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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Thursday, March 10, 1988 - Vol. 30 N° 1

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le document intitulé 'Pour une politique de sécurité du revenu'


Journal des débats

 

(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa place. À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude du document intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu".

Mme la secrétaire, est-ce que nous avons quorum?

La Secrétaire: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Oesbiens (Dubuc) agira en remplacement de Mme Juneau (Johnson).

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a d'autres remplacements.

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Nous recevons, ce matin, à la table des témoins le groupe Action-chômage qui sera représenté par M. Marc Daigneault, M. Claude Lemieux, Mme Jeanne Lalanne et M. Pierre Truchon. Je les inviterais à s'approcher de la table des témoins, s'il vous plaît.

Bonjour. Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez au total 20 minutes, pour la présentation de votre mémoire ou son résumé et il y a 40 minutes dévolues aux parlementaires pour une période d'échanges avec vous sur le contenu de votre mémoire ou tout autre sujet qu'ils jugeront pertinent. J'inviterais votre porte-parole à nous présenter les autres représentants du groupe Action-chômage puis à procéder à la présentation de votre mémoire.

Action-chômage

Mme Lalanne (Jeanne): Bonjour, M. le Président; bonjour, MM. les députés. Je suis Jeanne Lalanne, d'Action-chômage de Québec. Je vous présente Marc Daigneault, notre président, ainsi que Pierre Truchon, qui travaille à nos côtés depuis bientôt quatre ans. Il y a aussi Claude Lemieux, qui s'en vient. Ce ne sera pas long.

Bon, on va attaquer le sujet. D'abord, on va partir de votre propre document, qui met beaucoup l'accent sur l'employabilité pour ce qui est des gens aptes au travail. Nous savions évidem- ment qu'il y avait 257 000 personnes aptes au travail et qui se cherchent de l'emploi. On ne vous cache pas qu'on aurait aimé que vous mettiez davantage l'accent sur la création d'emplois comme telle dans un premier temps.

Pour le programme Soutien financier, on est évidemment d'accord pour que les 25 % de cette clientèle reçoivent tous les soins voulus et reçoivent le plein montant et que vous diminuiez les contrôles auprès de ces gens. Cela va gagner du temps et cela va diminuer le stress davantage. Quant aux principes mêmes, avez-vous notre mémoire en main?

Le Président (M. Bélanger): Oui.

/Mme Lalanne: Oui, bon. Regardez, on va ouvrir la première page. On marque: Principes de la réforme. Vous dites, évidemment, que l'aide sociale est une mesure de dernier recours. On admet que c'est une mesure de dernier recours, mais ce qu'on admet moins, par exemple, c'est que ce soit basé sur le déficit entre ce qu'une personne reçoit et ce qu'elle devrait recevoir pour couvrir ses besoins de base. On attendait, évidemment, la parité sociale. On pensait que tout le monde aurait la parité sociale, comme cela nous avait été promis par M. Bourassa lors des dernières élections.

On est surpris d'apprendre que même les plus jeunes n'auront même plus droit à l'assurance-chômage. Moi, je dis souvent assurance-chômage, excusez-moi, je suis habituée avec les fédéraux. C'est l'aide sociale. Si je dis le mot assurance-chômage, corrigez-moi, ce n'est pas cela. C'est aide sociale. Habituellement, ce n'est pas ici au Québec que je parie, c'est à Ottawa. De toute façon, ce sont des chômeurs quand même. C'est parce qu'ils n'ont pas d'emploi.

Vous dites qu'il revient aux parents d'avoir la charge de leurs enfants. Quand ils en ont les moyens, nous, on serait d'accord avec cela. Mais bien souvent, les parents eux-mêmes sont bénéficiaires de l'aide sociale, et la première chose que l'impôt sur le revenu fait de toute façon quand les enfants ont 18 ans, c'est de les enlever de la charge de leurs parents, c'est de restreindre les déductions. Vous êtes au courant. Je pense que parmi ces jeunes, il y en a qui vont être dans des situations très difficiles et qui ne pourront vraiment pas subvenir à leurs besoins.

Concernant le programme APTE, c'est surtout celui-là qui nous intéresse parce que cela concerne nos chômeurs et chômeuses. On ne serait peut-être pas d'accord avec votre position concernant les neuf premiers mois où les prestations sont déduites. Au contraire, on préconise que vous donniez un supplément d'argent durant cette période, parce que c'est là qu'ils en ont le plus besoin pour se chercher de l'emploi. Cela

leur coûte cher de transport. Il faut qu'ils s'habillent d'une façon convenable. Il faut qu'ils fassent des recherches d'emploi. Je pense que vous devriez plutôt mettre l'accent sur les neuf premiers mois plutôt qu'après. À ce moment, les jeunes auraient davantage de chances de décrocher de l'aide sociale, j'ai bien dit aide sociale.

Concernant ces programmes APTE, je ne sais pas quelle sorte de tour de force ou de gymnastique que vous allez faire pour les rendre accessibles à tout le monde. N'oubliez pas qu'il y en a 257 000 qui sont aptes au travail. Je ne sais pas quelle sorte de miracle vous entendez faire avec cela.

Il y a une chose qu'on vous suggère ou qu'on vous demande de remettre au moins en vigueur, c'est le PRET. Cela a déjà existé et on trouvait cela fameux, beaucoup plus fameux, par exemple, que les programmes Déclic qui sont temporaires et insuffisants, à notre sens. Le PRET durait un an et vous payiez la moitié de la subvention directement à l'employeur. Je vais vous donner un exemple avec des chiffres. On engage quelqu'un et on lui donne 12 000 $ de salaire par année; votre ministère, à ce moment-là, versait 6000 $ à l'employeur. C'est une subvention directe à l'emploi. A ce moment-là, c'est certain que la personne est employée, que ta subvention n'est pas utilisée à d'autres fins. Cela vous coûterait moins cher de faire travailler des jeunes que de leur payer de l'aide sociale. Ils reçoivent 487 $ par mois d'aide sociale, selon le barème actuel. D'accord? Par année, cela fait 5844 $; est-ce que cela se peut? Bon! À ce moment-là, si l'employeur donne 12 000 $ de salaire à son employé, d'accord, le gouvernement va verser 6000 $, mais le jeune va payer de l'impôt, donc vous allez retrouver 1000 $ et cela va vous coûter 5000 $ pour faire travailler le jeune, au lieu de dépenser 5888 $. En plus de cela, la personne qui a 12 000 $ par année de salaire paie encore des taxes au gouvernement provincial et, mieux que cela, réussit à vivre, à être heureuse, de bonne humeur et à se sentir un membre efficace dans cette société.

On trouve scandalisant de voir qu'il y a 700 000 personnes au Québec qui vivent de l'aide sociale et qu'il y en a 257 000 là-dedans qui sont aptes au travail, qui ont du potentiel et qui demeurent inactives par la force des choses; qui s'en vont en se désagrégeant ou en se rendant malades ou criminelles. On ne trouve pas cela correct et il y a des solutions à prendre. Quand je lis ce mémoire et que vous parlez de l'em-ployabilité, je trouve cela bien beau, parce que c'est vrai qu'il y en a qui ne sont pas employables. On a ramassé, dans notre organisme, des jeunes qui avaient les cheveux longs, qui étaient déprimés et qui prenaient de la drogue. Tu ne les envoies pas travailler chez Woolco du jour au lendemain, c'est certain, ni dans les caisses populaires, nulle part. Il faut leur donner un soutien physique et moral, j'en conviens. Mais ce sont peut-être 10 % de la population qui ne sont pas employables. Mais si cela continue, plus personne ne sera employable ici au Québec à force de ne pas avoir d'espoir et de ne pas avoir de porte de sortie. On trouve cela scandalisant. On ne vous met pas le blâme sur le dos, mais on vous demande de trouver un remède efficace dans les plus brefs délais. Au moins, faites ce que vous pouvez.

Dans un premier temps, on vous demande très respectueusement de réinstaurer le PRET, cela presse. À part cela, ce n'est pas si difficile, je vous l'ai expliqué avec des chiffres, cela va vous coûter moins cher, il y aura de la productivité au bout, des biens utiles seront produits. On peut faire des coopératives dans le domaine de l'agro-alimentaire, on peut faire des "grano-las", ici au Québec, au lieu de les acheter de l'Ontario ou d'ailleurs. Tout ferme autour de nous. Des secteurs mous, il n'y en a plus. Vous nous l'aviez prédit il y a dix ans, c'est vrai qu'il n'y en a plus. On peut passer à autre chose, on peut utiliser nos ressources naturelles et on peut produire des affaires. On a des idées, nous, à Action-chômage. Chaque fois qu'on présente des projets au fédéral, on ne passe pas. On présente pour 1 000 000 $, 1 500 000 $ de projets dans Langelier au fédéral - cela a un nom anglais - de toute façon, ils ont seulement 114 000 $ à nous donner. C'est insuffisant, on ne peut plus compter là-dessus. C'est décourageant.

Le PRET, j'espère que vous l'avez souligné parce qu'on y tient, et je ne vous lâcherai pas tant et aussi longtemps qu'on ne l'aura pas. On l'a déjà eu et cela allait bien. L'employeur est bien, il reçoit une subvention à l'emploi. Ce n'est pas ce qu'on a actuellement, ce sont des déductions d'impôt sur le capital, cela veut dire un chèque en blanc. C'est un chèque en blanc qu'on fait à tout ce monde. Ce n'est pas cela qu'on veut. Des stagiaires dans les milieux de travail, c'est bien beau, mais c'est encore 20 heures, c'est encore très temporaire, c'est encore très précaire, c'est encore insécurisant. Quand je vois que vous vous appelez Sécurité du revenu, quand je téléphone et qu'on me répond Travail-Québec au bout de la ligne, les cheveux me dressent sur la tête, tous les jours, et je ne m'habitue pas. C'est de l'emploi qu'on veut. Ce sont des "jobs" et non pas nécessairement des "jobines". Les jeunes ne savent plus ce qu'est une vraie "job" et c'est un droit, on ne demande pas mieux que d'en avoir.

À part cela, augmentez donc le barème au lieu de le diminuer. Ce n'est pas avec 405 $ par mois qu'une personne va survivre. Je vous dis, quand je vois que c'est basé sur le déficit de ce qu'une personne reçoit par rapport à ce qu'elle devrait recevoir, ce n'est pas avec un déficit qu'on vit. Les gouvernements sont habitués de marcher de déficit en déficit. Mais le monde ordinaire qui reçoit un chèque...

Je vais vous donner un exemple vivant. J'espère que vous êtes bien assis solidement dans vos fauteuils. Moi, je le suis. C'est une jeune

fille qui fait son possible pour travailler. C'est un exemple entre plusieurs. Elle fait vraiment son possible pour travailler. Elle est tombée sur le chômage, pas sur le BS, sur le chômage. Sa période de chômage terminée...

Je vais faire une parenthèse. Savez-vous pourquoi le nombre de vos prestataires augmente? Vous le savez peut-être, mais je vais vous le redire encore. C'est parce que l'assurance-chômage du Canada a un budget de 10 000 000 000 $ et que, cette année, elle a économisé 1 000 000 000 $ et c'est notre monde du Québec qui débarque des listes de l'Assuran-ce-chômage du Canada pour s'en venir sur le bien-être social parce que les critères d'admissibilité sont rendus trop exigeants. À la place d'exiger dix semaines de travail comme cela se faisait il y a quelques années, il y a un article de loi qui vient d'Ottawa qui nous prive de nos prestations et qui exige entre 17 et 18 semaines pour avoir droit à l'assurance-chômage.

Et, croyez-le ou non, il y a même des personnes de vos ministères à qui il manque une semaine pour se qualifier à l'assurance-chômage qui arrivent à nos bureaux. On a mené des combats. Le député Jean Leclerc - j'en profite ici pour l'honorer et le remercier - nous a aidés à mener ce combat, à obtenir d'un certain ministère, pour ne pas le nommer, comme exemple, impôt sur le revenu... C'est un exemple, 11 y en a d'autres. Je ne veux jeter la pierre à personne en particulier. Mais ce n'était pas normal de voir une pauvre femme chef de famille monoparentale qui, normalement, aurait dû avoir droit à l'assurance-chômage se ramasser sur votre liste parce qu'il lui manquait une semaine de travail. On se bat pour les faire réintégrer, pour qu'ils les gardent encore. Ce n'est pas dur de faire ces calculs-là pourtant.

Bien, Ottawa a trouvé le moyen d'augmenter votre liste parce qu'il a diminué finalement - il a durci - il diminue artificiellement le taux de chômage. Est-ce que vous croyez cela que le taux de chômage est présentement à 8,6 %? Nous ne le croyons pas. Parce que la façon dont Ottawa le fait, ce n'est pas une façon scientifique. Ces gens font un sondage et ils demandent si quelqu'un a cherché de l'emploi au cours des quatre dernières semaines. Ceux qui sont gênés de dire qu'ils sont en chômage, disent que non, ils travaillent. Ceux, finalement, qui ont un travail à temps partiel, tout contents de dire qu'ils ont un job, disent oui même s'ils travaillent seulement une journée par semaine et d'autres sont écoeurés au dernier degré de se voir refuser, de faire du porte à porte et de mendier des emplois qui n'existent pas. Cela fait que le taux de chômage de 8,6 % de Statistique Canada, on n'y croit tout simplement pas.

À part cela, le cas de la jeune fille, je l'ai ici. J'ai un calendrier de 1987, novembre et décembre, pour bien illustrer la situation très clairement. Elle a travaillé, elle a fini son chômage à un moment donné même si elle a cherché de l'emploi partout, et je vous prie de me croire que c'est une vraie honte parce qu'elle est très qualifiée. Elle a un baccalauréat en enseignement et elle est très intelligente. Je l'ai vue; elle est super, supergentille. C'est une fille que tu aurais le goût d'engager parce qu'elle ferait quelque chose dans la société.

Elle se présente à vos bureaux de l'aide sociale, à regret d'ailleurs, parce que ce n'est pas un plaisir de se présenter là. Je vous dis que c'est loin d'être drôle, pour y avoir accompagné des gens. Ils disent: On tombe sur le chômage, mais quand on tombe sur le BS, c'est encore un degré plus bas. Je pense que vous en êtes bien conscients aussi. Elle a fait sa demande le 15 décembre parce qu'elle avait reçu 132 $ pour la semaine du 29 novembre et du 1er décembre. Elle s'est dit: Je n'irai pas réclamer quinze jours d'avance; j'ai eu 132 $. D'accord? Mais elle pensait avoir 355 $ pour le reste du mois. Cela aurait été simplement normal, il me semble, si on sait compter; 487 $ moins 132 $, cela doit faire 355 $. Elle a été refusée parce qu'ils ont compté ses semaines des 15 et 22 novembre. Elle a eu un montant en novembre pour vivre les deux dernières semaines de novembre, qu'elle a dépensé en novembre, et ils l'ont reporté en décembre. Ce n'est pas normal. Elle a été refusée. On a été en appel. Elle a perdu. On va aller en appel et on va aller en rappel.

Mais est-ce que cela a du bon sens de se battre pour des choses aussi simples que cela? Quelle sorte de bureaucratie il y a dans ces bureaux qui ne sait même pas compter 487 $ moins 132 $? Pendant que la fille crève de faim et elle est au gruau depuis deux semaines, Elle a même reçu son avis pour se présenter là deux jours d'avance alors que, moi, je n'en ai même pas reçu. La dame m'a répondu que je n'avais pas affaire à cela. On a porté plainte auprès du député Leclerc qui va s'en occuper ainsi qu'auprès d'une demoiselle que je voudrais bien féliciter, Mlle Dussault, qui fait partie de votre ministère. Une chance qu'elle est là parfois pour mettre de l'ordre dans cela.

Ce sont des affaires de même qu'on voit, c'est impensable. Quand vous me dites que vos barèmes sont basés sur des déficits, je ne marche plus là-dedans. Je ne veux plus marcher là-dedans, M. le Président. Le monde non plus; il est tanné, il est tanné de cela et il veut travailler et cela presse. La situation du monde n'est pas drôle. La plupart des femmes sont chefs de famille monoparentale aujourd'hui. Des emplois disponibles il n'y en a pas, mais si vous remettez le PRET sur pied, on risque d'avoir quelques emplois disponibles. Ça peut être vrai que quelqu'un peut travailler et l'employeur qui reçoit 6000 $ de subvention par employé aura le temps de se rentabiliser et de se grossir. On est dans un système capitaliste mais l'huile de ça, c'est l'argent et il faut que ça roule. La roue tourne complètement à l'envers. On dépense 2 000 000 000 $ par année pour des gens qui

sont insatisfaits et qui ont raison de l'être parce qu'ils n'ont pas l'essentiel et le nécessaire alors qu'on pourrait arranger ça autrement.

De l'ouvrage, il y en a. Il y a des choses à faire, il y a des jeunes à regrouper, il y a des cultivateurs qui auraient besoin de personnes pour les aider. Prenez juste l'écologie, on est en train de respirer toutes sortes de cochonneries, de manger toutes sortes de choses malsaines. Il y a des choses à faire pour l'écologie, ne serait-ce que nettoyer les berges du fleuve ici. Ce ne sont pas des emplois si compliqués que ça, ça ne prend pas des diplômes universitaires. Ce sont des emplois pour tout le monde qu'on veut.

Des mouvements comme le nôtre, Action-chômage, sont essentiels à la population; l'ACEF et le SEMO aussi qui s'occupent de réintégrer les jeunes sur le marché du travail. On a le président de SEMO ici, Marc Daigneault. Ils font un travail formidable. On leur réfère des jeunes et, dans l'espace de six mois ils ne sont plus les mêmes, ils sont changés, on ne les reconnaît plus. Ils ne prennent plus de drogue, ils n'ont plus le temps. Ils produisent des revues, des bandes dessinées. Ils sont bien habillés. La première fois qu'ils venaient à notre bureau, ils avaient des trous longs comme ça sur leur pantalon; on les a même cousus sur eux autres pour leur montrer que ça ne marchait pas ça dans notre bureau. Ils sont propres aujourd'hui, ils sont intéressants et intéressés.

On veut bâtir une société intéressante, on ne veut pas recevoir des chèques de chômage ni des chèques d'aide sociale, on ne veut plus de cette philosophie-là. Le défi que vous avez, ce n'est pas de gérer la pauvreté, c'est de la combattre et on va être avec vous autres dans la mesure où vous allez le faire et où on sentira une volonté politique réelle de le faire. Il faudra qu'on fasse des comités et des actions.

On avait demandé une caisse de stabilisation de l'emploi à Action-chômage. On l'a d'abord demandée à Ottawa, à la commission Forget. On n'a pas eu de nouvelles, on a mis ça sur les tablettes. C'est la commission "forget". En plus, on a été à un sommet économique, je ne sais pas en quelle année, ça ne fait pas si longtemps. On y est allé et on a eu de la misère à avoir une chaise là. C'est épouvantable comme ça avait l'air compliqué pour nous autres. On a fini par avoir un quart de chaise avec d'autres femmes et on a dit: Nous autres, on veut une caisse de stabilisation de l'emploi pour tous les ouvriers et ouvrières qui perdent leur emploi à cause de changements technologiques. La machine et le robot qui font économiser de l'argent à l'employeur appartiennent à toute l'humanité. C'est la connaissance qui appartient à toute l'humanité. Ceux qui font de l'argent avec ces machines-là, il faut qu'ils versent des dividendes à la classe ouvrière pour qu'elle se recycle et fasse autre chose. Est-ce bien dur à comprendre? Non, pourtant. Non. Mais il faut que vous fassiez des lois avec des dents à un moment donné. Il faut que cela se fasse, une caisse de stabilisation de l'emploi.

Si vous preniez une petite partie du profit du patronat pour le verser aux gens pour qu'ils s'organisent...

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, madame.

Mme Lalanne: C'est tout?

Le Président (M. Bélanger): Malheureusement.

Mme Lalanne: Mon Dieu Seigneur! En tout cas, retenez au moins le PRET et l'esprit dans lequel on est. On a confiance, on attend et on vit dans l'espérance qu'il se fasse quelque chose très rapidement.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, madame. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie Action-chômage, Mme Lalanne, M. Daigneault et M. Truchon. Votre député m'avait un peu prévenu du langage que vous alliez tenir devant la commission. Je tiens à vous en féliciter.

Le mémoire que vous nous avez présenté est positif. On repariera du PRET que vous ne voulez pas que j'oublie. Je n'ai pas oublié une phrase que vous avez dite vers la toute fin, lorsque vous avez demandé: Est-ce que vous voulez gérer la pauvreté ou la combattre? Je pense qu'il s'agit là d'un élément essentiel de la proposition qu'on a devant nous, mais il faut s'entendre sur certaines données de base. On aura certaines divergences, vous et moi, mais je ne parlerai pas trop longtemps pour laisser à votre député un peu de temps pour intervenir aussi; il ne me l'a pas demandé, il l'a exigé, comme il le fait d'habitude dans les autres dossiers également. (10 h 30)

L'employabilité, c'est important. Quant à l'aide sociale, je vais recommencer la semaine comme j'ai fini l'autre semaine, en vous demandant quelle est notre clientèle. Ce n'est pas une clientèle facile. J'ai compris de vos actions que vous avez l'occasion d'intervenir assez souvent dans ce qu'on appelle la partie chômage auprès du gouvernement fédéral. Mais, généralement, la majorité de notre clientèle à l'aide sociale a traversé l'assurance-chômage douze mois avant d'arriver chez nous. C'est 60 % de notre clientèle. Parmi cette clientèle, environ 40 % sont des gens qu'on appelle des analphabètes fonctionnels. Lire et écrire, c'est la base d'une société pour avoir au moins une chance, à un moment donné, de faire quelque chose, au moins de lire une offre d'emploi dans le journal quand il y en a 60 % qui n'ont pas fini leur secondaire; ils ne sont pas tous aptes à le finir, mais c'est une grosse proportion qui n'a pas fini son secondaire.

40 % n'ont pas passé par l'assurance-chômage parce qu'ils n'ont aucune expérience antérieure de l'emploi. Ils ne possèdent pas la culture de l'emploi, ils n'ont jamais travaillé.

C'est là que des groupes comme le vôtre peuvent nous aider, mais il faut que vous connaissiez bien cette clientèle et vous dire qu'elle est encore plus difficile. Et je pense que vous êtes conscients que la clientèle sur l'assurance-chômage, qui a déjà occupé un emploi par définition, qui est plus scolarisée, etc., est celle qui a le plus de chance de retourner sur le marché de l'emploi. On est vraiment pris, nous autres et vous autres, avec les cas les plus difficiles à replacer sur le marché de l'emploi et c'est l'effort que nous voulons faire.

On pourrait se dire comme gouvernement, comme on l'a fait dans le passé, et là, je ne parle pas de parti politique: On va leur envoyer un chèque par mois, on va avoir la conscience tranquille et on va les oublier. C'est ce que j'appelle, quand on les oublie, gérer la pauvreté. Leur envoyer un chèque et les laisser là, c'est gérer la pauvreté. S'en sortir, bien, c'est de relever des défis. Au gouvernement, on n'est pas capable de relever les défis tout seul. Cela a été dit par à peu près tous les groupes qui sont venus, soit les groupes communautaires, le patronat, le syndicat. Cela prend la participation de tout le monde pour relever un défi de cette ampleur.

Mais des jobs, il s'en crée au Québec. C'est peut-être nouveau. On a vécu une période de perte d'emplois. Mais l'an passé au Québec, il s'est créé plus de 100 000 emplois, 122 000 pour être exact, et pas tous des emplois qu'on qualifie de précaires ou non sécurisants, etc. La quasi-totalité des emplois qui se sont créés l'an passé ont été des emplois permanents. C'est le genre d'emplois que le gouvernement tente d'inciter le secteur privé à créer. On veut donner une chance aux gens qui bénéficient de l'aide sociale, avec votre collaboration, d'avoir une chance d'occuper ces emplois.

On est conscient de ce que vous nous dites quant au resserrement, et on l'a mentionné dans notre document, des critères à l'assurance-chômage qui déplace une clientèle, quand on resserre les critères, vers l'aide sociale. Mais, malgré cela, je peux vous dire que depuis notre arrivée au gouvernement, et on ne s'entendra pas là-dessus parce que je pense que vous aviez l'impression contraire, notre clientèle qui bénéficie de l'aide sociale n'a pas augmenté. Elle a diminué de quelque 100 000 personnes, c'est beaucoup, malgré ce resserrement. Elle aurait diminué davantage s'il n'y avait pas eu ces resserrements de l'assurance-chômage, elle aurait peut-être diminué de 200 000. Malgré tout cela, on a quand même diminué notre clientèle d'environ 100 000.

Ce que vous me dites finalement c'est: On ne veut pas de "jobines", on veut avoir des "jobs" et repensez votre PRET. Vous regarderez bien attentivement, pas avec le même titre, pas avec le même nom mais dans notre politique de sécurité du revenu, à la page 33, on vous parle d'un programme qui rejoint à peu près les objectifs. À la page 33, à l'avant-dernier paragraphe on dit: "Pour les bénéficiaires les moins qualifiés, l'insertion au marché du travail devra se réaliser selon un mode plus souple et plus graduel. À ce titre, il pourra être envisagé d'offrir à toute personne, selon le mode du "Grant diversion" américain, la possibilité de convertir sa prestation en subvention salariale,..."

Je pense qu'on se rejoint sur la méthode pratique. Maintenant, comment l'appellera-t-on? Si on se souvient suffisamment de votre témoignage et de votre intervention, on l'appellera peut-être le PRET. Si on l'appelle autrement, et que cela rejoint les mêmes objectifs, j'espère que vous ne nous direz pas qu'on l'a oublié.

Maintenant, j'aimerais savoir par votre expérience de travail dans le milieu où vous oeuvrez, par les services que vous rendez à votre communauté, quelles sont les proportions de vos clientèles qui reçoivent de l'aide sociale par rapport à ceux qui reçoivent de l'assurance-chômage, par rapport aux bas salariés, des gens qui auraient des emplois à temps partiel, au salaire minimum, etc? Est-ce que la majorité de votre clientèle est formée d'assistés sociaux?

Mme Lalanne: Non, M. le ministre. La majorité de notre clientèle est formée de personnes prestataires de l'assurance-chômage qui ont de la difficulté à percevoir des chèques à cause de leur ignorance ou de la complication des lois. Il y a à peu près 5 % à 10 % de gens qui bénéficient de l'aide sociale. Mais les bénéficiaires de l'aide sociale qui viennent nous voir habituellement ne sont pas longtemps là-dessus. C'est entre deux emplois, c'est transitoire. C'est une catégorie de personnes transitoires. Quant aux personnes inaptes au travail, on sait que c'est le plus gros de votre ministère, nous n'en avons pratiquement pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Vous rendez service à combien de personnes environ par mois ou par année?

Mme Lalanne: On reçoit 50 appels téléphoniques par avant-midi, M. le ministre, et on reçoit environ 20 personnes l'après-midi. Les seuls assistés sociaux qu'on a véritablement, ce sont les jeunes. On parraine des projets de jeunes. On avait une galerie d'art, une revue de bandes dessinées. Ce sont des projets de jeunes, des travaux communautaires qu'on a présentés en collaboration avec le ministère des Affaires culturelles.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les expériences que vous avez comme organisme de parrainage, pouvez-vous nous les décrire un peu pendant que cela a fonctionné? Avez-vous fait

un suivi pour savoir si les gens qui avaient participé à ces travaux chez vous se sont décroché, par la suite, des emplois?

Mme Lalanne: On peut vous dire honnêtement que cela a été positif et que les jeunes qu'on avait choisis étaient parmi les plus "po-qués", excusez le mot, entre guillemets. On s'était dit: Si on réussit quelque chose avec eux autres, on va pouvoir prouver que tout le monde peut participer et bénéficier de ces programmes. Cela a été positif, mais malheureusement on a remarqué que les programmes ne duraient pas assez longtemps. On aurait aimé cela, par exemple, que le programme Jeunes volontaires puisse durer plus longtemps, au moins deux ans; pour les travaux communautaires, même chose. C'était difficile de motiver les jeunes après que leur programme soit terminé et qu'ils n'avaient pas encore finalement acquis assez d'expérience. Je prends l'exemple de la bande dessinée La tordeuse d'Épinal, par exemple, qui est un petit bijou. Avant qu'ils puissent la vendre et la faire connaître, cela prend plus qu'un an. Il faudrait qu'il n'y ait pas de limite de temps, deux, trois ans même.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous dire: Pas de limite de temps, je trouve cela un peu...

Mme Lalanne: Peut-être une limite de temps de deux ans. Mettons un minimum de deux ans, ce serait déjà pas si mal.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis prêt à en discuter parce que pas de limite de temps, on a vécu des expériences dans certains États américains où on a créé une espèce de sous-catégorie de travailleurs qui étaient demeurés sur des programmes jusqu'à leur pension. Il faut éviter...

Mme Lalanne: Je suis d'accord avec vous pour cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...je pense, de tomber là-dedans. Mais on prend...

Mme Lalanne: Je pense que deux ans.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Deux ans, ce serait votre recommandation. Pour le moment, je vais laisser la parole à Mme la députée de Maisonneuve. On y reviendra probablement avec votre député qui a certaines questions précises également à vous adresser.

Mme Harel: Combien de temps, M. le Président, le ministre a-t-il utilisé? Combien de temps le ministre vient-il d'utiliser? Huit minutes? Bon, parfait. Je vais utiliser le même temps et on fera l'alternance.

Le Président (M. Bélanger): À votre convenance, madame. Je vous en prie, allez-y.

Mme Harel: Je veux d'abord vous saluer. C'était vraiment passionnant, Mme Lalanne, votre exposé. M. Daigneault et je crois que c'est M. Lemieux, non M. Truchon...

Mme Lalanne: Truchon.

Mme Harel: ...qui êtes conseiller juridique. Êtes-vous là à temps plein à Action-chômage, M. Truchon?

M. Truchon (Pierre): Oui. Mme Harel: Oui.

M. Truchon: Oui, je suis à temps plein. J'ai justement commencé avec le PRET. J'étais sur une liste d'attente à l'aide sociale et j'ai commencé avec le PRET, et depuis ce temps, je suis engagé. J'ai eu un an de subvention.

Mme Harel: Vous avez terminé votre licence en droit.

M. Truchon: Absolument pas. Conseiller juridique, c'est le titre qu'on se donne, mais on a su par ailleurs qu'on pouvait se faire poursuivre par le Barreau.

Mme Harel: Vous accompagnez des personnes, j'imagine, devant les bureaux de révision.

