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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Poulin): À l'ordre, s'y vous
plaît! Je déclare la séance ouverte. La commission des
affaires sociales se réunit afin de procéder à une
interpellation concernant les questions soulevées par la
députée de Maison-neuve au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu sur l'imbroglio
fédéral-provincial relatif aux programmes de formation
professionnelle, d'assurance-chômage, d'aide sociale et de congés
de maternité. Y a-t-il des remplaçants, Mme la
secrétaire?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M.
Bélanger (Lavai-des-Rapides) est remplacé par M. Poulin
(Chauveau). C'est tout.
Le Président (M. Poulin): Merci. Donc je vais faire un
rappel sur les règles. Le député qui a donné l'avis
d'interpellation intervient pendant dix minutes, le ministre interpellé
intervient ensuite pendant dix minutes, et il y a ensuite alternance dans les
interventions de cinq minutes par intervenant.
Donc, Mme la députée de Maisonneuve.
Exposé du sujet Mme Louise Harel
Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Nous aurons
l'occasion ce matin de discuter sur cette question fondamentale,
névralgique et stratégique, autant pour le développement
économique du Québec que pour corriger les
inégalités sociales, la question relative aux sans-emploi et aux
programmes qui leur sont destinés, soit les programmes
d'assurance-chômage, d'aide sociale, de formation professionnelle, et
nous aborderons également la question des congés de
maternité.
M. le Président, en préparant cette discussion que nous
avons ce matin, je me suis rappelé l'exemple si souvent
répété par mon collègue, le député de
Lévis, lorsqu'il était ministre de l'Agriculture et des
Pêcheries en cette Chambre et qu'il faisait état des doubles
juridictions et des enchevêtrements de juridictions dans le domaine de sa
compétence et qu'il donnait l'exemple du poisson qui était de
juridiction fédérale lorsqu'il était dans l'eau, à
cause de la juridiction d'Ottawa sur les eaux et qui devenait de juridiction
provinciale lorsqu'il était sur le bateau, à cause de la
juridiction du Québec dans le domaine agro-alimentaire.
Le malheur, M. le Président, c'est que ce ne sont pas des
poissons dont il est maintenant question, mais des personnes sans emploi.
Malheureusement, il faut convenir que le gouverne- ment les traite comme s'ils
étaient des balles dans le jeu de ping-pong entre Ottawa et
Québec.
Trois programmes: assurance-chômage, qui relève du
gouvernement fédéral, où un chômeur est, comme le
poisson dans l'eau, de juridiction fédérale, l'aide sociale, qui
relève du gouvernement provincial, où le sans-emploi qui a
épuisé ses primes d'assurance-chômage redevient de
juridiction provinciale. Et la formation professionnelle là-dedans?
Alors là, ce n'est vraiment ni l'un ni l'autre et cela devrait
être les deux, va nous dire le ministre. Mais, évidemment, comme
ce ne sont pas les deux, ça finit par n'être aucun des deux
gouvernements, et la victime se retrouve celle qui tombe entre les programmes
qui s'enchevêtrent.
Quelques exemples récents nous permettent de constater l'absence
totale d'harmonisation, mais surtout l'intrusion de plus en plus
prononcée du gouvernement fédéral dans ce domaine qui
n'est pas de sa compétence, celui de la formation professionnelle.
À l'heure actuelle, c'est en vertu d'ententes
fédérales-provinciales que se sont établis les programmes
de formation professionnelle. À ce sujet, il faut se rappeler qu'en
1985, Ottawa a annoncé unilatéralement sa nouvelle
stratégie canadienne, qui est intitulée "la planification de
l'emploi", et a mis le Québec devant une situation de fait qui a
été décriée par l'ensemble des intervenants.
Le ministre qui, comme moi, sort d'une commission parlementaire portant
sur le sujet des régimes privés de retraite, sait combien il est
usuel de voir s'opposer les intervenants sociaux dans notre
société dans des positions carrément inconciliables ou
presque, en matière de relations du travail, en matière de
partage de régimes de retraite. Pourtant, le seul sujet qui a fait
consensus au Québec, autant auprès des parties patronales que
syndicales, a été celui de reconnaître unanimement
l'importance de n'avoir qu'un seul interlocuteur et de le situer au niveau du
gouvernement du Québec.
Bien au contraire, la réalité à laquelle nous
assistons présentement est celle d'une intrusion de plus en plus
prononcée au Québec en matière de formation
professionnelle, pas uniquement à l'égard des chômeurs,
mais, depuis cinq ans, il faut reconnaître qu'Ottawa a
développé sa propre stratégie canadienne et nous laisse
une politique qui n'est pas celle dont nous avons besoin en matière de
formation professionnelle, stratégie, je le répète, non
pas simplement destinée aux chômeurs, mais destinée
également aux bénéfé-ciaires de l'aide sociale, aux
jeunes qui ont abandonné leurs études, aux femmes de retour sur
le marché du travail et aux personnes licenciées ou
déplacées par des fermetures.
En d'autres termes, au moment où nous
entamons cette discussion ce matin, la réalité nous
amène à constater qu'Ottawa établit de plus en plus, seul,
avec le gouvernement du Québec qui remercie le gouvernement
fédérai de lui laisser une petite chambre d'ami dans la maison
dont il est pourtant propriétaire à part entière...
SI on reprend, ce qu'on aura l'occasion de faire ce matin, l'ensemble
des programmes qui sont actuellement offerts en matière de formation
professionnelle, on constate qu'Us sont les mêmes d'un océan
à l'autre. Québec n'entérine les programmes qui sont
offerts ailleurs que pour sauver les apparences. Où le problème
se pose-t-U me direz-vous? Il se pose particulièrement dans le fait que
les personnes sans emploi se retrouvent victimes des obstacles qui se dressent
sur la voie de leur réinsertion sur le marché du travail, faute
d'harmonisation, faute d'interlocuteur clairement identifié. J'en donne
quelques exemples. Faute d'harmonisation. J'ai en tête les
bénéficiaires de l'aide sociale à qui on destinait les
programmes de formation sur mesure en établissement, volet
employabilité, qui ont cru qu'ils pouvaient se sortir de la situation
tragique dans laquelle Us étaient de 30 à 44 ans puisque c'est
à eux principalement qu'on destine ces programmes, qui se sont Inscrits
après des démarches extrêmement complexes. Il leur fallait
rencontrer d'abord un fonctionnaire des centres d'emploi et d'immigration du
Canada et un agent des centres Travail-Québec, de même qu'un
fonctionnaire des commissions de formation professionnelle pour, finalement,
pouvoir se retrouver sur un banc d'école dans un cégep, inscrits
dans des programmes qui, pourtant, nécessitaient toute leur
énergie et toute leur attention, des programmes de formation haut de
gamme, si vous me permettez l'expression: gestion informatisée par
micro-ordinateur, manipulation de logiciels progiciels. Et là, je vous
cite des étudiants qui étaient inscrits à ces programmes
et qui sont venus me voir pour me faire part de la situation dans laquelle ils
se retrouvaient une fois assis sur les bancs du cégep, à se
rendre compte qu'ils étaient malheureusement victimes de l'absence
d'harmonisation entre Ottawa et Québec. L'allocation de formation qui
leur était destinée, que l'agent du centre Emploi et Immigration
du fédéral leur avait confirmée, de 87,50 $ en moyenne par
semaine, leur était entièrement amputée du chèque
d'aide sociale qu'Us recevaient, comme s'ils n'avaient pas à faire face
à des dépenses pour ces études. Tout ce qui leur
était laissé, c'était 25 $ par mois qu'Us auraient eus, de
toute façon, s'ils étaient restés à la maison. Je
le rappelle, 25 $ par mois, c'est 6 $ de moins que le coût d'une carte de
transport pour pouvoir se déplacer, et on ne parie pas des autres frais
occasionnés à ce genre de formation intensive en période
estivale, ce qui nécessite, évidemment, un effort particulier de
la part de ces personnes qui ont connu une situation d'échec,
puisqu'elles sont déjà à t'aide sociale, et qui doivent
mettre les bouchées doubles pour pouvoir acquérir les
connaissances.
Le ministre me dira que cette allocation, versée par le
fédéral et totalement amputée de l'aide sociale, est
considérée comme un revenu. Mais encore là, ne nous y
trompons pas, aucune harmonisation avec les autres programmes, impossible
d'obtenir le programme APPORT. Si c'était un salaire ou un revenu, ces
personnes pourraient bénéficier du programme APPORT, et pourtant
elles en sont exclues parce que le programme APPORT ne considère pas ces
sommes comme étant de la nature des revenus. Le résultat net de
cela: abandon des cours. Et le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu finit par périmer les crédits
qui étaient disponibles: 22 000 000 $ à la formation
professionnelle, 10 500 000 $, cette année, en matière de
formation pour les bénéficiaires de l'aide sociale. C'est 10 500
000 $ sur les 15 000 000 $ qui étaient prévus, les deux tiers de
ce qui avait été budgétisé n'ont pas
été dépensés. Le ministre est devenu le champion
des crédits annoncés et non dépensés parce que ses
programmes...
Le Président (M. Poulin): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve...
Mme Harel: ...ne sont pas adéquats. On aura l'occasion d'y
revenir, M. le Président.
Le Président (M. Poulin): M. le ministre. Réponse
du ministre M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que je vous
étonnerais si j'avouais que je suis heureux de l'interpellation de ce
matin? Heureux parce qu'elle me fournit l'occasion d'aborder des questions
complexes qui se situent au coeur des préoccupations de milliers de nos
concitoyens. Heureux parce que nous allons pouvoir illustrer les liens qui
unissent la formation professionnelle, l'assurance-chômage, les
congés de maternité et, bien sûr, l'aide sociale. Heureux
enfin parce que nous entendons ébranler certains mythes entretenus
autour de ces sujets.
