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(Dix heures six minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! Je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa
place. À l'ordre, s'il vous plaît!
La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à une consultation générale et de tenir
des auditions publiques dans le cadre de l'étude du document
intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu".
Mme la secrétaire, est-ce que nous avons quorum?
La Secrétaire: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Oesbiens
(Dubuc) agira en remplacement de Mme Juneau (Johnson).
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres remplacements.
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Nous recevons, ce
matin, à la table des témoins le groupe Action-chômage qui
sera représenté par M. Marc Daigneault, M. Claude Lemieux, Mme
Jeanne Lalanne et M. Pierre Truchon. Je les inviterais à s'approcher de
la table des témoins, s'il vous plaît.
Bonjour. Vous connaissez nos règles de procédure. Vous
avez au total 20 minutes, pour la présentation de votre mémoire
ou son résumé et il y a 40 minutes dévolues aux
parlementaires pour une période d'échanges avec vous sur le
contenu de votre mémoire ou tout autre sujet qu'ils jugeront pertinent.
J'inviterais votre porte-parole à nous présenter les autres
représentants du groupe Action-chômage puis à
procéder à la présentation de votre mémoire.
Action-chômage
Mme Lalanne (Jeanne): Bonjour, M. le Président; bonjour,
MM. les députés. Je suis Jeanne Lalanne, d'Action-chômage
de Québec. Je vous présente Marc Daigneault, notre
président, ainsi que Pierre Truchon, qui travaille à nos
côtés depuis bientôt quatre ans. Il y a aussi Claude
Lemieux, qui s'en vient. Ce ne sera pas long.
Bon, on va attaquer le sujet. D'abord, on va partir de votre propre
document, qui met beaucoup l'accent sur l'employabilité pour ce qui est
des gens aptes au travail. Nous savions évidem- ment qu'il y avait 257
000 personnes aptes au travail et qui se cherchent de l'emploi. On ne vous
cache pas qu'on aurait aimé que vous mettiez davantage l'accent sur la
création d'emplois comme telle dans un premier temps.
Pour le programme Soutien financier, on est évidemment d'accord
pour que les 25 % de cette clientèle reçoivent tous les soins
voulus et reçoivent le plein montant et que vous diminuiez les
contrôles auprès de ces gens. Cela va gagner du temps et cela va
diminuer le stress davantage. Quant aux principes mêmes, avez-vous notre
mémoire en main?
Le Président (M. Bélanger): Oui.
/Mme Lalanne: Oui, bon. Regardez, on va ouvrir la première
page. On marque: Principes de la réforme. Vous dites, évidemment,
que l'aide sociale est une mesure de dernier recours. On admet que c'est une
mesure de dernier recours, mais ce qu'on admet moins, par exemple, c'est que ce
soit basé sur le déficit entre ce qu'une personne reçoit
et ce qu'elle devrait recevoir pour couvrir ses besoins de base. On attendait,
évidemment, la parité sociale. On pensait que tout le monde
aurait la parité sociale, comme cela nous avait été promis
par M. Bourassa lors des dernières élections.
On est surpris d'apprendre que même les plus jeunes n'auront
même plus droit à l'assurance-chômage. Moi, je dis souvent
assurance-chômage, excusez-moi, je suis habituée avec les
fédéraux. C'est l'aide sociale. Si je dis le mot
assurance-chômage, corrigez-moi, ce n'est pas cela. C'est aide sociale.
Habituellement, ce n'est pas ici au Québec que je parie, c'est à
Ottawa. De toute façon, ce sont des chômeurs quand même.
C'est parce qu'ils n'ont pas d'emploi.
Vous dites qu'il revient aux parents d'avoir la charge de leurs enfants.
Quand ils en ont les moyens, nous, on serait d'accord avec cela. Mais bien
souvent, les parents eux-mêmes sont bénéficiaires de l'aide
sociale, et la première chose que l'impôt sur le revenu fait de
toute façon quand les enfants ont 18 ans, c'est de les enlever de la
charge de leurs parents, c'est de restreindre les déductions. Vous
êtes au courant. Je pense que parmi ces jeunes, il y en a qui vont
être dans des situations très difficiles et qui ne pourront
vraiment pas subvenir à leurs besoins.
Concernant le programme APTE, c'est surtout celui-là qui nous
intéresse parce que cela concerne nos chômeurs et chômeuses.
On ne serait peut-être pas d'accord avec votre position concernant les
neuf premiers mois où les prestations sont déduites. Au
contraire, on préconise que vous donniez un supplément d'argent
durant cette période, parce que c'est là qu'ils en ont le plus
besoin pour se chercher de l'emploi. Cela
leur coûte cher de transport. Il faut qu'ils s'habillent d'une
façon convenable. Il faut qu'ils fassent des recherches d'emploi. Je
pense que vous devriez plutôt mettre l'accent sur les neuf premiers mois
plutôt qu'après. À ce moment, les jeunes auraient davantage
de chances de décrocher de l'aide sociale, j'ai bien dit aide
sociale.
Concernant ces programmes APTE, je ne sais pas quelle sorte de tour de
force ou de gymnastique que vous allez faire pour les rendre accessibles
à tout le monde. N'oubliez pas qu'il y en a 257 000 qui sont aptes au
travail. Je ne sais pas quelle sorte de miracle vous entendez faire avec
cela.
Il y a une chose qu'on vous suggère ou qu'on vous demande de
remettre au moins en vigueur, c'est le PRET. Cela a déjà
existé et on trouvait cela fameux, beaucoup plus fameux, par exemple,
que les programmes Déclic qui sont temporaires et insuffisants, à
notre sens. Le PRET durait un an et vous payiez la moitié de la
subvention directement à l'employeur. Je vais vous donner un exemple
avec des chiffres. On engage quelqu'un et on lui donne 12 000 $ de salaire par
année; votre ministère, à ce moment-là, versait
6000 $ à l'employeur. C'est une subvention directe à l'emploi. A
ce moment-là, c'est certain que la personne est employée, que ta
subvention n'est pas utilisée à d'autres fins. Cela vous
coûterait moins cher de faire travailler des jeunes que de leur payer de
l'aide sociale. Ils reçoivent 487 $ par mois d'aide sociale, selon le
barème actuel. D'accord? Par année, cela fait 5844 $; est-ce que
cela se peut? Bon! À ce moment-là, si l'employeur donne 12 000 $
de salaire à son employé, d'accord, le gouvernement va verser
6000 $, mais le jeune va payer de l'impôt, donc vous allez retrouver 1000
$ et cela va vous coûter 5000 $ pour faire travailler le jeune, au lieu
de dépenser 5888 $. En plus de cela, la personne qui a 12 000 $ par
année de salaire paie encore des taxes au gouvernement provincial et,
mieux que cela, réussit à vivre, à être heureuse, de
bonne humeur et à se sentir un membre efficace dans cette
société.
On trouve scandalisant de voir qu'il y a 700 000 personnes au
Québec qui vivent de l'aide sociale et qu'il y en a 257 000
là-dedans qui sont aptes au travail, qui ont du potentiel et qui
demeurent inactives par la force des choses; qui s'en vont en se
désagrégeant ou en se rendant malades ou criminelles. On ne
trouve pas cela correct et il y a des solutions à prendre. Quand je lis
ce mémoire et que vous parlez de l'em-ployabilité, je trouve cela
bien beau, parce que c'est vrai qu'il y en a qui ne sont pas employables. On a
ramassé, dans notre organisme, des jeunes qui avaient les cheveux longs,
qui étaient déprimés et qui prenaient de la drogue. Tu ne
les envoies pas travailler chez Woolco du jour au lendemain, c'est certain, ni
dans les caisses populaires, nulle part. Il faut leur donner un soutien
physique et moral, j'en conviens. Mais ce sont peut-être 10 % de la
population qui ne sont pas employables. Mais si cela continue, plus personne ne
sera employable ici au Québec à force de ne pas avoir d'espoir et
de ne pas avoir de porte de sortie. On trouve cela scandalisant. On ne vous met
pas le blâme sur le dos, mais on vous demande de trouver un remède
efficace dans les plus brefs délais. Au moins, faites ce que vous
pouvez.
Dans un premier temps, on vous demande très respectueusement de
réinstaurer le PRET, cela presse. À part cela, ce n'est pas si
difficile, je vous l'ai expliqué avec des chiffres, cela va vous
coûter moins cher, il y aura de la productivité au bout, des biens
utiles seront produits. On peut faire des coopératives dans le domaine
de l'agro-alimentaire, on peut faire des "grano-las", ici au Québec, au
lieu de les acheter de l'Ontario ou d'ailleurs. Tout ferme autour de nous. Des
secteurs mous, il n'y en a plus. Vous nous l'aviez prédit il y a dix
ans, c'est vrai qu'il n'y en a plus. On peut passer à autre chose, on
peut utiliser nos ressources naturelles et on peut produire des affaires. On a
des idées, nous, à Action-chômage. Chaque fois qu'on
présente des projets au fédéral, on ne passe pas. On
présente pour 1 000 000 $, 1 500 000 $ de projets dans Langelier au
fédéral - cela a un nom anglais - de toute façon, ils ont
seulement 114 000 $ à nous donner. C'est insuffisant, on ne peut plus
compter là-dessus. C'est décourageant.
Le PRET, j'espère que vous l'avez souligné parce qu'on y
tient, et je ne vous lâcherai pas tant et aussi longtemps qu'on ne l'aura
pas. On l'a déjà eu et cela allait bien. L'employeur est bien, il
reçoit une subvention à l'emploi. Ce n'est pas ce qu'on a
actuellement, ce sont des déductions d'impôt sur le capital, cela
veut dire un chèque en blanc. C'est un chèque en blanc qu'on fait
à tout ce monde. Ce n'est pas cela qu'on veut. Des stagiaires dans les
milieux de travail, c'est bien beau, mais c'est encore 20 heures, c'est encore
très temporaire, c'est encore très précaire, c'est encore
insécurisant. Quand je vois que vous vous appelez Sécurité
du revenu, quand je téléphone et qu'on me répond
Travail-Québec au bout de la ligne, les cheveux me dressent sur la
tête, tous les jours, et je ne m'habitue pas. C'est de l'emploi qu'on
veut. Ce sont des "jobs" et non pas nécessairement des "jobines". Les
jeunes ne savent plus ce qu'est une vraie "job" et c'est un droit, on ne
demande pas mieux que d'en avoir.
À part cela, augmentez donc le barème au lieu de le
diminuer. Ce n'est pas avec 405 $ par mois qu'une personne va survivre. Je vous
dis, quand je vois que c'est basé sur le déficit de ce qu'une
personne reçoit par rapport à ce qu'elle devrait recevoir, ce
n'est pas avec un déficit qu'on vit. Les gouvernements sont
habitués de marcher de déficit en déficit. Mais le monde
ordinaire qui reçoit un chèque...
Je vais vous donner un exemple vivant. J'espère que vous
êtes bien assis solidement dans vos fauteuils. Moi, je le suis. C'est une
jeune
fille qui fait son possible pour travailler. C'est un exemple entre
plusieurs. Elle fait vraiment son possible pour travailler. Elle est
tombée sur le chômage, pas sur le BS, sur le chômage. Sa
période de chômage terminée...
Je vais faire une parenthèse. Savez-vous pourquoi le nombre de
vos prestataires augmente? Vous le savez peut-être, mais je vais vous le
redire encore. C'est parce que l'assurance-chômage du Canada a un budget
de 10 000 000 000 $ et que, cette année, elle a économisé
1 000 000 000 $ et c'est notre monde du Québec qui débarque des
listes de l'Assuran-ce-chômage du Canada pour s'en venir sur le
bien-être social parce que les critères d'admissibilité
sont rendus trop exigeants. À la place d'exiger dix semaines de travail
comme cela se faisait il y a quelques années, il y a un article de loi
qui vient d'Ottawa qui nous prive de nos prestations et qui exige entre 17 et
18 semaines pour avoir droit à l'assurance-chômage.
Et, croyez-le ou non, il y a même des personnes de vos
ministères à qui il manque une semaine pour se qualifier à
l'assurance-chômage qui arrivent à nos bureaux. On a mené
des combats. Le député Jean Leclerc - j'en profite ici pour
l'honorer et le remercier - nous a aidés à mener ce combat,
à obtenir d'un certain ministère, pour ne pas le nommer, comme
exemple, impôt sur le revenu... C'est un exemple, 11 y en a d'autres. Je
ne veux jeter la pierre à personne en particulier. Mais ce
n'était pas normal de voir une pauvre femme chef de famille
monoparentale qui, normalement, aurait dû avoir droit à
l'assurance-chômage se ramasser sur votre liste parce qu'il lui manquait
une semaine de travail. On se bat pour les faire réintégrer, pour
qu'ils les gardent encore. Ce n'est pas dur de faire ces calculs-là
pourtant.
Bien, Ottawa a trouvé le moyen d'augmenter votre liste parce
qu'il a diminué finalement - il a durci - il diminue artificiellement le
taux de chômage. Est-ce que vous croyez cela que le taux de chômage
est présentement à 8,6 %? Nous ne le croyons pas. Parce que la
façon dont Ottawa le fait, ce n'est pas une façon scientifique.
Ces gens font un sondage et ils demandent si quelqu'un a cherché de
l'emploi au cours des quatre dernières semaines. Ceux qui sont
gênés de dire qu'ils sont en chômage, disent que non, ils
travaillent. Ceux, finalement, qui ont un travail à temps partiel, tout
contents de dire qu'ils ont un job, disent oui même s'ils travaillent
seulement une journée par semaine et d'autres sont
écoeurés au dernier degré de se voir refuser, de faire du
porte à porte et de mendier des emplois qui n'existent pas. Cela fait
que le taux de chômage de 8,6 % de Statistique Canada, on n'y croit tout
simplement pas.
À part cela, le cas de la jeune fille, je l'ai ici. J'ai un
calendrier de 1987, novembre et décembre, pour bien illustrer la
situation très clairement. Elle a travaillé, elle a fini son
chômage à un moment donné même si elle a
cherché de l'emploi partout, et je vous prie de me croire que c'est une
vraie honte parce qu'elle est très qualifiée. Elle a un
baccalauréat en enseignement et elle est très intelligente. Je
l'ai vue; elle est super, supergentille. C'est une fille que tu aurais le
goût d'engager parce qu'elle ferait quelque chose dans la
société.
Elle se présente à vos bureaux de l'aide sociale, à
regret d'ailleurs, parce que ce n'est pas un plaisir de se présenter
là. Je vous dis que c'est loin d'être drôle, pour y avoir
accompagné des gens. Ils disent: On tombe sur le chômage, mais
quand on tombe sur le BS, c'est encore un degré plus bas. Je pense que
vous en êtes bien conscients aussi. Elle a fait sa demande le 15
décembre parce qu'elle avait reçu 132 $ pour la semaine du 29
novembre et du 1er décembre. Elle s'est dit: Je n'irai pas
réclamer quinze jours d'avance; j'ai eu 132 $. D'accord? Mais elle
pensait avoir 355 $ pour le reste du mois. Cela aurait été
simplement normal, il me semble, si on sait compter; 487 $ moins 132 $, cela
doit faire 355 $. Elle a été refusée parce qu'ils ont
compté ses semaines des 15 et 22 novembre. Elle a eu un montant en
novembre pour vivre les deux dernières semaines de novembre, qu'elle a
dépensé en novembre, et ils l'ont reporté en
décembre. Ce n'est pas normal. Elle a été refusée.
On a été en appel. Elle a perdu. On va aller en appel et on va
aller en rappel.
Mais est-ce que cela a du bon sens de se battre pour des choses aussi
simples que cela? Quelle sorte de bureaucratie il y a dans ces bureaux qui ne
sait même pas compter 487 $ moins 132 $? Pendant que la fille
crève de faim et elle est au gruau depuis deux semaines, Elle a
même reçu son avis pour se présenter là deux jours
d'avance alors que, moi, je n'en ai même pas reçu. La dame m'a
répondu que je n'avais pas affaire à cela. On a porté
plainte auprès du député Leclerc qui va s'en occuper ainsi
qu'auprès d'une demoiselle que je voudrais bien féliciter, Mlle
Dussault, qui fait partie de votre ministère. Une chance qu'elle est
là parfois pour mettre de l'ordre dans cela.
Ce sont des affaires de même qu'on voit, c'est impensable. Quand
vous me dites que vos barèmes sont basés sur des déficits,
je ne marche plus là-dedans. Je ne veux plus marcher là-dedans,
M. le Président. Le monde non plus; il est tanné, il est
tanné de cela et il veut travailler et cela presse. La situation du
monde n'est pas drôle. La plupart des femmes sont chefs de famille
monoparentale aujourd'hui. Des emplois disponibles il n'y en a pas, mais si
vous remettez le PRET sur pied, on risque d'avoir quelques emplois disponibles.
Ça peut être vrai que quelqu'un peut travailler et l'employeur qui
reçoit 6000 $ de subvention par employé aura le temps de se
rentabiliser et de se grossir. On est dans un système capitaliste mais
l'huile de ça, c'est l'argent et il faut que ça roule. La roue
tourne complètement à l'envers. On dépense 2 000 000 000 $
par année pour des gens qui
sont insatisfaits et qui ont raison de l'être parce qu'ils n'ont
pas l'essentiel et le nécessaire alors qu'on pourrait arranger ça
autrement.
De l'ouvrage, il y en a. Il y a des choses à faire, il y a des
jeunes à regrouper, il y a des cultivateurs qui auraient besoin de
personnes pour les aider. Prenez juste l'écologie, on est en train de
respirer toutes sortes de cochonneries, de manger toutes sortes de choses
malsaines. Il y a des choses à faire pour l'écologie, ne
serait-ce que nettoyer les berges du fleuve ici. Ce ne sont pas des emplois si
compliqués que ça, ça ne prend pas des diplômes
universitaires. Ce sont des emplois pour tout le monde qu'on veut.
Des mouvements comme le nôtre, Action-chômage, sont
essentiels à la population; l'ACEF et le SEMO aussi qui s'occupent de
réintégrer les jeunes sur le marché du travail. On a le
président de SEMO ici, Marc Daigneault. Ils font un travail formidable.
On leur réfère des jeunes et, dans l'espace de six mois ils ne
sont plus les mêmes, ils sont changés, on ne les reconnaît
plus. Ils ne prennent plus de drogue, ils n'ont plus le temps. Ils produisent
des revues, des bandes dessinées. Ils sont bien habillés. La
première fois qu'ils venaient à notre bureau, ils avaient des
trous longs comme ça sur leur pantalon; on les a même cousus sur
eux autres pour leur montrer que ça ne marchait pas ça dans notre
bureau. Ils sont propres aujourd'hui, ils sont intéressants et
intéressés.
On veut bâtir une société intéressante, on ne
veut pas recevoir des chèques de chômage ni des chèques
d'aide sociale, on ne veut plus de cette philosophie-là. Le défi
que vous avez, ce n'est pas de gérer la pauvreté, c'est de la
combattre et on va être avec vous autres dans la mesure où vous
allez le faire et où on sentira une volonté politique
réelle de le faire. Il faudra qu'on fasse des comités et des
actions.
On avait demandé une caisse de stabilisation de l'emploi à
Action-chômage. On l'a d'abord demandée à Ottawa, à
la commission Forget. On n'a pas eu de nouvelles, on a mis ça sur les
tablettes. C'est la commission "forget". En plus, on a été
à un sommet économique, je ne sais pas en quelle année,
ça ne fait pas si longtemps. On y est allé et on a eu de la
misère à avoir une chaise là. C'est épouvantable
comme ça avait l'air compliqué pour nous autres. On a fini par
avoir un quart de chaise avec d'autres femmes et on a dit: Nous autres, on veut
une caisse de stabilisation de l'emploi pour tous les ouvriers et
ouvrières qui perdent leur emploi à cause de changements
technologiques. La machine et le robot qui font économiser de l'argent
à l'employeur appartiennent à toute l'humanité. C'est la
connaissance qui appartient à toute l'humanité. Ceux qui font de
l'argent avec ces machines-là, il faut qu'ils versent des dividendes
à la classe ouvrière pour qu'elle se recycle et fasse autre
chose. Est-ce bien dur à comprendre? Non, pourtant. Non. Mais il faut
que vous fassiez des lois avec des dents à un moment donné. Il
faut que cela se fasse, une caisse de stabilisation de l'emploi.
Si vous preniez une petite partie du profit du patronat pour le verser
aux gens pour qu'ils s'organisent...
Le Président (M. Bélanger): En conclusion,
madame.
Mme Lalanne: C'est tout?
Le Président (M. Bélanger): Malheureusement.
Mme Lalanne: Mon Dieu Seigneur! En tout cas, retenez au moins le
PRET et l'esprit dans lequel on est. On a confiance, on attend et on vit dans
l'espérance qu'il se fasse quelque chose très rapidement.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie,
madame. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie Action-chômage,
Mme Lalanne, M. Daigneault et M. Truchon. Votre député m'avait un
peu prévenu du langage que vous alliez tenir devant la commission. Je
tiens à vous en féliciter.
Le mémoire que vous nous avez présenté est positif.
On repariera du PRET que vous ne voulez pas que j'oublie. Je n'ai pas
oublié une phrase que vous avez dite vers la toute fin, lorsque vous
avez demandé: Est-ce que vous voulez gérer la pauvreté ou
la combattre? Je pense qu'il s'agit là d'un élément
essentiel de la proposition qu'on a devant nous, mais il faut s'entendre sur
certaines données de base. On aura certaines divergences, vous et moi,
mais je ne parlerai pas trop longtemps pour laisser à votre
député un peu de temps pour intervenir aussi; il ne me l'a pas
demandé, il l'a exigé, comme il le fait d'habitude dans les
autres dossiers également. (10 h 30)
L'employabilité, c'est important. Quant à l'aide sociale,
je vais recommencer la semaine comme j'ai fini l'autre semaine, en vous
demandant quelle est notre clientèle. Ce n'est pas une clientèle
facile. J'ai compris de vos actions que vous avez l'occasion d'intervenir assez
souvent dans ce qu'on appelle la partie chômage auprès du
gouvernement fédéral. Mais, généralement, la
majorité de notre clientèle à l'aide sociale a
traversé l'assurance-chômage douze mois avant d'arriver chez nous.
C'est 60 % de notre clientèle. Parmi cette clientèle, environ 40
% sont des gens qu'on appelle des analphabètes fonctionnels. Lire et
écrire, c'est la base d'une société pour avoir au moins
une chance, à un moment donné, de faire quelque chose, au moins
de lire une offre d'emploi dans le journal quand il y en a 60 % qui n'ont pas
fini leur secondaire; ils ne sont pas tous aptes à le finir, mais c'est
une grosse proportion qui n'a pas fini son secondaire.
40 % n'ont pas passé par l'assurance-chômage parce qu'ils
n'ont aucune expérience antérieure de l'emploi. Ils ne
possèdent pas la culture de l'emploi, ils n'ont jamais
travaillé.
C'est là que des groupes comme le vôtre peuvent nous aider,
mais il faut que vous connaissiez bien cette clientèle et vous dire
qu'elle est encore plus difficile. Et je pense que vous êtes conscients
que la clientèle sur l'assurance-chômage, qui a déjà
occupé un emploi par définition, qui est plus scolarisée,
etc., est celle qui a le plus de chance de retourner sur le marché de
l'emploi. On est vraiment pris, nous autres et vous autres, avec les cas les
plus difficiles à replacer sur le marché de l'emploi et c'est
l'effort que nous voulons faire.
On pourrait se dire comme gouvernement, comme on l'a fait dans le
passé, et là, je ne parle pas de parti politique: On va leur
envoyer un chèque par mois, on va avoir la conscience tranquille et on
va les oublier. C'est ce que j'appelle, quand on les oublie, gérer la
pauvreté. Leur envoyer un chèque et les laisser là, c'est
gérer la pauvreté. S'en sortir, bien, c'est de relever des
défis. Au gouvernement, on n'est pas capable de relever les défis
tout seul. Cela a été dit par à peu près tous les
groupes qui sont venus, soit les groupes communautaires, le patronat, le
syndicat. Cela prend la participation de tout le monde pour relever un
défi de cette ampleur.
Mais des jobs, il s'en crée au Québec. C'est
peut-être nouveau. On a vécu une période de perte
d'emplois. Mais l'an passé au Québec, il s'est créé
plus de 100 000 emplois, 122 000 pour être exact, et pas tous des emplois
qu'on qualifie de précaires ou non sécurisants, etc. La
quasi-totalité des emplois qui se sont créés l'an
passé ont été des emplois permanents. C'est le genre
d'emplois que le gouvernement tente d'inciter le secteur privé à
créer. On veut donner une chance aux gens qui bénéficient
de l'aide sociale, avec votre collaboration, d'avoir une chance d'occuper ces
emplois.
On est conscient de ce que vous nous dites quant au resserrement, et on
l'a mentionné dans notre document, des critères à
l'assurance-chômage qui déplace une clientèle, quand on
resserre les critères, vers l'aide sociale. Mais, malgré cela, je
peux vous dire que depuis notre arrivée au gouvernement, et on ne
s'entendra pas là-dessus parce que je pense que vous aviez l'impression
contraire, notre clientèle qui bénéficie de l'aide sociale
n'a pas augmenté. Elle a diminué de quelque 100 000 personnes,
c'est beaucoup, malgré ce resserrement. Elle aurait diminué
davantage s'il n'y avait pas eu ces resserrements de l'assurance-chômage,
elle aurait peut-être diminué de 200 000. Malgré tout cela,
on a quand même diminué notre clientèle d'environ 100
000.
Ce que vous me dites finalement c'est: On ne veut pas de "jobines", on
veut avoir des "jobs" et repensez votre PRET. Vous regarderez bien
attentivement, pas avec le même titre, pas avec le même nom mais
dans notre politique de sécurité du revenu, à la page 33,
on vous parle d'un programme qui rejoint à peu près les
objectifs. À la page 33, à l'avant-dernier paragraphe on dit:
"Pour les bénéficiaires les moins qualifiés, l'insertion
au marché du travail devra se réaliser selon un mode plus souple
et plus graduel. À ce titre, il pourra être envisagé
d'offrir à toute personne, selon le mode du "Grant diversion"
américain, la possibilité de convertir sa prestation en
subvention salariale,..."
Je pense qu'on se rejoint sur la méthode pratique. Maintenant,
comment l'appellera-t-on? Si on se souvient suffisamment de votre
témoignage et de votre intervention, on l'appellera peut-être le
PRET. Si on l'appelle autrement, et que cela rejoint les mêmes objectifs,
j'espère que vous ne nous direz pas qu'on l'a oublié.
Maintenant, j'aimerais savoir par votre expérience de travail
dans le milieu où vous oeuvrez, par les services que vous rendez
à votre communauté, quelles sont les proportions de vos
clientèles qui reçoivent de l'aide sociale par rapport à
ceux qui reçoivent de l'assurance-chômage, par rapport aux bas
salariés, des gens qui auraient des emplois à temps partiel, au
salaire minimum, etc? Est-ce que la majorité de votre clientèle
est formée d'assistés sociaux?
Mme Lalanne: Non, M. le ministre. La majorité de notre
clientèle est formée de personnes prestataires de
l'assurance-chômage qui ont de la difficulté à percevoir
des chèques à cause de leur ignorance ou de la complication des
lois. Il y a à peu près 5 % à 10 % de gens qui
bénéficient de l'aide sociale. Mais les
bénéficiaires de l'aide sociale qui viennent nous voir
habituellement ne sont pas longtemps là-dessus. C'est entre deux
emplois, c'est transitoire. C'est une catégorie de personnes
transitoires. Quant aux personnes inaptes au travail, on sait que c'est le plus
gros de votre ministère, nous n'en avons pratiquement pas.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Vous rendez service
à combien de personnes environ par mois ou par année?
Mme Lalanne: On reçoit 50 appels
téléphoniques par avant-midi, M. le ministre, et on reçoit
environ 20 personnes l'après-midi. Les seuls assistés sociaux
qu'on a véritablement, ce sont les jeunes. On parraine des projets de
jeunes. On avait une galerie d'art, une revue de bandes dessinées. Ce
sont des projets de jeunes, des travaux communautaires qu'on a
présentés en collaboration avec le ministère des Affaires
culturelles.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les expériences que vous
avez comme organisme de parrainage, pouvez-vous nous les décrire un peu
pendant que cela a fonctionné? Avez-vous fait
un suivi pour savoir si les gens qui avaient participé à
ces travaux chez vous se sont décroché, par la suite, des
emplois?
Mme Lalanne: On peut vous dire honnêtement que cela a
été positif et que les jeunes qu'on avait choisis étaient
parmi les plus "po-qués", excusez le mot, entre guillemets. On
s'était dit: Si on réussit quelque chose avec eux autres, on va
pouvoir prouver que tout le monde peut participer et bénéficier
de ces programmes. Cela a été positif, mais malheureusement on a
remarqué que les programmes ne duraient pas assez longtemps. On aurait
aimé cela, par exemple, que le programme Jeunes volontaires puisse durer
plus longtemps, au moins deux ans; pour les travaux communautaires, même
chose. C'était difficile de motiver les jeunes après que leur
programme soit terminé et qu'ils n'avaient pas encore finalement acquis
assez d'expérience. Je prends l'exemple de la bande dessinée La
tordeuse d'Épinal, par exemple, qui est un petit bijou. Avant qu'ils
puissent la vendre et la faire connaître, cela prend plus qu'un an. Il
faudrait qu'il n'y ait pas de limite de temps, deux, trois ans même.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous dire: Pas de limite
de temps, je trouve cela un peu...
Mme Lalanne: Peut-être une limite de temps de deux ans.
Mettons un minimum de deux ans, ce serait déjà pas si mal.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis prêt à en
discuter parce que pas de limite de temps, on a vécu des
expériences dans certains États américains où on a
créé une espèce de sous-catégorie de travailleurs
qui étaient demeurés sur des programmes jusqu'à leur
pension. Il faut éviter...
Mme Lalanne: Je suis d'accord avec vous pour cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...je pense, de tomber
là-dedans. Mais on prend...
Mme Lalanne: Je pense que deux ans.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Deux ans, ce serait votre
recommandation. Pour le moment, je vais laisser la parole à Mme la
députée de Maisonneuve. On y reviendra probablement avec votre
député qui a certaines questions précises également
à vous adresser.
Mme Harel: Combien de temps, M. le Président, le ministre
a-t-il utilisé? Combien de temps le ministre vient-il d'utiliser? Huit
minutes? Bon, parfait. Je vais utiliser le même temps et on fera
l'alternance.
Le Président (M. Bélanger): À votre
convenance, madame. Je vous en prie, allez-y.
Mme Harel: Je veux d'abord vous saluer. C'était vraiment
passionnant, Mme Lalanne, votre exposé. M. Daigneault et je crois que
c'est M. Lemieux, non M. Truchon...
Mme Lalanne: Truchon.
Mme Harel: ...qui êtes conseiller juridique.
Êtes-vous là à temps plein à Action-chômage,
M. Truchon?
M. Truchon (Pierre): Oui. Mme Harel: Oui.
M. Truchon: Oui, je suis à temps plein. J'ai justement
commencé avec le PRET. J'étais sur une liste d'attente à
l'aide sociale et j'ai commencé avec le PRET, et depuis ce temps, je
suis engagé. J'ai eu un an de subvention.
Mme Harel: Vous avez terminé votre licence en droit.
M. Truchon: Absolument pas. Conseiller juridique, c'est le titre
qu'on se donne, mais on a su par ailleurs qu'on pouvait se faire poursuivre par
le Barreau.
Mme Harel: Vous accompagnez des personnes, j'imagine, devant les
bureaux de révision.
M. Truchon: Exactement. On pourrait dire représentant
juridique devant les conseils arbitraux et devant le juge-arbitre.