M. Truchon: Exactement. On pourrait dire représentant juridique devant les conseils arbitraux et devant le juge-arbitre.

Mme Harel: Très bien. Mme Lalanne, vraiment vous êtes quelqu'un à connaître. Je suis d'un quartier du bas de la ville de Montréal où il y a, comme vous, des femmes qui savent très bien faire comprendre à la fois dans l'ensemble, parce que vous nous avez décrit la globalité d'un système et, en même temps, vous nous avez bien fait sentir, je pense, l'impact humain que cela pouvait avoir sur les personnes. Le ministre vous faisait part tantôt qu'il y avait eu beaucoup de création d'emplois et je pense qu'il a raison. Ce qu'il faut lui rappeler, c'est qu'il y a eu beaucoup de création de chômage et que, finalement, les deux colonnes finissent malheureusement presque par s'annuler. Quand vous pariiez des 8,6 %, c'est évidemment en fonction du fédéral parce qu'ici au Québec, c'est encore 9 %, même dans les meilleurs moments et ces moments, d'aucuns qui ne sont pas les plus pessimistes mais disent-ils réalistes, voient un ralentissement à court ou à moyen terme.

Ce taux de chômage, c'est 9,8 %. Là encore, quand on regarde les taux d'occupation, c'est-à-dire la proportion de la population active sur l'ensemble de la population, on voit que cela a à

peine changé au fil des dernières années, des dernières décennies. Donc, ce que vous dites est vrai. C'était saisissant la façon dont vous nous l'exprimiez, ces mutations technologiques, ces grands changements. Par exemple, je pense à Québec, Sears s'en va. Alors, Sears c'est combien d'emplois à Québec, l'entrepôt de Sears? Je pense que c'est plus d'une centaine, et en particulier, je crois, beaucoup de femmes qui y ont honorablement gagné leur vie sans avoir une formation académique à tout casser.

Ce matin, j'entendais qu'une entreprise de pointe, technologiquement très avancée, s'en vient s'installer pour fabriquer je ne sais trop quoi en matière de santé. C'est passionnant, mais j'ai bien hâte de voir combien d'emplois cela va créer et, évidemment, s'il y aura du recyclage possible pour les employés de Sears à cette nouvelle entreprise. Je pense que de poser la question c'est y répondre. Je crois bien que ce serait même ridicule de continuer à se poser la question parce que c'est évidemment non.

C'est cela, d'une certaine façon, le nouveau défi. Dans votre mémoire, je pense que c'est à la page 5, je crois - oui - vous parlez de toute cette question du salaire minimum. Là, je tiens pour acquis, à la fin de la page 4, quand vous dites: "Nous ne saurions souffrir aucune réduction des barèmes actuels de l'aide sociale qui est déjà plus qu'insuffisante. Toute réduction serait interprétée comme une mesure punitive s'adres-sant à une certaine catégorie de personnes qui n'est en rien responsable de la situation économique actuelle". Je comprends que c'est le coeur de votre point de vue. À la page 5, vous nous amenez une sorte de, je ne dirais pas de recommandation, enfin c'est plus suggestif qu'autre chose.

Je vais vous interroger, Mme Lalanne, sur PRET. Vous avez parlé de PRET, j'ai pensé... Je n'ai pas pensé à vous, M. Truchon, mais là je me rends compte que cela a donné quelque chose, PRET, cela a été intéressant, vous en êtes un exemple vivant.

Par ailleurs, je pense que le ministère devrait rendre publiques les études qui ont été réalisées sur le PRET. Pourquoi avoir abandonné PRET à l'époque? Il y a sûrement eu des études. L'hypothèse que j'en ai, c'est que lorsque le salaire était versé durant un an - la moitié du salaire était versée - dans bien des cas, pas à Action-chômage, mais dans la majorité des cas, une fois l'année terminée, la personne était remerciée et remplacée par un nouveau bénéficiaire. L'employeur trouvait cela payant de pouvoir profiter de la moitié de la subvention salariale. S'il gardait l'employé, il ne pouvait plus en profiter. La meilleure façon, c'était de recommencer avec un autre. Cela est un problème. Je suis certaine que vous aviez pensé à cela.

L'autre problème, vous avez dit 12 000 $; alors comme cela, 6000 $, par exemple, plus ou moins, 5844 $ qui servent à l'aide sociale, plutôt que de les donner à ne rien faire, le travail c'est la santé, vaut mieux les donner pour faire travailler. Mais vous, vous avez parlé de 12 000 $. Quand le ministre parle, à la page 33, du programme américain "Grant diversion", ce n'est pas nécessairement des 12 000 $ dont il parle; je pense qu'il parle plus autour du salaire minimum. Le salaire minimum, c'est 689 $ par mois. Si quelqu'un s'en va... Il peut parler d'autre chose. REXFOR: II va peut-être nous dire qu'à REXFOR il a trouvé un exemple, mais on sait très bien que pour les stages en entreprise, pour ce genre de choses, ce sont des PME dans la majorité des cas et elles engagent déjà pour la plupart au salaire minimum. Là j'ai de beaux chiffres - je ne les donnerai pas tout de suite, mais ce sont des chiffres qui nous viennent du Conseil d'intervention des femmes au marché du travail - qui démontrent que la majorité des nouveaux emplois étaient au salaire minimum. Alors, si c'est au salaire minimum, cela veut dire que l'allocation de bien-être de 487 $ est envoyée à l'employeur et lui, pour un nouveau travailleur, il a 200 $ à débourser pour les quatre semaines d'ouvrage, 50 $ par semaine, c'est-à-dire 10 $ par jour, cela ne veut même pas dire 1 $ l'heure.

Je ne sais pas si c'est cela dont vous parlez, mais je pense qu'il faut être bien clair pour que le ministre sache, quand vous parlez de votre programme, que ce n'est peut-être pas le sien, même s'il porte le même nom. Là, il m'a inquiétée quand il dit: On l'appellera PRET. Je me suis dit: Je ne suis pas sûre que cela ferait l'affaire de Mme Lalanne si ce n'est pas vu de la même façon. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Lalanne: M. le ministre... Mme Harel: On va la laisser dire.

Mme Lalanne: ...on a remarqué, de toute façon, que c'étaient les gens qui travaillaient au salaire minimum qui travaillaient tout le temps au maximum et on aimerait bien que le salaire soit remonté. C'est pour cela qu'on a mis 12 000 $. Avec le salaire minimum, on survit à peine et...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voudrais juste, avec l'autorisation de Mme la députée, préciser que ce que vous nous demandez, ce n'est pas de donner 12 000 $, c'est ce que l'on donne en aide sociale, de le transformer en paiement de salaire...

Mme Lalanne: Le programme...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...et que le "boss" ajoute.

Mme Lalanne: ...PRET...

Mme Harel: Non, non, écoutez-la bien!

Mme Lalanne: ...M. le ministre, ce n'était pas la prestation d'aide sociale...

Mme Harel: Écoutez-la bien, M. le ministre. (10 h 45)

Mme Lalanne: C'était la moitié du salaire que l'employeur donnait à l'employé, quel qu'il soit. On a suggéré 12 000 $ parce qu'on trouve que c'est un beau montant; parce qu'à ce moment-là, même si l'employeur donne 12 000 $, vous ne dépassez pas le montant de l'aide sociale annuel. Plus bas que cela, ce serait indécent et cela ne vaudrait pas la peine d'encourager l'entreprise qui ne veut pas faire sa part. Cela ne vaudrait surtout pas la peine.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On comprend la même chose.

Mme Harel: On comprend la même chose, Mme Lalanne, mais ce n'est pas "Grant diversion". "Grant diversion", c'est exactement le contraire. C'est l'aide sociale qui sert à aller payer du "cheap labour" au salaire minimum. C'est cela, le "Grant diversion", ce n'est pas comme vous le suggérez, quelqu'un qui se trouve un emploi à 11 000 $ ou 12 000 $■ Le salaire minimum, ce n'est même pas 12 000 $, c'est 689 $ par mois. Si on fait un calcul rapide - je ne suis pas bonne comme le petit gars qui était à l'émission de Gillet ce matin - c'est à peu près 8000 $. On est loin du compte. Il faut être bien clair là-dessus.

Vous savez, parfois, il y a des confusions sur le plan des mots et c'est sur le plan des moyens qu'on ne se retrouve plus. Vous l'avez dit abondamment dans votre mémoire, pour les grands principes, tout le monde s'entend. Le principe que le travail est la santé, la question est de savoir si le travail ne va pas rendre plus misérable, s'il va pouvoir faire sortir de la pauvreté.

Mme Lalanne: II faut absolument qu'il sorte de son statut d'assisté social pour faire partie du PRET, qu'il devienne un travailleur subventionné. C'est différent, ce n'est pas un assisté social qui devient une banque de "cheap labour" pour les employeurs, ce n'est pas cela du tout, il n'est plus assisté social. C'est un travailleur ou une travailleuse dont la moitié du salaire est subventionné. C'est cela qui existait avant et c'est ce qu'on redemande.

Mme Harel: Vraiment, je vous remercie beaucoup, Mme Lalanne. Je suis bien contente que le ministre dise avoir bien compris, comme cela, on va bien s'entendre. Ce n'est pas un assisté social qui reste sur les listes et qui fait l'objet d'un contrôle, etc., c'est un travailleur dont l'employeur reçoit une subvention.

Il me reste deux minutes? D'accord. À la page 5, vous nous dites des choses intéressantes. D'autres l'ont dit en d'autres mots, vous dites: "Nous vous en suggérons une précise et qui nous semble raisonnable..." Vous citez le salaire minimum, "...il s'obligera lui-même à faire de grands et réels efforts pour remédier à la cause même qui ne cesse de surcharger la liste des assistés, c'est-à-dire le manque évident d'emploi". Vous avez parlé du nettoyage des berges du Saint-Laurent, des emplois dans le domaine de l'environnement, etc. Considérez-vous que l'État doit se donner une politique d'emploi, doit générer, être créateur d'emplois, de vrais emplois qui seraient socialement utiles dans certains domaines? À quelles conditions? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Lalanne: À la condition, comme vous venez si bien de le dire, Mme Harel, que ce soit du travail utile à la population ou des services essentiels. Évidemment, l'entreprise privée est là pour faire des profits ou faire des objets de luxe qu'on est libre ou non d'acheter. Mais concernant les biens essentiels, je pense que l'État a une grande responsabilité à assumer de ce côté. Prenons juste l'exemple écologique que vous venez si bien de souligner, ce serait tellement facile, même des analphabètes peuvent ramasser des papiers et ils seraient fiers de voir qu'au moins ils sont dans un environnement sain et propre.

Mme Harel: Vous voyez des espèces de grands programmes d'emploi dans certains secteurs de l'activité gouvernementale, par exemple, qui permettraient d'offrir un travail à des personnes qui ne pourraient pas l'obtenir de l'entreprise privée.

Mme Lalanne: En collaboration avec les organismes du milieu, que ce soit les syndicats, les groupes populaires ou même le patronat, évidemment.

Mme Harel: Ou les MRC, par exemple.

Mme Lalanne: Oui, oui.

Mme Harel: Les MRC dans les régions.

Mme Lalanne: Oui, oui.

Mme Harel: D'accord.

Mme Lalanne: Je ne vois pas le gouvernement employeur détenant le monopole de tout. C'est très important que la population soit impliquée là-dedans, les jeunes concernés.

Mme Harel: Merci, Mme Lalanne, je reviendrai plus tard. Je vais laisser à l'autre formation le soin de continuer.

Le Président (M. Bélanger): Du côté ministériel.

M. Leclerc: Merci, Mme Lalanne, M. Dai-gneault, M. Truchon, je voudrais vous féliciter pour le sérieux et ia clarté de votre mémoire. Je veux aussi profiter de l'occasion pour vous féliciter du travail que vous faites dans le comté et dans la région. Avec, somme toute, des moyens fort réduits, vous réussissez à aider beaucoup de nos concitoyens et je pense qu'il est d'usage qu'on profite de l'occasion pour vous féliciter.

J'apprécie dans votre mémoire que, de façon très claire, vous disiez: Pour APPORT, on est d'accord, pour le Soutien financier, on est d'accord, mais on a des réserves sur les neuf premiers mois. Pour APTE, vous êtes d'accord, quoique vous ayez certaines réserves, notamment sur les stages en entreprise à l'égard desquels vous sembiez dire qu'il faudrait peut-être davantage circonscrire le programme pour être sûr que l'employeur n'en bénéficie pas outre mesure et ne remplace pas des emplois par des stages. Là-dessus, on vous suit. Et vous avez profité de l'occasion pour nous parler de PRET et je suis sûr que le ministre a pris bonne note de vos paroles.

Nous avons, au cours des deux dernières années, discuté à maintes reprises des problèmes des occasionnels au gouvernement et je pense que c'est normal que, comme gouvernement, il y ait un minimum d'harmonisation dans les décisions que nous prenons. Qu'on fasse une réforme de l'aide sociale, soit! Je pense que tout le monde l'attend. Mais que, d'autre part, nos directions de personnel prennent des décisions logiques et cohérentes qui ne défassent pas ce qu'on veut faire avec notre réforme. Je pense que c'est le temps d'en discuter lorsqu'on parle de réforme d'aide sociale. Et, j'aimerais vous demander, d'une façon non scientifique... quel est l'état de la situation. Est-ce qu'au moment où on se parle, cela va mieux avec les différents ministères? Parce qu'on sait que le gouvernement est le principal employeur dans la région de Québec. Ou est-ce que c'est comme avant? Est-ce que c'est pire qu'avant, la situation des occasionnels qui sont embauchés par le gouvernement et à qui il manque deux jours, cinq jours ou une semaine et qui, au lieu de pouvoir bénéficier dignement de l'assurance-chômage qu'ils ont payée - parce que souvent ce sont des occasionnels cycliques qui sont réengagés l'année d'ensuite, notamment au ministère du Revenu - bien ils se retrouvent à l'aide sociale? Et vous l'avez dit. Vous êtes d'accord avec nous. C'est un régime de dernier recours. Je pense qu'il serait bon que vous profitiez de l'occasion pour faire un état de la situation au ministre.

Mme Lalanne: Cela me fait plaisir, M. le député, de répondre que depuis que vous vous en êtes mêlé, cela va beaucoup mieux et qu'ils font bien attention et que je les menace de vous téléphoner quand il y a des cas qui accrochent. C'est la situation. Mais on a eu beaucoup de fil à retordre à ce chapitre-là. C'était vraiment incroyable de voir arriver dans nos bureaux des gens à qui il manquait une semaine ou deux. Une année, on en a fait réintégrer 18. Mais c'est une bataille qu'on a menée. On n'a pas d'énergie à dépenser pour des insignifiances comme cela. Je remercie encore M. le député Lecferc qui nous aide tellement et qui nous aide à tout moment du jour, aussitôt qu'on l'appelle.

On a bien de la difficulté, par exemple, dans les bureaux d'aide sociale, M. le ministre, si je peux rajouter cela, à définir ce qu'est un cas d'urgence. Semble-t-il qu'il faut quasiment avoir un enfant dans les mains pour arriver là et être considéré comme un cas d'urgence. On sait que le cas d'une personne qui a un enfant dans les mains en est un d'urgence. Mais il y a d'autres personnes aussi qui n'ont pas d'enfant et qui crèvent de faim et qui veulent avoir un prêt. Ne serait-ce qu'un prêt en attendant que l'assuran-ce-chômage débloque. Des fois c'est long comme l'a si bien expliqué Pierre Truchon tantôt, il faut faire appel à l'arbitrage. Cela prend bien de trois semaines à un mois. Le chèque est coincé dans l'ordinateur. Si vous voyiez tout ce qui se passe dans ce bureau-là, les cheveux vous en dresseraient sur la tête. Les gens ont été rejetés par l'ordinateur. C'est à ce point-là. Ils n'ont rien eu depuis deux mois, trois mois, lis sont à la veille d'être évincés de leur logement, ils n'ont plus rien à manger. On en est rendu à distribuer des sacs de nourriture dans ces familles-là. Est-ce que vous ne pourriez pas donner le mot d'ordre, s'il vous plaît, je vous en supplie très respectueusement d'ailleurs, de bien vouloir considérer la personne qui n'a plus rien à manger comme un cas d'urgence. On s'est battu dernièrement pour une dame qu'on ne nommera pas ici. J'ai téléphoné désespérément au député Leclerc qui est venu à bout de la laisser passer. Mais, mon Dieu, que de combats inutiles! Ils ne savent pas ce qu'est un cas d'urgence. J'ai posé la question à un directeur du bureau. Il a dit: Je ne sais pas. J'ai dit: Pourriez-vous consulter un livre? Pourriez-vous consulter quelque chose? Je vous dis que c'est un cas d'urgence. Elle ne mange pas depuis une semaine. Elle crève de faim. Elle a les yeux sortis de la tête. Je suis obligée d'aller lui porter ces pillules chez elle. Elle n'a plus d'argent pour prendre l'autobus. C'est un cas d'urgence. Et on ne vous demande qu'un prêt en attendant que l'assurance-chômage soit rétablie. Parce que pour cela, comptez sur nous! On gagne de 85 % à 90 % de nos causes. Donc, on avait raison. Un cas d'urgence, s'il vous plaît, si vous voulez mettre cela dans...

M. Leclerc: Je pense que vos remarques à cet égard-là sont fort pertinentes. Vous parlez de l'arbitraire de certains fonctionnaires et vous suggérez - c'est ce que je trouve intéressant - que les fonctionnaires travaillant dans les bureaux de Travail-Québec soient recrutés de façon particulière parmi la clientèle de l'aide

sociale.

Une voix: Bien oui.

M. Leclerc: Je pense que vous touchez là un point intéressant puisque ces gens, ayant fait partie de la clientèle bénéficiaire de l'aide sociale, sont probablement très bien placés pour comprendre ceux à qui ils devront rendre des services par la suite. Je pense que le ministre prend bonne note de cela.

Quoi qu'il en soit, notre réforme a besoin des fonctionnaires, elle a besoin du réseau Travail-Québec pour bien fonctionner. Ne croyez-vous pas qu'il y a moyen d'impliquer dans notre réforme des groupes communautaires, les SEMO notamment, quand vient le temps... Je pense que vous l'avez dit, nous sommes prêts à organiser des travaux communautaires et même peut-être à aller plus loin pour pouvoir aider les gens à cheminer ou pour décider si cette personne devrait faire un stage ou un retour aux études. Est-ce qu'on pourrait impliquer les organismes communautaires?

Mme Lalanne: J'aimerais que Marc réponde à cette question vu qu'il est le spécialiste du SEMO.

M. Daigneault (Marc): Je vais plutôt parler de mon conseil d'administration. Étant une corporation il compte deux volets. Il y a un volet, le SEMO, où il y a une subvention du ministère de M. Paradis, et un autre volet où on a le développement de l'emploi, la création d'emplois et la création de coopératives. On a vu, au cours des dernières années, la création d'une coopérative d'artistes, Artis, et d'une coopérative de coiffure, Libre expression, qui a malheureusement fermé dernièrement. Comme conseil d'administration, on a vraiment développé un secteur où on veut créer des emplois avec des jeunes du milieu. Je pense que des organismes communautaires peuvent jouer un rôle efficace dans ce secteur. Comme le soulignait Mme Lalanne tantôt, ce ne sont pas les idées qui manquent, et ce ne sont pas les gens qui n'ont pas d'emploi qui manquent non plus. Ce sont toujours les délais et les normes à l'intérieur desquels il faut oeuvrer. On a eu un bel exemple à partir du projet du CLSC, soit les 99 emplois. C'est un projet qu'on a mené pendant quatre ans pour arriver à des résultats, oui, mais qui nous décevait aussi sur un certain point. Ce n'était que le quart de ce qu'on voulait faire. Tous les problèmes étaient causés par les directives administratives ou à cause de cadres à l'intérieur desquels ces demandes doivent être faites. Je ne sais pas ce qui pourrait être fait dans ce sens, mais il y a, quelque part, des directives qui définissent les cadres dans lesquels on peut demander des subventions et qui empêchent les organismes de vraiment faire le maximum de ce qu'ils pourraient faire dans ce domaine. C'est ce que j'ai vu au cours de mes cinq années de pratique dans le domaine de la création d'emplois. Cela a toujours été comme ça. On a toujours été confrontés à cela.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci. Il me reste huit minutes. Il y a au moins trois aspects différents que je voudrais traiter avec vous. Le premier, c'est la question des neuf premiers mois. Vous dites que c'est là qu'il faudrait mettre plus d'argent. Et le ministre va vous dire que c'est dans ces neuf premiers mois qu'il y en a 40 % qui sortent d'eux-mêmes du système parce qu'ils se trouvent un job. Mais il y en a 60 % qui ne s'en trouvent pas. Parce qu'il y en a 40 %, il dit: On peut les laisser faire pendant ce temps-là. Vous, vous dites: Non, c'est à ce moment-là qu'il faut en mettre plus. Je me demande - c'est la question qu'on peut se poser et je vous la pose aussi, puisque vous avez la connaissance des deux systèmes - si ce n'est pas aussi, d'une certaine façon, durant les 52 semaines de chômage, au moment où il y a toute la dynamique de la personne qui veut se mobiliser pour ne pas tomber sur le bien-être, et si, dans le fond, le Québec n'aurait pas intérêt à récupérer des points d'impôt ou n'importe quoi, mais à faire en sorte qu'il puisse harmoniser ses propres politiques pour n'en avoir qu'une seule qui couvre l'ensemble. C'est la première chose. (11 heures)

Mme Lalanne: C'est ce que j'appelle un renforcement positif, Mme Harel. Au lieu de pénaliser la personne qui ne trouve rien et qui est négative, si on lui donne plus, c'est plus encourageant et elle se met au positif. C'est un état d'esprit. Qu'est-ce que la disponibilité? C'est une intention privée, une intention intérieure que personne ne peut voir; c'est une motivation à travailler. Cela fait partie de l'instinct de conservation. Je me dis qu'au moins on mette un entourage propice et qu'on donne des conditions requises pour que la personne puisse foncer. Je vous dis que chercher un emploi, c'est tout un combat. Vous affrontez, finalement, le marché du travail et le chômage parce que des emplois, il y en a. Je suis contente d'apprendre qu'il y en a plus et qu'il y a moins d'assistés sociaux. Je suis contente d'apprendre ça ce matin et je veux que ça diminue encore et que les emplois soient encore plus nombreux. Mais, je dis que c'est au cours des neuf premiers mois qu'une personne a une meilleure chance de se placer. C'est notre expérience qui nous le dit. Je vois l'état d'esprit de la personne qui vient de tomber - je dis encore "tomber" parce que c'est le vrai mot - sur l'aide sociale et c'est déjà pas trop drôle mais, au moins, sachant qu'elle a un soutien, qu'elle a l'argent nécessaire pour se

déplacer, ça va être beaucoup plus facile, c'est évident. À un moment donné, quand ça fait longtemps que la personne bénéficie de l'aide sociale, déjà elle parle moins fort, elle regarde plus bas, elle est habillée avec du linge plus vieux et elle a même déjà maigri et pâli. C'est à ce point-là. C'est ce qu'on voit, ce sont les symptômes. Ce sont des symptômes que je n'aime pas voir chez des gens, M. le Président, Mme Harel, M. le ministre, nos chers députés, de voir des gens qui s'en vont en diminuant alors qu'on devrait aller en fonçant.

Je vous dis: Pendant les neuf premiers mois, de grâce! donnez-leur 100 $ de plus par mois et vous verrez que, finalement, ça va vous coûter moins cher et que les gens auront le plus de chances possible de travailler. Je suis certaine de ça, à 100 %, pour l'avoir vu et observé à maintes et maintes reprises.

Mme Harel: Mme Lalanne, vous avez raison en plus quand vous nous décrivez les sympômes. Avant vous, au début de la commission, l'Association des hôpitaux du Québec est venue plaider des répercussions négatives des conditions sociales sur la santé et de l'étroite relation entre les inégalités sociales et, finalement, la maladie.

Vous nous avez parlé - j'aimerais vous interroger là-dessus, à moins qu'il y ait autre chose, à la fin je vous laisserai quelques minutes pour dire des choses que vous n'avez pas dites et que vous voulez absolument dire - des jeunes de 18-20 ans. Je crois que c'est dans votre mémoire. J'aimerais revenir sur ça avec vous. Vous nous dites, je pense que c'est à la page 3, peut-être que pour ceux dont les parents ont des revenus élevés: les jeunes de 18 ans ont l'âge de voter, sont libres de demeurer chez leurs parents s'ils le désirent. Accordez aux parents des exemptions d'impôt en conséquence... Vous voudriez que l'exemption d'impôt pour enfant à .u-ge ayant moins de 18 ans, le parent puisse iavoir pour l'enfant de plus de 18 ans. Je veux juste vous faire réagir au fait que beaucoup de groupes sont venus ici et ont fait des recommandations. Je pense entre autres à un groupe qui n'est pas venu, mais qui nous a envoyé un mémoire, l'AFEAS, et qui nous dit: Les exemptions sont injustes. Par exemple, une exemption de 1000 $ vaudra 60 $ pour un contribuable imposé au plus bas salaire, mais la même exemption pourra valoir 340 $ pour celui qui est imposé au taux le plus élevé. Cela veut dire que le même enfant vaudra plus, même si ce n'est pas un enfant, c'est un jeune adulte, si ses parents ont de hauts revenus et vaudra moins s'ils ont de bas revenus.

De plus en plus, tous ces organismes-là, comme l'AFEAS, font des recommandations pour un crédit d'impôt à tout adulte de 18 ans et plus, etc. Est-ce que ce n'est pas ce qui vous conviendrait le mieux? Est-ce que vous y avez réfléchi ou si c'est...

Mme Lalanne: J'y ai réfléchi certain, Mme Harel. J'ai deux enfants de 18 ans qui sont aux études et à partir de la journée où ils ont 18 ans je ne peux plus les déduire de mon rapport d'impôt. C'est à ce moment qu'ils me coûtent le plus cher. Je ne trouve pas ça normal, certain. Eux, évidemment, ne font pas de demande à l'aide sociale parce qu'ils ont des parents. Il y a des parents qui ont moins d'argent que d'autres, hein? Et ils n'ont pas plus de déduction d'impôt. De toute façon, ces enfants-là ne peuvent même pas rester chez leurs parents parce que le logement est trop petit, parce qu'ils n'ont déjà pas d'argent. C'est pour ça que je dis que c'est important, si le jeune veut absolument partir de chez lui - d'abord on ne l'empêchera pas, il y en a qui attendent d'avoir 18 ans pour partir - qu'au moins, il ait droit à l'aide sociale en attendant. Mais l'impôt devrait déduire, évidemment, les montants des enfants qui préfèrent rester chez leurs parents. Du reste, il y a aussi des enfants qui veulent rester chez leurs parents. Les parents ne mettent pas les enfants à la porte à 18 ans nécessairement. La plupart sont aux études et restent chez leurs parents mais, au moins, que l'impôt en tienne compte et qu'ils fassent des déductions normales.

Mme Harel: Vous savez, Mme Lalanne, il ne me reste que deux minutes. En fait, quand les enfants sont aux études les parents peuvent les déduire. Le problème c'est que, justement, c'est un peu injuste selon le revenu de la famille parce que, pour une famille à faible revenu, la déduction ne sera pas grand-chose, mais le jeune lui coûte aussi cher qu'à une famille à haut revenu qui va recevoir beaucoup de sa déduction. Alors toute la question, c'est: est-ce qu'il ne faut pas s'en aller vers un autre système qui est un système de crédit d'impôt, plutôt qu'un système d'exemption? C'est une question que vous allez sans doute examiner.

Une question, car votre expertise est importante. Il y a de plus en plus d'échos qui me viennent; lundi, j'étais dans mon bureau de comté dans Maisonneuve, dans mon quartier de l'Est de Montréal, et je relisais dans L'AFEAS la même chose qui disait: Plus le revenu du contribuable est modeste, plus les étapes sont complexes, plus les grilles de calcul sont nombreuses, plus les formulaires..., en parlant de l'impôt. Les gens me disaient: Cette année, cela n'a jamais été aussi compliqué quand on a rien. Mais on dit: Vous, c'est sûr, cela va être bien plus simple parce que vous avez eu une grosse augmentation. Mais, quand on n'a pas grand-chose, cela devient supercompliqué. Est-ce votre impression, à Action-chômage, ave2-vous des réactions comme celles-là? Paraît-il que cela a été plus compliqué que jamais au Québec, avec les formulaires du Québec.

Mme Lalanne: II va falloir changer cela et, pour améliorer la situation, je pense qu'on

devrait justement accorder des crédits d'impôt, mais les accorder en fonction du revenu des parents, en fonction des revenus. Ceux qui ne font pas beaucoup d'argent n'auraient même pas besoin de payer d'impôt. C'est ça, l'affaire.

Mme Harel: Présentement, vous n'en faites pas de formulaire d'impôt, hein? Vous ne faites pas de rapport d'impôt?

Le Président (M. Bélanger): Votre temps est écoulé, madame.

Mme Lalanne: Non, on ne fait pas de rapport d'impôt, nous autres. On les fait faire.

Mme Harel: Vous les faites faire au CLSC?

Mme Lalanne: Au CLSC ou à la caisse populaire. Mais, évidemment, ce n'est pas normal que ce soit plus compliqué pour les pauvres que pour les riches.

Mme Harel: D'accord.

Mme Lalanne: Ceux qui n'ont pas d'argent ne devraient pas payer d'impôt.

Le Président (M. Bélanger): Alors, il reste deux minutes à la formation ministérielle. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je vais tenter de reprendre les deux derniers points qui ont été soulevés, un par Mme Lalanne et l'autre par M. Daigneault.

La question des cas d'urgence sur laquelle vous avez insisté, j'en prends bonne note. Mais j'aurais des réserves, je vous le dis, à les normaliser et à les encadrer parce qu'à partir du moment où le gouvernement, par des directives - et cela va rejoindre a contrario l'argument de M. Daigneault - normalise et encadre, on en oublie. Il y a des cas d'urgence qui, lorsqu'on les oublie, demeurent quand même des cas d'urgence, et il faut pallier ce problème. À ce moment-là, on peut passer des directives pour que l'on fasse preuve de souplesse, surtout dans des cas où des organismes comme le vôtre ont acquis une crédibilité dans leur pourcentage de gain, etc., et qui représentent ces cas-là. Il s'agit peut-être de penser en termes d'organismes qui seraient accrédités au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu comme étant des organismes qui ont fait leurs preuves et qui défendent les clientèles. Je retiens l'idée dans ce sens-là.

M. Daigneault dit: Ce ne sont pas les idées qui manquent et ce ne sont pas les sans-emploi qui manquent. Ce sont peut-être les normes, les directives et l'encadrement qui font en sorte qu'on empêche les idées et les sans-emploi de se rencontrer. À ce chapitre, ce que je retiens de votre intervention, c'est qu'on ne pourra pas arriver seuls, sans la collaboration indispensable des groupes communautaires, à augmenter ce pourcentage de mariages entre les idées et les sans-emploi, et qu'on devra, pour ce faire, diminuer nos normes. Mais ce n'est pas facile non plus et je voudrais le souligner sur le plan politique. Il y a toujours un exemple qui me revient en tête. J'étais dans l'Opposition à cette époque; c'était dans le cadre du PECEC qui était administré par celle qui m'a précédé; c'était un programme expérimental de création d'emplois communautaires et c'est l'exemple de Sept-îles auquel je réfère, l'Oasis, etc.; sur le plan politique parce que ce n'était peut-être pas suffisamment balisé, il y a eu ce qu'on appelle en langage commun du "backlash" pour ceux et celles qui sont les derniers responsables de l'application de ces programmes. Je pense quand même que votre idée est bonne et, même s'il y a quelques cas qui peuvent dérailler, cela vaut la peine de marier plus d'idées avec plus de sans-emploi. Là-dessus on compte sur votre collaboration.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée...

