peau. II fallait vraiment être malade. II fallait avoir une maladie organique, il fallait être infirme iI fallait avoir des problèmes de santé. Avec le temps, il y a eu un déplacement et une interprétation plus globale, plus générale de la santé et là on a englobé pas seulement des déficiences physiques, mais des déficiences d'ordre psychologique, d'ordre social, des gens en mal d'autonomie, des gens qui ne sont pas bien dans leur peau et on appelle cela, évidemment, des maladies. C'est là que le jugement personnel du médecin devient très difficile Qu'est-ce que c'est que la santé? Ce n'est pas seulement l'absence de la maladie, selon l'OMS. C'est un état de bien-être physique, mental et social. C'est très large. II faut savoir jusqu'à quel point le gouvernement est prêt à considérer ce genre de définition, à quoi doivent avoir droit les gens qui ont des problèmes sociaux ou de santé. II faudrait peut-être déterminer cela clairement.

Dans le cas de santé physique, cela pourrait se faire. Dans des cas de santé mentale, c'est difficile, dans les cas de santé sociale, c'est encore plus difficile. Là, il faudrait peut-être établir des barèmes en disant. Écoutez, telle ou telle personne qui n'a pas de problème, de symptôme palpable, identifiable, de maladie mais qui vit dans telle ou telle situation, dans tel ou tel état, est manifestement dans le besoin et on doit lui donner tel genre de bénéfice. C'est pour cela qu'il ne faudrait pas forcer les médecins à donner des certificats, qu'ils font, la plupart du temps, de bonne foi pour aider des personnes dans le besoin. II y a des médecins qui ont une attitude plus humaine, plus ouverte, plus sociale que d'autres qui interprètent différemment la notion de santé, qui interprètent aussi leur rôle non seulement comme étant de donner des soins mais également de prévenir des maladies. Surtout dans le cas des assistés sociaux de moins de 30 ans, on a affaire à des cas très difficiles à trancher et qui causent des cas de conscience au médecin qui a devant lui, par exemple, une mère célibataire de deux enfants qui se dit incapable de travailler et qui voudrait avoir une aide supplémentaire ou une autre jeune fille, sans enfant, qui a des problèmes d'ordre émotif ou des problèmes d'alimentation et qui n'a pas de travail suffisamment intéressant et rémunérateur pour la sortir de la maison, qui a pris de mauvaises habitudes et qu'il faut réhabiliter. Le médecin est pris à donner le bénéfice du doute à cette patiente en se demandant. Est-ce que c'est mieux que je l'aide ou que je la laisse se jeter dans la drogue, la prostitution ou le crime?C'est le dilemme auquel sont confrontés les médecins.

Nous, on dit que ce n'est pas le rôle du médecin de jouer à l'agent social, de jouer au sauveur de tout le monde. II est là pour établir les signes et symptômes dont souffrent tes patients. II doit en tenir compte, il doit les croire et il appartient à l'aide sociale, au gouvernement de prendre les décisions qui s'imposent.

Mme Harel: Dr Roy, vous nous dites dans votre mémoire à la page 5: "Les certificats de complaisance peuvent toujours être rapportés à la Corporation professionnelle des médecins du Québec qui prend, chaque fois, les dispositions nécessaires selon le Code des professions. " Est-ce que cela vous a surpris que le ministère de la Justice poursuive des médecins devant les tribunaux plutôt que de s'adresser à la corporation''.

M. Roy: Vous posez une question chargée et une question dont la réponse est évidente. Cela nous a non seulement choqués, cela nous a scandalisés qu'on utilise ce mécanisme parce qu'on aurait cru - et cela ne s'est malheureusement jamais fait - que les bureaux d'aide sociale

ou le ministère qui auraient eu des doutes sur la validité de certains certificats émis par des médecins puissent utiliser les mécanismes prévus dans le Code des professions, dans la Loi médicale qui sont une plainte portée en bonne et due forme au syndic de la corporation, comme il en existe dans toutes les corporations. Aucune de ces plaintes n'a jamais été portée et lorsqu'elles sont portées, nous faisons enquête, nous demandons l'opinion du médecin, nous lui demandons une justification et nous faisons un rapport au plaignant. L'autre méthode qui aurait pu être choisie par les bureaux d'aide sociale et le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu aurait été de demander une deuxième opinion, une expertise. Cela s'est fait dans certains cas. Il y a aussi des médecins à Québec qui l'ont fait à la demande du ministère...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je ne veux pas interrompre...

M. Roy:... mais on aurait voulu que cela soit fait de façon plus systématique.

M. Paradis {Brome-Missisquoi):... le Dr Roy, mais il y a eu des précisions qui ont été apportées à l'Assemblée nationale. Cela ne me fait rien qu'on traite du ministère de la Justice ou du ministère du Solliciteur général mais il a été clairement indiqué que le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu que je dirige n'était pas impliqué dans ce dossier et j'aimerais que cela soit clairement réétabli.

Mme Harel: C'est-à-dire, M. le ministre, mon Dieu, que vous vous sentez tout de suite concerné!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est parce que, je ne sais pas si vous étiez distraite, mais le Dr Roy a évoqué le nom du ministère que je dirige. Celui qui vous a précédée comme critique dans le dossier, le député de Verchères, m'avait adressé à l'Assemblée nationale une question sur le sujet. J'avais spécifiquement répondu à l'Assemblée nationale à cette époque et ma parole n'a jamais été mise en doute quant à cette réponse et je ne voudrais pas qu'on commence.

Mme Harel: De toute façon, M. le ministre, vous savez bien qu'on peut poser des questions en Chambre et on ne peut jamais astreindre les personnes à répondre. On ne met pas des paroles en doute parce qu'on ne peut pas le faire à l'Assemblée nationale, c'est le ouï-dire. On prend les mots pour ce qu'ils valent

M. Roy: Mais je dois, pour répondre à M. le ministre du Travail, lui demander de ne pas mal interpréter ce que je dis, parce que je ne crois pas - il faudrait lire la transcription de ce que je viens de dire - avoir dit en aucune façon que les poursuites contre les médecins avaient été initiées par le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu. Je n'ai pas dit cela J'ai dit tout simplement que j'aurais aimé, s'il y avait eu des plaintes contre les médecins, qu'elles soient portées à la Corporation des médecins ou qu'on demande une deuxième opinion à d'autres médecins avant de prendre une action ou même que les agents d'aide sociale communiquent avec les médecins. Parce que, en aucune façon, le bureau d'aide sociale n'est obligé d'accepter le certificat médical signé par le médecin. Il a le droit de juger du cas et d'amener des cas. On me dit qu'il y a des relations étroites entre les agents d'aide sociale et les médecins. Malheureusement, dans les cas dont on a eu connaissance au cours des derniers mois. II n'y avait pas eu ce genre de communication. Je ne fais aucune accusation au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu dont j'avais lu les déclarations en Chambre et que j'avais même entendu lorsque les débats étaient rapportés à des heures un peu plus intéressantes pour le citoyen ordinaire.

Mme Harel: Justement, à propos de ces cas dont on a eu connaissance, c'est peut-être intéressant de... Dr Roy, vous avez dû pouvoir explorer cette question, à savoir comment il se fait que la même agente de la Sûreté du Québec, la même personne finalement... croyez-vous qu'elle se soit retrouvée par hasard chez certains médecins ou qu'elle ait été dirigée vers ces bureaux de médecin par un supérieur de la Sûreté du Québec qui n'aurait eu aucun contact, aucune information, par les bureaux d'aide sociale ou de main-d'oeuvre et sécurité du revenu?