Ces questions se prêtent admirablement bien à la
démagogie, ne serait-ce qu'en raison du nombre considérable de
personnes qu'elles touchent. J'ai décidé d'éviter ce
piège. Je vais tenter de répondre à la question
soulevée par la députée de Maisonneuve sous l'angle des
liens qui unissent les quatre programmes et celui de l'intérêt que
représenterait le rapatriement au Québec de tout ce champ de
compétence.
La thèse défendue par le Parti québécois et
sur laquelle repose le débat de ce matin peut se résumer ainsi.
L'assurance-chômage, l'aide sociale, les congés de
maternité et la formation professionnelle représentent l'ensemble
des
éléments assurant à la fois la
sécurité du revenu et l'aide à la réinsertion
à l'emploi. Il y aurait donc avantage, selon eux, à regrouper
toutes ces composantes sous une même administration. Le Parti
québécois revendique donc le rapatriement de la
responsabilité de l'aide à l'emploi et de
l'assurance-chômage, en réclamant, bien sûr, du gouvernement
fédéral, une compensation financière adéquate.
De prime abord, le projet semble séduisant. Il reste à
voir le coût d'une telle opération et à se demander s'il
est pertinent de procéder à ce rapatriement pour atteindre les
objectifs que l'on vise. En ces matières, on fait face à une
certaine ambiguïté. Les congés de maternité, par
exemple, ne devraient pas être associés à
l'asu-rance-chômage. D'abord, l'absence du marché du travail pour
cause de maternité ne peut en aucune façon être
apparentée au chômage. C'est plutôt irrespectueux pour les
femmes. On pourrait, bien sûr, considérer les congés de
maternité, l'assurance-chômage et l'aide sociale comme des
programmes de protection du revenu. Ce n'est pas faux. Mais il faut nuancer
considérablement cette généralisation.
L'assurance-chômage, comme tout régime d'assurance,
représente pour la personne sans emploi, un recours qu'elle a
elle-même financé en partie, tout au moins. Le congé de
maternité constitue, pour sa part, une étape cruciale dans la vie
active de certaines femmes que l'État devrait reconnaître à
sa juste valeur en faisant en sorte que ces femmes ne subissent pas
d'importantes pertes de revenu durant cette période. Enfin, l'aide
sociale demeure une mesure d'assistance, une aide temporaire, en particulier,
pour les personnes aptes au travail. Cela revient à dire que, dans
l'hypothèse du rapatriement de ces programmes au Québec, on ne
pourrait pas unifier véritablement l'aide sociale,
l'assurance-chômage et les congés de maternité. Il faudrait
tenir compte des différences de besoins, de traitements et de revenus
des personnes qui viennent de perdre leur emploi, des femmes en congé de
maternité, des chômeurs de longue durée et des personnes
inaptes au travail. Autrement dit, on aurait un régime
d'assurance-chômage québécois, un régime de
remplacement du revenu pour les parents qui acceptent d'avoir un enfant ou d'en
adopter un et un autre régime d'aide sociale. La situation ne
différerait pas fondamentalement de celle qui existe aujourd'hui. Il y a
dans l'idée de fusionner ces trois programmes une large part d'utopie.
Concrètement, ce n'est pas possible, à moins de vouloir ramener
l'assurance-chômage à un programme d'assistance sociale, ce qui
n'est pas le cas, j'en conviens.
Une autre illusion souvent véhiculée à propos de ce
rapatriement de la compétence en matière
d'assurance-chômage et d'aide à l'emploi a trait à la
simplification. La réunification des programmes sous une même
administration ne représente pas en soi un gage de simplicité. Je
prends l'exemple du secteur municipal, domaine de compétence
québécoise exclusive s'il en fut jamais un. Pourtant, le
régime municipal est d'une complexité inouïe. Un
régime juridique de 40 lois générales et de plus de 260
chartes particulières. Qui dit mieux, M. le Président? Il
convient donc de dissiper le cliché voulant que tout ce qui
relève de la compétence exclusive du Québec soit empreint
de simplicité et d'efficacité, alors que tout domaine de
juridiction partagée conduise inexorablement au fouillis et aux
conflits. Ce n'est pas aussi tranché ni aussi limpide.
On mise aussi sur d'hypothétiques gains administratifs. La
réflexion consiste a soutenir qu'en fermant les centres d'Emploi et
d'Immigration du Canada et en administrant nous-mêmes
l'assurance-chômage et tous les programmes de formation et d'aide
à l'emploi, on pourrait bénéficier de certaines
économies d'échelle. On peut à tout le moins douter de ces
éventuelles économies sur papier. La fonction publique, au
même titre que plusieurs grandes administrations, a tendance a perdre de
l'efficacité en s'hyper-trophiant. De nombreuses expériences de
fusion ont démontré que les économies d'échelle
étaient souvent et rapidement éclipsées par
l'accroissement des difficultés d'encadrement et de contrôle
engendrées par l'augmentation de la taille de l'administration.
Le problème du rapatriement du fonds d'assurance-chômage au
Québec, c'est qu'il se solde par un manque à gagner de plusieurs
centaines de millions de dollars par année. La raison en est fort
simple, le régime d'assurance-chômage est principalement
financé par les cotisations des travailleurs et des entreprises. Le taux
de cotisation demeure le même dans tout le Canada. Or, les provinces
où le taux de chômage est élevé retirent davantage
de bénéfices du régime qu'elles ne contribuent à
son financement. Il y a donc, dans le régime d'assurance-chômage,
une forme de péréquation en vertu de laquelle les provinces
prospères et les secteurs économiques à faible incidence
de chômage aident, d'une certaine manière, les régions, les
provinces et les secteurs plus durement frappés par le
chômage.
Tel est le mode de fonctionnement du régime
d'assurance-chômage depuis sa création en 1940. À peu
près personne ne remet en cause cette forme de redistribution des
montants servant à la protection contre le chômage. Au
Québec, le montant des prestations d'assurance-chômage
dépasse de 600 000 000 $ à 900 000 000 $ par année la
somme totale des cotisations des employés et des employeurs au
régime. Si on rapatriait la caisse d'assurance-chômage, on
ramènerait, en quelque sorte, ce déficit chez nous. À
cela, M. Parizeau répond que les gains actuels du Québec vont
fondre avec la réforme de l'assurance-chômage annoncée par
le gouvernement canadien. Il fait grand cas de la décision
fédérale de ne plus contribuer au financement du régime
d'assurance-chômage. N'oublions pas que le gouvernement
fédéral
entend contribuer au régime dans les périodes de
ralentissement ou de crise économique afin de limiter la hausse des
cotisations des travailleurs et des entreprises. (10 h 30)
Pour le Québec, il s'agit d'une police d'assurance additionnelle.
Nous reconnaissons qu'effectivement, les travailleurs de tout le Canada vont
retirer moins d'argent du régime d'assurance-chômage à
compter de 1990. On peut anticiper, cependant, qu'ils prendront une part plus
active à la formation professionnelle financée à
même le fonds d'assurance-chômage. Comme le taux de cotisation au
régime continuera d'être uniforme dans tout le Canada, les
travailleurs et les employeurs des provinces riches vont, comme aujourd'hui,
verser des excédents à la caisse d'assurance-chômage par
rapport au montant des prestations des chômeurs et des provinces.
En fait, et je termine là-dessus, tant que l'écart entre
les taux de chômage au Québec et au Canada demeurera ce qu'il fut
historiquement, le gain net du Québec au Régime
d'assurance-chômage demeurera dans les mêmes proportions,
c'est-à-dire quelques centaines de millions de dollars par année,
et ce, même avec le retrait du gouvernement fédéral.
Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre.
Maintenant je voudrais rappeler que les interventions seront de cinq minutes.
Mme la députée de Maisonneuve.
Argumentation Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. C'est quand même
édifiant d'entendre le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu d'un gouvernement libéral lire la
plaidoirie qui lui est préparée contre la thèse de son
propre parti. Ce n'est pas la thèse défendue uniquement par le
Parti québécois dont il est question, c'est la thèse
contenue dans les documents d'orientation et dans le programme du Parti
libéral lui-même. Nous y reviendrons, M. le Président.
Permettez-moi, immédiatement, de douter des compétences de
négociateur d'un ministre qui confond la formule de
péréquation avec les cotisations de chômage. Ce n'est pas
la première fois, évidemment, que l'argument qu'il utilise est
repris par lui. Mais je ne pensais pas qu'il aurait, je dirais, quasiment le
culot de nous ramener ici dans cette l'Assemblée nationale - je le
regrette - mais cet argument de colonisés. S'accrocher au nombre de
chômeurs pour faire accroire que le fédéralisme est payant,
c'est insignifiant.
Si le ministre nous disait qu'il allait réclamer une formule de
péréquation qui allait tenir compte adéquatement du taux
de chômage de notre société qui est plus
élevé qu'ailleurs, je pense qu'on pourrait le suivre sur ce
terrain-là qui est le terrain du fédéralisme. S'il nous
disait qu'il veut négocier une autre variable aux 33 variables qui
existent déjà dans la formule de péréquation pour
corriger le taux de chômage qui se maintient dans la
société québécoise beaucoup plus
élevé que chez le voisin ontarien - il y a trois fois plus de
chômage à Montréal qu'à Toronto, deux fois plus de
chômage au Québec qu'en Ontario - et s'il avait cette vision de
faire en sorte que, dans la formule de péréquation, on retrouve
une variable qui corrige cet effet de chômage, je crois qu'on pourrait le
suivre sur ce terrain-là. Mais qu'il s'accroche au nombre de
chômeurs pour nous faire croire que plus il y en a, plus c'est payant,
ça, je le répète, c'est insignifiant. Et en l'entendant
à certaines émissions parler de ces questions parce qu'on n'avait
pas eu l'occasion encore de le faire, ici, à l'Assemblée, je
concluais, en l'écoutant, qu'il nous offrait une raison de plus
d'être fiers d'être Canadiens, non seulement à cause de nos
Rocheuses, mais aussi à cause de notre haut taux de chômage au
Québec.