Mme Harel: Très bien. Mme Lalanne, vraiment vous
êtes quelqu'un à connaître. Je suis d'un quartier du bas de
la ville de Montréal où il y a, comme vous, des femmes qui savent
très bien faire comprendre à la fois dans l'ensemble, parce que
vous nous avez décrit la globalité d'un système et, en
même temps, vous nous avez bien fait sentir, je pense, l'impact humain
que cela pouvait avoir sur les personnes. Le ministre vous faisait part
tantôt qu'il y avait eu beaucoup de création d'emplois et je pense
qu'il a raison. Ce qu'il faut lui rappeler, c'est qu'il y a eu beaucoup de
création de chômage et que, finalement, les deux colonnes
finissent malheureusement presque par s'annuler. Quand vous pariiez des 8,6 %,
c'est évidemment en fonction du fédéral parce qu'ici au
Québec, c'est encore 9 %, même dans les meilleurs moments et ces
moments, d'aucuns qui ne sont pas les plus pessimistes mais disent-ils
réalistes, voient un ralentissement à court ou à moyen
terme.
Ce taux de chômage, c'est 9,8 %. Là encore, quand on
regarde les taux d'occupation, c'est-à-dire la proportion de la
population active sur l'ensemble de la population, on voit que cela a
à
peine changé au fil des dernières années, des
dernières décennies. Donc, ce que vous dites est vrai.
C'était saisissant la façon dont vous nous l'exprimiez, ces
mutations technologiques, ces grands changements. Par exemple, je pense
à Québec, Sears s'en va. Alors, Sears c'est combien d'emplois
à Québec, l'entrepôt de Sears? Je pense que c'est plus
d'une centaine, et en particulier, je crois, beaucoup de femmes qui y ont
honorablement gagné leur vie sans avoir une formation académique
à tout casser.
Ce matin, j'entendais qu'une entreprise de pointe, technologiquement
très avancée, s'en vient s'installer pour fabriquer je ne sais
trop quoi en matière de santé. C'est passionnant, mais j'ai bien
hâte de voir combien d'emplois cela va créer et,
évidemment, s'il y aura du recyclage possible pour les employés
de Sears à cette nouvelle entreprise. Je pense que de poser la question
c'est y répondre. Je crois bien que ce serait même ridicule de
continuer à se poser la question parce que c'est évidemment
non.
C'est cela, d'une certaine façon, le nouveau défi. Dans
votre mémoire, je pense que c'est à la page 5, je crois - oui -
vous parlez de toute cette question du salaire minimum. Là, je tiens
pour acquis, à la fin de la page 4, quand vous dites: "Nous ne saurions
souffrir aucune réduction des barèmes actuels de l'aide sociale
qui est déjà plus qu'insuffisante. Toute réduction serait
interprétée comme une mesure punitive s'adres-sant à une
certaine catégorie de personnes qui n'est en rien responsable de la
situation économique actuelle". Je comprends que c'est le coeur de votre
point de vue. À la page 5, vous nous amenez une sorte de, je ne dirais
pas de recommandation, enfin c'est plus suggestif qu'autre chose.
Je vais vous interroger, Mme Lalanne, sur PRET. Vous avez parlé
de PRET, j'ai pensé... Je n'ai pas pensé à vous, M.
Truchon, mais là je me rends compte que cela a donné quelque
chose, PRET, cela a été intéressant, vous en êtes un
exemple vivant.
Par ailleurs, je pense que le ministère devrait rendre publiques
les études qui ont été réalisées sur le
PRET. Pourquoi avoir abandonné PRET à l'époque? Il y a
sûrement eu des études. L'hypothèse que j'en ai, c'est que
lorsque le salaire était versé durant un an - la moitié du
salaire était versée - dans bien des cas, pas à
Action-chômage, mais dans la majorité des cas, une fois
l'année terminée, la personne était remerciée et
remplacée par un nouveau bénéficiaire. L'employeur
trouvait cela payant de pouvoir profiter de la moitié de la subvention
salariale. S'il gardait l'employé, il ne pouvait plus en profiter. La
meilleure façon, c'était de recommencer avec un autre. Cela est
un problème. Je suis certaine que vous aviez pensé à
cela.
L'autre problème, vous avez dit 12 000 $; alors comme cela, 6000
$, par exemple, plus ou moins, 5844 $ qui servent à l'aide sociale,
plutôt que de les donner à ne rien faire, le travail c'est la
santé, vaut mieux les donner pour faire travailler. Mais vous, vous avez
parlé de 12 000 $. Quand le ministre parle, à la page 33, du
programme américain "Grant diversion", ce n'est pas
nécessairement des 12 000 $ dont il parle; je pense qu'il parle plus
autour du salaire minimum. Le salaire minimum, c'est 689 $ par mois. Si
quelqu'un s'en va... Il peut parler d'autre chose. REXFOR: II va
peut-être nous dire qu'à REXFOR il a trouvé un exemple,
mais on sait très bien que pour les stages en entreprise, pour ce genre
de choses, ce sont des PME dans la majorité des cas et elles engagent
déjà pour la plupart au salaire minimum. Là j'ai de beaux
chiffres - je ne les donnerai pas tout de suite, mais ce sont des chiffres qui
nous viennent du Conseil d'intervention des femmes au marché du travail
- qui démontrent que la majorité des nouveaux emplois
étaient au salaire minimum. Alors, si c'est au salaire minimum, cela
veut dire que l'allocation de bien-être de 487 $ est envoyée
à l'employeur et lui, pour un nouveau travailleur, il a 200 $ à
débourser pour les quatre semaines d'ouvrage, 50 $ par semaine,
c'est-à-dire 10 $ par jour, cela ne veut même pas dire 1 $
l'heure.
Je ne sais pas si c'est cela dont vous parlez, mais je pense qu'il faut
être bien clair pour que le ministre sache, quand vous parlez de votre
programme, que ce n'est peut-être pas le sien, même s'il porte le
même nom. Là, il m'a inquiétée quand il dit: On
l'appellera PRET. Je me suis dit: Je ne suis pas sûre que cela ferait
l'affaire de Mme Lalanne si ce n'est pas vu de la même façon.
J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Lalanne: M. le ministre... Mme Harel: On va la laisser
dire.
Mme Lalanne: ...on a remarqué, de toute façon, que
c'étaient les gens qui travaillaient au salaire minimum qui
travaillaient tout le temps au maximum et on aimerait bien que le salaire soit
remonté. C'est pour cela qu'on a mis 12 000 $. Avec le salaire minimum,
on survit à peine et...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voudrais juste, avec
l'autorisation de Mme la députée, préciser que ce que vous
nous demandez, ce n'est pas de donner 12 000 $, c'est ce que l'on donne en aide
sociale, de le transformer en paiement de salaire...
Mme Lalanne: Le programme...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...et que le "boss" ajoute.
Mme Lalanne: ...PRET...
Mme Harel: Non, non, écoutez-la bien!
Mme Lalanne: ...M. le ministre, ce n'était pas la
prestation d'aide sociale...
Mme Harel: Écoutez-la bien, M. le ministre. (10 h 45)
Mme Lalanne: C'était la moitié du salaire que
l'employeur donnait à l'employé, quel qu'il soit. On a
suggéré 12 000 $ parce qu'on trouve que c'est un beau montant;
parce qu'à ce moment-là, même si l'employeur donne 12 000
$, vous ne dépassez pas le montant de l'aide sociale annuel. Plus bas
que cela, ce serait indécent et cela ne vaudrait pas la peine
d'encourager l'entreprise qui ne veut pas faire sa part. Cela ne vaudrait
surtout pas la peine.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On comprend la même
chose.
Mme Harel: On comprend la même chose, Mme Lalanne, mais ce
n'est pas "Grant diversion". "Grant diversion", c'est exactement le contraire.
C'est l'aide sociale qui sert à aller payer du "cheap labour" au salaire
minimum. C'est cela, le "Grant diversion", ce n'est pas comme vous le
suggérez, quelqu'un qui se trouve un emploi à 11 000 $ ou 12 000
$■ Le salaire minimum, ce n'est même pas 12 000 $, c'est 689 $ par
mois. Si on fait un calcul rapide - je ne suis pas bonne comme le petit gars
qui était à l'émission de Gillet ce matin - c'est à
peu près 8000 $. On est loin du compte. Il faut être bien clair
là-dessus.
Vous savez, parfois, il y a des confusions sur le plan des mots et c'est
sur le plan des moyens qu'on ne se retrouve plus. Vous l'avez dit abondamment
dans votre mémoire, pour les grands principes, tout le monde s'entend.
Le principe que le travail est la santé, la question est de savoir si le
travail ne va pas rendre plus misérable, s'il va pouvoir faire sortir de
la pauvreté.
Mme Lalanne: II faut absolument qu'il sorte de son statut
d'assisté social pour faire partie du PRET, qu'il devienne un
travailleur subventionné. C'est différent, ce n'est pas un
assisté social qui devient une banque de "cheap labour" pour les
employeurs, ce n'est pas cela du tout, il n'est plus assisté social.
C'est un travailleur ou une travailleuse dont la moitié du salaire est
subventionné. C'est cela qui existait avant et c'est ce qu'on
redemande.
Mme Harel: Vraiment, je vous remercie beaucoup, Mme Lalanne. Je
suis bien contente que le ministre dise avoir bien compris, comme cela, on va
bien s'entendre. Ce n'est pas un assisté social qui reste sur les listes
et qui fait l'objet d'un contrôle, etc., c'est un travailleur dont
l'employeur reçoit une subvention.
Il me reste deux minutes? D'accord. À la page 5, vous nous dites
des choses intéressantes. D'autres l'ont dit en d'autres mots, vous
dites: "Nous vous en suggérons une précise et qui nous semble
raisonnable..." Vous citez le salaire minimum, "...il s'obligera lui-même
à faire de grands et réels efforts pour remédier à
la cause même qui ne cesse de surcharger la liste des assistés,
c'est-à-dire le manque évident d'emploi". Vous avez parlé
du nettoyage des berges du Saint-Laurent, des emplois dans le domaine de
l'environnement, etc. Considérez-vous que l'État doit se donner
une politique d'emploi, doit générer, être créateur
d'emplois, de vrais emplois qui seraient socialement utiles dans certains
domaines? À quelles conditions? J'aimerais vous entendre
là-dessus.
Mme Lalanne: À la condition, comme vous venez si bien de
le dire, Mme Harel, que ce soit du travail utile à la population ou des
services essentiels. Évidemment, l'entreprise privée est
là pour faire des profits ou faire des objets de luxe qu'on est libre ou
non d'acheter. Mais concernant les biens essentiels, je pense que l'État
a une grande responsabilité à assumer de ce côté.
Prenons juste l'exemple écologique que vous venez si bien de souligner,
ce serait tellement facile, même des analphabètes peuvent ramasser
des papiers et ils seraient fiers de voir qu'au moins ils sont dans un
environnement sain et propre.
Mme Harel: Vous voyez des espèces de grands programmes
d'emploi dans certains secteurs de l'activité gouvernementale, par
exemple, qui permettraient d'offrir un travail à des personnes qui ne
pourraient pas l'obtenir de l'entreprise privée.
Mme Lalanne: En collaboration avec les organismes du milieu, que
ce soit les syndicats, les groupes populaires ou même le patronat,
évidemment.
Mme Harel: Ou les MRC, par exemple.
Mme Lalanne: Oui, oui.
Mme Harel: Les MRC dans les régions.
Mme Lalanne: Oui, oui.
Mme Harel: D'accord.
Mme Lalanne: Je ne vois pas le gouvernement employeur
détenant le monopole de tout. C'est très important que la
population soit impliquée là-dedans, les jeunes
concernés.
Mme Harel: Merci, Mme Lalanne, je reviendrai plus tard. Je vais
laisser à l'autre formation le soin de continuer.
Le Président (M. Bélanger): Du côté
ministériel.
M. Leclerc: Merci, Mme Lalanne, M. Dai-gneault, M. Truchon, je
voudrais vous féliciter pour le sérieux et ia clarté de
votre mémoire. Je veux aussi profiter de l'occasion pour vous
féliciter du travail que vous faites dans le comté et dans la
région. Avec, somme toute, des moyens fort réduits, vous
réussissez à aider beaucoup de nos concitoyens et je pense qu'il
est d'usage qu'on profite de l'occasion pour vous féliciter.
J'apprécie dans votre mémoire que, de façon
très claire, vous disiez: Pour APPORT, on est d'accord, pour le Soutien
financier, on est d'accord, mais on a des réserves sur les neuf premiers
mois. Pour APTE, vous êtes d'accord, quoique vous ayez certaines
réserves, notamment sur les stages en entreprise à l'égard
desquels vous sembiez dire qu'il faudrait peut-être davantage
circonscrire le programme pour être sûr que l'employeur n'en
bénéficie pas outre mesure et ne remplace pas des emplois par des
stages. Là-dessus, on vous suit. Et vous avez profité de
l'occasion pour nous parler de PRET et je suis sûr que le ministre a pris
bonne note de vos paroles.
Nous avons, au cours des deux dernières années,
discuté à maintes reprises des problèmes des occasionnels
au gouvernement et je pense que c'est normal que, comme gouvernement, il y ait
un minimum d'harmonisation dans les décisions que nous prenons. Qu'on
fasse une réforme de l'aide sociale, soit! Je pense que tout le monde
l'attend. Mais que, d'autre part, nos directions de personnel prennent des
décisions logiques et cohérentes qui ne défassent pas ce
qu'on veut faire avec notre réforme. Je pense que c'est le temps d'en
discuter lorsqu'on parle de réforme d'aide sociale. Et, j'aimerais vous
demander, d'une façon non scientifique... quel est l'état de la
situation. Est-ce qu'au moment où on se parle, cela va mieux avec les
différents ministères? Parce qu'on sait que le gouvernement est
le principal employeur dans la région de Québec. Ou est-ce que
c'est comme avant? Est-ce que c'est pire qu'avant, la situation des
occasionnels qui sont embauchés par le gouvernement et à qui il
manque deux jours, cinq jours ou une semaine et qui, au lieu de pouvoir
bénéficier dignement de l'assurance-chômage qu'ils ont
payée - parce que souvent ce sont des occasionnels cycliques qui sont
réengagés l'année d'ensuite, notamment au ministère
du Revenu - bien ils se retrouvent à l'aide sociale? Et vous l'avez dit.
Vous êtes d'accord avec nous. C'est un régime de dernier recours.
Je pense qu'il serait bon que vous profitiez de l'occasion pour faire un
état de la situation au ministre.
Mme Lalanne: Cela me fait plaisir, M. le député, de
répondre que depuis que vous vous en êtes mêlé, cela
va beaucoup mieux et qu'ils font bien attention et que je les menace de vous
téléphoner quand il y a des cas qui accrochent. C'est la
situation. Mais on a eu beaucoup de fil à retordre à ce
chapitre-là. C'était vraiment incroyable de voir arriver dans nos
bureaux des gens à qui il manquait une semaine ou deux. Une
année, on en a fait réintégrer 18. Mais c'est une bataille
qu'on a menée. On n'a pas d'énergie à dépenser pour
des insignifiances comme cela. Je remercie encore M. le député
Lecferc qui nous aide tellement et qui nous aide à tout moment du jour,
aussitôt qu'on l'appelle.
On a bien de la difficulté, par exemple, dans les bureaux d'aide
sociale, M. le ministre, si je peux rajouter cela, à définir ce
qu'est un cas d'urgence. Semble-t-il qu'il faut quasiment avoir un enfant dans
les mains pour arriver là et être considéré comme un
cas d'urgence. On sait que le cas d'une personne qui a un enfant dans les mains
en est un d'urgence. Mais il y a d'autres personnes aussi qui n'ont pas
d'enfant et qui crèvent de faim et qui veulent avoir un prêt. Ne
serait-ce qu'un prêt en attendant que l'assuran-ce-chômage
débloque. Des fois c'est long comme l'a si bien expliqué Pierre
Truchon tantôt, il faut faire appel à l'arbitrage. Cela prend bien
de trois semaines à un mois. Le chèque est coincé dans
l'ordinateur. Si vous voyiez tout ce qui se passe dans ce bureau-là, les
cheveux vous en dresseraient sur la tête. Les gens ont été
rejetés par l'ordinateur. C'est à ce point-là. Ils n'ont
rien eu depuis deux mois, trois mois, lis sont à la veille d'être
évincés de leur logement, ils n'ont plus rien à manger. On
en est rendu à distribuer des sacs de nourriture dans ces
familles-là. Est-ce que vous ne pourriez pas donner le mot d'ordre, s'il
vous plaît, je vous en supplie très respectueusement d'ailleurs,
de bien vouloir considérer la personne qui n'a plus rien à manger
comme un cas d'urgence. On s'est battu dernièrement pour une dame qu'on
ne nommera pas ici. J'ai téléphoné
désespérément au député Leclerc qui est venu
à bout de la laisser passer. Mais, mon Dieu, que de combats inutiles!
Ils ne savent pas ce qu'est un cas d'urgence. J'ai posé la question
à un directeur du bureau. Il a dit: Je ne sais pas. J'ai dit:
Pourriez-vous consulter un livre? Pourriez-vous consulter quelque chose? Je
vous dis que c'est un cas d'urgence. Elle ne mange pas depuis une semaine. Elle
crève de faim. Elle a les yeux sortis de la tête. Je suis
obligée d'aller lui porter ces pillules chez elle. Elle n'a plus
d'argent pour prendre l'autobus. C'est un cas d'urgence. Et on ne vous demande
qu'un prêt en attendant que l'assurance-chômage soit
rétablie. Parce que pour cela, comptez sur nous! On gagne de 85 %
à 90 % de nos causes. Donc, on avait raison. Un cas d'urgence, s'il vous
plaît, si vous voulez mettre cela dans...
M. Leclerc: Je pense que vos remarques à cet
égard-là sont fort pertinentes. Vous parlez de l'arbitraire de
certains fonctionnaires et vous suggérez - c'est ce que je trouve
intéressant - que les fonctionnaires travaillant dans les bureaux de
Travail-Québec soient recrutés de façon
particulière parmi la clientèle de l'aide
sociale.
Une voix: Bien oui.
M. Leclerc: Je pense que vous touchez là un point
intéressant puisque ces gens, ayant fait partie de la clientèle
bénéficiaire de l'aide sociale, sont probablement très
bien placés pour comprendre ceux à qui ils devront rendre des
services par la suite. Je pense que le ministre prend bonne note de cela.
Quoi qu'il en soit, notre réforme a besoin des fonctionnaires,
elle a besoin du réseau Travail-Québec pour bien fonctionner. Ne
croyez-vous pas qu'il y a moyen d'impliquer dans notre réforme des
groupes communautaires, les SEMO notamment, quand vient le temps... Je pense
que vous l'avez dit, nous sommes prêts à organiser des travaux
communautaires et même peut-être à aller plus loin pour
pouvoir aider les gens à cheminer ou pour décider si cette
personne devrait faire un stage ou un retour aux études. Est-ce qu'on
pourrait impliquer les organismes communautaires?
Mme Lalanne: J'aimerais que Marc réponde à cette
question vu qu'il est le spécialiste du SEMO.
M. Daigneault (Marc): Je vais plutôt parler de mon conseil
d'administration. Étant une corporation il compte deux volets. Il y a un
volet, le SEMO, où il y a une subvention du ministère de M.
Paradis, et un autre volet où on a le développement de l'emploi,
la création d'emplois et la création de coopératives. On a
vu, au cours des dernières années, la création d'une
coopérative d'artistes, Artis, et d'une coopérative de coiffure,
Libre expression, qui a malheureusement fermé dernièrement. Comme
conseil d'administration, on a vraiment développé un secteur
où on veut créer des emplois avec des jeunes du milieu. Je pense
que des organismes communautaires peuvent jouer un rôle efficace dans ce
secteur. Comme le soulignait Mme Lalanne tantôt, ce ne sont pas les
idées qui manquent, et ce ne sont pas les gens qui n'ont pas d'emploi
qui manquent non plus. Ce sont toujours les délais et les normes
à l'intérieur desquels il faut oeuvrer. On a eu un bel exemple
à partir du projet du CLSC, soit les 99 emplois. C'est un projet qu'on a
mené pendant quatre ans pour arriver à des résultats, oui,
mais qui nous décevait aussi sur un certain point. Ce n'était que
le quart de ce qu'on voulait faire. Tous les problèmes étaient
causés par les directives administratives ou à cause de cadres
à l'intérieur desquels ces demandes doivent être faites. Je
ne sais pas ce qui pourrait être fait dans ce sens, mais il y a, quelque
part, des directives qui définissent les cadres dans lesquels on peut
demander des subventions et qui empêchent les organismes de vraiment
faire le maximum de ce qu'ils pourraient faire dans ce domaine. C'est ce que
j'ai vu au cours de mes cinq années de pratique dans le domaine de la
création d'emplois. Cela a toujours été comme ça.
On a toujours été confrontés à cela.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci. Il me reste huit minutes. Il y a au moins trois
aspects différents que je voudrais traiter avec vous. Le premier, c'est
la question des neuf premiers mois. Vous dites que c'est là qu'il
faudrait mettre plus d'argent. Et le ministre va vous dire que c'est dans ces
neuf premiers mois qu'il y en a 40 % qui sortent d'eux-mêmes du
système parce qu'ils se trouvent un job. Mais il y en a 60 % qui ne s'en
trouvent pas. Parce qu'il y en a 40 %, il dit: On peut les laisser faire
pendant ce temps-là. Vous, vous dites: Non, c'est à ce
moment-là qu'il faut en mettre plus. Je me demande - c'est la question
qu'on peut se poser et je vous la pose aussi, puisque vous avez la connaissance
des deux systèmes - si ce n'est pas aussi, d'une certaine façon,
durant les 52 semaines de chômage, au moment où il y a toute la
dynamique de la personne qui veut se mobiliser pour ne pas tomber sur le
bien-être, et si, dans le fond, le Québec n'aurait pas
intérêt à récupérer des points d'impôt
ou n'importe quoi, mais à faire en sorte qu'il puisse harmoniser ses
propres politiques pour n'en avoir qu'une seule qui couvre l'ensemble. C'est la
première chose. (11 heures)
Mme Lalanne: C'est ce que j'appelle un renforcement positif, Mme
Harel. Au lieu de pénaliser la personne qui ne trouve rien et qui est
négative, si on lui donne plus, c'est plus encourageant et elle se met
au positif. C'est un état d'esprit. Qu'est-ce que la
disponibilité? C'est une intention privée, une intention
intérieure que personne ne peut voir; c'est une motivation à
travailler. Cela fait partie de l'instinct de conservation. Je me dis qu'au
moins on mette un entourage propice et qu'on donne des conditions requises pour
que la personne puisse foncer. Je vous dis que chercher un emploi, c'est tout
un combat. Vous affrontez, finalement, le marché du travail et le
chômage parce que des emplois, il y en a. Je suis contente d'apprendre
qu'il y en a plus et qu'il y a moins d'assistés sociaux. Je suis
contente d'apprendre ça ce matin et je veux que ça diminue encore
et que les emplois soient encore plus nombreux. Mais, je dis que c'est au cours
des neuf premiers mois qu'une personne a une meilleure chance de se placer.
C'est notre expérience qui nous le dit. Je vois l'état d'esprit
de la personne qui vient de tomber - je dis encore "tomber" parce que c'est le
vrai mot - sur l'aide sociale et c'est déjà pas trop drôle
mais, au moins, sachant qu'elle a un soutien, qu'elle a l'argent
nécessaire pour se
déplacer, ça va être beaucoup plus facile, c'est
évident. À un moment donné, quand ça fait longtemps
que la personne bénéficie de l'aide sociale, déjà
elle parle moins fort, elle regarde plus bas, elle est habillée avec du
linge plus vieux et elle a même déjà maigri et pâli.
C'est à ce point-là. C'est ce qu'on voit, ce sont les
symptômes. Ce sont des symptômes que je n'aime pas voir chez des
gens, M. le Président, Mme Harel, M. le ministre, nos chers
députés, de voir des gens qui s'en vont en diminuant alors qu'on
devrait aller en fonçant.
Je vous dis: Pendant les neuf premiers mois, de grâce! donnez-leur
100 $ de plus par mois et vous verrez que, finalement, ça va vous
coûter moins cher et que les gens auront le plus de chances possible de
travailler. Je suis certaine de ça, à 100 %, pour l'avoir vu et
observé à maintes et maintes reprises.
Mme Harel: Mme Lalanne, vous avez raison en plus quand vous nous
décrivez les sympômes. Avant vous, au début de la
commission, l'Association des hôpitaux du Québec est venue plaider
des répercussions négatives des conditions sociales sur la
santé et de l'étroite relation entre les inégalités
sociales et, finalement, la maladie.
Vous nous avez parlé - j'aimerais vous interroger
là-dessus, à moins qu'il y ait autre chose, à la fin je
vous laisserai quelques minutes pour dire des choses que vous n'avez pas dites
et que vous voulez absolument dire - des jeunes de 18-20 ans. Je crois que
c'est dans votre mémoire. J'aimerais revenir sur ça avec vous.
Vous nous dites, je pense que c'est à la page 3, peut-être que
pour ceux dont les parents ont des revenus élevés: les jeunes de
18 ans ont l'âge de voter, sont libres de demeurer chez leurs parents
s'ils le désirent. Accordez aux parents des exemptions d'impôt en
conséquence... Vous voudriez que l'exemption d'impôt pour enfant
à .u-ge ayant moins de 18 ans, le parent puisse iavoir pour l'enfant
de plus de 18 ans. Je veux juste vous faire réagir au fait que beaucoup
de groupes sont venus ici et ont fait des recommandations. Je pense entre
autres à un groupe qui n'est pas venu, mais qui nous a envoyé un
mémoire, l'AFEAS, et qui nous dit: Les exemptions sont injustes. Par
exemple, une exemption de 1000 $ vaudra 60 $ pour un contribuable imposé
au plus bas salaire, mais la même exemption pourra valoir 340 $ pour
celui qui est imposé au taux le plus élevé. Cela veut dire
que le même enfant vaudra plus, même si ce n'est pas un enfant,
c'est un jeune adulte, si ses parents ont de hauts revenus et vaudra moins
s'ils ont de bas revenus.
De plus en plus, tous ces organismes-là, comme l'AFEAS, font des
recommandations pour un crédit d'impôt à tout adulte de 18
ans et plus, etc. Est-ce que ce n'est pas ce qui vous conviendrait le mieux?
Est-ce que vous y avez réfléchi ou si c'est...
Mme Lalanne: J'y ai réfléchi certain, Mme Harel.
J'ai deux enfants de 18 ans qui sont aux études et à partir de la
journée où ils ont 18 ans je ne peux plus les déduire de
mon rapport d'impôt. C'est à ce moment qu'ils me coûtent le
plus cher. Je ne trouve pas ça normal, certain. Eux, évidemment,
ne font pas de demande à l'aide sociale parce qu'ils ont des parents. Il
y a des parents qui ont moins d'argent que d'autres, hein? Et ils n'ont pas
plus de déduction d'impôt. De toute façon, ces
enfants-là ne peuvent même pas rester chez leurs parents parce que
le logement est trop petit, parce qu'ils n'ont déjà pas d'argent.
C'est pour ça que je dis que c'est important, si le jeune veut
absolument partir de chez lui - d'abord on ne l'empêchera pas, il y en a
qui attendent d'avoir 18 ans pour partir - qu'au moins, il ait droit à
l'aide sociale en attendant. Mais l'impôt devrait déduire,
évidemment, les montants des enfants qui préfèrent rester
chez leurs parents. Du reste, il y a aussi des enfants qui veulent rester chez
leurs parents. Les parents ne mettent pas les enfants à la porte
à 18 ans nécessairement. La plupart sont aux études et
restent chez leurs parents mais, au moins, que l'impôt en tienne compte
et qu'ils fassent des déductions normales.
Mme Harel: Vous savez, Mme Lalanne, il ne me reste que deux
minutes. En fait, quand les enfants sont aux études les parents peuvent
les déduire. Le problème c'est que, justement, c'est un peu
injuste selon le revenu de la famille parce que, pour une famille à
faible revenu, la déduction ne sera pas grand-chose, mais le jeune lui
coûte aussi cher qu'à une famille à haut revenu qui va
recevoir beaucoup de sa déduction. Alors toute la question, c'est:
est-ce qu'il ne faut pas s'en aller vers un autre système qui est un
système de crédit d'impôt, plutôt qu'un
système d'exemption? C'est une question que vous allez sans doute
examiner.
Une question, car votre expertise est importante. Il y a de plus en plus
d'échos qui me viennent; lundi, j'étais dans mon bureau de
comté dans Maisonneuve, dans mon quartier de l'Est de Montréal,
et je relisais dans L'AFEAS la même chose qui disait: Plus le
revenu du contribuable est modeste, plus les étapes sont complexes, plus
les grilles de calcul sont nombreuses, plus les formulaires..., en parlant de
l'impôt. Les gens me disaient: Cette année, cela n'a jamais
été aussi compliqué quand on a rien. Mais on dit: Vous,
c'est sûr, cela va être bien plus simple parce que vous avez eu une
grosse augmentation. Mais, quand on n'a pas grand-chose, cela devient
supercompliqué. Est-ce votre impression, à Action-chômage,
ave2-vous des réactions comme celles-là? Paraît-il que cela
a été plus compliqué que jamais au Québec, avec les
formulaires du Québec.
Mme Lalanne: II va falloir changer cela et, pour améliorer
la situation, je pense qu'on
devrait justement accorder des crédits d'impôt, mais les
accorder en fonction du revenu des parents, en fonction des revenus. Ceux qui
ne font pas beaucoup d'argent n'auraient même pas besoin de payer
d'impôt. C'est ça, l'affaire.
Mme Harel: Présentement, vous n'en faites pas de
formulaire d'impôt, hein? Vous ne faites pas de rapport
d'impôt?
Le Président (M. Bélanger): Votre temps est
écoulé, madame.
Mme Lalanne: Non, on ne fait pas de rapport d'impôt, nous
autres. On les fait faire.
Mme Harel: Vous les faites faire au CLSC?
Mme Lalanne: Au CLSC ou à la caisse populaire. Mais,
évidemment, ce n'est pas normal que ce soit plus compliqué pour
les pauvres que pour les riches.
Mme Harel: D'accord.
Mme Lalanne: Ceux qui n'ont pas d'argent ne devraient pas payer
d'impôt.
Le Président (M. Bélanger): Alors, il reste deux
minutes à la formation ministérielle. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je vais tenter de reprendre
les deux derniers points qui ont été soulevés, un par Mme
Lalanne et l'autre par M. Daigneault.
La question des cas d'urgence sur laquelle vous avez insisté,
j'en prends bonne note. Mais j'aurais des réserves, je vous le dis,
à les normaliser et à les encadrer parce qu'à partir du
moment où le gouvernement, par des directives - et cela va rejoindre a
contrario l'argument de M. Daigneault - normalise et encadre, on en oublie. Il
y a des cas d'urgence qui, lorsqu'on les oublie, demeurent quand même des
cas d'urgence, et il faut pallier ce problème. À ce
moment-là, on peut passer des directives pour que l'on fasse preuve de
souplesse, surtout dans des cas où des organismes comme le vôtre
ont acquis une crédibilité dans leur pourcentage de gain, etc.,
et qui représentent ces cas-là. Il s'agit peut-être de
penser en termes d'organismes qui seraient accrédités au
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
comme étant des organismes qui ont fait leurs preuves et qui
défendent les clientèles. Je retiens l'idée dans ce
sens-là.
M. Daigneault dit: Ce ne sont pas les idées qui manquent
et ce ne sont pas les sans-emploi qui manquent. Ce sont peut-être les
normes, les directives et l'encadrement qui font en sorte qu'on empêche
les idées et les sans-emploi de se rencontrer. À ce chapitre, ce
que je retiens de votre intervention, c'est qu'on ne pourra pas arriver seuls,
sans la collaboration indispensable des groupes communautaires, à
augmenter ce pourcentage de mariages entre les idées et les sans-emploi,
et qu'on devra, pour ce faire, diminuer nos normes. Mais ce n'est pas facile
non plus et je voudrais le souligner sur le plan politique. Il y a toujours un
exemple qui me revient en tête. J'étais dans l'Opposition à
cette époque; c'était dans le cadre du PECEC qui était
administré par celle qui m'a précédé;
c'était un programme expérimental de création d'emplois
communautaires et c'est l'exemple de Sept-îles auquel je
réfère, l'Oasis, etc.; sur le plan politique parce que ce
n'était peut-être pas suffisamment balisé, il y a eu ce
qu'on appelle en langage commun du "backlash" pour ceux et celles qui sont les
derniers responsables de l'application de ces programmes. Je pense quand
même que votre idée est bonne et, même s'il y a quelques cas
qui peuvent dérailler, cela vaut la peine de marier plus d'idées
avec plus de sans-emploi. Là-dessus on compte sur votre
collaboration.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée...