M. Daigneault: Je voudrais peut-être préciser mon point de vue là-dessus, si vous me le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Rapidement, oui.

M. Daigneault: D'accord. On n'est pas contre les contrôles que le gouvernement impose pour savoir ce qu'il fait avec son argent. Je suis bien d'accord avec cela, il faut que le gouvernement fasse des contrôles pour savoir ce qu'il arrive avec l'argent qu'il donne à des organismes communautaires.

Le problème n'est pas là. Il apparaît vraiment quand on commence à avoir une multiplication des contrôles. C'est là qu'est le problème. Quant à moi, que ce soit comme directeur de SEMO ou comme organisme qui s'occupe de création d'emplois, je suis d'accord pour rendre des comptes aux personnes qui nous subventionnent. Il n'y a pas de problème là-dessus. C'est la surmultiplication qui devient inutile à un moment donné.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la députée de Maisonneuve, si vous voulez remercier nos invités.

Mme Harel: Cela a été extrêmement intéressant. Je dois vous remercier pour la façon dont vous nous avez présenté aussi votre point de vue. Vous savez qu'on doit être rendu au 50e...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Au 41e.

Mme Harel: Au 41e. Pourtant, c'était encore

nouveau cette fois-ci. C'est quand même intéressant. Je suis aussi contente d'apprendre que le député Leclerc est si efficace. Quand j'aurai des problèmes parfois, j'irai aussi, je lui téléphonerai.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens à remercier, au nom de la formation gouvernementale, le groupe Action-chômage et ses représentants pour les témoignages que vous avez rendus devant cette commission. Je vous dirai que vous êtes sans doute un des groupes qui sollicitez beaucoup, sinon abusez de votre député. Je vous dirai aussi que votre député abuse également des ministres, mais que cela fait partie des combats qu'il faut sans cesse mener.

Mme Lalanne disait à un moment donné: Ce sont toujours des combats qu'on a à mener. Je ne vous dirai pas que les solutions que nous apportons vont mettre fin aux combats qui doivent continuer d'être menés. Ce que nous proposons, c'est de tenter d'améliorer la situation, mais nous vous prévenons et nous sommes d'opinion que les combats devront toujours continuer et nous vous encourageons à toujours continuer les combats.

Le Président (M. Bélanger): La Commission des affaires sociales remercie le groupe Action-chômage de sa présentation et invite a la table des témoins le Collectif formation travail du Kamouraska, Rivière-du-Loup, Témiscouata et des Basques - c'est bon de mémoire. Si vous voulez prendre place à la table, nous allons commencer dans quelques minutes. Nous suspendons pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 12)

(Reprise 11 h 16)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

J'invite à la table des témoins, le Collectif formation travail du Kamouraska, Rivière-du-Loup, Témiscouata et des Basques. J'ai visité votre région un jour. J'ai fart le tour. C'est pour cela que je les ai toutes retenues.

Vous connaissez nos règles de procédure. J'inviterais votre porte-parole à nous présenter d'abord ses collègues qui l'accompagnent, et à présenter son mémoire ou le résumé. Vous avez 20 minutes fermes. On ne pourra pas excéder, compte tenu de l'heure. Donc, 20 minutes, et une période d'échanges s'ensuivra avec les parlementaires. Je vous inviterais donc à vous présenter, à présenter vos représentants et à présenter votre mémoire. Merci.

Collectif formation travail du KRTB

M. Lebel (Harold): M. le Président, M. le ministre Paradis, Mme Harel, les membres de la commission, mon nom est Harold Lebel. Je suis président du Collectif formation travail du KRTB dont l'emplacement est situé à Saint-Cyprien, dans une campagne du Bas-Saint-Laurent. Je vais vous présenter les gens autour de moi. Ici, il y a Jean-Yves De LaDurantaye qui est coordonnateur du Collectif formation travail.

Le Président (M. Bélanger): Je demanderais le silence dans la salle par respect pour nos invités, s'il vous plaît. Continuez.

M. Lebel: II y a aussi Gaston Lagacé, qui est membre du conseil d'administration du Collectif formation travail. Ici, Raymond Cadrain qui est collaborateur au collectif.

Le Collectif formation travail du KRTB considère important d'exprimer sa position sur cette politique de sécurité du revenu. Nous tenions à venir malgré le fait que ce soit un peu impressionnant, les lieux et tout cela. Et l'accessibilité aux lieux, n'est pas évidente tout de suite. Mais on tenait quand même à venir. Avec le peu de temps qu'on a eu quand même pour écrire un peu sur nos positions, je pense que c'était important qu'on vienne en discuter avec vous. Nous trouvons important de le faire, principalement à cause de notre implication auprès des jeunes de 15-30 ans et de notre expérience sur l'employabilité et l'intégration sociale.

Vu que la réforme aura un impact important chez les jeunes, nous croyons que M. le ministre a à coeur autant que nous le désir et la volonté d'améliorer le sort des jeunes. Ce dont on va vous faire part sera surtout axé sur notre expertise dans le domaine de l'employabilité. Ce sera surtout sur les mesures que vous proposez pour améliorer l'employabilité que nous allons nous attarder. Nous allons aussi présenter notre organisme, son expérience sur l'employabilité, notre vision de la réforme et des pistes de solutions, qui resteront quand même des pistes de solutions, qu'on envisage. Avant de laisser Jean-Yves De LaDurantaye vous parler du Collectif formation travail en lui-même, j'aimerais faire un petit tour d'horizon de la situation économique du milieu. Dans la région du KRTB, le taux de chômage chez les 15-24 ans, représentait environ 28 % en 1981. Ce pourcentage n'a pas tellement changé aujourd'hui. Cela oscille toujours autour de 30 % au niveau des 15-24 ans.

Il n'est pas rare aussi de trouver des jeunes qui ne sont plus recensés, qui ne travaillent plus, qu'on ne retrouve plus nulle part. La structure économique régionale de l'emploi ne permet pas ou peu l'accessibilité à l'emploi. En effet, la majorité des entreprises est concentrée dans les centres urbains. On peut parler de Rivière-du-Loup, La Pocatière ou encore Cabano, alors que beaucoup de jeunes sont en milieu rural. Le concept de mobilité de la main-d'oeuvre est souvent galvaudé. De plus, les emplois sont

saisonniers dans bien des cas et pas suffisamment alléchants pour être comblés. Dernièrement, le ministre Paradis mentionnait que l'écart entre les prestations et le salaire devait être plus grand. Nous sommes d'accord, mais dans le mémoire, on va vous informer que nous sommes d'accord, mais pas vers le bas comme il le propose.

Quant à la formation, il y a aussi des choses. Un graphique dans le mémoire démontre que la situation de la formation en milieu rural n'est pas tellement rose. On peut remarquer que peu de gens ont un diplôme. Souvent, les jeunes qui sont restés n'ont pas de diplôme. Nous, nous disons que ce n'est pas leur faute. On peut se poser des questions sur l'accessibilité de la formation, les options offertes, l'encadrement, les perspectives d'emploi, les coûts, les déplacements en région; ce sont autant de réalités que vivent les plus démunis dans nos milieux ruraux.

Chez nous aussi, en ce qui a trait à la situation régionale, il y a un phénomène important, c'est l'exode. On s'aperçoit que, chez nous, les groupes d'âge qui sont plus nombreux, ce sont ceux de moins de 20 ans et ceux de 65 ans et plus. Entre cela, les gens s'exilent souvent pour aller trouver un emploi ailleurs. Je serais porté à vous croire qu'il y a des emplois qui sont créés au Québec, mais, dans nos régions, cela tarde à venir. Les jeunes qui veulent trouver un emploi sont vraiment portés à s'exiler. Entre autres, on peut penser que, dans Kamouraska, 25 % de la population active - ce sont des chiffres réels, cela ne fait pas tellement longtemps qu'on est allé les chercher - est en chômage. On peut aussi penser que dans Rivière-du-Loup - Témiscouata, il y a 8500 prestataires d'assurance-chômage. C'est une augmentation de 1000 prestataires par rapport à l'année passée. Donc, on peut voir qu'il y a des difficultés et qu'il faudra s'y attarder.

Environ 30 % de chômage chez les jeunes, un chômage qui, généralement, oscille autour de 10 % dans la population en général dans notre région et ce, pendant une période où ça va assez bien sur le plan économique. On peut s'inquiéter pour la prochaine récession économique. On trouve que 10 %, si cela ne change pas, ce sera très inquiétant s'il arrive une crise économique.

Malgré tout, chez nous, on ne se décourage pas. On reste chez nous et on a envie de faire des choses chez nous. Pour cela, il y a eu des initiatives du milieu. Tantôt, j'écoutais M. le ministre dire que ce ne sont pas les idées qui manquent; c'est vrai, ce ne sont pas les idées qui manquent. M. le ministre ajoutait qu'il faudrait se fier aux groupes communautaires et accepter le rôle important qu'ils ont à jouer comme promoteurs de projets ou d'idées. Encore là, faut-il soutenir ces groupes communautaires, parce qu'ils ont de la difficulté un peu partout.

Dans la grande région Bas-Saint-Laurent-Gaspésie-îles-de-la-Madeleine, il y a eu, dans la vague d'après le Sommet québécois de la jeunesse et avant l'Année internationale de la jeunesse, un genre d'engouement pour les jeunes, et il s'est créé, un peu partout, dans toutes les municipalités régionales de comté, des groupes qu'on appelait Action travail. À partir de ces groupes, plusieurs initiatives importantes se sont faites, que ce soit par des SEMO, du soutien aux jeunes entrepreneurs, la création de logements coopératifs, des initiatives de protection de l'environnement et des initiatives aussi d'alternance formation-travail. On va en venir au niveau du collectif. Malheureusement, ces projets sont peu ou pas encouragés par nos gouvernements. Comme on peut le voir, sur les quatorze ou quinze groupes Action travail qu'il y avait à l'époque, il n'en reste à ce jour que deux ou trois qui ont réussi à survivre. Nous trouvons cela un peu déplorable, puisque le taux de chômage n'a pas tellement change depuis deux ou trois ans, surtout en ce qui a trait aux jeunes, entre autres les 15-24 ans.

J'aimerais permettre à M. Jean-Yves De LaDurantaye qui va vous parler, en particulier, du groupe Collectif formation travail du KRTB.

M. De LaDurantaye (Jean-Yves): Merci, M. Lebel. Je ne vous lirai pas ce qu'on vous a écrit, je vais plutôt vous en parler d'une façon... avec mes tripes, quoi.

Le Collectif formation travail est né au début des années quatre-vingt d'initiatives du milieu. Ce qu'on entend par initiatives du milieu, ce sont autant les groupes de jeunes que les CLSC du territoire du KRTB - pour ceux qui ne sont pas encore familiers, KRTB veut dire Kamouraska-Rivière-du-Loup-Témiscouata-les Basques - les institutions de formation des niveaux collégial et secondaire et les corporations de développement économique. Les centres Travail-Québec sont très près de nous aussi, ainsi que les centres d'emploi du Canada. Tout ce beau monde a dit: Cela n'a pas d'allure, ce qui se passe dans notre région. On est en train de perdre deux ressources naturelles: la ressource des jeunes, soit parce qu'ils sont en train de dépérir ou bien ils "sacrent leur camp" en ville carrément parce qu'on n'a rien à leur offrir dans nos régions, et la forêt - on était dans la période de la tordeuse, etc. - donc, on a dit: II faudrait peut-être trouver des moyens pour sauver ces deux ressources. C'est de là qu'est né le Collectif formation travail. Que fait le Collectif formation travail? Il vise à améliorer le sort des jeunes, 15-30 ans, en présentant des programmes, en montant des programmes, en allant chercher des sous là où il peut y avoir des bailleurs de fonds pour le faire, que ce soit au niveau fédéral, provincial, municipal, local, peu importe, aller chercher des sous pour faire du développement économique auprès de la clientèle jeunesse, principalement.

Vous avez, en annexe, nos objectifs et le programme dans lequel on travaille actuellement pour prendre les plus démunis et essayer d'améliorer leur profil d'employabilité. Par contre, on

ne veut pas leur créer d'attente, on veut que cela débouche sur des emplois. On dit qu'on est prêt à travailler pour développer l'employabilité, mais il ne faut pas que l'employabilité soit une fin en soi, il faut qu'il y ait quelque chose au bout.

Je prendrai l'exemple d'un jeune qui arrive chez nous pour un programme de 20 semaines. Au début, il a de la misère à aller chercher un pain au dépanneur. Si la madame ose lui demander: Est-ce que c'est un pain blanc ou un pain brun que tu veux, il va se mettre à rougir. Pensez-vous que ce bonhomme ou cette bonne femme est capable d'aller chercher un emploi? Je ne pense pas. Chez nous, on amène le jeune à se prendre en main, on le rend plus autonome et on lui donne un salaire. Pas un salaire extrêmement décent, chez nous, c'est 200 $ par semaine et ce n'est pas occupationnel, on lui demande de faire des travaux, on lui demande de faire de l'aménagement forestier, on lui demande d'apprendre les techniques de sciage, et on les rend fonctionnels par rapport à cela.

De plus, on leur demande aussi de lâcher maman ou papa. Saint-Cyprien, c'est une petite place de 1200 habitants, mais un milieu très dynamique où les jeunes peuvent être pointés du doigt, oui, comme un peu partout ailleurs, mais, par contre, ils peuvent s'émanciper, ils peuvent aller à l'arena, ils peuvent faire des choses qu'ils ne pouvaient pas faire avant. Ils peuvent s'impliquer dans ces milieux. Ils peuvent aussi apprendre à faire de la bouffe chez eux, ils doivent louer des appartements, des choses comme cela, bref, les responsabilités que tout travailleur ou toute travailleuse doit assumer dans notre société.

Le profil caractéristique des jeunes chez nous: je pense qu'il est évident que c'est une clientèle qui est fortement défavorisée sur le plan de l'emploi. C'est une clientèle qui, dans l'espace rural à 67 %, n'a même pas complété la deuxième année du cours secondaire - c'est au delà de 40 % de notre clientèle - n'a aucun diplôme - 61 % - aucun diplôme, même pas de secondaire professionnel court, rien de cela. Ceux qui bénéficient de notre programme, ce sont, à 93 %, des gens qui étaient bénéficaires de l'aide sociale. Une statistique, qui n'est pas ici mais que je peux vous confirmer, c'est que les jeunes, chez nous, n'ont pas d'expérience de travail, même jusqu'à 25 ou 26 ans. Quand on dit qu'il y a des jeunes qui arrivent chez nous et qui ont été cinq ans à l'aide sociale, pensez-vous qu'ils sont aptes à travailler? Pensez-vous qu'ils sont employables?

Imaginez-vous, M. le ministre, non pas que vous êtes en vacances pendant quinze jours, mais que vous êtes sans emploi pendant cinq ans, qu'est-ce que vous feriez? Peut-être que vous tomberiez dans une toxicomanie quelconque, peut-être que vous auriez des idées suicidaires. Est-ce que cela se pourrait? Est-ce qu'il se pourrait - je ne sais pas si vous avez écouté

Rock, rémission qui vient de sortir - que vous fassiez de la prostitution pour survivre, peut-être que vous fouilleriez dans les poubelles, peut-être que vous seriez rejeté par la société. Chez nous, on essaie d'aider un peu ce beau monde. On trouve que c'est du beau monde. Ils se sentent revalorisés, on leur donne des emplois, on les aide à se trouver un employeur par la suite, parce qu'il y a une partie subventionnée. Le salaire moyen de ces jeunes, aujourd'hui, est autour de 315 $. Ce n'est quand même pas le Pérou, mais ils sont contents de leur apport dans la société.

Il est important pour nous, au moment où on se parle... Je citerai une phrase de Mme Louise Leboeuf qui a paru dans Le Devoir du 30 novembre dernier: "À l'heure où le développement de l'emploi n'existe pas, les programmes de développement de l'employabilité deviennent, pour plusieurs bénéficiaires, une question de survie. Ils ressemblent à du volontariat déguisé. Le travail, pour toute une catégorie de la population, n'est plus un objectif de vie, un moyen d'assurer son autonomie, mais bien une condition d'assistance." Ce qu'on dit, c'est donnons des moyens à ces gens, à des programmes réels où les gens ne sont pas dans des ghettos, et ne reçoivent pas juste ce qu'il faut pour se sortir seulement la tête de l'eau. Cela coûte des sous, certes, mais la délinquance, la perte d'autonomie, les prisons sont pleines, les salles d'urgence sont pleines aussi, les gens, la clientèle jeunesse particulièrement, sont en train de dépérir. Donnez-leur des emplois pour qu'ils reprennent leur autonomie en main. Cela va coûter moins cher à toute là société, même si on investit pour eux. (11 h 30)

Le Président (M. Bélanger): Merci.

M. Lebel: Merci Jean-Yves. Ce qui fait, entre autres, l'originalité du programme, c'est surtout le fait que nous essayons de rendre le jeune autonome avec tout ce que cela peut comporter. On parle, par exemple, d'un salaire et d'un logement pour essayer d'augmenter son profil d'employabilité. Maintenant, M. Raymond Cadrain va vous parler peut-être un peu plus de la réforme que vous proposez, M. le ministre.

M. Cadrain (Raymond): Je vais essayer de prendre la relève, mais j'ai une mauvaise grippe qui va me rendre un petit peu inapte à m'exprimer à l'aise. Je vais essayer de me rendre jusqu'au bout pareil. Ma grippe est d'autant plus mauvaise qu'hier soir il y a eu une rencontre avec différents groupes communautaires de la région du KRTB,. et on a eu l'occasion une fois de plus de parler de la réforme d'aide sociale. Ce qui est soulevé dans le document quant à la réforme, comme analyse, je pense que les groupes qui étaient là hier partagent aussi beaucoup ce document-là.

C'est sûr qu'on n'a pas la prétention de faire une analyse en profondeur de la réforme,

mais je vais essayer de mentionner les points sur lesquels on s'est attardé le plus et aller plus rapidement sur les points qui ont été dénoncés jusqu'à maintenant par bien des groupes. Je pense qu'il y a une opposition qui est assez claire par rapport à cela.

D'abord, quelques commentaires généraux sur le document. Il nous reste cinq minutes. Dans le document de politique du ministre Paradis, on peut voir qu'on semble reconnaître le manque d'emploi, le fait que principalement les jeunes subissent les contrecoups de (a récession, la réorganisation de la situation économique. Pourtant, on ne semble pas reconnaître cela autant quand on regarde ce qui est proposé comme réforme, parce qu'une fois de plus on semble culpabiliser davantage les personnes sans emploi de ne pas travailler, en réduisant leurs prestations, en les catégorisant aussi en aptes et inaptes au travail. Donc, c'est sûr qu'on reconnaît - il y a tout l'aspect des programmes d'employabilité - l'importance de ces programmes, l'aspect formation. Mais, dans le fond, il faut reconnaître que cela améliore les chances d'occuper un emploi sauf que cela ne crée pas d'emploi. Je pense que c'est clair pour tout le monde. Quand Harold mentionnait tantôt que, dans la région, il existe encore beaucoup de chômage... Bien, c'est vrai que peut-être il semble y avoir une reprise économique à la grandeur du Québec, mais des chiffres très récents, de février 1988, démontrent qu'il y a 8760 prestataires d'assurance-chômage dans la région de Kamouraska-Rivière-du-Loup-Témis-couata, ce qui représente une augmentation de 1000 personnes comparativement à l'an passé. Donc, je pense que le problème d'emploi est encore très important.

C'est sûr, l'aspect positif, de façon globale, c'est l'augmentation des gains possibles de travail. Sauf que cela pourrait aller plus loin dans la réforme.

La question de la parité des 18 à 30 ans, je pense que c'est une question qui a été abordée rapidement. C'est sûr que nous trouvons que c'est une parité importante, et le plus rapidement possible... Aussi, on n'est pas d'accord avec l'obligation de contribution alimentaire des parents. Ce qui se fait au collectif, c'est de travailler vraiment à une plus grande autonomie des jeunes. Si on raccroche les jeunes à leurs parents quand ils sont rendus à 18 ans, on ne va pas trop dans le sens de l'autonomie et du développement des jeunes.

Je vais plus loin. Je vais carrément aux programmes d'employabilité. Combien me reste-t-il de temps?

Le Président (M. Leclerc): Deux minutes. M. Cadrain: Deux minutes.

Le Président (M. Leclerc): II y a consentement, si vous avez besoin de quelques minutes supplémentaires.

M. Cadrain: D'accord. Jean-Yves tantôt disait que le collectif est d'abord un organisme qui travaille sur le plan de l'employabiltté. Là-dessus, c'est sûr que le programme APTE nous paraît un peu dangereux parce qu'il me semble qu'il n'améliore pas grand-chose quant à l'aspect de l'employabiltté des jeunes. Je pense que dans ce programme-là, il est important qu'il y ait des incitatifs. Mais on ne doit pas, au départ, couper les prestations des gens. Il y a toute la dimension des salaires, aussi. Au collectif, ce qui est vécu, c'est l'importance que des gens qui travaillent aient un salaire. Je pense que tout ce qui est rattaché comme connotation et comme esprit à un salaire est bien différent du fait de donner simplement une allocation à des gens qui sont à l'aide sociale. Il y a tout l'aspect aussi, en termes de caractéristiques régionales, de ce qui nous est propre. C'est sûr que l'expérience, jusqu'à maintenant, des stages en milieu de travail a démontré très clairement qu'il n'existe pas beaucoup d'entreprises dans la région qui sont disponibles pour offrir des stages en milieu de travail. C'est donc une difficulté de plus, à laquelle on fait face quand on parle de différents programmes d'employabilité. Il y a des particularités dans notre région qui rendent plus difficile l'application des mesures qui sont prévues dans la réforme. Étant donné qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps, je donne la parole à Gaston.

M. Lebel: De toute façon, on pourra revenir tantôt pour préciser certaines choses. Gaston Lagacé peut vous donner les pistes de solution qu'on entrevoit.

Le Président (M. Leclerc): M. Lagacé.

M. Lagacé (Gaston): Merci. Brièvement, il y a quatre aspects qu'il nous apparaît important de respecter dans les solutions à apporter à la situation actuelle de l'emploi et comme principes de réforme de l'aide sociale. On souhaite beaucoup développer l'employabilité et il en est beaucoup question dans la réforme, mais on tient à ce que le développement de l'employabilité se fasse par l'aspect formation et aussi avec l'expérience. On parle de développement d'autonomie de la personne. Le développement de l'autonomie de la personne passe surtout par un revenu qui lui permet de reconnaître et de répondre à ses besoins de base. L'augmentation d'occasions d'emploi, évidemment, pour nous autres, cela présuppose qu'il serait important de se donner une vraie politique de plein emploi pour le Québec. Finalement, le quatrième aspect, c'est de développer l'initiative, principalement en mettant l'accent sur les groupes d'action de jeunes. Nous nous intéressons particulièrement aux jeunes. Il en a été question un peu tout à l'heure.

Nous sentons que la réforme proposée ne va pas donner d'espoir aux jeunes sans emploi, même s'ils améliorent leur employabilité, parce que les perspectives d'emploi - je pense que cela a été dit tout à l'heure et on le redit - sont particulièrement faibles, surtout en région où les jeunes, surtout s'ils sont moins scolarisés, sont les premiers à être mis à la porte d'un milieu de travail lorsqu'il y a réduction du personnel et où ils sont aussi les derniers à rentrer lorsqu'il y a des rappels.

L'augmentation des occasions d'emploi, c'est, entre autres, .par une politique de plein emploi. Quant à l'amélioration de l'autonomie des personnes, nous sommes sensibles à la proposition du Front commun des assistés sociaux du Québec qui parie de l'établissement d'un crédit d'impôt universel de quelque 2800 $ et d'une augmentation significative des allocations familiales. C'est quelque chose d'universel, qui rejoint tout le monde et qui ne tare pas une personne par rapport à une autre en l'identifiant au qualificatif de prestataire. C'est un dû qui va à tout le monde.

On souhaite minimalement que le revenu de base de tous rejoigne le plus rapidement possible les 70 % du seuil de la pauvreté. Cela reste toujours en dessous du seuil de la pauvreté, mais, si on compare avec l'écart actuel, ce serait déjà un grand progrès. Les bases de référence auxquelles la réforme amène les prestations, en diminuant vers les plus pauvres, cela ne nous apparaît pas approprié.

Après quelques années à l'aide sociale, les jeunes bénéficiaires viennent à douter de leur capacité, de leur confiance en eux. Cela les gruge peu à peu. Un revenu minimum garanti, donc, leur permettrait de conserver une certaine dignité. Le crédit d'impôt est une forme de revenu garanti.

L'amélioration de l'employabilité. Il est aberrant de constater à quel point les employeurs sont insatisfaits de la qualification des jeunes professionnels, des jeunes diplômés qui vont sur le marché du travail. La plupart de ceux-ci sont confrontés à un marché du travail qui est saturé et connaissent l'échec. Une longue période d'inactivité ébranle leur confiance en eux; c'est bien évident. L'objectif auquel s'attaque la réforme est réel et très pertinent, mais les moyens proposés ne comportent pas certains prérequis obligatoires du point de vue de l'employabilité. Par exemple, il serait important que le prestataire ou le jeune ait accès à un milieu de vie qui se rapproche le plus possible d'une situation réelle d'emploi. Il serait important de lui offrir l'occasion de satisfaire ses besoins primaires, tels le logement, la nourriture, le vêtement, à partir d'une estimation juste de ces coûts. Il serait également important, comme autre prérequis, de lui permettre de développer une certaine autonomie, donc d'acquérir plus d'assurance dans sa recherche d'un emploi. C'est pourquoi ta nouvelle dépendance des jeunes au revenu de leurs parents, proposée par la réforme, nous apparaît difficilement acceptable...

Pour corriger cette situation, on propose la création d'un programme d'amélioration de l'employabilité avec accès à un revenu sous forme de salaire hebdomadaire ou bi-hebdomadai-re et qui respecte le Code du travail.

Un quatrième prérequis en ce qui concerne l'amélioration dé l'employabilité, c'est l'aspect formation: une formation avec un encadrement approprié. Selon notre expérience, on propose qu'il y ait multiplication de plateaux de travail administrés par des organismes qui représentent le milieu. On sait que le gouvernement fédéral a déjà une expertise quand même assez intéressante de ce côté-là. Il soutient financièrement quelques plateaux de ce genre, dont le nôtre, mais il serait souhaitable de favoriser l'expansion de ces initiatives et que le gouvernement du Québec s'associe avec le gouvernement du Canada dans ce domaine. Une meilleure harmonisation entre les différents programmes gouvernementaux, tant au fédéral qu'au provincial, serait bien souhaitable.

Actuellement, au centre Travail-Québec de Rivière-du-Loup, on nous dit qu'on a réussi à placer environ 10 % de la clientèle de jeunes bénéficiaires de l'aide sociale dans des stages en entreprise, à cause d'une faute d'espace dans les entreprises, une faute de volonté des entreprises participantes.

Les plateaux de travail qu'on propose ont l'avantage d'offrir à la fois une formation et un milieu de travail qui correspondent à la réalité ou qui s'y rapprochent.

Finalement: développer l'initiative. Le président Harold Libd a mentionné tantôt l'expérience des groupes Action-Travail qui se sont créés en 1983-1984 et qui, de peine et de misère, sont allés chercher du financement pour fonctionner un certain temps. On se rend compte aujourd'hui que le financement est disparu. L'Année internationale de la jeunesse disparaissant, l'argent est un peu parti avec. On reconnaît que ces groupes-là ont quand même eu beaucoup d'impact au niveau de la diffusion de l'information auprès des jeunes et de leur participation à des mesures de création d'emploi. Ils ont aidé à la création de petites entreprises et surtout à la motivation et a la mobilisation des jeunes pour se donner une volonté, une confiance.

On croit que les coûts reliés au financement de tels organismes sont facilement compensés par la valeur de l'intervention de ces groupes et par les retombées économiques qui en découlent.

Un mot aussi au sujet des programmes, des projets ou des groupes d'aide aux jeunes entrepreneurs, au programme Jeunes Promoteurs, aux sociétés d'investissement jeunesse qui ont permis la création de nombreux emplois au Québec. On souhaiterait que ces initiatives puissent aussi se développer en région avec un soutien adéquat

pour fonctionner. Je m'excuse du temps pris. Je retourne la parole à notre président.

M. Lebel: On serait prêts à répondre à vos questions pour, peut-être, préciser beaucoup de choses. Je suis conscient qu'on est allé assez vite.

Le Président (M. Leclerc): Vous n'avez pas à vous excuser puisqu'on avait le consentement des deux côtés.

Je cède la parole à M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens à vous remercier. Étant donné que je suis aussi un peu encarcané dans le temps, nous allons procéder rapidement. Ce que je note, et je n'ai pas les statistiques disponibles strictement pour la sous-région que vous représentez mais j'ai celles pour la région du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, c'est que vous avez raison de vous plaindre. Alors que les autres régions du Québec, sauf une, sont en pleine création d'emplois et en pleine diminution de chômage, chez vous, ce n'est pas ce qui se produit.

Les derniers chiffres disponibles m'ont été remis hier. Ce sont ceux du Bureau de la statistique du Québec du 8 mars 1988, qui sont quand même assez récents: Pour le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, la population active en janvier était de 124 000, soit une baisse de 3, 1 %. On comprend vos réserves sur des gens qui ne sont plus inventoriés. On est conscients du phénomène et, également, de celui de la mobilité, des gens qui quittent les régions.

Votre taux d'activité était le plus bas de la province. Il était à 47, 7 %. Il n'y a pas une seule autre région en bas de 50 % dans toute la province de Québec. Il y a même des régions qui atteignent 70 %.

Pour le nombre d'emplois de janvier à janvier, il y a une diminution de 2, 8 %. Le chômage, dans votre région: 20 000 chômeurs, soit une baisse comparativement à l'année précédente, par exemple, de 9, 1 %. Encore là, y a-t-il des problèmes d'inventaire et de déplacement de main-d'oeuvre? Alors que le taux de chômage, au Québec, s'établit à 9, 7 %, chez vous, c'est 16, 1 %. Le seul endroit où vous avez de la progression c'est que, comme les autres régions du Québec, vous êtes en diminution du nombre de bénéficiaires de l'aide sociale. De février à février, des données assez récentes, vous avez diminué de 8, 6 %. On dénombre actuellement, dans cette région, 17 700 bénéficiaires de l'aide sociale.