M. le ministre, je pense que ce matin on a intérêt à
être plus sérieux. Je reprends les engagements que votre propre
parti publiait dans le cadre d'une position constitutionnelle du Parti
libéral du Québec et je vous le lis: Étant donné
les caractéristiques actuelles du régime, il est
indéniable que le gouvernement possède un intérêt et
une responsabilité importante. Le programme d'assurance-chômage a
un lien direct et nécessaire avec les autres programmes d'aide sociale
et les politiques de main-d'oeuvre et de formation professionnelle. Or, nous
proposons - c'est le Parti libéral qui parle - de remettre ces
activités à la compétence des provinces. Et, dans le
document des engagements du Parti libéral du Québec, en juin
1985, juste avant les élections qui les reportaient au pouvoir, je vous
lis, M. le Président, l'engagement que le Parti libéral du
Québec prenait: Attendu que l'existence d'un réseau de
main-d'oeuvre parallèle entretient une confusion dans les rôles et
les responsabilités entre les deux ordres de gouvernement; attendu que
la présence d'un tel réseau entraîne un chevauchement et
une duplication dans les services offerts aux travailleurs; attendu que cette
situation pénalise les travailleurs dans leur recherche d'emploi; il est
résolu que le prochain gouvernement libéral entreprenne des
pourparlers avec le gouvernement fédéral sur le partage des
responsabilités concernant les services de main-d'oeuvre afin de
conclure une entente administrative et, éventuellement,
constitutionnelle qui reconnaîtrait, d'une part, la compétence
exclusive du Québec en matière de formation professionnelle et de
recyclage et, d'autre part, la création d'un guichet unique afin de
faciliter la recherche d'emploi pour les travailleurs. Pas un guichet unique
seulement pour les programmes de Québec, un guichet unique pour les
sans-emploi à l'égard de tous les
programmes de formation professionnelle et de main-d'uvre. M. le
Président, le gouvernement a parlé des deux côtés de
la bouche sur la question de la langue, sur la question de l'accès des
travailleuses au foyer à la Régie des rentes...
Le Président (M. Cannon): Je m'excuse, Mme la
députée, je crois qu'il reste...
Mme Harel: ...M faut convenir qu'il en est malheureusement ainsi
sur la question de la formation professionnelle et de la main-d'oeuvre.
Le Président (M. Cannon): ...encore beaucoup de temps
à l'interpellation et vous pourrez certainement reprendre la parole dans
quelques instants. Alors, je cède la parole au ministre.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Oui, M. le Président, si vous voulez,
j'aimerais aborder un instant la question de la formation professionnelle. Dans
le régime fédéral, la compétence constitutionnelle
en matière d'éducation et de formation appartient aux provinces.
Le Québec a, de tout temps, assuré avec fermeté le respect
de ses compétences constitutionnelles en ces domaines. La conjoncture
n'a pas changé ces dernières années. La formation
professionnelle telle qu'on l'entend s'adresse aux travailleurs en emploi qui
se recyclent pour faire face aux changements technologiques, aux chômeurs
qui veulent augmenter leurs chances de décrocher un emploi et aux
prestataires d'aide sociale qui souhaitent accéder ou
réintégrer le marché du travail. Des milliers de personnes
ont recours à la formation professionnelle à un moment ou
à un autre de leur vie active. Cela coûte très cher. Le
gouvernement fédéral est donc appelé à contribuer
financièrement à la formation professionnelle, if paie à
peu près 50 % des mesures de développement de
l'employabilité destinées aux clients de l'aide sociale en vertu
du Régime d'assistance publique du Canada. Pour l'année
1989-1990, l'année courante, il affectera 425 000 000 $ au
Québec, à la formation professionnelle et à l'aide
à l'emploi destinée aux travailleurs en entreprises, aux
chômeurs et aux clients de l'aide sociale. Le gouvernement canadien ne se
contente pas, il est vrai, de financer leur formation professionnelle
dispensée par le gouvernement du Québec. Il intervient, lui
aussi, et développe ses propres programmes, en particulier en
matière de développement de l'emploi, ce qui prête moins le
flanc à d'éventuelles contestations d'ordre constitutionnel. Il y
a donc risque d'empiétement sur les champs de compétence du
Québec et risque de double emploi et de fouillis administratif.
Dans la réalité, les interventions fédérales
ont toujours été encadrées dans des ententes avec le
Québec afin de préserver sa compétence constitutionnelle
en matière d'éducation et de formation. Par ailleurs, divers
mécanismes d'harmonisation et de complémentarité ont
été mis en place au fil des ans afin de limiter les tiraillements
et d'offrir à la main-d'oeuvre québécoise les meilleurs
services, sans surenchère de la part d'un gouvernement ou d'un autre. Je
ne prétends pas que tout cela baigne dans l'huile, que nos rapports sont
toujours marqués au coin de la grâce sacerdotale, mais pour peu
que la bonne volonté y soit, on arrive plus souvent qu'autrement
à compléter nos actions en pensant d'abord aux travailleurs
québécois. J'ajouterai que les difficultés d'harmonisation
ne sont pas beaucoup plus grandes que celles rencontrées parfois entre
les ministères d'un même gouvernement.
Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harei
Mme Harel: M. le Président, en vertu de quelle explication
raisonnable pourrait-on justifier que le gouvernement fédéral
s'immisce dans deux domaines névralgiques: celui de la formation
professionnelle et celui des congés de maternité? En vertu de
quoi pourrions-nous justifier qu'il le fasse en en faisant porter le poids aux
chômeurs?
Je constate que le ministre ne dit mot sur ce qui se passe
présentement à Ottawa avec les modifications qui ont
été annoncées par la ministre fédérale, Mme
McDougall. En définitive, qu'a fait cette dernière? Elle a
annoncé le retrait du financement de la caisse d'assurance-chômage
par son gouvernement et, en prime, elle nous laisse deux politiques
canadiennes: celle du congé de maternité et celle de la formation
professionnelle. Ces deux politiques canadiennes qui sont des domaines de
compétence exclusive du Québec vont être financées
par les chômeurs qui verront leurs prestations réduites. Alors,
sur le dos des chômeurs, Ottawa intensifie son intrusion dans des champs
de compétence strictement provinciale, et le ministre a l'air d'en
être content.
Quand Ottawa payait, ça pouvait toujours se justifier qu'il
établisse des taux et qu'il impose des politiques. Encore là, M.
le Président, je pense qu'on pouvait évidemment s'interroger sur
ce que faisait le Parti libéral et ce qu'a toujours fait le Parti
québécois. Mais, au moment où Ottawa, qui pouvait
légitimer son pouvoir de décider par le fait qu'il
finançait, annonce qu'il se retire du financement, comment peut-on
maintenant continuer de justifier qu'il décide pour nous dans ces deux
domaines absolument - je le répète, ce n'est pas juste moi qui le
dis, le premier ministre lui-même disait que la formation professionnelle
était le dossier le plus important ou presque de son gouvernement -
comment, considérant l'importance de ce dossier, peut-il laisser Ottawa
en décider?
Comment le ministre peut-il justifier que, maintenant, Ottawa
intervienne directement dans la formation dans les entreprises de plus de 200
employés et se soit également réservé la formation
pour les nouveaux employés dans les entreprises de moins de 200
employés? Quelle est la part congrue qui reste au Québec? Quand
je dis que le présent gouvernement se contente d'une chambre d'ami dans
sa propre maison, c'est exactement ce qu'illustre la réalité du
dossier de la formation professionnelle.
En réponse à des questions que je lui posais, de
façon assez évasive, le ministre nous a dit qu'Ottawa avait
reconduit pour un an les deux ententes puisqu'il s'agit essentiellement de
l'entente Canada-Québec sur la planification de l'emploi et de l'accord
Canada-Québec sur la formation en établissement. Il m'a dit:
À toutes fins utiles - je le cite - l'accord et l'entente sur la
planification de l'emploi sont renouvelés pour au moins une autre
année. Nous avons convenu avec Mme McDougall d'amorcer dans les
meilleurs délais des discussions afin d'avoir une entente plus
permanente. Alors, comme cette entente est, à toutes fins utiles, comme
le disait le ministre, renouvelée pour une autre année, nous
aimerions qu'il nous indique ce matin de quel ordre elle est et,
évidemment, quels sont les termes de cette entente. Québec
légitime-t-il à nouveau l'intrusion du fédéral en
matière de formation dans les entreprises de plus de 200
employés? Qu'en est-il exactement, M. le ministre?
Le Président (M. Poulin): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. M. le ministre.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, contrairement à ce
qu'a affirmé plus tôt la députée de Maison-neuve, ce
n'est pas depuis 1985 que le gouvernement fédéral s'est Introduit
dans le domaine de la formation professionnelle au Canada. Je signale que c'est
depuis 1967 que le fédéral a une Loi sur la formation
professionnelle des adultes, ce qui inclut, bien sûr, les neuf
années du gouvernement au Parti québécois. Lorsque nous
sommes arrivés au pouvoir en 1985, c'était la cacophonie totale
dans ce domaine, étant donné que le gouvernement
précédent était incapable de s'entendre de quelque
façon que ce soit avec le gouvernement du Canada. Nous avons
réussi à civiliser les relations avec le gouvernement du Canada
dans ce domaine et, effectivement, l'entente dont nous étions convenus
avec le gouvernement fédéral depuis 1986 est échue depuis
le 31 mars dernier. Nous aurions souhaité négocier une nouvelle
entente, mais, comme le gouvernement fédéral a
déposé récemment d'importantes modifications au
régime de l'assurance-chômage, modifications qui affecteront la
formation professionnelle, nous avons convenu de reconduire les ententes
actuelles pour une période indéfinie. (10 il 45)
Durant les prochains mois, le gouvernement fédéral
consultera d'ailleurs les provinces sur son énoncé de politique.
