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(Dix heures cinq minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission se réunit afin de procéder à une
consultation générale et à des auditions publiques dans le
but d'étudier le document intitulé. Pour une politique de
sécurité du revenu".
Ce matin, nous accueillons à la table des témoins la
Chambre de commerce du Québec qui sera représentée par M.
Louis Arsenault, M. Pierre Shooner, M. Jean-Paul Létourneau, Mme Nicole
Ménard, M. Jean-Claude Riendeau et Mme Pierrette Fortin.
J'inviterais donc nos invités à s'installer à la
table.
Auparavant, Je vais rappeler quelques points quant à la
procédure, si vous me le permettez. Mme la secrétaire, est-ce
qu'il y a des remplacements ce matin?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme
Cardinal (Châteauguay) sera remplacée par M.
Doyon (Louis-Hébert) et M. Chevrette (Juliette) par M. Desbiens
(Dubuc).
Le Président (M. Bélanger): Si je comprends bien,
ces deux changements compteront pour la durée de la commission.
La Secrétaire: Non. Ce ne sont pas les directives que j'ai
eues.
Le Président (M. Bélanger): Bien.
Mme Harel: M. Chevrette a l'intention d'être des
nôtres à l'occasion.
Le Président (M. Bélanger): Excellent. C'est son
privilège. Il est membre de la commission.
MM. les représentants de la Chambre de commerce du Québec,
vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez exactement 20
minutes pour présenter votre mémoire ou nous en faire un
résumé et ensuite, un échange de 40 minutes avec les
parlementaires. Je prierais le porte-parole de s'identifier et de
présenter chacun des représentants. Lorsque vous aurez à
prendre la parole, veuillez donner votre nom avant votre intervention pour les
fins de la transcription du Journal des débats.
Si vous voulez bien commencer. Je vous remercie.
Chambre de commerce du Québec
M. Arsenault (Louis): Merci. M. le Président. Je tiens
tout d'abord à remercier la commission des affaires sociales d'avoir
accepté de nous rencontrer ce matin pour que nous lui présentions
le point de vue de la Chambre de commerce du Québec, relativement au
document intitulé. Pour une politique de sécurité du
revenu".
Je vous présente d'abord les membres de notre
délégation. Tout d'abord, à ma droite, M. Pierre Shooner,
vice-président, administration gouvernementale de la Chambre de commerce
du Québec. Il a aussi une autre occupation, Dieu merci, un peu plus
lucrative, il est président et chef de l'exploitation de la
société Les Coopérants; M. Jean-Paul Létourneau,
vice-président exécutif de la Chambre de commerce du
Québec; Mme Pierrette Fortin, directrice de l'information à la
Chambre de commerce du Québec. M. Jean-Claude Riendeau et Mme Nicole
Ménard, qui devaient nous accompagner ce matin, ne sont pas là.
Mon nom est Louis Arsenault, je suis vice-président de premier rang de
la Chambre de commerce du Québec.
Je laisserai tout à l'heure à mon collègue, Pierre
Shooner, le soin de vous présenter plus à fond les
recommandations de notre mémoire mais, auparavant, j'aimerais vous
rappeler les trois principales raisons qui font que la Chambre de commerce du
Québec s'intéresse au plus haut point à tout le dossier de
la sécurité du revenu.
Tout d'abord, je dois préciser que la Chambre de commerce du
Québec est favorable à attribuer davantage de ressources aux plus
démunis. Elle insiste cependant sur la nécessité d'avoir
recours à des principes de gestion plus rigoureux. Enfin, la chambre
considère que le fait de compter parmi les bénéficiaires
du régime des dizaines de milliers de personnes capables de travailler,
constitue une grande perte sociale. Nous appuierons donc toute mesure qui
visera à donner du travail à ces personnes de façon
à éviter que se créent ou se perpétuent des
générations d'assistés sociaux.
Je cède maintenant la parole à mon collègue, Pierre
Shooner.
M. Shooner (Pierre): M. le Président de la commission, M.
le ministre, madame et messieurs les députés, mesdames et
messieurs, mon nom est Pierre Shooner. C'est à juste titre que les gens
d'affaires s'intéressent à la réforme du système de
sécurité du revenu.
En tant que citoyens, nous ne pouvons rester indifférents
à la situation sans issue dans laquelle s'enlise une proportion de plus
en plus importante de la société.
Notre responsabilité, comme chef d'entreprise, est de contribuer
à créer et à maintenir des conditions économiques
qui permettront de répondre efficacement aux besoins des citoyens
démunis ou à faible revenu et qui faciliteront
l'intégration sur le marché du travail de ceux qui
en ont la capacité. Cela ne saurait cependant se faire au
détriment du caractère concurrentiel de nos entreprises. Seules
des entreprises compétitives et rentables pourront créer des
emplois et de la richesse dans notre société. Il est clair que le
régime de sécurité du revenu proposé dépend,
dans une large mesure, de cette capacité.
La Chambre de commerce du Québec et ses membres sont conscients
de la responsabilité sociale des entreprises québécoises
et du rôle important qu'aura à jouer le secteur privé dans
la réforme qui s'amorce. Nous sommes venus vous dire aujourd'hui que
nous sommes prêts à assumer cette responsabilité et vous
exprimer notre volonté de nous associer de façon constructive
à l'élaboration de la réforme. Nous sommes
également venus insister pour que soit analysé de près
l'impact prévisible des modifications proposées concernant
l'économie québécoise. Il nous apparaît, en effet,
primordial de nous assurer qu'elles ne créeront pas d'entrave aux lois
du marché qui mettraient en péril les objectifs même de la
réforme.
Le mémoire que nous déposons auprès de cette
commission insiste sur certains faits que nous jugeons important de soulever
dans le cadre des discussions en cours. Nous souhaitons qu'il contribue
à enrichir et à éclairer les débats. Dans un
premier temps, M. le Président, nous aimerions souligner la
qualité de l'analyse de la situation présentée dans le
document d'orientation proposé par le ministre. Celle-ci nous
apparaît juste et elle rejoint nos propres constatations. Nous
reconnaissons que le régime actuel n'est plus adapté à la
réalité socio-économique et que ses objectifs
correspondent mal aux besoins des bénéficiaires. Dans bien des
cas, le système en place est, par ailleurs, inéquitable et
déslncitatif pour les travailleurs à faible revenu. Enfin,
l'escalade du nombre de bénéficiaires et des coûts oblige
le gouvernement à consacrer une part croissante de son budget à
la sécurité sociale, alors même qu'il tente de
réduire son déficit.
Devant le caractère fondamental des problèmes mis en
évidence, et devant l'échec des mesures de correction
apportées au cours des dernières années, nous appuyons le
gouvernement dans sa volonté de procéder à une
réforme complète du régime. Ce qui est en cause, en effet,
c'est beaucoup plus qu'un problème de calcul de prestations ou de
contrôle plus rigoureux; c'est la philosophie de base du régime de
sécurité sociale, les objectifs qu'il poursuit let les moyens
dont il dispose pour les atteindre.
Alors que près de 75 % des bénéficiaires sont aptes
au travail, nous ne pouvons plus, comme société, limiter notre
intervention à un programme de transfert que le système fiscal et
d'autres facteurs contribuent à refermer toujours davantage sur
lui-même. Nous avons laissé se créer un cercle vicieux dont
les conséquences sociales et économiques sont graves. Il nous
faut le briser au plus tôt. Sur ce plan, la situation des jeunes nous
apparaît particulièrement préoccupante. Notre
société ne peut continuer à perpétuer les bases
dans lesquelles se retrouvent les 90 000 jeunes de moins de 30 ans aptes au
travail, et actuellement inscrits à l'aide sociale. Elle ne peut pas se
priver ainsi de l'apport d'une relève dont la contribution lui est
essentielle. De même, elle ne peut pas faire endosser à l'ensemble
de la population les coûts présents et à venir de la
dépendance, à moyen terme irréversible, d'un aussi grand
nombre de citoyens. La situation actuelle, c'est un fait, est très
inquiétante et te défi qu'elle nous propose en est un
d'envergure. D'autant plus que ce défi, nous sommes appelés
à y faire face dans une conjoncture de restriction des dépenses
publiques qui nous oblige à nous poser une question fondamentale:
combien, comme société, sommes-nous en mesure de payer pour le
nouveau régime que nous mettons en place? Pouvons-nous augmenter les
coûts que nous assumons présentement, sans mettre en danger notre
croissance économique?
Cette question, qui peut sembler odieuse à certains, ne doit pas
être évitée. Au contraire, elle est extrêmement
pertinente dans le contexte actuel et elle fait appel à un
réalisme essentiel au succès de la démarche en cours.
Cette question, nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à la poser.
L'Association internationale de la sécurité sociale rapporte en
effet que l'équilibre financier de la sécurité sociale est
menacé dans la plupart des pays industrialisés, qui ont dû,
comme nous l'avons fait, élargir la mission de ces régimes ou
répondre à des besoins accrus de protection.
La notion du maximum supportable financièrement a progressivement
fait son apparition dans les débats publics, et la tendance qui se
manifeste dans la gestion des programmes sociaux va désormais davantage
dans le sens d'une rationnalisation des ressources financières et de
leur meilleure allocation, plutôt que de leur augmentation. La chambre
estime que le Québec a atteint ce maximum supportable par les
contribuables et nous souhaitons que la réforme permette d'obtenir
l'équilibre financier essentiel à la croissance économique
et au développement de nos entreprises.
La solution du problème d'envergure auquel nous faisons face est
donc loin d'être simple. Qui plus est, elle devient de plus en plus
urgente. Le fait de retarder davantage les changements en profondeur qui
s'imposent perpétue, en effet, une situation inéquitable, tant
pour les bénéficiaires que pour les contribuables, et contribue
à une détérioration du système qui devient de plus
en plus difficile à corriger. Fortement sollicitée par
l'intensification des débats, l'opinion publique est ainsi de plus en
plus partagée devant l'émotivlté, voire
l'agressivité dont ils sont chargés, ce qui entraîne une
dégradation du climat social.
Par ailleurs, la croissance du nombre des bénéficiaires et
des coûts alourdit le fardeau fiscal, se répercute sur le prix des
biens et
services que nous produisons et freine les investissements au
Québec. Des mesures doivent être prises rapidement pour
alléger les contraintes ainsi imposées à nos entreprises,
alors même qu'elles en sont à un tournant décisif pour
notre avenir.
Enfin, le développement technologique et la libéralisation
de nos échanges commerciaux entraînent des changements importants
dans la structure même de l'emploi. Les aptitudes et les qualifications
exigées des travailleurs évoluent rapidement. Comme la
clientèle actuelle de l'aide sociale se recrute déjà, pour
les trois-quarts, chez des personnes aptes au travail, dont les qualifications
ne correspondent pas à l'offre du marché, il faut donc s'attendre
que cette clientèle continue d'augmenter de façon alarmante
Vouloir prévenir cette situation est un argument additionnel favorisant
l'urgence de la réforme.
Trop de propositions ont été reportées ou
écartées ces dernières années, faute d'une
réelle volonté politique et collective qui aurait pu nous
permettre d'arriver à un consensus équitable pour toutes les
parties concernées. Nous encourageons donc le gouvernement à
persévérer dans la démarche entreprise, et même
à l'accélérer, tout en respectant les étapes de
consultation et de vérification qui lui sont essentielles.
Pour notre part, malgré certaines réserves sur lesquelles
je reviendrai, nous appuyons l'approche soumise par le ministre dans le
document "Pour une politique de sécurité du revenu". Nous sommes
heureux de constater qu'elle s'inscrit dans le sens des principes dont nous
faisons la promotion depuis plusieurs années déjà.
Le projet énonce en effet clairement la vocation de programme de
dernier recours du régime et il affirme la jonction que le nouveau
programme doit établir avec le marché du travail, de même
que la primauté du revenu de travail comme source d'autonomie des
personnes.
Globalement, nous adhérons aux objectifs proposés.
Premièrement, répondre plus généreusement aux
besoins des personnes incapables de travailler; deuxièmement, favoriser
la participation des bénéficiaires aptes au travail à des
mesures de maintien et de développement de l'employabilité; et,
troisièmement, inciter les travailleurs à faible revenu, à
demeurer ou à retourner sur le marché du travail.
Notre société se doit, en effet, d'attribuer les
ressources disponibles davantage aux plus démunis et de consacrer la
valeur du travail comme moyen de réalisation et source d'autonomie. Ce
faisant, le nouveau régime devrait cependant viser aussi la
réduction du nombre de bénéficiaires et par
conséquence, celle des coûts.
Cet aspect est toutefois passé sous silence dans le document
d'orientation et nous le déplorons. Bien sûr, nous admettons que
la réforme vise d'abord à répondre, de façon plus
adéquate et généreuse, aux besoins des
bénéficiaires et qu'elle ait fondamentalement d'autres objectifs
que la recherche d'économie.
Il nous apparaîtrait cependant inadmissible d'écarter cette
dimension comme si elle était négligeable ou inopportune. Dans
cette optique, nous sommes également surpris que le document
d'orientation ne précise pas les objectifs visés en termes
quantifiés, et ce, pour une période minimum de trois ans.
Combien ou quel pourcentage de bénéficiaires le nouveau
régime vise-t-il à intégrer sur le marché du
travail? En combien de temps? Quelles économies espère-t-on
obtenir ainsi à court ou à moyen terme? Autant de questions
auxquelles les réponses sont essentielles pour mesurer la pertinence des
ressources à consacrer aux différents programmes. Notre analyse
des moyens proposés pour atteindre ces objectifs nous amène
à la même conclusion. Ces moyens sont innovateurs et ils sont la
preuve de l'ampleur de l'effort que le gouvernement est prêt à
consacrer et à demander pour apporter des solutions aux problèmes
de la sécurité sociale. Le réaménagement du
programme de transfert et son articulation avec les mesures fiscales et les
mesures de soutien à l'emploi donnent un système cohérent
et bien intégré.
De prime abord, les moyens proposés semblent avancer des
solutions adéquates à la plupart des lacunes identifiées.
Nous disposons cependant de peu de données pour en prévoir
l'efficacité. Certes, le régime sera plus généreux
envers les bénéficiaires Incapables de travailler, et envers les
jeunes de moins de 30 ans. De même, il sera plus équitable envers
ceux qui choisissent de demeurer sur le marché du travail.
Pour ce qui est des programmes visant l'intégration de
bénéficiaires au marché du travail, soit ceux qui touchent
le plus grand nombre de bénéficiaires, nous sommes cependant dans
l'inconnu le plus complet à l'égard des résultats que nous
pouvons espérer.
Quelle est notre capacité réelle de créer un nombre
d'emplois suffisants pour tous ceux qui auront ta capacité et la
volonté de travailler? Combien de bénéficiaires le
régime maintiendra-t-il à des coûts élevés
dans des programmes de soutien qui se poursuivront indûment? Seules des
analyses poussées - et nous ignorons si elles ont été
réalisées - pourraient contribuer à apporter une
réponse à ces questions.
Nui ne semble, par ailleurs, vouloir se prononcer sur la participation
prévisible aux mesures de soutien et de développement de
l'employabilité. Selon que la participation sera nulle ou de 100 %, ces
programmes entraîneront annuellement des économies de 370 000 000
$ ou des déboursés de 445 000 000 $. L'écart est large;
trop pour permettre la moindre appréciation. De même, nous ne
disposons d'aucune appréciation de l'effet d'attraction du nouveau
régime et des comportements qu'il pourrait susciter.
L'impossibilité dans laquelle nous nous trouvons d'évaluer
les résultats des moyens proposés nous amène à
exprimer des réserves à ce sujet, jusqu'à ce que les
données nécessaires soient disponibles. Comme je l'ai
souligné plus tôt, la Chambre de commerce du Québec ne
saurait soutenir, du moins dans sa forme actuelle, une politique qui engagerait
notre société dans une augmentation des coûts de la
sécurité sociale. Or, si nous nous appuyons sur les chiffres,
même incomplets, fournis dans le document d'orientation, la
réduction des coûts nous semble très improbable. Et encore,
une telle réduction ne serait possible qu'en cas dé
non-participation aux programmes de développement de
l'employabilité, ce dont iI n'y aurait pas lieu de se
réjouir.
Sur un autre plan, nous envisageons avec réticence la croissance
de l'appareil administratif responsable du régime et les coûts qui
en découleront. De même, nous doutons que le mode de
rémunération et d'évaluation du rendement actuellement en
vigueur dans la fonction publique favorise la gestion des programmes dans le
sens d'une réduction du nombre de bénéficiaires et des
coûts. Malgré ce qui précède, nous tenons cependant
à souligner que certaines dispositions du régime proposé
nous semblent présenter des progrès très nets par rapport
à la situation actuelle. Entre autres, les nouvelles mesures fiscales
intégrées aux programmes de transfert; deuxièmement,
l'introduction du principe de la contribution alimentaire parentale et,
troisièmement, l'harmonisation des programmes avec ceux du
fédéral constituent de bons exemples d'une gestion vigoureuse
orientée vers l'efficacité et la réduction des
coûts.
En terminant, M. le Président, J'aimerais vous faire part des
recommandations élaborées par la chambre à la suite de son
analyse du document d'orientation Pour une politique de sécurité
du revenu soumis par le ministre. Ces recommandations qui font partie
intégrante de notre mémoire résument bien notre position
sur cette importante question.
Premièrement, que le gouvernement québécois
poursuive les démarches amorcées en vue de réformer en
profondeur le régime actuel de sécurité sociale et qu'il
mette ainsi un terme à un système Inadéquat, qui impose un
lourd tribut aux contribuables sans répondre aux vrais besoins des
bénéficiaires.
Deuxièmement, que le nouveau régime consacre la valeur du
travail comme source d'autonomie des personnes et qu'il mette tout en oeuvre
pour faciliter la réintégration au marché du travail des
bénéficiaires qui y sont aptes.
Troisièmement, que le gouvernement fasse, parallèlement,
une priorité de la réduction des coûts de la
sécurité sociale et de la diminution du nombre de
bénéficiaires par leur réinsertion dans le marché
du travail; que les dispositions du nouveau régime soient revues dans
cette optique et que les résultats obtenus soient évalués
selon ce critère.
Quatrièmement, que le nouveau régime conserve sa vocation
de programme de dernier recours et tienne compte de l'ensemble des ressources
des bénéficiaires lors de l'analyse de l'admissibilité ou
du calcul des prestations.
Cinquièmement, que les dispositions du nouveau régime
dépassent les programmes de transfert et s'appuient également sur
les mesures fiscales harmonisées et sur des services adaptés de
soutien à l'emploi.
Sixièmement, que l'ensemble des programmes proposés fasse
l'objet d'analyses rigoureuses et d'études coûts-efficacité
afin d'en mesurer tes résultats probables et d'en prévoir
l'impact sur l'économie; de même, que les coûts de la
gestion du régime et la taille de l'appareil administratif soient
rigoureusement contrôlés pour en limiter les coûts.
Septièmement, que les objectifs des différents programmes
soient clairement identifiés et quantifiés afin de mieux mesurer
l'allocation des ressources et faciliter l'évaluation des
résultats; que l'administration de ces programmes par les fonctionnaires
se fasse selon les principes de la gestion par objectifs.
Huitièmement, que les nouveaux programmes soient partout
harmonisés avec ceux des autres régimes de sécurité
du revenu en place et avec les politiques de main-d'oeuvre en vigueur aux
différents paliers de gouvernement.
Neuvièmement, que des contrôles rigoureux continuent
d'être exercés pour éviter tout abus du système.
Et, enfin, que le secteur privé soit étroitement
associé à l'élaboration et à l'application de
programmes de soutien à l'emploi conçus selon une optique
réaliste dans le respect des règles du marché.
Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez bien
conclure, le temps est écoulé.
M. Shooner: Nous sommes confiants que les membres de ta
commission analyseront ces recommandations et que, soucieux de ne pas
réaliser un telle réforme au détriment du caractère
concurrentiel de nos entreprises, ils proposeront les rajustements
nécessaires. D'ici là, M. le Président, nous sommes
prêts à participer activement à l'élaboration de la
réforme. Nous continuerons à sensibiliser nos membres aux
diverses facettes de leur responsabilité sociale et les encouragerons,
le moment venu, à collaborer aux programmes qui seront mis en place.
Merci, M. le Président
Le Président (M. Bélanger): Merci M. Shooner. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je tiens
à remercier la Chambre de commerce du Québec ainsi que ses
représentants
et pour le mémoire qu'ils nous ont soumis et pour la
présentation orale qu'ils viennent de nous en faire.
Dans un premier temps, vous me permettrez de débuter cette
journée en traçant le portrait statistique de la clientèle
que nous avons à l'aide sociale à titre de ministère
responsable de la Sécurité du revenu. Tout d'abord, il faut noter
que 25 % de notre clientèle, soit quelque 100 000 chefs de ménage
sur quelque 400 000 sont des gens qui sont généralement
considérés incapables d'occuper un emploi
rémunérateur dans la société et ce, pour une
période prolongée. (10 h 30)
Quant aux autres 300 000 chefs de ménage, ils ont les
caractéristiques suivantes: 36 % sont considérés comme des
analphabètes fonctionnels; 60 % n'ont pas complété leurs
études secondaires; 40 % n'ont aucune expérience
antérieure de travail. Je tiens à citer ces statistiques parce
qu'il existe un préjugé dans la société, à
savoir que, bien que les emplois existent ou existeraient, les assistés
sociaux n'ont pas la volonté de les décrocher ou de travailler.
Je veux vous faire réaliser quelles sont les barrières qui se
dressent entre le marché du travail et ces gens-là quant aux
caractéristiques de leur employabilité. Je vous indiquerai
également que l'ensemble des employeurs au Québec exigent, pour
l'emploi le moins qualifié ou le moins spécifié, un
secondaire V, un cours secondaire complété. Donc, vous voyez
là le défi qui se pose au ministère en termes
d'amélioration de l'employabilité de ces gens-là.
Quant à la situation économique, je vais la résumer
brièvement parce que d'autres intervenants, devant cette commission, ont
basé leur mémoire sur des statistiques qui remontaient, sur fe
plan de la création d'emplois ou du type d'emploi qui était
créé, à 1984. Je ne sais pas si la Chambre de commerce -
je ne pense pas que ce soit le cas - se serve des mêmes statistiques,
mais pour que l'on parle le même langage, reprenons les statistiques de
janvier à janvier. Création nette de nouveaux emplois au
Québec, entre janvier 1987 et janvier 1988, 122 000. Parmi ces emplois,
116 000 à temps plein et 5000 à temps partiel. Les secteurs
où les emplois ont été créés: dans le
domaine financier, des assurances, M. Shooner, les affaires
Immobilières, 41 000; dans l'industrie manufacturière, 35 000;
dans la construction, 16 000. Ce portrait étant fait, c'est dans ce
cadre que j'aimerais vous faire mes remarques à la suite de vos
interventions verbales et également retourner à votre
mémoire et à vos propositions.
Ma première question, et vous êtes le premier groupe qui
l'a soulevée, bien que j'aie adressé une question identique, je
vous en préviens immédiatement, aux représentants du
Conseil du patronat qui ne l'avait pas soulevée dans son mémoire,
mais c'est la première question qui m'est venue à l'esprit
lorsque. J'ai eu à discuter avec eux: Combien sommes-nous en mesure de
payer? Le programme Soutien financier a un coût net additionnel de
quelque 100 000 000 $ par année, indexé; vous savez à
quelle clientèle il s'adresse. Le programme APPORT, si on tient compte
de l'abolition de l'ancien programme SUPRET, a un coût additionnel de
quelque 40 000 000 $ annuellement.
Une voix:...
M. Paradis (Brome-Missisquor): Tout près de l'indexation?
Le programme APTE a un coût qui peut varier, comme vous l'avez
mentionné, d'une fourchette d'économie de quelque 357 000 000 $
à une fourchette de déboursés de quelque 445 000 000 S si
tout le monde participe au programme. Pour chacun des programmes, la question
se pose différemment. Les coûts ont été bien
évalués en ce qui concerne le programme Soutien financier; ils
sont précisés et ils vont être déboursés. En
ce qui concerne le programme APPORT, nous croyons avoir effectué le
même calcul avec autant de justesse. En ce qui concerne le programme
APTE, nous sommes conscients de la fourchette. Quelle est votre réaction
sur les sommes additionnelles que nous consacrons dans deux des programmes et
les sommes additionnelles que nous mettons sur la table pour les
bénéficiaires qui veulent s'en prévaloir dans le cas du
troisième programme?
M. Létourneau (Jean-Paul): Jean-Paul Létourneau. M.
le Président, un des problèmes que nous avons soulevé dans
cette évaluation, c'est quelle va être la popularité ou la
possibilité de participation au programme APTE. On sait que cela ne peut
pas être 100 %. Les statistiques qu'a mentionnées le ministre sont
assez révélatrices à ce sujet. On espère bien que
ce ne sera pas zéro. Est-ce que ce sera 25 % ou 30 %? Si c'était
dans la fourchette de 25 à % 30 %, on a l'impression qu'il n'y aurait
pas là de déboursé additionnel, d'après nos
calculs, pour ce qui est du programme APTE.
Pour le programme APPORT, vous nous dites que le coût additionnel
sera de 40 000 000 $. Peut-être notre appréciation
était-elle faussée par de mauvaises statistiques, mais elle
évaluait cela à 65 000 000 $.
M. Paradis (Brome-Missisquot): Excusez-moi, je veux simplement
apporter une précision. Je pense que nous partons des mêmes
chiffres. Le coût total sur une base annuelle du programme APPORT est de
65 000 000 $, mais, actuellement, le gouvernement débourse, dans le
cadre du programme SUPRET, quelque 25 000 000 $ et le programme APPORT
amène également l'abolition du programme SUPRET. Donc, le
coût net additionnel serait de 40 000 000 $ annuellement.
M. Létourneau: Très bien. Nous avons indiqué
notre appui au programme APPORT, ce qui implique les conséquences qui
s'ensuivent,
c'est-à-dire les coûts additionnels que cela signifie
Cependant, comme le mémoire l'indique bien, nous espérons que,
dans tout le processus, il y aura, avec les autres mesures qui seront mises en
action, possibilité de diminuer les coûts globaux du
système en diminuant le nombre de bénéficiaires ou en
ayant recours à la part que les parents peuvent faire pour un certain
nombre d'entre eux.
M. Shooner: Si je peux ajouter un mot à cela, je ne
voudrais pas qu'on limite le débat à un couloir très
étroit qui s'appellerait combien de dollars allons-nous investir
là-dedans? Est-ce 10 000 000 $ de plus ou 100 000 000 $ de moins? C'est
sans doute très important, mais je pense que notre mémoire le
situe d'une façon plus large, et cela me paraît majeur lorsque je
lis le document d'orientation et que je raisonne un peu comme dans une
entreprise, je me dis que je n'ai pas de programme à moyen terme
là-dessus Quand je dis "moyen terme", disons que c'est pour trois ans.
On sait combien cela nous coûtera ta première année. On
nous dit: Indexez ces montants-là et ce sera cela par après Je
pense que, lorsqu'on le dit comme cela, ce n'est pas dans l'esprit ni dans la
philosophie qu'on veut développer dans ce programme-là.
La philosophie qui nous guide là-dedans, c'est qu'il y a 75 % de
ces personnes qui sont aptes au travail C'est cela, le problème. Ces
personnes sont aptes au travail et ne travaillent pas. Tous ensemble, comme
société, on se prive de talents dont on n'a pas les moyens be se
priver. Pour moi, c'est ce qui est fondamental. Ces gens-là sont dans un
assujettissement par rapport à leur situation qui est totalement
inacceptable II faut rendre à ces gens-là le moyen de
s'épanouir, le moyen de mettre à contribution les talents qu'ils
ont et de faire en sorte que notre société puisse
également profiter de cela. Pour moi, ce sont les objectifs fondamentaux
du programme et la philosophie avec laquelle nous sommes pleinement d'accord.
On dit là-dessus que, comme entreprises, on est prêts
à faire notre bout de chemin pour favoriser cela. On est prêts
à faire cela, on est prêts à aller dans ce sens-là,
dans un programme intégré, innovateur et qui devrait donner des
résultats.
Les coûts seront une conséquence bienheureuse ou
malheureuse de l'atteinte des objectifs du programme qui est tracé. Pour
nous, les coûts sont une conséquence. Évidemment, on est
prudents sur la bureaucratie, on est prudents sur la concurrence. Vous
êtes un gouvernement qui préconise le libre-échange, nous
sommes un organisme qui le fait aussi. Vous n'êtes pas sans savoir
cependant que cela nous lance de gros défis en termes de concurrence
vis-à-vis des autres types d'entreprises qui sont, pour nous, des
monstres américains ou pancanadiens qui viendront chez nous beaucoup
plus librement nous faire concurrence. Cela nous lance des défis
sérieux
Si on arrive au Québec avec des politiques qui font en sorte que
cela nous "débalance" - entre guillemets - en termes de
fiscalité, en termes de coûts par rapport à nos concurrents
monstres qui sen viennent, évidemment on ne pourra pas tenir le coup et
on va s'intégrer à ces monstres-là et disparaître
comme entreprises. Ce sera aussi simple que cela.
Fondamentalement, donc, il ne faut pas limiter le débat à
une simple question de 100 000 000 $ de plus ou 100 000 000 $ de moins. Ce
qu'on na pas dans le programme et ce qu'on regrette, c'est qu'il n'y a pas une
planification, je dis, pour trois ans, mais on peut dire pour cinq ans
même, si possible. On en a fait tellement de ces longs programmes. Mais
qu'on fait au moins pour trois ans pour savoir quels sont les résultats
tangibles de retour au travail de 75 % des 400 000 aptes au travail. Qu'est-ce
que ce programme va donner, si, comme entreprise privée, on joue notre
rôle, si le gouvernement joue son rôle là-dedans? C'est pour
cela qu'on dit qu'on est d'accord pour verser plus d'argent aux personnes
inaptes au travail, mais l'objectif fondamental, ce n'est pas, en ce qui nous
regarde, les inaptes au travail. Je pense bien que, dans ce cadre-là,
comme société, on doit les aider et faire en sorte que ces gens
aient le droit de continuer leur vie ici le mieux possible.
Notre objectif, c'est de nous asseoir avec le gouvernement pour dire. II
y a 300 000 personnes dont on se prive comme société, il y a 300
000 personnes qui vivent dans des situations totalement inacceptables comme
humains et qu'est-ce qu'on peut faire ensemble pour développer cela? Ce
n'est pas une solution simple. C'est très compliqué. Si
c'était simple, ce serait réglé depuis longtemps et ce
serait réglé partout dans le monde. Ce n'est pas simple. On dit:
Les objectifs qui sont là sont très louables, ils sont
extraordinaires même. II y a de l'innovation dans ces programmes mais on
ne sait pas trop où on s'en va dans un an, deux ans ou trois ans quant
au succès de cette organisation. Si j'étais dans une entreprise
privée, jusqu'à un certain point, je dirais. Apportez-moi ces
chiffres-là avant qu'on décide.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Shooner, est-ce que
j'interprète mal votre pensée en disant qu'avec la collaboration
que vous offrez, avec la collaboration qui nous est également offerte de
la part des groupes sociaux et communautaires, avec la collaboration que l'on
tentera de susciter lorsque comparaîtront devant nous des groupes
syndicaux, si on réussissait à relever le défi
d'améliorer l'employabilité de 100 % de la clientèle, le
défi par excellence.
M. Shooner: Oui, pourquoi pas?
M. Paradis(Brome-Missisquol):... et à rein-
tégrer ces gens-là, même si cela coûtait une
somme additionnelle de 445 000 000 $ sur une base annuelle, votre organisme ne
s'y opposerait pas si on réussissait à rejoindre toute cette
clientèle?
M. Shooner: II faut faire l'étude
coûts-bénéfices de cette situation et arriver à une
démonstration qui va démontrer cela. C'est évident qu'il
faut viser 100 %, M. le Président. C'est évident qu'il faut viser
cela,
Maintenant, cela prendra combien de temps pour y arriver? On verse 445
000 000 $ pendant combien d'années? Avec quels résultats la
première, la deuxième, la troisième et la huitième
années? Finalement, où on s'en va avec cela? On ne peut pas
répondre si on est d'accord en principe pour dire qu'on va
dépenser 445 000 000 $ de plus et qu'on va avoir 300 000 emplois de plus
au Québec. Si vous me dites que cela coûte 445 000 000 $ pour
créer 300 000 emplois au Québec pour ces gens-là, si je
fais la division entre les deux, je ne sais pas combien cela donne, mais je
pense, si je me rappelle des chiffres du ministère de l'industrie et du
Commerce, qu'on n'arriverait pas à un chiffre exagéré.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce n'est pas ce qu'on vous dit. Ce
qu'on vous dit, c'est que, si tout le monde participe dans les mesures
d'employabilité, ce qui ne constitue pas de la création
d'emplois, mais des mesures qui visent à améliorer les
caractéristiques d'une personne versus te marché qui cherche
à l'employer, si tout le monde embarque, cela va coûter, à
partir de la clientèle qu'on avait en mars 1987, il y a un an, 445 000
000 $ additionnels au programme APTE. C'est ce que nous vous disons.
M. Shooner: C'est celui-là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Maintenant, il est certain qu'au
fur et à mesure que ta clientèle diminue, vous avez des
diminutions dans les coûts de vos programmes d'employabilité parce
que vous avez moins de personnes qui deviennent admissibles. Elles sont rendues
sur le marché du travail et là, ce sont vos entreprises qui
patent les salaires.
M. Shooner: C'est exactement ce qu'on ne sait pas, M. le
ministre, et qu'on aimerait bien savoir.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous voudriez...
M. Shooner: On ne le sait pas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... une échelle de
décroissance du nombre d'assistés sociaux, c'est-à-dire
que, si on baisse notre clientèle à l'intérieur de douze
mois de 100 000 parce qu'elle a réintégré le marché
du travail, quelle est la diminution des coûts?
M. Shooner: C'est-à-dire qu'on aimerait avoir une
étude d'ensemble parce que si vous le dites comme cela, c'est aussi
théorique, il faut aussi regarder la capacité d'absorption de ces
personnes du côté du secteur privé. C'est cette
composition, si vous voulez, d'un groupe qui dit: On souhaiterait que les gens
retournent à 100 % sur le marché du travail, par exemple, avec le
programme APTE, cela va coûter 445 000 000 $, bravo! Mais, d'autre part,
il y a peut-être un travail à faire avec, par exemple, ie
ministère de l'industrie et du Commerce ou d'autres ministères et
avec d'autres organismes privés - la Chambre de commerce est disponible
dans ce sens-là - pour dire: Cela étant, parfait. Alors, est-ce
que le marché du travail peut maintenant l'absorber? Tenant compte des
capacités d'absorption du marché du travail, tenant compte de ce
programme, quelle est maintenant l'espérance, si vous voulez, qu'on peut
avoir du retour graduel au marché du travail d'ici x années? Cela
étant, on pourra, en fin de compte, mettre des prix, mettre un chiffre
à cela. C'est la seule condition pour arriver à des chiffres
valables. (10 h 45)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un peu comme le ministère
des Finances à l'époque, en 1984, avait cette espèce de
graphique pour l'application du livre blanc sur la fiscalité de M.
Parizeau. Le ministère des Finances pourrait nous produire le même
document compte tenu de ce que nous proposons. Nous pourrions, à ce
moment, faire les comparaisons. Pour le moment, ce que je peux retenir de notre
échange, c'est que, comme le Conseil du patronat, vous n'avez pas
d'objection majeure à ce que le gouvernement investisse dans les mesures
d'employabilité des bénéficiaires aptes au travail et
qu'il consacre les sommes qui y sont nécessaires en tenant compte de
faire attention, sur le plan de l'augmentation, de la bureaucratie qui pourrait
être requise.
Je vous soumets cette question dans le cadre suivant. Au Québec,
depuis deux ans, nous avons une diminution du chômage qui est suivie ou
accompagnée d'une diminution du nombre d'assistés sociaux. Il y a
un parallélisme entre les deux diminutions de clientèle. Alors
que chez nos voisins, en Ontario, on a une diminution encore plus importante du
chômage, qui est tombé en bas de 5 %, mais on a une augmentation
Inquiétante du phénomène de l'aide sociale, des
assistés sociaux. Nous nous demandons, et je ne sais pas si vous avez
des renseignements sur ce sujet, si cela ne serait pas dû à cette
carence entre les besoins des employeurs et l'employabilité de ces gens
qui sont de plus en plus marginalisés et mis à l'écart de
la société, parce que ces gens n'ont pas les
caractéristiques que les employeurs recherchent chez des personnes dites
employables.
M. Shooner: Écoutez, on en a traité tantôt
À l'explication que vous avez il y a également le type
d'entreprise, évidemment, lorsqu'on compare l'Ontario au Québec.
On n'est pas dans les mêmes secteurs d'entreprise. En
généra! les Ontariens ont des entreprises plus
sophistiquées que les nôtres, donc, qui exigent une main-d'oeuvre
un peu différente Mais, dans ce cadre, il est certain aussi et on le
signalait tantôt, que l'orientation de ces entreprises n'est pas, comme
on dit communément, "labour-intensive". Elle est habituellement beaucoup
plus tournée vers la sophistication des emplois. Ce qui va à
l'encontre d'une tendance qu'on recherche, avec l'objectif qu'on poursuit
actuellement. C'est pour cela, d'ailleurs, que le gouvernement doit s'impliquer
dans un programme comme cela. Je pense que. Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que le fait qu'une
main-d'oeuvre soit qualifiée n'est pas un phénomène
d'attraction des investissements, un phénomène d'attraction de la
création d'emplois ici au Québec? Le fait que notre main-d'oeuvre
soit qualifiée ou que l'on augmente ia qualification de cette
main-d'oeuvre?
M. Shooner: Bien sûr. II ne faut pas se faire d'illusion.
La création d'emplois vient d'abord et avant tout, probablement pour les
quatre cinquièmes, des entreprises déjà en place. Cela ne
vient pas des nouvelles entreprises à haute technologie qu'on va
chercher un peu partout dans le monde et qu'on essaie d'attirer chez nous. Je
ne veux pas les mésestimer. Ce sont des entreprises très
importantes qui sont chez nous et qui arrivent chez nous, et d'autant plus
importantes qu'elles vont créer beaucoup de sous-traitance chez nous et
favoriser, effectivement, des emplois qui sont de type davantage de ceux qu'on
recherche ce matin. Le nouvel emploi vient d'abord et avant tout de la PME, on
le sait, 90 % des nouveaux emplois viennent des petites et moyennes entreprises
et même, des petites entreprises plus souvent qu'autrement, non pas des
moyennes. Ces emplois sont, le plus souvent, pas tellement sophistiqués,
dans le sens dont on en parlait tantôt.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va.
Le Président (M. Laporte): Le temps est terminé, M.
le ministre. Mme la députée de Maisconeuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. M. Létourneau,
M. Shooner, M. Arsenault et Mme Fortin, je pense que c'est un échange
important que nous allons avoir ce matin. En suivant l'échange que vous
aviez avec le ministre, je pensais que, justement, on pouvait bien cerner que,
dans le document d'orientation qui est devant nous, c'est ce que votre
mémoire nous permettait de vérifier, dans le fond, la participa-
tion aux mesures ne diminue pas le nombre de bénéficiaires. C'est
sans doute là l'élément sur lequel il faut avoir plus de
données.
Je me rappelle avoir reçu à mon bureau de comté,
dans l'Est de Montréal, une mère de famille, avec de grands
enfants, qui travaillait à la maison, si vous me permettiez
l'expression, et qui venait se plaindre que son Pierre, pour lequel ni son mari
ni elle n'avaient, malgré leur peu de revenus, demandé des
prestations d'aide sociale, n'avait pas droit, lui, aux mesures parce qu'il
n'était pas bénéficiaire de l'aide sociale. Elle me
faisait part que l'un des dilemmes, surtout pour des gens de la classe
ouvrière qui ne veulent pas tomber dans laide sociale, c'était
lorsque leurs grands enfants avaient décroché, à un moment
donné, de l'école, car l'une des façons de participer aux
mesures était justement de s'inscrire, sur la rue Ontario, et
d'être bénéficiaires de l'aide sociale.
Une partie du dilemme, c'est comment proposer des mesures uniquement
dans le cadre de l'aide sociale? Les mesures qui sont proposées -
d'ailleurs, vous le signaliez dans votre mémoire - vont, d'une certaine
façon, diminuer les coûts s'il y a échec de participation.
Les coûts augmentent s'il y a augmentation de la participation. Mais
c'est une participation à des mesures qui ne sont pas des mesures de
qualification professionnelle. Ce sont des mesures, entre autres, sur le plan
de la formation scolaire, parce que, et avec raison, le ministre rappelle des
chiffres qui sont quand même éloquents. Mais les mesures
proposées sont des mesures de rattrapage scolaire en termes de formation
générale.
Les personnes et organismes qui vous ont précédés
nous ont, entre autres, interpellés sur le fait que ce qui manque
beaucoup, c'est une formation, une qualification professionnelle et que, sur ce
plan-là, il n'y a pas de projet en tant que tel de qualifications
professionnelles.
Vous disiez dans votre mémoire, à la page 11: "Nous
engager ainsi à l'aveuglette dans une réforme d'une telle
envergure nous semble dangereux et démontrerait un manque de
responsabilité sur le plan financier. " Beaucoup d'autres organismes
sont venus, eux, nous dire que ce serait dangereux, mais que cela
démontrerait un manque de responsabilité sur le plan social dans
la mesure où il fallait évaluer les coûts sociaux, les
coûts médicaux. L'Association des hôpitaux du Québec,
l'AHQ, est venue ici faire part des coûts absolument astronomiques que la
société consacre notamment à l'hospitalisation des
personnes qui souffrent de carence alimentaire ou de malnutrition. Vous avez
peut-être lu ces chiffres, ils ont été publiés dans
les journaux depuis. La question, c'est est-ce que, finalement, la proposition
applique au patient un médicament.
On s'entend tous et vous avez raison quand vous dites qu'on ne peut pas
rester indifférents à la situation sans issue des gens qui
sont
assujettis à un cul-de-sac présentement, Ce serait
peut-être trop long, mais la corporation des conseillers nous parlait
hier soir, en quittant la commission, de cas précis: Georges,
père de famille, 56 ans. Il y a plus d'un an, l'entreprise pour laquelle
il travaillait a fermé ses portes. Il n'a pu décrocher un nouvel
emploi en raison de son âge, de sa faible scolarité et du
ralentissement économique. Il est à la fois
découragé et révolté que sa vie se termine
ainsi.
Alain, décrocheur de 19 ans, toxicomane, hostile avec les autres,
incapable d'établir des relations adéquates avec des personnes du
réseau, etc. Jacques, ex-bénéficiaire psychiatrique, etc.
Pour la clientèle des aptes, les 75 %. de loin, le portrait, c'est
qu'ils sont tous prêts à entrer sur le marché du travail;
mais vu de près, il y a là des personnes qui ont
déjà des difficultés et pour qui les mesures
légères de réinsertion ne sont pas nécessairement
les plus adéquates.
Est-ce qu'on ne va pas appliquer à tous ces patients, dans le
fond, un médicament dont on n'a pas encore évalué les
effets secondaires, sans connaître dans quelle voie on engage la
société, parce qu'on n'a pas encore le résultat des
programmes expérimentaux offerts aux moins de 30 ans? Finalement, le
document d'orientation propose de prolonger ces programmes à tous les
ménages, disons pour les 75 %.
Avez-vous déjà eu l'occasion vous-mêmes de
vérifier les résultats obtenus avec les programmes
expérimentaux? Jusqu'à maintenant, ce qu'on en sait, c'est
qu'à peine 20 % des jeunes à qui ils étaient offerts y ont
participé malgré une incitation financière qui
était quand même considérable, puisque cela permettait de
doubler plus ou moins la prestation que l'on sait être, vous-mêmes
en convenez, très basse.
Est-ce que, sur le plan de la qualification de la main-d'oeuvre, sur le
plan de la participation aux mesures, vous auriez des expériences
à nous faire part?
M. Shooner: Je n'ai pas d'analyse fondamentale, mais j'avais une
expérience à vous faire part et vous me faites penser à
cela en en parlant. Pendant une dizaine ou une douzaine d'années, au
siège social des Coopérants, on a utilisé pour l'entretien
des personnes handicapées légèrement - je cherche le terme
exact - des déficients légers. Je peux vous dire que
c'était carrément une entreprise privée qui exige un
certain encadrement et, évidemment, par exemple, un contremaître
qui a la capacité de travailler avec ces gens-là. Mais, d'autre
part, je peux vous dire qu'on a eu un travail extraordinaire de ces
gens-là en termes d'honnêteté, de qualité du
travail, de dévouement, de présence. Ce sont des gens vraiment
extraordinaires et qui font un travail impeccable chez nous - je pense que je
peux le dire - et bien supérieur à celui qu'on a dans les
entreprises semblables, mais plus traditionnelles.
C'est une expérience qui est à Montréal, qui
fonctionne, que je sache, très bien, en tout cas, qui va très
bien chez nous. Malheureusement, quand on arrive dans un nouveau siège
social du type qu'on a, à 500 000 pieds carrés, c'est devenu
impossible de fonctionner dans un cadre comme celui-là. C'est plus
facile dans un édifice de 100 000 pieds carrés où on est
les seuls occupants et où on peut travailler étroitement avec ces
personnes. Mais je donne cela comme expérience et, encore une fois, iI y
a les statistiques, mais il y a les faits aussi et je demeure convaincu qu'avec
un peu d'innovation, on peut développer des entreprises comme cela qui
vont donner beaucoup de fierté à ces personnes. Tous les jours,
je rencontrais ces personnes. Il s'agissait de jaser avec elles pour savoir
comment elles étaient fières de travailler là. Même
si, comme elles le disaient à l'occasion, elles devaient prendre
quelques jours de congé pour aller faire un petit tour dans l'Est, ceci
étant leur séjour là-bas, elles y allaient, elles en
étaient conscientes et elles revenaient. Pour elles, c'était
majeur de revenir, parce que c'était leur vie, c'était leur
fierté et elles avaient un apport à la hauteur de leurs
capacités dans notre société. Je pense que c'est ce qui
est fondamental, qu'on puisse vraiment exploiter les talents qu'on a et elles
le faisaient.
C'est une expérience que j'ai vécue. C'est une
expérience qui se continue à cet endroit. Je donne cet exemple et
je suis convaincu, encore une fois, qu'entre entreprises privées et
gouvernement - dans ce cas, c'est nettement une entreprise privée qui a
pris ses responsabilités et qui a agi comme cela - il y a beaucoup de
mesures semblables qui peuvent être adoptées.
Mme Harel: Vous nous avez...
M. Shooner: Je ne crois pas que je réponde totalement
à votre question, mais je donne un exemple.
Mme Harel: Cela reste intéressant, malgré que vous
nous avez fait part, à titre de Chambre de commerce, que vous conceviez
qu'avec la concurrence âpre que doivent vivre les entreprises
présentement, il ne fallait pas penser à alourdir le fardeau
notamment des responsabilités ou des charges, j'imagine.
Justement, la corporation des conseillers nous faisait part, hier, que
l'incitation au travail, pour des personnes qui ont des difficultés du
fait non seulement de leur Inaptitude physique ou mentale, mais aussi, cela
peut être une inaptitude sociale qui s'est renforcée au cours des
années - supposait une sorte d'Incitation à l'employeur, parce
que l'employeur a un tel choix maintenant dans le bassin de main-d'oeuvre que
ce choix lui permet parfois de sélectionner parmi des dizaines et des
dizaines de candidats, ce qui dévalue d'autant l'employabilité
même des personnes qui augmentent. Quelqu'un nous a dit: C'est finalement
comme monter un escalier
roulant qui descend, d'une certaine façon, ce qui se passe dans
notre société.
(11 heures)
Tantôt, vous pariiez du chômage des jeunes. Vous avez fait
part que ce chômage vous interpellait. On se rend compte maintenant que
le chômage affecte de plus en plus les groupes de 25 ans et plus et de
moins en moins les moins de 25 ans. Tout cela c'est bien relatif, mais
malgré un taux de chômage qui reste élevé chez les
jeunes, on se rend compte que la situation s'améliore, tandis que c'est
la situation des plus âgés qui se détériore. Je
pense que l'ensemble de la société québécoise
souscrit actuellement au même objectif, qui est celui d'autonomie.
Félix Leclerc disait: La meilleure façon de tuer un homme, c'est
de le payer à ne rien faire. Pour les femmes, c'est différent
parce qu'elles ont déjà souvent beaucoup d'ouvrage, malgré
qu'elles veulent partager aussi l'emploi.
Est-ce que vous concédez que l'État a une
responsabilité en matière de création d'emplois
socialement utiles? Disons qu'on pense à de grands programmes comme le
développement de l'emploi dans les services de garde, le
développement d'emplois communautaires ou d'emplois de services dans le
domaine du maintien à domicile ou de la protection de l'environnement.
Des groupes viendront ici plaider en faveur de programmes de création
d'emplois socialement utiles pour générer des emplois dans le
domaine de l'amélioration du réseau d'épuration des eaux,
du recyclage, etc. Concevez-vous qu'il doit y avoir une responsabilité
que l'État se donne dans le sens de générer des emplois
socialement utiles pour ces personnes que vous dites, avec bon sens, dans un
cul-de-sac présentement?
M. Shooner: Là, vous touchez un principe et vous touchez,
d'autre part, une utilité, comme vous dites. C'est certain qu'en
principe, quant au grossissement de la bureaucratie, la réponse est
rapidement donnée, c'est non. Si on veut grossir l'appareil
bureaucratique au Québec je ne pense pas que la solution passe par
là, sincèrement. Je pense que, effectivement, cela enlève
beaucoup de sens à l'innovation, cela enlève beaucoup de sens
même à la fierté des personnes parce que, finalement, on
devient fonctionnaire, bureaucrate et on n'est plus vraiment au service du
client, le service du client passe en deuxième lieu parce que l'effet de
concurrence n'est plus là. La meilleure motivation qu'on peut avoir dans
la qualité du service, c'est la concurrence.
