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Version finale

30th Legislature, 3rd Session
(March 18, 1975 au December 19, 1975)

Wednesday, February 26, 1975 - Vol. 16 N° 17

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi 88 - Loi modifiant la Loi de la protection de la santé publique


Journal des débats

 

Commission permanente des affaires sociales

Projet de loi no 88 — Loi modifiant la Loi de la protection

de la santé publique

Séance du mercredi 26 février 1975

(Dix heures dix minutes)

M. Pilote (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs! Nous sommes réunis, ce matin, pour entendre les organismes qui ont été convoqués pour donner leur point de vue et présenter leur mémoire sur le projet de loi no 88, Loi modifiant la Loi de la protection de la santé publique.

Sont membres de cette commission Mme Bacon (Bourassa), M. Bellemare (Rosemont), M. Bellemare (Johnson), M. Bédard (Chicoutimi), M. Bonnier (Taschereau), M. Boudreault (Bourget), M. Charron (Saint-Jacques), M. Dufour (Vanier), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gratton (Gatineau), qui remplace M. Fortier (Gaspé), M. Chagnon (Lévis), qui remplace M. Lecours (Frontenac), M. Lafrance (Rivière-du-Loup), qui remplace M. Massicotte (Lotbinière), M. Samson (Rouyn-Noranda) est membre de la commission, de même que M. Verreault (Shefford).

Avant de passer aux mémoires, je cède la parole au ministre des Affaires sociales.

Fluoration des eaux de consommation

M. Forget: Merci, M. le Président. Le projet de loi que nous avons à étudier aujourd'hui et dans les jours subséquents comporte comme mesure essentielle la fluoration des eaux de consommation.

Le projet de loi en question, le projet de loi no 88, a été déposé à l'Assemblée nationale il y a un peu plus de deux mois maintenant. On doit compter qu'il s'écoulera encore au moins deux mois avant son adoption définitive à l'Assemblée nationale, étant donné le calendrier des travaux de la Chambre pendant les prochaines semaines. Cette période de q ua-tre mois entre la publication d u projet et son adoption définitive devait donc permettre de connaître toutes les implications de ce projet, de disséminer cette information le plus largement possible de manière que cette mesure, qui est proposée par le projet de loi, soit adoptée en pleine connaissance de ses implications et avec le plus large consensus possible.

Au milieu de cette période de quatre mois, cette commission a été convoquée pour nous permettre d'être éclairés sur les implications du projet de loi. Je crois que, durant les prochains jours, nous aurons l'occasion d'accomplir un double rôle: d'une part, comme dans l'examen de tout projet de loi, de recevoir des commentaires et des suggestions qui peuvent avoir pour but d'améliorer sur le plan technique la rédaction du projet de loi sans sacrifier son principe essentiel. Son principe essentiel, je me permets de le souligner au début de nos travaux, consiste à introduire comme mesure obligatoire de santé publique la fluoration des eaux de consommation.

Lorsque le législateur, en 1972, adoptait ce qui est devenu le chapitre 42des lois de cette année-là, il a donné au ministre des Affaires sociales la responsabilité, sans équivoque, sans partage, de prendre toutes les mesures appropriées pour coordonner, surveiller et stimuler la distribution de toutes les mesures de santé nécessaires pour le maintien de la bonne santé de la population.

C'est comme partie de cette responsabilité qui m'est confiée par les lois actuelles que je suis persuadé qu'il est nécessaire d'introduire cette mesure de santé publique dont les bienfaits seront abondamment documentés, je crois, par les travaux des différentes parties qui seront appelées à venir faire des exposés devant nous.

Alors, sans plus tarder, M. le Président, je vous inviterais à faire comparaître le premiergroupequi a demandé à être entendu sur ce sujet.

En terminant, je voudrais indiquer qu'il me paraît approprié de donner, à tous les groupes qui doivent être entendus, la plus grande flexibilité possible, la plus grande accessibilité possible à la commission de manière que le sujet soit épuisé, dans toute la mesure du possible. Les travaux de cette commission nous donnent une occasion par excellence de poser des questions, de vérifier les affirmations qui sont faites auprès d'experts qui ont consacré une partie de leur carrière professionnelle à examiner les questions connexes ou ces questions-là plus particulièrement, donc à parfaire notre jugement quant à l'opportunité de cette mesure et quant à ses effets.

Le Président (M. Pilote): Avant de continuer, je proposerais que M. Boudreault, de Bourget, soit rapporteur de la commission.

Des Voix: D'accord.

Le Président (M. Pilote): L'honorable député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, vous me permettrez quelques remarques préliminaires avant de passer a l'audition des mémoires. Une enquête, publiée en 1973 par le ministre de la Santé nationale et portant sur les années 1968 à 1970, démontre clairement que les jeunes Québécois ont une très mauvaise dentition. En fait, quand on compare les principaux indices, nous sommes à l'avant-dernier rang de toutes les provinces canadiennes.

Cette enquête démontre qu'à peu près 75% des jeunes Québécois âgés de treize ans et moins ont besoin de réfection alors que cette proportion n'est que de 45% en Ontario et 50% au Manitoba. La moyenne des réfections requises pour les enfants de onze ans est de 4.37 au Québec par rapport à 2.69 en Ontario et à 2.72 au Manitoba. Pour les enfants de treize ans, elle est de 5.5 au Québec, de 2.7en Ontario et de 2.84 au Manitoba. Au Québec, 31.5% des jeunes âgés de treize ans et moins doivent, selon certaines études sérieusesqui ont été faites, se faire extraire au moins une dent tandis que seulement 12% des jeunes Ontariens et seulement 14% des jeunes Manitobains ont les mêmes besoins.

Pour remédier à cette sit uation déplorable, il faut

à la fois agir, nous le croyons, par des mesures préventives et curatives. Jusqu'à présent, à part certains efforts d'hygiène dentaire au niveau scolaire, le gouvernement, à notre humble opinion, a davantage concentré son action sur les soins curatifs. Même à ce niveau, l'action gouvernementale est actuellement insuffisante. Malgré l'ouverture de la faculté d'hygiène dentaire de l'université Laval, il n'y a pas encore assez de dentistes au Québec et leur répartition géographique laisse fort à désirer.

Comme le démontrent les travaux des dentistes Simard et Lussier, dont les résultats ont été publiés en 1970 dans le journal de l'Association dentaire canadienne, le recours aux soins dentaires est proportionnel au nombre de dentistes établis dans une région. Il est donc urgent, nous le croyons, que le gouvernement du Québec prenne immédiatement toutes les mesures nécessaires pour qu'on augmente substantiellement le nombre de dentistes et d'auxiliaires qualifiés au Québec afin que toutes les régions du Québec soient desservies adéquatement.

De plus, une étude faite entre 1965 et 1968 à l'Université de Montréal démontre que les enfants des milieux peu fortunés ont, à l'âge de dix ans, 6.4 dents permanentes carriées. A l'âge de treize ans, treize dents permanentes carriées, c'est-à-dire que plus de la moitié des dents qu'ils ont dans la bouche sont atteintes de caries.

L'enquête Simard-Lussier prouve aussi que le recours aux soins dentaires est directement proportionnel au revenu et au degré de scolarité. L'assurance-maladie couvre, depuis l'été dernier, les soins dentaires pour les enfants âgés de moins de huit ans. Le gouvernement, nous le croyons, a les moyens d'étendre la couverture de l'assurance dentaire. En effet, nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises et nous le répétons, la Régie de l'assurance-maladie aura, à la fin de l'année financière, un surplus accumulé de $100 millions.

Il serait, selon nous, tout à fait normal que ce surplus serve à étendre la couverture de l'assurance dentaire à toutes les personnes de moins de dix-huit ans. Cette mesure est primordiale si l'on veut que la qualité de la santé buccale des jeunes Québécois issus des milieux défavorisés urbains et ruraux s'améliore.

A cet effet, nous croyons qu'il est primordial d'améliorer les services de santé en milieu scolaire, à la fois pour assurer une meilleure détection des déficiences dentaires et pour inculquer aux enfants une meilleure pratique de l'hygiène.

Idéalement, il faudrait s'assurer, naturellement, que les jeunes Québécois se nourrissent mieux. Malheureusement, il est presque impossible de s'assurer un contrôle efficace de la qualité de l'alimentation, particulièrement dans un contexte où plusieurs familles québécoises, nous le savons, n'ont plus les moyens de bien se nourrir à cause du coût élevé de certaines denrées de base.

Dans le seul secteur où il pourrait agir, c'est-à-dire au niveau des cafétérias scolaires, le gouvernement maintient le sacro-saint principe de l'autofinancement. C'est la qualité de l'alimentation de nos étudiants qui en souffre. On n'a plus les moyens de bien se nourrir; on n'a pas plus les moyens de bien se nourrir à l'école qu'on ne l'a à la maison et la machine distributrice remplace facilement le repas complet de la cafétéria.

Un des éléments nutritifs essentiels à la formation d'une excellente dentition est le fluor. On le recommande particulièrement pour les enfants et pour les femmes enceintes. Toutes les études ou enquêtes — à quelques exceptions près — portant sur une même population avant et après la fluoration ou sur deux populations dont l'une consomme de l'eau fluorée et l'autre de l'eau non fluorée démontrent les mêmes effets, c'est-à-dire la réduction de 60% de la carie dentaire et la diminution de la gravité et de la progression des lésions et caries.

Pour poursuivre notre comparaison, signalons simplement que 89.8% de la population du Manitoba, 73.3% de la population de l'Ontario et seulement 15% de celle du Québec est approvisionnée en eau fluorée par un système d'aqueduc.

Juxtaposées aux données sur la qualité de la dentition de nos enfants par rapport à ces provinces, je crois que ces statistiques sont éloquentes.

D'ailleurs personne, même parmi ceux qui s'opposent à la fluoration des eaux de consommation, ne met sérieusement en doute ses effets bénéfiques.

Ce qui est contesté, cependant, c'est l'imposition du fluor contre leur volonté à des gens qui en ont moins besoin, le caractère dangereux d'une trop grande consommation de fluor et ce difficile contrôle de la fluoration des eaux de consommation.

Le Parti québécois propose que l'on distribue gratuitement du lait fluoré à tous les jeunes du Québec. Une telle mesure aurait, à notre humble opinion, des effets bénéfiques immenses sur la qualité de l'alimentation des jeunes et par conséquent sur leur santé.

Le lait à $0.51 — à moins qu'il ne soit augmenté depuis hier — la pinte est devenu un bien de luxe, nous le savons, pour un trop grand nombre de Québécois. Cette mesure aurait aussi des effets secondaires non négligeables sur la rentabilité de notre industrie laitière.

Un autre avantage — nous le croyons et nous le soumettons respectueusement — de cette suggestion de distribuer gratuitement du lait fluoré à tous les jeunes du Québec serait que ceci permettrait de donner le fluor à ceux qui en ont spécifiquement besoin, les enfants.

Le coût élevé par rapport à la fluoration des eaux de consommation et la difficile application d'un tel programme pour les enfants qui ne vont pas à l'école ne doivent pas nous faire mettre de côté, sans un examen sérieux de la part de la commission et du gouvernement, pour ces seules raisons, la distribution gratuite du lait fluoré. Parce que l'on touche à des libertés fondamentales, à savoir la liberté de choix des individus, l'Opposition officielle n'a pas l'intention d'appuyer un projet de loi qui forcerait la fluoration des eaux contre la volonté des citoyens.

C'est pourquoi nous allons proposer qu'une municipalité puisse, par référendum, se retirer du programme de fluoration obligatoire. Ainsi, ceux qui s'opposent à la fluoration de l'eau pourront

convaincre la majorité de leurs concitoyens. Nous croyons qu'à ce moment-là un débat s'engagera qui permettra aux différentes localités de se prononcer en connaissance de cause. De plus, les municipalités ne devraient pas avoir à assumer le coût de la fluoration. Le Parti québécois proposera donc un amendement au projet de loi pour qu'en plus des coûts d'installation le gouvernement finance également entièrement le coût de fonctionnement des appareils de fluoration.

Enfin, nous croyons que les services gouvernementaux sont mieux équipés que les municipalités pour procéder aux analyses des eaux destinées à la consommation qu'impose le projet de loi. En bref, le Parti québécois croit que le gouvernement doit encourager les municipalités qui désirent la fluoration, ses effets bénéfiques, dans notre esprit, étant très clairs, mais qu'il ne doit pas l'imposer a ceux qui ne la veulent pas.

Le Président (M. Pilote): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, j'ai écouté, avec beaucoup d'intérêt, tantôt, les propos du ministre des Affaires sociales. Certains de ses propos m'ont intéressé davantage. J'ai remarqué que le ministre, en soulignant l'importance de la commission parlementaire, l'importance d'entendre des témoins et des experts, a souhaité, ainsi, pouvoir améliorer son projet de loi. Je le cite presque au texte et je voudrais qu'il me dise le contraire si j'ai mal compris. Il a dit: Sans sacrifier son principe essentiel. C'est bien cela que j'ai entendu. Par les signes du ministre, M. le Président, c'est bien ce qu'il a dit.

Sans sacrifier son principe essentiel, il est possible de ne pas être d'accord du tout sur ce qu'il y a dans le projet de loi, car la loi s'intitule Loi modifiant la loi de la protection de la santé publique. Cela veut dire qu'il y a tellement de contestation autour de cela qu'on pourrait même être contre, on pourrait même demander le retrait du projet de loi et cela ne sacrifierait pas le principe essentiel de ce que nous avons comme déclaration à la face même du projet de loi.

Le Ralliement créditiste, que je représente, est, évidemment, un mouvement qui s'est prononcé, à maintes reprises, contre la fluoration des eaux potables de façon obligatoire. Bien entendu, il y a plusieurs raisons qui nous font militer en ce sens. Il y a cette grande question des libertés individuelles et fondamentales dont je vous parlerai tantôt. Ce que nous considérons, au tout début, c'est qu'au lieu de rendre obligatoire la fluoration des eaux potables le gouvernement aurait dû, s'il avait été... A ce moment-ci, je dis que le gouvernement est irresponsable. Cela fait tellement de fois qu'il tente d'introduire ce genre de loi, cela fait tellement de fois que la population dit non que c'est presque de la provocation publique de tenter de la ramener une autre fois.

Au lieu de rendre obligatoire la fluoration des eaux potables, si le gouvernement était responsable, il l'interdirait totalement à moins que, sur un territoire donné, la population ne la demande par voie de référendum. Cela veut dire qu'on va demander au gouvernement de faire non pas marche arrière, mais marche avant — parce que c'est de la marche arrière qu'il fait présentement — et d'exiger qu'il y ait des référendums sur tous les territoires où il y aura des gens intéressés à faire de la fluoration d'eau potable. Il y a une chose qui nous revient dans les différents dossiers techniques qui nous sont soumis par le ministère.

J'ai été assez surpris de voir que, malgré les subventions gouvernementales, malgré que le gouvernement soit prêt à payer pour l'installation des appareils de fluoration, depuis 1970 — nous savons qu'il y a 92 municipalités seulement où on a installé la fluoration, 41 systèmes ou 92 municipalités — depuis l'avènement du gouvernement libéral, seulement sept municipalités ont fait installer des systèmes de fluoration. Et encore, sur les sept, il y en a trois qui ne fonctionnent plus.

Alors, si cela n'était pas contesté, si c'était une véritable façon d'améliorer le sort des gens — je fais confiance à la population du Québec, elle est capable de savoir et de connaître les choses qui font son affaire et celles qui ne le font pas — si c'était véritablement une chose qui leur fait plaisir et qui les intéresse, il y en aurait plus que sept depuis 1970.

Par point de comparaison, c'est un peu la même histoire que les fusions de municipalités forcées. Vous vous rappelez que, dans ce domaine-là également, il y avait des subventions, des primes pour le fusionnement. On s'est aperçu que, même avec les primes pour le fusionnement, même avec les bonis pour le fusionnement, cela ne fusionnait pas fort. On s'est retrouvé devant l'Assemblée nationale, l'automne dernier, avec un projet de loi pour fusionner obligatoirement, par la force, certains territoires donnés. La même chose se produit pour la fluoration. Pourquoi ne pas attendre, si vous croyez — et je ne veux pas contester les savants experts qui viendront nous dire tous les avantages; je le sais, M. le Président, les trois quarts de nos documents sont rédigés par de savants experts qui vont venir nous expliquer les avantages.

Mais si c'est tellement avantageux, pourquoi l'imposer à ce moment-là? Quand c'est avantageux, ne croyez-vous pas que la population du Québec est capable de décider par elle-même si c'est avantageux pour elle ou si cela ne l'est pas? Pourquoi ne pas vendre l'idée à la population plutôt que de l'imposer par une loi? Ce sont des questions qu'on est en droit de se poser.

On souligne dans certains autres milieux que personne n'a le droit d'imposer par la force, comme c'est le cas présentement, comme c'est le cas par la tentative d'une nouvelle loi du gouvernement. C'est une question de libertés individuelles. Que ceux qui aiment ça en boivent. Que ceux qui aiment ça s'en procurent par les autres moyens qui sont à leur disposition. On n'a rien contre ça parce que la liberté individuelle veut dire que ceux qui aiment ça peuvent s'en acheter, que ceux qui aiment ça peuvent en boire; que ceux qui aiment ça qu'on les laisse faire. Mais que ceux qui n'en veulent pas, qu'on les laisse tranquilles également.

Vous savez, vous avez la charte des droits de

l'homme universelle. Vous avez la charte des droits de l'homme canadienne. Vous avez le bill 50, qui est la loi sur les libertés individuelles et fondamentales au Québec, qui est en cours de discussion présentement. On nous a dit, à une autre commission parlementaire, de quelle façon le gouvernement désirait respecter les droits individuels, les libertés fondamentales des individus. A cette commission-ci, vous êtes en train de vous préparer à violer les décisions qui seront prises par une autre commission dans le même gouvernement. En somme, M. le Président, je pense que c'est le bout mais c'est ce que, en fait, on est en train de se préparer à faire.

Certains disent que c'est de la médecine forcée. On laissera les experts nous en parler. Je n'ai pas l'intention de m'en prendre à ceux qui viendront devant la commission. On est là pour les écouter, on les écoutera. Mais quand même je souligne que certains nous soulignent que c'est de la médecine forcée. Bien, si c'est de la médecine forcée, comme le dit le professeur Arvid Carlson, du département de pharmacologie de l'Université de Gôteberg, en Suède, bien on n'a pas le droit de le faire non plus.

Evidemment, j'ai déjà entendu certains experts, et je vois le député de Rivière-du-Loup qui me regarde. C'est un dentiste. J'ai déjà entendu des gens comme lui dire: Bien oui, mais ce n'est pas porter atteinte aux libertés fondamentales et individuelles que d'imposer la fluoration. Quand vous prenez du sel qui est iodé, tout le monde en prend. Bien oui, c'est une comparaison qu'on nous fait souvent. Mais je voudrais rappeler à ces gens, sur la question du sel iodé, parce qu'on nous amène souvent cette comparaison-là, qu'on n'est quand même pas obligé d'utiliser ce sel.

Quand on est obligé d'aller chez notre médecin trop souvent et qu'on nous impose une diète, la première chose qu'on nous enlève, c'est le sel. Cela veut dire quand même que, du point de vue médical, il y aurait des questions à poser.

M. Lafrance: On garde le fluor.

M. Samson: Je ne suis pas un expert en cette matière; je ne poserai pas à l'expert, mais...

M. Lafrance: Ils notent jamais l'eau.

M. Samson: ...il reste une chose, c'est qu'on peut se poser un tas de questions. Le seul fait que ce soit contesté parmi les gens qui se disent des experts — nous, on ne l'est pas, mais il y en a qui le sont — devrait nous inciter à la prudence. On n'impose pas une chose aussi contestée. Evidemment, le fluor, certains de mes prédécesseurs ont dit que cela pouvait enrayer la carie dentaire chez les enfants. Bien entendu, c'est peut-être possible que cela enraie la carie dentaire. Est-ce qu'il n'y a pas d'autres désavantages qui sont, en fait, plus nombreux que l'avantage qu'on pourrait hypothétiquement retirer? On nous amènera peut-être des statistiques en nous disant que, dans tel territoire donné, il y a eu beaucoup moins de caries dentaires dans telle période donnée. J'espère que ceux qui nous amèneront ces statistiques nous amèneront égale- ment les statistiques pour nous démontrer dans quelle proportion les bureaux de dentistes auront fermé leurs portes dans ces territoires donnés. S'il y a eu 65% de moins de caries dentaires, est-ce qu'il y a 65% de moins de dentistes dans le même territoire? Est-ce qu'il y a 65% de moins de travail pour un dentiste dans le même territoire? J'espère qu'on nous amènera également ce genre de statistiques. Je n'ai pas, à ce que je sache, entendu dire encore que les corps professionnels s'étaient plaints du fait que les dentistes manquaient de travail, même dans les territoires où il y a de l'eau fluorée.

M. le Président, il y a une chose que je voudrais toucher également qui est importante pour l'intelligence du débat. C'est important de savoir qui cela va servir, en outre de ces déclarations d'ordre médical, si vous le voulez, la fluoration, qui fournit cela. Quand on fouille un peu, on découvre que celui qui, pour la première fois, a suggéré d'utiliser le fluorure de sodium pour fluorer les eaux potables, c'est un dénommé Cox, dans les années trente. Ce type, un biochimiste était à l'emploi du Mellon Institute, fondée en 1911, qui a été fondée par les frères Mellon, à ce moment propriétaires de l'Alcan, Aluminium Company of America. De là à prétendre qu'il y a des possibilités d'intérêts, il n'y a qu'un pas à franchir, car le Mellon Institute est au service des hommes d'affaires qui pouvaient à ce moment, pour une somme de $6,000 par année, louer les services d'un biochimiste ou d'un chimiste pour faire des études aux fins d'améliorer un produit ou de trouver un débouché à un produit.

C'est évident que, depuis longtemps, nous savons que les géants de l'aluminium ont des intérêts, en tout cas, à trouver des débouchés pour le fluorure de sodium qui provient d'un déchet de l'aluminium. Ce serait, évidemment, un débouché de tout repos. Je vois rire le ministre. Il va nous arriver avec un mémoire sur l'Alcan qui nous dira qu'elle n'en fabrique plus. J'ai des questions à lui poser à ce moment. Il y aura des réponses que nous exigerons de ces gens également.

M. Lafrance: Vous les poserez à l'Alcan.

M. Samson: Je les poserai au ministre aussi, parce que cela intéresse le ministre peut-être plus que l'Alcan encore.

M. Lafrance: On cherche un autre scandale?

M. Samson: M. le Président, nous disons ceci: Cela va servir à qui; cela? C'est important de le savoir. On sait une chose, par exemple. On ne sait pas, présentement, à qui cela va servir exactement, mais on sait une chose: qui va payer. On le sait. Ce sont les citoyens de la province de Québec qui vont payer malgré eux, si on laisse passer cela. Quant à nous, on ne votera pas en faveur d'un projet de loi qui sera une espèce de bien-être social pour les géants de l'aluminium ou de l'industrie des engrais chimiques ou d'autres formes. On ne votera pas pour cela.

M. le Président, nous allons tenter par tous les moyens — on ne se cache pas pour le dire — de faire

opposition à ce projet de loi. Nous allons, en ce sens, appuyer les mouvements qui ont déjà fait connaître leur opposition. Ils sont nombreux, les mouvements qui ont fait connaître leur opposition, mais ils se trouvent peut-être du côté de la clôture où on est le moins en position financière pour mener le débat. Nous avons vu, parmi les mémoires qui seront présentés, avec quelle capacité on pourra défendre ces mémoires, ceux qui sont favorables, et les autres qui sont défavorables au projet de loi, nous pouvons voir qu'ils sont beaucoup moins en mesure de le faire.

Le ministre nous a dit tantôt: On entendra des experts. J'ai su ce matin pourquoi il y avait seulement deux mémoires aujourd'hui. C'est qu'il y aura beaucoup d'experts qui viendront devant la commission. Est-ce que je dois comprendre qu'on ferait défaut aux règles de pratique de la commission? Est-ce que je dois comprendre qu'il y aura un privilège spécial pour ces deux mémoires? Nous connaissons tous les règles de pratique des commissions. Je n'ai pas d'objection cependant — je le dis immédiatement— à ce qu'on donne tout le temps voulu. Cela voudra dire qu'on donnera tout le temps voulu à tous les autres qui viendront, à d'autres occasions, à d'autres commissions parlementaires.

Egalement, je demanderai au ministre, puisque nous entendrons des experts qui représentent des organismes quand même capables de préparer des choses, capables de faire de la recherche, capables de faire des dépenses, qu'on accorde le même privilège aux opposants. Cela pourra aller jusqu'à inviter des experts devant cette commission, et il nous faudra peut-être demander à la commission de payer les frais de ces experts qui peuvent être obligés de venir de l'extérieur. C'est une question que je pose. Si l'on considère qu'il est valable de discuter cette question d'un point de vue scientifique et technique, en plus de l'autre question des droits individuels, des libertés individuelles et fondamentales, si on doit discuter sur une base scientifique, qu'on permette à l'Opposition de suggérer des noms et que nous ayons le budget nécessaire, parce que le ministère a un budget qui lui a permis de préparer des dossiers très bien étoffés qui ont exigé de la recherche, qui ont exigé des dépenses, ce que nous, dans l'Opposition, nous n'avons pas. Par contre, nous avons, dans l'Opposition, les noms de personnes qu'il peut être très intéressant de convoquer devant cette commission parlementaire, Albert Schatz, par exemple, de l'université Temple, qui a fait des recherches, particulièrementsurcetteques-tion. La biographie de ce personnage est volumineuse. Il serait très intéressant de l'inviter devant notre commission à venir nous expliquer son expérience de cette question de la fluoration des eaux potables.

Il y en a d'autres, M. le Président. J'ai nommé Albert Schatz comme exemple. Je dis que le gouvernement ne pourra pas facilement se soustraire à cette demande de l'Opposition s'il veut absolument débattre cette question d'un point de vue scientifique.

M. le Président, je n'irai pas plus loin pour le moment. J'ai beaucoup d'autres choses à dire. Je vais en réserver pour un peu plus tard. Je pense que, pour le moment, notre rôle est d'écouter nos invités. Nous leur poserons peut-être des questions concernant les mémoires qui seront présentés devant nous. Je dis à nos invités que, bien que notre position soit claire, nous les recevons avec beaucoup de plaisir et que nous les écouterons très attentivement.

Le Président (M. Pilote): Le député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): D'abord, M. le Président, je remercie le ministre de nous avoir convoqués à la commission parlementaire pour étudier les implications du bill 88. Je voudrais simplement faire une remarque, comme je l'ai fait tout à l'heure à la commission parlementaire de l'agriculture.

Cela devient très difficile pour nous, parce que mon caucus est unanime, mais je suis seul à faire toutes les commissions parlementaires et c'est très difficile. Il y a, par exemple, des semaines où les commissions parlementaires ne siègent pas. Je prétends qu'en vertu de l'ancien règlement il y avait un article particulier où lorsqu'un député était forcément empêché d'assister à une commission parlementaire, le gouvernement pouvait connaître certaines sanctions.

Je dis qu'on pourrait peut-être sièger plus souvent, mais pi us régulièrement que de siéger la même journée à trois commissions parlementaires. J'ai été obligé de déposer mon mémoire à la commission de l'agriculture tout à l'heure, avec la permission du président qui a consenti et je devrai dans quelques minutes aussi aller à une autre commission parlementaire de l'Assemblée nationale où il y a un autre problème qui m'intéresse aussi.

Mais je dis simplement, M. le Président, que le gouvernement devrait tâcher d'aérer un peu les commissions parlementaires pour nous permettre, pas seulement à moi, mais à bien d'autres députés peut-être de donner notre opinion sur des sujets précis.

Vous savez aujourd'hui, ici, je vois des députés qui seraient peut-être intéressés à la commission de l'agriculture, particulièrement à l'agriculture. Ils sont obligés probablement de faire quorum et d'être ici. S'il y avait moyen de faire un agencement des commissions parlementaires, parce que la semaine dernière on n'a pas travaillé. On a travaillé, mais il n'y a eu aucune commission parlementaire; c'est ce qui fait qu'aujourd'hui on en a trois la même journée.

Maintenant, avant que nous entendions les représentants des organismes qui ont demandé à comparaître devant cette commission, je pense qu'il est de mon devoir de faire des remarques qui sont très préliminaires. Si j'ai voté contre ce projet de loi déguisé en première lecture, en décembre dernier, c'est parce que je suis convaincu qu'il ne répond pas à l'objectif visé, c'est-à-dire à la protection de la santé publique. Contrairement au ministre des Affaires sociales qui semble rejeter du revers de la main les arguments des opposants de la fluoration, sous prétexte — et je le cite — qu'ils sont "de nature

plus philosophique que scientifique et ne résistent pas à l'analyse des données" (le Devoir du mercredi 20 mars 1974) je maintiens que, tant du point de vue scientifique que philosophique, il existe suffisamment de doutes, à l'heure actuelle, sur les effets nocifs de la fluoration obligatoire des eaux de consommation pour justifier une attitude beaucoup plus prudente et sage de la part du gouvernement.

Je veux attirer l'attention de la commission sur un fait qui paraît particulièrement inquiétant, très symptomatique de la manière cavalière avec laquelle le gouvernement actuel se moque de la démocratie la plus élémentaire et des libertés individuelles.

Le prédécesseur du ministre actuel, M. Claude Castonguay, a, lui aussi, présenté un projet de fluoration des eaux de consommation en 1972. Il s'agissait, à l'époque, du projet de loi no 31, intitulé Loi de la fluoration des eaux de consommation. Ce projet de loi no 31 consacrait une section entière, la section IV, à la possibilité pour les habitants d'une ville ayant une usine de filtration de se prononcer par référendum sur l'opportunité de procéder à la fluoration des eaux de consommation.

En vertu de ce premier projet de loi, 10% des personnes majeures alimentées par une usine de filtration ou 5,000 d'entre elles pouvaient, en tout temps, exiger la tenue d'un scrutin sur l'opportunité de fluorer l'eau fournie par l'usine ou, s'il existe un appareil de fluoration, sur l'opportunité d'en cesser l'opération. Je suis d'avis que mes collègues de l'Opposition ont fortement appuyé sur le mot "référendum".

Pourquoi le gouvernement a-t-il omis d'inclure dans cette deuxième version les seuls articles qui assuraient une certaine porte de sortie aux gens qui ne croyaient pas aux bienfaits de la fluoration? Pourquoi ce qui est si bon et juste en 1972 est-il devenu soudainement indésirable en 1975? Pourquoi le gouvernement craint-il, aujourd'hui, un référendum sur la question de la fluoration des eaux de consommation? Qu'y a-t-il de plus démocratique et, disons-le, de plus libéral que de permettre aux habitants d'une ville de se prononcer librement sur un point aussi controversé, qui affecte directement la santé personnelle et la liberté individuelle de chacun?

Or, le gouvernement fait volte-face. Il doit nous donner sûrement les raisons qui l'ont motivé d'agir dans ce sens.

Il y a un autre point, celui-ci beaucoup plus technique, se rapportant directement à la substance chimique du fluor, qui m'a laissé songeur, sur la nocivité du fluor et la procédure délicate et extrêmement compliquée que les employés préposés à la manipulation du fluor dans les usines de filtration sont tenus de suivre, pour leur propre protection physique. Le mémoire de la ville de Laval est très révélateur sur ce point, voir aux pages 22 et 23 du mémoire de Laval. Ainsi, les opérateurs doivent, premièrement, porter une paire de gants à manches longues; deuxièmement, une paire de lunettes protectrices; troisièmement, une paire de bottes en caoutchouc; quatrièmement, un masque au besoin pour les protéger des poussières toxiques.

J'aurai, pendant l'étude en commission parlementaire, une petite expérience à tenter avec l'honorable ministre. Je lui demanderai de boire une certaine eau dans laquelle je déposerai du fluor. S'il a le courage de la boire devant moi, sans restriction, je commencerai à avoir un peu plus confiance.

M. Lachance: ...1.2 par million de...

M. Bellemare (Johnson): Une minute, une minute, on va mettre la boîte sur la table puis on va lire ce qu'il y a dessus, dont on se sert actuellement, puis on le dira après ça.

Ne faisons pas de débat, là...

M. Lachance: Si vous êtes capable de nous garantir que vous êtes capable de contrôler la concentration, on va la boire.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, le député n'a pas la parole, il est peut-être un bien gentil garçon...

M. Lachance: Merci.

M. Bellemare (Johnson): ...mais qu'il attende donc, il nous fera son examen comme moi, je le fais.

M. Lachance: D'accord.

M. Bellemare (Johnson): Je pense que c'est une liberté parlementaire d'exposer son point de vue. Moi, je suis contre.

M. Lachance: Vous nous proposez un défi, je le relève.

M. Bellemare (Johnson): Si je suis contre, lui, il sera pour.

M. Lachance: D'accord.

M. Bellemare (Johnson): Alors, il en boira, M. le Président, devant nous autres, par exemple.

C'est-à-dire qu'il s'agit d'un produit extrêmement dangereux, M. le Président, et toxique. Cela est ma boîte, mais je ne ferai pas cela tout de suite. Je vais attendre parce qu'il ne faut pas que je touche à cela. C'est cela qu'on met dans l'eau, on ira en mettre tout à l'heure. Pas aujourd'hui, cela va venir plus tard.

M. Samson: Pas de ce côté-ci de la table, de toute façon.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je continue... extrêmement dangereux, poison vif. Cela va faire mal à quelqu'un, certainement. J'invite donc les membres de cette commission, ainsi que les représentants des organismes qui se présenteront devant nous, dans les jours qui viennent, à prendre bonne note que les opposants à la fluoration obligatoire des eaux de consommation ne sont pas, comme on le laisse entendre fréquemment, des charlatans, des illuminés ou des rêveurs.

Peut-on soutenir que M. Pierre-J. Morin, chargé d'enseignement au département de médecine de l'université Laval et membre du centre de recherche de l'hôpital Laval, M. Paul-Emile Roy, pathologiste, professeur de médecine à Laval et membre du centre de recherche de l'hôpital Laval, et M. Boutet, pathologiste, professeur de pathologie à Laval et membre du centre de recherche à l'hôpital Laval, lesquels ont déclaré, avec preuves a l'appui, dans le avoir du lundi 27 janvier 1975, que "du point de vue cientifique, la fluoration des eaux du Saint-Laurent paraît inacceptable", doit-on conclure que ces gens sont des imbéciles, des rêveurs, qu'ils disent des sottises parce qu'ils s'opposent à la fluoration?

En 1972, un groupe de quinze professeurs de l'université Laval, spécialistes en biologie, sciences de l'alimentation et de la nutrition, se sont prononcés dans le même sens, comme on peut le voir dans le Soleil du 6 juillet 1972.

Et que dire, M. le Président, des oppositions catégoriques qui viennent de gens aussi connus et prestigieux dans le monde scientifique que les récipiendaires suivants du prix Nobel: le Dr HugoTheorell, biochimiste suédois et directeur de l'Institut médical Nobel à Stockholm, le Dr James Summer, chimiste de l'université Cornell de New York? Je pourrais vous en citer une liste quasi inépuisable, à partir du Conseil national des recherches du Canada, voir la publication no 12,221, "Environmental Fluoride" par J.-R. Marier et Dyson Rose, au scientifique américain bien connu, le professeur Albert Schatz, microbiologiste.

J'ai eu le temps de lire quelques mémoires qui nous ont été soumis d'avance et j'ai constaté qu'on nous parle souvent de telle ou de telle municipalité américaine qui a adopté la fluoration, mais jamais des quelque 180 municipalités de ce même pays qui l'ont essayée et ensuite l'ont abandonnée.