M. Daigneault: Je voudrais peut-être préciser mon
point de vue là-dessus, si vous me le permettez, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Rapidement, oui.
M. Daigneault: D'accord. On n'est pas contre les contrôles
que le gouvernement impose pour savoir ce qu'il fait avec son argent. Je suis
bien d'accord avec cela, il faut que le gouvernement fasse des contrôles
pour savoir ce qu'il arrive avec l'argent qu'il donne à des organismes
communautaires.
Le problème n'est pas là. Il apparaît vraiment quand
on commence à avoir une multiplication des contrôles. C'est
là qu'est le problème. Quant à moi, que ce soit comme
directeur de SEMO ou comme organisme qui s'occupe de création d'emplois,
je suis d'accord pour rendre des comptes aux personnes qui nous subventionnent.
Il n'y a pas de problème là-dessus. C'est la surmultiplication
qui devient inutile à un moment donné.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve, si vous voulez remercier nos
invités.
Mme Harel: Cela a été extrêmement
intéressant. Je dois vous remercier pour la façon dont vous nous
avez présenté aussi votre point de vue. Vous savez qu'on doit
être rendu au 50e...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Au 41e.
Mme Harel: Au 41e. Pourtant, c'était encore
nouveau cette fois-ci. C'est quand même intéressant. Je
suis aussi contente d'apprendre que le député Leclerc est si
efficace. Quand j'aurai des problèmes parfois, j'irai aussi, je lui
téléphonerai.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens à remercier, au
nom de la formation gouvernementale, le groupe Action-chômage et ses
représentants pour les témoignages que vous avez rendus devant
cette commission. Je vous dirai que vous êtes sans doute un des groupes
qui sollicitez beaucoup, sinon abusez de votre député. Je vous
dirai aussi que votre député abuse également des
ministres, mais que cela fait partie des combats qu'il faut sans cesse
mener.
Mme Lalanne disait à un moment donné: Ce sont
toujours des combats qu'on a à mener. Je ne vous dirai pas que les
solutions que nous apportons vont mettre fin aux combats qui doivent continuer
d'être menés. Ce que nous proposons, c'est de tenter
d'améliorer la situation, mais nous vous prévenons et nous sommes
d'opinion que les combats devront toujours continuer et nous vous encourageons
à toujours continuer les combats.
Le Président (M. Bélanger): La Commission des
affaires sociales remercie le groupe Action-chômage de sa
présentation et invite a la table des témoins le Collectif
formation travail du Kamouraska, Rivière-du-Loup, Témiscouata et
des Basques - c'est bon de mémoire. Si vous voulez prendre place
à la table, nous allons commencer dans quelques minutes. Nous suspendons
pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 12)
(Reprise 11 h 16)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
J'invite à la table des témoins, le Collectif formation
travail du Kamouraska, Rivière-du-Loup, Témiscouata et des
Basques. J'ai visité votre région un jour. J'ai fart le tour.
C'est pour cela que je les ai toutes retenues.
Vous connaissez nos règles de procédure. J'inviterais
votre porte-parole à nous présenter d'abord ses collègues
qui l'accompagnent, et à présenter son mémoire ou le
résumé. Vous avez 20 minutes fermes. On ne pourra pas
excéder, compte tenu de l'heure. Donc, 20 minutes, et une période
d'échanges s'ensuivra avec les parlementaires. Je vous inviterais donc
à vous présenter, à présenter vos
représentants et à présenter votre mémoire.
Merci.
Collectif formation travail du KRTB
M. Lebel (Harold): M. le Président, M. le ministre
Paradis, Mme Harel, les membres de la commission, mon nom est Harold Lebel. Je
suis président du Collectif formation travail du KRTB dont l'emplacement
est situé à Saint-Cyprien, dans une campagne du
Bas-Saint-Laurent. Je vais vous présenter les gens autour de moi. Ici,
il y a Jean-Yves De LaDurantaye qui est coordonnateur du Collectif formation
travail.
Le Président (M. Bélanger): Je demanderais le
silence dans la salle par respect pour nos invités, s'il vous
plaît. Continuez.
M. Lebel: II y a aussi Gaston Lagacé, qui est membre du
conseil d'administration du Collectif formation travail. Ici, Raymond Cadrain
qui est collaborateur au collectif.
Le Collectif formation travail du KRTB considère important
d'exprimer sa position sur cette politique de sécurité du revenu.
Nous tenions à venir malgré le fait que ce soit un peu
impressionnant, les lieux et tout cela. Et l'accessibilité aux lieux,
n'est pas évidente tout de suite. Mais on tenait quand même
à venir. Avec le peu de temps qu'on a eu quand même pour
écrire un peu sur nos positions, je pense que c'était important
qu'on vienne en discuter avec vous. Nous trouvons important de le faire,
principalement à cause de notre implication auprès des jeunes de
15-30 ans et de notre expérience sur l'employabilité et
l'intégration sociale.
Vu que la réforme aura un impact important chez les jeunes, nous
croyons que M. le ministre a à coeur autant que nous le désir et
la volonté d'améliorer le sort des jeunes. Ce dont on va vous
faire part sera surtout axé sur notre expertise dans le domaine de
l'employabilité. Ce sera surtout sur les mesures que vous proposez pour
améliorer l'employabilité que nous allons nous attarder. Nous
allons aussi présenter notre organisme, son expérience sur
l'employabilité, notre vision de la réforme et des pistes de
solutions, qui resteront quand même des pistes de solutions, qu'on
envisage. Avant de laisser Jean-Yves De LaDurantaye vous parler du Collectif
formation travail en lui-même, j'aimerais faire un petit tour d'horizon
de la situation économique du milieu. Dans la région du KRTB, le
taux de chômage chez les 15-24 ans, représentait environ 28 % en
1981. Ce pourcentage n'a pas tellement changé aujourd'hui. Cela oscille
toujours autour de 30 % au niveau des 15-24 ans.
Il n'est pas rare aussi de trouver des jeunes qui ne sont plus
recensés, qui ne travaillent plus, qu'on ne retrouve plus nulle part. La
structure économique régionale de l'emploi ne permet pas ou peu
l'accessibilité à l'emploi. En effet, la majorité des
entreprises est concentrée dans les centres urbains. On peut parler de
Rivière-du-Loup, La Pocatière ou encore Cabano, alors que
beaucoup de jeunes sont en milieu rural. Le concept de mobilité de la
main-d'oeuvre est souvent galvaudé. De plus, les emplois sont
saisonniers dans bien des cas et pas suffisamment alléchants pour
être comblés. Dernièrement, le ministre Paradis mentionnait
que l'écart entre les prestations et le salaire devait être plus
grand. Nous sommes d'accord, mais dans le mémoire, on va vous informer
que nous sommes d'accord, mais pas vers le bas comme il le propose.
Quant à la formation, il y a aussi des choses. Un graphique dans
le mémoire démontre que la situation de la formation en milieu
rural n'est pas tellement rose. On peut remarquer que peu de gens ont un
diplôme. Souvent, les jeunes qui sont restés n'ont pas de
diplôme. Nous, nous disons que ce n'est pas leur faute. On peut se poser
des questions sur l'accessibilité de la formation, les options offertes,
l'encadrement, les perspectives d'emploi, les coûts, les
déplacements en région; ce sont autant de réalités
que vivent les plus démunis dans nos milieux ruraux.
Chez nous aussi, en ce qui a trait à la situation
régionale, il y a un phénomène important, c'est l'exode.
On s'aperçoit que, chez nous, les groupes d'âge qui sont plus
nombreux, ce sont ceux de moins de 20 ans et ceux de 65 ans et plus. Entre
cela, les gens s'exilent souvent pour aller trouver un emploi ailleurs. Je
serais porté à vous croire qu'il y a des emplois qui sont
créés au Québec, mais, dans nos régions, cela tarde
à venir. Les jeunes qui veulent trouver un emploi sont vraiment
portés à s'exiler. Entre autres, on peut penser que, dans
Kamouraska, 25 % de la population active - ce sont des chiffres réels,
cela ne fait pas tellement longtemps qu'on est allé les chercher - est
en chômage. On peut aussi penser que dans Rivière-du-Loup -
Témiscouata, il y a 8500 prestataires d'assurance-chômage. C'est
une augmentation de 1000 prestataires par rapport à l'année
passée. Donc, on peut voir qu'il y a des difficultés et qu'il
faudra s'y attarder.
Environ 30 % de chômage chez les jeunes, un chômage qui,
généralement, oscille autour de 10 % dans la population en
général dans notre région et ce, pendant une
période où ça va assez bien sur le plan économique.
On peut s'inquiéter pour la prochaine récession
économique. On trouve que 10 %, si cela ne change pas, ce sera
très inquiétant s'il arrive une crise économique.
Malgré tout, chez nous, on ne se décourage pas. On reste
chez nous et on a envie de faire des choses chez nous. Pour cela, il y a eu des
initiatives du milieu. Tantôt, j'écoutais M. le ministre dire que
ce ne sont pas les idées qui manquent; c'est vrai, ce ne sont pas les
idées qui manquent. M. le ministre ajoutait qu'il faudrait se fier aux
groupes communautaires et accepter le rôle important qu'ils ont à
jouer comme promoteurs de projets ou d'idées. Encore là, faut-il
soutenir ces groupes communautaires, parce qu'ils ont de la difficulté
un peu partout.
Dans la grande région
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie-îles-de-la-Madeleine, il y a eu, dans
la vague d'après le Sommet québécois de la jeunesse et
avant l'Année internationale de la jeunesse, un genre d'engouement pour
les jeunes, et il s'est créé, un peu partout, dans toutes les
municipalités régionales de comté, des groupes qu'on
appelait Action travail. À partir de ces groupes, plusieurs initiatives
importantes se sont faites, que ce soit par des SEMO, du soutien aux jeunes
entrepreneurs, la création de logements coopératifs, des
initiatives de protection de l'environnement et des initiatives aussi
d'alternance formation-travail. On va en venir au niveau du collectif.
Malheureusement, ces projets sont peu ou pas encouragés par nos
gouvernements. Comme on peut le voir, sur les quatorze ou quinze groupes Action
travail qu'il y avait à l'époque, il n'en reste à ce jour
que deux ou trois qui ont réussi à survivre. Nous trouvons cela
un peu déplorable, puisque le taux de chômage n'a pas tellement
change depuis deux ou trois ans, surtout en ce qui a trait aux jeunes, entre
autres les 15-24 ans.
J'aimerais permettre à M. Jean-Yves De LaDurantaye qui va vous
parler, en particulier, du groupe Collectif formation travail du KRTB.
M. De LaDurantaye (Jean-Yves): Merci, M. Lebel. Je ne vous lirai
pas ce qu'on vous a écrit, je vais plutôt vous en parler d'une
façon... avec mes tripes, quoi.
Le Collectif formation travail est né au début des
années quatre-vingt d'initiatives du milieu. Ce qu'on entend par
initiatives du milieu, ce sont autant les groupes de jeunes que les CLSC du
territoire du KRTB - pour ceux qui ne sont pas encore familiers, KRTB veut dire
Kamouraska-Rivière-du-Loup-Témiscouata-les Basques - les
institutions de formation des niveaux collégial et secondaire et les
corporations de développement économique. Les centres
Travail-Québec sont très près de nous aussi, ainsi que les
centres d'emploi du Canada. Tout ce beau monde a dit: Cela n'a pas d'allure, ce
qui se passe dans notre région. On est en train de perdre deux
ressources naturelles: la ressource des jeunes, soit parce qu'ils sont en train
de dépérir ou bien ils "sacrent leur camp" en ville
carrément parce qu'on n'a rien à leur offrir dans nos
régions, et la forêt - on était dans la période de
la tordeuse, etc. - donc, on a dit: II faudrait peut-être trouver des
moyens pour sauver ces deux ressources. C'est de là qu'est né le
Collectif formation travail. Que fait le Collectif formation travail? Il vise
à améliorer le sort des jeunes, 15-30 ans, en présentant
des programmes, en montant des programmes, en allant chercher des sous
là où il peut y avoir des bailleurs de fonds pour le faire, que
ce soit au niveau fédéral, provincial, municipal, local, peu
importe, aller chercher des sous pour faire du développement
économique auprès de la clientèle jeunesse,
principalement.
Vous avez, en annexe, nos objectifs et le programme dans lequel on
travaille actuellement pour prendre les plus démunis et essayer
d'améliorer leur profil d'employabilité. Par contre, on
ne veut pas leur créer d'attente, on veut que cela
débouche sur des emplois. On dit qu'on est prêt à
travailler pour développer l'employabilité, mais il ne faut pas
que l'employabilité soit une fin en soi, il faut qu'il y ait quelque
chose au bout.
Je prendrai l'exemple d'un jeune qui arrive chez nous pour un programme
de 20 semaines. Au début, il a de la misère à aller
chercher un pain au dépanneur. Si la madame ose lui demander: Est-ce que
c'est un pain blanc ou un pain brun que tu veux, il va se mettre à
rougir. Pensez-vous que ce bonhomme ou cette bonne femme est capable d'aller
chercher un emploi? Je ne pense pas. Chez nous, on amène le jeune
à se prendre en main, on le rend plus autonome et on lui donne un
salaire. Pas un salaire extrêmement décent, chez nous, c'est 200 $
par semaine et ce n'est pas occupationnel, on lui demande de faire des travaux,
on lui demande de faire de l'aménagement forestier, on lui demande
d'apprendre les techniques de sciage, et on les rend fonctionnels par rapport
à cela.
De plus, on leur demande aussi de lâcher maman ou papa.
Saint-Cyprien, c'est une petite place de 1200 habitants, mais un milieu
très dynamique où les jeunes peuvent être pointés du
doigt, oui, comme un peu partout ailleurs, mais, par contre, ils peuvent
s'émanciper, ils peuvent aller à l'arena, ils peuvent faire des
choses qu'ils ne pouvaient pas faire avant. Ils peuvent s'impliquer dans ces
milieux. Ils peuvent aussi apprendre à faire de la bouffe chez eux, ils
doivent louer des appartements, des choses comme cela, bref, les
responsabilités que tout travailleur ou toute travailleuse doit assumer
dans notre société.
Le profil caractéristique des jeunes chez nous: je pense qu'il
est évident que c'est une clientèle qui est fortement
défavorisée sur le plan de l'emploi. C'est une clientèle
qui, dans l'espace rural à 67 %, n'a même pas
complété la deuxième année du cours secondaire -
c'est au delà de 40 % de notre clientèle - n'a aucun
diplôme - 61 % - aucun diplôme, même pas de secondaire
professionnel court, rien de cela. Ceux qui bénéficient de notre
programme, ce sont, à 93 %, des gens qui étaient
bénéficaires de l'aide sociale. Une statistique, qui n'est pas
ici mais que je peux vous confirmer, c'est que les jeunes, chez nous, n'ont pas
d'expérience de travail, même jusqu'à 25 ou 26 ans. Quand
on dit qu'il y a des jeunes qui arrivent chez nous et qui ont été
cinq ans à l'aide sociale, pensez-vous qu'ils sont aptes à
travailler? Pensez-vous qu'ils sont employables?
Imaginez-vous, M. le ministre, non pas que vous êtes en vacances
pendant quinze jours, mais que vous êtes sans emploi pendant cinq ans,
qu'est-ce que vous feriez? Peut-être que vous tomberiez dans une
toxicomanie quelconque, peut-être que vous auriez des idées
suicidaires. Est-ce que cela se pourrait? Est-ce qu'il se pourrait - je ne sais
pas si vous avez écouté
Rock, rémission qui vient de sortir - que vous fassiez de la
prostitution pour survivre, peut-être que vous fouilleriez dans les
poubelles, peut-être que vous seriez rejeté par la
société. Chez nous, on essaie d'aider un peu ce beau monde. On
trouve que c'est du beau monde. Ils se sentent revalorisés, on leur
donne des emplois, on les aide à se trouver un employeur par la suite,
parce qu'il y a une partie subventionnée. Le salaire moyen de ces
jeunes, aujourd'hui, est autour de 315 $. Ce n'est quand même pas le
Pérou, mais ils sont contents de leur apport dans la
société.
Il est important pour nous, au moment où on se parle... Je
citerai une phrase de Mme Louise Leboeuf qui a paru dans Le Devoir du 30
novembre dernier: "À l'heure où le développement de
l'emploi n'existe pas, les programmes de développement de
l'employabilité deviennent, pour plusieurs bénéficiaires,
une question de survie. Ils ressemblent à du volontariat
déguisé. Le travail, pour toute une catégorie de la
population, n'est plus un objectif de vie, un moyen d'assurer son autonomie,
mais bien une condition d'assistance." Ce qu'on dit, c'est donnons des moyens
à ces gens, à des programmes réels où les gens ne
sont pas dans des ghettos, et ne reçoivent pas juste ce qu'il faut pour
se sortir seulement la tête de l'eau. Cela coûte des sous, certes,
mais la délinquance, la perte d'autonomie, les prisons sont pleines, les
salles d'urgence sont pleines aussi, les gens, la clientèle jeunesse
particulièrement, sont en train de dépérir. Donnez-leur
des emplois pour qu'ils reprennent leur autonomie en main. Cela va coûter
moins cher à toute là société, même si on
investit pour eux. (11 h 30)
Le Président (M. Bélanger): Merci.
M. Lebel: Merci Jean-Yves. Ce qui fait, entre autres,
l'originalité du programme, c'est surtout le fait que nous essayons de
rendre le jeune autonome avec tout ce que cela peut comporter. On parle, par
exemple, d'un salaire et d'un logement pour essayer d'augmenter son profil
d'employabilité. Maintenant, M. Raymond Cadrain va vous parler
peut-être un peu plus de la réforme que vous proposez, M. le
ministre.
M. Cadrain (Raymond): Je vais essayer de prendre la
relève, mais j'ai une mauvaise grippe qui va me rendre un petit peu
inapte à m'exprimer à l'aise. Je vais essayer de me rendre
jusqu'au bout pareil. Ma grippe est d'autant plus mauvaise qu'hier soir il y a
eu une rencontre avec différents groupes communautaires de la
région du KRTB,. et on a eu l'occasion une fois de plus de parler de la
réforme d'aide sociale. Ce qui est soulevé dans le document quant
à la réforme, comme analyse, je pense que les groupes qui
étaient là hier partagent aussi beaucoup ce
document-là.
C'est sûr qu'on n'a pas la prétention de faire une analyse
en profondeur de la réforme,
mais je vais essayer de mentionner les points sur lesquels on s'est
attardé le plus et aller plus rapidement sur les points qui ont
été dénoncés jusqu'à maintenant par bien des
groupes. Je pense qu'il y a une opposition qui est assez claire par rapport
à cela.
D'abord, quelques commentaires généraux sur le document.
Il nous reste cinq minutes. Dans le document de politique du ministre Paradis,
on peut voir qu'on semble reconnaître le manque d'emploi, le fait que
principalement les jeunes subissent les contrecoups de (a récession, la
réorganisation de la situation économique. Pourtant, on ne semble
pas reconnaître cela autant quand on regarde ce qui est proposé
comme réforme, parce qu'une fois de plus on semble culpabiliser
davantage les personnes sans emploi de ne pas travailler, en réduisant
leurs prestations, en les catégorisant aussi en aptes et inaptes au
travail. Donc, c'est sûr qu'on reconnaît - il y a tout l'aspect des
programmes d'employabilité - l'importance de ces programmes, l'aspect
formation. Mais, dans le fond, il faut reconnaître que cela
améliore les chances d'occuper un emploi sauf que cela ne crée
pas d'emploi. Je pense que c'est clair pour tout le monde. Quand Harold
mentionnait tantôt que, dans la région, il existe encore beaucoup
de chômage... Bien, c'est vrai que peut-être il semble y avoir une
reprise économique à la grandeur du Québec, mais des
chiffres très récents, de février 1988, démontrent
qu'il y a 8760 prestataires d'assurance-chômage dans la région de
Kamouraska-Rivière-du-Loup-Témis-couata, ce qui représente
une augmentation de 1000 personnes comparativement à l'an passé.
Donc, je pense que le problème d'emploi est encore très
important.
C'est sûr, l'aspect positif, de façon globale, c'est
l'augmentation des gains possibles de travail. Sauf que cela pourrait aller
plus loin dans la réforme.
La question de la parité des 18 à 30 ans, je pense que
c'est une question qui a été abordée rapidement. C'est
sûr que nous trouvons que c'est une parité importante, et le plus
rapidement possible... Aussi, on n'est pas d'accord avec l'obligation de
contribution alimentaire des parents. Ce qui se fait au collectif, c'est de
travailler vraiment à une plus grande autonomie des jeunes. Si on
raccroche les jeunes à leurs parents quand ils sont rendus à 18
ans, on ne va pas trop dans le sens de l'autonomie et du développement
des jeunes.
Je vais plus loin. Je vais carrément aux programmes
d'employabilité. Combien me reste-t-il de temps?
Le Président (M. Leclerc): Deux minutes. M. Cadrain:
Deux minutes.
Le Président (M. Leclerc): II y a consentement, si vous
avez besoin de quelques minutes supplémentaires.
M. Cadrain: D'accord. Jean-Yves tantôt disait que le
collectif est d'abord un organisme qui travaille sur le plan de
l'employabiltté. Là-dessus, c'est sûr que le programme APTE
nous paraît un peu dangereux parce qu'il me semble qu'il
n'améliore pas grand-chose quant à l'aspect de
l'employabiltté des jeunes. Je pense que dans ce programme-là, il
est important qu'il y ait des incitatifs. Mais on ne doit pas, au
départ, couper les prestations des gens. Il y a toute la dimension des
salaires, aussi. Au collectif, ce qui est vécu, c'est l'importance que
des gens qui travaillent aient un salaire. Je pense que tout ce qui est
rattaché comme connotation et comme esprit à un salaire est bien
différent du fait de donner simplement une allocation à des gens
qui sont à l'aide sociale. Il y a tout l'aspect aussi, en termes de
caractéristiques régionales, de ce qui nous est propre. C'est
sûr que l'expérience, jusqu'à maintenant, des stages en
milieu de travail a démontré très clairement qu'il
n'existe pas beaucoup d'entreprises dans la région qui sont disponibles
pour offrir des stages en milieu de travail. C'est donc une difficulté
de plus, à laquelle on fait face quand on parle de différents
programmes d'employabilité. Il y a des particularités dans notre
région qui rendent plus difficile l'application des mesures qui sont
prévues dans la réforme. Étant donné qu'il ne nous
reste pas beaucoup de temps, je donne la parole à Gaston.
M. Lebel: De toute façon, on pourra revenir tantôt
pour préciser certaines choses. Gaston Lagacé peut vous donner
les pistes de solution qu'on entrevoit.
Le Président (M. Leclerc): M. Lagacé.
M. Lagacé (Gaston): Merci. Brièvement, il y a
quatre aspects qu'il nous apparaît important de respecter dans les
solutions à apporter à la situation actuelle de l'emploi et comme
principes de réforme de l'aide sociale. On souhaite beaucoup
développer l'employabilité et il en est beaucoup question dans la
réforme, mais on tient à ce que le développement de
l'employabilité se fasse par l'aspect formation et aussi avec
l'expérience. On parle de développement d'autonomie de la
personne. Le développement de l'autonomie de la personne passe surtout
par un revenu qui lui permet de reconnaître et de répondre
à ses besoins de base. L'augmentation d'occasions d'emploi,
évidemment, pour nous autres, cela présuppose qu'il serait
important de se donner une vraie politique de plein emploi pour le
Québec. Finalement, le quatrième aspect, c'est de
développer l'initiative, principalement en mettant l'accent sur les
groupes d'action de jeunes. Nous nous intéressons
particulièrement aux jeunes. Il en a été question un peu
tout à l'heure.
Nous sentons que la réforme proposée ne va pas donner
d'espoir aux jeunes sans emploi, même s'ils améliorent leur
employabilité, parce que les perspectives d'emploi - je pense que cela a
été dit tout à l'heure et on le redit - sont
particulièrement faibles, surtout en région où les jeunes,
surtout s'ils sont moins scolarisés, sont les premiers à
être mis à la porte d'un milieu de travail lorsqu'il y a
réduction du personnel et où ils sont aussi les derniers à
rentrer lorsqu'il y a des rappels.
L'augmentation des occasions d'emploi, c'est, entre autres, .par une
politique de plein emploi. Quant à l'amélioration de l'autonomie
des personnes, nous sommes sensibles à la proposition du Front commun
des assistés sociaux du Québec qui parie de
l'établissement d'un crédit d'impôt universel de quelque
2800 $ et d'une augmentation significative des allocations familiales. C'est
quelque chose d'universel, qui rejoint tout le monde et qui ne tare pas une
personne par rapport à une autre en l'identifiant au qualificatif de
prestataire. C'est un dû qui va à tout le monde.
On souhaite minimalement que le revenu de base de tous rejoigne le plus
rapidement possible les 70 % du seuil de la pauvreté. Cela reste
toujours en dessous du seuil de la pauvreté, mais, si on compare avec
l'écart actuel, ce serait déjà un grand progrès.
Les bases de référence auxquelles la réforme amène
les prestations, en diminuant vers les plus pauvres, cela ne nous
apparaît pas approprié.
Après quelques années à l'aide sociale, les jeunes
bénéficiaires viennent à douter de leur capacité,
de leur confiance en eux. Cela les gruge peu à peu. Un revenu minimum
garanti, donc, leur permettrait de conserver une certaine dignité. Le
crédit d'impôt est une forme de revenu garanti.
L'amélioration de l'employabilité. Il est aberrant de
constater à quel point les employeurs sont insatisfaits de la
qualification des jeunes professionnels, des jeunes diplômés qui
vont sur le marché du travail. La plupart de ceux-ci sont
confrontés à un marché du travail qui est saturé et
connaissent l'échec. Une longue période d'inactivité
ébranle leur confiance en eux; c'est bien évident. L'objectif
auquel s'attaque la réforme est réel et très pertinent,
mais les moyens proposés ne comportent pas certains prérequis
obligatoires du point de vue de l'employabilité. Par exemple, il serait
important que le prestataire ou le jeune ait accès à un milieu de
vie qui se rapproche le plus possible d'une situation réelle d'emploi.
Il serait important de lui offrir l'occasion de satisfaire ses besoins
primaires, tels le logement, la nourriture, le vêtement, à partir
d'une estimation juste de ces coûts. Il serait également
important, comme autre prérequis, de lui permettre de développer
une certaine autonomie, donc d'acquérir plus d'assurance dans sa
recherche d'un emploi. C'est pourquoi ta nouvelle dépendance des jeunes
au revenu de leurs parents, proposée par la réforme, nous
apparaît difficilement acceptable...
Pour corriger cette situation, on propose la création d'un
programme d'amélioration de l'employabilité avec accès
à un revenu sous forme de salaire hebdomadaire ou bi-hebdomadai-re et
qui respecte le Code du travail.
Un quatrième prérequis en ce qui concerne
l'amélioration dé l'employabilité, c'est l'aspect
formation: une formation avec un encadrement approprié. Selon notre
expérience, on propose qu'il y ait multiplication de plateaux de travail
administrés par des organismes qui représentent le milieu. On
sait que le gouvernement fédéral a déjà une
expertise quand même assez intéressante de ce
côté-là. Il soutient financièrement quelques
plateaux de ce genre, dont le nôtre, mais il serait souhaitable de
favoriser l'expansion de ces initiatives et que le gouvernement du
Québec s'associe avec le gouvernement du Canada dans ce domaine. Une
meilleure harmonisation entre les différents programmes gouvernementaux,
tant au fédéral qu'au provincial, serait bien souhaitable.
Actuellement, au centre Travail-Québec de Rivière-du-Loup,
on nous dit qu'on a réussi à placer environ 10 % de la
clientèle de jeunes bénéficiaires de l'aide sociale dans
des stages en entreprise, à cause d'une faute d'espace dans les
entreprises, une faute de volonté des entreprises participantes.
Les plateaux de travail qu'on propose ont l'avantage d'offrir à
la fois une formation et un milieu de travail qui correspondent à la
réalité ou qui s'y rapprochent.
Finalement: développer l'initiative. Le président Harold
Libd a mentionné tantôt l'expérience des groupes
Action-Travail qui se sont créés en 1983-1984 et qui, de peine et
de misère, sont allés chercher du financement pour fonctionner un
certain temps. On se rend compte aujourd'hui que le financement est disparu.
L'Année internationale de la jeunesse disparaissant, l'argent est un peu
parti avec. On reconnaît que ces groupes-là ont quand même
eu beaucoup d'impact au niveau de la diffusion de l'information auprès
des jeunes et de leur participation à des mesures de création
d'emploi. Ils ont aidé à la création de petites
entreprises et surtout à la motivation et a la mobilisation des jeunes
pour se donner une volonté, une confiance.
On croit que les coûts reliés au financement de tels
organismes sont facilement compensés par la valeur de l'intervention de
ces groupes et par les retombées économiques qui en
découlent.
Un mot aussi au sujet des programmes, des projets ou des groupes d'aide
aux jeunes entrepreneurs, au programme Jeunes Promoteurs, aux
sociétés d'investissement jeunesse qui ont permis la
création de nombreux emplois au Québec. On souhaiterait que ces
initiatives puissent aussi se développer en région avec un
soutien adéquat
pour fonctionner. Je m'excuse du temps pris. Je retourne la parole
à notre président.
M. Lebel: On serait prêts à répondre à
vos questions pour, peut-être, préciser beaucoup de choses. Je
suis conscient qu'on est allé assez vite.
Le Président (M. Leclerc): Vous n'avez pas à vous
excuser puisqu'on avait le consentement des deux côtés.
Je cède la parole à M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je tiens à vous remercier.
Étant donné que je suis aussi un peu encarcané dans le
temps, nous allons procéder rapidement. Ce que je note, et je n'ai pas
les statistiques disponibles strictement pour la sous-région que vous
représentez mais j'ai celles pour la région du
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, c'est que vous avez raison de vous plaindre.
Alors que les autres régions du Québec, sauf une, sont en pleine
création d'emplois et en pleine diminution de chômage, chez vous,
ce n'est pas ce qui se produit.
Les derniers chiffres disponibles m'ont été remis hier. Ce
sont ceux du Bureau de la statistique du Québec du 8 mars 1988, qui sont
quand même assez récents: Pour le
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, la population active en janvier était
de 124 000, soit une baisse de 3, 1 %. On comprend vos réserves sur des
gens qui ne sont plus inventoriés. On est conscients du
phénomène et, également, de celui de la mobilité,
des gens qui quittent les régions.
Votre taux d'activité était le plus bas de la province. Il
était à 47, 7 %. Il n'y a pas une seule autre région en
bas de 50 % dans toute la province de Québec. Il y a même des
régions qui atteignent 70 %.
Pour le nombre d'emplois de janvier à janvier, il y a une
diminution de 2, 8 %. Le chômage, dans votre région: 20 000
chômeurs, soit une baisse comparativement à l'année
précédente, par exemple, de 9, 1 %. Encore là, y a-t-il
des problèmes d'inventaire et de déplacement de main-d'oeuvre?
Alors que le taux de chômage, au Québec, s'établit à
9, 7 %, chez vous, c'est 16, 1 %. Le seul endroit où vous avez de la
progression c'est que, comme les autres régions du Québec, vous
êtes en diminution du nombre de bénéficiaires de l'aide
sociale. De février à février, des données assez
récentes, vous avez diminué de 8, 6 %. On dénombre
actuellement, dans cette région, 17 700 bénéficiaires de
l'aide sociale.
