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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le vendredi 12 mai 1989 - Vol. 30 N° 83

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Interpellation : L'imbroglio fédéral-provincial relatif aux programmes de formation professionnelle, d'assurance-chômage, d'aide sociale et de congés de maternité


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Poulin): À l'ordre, s'y vous plaît! Je déclare la séance ouverte. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une interpellation concernant les questions soulevées par la députée de Maison-neuve au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu sur l'imbroglio fédéral-provincial relatif aux programmes de formation professionnelle, d'assurance-chômage, d'aide sociale et de congés de maternité. Y a-t-il des remplaçants, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bélanger (Lavai-des-Rapides) est remplacé par M. Poulin (Chauveau). C'est tout.

Le Président (M. Poulin): Merci. Donc je vais faire un rappel sur les règles. Le député qui a donné l'avis d'interpellation intervient pendant dix minutes, le ministre interpellé intervient ensuite pendant dix minutes, et il y a ensuite alternance dans les interventions de cinq minutes par intervenant.

Donc, Mme la députée de Maisonneuve.

Exposé du sujet Mme Louise Harel

Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Nous aurons l'occasion ce matin de discuter sur cette question fondamentale, névralgique et stratégique, autant pour le développement économique du Québec que pour corriger les inégalités sociales, la question relative aux sans-emploi et aux programmes qui leur sont destinés, soit les programmes d'assurance-chômage, d'aide sociale, de formation professionnelle, et nous aborderons également la question des congés de maternité.

M. le Président, en préparant cette discussion que nous avons ce matin, je me suis rappelé l'exemple si souvent répété par mon collègue, le député de Lévis, lorsqu'il était ministre de l'Agriculture et des Pêcheries en cette Chambre et qu'il faisait état des doubles juridictions et des enchevêtrements de juridictions dans le domaine de sa compétence et qu'il donnait l'exemple du poisson qui était de juridiction fédérale lorsqu'il était dans l'eau, à cause de la juridiction d'Ottawa sur les eaux et qui devenait de juridiction provinciale lorsqu'il était sur le bateau, à cause de la juridiction du Québec dans le domaine agro-alimentaire.

Le malheur, M. le Président, c'est que ce ne sont pas des poissons dont il est maintenant question, mais des personnes sans emploi. Malheureusement, il faut convenir que le gouverne- ment les traite comme s'ils étaient des balles dans le jeu de ping-pong entre Ottawa et Québec.

Trois programmes: assurance-chômage, qui relève du gouvernement fédéral, où un chômeur est, comme le poisson dans l'eau, de juridiction fédérale, l'aide sociale, qui relève du gouvernement provincial, où le sans-emploi qui a épuisé ses primes d'assurance-chômage redevient de juridiction provinciale. Et la formation professionnelle là-dedans? Alors là, ce n'est vraiment ni l'un ni l'autre et cela devrait être les deux, va nous dire le ministre. Mais, évidemment, comme ce ne sont pas les deux, ça finit par n'être aucun des deux gouvernements, et la victime se retrouve celle qui tombe entre les programmes qui s'enchevêtrent.

Quelques exemples récents nous permettent de constater l'absence totale d'harmonisation, mais surtout l'intrusion de plus en plus prononcée du gouvernement fédéral dans ce domaine qui n'est pas de sa compétence, celui de la formation professionnelle. À l'heure actuelle, c'est en vertu d'ententes fédérales-provinciales que se sont établis les programmes de formation professionnelle. À ce sujet, il faut se rappeler qu'en 1985, Ottawa a annoncé unilatéralement sa nouvelle stratégie canadienne, qui est intitulée "la planification de l'emploi", et a mis le Québec devant une situation de fait qui a été décriée par l'ensemble des intervenants.

Le ministre qui, comme moi, sort d'une commission parlementaire portant sur le sujet des régimes privés de retraite, sait combien il est usuel de voir s'opposer les intervenants sociaux dans notre société dans des positions carrément inconciliables ou presque, en matière de relations du travail, en matière de partage de régimes de retraite. Pourtant, le seul sujet qui a fait consensus au Québec, autant auprès des parties patronales que syndicales, a été celui de reconnaître unanimement l'importance de n'avoir qu'un seul interlocuteur et de le situer au niveau du gouvernement du Québec.

Bien au contraire, la réalité à laquelle nous assistons présentement est celle d'une intrusion de plus en plus prononcée au Québec en matière de formation professionnelle, pas uniquement à l'égard des chômeurs, mais, depuis cinq ans, il faut reconnaître qu'Ottawa a développé sa propre stratégie canadienne et nous laisse une politique qui n'est pas celle dont nous avons besoin en matière de formation professionnelle, stratégie, je le répète, non pas simplement destinée aux chômeurs, mais destinée également aux bénéfé-ciaires de l'aide sociale, aux jeunes qui ont abandonné leurs études, aux femmes de retour sur le marché du travail et aux personnes licenciées ou déplacées par des fermetures.

En d'autres termes, au moment où nous

entamons cette discussion ce matin, la réalité nous amène à constater qu'Ottawa établit de plus en plus, seul, avec le gouvernement du Québec qui remercie le gouvernement fédérai de lui laisser une petite chambre d'ami dans la maison dont il est pourtant propriétaire à part entière...

SI on reprend, ce qu'on aura l'occasion de faire ce matin, l'ensemble des programmes qui sont actuellement offerts en matière de formation professionnelle, on constate qu'Us sont les mêmes d'un océan à l'autre. Québec n'entérine les programmes qui sont offerts ailleurs que pour sauver les apparences. Où le problème se pose-t-U me direz-vous? Il se pose particulièrement dans le fait que les personnes sans emploi se retrouvent victimes des obstacles qui se dressent sur la voie de leur réinsertion sur le marché du travail, faute d'harmonisation, faute d'interlocuteur clairement identifié. J'en donne quelques exemples. Faute d'harmonisation. J'ai en tête les bénéficiaires de l'aide sociale à qui on destinait les programmes de formation sur mesure en établissement, volet employabilité, qui ont cru qu'ils pouvaient se sortir de la situation tragique dans laquelle Us étaient de 30 à 44 ans puisque c'est à eux principalement qu'on destine ces programmes, qui se sont Inscrits après des démarches extrêmement complexes. Il leur fallait rencontrer d'abord un fonctionnaire des centres d'emploi et d'immigration du Canada et un agent des centres Travail-Québec, de même qu'un fonctionnaire des commissions de formation professionnelle pour, finalement, pouvoir se retrouver sur un banc d'école dans un cégep, inscrits dans des programmes qui, pourtant, nécessitaient toute leur énergie et toute leur attention, des programmes de formation haut de gamme, si vous me permettez l'expression: gestion informatisée par micro-ordinateur, manipulation de logiciels progiciels. Et là, je vous cite des étudiants qui étaient inscrits à ces programmes et qui sont venus me voir pour me faire part de la situation dans laquelle ils se retrouvaient une fois assis sur les bancs du cégep, à se rendre compte qu'ils étaient malheureusement victimes de l'absence d'harmonisation entre Ottawa et Québec. L'allocation de formation qui leur était destinée, que l'agent du centre Emploi et Immigration du fédéral leur avait confirmée, de 87,50 $ en moyenne par semaine, leur était entièrement amputée du chèque d'aide sociale qu'Us recevaient, comme s'ils n'avaient pas à faire face à des dépenses pour ces études. Tout ce qui leur était laissé, c'était 25 $ par mois qu'Us auraient eus, de toute façon, s'ils étaient restés à la maison. Je le rappelle, 25 $ par mois, c'est 6 $ de moins que le coût d'une carte de transport pour pouvoir se déplacer, et on ne parie pas des autres frais occasionnés à ce genre de formation intensive en période estivale, ce qui nécessite, évidemment, un effort particulier de la part de ces personnes qui ont connu une situation d'échec, puisqu'elles sont déjà à t'aide sociale, et qui doivent mettre les bouchées doubles pour pouvoir acquérir les connaissances.

Le ministre me dira que cette allocation, versée par le fédéral et totalement amputée de l'aide sociale, est considérée comme un revenu. Mais encore là, ne nous y trompons pas, aucune harmonisation avec les autres programmes, impossible d'obtenir le programme APPORT. Si c'était un salaire ou un revenu, ces personnes pourraient bénéficier du programme APPORT, et pourtant elles en sont exclues parce que le programme APPORT ne considère pas ces sommes comme étant de la nature des revenus. Le résultat net de cela: abandon des cours. Et le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu finit par périmer les crédits qui étaient disponibles: 22 000 000 $ à la formation professionnelle, 10 500 000 $, cette année, en matière de formation pour les bénéficiaires de l'aide sociale. C'est 10 500 000 $ sur les 15 000 000 $ qui étaient prévus, les deux tiers de ce qui avait été budgétisé n'ont pas été dépensés. Le ministre est devenu le champion des crédits annoncés et non dépensés parce que ses programmes...

Le Président (M. Poulin): Merci, Mme la députée de Maisonneuve...

Mme Harel: ...ne sont pas adéquats. On aura l'occasion d'y revenir, M. le Président.

Le Président (M. Poulin): M. le ministre. Réponse du ministre M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que je vous étonnerais si j'avouais que je suis heureux de l'interpellation de ce matin? Heureux parce qu'elle me fournit l'occasion d'aborder des questions complexes qui se situent au coeur des préoccupations de milliers de nos concitoyens. Heureux parce que nous allons pouvoir illustrer les liens qui unissent la formation professionnelle, l'assurance-chômage, les congés de maternité et, bien sûr, l'aide sociale. Heureux enfin parce que nous entendons ébranler certains mythes entretenus autour de ces sujets.