Aucun ne semble faire état des pays tels que la Suède et la France qui ont refusé catégoriquement d'appliquer la fluoration obligatoire à l'échelle du pays. Faut-il rappeler qu'un groupe de scientifiques français, dont le DrB. Ninard, grand spécialistede la qualité des eaux auprès du ministère de la Santé de France, qui était de passage au Québec en mars 1973, ont qualifié publiquement la fluoration des eaux de consommation de concept dépassé en ajoutant que la France avait jugé une telle mesure inutile, coûteuse et fort contestable.

Au lieu de se servir de l'argument voulant que le fluor combatte la carie dentaire pour justifier la fluoration obligatoire des eaux de consommation, le ministre devrait plutôt mettre l'accent, s'il désire réellement combattre la carie dentaire, sur un programme de sensibilisation et d'information touchant toutes les méthodes de prévention connues à l'heure actuelle, nutrition, hygiène dentaire et le reste. J'aurai, M. le Président, l'occasion, lors de l'étude en deuxième lecture en Chambre du projet de loi 88, de revenir sur plusieurs de ces points et probablement d'autres. J'ose croire que, dans sa réplique, au plus tard lors de l'étude en deuxième lecture, le ministre pourra répondre aux questions que j'ai soulevées au début de mon exposé. Merci, M. le Président. Merci, messieurs les membres.

Le Président (M. Pilote): Le député de Rivière-du-Loup.

M. Lafrance: Merci, M. le Président. Je crois que nous sommes à étudier un projet de loi qui sera extrêmement important pour le moment et les années à venir. Je voudrais féliciter le ministère des Affaires sociales d'avoir préparé un dossier technique sur la fluoration en 1974, sur l'état de la fluoration dans le monde, au Québec et au Canada. A la lumière de ce document, si on s'est donné la peine de le lire et de le méditer, je crois qu'il y a des affirmations là-dedans qui sont tout de même valables et dont il faudra tenir compte dans l'étude du projet de loi. On a même poussé beaucoup plus loin, en sortant les arguments contre la fluoration et on en a discuté ouvertement dans le dossier. Je ne peux faire autrement que de féliciter le ministre et son équipe d'avoir préparé ce document qui, à mon avis, est un document de valeur pour l'étude d'un tel projet de loi.

Par contre, je voudrais relever quelques affirmations qui ont été faites depuis le début de la commission parlementaire en mentionnant, par exemple, qu'une municipalité pourrait, par référendum, se retirer du programme de fluoration. Remarquez, M. le Président, qu'à première vue cela peut paraître rébarbatif. On pourrait dire pourquoi imposer une loi ou faire une loi et permettre à des municipalités de s'en retirer. Sous certaines réserves, je serais prêt à l'accepter, si on disait, par exemple, pour les mêmes motifs, que, par référendum ou encore, étant donné que le gouvernement a la responsabilité de faire des lois, le gouvernement pourrait dire aussi: Les municipalités qui n'auront pas d'eau fluorée ne pourront pas bénéficier des soins de l'assurance-santé dentaire, parce que la fluoration des eaux de consommation est une mesure préventive — et je crois que le gouvernement a voulu justement prévenir la carie dentaire, et c'est prouvé, à l'heure actuelle, scientifiquement, que la carie dentaire sera diminuée de 60% à 70% si les eaux de consommation sont fluorées.— Pourquoi le gouvernement paierait-il pour des soins dentaires alors qu'on ne veut pas accepter la prévention? C'est une mesure préventive que le gouvernement veut prendre, et si on a choisi la méthode de fluoration des eaux de consommation, c'est que, preuves à l'appui, c'est la meilleure méthode actuellement.

Si on s'est donné la peine de regarder attentivement les documents, parce qu'on a parlé beaucoup de coûts tout à l'heure, on va en prendre, parce que les chiffres parlent d'eux-mêmes. Il a été établi que chaque fois que l'on dépense $100,000 pour la fluoration de l'eau, on évite 660,000 caries ou cavités probables dont la réparation coûtait, il y a quelque temps, environ $6 en moyenne et aujourd'hui coûte beaucoup plus cher, ce qui représente un total de $4 millions, alors que, si on parle de coûts pour la fluoration, en plus de l'investissement pour l'appareil, il en coûte en moyenne par année, par individu, $0.10.

Si on veut parler de la fluoration du lait, le fluorer et le distribuer aux enfants, il en coûtera annuellement par enfant $2.14 au lieu de $0.10. Si on veut

parler d'économie, je crois que la meilleure façon est de f luorer les eaux de consommation et non pas de fluorer le lait. Pour différentes autres raisons aussi, à savoir que ce ne sont pas tous les enfants parce qu'il y a certains enfants qui, à un moment donné, dès le bas âge, ont décidé de ne plus boire de lait pour différentes raisons et qu'on n'est pas capable de contrôler. Alors que l'eau sera toujours fluorée, quand on prépare les aliments ou quoi que ce soit, le fluor sera toujours là.

On dit qu'on est contre, qu'on va voter contre. Je crois que c'est se prononcer un peu trop rapidement sur un tel projet de loi. On a beau être contre, il faut respecter, justement, ce que nos membres de l'Opposition ont dit, je le respecte aussi. Avant de se prononcer contre, il faudrait tout de même avoir une conscience éclairée, il faudrait prendre connaissance et écouter ceux qui ont des choses à dire sur la fluoration comme il faudrait écouter aussi ceux qui ont des choses à dire contre la fluoration. Là-dessus, je crois qu'on rejoint les membres de l'Opposition. On voudrait que vous ayez aussi un esprit ouvert à ce sujet.

Il y a une chose qui me surprend énormément, j'ai déjà entendu un membre de cette Chambre et un membre de cette commission dire que la fluoration ou l'excès de fluor pouvait causer le ramollissement du cerveau. Est-ce que, si réellement on pense une chose semblable...

M. Samson: M. le Président, j'invoque le règlement, parce qu'on semble vouloir citer quelqu'un de cette commission...

M. Lafrance: Je ne savais pas qui c'était, là, je le reconnais.

M. Samson: ...on a également le droit de demander le nom de cette personne.

M. Lafrance: Je n'ai pas besoin de le mentionner, je crois qu'il s'est reconnu.

M. Samson: Mentionnez-le.

M. Lafrance: Non, ce n'est pas nécessaire.

M. Samson: Mentionnez-le, dites quand.

M. Lafrance: De toute façon...

M. Samson: M. le Président, c'est mon droit.

M. Lafrance: Non.

M. Samson: Puisqu'on semble vouloir mettre en doute quelqu'un qui est membre de cette commission, c'est mon droit d'exiger qu'on cite qui, quand, comment, dans quelle circonstance, c'est mon droit, M. le Président.

M. Lafrance: Non, je le dirai si...

M. Samson: M. le Président...

M. Lafrance: Ce n'est pas votre droit, j'ai le droit de dire ce que je veux à la commission, comme le député de Rouyn-Noranda a le droit de dire ce qu'il veut.

M. Samson: J'exige, M. le Président, c'est un privilège.

M. Lafrance: M. le Président, j'ai la parole.

M. Samson: C'est une atteinte aux privilèges des membres de l'Assemblée nationale de laisser planer quelque doute comme c'est le cas présentement...

M. Lafrance: M. le Président, j'ai la parole.

M. Samson: ...pour le député de Rivière-du-Loup qui laisse planer des doutes quant à la valeur de certaines déclarations d'un membre de l'Assemblée nationale, on a droit de savoir et d'exiger de lui qu'il nous dise qui, quand, comment, dans quelles circonstances.

M. Lafrance: Non, M. le Président, vous n'avez pas le droit.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est au président de décider, M. le Président, il me semble que c'est à vous que je m'adresse.

M. Lafrance: De toute façon...

M. Samson: M. le Président, c'est à vous qu'on s'adresse.

Le Président (M. Pilote): A l'ordre! A l'ordre!

M. Samson: C'est à vous qu'on s'adresse, M. le Président.

M. Lafrance: J'ai la parole, M. le Président?

M. Bédard (Chicoutimi): C'est au président de décider.

Le Président (M. Pilote): C'est moi qui ai la parole. Je ne pense pas que celui qui a la parole soit forcé de mentionner des dates, etc., je pense qu'il a voulu faire un écart, si vous voulez...

M. Samson: M. le Président... M. Lafrance: M. le Président...

M. Samson: M. le Président, j'invoque le règlement!

M. Lafrance: M. le Président, vous venez de prendre une décision très sage et je vous en remercie.

M. Samson: J'invoque le règlement, M. le Président, votre décision n'est pas encore rendue, on a le droit de faire valoir nos points de vue.

Le Président (M. Pilote): Je ne crois pas qu'on puisse obliger...

M. Samson: Au point de vue du règlement, M. le

Président, si le député maintient son affirmation, je dis qu'à ce moment-là il y a une question de privilège des membres de l'Assemblée nationale, on n'a pas le droit de laisser planer de doutes, comme ça, à moins que le député veuille bien retirer les doutes qu'il laisse planer. A ce moment-là, je n'aurais pas d'objection à le laisser continuer, sansexplications.

M. Lafrance: M. le Président...

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, en tant que...

M. Lafrance: Sur le point de règlement, M. le Président...

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président. Le Président (M. Pilote): Oui, d'accord.

M. Lafrance: ...j'ai le droit de parler, je crois que la solution est bien simple, c'est que je ne voudrais pas tomber dans les mêmes, je ne dirai pas dans le même bourbier que certains députés qui ont porté des accusations ou qui se sont rendus a l'hôpital au lieu de comparaître devant les commissions parlementaires, de toute façon...

M. Samson: M. le Président, c'est un autre doute qui est semé à l'endroit de l'intégrité des membres de la commission parlementaire.

M. Lafrance: Ce n'est pas un doute.

M. Samson: M. le Président, on ne peut pas accepter ça, vous allez demander au député de retirer ses paroles.

M. Lafrance: Je n'ai rien à retirer. M. Samson: Voyons donc!

Le Président (M. Pilote): Je vous inviterais à revenir à la pertinence du débat.

M. Lafrance: M. le Président, j'y reviens...

M. Samson: On a des privilèges, on ne laisse pas planer de doutes comme ça à l'endroit des députés.

M. Lafrance: J'y reviens, M. le Président, mais si de toute façon on affirme des choses semblables, qu'il peut y avoir ramollissement du cerveau, je voudrais vous mentionner...

M. Samson: M. le Président, j'invoque le règlement. Il vient de récidiver, M. le Président, on a le droit d'exiger des explications. Vous ne pouvez pas laisser planer de doutes à l'endroit des membres de l'Assemblée nationale comme cela se fait présentement. Je vous demande de demander au député de Rivière-du-Loup de s'expliquer ou de retirer ses paroles.

M. Lafrance: M. le Président, au 1er janvier 1974, il y avait 829,598 personnes au Québec qui buvaient de l'eau fluorée. Je crois, M. le Président, que ce ne sont pas tous des malades, d'autant plus que si on se donne la peine de regarder les municipalités qui ont l'eau fluorée naturellement et artificiellement, depuis mai 1971, Rouyn-Noranda fluore ses eaux de consommation.

M. le Président, rendu à ce stade-ci, il y a 92...

M. Samson: Est-ce qu'on pourrait demander à l'honorable député depuis combien d'années il utilise le fluor par le moyen de capsules?

M. Lafrance: Ah oui! si vous voulez qu'on vous le fasse, on va vous le faire.

M. Samson: Depuis combien d'années le faites-vous?

Le Président (M. Pilote): Quand même, il y a une discussion qui...

M. Lafrance: II n'y a pas de problème, M. le Président...

Le Président (M. Pilote): On est ici pour entendre...

M. Lafrance: On peut en parler, des capsules.

Le Président (M. Pilote): Dépêchez-vous de conclure.

M. Samson: M. le Président, je vous demande de rappeler le député à l'ordre. S'il veut faire des personnalités, qu'il ait le courage d'expliciter ce qu'il a dit tantôt, le courage d'apporter les explications que je lui ai demandées.

M. Lafrance: Vous voudriez que j'en cite 829,598?

M. Samson: Apportez-les, les explications. Il a laissé planer des doutes, M. le Président, à l'endroit de certains membres de l'Assemblée nationale, et cela, on ne l'admettra pas.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, j'appuie la demande du député de Rouyn-Noranda, parce que le député s'est permis de parler de ramollissement du cerveau et a indiqué très clairement qu'il voulait viser un membre de cette commission, commission à laquelle nous siégeons. Je pense qu'il est important — peut-être de ne pas indiquer les dates et lieu où cela a pu se faire, ces déclarations — au moins, qu'il nous dise quel membre de la commission il veut viser spécifiquement. Sinon, qu'il retire ses paroles!

M. Lafrance: M. le Président, on n'a pas le droit de me prêter des intentions.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est vous qui n'avez pas le droit de faire des affirmations à peu près.

M. Samson: C'est simplement parce qu'il prête des intentions à tout le monde qu'on le... Il ne veut pas qu'on lui en prête, voyons donc!

Le Président (M. Pilote): A l'ordre!

M. Bédard (Chicoutimi): On n'a pas le droit de faire des déclarations à peu près non plus.

M. Lafrance: M. le Président... Le Président (M. Pilote): A l'ordre! M. Lafrance: M. le Président...

M. Samson: Vous avez assez de budget, au gouvernement, pour préparer vos dossiers, tâchez de les connaître.

M. Lafrance: M. le Président, voulez-vous rappeler le député de Rouyn-Noranda à l'ordre?

Le Président (M. Pilote): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Samson: M. le Président, on vient de me faire des menaces de l'autre côté de la table.

M. Gratton: Oui, et il est gros à part cela. Il est capable.

Le Président (M. Pilote): A l'ordre, messieurs!

M. Samson: On n'endurera pas cela, M. le Président.

Le Président (M. Pilote): Si vous voulez qu'on suspende pour cinq minutes pour compléter l'en-gueulade, on va suspendre cinq minutes et on reviendra.

M. Samson: Oui, mais occupez-vous des libéraux un peu.

Le Président (M. Pilote): La parole est au député de Rivière-du-Loup qui voudra bien donner des explications sur ce qu'il vient de dire.

M. Lafrance: M. le Président, je veux terminer assez rapidement, parce que j'ai hâte d'écouter les experts dont parlait le député de Rouyn-Noranda. Ils ont certainement des choses intéressantes à nous dire. Je vous demanderais d'écouter beaucoup plus attentivement les experts que vous venez de m'écouter.

M. Samson: D'ailleurs, cela va m'intéresser beaucoup plus de les entendre, eux, que de vous écouter, vous.

M. Lafrance: M. le Président, est-ce que j'ai la parole ou si c'est le député de Rouyn-Noranda? Je vais vous écouter, M. le Président, je vais me taire si vous lui accordez la parole. Je voudrais que le député de Rouyn-Noranda collabore autant que je l'ai fait envers lui.

M. Samson: J'invoque le règlement. Je n'ai jamais demandé au député de se taire, j'ai demandé au député d'être plus intelligent.

M. Lafrance: Alors, il faudrait vous demander la même chose. De toute façon, M. le Président, il y a 92 municipalités — le député de Rouyn-Noranda l'a dit — qui fluorent les eaux de consommation au Québec, dont sept depuis 1970, dont Rouyn-Noranda depuis mai 1971, pour votre information.

Le député de Rouyn-Noranda a oublié de dire, par exemple...

M. Samson: M. le Président... M. Lafrance: Laissez-moi finir.

M. Samson: M. le Président, j'invoque le règlement. On est en train de citer la ville où je demeure comme exemple, en oubliant de dire que cela s'est fait sans que personne en ait connaissance, en oubliant de dire qu'il n'y a pas eu de référendum, en oubliant de dire que jamais cela n'a été publié, en oubliant de dire que seulement dernièrement, on a su que nous avionsde l'eau fluorée, à l'encontredes sentiments de la population...

Le Président (M. Pilote): A l'ordre!

M. Samson: Pensez-vous qu'on va laisser faire cela, M. le Président? On discute ici de libertés individuelles et on va les laisser... Voyons donc!

M. Lafrance: Ce n'est pas cela, M. le Président. Je n'ai jamais interrompu le député de Rouyn-Noranda durant son exposé.

M. Samson: Continuez à attaquer. M. Lafrance: Jamais!

M. Samson: Continuez à attaquer, vous allez avoir de la misère...

M. Lafrance: Vous répondrez, vous aurez le temps de répondre.

M. Samson: On ne vous laissera pas faire comme cela.... vos intérêts.

M. Lafrance: J'étais à dire qu'il y a près d'un million de personnes à l'heure actuelle, au Québec, qui boivent de l'eau fluorée. Tout à l'heure, je ne sais pas trop quel genre de "show" on voulait faire en apportant justement un pot de fluor, mais si on veut justement étudier le fluor en détail, c'est assez facile. Ce ne sera pas mon rôle de le faire ici. On pourra poser des questions aux experts qui viendront et ils pourront nous dire que le fluor est un allogène de la même famille que le brome, le chlore et l'iode. Vous allez dire que ce sont des poisons, oui, cela peut être des poisons.

Mais en concentration de 1.2 partie par million d'eau, c'est clair qu'il n'y a aucun problème et c'est prouvé. S'il y a plus que 1.2, il peut y avoir des problèmes. Vous pourrez aussi poser des questions

là-dessus et on vous répondra. On vous répondra aussi sur les problèmes de concentration et sur la façon de contrôler... Pour revenir au défi que nous proposait le député de Johnson tout à l'heure, s'il est capable de me garantir et de me prouver qu'il met exactement 1.2 partie de fluor par million de parties d'eau, je n'aurai aucune hésitation à boire l'eau qu'il me donnera, mais il n'est pas capable de me le faire scientifiquement aujourd'hui. Demain ou encore durant la... Qu'il apporte de l'eau, parce qu'il y a de l'eau fluorée, une partie par million d'eau; la preuve, c'est qu'il y a 825,000 Québécois qui en buvaient en 1974.

M. le Président, à 1.2 partie par million d'eau, on apportera l'argument suivant: Que l'eau change de goût, que l'eau change de couleur. Il faut tout de même être logique et se rendre à l'évidence que 1.2 partie par million de parties d'eau... Il faudrait d'abord connaître la coloration du fluor naturel et, si une partie par million colore l'eau, j'en reviens à une comparaison qui pourra paraître boiteuse, mais qui est tout de même logique. S'il y a un million d'habitants au Québec et qu'il y en a 999,999 qui ne sont pas créditistes, le dernier, on ne le sent pas. Cela ne paraît pas, cela ne change pas le goût, cela ne change rien dans une province. Cela ne change rien, une partie de fluor par million de parties d'eau.

M. Samson: Vous venez de dire une vérité. Ils ne sont pas tous créditistes, il y a eu quelques libéraux la dernière fois.

M. Lafrance: D'ailleurs, M. le Président, on en a deux sur 110 et cela ne paraît pas plus. Un sur un million, cela ne paraît pas plus, M. le Président.

De toute façon, M. le Président, j'ai hâte comme vous d'entendre nos experts. Il est onze heures quinze et je pense qu'on devrait commencer.

Le Président (M. Pilote): Oui, j'inviterais le Dr Charles-E. Gosselin, le président de l'Ordre des dentistes du Québec, à venir présenter son mémoire. Si vous voulez identifier les personnes qui vous accompagnent.

Ordre des dentistes du Québec

M. Gosselin (Charles-E.): M. le Président, j'ai à ma droite, le Dr Marcel Archambault qui est le regis-traire de l'Ordre des dentistes, de même que le Dr Pierre-Yves Lamarche qui est le registraire adjoint.

M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, MM. les membres de cette commission, mesdames et messieurs...

Le Président (M. Pilote): Vous pourriez être plus près du micro.

M. Gosselin:... au nom de l'Ordre des dentistes du Québec, je désire, en tout premier lieu, vous remercier pour l'occasion qui nous est offerte d'exprimer une fois de plus notre appui le plus formel à la fluoration des eaux de consommation.

Il n'est pas dans mon intention, en vous présentant le mémoire de l'Ordre des dentistes, de traiter de cette mesure d'une façon exhaustive. Ce n'est pas l'objet d'une telle intervention. Mais qu'il me soit permis de porter à votre attention certains aspects dont l'importance est digne de mention.

La carie dentaire est une maladie qui atteint presque 100% de toute la population et, le plus souvent, à partir de l'âge de trois ou quatre ans. Cette maladie, pour une foule de raisons, atteint la population du Québec avec une intensité particulièrement grave. La détérioration des dents occasionne souvent des foyers d'infection pouvant porter atteinte à la santé générale des individus.

Certaines lésions dentaires peuvent, dans certains cas, provoquer des pathologies générales de gravité variable. Elles peuvent même être à l'origine de tumeurs cancéreuses. Si l'on ajoute à ce triste tableau la douleur que cause souvent une ou plusieurs dents malades, les inconvénients fonctionnels ainsi que les pertes de temps qu'occasionnent des absences au travail, dues particulièrement aux maladies dentaires ou à leur traitement, nous nous rendons facilement compte que nous faisons face à un problème dont l'importance ne saurait être sous-estimée.

Il existe, à notre connaissance, plusieurs moyens d'efficacité variable.

Le Président (M. Pilote): Est-ce que c'est un résumé de votre mémoire?

M. Gosselin: Non, c'est tout simplement une présentation que je fais, ce n'est pas dans votre document.

Le Président (M. Pilote): Ah bon!

M. Gosselin: C'est mon petit discours à moi tout seul. Il existe, à notre connaissance, plusieurs moyens d'efficacité variable pour diminuer la carie elle-même ou les ravages qu'elle cause: soins dentaires, hygiène, habitudes alimentaires, etc.

Cependant, la fluoration, preuves à l'appui, s'avère être le moyen moderne le plus efficace pour prévenir la carie. En effet, cette mesure diminue l'incidence de caries jusqu'à 60% chez les individus qui en bénéficient.

A une concentration déterminée, la présence du fluorure atteint son efficacité maximale sans aucun inconvénient pour l'organisme humain. L'addition de fluorure à l'eau de consommation demeure un moyen sans danger, peu coûteux et de contrôle facile. Elle a l'avantage de bénéficier à toute la population indistinctement de son âge ou de sa condition.

Actuellement, subjuguer les conséquences de la carie dentaire représente des coûts extrêmement importants tant pour les individus que pour l'Etat. A l'heure où la montée en flèche des coûts de la santé, y compris les soins dentaires, inquiète les gouvernants, nous devons considérer avec un intérêt soutenu toute mesure susceptible de prévenir la maladie.

Plus spécifiquement, la fluoration des eaux de consommation au Québec demeure une mesure efficace, économique et sans danger pour la population et susceptible d'assurer aux Québécois une

meilleure santé buccale et générale et contribuera, nous en sommes assurés, à des économies.

L'Ordre des dentistes, au nom de sa préoccupation fondamentale qui est d'assurer au public une meilleure santé dentaire par de meilleurs soins, considère comme un devoir et une obligation d'appuyer le présent projet de législation visant à faire bénéficier la population québécoise des bienfaits de la fluoration des eaux de consommation.

M. le Président, M. le ministre, MM. les députés membres de cette commission, mesdames et messieurs, au nom de l'Ordre des dentistes, je vous prie de recevoir ce mémoire appuyant officiellement le projet de loi no 88 concernant la fluoration des eaux de consommation. Je vous remercie.

M. le Président, serait-il dans l'ordre que je lise le mémoire comme tel ou, si tout le monde en a déjà pris connaissance, aimeriez-vous plutôt passer à la discussion du mémoire?

Le Président (M. Pilote): Pourriez-vous, M. Gosselin, faire un résumé très bref du mémoire, quitte, ensuite, à ce qu'on passe à une période de questions?

M. Gosselin: Disons que le mémoire, en soi, est assez court. Nousyfaisonsd'abord un historiquedu fluor, nous portons à l'attention de la commission le fait que ce que nous appuyons, c'est une fluoration contrôlée des eaux de consommation. Je pense que c'est une chose qu'il ne faut pas oublier dans la discussion, que c'est une fluoration contrôlée.

C'est sûr, comme on l'a souvent mentionné, que le fluor est un poison.

M. Samson: M. le Président, j'invoque le règlement. Serait-il possible de demander à notre invité... Je pense que son mémoire a, en fait, neuf pages.

M. Gosselin: C'est ça, il est très court.

M. Samson: Peut-être, pour la meilleure compréhension de tout le monde, qu'il serait mieux que vous nous lisiez les neuf pages et, par la suite, on pourra commencer la discussion, si vous êtes d'accord.

M. Gosselin: Cela prendrait, à peu près cinq ou sept minutes à le lire.

Le Président (M. Pilote): Allez.

M. Gosselin: D'accord?

Le Président (M. Pilote): Oui.

M. Gosselin: Le fluor est un élément naturel occupant le seizième rang parmi les constituants de la couche terrestre et c'est pourquoi nous le retrouvons dans la presque totalité des aliments que nous mangeons tous les jours. Même la plupart des eaux de consommation sont naturellement fluorées, mais à des concentrations variant de quantité insuffisante à exagérée.

Il est donc clair, depuis que le monde est monde, que des populations entières ont bu et boiront de l'eau fluorée, mais sans contrôle de la teneur en fluor si un mécanisme n'est pas mis en place à cette fin.

Nous donnons, en annexe I, le nom de certaines municipalités du Québec où l'eau est naturellement fluorée. Nous pouvons donc la définir comme étant une mesure de santé publique qui consiste à ajuster la teneur du fluor dans l'eau à une concentration déterminée qui est, pour la province de Québec, de 1.2 partie de fluor pour un million de parties d'eau. L'historique que l'on trouve en annexe II s'avère très révélateur de la réalité vécue depuis toujours de l'eau fluorée et c'est pourquoi, messieurs, il est important de nous poser les questions suivantes: Est-ce que la fluoration est l'application d'une théorie résultant de recherches faites en laboratoire? Evidemment non. Serait-ce la conclusion d'expériences faites, avec succès, sur des animaux de laboratoire que des savants voudraient maintenant implanter parmi les humains? Non plus. La fluoration contrôlée de l'eau est le fruit de faits vécus, c'est la fluoration naturelle mais d'une façon contrôlée.

Si le fluor, qui est reconnu comme un élément nutritif essentiel à l'organisme par les Council's Food of Nutrition Boards des Etats-Unis et du Canada, est en quantité supérieure à la dose recommandée et provoque, sur les dents, des taches d'une esthétique douteuse. C'est ce que nous appelons la fluorose dentaire et c'est par la fluoration contrôlée de l'eau, tel que décrit dans la loi 88, que le fluor peut apporter d'immenses bienfaits en évitant la fluorose dentaire. C'est précisément à la suite de recherches sur la fluorose dentaire que des savants comme Dean, McKay et autres, dans les années 1920 et 1930, sont arrivés aux conclusions suivantes, que l'on retrouve de façon plus élaborée en annexe II, soit: 1) La fluorose dentaire est une maladie des dents causés par l'absorption d'une trop forte quantité de fluor dans l'eau pendant une période de temps prolongée. C'est ce que nous voulons éviter par la fluoration contrôlée de l'eau. 2)La fluorose dentaire est corrélative à l'immunité contre la carie dentaire. 3)Des études in vivo ont permis de déterminer la teneur idéale du fluor dans l'eau de façon à conserver l'immunité contre la carie dentaire tout en évitant la fluorose. C'est le but que nous pouvons atteindre par la fluoration contrôlée de l'eau.

Nous voulons, messieurs, insister sur l'importance de cet historique pour bien faire savoir que la fluoration de l'eau est une mesure de santé publique basée sur des faits vécus depuis des générations par des populations entières et n'est pas le fruit d'une théorie qui serait à l'essai. Le principal facteur déterminant la concentration optimale de fluor dans l'eau est basé sur la température. Pour la province de Québec, la teneur recommandée est de 1.2 partie de fluorure pour 1,000,000 parties d'eau. Références à l'annexe III.

L'innocuité de la fluoration contrôlée de l'eau est prouvée par de multiples enquêtes médicales et dentaires faites dans différents pays par des savants de toutes les disciplines et couvrant toutes les facet-

tes de l'organisme. Ainsi, comme exemple, nous pouvons citer le témoignage de l'Organisation mondiale de la santé, qui a formé un comité d'experts de 93 spécialistes de divers pays pour étudier cette question sous tous ses angles. Quelle a été la conclusion de cette monographie très élaborée "Fluor et santé" de l'OMS? La fluoration de l'eau est une mesure de santé efficace, peu coûteuse et sans danger.

Si des organismes sérieux et responsables, comme l'Organisation mondiale de la santé et autres organisations, dont la liste est fournie en annexe V, recommandent la fluoration contrôlée de l'eau, nous, de l'Ordre des dentistes du Québec, considérons que c'est non seulement notre droit mais aussi notre devoir d'appuyer fortement l'adoption de la loi 88.

Nous travaillons à l'amélioration de la santé dentaire de la population. Pourquoi, alors, au Québec, ne jouissons-nous pas des mêmes avantages que les 100,000,000 de personnes aux Etats-Unis, que les 8,000,000 de personnes du Canada et comme bien d'autres encore dans au-delà de 30 pays qui boivent de l'eau fluorée? Face à tous ces témoignages et ces faits, comment le simple profane peut-il juger cette question? Doit-il faire confiance à ces nombreux organismes formés de savants qui, preuves à l'appui, nous répètent depuis plusieurs décennies que la fluoration de l'eau est une mesure préventive de santé efficace, sans danger et peu coûteuse, ou doit-il, sans autre motif que l'émotivité, de craintes non fondées, de théories purement hypothétiques, refuser la solution à un problème urgent de santé, problème dont la population elle-même est la première à se plaindre?

Quant à nous, vous connaissez notre position. C'est celle du bien-être de la population avec la fluoration contrôlée de l'eau. Les plus sceptiques pourraient nous demander si l'état de santé dentaire de la population est à ce point fragile pour nécessiter cette mesure publique préventive de santé. Les statistiques nous prouvent que la situation est urgente. Une enquête de dépistage de la carie dentai re auprès de la population écolière de la ville de Québec rapporte que la moyenne de dents cariées chez les enfants de six ans est de 6.3 par bouche. Les enfants de dix ans ont, en moyenne, sept dents cariées par bouche. Les enfants de quatorze ans ont dix dents et demie cariées. Annexe VI pour références.

Ce sombre tableau est révélateur de la condition dentaire des enfants de la province. Face à cette situation, il est urgent que la fluoration de l'eau soit appliquée car c'est une utopie de croire q ue la santé dentaire publique peut être améliorée exclusivement par des soins curatifs. Les soins curatifs traitent les effets d'une maladie tandis que par une mesure préventive, comme la fluoration de l'eau, on s'attaque à la cause même de la maladie et on empêche son éclosion dans une proportion de 60%.

Ainsi, à Berthierville, en 1961, avant la fluoration de l'eau, les enfants de 6 à 8 ans avaient une moyenne de 1.81 dent permanente cariée alors qu'après dix ans de fluoration de l'eau cette moyenne est tombée à 0.59, soit une amélioration de 67.5%. Les enfants de 12 à 14 ans, avant la fluoration, avaient une moyenne de 9.07 dents cariées par bouche; après dix ans de fluoration, cette moyenne est tombée à 4.9 dents par enfant. A l'annexe 7 pour référence.

Nous pourrions citer ainsi des milliers d'enquêtes faites au Québec, au Canada, aux Etats-Unis et dans d'autres pays. Qu'il suffise de rappeler que toutes ces enquêtes ont un dénominateur commun, à savoir que la fluoration contrôlée de l'eau réduit l'incidence de la carie dentaire dans une proportion de 60%; qu'elle est sans danger et peu coûteuse, soit environ $0.10 à $0.12 per capita par année.

En résumé, pour profiter de tous les avantages de la fluoration de l'eau, une personne de 80 ans aurait déboursé un total de $8 durant toute sa vie, soit à peu près le coût actuel d'une obturation, ceci dit sous toute réserve quant au coût de l'obturation.

Attendu que face aux besoins de santé dentaire couvrant la majeure partie de la population et compte tenu des conséquences funestes de la carie dentaire au point de vue physique, économique, social, scolaire et industriel;

Attendu les obligations du ministère des Affaires sociales, tel que décrit dans la loi no 65, de prendre les mesures nécessaires pour améliorer la santé de la population;

Attendu le droit des individus de profiter de l'application des mesures publiques de prévention;

Attendu que la fluoration de l'eau est la seule mesure préventive publique actuellement connue et prouvée efficace, sans danger, peu coûteuse contre la carie dentaire;

Attendu que le ministère des Affaires sociales possède déjà toutes les structures administratives nécessaires et un code de normes et procédures pour l'installation, la mise en marche, le contrôle de fonctionnement et d'évaluation de tout système doseur de fluor;

Attendu que le coût d'achat, d'installation et d'opération de ces appareils est peu élevé;

En conséquence, nousdemandons instamment l'adoption du projet de loi no 88 en ce qui concerne la fluoration de l'eau.

Au nom de l'Ordre des dentistes du Québec, nous réitérons notre demande que soit instaurée de façon coercitive dans le plus bref délai la fluoration de l'eau dans toutes les municipalités de notre province, là où la chose est possible.

Le Président (M. Pilote): Est-ce qu'il y a des questions?

L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. Forget: Dr Gosselin, je désire vous remercier pour une excellente présentation. J'aimerais vous poser peut-être quelques questions pour faire ressortir les implications de certains énoncés qui sont contenus dans votre mémoire.

Les bienfaits pouvant résulter de la prévention de la carie dentaire sont documentés dans votre mémoire. Est-ce que vous pouvez affirmer que la fluoration des eaux de consommation est la mesure de prévention de la carie dentaire qui soit la plus

efficace ou y en a-t-il d'autres qui soient également efficaces, à un degré égal? A ce moment-là, évidemment, il y aurait un problème de choix.

M. Gosselin: M. le ministre, il faut dire que la fluoration de l'eau est la mesure idéale pour prévenir la carie dentaire. Il est sûr qu'il y a d'autres façons aussi de la prévenir, comme les soins d'hygiène, une bonne alimentation, etc. Mais disons que, par expérience personnelle et suite aux expériences vécues par à peu près tous les dentistes de la province, je vous dirais que presque tous les dentistes, à un moment ou l'autre, ont été appelés à conseiller à de jeunes patients de prendre ou aux parents de jeunes patients de faire prendre du fluor à leurs enfants sous forme de pilules. Nous avons remarqué chez ces enfants qu'il y avait une diminution nette de la carie dentaire.

Je vous soumettrai mon expérience personnelle. J'ai quatre enfants. Ma plus vieille a 21 ans, mon deuxième 19 ans, ma troisième 17 ans et ma quatrième 14 ans. Actuellement, ma plus vieille a deux dents d'obturées; mon deuxième a une dent d'obturée; la troisième s'est fait obturer sa première dent avant-hier et elle a 17 ans; mon bébé, qui a 14 ans, n'a encore jamais eu une dent d'obturée. Depuis leur naissance jusque vers l'âge de 12 ans et demi, je leur ai fait prendre du fluor en pilules.

Cette expérience a été vécue par beaucoup d'autres de mes jeunes patients à qui j'ai donné les mêmes conseils et il est évident... D'ailleurs, les statistiques sont là pour le prouver et cliniquement, nous le remarquons. Entre autres, j'ai un confrère qui pratique à Acton Vale où l'eau est fluorée depuis longtemps; il y a là deux dentistes. On a demandé, plus tôt dans le débat, si là où il y avait de l'eau fluorée les dentistes avaient été obligés de fermer leur bureau ou projetaient de fermer leur bureau. Comme ces gens-là pratiquaient à Acton Vale, entre autres, bien avant la fluoration des eaux, actuellement les deux dentistes peuvent suffire à traiter, si vous voulez, la population qu'il y a là-bas qui est d'un peu plus de 5,000 habitants. Avant la fluoration des eaux, ils ne fournissaient pas et je plaindrais sincèrement un dentiste qui actuellement irait se joindre aux deux autres pour essayer de gagner sa vie.