Je tiens peut-être à attaquer le dossier par là où il vous concerne, où il est plus particularisé par votre point de vue, chez vous. Au moment où on peut dire aux autres qu'il se crée de l'emploi, on a les statistiques, 122 000 l'an passé, on ne peut pas vous tenir ce langage-là et il faut avoir, quant à une politique qui vise les bénéficiaires de l'aide sociale, une approche différente chez vous que dans une région qui est en plein essor économique comme l'Abitibi-Témiscamingue ou l'Outaouais. Ce qui m'inquiète, et je vais vous traduire mon inquiétude comme je le pense, c'est que s'il y a un risque que les programmes d'employabilité deviennent ce que l'on a appelé traditionnellement des "jobines", c'est-à-dire vingt semaines de travaux communautaires, retour à l'assurance-chômage, le fameux petit cercle vicieux, c'est dans une région où, pour toutes sortes de raisons, on ne réussit pas à créer ce qu'on appelle des emplois permanents et rémunérateurs. Plus ce risque diminue, plus on crée d'emplois. Mais lorsqu'on est en régression d'emplois, ce risque augmente.

J'ai retenu vos propositions de la fin, mais, si on ne réussit pas à créer, entre autres, par le secteur privé et un peu par le secteur public, les emplois permanents nécessaires, est-ce qu'on ne risque pas, en retenant les suggestions que vous faites - pour prendre l'exemple des plateaux de travail de votre dernière intervention - de retomber dans ce fameux cercle vicieux de stages qui améliorent votre employabilité, une "jobine" pour vous qualifier à l'assurance-chômage, 52 semaines d'assurance-chômage et on recommence? (11 h 45)

M. Lebel: En tout cas, ce n'est pas la situation qu'on vit chez nous. Jean-Yves pourrait peut-être en parler, mais nos jeunes n'ont pas été dans cette situation.

Il faut voir aussi que le cercle vicieux, c'est fini. Présentement, il n'y en a plus du tout de cercle. Les gens sont au chômage pendant une période de temps; ils sont à l'aide sociale, mais l'aide sociale ne donne pas de timbre de chômage. Après cela, c'est fini, ils sont à l'aide sociale tout le temps et, s'ils ont beau embarquer dans un programme d'employabilité, ils ne font pas plus de timbres de chômage; ils restent encore à l'aide sociale. Le cercle vicieux, c'était dans le temps de Chantier-Québec, ce programme de vingt semaines, mais ce temps est fini.

Là, les gens restent à l'aide sociale durant des années et des années. Ils font des travaux communautaires par-dessus travaux communautaires, bandes de la patinoire par-dessus bandes de la patinoire et...

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... plus haut que pelleter la neige. Ha, ha, ha!

M. Lebel: Ha, ha, ha! Non, mais c'est vraiment la situation chez nous. C'est vrai que le secteur privé peut aider, mais le secteur public aussi. Mais là, on veut peut-être axer plus sur ce qui est dans les régions rurales. Saint-Cyprien, Sainte-Rita, on ne passe pas souvent par là, mais il y a encore des jeunes qui y demeurent. S'ils veulent vivre, ils sont bien obligés de partir et nous autres, on aimerait qu'ils restent là. Il y a des villages qui sont en train de fermer comme

dans le temps du BAEQ et on vit cela présentement.

C'est surtout qu'en milieu urbain, comme à Rivière-du-Loup, il y a certaines choses qui peuvent se développer. Encore là, les jeunes vont sortir des campagnes pour venir rester à Rivière-du-Loup. Les vieux le font déjà; on construit HLM par-dessus HLM à Rivière-du-Loup pour emmener les vieux plus près des services. Mais je ne pense pas vraiment que ce soit la solution. Il va falloir investir, entre autres, pour aider les jeunes et il va falloir que l'État s'en occupe. Tantôt, on parlait de travaux utiles à la communauté; ce sont des choses intéressantes parce que, dans les plus petits villages, il va falloir que l'État intervienne avec de l'argent. On n'a pas vraiment le choix. On ne peut se fier seulement sur le secteur privé, mais public, surtout dans le milieu rural.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Lebel, je représente comme député - avant d'être ministre, on est député à l'Assemblée nationale - une circonscription électorale qui compte 34 municipalités, mais pas dans une région où le taux de chômage est ce que vous dites, etc. On différencie.

Parmi ces municipalités, il y en a au moins 25 qu'on peut appeler des Saint-Cyprien, en fonction de la population, du nombre de résidents. On a le même phénomène: nos personnes âgées sont attirées vers les plus grands centres parce que c'est là que sont les services de santé et autres, et nos jeunes ne reçoivent généralement pas plus qu'un cours primaire; on donne parfois le secondaire, mais c'est très rare. On les perd ensuite.

Là, on arrive dans ces régions-là. Là aussi, on a des gens à l'assurance-chômage et, là aussi, des gens à l'aide sociale. Si on ne veut pas créer de "jobines", si on veut que ces gens-là s'en sortent, vous dites qu'une des façons, c'est de créer des plateaux de travail. J'aimerais bien comprendre, sans créer ce qu'on appelle une sous-catégorie de travailleurs, comme certaines expériences vécues, entre autres, dans l'État de New York où les gens font des travaux communautaires jusqu'à la pension de vieillesse, comment, en misant sur le plateau de travail, on réussira à maintenir ces jeunes à Saint-Cyprien dans un emploi rémunérateur qui va leur permettre de fonder un foyer et d'élever une famille.

M. Lebel: Là-dessus, je laisserais la parole à Jean-Yves De LaDurantaye qui vit le quotidien dans les plateaux de travail.

M. De LaDurantaye: Avec le plateau de travail, on ne veut pas créer des "jobines". Ce qu'on veut, c'est une politique de plein emploi. Mais il y a du monde, quand il y a une politique de plein emploi, qui est incapable de prendre ces emplois-là. Pour nous, le plateau de travail, c'est comme un certain tremplin pour une catégorie de travailleurs et de travailleuses que nous, nous considérons comme minables. Que vous ayez un problème de comportement ou autre, il faut que vous régliez ces problèmes. On essaie d'augmenter leurs qualifications tant sur le plan de l'attitude que des aptitudes mais, avant tout, cela nous prend une politique de plein emploi quelque part, parce que si ces jeunes ont laissé l'école, c'est parce qu'ils n'avaient pas de vue à moyen et à long terme. C'était tout de suite, demain matin, qu'ils voulaient la "jobine", pompiste du coin ou quelque chose comme cela. Ils ne voyaient pas ce que cela donnait d'aller à l'école. On ne leur offrait rien comme perspective d'avenir. C'est pour cela.

Une voix: C'est évident.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous êtes d'avis que les interventions gouvernementales, si je peux les appeler ainsi, en matière de création d'emplois, et je ne parle pas des programmes de travaux communautaires mais des créations d'emplois réguliers par les ministères, entre autres, chez vous peut-être le ministère de l'Énergie et des Ressources, Forêts, etc.. pensez-vous que le gouvernement devrait faire un effort spécial en fonction des régions rurales, des petites municipalités, pour qu'il y ait de la rétention dans ces endroits de la jeunesse et de la société, finalement de la population?

M. Cadrain: En ce qui me concerne, je trouve qu'il est clair que le gouvernement aurait un rôle important à jouer par le biais des différents ministères. Tantôt, Mme Lalanne parlait d'emplois socialement utiles. Je pense qu'il y a des possibilités de créer des emplois qui seraient utiles dans un milieu comme le nôtre, que ce soit dans le domaine des services de santé et des services sociaux, dans le domaine de l'environnement, il y a beaucoup de secteurs où il y aurait possibilité de créer des emplois dans des conditions de travail correctes. Dans ce sens, je pense qu'il ne faut pas compter uniquement sur l'entreprise privée. Il faut vraiment que le gouvernement joue un rôle moteur là-dedans, mais aussi par le biais et avec une collaboration importante d'organismes communautaires. Je pense que les organismes communautaires, qui connaissent bien le milieu aussi, ont un rôle important à jouer sur ce plan.

M. Lebel: On parle de vrais emplois. Le soutien aux familles ou aux personnes âgées, on est tenté, et on le voit faire, d'essayer de pousser cela au bénévolat ou à des bénéficiaires de l'aide sociale qui ont un peu plus d'argent. Cela aussi est dangereux. Si nous voulons nous impliquer dans des activités utiles à la société, c'est avec ce que cela comporte. On veut bien s'embarquer - je parle un peu au nom des bénéficiaires de l'aide sociale - mais il faut que cela comporte les salaires qui vont avec l'ac

th/ité. Il ne faut pas qu'on fasse une seconde classe de travailleurs, comme vous avez dit tantôt. C'est à éviter.

M. De LaDurantaye: Pour répondre d'une façon plus précise à votre question du domaine de l'énergie et des ressources, il serait intéressant que le ministère de l'Énergie et des Ressources ait peut-être une politique pour avoir des travailleurs qualifiés pour regénérer la forêt, la couper et l'administrer comme du monde parce que, tout le monde le sait, elle est en perte de vitesse au Québec.

Nous donnons une certaine formation à des jeunes pour justement essayer... Tant mieux s'il y a des incitatifs supplémentaires tels que ceux que, je crois, vous avez derrière la tête.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'avais retenu de votre intervention le motif de base de la création de votre organisme, soit la préservation des deux richesses sur lesquelles vous avez dit que vous misiez: la jeunesse et la forêt, parce que vous êtes dans cette région. C'est pour cela que j'ai suggéré ou évoqué cette possibilité.

Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Bélanger): C'est à vous, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Combien de minutes... Onze. Bon, parfait. C'est parce que, voyez-vous je pense que c'est normal aussi qu'on puisse échanger des propos, comme cela, d'un côté et de l'autre de la commission.

C'était fort intéressant de vous entendre nous traduire la réalité de la sous-région que vous représentez: Kamouraska, Rivière-du-Loup, Témiscouata, des Basques. On doit comprendre que vous représentez finalement non pas la totalité de la région - c'est bien le cas - mais une sous-région de l'ensemble de la région du Bas-du-fleuve. C'est cela?

M. Lebel: De La Pocatière à Trois-Pistoles.

Mme Harel: D'accord. De La Pocatière à Trois-Pistoles. Cela se dit bien mais, évidemment, cela se fait plus difficilement.

J'entendais le ministre, par exemple, étaler les statistiques de l'ensemble de la région, notamment les 16 % de chômage pour la région comme telle de La Pocatière à Trois-Pistoles. Je pensais aussi qu'à...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non. C'était tout le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie.

Mme Harel: Ha! Tout, tout, en plus, encore. Toute la grande région du recensement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

Mme Harel: Cela me faisait penser à une étude que je relisais encore, qui m'apparait tellement déterminante et stratégique. Je ne sais si vous avez eu accès à une étude réalisée par le Conseil des affaires sociales et de la famille, il y a déjà un an et demi, pour les fins de la Commission d'étude sur l'avenir des municipalités, qui démontrait, d'une façon tellement éloquente qu'on ne peut pas contredire, finalement, une telle étude, qu'au Québec on pouvait partager la population en deux groupes de citoyens et de citoyennes. Ceux et celles qui vivent dans des municipalités et des quartiers de villes en voie de désintégration ou dans un état de sous-développement économique et, d'autre part, ceux et celles qui vivent dans des municipalités ou des quartiers de villes en croissance démographique et en développement.

Cette étude démontre, notamment, sur le plan des mouvements démographiques, sur le plan des emplois disponibles, une désintégration de certaines communautés rurales. La réalité dont vous me parliez, ce matin, me rappelait cette démonstration. Une désintégration qui est de l'ordre du sous-développement, quand il se met à accélérer et que cela va en augmentant. Un des facteurs, c'est justement le fait que le vieillissement est accéléré parce qu'il y a une relocalisation géographique de la population en âge de travailler qui suit les emplois disponibles.

La question qu'il faut se poser, c'est: Y a-t-il moins d'assistés sociaux parce qu'il y a plus de travail ou parce qu'ils sont partis, et ceux qui sont partis sont-ils ceux qui sont en âge de se reproduire, ce qui augmente le vieillissement? Les chiffres sont effarants à tel point qu'ils en concluaient: "Sur le plan démographique, on peut presque affirmer que nous sommes déjà en présence de deux pays dans un." D'un côté - et ils l'expliquent bien - les personnes âgées et, de l'autre côté, les jeunes. Et cette situation pourrait même aller en se détériorant de façon accélérée avec la relocalisation géographique qui suit les emplois disponibles. Ça c'est d'une part, sur la question démographique. Mais sur la question de l'emploi, je dois vous dire que cela vient tellement confirmer ce que vous disiez. Vous disiez: II y a peut-être eu des jobs, mais ils n'ont pas passé par chez nous. Le mémoire traduit cela de la façon suivante - attendez que je m'y retrouve: - En clair, cela signifie pendant que le nombre de personnes inoccupées diminuait sensiblement à l'échelle du Québec, les disparités augmentaient entre les municipalités. L'ampleur des disparités a augmenté de 30 %.

Tous les emplois ont été créés à peu près aux mêmes places, si vous voulez, et les pertes d'emploi ont eu lieu à peu près aux mêmes places. Vous voyez un peu. Ce qui fait que, dans l'ensemble du Québec, il faut bien se dire que, malgré une performance extraordinaire de création d'emplois, le chômage a à peine bougé parce que les deux colonnes ont fini par s'éga-

liser l'une l'autre, celle de la création de chômage et celle de la création d'emplois. Cela revient quasiment au même.

Avez-vous cette impression d'une sorte de désintégration? Avez-vous cette impression qu'il y a une sorte de dérive actuellement dans votre quartier? Je vous pose la question, parce que je me la pose à propos des quartiers de ville, lis en parlent et, moi, je retrouve passablement le mien. Des gens du CLSC me disaient lundi: Après trois générations à l'aide sociale - on en est rendu à trois générations dans mon quartier: le grand-père, le père et le fils, ou la grand-mère, la mère et la fille - après trois générations, on me disait, par rapport à un quartier de ville: C'est un effort considérable, c'est une sorte d'investissement vraiment important, mais un investissement qui ne peut être que collectif, qui peut permettre de s'en sortir. Avez-vous la même impression chez vous?

M. Lebel: Jean-Yves, si tu me le permets... et, après cela, peut-être, si tu veux compléter...

Nous autres, ce qu'on est en train de vivre, en tout cas, c'est un peu des gens qui vivent cette situation, qui sont rendus à la troisième génération et qui ont l'air de tenir tout cela pour acquis. L'aide sociale, pour eux, c'est devenu de l'acquis. On ne peut pas avoir plus que cela. Ils l'ont pris comme cela. C'est bien compliqué. Même aller rencontrer ces jeunes et essayer de parler d'emploi, ils ne savent pas ce que c'est. Ils n'ont jamais eu d'exemple de ce que c'était. Cela rend les choses encore bien compliquées. La panique est prise de ce côté. La panique est prise aussi chez les développeurs économiques, il faut se le dire. Si on regarde le vieillissement de la population, l'exode des jeunes, cela fait en sorte que même le gouvernement fédéral est en train de fermer des bureaux de poste dans plusieurs des municipalités. Les services s'en vont. Il n'y a plus besoin de services. (12 heures)

Des mouvements qui à l'époque étaient assez forts, comme le mouvement Dignité 1, Dignité 2, sont en train de se redévelopper, ont retrouvé la vocation qu'ils avaient dans le temps. On est en train de fermer des villages. Cela est important chez nous, on le sent. Aussi, on est un peu plus découragés, nous les gens qui, dans le temps - pour les régions JAL et du Témiscouata - ont amené des initiatives, parce qu'aujourd'hui on se demande quand va-t-on finir par s'en sortir. On a cru longtemps au développement des régions, mais là, présentement, on est rendu... Tout le monde se développe au Québec, sauf nous autres. Qu'est-ce qu'on va faire? On est en train de proposer, entre autres, un sommet économique. C'est drôle ce vers quoi tout le monde s'en va, c'est vers le tourisme. L'avenir économique chez nous, c'est le tourisme parce que, l'hiver, il n'y a personne. Le reste du temps, il n'y a personne. L'été, il vient du monde; les touristes vont voir le Rocher Percé. Tout le monde de La Pocatière, Rivière-du-Loup, Trois-Pistoles et Rimouski s'organise pour ramasser le plus de touristes qui passent avant qu'ils se rendent au Rocher Percé. On est rendu là. C'est assez grave.

Mme Harel: M. De LaDurantaye a peut-être quelque chose à ajouter.

M. De LaDurantaye: Oui. C'est tellement vrai par rapport aux trois générations dont vous nous parliez tantôt. J'ai une anecdote à raconter. Je me souviens qu'une de nos dames concernant un de nos jeunes se demandait comment il se faisait qu'il s'était inscrit chez nous, au collectif. On lui a répondu que c'était parce qu'il y avait des travailleurs sociaux quelque part qui l'avaient rejoint. Il n'était pas recensé nulle part, ce jeune-là, ni au chômage, ni au CTQ; il n'était pas inventorié dans les statistiques, il n'était pas dans l'ordinateur dont madame parlait tantôt.

Mme Harel: II n'avait pas pu être éjecté...

M. De LaDurantaye: II n'a pas pu être éjecté.

Mme Harel:... il n'était pas dedans. Ah oui!

M. De LaDurantaye: La dame, a eu comme réaction: II ne sera pas capable. Pourquoi ne serait-il pas capable, madame? Il n'est jamais sorti. Il venait du troisième rang de Saint-François-Xavier-de-Viger. Laissez-moi vous dire quelque chose, ce n'est pas le centre-ville de Québec. Je m'attendais à voir un jeune arriver au collectif, un petit "feluet", tout poigné, la tête comme cela. Non, le gars mesurait 6 pieds et 2 pouces; il avait les bras aussi gros que mes cuisses; il était capable de faire des travaux, mais il était vraiment en perte d'autonomie. Sa mère lui avait toujours chanté la chanson: Tu es né pour un petit pain, une petite vie; c'est cela. Sa grand-mère, c'était cela aussi. Qu'est-ce que vous vouliez qu'il se passe? On n'a jamais entendu un jeune s'émanciper. À 9 heures du matin, chez nous, ce jeune avait mal à la tête; il n'était pas habitué de se lever pour travailler. Vous, vous vous levez le matin, pour aller travailler; lui, il ne connaissait pas cela. Il avait mal aux yeux parce qu'il y avait le soleil, ce matin-là, pour aller bûcher dans le bois, et lui, quand il se levait, c'était l'heure où le soleil se couchait.

Mme Harel: Si je comprends bien, c'est pour lui, les plateaux de travail, en fait...

M. De LaDurantaye: C'est cela. Mme Harel:... en termes précis. M. De LaDurantaye: Et ce jeune-là, aujour-

d'hui, gagne 652 $ par semaine. Mme Harel: Oui? M. De LaDurantaye: Oui. Mme Harel: Où est-ce qu'il est?

M. De LaDurantaye: II travaille dans la forêt. C'est un abatteur et un bon à part cela.

Mme Harel: Cela doit.

M. De LaDurantaye: II est reconnu.

Mme Harel: À six pieds, comme cela.

M. De LaDurantaye: C'est un cas exceptionnel, mais il s'en est sorti et sa maman, bien, est bien contente qu'on ait fait quelque chose.

Mme Harel: Tantôt, votre président... À moins que, M. Cadrain vous auriez quelque chose à rajouter.

M. Cadrain: Oui, je pourrais peut-être rajouter un élément. Je pense qu'il y a une situation qui est claire dans notre région, c'est l'existence de plusieurs emplois saisonniers. Quand on parle d'une façon de vivre, c'est sûr qu'on a beaucoup à composer avec cette réalité qu'est l'importance d'emplois saisonniers. Donc, dans ce sens-là, c'est peut-être bien moins dévalorisant pour des gens de travailler au moins d'une façon saisonnière plutôt que de recevoir de l'assurance-chômage ou de bénéficier de l'aide sociale.

Mme Harel: C'est vrai.

M. Cadrain: Je pense que...

Mme Harel: C'est vrai.

M. Cadrain: C'est sûr que la situation idéale, c'est d'avoir des emplois stables, à des conditions correctes et permanentes. Mais, au pis aller, je pense qu'il faut miser aussi, d'une certaine façon, sur l'importance de certains emplois saisonniers parce que, pour nous autres, cela correspond aussi à une réalité qui est là et qui pourrait être moins dévalorisante que celle de se retrouver bénéficiaire de l'aide sociale.

Mme Harel: C'est intéressant, M. Cadrain. De toute façon, écoutez, on rivalise l'un et l'autre, il n'y a pas de problème, dans la voie rocailleuse. Tantôt, vous avez dit "tout le monde se développe, sauf nous". Là, je pense que c'est important de saisir que la réalité, ce n'est pas cela au Québec. Il y a 42 % de la population qui vivraient soit dans des communautés rurales ou dans des quartiers de ville en désintégration, et pas un peu et selon une certaine évolution, certains plus et d'autres moins. Selon tous les indicateurs, il y en avait 92 d'utilisés et ce n'était pas les moindres.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En quelle année?

Mme Harel: En 1986. Des indicateurs sur l'activité économique, le niveau d'instruction, le niveau de revenu, la qualité du logement, la proportion des personnes qui restent à la même place depuis cinq ans, la qualité de l'éducation et de la culture, la criminalité, la mésadaptation sociale, l'état de santé et mettez-en, il y avait 92 indicateurs. Sur les 92 indicateurs, il y a 42 % de la population qui sont arrivés en bas des 92 indicateurs, sans exception et exactement l'inverse, 58 % qui sont arrivés en haut des 92 indicateurs. Donc, il faut bien voir...

M. Lebel: Oui.

Mme Harel: ...que... Je ne veux pas, pour autant, minimiser vos problèmes, bien au contraire. La question des emplois saisonniers, je voudrais y revenir parce que c'est peut-être la spécificité qui permettrait justement de relancer des emplois socialement utiles. Vous voulez peut-être réagir tout de suite avant que je vous interroge?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez mentionné des chiffres de 1986. Je voudrais qu'on précise: l'étude est publiée en 1986, mais les chiffres ne sont pas de 1986.

Mme Harel: L'étude est publiée en 1986... M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va.

Mme Harel: Les données du recensement sont de 1981.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): De 1984. Ah, d'accord, cela va.

Mme Harel: Oui.

M. Lebel: De toute façon, je ne pense pas que, au quotidien, on regarde toujours ces chiffres dans la région. Ce qu'on voit, c'est...

Mme Harel: L'étude vient d'être publiée et est disponible dans Santé et société du ministère de la Santé et des Services sociaux. Vous n'avez qu'à la commander au ministère, cela s'appelle Santé et société.

M. Lebel: On prend cela en note, mais ce que je voulais dire tantôt, c'est que ce qui ressort à la télévision et ce qui ressort un peu partout, c'est qu'il y a un climat intéressant au Québec, une reprise économique, on l'entend un peu partout. On écoute la télévision comme tout

le monde, on entend ces discours et on se dit: Où est-ce que cela se passe? Si cela se passe, ce n'est pas chez nous. C'est ce que j'ai voulu dire tantôt.

Mme Harel: Je vous comprends parfaitement. D'ailleurs, il y a des groupes qui sont venus nous dire aussi, de la même façon que vous le faites: Si la crise est finie, ce n'est pas tout le monde qui en a vu la fin.

M. Lebel: C'est cela, surtout s'il en vient une après. Si on dit que la crise est finie aujourd'hui, s'il y en avait une vraie, ce ne serait pas drôle.

Mme Harel: Oui, parce qu'on est supposé en être sorti, c'est cela, en fait.

Dans votre mémoire, je voudrais reprendre les aspects que l'on retrouve sur le plan de la formation, à la page 26, je crois. Il me semble que c'est important parce que vous avez de l'expérience dans ce domaine. Vous dites: Les programmes d'amélioration de l'employabilité proposés par le ministre ne tiennent pas compte de l'encadrement de formation. Il est étonnant de comparer les mesures d'encadrement du gouvernement fédéral par le biais des centres de formation pour leur programme d'emploi à ceux du gouvernement provincial. L'absence de mesures de contrôle et d'objectifs clairs laisse aux employeurs... Vous dites: Les agents de l'aide sociale succombent, dans nos régions, aux pressions de placer en entreprise, même sans objectif de formation, etc., parce qu'il y en a si peu.

C'est tellement précis, j'aimerais vous entendre là-dessus, de même que sur le fait qu'à peine 10 % des jeunes qui, malgré l'incitation - c'était quand même de doubler sa prestation - auraient participé à des stages. Donc, l'extension du programme du ministre à des centaines de milliers de familles, chez vous, cela doit quand même rejoindre pas mal de monde. La présidente du Conseil du statut de la femme disait qu'il y avait à peu près une femme sur six, dans la grande région, qui était bénéficiaire de l'aide sociale. Est-ce que vous avez l'impression que l'extension des mesures est quelque chose... La dame qui vous a précédés a dit que ce sera un miracle si le ministre réussit. Avez-vous l'impression que, pour votre région, c'est complètement, disons Disney World?

M. Lebel: Peut-être que si vous engagez un nombre effarant de travailleurs au centre de Travail-Québec ils vont essayer de trouver des employeurs, peut-être, mais ce n'est pas au nombre qu'ils sont qu'ils vont régler le cas. Si on prend Rivière-du-Loup-Témiscouata, il y a 450 jeunes, je pense, qui bénéficient de l'aide sociale et ils n'ont réussi qu'à en placer 10 ou 12 pour des stages en milieu de travail. Cela veut dire que si on extensionne, cela devrait être beaucoup plus compliqué. La preuve est là aussi... Mme Harel: 10 % ou dix jeunes? M. Lebel: Quarante jeunes, 10 %, excusez. Mme Harel: Quarante jeunes.

M. Lebel: Quarante jeunes qu'ils ont réussi à placer. Entre autres, les travailleurs des centres de Travail-Québec en deviennent un peu fous. Ils se demandent comment ils vont aller chercher les gens, ils se fient beaucoup, entre autres, sur les groupes communautaires pour essayer de trouver des employeurs potentiels.

J'aimerais revenir à l'employabilité. On disait qu'il faudra faire en sorte... Il reste combien de temps?

Mme Harel: II me reste quatre minutes, mais on va les prendre pour vous.

M. Lebel: On disait, sur le plan de l'employabilité, que cela n'aura pas tellement d'effet sur les jeunes, pas du tout sur l'emploi, en tout cas, cela ne créera pas d'emplois, et pas beaucoup sur l'employabilité parce que cela ne rejoindra pas beaucoup de personnes. C'est important et urgent qu'on essaie de regarder ce qui se passe dans des plateaux de travail comme chez nous. Dans l'est du Québec, il y a trois plateaux de travail, si je ne me trompe pas: Amqui, Rimouski et Saint-Cyprien. C'est un peu anormal qu'il n'y en ait pas du tout en Gaspésie, où on peut penser à Murdochville et à tous ces coins où il y aurait beaucoup de difficulté. Je pense que c'est urgent.

Le fédéral commence à être pas mal présent dans le développement régional et dans l'emploi. Vous parlez du sommet économique. Chez nous, c'est le branle-bas parce que le fédéral n'est pas là et on ne sait pas trop ce qui se passe. Quant à la formation des jeunes, le fédéral part des programmes PDPE, va chercher des gens, s'assure qu'ils ont une formation de la Commission de formation professionnelle et ça touche un peu notre clientèle. Les jeunes qui sont chez nous et qui travaillent au collectif formation travail, sont payés par le fédéral. C'est la même clientèle. On parle d'harmonisation. Je pense que cela aussi c'est assez urgent. Il ne faut pas qu'on dépense trop d'argent à l'administration et que ces impôts qu'on paye ne se rendent pas vraiment à ceux qui en ont besoin.

Mme Harel: Vous êtes vraiment parmi les premiers qui nous apportez aussi clairement toute cette question, qu'on retrouve à la page 27 de votre mémoire, des plateaux de travail, de la nécessité d'harmoniser les programmes, de compenser d'une façon, c'est-à-dire de favoriser une sorte d'harmonisation, d'intégration. Je crois que... C'est peut-être la question. Il reste un peu de temps au ministre. Il aura peut-être la

possibilité d'y répondre. Juste auparavant, des 450 jeunes qui bénéficiaient de l'aide sociale dans Kamouraska et Rivière-du-Loup, il y en a 40 qui ont participé aux stages en entreprise. Combien ont participé aux travaux communautaires ou sont retournés aux études? Est-ce que vous êtes informés de cela?

M. Lebel: Je n'ai pas les chiffres. Pour la grande majorité - et je pense que c'est partout au Québec, M. le ministre - ce sont des rattrapages scolaires. La grande majorité retourne à l'école.

Mme Harel: De toute façon, juste en terminant, compte tenu du peu de temps à ma disposition, est-ce que vous pouvez peut-être nous esquisser... J'ai cru voir dans vos solutions que vous partagiez le point de vue du front commun sur le crédit d'impôt pour toute personne adulte, et ensuite sur des modulations des programmes. Est-ce que vous pouvez nous esquisser quelle sorte de création d'emplois l'État pourrait faire, par exemple, dans votre secteur? Comment verriez-vous la façon de gérer ces programmes? Est-ce que ce seraient les MRC, les municipalités régionales de comté, qui pourraient gérer de grands travaux, des programmes qui seraient offerts et qu'elles utiliseraient selon leurs priorités? Est-ce que ce seraient des groupes communautaires? Comment verriez-vous cela? Et, dans quels secteurs?

M. Lebel: C'est évident. On n'en sort jamais. Il faut encourager le secteur manufacturier. Ce sont les grosses entreprises manufacturières qui créent de l'emploi. Chez nous, on est un peu en train de vouloir en installer mais cela vient...

Mme Harel: Comme quoi, par exemple?

M. Lebel: Chez nous, entres autres, les produits du bois. À Gros Cacouna, à Rivière-du-Loup, Miron vient d'installer une entreprise qui va créer quelques emplois. On a relancé une tannerie à Saint-Pascal. Je pense qu'on encourage un peu ce genre d'entreprises. Mais peut-être que le soutien n'est pas suffisant. Encore là, il y a la confrontation fédérale-provinciale souvent. Même présentement, on a de la difficulté à trouver de gros projets. Il y a l'éternel projet de la papeterie à Matane. Il y en avait un qui traînait à Rivière-du-Loup. Je pense qu'il ne traîne plus. On ne le voit plus. En tout cas, il y a différents... Je pense qu'il faut continuer à travailler et à faire des pressions. En tout cas les gens de Matane l'ont prouvé. On est capable par des pressions populaires. Je pense que pour rejoindre les gens dont on parle, il faudra... Entre autres, le groupe Action Emploi dont on parlait tantôt, ce groupe communautaire qui a mis sur pied de petites entreprises qui auraient pu - si des gens bénéficiaires de l'aide sociale avaient pu se joindre à ces entreprises et être subventionnés pour se joindre à de nouvelles entreprises - s'assurer d'un marché suffisant pour, éventuellement, s'autosuffire. Ce sont de petites entreprises. Souvent, cela nous prenait des années et des années à faire financer ces petites entreprises-là. Un exemple, à Saint-Paul-de-la-Croix, un petit village, pas trop grand, deux jeunes ont ouvert une chandellerie. Ils font des chandelles. Ceux qui amenaient les chandelles dans le Bas-du-Fleuve, les curés... Les chandelles qu'ils allaient chercher venaient de Longueuil, je pense. Je ne sais pas d'où; je ne me suis pas trop informé. Deux jeunes se sont créé un emploi. Le marché est restreint parce qu'ils ne sont que deux. Si des gens bénéficiant de l'aide sociale ou autour avaient pu se rejoindre et financer un peu, ils auraient pu agrandir le marché. C'est sûr qu'il faut faire attention à la concurrence. Mais il y a des projets comme celui-là qui sont créés un peu partout. Des jeunes peuvent...