Je tiens peut-être à attaquer le dossier par là
où il vous concerne, où il est plus particularisé par
votre point de vue, chez vous. Au moment où on peut dire aux autres
qu'il se crée de l'emploi, on a les statistiques, 122 000 l'an
passé, on ne peut pas vous tenir ce langage-là et il faut avoir,
quant à une politique qui vise les bénéficiaires de l'aide
sociale, une approche différente chez vous que dans une région
qui est en plein essor économique comme l'Abitibi-Témiscamingue
ou l'Outaouais. Ce qui m'inquiète, et je vais vous traduire mon
inquiétude comme je le pense, c'est que s'il y a un risque que les
programmes d'employabilité deviennent ce que l'on a appelé
traditionnellement des "jobines", c'est-à-dire vingt semaines de travaux
communautaires, retour à l'assurance-chômage, le fameux petit
cercle vicieux, c'est dans une région où, pour toutes sortes de
raisons, on ne réussit pas à créer ce qu'on appelle des
emplois permanents et rémunérateurs. Plus ce risque diminue, plus
on crée d'emplois. Mais lorsqu'on est en régression d'emplois, ce
risque augmente.
J'ai retenu vos propositions de la fin, mais, si on ne réussit
pas à créer, entre autres, par le secteur privé et un peu
par le secteur public, les emplois permanents nécessaires, est-ce qu'on
ne risque pas, en retenant les suggestions que vous faites - pour prendre
l'exemple des plateaux de travail de votre dernière intervention - de
retomber dans ce fameux cercle vicieux de stages qui améliorent votre
employabilité, une "jobine" pour vous qualifier à
l'assurance-chômage, 52 semaines d'assurance-chômage et on
recommence? (11 h 45)
M. Lebel: En tout cas, ce n'est pas la situation qu'on vit chez
nous. Jean-Yves pourrait peut-être en parler, mais nos jeunes n'ont pas
été dans cette situation.
Il faut voir aussi que le cercle vicieux, c'est fini.
Présentement, il n'y en a plus du tout de cercle. Les gens sont au
chômage pendant une période de temps; ils sont à l'aide
sociale, mais l'aide sociale ne donne pas de timbre de chômage.
Après cela, c'est fini, ils sont à l'aide sociale tout le temps
et, s'ils ont beau embarquer dans un programme d'employabilité, ils ne
font pas plus de timbres de chômage; ils restent encore à l'aide
sociale. Le cercle vicieux, c'était dans le temps de
Chantier-Québec, ce programme de vingt semaines, mais ce temps est
fini.
Là, les gens restent à l'aide sociale durant des
années et des années. Ils font des travaux communautaires
par-dessus travaux communautaires, bandes de la patinoire par-dessus bandes de
la patinoire et...
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... plus haut que pelleter la
neige. Ha, ha, ha!
M. Lebel: Ha, ha, ha! Non, mais c'est vraiment la situation chez
nous. C'est vrai que le secteur privé peut aider, mais le secteur public
aussi. Mais là, on veut peut-être axer plus sur ce qui est dans
les régions rurales. Saint-Cyprien, Sainte-Rita, on ne passe pas souvent
par là, mais il y a encore des jeunes qui y demeurent. S'ils veulent
vivre, ils sont bien obligés de partir et nous autres, on aimerait
qu'ils restent là. Il y a des villages qui sont en train de fermer
comme
dans le temps du BAEQ et on vit cela présentement.
C'est surtout qu'en milieu urbain, comme à
Rivière-du-Loup, il y a certaines choses qui peuvent se
développer. Encore là, les jeunes vont sortir des campagnes pour
venir rester à Rivière-du-Loup. Les vieux le font
déjà; on construit HLM par-dessus HLM à
Rivière-du-Loup pour emmener les vieux plus près des services.
Mais je ne pense pas vraiment que ce soit la solution. Il va falloir investir,
entre autres, pour aider les jeunes et il va falloir que l'État s'en
occupe. Tantôt, on parlait de travaux utiles à la
communauté; ce sont des choses intéressantes parce que, dans les
plus petits villages, il va falloir que l'État intervienne avec de
l'argent. On n'a pas vraiment le choix. On ne peut se fier seulement sur le
secteur privé, mais public, surtout dans le milieu rural.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Lebel, je représente
comme député - avant d'être ministre, on est
député à l'Assemblée nationale - une
circonscription électorale qui compte 34 municipalités, mais pas
dans une région où le taux de chômage est ce que vous
dites, etc. On différencie.
Parmi ces municipalités, il y en a au moins 25 qu'on peut appeler
des Saint-Cyprien, en fonction de la population, du nombre de résidents.
On a le même phénomène: nos personnes âgées
sont attirées vers les plus grands centres parce que c'est là que
sont les services de santé et autres, et nos jeunes ne reçoivent
généralement pas plus qu'un cours primaire; on donne parfois le
secondaire, mais c'est très rare. On les perd ensuite.
Là, on arrive dans ces régions-là. Là aussi,
on a des gens à l'assurance-chômage et, là aussi, des gens
à l'aide sociale. Si on ne veut pas créer de "jobines", si on
veut que ces gens-là s'en sortent, vous dites qu'une des façons,
c'est de créer des plateaux de travail. J'aimerais bien comprendre, sans
créer ce qu'on appelle une sous-catégorie de travailleurs, comme
certaines expériences vécues, entre autres, dans l'État de
New York où les gens font des travaux communautaires jusqu'à la
pension de vieillesse, comment, en misant sur le plateau de travail, on
réussira à maintenir ces jeunes à Saint-Cyprien dans un
emploi rémunérateur qui va leur permettre de fonder un foyer et
d'élever une famille.
M. Lebel: Là-dessus, je laisserais la parole à
Jean-Yves De LaDurantaye qui vit le quotidien dans les plateaux de travail.
M. De LaDurantaye: Avec le plateau de travail, on ne veut pas
créer des "jobines". Ce qu'on veut, c'est une politique de plein emploi.
Mais il y a du monde, quand il y a une politique de plein emploi, qui est
incapable de prendre ces emplois-là. Pour nous, le plateau de travail,
c'est comme un certain tremplin pour une catégorie de travailleurs et de
travailleuses que nous, nous considérons comme minables. Que vous ayez
un problème de comportement ou autre, il faut que vous régliez
ces problèmes. On essaie d'augmenter leurs qualifications tant sur le
plan de l'attitude que des aptitudes mais, avant tout, cela nous prend une
politique de plein emploi quelque part, parce que si ces jeunes ont
laissé l'école, c'est parce qu'ils n'avaient pas de vue à
moyen et à long terme. C'était tout de suite, demain matin,
qu'ils voulaient la "jobine", pompiste du coin ou quelque chose comme cela. Ils
ne voyaient pas ce que cela donnait d'aller à l'école. On ne leur
offrait rien comme perspective d'avenir. C'est pour cela.
Une voix: C'est évident.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous êtes d'avis
que les interventions gouvernementales, si je peux les appeler ainsi, en
matière de création d'emplois, et je ne parle pas des programmes
de travaux communautaires mais des créations d'emplois réguliers
par les ministères, entre autres, chez vous peut-être le
ministère de l'Énergie et des Ressources, Forêts, etc..
pensez-vous que le gouvernement devrait faire un effort spécial en
fonction des régions rurales, des petites municipalités, pour
qu'il y ait de la rétention dans ces endroits de la jeunesse et de la
société, finalement de la population?
M. Cadrain: En ce qui me concerne, je trouve qu'il est clair que
le gouvernement aurait un rôle important à jouer par le biais des
différents ministères. Tantôt, Mme Lalanne parlait
d'emplois socialement utiles. Je pense qu'il y a des possibilités de
créer des emplois qui seraient utiles dans un milieu comme le
nôtre, que ce soit dans le domaine des services de santé et des
services sociaux, dans le domaine de l'environnement, il y a beaucoup de
secteurs où il y aurait possibilité de créer des emplois
dans des conditions de travail correctes. Dans ce sens, je pense qu'il ne faut
pas compter uniquement sur l'entreprise privée. Il faut vraiment que le
gouvernement joue un rôle moteur là-dedans, mais aussi par le
biais et avec une collaboration importante d'organismes communautaires. Je
pense que les organismes communautaires, qui connaissent bien le milieu aussi,
ont un rôle important à jouer sur ce plan.
M. Lebel: On parle de vrais emplois. Le soutien aux familles ou
aux personnes âgées, on est tenté, et on le voit faire,
d'essayer de pousser cela au bénévolat ou à des
bénéficiaires de l'aide sociale qui ont un peu plus d'argent.
Cela aussi est dangereux. Si nous voulons nous impliquer dans des
activités utiles à la société, c'est avec ce que
cela comporte. On veut bien s'embarquer - je parle un peu au nom des
bénéficiaires de l'aide sociale - mais il faut que cela comporte
les salaires qui vont avec l'ac
th/ité. Il ne faut pas qu'on fasse une seconde classe de
travailleurs, comme vous avez dit tantôt. C'est à
éviter.
M. De LaDurantaye: Pour répondre d'une façon plus
précise à votre question du domaine de l'énergie et des
ressources, il serait intéressant que le ministère de
l'Énergie et des Ressources ait peut-être une politique pour avoir
des travailleurs qualifiés pour regénérer la forêt,
la couper et l'administrer comme du monde parce que, tout le monde le sait,
elle est en perte de vitesse au Québec.
Nous donnons une certaine formation à des jeunes pour justement
essayer... Tant mieux s'il y a des incitatifs supplémentaires tels que
ceux que, je crois, vous avez derrière la tête.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'avais retenu de votre
intervention le motif de base de la création de votre organisme, soit la
préservation des deux richesses sur lesquelles vous avez dit que vous
misiez: la jeunesse et la forêt, parce que vous êtes dans cette
région. C'est pour cela que j'ai suggéré ou
évoqué cette possibilité.
Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Bélanger): C'est à vous,
Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Combien de minutes...
Onze. Bon, parfait. C'est parce que, voyez-vous je pense que c'est normal aussi
qu'on puisse échanger des propos, comme cela, d'un côté et
de l'autre de la commission.
C'était fort intéressant de vous entendre nous traduire la
réalité de la sous-région que vous représentez:
Kamouraska, Rivière-du-Loup, Témiscouata, des Basques. On doit
comprendre que vous représentez finalement non pas la totalité de
la région - c'est bien le cas - mais une sous-région de
l'ensemble de la région du Bas-du-fleuve. C'est cela?
M. Lebel: De La Pocatière à Trois-Pistoles.
Mme Harel: D'accord. De La Pocatière à
Trois-Pistoles. Cela se dit bien mais, évidemment, cela se fait plus
difficilement.
J'entendais le ministre, par exemple, étaler les statistiques de
l'ensemble de la région, notamment les 16 % de chômage pour la
région comme telle de La Pocatière à Trois-Pistoles. Je
pensais aussi qu'à...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non. C'était tout le
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie.
Mme Harel: Ha! Tout, tout, en plus, encore. Toute la grande
région du recensement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
Mme Harel: Cela me faisait penser à une étude que
je relisais encore, qui m'apparait tellement déterminante et
stratégique. Je ne sais si vous avez eu accès à une
étude réalisée par le Conseil des affaires sociales et de
la famille, il y a déjà un an et demi, pour les fins de la
Commission d'étude sur l'avenir des municipalités, qui
démontrait, d'une façon tellement éloquente qu'on ne peut
pas contredire, finalement, une telle étude, qu'au Québec on
pouvait partager la population en deux groupes de citoyens et de citoyennes.
Ceux et celles qui vivent dans des municipalités et des quartiers de
villes en voie de désintégration ou dans un état de
sous-développement économique et, d'autre part, ceux et celles
qui vivent dans des municipalités ou des quartiers de villes en
croissance démographique et en développement.
Cette étude démontre, notamment, sur le plan des
mouvements démographiques, sur le plan des emplois disponibles, une
désintégration de certaines communautés rurales. La
réalité dont vous me parliez, ce matin, me rappelait cette
démonstration. Une désintégration qui est de l'ordre du
sous-développement, quand il se met à accélérer et
que cela va en augmentant. Un des facteurs, c'est justement le fait que le
vieillissement est accéléré parce qu'il y a une
relocalisation géographique de la population en âge de travailler
qui suit les emplois disponibles.
La question qu'il faut se poser, c'est: Y a-t-il moins d'assistés
sociaux parce qu'il y a plus de travail ou parce qu'ils sont partis, et ceux
qui sont partis sont-ils ceux qui sont en âge de se reproduire, ce qui
augmente le vieillissement? Les chiffres sont effarants à tel point
qu'ils en concluaient: "Sur le plan démographique, on peut presque
affirmer que nous sommes déjà en présence de deux pays
dans un." D'un côté - et ils l'expliquent bien - les personnes
âgées et, de l'autre côté, les jeunes. Et cette
situation pourrait même aller en se détériorant de
façon accélérée avec la relocalisation
géographique qui suit les emplois disponibles. Ça c'est d'une
part, sur la question démographique. Mais sur la question de l'emploi,
je dois vous dire que cela vient tellement confirmer ce que vous disiez. Vous
disiez: II y a peut-être eu des jobs, mais ils n'ont pas passé par
chez nous. Le mémoire traduit cela de la façon suivante -
attendez que je m'y retrouve: - En clair, cela signifie pendant que le nombre
de personnes inoccupées diminuait sensiblement à l'échelle
du Québec, les disparités augmentaient entre les
municipalités. L'ampleur des disparités a augmenté de 30
%.
Tous les emplois ont été créés à peu
près aux mêmes places, si vous voulez, et les pertes d'emploi ont
eu lieu à peu près aux mêmes places. Vous voyez un peu. Ce
qui fait que, dans l'ensemble du Québec, il faut bien se dire que,
malgré une performance extraordinaire de création d'emplois, le
chômage a à peine bougé parce que les deux colonnes ont
fini par s'éga-
liser l'une l'autre, celle de la création de chômage et
celle de la création d'emplois. Cela revient quasiment au
même.
Avez-vous cette impression d'une sorte de désintégration?
Avez-vous cette impression qu'il y a une sorte de dérive actuellement
dans votre quartier? Je vous pose la question, parce que je me la pose à
propos des quartiers de ville, lis en parlent et, moi, je retrouve passablement
le mien. Des gens du CLSC me disaient lundi: Après trois
générations à l'aide sociale - on en est rendu à
trois générations dans mon quartier: le grand-père, le
père et le fils, ou la grand-mère, la mère et la fille -
après trois générations, on me disait, par rapport
à un quartier de ville: C'est un effort considérable, c'est une
sorte d'investissement vraiment important, mais un investissement qui ne peut
être que collectif, qui peut permettre de s'en sortir. Avez-vous la
même impression chez vous?
M. Lebel: Jean-Yves, si tu me le permets... et, après
cela, peut-être, si tu veux compléter...
Nous autres, ce qu'on est en train de vivre, en tout cas, c'est un peu
des gens qui vivent cette situation, qui sont rendus à la
troisième génération et qui ont l'air de tenir tout cela
pour acquis. L'aide sociale, pour eux, c'est devenu de l'acquis. On ne peut pas
avoir plus que cela. Ils l'ont pris comme cela. C'est bien compliqué.
Même aller rencontrer ces jeunes et essayer de parler d'emploi, ils ne
savent pas ce que c'est. Ils n'ont jamais eu d'exemple de ce que
c'était. Cela rend les choses encore bien compliquées. La panique
est prise de ce côté. La panique est prise aussi chez les
développeurs économiques, il faut se le dire. Si on regarde le
vieillissement de la population, l'exode des jeunes, cela fait en sorte que
même le gouvernement fédéral est en train de fermer des
bureaux de poste dans plusieurs des municipalités. Les services s'en
vont. Il n'y a plus besoin de services. (12 heures)
Des mouvements qui à l'époque étaient assez forts,
comme le mouvement Dignité 1, Dignité 2, sont en train de se
redévelopper, ont retrouvé la vocation qu'ils avaient dans le
temps. On est en train de fermer des villages. Cela est important chez nous, on
le sent. Aussi, on est un peu plus découragés, nous les gens qui,
dans le temps - pour les régions JAL et du Témiscouata - ont
amené des initiatives, parce qu'aujourd'hui on se demande quand va-t-on
finir par s'en sortir. On a cru longtemps au développement des
régions, mais là, présentement, on est rendu... Tout le
monde se développe au Québec, sauf nous autres. Qu'est-ce qu'on
va faire? On est en train de proposer, entre autres, un sommet
économique. C'est drôle ce vers quoi tout le monde s'en va, c'est
vers le tourisme. L'avenir économique chez nous, c'est le tourisme parce
que, l'hiver, il n'y a personne. Le reste du temps, il n'y a personne.
L'été, il vient du monde; les touristes vont voir le Rocher
Percé. Tout le monde de La Pocatière, Rivière-du-Loup,
Trois-Pistoles et Rimouski s'organise pour ramasser le plus de touristes qui
passent avant qu'ils se rendent au Rocher Percé. On est rendu là.
C'est assez grave.
Mme Harel: M. De LaDurantaye a peut-être quelque chose
à ajouter.
M. De LaDurantaye: Oui. C'est tellement vrai par rapport aux
trois générations dont vous nous parliez tantôt. J'ai une
anecdote à raconter. Je me souviens qu'une de nos dames concernant un de
nos jeunes se demandait comment il se faisait qu'il s'était inscrit chez
nous, au collectif. On lui a répondu que c'était parce qu'il y
avait des travailleurs sociaux quelque part qui l'avaient rejoint. Il
n'était pas recensé nulle part, ce jeune-là, ni au
chômage, ni au CTQ; il n'était pas inventorié dans les
statistiques, il n'était pas dans l'ordinateur dont madame parlait
tantôt.
Mme Harel: II n'avait pas pu être
éjecté...
M. De LaDurantaye: II n'a pas pu être
éjecté.
Mme Harel:... il n'était pas dedans. Ah oui!
M. De LaDurantaye: La dame, a eu comme réaction: II ne
sera pas capable. Pourquoi ne serait-il pas capable, madame? Il n'est jamais
sorti. Il venait du troisième rang de
Saint-François-Xavier-de-Viger. Laissez-moi vous dire quelque chose, ce
n'est pas le centre-ville de Québec. Je m'attendais à voir un
jeune arriver au collectif, un petit "feluet", tout poigné, la
tête comme cela. Non, le gars mesurait 6 pieds et 2 pouces; il avait les
bras aussi gros que mes cuisses; il était capable de faire des travaux,
mais il était vraiment en perte d'autonomie. Sa mère lui avait
toujours chanté la chanson: Tu es né pour un petit pain, une
petite vie; c'est cela. Sa grand-mère, c'était cela aussi.
Qu'est-ce que vous vouliez qu'il se passe? On n'a jamais entendu un jeune
s'émanciper. À 9 heures du matin, chez nous, ce jeune avait mal
à la tête; il n'était pas habitué de se lever pour
travailler. Vous, vous vous levez le matin, pour aller travailler; lui, il ne
connaissait pas cela. Il avait mal aux yeux parce qu'il y avait le soleil, ce
matin-là, pour aller bûcher dans le bois, et lui, quand il se
levait, c'était l'heure où le soleil se couchait.
Mme Harel: Si je comprends bien, c'est pour lui, les plateaux de
travail, en fait...
M. De LaDurantaye: C'est cela. Mme Harel:... en termes
précis. M. De LaDurantaye: Et ce jeune-là, aujour-
d'hui, gagne 652 $ par semaine. Mme Harel: Oui? M. De
LaDurantaye: Oui. Mme Harel: Où est-ce qu'il est?
M. De LaDurantaye: II travaille dans la forêt. C'est un
abatteur et un bon à part cela.
Mme Harel: Cela doit.
M. De LaDurantaye: II est reconnu.
Mme Harel: À six pieds, comme cela.
M. De LaDurantaye: C'est un cas exceptionnel, mais il s'en est
sorti et sa maman, bien, est bien contente qu'on ait fait quelque chose.
Mme Harel: Tantôt, votre président... À moins
que, M. Cadrain vous auriez quelque chose à rajouter.
M. Cadrain: Oui, je pourrais peut-être rajouter un
élément. Je pense qu'il y a une situation qui est claire dans
notre région, c'est l'existence de plusieurs emplois saisonniers. Quand
on parle d'une façon de vivre, c'est sûr qu'on a beaucoup à
composer avec cette réalité qu'est l'importance d'emplois
saisonniers. Donc, dans ce sens-là, c'est peut-être bien moins
dévalorisant pour des gens de travailler au moins d'une façon
saisonnière plutôt que de recevoir de l'assurance-chômage ou
de bénéficier de l'aide sociale.
Mme Harel: C'est vrai.
M. Cadrain: Je pense que...
Mme Harel: C'est vrai.
M. Cadrain: C'est sûr que la situation idéale, c'est
d'avoir des emplois stables, à des conditions correctes et permanentes.
Mais, au pis aller, je pense qu'il faut miser aussi, d'une certaine
façon, sur l'importance de certains emplois saisonniers parce que, pour
nous autres, cela correspond aussi à une réalité qui est
là et qui pourrait être moins dévalorisante que celle de se
retrouver bénéficiaire de l'aide sociale.
Mme Harel: C'est intéressant, M. Cadrain. De toute
façon, écoutez, on rivalise l'un et l'autre, il n'y a pas de
problème, dans la voie rocailleuse. Tantôt, vous avez dit "tout le
monde se développe, sauf nous". Là, je pense que c'est important
de saisir que la réalité, ce n'est pas cela au Québec. Il
y a 42 % de la population qui vivraient soit dans des communautés
rurales ou dans des quartiers de ville en désintégration, et pas
un peu et selon une certaine évolution, certains plus et d'autres moins.
Selon tous les indicateurs, il y en avait 92 d'utilisés et ce
n'était pas les moindres.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En quelle année?
Mme Harel: En 1986. Des indicateurs sur l'activité
économique, le niveau d'instruction, le niveau de revenu, la
qualité du logement, la proportion des personnes qui restent à la
même place depuis cinq ans, la qualité de l'éducation et de
la culture, la criminalité, la mésadaptation sociale,
l'état de santé et mettez-en, il y avait 92 indicateurs. Sur les
92 indicateurs, il y a 42 % de la population qui sont arrivés en bas des
92 indicateurs, sans exception et exactement l'inverse, 58 % qui sont
arrivés en haut des 92 indicateurs. Donc, il faut bien voir...
M. Lebel: Oui.
Mme Harel: ...que... Je ne veux pas, pour autant, minimiser vos
problèmes, bien au contraire. La question des emplois saisonniers, je
voudrais y revenir parce que c'est peut-être la spécificité
qui permettrait justement de relancer des emplois socialement utiles. Vous
voulez peut-être réagir tout de suite avant que je vous
interroge?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez mentionné des
chiffres de 1986. Je voudrais qu'on précise: l'étude est
publiée en 1986, mais les chiffres ne sont pas de 1986.
Mme Harel: L'étude est publiée en 1986... M.
Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va.
Mme Harel: Les données du recensement sont de 1981.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): De 1984. Ah, d'accord, cela
va.
Mme Harel: Oui.
M. Lebel: De toute façon, je ne pense pas que, au
quotidien, on regarde toujours ces chiffres dans la région. Ce qu'on
voit, c'est...
Mme Harel: L'étude vient d'être publiée et
est disponible dans Santé et société du
ministère de la Santé et des Services sociaux. Vous n'avez
qu'à la commander au ministère, cela s'appelle Santé et
société.
M. Lebel: On prend cela en note, mais ce que je voulais dire
tantôt, c'est que ce qui ressort à la télévision et
ce qui ressort un peu partout, c'est qu'il y a un climat intéressant au
Québec, une reprise économique, on l'entend un peu partout. On
écoute la télévision comme tout
le monde, on entend ces discours et on se dit: Où est-ce que cela
se passe? Si cela se passe, ce n'est pas chez nous. C'est ce que j'ai voulu
dire tantôt.
Mme Harel: Je vous comprends parfaitement. D'ailleurs, il y a des
groupes qui sont venus nous dire aussi, de la même façon que vous
le faites: Si la crise est finie, ce n'est pas tout le monde qui en a vu la
fin.
M. Lebel: C'est cela, surtout s'il en vient une après. Si
on dit que la crise est finie aujourd'hui, s'il y en avait une vraie, ce ne
serait pas drôle.
Mme Harel: Oui, parce qu'on est supposé en être
sorti, c'est cela, en fait.
Dans votre mémoire, je voudrais reprendre les aspects que l'on
retrouve sur le plan de la formation, à la page 26, je crois. Il me
semble que c'est important parce que vous avez de l'expérience dans ce
domaine. Vous dites: Les programmes d'amélioration de
l'employabilité proposés par le ministre ne tiennent pas compte
de l'encadrement de formation. Il est étonnant de comparer les mesures
d'encadrement du gouvernement fédéral par le biais des centres de
formation pour leur programme d'emploi à ceux du gouvernement
provincial. L'absence de mesures de contrôle et d'objectifs clairs laisse
aux employeurs... Vous dites: Les agents de l'aide sociale succombent, dans nos
régions, aux pressions de placer en entreprise, même sans objectif
de formation, etc., parce qu'il y en a si peu.
C'est tellement précis, j'aimerais vous entendre
là-dessus, de même que sur le fait qu'à peine 10 % des
jeunes qui, malgré l'incitation - c'était quand même de
doubler sa prestation - auraient participé à des stages. Donc,
l'extension du programme du ministre à des centaines de milliers de
familles, chez vous, cela doit quand même rejoindre pas mal de monde. La
présidente du Conseil du statut de la femme disait qu'il y avait
à peu près une femme sur six, dans la grande région, qui
était bénéficiaire de l'aide sociale. Est-ce que vous avez
l'impression que l'extension des mesures est quelque chose... La dame qui vous
a précédés a dit que ce sera un miracle si le ministre
réussit. Avez-vous l'impression que, pour votre région, c'est
complètement, disons Disney World?
M. Lebel: Peut-être que si vous engagez un nombre effarant
de travailleurs au centre de Travail-Québec ils vont essayer de trouver
des employeurs, peut-être, mais ce n'est pas au nombre qu'ils sont qu'ils
vont régler le cas. Si on prend
Rivière-du-Loup-Témiscouata, il y a 450 jeunes, je pense, qui
bénéficient de l'aide sociale et ils n'ont réussi
qu'à en placer 10 ou 12 pour des stages en milieu de travail. Cela veut
dire que si on extensionne, cela devrait être beaucoup plus
compliqué. La preuve est là aussi... Mme Harel: 10 % ou
dix jeunes? M. Lebel: Quarante jeunes, 10 %, excusez. Mme Harel:
Quarante jeunes.
M. Lebel: Quarante jeunes qu'ils ont réussi à
placer. Entre autres, les travailleurs des centres de Travail-Québec en
deviennent un peu fous. Ils se demandent comment ils vont aller chercher les
gens, ils se fient beaucoup, entre autres, sur les groupes communautaires pour
essayer de trouver des employeurs potentiels.
J'aimerais revenir à l'employabilité. On disait qu'il
faudra faire en sorte... Il reste combien de temps?
Mme Harel: II me reste quatre minutes, mais on va les prendre
pour vous.
M. Lebel: On disait, sur le plan de l'employabilité, que
cela n'aura pas tellement d'effet sur les jeunes, pas du tout sur l'emploi, en
tout cas, cela ne créera pas d'emplois, et pas beaucoup sur
l'employabilité parce que cela ne rejoindra pas beaucoup de personnes.
C'est important et urgent qu'on essaie de regarder ce qui se passe dans des
plateaux de travail comme chez nous. Dans l'est du Québec, il y a trois
plateaux de travail, si je ne me trompe pas: Amqui, Rimouski et Saint-Cyprien.
C'est un peu anormal qu'il n'y en ait pas du tout en Gaspésie, où
on peut penser à Murdochville et à tous ces coins où il y
aurait beaucoup de difficulté. Je pense que c'est urgent.
Le fédéral commence à être pas mal
présent dans le développement régional et dans l'emploi.
Vous parlez du sommet économique. Chez nous, c'est le branle-bas parce
que le fédéral n'est pas là et on ne sait pas trop ce qui
se passe. Quant à la formation des jeunes, le fédéral part
des programmes PDPE, va chercher des gens, s'assure qu'ils ont une formation de
la Commission de formation professionnelle et ça touche un peu notre
clientèle. Les jeunes qui sont chez nous et qui travaillent au collectif
formation travail, sont payés par le fédéral. C'est la
même clientèle. On parle d'harmonisation. Je pense que cela aussi
c'est assez urgent. Il ne faut pas qu'on dépense trop d'argent à
l'administration et que ces impôts qu'on paye ne se rendent pas vraiment
à ceux qui en ont besoin.
Mme Harel: Vous êtes vraiment parmi les premiers qui nous
apportez aussi clairement toute cette question, qu'on retrouve à la page
27 de votre mémoire, des plateaux de travail, de la
nécessité d'harmoniser les programmes, de compenser d'une
façon, c'est-à-dire de favoriser une sorte d'harmonisation,
d'intégration. Je crois que... C'est peut-être la question. Il
reste un peu de temps au ministre. Il aura peut-être la
possibilité d'y répondre. Juste auparavant, des 450 jeunes
qui bénéficiaient de l'aide sociale dans Kamouraska et
Rivière-du-Loup, il y en a 40 qui ont participé aux stages en
entreprise. Combien ont participé aux travaux communautaires ou sont
retournés aux études? Est-ce que vous êtes informés
de cela?
M. Lebel: Je n'ai pas les chiffres. Pour la grande
majorité - et je pense que c'est partout au Québec, M. le
ministre - ce sont des rattrapages scolaires. La grande majorité
retourne à l'école.
Mme Harel: De toute façon, juste en terminant, compte tenu
du peu de temps à ma disposition, est-ce que vous pouvez peut-être
nous esquisser... J'ai cru voir dans vos solutions que vous partagiez le point
de vue du front commun sur le crédit d'impôt pour toute personne
adulte, et ensuite sur des modulations des programmes. Est-ce que vous pouvez
nous esquisser quelle sorte de création d'emplois l'État pourrait
faire, par exemple, dans votre secteur? Comment verriez-vous la façon de
gérer ces programmes? Est-ce que ce seraient les MRC, les
municipalités régionales de comté, qui pourraient
gérer de grands travaux, des programmes qui seraient offerts et qu'elles
utiliseraient selon leurs priorités? Est-ce que ce seraient des groupes
communautaires? Comment verriez-vous cela? Et, dans quels secteurs?
M. Lebel: C'est évident. On n'en sort jamais. Il faut
encourager le secteur manufacturier. Ce sont les grosses entreprises
manufacturières qui créent de l'emploi. Chez nous, on est un peu
en train de vouloir en installer mais cela vient...
Mme Harel: Comme quoi, par exemple?
M. Lebel: Chez nous, entres autres, les produits du bois.
À Gros Cacouna, à Rivière-du-Loup, Miron vient d'installer
une entreprise qui va créer quelques emplois. On a relancé une
tannerie à Saint-Pascal. Je pense qu'on encourage un peu ce genre
d'entreprises. Mais peut-être que le soutien n'est pas suffisant. Encore
là, il y a la confrontation fédérale-provinciale souvent.
Même présentement, on a de la difficulté à trouver
de gros projets. Il y a l'éternel projet de la papeterie à
Matane. Il y en avait un qui traînait à Rivière-du-Loup. Je
pense qu'il ne traîne plus. On ne le voit plus. En tout cas, il y a
différents... Je pense qu'il faut continuer à travailler et
à faire des pressions. En tout cas les gens de Matane l'ont
prouvé. On est capable par des pressions populaires. Je pense que pour
rejoindre les gens dont on parle, il faudra... Entre autres, le groupe Action
Emploi dont on parlait tantôt, ce groupe communautaire qui a mis sur pied
de petites entreprises qui auraient pu - si des gens
bénéficiaires de l'aide sociale avaient pu se joindre à
ces entreprises et être subventionnés pour se joindre à de
nouvelles entreprises - s'assurer d'un marché suffisant pour,
éventuellement, s'autosuffire. Ce sont de petites entreprises. Souvent,
cela nous prenait des années et des années à faire
financer ces petites entreprises-là. Un exemple, à
Saint-Paul-de-la-Croix, un petit village, pas trop grand, deux jeunes ont
ouvert une chandellerie. Ils font des chandelles. Ceux qui amenaient les
chandelles dans le Bas-du-Fleuve, les curés... Les chandelles qu'ils
allaient chercher venaient de Longueuil, je pense. Je ne sais pas d'où;
je ne me suis pas trop informé. Deux jeunes se sont créé
un emploi. Le marché est restreint parce qu'ils ne sont que deux. Si des
gens bénéficiant de l'aide sociale ou autour avaient pu se
rejoindre et financer un peu, ils auraient pu agrandir le marché. C'est
sûr qu'il faut faire attention à la concurrence. Mais il y a des
projets comme celui-là qui sont créés un peu partout. Des
jeunes peuvent...