Il est sûr que, si on attend des résultats de la fluoration des eaux, la semaine prochaine ou un ou trois mois après qu'on aura procédé à cette mesure, on sera joliment déçu; c'est une mesure de prévention de santé publique à long terme.

Je crois que, dans le moment, avec, comme on le mentionnait, la demande accrue, si vous voulez, de services dentaires, avec les coûts accrus de services dentaires, il faut penser à long terme. On a parlé de mettre du fluor dans le lait. Ce serait peut-être une mesure qui pourrait s'ajouter à d'autres si on ne fluorait pas l'eau, mais il reste que, dans le lait, il est démontré, d'abord, que c'est une mesure qui serait beaucoup plus dispendieuse que la fluoration des eaux. Aussi, c'est une mesure qui est moins efficace parce que la dissolution du fluor dans le lait ne se comporte pas de la même façon que dans l'eau.

Maintenant, aussi, comme on l'a déjà mentionné, même si on distribuait le lait gratuitement, ce n'est pas tout le monde qui boit du lait, ce ne sont pas tous les enfants qui boivent du lait; il y en a qui n'aiment tout simplement pas cela, du lait. Mais de l'eau, ça, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, on est obligé d'en boire; c'est une question de vie ou de mort, parce que l'organisme a constamment besoin d'eau.

Je pense, M. le ministre, que, devant tous ces faits et surtout devant ce que nous, par expérience, voyons dans nos bureaux, des situations déplorables de bouches d'enfants où les dents sont cariées, où les enfants sont souffrants, sont malades, se nourrissent mal souvent parce qu'il ont une mauvaise dentition...

Ecoutez, nous ne venons pas ici, nous, préconiser la fluoration des eaux pour les dentistes de la province de Québec. C'est travailler contre notre profession quand on fait cela. Nous venons ici tout simplement parce que nous croyons sincèrement que c'est la mesure qu'il faut appliquersi on veut, un jour, réduire la carie dentaire au niveau des enfants et de la population québécoise.

Moi, ce qui ne m'entre pas dans la tête devant toutes les objections qu'on pose, c'est qu'actuellement vous avez 8 millions de personnes au Canada qui boivent de l'eau fluorée, vous avez un peu plus de 880,000 Québécois qui en boivent. Cela veut dire qu'il y a 7 millions d'Anglais qui boivent de l'eau fluorée et nous, les Canadiens français, nous ne sommes pas encore assez intelligents pour comprendre ce que les Anglais ont déjà compris. Les gens de Toronto en boivent. Ce serait peut-être qu'on aurait voulu prendre une façon détournée pour éliminer la population anglaise de ce coin-là, mais je ne le pense pas. Ils vont continuer à être en bonne santé et si nous, au Québec, nous ne faisons rien dans ce sens, nous allons continuer à être des porteurs de dentiers pendant que les Anglais auront des bonnes dentures et continueront à se nourrir convenablement. Cela ne m'entre pas dans la tête de voir qu'ici au Québec on ne veut pas prendre, si vous voulez, les mesures. Le gouvernement a de bonnes intentions, mais, même avec certaines objections qui peuvent être apportées contre la fluoration, il demeure que, devant les faits, c'est la solution au problème. Ce n'est pas l'unique, mais c'est la solution et ça ne veut pas dire qu'avec la fluoration ça prendra seulement la fluoration. Il faudra toujours continuer aussi à préconiser les autres mesures qui viendront s'ajouter à celle-là, les mesures d'hygiène, de bonne alimentation et le reste.

C'est évident, M. le ministre, que, si le gouvernement et la population veulent continuer à payer fortement pour des soins, on n'a qu'à laisser la situation telle qu'elle est là.

M. Forget: Dr Gosselin, vous avez indiqué dans vos remarques que vous ne faites pas cela pour les dentistes. Vous avez donné l'exemple que c'est presque de la concurrence que la fluoration des eaux de consommation pour ce qui est de la pratique des membres de votre ordre. Vous recommandez officiellement cette mesure au nom de tous les

dentistes du Québec. Mais, puisqu'on parle souvent d'une controverse, êtes-vous au courant qu'il y ait une controverse parmi les dentistes membres de votre ordre à ce sujet-là? Connaissez-vous un ordre ou une association de dentistes au Canada ou ailleurs dans le monde qui se soit opposé formellement à une mesure de fluoration des eaux de consommation?

M. Gosselin: M. le ministre, je dois vous dire que je ne connais pas de dentiste, au Québec, qui s'oppose à la fluoration des eaux ou du moins, s'il y en a, cela n'a pas été porté à ma connaissance. Toutes les organisations sérieuses de dentistes s'occupant de problèmes dentaires au Canada, aux Etats-Unis également et même dans le monde, se sont prononcées en faveur de la fluoration.

D'ailleurs je pense que dans une annexe, je ne me rappelle pas laquelle, nous donnons la liste de tous les organismes dentaires tant au Québec qu'ailleurs qui se sont prononcés en faveur de la fluoration.

M. Forget: Si je comprends bien, d'après votre mémoire, presque toutes les eaux naturelles contiennent un certain degré de fluor. Si ce que l'on prétend sur l'effet dangereux du fluor était vrai, est-ce qu'il s'ensuit donc qu'il faudrait traiter toutes les eaux ou presque toutes les eaux de consommation au Québec pour enlever cet élément puisqu'il s'y trouve déjà?

M. Gosselin: C'est-à-dire qu'il faudrait en arriver à une fluoration contrôlée. Vous avez des endroits où l'eau est fluorée naturellement mais à une teneur trop basse pour que ce soit efficace pour prévenir la carie dentaire. Alors, ces eaux doivent être traitées de façon à les amener à la proportion voulue pour que ce soit efficace pour prévenir la carie dentaire, qui est de 1.2 partie. Vous avez des endroits d'ailleurs, il y en a aussi en annexe, où l'eau est fluorée naturellement, où l'eau est fluorée à 0.4 partie, à 0.8; il s'agirait tout simplement d'ajouter du fluor.

Maintenant, il n'y a pas d'endroit, actuellement, que je connaisse, où l'eau est trop fluorée pour qu'on soit obligé d'en baisser la teneur. Là-dessus, je vous avoue, M. le ministre, que je ne suis pas un expert sur ces technicités. Où il pourrait exister des endroits où l'eau est trop fluorée — et, comme je vous dis, je n'en connais pas — certainement que les scientistes ou les techniciens pourraient trouver des moyens pour la ramener à la proportion voulue.

M. Forget: C'est-à-dire que vous n'en connaissez pas au Québec mais il y a, dans des études auxquelles vous avez fait allusion, ailleurs, à l'extérieur du Québec, des endroits où la teneur naturelle en fluor était plus élevée que celle qui est recommandée dans la loi. Vous avez fait allusion à certains symptômes, des taches qui apparaissent sur les dents et auxquelles vous avez donné le nom de fluorose dentaire. Quelle est la teneur en fluor des eaux qui est nécessaire pour produire ces premiers signes de fluorose dentaire et est-ce qu'en eux- mêmes ils sont graves? Enfin, sur le plan esthétique, ils ne sont évidemment pas recommandables mais, en plus des aspects esthétiques, est-ce que, même avec ces débuts de fluorose dentaire, c'est en soi une maladie très grave?

M. Gosselin: Non, disons que la fluorose dentaire, M. le ministre, n'est pas une maladie très grave, à moins naturellement que ce soit poussé très loin, mais c'est plutôt un problème d'esthétique parce que les dents sont remplies de taches jaunâtres. Mais, comme nous le mentionnons, où on a remarqué la présence de fluorose dentaire ou ces taches-là, il reste que l'incidence de la carie aussi était très basse.

Par partie d'eau, à moins que je ne me trompe, c'est entre quatre à huit parties de fluor par million de parties d'eau que cela peut avoir des conséquences...

M. Forget: Donc c'est trois à six fois les proportions indiquées dans...

M. Gosselin: II n'y a pas que cela. C'est qu'il faudrait que quelqu'un aussi boive de l'eau de cette concentration-là d'une façon un peu exagérée pour en arriver à cela, pendant une période assez prolongée.

Ce n'est pas parce que vous boirez de l'eau pendant une journée ou une semaine avec une teneur élevée en fluor que vous allez développer nécessairement la fluorose dentaire. Ce sont les gens qui ont bu de l'eau avec une haute teneur en fluor qui, un jour, sont arrivés à développer la fluorose dentaire, chez les enfants, à la période de développement des dents.

Il reste qu'en demeurant à 1.2 par un million de parties d'eau, pour que quelqu'un puisse s'empoisonner en buvant de l'eau, pour un empoisonnement bénin, il faudrait qu'il boive de 425 à 400 verres d'eau de suite. Il va se noyer avant de s'empoisonner. Donc, c'est une façon comme une autre!

Peut-être que le Dr Lamarche pourrait ajouter quelque chose là-dessus.

M. Lamarche (Pierre-Yves): M. le Président, si vous me le permettez, j'aimerais apporter une certaine dimension sur les effets du fluor sur les dents. Le fluor agit de deux façons. On a fait allusion à la façon traditionnelle, c'est-à-dire lors de la formation elle-même des dents. Mais il existe aussi un effet qu'on appelle topique et qui intéresse plus particulièrement les adultes.

C'est-à-dire que pour obtenir les bienfaits prévus d'une diminution de 60% de la carie dentaire, il faut que l'individu naisse, grandisse et continue à vivre dans un milieu où l'eau est fluorée. Le fluor n'agit pas seulement au niveau de la formation des dents mais il agit aussi après que l'individu a atteint l'âge adulte ou l'âge où toutes ses dents sont formées. C'est-à-dire que l'ingestion d'eau fluorée et le fait de baigner les dents dans une substance fluorée, complètent l'effet de la fluoration des dents et c'est fondamental pour en arriver à une prévention qui est véritablement de 60%. Cela exclut l'opportu-

nité de demander ou de distribuer du lait gratuitement parce que l'on sait fort bien que, vers l'âge de 13 ans ou 14 ans, les enfants de notre province et les individus en général cessent de boire du lait. Donc, en distribuant du lait gratuitement aux enfants, on se prive d'un effet extrêmement important, c'est-à-dire l'effet que les adultes peuvent bénéficier de la fluoration.

Des expériences dans certaines régions ont été rapportées voulant que l'ingestion de fluoration diminuait, pour une proportion assez intéressante, le port de prothèses chez les adultes, c'est-à-dire les extractions précoces.

Disons que je souscris favorablement à la suggestion que M. Samson faisait tout à l'heure d'informer les gens. Je pense que, si les gens étaient informés comme nous le sommes aujourd'hui, comme vous l'êtes, on n'aurait pas besoin d'une commission parlementaire et je pense que le ministre n'aurait pas eu à le faire. Les gens auraient demandé d'eux-mêmes la fluoration.

M. Forget: J'ai une dernière question. Dans une des annexes de votre mémoire, l'annexe I, il y a la liste des municipalités du Québec dont l'eau est naturellement fluorée. Il y en a quelques-unes qui sont indiquées comme ayant un taux supérieur à 1.2 partie par million. Elles ne sont pas en nombre très considérable mais il y en a malgré tout quelques-unes.

La fluoration contrôlée, telle qu'envisagée par la loi, indiquera une diminution du taux de fluor dans ces municipalités. Si je comprends bien, il y a Litchfield, dans le comté de Pontiac, qui est une toute petite municipalité, Rivière-Ouelle, dans Ka-mouraska, Saint-Athanase, dans le comté d'Iberville, Saint-Méthode, dans le Lac Saint-Jean, et quelques autres, Templeton-Est-Ouest, dans Hull. Malgré tout, ces taux j'imagine, prévalent depuis plusieurs années dans ces municipalités. A-t-on pu y observer une anomalie quelconque ou êtes-vous au courant qu'on ait rapporté, dans les publications scientifiques ou autrement, au cours de congrès scientifiques, que les personnes de ces régions avaient des problèmes particuliers puisque le taux est plus élevé que celui qui est recommandé?

M. Gosselin: Non, M. le ministre, parce que si on remarque, si vous voulez, la teneur en fluor — le p.p.m. comme on l'appelle — de ces municipalités, même pour celles qui dépassent 1.2, le taux de fluoration n'est pas assez élevé encore pour poser des problèmes.

Si je ne m'abuse, dans le tableau qui est donné, l'endroit est Saint-Méthode dans le comté du Lac-Saint-Jean. Peut-être que le député de ce coin, s'il a une chance, pourrait aller visiter les gens pour voir s'ils sont en bonne santé, au lieu d'avoir toutes sortes de troubles comme ceux dont on parle. On ne sait jamais.

Je ne doute pas même que la population de ce coin, avec une eau fluorée et même sans y avoirété, ni même sans l'avoir examinée d'aucune façon, sans avoir reçu de rapport de ce coin-là, doit bénéficier de bonnes dents. Ce serait peut-être une infor- mation à prendre, vu que ce n'est pas loin de chez vous.

Le Président (M. Pilote): D'accord. Ce n'est pas dans mon comté; c'est dans le comté de Roberval, Lac-Saint-Jean-Ouest.

M. Forget: Je n'ai pas d'autres questions, M. le Président.

Le Président (M. Pilote): L'honorable député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): Je vous félicite également de votre rapport. Je voudrais essayer de situer le contexte de l'intervention que nous avons faite au nom de l'Opposition officielle. Je pense que vous serez d'accord avec nous, si vous en avez retenu les principales lignes, pour que nous ne mettions nullement en doute les effets bénéfiques du fluor comme méthode pour prévenir la carie dentaire. Je pense que c'était assez clair dans notre exposé.

Nous soulevions surtout une opposition sur le principe même du projet de loi 88 qui est l'imposition obligatoire. J'espère que vous l'avez compris dans ce sens. Je voudrais vous demander ceci. On a souligné que vous avez eu l'occasion, en 1972, j'imagine, de vous prononcer, l'Ordre des dentistes, sur le projet de loi 31 qui avait été proposé, à savoir la Loi de la fluoration des eaux de consommation. J'imagine que vous étiez en faveur de ce projet de loi, à ce moment-là.

M. Gosselin: Absolument.

M. Bédard (Chicoutimi): J'imagine que vous n'avez pas fait d'opposition à ce projet de loi parce qu'il imposait, parce qu'il prévoyait quand même la tenue d'un référendum auprès des populations concernées avant l'imposition de l'eau fluorée. Vous n'en avez pas fait?

M. Gosselin: Non, non, nous n'avons pas fait d'opposition.

M. Bédard (Chicoutimi): Bon. C'est le principe du projet de loi, son caractère obligatoire. Je comprends que vous êtes pour le projet de loi 88 de la même manière que vous avez été pour le projet de loi 31. La différence essentielle entre les deux est, d'une part, que dans le projet de loi 31 il n'y avait pas le caractère obligatoire, alors que dans le projet de loi 88 il y a le caractère obligatoire. Ce qui fait que vous êtes en faveur du projet de loi 88, ce n'est pas nécessairement son caractère obligatoire, comme votre conviction de la nécessité de l'eau fluorée comme prévention contre la carie dentaire, n'est-ce pas? Est-ce que je traduis bien votre position?

M. Gosselin: Oui, c'est clair, M. le député. Disons que nous avons appuyé le projet de loi no 31 et peut-être que nous appuyons encore plus fortement le projet de loi no 88. On charrie pas mal, vous savez, quand on parle de liberté individuelle. Moi, quand je paie mon impôt, on commence à jouer dans ma liberté de le payer ou de ne pas le payer. Quand on

parle de pasteurisation du lait, si vous voulez, moi, cela ne m'intéresse peut-être pas de boire du lait pasteurisé, mais mon laitier me l'apporte pasteurisé, mon lait, et cela a été imposé.

Le chlore qu'on met dans l'eau des municipalités; chez nous, à Sherbrooke, l'eau est ozonée, si vous voulez. S'il y a un poison, c'est de l'ozone. Je pourrais bien dire à la municipalité, au nom de ma liberté individuelle: Vous allez enlever l'ozone dans l'eau. Moi, je veux de l'eau non ozonée dans ma maison. Je pense qu'il faut regarder la dimension sociale de toute cette affaire-là. Pourquoi éviter le référendum? C'est parce que, dans toutes ces questions — on l'a mentionné — quand on arrive à mettre devant la population un problème comme celui-là, si on jouait seulement sur l'objectivité des gens, si on leur présentait les faits tels qu'ils sont et si on leur faisait valoir, si vous voulez, la valeur d'une mesure comme celle-là et qu'on arrêtait de jouer sur leurs émotions... Avec la liberté individuelle, en quelque sorte, on peut jouer passablement sur les émotions des gens.

Il y a tellement de choses qui se font que, quand le bien-être général d'une population est en jeu, c'est ça qu'il faut regarder plutôt que, si vous voulez, l'idée, la volonté, la conviction d'un individu ou d'un groupe d'individus.

Personnellement — et je pense que l'ensemble des dentistes là-dessus serait peut-être d'accord avec moi — je crois que, si nous voulons arriver à quelque chose dans ce domaine-là, il faut arrêter de tâtonner. Nous sommes devant des situations déplorables de conditions dentaires dans la province de Québec.

Quand Pasteur a découvert la pasteurisation, on l'a bafoué, on a ri de lui, on a même menacé de le guillotiner et, pourtant, c'est une mesure aujourd'hui qui est acceptée partout le monde, qui est imposée par les gouvernements. Là-dessus encore, on joue sur les libertés individuelles.

Il reste que nous sommes convaincus que la seule façon d'y arriver est d'enrayer le fléeau de la carie dentaire parce qu'il faut parler de fléau. Il ne faut pas être longtemps dans un bureau de dentiste pour voir la situation déplorable des dents de nos enfants dans la province de Québec.

Si nous voulons arriver à quelque chose, il faut prendre une mesure énergique vis-à-vis de cela. Je pense que la mesure énergique à prendre, c'est la fluoration imposée des eaux. Qu'on dise ce qu'on voudra là-dessus, c'est prouvé cliniquement, scientifiquement que c'est une mesure très valable, plus que valable et qui est sans danger. Il n'y a jamais eu un cas de rapporté dans toute la littérature médicale ou dentaire de gens qui sont décédés à la suite d'absorption d'eau fluorée.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous n'avez pas à me convaincre de tout cela. Je vous le dis, dès le départ, j'en suis convaincu.

M. Gosselin: Je respecte votre opinion.

M. Bédard (Chicoutimi): Dans mon esprit, si vous me le permettez, je suis d'accord également qu'on ne doit pas jouer avec les libertés individuelles, comme vous devez être d'accord avec moi qu'il faut les respecter aussi.

M. Gosselin: Oui.

M. Bédard (Chicoutimi): Si le fluor a les effets bénéfiques que vous dites, j'en conviens avec vous, si ce projet de loi ne rendait pas la mesure obligatoire, mais qu'elle s'appliquait dans des municipalités après la tenue d'un référendum, comme vous êtes convaincu de la nécessité de cette mesure, croyez-vous que, si cela devait se faire par référendum, vous vous feriez un devoir, en tant qu'Ordre des dentistes, de renseigner et d'informer équitablement cette population, s'il y avait tenue d'un référendum? Vous respecteriez, à ce moment-là, la liberté individuelle par une des manières les plus correctes qui est celle de l'information.

M. Gosselin: C'est un peu, d'ailleurs, ce que nous faisons aujourd'hui et c'est, d'ailleurs, ce que nous faisons depuis trente ans, au sein de nos bureaux. Dans les divers mouvements auxquels nous appartenons, nous avons l'occasion d'en parler, de tout cela. Il est sûr que, si c'est la volonté ou le désir du gouvernement, quelle que soit la manière qu'il prendra pour appliquer cette politique, nous l'appuierons.

M. Bédard (Chicoutimi): En fait, vous croiriez de votre devoir, s'il y avait un référendum, de faire quelque chose de spécial en tant qu'Ordre des dentistes pour informer cette population.

M. Gosselin: Absolument. Qu'on nous donne, si vous voulez, à ce moment-là, les moyens que peut-être nous n'aurions pas pour arriver à entrer dans un programme d'information. D'ailleurs, l'Ordre des dentistes s'est impliqué joliment, l'an dernier, lors d'une campagne d'éducation des enfants, quant aux mesures préventives à prendre pour éviter la carie dentaire.

Nous sommes prêts à faire tout ce que nous pouvons physiquement, financièrement et autrement.

Mais il reste que nos moyens aussi sont un peu limités. Comme je viens de vous le dire, si, par un incident de parcours, la loi est amendée et que ça demande un référendum pour avoir l'eau dans les municipalités, je pense qu'il n'y a pas un dentiste qui ne participera pas, si vous voulez, à l'instauration, et l'Ordre des dentistes comme tel le fera.

M. Bédard (Chicoutimi): Bon. Maintenant, dans nos remarques préliminaires au dépôt de votre témoignage, nous avions parlé — je voudrais les situer dans le bon contexte — de la possibilité de dis-tribuer du lait fluoré gratuitement aux enfants. Nous ne l'avions pas suggéré comme mesure réglant tous les problèmes mais elle était conséquente à la prise de position concernant le fait que nous sommes contre l'imposition obligatoire, en ce sens que s'il y

avait référendum et que l'on refuse, ce n'est pas une raison de ne pas employer des moyens qui pourraient être importants.

Vous avez dit, concernant le lait fluoré, que ça pouvait être un moyen, si j'ai bien compris votre déposition, mais que cette mesure vous semblait plus dispendieuse, si je me rappelle bien. Vous avez mentionné le fait que ce ne sont pas tous les enfants qui aiment le lait — d'autant plus le lait fluoré — comme ce n'est pas tout le monde qui semble aimer l'eau fluorée dans le Québec.

Est-ce que, quand même, ce ne serait pas un moyen, dans votre esprit, susceptible d'aider dans cette lutte qu'on doit faire pour la prévention de la carie dentaire?

M. Gosselin: C'est sûr que c'est un moyen qui pourrait être employé advenant le cas où l'eau ne serait pas fluorée. C'est sûr. Mais il est démontré que c'est un moyen qui est moins efficace que l'eau fluorée pour diverses raisons que vous venez de mentionner et que j'ai mentionnées moi-même.

Maintenant, c'est un moyen aussi qui est plus coûteux. Mais il reste une chose...

M. Bédard (Chicoutimi): Quand vous dites qu'il est plus coûteux, est-ce que vous pouvez nous apporter quelques précisions?

M. Lamarche: L'instauration de fluoration contrôlée dans les systèmes d'aqueduc représente un coût per capita de $0.06 par année et l'incorporation de fluor dans le lait, à cause de la technique qui est relativement difficile — et on a certains doutes sur son efficacité — coûterait environ $2.14 par tête.

M. Bédard (Chicoutimi): Selon les analyses que vous avez faites.

M. Lamarche: Oui, d'accord. En plus de cela, ça ne s'adresse, comme je l'ai dit tout à l'heure, qu'à la portion de la population qui consomme le lait. Il y a le reste de la population pouvant bénéficier du fluor qui serait exclu par cette méthode.

M. Bédard (Chicoutimi): D'accord. Maintenant, tout à l'heure, vous avez mentionné que le fluor pouvait avoir certains effets bénéfiques au-delà d'un certain âge, soit dix-huit ans, mais il reste quand même que la période de développement des dents se situe, d'une façon urgente, surtout dans le jeune âge, d'accord?

M. Lamarche: Vous avez tout à fait raison.

M. Bédard (Chicoutimi): C'était dans ce sens-là que nous faisions la suggestion de distribuer du lait fluoré parce que nous disions que ça pouvait avoir un avantage, à savoir rejoindre ceux qui sont le plus spécifiquement concernés par la carie dentaire, les plus jeunes.

M. Gosselin: Je voudrais vous dire — vous retrouvez cela dans le dossier technique qui a été préparé par le MAS — qu'au deuxième article on dit: "Contrairement à l'eau fluorée, le lait fluoré n'a pas une action topique significative sur les dents. Les ions de fluor présents dans l'eau sont libres de s'attacher à la surface des dents au moment même où l'eau est consommée et passe dans la bouche. Par ailleurs, il faut une heure avant que le fluor ne se dégage du lait". Erickson a démontré que ce délai empêche les ions de fluor d'entrer en réaction avant que le lait ne soit passé par l'estomac et le petit intestin. En conséquence, si l'eau et le lait fluorés apportent tous deux un bénéfice aux dents en voie de développement, seule l'eau fluorée a un effet significatif sur les dents qui ont déjà percé. C'est à six mois que les dents commencent à percer.

Pendant longtemps on n'a commencé à donner du fluor aux jeunes enfants que vers l'âge d'un an. A un moment donné, on a reculé quasi à la naissance.

Aujourd'hui, on commence au troisième mois de la grossesse de la mère. Parce qu'on remarque qu'en donnant du fluor à la mère qui est en grossesse il y a une répercussion sur la qualité dentaire de l'enfant qui va naître. Il ne faut pas oublier aussi que l'enfant qui a pris du fluor et qui boit de l'eau fluorée, il est sûr que, rendu à un âge plus avancé, le fait de boire du fluor n'aura plus d'effet sur ses dents, ou, s'il y a un effet, ce sera très minime. Les dents sont formées à ce moment-là, l'émail est formé, la dentine et le reste; la structure de la dent est là.

Mais il demeure que si au départ, à cause de l'absortion de fluor, il en est résulté une bonne structure dentaire avec un émail fort, une dentine forte, et le reste, c'est que ces dents seront moins vulnérables à la carie dentaire. Cela va avoir un effet bénéfique tout le temps de sa vie, effet qui résulte du fait qu'il a pris du fluor à partir même du temps de la grossesse de la mère. C'est ça qu'il faut regarder aussi.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous avez...

M. Gosselin: Si vous me permettez, juste une petite remarque, ici il y a des dentistes et nous pouvons faire la différence. Quand nous fraisons une dent pour la réparer, nous pouvons faire la différence entre quelqu'un qui a pris du fluor très jeune et durant toute la période de développement et celui qui n'en a pas pris. Parce que la dent est beaucoup plus dure, beaucoup plus résistante.

M. Bédard (Chicoutimi): Quand nous faisions cette suggestion, c'est que, dans l'esprit du cas qui se présentait d'une population qui refuse l'eau fluorée, le lait fluoré, c'est quand même mieux que rien.

M. Gosselin: Oui, si on va jusque-là, c'est sûr, vous savez.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est clair que cela n'a pas la même intensité d'effets bénéfiques, j'en conviens avec vous pour le moment. Maintenant...

M. Gosselin: Je pense que le Dr Lamarche aurait peut-être quelque chose à ajouter à cela.

M. Lamarche: Quand vous parlez d'une population qui refuse l'eau fluorée, je ne peux pas comprendre qu'une population puisse refuser de l'eau fluorée parce que toutes les...

M. Bédard (Chicoutimi): C'est dans ce sens où je vous demandais si vous étiez prêt à fournir l'information comme une consultation.

M. Lamarche: Ce que je veux dire, c'est que toutes les sources d'alimentation d'eau sont fluorées à des degrés divers. C'est la raison pour laquelle je vous dis que la fluoration des eaux n'est pas ajouter une nouvelle substance à l'eau mais c'est tout simplement ajuster la concentration du fluor dans l'eau à une proportion qui est bénéfique pour les dents, sans danger pour l'organisme. Si on suit un raisonnement comme celui-là ou celui du référendum, est-ce que dorénavant, avant de choisir la source d'approvisionnement d'un aqueduc, il faudra faire un référendum et quelle concentration de fluor la municipalité acceptera-t-elle dans son eau, parce qu'il y en a partout?

M. Gosselin: Si la population dit: On ne veut pas de fluor dans l'eau, il va falloir que tu cherches une source d'approvisionnement où il n'y en a pas.

M. Lamarche: Est-ce qu'on va couper les sources d'approvisionnement actuelles, qui sont de 1.2, si c'est un poison, la fluoration? Il n'y a aucune différence entre de l'eau contrôlée, c'est-à-dire de l'eau où on a amené la concentration à 1.2 par du fluorqu'on a ajouté, et l'eau naturellement fluorée...

M. Bédard (Chicoutimi): De l'eau contrôlée. Justement vous dites dans votre rapport que vous appuyez l'option de la loi 88; d'autre part, vous faites quand même des réserves sur la fluoration de l'eau dans le sens qu'il faut que ce soit bien contrôlé parce que cela peut amener des effets contraires à ceux qu'on recherche, à savoir la fluorose dont vous parlez.

M. Lamarche: C'est exact.

M. Bédard (Chicoutimi): Sur les possibilités de contrôle de l'eau fluorée à une concentration déterminée, que vous évaluez pour la province de Québec à 1.2 de fluor pour 1 million de parties d'eau...

M. Lamarche: C'est exact.

M. Bédard (Chicoutimi): ...pourriez-vous m'expliquer jusqu'à quel point il peut être facile de faire ce contrôle qui est nécessaire si on veut que la population ne soit pas inquiétée?

M. Lamarche: Vous faites appel à des données qui relèvent du génie technique. Je pense que, de ce côté, le document technique sur la fluoration est assez explicite et relèverait plutôt de personnes beaucoup plus compétentes que nous en termes de génie ou de contrôle technique.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous ne pouvez pas nous expliquer le mécanisme de contrôle.

M. Lamarche: Je crois qu'on a prévu ce moyen de distribution et des moyens de contrôle afin d'éviter les écarts qui pourraient être nocifs pour la population. Je crois que, de ce côté, on peut être tranquille.

M. Gosselin: D'ailleurs, d'après l'expérience des municipalités où déjà cela existe, il n'y a jamais eu d'avaries, de conséquences ou d'incidents de parcours, où l'on boit du fluor.

M. Bédard (Chicoutimi): Qui, à l'heure actuelle, surveille ce contrôle dont vous parlez?

M. Gosselin: Je pense bien qu'au niveau des municipalités où il y a des aqueducs, où déjà il faut contrôler les quantités de chlore ou d'ozone etc., tout cela fait partie de la surveillance générale de la façon dont l'eau doit être traitée avant de se rendre chez les consommateurs d'eau. Ensuite, c'est fait selon des données scientifiques, techniques qui ont été préparées par des techniciens, des ingénieurs, des chimistes et tout cela.

Aux Etats-Unis, on sait, à l'heure actuelle, qu'il y a 100 millions de personnes qui boivent de l'eau fluorée; je pense que vous avez huit ou dix Etats où l'eau fluorée est obligatoire.

M. Bédard (Chicoutimi): Dans les autres provinces du Canada, est-ce que vous pouvez nous dire si cela aété une mesure obligatoire ou si ce n'est pas une mesure qui a été soumise à l'approbation quand même des populations, avant de l'imposer?

M. Gosselin: Là-dessus, je ne peux pas vous répondre sans risque de me tromper. Mais il reste une chose...

M. Bédard (Chicoutimi): Parce que la population est capable de comprendre quelque chose qui est pour son bien. C'est dans ce sens qu'une population qui, à l'occasion d'un référendum ou appelons cela autrement, serait très bien informée par des spécialistes en la matière, il faut quand même lui donner le minimum d'intelligence, le minimum de désir de survivre le mieux possible pour accepter ces explications.

M. Gosselin: Cela revient à ce que...

M. Bédard (Chicoutimi): A ce moment, psychologiquement, plutôt de se voir imposer quelque chose, elle l'accepte après information.

M. Gosselin: Oui. Cela, j'en douterais et je vais vous dire pourquoi. Moi, j'ai pratiqué douze ans dans une petite municipalité du Québec où il y a 7,000 âmes. J'étais le seul dentiste dans cet endroit et, pendant toutes les années où j'ai été là, je me suis battu pour la fluoration des eaux. Il n'y a pas un organisme, les Scouts, les Dames de sainte Anne, les Chevaliers de Colomb, trouvez à peu près tous les noms de Lions, où je suis allé...

M. Bédard (Chicoutimi): Vous admettrez avec moi que vous étiez un pionnier. Ce n'est quand même pas depuis si longtemps que cela qu'il y a des projets de loi aussi clairs qui sont soumis à l'attention de l'Assemblée nationale.

M. Gosselin: Non, écoutez, cela fait un bout de temps qu'on peut installer de l'eau fluorée.

M. Bédard (Chicoutimi): Une sorte de pionnier.

M. Gosselin: Vous avez des municipalités... Cela ne fait pas 40 ans que je pratique, moi. C'est de mon temps, cette histoire. Ce n'est pas de l'histoire ancienne, ce dont on parle. A ce moment, cela se faisait, la fluoration des eaux. Il a été un temps où les municipalités acceptaient d'elles-mêmes de fluorer l'eau. A un moment donné, le gouvernement a accepté d'aider ces municipalités. Là, j'ai essayé aussi objectivement que possible de présenter tous les avantages de la fluoration. Dèsqueje commençais à parlerde la fluoration, l'émotion des gens entrait en jeu. On commençait à jouer sur leurs émotions, d'empoisonnement et de tout ce que vous voulez.

Malheureusement, dans toutes ces situations comme dans bien d'autres, vous le savez bien mieux que moi, quand il arrive des choses comme cela qui peuvent être d'intérêt général, les "contre" font bien du bruit, mais les "pour", on ne les entend pas. Il arrive qu'un gars qui est tout seul dans une municipalité comme cela et qui, à un moment donné, peut se sentir supporté par un certain groupe, se décourage et dit: Que le diable vous emporte! Si vous voulez avoir des dents cariées, ayez-en des dents cariées. Parce qu'en fait ce n'est pas pour lui-même qu'il fait cela; c'est pour la population.

D'ailleurs, je vous l'ai dit tout à l'heure, on ne vient pas ici, nous autres, pour travailler pour les dentistes. On vient ici pour dire aux gens ce qui est bon pour prévenir la carie dentaire. Maintenant, si, à la suite de cela, la population du Québec n'en veut pas de fluor dans son eau, de grâce, qu'ils arrêtent de se lamenter qu'ils ont les dents gâtées, qu'ils ont mal aux dents, que cela coûte cher de se faire réparer les dents et que leurs dentiers leur font mal, qu'ils mangent mal et tout ce que vous voulez. C'est une conséquence de tout cela. C'est une autre affaire, peut-être, comme gouvernement ou comme député ou comme ministre.

Dites aux gens: Nous vous offrons une mesure que nous savons très valable pour prévenir la carie dentaire. Si vous en voulez, nous sommes prêts à tout faire pour vous la donner, cette mesure-là. Maintenant, si vous n'en voulez pas, si, par hasard, on doit, a un moment donné, vous imposer des taxes pour vous payer des frais dentaires, parce que ça coûte cher et je n'ai pas l'impression que ça va continuer à diminuer de coût, c'est comme tout le reste, eh bien! on continuera à payer.

C'est la même chose en médecine. Vous savez, si on orientait toute notre patente vers la prévention au lieu d'aller vers le curatif qui, lui, coûte cher — c'est une mesure de longue haleine, si vous voulez — peut-être que, dans quinze ou vingt ans, toutes proportions gardées, les coûts de santé continueront à diminuer.

Du côté médical comme du côté dentaire, si les gens observaient les règles d'hygiène qu'on veut bien leur enseigner, j'ai l'impression que, d'ici, peut-être, vingt ans ou encore peut-être avant longtemps, le ministre des Affaires sociales, au lieu d'approuver des constructions d'hôpitaux, serait peut-être obligé d'en fermer, parce que les gens auraient une meilleure santé.

Ce n'est un secret pour personne qu'ici, au Canada, nous sommes la province où ça coûte le plus cher pour s'entretenir une santé. Alors, il y a quelque chose dans la population que je ne comprends pas. Ou on n'est pas logique avec soi-même ou on n'en veut pas.