Ces questions se prêtent admirablement bien à la démagogie, ne serait-ce qu'en raison du nombre considérable de personnes qu'elles touchent. J'ai décidé d'éviter ce piège. Je vais tenter de répondre à la question soulevée par la députée de Maisonneuve sous l'angle des liens qui unissent les quatre programmes et celui de l'intérêt que représenterait le rapatriement au Québec de tout ce champ de compétence.

La thèse défendue par le Parti québécois et sur laquelle repose le débat de ce matin peut se résumer ainsi. L'assurance-chômage, l'aide sociale, les congés de maternité et la formation professionnelle représentent l'ensemble des

éléments assurant à la fois la sécurité du revenu et l'aide à la réinsertion à l'emploi. Il y aurait donc avantage, selon eux, à regrouper toutes ces composantes sous une même administration. Le Parti québécois revendique donc le rapatriement de la responsabilité de l'aide à l'emploi et de l'assurance-chômage, en réclamant, bien sûr, du gouvernement fédéral, une compensation financière adéquate.

De prime abord, le projet semble séduisant. Il reste à voir le coût d'une telle opération et à se demander s'il est pertinent de procéder à ce rapatriement pour atteindre les objectifs que l'on vise. En ces matières, on fait face à une certaine ambiguïté. Les congés de maternité, par exemple, ne devraient pas être associés à l'asu-rance-chômage. D'abord, l'absence du marché du travail pour cause de maternité ne peut en aucune façon être apparentée au chômage. C'est plutôt irrespectueux pour les femmes. On pourrait, bien sûr, considérer les congés de maternité, l'assurance-chômage et l'aide sociale comme des programmes de protection du revenu. Ce n'est pas faux. Mais il faut nuancer considérablement cette généralisation.

L'assurance-chômage, comme tout régime d'assurance, représente pour la personne sans emploi, un recours qu'elle a elle-même financé en partie, tout au moins. Le congé de maternité constitue, pour sa part, une étape cruciale dans la vie active de certaines femmes que l'État devrait reconnaître à sa juste valeur en faisant en sorte que ces femmes ne subissent pas d'importantes pertes de revenu durant cette période. Enfin, l'aide sociale demeure une mesure d'assistance, une aide temporaire, en particulier, pour les personnes aptes au travail. Cela revient à dire que, dans l'hypothèse du rapatriement de ces programmes au Québec, on ne pourrait pas unifier véritablement l'aide sociale, l'assurance-chômage et les congés de maternité. Il faudrait tenir compte des différences de besoins, de traitements et de revenus des personnes qui viennent de perdre leur emploi, des femmes en congé de maternité, des chômeurs de longue durée et des personnes inaptes au travail. Autrement dit, on aurait un régime d'assurance-chômage québécois, un régime de remplacement du revenu pour les parents qui acceptent d'avoir un enfant ou d'en adopter un et un autre régime d'aide sociale. La situation ne différerait pas fondamentalement de celle qui existe aujourd'hui. Il y a dans l'idée de fusionner ces trois programmes une large part d'utopie. Concrètement, ce n'est pas possible, à moins de vouloir ramener l'assurance-chômage à un programme d'assistance sociale, ce qui n'est pas le cas, j'en conviens.

Une autre illusion souvent véhiculée à propos de ce rapatriement de la compétence en matière d'assurance-chômage et d'aide à l'emploi a trait à la simplification. La réunification des programmes sous une même administration ne représente pas en soi un gage de simplicité. Je prends l'exemple du secteur municipal, domaine de compétence québécoise exclusive s'il en fut jamais un. Pourtant, le régime municipal est d'une complexité inouïe. Un régime juridique de 40 lois générales et de plus de 260 chartes particulières. Qui dit mieux, M. le Président? Il convient donc de dissiper le cliché voulant que tout ce qui relève de la compétence exclusive du Québec soit empreint de simplicité et d'efficacité, alors que tout domaine de juridiction partagée conduise inexorablement au fouillis et aux conflits. Ce n'est pas aussi tranché ni aussi limpide.

On mise aussi sur d'hypothétiques gains administratifs. La réflexion consiste a soutenir qu'en fermant les centres d'Emploi et d'Immigration du Canada et en administrant nous-mêmes l'assurance-chômage et tous les programmes de formation et d'aide à l'emploi, on pourrait bénéficier de certaines économies d'échelle. On peut à tout le moins douter de ces éventuelles économies sur papier. La fonction publique, au même titre que plusieurs grandes administrations, a tendance a perdre de l'efficacité en s'hyper-trophiant. De nombreuses expériences de fusion ont démontré que les économies d'échelle étaient souvent et rapidement éclipsées par l'accroissement des difficultés d'encadrement et de contrôle engendrées par l'augmentation de la taille de l'administration.

Le problème du rapatriement du fonds d'assurance-chômage au Québec, c'est qu'il se solde par un manque à gagner de plusieurs centaines de millions de dollars par année. La raison en est fort simple, le régime d'assurance-chômage est principalement financé par les cotisations des travailleurs et des entreprises. Le taux de cotisation demeure le même dans tout le Canada. Or, les provinces où le taux de chômage est élevé retirent davantage de bénéfices du régime qu'elles ne contribuent à son financement. Il y a donc, dans le régime d'assurance-chômage, une forme de péréquation en vertu de laquelle les provinces prospères et les secteurs économiques à faible incidence de chômage aident, d'une certaine manière, les régions, les provinces et les secteurs plus durement frappés par le chômage.

Tel est le mode de fonctionnement du régime d'assurance-chômage depuis sa création en 1940. À peu près personne ne remet en cause cette forme de redistribution des montants servant à la protection contre le chômage. Au Québec, le montant des prestations d'assurance-chômage dépasse de 600 000 000 $ à 900 000 000 $ par année la somme totale des cotisations des employés et des employeurs au régime. Si on rapatriait la caisse d'assurance-chômage, on ramènerait, en quelque sorte, ce déficit chez nous. À cela, M. Parizeau répond que les gains actuels du Québec vont fondre avec la réforme de l'assurance-chômage annoncée par le gouvernement canadien. Il fait grand cas de la décision fédérale de ne plus contribuer au financement du régime d'assurance-chômage. N'oublions pas que le gouvernement fédéral

entend contribuer au régime dans les périodes de ralentissement ou de crise économique afin de limiter la hausse des cotisations des travailleurs et des entreprises. (10 h 30)

Pour le Québec, il s'agit d'une police d'assurance additionnelle. Nous reconnaissons qu'effectivement, les travailleurs de tout le Canada vont retirer moins d'argent du régime d'assurance-chômage à compter de 1990. On peut anticiper, cependant, qu'ils prendront une part plus active à la formation professionnelle financée à même le fonds d'assurance-chômage. Comme le taux de cotisation au régime continuera d'être uniforme dans tout le Canada, les travailleurs et les employeurs des provinces riches vont, comme aujourd'hui, verser des excédents à la caisse d'assurance-chômage par rapport au montant des prestations des chômeurs et des provinces.

En fait, et je termine là-dessus, tant que l'écart entre les taux de chômage au Québec et au Canada demeurera ce qu'il fut historiquement, le gain net du Québec au Régime d'assurance-chômage demeurera dans les mêmes proportions, c'est-à-dire quelques centaines de millions de dollars par année, et ce, même avec le retrait du gouvernement fédéral.

Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. Maintenant je voudrais rappeler que les interventions seront de cinq minutes. Mme la députée de Maisonneuve.

Argumentation Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. C'est quand même édifiant d'entendre le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu d'un gouvernement libéral lire la plaidoirie qui lui est préparée contre la thèse de son propre parti. Ce n'est pas la thèse défendue uniquement par le Parti québécois dont il est question, c'est la thèse contenue dans les documents d'orientation et dans le programme du Parti libéral lui-même. Nous y reviendrons, M. le Président.

Permettez-moi, immédiatement, de douter des compétences de négociateur d'un ministre qui confond la formule de péréquation avec les cotisations de chômage. Ce n'est pas la première fois, évidemment, que l'argument qu'il utilise est repris par lui. Mais je ne pensais pas qu'il aurait, je dirais, quasiment le culot de nous ramener ici dans cette l'Assemblée nationale - je le regrette - mais cet argument de colonisés. S'accrocher au nombre de chômeurs pour faire accroire que le fédéralisme est payant, c'est insignifiant.

Si le ministre nous disait qu'il allait réclamer une formule de péréquation qui allait tenir compte adéquatement du taux de chômage de notre société qui est plus élevé qu'ailleurs, je pense qu'on pourrait le suivre sur ce terrain-là qui est le terrain du fédéralisme. S'il nous disait qu'il veut négocier une autre variable aux 33 variables qui existent déjà dans la formule de péréquation pour corriger le taux de chômage qui se maintient dans la société québécoise beaucoup plus élevé que chez le voisin ontarien - il y a trois fois plus de chômage à Montréal qu'à Toronto, deux fois plus de chômage au Québec qu'en Ontario - et s'il avait cette vision de faire en sorte que, dans la formule de péréquation, on retrouve une variable qui corrige cet effet de chômage, je crois qu'on pourrait le suivre sur ce terrain-là. Mais qu'il s'accroche au nombre de chômeurs pour nous faire croire que plus il y en a, plus c'est payant, ça, je le répète, c'est insignifiant. Et en l'entendant à certaines émissions parler de ces questions parce qu'on n'avait pas eu l'occasion encore de le faire, ici, à l'Assemblée, je concluais, en l'écoutant, qu'il nous offrait une raison de plus d'être fiers d'être Canadiens, non seulement à cause de nos Rocheuses, mais aussi à cause de notre haut taux de chômage au Québec.