M. Roy: Écoutez, c'est bien évident qu'il n'y a personne qui initie une enquête de ce genre sans avoir eu des demandes, des instructions formelles. Alors, je ne sais pas d'où sont venues les demandes.

Mme Harel: D'où ces instructions sont-elles venues?

M. Roy: Ce n'est pas à mot de le déterminer, mais s! on prend la parole du ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu à l'effet que cela ne vient pas de lui, apparemment cela ne vient pas...

Mme Harel: Finalement, je ne le mets pas en doute.

M. Roy: Apparemment, cela...

Mme Harel: Je ne mets pas en doute que cela ne vient pas du ministre ou de son cabinet, mais de qui peut-on attendre des instructions semblables à la Sûreté du Québec? On n'initie sans doute pas à la Sûreté du Québec de son

propre chef, on initie à la suite des informations communiquées ou transmises.

M. Roy: En fait, on peut penser à plusieurs personnes qui ont nié l'avoir fait. On aurait pu penser que cela puisse venir du ministère de la Justice. Cela n'a apparemment pas origine du ministre de la Justice. Cela n'a pas origine du Solliciteur général. Cela n'a pas origine de la ministre de la Santé et des Services sociaux. Alors, cela a originé de quelque part mais là, moi je ne suis pas autour de la table à l'Assemblée nationale. Si j'y étais, je poserais d'autres sortes de questions. Mais il est clair qu'il y a eu quelqu'un qui a demandé une enquête, parce que cette agente ne s'est pas improvisée chez certains médecins en particulier pour aller faire une enquête sous un faux nom, surtout que ce n'était pas une opération qui a origine rapidement. C'était une affaire bien pensée, bien exercée, parce que cette personne avait suivi des cours pratiquement d'art dramatique pour simuler un faux patient. (20 h 45)

Mme Harel: Je pense que pour dissiper tous les doutes, ce qui serait le plus souhaitable, c'est que le ministre nous explique. II a certainement fait une exploration pour savoir, dans son propre ministère, comment des informations avaient pu être transmises parce qu'il y a des informations qui ont été transmises. Même si elles ne l'ont pas été à la demande du ministre, elles l'ont certainement été. Si ce n'est pas à sa demande, il faut comprendre que ce serait malgré lui ou en dépit de lui, mais certainement, elles ont été transmises par des personnes en autorité ou en exercice dans son ministère.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux répondre?

Mme Harel: Oui, allez-y.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux vous indiquer, parce que j'ai occupé certaines fonctions de façon très brèves et intérimaires qui m'ont donné accès à certaines informations, que cela peut se faire sans que le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ne soit impliqué, ni directement, ni indirectement.

Mme Harel: C'est-à-dire que tout ce scénario, qui est un scénario planifié, qui est un scénario qui supposait des composantes quasi théâtrales, ce scénario aurait été initié sans que l'information des dossiers parviennent des bureaux de l'aide sociale?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que je vous ai répondu, sans qualifier votre description de la situation, c'est que les événements qui se sont produits sont possibles sans une participation ni directe, ni indirecte du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Harel: Oui. Alors, il en va de cette question comme à peu près de toutes les autres que je pose depuis l'ouverture il faut croire le ministre sur parole. II a les mots pour le dire, mais. II n'a pas les explications pour le démontrer.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je le dis de mon siège, madame.

Mme Harel: De votre siège. Bon. Heureusement que vous siégez. On retrouve dans le document. J'ai peu de temps, malheureusement, je vais devoir rapidement aborder la question du handicap dont je parlais. Le comité qui représente la Confédération des organismes provinciaux de personnes handicapées faisait, comme vous appel à une définition plus serrée en disant. On semble confondre état de santé et facteur de handicap. En effet, l'emploi du concept état de santé ne facilite point la compréhension puisque la définition que donne l'OMS du terme handicap n'a pas du tout la même signification ni la même portée que l'usage qu'en fait le document. Est-ce que vous auriez une recommandation à faire quant à la définition à utiliser du terme santé?

M. Roy: En fait, je pense que le ministre semble avoir pris bonne note qu'il faut que les termes soient bien précisés dans la future loi. II faudrait, évidemment que tout le monde s'entende sur la signification du terme santé et, de préférence, quelle soit donnée au début du texte de loi pour les fins de cette loi. Santé, cela peut être, comme on le dit, interprété très différemment, selon les sources et selon la conscience sociale des gens qui la traitent. Il serait mieux qu'il y ait une définition claire du gouvernement dans le texte de loi.

Le Président (M. Bélanger): Le temps est écoulé, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Je pense que le Dr Lapierre voulait compléter.

Le Président (M. Bélanger): Dr Lapierre, vous avez un complément de réponse?

M. Lapierre: Oui.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Lapierre: Sur la notion de santé, si on se rapporte au rapport Harnois au sujet duquel il y a eu une commission parlementaire récemment, on dit. C'est bien beau de vouloir définir la santé et d'être aussi clair qu'on le voudrait, mais le rapport Harnois nous dit qu'il y a des pièges à cela et en tête de liste, une volonté démesurée de clarification du concept de santé mentale présente des risques importants de normativité. Quand on parle de santé mentale, le rapport dit

Dans la mesure ou la santé mentale est plutôt une dynamique qu'un état bien défini nous sommes placés devant un univers s! large que des individus s'estimant en bonne santé mentale peuvent porter les conséquences d'un jugement contraire posé par un tiers. D'autres sont aux prises avec un problème que personne ne semble vouloir reconnaître. Quelquefois c'est le difficile arbitrage entre le choix individuel et la nécessité sociale qui est en jeu.

Si on lit le rapport, tout au long on dit que la santé a trois axes l'axe biologique, l'axe du psychodéveloppement et l'axe contextuel. On définit un trouble psychique comme toute perturbation ou détresse qui entrave de façon temporaire ou permanente les activités cognitives, relationnelles et affectives de la personne aux différents stades de son développement. Alors, imaginez quand on part avec des notions comme celles-là, il est évident que le médecin a un jugement à porter dans chaque cas et c'est tellement large qu'on supplie la commission de laisser te médecin exercer la médecine de faire en sorte que les travailleurs sociaux exercent leur métier et que, s'il y a des jugements qui doivent être portés devant des cas qui sont du domaine médical ou social, on les fasse trancher par une équipe pluridisciplinaire.

M. Roy: En fait, la santé est souvent une notion très subjective. On sait très bien qu'un homme ou une femme en santé, c'est souvent un ou une malade qui s'ignore et on sait très bien qu'il y a des gens dangereusement bien qui sont morts le lendemain. C'est souvent très subjectif. C'est bien sûr qu'il y a des problèmes organiques où on peut objectiver, mais il y a énormément de subjectif dans l'interprétation que quelqu'un fait de sa santé. Quelqu'un peut se sentir bien, mais ne pas être bien. II y a une très grande différence entre être bien et se sentir bien.

Mme Harel: C'est évident, surtout quand les barèmes.

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, madame, votre temps est écoulé, malheureusement.

Mme Harel: Ah, merci.

Le Président (M. Bélanger): M le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci.

Le Président (M. Bélanger): II vous reste six minutes.