Mme Harel: ...PME, mais il n'y a pas, dans le domaine de la
forêt ou autres, de projets. Je vous laisse terminer parce que je n'ai
plus le droit de parler.
M. Lebel: On a compris quand même. Vas-y.
M. De LaDurantaye: II y a des produits de matière
première qui sont peu ou pas exploités et dont on fait seulement
une première transformation. Ces produits mériteraient
d'être transformés avant de s'en aller sur le marché pour
être transformés dans la région de Montréal ou de
Québec et revenir chez nous, après avoir subi une deuxième
ou une troisième transformation.
Mme Harel: Comme quoi?
M. De LaDurantaye: Cela pourrait se faire chez nous d'ailleurs,
avec les produits du bois, même avec les produits agricoles et aussi les
produits de la tourbe.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis heureux qu'il me reste un
peu de temps parce qu'il y a des messages qui sont difficiles, et de plus en
plus difficiles à faire passer en politique. J'écoutais Mme la
députée de Maisonneuve essayer de trouver des points communs
entre les bénéficiaires de l'aide sociale qui résident
dans l'est de Montréal et les bénéficiaires de l'aide
sociale qui habitent votre région. Il y en a quelques-uns. Autour de la
table on est tous des députés de la ville. Je suis à peu
près le seul représentant rural. Je maintiens respectueusement
qu'il y a plus de points de divergence que de points communs. Il faut
comprendre que, dans l'est de Montréal, il y a des entreprises qui
s'installent présentement. Chez vous, il n'y en a
pas. C'est un point de différence majeur, il faut comprendre que
pour les distances à parcourir et la façon de se véhiculer
dans les centres urbains, comme Québec - il y a des
députés de la région de Québec ici ou de
Montréal - il y a le transport en commun. Dans nos régions, les
distances sont beaucoup plus grandes à parcourir et il n'y a pas de
transport en commun. Tant qu'on n'aura pas une approche différente
auprès de ces clientèles, on va manquer le bateau. Il faut
être conscient de ces différences et de ces disparités.
Vous êtes venus nous le dire ce matin. Je ne suis pas certain que tout
cela ait été compris. C'est un clou que je martèle,
peut-être parce que je représente une région, une
région qui est plus prospère que la vôtre et qui n'a pas
les mêmes problèmes. Je vois les chiffres que Mme la
députée de Maisonneuve nous a cités, des chiffres de 1981.
La situation n'est plus pareille en 1988. Dans certains cas, elle est pire;
dans d'autres cas, elle est meilleure. Dans votre cas, elle est pire; en
Abitibi-Témiscamingue, elle est meilleure. Il faut tenir compte de ces
changements de réalité. Un des vices du système de l'aide
sociale que nous avons au Québec, c'est que, dans le passé nous
avons tenté de l'appliquer universellement, de la même
façon, d'un bout à l'autre de la province, quel que soit le type
de localité, le type de communauté, etc. Si nous n'avons pas
cette approche qui respecte les caractéristiques des quartiers urbains -
il y a des caractéristiques de quartiers qu'il faut respecter - et des
régions rurales, et rurales différentes également parce
qu'il y a du rural où il se créé des emplois et il y a du
rural où il ne s'en crée pas, on va manquer le bateau et on
n'accomplira pas le miracle auquel on s'est convié.
Je suis d'accord avec vous que cela prend de la création
industrielle majeure, au moins une ou deux grandes entreprises qui s'en vont
chez vous et qui créent des satellites, et cela débouche.
En attendant, et je pense que ça va arriver un jour, je suis
peut-être optimiste de nature et je pense que vous partagez cette
vision-là aussi parce que vous demeurez là et que vous vous
battez pour que ça arrive un jour, il ne faut pas que les gens se
découragent, il ne faut pas que ça devienne une quatrième
génération ou une cinquième génération. Il
faut, lorsque l'entreprise arrive, que ces gens-là aient des
caractéristiques d'employabilité intéressantes pour
l'employeur et ça aide à attirer l'employeur quand ils ont les
caractéristiques... et qu'il y ait une culture de travail; que la
personne ait cette culture de travail-là.
Ce que vous nous dites c'est que, finalement, le ministère ne
réussit pas à relever ces défis de rehausser
l'employabilité et de donner une culture; et que les groupes
communautaires sont mieux placés pour le faire que le ministère
l'est en attendant la venue de ce projet-moteur, créateur d'emplois
permanents. Est-ce votre message?
M. Lebel: C'est un peu ça. C'est sûr que les groupes
communautaires a eux seuls ne pourront pas non plus, mais j'étais
d'accord avec votre première partie sur les particularités
régionales. Je pense qu'il fraudra travailler ça, en tout cas
beaucoup plus que de catégoriser les assistés sociaux. Il faut
réaliser que dans le concret, les programmes de la réforme vont
faire en sorte que les assistés sociaux de la Gaspésie n'auront
pas les mêmes avantages que ceux de Montréal ou d'ailleurs. Ceux
de la Gaspésie qui n'auront pas réussi à se placer parce
qu'il n'y aura pas d'entreprise pour les placer auront un chèque d'aide
sociale moins élevé que les autres, parce qu'ils ne peuvent pas
participer à des programmes. C'est ce qui se passe dans le concret et je
ne pense pas que par ça on va encourager, si la papeterie arrive
éventuellement ou d'autres choses, avec la réforme actuelle qui
ne prend pas en note cette réforme des particularités
régionales... Chez nous, si les gens ne peuvent pas travailler en stages
en milieu d'entreprise, c'est à cause d'une particularité
régionale. Ces jeunes-là ne pourront pas améliorer
l'employabilité aujourd'hui pour faire en sorte de peut-être
travailler chez nous éventuelllement.
Je ne pense pas que la réforme puisse présentement
améliorer l'employabilité des jeunes en attendant une
éventuelle reprise économique chez nous.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Lebel, je pense que M.
Lagacé se mordait la langue du coin.
M. Lagacé: II y a un aspect sur lequel je pense qu'on peut
être d'accord, c'est sur le fait que les régions sont
différentes et qu'il faut tenir compte des différences. Je pense
qu'on a beaucoup fait ressortir l'impact, et M. le ministre a cité des
chiffres évocateurs au niveau du chômage dans le
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie. J'aimerais en profiter pour marteler le fait
que les chiffres qui sont en statistiques ne disent pas toujours tout non plus.
Je m'amuse périodiquement à faire le lien entre - je reste dans
le comté de Kamouraska - les chiffres mentionnés par les centres
de main-d'oeuvre sur le nombre de prestataires d'assurance-chômage et la
population active totale.
Actuellement, si on prend ces chiffres-là, il y a dans notre
région de Kamouraska, à peu près 2900 prestataires
d'assurance-chômage sur une population active de quelque 11 000
personnes. Cela fait autour de 25 %; ça fait du monde en chômage.
Bien sûr, on est en hiver et c'est la période de travail
saisonnier, mais tout ça pour faire ressortir le fait que d'une
région à l'autre, il y a des situations économiques
très différentes. Le Bas-Saint-Laurent est
particulièrement marqué de ce temps-là.
L'autre aspect sur lequel on veut insister
dans notre mémoire c'est qu'on ne partage pas l'approche
véhiculée dans le projet de réforme qui est de
réduire, à notre interprétation, les gens qui sont aptes
au travail à un genre de dénuement total pour les obliger, avec
le feu au derrière, à aller chercher des emplois. Chez nous on
considère que cette pratique pénalise des gens qui existent et
qui résident dans une région où ils ont beau être
motivés pour chercher un emploi, mais où il y en a
peut-être sept qui vont s'en trouver sur 150 qui vont s'en chercher.
À ce propos, c'est un passage qu'on trouve important de faire ressortir
de notre mémoire.
L'association, avec le développement de l'employabilité,
on trouve important d'axer le travail là-dessus, mais comme le disait
Jean-Yves tout à l'heure, on peut développer
l'employabilité des gens qui ont des problèmes d'adaptation au
marché du travail, mais il faut tout au moins qu'ils aient la
perspective d'avoir travaillé pour quelque chose après et qu'ils
vont déboucher sur du travail.
Le Président (M, Bélanger): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve, si vous voulez bien remercier nos
invités.
Mme Harel: Oui, M. le Président. Je vais vous remercier,
vous quatre. J'ai eu le plaisir de mieux connaître Mme Linda Gagné
- la présidente du front commun - qui est de votre région et qui
a bien fait comprendre qu'il serait hypocrite de prétendre que certains
peuvent améliorer leur situation plus que d'autres, avec la
réforme. Les obstacles sont différents, mais ils se dressent dans
la vie de beaucoup de nos concitoyens, qu'ils soient en milieu rural ou en
ville; ce sont des obstacles dont ils sont victimes et non pas responsables.
Vous venez de nous parler des obstacles qui se dressent dans la vie de vos
concitoyens de Kamouraska-Témiscouata, des Basques et de
Rivière-du-Loup et je pense qu'il faut simplement rappeler que les mieux
sont toujours les mêmes, qu'ils soient à Rimouski, à
Ahuntsic ou à Sillery et que les pires sont toujours les mêmes
aussi, sauf l'Abitibi, grâce à l'action du gouvernement
précédent et des actions accréditives, n'est-ce pas,
prouvant que ce n'est pas une résignation à la fatalité.
Il y a des régions qui peuvent s'en sortir. La preuve, c'est
l'Abitibi.
Donc il n'y a pas de fatalité et il n'y a pas de
résignation, il y a des responsabilités à prendre et il ne
faut pas les mettre sur le dos de ceux qui en sont victimes et sur celui de
ceux qui ont à prendre les décisions. Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous remercie de votre message.
Je ne suis pas encore persuadé et convaincu que tout le monde autour de
la table ait compris que les obstacles qui se dressent devant vous ne sont pas
de la même nature que ceux qui se dressent en milieu urbain. Mais je suis
confiant que d'autres groupes venant des régions appuieront votre
message et feront prendre conscience à tous les parlementaires de
l'Assemblée nationale qu'il faut une approche qui tienne compte des
particularités de chaque milieu, de façon qu'on puisse se donner
ensemble les outils pour franchir ces obstacles. Votre témoignage nous a
sensibilisés davantage à ces obstacles.
Je vous dirai que, sur le plan gouvernemental, votre message est
régulièrement articulé par celui qui est ministre des
Finances aujourd'hui au gouvernement et qui est conscient que la
fiscalité a également un grand rôle à jouer. Comme
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, je
m'engage, dans les programmes qui seront mis de l'avant, à tenir compte
des recommandations que vous nous avez adressées. Je m'engage
également à vous mettre à contribution dans
l'élaboration des programmes qui seront mis à la disposition de
ceux et celles qui n'ont malheureusement pas d'emploi et dont ce n'est pas la
faute, surtout dans une région comme la vôtre. Merci de votre
contribution.
Le Président (M. Bélanger): La commission remercie
le Collectif...
M. Lebel: Seulement deux petites secondes.
Le Président (M. Bélanger): Très rapidement
parce que nous avons largement dépassé le temps.
M. Lebel: Oui. Simplement pour conclure. Je vous remercie, M. le
ministre, Mme la députée, M. le Président. Je voudrais
répéter les quatre conditions, peut-être les cinq
conditions pour créer vraiment de l'emploi chez nous. Ce sont:
l'engagement politique du plein emploi, l'implication et la participation des
partenaires sociaux, l'engagement institutionnel, c'est-à-dire des
appareils gouvernementaux, la décentralisation administrative et, la
cinquième, que je viens de rajouter, le développement
régional. Sans cela, même si on parlait d'employabilité, on
ne peut pas parler, pour chez nous, de s'en sortir véritablement un
jour. Je pense que le coût du chômage vaut qu'on s'essaie pour ce
qui est du plein emploi parce que cela coûte cher de chômage chez
nous sur le plan des vies humaines et économiquement, on est en train de
fermer la région.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, la
commission remercie le Collectif formation travail du
Kamouraska-Rivière-du-Loup-Témiscouata-des Basques. La commission
ajourne ses travaux sine die tout en vous rappelant qu'elle reprendra ses
travaux après la période des affaires courantes, soit vers 15 h
30. Je vous remercie.
(Suspension de la séance à 12 h 27)
(Reprise à 15 h 36)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Je demanderais à chacun de reprendre sa place afin que la
commission des affaires sociales reprenne ses travaux sur la consultation
générale afin d'étudier le document intitulé "Pour
une politique de sécurité du revenu".
Nous recevons présentement, à la table des témoins,
le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale
région 02, c'est-à-dire du Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui devrait
être représenté par Mmes Sylvie Tremblay, Marie-Claude
Claveau, Marlène Gauthier et Brigitte Simard. Mesdames, vous connaissez
nos règles de procédure. Vous avez exactement vingt minutes pour
la présentation de votre mémoire et quarante minutes pour les
discussions avec les parlementaires.
Je vous prierais, d'une part, de vous identifier et de bien vouloir
procéder à la présentation de votre mémoire.
Merci.
Regroupement des ressources alternatives en
santé mentale région 02 (Saguenay-Lac-Saint-Jean)
Mme Simard (Brigitte): Avant de débuter, j'aimerais vous
préciser que Mmes Marie-Claude Claveau et Marlène Gauthier sont
absentes.
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les
députés, il nous fait plaisir, aujourd'hui, de nous adresser
à la commission des affaires sociales sur le projet de politique de
sécurité du revenu. J'aimerais vous présenter Sylvie
Tremblay, à ma droite, directrice générale depuis trois
ans et fondatrice du centre de rencontre l'Escale, de Jonquière; elle
est diplômée en animation culturelle de l'Université du
Québec à Montréal, et moi-même, Brigitte Simard,
diplômée en art et technologie des médias du collège
de Jonquière, intervenante communautaire depuis cinq ans, dont sept mois
au centre de rencontre Le Phare à la ville de La Baie, dans le domaine
de la santé mentale.
Nous provenons, Sylvie Tremblay, d'une ressource alternative en
santé mentale oeuvrant dans le secteur de Jonquière, et moi,
d'une ressource alternative en santé mentale desservant le territoire de
la ville de La Baie. Nos ressources sont des centres de jour, donc des milieux
ouverts permettant aux personnes qui ont vécu des détresses
émotionnelles de discuter de leur situation et de s'aider
mutuellement.
Un personnel compétent, à travers des activités et
un suivi individuel, pratique une forme de thérapie qui est axée
sur le cheminement quotidien de l'usager. Nos centres visent la prise en charge
de l'individu, le développement de son autonomie et la
réinsertion sociale, tout cela de concert avec la communauté.
Nous travaillons donc dans le respect de la personne, dans le respect de ses
décisions et de tout son cheminement personnel.
Comme nous travaillons quotidiennement depuis trois ans avec une
clientèle psychiatrique qui est composée à 90 % de
bénéficiaires de l'aide sociale, nous sommes en mesure
d'évaluer les répercussions de votre projet sur nos
usagés. Nous ne sommes pas experts en matière d'aide sociale bien
entendu et notre but n'est pas de critiquer l'ensemble du projet, mais
plutôt de vous présenter notre point de vue sur les principaux
éléments qui vont modifier la situation de nos usagers chez nous.
C'est donc la connaissance des besoins des personnes psychiatrisées qui
nous permet de réagir sur les modifications qui augmentent l'état
déjà alarmant dans lequel elles se trouvent.
Le projet tel que présenté est presque exclusivement
axé sur l'employabilité et le statut apte ou inapte. Nous
considérons importantes les mesures visant le retour au travail, mais
nous constatons le peu de réalisme de ces mesures pour nos usagers. Nous
croyons en effet que l'instauration d'une carte-santé donnant droit
à la gamme complète des services autorisés et la
diminution de la déclaration mensuelle à deux fois par
année viendront simplement adoucir la triste réalité de
nos usagers. Nos usagers sont victimes de préjugés,
"attichés" de leurs antécédents psychiatriques, ils ont un
vécu émotif difficile, ils sont souvent peu scolarisés et
en difficulté de réinsertion sociale. On pense que tout cela va
encore une fois étiqueter ces personnes. Nous voyons là la
facilité de tomber dans l'attitude générale qui est de
donner confort à ces personnes en évitant soigneusement le fond
du problème.
Quand on a voulu permettre aux personnes handicapées physiquement
de s'intégrer a la vie sociale, on a installé des rampes
d'accès, on a modifié les salles de bains, on a modifié
plusieurs établissements. Nous pensons que, dans le cas des personnes
psychiatrisées, il va falloir aller aussi loin que cela en
commençant par une meilleure connaissance de ces personnes. À
notre avis, c'est ce problème qui est en rapport avec votre projet,
cette démarche de démystification est essentielle dans l'optique
d'une réinsertion sociale de la personne.
Je vais laisser Mme Tremblay vous parler du programme APTE et ensuite,
je vais revenir avec des exemples concrets des conséquences de votre
projet pour nos bénéficiaires.
Mme Tremblay (Sylvie): Le programme APTE. Un participant au
programme Soutien financier a toujours la possibilité de
s'intégrer au programme APTE mais, s'il veut bénéficier
des avantages financiers du programme Soutien financier, il doit conserver son
étiquette psychiatrique. Autrement dit, il faut qu'il reste inapte, il a
quand même un montant qui est additionnel. C'est justement cette
étiquette qui nuit à sa réinsertion au marché du
travail. Il ne faut pas se le cacher, les employeurs préfèrent
engager la
crème des assistés sociaux, soit des personnes
scolarisés, des personnes expérimentées au travail. En
plus d'un retour difficile sur le marché du travail occasionné
par un manque de confiance en soi, la personne psychiatrisée doit faire
face aux préjugés des employeurs. Sans préparation pour sa
réinsertion sociale au travail et sans suivi individuel, les
démarches de la personne peuvent s'avérer un échec qui,
souvent, est difficile à surmonter. Pour toutes ces raisons, les agents
de main-d'oeuvre du centre Travail-Québec ont souvent tendance à
placer les demandes d'emploi des personnes psychiatrisées sous la pile
des autres demandes.
Dans le cadre du programme APTE, on confie l'évaluation de
l'employabilité et le suivi des participants aux agents d'aide
socio-économique. Les personnes ayant vécu des problèmes
de santé mentale ont besoin d'un suivi individuel particulier. En raison
des "case loads" trop élevés des agents d'aide sociale, nous
voyons difficilement comment ceux-ci pourront trouver le temps de bien suivre
leurs clients. De plus, la majorité des agents d'aide
socio-économique ignore la problématique vécue par les
personnes psychiatrisées et connaissent souvent mal les ressources qui
sont aptes à les aider.
Dans une région comme la nôtre où le taux de
chômage est élevé, il faudrait que les employeurs et la
population fasse une grande preuve de créativité afin de
développer des projets d'emploi pour les personnes
défavorisées. Il ne faudrait pas non plus que les efforts
d'intégration soient une action charitable et temporaire de la part des
employeurs.
Malheureusement, les programnes comme Stages en milieu de travail,
Travaux communautaires et le bon d'emploi sont de courte durée et
souvent démotivants pour la clientèle. On considère la
clientèle un peu comme de la main-d'oeuvre à bon marché.
Parce que ce sont des personnes qui ont des problèmes de santé
mentale, souvent, on leur fait faire des travaux manuels ou des choses comme
cela. La personne ne se trouve pas toujours valorisée dans ces travaux.
Après un an de participation, elle doit s'impliquer dans un autre
programme et ce n'est pas seulement pour les personnes psychiatrisées.
Quand elle a fait le tour de tous les programmes, où va-t-elle
travailler après?
Ensuite, les statistiques des fiches internes du ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu mentionnent que pour
environ 300 000 ménages considérés aptes, seulement 60 000
places seront disponibles, c'est-à-dire que quatre personnes sur cinq se
retrouvent dans la case "admissible aux mesures", donc elles seront admissibles
et pauvres.
En ce qui concerne la santé mentale, la recherche souligne que la
pauvreté et le chômage ont pour conséquence, de plusieurs
manières, d'augmenter le risque de problèmes de maladies
mentales. Les maladies mentales constituent ainsi l'un des problèmes de
santé les plus importants dans notre société. Ce groupe de
maladies vient au premier rang dans l'ordre des dépenses publiques de
santé au Québec. C'est une statistique qui vient du Centre des
services sociaux du Montréal métropolitain dans une recherche
qu'il avait faite sur la pauvreté et la richesse dans les régions
urbaines au Québec.
Nous aimerions également vous parler des personnes qui demeurent
en famille d'accueil. De leur prestation, un certain pourcentage va directement
au responsable de la famille d'accueil, pour payer leur logement et leur
nourriture. De ce montant, il y a un solde de 115 $ qui est alloué au
bénéficiaire pour ses dépenses personnelles, mais
malgré les indexations régulières au coût de la vie
des prestations d'aide sociale, le montant de 115 $ n'a jamais augmenté
pour les bénéficiaires. Donc, il y en a plusieurs qui
réclament une augmentation de ceci, car c'est toujours la famille
l'accueil qui la reçoit.
Nous croyons que des changements importants ne peuvent être
apportés à la condition des personnes aux prises avec des
détresses émotionnelles sans démystifier leur état
auprès des personnes qui auront à intervenir avec elles et
auprès de la population en général. Nous demandons aussi
que les agents des centres Travail-Québec soient préparés
à intervenir avec nos usagers, qu'ils disposent d'un environnement
réaliste pour assurer leur suivi nécessaire. Cela veut dire
d'avoir peut-être à s'occuper de moins de clients, d'avoir des
meilleures conditions. Les ressources communautaires commme les centres Le
Phare et l'Escale doivent être considérées comme des
partenaires importants dans la réinsertion sociale des personnes
inaptes. Notre expertise quotidienne saura soutenir les structures en place
dans l'augmentation de l'employabilité.
Il faudra, bien sûr, ouvrir les possibilités d'emploi
à notre clientèle. Nos usagers veulent travailler. Entrer dans le
tunnel des inaptes et garder cette étiquette pour la vie, cela ne
correspond pas à leur idéal. Il faudra développer plus de
services externes de main-d'oeuvre et mettre sur pied des plateaux de travail
adaptés à notre clientèle. Cela permettra aussi à
la communauté de s'impliquer dans la réinsertion sociale de ces
personnes. Nous croyons qu'il est temps de rendre justice au potentiel social
et humain des personnes psychiatrisées en leur donnant pour une fois la
chance de sortir des stéréotypes et préjugés qui
s'accumulent sans cesse et qui font d'eux des perdants.
Mme Simard va vous donner des exemples concrets de retour au
travail.
Mme Simard: J'aurais aimé pouvoir amener les
bénéficiaires avec moi pour les laisser vous raconter leur
expérience de travail, parce que c'est souvent dans le coeur de ces
choses qu'on comprend bien tout l'impact de ce genre de projet. Je vais vous
parler d'un premier cas qui s'appelle Pierre. Ce que je vais essayer
là-
dedans, dans le fond, c'est de vous démontrer l'importance de
bien connaître la clientèle. Quand on parle de suivi
accordé aux personnes qui vont réintégrer le marché
du travail, c'est de cela dont on veut parler.
Alors, Pierre a 24 ans. C'est un gars qui fréquente le centre Le
Phare depuis deux ans. Pierre a des problèmes émotifs importants
qui sont reliés à son enfance. Cela se traduit, chez lui, par des
difficultés à se faire une place dans la société,
un manque de confiance en lui, des comportements dépressifs.
L'été passé, Pierre s'est trouvé un emploi pour la
municipalité. Il était bien content. Il est parti avec son casque
et ses bottes de travail pour tondre le gazon, planter des fleurs, ramasser les
déchets dans les espaces municipaux, sauf que Pierre a eu beaucoup de
difficultés parce qu'il y avait évidemment une équipe de
travail pour tondre le gazon, etc., mais une équipe de travail qui
n'était pas prête à recevoir Pierre parmi elle. C'est avec
beaucoup de difficultés que Pierre a réussi à terminer son
projet pour se ramasser vingt semaines pour les prestations
d'assurance-chômage. Bien sûr, Pierre est comme les autres, il veut
ramasser ses timbres.
Pierre est fragile et hypersensible. Il est la proie de ses compagnons
de travail. On se moque de lui et de ses réactions. On dirait que les
gens ont une facilité à s'acharner sur le genre de personnes qui
en arrachent. Après ses huit heures de travail, Pierre vient au centre,
car nous sommes ouverts le soir. Il vient chez nous et nous raconte ce qui se
passe. Au fond, il vient chercher du soutien. Il vient verbaliser ce qui s'est
passé. Il n'a que chez nous presque où il peut dire cela. Au
fond, il n'a pas grand monde pour l'écouter. On avait
déclaré Pierre inapte. On lui a finalement trouvé un
travail. Il m'arrive et dit: Brigitte, je suis tout mêlé. Je suis
apte ou inapte? Est-ce que je suis capable de faire cette "job-là"?
Peut-être qu'ils ont raison? Je suis inapte et je devrais peut-être
retourner chez nous.
On s'assoit avec Pierre et on travaille sa motivation. On travaille
l'image qu'il a de lui et l'image que les autres ont de lui aussi et cela
devient difficile d'entrer là-dedans. Je ne sais pas si vous voyez le
genre de situation que cela peut faire. Au fond, la réalité est
qu'il y avait un manque d'information du côté de l'employeur. Ces
gens n'étaient pas prêts à recevoir Pierre. Il était
peut-être prêt, lui, à travailler, mais eux n'étaient
pas prêts à le recevoir. Donc, l'agent de main-d'oeuvre qui avait
placé Pierre ne connaissait pas le milieu. Il ne nous connaissait pas.
Il n'est pas venu nous voir pour qu'on l'aide à insérer Pierre
dans son milieu de travail.
Pierre a terminé ses vingt semaines, il est encore prestataire de
l'assurance-chômage. Il va travailler à nouveau cet
été, mais cela a été bien difficile.
Là-dedans, on aurait peut-être pu perdre Pierre pour encore deux
ans. Il aurait pu rechuter et retourner à l'institut, coûter des
sous et quoi encore? C'est vraiment le cercle vicieux. En tout cas, cela prouve
l'importance d'utiliser les ressources qui sont en place dans la
communauté. Ce que je veux vous dire, c'est qu'il serait peut-être
important que les centres Travail-Québec connaissent les resssources,
nous connaissent et se servent de notre expertise et de nos moyens pour
améliorer peut-être leur qualité d'intervention
auprès de ce genre de personnes.
Mme Tremblay: Ou qu'ils préparent tout simplement les
employeurs au fait que la personne a vécu des difficultés et
qu'ils préparent bien aussi leurs clients à retourner sur le
marché du travail. Quand on parle de suivi, c'est cela.
Mme Simard: Alors, voilà pour le cas de Pierre. On va
prendre le cas de Rita, un deuxième cas. Ce que je veux que vous
reteniez de ce deuxième cas, c'est l'importance d'un suivi
adéquat, c'est un exemple où il y a eu un suivi et une
préparation, et vous allez voir ce que cela donne.
Rita a 28 ans. Elle est diagnostiquée schizophrène
chronique. C'est un cas lourd. Un cas lourd, cela veut dire un cas qu'on
travaille moins parce que c'est presque de l'irrécupérable. Nous,
on est les bonnes soeurs des causes perdues. On a dit: Pour Rita, on va essayer
quand même. Alors, Rita a fréquenté le centre pendant deux
ans - elle vient encore. Elle avait été placée à
Centrait au Saguenay-Lac-Saint-Jean, ce sont des plateaux de travail
adapté pour les déficients mentaux, mais ne vous trompez pas,
Rita n'est pas déficiente, elle est seulement schizophrène.
Enfin.
Une voix: Ce n'est pas Le Phare qui l'a placée
là?
Mme Simard: Non, ce n'est pas nous, elle avait été
placée par son éducateur à Centrait, donc dans un lieu de
déficience.
Rita voulait travailler, être utile, se sentir valorisée
dans la société. Le travail à Centrait n'a pas tellement
bien fait, c'est de la reliure. Ce n'était pas assez socialisant.
C'était trop répétitif. Rita n'est pas déficiente,
elle est seulement schizophrène, il faut se le rappeler. Alors, elle
vient au centre et elle nous dit: Mon rêve, c'est de travailler dans un
hôpital. J'aimerais être infirmière. On lui a dit: Rita,
peut-être que tu n'es pas prête à être
infirmière, mais on va voir ce qu'on peut faire. Alors, on a
travaillé, on a recherché, analysé. On a rencontré
plein de gens, plein de milieux de travail et on a fini par convaincre
l'éducateur de Rita, les parents de Rita, les médecins de Rita,
tout l'entourage de Rita, que Rita avait des possibilités.
Après un an de travail d'une personne qui travaille chez nous,
qui a pioché bien fort pour trouver un lieu de travail à Rita, on
lui a trouvé un stage dans une infirmerie chez une congréga-
tion de soeurs. Les bonnes soeurs sont fines, elles ont dit: On va
essayer cela avec Rita. Rita commence la semaine prochaine. Elle ne sera pas
payée. On ne peut pas tout avoir. C'est un stage mais, en tout cas, elle
sera dans un milieu qui ressemble un peu à un hôpital. C'est ce
qu'elle voulait. Elle sera dame de compagnie; elle fera un peu d'entretien,
épongera les fronts, amènera les verres d'eau. Vous devriez la
voir, elle est transformée. Je pense que c'est légitime de
vouloir être valorisée dans quelque chose pour lequel on se sent
destiné.
C'est sûr que ce genre de démarches, c'est long et cela
demande de la patience, de l'énergie et quelqu'un qui le fasse. C'est
sûr aussi, à mon avis, que c'est difficilement faisable à
l'heure actuelle dans les centres Travail-Québec. Je me dis: II y a
possibilité, par contre, d'un partenariat. On a l'expertise,
étant donné qu'on a une thérapie quotidienne avec nos
bénéficiaires, qui sont aussi les vôtres dans le fond, il y
aurait peut-être une possibilité de travailler ensemble à
ce niveau-là.
Ces exemples portaient sur l'importance de reconnaître et
d'utiliser les ressources déjà disponibles dans la
communauté. Cela pourrait être payant pour tout le monde. Dans
notre tête à nous, le partenariat, c'est cela. C'est tout.
Le Président (M. Bélanger): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous remercie de votre
témoignage. Les cas illustrent souvent mieux qu'un long discours ou un
long écrit la façon dont notre système fonctionne. On a
une clientèle difficile à l'aide sociale. Je ne vous parlerai pas
de la clientèle qui vous concerne plus spécifiquement, en
débutant - la clientèle admissible au programme Soutien financier
- je vais plutôt vous parler de l'autre que l'on considère apte.
36 % à 40 % de cette clientèle sont des analphabètes
fonctionnels, 60 % n'ont pas terminé leur cours secondaire et 40 % de
cette clientèle n'ont aucune expérience de travail. Je comprends
bien que les gens dont vous vous occupez ne sont pas ceux-là. Ils vont
trop bien. Vous vous occupez principalement des autres 25 %.
Comme société, on peut avoir plusieurs approches,
plusieurs choix. Il y a une approche traditionnelle qui veut qu'on se justifie
en envoyant un chèque mensuel et en disant: On a fait ce qu'il y avait
à faire. On oublie ces gens-là en n'apportant pas d'autres
ressources ou alternatives. Pour la clientèle que vous visez, ce que
nous proposons comme politique de sécurité du revenu, c'est une
augmentation du montant de base du chèque mensuel. On propose
également de rendre ces gens-là admissibles - ou
éligibles, appelons cela comme on voudra - aux mesures du programme
APTE. Des groupes, qui représentent un peu la même la
clientèle que celle que vous représentez dans d'autres
régions de la province, nous ont dit: Oui, mais le programme APTE que
vous pensez à mettre sur pied, même si vous voulez le
personnaliser, le régionaliser, etc., ne sera peut-être pas
adapté à notre clientèle. Je tiens à vous dire que
nous avons pris bonne note de cette argumentation présentée par
les autres groupes et à laquelle vous adhérez.