M. le ministre, je pense que ce matin on a intérêt à être plus sérieux. Je reprends les engagements que votre propre parti publiait dans le cadre d'une position constitutionnelle du Parti libéral du Québec et je vous le lis: Étant donné les caractéristiques actuelles du régime, il est indéniable que le gouvernement possède un intérêt et une responsabilité importante. Le programme d'assurance-chômage a un lien direct et nécessaire avec les autres programmes d'aide sociale et les politiques de main-d'oeuvre et de formation professionnelle. Or, nous proposons - c'est le Parti libéral qui parle - de remettre ces activités à la compétence des provinces. Et, dans le document des engagements du Parti libéral du Québec, en juin 1985, juste avant les élections qui les reportaient au pouvoir, je vous lis, M. le Président, l'engagement que le Parti libéral du Québec prenait: Attendu que l'existence d'un réseau de main-d'oeuvre parallèle entretient une confusion dans les rôles et les responsabilités entre les deux ordres de gouvernement; attendu que la présence d'un tel réseau entraîne un chevauchement et une duplication dans les services offerts aux travailleurs; attendu que cette situation pénalise les travailleurs dans leur recherche d'emploi; il est résolu que le prochain gouvernement libéral entreprenne des pourparlers avec le gouvernement fédéral sur le partage des responsabilités concernant les services de main-d'oeuvre afin de conclure une entente administrative et, éventuellement, constitutionnelle qui reconnaîtrait, d'une part, la compétence exclusive du Québec en matière de formation professionnelle et de recyclage et, d'autre part, la création d'un guichet unique afin de faciliter la recherche d'emploi pour les travailleurs. Pas un guichet unique seulement pour les programmes de Québec, un guichet unique pour les sans-emploi à l'égard de tous les

programmes de formation professionnelle et de main-d'œuvre. M. le Président, le gouvernement a parlé des deux côtés de la bouche sur la question de la langue, sur la question de l'accès des travailleuses au foyer à la Régie des rentes...

Le Président (M. Cannon): Je m'excuse, Mme la députée, je crois qu'il reste...

Mme Harel: ...M faut convenir qu'il en est malheureusement ainsi sur la question de la formation professionnelle et de la main-d'oeuvre.

Le Président (M. Cannon): ...encore beaucoup de temps à l'interpellation et vous pourrez certainement reprendre la parole dans quelques instants. Alors, je cède la parole au ministre.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Oui, M. le Président, si vous voulez, j'aimerais aborder un instant la question de la formation professionnelle. Dans le régime fédéral, la compétence constitutionnelle en matière d'éducation et de formation appartient aux provinces. Le Québec a, de tout temps, assuré avec fermeté le respect de ses compétences constitutionnelles en ces domaines. La conjoncture n'a pas changé ces dernières années. La formation professionnelle telle qu'on l'entend s'adresse aux travailleurs en emploi qui se recyclent pour faire face aux changements technologiques, aux chômeurs qui veulent augmenter leurs chances de décrocher un emploi et aux prestataires d'aide sociale qui souhaitent accéder ou réintégrer le marché du travail. Des milliers de personnes ont recours à la formation professionnelle à un moment ou à un autre de leur vie active. Cela coûte très cher. Le gouvernement fédéral est donc appelé à contribuer financièrement à la formation professionnelle, if paie à peu près 50 % des mesures de développement de l'employabilité destinées aux clients de l'aide sociale en vertu du Régime d'assistance publique du Canada. Pour l'année 1989-1990, l'année courante, il affectera 425 000 000 $ au Québec, à la formation professionnelle et à l'aide à l'emploi destinée aux travailleurs en entreprises, aux chômeurs et aux clients de l'aide sociale. Le gouvernement canadien ne se contente pas, il est vrai, de financer leur formation professionnelle dispensée par le gouvernement du Québec. Il intervient, lui aussi, et développe ses propres programmes, en particulier en matière de développement de l'emploi, ce qui prête moins le flanc à d'éventuelles contestations d'ordre constitutionnel. Il y a donc risque d'empiétement sur les champs de compétence du Québec et risque de double emploi et de fouillis administratif.

Dans la réalité, les interventions fédérales ont toujours été encadrées dans des ententes avec le Québec afin de préserver sa compétence constitutionnelle en matière d'éducation et de formation. Par ailleurs, divers mécanismes d'harmonisation et de complémentarité ont été mis en place au fil des ans afin de limiter les tiraillements et d'offrir à la main-d'oeuvre québécoise les meilleurs services, sans surenchère de la part d'un gouvernement ou d'un autre. Je ne prétends pas que tout cela baigne dans l'huile, que nos rapports sont toujours marqués au coin de la grâce sacerdotale, mais pour peu que la bonne volonté y soit, on arrive plus souvent qu'autrement à compléter nos actions en pensant d'abord aux travailleurs québécois. J'ajouterai que les difficultés d'harmonisation ne sont pas beaucoup plus grandes que celles rencontrées parfois entre les ministères d'un même gouvernement.

Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harei

Mme Harel: M. le Président, en vertu de quelle explication raisonnable pourrait-on justifier que le gouvernement fédéral s'immisce dans deux domaines névralgiques: celui de la formation professionnelle et celui des congés de maternité? En vertu de quoi pourrions-nous justifier qu'il le fasse en en faisant porter le poids aux chômeurs?

Je constate que le ministre ne dit mot sur ce qui se passe présentement à Ottawa avec les modifications qui ont été annoncées par la ministre fédérale, Mme McDougall. En définitive, qu'a fait cette dernière? Elle a annoncé le retrait du financement de la caisse d'assurance-chômage par son gouvernement et, en prime, elle nous laisse deux politiques canadiennes: celle du congé de maternité et celle de la formation professionnelle. Ces deux politiques canadiennes qui sont des domaines de compétence exclusive du Québec vont être financées par les chômeurs qui verront leurs prestations réduites. Alors, sur le dos des chômeurs, Ottawa intensifie son intrusion dans des champs de compétence strictement provinciale, et le ministre a l'air d'en être content.

Quand Ottawa payait, ça pouvait toujours se justifier qu'il établisse des taux et qu'il impose des politiques. Encore là, M. le Président, je pense qu'on pouvait évidemment s'interroger sur ce que faisait le Parti libéral et ce qu'a toujours fait le Parti québécois. Mais, au moment où Ottawa, qui pouvait légitimer son pouvoir de décider par le fait qu'il finançait, annonce qu'il se retire du financement, comment peut-on maintenant continuer de justifier qu'il décide pour nous dans ces deux domaines absolument - je le répète, ce n'est pas juste moi qui le dis, le premier ministre lui-même disait que la formation professionnelle était le dossier le plus important ou presque de son gouvernement - comment, considérant l'importance de ce dossier, peut-il laisser Ottawa en décider?

Comment le ministre peut-il justifier que, maintenant, Ottawa intervienne directement dans la formation dans les entreprises de plus de 200 employés et se soit également réservé la formation pour les nouveaux employés dans les entreprises de moins de 200 employés? Quelle est la part congrue qui reste au Québec? Quand je dis que le présent gouvernement se contente d'une chambre d'ami dans sa propre maison, c'est exactement ce qu'illustre la réalité du dossier de la formation professionnelle.

En réponse à des questions que je lui posais, de façon assez évasive, le ministre nous a dit qu'Ottawa avait reconduit pour un an les deux ententes puisqu'il s'agit essentiellement de l'entente Canada-Québec sur la planification de l'emploi et de l'accord Canada-Québec sur la formation en établissement. Il m'a dit: À toutes fins utiles - je le cite - l'accord et l'entente sur la planification de l'emploi sont renouvelés pour au moins une autre année. Nous avons convenu avec Mme McDougall d'amorcer dans les meilleurs délais des discussions afin d'avoir une entente plus permanente. Alors, comme cette entente est, à toutes fins utiles, comme le disait le ministre, renouvelée pour une autre année, nous aimerions qu'il nous indique ce matin de quel ordre elle est et, évidemment, quels sont les termes de cette entente. Québec légitime-t-il à nouveau l'intrusion du fédéral en matière de formation dans les entreprises de plus de 200 employés? Qu'en est-il exactement, M. le ministre?

Le Président (M. Poulin): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. M. le ministre.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, contrairement à ce qu'a affirmé plus tôt la députée de Maison-neuve, ce n'est pas depuis 1985 que le gouvernement fédéral s'est Introduit dans le domaine de la formation professionnelle au Canada. Je signale que c'est depuis 1967 que le fédéral a une Loi sur la formation professionnelle des adultes, ce qui inclut, bien sûr, les neuf années du gouvernement au Parti québécois. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 1985, c'était la cacophonie totale dans ce domaine, étant donné que le gouvernement précédent était incapable de s'entendre de quelque façon que ce soit avec le gouvernement du Canada. Nous avons réussi à civiliser les relations avec le gouvernement du Canada dans ce domaine et, effectivement, l'entente dont nous étions convenus avec le gouvernement fédéral depuis 1986 est échue depuis le 31 mars dernier. Nous aurions souhaité négocier une nouvelle entente, mais, comme le gouvernement fédéral a déposé récemment d'importantes modifications au régime de l'assurance-chômage, modifications qui affecteront la formation professionnelle, nous avons convenu de reconduire les ententes actuelles pour une période indéfinie. (10 il 45)

Durant les prochains mois, le gouvernement fédéral consultera d'ailleurs les provinces sur son énoncé de politique. Pour notre part, nous allons engager des négociations conduisant à la ratification d'une nouvelle entente sur la participation financière du gouvernement fédéral à la formation professionnelle. L'objectif premier de ces négociations est d'harmoniser les interventions fédérales avec la stratégie québécoise d'adaptation de la main-d'oeuvre. Cette stratégie repose sur l'accessibilité accrue des travailleurs et des entreprises au programme de main-d'oeuvre par une simplification de ces programmes, une gestion sous le mode de guichet principal et un accroissement des ressources affectées aux mesures favorisant l'adaptation de la main-d'oeuvre.