Mme Harel: ...PME, mais il n'y a pas, dans le domaine de la forêt ou autres, de projets. Je vous laisse terminer parce que je n'ai plus le droit de parler.

M. Lebel: On a compris quand même. Vas-y.

M. De LaDurantaye: II y a des produits de matière première qui sont peu ou pas exploités et dont on fait seulement une première transformation. Ces produits mériteraient d'être transformés avant de s'en aller sur le marché pour être transformés dans la région de Montréal ou de Québec et revenir chez nous, après avoir subi une deuxième ou une troisième transformation.

Mme Harel: Comme quoi?

M. De LaDurantaye: Cela pourrait se faire chez nous d'ailleurs, avec les produits du bois, même avec les produits agricoles et aussi les produits de la tourbe.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis heureux qu'il me reste un peu de temps parce qu'il y a des messages qui sont difficiles, et de plus en plus difficiles à faire passer en politique. J'écoutais Mme la députée de Maisonneuve essayer de trouver des points communs entre les bénéficiaires de l'aide sociale qui résident dans l'est de Montréal et les bénéficiaires de l'aide sociale qui habitent votre région. Il y en a quelques-uns. Autour de la table on est tous des députés de la ville. Je suis à peu près le seul représentant rural. Je maintiens respectueusement qu'il y a plus de points de divergence que de points communs. Il faut comprendre que, dans l'est de Montréal, il y a des entreprises qui s'installent présentement. Chez vous, il n'y en a

pas. C'est un point de différence majeur, il faut comprendre que pour les distances à parcourir et la façon de se véhiculer dans les centres urbains, comme Québec - il y a des députés de la région de Québec ici ou de Montréal - il y a le transport en commun. Dans nos régions, les distances sont beaucoup plus grandes à parcourir et il n'y a pas de transport en commun. Tant qu'on n'aura pas une approche différente auprès de ces clientèles, on va manquer le bateau. Il faut être conscient de ces différences et de ces disparités. Vous êtes venus nous le dire ce matin. Je ne suis pas certain que tout cela ait été compris. C'est un clou que je martèle, peut-être parce que je représente une région, une région qui est plus prospère que la vôtre et qui n'a pas les mêmes problèmes. Je vois les chiffres que Mme la députée de Maisonneuve nous a cités, des chiffres de 1981. La situation n'est plus pareille en 1988. Dans certains cas, elle est pire; dans d'autres cas, elle est meilleure. Dans votre cas, elle est pire; en Abitibi-Témiscamingue, elle est meilleure. Il faut tenir compte de ces changements de réalité. Un des vices du système de l'aide sociale que nous avons au Québec, c'est que, dans le passé nous avons tenté de l'appliquer universellement, de la même façon, d'un bout à l'autre de la province, quel que soit le type de localité, le type de communauté, etc. Si nous n'avons pas cette approche qui respecte les caractéristiques des quartiers urbains - il y a des caractéristiques de quartiers qu'il faut respecter - et des régions rurales, et rurales différentes également parce qu'il y a du rural où il se créé des emplois et il y a du rural où il ne s'en crée pas, on va manquer le bateau et on n'accomplira pas le miracle auquel on s'est convié.

Je suis d'accord avec vous que cela prend de la création industrielle majeure, au moins une ou deux grandes entreprises qui s'en vont chez vous et qui créent des satellites, et cela débouche.

En attendant, et je pense que ça va arriver un jour, je suis peut-être optimiste de nature et je pense que vous partagez cette vision-là aussi parce que vous demeurez là et que vous vous battez pour que ça arrive un jour, il ne faut pas que les gens se découragent, il ne faut pas que ça devienne une quatrième génération ou une cinquième génération. Il faut, lorsque l'entreprise arrive, que ces gens-là aient des caractéristiques d'employabilité intéressantes pour l'employeur et ça aide à attirer l'employeur quand ils ont les caractéristiques... et qu'il y ait une culture de travail; que la personne ait cette culture de travail-là.

Ce que vous nous dites c'est que, finalement, le ministère ne réussit pas à relever ces défis de rehausser l'employabilité et de donner une culture; et que les groupes communautaires sont mieux placés pour le faire que le ministère l'est en attendant la venue de ce projet-moteur, créateur d'emplois permanents. Est-ce votre message?

M. Lebel: C'est un peu ça. C'est sûr que les groupes communautaires a eux seuls ne pourront pas non plus, mais j'étais d'accord avec votre première partie sur les particularités régionales. Je pense qu'il fraudra travailler ça, en tout cas beaucoup plus que de catégoriser les assistés sociaux. Il faut réaliser que dans le concret, les programmes de la réforme vont faire en sorte que les assistés sociaux de la Gaspésie n'auront pas les mêmes avantages que ceux de Montréal ou d'ailleurs. Ceux de la Gaspésie qui n'auront pas réussi à se placer parce qu'il n'y aura pas d'entreprise pour les placer auront un chèque d'aide sociale moins élevé que les autres, parce qu'ils ne peuvent pas participer à des programmes. C'est ce qui se passe dans le concret et je ne pense pas que par ça on va encourager, si la papeterie arrive éventuellement ou d'autres choses, avec la réforme actuelle qui ne prend pas en note cette réforme des particularités régionales... Chez nous, si les gens ne peuvent pas travailler en stages en milieu d'entreprise, c'est à cause d'une particularité régionale. Ces jeunes-là ne pourront pas améliorer l'employabilité aujourd'hui pour faire en sorte de peut-être travailler chez nous éventuelllement.

Je ne pense pas que la réforme puisse présentement améliorer l'employabilité des jeunes en attendant une éventuelle reprise économique chez nous.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Lebel, je pense que M. Lagacé se mordait la langue du coin.

M. Lagacé: II y a un aspect sur lequel je pense qu'on peut être d'accord, c'est sur le fait que les régions sont différentes et qu'il faut tenir compte des différences. Je pense qu'on a beaucoup fait ressortir l'impact, et M. le ministre a cité des chiffres évocateurs au niveau du chômage dans le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie. J'aimerais en profiter pour marteler le fait que les chiffres qui sont en statistiques ne disent pas toujours tout non plus. Je m'amuse périodiquement à faire le lien entre - je reste dans le comté de Kamouraska - les chiffres mentionnés par les centres de main-d'oeuvre sur le nombre de prestataires d'assurance-chômage et la population active totale.

Actuellement, si on prend ces chiffres-là, il y a dans notre région de Kamouraska, à peu près 2900 prestataires d'assurance-chômage sur une population active de quelque 11 000 personnes. Cela fait autour de 25 %; ça fait du monde en chômage. Bien sûr, on est en hiver et c'est la période de travail saisonnier, mais tout ça pour faire ressortir le fait que d'une région à l'autre, il y a des situations économiques très différentes. Le Bas-Saint-Laurent est particulièrement marqué de ce temps-là.

L'autre aspect sur lequel on veut insister

dans notre mémoire c'est qu'on ne partage pas l'approche véhiculée dans le projet de réforme qui est de réduire, à notre interprétation, les gens qui sont aptes au travail à un genre de dénuement total pour les obliger, avec le feu au derrière, à aller chercher des emplois. Chez nous on considère que cette pratique pénalise des gens qui existent et qui résident dans une région où ils ont beau être motivés pour chercher un emploi, mais où il y en a peut-être sept qui vont s'en trouver sur 150 qui vont s'en chercher. À ce propos, c'est un passage qu'on trouve important de faire ressortir de notre mémoire.

L'association, avec le développement de l'employabilité, on trouve important d'axer le travail là-dessus, mais comme le disait Jean-Yves tout à l'heure, on peut développer l'employabilité des gens qui ont des problèmes d'adaptation au marché du travail, mais il faut tout au moins qu'ils aient la perspective d'avoir travaillé pour quelque chose après et qu'ils vont déboucher sur du travail.

Le Président (M, Bélanger): Merci. Mme la députée de Maisonneuve, si vous voulez bien remercier nos invités.

Mme Harel: Oui, M. le Président. Je vais vous remercier, vous quatre. J'ai eu le plaisir de mieux connaître Mme Linda Gagné - la présidente du front commun - qui est de votre région et qui a bien fait comprendre qu'il serait hypocrite de prétendre que certains peuvent améliorer leur situation plus que d'autres, avec la réforme. Les obstacles sont différents, mais ils se dressent dans la vie de beaucoup de nos concitoyens, qu'ils soient en milieu rural ou en ville; ce sont des obstacles dont ils sont victimes et non pas responsables. Vous venez de nous parler des obstacles qui se dressent dans la vie de vos concitoyens de Kamouraska-Témiscouata, des Basques et de Rivière-du-Loup et je pense qu'il faut simplement rappeler que les mieux sont toujours les mêmes, qu'ils soient à Rimouski, à Ahuntsic ou à Sillery et que les pires sont toujours les mêmes aussi, sauf l'Abitibi, grâce à l'action du gouvernement précédent et des actions accréditives, n'est-ce pas, prouvant que ce n'est pas une résignation à la fatalité. Il y a des régions qui peuvent s'en sortir. La preuve, c'est l'Abitibi.

Donc il n'y a pas de fatalité et il n'y a pas de résignation, il y a des responsabilités à prendre et il ne faut pas les mettre sur le dos de ceux qui en sont victimes et sur celui de ceux qui ont à prendre les décisions. Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous remercie de votre message. Je ne suis pas encore persuadé et convaincu que tout le monde autour de la table ait compris que les obstacles qui se dressent devant vous ne sont pas de la même nature que ceux qui se dressent en milieu urbain. Mais je suis confiant que d'autres groupes venant des régions appuieront votre message et feront prendre conscience à tous les parlementaires de l'Assemblée nationale qu'il faut une approche qui tienne compte des particularités de chaque milieu, de façon qu'on puisse se donner ensemble les outils pour franchir ces obstacles. Votre témoignage nous a sensibilisés davantage à ces obstacles.

Je vous dirai que, sur le plan gouvernemental, votre message est régulièrement articulé par celui qui est ministre des Finances aujourd'hui au gouvernement et qui est conscient que la fiscalité a également un grand rôle à jouer. Comme ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, je m'engage, dans les programmes qui seront mis de l'avant, à tenir compte des recommandations que vous nous avez adressées. Je m'engage également à vous mettre à contribution dans l'élaboration des programmes qui seront mis à la disposition de ceux et celles qui n'ont malheureusement pas d'emploi et dont ce n'est pas la faute, surtout dans une région comme la vôtre. Merci de votre contribution.

Le Président (M. Bélanger): La commission remercie le Collectif...

M. Lebel: Seulement deux petites secondes.

Le Président (M. Bélanger): Très rapidement parce que nous avons largement dépassé le temps.

M. Lebel: Oui. Simplement pour conclure. Je vous remercie, M. le ministre, Mme la députée, M. le Président. Je voudrais répéter les quatre conditions, peut-être les cinq conditions pour créer vraiment de l'emploi chez nous. Ce sont: l'engagement politique du plein emploi, l'implication et la participation des partenaires sociaux, l'engagement institutionnel, c'est-à-dire des appareils gouvernementaux, la décentralisation administrative et, la cinquième, que je viens de rajouter, le développement régional. Sans cela, même si on parlait d'employabilité, on ne peut pas parler, pour chez nous, de s'en sortir véritablement un jour. Je pense que le coût du chômage vaut qu'on s'essaie pour ce qui est du plein emploi parce que cela coûte cher de chômage chez nous sur le plan des vies humaines et économiquement, on est en train de fermer la région.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, la commission remercie le Collectif formation travail du Kamouraska-Rivière-du-Loup-Témiscouata-des Basques. La commission ajourne ses travaux sine die tout en vous rappelant qu'elle reprendra ses travaux après la période des affaires courantes, soit vers 15 h 30. Je vous remercie.

(Suspension de la séance à 12 h 27)

(Reprise à 15 h 36)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demanderais à chacun de reprendre sa place afin que la commission des affaires sociales reprenne ses travaux sur la consultation générale afin d'étudier le document intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu".

Nous recevons présentement, à la table des témoins, le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale région 02, c'est-à-dire du Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui devrait être représenté par Mmes Sylvie Tremblay, Marie-Claude Claveau, Marlène Gauthier et Brigitte Simard. Mesdames, vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez exactement vingt minutes pour la présentation de votre mémoire et quarante minutes pour les discussions avec les parlementaires.

Je vous prierais, d'une part, de vous identifier et de bien vouloir procéder à la présentation de votre mémoire. Merci.

Regroupement des ressources alternatives en santé mentale région 02 (Saguenay-Lac-Saint-Jean)

Mme Simard (Brigitte): Avant de débuter, j'aimerais vous préciser que Mmes Marie-Claude Claveau et Marlène Gauthier sont absentes.

M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, il nous fait plaisir, aujourd'hui, de nous adresser à la commission des affaires sociales sur le projet de politique de sécurité du revenu. J'aimerais vous présenter Sylvie Tremblay, à ma droite, directrice générale depuis trois ans et fondatrice du centre de rencontre l'Escale, de Jonquière; elle est diplômée en animation culturelle de l'Université du Québec à Montréal, et moi-même, Brigitte Simard, diplômée en art et technologie des médias du collège de Jonquière, intervenante communautaire depuis cinq ans, dont sept mois au centre de rencontre Le Phare à la ville de La Baie, dans le domaine de la santé mentale.

Nous provenons, Sylvie Tremblay, d'une ressource alternative en santé mentale oeuvrant dans le secteur de Jonquière, et moi, d'une ressource alternative en santé mentale desservant le territoire de la ville de La Baie. Nos ressources sont des centres de jour, donc des milieux ouverts permettant aux personnes qui ont vécu des détresses émotionnelles de discuter de leur situation et de s'aider mutuellement.

Un personnel compétent, à travers des activités et un suivi individuel, pratique une forme de thérapie qui est axée sur le cheminement quotidien de l'usager. Nos centres visent la prise en charge de l'individu, le développement de son autonomie et la réinsertion sociale, tout cela de concert avec la communauté. Nous travaillons donc dans le respect de la personne, dans le respect de ses décisions et de tout son cheminement personnel.

Comme nous travaillons quotidiennement depuis trois ans avec une clientèle psychiatrique qui est composée à 90 % de bénéficiaires de l'aide sociale, nous sommes en mesure d'évaluer les répercussions de votre projet sur nos usagés. Nous ne sommes pas experts en matière d'aide sociale bien entendu et notre but n'est pas de critiquer l'ensemble du projet, mais plutôt de vous présenter notre point de vue sur les principaux éléments qui vont modifier la situation de nos usagers chez nous. C'est donc la connaissance des besoins des personnes psychiatrisées qui nous permet de réagir sur les modifications qui augmentent l'état déjà alarmant dans lequel elles se trouvent.

Le projet tel que présenté est presque exclusivement axé sur l'employabilité et le statut apte ou inapte. Nous considérons importantes les mesures visant le retour au travail, mais nous constatons le peu de réalisme de ces mesures pour nos usagers. Nous croyons en effet que l'instauration d'une carte-santé donnant droit à la gamme complète des services autorisés et la diminution de la déclaration mensuelle à deux fois par année viendront simplement adoucir la triste réalité de nos usagers. Nos usagers sont victimes de préjugés, "attichés" de leurs antécédents psychiatriques, ils ont un vécu émotif difficile, ils sont souvent peu scolarisés et en difficulté de réinsertion sociale. On pense que tout cela va encore une fois étiqueter ces personnes. Nous voyons là la facilité de tomber dans l'attitude générale qui est de donner confort à ces personnes en évitant soigneusement le fond du problème.

Quand on a voulu permettre aux personnes handicapées physiquement de s'intégrer a la vie sociale, on a installé des rampes d'accès, on a modifié les salles de bains, on a modifié plusieurs établissements. Nous pensons que, dans le cas des personnes psychiatrisées, il va falloir aller aussi loin que cela en commençant par une meilleure connaissance de ces personnes. À notre avis, c'est ce problème qui est en rapport avec votre projet, cette démarche de démystification est essentielle dans l'optique d'une réinsertion sociale de la personne.

Je vais laisser Mme Tremblay vous parler du programme APTE et ensuite, je vais revenir avec des exemples concrets des conséquences de votre projet pour nos bénéficiaires.

Mme Tremblay (Sylvie): Le programme APTE. Un participant au programme Soutien financier a toujours la possibilité de s'intégrer au programme APTE mais, s'il veut bénéficier des avantages financiers du programme Soutien financier, il doit conserver son étiquette psychiatrique. Autrement dit, il faut qu'il reste inapte, il a quand même un montant qui est additionnel. C'est justement cette étiquette qui nuit à sa réinsertion au marché du travail. Il ne faut pas se le cacher, les employeurs préfèrent engager la

crème des assistés sociaux, soit des personnes scolarisés, des personnes expérimentées au travail. En plus d'un retour difficile sur le marché du travail occasionné par un manque de confiance en soi, la personne psychiatrisée doit faire face aux préjugés des employeurs. Sans préparation pour sa réinsertion sociale au travail et sans suivi individuel, les démarches de la personne peuvent s'avérer un échec qui, souvent, est difficile à surmonter. Pour toutes ces raisons, les agents de main-d'oeuvre du centre Travail-Québec ont souvent tendance à placer les demandes d'emploi des personnes psychiatrisées sous la pile des autres demandes.

Dans le cadre du programme APTE, on confie l'évaluation de l'employabilité et le suivi des participants aux agents d'aide socio-économique. Les personnes ayant vécu des problèmes de santé mentale ont besoin d'un suivi individuel particulier. En raison des "case loads" trop élevés des agents d'aide sociale, nous voyons difficilement comment ceux-ci pourront trouver le temps de bien suivre leurs clients. De plus, la majorité des agents d'aide socio-économique ignore la problématique vécue par les personnes psychiatrisées et connaissent souvent mal les ressources qui sont aptes à les aider.

Dans une région comme la nôtre où le taux de chômage est élevé, il faudrait que les employeurs et la population fasse une grande preuve de créativité afin de développer des projets d'emploi pour les personnes défavorisées. Il ne faudrait pas non plus que les efforts d'intégration soient une action charitable et temporaire de la part des employeurs.

Malheureusement, les programnes comme Stages en milieu de travail, Travaux communautaires et le bon d'emploi sont de courte durée et souvent démotivants pour la clientèle. On considère la clientèle un peu comme de la main-d'oeuvre à bon marché. Parce que ce sont des personnes qui ont des problèmes de santé mentale, souvent, on leur fait faire des travaux manuels ou des choses comme cela. La personne ne se trouve pas toujours valorisée dans ces travaux. Après un an de participation, elle doit s'impliquer dans un autre programme et ce n'est pas seulement pour les personnes psychiatrisées. Quand elle a fait le tour de tous les programmes, où va-t-elle travailler après?

Ensuite, les statistiques des fiches internes du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu mentionnent que pour environ 300 000 ménages considérés aptes, seulement 60 000 places seront disponibles, c'est-à-dire que quatre personnes sur cinq se retrouvent dans la case "admissible aux mesures", donc elles seront admissibles et pauvres.

En ce qui concerne la santé mentale, la recherche souligne que la pauvreté et le chômage ont pour conséquence, de plusieurs manières, d'augmenter le risque de problèmes de maladies mentales. Les maladies mentales constituent ainsi l'un des problèmes de santé les plus importants dans notre société. Ce groupe de maladies vient au premier rang dans l'ordre des dépenses publiques de santé au Québec. C'est une statistique qui vient du Centre des services sociaux du Montréal métropolitain dans une recherche qu'il avait faite sur la pauvreté et la richesse dans les régions urbaines au Québec.

Nous aimerions également vous parler des personnes qui demeurent en famille d'accueil. De leur prestation, un certain pourcentage va directement au responsable de la famille d'accueil, pour payer leur logement et leur nourriture. De ce montant, il y a un solde de 115 $ qui est alloué au bénéficiaire pour ses dépenses personnelles, mais malgré les indexations régulières au coût de la vie des prestations d'aide sociale, le montant de 115 $ n'a jamais augmenté pour les bénéficiaires. Donc, il y en a plusieurs qui réclament une augmentation de ceci, car c'est toujours la famille l'accueil qui la reçoit.

Nous croyons que des changements importants ne peuvent être apportés à la condition des personnes aux prises avec des détresses émotionnelles sans démystifier leur état auprès des personnes qui auront à intervenir avec elles et auprès de la population en général. Nous demandons aussi que les agents des centres Travail-Québec soient préparés à intervenir avec nos usagers, qu'ils disposent d'un environnement réaliste pour assurer leur suivi nécessaire. Cela veut dire d'avoir peut-être à s'occuper de moins de clients, d'avoir des meilleures conditions. Les ressources communautaires commme les centres Le Phare et l'Escale doivent être considérées comme des partenaires importants dans la réinsertion sociale des personnes inaptes. Notre expertise quotidienne saura soutenir les structures en place dans l'augmentation de l'employabilité.

Il faudra, bien sûr, ouvrir les possibilités d'emploi à notre clientèle. Nos usagers veulent travailler. Entrer dans le tunnel des inaptes et garder cette étiquette pour la vie, cela ne correspond pas à leur idéal. Il faudra développer plus de services externes de main-d'oeuvre et mettre sur pied des plateaux de travail adaptés à notre clientèle. Cela permettra aussi à la communauté de s'impliquer dans la réinsertion sociale de ces personnes. Nous croyons qu'il est temps de rendre justice au potentiel social et humain des personnes psychiatrisées en leur donnant pour une fois la chance de sortir des stéréotypes et préjugés qui s'accumulent sans cesse et qui font d'eux des perdants.

Mme Simard va vous donner des exemples concrets de retour au travail.

Mme Simard: J'aurais aimé pouvoir amener les bénéficiaires avec moi pour les laisser vous raconter leur expérience de travail, parce que c'est souvent dans le coeur de ces choses qu'on comprend bien tout l'impact de ce genre de projet. Je vais vous parler d'un premier cas qui s'appelle Pierre. Ce que je vais essayer là-

dedans, dans le fond, c'est de vous démontrer l'importance de bien connaître la clientèle. Quand on parle de suivi accordé aux personnes qui vont réintégrer le marché du travail, c'est de cela dont on veut parler.

Alors, Pierre a 24 ans. C'est un gars qui fréquente le centre Le Phare depuis deux ans. Pierre a des problèmes émotifs importants qui sont reliés à son enfance. Cela se traduit, chez lui, par des difficultés à se faire une place dans la société, un manque de confiance en lui, des comportements dépressifs. L'été passé, Pierre s'est trouvé un emploi pour la municipalité. Il était bien content. Il est parti avec son casque et ses bottes de travail pour tondre le gazon, planter des fleurs, ramasser les déchets dans les espaces municipaux, sauf que Pierre a eu beaucoup de difficultés parce qu'il y avait évidemment une équipe de travail pour tondre le gazon, etc., mais une équipe de travail qui n'était pas prête à recevoir Pierre parmi elle. C'est avec beaucoup de difficultés que Pierre a réussi à terminer son projet pour se ramasser vingt semaines pour les prestations d'assurance-chômage. Bien sûr, Pierre est comme les autres, il veut ramasser ses timbres.

Pierre est fragile et hypersensible. Il est la proie de ses compagnons de travail. On se moque de lui et de ses réactions. On dirait que les gens ont une facilité à s'acharner sur le genre de personnes qui en arrachent. Après ses huit heures de travail, Pierre vient au centre, car nous sommes ouverts le soir. Il vient chez nous et nous raconte ce qui se passe. Au fond, il vient chercher du soutien. Il vient verbaliser ce qui s'est passé. Il n'a que chez nous presque où il peut dire cela. Au fond, il n'a pas grand monde pour l'écouter. On avait déclaré Pierre inapte. On lui a finalement trouvé un travail. Il m'arrive et dit: Brigitte, je suis tout mêlé. Je suis apte ou inapte? Est-ce que je suis capable de faire cette "job-là"? Peut-être qu'ils ont raison? Je suis inapte et je devrais peut-être retourner chez nous.

On s'assoit avec Pierre et on travaille sa motivation. On travaille l'image qu'il a de lui et l'image que les autres ont de lui aussi et cela devient difficile d'entrer là-dedans. Je ne sais pas si vous voyez le genre de situation que cela peut faire. Au fond, la réalité est qu'il y avait un manque d'information du côté de l'employeur. Ces gens n'étaient pas prêts à recevoir Pierre. Il était peut-être prêt, lui, à travailler, mais eux n'étaient pas prêts à le recevoir. Donc, l'agent de main-d'oeuvre qui avait placé Pierre ne connaissait pas le milieu. Il ne nous connaissait pas. Il n'est pas venu nous voir pour qu'on l'aide à insérer Pierre dans son milieu de travail.

Pierre a terminé ses vingt semaines, il est encore prestataire de l'assurance-chômage. Il va travailler à nouveau cet été, mais cela a été bien difficile. Là-dedans, on aurait peut-être pu perdre Pierre pour encore deux ans. Il aurait pu rechuter et retourner à l'institut, coûter des sous et quoi encore? C'est vraiment le cercle vicieux. En tout cas, cela prouve l'importance d'utiliser les ressources qui sont en place dans la communauté. Ce que je veux vous dire, c'est qu'il serait peut-être important que les centres Travail-Québec connaissent les resssources, nous connaissent et se servent de notre expertise et de nos moyens pour améliorer peut-être leur qualité d'intervention auprès de ce genre de personnes.

Mme Tremblay: Ou qu'ils préparent tout simplement les employeurs au fait que la personne a vécu des difficultés et qu'ils préparent bien aussi leurs clients à retourner sur le marché du travail. Quand on parle de suivi, c'est cela.

Mme Simard: Alors, voilà pour le cas de Pierre. On va prendre le cas de Rita, un deuxième cas. Ce que je veux que vous reteniez de ce deuxième cas, c'est l'importance d'un suivi adéquat, c'est un exemple où il y a eu un suivi et une préparation, et vous allez voir ce que cela donne.

Rita a 28 ans. Elle est diagnostiquée schizophrène chronique. C'est un cas lourd. Un cas lourd, cela veut dire un cas qu'on travaille moins parce que c'est presque de l'irrécupérable. Nous, on est les bonnes soeurs des causes perdues. On a dit: Pour Rita, on va essayer quand même. Alors, Rita a fréquenté le centre pendant deux ans - elle vient encore. Elle avait été placée à Centrait au Saguenay-Lac-Saint-Jean, ce sont des plateaux de travail adapté pour les déficients mentaux, mais ne vous trompez pas, Rita n'est pas déficiente, elle est seulement schizophrène. Enfin.

Une voix: Ce n'est pas Le Phare qui l'a placée là?

Mme Simard: Non, ce n'est pas nous, elle avait été placée par son éducateur à Centrait, donc dans un lieu de déficience.

Rita voulait travailler, être utile, se sentir valorisée dans la société. Le travail à Centrait n'a pas tellement bien fait, c'est de la reliure. Ce n'était pas assez socialisant. C'était trop répétitif. Rita n'est pas déficiente, elle est seulement schizophrène, il faut se le rappeler. Alors, elle vient au centre et elle nous dit: Mon rêve, c'est de travailler dans un hôpital. J'aimerais être infirmière. On lui a dit: Rita, peut-être que tu n'es pas prête à être infirmière, mais on va voir ce qu'on peut faire. Alors, on a travaillé, on a recherché, analysé. On a rencontré plein de gens, plein de milieux de travail et on a fini par convaincre l'éducateur de Rita, les parents de Rita, les médecins de Rita, tout l'entourage de Rita, que Rita avait des possibilités.

Après un an de travail d'une personne qui travaille chez nous, qui a pioché bien fort pour trouver un lieu de travail à Rita, on lui a trouvé un stage dans une infirmerie chez une congréga-

tion de soeurs. Les bonnes soeurs sont fines, elles ont dit: On va essayer cela avec Rita. Rita commence la semaine prochaine. Elle ne sera pas payée. On ne peut pas tout avoir. C'est un stage mais, en tout cas, elle sera dans un milieu qui ressemble un peu à un hôpital. C'est ce qu'elle voulait. Elle sera dame de compagnie; elle fera un peu d'entretien, épongera les fronts, amènera les verres d'eau. Vous devriez la voir, elle est transformée. Je pense que c'est légitime de vouloir être valorisée dans quelque chose pour lequel on se sent destiné.

C'est sûr que ce genre de démarches, c'est long et cela demande de la patience, de l'énergie et quelqu'un qui le fasse. C'est sûr aussi, à mon avis, que c'est difficilement faisable à l'heure actuelle dans les centres Travail-Québec. Je me dis: II y a possibilité, par contre, d'un partenariat. On a l'expertise, étant donné qu'on a une thérapie quotidienne avec nos bénéficiaires, qui sont aussi les vôtres dans le fond, il y aurait peut-être une possibilité de travailler ensemble à ce niveau-là.

Ces exemples portaient sur l'importance de reconnaître et d'utiliser les ressources déjà disponibles dans la communauté. Cela pourrait être payant pour tout le monde. Dans notre tête à nous, le partenariat, c'est cela. C'est tout.

Le Président (M. Bélanger): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous remercie de votre témoignage. Les cas illustrent souvent mieux qu'un long discours ou un long écrit la façon dont notre système fonctionne. On a une clientèle difficile à l'aide sociale. Je ne vous parlerai pas de la clientèle qui vous concerne plus spécifiquement, en débutant - la clientèle admissible au programme Soutien financier - je vais plutôt vous parler de l'autre que l'on considère apte. 36 % à 40 % de cette clientèle sont des analphabètes fonctionnels, 60 % n'ont pas terminé leur cours secondaire et 40 % de cette clientèle n'ont aucune expérience de travail. Je comprends bien que les gens dont vous vous occupez ne sont pas ceux-là. Ils vont trop bien. Vous vous occupez principalement des autres 25 %.

Comme société, on peut avoir plusieurs approches, plusieurs choix. Il y a une approche traditionnelle qui veut qu'on se justifie en envoyant un chèque mensuel et en disant: On a fait ce qu'il y avait à faire. On oublie ces gens-là en n'apportant pas d'autres ressources ou alternatives. Pour la clientèle que vous visez, ce que nous proposons comme politique de sécurité du revenu, c'est une augmentation du montant de base du chèque mensuel. On propose également de rendre ces gens-là admissibles - ou éligibles, appelons cela comme on voudra - aux mesures du programme APTE. Des groupes, qui représentent un peu la même la clientèle que celle que vous représentez dans d'autres régions de la province, nous ont dit: Oui, mais le programme APTE que vous pensez à mettre sur pied, même si vous voulez le personnaliser, le régionaliser, etc., ne sera peut-être pas adapté à notre clientèle. Je tiens à vous dire que nous avons pris bonne note de cette argumentation présentée par les autres groupes et à laquelle vous adhérez.