M. Bédard (Chicoutimi): On manque d'information.

M. Gosselin: Ecoutez, de l'information, il en mouille dans les journaux, à la télévision, à la radio et tout cela. Nous en avons dans nos salles d attente depuis longtemps. Depuis nombre d'années, les gouvernements en distribuent à gauche et à droite dans les écoles. On ne la lit pas, cette information-là. Nous ne sommes tout de même pas pour aller la lire pour eux autres.

M. Bédard (Chicoutimi): Je conçois très bien avec vous que, lorsqu'on est très peu nombreux à faire entendre notre voix sur les effets bénéfiques d'une mesure telle que l'imposition du fluor, on a de la difficulté à la faire entendre parce qu'il y a les émotions qui jouent et qui jouent souvent à cause du manque d'information, d'accord.

Mais, si ces voix-là, par exemple, se multiplient... C'est le cas si on prend le présent débat. A l'heure actuelle, au niveau des effets bénéfiques du fluor, on se rend compte que l'Opposition officielle et le gouvernement ne diffèrent pas sur ce point-là.

Mais ne croyez-vous pas, ces voix-là augmentant, qu'il y aurait plus de possibilités de mieux faire accepter cette mesure à la population? Ne croyez-vous pas que cette population informée a la capacité de comprendre quelle est la mesure la plus appropriée pour son bien-être? C'est simplement là-dessus.

M. Lamarche: Ecoutez, il est connu de tous, je pense, qu'au niveau des priorités individuelles de chaque Québécois la santé dentaire ne pèse pas tellement. Si on attend de motiver les gens à la santé dentaire et d'être attentifs aux conseils et aux mesures préventives, la fluoration, vous allez la passer en 1990. A ce moment-là, tout le budget de la santé sera pour des soins dentaires, si cela continue comme cela.

Je pense qu'à un moment donné le gouvernement...

M. Bédard (Chicoutimi): Vous tenez pour acquis qu'avec une bonne information ce ne serait qu'en 1990 que ça pourrait passer?

M. Lamarche: Ce que je veux dire, c'est qu'actuellement les gens ne sont pas tellement sensibilisés au soin de leurs dents; la province de Québec

nous en donne une bonne réponse. Les gens ne sont pas suffisamment attentifs aux mesures préventives.

Les explications que vous pourrez donner passeront à un second ordre ou on n'y attachera pas d'importance, du moins pas suffisamment. La fluo-ration a fait ses effets chez 100 millions d'individus aux Etats-Unis, chez un grand nombre au Canada sans danger pour la santé des individus et avec beaucoup d'effets bénéfiques. Si on est convaincu personnellement de cela, je pense que c'est notre devoir de prendre des décisions au nom de la population et de son bien personnel.

M. Bédard (Chicoutimi): Là-dessus, je diffère d'opinion avec vous parce que je me dis également, en employant le même argument que vous, que, si cette même population réalise que des millions d'individus font un usage bénéfique de cette mesure, elle est capable de comprendre que c'est là qu'est son bien-être; elle est capable de le décider elle-même.

M. Lamarche: Pour autant qu'elle soit attentive , à toutes les explications.

M. Bédard (Chicoutimi): Et qu'on fasse des efforts d'information supplémentaires.

M. Lamarche: Ce n'est pas pour demain. M. Bédard (Chicoutimi): Je vous remercie.

Le Président (M. Pilote): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, je voudrais poser quelques questions à M. Gosselin ou aux personnes qui l'accompagnent. Est-ce qu'on saurait me dire si vous avez fait des recherches quant à la quantité d'eau que consomment, par exemple, quotidiennement les enfants?

M. Gosselin: Nous ne l'avons pas fait. Ce n'est pas le rôle de l'Ordre des dentistes, si vous voulez, de faire des recherches de ce côté-là. Ce n'est pas un bureau de recherche, notre patente.

M. Samson: M. le Président, je m'excuse, mais je ne voudrais pas qu'on considère que les questions que je pose sont pour tenter de vous acculer au mur. Vous avez défendu un document sur une base scientifique et je tente de poser des questions qui sont pertinentes à ce document-là. Ce n'est pas du tout dans le but de vous acculer au mur que je vous pose ces questions. Si vous n'avez pas fait les recherches, nous ne vous en voudrons pas. Nous allons poser la question à d'autres qui les auront peut-être faites.

M. Gosselin: Peut-être qu'il y en a d'autres qui pourront répondre à ça.

M. Samson: Est-ce qu'on peut nous dire... M. Gosselin: II a demandé si nous avions fait des recherches sur la quantité d'eau que les gens buvaient par jour.

M. Samson: Est-ce qu'on saurait me dire, en partant du principe que l'eau serait fluorée, par exemple, à 1.2 partie par million, combien d'onces d'eau, par jour, on devrait boire pour obtenir les quantités de fluor nécessaires pour atteindre l'objectif?

M. Lamarche: Compte tenu de la température moyenne ou du climat, c'est-à-dire que plus il fait chaud, plus les gens boivent, plus il fait froid, moins les gens boivent, on a établi, comme moyenne, qu'ici, au Canada, compte tenu de la température, la consommation moyenne d'eau requérait, pour obtenir les effets bénéfiques, sans danger, la proportion de 1.2 partie par million.

M. Samson: Oui, d'accord, vous avez établi qu'il fallait une proportion de 1.2 partie par million. Ce que je vous demande, c'est combien d'onces d'eau il faudrait boire pour obtenir les résultats bénéfiques en considérant qu'on utilise 1.2 partie par million. En moyenne, vous ne l'avez pas établi?

M. Gosselin: Par contre, je remarque la présence à la table, ici, du Dr Stamm qui est un chercheur dans ce domaine; peut-être qu'il pourrait répondre à cette question. Is it possible for you to answer that question, Dr Stamm? How much water do you have to drink per day so that the fluoride intake can be effective?

M. Stamm: Mr President, if you permit me to respond in English, the average quantity of drinking water, an average as how to take in per day is 1.5 litre approximately.The total need of water, of fluid on an average per day is approximately two litres. The difference between the two amounts of water is made up from the water in the food as well as water that is produced as a consequence of metabolism within the body.

M. Gosselin: II faut penser aussi, M. le député, que du fluor, il n'y en a pas seulement dans l'eau; il y en a aussi dans d'autres aliments. Alors, ces aliments sont combinés avec l'eau qu'on peut absorber et le reste. Ensuite, surtout, l'effet de tout ça, c'est d'en prendre d'une façon constante. C'est un peu comme prendre des vitamines. Si vous n'en prenez que le lundi à toutes les semaines, ce ne sera pas fameux.

M. Samson: Cela va prendre plus de temps à mourir, mais on va mourir quand même.

M. Gosselin: Je comprends, nous savons tous que nous allons mourir, mais personne n'est pressé.

M. Samson: Justement. En partant du fait qu'il en existe dans d'autres aliments, ce que je voulais savoir, c'est combien d'eau il faut boire par jour pour arriver à obtenfr le résultat que vous recherchez.

Maintenant, vous définissez la fluoration

comme une mesure de santé publique qui consiste à ajuster la teneur du fluor. Vous avez bien dit ajuster, parce qu'il y a des endroits où il y a du fluor naturel, soit à 1.2 partie par million. Est-ce que le fluor qui serait ajouté, dans les cas où il n'y a pas 1.2 partie par million... J'ai remarqué que vous avez mentionné que là où il y en avait plus il faudrait le ramener à 1.2.

M. Gosselin: Pas nécessairement. Si on arrivait, par exemple, à des concentrations de six à huit parties, là peut-être qu'il faudrait faire des ajustements ou encore changer de source d'approvisionnement. D'ailleurs, je pense bien qu'à l'heure actuelle les endroits ou les municipalités où, à un moment donné, on s'est aperçu que la source d'approvisionnement de l'eau était trop élevée, on leur a dit: Prenez votre eau ailleurs.

Nous savons que 1.2 partie, c'est efficace. Même s'il y a deux, trois ou quatre parties de fluor dans l'eau, c'est efficace également. Il n'y a pas de danger que quelqu'un s'empoisonne, d'aucune façon, même s'il y en a plus.

Idéalement, il faut un minimum de 1.2 partie.

M. Samson: A quel moment placez-vous la limite, par exemple, soit pour changer la source d'eau ou...

M. Gosselin: Qu'est-ce que vous voulez dire?

M. Samson: Vous avez dit, tantôt, qu'il peut y avoir des endroits où il y a un peu plus de trois parties, d'autres où c'est quatre. Vous avez mentionné des endroits où, avec six parties, on pourrait changer la source d'eau. Est-ce que vous avez une limite fixée pour un maximum?

M. Gosselin: Je pense que, dès qu'on arrive à une source d'approvisionnement où vous auriez huit parties de fluor par million de parties d'eau, il faudrait changer de source d'approvisionnement. Ce sont des études qui sont faites avant que la municipalité, si vous voulez aille chercher son eau.

M. Samson: Dans les endroits où il faut en ajouter, est-ce que vous pourriez me dire si le fluor qui serait ajouté, à ce moment-là, serait comparable ou serait identique au fluor naturel qui existe, ou s'il n'y a pas de différence?

M. Gosselin: Absolument, parce que le fluor est un élément naturel, peu importe où il se trouve, c'est un élément identique.

M. Samson: Celui que vous ajoutez.

M. Gosselin: Absolument.

M. Samson: Ce serait la même chose.

M. Gosselin: Maintenant, vous avez différents types de fluor, vous avez des fluosilicates, etc.

Une Voix: Ce sont des véhicules.

M. Gosselin: Mais ce sont des véhicules pour transporter le fluor. Là, vous me posez des questions qui sont bien techniques, auxquelles probablement un chimiste pourrait répondre beaucoup mieux que moi. Je vais vous dire tout de suite que nous, nous ne sommes pas tellement présents pour discuter de la technique d'application, de la chimie du fluor, parce que je suis loin de prétendre avoir les qualifications pour discuter de ces problèmes. Mais ce que nous pouvons vous faire, c'est discuter sur les principes de la chose. Nous pouvons vous démontrer, par notre expérience clinique et ce que nous voyons, que le fluor, si c'est pris d'une façon rationnelle et tel que démontré, a un effet bénéfique.

Maintenant, quant à l'aspect technique de toute l'affaire, je ne sais pas quels organismes ont été appelés à venir présenter des mémoires ici devant cette commission, mais peut-être qu'il y aura des chimistes, des physiciens ou des ingénieurs, à un moment donné, que vous pourrez questionner sur ces points-là.

M. Samson: Ce que je voulais savoir de vous, c'est qu'en partant du principe que vous soutenez, à savoir que le fluor n'a pas d'effets nocifs, vous avez souligné quand même, avec une nuance, qu'il fallait en considérer la quantité. Ce que j'aurais aimé savoir, c'est s'il y avait plus ou moins d'effets nocifs entre le fluor naturel qui existe dans l'eau et le fluor artificiel qu'on vient y ajouter. Est-ce qu'il y aurait une différence dans les effets nocifs?

M. Gosselin: Ecoutez, il ne faut pas parler de fluor artificiel. C'est un fluor naturel, si vous voulez, que vous ajoutez à l'eau pour en augmenter la concentration de fluor, parce que le fluor ne se fabrique pas synthétiquement. Il faut que vous alliez le chercher quelque part dans une mine, dans la nature, puis vous l'ajoutez à un autre élément de la nature qui est l'eau pour en amener la concentration. Mais ne parlons pas d'élément artificiel parce que ce n'est pas synthétique; c'est un élément naturel qu'on ajoute déjà à un autre élément naturel.

M. Samson: Qu'on ajoute de façon artificielle quand même.

M. Gosselin: Ecoutez...

M. Samson: Parce que s'il existe dans l'eau...

M. Gosselin: On pourrait même dire qu'on l'ajoute par un mouvement naturel. Si je le prends et le vide dedans, c'est un mouvement naturel.

M. Samson: Ce n'est pas trop sûr que ce serait un mouvement naturel, dans certains cas. J'accepte votre réponse; ça ne veut pas dire que vous m'avez convaincu.

M. Gosselin: Moi, je suis de l'idée contraire du Dr Lafrance; le fluor ne ramollit pas le cerveau, ça l'endurcit.

M. Lafrance: Ce n'est pas moi qui ai dit ça.

M. Gosselin: C'est toi qui l'as signalé. M. Lafrance: C'est moi qui l'ai cité.

M. Samson: II aurait dû citer le Dr Cliner.

Lorsque la teneur en fluor de l'eau est contrôlée à 1.2 partie par million, serait-il possible que certains individus puissent être atteints de fluorose dentaire en consommant cette eau? En d'autres mots, est-ce qu'on peut souffrir de fluorose dentaire en buvant de l'eau dont la teneur est de 1.2?

M. Gosselin: II n'y a aucun danger.

M. Samson: Maintenant, vous avez soutenu que le fluor est un élément naturel qui occupe le seizième rang parmi les constituants de la couche terrestre. Vous n'avez pas parlé, évidemment, de sa toxicité. C'est peut-être parce que vous considérez que le fluor n'est pas toxique?

M. Gosselin: Non, non, non. Un instant, nous n'avons jamais dit ça. Le fluor, autant que d'autres éléments, comme le chlore, l'iode, même l'aspirine que les gens consomment à la tonne...

M. Samson: Si je comprends bien, vous...

M. Gosselin: ...l'acide acétyloalicylique.

M. Samson: ...admettez que c'est toxique, sauf que vous faites la nuance dépendant des parties que l'on ajoute.

M. Gosselin: Vous savez, M. le député, même le scotch est toxique si vous en prenez trop.

M. Samson: Vous avez raison, vous avez absolument raison. Mais je ne sache pas que le ministère des Affaires sociales veuille imposer le scotch à tout le monde.

M. Gosselin: Là, ce serait peut-être trop cher. Ce serait peut-être une bonne chose.

M. Samson: Ce serait peut-être une trop bonne mesure.

M. Gosselin: C'est parce qu'une fois sous l'effet du scotch ce serait peut-être plus facile de passer la fluoration.

M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que vous voulez admettre que c'est difficile sans scotch?

M. Samson: C'est une déclaration très importante que vient de nous faire le Dr Gosselin. Il nous a dit que ce serait plus facile de passer cette mesure si tout le monde prenait du scotch. Nous retenons cela au dossier comme information.

M. Gosselin: D'accord.

M. Lamarche: C'est probablement parce que cela ferait disparaître les inhibitions de ceux qui sont contre.

M. Samson: Est-ce que vous voulez dire que le scotch n'aurait pas le même effet sur ceux qui sont pour?

M. Gosselin: Ordinairement, sous ces effets-là, lorsqu'on est déjà pour quelque chose, on l'est encore plus.

M. Samson: Ah bon! Alors, ça voudrait dire que ça n'améliorerait pas votre position.

M. Gosselin: C'est un peu comme les femmes, quand on les aime à jeun, on les aime encore plus sous l'effet du scotch.

M. Samson: M. le Président, c'est un peu en dehors du sujet, mais quand même très intéressant.

Je voudrais demander ceci au Dr Gosselin, lorsqu'il nous mentionne que le profane doit faire confiance à ces nombreux organismes formés de savants qui, preuves à l'appui, nous répètent depuis plusieurs décennies — il l'a mentionné tantôt — que la fluoration de l'eau est une mesure préventive, efficace, sans danger et peu coûteuse — vous avez mentionné ça également — est-ce qu'on doit comprendre que tous les hommes de science font l'unanimité quant aux bienfaits de la fluoration de l'eau?

M. Gosselin: A ce que je sache, il n'y a jamais eu d'hommes de science, sur quelque sujet que ce soit, qui ont fait l'unanimité.

M. Samson: Alors, il n'y a pas d'unanimité sur ça.

M. Gosselin: Non. Mais quand on arrive à une proportion de 99.8%. Vous savez, tout le monde n'était pas unanime dans la province en 1970, 1972, mais il reste qu'il y a une majorité.

M. Samson: Si vous admettez qu'il n'y a pas unanimité et si vous admettez, parce que vous venez de me le dire, que, quand on arrive à une proportion de 97%, de plus de 98%, il faut la considérer, à ce moment-là, comment expliquez-vous qu'on ne devrait pas considérer l'opinion du peuple de la même façon? Quand il n'y a pas unanimité, on prend la majorité, vous l'avez dit. Mais, dans le peuple, on n'a pas demandé cette majorité. Comment expliquez-vous ça?

M. Gosselin: Ecoutez, il reste une chose. Nous sommes dans une province démocratique, à ce que je sache, nous avons un gouvernement, je pense, démocratique...

M. Samson: C'est peut-être aller loin dans votre déclaration.

M. Bédard (Chicoutimi): On note vos hésitations.

M. Gosselin: Ayez-en l'opinion que vous voudrez, je la respecte. Moi, j'ai la mienne. Il reste une chose. Si la population, après s'être vu imposer la

fluoration — c'est la beauté de la démocratie et il faut peut-être avoir voyagé dans d'autres pays, à un moment donné, pour s'apercevoir comme on est bien au Québec et au Canada — n'est pas d'accord, il y aura d'autres élections; elle les foutera dehors et les remplacera par ceux qui sont contre la fluoration et vous enlèverez tout cela.

M. Samson: Ne croyez-vous pas qu'il vaudrait mieux plutôt leur demander leur opinion sur le sujet précis plutôt que de dire: On les foutera dehors si on n'est pas content? Un gouvernement n'a pas que ce seul sujet.

M. Gosselin: M. Samson, est-ce qu'on a fait un référendum pour la pasteurisation du lait?

M. Samson: Ecoutez, vous charriez un peu.

M. Gosselin: Je ne charrie pas, c'est exactement la même affaire.

M. Samson: C'est contesté, ici. Il y a une question autre que la science, il y a la question des libertés individuelles.

M.Gosselin: Oui, maisquand le bien commun... M. Samson: Ecoutez. Je verrais très mal...

M. Gosselin: ...l'emporte sur les libertés individuelles...

M. Samson: Tiens, je vais vous donner une autre comparaison. Accepteriez-vous...

M. Bellemare (Rosemont): Est-ce que le député de Rouyn-Noranda me permettrait une question?

M.Samson: M. le Président, est-ce que je pourrais finir?

M. Bellemare (Rosemont): Est-ce que vous me permettez de vous poser une question?

M. Samson: Non, non, vous parlerez tantôt. Laissez-moi finir.

M. Bellemare (Rosemont): Je veux juste poser une question.

M. Samson: Est-ce que cela veut dire que vous admettriez comme point de comparaison que le Parti québécois, par exemple, qui prône l'indépendance du Québec, l'impose à toute la population sans une élection ou sans un référendum? J'imagine bien que vous n'admettriez pas cela. J'imagine que personne n'admettrait cela.

M. Forget: Sur un point de règlement. Vous faites dévier le débat sur des sujets qui n'ont rien à voir avec la fluoration. J'aimerais que le député de Rouyn-Noranda limite ses remarques à ce qui est pertinent au projet de loi qui est devant nous.

M. Samson: M. le Président, je regrette, mais ce n'est pas le ministre des Affaires sociales qui va me dire quoi faire. Je pense qu'on va se comprendre là-dessus. J'ai le droit de prendre les comparaisons que je voudrai. J'ai le droit de demander aux gens qui viennent ici de quelle façon ils voient telle chose par rapport à telle autre, par point de comparaison. Je regrette, M. le Président...

M. Forget: M. le Président, le député a tous les droits. Je veux l'aider, dans son travail, à être pertinent et efficace...

M. Samson: ...je n'accepterai pas que le ministre tente de nous dire de quelle façon parler.

M. Forget: ...pour éclairer l'opinion publique.

M. Samson: D'ailleurs, ce ne serait pas dans la philosophie ordinaire du ministre.

M. Gosselin: Si vous êtes pour... dites-le moi, je vais aller au petit lieu.

M. Samson: M. le Président, moi, je suis en faveur des libertés individuelles. Je suggère qu'on laisse aller le docteur.

M. Gosselin: Ce serait une bonne idée, je pense. Tout de même, je veux revenir à votre affaire.

M. Samson: Non, mais écoutez...

M. Gosselin: M. le député de Rouyn-Noranda, je veux vous demander une chose. Au nom des libertés individuelles, est-ce qu'on a demandé à la population de voter sur la scolarité obligatoire jusqu'à quatorze ans?

M. Samson: Ah! là, si vous en venez...

M. Gosselin: A ce que je sache, c'est obligatoire.

M. Samson: ...au domaine de l'éducation.

M. Gosselin: N'y a-t-il pas une loi qui oblige les enfants d'aller à l'école jusqu'à quatorze ans?

M. Samson: M. le Président, si on nous amène dans le domaine de l'éducation...

M. Gosselin: Je vous pose une question.

M. Samson: ...je soutiens qu'on aurait peut-être eu avantage à faire certains référendums à certains moments. On a un problème de ce côté-là aussi. A une autre commission parlementaire, on va en parler.

Le Président (M. Pilote): Je voudrais qu'on revienne à la pertinence du débat.

M. Samson: D'accord, M. le Président.

M. Gosselin: Les libertés individuelles, M. le Président...

M. Samson: M. le Président, d'accord.

M. Gosselin: ...je pense que ce n'est pas à nous, à l'Ordre des dentistes, à venir discuter du fond de toute cette question. On est prêt à répondre, si vous voulez, n'importe quand sur l'opportunité de la fluoration des eaux, sur les effets bénéfiques de la fluoration des eaux, sur ce q ue cela apporterait de bien à la population. Si on est pour discuter de questions philosophiques ici, à ce moment-là, je pense que ce n'est pas notre rôle. On fera venir des experts en philosophie, en théologie, en ce que vous voudrez et vous pourrez vider cette question. Moi, je veux vous dire franchement que, d'abord, je ne suis pas un philosophe, encore moins un théologien.

M. Samson: Soyez bien à l'aise, docteur, je reconnais votre droit de ne pas répondre à certaines questions. C'est parce que le débat s'est engagé là-dessus que je l'ai fait. Une autre question. Si la fluoration réduit jusqu'à 60% la carie dentaire — c'est une question que j'ai posée tantôt et vous avez parlé, en réponse au député de Chicoutimi, je pense, de la ville d'Acton Vale — dans une ville comme Laval, par exemple...

M. Gosselin: Oui.

M. Samson: Avez-vous des chiffres à nous donner, des statistiques qui peuvent nous dire dans quelle proportion les dentistes ont ou moins de travail ou plus de travail? Avez-vous des chiffres?

M. Gosselin: Je vais vous dire une chose, M. le député. Ce n'est pas parce que la fluoration existe depuis dix ans, dans certaines municipalités, qu'actuellement les dentistes ont moins de travail. Il y a tout un contexte qu'il faut considérer. Moi, j'ai ouvert un bureau il y a 22 ans. A ce moment-là, à cause de l'éducation, peut-être, de la population, à cause de la non-importance que l'on accordait aux dents, aller chez le dentiste régulièrement n'existait à peu près pas dans ce temps-là. Il demeure que, même si une ville est fluorée depuis dix ans, il y a toute cette population adulte qui est là, qui n'a pas absorbé de fluor et qu'il faut traiter.

Il y a 22 ans ou avant, quand on ouvrait un bureau de dentiste, cela prenait un certain temps avant de se créer une clientèle. Cela prenait, dans certains cas, un an ou deux ans. Aujourd'hui, avec l'éducation qu'on a faite sur l'importance de conserver ses dents, la proportion des gens qui demandent des traitements augmente sans cesse. C'est ce qui fait que, même avec la fluoration, à l'heure actuelle, il n'y a pas de dentistes qui vont manquer d'ouvrage. Mais, si on pouvait prendre une municipalité, que ce soit Laval, Sherbrooke ou ailleurs, si on pouvait garder la même population là, dans les mêmes conditions, et qu'on fluore l'eau actuellement, i I est sûr et certain que dans 20 ans il y aurait peut-être trop de dentistes dans cette municipalité. C'est prouvé.

Disons qu'aux Etats-Unis... J'aurais peut-être dû apporter les documents; je vous demande d'avoir confiance en ce que je vais vous dire. A Seattle, entre autres, où l'eau est fluorée naturellement, c'est une grosse ville américaine où il y a la plus faible proportion de dentistes par rapport à la population. L'eau est fluorée, naturellement, depuis presque toujours. D'ailleurs, il y a eu des études; des phénomènes ont été remarqués, si vous voulez, à ce niveau, dans la ville de Seattle. Sur la côte ouest américaine, par rapport à la côte est américaine, les relevés de statistiques de carie dentaire ne sont pas les mêmes parce que vous avez beaucoup plus d'eau fluorée naturellement sur la côte ouest que sur la côte est. Dans les Etats de la Nouvelle-Angleterre et le reste, la situation dentaire, dans une certaine mesure, se compare au point de vue de l'incidence de caries. Je ne parle pas, à ce moment-ci, de la perte totale de dents ou du pourcentage de gens qui sont porteurs de prothèses, mais il reste que cela se ressemble passablement parce que nous faisons tous partie, à peu près, du même groupe.

C'est un fait reconnu. Nous, tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il est prouvé, il est démontré scientifiquement, cliniquement que la fluoration de l'eau est la mesure principale pour prévenir la carie dentaire. Quoi que l'on fasse, quoi que l'on dise, même si vous réussissiez à convaincre tous les gens de la province de Québec, du plus vieux jusqu'au plus jeune, à se brosser les dents, à prendre des soins d'hygiène, c'est sûr que cela améliorerait la condition dentaire des gens de la province de Québec, mais il reste qu'il n'y a jamais rien qui sera aussi efficace que la fluoration, c'est démontré.

M. Samson: Dr Gosselin, dans votre...

M. Gosselin: Je pense, M. le député, que sur les principes on s'accorde, autant chez l'Opposition que du côté du gouvernement.

M. Samson: II faudrait...

M. Gosselin: Est-ce que vous admettez, M. Samson...

M. Samson: ...faire une nuance entre l'Opposition officielle et l'opposition.

M. Gosselin: Bon, disons...

M. Samson: On n'est pas toujours d'accord.

M. Gosselin: ...que je parle de l'Opposition officielle et de l'opposition non officielle.

M. Bédard (Chicoutimi): L'Opposition officielle fait une distinction. Je crois qu'il y a une distinction entre être contre ...

M. Gosselin: Vous autres, vous reconnaissez la valeur de la fluoration.

M. Bédard (Chicoutimi): Bénéfique. Mainte-

nant, au niveau du principe lui-même, de là à l'imposer obligatoirement...

M. Gosselin: C'est cela.

M. Bédard (Chicoutimi): ...nous faisons confiance à la capacité d'une population de comprendre où est son intérêt.

M. Gosselin: D'accord. C'est très valable, remarquez bien.

M. Bédard (Chicoutimi): Tantôt, je ne vous ai pas interrompu mais je trouvais que vous charriiez un peu, si vous me permettez l'expression, lorsque vous avez dit: Qu'on l'impose et à la prochaine élection on n'aura qu'à mettre au pouvoir ceux qui sont contre la fluoration. Là je vois que vous n'avez pas voulu identifier notre position au fait d'être contre la fluoration.

M. Gosselin: Non, jamais.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est contre l'imposition obligatoire.

M. Gosselin: Je pense qu'un petit charriage de temps à autre, au milieu d'une discussion comme celle-là, ça va autant d'un côté que de l'autre. Ce q ue je veux dire, c'est que quand on commence à charrier quelque part, moi j'embarque dans la charrette et je charrie avec.

M. Bédard (Chicoutimi): M. Gosselin, en ce qui me regarde, vous admettrez avec moi que je n'ai pas charrié, je vous ai simplement dit...

M. Gosselin: Je vous ferai remarquer, M. le député, que tout le temps que nous avons discuté ensemble, ce fut paisible, agréable et tout ça.

J'ai autant d'agrément avec le député de Rouyn-Noranda. D'ailleurs, j'ai de l'agrément aussi avec un de ses concitoyens qui vient...

M. Bédard (Chicoutimi): La distinction de l'obligation est d'autant plus importante que nous avons déjà eu un projet avec la même teneur, à savoir le projet présenté par M. Castonguay, où il n'y avait pas d'imposition obligatoire, et dans celui-ci il y a l'imposition obligatoire.

M. Gosselin: Les contextes peuvent être différents et tout ça, mais comme c'est le gouvernement qui paie ces études, qu'il règle ses problèmes. Ce que je veux dire par là, c'est que nous, quelle que soit la manière que le gouvernement prendra pour fluorer les eaux de la province de Québec, que ce soit par imposition, par une loi ou encore par référendum, comme je vous l'ai dit d'ailleurs, en tout temps on appuiera toute mesure qui sera susceptible d'encourager la fluoration des eaux. Nous en sommes convaincus, peu importe le gouvernement qui sera au pouvoir.

M. Samson: Une dernière question, M. le Prési- dent. A la page 17 de votre mémoire, Dr Gosselin, vous mentionnez qu'à Berthierville, en 1961, avant la fluoration de l'eau, les enfants de six à huit ans avaient une moyenne de 1.81 dent permanente cariée alors qu'après dix ans de fluoration cette moyenne est tombée à 0.59. Est-ce que vous pouvez nous assurer que cette différence provient uniquement de la fluoration de l'eau potable? Est-ce que vous avez étudié les possibilités que cela provienne d'autres causes, soit, par exemple, l'amélioration des conditions de l'hygiène dentaire, l'amélioration de la nutrition ou une différence dans la nutrition? Est-ce que votre étude a porté sur l'ensemble des possibilités?

M. Gosselin: C'est-à-dire que ce n'est pas nous qui avons fait cette étude. Ce sont des chiffres qui sont relevés au niveau du ministère parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, on n'a pas les facilités ni les moyens de procéder à des études partout où il y a de l'eau fluorée, étudier les habitudes alimentaires et tout ça.

Mais une chose que je peux certifier de par ce qu'on remarque là, c'est qu'il y avait une situation avant 1961, une situation qui a changé durant cette période pour une population qui est restée à peu près la même au point de vue du nombre, etc.

Ce sont des phénomènes qu'on remarque, et ces phénomènes qui sont remarqués, en ce qui a trait au pourcentage de diminution de la carie dentaire, se comparent avec les études qui ont été faites scientifiquement dans des universités où on a comparé des groupes contrôlés qui prenaient de l'eau fluorée avec d'autres qui n'en prenaient pas. Les mêmes pourcentages de diminution de carie ont été observés.

Je pense que là-dessus, peut-être un peu plus tard, vous aurez quelqu'un ici d'une université américaine qui va vous présenter un mémoire. Il pourra peut-être parler beaucoup plus là-dessus, sur les études qui sont faites au niveau clinique sur des groupes contrôlés, justement.

M. Samson: Dans les questions de prévention des caries dentaires, pouvez-vous me dire si, en fait, il y a d'autres moyens que le fluor? Est-ce que l'amélioration de la nutrition, le fait que les enfants mangent moins de sucreries, des choses comme ça pourraient avoir des effets bénéfiques?

M. Gosselin: Ecoutez, je vous l'ai dit tout à l'heure, c'est un moyen parmi d'autres, mais c'est le meilleur de tous les moyens et le plus efficace.

M. Samson: Vous êtes certain que c'est le meilleur.

M. Gosselin: Cela, écoutez...

M.Samson: S'il y avait une meilleure nutrition...

M. Gosselin: Cela fait trente ans que c'est démontré partout, au moyen de statistiques, d'études, etc., tout ce que vous voudrez...

M. Samson: Parce que vous admettrez avec moi, docteur...

M. Gosselin: Si vous dites aux jeunes: Bois du fluor, tu n'auras pas de dents gâtées, tes dents ne carieront pas, tu n'as plus besoin de te brosser les dents, mange du chocolat tant que tu en veux, mâche de la gomme tant que tu veux, etc.

Il va peut-être y avoir une petite amélioration. Au lieu de 60%, ce sera peut-être de 20%, parce qu'il est sûr que les agents cariogènes, qui sont dans la bouche, vont trouver plus de résistance chez celui qui a pris du fluor. C'est comme tout le reste, il y a des mesures d'hygiène conventionnelles dont il faudra tenir compte tout le temps.

Seulement, parmi toutes les mesures de prévention de la carie dentaire, évidemment, la fluora-tion ou l'absorption de fluor est la principale, est la meilleure, est la plus efficace et aussi la plus facile d'application.

M. Samson: Autrement dit...

M. Gosselin: Vous avez des enfants, M. Samson?

M. Samson: Oui, j'en ai, des enfants.

M. Gosselin: Combien?

M. Samson: J'en ai trois.

M. Gosselin: Trois enfants. J'en ai quatre.

M. Samson: Nous avons trois enfants.

NI. Gosselin: Combien de fois avez-vous entendu votre femme dire aux enfants: Brosse-toi les dents?

M. Samson: Souvent, oui.

M. Gosselin: Souvent, n'est-ce pas?

M. Samson: Savez-vous que je l'ai entendue souvent aussi...

M. Gosselin: A part cela, ce n'est pas facile de leur faire brosser les dents.

M. Samson: ...leur dire: Buvez de l'eau. Une Voix: Fluorée.

M. Samson: Non, pas partout. Les enfants ne sont pas tous des buveurs d'eau. Ils préfèrent boire des liqueurs douces, ils préfèrent boire des jus.

M. Gosselin: Là, si on parle...

M. Samson: Moi, où je veux en venir...

M. Gosselin: ...de charriage, je pense qu'on commence à charrier un peu.

M. Samson : C'est votre témoignage que je veux avoir, dans le fond. Je veux en venir à ceci: Si on tient pour acquis que le fluor est la mesure qu'il faut — cela ne veut pas dire que je le tiens pour acquis, mais sous toute réserve — même après l'imposition de cette mesure, si on n'a pas d'autres moyens de meilleure nutrition ou d'empêcher les enfants de manger certains aliments comme cela se fait présentement, dois-je tenir pour acquis que, finalement, la mesure qu'est le fluor n'atteindrait pas l'objectif que vous visez, si c'était la seule mesure et si on ne faisait pas, aussi, l'éducation dans l'autre sens?

M. Gosselin: Vous êtes logique avec vous-même, dans le sens qu'on prétend que c'est la meilleure, mais il ne faut pas, parce qu'on fluoré les eaux de la province de Québec, arrêter de faire de l'éducation d'hygiène, de brossage des dents, etc. Même si vous disiez à quelqu'un de prendre telle vitamine tous les jours, si vous voulez, de la gelée royale, et qu'il va vivre jusqu'à 90 ans, je ne pense pas qu'un gars qui prend de la gelée royale, qui prend un coup à tour de bras et qui, en plus, fume comme un tonneau, etc., puisse vivre jusqu'à 90 ans. C'est quelque chose qui s'ajoute à d'autres mesures.

A la base — je reviens toujours là-dessus — la fluoration des eaux demeure, actuellement, la mesure principale pour la prévention de la carie dentaire. Cependant, il faudra toujours les autres mesures que l'on préconise: l'alimentation, l'hygiène, etc., parce que là on entre dans plus que la santé dentaire; on entre dans le domaine de la santé générale.

M. Samson: Merci.

Le Président (M. Pilote): L'honorable député de Rivière-du-Loup.

M. Gosselin: M. le député, moi, je vais laisser ma place à quelqu'un. J'étais sérieux, tout à l'heure.

M. Lafrance: J'aimerais bien vous entendre, Dr Gosselin, parce que je voudrais vous citer à deux reprises, mais je sais que le Dr Lamarche ou le Dr Archambault peuvent répondre.

M. Gosselin: M. le Président, est-ce que je peux demander une suspension de deux minutes?

Le Président (M. Pilote): Oui. Allez.

M. Gosselin: Je pense que le député aussi m'accompagne.

M. Bédard (Chicoutimi): Je vous comprends.

M. Gosselin: Ecoutez, je ne suis pas habitué d'être si longtemps assis, à boire de l'eau comme cela.

M. Bédard (Chicoutimi): Votre besoin semble évident, je vous comprends.

M. Lafrance: S'il vous accompagne... M. Gosselin: Je sais que le député...

Le Président (M. Pilote): On vous le permet. On pourra quand même poser des questions aux autres.