Théoriquement, il serait plus simple de regrouper sous une seule administration toute là responsabilité de la formation professionnelle et de l'aide à l'emploi. Je reconnais que l'on pourrait demander au gouvernement fédéral de se contenter de payer en matière de formation professionnelle. Il resterait cependant à négocier le transfert des budgets fédéraux en conséquence et il n'est pas dit que l'harmonie parfaite présiderait aux négociations entourant l'évaluation des montants en cause. Il est moins clair, par ailleurs, que le gouvernement du Québec pourrait d'autorité écarter le gouvernement fédéral des programmes de création d'emplois. Cette hypothèse m'apparaît beaucoup plus hasardeuse.

On peut s'interroger sérieusement sur l'impact financier de la prise en charge par le Québec de tous les volets de la formation professionnelle et de l'aide à l'emploi. Quoi qu'il en soit, il ne semble pas y avoir péril en la demeure. Un comité conjoint Canada-Québec gère les ententes en matière de formation, voit à l'harmonisation des programmes, s'assure de la complémentarité de ces programmes et mène des études conjointes sur les besoins de formation. Nous avons donc réussi à réduire les contentieux qui ont longtemps miné les rapports, surtout sous le Parti québécois, entre les gouvernements dans le domaine de la formation professionnelle. Je crois qu'on doit poursuivre ces efforts et créer des guichets principaux où se réfèrent les chômeurs et les travailleurs ressentant des besoins de formation.

Si les gens peuvent se référer à un seul endroit, on évite le fouillis dont parle la députée. L'harmonisation des programmes de formation et d'aide à l'emploi peut se faire sans chambarder les rapports fédéraux-provinciaux. Par ailleurs, on ne doit pas sous-estimer non plus les possibilités de litiges dans un régime qui serait rapatrié ni passer vite sur la question des coûts.

En conclusion, en toute objectivité, on ne peut pas non plus présenter le rapatriement

comme la solution miracle au problème de formation professionnelle.

Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, c'est bien à tort que le ministre a prétendu que je considérais que ce n'était que depuis 1985 qu'il y avait intrusion du gouvernement fédéral dans le champ de la formation professionnelle, mais ce qu'il faut constater, c'est que cette intrusion va en s'intensifiant et qu'à partir de 1985, avec le lancement par le ministre Benoît Bouchard de la planification de l'emploi, cette fois non seulement destinée aux chômeurs, mais destinée à l'ensemble des clientèles qui relèvent habituellement des politiques de Québec, il faut constater, sans doute pour reconnaître que ce dossier de la formation professionnelle dans n'importe quelle société revêt de plus en plus une importance grandissante, qu'il n'est pas indifférent au fait que la nôtre soit à la remorque de tout ce qui se fait en Amérique du Nord en matière de formation professionnelle.

Les récents colloques ont permis de constater nos lacunes en ces matières, lacunes dans la société québécoise en regard de ce qui se fait dans les provinces canadiennes et en regard aussi de ce qui se fait chez nos voisins américains.

Nous pensons que l'imbroglio administratif, institutionnel et constitutionnel en matière de formation de la main-d'oeuvre tend à s'épaissir présentement. Il est évident que le ministre ne peut pas justifier le fait qu'il assujettit sa propre politique de formation professionnelle à ce qu'Ottawa paie ou ne paie pas. Malheureusement, c'est vraiment presque dérisoire d'entendre le ministre nous dire: Écoutez, on a voix au chapitre; la preuve, c'est qu'on signe. Ce que vous signez, c'est votre abdication. Vous signez ce qu'Ottawa décide de dépenser et, pour ne pas le confronter, vous décidez de l'entériner. C'est ce que vous avez signé en 1987.

Maintenant, vous nous dites que c'est reconduit de façon indéfinie. Votre collègue de l'Éducation va être content de l'apprendre, parce que, dans les crédits de la commission parlementaire sur l'éducation, il nous mentionnait que c'était reconduit pour une période transitoire de trois mois. Cela, c'était pour la formation sur mesure en établissement. Est-ce qu'il en est de même de la reconduction indéfinie pour la formation sur mesure en établissement, M. le ministre? Je vous dis que les commissions de formation professionnelle vont être contentes de l'apprendre aussi, parce que, hier, ayant moi-même communiqué avec la direction de la Commission de formation professionnelle à Montréal, pour me faire expliquer que les budgets qui sont à leur disposition sont encore des budgets transitoires, étant donné qu'il n'y a pas encore eu entente sur l'accord Canada-Québec et pour m'expliquer que les étudiants adultes bénéficiaires de l'aide sociale qui voient annuler les cours auxquels ils étaient inscrits étaient victimes du non-renouvellement de l'entente, du fait que la Commission n'avait plus les budgets à sa disposition. On reviendra sur cette question, parce que les budgets qui leur sont alloués pour cette année sont tellement indécents que ça devient ridicule que le gouvernement continue à prétendre qu'il y a une relance, une réinsertion, une volonté d'encourager ceux et celles qui veulent s'en sortir.

Je ne suis pas la seule à le dire. En avril dernier, la fédération du collégial rendait publique une déclaration - je la cite - qui reprenait les conséquences de cet enchevêtrement, de ce chevauchement de ce gaspillage: Par le biais de ses politiques sociales et par son financement de l'enseignement postsecondaire, le gouvernement fédéral joue un rôle de plus en plus important dans ce secteur névralgique, sans que le gouvernement du Québec ne le conteste sérieusement. Déjà, le dernier accord Canada-Québec sur la formation de la main-d'oeuvre, accord qui est échu depuis le 31 mars dernier, s'était traduit par la mainmise du gouvernement fédéral - ce n'est pas le Parti québécois qui parie, c'est la fédération du collégial - qui avait imposé ses objectifs au détriment de ceux du Québec. Il en est résulté un véritable chaos dénoncé par tous les observateurs, notamment le Conseil des collèges, le printemps dernier, devant le silence persistant du ministre de l'Éducation, puisque la fédération du collégial s'inquiète de ce qui se passe en matière de formation sur mesure en établissement.

Le Président (M. Poulin): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. M. le ministre.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, quand la députée de Maisonneuve nous accuse d'être responsables de l'intrusion du gouvernement fédéral en matière de formation, la députée de Maisonneuve est ou bien dans l'ignorance totale ou bien de mauvaise foi. C'est l'un ou l'autre. Je vais vous dire quelque chose, Mme la députée de Maisonneuve. C'est votre gouvernement qui a entériné la mise sur pied par le gouvernement fédéral du programme de planification de l'emploi dont vous décriez la mise sur pied par le gouvernement fédéral. Ce n'était pas Benoît Bouchard qui était ministre, c'était Mme Flora MacDonald. Ce programme a été lancé par le gouvernement fédéral en septembre 1985, alors que vous étiez au pouvoir.

Or, ce programme avait été convenu, le principe en avait été retenu par les premiers ministres du Canada les 14 et 15 février 1985, lors de la conférence de Régina où le Québec était représenté par le premier ministre du

Québec de l'époque. Si je me souviens bien, c'était l'honorable René Lévesque qui avait convenu, avec tous les premiers ministres du Canada, du principe du lancement par le gouvernement fédéral d'un programme destiné à la formation professionnelle. C'est exactement le programme dont on parle.

Donc, quand vous venez nous accuser d'avoir favorisé la venue du gouvernement fédéral dans le domaine, vous devriez vous interroger. Quant à nous, lors de la conférence fédérale-provinciale du 3 mai dernier à Winnipeg, il n'y a même pas un mois, deux semaines, dix jours, j'ai affirmé d'une façon non équivoque la compétence du Québec en matière de formation professionnelle. Vous me permettrez de citer, M. le Président, quelques paragraphes de la déclaration que j'ai faite devant la conférence où j'ai dit ceci à Mme Barbara McDougall: "Quand le gouvernement fédéral traite et parie de formation, je le souligne avec force, il est sur le terrain qui, constitutionnellement, appartient en propre aux provinces, un terrain qui est occupé par les provinces qui y ont développé des institutions, des structures et des moyens d'action, un terrain qui est encadré d'ailleurs par des politiques et des lois provinciales. La responsabilité exclusive des provinces en matière de formation et d'éducation est au coeur môme des consensus qui ont donné naissance à la fédération canadienne. Il est aussi l'un des éléments de ces consensus qui ont le mieux résisté à l'usure du temps et qui, encore aujourd'hui, font d'un bout à l'autre du pays l'objet d'une profonde unanimité. Cette responsabilité pour le Québec est d'autant plus importante et précieuse qu'elle est intimement liée aux aspirations et aux impératifs culturels des Québécois qui, si on les privait des garanties que donne l'éducation, s'inquiéteraient à juste titre pour leur identité et leur avenir." Je continuais, M. le Président, avec ceci: "Ces responsabilités, Mme la ministre, s'incarnent dans des lois, des institutions et des politiques qui ont fait leurs preuves. Le gouvernement du Québec entend protéger jalousement et ses responsabilités constitutionnelles en matière de formation et les Institutions auxquelles elles ont donné naissance. Le gouvernement du Québec ne peut accepter que des politiques et des programmes, qui visent au premier chef la formation des travailleurs, se négocient sans lui ou directement avec les représentants des travailleurs et des entreprises qu'il a le mandat de servir et de représenter. Quand le gouvernement fédéral veut discuter de formation, il doit le faire avec les provinces et il ne doit surtout pas traiter avec elles sur un mode consultatif. Il doit traiter - et je n'ai pas craint d'employer l'expression - il doit négocier avec elles. Le gouvernement du Québec se montrera souple et accommodant partout où ses responsabilités propres ne seront pas mises en cause." Je concluais, M. le Président, à la conférence fédérale-provinciale de Winnipeg, en disant ceci: "Je ne voudrais surtout pas présumer des intentions du gouvernement fédéral ou lui en prêter, mais le gouvernement du Québec se montrera vigilant et n'hésitera pas à se montrer très ferme si le gouvernement fédéral, volontairement ou non, franchissait la ligne très claire qui réserve aux provinces la responsabilité en matière de formation."