Vous avez soulevé une question également soulevée par d'autres groupes qui sont venus nous voir. Là-dessus, j'aimerais que vous élaboriez un peu plus. Il y a toute la question de l'étiquette, si je peux m'exprimer ainsi.

On veut, pour autant que faire se peut, traiter tout le monde de la même façon, mais lorsqu'on demande d'avoir des programmes adaptés dans APTE, il y a déjà là une différence. Lorsqu'on sait qu'une personne de cette clientèle ou eligible au programme Soutien financier va passer une longue période de sa vie à l'aide sociale, malgré tous les efforts qu'elle puisse honnêtement faire, cette personne-là n'aura pas l'occasion d'aller gagner au moins le salaire minimum et d'accumuler un peu de biens matériels, etc. On ajoute donc à sa prestation. Peut-être aurait-on avantage à changer le vocabulaire, à modifier les expressions, mais je cherche encore le secret ou la recette magique qui ferait en sorte qu'on puisse offrir des programmes adaptés et qu'on puisse offrir davantage sur le plan financier pour tenir compte des besoins réels sans se faire accuser d'étiqueter ou de catégoriser. Là-dessus, j'aimerais vous entendre.

Mme Tremblay: C'est cela. L'étiquette - veut, veut pas - de la personne qui a eu des problèmes de santé mentale la suit toute sa vie. Quand ils sont dans le programme Soutien financier, c'est certain que ces gens ont des avantages sociaux. C'est peut-être les encourager à rester avec cette étiquette-là. C'est cela qu'on veut dire. Il existe des services comme le SEMO. Ce sont des services qui fonctionnent quand même assez bien et qui réussissent à faire travailler certains de nos usagers. Malheureusement, ces programmes sont trop courts. Cela occasionne souvent des rechutes. Supposons que quelqu'un travaille quand même douze semaines à temps plein de par un SEMO, ces gens-là font des rechutes. C'est une question à laquelle il est difficile de répondre, dans le fond.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que vous nous dites, c'est que les programmes actuels tels qu'ils fonctionnent...

Mme Tremblay: Oui. Ils sont courts.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...sont finalement trop limités dans le temps, ne tiennent pas compte du fait que les efforts exigés prennent plus de temps que ce que les normes prévoient actuellement.

Mme Tremblay: C'est cela. Il y a aussi les employeurs qui ne sont pas toujours bien préparés à recevoir ces personnes-là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est un peu l'exemple de Pierre.

Mme Tremblay: Oui, c'est cela. En regard du Service extérieur de main-d'oeuvre, il y a quand même un bon travail qui est amorcé dans ces centres de main-d'oeuvre sauf que les programmes de création sont très courts. Ils sont limités parce qu'ils font de très bons suivis. Nous autres, on est bien d'accord avec ce qui se passe dans ces services-là. Il pourrait peut-être y avoir - je ne sais pas - des plateaux de travail adaptés pour nos clientèles. Mais je sais que c'est le soutien, je pense. Ce que les gens veulent, c'est travailler. Ils ne veulent pas rester inaptes toute leur vie. (16 heures)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai compris, à travers un vocabulaire également feutré, que nos centres Travail-Québec ne sont peut-être pas en mesure de relever le défi de cette clientèle plus lourde.

Ma question va peut-être s'adresser, parce que dans votre région, au Saguenay, vous avez un SEMO pour personnes handicapées, il y en a également un dans la région du Lac Saint-Jean... Quelle est votre appréciation des services rendus aux handicapés par ces SEMO?

Mme Simard: Je suis en retard. J'aurais voulu réagir sur votre question précédente.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Revenez-y.

Mme Simard: J'y reviens? D'accord.

C'est à propos de l'étiquette. Quand on parle de l'étiquette et du problème que cela soulève, c'est sûr qu'on n'a peut-être pas de solution miracle. Nous autres aussi on recherche une recette magique. Si on la trouve, c'est promis, on vous l'envoie par Purolator. Sauf que quand on parie d'étiquette, dans le fond, le problème c'est que oui, la personne qui est déclarée inapte parce qu'elle a un problème psychiatrique - parlons-en, c'est notre clientèle - dans les centres Travail-Québec, cela va lui donner plus de sous, mais dans les programmes d'emploi, cela va la mettre en dessous de la pile, parce que, cette personne... En tout cas, ce n'est pas tentant pour un agent de main-d'oeuvre de la proposer nécessairement tout de suite.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela peut compromettre ses statistiques de réussite.

Mme Simard: Peut-être. C'est ma réaction sur...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. On n'a pas répondu complètement a la deuxième question, mais, moi aussi, je suis limité dans le temps, il y a le député de Sainte-Anne qui veut intervenir, de ce côté-ci.

J'ai peut-être une question qui me préoccupe. Je regarde les usagers de vos centres, suivant le mémoire que vous nous avez fourni. Je remarque que, dans le cas du centre de rencontre Le Phare, c'est 61,8 % d'hommes et 38,2 % de femmes et, dans le cas de l'Escale de Jonquière, c'est 58 % d'hommes et 42 % de femmes, alors qu'il y a 52 % de clientèle à l'aide sociale qui sont composés de femmes et 48 % d'hommes. Comment expliquez-vous cette...

Mme Tremblay: C'est une statistique aussi au niveau des problèmes de santé mentale. Au niveau du taux de suicide, il y a toujours plus d'hommes. Dans nos centres aussi, il y a d'autres groupes... En tout cas, à ville de La Baie... Je peux parler pour Jonquière, les femmes ont d'autres endroits où elles peuvent aller; elles ont peut-être plus tendance à aller chercher des ressources extérieures, tandis que les jeunes hommes - ce sont surtout des jeunes hommes qu'on a à l'Escale - n'avaient pas d'endroit où aller. C'est peut-être l'orgueil masculin qui fait qu'ils ne vont pas souvent dans d'autres groupes ou qu'ils se confient moins à leur famille, à leurs parents ou à leurs amis; je ne le sais pas. C'est pour cela qu'on a plus d'hommes.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve. Je vous en prie.

Mme Harel: M. le Président, je salue Mmes Tremblay et Simard. J'ai eu le privilège de visiter Le Phare à ville de La Baie, au mois de septembre dernier, donc de voir comment vous étiez installées et comment vous travailliez, de voir des usagers qui étaient sur place au moment où j'y suis allée, de me faire expliquer par votre coordonnatrice, je crois, Mme Jennifer...

Mme Simard: Jennifer-Ann Corriveau.

Mme Harel: C'est cela. Elle avait bien réussi son intégration. Elle me racontait qu'elle est Anglaise d'Angleterre, qu'elle est venue il y a à peine quelques années et elle est, maintenant, certainement une des personnes très respectées dans toute la communauté. Elle m'avait raconté que parmi les usagers, il y avait deux personnes, qu'elle m'avait identifiées, qui avaient vécu dans une automobile devant le centre faute de logement. Elle espérait beaucoup de l'Année des sans-abri pour obtenir un projet de construction de logements. Je crois que sa réponse avait été négative. Est-ce que cela a été modifié depuis?

Mme Simard: Non. On n'a toujours pas de sou pour l'hébergement. On a encore des gens... Bien, le gars qui couchait dans sa voiture n'en a plus.

Mme Harel: Ah!

Mme Simard: Cela peut vous dire un petit peu...

Mme Harel: Qu'est-ce qu'il devient, maintenant?

Mme Simard: De temps en temps, il se trouve des sous pour coucher dans un hôtel, le genre d'hôtel où sûrement personne ici n'irait coucher. Quand il n'en a pas, il va coucher chez un ami et, de temps en temps, il se promène d'un Provi-Soir - chez nous, les Provi-Soir sont ouverts 24 heures, les Couche-tard - il fait le tour des Couche-tard et, le jour, il vient dormir chez nous.

Mme Harel: Cela avait été, pour moi, vraiment révélateur...

Mme Simard: Oui.

Mme Harel: ...de voir que ce n'était pas seulement dans un centre-ville, très anonyme, comme à Montréal, que ce genre de problème de sans-abri pouvait se produire.

Vous êtes le deuxième groupe de ressources en santé mentale qui venez devant la commission. Est-ce que vous avez eu des rencontres sur l'ensemble des ressources alternatives en santé mentale? Avez-vous pu discuter du document d'orientation?

Mme Tremblay: À la table provinciale, il y a eu des rencontres. Jennifer, qui n'est pas ici présentement pour cause de maladie, avait rencontré le regroupement. Donc, ils s'étaient concertés un peu.

Mme Harel: Quand le premier regroupement disait, un peu comme vous le faites: Le risque est grand de voir la personne confinée dans un statut d'inemployable à inapte; le handicap - et c'est un peu la démonstration qu'il en faisait - vient plus de la société. Donc, puisque le ministre est bien disposé, c'est, d'une certaine façon, l'employeur qui devrait être subventionné pour engager la personne handicapée et pour ajuster son poste de travail, de manière à pouvoir la recevoir adéquatement.

Tantôt, quand vous parliez, je me disais: II y a peut-être une chose à laquelle il faut faire attention, il ne faut pas confondre travailler en étant apte au fait d'être privé de participer à des mesures. C'est-à-dire que quand on est apte, ce n'est pas un travail, c'est juste la participation à des mesures.

Je vous écoutais tantôt parler du SEMO qui offrait... Ce n'était pas des mesures. C'était un vrai travail. Ce que les gens considèrent comme un vrai travail, c'est quand ils ne sont plus bénéficiaires de l'aide sociale. C'est ça dans le fond. Un vrai job, c'est quand on ne reçoit plus d'aide sociale.

Mme Tremblay: Mais le SEMO sert quand même de programme de travaux communautaires de stage en milieu de travail.

Mme Harel: D'accord. Ah bon!

Mme Tremblay: Le problème, dans le SEMO, c'est que c'est trop court. Les suivis y sont très bons pour les gens qui ont la chance d'être suivis par un agent du SEMO, sauf qu'après douze semaines, la personne se retrouve encore bénéficiaire de l'aide sociale, elle ne travaille plus. Le temps qu'elle travaille, ça va bien. Elle n'est pas préparée à se retrouver, après, sans travail.

Mme Harel: La question que je me posais: Ce matin, le ministre disait qu'il ne fallait pas que cela dure longtemps pour ne pas que, contrairement aux États-Unis où il y a eu des programmes comme ceux-là, quelqu'un reste trop longtemps sur des mesures qui n'étaient pas des vrais jobs. Donc, pour éviter cela, son projet était qu'il ne reste pas longtemps. Ce matin, vous avez dit qu'il ne fallait pas que ces mesures durent trop longtemps quand vous interrogiez Mme Lalanne.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai dit pas éternellement, pour ne pas créer...

Mme Harel: Oui, l'accoutumance.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux l'expliquer brièvement. L'État de New York a vécu cela pendant plusieurs années. Cela crée une sous-catégorie de travailleurs, en bas du salaire minimum, sans les normes du travail. Ils se rendent jusqu'à leur pension, finalement, en travaillant dans les travaux communautaires. C'est un risque.

Mme Harel: D'un côté, il y avait ce risque-là. La question est: Où vont-ils se retrouver si c'est un an? Même si cela en était deux et que ce serait pour le mieux, comme vous pouvez le souhaiter, j'aimerais savoir combien de temps vous pensez que les mesures pourraient durer? Après, dans une région comme la vôtre, où peuvent aller les personnes comme celles que vous représentez? Qu'est-ce qu'il leur reste après qu'elles aient participé aux mesures?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II n'y a pas d'exclusion...

Mme Harel: Est-ce qu'elles redeviennent admissibles? Dans quelle catégorie se retrouvent-elles?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II n'y a pas d'exclusion de la mesure. Cela dépend de son

plan d'action qui est personnalisé avec l'agent d'aide sociale. Si c'est un cas qui est lourd, on peut prévoir, et la mesure est souple à ce moment-là; si c'est 18 mois, deux ans, deux ans et demi, trois ans, il y a un programme personnalisé qui évolue suivant l'employabilité de la personne au début. Plus le cas est difficile, plus il peut rester longtemps dans les mesures d'em-ployabilité.

Mme Harel: Pensez-vous que l'agent d'aide sociale est en mesure de faire ce que nous décrit le ministre et qui m'apparaît bien théorique? Qu'est-ce que vous en pensez? Vous êtes en contact avec des agents. Est-ce qu'ils ont la connaissance?

Mme Tremblay: J'ai une amie qui est agent d'aide sociale et elle a une soeur... donc...

Mme Simard: Ma propre soeur.

Mme Harel: Parlez-nous-en. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Tremblay: Ils ont vraiment beaucoup de clients et il faudrait qu'ils soient plus nombreux ou qu'ils aient une charge de travail moins grosse parce que c'est seulement la tâche administrative qu'ils font. Alors, comment feront-ils pour avoir un suivi particulier avec une clientèle psychiatrique? Quand je les vois, ce sont les fins de mois, puis il faut régler... c'est vraiment administratif.

Mme Harel: Oui.

Mme Simard: Ce qui se passe aussi c'est que, souvent, ils ont peur de notre clientèle parce que - je suis venue vous parler des personnes psychiatrisées - quand elles sont à leur table, cela fait peur un schizophrène quand tu ne sais pas ce que c'est. Donc, il faut démystifier, il faut les faire connaître. Si une personne ne comprend même pas la personne qu'elle a devant elle, comment voulez-vous qu'elle lui trouve un emploi à sa mesure où elfe peut acquérir une expérience qui lui permettra de sortir des 18 mois, 12 mois, 8 mois... Je me dis, peu importe la durée, l'important c'est qu'on mette des moyens. Si cela dure 12 mois, cela durera 12 mois; si cela dure 9 mois, cela sera 9; si cela en prend 18, cela en prendra 18. On ne veut pas placer le monde en attendant. On veut les outiller pour qu'ils s'en sortent. On s'arrange quant à la durée.

Mme Tremblay: Si son expérience de travail est valable, la personne peut quand même se sentir plus en forme pour chercher un autre emploi. Si l'employeur est satisfait, il peut peut-être l'employer à nouveau sans que ce soit dans le cadre du programme Travaux communautaires. Il y a peut-être moyen d'employer la personne à temps plein, si elle a confiance en elle. Quand ce sont des travaux de courte durée, c'est souvent cela qui arrive.

Mme Harel: Je suis contente. Vous êtes le premier groupe du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui êtes devant la commission. C'est peut-être la bonne occasion de nous dire si, dans votre région, toute personne de moins de 30 ans qui a voulu participer à un des programmes Retour aux études, Travaux communautaires ou Stages en milieu de travail a pu le faire, à votre connaissance? Est-ce qu'il y a eu des quotas? Est-ce qu'il y a eu des budgets qui étaient plafonnés à un moment donné, qui étaient dépensés? Comment se fait-il qu'il y en ait seulement 20 % environ dans l'ensemble du Québec - on n'a pas encore eu les chiffres du ministre, donc on ne peut pas dire dans chacune des régions... Comment se fait-il qu'il y en aurait eu seulement 20 % qui auraient participé malgré que l'incitation, pour les moins de 30 ans, ait été de doubler, ou presque, la prestation? Comment se fait qu'il y en ait eu si peu? Est-ce que cela a aussi été l'impression chez vous? N'oubliez pas que le projet c'est d'ouvrir ces mesures à tout le monde et qu'il n'y en a eu que 20 % qui les ont utilisés jusqu'à maintenant. Est-ce que tes mesures existent pleinement, ouvertes? Ou jour au lendemain, tout le monde pourrait y participer.

Mme Tremblay: C'est un problème. C'est un peu comme ce qu'on disait tout à l'heure dans le mémoire. Les employeurs préfèrent prendre la crème. Si quelqu'un n'a pas beaucoup d'expérience, il peut essayer de s'inscrire au programme Travaux communautaires. Peut-être qu'il va être moins choisi. Il y a aussi le fait que, quand les gens ont fait le tour du programme Travaux communautaires ou Stages en milieu de travail, ils ne peuvent pas le refaire. Souvent aussi, ils se trouvent de l'emploi ailleurs.

Mme Harel: Votre amie et votre soeur vous en parlent-elles parfois?

Mme Simard: On ne parte que de cela le vendredi soir.

Mme Harel: Supposons que vous avez quelqu'un à placer, est-ce que c'est facile?

Mme Simard: Non. Vraiment pas. Ma clientèle, mes bénéficiaires de l'aide sociale qui, en plus, sont aux prises avec des problèmes psychiatriques, c'est bien dommage, ils n'ont pas de travaux communautaires. Ils ne réussissent pas à se placer. Ceux que nous avons dans le programme Travaux communautaires, chez nous à ville de La Baie ce sont des infirmiers à qui il manque un cours pour avoir leur DEC, ce sont des gens qui ont fait Katimavik. On parle des jeunes chanceux. C'est cela, dans le fond. Ma

clientèle veut, mais cela ne marche pas. Il manque quelque chose. Ma soeur, ma propre soeur, celle qui travaille dans un centre Travail-Québec a déjà une charge de travail énorme. Le service d'accueil dont elle est responsable est surchargé. Sa directrice de centre Travail-Québec qui est bien ouverte et qui est une femme bien sympathique, et moi avons décidé d'organiser une rencontre Le Phare-centre Travail-Québec pour leur dire: Arrêtez d'avoir peur de nos cas, ils ne vous mangeront pas. En même temps, ils nous aideront à mieux comprendre la Loi sur l'aide sociale. On aurait aimé que ces choses se fassent davantage, pas nécessairement que ce soit nous qui allions vous dire: Nous sommes une petite ressource communautaire et on a bien de l'expertise. Vous voulez travailler avec nous? On voudrait qu'il y ait des moyens concrets de développer du partenariat localement, des affaires qui vont permettre, à vous et à nous, d'avancer et de rendre toute cette affaire plus réaliste.

Mme Tremblay: Je pense à votre question, il y a une affaire...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous me le permettez, je ne peux pas laisser passer. Elle dit: II comprend.

Il y a une différence entre le comprendre et l'appliquer et s'assurer que dans le quotidien, dans le bureau de centre Travail-Québec, où fa personne qui travaille dans le groupe communautaire n'a pas de soeur dans le centre Travail-Québec, cela fonctionne aussi facilement. Ce sont là toutes les difficultés.

Mme Simard: En tous cas, nous avons besoin de cela. On a besoin qu'il y ait des choses établies. (16 h 15)

Mme Tremblay: II y a une autre chose aussi, c'est que les bénéficiaires de l'aide sociale connaissent mal le programme Travaux communautaires ou Stages en milieu de travail. Ils ont souvent tendance à percevoir ce programme-là comme du "cheap labour" et disent: Bon, qu'est-ce que cela me donne d'aller là, cela va me donner quoi, 2 $ de plus l'heure que ce que je gagne avec l'aide sociale? Ce qui fait qu'ils ne connaissent pas bien le programme. C'est pour cela, parfois, les gens ne veulent tout simplement pas participer à ces programmes-là et disent: Ce n'est pas assez intéressant, je gagne moins que le salaire minimum, je fais juste... Mais si tu considères que tu fais 20 heures par semaine et que cela donne quand même un salaire intéressant, cinq dollars et plus, nous autres, à l'Escale et au Phare, on engage des gens pour des travaux communautaires. La majorité des personnes que nous avons engagées se sont trouvé des emplois à temps plein à la fin du programme. Donc, je pense que c'est quand même assez positif. Je parle avec l'agent du CRSSS qui s'occupe de nos programmes et pour les gens placés dans les projets de travaux communautaires, il y a un bon taux d'emploi après. C'est peut-être que les bénéficiaires d'aide sociale méconnaissent ces programmes-là.

Mme Simard: Si vous permettez. Les bénéficiaires, quand ils vont aller en travaux communautaires, ils vont avoir besoin d'être suivis, d'être épaulés, soutenus, compris et de parler avec des gens qui n'auront pas peur, qui vont les comprendre, des gens préparés et des milieux prêts aussi. Cela compte aussi.

Mme Harel: Comment peut-on expliquer que les jeunes dont vous parliez - je crois que c'est Mme Tremblay - ne connaissent finalement pas l'avantage qu'ils pourraient tirer de participer à des travaux communautaires? Est-ce qu'il y en a qui leur sont offerts?

Mme Tremblay: C'est cela. Moi, des fois, j'ai des problèmes pour trouver les intervenants avec l'agent qui s'occupe principalement des travaux communautaires. Il dit: Mes gens ne veulent pas participer, je ne peux pas les forcer. Ils se disent que cela ne donnera pas beaucoup plus. Ils ne voient pas en arrière l'expérience que cela peut leur donner. Parce que c'est une expérience pertinente. C'est peut-être parce qu'il y a des employeurs qui font faire du "cheap labour", je ne le sais pas.

Mme Harel: Mais les travaux communautaires ne sont quand même pas dans le domaine de la production. Ce n'est pas dans le domaine de la fabrication.

Mme Tremblay: Non. Cela dépend de l'employeur. Si quelqu'un est engagé pour faire le ménage, c'est moins valorisant que de faire de l'intervention comme on fait à l'Escale. C'est sûr que c'est peut-être une exception, mais la plupart du temps c'est cela.

Mme Harel: Vous, ce sont des jeunes et des hommes en général. C'est cela?

Mme Tremblay: Oui.

Mme Harel: Vous disiez devant la commission, que dans le domaine de la santé mentale - cela m'a surprise aussi, c'est vrai - ce sont surtout des hommes finalement qui sont victimes de problèmes de santé mentale. C'était vraiment révélateur de voir tous les pourcentages. Cela m'a beaucoup surprise. Je dois vous dire que cela m'a... Mais je pense que c'était même un psychiatre... Je ne sais pas si c'était un psychiatre ou un médecin du Lac-Saint-Jean qui a fait toute une étude juste là-dessus et qui réclame du ministère de la Santé et des Services sociaux une direction de la condition masculine en termes de santé mentale. Il dit qu'il y a là un gros problè-

me. Je ne sais pas si ceux qui ont participé à la commission s'en souviennent. Alors donc ce sont là... Vous savez, la conclusion, et j'ai comparé cela dans notre grand échantillonnage, c'est que les femmes aiment beaucoup participer aux travaux communautaires.

Mme Tremblay: Oui.

Mme Harel: C'est très valorisant. Les hommes, je n'ai pas un gros échantillonnage, mais jusqu'à maintenant la conclusion que j'en tire est qu'ils n'aiment pas cela. Pour eux autres, c'est très dévalorisant. Est-ce que vous avez le même sentiment?

Mme Tremblay: C'est sûr. Nous autres, on engage... Il y a plus de femmes qui sont admissibles et qui viennent dans ces programmes-là. En tout cas parmi ceux qu'on a engagés. Ceux qui sont venus au Phare sont quasiment juste des femmes. Il y a eu un gars.

Mme Simard: Trois.

Mme Tremblay: Trois. On en a eu deux ou trois.

Mme Harel: Vous disiez avoir un plateau de travail pour handicapés. C'est financé par le gouvernement fédéral. Ce matin, un groupe de Kamouraska-Témiscouata est venu dire qu'il faudrait harmoniser et que le Québec récupère cet argent-là pour qu'il n'y ait pas toutes sortes de multiplications mais qu'il y ait un seul point - si vous voulez - d'élaboration de projets où il pourrait y avoir une sorte de coordination. Envisagez-vous un plateau de travail pour des personnes psychiatrisées? Cela n'existe pas présentement.

Mme Tremblay: Non, cela n'existe pas.

Mme Harel: Est-ce que cela pourrait exister?

Mme Tremblay: Cela pourrait se faire, mais il ne faudrait pas que ce soit de la reliure ou des travaux trop manuels, il faudrait que ce soit quelque chose d'intéressant. C'est certain que cela pourrait se faire, sûrement. Avoir les sous pour le faire, c'est cela le problème.

Mme Harel: Mais if n'y a pas eu de demande de faite en ce sens-là, comme à Montréal avec Cyclo-balade et avec d'autres projets qui sont allés jusqu'au...

Mme Tremblay: Cyclo-balade est une bonne expérience.

Mme Harel: Pardon?

Mme Tremblay: Cyclo-balade est une bonne expérience.

Mme Harel: Vous en avez entendu parler? Mme Tremblay: Oui.

Mme Harel: La ville de Montréal vient de confier actuellement tous ses points de location aux ressources alternatives en santé mentale.

Mme Simard: Pour nous autres, la priorité c'est l'hébergement parce que nos bénéficiaires n'ont plus de voiture et cela va mal. Donc, c'est l'hébergement. En tout cas, en ce qui concerne les plateaux de travail, ce ne sont pas les idées qui manquent. Notre rêve... Quand on est intervenant et que les bénéficiaires sont partis, on se dit: Eh mon Dieu! Si on pouvait donc avoir un beau restaurant, avec une belle terrasse, on ferait fonctionner cela par nos bénéficiaires. Cela a l'air exagéré ou un peu en l'air, mais c'est très réaliste et réalisable, à la condition d'avoir un peu d'argent.

Mme Harel: Connaissez-vous Resto Pop? Avez-vous déjà entendu parler du chic Resto Pop? C'est un restaurant qui a été mis sur pied avec des travaux communautaires. C'est un restaurant qui permet, seulement avec de la récupération... Je vois quelqu'un parmi les diététistes, je ne sais pas si elle a déjà eu l'occasion d'y aller, il offre au moins 115 repas par jour, seulement avec de la récupération. Il a pu bénéficier, il y a quelques années, d'une subvention de départ de 15 000 $. Et, seulement avec ces 15 000 $, ces gens ont pu s'équiper en cuisine, en tout. Maintenant, Resto Pop fonctionne avec des travaux communautaires. Cela a donné des emplois parce qu'à partir de là, on a créé notamment un service de traiteurs, mais ce n'est pas par des travaux communautaires; ce sont de vrais emplois, si vous voulez. On y offre aussi des repas diététiques. Il vaudrait peut-être la peine de demander au ministre s'il ne serait pas prêt à vous donner une subvention pour lancer un Resto Pop comme celui-là.

Mme Simard: C'est vrai, cela pourrait être une bonne idée.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Juste une minute, M. le Président. Plutôt que de poser une question, je voudrais dire ceci. Vous êtes déjà venues au mois de janvier, je me rappelle très bien de vous parce qu'on a eu une très grande admiration pour votre dévouement. Je m'en souviens très bien, c'était très froid. Des gens sont même venus un jour avant pour voir comment fonctionne le déroulement d'une commission parlementaire. Vous êtes retournées dans la tempête, dans la neige, etc. Je sais que Mme Lavoie-Roux était également

très impressionnée par le travail de ce Regroupement des ressources alternatives dont un groupe de mon comté, Verdun, est venu la semaine dernière. Je suis l'un de ceux qui sont très heureux que le Dr Harnois ait évalué un peu plus positivement votre travail et que vous soyez venues aujourd'hui pour démontrer encore l'intérêt que vous avez.

J'aurais juste une petite question. Avez-vous déjà eu des cas de réinsertion au travail de gens dont vous vous occupiez, au point de vue de votre liste d'activités éducatives, de loisirs, de référence et d'information, de gens que vous avez réussi à mettre sur le marché du travail? Est-ce que c'est arrivé, déjà?

Mme Simard: Oui, c'est arrivé chez nous. En tout cas, je pourrais vous dire qu'en termes de chiffres, actuellement, avec les moyens dont on dispose et avec le soutien qu'on a de la part des autres structures en place, peut-être une personne sur dix, sur douze...

M. Polak: Je ne voudrais pas prendre plus de temps, mais je veux simplement réitérer en mon nom ainsi qu'au nom de mes collègues qui étaient aussi avec nous en janvier ici... On a parié de vous. Vous pouvez être certaines que, quant à nous, tout ce qu'on peut faire pour promouvoir votre cause auprès de nos ministres, on va le tenter.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, avez-vous une question à poser?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais le député de Jonquière...

Le Président (M. Bélanger): On a l'autorisation, en vertu de l'article 132, de permettre à M. le député de Jonquière...

M. Dufour: Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais saluer d'une façon spéciale les représentants de notre région. C'est probablement l'image de ce qui se passe dans l'ensemble du Québec par rapport à leur dynamisme et leur implication. Je voudrais aussi peut-être parodier le député de Sainte-Anne quand il dit: On va faire ce qu'on peut. Des bonnes intentions, c'est bon, mais un budget, c'est encore mieux, c'est un peu mieux.

J'ai écouté la discussion que vous venez d'avoir et ce qui me frappe dans tout cela, c'est qu'il est évident qu'il y a un dossier ou un projet de sécurité de revenu devant nous et que vous réagissez par rapport à cela. Mais, pour vous qui avez l'habitude de travailler avec votre clientèle, H me semble que c'est difficile de voir dans la réforme proposée de quelle façon vous pourriez exploiter ces nouvelles façons de procéder qu'il y aura dans l'avenir par rapport à la clientèle avec laquelle vous avez à vivre. Par exemple, j'ai rencontré le groupe au mois de janvier. J'imagine que cela doit être lors de la même tournée. Il avait rencontré le meilleur et le pire, si je comprends bien. On s'était rencontré

Mme Tremblay: D'ailleurs, les gens avaient parié de leurs problèmes.

M. Dufour: Oui. Ce qui m'a frappé dans tout cela... D'abord, il y a beaucoup de gens qu'on ignore ce n'est pas un handicap aussi visible que quelqu'un à qui il manque une jambe ou un bras.

C'est compliqué, ce n'est pas toujours visible, donc on voit ces gens-là, ils ont un handicap certain, ils sont malades et ce sont des gens aussi qui font peur à certaines personnes qui ne les connaissent pas. Je vois une petite bonne femme comme vous avec un groupe de quinze ou vingt personnes qui sont comme cela. Que va-t-il arriver dans tout cela? Vous vous en êtes réchappées, je vois bien ça là. Comment vous voyez-vous à travers cette réforme-là? Comment réintégrez-vous ces gens-là en société? Est-ce que d'abord par votre expérience, votre vécu, ces gens-là manifestent un certain désir de travailler? S'il y avait un meilleur accès au travail, est-ce qu'il pourrait y en avoir? Mais comprenons-nous, vous dites aussi: Cela prend une grande créativité afin de développer des projets d'emploi. Cela ne tombe pas du ciel les employeurs. Cela fait des années qu'on dit: Employez des handicapés. Il faut presque encore des lois spéciales pour obliger les employeurs. Comment voyez-vous cela, vous?

Mme Simard: Moi, j'ai le goût de vous dire, M. Dufour: Venez visiter le Phare à La Baie et demandez aux gens s'ils ont le goût de travailler. Je pense qu'on a des gens qui sont obligés de prendre des médicaments durant toute leur vie pour une maladie quelconque. Comment les appelle-t-on?

Mme Tremblay: Les schizophrènes? Mme Simard: Non, ceux qui se piquent. Mme Tremblay: Le diabète, les diabétiques. Mme Simard: Les diabétiques, par exemple.

Mme Tremblay: Qui ont besoin d'insuline. Un schizophrène...

