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Commission permanente des affaires sociales
Projet de loi no 88 Loi modifiant la Loi de la
protection
de la santé publique
Séance du mercredi 26 février 1975
(Dix heures dix minutes)
M. Pilote (président de la commission permanente des affaires
sociales): A l'ordre, messieurs! Nous sommes réunis, ce matin, pour
entendre les organismes qui ont été convoqués pour donner
leur point de vue et présenter leur mémoire sur le projet de loi
no 88, Loi modifiant la Loi de la protection de la santé publique.
Sont membres de cette commission Mme Bacon (Bourassa), M. Bellemare
(Rosemont), M. Bellemare (Johnson), M. Bédard (Chicoutimi), M. Bonnier
(Taschereau), M. Boudreault (Bourget), M. Charron (Saint-Jacques), M. Dufour
(Vanier), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gratton (Gatineau), qui remplace M.
Fortier (Gaspé), M. Chagnon (Lévis), qui remplace M. Lecours
(Frontenac), M. Lafrance (Rivière-du-Loup), qui remplace M. Massicotte
(Lotbinière), M. Samson (Rouyn-Noranda) est membre de la commission, de
même que M. Verreault (Shefford).
Avant de passer aux mémoires, je cède la parole au
ministre des Affaires sociales.
Fluoration des eaux de consommation
M. Forget: Merci, M. le Président. Le projet de loi que
nous avons à étudier aujourd'hui et dans les jours
subséquents comporte comme mesure essentielle la fluoration des eaux de
consommation.
Le projet de loi en question, le projet de loi no 88, a
été déposé à l'Assemblée nationale il
y a un peu plus de deux mois maintenant. On doit compter qu'il
s'écoulera encore au moins deux mois avant son adoption
définitive à l'Assemblée nationale, étant
donné le calendrier des travaux de la Chambre pendant les prochaines
semaines. Cette période de q ua-tre mois entre la publication d u projet
et son adoption définitive devait donc permettre de connaître
toutes les implications de ce projet, de disséminer cette information le
plus largement possible de manière que cette mesure, qui est
proposée par le projet de loi, soit adoptée en pleine
connaissance de ses implications et avec le plus large consensus possible.
Au milieu de cette période de quatre mois, cette commission a
été convoquée pour nous permettre d'être
éclairés sur les implications du projet de loi. Je crois que,
durant les prochains jours, nous aurons l'occasion d'accomplir un double
rôle: d'une part, comme dans l'examen de tout projet de loi, de recevoir
des commentaires et des suggestions qui peuvent avoir pour but
d'améliorer sur le plan technique la rédaction du projet de loi
sans sacrifier son principe essentiel. Son principe essentiel, je me permets de
le souligner au début de nos travaux, consiste à introduire comme
mesure obligatoire de santé publique la fluoration des eaux de
consommation.
Lorsque le législateur, en 1972, adoptait ce qui est devenu le
chapitre 42des lois de cette année-là, il a donné au
ministre des Affaires sociales la responsabilité, sans équivoque,
sans partage, de prendre toutes les mesures appropriées pour coordonner,
surveiller et stimuler la distribution de toutes les mesures de santé
nécessaires pour le maintien de la bonne santé de la
population.
C'est comme partie de cette responsabilité qui m'est
confiée par les lois actuelles que je suis persuadé qu'il est
nécessaire d'introduire cette mesure de santé publique dont les
bienfaits seront abondamment documentés, je crois, par les travaux des
différentes parties qui seront appelées à venir faire des
exposés devant nous.
Alors, sans plus tarder, M. le Président, je vous inviterais
à faire comparaître le premiergroupequi a demandé à
être entendu sur ce sujet.
En terminant, je voudrais indiquer qu'il me paraît
approprié de donner, à tous les groupes qui doivent être
entendus, la plus grande flexibilité possible, la plus grande
accessibilité possible à la commission de manière que le
sujet soit épuisé, dans toute la mesure du possible. Les travaux
de cette commission nous donnent une occasion par excellence de poser des
questions, de vérifier les affirmations qui sont faites auprès
d'experts qui ont consacré une partie de leur carrière
professionnelle à examiner les questions connexes ou ces
questions-là plus particulièrement, donc à parfaire notre
jugement quant à l'opportunité de cette mesure et quant à
ses effets.
Le Président (M. Pilote): Avant de continuer, je
proposerais que M. Boudreault, de Bourget, soit rapporteur de la
commission.
Des Voix: D'accord.
Le Président (M. Pilote): L'honorable député
de Chicoutimi.
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, vous me
permettrez quelques remarques préliminaires avant de passer a l'audition
des mémoires. Une enquête, publiée en 1973 par le ministre
de la Santé nationale et portant sur les années 1968 à
1970, démontre clairement que les jeunes Québécois ont une
très mauvaise dentition. En fait, quand on compare les principaux
indices, nous sommes à l'avant-dernier rang de toutes les provinces
canadiennes.
Cette enquête démontre qu'à peu près 75% des
jeunes Québécois âgés de treize ans et moins ont
besoin de réfection alors que cette proportion n'est que de 45% en
Ontario et 50% au Manitoba. La moyenne des réfections requises pour les
enfants de onze ans est de 4.37 au Québec par rapport à 2.69 en
Ontario et à 2.72 au Manitoba. Pour les enfants de treize ans, elle est
de 5.5 au Québec, de 2.7en Ontario et de 2.84 au Manitoba. Au
Québec, 31.5% des jeunes âgés de treize ans et moins
doivent, selon certaines études sérieusesqui ont
été faites, se faire extraire au moins une dent tandis que
seulement 12% des jeunes Ontariens et seulement 14% des jeunes Manitobains ont
les mêmes besoins.
Pour remédier à cette sit uation déplorable, il
faut
à la fois agir, nous le croyons, par des mesures
préventives et curatives. Jusqu'à présent, à part
certains efforts d'hygiène dentaire au niveau scolaire, le gouvernement,
à notre humble opinion, a davantage concentré son action sur les
soins curatifs. Même à ce niveau, l'action gouvernementale est
actuellement insuffisante. Malgré l'ouverture de la faculté
d'hygiène dentaire de l'université Laval, il n'y a pas encore
assez de dentistes au Québec et leur répartition
géographique laisse fort à désirer.
Comme le démontrent les travaux des dentistes Simard et Lussier,
dont les résultats ont été publiés en 1970 dans le
journal de l'Association dentaire canadienne, le recours aux soins dentaires
est proportionnel au nombre de dentistes établis dans une région.
Il est donc urgent, nous le croyons, que le gouvernement du Québec
prenne immédiatement toutes les mesures nécessaires pour qu'on
augmente substantiellement le nombre de dentistes et d'auxiliaires
qualifiés au Québec afin que toutes les régions du
Québec soient desservies adéquatement.
De plus, une étude faite entre 1965 et 1968 à
l'Université de Montréal démontre que les enfants des
milieux peu fortunés ont, à l'âge de dix ans, 6.4 dents
permanentes carriées. A l'âge de treize ans, treize dents
permanentes carriées, c'est-à-dire que plus de la moitié
des dents qu'ils ont dans la bouche sont atteintes de caries.
L'enquête Simard-Lussier prouve aussi que le recours aux soins
dentaires est directement proportionnel au revenu et au degré de
scolarité. L'assurance-maladie couvre, depuis l'été
dernier, les soins dentaires pour les enfants âgés de moins de
huit ans. Le gouvernement, nous le croyons, a les moyens d'étendre la
couverture de l'assurance dentaire. En effet, nous l'avons déjà
dit à plusieurs reprises et nous le répétons, la
Régie de l'assurance-maladie aura, à la fin de l'année
financière, un surplus accumulé de $100 millions.
Il serait, selon nous, tout à fait normal que ce surplus serve
à étendre la couverture de l'assurance dentaire à toutes
les personnes de moins de dix-huit ans. Cette mesure est primordiale si l'on
veut que la qualité de la santé buccale des jeunes
Québécois issus des milieux défavorisés urbains et
ruraux s'améliore.
A cet effet, nous croyons qu'il est primordial d'améliorer les
services de santé en milieu scolaire, à la fois pour assurer une
meilleure détection des déficiences dentaires et pour inculquer
aux enfants une meilleure pratique de l'hygiène.
Idéalement, il faudrait s'assurer, naturellement, que les jeunes
Québécois se nourrissent mieux. Malheureusement, il est presque
impossible de s'assurer un contrôle efficace de la qualité de
l'alimentation, particulièrement dans un contexte où plusieurs
familles québécoises, nous le savons, n'ont plus les moyens de
bien se nourrir à cause du coût élevé de certaines
denrées de base.
Dans le seul secteur où il pourrait agir, c'est-à-dire au
niveau des cafétérias scolaires, le gouvernement maintient le
sacro-saint principe de l'autofinancement. C'est la qualité de
l'alimentation de nos étudiants qui en souffre. On n'a plus les moyens
de bien se nourrir; on n'a pas plus les moyens de bien se nourrir à
l'école qu'on ne l'a à la maison et la machine distributrice
remplace facilement le repas complet de la cafétéria.
Un des éléments nutritifs essentiels à la formation
d'une excellente dentition est le fluor. On le recommande
particulièrement pour les enfants et pour les femmes enceintes. Toutes
les études ou enquêtes à quelques exceptions
près portant sur une même population avant et après
la fluoration ou sur deux populations dont l'une consomme de l'eau
fluorée et l'autre de l'eau non fluorée démontrent les
mêmes effets, c'est-à-dire la réduction de 60% de la carie
dentaire et la diminution de la gravité et de la progression des
lésions et caries.
Pour poursuivre notre comparaison, signalons simplement que 89.8% de la
population du Manitoba, 73.3% de la population de l'Ontario et seulement 15% de
celle du Québec est approvisionnée en eau fluorée par un
système d'aqueduc.
Juxtaposées aux données sur la qualité de la
dentition de nos enfants par rapport à ces provinces, je crois que ces
statistiques sont éloquentes.
D'ailleurs personne, même parmi ceux qui s'opposent à la
fluoration des eaux de consommation, ne met sérieusement en doute ses
effets bénéfiques.
Ce qui est contesté, cependant, c'est l'imposition du fluor
contre leur volonté à des gens qui en ont moins besoin, le
caractère dangereux d'une trop grande consommation de fluor et ce
difficile contrôle de la fluoration des eaux de consommation.
Le Parti québécois propose que l'on distribue gratuitement
du lait fluoré à tous les jeunes du Québec. Une telle
mesure aurait, à notre humble opinion, des effets
bénéfiques immenses sur la qualité de l'alimentation des
jeunes et par conséquent sur leur santé.
Le lait à $0.51 à moins qu'il ne soit
augmenté depuis hier la pinte est devenu un bien de luxe, nous le
savons, pour un trop grand nombre de Québécois. Cette mesure
aurait aussi des effets secondaires non négligeables sur la
rentabilité de notre industrie laitière.
Un autre avantage nous le croyons et nous le soumettons
respectueusement de cette suggestion de distribuer gratuitement du lait
fluoré à tous les jeunes du Québec serait que ceci
permettrait de donner le fluor à ceux qui en ont spécifiquement
besoin, les enfants.
Le coût élevé par rapport à la fluoration des
eaux de consommation et la difficile application d'un tel programme pour les
enfants qui ne vont pas à l'école ne doivent pas nous faire
mettre de côté, sans un examen sérieux de la part de la
commission et du gouvernement, pour ces seules raisons, la distribution
gratuite du lait fluoré. Parce que l'on touche à des
libertés fondamentales, à savoir la liberté de choix des
individus, l'Opposition officielle n'a pas l'intention d'appuyer un projet de
loi qui forcerait la fluoration des eaux contre la volonté des
citoyens.
C'est pourquoi nous allons proposer qu'une municipalité puisse,
par référendum, se retirer du programme de fluoration
obligatoire. Ainsi, ceux qui s'opposent à la fluoration de l'eau
pourront
convaincre la majorité de leurs concitoyens. Nous croyons
qu'à ce moment-là un débat s'engagera qui permettra aux
différentes localités de se prononcer en connaissance de cause.
De plus, les municipalités ne devraient pas avoir à assumer le
coût de la fluoration. Le Parti québécois proposera donc un
amendement au projet de loi pour qu'en plus des coûts d'installation le
gouvernement finance également entièrement le coût de
fonctionnement des appareils de fluoration.
Enfin, nous croyons que les services gouvernementaux sont mieux
équipés que les municipalités pour procéder aux
analyses des eaux destinées à la consommation qu'impose le projet
de loi. En bref, le Parti québécois croit que le gouvernement
doit encourager les municipalités qui désirent la fluoration, ses
effets bénéfiques, dans notre esprit, étant très
clairs, mais qu'il ne doit pas l'imposer a ceux qui ne la veulent pas.
Le Président (M. Pilote): L'honorable député
de Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, j'ai écouté,
avec beaucoup d'intérêt, tantôt, les propos du ministre des
Affaires sociales. Certains de ses propos m'ont intéressé
davantage. J'ai remarqué que le ministre, en soulignant l'importance de
la commission parlementaire, l'importance d'entendre des témoins et des
experts, a souhaité, ainsi, pouvoir améliorer son projet de loi.
Je le cite presque au texte et je voudrais qu'il me dise le contraire si j'ai
mal compris. Il a dit: Sans sacrifier son principe essentiel. C'est bien cela
que j'ai entendu. Par les signes du ministre, M. le Président, c'est
bien ce qu'il a dit.
Sans sacrifier son principe essentiel, il est possible de ne pas
être d'accord du tout sur ce qu'il y a dans le projet de loi, car la loi
s'intitule Loi modifiant la loi de la protection de la santé publique.
Cela veut dire qu'il y a tellement de contestation autour de cela qu'on
pourrait même être contre, on pourrait même demander le
retrait du projet de loi et cela ne sacrifierait pas le principe essentiel de
ce que nous avons comme déclaration à la face même du
projet de loi.
Le Ralliement créditiste, que je représente, est,
évidemment, un mouvement qui s'est prononcé, à maintes
reprises, contre la fluoration des eaux potables de façon obligatoire.
Bien entendu, il y a plusieurs raisons qui nous font militer en ce sens. Il y a
cette grande question des libertés individuelles et fondamentales dont
je vous parlerai tantôt. Ce que nous considérons, au tout
début, c'est qu'au lieu de rendre obligatoire la fluoration des eaux
potables le gouvernement aurait dû, s'il avait été... A ce
moment-ci, je dis que le gouvernement est irresponsable. Cela fait tellement de
fois qu'il tente d'introduire ce genre de loi, cela fait tellement de fois que
la population dit non que c'est presque de la provocation publique de tenter de
la ramener une autre fois.
Au lieu de rendre obligatoire la fluoration des eaux potables, si le
gouvernement était responsable, il l'interdirait totalement à
moins que, sur un territoire donné, la population ne la demande par voie
de référendum. Cela veut dire qu'on va demander au gouvernement
de faire non pas marche arrière, mais marche avant parce que
c'est de la marche arrière qu'il fait présentement et
d'exiger qu'il y ait des référendums sur tous les territoires
où il y aura des gens intéressés à faire de la
fluoration d'eau potable. Il y a une chose qui nous revient dans les
différents dossiers techniques qui nous sont soumis par le
ministère.
J'ai été assez surpris de voir que, malgré les
subventions gouvernementales, malgré que le gouvernement soit prêt
à payer pour l'installation des appareils de fluoration, depuis 1970
nous savons qu'il y a 92 municipalités seulement où on a
installé la fluoration, 41 systèmes ou 92 municipalités
depuis l'avènement du gouvernement libéral, seulement sept
municipalités ont fait installer des systèmes de fluoration. Et
encore, sur les sept, il y en a trois qui ne fonctionnent plus.
Alors, si cela n'était pas contesté, si c'était une
véritable façon d'améliorer le sort des gens je
fais confiance à la population du Québec, elle est capable de
savoir et de connaître les choses qui font son affaire et celles qui ne
le font pas si c'était véritablement une chose qui leur
fait plaisir et qui les intéresse, il y en aurait plus que sept depuis
1970.
Par point de comparaison, c'est un peu la même histoire que les
fusions de municipalités forcées. Vous vous rappelez que, dans ce
domaine-là également, il y avait des subventions, des primes pour
le fusionnement. On s'est aperçu que, même avec les primes pour le
fusionnement, même avec les bonis pour le fusionnement, cela ne
fusionnait pas fort. On s'est retrouvé devant l'Assemblée
nationale, l'automne dernier, avec un projet de loi pour fusionner
obligatoirement, par la force, certains territoires donnés. La
même chose se produit pour la fluoration. Pourquoi ne pas attendre, si
vous croyez et je ne veux pas contester les savants experts qui
viendront nous dire tous les avantages; je le sais, M. le Président, les
trois quarts de nos documents sont rédigés par de savants experts
qui vont venir nous expliquer les avantages.
Mais si c'est tellement avantageux, pourquoi l'imposer à ce
moment-là? Quand c'est avantageux, ne croyez-vous pas que la population
du Québec est capable de décider par elle-même si c'est
avantageux pour elle ou si cela ne l'est pas? Pourquoi ne pas vendre
l'idée à la population plutôt que de l'imposer par une loi?
Ce sont des questions qu'on est en droit de se poser.
On souligne dans certains autres milieux que personne n'a le droit
d'imposer par la force, comme c'est le cas présentement, comme c'est le
cas par la tentative d'une nouvelle loi du gouvernement. C'est une question de
libertés individuelles. Que ceux qui aiment ça en boivent. Que
ceux qui aiment ça s'en procurent par les autres moyens qui sont
à leur disposition. On n'a rien contre ça parce que la
liberté individuelle veut dire que ceux qui aiment ça peuvent
s'en acheter, que ceux qui aiment ça peuvent en boire; que ceux qui
aiment ça qu'on les laisse faire. Mais que ceux qui n'en veulent pas,
qu'on les laisse tranquilles également.
Vous savez, vous avez la charte des droits de
l'homme universelle. Vous avez la charte des droits de l'homme
canadienne. Vous avez le bill 50, qui est la loi sur les libertés
individuelles et fondamentales au Québec, qui est en cours de discussion
présentement. On nous a dit, à une autre commission
parlementaire, de quelle façon le gouvernement désirait respecter
les droits individuels, les libertés fondamentales des individus. A
cette commission-ci, vous êtes en train de vous préparer à
violer les décisions qui seront prises par une autre commission dans le
même gouvernement. En somme, M. le Président, je pense que c'est
le bout mais c'est ce que, en fait, on est en train de se préparer
à faire.