Voilà, M. le Président, ce que j'ai affirmé devant les représentants de toutes les provinces du Canada et du gouvernement fédéral lors de cette conférence. Je pense qu'à cet effet, la position du Québec est claire, précise, et qu'elle s'inscrit dans la tradition de tous les gouvernements du Québec depuis la Confédération. Merci.

Mme Harel: M. le Président.

Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, j'avais décidé de bien examiner toute cette question d'un passé récent. Je comprends que le ministre soit assez nouvellement nommé dans la fonction qu'il occupe, qu'il n'en connaisse pas nécessairement tous les tenants et aboutissants, mais évidemment, il nous a transmis, il y a quelques minutes, des informations qui sont inexactes. C'est le ministre, M. Benoît Bouchard qui, en juin 1985, plus exactement le 28 juin, a lancé la politique de planification de l'emploi, celle que le gouvernement fédéral destinait à un ensemble de clientèles, non seulement aux chômeurs, non seulement à ceux qui sont à l'emploi, mais à l'ensemble des personnes sans emploi, y compris celles dont le Québec s'occupe justement et dont plus personne ne s'occupe maintenant parce que s'en occuper tous les deux, cela finit par être personne.

Je veux rappeler au ministre - et j'aimerais qu'il m'écoute attentivement - la position que Mme Marois, au nom du gouvernement du Québec, a fait connaître publiquement le 27 août 1985. S'il prenait la même position, j'applaudirais. Le ministre est comme un tigre de papier. Il s'en va dans les conférences fédérales-provinciales pour lire ses déclarations, mais qu'est-ce qu'il attend pour agir? La population du Québec ne l'a pas élu pour lire, la population du Québec l'a élu pour agir dans ce domaine qui est, évidemment, aussi important qu'on peut le constater. (11 heures)

Que disait Mme Marois? C'est ce que j'aimerais que le ministre reprenne, au moins ce matin, s'il veut s'aligner sur les positions historiques des gouvernements précédents. Je le lis textuellement: "Les propositions concernant la formation professionnelle ont, pour leur part, réclamé pour le Québec la maîtrise d'oeuvre de tous les nouveaux programmes qui seront mis sur pied. Dans le même esprit, ils continuent toute-

fois à s'opposer carrément à toutes les propositions qui leur semblent augmenter ou multiplier les interventions du gouvernement fédéral dans le domaine névralgique de la formation professionnelle. Je veux tout simplement, a souligné Mme Marois, faire respecter les besoins des Québécois, éviter les duplications, simplifier les programmes et empêcher que le gouvernement fédéral crée, dans le domaine de la main-d'oeuvre, à l'occasion de négociations ponctuelles, des précédents qui engageront dangereusement l'avenir." C'était ça, la position du gouvernement du Québec qui refusait de signer ce qu'Ottawa vous a fait signer. C'est vous qui, finalement, en 1987, alliez entériner, légitimer l'intrusion d'Ottawa que le gouvernement du Parti québécois refusait.

M. le ministre, revenons à la situation présente. En matière de formation sur mesure en établissement, l'entente est-elle reconduite indéfiniment? Évidemment, je parle de l'accord Canada-Québec sur la formation en établissement. En matière de planification de l'emploi, l'accord est-il également reconduit intégralement? En ce qui concerne les propositions énoncées par Mme McDougall dans son énoncé de politique, une partie de l'argent provenant des contributions versées à l'assurance-chômage par les travailleurs servirait au financement et à l'établissement de centres nationaux de formation professionnelle et à la mise en place d'un conseil consultatif national sur le perfectionnement des compétences. Comme on le voit, à un moment donné, il va falloir cesser de jouer à l'autruche. C'est Québec ou Ottawa qui devra prendre la pleine responsabilité. Au fur et à mesure que les années passent, par exemple, la mise en place d'un conseil consultatif national sur le perfectionnement des compétences afin de guider le gouvernement d'Ottawa quant aux besoins du secteur privé, M. le ministre, est-ce que ça vous apparaît empiéter sur les responsabilités du Québec?

Le Président (M. Poulin): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. M. le ministre.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, comme l'interpellation de ce matin porte sur divers sujets, j'aimerais parler de l'aide sociale, dont le financement est partagé avec le gouvernement du Canada. En vertu du Régime d'assistance publique du Canada, le gouvernement canadien paie 50 % du coût de l'aide sociale. Le gouvernement central a adopté certains critères liés au financement, qui constituent, dans les faits, les normes minimales de la sécurité du revenu au pays. Mais le gouvernement canadien s'est laissé une certaine souplesse dans ses modalités de financement, comme en témoignent les différences majeures qui caractérisent les régimes d'aide sociale dans les provinces du Canada. Jusqu'ici, le gouvernement du Québec n'a pas rencontré de difficultés importantes pour faire partager par le gouvernement fédéral le coût de l'aide sociale selon les modalités qu'il avait arrêtées. Présentement, nous sommes en négociation avec les représentants fédéraux sur le financement du nouveau régime de la sécurité du revenu du Québec. Les discussions se déroulent normalement.

J'imagine bien que l'interpellation de ce matin au sujet de l'aide sociale porte davantage sur les mesures de formation et d'aide à l'emploi destinées aux clients de l'aide sociale et sur les liens qui peuvent unir ces programmes à ceux de la formation professionnelle. Parlons-en, si vous le voulez bien, M. le Président.

Afin de favoriser la réinsertion à l'emploi des prestataires de l'aide sociale, divers programmes de formation, de développement de l'employabilité et d'aide à l'emploi ont été mis sur pied par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu du Québec et par le ministère canadien de l'Emploi et de l'Immigration. La participation financière du gouvernement fédéral à ces programmes est régie par deux ententes ou accords. De sa propre initiative et par harmonisation avec les mesures fédérales d'aide à la réinsertion à l'emploi des clients de l'aide sociale dans le cadre de ces ententes, le ministère que je dirige offre une dizaine de mesures qui s'adressent spécifiquement aux prestataires de l'aide sociale. Ce sont les mesures de rattrapage scolaire, les stages en milieu de travail, le bon d'emploi, les travaux communautaires, les services externes de main-d'oeuvre, les expériences de travail en foresterie, etc.

Pour sa part, le ministère fédéral a développé ses propes programmes de développement de l'emploi et d'intégration professionnelle complémentaires à ceux du Québec. Ces programmes sont administrés par les centres d'emploi du Canada. Ils s'adressent à la fois aux clients de l'aide sociale et aux chômeurs. Les ententes conclues prévoient que 27 % des participants à ces deux programmes sont des prestataires d'aide sociale. Des liens fonctionnels ont donc été établis entre les centres fédéraux d'emploi et les centres Travail-Québec, afin que les prestataires d'aide sociale aient aussi bien accès aux mesures offertes par le Québec que par le fédéral. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, on ne déplore pas de guerre de drapeaux ni de chevauchement ou autres accrochages entre les deux administrations.

Au contraire, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu essaie d'intéresser le plus grand nombre possible de clients de l'aide sociale à compléter leur formation et à participer à une expérience de travail. À l'occasion, il oriente vers les programmes fédéraux tous ceux qui manifestent de l'intérêt pour les mesures offertes par eux. Avec l'entrée en vigueur de la Loi sur la sécurité du revenu, nous voulons raffermir cette collaboration fédérale-provinciale sur le terrain. Les prestataires qui prendront part à un programme

d'Emploi et Immigration Canada recevront le barème de participation, au môme titre que s'ils participaient à une activité sous l'égide du ministère que je dirige.

Nous établissons également des liens entre les mesures de développement de l'employabilité et la formation professionnelle. De toute évidence, la formation constitue le moyen privilégié d'accéder ou de retourner au marché du travail. Il est essentiel que les clients de l'aide sociale puissent avoir accès à la formation professionnelle au même titre que les travailleurs à l'emploi et les chômeurs. Cet accès est assuré par les liens qui unissent les centres Travail-Québec, qui administrent l'aide sociale, et les commissions de formation professionnelle responsables des programmes de formation. Pour ce qui est du financement des programmes de développement de l'employabilité, les ententes et les accords prévoient que, sous une forme ou sous une autre, le gouvernement fédéral assume la moitié des dépenses faites au Québec pour Intégrer éventuellement les clients de l'aide sociale au marché de l'emploi.