Quand vous dites: Socialement utile - c'est mon deuxième
commentaire - pour le mot "socialement", cela va; là où c'est
plus difficile, c'est pour le mot "utile". Qu'est-ce que c'est, utile? Il
faudrait vraiment le regarder très attentivement. C'est bien certain
qu'on ne peut pas être contre la vertu, mais ceci étant si on dit:
Est-ce qu'on est pour des emplois socialement utiles, je dirai: Pour autant que
c'est utile et que c'est socialement acceptable. Je ne pense pas que la
solution passe par là.
Pour reprendre un peu le début de votre exposé, c'est
tellement difficile d'atteindre l'objectif préconisé dans ce
document que cela ne peut pas se faire sans un partnership étroit entre
le gouvernement et l'entreprise privée. Ce n'est pas possible. Le
gouvernement ne peut pas, seul, résoudre ce problème, cela va lui
coûter trois fois ce que cela coûte présentement. Ce n'est
pas possible, c'est en croissance géométrique, cette histoire, et
la fierté de nos gens est en diminution géométrique face
à ces programmes, ce n'est pas possible. Il faut à tout prix
qu'on s'assoie ensemble et qu'on applique ces programmes et c'est certain que,
pour les appliquer, cela sera toujours, dans l'entreprise, des décisions
ad hoc. La haute direction de l'entreprise devra faire attention à cela,
comme on dit, elle devra attirer l'attention de ses décideurs, dans ses
cadres moyens et supérieurs ou dans ses cadres moyens, et dire: Dans
telle fonction, dans telle organisation, dans telle chose, dans tel service,
c'est clair, on veut que ce soit tel type de personne qui soit là.
Ce sera toujours de l'interventionnisme positif, si vous voulez, de la
haute direction des entreprises, d'où ta nécessité d'un
partenariat entre le gouvernement et l'entreprise privée. Pour moi,
c'est clair, il ne faut pas orienter cela vers l'emploi gouvernemental, il faut
orienter cela vers des entreprises privées. Mais cela ne se fera qu'au
prix d'un effort très attentif de l'entreprise privée, et cela se
fera à la pièce. Pour essayer de gagner un peu de temps, la
meilleure position est de le faire avec des organisations qui regroupent des
entreprises, par exemple, les chambres de commerce, sur des bases
régionales, locales, pour faire en sorte qu'on rejoigne le plus
rapidement possible le plus d'entreprises possible et que cela soit une
espèce de mission commune qu'on se donne tous ensemble de remettre sur
le marché du travail les 300 000 personnes qui sont là.
Mme Harel: En regardant les statistiques d'une seule année
comme celles de 1987, on a parfois l'impression que cela va tellement bien et
cela peut laisser entendre que si les gens le veulent, ils peuvent travailler.
Par ailleurs, je pense bien que, vous de la chambre de commerce et vous, M.
Shooner, avez pu constater de plus près que ces statistiques
révèlent un taux d'activité exceptionnel qui ne va pas
nécessairement se reproduire compte tenu de l'effet cyclique des
ralentissements et des croissances. Surtout quand on regarde le rapport
emploi-population, qui est comme on le sait, celui qui nous donne le vrai
portrait du taux d'activité dans notre société, par
exemple, entre 1981 et 1987, l'année record, ce rapport
emploi-population a à peine augmenté de 0, 05 %, de 56, 3 %
à 56, 8 %. Et, finalement, c'est un rapport emploi-population qui,
malgré cette performance de l'entreprise, a à peine
modifié l'activité à
l'emploi.
Est-ce qu'on peut - si on quitte le terrain idéologique et on
veut se poser la question pratique - peut-être d'abord ne pas confondre
intervention de l'État et gestion de l'état? Il n'est pas
évident que des grands programmes de services communautaires ou des
programmes socialement utiles devraient être gérés par
l'État. On pourrait penser que les communautés locales, les MRC
ou autres pourraient très bien penser des programmes adaptés
à leur milieu.
M. Shooner: Très juste.
Mme Harel: Est-ce que le "partnership" auquel vous faites appel
est important, essentiel en ce qui concerne l'entreprise mais aussi en ce qui
concerne les centrales syndicales, pour ce qui est de l'ensemble des
décideurs économiques? Qu'on le veuille ou pas, ils en sont.
M. Shooner: C'est cela.
Mme Harel: Je vous pose la question à nouveau: Est-ce
qu'on peut, en dehors d'une mobilisation d'une société dans
toutes ses dimensions publiques, communautaires et privées, arriver
à offrir autre chose que des prestations à ceux de nos
concitoyens qui, au fil du temps même en augmentant leur
employabilité, se trouvent dans un marché de l'emploi très
concurrentiel?
Finalement, comme il me reste peu de temps, j'aimerais aussi
vérifier avec vous, en regard de l'articulation des mesures fiscales,
si... Vous avez peut-être eu l'occasion d'examiner plus à fond le
programme APPORT. Parce que le programme APPORT est celui qui incite à
vraiment rester sur le marché de l'emploi et non pas à se
satisfaire des prestations. C'est celui qui permet de sortir de ce qu'on
appelle la trappe de pauvreté. Hier, je pouvais citer au ministre qui
les a en main, des chiffres qui nous viennent du ministère des Finances.
Ce sont des données qui, une fois pris en considération les
revenus de travail, permettent de voir que même avec le programme APPORT,
une chef de famille monoparentale avec un enfant de six ans, avec un revenu
disponible de 9364 $ de prestations, si elle va sur le marché de
l'emploi gagner 2000 $, même avec le programme APPORT, avec les taux
marginaux de taxation, iI va lut rester exactement 67 $ sur ses 2000 $ en
regard de sa prestation. Si elle va gagner 4000 $ de revenu de travail...
Le Président (M. Laporte): Mme la députée de
Maisonneuve, succinctement, en conclusion.
Mme Harel:... il va lui rester 263 $ et si elle va chercher 8000
$ de revenu de travail, il lui en resterait 383 $. Tout étant
considéré à ce moment-là, les allocations dans le
cadre du programme APPORT, etc. Est-ce que c'est satisfaisant actuellement de
penser qu'on propose à des personnes d'aller sur le marché de
l'emploi, mais avec des taux marginaux de taxation qui leur coupent le cou
dès qu'elles essaient de s'en sortir?
Le Président (M. Laporte): M Shooner, simplement pour vous
indiquer, qu'avec l'autorisation des deux parties, succinctement vous pouvez
répondre aux interrogations de Mme la députée de
Maisonneuve. Le plus succinctement possible.
M. Shooner: Succinctement. Je vais prendre rapidement la
première partie de votre exposé pour dire que c'est tellement
particulier ce type d'emplois dont on parle que ce n'est pas possible de le
faire sans partenariat. Cela me paraît clair; ce n'est pas possible. Sans
une attention précise des dirigeants des entreprises, ce n'est pas
possible.
Quant à l'autre partie, je sais qu'il y a des abris fiscaux qui
sont prévus dans le partenariat. Je ne suis pas assez habile pour dire
si c'est suffisant ou si ce n'est pas suffisant. Je sais une chose, cependant.
L'objectif qui est là doit être maintenu, c'est-à-dire
qu'il faut que ces personnes-là reviennent sur le marché du
travail. Il faut qu'on leur donne l'occasion d'utiliser les talents qu'elles
ont. On n'a pas le droit, comme société, de se priver de ces
talents. On n'a pas les moyens de se priver de ces talents.
Le Président (M. La porte): Mme la
députée.
Mme Harel: J'aurais tellement, en vous remerciant...
Le Président (M, Laporte): L'adresse de la fin. Je vous
remercie.
Mme Harel: En vous remerciant, vous me laissez sur la question
qui est la nôtre: Est-ce qu'en retournant sur le marché de
l'emploi, on leur permet de sortir de la pauvreté ou si on leur propose
seulement de sortir de l'aide sociale?
Je vous remercie pour votre contribution. Nous sommes dans un
débat de fond présentement. Malgré toutes les mauvaises
choses que je pense du document, il y a quand même un mérite,
c'est de nous imposer ce débat au moment où la
société doit le faire. Je vous remercie.
Le Président (M. Laporte): Merci. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Très brièvement, je
vais tenter de vous parler en code parce que. mol aussi, je suis limité
par le règlement. Quant à vos recommandations 1, 2, 4, 5, 6, 8, 9
et 10, nous les accueillons favorablement. Quant aux recommandations 3 et 7,
nous
souhaiterions en discuter plus amplement avec la Chambre de commerce du
Québec. Je prends bonne note de ce concept de partenariat sur lequel
vous avez insisté. Ce partenariat doit exister avec les groupes
communautaires, avec le secteur privé et avec le secteur syndical, et
peut-être qu'il doit débuter par un conseil consultatif sur le
travail, la main-d'oeuvre et la sécurité du revenu où vous
pourriez jouer un rôle positif. Merci.
M. Shooner: M. le ministre, je ne sais pas si c'est à moi
à remercier, mais je veux 'simplement ajouter un mot au dernier
commentaire de Mme la députée. Sortir de l'aide sociale pour mol,
c'est déjà sortir de la pauvreté, et se sortir de la
pauvreté dans son sens le plus large, dans son sens biblique, si vous
voulez. C'est-à-dire non seulement la pauvreté financière,
mais la pauvreté aussi dans nos talents et dans la contribution qu'on
peut apporter à la société. Plus vite on en sort, mieux
c'est.
Le Président (M. Laporte): Merci bien. La commission tient
à remercier les représentants de la Chambre de commerce du
Québec pour la présentation de leur mémoire.
J'inviterais maintenant le représentant de la
Fédération des associations québécoises des
étudiants et étudiantes de secondaire pour adultes, M. Neault,
à bien vouloir s'avancer.
La commission suspend ses travaux pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 13)
(Reprise à 11 h 17)
Le Président (M. Laporte): La commission reprend ses
travaux. On aimerait souhaiter la bienvenue à M. Neault qui
représente la Fédération des associations
québécoises des étudiants et étudiantes de
secondaire pour adultes. J'aimerais simplement vous rappeler brièvement
la procédure. Vous connaissez le mandat de la commission. Vous avez 20
minutes pour exposer votre mémoire et, par la suite, il y aura
échanges avec tes parlementaires.
La parole est à vous.
FAQEESA
M. Neault (Richard): Merci. M. le Président. J'aimerais
d'abord dire qu'à la base, notre délégation devait
être constituée de trois représentants. Malheureusement,
certains événements ont contraint ces
délégués à se désister. Néanmoins, ma
tâche au sein de la FAQEESA me confère l'expertise
nécessaire pour traiter de ce dossier.
Ainsi, après un exposé de quelque 20 minutes, je serai
à la disposition des membres de la commission afin de répondre
aux questions.
À la condition qu'il signifie réellement la parité
entre les bénéficiaires, le concept de l'élimination de
toute distinction fondée sur f'âge des individus correspond enfin
à l'abolition d'un des nombreux obstacles rencontrés sur le
chemin de l'accessibilité au programme de formation.
Nous croyons que l'âge des individus ne peut être
considéré comme un critère d'admissibilité quant au
choix de l'un ou l'autre des programmes offerts, d'autant plus que les
bénéficiaires qui y sont inscrits subissent les mêmes
pressions économiques et sociales, quel que soit leur âge. En
somme, cette approche aurait l'avantage de réunir dans un même
groupe toutes les personnes dont la caractéristique principale est un
désir commun de l'amélioration de leur statut social par le biais
de l'acquisition de connaissances nouvelles.
Par ailleurs, le principe de l'incitation au travail tel que
proposé par le gouvernement peut-il vraiment être applicable dans
l'état actuel des choses? Certes, cette hypothèse pourrait
s'appliquer dans la mesure où les bénéficiaires auraient
acquis une solide formation. Toutefois, il serait totalement dérisoire,
compte tenu de plusieurs facteurs environnementaux, de souscrire à cet
énoncé. D'ailleurs, l'analyse situationnelle nous permet
d'identifier de façon formelle ces différents facteurs.
D'une part, la clientèle ciblée par ce concept
présente des caractéristiques sociales particulières
telles ta sous-scolarisation évidente, l'analphabétisme à
différents niveaux et les conditions sociales dans lesquelles prime une
constante Insécurité.
D'autre part, le contexte actuel pour ce qui est du marché du
travail démontre que celui-ci est constitué de trois
catégories distinctes de travailleurs d'où la reconnaissance
économique et sociale de ces derniers augmente proportionnellement avec
la somme de leurs connaissances.
Le premier groupe est celui où l'on retrouve des travailleurs
hautement scolarisés et jouissant d'une expérience de travail
significative. Néanmoins, ceux-ci représentent une faible
proportion de la totalité des travailleurs.
Le deuxième répond à ceux dont le niveau de
scolarisation correspond parfois au strict minimum requis mais qui
possède en revanche une expérience de travail marquée.
Troisièmement, il y a ceux dont la sous-scolarisation maintient
devant eux un perpétuel obstacle à l'atteinte de cette
reconnaissance. Ce dernier groupe alimente d'ailleurs toute la vaste
problématique de l'emploi. À la lumière de ces faits, nous
sommes d'avis que la pratique de cette théorie n'améliorerait en
rien la productivité du travail mais contribuerait plutôt à
en élargir le nombre de bénéficiaires.
Il est indéniable en définitive, de reconnaître ces
gens comme des travailleurs potentiels. Cependant, il est fondamentalement
irrationnel de les inciter à déployer des énergies pour
la
recherche d'emploi sans avoir préalablement fourni les outils
propices pour répondre aux exigences du marché du travail.
La surprenante approche gouvernementale quant à l'application
d'une nouvelle structure de barèmes nous porte à croire que le
gouvernement persiste à jouer à l'autruche et se rend ainsi
complice d'une situation de plus en plus problématique. En effet,
celle-ci toucherait à la baisse les prestations d'une majorité de
bénéficiaires. Or, cette attitude négative affecterait
directement toute la théorie des besoins physiologiques de l'individu
dont ie rapport de causalité agirait comme un agent
démuitiplicateur en termes de motivation. On peut d'ailleurs constater,
à la page 7 du mémoire proposé par notre organisme,
l'écart dont souffrirait cette proportion de bénéficiaires
advenant l'application de ces nouvelles mesures. L'hypothèse retenue
pour élaborer ce tableau est celle d'un adulte apte et âgé
de plus de 30 ans, avec un enfant à sa charge. On est à
même de constater, à la lumière de ces données, le
manque à gagner plutôt significatif résultant des mesures
proposées comparativement à la situation actuelle indexée
en 1989,
D'autre part, et de façon à compenser ces pertes, le
gouvernement propose, parallèlement à cette nouvelle structure de
barèmes, d'augmenter les exemptions relatives aux gains de travail.
Cependant, je vous pose ici la question, quels en seront les avantages pour les
étudiants dont les résultats sont proportionnels au nombre
d'heures consacrées à l'étude? De plus, il nous a
été impossible de retrouver à l'intérieur du
document d'orientation tes données relatives au remboursement de frais
de scolarité et de matériel didactique ainsi que celles d'une
politique quant à la garde des enfants, pour les
bénéficiaires participant à des mesures de
développement d'employabilité.
L'évaluation des programmes actuels est un autre aspect de la
problématique de l'aide sociale qui est totalement imperceptible dans le
document d'orientation. Étant donné que les programmes de
formation étaient, à leur début, sous une forme
expérimentale, ils se devaient d'être suivis pour en mesurer
l'efficacité d'une forme concrète d'évaluation.
Malheureusement, ceux-ci n'ont à ce jour subi aucune forme
systématique de contrôle. Pourtant, les besoins des usagers de ces
programmes ont nécessairement évolué au fil des ans. En
effet, on est à même de constater, depuis quelques années,
le fouillis dans lequel ce type d'étudiants doivent évoluer.
Fouillis administratif dont le sous-financement de certains types de formation
est dû à l'incohérence des principaux ministères
concernés, c'est-à-dire celui de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu ainsi que le ministère de
l'Éducation. Également les accords Québec-Canada en
matière d'éducation laissent au gouvernement
fédéral la liberté d'intervention dans les politiques
éduca-tionnelles du Québec. Aussi, les structures d'accueil et de
référence de premier niveau, c'est-à-dire les centres de
Travail-Québec et ceux d'Emploi Immigration Canada sont, à notre
avis, l'un des changements importants à envisager quant à la
réorganisation de ces programmes. Effectivement, ces derniers ont vu,
avec l'arrivée de ces programmes, l'accroissement de leur mandat dans
lequel fut inclue la délicate tâche de diriger les
bénéficiaires vers un programme de recyclage défini.
Cependant, la tendance relative à ce désordre a et a eu la
malheureuse conséquence de favoriser un retour diligent des
bénéficiaires vers le marché du travail. C'est d'ailleurs
dans ce contexte non professionnel que les bénéficiaires doivent
établir un choix, non pas en fonction de leurs aptitudes ou de leurs
attentes, mais selon le seul critère de l'accessibilité aux
ressources financières. En somme, cet état de choses
entraîne des répercussions plutôt coûteuses pour la
société car les bénéficiaires, mal dirigés
pour beaucoup, seront enclins à redécrocher.
D'autre part, quand on parle d'éducation permanente, on doit
nécessairement penser aux trois niveaux s'y rattachant: le secondaire,
incluant l'alphabétisation, le collégial et celui des
études supérieures. Alors qu'une stratégie à long
terme viserait à améliorer le climat et à créer
chez les bénéficiaires une certaine confiance dans le devenir de
ces programmes, le gouvernement, quant à lui, s'obstine à
développer une philosophie dite du court terme, réduisant
à néant toute initiative en ce sens. Actuellement, aucune
politique officielle n'a été élaborée de
façon à garantir aux adultes la formation minimale de base, soit
le secondaire V. Conséquemment, le système tel que proposé
par le gouvernement ne peut répondre aux exigences actuelles de la
société. Devrons-nous, pour pallier ces nombreuses lacunes,
créer un processus annuel de réforme?
Par ailleurs, les étudiants choisissent quelquefois un mode de
formation autre que celui à temps plein et ce, pour différentes
raisons dont, entre autres, les personnes ayant une santé
précaire et celles qui désirent prendre part activement au
développement de leur famille. On les surnomme alors les
étudiants à temps partiel. Toutefois, ces personnes
n'étant pas reconnues comme de véritables étudiants
seront, en conséquence, exclues de presque toute forme possible de
financement. Pourtant, cette formule répond à un réel
besoin de la société et doit être envisagée comme
telle.
Ce qui m'amène. M. le Président, à formuler les
recommandations suivantes:
Attendu que le gouvernement propose de réviser à la baisse
les prestations de base à l'égard d'une majorité de
bénéficiaires;
Attendu qu'il est proposé d'offrir, pour compenser cet
abaissement, une augmentation des exemptions relatives aux gains de travail,
laquelle discriminerait plusieurs individus dont le cheminement à temps
complet dans l'un ou dans
l'autre des programmes de formation, les laisserait dans
l'incapacité de percevoir ces sommes.
Attendu que le montant de ces exemptions est égal à la
perte que subiraient les bénéficiaires par rapport à la
situation actuelie indexée advenant la concrétisation de ce
projet de réforme, la FAQEESA recommande, en conséquence, que la
somme allouée à ces exemptions soit intégrée aux
prestations de base des bénéficiaires inscrits dans les divers
programmes de formation mis à leur disposition.
Recommandation 2. Attendu que la présente conjoncture relative au
marché du travail subit de profondes transformations technologiques dont
la décroissance des emplois de type manuel en est la première
conséquence;
Attendu que la clientèle employable souffre majoritairement de
sous-scolarisation évidente et présente également des
caractéristiques sociales particulières telles que le recours
prolongé à l'aide sociale, la situation familiale, le peu
d'expérience de travail et les personnes vivant seules;
Attendu qu'il est paradoxal de fournir des énergies afin de
maintenir et de développer des emplois temporaires qui n'offriraient
aucun intérêt pour l'avenir;
Attendu que l'approche gouvernementale consiste, et ce sans égard
à la situation conjoncturelle de l'emploi, à contraindre les
bénéficiaires d'adopter une attitude positive face à ce
type d'emploi;
II est recommandé, en conséquence, par la FAQEESA, que le
gouvernement adopte une attitude plus rationnelle et propose aux
bénéficiaires, notamment envers ceux qui présentent des
faiblesses quant à leur formation, d'accéder à des mesures
relatives à l'éducation dès qu'une décision
positive aura été formulée à l'égard de leur
admissibilité à l'aide sociale. Que le gouvernement
développe et approuve une politique intégrée de l'emploi
dont la caractéristique fondamentale viserait à reconnaître
l'essentiel besoin de formation adapté à ce renouveau
technologique.
Recommandation 3. Attendu que les structures d'accueil et de
référence des centres de Travail-Québec ne peuvent
répondre adéquatement aux attentes des
bénéficiaires en les dirigeant vers une formation dont ils
portent peu d'intérêt;
Attendu qu'un des concepts fondamentaux de ce projet de réforme
consiste à favoriser le retour diligent des bénéficiaires
sur le marché du travail sans en avoir préalablement
analysé leurs aptitutes;
Attendu que les programmes de formation ne peuvent garantir
l'apprentissage minimal de base, c'est-à-dire l'atteinte du niveau
secondaire V et que la stratégie gouvernementale ne repose aucunement
sur un concept, tel l'éducation permanente, dont le fondement se
caractérise d'ailleurs par des objectifs à long terme;
Attendu que les mesures de développement et de
l'employabilité appliquées présentement, c
est-à-dire le rattrapage scolaire, les stages en milieu de travail, les
travaux communautaires, n'ont subi à ce jour aucune forme
concrète d'évaluation relativement à l'évolution
des besoins de leur clientèle;
Attendu que le statut d'étudiant à temps partiel
correspond à un réel besoin, d'ailleurs un tel mode de formation
mis en parallèle avec la pratique serait plus naturellement
bénéfique compte tenu des conséquences positives en termes
de quantité et de temps d'apprentissage qu'il produirait;
Attendu que l'infrastructure des programmes de formation ne pourrait
être en mesure d'absorber actuellement une augmentation massive du nombre
d'usagers;
Attendu que des faiblesses ont été constatées et
dénotées à plusieurs niveaux dans ces programmes et. de ce
fait, qu'aucune volonté politique n'a été
démontrée de façon à corriger ces lacune;
En conséquence, la FAQÉÉSA recommande que le
gouvernement reconnaisse et applique des méthodes systématiques
d'évaluation pour les progammes de formation en cours afin de
répondre aux besoins immédiats et à long terme des
utilisateurs et ce, dans l'optique d'un développement réel de la
main-d'oeuvre employable. Pour cela, il sera essentiel de prendre en
considération les éléments qui ont été
traités dans le présent document, à savoir
l'établissement d'une structure plus personnalisée d'accueil et
de référence indépendante et capable d'orienter
adéquatement les bénéficiaires vers le marché du
travail selon leurs ambitions et aptitudes, l'établissement d'une
politique transparente en éducation pour adultes et fondée sur le
concept de l'éducation permanente afin de promouvoir et de susciter
l'intérêt face à l'entrepreneurship
québécois, l'établissement d'un statut pour les
étudiants à temps partiel afin de créer chez eux ou chez
elles la motivation nécessaire à leur cheminement et
développer ainsi un monde fonctionnel d'enrichissement de la
collectivité.
En conclusion, j'aimerais ajouter que les bénéficiaires
attendent davantage d'un projet qui se veut axé vers le
développement de l'employabilité. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Nous vous remercions.
M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Neault, on vous remercie de
même que la Fédération des associations
québécoises des étudiants et des étudiantes de
secondaire pour adultes pour le mémoire et pour la présentation
que vous venez de faire.
Je suis limité dans le temps. Je vais traiter des recommandations
que vous nous adressez dans un deuxième temps. Premièrement, vous
me permettrez de replacer, encore une fois, dans le
contexte la clientèle du programme de sécurité du
revenu. Vous savez que, présentement, sur les 400 000 ménages qui
dépendent, comme unique moyen de subsistance, de l'aide sociale, il y en
a environ 25 % qui sont ou qui seraient considérés comme
admissibles au programme Soutien financier parce que ces personnes, sur une
longue période de temps, ne peuvent subvenir par leur travail, à
leurs besoins.
Vous savez également que les 75 % qui restent de la
clientèle des quelque 300 autres ménages sont dans une situation
qui, souvent, les empêche même d'avoir la possibilité de
présenter leur candidature à une offre d'emploi. 36 % de ces gens
qui sont considérés comme aptes au travail sont des
analphabètes fonctionnels. 60 % n'ont pas terminé leur secondaire
et 40 % n'ont pas d'expérience de travail. C'est la clientèle
avec laquelle il nous faut travailler. Vous comprenez qu'il y a la des
barrières qui sont érigées entre le marché du
travail et le niveau d'employabilité de cette partie de la
population.
Mais, comme vous êtes le premier à avoir soulevé un
élément que je qualifierais de nouveau dans ie débat, je
vous adresserai quelques questions. Vous êtes également le premier
à le critiquer. Il ne faut pas que vous vous en fassiez un complexe, ce
n'est pas parce qu'on est le premier à critiquer quelque chose que cela
ne mérite pas d'être critiqué. Vous avez parlé dans
votre énoncé des accords Canada-Québec et vous les avez
critiqués. Étant donné que c'est la première fois
comme ministre responsable, pour tes avoir négociés, que je
reçois une critique, j'aimerais que vous explicitiez parce que vous
êtes les clients, finalement, qui sont censés recevoir les
services négociés en haut lieu.
Quelles sont les critiques spécifiques que vous adressez à
ces accords Canada-Québec sur la formation?
M. Neault: Je peux répondre à votre question, M. le
ministre. C'est évident que depuis que ces accords ont été
produits, il y a eu, si on veut, un dédoublement dans les services
offerts aux personnes qui désirent étudier, c'est-à-dire
qu'il y a deux clientèles potentielles, parce qu'il y a deux
réseaux potentiels. Il y a la clientèle des
bénéficiaires d'aide sociale, comme telle, et il y a la
clientèle des chômeurs.
Cette clientèle de chômeurs sera dirigée, dans un
premier temps, via les services des centres d'emploi et immigration du
Québec, vers une formation professionnelle offerte par la Commission de
formation professionnelle du Québec. On ne prend pas en
considération que ces gens puissent vouloir recevoir une formation autre
que professionnelle. C'est-à-dire qu'une personne voulant devenir
technicien en laboratoire, ce qui demande de l'étude
générale au début et non de l'étude
professionnelle, cette personne pourra même être refusée
dans tes programmes, compte tenu de la priorité nationale que le
gouvernement fédéral demande aux provinces, au Québec, en
particulier, d'engager ces étudiants.
Donc, on peut vraiment voir qu'if y a une problématique de
créée à ce point de vue-là. Les gens qui vont
évoluer dans quelque chose et se rendre compte, finalement, que ce n'est
vraiment pas ce qu'ils veulent avoir, vont être aptes à
redécrocher du système. Au bout de 52 semaines, comme on le sait,
ils deviennent automatiquement bénéficiaires de l'aide sociale
s'ils n'ont pu se trouver un emploi.
C'est vraiment un contexte qui est à faire ressortir, parce que
c'est avec ça qu'on peut vraiment voir que les
bénéficiaires tournent et retournent constamment dans le cercle
vicieux de l'aide sociale. Tout cela est basé sur l'orientation de ces
étudiants.
Le Président (M. Laporte): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens à vous remercier
de votre témoignage pratico-pratique. Il aidera celui ou celle qui aura
à négocier les prochaines ententes Canada-Québec dans le
domaine, et je peux vous assurer que le témoignage que vous avez
livré ce matin sera également porté au dossier des
négociations des ententes Canada-Québec.
En ce qui concerne les recommandations que vous nous adressez, à
l'effet que la somme allouée aux exemptions soit intégrée
aux prestations de base pour tes bénéficiaires inscrits aux
programmes de formation, vous demandez donc un barème
différent?
M. Neault: Non, pas un barème différent, M. le
ministre, mais plutôt que de diminuer les prestations de base de tous les
individus et de compenser par l'augmentation d'exemptions relatives aux gains
de travail, ce qu'on demande, ce qu'on propose, c'est que ces exemptions, pour
des étudiants qui étudient à temps plein et qui se doivent
de le faire, que ces exemptions soient ajoutées à leurs
prestations de base, de façon à les motiver pour qu'ils puissent
continuer à étudier.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela clarifie cette demande. Que
des mesures relatives à l'éducation soient accessibles dès
l'admission à l'aide sociale et, si je comprends bien, vous faites
référence a la période des neuf premiers mois,
là-dessus, la réponse est la suivante: Les
bénéficiaires qui désirent participer à un
programme de rattrapage scolaire ou de formation n'auront pas à attendre
neuf mois. Ils feront partie des clientèles cibles. Donc, il n'y aura
pas d'attente de neuf mois pour ces clientèles sauf que, vous
comprendrez, nous sommes également un peu victimes des sessions
scolaires. Il est possible que la personne soit en attente de mesures jusqu'au
début d'une session scolaire, si c'est au niveau secondaire, et que la
session
commence en septembre ou en janvier. Nous sommes pris dans cette
contingence qui nous est imposée par les négociations qui ont
cours dans un autre ministère, qui s'appelle le ministère de
l'Éducation, entre le ministère et la Centrale des enseignants du
Québec.
M. Neault: J'aimerais ajouter à ça, M. le ministre,
qu'au niveau secondaire, il y a cinq à six entrées
d'étudiants par année.
M Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Disons qu'à chaque
fois qu'il y aura une porte d'entrée, les clientèles y seront
dirigées sans qu'on ait besoin d'attendre d'avoir complété
une période de neuf mois. Que la formation soit adaptée au
renouveau technologique de l'emploi. Vous avez là tout un beau
défi. Comme ministre responsable non pas de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, mais surtout du Travail, j'ai eu à
attaquer de front cette problématique dans
Iindustrie de la construction en mettant sur pied la Commission de la
construction du Québec ou siègent des représentants du
patronat, des travailleurs, du ministère du Travail, du ministère
de la Main-d'Oeuvre et du ministère de l'Édu-ducation, de
façon à s'assurer que la formation que nous donnions dans le
domaine de la construction corresponde à l'évolution
technologique des matériaux de construction et autres.
Nous avons au Québec un réseau de commissions de formation
professionnelle dans chacune des régions où siègent
également les représentants des employeurs et des travailleurs,
généralement des travailleurs syndiqués. C'est le
défi que nous posons à ces commissions de formation
professionnelle, s'assurer que les évaluations des besoins de
main-d'oeuvre tiennent compte des évolutions technologiques de
façon que cette information passe du ministère de la
Main-d'Oeuvre au ministère de I'Éducation et que les cours qui
sont donnés soient des cours qui correspondent, sur le plan de
l'employabilité, aux exigences du marché. C'est un défi de
taille, je le confesse, mais c'est la voie qu'il faut suivre.
L'établissement dune structure plus personnalisée
d'accueil Sur la principe, je pense qu'il n'y a pas de problème, c'est
ce que vise la réforme. Maintenant, vous mentionnez dans votre
mémoire que la fédération déplore l'absence
d'évaluation des programmes de formation et l'inefficacité de la
structure d'accueil dans les centres de Travail-Québec, entre
parenthèses, SADE J'aimerais vous entendre sur cet élément
de votre mémoire.
M. Neault: Tout d'abord, comme je l'expliquais pour les centres
d'emploi et d'immigration, il se passe exactement le même problème
au niveau des centres de Travail-Québec, c'est-à-dire que les
gens sont habilités, via le processus d'un gros livre, à diriger
un étudiant vers une formation quelconque Mais est-ce que cette
formation conviendra vraiment à un étudiant? On peut lui
proposer, oui, si tu étudies tu peux devenir médecin. Mais est-ce
qu'on lui spécifie vraiment quelle sera la somme de travail qu il devra
mettre pour devenir médecin? C'est ce concept qui n'est pas donné
aux étudiants, justement, ce concept qui fait référence
à une qualité de vie meilleure en faisant des études, mais
sans amener l'étudiant à percevoir le fondement et la dure
réalité de cela. Ce qu'on demande, justement, c'est que des gens
soient habilités pour diriger les étudiants vers une formation
qui répondra vraiment à leurs attentes et leurs aptitudes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les deux dernières
recommandations I'établissement d'une politique d'éducation pour
adultes fondée sur le concept d'éducation permanente. Vous
conviendrez avec moi qu'il s'agit d'une recommandation que vous n'adressez pas
strictement au ministère dont j'assume la responsabilité, mais
également au ministère de l'Éducation?
M. Neault: Exactement, mais je crois que ces deux
ministères, sur le plan de l'éducation, sont indissociables.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiendrais à vous
rassurer sur cet élément en disant que les liens entre les deux
ministères, depuis les deux dernières années se sont
resserrés. Ils étaient, il y a deux ans quasi inexistants.
L'établissement d'un statut pour les étudiants à
temps partiel iI s'agit là d'une demande qui nous a déjà
été acheminée par un autre groupe, si ma mémoire
est fidèle, la Commission jeunesse du Parti libéral du
Québec. Vous pouvez compter, là aussi, sur un allié de
poids dans cette revendication. Maintenant, cette recommandation,
également, s'adresse aux deux ministères concernés. Comme
je me suis engagé à faire des démarches auprès du
ministre de l'Éducation sur ce point auprès de la Commission
jeunesse du Parti libéral du Québec, je vous répète
le même engagement.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve. (11 h 45)
Mme Harel: Oui, merci, M. le Président. M. Neault, vous
représentez la Fédération des associations
québécoises des étudiants et étudiantes du
secondaire pour adultes.
M. Neault: C'est exact.
Mme Harel: Vous avez été
précédé la semaine dernière par une
délégation d'étudiants de centres, ici même,
à Québec, qui nous ont fait part des difficultés qu'ils
rencontraient et aussi du courage qu'il fallait avoir pour retourner aux
études après l'échec, souvent, que le système
scolaire avait été pour les décrocheurs qu'ils avaient
été.
Vous avez parlé de "redécrochage" ou d'abandon. Vous avez
parlé aussi dans votre mémoire d'absence dévaluation des
programmes. Est-ce que vous entretenez des relations suivies avec le
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu?' Est-ce que vous êtes accrédités comme association
étudiante dans le processus d'accréditation des associations?
Ceci est au ministère de I'Éducation.
M. Neault: Oui, le processus est déjà
entamé. C'est-à-dire qu'on a déjà fait part d'une
requête au ministère de I'Éducation qui devrait
accréditer les associations adultes de niveau secondaire.
Mme Harel: Je pense que cette accréditation donne droit
à un financement qui viendrait du ministère de
l'Éducation. Est-ce bien le cas?
M Neault: Exactement. De façon à permettre qu'il y
ait des individus qui fassent le suivi des dossiers dans les associations et
permettent à ces associations de poursuivre selon le processus qui
serait entamé.
Mme Harel: Est-ce que, jusqu'à maintenant vous avez
entamé des pourparlers pour être reconnus comme partenaires par le
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu?
M. Neault: Quant aux communications qui ont été
faites en ce sens avec le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, je dois dire que j'ai reçu un
accusé de réception du ministre qui me stipulait seulement qu'il
en ferait référence à son confrère de
l'Éducation. Par ailleurs, il y a eu beaucoup plus de
développements avec le ministère de l'éducation quant au
partenariat et tout ce processus d'implication des étudiants dans leur
cheminement.
Mme Harel: Vous êtes des étudiants adultes. Alors je
pense que c'est le point de départ. Est-ce que vous êtes
consultés dans l'élaboration des programmes pédagogiques,
des programmes de formation? En d'autres termes, est-ce que les
étudiants que vous représentez ont l'impression d'entrer dans le
même système scolaire qu'ils avaient abandonné ou s'il
entrent avec de nouvelles conditions dans un nouveau système plus
adéquat, plus adapté?
M. Neault: Au départ, la perception du système peut
être bonne ou mauvaise, mais on se rend compte que le mur psychologique,
on le rencontre après quatre mois.
Mme Harel: Quatre mois?
M. Neault: À peu près.
Mme Harel: Vous chiffrez à quatre mois?
M. Neault: Pardon?
Mme Harel: Vous chiffrez à quatre mois?
M. Neault: Oui avec I'expérience on chiffre à
quatre mois. C'est là qu'on peut se rendre compte que les participants,
les bénéficiaires qui participent aux programmes commencent
à être démotivés, commencent à en percevoir
les lacunes. Et, justement, ayant été moi-même
président d'une association étudiante en 1985, il y a eu beaucoup
de demandes faites en ce sens qu'il fallait améliorer la participation
des étudiants dans le processus même. Cependant on doit dire que
ce processus là n'a pas tellement évolué. On nous parle
beaucoup de comités consultatifs qui font rapport au ministère
mais je crois qu'il devrait y avoir aussi une communication qui soit
établie, une communication bilatérale, pour ne pas dire
trilatérale, avec tous les intervenants concernés dans les
ministères. Nous parlons de faire partie du processus décisionnel
à partir de la base, c'est-à-dire directement dans les
institutions, ensuite dans les commissions scolaires, dans les centres
régionaux, pour en venir après cela au ministère
directement.
Mme Harel: Selon vous, de quel ordre sont les lacunes?
Évidemment, c'est un portrait d'ensemble, peut-être. Mais certains
sont venus expliquer que c'était difficile d'étudier avec le
ventre vide. Est-ce que les lacunes se situent au niveau des conditions de vie
ou des conditions d apprentissage? Vous faites allusion dans votre
mémoire à des mesures tatillonnes qui iraient contre l'autonomie
des personnes Quelles sont-elles ces lacunes?
M. Neault: Bon, finalement, il y a les ressources
financières. Travailler avec le ventre vide est une
réalité de tous les jours. On ne peut pas s'en cacher, cela
existe vraiment. Par contre, il y a aussi des réalités entre
autres, ce qu'on pourrait appeler l'épée de Damoclès
au-dessus de la tête des étudiants. Comme il n'y a aucune
politique de coulée dans le ciment en matière d'éducation
les étudiants se demandent toujours ou ils pourront aller si jamais ces
programmes sont coupés. On sait aussi qu'un étudiant peut faire
son secondaire, puis vouloir aller au niveau postsecondaire. Là, il
rencontre encore de nouveaux problèmes qui, bien souvent, vont lui
couper net le chemin dans la progression de ses études.
Alors, l'étudiant sera ramené dans le fameux cercle des
assistés sociaux. On lui dira presque daller s'asseoir chez lui parce
qu'il n'y a pas d'argent pour lui dans un tel programme. On rencontre cela
surtout chez les étudiants à temps partiel. Les programmes ne
sont vraiment pas faits pour les étudiants à temps partiel.
Pourtant, c'est un type de formation que les étudiants
apprécient. Comment espérer avoir une formation quand le
ministère ne veut même pas
défrayer les coûts de gardiennage pour des gens qui
voudraient persister dans leurs études? il y a vraiment une
problématique sociale de reconnaissance On a beaucoup parlé de la
variable économique. On ne peut passer à côté de
cela. mais ta variable facteur humain, je crois que c'est celle qu'on a le
moins touchée. C'est celle aussi dont on ne pourra plus se passer.
Actuellement, l'entreprise privée fait des pieds et des mains pour
ramener le facteur humain à un niveau acceptable On sait que cela
améliore grandement la productivité. Je crois qu'il serait de
mise de gérer avec le facteur humain, la politique pour les
étudiants.
Mme Harel: Vous avez l'impression que cela augmenterait aussi
votre productivité?
M. Neault: Facilement. Les étudiants seraient beaucoup
plus intéressés dans leur formation. Ils seraient beaucoup plus
motivés. Il y a beaucoup de problèmes d'ordre physiologique qui
tomberaient en conséquence, en étant assurés de pouvoir
faire une continuité. Quand on parle de continuité, on parle
toujours dans l'optique éducation permanente, c'est-à-dire de
partir de l'analphabétisme si la personne est analphabète, de
continuer au niveau secondaire, d'aller au collège et même daller
à l'université. SI on peut s'entendre sur un tel concept, je
crois que, déjà là, on augmente de beaucoup la motivation
chez les gens.
Mme Harel: La corporation des psychologues est venue nous
expliquer qu'habituellement - cela me faisait penser; c'est à peu
près les mêmes délais, trois à quatre mois, disons,
sans emploi - la personne reste optimiste C'est un peu comme trois ou quatre
mois dans un nouveau programme. La personne est optimiste. Après, i! y a
une période de frustration. Après, il y a une période
d'anxiété et, après, une période d'apathie, lis
sont venus nous expliquer, ainsi que la corporation des orienteurs, que cette
période d'apathie fait qu'un échec amène ta personne
à ne plus vouloir rien entreprendre. Je me disais: J'ai hâte de
voir cela avec le ministre. Cela fera à peu près trois mois que
son document d'orientation est déposé; i! est encore optimiste,
il reste à peu près un mois. Après, iI va tomber dans la
période d'anxiété, et je ne sais pas quand il va tomber
dans la période d'apathie - ha! ha! ha! - qu'il ne voudra plus rien
entreprendre!
Revenons aux étudiants que vous représentez. Est-ce qu'il
y a un taux d'abandon relativement élevé ou peu
élevé? Est-ce que les études sont adéquates,
adaptées? J'ai rencontré à mon bureau un étudiant
qui me faisait part que sur le plan académique, c'était bien,
mais qu'il n'y avait pas une sorte d'appui du genre second départ qui,
chaque matin, lui aurait dit: T'es capable, étant donné que
plusieurs avaient de gros problèmes d'estime ou de confiance en eux.
Sur le plan académique, cela va, mais est-ce que vous avez
l'impression, quand on retourne aux études en tant qu'adulte, qu'il y a
autre chose qui devrait être ajouté?
M. Neault: Exactement. C'est très difficile, dans le
système actuel, pour une personne de se réaliser On sait que,
pour être capable d'en arriver à se réaliser, il faut
d'abord combler tes besoins physiologiques qui sont essentiels Quant à
ce niveau, quand les besoins ne sont pas comblés, un étudiant ne
pourra jamais en arriver à se réaliser pleinement, d'autant
plus...
Mme Harel: Qu'est-ce que vous entendez par besoins
physiologiques?
M. Neault: Ce sont les besoins de base, c'est-à-dire se
nourrir, se loger. Tout ce que peut comporter un besoin de base, un besoin de
confiance en soi-même, ce qui amènera plus lard l'étudiant
à être capable de se réaliser. Car, dans le contexte
actuel, il y a plein de gens qui n'ont aucune confiance en eux-mêmes, non
pas parce qu'ils n'ont aucun potentiel, au contraire, je crois qu'il y a
beaucoup de potentiel créateur dans ces gens-là qui pourrait
être ressorti, mais ils manquent tellement de confiance en
eux-mêmes qu'ils évoluent à pas de tortue ou
n'évoluent pas du tout. C'est l'état de confiance justement qu'il
faut arriver à élaborer. Je crois que cette élaboration
sera justement possible s'il y a une communication avec toutes les instances
décisionnelles de façon à amener vraiment les personnes,
les étudiants à se prendre en charge.
Mme Harel: Les agents d'aide socio-économiques vous
aident-ils?
M. Neault: Encore là, je pourrais reléguer cette
question dans la problématique des choses Les agents d'aide sociale ne
connaissent pas finalement le système scolaire comme tel. Il peut y
avoir une ou deux personnes à l'intérieur d'un bureau
régional qui connaissent ie système, mais, en
général, les agents ne connaissent pas réellement la
problématique. Je crois que même s'ils la connaissaient, Ils
n'auraient pas assez de pouvoir pour réagir à cela.
Mme Harel: Quand vous faites allusion aux agents d'aide sociaie,
vous pensez aussi à ceux qui s'occupent des mesures
d'employabilité. ceux qui rencontrent ceux qui veulent retourner aux
études ou faire des travaux communautaires?
M. Neault: Ce sont les deux ou trois personnes qu'il peut y avoir
dans chaque bureau régional. Je crois que ces personnes-là n'ont
pas !a formation adéquate pour répondre réellement aux
besoins des futurs étudiants, si on veut.
Mme Harel: Vous voulez dire qu'ils ne
peuvent pas leur servir de conseiller d'orientation C'est cela?
M. Neault: Exactement.
Mme Harel: C'est sur le plan de l'orientation de la personne?
M. Neault: Exactement. Je pense que le coeur de la
problématique est axé sur l'orientation même des
étudiants.
Mme Harel: Je vous remercie. Lorsque des étudiants adultes
des centres de Québec sont venus, et c'est aussi le cas pour vous, je me
disais que c'est bien évident, et vous le manifestez comme eux l'ont
manifesté, que le potentiel de ceux qui retournent faire leur rattrapage
scolaire... Il y a même un journaliste, après ta
présentation des étudiants de Québec, qui me disait que
ces gens-là parlent comme des sous-ministres. Je pense que cela
dénote bien pour mol la concurrence féroce maintenant pour ce qui
est de l'emploi parce qu'il faut tellement, d'une certaine façon,
pouvoir gérer plein de talents et de qualités parce que c'est de
plus en plus exigeant.
Je conclus en disant ceci. Je souhaite que la Fédération
des associations québécoises des étudiants et
étudiantes de secondaire pour adultes soit vraiment
considérée comme partenaire interlocuteur associé.
J'imagine que, comme nous, vous n'avez pas encore obtenu l'évaluation
des mesures jusqu'à maintenant offertes aux moins de 30 ans, à
savoir combien les ont utilisées, combien, du fait de leur utilisation,
ont trouvé un emploi, combien sont revenus à l'aide sociale,
combien ont poursuivi au niveau collégial? Ce sont là des
données qui seraient indispensables pour nous brosser un tableau
d'ensemble.
M. Neault: Exactement.
Mme Harel: J'imagine que vous les souhaitez autant que je les
souhaite.
M. Neault: On les souhaite et nous n'avons pas les ressources
financières pour élaborer un tel tableau.
Mme Harel: Nous non plus. De toute façon, si le ministre
croit de façon aussi sincère qu'il faut le présumer,
à son plan, on ne comprend pas qu'il retarde de rendre publiques ces
données de base qui sont indispensables. Je vous remercie.
M. Neault: Exactement.
Le Président (M. Laporte): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. M. le ministre, pour l'adresse de la fin.
(12 heures)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Neault, je tiens à vous
remercier pour votre mémoire et pour l'argumentation que vous nous avez
servie sur les ententes Canada-Québec. Je retiens également, dans
l'ensemble des sujets que vous avez abordés, toute la question du statut
des étudiants à temps partiel qui sont un peu placés dans
ce qu'on appelle un "no man's land", entre le ministère de l'Education
et le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du
revenu et qui auraient tout avantage à resituer leur statut ou à
repositionner, pour une fois, ce statut de l'étudiant à temps
partiel.
Je voudrais également vous féliciter pour la
qualité de votre argumentation verbale. Vous vous êtes
présenté seul. Cela prenait le courage de le faire, mais vous ne
l'avez pas fait seulement avec courage, vous l'avez fait, comme l'a
souligné Mme la députée de Maisonneuve, d'une façon
claire et précise. Au nom de la commission, je vous en remercie.
Le Président (M. Laporte): La commission tient à
remercier M. Neault, représentant de ia Fédération des
associations québécoises des étudiants et
étudiantes de secondaire pour adultes, pour la présentation de
son mémoire. Nous vous souhaitons un bon retour. Merci bien.
J'inviterais maintenant le Regroupement des ressources alternatives en
santé mentale du Québec à prendre place à la table,
Mmes Blanchard et Laurin et M. Morin.
Le Président (M. Bélanger): Oui, je vous en prie,
M. le ministre. Si vous permettez quelques Instants, M. le ministre a dû
s'absenter.
Nous recevons donc le Regroupement des ressources alternatives en
santé mentale du Québec représenté par Mme
Michèle Blanchard, Mme Claudine Laurin et M. Paul Morin. Je vous
prierais, premièrement, d'Identifier votre porte-parole,
deuxièmement, de bien vouloir vous identifier. Chaque fois que vous
aurez à prendre la parole, vous voudrez bien donner votre nom auparavant
pour les fins de transcription au Journal des débats.
Vous avez vingt minutes fermes pour présenter votre
mémoire. Je vous invite donc à vous identifier et à
procéder à la présentation de votre mémoire.
Regroupement des ressources alternatives en
santé mentale du Québec
Mme Blanchard (Michèle): Merci, M. le Président. Je
suis Michèle Blanchard, présidente du ' Regroupement des
ressources alternatives en santé mentale; voici M. Paul Morin, agent de
développement à la permanence du regroupement. Nous voulons
excuser Mme Claudine Laurin qui a eu un malencontreux accident de ski et s'est
cassé un bras. Elle ne pouvait pas venir aujourd'hui.
D'abord, peut-être pour situer les gens, on
aimerait vous parler un peu du regroupement, quel est rapidement son
objectif, de qui on parle et pour qui on vient vous parler aujourd'hui. Le
regroupement des ressources alternatives existe depuis 1982. Il
représente 40 groupes membres au Québec dont les secteurs
d'activité sont dans le domaine des ressources qui offrent beaucoup
d'appui par l'entraide, le travail et une intervention thérapeutique
dans les milieux d'hébergement aussi.
On parle d'une clientèle qui sort et rentre très souvent
dans un hôpital psychiatrique. Une recherche en 1986 nous a permis
d'identifier que 95 % de notre clientèle sont des
bénéficiaires de l'aide sociale. C'est pour cela, aujourd'hui
particulièrement, qu'on vient vous parler puisque notre clientèle
va être très touchée, d'après ce qu'on comprend de
la réforme qui est proposée. Notre clientèle aussi en est
une qui est relativement abîmée, abusée par les
problèmes qu'elle vit, émotionnellement parlant. Ce sont des gens
qui vivent très souvent seuls et isolés, donc, qui se retrouvent
en chambre ou en petit logement et sont, pour la plupart encore, suivis en
thérapie et "médiqués". On vient vous parler au nom de
plusieurs personnes psychiatrisées au Québec, au nom des
ressources alternatives qui ont formé un comité ad hoc pour
étudier la réforme et, aujourd'hui, on voudrait vous
présenter quelques points sur lesquels nous sommes très
inquiets.
D'abord, en guise d'introduction, on voudrait vous dire rapidement qu'en
plaçant la notion d'employabilité au coeur du système et
son corroliaire, l'expertise, la réforme favorise l'arbitraire et situe
les carences, encore une fois, chez la personne comme individu. Je voudrais
seulement vous dire qu'on ne veut pas lire notre mémoire.