Certains disent que c'est de la médecine forcée. On
laissera les experts nous en parler. Je n'ai pas l'intention de m'en prendre
à ceux qui viendront devant la commission. On est là pour les
écouter, on les écoutera. Mais quand même je souligne que
certains nous soulignent que c'est de la médecine forcée. Bien,
si c'est de la médecine forcée, comme le dit le professeur Arvid
Carlson, du département de pharmacologie de l'Université de
Gôteberg, en Suède, bien on n'a pas le droit de le faire non
plus.
Evidemment, j'ai déjà entendu certains experts, et je vois
le député de Rivière-du-Loup qui me regarde. C'est un
dentiste. J'ai déjà entendu des gens comme lui dire: Bien oui,
mais ce n'est pas porter atteinte aux libertés fondamentales et
individuelles que d'imposer la fluoration. Quand vous prenez du sel qui est
iodé, tout le monde en prend. Bien oui, c'est une comparaison qu'on nous
fait souvent. Mais je voudrais rappeler à ces gens, sur la question du
sel iodé, parce qu'on nous amène souvent cette
comparaison-là, qu'on n'est quand même pas obligé
d'utiliser ce sel.
Quand on est obligé d'aller chez notre médecin trop
souvent et qu'on nous impose une diète, la première chose qu'on
nous enlève, c'est le sel. Cela veut dire quand même que, du point
de vue médical, il y aurait des questions à poser.
M. Lafrance: On garde le fluor.
M. Samson: Je ne suis pas un expert en cette matière; je
ne poserai pas à l'expert, mais...
M. Lafrance: Ils notent jamais l'eau.
M. Samson: ...il reste une chose, c'est qu'on peut se poser un
tas de questions. Le seul fait que ce soit contesté parmi les gens qui
se disent des experts nous, on ne l'est pas, mais il y en a qui le sont
devrait nous inciter à la prudence. On n'impose pas une chose
aussi contestée. Evidemment, le fluor, certains de mes
prédécesseurs ont dit que cela pouvait enrayer la carie dentaire
chez les enfants. Bien entendu, c'est peut-être possible que cela enraie
la carie dentaire. Est-ce qu'il n'y a pas d'autres désavantages qui
sont, en fait, plus nombreux que l'avantage qu'on pourrait
hypothétiquement retirer? On nous amènera peut-être des
statistiques en nous disant que, dans tel territoire donné, il y a eu
beaucoup moins de caries dentaires dans telle période donnée.
J'espère que ceux qui nous amèneront ces statistiques nous
amèneront égale- ment les statistiques pour nous démontrer
dans quelle proportion les bureaux de dentistes auront fermé leurs
portes dans ces territoires donnés. S'il y a eu 65% de moins de caries
dentaires, est-ce qu'il y a 65% de moins de dentistes dans le même
territoire? Est-ce qu'il y a 65% de moins de travail pour un dentiste dans le
même territoire? J'espère qu'on nous amènera
également ce genre de statistiques. Je n'ai pas, à ce que je
sache, entendu dire encore que les corps professionnels s'étaient
plaints du fait que les dentistes manquaient de travail, même dans les
territoires où il y a de l'eau fluorée.
M. le Président, il y a une chose que je voudrais toucher
également qui est importante pour l'intelligence du débat. C'est
important de savoir qui cela va servir, en outre de ces déclarations
d'ordre médical, si vous le voulez, la fluoration, qui fournit cela.
Quand on fouille un peu, on découvre que celui qui, pour la
première fois, a suggéré d'utiliser le fluorure de sodium
pour fluorer les eaux potables, c'est un dénommé Cox, dans les
années trente. Ce type, un biochimiste était à l'emploi du
Mellon Institute, fondée en 1911, qui a été fondée
par les frères Mellon, à ce moment propriétaires de
l'Alcan, Aluminium Company of America. De là à prétendre
qu'il y a des possibilités d'intérêts, il n'y a qu'un pas
à franchir, car le Mellon Institute est au service des hommes d'affaires
qui pouvaient à ce moment, pour une somme de $6,000 par année,
louer les services d'un biochimiste ou d'un chimiste pour faire des
études aux fins d'améliorer un produit ou de trouver un
débouché à un produit.
C'est évident que, depuis longtemps, nous savons que les
géants de l'aluminium ont des intérêts, en tout cas,
à trouver des débouchés pour le fluorure de sodium qui
provient d'un déchet de l'aluminium. Ce serait, évidemment, un
débouché de tout repos. Je vois rire le ministre. Il va nous
arriver avec un mémoire sur l'Alcan qui nous dira qu'elle n'en fabrique
plus. J'ai des questions à lui poser à ce moment. Il y aura des
réponses que nous exigerons de ces gens également.
M. Lafrance: Vous les poserez à l'Alcan.
M. Samson: Je les poserai au ministre aussi, parce que cela
intéresse le ministre peut-être plus que l'Alcan encore.
M. Lafrance: On cherche un autre scandale?
M. Samson: M. le Président, nous disons ceci: Cela va
servir à qui; cela? C'est important de le savoir. On sait une chose, par
exemple. On ne sait pas, présentement, à qui cela va servir
exactement, mais on sait une chose: qui va payer. On le sait. Ce sont les
citoyens de la province de Québec qui vont payer malgré eux, si
on laisse passer cela. Quant à nous, on ne votera pas en faveur d'un
projet de loi qui sera une espèce de bien-être social pour les
géants de l'aluminium ou de l'industrie des engrais chimiques ou
d'autres formes. On ne votera pas pour cela.
M. le Président, nous allons tenter par tous les moyens on
ne se cache pas pour le dire de faire
opposition à ce projet de loi. Nous allons, en ce sens, appuyer
les mouvements qui ont déjà fait connaître leur opposition.
Ils sont nombreux, les mouvements qui ont fait connaître leur opposition,
mais ils se trouvent peut-être du côté de la clôture
où on est le moins en position financière pour mener le
débat. Nous avons vu, parmi les mémoires qui seront
présentés, avec quelle capacité on pourra défendre
ces mémoires, ceux qui sont favorables, et les autres qui sont
défavorables au projet de loi, nous pouvons voir qu'ils sont beaucoup
moins en mesure de le faire.
Le ministre nous a dit tantôt: On entendra des experts. J'ai su ce
matin pourquoi il y avait seulement deux mémoires aujourd'hui. C'est
qu'il y aura beaucoup d'experts qui viendront devant la commission. Est-ce que
je dois comprendre qu'on ferait défaut aux règles de pratique de
la commission? Est-ce que je dois comprendre qu'il y aura un privilège
spécial pour ces deux mémoires? Nous connaissons tous les
règles de pratique des commissions. Je n'ai pas d'objection cependant
je le dis immédiatement à ce qu'on donne tout le
temps voulu. Cela voudra dire qu'on donnera tout le temps voulu à tous
les autres qui viendront, à d'autres occasions, à d'autres
commissions parlementaires.
Egalement, je demanderai au ministre, puisque nous entendrons des
experts qui représentent des organismes quand même capables de
préparer des choses, capables de faire de la recherche, capables de
faire des dépenses, qu'on accorde le même privilège aux
opposants. Cela pourra aller jusqu'à inviter des experts devant cette
commission, et il nous faudra peut-être demander à la commission
de payer les frais de ces experts qui peuvent être obligés de
venir de l'extérieur. C'est une question que je pose. Si l'on
considère qu'il est valable de discuter cette question d'un point de vue
scientifique et technique, en plus de l'autre question des droits individuels,
des libertés individuelles et fondamentales, si on doit discuter sur une
base scientifique, qu'on permette à l'Opposition de suggérer des
noms et que nous ayons le budget nécessaire, parce que le
ministère a un budget qui lui a permis de préparer des dossiers
très bien étoffés qui ont exigé de la recherche,
qui ont exigé des dépenses, ce que nous, dans l'Opposition, nous
n'avons pas. Par contre, nous avons, dans l'Opposition, les noms de personnes
qu'il peut être très intéressant de convoquer devant cette
commission parlementaire, Albert Schatz, par exemple, de l'université
Temple, qui a fait des recherches, particulièrementsurcetteques-tion. La
biographie de ce personnage est volumineuse. Il serait très
intéressant de l'inviter devant notre commission à venir nous
expliquer son expérience de cette question de la fluoration des eaux
potables.
Il y en a d'autres, M. le Président. J'ai nommé Albert
Schatz comme exemple. Je dis que le gouvernement ne pourra pas facilement se
soustraire à cette demande de l'Opposition s'il veut absolument
débattre cette question d'un point de vue scientifique.
M. le Président, je n'irai pas plus loin pour le moment. J'ai
beaucoup d'autres choses à dire. Je vais en réserver pour un peu
plus tard. Je pense que, pour le moment, notre rôle est d'écouter
nos invités. Nous leur poserons peut-être des questions concernant
les mémoires qui seront présentés devant nous. Je dis
à nos invités que, bien que notre position soit claire, nous les
recevons avec beaucoup de plaisir et que nous les écouterons très
attentivement.
Le Président (M. Pilote): Le député de
Johnson.
M. Bellemare (Johnson): D'abord, M. le Président, je
remercie le ministre de nous avoir convoqués à la commission
parlementaire pour étudier les implications du bill 88. Je voudrais
simplement faire une remarque, comme je l'ai fait tout à l'heure
à la commission parlementaire de l'agriculture.
Cela devient très difficile pour nous, parce que mon caucus est
unanime, mais je suis seul à faire toutes les commissions parlementaires
et c'est très difficile. Il y a, par exemple, des semaines où les
commissions parlementaires ne siègent pas. Je prétends qu'en
vertu de l'ancien règlement il y avait un article particulier où
lorsqu'un député était forcément
empêché d'assister à une commission parlementaire, le
gouvernement pouvait connaître certaines sanctions.
Je dis qu'on pourrait peut-être sièger plus souvent, mais
pi us régulièrement que de siéger la même
journée à trois commissions parlementaires. J'ai
été obligé de déposer mon mémoire à
la commission de l'agriculture tout à l'heure, avec la permission du
président qui a consenti et je devrai dans quelques minutes aussi aller
à une autre commission parlementaire de l'Assemblée nationale
où il y a un autre problème qui m'intéresse aussi.
Mais je dis simplement, M. le Président, que le gouvernement
devrait tâcher d'aérer un peu les commissions parlementaires pour
nous permettre, pas seulement à moi, mais à bien d'autres
députés peut-être de donner notre opinion sur des sujets
précis.
Vous savez aujourd'hui, ici, je vois des députés qui
seraient peut-être intéressés à la commission de
l'agriculture, particulièrement à l'agriculture. Ils sont
obligés probablement de faire quorum et d'être ici. S'il y avait
moyen de faire un agencement des commissions parlementaires, parce que la
semaine dernière on n'a pas travaillé. On a travaillé,
mais il n'y a eu aucune commission parlementaire; c'est ce qui fait
qu'aujourd'hui on en a trois la même journée.
Maintenant, avant que nous entendions les représentants des
organismes qui ont demandé à comparaître devant cette
commission, je pense qu'il est de mon devoir de faire des remarques qui sont
très préliminaires. Si j'ai voté contre ce projet de loi
déguisé en première lecture, en décembre dernier,
c'est parce que je suis convaincu qu'il ne répond pas à
l'objectif visé, c'est-à-dire à la protection de la
santé publique. Contrairement au ministre des Affaires sociales qui
semble rejeter du revers de la main les arguments des opposants de la
fluoration, sous prétexte et je le cite qu'ils sont "de
nature
plus philosophique que scientifique et ne résistent pas à
l'analyse des données" (le Devoir du mercredi 20 mars 1974) je maintiens
que, tant du point de vue scientifique que philosophique, il existe
suffisamment de doutes, à l'heure actuelle, sur les effets nocifs de la
fluoration obligatoire des eaux de consommation pour justifier une attitude
beaucoup plus prudente et sage de la part du gouvernement.
Je veux attirer l'attention de la commission sur un fait qui
paraît particulièrement inquiétant, très
symptomatique de la manière cavalière avec laquelle le
gouvernement actuel se moque de la démocratie la plus
élémentaire et des libertés individuelles.
Le prédécesseur du ministre actuel, M. Claude Castonguay,
a, lui aussi, présenté un projet de fluoration des eaux de
consommation en 1972. Il s'agissait, à l'époque, du projet de loi
no 31, intitulé Loi de la fluoration des eaux de consommation. Ce projet
de loi no 31 consacrait une section entière, la section IV, à la
possibilité pour les habitants d'une ville ayant une usine de filtration
de se prononcer par référendum sur l'opportunité de
procéder à la fluoration des eaux de consommation.
En vertu de ce premier projet de loi, 10% des personnes majeures
alimentées par une usine de filtration ou 5,000 d'entre elles pouvaient,
en tout temps, exiger la tenue d'un scrutin sur l'opportunité de fluorer
l'eau fournie par l'usine ou, s'il existe un appareil de fluoration, sur
l'opportunité d'en cesser l'opération. Je suis d'avis que mes
collègues de l'Opposition ont fortement appuyé sur le mot
"référendum".
Pourquoi le gouvernement a-t-il omis d'inclure dans cette
deuxième version les seuls articles qui assuraient une certaine porte de
sortie aux gens qui ne croyaient pas aux bienfaits de la fluoration? Pourquoi
ce qui est si bon et juste en 1972 est-il devenu soudainement
indésirable en 1975? Pourquoi le gouvernement craint-il, aujourd'hui, un
référendum sur la question de la fluoration des eaux de
consommation? Qu'y a-t-il de plus démocratique et, disons-le, de plus
libéral que de permettre aux habitants d'une ville de se prononcer
librement sur un point aussi controversé, qui affecte directement la
santé personnelle et la liberté individuelle de chacun?
Or, le gouvernement fait volte-face. Il doit nous donner sûrement
les raisons qui l'ont motivé d'agir dans ce sens.
Il y a un autre point, celui-ci beaucoup plus technique, se rapportant
directement à la substance chimique du fluor, qui m'a laissé
songeur, sur la nocivité du fluor et la procédure délicate
et extrêmement compliquée que les employés
préposés à la manipulation du fluor dans les usines de
filtration sont tenus de suivre, pour leur propre protection physique. Le
mémoire de la ville de Laval est très révélateur
sur ce point, voir aux pages 22 et 23 du mémoire de Laval. Ainsi, les
opérateurs doivent, premièrement, porter une paire de gants
à manches longues; deuxièmement, une paire de lunettes
protectrices; troisièmement, une paire de bottes en caoutchouc;
quatrièmement, un masque au besoin pour les protéger des
poussières toxiques.
J'aurai, pendant l'étude en commission parlementaire, une petite
expérience à tenter avec l'honorable ministre. Je lui demanderai
de boire une certaine eau dans laquelle je déposerai du fluor. S'il a le
courage de la boire devant moi, sans restriction, je commencerai à avoir
un peu plus confiance.
M. Lachance: ...1.2 par million de...
M. Bellemare (Johnson): Une minute, une minute, on va mettre la
boîte sur la table puis on va lire ce qu'il y a dessus, dont on se sert
actuellement, puis on le dira après ça.
Ne faisons pas de débat, là...
M. Lachance: Si vous êtes capable de nous garantir que vous
êtes capable de contrôler la concentration, on va la boire.
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, le
député n'a pas la parole, il est peut-être un bien gentil
garçon...
M. Lachance: Merci.
M. Bellemare (Johnson): ...mais qu'il attende donc, il nous fera
son examen comme moi, je le fais.
M. Lachance: D'accord.
M. Bellemare (Johnson): Je pense que c'est une liberté
parlementaire d'exposer son point de vue. Moi, je suis contre.
M. Lachance: Vous nous proposez un défi, je le
relève.
M. Bellemare (Johnson): Si je suis contre, lui, il sera pour.
M. Lachance: D'accord.
M. Bellemare (Johnson): Alors, il en boira, M. le
Président, devant nous autres, par exemple.
C'est-à-dire qu'il s'agit d'un produit extrêmement
dangereux, M. le Président, et toxique. Cela est ma boîte, mais je
ne ferai pas cela tout de suite. Je vais attendre parce qu'il ne faut pas que
je touche à cela. C'est cela qu'on met dans l'eau, on ira en mettre tout
à l'heure. Pas aujourd'hui, cela va venir plus tard.
M. Samson: Pas de ce côté-ci de la table, de toute
façon.
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je continue...
extrêmement dangereux, poison vif. Cela va faire mal à quelqu'un,
certainement. J'invite donc les membres de cette commission, ainsi que les
représentants des organismes qui se présenteront devant nous,
dans les jours qui viennent, à prendre bonne note que les opposants
à la fluoration obligatoire des eaux de consommation ne sont pas, comme
on le laisse entendre fréquemment, des charlatans, des illuminés
ou des rêveurs.
Peut-on soutenir que M. Pierre-J. Morin, chargé d'enseignement au
département de médecine de l'université Laval et membre du
centre de recherche de l'hôpital Laval, M. Paul-Emile Roy, pathologiste,
professeur de médecine à Laval et membre du centre de recherche
de l'hôpital Laval, et M. Boutet, pathologiste, professeur de pathologie
à Laval et membre du centre de recherche à l'hôpital Laval,
lesquels ont déclaré, avec preuves a l'appui, dans le avoir du
lundi 27 janvier 1975, que "du point de vue cientifique, la fluoration des eaux
du Saint-Laurent paraît inacceptable", doit-on conclure que ces gens sont
des imbéciles, des rêveurs, qu'ils disent des sottises parce
qu'ils s'opposent à la fluoration?
En 1972, un groupe de quinze professeurs de l'université Laval,
spécialistes en biologie, sciences de l'alimentation et de la nutrition,
se sont prononcés dans le même sens, comme on peut le voir dans le
Soleil du 6 juillet 1972.