Enfin, il convient de reconnaître que les interventions du gouvernement fédéral, dans certains programmes favorisant l'intégration des prestataires d'aide sociale au marché du travail, se sont révélées utiles et complémentaires à celles du Québec. Dans ce contexte, de notre côté, on ne cherche pas noise au gouvernement fédéral et on ne juge pas nécessaire, pour l'heure, de déclarer le fédéral persona non grata dans les programmes d'aide à l'emploi.

Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. Mme ta députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, M. le ministre fait état qu'il n'y a pas de guerre de drapeaux ni d'accrochage dans ce dossier. Alors, il faut comprendre que les deux gouvernements s'entendent pour se renvoyer les mêmes personnes, à tour de rôle, dans l'un et l'autre programme. La nouvelle trilogie, celle qui a cours maintenant dans les milieux où les personnes occupent des emplois précaires, c'est d'obtenir un PDE. C'est un langage qui n'est peut-être pas usité ici, en cette Assemblée mais, sur le terrain des quartiers de ville ou des villages, c'est un langage que les gens connaissent. Les PDE, d'abord, programmes de développement emploi, ça, c'est fédéral. Alors, un PDE pour quelques semaines qu'on obtient que si on est sur le chômage. Après, un article 38, n'est-ce pas? Je suis certaine que mon collègue de Chauveau connaît ce langage. L'article 38, c'est ce qui suit le PDE, mais qui nous amène à l'aide sociale.

Une fois à l'aide sociale, on a droit à un BAS. Ça, c'est le nouveau programme pour nous renvoyer ensuite, possiblement, dans le PDE. Cela fait le tour. Alors, le circuit habituel, c'est le

PDE après l'assurance-chômage; après le PDE, c'est exclusivement le corridor de l'article 38; après l'article 38, on tourne à droite avec le BAS qui nous renvoie au PDE. Ça va très bien. On peut dire qu'y n'y a pas de guerre de drapeaux. Le circuit tourne en rond. Vraiment, si le ministre considère que c'est l'idéal, il y a là un problème.

D'autre part, si ça va si bien au chapitre de la formation professionnelle... Parce que le programme de formation professionnelle qui était destiné à ceux et celles qui voulaient vraiment s'en sortir, c'était le programme de formation sur mesure en établissement, volet employabilité, celui qui leur permettait d'aller se chercher, dans un domaine où il y a de réelles ouvertures de travail, une formation adéquate. Là, rien ne va plus à ce niveau. Écoutez, si ça va bien, comment se fait-il que le ministère n'ait pas réussi à dépenser les deux tiers de ce programme de formation professionnelle? J'écoutais le ministre tantôt dire combien c'est important, la formation professionnelle. Je souscris à ses propos, mais je me dis: Comment peut-il être aussi irresponsable de parler et parler sans agir? Quand on pense que 10 500 000 $ sur les 15 000 000 $ prévus n'ont pas été dépensés, non pas parce qu'il n'y avait pas de clients, comme dit le ministre, ni parce qu'il n'y avait pas d'étudiants adultes qui étaient disposés, capables d'entreprendre cette formation, mais parce que les programmes étaient ainsi faits qu'ils les ont découragés.

Je veux simplement lire ce que les étudiants adultes lui ont fait parvenir. Ils lui disent ceci: "ll est impensable de mener à bien une formation aussi exigeante si nous sommes continuellement perturbés par le souci de notre survie." Il n'y a pas que les étudiants en cause. Les directions de cégeps, les conseillers pédagogiques le lui ont également écrit. C'est incontournable, cette question de la situation financière qui prévaut pour ces étudiants qui perdent en essayant de s'en sortir. Je cite un extrait de la lettre que les étudiants lui faisaient parvenir: "La situation que nous vivons est de nature à anéantir nos chances de réussite et va à l'encontre de notre réinsertion sociale. Lorsqu'une personne assistée sociale essaie de s'en sortir, elle réalise très vite que le gouvernement a tous les droits mais aucune compréhension de la situation. La peur d'être victime d'abus conduit le gouvernement à créer lui-même de l'abus et de l'injustice envers les pauvres de notre société." Je les cite, M. le Président.

Le ministre Bourbeau n'a pas encore daigné accuser réception de leur lettre du 23 mars dernier. Leurs revendications, je les reprends pour eux: "Nous exigeons de continuer à être admissibles à l'aide sociale sans avoir à nous endetter. Nous demandons au ministre de désigner le programme volet de formation comme une mesure qui donne droit aux prestations. Nous demandons au ministre de considérer les alloca-

tions fédérales comme une allocation de dépenses allouée pour suivre des cours, non comme un revenu déductible comme si nous restions à la maison. Nous refusons la fausse représentation et les demi-vérités qui découragent les personnes assistées sociales en les obligeant à s'endetter encore plus." Alors, si le ministre pense que tout va bien, c'est parce qu'il ne lit pas les lettres qu'il reçoit.

Le Président (M. Poulin): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. Je voudrais rappeler aux intervenants qu'il vous reste cinq minutes avant de conclure. M. le ministre.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. La députée de Maisonneuve monte en épingle la récupération des allocations fédérales de formation, comme elle le dit, par le régime d'aide sociale, comme un appui à sa thèse du fouillis administratif et de la nécessité de ramener au plus tôt sous le giron québécois toute la responsabilité de la formation professionnelle, de l'aide à l'emploi et de l'assurance-chômage. C'est ce qu'on pourrait appeler tuer une mouche avec un boulet de canon.

De quoi s'agit-il? L'aide sociale demeure une aide de dernier recours qui vise à combler l'écart séparant les besoins essentiels d'une personne ou d'une famille des ressources dont elle dispose. Si une personne reçoit un revenu de pension, de travail, un héritage ou une allocation fédérale ou provinciale quelconque, on considère ça comme un revenu de travail et on ajuste la prestation de l'assisté social en conséquence.

Ce que la députée de Maisonneuve ne dit pas, c'est qu'à l'égard des allocations de formation, l'aide sociale tient compte des dépenses engagées pour participer à l'activité de formation, notamment les frais de garde, certaines dépenses de déplacement et de séjour et le matériel didactique. En fait, nous traitons ces personnes sur le même pied que les autres prestataires d'aide sociale qui retournent graduellement sur le marché du travail.

Je ne vois pas en quoi l'équité serait mieux préservée si nous accordions un traitement privilégié aux quelques centaines de prestataires qui reçoivent des allocations de formation par rapport à la majorité des autres clients de l'aide sociale qui, souvent, sont engagés dans des activités analogues sans pour autant bénéficier d'allocations de formation. Le fait d'unifier les programmes de formation ou de ramener sous une même administration toutes les composantes de la formation et de l'aide à l'emploi ne changerait pas fondamentalement les données de ce problème. On ne pourrait pas offrir aux clients de l'aide sociale à la fois leur prestation régulière et une allocation de formation qui doublerait presque cette prestation. J'espère, Mme la députée, que ce n'est pas ce que vous proposez.

Il ne faut quand même pas faire miroiter de tels mirages.

(11 h 15)

M. le Président, Mme la députée de Maison-neuve n'a pas parlé des congés de maternité. Quelques mots, si vous permettez. Je dirai que pour des raisons qui tiennent à la fois du pragmatisme et d'une conception un peu étrange du congé de maternité, le gouvernement fédéral a introduit, en 1971, dans le régime d'assurance-chômage, le versement de prestations aux travailleuses enceintes. C'est ainsi que, moyennant un délai de carence de deux semaines, des prestations sont offertes pendant une période maximale de quinze semaines. Ces prestations couvrent 60 % du salaire brut, jusqu'à concurrence de certaines limites supérieures. En 1989, le montant maximal des prestations atteint 363 $ par semaine.

Dans l'énoncé de politique sur l'assurance-chômage, le gouvernement fédéral propose de bonifier les dispositions relatives aux prestations de maternité. La durée des prestations est portée de 15 à 25 semaines; elle peut même atteindre 30 semaines en cas de maladie. Certaines modalités prévoient qu'une partie du congé peut être partagée par l'un ou l'autre des parents à l'occasion de la naissance ou de l'adoption d'un enfant.

Le gouvernement du Québec a longtemps considéré que les dispositions du régime d'assurance-chômage ne suffisaient pas à protéger la femme enceinte et à valoriser la maternité. À compter de 1978, il a légiféré sur le droit de s'absenter du travail en introduisant dans la Loi sur les normes du travail le droit à un congé de maternité de 18 semaines et une protection de l'emploi au retour de la travailleuse. Ce n'est un secret pour personne que le gouvernement du Québec s'apprête à aller plus loin.

Je proposerai incessamment à mes collègues des amendements à la Loi sur les normes du travail. Une partie importante de la réforme envisagée porte précisément sur les congés parentaux. Nous voulons étendre et rendre plus flexibles les congés de maternité et les congés prolongés dont peuvent se prévaloir les parents à l'occasion de la naissance ou de l'adoption d'un enfant. Il nous apparaît également important d'assouplir les normes du travail, afin de faciliter l'exercice des responsabilités parentales.

Parallèlement à l'étude de ces propositions, le gouvernement s'interroge sur la problématique du remplacement du revenu de la personne qui cesse de travailler pour donner naissance à un enfant ou pour en adopter un. C'est ici que nous rejoignons le domaine des relations fédérales-provinciales. En fait, deux possibilités s'offrent au gouvernement du Québec. ll peut, d'abord, compléter le régime d'assurance-chômage; cela consisterait à maintenir, en premier lieu, une allocation pour pallier le délai de carence afin de réduire la perte de revenu et, éventuellement, à suppléer en quelque sorte aux prestations fédéra-

les. En vertu de l'autre option, le gouvernement revendiquerait le rapatriement au Québec du montant des prestations de maternité du régime d'assurance-chômage. Pour l'année 1988, cela aurait représenté, sembie-t-M, 132 000 000 $.