Pour notre part, nous allons engager des négociations conduisant
à la ratification d'une nouvelle entente sur la participation
financière du gouvernement fédéral à la formation
professionnelle. L'objectif premier de ces négociations est d'harmoniser
les interventions fédérales avec la stratégie
québécoise d'adaptation de la main-d'oeuvre. Cette
stratégie repose sur l'accessibilité accrue des travailleurs et
des entreprises au programme de main-d'oeuvre par une simplification de ces
programmes, une gestion sous le mode de guichet principal et un accroissement
des ressources affectées aux mesures favorisant l'adaptation de la
main-d'oeuvre.
Théoriquement, il serait plus simple de regrouper sous une seule
administration toute là responsabilité de la formation
professionnelle et de l'aide à l'emploi. Je reconnais que l'on pourrait
demander au gouvernement fédéral de se contenter de payer en
matière de formation professionnelle. Il resterait cependant à
négocier le transfert des budgets fédéraux en
conséquence et il n'est pas dit que l'harmonie parfaite
présiderait aux négociations entourant l'évaluation des
montants en cause. Il est moins clair, par ailleurs, que le gouvernement du
Québec pourrait d'autorité écarter le gouvernement
fédéral des programmes de création d'emplois. Cette
hypothèse m'apparaît beaucoup plus hasardeuse.
On peut s'interroger sérieusement sur l'impact financier de la
prise en charge par le Québec de tous les volets de la formation
professionnelle et de l'aide à l'emploi. Quoi qu'il en soit, il ne
semble pas y avoir péril en la demeure. Un comité conjoint
Canada-Québec gère les ententes en matière de formation,
voit à l'harmonisation des programmes, s'assure de la
complémentarité de ces programmes et mène des
études conjointes sur les besoins de formation. Nous avons donc
réussi à réduire les contentieux qui ont longtemps
miné les rapports, surtout sous le Parti québécois, entre
les gouvernements dans le domaine de la formation professionnelle. Je crois
qu'on doit poursuivre ces efforts et créer des guichets principaux
où se réfèrent les chômeurs et les travailleurs
ressentant des besoins de formation.
Si les gens peuvent se référer à un seul endroit,
on évite le fouillis dont parle la députée.
L'harmonisation des programmes de formation et d'aide à l'emploi peut se
faire sans chambarder les rapports fédéraux-provinciaux. Par
ailleurs, on ne doit pas sous-estimer non plus les possibilités de
litiges dans un régime qui serait rapatrié ni passer vite sur la
question des coûts.
En conclusion, en toute objectivité, on ne peut pas non plus
présenter le rapatriement
comme la solution miracle au problème de formation
professionnelle.
Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: M. le Président, c'est bien à tort que
le ministre a prétendu que je considérais que ce n'était
que depuis 1985 qu'il y avait intrusion du gouvernement fédéral
dans le champ de la formation professionnelle, mais ce qu'il faut constater,
c'est que cette intrusion va en s'intensifiant et qu'à partir de 1985,
avec le lancement par le ministre Benoît Bouchard de la planification de
l'emploi, cette fois non seulement destinée aux chômeurs, mais
destinée à l'ensemble des clientèles qui relèvent
habituellement des politiques de Québec, il faut constater, sans doute
pour reconnaître que ce dossier de la formation professionnelle dans
n'importe quelle société revêt de plus en plus une
importance grandissante, qu'il n'est pas indifférent au fait que la
nôtre soit à la remorque de tout ce qui se fait en Amérique
du Nord en matière de formation professionnelle.
Les récents colloques ont permis de constater nos lacunes en ces
matières, lacunes dans la société québécoise
en regard de ce qui se fait dans les provinces canadiennes et en regard aussi
de ce qui se fait chez nos voisins américains.
Nous pensons que l'imbroglio administratif, institutionnel et
constitutionnel en matière de formation de la main-d'oeuvre tend
à s'épaissir présentement. Il est évident que le
ministre ne peut pas justifier le fait qu'il assujettit sa propre politique de
formation professionnelle à ce qu'Ottawa paie ou ne paie pas.
Malheureusement, c'est vraiment presque dérisoire d'entendre le ministre
nous dire: Écoutez, on a voix au chapitre; la preuve, c'est qu'on signe.
Ce que vous signez, c'est votre abdication. Vous signez ce qu'Ottawa
décide de dépenser et, pour ne pas le confronter, vous
décidez de l'entériner. C'est ce que vous avez signé en
1987.
Maintenant, vous nous dites que c'est reconduit de façon
indéfinie. Votre collègue de l'Éducation va être
content de l'apprendre, parce que, dans les crédits de la commission
parlementaire sur l'éducation, il nous mentionnait que c'était
reconduit pour une période transitoire de trois mois. Cela,
c'était pour la formation sur mesure en établissement. Est-ce
qu'il en est de même de la reconduction indéfinie pour la
formation sur mesure en établissement, M. le ministre? Je vous dis que
les commissions de formation professionnelle vont être contentes de
l'apprendre aussi, parce que, hier, ayant moi-même communiqué avec
la direction de la Commission de formation professionnelle à
Montréal, pour me faire expliquer que les budgets qui sont à leur
disposition sont encore des budgets transitoires, étant donné
qu'il n'y a pas encore eu entente sur l'accord Canada-Québec et pour
m'expliquer que les étudiants adultes bénéficiaires de
l'aide sociale qui voient annuler les cours auxquels ils étaient
inscrits étaient victimes du non-renouvellement de l'entente, du fait
que la Commission n'avait plus les budgets à sa disposition. On
reviendra sur cette question, parce que les budgets qui leur sont
alloués pour cette année sont tellement indécents que
ça devient ridicule que le gouvernement continue à
prétendre qu'il y a une relance, une réinsertion, une
volonté d'encourager ceux et celles qui veulent s'en sortir.
Je ne suis pas la seule à le dire. En avril dernier, la
fédération du collégial rendait publique une
déclaration - je la cite - qui reprenait les conséquences de cet
enchevêtrement, de ce chevauchement de ce gaspillage: Par le biais de ses
politiques sociales et par son financement de l'enseignement postsecondaire, le
gouvernement fédéral joue un rôle de plus en plus important
dans ce secteur névralgique, sans que le gouvernement du Québec
ne le conteste sérieusement. Déjà, le dernier accord
Canada-Québec sur la formation de la main-d'oeuvre, accord qui est
échu depuis le 31 mars dernier, s'était traduit par la mainmise
du gouvernement fédéral - ce n'est pas le Parti
québécois qui parie, c'est la fédération du
collégial - qui avait imposé ses objectifs au détriment de
ceux du Québec. Il en est résulté un véritable
chaos dénoncé par tous les observateurs, notamment le Conseil des
collèges, le printemps dernier, devant le silence persistant du ministre
de l'Éducation, puisque la fédération du collégial
s'inquiète de ce qui se passe en matière de formation sur mesure
en établissement.
Le Président (M. Poulin): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. M. le ministre.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, quand la
députée de Maisonneuve nous accuse d'être responsables de
l'intrusion du gouvernement fédéral en matière de
formation, la députée de Maisonneuve est ou bien dans l'ignorance
totale ou bien de mauvaise foi. C'est l'un ou l'autre. Je vais vous dire
quelque chose, Mme la députée de Maisonneuve. C'est votre
gouvernement qui a entériné la mise sur pied par le gouvernement
fédéral du programme de planification de l'emploi dont vous
décriez la mise sur pied par le gouvernement fédéral. Ce
n'était pas Benoît Bouchard qui était ministre,
c'était Mme Flora MacDonald. Ce programme a été
lancé par le gouvernement fédéral en septembre 1985, alors
que vous étiez au pouvoir.
Or, ce programme avait été convenu, le principe en avait
été retenu par les premiers ministres du Canada les 14 et 15
février 1985, lors de la conférence de Régina où le
Québec était représenté par le premier ministre
du
Québec de l'époque. Si je me souviens bien, c'était
l'honorable René Lévesque qui avait convenu, avec tous les
premiers ministres du Canada, du principe du lancement par le gouvernement
fédéral d'un programme destiné à la formation
professionnelle. C'est exactement le programme dont on parle.
Donc, quand vous venez nous accuser d'avoir favorisé la venue du
gouvernement fédéral dans le domaine, vous devriez vous
interroger. Quant à nous, lors de la conférence
fédérale-provinciale du 3 mai dernier à Winnipeg, il n'y a
même pas un mois, deux semaines, dix jours, j'ai affirmé d'une
façon non équivoque la compétence du Québec en
matière de formation professionnelle. Vous me permettrez de citer, M. le
Président, quelques paragraphes de la déclaration que j'ai faite
devant la conférence où j'ai dit ceci à Mme Barbara
McDougall: "Quand le gouvernement fédéral traite et parie de
formation, je le souligne avec force, il est sur le terrain qui,
constitutionnellement, appartient en propre aux provinces, un terrain qui est
occupé par les provinces qui y ont développé des
institutions, des structures et des moyens d'action, un terrain qui est
encadré d'ailleurs par des politiques et des lois provinciales. La
responsabilité exclusive des provinces en matière de formation et
d'éducation est au coeur môme des consensus qui ont donné
naissance à la fédération canadienne. Il est aussi l'un
des éléments de ces consensus qui ont le mieux
résisté à l'usure du temps et qui, encore aujourd'hui,
font d'un bout à l'autre du pays l'objet d'une profonde
unanimité. Cette responsabilité pour le Québec est
d'autant plus importante et précieuse qu'elle est intimement liée
aux aspirations et aux impératifs culturels des Québécois
qui, si on les privait des garanties que donne l'éducation,
s'inquiéteraient à juste titre pour leur identité et leur
avenir." Je continuais, M. le Président, avec ceci: "Ces
responsabilités, Mme la ministre, s'incarnent dans des lois, des
institutions et des politiques qui ont fait leurs preuves. Le gouvernement du
Québec entend protéger jalousement et ses responsabilités
constitutionnelles en matière de formation et les Institutions
auxquelles elles ont donné naissance. Le gouvernement du Québec
ne peut accepter que des politiques et des programmes, qui visent au premier
chef la formation des travailleurs, se négocient sans lui ou directement
avec les représentants des travailleurs et des entreprises qu'il a le
mandat de servir et de représenter. Quand le gouvernement
fédéral veut discuter de formation, il doit le faire avec les
provinces et il ne doit surtout pas traiter avec elles sur un mode consultatif.