Et que dire, M. le Président, des oppositions catégoriques
qui viennent de gens aussi connus et prestigieux dans le monde scientifique que
les récipiendaires suivants du prix Nobel: le Dr HugoTheorell,
biochimiste suédois et directeur de l'Institut médical Nobel
à Stockholm, le Dr James Summer, chimiste de l'université Cornell
de New York? Je pourrais vous en citer une liste quasi inépuisable,
à partir du Conseil national des recherches du Canada, voir la
publication no 12,221, "Environmental Fluoride" par J.-R. Marier et Dyson Rose,
au scientifique américain bien connu, le professeur Albert Schatz,
microbiologiste.
J'ai eu le temps de lire quelques mémoires qui nous ont
été soumis d'avance et j'ai constaté qu'on nous parle
souvent de telle ou de telle municipalité américaine qui a
adopté la fluoration, mais jamais des quelque 180 municipalités
de ce même pays qui l'ont essayée et ensuite l'ont
abandonnée.
Aucun ne semble faire état des pays tels que la Suède et
la France qui ont refusé catégoriquement d'appliquer la
fluoration obligatoire à l'échelle du pays. Faut-il rappeler
qu'un groupe de scientifiques français, dont le DrB. Ninard, grand
spécialistede la qualité des eaux auprès du
ministère de la Santé de France, qui était de passage au
Québec en mars 1973, ont qualifié publiquement la fluoration des
eaux de consommation de concept dépassé en ajoutant que la France
avait jugé une telle mesure inutile, coûteuse et fort
contestable.
Au lieu de se servir de l'argument voulant que le fluor combatte la
carie dentaire pour justifier la fluoration obligatoire des eaux de
consommation, le ministre devrait plutôt mettre l'accent, s'il
désire réellement combattre la carie dentaire, sur un programme
de sensibilisation et d'information touchant toutes les méthodes de
prévention connues à l'heure actuelle, nutrition, hygiène
dentaire et le reste. J'aurai, M. le Président, l'occasion, lors de
l'étude en deuxième lecture en Chambre du projet de loi 88, de
revenir sur plusieurs de ces points et probablement d'autres. J'ose croire que,
dans sa réplique, au plus tard lors de l'étude en deuxième
lecture, le ministre pourra répondre aux questions que j'ai
soulevées au début de mon exposé. Merci, M. le
Président. Merci, messieurs les membres.
Le Président (M. Pilote): Le député de
Rivière-du-Loup.
M. Lafrance: Merci, M. le Président. Je crois que nous
sommes à étudier un projet de loi qui sera extrêmement
important pour le moment et les années à venir. Je voudrais
féliciter le ministère des Affaires sociales d'avoir
préparé un dossier technique sur la fluoration en 1974, sur
l'état de la fluoration dans le monde, au Québec et au Canada. A
la lumière de ce document, si on s'est donné la peine de le lire
et de le méditer, je crois qu'il y a des affirmations là-dedans
qui sont tout de même valables et dont il faudra tenir compte dans
l'étude du projet de loi. On a même poussé beaucoup plus
loin, en sortant les arguments contre la fluoration et on en a discuté
ouvertement dans le dossier. Je ne peux faire autrement que de féliciter
le ministre et son équipe d'avoir préparé ce document qui,
à mon avis, est un document de valeur pour l'étude d'un tel
projet de loi.
Par contre, je voudrais relever quelques affirmations qui ont
été faites depuis le début de la commission parlementaire
en mentionnant, par exemple, qu'une municipalité pourrait, par
référendum, se retirer du programme de fluoration. Remarquez, M.
le Président, qu'à première vue cela peut paraître
rébarbatif. On pourrait dire pourquoi imposer une loi ou faire une loi
et permettre à des municipalités de s'en retirer. Sous certaines
réserves, je serais prêt à l'accepter, si on disait, par
exemple, pour les mêmes motifs, que, par référendum ou
encore, étant donné que le gouvernement a la
responsabilité de faire des lois, le gouvernement pourrait dire aussi:
Les municipalités qui n'auront pas d'eau fluorée ne pourront pas
bénéficier des soins de l'assurance-santé dentaire, parce
que la fluoration des eaux de consommation est une mesure préventive
et je crois que le gouvernement a voulu justement prévenir la
carie dentaire, et c'est prouvé, à l'heure actuelle,
scientifiquement, que la carie dentaire sera diminuée de 60% à
70% si les eaux de consommation sont fluorées. Pourquoi le
gouvernement paierait-il pour des soins dentaires alors qu'on ne veut pas
accepter la prévention? C'est une mesure préventive que le
gouvernement veut prendre, et si on a choisi la méthode de fluoration
des eaux de consommation, c'est que, preuves à l'appui, c'est la
meilleure méthode actuellement.
Si on s'est donné la peine de regarder attentivement les
documents, parce qu'on a parlé beaucoup de coûts tout à
l'heure, on va en prendre, parce que les chiffres parlent d'eux-mêmes. Il
a été établi que chaque fois que l'on dépense
$100,000 pour la fluoration de l'eau, on évite 660,000 caries ou
cavités probables dont la réparation coûtait, il y a
quelque temps, environ $6 en moyenne et aujourd'hui coûte beaucoup plus
cher, ce qui représente un total de $4 millions, alors que, si on parle
de coûts pour la fluoration, en plus de l'investissement pour l'appareil,
il en coûte en moyenne par année, par individu, $0.10.
Si on veut parler de la fluoration du lait, le fluorer et le distribuer
aux enfants, il en coûtera annuellement par enfant $2.14 au lieu de
$0.10. Si on veut
parler d'économie, je crois que la meilleure façon est de
f luorer les eaux de consommation et non pas de fluorer le lait. Pour
différentes autres raisons aussi, à savoir que ce ne sont pas
tous les enfants parce qu'il y a certains enfants qui, à un moment
donné, dès le bas âge, ont décidé de ne plus
boire de lait pour différentes raisons et qu'on n'est pas capable de
contrôler. Alors que l'eau sera toujours fluorée, quand on
prépare les aliments ou quoi que ce soit, le fluor sera toujours
là.
On dit qu'on est contre, qu'on va voter contre. Je crois que c'est se
prononcer un peu trop rapidement sur un tel projet de loi. On a beau être
contre, il faut respecter, justement, ce que nos membres de l'Opposition ont
dit, je le respecte aussi. Avant de se prononcer contre, il faudrait tout de
même avoir une conscience éclairée, il faudrait prendre
connaissance et écouter ceux qui ont des choses à dire sur la
fluoration comme il faudrait écouter aussi ceux qui ont des choses
à dire contre la fluoration. Là-dessus, je crois qu'on rejoint
les membres de l'Opposition. On voudrait que vous ayez aussi un esprit ouvert
à ce sujet.
Il y a une chose qui me surprend énormément, j'ai
déjà entendu un membre de cette Chambre et un membre de cette
commission dire que la fluoration ou l'excès de fluor pouvait causer le
ramollissement du cerveau. Est-ce que, si réellement on pense une chose
semblable...
M. Samson: M. le Président, j'invoque le règlement,
parce qu'on semble vouloir citer quelqu'un de cette commission...
M. Lafrance: Je ne savais pas qui c'était, là, je
le reconnais.
M. Samson: ...on a également le droit de demander le nom
de cette personne.
M. Lafrance: Je n'ai pas besoin de le mentionner, je crois qu'il
s'est reconnu.
M. Samson: Mentionnez-le.
M. Lafrance: Non, ce n'est pas nécessaire.
M. Samson: Mentionnez-le, dites quand.
M. Lafrance: De toute façon...
M. Samson: M. le Président, c'est mon droit.
M. Lafrance: Non.
M. Samson: Puisqu'on semble vouloir mettre en doute quelqu'un qui
est membre de cette commission, c'est mon droit d'exiger qu'on cite qui, quand,
comment, dans quelle circonstance, c'est mon droit, M. le Président.
M. Lafrance: Non, je le dirai si...
M. Samson: M. le Président...
M. Lafrance: Ce n'est pas votre droit, j'ai le droit de dire ce
que je veux à la commission, comme le député de
Rouyn-Noranda a le droit de dire ce qu'il veut.
M. Samson: J'exige, M. le Président, c'est un
privilège.
M. Lafrance: M. le Président, j'ai la parole.
M. Samson: C'est une atteinte aux privilèges des membres
de l'Assemblée nationale de laisser planer quelque doute comme c'est le
cas présentement...
M. Lafrance: M. le Président, j'ai la parole.
M. Samson: ...pour le député de
Rivière-du-Loup qui laisse planer des doutes quant à la valeur de
certaines déclarations d'un membre de l'Assemblée nationale, on a
droit de savoir et d'exiger de lui qu'il nous dise qui, quand, comment, dans
quelles circonstances.
M. Lafrance: Non, M. le Président, vous n'avez pas le
droit.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est au président de
décider, M. le Président, il me semble que c'est à vous
que je m'adresse.
M. Lafrance: De toute façon...
M. Samson: M. le Président, c'est à vous qu'on
s'adresse.
Le Président (M. Pilote): A l'ordre! A l'ordre!
M. Samson: C'est à vous qu'on s'adresse, M. le
Président.
M. Lafrance: J'ai la parole, M. le Président?
M. Bédard (Chicoutimi): C'est au président de
décider.
Le Président (M. Pilote): C'est moi qui ai la parole. Je
ne pense pas que celui qui a la parole soit forcé de mentionner des
dates, etc., je pense qu'il a voulu faire un écart, si vous
voulez...
M. Samson: M. le Président... M. Lafrance: M. le
Président...
M. Samson: M. le Président, j'invoque le
règlement!
M. Lafrance: M. le Président, vous venez de prendre une
décision très sage et je vous en remercie.
M. Samson: J'invoque le règlement, M. le Président,
votre décision n'est pas encore rendue, on a le droit de faire valoir
nos points de vue.
Le Président (M. Pilote): Je ne crois pas qu'on puisse
obliger...
M. Samson: Au point de vue du règlement, M. le
Président, si le député maintient son affirmation,
je dis qu'à ce moment-là il y a une question de privilège
des membres de l'Assemblée nationale, on n'a pas le droit de laisser
planer de doutes, comme ça, à moins que le député
veuille bien retirer les doutes qu'il laisse planer. A ce moment-là, je
n'aurais pas d'objection à le laisser continuer, sansexplications.
M. Lafrance: M. le Président...
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, en tant
que...
M. Lafrance: Sur le point de règlement, M. le
Président...
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président. Le
Président (M. Pilote): Oui, d'accord.
M. Lafrance: ...j'ai le droit de parler, je crois que la solution
est bien simple, c'est que je ne voudrais pas tomber dans les mêmes, je
ne dirai pas dans le même bourbier que certains députés qui
ont porté des accusations ou qui se sont rendus a l'hôpital au
lieu de comparaître devant les commissions parlementaires, de toute
façon...
M. Samson: M. le Président, c'est un autre doute qui est
semé à l'endroit de l'intégrité des membres de la
commission parlementaire.
M. Lafrance: Ce n'est pas un doute.
M. Samson: M. le Président, on ne peut pas accepter
ça, vous allez demander au député de retirer ses
paroles.
M. Lafrance: Je n'ai rien à retirer. M. Samson:
Voyons donc!
Le Président (M. Pilote): Je vous inviterais à
revenir à la pertinence du débat.
M. Lafrance: M. le Président, j'y reviens...
M. Samson: On a des privilèges, on ne laisse pas planer de
doutes comme ça à l'endroit des députés.
M. Lafrance: J'y reviens, M. le Président, mais si de
toute façon on affirme des choses semblables, qu'il peut y avoir
ramollissement du cerveau, je voudrais vous mentionner...
M. Samson: M. le Président, j'invoque le règlement.
Il vient de récidiver, M. le Président, on a le droit d'exiger
des explications. Vous ne pouvez pas laisser planer de doutes à
l'endroit des membres de l'Assemblée nationale comme cela se fait
présentement. Je vous demande de demander au député de
Rivière-du-Loup de s'expliquer ou de retirer ses paroles.
M. Lafrance: M. le Président, au 1er janvier 1974, il y
avait 829,598 personnes au Québec qui buvaient de l'eau fluorée.
Je crois, M. le Président, que ce ne sont pas tous des malades, d'autant
plus que si on se donne la peine de regarder les municipalités qui ont
l'eau fluorée naturellement et artificiellement, depuis mai 1971,
Rouyn-Noranda fluore ses eaux de consommation.
M. le Président, rendu à ce stade-ci, il y a 92...
M. Samson: Est-ce qu'on pourrait demander à l'honorable
député depuis combien d'années il utilise le fluor par le
moyen de capsules?
M. Lafrance: Ah oui! si vous voulez qu'on vous le fasse, on va
vous le faire.
M. Samson: Depuis combien d'années le faites-vous?
Le Président (M. Pilote): Quand même, il y a une
discussion qui...
M. Lafrance: II n'y a pas de problème, M. le
Président...
Le Président (M. Pilote): On est ici pour entendre...
M. Lafrance: On peut en parler, des capsules.
Le Président (M. Pilote): Dépêchez-vous de
conclure.
M. Samson: M. le Président, je vous demande de rappeler le
député à l'ordre. S'il veut faire des
personnalités, qu'il ait le courage d'expliciter ce qu'il a dit
tantôt, le courage d'apporter les explications que je lui ai
demandées.
M. Lafrance: Vous voudriez que j'en cite 829,598?
M. Samson: Apportez-les, les explications. Il a laissé
planer des doutes, M. le Président, à l'endroit de certains
membres de l'Assemblée nationale, et cela, on ne l'admettra pas.
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, j'appuie
la demande du député de Rouyn-Noranda, parce que le
député s'est permis de parler de ramollissement du cerveau et a
indiqué très clairement qu'il voulait viser un membre de cette
commission, commission à laquelle nous siégeons. Je pense qu'il
est important peut-être de ne pas indiquer les dates et lieu
où cela a pu se faire, ces déclarations au moins, qu'il
nous dise quel membre de la commission il veut viser spécifiquement.
Sinon, qu'il retire ses paroles!
M. Lafrance: M. le Président, on n'a pas le droit de me
prêter des intentions.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est vous qui n'avez pas le droit
de faire des affirmations à peu près.
M. Samson: C'est simplement parce qu'il prête des
intentions à tout le monde qu'on le... Il ne veut pas qu'on lui en
prête, voyons donc!
Le Président (M. Pilote): A l'ordre!
M. Bédard (Chicoutimi): On n'a pas le droit de faire des
déclarations à peu près non plus.
M. Lafrance: M. le Président... Le Président (M.
Pilote): A l'ordre! M. Lafrance: M. le Président...
M. Samson: Vous avez assez de budget, au gouvernement, pour
préparer vos dossiers, tâchez de les connaître.
M. Lafrance: M. le Président, voulez-vous rappeler le
député de Rouyn-Noranda à l'ordre?
Le Président (M. Pilote): A l'ordre, s'il vous
plaît.
M. Samson: M. le Président, on vient de me faire des
menaces de l'autre côté de la table.
M. Gratton: Oui, et il est gros à part cela. Il est
capable.
Le Président (M. Pilote): A l'ordre, messieurs!
M. Samson: On n'endurera pas cela, M. le Président.
Le Président (M. Pilote): Si vous voulez qu'on suspende
pour cinq minutes pour compléter l'en-gueulade, on va suspendre cinq
minutes et on reviendra.
M. Samson: Oui, mais occupez-vous des libéraux un peu.
Le Président (M. Pilote): La parole est au
député de Rivière-du-Loup qui voudra bien donner des
explications sur ce qu'il vient de dire.
M. Lafrance: M. le Président, je veux terminer assez
rapidement, parce que j'ai hâte d'écouter les experts dont parlait
le député de Rouyn-Noranda. Ils ont certainement des choses
intéressantes à nous dire. Je vous demanderais d'écouter
beaucoup plus attentivement les experts que vous venez de m'écouter.
M. Samson: D'ailleurs, cela va m'intéresser beaucoup plus
de les entendre, eux, que de vous écouter, vous.
M. Lafrance: M. le Président, est-ce que j'ai la parole ou
si c'est le député de Rouyn-Noranda? Je vais vous écouter,
M. le Président, je vais me taire si vous lui accordez la parole. Je
voudrais que le député de Rouyn-Noranda collabore autant que je
l'ai fait envers lui.
M. Samson: J'invoque le règlement. Je n'ai jamais
demandé au député de se taire, j'ai demandé au
député d'être plus intelligent.
M. Lafrance: Alors, il faudrait vous demander la même
chose. De toute façon, M. le Président, il y a 92
municipalités le député de Rouyn-Noranda l'a dit
qui fluorent les eaux de consommation au Québec, dont sept depuis
1970, dont Rouyn-Noranda depuis mai 1971, pour votre information.
Le député de Rouyn-Noranda a oublié de dire, par
exemple...
M. Samson: M. le Président... M. Lafrance: Laissez-moi
finir.
M. Samson: M. le Président, j'invoque le règlement.
On est en train de citer la ville où je demeure comme exemple, en
oubliant de dire que cela s'est fait sans que personne en ait connaissance, en
oubliant de dire qu'il n'y a pas eu de référendum, en oubliant de
dire que jamais cela n'a été publié, en oubliant de dire
que seulement dernièrement, on a su que nous avionsde l'eau
fluorée, à l'encontredes sentiments de la population...
Le Président (M. Pilote): A l'ordre!
M. Samson: Pensez-vous qu'on va laisser faire cela, M. le
Président? On discute ici de libertés individuelles et on va les
laisser... Voyons donc!
M. Lafrance: Ce n'est pas cela, M. le Président. Je n'ai
jamais interrompu le député de Rouyn-Noranda durant son
exposé.
M. Samson: Continuez à attaquer. M. Lafrance: Jamais!
M. Samson: Continuez à attaquer, vous allez avoir de la
misère...
M. Lafrance: Vous répondrez, vous aurez le temps de
répondre.
M. Samson: On ne vous laissera pas faire comme cela.... vos
intérêts.
M. Lafrance: J'étais à dire qu'il y a près
d'un million de personnes à l'heure actuelle, au Québec, qui
boivent de l'eau fluorée. Tout à l'heure, je ne sais pas trop
quel genre de "show" on voulait faire en apportant justement un pot de fluor,
mais si on veut justement étudier le fluor en détail, c'est assez
facile. Ce ne sera pas mon rôle de le faire ici. On pourra poser des
questions aux experts qui viendront et ils pourront nous dire que le fluor est
un allogène de la même famille que le brome, le chlore et l'iode.