J'espère que vous en avez une copie. On voudrait vous résumer
quelques points pour pouvoir recevoir vos réactions.
Selon nous, c'est inquiétant, cette notion d'employabilité
et la façon dont elle est présentée. En plus d'avoir un
diagnostic, par exemple, d'être schizophrène, on se retrouve avec
une catégorie en plus, c'est-à-dire employable ou inemployable,
une étiquette de plus, une catégorisation de plus. C'est
très inquiétant, selon nous, pour la santé mentale de
milliers de personnes qui, déjà, ont de la difficulté
à vivre avec l'étiquette qu'on leur a fait subir en psychiatrie.
C'est un certain recul social dans la description qu'on veut amener aujourd'hui
dans la réforme.
M. Morin (Paul): Par rapport à la partie de notre
mémoire intitulée: De la pauvreté, je ne reprendrai pas
les différentes études, recherches qui sont citées dans
notre mémoire. Je pense que d'autres organismes l'ont aussi fait,
montrant de façon claire et précise qu'il y a une reproduction
des inégalités ici, au Québec. Tout simplement pour dire
aussi, par rapport à cette section, que le regroupement est membre de la
COPMAN, la Confédération des organismes provinciaux de personnes
handicapées du Québec, qui a été entendue la
semaine passée. Ces gens ont aussi parié dans leur
mémoire, sous cette section, de la pauvreté. Tout simplement,
peut-être, pour souligner une recherche qui a été
publiée l'an passé par le Centre des services sociaux du
Montréal métropolitain intitulée: La distribution de la
pauvreté et de la richesse dans les régions urbaines du
Québec. La recherche soulignait que sur le plan de la santé
mentale, la pauvreté et le chômage ont pour conséquence, de
plusieurs manières, d'augmenter le risque de problèmes de
maladies mentales. Une maladie mentale constitue un des problèmes de
santé les plus importants de notre société. Ce groupe de
maladies vient au premier rang dans l'ordre des dépenses publiques de
santé au Québec.
Dans le même ordre d'idée, j'aimerais citer un paragraphe
du mémoire écrit par le comité exécutif de la
Conférence des CRSSS. Ce paragraphe fait référence
à ce qui suit: Considérant que les personnes à faible
revenu vivant dans des conditions socio-économiques défavorables
sont reconnues à risques pour une multitude de problèmes sociaux
et de santé, nous sommes inquiets du fait que le projet de politique de
sécurité du revenu ne contienne pas de préoccupations
relatives aux besoins socio-sanitaires des personnes
bénéficiaires de l'aide sociale. Mme Michèle Blanchard va
justement enchaîner sur les conséquences que cela peut avoir pour
notre monde.
Mme Blanchard: D'abord, la notion d'expertise nous
inquiète. Oui sera, à ce moment-ci, l'expert pour décider
si une personne démontre une aptitude ou une inaptitude à
travailler, une disponibilité ou non, temporaire ou permanente. Tous ces
termes sont très épeurants pour une population qui
déjà, comme vous pouvez l'imaginer, doit passer par un
réseau qui a beaucoup trop utilisé de ces diagnostics et
terminologies pour encore stigmatiser les gens. C'est aussi, pour nous, un
recul quant aux propositions que nous avons faites à la commission
parlementaire, il y a quelques semaines, sur le projet de la réforme en
santé mentale. C'est encore un pouvoir de plus qu'on donne aux
médecins. Comme pouvoir, on se pose la question: est-ce qu'on ne va pas
à l'encontre d'un essai, comme le proposait la réforme en
santé mentale, d'ouvrir un plus grand partenariat des gens qui
travaillent dans le milieu? Si ce ne sont pas les psychiatres, à ce
moment-là qui seront les experts? Qui va entraîner ces gens qui
doivent décider du sort des gens, à savoir s'ils sont employables
ou non?
Donc, cela a un impact énorme sur la santé mentale de
laisser encore aux professionnels de la santé le soin de décider
qui est employable ou non. Aussi, dans une relation d'aide qui se crée
entre thérapeute et client, évidemment, de savoir que son
thérapeute aura un certain jugement à porter, cela aura
certainement des effets sur le
type de relations que peut avoir un client avec son thérapeute.
Pour ces raisons, on croit que ce sera encore un recul puisque les gens devront
adopter une certaine aptitude et vont tout faire, à tout prix, pour
pouvoir survivre et démontrer qu'ils sont, en effet, très
malades. À ce moment-ci, cela va à ['encontre terrible, selon
nous, d'une réintégration sociale où les ressources
alternatives et les gens du réseau de la santé mentale essaient
d'encourager les gens à briser leur statut de malade. Mais s'il faut
à tout prix démontrer à son médecin que, pour
survivre, on est malade, c'est ce qui va se passer. Cela démontre qu'il
va falloir travailler à une carrière de malades mentaux pour
pouvoir survivre. C'est forcément cela.
C'est aussi une dévalorisation personnelle, je crois, qui sera
ajoutée, donc aggravée. La réforme incite alors pour
qu'ils soient encore plus stéréotypés et
classifiés. Pour nous, cela ne fera qu'augmenter évidemment les
coûts des soins de santé et des services sociaux, en plus de
provoquer une autre couche de personnes qu'on va taxer d'improductive. Donc, le
programme soutien financier n'y changerait probablement rien.
Je voudrais vous rapporter un fait. On vient de me
téléphoner pour me dire que, à Verdun, dans notre
quartier, 500 bénéficiaires viennent de recevoir des cartes les
avisant qu'ils n'auront pas leur chèque aujourd'hui, c'est le 1er mars,
et qu'ils doivent se présenter au bureau de l'aide sociale le 4. Donc,
Ils n'auront pas leur chèque avant le 4. Il y en a une quinzaine qui
sont venus ce matin, en panique générale, pour nous dire qu'ils
n'auront pas leur chèque aujourd'hui. Ce qui m'incite à vous
poser la question... C'est inquiétant pour nous de venir ici pour
partager nos craintes avant que la réforme ne soit mise en branle.
Est-ce que ce n'est pas un début de la machine qui commence à
faire ses investigations? Je peux vous assurer que l'angoisse et
l'anxiété qut sont créées chez les
clientèles dont on vous parle sont très grandes. Du fait de ne
pas pouvoir payer son loyer aujourd'hui, de ne pas pouvoir aller s'acheter de
la nourriture, ce sont des gens qui vont aboutir forcément à
l'urgence d'un hôpital plus rapidement qu'on ne l'espérait.
M. Morin: Brièvement, simplement pour enchaîner sur
quelques points de ce programme, Soutien financier, je pense que Mme Blanchard
a déjà beaucoup élaboré sur toute la question de
l'inaptitude qui est te coeur du programme. On a simplement remarqué que
le ministère prévoit une baisse des prestataires puisque,
d'après les statistiques, on prévoit que le nombre de
ménages non-employables passerait de 103 744 en mars 1987 à une
estimation de 95 000. Donc, sans tomber dans le procès d'intention, on
peut imaginer que cela constitue un resserrement des critères. Cela nous
amène à nous poser de sérieuses questions sur les
critères selon lesquels on jugera de l'inemployabllité d'une
personne. Dans ce sens-là, ce que nous disons, c'est qu'il peut y avoir
une "incentive" à être reconnu participant au programme Soutien
financier. Dans ce sens, cela peut renforcer l'arbitraire psychiatrique,
puisque la différence est grande entre le programme Soutien financier et
le programme APTE..
Ce que nous disons, c'est que la catégorisation employable ou non
employable n'est pas une solution aux conditions de vie misérables des
personnes psychiatrisées. Dans ce sens-là, le programme APTE non
plus, n'est pas vraiment une solution dans le sens que celui-ci relève
d'une conception coercitive de la vie en société et crée,
de façon non équivoque, une réserve de main-d'oeuvre
à bon marché. Dans notre mémoire, par exemple, on se
demandait si le gouvernement n'est pas en train de s'assurer d'une
main-d'oeuvre à bon marché pour ses projets de
désinstitutionnalisation et de non-institutionnalisation. Ce qu'on veut
dire par là, c'est que, par exemple, on développe beaucoup de
projets de maintien à domicile. Par exemple, dans l'Etat de New York, on
a beaucoup développé de projets de maintien à domicile,
mais il y a beaucoup de problèmes parce que les employés sont
sous-payés. (12 h 15)
Cela veut dire que si, au Québec, on veut développer ce
type de projet de maintien à domicile, il faut que les employés
qui s'occupent des personnes handicapées qui veulent rester chez elles
soient payés. Alors, encore là, sans tomber dans le procès
d'intention, on peut se demander si... Parce qu'il existe, par exemple, dans le
domaine des travaux communautaires de tels types de programmes qui aident les
personnes handicapées à rester dans le cadre de maintien à
domicile. Est-ce qu'on veut généraliser ce type de travail? Nous
sommes absolument contre une généralisation de ce type de travail
par rapport à la qualité de vie des personnes handicapées
qui veulent rester à domicile.
On se pose aussi de sérieuses questions par rapport à la
fameuse catégorie admissible, non-disponible, parce qu'on a fortement
l'impression que cela va toucher beaucoup de personnes chez nos membres et
entraîner d'énormes problèmes de santé mentale.
Quand on parle de révision mensuelle, je ne sais pas si on s'imagine, en
termes bureaucratiques, ce que cela peut provoquer comme machine.
Mais, ce qu'on sait, par exemple, c'est que cela va injecter de
nombreuses personnes dans la catégorie employable qui vont être
prises dans un marché du travail ultra-compétitif et ce qui fait
en sorte que ces personnes, qui sont souvent très fragiles, peuvent
facilement se retrouver chez les ressources ou à l'urgence
psychiatrique.
Dans notre mémoire, on parlait aussi du caractère
discriminatoire que ce programme
exerce envers les femmes. On ne s'étendra pas là-dessus
Cela a déjà été souligné par 'd'autres
personnes. Il y a aussi la question de la discrimination fondée sur
l'âge qui est abolie, mats le principe de contribution parentale est
introduit. Encore là, d'autres l'ont amenée et on ne
s'étendra pas là-dessus.
Mme Blanchard: On achève. On voudrait peut-être
préciser l'aspect de l'entraide et de l'hébergement et le travail
dans nos ressources alternatives. On a focalisé depuis plusieurs
années un travail assez important vers l'entraide. Cela touche... Dans
la réforme, on s'inquiète de la façon dont on veut
pénaliser les personnes qui seraient peut-être
considérées aptes et, donc, pénalisées à une
réduction de leur chèque d'aide sociale, si elles vivent à
deux ou trois ensemble en logement. Pour nous, c'est assez surprenant de voir
une telle démarche. On trouve qu'on a tellement travaillé
longtemps à ce que les collectivités s'entraident, qu'il y ait
moyen de vivre avec une meilleure qualité et un peu plus de
dignité humaine en partageant des logements. Chez nous, par exemple,
à Verdun - M. Polak est notre député - il y a eu un effort
énorme pour créer des milieux de vie plausibles où les
gens peuvent partager des logements. Si la réforme est prise telle
quelle, cela nous inquiète quant à ces projets,
évidemment, qui non seulement aident les gens à joindre les deux
bouts à la fin du mois, mais aident leur santé mentale,
c'est-à-dire tes aide à briser l'isolement dans lequel la plupart
sont pris.
Sur le plan du travail, nous voudrions simplement vous dire que les
ressources alternatives ont aussi essayé de développer des
milieux, des plateaux de travail parce que la majorité de notre
clientèle veut travailler. C'est très clair, j'ai fait une
recherche personnelle, chez nous, chez des gens institutionnalisés
depuis des années, tout le monde veut travailler, mais le
problème est que le niveau du travail qu'on exige d'eux n'est pas dans
leur capacité. Nousproposons évidemment, dans nos ressources,
d'adapter des milieux de travail où les gens peuvent se sentir utiles et
à part égale comme citoyens dans la société dans
laquelle on vit. Par exemple on a un projet Cyclo-ballade, qui est très
populaire chez nous, qui a été lancé par une ressource,
Maison Saint-Jacques, une entreprise de location et de réparations de
bicyclettes, au Vieux-Port de Montréal. Il y a aussi une ressource qui
s'appelle le réseau d'aide Le Tremplin, à Drummondville, qui
développe les possibilités de l'empioyabilité, de la
recherche d'emploi et de l'accompagnement, et cela fonctionne. Avec un soutien,
les gens désirent travailler le maximum d'heures qu'ils peuvent par
semaine et saris être exploités. Je pense que notre
expérience peut vous démontrer que la clientèle veut en
effet travailler, mais non pas dans n'importe quelle condition. Il y a
possibilité, s'il y a des financements, s'il y a une volonté
politique, d'avoir des programmes structurés qui peuvent leur donner le
soutien nécessaire pour ce travail.
M. Morin: En conclusion, on citait une recherche qui portait sur
l'évolution de la pauvreté et des attitudes face à la
pauvreté en Europe. Ce n'était pas cité pour faire preuve
d'érudition, mais simplement pour démontrer que c'est un vieux
débat de société. La question, justement, d'accorder de
l'aide sociale à des personnes aptes ou inaptes au travail, c'est un
très vieux débat. On dit qu'il faut faire un choix, que c'est un
choix de philosophie et que ce choix ne doit pas être motivé par
des considérations de clientèles ou de coûts financiers. On
dit que le fait que la notion de pauvreté soit totalement absente du
document sur la sécurité du revenu est plus qu'un
épiphénomène: elle renvoie au choix fondamental qui nous
est proposé, celui de faire abstraction de décennies de
progrès social en niant que la sécurité financière
est un droit et non un privilège
Nous demandons donc que ce document d'orientation reste sur le plan des
intentions et qu'une véritable politique de sécurité du
revenu soit établie, qui tienne compte de l'ensemble des
problématiques: personnes handicapées, politique familiale,
politique fiscale, etc. Un document dont l'une des ambitions est de simplifier
le système et qui aboutit à un régime à 54 niveaux
ne mérite pas d'autre sort. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie de
votre présentation. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Premièrement, je vais vous
remercier pour le mémoire et la présentation. Dans un
deuxième temps, je vais tenter de discuter un peu, comme vous l'avez
fait, sans me référer directement au mémoire, mais je ne
peux pas l'oublier non plus parce que votre mémoire contient des
éléments qui, je pense, méritent soit des réponses,
soit des clarifications sur des interprétations qui peuvent diverger, et
c'est là un des buts de la commission parlementaire.
Je vais vous épargner - parce que vous étiez
présents dans la salle - la description de la clientèle que vous
connaissez bien et je sais que Mme la députée de Maisonneuve va
m'en savoir gré. Vous mentionnez que 95 % des personnes avec qui vous
transigez sont des prestataires d'aide sociale. Est-ce que les autres 5 % sont
composés - si vous le savez, vous me le dites, si vous ne le savez pas,
cela va également - de prestataires d'assurance-chômage ou de
travailleurs à faible revenu ou d'une combinaison des deux? Ou de
non-enregistrés? C'est possible qu'ils ne soient nulle part dans le
système.
Mme Blanchard: Je me risquerais à vous dire que les 5 %,
s'ils ont été hospitalisés, sont évidemment sans
travail. Donc, ils bénéficient
d'une certaine assurance du départ de travail pour une
période de temps ou de l'assurance-chômage.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le deuxième
élément...
Mme Blanchard: Je voudrais rajouter, M. le ministre, que dans nos
recherches aussi, c'est très clair que toute personne qui a passé
par l'hôpital psychiatrique une fois dans sa vie n'a presque jamais eu la
possibilité de retourner à son projet de travail initial.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous sais gré de le
souligner. C'est exactement ce que nous possédons comme information au
ministère et c'est une des informations qui nous a amenés
à introduire, dans te programme Soutien financier, l'ensemble des
éléments que nous y avons introduits à ce jour. Ce qui
m'amène à traiter du sujet dont vous avez traité et qui a
été repris par M. Morin également. Vous l'avez
appelé, dans votre première intervention, la question de
l'étiquetage entre aptes au programme Soutien financier et au programme
APTE.
Nous avons eu d'autres organismes qui sont venus et qui
représentaient des clientèles sensiblement identifiables à
celle que vous représentez. Entre autres, Je me souviens du groupe des
bénéficiaires de Louis-Hippolyte-Lafontaine, de l'Hôpital
Rivière-des-Prairies, etc. Ce qu'ils nous ont demandé, c'est de
considérer toute personne comme étant apte au travail et de
laisser la possibilité du libre choix. Ils ont également
demandé de ne pas marginaliser, si je peux utiliser l'expression, ces
gens-là en disant: Une fois que vous avez choisi un programme. II n'y a
plus de possibilité d'améliorer votre employabilité ou de
participer à des mesures.
Ce que je vous dis - je ne vous demande pas de changer d'idée -
c'est que le libre choix dans te programme existe aux deux niveaux. La base de
la politique de la sécurité du revenu est de considérer
toute personne comme étant apte au travail. Le programme Soutien
financier est un programme qui s'applique, suivant sa définition,
à des personnes qui, pour une durée prolongée de leur vie,
sans que ce soit leur faute, n'auront jamais l'occasion de gagner même le
salaire minimum ou un peu plus et de s'accumuler un certain pécule. Il
se veut financièrement plus équitable et plus juste pour ces
gens-là. Mais il ne leur ferme pas la porte des mesures
d'employabllité du programme APTE. Les autres groupes nous ont dit:
C'est bien beau, vos mesures d'employabilité du programme APTE, mais,
dans certains cas, ces mesures d'employabilité ne sont pas
adaptées à nos clientèles spécifiques. J'ai pris
bonne note de cette revendication légitime, je pense, des trois groupes,
jusqu'à présent, qui nous demandent d'avoir des mesures
d'employabilité adaptées aux clientèles
spécifiques. Je me demande s'il ne s'agit pas, là aussi, d'une de
vos revendications.
Je peux poser ma série de questions. Deuxième question,
vous semblez - cela s'est traduit dans vos propos de façon verbale,
mais, je pense, encore plus intensément dans votre mémoire -
avoir une peur bleue de l'arbitraire - je vais utiliser un terme utilisé
par, je crois, M. Morin - l'arbitraire psychiatrique: livrer pieds et poings
liés tes personnes que vous représentez ici, ce matin, à
cet arbitraire psychiatrique. Vous désirez des éclaircissements,
à savoir qui va poser les jugements. Est-ce que ce sera des
décisions finales et sans appel? De quelle façon vos gens vont
être livrés à ce système? Je vous dirai d'abord que
le moyen courant de l'évaluation médicale, dans le cas des gens
que vous représentez, c'est l'évaluation psychiatrique, mais ce
que l'on retient à partir de l'expérience vécue, c'est que
ce ne soit plus obligatoirement par le psychiatre. Je ne vous parle pas
d'exclusion totale et complète du psychiatre, mais que ce ne soit plus
obligatoirement par le psychiatre. Ce que l'on serait tentés de proposer
- j'attends vos réactions également - c'est l'évaluation
psychosociale qui serait effectuée, suivant un rapport complet, par un
travailleur social, un conseiller en orientation, un psychologue, etc., un
groupe multidisciplinaire. Est-ce qu'une telle approche ajouterait à vos
craintes face au phénomène de l'arbitraire psychiatrique ou en
enlèverait? C'est la deuxième question que j'avais à vous
poser sur votre exposé verbal.
L'autre élément, c'est la question de Verdun que vous avez
soulevée et vous comprendrez que vous venez de m'en prévenir.
M. Polak: Moi aussi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le député de
Sainte-Anne m'indique que lui aussi. Je considère que c'est là
votre rôle de le faire. Je veux ajouter sans crainte que, lorsqu'il y a
des ratés dans la machine - on est en train de vérifier si c'est
le cas - il faut que nous en soyons avertis et les groupes que vous
représentez constituent le niveau d'intervention par excellence pour
nous en avertir et nous en prévenir dans les meilleurs délais et
sans crainte de représailles quelles qu'elles soient. En tout cas, je
pense que, depuis deux ans et demi que j'assume la direction du
ministère c'est la façon dont j'ai traité les dossiers. Je
pourrais même ajouter ce que fut également, lorsqu'elle en a
été avertie, l'attitude de celle qui m'a
précédé sous l'ancien gouvernement à ce
titre-là. Je n'ai pas eu conscience de représailles
adressées à des gens qui ont dénoncé des situations
qui ne fonctionnaient pas dans la machine.
Vous parlez de comités de bénéficiaires comme
ressources alternatives. Les gens qui se sont ' présentés devant
nous nous ont demandé d'impliquer davantage tes groupes communautaires.
La réponse a été une ouverture en ce sens-
là et, cette ouverture, je la manifeste à votre groupe
également pour que vous deveniez ce que l'on appelle un plateau de
travail.
Dans votre mémoire vous traitez des 125 $ pour les personnes
hébergées. Je présume que vous avez été
averti qu'un comité a été formé de membres du
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu,
du ministère de la Santé et des Services sociaux et des
représentants de Rivière-des-Prairies et de
Louis-Hippolyte-Lafontaine, pour évaluer, parce que ces 125 $ sont
ventilés en fonction de certains besoins. Ce que les groupes de
Louis-Hippolyte-Lafontaine et de Rivière-des-Prairies ont demandé
entre autres, c'étaient 190 $ plutôt que 125 $. Les gens vont se
rencontrer sur une base technique pour s'assurer que les besoins sont
comblés.
Vous soulevez dans votre mémoire écrit la question de
l'absence de SEMO dans la région de Québec. Celui qui nous quitte
à l'heure actuelle me harcèle, depuis que je suis ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu pour que l'on s'assure
de l'implantation, dans la région de Québec, d'un SEMO pour
personnes handicapées. C'est un besoin que je qualifierais d'essentiel
et je vais vous confier que je suis présentement en demande au Conseil
du trésor pour l'obtenir. (12 h 30)
Vous avez parlé de la question du partage du logement J'ai
peut-être une clarification à apporter et une discussion à
entreprendre. Le partage du logement ne s'appliquera pas dans le cas de la
majorité des clientèles que vous représentez. Pour les
gens admissibles au programme de Soutien financier, iI n'y a pas de partage du
logement applicable en vertu de la réforme.
Présentement, vous avez un partage du logement applicable. Dans
le cas de toutes les personnes, il est de 85 $. À mon avis, cette
attitude va à l'encontre de la politique de
désinstitutionnalisation du ministère de la Santé et des
Services sociaux. La réforme propose la non-application de ce
critère et pour la personne admissible au programme et pour l'autre qui
pourrait demeurer avec. Vous aviez raison, ce n'était pas clair dans le
mémoire et cela nécessite une clarification.
Dans le cas du programme APTE, partage du logement, vous avez des
arguments qui ont de la valeur, qui font appel au concept d'entraide chez tes
gens qui, dans la société, sont économiquement au bas de
l'échelle. On s'est fait reprocher hier - remarquez que cela a
été retiré par, je crois, tes médecins de CLSC -
d'avoir un angle ou une conception complètement antifamiliale dans la
politique de sécurité du revenu. À titre d'exemple, on
donnait la présence d'un enfant jusqu'à deux ans plutôt
qu'à l'âge préscolaire. Nous avons manifesté
certaines ouvertures à cet effet bien qu'aucune décision ne soit
arrêtée au moment où nous nous parlons. On donnait
également à titre d'exempte la notion de partage de logement.
J'ai sursauté parce que, lorsque les barèmes ont
été préparés, avec la collaboration d'autres
ministères, nous avons eu des arbitrages et des choix qui ne sont pas
toujours faciles à faire en politique.
Si vous prenez le cas du couple dans la société et de la
personne seule, vous avez, dans le barème de pleine participation, sans
compter les exemptions de travail, un barème de 520 $ par mois pour une
personne seule. Par contre - et j'y vais de mémoire - pour un couple
sans enfant, vous avez un barème de 840 $. Si vous appliquez la notion
de partage de logement, il ne devient plus avantageux de choisir un statut ou
l'autre. Mais si vous n'appliquez pas cette notion de partage de logement,
n'avez-vous pas ce que nous reprochaient les médecins des CLSC, hier,
c'est-à-dire une approche basée sur l'individu qui fait une
abstraction complète de l'unité familiale?
Ce sont là mes questions qui sont nombreuses.
M. Morin: Concernant l'expertise psychosociale...
Le Président (M. Bélanger): M. Morin, s'il vous
plaît.
M. Morin: Pardon.
Le Président (M. Bélanger): Excusez, il y a une
interaction Ici basée uniquement sur la sémantique. On remet la
parole à M. Morin.
M. Morin: Concernant la question portant sur l'arbitraire
psychiatrique, c'est effectivement intéressant qu'on puisse dire que ce
n'est pas obligatoirement le psychiatre. Remarquez que vous n'avez pas vraiment
d'autre choix dans le sens que la moyenne d'âge des psychiatres au
Québec est de 53 ans. Donc, il se fait une attrition naturelle de ce
côté. C'est évident que l'évaluation psychosociale
est relativement plus intéressante que l'évaluation
médicale. Il n'en reste pas moins que, pour faire une évaluation,
il faut accepter le critère d'employabilité, il faut accepter le
coeur de la réforme qui est apte ou non. Bon, ce que nous disons, c'est
qu'on refuse cette distinction. Dans ce sens, je ne voudrais pas m'embarquer
dans ce débat. Effectivement, psychosocial est mieux que médical,
mais notre point, c'est que la distinction entre inapte et apte va se faire au
détriment de la personne. Il n'en reste pas moins qu'une
évaluation psychosociale est encore une évaluation qui
relève de l'expertise. Les gens qui sont allés en psychiatrie
sont très souvent habitués à se faire expertiser. Dans ce
sens, cela ne changera pas grand-chose sur le fond.
Quant au fait que vous souhaitiez que les groupes communautaires
deviennent des plateaux de travail. Enfin, je ne sais pas exactement dans
quel sens que vous vouiez aller là-dessus. Ce que nous disions
dans notre mémoire, c'est que les ressources alternatives ne sont pas
intéressées à présenter ce que vous appeliez, dans
votre document, des projets pour favoriser l'employabilité. C'est un peu
l'argumentation qu'on a développée tantôt au niveau d'une
réserve de main-d'oeuvre à bon marché. C'est
évident qu'on pourrait imaginer que les ressources alternatives
pourraient développer des projets pour garder les personnes
handicapées chez elles. Encore là, par rapport - je n'appelle
même pas cela du salaire - à l'argent que les personnes vont avoir
pour aider des personnes, par exemple, si c'est un projet de maintien à
domicile, je pense que cela peut entraîner des conséquences assez
graves pour la personne qui, en termes de qualité de vie, en ce sens,
par rapport à nos groupes, je ne pense pas qu'on soit
intéressé à présenter des projets pour favoriser
l'employabilité. Par rapport aux autres questions...
Par rapport à la référence au comité, sur la
question du libre choix, on ne volt pas cela vraiment comme un libre choix.
Simplement, la réforme dit: Toute personne est employable de prime
abord. Dans ce sens, lorsqu'on dit: La personne est employable et si on veut
considérer la personne non employable, il faut qu'il y ait une expertise
psychosociale ou médicale pour dire que la personne est non employable.
Dans ce sens, on n'appelle pas cela un libre choix. Ce sont beaucoup plus des
mesures coercitives qu'un libre choix. C'est carrément une
régression plutôt qu'un avancé social dans ce sens. Quant
au SEMO, enfin, pour le Québec, on espère que cela va se
concrétiser étant une des personnes qui ont travaillé sur
ce projet, il y a déjà plus de deux ans, dans le groupe Auto-Psy.
Nous espérons que cela va finir par se concrétiser.
Je ne ramènerai pas sur la table - enfin oui, je vais le ramener
- ce que la COPHAN a amené la semaine passée, le CT du Conseil du
trésor qui concernait les personnes handicapées au plan de leur
insertion au travail, je veux bien croire le ministre quand on dit qu'on va
favoriser l'employabilité des personnes handicapées. Il n'en
reste pas moins qu'il y a un CT sur la table qui vient du Conseil du
trésor. Au niveau du partage du logement, j'ai de la misère
à comprendre que notre critique du partage du logement fasse abstraction
de l'unité familiale.
Mme Blanchard: Je regrette, je n'ai pas compris, M. le
Président, ce que vous vouliez dire par...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aimerais vous l'expliquer. Je
vais être obligé, faute de temps - et le député de
Sainte-Anne insiste pour intervenir - de vous référer au
mémoire et à ce qu'ont dit, hier, les médecins des CLSC
dans leur témoignage. C'est transcrit, à ce moment, et vous
pourrez puiser.
Mme Blanchard: D'accord, merci. M. Morin: D'accord, merci.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve, en vertu de l'alternance.
Mme Harel: L'alternance c'est 20 minutes, 20 minutes?
Le Président (M. Bélanger): Non, c'est au plan des
personnes, mais remarquez qu'il n'y a pas de problème.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une nouvelle forme de
règlement.
Mme Harel: Cela me fait plaisir de recevoir le Regroupement des
ressources alternatives en santé mentale. J'avais déjà eu
l'occasion de vous entendre en entrevue, Mme Blanchard, et de vous rencontrer
aussi, M. Morin, sur ces problèmes que vous mentionnez et de mieux
connaître aussi un plateau de travail qui s'appelle Cyclo-balade dans le
Vieux-Port à Montréal et qui permet aussi de constater qu'il est
possible de faire de la réinsertion. Je me souviens d'avoir
discuté avec les responsables pour comprendre quelle aide, quel
accompagnement ils doivent apporter aux personnes qui leur étaient
référées.
Votre mémoire est bien intéressant. Vous l'avez
mentionné, il renvoie aussi, en termes d'appui, à celui que la
COPHAN nous a présentés. Comme le parti ministériel s'est
réservé du temps, je demanderais au ministre, lorsqu'il
interviendra de nouveau, qu'il nous dise où en est rendu justement le
CT, où en est rendu ce problème qui a été
porté à sa connaissance par la...
M. Morin: COPHAN.
Mme Harel:... COPHAN, c'est bien cela. Est-il en demande
actuellement pour que soit modifiée la décision gouvernementale
qui, au dire de la COPHAN, allait complètement à l'encontre de
tous les principes d'intégration sociale des personnes
handicapées? Il aura peut-être la chance de vous dire où
cela en est rendu. D'autre part, dans l'établissement, finalement, d'une
certaine façon, vous êtes le quatrième groupe que l'on
reçoit et dans les mémoires qui nous sont
présentés, avec la COPHAN, qui portaient plus sur tes
déficiences physiques, d'une certaine façon, les deux autres
groupes qui sont venus devant la commission représentaient des
bénéficiaires de Louis-H. -Lafontaine et de l'hôpital
Rivière-des-Prairies et cela portait plutôt sur la
déficience mentale, tandis que vous représentez beaucoup plus des
personnes qui ont des problèmes de santé mentale. Je crois que
c'est vraiment comme une autre dimension qui nous est présentée.
J'aimerais vous inviter
peut-être à.
Je dois vous dire que, notamment, tout le préambule de votre
mémoire sur la question des fondements de la réforme, à la
page 3 et qui s'intitule". De la pauvreté", 'cest sans doute, en deux ou
trois pages, celui qui, selon moi parmi les mémoires qu'on a vus
jusqu'à maintenant, articule le mieux la problématique. Je suis
très surprise des chiffres. Vous y révélez, entre autres,
que les maladies mentales constituent l'un des problèmes de santé
les plus importants et, notamment, que ce groupe de maladie vient au premier
rang dans l'ordre des dépenses publiques de santé au
Québec.
Moi, je suis une profane en matière de problème de
santé, je I'admets, je connais plutôt les problèmes de
société, mais je me familiarise avec les problèmes de
santé. Que ce soit là le premier rang des groupes de la maladie
dans l'ordre de dépenses publiques, cela doit quand même attirer
certainement notre attention et, notamment, la citation que vous faites du
comité spécial du Sénat sur la pauvreté, je pense
que cest un élément à ajouter à l'examen des
propositions d'employabilité pour l'ensemble des personnes de notre
société. Vous dites. Le bénéficiaire, comme le
propose le document d'orientation, doit donc assumer la responsabilité
de son intégration au marché du travail. C'est la thèse du
document et vous nous citez le comité spécial du Sénat qui
dit: "Les sociétés industrielles entretiennent le mythe de
l'incapacité des individus afin de justement cacher
l'inégalité des chances inscrites". Nous disons que, non
seulement elles ne sont pas incapables, mais elles sont capables de tout. Elles
sont tellement capables qu'elles sont même responsables. Le discours en
est de "capable", mais de capable qui leur attribue une responsabilité
de laquelle se désengage finalement la société.
Vous êtes l'un des premiers à citer le livre blanc sur la
fiscalité des particuliers, je crois que vous êtes même le
premier, si ma mémoire est bonne. Je trouve cela fort
intéressant. Je dois vous dire que je lai lu très attentivement
et je vous remercie de. J'avais assez à boire et à manger sans
avoir à me rappeler cette citation, je l'avais finalement oubliée
et vous me la rappelez à bon droit, qui dit: "Dès qu'un programme
de transferts applique une pénalité ou accorde un traitement plus
favorable à un groupe particulier de bénéficiaires, selon
qu'il répond ou non à des critères précis
état de santé, mode de référence, niveau de revenu,
il crée, par le fait même, une incitation financière
à la fraude. " C'est cette citation qui vous permet de rémettre
en cause la distinction entre inapte et apte. Vous nous dites que les personnes
vont plaider des troubles émotionnels plus graves pour se faire
reconnaître finalement, comme le dit le livre blanc, un niveau de
prestations plus élevé.
Le ministre vous a demandé si le fait que ce soit une
évaluation blopsychosoclalé qui remplace la simple
évaluation médicale cela vous agréait plus. Cest le chemin
qu'on ouvre quand on commence à catégoriser ici à votre
place, les psychologues sont venus dire. Les médecins ne sont pas encore
assez aptes il faudrait en faire partie. Après, il y aura tous les
autres professionnels qui vont vouloir aussi, à juste droit, de
façon légitime, ajouter leur évaluation à celle des
autres pour en faire une la plus globale possible. Et là on
"hyperprofessionnalise" et cette "hyperprofesslonnalisation-là" va aussi
de pair avec un droit d'appel parce que, évidemment, dans notre
société ou il y a légalité des droits et I'absence
de discrimination, une décision qui nous concerne peut être
contestée. Alors, ià, on s'en va devant des comités de
révision devant des commissions d'appel et on judiciarise. Il y a des
avocats qui se mettent de la partie et qui veulent, eux, aller plaider pour le
patient. On monte comme cela un énorme système, on "build up" si
vous me permettez une mauvaise expression, un énorme système et,
après cela on est surpris de voir ce qu'il en coûte en coûts
de tous ordres à la société Ce sont des coûts de
professionnels, des coûts de système.
Est ce que je dois conclure que c'est là votre évaluation
du document qui est déposé? Pas du document en entier, j'imagine.
Est-ce là votre évaluation de la distinction entre apte et
inapte? (12 h 45)
M. Morin: Oui, tout à fait.
Mme Harel: Bien. Cest une pièce que je veux verser, non
pas dans mes archives, mais dans les dossiers que je prépare pour mes
collègues.
Vous nous dites, à la page 11, que vous craignez une baisse de
prestataires notamment si était appliquée cette distinction apte
ou inapte parce que vous nous dites qu'il y a actuellement 103 744
ménages non employables, selon les chiffres de mars 1987, et que le
document parle d'une estimation de 95 000, donc 8744, presque 9000 personnes
qui seraient considérées comme employables. C'est une autre
question. C'est presque une chance que M. le ministre se soit
réservé du temps, il pourra répondre aux questions
mentionnées dans votre mémoire.
Vous nous parlez - à la page 13 - d'une interrogation sur la
fameuse catégone admissible non disponible. J'aimerais vous interroger
là-dessus. Je pense que vous êtes les premiers à en parler
et cela ne m'étonne pas parce que, finalement, les personnes admissibles
non disponibles sont celles qui seront éjectées, malgré
leur volonté d'être reconnues - tragiquement - comme ayant une
carrière en santé mentale. Elles vont se faire éjecter,
mais elles ne seront pas nécessairement soutenues pour autre chose et
elles vont se retrouver dans la catégone admissibles au programme APTE
tout en étant non disponibles parce que malades.
Est-ce que vous avez l'impression que c'est là où on va
retrouver une partie de votre
clientèle?
Mme Blanchard: Certainement. Cela nous a pris un peu de temps
à essayer de voir dans toutes les catégories...
Mme Harel: Moi aussi, et je viens de comprendre.
Mme Blanchard:... mais cela a été la
première réaction: de voir où cela nous touche.
Assurément, dans nos ressources, s'il faut penser à une
catégorie, ce sera certainement celle-là. Donc, la population
serait clairement défavorisée en termes de prestations.
J'aimerais faire un commentaire. Cela laisse croire que les personnes
seront en même temps pénalisées de vouloir changer de
statut, de vouloir enfin dire: Oui, je crois que je suis capable de travailler.
Ouvrir cette porte risque de les pénaliser à long terme. Pour
nous, c'est absolument incroyable que les gens se retrouvent dans cette
position d'être honnête et de dire: Oui, je pense que je serais
capable de travailler, vite on l'entre dans la machine et, après la
période transitoire, au bout d'un certain temps, on va demander: Bon,
est-ce que tu travailles? As-tu fait des démarches? La pression fait le
"build-up". Donc, ce ne sera pas long, la stratégie instinctive de
survivance va rapidement revenir: Je ne suis plus disponible ni capable de
travailler. Pour moi, c'est très clair.
Mme Harel: Je pense que vous êtes en contact avec une
quarantaine d'organismes. La personne qui s'adresse à un des organismes
est une personne qui peut avoir le désir, peut l'exprimer comme tel et
se faire considérer comme apte, tout en ayant des problèmes de
santé mentale qui font qu'elle peut avoir des problèmes à
fonctionner. Est-ce que je dois le comprendre dans ce sens?
Mme Blanchard: Absolument, Mme la députée, c'est
exactement le portrait que vous avez. Je pense que si, aujourd'hui, j'avais
invité tous les membres de mon organisme à venir vous parler, ils
auraient tous dit: Nous voulons travailler demain matin. M. le ministre a bien
dit que le problème, dans ce type de loi, c'est qu'on n'adapte pas les
possibilités d'emploi aux personnes; on veut, au contraire, les mettre
tous en catégorie. Se faire dire inapte au travail, c'est probablement
la plus grande perte de dignité humaine que les gens vivent. Ils se
retrouvent dans un ghetto où, je pense, il n'y a pas de porte de
sortie.
Mme Harel: Vous dites, au tout début de votre
mémoire, que ce n'est pas parce que les personnes seraient employables,
une fois qu'elles sont considérées comme inaptes... Attendez,
où est-ce qu'on retrouve cela? Je pense que je devance un peu. Le
ministre va dire: Oui, mais si elles sont inaptes, elles pourront quand
même participer aux mesures de réinsertion. La question,
évidemment, c'est de savoir, tout d'abord, s'il y aura assez de mesures
et si elles seront déterminées comme prioritaires, ce serait
étonnant quand on voit toute la clientèle des moins de 30 ans et
la clientèle des personnes qui ont perdu leur emploi depuis moins de
deux ans. Il faudra sans doute demander si ce sera une clientèle
prioritaire. Cela le sera peut-être pour le ministre. Mais je ne sais pas
si cela le sera dans les bureaux locaux, où, finalement, ce sera,
doit-on comprendre, encore plus difficile de soutenir et de supporter ces
personnes-là vers des démarches de réinsertion ou de
participation aux mesures. Donc, il peut y avoir à ce
moment-là... Vous craignez que le résultat final soit que les
personnes répondent: Oui, je suis apte. Auquel cas, elles peuvent se
retrouver dans des catégories puisqu'il n'y a pas de préparation
du marché, ni de l'emploi ni des mesures comme telles.
Mme Blanchard: II n'y a non seulement cela, mais il n'y a pas
d'endroit où on va adapter tes capacités des gens dans le milieu
du travail. Cela a été clairement dit que les gens qui veulent
travailler se sentent capables de faire, par exemple, 25 heures, 30 heures de
travail par semaine, peut-être 15. Sauf que, déjà, dans la
machine, on appelle les personnes de chez nous à venir au bureau
d'emploi s'inscrire à des postes où on exige 40 heures par
semaine. Donc, cela élimine tout de suite un potentiel de personnes, qui
seraient capables, à assumer une tâche de travail pour
peut-être 20 heures, mais non pas 40 heures. C'est donc un échec.
C'est une autre instance de faillite. C'est une autre occasion pour retourner
dans la porte tournante de l'hôpital psychiatrique.
Mme Harel: J'imagine que cela va être une sorte
d'indication que la personne va chercher à se faire éjecter en se
faisant considérer, cette fois-là, vraiment comme totalement
inapte. Elle va vouloir plaider médicalement...
Mme Blanchard: Cela va être son seul moyen de survivance.
Oui.
Mme Harel: Je pense que c'est un élément Important
que vous introduisez.
Sur la question du partage du logement, d'une certaine façon...
Je ne voudrais pas rentrer dans les discussions que le ministre a eues avec les
médecins des CLSC, la Fédération des médecins des
CLSC. C'est que les médecins des CLSC considéraient le partage du
logement comme antifamilial du fait qu'il était beaucoup utilisé
aussi par les familles monoparentales et c'est une sorte d'entraide mutuelle.
La question est que le couple... Au départ, comme le document
d'orientation définit des besoins essentiels et que ces besoins
essentiels... là encore, II
faudrait examiner à nouveau cette question des besoins essentiels
- à notre connaissance ceux définis comme essentiels par la
propre étude du ministère, ne se retrouvent pas indexés en
1989 dans le document d orientation. II y a même des
éléments comme l'habillement ou l'ameublement, en 1989, pour
lesquels l'allocation est moindre que la définition qu'on en retrouve en
1985. II faudrait donc évaluer, à ce chapitre-là si itl
faudrait que le ministre dépose - parce qu'on travaille avec les fuites
d'information quon a pu obtenir, heureusement - on confirme exactement quelle
est la ventilation des besoins essentiels.
Par ailleurs, la grande question qu'il faut se poser - et dans la
même étude du ministère elle était posée -
c'est: Pourquoi ne pas accorder une prime supplémentaire lorsqu'il y a
occupation seule d'un logement, comme le fait le régime d imposition?
Parce qu'il y a une déduction fiscale allouée à la
personne qui habite seule. On ne va pas charger une taxe aux couples|
mariés qui habitent ensemble. C'est plutôt une déduction
fiscale et on avantage la personne qui est seule plutôt que de
pénaliser celles qui habitent en couple. Le ministre, à
l'inverse, dit. Lorsque le couple marié, ou qu'un parent et un enfant,
une grand-mère et son petit-fils habitent ensemble, il y a une
réduction. Mais la réduction ne vaut que pour un barème
Tandis que, là, ce qu'il ne prend pas en considération, c'est que
les deux vont avoir à subir une réduction de 115$. Par exemple,
deux familles monoparentales, les deux vont avoir une réduction de 115
$.
Je pense que le principe, c'est: Faut-il toujours que les programmes de
transfert soient réduits? Cela vaut autant pour les prêts et
bourses que pour le partage du logement ou pour la contribution parentale? Ou
faut-il envisager de supplémenter quand les personnes habitent seules?
Enfin, je vous laisse sur cette interrogation.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la
députée.
M le député de Sainte-Anne, je me réserverai une
intervention par la suite, si vous le permettez.
M. Polak: Merci, M. le Président. Brièvement, c'est
toujours malheureux qu'il ne reste pas beaucoup de temps. D'abord, vous vous
rappelez, Mme Blanchard, être venue ici - le même groupe - au mois
de janvier, pour discuter de santé mentale devant la même
commission. Je pense qu'on a réussi à sensibiliser le ministre au
travail de votre fédération et de vos groupes individuels, comme
PALL, à Verdun, ainsi que le Dr Harnois. J'ai été
très fier de participer à changer les idées du Dr Harnols
qu'il a sur le travail de vos groupes. Aujourd'hui, à la commission sur
l'aide sociale, c'est peut-être un peu différent. Je dois d'abord
vous dire que je suis d'accord avec les principes contenus dans le document.
J'ai aussi beaucoup de questions concernant les modalités Je tente
encore de fortifier le document de le bonifier et je pense que vous ne devnez
pas avoir peur. J'ai lu votre document et vous êtes, cette fois-ci, un
peu plus négatifs que j'aurais pensé. Le programme Soutien
financier, je ne le vois pas du tout comme vous. Je ne le vois pas du tout dans
le sens de catégoriser les gens en situation de désespoir et
qu'ils vont souffrir encore plus. Je ne vois pas du tout cela ainsi.
Je vois le programme Soutien financier comme vraiment un recours ou ils
ont peu de repos, ou ils vont être traités un peu mieux, un peu
plus humainement, avec également un peu plus de chances de sortir de cet
état. Je pense qu'il y a une approche personnelle dans toute cette
politique et dans le programme Soutien financier. Je ne veux pas parler
d'étiquette apte et inapte, et tout le reste, mais des gens qui
tomberont là-dedans, comme les gens que je rencontre chez vous quand je
vous rends visite. Je suis certain que la grande majorité d'entre eux
vont se qualifier au programme Soutien financier et je pense qu'il y aurait
finalement un peu de répit et aussi moyen de se retrouver.
Quand vous parlez du partage des frais de logement, je suis d'accord
qu'il y a un grave problème. Par exemple, à Verdun, c'est
impossible d'obtenir un appartement à 25 % du revenu. Donc, un
assisté social paierait beaucoup plus que 25 % de son revenu pour avoir
un appartement ou même un logement quelque peu convenable. Ils sont
presque forcés de combiner et il y a une pénalité de 115
$. En tout cas, il faut en parier. J'y vois là un grand
problème.
Je vais vous parler des bonnes choses qui sont sorties d'ici parce que
je suis à la commission depuis le début même si, de temps
en temps, je m'absente une journée, comme hier il faut penser au
comté aussi, voyez-vous À l'égard de l'expertise
médicale, il ne faut pas avoir de crainte. D'abord, ce n'est pas le
médecin du gouvernement qui va dire. Vous êtes apte ou inapte.
À un moment donné. Les gens pensaient que c'étaient les
médecins du gouvernement qui déclaraient les gens aptes 25
personnes un matin, on les passe vite. Cela ne fonctionne pas du tout comme
cela. Ce sera l'individu, un peu comme à la CSST, qui, le premier, a le
choix de dire: Mon médecin me déclare inapte au travail. Si les
gens à l'aide sociale ne sont pas d'accord avec cela, une
contre-expertise peut être demandée. Comme le ministre l'a
expliqué très souvent, ce n'est pas nécessaire de la
demander parce que nous sommes d'accord sur la consultation. Si les deux
médecins ne s'entendent pas sur la conclusion, il y a moyen d'aller en
appel devant la Commission des affaires sociales. Comme cela a
été expliqué, non pas dans le document, mais comme le
ministre l'a fait, cela va se trouver dans les règlements plus tard. II
y a là des inquiétudes qui existent présentement.
J'ai une seule question à vous poser. Cela m'a frappé
aussi parce que c'est positif. J'ai
appris, pour la première fois quand le YMCA est venu ici, la
semaine dernière, qu'ils ont déjà des programmes de
réinsertion sociale, d'emplois, des programmes très
Intéressants. Il a dit qu'il voyait la possibilité de les
incorporer dans des tentatives de se servir de leur expertise.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le
député.
M. Polak: En conclusion. Pourriez-vous me dire si votre
regroupement comme tel a déjà des cas concrets de
réinsertion sociale d'ex-psychia-trisés que vous avez
ramenés sur le marché du travail, que vous avez aidés?
S'il vous plait, dites-le-lui parce qu'il va vous encourager.
Le Président (M. Bélanger): Votre temps est
terminé. Je vous en prie. Laissez M. Morin répondre.
Mme Blanchard: C'est une grande question. Le Président (M.
Bélanger): Mme Blanchard.
Mme Blanchard: D'abord, il faudrait définir
"réinsertion sociale". M. le député, pour nous, c'est un
grand mot. Je pense que nous sommes malheureusement à la limite de
pouvoir maintenir les gens dans une survivance minimale à la suite de
plusieurs hospitalisations en psychiatrie. Une réinsertion sociale, pour
nous, implique retour au travail, qualité de vie, qualité
d'hébergement et aussi une qualité de nutrition; et nous sommes
très loin de cette réalité. Donc, notre réponse,
c'est qu'un nombre très minime qui réussit finalement à
quitter te réseau psychiatrique et nos ressources d'une façon
définitive. Nous sommes heureux de ne plus revoir ceux qui
réussissent, mais ce n'est qu'un nombre très minime.
M. Polak: Si vous aviez des moyens, est-ce qu'il existe un
programme... Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Sainte-Anne, je m'excuse mais votre temps est
écoulé. Je cède la parole à Mme la
députée de Maisonneuve. Il reste deux minutes à votre
formation.
Mme Harel: Oui. Je vais permettre à mon collègue de
vous poser la question ou de réagir.
Le Président (M. Bélanger): Merci, madame. M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: Merci. Je m'entends toujours très bien avec la
députée de Maisonneuve. Ma question est simplement celle-ci: Si
on incorporait, dans le cadre de cette politique, des organismes comme le
vôtre dans la participation active pour tenter de réinsérer
les gens surtout sur le marché du travail, êtes-vous prêts
à vous embarquer là-dedans?
Mme Blanchard: II y a plusieurs ressources alternatives qui ont
fait des demandes et qui ont étudié des projets de retour au
travail, chez nous à PALL. Par exemple, la maison Saint-Jacques a
présenté un projet qui s'appelle Accessible. Elle s'est rendue,
apparemment avec un dossier très épais d'une étude de
marché, de faisabilité, jusqu'à M. Mulroney. Et encore une
fois, on se retrouve avec personne prêt à s'engager, à
mettre 300 000 $ pour trois ans pour que l'entreprise puisse ensuite avoir ses
propres profits qui pourraient profiter justement et être utiles à
des gens qui seraient capables. Donc, c'est un exemple qui illustre à
quel mur on fait face quand on présente des projets comme celui
d'Accessible.
Le Président (M. Bélanger): Cela termine. J'avais
une intervention à faire comme député de
Laval-des-Rapides. Si vous me le permettez, je prendrais 30 secondes, je parle
si peu souvent. Je comprends bien votre inquiétude face au mot "inapte".