Vous avez soulevé une question également soulevée
par d'autres groupes qui sont venus nous voir. Là-dessus, j'aimerais que
vous élaboriez un peu plus. Il y a toute la question de
l'étiquette, si je peux m'exprimer ainsi.
On veut, pour autant que faire se peut, traiter tout le monde de la
même façon, mais lorsqu'on demande d'avoir des programmes
adaptés dans APTE, il y a déjà là une
différence. Lorsqu'on sait qu'une personne de cette clientèle ou
eligible au programme Soutien financier va passer une longue période de
sa vie à l'aide sociale, malgré tous les efforts qu'elle puisse
honnêtement faire, cette personne-là n'aura pas l'occasion d'aller
gagner au moins le salaire minimum et d'accumuler un peu de biens
matériels, etc. On ajoute donc à sa prestation. Peut-être
aurait-on avantage à changer le vocabulaire, à modifier les
expressions, mais je cherche encore le secret ou la recette magique qui ferait
en sorte qu'on puisse offrir des programmes adaptés et qu'on puisse
offrir davantage sur le plan financier pour tenir compte des besoins
réels sans se faire accuser d'étiqueter ou de catégoriser.
Là-dessus, j'aimerais vous entendre.
Mme Tremblay: C'est cela. L'étiquette - veut, veut pas -
de la personne qui a eu des problèmes de santé mentale la suit
toute sa vie. Quand ils sont dans le programme Soutien financier, c'est certain
que ces gens ont des avantages sociaux. C'est peut-être les encourager
à rester avec cette étiquette-là. C'est cela qu'on veut
dire. Il existe des services comme le SEMO. Ce sont des services qui
fonctionnent quand même assez bien et qui réussissent à
faire travailler certains de nos usagers. Malheureusement, ces programmes sont
trop courts. Cela occasionne souvent des rechutes. Supposons que quelqu'un
travaille quand même douze semaines à temps plein de par un SEMO,
ces gens-là font des rechutes. C'est une question à laquelle il
est difficile de répondre, dans le fond.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que vous nous dites, c'est que
les programmes actuels tels qu'ils fonctionnent...
Mme Tremblay: Oui. Ils sont courts.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...sont finalement trop
limités dans le temps, ne tiennent pas compte du fait que les efforts
exigés prennent plus de temps que ce que les normes prévoient
actuellement.
Mme Tremblay: C'est cela. Il y a aussi les employeurs qui ne sont
pas toujours bien préparés à recevoir ces
personnes-là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est un peu l'exemple de
Pierre.
Mme Tremblay: Oui, c'est cela. En regard du Service
extérieur de main-d'oeuvre, il y a quand même un bon travail qui
est amorcé dans ces centres de main-d'oeuvre sauf que les programmes de
création sont très courts. Ils sont limités parce qu'ils
font de très bons suivis. Nous autres, on est bien d'accord avec ce qui
se passe dans ces services-là. Il pourrait peut-être y avoir - je
ne sais pas - des plateaux de travail adaptés pour nos
clientèles. Mais je sais que c'est le soutien, je pense. Ce que les gens
veulent, c'est travailler. Ils ne veulent pas rester inaptes toute leur vie.
(16 heures)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai compris, à travers un
vocabulaire également feutré, que nos centres
Travail-Québec ne sont peut-être pas en mesure de relever le
défi de cette clientèle plus lourde.
Ma question va peut-être s'adresser, parce que dans votre
région, au Saguenay, vous avez un SEMO pour personnes
handicapées, il y en a également un dans la région du Lac
Saint-Jean... Quelle est votre appréciation des services rendus aux
handicapés par ces SEMO?
Mme Simard: Je suis en retard. J'aurais voulu réagir sur
votre question précédente.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Revenez-y.
Mme Simard: J'y reviens? D'accord.
C'est à propos de l'étiquette. Quand on parle de
l'étiquette et du problème que cela soulève, c'est
sûr qu'on n'a peut-être pas de solution miracle. Nous autres aussi
on recherche une recette magique. Si on la trouve, c'est promis, on vous
l'envoie par Purolator. Sauf que quand on parie d'étiquette, dans le
fond, le problème c'est que oui, la personne qui est
déclarée inapte parce qu'elle a un problème psychiatrique
- parlons-en, c'est notre clientèle - dans les centres
Travail-Québec, cela va lui donner plus de sous, mais dans les
programmes d'emploi, cela va la mettre en dessous de la pile, parce que, cette
personne... En tout cas, ce n'est pas tentant pour un agent de main-d'oeuvre de
la proposer nécessairement tout de suite.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela peut compromettre ses
statistiques de réussite.
Mme Simard: Peut-être. C'est ma réaction sur...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. On n'a pas
répondu complètement a la deuxième question, mais, moi
aussi, je suis limité dans le temps, il y a le député de
Sainte-Anne qui veut intervenir, de ce côté-ci.
J'ai peut-être une question qui me préoccupe. Je regarde
les usagers de vos centres, suivant le mémoire que vous nous avez
fourni. Je remarque que, dans le cas du centre de rencontre Le Phare, c'est
61,8 % d'hommes et 38,2 % de femmes et, dans le cas de l'Escale de
Jonquière, c'est 58 % d'hommes et 42 % de femmes, alors qu'il y a 52 %
de clientèle à l'aide sociale qui sont composés de femmes
et 48 % d'hommes. Comment expliquez-vous cette...
Mme Tremblay: C'est une statistique aussi au niveau des
problèmes de santé mentale. Au niveau du taux de suicide, il y a
toujours plus d'hommes. Dans nos centres aussi, il y a d'autres groupes... En
tout cas, à ville de La Baie... Je peux parler pour Jonquière,
les femmes ont d'autres endroits où elles peuvent aller; elles ont
peut-être plus tendance à aller chercher des ressources
extérieures, tandis que les jeunes hommes - ce sont surtout des jeunes
hommes qu'on a à l'Escale - n'avaient pas d'endroit où aller.
C'est peut-être l'orgueil masculin qui fait qu'ils ne vont pas souvent
dans d'autres groupes ou qu'ils se confient moins à leur famille,
à leurs parents ou à leurs amis; je ne le sais pas. C'est pour
cela qu'on a plus d'hommes.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve. Je vous en prie.
Mme Harel: M. le Président, je salue Mmes Tremblay et
Simard. J'ai eu le privilège de visiter Le Phare à ville de La
Baie, au mois de septembre dernier, donc de voir comment vous étiez
installées et comment vous travailliez, de voir des usagers qui
étaient sur place au moment où j'y suis allée, de me faire
expliquer par votre coordonnatrice, je crois, Mme Jennifer...
Mme Simard: Jennifer-Ann Corriveau.
Mme Harel: C'est cela. Elle avait bien réussi son
intégration. Elle me racontait qu'elle est Anglaise d'Angleterre,
qu'elle est venue il y a à peine quelques années et elle est,
maintenant, certainement une des personnes très respectées dans
toute la communauté. Elle m'avait raconté que parmi les usagers,
il y avait deux personnes, qu'elle m'avait identifiées, qui avaient
vécu dans une automobile devant le centre faute de logement. Elle
espérait beaucoup de l'Année des sans-abri pour obtenir un projet
de construction de logements. Je crois que sa réponse avait
été négative. Est-ce que cela a été
modifié depuis?
Mme Simard: Non. On n'a toujours pas de sou pour
l'hébergement. On a encore des gens... Bien, le gars qui couchait dans
sa voiture n'en a plus.
Mme Harel: Ah!
Mme Simard: Cela peut vous dire un petit peu...
Mme Harel: Qu'est-ce qu'il devient, maintenant?
Mme Simard: De temps en temps, il se trouve des sous pour coucher
dans un hôtel, le genre d'hôtel où sûrement personne
ici n'irait coucher. Quand il n'en a pas, il va coucher chez un ami et, de
temps en temps, il se promène d'un Provi-Soir - chez nous, les
Provi-Soir sont ouverts 24 heures, les Couche-tard - il fait le tour des
Couche-tard et, le jour, il vient dormir chez nous.
Mme Harel: Cela avait été, pour moi, vraiment
révélateur...
Mme Simard: Oui.
Mme Harel: ...de voir que ce n'était pas seulement dans un
centre-ville, très anonyme, comme à Montréal, que ce genre
de problème de sans-abri pouvait se produire.
Vous êtes le deuxième groupe de ressources en santé
mentale qui venez devant la commission. Est-ce que vous avez eu des rencontres
sur l'ensemble des ressources alternatives en santé mentale? Avez-vous
pu discuter du document d'orientation?
Mme Tremblay: À la table provinciale, il y a eu des
rencontres. Jennifer, qui n'est pas ici présentement pour cause de
maladie, avait rencontré le regroupement. Donc, ils s'étaient
concertés un peu.
Mme Harel: Quand le premier regroupement disait, un peu comme
vous le faites: Le risque est grand de voir la personne confinée dans un
statut d'inemployable à inapte; le handicap - et c'est un peu la
démonstration qu'il en faisait - vient plus de la société.
Donc, puisque le ministre est bien disposé, c'est, d'une certaine
façon, l'employeur qui devrait être subventionné pour
engager la personne handicapée et pour ajuster son poste de travail, de
manière à pouvoir la recevoir adéquatement.
Tantôt, quand vous parliez, je me disais: II y a peut-être
une chose à laquelle il faut faire attention, il ne faut pas confondre
travailler en étant apte au fait d'être privé de participer
à des mesures. C'est-à-dire que quand on est apte, ce n'est pas
un travail, c'est juste la participation à des mesures.
Je vous écoutais tantôt parler du SEMO qui offrait... Ce
n'était pas des mesures. C'était un vrai travail. Ce que les gens
considèrent comme un vrai travail, c'est quand ils ne sont plus
bénéficiaires de l'aide sociale. C'est ça dans le fond. Un
vrai job, c'est quand on ne reçoit plus d'aide sociale.
Mme Tremblay: Mais le SEMO sert quand même de programme de
travaux communautaires de stage en milieu de travail.
Mme Harel: D'accord. Ah bon!
Mme Tremblay: Le problème, dans le SEMO, c'est que c'est
trop court. Les suivis y sont très bons pour les gens qui ont la chance
d'être suivis par un agent du SEMO, sauf qu'après douze semaines,
la personne se retrouve encore bénéficiaire de l'aide sociale,
elle ne travaille plus. Le temps qu'elle travaille, ça va bien. Elle
n'est pas préparée à se retrouver, après, sans
travail.
Mme Harel: La question que je me posais: Ce matin, le ministre
disait qu'il ne fallait pas que cela dure longtemps pour ne pas que,
contrairement aux États-Unis où il y a eu des programmes comme
ceux-là, quelqu'un reste trop longtemps sur des mesures qui
n'étaient pas des vrais jobs. Donc, pour éviter cela, son projet
était qu'il ne reste pas longtemps. Ce matin, vous avez dit qu'il ne
fallait pas que ces mesures durent trop longtemps quand vous interrogiez Mme
Lalanne.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai dit pas éternellement,
pour ne pas créer...
Mme Harel: Oui, l'accoutumance.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux l'expliquer
brièvement. L'État de New York a vécu cela pendant
plusieurs années. Cela crée une sous-catégorie de
travailleurs, en bas du salaire minimum, sans les normes du travail. Ils se
rendent jusqu'à leur pension, finalement, en travaillant dans les
travaux communautaires. C'est un risque.
Mme Harel: D'un côté, il y avait ce
risque-là. La question est: Où vont-ils se retrouver si c'est un
an? Même si cela en était deux et que ce serait pour le mieux,
comme vous pouvez le souhaiter, j'aimerais savoir combien de temps vous pensez
que les mesures pourraient durer? Après, dans une région comme la
vôtre, où peuvent aller les personnes comme celles que vous
représentez? Qu'est-ce qu'il leur reste après qu'elles aient
participé aux mesures?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II n'y a pas d'exclusion...
Mme Harel: Est-ce qu'elles redeviennent admissibles? Dans quelle
catégorie se retrouvent-elles?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II n'y a pas d'exclusion de la
mesure. Cela dépend de son
plan d'action qui est personnalisé avec l'agent d'aide sociale.
Si c'est un cas qui est lourd, on peut prévoir, et la mesure est souple
à ce moment-là; si c'est 18 mois, deux ans, deux ans et demi,
trois ans, il y a un programme personnalisé qui évolue suivant
l'employabilité de la personne au début. Plus le cas est
difficile, plus il peut rester longtemps dans les mesures
d'em-ployabilité.
Mme Harel: Pensez-vous que l'agent d'aide sociale est en mesure
de faire ce que nous décrit le ministre et qui m'apparaît bien
théorique? Qu'est-ce que vous en pensez? Vous êtes en contact avec
des agents. Est-ce qu'ils ont la connaissance?
Mme Tremblay: J'ai une amie qui est agent d'aide sociale et elle
a une soeur... donc...
Mme Simard: Ma propre soeur.
Mme Harel: Parlez-nous-en. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Tremblay: Ils ont vraiment beaucoup de clients et il faudrait
qu'ils soient plus nombreux ou qu'ils aient une charge de travail moins grosse
parce que c'est seulement la tâche administrative qu'ils font. Alors,
comment feront-ils pour avoir un suivi particulier avec une clientèle
psychiatrique? Quand je les vois, ce sont les fins de mois, puis il faut
régler... c'est vraiment administratif.
Mme Harel: Oui.
Mme Simard: Ce qui se passe aussi c'est que, souvent, ils ont
peur de notre clientèle parce que - je suis venue vous parler des
personnes psychiatrisées - quand elles sont à leur table, cela
fait peur un schizophrène quand tu ne sais pas ce que c'est. Donc, il
faut démystifier, il faut les faire connaître. Si une personne ne
comprend même pas la personne qu'elle a devant elle, comment voulez-vous
qu'elle lui trouve un emploi à sa mesure où elfe peut
acquérir une expérience qui lui permettra de sortir des 18 mois,
12 mois, 8 mois... Je me dis, peu importe la durée, l'important c'est
qu'on mette des moyens. Si cela dure 12 mois, cela durera 12 mois; si cela dure
9 mois, cela sera 9; si cela en prend 18, cela en prendra 18. On ne veut pas
placer le monde en attendant. On veut les outiller pour qu'ils s'en sortent. On
s'arrange quant à la durée.
Mme Tremblay: Si son expérience de travail est valable, la
personne peut quand même se sentir plus en forme pour chercher un autre
emploi. Si l'employeur est satisfait, il peut peut-être l'employer
à nouveau sans que ce soit dans le cadre du programme Travaux
communautaires. Il y a peut-être moyen d'employer la personne à
temps plein, si elle a confiance en elle. Quand ce sont des travaux de courte
durée, c'est souvent cela qui arrive.
Mme Harel: Je suis contente. Vous êtes le premier groupe du
Saguenay-Lac-Saint-Jean qui êtes devant la commission. C'est
peut-être la bonne occasion de nous dire si, dans votre région,
toute personne de moins de 30 ans qui a voulu participer à un des
programmes Retour aux études, Travaux communautaires ou Stages en milieu
de travail a pu le faire, à votre connaissance? Est-ce qu'il y a eu des
quotas? Est-ce qu'il y a eu des budgets qui étaient plafonnés
à un moment donné, qui étaient dépensés?
Comment se fait-il qu'il y en ait seulement 20 % environ dans l'ensemble du
Québec - on n'a pas encore eu les chiffres du ministre, donc on ne peut
pas dire dans chacune des régions... Comment se fait-il qu'il y en
aurait eu seulement 20 % qui auraient participé malgré que
l'incitation, pour les moins de 30 ans, ait été de doubler, ou
presque, la prestation? Comment se fait qu'il y en ait eu si peu? Est-ce que
cela a aussi été l'impression chez vous? N'oubliez pas que le
projet c'est d'ouvrir ces mesures à tout le monde et qu'il n'y en a eu
que 20 % qui les ont utilisés jusqu'à maintenant. Est-ce que tes
mesures existent pleinement, ouvertes? Ou jour au lendemain, tout le monde
pourrait y participer.
Mme Tremblay: C'est un problème. C'est un peu comme ce
qu'on disait tout à l'heure dans le mémoire. Les employeurs
préfèrent prendre la crème. Si quelqu'un n'a pas beaucoup
d'expérience, il peut essayer de s'inscrire au programme Travaux
communautaires. Peut-être qu'il va être moins choisi. Il y a aussi
le fait que, quand les gens ont fait le tour du programme Travaux
communautaires ou Stages en milieu de travail, ils ne peuvent pas le refaire.
Souvent aussi, ils se trouvent de l'emploi ailleurs.
Mme Harel: Votre amie et votre soeur vous en parlent-elles
parfois?
Mme Simard: On ne parte que de cela le vendredi soir.
Mme Harel: Supposons que vous avez quelqu'un à placer,
est-ce que c'est facile?
Mme Simard: Non. Vraiment pas. Ma clientèle, mes
bénéficiaires de l'aide sociale qui, en plus, sont aux prises
avec des problèmes psychiatriques, c'est bien dommage, ils n'ont pas de
travaux communautaires. Ils ne réussissent pas à se placer. Ceux
que nous avons dans le programme Travaux communautaires, chez nous à
ville de La Baie ce sont des infirmiers à qui il manque un cours pour
avoir leur DEC, ce sont des gens qui ont fait Katimavik. On parle des jeunes
chanceux. C'est cela, dans le fond. Ma
clientèle veut, mais cela ne marche pas. Il manque quelque chose.
Ma soeur, ma propre soeur, celle qui travaille dans un centre
Travail-Québec a déjà une charge de travail énorme.
Le service d'accueil dont elle est responsable est surchargé. Sa
directrice de centre Travail-Québec qui est bien ouverte et qui est une
femme bien sympathique, et moi avons décidé d'organiser une
rencontre Le Phare-centre Travail-Québec pour leur dire: Arrêtez
d'avoir peur de nos cas, ils ne vous mangeront pas. En même temps, ils
nous aideront à mieux comprendre la Loi sur l'aide sociale. On aurait
aimé que ces choses se fassent davantage, pas nécessairement que
ce soit nous qui allions vous dire: Nous sommes une petite ressource
communautaire et on a bien de l'expertise. Vous voulez travailler avec nous? On
voudrait qu'il y ait des moyens concrets de développer du partenariat
localement, des affaires qui vont permettre, à vous et à nous,
d'avancer et de rendre toute cette affaire plus réaliste.
Mme Tremblay: Je pense à votre question, il y a une
affaire...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous me le permettez, je ne
peux pas laisser passer. Elle dit: II comprend.
Il y a une différence entre le comprendre et l'appliquer et
s'assurer que dans le quotidien, dans le bureau de centre
Travail-Québec, où fa personne qui travaille dans le groupe
communautaire n'a pas de soeur dans le centre Travail-Québec, cela
fonctionne aussi facilement. Ce sont là toutes les
difficultés.
Mme Simard: En tous cas, nous avons besoin de cela. On a besoin
qu'il y ait des choses établies. (16 h 15)
Mme Tremblay: II y a une autre chose aussi, c'est que les
bénéficiaires de l'aide sociale connaissent mal le programme
Travaux communautaires ou Stages en milieu de travail. Ils ont souvent tendance
à percevoir ce programme-là comme du "cheap labour" et disent:
Bon, qu'est-ce que cela me donne d'aller là, cela va me donner quoi, 2 $
de plus l'heure que ce que je gagne avec l'aide sociale? Ce qui fait qu'ils ne
connaissent pas bien le programme. C'est pour cela, parfois, les gens ne
veulent tout simplement pas participer à ces programmes-là et
disent: Ce n'est pas assez intéressant, je gagne moins que le salaire
minimum, je fais juste... Mais si tu considères que tu fais 20 heures
par semaine et que cela donne quand même un salaire intéressant,
cinq dollars et plus, nous autres, à l'Escale et au Phare, on engage des
gens pour des travaux communautaires. La majorité des personnes que nous
avons engagées se sont trouvé des emplois à temps plein
à la fin du programme. Donc, je pense que c'est quand même assez
positif. Je parle avec l'agent du CRSSS qui s'occupe de nos programmes et pour
les gens placés dans les projets de travaux communautaires, il y a un
bon taux d'emploi après. C'est peut-être que les
bénéficiaires d'aide sociale méconnaissent ces
programmes-là.
Mme Simard: Si vous permettez. Les bénéficiaires,
quand ils vont aller en travaux communautaires, ils vont avoir besoin
d'être suivis, d'être épaulés, soutenus, compris et
de parler avec des gens qui n'auront pas peur, qui vont les comprendre, des
gens préparés et des milieux prêts aussi. Cela compte
aussi.
Mme Harel: Comment peut-on expliquer que les jeunes dont vous
parliez - je crois que c'est Mme Tremblay - ne connaissent finalement pas
l'avantage qu'ils pourraient tirer de participer à des travaux
communautaires? Est-ce qu'il y en a qui leur sont offerts?
Mme Tremblay: C'est cela. Moi, des fois, j'ai des
problèmes pour trouver les intervenants avec l'agent qui s'occupe
principalement des travaux communautaires. Il dit: Mes gens ne veulent pas
participer, je ne peux pas les forcer. Ils se disent que cela ne donnera pas
beaucoup plus. Ils ne voient pas en arrière l'expérience que cela
peut leur donner. Parce que c'est une expérience pertinente. C'est
peut-être parce qu'il y a des employeurs qui font faire du "cheap
labour", je ne le sais pas.
Mme Harel: Mais les travaux communautaires ne sont quand
même pas dans le domaine de la production. Ce n'est pas dans le domaine
de la fabrication.
Mme Tremblay: Non. Cela dépend de l'employeur. Si
quelqu'un est engagé pour faire le ménage, c'est moins valorisant
que de faire de l'intervention comme on fait à l'Escale. C'est sûr
que c'est peut-être une exception, mais la plupart du temps c'est
cela.
Mme Harel: Vous, ce sont des jeunes et des hommes en
général. C'est cela?
Mme Tremblay: Oui.
Mme Harel: Vous disiez devant la commission, que dans le domaine
de la santé mentale - cela m'a surprise aussi, c'est vrai - ce sont
surtout des hommes finalement qui sont victimes de problèmes de
santé mentale. C'était vraiment révélateur de voir
tous les pourcentages. Cela m'a beaucoup surprise. Je dois vous dire que cela
m'a... Mais je pense que c'était même un psychiatre... Je ne sais
pas si c'était un psychiatre ou un médecin du Lac-Saint-Jean qui
a fait toute une étude juste là-dessus et qui réclame du
ministère de la Santé et des Services sociaux une direction de la
condition masculine en termes de santé mentale. Il dit qu'il y a
là un gros problè-
me. Je ne sais pas si ceux qui ont participé à la
commission s'en souviennent. Alors donc ce sont là... Vous savez, la
conclusion, et j'ai comparé cela dans notre grand
échantillonnage, c'est que les femmes aiment beaucoup participer aux
travaux communautaires.
Mme Tremblay: Oui.
Mme Harel: C'est très valorisant. Les hommes, je n'ai pas
un gros échantillonnage, mais jusqu'à maintenant la conclusion
que j'en tire est qu'ils n'aiment pas cela. Pour eux autres, c'est très
dévalorisant. Est-ce que vous avez le même sentiment?
Mme Tremblay: C'est sûr. Nous autres, on engage... Il y a
plus de femmes qui sont admissibles et qui viennent dans ces
programmes-là. En tout cas parmi ceux qu'on a engagés. Ceux qui
sont venus au Phare sont quasiment juste des femmes. Il y a eu un gars.
Mme Simard: Trois.
Mme Tremblay: Trois. On en a eu deux ou trois.
Mme Harel: Vous disiez avoir un plateau de travail pour
handicapés. C'est financé par le gouvernement
fédéral. Ce matin, un groupe de Kamouraska-Témiscouata est
venu dire qu'il faudrait harmoniser et que le Québec
récupère cet argent-là pour qu'il n'y ait pas toutes
sortes de multiplications mais qu'il y ait un seul point - si vous voulez -
d'élaboration de projets où il pourrait y avoir une sorte de
coordination. Envisagez-vous un plateau de travail pour des personnes
psychiatrisées? Cela n'existe pas présentement.
Mme Tremblay: Non, cela n'existe pas.
Mme Harel: Est-ce que cela pourrait exister?
Mme Tremblay: Cela pourrait se faire, mais il ne faudrait pas que
ce soit de la reliure ou des travaux trop manuels, il faudrait que ce soit
quelque chose d'intéressant. C'est certain que cela pourrait se faire,
sûrement. Avoir les sous pour le faire, c'est cela le
problème.
Mme Harel: Mais if n'y a pas eu de demande de faite en ce
sens-là, comme à Montréal avec Cyclo-balade et avec
d'autres projets qui sont allés jusqu'au...
Mme Tremblay: Cyclo-balade est une bonne expérience.
Mme Harel: Pardon?
Mme Tremblay: Cyclo-balade est une bonne expérience.
Mme Harel: Vous en avez entendu parler? Mme Tremblay:
Oui.
Mme Harel: La ville de Montréal vient de confier
actuellement tous ses points de location aux ressources alternatives en
santé mentale.
Mme Simard: Pour nous autres, la priorité c'est
l'hébergement parce que nos bénéficiaires n'ont plus de
voiture et cela va mal. Donc, c'est l'hébergement. En tout cas, en ce
qui concerne les plateaux de travail, ce ne sont pas les idées qui
manquent. Notre rêve... Quand on est intervenant et que les
bénéficiaires sont partis, on se dit: Eh mon Dieu! Si on pouvait
donc avoir un beau restaurant, avec une belle terrasse, on ferait fonctionner
cela par nos bénéficiaires. Cela a l'air exagéré ou
un peu en l'air, mais c'est très réaliste et réalisable,
à la condition d'avoir un peu d'argent.
Mme Harel: Connaissez-vous Resto Pop? Avez-vous
déjà entendu parler du chic Resto Pop? C'est un restaurant qui a
été mis sur pied avec des travaux communautaires. C'est un
restaurant qui permet, seulement avec de la récupération... Je
vois quelqu'un parmi les diététistes, je ne sais pas si elle a
déjà eu l'occasion d'y aller, il offre au moins 115 repas par
jour, seulement avec de la récupération. Il a pu
bénéficier, il y a quelques années, d'une subvention de
départ de 15 000 $. Et, seulement avec ces 15 000 $, ces gens ont pu
s'équiper en cuisine, en tout. Maintenant, Resto Pop fonctionne avec des
travaux communautaires. Cela a donné des emplois parce qu'à
partir de là, on a créé notamment un service de traiteurs,
mais ce n'est pas par des travaux communautaires; ce sont de vrais emplois, si
vous voulez. On y offre aussi des repas diététiques. Il vaudrait
peut-être la peine de demander au ministre s'il ne serait pas prêt
à vous donner une subvention pour lancer un Resto Pop comme
celui-là.
Mme Simard: C'est vrai, cela pourrait être une bonne
idée.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: Juste une minute, M. le Président. Plutôt
que de poser une question, je voudrais dire ceci. Vous êtes
déjà venues au mois de janvier, je me rappelle très bien
de vous parce qu'on a eu une très grande admiration pour votre
dévouement. Je m'en souviens très bien, c'était
très froid. Des gens sont même venus un jour avant pour voir
comment fonctionne le déroulement d'une commission parlementaire. Vous
êtes retournées dans la tempête, dans la neige, etc. Je sais
que Mme Lavoie-Roux était également
très impressionnée par le travail de ce Regroupement des
ressources alternatives dont un groupe de mon comté, Verdun, est venu la
semaine dernière. Je suis l'un de ceux qui sont très heureux que
le Dr Harnois ait évalué un peu plus positivement votre travail
et que vous soyez venues aujourd'hui pour démontrer encore
l'intérêt que vous avez.
J'aurais juste une petite question. Avez-vous déjà eu des
cas de réinsertion au travail de gens dont vous vous occupiez, au point
de vue de votre liste d'activités éducatives, de loisirs, de
référence et d'information, de gens que vous avez réussi
à mettre sur le marché du travail? Est-ce que c'est
arrivé, déjà?
Mme Simard: Oui, c'est arrivé chez nous. En tout cas, je
pourrais vous dire qu'en termes de chiffres, actuellement, avec les moyens dont
on dispose et avec le soutien qu'on a de la part des autres structures en
place, peut-être une personne sur dix, sur douze...
M. Polak: Je ne voudrais pas prendre plus de temps, mais je veux
simplement réitérer en mon nom ainsi qu'au nom de mes
collègues qui étaient aussi avec nous en janvier ici... On a
parié de vous. Vous pouvez être certaines que, quant à
nous, tout ce qu'on peut faire pour promouvoir votre cause auprès de nos
ministres, on va le tenter.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre,
avez-vous une question à poser?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais le député
de Jonquière...
Le Président (M. Bélanger): On a l'autorisation, en
vertu de l'article 132, de permettre à M. le député de
Jonquière...
M. Dufour: Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais
saluer d'une façon spéciale les représentants de notre
région. C'est probablement l'image de ce qui se passe dans l'ensemble du
Québec par rapport à leur dynamisme et leur implication. Je
voudrais aussi peut-être parodier le député de Sainte-Anne
quand il dit: On va faire ce qu'on peut. Des bonnes intentions, c'est bon, mais
un budget, c'est encore mieux, c'est un peu mieux.
J'ai écouté la discussion que vous venez d'avoir et ce qui
me frappe dans tout cela, c'est qu'il est évident qu'il y a un dossier
ou un projet de sécurité de revenu devant nous et que vous
réagissez par rapport à cela. Mais, pour vous qui avez l'habitude
de travailler avec votre clientèle, H me semble que c'est difficile de
voir dans la réforme proposée de quelle façon vous
pourriez exploiter ces nouvelles façons de procéder qu'il y aura
dans l'avenir par rapport à la clientèle avec laquelle vous avez
à vivre. Par exemple, j'ai rencontré le groupe au mois de
janvier. J'imagine que cela doit être lors de la même
tournée. Il avait rencontré le meilleur et le pire, si je
comprends bien. On s'était rencontré
Mme Tremblay: D'ailleurs, les gens avaient parié de leurs
problèmes.
M. Dufour: Oui. Ce qui m'a frappé dans tout cela...
D'abord, il y a beaucoup de gens qu'on ignore ce n'est pas un handicap aussi
visible que quelqu'un à qui il manque une jambe ou un bras.
C'est compliqué, ce n'est pas toujours visible, donc on voit ces
gens-là, ils ont un handicap certain, ils sont malades et ce sont des
gens aussi qui font peur à certaines personnes qui ne les connaissent
pas. Je vois une petite bonne femme comme vous avec un groupe de quinze ou
vingt personnes qui sont comme cela. Que va-t-il arriver dans tout cela? Vous
vous en êtes réchappées, je vois bien ça là.
Comment vous voyez-vous à travers cette réforme-là?
Comment réintégrez-vous ces gens-là en
société? Est-ce que d'abord par votre expérience, votre
vécu, ces gens-là manifestent un certain désir de
travailler? S'il y avait un meilleur accès au travail, est-ce qu'il
pourrait y en avoir? Mais comprenons-nous, vous dites aussi: Cela prend une
grande créativité afin de développer des projets d'emploi.
Cela ne tombe pas du ciel les employeurs. Cela fait des années qu'on
dit: Employez des handicapés. Il faut presque encore des lois
spéciales pour obliger les employeurs. Comment voyez-vous cela,
vous?
Mme Simard: Moi, j'ai le goût de vous dire, M. Dufour:
Venez visiter le Phare à La Baie et demandez aux gens s'ils ont le
goût de travailler. Je pense qu'on a des gens qui sont obligés de
prendre des médicaments durant toute leur vie pour une maladie
quelconque. Comment les appelle-t-on?
Mme Tremblay: Les schizophrènes? Mme Simard: Non,
ceux qui se piquent. Mme Tremblay: Le diabète, les
diabétiques. Mme Simard: Les diabétiques, par exemple.
Mme Tremblay: Qui ont besoin d'insuline. Un
schizophrène...
Mme Simard: Insuline tous les jours. Un schizophrène va
avoir besoin de médicaments mais, je veux dire, le diabétique
veut travailler aussi. Alors, je me dis: Pourquoi on leur demanderait de
prouver plus que les autres qu'ils veulent travailler. Ce sont des individus
comme vous et moi. Ils ne sont pas diabétiques. Us sont
schizophrènes. Bon, c'est peut-être plus fatigant à voir
aller par bout mais je me dis: Ne leur
demandons pas de nous prouver qu'ils veulent plus travailler que les
autres. De temps en temps, ils sont comme les autres, parfois ils sont inaptes.