M. le Président, je n'ai plus de temps, alors disons que nous évaluons, pour l'instant, le pour et le contre de chacune de ces deux options.

Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Malsonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, parlons donc du congé de maternité. À l'occasion des modifications annoncées par Mme McDougall, qui retire son gouvernement du financement de la caisse, celle-ci nous a laissé en prime une bonification et, en fait, l'élaboration de ce qu'on peut appeler la politique canadienne en matière de congé de maternité.

Evidemment, la situation est absolument inverse cette fois, pourtant, le même argument n'est pas repris par le ministre puisqu'on cette matière, les Québécois contribuent plus à l'assurance-chômage qu'ils n'en reçoivent. Pourquoi? Parce que le taux de fécondité est bien différent d'une province à l'autre et que c'est le Québec qui a le plus faible taux de fécondité, avec 1,4 naissance, tandis que, dans les provinces de l'Ouest, la Saskatchewan, le Manitoba et l'Alber-ta, il est autour de 2. Cela peut peut-être étonner, car ce n'est pas très connu, mais l'ensemble des provinces anglophones ont un taux de natalité bien supérieur à celui du Québec. Donc, elles profitent plus largement, évidemment, des prestations de maternité qui sont versées par la caisse d'assurance-chômage que n'en profitent les Québécoises. À ce titre, la péréquation joue en notre défaveur, si on veut reprendre les mêmes arguments que le ministre invoquait au début à l'égard des chômeurs. Cette fois, c'est nous qui payons pour les naissances qui se produisent ailleurs.

Étant donné, donc, notre faible taux de natalité, nous avons une responsabilité supplémentaire à l'égard de ce problème de la dénatalité. Ce que nous recommandons au gouvernement, c'est de saisir l'occasion qui est offerte par l'annonce de modifications au régime d'assurance-chômage pour se retirer, avec pleine compensation, de ce programme et pour bâtir sa propre caisse de maternité. Je reprends ce que le ministre, de façon erronée, disait au tout début de cette Interpellation, M. le Président: Nous ne souhaitons pas la fusion des programmes, ni celui de la maternité ni celui de l'assurance-chômage ou de l'aide sociale. Le ministre avait bien tort. Évidemment, comme il lit des textes qui lui sont préparés par d'autres, ce n'est peut-être pas à lui, mais aux autres qu'il faut en faire grief. Mais nous demandons le rapatriement et nous pensons qu'il s'agit de politiques qui doivent être financées par des caisses différentes; une même politique, un même programme avec des volets différents, financés par des caisses différentes.

La lenteur à réagir du gouvernement du Québec inquiète évidemment quand on sait que Mme McDougall agira dès l'automne prochain en proposant des modifications à la législation fédérale. Le budget que le ministre des Finances déposera sans doute la semaine prochaine ne peut pas, à notre avis, rester muet ou silencieux sur cette question névralgique parce qu'elle fait partie de ce qu'on peut considérer comme la politique familiale. Comment envisager une politique familiale sérieuse sans aborder ce volet majeur qui est celui du congé de maternité, puisque, quand elles sont interrogées, les personnes qui répondent sur les mesures qui favoriseraient la natalité, indiquent, au premier rang, la nécessité de concilier les rôles de mère et de travailleuse à l'aide d'un véritable congé de maternité et parental? C'est la mesure retenue bien avant la hausse des allocations familiales. C'est d'ailleurs la première mesure qui est retenue avant même celle des services de garde qui suit et, bien après, au cinquième rang, vient celle de la hausse des allocations familiales.

C'est un domaine névralgique de notre compétence exclusive. Nous disons au ministre qu'il a une responsabilité immédiate. Mme McDougall va agir. Elle le met devant un fait accompli. Il ne peut pas, dans ce domaine relevant de sa compétence, ne pas offrir aux Québécoises un véritable congé de maternité. Qu'est-ce que ça signifie? Cela signifie de remplacer le revenu. Il ne faut pas que l'on perde quelque chose parce que l'on est enceinte. Alors, cela suppose un véritable remplacement du revenu de 90 % du salaire assurable et non de 60 %, comme c'est le cas avec l'assurance-chômage, en n'oubliant pas aussi qu'il faut se qualifier au chômage quand on est une travailleuse enceinte, pour avoir droit à ce congé, et que, pour se qualifier, il faut passer 20 semaines continues à l'emploi du même employeur. Il faut donc élargir ça à l'ensemble des travailleuses, qu'elles soient à temps partiel, qu'elles soient collaboratrices de leur conjoint ou qu'elles soient contractuelles, ce remplacement du revenu pour pouvoir mettre un enfant au monde.

Le Président (M. Poulin): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. Je voudrais rappeler que nous en sommes à la conclusion et que vous avez chacun dix minutes. Donc, M. le ministre.

Conclusions M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, en commençant, j'aimerais rappeler ce que j'ai dit précédemment, soit le manque de sérieux de la députée de Maisonneuve qui nous accuse du fait

que le fédéral s'immisce dans la formation professionnelle, alors que c'est le gouvernement du Parti québécois qui, officiellement, a entériné l'intrusion du gouvernement fédéral dans ce domaine, lors de la conférence fédérale-provinciale de février 1985, à Régina, où le premier ministre du Québec de l'époque, M. René Léves-que, a convenu, avec les provinces canadiennes et le gouvernement fédéral, de ce qui suit: Une entente de principe sur, entre autres, la nécessité de partarger la responsabilité en matière de formation et de développement de l'emploi entre les gouvernements et le secteur privé. Et ceci, M. le Président, a fait l'objet du lancement d'un programme fédéral, le programme fédéral d'Emploi et Immigration Canada, de planification de l'emploi, par Mme Flora MacDonald et non pas par M. Benoît Bouchard, le 28 juin 1985. C'est peut-être M. Bouchard qui a subséquemment signé l'entente mais le programme a été lancé en juin 1985.

M. le Président, le gouvernement fédéral a pris un virage significatif en proposant d'importantes modifications au régime d'assurance-chômage et en annonçant le retrait de sa propre contribution à ce régime qui, à compter du 1er janvier 1990, sera entièrement financé par les cotisations des employés et des entreprises. Le chef du Parti québécois a sauté sur l'occasion pour proposer au gouvernement du Québec de rapatrier le champ de compétence de l'assurance-chômage afin de mieux coordonner, dit-il, les programmes d'aide aux chômeurs, l'aide sociale et la formation professionnelle. Il y a, dans ces interventions des dernières semaines, matière à bien des débats enflammés. Je me contenterai d'aligner les faits et de traiter objectivement de ces questions complexes.

Rappelons d'abord que le régime d'assurance-chômage fut créé en 1940, après que les premiers ministres des provinces eurent unanimement consenti à un projet d'amendement constitutionnel autorisant le gouvernement fédéral à occuper ce champ de compétence. Bon an, mal an, les travailleurs du Québec retirent de l'assurance-chômage des prestations de l'ordre de 3 000 000 000 $ à 3 400 000 000 $ par année. Les entreprises et leurs employés au Québec souscrivent des cotisations au régime pour un montant variant de 2 000 000 000 $ à 2 800 000 000 $ par année. Il en résulte donc un gain net annuel pour le Québec de 600 000 000 $ à 1 000 000 000 $ par année. Ce gain est essentiellement attribuable au fait que le régime d'assurance-chômage est financé uniformément à l'échelle canadienne. Or, les provinces où l'activité économique est plus intense et où le taux de chômage se situe en deçà de la moyenne nationale contribuent davantage au régime qu'elles n'en retirent des bénéfices. À l'opposé, dans les provinces où le taux de chômage dépasse la moyenne canadienne, comme c'est le cas pour le Québec, les revenus, ceux de l'assurance-chômage, dépassent le montant des cotisations.

Sur la base des taux de chômage historiques du Québec et du Canada respectivement, le rapatriement de l'assurance-chômage se solderait par un manque à gagner annuel de l'ordre de 600000000$ à 900000000$ par année. Pour l'année 1989, le déficit atteindrait même 1 000 000 000 $. L'écart demeure considérable. À moins de regarder la réalité la tête en bas, je ne vois pas comment on peut voir, dans le projet de rapatriement au Québec de l'assurance-chômage, les gains importants que laisse miroiter le chef du Parti québécois. Ce n'est pas en ramenant ici un compte à payer ou une dette de quelques centaines de millions de dollars que l'on va pouvoir aider plus généreusement les gagne-petit sur qui M. Parizeau s'apitoie lourdement par les temps qui courent.

Le gouvernement fédéral se propose d'apporter des modifications significatives au régime d'assurance-chômage. On est donc en droit de se demander si cette réforme ne fera pas disparaître les gains nets du Québec, ce qui justifierait la prise en charge par le gouvernement du Québec de la responsabilité de l'assurance-chômage. Les modifications envisagées sont de trois ordres. Elles consistent en premier lieu à renforcer l'incitation au travail et à augmenter les budgets affectés à la formation professionnelle des chômeurs. Nous souscrivons à cet objectif sous réserve des modalités d'application de cette réforme, et j'y reviendrai. L'énoncé de politique du gouvernement fédéral sur l'assurance-chômage propose, en outre, de bonifier le régime, en particulier au chapitre des congés de maternité et de l'admissibilité à l'assurance-chômage des personnes de plus de 65 ans. Qui peut s'opposer à une amélioration d'un régime d'aide aux chômeurs, aux femmes enceintes et aux parents? Enfin, le gouvernement fédéral oblige le fonds de l'assurance-chômage à s'autofinancer. Il ne contribuera plus au régime obligeant un relèvement des cotisations des employés et des employeurs.