M. Lafrance: Oui, oui. M. Gosselin: Pardon?

Le Président (M. Pilote): On peut quand même poser des questions aux autres.

M. Gosselin: Le Dr Lamarche ou le Dr Archambault, ils sont peut-être mieux qualifiés que moi pour en parler. Je reviens, ce ne sera pas long.

Le Président (M. Pilote): Pendant que le Dr Gosselin est absent, je voudrais vous faire remarquer que nous avons ici, cet après-midi, un spécialiste des Etats-Unis qui vient présenter un mémoire à la commission et qui pourra être questionné par les membres de la commission. Le ministre m'a demandé s'il y avait possibilité de l'entendre à deux heures, et cela à cause des avions que doit prendre ce monsieur.

M. Lafrance: Comme le dirait Boileau, "ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément".

Le Président (M. Pilote): Les membres de la commission seraient-ils d'accord à être présents ici à deux heures tapant pour entendre le spécialiste des Etats-Unis?

M. Bédard (Chicoutimi): D'accord.

Le Président (M. Pilote): D'accord. Il ne faudrait pas que les gens arrivent à deux heures et quart, quand même.

M. Lafrance: Non, non. En remplacement du Dr Gosselin, je demanderais soit au Dr Lamarche soit au Dr Archambault les précisions suivantes. Le Dr Gosselin disait, tantôt, qu'il y a eu énormément d'information, de sensibilisation contre la carie dentaire. Il y a eu des programmes à la fois par le ministère des Affaires sociales, par l'Ordre des dentistes et, auparavant, par l'Association des chirurgiens-dentistes de la province de Québec.

On a essayé, partous les moyens, d'éduquer les enfants au point de vue nutritif, au point de vue de l'hygiène dentaire. Est-ce que les montants qui ont été dépensés pour propager cette hygiène dentaire et pour faire de l'information dans les bureaux des dentistes eux-mêmes sont une mesure efficace? Est-ce qu'on a pu prouver, à l'heure actuelle, qu'on a réduit autant la carie dentaire chez les jeunes qu'avec la méthode de fluoration que l'on préconise à ce moment-ci?

Pour reprendre un peu les propos du Dr Gosselin, quand on dit, par exemple, aux enfants — je pense que c'est un peu partout parce que les enfants ne sont pas différents d'une famille à l'autre — d'aller se brosser les dents, quand la mère demande à un enfant: As-tu brossé tes dents? Tu t'en vas à l'école, as-tu brossé tes dents? Le petit gars regarde et si la mère a le malheur de s'occuper du petit de deux ans, il met sa casquette et sort dehors. La mère l'a échappé et il n'a pas brossé ses dents. La preuve est faite qu'à chaque fois qu'on demande à un enfant: As-tu brossé tes dents ce matin? Les as-tu brossées hier soir? Les as-tu brossées hier midi? c'est bien rare qu'on ait des réponses. La seule fois où il les brosse, c'est avant de venir à son rendez-vous chez le dentiste. Là, il essaie de nous faire croire qu'il les a toujours brossées. A mon avis, ce n'est pas une preuve qu'on a diminué, qu'on diminue la carie dentaire de 60%. La méthode la plus efficace, celle qu'on préconise à l'heure actuelle, c'est la fluoration.

Deuxième question. Je reviens encore à un propos du Dr Gosselin. Il s'est cité en exemple, tout à l'heure, là-dessus, disant qu'il avait donné à ses enfants des pilules pour enrayer la carie dentaire et il a prouvé que c'était efficace dans son cas particulier. Il y a eu des expériences faites là-dessus, en Saskatchewan. On y a établi un programme où on donnait les pilules pour inciter les jeunes à prendre le fluor sous forme de comprimés. On a été obligé d'abandonner ce programme parce que, en trois ans, on est passé de 4 millions de pilules à 300,000 la troisième année. Il est prouvé, encore une fois, que cette méthode n'est pas efficace. Cela veut dire qu'à chaque fois qu'on laisse les individus libres de prendre une médication ou d'adopter une méthode personnelle de prévention, cela s'avère inefficace. J'aimerais connaître les commentaires de l'Ordre des dentistes là-dessus.

Au cas où il arriverait une opposition tellement forte — ce ne sera pas le cas mais au cas où cela arriverait — et qu'on soit obligé, par exemple, de dire qu'on enlève l'obligation de fluorer les eaux de consommation au Québec, préconiseriez-vous des pilules comme celles-là?

M. Lamarche: Je pense que vous avez posé des questions et vous y avez répondu par le fait même. Vous avez rappelé une expérience en Saskatchewan où on avait distribué des comprimés de fluor à l'école pour être sûr qu'on l'absorberait. Cette distribution s'effectuait pendant la période scolaire et, au bout de trois ans, on en est venu à constater que le programme était tout à fait inefficace parce que la réduction de la consommation et de la demande était très élevée. D'autre part...

M. Lafrance: Avant d'aller plus loin, si vous me le permettez, Dr Lamarche, vous avez mentionné que c'était en période scolaire. Cela veut dire qu'à l'âge préscolaire il n'y avait pas de protection.

M. Lamarche: Non. M. Lafrance: D'accord.

M. Lamarche: A compter de la maternelle et en période scolaire. Pendant les vacances, on n'en avait pas. Il y a aussi le phénomène que c'est une ingestion unique dans une journée; donc, il y a une grande quantité de fluor qui est éliminée parce que le rein l'élimine très rapidement. Pour qu'il y ait une accumulation au niveau des dents, il faut que ce soit

répétitif dans une certaine mesure. Ici, je ferais appel à certaines données physiologiques qui sont d'ordre scientifique, que je ne mentionnerai pas, car d'autres sont plus compétents que moi pour le faire. De toute façon, cela a été prouvé. Sous forme de pilules, décidément, je pense qu'on doit écarter cette possibilité, sauf si c'est la seule qu'il nous reste, de même que pour le lait.

M. Lafrance: Pour revenir à la première question, avez-vous une idée, depuis quelques années, à combien — la question se poserait peut-être au Dr Archambault — à combien s'élèverait le coût de l'enseignement, par exemple, au niveau des jeunes et les dépenses qui ont été faites par l'ordre au niveau de l'hygiène dentaire et de la nutrition?

M. Archambault: Au point de vue de l'ordre, en soi, la campagne nous a coûté pas loin de $100,000, une façon de parler; nous avons essayé d'atteindre toute la province au niveau de la prévention. Quelles peuvent être les sommes d'argent dépensées au niveau de l'Association dentaire canadienne, qui a contribué àfournir des documents ou des dépliants, etc., depuis nombre d'années? Qu'est-ce que la Ligue d'hygiène dentaire du Québec a pu dépenser ou ce que cela a pu coûter au gouvernement pour mener à bonne fin son travail à travers le Québec? Enfin, qu'est-ce que tout ceci peut rapporter véritablement sur le plan de l'efficacité en comparaison avec une imposition qui serait absolument bénéfique pour tous? C'est un grain de sel dans un gallon d'eau, en somme, que vous avez donné. Cela peut coûter une fortune au gouvernement pour essayer d'éduquer le public, il n'y a pas d'erreur.

M. Lafrance: Cela veut dire que les montants impliqués déjà, à la fois par l'association et la Ligue d'hygiène...

M. Archambault: Ils sont formidables, jusqu'à présent, oui.

NI. Lafrance: ...sont disproportionnés en comparaison des résultats?

M. Archambault: Oui.

M. Lamarche: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, l'ordre a fait des efforts louables en termes de prévention, mais la prévention, l'enseignement et l'éducation populaire ne sont pas uniquement l'affaire des dentistes. Au contraire, je pense que cela doit faire l'objet d'une préoccupation qui doit regrouper des gens de disciplines tout à fait différentes, parce qu'il s'agit de transmettre un message à une population où l'échelle des valeurs est modifiée. C'est-à-dire que la santé dentaire, au niveau de l'échelle des valeurs, est placée à un rang qui est trop lointain, en ce qui nous concerne.

Pour faire passer le message dans le public, je pense que ça ne prend pas que des dentistes. Les dentistes ne touchent qu'une faible minorité de la population. Environ 30% des gens visitent le dentiste, ce qui veut dire que seulement 30%, actuellement, bénéficient d'une certaine information, d'une certaine éducation dentaire et de certains soins. Ce qu'il faut, c'est atteindre les gens qui ne visitent pas le dentiste et qui, eux, en ont le plus besoin. Pour atteindre ces gens et pour changer les valeurs individuelles, cela prend plus que des dentistes; cela prend des équipes multidisciplinaires au sein desquelles doivent se regrouper des psychologues afin de transmettre à une masse des messages de valorisation de la santé dentaire. Cela demande des professeurs, des spécialistes en nutrition, des diététis-tes, une équipe multidisciplinaire.

Donc, l'Ordre des dentistes est prêt à contribuer, autant que faire se peut; c'est sa préoccupation fondamentale, mais seuls nous demeurons tout à fait impuissants à atteindre l'objectif que nous devrions viser, c'est-à-di re de valoriser chez la population la santé dentaire. Même si vous valorisez, au niveau des individus, la santé dentaire, il faut que, parallèlement à ces efforts, soient même imposées des mesures de prévention de masse, dont lafluora-tion qui est la plus efficace.

M. Lafrance: Merci.

Le Président (M. Pilote): On vous remercie, M. Gosselin, et ceux qui l'accompagnent de la valeur de votre rapport, ainsi que de la façon dont vous l'avez présenté. Soyez assurés que la commission va prendre bonne note de vos recommandations.

M. Gosselin: M. le Président, si vous me le permettez, avant de clore, peut-être que je m'adresserais aux députés de l'Opposition officielle et à tous les autres. Advenant le cas que le gouvernement, en cours de route, modifie son projet de loi et que l'on exige un référendum, est-ce que chaque député de cette Assemblée serait prêt, s'il est convaincu de la nécessité et de la valeur de tout cela lui-même, au niveau de sa localité, de son comté, à faire campagne en vue de faire accepter la fluoration?

Permettez-moi de terminer simplement par une petite histoire. C'est le type qui entre chez le dentiste. Il lui manque une dent. Il lui demande: Voulez-vous me poser une dent semblable aux autres? Le dentiste lui a posé une dent avec quatre caries. Merci, messieurs! au plaisir de se revoir.

Le Président (M. Pilote): Merci, messieurs. La séance est suspendue jusqu'à deux heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

Reprise de la séance à 14 h 20

M. Pilote (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs! Nous allons entendre à présent les facultés d'art dentaire des universités de Montréal, de Laval et de McGill qui sont représentées par le docteur Paul Simard, doyen à Laval, le docteur Jean-Paul Lussier, doyen à Montréal, et le docteur Ambrose, doyen de McGill.

J'inviterais M. Lussier à présenter le mémoire qui a été préparé conjointement par les trois universités.

Facultés d'art dentaire

M. Lussier: M. le Président, je voudrais d'abord remercier la commission de recevoir les doyens des facultés dentaires des universités du Québec pour présenter leur mémoire, mais je voudrais, avant que les doyens eux-mêmes ne présentent et commentent leur mémoire, que vous nous donniez la permission de vous présenter le docteur James Shaw, à qui on a demandé de traiter de certains aspects qui touchent particulièrement l'aspect physiologique de la fluoration. Le docteur Shaw est un biochimiste, professeur à l'Université Harvard de Boston; il enseigne à la faculté de médecine et à la faculté de médecine dentaire. Il est reconnu pour ses travaux sur la nutrition en rapport avec la carie dentaire. Nous sommes sûrs que le docteur Shaw a des choses extrêmement intéressantes à communiquer aux membres de la commission.

Par ailleurs, le docteur Shaw doit nous quitter assez tôt cet après-midi et j'aimerais, M. le Président, que vous lui accordiez la permission de présenter son mémoire immédiatement.

Le Président (M. Pilote): La permission est accordée.

M. Lussier: Merci, M. le Président. Mr Shaw.

M. Shaw: Thank you. Mr President, Mr Minister, ladies and gentlemen, I appreciate very much the opportunity to be here and I trust you will forgive me for being unable to speak in French. I regret this because a language barrier always is a problem in communications, but I personally regret it because I think I missed some repartees this morning that would have been very interesting to relate to my students when I went back to Boston.

My interest in study of fluoride goes back to the days when I was a graduate student at the University of Wisconsin. I became interested in the relation of fluoride to dental caries and to human health. At that time, by reason of a rather fortuitous circumstance, I knew a dentist in médecine who was very much interested in making a little epidemiological study in local circumstances there. And so, in the winter of 1944-45, I went with this group of dentists to conduct the survey or to watch them conduct the survey to compare the dental caries experience in the school of children of Union Grove, Wisconsin, where the water, naturally, contained 1.4 parts per million of fluoride, with the dental caries experience of children of the same ages in Madison, Wisconsin, some 50 miles away, where the water supply contained a very low level of fluoride.

Even though I was a layman dentally speaking at that time, I was greatly impressed by the beauty of the children's teeth, and even to me it was very clear that there was a remarkable difference in the amount of tooth decay for children in that community versus Madison. Indeed, when the survey was completed, the data indicated that the children of Union Grove had just almost exactly one third as much tooth decay as the children of Madison, Wisconsin.

So this is my introduction, thirty years ago. This survey, for the people of Wisconsin, was the beginning of a very rapid trend of events which led to rapid adoption of water fluoridation throughout the state, to the point where Wisconsin has been one of the leading of the 50 states in providing water fluoridation to a high percentage of its inhabitants.

Since then, for me, the survey was the beginning of a lifelong study of the relationship of fluoride consumption to health. I have read the "Dossier technique sur la fluoration, 1974" which was prepared by the Minister of Social Affairs and his collaborators. I believe this is really an excellent and highly informative document which addresses all the important issues in this area. And this document together with the monograph which, I assume, you have available to you, prepared by the World Health Organization, entitled: "Fluoride and Human Health " really provides all the subject matter that is really needed to come to a definitive answer as to whether or nor the use of fluoride reduces tooth decay and whether or not it is safe.

So I should like to comment on the subject of water fluoridation under the following headings: first, the occurrence of fluorides; second, the physiology of fluorides; third, the benefits of water fluoridation and, forth, the safety of fluoridation.

Now, under the subject of the occurrence of fluorides, I think it is clear that we must realize that the fluorides are inorganic compounds which contain the element fluorine. We are not talking in any sense of the word of introducing the highly reactive gas fluorine in the water supply. These inorganic elements are very widely distributed in nature to the point where it is truly correct to say that they are ubiquitous. No food item or water supply, in any place on the earth, it has been studied, is ever completely devoid of fluorides. I realize that it is a very strong and categorical statement, but the high prevalence of fluorides in the crust of the earth has led to the fact that there is just not any water supply, with the kinds of analytical procedures that are available now, which does not have a detected amount of fluoride, and this is also true of every food.

Almost all foods contain low and relatively constant fluoride concentrations, irrespective of the amount of fluoride in the soil in which the foods were raised. However, just as the amount of fluoride in soil varies, the concentration of fluoride in water varies widely in relation to the amount of fluoride in the soil and in the rocky strata from which the water

is collected in the process of being prepared for human use. The fluoride concentration in public water supplies around the world varies widely and it is this fact which has made possible many epidemi-logical surveys on the dental benefits of fluoride ingestion and on the relationship of fluoride to every aspect of human health.

This fortuitous natural variation in fluoride consumption around the world has literally made possible the collection of information about fluorides in human health which should have been completely impossible from a financial standpoint, even from the point of getting adequately controlled human studies conducted.

Now, regardless of the source, whether endemic or, as you say, "naturellement", or provided during water processing, "artificiellement", which terms I do not like, but which are commonly used in English and in French, the fluoride ion, I must say categorically, is chemically the same.

This is a point that must be emphasized. Indeed, if you take any other position, you are going back to the time in scientific history of the alchimists when they were trying to turn lead into gold, because basically this is what you say if you say there is a natural fluoride ion and there is an artificial fluoride ion.

And the thing that is important in making this emphatic statement is that the human body therefore is unable to differentiate physiologically or biochemically between dissolved fluoride ionsfrom different sources. The fluoride which is present in a public water supply is completely in solution, whether it comes from a natural source or whether you add it in the water plant. From the time of conception of the human organism until death, the human organism lives in an environment in which fluoride ions are present, because of this ubiquitous nature of fluoride at different levels in waters and in more constant levels in food items.

Therefore, throughout embryonic and fetal life, the human organism has metabolized the fluoride ion. I think this is a point we need to get across very clearly because again it is one of those points that has been so very adequately demonstrated in a variety of studies. For example, at birth, the skeletal system of a human infant, even in a low fluoride area, contains somewhere between 50 to 100 parts for million of fluoride.

Adjustment of the fluoride concentration of the water supply to provide an optimal level for the development of caries-resistant teeth results in the increased consumption of a familiar element rather than in the confrontation of the human body with some new agents. And I would be hoping that, in your deliberations about this bill before you, you would remember that what we are really proposing here, what your minister of Health is really proposing is an adjustment, not the confrontation of a human body with something new.

Second : The physiology of fIuorides. When food is digested in the intestinal tract, its fluoride dissolves to different degrees, depending on whether the fluoride in that food is present in a relatively soluble or a relatively insoluble form. For example, a very insoluble form would be in the case of bone mineral which is used by some individuals as a source of calcium. Here, only about a half of the fluoride in bone mineral, as a food supplement, is dissolved and therefore is absorbed. Fluoride in vegetables, fruit juices and so forth is almost exclusively absorbed.

Now the food fluoride which does not go into the solution in the intestinal fluids is not absorbed into the blood, but is excreted in feces. The food fluoride which dissolves is rapidly absorbed from the intestines into the blood and likewise, fluoride which is ingested in water and is already in solution is rapidly and almost completely absorbed from the intestinal tract.

Fluoride in the blood is always in equilibrium with the mineral salts which make up two thirds of the mass of the skeletal system. Fluoride is quickly removed from the bloodstream either by excretion in the urine or by deposition in the skeletal structures which really serve like a sponge to remove momentary, transient excess fluoride from the blood or — I point out here a point which is often not thought of — to release f I uo ride into the blood when the level there falls below the normal value.

In this way, a remarkably steady fluoride concentration is maintained in the blood, despite fluctuations in fluoride intake at various times in the day after eating or after drinking something. When a relatively constant amount of dissolved fluoride is being digested daily, approximately three quarters is excreted daily into the urine and the remaining one quarter is incorporated into the minerals of the skeleton.

As a result of the consumption of the fluorides endemically present in the food and in a low-fluoride water supply, the fluoride content of the skeletal tissues steadily increases to an average, somewhere in the neighbourhood of 1,200 to 1,500 parts per million over a lifetime. Where water is fluoridated at the recommended levels for optimal dental benefits, the fluoride concentration in the skeletal tissues is approximately doubled during a lifetime. The skeletal system has a tremendous ability to incorporate fluoride without harm, and only about a quarter of this ability to incorporate fluoride is utilized when the appropriate levels of fluoride are ingested to obtain optimal dental benefits. In excess of 99% of the fluoride in the body is built into the mineral crystals of the bones and teeth. The remaining 1%is widely scattered throughout the soft tissues, the blood and the extracellular fluids.

No evidence has ever been produced to indicate any accumulation of fluorides in soft tissues as a result of fluoridation of public water supplies.

Du ring the mineralization of teeth while they are still developing in the jaws, fluoride is incorporated into the hydroxyappetite crystals of the enamel and dentin. The amount of fluoride incorporated into these mineral crystals is proportional to the amount of fluoride absorbed from the intestinal tract, and therefore the amount that is ingested in the food.

In communities where the water supplies contain an optimal amount of fluoride, significantly higher concentrations of fluoride are incorporated into these mineral crystals of enamal endentum than in areas with a low-fluoride water supply. The addi-

tional fluoride leads to a larger and more perfect series of crystals which have lower acid solubility and a significantly higher resistance to the production of dental caries.

One of the interesting things, from a chemical standpoint, which has never been adequately explained, I think, to anybody's satisfaction, is the fact that there is a very substantial increment of fluoride into the surface of the enamal while it is developing, and though there is a period of several months or even a year or so on some of the teeth that the crown of the tooth after it has reached its maximum physical size, lays in this bony crypt where it is still surrounded by the enamel in dentin forming cells.

During this period in enamel, this is a very extensive continuation of deposition of mineral salts, and one of the unique thing about this deposition of mineral salts that somehow, there is approximately a tenfold higher concentration of fluoride on a very thin layer of the outer surface of enamel.

Somehow, this very high level of fluoride in the outer surface in the presence of adequate fluoride is undoubtedly the key to their increased caries resistance. It may not be the sole one, and there may be other relationships such as to the plaques, such as the microbial population around the surface of tooth but it is certainly a key.

Third, the benefit of water fluoridation. Many surveys have been conducted undervaried circumstances around the world to determine the relationship of the ingestion of endemic water-borne fluoride to tooth development during tooth development to the dental caries experience of children and adults. Without exception, the ingestion of optimal amounts of endemically available fluoride during tooth development resulted in a much lower caries experience, than the neighbouring communities where the water supplies contained low amounts of fluoride.

This benefit has been fairly consistentely in the neighbourhood of a two-thirds reduction in dental caries experience when optimal amounts of fluoride were ingested throughout the long period of tooth development. This reduction has been true in areas with widely different geographic, ethnic, cultural, economic and dietary circumstances. Even in areas where there is a generally low dental caries experience, such as in central Europe, in Hungary, Rumania, Czekoslovakia, a comparable two-thirds reduction in tooth decay is observable in communities with optimal fluoride avalability, in 1945, the first three communities began to have controlled amounts of fluorides to their water supplies in order to evaluate whether comparable dental benefits could be provided to the children of any community as a public health measure where appropriate amounts of fluoride were added in the water processing plans. These studies, I am sure you know, are in Brandford, Ontario, Grand Rapids, Michigan and Newborg, New York. I like to mention the fact that Brandford was one of them because I was born and grew up just a few miles from Brantford.

So these studies which were set out to evaluate — could you do on a technical basis what nature has provided? — demonstrated beyond the shadow of a doubt, within a brief period of years, that the addition of an appropriate amount of fluoride to a community water supply was as effective as fluoride introduced incidentally by water's contact with rock and soil in the collecting areas.

The experience in these trial communities has been duplicated in many comparable studies in many parts of the world. The extent to which fluoridation has been accepted in numerous countries is shown in your dossier page 22, certainly a clear attestation to the overwhelming acceptance of scientific and medical dental professions throughout the world.

You have an excellent example here in the province of Quebec, in Montmagny. The results after seven years of fluoridation are documented in precise fashion by Doctor Michaud in appendix 3 of your dossier beginning on page 131. I think it is very helpful to have a local site like that, because you know, people can always ask the question: Yes it worked there, but you know will it work here with my people, with my kind of food habits and so forth.

There is only one real thing of importance that I want to point out about the Montmagny studies and that is the fact that there was a much larger benefit for the five to seven year old children, then for the older children. Now, the reason for this is clear in that the children who were twelve to fourteen years of age, at the time of the 1973 examination were already five to seven years old in 1966 when fluoridation was begun. Therefore, their incisors, their first permanent molars where either already erupted or almost fully mineralized prior to the initiation of fluoridation. Therefore, those teeth have the old type of high carie susceptibility. However, in the teeth of these twelve and fifteen years old which developed during the fluoridation period and are erupting in the twelve to thirteen years old interval, they have the full benefit of optimal fluoride ingestion and have a low carie susceptibility.

Now, children who are twelve to fourteen years of age, five or six years from now, can be expected in Montmagny to have similar levels of reduction in dental caries to the children who were six to eight when this survey was made in 1973. And so, within a single mouth or a group of children's mouths, in this community, you have a comparison between teeth with a high carie and a low carie susceptibility because of the different life history of those individual teeth.

As you consider the current proposal, bill no 88, for an amendment in your Public Health Protection Act, I am glad that you have this excellent local example. The levels of benefits described in Dr Mi-chaud's report, especially among the six to eight-years-old children, are ones, which I am sure, are readily evident even to the relatively cursory inspection by the untrained eye of a layman, as I was, when I went to Union Grove in 1944, not just to the skilled dental examiner.

A local demonstration of this nature where the two communities of comparable ethnic, geographic and dietary characteristics is the best evidence for you that province-wide fluoridation should be instituted at the earliest possible time.

No doubt you have estimates of what complete dental care would cost for a child in Montmagny versus a child of the same age in Quebec city. The savings are no doubt many times higher than the cost of fluoridation per individual.

And yet, you know, I think in the total economy of life and health of the general children. I earnestly believe that the benefit to the child of this level of dental caries prevention far exceeds for his own emotional well-being and so forth the monetary savings that the province will make in cutting down this amount of needs for dental care.

When the relationship of fluoride to dental caries experience was first recognized in 1929, no other benefit of fluoride ingestion was known. For decades investigators speculated at about other possible relationships to health and debated wether fluoride was nutritionally essential in any other way than for the formation of carie resistent teeth.

Within the last few years Dr Schwarz of the United States National Institute of Health in... has demonstrated unequivocally that normal growth in small rodents is dependent upon the ingestion of minute amounts of fluoride.

The likelihood of a sufficiently low intake of fluoride in man to produce growth retardation is extremely unlikely. Since fluoride is such a ubiquitous component in food and water, heroic measures were necessary to produce a diet that was sufficiently deficient to get this demonstration of a growth response in experimental rodents however the important thing is that this is the clearest demonstration yet of a pivotal fact that fluoride is an essential nutrient in every sense of the word which you use for defining essential nutrients for a vitamin, for a mineral mean amino acid or whatever.

So I believe it is important to emphasize here that fluoridation is a concern for providing an increased amount of an essential nutrient ot the population of a community, very similar in many ways to the addition of vitamin D to milk or calcium to bread, riboflavin to bread and so forth, iodine to salt.

Other data from clinical surveys indicate that less osteoporosis, less frequent collapsed vertebra occur, particularly among older women in communities which have elevated levels of endemic fluoride in their water supplies. It is not known whether provision of fluorides at the levels appropriate to reduce dental caries experience will prove to be helpful as far as the osteoporosis in concerned. Only further research will provide the answers about the possibility of a fluoride relationship to osteoporosis.

Section 4. The safety of fluoridation. Obviously before fluoridation could begin in the three test communities in 1945, strong assurances had to be available that the populations in these communities were not to be subjected to any health risks. Both before and extensively since that time large numbers of animal trials have been conducted to evaluate various aspects of the consumption of varying amounts of fluoride. In addition, numerous clinical evaluation and epidemiological surveys have been conducted to evaluate various aspects of the health of populations living in areas where varying amounts of endemic fluoride are consumed and in- creasingly studies are becoming available in areas where fluoride has been added in controlled amount to communal water supplies.

I earnesly believe that there is no other relationship to human health which has been so thoroughly studied. The conclusion reached from the tremendous volume of pertinent literature is that fluoride ingestion at the levels recommended for water fluoridation is completely safe for every age group and for individuals with various medical problems. This evaluation has been reached after careful study, not only by a great number of concerned individuals like me, but by many professional organizations. You have an impressive list of those in your dossier in pages 119 to 123.

Like many other essential nutrients, fluoride has a spectrum of influence varying from deficiency, when too little is consumed to benefit, when appropriate amounts are ingested to toxicity when excessive amounts are consumed for prolonged periods. The same can be said for nutrients, such as vitamin A and D, for calories and even for water. In the case of fluoride, too little fluoride during tooth development leads to the formation of teeth which are highly susceptible to dental caries and continuation of low fluoride levels in consumption throughout life may lead to unnecessarily early and severe onset of osteoporosis of the skeletal system. Uptimum levels of fluoride ingestion during the tooth development lead to teeth of relatively high resistance throughout life to caries and possibly also to less osteoporosis. Getti ng over into the area of toxicity, the most sensitive cell — this is a very helpful fact — in the entire body to excess fluoride, is the ameloblast, the cell which forms enamel. When the water supply contains two and a half to three or more times the optimal fluoride concentration for dental benefits, the ameloblast produces enamel which we say is mottled. This abnormality varies from tiny white patches to rough uneven areas that may be discolored and esthetical ly unattractive. I want to point out here there is a large span from the very insignificant, maybe in some people's mind even esthetically desirable, early levels on up to the esthetically unttrac-tive.

Now, these teeth regardless of how badly they are mottled, are highly resistant to dental caries. The deep degree of this abnormality increases in direct relationship to the amount of excess fluoride consumed. However, you can say with assurance that mottled enamel is not an esthetic problem, in the community where the optimal level of fluoride is provided in the communal water supply for dental benefits. At much higher levels of fluoride ingestion, for example 20 or more milligrams per day over many years, more severe toxicity to fluoride has been described. However, again, there is no way in which the controlled supplementation of a water supply by fluoride that such levels ingestion could even occur for a day, let alone for a period of many years. I might just as aside say that the gentleman who had the bottle of, what I assume was a can of sodium fluoride, brought in today. I imagine this was approximately a pound or 454,000 milligrams enough fluoride to be contained in 110,000 gallons

of water at the control fluoride adjustment level obviously is bringing in, we would say, a red herring because this would never in sense of the word, be a humanly available amount through controlled water fluoridation.

I want to strongly affirm that no one in the Province of Quebec need have any concern that any adverse influence will occur as a result of a supplementation of water supplies, the adjustment of water supplies to attain a recommended level of 1.2 parts per million of fluoride.

In summary, I am convinced that the fluoridation of public watersupply, at an appropriate level, is the most effective way to produce a major red uction inthe dental carie experience of a community at first among the children but ultimately these become adults, so that the entire population is benefited. This major dental benefit can be obtained with complete confidence in the safety of the procedure foreveryone in the community. The cost of fluoridation is very low on a per capita basis, far ower than the cost of dental care.

I believe that the amendments concerned with fluoridation of public watersupplies in your bill nr 88 are exemplary. I would like to see comparable legislation adopted throughout Canada and in the United States. The Province of Quebec has already made good progress in view of the availability of optimal levels of water-borne fluorides to over 800,000 of your citizens in 92 municipalities. I trust that the National Assembly of Quebec will adopt bill nr 88 in order that not just 800,000 but all of your citizens in communities with water systems will quickly have the benefit of water fluoridation.

I was asked by the president of the Canadian Society of Public Health Dentists to say that this position is endorsed by the members of that society and I shall also like to point out that these statements are ones that are strongly and enthusiastically shared by my fellow faculty members at the Harvard School of dental medecine.

Thank you very much, Sir.

Le Président (M. Pilote): Le ministre des Affaires sociales.

M. Forget: Thank you very much, Dr Shaw. It was a very interesting, very informative and very clear presentation. I would like perhaps to make sure that I understand and other members of this commission understand as clearly as possible, all the implications of your remarks and I might have perhaps a few questions to ask in connection therewith.

You suggest, in the first page of your presentation, that fluoride is ubiquitous in your own word. That would tend to suggest that there is hardly any need perhaps to add to what nature has already provided since, if it is found everywhere, you may have, first of all, opportunity to absorb it under many forms, and in many ways. Moreover, you may absorb it in various amounts so that the attempt to control the intake — given the wide number and variety of sources — is an impossible task, because one would have to control, not only water intake, if that could be done, but also intake through all other means.

What would be your reaction to such an assertion?

M. Shaw: The amounts of fluoride that are present in foods, even though they are ubiquitous, really are very small, except for a relatively small number of fruits, tea for example, in fusion will run somewhere in the neighbourhood of one part per million and things like canned sardines or canned salmon — if you eat the bones there, as most people will do — would have higher amounts of fluoride, but by, and large, out vegetables, our milk, fruits, cereals, etc., are quite low and there is very little fluctuation from one kind of food to another in that regard.

Now I cannot give you any figures, possibly Dr Stanley and his colleagues at the McGill University already have collected data on this spot. But, forthe Boston area, if you sample a series of food intakes from typical people in different age groups, the average young adult consumes food which provides something in the neighbourhood of 0.3 to 0.5 milligrams a day and, as nearly as we can tell, in order to get optimal dental benefits, you need something in the order of 1 1/2 to 2 milligrams a day and there is no typical or normal, shall we say food habit even varying in different kinds of ethnic groups and food interest groups that give you anything like this amount from the foods. And so, as you look around the world, places where they have the elevated levels of fluoride up around 1 or 1.2 parts per million, the individuals there have something like 21/2 or2.7 milligrams available to them per day, of which 2/3 or 3/4 comes from the water and the rest from the food.

You have to have a very unusual diet to get enough from food alone.

M. Forget: So would it be fair to say, that although fluoride is ubiquitous, fluors is ubiquitous, its presence in theenvironmentand in food does not matter so much, because in any case the range of variation in intake through food intake, this range is narrow, relatively narrow, and it is moreover perhaps not entirely relevant, because it is not in soluble form and cannot be absorbed readily into the bone tissues, but is eliminated in any case.

So, it shows that it is not dangerous, but it shows also that through the food intake, it is not terribly useful for the purpose we have in mind, that is tooth decay prevention.

M. Shaw: Yes sir, that is well said.

M. Forget: You indicate, on page 3, something which I would like to be quite sure, I fully understand, that the organism has an ability to adapt to variations in the intake of fluoride through elimination in the natural waste of excess fluoride that it might absorb, and you seem to suggest that only one quarter or 25% of this capacity to get rid of excess fluoride is utilized at the level of fluoride intake envisaged by this piece of legislation. Is that correct?

M. Shaw: I am not sure that I understand you there. Basically, if you are consuming, say, 2 1/2

milligrams of fluoride a day, on a steady day-by-day basis, in round figures two milligrams, that is going to be excreted in the urine and the half a milligram is going to be stored in the skeleton or in the developing teeth. Now, on the other hand, if you go down to levels of half a milligram consumption a day, roughly 0.4 milligram is going to be excreted in the urine and one tenth to two tenths are going to be stored in the skeleton.

The cells of the skeleton are somewhat of a buffer system so that when there is a little excess in the blood after a meal in which there is an appreciable amount of fluoride, then there is a movement into the bone, but then, when that is passed, when there has been excretion in the urine, there is a movement back out into the blood. These are entirely in an equilibrium with each other and the equilibrium is adjusted up a little higher each time the ingestion level is increased. So, if you are ingesting one milligram, eight tenths are excreted and two tenths are stored. If you are consuming two milligrams, 1.6 milligrams are excreted in the urine, 1.4 are stored in the bone.

M. Forget: I see.

M. Shaw: It is a real beautiful homeostatic mechanism. That is the term that we use of any kind of system like that in the human body, the checks and balances as it were to make sure of safety in cases of minor excesses or in cases of deficit. These are really extremely finely honed in the case of fluoride.

M. Forget: But it is not a mechanism that can adjust...

M. Shaw: Yes.

M. Forget: ...the level of fluoride to whatever the variations in the intake, up to a certain range to provide the more or less optimal level in the bloodstream.

M. Shaw: Yes.

M. Forget: You suggest, later down in your presentation, that there is a great concentration in the outer surface of the enamel, and that concentration is greater if the intake of fluoride is increased.

M. Shaw: Yes, sir.

M. Forget: Then, if one would say, from the observation, tha tfluoride is found in natural sources of water without adjustment of the fluoride level, one could say that one could get half the benefit if half the fluoride level is observed to be present. But from this observation, it would tend to show that, if you are only half virtuous, you will get less than half the rewards for your virtue. In other words, you do not get half the benefit if half the fluoride is there, but you get less than half.

M. Shaw: That is right. It is a sort of curve that goes along like this. You consume about so much and there is very little noticeable benefit. But then, you have a sharp curve and a plateau when you get up to the desirable level.

M. Forget: So that would be an argument not to leave well enough alone.

M. Shaw: Absolutely!

M. Forget: You refer to the three communities that began adding controlled amount of fluorides to their water supplies 30 years ago this year, actually.