Souvent ils ne peuvent pas mais par contre, ils n'ont rien à prouver, en
tout cas, à mes yeux et j'espère aux vôtres aussi, ils
n'ont rien à prouver ces gens-là. Ils veulent travailler comme on
veut tous travailler.
Mme Tremblay: C'est cela. Le gros problème est de
démystifier face à la population, d'enlever les
préjugés. Face aux handicapés physiques, ce n'est pas
encore fini non plus. Ceux qui ont des problèmes de santé
mentale, c'est de démystifier face aux employeurs aussi, face aux gens.
Il y a encore un gros travail à faire là-dessus. Cela rejoint
beaucoup les nouvelles politiques en santé mentale qui voulaient
démystifier et faire connaître les problèmes de
santé mentale. Plus on connaît la problématique, plus on
peut être tenté de les engager ou de leur donner une chance.
M. Dufour: Est-ce que vous pensez que, sans passer par des grands
spécialistes, mais comme vous connaissez votre clientèle, vous
pouvez déterminer déjà ceux qui sont aptes ou inaptes par
rapport à la clientèle que vous avez? Est-ce que vous pensez que
cela pourrait être accepté par le système actuellement?
Vous avez des gens, vous voyez, vous êtes convaincus et je suis convaincu
que vous êtes capables de le faire.
Une voix: Ah oui!
M. Dufour: II y a des gens qui sont inaptes, même si vous
vouliez me dire qu'ils sont... Mais la preuve de l'aptitude et de l'inaptitude
à travailler...
Mme Tremblay: C'est le psychiatre qui la donne malheureusement
encore mais nous on pourrait, si on pouvait changer quelque chose.
M. Dufour: Comme je ne veux pas prendre beaucoup de votre temps,
je trouve que vous faites un travail extraordinaire et surtout avec pas
beaucoup de ressources. Sur ce côté-là, les groupes de
bénévoles, on est chanceux d'en avoir dans nos régions et
il faudrait peut-être aussi les soutenir un peu plus même sans
passer à la critique systématique du projet qu'on a devant nous.
Moi, je suis un peu d'accord avec vous. On a de la difficulté à
resituer cette clientèle. Il y a des phénomènes importants
et il faut en tenir compte. Mais encore là, apte et inapte pour moi, ce
n'est pas encore clair dans mon esprit. C'est peut-être plus clair de
l'autre côté, mais de ce côté-ci, on n'a plus l'air
de comprendre, c'est un peu normal. Je crois bien qu'on prend un peu plus
dé temps mais on comprend mieux parfois quand on prend plus de
temps.
Je voudrais vous féliciter au moins d'avoir eu la volonté
de venir nous exprimer vos besoins et, quant à nous, je suis convaincu
que Mme Harel, la députée de Maisonneuve, vous a
écoutées avec intérêt comme je l'ai fait d'ailleurs.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je vais toucher deux points
en terminant, si vous me le permettez, M. le Président. Quant à
la question du pourcentage d'hommes ou de femmes, j'ai peut-être
certaines explications. J'ai des sommaires de statistiques du mois de janvier
1988 dans les quatre programmes. Travaux communautaires: on aurait un
pourcentage de 42,8 %, donc 43 % d'hommes et de 57,2 % de femmes. Stages en
entreprise: 35 % d'hommes, 65 % de femmes. Rattrapage scolaire: 30 % d'hommes,
70 % de femmes. Études post-secondaires: 98,8 % de femmes. Total des
participants: un tiers d'hommes pour l'ensemble des programmes et deux tiers de
femmes. Donc vous semblez avoir une clientèle qui est inversée
des proportions provinciales, si je peux utiliser l'expression. Ce que je
retiens, c'est que ce n'est pas le programme Travaux communautaires...
Mme Harel: Les Stages en entreprise contrairement à ce que
j'avais pu penser.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Contrairement. Je tenais à
l'indiquer parce que les statistiques étaient disponibles. On vous les
fournira. On tente d'ailleurs de les compiler pour vous les remettre dans tous
les programmes depuis le début du fonctionnement des programmes. On
pense que c'est une donnée importante pour évaluer ce qui a
été fart jusqu'à ce jour.
Mme Harel: Avant la fin de la commission?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, avant la fin de la
commission. Il n'y a pas de chose à cacher.
Mme Harel: On est juste en retard.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Voici le deuxième
élément que je voulais toucher. Vous touchez à une
clientèle qui est parmi les plus difficiles. Il existe au
ministère un programme de style programme innovation, un peu comme le
projet dont vous nous avez parlé, sans vous affirmer qu'il peut entrer
dans tous les critères du programme. Ce que je vous invite à
faire, avant le 31 mars - autrement on est obligé de retourner nos
crédits au Conseil du trésor - c'est de soumettre un projet pour
ce que vous avez l'intention de faire. D'après moi il est du style
innovateur. Il y a un comité qui va se pencher dessus et s'il est
accepté, je pense que le maximum qui peut être octroyé
c'est 35 000 $
dans le cas d'un tel programme. Il me fera plaisir de l'analyser
à son mérite. Je vous donnerai la carte de quelqu'un tantôt
à la fin, pour que vous puissiez ainsi procéder.
Je veux peut-être terminer en vous remerciant de vous occuper
d'une clientèle qui n'est pas facile, qui est parmi les plus difficiles.
Je suis conscient que vous fartes un bout du travail et que vous nous invitez
à faire l'autre bout. Vous nous invitez à le faire en
partenariat. Vous nous invitez également à le faire auprès
des gens que vous avez le plus de difficulté à rejoindre qui sont
les employeurs, de façon à préparer les mentalités
de ces gens-là. Je vous dirai qu'il s'agit là d'un bout
très difficile. On ne légifère pas la bonne volonté
ou les attitudes humaines. On peut tenter de les préparer. On peut
publici-ser, on peut faire des efforts, mais on ne peut pas et on ne
réussira jamais à légiférer l'employeur de Pierre
ou ses compagnons de travail. On ne réussira pas à
légiférer une attitude chez ces gens. Il va falloir continuer ou
peut-être, dans certains cas, commencer à se servir des ressources
communautaires pour que cela soit fait dans la communauté. Ce que je
retiens essentiellement de votre message, c'est ce resserrement dans certains
cas et c'est l'établissement, dans d'autres cas, des liens qui sont
nécessaires entre nos centres Travail-Québec et nos groupes qui
oeuvrent dans la communauté. Sans ce partenariat, c'est une mission
impossible que nous avons devant nous.
Pour votre contribution au milieu dans lequel vous oeuvrez, je vous dis
merci et je vous assure que votre message intégral sera livré au
centre Travail-Québec de votre région de façon que votre
soeur, entre autres, et la directrice générale vous lisent. Mme
Harel.
Le Président (M. Bélanger): La commission remercie
le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale
région 02 (Saguenay-Lac-Saint-Jean). Vous avez un temps plus
clément pour retourner aujourd'hui. On vous remercie de votre
participation.
J'invite à la table des témoins la Corporation
professionnelle des diététistes du Québec, qui sera
représentée par Mme Jocetyne Gauvin et Mme Jeannine
Choquette.
Nous suspendons quelques secondes, le temps de faire le changement
à la table.
(Suspension de la séance à 16 h 35)
(Reprise de la séance à 16 h 36)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! Je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa
place et que la commission reprenne ses travaux.
Nous recevons présentement la Corporation professionnelle des
diététistes du Québec, représentée par Mme
Jocelyne Gauvin et Mme Jean- nine Choquette.
Juste auparavant, je voudrais informer la commission que le groupe la
Plate-forme des groupes populaires de la région de Châteauguay
désire déposer un document à la commission. Alors ce sera
fait la dernière journée des auditions. Ce document est
intitulé "Pour une réforme juste et équitable de l'aide
sociale". Alors à la fin des travaux de la commission, il sera
officiellement déposé, c'est-à-dire le 31 mars. Merci.
Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez
exactement 20 minutes pour présenter votre mémoire ou son
résumé. Par la suite, les parlementaires ont environ 40 minutes
pour procéder à l'interrogation.
Je vous prierais donc de bien vouloir présenter votre
porte-parole et, chaque fois que vous avez une intervention à faire, de
bien vouloir donner vos noms auparavant pour les fins de transcription au
Journal des débats. C'est que les transcriptrices n'étant
pas dans la pièce ne sont pas familières avec vos voix et ont
besoin de le savoir. Je vous prierais donc de commencer, s'il vous
plaît.
Corporation professionnelle des
diététistes du Québec
Mme Choquette (Jeannine): Je m'appelle Jeannine Choquette. Je
représente ici notre présidente, Mme Danielle Sabourin qui,
à cause d'un accident, n'a pas pu être disponible. Nous tenons
à remercier M. le président et MM. les membres de la commission
de nous recevoir et d'entendre nos commentaires sur le document d'orientation
"Pour une politique de sécurité du revenu".
Nous avons déposé un document conjoint avec d'autres
groupes professionnels et associations dans le domaine de la santé dont
nous ne traiterons pas ici aujourd'hui, bien sûr. Nous avons
également déposé notre propre document qui était,
comme vous l'avez constaté, très mince parce qu'il faisait
référence... il était appuyé sur un document que
nous avons diffusé en juin dernier. Il avait pour titre "Commentaires
concernant la situation des personnes de milieux économiquement faibles,
plus précisément celle des femmes enceintes et allaitantes et des
nourrissons". Il y a une bonne partie des éléments dont nous
allons traiter aujourd'hui qui vont revenir à ce document de juin
dernier.
Permettez-moi, au départ, de vous dire que la Corporation
professionnelle des diététistes du Québec est d'accord et
appuie cette distinction qui veut être faite par le gouvernement du
Québec par rapport au soutien financier accordé aux personnes
dans le besoin. Une distinction donc entre celles qui ont un besoin de soutien
plus ou moins permanent et celles qui, ponctuellement et pour une
période que tout le monde souhaite la moins prolongée possible,
doivent temporairement avoir recours au soutien financier
de l'État pour pouvoir continuer à survivre. Cependant,
là où nous ne sommes plus d'accord, c'est lorsque cette
distinction se fait au chapitre de l'aide financière apportée.
Nous pensons que la distinction devrait être au chapitre des services
offerts et mis à la disposition des personnes selon leur situation et
leurs besoins et non pas en ce qui concerne l'aide financière qui
devrait être faite en fonction des besoins physiques reconnus par tout le
monde.
Concernant cette aide financière et la base sur laquelle elle
devrait être établie, nous suggérons fortement que soit
étudiée de nouveau la possibilité de recourir au budget de
confort minimum proposé par le Dispensaire diététique de
Montréal qui a déjà présenté son
mémoire devant la commission et dont vous connaissez, je pense, la
pertinence du fonctionnement pour l'établissement des besoins des
personnes. Il n'y a vraiment rien d'exagéré dans tout ce qui est
établi par nos collègues du Dispensaire diététique
de Montréal, comme le budget de confort minimum. Je pense qu'il y a
là une expertise reconnue depuis de longues années. Ces budgets
ont été établis à la suite d'un travail de
partenariat avec tous les organismes sociocommunautaires de la région de
Montréal il y a une trentaine d'années. Le dispensaire, qui est
un organisme bénévole, a toujours continué de travailler
avec ces éléments et à les fournir
régulièrement à tout organisme qui en a besoin, incluant
le gouvernement du Québec, parce que cela lui sert également pour
son propre travail auprès des populations qu'il dessert.
Ce préambule terminé, maintenant, je cède la parole
à l'une de nos collègues qui travaille de plus près avec
les populations démunies qui sont celles qui doivent avoir recours
à l'aide sociale. Mme Jocelyne Gauvin va intervenir au nom de la
corporation.
Mme Gauvin (Jocelyne): Comme le disait 'Ame Choquette, notre
préoccupation de base concerne les besoins nutritionnels. Et le
problème de base que présente le projet de politique au sujet de
la Loi sur l'aide sociale est le fait qu'il prévoit une diminution des
prestations pour la majorité des assistés sociaux. Quels seront
les résultats des coupures sur le plan du budget pour ces personnes et
pour ces familles? D'abord, ce que je vous apporte là, c'est un
complément par rapport au court mémoire qu'on vous a
envoyé il y a quelques semaines.
En ce qui concerne le budget alimentaire, généralement,
quand on fait de la consultation budgétaire, on recommande de consacrer
le quart du revenu pour l'alimentation. Maintenant, selon le Dispensaire
diététique de Montréal, qui est une autorité
reconnue en la matière, pour une famille de deux adultes et deux
enfants, dont un adolescent, il faut prévoir, au minimum, 443 $ par mois
ou 103 $ par semaine pour une nourriture qui fournit tous les
éléments nutritifs reconnus nécessaires à la
santé. C'est pour une alimentation frugale, mais
équilibrée.
Voyons maintenant ce que seraient les prestations pour cette famille de
quatre personnes, selon le projet de réforme. Cette famille recevrait,
selon les cas, soit 842 $, 877 $ ou 1012 $. À titre d'exemple, prenons
la prestation prévue de 877 $. Divisons les 443 $ requis pour une
alimentation saine - on fait un peu de mathématiques - 443 $
divisés par 877 $, cela fait 50 % du revenu. Il n'y a pas une famille
qui peut consacrer 50 % de son revenu pour l'alimentation. Si on reprend le
calcul en disant: Si c'était un quart du revenu, le montant qui
d'habitude est recommandé par la consultation budgétaire, le
quart de 877 $, c'est 219 $ par mois soit 50,93 $ par semaine. Pouvez-vous
nourrir quatre personnes, dont un adolescent, avec 51 $ par semaine? Je pense
que c'est un peu forçant, que ce n'est même pas possible.
Ajoutons à cela des problèmes particuliers que les pauvres
ont quand ils font l'achat de nourriture. Par exemple, souvent, les gens vont
parler de tel ou tel magasin qui offre des bons prix. Cela prend une
automobile, un taxi, l'autobus ou des frais de livraison quand on n'a pas
d'automobile. Ce sont donc des frais supplémentaires que les pauvres
peuvent avoir pour aller chercher ces rabais auxquels d'autres personnes
peuvent avoir accès. Ces gens n'ont pas de comptant non plus. À
un moment donné, les gens qui ont plus de revenus, quand il y a un
superrabais, vont stocker, comme on dit. Pour ce faire, cela prend des armoires
et souvent, les petits logements n'ont pas d'armoires ou presque;
deuxièmement, cela prend de l'argent comptant pour pouvoir aller
stocker, et les pauvres n'ont souvent ni l'un ni l'autre.
Ensuite, on a découvert que souvent les assistés sociaux
n'ont vraiment pas... Avec l'histoire des 50 $, ils ne peuvent pas. Que
voulez-vous qu'ils fassent avec ce montant-là et comment peuvent-ils
bien se nourrir? Souvent, ils ont des dettes. Finalement, ils aboutissent
souvent à chercher du crédit pour manger. Souvent, dans certains
des quartiers, le dépanneur permet le crédit. À quel prix?
Je présume que cela vous arrive peut-être de temps en temps
d'aller chez le dépanneur. Si vous regardez le prix d'une boîte de
petits pois - si ce n'est pas vous qui l'achetez, vous ne le savez pas - c'est
plus cher A que dans un supermarché. Mais ils sont pris. Ils
vont là parce qu'il leur fait crédit. J'ai même appris par
une participante qu'il y a des dépanneurs qui leur font en plus du
chantage. Ils leur font des menaces: Aie! Tu n'as pas acheté chez moi la
dernière fois. Si tu ne fais pas attention et tu vas acheter chez les
autres, je vais te couper ton crédit. Ce sont des réalités
qui font qu'avec l'argent dont disposent les assistés sociaux pour
manger, souvent cela leur coûte plus cher pour une même nourriture
que s'ils avaient plus d'argent.
Des observations qui ont été faites... Je travaille
à Pointe-Saint-Charles pour deux orga-
nismes populaires qui, eux aussi, fonctionnent avec... Je sympathisais
avec les deux dames, tout à l'heure, qui essaient de fonctionner avec
des montants d'argent très bas. J'anime, entre autres, un groupe qui
s'appelle Action-alimentation. On est dans notre quinzième année.
On regarde le budget alimentaire et on essaie de trouver des moyens financiers
de s'en sortir au point de vue de l'alimentation. On avait fait un menu de
quatre semaines vraiment superéconomique qui avait tout ce qu'il fallait
pour la santé, mais superfrugal du style: dans quatre semaines, une
tarte aux pommes et ensuite, à peu près pas de dessert. Avec un
poulet, on fait deux repas - vous essaierez messieurs dames. C'est
superéconomique. On avait calculé les prix dans le quartier et on
avait comparé cela justement avec les revenus de familles, entre autres,
au bien-être social et au salaire minimum, en tout cas. Cela ne marchait
pas, cela a toujours été plus que les 25 %. À ce
moment-là, c'était 75 $ par semaine que cela aurait
coûté.
J'avais une participante qui avait, elle, non pas deux enfants mais
trois enfants. Elle m'avait dit à ce moment-là: Je ne peux pas
mettre 75 $, je peux mettre 50 $. Mais c'est évident qu'à ce
moment-là, il y avait des choses essentielles - il y avait seulement
l'essentiel dans notre menu - par exemple: le lait, les fruits, les
légumes, qu'elle ne pouvait pas se procurer suffisamment. Donc, la
question: comment arriver à manger convenablement avec les coupures
prévues dans la réforme? Que va-t-il arriver à la
santé des gens?
Or, c'est déjà un fait que l'alimentation est moins bonne
dans les milieux à faible revenu et que, dans ces milieux, la population
souffre de déficience nutritionnelle, même avec les
présents taux de prestation.
Je passe la parole à Mme Choquette parce qu'on en a
déjà parlé dans notre mémoire de juin 1987.
Mme Choquette: En passant, j'ai oublié de vous dire
tantôt, pour ceux qui ne l'auraient pas lu et qui voudraient y avoir
accès, que j'ai quelques copies supplémentaires du document de
juin dernier, si vous souhaitez le consulter.
Dans ce document, lorsque nous traitions de l'aspect alimentation versus
la santé, des études ont été faites et une
notamment ici, à Québec. Ces études révèlent
- et je cite - que comparativement à celles de milieux favorisés,
les personnes de milieux économiquement faibles, premièrement,
consomment les aliments des groupes fruits et légumes et lait et
produits laitiers en quantité moindre. - Je n'ai pas besoin de vous
rappeler que fruits et légumes sont sources de sels minéraux et
de vitamines et que lait et produits laitiers sont sources de calcium et de
protéines de haute qualité, des aliments aussi qui, comme sources
de protéines, sont des protéines peu dispendieuses mais ils en
consomment moins - Deuxièmement, ces gens également ont des repas
de densité nutritive moins élevée, les aliments qu'ils
consomment sont de moins bonne source d'éléments nutritifs -
comparativement toujours au groupe de milieux favorisés; ces personnes
sont moins nombreuses à avoir une alimentation qualifiée de
bonne, c'est-à-dire qui fournirait 80 % des apports nutrttionnels
recommandés - même pas 100 %. Elles ont un apport inférieur
en plusieurs éléments nutritifs: le calcium, la vitamine A, la
vitamine C, le fer, les folates et la thiamine. Finalement, elles sont plus
nombreuses à avoir un taux d'hémoglobine faible, surtout chez les
femmes jeunes et d'âge moyen et les personnes âgées. En
passant, notamment concernant le taux d'hémoglobine faible qui est
relié au statut nutritionnel en fer, des études faites
également ici, à Québec, à l'Université
Laval, par notre collègue Huguette Turgeon-O'Brien, démontrent
clairement qu'il y a un lien entre l'état nutritionnel en fer et la
résistance aux infections. C'est une autre preuve que le fait de ne pas
pouvoir s'alimenter convenablement diminue la résistance aux infections.
Le fer est un élément qui joue et qui intervient dans le
mécanisme de résistance aux infections. C'est maintenant connu et
bien étayé. Mme Gauvin.
Mme Gauvin: Ce qu'on voudrait ajouter, c'est qu'on a
découvert que, souvent, il y a ce qu'on appelle des déficiences
sub-diniques, qui ne paraissent pas encore tellement par des symptômes
clairs, qui peuvent affecter le comportement des gens et affecter leurs
possibilités de se trouver un emploi, par exemple.
Je donne des exemples: la fatigue, la léthargie, une moindre
force musculaire peuvent résulter d'un manque sub-clinique de thiamine,
de vitamine C, de fer, d'acide folique, de vitamine B12. On note aussi plus
d'anxiété et d'irritabilité chez des personnes qui
commencent à manquer de vitamines C et B6. Ces personnes ont de la
difficulté à se concentrer et à fournir les efforts
nécessaires pour chercher un emploi. Elles peuvent avoir des
difficultés d'apprentissage.
Un exemple qui peut être relié à cela: au Carrefour
d'éducation populaire, où je suis animatrice, il y a des cours
d'alphabétisation. Vous savez, on en a parlé, combien il y a
d'analphabètes et comme c'est important de savoir lire et écrire
de nos jours. Ce sont ces personnes qui vont à ces cours. Cela prend
beaucoup de concentration. Les animatrices s'étaient rendu compte que
les gens qui étaient là avaient de la difficulté à
se concentrer. Dernièrement, elles ont fait une activité au sujet
de l'alimentation. Dans ce cadre, elles leur ont demandé ce qu'ils
avaient mangé dans la journée. Ils n'avaient pratiquement rien
mangé dans la journée. Elle est arrivée, elle était
découragée. Elle m'a dit: Ils peuvent bien avoir de la
misère à se concentrer ces gens, s'ils n'ont pas mangé.
Cela rejoint finalement d'autres observations.
Maintenant, dans de nombreux cas, les problèmes de budget
alimentaire dont on a parlé sont aggravés par la hausse du prix
des loyers, ainsi que nous en avons traité dans le mémoire de la
Corporation des diététistes en juin dernier.
Pour illustrer ce point, reprenons - je ne sais pas si je vais vous
faire travailler avec votre crayon et du papier - le calcul budgétaire
pour des personnes... Généralement, on recommande aussi le quart
du revenu pour le loyer. Si on reprend la prestation de 877 $, qui est une de
celles prévues par la réforme pour une famille de 4 personnes, le
loyer devrait être de 219 $ par mois, incluant logement, chauffage et
électricité. Est-ce que vous pouvez trouver un logement pour 4
personnes pour 219 $? Sauf dans le cas d'un HLM, non. Le résultat est
que, dans beaucoup de cas, le loyer coûte beaucoup plus cher. C'est
particulièrement vrai dans plusieurs quartiers populaires des grandes
villes où la spéculation foncière a fait monter le prix
des loyers.
Ainsi, dans le moment, à Pointe-Saint-Charles, on me dit souvent
qu'il faut calculer environ 300 $ par mois pour un petit logement non
chauffé. Selon une enquête du Dispensaire diététique
de Montréal auprès de ses bénéficiaires,
c'était semblable. Ils avaient calculé que cela coûtait
généralement 275 $, non chauffé, plus 100 $ à 110 $
pour le chauffage et l'électricité.
Le résultat est que les familles sont obligées de couper
encore davantage dans leur budget alimentaire, qui est déjà
faible, à cause de la hausse du prix du loyer. Par exemple, à la
Maison du partage; à Pointe-Saint-Charles, qui est un centre de
dépannage alimentaire, le nombre de la clientèle a beaucoup
augmenté depuis l'ouverture, il y a quelques années. Vous savez,
dans le temps, il y a 10 ou 15 ans, on calculait que les dépannages
alimentaires comme, je ne sais pas, l'Accueil Bonneau, l'Oeuvre de la soupe,
c'était pour les clochards. Mais la clientèle dans le moment, de
la Maison du partage, comprend très peu de clochards. Ce sont des
familles bénéficiaires de l'aide sociale. Ce sont des jeunes, et
des familles aussi qui sont bénéficiaires de l'aide sociale. Eux,
en ce moment, ils ont la prestation d'aujourd'hui. Qu'est-ce que cela va
être après les coupures? Comment est-ce que les gens vont pouvoir
manger? Qu'est-ce qui va arriver à leur santé? On peut
prévoir à ce moment-là une augmentation des
problèmes de santé, des maladies, de plus grandes
difficultés à se concentrer pour la recherche d'un emploi, bref
une accentuation de la situation déjà précaire pour ces
personnes-là et ces familles.
Je passe la parole à Mme Choquette.
Mme Choquette: Tenant compte de cette situation du coût du
logement qui, lorsqu'il n'est pas ajusté au revenu, finit par
compresser, et la dépense compressée dans le reste du budget est
malheureusement l'alimentation, il s'ensuit des problèmes de
santé déjà mentionnés; nous avions fait, en juin
dernier, et nous la réitérons ici, cette recommandation. Nous
croyons que c'est une mesure administrative qui n'est pas si compliquée
à établir: mettre en place un mécanisme d'ajustement de la
prestation d'aide sociale qui permette, lorsqu'une unité de logement
à loyer modique n'est pas disponible et appropriée à la
taille de la famille, de compléter cette prestation par une somme
couvrant la différence entre le loyer réel payé,
jusqu'à concurrence d'un maximum à établir, bien
sûr, et qui soit raisonnable, et le montant hypothétique
prévu dans la prestation d'aide sociale pour le loyer, dans l'allocation
mensuelle.
Ce n'est pas d'hier que les diététistes, quand elles
travaillent avec les populations de milieux économiquement faibles, se
butent à la question du logement. Mme Agnes Higgins, qui a
été l'âme du Dispensaire diététique de
Montréal pendant une trentaine d'années, qui est maintenant
décédée, a été à la base des premiers
travaux dans la ville de Montréal pour la construction d'habitations
à loyer modique. Parce qu'elle a toujours perçu, et c'est
très évident, que lorsque les gens ont un budget limité,
c'est sûr qu'il faut qu'ils payent leur loyer, mais ils le payent au
détriment des autres dépenses. Qu'est-ce qui est compressible?
C'est l'alimentation. L'alimentation résulte, en conséquence,
quand elle est déficiente, dans tous les problèmes de
santé déjà étayés.
On s'excuse de le répéter. C'est parce que c'est vrai et
que c'est toujours là. Alors, Mme Gauvin...
Le Président (M. Bélanger): C'est tout le temps
qu'on avait à votre disposition.
Mme Choquette: Ce n'est pas vrai?
Le Président (M. Bélanger): Oui. 20 minutes.
Mme Choquette: On vous donnera nos autres commentaires en
répondant à vos questions.
Le Président (M. Bélanger): Dans les questions,
c'est cela. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie la Corporation
professionnelle des diététistes et ses représentantes. Je
n'ai pas l'intention de me lancer dans une guerre de chiffres parce que j'ai
déjà à conjuguer les chiffres établis par la
méthodologie des seuils de revenu minimum, la méthodologie que le
gouvernement a retenue dans son document. J'ai à prendre
également ou à tenir compte de la méthodologie existante
au moment où on se parle, c'est-à-dire la méthodologie du
Dispensaire diététique de Montréal. J'ai
déjà invité les gens du dispensaire à concilier les
chiffres de la méthodologie actuelle avec la nouvelle
méthodologie qui est suggérée.
Maintenant, si on prend strictement l'alimentation et le logement, les
deux éléments que l'on a traités ensemble, et qu'on les
catégorise: Pour l'alimentation, suivant les chiffres
présentement en discussion entre les fonctionnaires du gouvernement et
le dispensaire, quant à l'alimentation pour une personne seule, ce que
le dispensaire propose, c'est 130 $. Ce que la méthodologie
proposée dans le livre vert propose, c'est 127 $. Lorsqu'il y a un
adulte et un enfant, c'est surtout le cas des familles monoparentales, ce que
le dispensaire propose dans cette circonstance, c'est 213 $. Ce que le
ministère a retenu, en vertu de la formule de Statistique Canada, c'est
212 $. Un adulte et deux enfants: 301 $ et 286 $. Deux adultes: 226 $ et 212 $.
Deux adultes et un enfant: 324 $ et 286 $. Deux adultes et deux enfants: 401 $
et 353 $. On est en train de vérifier si la conciliation peut
s'effectuer. (17 heures)
En ce qui concerne le logement, pour un adulte: 232 $,
méthodologie des seuils minimaux: 257 $. C'est plus
généreux cette fois-ci de l'autre côté. Un adulte et
un enfant: 330 $ versus 313 $. Un adulte et deux enfants: 356 $ et 353 $. Deux
adultes: 330 $ et 313 $. Deux adultes et un enfant: 356 $ et 353 $. Deux
adultes et deux enfants: 381 $ et 382 $. Ce qu'on compile, c'est l'ensemble des
besoins. À ce qu'on m'indique présentement, en termes de
pourcentage, la méthodologie des seuils de revenu minimum serait dans
les éléments comparés, au total, plus avantageuse pour le
bénéficiaire de l'aide sociale. J'attends d'avoir les
résultats finals de cette analyse qui est faite avec le Dispensaire
diététique de Montréal.
Je pense que vous avez complètement raison lorsque que vous
soulignez que, dans le cas de quelqu'un qui n'a pas mangé suffisamment,
on peut avoir de la difficulté à lui faire apprendre des choses,
à le faire fonctionner dans la société, etc. Cela pose une
question importante au ministère de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu, parce que, oui, il y a le logement qui est
une dépense, un fois qu'elle est contractée, qui devient
incompressible. Une fois qu'elle est contractée, pas avant. Il y a
toutes les autres dépenses que l'on reconnaît. Il arrive que, dans
certains cas, les gens consacrent une partie plus importante de leur budget
à d'autres dépenses qu'aux dépenses pour l'alimentation,
qu'ils ne reçoivent pas à ce moment-là et qu'ils devraient
nécessairement recevoir pour devoir fonctionner dans la
société. Cela nous amène à la question fondamentale
qui est la suivante: est-ce que pour les plus démunis de la
société, de façon à s'assurer, sans trop de risques
d'erreur, qu'ils reçoivent, sur le plan nutritif, ce qui est
considéré comme un minimum vital, on devrait fonctionner avec une
allocation strictement alimentaire et prédéterminée par le
ministère, en collaboration avec les diététistes?
Mme Choquette: Je pense que vous ouvrez là un débat
auquel on n'a pas songé, parce qu'il n'était pas inclus dans les
prévisions et dans le document. Peut-être que Mme Gauvin voudrait
dire quelque chose, mais je voudrais d'abord vous dire que on est ravies de
savoir que lé dispensaire va être écouté et qu'il va
se faire des travaux conjointement avec lui. On est d'autant plus ravies qu'on
avait appris avec désarrois qu'il n'avait même pas reçu
copie du document d'orientation, originalement. On se demandait comment il se
faisait qu'il était négligé dans cette vaste consultation.
Je suis convaincue que nos collègues du dispensaire vont mettre tous les
efforts possible pour travailler de concert avec le gouvernement. Je vais aussi
vous signaler une chose, c'est que tout en utilisant les barèmes du
dispensaire, Mme Duquette, lorsqu'elle est venue, vous a indiqué que la
façon de faire l'ajustement et l'indexation par la suite a fait qu'au
fil des ans, finalement, les données récentes qui servaient de
base à l'allocation de l'aide sociale n'étaient plus celles que
le dispensaire avait établies. L'indexation se fait globalement, alors
que... Il y a un tas de choses que Marie-Pauie Paquette connaît mieux que
nous et dont elle pourrait traiter avec vous. Je vais laisser Mme Gauvin
intervenir sur la question des autres façons. Il y a beaucoup
d'inconvénients à certaines d'entre elles. Les États-Unis
ont fait ce genre de chose pendant longtemps. Je pense qu'il y a du pour et du
contre.