M. Polak: Je vais seulement prendre deux ou trois minutes. Comme vous le savez, comme député de Sainte-Anne, à Pointe-Saint-Charles, quant aux certificats médicaux, j'ai eu des rencontres publiques avec des centaines de personnes et j'ai cité le Dr Augustin Roy et j'ai reçu des applaudissements parce que j'ai dit: Voici il est assez large dans son interprétation du mot "santé". Le soir je suis retourné chez moi et j'ai lu à ma femme la définition de santé, selon World Health Organization: Health is not only the absence of illness or infirmity but a state of complete well being from a physical, mental and social point of view. " Ma femme a dit: Je suis donc inapte parce que tu vas à Québec et je souffre tellement. Je ne suis pas capable, je suis inapte. Si on veut qu'on tire ça au pire, il n'y a pas beaucoup de personnes aptes avec une définition comme celle-là. Qu'est-ce que ça veut dire. Être bien dans sa peau? J'ai cité le Dr Augustin Roy et je parlais parce que j'étais là devant la clinique. II y avait un médecin, une femme, dont je ne me rappelle plus le nom, qui m'a dit: Voici, je suis bien d'accord, M. le député, que vous défendiez cela, parce que je le défends. Chaque fois que vous avez moins de 30 ans et 178 $ par mois: inapte. J'ai répondu: Je ne suis pas le Dr Augustin Roy, mais il y en a peut-être quelques-uns qui sont aptes même avec 178 $ par mois.

Je suis content de noter, dans votre document, que vous constatez que ce n'est jamais noir ou blanc, qu'il y a beaucoup de gris. Donc, vous demandez, par exemple, et corrigez-moi si je fais des erreurs, à la page 6 de votre mémoire, je l'ai lu attentivement dans I'avion ce matin l'élaboration de formulaires de certificats médicaux. Vous demandez certains barèmes, certains guides à suivre et quant à moi, c'est totalement acceptable. Je veux aller très loin parce que j'ai rencontré des bénéficiaires de l'aide sociale et je suis d'accord avec la définition des Nations Unies qu'il ne faut pas dire. Deux jambes, deux bras aptes. J'ai appris beaucoup plus que cela à Pointe Saint-Charles, qu'il y a des personnes qui sont inaptes parce qu'il y a autre chose dont elles souffrent et toutes les affaires de vols et de prostitution, je suis bien d'accord que cela existe. Je suis tout à fait d'accord avec I'homme ou la femme médecin qui a eu le courage de dire inapte. J'ai admiré aussi notre ministre qui a répondu à une question de l'Opposition. Je laisse la détermination aux médecins en place.

Mais croyez-vous que cela prenne comme une sorte d'encadrement ou certains barèmes pour vous suivre ou si vous dites. Non, iI faut laisser cela, parce qu'on a la décision ultime de dire qui est apte ou inapte?

M. Roy: M le député de Sainte-Anne, dont je connais bien le comté, je peux vous dire que nous sommes parfaitement d'accord pour qu'il y ait des barèmes, un encadrement, pour que les médecins ne soient pas appelés à jouer un rôle qu'ils n'ont pas et pour que les bénéficiaires, les patients, les malades soient traités équitablement Dans la vie, c'est une question de bon sens. II

faut éviter de tendre des pièges à des gens et de leur rendre la situation trop difficile. Je pense que le ministre se rend très bien compte de la difficulté d'interpréter l'aptitude ou l'inaptitude au travail de quelqu'un de 25 ans qui des problèmes d'ennui, d'angoisse, de tension nerveuse. Mais, actuellement, la loi est très floue. Elle est très, très floue et c'est pour cela, |e pense, que te gouvernement a décidé de la bonifier pour la réviser d'une façon globale. Et nous espérons qu'il va en profiter pour préciser les termes de façon à éviter les embûches actuelles, les difficultés actuelles et surtout, à améliorer la formule qui, comme on lui dit, n'est vraiment pas adaptée à la situation d'un assisté d'en bas de 30 ans qui vient demander un bénéfice auquel il pense avoir droit, parce qu'il a entendu dire que, dans le passé, un certificat se donnait facilement, et qui donne toutes sortes de symptômes qui peuvent induire un médecin en erreur.

II faut donc définir les termes, avoir des barèmes, avoir un encadrement, avoir une formule adéquate, avoir un appel et ensuite, laisser le gouvernement, qui est celui qui donne l'argent, décider des montants que les personnes peuvent ou ne peuvent pas avoir.

M. Polak: Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, il reste quatre minutes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pensais ne pas avoir le temps de le soulever... J'étais pour vous inviter à me répondre par écrit, mais étant donné qu'on ne me bâillonne pas immédiatement, je vais en profiter.

Le Dr Lapierre a semblé, dans ses commentaires, nous inviter, sur le plan de notre action, à ne pas trop étendre le rôle, la responsabilité du médecin intervenant, à la baliser un peu et mettre des paramètres. Hier, nous recevions en commission parlementaire un autre groupe de médecins, l'Association des médecins omnipraticiens de CLSC. À la page 5 dudit mémoire, je vous lis le deuxième paragraphe: "Dans l'actuel régime d'aide sociale, tout citoyen de 30 ans et plus, quel que soit son état de santé, a droit à une aide financière s'il se retrouve dans le besoin. Les jeunes de 18 à 30 ans, quant à eux, ont droit à des prestations réduites à moins qu'ils ne donnent une preuve médicale d'inaptitude au travail. Dans la situation présente, un jeune bénéficiaire doit être malade pour obtenir une allocation décente. "

Dans un échange que nous avons eu avec les représentants des médecins, à un moment donné, il y a même un des intervenants qui a dit que, pour participer à une mesure, cela prenait un certificat. J'ai réagi, je vous le dis, de façon plutôt spontanée, à ce groupe de médecins qui ne savait pas ou qui prétendait ou qui feignait ne pas savoir qu'on pouvait diriger le jeune vers le centre Travail-Québec. Il s'agissait de gens de la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, entre autres, où on s'était assurés qu'il y avait des mesures d'employabilité, soit rattrapage scolaire, stages en entreprise, travaux communautaires, qui étaient disponibles. L'argent était disponible. Les stages étaient disponibles. Tout était disponible et on pouvait obtenir la parité simplement en dirigeant la personne vers le centre Travail-Québec. J'aimerais savoir - parce que ce sont également des gens qui oeuvrent dans le même domaine d'activité que vous - si vous partagez ce point de vue que, dans la situation actuelle, un jeune bénéficiaire doit être malade pour obtenir une allocation décente?

M. Roy: La loi dit clairement que, pour avoir une allocation supplémentaire, il faut un certificat médical qui atteste l'inaptitude au travail. Donc, si on est inapte au travail, il faut qu'on ait un problème de santé qui peut être mental, psychologique, social ou physique, mais il faut être malade. Actuellement, quand on parle de tous les programmes qui sont à la disposition des gens, on ne peut pas tenir pour acquis que les médecins sont au courant de cela, pas plus que l'ensemble des citoyens. Si vous faisiez des sondages, vous vous rendriez compte que la plupart des programmes que vous avez mentionnés sont connus seulement des gens qui gravitent, qui oeuvrent dans le domaine de l'aide sociale. Le travailleur ordinaire n'est pas au courant de cela et encore moins le médecin. Il n'y a pas de cours sur cela. Ce sont des noms: opération, programme Déclic, programme APTE. Je vois cela dans le journal de temps en temps. Je suis vraiment ignorant, moi aussi, de ce genre de programmes à la disposition des gens. Il ne faut pas penser que tout le monde sait tout. C'est tellement complexe l'organisation d'une société, surtout dans ce domaine. Je n'ai pas l'impression que bien des médecins soient au courant des programmes offerts par le gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous nous dites finalement qu'il y aurait avantage pour le ministère à informer les médecins, soit par le biais de la corporation que vous représentez, sott directement, de l'existence de tels programmes pour que les gens soient au courant que la seule solution n'est pas l'émission d'un certificat.