Je pense que, pour vous, "inapte", ça devient une autre
étiquette, comme schizophrène, et cela risque de suivre cette
personne pour le reste de ses jours, ou de la stigmatiser, comme le disait la
commission Batshaw, II y a une quinzaine d'années. Dans ce
sens-là, je comprends votre réaction concernant les
étiquettes et j'espère que M. le ministre trouvera une solution
pour décrire la même réalité. Mais ce sont souvent
les mots qui font peur. On sait comment on accapare les mots et on leur donne
des sens, mais j'espère que M. le ministre trouvera une façon de
décrire cette réalité, si le programme reste le
même, pour qu'elle ne soit pas stigmatisante, comme on le disait.
Là-dessus, j'appuie vos revendications.
Je me permettrais un deuxième commentaire, à
l'égard de votre organisme. J'ai compris tout à l'heure, et
j'avais aussi remarqué avec ta commission de la santé mentale,
que le ministre accorde beaucoup d'estime et de crédibilité
à votre organisme et je trouve que, par votre façon d'intervenir,
vous le méritez bien. Ce sont des dossiers où II est facile de
charrier, de dire n'importe quoi et vous avez tellement d'exemples pour le
faire que c'est facile. Cela n'amène rien ou cela ne construit pas
souvent grand-chose. Vous faites toujours une démonstration bien
fondée, bien articulée et jamais agressante. Je trouve cela
très agréable. C'est un commentaire très personnel.
Peut-être que je devrais m'en abstenir, mais je tiens à vous le
dire. C'est d'autant plus au mérite de votre organisme que vous jouez un
rôle de tampon entre une clientèle qui a des problèmes
d'intégration sociale - je n'aime pas plus cette catégorisation
que d'autres - mais vous êtes vraiment un tampon entre cette
clientèle et la machine psychiatrique. Et Dieu sait comment, parce que
j'ai travaillé fort longtemps dans ces milieux-là, et quand
la
machine lient quelqu'un, c'est difficile de s'en sortir. Et, quand elle
le lâche, c'est d'un coup sec; il n'a plus de ressource, il n'a plus
rien, il ne sait pius où il s'en va. Donc, vous êtes vraiment un
tampon et une bouée de sauvetage pour beaucoup de gens. À cet
égard, je vous incite à continuer cet excellent travail et la
bonne collaboration avec le ministère de M. Paradis, à devenir
des plateaux de stages et à manifester votre dynamisme dans le meilleur
intérêt de vos clientèles.
Mme Blanchard: Merci.
Le Président {M. Bélanger): La commission vous
remercie. Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Je voudrais vous remercier et m'associer aux propos du
président de la commission. Je sais qu'il n'est pas nécessaire de
vous rappeler que ce ne sont pas seulement les mots qui font ma!, mais que ce
sont aussi des barèmes différents qui peuvent blesser les gens.
Je vous remercie en espérant que, puisque tout le monde convient que
vous parlez bien, vous soyez aussi bien écoutés.
Mme Blanchard: Mme la députée, vous pourrez venir
nous visiter dans nos ressources n'importe quand.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): j'aimerais me joindre aux
remerciements adressés par Mme la députée de Maisonneuve
et par M. le président de la commission des affaires sociales. Je
retiens également de votre intervention que ce qui fait également
mal, c'est le peu de ressources ou cette marginalisation que nous connaissons
sous le système actuel et que nous ne pouvons continuer longtemps.
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales remercie le Regroupement des ressources alternatives en
santé mentale du Québec et, compte tenu de l'heure, suspend ses
travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h S)
(Reprise à 15 h 10)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à des consultations générales et de tenir
des auditions publiques pour étudier le document intitulé "Pour
une politique de sécurité du revenu'.
Nous invitons à la table des témoins les Responsables des
projets d'implication communautaire qui seront représentés par
Mme Lucette Lessard et Mme Claire Bonin.
Bonjour, mesdames. Pendant que vous vous installez, je vais en profiter
pour vous expliquer les régles de procédure. Vous avez 20 minutes
fermes pour présenter votre mémoire, c'est-à-dire qu'en
principe, on ne doit pas excéder 20 minutes, à moins de
consentement des deux côtés. Par la suite, les parlementaires ont
40 minutes pour procéder a l'Interrogation, aux discussions ou aux
échanges sur votre mémoire. Quand vous prenez la parole, je vous
prierais de bien vous identifier chaque fois pour que les
préposées à la transcription du Journal des débats
puissent avoir vos noms pour la publication. Je vous prierais donc de vous
présenter et de présenter votre mémoire. Merci.
Responsables des projets d'implication
communautaire
Mme Lessard (Lucette): Bonjour à tous. Lucette Lessard,
promoteure des projets d'implication communautaire dans la région
d'Iber-ville.
Mme Bonin (Claire): Claire Bonin. Je représente des
organismes communautaires de la région de Saint-Jean et d'Iberville.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
Procédez.
Mme Lessard: D'accord. Nous sommes ici pour parler de
l'expérience que nous avons vécue en ce qui concerne les projets
d'implication communautaire dans notre région. Nous avons
décidé ensemble de faire un bilan de ces projets
déjà implantés dans notre secteur afin de vous en
informer.
Au premier plan pour nous, tous ces projets permettent à des
jeunes assistés sociaux de vivre une expérience de travail durant
une année ou moins, avec un programme de formation établi selon
leurs besoins. Ainsi, ils arrivent à aimer donner à une
société qui leur donne beaucoup. Ils ne sont plus les marginaux
qu'ils étaient, car ils sont utiles et vivent dans un climat d'entraide
auprès d'une clientèle qui a, elle aussi, des besoins
bio-psycho-sociaux.
Au second plan, ces projets nous apportent une aide significative
auprès d'une clientèle très diversifiée, allant du
nouveau-né à la personne âgée. Cette aide nous
permet d'améliorer nos services et de donner une meilleure
qualité et une plus grande quantité de soins à notre
clientèle.
Les objectifs de ces projets d'implication communautaire nous permettent
d'inculquer à ces jeunes des habitudes de travail telles que la
ponctualité, l'assiduité, l'initiative, le respect et ia
responsabilité face aux tâches à effectuer; de procurer
à ces jeunes la possibilité de faire valoir leurs connaissances
et leurs talents dans des domaines choisis; de leur faire prendre conscience
qu'ils ont un rôle important à jouer
dans notre société d'aujourd'hui, rôle qu'ils ont
quelquefois oublié et de leur donner de nouvelles connaissances par un
programme de formation continue afin de les aider dans leur cheminement
personnel face au travail; en un mot, augmenter leurs chances de retourner sur
le marché du travail et aux études le plus tôt
possible.
Notre rôle, en tant que promoteurs de projets de travaux
communautaires, est de procurer à ces clientèles un climat de
travail propice à leur épanouissement; d'assurer une discipline
de travail avec un encadrement sécuritaire, mais aussi ouvert aux
changements; d'élaborer un programme de formation de qualité,
afin de motiver les participants à retourner sur le marché du
travail ou à retourner aux études. Ce programme de formation est
élaboré par le promoteur. Celui-ci en est le maître
d'oeuvre. C'est son rôle d'adapter le programme par rapport aux
participants. Les participants retrouvent le goût de retourner aux
études et de vivre de nouveaux apprentissages.
Il faut faire prendre conscience à ces gens qu'ils ont un
potentiel Individuel qui peut encore être utile dans notre
société. Concernant le programme de formation, il touche à
beaucoup de domaines. Les participants ont une formation sur le budget,
l'alimentation, une recherche dynamique d'emploi, la psychologie de la personne
âgée, la psychologie de l'adolescent, fa relation d'aide, les
soins physiques à la personne âgée, l'animation en milieu
gérontologique, l'animation de groupes, l'initiation au travail en
équipe, les activités adaptées au quatrième
âge, les jeux coopératifs; des cours de dactylo, de
français, de mathématiques, d'anglais, un cours de premiers
soins, général, de même qu'un cours de premiers soins pour
les nouveaux-nés; le cours de PDSB, qui est un cours de principe des
déplacements sécuritaires des bénéficiaires; le
cours sur la planification et l'évaluation d'un travail, sans oublier
les cours sur la connaissance de soi et sur les instances de la
personnalité.
Ces cours sont échelonnés sur une période d'une
année et permettent de garder la motivation de notre clientèle.
Chaque promoteur de projet possède un calendrier de formation
adapté à sa clientèle. Nos recommandations seraient:
premièrement, l'intégration à ces projets de la
clientèle de plus de 30 ans. Aujourd'hui, la clientèle de 18-30
ans est saturée, c'est-à-dire que les participants qui
étaient volontaires sont maintenant éliminés de ces
projets. Notre deuxième recommandation serait d'avoir un budget
régulier, selon le nombre de participants, car ce critère ne
dépend pas des promoteurs. Il est difficile d'assurer le salaire du
coordonnateur qui n'est pas stable, et d'avoir un coordonnateur de
qualité. Troisièmement, l'allocation supplémentaire pour
tous les participants, car à travail égal salaire égal.
Celui qui fait la même tâche que l'autre, en fin de compte, s'il
n'a pas son secondaire V il n'a aucun salaire, aucun surplus.
Comme conclusion, tous ces projets ont permis de
réintégrer ces participants dans une société
où ils ont une place qu'ils pensaient avoir perdue. L'inutilité
rémunérée, c'est-à-dire les prestations d'aide
sociale, leur avait fait perdre leur estime de soi, leur confiance en eux et
avait étouffé leurs capacités et leurs talents. Avec de
tels projets, les jeunes participants retrouvent une joie de vivre au travail,
de nouveaux amis, la possibilité de retrouver une place dans notre
société. Les résultats sont évidents: 14 %
retournent aux études et 50 % se trouvent un emploi. Avec les coupures
budgétaires actuelles dans le domaine de la santé, ces projets
ont permis d'augmenter dans nos organismes la quantité de services
auprès de notre clientèle. Pour toutes ces raisons, nous dirions
que ces projets ont une place privilégiée dans notre
société d'aujourd'hui.
C'est ce que nous avions à dire au nom des douze promoteurs de
projets que nous représentons. On pourrait parler de nos
expériences personnelles, mais...
Le Président (M. Bélanger): Vous avez encore
quelques minutes. Procédez, je vous en prie.
Mme Lessard:... notre expérience.
Le Président (M. Bélanger): Allez-y, je vous en
prie.
Mme Lessard: Bon, au niveau des projets, nous... Personnellement,
mol je travaille dans un établissement, dans une institution où
il y a seize jeunes assistés sociaux qui roulent, si on peut parler
ainsi, depuis trois ans. Cela a permis de donner une qualité de vie
beaucoup plus adéquate à notre clientèle. Mais le plus
gros de tout cela, c'est que cela a permis de donner à ces jeunes une
qualité de présence, une qualité - comment pourrais-je
dire - de bien-être physique. Ils se sentent vraiment bien. Ils se
sentent utiles dans notre société, dans notre institution. On a
choisi de relier ces deux clientèles, qui sont peut-être les deux
clientèles les plus marginales de la société, parce que
notre établissement est un centre pour personnes âgées.
Donc, la personne âgée est déjà marginalisée
étant institutionnalisée, et le jeune assisté social est
aussi marginalisé. On a fait une bonne association. On a
créé un climat d'entraide, un climat de partage et un climat de
joie de vivre.
Mme Bonin: Claire Bonin, je représente un organisme
communautaire. J'ai 20 participants. Nous, nous faisons le maintien à
domicile. Cela veut dire qu'on visite entre 50 et 60 personnes
âgées par semaine. Pour les plus autonomes, on donne une
demi-journée par semaine. Pour les plus âgés, plus
dépendants, on peut aller jusqu'à quatre demi-journées par
semaine. Chaque matin, II y a une présence. On apporte beaucoup de
sécurité aux personnes âgées, beaucoup de
désennui aussi, parce qu'on fait l'entretien, les repas et
l'accompagnement. On dessert aussi les families en difficulté, les
familles en état de crise, les handicapés et tous les
bénéficiaires du service nous sont référés
par le CLSC de la région après une évaluation de leur
travailleuse sociale. Ce qui veut dire qu'on est beaucoup
apprécié par le CLSC étant donné qu'on leur
enlève une bonne surcharge. Nous prenons les cas légers et eux
peuvent s'occuper davantage des cas lourds.
Dans mon projet, je peux dire que 45 % des participants se sont
trouvé des emplois permanents, 20 % sont retournés aux
études et 10 % ont fait des stages en milieu de travail. Cela veut dire
que, concernant les participants, on rend un grand service à des jeunes
qui étaient chez eux bénéficiant de l'aide sociale
seulement. Pour moi, c'est tout.
Le Président (M. Bélanger): Bien. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mmes Lessard et Bonin, je vous
remercie de votre témoignage. Depuis le début de la commission,
certains parlementaires autour de cette table nous demandent des statistiques
d'évaluation de certains programmes qui sont mis de l'avant par le
ministère. Vous nous apportez une expérience vécue et vous
articulez votre discours autour d'un certain taux de réussite. Je prends
la dernière page de votre mémoire, l'annexe où vous iistez
l'ensemble des projets: Club optimiste du Haut-Richelieu, le nombre de
participants: 15... emploi permanent, cela veut dire que ce sont des gens qui
se sont trouvé des emplois permanents à la suite de cette
expérience et 10 % deretours aux études. Le Club optimiste
Iberville: 16 participants. C'est le groupe de Mme Lessard, si je ne m'abuse.
60 % d'emplois permanents et 20 % de retours aux études. Le Centre de
bénévolat d'Iberville: 20 participants; 37 % d'emplois
permanents; 5 % de retours aux études, etc. Avez-vous une Indication
à savoir dans quel type d'activité sont les emplois permanents
occupés par les gens qui ont été de passage chez vous?
Mme Lessard: Oui. C'est même plus haut, c'est 60 %, mais
j'ai rétabli les dernières données en considérant
le dernier projet, et c'est 74, 7 % d'emplois. Par rapport à mon projet,
parce que je ne peux parler que de mon projet concernant les données par
rapport aux emplois, beaucoup se sont trouvés des emplois comme
préposé aux bénéficiaires, comme auxiliaire
familial dans les CLSC, comme animatrice dans les foyers privés ou dans
les foyers subventionnés et dans des boutiques; II y en a beaucoup qui
se sont trouvés des emplois à ces endroits-là, aussi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux poser la question. Mme la
députée de Maisonneuve me suggère la question suivante:
Est-ce qu'il s'agissait de personnel majoritairement féminin, ces
stagiaires?
Mme Lessard: Oui.
M. Paradis {Brome-Missisquoi): Oui? Est-ce que vous avez une
idée de la proportion, du pourcentage?
Mme Lessard: Je peux vous dire que sur 67 candidats, il y a eu
cinq hommes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans les recommandations que vous
nous adressez, votre première recommandation touche
l'élargissement de la clientèle. Je vous indique
déjà que la politique de sécurité du revenu propose
d'élargir les mesures d'employabllité à l'ensemble des
bénéficiaires. C'est la façon dont vous le formulez. Vous
dites: L'intégration à ces projets de la clientèle de plus
de 30 ans car, aujourd'hui, ta clientèle 18-30 ans est saturée,
c'est-à-dire que les participants qui étaient volontaires sont
maintenant éliminés de ces projets.
Est-ce que vous voulez dire que tes jeunes de moins de 30 ans qui
peuvent obtenir la parité ou la quasi parité, selon le type de
programme auquel ils participent, vous ne réussissez plus à en
recruter?
Mme Lessard: C'est exact. C'est très difficile. Avant,
quand on avait un départ, cela prenait deux jours et on avait tout de
suite un candidat; maintenant, cela peut prendre deux, trois semaines, parfois
même un mois.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous nous avez indiqué que
vous travailliez en collaboration avec les CLSC, donc vous utilisez les
ressources existantes des CLSC de la région. Est-ce que vous utilisez
également les ressources du centre Travail-Québec?
Mme Lessard: Ce sont les ressources de Travail-Québec que
nous utilisons.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pas les ressources du CLSC, pour
la référence de la clientèle?
Mme Lessard: Non. On réfère pour les faire
travailler, au niveau du CLSC; c'est l'Inverse.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous référez vos
stagiaires pour qu'ils soient engagés de façon permanente dans
les CLSC dans les programmes réguliers.
Mme Lessard: Notre recrutement se fait exclusivement par le
centre Travail-Québec.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Deuxième
recommandation, budget de fonctionnement: "Avoir un budget
régulier selon te nombre de participants, car ce critère ne
dépend pas de nous et il nous est difficile d'assurer le salaire du
coordonnâtes s'il n'est pas stable. " Je pense que cet
énoncé se comprend aisément, et surtout que, lorsque vous
avez plus de difficulté à recruter, vous en subissez les
répercussions financières en ce qui concerne le coordonnateur.
Est-ce que vous ne pensez pas qu'en ouvrant la mesure aux plus de 30 ans, vous
auriez plus de facilité sur le plan du recrutement de la
clientèle et qu'à ce moment-là, ce problème
pourrait s'éliminer de lui-même?
Mme Lessard: J'espère. Parce que c'est important que le
coordonnateur ait un salaire stable... Pour avoir une personne de
qualité, s'il faut jouer avec le salaire selon le nombre de candidats,
on ne peut pas se trouver un coordinateur qui a une compétence
valable.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Troisième recommandation:
"Allocation supplémentaire pour tous les participants, car à
travail égal, salaire égal. " Vous mentionnez le cas
spécialement des jeunes de 24 ans qui n'ont pas terminé leur
secondaire et qui subissent une diminution de prestation mensuelle de 100 $.
Nous prenons bonne note de cette recommandation pour que tous et chacun soient
traités équitablement, Mme Harel.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. C'est
intéressant de voir concrètement, comme vous nous l'avez
présentée, Mmes Bonin et Lessard, l'applicabilité des
mesures qui avaient été mises en place en 1984. C'est une
expérience qui est positive pour la région de Saint-Jean et
d'Iberville et je pense... Oui, Brome-Missisquoi. J'ai cru remarquer que tes
expériences qui sont menées un peu partout au Québec sont
aussi intéressantes. En fait, celles que je connais le mieux, soit
celles menées dans l'est de Montréal et encore mieux dans le bas
de la ville et plus particulièrement dans Hochelaga-Maisonneuve, sont
aussi des expériences positives. J'aimerais bien examiner avec vous les
conditions de succès. Vous nous avez dit tantôt, Mme Lessard,
qu'il y avait cinq hommes sur les 67 personnes candidates. Au mois de septembre
dernier J'ai fait une tournée à travers le Québec avec
d'autres collègues, tournée qui s'est appelée du nom
célèbre de Tournée des grandes oreilles". J'ai fait le
tour de toutes les régions et j'ai pris connaissance partout de tous les
programmes, pour me rendre compte que c'était très
majoritairement des femmes qui oeuvraient dans des travaux communautaires, ma
foi, presque à 80 %. Vous me le confirmez encore. Je ne sais pas si
c'est la même chose pour Mme Bonin?
Mme Bonin:...
Mme Harel: C'est la même chose.
Mme Bonin: Présentement, j'ai trois hommes sur 20
candidats.
Mme Harel: Quand vous dites, candidats... Par exemple,
tantôt, Mme Lessard, votre projet, c'est le Club optimiste
d'Iberville?
Mme Lessard: Oui.
Mme Harel: Alors il y avait seize participants et vous nous
parlez de 67 candidats.
Mme Lessard: Depuis trois ans.
Mme Harel: D'accord. Donc, il y a au-delà de 67
participants...
Mme Lessard: Oui. Mme Harel:... en trois ans. Mme Lessard:
Oui.
Mme Harel: Donc, le maximum à chaque année est
à peu près de seize stages, seize postes? Comment dire,
seize...
Mme Lessard: Seize postes, seize stagiaires. Oui.
Mme Harel: Donc, cela veut dire, qu'en trois ans il y a eu
presque 50 % de départ.
Mme Lessard: Oui. Mais la première année, je n'en
avais que douze.
Mme Harel: Douze, la première année. Si on dit
douze ta première année, seize la deuxième et seize cette
année, disons sur trois ans, cela fait 44. Vous avez eu 67
personnes.
Mme Lessard: Candidats.
Mme Harel: À ce moment-là, cela veut donc dire
qu'il y en a 23 qui s'en sont allés, qui ont quitté. C'est
cela?
Mme Lessard: Oui.
Mme Harel: À quoi attribuez-vous leur départ? C'est
presque le tiers, 33%.
Mme Lessard: Des emplois.
Mme Harel: Ce sont des personnes qui se sont trouvé des
emplois.
Mme Lessard: Oui. Là-dessus, il y en a cinq qui ont
arrêté pour cause de maladie, des maladies subites, une grossesse
ectopique. Il y
avait beaucoup de problèmes de santé.
Mme Harel: Un mauvais état de santé.
Mme Lessard: Oui, mais les autres, ce sont des retours aux
études et au marché du travail.
Mme Harel: À ce moment-là, est-ce qu'elles font
partie des 60 % que vous nous mentionnez en annexe? J'essaie de comprendre. Il
y en a eu 67. Là-dessus, il y a eu 44 participants. Sur les 60 % que
vous mentionnez, est-ce que c'est 60 % sur les seize ou 60 % sur les 67?
Mme Lessard: Sur la globalité. Mme Harel: Sur les
67? Mme Lessard: Oui.
Mme Harel: D'accord, en tenant compte de ceux et celles - iI faut
plutôt dire celles - qui ont quitté avant de terminer le projet
comme tel. Alors, cela doit faire partie aussi des 40 % qui se trouvent un
emploi dans les neuf premiers mois de leur demande. Dites-moi, celles qui sont
venues à vos projets, est-ce qu'il y a longtemps qu'elles recevaient de
l'aide sociale?
Mme Lessard: Au tout début, je dirais que non parce que,
quand les projets ont commencé, on avait les dernières recrues.
De plus en plus, oui, il y en a que cela fait plusieurs années. (15 h
30)
Mme Harel: C'est récent. Est-ce que c'est la
première année cette année ou si c'était comme cela
l'an passé aussi?
Mme Lessard: Je dirais depuis 18 mois ce sont des assistés
sociaux depuis au moins trois ou quatre ans. Il y en a que cela fait un ou deux
ans, mais ce n'est pas la majorité.
Mme Harel: C'est intéressant. Tantôt vous disiez que
le recrutement était plus difficile. Vos références
viennent du centre Travail-Québec. Quels sont les motifs, les raisons
qui, pensez-vous, justifient ce tarissement du recrutement?
Mme Lessard: Probablement parce qu'il y a beaucoup de projets
d'implication dans notre région. Il y en a beaucoup. Les personnes
choisissent. Elles ont un grand choix de projets dans notre région.
Elles choisissent. Cela fait trois ou quatre ans que ces projets existent.
Mme Harel: Une personne qui participe à un de vos projets,
une fois terminé... C'est un an, je pense. Avez-vous des recommandations
à faire sur la durée? Pensez-vous qu'un an c'est suffisant?
Mme Lessard: Je dirais, par expérience personnelle, que
cela dépend des cas. Personnellement il y en a, pour les rendre aptes au
travail, si je peux parler ainsi, que je mets à un autre niveau, celui
des stages en milieu de travail. Avec le stage en milieu de travail, cela leur
fait une année de plus et ensuite ils sont aptes au travail. Ce n'est
pas tout le monde qui peut faire cela. Je le peux parce que je fais partie
d'une institution mais ce n'est pas tout le monde qui peut le faire.
Mme Harel: Mme Bonin, que pensez-vous de cette question d'une
année seulement de l'admissibilité...
Mme Bonin: Je réponds comme Lucette que, dans certains
cas, il serait préférable que ce soit allongé d'un an, que
ce soit deux ans au lieu d'un an. En général, je dirais qu'un an
c'est suffisant.
Mme Harel: Une année de travaux communautaires, c'est
suffisant.
Mme Bonin: Oui, parce qu'à l'intérieur de cette
année-là, ils ont le temps de se réorienter, de voir s'ils
veulent faire un retour aux études ou s'orienter sur le marché du
travail.
Mme Harel: Est-ce qu'il y en a qui ont quitté pour des
raisons de grossesse? Enfin, je dois comprendre que 90 % sont des femmes. C'est
bien le cas?
Mme Bonin: Oui.
Mme Harel: Est-ce qu'il y en a qui ont quitté parce
qu'elles voulaient se charger de l'éducation de leurs enfants? Est-ce
que ce sont des femmes seules, célibataires ou des femmes avec
enfants?
Mme Lessard: Pour mol, ce sont des femmes avec enfants pour la
plupart.
Mme Harel: Chefs de famille ou en couple? Mme Bonin: Chefs
de famille.
Mme Harel: Et qui ont en général moins de 30 ans,
évidemment.
Mme Bonin: Oui.
Mme Harel: Ou qui peuvent avoir plus de 30 ans aussi.
Mme Bonin: Toujours moins de 30 ans.
Mme Lessard: Actuellement, le programme se limite aux 30 ans.
Mme Harel: Et leur incitation financière n'existait pas
à ce moment-là parce qu'elles
avaient déjà le plein montant étant chef de famille
avec des enfants. II faut vous comprendre.
Mme Lessard: C'est ça
Mme Harel: Oh! oui je comprends. Cela veut donc dire que, dans le
fond, vous aviez des femmes très motivées parce que vous me dites
que les personnes sont à 90 % des femmes presque la grande
majorité chefs de famille avec des enfants elles avaient donc
déjà le plein barème de prestations. Dans le document
d'orientation, cela repose sur le fait qu'il faut une baisse des barèmes
pour inciter à participer aux mesures. Vous nous dites. Cela a
très bien été chez nous. C'étaient des femmes et
presque toutes chefs de famille avec des enfants et pourtant elles n'avaient
pas d'incitation financière. Quelle incitation financière
avaient-elles?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): 100 $
Mme Harel: Oui, mais ce sont les frais de participation
Mme Lessard: C'est plus que ça
Mme Harel: Je voudrais vous entendre, Mme Lessard Les deux vous
avez quelque chose à dire là-dessus. Oui, Mme Bonin aussi, enfin
l'une ou I'autre.
Mme Bonin: C'est plus de 100 $ parce qu'elles ont 100 $ de
besoins spéciaux, le projet donne 100 $ et les frais de gardienne sont
payés.
Mme Harel: Mais les frais de gardienne, même si elles
étalent à la maison avec l'allocation aux parents des garderies,
elles n'auraient pas à débourser.
Mme Bonin: Oui, mais pour elles, c'est plus avantageux qu'un
emploi, finalement, parce que les frais de gardienne sont payés.
Mme Harel: C'est intéressant. Donc, ça leur donnait
le plein montant.
Mme Bonin: C'est ça.
Mme Harel: Si on reprend, juste pour voir la
réalité Monoparentale avec un enfant, le système actuel en
1988 est de combien? J'ai cela quelque part. Je ne sais pas si les
spécialistes du ministère peuvent nous dire cela. Attendez
Parfait. Merci. Alors, un adulte et un enfant, c'est 662 $. Donc, elles avaient
662 $ plus 100 $ de frais de participation.
Mme Lessard: Elles n'ont pas toutes droit aux 100 $.
Mme Harel: Ah bon!
Mme Lessard: Si elles n'ont pas 25 ans ou si elles n'ont pas le
secondaire V elles n'ont pas le surplus d'allocation supplémentaire.
J'ai plusieurs jeunes monoparentales qui n'ont pas I' allocation
supplémentaire.
Mme Harel: Et qui n'avait que le montant de 100 $ de I organisme
ou aucun? Uniquement 662 $?
Mme Lessard: Oui oui. Mme Harel: Sans rien d'autre?Mme Lessard: Sans rien d'autre.
Mme Harel: Quel est le pourcentage de celles qui, simplement avec
leur barème sans obligation de participer aux mesures, simplement pour
ce goût quelles avaient de participer à un projet comme vous nous
l'avez décrit qui est un projet de prise en charge de soi et
d'autonomie. À combien évaluez-vous le pourcentage de celles qui
participaient simplement avec leur barème de base comme chef de famille
monoparentale?
Mme Lessard: Actuellement, sur les seize candidats. C'est
difficile à dire.
Mme Harel: Savez-vous pourquoi c'est intéressant? Oui,
allez-y. Je vous écoute.
Mme Lessard: Non, dites-le. Je continuerai après.
Mme Harel: Parce que je pense que c'est une question clé.
Qu'est-ce qui motive les gens, les hommes les femmes? Dans votre document, vous
nous utilisez un langage d'estime de soi. de confiance, vous nous parlez de
reprise en main, d'autonomie, etc.
Mme Lessard:... des projets d'implication communautaire si on
veut qu ils fonctionnent.
Mme Harel: Et vous nous dites qu'il y a des femmes qui
participent à ces projets pour poursuivre ces objectifs sans avoir
l'incitation Financière. Donc.
Mme Lessard: Même.
Mme Harel: Allez-y.
Mme Bonin: Il y en a plusieurs aussi.
Mme Lessard: Même chez les jeunes qui ont moins de 30 ans,
qui n'ont pas fait leur secondaire V Actuellement, j'ai seize candidats et j'ai
neuf personnes qui ont leur allocation supplémentaire. Les autres
viennent pour vivre une expérience, finalement. Ils viennent chercher
une expérience de travail, une expérience de travail
en équipe parce qu'ils sont quand même seize. Vous savez,
vivre quatre heures par jour, cinq jours par semaine, avec seize personnes
I'autour de soi quand on a déjà des problèmes personnels,
il faut le faire. Ils n'ont pas de surplus! Leur compagne à
côté d'elles a un surplus et elle fait le même travail.
Puis, celle qui n'a pas son secondaire V et qui n'a pas 25 ans n'a rien d'autre
que sa motivation personnelle.
Mme Harel: Elles sont motivées.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce qu'on peut tirer quelque
chose au clair juste pour une question de précision, Mme la
députée?
Mme Harel: Certainement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que m'indiquent des
fonctionnaires, c'est qu'il y a en fait deux 100 $ différents,
distincts. Il y a le montant de 100 $ dont vous partez qui est l'allocation
mensuelle qui ne s'applique pas aux 25 ans et moins qui n'ont pas
complété leur secondaire, mais dans tous les cas, à ce
qu'on m'indique, il y a un montant de 100 $ pour un chef de famille
monoparentale ou un membre d'un couple avec enfant à charge, une
allocation de 100 $ par mois à laquelle s'ajoute une allocation de frais
de garde d'enfant pouvant aller jusqu'à 10 $ par jour. On me dit que
cela est présent dans tous les cas de participation. Et il y a l'autre
montant de 100 $ qui est une distinction. C'est pour que ce soit clair. Je
pensais qu'il y avait une incompréhension.
Mme Lessard: L'autre montant de 100 $ est donné par
l'assistance sociale, tandis que le montant de 100 $ auquel je dis qu'ils n'ont
pas droit, c'est celui que je donne en tant que promoteure de projets. C'est
différent.
Mme Bonin: Celui qui est payé par l'aide sociale s'appelle
le besoin spécial.
Mme Harel: C'est cela.
Mme Bonin: Et le nôtre, c'est allocation
supplémentaire.
Mme Harel: D'accord. Cela veut donc dire que présentement,
il y a des personnes pour qui simplement leurs besoins spéciaux sont
leurs frais de participation, de déplacement, parce que j'imagine qu'il
n'y a pas de transport en commun. Ce sont quand même des personnes qui
doivent se déplacer, trouver sans doute un voisin, un parent qui les
voyage. Cela ne se fait pas à pied.
Mme Bonin: Non. C'est nous qui faisons le maintien à
domicile. Il y a un chauffeur qui est chargé d'aller chercher les
participants le matin et le soir il va les reconduire.
Mme Harel: Oui. Je comprends cela pour vous, Mme Bonin. Mais pour
l'ensemble des programmes, il n'y a pas nécessairement un chauffeur qui
va les reconduire et les chercher. J'imagine qu'il y a une mobilité.
Mme Lessard: Pas chez nous.
Mme Bonin: Cela dépend. Pas en institution, c'est
certain.
Mme Harel: C'est cela. Alors, dans votre cas, Mme Lessard, ils
doivent se déplacer.
Mme Lessard: Oui. Ils doivent s'organiser.
Mme Harel: Vous êtes installée à Ibervllle
même?
Mme Lessard: Oui.
Mme Harel: Ils sont tous d'Iberville?
Mme Lessard: Non.
Mme Harel: Non.
Mme Lessard: Non. Ils sont dans les environs, par exemple. Mais
ils se trouvent un transport, une façon de voyager.
Mme Harel: D'accord. Cela veut donc dire, par exemple, puisqu'il
s'agit surtout de femmes chefs de famille monoparentale, que le système
actuel indexé en 1989 leur donne 684 $, avec les 100 $ de besoins
spéciaux plus les 100 $ de l'organisme; elles peuvent avoir
jusqu'à 864 $ par mois, plus les frais de garde. C'est le système
actuel. Bon. Si on examine la situation qui prévaudrait avec la
proposition du ministre, on va à la catégorie, à la case
du participant, 720 $. Et de ces 720 $ faut-il ajouter 60, 40 $? Pour un chef
de famille qui participe, il est compris. Les premiers 100 $ des besoins
spéciaux sont compris.
M. Paradis (Brome-Missîsquoi): II serait calculé de
la même façon que pour la personne seule, c'est-à-dire que
les frais de participation sont évalués à
approximativement 40 $ et l'allocation de participation qui est cet incitatif
serait évalué à peu près à 60 $.
Mme Harel: Est-ce que cela s'ajoute aux 720 $, à ce
moment?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, il est inclus dans les 720
$.
Mme Harel: II est inclus. À ce moment, le seul montant
supplémentaire serait celui que l'organisme attribue à la
personne. Faut-il ajouter ces 100 $, M. le ministre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si c'est 100 $, il pourrait y
avoir un système ou ces montants pourraient fluctuer et être plus
élevés dans certains cas, selon la nature du programme de
participation.
Mme Harel: Si je comprends bien, les stages en entreprise
pourraient être différents des travaux communautaires.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une négociation qui
pourrait dépendre, quand vous parlez de stage en entreprise, du nombre
de prestataires que l'entreprise s'engage à retenir à la suite
des stages, etc. II s'agit de conserver de la souplesse.
Mme Harel: Peut-être pour Mme Bonin et Mme Lessard, aux
fins de comparer ce qu'on peut comparer présentement, disons une femme
chef de famille monoparentale, le système reste ce qu'il est, mais il
est ouvert aux plus de 30 ans avec la modification que vous proposez. Une femme
chef de famille aurait 684 $ par mois plus 100 $ de besoins spéciaux,
plus les 100 $ de l'organisme, pour un total de 884 $. Là si on confirme
avec le document d'orientation, avec la proposition, la même personne
recevrait 720 $ par mois plus éventuellement les 100 $ pour un montant
de 820 $. II faut comprendre, à ce moment, qu'il y aurait une perte de
64 $ pour la participation à la mesure en 1989. C'est ce qui amenait le
Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au marché du
travail à nous dire qu'à une exception, près sur
l'ensemble de toutes les possibilités, l'exception, je pense, d'une
femme monoparentale avec deux enfants, tout le reste des catégories y
perdait avec les nouveaux barèmes.
Mais le ministre a invité le groupe à faire l'examen avec
ses fonctionnaires pour voir s'il n'y aurait pas une autre exception, la
règle étant que finalement c'était une sorte de perte
financière, en tout cas, avec la proposition pour la participation Je
reviens à la question du climat d'entraide, des conditions du climat
d'entraide qui s'installe dans le groupe parce qu'il doit y avoir aussi de la
coopération au sein même du groupe de participantes, j'imagine. Ce
climat se perpétue après la fin du stage ou des travaux
communautaires Y a-t-il encore des rencontres qui se sont poursuivies Cela fait
trois ans Y a-t-il encore des stagiaires, à votre connaissance, ou des
participantes qui se rencontrent? Avez-vous un conventum?
Mme Bonin: Moi, j'en fais un prochainement.
Mme Harel: C'est vrai?
Mme Bonin:... à la cabane à sucre. J'invite les
anciens.
Mme Harel: C'est très intégrateur socialement.
Mme Bonin: Oui.
Mme Harel: Ce sont des femmes qui ont vécu des
séparations, des échecs ou des divorces.
Mme Bonin: II y en a beaucoup. Moi, ce que I'ai remarqué,
c'est le changement du participant dans une période de six mois. Au bout
de six mois, au point de vue épanouissement, il y a un gros changement
parce que la vie de groupe aide beaucoup. (15 h 45)
Mme Harel: Est-ce que les personnes qui vous sont
référées acceptent volontairement ou avez-vous
l'impression qu'elles sont incitées fortement sinon un peu
pressées par Travail-Québec. Arrivent-elles enthousiastes de
participer?
Mme Lessard: Enthousiastes... Moi, je peux dire que la plupart du
temps elles ne sont pas vraiment conscientes dans quoi elles embarquent. Je ne
sais pas si c'est par manque d'information ou par manque de question, ces
gens-là ne posent pas tellement de questions, mais ils sont
volontaires.
Mme Bonin: Je trouve que cela varie d'un candidat à
l'autre.
Mme Harel: Dans la réforme proposée, je reprends
toujours la même catégorie, celle des chefs de famille
monoparentale qui ont un enfant, qui refuseraient de participer, ils perdraient
99 $ par mois. Donc dorénavant, avec le document, cela deviendrait
obligatoire d'accepter, sinon il y aurait une perte de 99 $ par mois. Vous
savez ce que cela peut représenter. Alors, est-ce que vous pensez que
l'aspect obligatoire peut changer le caractère de la qualité de
la participation?
Mme Lessard: Je ne le sais pas. Je ne le sais pas parce que
l'élément motivation doit s'installer à un moment
donné. Je me dis que quand ils viennent s'inscrire à un projet
comme celui-là, bien des fois, ils ne savent pas, vraiment pas, dans
quoi ils s'embarquent. À ce moment-là, ils vont à
l'aveuglette. Je me dis si elle sait qu'en refusant, elle a une barrière
au départ, pourquoi refuserait-elle si les autres n'ont pas
refusé, ne sachant pas vraiment dans quoi. Parce qu'ils ne savent
pas.
Mme Harel: Je veux vous poser une question importante pour moi:
Les enfants ont quel âge? Les enfants de ces femmes, avec qui vous
travaillez, en général sont-ils des bébés
naissants, un an, deux ans ou plus de deux ans?
Mme Bonin: Chez moi, c'est plutôt cinq ans en montant.
Mme Harel: Cinq ans en montant?
Mme Lessard: Chez moi, cela va de cinq mois à sept
ans.
Mme Haret: Oui. Disons cinq ans pour vous, mais pour vous, de
cinq mots à sept ans, c'est où essentiellement? Elle veulent,
parce que si elles s'inscrivent actuellement, c'est volontaire.
Mme Lessard: Oui.
Mme Harel: Parce qu'elles ne sont pas du tout obligées.
Elles ont te même barème ou presque, presque en fait à une
différence qui est quand même sensible à ce niveau de
revenu, mais...
Mme Lessard: Mais chose curieuse, chez moi, à
l'intérieur de mon projet, les femmes monoparentales que j'ai, ce sont
elles qui font le premier pas. Ce n'est pas mol qui les trouve. Ce sont elles
qui viennent me trouver.
Mme Harel: Oui. Cela est évident, parce qu'elles sont
prêtes d'une certaine façon.
Mme Lessard: C'est cela.
Mme Harel: Là, la question est: Si on renverse les termes
et si même, puisque c'est le cas, on les y oblige, est-ce qu'elles vont
avoir le même degré de relation avec vous? Enfin, c'est une
question.
Mme Lessard: Oui. Cela dépendrait du projet, de la
motivation qu'elles vont avoir à vivre une expérience à
l'intérieur d'un projet parce qu'elles ont le choix.
Mme Harel: Actuellement, elles ont le choix. Mme Lessard:
Actuellement, oui. Mme Harel: Très bien.
Mme Lessard: Elles ont quand même un choix de projet, parce
qu'on est quand même douze dans la région.
Mme Harel: Oui, mais il y en a qui peuvent avoir comme projet da
vie de rester avec leurs enfants aussi.
Mme Lessard: Oui, d'accord.
Mme Harel: Je vous remercie beaucoup, Mme Bonin et Mme
Lessard.
Mme Lessard: Merci.
Mme Bonin: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Thurin-ger.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Noîre-Dame-de-Grâce.
M. Thuringer: Merci, M. le Président. Je vous
félicite pour le bon travail que vous faites. J'aimerais que vous
parliez un peu plus de la façon dont vous recrutez les gens qui
s'inscrivent dans votre projet. Par exemple, vous disiez que les femmes
monoparentales vous cherchent, Est-ce que c'est ta même chose pour tous
les projets? Est-ce que les gens vont chez vous? Est-ce que vous devez les
chercher?
Mme Bonin: On est en communication avec des agents
d'employabilité dans les centres Travail-Québec. Eux, nous
réfèrent des jeunes qui viennent nous voir. Si nous autres on
juge qu'ils peuvent faire le travail, on les embauche.
M. Thuringer: Ah! bon!
Mme Bonin: Mais c'est toujours par Travail-Québec qu'on a
nos jeunes.
M. Thuringer: D'accord. Maintenant, quels sont les
problèmes auxquels vous faites face tous les jours, les problèmes
les plus difficiles?
Mme Bonin: Chez moi, c'est le taux d'absentéisme.
M. Thuringen Oui?
Mme Bonin: Au tout début, oui. Au tout début, c'est
épouvantable.
M. Thuringer: Combien, par exemple?
Mme Bonin: Ah! mon Dieu! Quand le projet commence, sur les seize,
chez nous ils font quatre heures par jour cinq jours par semaine, pour leur
inculquer une discipline de travail. Il y a deux équipes: une
équipe le matin et une équipe l'après-midi. Donc, ils sont
huit à chaque fois. Au tout début, il en manque un par
équipe à tous les jours, des fois même deux quand on n'est
pas chanceux. Mais à un moment donné, peut-être au bout de
trois mois, cela diminue. On s'aperçoit que là, iI n'y a plus
d'absence ou les absences sont motivées. Ils s'organisent pour se faire
remplacer. Il n'y a plus de trou. C'est comme une responsabilité qui a
été prise à savoir qu'ils prennent conscience que s'ils ne
sont pas là, personne ne va les remplacer. Une motivation
s'inscrit à ce moment-là. Ils se font remplacer ou ils
changent leur journée, en tout cas ils s organisent entre eux. C'est
intéressant pour nous, c'est le " f un".
M. Thuringer: Oui. Votre expérience est-elle la
même?
Mme Bonin: Le problème quotidien est cela aussi.
M. Thuringer: Oui.
Mme Bonin: Sur vingt, il va en manquer cinq.
M. Thuringer: Parmi les gens qui se présentent, quel
niveau de scolarité ont-ils générale-ment atteint ?
Mme Lessard: Secondaire II. M. Thuringer: Secondaire II.
Mme Lessard: Oui.
Mme Bonin: Moi, je peux peux dire que la majorité a un
secondaire V.
Mme Lessard: Ah! Tu es chanceuse.
Mme Bonin: J'en ai seulement trois qui ne sont pas admissibles
aux 100 $.
M. Thuringer: Un autre sujet dont j'aime-rais que vous parliez un
peu, c'est l'agent économique, tel que décrit dans le projet, qui
va aider les personnes aptes au travail à vraiment s'organiser. Vous
êtes très près de cette problématique. Selon le
profil décrit dans le document, pensez-vous que cette personne peut
remplir les fonctions telles que décrites? Comprenez-vous?
Mme Bonin: Je comprends mal la question.
M. Thuringer: L'agent économique va vraiment aider les
gens à faire leur plan pour une réinsertion au travail.
Quelques-unes des personnes ont déjà remarqué qu'on donne
une responsabilité assez lourde pour faire une évaluation et
vraiment aider cette personne dans le plan Je me demande si vous trouvez que
cette responsabilité est trop lourde.
Mme Bonin: Si je comprends bien la question, vous voulez dire que
l'agent qui est responsable de l'employabilité du jeune a un rôle
à jouer une fois qu'il est sorti du projet et vous voulez savoir notre
rôle.
M. Thuringer: Oui, peut-être que je m'exprime mal, mais
certaines des personnes qui sont venues ici disent que, dans le projet, la
personne qui doit être l'agent pour aider...
Mme Bonin: Oui.
M. Thuringer:... a tellement de responsabilités à
remplir que ce n'est pas juste. II faudrait être Dieu pour remplir ces
responsabili-tés-là.
Mme Bonin:... pour les réintégrer sur le
marché du travail?
M. Thuringer: Oui, oui.
Mme Bonin: Oui. Ce n'est quand même pas facile parce que
les jeunes qui arrivent chez nous sont désorientés, ils ne savent
pas du tout ce qu'ils veulent faire. Alors, il y a cette étape il faut
les suivre et les motiver tout le temps aussi. Le travail qu'on leur fait
faire, ce nest pas nécessairement ce qu'ils veulent faire dans la vie.
II faut toujours les motiver et les aider pour savoir ce qu 'ils veulent.
M. Thuringer: Quelle qualité trouvez-vous
nécessaire chez une personne comme cela?
Mme Lessard: Par rapport à l'agent pour
l'employabllité, mon Dieu! Ce que je dirais là-dessus, c'est que
ces gens là devraient être beaucoup plus consultatifs. Ils ne sont
pas consultatifs. Ils ne viennent pas voir comment les participants ont
fonctionné dans le projet. Je n'ai eu qu'un appel pour avoir une
référence, enfin une idée du travail du jeune.
Personnellement, je n'ai vraiment pas eu, au point de vue consultatif. J'ai
l'impression qu'ils agissent seuls au niveau du jeune assisté. Pour les
qualités, je dirais qu'il faut beaucoup d'écoute. Vu qu'ils ne
consultent pas beaucoup, il va falloir qu'ils soient beaucoup à
l'écoute du jeune pour savoir ce qu'il a vécu et ce qu'il a
retiré de ce projet pour aller plus loin.
M. Thuringer: Merci.
Le Président (M. Bélanger): II reste encore six
minutes à la formation ministérielle.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je n'ai pas le goût de
toutes les utiliser, mais une question me chicote. Vous travaillez toutes les
deux comme responsables de projets ou de groupes de personnes qui oeuvrent
auprès des personnes âgées. Vous le faites avec un taux de
succès remarquable. Votre témoignage montre que les gens qui
rendent les services, les prestataires des services, le font de façon
à améliorer leur propre employabilité et à se
sortir de l'aide sociale.
Ma question va toucher les gens à qui ces services sont rendus.
Votre clientèle, à qui vous rendez des services par personne
interposée, ce sont des personnes âgées. De quelle
façon évaluez-vous les services donnés à ces
personnes âgées et le taux de satisfaction qu'en retire
cette clientèle, si taux de satisfaction il y a?
Mme Lessard: Je n'ai qu'un mot à dire, c'est
extraordinaire Personnellement, pour ce qui est du centre ou je travaille,
c'était triste, il n'y avait rien, ça ne bougeait pas beaucoup,
et avec eux, ça bouge, il y a de la vie, il y a du mouvement, il y a
toujours quelqu'un dans les corridors, il y a toujours un jeune, un stagiaire
avec une personne âgée, on les rencontre, ils sont partout. Je me
dis que juste cela crée un mouvement qui n'existait pas avant dans
l'institution. En plus, avec eux, on a pu améliorer la qualité
sur le plan des activités, ce qu'on n'avait pas avant parce qu'on
n'avait personne pour faire le transport et pour accompagner la personne
âgée et lui dire. Non, ce n'est pas à droite, c'est
à gauche qu'il faut que tu ailles. Avant, on n'avait personne, personne
n'est rémunéré pour faire cela, il n'y a jamais eu de
poste pour cela. Eux, le font en tant que bénévoles stagiaires et
ils le font tellement bien. C'est une réciprocité tellement
grande, tellement importante, ils s'en rendent compte, l'un et l'autre ont
besoin d'aide. Ils font un partage, un échange de connaissances. Des
rencontres ont lieu un après-midi par semaine, les animateurs sont
là et n'ont pas un mot à dire, cela se fait entre eux, on n'a
même pas besoin d'être là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme Bonin, vous n'êtes pas
obligée de répondre la même chose, je vous adresse la
même question.
Mme Bonin: Pour nous, c'est différent nous allons à
domicile, mais je peux dire un mot, aussi, on est indispensable. Toutes les
personnes âgées qui ont commencé à
bénéficier du service, qu'il s'agisse d'une demi-journée
par semaine ou d'une journée par semaine, ne peuvent plus s'en passer.
Pour eux, c'est beaucoup de sécurité de savoir qu'une personne va
aller faire l'entretien, cela leur apporte un grand soulagement.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve, est-ce que vous voulez remercier le
groupe?
Mme Harel: Oui, certainement. Merci. Je sentais dans votre
exposé l'affection que vous portez à ces personnes. J'imagine que
c'est absolument essentiel pour que cela donne les résultats que vous
nous avez exposés. C'est un élément sur laque! on ne
légifère pas. mais qui est pourtant extrêmement important.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci, Mmes Lessard et Bonin pour
le travail que vous avez effectué auprès de ces jeunes, parce
qu'il s'agit jusqu'à maintenant strictement de jeunes ainsi que des gens
qui ont bénéficié des services parce que vous avez
décidé de vous impliquer. Au nom du gouvernement du
Québec, merci. (16 heures)
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales remercie les Responsables des projets d'implication
communautaire. Elle invite à la table des témoins la Coalltition
populaire régionale de l'Outaouais, qui sera représentée
par M. Mario Dion et M. Guy Fortier. Vous connaissez sans doute nos
règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour faire la
présentation de votre mémoire ou son résumé. Et il
y a 40 minutes de discussion avec les parlementaires. Je vous prierais aussi,
à chaque fois que vous intervenez, de bien vouloir vous identifier aux
fins de la transcription du Journal des débats. Si vous pouviez
vous présenter et ensuite nous présenter votre
mémoire.
Coalition populaire régionale de
l'Outaouais
M. Fortier (Guy): Bonjour, tout le monde. Je suis Guy Fortier,
représentant de la table régionale des OVEP de l'Outaouais -
table ronde des OVEP de l'Outaouais - membre de la Coalition populaire
régionale de l'Outaouais et membre du Comité de coordination de
la coalition.