Vous allez dire que ce sont des poisons, oui, cela peut être des
poisons.
Mais en concentration de 1.2 partie par million d'eau, c'est clair qu'il
n'y a aucun problème et c'est prouvé. S'il y a plus que 1.2, il
peut y avoir des problèmes. Vous pourrez aussi poser des questions
là-dessus et on vous répondra. On vous répondra
aussi sur les problèmes de concentration et sur la façon de
contrôler... Pour revenir au défi que nous proposait le
député de Johnson tout à l'heure, s'il est capable de me
garantir et de me prouver qu'il met exactement 1.2 partie de fluor par million
de parties d'eau, je n'aurai aucune hésitation à boire l'eau
qu'il me donnera, mais il n'est pas capable de me le faire scientifiquement
aujourd'hui. Demain ou encore durant la... Qu'il apporte de l'eau, parce qu'il
y a de l'eau fluorée, une partie par million d'eau; la preuve, c'est
qu'il y a 825,000 Québécois qui en buvaient en 1974.
M. le Président, à 1.2 partie par million d'eau, on
apportera l'argument suivant: Que l'eau change de goût, que l'eau change
de couleur. Il faut tout de même être logique et se rendre à
l'évidence que 1.2 partie par million de parties d'eau... Il faudrait
d'abord connaître la coloration du fluor naturel et, si une partie par
million colore l'eau, j'en reviens à une comparaison qui pourra
paraître boiteuse, mais qui est tout de même logique. S'il y a un
million d'habitants au Québec et qu'il y en a 999,999 qui ne sont pas
créditistes, le dernier, on ne le sent pas. Cela ne paraît pas,
cela ne change pas le goût, cela ne change rien dans une province. Cela
ne change rien, une partie de fluor par million de parties d'eau.
M. Samson: Vous venez de dire une vérité. Ils ne
sont pas tous créditistes, il y a eu quelques libéraux la
dernière fois.
M. Lafrance: D'ailleurs, M. le Président, on en a deux sur
110 et cela ne paraît pas plus. Un sur un million, cela ne paraît
pas plus, M. le Président.
De toute façon, M. le Président, j'ai hâte comme
vous d'entendre nos experts. Il est onze heures quinze et je pense qu'on
devrait commencer.
Le Président (M. Pilote): Oui, j'inviterais le Dr
Charles-E. Gosselin, le président de l'Ordre des dentistes du
Québec, à venir présenter son mémoire. Si vous
voulez identifier les personnes qui vous accompagnent.
Ordre des dentistes du Québec
M. Gosselin (Charles-E.): M. le Président, j'ai à
ma droite, le Dr Marcel Archambault qui est le regis-traire de l'Ordre des
dentistes, de même que le Dr Pierre-Yves Lamarche qui est le registraire
adjoint.
M. le Président, M. le ministre, MM. les députés,
MM. les membres de cette commission, mesdames et messieurs...
Le Président (M. Pilote): Vous pourriez être plus
près du micro.
M. Gosselin:... au nom de l'Ordre des dentistes du Québec,
je désire, en tout premier lieu, vous remercier pour l'occasion qui nous
est offerte d'exprimer une fois de plus notre appui le plus formel à la
fluoration des eaux de consommation.
Il n'est pas dans mon intention, en vous présentant le
mémoire de l'Ordre des dentistes, de traiter de cette mesure d'une
façon exhaustive. Ce n'est pas l'objet d'une telle intervention. Mais
qu'il me soit permis de porter à votre attention certains aspects dont
l'importance est digne de mention.
La carie dentaire est une maladie qui atteint presque 100% de toute la
population et, le plus souvent, à partir de l'âge de trois ou
quatre ans. Cette maladie, pour une foule de raisons, atteint la population du
Québec avec une intensité particulièrement grave. La
détérioration des dents occasionne souvent des foyers d'infection
pouvant porter atteinte à la santé générale des
individus.
Certaines lésions dentaires peuvent, dans certains cas, provoquer
des pathologies générales de gravité variable. Elles
peuvent même être à l'origine de tumeurs cancéreuses.
Si l'on ajoute à ce triste tableau la douleur que cause souvent une ou
plusieurs dents malades, les inconvénients fonctionnels ainsi que les
pertes de temps qu'occasionnent des absences au travail, dues
particulièrement aux maladies dentaires ou à leur traitement,
nous nous rendons facilement compte que nous faisons face à un
problème dont l'importance ne saurait être
sous-estimée.
Il existe, à notre connaissance, plusieurs moyens
d'efficacité variable.
Le Président (M. Pilote): Est-ce que c'est un
résumé de votre mémoire?
M. Gosselin: Non, c'est tout simplement une présentation
que je fais, ce n'est pas dans votre document.
Le Président (M. Pilote): Ah bon!
M. Gosselin: C'est mon petit discours à moi tout seul. Il
existe, à notre connaissance, plusieurs moyens d'efficacité
variable pour diminuer la carie elle-même ou les ravages qu'elle cause:
soins dentaires, hygiène, habitudes alimentaires, etc.
Cependant, la fluoration, preuves à l'appui, s'avère
être le moyen moderne le plus efficace pour prévenir la carie. En
effet, cette mesure diminue l'incidence de caries jusqu'à 60% chez les
individus qui en bénéficient.
A une concentration déterminée, la présence du
fluorure atteint son efficacité maximale sans aucun inconvénient
pour l'organisme humain. L'addition de fluorure à l'eau de consommation
demeure un moyen sans danger, peu coûteux et de contrôle facile.
Elle a l'avantage de bénéficier à toute la population
indistinctement de son âge ou de sa condition.
Actuellement, subjuguer les conséquences de la carie dentaire
représente des coûts extrêmement importants tant pour les
individus que pour l'Etat. A l'heure où la montée en
flèche des coûts de la santé, y compris les soins
dentaires, inquiète les gouvernants, nous devons considérer avec
un intérêt soutenu toute mesure susceptible de prévenir la
maladie.
Plus spécifiquement, la fluoration des eaux de consommation au
Québec demeure une mesure efficace, économique et sans danger
pour la population et susceptible d'assurer aux Québécois une
meilleure santé buccale et générale et contribuera,
nous en sommes assurés, à des économies.
L'Ordre des dentistes, au nom de sa préoccupation fondamentale
qui est d'assurer au public une meilleure santé dentaire par de
meilleurs soins, considère comme un devoir et une obligation d'appuyer
le présent projet de législation visant à faire
bénéficier la population québécoise des bienfaits
de la fluoration des eaux de consommation.
M. le Président, M. le ministre, MM. les députés
membres de cette commission, mesdames et messieurs, au nom de l'Ordre des
dentistes, je vous prie de recevoir ce mémoire appuyant officiellement
le projet de loi no 88 concernant la fluoration des eaux de consommation. Je
vous remercie.
M. le Président, serait-il dans l'ordre que je lise le
mémoire comme tel ou, si tout le monde en a déjà pris
connaissance, aimeriez-vous plutôt passer à la discussion du
mémoire?
Le Président (M. Pilote): Pourriez-vous, M. Gosselin,
faire un résumé très bref du mémoire, quitte,
ensuite, à ce qu'on passe à une période de questions?
M. Gosselin: Disons que le mémoire, en soi, est assez
court. Nousyfaisonsd'abord un historiquedu fluor, nous portons à
l'attention de la commission le fait que ce que nous appuyons, c'est une
fluoration contrôlée des eaux de consommation. Je pense que c'est
une chose qu'il ne faut pas oublier dans la discussion, que c'est une
fluoration contrôlée.
C'est sûr, comme on l'a souvent mentionné, que le fluor est
un poison.
M. Samson: M. le Président, j'invoque le règlement.
Serait-il possible de demander à notre invité... Je pense que son
mémoire a, en fait, neuf pages.
M. Gosselin: C'est ça, il est très court.
M. Samson: Peut-être, pour la meilleure
compréhension de tout le monde, qu'il serait mieux que vous nous lisiez
les neuf pages et, par la suite, on pourra commencer la discussion, si vous
êtes d'accord.
M. Gosselin: Cela prendrait, à peu près cinq ou
sept minutes à le lire.
Le Président (M. Pilote): Allez.
M. Gosselin: D'accord?
Le Président (M. Pilote): Oui.
M. Gosselin: Le fluor est un élément naturel
occupant le seizième rang parmi les constituants de la couche terrestre
et c'est pourquoi nous le retrouvons dans la presque totalité des
aliments que nous mangeons tous les jours. Même la plupart des eaux de
consommation sont naturellement fluorées, mais à des
concentrations variant de quantité insuffisante à
exagérée.
Il est donc clair, depuis que le monde est monde, que des populations
entières ont bu et boiront de l'eau fluorée, mais sans
contrôle de la teneur en fluor si un mécanisme n'est pas mis en
place à cette fin.
Nous donnons, en annexe I, le nom de certaines municipalités du
Québec où l'eau est naturellement fluorée. Nous pouvons
donc la définir comme étant une mesure de santé publique
qui consiste à ajuster la teneur du fluor dans l'eau à une
concentration déterminée qui est, pour la province de
Québec, de 1.2 partie de fluor pour un million de parties d'eau.
L'historique que l'on trouve en annexe II s'avère très
révélateur de la réalité vécue depuis
toujours de l'eau fluorée et c'est pourquoi, messieurs, il est important
de nous poser les questions suivantes: Est-ce que la fluoration est
l'application d'une théorie résultant de recherches faites en
laboratoire? Evidemment non. Serait-ce la conclusion d'expériences
faites, avec succès, sur des animaux de laboratoire que des savants
voudraient maintenant implanter parmi les humains? Non plus. La fluoration
contrôlée de l'eau est le fruit de faits vécus, c'est la
fluoration naturelle mais d'une façon contrôlée.
Si le fluor, qui est reconnu comme un élément nutritif
essentiel à l'organisme par les Council's Food of Nutrition Boards des
Etats-Unis et du Canada, est en quantité supérieure à la
dose recommandée et provoque, sur les dents, des taches d'une
esthétique douteuse. C'est ce que nous appelons la fluorose dentaire et
c'est par la fluoration contrôlée de l'eau, tel que décrit
dans la loi 88, que le fluor peut apporter d'immenses bienfaits en
évitant la fluorose dentaire. C'est précisément à
la suite de recherches sur la fluorose dentaire que des savants comme Dean,
McKay et autres, dans les années 1920 et 1930, sont arrivés aux
conclusions suivantes, que l'on retrouve de façon plus
élaborée en annexe II, soit: 1) La fluorose dentaire est une
maladie des dents causés par l'absorption d'une trop forte
quantité de fluor dans l'eau pendant une période de temps
prolongée. C'est ce que nous voulons éviter par la fluoration
contrôlée de l'eau. 2)La fluorose dentaire est corrélative
à l'immunité contre la carie dentaire. 3)Des études in
vivo ont permis de déterminer la teneur idéale du fluor dans
l'eau de façon à conserver l'immunité contre la carie
dentaire tout en évitant la fluorose. C'est le but que nous pouvons
atteindre par la fluoration contrôlée de l'eau.
Nous voulons, messieurs, insister sur l'importance de cet historique
pour bien faire savoir que la fluoration de l'eau est une mesure de
santé publique basée sur des faits vécus depuis des
générations par des populations entières et n'est pas le
fruit d'une théorie qui serait à l'essai. Le principal facteur
déterminant la concentration optimale de fluor dans l'eau est
basé sur la température. Pour la province de Québec, la
teneur recommandée est de 1.2 partie de fluorure pour 1,000,000 parties
d'eau. Références à l'annexe III.
L'innocuité de la fluoration contrôlée de l'eau est
prouvée par de multiples enquêtes médicales et dentaires
faites dans différents pays par des savants de toutes les disciplines et
couvrant toutes les facet-
tes de l'organisme. Ainsi, comme exemple, nous pouvons citer le
témoignage de l'Organisation mondiale de la santé, qui a
formé un comité d'experts de 93 spécialistes de divers
pays pour étudier cette question sous tous ses angles. Quelle a
été la conclusion de cette monographie très
élaborée "Fluor et santé" de l'OMS? La fluoration de l'eau
est une mesure de santé efficace, peu coûteuse et sans danger.
Si des organismes sérieux et responsables, comme l'Organisation
mondiale de la santé et autres organisations, dont la liste est fournie
en annexe V, recommandent la fluoration contrôlée de l'eau, nous,
de l'Ordre des dentistes du Québec, considérons que c'est non
seulement notre droit mais aussi notre devoir d'appuyer fortement l'adoption de
la loi 88.
Nous travaillons à l'amélioration de la santé
dentaire de la population. Pourquoi, alors, au Québec, ne jouissons-nous
pas des mêmes avantages que les 100,000,000 de personnes aux Etats-Unis,
que les 8,000,000 de personnes du Canada et comme bien d'autres encore dans
au-delà de 30 pays qui boivent de l'eau fluorée? Face à
tous ces témoignages et ces faits, comment le simple profane peut-il
juger cette question? Doit-il faire confiance à ces nombreux organismes
formés de savants qui, preuves à l'appui, nous
répètent depuis plusieurs décennies que la fluoration de
l'eau est une mesure préventive de santé efficace, sans danger et
peu coûteuse, ou doit-il, sans autre motif que l'émotivité,
de craintes non fondées, de théories purement
hypothétiques, refuser la solution à un problème urgent de
santé, problème dont la population elle-même est la
première à se plaindre?
Quant à nous, vous connaissez notre position. C'est celle du
bien-être de la population avec la fluoration contrôlée de
l'eau. Les plus sceptiques pourraient nous demander si l'état de
santé dentaire de la population est à ce point fragile pour
nécessiter cette mesure publique préventive de santé. Les
statistiques nous prouvent que la situation est urgente. Une enquête de
dépistage de la carie dentai re auprès de la population
écolière de la ville de Québec rapporte que la moyenne de
dents cariées chez les enfants de six ans est de 6.3 par bouche. Les
enfants de dix ans ont, en moyenne, sept dents cariées par bouche. Les
enfants de quatorze ans ont dix dents et demie cariées. Annexe VI pour
références.
Ce sombre tableau est révélateur de la condition dentaire
des enfants de la province. Face à cette situation, il est urgent que la
fluoration de l'eau soit appliquée car c'est une utopie de croire q ue
la santé dentaire publique peut être améliorée
exclusivement par des soins curatifs. Les soins curatifs traitent les effets
d'une maladie tandis que par une mesure préventive, comme la fluoration
de l'eau, on s'attaque à la cause même de la maladie et on
empêche son éclosion dans une proportion de 60%.
Ainsi, à Berthierville, en 1961, avant la fluoration de l'eau,
les enfants de 6 à 8 ans avaient une moyenne de 1.81 dent permanente
cariée alors qu'après dix ans de fluoration de l'eau cette
moyenne est tombée à 0.59, soit une amélioration de 67.5%.
Les enfants de 12 à 14 ans, avant la fluoration, avaient une moyenne de
9.07 dents cariées par bouche; après dix ans de fluoration, cette
moyenne est tombée à 4.9 dents par enfant. A l'annexe 7 pour
référence.
Nous pourrions citer ainsi des milliers d'enquêtes faites au
Québec, au Canada, aux Etats-Unis et dans d'autres pays. Qu'il suffise
de rappeler que toutes ces enquêtes ont un dénominateur commun,
à savoir que la fluoration contrôlée de l'eau réduit
l'incidence de la carie dentaire dans une proportion de 60%; qu'elle est sans
danger et peu coûteuse, soit environ $0.10 à $0.12 per capita par
année.
En résumé, pour profiter de tous les avantages de la
fluoration de l'eau, une personne de 80 ans aurait déboursé un
total de $8 durant toute sa vie, soit à peu près le coût
actuel d'une obturation, ceci dit sous toute réserve quant au coût
de l'obturation.
Attendu que face aux besoins de santé dentaire couvrant la
majeure partie de la population et compte tenu des conséquences funestes
de la carie dentaire au point de vue physique, économique, social,
scolaire et industriel;
Attendu les obligations du ministère des Affaires sociales, tel
que décrit dans la loi no 65, de prendre les mesures nécessaires
pour améliorer la santé de la population;
Attendu le droit des individus de profiter de l'application des mesures
publiques de prévention;
Attendu que la fluoration de l'eau est la seule mesure préventive
publique actuellement connue et prouvée efficace, sans danger, peu
coûteuse contre la carie dentaire;
Attendu que le ministère des Affaires sociales possède
déjà toutes les structures administratives nécessaires et
un code de normes et procédures pour l'installation, la mise en marche,
le contrôle de fonctionnement et d'évaluation de tout
système doseur de fluor;
Attendu que le coût d'achat, d'installation et d'opération
de ces appareils est peu élevé;
En conséquence, nousdemandons instamment l'adoption du projet de
loi no 88 en ce qui concerne la fluoration de l'eau.
Au nom de l'Ordre des dentistes du Québec, nous
réitérons notre demande que soit instaurée de façon
coercitive dans le plus bref délai la fluoration de l'eau dans toutes
les municipalités de notre province, là où la chose est
possible.
Le Président (M. Pilote): Est-ce qu'il y a des
questions?
L'honorable ministre des Affaires sociales.
M. Forget: Dr Gosselin, je désire vous remercier pour une
excellente présentation. J'aimerais vous poser peut-être quelques
questions pour faire ressortir les implications de certains
énoncés qui sont contenus dans votre mémoire.
Les bienfaits pouvant résulter de la prévention de la
carie dentaire sont documentés dans votre mémoire. Est-ce que
vous pouvez affirmer que la fluoration des eaux de consommation est la mesure
de prévention de la carie dentaire qui soit la plus
efficace ou y en a-t-il d'autres qui soient également efficaces,
à un degré égal? A ce moment-là, évidemment,
il y aurait un problème de choix.
M. Gosselin: M. le ministre, il faut dire que la fluoration de
l'eau est la mesure idéale pour prévenir la carie dentaire. Il
est sûr qu'il y a d'autres façons aussi de la prévenir,
comme les soins d'hygiène, une bonne alimentation, etc. Mais disons que,
par expérience personnelle et suite aux expériences vécues
par à peu près tous les dentistes de la province, je vous dirais
que presque tous les dentistes, à un moment ou l'autre, ont
été appelés à conseiller à de jeunes
patients de prendre ou aux parents de jeunes patients de faire prendre du fluor
à leurs enfants sous forme de pilules. Nous avons remarqué chez
ces enfants qu'il y avait une diminution nette de la carie dentaire.