Mme Harel: M. le Président, je suis prête à consentir, parce que le temps est déjà terminé, pour autant que je puisse prendre une minute, moi aussi.

Le Président (M. Bélanger): II y a un autre groupe après et, par respect pour ce groupe et pour éviter qu'il finisse à une heure indue... Il y en a quelques-uns qui ont des avions à prendre à 23 h 15, je pense.

Mme Harel: On peut me permettre de les remercier.

Le Président (M. Bélanger): Oui, je vous en prie, madame, avec grand plaisir. Allez-y.

Mme Harel: M. le Président, je voudrais remercier la corporation, le Dr Roy, le Dr Lapierre et le Dr Morency. Les propos du ministre à la fin m'amènent à penser qu'il doit un peu relire votre mémoire de manière à bien comprendre que vous ne voulez pas être un bras du ministère tant pour la promotion de ses programmes que ta référence au Centre Travail-Québec. Ce n'est pas ce genre de relations d'aide ou de relations de soins que vous voulez entretenir avec vos patients.

M. Roy: On veut que les responsabilités de chacun soient bien remplies. Le médecin fait son travail de médecin. On ne veut pas qu'on lui fasse jouer le rôle, comme on dit, de "garde-barrière" du gouvernement. Je pense que c'est au gouvernement à faire son travail en ce qui concerne les normes à respecter pour avoir droit ou ne pas avoir droit à des prestations d'aide sociale. Du moment que les barèmes sont bien déterminés, qu'il y a un encadrement, à ce moment-là, le médecin va faire son travail et le gouvernement va faire le sien. Dr Lapierre.

M. Lapierre: J'allais dire la même chose.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voudrais profiter de l'occasion pour remercier la Corporation professionnelle des médecins du Québec ainsi que les gens qui se sont déplacés pour nous faire part de leur point de vue.

Je reviendrai sur un point. Je vous dirai que la pratique du ministère jusqu'à maintenant, bien qu'elle soit améliorable, a toujours été, lorsqu'il y avait, sur le plan administratif, des rapports médicaux qui étaient discutables, de procéder par la voie d'une contre-expertise. C'est toujours l'unique voie que nous avons privilégiée et nous n'entendons pas changer d'attitude, même si nous proposons une nouvelle politique de sécurité du revenu. Encore une fois, pour votre offre de collaboration, tant pour les formulaires que dans l'application de la politique, au nom du gouvernement du Québec, je vous remercie.

M. Roy: Merci de nous avoir entendus.

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales remercie la Corporation professionnelle des médecins du Québec et invite M. Hubert Sohet, agriculteur et membre de l'UPA, à s'approcher de la table des témoins.

Nous suspendons nos travaux pour deux minutes afin de permettre à M. Sonet de s'installer.

(Suspension de la séance à 21 h 4)

(Reprise à 21 h 5)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place pour que la commission poursuive ses travaux.

Nous recevons, à la table des témoins, M. Hubert Sonet, agriculteur, membre de l'UPA et porte-parole officieux de l'UPA. M. Sohet, vous connaissez nos règles de procédures. J'ai vu que vous avez assisté à nos travaux depuis quelques jours. Je vous fais grâce de toute l'explication et je vous prierais de bien vouloir nous présenter votre mémoire.

M. Sohet (Hubert): M. le Président, avant de commencer, j'aurais besoin du matériel, même s'il est très vieux et s'il est hétéroclite, que j'avais déposé dans le corridor avant de commencer, avec votre permission, bien sûr.

Le Président (M. Bélanger): Permission accordée. M. Sohet.

M. Sohet: C'est le service de sécurité qui a enlevé tout cela.

Le Président (M. Bélanger): Vous avez votre tableau présentement.

M. Sohet: II y avait d'autres choses, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce du matériel qui est vraiment didactique?

M. Sohet: Oui, M. le Président.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):. Du style du tableau?

Le Président (M. Bélanger): Du style du tableau, par exemple, qui nous aidera à la compréhension?

M. Sohet: Non, c'est pour faire une démonstration devant vous, une démonstration que l'on fait généralement en sciences et qui illustre le mémoire que je désire présenter, toujours avec votre permission.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si l'approche est scientifique.

Le Président (M. Bélanger): Écoutez, je n'ai aucun critère pour juger. Je me fie à votre bon jugement.

M. Sohet: Oui, J'ai 22 ans d'enseignement, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Alors, on vous fera confiance...

M. Sohet: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger):... et on vous permettra d'apporter votre matériel.

Nous vous écoutons, M. Sohet, si vous voulez bien débuter.

M. Sohet: Quand j'aurai mon matériel, M. le Président, s'il vous plaît !

Le Président (M. Bélanger): Écoutez, le temps file. Je pense qu'on va procéder. Quand votre matériel arrivera, vous nous ferez votre démonstration et, à ce moment-là, on comprendra. Sinon, on va dilapider le temps qui est précieux à la commission. Plusieurs doivent prendre des avions à la fin de la soirée; donc, nous sommes très limités dans le temps. Je vous prierais donc, malheureusement, malgré votre matériel, de bien vouloir commencer.

M. Hubert Sohet

M. Sohet: D'accord. Je vous remercie.

Mon nom est Hubert Sohet, agriculteur, membre de l'UPA aussi professeur et, un peu au point de vue "mémoristique", si vous le permettez, en cette heure tardive, je suis diplômé de l'Université de Bras d'Apic.

Vous allez m'excuser, M. le Président, mais tout avait été fait pour gagner du temps. Malheureusement, c'est le contraire qui s'est passé.

J'aimerais d'abord donner un bref aperçu de ce que je pense du document d'orientation présenté par M. le ministre. Du point de vue scientifique, si on se place sur un graphique, l'on va pouvoir constater que l'écart entre les besoins des individus et le revenu que l'on nous propose s'en va en grandissant. Même plus, il y la déjà très longtemps, on a découvert cela et c est ce qui se passe dans les pays en voie de développement, ce qu'on appelle le tiers monde. Je suis ici pour représenter, un peu comme le dit dans son livre l'évêque, Mgr Proulx, décédé dernièrement, une voix pour les sans-voix. Faisant référence à M. Grandmaison, je dirais que c'est pour illustrer un peu ce qu'il y a dans le monde des tiers au Québec.

J'ai commencé par corriger le titre du document de M. le ministre. Il a mentionné que c'était pour une politique de sécurité du revenu, dans mon mémoire, je mentionne directenent le mot insécurité du revenu. J'ai oublié de commencer par ceci, M. le Président, en vous disant que c'est déjà le deuxième mémoire que je présente dans cette salle en l'espace de moins d'un mois. J'en ai profité, au début du mois de février, pour présenter, lors de l'audition de la commission sur la culture, un mémoire très succinct, me plaignant du manque d'information que l'on pouvait avoir au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. J'aimerais vous signaler que j'ai été très bien reçu au début du mois de février par le service de sécurité. Il en a été tout autrement lors de cette présente commission, lundi dernier.