M. Shaw: Yes, this is the anniversary.

M. Forget: Have any of these communities or other communities in the United States abandoned fluoridation as a result of a verification, or a controlled study of the bad effects that fluoride might have had?

M. Shaw: Without interruption, these three communities that began in 1945 have been continuous. So, for 30 years, you have a solid record, and each one of these three communities have been kept on as steady cases by reason of their desire to know, over a long period of time, not only what the dental benefit was, but also what the systemic relationships were.

Now, there have been communities where fluoride has been discontinued in the United States, and this is not true, though of any of these three. The reasons for discontinuation have been usually centered around one of two things: That the most common one was that there would be a group of people in the community who were very upset by the fact that fluoridation was being required of them, and so, they would start some sort of procedure whereby the process could be required by the law in that particular political subdivision to be stopped, to stop fluoridation. So this is item number 1. These facts are very commonly. Those we have had, scare-kinds of techniques of people in the community who have raised unfair and unjust, incorrect statements. I think the other reason that fluoridation has been discontinued here and there, has been on the basis of other people who took a terribly conservative, authoritarian sort of approach that here was something that was legally being forced upon us, rather than us having the local option to do it. But I know of no case — I can say this absolutely categorically — where fluoride was stopped because of any demonstration of danger or harm or bad taste in the water supply of the community.

M. Forget: Dr Shaw, we have received letters which refer to levels of fluoride in the coronary artery, in people living in communities where there is a fluoridated water supply. An example of such a community is Grand Rapids, Michigan, and these allegations compare the levels of fluoride, again in the coronary artery of people in those communities to people living in non-fluoridated regions.

Could you comment on this, from a nutritional viewpoint, which is your field of specialty, and from the point of view of the physiology involved?

M. Shaw: Yes. Wherever mineral is deposited in the body, there will be an amount of fluoride deposi-

ted also, simply because in just the ordinary process of formation of crystals of mineral structure, whether it be in the dorsal aorta or the coronary artery or in bone or teeth, there will be fluoride deposit in it simply because there is fluoride in the milieu in which that crystallization is taking place. Now, this does not say that the crystallization of those minerals occured because of the fluoride in those studies in the coronary artery. Undoubtedly, this was an atherosclerotic plaque that was in some process of healing, so that mineralization was taking place, which is quite a routine procedure in a plaque that is not increasing and growing larger.

As I recall that study — it was a very small one — if recall correctly, ten or eleven people in Grand Rapids who had amounts of fluoride in the ash that is listed as, I think, .84% which would be 84/100 parts per million. That would be a level which would be comparable to what would be in bone in Bartlett, Texas where there is eight parts per million in the water supply. In other words, a relatively high amount.

Now, I find that paper hard to be absolutely sure how those data are expressed. But my belief is, that is 84/100 parts per million of the mineral, whereas if you were to express it on the fresh weight of the aorta, it would be down to 840 parts per million, because there is only a 10% moneralization present in that particular area.

But it is a rather difficult paper to read, and the number of people who examined it really was very small. But you must not take away from a meeting like this that the calcification in the aorta occurred because of the fluoride. The fluoride is there, sort of as a transient or accidental thing at the time that the calcification occurred.

M. Forget: I understand, Dr Shaw, that you said that fluoride is a nutrient in our diet not only do you say that, but you said it is an essential nutrient in our diet? Could you comment on the assertion that fluoride, especially in drinking water, seen as a tooth decay prevention measure, is a form of mass medication, in other words, that fluoride is a drug? How would you contrast the drug with a nutrient?

M. Shaw: I think I would fall back on a dictionary definition of a drug as an agent that has a specific role to cure a disease which is already present, and it would also be a compound which the human body was not normally exposed to. In other words, you give penicillin to clear up a severe process of pneumonia. I do not, in my day's food or water, ever have any contact with penicillin, whereas fluoride, you are not providing to clear up a problem that already exists, and you are not giving something that the human body is not accustomed to handling on a moment-by-moment basis. So, in both of those categories, I would have to put fluoride in the nutrient category, in comparison with penicillin or aspirin in the drug category.

M. Forget: Thank you very much. I have no other question. Yes, perhaps one, if I may. You refer to excess fluoride intake as possibly causing, if it is up to a particularly high level, mottled enamel, and you say, explicitely, that this creates an esthetic problem. Could you comment as to what point it has to go before it ceases to be purely an esthetic problem and might become a health problem. Because, surely, as long as it remains an esthetic problem, the value of the measure in preventing tooth decay remains and is even reinforced to some extent. But when does it go beyond that and becomes more than just an esthetic problem but a health hazard?

M. Shaw: As far as teeth are concerned or otherwise in the body?

M. Forget: Otherwise, yes.

M. Shaw: As far as teeth, there is no problem other than esthetic, because the teeth look nasty, but they stay in good health throughout an individual's life.

I think the data from industrial studies and from areas in India and some of the other very hot countries is that the intake has to be up something in the neighbourhood of 20 miligrams a day for, in excess of a decade, in order to have a crippling fluorosis, which is where you have overdevelopment of the bone in the spinal vertebra and where you have a calcification of the interventebral discs. Now, here, obviously, is a situation where you are talking about 1.2 parts per million in the water supply in Montreal or here in Quebec City, the individual has to consistently drink something in the order of 18 quarts, litres of water per day and not just during a period when he might have a high fever and get up rather high amounts, but for literally year after year after year on an everyday basis.

I mean this is a case where you have water intoxication, long before you would have fluoride intoxication, because water intoxication is a very real thing also, and one is quite easily able to exceed the ability of his kidney to excrete water if he is persistently consuming excess amounts.

M. Forget:Thank you very much, Mr. Chairman. I have no other question.

Le Président (M. Lafrance): Y a-t-il d'autres membres de la commission qui veulent poser des questions au Dr Shaw? Les doyens des facultés auraient-ils d'autres choses à ajouter?

M. Lussier: ...si vous me donnez la permission. Le Président (M. Lafrance): Allez-y, Dr Lussier. M. Lussier: Je remercie le Dr Shaw.

M. Shaw: Thank you very much. It has been a real privilege to be here. I have enjoyed it a great deal.

Le Président (M. Lafrance): Thank you, Dr Shaw.

M. Lussier: M. le Président, si vous y consentez.

je proposerais qu'on fasse lecture du mémoire en voyant les points un par un et en les offrant à la discussion, si l'on veut, un par un, plutôt que de tout lire le mémoire d'un bout à l'autre. Comme les questions ont été très "sériées" les unes par rapport aux autres, peut-être y aurait-il avantage à les prendre à leur mérite une par une. De cette façon, nous pourrions peut-être insister sur certaines qui présentent plus d'intérêt aux membres de la commission, et passer plus rapidement sur celles qui ont peut-être été couvertes au cours des discussions antérieures. Si vous êtes d'accord avec cette proposition, M. le Président, je pourrais procéder.

Le Président (M. Lafrance): En fait, c'est aux membres de la commission de décider de la procédure.

M. Bellemare (Rosemont): Quel mémoire?

Le Président (M. Lafrance): C'est le mémoire 16M. Remarquez bien qu'on a accordé assez de latitude jusqu'à présent. Si les membres de la commission sont d'accord qu'on pose les questions au fur et à mesure qu'elles se présentent, je crois qu'on n'a pas d'objection de part et d'autre. Dr Lussier, vous pouvez procéder.

M. Lussier: Merci, M. le Président.

Le présent document apporte les commentaires des facultés dentaires des universités de Montréal, McGill et Laval sur la section 4-A: Fluoration des eaux de consommation que les législateurs désirent introduire dans leur Loi de la protection de la santé publique actuellement en force.

Les facultés dentaires expriment leur satisfaction au gouvernement du Québec et le félicitent de prendre de nouveau l'initiative en matière de fluoration des eaux de consommation et de proposer une législation en vued'obligertout propriétaire d'usine de filtration à appliquer une mesure qui améliore incontestablement la santé dentaire de la population du Québec.

Il appartient, en effet, au gouvernement de la province de protéger la santé des individus par des mesures de santé publique reconnues et en instituant les législations qui en assurent l'application. La Loi de la santé publique est l'un des véhicules par lesquels le gouvernement indique aux services privés les règles auxquelles ils doivent se soumettre au cours de l'exécution de leurs fonctions pour protéger au maximum la santé des individus. De plus en plus, les gouvernements de provinces ou d'Etats interviennent par cette voie pour garantir au plus grand nombre les bénéfices de la fluoration. Nous citons le cas des Etats américains où les législations ont été faites par l'Etat, de façon que les villes soient dans l'obligation d'apporter cette mesure protectrice de la santé à leurs citoyens.

Au cours de la discussion ce matin naturellement, on a soulevé la question de la liberté individuelle. Dans la position où nous sommes, ce n'est pas que les doyens ne sont pas des gens qui respectent la liberté des autres. Je pense qu'autant que possible nous essayons de le faire. Je pense que vu que nous sommes des gens responsables dans la formation de gens qui doivent donner des soins de santé et, pour cette raison, nous sommes très soucieux de l'efficacité des services que ces gens doivent rendre. Nous sommes également soucieux de ce que la santé des gens soit protégée par tous les moyens possibles, et si les individus ne peuvent pas le faire, disons sciemment et avec la compréhension voulue, il est bon que l'Etat intervienne par des mesures qui se justifient comme étant des mesures qui ne briment pas la liberté des gens et qui leur apportent les bénéfices voulus.

Il y a quantité d'exemples qui ont fait qu'antérieurement les gouvernements ont agi, de façon à protéger la vie des gens ou la santé des gens en imposant des mesures, et nous croyons, dans cette logique, que la présente loi correspond tout à fait aux bénéfices qui sont attendus d'une Loi de la protection de la santé publique. C'est pour cette raison. Nous sommes des éducateurs de fonction, en même temps que nous sommes des administrateurs de fonction, mais nous sommes convaincus que même si l'on peut arriver à convaincre les populations du bien-fondé de certaines mesures et que l'emploi des mesures au niveau individuel est une chose à répandre au maximum, nous sommes quand même convaincus que l'éducation est un processus extrêmement lent, et que si on veut avoir des résultats et que l'on fasse appel seulement à l'éducation pour le faire, il faut se barder d'une grande quantité de patience avant d'arriver aux effets qu'on veut obtenir.

Or, du côté de la santé, le malheur est que l'éducation est tellement lente que les gens meurent souvent, avant d'avoir appris. Sur le plan de la santé, il y a un dicton qui dit: On apprend facilement les choses mauvaises et on a beaucoup de difficultés à apprendre les choses bonnes. Ceci est dit d'une façon très sérieuse, d'une façon générale et spécifiquement dans le domaine de la santé. C'est vrai que les gens ont tendance à retenir un tas de faits ou un tas de choses sous l'aspect des maladies, mais la minute qu'on essaie d'offrir à leur intelligence des concepts pour protéger leur santé, les gens ne le font pas. Cela est une longue éducation et l'éducation est d'autant plus longue à se faire que les conditions culturelles ne préconisent pas des choses de cette nature.

En tant que Québécois, nous ne sommes pas des gens particulièrement disciplinés. Nous ne sommes pas des gens qui ont été élevés, depuis des générations, sous la férule militaire, où les gens sont habitués à appliquer ce qu'on leur dit à l'école sans absolument contredire. Ce n'est pas le climat dans lequel nous vivons. Nous n'élevons pas nos enfants dans ce contexte, de sorte que les gens vont de même vers un certain nombre de mesures quand ils en sont convaincus. Ceci peut être très long, d'autant plus que nos mesures d'éducation ne sont pas aussi efficaces qu'on le voudrait.

Dans ce contexte, nous croyons que, depuis l'expérience que nous vivons, cela fait 30 ans qu'on parle de fluoration dans la ville de Montréal, à ma connaissance. Et on en parle encore pas mal fortement, depuis les derniers vingt ans, avec aucun ré-

sultat concret. Je pense que ce n'est pas parce qu'on n'a pas essayé de convaincre les gens de la nécessité de la chose, c'est que le système d'éducation ne nous permet pas de rejoindre les gens et de leur faire comprendre. Dans ces cas, je pense que le gouvernement est parfaitement légitimé d'imposer une mesure qui a donné ses preuves partout, et qui se montre incontestable sur le plan de son efficacité.

Le Président (M. Lafrance): Sur ce point, le député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): Lorsqu'on a présenté le projet de loi 31 — dans le temps de M. Claude Castonguay — qui rejoignait les buts du projet de loi 88 mais qui permettait la liberté de consultation au niveau de la population, par voie de référendums, est-ce que vous étiez d'accord sur ce mémoire? Est-ce que vous avez rédigé un mémoire dans le but de déplorer que, dans ce projet de loi qui avait été présenté en 1972, je crois, le gouvernement n'avait pas cru bon d'imposer la fluoration, ou si vous étiez d'accord sur la manière de procéder du gouvernement, en 1972?

M. Lussier: A cette question, M. le Président, je dirai que nous n'avons pas présenté de mémoire, je pense, pour des raisons d'opportunité qui, à ce moment, ne nous permettant pas d'intervenir, parce que cela n'avait rien à fai re avec la valeur de la loi ou la valeur de la mesure. C'est simplement qu'à ce moment, nous n'avons pas été en mesure d'intervenir pour des raisons qui n'ont rien à faire avec cela. Mais je pense que, si on avait posé la question, on aurait certainement appuyé la loi autant qu'on appuie celle-ci. Je pense qu'on appuie la loi présente avec autant de vigueur parce qu'on est sûr que la mesure en vaut la peine et que, dans des circonstances comme cela, il vaut peut-être mieux un peu rebrousser les poils de certains individus chatouilleux sur ce point, mais en retirer le plus possible de bénéfices.

M. Bédard (Chicoutimi): Mais vous soutenez la loi, surtout en fonction des effets bénéfiques que vous reconnaissez à la fluoration?

M. Lussier: Ce sont les effets...

M. Bédard (Chicoutimi): Non pas en fonction de son caractère obligatoire...?

M. Lussier: Ce sont les effets que l'on veut avoir et non pas de brimer les gens. On veut les effets et on les veut, le plus tôt possible.

M. Bédard (Chicoutimi): Je sais que la démocratie, cela peut être difficile à vivre, mais quand vous employez l'argument que c'est la santé des gens à protéger, vous admettrez avec moi que les gens aussi — les populations qui pourraient être consultées — ont a coeur aussi de protéger leur propre santé, leur mieux-être et que s'ils sont valablement informés, ils peuvent prendre volontaire- ment, librement les décisions qui s'imposent? Je crois qu'au niveau de la démocratie, je peux avoir comme conviction que l'indépendance du Québec est nécessaire pour le bien commun du Québec, pour l'avenir de l'ensemble des Québécois, cela ne me donne pas le droit de l'imposer aux Québécois. Si on essayait de l'imposer, on sait ce qu'on nous répondrait.

M. Lussier: Je ne vois rien d'autre chose à faire que de réitérer l'importance que l'on attache à la santé dentaire et que, dans la position où nous sommes, nous disons que nous avons consacré nos vies à défendre des points qui sont ceux-là pour faire en sorte que les gens soient le plus conscients possible de leur santé dentaire et qu'ils se servent des services à leur disposition, le mieux possible. Dans ce contexte, nous nous croyons obligés de souligner cette importance et de dire que, dans de telles circonstances, nous croyons qu'un gouvernement est légitime d'imposer une loi qui protège la santé comme chaque fois où il est demandé de protéger la santé des gens.

M. Bédard (Chicoutimi): Autrement dit, vous ne croyez pas à la capacité d'une population valablement informée de comprendre que la décision qu'elle doit prendre est d'accepter la fluoration?

Je voud rais vous poser une deuxième question. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a toute la différence du monde — je ne parle pas au niveau des effets, je dis psychologiquement parlant — entre l'état d'une population qui, après s'être valablement informée, accepte la fluoration et celle qui, sans autre information que celle qu'on a maintenant, se voit imposer la fluoration?

En même temps que vous avez fait appel à la santé des gens, au bien commun à protéger, vous avez également parlé de votre souci de la démocratie. Vous avez été à même de constater — c'est pour cela qu'on y attache de l'importance — le point sur lequel nous différions, nous de l'Opposition officielle, avec le gouvernement, non pas sur les effets politiques, mais sur l'intention du gouvernement d'imposer la législation, parce que, sur les effets politiques, je ne vous aurais pas posé d'autres questions. Déjà, vous connaissez nos convictions, mais puisque vous-même vous vous êtes avancé à parler de démocratie, de votre souci de la respecter, j'oriente mes questions dans ce sens.

Le Président (M. Lafrance): Le ministre des Affaires sociales. Après, je crois que le Dr Lussier aurait quelque chose et le Dr Simard par la suite, si vous permettez.

M. Forget: M. le Président, je m'en veux d'interrompre, mais malgré tout, les questions posées aux experts qui viennent déposer devant nous ne doivent pas revêtir un caractère de controverse et surtout déboucher sur des questions politiques beaucoup plus larges ou des problèmes purement partisans.

Je comprends que le député de Chicoutimi l'a à coeur, mais je pense qu'il est injuste de demander à

des personnes qui viennent ici nous parler de la fluoration, des effets sur la santé, des commentaires de nature purement politique.

Je comprendrais le Dr Lussier de se décourager, si on me permet ce commentaire incident de la possibilité de persuader I'ensemble de la population lorsqu'il semble être assez difficile de persuader deux ou trois députés de l'intérêt de ces mesures. Je pense que, ayant à notre disposition tous ces experts, s'il est difficile de vous persuader, on peut, à juste titre, se désoler et s'inquiéter de la possibilité de persuader d'autres personnes alors que les ressources auxquelles cette commission accède ne seront pas, pardéf inition, accessibles à tout le monde.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, je n'entreprendrai pas un autre dialogue avec le ministre de la santé, il charrie au moment où il fait son commentaire, parce qu'il n'est pas question, pour les experts, de nous convaincre des effets bénéfiques, comme on l'a dit, de la fluoration. On est d'accord. Je puis, d'avance, m'engager à ne poser aucune question sur le fait de l'imposer ou non à tous les experts qui viendront témoigner, mais à condition qu'ils restent dans le domaine de l'expertise.

Mais quand, d'eux-mêmes, ils entrent dans un autre domaine, qui est celui du principe de la loi, à savoir si elle doit être obligatoire ou non, je ne vois pas en quoi j'irais à l'encontre du règlement, M. le Président, de poser des questions et de faire les rectifications qui, je crois, s'imposent.

M. Forget: Je souhaite tout simplement qu'on ne fasse pas d'analogie ou d'extension déplacée dans les questions qu'on pose.

M. Bédard (Chicoutimi): II y a des fois où les exemples permettent de bien comprendre le sens d'une question ou encore d'amener une réponse claire. C'est dans ce sens que je vous ai dit que ce n'est pas parce qu'on est convaincu que le bien commun est dans tel endroit et j'ai employé l'exemple de l'indépendance du Québec dont j'ai la conviction qu'elle est nécessaire pour les Québécois, que cela nous donne le droit de l'imposer. Je dis que ce n'est pas seulement avec cet argument que vous employez au niveau de la santé des gens que cela nous fait mettre en même temps de côté la possibilité démocratique de pouvoir atteindre le but principal, qui est de protéger la santé des gens et de l'atteindre d'une façon autre qu'en l'imposant, mais en consultant la population et en lui fournissant les informations nécessaires qui lui permettront de décider. Chacun a sa manière de voir la démocratie.

Le Président (M. Lafrance): Docteur Lussier ou docteur Simard.

M. Lussier: Ce n'est pas parce qu'on voulait se lancer sur le plan juridique, mais, simplement, ce qu'on a voulu dire, c'est que, sur le plan de l'analogie avec d'autres mesures où on intervient directement pour protéger la santé des gens, si, par exemple, l'usage des rayons X... A ce moment, on ne peut pas consulter la population pour savoir comment on protège les gens contre cela. On prend des mesures et c'est justement pour cela; à ce moment, on protège les gens en empêchant des choses. Nous avons cru que la même rationalité s'imposait en faisant des choses pour protéger la santé des gens et que ceci en était une. On ne peut pas aller plus loin que cela, mais on veut montrer que, dans notre rationalité, ceci était une chose fort acceptable.

M. Bédard (Chicoutimi): Je pense qu'on s'est expliqué de part et d'autre.

Le Président (M. Lafrance): Docteur Simard.

M. Simard (Paul): Je ne veux pas qu'on discute trop longtemps sur cette question, mais j'aurais peut-être un point de vue à apporter en tant que spécialiste en santé publique. Parce qu'avant d'être doyen par accident, j'ai été mêlé à la santé publique. J'ai suivi d'assez près la question de la fluoration, le développement de la fluoration, tant au Canada qu'aux Etats-Unis. La question de référendum est souvent venue sur le tapis ou sur la table. Si on voit ce mouvement de certains Etats américains qui rend lafluoration obligatoire, il y a une raison. C'est parce qu'on a constaté, quand il y avait un référendum sur une question comme celle-là, qu'il y avait appel aux passions populaires et aussi parce que c'était une question absolument d'ordre scientifique. Quand on abordait une question d'ordre scientifique comme celle-là, il devenait extrêmement difficile d'exposer le problème d'une façon très claire et très nette à la population. C'est pour cette raison que nous appuyons ce projet de loi.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous voudriez essayer de nous dire qu'on doit, le moins possible, faire appel au référendum, lorsqu'on peut se buter à des émotions populaires? Quand vous avez des élections, vous avez des émotions populaires, cela n'empêche pas la démocratie de trouver qu'il est normal qu'il y ait des élections. Vous la trouverez partout, l'émotion populaire. J'espère que ce n'est pas votre base d'argumentation?

M. Simard (Paul): Ce que je veux dire, c'est que, quand on parle d'un problème scientifique comme cela... Comme ce matin, on nous a montré un pot de fluor en disant: C'est poison; c'est juste. Il s'agit d'arriver à la télévision ou devant une population, de faire de tels gestes et de semer la crainte chez cette population. Par la suite, si vous tenez le référendum, vous avez de fortes chances qu'une mesure, que vous jugez juste et que nous jugeons très appropriée, soit battue en brèche, simplement parce qu'on a semé la crainte.

M. Bédard (Chicoutimi): Faites un référendum dans le comté de Chicoutimi, où je suis membre de l'Opposition. Je suis d'accord avec les effets bénéfiques de la fluoration et si je me prononce très clairement en faveur de cette mesure, et également le gouvernement, qu'on donne les informations nécessaires, et vous croyez toujours que cela ne passerait pas? Ce n'est pas nécessaire de mêler la politique à n'importe quoi, sauf qu'il y a peut-être des

endroits où la population a le droit d'être consultée. Si on prend le même raisonnement, il me semble que sa santé est quand même un bien primordial. Elle a quand même le droit d'être consultée et le droit d'expliciter son idée. Il y en a qui peuvent en avoir assez de voir le Québec bâti à coups de hache. On impose des fusions, on impose l'obligation, encore une fois, dans un autre projet de loi, et je pourrais vous en citer quatre ou cinq autres — je ne veux pas déborder du débat — mais il y a peut-être moyen de le construire autrement qu'à coups de hache et d'imposition. Il y a peut-être moyen avec une loi qui se tient et, quand on a les arguments qu'il faut pour convaincre une population, il ne faut pas avoir peur de rencontrer cette population.

M. Simard (Paul): L'expérience nous a prouvé que, quand on tenait des référendums aux Etats-Unis, on faisait venir des soi-disant experts ou surtout des experts "antifluorationnistes" et où il y a aussi des "profluorationnistes"; entre autres, les "antiflurationnistes" qui vivent uniquement de cela. On retrouve les mêmes personnes qui ont vécu — ils commencent à avoir de l'âge — en se prononçant contre la pasteurisation du lait, les mêmes personnes. Il y a un dossier assez poussé là-dessus, et si...

M. Bédard (Chicoutimi): La pasteurisation est acceptée.

M. Simard (Paul): Pardon?

M. Bédard (Chicoutimi): Maintenant, elle est acceptée, la pasteurisation.

M. Simard (Paul): Oui, mais les mêmes personnes qui ont vécu, qui ont passé leur vie en se commettant dans des référendums comme cela, ont changé. Ils ne parlent plus de pasteurisation, ce n'est plus rentable, parce que c'est accepté, mais ils le font avec la fluoration. Ils vivent avec cela.

M. Bédard (Chicoutimi): Je pose la question, parce qu'il y a des choses changées. On nous disait, ce matin, que 98.8% des experts sont d'accord sur les effets bénéfiques de la fluoration. On n'est pas dans une situation qui existait peut-être il y a plusieurs années, où les avis étaient beaucoup plus partagés. Peut-être aussi — remarquez que je ne veux pas l'affirmer — que, même au niveau des hommes publics ou encore d'organismes, à l'heure actuelle, il y a une plus grande unanimité qu'il y en avait il y a une dizaine d'années sur cette question.

A ce moment, tenant compte de toutes ces choses, c'est ce qui fait qu'on est démocratiquement capable de faire accepter une mesure à une population après l'avoir informée. Je vous le souligne encore une fois et vous me répondrez. Est-ce que vous ne trouvez pas, du point de vue du climat psychologique — j'emploie ce mot, je n'en ai pas d'autres à l'idée — qu'il y a toute la différence du monde, pour une population, entre une mesure qu'elle accepte après information et une mesure qu'elle se fait imposer? Je ne parle pas des effets. Vous ne croyez pas à la possibilité, pour une population, d'être capable de saisir cela si on le lui explique?

M. Simard (Paul): C'est parce que, quand on a fait l'éducation populaire dans le domaine dentaire, pendant des années — je suis en hygiène publique depuis 1958 — j'ai donné des conférences ici, dans la ville de Québec, à peu près à tous les clubs sociaux. J'ai fait la même chose dans le comté de Lévis. Je suis allé jusqu'à Rivière-du-Loup avant que le Dr Lafrance ne soit là. Qu'est-ce que cela a donné? Peut-être que j'étais un mauvais conférencier, je pourrais l'admettre, mais cela n'a pas donné grand-chose. J'ai fait le tour de la Gaspésie pour faire l'éducation dentaire, de la région de Québec, ici, jusque dans le comté de Charlevoix, mais c'était noyé à travers tout le reste. Vous me direz qu'il y a possibilité, mais il faudrait dépenser des fortunes. Comprenez bien que le peu de personnes qui peuvent s'occuperde l'éducation de la population, vous les voyez, les trois doyens ici, ne croyez pas que nous allons pouvoir passer des journées ou des semaines à faire cette éducation populaire.

Déjà, on nous demande d'aller à la radio, à la télévision. On peut le faire une fois de temps à autre, mais nous avons, comme vous le savez, comme c'est votre cas d'ailleurs, une autre besogne que cela à accomplir. C'est une éducation qui doit se faire pendant des semaines, des mois et des années. Si la fluoration n'est pas rendue obligatoire, cela prendra encore des années avant de convaincre la population que la fluoration est une mesure désirable.

M. Bédard (Chicoutimi): Je vous parle de...

M. Simard (Paul): Je n'aime pas employer le mot "expérience', c'est un mot qu'on évite toujours avec des étudiants, entre autres. J'aimerais autant l'éviter avec les députés, mais c'est par expérience, si vous acceptez ce mot, quand on parle d'éducation. Les mesures d'hygiène publique, quelles qu'elles soient, sont extrêmement difficiles à "vendre ", tant pour le brossage des dents, si vous voulez, que la fluoration.

M. Bédard (Chicoutimi): Je vous respecte quand vous nous apportez votre expérience à témoin et je sais très bien que vous ne minimisez pas la portée ou les résultats de vos efforts, simplement pour les fins de la discussion que nous avons, mais je suis convaincu que les efforts que vous et que bien d'autres ontfaits, étendus sur bien des années, ont peut-être porté beaucoup plus de fruits qu'on ne saurait le croire. Je pense qu'il est possible que notre manière différente de voir le projet de loi sur son principe de consultation est peut-être justement parce que certains... Les choses ont quand même avancé; une population, en y mettant un peu l'effort, peut assez facilement, maintenant, accepter cette mesure, mais vous semblez, malgré tous les efforts que vous nous dites avoir faits avec d'autres, être encore très pessimiste sur ce point.

C'est évident qu'on va avoir de la misère à vérifier qui, de vous ou de nous, a raison, parce que. si on nous impose — on n'a pas la majorité — cette loi, qu'on nous la vote majoritairement, elle sera imposée et on n'aura jamais la chance de voir si les gens auraient eu assez de maturité pour l'accepter.

Le Président (M. Lafrance): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: Dr Simard, vous semblez insister beaucoup sur le fait qu'étant donné... Vous considérez, évidemment que c'est quelque chose de très valable pour la population, même si cette population ne comprend pas ces soi-disant effets bénéfiques, il vaut mieux se dépêcher et l'imposer à tout prix. Je ne devrais pas dire vous-même, mais il semble que, dans les discussions qui ont été apportées, c'est à peu près cela qui ressort.

Pour le commun des mortels qui doit évidemment prendre une décision à savoir s'il doit, oui ou non, voteren faveur d'un référendum qui aurait lieu par exemple sur cette question, ne croyez-vous pas que les idées peuvent être un peu mélangées? Vous supportez certaines théories, mais devant l'opinion publique, il demeure que d'autres supportent d'autres théories.

On se retrouve devant des théories qui s'affrontent. Le député de Johnson, ce matin, mentionnait justement trois professeurs de l'université Laval, je pense MM. Morin, Roy et Boutet, qui avaient fait connaître un point de vue différent de celui que vous faites connaître présentement. Je n'ai pas l'intention d'évaluer la valeur des témoignages, mais il demeure que, dans l'opinion publique, il y a des oppositions. Ne croyez-vous pas que, devant cette situation, il vaudrait mieux, si effet bénéfique il y a, si cela peut se prouver, à ce moment-là, faire l'effort par l'éducation, oui, mais par la conviction également?

Ce n'est pas tout de donner de l'information. Quelqu'un a dit ce matin: De l'information, de l'information, cela n'apporte pas grand-chose. C'est un petit peu vrai. L'information de la façon qu'elle est distribuée par le gouvernement, avec les façons qu'ils ont de distribuer cette information, je vous assure que ce n'est pas seulement dans le domaine médical que c'est un petit peu mêlé, dans tous les autres domaines, c'est comme ça.

Mais vous ne trouvez pas qu'il vaudrait mieux tenter de convaincre les gens si c'est réellement valable que de leur imposer cela d'autorité?

M. Simard (Paul): C'est parce que je vois toujours l'inquiétude. Admettons, par exemple, làvous faites allusion à un article, il y a deux pathologistes qui se sont prononcés...

M. Samson: Remarquez que je ne les connais pas, je pars d'un article de presse.

M. Simard (Paul): Moi, je les connais très peu aussi, je les ai rencontrés, ce n'est pas qu'ils se prononcent contre la fluoration, c'est qu'ils se posent certaines questions. Maintenant, à ce moment-là, je pense que ce que qu'on doit se demander, ce n'est pas ce que les docteurs Untel et Untel pensent. Moi ce que je regarde à ce moment-là, en tant que quelqu'un qui travaille pour la santé publique, si vous me demandiez: Vous faites des travaux scientifiques en biochimie pour prouver que la fluoration est bonne, je vous répondrai non, mais en tant qu'homme qui se consacre à la santé publique, ce que je regarde, c'est l'attitude des associations. Si un pathologiste ou deux pathologistes se prononcent contre la fluoration, moi je regarde quelle est l'attitude de l'Association des pathologistes. Si là je constate que l'Association des pathologistes, elle, se prononce en faveur de la fluoration, je me dis: Je dois davantage me fier aux témoignages d'une association que me fier au témoignage d'une ou deux personnes.

M. Bédard (Chicoutimi): La population peut faire cela aussi.

M. Simard (Paul): Mais la population, tout dépend si on pouvait lui donner une information absolument intégrale et cela ça devient à peu près impossible, parce que admettons qu'il y a une émission de télévision et q ue vous faites passer un pathologiste ou deux pathologistes — je prends ça, ça pourrait être un biochimiste, il ne faut pas parler des pathologistes — un biochimiste et qu'il sort toute une argumentation contre la fluoration etqu'il arrive qu'à ce moment-là cette émission ait une cote d'écoute plus forte qu'une autre, cela va avoir un impact excessivement grand sur la population.

Si elle a une cote d'écoute très forte, cela peut convaincre peut-être 40% de la population que la fluoration est dangereuse. C'est à ce point de vue que je me place.

M. Samson: Est-ce que, vous, vous considérez que la fluoration, c'est de la médication de masse?

M. Simard (Paul): Moi, non. Non, là-dessus, je partage l'opinion qu'a émise le Dr Shaw tantôt, je ne sais pas si vous étiez ici à ce moment-là, on lui a posé la question, je partage cette opinion.

M. Samson: Ce n'est pas de la médication de masse?

M. Simard (Paul): Non.

M. Samson: Tantôt, on a surtout discuté de la question de l'imposition de cette mesure. Je suis un peu comme le député de Chicoutimi, évidemment, je n'ai pas l'intention d'en discuter d'un point de vue scientifique, mais quant à ce qui concerne la grande question des libertés individuelles et c'est évident qu'on est obligé de discuter sur ce point aussi. On est obligé, même si certaines personnes ne voudraient pas qu'on le discute de ce point de vue, il faut le faire. Il y a de grands principes qui doivent nous guider.

Avez-vous eu l'occasion de prendre connaissance de ce qu'a écrit à ce sujet, en ce qui concerne les libertés individuelles, le maire Jean Drapeau en 1969? Cela m'intéresserait de connaître votre point de vue sur ce qu'il disait à ce moment-là. Si vous n'en avez pas pris connaissance, je peux peut-être vous en lire une couple de paragraphes; cela va, je pense, vous faire mieux comprendre ce qu'est notre point de vue quant aux libertés individuelles. Ce qu'il a dit, c'est également notre point de vue mais il a apporté des nuances.

Par exemple, il dit, à un moment donné: "De plus, pas un médecin n'osera pratiquer un traitement auquel son patient s'objecte. Pas un dentiste n'arrachera une dent à un patient contre son gré, quel que soit le bienfait qui en résulterait." C'est un principe qui est émis. "Et, même en cas de mort prochaine, une transfusion de sang qui, seule, pourrait sauver sa vie ne peut se faire contre la volonté du malade ou de ceux que la loi autorise à consentir pour lui." Un peu plus loin, je vais terminer là-dessus: "La fluoration de l'eau, disent les médecins, dans le jugement desquels j'ai foi — c'est Jean Drapeau qui parle — apportera un grand bienfait à ceux qui feront usage de cette eau. Admettons-le, il s'agit d'un bienfait individuel que chacun est libre et a le droit formel de souhaiter ou de rejeter. Car s'il est vrai que celui qui refuse de boire de l'eau fluorée s'expose ou expose ses enfants à des troubles dentaires, ceux-ci ne sont pas contagieux et ne menacent pas directement les autres citoyens. Ils les privent peut-être d'un avantage mais ils ne sont pas la cause d'un mal ou d'un danger grave."

J'aimerais connaître votre opinion sur cette prise de position.

M. Simard (Paul): Cela rejoint un peu votre première question quand vous demandez si le fluor est un médicament. Dans cette argumentation, on parle de traitement. On n'impose pas un traitement que quelqu'un ne veut pas recevoir, comme on n'impose pas un médicament que quelqu'un ne veut pas recevoir. Etant donné qu'on parle de "nutriment", ce n'est pas une médication qu'on impose. A ce moment-là, je le compare aux autres mesures de santé publique. Je veux bien croire qu'on revient souvent avec cela mais on revient souvent avec les libertés individuelles aussi. Je pense qu'on peut revenir assez souvent avec l'exemple de la pasteurisation et celui de la chloration.

Etant donné qu'on n'impose pas une médication, on ne brime pas les libertés individuelles. Qu'est-ce que la liberté, si on veut simplifier au maximum? Il faut d'abord faire une distinction. Moi, je ne suis pas philosophe; on pourrait avoir des philosophes ici qui pourraient ergoter sur cette question pendant des semaines et des mois.