Il doit traiter - et je n'ai pas craint d'employer l'expression - il doit
négocier avec elles. Le gouvernement du Québec se montrera souple
et accommodant partout où ses responsabilités propres ne seront
pas mises en cause." Je concluais, M. le Président, à la
conférence fédérale-provinciale de Winnipeg, en disant
ceci: "Je ne voudrais surtout pas présumer des intentions du
gouvernement fédéral ou lui en prêter, mais le gouvernement
du Québec se montrera vigilant et n'hésitera pas à se
montrer très ferme si le gouvernement fédéral,
volontairement ou non, franchissait la ligne très claire qui
réserve aux provinces la responsabilité en matière de
formation."
Voilà, M. le Président, ce que j'ai affirmé devant
les représentants de toutes les provinces du Canada et du gouvernement
fédéral lors de cette conférence. Je pense qu'à cet
effet, la position du Québec est claire, précise, et qu'elle
s'inscrit dans la tradition de tous les gouvernements du Québec depuis
la Confédération. Merci.
Mme Harel: M. le Président.
Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: M. le Président, j'avais décidé
de bien examiner toute cette question d'un passé récent. Je
comprends que le ministre soit assez nouvellement nommé dans la fonction
qu'il occupe, qu'il n'en connaisse pas nécessairement tous les tenants
et aboutissants, mais évidemment, il nous a transmis, il y a quelques
minutes, des informations qui sont inexactes. C'est le ministre, M.
Benoît Bouchard qui, en juin 1985, plus exactement le 28 juin, a
lancé la politique de planification de l'emploi, celle que le
gouvernement fédéral destinait à un ensemble de
clientèles, non seulement aux chômeurs, non seulement à
ceux qui sont à l'emploi, mais à l'ensemble des personnes sans
emploi, y compris celles dont le Québec s'occupe justement et dont plus
personne ne s'occupe maintenant parce que s'en occuper tous les deux, cela
finit par être personne.
Je veux rappeler au ministre - et j'aimerais qu'il m'écoute
attentivement - la position que Mme Marois, au nom du gouvernement du
Québec, a fait connaître publiquement le 27 août 1985. S'il
prenait la même position, j'applaudirais. Le ministre est comme un tigre
de papier. Il s'en va dans les conférences
fédérales-provinciales pour lire ses déclarations, mais
qu'est-ce qu'il attend pour agir? La population du Québec ne l'a pas
élu pour lire, la population du Québec l'a élu pour agir
dans ce domaine qui est, évidemment, aussi important qu'on peut le
constater. (11 heures)
Que disait Mme Marois? C'est ce que j'aimerais que le ministre reprenne,
au moins ce matin, s'il veut s'aligner sur les positions historiques des
gouvernements précédents. Je le lis textuellement: "Les
propositions concernant la formation professionnelle ont, pour leur part,
réclamé pour le Québec la maîtrise d'oeuvre de tous
les nouveaux programmes qui seront mis sur pied. Dans le même esprit, ils
continuent toute-
fois à s'opposer carrément à toutes les
propositions qui leur semblent augmenter ou multiplier les interventions du
gouvernement fédéral dans le domaine névralgique de la
formation professionnelle. Je veux tout simplement, a souligné Mme
Marois, faire respecter les besoins des Québécois, éviter
les duplications, simplifier les programmes et empêcher que le
gouvernement fédéral crée, dans le domaine de la
main-d'oeuvre, à l'occasion de négociations ponctuelles, des
précédents qui engageront dangereusement l'avenir."
C'était ça, la position du gouvernement du Québec qui
refusait de signer ce qu'Ottawa vous a fait signer. C'est vous qui, finalement,
en 1987, alliez entériner, légitimer l'intrusion d'Ottawa que le
gouvernement du Parti québécois refusait.
M. le ministre, revenons à la situation présente. En
matière de formation sur mesure en établissement, l'entente
est-elle reconduite indéfiniment? Évidemment, je parle de
l'accord Canada-Québec sur la formation en établissement. En
matière de planification de l'emploi, l'accord est-il également
reconduit intégralement? En ce qui concerne les propositions
énoncées par Mme McDougall dans son énoncé de
politique, une partie de l'argent provenant des contributions versées
à l'assurance-chômage par les travailleurs servirait au
financement et à l'établissement de centres nationaux de
formation professionnelle et à la mise en place d'un conseil consultatif
national sur le perfectionnement des compétences. Comme on le voit,
à un moment donné, il va falloir cesser de jouer à
l'autruche. C'est Québec ou Ottawa qui devra prendre la pleine
responsabilité. Au fur et à mesure que les années passent,
par exemple, la mise en place d'un conseil consultatif national sur le
perfectionnement des compétences afin de guider le gouvernement d'Ottawa
quant aux besoins du secteur privé, M. le ministre, est-ce que ça
vous apparaît empiéter sur les responsabilités du
Québec?
Le Président (M. Poulin): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. M. le ministre.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, comme l'interpellation de ce
matin porte sur divers sujets, j'aimerais parler de l'aide sociale, dont le
financement est partagé avec le gouvernement du Canada. En vertu du
Régime d'assistance publique du Canada, le gouvernement canadien paie 50
% du coût de l'aide sociale. Le gouvernement central a adopté
certains critères liés au financement, qui constituent, dans les
faits, les normes minimales de la sécurité du revenu au pays.
Mais le gouvernement canadien s'est laissé une certaine souplesse dans
ses modalités de financement, comme en témoignent les
différences majeures qui caractérisent les régimes d'aide
sociale dans les provinces du Canada. Jusqu'ici, le gouvernement du
Québec n'a pas rencontré de difficultés importantes pour
faire partager par le gouvernement fédéral le coût de
l'aide sociale selon les modalités qu'il avait arrêtées.
Présentement, nous sommes en négociation avec les
représentants fédéraux sur le financement du nouveau
régime de la sécurité du revenu du Québec. Les
discussions se déroulent normalement.
J'imagine bien que l'interpellation de ce matin au sujet de l'aide
sociale porte davantage sur les mesures de formation et d'aide à
l'emploi destinées aux clients de l'aide sociale et sur les liens qui
peuvent unir ces programmes à ceux de la formation professionnelle.
Parlons-en, si vous le voulez bien, M. le Président.
Afin de favoriser la réinsertion à l'emploi des
prestataires de l'aide sociale, divers programmes de formation, de
développement de l'employabilité et d'aide à l'emploi ont
été mis sur pied par le ministère de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu du Québec et par le
ministère canadien de l'Emploi et de l'Immigration. La participation
financière du gouvernement fédéral à ces programmes
est régie par deux ententes ou accords. De sa propre initiative et par
harmonisation avec les mesures fédérales d'aide à la
réinsertion à l'emploi des clients de l'aide sociale dans le
cadre de ces ententes, le ministère que je dirige offre une dizaine de
mesures qui s'adressent spécifiquement aux prestataires de l'aide
sociale. Ce sont les mesures de rattrapage scolaire, les stages en milieu de
travail, le bon d'emploi, les travaux communautaires, les services externes de
main-d'oeuvre, les expériences de travail en foresterie, etc.
Pour sa part, le ministère fédéral a
développé ses propes programmes de développement de
l'emploi et d'intégration professionnelle complémentaires
à ceux du Québec. Ces programmes sont administrés par les
centres d'emploi du Canada. Ils s'adressent à la fois aux clients de
l'aide sociale et aux chômeurs. Les ententes conclues prévoient
que 27 % des participants à ces deux programmes sont des prestataires
d'aide sociale. Des liens fonctionnels ont donc été
établis entre les centres fédéraux d'emploi et les centres
Travail-Québec, afin que les prestataires d'aide sociale aient aussi
bien accès aux mesures offertes par le Québec que par le
fédéral. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, on ne
déplore pas de guerre de drapeaux ni de chevauchement ou autres
accrochages entre les deux administrations.
Au contraire, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu essaie d'intéresser le plus grand
nombre possible de clients de l'aide sociale à compléter leur
formation et à participer à une expérience de travail.
À l'occasion, il oriente vers les programmes fédéraux tous
ceux qui manifestent de l'intérêt pour les mesures offertes par
eux. Avec l'entrée en vigueur de la Loi sur la sécurité du
revenu, nous voulons raffermir cette collaboration
fédérale-provinciale sur le terrain. Les prestataires qui
prendront part à un programme
d'Emploi et Immigration Canada recevront le barème de
participation, au môme titre que s'ils participaient à une
activité sous l'égide du ministère que je dirige.
Nous établissons également des liens entre les mesures de
développement de l'employabilité et la formation professionnelle.
De toute évidence, la formation constitue le moyen
privilégié d'accéder ou de retourner au marché du
travail. Il est essentiel que les clients de l'aide sociale puissent avoir
accès à la formation professionnelle au même titre que les
travailleurs à l'emploi et les chômeurs. Cet accès est
assuré par les liens qui unissent les centres Travail-Québec, qui
administrent l'aide sociale, et les commissions de formation professionnelle
responsables des programmes de formation. Pour ce qui est du financement des
programmes de développement de l'employabilité, les ententes et
les accords prévoient que, sous une forme ou sous une autre, le
gouvernement fédéral assume la moitié des dépenses
faites au Québec pour Intégrer éventuellement les clients
de l'aide sociale au marché de l'emploi.
Enfin, il convient de reconnaître que les interventions du
gouvernement fédéral, dans certains programmes favorisant
l'intégration des prestataires d'aide sociale au marché du
travail, se sont révélées utiles et complémentaires
à celles du Québec. Dans ce contexte, de notre côté,
on ne cherche pas noise au gouvernement fédéral et on ne juge pas
nécessaire, pour l'heure, de déclarer le fédéral
persona non grata dans les programmes d'aide à l'emploi.
Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. Mme ta
députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: M. le Président, M. le ministre fait
état qu'il n'y a pas de guerre de drapeaux ni d'accrochage dans ce
dossier. Alors, il faut comprendre que les deux gouvernements s'entendent pour
se renvoyer les mêmes personnes, à tour de rôle, dans l'un
et l'autre programme. La nouvelle trilogie, celle qui a cours maintenant dans
les milieux où les personnes occupent des emplois précaires,
c'est d'obtenir un PDE. C'est un langage qui n'est peut-être pas
usité ici, en cette Assemblée mais, sur le terrain des quartiers
de ville ou des villages, c'est un langage que les gens connaissent. Les PDE,
d'abord, programmes de développement emploi, ça, c'est
fédéral. Alors, un PDE pour quelques semaines qu'on obtient que
si on est sur le chômage. Après, un article 38, n'est-ce pas? Je
suis certaine que mon collègue de Chauveau connaît ce langage.
L'article 38, c'est ce qui suit le PDE, mais qui nous amène à
l'aide sociale.
Une fois à l'aide sociale, on a droit à un BAS. Ça,
c'est le nouveau programme pour nous renvoyer ensuite, possiblement, dans le
PDE. Cela fait le tour. Alors, le circuit habituel, c'est le
PDE après l'assurance-chômage; après le PDE, c'est
exclusivement le corridor de l'article 38; après l'article 38, on tourne
à droite avec le BAS qui nous renvoie au PDE. Ça va très
bien. On peut dire qu'y n'y a pas de guerre de drapeaux. Le circuit tourne en
rond. Vraiment, si le ministre considère que c'est l'idéal, il y
a là un problème.
D'autre part, si ça va si bien au chapitre de la formation
professionnelle... Parce que le programme de formation professionnelle qui
était destiné à ceux et celles qui voulaient vraiment s'en
sortir, c'était le programme de formation sur mesure en
établissement, volet employabilité, celui qui leur permettait
d'aller se chercher, dans un domaine où il y a de réelles
ouvertures de travail, une formation adéquate. Là, rien ne va
plus à ce niveau. Écoutez, si ça va bien, comment se
fait-il que le ministère n'ait pas réussi à
dépenser les deux tiers de ce programme de formation professionnelle?
J'écoutais le ministre tantôt dire combien c'est important, la
formation professionnelle. Je souscris à ses propos, mais je me dis:
Comment peut-il être aussi irresponsable de parler et parler sans agir?
Quand on pense que 10 500 000 $ sur les 15 000 000 $ prévus n'ont pas
été dépensés, non pas parce qu'il n'y avait pas de
clients, comme dit le ministre, ni parce qu'il n'y avait pas d'étudiants
adultes qui étaient disposés, capables d'entreprendre cette
formation, mais parce que les programmes étaient ainsi faits qu'ils les
ont découragés.
Je veux simplement lire ce que les étudiants adultes lui ont fait
parvenir. Ils lui disent ceci: "ll est impensable de mener à bien une
formation aussi exigeante si nous sommes continuellement perturbés par
le souci de notre survie." Il n'y a pas que les étudiants en cause. Les
directions de cégeps, les conseillers pédagogiques le lui ont
également écrit. C'est incontournable, cette question de la
situation financière qui prévaut pour ces étudiants qui
perdent en essayant de s'en sortir. Je cite un extrait de la lettre que les
étudiants lui faisaient parvenir: "La situation que nous vivons est de
nature à anéantir nos chances de réussite et va à
l'encontre de notre réinsertion sociale. Lorsqu'une personne
assistée sociale essaie de s'en sortir, elle réalise très
vite que le gouvernement a tous les droits mais aucune compréhension de
la situation. La peur d'être victime d'abus conduit le gouvernement
à créer lui-même de l'abus et de l'injustice envers les
pauvres de notre société." Je les cite, M. le
Président.
Le ministre Bourbeau n'a pas encore daigné accuser
réception de leur lettre du 23 mars dernier. Leurs revendications, je
les reprends pour eux: "Nous exigeons de continuer à être
admissibles à l'aide sociale sans avoir à nous endetter. Nous
demandons au ministre de désigner le programme volet de formation comme
une mesure qui donne droit aux prestations. Nous demandons au ministre de
considérer les alloca-
tions fédérales comme une allocation de dépenses
allouée pour suivre des cours, non comme un revenu déductible
comme si nous restions à la maison. Nous refusons la fausse
représentation et les demi-vérités qui découragent
les personnes assistées sociales en les obligeant à s'endetter
encore plus." Alors, si le ministre pense que tout va bien, c'est parce qu'il
ne lit pas les lettres qu'il reçoit.
Le Président (M. Poulin): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. Je voudrais rappeler aux intervenants
qu'il vous reste cinq minutes avant de conclure. M. le ministre.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. La
députée de Maisonneuve monte en épingle la
récupération des allocations fédérales de
formation, comme elle le dit, par le régime d'aide sociale, comme un
appui à sa thèse du fouillis administratif et de la
nécessité de ramener au plus tôt sous le giron
québécois toute la responsabilité de la formation
professionnelle, de l'aide à l'emploi et de l'assurance-chômage.
C'est ce qu'on pourrait appeler tuer une mouche avec un boulet de canon.
De quoi s'agit-il? L'aide sociale demeure une aide de dernier recours
qui vise à combler l'écart séparant les besoins essentiels
d'une personne ou d'une famille des ressources dont elle dispose. Si une
personne reçoit un revenu de pension, de travail, un héritage ou
une allocation fédérale ou provinciale quelconque, on
considère ça comme un revenu de travail et on ajuste la
prestation de l'assisté social en conséquence.
Ce que la députée de Maisonneuve ne dit pas, c'est
qu'à l'égard des allocations de formation, l'aide sociale tient
compte des dépenses engagées pour participer à
l'activité de formation, notamment les frais de garde, certaines
dépenses de déplacement et de séjour et le matériel
didactique. En fait, nous traitons ces personnes sur le même pied que les
autres prestataires d'aide sociale qui retournent graduellement sur le
marché du travail.
Je ne vois pas en quoi l'équité serait mieux
préservée si nous accordions un traitement
privilégié aux quelques centaines de prestataires qui
reçoivent des allocations de formation par rapport à la
majorité des autres clients de l'aide sociale qui, souvent, sont
engagés dans des activités analogues sans pour autant
bénéficier d'allocations de formation. Le fait d'unifier les
programmes de formation ou de ramener sous une même administration toutes
les composantes de la formation et de l'aide à l'emploi ne changerait
pas fondamentalement les données de ce problème. On ne pourrait
pas offrir aux clients de l'aide sociale à la fois leur prestation
régulière et une allocation de formation qui doublerait presque
cette prestation. J'espère, Mme la députée, que ce n'est
pas ce que vous proposez.
Il ne faut quand même pas faire miroiter de tels mirages.
(11 h 15)
M. le Président, Mme la députée de Maison-neuve n'a
pas parlé des congés de maternité. Quelques mots, si vous
permettez. Je dirai que pour des raisons qui tiennent à la fois du
pragmatisme et d'une conception un peu étrange du congé de
maternité, le gouvernement fédéral a introduit, en 1971,
dans le régime d'assurance-chômage, le versement de prestations
aux travailleuses enceintes. C'est ainsi que, moyennant un délai de
carence de deux semaines, des prestations sont offertes pendant une
période maximale de quinze semaines. Ces prestations couvrent 60 % du
salaire brut, jusqu'à concurrence de certaines limites
supérieures. En 1989, le montant maximal des prestations atteint 363 $
par semaine.
Dans l'énoncé de politique sur l'assurance-chômage,
le gouvernement fédéral propose de bonifier les dispositions
relatives aux prestations de maternité. La durée des prestations
est portée de 15 à 25 semaines; elle peut même atteindre 30
semaines en cas de maladie. Certaines modalités prévoient qu'une
partie du congé peut être partagée par l'un ou l'autre des
parents à l'occasion de la naissance ou de l'adoption d'un enfant.
Le gouvernement du Québec a longtemps considéré que
les dispositions du régime d'assurance-chômage ne suffisaient pas
à protéger la femme enceinte et à valoriser la
maternité. À compter de 1978, il a légiféré
sur le droit de s'absenter du travail en introduisant dans la Loi sur les
normes du travail le droit à un congé de maternité de 18
semaines et une protection de l'emploi au retour de la travailleuse. Ce n'est
un secret pour personne que le gouvernement du Québec s'apprête
à aller plus loin.
Je proposerai incessamment à mes collègues des amendements
à la Loi sur les normes du travail. Une partie importante de la
réforme envisagée porte précisément sur les
congés parentaux. Nous voulons étendre et rendre plus flexibles
les congés de maternité et les congés prolongés
dont peuvent se prévaloir les parents à l'occasion de la
naissance ou de l'adoption d'un enfant. Il nous apparaît également
important d'assouplir les normes du travail, afin de faciliter l'exercice des
responsabilités parentales.
Parallèlement à l'étude de ces propositions, le
gouvernement s'interroge sur la problématique du remplacement du revenu
de la personne qui cesse de travailler pour donner naissance à un enfant
ou pour en adopter un. C'est ici que nous rejoignons le domaine des relations
fédérales-provinciales. En fait, deux possibilités
s'offrent au gouvernement du Québec. ll peut, d'abord, compléter
le régime d'assurance-chômage; cela consisterait à
maintenir, en premier lieu, une allocation pour pallier le délai de
carence afin de réduire la perte de revenu et, éventuellement,
à suppléer en quelque sorte aux prestations
fédéra-
les. En vertu de l'autre option, le gouvernement revendiquerait le
rapatriement au Québec du montant des prestations de maternité du
régime d'assurance-chômage. Pour l'année 1988, cela aurait
représenté, sembie-t-M, 132 000 000 $.