M. Dion (Mario): Bonjour. Je m'appelle Mario Dion. Je
représente le diocèse de Gati-neau-Hull. Je fais aussi partie du
conseil d'administration du Mouvement action-chômage de l'Outaouais et je
suis également coordonnateur, membre de l'équipe de coordination,
de la Coalition populaire régionale de l'Outaouais.
M. Fortier (Guy): Je voulais juste souligner, au départ,
que la Coalition populaire régionale de l'Outaouais regroupe une
douzaine d'organismes de la région de l'Outaouais dont
l'Assemblée des groupes de femmes en intervention régionale, la
Coopérative d'économie familiale de l'Outaouais. l'Association de
défense des droits sociaux de Mull, le Conseil central CSN de
l'Outaouais, le diocèse de Gatineau-Hull, le Mouvement
action-chômage de l'Outaouais, le Mouvement des travailleurs,
travailleuses, chrétiens et chrétiennes de l'Outaouais, le groupe
Là je m'en occupe, la Fédération des travailleurs du
Québec, secteur de Hull, de l'Outaouais. Table ronde des OVEP de
l'Outaouais, le Syndicat de l'emploi de l'immigration du Canada et le Syndicat
de l'enseignement de l'Outaouais.
Nous avons aussi apporté d'autres copies du mémoire, vu
qu'il y avait des petites erreurs dans celui qu'on avait envoyé. Je ne
sais pas lequel vous avez en main. En tout cas, il est ici. On va surtout vous
présenter une synthèse verbale du mémoire, croyant que
vous en avez déjà eu l'essentiel et on va pouvoir faire notre
exposé d'une façon plus large et plus étendue. II y aura
certaines données ou statistiques pour appuyer ce qu'on dit: Elles ne
sont pas con-
tenues dans le document, mais il peut être utile pour vous de les
noter.
M. Dion: Je commencerai par une brève introduction. Il me
semble que, dans un premier temps, pour nous à la coalition, ce qui est
important c'est de situer la question de l'aide sociale dans une perspective
historique. Trop souvent, surtout chez les politiciens en
général, on manque de mémoire. Si on regarde donc, dans un
premier temps, l'histoire, au tableau de la page 9 du document "Pour une
politique de sécurité du revenu", on se rend compte que, de 1974
à 1985, il y a une augmentation constante du nombre de personnes
bénéficiaires de l'aide sociale. De la même façon,
dans les statistiques, on se rend compte que le taux de chômage augmente
aussi. Ce qui veut dire que les assistés sociaux, les personnes
bénéficiaires de l'aide sociale, sont des chômeurs et
chômeuses déguisés. De 1985 à 1987, on voit une
baisse. Que veut dire cette baisse? C'est qu'il y a une reprise
économique à la suite de la crise économique qu'on a
connue en 1981 et en 1982. Il y a eu une reprise et il y a comme une baisse du
nombre de personnes bénéficiaires de l'aide sociale. On peut
comprendre facilement, de ce qu'on a écouté tout à
l'heure, que, dans les programmes où il y avait un certain taux de
succès en ce qui concerne les emplois à temps plein, ce n'est pas
à cause des programmes X ou Y, c'est à cause d'une reprise
globale de l'économie.
C'est que les partis politiques, par exemple, que ce soit les
conservateurs ou les libéraux, au niveau provincial ou
fédéral, se vantent d'avoir favorisé l'emploi depuis X
années, depuis qu'ils sont au pouvoir. En réalité, c'est
une conjoncture économique qui en est ta cause. Ce sont les cycles
économiques. Quand on a un peu de notions en économie, on se rend
compte qu'il y a des cycles économiques et que ça Joue
là-dessus. Cela a été défavorable pour le PQ en
1980-1981. C'est peut-être pour cela qu'il a perdu ses élections.
On se rend compte qu'il faut regarder la situation des assistés sociaux
dans une perspective globale. Cela veut dire que les véritables
responsables de la situation qu'on connaît et qu'on a connue pendant un
nombre considérable d'années, pendant quinze ans, ce ne sont pas
celles qui bénéficient de l'aide sociale. Ce sont les
gouvernements. La succession des gouvernements, au cours des quinze
dernières années, a fait en sorte qu'aujourd'hui on veuitle
mettre la responsabilité des situations tragiques de l'aide sociale sur
le dos de l'aide sociale elle-même, alors que c'est la
responsabilité des différents gouvernements de l'histoire
récente. Cela veut dire la privatisation de l'aide sociale. Pour nous,
c'est ce que cela veut dire. La privatisation de l'aide sociale, cela va avec
la privatisation des entreprises. Cela va avec toute la
déréglementation. Elle est fondamentalement reliée
à toute une organisation de notre société et à une
perspective globale de l'économie et de la politique. Pour nous, il est
inconvenable de penser un projet de politique de sécurité du
revenu sans se rappeler cette mémoire collective du Québec
d'aujourd'hui. Si on n'a pas cette mémoire-là, on fait des
politiques à courte vue comme, selon nous, ce document veut
prétendre faire.
Par conséquent, pour nous, ce qui est important et fondamental,
c'est une politique de plein emploi. Ce n'est pas l'unique chose. On sait que
le plein emploi est relié à la fiscalité. Quand on pense
qu'en 1983, les personnes qui gagnaient plus de 100 000 $ n'ont pas payé
un cent d'impôt au Canada, ça c'est un scandale. C'est, pour nous,
la preuve que la question de l'emploi est reliée aussi à la
fiscalité. Elle est reliée à l'ensemble de l'organisation
sociale d'une société.
Cela dit, nous avons choisi le plein emploi. À la coalition,
c'est à cela qu'on s'attaque. C'est pour cela qu'on s'est groupé
ensemble. Pour nous, le plein emploi doit être une priorité
économique et sociale. On définit le plein emploi à ia
page 2. Le plein emploi désigne une situation réalisée
lorsque toute personne qui peut travailler, tout en faisant respecter son
intégrité physique et mentale, sans être forcée de
changer de localité, trouve un emploi à un taux salarial
décent, dans un délai raisonnable et respectant son niveau de
qualification et de capacité, qui peut lui assurer une qualité de
vie. On a construit le mémoire à partir de ces volets. En quatre
volets, on a développé un chapitre pour expliciter cette
définition.
À la page 3, on dit: Toute personne qui peut travailler tout en
faisant respecter son intégrité physique et mentale.
Derrière cela, c'est le concept de l'employabilité. Pour nous,
c'est une hypothèse de base, c'est-à-dire qu'en ce qui concerne
le marché du travail, la demande d'emploi doit correspondre à
l'offre. Cela présuppose qu'il y a des emplois pour les gens, donc qu'on
n'a qu'à offrir des programmes de formation, des projets, etc., pour
faire correspondre la demande de travail à l'offre de travail. C'est
l'hypothèse de fond de ce document dans la section des aptes,
deuxième volet du document, "Pour une politique de
sécurité du revenu". Cette hypothèse, à notre avis,
est fausse. Nons disons qu'il n'y a pas d'emploi. Vous avez des statistiques
que je n'énuméreral pas ici, mais que vous pouvez lire, et
d'autres mouvements sont aussi venus ici, devant fa commission, pour dire qu'il
n'y en a pas d'emplois. C'est notre prédicat de base. Il n'y a pas
d'emploi. Mais, on dit qu'il y en a. Cela engendre des préjugés
envers les assistés sociaux. Le premier préjugé, c'est que
les assistés sociaux ne veulent pas travailler, et c'est répandu
dans notre société. Cette politique de sécurité du
revenu à l'incitation au travail, dit-on, c'est de dire, comme
prédicat de base, que les assistés sociaux ne veulent pas
travailler, donc il faut les soumettre à des programmes obligatoires
pour les obliger à travailler.
Les assistés sociaux, ce sont des fraudeurs et des fraudeuses.
Hier, vous avez accueilli, ici en commission, des médecins des CLSC qui
ont dit pourquoi les jeunes fraudaient. Vous avez accueilli la Ligue des droits
et libertés qui disait pourquoi les femmes chefs de famille
monoparentale faisaient supposément de la fraude à cause d'une
mauvaise définition de la notion "fraude maritale". Pour nous, il y a
aussi d'autres fraudes dont on parle très peu dans notre
société; les fraudes que les compagnies font, et là dans
le document on vous donne un exemple, mais il y en a une foule d'autres. C'est
à coup de millions et de milliards. Quand on arrive pour parler des
assistés sociaux, on a fini par en découvrir un avec cinq cartes
de cinq noms différents. On met ça en première vue dans
les manchettes, ce qui renforce les préjugés et surtout on pense
que ce sont des gens qui profitent de l'État. Oui profite de
l'État dans notre société? C'est l'État providence
qu'on veut remettre en question dans le fond.
On s'est amusé à vous faire quelques petites statistiques
avec vos augmentations que vous avez reçues, messieurs et mesdames les
députés, à Noël 1987. En 1985 un chômeur
recevait en moyenne 3100 $ par année. Vous avez reçu une
augmentation de 9280 $, sans parler des bonus, etc, etc. Qu'est-ce que
ça veut dire? 9280 S divisés par 52, ça fait 178 $
d'augmentation par semaine. C'est ce que reçoit un jeune assisté
social par mois. Si vous prenez 178 $ et que vous divisez ça par 40
heures, ça fait disons que vous travaillez plus de 40 heures, mais nous
autres aussi on travaille plus de 40 heures, il n'y a pas juste vous autres -
4. 46 $ l'heure. C'est le salaire minimum, ça. Vous vous êtes
donnés une augmentation du salaire minimum alors que dans votre
document, M. le ministre, vous proposez qu'on ne dépasse pas le seuil
minimum, le salaire minimum, alors que vous et les autres députés
vous vous êtes donnés une augmentation qui équivaut au
salaire minimum.
Qui vit de l'État providence? Les assistés sociaux... Un
jeune, supposons, de plus 'de 25 ans, participant selon la réforme, on
passe de 503 $ indexés en 1989 à 520 $, ce qui veut dire 17 $
d'augmentation par mois. On leur donne une augmentation de 204 $ par
année, soit un revenu de 6240 $. Vous pouvez faire les comptes sur le
pourcentage que cela représente par rapport à votre augmentation.
Ce sont des chiffres qui parlent, mais on pourrait sortir des chiffres comma
ça à la tonne pour savoir qui profite de l'État dans notre
société.
On parle aussi, dans notre document, de la situation des femmes et pour
nous c'est très important la catégorisation des femmes et des
jeunes. Les femmes en particulier parce que les femmes représentent la
majorité à l'aide sociale.
Quand on dit dans notre document: La catégorisation affectera
particulièrement les femmes. Les femmes continuent de subir la
discrimination sur le marché du travail. Les femmes chefs de famille
qui, en plus de la difficulté d'obtenir un emploi, sont seules pour
s'occuper des enfants et des autres tâches ménagères, n'ont
pas seulement des difficultés à avoir un emploi à temps
plein - 75 % des emplois qui ont été créés depuis
les dernières années sont des emplois à temps partiel -
mais aussi, elles ne peuvent accéder à des promotions. En 1933,
le revenu moyen des familles ayant une femme comme chef était seulement
de 19 661 $ comparativement à 36 878 $ pour les familles ayant un chef
de sexe masculin. Une catégorisation telle que proposée dans le
document d'orientation risque de marginaliser davantage les femmes et
particulièrement les femmes chefs de famille. (16 h 15)
Finalement, pour nous la deuxième partie - sans être
forcé de changer de localité - veut aussi faire
référence à toute la question rurale et la mobilité
des personnes. On laisse un gros silence là-dessus. Il y a encore de
l'exode rural au Québec. On parle de Pontiac, de la région de
Maniwaki dans l'Outaouais. Il y a des zones pauvres où les jeunes
quittent les régions. Des études de tout acabit ont
été faites sur ce problème ou le fait de venir trouver de
l'emploi dans les villes, soit l'exode rural. Nous posons des questions. On
n'en parle pas dans le document. Dans une zone rurale affectée par un
taux de chômage, forcerons-nous les personnes aptes à changer de
localité pour une expérience en milieu de travail sans garantie
de stabilité? Exigerons-nous une mobilité des ruraux pour
participer à des emplois précaires en milieu urbain? En d'autres
mots, quel genre de pression sera faite sur les personnes qui
bénéficient de l'aide sociale pour les amener à changer de
milieu, si elles sont jugées aptes et disponibles, pour être
considérées participantes et avoir plein droit à leurs
prestations? Pour nous, il ne peut pas y avoir de politique de
sécurité du revenu s'il n'y a pas un développement
économique régional. Il me semble que cela est fondamental.
Sinon, on crée des catégorisations, on ne tient pas compte de la
réalité des gens en milieux ruraux.
M. Fortier (Guy): Je continuerais la présentation de notre
mémoire sur les deux derniers volets de notre définition du plein
emploi, c'est-à-dire; trouver un emploi à un taux salarial
décent dans un délai raisonnable. C'est sûr que sous ce
volet, on touche plutôt l'aspect économique ou le revenu d'un
emploi. On va d'abord commencer par dire qu'il y a des prédicats qui
sont présentés dans le document avec lesquels on est d'accord,
c'est-à-dire que l'autonomie financière devrait être
assurée par un travail ou un emploi. On ne met pas cela en cause.
L'autonomie financière comprise dans le sens de pouvoir subvenir aux
besoins fondamentaux essentiels de la famille: logement, vêtements,
nourriture, loisirs, soins de santé. L'employabilité
aussi. On dit que si c'est pris dans le sens d'un droit fondamental pour
une personne de travailler et de mettre tout en oeuvre pour que ce droit soit
respecté, on dit oui, on est d'accord avec cela. On ne sera pas contre
cela si on entend employabilité dans ce sens.
II y a aussi un autre point sur lequel on dit. C'est vrai l'aide sociale
ne doit pas se substituer à d'autres régimes d'assistance
sociale. Si cela se produit actuellement, je pense que le gouvernement doit
plutôt interroger l'ensemble des politiques régissant les autres
régimes aussi. C'est souvent I'accessibilité,
l'admissibilité et les lenteurs administratives qui engendrent la
conséquence suivante, des gens qui devraient recevoir des prestations de
la CSST ou d'ailleurs sont refusés et on les retrouve
bénéficiant de l'aide sociale.
Mais il y a des prédicats qui masquent des
réalités, par exemple. Là-dessus, on dit, et il y en a
d'abord un qui nous a vraiment déconcerté, à savoir, qu'on
prenne comme base pour comparer les barèmes d'aide sociale te taux du
salaire minimum actuel, c'est-à-dire que les prestations ne doivent pas
dépasser ce qu'une personne peut gagner au salaire minimum. C'est
presque dire que le salaire minimum, comme c'est suffisant, tes prestations
d'aide sociale ne doivent pas être plus élevées pour que
les gens aient le goût de retourner sur le marché du travail.
Alors, nous disons que ni le salaire minimum et qu'encore moins ie taux des
prestations suggérées ne correspondent à un revenu minimal
qui permette à des gens d'avoir une autonomie financière dans le
sens qu'on voulait l'entendre.
Deuxièmement, on se dit. Dans le programme APPORT, ie
gouvernement reconnaît cette carence puisque pour le revenu d'une famille
qui est sur le marché du travail, si le revenu n'est pas suffisant on
dit que l'on va combler. Alors, c'est nettement suffisant. On a une question
Quand une famille ou un individu exerce son droit de travail, pourquoi n'est-il
pas en mesure d'attendre de cet exercice un revenu décent pour
répondre à ses besoins essentiels? Comment se fait-il que
l'État reconnaît qu'il doit combler un trou ou un vide?
Une autre question. Cela revient à la question qui profite de
l'État? On se rend compte que dans un revenu mensuel qu'une personne
apte et disponible et participante pourrait recevoir dans une participation au
programme, le taux de participation de l'employeur est d'environ 80 %. Cela
n'est pas seulement pour les employeurs. On dit que cela peut créer une
question de sous-traitance et les employeurs peuvent avoir des gens en
formation, qui développent l'employabilité dans leur usine ou
dans leur compagnie et ils n'ont à débourser que 80 $ puisque la
personne a le droit de gagner 80 $. Cela fait une main-d'oeuvre à
très bon marché pour des employeurs aussi bien que pour les
ministères, parce qu'on sait que cela se produit aussi dans les
ministères, pour des emplois ou des besoins que les ministères
ont, que les compagnies ont d'avoir des gens qui travaillent pour 80 $. On
retrouve à ce moment dans les milieux de travail, deux sortes de
catégories de travailleurs. Une qui est à l'emploi
régulier, à un salaire protégé, ou
protégé par des différentes normes et une autre qui n'a
pas d avantages reliés à un emploi.
Le Président (M Bélanger): Si vous voulez bien
conclure s'il vous plaît.
M. Fortier (Guy): On va passer à la conclusion. De toute
façon je vous inviterai à lire le mémoire au complet. On
se rend compte qu'ironiquement le gouvernement ose reconnaître que toute
société respectueuse des droits humains doit fournir à ses
citoyens la possibilité de se trouver un emploi
rémunérateur. La coalition, qui a comme raison d'être la
promotion du plein emploi, ne peut être que d'accord avec cette
affirmation. D'ailleurs, c'est précisément l'impossibilité
des milliers de Québécois et de Québécoises de se
trouver un emploi qui fait que notre société n'est pas
respectueuse des droits humains. Avec la réforme d'aide sociale
proposée par le gouvernement, le mépris des droits humains va
continuer. Lorsque le gouvernement prétend que, malgré un taux de
chômage qui demeure encore élevé, les personnes employables
pourront retourner sur le marché du travail et sauront se créer
un emploi, la démagogie prend des proportions grandioses. Cette
prétention démesurée est en fait un mensonge grossier
Mensonge, parce que le gouvernement reconnaît, et se doit de
reconnaître, que ces 341 536 personnes dites employables sont en
réalité des victimes de la récession économique, du
virage technologique et de la monoparentalité. Et grossier, parce qu'il
entretient et cautionne des préjugés à l'endroit des
victimes.
Si la reprise économique a donné lieu à une
croissance inespérée, force est de constater que la situation de
l'emploi demeure toujours dramatique La reprise économique n'a pas
profité aux 630 000 Québécois et Québécoises
sans emploi, ni aux 400 000 Québécoises sous-employées, ni
aux milliers de travailleurs et de travailleuses au salaire minimum. Si en
temps de prospérité notre économie libre n'est pas en
mesure de répondre aux besoins des sans-emploi, elle ne le fera pas
davantage pendant les années de vaches maigres. L'hypothèse d'un
essoufflement économique ou même d'une autre récession
n'est pas à écarter, à la lumière des
récents chocs boursiers. Dans les déclarations
prébudgétalres, le Conseil économique du Canada et la
Conference Board prévolent, pour les années à venir, un
ralentissement économique tous les deux ans.
Les défenseurs de I'économie libre répondront sans
doute qu'il faut réduire encore plus les déficits par d'autres
coupures dans les programmes sociaux et poursuivre la
déréglementation et la privatisation. Ainsi le Québec
sera
plus concurrentiel. Des investissements afflueront et la situation
d'emploi sera redressée. C'est dans une telle perspective trompeuse que
la réforme de l'aide sociale est préconisée. Cette
perspective propose et prône le maintien du salaire minimum
en-deçà du seuil de pauvreté pour garantir une
main-d'oeuvre à bon marché, le maintien d'un écart entre
le salaire minimum et les prestations d'aide sociale maximum, pour assurer un
budget de dépenses sociales modeste, l'introduction de barèmes
plus réduits pour lesdits employables, pour augmenter l'offre de la
main-d'oeuvre et, par conséquent réduire sa valeur
d'échange, finalement, l'introduction de contrats coercitifs pour
garantir une main-d'oeuvre à très bon marché. La coalition
s'oppose énergiquement.
Le Président (M. Bélanger): C'est tout le temps
dont on disposait, je m'en excuse. Quelques mots pour conclure très
brièvement, s'il vous plaît.
M. Dion: C'est parce que dans le document que vous avez, il n'y a
pas notre recommandation, alors on a une recommandation. Est-ce qu'on peut en
faire lecture?
Le Président (M. Bélanger): J'ai consentement,
allez-y.
M. Dion: C'est parce qu'il y a des copies ici pour ceux et celles
qui en voudraient. Notre recommandation, évidemment, a un lien avec le
texte. La Coalition populaire régionale de l'Outaouais n'a qu'une seule
recommandation à faire à cette commission concernant la
proposition gouvernementale en matière de sécurité du
revenu. Il faut rejeter ce projet de réforme en entier. Que le
gouvernement fasse table rase et recommence l'exercice pour arriver à un
projet de réforme qui réponde aux questions soulevées dans
notre mémoire. À cause de ses fondements erronés et
intellectuellement malhonnêtes, les corrections qui s'imposent à
ladite proposition gouvernementale dépassent largement les limites d'un
ou des amendements. À la lumière des arguments
énoncés à l'intérieur du présent
mémoire, nous proposons que soit développée une politique
de plein emploi fondée sur la reconnaissance du droit au travail, non
pas comme une abstraction, mais accompagnée de mesures visant à
rendre l'exercice de ce droit une réalité et qu'en attendant la
mise en place d'une telle politique, que soit reconnu aux jeunes de 18 à
30 ans, sans référence aux catégories de dépendants
ou d'indépendants, le droit à la parité des prestations
d'aide sociale pour personnes seules et ce, le plus rapidement possible.
Le Président (M. Bélanger): Merci M. le
ministre
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je veux remercier la
Coalition populaire régionale de l'Outaouais et ses porte-parole, MM.
Dion et Fortier. Moi aussi, je suis un peu encarcané dans le temps.
Votre mémoire et les sujets qu'il aborde mériteraient plus de
temps de discussion. Je vais donc tenter de répondre, dans un premier
temps aux arguments verbaux que vous nous avez acheminés et, si le temps
me le permet, de retomber dans votre mémoire et de vous adresser
quelques questions pour des points de clarification ou pour des
échanges.
Je vous dirai immédiatement que j'apprécie le ton,
malgré que le vocabulaire soit lourd, le ton de discussion est
adéquat. Je vous dirai qu'à partir de quelques statistiques que
vous avez citées, peut-être que j'en serais arrivé aux
mêmes conclusions que vous, mais il me semble et il m'apparaît que
les statistiques dont vous disposez sont des statistiques qui remontent dans le
temps Je ne vous en tiens pas rigueur. Une organisation aussi importante que la
CSN nous est arrivé cette semaine avec des statistiques de 1984. On sait
comment cela peut évoluer rapidement dans le domaine économique,
dans un sens ou dans l'autre.
Dans un premier temps, j'aimerais qu'on se comprenne bien sur les
préjugés qui existent dans la société et que vous
avez mentionnés. De façon à clarifier ces
préjugés et à tenter de renverser ia tendance, je vous
indiquerai ou tenterai de vous décrire brièvement quelle est la
clientèle que nous avons à l'aide sociale et dont nous sommes
responsables comme ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Cette clientèle est composée
d'approximativement 400 000 chefs de ménage, parmi lesquels 25 % ou 100
000 sont considérés comme incapables de subvenir par leur travail
à leurs besoins de base et ce, pour une longue période pendant
leur vie. Le reste des 300 000 ménages, ou les 75 % que l'on dit
capables de subvenir à leurs besoins, n'a peut-être pas
accès au marché du travail. Je rejoindrai tantôt une notion
que vous avez soulevée qui m'apparaît de plus en plus importante
dans cette discussion le droit au travail. Dans cette clientèle
composée de 36 % d'analphabètes fonctionnels, 60 % ne
détiennent pas de diplôme d'études secondaires, 40 % n'ont
pas d'expérience de travail antérieure. Vous n'avez qu'à
prendre le journal d'aujourd'hui, d'hier et probablement celui de demain et
vérifier les offres d'emploi, on ne peut prétendre que cette
clientèle, à cause de ses lacunes en matière
d'employabilité, a le droit au travail parce qu'elle n'a même pas
le droit, dans la majorité des emplois, de poser sa candidature pour
l'obtenir. Et il y a là une responsabilité qui n'est pas
simplement, comme vous sembliez l'indiquer, due à la personne, mais il y
a également une responsabilité due au système et aux
gouvernements qui se succèdent et qui tiennent pour acquis qu'en
plaçant ces gens en marge de la société, en leur adressant
un chèque mensuel, on a accompli ce qu'on devait accomplir comme
gouvernement.
Dans les statistiques de création d'emplois, ce ne sont pas les
plus récentes, il y a les quinzaines, mais je vais vous donner les
dernières mensuelles, de janvier à janvier, donc janvier 1987
à janvier 1988, création d'emplois au Québec: 122 000
emplois nouveaux ont été créés. Parmi ces emplois,
là qualité de ces emplois est également importante parce
que vous avez mentionné qu'il s'agissait d'emplois
particulièrement à temps partiel, etc. C'est complètement
erroné comme approche. Dans ces 122 000 emplois, 116 000 sont des
emplois à temps plein, 5 000 sont des emplois à temps partiel.
Les secteurs d'activité où ces emplois ont été
créés: dans les secteurs des finances, de l'assurance et des
affaires immobilières, 41 000; des industries manufacturières, 35
000; de la construction, 16 000.
Pour la question de la proportion des emplois créés qui
sont allés aux gens de sexe féminin dans la
société, je vous réfère à la revue le
Marché du travail de novembre 1987. Selon les estimations non
désaisonnalisées de Statistiques Canada, 101 000 emplois se sont
ajoutés au Québec en septembre 1987 par rapport à
septembre 1986, une croissance de 3, 5 %. Les femmes sont les grandes gagnantes
de cette progression puisqu'elles ont accaparé 70 % des nouveaux
emplois, une augmentation de 5, 9 % en regard de 1, 8 % pour les hommes. Les
femmes de 45 à 64 ans ont connu la hausse la plus spectaculaire, etc.
(16 h 30)
Cela situe le marché de l'emploi dans un contexte que je
qualifierais de différent de celui que vous nous avez
présenté quant à l'obtention d'emploi selon le sexe et
quant à la qualité et au nombre des emplois qui ont
été créés au cours de la dernière
année.
Vous avez fait allusion, et je pense que c'est M. Dion, à toute
la question de la privatisation, de la déréglementation, etc.
J'ai été l'un des ministres, non pas comme ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, qui ont
été responsables d'une importante politique de
déréglementation. Je vous dirai que je suis ici devant vous et
j'en suis fier. Je vais vous rappeler quelle politique de
déréglementation. Les gens de l'Outaouais nous ont soutenus en
majorité dans cette politique de déréglementation, en tout
cas par la voix de leur député, et c'est également
l'écho qu'on a eu des groupes qu'il représentait dans la
région, en matière de construction. On a
déréglementé le fameux permis de travail en matière
de construction qui empêchait les jeunes d'avoir accès à
l'industrie de la construction. Tous les jeunes qui ont terminé,
à la suite de cette déréglementation, dans nos
écoles secondaires, avec un diplôme dans le domaine se sont
trouvé des emplois dans l'industrie de la construction au cours de
l'été dernier.
De la déréglementation, il peut, je vous le souligne bien
humblement, y avoir des effets qui soient bénéfiques pour la
société iI ne s'agit pas, dans ces domaines ou dans ces
matières, d'avoir des approches dites dogmatiques, il s'agit de regarder
secteur d'activité par secteur d'activité et de
réglementer là où cela nous apparaît plus
socialement juste et, également, d'avoir une approche de
déréglementation là également où il y a eu
des abus dans le passé, là où des couches de la
société ont été complètement exclues de la
notion même du droit au travail et c'était le cas dans l'industrie
de la construction jusqu'au moment où nous avons
déréglementé.
Mobilité des personnes. Je pense que votre mémoire est
d'une pertinence à ce sujet qui est rafraîchissante. Vous
êtes le deuxième ou le troisième groupe régional -
si j'exclus les dames qui vous ont précédés parce qu'il
s'agissait quand même de travaux communautaires effectués en
régions, et iI y avait les gens de Nicolet la semaine dernière -
qui insistez pour que les programmes mis en place ne provoquent pas un nouvel
exode rural ou ne l'accentue pas. Je vous dirai que, comme député
de région, je prends excessivement bonne note de ces propos et j'y
porterai une attention particulière. Il y a déjà un aspect
de la régionalisation des mesures qui apparaît dans le livre vert.
Dans son application, je m'assurerai que cela ne le provoque pas. Cela veut
dire que, de façon pratique, tous les programmes devraient être
disponibles en régions de façon à ne pas forcer ou
provoquer cet exode. Le développement économique régional
fait également partie - et vous avez raison de le souligner - d'une
digue à cet exode rural. Je vous indiquerai que les politiques mises de
l'avant par l'actuel gouvernement ont fait en sorte que - sauf pour deux
régions qui sont, si ma mémoire m'est fidèle, le
Bas-Saint-Laurent et les Laurentides - le taux de chômage et le nombre
d'assistés sociaux ont baissé dans chacune des régions au
Québec.
Vous avez parlé des tracasseries administratives à la
Régie des rentes, la CSST ou la Régie de l'assurance automobile,
vous avez raison également là. Il faut que l'aide sociale demeure
un palier de dernier recours et il ne faut pas que les tracasseries
administratives au niveau de ces programmes nous amènent de la
clientèle qui devrait aller ailleurs.
Taux du salaire minimum. Là, je souhaiterais qu'on ait un
échange de fond. Je vais admettre - et je pense que ce n'est pas une
admission qui est difficile - que le taux du salaire minimum se situe en
deçà des seuils de pauvreté qui sont établis par
Statistique Canada. C'est aussi simple que cela. Je vous dirai que des efforts
ont été faits par l'actuel gouvernement. Il n'y a pas eu
indexation du salaire minimum au cours des deux dernières années,
il y a eu une augmentation au cours des deux dernières années
supérieure à l'inflation. Du rattrapage a été fait,
mais il en reste à faire. Je vous dirai que le gouvernement
précédent nous a placés dans une
situation extrêmement difficile quant au salaire minimum, il faut
se rappeler qu'il l'avait gelé pendant une période de cinq
ans.
Le risque que vous énoncez, parce que vous soulevez tellement de
questions intéressantes, c'est celui de créer du "cheap labour".
Vous' avez fait appel à la notion d'entreprise et à la notion du
gouvernemental ou paragouvernemental. Là aussi, vos informations
devraient être revérifiées. Sur le plan gouvernemental, je
vais vous donner un exemple. À l'été 1987, les
assistés sociaux qui ont participé aux programmes de stage en
entreprise à la société REXFOR ont eu des
rémunérations ou des conditions de travail qui se lisent comme
suit. Salaire, taux horaire: 10, 69 $; cédule de travail, 38 h 45 par
semaine; allocation pour équipement, allocation de transport, etc., en
ajout. C'est la façon dont sont rémunérés les
assistés sociaux qui participent à des mesures de stages en
entreprise au gouvernement.
Si vous en doutez, je peux vous communiquer que mon collègue
Albert Côté, ministre responsable des Forêts, trouve qu'on
paie cher. On ne paie pas cher parce que c'est donner à ces gens des
conditions de travail, lorsqu'ils effectuent du travail de production,
égalés aux autres travailleurs qui travaillent dans la même
entreprise. Nous considérons qu'il s'agit là d'un principe
important.
Sur les points que j'ai soulevés spécifiquement quant au
salaire minimum qui constitue, ce que J'ai dit, un des principes de base, je
souhaiterais vous entendre davantage parce qu'il s'agit là d'une des
pierres d'assise du système. Parce que nous avons vécu une
période où c'était plus payant d'être
bénéficiaire de l'aide sociale que de travailler au salaire
minimum, l'effet sur les clientèles a été radical. Il ne
s'agit pas strictement d'effet économique, parce qu'on a eu des
psychologues, on a eu même des assistés sociaux qui sont venus
nous donner les effets secondaires de se retrouver bénéficiaire
de l'aide sociale.
Il nous apparaît important de maintenir cet incitatif de
façon que les travailleurs et travailleuses au salaire minimium
demeurent sur le marché du travail et que ceux et celles qui sont
bénéficiaires de l'aide sociale aspirent à devenir des
travailleurs sur le marché régulier du travail. Il me semble
qu'il y a une divergence profonde entre nos interprétations. Non?
M. Fortier (Guy): Non, ce n'est pas une divergence.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une opposition?
M. Fortier (Guy): C'est la base de calcul. Qu'on tienne pour
acquis que c'est socialement intéressant ou que c'est quelque chose
auquel un travailleur ou une travailleuse un chef de famille peut aspirer, le
salaire minimum, et qu'une mesure incitative punitive pour y arriver soit de
baisser un barème d'aide sociale qui est déjà en dessous
de ce qui est essentiel, on dit que ce n'est peut-être pas une
façon d'aborder la question. Vous avez soulevé que le salaire
minimum est déjà très loin du seuil de pauvreté,
est-ce qu'une personne qui, par malchance, est bénéficiaire de
l'aide sociale doit être punitivement encore plus mal soutenue
financièrement? C'est tout simplement cela. Ce n'est pas une opposition,
c'est une base de calcul sur laquelle on dit que cela nous a surpris de voir
qu'on prenait le salaire minimum comme quelque chose d'enviable, quelque chose
auquel on peut aspirer ou espérer comme personne ou comme famille. Parce
que les emplois disponibles pour des personnes qui n'ont pas une formation
très développée, qui n'ont pas une formation qualifiante,
ce sont des emplois très faiblement rémunérés,
souvent au salaire minimum, et ce ne sont pas nécessairement les mesures
incitatives qu'on perçoit, c'est-à-dire les mesures coercitives
d'incitation punitive qui vont pousser quelqu'un... Avec une formation de
secondaire V, on n'accède pas nécessairement à un des 122
000 emplois dans le domaine de l'assurance ou dans ce que vous avez
énuméré. Ce sont beaucoup plus des sous-emplois ou des
emplois mal rémunérés, mal protégés,
saisonniers ou à temps partiel. Je pense que la clientèle de
l'aide sociale est fortement touchée là-dedans. Qu'on parle des
122 000 emplois, je dis oui, je ne dis pas qu'il n'y a pas eu d'emplois
créés, mais quels emplois et accessibles à qui? C'est la
question.
La question de l'accessibilité ou de la formation qualifiante, je
n'ai pas eu le temps d'en parler tantôt, mais c'est une question qui est
soulevée dans le domaine de l'éducation dans notre région
parce que la formation qualifiante est accessible vraiment à qui et
comment, actuellement? Si une personne est prête à entreprendre
des démarches de formation collégiale ou universitaire, quelles
sont les mesures qui vont aider ou soutenir cette personne dans ses
démarches? Pour le secondaire V il n'y a pas de problème. On veut
qu'ils fassent leur secondaire V et on leur donne 100 $. Mais quand ils sont
rendus au niveau universitaire, on les envoie à un régime de
prêts et bourses et il n'y a pas beaucoup de mesures sociales pour
appuyer ces démarches. Il y a des frais de garde déductibles
d'impôt, mais il n'y a pas de garderies accessibles à des frais
qui ont de l'allure. Alors, comme la majorité des personnes
visées par l'aide sociale sont des femmes chefs de famille
monoparentale, il faudra envisager des mesures et permettre des investissements
pour développer des mesures pour permettre une formation
qualifiante.
C'est la même chose dans le domaine de la reconnaissance des
"acquis expérienciels" que ce soit par un travail à la maison,
une présence sur le marché du bénévolat ou par
expérience de travail déjà acquise. Quand une femme, pour
un certain temps donné, se retire du marché du travail et veut y
retourner pour assumer ses
responsabilités familiales, quels sont les mécanismes
qu'on a, au niveau institutionnel actuellement, pour reconnaître ces
expériences qui peuvent être qualifiantes? Dans les dossiers
actuelfement, que ce soit au niveau secondaire, collégial ou
universitaire, c'est encore bien moins. Les pas ne se font pas assez vite. Il
faut absolument retourner sur le banc d'école. C'est comme s'il n'y
avait pas possibilité de faire reconnaître la formation qu'une
personne peut avoir acquise, soit dans le bénévolat,
l'implication communautaire ou par son travail, alors que les acquis sont
là. Je me dis que la formation qualifiante, c'est dans ce
sens-là... Formation qualifiante, oui, mais accessible comment et
à qui et quelles sont les chances réelles qui vont... Je vois des
gens qui sont forcés d'aller en alphabétisation pour avoir le
supplément. Des personnes directrices des projets
d'alphabétisation pour aller en secondaire V me disent: On a de la
misère, parce qu'elles sont forcées d'y aller. Alors, est-ce que
c'est le mécanisme qu'on veut prendre pour accéder à des
emplois et à quelle sorte d'emplois?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On m'indique que je suis
bâillonné et que mon temps est expiré. Je vous dirai que je
trouve intéressant l'énoncé que vous faites au bas de la
page 12 et au haut de la page 13. Je dois maintenant céder mon droit de
parole à Mme la députée de Maisonneuve.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je veux
également saluer la Coalition populaire régionale de l'Outaouals.
J'ai lu, dans votre mémoire, les actions que vous avez menées au
moment de l'étude de la commission Forget sur l'assurance-chômage.
Donc, J'ai conclu que vous aviez également consulté tous les
organismes regroupés au sein de la coalition à ce
moment-là pour la présentation du présent
mémoire.
D'abord, je voudrais peut-être revenir sur l'exemple des stages en
entreprise que le ministre donnait. C'est d'abord très, très
parcellaire de nous citer REXFOR parce que la connaissance qu'on en a...
Malgré que le ministre ne publie pas ses chiffres... Encore une fois, je
pense qu'il faut le réitérer, il est impensable pour une
société de faire un débat comme celui que l'on fait sans
avoir tout le portrait de la famille et des grands bouts nous manquent encore.
Parce que la connaissance qu'on a des stages en entreprise, c'est surtout dans
les PME et pas du tout dans des grandes entreprises, bien au contraire, les
grandes entreprises, pour la plupart, auraient boudé ces stages d'une
certaine façon. Alors, quand le ministre nous cite REXFOR, j'ai bien
l'impression que c'est vraiment l'exception de l'exception.
M. le ministre, je réitérais que ce qu'on souhaitait,
c'est d'avoir tout le portrait des mesures, notamment des stages en entreprise
parce que la connaissance qu'on en a, c'est que ce n'est surtout pas dans les
grandes entreprises qu'il y a eu des stages, mais surtout dans les PME. Quand
vous citez REXFOR, c'est non seulement l'exception, mais l'exception de
l'exception.
D'autre part, je vous écoutais tantôt présenter
votre mémoire et je me disais: D'une certaine façon, c'est
évident que, depuis le début de la commission, il y a comme deux
réalités qui sont toutes les deux aussi vraies l'une que l'autre
et qui s'exposent l'une à l'autre sans que l'une ne puisse
prétendre que l'autre est fausse et vice versa. C'est-à-dire que,
en d'autres termes, le ministre dit qu'il y a eu création d'emplois,
c'est vrai, 122 000 emplois records, c'est vrai. Par ailleurs, en
l'écoutant, j'ai parfois l'impression qu'il confond précaire et
temps partiel. Cela peut être un emploi à temps plein et
être quand même précaire. Précaire, cela peut vouloir
dire que cela ne dure pas longtemps. On sait que, pendant la vie d'une petite
et moyenne entreprise au Québec, sur 20 ans, il y en a au moins 19
d'entre elles sur 20 qui décèdent, on se dit que c'est
précaire. En tout cas, cela ne dure pas le temps d'une vie. C'est de
plus en plus évident. (16 h 45)
M. Dion:...
Mme Harel: Pardon?
M. Dion: Le temps d'une paix.
Mme Harel: Le temps d'une paix. Je reprenais les chiffres que
nous citait un groupe qu'on n'a pas encore entendu, qui s'appelle
Action-travail des femmes et qui va venir devant la commission. Il citait une
étude très récente, Emploi-Avenir; perspectives
professionnelles jusqu'en 1995, une étude publiée par Emploi et
Immigration qui constatait que les dix occupations qui vont contribuer le plus
à la croissance des emplois jusqu'en 1985, vont toutes être peu
rémunératrices et procurer des salaires à peine plus
élevés que le salaire minimum. Ces emplois sont
déjà majoritairement occupés par les femmes puisqu'il
s'agit essentiellement, parmi les dix occupations les plus créatrices
d'emplois, de vente au détail, secrétariat et emploi de bureau,
restauration, enseignement au niveau primaire, etc. On aura l'occasion avec
Action-travail des femmes, lorsqu'elles viendront, d'explorer davantage cette
dimension. Mais il demeure que la réalité du rapport
emploi-population, la réalité du taux d'activité des
personnes en emploi dans une société, disons, de 1981 à
1987, dénote que finalement cela ne bouge à peu près pas.
Donc, malgré les taux records, parce qu'il y a modernisation, parce
qu'il y a des changementas technologiques, parce qu'il y a des mutationss
technologiques... La caisse enregistreuse à fonc-
tions multiples qui fait bip bip, cela en a enlevé des emplois.
Il a beau s'en créer beaucoup, mais pour que le taux de chômage ne
change pas plus que cela, il faut comprendre qu'en même temps qu'il s'en
crée beaucoup, il se crée aussi des fermetures, des
licenciements, des changements, des fermetures de postes. Il y a aussi une
arrivée massive et historique des femmes sur le marché du
travail. Je lisais des chiffres qui disaient qu'entre 1971 et 1981, c'est
passé de 32 % à 51 % et qu'on n'aurait rien vu encore parce
qu'une société comme le Québec va bientôt se
rapprocher de celle de l'Ontario, soit 60 %. Alors, cela va aller aussi en
augmentant. Qu'il y ait le moindrement un ralentissement, c'est la catastrophe.
Le ralentissement, les observateurs le prévoient pour bientôt. Il
ne faut pas le souhaiter, mais cela a l'air que c'est cyclique et c'est ce
qu'il faut planifier.
Vous venez de l'Outaouais. Je relisais le mémoire du Conseil des
affaires sociales et de la famille qui démontrait que, même s'il y
avait eu évolution nette et une augmentation d'emplois, les
disparités entre les municipalités n'avaient cessé
d'augmenter. Ces gens ont fait une carte. Ils ont recensé les emplois
pour se rendre compte que c'était déjà dans les
territoires où il y en avait, c'est dans ces mêmes territoires,
que cela a augmenté. Finalement, relativement, il y a des
régions, et des quartiers qui sont encore plus sans emploi,
malgré les taux du ministre. Ce qui a été conclu, c'est
qu'il y a deux Québec: II y a un Québec qui est en croissance
réelle et un Québec qui est en sous-développement
réel. Cette étude est saisissante. Comment les deux Québec
sont aussi vrais l'un que l'autre? Vous parlez du Québec en
sous-développement et le ministre parle du Québec en croissance.
Le problème, c'est qu'ils sont en train de s'éloigner l'un de
l'autre. Cela me fait penser, pour ma démonstration, à ceci:
est-ce que ce verre est à moitié vide ou à moitié
plein? On peut s'obstiner comme cela pendant des semaines. Le problème
c'est est-ce qu'il a quelqu'un qui va se donner la responsabilité de le
remplir? Quelles sont les mesures que l'on peut utiliser? Je vois que vous
voulez intervenir. Vous avez peut-être une recommandation à nous
faire.
M. Dion: Je suis conscient que j'aimerais beaucoup réagir
à vos mémoires que vous nous faites, vos mémoires verbaux.
Je ne pense pas qu'D y ait deux Québec. Il y en a deux dans
l'actualité, mais c'est parce qu'on oublié l'histoire, on oublie
ce qui se passe dans notre société sur une longue période.
Vous êtes des politiciens, vous travaillez à court terme. On nous
donne des statistiques de 1987-1988, pour un an. Comme l'a dit Mme la
députée, on aurait pu faire la même argumentation avec vos
statistiques. Mais, plus fondamentalement encore, selon nous, iI faut voir cela
sur une longue perspective. C'est pour cela que l'encadrement de notre
Intervention était important. Il faut situer cela dans une histoire. Ce
qui veut dire que l'écart entre les plus riches de notre
société par rapport aux autres s'en va en augmentant. De la
même façon, on parle de deux Québec comme on parle de deux
mondes entre le tiers monde et le premier monde, entre le Nord et le Sud, c'est
la même problématique. L'écart s'en va grandissant, c'est
une mondialisation de l'économie. Vos politiques sont toujours à
court terme mais jamais deux gouvernements vont dire, que ce soit un
gouvernement libéral, péquiste, NPD, on s'en sacre... Ce qu'il
faut, c'est une politique de plein emploi à long terme, que les
gouvernements s'engagent, avec le patronat, avec les syndicats pour dire:
Ensemble, on va faire une société différente. Pour qui?
Pour les gens qui subissent l'organisation de notre société.
C'est cela qu'il faut comprendre et c'est un point de vue à partir des
assistés sociaux. Ce n'est pas à partir de ceux ou celles qui ont
le pouvoir dans notre société.
Vous pouvez citer REXFOR, c'est un cas particulier. Je pourrais en
nommer d'autres cas. J'ai été moi-même assisté
social. Vous dites: Qui sont les assistés sociaux? J'ai
été deux ans assisté social, j'ai été au
chômage pendant trois ans. Je sais quelle est la condition d'un
assisté social parce qu'on le vit. Je sais comment c'est
dépressif. J'ai monté un projet pour des assistés sociaux,
j'étais sur le bien-être. Ce sont des conditions de vie, du
vécu qui font que la structure de notre société engendre
ce monde-là et c'est ce qu'on a de la misère à comprendre
quand on fait des politiques à court terme comme celle-ci et comme
d'autres politiques sociales.
II n'y a pas deux points de vue. Il y a peut-être ceux qui ont de
l'argent, le pouvoir qui ont un point de vue et ceux qui sont en bas en ont un
autre aussi, comme le tiers monde en a un par rapport au Nord. Selon moi, c'est
cela qu'il faut comprendre, c'est une perspective globale et c'est cela qu'il
faut situer.
Mme Harel: Je vous remercie. Je ne veux en aucune façon
interférer dans les propos mais j'ai retrouvé la citation du
Conseil des affaires sociales qui disait: Après avoir utilisé 92
indicateurs qui tous donnaient les mêmes résultats, nous pouvons
partager la population du Québec en deux groupes de citoyens et de
citoyennes: ceux et celles qui vivent dans des municipalités - ils
peuvent même les identifier ' exactement - et des quartiers de ville -
qu'ils peuvent Identifier et nous aussi on peut les identifier seulement
à voir les gens qui présentent des mémoires et qui font
valoir leurs préoccupations ici - en voie de
désintégration, mais sur le plan de tous les indicateurs, sans
une exception ou dans un état de sous-développement
économique et social. D'autre part, ceux et celles - donc des citoyens
et des citoyennes qui vivent dans des municipalités qu'ils peuvent aussi
identifier - dans des quartiers de ville en
croissance démographique, en croissance de développement
économique et en croissance de développement économique et
social.
Je pense que ce que cette commission sera obligée de mettre en
lumière c'est s'il y aura une interpénétration des uns ou
des autres ou bien s'il y aura un rejet dos à dos des uns et des autres.
D'une certaine façon c'est un peu le défi. Je pense que vous
voulez... Allez-y!
M. Dion: C'est parce qu'on pariait de REXFOR, mais on pourrait
parler de la Donohue. Cela a été un cadeau à M.
Péladeau. On fait des cadeaux de 10. 69 $ aux assistés sociaux,
alors qu'on en fait de millions à M. Péladeau. C'est un peu comme
cela que cela marche. C'est de la privatisation.
Mme Harel: On revient à vos recommandations.
M. Dion: On pourrait prendre toutes les statistiques et...
Excusez-moi.
Mme Harel: Non, On revient à vos recommandations si vous
le voulez bien. Je voudrais quand même qu'on ait l'occasion de les
examiner. Vous demandez au gouvernement d'injecter des sommes
supplémentaires dans des programmes permettant aux personnes souffrant
de handicap physique ou mental d'intégrer le marché du travail.
Vous demandez d'allouer des sommes supplémentaires au ministère
de l'Éducation pour accélérer le dossier de la
reconnaissance des acquis. Souvent, des groupes qui vous ont
précédés sont venus nous dire: Sans un secondaire V,
pense-y pas, on ne peut même pas trouver un emploi qui ne supposait
même pas une septième année avant.
Vous demandez l'accès à une formation qualifiante dans dix
ans. Cela veut dire une formation professionnelle, ce que n'offrent pas
actuellement les mesures à l'aide sociale. Est-ce que vous voudriez
insister? J'aimerais cela, parce que le ministre ne vous a pas
interrogés là-dessus. J'aimerais savoir si c'est important pour
vous.
M. Fortier (Guy): Oui. Les mesures apportées sont des
questions qui viennent à partir... On disait: On veut une formation
qualifiante, on souhaite que par les stages en milieu de travail des gens
puissent accéder à des emplois. On suppose que cela veut dire
autonomie financière. On disait: Retour à une formation scolaire.
C'est sûr qu'une formation secondaire V c'est rendu que c'est plus que le
minimum. Même avec ce minimum, le genre d'emplois possibles, ce sont des
emplois sous-rémunérés ou précaires comme vous le
disiez tantôt.
Il y a des exemples concrets des choses qu'on a amenées comme les
sommes supplémentaires. On disait: Les personnes souffrant d'un handicap
physique ou mental. La proposition gouvernementale risque de les
catégoriser encore plus ou de les marginaliser. Il y a des
possibilités. Je fais partie de l'Association de parrainage civique. Je
suis moi-même parrain civique d'un jeune handicapé qui travaille
en entreprise actuellement et qui est sur un projet d'aide sociale qui permet
à l'employeur d'avoir... L'employeur est prêt à embaucher
ce garçon qui a peut-être, je dirais, environ douze ans
d'âge mental, mais qui est très bien capable d'exercer un travail
d'entretien. Il est prêt à l'employer. Sauf qu'advenant le cas
où il est obligé de le mettre à pied, ce jeune
handicapé mental n'a plus droit aux services. En tout cas, il y a des
dangers, il y a des appuis qu'il n'aura plus. La famille d'accueil qui
travaille avec lui a dit: Nous sommes pris avec cela. On ne sait pas trop si on
doit demander qu'il devienne salarié ou qu'il ait un statut de
travailleur ou...
Mme Harel: Le danger n'est pas s'il perd, c'est que s'il devient
salarié il perd ses besoins spéciaux.