Je vous soumettrai mon expérience personnelle. J'ai quatre
enfants. Ma plus vieille a 21 ans, mon deuxième 19 ans, ma
troisième 17 ans et ma quatrième 14 ans. Actuellement, ma plus
vieille a deux dents d'obturées; mon deuxième a une dent
d'obturée; la troisième s'est fait obturer sa première
dent avant-hier et elle a 17 ans; mon bébé, qui a 14 ans, n'a
encore jamais eu une dent d'obturée. Depuis leur naissance jusque vers
l'âge de 12 ans et demi, je leur ai fait prendre du fluor en pilules.
Cette expérience a été vécue par beaucoup
d'autres de mes jeunes patients à qui j'ai donné les mêmes
conseils et il est évident... D'ailleurs, les statistiques sont
là pour le prouver et cliniquement, nous le remarquons. Entre autres,
j'ai un confrère qui pratique à Acton Vale où l'eau est
fluorée depuis longtemps; il y a là deux dentistes. On a
demandé, plus tôt dans le débat, si là où il
y avait de l'eau fluorée les dentistes avaient été
obligés de fermer leur bureau ou projetaient de fermer leur bureau.
Comme ces gens-là pratiquaient à Acton Vale, entre autres, bien
avant la fluoration des eaux, actuellement les deux dentistes peuvent suffire
à traiter, si vous voulez, la population qu'il y a là-bas qui est
d'un peu plus de 5,000 habitants. Avant la fluoration des eaux, ils ne
fournissaient pas et je plaindrais sincèrement un dentiste qui
actuellement irait se joindre aux deux autres pour essayer de gagner sa
vie.
Il est sûr que, si on attend des résultats de la fluoration
des eaux, la semaine prochaine ou un ou trois mois après qu'on aura
procédé à cette mesure, on sera joliment
déçu; c'est une mesure de prévention de santé
publique à long terme.
Je crois que, dans le moment, avec, comme on le mentionnait, la demande
accrue, si vous voulez, de services dentaires, avec les coûts accrus de
services dentaires, il faut penser à long terme. On a parlé de
mettre du fluor dans le lait. Ce serait peut-être une mesure qui pourrait
s'ajouter à d'autres si on ne fluorait pas l'eau, mais il reste que,
dans le lait, il est démontré, d'abord, que c'est une mesure qui
serait beaucoup plus dispendieuse que la fluoration des eaux. Aussi, c'est une
mesure qui est moins efficace parce que la dissolution du fluor dans le lait ne
se comporte pas de la même façon que dans l'eau.
Maintenant, aussi, comme on l'a déjà mentionné,
même si on distribuait le lait gratuitement, ce n'est pas tout le monde
qui boit du lait, ce ne sont pas tous les enfants qui boivent du lait; il y en
a qui n'aiment tout simplement pas cela, du lait. Mais de l'eau, ça,
qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, on est obligé d'en boire; c'est une
question de vie ou de mort, parce que l'organisme a constamment besoin
d'eau.
Je pense, M. le ministre, que, devant tous ces faits et surtout devant
ce que nous, par expérience, voyons dans nos bureaux, des situations
déplorables de bouches d'enfants où les dents sont
cariées, où les enfants sont souffrants, sont malades, se
nourrissent mal souvent parce qu'il ont une mauvaise dentition...
Ecoutez, nous ne venons pas ici, nous, préconiser la fluoration
des eaux pour les dentistes de la province de Québec. C'est travailler
contre notre profession quand on fait cela. Nous venons ici tout simplement
parce que nous croyons sincèrement que c'est la mesure qu'il faut
appliquersi on veut, un jour, réduire la carie dentaire au niveau des
enfants et de la population québécoise.
Moi, ce qui ne m'entre pas dans la tête devant toutes les
objections qu'on pose, c'est qu'actuellement vous avez 8 millions de personnes
au Canada qui boivent de l'eau fluorée, vous avez un peu plus de 880,000
Québécois qui en boivent. Cela veut dire qu'il y a 7 millions
d'Anglais qui boivent de l'eau fluorée et nous, les Canadiens
français, nous ne sommes pas encore assez intelligents pour comprendre
ce que les Anglais ont déjà compris. Les gens de Toronto en
boivent. Ce serait peut-être qu'on aurait voulu prendre une façon
détournée pour éliminer la population anglaise de ce
coin-là, mais je ne le pense pas. Ils vont continuer à être
en bonne santé et si nous, au Québec, nous ne faisons rien dans
ce sens, nous allons continuer à être des porteurs de dentiers
pendant que les Anglais auront des bonnes dentures et continueront à se
nourrir convenablement. Cela ne m'entre pas dans la tête de voir qu'ici
au Québec on ne veut pas prendre, si vous voulez, les mesures. Le
gouvernement a de bonnes intentions, mais, même avec certaines objections
qui peuvent être apportées contre la fluoration, il demeure que,
devant les faits, c'est la solution au problème. Ce n'est pas l'unique,
mais c'est la solution et ça ne veut pas dire qu'avec la fluoration
ça prendra seulement la fluoration. Il faudra toujours continuer aussi
à préconiser les autres mesures qui viendront s'ajouter à
celle-là, les mesures d'hygiène, de bonne alimentation et le
reste.
C'est évident, M. le ministre, que, si le gouvernement et la
population veulent continuer à payer fortement pour des soins, on n'a
qu'à laisser la situation telle qu'elle est là.
M. Forget: Dr Gosselin, vous avez indiqué dans vos
remarques que vous ne faites pas cela pour les dentistes. Vous avez
donné l'exemple que c'est presque de la concurrence que la fluoration
des eaux de consommation pour ce qui est de la pratique des membres de votre
ordre. Vous recommandez officiellement cette mesure au nom de tous les
dentistes du Québec. Mais, puisqu'on parle souvent d'une
controverse, êtes-vous au courant qu'il y ait une controverse parmi les
dentistes membres de votre ordre à ce sujet-là? Connaissez-vous
un ordre ou une association de dentistes au Canada ou ailleurs dans le monde
qui se soit opposé formellement à une mesure de fluoration des
eaux de consommation?
M. Gosselin: M. le ministre, je dois vous dire que je ne connais
pas de dentiste, au Québec, qui s'oppose à la fluoration des eaux
ou du moins, s'il y en a, cela n'a pas été porté à
ma connaissance. Toutes les organisations sérieuses de dentistes
s'occupant de problèmes dentaires au Canada, aux Etats-Unis
également et même dans le monde, se sont prononcées en
faveur de la fluoration.
D'ailleurs je pense que dans une annexe, je ne me rappelle pas laquelle,
nous donnons la liste de tous les organismes dentaires tant au Québec
qu'ailleurs qui se sont prononcés en faveur de la fluoration.
M. Forget: Si je comprends bien, d'après votre
mémoire, presque toutes les eaux naturelles contiennent un certain
degré de fluor. Si ce que l'on prétend sur l'effet dangereux du
fluor était vrai, est-ce qu'il s'ensuit donc qu'il faudrait traiter
toutes les eaux ou presque toutes les eaux de consommation au Québec
pour enlever cet élément puisqu'il s'y trouve
déjà?
M. Gosselin: C'est-à-dire qu'il faudrait en arriver
à une fluoration contrôlée. Vous avez des endroits
où l'eau est fluorée naturellement mais à une teneur trop
basse pour que ce soit efficace pour prévenir la carie dentaire. Alors,
ces eaux doivent être traitées de façon à les amener
à la proportion voulue pour que ce soit efficace pour prévenir la
carie dentaire, qui est de 1.2 partie. Vous avez des endroits d'ailleurs, il y
en a aussi en annexe, où l'eau est fluorée naturellement,
où l'eau est fluorée à 0.4 partie, à 0.8; il
s'agirait tout simplement d'ajouter du fluor.
Maintenant, il n'y a pas d'endroit, actuellement, que je connaisse,
où l'eau est trop fluorée pour qu'on soit obligé d'en
baisser la teneur. Là-dessus, je vous avoue, M. le ministre, que je ne
suis pas un expert sur ces technicités. Où il pourrait exister
des endroits où l'eau est trop fluorée et, comme je vous
dis, je n'en connais pas certainement que les scientistes ou les
techniciens pourraient trouver des moyens pour la ramener à la
proportion voulue.
M. Forget: C'est-à-dire que vous n'en connaissez pas au
Québec mais il y a, dans des études auxquelles vous avez fait
allusion, ailleurs, à l'extérieur du Québec, des endroits
où la teneur naturelle en fluor était plus élevée
que celle qui est recommandée dans la loi. Vous avez fait allusion
à certains symptômes, des taches qui apparaissent sur les dents et
auxquelles vous avez donné le nom de fluorose dentaire. Quelle est la
teneur en fluor des eaux qui est nécessaire pour produire ces premiers
signes de fluorose dentaire et est-ce qu'en eux- mêmes ils sont graves?
Enfin, sur le plan esthétique, ils ne sont évidemment pas
recommandables mais, en plus des aspects esthétiques, est-ce que,
même avec ces débuts de fluorose dentaire, c'est en soi une
maladie très grave?
M. Gosselin: Non, disons que la fluorose dentaire, M. le
ministre, n'est pas une maladie très grave, à moins naturellement
que ce soit poussé très loin, mais c'est plutôt un
problème d'esthétique parce que les dents sont remplies de taches
jaunâtres. Mais, comme nous le mentionnons, où on a
remarqué la présence de fluorose dentaire ou ces
taches-là, il reste que l'incidence de la carie aussi était
très basse.
Par partie d'eau, à moins que je ne me trompe, c'est entre quatre
à huit parties de fluor par million de parties d'eau que cela peut avoir
des conséquences...
M. Forget: Donc c'est trois à six fois les proportions
indiquées dans...
M. Gosselin: II n'y a pas que cela. C'est qu'il faudrait que
quelqu'un aussi boive de l'eau de cette concentration-là d'une
façon un peu exagérée pour en arriver à cela,
pendant une période assez prolongée.
Ce n'est pas parce que vous boirez de l'eau pendant une journée
ou une semaine avec une teneur élevée en fluor que vous allez
développer nécessairement la fluorose dentaire. Ce sont les gens
qui ont bu de l'eau avec une haute teneur en fluor qui, un jour, sont
arrivés à développer la fluorose dentaire, chez les
enfants, à la période de développement des dents.
Il reste qu'en demeurant à 1.2 par un million de parties d'eau,
pour que quelqu'un puisse s'empoisonner en buvant de l'eau, pour un
empoisonnement bénin, il faudrait qu'il boive de 425 à 400 verres
d'eau de suite. Il va se noyer avant de s'empoisonner. Donc, c'est une
façon comme une autre!
Peut-être que le Dr Lamarche pourrait ajouter quelque chose
là-dessus.
M. Lamarche (Pierre-Yves): M. le Président, si vous me le
permettez, j'aimerais apporter une certaine dimension sur les effets du fluor
sur les dents. Le fluor agit de deux façons. On a fait allusion à
la façon traditionnelle, c'est-à-dire lors de la formation
elle-même des dents. Mais il existe aussi un effet qu'on appelle topique
et qui intéresse plus particulièrement les adultes.
C'est-à-dire que pour obtenir les bienfaits prévus d'une
diminution de 60% de la carie dentaire, il faut que l'individu naisse,
grandisse et continue à vivre dans un milieu où l'eau est
fluorée. Le fluor n'agit pas seulement au niveau de la formation des
dents mais il agit aussi après que l'individu a atteint l'âge
adulte ou l'âge où toutes ses dents sont formées.
C'est-à-dire que l'ingestion d'eau fluorée et le fait de baigner
les dents dans une substance fluorée, complètent l'effet de la
fluoration des dents et c'est fondamental pour en arriver à une
prévention qui est véritablement de 60%. Cela exclut
l'opportu-
nité de demander ou de distribuer du lait gratuitement parce que
l'on sait fort bien que, vers l'âge de 13 ans ou 14 ans, les enfants de
notre province et les individus en général cessent de boire du
lait. Donc, en distribuant du lait gratuitement aux enfants, on se prive d'un
effet extrêmement important, c'est-à-dire l'effet que les adultes
peuvent bénéficier de la fluoration.
Des expériences dans certaines régions ont
été rapportées voulant que l'ingestion de fluoration
diminuait, pour une proportion assez intéressante, le port de
prothèses chez les adultes, c'est-à-dire les extractions
précoces.
Disons que je souscris favorablement à la suggestion que M.
Samson faisait tout à l'heure d'informer les gens. Je pense que, si les
gens étaient informés comme nous le sommes aujourd'hui, comme
vous l'êtes, on n'aurait pas besoin d'une commission parlementaire et je
pense que le ministre n'aurait pas eu à le faire. Les gens auraient
demandé d'eux-mêmes la fluoration.
M. Forget: J'ai une dernière question. Dans une des
annexes de votre mémoire, l'annexe I, il y a la liste des
municipalités du Québec dont l'eau est naturellement
fluorée. Il y en a quelques-unes qui sont indiquées comme ayant
un taux supérieur à 1.2 partie par million. Elles ne sont pas en
nombre très considérable mais il y en a malgré tout
quelques-unes.
La fluoration contrôlée, telle qu'envisagée par la
loi, indiquera une diminution du taux de fluor dans ces municipalités.
Si je comprends bien, il y a Litchfield, dans le comté de Pontiac, qui
est une toute petite municipalité, Rivière-Ouelle, dans
Ka-mouraska, Saint-Athanase, dans le comté d'Iberville,
Saint-Méthode, dans le Lac Saint-Jean, et quelques autres,
Templeton-Est-Ouest, dans Hull. Malgré tout, ces taux j'imagine,
prévalent depuis plusieurs années dans ces municipalités.
A-t-on pu y observer une anomalie quelconque ou êtes-vous au courant
qu'on ait rapporté, dans les publications scientifiques ou autrement, au
cours de congrès scientifiques, que les personnes de ces régions
avaient des problèmes particuliers puisque le taux est plus
élevé que celui qui est recommandé?
M. Gosselin: Non, M. le ministre, parce que si on remarque, si
vous voulez, la teneur en fluor le p.p.m. comme on l'appelle de
ces municipalités, même pour celles qui dépassent 1.2, le
taux de fluoration n'est pas assez élevé encore pour poser des
problèmes.
Si je ne m'abuse, dans le tableau qui est donné, l'endroit est
Saint-Méthode dans le comté du Lac-Saint-Jean. Peut-être
que le député de ce coin, s'il a une chance, pourrait aller
visiter les gens pour voir s'ils sont en bonne santé, au lieu d'avoir
toutes sortes de troubles comme ceux dont on parle. On ne sait jamais.
Je ne doute pas même que la population de ce coin, avec une eau
fluorée et même sans y avoirété, ni même sans
l'avoir examinée d'aucune façon, sans avoir reçu de
rapport de ce coin-là, doit bénéficier de bonnes dents. Ce
serait peut-être une infor- mation à prendre, vu que ce n'est pas
loin de chez vous.
Le Président (M. Pilote): D'accord. Ce n'est pas dans mon
comté; c'est dans le comté de Roberval, Lac-Saint-Jean-Ouest.
M. Forget: Je n'ai pas d'autres questions, M. le
Président.
Le Président (M. Pilote): L'honorable député
de Chicoutimi.
M. Bédard (Chicoutimi): Je vous félicite
également de votre rapport. Je voudrais essayer de situer le contexte de
l'intervention que nous avons faite au nom de l'Opposition officielle. Je pense
que vous serez d'accord avec nous, si vous en avez retenu les principales
lignes, pour que nous ne mettions nullement en doute les effets
bénéfiques du fluor comme méthode pour prévenir la
carie dentaire. Je pense que c'était assez clair dans notre
exposé.
Nous soulevions surtout une opposition sur le principe même du
projet de loi 88 qui est l'imposition obligatoire. J'espère que vous
l'avez compris dans ce sens. Je voudrais vous demander ceci. On a
souligné que vous avez eu l'occasion, en 1972, j'imagine, de vous
prononcer, l'Ordre des dentistes, sur le projet de loi 31 qui avait
été proposé, à savoir la Loi de la fluoration des
eaux de consommation. J'imagine que vous étiez en faveur de ce projet de
loi, à ce moment-là.
M. Gosselin: Absolument.
M. Bédard (Chicoutimi): J'imagine que vous n'avez pas fait
d'opposition à ce projet de loi parce qu'il imposait, parce qu'il
prévoyait quand même la tenue d'un référendum
auprès des populations concernées avant l'imposition de l'eau
fluorée. Vous n'en avez pas fait?
M. Gosselin: Non, non, nous n'avons pas fait d'opposition.
M. Bédard (Chicoutimi): Bon. C'est le principe du projet
de loi, son caractère obligatoire. Je comprends que vous êtes pour
le projet de loi 88 de la même manière que vous avez
été pour le projet de loi 31. La différence essentielle
entre les deux est, d'une part, que dans le projet de loi 31 il n'y avait pas
le caractère obligatoire, alors que dans le projet de loi 88 il y a le
caractère obligatoire. Ce qui fait que vous êtes en faveur du
projet de loi 88, ce n'est pas nécessairement son caractère
obligatoire, comme votre conviction de la nécessité de l'eau
fluorée comme prévention contre la carie dentaire, n'est-ce pas?
Est-ce que je traduis bien votre position?
M. Gosselin: Oui, c'est clair, M. le député. Disons
que nous avons appuyé le projet de loi no 31 et peut-être que nous
appuyons encore plus fortement le projet de loi no 88. On charrie pas mal, vous
savez, quand on parle de liberté individuelle. Moi, quand je paie mon
impôt, on commence à jouer dans ma liberté de le payer ou
de ne pas le payer. Quand on
parle de pasteurisation du lait, si vous voulez, moi, cela ne
m'intéresse peut-être pas de boire du lait pasteurisé, mais
mon laitier me l'apporte pasteurisé, mon lait, et cela a
été imposé.