M. Samson: On pourrait argumenter longtemps là-dessus.

M. Simard (Paul): Si on veut simplifier, moi, quand on me posait la question, je disais qu'on peut considérer la liberté sous deux formes: la liberté physique et la liberté morale. La liberté physique, qu'est-ce que c'est? C'est la possibilité de faire tout ce qu'on veut, tout ce qu'on peut. Moi, j'ai un revolver dans ma poche...

M. Samson: Un instant.

M. Simard (Paul): Je parle au point de vue physique.

M. Samson: Je vous arrête immédiatement. Faire tout ce qu'on veut pour autant que ça ne nuise pas à la liberté des autres.

M. Simard (Paul): Je parle de la liberté physique. Je reviens avec l'autre. La liberté physique: Moi, je peux sortir, à n'importe quel moment, un revolverde ma poche et tirersur n'importe qui. C'est une liberté physique de le faire. Seulement, je n'ai pas la liberté morale de le faire. La liberté morale, c'est ce qui nous permet de poser des actes qui ne nuisent pas au bien commun.

M. Samson: C'est cela.

M. Simard (Paul): Quand on parle d'une mesure comme la fluoration, on peut peut-être léser la liberté individuelle d'une personne mais on regarde l'ensemble de la population, on regarde le bien commun. Quelqu'un peut dire: Moi, mes enfant sont de bonnes dents et, si vous faites la fluoration, ce n'est pas nécessaire dans mon cas, et vous m'empêchez de décider ce que je veux. Ce qui compte dans tout cela, je pense, c'est de voir au bien commun et de respecter la liberté morale qui vise, elle, à respecter le bien commun.

M. Samson: N'admettez-vous pas que celui qui ne veut pas consommer de ce genre d'eau fluorée a le droit de s'y opposer? En suivant votre raisonnement, en disant que c'est bon pour la santé publique, ceux-là qui ne veulent pas s'y opposer ont quand même des possibilités d'accès au fluor par d'autres moyens que celui de la fluoration obligatoire dans l'eau potable.

M. Simard (Paul): Oui, et ceux qui ne veulent pas en boire, aussi, peuvent ne pas en boire. Ils ont encore la liberté de ne pas boire de l'eau fluorée.

M. Samson: Un instant! On peut ne pas boire d'eau mais je pense qu'on ne peut pas s'empêcher d'en boire de temps en temps. Si vous avez une possibilité de boire ou bien de l'eau fluorée ou bien de l'eau non fluorée, à ce moment-là, vous devenez celui qui décide; si vous voulez boire telle sorte d'eau, votre liberté vous permet de le faire.

Mais si, par une loi, on fait qu'il n'y en ait qu'une seule sorte possible, à ce moment-là, il n'y a plus de liberté. Par des contraintes, on oblige les gens à passer dans le même moule.

Maintenant, je reviens à ce que vous avez dit tantôt, que vous ne donsidérez pas que c'est de la médication de masse. Bon. Partant de cela, vous soutenez plutôt que c'est un nutriment. Ai-je bien compris?

M. Simard (Paul): Oui.

M. Samson: Bon. A-t-on plus le droit d'imposer un nutriment qu'une médication de masse? Si on part du principe des libertés individuelles, a-t-on plus le droit de m'imposer des choses que je ne veux pas manger que de m'imposer des choses que je ne veux pas boire?

M. Simard (Paul): Je partais de votre argumentation quand vous disiez: On n'a pas le droitd imposer une intervention médicale à quelqu'un. Je trouve que cela se compare à un médicament, à ce

moment-là. Tandis que, si c'est juste pour améliorer la santé de la population, vous l'aidez, tout simplement.

M. Samson: Je pense qu'on tourne toujours autour du même pot. Si c'est réellement valable — là-dessus, dans sa déclaration, le maire Drapeau ne met pas du tout cela en cause, lui — je prétends qu'on devrait être capable de le faire comprendre à la population. C'est une atteinte à l'intelligence de la population de dire qu'elle n'est pas capable de comprendre cela et qu'il faut le lui imposer. Je n'admettrais pas ce point de vue. D'ailleurs, même le ministre aurait des inquiétudes à laisser dire que la population n'est pas capable de se faire une idée.

M. Forget: Vous êtes en train d'interpréter mes paroles.

M. Samson: Non, je suis en train d'interpréter le regard du ministre et je sais qu'il pourrait soulever un point de règlement en me disant que je n'ai pas le droit de l'interpréter.

M. Bellemare (Rosemont): II lit dans les yeux. Il est philosophe, il lit dans les yeux.

M. Samson: Je sais parfaitement que le ministre pourrait soulever une question de règlement en me disant que je n'ai pas le droit de l'interpréter. Je n'ai pas le droit de l'interpréter et je suis prêt à retirer ce que j'ai dit, si ça peut faire plaisir au ministre.

M. Forget: Je vous remercie.

Le Président (M. Lafrance): Alors, c'est retiré.

M. Samson: Mais, je peux quand même continuer, dans ma liberté individuelle, à le penser.

Le Président (M. Lafrance): L'honorable député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): Je pense, M. le Président, que c'est peut-être l'occasion rêvée de parler d'un des aspects importants de ce projet de loi, qu'est le caractère obligatoire, l'aspect démocratique du projet de loi sur lequel vous vous êtes dit d'accord, puisque nous avons le plaisir d'avoir avec nous trois recteurs d'université. Je ne vous qualifierai pas de gardiens de la démocratie, je sais que vous n'y tenez pas non plus, mais vous êtes sûrement des personnes avec qui on peut en parler.

Je vous écoutais, tout à l'heure, donner l'exemple d'une peur que vous avez, si on faisait un référendum, que deux pathologistes ou deux personnes, deux experts ayant des idées différentes se présentent à la télévision et que celui qui est contre la fluoration puisse l'emporter. C'est quoi, la démocratie, si ce n'est pas accepter ce "challenge", ce défi?Quequelqu'unqui n'est pas d'accord puisse le dire, que celui qui est d'accord, sur une position, puisse le dire pleinement et que les gens puissent décider. D'accord, on court des risques.

Quand vous faites une élection, c'est quoi? C'est nécessaire en démocratie. Vous avez un parti qui se présente avec des hommes qui passent tel message et d'autres qui passent tel autre message. Vous courez le risque aussi de ne pas élire le bon gouvernement mais, au bout de la ligne, quand il y en a un qui a été élu, on dit qu'il a été élu démocratiquement.

Une Voix: C'est déjà arrivé.

M. Bédard (Chicoutimi): II n'y a peut-être pas si longtemps.

M. Forget: On court ses propres risques, on ne court pas des risques au nom de la sécurité et de la santé du public. Votre exemple est très mal choisi.

M. Bédard (Chicoutimi): D'abord, vous pourriez demander la parole au président. Si ce n'est pas courir des risques avec la santé des gens, si la santé démocratique d'un pays n'est pas aussi importante que la santé tout court, je pense que ce sont des préceptes importants.

M. Bonnier: M. le Président...

M. Bellemare (Rosemont): Ce n'est pas du tout dans la pertinence du débat.

M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que je peux finir, M. le Président?

M. Bellemare (Rosemont): La pertinence du débat.

Le Président (M. Lafrance): Oui, allez-y. On va surveiller pour ne pas qu'on s'écarte trop du sujet.

M. Bédard (Chicoutimi): Oui, je pense que j'étais en règle jusqu'à ce qu'on fasse des interventions.

Le Président (M. Lafrance ): Continuez, on va vous surveiller.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous êtes les gens tout indiqués, des recteurs d'université. Je vous demande: N'est-ce pas la démocratie, d'accepter ce défi que chacun exprime son opinion en espérant que la bonne version l'emporte? Vous vous occupez de la santé des gens. Chacun a le droit d'entendre les deux messages et, au nom de sa santé, au nom de sa protection, de s'exprimer. Ensuite, si la majorité est d'un côté, à ce moment-là, démocratiquement, vous pouvez dire que la majorité est d'accord et vous pouvez exercer une certaine coercition versus la minorité qui n'est pas d'accord. A moins que je ne comprenne pas la démocratie.

M. Simard (Paul): Si on continue dans ce sens, il faudrait remettre en cause toutes les mesures de santé publique. Il faudrait remettre en cause...

M. Bédard (Chicoutimi): Pourquoi...

M. Sirnard (Paul): Je ne sais pas si vous savez que, quand on avait imposé la vaccination à Montréal, il y a eu une émeute. On a brûlé l'hôtel de ville, etc. On recommencerait à zéro, presque.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est bien différent. M. Samson: Non.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous le savez, de plus, que c'est bien différent.

M. Samson: Quand on impose un vaccin, c'est parce qu'il y a un danger de contagion, un danger pour la santé des autres. Quand on impose la fluora-tion, il n'y a pas un danger pour la santé des autres.

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, un point de règlement.

M. Samson: II y a des avantages...

Le Président (M. Lafrance): Question de règlement.

M. Samson: ... qu'il ne retirerait peut-être pas, mais ce n'est pas un danger.

Le Président (M. Lafrance): Le député de Rosemont sur une question de règlement.

M. Bellemare (Rosemont): Le député de Rouyn-Noranda n'a pas demandé la parole, vous ne lui avez pas accordée non plus, parce que nous autres aussi, on a des questions à poser. Il nous dit tantôt de respecter les autres, alors on va revenir...

Le Président (M. Lafrance): On va revenir sur le sujet. La parole était au député de Chicoutimi et le Dr Lussier a demandé la parole.

M. Bédard (Chicoutimi): Simplement, je terminerai là-dessus, j'attends votre réponse qui sera probablement la même. Vous avez dit, d'une part: A un moment donné, il faut aider la population. On a peut-être des moyens différents de l'aider. On peut l'aider en l'informant, comme vous l'avez dit, une information qui soit correcte, qui soit adéquate, qui soit intégrale. Je pense que c'en est une manière d'aider et de faire jouer la démocratie, puisqu'on dit, à juste titre, qu'à mesure qu'un homme est informé, il est plus libre. Plus il est informé, plus il est libre; il en va ainsi pour une population, pour un peuple.

Est-ce que vous ne croyez pas que ce but qu'on vise, on peut l'atteindre, peut-être avec plus d'efforts. La démocratie en demande des efforts, si on veut qu'elle demeure. On peut l'atteindre en continuant les efforts, en accentuant les efforts déjà faits pour faire comprendre à une population que c'est la décision qu'elle doit prendre collectivement pour son mieux-être. Est-ce que vous êtes pessimistes à ce point?

M. Simard (Paul): Je suis pessimiste à ce point, parce que, quand j'ai commencé à parler de la fluo- ration en 1956 — on est rendu en 1974 — à tous les endroits où j'ai essayé de faire passer cette mesure de fluoration, j'ai manqué mon coup partout. Alors, vous comprendrez que je sois assez pessimiste.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est...

M. Simard (Paul): J'aurais certainement fait un très mauvais député.

M. Bédard (Chicoutimi): ... pas au pouvoir encore, vous savez.

Le Président (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous plaît! Dr Lussier, parcequ'il faudrait peut-être accélérer un petit peu les travaux. Vous avez, si je ne m'abuse, à peu près quatorze pages à lire avec des commentaires sur chacune. Il faudrait peut-être accélérer à la fois les questions et les réponses. Dr Lussier, si vous voulez procéder. Ensuite, la parole sera donnée au député de Taschereau.

M. Lussier: Tout ce que nous avons voulu dire en disant cela, c'était d'exprimer notre opinion. Nous avons exprimé notre opinion. A vouloir la débattre plus longtemps, je ne pense pas qu'on gagnerait grand-chose. Je pense que les gens ont tous, chacun leur opinion. Comme on essaie de nous convaincre que nous sommes en démocratie, nous avons essayé de démontrer justement que nous comprenons cette démocratie. Nous avons exprimé notre opinion et nous n'avons pas voulu faire plus que cela. Maintenant, elle n'est peut-être pas acceptable, mais on acceptera que d'autres ne l'acceptent pas. C'était notre opinion, nous l'avons dit. A ce moment, je pense que tout le monde a été informé des positions qui sont actuellement défendues.

Le Président (M. Lafrance): Le député de Taschereau.

M. Bonnier: M. le Président, mon commentaire s'inscrit tout à fait à la suite du dernier commentaire du Dr Lussier. Je crois que la question à savoir si cette mesure devrait être imposée ou laissée sous forme de test, sous forme de référendum, n'est pas une question qui devrait être débattue avec les experts. C'est une question qu'on devrait débattre, parce que c'est un point dans la loi, entre nous, les membres de la commission parlementaire lorsqu'on arrivera à discuter cette loi. Que des membres de la commission puissent demander tout simplement l'avis des experts là-dessus, ils peuvent toujours le fai re, mais non pas engager un débat. Je crois que le débat est d'ordre plutôt politique, non pas partisan, mais politique.

Deuxièmement, cette question lorsqu'on la discutera, je crois qu'il faudra éviter certains écueils parce que je crois que les engagements que nous avons eus jusqu'à maintenant, sont un petit peu dangereux. On risque de mêler les ordres de valeur. Il faut voir dans cette mesure qui est proposée, le point de vue positif, non pas nécessairement négatif. D'un point de vue positif, je crois que l'Etat quel qu'il soit, a une responsabilité vis-à-vis de la santé

publique. Il a une responsabilité non seulement de la conserver, de la protéger, mais également de l'augmenter si possible. Cette dernière mesure s'insère dans ce troisième ordre de responsabilités. Lorsqu'il le fait, il a un mandat en tant qu'Etat pour le faire. La façon de le faire, je crois que c'est de soumettre un projet de loi et de le discuter à une commission parlementaire comme la nôtre et prendre des avis des experts. Il a vraiment une responsabilité sans nécessairement être antidémocratique, parce qu'il ne fait pas nécessairement un référendum. Je comprends les préoccupations du député de Chicoutimi. Je partage ses préoccupations en ce qui regarde, par exemple, la nécessité de faire adhérer les gens à un nouveau projet. Cela se fait dans certains domaines.

Mais quand on arrive au niveau du domaine de la santé publique, parfois les impératifs sont tels que l'Etat doit quand même prendre les responsabilités, même s'ils ne sont pas aussi clairs, n'apparaissent pas aussi clairs à tout le monde. Je pense que l'exemple qu'on nous a donné en ce qui regarde la vaccination, qui était dans l'ordre de prévention et non pas d'augmentation peut-être de la santé, est un très bon exemple dans les circonstances, quelque chose qui n'a pas nécessairement été perçu comme étant bénéfique, mais qui l'était. Cette mesure-ci, qui peut peut-être ne pas être perçue par 100% des gens comme étant bénéfique. Mais nous, en tant que commission parlementaire, et l'étape que nous suivons à l'heure actuelle, c'est de nous faire éclairer, à savoir si c'est bénéfique ou non, personnellement, jusqu'à maintenant, je peux penser qu'elle est bénéfique, mais je n'ai pas fini d'examiner la question.

Je ne voudrais pas me prononcer sur l'importance d'imposer ou de ne pas l'imposer avant d'avoir fait le tour de l'examen objectif de la question en soi.

M. Bédard (Chicoutimi): Le député me permettra simplement d'exprimer mon accord avec lui que lorsque ce sont des experts, on discute d'expertise, sauf que lorsque les experts commencent à entrer dans le principe, il est tout à fait normal qu'on engage la discussion à ce moment.

Le Président (M. Lafrance): Alors, les experts sont sortis...

M. Bédard (Chicoutimi): Eux, sortant de leur domaine, peut-être que c'est normal.

M. Bonnier: Ce serait au président que...

Le Président (M. Lafrance): On est sorti de ce domaine. On passe à l'article 2. Dr Lussier.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est le domaine du recteur de l'université...

M. Lussier: Sur le deuxième point, j'en fais lecture. Cela se rattache particulièrement à l'état que l'on constate de la santé dentaire au Québec avec les préoccupations qu'elle soulève. L'initiative du gouvernement est donc appréciée, mais on ne peut s'empêcher de souligner qu'il n'y a pas preuve d'avant-gardisme. Entre le temps où la mesure a fait ses preuves et celui où on intervient sérieusement pour en faire profiter la population en général, il se sera écoulé plus de vingt ans. En page 2.

Au Canada, aux Etats-Unis, et même dans certaines municipalités du Québec, on a jugé à propos d'instaurer la fluoration au cours des années cinquante. Si l'on consulte l'annexe 2, on y verra depuis combien de temps plusieurs municipalités d'importance ont pris d'avance sur les grandes villes du Québec en cette matière. Le Québec qui se distingue par des caractéristiques dentaires défavorables, qu'on énumérera plus tard, accuse un retard de toutes ces années et dans cet intervalle, la situation au point de vue dentaire a continué à s'aggraver. La loi proposée n'arrivera pas à effacer la multitude des défauts qui auraient pu être prévenus, mais elle aura le grand mérite d'apporter pour les années à venir l'assurance que la santé dentaire de la population du Québec s'améliorera rapidement. Je pense que nous arrivons à un certain nombre de points pour l'étude, pour démontrer comment on peut y arriver.

Si vous permettez, j'aborderai le point numéro 3 qui insiste sur l'innocuité des fluors avec des arguments qui, peut-être, ont été servis, mais d'autres, enfin, que nous apportons en considération. L'apport du fluor par la voie de l'eau d'alimentation et son influence bénéfique sur les dents et les os de l'homme ont été tant de fois mis en évidence qu'il n'est pas indiqué, à notre avis, de reprendre une preuve qui s'est indéfectiblement poursuivie depuis vingt ans en s'enrichissant constamment d'éléments positifs et rassurants. L'immense bibliographie qui existe aujourd'hui sur le sujet de la fluoration atteste de l'intérêt que les hommes de science et les institutions de santé publique y ont accordé.

Nous rappelons simplement que, depuis les premiers essais de sa mise en opération jusqu'à aujourd'hui, cette mesure n'a donné lieu à aucun accident ni à aucune plainte fondée, même si des centaines de millions d'individus ont été exposés à la fluoration. Il n'y a pas lieu de s'en étonner. Trop de gens oublient que le fluor est un élément avec qui le genre humain vit depuis toujours. Dans à peu près tous les sols et toutes les sources d'eau d'approvisionnement, on retrouve des quantités plus ou moins grandes de sels de fluor. On a donc parfaitement raison de considérer la fluoration comme un ajustement du contenu des eaux d'alimentation en fluor et non pas comme l'introduction d'une substance étrangère. L'ajustement proposé est de porter le contenu à 1.2 partie de fluor par million de parties d'eau en se servant d'un sel de fluor approprié. L'innocuité du fluor employé à ce niveau ne fait aucun doute. L'universalité comme la pérennité de l'ingestion du fluor venant de l'eau et des aliments à des taux souvent plus élevés que celui mentionné dans la loi, avait prouvé fort avant l'invention de la fluoration comme mesure de santé publique que cet élément était innocent de tous les torts que les opposants de la fluoration ont cherché à lui attribuer.

Je pense que le Dr Shaw a insisté justement sur

la cible qu'a constituée la fluoration depuis 25 ans. Il n'y a pas qu'une mesure de santé publique. Si l'histoire nous rapporte correctement les faits, il n'y a pas de mesure qui a été soumise à l'inquisition persistante d'à peu près tout le monde. Il n'y a pas un point qui a été remis en question, qui n'avait pas été resoulevé et prouvé 100 fois. Je pense que sur le point de l'innocuité, il y a quantité de documents qui l'attestent et quantité de documents bien faits.

C'est entendu que, si on regarde l'épaisseur du papier qui a été publié là-dessus, on peut se laisser plus ou moins impressionner, parce qu'aujourd'hui il y a tellement de papier, que cela nous impressionne moins. Si on regarde la valeur des études qui ont été faites, il n'y a pas une situation semblable qui existe pour démontrer que cette mesure est à l'abri de toute enquête. Il n'y a pas une étude qu'on a entreprise comme celle qui a été menée à la fin des années cinquante ou au début des années soixante au Texas dans la petite ville de Bartlett comparée à la ville de Cameron où on a fait le relevé médical de plus de 100 personnes dans chacune de ces villes, pour des gens qui y étaient demeurés au-delà de quinze ans. On a tout épluché ce qui était possible. On les a poursuivis partout où ils étaient rendus pour essayer de savoir ce qui était advenu de ces gens, pour voir s'il y avait des différences dans les dossiers médicaux. On n'a trouvé aucune différence. C'est une analyse qu'on n'afaite pour aucune autre situation au monde, dans aucun autre plan de la santé. Je pense que ce sont des faits qui doivent être portés à votre attention pour montrer combien sérieusement la chose a été prise. Dans le continent nord-américain, nous avons une expérience de 25 ans d'observations persistantes. Le Dr Shaw a soulevé les cas des villes de Grand Rapids, Newburg et Havinston qui ont eu la fluoration depuis le début, qui ont été parmi les premières. Il a cité également le cas de Brantford. Il y a donc un cas au Canada qu'on peut regarder. On n'aurait à peine qu'à regarder les résultats qui ont été obtenus en Ontario, en comparant constamment les villes de Brantford, Stratford et Sarnia et qui nous donnent toute l'histoire.

Est-ce qu'on a vu surgir dans ce milieu quelque chose qui semblait anormal? Cela n'a jamais été porté à l'attention ni du monde médical ni des autres. Je pense que du point de vue de l'innocuité, il ne devrait plus y avoir de discussion. Nous avons tous les éléments en main. Cela ne fait pas que 25 ans qu'on vit avec le fluor. C'est depuis que l'homme est l'homme qu'on vit avec du fluor. Dans aucun cas où on a utilisé des eaux qui contenaient des proportions convenables, on n'est arrivé avec des problèmes. Tous les cas de toxicité qu'on nous sort et avec lesquels on nous rabat les oreilles sont des cas d'intoxiqués sur le côté technique et industriel. Cela n'a rien à voir avec une mesure de santé publique. Qu'est-ce que vous voulez? On compare des choux et des raves. Cela n'a rien à voir ensemble. La position de la toxicité du fluor est tellement plus loin que ce qu'on dit, ce n'est absolument pas la même chose. C'est comme si on disait aux enfants: II ne faut pas jouer avec des roches, il y a des montagnes. Ce sont des choses comme cela. Ce sont des choses qui ne se comparent pas. Nous sommes devant des positions quantitatives qui n'ont absolument aucune parenté. Je pense que, du point de vue de l'innocuité, il faut comprendre que c'est un cas apparemment réglé; pour l'ensemble du monde et pour les scientifiques, c'est définitivement réglé.

Le Président (M. Lafrance): Article 4.

M. Lussier: Après plus de trente ans de recherches coûteuses et soutenues dans le domaine de la prévention des maladies dentaires, on n'a pas pu découvrir une mesure plus efficace, plus facile d'application, plus économique et de portée aussi étendue. Rien ne laisse prévoir encore qu'on arrivera dans le cours des prochaines années à trouver une mesure de rechange qui assure les mêmes avantages que la fluoration, encore moins à la supplanter. C'est pourquoi la mesure a rallié l'appui de tant d'organismes nationaux et internationaux. On trouvera à l'annexe 3 les déclarations de l'Organisation mondiale de la santé et de la Fédération dentaire internationale. Elles indiquent le niveau de confiance qu'on accorde à la fluoration sur le plan international de la santé dentaire. Dans toutes les écoles dentaires des universités du monde, on transmet ce message à tous ceux qui auront à prendre des responsabilités dans la dispensation des soins dentaires ou dans l'organisation des services dentaires.

Quand on dit que rien ne laisse prévoir, c'est que, si on avait des mesures de portée analogue ou d'efficacité égale, je pense qu'on en parlerait. On serait très ouvert de mettre les deux situations devant les gens qui ont des décisions à prendre comme vous. Mais il n'y a rien actuellement qui laisse prévoir qu'on trouvera, d'ici 20 ans et même plus, une solution qui peut arriver même au tiers de l'efficacité de la fluoration. C'est pour cela qu'on insiste tant. On n'a rien qui puisse se comparer à cela, sur le plan de l'efficacité et sur tous les autres plans. Qu'est-ce que vous voulez? On est donc moralement obligé de venir défendre cela, on n'a pas autre chose à défendre. On ne vous dit pas que c'est la perfection, mais on vous dit que c'est la meilleure chose qu'on ait pu trouver jusqu'à présent et que, pour le moment, tant qu'il n'y en aura pas d'autre, on va être obligé de se battre pour cela. C'est la position que nous prenons.

Le Président (M. Lafrance): Article 5.

M. Lussier: Dans une société où la santé fait partie des droits inaliénables de chaque citoyen, il appartient au gouvernement d'établir des politiques de protection de la santé et d'instaurer des programmes qui garantissent leur application.

Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, les soins dentaires ont pris une importance grandissante, au point d'apparaître prioritaires dans les programmes de santé de plusieurs pays. Or, la logique la plus élémentaire commande que dans tout programme de soins qui vise à l'amélioration réelle de la santé, on inclue au moins un volet sur les aspects préventifs avec la garantie bien nette qu'on sera vigilant à réprimer le développement des mala-

dies autant qu'à en corriger les effets. Dans un programme de soins dentaires de portée générale, il est évident que la fluoration se place en tête. Un programme sans cette composante est voué à une escalade dans les coûts et à une distribution d'efforts incohérente, ce qui engendre nécessairement plus de mécontents que de satisfaits.

On n'insistera jamais assez sur une rentabilité des mesures préventives en santé publique. Ce ne sont pourtant pas les exemples qui manquent tant du côté de l'élimination des maladies contagieuses que du côté de la prévention des accidents. Une mesure comme la fluoration s'impose d'elle-même dans tout processus de planification de soins dentaires subventionnés par les deniers publics et nous croyons qu'il est urgent d'en faire profiter la population du Québec maintenant que le gouvernement s'est engagé à subventionner les soins dentaires pour une partie de cette population.

Je pense que la déclaration n'a pas besoin de commentaires. Je pense que pour nous c'est le commencement d'un programme de soins dentaires et qu'on s'assure là qu'on va au moins travailler dans le positif pour les années à venir.

Le Président (M. Lafrance): Article 6.

M. Lussier: Le Québec se distingue, parmi les provinces du Canada, parson faible taux de dentistes proportionnellement à la population servie. Dans l'annexe 4, nous apportons des chiffres. La demande de soins dentaires taxe lourdement les quelque 1,900 dentistes qui constituent l'essentiel de la main-d'oeuvre dentaire de cette province. Pourtant, sauf le groupe d'âge de 0 à 8 ans, c'est en très faible nombre que les Québécois profitent d'un partage de coûts des soins dentaires avec un tiers payant. Quelle serait la situation si la demande était subitement encouragée, par des mécanismes d'assurance-maladie publics ou privés, à solliciter plus largement les soins dispensés par le dentiste? Or, c'est alors que la fluoration vient à la rescousse des régions qui font face à ce problème. Dans la ville de Karl-Marx, en Allemagne de l'Est, la fluoration a produit en huit ans le résultat suivant. Alors qu'en 1963, il fallait 16 dentistes pour les 19,000 enfants qui recevaient les soins, soit un dentiste pour 1,200, il n'en fallait que neuf pour le même groupe en 1971, soit une récupération de personnel de 40%.

Je pense que nous devons nous éveiller, tant que nous sommes, à cette situation de la main-d'oeuvre dentaire. L'ordre n'en a pas parlé énormément ce matin. Nous, du domaine de l'éducation, nous sommes constamment éveillés à ce problème parce que nous devons former plus de dentistes. Est-ce qu'il faut les former différemment? Est-ce que nos programmes sont adaptés à la situation? Enfin, ce sont toujours ces problèmes d'adaptation de nos programmes à la formation des professionnels qui, eux, doivent s'adapter à une clientèle qui est en mouvement. Il y a beaucoup de paramètres qui se mêlent dans cette situation, et particulièrement en 1975. On est rendu avec des programmes de soins dentaires qui s'ouvrent à certaines parties de la population. On a un éveil de plus en plus grand de la part de la population vis-à-vis des soins dentaires. Les gens recherchent ces soins. Ils se plaignent qu'ils n'ont pas de rendez-vous assez fréquemment chez les dentistes. On parle de former un personnel auxiliaire pour venir en aide à des dentistes. Qu'est-ce que ce personnel auxiliaire va faire? Où va-t-on le mettre? Dans quelles circonstances va-t-il travailler? Ce sont toutes des questions qui sont à l'étude, mais je crois que si, en même temps qu'on étudie ces problèmes, on était en mesure de compter sur la mise en vigueur de la fluoration, on serait dans une perspective différente d'évaluation. L'économie de la main-d'oeuvre qui se ferait à travers la fluoration pour les deux ou trois décennies à venir serait un facteur quantitatif extrêmement important dans la planification qui s'entrevoit. Il est temps qu'on sache si on va marcher avec cela ou si on va marcher sans cela. Parce que si on marche sans la fluoration, c'est une planification complètement différente, c'est un engagement financier complètement différent, c'est pour la population, un genre de santé dentaire complètement différent. Je pense qu'à ce moment-ci c'est donc une décision d'importance et extrêmement urgente à prendre pour que ceux qui ont la responsabilité de la planification des soins soient en mesure d'agir convenablement.

Le Président (M. Lafrance): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: Merci, M. le Président. Dr Lussier, vous nous mentionnez que dans la ville de Karl-Marx, en Allemagne de l'Est, la fluoration a produit, en huit ans seulement, le résultat qu'en 1963 il fallait 16 dentistes pour 19,000 enfants qui recevaient les soins, soit un dentiste par 1,200, et qu'en 1971, seulement neuf pouvaient faire le même travail. Est-ce que vous sauriez nous citer l'expérience vécue à Laval, par exemple, où, selon les informations que j'ai eues, l'eau est fluorée depuis un peu plus de dix ans?

Est-ce que vous pourriez faire la comparaison en nous disant quel a été le nombre de dentistes après l'expérience de dix ans, combien il y en a eus avant, en fonction, combien en fallait-il à Laval et combien, après la période de dix ans?

M. Lussier: Je ne peux pas vous fournir de chiffres et ça s'explique très facilement. La ville de Laval est une ville nouvelle, une ville qui est venue au monde il y a à peu près une dizaine d'années ou douze ans, où on a fait le regroupement d'un paquet de municipalités. Antérieurement à ça, ces petites municipalités, qui étaient desservies par cet aqueduc qui a été mis en commun, n'avaient pas mis sur pied d'études et, habituellement, c'est ce qui doit être fait pour arriver à des résultats comme ceux que je vous donne là, il faut que ces études soient planifiées à partir du début. Si, dans la ville de Laval, au moment où on l'a formée, on avait décidé de poursuivre une étude en fonction de ça et de tenir compte de l'augmentation de la population des dentistes qui était là, je pense qu'on serait en mesure de vous répondre.

Actuellement, je n'ai pas de statistiques, je ne sais pas si la ville de Laval est capable de me dire à quel taux le nombre de dentistes s'est introduit dans cette nouvelle région.

Deuxièmement, un autre point. C'est que, pour arriver à des études comme ça, il faut aussi se choisir des populations sur lesquelles on peut tirer des données. Dans la ville de Karl-Marx, je présume qu'on fait affaires avec une ville relativement petite où la population est très bien contrôlée au point de vue du nombre et dans son évolution. On n'est pas en mesure de faire la même chose là-bas. Je ne pourrais pas vous dire combien il y avait d'enfants à ce moment-là, particulièrement dans Laval, ni de quel âge, ni dans quelle situation ils se trouvaient et là, je pense que les conditions de comparaison sont tellement différentes entre ce qu'il y avait il y a dix ans et ce qu'il y a aujourd'hui, que je ne crois pas qu'on pourrait arriver avec des données très fiables.

Je comprends la préoccupation de monsieur le député d'avoir des études qui viennent de chez nous en fonction de cela et je suis le premier à déplorer qu'on n'ait pas eu le leadership, la sagesse, dans ces endroits, de penser à l'importance de ces statistiques et de commencer à les compiler au moment où c'était facile à faire. Aujourd'hui, faire des statistiques en reculant, c'est pas mal plus difficile.

M. Samson: C'est évident que, si j'ai posé cette question, M. le Président, c'est que ce matin, justement, l'Ordre des dentistes nous a mentionné Acton Vale où, compte tenu de la densité de la population, cela se rapprochait peut-être plus de la densité de la population de la ville de Karl-Marx que de celle de Laval. On n'a pas pu nous dire ce matin s'il y avait eu réduction des dentistes à Acton Vale; puisque c'est une petite ville, ils n'ont pas eu tellement besoin de statistiques pour nous dire qu'au début, il y en avait deux et qu'il y en a encore deux. Cela veut dire qu'il n'y a pas eu de réduction de ce côté. S'il n'y a pas eu de réduction dans les petites villes, est-ce qu'il y aurait réduction dans les grandes villes?

Il y a une autre question que j'aimerais poser: Est-ce qu'on peut prétendre que les statistiques données en ces matières peuvent être aussi valables, qu'elles proviennent de notre territoire ou d'autres pays où les conditions climatiques peuvent être différentes? Est-ce qu'à ce moment-là, cela ne pourrait pas influencer une différence dans le taux de réduction des dentistes?

M. Lussier: Pour ce qui est du taux de réduction même, je ne connais pas le mode de pratique dentaire dans les pays qui ont été, à un moment donné, désignés comme derrière le rideau de fer. C'est entendu que le mode de pratique des professionnels là-bas diffère du nôtre. Mon interprétation est qu'on peut rapporter des faits comme cela, en mettant des groupes d'enfants par rapport à un professionnel parce que, dans ces régions, on assigne des territoires à des professionnels, comme on le fait en Angleterre actuellement, pour ce qui est des médecins. Les médecins qui travaillent en Angleterre sont des gens que l'on envoie dans un territoire et qui sont responsables du groupe d'individus qui est là. A ce moment-là, c'est facile de faire des statistiques par rapport au bonhomme qui est là.

Ce n'est pas notre système en Amérique du Nord, les gens vont s'installer partout où cela fait leur affaire. On peut avoir une forte concentration à Montréal et avoir une disette complète dans d autres villes. On ne peut pas arriver à des comparaisons comme cela aussi facilement, mais, quand on les a dans des pays où le système leur permet de les faire, je pense qu'on ne peut pas faire autrement que d'en tirer profit.

M. Samson: Oui, d'accord. Mais à ce moment-là, compte tenu de ce que vous venez de dire, autour de l'exemple de la ville de Karl-Marx que vous avez cité, est-ce que cela amène une crédibilité absolue de ce qui est cité là, compte tenu de tout ce que vous venez de nous dire ou à ce moment-là, ce genre d'exemple pourrait être très discutable?

M. Lussier: Si c'était le seul. J'en ai cité un; je ne me suis pas donné la peine de rechercher tous ceux qui existent. J'aurais bien pu prendre un autre exemple en Nouvelle-Zélande quant aux soins donnés aux enfants. Sous un autre système, ce sont des infirmières dentaires qui travaillent dans les écoles; on institue des cliniques dans les écoles et ce sont ces personnes qui donnent les soins.

Depuis qu'en Nouvelle-Zélande, on a la fluora-tion, le nombre d'enfants traités par des infirmières a augmenté. Cela veut dire qu'il y a moins de travail à faire par enfant et, au lieu d'en traiter 300, les infirmières vont en traiter 500. Alors, par un autre mécanisme, à l'autre bout du monde, on retrouve exactement la même situation. Tout cela pour arriver à dire simplement, sans attacher une foi absolue aux chiffres, puisque vous ne le voulez pas et je vous respecte de ce côté, mais c'est simplement à titre d'exemple, pour montrer que lorsqu'on utilise la fluoration, les soins qu'on a à donner aux enfants sont tellement réduits que l'on peut traiter plus d'enfants avec le même nombre de professionnels. Pour nous, c'est extrêmement important, parce qu'on manque de professionnels dentaires.