Une première observation est le fait - et le médecin précédent vient de faire la remarque également - que dans ce document, on commence à jouer avec les mots. J'aime cela, j'aime beaucoup, par exemple, M. Prévert, mais lorsque je lis le mot "apte", pour moi, dans une première approximation, cela veut dire capable. Ici, dans le document, on ne met jamais de point après chaque mot, un peu comme ferait M. Grévisse dans sa règle de grammaire, et on sait tous maintenant que le mot "apte", cela veut dire: action, positif pour le travail et l'emploi. Question de jouer avec les mots. On induit les gens en erreur au départ ou on les met sur une fausse piste.

J'aimerais attirer votre attention sur le fait que j'aimerais centrer cela sur la loi actuelle. Je lis simplement un paragraphe du document à la page 14 où on nous dit: "Depuis 1971, les nombreuses modifications apportées à la loi et aux règlements sur t'aide sociale ont largement contribué à rendre ce programme plus complexe. Malgré des objectifs d'équité explicites, le programme a graduellement été marqué d'incohérences. Pour rendre le système de sécurité du revenu accessible, cohérent et simple, il faudra l'adapter aux situations et aux besoins d'aujourd'hui, etc.

Toujours en guise d'introduction, je voudrais lire la lettre que je fais mienne à la page 11 de mon mémoire. Cette lettre a été publiée dans le quotidien Le Soleil du 29 décembre 1987 sous la signature de M. Paul-Eugène Robitaille, de Québec. Je cite: "Par mes politiques, j'ai négligé nos jeunes. Je les ai laissés démunis, sans emploi, sans argent. Il en résulte une main-d'oeuvre à bon marché, disponible et des employeurs satisfaits. Voilà comment j'ai sacrifié mes enfants. Par mes politiques, j'ai détruit la famille. Il en résulte une natalité à la baisse. Et l'équilibre électoral national fut ainsi protégé. Voilà comment j'ai sacrifié mes enfants. Par mes politiques, j'ai donné comme héritage à notre jeunesse une langue amoindrie, un vocabulaire réduit. Il en résulte pour eux de la difficulté à exprimer leur pensée et une conception imprécise des réalités. Et pour moi, il en résulte une facilité accrue à gouverner. Voilà comment j'ai sacrifié mes enfants. Par mes politiques, nos jeunes furent dans l'impossibilité de se nourrir convenablement. Il en résulte un dépérissement de leur santé, l'anéantissement de leur esprit combatif et la perte de leur personnalité. Voilà comment j'ai sacrifié mes enfants. Par mes politiques, nos jeunes pour survivre, furent contraints de se tourner vers la délinquance, le

crime, la prostitution. Il en résulte une prolifération de causes judiciaires, à la satisfaction de nos nombreux avocats. Voilà comment j'ai sacrifié mes enfants. Demain, quand je prendrai ma retraite, ces mêmes jeunes que j'ai négligés, bafoués, sacrifiés, se souviendront de mes politiques et me refuseront toute pension. Je réaliserai, alors, tout l'odieux de mon crime et quand j'écrirai mes mémoires, je dévoilerai, comme Pierre l'Ermite l'a fait avant moi, Comment j'ai tué mes enfants. "

On distingue, dans notre société, deux sortes de personnes: les personnes morales et les personnes physiques. Les personnes morales, au point de vue revenu, sont des compagnies, etc., et au point de vue de la fiscalité, elles sont taxées à un maximum. À titre d'indication seulement, je dirai à 10 %. Beaucoup parviennent, par différentes règles d'abris fiscaux, par différentes règles de réinvestissement - il faut réinvestir pour que la roue économique tourne - à ne presque pas payer d'impôts. Par contre, ii y a les personnes physiques, c'est-à-dire des individus qui, s'ils ont un bon salaire - disons de 40 000 000 $, 50 000 000 $ ou 60 000 000 $ - vont payer dans la dernière tranche plus ou moins 50 % dans cette tranche.

Il y a des lois et, entre autres, la Loi sur l'aide sociale. Après en avoir fait l'expérience pendant ces dernières années, je la caractériserai en disant qu'elle est vicieuse, qu'elle est méprisante, avilissante et dégradante.

À l'article 25, deuxième colonne, on dit dans la loi qu'en tout temps, le Trésor public peut recouvrer l'aide sociale - entre parenthèses, cela veut dire "versée en trop" - et cela signifie une dette publique... Lorsqu'on reçoit à titre de client de l'aide sociale - je n'aime pas les mots assisté social"... Je me place au point de vue économique et je dirai que le client, lorsqu'il se présente dans une institution financière, est en position forte. Rien que le mot "assisté" indique une personne dépendante et en position faible. Lorsque les représentants du ministre, les fonctionnaires qui sont dans les bureaux locaux refusent l'aide sociale à une personne, ils vont souvent faire référence à un article que l'on pourrait qualifier d"article poubelle"; c'est l'article 12 f de la loi. Je vous cite Ici 17 observations que j'ai faites. Je prétends, dans la société démocratique où nous sommes, que je ne dois pas me mettre à genoux pour recevoir de l'aide sociale. Je ne suis pas non plus à la confesse. Je ne suis pas obligé de raconter toute ma vie. Je ne dois pas me déculotter. J'ai le droit de faire respecter ma dignité humaine. Je me définirai comme ceci: je dirai que je suis aimable, serviable, mais pas corvéable, merci, comme les serfs du Moyen Âge. Je prétends aussi que Je suis également régi par le Code civil, comme mon voisin qui va au travail et qui ne reçoit pas d'aide sociale. Je suis également régi par la Charte des droits et libertés. On ne doit pas être plus catholique que le pape, dit le dicton populaire. Je dirais même que c'est criminel dans certains cas. Je me demande si les gens qui ont reçu de l'aide sociale ont déjà porté leur cause soit au niveau de la cour pénale grâce au Code criminel, ou bien avec la charte Je doute qu'il y ait de la jurisprudence qui origine de la Cour suprême. Je prétends que j'ai droit à mon mode de vie et à des valeurs différentes.

L'article 36 de la Loi sur l'aide sociale indique les devoirs des fonctionnaires. On y dit - et je parie des fonctionnaires, d'agents SS, c'est-à-dire les agents de sécurité sociale - qu'il a le devoir de faciliter l'accès à l'aide sociale. C'est une aide de dernier recours. L'enquêteur a-t-il été nommé en fonction de l'article 36. 1 de la Loi sur l'aide sociale, ceux que l'on appelle communément les boubou-macoutes? Je dirai ceci et je prétendrai ceci: L'erreur des fonctionnaires n'est pas source de droit. Exemple: les examens de qualifications pour briqueteur-maçon. C'est un examen que j'ai passé en 1987.

Seizième point: je n'étais pas capable d'emprunter auprès d'une institution financière, selon l'article 2. 14 du règlement de l'aide sociale. Demander de l'aide sociale, comme dirait Camus, c'est la peste, puisqu'il faut l'appeler par son nom.

En ce qui concerne la Charte des droits et libertés, j'aurais une première question: Est-ce que la Charte des droits et libertés de la personne s'applique à la personne qui est bénéficiaire de l'aide sociale? Il y a spécialement les articles 10 et 2. On pourra en discuter tout à l'heure, si vous le permettez.