M. le Président, je n'ai plus de temps, alors disons que nous
évaluons, pour l'instant, le pour et le contre de chacune de ces deux
options.
Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Malsonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Alors, M. le Président, parlons donc du
congé de maternité. À l'occasion des modifications
annoncées par Mme McDougall, qui retire son gouvernement du financement
de la caisse, celle-ci nous a laissé en prime une bonification et, en
fait, l'élaboration de ce qu'on peut appeler la politique canadienne en
matière de congé de maternité.
Evidemment, la situation est absolument inverse cette fois, pourtant, le
même argument n'est pas repris par le ministre puisqu'on cette
matière, les Québécois contribuent plus à
l'assurance-chômage qu'ils n'en reçoivent. Pourquoi? Parce que le
taux de fécondité est bien différent d'une province
à l'autre et que c'est le Québec qui a le plus faible taux de
fécondité, avec 1,4 naissance, tandis que, dans les provinces de
l'Ouest, la Saskatchewan, le Manitoba et l'Alber-ta, il est autour de 2. Cela
peut peut-être étonner, car ce n'est pas très connu, mais
l'ensemble des provinces anglophones ont un taux de natalité bien
supérieur à celui du Québec. Donc, elles profitent plus
largement, évidemment, des prestations de maternité qui sont
versées par la caisse d'assurance-chômage que n'en profitent les
Québécoises. À ce titre, la péréquation joue
en notre défaveur, si on veut reprendre les mêmes arguments que le
ministre invoquait au début à l'égard des chômeurs.
Cette fois, c'est nous qui payons pour les naissances qui se produisent
ailleurs.
Étant donné, donc, notre faible taux de natalité,
nous avons une responsabilité supplémentaire à
l'égard de ce problème de la dénatalité. Ce que
nous recommandons au gouvernement, c'est de saisir l'occasion qui est offerte
par l'annonce de modifications au régime d'assurance-chômage pour
se retirer, avec pleine compensation, de ce programme et pour bâtir sa
propre caisse de maternité. Je reprends ce que le ministre, de
façon erronée, disait au tout début de cette
Interpellation, M. le Président: Nous ne souhaitons pas la fusion des
programmes, ni celui de la maternité ni celui de
l'assurance-chômage ou de l'aide sociale. Le ministre avait bien tort.
Évidemment, comme il lit des textes qui lui sont préparés
par d'autres, ce n'est peut-être pas à lui, mais aux autres qu'il
faut en faire grief. Mais nous demandons le rapatriement et nous pensons qu'il
s'agit de politiques qui doivent être financées par des caisses
différentes; une même politique, un même programme avec des
volets différents, financés par des caisses
différentes.
La lenteur à réagir du gouvernement du Québec
inquiète évidemment quand on sait que Mme McDougall agira
dès l'automne prochain en proposant des modifications à la
législation fédérale. Le budget que le ministre des
Finances déposera sans doute la semaine prochaine ne peut pas, à
notre avis, rester muet ou silencieux sur cette question névralgique
parce qu'elle fait partie de ce qu'on peut considérer comme la politique
familiale. Comment envisager une politique familiale sérieuse sans
aborder ce volet majeur qui est celui du congé de maternité,
puisque, quand elles sont interrogées, les personnes qui
répondent sur les mesures qui favoriseraient la natalité,
indiquent, au premier rang, la nécessité de concilier les
rôles de mère et de travailleuse à l'aide d'un
véritable congé de maternité et parental? C'est la mesure
retenue bien avant la hausse des allocations familiales. C'est d'ailleurs la
première mesure qui est retenue avant même celle des services de
garde qui suit et, bien après, au cinquième rang, vient celle de
la hausse des allocations familiales.
C'est un domaine névralgique de notre compétence
exclusive. Nous disons au ministre qu'il a une responsabilité
immédiate. Mme McDougall va agir. Elle le met devant un fait accompli.
Il ne peut pas, dans ce domaine relevant de sa compétence, ne pas offrir
aux Québécoises un véritable congé de
maternité. Qu'est-ce que ça signifie? Cela signifie de remplacer
le revenu. Il ne faut pas que l'on perde quelque chose parce que l'on est
enceinte. Alors, cela suppose un véritable remplacement du revenu de 90
% du salaire assurable et non de 60 %, comme c'est le cas avec
l'assurance-chômage, en n'oubliant pas aussi qu'il faut se qualifier au
chômage quand on est une travailleuse enceinte, pour avoir droit à
ce congé, et que, pour se qualifier, il faut passer 20 semaines
continues à l'emploi du même employeur. Il faut donc
élargir ça à l'ensemble des travailleuses, qu'elles soient
à temps partiel, qu'elles soient collaboratrices de leur conjoint ou
qu'elles soient contractuelles, ce remplacement du revenu pour pouvoir mettre
un enfant au monde.
Le Président (M. Poulin): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. Je voudrais rappeler que nous en sommes
à la conclusion et que vous avez chacun dix minutes. Donc, M. le
ministre.
Conclusions M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, en commençant,
j'aimerais rappeler ce que j'ai dit précédemment, soit le manque
de sérieux de la députée de Maisonneuve qui nous accuse du
fait
que le fédéral s'immisce dans la formation
professionnelle, alors que c'est le gouvernement du Parti
québécois qui, officiellement, a entériné
l'intrusion du gouvernement fédéral dans ce domaine, lors de la
conférence fédérale-provinciale de février 1985,
à Régina, où le premier ministre du Québec de
l'époque, M. René Léves-que, a convenu, avec les provinces
canadiennes et le gouvernement fédéral, de ce qui suit: Une
entente de principe sur, entre autres, la nécessité de partarger
la responsabilité en matière de formation et de
développement de l'emploi entre les gouvernements et le secteur
privé. Et ceci, M. le Président, a fait l'objet du lancement d'un
programme fédéral, le programme fédéral d'Emploi et
Immigration Canada, de planification de l'emploi, par Mme Flora MacDonald et
non pas par M. Benoît Bouchard, le 28 juin 1985. C'est peut-être M.
Bouchard qui a subséquemment signé l'entente mais le programme a
été lancé en juin 1985.
M. le Président, le gouvernement fédéral a pris un
virage significatif en proposant d'importantes modifications au régime
d'assurance-chômage et en annonçant le retrait de sa propre
contribution à ce régime qui, à compter du 1er janvier
1990, sera entièrement financé par les cotisations des
employés et des entreprises. Le chef du Parti québécois a
sauté sur l'occasion pour proposer au gouvernement du Québec de
rapatrier le champ de compétence de l'assurance-chômage afin de
mieux coordonner, dit-il, les programmes d'aide aux chômeurs, l'aide
sociale et la formation professionnelle. Il y a, dans ces interventions des
dernières semaines, matière à bien des débats
enflammés. Je me contenterai d'aligner les faits et de traiter
objectivement de ces questions complexes.
Rappelons d'abord que le régime d'assurance-chômage fut
créé en 1940, après que les premiers ministres des
provinces eurent unanimement consenti à un projet d'amendement
constitutionnel autorisant le gouvernement fédéral à
occuper ce champ de compétence. Bon an, mal an, les travailleurs du
Québec retirent de l'assurance-chômage des prestations de l'ordre
de 3 000 000 000 $ à 3 400 000 000 $ par année. Les entreprises
et leurs employés au Québec souscrivent des cotisations au
régime pour un montant variant de 2 000 000 000 $ à 2 800 000 000
$ par année. Il en résulte donc un gain net annuel pour le
Québec de 600 000 000 $ à 1 000 000 000 $ par année. Ce
gain est essentiellement attribuable au fait que le régime
d'assurance-chômage est financé uniformément à
l'échelle canadienne. Or, les provinces où l'activité
économique est plus intense et où le taux de chômage se
situe en deçà de la moyenne nationale contribuent davantage au
régime qu'elles n'en retirent des bénéfices. À
l'opposé, dans les provinces où le taux de chômage
dépasse la moyenne canadienne, comme c'est le cas pour le Québec,
les revenus, ceux de l'assurance-chômage, dépassent le montant des
cotisations.
Sur la base des taux de chômage historiques du Québec et du
Canada respectivement, le rapatriement de l'assurance-chômage se
solderait par un manque à gagner annuel de l'ordre de 600000000$
à 900000000$ par année. Pour l'année 1989, le
déficit atteindrait même 1 000 000 000 $. L'écart demeure
considérable. À moins de regarder la réalité la
tête en bas, je ne vois pas comment on peut voir, dans le projet de
rapatriement au Québec de l'assurance-chômage, les gains
importants que laisse miroiter le chef du Parti québécois. Ce
n'est pas en ramenant ici un compte à payer ou une dette de quelques
centaines de millions de dollars que l'on va pouvoir aider plus
généreusement les gagne-petit sur qui M. Parizeau s'apitoie
lourdement par les temps qui courent.
Le gouvernement fédéral se propose d'apporter des
modifications significatives au régime d'assurance-chômage. On est
donc en droit de se demander si cette réforme ne fera pas
disparaître les gains nets du Québec, ce qui justifierait la prise
en charge par le gouvernement du Québec de la responsabilité de
l'assurance-chômage. Les modifications envisagées sont de trois
ordres. Elles consistent en premier lieu à renforcer l'incitation au
travail et à augmenter les budgets affectés à la formation
professionnelle des chômeurs. Nous souscrivons à cet objectif sous
réserve des modalités d'application de cette réforme, et
j'y reviendrai. L'énoncé de politique du gouvernement
fédéral sur l'assurance-chômage propose, en outre, de
bonifier le régime, en particulier au chapitre des congés de
maternité et de l'admissibilité à
l'assurance-chômage des personnes de plus de 65 ans. Qui peut s'opposer
à une amélioration d'un régime d'aide aux chômeurs,
aux femmes enceintes et aux parents? Enfin, le gouvernement
fédéral oblige le fonds de l'assurance-chômage à
s'autofinancer. Il ne contribuera plus au régime obligeant un
relèvement des cotisations des employés et des employeurs.