M. Fortier (Guy): Oui. En tout cas, il y a des recours et des
soutiens... La famille d'accueil se demande si c'est un service à lui
rendre. Il y aurait quelque chose à travailler là et aussi des
possibilités encore plus grandes. Cela veut dire un revenu d'environ 23
$ par semaine pour un jeune handicapé mental mais qui, physiquement,
exerce un travail comme n'importe quel travailleur et sur qui l'entreprise peut
compter. Il est fiable.
Il y a des exemples comme cela quand on fouille. Je me dis que pour
développer l'employabilité, si on ne veut pas catégoriser
ou marginaliser les handicapés physiques ou mentaux, il faudra
réviser les mesures qu'on a actuellement pour des
réintégrations vraiment valables.
Sur la question de la reconnaissance des acquis d'expérience, on
peut avoir un secondaire V mais il y a aussi... Nous sommes des organismes
communautaires, nous sommes des lieux privilégiés de formation
pour les stagiaires des collèges et des universités qui viennent
faire leur expérience dans nos groupes temporairement. On les forme, on
les aide, on leur fait partager nos outils d'analyse mais tes femmes, en
majorité, il faut le dire, la majorité des femmes qui sont dans
les organisations communautaires et qui assument cette formation n'ont pas
nécessairement le statut et la reconnaissance quand elles vont sur le
marché du travail. Elles ont la possibilité de former des gens
qui vont avoir des statuts professionnels ou des formations universitaires mais
quand elles viennent pour aller rechercher des emplois, si elles n'ont qu'un
secondaire V ou même si elles ne l'ont pas, elles n'ont pas la
reconnaissance qualifiante qui leur permettrait d'accéder à des
emplois rémunérateurs.
Il y a là une question. On explore la reconnaissance des acquis
d'expérience mais c'est
très onéreux et ce n'est pas nécessairement
accessible partout. Comme je le disais, pour le secondaire V on va
reconnaître des emplois, en tout cas en formation professionnelle, je
sais que dans notre région on a développé le 'dossier de
personnel d'hôtellerie, mais quand on regarde le genre d'emplois que cela
crée... Je me dis que c'est déjà quelque chose, des pas
sont faits mais ce n'est pas accessible partout en province. Il y a des
dossiers comme cela qui se développent dans chacune des régions.
Au collégial, c'est la même chose. On a les techniques
policières. Ils sont en train de travailler tes techniques de garderie.
Pourtant, je dois dire qu'il y a des femmes qui ont beaucoup
d'expérience là-dedans mais ce n'est pas au point. Cela fait
trois ans que le dossier est...
Le Président (M. Sirros): II reste environ une minute.
J'aimerais peut-être réserver un peu de temps pour...
M. Fortier (Guy): Je ne sais pas. Ce sont des exemptes pour
appuyer. Je ne sais pas si cela répond.
Mme Harel: C'est intéressant. J'aurais aimé vous
poser une autre grande question mais paraît-il que je n'ai pas beaucoup
de temps.
Le Président (M. Sirros): Pas trop longue. Vous avez 30
secondes et le ministre aussi
Mme Harel: Que concevez-vous comme responsabilité en
matière de création d'emploi de la part de l'État?
Concevez-vous, compte tenu de ce qu'on sait être le marché de
l'emploi et compte tenu de ce qu'on sait être la main-d'uvre et des
difficultés d'absorption avec la présence massive maintenant des
femmes, etc., sur le marché de l'emploi, que l'État doit faire
des investissements dans certains grands secteurs de création d'emploi,
comme par exemple, service de garde, les politiques d'environnement ou
autres?
Le Président (M. Sirros): En quelques secondes.
M. Fortier (Guy): Oui, vous nommez des choses, on parlait de
mesures sociales, des garderies accessibles, il y a de l'emploi là. On a
parlé tantôt de besoins qui étaient comblés par des
gens à l'aide sociale. Mais ce sont des besoins, ce sont des emplois
possibles. On a dit que les personnes âgées avaient besoin d'une
présence, avaient besoin de quelqu'un qui était capable
d'être en contact avec eux autres. On va le combler par le programme
d'aide sociale, mais des emplois ouverts, ce sont des possibilités, ce
sont des besoins sociaux. Il y a aussi, bon, mesures sociales...
Mme Harel: L'environnement.
M. Fortier (Guy): Oui, environnement, qualité de vie. Cela
fait partie de notre mémoire. On s'est dit. À aucune place on ne
parle de la qualité de vie des genres d'emploi et il y a de l'ouverture.
C'est même urgent, comme société, de se poser des questions
sur l'environnement et d'investir de ce côté parce qu'on est en
train de s'asphyxier, on est en train d'étouffer, de dilapider nos
ressources naturelles et il y a de l'urgence et il y a de ia
possibilité. Je pense que ce n'est pas une dépense
gouvernementale, c'est un investissement, comme vous disiez, Mme Harel.
Le Président (M. Sirros): Merci beaucoup. M. le ministre,
pour le mot de la fin.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le mot de la fin. Ce sont des
remerciements. Je vous l'ai indiqué, les sujets que vous avez
soulevés verbalement et dans votre mémoire ont suscité des
discussions et des échanges qui auraient pu durer beaucoup plus
longtemps que le temps qui nous est imparti par le règlement et par la
commission. Pour la qualité du mémoire, pour la qualité
des échanges et pour le ton sur lequel ces échanges se sont
tenus, en mon nom et au nom de la formation politique que je représente,
je tiens à vous remercier.
Le Président (M. Sirros): Au nom de la commission des
affaires sociales, on vous remercie beaucoup. On inviterait le prochain
organisme, l'Organisation d'aide aux assistés sociaux, à se
présenter à la table. On pourrait peut-être suspendre deux
minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 3)
(Reprise à 17 h 4)
Le Président (M. Sirros): Je vous demanderais de vous
présenter et d'identifier votre porte-parole et de ne pas oublier de
vous identifier chaque fois que vous intervenez, pour les fins d'enregistrement
des débats. Les règles de procédure. Vous savez que vous
avez vingt minutes pour présenter votre mémoire, la formation
ministérielle dispose de vingt minutes de questions et commentaires
ainsi que l'Opposition. J'invite donc l'Organisation d'aide aux assistés
sociaux à prendre la parole.
Organisation d'aide aux assistés
sociaux
M. Cormier (Gilles): Je vous remercie, M. le Président. Je
vais vous présenter les gens qui m'accompagnent. Complètement
à ma gauche, Mme Thérèse Montpetit, coordonnatrice et
aussi assistée sociale; à ma gauche, soeur Margot Power,
présidente du conseil d'administration de
notre organisme. Je m'appelle Gilles Cormier. Je vais agir comme
porte-parole aujourd'hui. Je suis bénévole pour l'organisme.
À ma droite, c'est M. Jean-Claude Rondeau, membre du conseil
d'administration de notre organisation.
Donc, je ne ferai pas... Est-ce qu'on peut déposer les documents
cet après-midi?
Le Président (M. Sirros): Oui. Je pense que oui, s'il y a
consentement. Il n'y a pas de problème.
M. Cormier: Ce sont de petites brochures qu'on va utiliser
tantôt. Mme Montpetit va nous parler de cela quelques minutes. Compte
tenu du temps très limité et que notre mémoire est assez
long, j'ai préparé un condensé de quelques pages dont je
vais faire la lecture. À l'intérieur de cela, je vais demander
à Mme Montpetit d'intervenir, à un moment donné, pour
expliquer un petit sondage qu'on a fait dans notre coin avec nos membres. Je
vais aussi demander à soeur Margot Power de parier de son
expérience de quinze ans auprès des assistés sociaux dans
le sud-ouest de Montréal.
M. le Président, notre organisme, un regroupement
d'assistés sociaux du sud-ouest de Montréal, dont le principal
objectif est la défense des intérêts et des droits des
assistés sociaux, rejette complètement la réforme de
l'aide sociale telle que proposée dans le document d'orientation "Pour
une politique de sécurité du revenu" pour les raisons
suivantes.
La parité de l'aide sociale n'est pas accordée aux jeunes
de moins de 30 ans avant deux ans et la conception de la pauvreté
à la base du document repose sur une vision pathologique de l'individu
pauvre et sans emploi, vision qui prétend à tort que les pauvres
sont paresseux et qui occulte les véritables causes de leur
pauvreté, c'est-à-dire les tendances économiques actuelles
et les politiques de développement économique qui les
encouragent. En plus, et c'est sans doute ce qu'il y a de plus dangereux dans
ce document, avec une telle vision, on se croit légitimé
d'utiliser la discipline et le contrôle à l'égard des
défaillants.
La parité: encore deux ans à attendre avant que les jeunes
aient la parité, c'est beaucoup trop tard. La situation des jeunes est
urgente et on doit agir vite. La plupart des groupes qui ont
défilé devant cette commission jusqu'ici sont unanimes à
reconnaître cette faiblesse dans la réforme proposée. Alors
qu'est-ce qu'on attend? Que les jeunes quittent d'eux-mêmes le
système? Quelle sorte d'économie aura-t-on réalisé
alors? Quelques dizaines de millions dans l'immédiat? Mais à long
terme, ce sont des centaines de millions que cela coûtera au
Québec en frais de santé et de services sociaux pour corriger ce
tort.
De plus, si l'on tient compte des attentes très claires des
jeunes, lorsqu'on regarde de près les quelque 20 % d'entre eux qui
participent actuellement aux mesures de développement de
l'employabilité, on se rend bien compte que celles-ci ne
représentent que très peu d'espoir pour eux Ce qu'ils veulent,
c'est de l'emploi, de l'emploi, de l'emploi1
Avant de faire un usage aussi large des mesures de développement
de l'employabilité dans la réforme proposée, après
l'expérience des jeunes et leur faible participation, il aurait fallu
tout au moins en vérifier l'efficacité. Peut-être qu'alors
on serait arrivés à la conclusion que, sans une politique de
plein emploi, de telles mesures sont tout à fait inefficaces.
On ne peut pas passer sous silence l'opération des boubous
macoutes concernant les abus à l'aide sociale. Depuis près de
deux ans, le ministre s'acharne a croire et à faire croire à la
population qu'il y a beaucoup d'abus de la part des bénéficiaires
de l'aide sociale alors que les faits disent le contraire et confirment
d'ailleurs ce que les groupes de défense des assistés sociaux ont
toujours dit. Presque au terme d'une première année de visites
à domicile, entre le 20 mai 1986 et le 31 mars 1987, il n'y a eu que 13
789 dossiers où l'aide a été diminuée ou
annulée, ce qui, rapporté au nombre total de ménages sur
l'aide sociale en mars 1987, soit 390 366, représentent en pourcentage
3, 5 %. Ce pourcentage correspond à la proportion des dossiers qui
comportaient des erreurs qui avantageaient les bénéficiaires
au-delà de ce que la loi prescrit et ce, par rapport au nombre total de
ménages à l'aide sociale. Ce pourcentage très faible ne
correspond pas aux fraudeurs de l'aide sociale puisque les erreurs dans les
dossiers peuvent avoir été causées par les agents
eux-mêmes compte tenu du nombre élevé de dossiers que
chaque agent doit traiter.
D'ailleurs, le ministre a admis l'année dernière que: "Les
seuls cas, dit-il, que je suis prêt à considérer comme
étant des cas de fraude, sont des cas où la personne a
été condamnée suivant le Code criminel en dernière
instance par un tribunal de droit commun. " C'est tiré du Journal des
débats du 26 mal, à la commission de l'étude des
crédits alloués à l'aide sociale. Alors pourquoi continuer
à s'acharner sur les abus? Pour prouver quoi? Que le ministre a du
courage politique, selon les propos de Jacques Parizeau, ou bien pour
économiser de l'argent avec ceux qui préféreront vivre
misérablement plutôt que d'avoir à subir l'humiliation.
La conception de la pauvreté, à la base du document "Pour
une politique de sécurité du revenu" repose sur une vision
pathologique de l'individu. Selon cette conception, les causes de la
pauvreté seraient attribuables aux défaillances de l'individu
pauvre et sans emploi. En insistant fortement sur les défaillances de
l'individu, on en vient à justifier par la suite l'utilisation de
mesures disciplinaires à son égard. Parmi les
défaillances, celle que l'on pointe particulièrement du doigt -
voir à la page 11 - c'est la perte de l'éthique du travail. C'est
une manière
élégante de prétendre que les assistés
sociaux sont paresseux. Un tel préjugé n'est pas nouveau.
À l'origine, ce sont les patrons et les milieux d'affaires qui ont
propagé ce préjugé, eux qui croient que les mesures de
sécurité sociale désincitent au travail. Pour nous, iI est
clair que les assistés sociaux veulent travailler.
Notre organisme a fait, la semaine dernière, un petit sondage
dont Mme Montpetit va vous parler, c'est le dépliant qu'on vient de vous
distribuer, le document qu'on a déposé tantôt.
Mme Montpetit (Thérèse): Bonjour, M. le
Président, bonjour tout le monde. Je vous ai remis la petite brochure,
si on veut prendre la page 1. Nous avons fait un petit sondage avec les
assistés sociaux sur leur vécu. Il y avait au moins 60 personnes
présentes dans la saille. Ce qui est ressorti le plus souvent,
après avoir fait de petits ateliers, revenait toujours à argent
ou logement. Le gros problème auquel on doit faire face, c'est trouver
un travail, mais un travail décent et comme dépannage, t'aide
sociale. Les gens répondaient que le travail était très
important, que c'était une fierté en soi. Sans un travail, il
faut revenir au bien-être social. C'est ce que tous les gens ont toujours
mentionné dans les petits ateliers, parce qu'il n'y a pas d'autre
solution.
M. le Président, beaucoup nous ont fait la remarque: Ce n'est pas
parce que nous sommes des assistés sociaux que nous ne sommes pas
intelligents, mais nous ne sommes pas des paresseux. Merci.
M. Cormier: L'importance accordée à la valeur
travail ne semble pas le fait exclusif des assistés sociaux du sud-ouest
de Montréal, puisque des études tant américaines que
québécoises... Nous en avons cité quelques-unes dans notre
mémoire a la partie 4. Il y a eu une étude américaine du
U. S. Department of Health and Human Services qui est très
intéressante, et au Québec, il y a eu deux études, une qui
a été faire avant la crise de 1980-1981, l'étude de
Larouche & Fortin sur les faibles revenus face au chômage et à
l'aide sociale qui confirme l'importance de la valeur travail, et iI y a eu
aussi l'étude, le sondage qui a été fait par les
économistes Diane Bellemare et Lise Poulin-Simon. Ces études
confirment que même en tant que bénéficiaire de l'aide de
l'État, une personne continue d'accorder beaucoup d'importance au
travail. Il est faux de prétendre que l'une des causes de la
pauvreté, c'est la perte de l'éthique du travail. Il faut
chercher ailleurs les causes de la pauvreté des sans-emploi.
J'aimerais dire aussi quelques mots sur la conception du travail. Autant
on fait fausse route dans le document sur la motivation à travailler des
bénéficiaires de l'aide sociale, autant on fait fausse route dans
le document d'orientation sur la façon de concevoir le travail. Celui-ci
n'est pas qu'un simple moyen pour l'individu de satisfaire ses
intérêts immédiats, ses propres besoins. Le travail est
bien plus que cela, il répond à nos plus chers désirs
d'épanouissement tant individuel que collectif. C'est pourquoi
l'État a un rôle capital à jouer dans la manière de
réaliser nos aspirations tout en protégeant les
intérêts de chacun.
Le fait d'exercer un travail dans un climat d'austérité et
de discipline va à l'encontre de nos droits les plus fondamentaux.
L'État est là pour éviter de tels abus. L'État
n'est-il pas en train de pervertir son rôle en étant
lui-même l'instigateur de mesures de discipline et
d'austérité dans l'exercice du droit au travail en permettant que
certains bénéficiaires travailleurs ne soient pas
protégés par les lois existantes du travail? Le ministre n'a
d'ailleurs pas caché cette intention lorsqu'il a fait part publiquement
de ses tractations avec Hyundai à qui il réserve 200
assistés sociaux, 200 bêtes de somme. De la sorte, on accepte
qu'une catégorie de la population n'ait pas les mêmes droits que
les autres. Comment arrive-t-on à légitimer en droit une
inégalité aussi flagrante? Par ailleurs, on risque de passer
complètement à côté de l'objectif visé dans
le document, qui est de redonner le sens du travail à ceux qui,
apparemment, l'auraient perdu. On veut inciter tes gens au désespoir
avec des mesures d'austérité et de discipline qui n'aboutiront
nulle part.
Avec une conception de la pauvreté basée sur une vision
pathologique de l'individu, on occulte les véritables causes de la
pauvreté. Ces causes sont les tendances économiques actuelles et
les politiques de développement économique qui favorisent ces
tendances. Par tendances économiques, on entend les nouvelles
technologies qui, tout en permettant des gains de productivité et une
augmentation des profits, sont aussi cause de chômage par le remplacement
de la main-d'oeuvre par la machine. Même dans le secteur des services,
selon une étude récente du ministère de l'Éducation
du Québec parue dans Le Devoir du 9 février dernier, les
cinq sous-secteurs les plus forts, services Informatiques, bureaux d'expertise
en gestion, services divers à la gestion, services d'ingénierie,
bureaux d'archives n'emploient que 2 % des travailleurs canadiens.
Il y a aussi la tendance actuelle des investissements étrangers
qui, sans être directement responsables du chômage, à tout
le moins, ne semblent pas être très efficaces à le
résorber. En effet, selon les données d'investissement Canada
pour l'année 1986-1987, le Québec a récolté un
maigre montant de 2 700 000 000 $ sur un total de 13 400 000 000 $, alors que
l'Ontario raflait 7 600 000 000 $. De plus, il ne faut pas se leurrer, 93 % des
investissements ont servi à l'acquisition d'entreprises
déjà constituées et non à la création
d'emplois. Enfin ces tendances économiques font en sorte qu'au
Québec une bonne partie de la population profite de la manne alors
qu'une autre partie de plus en plus
nombreuse est laissée de côté car il semble que la
croissance économique ne soit pas faite pour elle. Et l'État dans
tout cela, le garant des intérêts de chacun, semble fléchir
dans son rôle.
Les politiques de développement économique mises de
l'avant actuellement, telle l'ouverture des frontières entre le Canada
et les États-Unis ainsi que la politique industrielle canadienne qui
consiste à favoriser les secteurs exportateurs et de haute technologie
et ce, au détriment de tout un pan du secteur manufacturier, ont leur
part de responsabilité vis-à-vis des taux élevés de
chômage et de sans-emploi au Québec. Le gouvernement du
Québec est d'accord avec l'une et l'autre de ces politiques même
si le Québec fait partie des provinces qui subissent durement les
contrecoups de telles politiques.
Le sud-ouest de Montréal. Les effets désastreux de ces
grands facteurs tant économiques que politiques continuent de faire
leurs preuves dans le sud-ouest de Montréal qui est
particulièrement affecté par la désindustrialisation.
Depuis dix ans ce sont 10 000 emplois qui ont été perdus dans le
sud-ouest, territoire qui comprend les quartiers Saint-Henri, Petite-Bourgogne,
Griffintown, Pointe-Saint-Charles, Ville-Eymard et Côte-Saint-Paul. Le
sud-ouest a une population totale de 68 874, une population active de 30 315,
3601 chômeurs et chômeuses et 14 942 assistés sociaux. Le
taux de chômage est près de 12 % dans notre région. Si on
ajoute le nombre de ménages à l'aide sociale qui sont aptes au
travail, soit 6445, on fait grimper le taux de chômage jusqu'à 27,
3 %. Les chances de trouver un emploi dans notre coin sont très minces
et ce, pour des raisons hors de la volonté et du contrôle des
individus.
Malgré tout, le sud-ouest a aussi une population qui se prend en
main. L'année dernière à ia suite de t'annonce de
fermeture des usines Coléco et Simmons, les syndicats et les organismes
de la région, avec l'appui de la population, ont formé une
coalition, Urgence Sud-Ouest, dont le but premier est de rappeler aux
gouvernements leurs responsabilités face à la tragédie des
pertes massives d'emplois depuis de nombreuses années. Grâce
à ces représentations, Urgence Sud-Ouest a obtenu qu'un
comité de relance, comme dans l'est de Montréal, soit mis sur
pied. On attend sous peu l'annonce officielle de sa création.
Je vais passer la parole à soeur Margot pour qu'elle nous parle
de son expérience avec tes assistés sociaux dans le sud-ouest. Je
terminerai avec les solutions après son Intervention.
Le Président (M. Sirros): J'en profite pour vous indiquer
qu'il vous reste environ quatre minutes.
M. Cormier: Quatre minutes. Je vais passer la parole à
soeur Margot. Ensuite, s'il reste quelques minutes, on reviendra aux
solutions.
Mme Power (Margot): M. le Président, pour commencer, je
vais faire quelques remarques critiques qui découlent de mon
expérience. Je ne parle pas en tant que scientifique, comme Gilles, mais
je vais vous dire ce que j'ai vécu au cours des quinze années que
je suis dans le domaine. J'aimerais souligner que je dis cela dans un esprit de
bienveillance parce que je crois beaucoup à votre désir
d'améliorer notre société. En même temps, je dis que
vous avez peut-être une tâche impossible, parce que nous pensons
avec les pieds. Alors, vous avez les pieds ailleurs que là où
sont les assistés sociaux. Je ne peux pas vous demander de vivre pendant
six mois, et même pendant un mois, ce que vit l'assisté social.
D'après ma propre expérience, j'ai été, pendant 65
ans, identifiée aux riches et aux super-riches. Depuis quinze ans, je
suis identifiée aux assistés sociaux. Il y a un changement
d'idées qu'aucun livre n'aurait pu m'enseigner comme d'avoir
changé les pieds de terrain. Cela me donne beaucoup de sympathie pour
tes gens qui n'ont pas cette capacité d'avoir changé tes
pieds.
J'aimerais dire qu'après cette expérience de quinze ans -
j'aurai 80 ans cette année - la nature humaine, les besoins humains de
base fondamentaux sont pareils, qu'on soit riches ou pauvres. Ce n'est pas
seulement les paresseux qui sont assistés sociaux. Les riches aussi
comptent des paresseux, des gens qui ne veulent pas travailler comme quelques
assistés sociaux. Je trouve, pour appuyer le document que Gilles vient
de lire, qu'un des désastres que je vois, d'après mon
expérience, c'est cette division. Le monsieur avant nous a dit: Deux
Québec. Ou Louise Harel a dit: Deux Québec. Il y a deux
Québec dans le sens qu'il y a deux catégories de citoyens. Il
semble qu'on ne peut demander à tout un secteur de notre population dont
le douzième sont des assistés sociaux - 700 000, je crois, c'est
te douzième de la population du Québec - si on ajoute les
chômeurs qui seront prochainement assistés sociaux si on ne leur
trouve pas de jobs, c'est près du sixième de la population, je ne
vois pas comment on peut faire comme dans le document, dire que certaines
personnes vont travailler pour beaucoup moins que le salaire minimum. Ces 150 $
de plus que le bien-être va donner, c'est beaucoup moins que le salaire
minimum. C'est illégal. De plus, pas de chômage, pas de droit de
se syndiquer, pas de droits acquis des travailleurs. Par exemple, dire comme
dans le document, qu'un assisté social peut vivre avec 405 $ par mois
quand on peut à peine survivre avec 487 $ maintenant, c'est dire: Vous
êtes différents de nous autres.
Ce matin dans Le Devoir on disait que M. Paradis veut bonifier,
qu'il est prêt à bonifier. C'est un autre mot mais ça veut
dire bonifier sans changer l'orientation de base.
Ainsi, la formation était l'en-tête de l'intervention de M.
Paradis ce matin. Je crois que nous sommes tous d'accord que la formation
est essentielle à tous les niveaux, mais on ne doit pas faire
payer ça par d'autres assistés sociaux. II semble que c'est
ça qui revient quand on voit les coupures prévues, à
savoir qu'on va payer la formation pour certains en en coupant d'autres
J'espère que ce ne sera pas le cas, mais il semble que ce soit
ça.
Le Président (M. Sirros): En conclusion, s'il vous
plaît!
Mme Power: Je veux juste dire une dernière chose. C'est
peut-être trop idéaliste mais avant, je veux demander au Parti
libéral si, dans l'atmosphère des Olympiques, vous visez
être les champions de coupures. J'ai vécu avec les assistés
sous les deux gouvernements Bourassa, quand il a coupé les taxes d'eau,
et vous semblez viser le prix olympique pour les coupures. Ce qui serait
peut-être idéal, j'aimerais lancer l'idée, c'est une de mes
expériences d'avoir passé de riche à pauvre et avec tout
ce que cela veut dire d'une connaissance assez profonde de chaque
côté. Je ne vois pas comment, dans une société
où le décalage entre les riches et les pauvres augmente au lieu
de diminuer et avec le projet en question, il semble que cela va faire encore
plus de décalage. Est-ce qu'on ne peut pas penser à un autre
projet de société que celle qu'on a ? Je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Sirros): Nous vous remercions
également. M le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je souhaiterais remercier, tout
d'abord, l'organisation let ses porte-parole. J'ai l'habitude d'intervenir
longuement ou trop longuement, dans un premier temps, et mes collègues
me le reprochent sans cesse et m'indiquent que chaque député
devrait posséder un droit de parole égal autour de cette table.
Dans les circonstances, comme vous êtes des gens fidèlement et
assidûment représentés à l'Assemblée
nationale, surtout par le député de Sainte-Anne, je devrais dire
depuis plus longtemps, et par le député de
Notre-Dame-de-Grâce, je leur ai demandé de me réserver
quelques minutes mais je vais immédiatement leur céder la parole
pour qu'ils interviennent au nom de la formation gouvernementale.
Le Président (M. Sirros): M le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Merci, M. le Président et M. le ministre. La
raison pour laquelle j'ai demandé au ministre de prendre un peu plus que
les deux ou trois minutes qui restent d'habitude, parce que 20 minutes ce n'est
pas beaucoup, c'est que d'abord je connais très bien votre organisme,
vous le savez. Je connais surtout Mme Power et Mme Montpetit. Je connais M
Cormier depuis moins longtemps, mais on a travaillé ensemble dans le
sud-ouest pour tenter de suivre la formule de l'est de Montréal. Vous
représentez un organisme très important dans le sud-ouest de
Montréal. J'ai toujours admiré vos interventions et le travail
que vous faites. Je pense que c'est important que vous réalisiez un peu
aussi la position des députés parce qu'à un moment
donné on parle du document du ministre Paradis et je pense que c'est
important de jouer notre rôle. Comme je vous l'ai expliqué quand
vous êtes venus à mon bureau avec d'autres représentants,
Mme Montpetit, j'ai rencontré tous les organismes importants dans le
quartier sur cette réforme justement pour comprendre vos
réactions. Je vous ai dit, à ce moment - et je le
répète, je ne change absolument rien - que je pense que c'est
notre devoir comme député - je suis certain que le
député de Notre-Dame-de-Grâce, je lui parle souvent, pense
exactement comme mol, il va vous en parler lui-même - que nous ne sommes
pas ici juste pour remplir l'espace malgré l'impression laissée
de temps en temps, mais aussi pour participer activement et pour tenter
d'influencer le gouvernement et les ministres. (17 h 30)
Sur le document concernant le principe de base, je suis en
désaccord avec vous, je n'ai pas la même opinion que vous. Je
pense vraiment que I'intention du document est de briser ce cercle vicieux qui
existe depuis trop longtemps et qu'il faut faire quelque chose pour sortir de
cet état et trouver une solution pour améliorer la condition de
tout le monde et surtout des bénéficiaires de l'aide sociale.
Quand vous dites l'emploi, l'emploi, l'emploi, je répète
et je suis certain que le ministre parle exactement aussi de l'emploi,
l'emploi, l'emploi. Mais nous avons l'espoir et nous sommes optimistes qu'on
peut régler te problème et qu'il faut commencer à
travailler quelque part
Vous avez fait circuler beaucoup de lettres du genre avec signature.
J'ai répondu aux membres que je trouve cela un peu regrettable qu'avant
même que la commission ait débuté ses travaux, on recevait
déjà des lettres pour dire. Nous ne sommes pas d'accord avec.
Dans ma réponse, j'ai dit et je répète que j'espère
que les auditions publiques témoigneront d'une grande ouverture d'esprit
de part et d'autre.
Je fais partie de cette commission depuis le début et je pense
que le ministre montre justement cette ouverture d'esprit et que c'est à
nous d'être certains qu'il continue à avoir cette ouverture
d'esprit. Quelques points ont été discutés et sur lesquels
j'aimerais avoir un peu plus vos commentaires. Je pense que le ministre a
déjà démontré que nous sommes ici pour une vraie
consultation. Ce n'est pas une consultation bidon qui a décidé
d'avance du projet de loi à venir. Je pense vraiment qu'on est ici pour
apprendre, écouter et tenter de trouver une solution et améliorer
des documents et des solutions acceptables pour tout le monde.
Une petite remarque préliminaire. Vous avez fait
référence aux boubous-macoutes, à la campagne de
dénigrement des assistés sociaux dans vos mots d'introduction. Je
dois vous dire et je le répète, et Mme Montpetit vient
d'apprendre cela. Quand j'ai commencé, J'ai dit: S'il y a le moindre
scandale, le moindre problème, venez me voir. Je suis votre
député dans la région. Venez me voir. Je ne peux pas
m'occuper d'autres comtés, mais dans Sainte-Anne - et la Petite
Bourgogne se trouve dans Sainte-Anne - venez me voir. Vous n'avez pas besoin
d'engager un professeur de McGill pour faire valoir vos points de vue... Venez
les faire valoir chez moi. Si je pense qu'il y a un problème ou un
scandale, je vais voir le ministre Paradis que je connais assez bien depuis
longtemps.
Je dois aussi vous dire que jamais personne n'est venu me voir avec un
cas concret en disant: Voici tel et tel problème, tel et tel scandale,
voulez-vous vous en occuper? Mme Montpetit le sait parce qu'on a même eu
un échange de correspondance dans notre fameux journal local La Voie
populaire, où vous avez votre opinion. J'ai réagi et je pense
que c'est très important qu'on ait cette communication.
Maintenant, je voudrais devenir un peu votre agent pour avancer quelques
idées quii ont été discutées, Mme Montpetit,
à mon bureau et que je trouve aussi très importantes. On a
parlé du problème de la réduction de l'allocation
mensuelle de 115 $. Auparavant, j'ai posé des questions là-dessus
à d'autres organismes. Le ministre sait ce que j'en pense. J'ai un
problème avec cette affaire-là parce que, personnellement, je
crois que l'assisté social moyen ne débourse pas 25 % de
l'allocation qu'il reçoit pour le loyer. Avez-vous des statistiques ou
des expériences vécues? Je demande cela à Mme Montpetit,
qui est vraiment très active sur ce point de vue dans la Petite
Bourgogne. Qu'est-ce que les gens paient en moyenne pour leur logement? Selon
vous, quelle est la raison qui fait qu'ils se groupent pour partager un
logement?
Mme Montpetit: Quand on partage le logement comme cela, c'est
parce qu'on n'arrive pas, parce que le taux du loyer est tellement
élevé. Je vais parler pour moi parce que c'est mon vécu.
Je partage justement un loyer avec quelqu'un. Je suis mieux de dire "amie"
parce que je ne veux pas être coupée tout de suite ce soir. Je ne
vis pas maritalement. Alors... Je suis vraiment stressée et même
que je suis vraiment mal à l'aise ici. Je peux vous dire que je ne me
sens pas bien. Je me sens vraiment mal à l'aise. Je ne suis pas
habituée. La première des choses, je n'ai pas un langage comme le
vôtre, mais je pense que, quand on peut s'aider un peu comme ça en
partageant le loyer, comment dirais-je, comme moi je ne veux pas étaler
toute ma vie au complet parce que cela va être pas mal long, je pense.
Rendue à 57 ans, je me sens vraiment stressée et je le suis
encore aujourd'hui. Quand j'ai un stress de même, je sais que l'ambulance
n'est pas trop loin qui me ramasse à l'hôpital. Je peux vous dire
cela.
Je voudrais aussi mentionner... Comment dirais-je? Vous voyez, j'ai
même de la difficulté à m'exprimer tellement je suis
stressée, je le vis et quand on me dit qu'on va me couper de 115 $, je
trouve cela pas mal exorbitant parce que je pense que, s'il y en a une qui peut
parler ici, c'est bien moi Je pense que je ne mérite pas cela
après les deux cancers que j'ai vécus, je suis encore sur place.
Je pense que je défends mon point de vue facilement. Je ne sais pas si
j'aurais autre chose à ajouter, peut-être que cela va me revenir.
En tout cas, je me sens vraiment.,.
M. Cormier: Sur la question du logement, il y a quelque temps on
avait fait un petit sondage auprès de nos gens comme on a fait jeudi
passé pour découvrir finalement que les gens, consacraient de 40
% à 60 % de leurs revenus pour se loger dans notre coin. D'ailleurs, la
Société Saint-Vincent-de-Paul, a mentionné le fait que les
assistés sociaux à Montréal étaient obligés,
bien souvent, de consacrer jusqu'à 40 % de leur revenu pour se loger. On
n'est pas les premiers à le dire. Je pense qu'il y a bien des groupes
qui disent la même chose.
M. Polak: J'ai trois petits points que je vais soulever. Je vous
laisse discuter. Je voudrais que le ministre nous réponde
là-dessus. C'est le problème qu'on a souvent mentionné
dans mon district, le danger du "cheap labor" où les assistés
sociaux délogent des travailleurs à faible revenu permanent Cela
a été soulevé souvent. Je sais que le ministre a certaines
idées en réponse là-dessus. Peut-être pourrait-il
éclairer le groupe un peu là-dessus.
J'ai une autre question. J'ai aussi posé la question au ministre.
Pourquoi la parité le 1er janvier 1990? Pourquoi pas avant? Il a
répondu: On a maintenant la parité conditionnelle, le programme
qui existe. C'est Intéressant, par exemple, que dans La Voix
populaire d'hier je note que la Garde-Amie à la Petite Bourgogne
invite le monde à embarquer. Êtes-vous entre 18 et 30 ans, si vous
recevez de l'aide sociale, vous avez le goût de travailler, d'augmenter
vos revenus, alors vous êtes sûrement intéressé par
le programme des travaux communautaires de Garde-Amie. Ces gens demandent des
volontaires pour embarquer dans le programme.
Je trouve cela intéressant. Je ne dis pas que cela règle
le problème de tout le monde. Mais, apparemment, il y a des ouvertures
et j'aimerais avoir quelques commentaires du ministre là-dessus. Le
troisième problème dont je discutais avec M. Cormier, c'est que,
vous savez, dans le document, on parle d'un travailleur de 55 ans et plus qui a
le droit de se déclarer lui-même non disponible. Qu'est-ce qu'on
va faire
avec le travailleur de 50 ans qui perd son emploi chez Coleco - c'est le
cas que M. Cormier connaît très bien - à l'âge de 50
ans, le monsieur était chez Coleco depuis, disons, 25, 30 ans comme
employé, il n'a pas de connaissances techniques, il ne peut pas se
recycler. Qu'est-ce qu'on fait avec cela? C'est un autre sujet qui a
été soulevé.
Maintenant, il faut bien comprendre. Je pourrais vous demander de
discourir là-dessus. Mais je reprends un peu la question que vous m'avez
posée et je suis ici vraiment pour avancer vos arguments et pour montrer
que peut-être le ministre en répondant à cela, pourrait
nous satisfaire tous en même temps. Ce n'est peut-être pas la
manière régulière de procéder mais je vous dis que
Je vais tenter d'être votre porte-parole autant que possible.
Le Président (M. Sirros): Si je comprends, vous posez des
questions au ministre.
M. Polak: Par l'entremise du groupe.
Le Président (M. Sirros): Par l'entremise du groupe.
M. Polak: Ce sont trois sujets très importants.
Le Président (M. Sirros): Mme la députée de
Maisonneuve, normalement c'est l'alternance. Est-ce que vous permettrez que le
ministre réponde à des questions posées par le
député de Sainte-Anne par l'entremise du groupe ou voulez-vous
qu'il revienne plus tard?
Mme Harel: Oui, je permets.
Le Président (M. Sirros): Voilà. M. le
ministre.
Mme Harel: On est perdus un peu là. Le
député qui interroge le ministre. Il y a des endroits pour faire
cela: cela s'appelle les caucus. S'il veut le faire en commission.
M. Polak: C'est une consultation.
Mme Harel: Allez-y! Cela m'intéresse, de toute
façon, d'avoir la réponse.
Le Président (M. Sirros): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi, je vous dirai que je suis
aussi surpris de la question que vous pouvez l'être de la
procédure. Il ne me les avait pas posées en caucus. S'il y a
consentement, je vais répondre. S'il n'y a pas consentement, on va
procéder suivant les règles usuelles.
Mme Harel: Consentement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): S'il y a consentement. La question
du partage des logements. Une des problématiques que l'on retrouve,
présentement, chez les gens qui vivent les politiques de
désinstitutionnalisation surtout, c'est qu'ils sont souvent
hébergés par un membre de la famille, direct ou indirect, ou par
quelqu'un d'autre parce que quelqu'un doit s'en occuper. Le fait que ces
personnes-là cohabitent ensemble, on leur soustrait de leur allocation
d'aide sociale un montant de 85 $ par mois, au moment où on se parle.
Cela s'applique chez tous les individus qui cohabitent avec des gens qui ont
des tiens de parenté ou dans le cas de chambreur. La politique
proposée maintient la question d'une soustraction pour partage du
logement. On évalue que, dans deux ans, elle va valoir 115 $
plutôt que 85 $, mais cela reste à voir. Ce sont les coûts
des économies réelles qui sont prises en considération.
Mais on l'appliquera plus chez les gens incapables de travailler, incapables de
subvenir à leurs besoins pour une longue période. Cela veut dire
que tous les gens, à peu près tous les gens qui sont
désinstitutionnalisés, s'ils vont vivre chez un parent, etc., ils
n'auront plus cette coupure de 85 $. J'écoutais Mme Montpetit
témoigner de son propre cas et je n'ai jamais voulu substituer mon
opinion à celle des médecins et surtout pas faire un diagnostic
médical. Mais j'ai capté, dans une des phrases que vous avez
prononcées: Moi, j'ai vécu deux cancers, etc. Je ne veux pas dire
qu'automatiquement vous seriez admissible au programme Soutien financier, mais
cela me semble probable. Dans ce cas-là, vous n'auriez pas de partage du
logement qui s'appliquerait, aucune façon.
La deuxième question posée par le député de
Sainte-Anne a trait au danger du "cheap labor", si je peux utiliser
l'expression. Les gens qui prendraient le travail d'autres travailleurs qui
travaillent déjà au salaire minimum ou juste
légèrement au dessus du salaire minimum... Je ne pense pas que ce
danger existe dans le cadre du programme Rattrapage scolaire. On ne prend pas
ia place de personne, on s'en va compléter nos études
secondaires. Dans le cas des travaux communautaires, iI y a des groupes qui
sont venus cet après-midi. Je ne sais pas si vous étiez
arrivés. Il y a deux dames qui sont venues nous expliquer le genre de
travail qu'elles faisaient auprès des personnes âgées,
entre autres. Ce travail-là n'était pas fait par personne d'autre
et on ne prenait pas la place d'emplois réguliers. Cela peut
possiblement exister - vous avez peut-être raison de le souligner, M. le
député - en ce qui concerne les stages en entreprise. Sur cela,
il faut être prudent et s'assurer que te stage en entreprise ait un
contenu formation qui soit beaucoup plus important que le contenu production.
Il s'agit d'une mise en garde qui nous est servie par à peu près
tous les organismes qui viennent et qui est reprise par le député
de Sainte-Anne.
La parité au 1er janvier 1990. La parité fait partie de
cette politique de sécurité du revenu.
Nous nous y sommes engagés et nous avons l'intention de la
livrer. Mais demain matin - et, dans son quartier, le député de
Sainte-Anne a été d'une vigilance extrême à cet
égard - on peut vous assurer qu'il y a et les argents et les programmes
et les ressources humaines disponibles pour qu'un jeune âgé entre
18 et 30 ans qui se présente au centre Travail-Québec puisse
s'inscrire dans une des mesures de développement de
l'employabilité et ainsi obtenir, dans la plupart des cas, la
parité, sauf dans quelques exceptions qu'on a vues. S'il participe
à du rattrapage scolaire, ce n'est pas tout à fait la
parité, mais il n'y a personne qui est condamné à vivre
avec les fameux 178 $, avec lesquels on ne peut absolument pas vivre.
Je m'excuse si j'ai été long dans les réponses,
mais c'étaient les réponses que j'avais à apporter aux
questions surprises du député de Sainte-Anne.
Le Président (M. Sirros): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Je voudrais souhaiter la bienvenue aux gens de l'ODAS.
Je crois que de porter un tel nom indique bien, d'une certaine façon, la
motivation qui vous anime en venant nous présenter votre mémoire.
J'ai toujours pensé, comme beaucoup de gens dans mon quartier de
Hochefaga-Maisonneuve, qu'il y a beaucoup de ressemblances entre votre quartier
et le nôtre. D'abord, nous avons été dès l'origine
des quartiers ouvriers où on retrouvait à la fois un
développement résidentiel, commercial et industriel, avec
l'infrastructure du début du siècle qui allait de
Pointe-Saint-Charles à Pointe-aux-Trembles. Vous avez vécu la
désindustrialisation plus tôt que dans mon quartier,
c'est-à-dire il y a maintenant plus de quinze ans. Vous en avez connu
les effets, tous les départs vers la transcanadienne des usines qui se
trouvaient le long du canal Lachine au point où c'est maintenant une
piste cyclable, mais iI n'y a plus personne qui travaille dans le secteur. Vous
faites écho dans votre mémoire aux 10 000 pertes d'emplois depuis
dix ans.
Je crois, par ailleurs, qu'il y a autant d'organisations communautaires
dans nos quartiers respectifs qu'il y a de problèmes sociaux, ce qui
fait constater qu'il y a un très haut niveau d'organisation, un
très haut niveau de participation communautaire également et
c'est sans doute ce qui permet à nos quartiers de ne pas se
désintégrer plus que ce qu'ils peuvent vivre présentement.
(17 h 45)
J'aimerais beaucoup vous interroger sur toute la question de
l'éthique du travail. Vous avez beaucoup parlé de toute cette
question dans votre mémoire. Je pense qu'il est assez fondamental qu'on
revienne sur cette question. Si on reprend essentiellement le postulat de base
de ce qui se trouve dans ce document, le premier postulat, c'est la division
entre aptes et inaptes; le deuxième postulat, c'est qu'il y a toujours
un écart entre le revenu du salaire minimum et te revenu des
ménages aptes. Alors qu'est-ce que cela introduit? C'est comme les deux
pierres d'assise, si vous voulez, du projet. Des groupes qui vous ont
précédés nous ont dit: En introduisant la division entre
aptes et inaptes et toutes les autres catégories, on introduit une sorte
de système qui fait que, fatalement, les gens vont essayer de plaider
leur incapacité. Au moment où l'objectif est censé
être celui de la réinsertion, à bien des égards,
tout le monde... Regardez la réaction du ministre envers vous, Mme
Montpetit - et on ne peut l'en blâmer - c'est la réaction qu'on
aura dans nos bureaux de comté, comme député, c'est la
réaction que les organismes communautaires auront, c'est
immédiatement ta réaction: On va essayer de le faire admettre au
programme Soutien financier. Cela va être nécessairement la porte
de sortie, imaginez-vous! C'est la logique. Cette logique nous entraîne
finalement - et on a pu le constater aussi - à une sorte
d'hyper-professionnalisation parce que, là, certains commencent à
dire - et c'est légitime de le dire - Un instant! Ce ne sera pas
seulement sur les questions médicales, il ne faut pas que ce soit
seulement un médecin, il faut que ce soit biopsychosocial. Donc, il
faudrait que ce soient des psychologues, médecins, travailleurs sociaux
et, là, on va installer ce que j'appelle en "build up" pour bien
évaluer l'individu, si l'évaluation est bonne. Et, là, il
faut avoir des "labels" de bonne évaluation. Ensuite - c'est
légitime et normal - la personne pourra en appeler. Il y aura les
avocats, tout l'autre réseau qui voudra éventuellement contester,
et tout cela se met en place à partir d'un projet dont les intentions
étaient louables au départ, mais qui, sur le plan des
modalités, obtient exactement l'effet inverse de celui recherché,
l'effet étant le plus possible d'amener des gens, à cause des
impacts dus à ta réduction de l'allocation, à vouloir
absolument se faire reconnaître comme incapables. Le ministre aura beau
dire qu'ils pourraient quand même participer à des programmes,
vous comprendrez que ce ne sera certainement pas la clientèle
priorisée, quand on sait qu'il y a 300 000 chômeurs et 253 000
ménages qui bénéficieraient du programme APTE. Cela, c'est
le premier élément.
Le second, c'est de dire que, pour inciter les gens au travail, il faut
abaisser les barèmes. Dans le fond, la vraie explication, c'est de dire
qu'il faut l'écart entre le salaire minimum et la personne qui
bénéficie du programme APTE. Ce qui fait que, même en
allant chercher le gain d'emploi - il a quand même été bien
amélioré, il faut bien le constater - fictif ou théorique,
additionné au barème réduit, il ne sera jamais plus que
les besoins essentiels et toujours moins que le salaire minimum. Si la personne
va chercher un travail à temps partiel, ou essaie un peu, si elle n'a
pas d'enfant, elle est finie. Si
elle en a, les chiffres qu'on a, pour une femme chef de famille
monoparentale avec un enfant, si elle va chercher 2000 S, il lui en reste 67 $
par année, 5, 50 $ par mois. Si elle va chercher 4000 $, il lui en reste
à peu près 250 $.
Finalement, c'est toujours l'écart qui sert de point de
départ. La question qu'il faut se poser, c'est en termes
d'éthique du travail. Vous plaidez qu'il y a une éthique du
travail et qu'on a à abaisser les barèmes pour que les gens
cherchent de l'emploi et que tout cela pourrait reposer sur d'autres
fondements, sur une autre proposition sécurité du revenu. J'ai
l'impression que, ou bien vous n'avez pas eu le temps de la préparer...
Je ne sais pas si vous seriez prêt à nous en parler, mais
avez-vous des propositions à faire à cette commission?
M. Cormier: C'est-à-dire qu'on n'a pas eu la chance
d'élaborer sur les solutions. Mais auparavant, je veux revenir sur... On
parle de l'éthique du travail et on la met en relation avec la
conception de la pauvreté développée dans le document, qui
attribue les causes de la pauvreté aux individus, à une
défaillance des individus.
Vous mentionnez qu'il y aura une incitation à se faire admettre
au Soutien financier. Autant on a voulu démontrer, dans notre document,
que la conception de la pauvreté ne correspondait pas à la
réalité des assistés sociaux et à leur motivation
et qu'il y avait une incompréhension fondamentale, comme l'a
mentionnée soeur Margot Power, incompréhension qui ne vient
peut-être pas du fait des mauvaises intentions qu'on a, mais justement du
fait que, là où on a les pieds, c'est la manière dont on
pense... On ne peut pas comprendre l'état de pauvreté quand on
est dans un état de richesse.
Cette incompréhension va jouer aussi quand on verra que nos
distinctions un quart, trois quarts des personnes qui sont jugées aptes
au travail ne refléteront pas la réalité quand on
appliquera ce système. J'ose espérer qu'on ne l'appliquera
jamais, mais si jamais on venait à l'appliquer, si on voit que des gens
ont tendance à aller du côté du Soutien financier, on va
encore avoir les mêmes réactions et cela va être l'escalade
des contrôles. On va réagir de la même façon. On va
penser que les gens abusent. On ne réussira pas à comprendre
pourquoi les gens font cela. Vous mentionnez qu'il y avait des professionnels
de la santé et des services sociaux qui vont être autour de cela.
Mais on voit actuellement comment on fait confiance aux médecins. Un
vieux médecin du Plateau-Mont-Royal qui a plusieurs dizaines
années d'expérience comme médecin est poursuivi pour avoir
accordé un mois de parité à une jeune assistée
sociale fictive. Est-ce qu'on va faire confiance aux professionnels aussi? Il
va y avoir des contrôles, plus de contrôles parce qu'on juge que,
par les contrôles, par la discipline, on va venir à bout d'un mal
qu'on voit dans notre tête, mais qui n'est pas là.
Les assistés sociaux veulent travailler et, pour cela, je pense
que les solutions à mettre d'avant sont des solutions de
solidarité, d'être le plus juste et le plus équitable
possible, d'augmenter les barèmes et non pas de les couper comme on le
fait actuellement. Merci.
Mme Harel: Quand vous constatez comme vous le faites... Je trouve
cela intéressant d'ailleurs quand vous avez dit: On pense comme
là où on a les pieds. On a beau penser n'importe quoi - et c'est
vrai, je le disais souvent ici au Parlement - dans la tête, on finit au
moins, en tout cas, par voter comme là où on a les pieds, parfois
Enfin, je ne veux pas, par là, expliquer pourquoi j'ai voté
différemment des autres à certaines occasions, mais cela joue
quand même à l'occasion. En reprenant le tableau qui est
derrière le ministre - vous voyez le trait rouge, il indique le salaire
minimum - le salaire minimum actuellement est au total, par mois, disons grosso
modo, de 689 $. En haut, ce qui n'est pas indiqué - on aurait pu le
mettre plus haut encore - c'est le seuil de pauvreté pour une personne
seule, qui est à 999 $ selon Statistique Canada. Le ministre sait - on
peut faire de la politique avec cela - qu'il y a eu indexation trimestrielle de
l'aide sociale. Il en parle habituellement. Il ne vous en a peut-être pas
parlé encore, mais s'il a quelques minutes, il va peut-être vous
en parler. Là, évidemment, l'écart a fait qu'il y a
indexation trimestrielle de l'aide sociale avec un salaire minimum qui n'a pas
été haussé avec une stratégie de supplément
d'un revenu minimum qui s'appelle SUPRET, qui n'a pas été aussi
efficace, sans doute parce que c'était annuel et sans doute parce que
cela suppose des contrôles auxquels les travailleurs ne veulent pas se
soumettre même si c'est pour avoir un peu d'avantages. Ce
phénomène peut lui permettre de dire qu'ils l'ont haussé
à 4, 35 $. La question à laquelle il aura à
répondre, c'est: Êtes-vous prêt à le hausser jusqu'au
niveau où il pourrait atteindre le seuil de la pauvreté,
c'est-à-dire 6 $? Je pense que lui poser la question, c'est
répondre aussi, compte tenu du mécanisme mis en place pour
harmoniser avec l'Ontario, que ce n'est pas vers cette stratégie qu'on
s'en va. Même s'il a haussé pour le comité qui est mis en
place... Non? Il n'y a pas de comité, II n'y a pas de mécanisme,
II n'y a pas non plus de préoccupation d'harmoniser avec l'Ontario?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, il y a une
préoccupation, mais il n'y a pas de comité.