Mme Simard: Insuline tous les jours. Un schizophrène va avoir besoin de médicaments mais, je veux dire, le diabétique veut travailler aussi. Alors, je me dis: Pourquoi on leur demanderait de prouver plus que les autres qu'ils veulent travailler. Ce sont des individus comme vous et moi. Ils ne sont pas diabétiques. Us sont schizophrènes. Bon, c'est peut-être plus fatigant à voir aller par bout mais je me dis: Ne leur

demandons pas de nous prouver qu'ils veulent plus travailler que les autres. De temps en temps, ils sont comme les autres, parfois ils sont inaptes. Souvent ils ne peuvent pas mais par contre, ils n'ont rien à prouver, en tout cas, à mes yeux et j'espère aux vôtres aussi, ils n'ont rien à prouver ces gens-là. Ils veulent travailler comme on veut tous travailler.

Mme Tremblay: C'est cela. Le gros problème est de démystifier face à la population, d'enlever les préjugés. Face aux handicapés physiques, ce n'est pas encore fini non plus. Ceux qui ont des problèmes de santé mentale, c'est de démystifier face aux employeurs aussi, face aux gens. Il y a encore un gros travail à faire là-dessus. Cela rejoint beaucoup les nouvelles politiques en santé mentale qui voulaient démystifier et faire connaître les problèmes de santé mentale. Plus on connaît la problématique, plus on peut être tenté de les engager ou de leur donner une chance.

M. Dufour: Est-ce que vous pensez que, sans passer par des grands spécialistes, mais comme vous connaissez votre clientèle, vous pouvez déterminer déjà ceux qui sont aptes ou inaptes par rapport à la clientèle que vous avez? Est-ce que vous pensez que cela pourrait être accepté par le système actuellement? Vous avez des gens, vous voyez, vous êtes convaincus et je suis convaincu que vous êtes capables de le faire.

Une voix: Ah oui!

M. Dufour: II y a des gens qui sont inaptes, même si vous vouliez me dire qu'ils sont... Mais la preuve de l'aptitude et de l'inaptitude à travailler...

Mme Tremblay: C'est le psychiatre qui la donne malheureusement encore mais nous on pourrait, si on pouvait changer quelque chose.

M. Dufour: Comme je ne veux pas prendre beaucoup de votre temps, je trouve que vous faites un travail extraordinaire et surtout avec pas beaucoup de ressources. Sur ce côté-là, les groupes de bénévoles, on est chanceux d'en avoir dans nos régions et il faudrait peut-être aussi les soutenir un peu plus même sans passer à la critique systématique du projet qu'on a devant nous. Moi, je suis un peu d'accord avec vous. On a de la difficulté à resituer cette clientèle. Il y a des phénomènes importants et il faut en tenir compte. Mais encore là, apte et inapte pour moi, ce n'est pas encore clair dans mon esprit. C'est peut-être plus clair de l'autre côté, mais de ce côté-ci, on n'a plus l'air de comprendre, c'est un peu normal. Je crois bien qu'on prend un peu plus dé temps mais on comprend mieux parfois quand on prend plus de temps.

Je voudrais vous féliciter au moins d'avoir eu la volonté de venir nous exprimer vos besoins et, quant à nous, je suis convaincu que Mme Harel, la députée de Maisonneuve, vous a écoutées avec intérêt comme je l'ai fait d'ailleurs. Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je vais toucher deux points en terminant, si vous me le permettez, M. le Président. Quant à la question du pourcentage d'hommes ou de femmes, j'ai peut-être certaines explications. J'ai des sommaires de statistiques du mois de janvier 1988 dans les quatre programmes. Travaux communautaires: on aurait un pourcentage de 42,8 %, donc 43 % d'hommes et de 57,2 % de femmes. Stages en entreprise: 35 % d'hommes, 65 % de femmes. Rattrapage scolaire: 30 % d'hommes, 70 % de femmes. Études post-secondaires: 98,8 % de femmes. Total des participants: un tiers d'hommes pour l'ensemble des programmes et deux tiers de femmes. Donc vous semblez avoir une clientèle qui est inversée des proportions provinciales, si je peux utiliser l'expression. Ce que je retiens, c'est que ce n'est pas le programme Travaux communautaires...

Mme Harel: Les Stages en entreprise contrairement à ce que j'avais pu penser.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Contrairement. Je tenais à l'indiquer parce que les statistiques étaient disponibles. On vous les fournira. On tente d'ailleurs de les compiler pour vous les remettre dans tous les programmes depuis le début du fonctionnement des programmes. On pense que c'est une donnée importante pour évaluer ce qui a été fart jusqu'à ce jour.

Mme Harel: Avant la fin de la commission?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, avant la fin de la commission. Il n'y a pas de chose à cacher.

Mme Harel: On est juste en retard.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Voici le deuxième élément que je voulais toucher. Vous touchez à une clientèle qui est parmi les plus difficiles. Il existe au ministère un programme de style programme innovation, un peu comme le projet dont vous nous avez parlé, sans vous affirmer qu'il peut entrer dans tous les critères du programme. Ce que je vous invite à faire, avant le 31 mars - autrement on est obligé de retourner nos crédits au Conseil du trésor - c'est de soumettre un projet pour ce que vous avez l'intention de faire. D'après moi il est du style innovateur. Il y a un comité qui va se pencher dessus et s'il est accepté, je pense que le maximum qui peut être octroyé c'est 35 000 $

dans le cas d'un tel programme. Il me fera plaisir de l'analyser à son mérite. Je vous donnerai la carte de quelqu'un tantôt à la fin, pour que vous puissiez ainsi procéder.

Je veux peut-être terminer en vous remerciant de vous occuper d'une clientèle qui n'est pas facile, qui est parmi les plus difficiles. Je suis conscient que vous fartes un bout du travail et que vous nous invitez à faire l'autre bout. Vous nous invitez à le faire en partenariat. Vous nous invitez également à le faire auprès des gens que vous avez le plus de difficulté à rejoindre qui sont les employeurs, de façon à préparer les mentalités de ces gens-là. Je vous dirai qu'il s'agit là d'un bout très difficile. On ne légifère pas la bonne volonté ou les attitudes humaines. On peut tenter de les préparer. On peut publici-ser, on peut faire des efforts, mais on ne peut pas et on ne réussira jamais à légiférer l'employeur de Pierre ou ses compagnons de travail. On ne réussira pas à légiférer une attitude chez ces gens. Il va falloir continuer ou peut-être, dans certains cas, commencer à se servir des ressources communautaires pour que cela soit fait dans la communauté. Ce que je retiens essentiellement de votre message, c'est ce resserrement dans certains cas et c'est l'établissement, dans d'autres cas, des liens qui sont nécessaires entre nos centres Travail-Québec et nos groupes qui oeuvrent dans la communauté. Sans ce partenariat, c'est une mission impossible que nous avons devant nous.

Pour votre contribution au milieu dans lequel vous oeuvrez, je vous dis merci et je vous assure que votre message intégral sera livré au centre Travail-Québec de votre région de façon que votre soeur, entre autres, et la directrice générale vous lisent. Mme Harel.

Le Président (M. Bélanger): La commission remercie le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale région 02 (Saguenay-Lac-Saint-Jean). Vous avez un temps plus clément pour retourner aujourd'hui. On vous remercie de votre participation.

J'invite à la table des témoins la Corporation professionnelle des diététistes du Québec, qui sera représentée par Mme Jocetyne Gauvin et Mme Jeannine Choquette.

Nous suspendons quelques secondes, le temps de faire le changement à la table.

(Suspension de la séance à 16 h 35)

(Reprise de la séance à 16 h 36)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa place et que la commission reprenne ses travaux.

Nous recevons présentement la Corporation professionnelle des diététistes du Québec, représentée par Mme Jocelyne Gauvin et Mme Jean- nine Choquette.

Juste auparavant, je voudrais informer la commission que le groupe la Plate-forme des groupes populaires de la région de Châteauguay désire déposer un document à la commission. Alors ce sera fait la dernière journée des auditions. Ce document est intitulé "Pour une réforme juste et équitable de l'aide sociale". Alors à la fin des travaux de la commission, il sera officiellement déposé, c'est-à-dire le 31 mars. Merci.

Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez exactement 20 minutes pour présenter votre mémoire ou son résumé. Par la suite, les parlementaires ont environ 40 minutes pour procéder à l'interrogation.

Je vous prierais donc de bien vouloir présenter votre porte-parole et, chaque fois que vous avez une intervention à faire, de bien vouloir donner vos noms auparavant pour les fins de transcription au Journal des débats. C'est que les transcriptrices n'étant pas dans la pièce ne sont pas familières avec vos voix et ont besoin de le savoir. Je vous prierais donc de commencer, s'il vous plaît.

Corporation professionnelle des diététistes du Québec

Mme Choquette (Jeannine): Je m'appelle Jeannine Choquette. Je représente ici notre présidente, Mme Danielle Sabourin qui, à cause d'un accident, n'a pas pu être disponible. Nous tenons à remercier M. le président et MM. les membres de la commission de nous recevoir et d'entendre nos commentaires sur le document d'orientation "Pour une politique de sécurité du revenu".

Nous avons déposé un document conjoint avec d'autres groupes professionnels et associations dans le domaine de la santé dont nous ne traiterons pas ici aujourd'hui, bien sûr. Nous avons également déposé notre propre document qui était, comme vous l'avez constaté, très mince parce qu'il faisait référence... il était appuyé sur un document que nous avons diffusé en juin dernier. Il avait pour titre "Commentaires concernant la situation des personnes de milieux économiquement faibles, plus précisément celle des femmes enceintes et allaitantes et des nourrissons". Il y a une bonne partie des éléments dont nous allons traiter aujourd'hui qui vont revenir à ce document de juin dernier.

Permettez-moi, au départ, de vous dire que la Corporation professionnelle des diététistes du Québec est d'accord et appuie cette distinction qui veut être faite par le gouvernement du Québec par rapport au soutien financier accordé aux personnes dans le besoin. Une distinction donc entre celles qui ont un besoin de soutien plus ou moins permanent et celles qui, ponctuellement et pour une période que tout le monde souhaite la moins prolongée possible, doivent temporairement avoir recours au soutien financier

de l'État pour pouvoir continuer à survivre. Cependant, là où nous ne sommes plus d'accord, c'est lorsque cette distinction se fait au chapitre de l'aide financière apportée. Nous pensons que la distinction devrait être au chapitre des services offerts et mis à la disposition des personnes selon leur situation et leurs besoins et non pas en ce qui concerne l'aide financière qui devrait être faite en fonction des besoins physiques reconnus par tout le monde.

Concernant cette aide financière et la base sur laquelle elle devrait être établie, nous suggérons fortement que soit étudiée de nouveau la possibilité de recourir au budget de confort minimum proposé par le Dispensaire diététique de Montréal qui a déjà présenté son mémoire devant la commission et dont vous connaissez, je pense, la pertinence du fonctionnement pour l'établissement des besoins des personnes. Il n'y a vraiment rien d'exagéré dans tout ce qui est établi par nos collègues du Dispensaire diététique de Montréal, comme le budget de confort minimum. Je pense qu'il y a là une expertise reconnue depuis de longues années. Ces budgets ont été établis à la suite d'un travail de partenariat avec tous les organismes sociocommunautaires de la région de Montréal il y a une trentaine d'années. Le dispensaire, qui est un organisme bénévole, a toujours continué de travailler avec ces éléments et à les fournir régulièrement à tout organisme qui en a besoin, incluant le gouvernement du Québec, parce que cela lui sert également pour son propre travail auprès des populations qu'il dessert.

Ce préambule terminé, maintenant, je cède la parole à l'une de nos collègues qui travaille de plus près avec les populations démunies qui sont celles qui doivent avoir recours à l'aide sociale. Mme Jocelyne Gauvin va intervenir au nom de la corporation.

Mme Gauvin (Jocelyne): Comme le disait 'Ame Choquette, notre préoccupation de base concerne les besoins nutritionnels. Et le problème de base que présente le projet de politique au sujet de la Loi sur l'aide sociale est le fait qu'il prévoit une diminution des prestations pour la majorité des assistés sociaux. Quels seront les résultats des coupures sur le plan du budget pour ces personnes et pour ces familles? D'abord, ce que je vous apporte là, c'est un complément par rapport au court mémoire qu'on vous a envoyé il y a quelques semaines.

En ce qui concerne le budget alimentaire, généralement, quand on fait de la consultation budgétaire, on recommande de consacrer le quart du revenu pour l'alimentation. Maintenant, selon le Dispensaire diététique de Montréal, qui est une autorité reconnue en la matière, pour une famille de deux adultes et deux enfants, dont un adolescent, il faut prévoir, au minimum, 443 $ par mois ou 103 $ par semaine pour une nourriture qui fournit tous les éléments nutritifs reconnus nécessaires à la santé. C'est pour une alimentation frugale, mais équilibrée.

Voyons maintenant ce que seraient les prestations pour cette famille de quatre personnes, selon le projet de réforme. Cette famille recevrait, selon les cas, soit 842 $, 877 $ ou 1012 $. À titre d'exemple, prenons la prestation prévue de 877 $. Divisons les 443 $ requis pour une alimentation saine - on fait un peu de mathématiques - 443 $ divisés par 877 $, cela fait 50 % du revenu. Il n'y a pas une famille qui peut consacrer 50 % de son revenu pour l'alimentation. Si on reprend le calcul en disant: Si c'était un quart du revenu, le montant qui d'habitude est recommandé par la consultation budgétaire, le quart de 877 $, c'est 219 $ par mois soit 50,93 $ par semaine. Pouvez-vous nourrir quatre personnes, dont un adolescent, avec 51 $ par semaine? Je pense que c'est un peu forçant, que ce n'est même pas possible.

Ajoutons à cela des problèmes particuliers que les pauvres ont quand ils font l'achat de nourriture. Par exemple, souvent, les gens vont parler de tel ou tel magasin qui offre des bons prix. Cela prend une automobile, un taxi, l'autobus ou des frais de livraison quand on n'a pas d'automobile. Ce sont donc des frais supplémentaires que les pauvres peuvent avoir pour aller chercher ces rabais auxquels d'autres personnes peuvent avoir accès. Ces gens n'ont pas de comptant non plus. À un moment donné, les gens qui ont plus de revenus, quand il y a un superrabais, vont stocker, comme on dit. Pour ce faire, cela prend des armoires et souvent, les petits logements n'ont pas d'armoires ou presque; deuxièmement, cela prend de l'argent comptant pour pouvoir aller stocker, et les pauvres n'ont souvent ni l'un ni l'autre.

Ensuite, on a découvert que souvent les assistés sociaux n'ont vraiment pas... Avec l'histoire des 50 $, ils ne peuvent pas. Que voulez-vous qu'ils fassent avec ce montant-là et comment peuvent-ils bien se nourrir? Souvent, ils ont des dettes. Finalement, ils aboutissent souvent à chercher du crédit pour manger. Souvent, dans certains des quartiers, le dépanneur permet le crédit. À quel prix? Je présume que cela vous arrive peut-être de temps en temps d'aller chez le dépanneur. Si vous regardez le prix d'une boîte de petits pois - si ce n'est pas vous qui l'achetez, vous ne le savez pas - c'est plus cher A que dans un supermarché. Mais ils sont pris. Ils vont là parce qu'il leur fait crédit. J'ai même appris par une participante qu'il y a des dépanneurs qui leur font en plus du chantage. Ils leur font des menaces: Aie! Tu n'as pas acheté chez moi la dernière fois. Si tu ne fais pas attention et tu vas acheter chez les autres, je vais te couper ton crédit. Ce sont des réalités qui font qu'avec l'argent dont disposent les assistés sociaux pour manger, souvent cela leur coûte plus cher pour une même nourriture que s'ils avaient plus d'argent.

Des observations qui ont été faites... Je travaille à Pointe-Saint-Charles pour deux orga-

nismes populaires qui, eux aussi, fonctionnent avec... Je sympathisais avec les deux dames, tout à l'heure, qui essaient de fonctionner avec des montants d'argent très bas. J'anime, entre autres, un groupe qui s'appelle Action-alimentation. On est dans notre quinzième année. On regarde le budget alimentaire et on essaie de trouver des moyens financiers de s'en sortir au point de vue de l'alimentation. On avait fait un menu de quatre semaines vraiment superéconomique qui avait tout ce qu'il fallait pour la santé, mais superfrugal du style: dans quatre semaines, une tarte aux pommes et ensuite, à peu près pas de dessert. Avec un poulet, on fait deux repas - vous essaierez messieurs dames. C'est superéconomique. On avait calculé les prix dans le quartier et on avait comparé cela justement avec les revenus de familles, entre autres, au bien-être social et au salaire minimum, en tout cas. Cela ne marchait pas, cela a toujours été plus que les 25 %. À ce moment-là, c'était 75 $ par semaine que cela aurait coûté.

J'avais une participante qui avait, elle, non pas deux enfants mais trois enfants. Elle m'avait dit à ce moment-là: Je ne peux pas mettre 75 $, je peux mettre 50 $. Mais c'est évident qu'à ce moment-là, il y avait des choses essentielles - il y avait seulement l'essentiel dans notre menu - par exemple: le lait, les fruits, les légumes, qu'elle ne pouvait pas se procurer suffisamment. Donc, la question: comment arriver à manger convenablement avec les coupures prévues dans la réforme? Que va-t-il arriver à la santé des gens?

Or, c'est déjà un fait que l'alimentation est moins bonne dans les milieux à faible revenu et que, dans ces milieux, la population souffre de déficience nutritionnelle, même avec les présents taux de prestation.

Je passe la parole à Mme Choquette parce qu'on en a déjà parlé dans notre mémoire de juin 1987.

Mme Choquette: En passant, j'ai oublié de vous dire tantôt, pour ceux qui ne l'auraient pas lu et qui voudraient y avoir accès, que j'ai quelques copies supplémentaires du document de juin dernier, si vous souhaitez le consulter.

Dans ce document, lorsque nous traitions de l'aspect alimentation versus la santé, des études ont été faites et une notamment ici, à Québec. Ces études révèlent - et je cite - que comparativement à celles de milieux favorisés, les personnes de milieux économiquement faibles, premièrement, consomment les aliments des groupes fruits et légumes et lait et produits laitiers en quantité moindre. - Je n'ai pas besoin de vous rappeler que fruits et légumes sont sources de sels minéraux et de vitamines et que lait et produits laitiers sont sources de calcium et de protéines de haute qualité, des aliments aussi qui, comme sources de protéines, sont des protéines peu dispendieuses mais ils en consomment moins - Deuxièmement, ces gens également ont des repas de densité nutritive moins élevée, les aliments qu'ils consomment sont de moins bonne source d'éléments nutritifs - comparativement toujours au groupe de milieux favorisés; ces personnes sont moins nombreuses à avoir une alimentation qualifiée de bonne, c'est-à-dire qui fournirait 80 % des apports nutrttionnels recommandés - même pas 100 %. Elles ont un apport inférieur en plusieurs éléments nutritifs: le calcium, la vitamine A, la vitamine C, le fer, les folates et la thiamine. Finalement, elles sont plus nombreuses à avoir un taux d'hémoglobine faible, surtout chez les femmes jeunes et d'âge moyen et les personnes âgées. En passant, notamment concernant le taux d'hémoglobine faible qui est relié au statut nutritionnel en fer, des études faites également ici, à Québec, à l'Université Laval, par notre collègue Huguette Turgeon-O'Brien, démontrent clairement qu'il y a un lien entre l'état nutritionnel en fer et la résistance aux infections. C'est une autre preuve que le fait de ne pas pouvoir s'alimenter convenablement diminue la résistance aux infections. Le fer est un élément qui joue et qui intervient dans le mécanisme de résistance aux infections. C'est maintenant connu et bien étayé. Mme Gauvin.

Mme Gauvin: Ce qu'on voudrait ajouter, c'est qu'on a découvert que, souvent, il y a ce qu'on appelle des déficiences sub-diniques, qui ne paraissent pas encore tellement par des symptômes clairs, qui peuvent affecter le comportement des gens et affecter leurs possibilités de se trouver un emploi, par exemple.

Je donne des exemples: la fatigue, la léthargie, une moindre force musculaire peuvent résulter d'un manque sub-clinique de thiamine, de vitamine C, de fer, d'acide folique, de vitamine B12. On note aussi plus d'anxiété et d'irritabilité chez des personnes qui commencent à manquer de vitamines C et B6. Ces personnes ont de la difficulté à se concentrer et à fournir les efforts nécessaires pour chercher un emploi. Elles peuvent avoir des difficultés d'apprentissage.

Un exemple qui peut être relié à cela: au Carrefour d'éducation populaire, où je suis animatrice, il y a des cours d'alphabétisation. Vous savez, on en a parlé, combien il y a d'analphabètes et comme c'est important de savoir lire et écrire de nos jours. Ce sont ces personnes qui vont à ces cours. Cela prend beaucoup de concentration. Les animatrices s'étaient rendu compte que les gens qui étaient là avaient de la difficulté à se concentrer. Dernièrement, elles ont fait une activité au sujet de l'alimentation. Dans ce cadre, elles leur ont demandé ce qu'ils avaient mangé dans la journée. Ils n'avaient pratiquement rien mangé dans la journée. Elle est arrivée, elle était découragée. Elle m'a dit: Ils peuvent bien avoir de la misère à se concentrer ces gens, s'ils n'ont pas mangé. Cela rejoint finalement d'autres observations.

Maintenant, dans de nombreux cas, les problèmes de budget alimentaire dont on a parlé sont aggravés par la hausse du prix des loyers, ainsi que nous en avons traité dans le mémoire de la Corporation des diététistes en juin dernier.

Pour illustrer ce point, reprenons - je ne sais pas si je vais vous faire travailler avec votre crayon et du papier - le calcul budgétaire pour des personnes... Généralement, on recommande aussi le quart du revenu pour le loyer. Si on reprend la prestation de 877 $, qui est une de celles prévues par la réforme pour une famille de 4 personnes, le loyer devrait être de 219 $ par mois, incluant logement, chauffage et électricité. Est-ce que vous pouvez trouver un logement pour 4 personnes pour 219 $? Sauf dans le cas d'un HLM, non. Le résultat est que, dans beaucoup de cas, le loyer coûte beaucoup plus cher. C'est particulièrement vrai dans plusieurs quartiers populaires des grandes villes où la spéculation foncière a fait monter le prix des loyers.

Ainsi, dans le moment, à Pointe-Saint-Charles, on me dit souvent qu'il faut calculer environ 300 $ par mois pour un petit logement non chauffé. Selon une enquête du Dispensaire diététique de Montréal auprès de ses bénéficiaires, c'était semblable. Ils avaient calculé que cela coûtait généralement 275 $, non chauffé, plus 100 $ à 110 $ pour le chauffage et l'électricité.

Le résultat est que les familles sont obligées de couper encore davantage dans leur budget alimentaire, qui est déjà faible, à cause de la hausse du prix du loyer. Par exemple, à la Maison du partage; à Pointe-Saint-Charles, qui est un centre de dépannage alimentaire, le nombre de la clientèle a beaucoup augmenté depuis l'ouverture, il y a quelques années. Vous savez, dans le temps, il y a 10 ou 15 ans, on calculait que les dépannages alimentaires comme, je ne sais pas, l'Accueil Bonneau, l'Oeuvre de la soupe, c'était pour les clochards. Mais la clientèle dans le moment, de la Maison du partage, comprend très peu de clochards. Ce sont des familles bénéficiaires de l'aide sociale. Ce sont des jeunes, et des familles aussi qui sont bénéficiaires de l'aide sociale. Eux, en ce moment, ils ont la prestation d'aujourd'hui. Qu'est-ce que cela va être après les coupures? Comment est-ce que les gens vont pouvoir manger? Qu'est-ce qui va arriver à leur santé? On peut prévoir à ce moment-là une augmentation des problèmes de santé, des maladies, de plus grandes difficultés à se concentrer pour la recherche d'un emploi, bref une accentuation de la situation déjà précaire pour ces personnes-là et ces familles.

Je passe la parole à Mme Choquette.

Mme Choquette: Tenant compte de cette situation du coût du logement qui, lorsqu'il n'est pas ajusté au revenu, finit par compresser, et la dépense compressée dans le reste du budget est malheureusement l'alimentation, il s'ensuit des problèmes de santé déjà mentionnés; nous avions fait, en juin dernier, et nous la réitérons ici, cette recommandation. Nous croyons que c'est une mesure administrative qui n'est pas si compliquée à établir: mettre en place un mécanisme d'ajustement de la prestation d'aide sociale qui permette, lorsqu'une unité de logement à loyer modique n'est pas disponible et appropriée à la taille de la famille, de compléter cette prestation par une somme couvrant la différence entre le loyer réel payé, jusqu'à concurrence d'un maximum à établir, bien sûr, et qui soit raisonnable, et le montant hypothétique prévu dans la prestation d'aide sociale pour le loyer, dans l'allocation mensuelle.

Ce n'est pas d'hier que les diététistes, quand elles travaillent avec les populations de milieux économiquement faibles, se butent à la question du logement. Mme Agnes Higgins, qui a été l'âme du Dispensaire diététique de Montréal pendant une trentaine d'années, qui est maintenant décédée, a été à la base des premiers travaux dans la ville de Montréal pour la construction d'habitations à loyer modique. Parce qu'elle a toujours perçu, et c'est très évident, que lorsque les gens ont un budget limité, c'est sûr qu'il faut qu'ils payent leur loyer, mais ils le payent au détriment des autres dépenses. Qu'est-ce qui est compressible? C'est l'alimentation. L'alimentation résulte, en conséquence, quand elle est déficiente, dans tous les problèmes de santé déjà étayés.

On s'excuse de le répéter. C'est parce que c'est vrai et que c'est toujours là. Alors, Mme Gauvin...

Le Président (M. Bélanger): C'est tout le temps qu'on avait à votre disposition.

Mme Choquette: Ce n'est pas vrai?

Le Président (M. Bélanger): Oui. 20 minutes.

Mme Choquette: On vous donnera nos autres commentaires en répondant à vos questions.

Le Président (M. Bélanger): Dans les questions, c'est cela. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie la Corporation professionnelle des diététistes et ses représentantes. Je n'ai pas l'intention de me lancer dans une guerre de chiffres parce que j'ai déjà à conjuguer les chiffres établis par la méthodologie des seuils de revenu minimum, la méthodologie que le gouvernement a retenue dans son document. J'ai à prendre également ou à tenir compte de la méthodologie existante au moment où on se parle, c'est-à-dire la méthodologie du Dispensaire diététique de Montréal. J'ai déjà invité les gens du dispensaire à concilier les chiffres de la méthodologie actuelle avec la nouvelle méthodologie qui est suggérée.

Maintenant, si on prend strictement l'alimentation et le logement, les deux éléments que l'on a traités ensemble, et qu'on les catégorise: Pour l'alimentation, suivant les chiffres présentement en discussion entre les fonctionnaires du gouvernement et le dispensaire, quant à l'alimentation pour une personne seule, ce que le dispensaire propose, c'est 130 $. Ce que la méthodologie proposée dans le livre vert propose, c'est 127 $. Lorsqu'il y a un adulte et un enfant, c'est surtout le cas des familles monoparentales, ce que le dispensaire propose dans cette circonstance, c'est 213 $. Ce que le ministère a retenu, en vertu de la formule de Statistique Canada, c'est 212 $. Un adulte et deux enfants: 301 $ et 286 $. Deux adultes: 226 $ et 212 $. Deux adultes et un enfant: 324 $ et 286 $. Deux adultes et deux enfants: 401 $ et 353 $. On est en train de vérifier si la conciliation peut s'effectuer. (17 heures)

En ce qui concerne le logement, pour un adulte: 232 $, méthodologie des seuils minimaux: 257 $. C'est plus généreux cette fois-ci de l'autre côté. Un adulte et un enfant: 330 $ versus 313 $. Un adulte et deux enfants: 356 $ et 353 $. Deux adultes: 330 $ et 313 $. Deux adultes et un enfant: 356 $ et 353 $. Deux adultes et deux enfants: 381 $ et 382 $. Ce qu'on compile, c'est l'ensemble des besoins. À ce qu'on m'indique présentement, en termes de pourcentage, la méthodologie des seuils de revenu minimum serait dans les éléments comparés, au total, plus avantageuse pour le bénéficiaire de l'aide sociale. J'attends d'avoir les résultats finals de cette analyse qui est faite avec le Dispensaire diététique de Montréal.

Je pense que vous avez complètement raison lorsque que vous soulignez que, dans le cas de quelqu'un qui n'a pas mangé suffisamment, on peut avoir de la difficulté à lui faire apprendre des choses, à le faire fonctionner dans la société, etc. Cela pose une question importante au ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, parce que, oui, il y a le logement qui est une dépense, un fois qu'elle est contractée, qui devient incompressible. Une fois qu'elle est contractée, pas avant. Il y a toutes les autres dépenses que l'on reconnaît. Il arrive que, dans certains cas, les gens consacrent une partie plus importante de leur budget à d'autres dépenses qu'aux dépenses pour l'alimentation, qu'ils ne reçoivent pas à ce moment-là et qu'ils devraient nécessairement recevoir pour devoir fonctionner dans la société. Cela nous amène à la question fondamentale qui est la suivante: est-ce que pour les plus démunis de la société, de façon à s'assurer, sans trop de risques d'erreur, qu'ils reçoivent, sur le plan nutritif, ce qui est considéré comme un minimum vital, on devrait fonctionner avec une allocation strictement alimentaire et prédéterminée par le ministère, en collaboration avec les diététistes?

Mme Choquette: Je pense que vous ouvrez là un débat auquel on n'a pas songé, parce qu'il n'était pas inclus dans les prévisions et dans le document. Peut-être que Mme Gauvin voudrait dire quelque chose, mais je voudrais d'abord vous dire que on est ravies de savoir que lé dispensaire va être écouté et qu'il va se faire des travaux conjointement avec lui. On est d'autant plus ravies qu'on avait appris avec désarrois qu'il n'avait même pas reçu copie du document d'orientation, originalement. On se demandait comment il se faisait qu'il était négligé dans cette vaste consultation. Je suis convaincue que nos collègues du dispensaire vont mettre tous les efforts possible pour travailler de concert avec le gouvernement. Je vais aussi vous signaler une chose, c'est que tout en utilisant les barèmes du dispensaire, Mme Duquette, lorsqu'elle est venue, vous a indiqué que la façon de faire l'ajustement et l'indexation par la suite a fait qu'au fil des ans, finalement, les données récentes qui servaient de base à l'allocation de l'aide sociale n'étaient plus celles que le dispensaire avait établies. L'indexation se fait globalement, alors que... Il y a un tas de choses que Marie-Pauie Paquette connaît mieux que nous et dont elle pourrait traiter avec vous. Je vais laisser Mme Gauvin intervenir sur la question des autres façons. Il y a beaucoup d'inconvénients à certaines d'entre elles. Les États-Unis ont fait ce genre de chose pendant longtemps. Je pense qu'il y a du pour et du contre.