En ce qui concerne un programme appelé le supplément de revenu au travail, nous avons appris, pendant tes travaux de cette commission, qu'on supposait que cela allait être retiré. Alors, selon notre expérience, si vous permettez, retirons une partie ci-devant, soit ce canard buveur ou, si vous voulez, on pourrait l'identifier aussi à un robot, tel qu'il est mentionné dans mon mémoire. Selon ce programme mentionné dans le document d'orientation en 1983, si une personne seule, par exemple, arrivait à un maximum, si elle gagnait 4470 $, elle pouvait recevoir une aide supplémentaire de 1116 $. En 1984, s'il s'agissait d'une personne seule, avec un revenu maximum de 4829 $, elle allait chercher un supplément de revenu de 1204 $. Je vous poserais une question. Nous sommes le 1er mars 1988. Supposons que j'habite Sainte-Foy ou dans n'importe quelle ville du Québec, supposons que je suis un candidat à l'aide sociale et supposons également que, parmi les candidats à l'aide sociale, il y en a qui sont encore plus privilégiés les uns que les autres, c'est-à-dire les propriétaires. Malgré cette réforme, iI y a une loi qui vient jouer dans le décor et qui vient anéantir tout cela, c'est la Loi sur l'évaluation foncière.

Si, d'après les conditions actuelles, j'ai une propriété évaluée à 50 000 $, je reçois l'aide sociale à 100 %. Si je fais la demande actuel-

lement, depuis fin 1987, la maison va être évaluée 30 % en plus, ce qui veut dire, pour fins d'évaluation, 30 % de 50 000 $, cela veut dire 15 000 $ en plus. Pour calculer les revenus, le fonctionnaire de l'aide sociale pourra dire: 15 000 $ multiplié par 2 %, monsieur, cela vous fait un revenu fictif de 300 $ par mois. Cela veut dire qu'au 1er mars 1988 ici, si vous êtes une personne seule, un adulte de plus de 30 ans, vous allez avoir droit, je crois bien, d'après le tarif actuel, à 487 $ moins 300 $, cela vous fera un revenu net de 187 $, au moment où I'on se parle.

Le Président (M. Bélanger): M. Sohet, iI vous reste trois minutes.

M. Sohet: D'accord. Nous avons mentionné qu'on supprimait le programme SUPRET et on veut le remplacer par le programme APPORT. Mon expérience est faussée. Vous savez, quand on fait une expérience, souvent on la rate. Pourquoi? J'avais pris la précaution de ne pas déranger le canard buveur mais une petite erreur s'est faite. Je néglige cela. Ici, un exemple, puisqu'il ne me reste que quelques minutes. Si je gagne 10 $, je me place au point de vue I'économique, si mon voisin gagne 90 $ l'heure. C'est fictif, c'est simplement pour mentionner que je ne suis pas d'accord avec l'approche du salaire minimum, il faudrait doubler, arriver à ce qu'il serait convenu d'appeler un revenu décent. Disons qu'on va gagner 40 $. Supposons aussi qu'en gagnant 40 $ l'heure dans des conditions précises, on va pouvoir vivre décemment. Si on fait la moyenne, si on est des économistes, on va dire 90 $ plus 10 $ cela fait 100 $, divisé par deux, cela fait une moyenne de 50 $. Que signifient ces 50 $, cette moyenne? On peut faire dire ce qu'on veut, jusqu'à un certain point, aux chiffres. Cela veut dire que la personne qui gagne 90 $ l'heure, moins 40 $, elle va avoir une différence de 50 $ de bénéfice et tous ses besoins ordinaires seront comblés. Si c'est la personne qui a un salaire très bas, à 10 $ et si, pour vivre décemment, elle devrait avoir 40 $, il va y avoir une différence de 30 $. Cette différence est négative.

Finalement, pour conclure, dire que au point de vue économique ce qui doit intéresser le gouvernement, et ce qui intéresse tous les gouvernements, c'est simplement de faire en sorte que l'économie soit en équilibre, le taux de chômage, si j'avais une balance, ici, à deux plateaux, si je mettais cinq, dix ou trente kilos de chaque côté, elle serait en équilibre. Ce qui veut dire que c'est un peu comme pour la santé, l'équilibre varie pour chaque personne. Dans les lois - et c'est ce qu'on apprend à tous tes avocats, je sais qu'il y en a plusieurs ici - il manque, au point de vue des lois sociales en comparaison avec les lois économiques, ce qu'on appelle la concordance. Un défi à M. le ministre, c'est de placer dans ses bureaux locaux et régionaux un exemplaire de la loi, un exemplaire des règlements et aussi mentionner qu'il y avait, jusqu'en 1981, un document qui s'appelle Manuel de l'aide sociale, qui était disponible chez l'Éditeur officiel et qui ne l'est plus maintenant; c'est remplacé par un grand cahier à anneaux. Mentionnons aussi que le nombre de producteurs présentement bénéficiaires de l'aide sociale est de 498 ménages. On nous a cité des chiffres au point de vue de la scolarité, mais plus ou moins 1 % de personnes ont seize ans de scolarité et sont bénéficiaires de l'aide sociale présentement. Plus ou moins 1 % des bénéficiaires de l'aide sociale ont 0, 9 %, des 18 ans et plus 0, 9 % également. (21 h 30)

Avec le nouveau programme APTE qui va remplacer le programme SUPRET, j'aimerais demander au ministre s'il est vrai que dans le cas d'une famille monoparentale partageant son logement et s'il y a une personne, si les revenus minimaux et maximaux sont de 2395 $ et 13 765 $, à quel moment dans cette fourchette - selon l'expression des économistes - y aura-t-il le programme APPORT? Est-il exact que, dans le cas d'une famille monoparentale ne partageant pas son logement, qui a un enfant, qui a un revenu situé entre 2840 $ et 15 575 $, si le revenu brut total est de 9100 $, l'apport maximum avec ce nouveau programme sera de 4500 $? Est-ce exact?

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse de vous interrompre. Le temps est malheureusement écoulé.

M. Sohet: Je vous remercie, M. le Président Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie M. Sohet pour sa présentation, ainsi que pour son mémoire. J'ai remarqué, M. Sohet, que vous êtes une des personnes les plus assidues à cette commission parlementaire et, dans les circonstances, je présume que vous avez déjà eu l'occasion de m'entendre, probablement à plus d'une reprise, faire la description, le profil du bénéficiaire de l'aide sociale quant à ses carences d'employabilité. Je sais que Mme la députée de Maisonneuve ne s'opposera pas si je ne fais pas le portrait de cet assisté social, étant donné que vous l'avez déjà entendu. Je présume également que vous êtes bien au fait des dernières statistiques économiques quant à la création d'emplois pour avoir également assisté à nos travaux depuis le début. Mes interventions porteront donc essentiellement sur six points, si le temps me le permet

Le premier se retrouve à la page 16 du mémoire que vous avez déposé devant cette commission. Vous préconisez ceci à la page 16 de votre mémoire: "Des contrôles tous les six mois seraient suffisants". Je vous indique que ce n'est

pas le cas dans I'ensemble des programmes que nous proposons mais dans le cas du programme Soutien financier, nous proposons d'alléger les contrôles et qu'ils soient strictement à tous les six mois.

Dans le cas du programme APTE, c'est un peu plus difficile parce que, comme vous le savez, notre clientèle, entre autres, pour ceux et celles qui arrivent ne demeure quelquefois pas six mois à l'aide sociale. Cela pose des difficultés et nous avons cru bon de continuer à procéder sur une base mensuelle.