Le chlore qu'on met dans l'eau des municipalités; chez nous,
à Sherbrooke, l'eau est ozonée, si vous voulez. S'il y a un
poison, c'est de l'ozone. Je pourrais bien dire à la
municipalité, au nom de ma liberté individuelle: Vous allez
enlever l'ozone dans l'eau. Moi, je veux de l'eau non ozonée dans ma
maison. Je pense qu'il faut regarder la dimension sociale de toute cette
affaire-là. Pourquoi éviter le référendum? C'est
parce que, dans toutes ces questions on l'a mentionné
quand on arrive à mettre devant la population un problème comme
celui-là, si on jouait seulement sur l'objectivité des gens, si
on leur présentait les faits tels qu'ils sont et si on leur faisait
valoir, si vous voulez, la valeur d'une mesure comme celle-là et qu'on
arrêtait de jouer sur leurs émotions... Avec la liberté
individuelle, en quelque sorte, on peut jouer passablement sur les
émotions des gens.
Il y a tellement de choses qui se font que, quand le bien-être
général d'une population est en jeu, c'est ça qu'il faut
regarder plutôt que, si vous voulez, l'idée, la volonté, la
conviction d'un individu ou d'un groupe d'individus.
Personnellement et je pense que l'ensemble des dentistes
là-dessus serait peut-être d'accord avec moi je crois que,
si nous voulons arriver à quelque chose dans ce domaine-là, il
faut arrêter de tâtonner. Nous sommes devant des situations
déplorables de conditions dentaires dans la province de
Québec.
Quand Pasteur a découvert la pasteurisation, on l'a
bafoué, on a ri de lui, on a même menacé de le guillotiner
et, pourtant, c'est une mesure aujourd'hui qui est acceptée partout le
monde, qui est imposée par les gouvernements. Là-dessus encore,
on joue sur les libertés individuelles.
Il reste que nous sommes convaincus que la seule façon d'y
arriver est d'enrayer le fléeau de la carie dentaire parce qu'il faut
parler de fléau. Il ne faut pas être longtemps dans un bureau de
dentiste pour voir la situation déplorable des dents de nos enfants dans
la province de Québec.
Si nous voulons arriver à quelque chose, il faut prendre une
mesure énergique vis-à-vis de cela. Je pense que la mesure
énergique à prendre, c'est la fluoration imposée des eaux.
Qu'on dise ce qu'on voudra là-dessus, c'est prouvé cliniquement,
scientifiquement que c'est une mesure très valable, plus que valable et
qui est sans danger. Il n'y a jamais eu un cas de rapporté dans toute la
littérature médicale ou dentaire de gens qui sont
décédés à la suite d'absorption d'eau
fluorée.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous n'avez pas à me
convaincre de tout cela. Je vous le dis, dès le départ, j'en suis
convaincu.
M. Gosselin: Je respecte votre opinion.
M. Bédard (Chicoutimi): Dans mon esprit, si vous me le
permettez, je suis d'accord également qu'on ne doit pas jouer avec les
libertés individuelles, comme vous devez être d'accord avec moi
qu'il faut les respecter aussi.
M. Gosselin: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi): Si le fluor a les effets
bénéfiques que vous dites, j'en conviens avec vous, si ce projet
de loi ne rendait pas la mesure obligatoire, mais qu'elle s'appliquait dans des
municipalités après la tenue d'un référendum, comme
vous êtes convaincu de la nécessité de cette mesure,
croyez-vous que, si cela devait se faire par référendum, vous
vous feriez un devoir, en tant qu'Ordre des dentistes, de renseigner et
d'informer équitablement cette population, s'il y avait tenue d'un
référendum? Vous respecteriez, à ce moment-là, la
liberté individuelle par une des manières les plus correctes qui
est celle de l'information.
M. Gosselin: C'est un peu, d'ailleurs, ce que nous faisons
aujourd'hui et c'est, d'ailleurs, ce que nous faisons depuis trente ans, au
sein de nos bureaux. Dans les divers mouvements auxquels nous appartenons, nous
avons l'occasion d'en parler, de tout cela. Il est sûr que, si c'est la
volonté ou le désir du gouvernement, quelle que soit la
manière qu'il prendra pour appliquer cette politique, nous
l'appuierons.
M. Bédard (Chicoutimi): En fait, vous croiriez de votre
devoir, s'il y avait un référendum, de faire quelque chose de
spécial en tant qu'Ordre des dentistes pour informer cette
population.
M. Gosselin: Absolument. Qu'on nous donne, si vous voulez,
à ce moment-là, les moyens que peut-être nous n'aurions pas
pour arriver à entrer dans un programme d'information. D'ailleurs,
l'Ordre des dentistes s'est impliqué joliment, l'an dernier, lors d'une
campagne d'éducation des enfants, quant aux mesures préventives
à prendre pour éviter la carie dentaire.
Nous sommes prêts à faire tout ce que nous pouvons
physiquement, financièrement et autrement.
Mais il reste que nos moyens aussi sont un peu limités. Comme je
viens de vous le dire, si, par un incident de parcours, la loi est
amendée et que ça demande un référendum pour avoir
l'eau dans les municipalités, je pense qu'il n'y a pas un dentiste qui
ne participera pas, si vous voulez, à l'instauration, et l'Ordre des
dentistes comme tel le fera.
M. Bédard (Chicoutimi): Bon. Maintenant, dans nos
remarques préliminaires au dépôt de votre
témoignage, nous avions parlé je voudrais les situer dans
le bon contexte de la possibilité de dis-tribuer du lait
fluoré gratuitement aux enfants. Nous ne l'avions pas
suggéré comme mesure réglant tous les problèmes
mais elle était conséquente à la prise de position
concernant le fait que nous sommes contre l'imposition obligatoire, en ce sens
que s'il y
avait référendum et que l'on refuse, ce n'est pas une
raison de ne pas employer des moyens qui pourraient être importants.
Vous avez dit, concernant le lait fluoré, que ça pouvait
être un moyen, si j'ai bien compris votre déposition, mais que
cette mesure vous semblait plus dispendieuse, si je me rappelle bien. Vous avez
mentionné le fait que ce ne sont pas tous les enfants qui aiment le lait
d'autant plus le lait fluoré comme ce n'est pas tout le
monde qui semble aimer l'eau fluorée dans le Québec.
Est-ce que, quand même, ce ne serait pas un moyen, dans votre
esprit, susceptible d'aider dans cette lutte qu'on doit faire pour la
prévention de la carie dentaire?
M. Gosselin: C'est sûr que c'est un moyen qui pourrait
être employé advenant le cas où l'eau ne serait pas
fluorée. C'est sûr. Mais il est démontré que c'est
un moyen qui est moins efficace que l'eau fluorée pour diverses raisons
que vous venez de mentionner et que j'ai mentionnées moi-même.
Maintenant, c'est un moyen aussi qui est plus coûteux. Mais il
reste une chose...
M. Bédard (Chicoutimi): Quand vous dites qu'il est plus
coûteux, est-ce que vous pouvez nous apporter quelques
précisions?
M. Lamarche: L'instauration de fluoration contrôlée
dans les systèmes d'aqueduc représente un coût per capita
de $0.06 par année et l'incorporation de fluor dans le lait, à
cause de la technique qui est relativement difficile et on a certains
doutes sur son efficacité coûterait environ $2.14 par
tête.
M. Bédard (Chicoutimi): Selon les analyses que vous avez
faites.
M. Lamarche: Oui, d'accord. En plus de cela, ça ne
s'adresse, comme je l'ai dit tout à l'heure, qu'à la portion de
la population qui consomme le lait. Il y a le reste de la population pouvant
bénéficier du fluor qui serait exclu par cette
méthode.
M. Bédard (Chicoutimi): D'accord. Maintenant, tout
à l'heure, vous avez mentionné que le fluor pouvait avoir
certains effets bénéfiques au-delà d'un certain âge,
soit dix-huit ans, mais il reste quand même que la période de
développement des dents se situe, d'une façon urgente, surtout
dans le jeune âge, d'accord?
M. Lamarche: Vous avez tout à fait raison.
M. Bédard (Chicoutimi): C'était dans ce
sens-là que nous faisions la suggestion de distribuer du lait
fluoré parce que nous disions que ça pouvait avoir un avantage,
à savoir rejoindre ceux qui sont le plus spécifiquement
concernés par la carie dentaire, les plus jeunes.
M. Gosselin: Je voudrais vous dire vous retrouvez cela
dans le dossier technique qui a été préparé par le
MAS qu'au deuxième article on dit: "Contrairement à l'eau
fluorée, le lait fluoré n'a pas une action topique significative
sur les dents. Les ions de fluor présents dans l'eau sont libres de
s'attacher à la surface des dents au moment même où l'eau
est consommée et passe dans la bouche. Par ailleurs, il faut une heure
avant que le fluor ne se dégage du lait". Erickson a
démontré que ce délai empêche les ions de fluor
d'entrer en réaction avant que le lait ne soit passé par
l'estomac et le petit intestin. En conséquence, si l'eau et le lait
fluorés apportent tous deux un bénéfice aux dents en voie
de développement, seule l'eau fluorée a un effet significatif sur
les dents qui ont déjà percé. C'est à six mois que
les dents commencent à percer.
Pendant longtemps on n'a commencé à donner du fluor aux
jeunes enfants que vers l'âge d'un an. A un moment donné, on a
reculé quasi à la naissance.
Aujourd'hui, on commence au troisième mois de la grossesse de la
mère. Parce qu'on remarque qu'en donnant du fluor à la
mère qui est en grossesse il y a une répercussion sur la
qualité dentaire de l'enfant qui va naître. Il ne faut pas oublier
aussi que l'enfant qui a pris du fluor et qui boit de l'eau fluorée, il
est sûr que, rendu à un âge plus avancé, le fait de
boire du fluor n'aura plus d'effet sur ses dents, ou, s'il y a un effet, ce
sera très minime. Les dents sont formées à ce
moment-là, l'émail est formé, la dentine et le reste; la
structure de la dent est là.
Mais il demeure que si au départ, à cause de l'absortion
de fluor, il en est résulté une bonne structure dentaire avec un
émail fort, une dentine forte, et le reste, c'est que ces dents seront
moins vulnérables à la carie dentaire. Cela va avoir un effet
bénéfique tout le temps de sa vie, effet qui résulte du
fait qu'il a pris du fluor à partir même du temps de la grossesse
de la mère. C'est ça qu'il faut regarder aussi.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous avez...
M. Gosselin: Si vous me permettez, juste une petite remarque, ici
il y a des dentistes et nous pouvons faire la différence. Quand nous
fraisons une dent pour la réparer, nous pouvons faire la
différence entre quelqu'un qui a pris du fluor très jeune et
durant toute la période de développement et celui qui n'en a pas
pris. Parce que la dent est beaucoup plus dure, beaucoup plus
résistante.
M. Bédard (Chicoutimi): Quand nous faisions cette
suggestion, c'est que, dans l'esprit du cas qui se présentait d'une
population qui refuse l'eau fluorée, le lait fluoré, c'est quand
même mieux que rien.
M. Gosselin: Oui, si on va jusque-là, c'est sûr,
vous savez.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est clair que cela n'a pas la
même intensité d'effets bénéfiques, j'en conviens
avec vous pour le moment. Maintenant...
M. Gosselin: Je pense que le Dr Lamarche aurait peut-être
quelque chose à ajouter à cela.
M. Lamarche: Quand vous parlez d'une population qui refuse l'eau
fluorée, je ne peux pas comprendre qu'une population puisse refuser de
l'eau fluorée parce que toutes les...
M. Bédard (Chicoutimi): C'est dans ce sens où je
vous demandais si vous étiez prêt à fournir l'information
comme une consultation.
M. Lamarche: Ce que je veux dire, c'est que toutes les sources
d'alimentation d'eau sont fluorées à des degrés divers.
C'est la raison pour laquelle je vous dis que la fluoration des eaux n'est pas
ajouter une nouvelle substance à l'eau mais c'est tout simplement
ajuster la concentration du fluor dans l'eau à une proportion qui est
bénéfique pour les dents, sans danger pour l'organisme. Si on
suit un raisonnement comme celui-là ou celui du
référendum, est-ce que dorénavant, avant de choisir la
source d'approvisionnement d'un aqueduc, il faudra faire un
référendum et quelle concentration de fluor la
municipalité acceptera-t-elle dans son eau, parce qu'il y en a
partout?
M. Gosselin: Si la population dit: On ne veut pas de fluor dans
l'eau, il va falloir que tu cherches une source d'approvisionnement où
il n'y en a pas.
M. Lamarche: Est-ce qu'on va couper les sources
d'approvisionnement actuelles, qui sont de 1.2, si c'est un poison, la
fluoration? Il n'y a aucune différence entre de l'eau
contrôlée, c'est-à-dire de l'eau où on a
amené la concentration à 1.2 par du fluorqu'on a ajouté,
et l'eau naturellement fluorée...
M. Bédard (Chicoutimi): De l'eau contrôlée.
Justement vous dites dans votre rapport que vous appuyez l'option de la loi 88;
d'autre part, vous faites quand même des réserves sur la
fluoration de l'eau dans le sens qu'il faut que ce soit bien
contrôlé parce que cela peut amener des effets contraires à
ceux qu'on recherche, à savoir la fluorose dont vous parlez.
M. Lamarche: C'est exact.
M. Bédard (Chicoutimi): Sur les possibilités de
contrôle de l'eau fluorée à une concentration
déterminée, que vous évaluez pour la province de
Québec à 1.2 de fluor pour 1 million de parties d'eau...
M. Lamarche: C'est exact.
M. Bédard (Chicoutimi): ...pourriez-vous m'expliquer
jusqu'à quel point il peut être facile de faire ce contrôle
qui est nécessaire si on veut que la population ne soit pas
inquiétée?
M. Lamarche: Vous faites appel à des données qui
relèvent du génie technique. Je pense que, de ce
côté, le document technique sur la fluoration est assez explicite
et relèverait plutôt de personnes beaucoup plus compétentes
que nous en termes de génie ou de contrôle technique.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous ne pouvez pas nous expliquer
le mécanisme de contrôle.
M. Lamarche: Je crois qu'on a prévu ce moyen de
distribution et des moyens de contrôle afin d'éviter les
écarts qui pourraient être nocifs pour la population. Je crois
que, de ce côté, on peut être tranquille.
M. Gosselin: D'ailleurs, d'après l'expérience des
municipalités où déjà cela existe, il n'y a jamais
eu d'avaries, de conséquences ou d'incidents de parcours, où l'on
boit du fluor.
M. Bédard (Chicoutimi): Qui, à l'heure actuelle,
surveille ce contrôle dont vous parlez?
M. Gosselin: Je pense bien qu'au niveau des municipalités
où il y a des aqueducs, où déjà il faut
contrôler les quantités de chlore ou d'ozone etc., tout cela fait
partie de la surveillance générale de la façon dont l'eau
doit être traitée avant de se rendre chez les consommateurs d'eau.
Ensuite, c'est fait selon des données scientifiques, techniques qui ont
été préparées par des techniciens, des
ingénieurs, des chimistes et tout cela.
Aux Etats-Unis, on sait, à l'heure actuelle, qu'il y a 100
millions de personnes qui boivent de l'eau fluorée; je pense que vous
avez huit ou dix Etats où l'eau fluorée est obligatoire.
M. Bédard (Chicoutimi): Dans les autres provinces du
Canada, est-ce que vous pouvez nous dire si cela aété une mesure
obligatoire ou si ce n'est pas une mesure qui a été soumise
à l'approbation quand même des populations, avant de
l'imposer?
M. Gosselin: Là-dessus, je ne peux pas vous
répondre sans risque de me tromper. Mais il reste une chose...
M. Bédard (Chicoutimi): Parce que la population est
capable de comprendre quelque chose qui est pour son bien. C'est dans ce sens
qu'une population qui, à l'occasion d'un référendum ou
appelons cela autrement, serait très bien informée par des
spécialistes en la matière, il faut quand même lui donner
le minimum d'intelligence, le minimum de désir de survivre le mieux
possible pour accepter ces explications.
M. Gosselin: Cela revient à ce que...
M. Bédard (Chicoutimi): A ce moment, psychologiquement,
plutôt de se voir imposer quelque chose, elle l'accepte après
information.
M. Gosselin: Oui. Cela, j'en douterais et je vais vous dire
pourquoi. Moi, j'ai pratiqué douze ans dans une petite
municipalité du Québec où il y a 7,000 âmes.
J'étais le seul dentiste dans cet endroit et, pendant toutes les
années où j'ai été là, je me suis battu pour
la fluoration des eaux. Il n'y a pas un organisme, les Scouts, les Dames de
sainte Anne, les Chevaliers de Colomb, trouvez à peu près tous
les noms de Lions, où je suis allé...
M. Bédard (Chicoutimi): Vous admettrez avec moi que vous
étiez un pionnier. Ce n'est quand même pas depuis si longtemps que
cela qu'il y a des projets de loi aussi clairs qui sont soumis à
l'attention de l'Assemblée nationale.
M. Gosselin: Non, écoutez, cela fait un bout de temps
qu'on peut installer de l'eau fluorée.
M. Bédard (Chicoutimi): Une sorte de pionnier.
M. Gosselin: Vous avez des municipalités... Cela ne fait
pas 40 ans que je pratique, moi. C'est de mon temps, cette histoire. Ce n'est
pas de l'histoire ancienne, ce dont on parle. A ce moment, cela se faisait, la
fluoration des eaux. Il a été un temps où les
municipalités acceptaient d'elles-mêmes de fluorer l'eau. A un
moment donné, le gouvernement a accepté d'aider ces
municipalités. Là, j'ai essayé aussi objectivement que
possible de présenter tous les avantages de la fluoration.
Dèsqueje commençais à parlerde la fluoration,
l'émotion des gens entrait en jeu. On commençait à jouer
sur leurs émotions, d'empoisonnement et de tout ce que vous voulez.
Malheureusement, dans toutes ces situations comme dans bien d'autres,
vous le savez bien mieux que moi, quand il arrive des choses comme cela qui
peuvent être d'intérêt général, les "contre"
font bien du bruit, mais les "pour", on ne les entend pas. Il arrive qu'un gars
qui est tout seul dans une municipalité comme cela et qui, à un
moment donné, peut se sentir supporté par un certain groupe, se
décourage et dit: Que le diable vous emporte! Si vous voulez avoir des
dents cariées, ayez-en des dents cariées. Parce qu'en fait ce
n'est pas pour lui-même qu'il fait cela; c'est pour la population.