Mme Gauvin: J'aimerais intervenir sur deux points. La question des chiffres que vous allouez pour l'alimentation et la question de mettre cela spécifiquement pour l'alimentation. Vous avez des chiffres. Pour moi, cela ne veut peut-être rien dire, cela veut peut-être dire quelque chose. Si vous me dites que, dans le moment, avec ce que vous avez prévu dans la réforme, vous avez prévu autant que le dispensaire pour la nourriture et même plus pour le logement, vous avez certainement coupé quelque part parce que selon vos prévisions budgétaires, c'est de diminuer les prestations.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis obligé d'intervenir ici, encore une fois. Pour la clientèle, il y a trois programmes qui sont proposés dans la politique de sécurité du revenu pour une clientèle que l'on évalue approximativement, si on prend les chiffres de mars 1987, à quelque 440 000 ménages. Clientèle du Soutien financier: 100 000 ménages. Il y a une bonification nette des prestations d'une valeur nette ajoutée, additionnée de 100 000 000 $. Cela en touche 100 000.

Mme Gauvin: Oui. J'ai compris cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans le programme APPORT, bien que le SUPRET soit aboli, il y a un ajout net de 40 000 000 $. En ce

qui concerne le programme APTE, le gouvernement offre, met sur la table, rend disponibles 445 000 000 $ additionnels. Quand je prenais vos chiffres et que vous me parliez de 877 $, je suis retourné dans mes tableaux et j'ai dit: Bon, deux adultes, deux enfants: 877 $. Vous tenez pour acquis qu'aucun des adultes ne va participer à des mesures d'empioyabilité. Vous avez raison, à ce moment-là, si les deux adultes ne participent pas à des mesures d'empioyabilité, de prendre le chiffre de 877 $, mais si vous aviez pris le chiffre où les deux adultes participaient, vous auriez pris le chiffre de 1012 $. Si vous aviez pris le chiffre ou l'un ne participait pas et l'autre participait, vous auriez pris 977 $. C'est certain, et nous l'avons indiqué, que si les gens refusent de participer, il va y avoir, pour ces gens-là coupure de prestations, mais il est également sûr et certain que si les gens acceptent de participer, d'améliorer leur employabilité, pour les gens qui sont employables, il y a augmentation d'une valeur nette ajoutée de 445 000 000 $.

Mme Choquette: Pourquoi recourir à une diminution de la prestation, qui est déjà le strict minimum, pour favoriser les mesures d'empioyabilité?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous ne tombez pas dans la nourriture. J'aurais préféré avec votre groupe rester dans votre degré de spécialité, mais je peux...

Mme Gauvin: Restons dans la nourriture.

Mme Choquette: Restons dans la nourriture. La question est là quand même.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...vous expliquer après notre rencontre, en privé, un tableau que vous avez ici et qui fait qu'à un .noment donné, si vous ne maintenez pas une incitation au travail avec les gens qui sont au salaire minimum et qui travaillent, vous avez automatiquement une augmentation de votre clientèle de l'aide sociale, parce que, financièrement, c'est plus payant d'être un assisté social qu'un travailleur au salaire minimum, situation qui existait au Québec en décembre 1985 lorsque nous sommes arrivés au gouvernement. Il y avait à ce moment-là plus de 700 000 personnes qui dépendaient de l'aide sociale. Nous avons augmenté le salaire minimum à deux reprises. Nous avons réussi à dégager une certaine marge et la clientèle est déjà baissée de quelque...

Mme Choquette: On y reviendra.

Mme Gauvin: Oui, mais je pourrais dire aussi au point de vue de l'alimentation qu'à Action-alimentation avec notre fameux budget pour quatre semaines, le salaire minimum non plus ne fournissait pas. Ce n'est pas un revenu pour quatre personnes. Il faudrait peut-être parler en termes de deux salaires minimaux peut-être qu'il faudrait que votre prestation pour deux adultes soit moindre que deux salaires minimaux - je ne le sais pas - et encore.

Ce que l'on dit, c'est qu'au point de vue de l'alimentation, 877 $, ce n'est pas assez. Il ne faut pas baisser en bas de ce qui existe présentement sous aucun prétexte. D'ailleurs, vous voulez récompenser, j'ai l'impression, ceux qui vont travailler. Les enfants de ces personnes vont en subir les contre-coups et, eux, n'ont pas le choix.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais est-ce qu'on peut revenir? Je vous suis très bien sur le plan de l'alimentation. Je respecte votre compétence. Vous êtes beaucoup plus compétentes que moi, je n'ai aucune compétence dans ce domaine-là et je suis obligé, comme ministre qui doit arrêter des décisions à un moment donné, de me fier à des gens compétents. Ce que je retiens de ce que vous me dites dans votre mémoire, c'est qu'il faut que, comme ministre responsable, le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour s'assurer qu'une personne reçoive au moins une alimentation minimum en termes de valeur nutritive, car cela prend tant d'argent minimum par mois.

De façon pratique maintenant, une fois qu'on a dit cela, de quelle façon on rend ce service-là ou cette chose-là disponible aux bénéficiaires? C'est la question que je vous adresse.

Mme Gauvin: C'est pour cela que je parlais du quart du revenu pour l'alimentation. Je me permets de rappeler aussi que malgré tout, le dispensaire diététique, c'est la moitié du seuil de faible revenu d'après Statistique Canada dans une ville. Ce n'est pas "les gros chars", comme on dit.

Quant à la question de s'assurer que cela va pour l'alimentation, je pense que déjà les assistés sociaux, il y a beaucoup de mépris à leur égard, il y a beaucoup de contrôle sur leur vie. Déjà, il n'y a pas assez d'argent. Il y a une dignité qui fait qu'il faut leur laisser choisir ce qu'ils font avec leur argent insuffisant. À ce moment-là, je ne peux pas me hasarder à proposer qu'on ne leur donne pas assez d'argent et qu'ensuite, on leur dise qu'il faut que cela aille à l'alimentation. Ce qu'il faudrait, c'est un revenu total suffisant pour que le quart pour l'alimentation soit suffisant.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais on assiste quand même à un phénomène surtout à Montréal, dans ce grand centre urbain, vous l'avez soulevé tantôt. Les soupes populaires, qui étaient habituellement des soupes auxquelles les sans-abri se rendaient, sont devenues des phénomènes. Je pense que c'est Centraide qui nous l'indiquait lors de sa comparution devant cette

commission. La clientèle augmente sans cesse. Ce sont des bénéficiaires de l'aide sociale qui, en majorité, deviennent clients de ces soupes communautaires ou populaires.

Est-ce à dire que même en prenant les chiffres du Dispensaire diététique de Montréal, en ce qui concerne la nourriture, le logement et les autres éléments, les prestataires de l'aide sociale ne consacrent pas, au moment où nous nous parlons, cette proportion à leur nourriture?

Mme Gauvin: Ils ne peuvent pas parce que leur loyer a augmenté; parce qu'ils ont des dettes; parce qu'il faut acheter des bottes; parce qu'il y a quelque chose; que le frigidaire a flanché. Il y a toutes sortes de choses qui arrivent et c'est pour cela que vous ne pouvez pas prendre seulement la case "alimentation" et dire: Cela va être cela. Il y a toutes sortes de choses qui peuvent leur tomber sur la tête, qui font partie de réalité et qui pour nous ne sont rien. Mais pour eux, ce sont des catastrophes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je reviens au problème pratique que j'ai. Je ne me souviens plus dans quelle commission parlementaire j'avais eu l'occasion d'avoir... J'étais dans l'Opposition à l'époque, mais j'avais quand même eu l'éclairage de votre corporation sur un dossier de nutrition. Oui, je m'en souviens. J'y ai été cinq ans. À ce moment-là, on me disait et on affirmait qu'il fallait que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour s'assurer que tout individu et tout citoyen reçoive un minimum alimentaire. Moi, comme ministre responsable de la politique de sécurité du revenu, je suis d'accord avec cet énoncé de principe. Ce que je cherche auprès des spécialistes que vous êtes, c'est la mécanique pour m'assurer que ces gens le reçoivent. Vous m'indiquez... On veut laisser les gens maîtres de leur budget.

Mme Gauvin: Cela prend... Je vais vous dire une chose. Est-ce que je peux? Vas-y donc.

Mme Choquette: Non, vas-y, je finirai.

Mme Gauvin: Cela me fait penser à la fin de notre commentaire qu'on n'a pas eu le temps de vous donner. On a l'impression qu'il se fait ici, à un moment donné - et on a commencé à le faire aussi - un exercice un peu intellectuel. On ne sait pas comment vous rejoindre. Les assistés sociaux ne sont pas un paquet de paperasses, de chiffres et de signes de piastre. Ce sont des êtres humains qui ont des besoins de santé et d'alimentation, qui ont faim, qui sont malades, pour qui toutes sortes de choses peuvent arriver - qui pour d'autres ne sont pas très grave - et qui n'ont souvent pas eu beaucoup d'instruction, comme vous l'avez souligné. Mais si la personne qui n'a pas beaucoup d'instruction a 50 ans, et si elle n'a pas fini son primaire, comme bien d'autres de 50 ans, on ne l'enverra pas au CEGEP.

Ce sont des êtres humains. On se retrouve ici avec des papiers, des chiffres, toutes sortes de chiffres. Peut-être va-t-on les mettre dans cette case-ci, peut-être va-t-on les mettre dans cette case-là. Nous autres, ce qu'on essaie de vous dire, c'est qu'il y a un problème humain. Il y a un problème de santé. Ce n'est pas de changer les cases, ni tel ou tel montant qui était pour je ne sais pas quoi - pour un manteau - et le mettre sur l'alimentation pour leur dire qu'il faut qu'ils s'alimentent. Il faut aussi qu'ils aient un manteau.

Déjà, les assistés sociaux ont à faire des miracles avec le peu d'argent qu'ils ont. Déjà, ils sont malades. Les données s'accumulent. On ne vous en a pas beaucoup dit. Cela s'accumule. On continue d'avoir de plus en plus de données à savoir que la pauvreté comme telle a une influence néfaste sur la santé. Les pauvres vivent moins longtemps. Quand ils vivent leurs dernières années, ils les vivent plus malades. Ils ont plus de problèmes de santé de toutes sortes. Cela se répercute d'ailleurs dans vos autres ministères, avec d'autres dépenses.

Il y a un taux de femmes enceintes qui ont de trop petits bébés - moins de 4 ou 5 livres - ici dans les quartiers populaires qui est plus élevé que dans certains pays sous-dévelop-pés. On voudrait couper les prestations des femmes enceintes. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? C'est bien de dire si elles participent, mais si elles ne sont pas disponibles, ou en tous cas, vous le savez. Dans le moment, avec ce qui est prévu, les femmes enceintes, dans certains cas au moins, vont avoir moins que présentement. Il va y avoir des gens... Que va-t-il arriver à la femme enceinte qui est dans ses premiers neuf mois? Par exemple, si la femme a le malheur de découvrir qu'elle est enceinte et qu'elle est dans les premiers neuf mois et qu'elle a moins. Ce sont tous des cas d'êtres humains, dans le moment.

Vous, vous avez pris des papiers. Vous avez de beaux chiffres. Vous êtes mélangé, n'est-ce pas? Bon, regardez. Les femmes enceintes, admettons que...

Une voix: Elles ne sont pas disponibles.

Mme Gauvin: Elles ne sont pas disponibles de telle semaine à telle autre. Qu'est-ce qui arrive des autres semaines?

Mme Harel: C'est: non disponible si elle garde l'enfant jusqu'à l'âge de deux ans.

Mme Gauvin: À un moment donné, y y a une baisse de prestation pour la femme enceinte. Elle a besoin de plus. Déjà, comme c'est là, elle n'en a pas assez. Déjà, ces femmes ont de trop petits bébés. Elles ont plus de problèmes de grossesse. Les bébés qui sont trop petits, ce sont des bébés qui naissent faibles et avec des

handicaps physiques et mentaux. La société va payer ensuite pendant combien d'années ces trop petits bébés, ces handicaps et ces bébés hospitalisés et qui vont avoir besoin de soins pédagogiques? Tout cela, parce qu'un jour, il y a longtemps, une femme a été mal nourrie avant même de devenir enceinte et a été mal nourrie pendant qu'elle était enceinte. Elle n'avait pas assez d'argent et là on dit qu'on ne veut pas non plus améliorer son sort; on ne veut pas réduire la situation. On veut que dans certaines circonstances - cela dépend lesquelles - il y a un paquet de chiffres... On est certain que des fois elles vont avoir moins d'argent qu'aujourd'hui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Puis souvent, elles vont en avoir plus...

Mme Gauvin: Oui, monsieur.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...et ce qui compte, c'est de regarder l'ensemble pendant cette période-là et s'assurer que cette femme-là ne perde rien comparativement au système actuel, mais qu'elle y gagne. Il faut faire l'effort de le faire. Il faut également le faire et je vous remettrai un tableau, parce qu'il faut regarder également ce qu'il arrive présentement dans les cas de congé de maternité de la femme qui est sur le marché du travail, dans quelles conditions elle est placée et ce ne sont pas des conditions idéales. Au ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, on le sait, parce qu'on complète déjà les prestations d'assurance-chômage qui sont pour un maximum de quinze semaines. On les complète pour deux semaines à un taux de 240 $ pour deux semaines, un taux qui est en vigueur depuis 1979 et qui n'a jamais changé depuis 1979 et il y a là des lacunes auxquelles on fait référence. Il faudrait peut-être prendre le temps de faire le petit tableau, parce qu'il faut en faire des petits tableaux des fois, avec tout le côté humain que cela représente, et regarder le cas de la madame qui est sur le marché du travail, à qui cela arrive, et le cas de la madame qui bénéficie de l'aide sociale et à qui cela arrive également. S'assurer que dans aucun des deux cas, il n'y ait pas de perte avec les réformes que l'on propose, mais qu'il y ait des gains. Ce que je vous dis au moment où on se parle, moi, je l'ai fait faire le petit tableau, je l'ai envoyé au ministère de la Condition féminine pour le faire valider là où on tient pour acquis que la condition féminine ne doit pas subir de perte, etc. On prend le temps de l'analyser et de le regarder comme il le faut. Voilà pourquoi j'ai besoin, encore une fois, de vous comme expertise. Je me répète, je vous pose à nouveau la question: Moi, j'ai comme souci de m'assurer que sur le plan de la nourriture, les gens reçoivent le minimum nécessaire en valeur nutritive. Vous m'avez établi le principe, mais sur le plan de la mécanique, je n'ai pas trouvé ni dans le mémoire...

Mme Choquette: M. le ministre?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...ni dans l'exposé verbal la façon de procéder...

Mme Choquette: D'accord.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...et je pensais que c'était là-dessus que vous étiez pour m'éclairer aujourd'hui.

Mme Choquette: Je vais essayer, M. le premier ministre, de vous répondre. Je ne pense pas vous éclairer nécessairement de la façon que vous le souhaiteriez.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord, de n'importe quelle façon.

Mme Choquette: Je pense qu'il faut respecter la globalité de l'être humain. Vous êtes autour de la table et personne de vous ni de nous, ne recevez Un revenu qui est celui d'un bénéficiaire de l'aide sociale. Il se peut très bien, par contre, que parmi nous il y ait des gens qui soient très mal nourris et qui soient dans des statistiques aussi basses que celles qu'on a vues tantôt, parce qu'on a le libre choix de mal manger. Mais, premièrement on a les moyens de choisir correctement si on le veut, et deuxièmement on a aussi tous la disponibilité d'aller au supermarché de grande surface et de profiter des spéciaux. Il y a un livre américain que vous pourrez consulter, qui est disponible au Dispensaire diététique de Montréal et qui dit: The poor pay more." C'est un livre, un classique qui a au moins une trentaine d'années. Il y a tout un contexte qui contribue à ce que la personne de milieu défavorisé soit toujours défavorisée. C'est le cercle vicieux de la pauvreté. On vous a dit au début de notre exposé que l'on est d'accord pour qu'il y ait des distinctions, mais des distinctions en fonction des services rendus disponibles. Les services comme ceux qu'Action-alimentation rend dans un milieu populaire, cela n'existe pas pour toutes les personnes qui bénéficient de l'aide sociale au Québec. Ces gens travaillent très souvent avec des budgets très limités. Je pense que tous les groupes qui vont venir ici vous parleront de leurs difficultés financières pour essayer d'aider les gens. Cette disponibilité de l'éducation à la nutrition, de la mise à la disposition des gens des trucs pour arriver à manger mieux à moindre coût, cela prend une expertise et il faut rendre cette expertise-là disponible pour les gens. Ce sont des services, je pense, qui pourraient amener les gens, tout en ayant le respect de leur dignité, à apprendre à sortir le vrai du faux de la publicité et des réclames. Quel est vraiment le meilleur choix? Comment évaluer la valeur nutritive des aliments? Un tas de choses vous l'avez dit vous-même, que tout le monde n'a pas comme expertise mais que, eux, devraient déve-

lopper davantage, comme ils ont moins de moyens, moins d'éducation, moins de scolarité, etc. Cette réponse n'est peut-être pas facile à appliquer, mais je pense qu'il faut évaluer quels sont les services dont ont besoin les gens qui ont des revenus moindres, et parmi ces services-là il peut y avoir des services d'éducation spécialisée en fonction des besoins. Pour mieux se nourrir, on aurait certainement besoin de rendre accessible la disponibilité de l'information. Si le Dispensaire diététique de Montréal travaille depuis une trentaine d'années avec une équipe de diététistes, c'est parce que l'expertise est là. Dieu sait s'ils doivent consacrer beaucoup de temps, de personne à personne, pour obtenir les résultats qu'ils obtiennent en ce qui concerne le poids du bébé à la naissance. Dans le même sens, je pense qu'il y a un effort collectif à faire pour l'éducation à la nutrition. Il ne suffit pas de dire ce qu'est le guide alimentaire pour que les gens mangent mieux.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Juste un petit commentaire peut-être. Je pense que vous avez là une réponse qui n'est pas une réponse miracle, comme on l'appelle, mais une réponse dans la bonne direction. C'est ce que je souhaitais obtenir de votre organisme comme suggestion.

Mme Choquette: Je suis contente de vous l'avoir donnée et je suis contente qu'elle soit bien reçue.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Mme Choquette et Mme Gauvin, c'est une réponse qui est éclairante parce que, dans le fond, vous nous dites: Quand on est favorisé, on a le libre choix de bien ou mal manger, mais quand on est assisté social, on n'a pas ce choix-là. C'est un peu, finalement, ce que je tire de vos propos. Cela fait quand même plusieurs années maintenant que la corporation a décidé de parler haut en matière d'alimentation au Québec. Je sais que vous avez confronté le précédent gouvernement et j'ai toujours été, heureuse d'ailleurs qu'il en soit ainsi.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est peut-être de cela dont je me souviens.

Mme Harel: Je crois que, de toute façon, vous avez une autonomie de pensée qui nous permet, justement, de jauger jusqu'à quel point vos interventions sont importantes. D'abord, je voudrais vous rassurer. Quand Mme Duquette est venue pour le dispensaire, finalement ce qu'elle a surtout signalé c'est que, comme vous le disiez, maintenant ce sera l'évaluation des dépenses des travailleurs les moins favorisés, en fait les plus défavorisés par rapport aux besoins. Cela peut augmenter les écarts dans la mesure où il n'y a plus assurance d'indexation. Il n'y a plus d'indexation à l'I PC. Même dans le document d'orientation sur l'indexation, il y a plutôt des grands points d'interrogation. D'autre part, il y a des catégories de dépenses qui ne se retrouvent pas dans la liste. Alors pour le total, c'est pour cela que vous aviez raison, Mme Gauvin, non pas de mettre en doute mais de dire: j'attends tout le tableau pour me faire une opinion parce que le total ne correspond pas, les propos exacts - je me fais un petit cahier noir et je le finis d'ailleurs cet après-midi, il va falloir que j'en commence un autre - étaient ceci: plus il y a d'enfants, plus la perte de revenu est grande dans le document d'orientation. C'était exactement ce que Mme Duquette nous a dit. C'est la présence d'enfants qui alourdit, finalement, le déficit en termes d'allocation.

Une chose que je veux tout de suite vous signaler - il y a tellement d'autres questions que je veux vous poser - et je voudrais la signaler à mes collègues de la commission parlementaire, de même qu'au ministre, parce que cela a quand même été clairement démontré et illustré Ici lorsqu'un groupe de dames qui s'occupent de travaux communautaires de leur secteur sont venues. Par la suite j'ai pu vérifier finalement que: sans exception, dans la catégorie la plus méritante - si vous voulez chez les APTE, qui est la catégorie participante - sauf pour les moins de 30 ans, mais dans tous les cas par exemple où il y a des enfants - familles monoparentales - avec un enfant ou deux enfants et familles biparentales avec un ou deux enfants tous les cas de participants obtiennent finalement moins avec le projet en 1989 qu'avec le système actuel indexé parce que, ici, il faut ajouter les 100 $ de besoins spéciaux qui n'apparaissent pas. Alors, ces 100 $ n'apparaissaient pas dans ce tableau-là. Ce qui m'avait empêchée de me rendre compte de cela avant qu'on ait cet échange avec un des groupes qui vous a précédées, c'est que même en participant, même lorsqu'il y a deux participants dans la même famille: Là, il faut bien s'entendre: Combien vont pouvoir... Vous savez, il y a des heures de vérité. On ne peut pas toujours tout dire sans avoir nécessairement à offrir. Dans l'étude des crédits, on va bien voir quels sont ceux des programmes parce que si c'est à 100 %, c'est 400 000 000 $. Cela va venir bientôt. Cela va être autour de Pâques. On va voir où se logent les 400 000 000 $ pour faire participer tout le monde au programme.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y avait des crédits additionnels même cet après-midi.

Mme Harel: J'ai préparé - et je vais vous le remettre, c'est pour cela que je ne veux pas

vous interroger là-dessus - l'estimé des coûts réels de la réforme. C'est calculé à partir d'un document qui avait été rendu public par le front commun. C'est un estimé qui reprend simplement les économies prévisibles et qui, en annexe, donne des explications des économies, par exemple, dans la catégorie personne enceinte, après le sixième mois, ou parent qui a la garde d'un enfant de moins de deux ans ou personne malade, l'économie prévisible est de 33 000 000 $. 33 000 000 $ de barème en moins pour cette catégorie. Vous avez toutes les autres catégories. Cela va vous donner une idée des économies réelles, même s'il y a des coûts prévisibles, par exemple, pour les personnes qui participeraient au Soutien financier. Cela vous permettra d'avoir une vue d'ensemble des économies qui sont prévues dans les différentes catégories.

Je vais profiter de votre présence, cet après-midi, pour examiner avec vous toute la question des moyens qui pourraient être utilisés quand même, sans que ce soit celui, coercitif, qui consisterait à donner des bons ou des coupons d'alimentation pour aller à des magasins désignés. Vous en avez quelques-uns, dans votre premier mémoire, notamment, je me rappelle que vous avez insisté sur l'accès à des suppléments de vitamines et à des minéraux multiples. Je ne sais pas si vous avez parlé du lait matemisé. Je ne crois pas, en tout cas, pas dans le mémoire succinct que j'ai. Vous avez certainement pris connaissance de cette étude du Dr. Colin, Naître égaux et en santé?

Mme Choquette: On l'a reçu. Je n'en ai malheureusement pas encore pris connaissance. Je ne sais pas si Mme Gauvin l'a lu?

Mme Gauvin: Non.

Mme Harel: Dans l'étude qui vient de paraître en janvier dernier, ce qui est recommandé au gouvernement, c'est l'instauration d'allocation prénatale qui compléterait le revenu de toute femme enceinte vivant sous le seuil de pauvreté et une augmentation de l'allocation de grossesse, cette allocation, dit-il, doit être au moins de 30 $ par mois, avec là, toute une définition.

Mme Choquette: Oui. Les calculs disent, d'après le dispensaire, environ 27 $ par mois de plus pour la nourriture pour une femme enceinte à ce moment-ci.

Mme Harel: II y a le financement de programme de suppléments alimentaires, dans certains milieux, la gratuité des suppléments de fer et d'acide folique. Cela me faisait penser à votre intervention. Vous dites que la carence en fer rend plus propice à des infections. Il y a la gratuité du lait maternisé. Vous n'avez pas pu en prendre connaissance, j'imagine?

Mme Choquette: Non, mais nous étions intervenues quand même, concernant le lait maternisé, dans le document de juin dernier. Il y a eu un mouvement parti de plusieurs CLSC, auquel nous avons adhéré avec certaines réserves, demandant que soit fourni gratuitement ou à moindre coût le lait maternisé - qu'il ne faudrait pas appeler lait maternisé mais préparations commerciales pour nourrissons, parce qu'il n'y a rien de maternisé dans les préparations commerciales pour nourrissons. Nos réserves, par rapport à cela, sont le très grand besoin de faire la promotion de l'allaitement maternel. Il y a une distinction importante à faire et, selon nous, sans dire qu'on est tout à fait contre, il ne faudrait pas rendre l'artificiel plus facilement accessible que le meilleur. La promotion de l'allaitement maternel est un autre élément qui ne touche pas directement la problématique d'aujourd'hui, mais qui touche la santé globale, c'est un autre élément de santé publique qui devrait recevoir un plus grand crédit par la promotion. Cela rejoint encore là tout cet ensemble de services et de disponibilité de services. On serait inquiets s'il y avait des mesures mises en place pour fournir gratuitement le lait maternisé, même si, bien sûr, dans certains cas, c'est très difficile et que les petits bébés en auraient besoin, si la maman n'allaite pas. M. le ministre nous a déjà signalé par écrit qu'il n'est pas question, non plus, de nuire à l'allaitement ou de sembler favoriser les préparations commerciales au détriment de l'allaitement. Ce n'est pas facile à traiter, mais il faudrait trouver le moyen d'encourager d'abord et avant tout l'allaitement maternel, au moins durant les trois, quatre premiers mois de vie.

Le Président (M. Bélanger): Compte tenu de l'heure et du mandat...

Mme Harel: J'aimerais bien que madame puisse terminer, Mme Gauvin...

Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, seulement une seconde avant...

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Bélanger): Compte tenu de l'heure, du mandat et des ordres de la Chambre, nous devions normalement arrêter nos travaux à 17 h 30, est-ce que j'ai le consentement pour que l'on poursuive quelques minutes? Consentement. Alors vous pouvez continuer.

Mme Gauvin: Je voulais juste dire que Action-alimentation, quand on avait sorti notre budget alimentaire, avait fait une recommandation en ce sens que les bénéficiaires de l'aide sociale aient au moins le droit de recevoir des comprimés de vitamines multiples. Peut-être que pour M. le ministre, qui cherchait tout à l'heure des suggestions alimentaires, ce n'est pas vrai-

ment alimentaire. Le mieux c'est d'avoir les vitamines dans les aliments, mais à défaut, s'ils pouvaient avoir accès aux comprimés de vitamines et minéraux gratuitement, cela aiderait beaucoup. Autrefois, ils y avaient droit, mais maintenant ils ont droit seulement à une à la fois. Ce serait une façon, au point de vue alimentation, d'améliorer leur santé qui est reliée à l'alimentation.

Mme Choquette: Si vous me permettez de dire ceci: la distinction, c'est que le supplément reconnu comme étant nécessaire durant la grossesse est le fer et l'acide folique et ce, même pour les femmes de milieu favorisé et avec une bonne alimentation; très rares sont les femmes qui n'en ont pas besoin durant la grossesse.

Mme Harel: J'aimerais juste revenir sans clore le sujet, mais vous êtes un des seuls groupes avec qui on peut parler de la question de l'allaitement maternel. Vous savez sans doute qu'il y a une femme sur six bénéficiaires de l'aide sociale qui accouche au Québec et que les changements dans les comportements d'allaitement sont beaucoup moins modifiés dans les milieux défavorisés que dans les milieux plus fortunés. Alors, actuellement, pour avoir déjà allaité, je me rappelle à l'époque, j'avais l'impression... Vous vous rappelez cette chanson de notre enfance: J'ai du bon Crino dans mon... Il faut quelque part beaucoup manger pour allaiter, parce que l'un ne va pas sans l'autre. Ce n'est pas... Alors, en vous écoutant, je me disais: Ce sont non seulement des allocations prénatales, mais il faudrait des allocations postnatales si on veut qu'il y ait du lait.

Mme Choquette: Femmes enceintes et allaitantes.

Mme Harel: Sinon, il n'y a pas moyen d'avoir du lait si on ne mange pas, de toute façon.

Mme Choquette: II y a moyen, mais cela peut être au détriment de sa propre santé. On n'aura pas une production aussi importante et qui réponde aux besoins du bébé. J'aimerais répondre à ce que vous avez mentionné en ce qui concerne l'incidence de l'allaitement maternel dans les populations plus défavorisées, exception faite de la clientèle du Dispensaire diététique de Montréal. Pourquoi cette exception? Parce qu'il y a durant la grossesse une intervention auprès de ces femmes qui, tout le long de l'intervention, est nutritionnelle, insiste sur l'alimentation, donne l'appui et encourage l'allaitement.

Mme Harel: Leur faire comprendre qu'elles ne vont rien y perdre.

Mme Choquette: Le taux d'allaitement maternel et la durée d'allaitement maternel de la clientèle du dispensaire est plus important que celui dans la population en général, tout comme le poids des bébés à la naissance. Il y a matière pour une intervention nutritionnelle et, bien sûr, la grossesse et l'allaitement sont des périodes privilégiées pour ce faire. On en a tous besoin, je pense. La population en général en a besoin. La corporation joue son rôle dans ce sens-là avec le mois de la nutrition chaque année, d'ailleurs, dont le gouvernement bénéficie. Que ce soit l'un ou l'autre, la population pense que c'est le gouvernement qui organise cette campagne.

Par ailleurs, pour les gens défavorisés, il y aurait peut-être moyen de fournir les services dont ils ont besoin, parce que l'intervention nutritionnelle peut donner des résultats. C'est ce que Mme Colin signale.

Mme Harel: Je vous remercie beaucoup, Mme Choquette et Mme Gauvin. Je souhaite qu'à défaut de lire tout le mémoire, les parlementaires prennent au moins connaissance du résumé. Il y a une grande constatation qui est peut-être évidente, mais que je n'avais pas faite encore. Les personnes âgées ne constituent plus les premières victimes de la pauvreté, contrairement à l'image qu'on s'en fait, en fait, celles qui ont droit à leur pension. À cause des efforts de distribution, maintenant ce sont les jeunes et les femmes chefs de famille qui sont les plus durement touchés. S'il y a un effort de redistribution, on pourrait là aussi corriger la situation. Je vous remercie.

Mme Gauvin: Bienvenue.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie la Corporation professionnelle des diététistes du Québec et ses représentantes. Vous avez positivement contribué, a partir de votre expertise, à nos travaux et tout ce que vous avez mentionné en matière de valeur d'éducation alimentaire a été retenu. Je retiens également une des dernières phrases que vous avez prononcées et qui justifie peut-être ce qu'on retient avant.

Lorsque vous avez dit "exception faite de la clientèle du Dispensaire diététique de Mont- ' real", je pense qu'il s'agit là d'un résultat qui parle par lui-même sur les méthodes que vous avez utilisées. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): La commission vous remercie de votre participation à ses travaux.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au lundi 14 mars, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 22 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine. Merci.

(Fin de la séance 17 h 36)

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