Le deuxième point que j'aimerais traiter avec vous se retrouve à la toute première page de votre mémoire et touche la question que je cite comme suit: "Le fichage des pauvres devrait être proscrit, la banque de données devrait être détruite. " Ce que je vous indique, à titre d information ou de clarification, c'est que les données statistiques qui sont dénommalisées servent surtout à établir le profil général de la clientèle, afin de mieux adapter nos programmes aux besoins de ladite clientèle. Mais iI ne s'agit en aucun cas d'identifier les individus comme tels.

Voici le troisième point que j'aimerais soulever, vous l'avez soulevé autant dans votre mémoire que de façon verbale devant nous ce soir. Dans votre mémoire, on le retrouve à la page 5, vous parlez de la Commission des affaires sociales et vous indiquez ceci, je vous cite: "Elle semble privilégier chaque fois le ministère, que le client soft là comme appelant ou comme intimé. " J'ai demandé de vérifier pour les dernières statistiques disponibles, soit pour l'année 1986-1987, quel était l'état du dossier à la Commission des affaires sociales, le pourcentage des décisions favorables au gouvernement ou aux ministères contre celui des décisions favorables aux citoyens. Pour l'année 1986-1987, on indique que sur 1301 décisions rendues par la Commission des affaires sociales, 782 ont été défavorables aux bénéficiaires et 519 leur ont été favorables. Donc, vous avez là une proportion de 60-40. Verbalement, vous m'avez interrogé sur la possibilité qu'a un bénéficiaire, dans notre système, de se rendre devant les tribunaux de droit commun et vous avez parlé de la Cour suprême du Canada. Je sais qu'il y a au moins, depuis que je suis ministre, un minimum de trois procédures prises ou intentées en Cour supérieure par des assistés sociaux et qui ont été portées à ma connaissance. Je sais également qu'ur assisté social s'est déjà rendu jusqu'en Cour suprême du Canada. En quelle année? Vers la fin des années 1970, début des années 1980. Et cette possibilité-là existe sans doute parce que ces bénéficiaires, ces clients, sont admissibles à ce que I'on appelle dans notre système, l'aide juridique, qui leur sert à couvrir les frais importants. La cause en Cour suprême, pour votre information, et vous pourrez peut-être plus facilement la retracer, s'intitulait Vachon le Procureur général.

Le quatrième point que je souhaiterais aborder avec vous touche une recommandation que I'on trouve à la page 15 de votre mémoire ou comme premier élément d une politique de plein emploi vous nous indiquez, et je vous cite "Pas plus d'une personne de la même famille employée dans une institution publique (gouvernement, enseignement, hôpitaux)" J'aimerais, tantôt, vous entendre sur ce point-là.

Quant aux questions précises que vous avez posées vers la toute fin de votre intervention juste avant que le président ne vous enlève le droit de parole ne vous interrompe, et qui portaient sur I'harmonisation des programmes APPORT et APTE... Et si vous avez trouvé, pour I'année d'application courante, des trous entre l'arrimage qui se doit d'exister entre les programmes APTE et APPORT, vous avez complète ment raison sur le plan du calcul. J'avais indiqué, au début de ces travaux, que cet arrimage qui n'est pas parfait au moment ou nous nous parlons nest quand même pas catastrophique étant donné que, dans la meilleure des éventualités le programme APTE n'entrera pas en application avant l'année 1989, ce qui nous donnera le temps de combler les trous que vous avez semblé dépister quant à cette procédure d arrimage.

C'étaient là, dans un premier temps, les six commentaires que je souhaitais vous adresser et je vous invite à y répliquer ou à engager le dialogue sur l'ensemble ou sur celui que vous préférez aborder.

Le Président (M. Bélanger): M Sohet.

M. Sohet: En ce qui concerne la Commission des affaires sociales, ce n'est pas tellement au point de vue statistiques que je mentionne cela, je parle en connaissance de cause et je dis. La commission a pour fonction d'entendre exclusivement toute personne. Je trouve anormal, tout d'abord, que vous, M le ministre soyez au-dessus de la loi. Et je m'explique. Je prends I'article 38 de la Loi sur la Commission des affaires sociales, cinquième alinéa et je lis. Lors de l'enquête et de l'audition devant la division de l'aide et des allocations sociales, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu - précisons tout d'abord qui est le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu actuellement - ce n'est pas uniquement vous, M. le ministre, sauf votre respect, c'est tout fonctionnaire qui vous représente. Et ce n'est pas nécessairement un avocat. En tant que citoyen, je me dis. II est au-dessus de la loi du Barreau et ce n'est pas correct Aujourd'hui, ce matin, je me suis fait dire par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, si vous permettez. Arrêtez de me niaiser. Avouez avec moi que ce nest pas vous qui m'avez dit cela. C'est M. Turmel, celui qui est au bureau régional. J'étais à la Commission des affaires sociales ce matin. Vous avez ici une décision qui

n'est pas conforme, mais qui est datée du 1er mars 1988. Vous voyez que si je viens souvent ici, je suis assez, comment dire, têtu pour aller ailleurs aussi. Le mot juste ne me vient pas. Ce sont tous des représentants du ministre.

Qui représente le ministre? À fa Commission des affaires sociales, c'est un délégué, un fonctionnaire ordinaire. Je ne dis pas cela pour le diminuer, je veux dire qu'il n'est pas avocat. Quand je suis passé devant la Commission des affaires sociales, c'était Me Bélanger, qui est ici, à ma gauche, qui vous représentait. C'est correct. Mais dans la plupart des cas, ce n'est pas cela. Ensuite, ce sont les gens de l'aide sociale, ceux que j'appelle les agents SS, de la sécurité sociale, qui prennent les décisions à votre place, qui interprètent la loi. Normalement, il n'y a qu'un juge qui peut interpréter la loi. Je continue: A le droit de se faire représenter pour plaider ou agir en son nom par une personne de son choix. Il n'y a que vous qui avez ce privilège. Moi, personne physique, simple individu, je n'ai pas droit à la division de l'aide sociale, à la Commission des affaires sociales, je précise bien.

La jurisprudence, toujours avec la Commission des affaires sociales, j'en ai ici un exemple. Ils vont vous dire ceci: De l'avis de la commission, les informations requises par les fonctionnaires étaient nécessaires pour le traitement de son dossier. Ici, la cour réfère à l'article 12f. Sì vous ne vous mettez pas à genoux devant le fonctionnaire, si vous ne répondez pas à toutes ses questions, bonnes ou mauvaises, bien intentionnées ou mal intentionnées, vous avez tous les pouvoirs pour questionner, pour demander, pour vérifier - il y a un autre article de la loi - et aussi vous avez tous les pouvoirs pour récupérer l'argent qui aurait été versé, disons, indûment. Cela n'a pas de sens.