Par des propositions visant à rendre l'assurance-chômage plus dynamique et plus productive, le gouvernement fédéral augmente, dans certaines régions, la période de travail donnant droit à des prestations et il réduit la durée maximale des prestations. Toutes choses étant égales par ailleurs, ces modifications auront vraisemblablement un impact sur le programme de l'aide sociale au Québec, ce que nous tentons d'évaluer présentement.

Quant au désengagement du gouvernement fédéral, tout important qu'il soit, il doit être situé dans une juste perspective. Il s'agit en fait de l'aboutissement presque inéluctable d'un mouvement amorcé il y a une dizaine d'années. En 1978, le gouvernement fédéral finançait 79 % du fonds d'assurance-chômage, dix ans plus tard, sa contribution ne s'établit plus qu'à 22 %. Bien sûr, nous nous inquiétons de la hausse des cotisations qui pourrait résulter de ce désengage-

ment gouvernemental. Au cours des consultations précédant la mise en place du nouveau régime, le Québec défendra la nécessité de prévoir formellement, en cas de ralentissement ou de crise économique, une contribution fédérale au fonds de l'assurance-chômage, afin de limiter l'augmentation des cotisations des employés et des entreprises en période de chômage élevé. (11 il 30)

La réforme de l'assurance-chômage ne modifie pas fondamentalement le mode de cotisation au régime. Cela signifie concrètement que les provinces à faible taux de chômage vont continuer d'aider, d'une certaine manière, les provinces où le nombre de chômeurs est proportionnellement plus élevé. Autrement dit, le Québec continuera de retirer du régime d'assurance-chômage des bénéfices nets de quelques centaines de millions de dollars par année. La seule façon de rendre attrayante la proposition de rapatriement de l'assurance-chômage consiste à ramener le taux de chômage au Québec au niveau ou en deçà du taux canadien. Si l'on veut travailler à cet objectif, de grâce, ne ramenons pas au Québec le déficit québécois de l'assurance-chômage et consacrons la marge de manoeuvre ainsi obtenue à raffermir l'économie du Québec et à développer l'emploi, car, M. le Président, le développement économique et la création d'emplois, c'est ce que veulent en priorité les Québécois et non pas de stériles chicanes de ménage ou de drapeaux avec le gouvernement canadien. Merci.

Le Président (M. Poulin): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Maisonneuve, en conclusion.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, en conclusion, M. le Président, on se rend compte que, d'une semaine à l'autre, le déficit du Québec évoqué à l'égard de la caisse d'assurance-chômage diminue de moitié. Il est de quelques centaines de millions aujourd'hui. Il était le double, il y a maintenant une semaine, de la bouche même du premier ministre. Mais la question de fond, la question qui concerne l'ensemble des Québécois est la suivante. Comment diminuer le taux de chômage sans se donner une politique de plein emploi et comment réaliser une politique de plein emploi sans avoir en main tous les outils pour établir véritablement la qualification de la main-d'oeuvre, la formation professionnelle qui est le défi qu'on a à relever, comme société, dans la perspective du libre-échange?

De nouveau, le ministre invoque que les bénéfices nets des prestations d'assurance-chômage nous tiennent lieu de formule de péréquation. Vraiment, à force de le répéter, j'imagine qu'il va finir par croire que le fédéralisme est payant parce qu'on retire des prestations d'assurance-chômage. Je pense que réclamer une véritable compensation pour le taux de chômage dans la formule de péréquation serait une chose à laquelle pourraient souscrire les Québécois, une véritable compensation par le biais d'une autre variable aux 33 qui font partie de la formule de péréquation.

Mais s'accrocher, comme le fait le ministre, après l'augmentation du nombre de chômeurs et considérer que plus il y en a, plus c'est payant, je le répète, c'est insignifiant. Il n'y a pas de bénéfice net à avoir des prestations de chômage. Cependant, il y a un bénéfice net à se donner une politique de plein emploi. Cette politique de plein emploi repose sur l'aide sociale, l'assurance-chômage, la formation professionnelle et sur une politique de développement économique, comme des éléments indissociables.

Alors que le taux de chômage au Québec se maintient désespérément de 9 % à 10 %, il est tout à fait inadmissible que l'on soit incapables de mettre l'argent disponible pour la formation professionnelle à la portée des hommes et des femmes qui peuvent en profiter. Le ministre est resté complètement muet sur les crédits périmés en matière de formation professionnelle. Depuis trois ans, 41 000 000 $; 10 000 000 $ les deux dernières années; et là, il a augmenté son championnat, 22 000 000 $ cette année, qu'il n'a pas réussi à dépenser. J'espère que personne qui nous écoute ne va penser que c'est parce que les gens ne veulent pas en profiter. C'est plutôt parce que les programmes ainsi faits ne sont pas adéquatement planifiés, prévus, élaborés pour répondre aux besoins des Québécois. Sur le plan humain, cette situation est intolérable et, sur le plan économique, c'est une situation désastreuse qui plaide en faveur du rapatriement par Québec de tous les pouvoirs nécessaires avec les compensations fisacles et financières qui vont de pair, bien évidemment, en vue de l'établissement d'une véritable politique efficace de formation de la main-d'oeuvre.

Dans un editorial récent, le journaliste Gilles Lesage invitait le gouvernement, et je vais le citer, à entreprendre ce rapatriement: "Le Québec peut entreprendre, s'il le veut bien, écrit Gilles Lesage, une importante bataille pour récupérer un vaste champ qui relève de ses responsabilités propres. Ottawa a décidé de ne plus exercer son pouvoir de dépenser en matière d'assurance-chômage. Le Québec peut en profiter pour reprendre une prérogative qu'il n'a jamais abandonnée."

M. le Président, il est inquiétant que le ministre et son gouvernement renient un engagement pourtant récent de leur propre parti en cette matière. J'ai eu l'occasion de vous le signaler, c'est pour des raisons évidemment pratiques. Il ne s'agit pas d'une bataille entre deux ordres de gouvernement simplement pour obtenir l'autorité sur un dossier; il s'agit essentiellement de la vision que l'on peut avoir de ce qui est bon pour le Québec en matière de développement social et économique. Il s'agit

essentiellement de se donner une stratégie de développement social et économique. L'existence de réseaux parallèles, la confusion dans les rôles et les responsabilités, c'est ce que l'on retrouve dans le programme du Parti libéral, la présence de chevauchements, les doubles services. Ce ne sont pas les accords que le ministre signe qui viennent en aucune façon corriger cette situation. Il faudrait faire faire le circuit des démarches qu'un sans-emploi doit faire pour essayer simplement de se faire reconnaître comme étudiant dans une formation, il faudrait le faire faire au ministre et aux sous-ministres. Il faudrait qu'un jour, ils puissent venir faire exactement... Mais Us ne pourraient pas ne prendre qu'une journée pour faire une telle démarche, ce sont des semaines qu'il leur faudrait, à se promener d'un bureau a l'autre, d'un fonctionnaire à l'autre, du centre d'Emploi et d'Immigration Canada au centre Travail-Québec, à la Commission de formation professionnelle, pour finalement avoir à nouveau à faire reprendre son dossier par un autre agent du domaine de l'éducation cette fois.

Il est urgent de redresser cette situation, au-delà du devoir que nous avons, comme société, d'assurer le recyclage et la formation de toute personne, homme et femme, qui éprouve des difficultés à intégrer le marché du travail. Il faut également que l'on reconnaisse l'importance d'une formation professionnelle permanente, disponible, pour toute personne capable et qui souhaite pouvoir relever les nouvelles exigences des nouveaux emplois, puisqu'il s'agit là de l'avenir du Québec. L'urgence de mettre fin au fouillis, à l'imbroglio administratif et constitutionnel, l'est encore plus, pas tant pour les gouvernements ou pour les administrateurs des programmes, mais, sur le terrain, pour les personnes sans emploi qui, dans leur démarche de réinsertion, se butent à un obstacle majeur, le principal qui se dresse sur la voie de leur réinsertion, qui est justement le chevauchement et l'enchevêtrement des programmes.

M. le Président, nous avons mis au point une proposition en matière de formation professionnelle des adultes. Nous pensons qu'il n'y a pas de société qui formera le peloton de tête des années à venir, sans investir dans les ressources humaines, sans repenser complètement les politiques de formation professionnelle, de manière à en faire les volets d'un même programme, d'une même démarche, pour permettre à une personne qui perd son emploi de compter sur une aide soutenue, qu'elle soit prestataire de l'assurance-chômage ou de l'aide sociale, qu'elle veuille retourner à la maison après un passage au foyer ou qu'il s'agisse d'un jeune qui a abandonné ses études prématurément. Nous pensons qu'il est indispensable que le gouvernement assure à toutes ces personnes de pouvoir compter sur un recyclage, une formation, un placement à l'intérieur d'un guichet unique où elles ne seront pas comme des balles de ping-pong, renvoyées d'un gouvernement à l'autre, d'un bureau de chômage à un bureau d'aide sociale, à un bureau de formation professionnelle.

M. le Président, malheureusement, nous devons constater que, ce matin, cela a été un dialogue de sourds. Le ministre s'est satisfait de la lecture des notes qui lui avaient été préparées, sans répondre aux questions que nous lui avons posées, notamment à l'égard des modifications que le gouvernement fédéral a l'intention d'apporter, entre autres, par la création de ce conseil national de formation. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Poulin): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. La commission ayant rempli son mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 11 h 42)

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