Mme Harel: Oui. Bon. La question, c'est: Quelle sera la
stratégie pour lutter efficacement contre la pauvreté, la
pauvreté aussi de ceux qui travaillent? Ce document s'appelle "Pour une
politique de sécurité du revenu", mais il parle juste d'aide
sociale. Il y a une pauvreté chez ceux qui travaillent parce que ceux
qui travaillent n'ont plus les moyens d'avoir des enfants.
On s'entend tous pour dire qu'au salaire minimum, on ne peut pas avoir
d'enfants Même dans ce projet, une famille monoparentale avec un enfant,
le barème de l'aide sociale indexé, c'est le salaire minimum.
Donc, c'est une stratégie d'ensemble qu'il faut sur la question du seuil
de la pauvreté de façon à avoir des mesures qui vont faire
en sorte que tout le monde pourra s'en sortir. Si on reste à
l'écart entre les deux, vous comprendrez que le plafond est trop bas et
que ce plafond bas, aussi bas qu'il puisse être, va faire que. Le
ministre va nous demander de bonifier sa réforme, d'enlever des cases,
d'en ajouter, d'enlever des catégories, mais c'est le plafond, d'une
certaine façon, qui n'est pas modifié. Je ne sais pas si c'est
comme cela que vous voyez, d'une certaine façon, les problèmes
Parce que vous devez travailler aussi avec des travailleurs à faible
revenu qui sont aussi pauvres, même s'ils sont sur le marché du
travail.
M. Cormier: Chose étrange aussi, le seuil de la
pauvreté qu'on utilise dans le document, les 13 700 $, soit 10 % des
personnes qui ont les plus faibles revenus, finalement on compare les pauvres
entre eux. On mentionnait tantôt les gens qui ont travaillé chez
Coleco. J'ai travaillé chez Coleco J'ai travaillé au salaire
minimum à poser 5000 broches par jour dans les jeux de hockey, 1200 jeux
de hockey. Actuellement, je réussis à me dépanner, mais
quand je n'aurai plus un sou, ce sera l'aide sociale. Les gens qui travaillent
et la catégorie des gens qu'on a utilisée, qui gagnent un peu
moins de 13 700 $, sont des gens d'après le document auquel on s'est
référé, qui ont moins 50 % des revenus de travail. Donc,
ce sont des gens qui ont aussi des revenus de transfert, des gens qui ont
peut-être bénéficié de l'aide sociale, qui ont
reçu de I'assurance chômage. On compare les pauvres entre eux et
on pense que, de la sorte, on va réussir à sortir les gens du
cercle vicieux de la pauvreté. On est très optimiste.
Mme Harel: D'ailleurs, du Dispensaire diététique de
Montréal, Mme Duquette qui est la directrice générale est
venue présenter un mémoire la semaine dernière. Vous savez
sans doute que depuis très longtemps c'étaient finalement les
besoins indexés, tels que définis par le Dispensaire, qui
servaient à la détermination Selon le mémoire
présenté par Mme Duquette, l'ensemble des familles était
perdantes finalement avec la nouvelle définition des dépenses. On
n'examinera plus les besoins des personnes, mais les dépenses de celles
qui sont parmi les 10 % des travailleurs à plus faible revenu.
Dans votre mémoire, vous parlez de barèmes qui iraient
jusqu'au seuil de la pauvreté.
M. Cormier: Celui de Statistique Canada
Mme Harel: Oui. Mais, vous vous rendez compte de ce que ça
signifie, des barèmes qui iraient jusqu'au seuil de la pauvreté.
Vous savez que le salaire minimum est bien en deçà, il est de 300
$ de moins par mois
M. Cormier: Une fois, j'avais dit cela à quelqu'un dans
notre coin et il m'avait dit. On va se retrouver avec une société
d'artistes, on va se retrouver avec des gens qui vont être
créateurs. Ce n'est pas parce que les gens vont avoir ce
montant-là que, nécessairement, ils ne travailleront plus. On en
a l'impression et on a cette impression-là pour les autres parce qu'on
ne l'a pas pour soi. Parce que les députés ont augmenté
leur revenu, ils gagnaient tant, ils en voulaient encore plus, alors pourquoi
pour les gens qui sont à faible revenu, ces gens-là, à un
moment donné, la machine humaine, égoïste, se
déréglerait, c'est la contradiction qu'on a. Dans le cas des
pauvres, l'intérêt n'est plus là, la machine se
dérègle. Les gens qui recevraient trop deviennent
démotivés, ils n'iraient plus travailler
Mme Harel: Permettez-moi une question Pourquoi des gens
iraient-ils travailler si cela ne leur rapporte moins? Je suis fondamentalement
favorable à combler les besoins essentiels dans notre
société, il faut aussi des incitations, mais pas à la
baisse, il faut supplémenter le revenu de travail. Pourquoi les gens
iraient-Ils travailler dans des emplois qui ne sont pas nécessairement
valorisants ou intéressants au lieu de faire justement des choses
créatrices?
M. Cormier: Bien, à ce moment-là, c'est cela En
posant la question, vous avez la réponse. Si on fait cela, c'est parce
qu'on veut que les gens aillent vers les emplois où on veut les mener et
non pas vers où ils veulent, voudraient travailler ou répondre
à leurs attentes fondamentales. On veut que les gens aillent travailler
là où on veut qu'ils aillent travailler. Les programmes seront
ajustés en fonction de plus en plus de la contrainte. Si on trouve
absolument impensable actuellement d'arriver avec des barèmes aussi
généreux, c'est qu'il y a quelque chose là, c'est que tout
le monde a admis qu'il y a des contraintes. Les lois du marché, les
contraintes internationales font que c'est impensable, à moins, comme
disait soeur Power tantôt, d'avoir un tout autre projet de
société
Le Président (M. Sirros): II vous reste à peu
près deux minutes, Mme...
Mme Harel: Je vais laisser la paroie à l'autre formation
pour l'alternance et je reviendrai avec mes deux minutes
Le Président (M. Sirros): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce
M. Thuringer: Merci. J'aimerais féliciter le groupe pour
son travail. J'aimerais aussi poser
une question à soeur Power. I have known Sister Power for a long
time. She has indicated to us how she lived in two worlds and through a
challenge, as her colleague Mr Cormier, that where we are and what we live is
how we judge and judge others. It seems to me, as I listen to these briefs
there it is like two trains passing in the night almost. We are on parallel
tracks. If I look at the statistics, those who have and those who have not and
if those who all have are still making decisions, it is going to be a long time
before changes are coming. I am just wondering if you have any suggestions for
those of us who still have our feet in other lands, how we might approach
this?
Mme Power: Je vais répondre en français avec mon
mauvais français, mais à cause de tout le monde ici.
Je n'ai pas de réponse absolue. Je crois que personne n'a des
réponses toutes faites il faut aller dans une certaine direction avec
une certaine vision et faire des choses limitées dans le présent,
mais dans une vue à long terme. Simplement pour une affaire pratique.
L'autre jour, j'ai entendu qu'on avait questionné des membres du
Parlement sur leur augmentation de 9000 $ et qu'ils avaient répondu. On
a étudié nos besoins et on avait besoin de cela. Je crois
qu'aucun gouvernement n'a jamais consulté des assistés-sociaux
sur leurs besoins. On décide qu'on a besoin de cela Je crois que
c'était 85 $ pour le loyer d'une famille, 65 $ pour un individu. C'est
irréel au possible. Personne ne peut avoir cela. Tout au commencement,
il y a eu une coupure pour en arriver là. C'était 145 $, je
crois, le maximum pour le loyer Est-ce qu'il sera possible pour les ministres
concernés, surtout le ministre de la Sécurité du revenu,
mais aussi les autres ministres de l'Éducation,
délégué à la famille, à la Condition
féminine, avec la représentation du patronat, avec une
représentation des syndicats, des travailleurs et les assistés et
les chômeurs, de discuter ensemble, pour qu'au moins, on puisse faire
cette correction qui sort d un autre vécu?
Je crois que, si je n'avais pas écouté beaucoup les
assistés, dans les détails de leur vie... Mon père
était banquier. J'arrive là, une femme me dit: J'ai cinq enfants
et chacun prend son tour pour aller acheter la bouteille de lait à
chaque repas, parce qu'on ne n'a pas de réfrigérateur -
c'était l'été et il faisait très chaud - il est
défectueux et je n'ai pas 80 $ pour le faire réparer.
C'était tellement une affaire que je n'avais jamais vécue, je
n'étais pas capable de m'imaginer cela. Elle n'avait pas de compte en
banque. Je me disais: Moi, j'ai été baptisée avec un
compte en banque.
Pour moi, ce sera cela, dans la pratique, écouter plus. C'est
pourquoi, je vous ai remercié d'écouter au moins les pauvres du
Québec qui lisent votre document. Je suis sûre que M. le ministre
va bonifier cela, comme il a dit, sans changer les principes immuables et sur
lesquels nous sommes d'accord quant au fond. Est-ce qu'on peut croire que tout
le monde a droit au même respect, au même besoin foncier de manger
comme il faut? La quatrième semaine, c'est un slogan chez nous,
qu'est-ce qu'on mange la quatrième semaine? C'est toute une acrobatie.
II me semble qu'on doit aller dans ce sens. II ny a aucun pays parfait. Je
crois que le temps passe, peut-être que je peux finir.
L'autre jour, j'ai écouté Joan Chang. Elle joue le
rôle de l'impératrice dans le film The Last Emperor -
peut-être que vous l'avez vu - The Last Emperor de la Chine. Elle a
joué six mois à Hollywood et six mois à Shanghai. Quand on
lui a demandé Comment as-tu vécu la différence? Elle a
répondu: À Shanghai, on nous a dit: Votre travail comme
comédienne, c'est un travail pour votre peuple chinois. J'ai
gagné 18 $ par mois, ce qui était le salaire d'un ouvrier
ordinaire. J'ai vécu avec cela. Je n'ai jamais pensé que je
devais avoir plus. J'arrive à Hollywood et on ne me parle que des
"bucks" - elle a dit cela, c'était en anglais - des dollars. Elle n'a
pas fait d'autres réflexions politiques ou autres. C'est la vision
longue, est-ce qu'on peut éduquer le monde pour penser plus à
comment servir le peuple au lieu de faire encore des "bucks", des dollars?
C'est très long Le ministre de l'Éducation devrait certainement
être là, si vous faites la réunion.
Le Président (M. Sirros): Merci Mme la
députée de Maisonneuve, pour les mots de remerciement.
Mme Harel: Est-ce que vous aviez d'autre chose à ajouter?
Non?
Je voudrais tellement être éloquente pour vous remercier de
la présentation de votre mémoire. À l'ouverture, vous avez
dit: Ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas capables de travailler,
c'est-à-dire qu'il ne faut par leur faire porter, en plus d'être
sans emploi, la responsabilité de ne pas avoir de travail. C'est
plutôt collectif. Cela me faisait penser, entre autres, à ce qui a
été fortement critiqué, la question du taux de change du
dollar canadien qui, tout seul, sans le concours d'aucun décideur, ici
au Québec, mine de rien peut décider du sort de quoi, 50 000
personnes qui du jour au lendemain peuvent se retrouver sans emploi. Alors, II
me semble qu'on devrait prendre conscience que ce ne sont pas seulement les
individus qui sont parfois victimes, il y a aussi des sociétés
qui elles-mêmes, dans leurs collectivités, peuvent être
victimes de décisions prises ailleurs. D'une certaine façon, que
la Banque du Canada décide de s'intéresser plus à
l'inflation qu'à autre chose, ce sont automatiquement des dizaines de
milliers de chômeurs de plus pour le Québec.
Je dis tout cela parce que, d'une certaine façon ici, on
s'intéresse au grand système. Mais chacun de nous,
indépendamment du fait de ses
responsabilités, a une échelle de valeurs et chacun a
aussi des préjugés. Mais par ailleurs, ici, ils ne sont jamais
mis sur la table, ni les uns ni les autres, ou presque. Chacun peut toujours
citer le cas de quelqu'un qui ne veut pas travailler. Par ailleurs, si on
établit notre solidaridé sociale sur cette base-là, alors
on installe un long chemin de contrôles sociaux qui vont simplement
multiplier l'apathie. Parce qu'il y a des professionnels qui sont venus pour
nous expliquer que finalement, souvent, la seule réaction normale de
l'organisme humain de la personne contre le système qui la
défavorisait, c'était de développer son apathie.
Enfin, je vous remercie pour votre contribution à nos
travaux.
Le Président (M. Sirros): Merci. M. le ministre, un mot de
remerciement?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voudrais remercier
l'Organisation d'aide aux assistés sociaux et ses porte-parole. Je vous
dirai que, depuis le début de cette commission, je n'ai jamais, dans un
certain sens, été autant à l'écoute. Je remercie
les députés qui sont intervenus, spécialement le
député de Notre-Dame-de-Grâce et, malgré tout, le
député de Sainte-Anne, malgré ses questions surprises.
Des voix: Ha, ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'espère que vous allez
conserver le contact avec les gens qui sont vos porte-parole parce qu'il s'agit
d'une opération, comme vous l'avez souligné, de consultation et
d'écoute d'envergure. Et que nous prenons au sérieux chacune des
propositions qui nous sont faites. Pour cette contribution positive, au nom du
gouvernement du Québec, je vous dis merci.
Mme Power: Merci.
Le Président (M. Sirros): La commission vous remercie
également et elle suspend ses travaux jusqu'à 20 heures, ce
soir.
(Suspension de la séance à 18 h 13)
(Reprise à 20 h 3)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plattl
Bonsoir, je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa
place, s'il vous plaît, la commission va commencer ses travaux.
La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à une consultation générale et de tenir
des auditions publiques dans le but d'étudier te document
intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu*.
Nous en sommes, ce soir, à la Corporation professionnelle des
médecins du Québec représentée par le Dr Augustin
Roy, le Dr André La-pierre et le Dr Pierre Morency. Je pense que vous
êtes des habitués des commissions. Je vous fais grâce de
toutes les grandes explications préalables. Je vous donne simplement les
répartitions de temps. Nous avons globalement une heure,
c'est-à-dire 20 minutes pour la présentation de votre
mémoire et 40 minutes pour discussion avec les parlementaires.
Pourriez-vous, s'il vous plaît, vous identifier chaque fois que vous
prenez la parole pour les fins de transcription du Journal des
débats.
Je vous prierais de vous identifier, de présenter vos
collègues et de bien vouloir commencer.
Corporation professionnelle des médecins du
Québec
M. Roy (Augustin): Merci, M. le Président. M. le ministre
et Mme la députée de l'Opposition, je vous présente mes
collègues. À ma gauche, le Dr André Lapierre,
secrétaire général adjoint de la Corporation
professionnelle des médecins du Québec, et, à ma droite,
le Dr Pierre Morency, omnipraticien de Charlesbourg, et membre du comité
administratif de la Corporation professionnelle des médecins du
Québec, et moi-même, Dr Augustin Roy, président de ia
corporation.
Nous allons lire brièvement le mémoire qui n'est pas
très volumineux. Nous serons ensuite disposés à
répondre à toutes les questions que vous voudrez bien nous
adresser.
La politique de sécurité du revenu, selon le document
d'orientation à l'étude, devra tenir compte de l'état de
santé de certaines des personnes qui requerront des prestations d'aide
sociale. Ces personnes devront alors se munir d'un certificat médical
pour répondre aux exigences de la politique. De plus, dans ce document
d'orientation, il est mentionné que, et je cite: "II ne faut pas imputer
aux programmes des problèmes qui naissent de certains comportements. Il
faut néanmoins s'attaquer résolument aux failles. "
L'émission d'un certificat médical pour aptitude ou
inaptitude au travail constitue, selon la Corporation professionnelle des
médecins du Québec, un des problèmes qu'il est possible
d'éviter ou d'atténuer et sur lequel nous désirons attirer
votre attention.
Ce problème provient de trois sources: premièrement,
l'imprécision des définitions de certains termes utilisés
dans l'élaboration d'une politique de sécurité du revenu
ou d'un programme d'aide sociale; deuxièmement, le contenu du certificat
médical lui-même et, troisièmement, les formulaires
utilisés à titre de certificat médical.
Imprécision des définitions et des termes utilisés.
Dans le document d'orientation intitulé "Pour une politique de
sécurité du revenu", on utilise très fréquemment et
indifféremment les
notions et termes suivants, sans les définir de façon
suffisamment précise: santé physique et mentale, raisons de
santé, travail, apte ou inapte au travail, incapable de travailler,
incapable de subvenir à leurs besoins.
Le premier paragraphe de ia page 19 se lit d'ailleurs comme suit: "Ce
programme s'adressera aux personnes ou aux ménages dont l'un des
conjoints connaît un état de santé physique ou mental
altéré de façon significative pendant une période
relativement longue et qui, pour ces raisons, sont et demeurent dans
l'impossibilité de subvenir à leurs besoins".
Les termes que nous avons soulignés dans ce paragraphe ont tous
une élasticité telle que plusieurs personnes pourraient se sentir
en droit de requérir un certificat médical et que plusieurs
médecins, appelés à compléter un tel certificat,
pourraient être justifiés d'y répondre avantageusement pour
le requérant.
Il nous apparaît important de bien définir au départ
les divers termes et notions de référence pour bien tracer le
cadre dans lequel évolueront les travailleurs, les
bénéficiaires d'aide sociale, les médecins et les autres
professionnels de la santé et les fonctionnaires.
La politique de sécurité du revenu devrait préciser
à quelle définition de santé mentale ou physique il fait
référence.. Celle de l'OMS dont on parle beaucoup? Celle du
Comité Harnois dont on a parlé lors des commissions
parlementaires du mois de janvier? Ou une autre? Le gouvernement, dans sa
politique du revenu devrait veiller à utiliser la même
définition que celle qu'il utilisera dans sa politique de santé
mentale. Il faut ici bien réaliser que l'émission ou non d'un bon
nombre de certificats médicaux pour inaptitude au travail pourrait
dépendre de cette définition.
Le document d'orientation, lorsqu'il fait référence
à la notion de travail, ne précise pas s'il faut se
référer au travail antérieur de l'individu concerné
ou au travail entendu dans son sens large, c'est-à-dire tout travail
qu'un individu serait susceptible de faire; l'aptitude au travail d'un
bûcheron est différente de celle d'un comptable. De même,
lorsque le document fait référence à l'inaptitude au
travail, il n'est pas précisé si celle-ci est reliée
à une incapacité totale ou partielle, temporaire ou
permanente.
Enfin, rappelons la définition de l'employa-bii'rté telle
que rapportée à la page 123 du document, et je cite:
"L'employabilité d'une personne peut se définir comme
étant l'adéquation entre certaines caractéristiques de
cette personne et la nature des emplois disponibles sur le marché. " En
plus d'insister sur l'imprécision des termes soulignés, nous
voulons attirer votre attention sur le fait que la détermination de
l'employabilité d'une personne n'est pas une décision
médicale et ne devrait pas reposer sur le seul certificat
médical. Le Code de déontologie de notre corporation stipule
d'ailleurs que le médecin doit s'abstenir de délivrer à
quiconque et pour quelque motif que ce soit un certificat de complaisance ou
des documents contenant de faux renseignements. " Il est déjà
souvent très difficile de préciser la limite à partir de
laquelle le certificat médical peut être taxé de
complaisance. Il ne faudrait pas, par des notions et termes imprécis
d'une politique de sécurité du revenu, rendre cette limite encore
plus floue et ainsi amplifier une zone déjà grise.
Un deuxième point, le contenu du certificat médical. Le
certificat médical est un document qui a comme objectif d'attester de
l'état de santé d'une personne à un moment donné
pour diverses fins: assurance, travail, admission au sein d'un organisme, etc.
Ce certificat comporte généralement, lorsqu'il y a pathologie, le
diagnostic et le traitement incluant la période de repos ou de
convalescence requise par la maladie. Il peut arriver que l'abandon du travail
et le retour au travail soit une prescription médicale pour les besoins
de santé de ia personne concernée. Ce certificat peut aussi
devenir plus spécifique et attester que telle personne n'est pas apte
à accomplir tel travail ou telle fonction durant telle
période.
Plus le certificat devient spécifique, plus le médecin qui
rédige ce certificat doit avoir une bonne connaissance tant de
l'état de santé de ta personne concernée que de la nature
et des exigences du travail ou de la fonction qu'elle a ou aura à
accomplir.
Le certificat médical est un document qui doit demeurer le plus
objectif possible et s'en tenir à la description de l'état de
santé de la personne concernée, soit le diagnostic et le
traitement incluant la période de convalescence. Si on veut que le
médecin établisse un lien entre l'état de santé
d'une personne et le travail, c'est-à-dire qu'il juge de l'aptitude ou
de l'inaptitude au travail pour une période donnée, il faut alors
lui donner toutes les informations relatives à ce travail et requises
pour établir une telle relation de cause à effet.
Il est utopique de croire que tous les médecins de la province
sont en mesure d'émettre un tel certificat. Ceux-ci n'ont
généralement pas les informations suffisantes relativement au
travail pour émettre de telles opinions à moins qu'une
durée relativement précise de repos ou de convalescence ne soit,
de consensus médical, rattachée à la maladie. Certains
médecins qui ont acquis une formation ou une expérience
particulière en santé au travail, peuvent détenir ces
informations, mais leur opinion relève souvent du domaine de
l'expertise.
Il existe sûrement plusieurs cas, particulièrement dans le
domaine de l'aide sociale, où la détermination d'un congé
de maladie est une affaire de jugement sans qu'il n'existe aucune norme
précise de référence. Il faut se rappeler que, dans un tel
cas, le médecin peut émettre une opinion dans
l'intérêt légitime du patient ou de la patiente
concerné. Un tel certificat peut perdre alors de son objectivité,
notamment s'il
est basé sur des symptômes subjectifs que le médecin
ne peut pas toujours vérifier. II faut donc se garder de demander aux
médecins de louer un rôle de "garde barrière" dans les
programmes d'aide sociale ou de sécurité du revenu. II faut
plutôt demander au médecin de s'en tenir à I'exercice de la
médecine et laisser à des personnes dûment mandatées
la décision d'accorder ou non des prestations d'aide sociale compte tenu
dun ensemble de facteurs tels le certificat médical le rapport du
travailleur social, la nature et les exigences du travail à accomplir
etc.
Nous croyons que la personne qui demande le certificat devrait
être impliquée dès le départ dans le processus en
I'obligeant à déclarer les raisons pour lesquelles elle croit ne
pas être en mesure de travailler.
Il y aurait avantage à prévoir un mécanisme d'appel
auquel les certificats complexes douteux ou litigieux pourraient être
soumis. Les droits des personnes seraient ainsi mieux respectés et la
possibilité de contestation possible d'une certificat incitera à
la prudence celui qui l'émet. Les certificats de complaisance peuvent
toujours être rapportés à la Corporation professionnelle
des médecins du Québec, qui prend, chaque fois les dispositions
nécessaires selon le Code des professions. L'accomplissement de cette
tâche sera d'autant plus facile que le projet de politique de
sécurité du revenu établira un cadre et des termes de
référence clairs et bien définis plutôt que de
maintenir ou d'élargir une zone grise.
Les formulaires utilisés à titre de certificat
médical. II existe plusieurs formulaires utilisés à titre
de certificat médical. Souvent, les organismes chargés
d'administrer une loi ou un programme de compensation adoptent des formulaires
adaptés à leur besoin, par exemple la CSST, la Régie de
I'assurance automobile du Québec, etc.
Les formulaires de la CSST et de la RAAQ ont été
élaborés à la suite de consultations avec la profession
médicale et comportent des questions relativement précises qui se
rapportent à un accident et ou à un travail donné. Ces
formulaires laissent moins de place à des réponses trop
générales et partant moins de place aux certificats dits de
complaisance.
Le formulaire actuel du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu ne nous apparaît aucunement
adapté pour I'ensemble des bénéficiaires d'aide sociale,
il a été préparé en fonction des
bénéficiaires en quête d'une place dans un
établissement d'hébergement. Une bonne partie des questions qui y
sont posées ne concernent aucunement, entre autres, les
bénéficiaires d'aide sociale de moins de 30 ans. Ce formulaire
oblige les médecins à ne répondre qu'à l'une ou
l'autre des questions suivantes. La personne concernée est-elle capable
de travailler, ou incapable de travailler, de façon temporaire ou
permanente, le travail étant entendu dans le sens le plus
général du terme?
À moins d'avoir affaire à une maladie fort
débilitante ou à une pathologie importante il est difficile pour
un médecin d'affirmer qu'une personne de moins de 30 ans est incapable
de travailler dans le sens le plus général du terme c'est
à-dire d'accomplir quelque travail que ce soit. Les formulaires actuels
placent le médecin dans une situation ou il n'a d'autre choix que de
faire des déclarations beaucoup trop générales et qui
souvent ne sont pas pertinentes au cas soumis.
Nous demandons au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu 1° de consulter la profession
médicale pour la préparation des formulaires de certificats
médicaux, 2° de faire en sorte que les certificats médicaux
demeurent des documents objectifs 3° de faire en sorte que le
médecin qui complète un certificat médical demeure
à l'intérieur de l'exercice de la médecine, 4° de ne
pas faire du médecin un "garde barrière" de I'aide sociale 5°
de prévoir, selon le cas un recours à I'expertise, 6e
de prévoir un mécanisme d'appel dans les cas douteux ou
litigieux, 7° et dernièrement, de faire en sorte que la personne qui
demande une prestation daide sociale soit impliquée, dès le
départ, dans le processus en l'obligeant à déclarer les
raisons pour lesquelles elle croit ne pas être en mesure de travailler
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. Roy. Je veux
simplement vous prévenir que les bruits qu'on entend, ce ne sont pas des
contestations, ni contre votre exposé ni contre le projet du ministre ou
contre les paroles de Mme la députée de Maisonneuve, c'est tout
simplement qu'on déglace le toit. On leur a demandé de commencer
par I'autre bout, alors, quand ils arriveront ici on devrait avoir fini. Ce
n'est pas le ciel qui nous tombe sur la tête.
M le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens à remercier la
Corporation professionnelle des médecins du Québec pour son
mémoire ainsi que pour la présentation orale qu'elle nous en a
fait. J'aurais, dans un premier temps, quatre sujets à aborder avec la
corporation professionnelle. Le premier touche une suggestion qu'elle nous
adresse pour que nous précisions les termes de la définition. Je
pense que vous avez raison et j'ajouterai qu'il serait, pour nous, probablement
utile d'utiliser des termes qui ont déjà fait I'objet de
décisions, soit de la Commission des affaires sociales, ou
entérinées par des tribunaux de droit commun, de façon
à baliser les interprétations qut peuvent en être faites.
Là-dessus, nous accueillons très favorablement cette
recommandation de la Corporation professionnelle des médecins du
Québec.
Le deuxième point, qui rejoint peut-être mon
quatrième également vous avez fait allusion dans votre
mémoire à d'autres organismes gouvernementaux, CSST, Régie
des rentes inva-
lidité, Régie de l'assurance automobile du Québec.
Ce sont des organismes dans lesquels vos membres sont
généralement impliqués dans le processus de
décision qui affectera les droits du bénéficiaire. Je vous
l'ai déjà dit et vous le répète, comme
député de comté, chaque semaine des gens viennent nous
voir et il nous faut absolument à leur dossier une expertise
médicale si nous voulons être en mesure de les conseiller sur les
possibilités pour eux d'avoir raison, soit pour la révision d'une
décision administrative, soit devant la Commission des affaires
sociales. Et sans cet indispensable document médical, nous ne sommes pas
en mesure de les conseiller. Quelle façon ou quelle sorte de
satisfaction ou de non-satisfaction éprouvez-vous à l'endroit des
trois mécanismes que je viens d'énumérer?
M. Roy: Le Dr Pierre Morency qui est en exercice actif et qui
traite avec ces organismes régulièrement peut vous donner une
appréciation qu'on en a en général.
M. Morency (Pierre): En général, ces
formules-là permettent de bien évaluer une situation
médicale. Entre autres, la formule de la Régie des rentes du
Québec est une formule assez élaborée qui permet au
médecin de tracer un bilan de l'état de santé de
l'individu et de faire un bilan des antécédents. Il est au
courant dans ce problème-là de l'état de validité
ou d'invalidité face à un travail. Il est capable de se prononcer
et d'établir un pronostic, et c'est un jugement d'ordre médical.
Dans la formule de la CSST, il y a l'évaluation en fonction de
l'accident du travail ou de la maladie professionnelle; il y a
l'évaluation de l'individu par rapport à cette notion d'accident
de travail. Le médecin est capable de porter un jugement sur une
condition médicale et de dire: C'est effectivement une pathologie qui
peut relever d'un accident ou d'une maladie professionnelle. Alors, dans ces
deux formules en particulier, dans la formule de la Régie de l'assurance
automobile du Québec, il y a également place pour
l'élément subjectif, mais pour l'évaluation
médicale, le médecin doit se prononcer sur une durée de
temps et sur des restrictions qui pourraient être permanentes ou
temporaires. Alors, ces formules sont bâties de façon à
laisser libre cours et à permettre d'établir tous les points d'un
diagnostic, d'un pronostic.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux
interpréter honnêtement votre réponse en disant que vous
êtes généralement satisfaits, et du formulaire, et de la
façon de fonctionner dans les trois cas énumérés,
soit la Régie des rentes du Québec, la CSST et la Régie de
l'assurance automobile du Québec.
M. Roy: Le docteur Lapierre va...
M. Lapierre (André): En fait, ce que nous pouvons dire,
c'est que les formules de la CSST et les formules de la Régie de
l'assurance automobile du Québec ont été
rédigées en consultation avec la profession médicale. Et
les questions y sont pertinentes et précises. En ce qui concerne le
degré de satisfaction, il faudrait plutôt s'adresser à la
CSST ou à la RAAQ pour demander ce qu'elles pensent de leurs formules.
Mais si on regarde le formulaire du ministère de la Main-d'oeuvre et de
la Sécurité du revenu, c'est un formulaire qui est très
général et qui a été conçu avec la
profession médicale, mais pour les personnes en quête d'un
hébergement. Et je vous donne une idée des questions qu'on pose.
Imaginez l'éventail des bénéficiaires qui peuvent exiger
un tel certificat et regardez les questions. Est-il en fauteuil roulant?
Incontinence anale? Incontinence véslcale? Mange-t-il seul ou avec aide?
Est-ce qu'il a des plaies de lit? Ce sont toutes des questions qui ne se
rapportent aucunement à une jeune personne ou à une personne qui
n'est pas atteinte d'une maladie chronique mais à une personne
âgée. Et la seule possibilité que le médecin a est
de déclarer que cette personne a une incapacité permanente de
travailler ou une incapacité temporaire de travailler ou cette personne
est capable de travailler. À notre sens, ce sont des questions beaucoup
trop générales auxquelles il est très difficile de
répondre. Parce que identifier une personne comme étant incapable
de travailler pour le reste de sa vie, m'apparaît être une
décision qui ne peut s'appliquer qu'à des personnes fort
atteintes d'une déficience importante.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Troisième
élément. Les mécanismes d'appel. Je pense qu'ils sont
indispensables. Là aussi nous retenons votre proposition. Maintenant,
dans le fonctionnement actuel, iI y a ce qu'on appelle la révision
administrative et il y a l'appel proprement dit devant un tribunal de nature
quasi judiciaire qui est la Commission des affaires sociales. Si vous
étiez à la place de celui ou de celle qui a à prendre les
dernières décisions, est-ce que vous retiendriez ce double
processus ou si vous en suggéreriez un autre?
M. Roy: Je pense qu'il faut qu'il y ait un mécanisme
d'appel, comme vous le suggérez, pour les cas qui peuvent être
discutables, et ce ne doit pas être le médecin qui doit trancher.
Le rôle du médecin traitant, c'est de déterminer
l'état de santé de la personne devant lui en donnant les
symptômes et les signes qu'il détecte ou qu'il voit. Si le
gouvernement, le ministère en cause ou l'organisme en cause n'est pas
satisfait de ce qu'il trouve sur la formule remplie par le médecin
traitant, c'est son devoir d'avoir un contrôle par le biais d'un
organisme d'appel ou un autre médecin va réviser la situation. Si
jamais. II y a doute et conflit entre les deux
rapports, à ce moment-là un arbitre doit être en
mesure de trancher, comme cela se fait actuellement dans le cas de la CSST qui
a mis en vigueur un mécanisme nouveau qui semble donner de bons
résultats. On a affaire à des individus, à des personnes,
à des médecins qui ont des sentiments personnels. On a affaire
à des patients qui viennent donner des symptômes qui, souvent,
sont invérifiables. Est-ce qu'on doit croire ou non un patient? Je pense
que c'est fondamental en médecine que le médecin croit ce que lui
dit le patient. Si le patient lui dit qu'il a mal au dos, il doit tenir pour
acquis que le patient ne ment pas. Évidemment, ce n'est pas toujours
facile de détecter s'il a vraiment un mal de dos organique ou non, et
même quand il a un vrai mal de dos, souvent vous n'aurez pas de
possibilité de l'objectiver par une radiographie ou par un test de
laboratoire. C'est un ensemble de facteurs qui vont faire en sorte que
quelqu'un a un mal de dos. C'est bien sûr qu'il y a des gens qui vont
mimer des maux de dos, qui vont exagérer. Cela existe dans toutes les
couches de la société, mais il y a des gens qui ont
été pénalisés parce qu'on ne les a pas crus et il y
en a d'autres, évidemment, qui ont abusé du système parce
qu'on leur a donné le bénéfice du doute. Il faut trouver
un mécanisme qui fasse en sorte que le citoyen soit
protégé, puisse bénéficier des lois qui sont
votées par le Parlement et qu'en même temps le médecin ne
soit pas susceptible d'être pénalisé parce qu'il exerce un
jugement qui ne serait pas le même que celui du fonctionnaire qui va
avoir à régler le problème. Je pense qu'il appartient au
gouvernement, il appartient au ministère de déterminer des
barèmes et, ensuite, de déterminer les montants que les gens
peuvent avoir en rapport avec les symptômes et les maladies dont ils
souffrent, Pour ce faire, il faut véritablement un mécanisme
d'appel et même un mécanisme d'arbitrage pour les cas
litigieux.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un autre élément,
brièvement. Vous avez évoqué une consultation sur le
formulaire comme tel avec la corporation que vous dirigez ou que vous
présider C'est une autre suggestion qui sera retenue par le
ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du
revenu.
Sur ce, en vertu de la règle de l'alternance, je cède la
parole à Mme la députée de Maison-neuve.
M. Roy: Je vous remercie. Je pense que la corporation et les
fédérations médicales qui représentent les
médecins omnipraticiens et spécialistes et qui ont des membres en
exercice sont bien placées pour donner des suggestions constructrves au
gouvernement de façon que tout le monde soit bien traité.
Le Président (M, Bélanger): Mme la députée
de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je veux vous saluer, Dr
Roy, ainsi que le Dr Morency et le Dr Lapierre qui vous accompagnent. Votre
mémoire fait état principalement de la définition qu'on
retrouve dans le document d'orientation à la catégorie Soutien
financier; c'est ce qu'on retrouve à la page 2 de votre mémoire
et vous faites état des difficultés d'interprétation
lorsque la définition nous dit: "Ce programme s'adressera aux personnes
ou aux ménages dont l'un des conjoints connaît un état de
santé physique ou mentale altéré de façon
significative pendant une période relativement longue et qui, pour ces
raisons, sont et demeurent dans l'impossibilité de subvenir à
leurs besoins".
Je veux attirer votre attention sur le fait que vous êtes
également mis à contribution pour une autre catégorie de
bénéficiaires, celle-là dite admissible non disponible
qu'on retrouvait à la page 30 du document d'orientation. Je vous lis la
définition qu'en donne le document d'orientation du ministre: Les
personnes éprouvant temporairement des problèmes de santé
physique ou mentale tels que certifiés par un professionnel
autorisé, les rendant incapables de participer à une mesure
d'employabilité, et là, maintenant, c'est: les empêchant de
gagner un revenu de travail, plutôt que: de subvenir à leurs
besoins. C'est, si vous voulez, l'autre catégorie pour laquelle vous
serez, d'une certaine façon, arbitre. (20 h 30)
On voit que simplement ces deux définitions, dans un cas, c'est:
altéré de façon significative et, dans l'autre cas, c'est:
temporairement des problèmes de santé. Dans un cas, c'est: dans
l'impossibilité de subvenir à leurs besoins et, dans l'autre: de
gagner un revenu de travail. Je pense, si ma mémoire ne fait pas
défaut, que vous êtes sans doute le 37e ou le 38e groupe...
Attendez, le 39e groupe, le 39e organisme que l'on entend en commission.
Très nombreux, sont venus les représentants d'organismes qui nous
ont dit qu'un des défauts majeurs du projet était de
médicaliser toute cette question de l'aptitude ou de l'inaptitude. D'une
part, l'Association des hôpitaux du Québec est l'un des premiers
groupes à être venus nous dire - je vous lis exactement ce qu'on
retrouve à la page 2 de son mémoire - "Le réseau de la
santé et des services sociaux devient de plus en plus le refuge des
"cas" sociaux, des gens qui vivent juste à la frontière de nos
systèmes d'aide ou de nos quelques moyens d'entraide. Ainsi, quand une
personne atteint un seuil critique, quand elle ne peut plus s'en sortir
elle-même, on la retrouve à l'urgence d'un hôpital". Il faut
croire qu'on la retrouve aussi dans les salles d'attente des
médecins.
Que pensez-vous, d'une part, de cette protestation qui est venue des
rangs que vous occupez en disant au ministre: II ne peut pas y avoir qu'une
évaluation physique de la personne, parce que c'est biophysiosoclal son
aptitude ou
son inaptitude, sa mésadaptation, etc? D'autres corporations sont
venues dire qu'il ne fallait pas que ce soit l'exclusivité des
médecins de prononcer un diagnostic sur la personne est-elle capable ou
pas de subvenir à ses besoins, est-elle capable ou pas de gagner un
revenu de travail? Elles ont dit qu'elles voulaient être associées
à une sorte d'échange multiprofessionnel ou interprofessionnel.
Aussi, le reproche le plus sévère est venu des
représentants des groupes de personnes déficientes qui ont dit:
La déficience, ce n'est pas une mauvaise santé. On peut
être en bonne santé et être déficient et on peut
être en mauvaise santé et, à ce moment, ce n'est pas le
diagnostic médical parce que notre état de déficience,
disons notre état de handicap, ne doit pas nous empêcher
d'être soutenu pour gagner notre vie dans la société en
modifiant le milieu de travail pour nous recevoir Que pensez-vous, finalement,
de tous ces points de vue?
M. Roy: Ce que vous dites, Mme la députée de
Maisonneuve, illustre bien l'importance de définir les termes
utilisés dès le départ! C'est bien à notre corps
défendant qu'on médicalise le système, mais qu'on le
veuille ou non, quand on a affaire à des gens malades, c'est vraiment le
médecin qui est le mieux placé pour établir un diagnostic.
C'est bien sûr que, quand on parle de cas sociaux, c'est très
différent, mais c'est pour cela qu'il ne faudrait pas confondre les
deux. Lorsqu'on a affaire à des gens souffrant de problèmes
organiques, de diabète, d'infarctus, de fracture, c'est clair, c'est
relativement facile Avant la révision de la Loi sur l'aide sociale,
même, je pense, avant que la loi soit votée en 1969, il
était très difficile d'obtenir de l'aide sociale. Il fallait,
dans le temps où j'exerçais la médecine, donner des cartes
roses qui venaient des municipalités, il y avait une contribution du
gouvernement, des municipalités. On parlait des cartes roses de M
Duplessis. Dans ce temps-là, quand quelqu'un avait une carte rose, il
n'avait pas cela parce qu'il souffrait de dépression ou qu'il
était mal dans sa peau. II fallait vraiment être malade. II
fallait avoir une maladie organique, il fallait être infirme iI fallait
avoir des problèmes de santé. Avec le temps, il y a eu un
déplacement et une interprétation plus globale, plus
générale de la santé et là on a englobé pas
seulement des déficiences physiques, mais des déficiences d'ordre
psychologique, d'ordre social, des gens en mal d'autonomie, des gens qui ne
sont pas bien dans leur peau et on appelle cela, évidemment, des
maladies. C'est là que le jugement personnel du médecin devient
très difficile Qu'est-ce que c'est que la santé? Ce n'est pas
seulement l'absence de la maladie, selon l'OMS. C'est un état de
bien-être physique, mental et social. C'est très large. II faut
savoir jusqu'à quel point le gouvernement est prêt à
considérer ce genre de définition, à quoi doivent avoir
droit les gens qui ont des problèmes sociaux ou de santé. II
faudrait peut-être déterminer cela clairement.
Dans le cas de santé physique, cela pourrait se faire. Dans des
cas de santé mentale, c'est difficile, dans les cas de santé
sociale, c'est encore plus difficile. Là, il faudrait peut-être
établir des barèmes en disant. Écoutez, telle ou telle
personne qui n'a pas de problème, de symptôme palpable,
identifiable, de maladie mais qui vit dans telle ou telle situation, dans tel
ou tel état, est manifestement dans le besoin et on doit lui donner tel
genre de bénéfice. C'est pour cela qu'il ne faudrait pas forcer
les médecins à donner des certificats, qu'ils font, la plupart du
temps, de bonne foi pour aider des personnes dans le besoin. II y a des
médecins qui ont une attitude plus humaine, plus ouverte, plus sociale
que d'autres qui interprètent différemment la notion de
santé, qui interprètent aussi leur rôle non seulement comme
étant de donner des soins mais également de prévenir des
maladies. Surtout dans le cas des assistés sociaux de moins de 30 ans,
on a affaire à des cas très difficiles à trancher et qui
causent des cas de conscience au médecin qui a devant lui, par exemple,
une mère célibataire de deux enfants qui se dit incapable de
travailler et qui voudrait avoir une aide supplémentaire ou une autre
jeune fille, sans enfant, qui a des problèmes d'ordre émotif ou
des problèmes d'alimentation et qui n'a pas de travail suffisamment
intéressant et rémunérateur pour la sortir de la maison,
qui a pris de mauvaises habitudes et qu'il faut réhabiliter. Le
médecin est pris à donner le bénéfice du doute
à cette patiente en se demandant. Est-ce que c'est mieux que je l'aide
ou que je la laisse se jeter dans la drogue, la prostitution ou le crime?C'est le dilemme auquel sont confrontés les médecins.
Nous, on dit que ce n'est pas le rôle du médecin de jouer
à l'agent social, de jouer au sauveur de tout le monde. II est là
pour établir les signes et symptômes dont souffrent tes patients.
II doit en tenir compte, il doit les croire et il appartient à l'aide
sociale, au gouvernement de prendre les décisions qui s'imposent.
Mme Harel: Dr Roy, vous nous dites dans votre mémoire
à la page 5: "Les certificats de complaisance peuvent toujours
être rapportés à la Corporation professionnelle des
médecins du Québec qui prend, chaque fois, les dispositions
nécessaires selon le Code des professions. " Est-ce que cela vous a
surpris que le ministère de la Justice poursuive des médecins
devant les tribunaux plutôt que de s'adresser à la
corporation''.
M. Roy: Vous posez une question chargée et une question
dont la réponse est évidente. Cela nous a non seulement
choqués, cela nous a scandalisés qu'on utilise ce
mécanisme parce qu'on aurait cru - et cela ne s'est malheureusement
jamais fait - que les bureaux d'aide sociale
ou le ministère qui auraient eu des doutes sur la validité
de certains certificats émis par des médecins puissent utiliser
les mécanismes prévus dans le Code des professions, dans la Loi
médicale qui sont une plainte portée en bonne et due forme au
syndic de la corporation, comme il en existe dans toutes les corporations.
Aucune de ces plaintes n'a jamais été portée et
lorsqu'elles sont portées, nous faisons enquête, nous demandons
l'opinion du médecin, nous lui demandons une justification et nous
faisons un rapport au plaignant. L'autre méthode qui aurait pu
être choisie par les bureaux d'aide sociale et le ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu aurait
été de demander une deuxième opinion, une expertise. Cela
s'est fait dans certains cas. Il y a aussi des médecins à
Québec qui l'ont fait à la demande du ministère...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je ne veux
pas interrompre...
M. Roy:... mais on aurait voulu que cela soit fait de
façon plus systématique.
M. Paradis {Brome-Missisquoi):... le Dr Roy, mais il y a eu des
précisions qui ont été apportées à
l'Assemblée nationale. Cela ne me fait rien qu'on traite du
ministère de la Justice ou du ministère du Solliciteur
général mais il a été clairement indiqué que
le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu que je dirige n'était pas impliqué dans ce dossier et
j'aimerais que cela soit clairement réétabli.
Mme Harel: C'est-à-dire, M. le ministre, mon Dieu, que
vous vous sentez tout de suite concerné!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est parce que, je ne sais pas si
vous étiez distraite, mais le Dr Roy a évoqué le nom du
ministère que je dirige. Celui qui vous a précédée
comme critique dans le dossier, le député de Verchères,
m'avait adressé à l'Assemblée nationale une question sur
le sujet. J'avais spécifiquement répondu à
l'Assemblée nationale à cette époque et ma parole n'a
jamais été mise en doute quant à cette réponse et
je ne voudrais pas qu'on commence.
Mme Harel: De toute façon, M. le ministre, vous savez bien
qu'on peut poser des questions en Chambre et on ne peut jamais astreindre les
personnes à répondre. On ne met pas des paroles en doute parce
qu'on ne peut pas le faire à l'Assemblée nationale, c'est le
ouï-dire. On prend les mots pour ce qu'ils valent
M. Roy: Mais je dois, pour répondre à M. le
ministre du Travail, lui demander de ne pas mal interpréter ce que je
dis, parce que je ne crois pas - il faudrait lire la transcription de ce que je
viens de dire - avoir dit en aucune façon que les poursuites contre les
médecins avaient été initiées par le
ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu.
Je n'ai pas dit cela J'ai dit tout simplement que j'aurais aimé, s'il y
avait eu des plaintes contre les médecins, qu'elles soient
portées à la Corporation des médecins ou qu'on demande une
deuxième opinion à d'autres médecins avant de prendre une
action ou même que les agents d'aide sociale communiquent avec les
médecins. Parce que, en aucune façon, le bureau d'aide sociale
n'est obligé d'accepter le certificat médical signé par le
médecin. Il a le droit de juger du cas et d'amener des cas. On me dit
qu'il y a des relations étroites entre les agents d'aide sociale et les
médecins. Malheureusement, dans les cas dont on a eu connaissance au
cours des derniers mois. II n'y avait pas eu ce genre de communication. Je ne
fais aucune accusation au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu dont j'avais lu les déclarations en
Chambre et que j'avais même entendu lorsque les débats
étaient rapportés à des heures un peu plus
intéressantes pour le citoyen ordinaire.
Mme Harel: Justement, à propos de ces cas dont on a eu
connaissance, c'est peut-être intéressant de... Dr Roy, vous avez
dû pouvoir explorer cette question, à savoir comment il se fait
que la même agente de la Sûreté du Québec, la
même personne finalement... croyez-vous qu'elle se soit retrouvée
par hasard chez certains médecins ou qu'elle ait été
dirigée vers ces bureaux de médecin par un supérieur de la
Sûreté du Québec qui n'aurait eu aucun contact, aucune
information, par les bureaux d'aide sociale ou de main-d'oeuvre et
sécurité du revenu?
M. Roy: Écoutez, c'est bien évident qu'il n'y a
personne qui initie une enquête de ce genre sans avoir eu des demandes,
des instructions formelles. Alors, je ne sais pas d'où sont venues les
demandes.
Mme Harel: D'où ces instructions sont-elles venues?
M. Roy: Ce n'est pas à mot de le déterminer, mais
s! on prend la parole du ministre de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu à l'effet que cela ne vient pas de lui,
apparemment cela ne vient pas...
Mme Harel: Finalement, je ne le mets pas en doute.
M. Roy: Apparemment, cela...
Mme Harel: Je ne mets pas en doute que cela ne vient pas du
ministre ou de son cabinet, mais de qui peut-on attendre des instructions
semblables à la Sûreté du Québec? On n'initie sans
doute pas à la Sûreté du Québec de son
propre chef, on initie à la suite des informations
communiquées ou transmises.
M. Roy: En fait, on peut penser à plusieurs personnes qui
ont nié l'avoir fait. On aurait pu penser que cela puisse venir du
ministère de la Justice. Cela n'a apparemment pas origine du ministre de
la Justice. Cela n'a pas origine du Solliciteur général. Cela n'a
pas origine de la ministre de la Santé et des Services sociaux. Alors,
cela a originé de quelque part mais là, moi je ne suis pas autour
de la table à l'Assemblée nationale. Si j'y étais, je
poserais d'autres sortes de questions. Mais il est clair qu'il y a eu quelqu'un
qui a demandé une enquête, parce que cette agente ne s'est pas
improvisée chez certains médecins en particulier pour aller faire
une enquête sous un faux nom, surtout que ce n'était pas une
opération qui a origine rapidement. C'était une affaire bien
pensée, bien exercée, parce que cette personne avait suivi des
cours pratiquement d'art dramatique pour simuler un faux patient. (20 h 45)
Mme Harel: Je pense que pour dissiper tous les doutes, ce qui
serait le plus souhaitable, c'est que le ministre nous explique. II a
certainement fait une exploration pour savoir, dans son propre
ministère, comment des informations avaient pu être transmises
parce qu'il y a des informations qui ont été transmises.