La commission estime que l'Intimé était justifié - l'intimé ici, c'était le ministère de la Main-d'Oeuvre - de lui refuser l'aide demandée. Pourquoi? Parce qu'il n'avait pas fourni tous les renseignements demandés. La commission ajouterait qu'un manque de collaboration systématique - c'est de moi qu'on parle ici - dans le cadre d'un processus raisonnable de cueillette des données constitue, de la part de son auteur, un véritable refus de permettre à l'administrateur du régime d'accéder à des informations suffisamment étayées pour lui permettre de se prononcer sur la demande soumise et, par voie de conséquence, peut constituer un refus de fournir des renseignements au sens de la loi. Si, dans la loi, il est dit que l'individu doit répondre à toutes les questions des fonctionnaires, toutes, cela veut dire qu'il n'y a pas d'exception. Un peu dans le sens que je vous al dit que je venais plaider pour les agriculteurs parce que je suis également un agriculteur. Vous avez l'article 49 du règlement de l'aide sociale et il y a quelques mots qui disent que ce document de vulgarisation constitue le système de comptabilité officielle. Je vous dis que ce n'est pas vrai. Au ministère de l'Agri- culture du Québec, ceci est un document de vulgarisation. Si mon voisin, qui n'est pas régi par l'aide sociale, n'est pas obligé de se servir de cela, je prétends que je n'ai pas à m'en servir non plus. Par le fait que c'est mentionné dans la loi, tel quel, vu qu'il n'y a que très peu d'agriculteurs - on vous a mentionné le chiffre tantôt, environ 500 - ce sont des chiffres qui sortent très peu pour les agriculteurs. Ce sont des gens qui exercent peu de pression à ce titre. C'est anormal. Si c'est dans la loi, le fonctionnaire, les gens bien intentionnés qui sont à la Commission des affaires sociales, qui sont travailleurs sociaux, soit les membres, c'est-à-dire des avocats, vont interpréter en fonction de cela. Ils vont rendre chaque fois leur jugement en fonction de cela.

Dans ce cas-ci, par exemple, le bureau de révision avait donné sa réponse après 30 jours. Si des délais sont impératifs pour moi, ils doivent l'être également pour vous. Ici, on dit que cela ne tient pas compte. Si, lors d'une réponse, dans ce cas-ci négative, du bureau local, je m'adresse au bureau régional pour obtenir l'avis de révision et si, en même temps, je fais appel à une autre loi qui s'appelle la loi d'accès à l'information, votre représentant -c'est toujours vous, mais c'est un peu comme une pieuvre, si vous me permettez la comparaison, vous avez beaucoup de bras - vous me dites: Mon bras gauche est occupé; je ne peux pas travailler avec la main droite; c'est anormal, pour moi. L'intention n'était pas malhonnête au départ; elle était simplement d'aller chercher tous les droits. Un peu comme le fonctionnaire, l'agent de sécurité sociale, qui rend une décision et qui prend la plus dure, c'est-à-dire de ne pas accorder l'aide sociale, alors que la personne qui l'a demandée est intelligente et scolarisée: elle sait faire des calculs, etc., et elle sait qu'elle y a droit. Et, parce qu'elle ne veut pas se mettre a genoux, qu'elle ne veut pas se déculotter, comme je l'ai dit tout à l'heure, on lui refuse et elle doit attendre un processus très long, des mois. Voilà la réponse à cette question-là.

En ce qui concerne un emploi par famille, oui, d'après mon accent, d'après mes bouteilles de bière ici, vous voyez qu'on n'est pas né au Québec. Cela fait un quart de siècle que je suis ici et, juste avant d'arriver, le gouvernement de mon pays d'origine a fait en sorte que, lorsqu'il y avait, par exemple, deux fonctionnaires d'une même famille, d'un même ménage, il n'y en ait plus qu'un. Je prends l'exemple de l'enseignement. On a beaucoup parlé des familles monoparentales, des femmes sur le marché du travail, etc., si vous avez un professeur qui gagne, disons, 35 000 $ par année, son épouse ou un autre conjoint disons, gagne également ce salaire, cela fait 70 000 $. Ce serait beau. Si vous avez le même salaire et qu'un des conjoints reste à la maison et garde leurs cinq enfants, vous divisez ce montant de 35 000 $ brut par sept, ce qui fait tout à fait un autre standing de

vie.

En ce qui concerne l'harmonisation, c'est-à-dire la concordance que je vois entre les lois, c'est la chose essentielle. Moi, je dis ceci: Ce n'est pas parce que je fais une demande à l'aide sociale que je dois être, un peu comme les fameux travailleurs occasionnels actuels qui doivent être pendus au téléphone, soit être sur appel. Ce n'est pas vrai, dans la société où l'on vit, où l'on revendique la liberté, où l'on prône la liberté, où l'on dit qu'on n'a pas de carte d'identité, etc. Dans mon pays d'origine, j'en avais une carte d'identité; je ne me suis jamais senti brimé pour cela. Par contre, quand je viens ici, on m'en demande une, même s'il n'y en a pas qui soit officielle. Alors, vous savez très bien, vous avez fait vos études de droit, que les lois sociales ont été importées et plaquées - permettez-moi le mot - dans un système économique, avec des lois économiques, et qu'il y a ce manque de concordance ou, si vous préférez votre mot, d'harmonisation. Si je suis régi par le Code civil avant de faire une demande à l'aide sociale, je suis également régi par le Code civil après avoir introduit une demande. C'est le principal de ma réponse.

Le Président (M. Bélanger): Le temps de la formation ministérielle étant épuisé, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président. Je crois que vos remarques, vous les adressiez surtout au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Vous l'avez en fait interpelé en Invoquant l'imputabilité, j'imagine, des fonctionnaires avec lesquels vous êtes entré en rapport. Alors je vais peut-être faire simplement un commentaire, qui est le suivant: Certainement que, pour la très grande majorité des personnes qui demandent de l'aide sociale, c'est là une démarche qui est humiliante, d'autant plus qu'il se mêle aussi souvent de l'arbitraire. Vous avez fait une sorte de mémoire où vous faites un peu le bilan du point de vue du Protecteur du citoyen. C'est intéressant, c'est la première fois. Je n'avais pas eu l'occasion de voir les rapports du Protecteur du citoyen antérieurement. Sans doute faut-il envisager de produire des systèmes qui permettent de diminuer au maximum l'arbitraire social. Cela dit, M. Sohet, on est quand même dans une société qui est exceptionnelle quand on pense qu'on fait un débat comme celui-là avec les personnes qui sont concernées, qu'on va entendre ici, en commission parlementaire, jusqu'à Pâques 120 organismes et que des personnes qui vivent les situations que l'on décrit sont nos interlocuteurs.

Je pense parfois que malgré toutes les difficultés qu'elles peuvent rencontrer, c'est quand même un facteur d'intégration sociale le débat que l'on fait, avec les conditions dans lesquelles on le fait, et aussi le fait que l'on vous reçoive. Il y a quand même possibilité de parier au ministre dans notre société. Bon, vous allez me dire, c'est un minimum, mais qui n'est pas acquis pour 90 % de l'humanité entière. Alors, on est certainement toujours, j'allais dire, amené à étendre le champ des libertés et à réduire l'arbitraire. C'est ce que je voudrais m'employer à faire. On va sans doute porter votre mémoire parmi les pièces à conviction. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): La commission remercie M. Sohet de sa présentation. Je voudrais vous poser une dernière question. Je n'ai pas encore compris le rôle didactique de votre canard pédagogique.

M. Sohet: Je peux vous l'expliquer. C'est le fait qu'avec le programme SUPRET, lorsque j'ai enlevé la petite boite, il allait continuer. Vu que toutes les expériences, quand elles sont contrôlées vont réussir, ici, le canard buveur a été manipulé par des personnes autres que moi, alors, il y a une question. Et il allait s'arrêter sur le programme APPORT. Alors, c'était pour vous prouver, vous montrer qu'il allait rester le bec à l'eau.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie et je remercie votre canard pédagogique. Bonsoir.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au lundi 14 mars, 15 heures.

(Fin de la séance à 21 h 52)

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