D'ailleurs, je vous l'ai dit tout à l'heure, on ne vient pas ici,
nous autres, pour travailler pour les dentistes. On vient ici pour dire aux
gens ce qui est bon pour prévenir la carie dentaire. Maintenant, si,
à la suite de cela, la population du Québec n'en veut pas de
fluor dans son eau, de grâce, qu'ils arrêtent de se lamenter qu'ils
ont les dents gâtées, qu'ils ont mal aux dents, que cela
coûte cher de se faire réparer les dents et que leurs dentiers
leur font mal, qu'ils mangent mal et tout ce que vous voulez. C'est une
conséquence de tout cela. C'est une autre affaire, peut-être,
comme gouvernement ou comme député ou comme ministre.
Dites aux gens: Nous vous offrons une mesure que nous savons très
valable pour prévenir la carie dentaire. Si vous en voulez, nous sommes
prêts à tout faire pour vous la donner, cette mesure-là.
Maintenant, si vous n'en voulez pas, si, par hasard, on doit, a un moment
donné, vous imposer des taxes pour vous payer des frais dentaires, parce
que ça coûte cher et je n'ai pas l'impression que ça va
continuer à diminuer de coût, c'est comme tout le reste, eh bien!
on continuera à payer.
C'est la même chose en médecine. Vous savez, si on
orientait toute notre patente vers la prévention au lieu d'aller vers le
curatif qui, lui, coûte cher c'est une mesure de longue haleine,
si vous voulez peut-être que, dans quinze ou vingt ans, toutes
proportions gardées, les coûts de santé continueront
à diminuer.
Du côté médical comme du côté dentaire,
si les gens observaient les règles d'hygiène qu'on veut bien leur
enseigner, j'ai l'impression que, d'ici, peut-être, vingt ans ou encore
peut-être avant longtemps, le ministre des Affaires sociales, au lieu
d'approuver des constructions d'hôpitaux, serait peut-être
obligé d'en fermer, parce que les gens auraient une meilleure
santé.
Ce n'est un secret pour personne qu'ici, au Canada, nous sommes la
province où ça coûte le plus cher pour s'entretenir une
santé. Alors, il y a quelque chose dans la population que je ne
comprends pas. Ou on n'est pas logique avec soi-même ou on n'en veut
pas.
M. Bédard (Chicoutimi): On manque d'information.
M. Gosselin: Ecoutez, de l'information, il en mouille dans les
journaux, à la télévision, à la radio et tout cela.
Nous en avons dans nos salles d attente depuis longtemps. Depuis nombre
d'années, les gouvernements en distribuent à gauche et à
droite dans les écoles. On ne la lit pas, cette information-là.
Nous ne sommes tout de même pas pour aller la lire pour eux autres.
M. Bédard (Chicoutimi): Je conçois très bien
avec vous que, lorsqu'on est très peu nombreux à faire entendre
notre voix sur les effets bénéfiques d'une mesure telle que
l'imposition du fluor, on a de la difficulté à la faire entendre
parce qu'il y a les émotions qui jouent et qui jouent souvent à
cause du manque d'information, d'accord.
Mais, si ces voix-là, par exemple, se multiplient... C'est le cas
si on prend le présent débat. A l'heure actuelle, au niveau des
effets bénéfiques du fluor, on se rend compte que l'Opposition
officielle et le gouvernement ne diffèrent pas sur ce
point-là.
Mais ne croyez-vous pas, ces voix-là augmentant, qu'il y aurait
plus de possibilités de mieux faire accepter cette mesure à la
population? Ne croyez-vous pas que cette population informée a la
capacité de comprendre quelle est la mesure la plus appropriée
pour son bien-être? C'est simplement là-dessus.
M. Lamarche: Ecoutez, il est connu de tous, je pense, qu'au
niveau des priorités individuelles de chaque Québécois la
santé dentaire ne pèse pas tellement. Si on attend de motiver les
gens à la santé dentaire et d'être attentifs aux conseils
et aux mesures préventives, la fluoration, vous allez la passer en 1990.
A ce moment-là, tout le budget de la santé sera pour des soins
dentaires, si cela continue comme cela.
Je pense qu'à un moment donné le gouvernement...
M. Bédard (Chicoutimi): Vous tenez pour acquis qu'avec une
bonne information ce ne serait qu'en 1990 que ça pourrait passer?
M. Lamarche: Ce que je veux dire, c'est qu'actuellement les gens
ne sont pas tellement sensibilisés au soin de leurs dents; la province
de Québec
nous en donne une bonne réponse. Les gens ne sont pas
suffisamment attentifs aux mesures préventives.
Les explications que vous pourrez donner passeront à un second
ordre ou on n'y attachera pas d'importance, du moins pas suffisamment. La
fluo-ration a fait ses effets chez 100 millions d'individus aux Etats-Unis,
chez un grand nombre au Canada sans danger pour la santé des individus
et avec beaucoup d'effets bénéfiques. Si on est convaincu
personnellement de cela, je pense que c'est notre devoir de prendre des
décisions au nom de la population et de son bien personnel.
M. Bédard (Chicoutimi): Là-dessus, je
diffère d'opinion avec vous parce que je me dis également, en
employant le même argument que vous, que, si cette même population
réalise que des millions d'individus font un usage
bénéfique de cette mesure, elle est capable de comprendre que
c'est là qu'est son bien-être; elle est capable de le
décider elle-même.
M. Lamarche: Pour autant qu'elle soit attentive , à toutes
les explications.
M. Bédard (Chicoutimi): Et qu'on fasse des efforts
d'information supplémentaires.
M. Lamarche: Ce n'est pas pour demain. M. Bédard
(Chicoutimi): Je vous remercie.
Le Président (M. Pilote): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, je voudrais poser quelques
questions à M. Gosselin ou aux personnes qui l'accompagnent. Est-ce
qu'on saurait me dire si vous avez fait des recherches quant à la
quantité d'eau que consomment, par exemple, quotidiennement les
enfants?
M. Gosselin: Nous ne l'avons pas fait. Ce n'est pas le rôle
de l'Ordre des dentistes, si vous voulez, de faire des recherches de ce
côté-là. Ce n'est pas un bureau de recherche, notre
patente.
M. Samson: M. le Président, je m'excuse, mais je ne
voudrais pas qu'on considère que les questions que je pose sont pour
tenter de vous acculer au mur. Vous avez défendu un document sur une
base scientifique et je tente de poser des questions qui sont pertinentes
à ce document-là. Ce n'est pas du tout dans le but de vous
acculer au mur que je vous pose ces questions. Si vous n'avez pas fait les
recherches, nous ne vous en voudrons pas. Nous allons poser la question
à d'autres qui les auront peut-être faites.
M. Gosselin: Peut-être qu'il y en a d'autres qui pourront
répondre à ça.
M. Samson: Est-ce qu'on peut nous dire... M. Gosselin: II a
demandé si nous avions fait des recherches sur la quantité d'eau
que les gens buvaient par jour.
M. Samson: Est-ce qu'on saurait me dire, en partant du principe
que l'eau serait fluorée, par exemple, à 1.2 partie par million,
combien d'onces d'eau, par jour, on devrait boire pour obtenir les
quantités de fluor nécessaires pour atteindre l'objectif?
M. Lamarche: Compte tenu de la température moyenne ou du
climat, c'est-à-dire que plus il fait chaud, plus les gens boivent, plus
il fait froid, moins les gens boivent, on a établi, comme moyenne,
qu'ici, au Canada, compte tenu de la température, la consommation
moyenne d'eau requérait, pour obtenir les effets
bénéfiques, sans danger, la proportion de 1.2 partie par
million.
M. Samson: Oui, d'accord, vous avez établi qu'il fallait
une proportion de 1.2 partie par million. Ce que je vous demande, c'est combien
d'onces d'eau il faudrait boire pour obtenir les résultats
bénéfiques en considérant qu'on utilise 1.2 partie par
million. En moyenne, vous ne l'avez pas établi?
M. Gosselin: Par contre, je remarque la présence à
la table, ici, du Dr Stamm qui est un chercheur dans ce domaine;
peut-être qu'il pourrait répondre à cette question. Is it
possible for you to answer that question, Dr Stamm? How much water do you have
to drink per day so that the fluoride intake can be effective?
M. Stamm: Mr President, if you permit me to respond in English,
the average quantity of drinking water, an average as how to take in per day is
1.5 litre approximately.The total need of water, of fluid on an average per day
is approximately two litres. The difference between the two amounts of water is
made up from the water in the food as well as water that is produced as a
consequence of metabolism within the body.
M. Gosselin: II faut penser aussi, M. le député,
que du fluor, il n'y en a pas seulement dans l'eau; il y en a aussi dans
d'autres aliments. Alors, ces aliments sont combinés avec l'eau qu'on
peut absorber et le reste. Ensuite, surtout, l'effet de tout ça, c'est
d'en prendre d'une façon constante. C'est un peu comme prendre des
vitamines. Si vous n'en prenez que le lundi à toutes les semaines, ce ne
sera pas fameux.
M. Samson: Cela va prendre plus de temps à mourir, mais on
va mourir quand même.
M. Gosselin: Je comprends, nous savons tous que nous allons
mourir, mais personne n'est pressé.
M. Samson: Justement. En partant du fait qu'il en existe dans
d'autres aliments, ce que je voulais savoir, c'est combien d'eau il faut boire
par jour pour arriver à obtenfr le résultat que vous
recherchez.
Maintenant, vous définissez la fluoration
comme une mesure de santé publique qui consiste à ajuster
la teneur du fluor. Vous avez bien dit ajuster, parce qu'il y a des endroits
où il y a du fluor naturel, soit à 1.2 partie par million. Est-ce
que le fluor qui serait ajouté, dans les cas où il n'y a pas 1.2
partie par million... J'ai remarqué que vous avez mentionné que
là où il y en avait plus il faudrait le ramener à 1.2.
M. Gosselin: Pas nécessairement. Si on arrivait, par
exemple, à des concentrations de six à huit parties, là
peut-être qu'il faudrait faire des ajustements ou encore changer de
source d'approvisionnement. D'ailleurs, je pense bien qu'à l'heure
actuelle les endroits ou les municipalités où, à un moment
donné, on s'est aperçu que la source d'approvisionnement de l'eau
était trop élevée, on leur a dit: Prenez votre eau
ailleurs.
Nous savons que 1.2 partie, c'est efficace. Même s'il y a deux,
trois ou quatre parties de fluor dans l'eau, c'est efficace également.
Il n'y a pas de danger que quelqu'un s'empoisonne, d'aucune façon,
même s'il y en a plus.
Idéalement, il faut un minimum de 1.2 partie.
M. Samson: A quel moment placez-vous la limite, par exemple, soit
pour changer la source d'eau ou...
M. Gosselin: Qu'est-ce que vous voulez dire?
M. Samson: Vous avez dit, tantôt, qu'il peut y avoir des
endroits où il y a un peu plus de trois parties, d'autres où
c'est quatre. Vous avez mentionné des endroits où, avec six
parties, on pourrait changer la source d'eau. Est-ce que vous avez une limite
fixée pour un maximum?
M. Gosselin: Je pense que, dès qu'on arrive à une
source d'approvisionnement où vous auriez huit parties de fluor par
million de parties d'eau, il faudrait changer de source d'approvisionnement. Ce
sont des études qui sont faites avant que la municipalité, si
vous voulez aille chercher son eau.
M. Samson: Dans les endroits où il faut en ajouter, est-ce
que vous pourriez me dire si le fluor qui serait ajouté, à ce
moment-là, serait comparable ou serait identique au fluor naturel qui
existe, ou s'il n'y a pas de différence?
M. Gosselin: Absolument, parce que le fluor est un
élément naturel, peu importe où il se trouve, c'est un
élément identique.
M. Samson: Celui que vous ajoutez.
M. Gosselin: Absolument.
M. Samson: Ce serait la même chose.
M. Gosselin: Maintenant, vous avez différents types de
fluor, vous avez des fluosilicates, etc.
Une Voix: Ce sont des véhicules.
M. Gosselin: Mais ce sont des véhicules pour transporter
le fluor. Là, vous me posez des questions qui sont bien techniques,
auxquelles probablement un chimiste pourrait répondre beaucoup mieux que
moi. Je vais vous dire tout de suite que nous, nous ne sommes pas tellement
présents pour discuter de la technique d'application, de la chimie du
fluor, parce que je suis loin de prétendre avoir les qualifications pour
discuter de ces problèmes. Mais ce que nous pouvons vous faire, c'est
discuter sur les principes de la chose. Nous pouvons vous démontrer, par
notre expérience clinique et ce que nous voyons, que le fluor, si c'est
pris d'une façon rationnelle et tel que démontré, a un
effet bénéfique.
Maintenant, quant à l'aspect technique de toute l'affaire, je ne
sais pas quels organismes ont été appelés à venir
présenter des mémoires ici devant cette commission, mais
peut-être qu'il y aura des chimistes, des physiciens ou des
ingénieurs, à un moment donné, que vous pourrez
questionner sur ces points-là.
M. Samson: Ce que je voulais savoir de vous, c'est qu'en partant
du principe que vous soutenez, à savoir que le fluor n'a pas d'effets
nocifs, vous avez souligné quand même, avec une nuance, qu'il
fallait en considérer la quantité. Ce que j'aurais aimé
savoir, c'est s'il y avait plus ou moins d'effets nocifs entre le fluor naturel
qui existe dans l'eau et le fluor artificiel qu'on vient y ajouter. Est-ce
qu'il y aurait une différence dans les effets nocifs?
M. Gosselin: Ecoutez, il ne faut pas parler de fluor artificiel.
C'est un fluor naturel, si vous voulez, que vous ajoutez à l'eau pour en
augmenter la concentration de fluor, parce que le fluor ne se fabrique pas
synthétiquement. Il faut que vous alliez le chercher quelque part dans
une mine, dans la nature, puis vous l'ajoutez à un autre
élément de la nature qui est l'eau pour en amener la
concentration. Mais ne parlons pas d'élément artificiel parce que
ce n'est pas synthétique; c'est un élément naturel qu'on
ajoute déjà à un autre élément naturel.
M. Samson: Qu'on ajoute de façon artificielle quand
même.
M. Gosselin: Ecoutez...
M. Samson: Parce que s'il existe dans l'eau...
M. Gosselin: On pourrait même dire qu'on l'ajoute par un
mouvement naturel. Si je le prends et le vide dedans, c'est un mouvement
naturel.
M. Samson: Ce n'est pas trop sûr que ce serait un mouvement
naturel, dans certains cas. J'accepte votre réponse; ça ne veut
pas dire que vous m'avez convaincu.
M. Gosselin: Moi, je suis de l'idée contraire du Dr
Lafrance; le fluor ne ramollit pas le cerveau, ça l'endurcit.
M. Lafrance: Ce n'est pas moi qui ai dit ça.
M. Gosselin: C'est toi qui l'as signalé. M. Lafrance:
C'est moi qui l'ai cité.
M. Samson: II aurait dû citer le Dr Cliner.
Lorsque la teneur en fluor de l'eau est contrôlée à
1.2 partie par million, serait-il possible que certains individus puissent
être atteints de fluorose dentaire en consommant cette eau? En d'autres
mots, est-ce qu'on peut souffrir de fluorose dentaire en buvant de l'eau dont
la teneur est de 1.2?
M. Gosselin: II n'y a aucun danger.
M. Samson: Maintenant, vous avez soutenu que le fluor est un
élément naturel qui occupe le seizième rang parmi les
constituants de la couche terrestre. Vous n'avez pas parlé,
évidemment, de sa toxicité. C'est peut-être parce que vous
considérez que le fluor n'est pas toxique?
M. Gosselin: Non, non, non. Un instant, nous n'avons jamais dit
ça. Le fluor, autant que d'autres éléments, comme le
chlore, l'iode, même l'aspirine que les gens consomment à la
tonne...
M. Samson: Si je comprends bien, vous...
M. Gosselin: ...l'acide acétyloalicylique.
M. Samson: ...admettez que c'est toxique, sauf que vous faites la
nuance dépendant des parties que l'on ajoute.
M. Gosselin: Vous savez, M. le député, même
le scotch est toxique si vous en prenez trop.
M. Samson: Vous avez raison, vous avez absolument raison. Mais je
ne sache pas que le ministère des Affaires sociales veuille imposer le
scotch à tout le monde.
M. Gosselin: Là, ce serait peut-être trop cher. Ce
serait peut-être une bonne chose.
M. Samson: Ce serait peut-être une trop bonne mesure.
M. Gosselin: C'est parce qu'une fois sous l'effet du scotch ce
serait peut-être plus facile de passer la fluoration.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que vous voulez admettre
que c'est difficile sans scotch?
M. Samson: C'est une déclaration très importante
que vient de nous faire le Dr Gosselin. Il nous a dit que ce serait plus facile
de passer cette mesure si tout le monde prenait du scotch. Nous retenons cela
au dossier comme information.
M. Gosselin: D'accord.
M. Lamarche: C'est probablement parce que cela ferait
disparaître les inhibitions de ceux qui sont contre.
M. Samson: Est-ce que vous voulez dire que le scotch n'aurait pas
le même effet sur ceux qui sont pour?
M. Gosselin: Ordinairement, sous ces effets-là, lorsqu'on
est déjà pour quelque chose, on l'est encore plus.
M. Samson: Ah bon! Alors, ça voudrait dire que ça
n'améliorerait pas votre position.
M. Gosselin: C'est un peu comme les femmes, quand on les aime
à jeun, on les aime encore plus sous l'effet du scotch.
M. Samson: M. le Président, c'est un peu en dehors du
sujet, mais quand même très intéressant.
Je voudrais demander ceci au Dr Gosselin, lorsqu'il nous mentionne que
le profane doit faire confiance à ces nombreux organismes formés
de savants qui, preuves à l'appui, nous répètent depuis
plusieurs décennies il l'a mentionné tantôt
que la fluoration de l'eau est une mesure préventive, efficace, sans
danger et peu coûteuse vous avez mentionné ça
également est-ce qu'on doit comprendre que tous les hommes de
science font l'unanimité quant aux bienfaits de la fluoration de
l'eau?