Même si elles ne l'ont pas été à la demande du
ministre, elles l'ont certainement été. Si ce n'est pas à
sa demande, il faut comprendre que ce serait malgré lui ou en
dépit de lui, mais certainement, elles ont été transmises
par des personnes en autorité ou en exercice dans son
ministère.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux
répondre?
Mme Harel: Oui, allez-y.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux vous indiquer, parce que
j'ai occupé certaines fonctions de façon très
brèves et intérimaires qui m'ont donné accès
à certaines informations, que cela peut se faire sans que le
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
ne soit impliqué, ni directement, ni indirectement.
Mme Harel: C'est-à-dire que tout ce scénario, qui
est un scénario planifié, qui est un scénario qui
supposait des composantes quasi théâtrales, ce scénario
aurait été initié sans que l'information des dossiers
parviennent des bureaux de l'aide sociale?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que je vous ai répondu,
sans qualifier votre description de la situation, c'est que les
événements qui se sont produits sont possibles sans une
participation ni directe, ni indirecte du ministère de la Main-d'oeuvre
et de la Sécurité du revenu.
Mme Harel: Oui. Alors, il en va de cette question comme à
peu près de toutes les autres que je pose depuis l'ouverture il faut
croire le ministre sur parole. II a les mots pour le dire, mais. II n'a pas les
explications pour le démontrer.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je le dis de mon siège,
madame.
Mme Harel: De votre siège. Bon. Heureusement que vous
siégez. On retrouve dans le document. J'ai peu de temps,
malheureusement, je vais devoir rapidement aborder la question du handicap dont
je parlais. Le comité qui représente la
Confédération des organismes provinciaux de personnes
handicapées faisait, comme vous appel à une définition
plus serrée en disant. On semble confondre état de santé
et facteur de handicap. En effet, l'emploi du concept état de
santé ne facilite point la compréhension puisque la
définition que donne l'OMS du terme handicap n'a pas du tout la
même signification ni la même portée que l'usage qu'en fait
le document. Est-ce que vous auriez une recommandation à faire quant
à la définition à utiliser du terme santé?
M. Roy: En fait, je pense que le ministre semble avoir pris bonne
note qu'il faut que les termes soient bien précisés dans la
future loi. II faudrait, évidemment que tout le monde s'entende sur la
signification du terme santé et, de préférence, quelle
soit donnée au début du texte de loi pour les fins de cette loi.
Santé, cela peut être, comme on le dit, interprété
très différemment, selon les sources et selon la conscience
sociale des gens qui la traitent. Il serait mieux qu'il y ait une
définition claire du gouvernement dans le texte de loi.
Le Président (M. Bélanger): Le temps est
écoulé, Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Je pense que le Dr Lapierre voulait
compléter.
Le Président (M. Bélanger): Dr Lapierre, vous avez
un complément de réponse?
M. Lapierre: Oui.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Lapierre: Sur la notion de santé, si on se rapporte au
rapport Harnois au sujet duquel il y a eu une commission parlementaire
récemment, on dit. C'est bien beau de vouloir définir la
santé et d'être aussi clair qu'on le voudrait, mais le rapport
Harnois nous dit qu'il y a des pièges à cela et en tête de
liste, une volonté démesurée de clarification du concept
de santé mentale présente des risques importants de
normativité. Quand on parle de santé mentale, le rapport dit
Dans la mesure ou la santé mentale est plutôt une dynamique
qu'un état bien défini nous sommes placés devant un
univers s! large que des individus s'estimant en bonne santé mentale
peuvent porter les conséquences d'un jugement contraire posé par
un tiers. D'autres sont aux prises avec un problème que personne ne
semble vouloir reconnaître. Quelquefois c'est le difficile arbitrage
entre le choix individuel et la nécessité sociale qui est en
jeu.
Si on lit le rapport, tout au long on dit que la santé a trois
axes l'axe biologique, l'axe du psychodéveloppement et l'axe contextuel.
On définit un trouble psychique comme toute perturbation ou
détresse qui entrave de façon temporaire ou permanente les
activités cognitives, relationnelles et affectives de la personne aux
différents stades de son développement. Alors, imaginez quand on
part avec des notions comme celles-là, il est évident que le
médecin a un jugement à porter dans chaque cas et c'est tellement
large qu'on supplie la commission de laisser te médecin exercer la
médecine de faire en sorte que les travailleurs sociaux exercent leur
métier et que, s'il y a des jugements qui doivent être
portés devant des cas qui sont du domaine médical ou social, on
les fasse trancher par une équipe pluridisciplinaire.
M. Roy: En fait, la santé est souvent une notion
très subjective. On sait très bien qu'un homme ou une femme en
santé, c'est souvent un ou une malade qui s'ignore et on sait
très bien qu'il y a des gens dangereusement bien qui sont morts le
lendemain. C'est souvent très subjectif. C'est bien sûr qu'il y a
des problèmes organiques où on peut objectiver, mais il y a
énormément de subjectif dans l'interprétation que
quelqu'un fait de sa santé. Quelqu'un peut se sentir bien, mais ne pas
être bien. II y a une très grande différence entre
être bien et se sentir bien.
Mme Harel: C'est évident, surtout quand les
barèmes.
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, madame,
votre temps est écoulé, malheureusement.
Mme Harel: Ah, merci.
Le Président (M. Bélanger): M le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: Merci.
Le Président (M. Bélanger): II vous reste six
minutes.
M. Polak: Je vais seulement prendre deux ou trois minutes. Comme
vous le savez, comme député de Sainte-Anne, à
Pointe-Saint-Charles, quant aux certificats médicaux, j'ai eu des
rencontres publiques avec des centaines de personnes et j'ai cité le Dr
Augustin Roy et j'ai reçu des applaudissements parce que j'ai dit: Voici
il est assez large dans son interprétation du mot "santé". Le
soir je suis retourné chez moi et j'ai lu à ma femme la
définition de santé, selon World Health Organization: Health is
not only the absence of illness or infirmity but a state of complete well being
from a physical, mental and social point of view. " Ma femme a dit: Je suis
donc inapte parce que tu vas à Québec et je souffre tellement. Je
ne suis pas capable, je suis inapte. Si on veut qu'on tire ça au pire,
il n'y a pas beaucoup de personnes aptes avec une définition comme
celle-là. Qu'est-ce que ça veut dire. Être bien dans sa
peau? J'ai cité le Dr Augustin Roy et je parlais parce que
j'étais là devant la clinique. II y avait un médecin, une
femme, dont je ne me rappelle plus le nom, qui m'a dit: Voici, je suis bien
d'accord, M. le député, que vous défendiez cela, parce que
je le défends. Chaque fois que vous avez moins de 30 ans et 178 $ par
mois: inapte. J'ai répondu: Je ne suis pas le Dr Augustin Roy, mais il y
en a peut-être quelques-uns qui sont aptes même avec 178 $ par
mois.
Je suis content de noter, dans votre document, que vous constatez que ce
n'est jamais noir ou blanc, qu'il y a beaucoup de gris. Donc, vous demandez,
par exemple, et corrigez-moi si je fais des erreurs, à la page 6 de
votre mémoire, je l'ai lu attentivement dans I'avion ce matin
l'élaboration de formulaires de certificats médicaux. Vous
demandez certains barèmes, certains guides à suivre et quant
à moi, c'est totalement acceptable. Je veux aller très loin parce
que j'ai rencontré des bénéficiaires de l'aide sociale et
je suis d'accord avec la définition des Nations Unies qu'il ne faut pas
dire. Deux jambes, deux bras aptes. J'ai appris beaucoup plus que cela à
Pointe Saint-Charles, qu'il y a des personnes qui sont inaptes parce qu'il y a
autre chose dont elles souffrent et toutes les affaires de vols et de
prostitution, je suis bien d'accord que cela existe. Je suis tout à fait
d'accord avec I'homme ou la femme médecin qui a eu le courage de dire
inapte. J'ai admiré aussi notre ministre qui a répondu à
une question de l'Opposition. Je laisse la détermination aux
médecins en place.
Mais croyez-vous que cela prenne comme une sorte d'encadrement ou
certains barèmes pour vous suivre ou si vous dites. Non, iI faut laisser
cela, parce qu'on a la décision ultime de dire qui est apte ou
inapte?
M. Roy: M le député de Sainte-Anne, dont je connais
bien le comté, je peux vous dire que nous sommes parfaitement d'accord
pour qu'il y ait des barèmes, un encadrement, pour que les
médecins ne soient pas appelés à jouer un rôle
qu'ils n'ont pas et pour que les bénéficiaires, les patients, les
malades soient traités équitablement Dans la vie, c'est une
question de bon sens. II
faut éviter de tendre des pièges à des gens et de
leur rendre la situation trop difficile. Je pense que le ministre se rend
très bien compte de la difficulté d'interpréter l'aptitude
ou l'inaptitude au travail de quelqu'un de 25 ans qui des problèmes
d'ennui, d'angoisse, de tension nerveuse. Mais, actuellement, la loi est
très floue. Elle est très, très floue et c'est pour cela,
|e pense, que te gouvernement a décidé de la bonifier pour la
réviser d'une façon globale. Et nous espérons qu'il va en
profiter pour préciser les termes de façon à éviter
les embûches actuelles, les difficultés actuelles et surtout,
à améliorer la formule qui, comme on lui dit, n'est vraiment pas
adaptée à la situation d'un assisté d'en bas de 30 ans qui
vient demander un bénéfice auquel il pense avoir droit, parce
qu'il a entendu dire que, dans le passé, un certificat se donnait
facilement, et qui donne toutes sortes de symptômes qui peuvent induire
un médecin en erreur.
II faut donc définir les termes, avoir des barèmes, avoir
un encadrement, avoir une formule adéquate, avoir un appel et ensuite,
laisser le gouvernement, qui est celui qui donne l'argent, décider des
montants que les personnes peuvent ou ne peuvent pas avoir.
M. Polak: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, il
reste quatre minutes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pensais ne pas avoir le temps
de le soulever... J'étais pour vous inviter à me répondre
par écrit, mais étant donné qu'on ne me bâillonne
pas immédiatement, je vais en profiter.
Le Dr Lapierre a semblé, dans ses commentaires, nous inviter, sur
le plan de notre action, à ne pas trop étendre le rôle, la
responsabilité du médecin intervenant, à la baliser un peu
et mettre des paramètres. Hier, nous recevions en commission
parlementaire un autre groupe de médecins, l'Association des
médecins omnipraticiens de CLSC. À la page 5 dudit
mémoire, je vous lis le deuxième paragraphe: "Dans l'actuel
régime d'aide sociale, tout citoyen de 30 ans et plus, quel que soit son
état de santé, a droit à une aide financière s'il
se retrouve dans le besoin. Les jeunes de 18 à 30 ans, quant à
eux, ont droit à des prestations réduites à moins qu'ils
ne donnent une preuve médicale d'inaptitude au travail. Dans la
situation présente, un jeune bénéficiaire doit être
malade pour obtenir une allocation décente. "
Dans un échange que nous avons eu avec les représentants
des médecins, à un moment donné, il y a même un des
intervenants qui a dit que, pour participer à une mesure, cela prenait
un certificat. J'ai réagi, je vous le dis, de façon plutôt
spontanée, à ce groupe de médecins qui ne savait pas ou
qui prétendait ou qui feignait ne pas savoir qu'on pouvait diriger le
jeune vers le centre Travail-Québec. Il s'agissait de gens de la
Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, entre autres, où on
s'était assurés qu'il y avait des mesures d'employabilité,
soit rattrapage scolaire, stages en entreprise, travaux communautaires, qui
étaient disponibles. L'argent était disponible. Les stages
étaient disponibles. Tout était disponible et on pouvait obtenir
la parité simplement en dirigeant la personne vers le centre
Travail-Québec. J'aimerais savoir - parce que ce sont également
des gens qui oeuvrent dans le même domaine d'activité que vous -
si vous partagez ce point de vue que, dans la situation actuelle, un jeune
bénéficiaire doit être malade pour obtenir une allocation
décente?
M. Roy: La loi dit clairement que, pour avoir une allocation
supplémentaire, il faut un certificat médical qui atteste
l'inaptitude au travail. Donc, si on est inapte au travail, il faut qu'on ait
un problème de santé qui peut être mental, psychologique,
social ou physique, mais il faut être malade. Actuellement, quand on
parle de tous les programmes qui sont à la disposition des gens, on ne
peut pas tenir pour acquis que les médecins sont au courant de cela, pas
plus que l'ensemble des citoyens. Si vous faisiez des sondages, vous vous
rendriez compte que la plupart des programmes que vous avez mentionnés
sont connus seulement des gens qui gravitent, qui oeuvrent dans le domaine de
l'aide sociale. Le travailleur ordinaire n'est pas au courant de cela et encore
moins le médecin. Il n'y a pas de cours sur cela. Ce sont des noms:
opération, programme Déclic, programme APTE. Je vois cela dans le
journal de temps en temps. Je suis vraiment ignorant, moi aussi, de ce genre de
programmes à la disposition des gens. Il ne faut pas penser que tout le
monde sait tout. C'est tellement complexe l'organisation d'une
société, surtout dans ce domaine. Je n'ai pas l'impression que
bien des médecins soient au courant des programmes offerts par le
gouvernement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous nous dites finalement qu'il y
aurait avantage pour le ministère à informer les médecins,
soit par le biais de la corporation que vous représentez, sott
directement, de l'existence de tels programmes pour que les gens soient au
courant que la seule solution n'est pas l'émission d'un certificat.
Mme Harel: M. le Président, je suis prête à
consentir, parce que le temps est déjà terminé, pour
autant que je puisse prendre une minute, moi aussi.
Le Président (M. Bélanger): II y a un autre groupe
après et, par respect pour ce groupe et pour éviter qu'il finisse
à une heure indue... Il y en a quelques-uns qui ont des avions à
prendre à 23 h 15, je pense.
Mme Harel: On peut me permettre de les remercier.
Le Président (M. Bélanger): Oui, je vous en prie,
madame, avec grand plaisir. Allez-y.
Mme Harel: M. le Président, je voudrais remercier la
corporation, le Dr Roy, le Dr Lapierre et le Dr Morency. Les propos du ministre
à la fin m'amènent à penser qu'il doit un peu relire votre
mémoire de manière à bien comprendre que vous ne voulez
pas être un bras du ministère tant pour la promotion de ses
programmes que ta référence au Centre Travail-Québec. Ce
n'est pas ce genre de relations d'aide ou de relations de soins que vous voulez
entretenir avec vos patients.
M. Roy: On veut que les responsabilités de chacun soient
bien remplies. Le médecin fait son travail de médecin. On ne veut
pas qu'on lui fasse jouer le rôle, comme on dit, de
"garde-barrière" du gouvernement. Je pense que c'est au gouvernement
à faire son travail en ce qui concerne les normes à respecter
pour avoir droit ou ne pas avoir droit à des prestations d'aide sociale.
Du moment que les barèmes sont bien déterminés, qu'il y a
un encadrement, à ce moment-là, le médecin va faire son
travail et le gouvernement va faire le sien. Dr Lapierre.
M. Lapierre: J'allais dire la même chose.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voudrais profiter de l'occasion
pour remercier la Corporation professionnelle des médecins du
Québec ainsi que les gens qui se sont déplacés pour nous
faire part de leur point de vue.
Je reviendrai sur un point. Je vous dirai que la pratique du
ministère jusqu'à maintenant, bien qu'elle soit
améliorable, a toujours été, lorsqu'il y avait, sur le
plan administratif, des rapports médicaux qui étaient
discutables, de procéder par la voie d'une contre-expertise. C'est
toujours l'unique voie que nous avons privilégiée et nous
n'entendons pas changer d'attitude, même si nous proposons une nouvelle
politique de sécurité du revenu. Encore une fois, pour votre
offre de collaboration, tant pour les formulaires que dans l'application de la
politique, au nom du gouvernement du Québec, je vous remercie.
M. Roy: Merci de nous avoir entendus.
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales remercie la Corporation professionnelle des médecins
du Québec et invite M. Hubert Sohet, agriculteur et membre de l'UPA,
à s'approcher de la table des témoins.
Nous suspendons nos travaux pour deux minutes afin de permettre à
M. Sonet de s'installer.
(Suspension de la séance à 21 h 4)
(Reprise à 21 h 5)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place pour
que la commission poursuive ses travaux.
Nous recevons, à la table des témoins, M. Hubert Sonet,
agriculteur, membre de l'UPA et porte-parole officieux de l'UPA. M. Sohet, vous
connaissez nos règles de procédures. J'ai vu que vous avez
assisté à nos travaux depuis quelques jours. Je vous fais
grâce de toute l'explication et je vous prierais de bien vouloir nous
présenter votre mémoire.
M. Sohet (Hubert): M. le Président, avant de commencer,
j'aurais besoin du matériel, même s'il est très vieux et
s'il est hétéroclite, que j'avais déposé dans le
corridor avant de commencer, avec votre permission, bien sûr.
Le Président (M. Bélanger): Permission
accordée. M. Sohet.
M. Sohet: C'est le service de sécurité qui a
enlevé tout cela.
Le Président (M. Bélanger): Vous avez votre tableau
présentement.
M. Sohet: II y avait d'autres choses, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce du
matériel qui est vraiment didactique?
M. Sohet: Oui, M. le Président.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):. Du style du tableau?
Le Président (M. Bélanger): Du style du tableau,
par exemple, qui nous aidera à la compréhension?
M. Sohet: Non, c'est pour faire une démonstration devant
vous, une démonstration que l'on fait généralement en
sciences et qui illustre le mémoire que je désire
présenter, toujours avec votre permission.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si l'approche est
scientifique.
Le Président (M. Bélanger): Écoutez, je n'ai
aucun critère pour juger. Je me fie à votre bon jugement.
M. Sohet: Oui, J'ai 22 ans d'enseignement, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Alors, on vous fera
confiance...
M. Sohet: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger):... et on vous permettra
d'apporter votre matériel.
Nous vous écoutons, M. Sohet, si vous voulez bien
débuter.
M. Sohet: Quand j'aurai mon matériel, M. le
Président, s'il vous plaît !
Le Président (M. Bélanger): Écoutez, le
temps file. Je pense qu'on va procéder. Quand votre matériel
arrivera, vous nous ferez votre démonstration et, à ce
moment-là, on comprendra. Sinon, on va dilapider le temps qui est
précieux à la commission. Plusieurs doivent prendre des avions
à la fin de la soirée; donc, nous sommes très
limités dans le temps. Je vous prierais donc, malheureusement,
malgré votre matériel, de bien vouloir commencer.
M. Hubert Sohet
M. Sohet: D'accord. Je vous remercie.
Mon nom est Hubert Sohet, agriculteur, membre de l'UPA aussi professeur
et, un peu au point de vue "mémoristique", si vous le permettez, en
cette heure tardive, je suis diplômé de l'Université de
Bras d'Apic.
Vous allez m'excuser, M. le Président, mais tout avait
été fait pour gagner du temps. Malheureusement, c'est le
contraire qui s'est passé.
J'aimerais d'abord donner un bref aperçu de ce que je pense du
document d'orientation présenté par M. le ministre. Du point de
vue scientifique, si on se place sur un graphique, l'on va pouvoir constater
que l'écart entre les besoins des individus et le revenu que l'on nous
propose s'en va en grandissant. Même plus, il y la déjà
très longtemps, on a découvert cela et c est ce qui se passe dans
les pays en voie de développement, ce qu'on appelle le tiers monde. Je
suis ici pour représenter, un peu comme le dit dans son livre
l'évêque, Mgr Proulx, décédé
dernièrement, une voix pour les sans-voix. Faisant
référence à M. Grandmaison, je dirais que c'est pour
illustrer un peu ce qu'il y a dans le monde des tiers au Québec.
J'ai commencé par corriger le titre du document de M. le
ministre. Il a mentionné que c'était pour une politique de
sécurité du revenu, dans mon mémoire, je mentionne
directenent le mot insécurité du revenu. J'ai oublié de
commencer par ceci, M. le Président, en vous disant que c'est
déjà le deuxième mémoire que je présente
dans cette salle en l'espace de moins d'un mois. J'en ai profité, au
début du mois de février, pour présenter, lors de
l'audition de la commission sur la culture, un mémoire très
succinct, me plaignant du manque d'information que l'on pouvait avoir au
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
J'aimerais vous signaler que j'ai été très bien
reçu au début du mois de février par le service de
sécurité. Il en a été tout autrement lors de cette
présente commission, lundi dernier.
Une première observation est le fait - et le médecin
précédent vient de faire la remarque également - que dans
ce document, on commence à jouer avec les mots. J'aime cela, j'aime
beaucoup, par exemple, M. Prévert, mais lorsque je lis le mot "apte",
pour moi, dans une première approximation, cela veut dire capable. Ici,
dans le document, on ne met jamais de point après chaque mot, un peu
comme ferait M. Grévisse dans sa règle de grammaire, et on sait
tous maintenant que le mot "apte", cela veut dire: action, positif pour le
travail et l'emploi. Question de jouer avec les mots. On induit les gens en
erreur au départ ou on les met sur une fausse piste.
J'aimerais attirer votre attention sur le fait que j'aimerais centrer
cela sur la loi actuelle. Je lis simplement un paragraphe du document à
la page 14 où on nous dit: "Depuis 1971, les nombreuses modifications
apportées à la loi et aux règlements sur t'aide sociale
ont largement contribué à rendre ce programme plus complexe.
Malgré des objectifs d'équité explicites, le programme a
graduellement été marqué d'incohérences. Pour
rendre le système de sécurité du revenu accessible,
cohérent et simple, il faudra l'adapter aux situations et aux besoins
d'aujourd'hui, etc.
Toujours en guise d'introduction, je voudrais lire la lettre que je fais
mienne à la page 11 de mon mémoire. Cette lettre a
été publiée dans le quotidien Le Soleil du 29
décembre 1987 sous la signature de M. Paul-Eugène Robitaille, de
Québec. Je cite: "Par mes politiques, j'ai négligé nos
jeunes. Je les ai laissés démunis, sans emploi, sans argent. Il
en résulte une main-d'oeuvre à bon marché, disponible et
des employeurs satisfaits. Voilà comment j'ai sacrifié mes
enfants. Par mes politiques, j'ai détruit la famille. Il en
résulte une natalité à la baisse. Et l'équilibre
électoral national fut ainsi protégé. Voilà comment
j'ai sacrifié mes enfants. Par mes politiques, j'ai donné comme
héritage à notre jeunesse une langue amoindrie, un vocabulaire
réduit. Il en résulte pour eux de la difficulté à
exprimer leur pensée et une conception imprécise des
réalités. Et pour moi, il en résulte une facilité
accrue à gouverner. Voilà comment j'ai sacrifié mes
enfants. Par mes politiques, nos jeunes furent dans l'impossibilité de
se nourrir convenablement. Il en résulte un dépérissement
de leur santé, l'anéantissement de leur esprit combatif et la
perte de leur personnalité. Voilà comment j'ai sacrifié
mes enfants. Par mes politiques, nos jeunes pour survivre, furent contraints de
se tourner vers la délinquance, le
crime, la prostitution. Il en résulte une prolifération de
causes judiciaires, à la satisfaction de nos nombreux avocats.
Voilà comment j'ai sacrifié mes enfants. Demain, quand je
prendrai ma retraite, ces mêmes jeunes que j'ai négligés,
bafoués, sacrifiés, se souviendront de mes politiques et me
refuseront toute pension. Je réaliserai, alors, tout l'odieux de mon
crime et quand j'écrirai mes mémoires, je dévoilerai,
comme Pierre l'Ermite l'a fait avant moi, Comment j'ai tué mes
enfants. "
On distingue, dans notre société, deux sortes de
personnes: les personnes morales et les personnes physiques. Les personnes
morales, au point de vue revenu, sont des compagnies, etc., et au point de vue
de la fiscalité, elles sont taxées à un maximum. À
titre d'indication seulement, je dirai à 10 %. Beaucoup parviennent, par
différentes règles d'abris fiscaux, par différentes
règles de réinvestissement - il faut réinvestir pour que
la roue économique tourne - à ne presque pas payer
d'impôts. Par contre, ii y a les personnes physiques, c'est-à-dire
des individus qui, s'ils ont un bon salaire - disons de 40 000 000 $, 50 000
000 $ ou 60 000 000 $ - vont payer dans la dernière tranche plus ou
moins 50 % dans cette tranche.
Il y a des lois et, entre autres, la Loi sur l'aide sociale.
Après en avoir fait l'expérience pendant ces dernières
années, je la caractériserai en disant qu'elle est vicieuse,
qu'elle est méprisante, avilissante et dégradante.
À l'article 25, deuxième colonne, on dit dans la loi qu'en
tout temps, le Trésor public peut recouvrer l'aide sociale - entre
parenthèses, cela veut dire "versée en trop" - et cela signifie
une dette publique... Lorsqu'on reçoit à titre de client de
l'aide sociale - je n'aime pas les mots assisté social"... Je me place
au point de vue économique et je dirai que le client, lorsqu'il se
présente dans une institution financière, est en position forte.
Rien que le mot "assisté" indique une personne dépendante et en
position faible. Lorsque les représentants du ministre, les
fonctionnaires qui sont dans les bureaux locaux refusent l'aide sociale
à une personne, ils vont souvent faire référence à
un article que l'on pourrait qualifier d"article poubelle"; c'est l'article 12
f de la loi. Je vous cite Ici 17 observations que j'ai faites. Je
prétends, dans la société démocratique où
nous sommes, que je ne dois pas me mettre à genoux pour recevoir de
l'aide sociale. Je ne suis pas non plus à la confesse. Je ne suis pas
obligé de raconter toute ma vie. Je ne dois pas me déculotter.
J'ai le droit de faire respecter ma dignité humaine. Je me
définirai comme ceci: je dirai que je suis aimable, serviable, mais pas
corvéable, merci, comme les serfs du Moyen Âge. Je prétends
aussi que Je suis également régi par le Code civil, comme mon
voisin qui va au travail et qui ne reçoit pas d'aide sociale. Je suis
également régi par la Charte des droits et libertés. On ne
doit pas être plus catholique que le pape, dit le dicton populaire. Je
dirais même que c'est criminel dans certains cas. Je me demande si les
gens qui ont reçu de l'aide sociale ont déjà porté
leur cause soit au niveau de la cour pénale grâce au Code
criminel, ou bien avec la charte Je doute qu'il y ait de la jurisprudence qui
origine de la Cour suprême. Je prétends que j'ai droit à
mon mode de vie et à des valeurs différentes.
L'article 36 de la Loi sur l'aide sociale indique les devoirs des
fonctionnaires. On y dit - et je parie des fonctionnaires, d'agents SS,
c'est-à-dire les agents de sécurité sociale - qu'il a le
devoir de faciliter l'accès à l'aide sociale. C'est une aide de
dernier recours. L'enquêteur a-t-il été nommé en
fonction de l'article 36. 1 de la Loi sur l'aide sociale, ceux que l'on appelle
communément les boubou-macoutes? Je dirai ceci et je prétendrai
ceci: L'erreur des fonctionnaires n'est pas source de droit. Exemple: les
examens de qualifications pour briqueteur-maçon. C'est un examen que
j'ai passé en 1987.
Seizième point: je n'étais pas capable d'emprunter
auprès d'une institution financière, selon l'article 2. 14 du
règlement de l'aide sociale. Demander de l'aide sociale, comme dirait
Camus, c'est la peste, puisqu'il faut l'appeler par son nom.
En ce qui concerne la Charte des droits et libertés, j'aurais une
première question: Est-ce que la Charte des droits et libertés de
la personne s'applique à la personne qui est bénéficiaire
de l'aide sociale? Il y a spécialement les articles 10 et 2. On pourra
en discuter tout à l'heure, si vous le permettez.
En ce qui concerne un programme appelé le supplément de
revenu au travail, nous avons appris, pendant tes travaux de cette commission,
qu'on supposait que cela allait être retiré. Alors, selon notre
expérience, si vous permettez, retirons une partie ci-devant, soit ce
canard buveur ou, si vous voulez, on pourrait l'identifier aussi à un
robot, tel qu'il est mentionné dans mon mémoire. Selon ce
programme mentionné dans le document d'orientation en 1983, si une
personne seule, par exemple, arrivait à un maximum, si elle gagnait 4470
$, elle pouvait recevoir une aide supplémentaire de 1116 $. En 1984,
s'il s'agissait d'une personne seule, avec un revenu maximum de 4829 $, elle
allait chercher un supplément de revenu de 1204 $. Je vous poserais une
question. Nous sommes le 1er mars 1988. Supposons que j'habite Sainte-Foy ou
dans n'importe quelle ville du Québec, supposons que je suis un candidat
à l'aide sociale et supposons également que, parmi les candidats
à l'aide sociale, il y en a qui sont encore plus
privilégiés les uns que les autres, c'est-à-dire les
propriétaires. Malgré cette réforme, iI y a une loi qui
vient jouer dans le décor et qui vient anéantir tout cela, c'est
la Loi sur l'évaluation foncière.
Si, d'après les conditions actuelles, j'ai une
propriété évaluée à 50 000 $, je
reçois l'aide sociale à 100 %. Si je fais la demande actuel-
lement, depuis fin 1987, la maison va être évaluée
30 % en plus, ce qui veut dire, pour fins d'évaluation, 30 % de 50 000
$, cela veut dire 15 000 $ en plus. Pour calculer les revenus, le fonctionnaire
de l'aide sociale pourra dire: 15 000 $ multiplié par 2 %, monsieur,
cela vous fait un revenu fictif de 300 $ par mois. Cela veut dire qu'au 1er
mars 1988 ici, si vous êtes une personne seule, un adulte de plus de 30
ans, vous allez avoir droit, je crois bien, d'après le tarif actuel,
à 487 $ moins 300 $, cela vous fera un revenu net de 187 $, au moment
où I'on se parle.
Le Président (M. Bélanger): M. Sohet, iI vous reste
trois minutes.
M. Sohet: D'accord. Nous avons mentionné qu'on supprimait
le programme SUPRET et on veut le remplacer par le programme APPORT. Mon
expérience est faussée. Vous savez, quand on fait une
expérience, souvent on la rate. Pourquoi? J'avais pris la
précaution de ne pas déranger le canard buveur mais une petite
erreur s'est faite. Je néglige cela. Ici, un exemple, puisqu'il ne me
reste que quelques minutes. Si je gagne 10 $, je me place au point de vue
I'économique, si mon voisin gagne 90 $ l'heure. C'est fictif, c'est
simplement pour mentionner que je ne suis pas d'accord avec l'approche du
salaire minimum, il faudrait doubler, arriver à ce qu'il serait convenu
d'appeler un revenu décent. Disons qu'on va gagner 40 $. Supposons aussi
qu'en gagnant 40 $ l'heure dans des conditions précises, on va pouvoir
vivre décemment. Si on fait la moyenne, si on est des
économistes, on va dire 90 $ plus 10 $ cela fait 100 $, divisé
par deux, cela fait une moyenne de 50 $. Que signifient ces 50 $, cette
moyenne? On peut faire dire ce qu'on veut, jusqu'à un certain point, aux
chiffres. Cela veut dire que la personne qui gagne 90 $ l'heure, moins 40 $,
elle va avoir une différence de 50 $ de bénéfice et tous
ses besoins ordinaires seront comblés. Si c'est la personne qui a un
salaire très bas, à 10 $ et si, pour vivre décemment, elle
devrait avoir 40 $, il va y avoir une différence de 30 $. Cette
différence est négative.
Finalement, pour conclure, dire que au point de vue économique ce
qui doit intéresser le gouvernement, et ce qui intéresse tous les
gouvernements, c'est simplement de faire en sorte que l'économie soit en
équilibre, le taux de chômage, si j'avais une balance, ici,
à deux plateaux, si je mettais cinq, dix ou trente kilos de chaque
côté, elle serait en équilibre. Ce qui veut dire que c'est
un peu comme pour la santé, l'équilibre varie pour chaque
personne. Dans les lois - et c'est ce qu'on apprend à tous tes avocats,
je sais qu'il y en a plusieurs ici - il manque, au point de vue des lois
sociales en comparaison avec les lois économiques, ce qu'on appelle la
concordance. Un défi à M. le ministre, c'est de placer dans ses
bureaux locaux et régionaux un exemplaire de la loi, un exemplaire des
règlements et aussi mentionner qu'il y avait, jusqu'en 1981, un document
qui s'appelle Manuel de l'aide sociale, qui était disponible chez
l'Éditeur officiel et qui ne l'est plus maintenant; c'est
remplacé par un grand cahier à anneaux. Mentionnons aussi que le
nombre de producteurs présentement bénéficiaires de l'aide
sociale est de 498 ménages. On nous a cité des chiffres au point
de vue de la scolarité, mais plus ou moins 1 % de personnes ont seize
ans de scolarité et sont bénéficiaires de l'aide sociale
présentement. Plus ou moins 1 % des bénéficiaires de
l'aide sociale ont 0, 9 %, des 18 ans et plus 0, 9 % également. (21 h
30)
Avec le nouveau programme APTE qui va remplacer le programme SUPRET,
j'aimerais demander au ministre s'il est vrai que dans le cas d'une famille
monoparentale partageant son logement et s'il y a une personne, si les revenus
minimaux et maximaux sont de 2395 $ et 13 765 $, à quel moment dans
cette fourchette - selon l'expression des économistes - y aura-t-il le
programme APPORT? Est-il exact que, dans le cas d'une famille monoparentale ne
partageant pas son logement, qui a un enfant, qui a un revenu situé
entre 2840 $ et 15 575 $, si le revenu brut total est de 9100 $, l'apport
maximum avec ce nouveau programme sera de 4500 $? Est-ce exact?
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse de vous
interrompre. Le temps est malheureusement écoulé.
M. Sohet: Je vous remercie, M. le Président Le
Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie M. Sohet pour sa
présentation, ainsi que pour son mémoire. J'ai remarqué,
M. Sohet, que vous êtes une des personnes les plus assidues à
cette commission parlementaire et, dans les circonstances, je présume
que vous avez déjà eu l'occasion de m'entendre, probablement
à plus d'une reprise, faire la description, le profil du
bénéficiaire de l'aide sociale quant à ses carences
d'employabilité. Je sais que Mme la députée de Maisonneuve
ne s'opposera pas si je ne fais pas le portrait de cet assisté social,
étant donné que vous l'avez déjà entendu. Je
présume également que vous êtes bien au fait des
dernières statistiques économiques quant à la
création d'emplois pour avoir également assisté à
nos travaux depuis le début. Mes interventions porteront donc
essentiellement sur six points, si le temps me le permet
Le premier se retrouve à la page 16 du mémoire que vous
avez déposé devant cette commission. Vous préconisez ceci
à la page 16 de votre mémoire: "Des contrôles tous les six
mois seraient suffisants". Je vous indique que ce n'est
pas le cas dans I'ensemble des programmes que nous proposons mais dans
le cas du programme Soutien financier, nous proposons d'alléger les
contrôles et qu'ils soient strictement à tous les six mois.
Dans le cas du programme APTE, c'est un peu plus difficile parce que,
comme vous le savez, notre clientèle, entre autres, pour ceux et celles
qui arrivent ne demeure quelquefois pas six mois à l'aide sociale. Cela
pose des difficultés et nous avons cru bon de continuer à
procéder sur une base mensuelle.
Le deuxième point que j'aimerais traiter avec vous se retrouve
à la toute première page de votre mémoire et touche la
question que je cite comme suit: "Le fichage des pauvres devrait être
proscrit, la banque de données devrait être détruite. " Ce
que je vous indique, à titre d information ou de clarification, c'est
que les données statistiques qui sont dénommalisées
servent surtout à établir le profil général de la
clientèle, afin de mieux adapter nos programmes aux besoins de ladite
clientèle. Mais iI ne s'agit en aucun cas d'identifier les individus
comme tels.
Voici le troisième point que j'aimerais soulever, vous l'avez
soulevé autant dans votre mémoire que de façon verbale
devant nous ce soir. Dans votre mémoire, on le retrouve à la page
5, vous parlez de la Commission des affaires sociales et vous indiquez ceci, je
vous cite: "Elle semble privilégier chaque fois le ministère, que
le client soft là comme appelant ou comme intimé. " J'ai
demandé de vérifier pour les dernières statistiques
disponibles, soit pour l'année 1986-1987, quel était
l'état du dossier à la Commission des affaires sociales, le
pourcentage des décisions favorables au gouvernement ou aux
ministères contre celui des décisions favorables aux citoyens.
Pour l'année 1986-1987, on indique que sur 1301 décisions rendues
par la Commission des affaires sociales, 782 ont été
défavorables aux bénéficiaires et 519 leur ont
été favorables. Donc, vous avez là une proportion de
60-40. Verbalement, vous m'avez interrogé sur la possibilité qu'a
un bénéficiaire, dans notre système, de se rendre devant
les tribunaux de droit commun et vous avez parlé de la Cour
suprême du Canada. Je sais qu'il y a au moins, depuis que je suis
ministre, un minimum de trois procédures prises ou intentées en
Cour supérieure par des assistés sociaux et qui ont
été portées à ma connaissance. Je sais
également qu'ur assisté social s'est déjà rendu
jusqu'en Cour suprême du Canada. En quelle année? Vers la fin des
années 1970, début des années 1980. Et cette
possibilité-là existe sans doute parce que ces
bénéficiaires, ces clients, sont admissibles à ce que I'on
appelle dans notre système, l'aide juridique, qui leur sert à
couvrir les frais importants. La cause en Cour suprême, pour votre
information, et vous pourrez peut-être plus facilement la retracer,
s'intitulait Vachon le Procureur général.
Le quatrième point que je souhaiterais aborder avec vous touche
une recommandation que I'on trouve à la page 15 de votre mémoire
ou comme premier élément d une politique de plein emploi vous
nous indiquez, et je vous cite "Pas plus d'une personne de la même
famille employée dans une institution publique (gouvernement,
enseignement, hôpitaux)" J'aimerais, tantôt, vous entendre sur ce
point-là.
Quant aux questions précises que vous avez posées vers la
toute fin de votre intervention juste avant que le président ne vous
enlève le droit de parole ne vous interrompe, et qui portaient sur
I'harmonisation des programmes APPORT et APTE... Et si vous avez trouvé,
pour I'année d'application courante, des trous entre l'arrimage qui se
doit d'exister entre les programmes APTE et APPORT, vous avez complète
ment raison sur le plan du calcul. J'avais indiqué, au début de
ces travaux, que cet arrimage qui n'est pas parfait au moment ou nous nous
parlons nest quand même pas catastrophique étant donné que,
dans la meilleure des éventualités le programme APTE n'entrera
pas en application avant l'année 1989, ce qui nous donnera le temps de
combler les trous que vous avez semblé dépister quant à
cette procédure d arrimage.
C'étaient là, dans un premier temps, les six commentaires
que je souhaitais vous adresser et je vous invite à y répliquer
ou à engager le dialogue sur l'ensemble ou sur celui que vous
préférez aborder.
Le Président (M. Bélanger): M Sohet.
M. Sohet: En ce qui concerne la Commission des affaires sociales,
ce n'est pas tellement au point de vue statistiques que je mentionne cela, je
parle en connaissance de cause et je dis. La commission a pour fonction
d'entendre exclusivement toute personne. Je trouve anormal, tout d'abord, que
vous, M le ministre soyez au-dessus de la loi. Et je m'explique. Je prends
I'article 38 de la Loi sur la Commission des affaires sociales,
cinquième alinéa et je lis. Lors de l'enquête et de
l'audition devant la division de l'aide et des allocations sociales, le
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu -
précisons tout d'abord qui est le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu actuellement - ce n'est pas uniquement vous,
M. le ministre, sauf votre respect, c'est tout fonctionnaire qui vous
représente. Et ce n'est pas nécessairement un avocat. En tant que
citoyen, je me dis. II est au-dessus de la loi du Barreau et ce n'est pas
correct Aujourd'hui, ce matin, je me suis fait dire par le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, si vous permettez.
Arrêtez de me niaiser. Avouez avec moi que ce nest pas vous qui m'avez
dit cela. C'est M. Turmel, celui qui est au bureau régional.
J'étais à la Commission des affaires sociales ce matin. Vous avez
ici une décision qui
n'est pas conforme, mais qui est datée du 1er mars 1988. Vous
voyez que si je viens souvent ici, je suis assez, comment dire, têtu pour
aller ailleurs aussi. Le mot juste ne me vient pas. Ce sont tous des
représentants du ministre.
Qui représente le ministre? À fa Commission des affaires
sociales, c'est un délégué, un fonctionnaire ordinaire. Je
ne dis pas cela pour le diminuer, je veux dire qu'il n'est pas avocat. Quand je
suis passé devant la Commission des affaires sociales, c'était Me
Bélanger, qui est ici, à ma gauche, qui vous représentait.
C'est correct. Mais dans la plupart des cas, ce n'est pas cela. Ensuite, ce
sont les gens de l'aide sociale, ceux que j'appelle les agents SS, de la
sécurité sociale, qui prennent les décisions à
votre place, qui interprètent la loi. Normalement, il n'y a qu'un juge
qui peut interpréter la loi. Je continue: A le droit de se faire
représenter pour plaider ou agir en son nom par une personne de son
choix. Il n'y a que vous qui avez ce privilège. Moi, personne physique,
simple individu, je n'ai pas droit à la division de l'aide sociale,
à la Commission des affaires sociales, je précise bien.
La jurisprudence, toujours avec la Commission des affaires sociales,
j'en ai ici un exemple. Ils vont vous dire ceci: De l'avis de la commission,
les informations requises par les fonctionnaires étaient
nécessaires pour le traitement de son dossier. Ici, la cour
réfère à l'article 12f. Sì vous ne vous mettez pas
à genoux devant le fonctionnaire, si vous ne répondez pas
à toutes ses questions, bonnes ou mauvaises, bien intentionnées
ou mal intentionnées, vous avez tous les pouvoirs pour questionner, pour
demander, pour vérifier - il y a un autre article de la loi - et aussi
vous avez tous les pouvoirs pour récupérer l'argent qui aurait
été versé, disons, indûment. Cela n'a pas de
sens.
La commission estime que l'Intimé était justifié -
l'intimé ici, c'était le ministère de la Main-d'Oeuvre -
de lui refuser l'aide demandée. Pourquoi? Parce qu'il n'avait pas fourni
tous les renseignements demandés. La commission ajouterait qu'un manque
de collaboration systématique - c'est de moi qu'on parle ici - dans le
cadre d'un processus raisonnable de cueillette des données constitue, de
la part de son auteur, un véritable refus de permettre à
l'administrateur du régime d'accéder à des informations
suffisamment étayées pour lui permettre de se prononcer sur la
demande soumise et, par voie de conséquence, peut constituer un refus de
fournir des renseignements au sens de la loi. Si, dans la loi, il est dit que
l'individu doit répondre à toutes les questions des
fonctionnaires, toutes, cela veut dire qu'il n'y a pas d'exception. Un peu dans
le sens que je vous al dit que je venais plaider pour les agriculteurs parce
que je suis également un agriculteur. Vous avez l'article 49 du
règlement de l'aide sociale et il y a quelques mots qui disent que ce
document de vulgarisation constitue le système de comptabilité
officielle. Je vous dis que ce n'est pas vrai. Au ministère de l'Agri-
culture du Québec, ceci est un document de vulgarisation. Si mon voisin,
qui n'est pas régi par l'aide sociale, n'est pas obligé de se
servir de cela, je prétends que je n'ai pas à m'en servir non
plus. Par le fait que c'est mentionné dans la loi, tel quel, vu qu'il
n'y a que très peu d'agriculteurs - on vous a mentionné le
chiffre tantôt, environ 500 - ce sont des chiffres qui sortent
très peu pour les agriculteurs. Ce sont des gens qui exercent peu de
pression à ce titre. C'est anormal. Si c'est dans la loi, le
fonctionnaire, les gens bien intentionnés qui sont à la
Commission des affaires sociales, qui sont travailleurs sociaux, soit les
membres, c'est-à-dire des avocats, vont interpréter en fonction
de cela. Ils vont rendre chaque fois leur jugement en fonction de cela.
Dans ce cas-ci, par exemple, le bureau de révision avait
donné sa réponse après 30 jours. Si des délais sont
impératifs pour moi, ils doivent l'être également pour
vous. Ici, on dit que cela ne tient pas compte. Si, lors d'une réponse,
dans ce cas-ci négative, du bureau local, je m'adresse au bureau
régional pour obtenir l'avis de révision et si, en même
temps, je fais appel à une autre loi qui s'appelle la loi d'accès
à l'information, votre représentant -c'est toujours vous, mais
c'est un peu comme une pieuvre, si vous me permettez la comparaison, vous avez
beaucoup de bras - vous me dites: Mon bras gauche est occupé; je ne peux
pas travailler avec la main droite; c'est anormal, pour moi. L'intention
n'était pas malhonnête au départ; elle était
simplement d'aller chercher tous les droits. Un peu comme le fonctionnaire,
l'agent de sécurité sociale, qui rend une décision et qui
prend la plus dure, c'est-à-dire de ne pas accorder l'aide sociale,
alors que la personne qui l'a demandée est intelligente et
scolarisée: elle sait faire des calculs, etc., et elle sait qu'elle y a
droit. Et, parce qu'elle ne veut pas se mettre a genoux, qu'elle ne veut pas se
déculotter, comme je l'ai dit tout à l'heure, on lui refuse et
elle doit attendre un processus très long, des mois. Voilà la
réponse à cette question-là.
En ce qui concerne un emploi par famille, oui, d'après mon
accent, d'après mes bouteilles de bière ici, vous voyez qu'on
n'est pas né au Québec. Cela fait un quart de siècle que
je suis ici et, juste avant d'arriver, le gouvernement de mon pays d'origine a
fait en sorte que, lorsqu'il y avait, par exemple, deux fonctionnaires d'une
même famille, d'un même ménage, il n'y en ait plus qu'un. Je
prends l'exemple de l'enseignement. On a beaucoup parlé des familles
monoparentales, des femmes sur le marché du travail, etc., si vous avez
un professeur qui gagne, disons, 35 000 $ par année, son épouse
ou un autre conjoint disons, gagne également ce salaire, cela fait 70
000 $. Ce serait beau. Si vous avez le même salaire et qu'un des
conjoints reste à la maison et garde leurs cinq enfants, vous divisez ce
montant de 35 000 $ brut par sept, ce qui fait tout à fait un autre
standing de
vie.
En ce qui concerne l'harmonisation, c'est-à-dire la concordance
que je vois entre les lois, c'est la chose essentielle. Moi, je dis ceci: Ce
n'est pas parce que je fais une demande à l'aide sociale que je dois
être, un peu comme les fameux travailleurs occasionnels actuels qui
doivent être pendus au téléphone, soit être sur
appel. Ce n'est pas vrai, dans la société où l'on vit,
où l'on revendique la liberté, où l'on prône la
liberté, où l'on dit qu'on n'a pas de carte d'identité,
etc. Dans mon pays d'origine, j'en avais une carte d'identité; je ne me
suis jamais senti brimé pour cela. Par contre, quand je viens ici, on
m'en demande une, même s'il n'y en a pas qui soit officielle. Alors, vous
savez très bien, vous avez fait vos études de droit, que les lois
sociales ont été importées et plaquées -
permettez-moi le mot - dans un système économique, avec des lois
économiques, et qu'il y a ce manque de concordance ou, si vous
préférez votre mot, d'harmonisation. Si je suis régi par
le Code civil avant de faire une demande à l'aide sociale, je suis
également régi par le Code civil après avoir introduit une
demande. C'est le principal de ma réponse.
Le Président (M. Bélanger): Le temps de la
formation ministérielle étant épuisé, Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président. Je crois que vos
remarques, vous les adressiez surtout au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Vous l'avez en fait interpelé en
Invoquant l'imputabilité, j'imagine, des fonctionnaires avec lesquels
vous êtes entré en rapport. Alors je vais peut-être faire
simplement un commentaire, qui est le suivant: Certainement que, pour la
très grande majorité des personnes qui demandent de l'aide
sociale, c'est là une démarche qui est humiliante, d'autant plus
qu'il se mêle aussi souvent de l'arbitraire. Vous avez fait une sorte de
mémoire où vous faites un peu le bilan du point de vue du
Protecteur du citoyen. C'est intéressant, c'est la première fois.
Je n'avais pas eu l'occasion de voir les rapports du Protecteur du citoyen
antérieurement. Sans doute faut-il envisager de produire des
systèmes qui permettent de diminuer au maximum l'arbitraire social. Cela
dit, M. Sohet, on est quand même dans une société qui est
exceptionnelle quand on pense qu'on fait un débat comme celui-là
avec les personnes qui sont concernées, qu'on va entendre ici, en
commission parlementaire, jusqu'à Pâques 120 organismes et que des
personnes qui vivent les situations que l'on décrit sont nos
interlocuteurs.
Je pense parfois que malgré toutes les difficultés
qu'elles peuvent rencontrer, c'est quand même un facteur
d'intégration sociale le débat que l'on fait, avec les conditions
dans lesquelles on le fait, et aussi le fait que l'on vous reçoive. Il y
a quand même possibilité de parier au ministre dans notre
société. Bon, vous allez me dire, c'est un minimum, mais qui
n'est pas acquis pour 90 % de l'humanité entière. Alors, on est
certainement toujours, j'allais dire, amené à étendre le
champ des libertés et à réduire l'arbitraire. C'est ce que
je voudrais m'employer à faire. On va sans doute porter votre
mémoire parmi les pièces à conviction. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bélanger): La commission remercie
M. Sohet de sa présentation. Je voudrais vous poser une dernière
question. Je n'ai pas encore compris le rôle didactique de votre canard
pédagogique.
M. Sohet: Je peux vous l'expliquer. C'est le fait qu'avec le
programme SUPRET, lorsque j'ai enlevé la petite boite, il allait
continuer. Vu que toutes les expériences, quand elles sont
contrôlées vont réussir, ici, le canard buveur a
été manipulé par des personnes autres que moi, alors, il y
a une question. Et il allait s'arrêter sur le programme APPORT. Alors,
c'était pour vous prouver, vous montrer qu'il allait rester le bec
à l'eau.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie et je
remercie votre canard pédagogique. Bonsoir.
Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au lundi 14
mars, 15 heures.
(Fin de la séance à 21 h 52)