Par des propositions visant à rendre l'assurance-chômage
plus dynamique et plus productive, le gouvernement fédéral
augmente, dans certaines régions, la période de travail donnant
droit à des prestations et il réduit la durée maximale des
prestations. Toutes choses étant égales par ailleurs, ces
modifications auront vraisemblablement un impact sur le programme de l'aide
sociale au Québec, ce que nous tentons d'évaluer
présentement.
Quant au désengagement du gouvernement fédéral,
tout important qu'il soit, il doit être situé dans une juste
perspective. Il s'agit en fait de l'aboutissement presque inéluctable
d'un mouvement amorcé il y a une dizaine d'années. En 1978, le
gouvernement fédéral finançait 79 % du fonds
d'assurance-chômage, dix ans plus tard, sa contribution ne
s'établit plus qu'à 22 %. Bien sûr, nous nous
inquiétons de la hausse des cotisations qui pourrait résulter de
ce désengage-
ment gouvernemental. Au cours des consultations précédant
la mise en place du nouveau régime, le Québec défendra la
nécessité de prévoir formellement, en cas de
ralentissement ou de crise économique, une contribution
fédérale au fonds de l'assurance-chômage, afin de limiter
l'augmentation des cotisations des employés et des entreprises en
période de chômage élevé. (11 il 30)
La réforme de l'assurance-chômage ne modifie pas
fondamentalement le mode de cotisation au régime. Cela signifie
concrètement que les provinces à faible taux de chômage
vont continuer d'aider, d'une certaine manière, les provinces où
le nombre de chômeurs est proportionnellement plus élevé.
Autrement dit, le Québec continuera de retirer du régime
d'assurance-chômage des bénéfices nets de quelques
centaines de millions de dollars par année. La seule façon de
rendre attrayante la proposition de rapatriement de l'assurance-chômage
consiste à ramener le taux de chômage au Québec au niveau
ou en deçà du taux canadien. Si l'on veut travailler à cet
objectif, de grâce, ne ramenons pas au Québec le déficit
québécois de l'assurance-chômage et consacrons la marge de
manoeuvre ainsi obtenue à raffermir l'économie du Québec
et à développer l'emploi, car, M. le Président, le
développement économique et la création d'emplois, c'est
ce que veulent en priorité les Québécois et non pas de
stériles chicanes de ménage ou de drapeaux avec le gouvernement
canadien. Merci.
Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Maisonneuve, en conclusion.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Alors, en conclusion, M. le Président, on se
rend compte que, d'une semaine à l'autre, le déficit du
Québec évoqué à l'égard de la caisse
d'assurance-chômage diminue de moitié. Il est de quelques
centaines de millions aujourd'hui. Il était le double, il y a maintenant
une semaine, de la bouche même du premier ministre. Mais la question de
fond, la question qui concerne l'ensemble des Québécois est la
suivante. Comment diminuer le taux de chômage sans se donner une
politique de plein emploi et comment réaliser une politique de plein
emploi sans avoir en main tous les outils pour établir
véritablement la qualification de la main-d'oeuvre, la formation
professionnelle qui est le défi qu'on a à relever, comme
société, dans la perspective du libre-échange?
De nouveau, le ministre invoque que les bénéfices nets des
prestations d'assurance-chômage nous tiennent lieu de formule de
péréquation. Vraiment, à force de le
répéter, j'imagine qu'il va finir par croire que le
fédéralisme est payant parce qu'on retire des prestations
d'assurance-chômage. Je pense que réclamer une véritable
compensation pour le taux de chômage dans la formule de
péréquation serait une chose à laquelle pourraient
souscrire les Québécois, une véritable compensation par le
biais d'une autre variable aux 33 qui font partie de la formule de
péréquation.
Mais s'accrocher, comme le fait le ministre, après l'augmentation
du nombre de chômeurs et considérer que plus il y en a, plus c'est
payant, je le répète, c'est insignifiant. Il n'y a pas de
bénéfice net à avoir des prestations de chômage.
Cependant, il y a un bénéfice net à se donner une
politique de plein emploi. Cette politique de plein emploi repose sur l'aide
sociale, l'assurance-chômage, la formation professionnelle et sur une
politique de développement économique, comme des
éléments indissociables.
Alors que le taux de chômage au Québec se maintient
désespérément de 9 % à 10 %, il est tout à
fait inadmissible que l'on soit incapables de mettre l'argent disponible pour
la formation professionnelle à la portée des hommes et des femmes
qui peuvent en profiter. Le ministre est resté complètement muet
sur les crédits périmés en matière de formation
professionnelle. Depuis trois ans, 41 000 000 $; 10 000 000 $ les deux
dernières années; et là, il a augmenté son
championnat, 22 000 000 $ cette année, qu'il n'a pas réussi
à dépenser. J'espère que personne qui nous écoute
ne va penser que c'est parce que les gens ne veulent pas en profiter. C'est
plutôt parce que les programmes ainsi faits ne sont pas
adéquatement planifiés, prévus, élaborés
pour répondre aux besoins des Québécois. Sur le plan
humain, cette situation est intolérable et, sur le plan
économique, c'est une situation désastreuse qui plaide en faveur
du rapatriement par Québec de tous les pouvoirs nécessaires avec
les compensations fisacles et financières qui vont de pair, bien
évidemment, en vue de l'établissement d'une véritable
politique efficace de formation de la main-d'oeuvre.
Dans un editorial récent, le journaliste Gilles Lesage invitait
le gouvernement, et je vais le citer, à entreprendre ce rapatriement:
"Le Québec peut entreprendre, s'il le veut bien, écrit Gilles
Lesage, une importante bataille pour récupérer un vaste champ qui
relève de ses responsabilités propres. Ottawa a
décidé de ne plus exercer son pouvoir de dépenser en
matière d'assurance-chômage. Le Québec peut en profiter
pour reprendre une prérogative qu'il n'a jamais abandonnée."
M. le Président, il est inquiétant que le ministre et son
gouvernement renient un engagement pourtant récent de leur propre parti
en cette matière. J'ai eu l'occasion de vous le signaler, c'est pour des
raisons évidemment pratiques. Il ne s'agit pas d'une bataille entre deux
ordres de gouvernement simplement pour obtenir l'autorité sur un
dossier; il s'agit essentiellement de la vision que l'on peut avoir de ce qui
est bon pour le Québec en matière de développement social
et économique. Il s'agit
essentiellement de se donner une stratégie de
développement social et économique. L'existence de réseaux
parallèles, la confusion dans les rôles et les
responsabilités, c'est ce que l'on retrouve dans le programme du Parti
libéral, la présence de chevauchements, les doubles services. Ce
ne sont pas les accords que le ministre signe qui viennent en aucune
façon corriger cette situation. Il faudrait faire faire le circuit des
démarches qu'un sans-emploi doit faire pour essayer simplement de se
faire reconnaître comme étudiant dans une formation, il faudrait
le faire faire au ministre et aux sous-ministres. Il faudrait qu'un jour, ils
puissent venir faire exactement... Mais Us ne pourraient pas ne prendre qu'une
journée pour faire une telle démarche, ce sont des semaines qu'il
leur faudrait, à se promener d'un bureau a l'autre, d'un fonctionnaire
à l'autre, du centre d'Emploi et d'Immigration Canada au centre
Travail-Québec, à la Commission de formation professionnelle,
pour finalement avoir à nouveau à faire reprendre son dossier par
un autre agent du domaine de l'éducation cette fois.
Il est urgent de redresser cette situation, au-delà du devoir que
nous avons, comme société, d'assurer le recyclage et la formation
de toute personne, homme et femme, qui éprouve des difficultés
à intégrer le marché du travail. Il faut également
que l'on reconnaisse l'importance d'une formation professionnelle permanente,
disponible, pour toute personne capable et qui souhaite pouvoir relever les
nouvelles exigences des nouveaux emplois, puisqu'il s'agit là de
l'avenir du Québec. L'urgence de mettre fin au fouillis, à
l'imbroglio administratif et constitutionnel, l'est encore plus, pas tant pour
les gouvernements ou pour les administrateurs des programmes, mais, sur le
terrain, pour les personnes sans emploi qui, dans leur démarche de
réinsertion, se butent à un obstacle majeur, le principal qui se
dresse sur la voie de leur réinsertion, qui est justement le
chevauchement et l'enchevêtrement des programmes.
M. le Président, nous avons mis au point une proposition en
matière de formation professionnelle des adultes. Nous pensons qu'il n'y
a pas de société qui formera le peloton de tête des
années à venir, sans investir dans les ressources humaines, sans
repenser complètement les politiques de formation professionnelle, de
manière à en faire les volets d'un même programme, d'une
même démarche, pour permettre à une personne qui perd son
emploi de compter sur une aide soutenue, qu'elle soit prestataire de
l'assurance-chômage ou de l'aide sociale, qu'elle veuille retourner
à la maison après un passage au foyer ou qu'il s'agisse d'un
jeune qui a abandonné ses études prématurément.
Nous pensons qu'il est indispensable que le gouvernement assure à toutes
ces personnes de pouvoir compter sur un recyclage, une formation, un placement
à l'intérieur d'un guichet unique où elles ne seront pas
comme des balles de ping-pong, renvoyées d'un gouvernement à
l'autre, d'un bureau de chômage à un bureau d'aide sociale,
à un bureau de formation professionnelle.
M. le Président, malheureusement, nous devons constater que, ce
matin, cela a été un dialogue de sourds. Le ministre s'est
satisfait de la lecture des notes qui lui avaient été
préparées, sans répondre aux questions que nous lui avons
posées, notamment à l'égard des modifications que le
gouvernement fédéral a l'intention d'apporter, entre autres, par
la création de ce conseil national de formation. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Poulin): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. La commission ayant rempli son mandat,
j'ajourne les travaux sine die.
(Fin de la séance à 11 h 42)