Donc, si on avait la fluoration, nos dentistes pourraient traiter individuellement plus d'enfants qu'ils ne le font maintenant. Lorsqu'ils en prennent un, il y a tellement de choses à faire qu'ils ne peuvent pas en prendre plus qu'un certain nombre. C'est simplement ce que cela veut dire. C'est ainsi qu'on augmente la productivité des professionnels qui sont en disponibilité.

M. Samson: Vous avez tenu compte, dans l'élaboration de votre mémoire, des expériences faites au Chili par le Dr Schatz. Vous en avez sûrement entendu parler?

M. Lussier: Je ne suis pas très familier avec ce qui s'est fait au Chili. J'ai eu simplement quelques entrevues avec des praticiens de cette région et c'est un mode de pratique dentaire qui est assez éloigné du nôtre. C'est un pays à tendance totalitaire, ou du moins, cela l'a été pendant un certain temps, de sorte que les dentistes travaillent dans

des cliniques du gouvernement, obligatoirement, pendant une certaine période de la journée ou de la semaine et ont leur cabinet à part; de sorte que c'est quelque chose qui est très différent de notre régime. Là encore, pour faire suite à la remarque que vous faisiez tout à l'heure, les données qu'on peut avoir, il faut les prendre dans le contexte où c'est présenté. Je ne vous ai rien apporté du Chili parce que je ne me suis pas donné la peine d'aller chercher des exemples là et je n'ai pas étudié le dossier du Chili particulièrement.

M. Samson: Est-ce que vous êtes d'accord, quand même, que les expériences qui pourraient avoir été faites au Chili, sous le régime totalitaire que vous avez mentionné, pourraient se comparer aux expériences faites en Allemagne de l'Est sous un autre régime totalitaire?

M. Lussier: C'est à la suite de la comparaison qu'on pourra le dire, véritablement, si...

M. Samson: C'est parce qu'il est évident que ce que vous apportez comme exemple, en citant la ville de Karl-Marx, en Allemagne de l'Est, est totalement l'opposé de ce qui nous est amené comme expérience par le rapport Schatz, fait au Chili. C'est évident que là, on ne peut pas dire qu'il s'agit de deux contextes différents, mais de deux contextes politiques exactement semblables.

C'est pourquoi je vous posais la question, à savoir si vous aviez eu l'occasion de prendre connaissance de ce rapport. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. Forget: M. le Président, je voulais seulement souligner que la question de tantôt, posée par le député de Rouyn-Noranda, comportait deux parties. La première, sans doute par inadvertance, n'a pas encore reçu de réponse du Dr Lussier. Il faisait allusion aux différences climatiques. Peut-être, pour dérider la commission, j'aimerais souligner au député de Rouyn-Noranda que ce n'est pas le gel qui cause des fissures dans les dents.

Mais peut-être que le Dr Lussier pourrait faire un commentaire plus éclairé que celui-là, pour répondre à la question du député de Rouyn-Noranda et déterminer dans quelle mesure les conclusions qui ont été observées dans un grand nombre de pays, sont sujettes à des qualifications, à des réserves, ou à cause des conditions climatiques.

M. Lussier: Je pense qu'on soulève un point qui peut donner lieu à une très longue discussion. C'est sûr que, si on prend les conditions de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, de la ville Hong Kong, de la Californie, de l'Allemagne et du Canada, on arrive dans des conditions non seulement de climats, mais aussi de cultures qui sont extrêmement différentes. Je pense qu'il faut tenir compte, dans chacune de ces groupes, d'une situation qui ne vaut que pour la région elle-même, mais il faut aussi dire que, dans toutes ces études, on fait des études avec des contrôles, on fait des études avec des témoins.

Dans la ville de Karl-Marx, je vous le rapporte, ce sont des constatations sur les mêmes enfants. Si on s'en va en Nouvelle-Zélande et en Australie et qu'on rapporte des différences de rendement au point de vue de l'application de la méthode, c'est en fonction de groupes qui, au point de vue culturel et climatique et tout cela, sont des groupes comparables. On ne compare pas une situation de la Nouvelle-Zélande avec une situation du nord de l'Irlande. Cela ne va pas du tout, voyez-vous? Il faut tout de même prendre les résultats qu'on a dans chaque pays et les voir à la lueur de ce que l'on fait là, du système qui est en marche là. Mais, il y a quelque chose de frappant tout de même, c'est que, partout, où on a mis la fluoration, à quelque endroit que ce soit dans le monde, on en a tiré des effets bénéfiques, de la même façon, dans la même proportion.

Le Président (M. Pilote): Est-ce qu'il y en a d'autres qui veulent la parole?

Je vous remercie, messieurs. J'ai été absent un bout de temps, excusez-moi.

M. Lussier: D'accord. Il n'y a pas d'étude globale qui a pu jusqu'à maintenant établir l'indice de santé dentaire au Québec. Si une telle valeur était connue pour chacun des âges de notre population, nous serions en meilleure posture pour faire des comparaisons et des calculs d'opération.

Il existe cependant un certain nombre de relevés provenant de groupes isolés qui ont servi d'élément de comparaison avec les autres provinces et les autres pays. C'est grâce à ces données qu'on pourra apporter un certain éclairage sur l'étendue des besoins dentaires de notre jeune population. Par exemple, on estime qu'au Québec 70% des enfants de cinq à treize ans ont quatre à cinq dents qui nécessitent une obturation; 30% des enfants de onze à treize ans ont trois dents cariées au point de les supprimer.

Une étude faite de 1965 à 1968, à l'Université de Montréal, démontrait que les enfants des milieux peu fortunés ont, à l'âge de dix ans, 6.4 dents permanentes cariées et, à l'âge de treize ans, 13.8 dents permanentes cariées, c'est-à-dire que plus de la moitié des dents qu'ils ont en bouche sont déjà atteintes de carie. Nous avons les tableaux qui mettent ces données en évidence à l'annexe 5.

Comme le groupe d'âge de six à treize ans correspond à une population d'un peu plus d'un million, on peut supposer qu'il en coûterait plus de $100 millions pour effectuer les soins de restauration sur ces enfants dans l'hypothèse que la moyenne de caries pour cet agrégat est de sept caries et que le coût moyen de chaque obturation est d'environ $15.

Le rapport du Service de santé de la ville d'Ed-monton, Alberta, insiste sur le profit qu'a retiré la population de cette ville en cinq ans de fluoration, j'insiste sur cinq ans. Pour l'ensemble de la population des enfants d'âge scolaire de 6 à 17 ans, on enregistre une diminution de 46%. Alors qu'à Montréal le taux se maintient à 6.9 caries par enfant, à Edmonton il n'est que de 1.1.

AToronto, en dix ans de fluoration, on a doublé

le nombre d'enfants exempts de carie chez les préscolaires. Pour l'ensemble des 5 à 19 ans, un enfant sur cinq, à Toronto, est exempt de carie en 1973 alors qu'il y en avait un sur dix en 1963. Il serait intéressant de faire des comparaisons avec Montréal, mais les données pour des ensembles aussi grands nous manquent. Rappelons cependant que l'étude de l'Université de Montréal, déjà mentionnée, présente une évaluation faite sur un groupe de 3,888 sujets de 6 à 13 ans. Seulement 1 sur 15 de ces enfants était exempt de carie et ces enfants étaient tous de moins de 10 ans. On peut donc en conclure qu'en dehors des zones ou l'eau est fluorée ce ne sera qu'exceptionnellement qu'on trouvera un enfant de 10 ans pt plus qui ne sera pas déjà atteint de carie.

On ne saurait trop insistersur la situation déplorable qui prévaut dans notre jeune population. Il est grandement temps qu'on prenne les moyens de la corriger. La fluoration est évidemment la mesure toute désignée pour apporter un remède à brève échéance.

Je pense que ces faits ne font que corroborer ceux qui ont déjà été cités antérieurement, mais ils manifestent encore aussi éloquemment la triste situation dans laquelle notre jeune population se trouve au point de vue dentaire.

Le point no 8, le problème des maladies dentaires ne peut se bien comprendre que si on le situe sur le plan communautaire. La carie dentaire, en général, atteint plus de 95% des individus d'une population. Au Canada, selon une étude commanditée par la Commission royale sur les services de santé en 1963, le coût des soins dentaires était le troisième en tête dans une liste de 21 services cités. En 1966, alors que le coût des traitements dus aux maladies coronariennes atteignait $8 millions, c'est $178 millions que coûtaient les soins dentaires. En 1972, le coût des soins dentaires se haussait à $350 millions même si, à ce coût, à peine un tiers de la population canadienne recevait les soins requis. Rien pourtant ne laisse prévoir que les coûts iront en diminuant.

Il y a quand même une lueur d'espoir dans ce tableau et c'est la fluoration qui seule peut l'alimenter. Nous avons fait allusion précédemment à l'avance prise par plusieurs villes et régions d'Amérique du Nord qui, par la fluoration, ont protégé fort avant la santé dentaire de leurs habitants.

Il n'y a pas que cet avantage qu'elles ont trouvé. Celui de l'économie des dollars leur est venu par surcroît. A l'annexe 7 apparaissent les données qui émergent d'analyse de coût et de bénéfices dans les villes où la population en expérience a été soigneusement choisie et suivie. Les données que nous présentons illustrent les résultats obtenus dans des Etats américains de climat et de géographie différents. Ils ne démontrent pas moins que, dans tous les cas, la fluoration a apporté une réduction considérable dans le coût des soins dentaires rendus aux enfants. Dans l'ensemble, les coûts diminuent de plus de 50% et, dans plusieurs cas, la diminution dépasse 60%.

Cette constatation impressionne à ce point les compagnies d'assurance privée qu'elles songent maintenant à établirdes primes préférentielles pour les habitants des villes où l'eau est fluorée. Que l'on examine attentivement la différence des réclamations qui originent de San Francisco par rapport à Los Angeles et l'on se convaincra du bien-fondé de cette préoccupation.

Le cas de la ville de Shebogan, Wisconsin, est certes le plus éloquent. Alors qu'avant 1950 le coût des soins dentaires par enfant, par année, était de $172.32, il a été réduit, après 20 ans de fluoration, à $46.34 (dollar constant). On estime maintenant que, pour chaque dollar dépensé pour la fluoration, on encourt une économie de $55.77 sur les frais de services et d'honoraires. Les exemples de ce genre foisonnent à volonté. Nous croyons qu'il aura suffi de ce bref aperçu pour se convaincre des avantages d'ordre économique que procure la fluoration.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est simplement une précision que je voudrais vous demander. Lorsqu'on parle du coût par personne au point de vue des soins dentaires requis, là où il n'y a pas la fluoration, est-ce qu'il y a des études qui font le partage sur la période où cela coûte nécessairement le plus cher? J'imagine que c'est à l'âge de l'adolescence. Ici, dans le cas de la ville du Wisconsin dont vous nous parlez, on parle de $172 par enfant, ce qui a baissé par la suite à $46.34, après l'usage de la fluoration. Pour les personnes plus âgées, est-ce que, à votre connaissance, il y a des statistiques, dans le sens de départager les coûts qui sont requis? Pour les enfants de tel âge à tel âge, et, ensuite, pour les personnes plus âgées?

M. Lussier: C'est plus facile de le faire pour les enfants que pour les personnes plus âgées. Lorsqu'on veut faire des analyses de coût par enfant, on est obligé, naturellement, de s'en référer aux cabinets dentaires pour avoir les données voulues. L'avantage de comparer par enfant, c'est que les services donnés aux enfants sont beaucoup plus semblables que les soins qu'on donne aux adultes.

Si on le faisait pour les adultes, il faudrait le faire pour plusieurs tranches d'adultes. Pour des adultes de 18 à 30 ans, de 30 à 45 ans et de 45 à 60 ans, le genre de soins qu'on rend est différent. Aux enfants, on rend des soins qui sont dus au dommage de la carie et qui sont des soins orthodontiques, pour remplacer les dents, et les soins chirurgicaux qui peuvent être nécessaires, vu l'état grave des dents.

Ce sont des ensembles de soins qui sont assez comparables pour les groupes d'enfants. Mais lorsqu'on est chez des adultes, c'est plus difficile. Il y a des gens qui ont peu de dents et il y en a qui ont beaucoup de dents. Ceux qui ont beaucoup de dents ont besoin de types de soins qui sont différents de ceux qui ont peu de dents.

Pour les gens qui se font extraire des dents à l'âge de 20 ans et qui portent des dentiers, c'est une comptabilité pas mal différente de celle des gens qui ont leurs 32 dents dans la bouche, qui vont chez le dentiste à tous les six mois et qui se font faire de la dentisterie pas mal sophistiquée.

Si, à un moment donné, madame, rendue à 45 ans, n'aime pas son alignement et la couleur de ses dents et qu'elle veut se faire faire des couronnes

partout, c'est un cas pas mal particulier. Quand on arrive dans un agrégat comme cela, c'est extrêmement difficile à dégager.

On est obligé de tenir compte du niveau social de ces individus. On a des comptabilités plus difficiles à faire que lorsqu'on le fait du côté des enfants. C'est pour cela qu'on a tendance à comparer les coûts du côté des enfants.

Disons que, d'une façon générale, c'est sûr qu'il y a une répercussion et on va l'avoir de plus en plus. Je vous disais tout à l'heure que cela fait 25 ans qu'on fluore. C'est une période assez longue pour tenir compte de toute la population qui est venue au monde pendant ce temps-là.

Mais on est encore ce qu'on appelle dans des jeunes "brackets". Les gens qui avaient 25 ans il y a 25 ans sont des gens de 50 ans aujourd'hui. On ne peut pas les comparer là-dedans, on ne les a pas entrés là-dedans. Il y a une courbe qui existe. Si on pense en termes de protection que confère la f I uora-tion chez l'adulte ou chez des populations adultes qui ont vécu toute leur vie avec de l'eau fluorée, il y a une étude qui a été faite au Colorado, il y a une quinzaine d'années, où on a comparé Colorado Springs avec la ville de Boulder, chez des gens de 20 ans à 60 ans. On a regardé le nombre de caries qui s'étaient développées chez ces gens. Les résultats sont dans votre dossier analytique. Vous les trouvez ici. Chez des gens de 45 ans, ils ont un taux de carie de 7% à 8%, d isons, peut-être, 9%, à comparer à 23% par rapport aux autres, à 44 ans. Si on regarde ce qu'ils étaient à 20 ans, c'était 6% par rapport à 14%.

Donc, la protection qui a été conférée quand ces gens étaient jeunes s'est maintenue par la suite. J'ai l'impression que les gens qui n'ont eu que 9 ou 10 obturations à se faire faire par rapport à 26, ça leur a au moins coûté la moitié moins. Je pense que c'est très modeste en fait de chiffres que de dire que cela a coûté la moitié moins. Parce que le genre de carie qui apparaît chez des gens qui bénéficient de l'eau fluorée sont des caries qui coûtent bien moins cher à réparer que les autres. Parce qu'elles sont beaucoup plus petites.

M. Bédard (Chicoutimi): Merci.

M. Simard: J'aurais une remarque très courte à ajouter à cela. Le docteur parlait de 9 caries, il faut prendre en considération que, quand quelqu'un a un nombre de caries aussi restreint, il est beaucoup plus porté à se faire traiter que quelqu'un qui en a un très grand nombre. Quand il y en a un très grand nombre, on recourt à l'extraction; c'est pour cela que, dans la province de Québec, on a autant, malheureusement, de porteurs de prothèses.

M. Bédard (Chicoutimi): Oui.

Le Président (M. Pilote): D'autres questions?

M. Lussier: II serait opportun d'apporter à la considération du gouvernement un avantage indirect, mais non moins important, de la fluoration, celui de contribuer au développement normal et harmonieux des os et des structures de la face de chaque individu, au cours des quinze ou seize premières années de sa vie, et d'éviter l'apparition de complexes d'ordre psychologique causés par les anomalies et malformations qui surgissent à l'adolescence. On sait que l'enfant, au moment où il prend conscience de sa personnalité, s'inquiète de l'image qu'il projette et cherche à se rassurer sur l'état de son aspect physique. Une denture saine, complète et régulière est reconnue depuis toujours comme l'un des éléments les plus appréciés de ceux qui sont sensibles à la beauté physique. Or, les adolescents sont hypersensibles à l'endroit de tout ce qui lèse leur ego. Nombreux sont ceux qui développent des complexes à cause de leur mauvaise denture. Les adolescents qui ont des dents cariées ou absentes se rendent compte de l'importance des dents alors qu'il est trop tard pour corriger la situation dont, d'ailleurs, ils ne sont pas toujours les plus responsables. Pourtant, dans la plupart des cas, on aurait pu prévenir à la fois les troubles dentaires et les troubles psychologiques.

On sait que la croissance des os de la face est grandement conditionnée par la venue et la chute des dents temporaires et par la retenue des dents permanentes en bouche jusqu'à l'âge adulte. Les études faites chez des populations d'enfants provenant de régions où l'eau était fluorée ont démontré que les problèmes de croissance faciale sont considérablement moins nombreux parce que la rétention des dents temporaires en position jusqu'à leur chute normale prévient quantité de difformités au niveau de la moitié inférieure de la face.

Indirectement, mais tout aussi efficacement, la fluoration, par son action inhibitrice sur la carie, épargne à une forte proportion de jeunes gens des épisodes désagréables sur le plan psychologique, sans compter les frais de traitements d'orthodontie qui, habituellement, viennent grossir la note des dommages encourus.

Je voudrais insister sur ce point de l'esthétique. Cela semble secondaire, souvent, l'esthétique. Mais il ne faut pas oublier que notre profession s'est légitimée, a pris racine dans nos sociétés modernes pour deux raisons: pour combattre le mal de dent et pour redonner aux gens l'apparence qu'ils auraient s'ils avaient leurs dents ou si leurs dents leur étaient conservées dans le meilleur état possible. Ce sont les deux raisons qui ont justifié le développement de la profession dans le monde moderne. Ces deux aspects, il les ont combinés ensemble, et les dentistes sont forcément des esthéticiens de la bouche; en même temps, ce sont des restaurateurs de la fonction de mastication. Ce n'est pas tout de redonner la fonction, les gens veulent retrouver leur sourire, leur expression, leur personnalité telle qu'elle se manifeste à travers leur faciès. Ce n'est pas pour leur intérêt personnel que les dentistes ont développé cela, c'est parce que leur clientèle leur demandait de faire cela.

On sait depuis longtemps que la beauté du visage tient beaucoup plus au développement harmonieux de la partie inférieure que de la partie supérieure. Des gens qui ont des fronts laids sont beaucoup plus rares que des gens qui ont des massifs buccaux peu jolis. Et pourquoi les massifs buc-

eaux sont peu jolis et nombreux? C'est parce que justement il y a des problèmes de croissance dentaire dus à ce que les gens souvent perdent leurs dents trop jeunes. Les gens se défigurent malgré eux à un âge précoce de leur vie parce qu'ils ne retiennent pas leurs dents assez longtemps dans la bouche, les dents temporaires qui doivent être là jusqu'à l'apparition des autres et, de plus, les dents permanentes qui sont faites pour durer la vie. En dépit de ce que les gens en pensent, on n'a pas des dents pour les perdre, on a des dents pour les garder. Il est normal que les gens meurent avec leurs dents. C'est une anomalie de notre civilisation qu'on meure sans dents. On n'a plus raison de mourir sans dents que de mourir sans yeux ou sans jambes. La population ne comprend pas cela. Nous sommes devant une situation où les gens se disent: Ma foi, par l'esthétique, en payant pour, on vient qu'on rétablit cela. Je pense que c'est une erreur grave parce qu'en dépit des moyens excellents dont jouissent les dentistes pour rétablir l'esthétique, pour effacer les dégâts on ne remplace pas le jeu de la nature. On n'arrive pas à redonner aux gens ce dont normalement ils auraient l'air s'ils avaient gardé leurs dents en bouche tout le temps de la croissance ou tout le temps de leur vie. Je pense que c'est un point important qui est très sous-estimé.

Cela a une valeur psychologique et une valeur économique. C'est difficile ce monnayer cela exactement, mais faites faire un choix à des gens rendus à 40 ans de leur vie en leur disant: Si tu avais pu conserver tes dents pendant tout ce temps sans avoir de problème, les aurais-tu gardées ou si tu aurais choisi d'avoir des dentiers? Je pense qu'on peut s'attendre à la réponse. Je pense que les gens auraient choisi de garder ce que la nature leur a donné. Mais on ne leur a pas laissé le choix ou du moins on les a mis dans des situations telles qu'ils ont été obligés de s'adonner à autre chose pour se tirer d'embarras. Je pense que la fluoration, à ce moment-ci, corrige — je ne dis pas qu'elle guérit — la situation considérablement. Dans certaines villes on a pu faire des comparaisons. A Newburg et à Kingston, deux petites villes de l'Etat de New York, depuis 25 ans on fait des études de ce qui s'est passé. On est allé chez les orthodontistes de ces villes, on a examiné leurs dossiers, on a examiné les modèles des gens qui avaient été traités et on s'est aperçu que, dans la ville où l'eau était fluorée, les enfants ne présentaient pas les mêmes anomalies, ni en nombre ni en gravité, par rapport à la ville où il n'y avait pas d'eau fluorée, qui est Kingston.

Quand on calcule le capital humain, la valeur humaine qui est conservée à travers une situation comme celle-là, je pense que c'est un élément dont il faut tenir compte sans compter le coût des services, parce que s'il y a trois fois plus d'enfants qui ont des traitements d'orthodontie à se faire faire. Comptez ce que cela peut coûter aux parents pour arriver à corriger une situation qui aurait simplement pu être évitée par la fluoration.

M. le Président, par ce mémoire, les trois facultés dentaires des universités du Québec ont voulu souligner au gouvernement de cette province l'ensemble des bénéfices les plus apparents qui peu- vent être attendus de la mise en vigueur de la fluoration des eaux de consommation dans tous les endroits où les réseaux d'aqueduc le permettent et où cette mesure n'est pas déjà en vigueur, en s'ap-puyant sur les faits qui ont semblé les plus évidents et les plus représentatifs. La fluoration est maintenant connue dans ses effets sous de multiples aspects et l'étendue et le degré de son emploi sur le continent nord-américain et dans le reste du monde ont pris une telle proportion et une telle justification qu'on ne peut, si l'on veut faire preuve d'objectivité, s'opposer à la présente loi, qui vise à améliorer la santé dentaire dans notre population.

Ce mémoire constitue un appui sans restriction au projet de loi no 88, qui enjoint les propriétaires d'usine de filtration à ajuster le niveau de fluor au taux de 1.2 partie par million dans les eaux fournies. Les facultés dentaires expriment leur reconnaissance d'avoir été entendues et souhaitent que leur intervention contribuera à doter notre système de soins de santé d'une mesure que, de nos jours, on estime indispensable.

Nous nous ouvrons à toutes les questions que les membres de la commission voudront bien maintenant nous adresser en rapport avec ce mémoire ou en rapport avec la question qui est discutée.

Le Président (M. Pilote): Le député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): Non, c'était simplement pour exprimer mon accord sur un point que vous avez soulevé en tout dernier lieu, à savoir I importance de la dentition, surtout de garder ses dents naturelles, et sur l'aspect esthétique important aussi, non seulement du point de vue économique, mais du point de vue psychologique tel que vous l'avez mentionné.

Vous avez exprimé l'idée, vous l'avez dit très carrément: Les gens ne comprennent pas cela. Est-ce que vous n'avez pas l'impression, sinon la conviction — du moins c'est celle que j'ai — qu'il ya beaucoup plus de gens, de parents ou de gens qui ont à traiter de ces problèmes, même du point de vue du comportement des dentistes eux-mêmes, vous ne pensez pas que les gens sont beaucoup plus sensibilisés a cette importance du point de vue esthétique, économique et psychologique de garder ses dents et non pas de recourir, dès les premières caries ou encore dès les premiers troubles majeurs, à la demande qu'on faisait très facilement avant à un dentiste de poser des dentiers? Personnellement, je crois que les dentistes eux-mêmes, il y a peut-être dix ou quinze ans, étaient beaucoup moins sensibilisés par la préoccupation de garder les dents aux patients qu' is ne le sont présentement. Je ne sais pas si c'est une mauvaise perception que j'ai, mais il me semble que, maintenant, la médecine dentaire est beaucoup plus orientée en fonction de la prévention qu'elle ne l'était auparavant et beaucoup plus réfractaire à enlever des dents quelle ne l'était autrefois.

M. Lussier: Sur ce point, si le président me permet de le commenter, c'est sûr que la profession

fait des progrès. Elle en a fait depuis un bon nombre d'années. Elle continue à en faire. La profession est marquée par les apports scientifiques qui lui sont versés quotidiennement. La profession est certainement alerte de ce côté et essaie de donner les meilleurs soins possibles, à la plus grande partie de la population. Il faut penser que le nombre de dentistes en existence dans la province de Québec est insuffisant pour une population qui veut se donner tous les soins dentaires disponibles.

M. Bédard (Chicoutimi): Remarquez que je ne veux pas prendre cet exemple pour vous dire: Donc, la conséquence, pas de fluoration. Dans cet esprit, je vous pose la question simplement en termes de constatation.

M. Lussier: C'est la raison pour laquelle...

M. Bédard (Chicoutimi): D'une part, je pense que, du point de vue des médecins, du point de vue des dentistes, c'est une constatation personnelle. Remarquez que je peux être dans l'erreur. On a beaucoup évolué dans le sens de garder les dents plutôt que de les enlever, la profession comme telle. Egalement, il me semble que, depuis quelques années, les parents sont beaucoup plus sensibilisés à la nécessité et à l'importance pour leurs enfants de garder leurs dents qu'ils ne l'étaient auparavant.

M. Lussier: Je pense qu'on est entièrement d'accord là-dessus. L'éducation se fait, il y a un progrès dans le public de ce côté, un progrès énorme. Il y a des parents qui sont certainement plus réceptifs aux conseils du dentiste que cela ne l'était il y a quinze ans ou vingt ans ou plus longtemps que cela. Il n'en reste pas moins que, dans certains milieux, on laisse les choses s'aggraver tellement, surtout dans les milieux défavorisés, les soins dentaires semblent tellement être en dehors de ce que ce public peut se payer, qu'il attend, comme pour toute autre situation — à ce moment, il est tout à fait logique et constant avec lui-même — il attend d'être dans des situations atroces pour s'en sortir.

On a fait allusion, dans le mémoire, à une étude qu'on a faite à l'Université de Montréal. Nous traitons des enfants, en cours d'été, qui viennent des milieux défavorisés de Montréal. On a fait ces études en donnant des traitements à ces enfants. Non seulement on traite ces gens, mais on essaie de les intéresser à venir recevoir les traitements. Vous devriez voir le mal qu'on a à les retenir pour leur donner des soins et pourtant on les soigne bien, on ne les violente pas. Il il y a eu un temps où on allait même les chercher à leur domicile ou à la cour d'école pour les amener. Même dans ces conditions, les gens refusent. Vous voyez que l'éducation n'est pas aussi ancrée dans les moeurs qu'on le croirait. On offre un service pour rien et les gens ne veulent même pas s'en prévaloir. Ils font traiter les enfants une fois ou deux fois, et, l'été suivant, on leur demande de revenir, on va leur donner les mêmes soins, et on ne les voit plus réapparaître. Donc, au point de vue de l'éducation, il y a considérable- ment à faire. Je reviens au point que je développais au début; si on attend de convaincre tout ce monde par des processus éducatifs, on va sacrifier cette génération, on va se retrouver dans vingt ans et on n'aura pas fait tellement de progrès.

C'est pour cela qu'il faut agir tout de suite. C'est pour cela que, conscients avec nos responsabilités d'hommes de science de la santé, nous voulons encourager le gouvernement à prendre des mesures qui protègent au moins ces enfants. Emmenez-nous les à un niveau de santé dentaire tel qu'on puisse faire quelque chose, mais entendez-vous, dans vingt ans d'ici, ne nous emmenez des gens qui sont dans des situations aussi extrêmes que celles qu'on connaît actuellement.

Le Président (M. Pilote): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: Je voudrais m'adresser, M. le Président, au Dr Simard. Nous avons mentionné tantôt les déclarations des professeurs Roy, Boutet et Morin, de l'université Laval. Je voudrais revenir sur le sujet, en ce qui concerne un point particulier. Dans votre mémoire, à l'annexe 3, en page 3, vous soutenez que l'organisme de protection de l'environnement soutiendrait que le fait d'ajuster la teneur en fluor de l'eau potable ne peut être considéré comme de la pollution, alors que, dans la déclaration des trois professeurs Roy, Morin et Boutet, dans Le Devoir du 27 janvier, ces derniers soulignent que, du point de vue scientifique, la fluoration des eaux du Saint-Laurent paraît inacceptable à cause de ses effets désastreux sur la faune marine. Comment pouvez-vous concilier ces deux positions qui semblent complètement différentes, provenant des gens qui sont quand même de la même université. Dans le public, on n'est pas des scientifiques, pas tous en tout cas.

M. Simard: C'est seulement une hypothèse qu'ils font.

M. Samson: Evidemment, on a compris, quand ils parlent de la fluoration des eaux du Saint-Laurent, c'est par la voie des égouts de toutes les villes, d'où l'eau se retrouve là. Eux soutiennent que, du point de vue scientifique, ce serait inacceptable à cause des effets désastreux sur la faune marine. Vous soutenez, dans votre mémoire, qu'il y a à peine...

M. Simard: Si je me rappelle bien, ils se posent une interrogation. Ils ne font pas d'affirmation, si je me rappelle bien. Ils se posent une question.

M. Samson: Elle paraît inacceptable.

M. Simard: Je reviens à ce que je vous disais tout à l'heure. J'aime beaucoup mieux me fier à un organisme qui est, justement, l'organisme de la protection de l'environnement qu'à un individu isolé qui va faire une intervention.

M. Samson: Je suis d'accord avec vous, mais il

reste que les organismes sont composés d'individus.

M. Simard: C'est cela.

M. Samson: Ces individus sont à l'université Laval. Vous êtes de l'université Laval. Ils sont là également. Qu'est-ce qu'on doit conclure de cela? Je vous pose la question.

M. Simard: Je leur demanderais de prouver scientifiquement leur assertion. Ils vont venir, je pense, à la commission parlementaire.

M. Samson: Je ne sais pas s'ils vont venir à la commission parlementaire, je parle de la déclaration publique.

M. Simard: Je pense que je leur demanderais directement de prouver leur assertion. Si je me rappelle bien, c'est plutôt une interrogation qu'ils se posaient. C'est très bien de se poser une interrogation...

M. Samson: Est-ce que, du point de vue scientifique, la fluoration de l'eau, selon ce que vous nous expliquez, est une bonne mesure pour la protection de la carie dentaire, les effets seraient les mêmes sur la forme...

M. Lafrance: Question de règlement, s'il vous plaît.

M. Samson: Je m'excuse, M. le Président, il n'y a pas de question de règlement.

M. Lafrance: Question de règlement.

M. Samson: Je ne laisserais pas passer cela, M. le Président.

M. Lafrance: Question de règlement.

M. Samson: Rappelez le député à l'ordre. Ma question est dans l'ordre.

M. Lafrance: Question de règlement, parce que...

M. Samson: M. le Président, est-ce que ma question est dans l'ordre, oui ou non?

Le Président (M. Pilote): Question de règlement.

M. Lafrance: Question de règlement, M. le Président. Le député de Rouyn-Noranda a affirmé une fausseté. Il dit que la fluoration est une bonne mesure pourlacariedentaire. C'estfaux, c'est contre la carie dentaire.

M. Samson: M. le Président, nonobstant l'évasion du député de Rivière-du-Loup, qu'il me soit permis de continuer à questionner le Dr Simard.

M. Lafrance: Ce n'est pas pour, c'est contre.

M. Samson: Non, ce n'est pas fort. D ailleurs... M. Lafrance: C'est contre.

M. Samson:... c'est bien de vous autres. Est-ce qu'on peut dire qu'on pourrait...

M. Lafrance: On lui pardonne.

M. Samson:... anticiper les mêmes effets sur la faune marine ou sur les animaux, par exemple? Les effets du fluor, est-ce que cela aurait les mêmes effets, d'après vous?

M. Lussier: Je pense que, sans vouloir répond re directement à la question — parce que si on nous demande ce que cela va faire dans le Saint-Laurent, je ne peux pas tellement vous le dire, car on ne la pas essayé dans le Saint-Laurent — il y a nombre de villes qui ont l'eau fluorée depuis plusieurs décennies et qui déversent leurs eaux dans des cours d'eau. On a qu'à regarder, par exemple, la ville de Saint-Louis qui déverse ses eaux dans le Mississipi. Il y a quantité d'autres villes qui déversent leurs eaux dans des cours d'eau et en aucun cas, depuis le temps où cela existe, cela n'a semblé causer des problèmes du côté de l'environnement. Il y en a quantité de ce côté-là. On peut retrouver, dans toute la liste des villes qui ont de l'eau fluorée depuis fort longtemps, des exemples comme cela, près du fleuve Columbia, à l'ouest des Etats-Unis ou ailleurs; il y a quantité de situations semblables.

En aucun cas cela n'a semblé avoir dinfluence. ni sur le saumon de ces rivières, ni ailleurs. Alors, ni pour la flore, ni pour la faune, il ne semble y avoir eu de déposition qui mette en cause l'usage de la fluoration aux taux normaux de la fluoration.

M. Samson: Est-ce que je dois en déduire que vous affirmez catégoriquement qu'il n'y aurait pas de danger, si vous vous basez sur ces expériences? Docteur Simard...

M. Simard (Paul): II faut dire tout simplement que l'eau de la mer contient 1.5 ppm de fluor. Il s'y trouve du poisson qu'on mange régulièrement. Justement, j'en ai encore mangé ce midi, je pense bien qu'il n'y a personne qui est...

M. Samson: Oui, mais écoutez, à ce point de vue, peut-être que les poissons de la mer ont une bonne dentition, mais vous viendrez dans les lacs du nord, on n'a pas mis de fluor et on n'a jamais pêché un brochet avec un dentier.

M. Lafrance: On a pogné un créditiste avec des dentiers et il les perdait, par exemple.

Le Président (M. Pilote): L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. Forget: M. le Président...

M. Samson: C'est peut-être parce qu'ils avaient été mal ajustés par un dentiste comme vous.

Le Président (M. Pilote): Par un denturolo-giste...

M. Samson: ... par un dentiste comme vous.

Le Président (M. Pilote): ... que vous avez appuyé.

L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. Forget: M. le Président, je n'ai pas de question à ce stade-ci et je crois deviner qu'aucun de nos collègues, membre de la commission, n'en a. Je voulais tout simplement remercier MM. les doyens des facultés de chirurgie dentaire des trois universités qui ont passé plusieurs heures, même toute la journée avec nous et qui, par leurs mémoires ainsi que leurs réponses à nos questions, nous ont permis d'éclaicir un certain nombre de points qui sont soulevés par le projet de loi.

Je les remercie, au nom de tous les membres de la commission, de leur collaboration et de leur patience pendant toute la journée.

M. Bédard (Chicoutimi): Je m'associe de bon gré aux paroles de remerciement du ministre des Affaires sociales à l'endroit des...

Le Président (M. Pilote): On vous remercie, messieurs. Avant d'ajourner la commission, voici quels seront les organismes convoqués qui seront entendus demain. Il y a le Front commun contre la fluoration; la Corporation professionnelle des médecins du Québec; l'Ecole de médecine dentaire de l'université Laval; le Conseil de la santé et des services sociaux de l'Outaouais; le Conseil de la santé et des services sociaux de Montréal métropolitain; l'Ordre des agronomes du Québec et l'Association dentaire canadienne.

La commission ajourne ses travaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 16 h 53)

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