Mme Gauvin: J'aimerais intervenir sur deux points. La question
des chiffres que vous allouez pour l'alimentation et la question de mettre cela
spécifiquement pour l'alimentation. Vous avez des chiffres. Pour moi,
cela ne veut peut-être rien dire, cela veut peut-être dire quelque
chose. Si vous me dites que, dans le moment, avec ce que vous avez prévu
dans la réforme, vous avez prévu autant que le dispensaire pour
la nourriture et même plus pour le logement, vous avez certainement
coupé quelque part parce que selon vos prévisions
budgétaires, c'est de diminuer les prestations.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis obligé d'intervenir
ici, encore une fois. Pour la clientèle, il y a trois programmes qui
sont proposés dans la politique de sécurité du revenu pour
une clientèle que l'on évalue approximativement, si on prend les
chiffres de mars 1987, à quelque 440 000 ménages.
Clientèle du Soutien financier: 100 000 ménages. Il y a une
bonification nette des prestations d'une valeur nette ajoutée,
additionnée de 100 000 000 $. Cela en touche 100 000.
Mme Gauvin: Oui. J'ai compris cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans le programme APPORT, bien que
le SUPRET soit aboli, il y a un ajout net de 40 000 000 $. En ce
qui concerne le programme APTE, le gouvernement offre, met sur la table,
rend disponibles 445 000 000 $ additionnels. Quand je prenais vos chiffres et
que vous me parliez de 877 $, je suis retourné dans mes tableaux et j'ai
dit: Bon, deux adultes, deux enfants: 877 $. Vous tenez pour acquis qu'aucun
des adultes ne va participer à des mesures d'empioyabilité. Vous
avez raison, à ce moment-là, si les deux adultes ne participent
pas à des mesures d'empioyabilité, de prendre le chiffre de 877
$, mais si vous aviez pris le chiffre où les deux adultes participaient,
vous auriez pris le chiffre de 1012 $. Si vous aviez pris le chiffre ou l'un ne
participait pas et l'autre participait, vous auriez pris 977 $. C'est certain,
et nous l'avons indiqué, que si les gens refusent de participer, il va y
avoir, pour ces gens-là coupure de prestations, mais il est
également sûr et certain que si les gens acceptent de participer,
d'améliorer leur employabilité, pour les gens qui sont
employables, il y a augmentation d'une valeur nette ajoutée de 445 000
000 $.
Mme Choquette: Pourquoi recourir à une diminution de la
prestation, qui est déjà le strict minimum, pour favoriser les
mesures d'empioyabilité?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous ne tombez pas dans la
nourriture. J'aurais préféré avec votre groupe rester dans
votre degré de spécialité, mais je peux...
Mme Gauvin: Restons dans la nourriture.
Mme Choquette: Restons dans la nourriture. La question est
là quand même.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...vous expliquer après
notre rencontre, en privé, un tableau que vous avez ici et qui fait
qu'à un .noment donné, si vous ne maintenez pas une incitation au
travail avec les gens qui sont au salaire minimum et qui travaillent, vous avez
automatiquement une augmentation de votre clientèle de l'aide sociale,
parce que, financièrement, c'est plus payant d'être un
assisté social qu'un travailleur au salaire minimum, situation qui
existait au Québec en décembre 1985 lorsque nous sommes
arrivés au gouvernement. Il y avait à ce moment-là plus de
700 000 personnes qui dépendaient de l'aide sociale. Nous avons
augmenté le salaire minimum à deux reprises. Nous avons
réussi à dégager une certaine marge et la clientèle
est déjà baissée de quelque...
Mme Choquette: On y reviendra.
Mme Gauvin: Oui, mais je pourrais dire aussi au point de vue de
l'alimentation qu'à Action-alimentation avec notre fameux budget pour
quatre semaines, le salaire minimum non plus ne fournissait pas. Ce n'est pas
un revenu pour quatre personnes. Il faudrait peut-être parler en termes
de deux salaires minimaux peut-être qu'il faudrait que votre prestation
pour deux adultes soit moindre que deux salaires minimaux - je ne le sais pas -
et encore.
Ce que l'on dit, c'est qu'au point de vue de l'alimentation, 877 $, ce
n'est pas assez. Il ne faut pas baisser en bas de ce qui existe
présentement sous aucun prétexte. D'ailleurs, vous voulez
récompenser, j'ai l'impression, ceux qui vont travailler. Les enfants de
ces personnes vont en subir les contre-coups et, eux, n'ont pas le choix.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais est-ce qu'on peut
revenir? Je vous suis très bien sur le plan de l'alimentation. Je
respecte votre compétence. Vous êtes beaucoup plus
compétentes que moi, je n'ai aucune compétence dans ce
domaine-là et je suis obligé, comme ministre qui doit
arrêter des décisions à un moment donné, de me fier
à des gens compétents. Ce que je retiens de ce que vous me dites
dans votre mémoire, c'est qu'il faut que, comme ministre responsable, le
gouvernement prenne les mesures nécessaires pour s'assurer qu'une
personne reçoive au moins une alimentation minimum en termes de valeur
nutritive, car cela prend tant d'argent minimum par mois.
De façon pratique maintenant, une fois qu'on a dit cela, de
quelle façon on rend ce service-là ou cette chose-là
disponible aux bénéficiaires? C'est la question que je vous
adresse.
Mme Gauvin: C'est pour cela que je parlais du quart du revenu
pour l'alimentation. Je me permets de rappeler aussi que malgré tout, le
dispensaire diététique, c'est la moitié du seuil de faible
revenu d'après Statistique Canada dans une ville. Ce n'est pas "les gros
chars", comme on dit.
Quant à la question de s'assurer que cela va pour l'alimentation,
je pense que déjà les assistés sociaux, il y a beaucoup de
mépris à leur égard, il y a beaucoup de contrôle sur
leur vie. Déjà, il n'y a pas assez d'argent. Il y a une
dignité qui fait qu'il faut leur laisser choisir ce qu'ils font avec
leur argent insuffisant. À ce moment-là, je ne peux pas me
hasarder à proposer qu'on ne leur donne pas assez d'argent et
qu'ensuite, on leur dise qu'il faut que cela aille à l'alimentation. Ce
qu'il faudrait, c'est un revenu total suffisant pour que le quart pour
l'alimentation soit suffisant.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais on assiste quand même
à un phénomène surtout à Montréal, dans ce
grand centre urbain, vous l'avez soulevé tantôt. Les soupes
populaires, qui étaient habituellement des soupes auxquelles les
sans-abri se rendaient, sont devenues des phénomènes. Je pense
que c'est Centraide qui nous l'indiquait lors de sa comparution devant
cette
commission. La clientèle augmente sans cesse. Ce sont des
bénéficiaires de l'aide sociale qui, en majorité,
deviennent clients de ces soupes communautaires ou populaires.
Est-ce à dire que même en prenant les chiffres du
Dispensaire diététique de Montréal, en ce qui concerne la
nourriture, le logement et les autres éléments, les prestataires
de l'aide sociale ne consacrent pas, au moment où nous nous parlons,
cette proportion à leur nourriture?
Mme Gauvin: Ils ne peuvent pas parce que leur loyer a
augmenté; parce qu'ils ont des dettes; parce qu'il faut acheter des
bottes; parce qu'il y a quelque chose; que le frigidaire a flanché. Il y
a toutes sortes de choses qui arrivent et c'est pour cela que vous ne pouvez
pas prendre seulement la case "alimentation" et dire: Cela va être cela.
Il y a toutes sortes de choses qui peuvent leur tomber sur la tête, qui
font partie de réalité et qui pour nous ne sont rien. Mais pour
eux, ce sont des catastrophes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je reviens au problème
pratique que j'ai. Je ne me souviens plus dans quelle commission parlementaire
j'avais eu l'occasion d'avoir... J'étais dans l'Opposition à
l'époque, mais j'avais quand même eu l'éclairage de votre
corporation sur un dossier de nutrition. Oui, je m'en souviens. J'y ai
été cinq ans. À ce moment-là, on me disait et on
affirmait qu'il fallait que le gouvernement prenne les mesures
nécessaires pour s'assurer que tout individu et tout citoyen
reçoive un minimum alimentaire. Moi, comme ministre responsable de la
politique de sécurité du revenu, je suis d'accord avec cet
énoncé de principe. Ce que je cherche auprès des
spécialistes que vous êtes, c'est la mécanique pour
m'assurer que ces gens le reçoivent. Vous m'indiquez... On veut laisser
les gens maîtres de leur budget.
Mme Gauvin: Cela prend... Je vais vous dire une chose. Est-ce que
je peux? Vas-y donc.
Mme Choquette: Non, vas-y, je finirai.
Mme Gauvin: Cela me fait penser à la fin de notre
commentaire qu'on n'a pas eu le temps de vous donner. On a l'impression qu'il
se fait ici, à un moment donné - et on a commencé à
le faire aussi - un exercice un peu intellectuel. On ne sait pas comment vous
rejoindre. Les assistés sociaux ne sont pas un paquet de paperasses, de
chiffres et de signes de piastre. Ce sont des êtres humains qui ont des
besoins de santé et d'alimentation, qui ont faim, qui sont malades, pour
qui toutes sortes de choses peuvent arriver - qui pour d'autres ne sont pas
très grave - et qui n'ont souvent pas eu beaucoup d'instruction, comme
vous l'avez souligné. Mais si la personne qui n'a pas beaucoup
d'instruction a 50 ans, et si elle n'a pas fini son primaire, comme bien
d'autres de 50 ans, on ne l'enverra pas au CEGEP.
Ce sont des êtres humains. On se retrouve ici avec des papiers,
des chiffres, toutes sortes de chiffres. Peut-être va-t-on les mettre
dans cette case-ci, peut-être va-t-on les mettre dans cette
case-là. Nous autres, ce qu'on essaie de vous dire, c'est qu'il y a un
problème humain. Il y a un problème de santé. Ce n'est pas
de changer les cases, ni tel ou tel montant qui était pour je ne sais
pas quoi - pour un manteau - et le mettre sur l'alimentation pour leur dire
qu'il faut qu'ils s'alimentent. Il faut aussi qu'ils aient un manteau.
Déjà, les assistés sociaux ont à faire des
miracles avec le peu d'argent qu'ils ont. Déjà, ils sont malades.
Les données s'accumulent. On ne vous en a pas beaucoup dit. Cela
s'accumule. On continue d'avoir de plus en plus de données à
savoir que la pauvreté comme telle a une influence néfaste sur la
santé. Les pauvres vivent moins longtemps. Quand ils vivent leurs
dernières années, ils les vivent plus malades. Ils ont plus de
problèmes de santé de toutes sortes. Cela se répercute
d'ailleurs dans vos autres ministères, avec d'autres
dépenses.
Il y a un taux de femmes enceintes qui ont de trop petits
bébés - moins de 4 ou 5 livres - ici dans les quartiers
populaires qui est plus élevé que dans certains pays
sous-dévelop-pés. On voudrait couper les prestations des femmes
enceintes. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? C'est bien de dire si
elles participent, mais si elles ne sont pas disponibles, ou en tous cas, vous
le savez. Dans le moment, avec ce qui est prévu, les femmes enceintes,
dans certains cas au moins, vont avoir moins que présentement. Il va y
avoir des gens... Que va-t-il arriver à la femme enceinte qui est dans
ses premiers neuf mois? Par exemple, si la femme a le malheur de
découvrir qu'elle est enceinte et qu'elle est dans les premiers neuf
mois et qu'elle a moins. Ce sont tous des cas d'êtres humains, dans le
moment.
Vous, vous avez pris des papiers. Vous avez de beaux chiffres. Vous
êtes mélangé, n'est-ce pas? Bon, regardez. Les femmes
enceintes, admettons que...
Une voix: Elles ne sont pas disponibles.
Mme Gauvin: Elles ne sont pas disponibles de telle semaine
à telle autre. Qu'est-ce qui arrive des autres semaines?
Mme Harel: C'est: non disponible si elle garde l'enfant
jusqu'à l'âge de deux ans.
Mme Gauvin: À un moment donné, y y a une baisse de
prestation pour la femme enceinte. Elle a besoin de plus. Déjà,
comme c'est là, elle n'en a pas assez. Déjà, ces femmes
ont de trop petits bébés. Elles ont plus de problèmes de
grossesse. Les bébés qui sont trop petits, ce sont des
bébés qui naissent faibles et avec des
handicaps physiques et mentaux. La société va payer
ensuite pendant combien d'années ces trop petits bébés,
ces handicaps et ces bébés hospitalisés et qui vont avoir
besoin de soins pédagogiques? Tout cela, parce qu'un jour, il y a
longtemps, une femme a été mal nourrie avant même de
devenir enceinte et a été mal nourrie pendant qu'elle
était enceinte. Elle n'avait pas assez d'argent et là on dit
qu'on ne veut pas non plus améliorer son sort; on ne veut pas
réduire la situation. On veut que dans certaines circonstances - cela
dépend lesquelles - il y a un paquet de chiffres... On est certain que
des fois elles vont avoir moins d'argent qu'aujourd'hui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Puis souvent, elles vont en avoir
plus...
Mme Gauvin: Oui, monsieur.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...et ce qui compte, c'est de
regarder l'ensemble pendant cette période-là et s'assurer que
cette femme-là ne perde rien comparativement au système actuel,
mais qu'elle y gagne. Il faut faire l'effort de le faire. Il faut
également le faire et je vous remettrai un tableau, parce qu'il faut
regarder également ce qu'il arrive présentement dans les cas de
congé de maternité de la femme qui est sur le marché du
travail, dans quelles conditions elle est placée et ce ne sont pas des
conditions idéales. Au ministère de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu, on le sait, parce qu'on complète
déjà les prestations d'assurance-chômage qui sont pour un
maximum de quinze semaines. On les complète pour deux semaines à
un taux de 240 $ pour deux semaines, un taux qui est en vigueur depuis 1979 et
qui n'a jamais changé depuis 1979 et il y a là des lacunes
auxquelles on fait référence. Il faudrait peut-être prendre
le temps de faire le petit tableau, parce qu'il faut en faire des petits
tableaux des fois, avec tout le côté humain que cela
représente, et regarder le cas de la madame qui est sur le marché
du travail, à qui cela arrive, et le cas de la madame qui
bénéficie de l'aide sociale et à qui cela arrive
également. S'assurer que dans aucun des deux cas, il n'y ait pas de
perte avec les réformes que l'on propose, mais qu'il y ait des gains. Ce
que je vous dis au moment où on se parle, moi, je l'ai fait faire le
petit tableau, je l'ai envoyé au ministère de la Condition
féminine pour le faire valider là où on tient pour acquis
que la condition féminine ne doit pas subir de perte, etc. On prend le
temps de l'analyser et de le regarder comme il le faut. Voilà pourquoi
j'ai besoin, encore une fois, de vous comme expertise. Je me
répète, je vous pose à nouveau la question: Moi, j'ai
comme souci de m'assurer que sur le plan de la nourriture, les gens
reçoivent le minimum nécessaire en valeur nutritive. Vous m'avez
établi le principe, mais sur le plan de la mécanique, je n'ai pas
trouvé ni dans le mémoire...
Mme Choquette: M. le ministre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...ni dans l'exposé verbal
la façon de procéder...
Mme Choquette: D'accord.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...et je pensais que
c'était là-dessus que vous étiez pour m'éclairer
aujourd'hui.
Mme Choquette: Je vais essayer, M. le premier ministre, de vous
répondre. Je ne pense pas vous éclairer nécessairement de
la façon que vous le souhaiteriez.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord, de n'importe quelle
façon.
Mme Choquette: Je pense qu'il faut respecter la globalité
de l'être humain. Vous êtes autour de la table et personne de vous
ni de nous, ne recevez Un revenu qui est celui d'un bénéficiaire
de l'aide sociale. Il se peut très bien, par contre, que parmi nous il y
ait des gens qui soient très mal nourris et qui soient dans des
statistiques aussi basses que celles qu'on a vues tantôt, parce qu'on a
le libre choix de mal manger. Mais, premièrement on a les moyens de
choisir correctement si on le veut, et deuxièmement on a aussi tous la
disponibilité d'aller au supermarché de grande surface et de
profiter des spéciaux. Il y a un livre américain que vous pourrez
consulter, qui est disponible au Dispensaire diététique de
Montréal et qui dit: The poor pay more." C'est un livre, un classique
qui a au moins une trentaine d'années. Il y a tout un contexte qui
contribue à ce que la personne de milieu défavorisé soit
toujours défavorisée. C'est le cercle vicieux de la
pauvreté. On vous a dit au début de notre exposé que l'on
est d'accord pour qu'il y ait des distinctions, mais des distinctions en
fonction des services rendus disponibles. Les services comme ceux
qu'Action-alimentation rend dans un milieu populaire, cela n'existe pas pour
toutes les personnes qui bénéficient de l'aide sociale au
Québec. Ces gens travaillent très souvent avec des budgets
très limités. Je pense que tous les groupes qui vont venir ici
vous parleront de leurs difficultés financières pour essayer
d'aider les gens. Cette disponibilité de l'éducation à la
nutrition, de la mise à la disposition des gens des trucs pour arriver
à manger mieux à moindre coût, cela prend une expertise et
il faut rendre cette expertise-là disponible pour les gens. Ce sont des
services, je pense, qui pourraient amener les gens, tout en ayant le respect de
leur dignité, à apprendre à sortir le vrai du faux de la
publicité et des réclames. Quel est vraiment le meilleur choix?
Comment évaluer la valeur nutritive des aliments? Un tas de choses vous
l'avez dit vous-même, que tout le monde n'a pas comme expertise mais que,
eux, devraient déve-
lopper davantage, comme ils ont moins de moyens, moins
d'éducation, moins de scolarité, etc. Cette réponse n'est
peut-être pas facile à appliquer, mais je pense qu'il faut
évaluer quels sont les services dont ont besoin les gens qui ont des
revenus moindres, et parmi ces services-là il peut y avoir des services
d'éducation spécialisée en fonction des besoins. Pour
mieux se nourrir, on aurait certainement besoin de rendre accessible la
disponibilité de l'information. Si le Dispensaire
diététique de Montréal travaille depuis une trentaine
d'années avec une équipe de diététistes, c'est
parce que l'expertise est là. Dieu sait s'ils doivent consacrer beaucoup
de temps, de personne à personne, pour obtenir les résultats
qu'ils obtiennent en ce qui concerne le poids du bébé à la
naissance. Dans le même sens, je pense qu'il y a un effort collectif
à faire pour l'éducation à la nutrition. Il ne suffit pas
de dire ce qu'est le guide alimentaire pour que les gens mangent mieux.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Juste un petit commentaire
peut-être. Je pense que vous avez là une réponse qui n'est
pas une réponse miracle, comme on l'appelle, mais une réponse
dans la bonne direction. C'est ce que je souhaitais obtenir de votre organisme
comme suggestion.
Mme Choquette: Je suis contente de vous l'avoir donnée et
je suis contente qu'elle soit bien reçue.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Mme Choquette et Mme Gauvin, c'est une réponse
qui est éclairante parce que, dans le fond, vous nous dites: Quand on
est favorisé, on a le libre choix de bien ou mal manger, mais quand on
est assisté social, on n'a pas ce choix-là. C'est un peu,
finalement, ce que je tire de vos propos. Cela fait quand même plusieurs
années maintenant que la corporation a décidé de parler
haut en matière d'alimentation au Québec. Je sais que vous avez
confronté le précédent gouvernement et j'ai toujours
été, heureuse d'ailleurs qu'il en soit ainsi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est peut-être de cela dont
je me souviens.
Mme Harel: Je crois que, de toute façon, vous avez une
autonomie de pensée qui nous permet, justement, de jauger jusqu'à
quel point vos interventions sont importantes. D'abord, je voudrais vous
rassurer. Quand Mme Duquette est venue pour le dispensaire, finalement ce
qu'elle a surtout signalé c'est que, comme vous le disiez, maintenant ce
sera l'évaluation des dépenses des travailleurs les moins
favorisés, en fait les plus défavorisés par rapport aux
besoins. Cela peut augmenter les écarts dans la mesure où il n'y
a plus assurance d'indexation. Il n'y a plus d'indexation à l'I PC.
Même dans le document d'orientation sur l'indexation, il y a plutôt
des grands points d'interrogation. D'autre part, il y a des catégories
de dépenses qui ne se retrouvent pas dans la liste. Alors pour le total,
c'est pour cela que vous aviez raison, Mme Gauvin, non pas de mettre en doute
mais de dire: j'attends tout le tableau pour me faire une opinion parce que le
total ne correspond pas, les propos exacts - je me fais un petit cahier noir et
je le finis d'ailleurs cet après-midi, il va falloir que j'en commence
un autre - étaient ceci: plus il y a d'enfants, plus la perte de revenu
est grande dans le document d'orientation. C'était exactement ce que Mme
Duquette nous a dit. C'est la présence d'enfants qui alourdit,
finalement, le déficit en termes d'allocation.
Une chose que je veux tout de suite vous signaler - il y a tellement
d'autres questions que je veux vous poser - et je voudrais la signaler à
mes collègues de la commission parlementaire, de même qu'au
ministre, parce que cela a quand même été clairement
démontré et illustré Ici lorsqu'un groupe de dames qui
s'occupent de travaux communautaires de leur secteur sont venues. Par la suite
j'ai pu vérifier finalement que: sans exception, dans la
catégorie la plus méritante - si vous voulez chez les APTE, qui
est la catégorie participante - sauf pour les moins de 30 ans, mais dans
tous les cas par exemple où il y a des enfants - familles monoparentales
- avec un enfant ou deux enfants et familles biparentales avec un ou deux
enfants tous les cas de participants obtiennent finalement moins avec le projet
en 1989 qu'avec le système actuel indexé parce que, ici, il faut
ajouter les 100 $ de besoins spéciaux qui n'apparaissent pas. Alors, ces
100 $ n'apparaissaient pas dans ce tableau-là. Ce qui m'avait
empêchée de me rendre compte de cela avant qu'on ait cet
échange avec un des groupes qui vous a précédées,
c'est que même en participant, même lorsqu'il y a deux participants
dans la même famille: Là, il faut bien s'entendre: Combien vont
pouvoir... Vous savez, il y a des heures de vérité. On ne peut
pas toujours tout dire sans avoir nécessairement à offrir. Dans
l'étude des crédits, on va bien voir quels sont ceux des
programmes parce que si c'est à 100 %, c'est 400 000 000 $. Cela va
venir bientôt. Cela va être autour de Pâques. On va voir
où se logent les 400 000 000 $ pour faire participer tout le monde au
programme.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y avait des crédits
additionnels même cet après-midi.
Mme Harel: J'ai préparé - et je vais vous le
remettre, c'est pour cela que je ne veux pas
vous interroger là-dessus - l'estimé des coûts
réels de la réforme. C'est calculé à partir d'un
document qui avait été rendu public par le front commun. C'est un
estimé qui reprend simplement les économies prévisibles et
qui, en annexe, donne des explications des économies, par exemple, dans
la catégorie personne enceinte, après le sixième mois, ou
parent qui a la garde d'un enfant de moins de deux ans ou personne malade,
l'économie prévisible est de 33 000 000 $. 33 000 000 $ de
barème en moins pour cette catégorie. Vous avez toutes les autres
catégories. Cela va vous donner une idée des économies
réelles, même s'il y a des coûts prévisibles, par
exemple, pour les personnes qui participeraient au Soutien financier. Cela vous
permettra d'avoir une vue d'ensemble des économies qui sont
prévues dans les différentes catégories.
Je vais profiter de votre présence, cet après-midi, pour
examiner avec vous toute la question des moyens qui pourraient être
utilisés quand même, sans que ce soit celui, coercitif, qui
consisterait à donner des bons ou des coupons d'alimentation pour aller
à des magasins désignés. Vous en avez quelques-uns, dans
votre premier mémoire, notamment, je me rappelle que vous avez
insisté sur l'accès à des suppléments de vitamines
et à des minéraux multiples. Je ne sais pas si vous avez
parlé du lait matemisé. Je ne crois pas, en tout cas, pas dans le
mémoire succinct que j'ai. Vous avez certainement pris connaissance de
cette étude du Dr. Colin, Naître égaux et en
santé?
Mme Choquette: On l'a reçu. Je n'en ai malheureusement pas
encore pris connaissance. Je ne sais pas si Mme Gauvin l'a lu?
Mme Gauvin: Non.
Mme Harel: Dans l'étude qui vient de paraître en
janvier dernier, ce qui est recommandé au gouvernement, c'est
l'instauration d'allocation prénatale qui compléterait le revenu
de toute femme enceinte vivant sous le seuil de pauvreté et une
augmentation de l'allocation de grossesse, cette allocation, dit-il, doit
être au moins de 30 $ par mois, avec là, toute une
définition.
Mme Choquette: Oui. Les calculs disent, d'après le
dispensaire, environ 27 $ par mois de plus pour la nourriture pour une femme
enceinte à ce moment-ci.
Mme Harel: II y a le financement de programme de
suppléments alimentaires, dans certains milieux, la gratuité des
suppléments de fer et d'acide folique. Cela me faisait penser à
votre intervention. Vous dites que la carence en fer rend plus propice à
des infections. Il y a la gratuité du lait maternisé. Vous n'avez
pas pu en prendre connaissance, j'imagine?
Mme Choquette: Non, mais nous étions intervenues quand
même, concernant le lait maternisé, dans le document de juin
dernier. Il y a eu un mouvement parti de plusieurs CLSC, auquel nous avons
adhéré avec certaines réserves, demandant que soit fourni
gratuitement ou à moindre coût le lait maternisé - qu'il ne
faudrait pas appeler lait maternisé mais préparations
commerciales pour nourrissons, parce qu'il n'y a rien de maternisé dans
les préparations commerciales pour nourrissons. Nos réserves, par
rapport à cela, sont le très grand besoin de faire la promotion
de l'allaitement maternel. Il y a une distinction importante à faire et,
selon nous, sans dire qu'on est tout à fait contre, il ne faudrait pas
rendre l'artificiel plus facilement accessible que le meilleur. La promotion de
l'allaitement maternel est un autre élément qui ne touche pas
directement la problématique d'aujourd'hui, mais qui touche la
santé globale, c'est un autre élément de santé
publique qui devrait recevoir un plus grand crédit par la promotion.
Cela rejoint encore là tout cet ensemble de services et de
disponibilité de services. On serait inquiets s'il y avait des mesures
mises en place pour fournir gratuitement le lait maternisé, même
si, bien sûr, dans certains cas, c'est très difficile et que les
petits bébés en auraient besoin, si la maman n'allaite pas. M. le
ministre nous a déjà signalé par écrit qu'il n'est
pas question, non plus, de nuire à l'allaitement ou de sembler favoriser
les préparations commerciales au détriment de l'allaitement. Ce
n'est pas facile à traiter, mais il faudrait trouver le moyen
d'encourager d'abord et avant tout l'allaitement maternel, au moins durant les
trois, quatre premiers mois de vie.
Le Président (M. Bélanger): Compte tenu de l'heure
et du mandat...
Mme Harel: J'aimerais bien que madame puisse terminer, Mme
Gauvin...
Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez,
seulement une seconde avant...
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Bélanger): Compte tenu de l'heure,
du mandat et des ordres de la Chambre, nous devions normalement arrêter
nos travaux à 17 h 30, est-ce que j'ai le consentement pour que l'on
poursuive quelques minutes? Consentement. Alors vous pouvez continuer.
Mme Gauvin: Je voulais juste dire que Action-alimentation, quand
on avait sorti notre budget alimentaire, avait fait une recommandation en ce
sens que les bénéficiaires de l'aide sociale aient au moins le
droit de recevoir des comprimés de vitamines multiples. Peut-être
que pour M. le ministre, qui cherchait tout à l'heure des suggestions
alimentaires, ce n'est pas vrai-
ment alimentaire. Le mieux c'est d'avoir les vitamines dans les
aliments, mais à défaut, s'ils pouvaient avoir accès aux
comprimés de vitamines et minéraux gratuitement, cela aiderait
beaucoup. Autrefois, ils y avaient droit, mais maintenant ils ont droit
seulement à une à la fois. Ce serait une façon, au point
de vue alimentation, d'améliorer leur santé qui est reliée
à l'alimentation.
Mme Choquette: Si vous me permettez de dire ceci: la distinction,
c'est que le supplément reconnu comme étant nécessaire
durant la grossesse est le fer et l'acide folique et ce, même pour les
femmes de milieu favorisé et avec une bonne alimentation; très
rares sont les femmes qui n'en ont pas besoin durant la grossesse.
Mme Harel: J'aimerais juste revenir sans clore le sujet, mais
vous êtes un des seuls groupes avec qui on peut parler de la question de
l'allaitement maternel. Vous savez sans doute qu'il y a une femme sur six
bénéficiaires de l'aide sociale qui accouche au Québec et
que les changements dans les comportements d'allaitement sont beaucoup moins
modifiés dans les milieux défavorisés que dans les milieux
plus fortunés. Alors, actuellement, pour avoir déjà
allaité, je me rappelle à l'époque, j'avais
l'impression... Vous vous rappelez cette chanson de notre enfance: J'ai du bon
Crino dans mon... Il faut quelque part beaucoup manger pour allaiter, parce que
l'un ne va pas sans l'autre. Ce n'est pas... Alors, en vous écoutant, je
me disais: Ce sont non seulement des allocations prénatales, mais il
faudrait des allocations postnatales si on veut qu'il y ait du lait.
Mme Choquette: Femmes enceintes et allaitantes.
Mme Harel: Sinon, il n'y a pas moyen d'avoir du lait si on ne
mange pas, de toute façon.
Mme Choquette: II y a moyen, mais cela peut être au
détriment de sa propre santé. On n'aura pas une production aussi
importante et qui réponde aux besoins du bébé. J'aimerais
répondre à ce que vous avez mentionné en ce qui concerne
l'incidence de l'allaitement maternel dans les populations plus
défavorisées, exception faite de la clientèle du
Dispensaire diététique de Montréal. Pourquoi cette
exception? Parce qu'il y a durant la grossesse une intervention auprès
de ces femmes qui, tout le long de l'intervention, est nutritionnelle, insiste
sur l'alimentation, donne l'appui et encourage l'allaitement.
Mme Harel: Leur faire comprendre qu'elles ne vont rien y
perdre.
Mme Choquette: Le taux d'allaitement maternel et la durée
d'allaitement maternel de la clientèle du dispensaire est plus important
que celui dans la population en général, tout comme le poids des
bébés à la naissance. Il y a matière pour une
intervention nutritionnelle et, bien sûr, la grossesse et l'allaitement
sont des périodes privilégiées pour ce faire. On en a tous
besoin, je pense. La population en général en a besoin. La
corporation joue son rôle dans ce sens-là avec le mois de la
nutrition chaque année, d'ailleurs, dont le gouvernement
bénéficie. Que ce soit l'un ou l'autre, la population pense que
c'est le gouvernement qui organise cette campagne.
Par ailleurs, pour les gens défavorisés, il y aurait
peut-être moyen de fournir les services dont ils ont besoin, parce que
l'intervention nutritionnelle peut donner des résultats. C'est ce que
Mme Colin signale.
Mme Harel: Je vous remercie beaucoup, Mme Choquette et Mme
Gauvin. Je souhaite qu'à défaut de lire tout le mémoire,
les parlementaires prennent au moins connaissance du résumé. Il y
a une grande constatation qui est peut-être évidente, mais que je
n'avais pas faite encore. Les personnes âgées ne constituent plus
les premières victimes de la pauvreté, contrairement à
l'image qu'on s'en fait, en fait, celles qui ont droit à leur pension.
À cause des efforts de distribution, maintenant ce sont les jeunes et
les femmes chefs de famille qui sont les plus durement touchés. S'il y a
un effort de redistribution, on pourrait là aussi corriger la situation.
Je vous remercie.
Mme Gauvin: Bienvenue.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie la Corporation
professionnelle des diététistes du Québec et ses
représentantes. Vous avez positivement contribué, a partir de
votre expertise, à nos travaux et tout ce que vous avez mentionné
en matière de valeur d'éducation alimentaire a été
retenu. Je retiens également une des dernières phrases que vous
avez prononcées et qui justifie peut-être ce qu'on retient
avant.
Lorsque vous avez dit "exception faite de la clientèle du
Dispensaire diététique de Mont- ' real", je pense qu'il s'agit
là d'un résultat qui parle par lui-même sur les
méthodes que vous avez utilisées. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): La commission vous
remercie de votre participation à ses travaux.
Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au lundi 14
mars, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 22 heures,
à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine. Merci.
(Fin de la séance 17 h 36)