M. Gosselin: A ce que je sache, il n'y a jamais eu d'hommes de
science, sur quelque sujet que ce soit, qui ont fait l'unanimité.
M. Samson: Alors, il n'y a pas d'unanimité sur
ça.
M. Gosselin: Non. Mais quand on arrive à une proportion de
99.8%. Vous savez, tout le monde n'était pas unanime dans la province en
1970, 1972, mais il reste qu'il y a une majorité.
M. Samson: Si vous admettez qu'il n'y a pas unanimité et
si vous admettez, parce que vous venez de me le dire, que, quand on arrive
à une proportion de 97%, de plus de 98%, il faut la considérer,
à ce moment-là, comment expliquez-vous qu'on ne devrait pas
considérer l'opinion du peuple de la même façon? Quand il
n'y a pas unanimité, on prend la majorité, vous l'avez dit. Mais,
dans le peuple, on n'a pas demandé cette majorité. Comment
expliquez-vous ça?
M. Gosselin: Ecoutez, il reste une chose. Nous sommes dans une
province démocratique, à ce que je sache, nous avons un
gouvernement, je pense, démocratique...
M. Samson: C'est peut-être aller loin dans votre
déclaration.
M. Bédard (Chicoutimi): On note vos
hésitations.
M. Gosselin: Ayez-en l'opinion que vous voudrez, je la respecte.
Moi, j'ai la mienne. Il reste une chose. Si la population, après
s'être vu imposer la
fluoration c'est la beauté de la démocratie et il
faut peut-être avoir voyagé dans d'autres pays, à un moment
donné, pour s'apercevoir comme on est bien au Québec et au Canada
n'est pas d'accord, il y aura d'autres élections; elle les
foutera dehors et les remplacera par ceux qui sont contre la fluoration et vous
enlèverez tout cela.
M. Samson: Ne croyez-vous pas qu'il vaudrait mieux plutôt
leur demander leur opinion sur le sujet précis plutôt que de dire:
On les foutera dehors si on n'est pas content? Un gouvernement n'a pas que ce
seul sujet.
M. Gosselin: M. Samson, est-ce qu'on a fait un
référendum pour la pasteurisation du lait?
M. Samson: Ecoutez, vous charriez un peu.
M. Gosselin: Je ne charrie pas, c'est exactement la même
affaire.
M. Samson: C'est contesté, ici. Il y a une question autre
que la science, il y a la question des libertés individuelles.
M.Gosselin: Oui, maisquand le bien commun... M. Samson:
Ecoutez. Je verrais très mal...
M. Gosselin: ...l'emporte sur les libertés
individuelles...
M. Samson: Tiens, je vais vous donner une autre comparaison.
Accepteriez-vous...
M. Bellemare (Rosemont): Est-ce que le député de
Rouyn-Noranda me permettrait une question?
M.Samson: M. le Président, est-ce que je pourrais
finir?
M. Bellemare (Rosemont): Est-ce que vous me permettez de vous
poser une question?
M. Samson: Non, non, vous parlerez tantôt. Laissez-moi
finir.
M. Bellemare (Rosemont): Je veux juste poser une question.
M. Samson: Est-ce que cela veut dire que vous admettriez comme
point de comparaison que le Parti québécois, par exemple, qui
prône l'indépendance du Québec, l'impose à toute la
population sans une élection ou sans un référendum?
J'imagine bien que vous n'admettriez pas cela. J'imagine que personne
n'admettrait cela.
M. Forget: Sur un point de règlement. Vous faites
dévier le débat sur des sujets qui n'ont rien à voir avec
la fluoration. J'aimerais que le député de Rouyn-Noranda limite
ses remarques à ce qui est pertinent au projet de loi qui est devant
nous.
M. Samson: M. le Président, je regrette, mais ce n'est pas
le ministre des Affaires sociales qui va me dire quoi faire. Je pense qu'on va
se comprendre là-dessus. J'ai le droit de prendre les comparaisons que
je voudrai. J'ai le droit de demander aux gens qui viennent ici de quelle
façon ils voient telle chose par rapport à telle autre, par point
de comparaison. Je regrette, M. le Président...
M. Forget: M. le Président, le député a tous
les droits. Je veux l'aider, dans son travail, à être pertinent et
efficace...
M. Samson: ...je n'accepterai pas que le ministre tente de nous
dire de quelle façon parler.
M. Forget: ...pour éclairer l'opinion publique.
M. Samson: D'ailleurs, ce ne serait pas dans la philosophie
ordinaire du ministre.
M. Gosselin: Si vous êtes pour... dites-le moi, je vais
aller au petit lieu.
M. Samson: M. le Président, moi, je suis en faveur des
libertés individuelles. Je suggère qu'on laisse aller le
docteur.
M. Gosselin: Ce serait une bonne idée, je pense. Tout de
même, je veux revenir à votre affaire.
M. Samson: Non, mais écoutez...
M. Gosselin: M. le député de Rouyn-Noranda, je veux
vous demander une chose. Au nom des libertés individuelles, est-ce qu'on
a demandé à la population de voter sur la scolarité
obligatoire jusqu'à quatorze ans?
M. Samson: Ah! là, si vous en venez...
M. Gosselin: A ce que je sache, c'est obligatoire.
M. Samson: ...au domaine de l'éducation.
M. Gosselin: N'y a-t-il pas une loi qui oblige les enfants
d'aller à l'école jusqu'à quatorze ans?
M. Samson: M. le Président, si on nous amène dans
le domaine de l'éducation...
M. Gosselin: Je vous pose une question.
M. Samson: ...je soutiens qu'on aurait peut-être eu
avantage à faire certains référendums à certains
moments. On a un problème de ce côté-là aussi. A une
autre commission parlementaire, on va en parler.
Le Président (M. Pilote): Je voudrais qu'on revienne
à la pertinence du débat.
M. Samson: D'accord, M. le Président.
M. Gosselin: Les libertés individuelles, M. le
Président...
M. Samson: M. le Président, d'accord.
M. Gosselin: ...je pense que ce n'est pas à nous, à
l'Ordre des dentistes, à venir discuter du fond de toute cette question.
On est prêt à répondre, si vous voulez, n'importe quand sur
l'opportunité de la fluoration des eaux, sur les effets
bénéfiques de la fluoration des eaux, sur ce q ue cela
apporterait de bien à la population. Si on est pour discuter de
questions philosophiques ici, à ce moment-là, je pense que ce
n'est pas notre rôle. On fera venir des experts en philosophie, en
théologie, en ce que vous voudrez et vous pourrez vider cette question.
Moi, je veux vous dire franchement que, d'abord, je ne suis pas un philosophe,
encore moins un théologien.
M. Samson: Soyez bien à l'aise, docteur, je reconnais
votre droit de ne pas répondre à certaines questions. C'est parce
que le débat s'est engagé là-dessus que je l'ai fait. Une
autre question. Si la fluoration réduit jusqu'à 60% la carie
dentaire c'est une question que j'ai posée tantôt et vous
avez parlé, en réponse au député de Chicoutimi, je
pense, de la ville d'Acton Vale dans une ville comme Laval, par
exemple...
M. Gosselin: Oui.
M. Samson: Avez-vous des chiffres à nous donner, des
statistiques qui peuvent nous dire dans quelle proportion les dentistes ont ou
moins de travail ou plus de travail? Avez-vous des chiffres?
M. Gosselin: Je vais vous dire une chose, M. le
député. Ce n'est pas parce que la fluoration existe depuis dix
ans, dans certaines municipalités, qu'actuellement les dentistes ont
moins de travail. Il y a tout un contexte qu'il faut considérer. Moi,
j'ai ouvert un bureau il y a 22 ans. A ce moment-là, à cause de
l'éducation, peut-être, de la population, à cause de la
non-importance que l'on accordait aux dents, aller chez le dentiste
régulièrement n'existait à peu près pas dans ce
temps-là. Il demeure que, même si une ville est fluorée
depuis dix ans, il y a toute cette population adulte qui est là, qui n'a
pas absorbé de fluor et qu'il faut traiter.
Il y a 22 ans ou avant, quand on ouvrait un bureau de dentiste, cela
prenait un certain temps avant de se créer une clientèle. Cela
prenait, dans certains cas, un an ou deux ans. Aujourd'hui, avec
l'éducation qu'on a faite sur l'importance de conserver ses dents, la
proportion des gens qui demandent des traitements augmente sans cesse. C'est ce
qui fait que, même avec la fluoration, à l'heure actuelle, il n'y
a pas de dentistes qui vont manquer d'ouvrage. Mais, si on pouvait prendre une
municipalité, que ce soit Laval, Sherbrooke ou ailleurs, si on pouvait
garder la même population là, dans les mêmes conditions, et
qu'on fluore l'eau actuellement, i I est sûr et certain que dans 20 ans
il y aurait peut-être trop de dentistes dans cette municipalité.
C'est prouvé.
Disons qu'aux Etats-Unis... J'aurais peut-être dû apporter
les documents; je vous demande d'avoir confiance en ce que je vais vous dire. A
Seattle, entre autres, où l'eau est fluorée naturellement, c'est
une grosse ville américaine où il y a la plus faible proportion
de dentistes par rapport à la population. L'eau est fluorée,
naturellement, depuis presque toujours. D'ailleurs, il y a eu des
études; des phénomènes ont été
remarqués, si vous voulez, à ce niveau, dans la ville de Seattle.
Sur la côte ouest américaine, par rapport à la côte
est américaine, les relevés de statistiques de carie dentaire ne
sont pas les mêmes parce que vous avez beaucoup plus d'eau fluorée
naturellement sur la côte ouest que sur la côte est. Dans les Etats
de la Nouvelle-Angleterre et le reste, la situation dentaire, dans une certaine
mesure, se compare au point de vue de l'incidence de caries. Je ne parle pas,
à ce moment-ci, de la perte totale de dents ou du pourcentage de gens
qui sont porteurs de prothèses, mais il reste que cela se ressemble
passablement parce que nous faisons tous partie, à peu près, du
même groupe.
C'est un fait reconnu. Nous, tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il est
prouvé, il est démontré scientifiquement, cliniquement que
la fluoration de l'eau est la mesure principale pour prévenir la carie
dentaire. Quoi que l'on fasse, quoi que l'on dise, même si vous
réussissiez à convaincre tous les gens de la province de
Québec, du plus vieux jusqu'au plus jeune, à se brosser les
dents, à prendre des soins d'hygiène, c'est sûr que cela
améliorerait la condition dentaire des gens de la province de
Québec, mais il reste qu'il n'y a jamais rien qui sera aussi efficace
que la fluoration, c'est démontré.
M. Samson: Dr Gosselin, dans votre...
M. Gosselin: Je pense, M. le député, que sur les
principes on s'accorde, autant chez l'Opposition que du côté du
gouvernement.
M. Samson: II faudrait...
M. Gosselin: Est-ce que vous admettez, M. Samson...
M. Samson: ...faire une nuance entre l'Opposition officielle et
l'opposition.
M. Gosselin: Bon, disons...
M. Samson: On n'est pas toujours d'accord.
M. Gosselin: ...que je parle de l'Opposition officielle et de
l'opposition non officielle.
M. Bédard (Chicoutimi): L'Opposition officielle fait une
distinction. Je crois qu'il y a une distinction entre être contre ...
M. Gosselin: Vous autres, vous reconnaissez la valeur de la
fluoration.
M. Bédard (Chicoutimi): Bénéfique.
Mainte-
nant, au niveau du principe lui-même, de là à
l'imposer obligatoirement...
M. Gosselin: C'est cela.
M. Bédard (Chicoutimi): ...nous faisons confiance à
la capacité d'une population de comprendre où est son
intérêt.
M. Gosselin: D'accord. C'est très valable, remarquez
bien.
M. Bédard (Chicoutimi): Tantôt, je ne vous ai pas
interrompu mais je trouvais que vous charriiez un peu, si vous me permettez
l'expression, lorsque vous avez dit: Qu'on l'impose et à la prochaine
élection on n'aura qu'à mettre au pouvoir ceux qui sont contre la
fluoration. Là je vois que vous n'avez pas voulu identifier notre
position au fait d'être contre la fluoration.
M. Gosselin: Non, jamais.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est contre l'imposition
obligatoire.
M. Gosselin: Je pense qu'un petit charriage de temps à
autre, au milieu d'une discussion comme celle-là, ça va autant
d'un côté que de l'autre. Ce q ue je veux dire, c'est que quand on
commence à charrier quelque part, moi j'embarque dans la charrette et je
charrie avec.
M. Bédard (Chicoutimi): M. Gosselin, en ce qui me regarde,
vous admettrez avec moi que je n'ai pas charrié, je vous ai simplement
dit...
M. Gosselin: Je vous ferai remarquer, M. le député,
que tout le temps que nous avons discuté ensemble, ce fut paisible,
agréable et tout ça.
J'ai autant d'agrément avec le député de
Rouyn-Noranda. D'ailleurs, j'ai de l'agrément aussi avec un de ses
concitoyens qui vient...
M. Bédard (Chicoutimi): La distinction de l'obligation est
d'autant plus importante que nous avons déjà eu un projet avec la
même teneur, à savoir le projet présenté par M.
Castonguay, où il n'y avait pas d'imposition obligatoire, et dans
celui-ci il y a l'imposition obligatoire.
M. Gosselin: Les contextes peuvent être différents
et tout ça, mais comme c'est le gouvernement qui paie ces études,
qu'il règle ses problèmes. Ce que je veux dire par là,
c'est que nous, quelle que soit la manière que le gouvernement prendra
pour fluorer les eaux de la province de Québec, que ce soit par
imposition, par une loi ou encore par référendum, comme je vous
l'ai dit d'ailleurs, en tout temps on appuiera toute mesure qui sera
susceptible d'encourager la fluoration des eaux. Nous en sommes convaincus, peu
importe le gouvernement qui sera au pouvoir.
M. Samson: Une dernière question, M. le Prési-
dent. A la page 17 de votre mémoire, Dr Gosselin, vous mentionnez
qu'à Berthierville, en 1961, avant la fluoration de l'eau, les enfants
de six à huit ans avaient une moyenne de 1.81 dent permanente
cariée alors qu'après dix ans de fluoration cette moyenne est
tombée à 0.59. Est-ce que vous pouvez nous assurer que cette
différence provient uniquement de la fluoration de l'eau potable? Est-ce
que vous avez étudié les possibilités que cela provienne
d'autres causes, soit, par exemple, l'amélioration des conditions de
l'hygiène dentaire, l'amélioration de la nutrition ou une
différence dans la nutrition? Est-ce que votre étude a
porté sur l'ensemble des possibilités?
M. Gosselin: C'est-à-dire que ce n'est pas nous qui avons
fait cette étude. Ce sont des chiffres qui sont relevés au niveau
du ministère parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, on n'a
pas les facilités ni les moyens de procéder à des
études partout où il y a de l'eau fluorée, étudier
les habitudes alimentaires et tout ça.
Mais une chose que je peux certifier de par ce qu'on remarque là,
c'est qu'il y avait une situation avant 1961, une situation qui a changé
durant cette période pour une population qui est restée à
peu près la même au point de vue du nombre, etc.
Ce sont des phénomènes qu'on remarque, et ces
phénomènes qui sont remarqués, en ce qui a trait au
pourcentage de diminution de la carie dentaire, se comparent avec les
études qui ont été faites scientifiquement dans des
universités où on a comparé des groupes
contrôlés qui prenaient de l'eau fluorée avec d'autres qui
n'en prenaient pas. Les mêmes pourcentages de diminution de carie ont
été observés.
Je pense que là-dessus, peut-être un peu plus tard, vous
aurez quelqu'un ici d'une université américaine qui va vous
présenter un mémoire. Il pourra peut-être parler beaucoup
plus là-dessus, sur les études qui sont faites au niveau clinique
sur des groupes contrôlés, justement.
M. Samson: Dans les questions de prévention des caries
dentaires, pouvez-vous me dire si, en fait, il y a d'autres moyens que le
fluor? Est-ce que l'amélioration de la nutrition, le fait que les
enfants mangent moins de sucreries, des choses comme ça pourraient avoir
des effets bénéfiques?
M. Gosselin: Ecoutez, je vous l'ai dit tout à l'heure,
c'est un moyen parmi d'autres, mais c'est le meilleur de tous les moyens et le
plus efficace.
M. Samson: Vous êtes certain que c'est le meilleur.
M. Gosselin: Cela, écoutez...
M.Samson: S'il y avait une meilleure nutrition...
M. Gosselin: Cela fait trente ans que c'est
démontré partout, au moyen de statistiques, d'études,
etc., tout ce que vous voudrez...
M. Samson: Parce que vous admettrez avec moi, docteur...
M. Gosselin: Si vous dites aux jeunes: Bois du fluor, tu n'auras
pas de dents gâtées, tes dents ne carieront pas, tu n'as plus
besoin de te brosser les dents, mange du chocolat tant que tu en veux,
mâche de la gomme tant que tu veux, etc.
Il va peut-être y avoir une petite amélioration. Au lieu de
60%, ce sera peut-être de 20%, parce qu'il est sûr que les agents
cariogènes, qui sont dans la bouche, vont trouver plus de
résistance chez celui qui a pris du fluor. C'est comme tout le reste, il
y a des mesures d'hygiène conventionnelles dont il faudra tenir compte
tout le temps.
Seulement, parmi toutes les mesures de prévention de la carie
dentaire, évidemment, la fluora-tion ou l'absorption de fluor est la
principale, est la meilleure, est la plus efficace et aussi la plus facile
d'application.
M. Samson: Autrement dit...
M. Gosselin: Vous avez des enfants, M. Samson?
M. Samson: Oui, j'en ai, des enfants.
M. Gosselin: Combien?
M. Samson: J'en ai trois.
M. Gosselin: Trois enfants. J'en ai quatre.
M. Samson: Nous avons trois enfants.
NI. Gosselin: Combien de fois avez-vous entendu votre femme dire aux
enfants: Brosse-toi les dents?
M. Samson: Souvent, oui.
M. Gosselin: Souvent, n'est-ce pas?
M. Samson: Savez-vous que je l'ai entendue souvent aussi...
M. Gosselin: A part cela, ce n'est pas facile de leur faire
brosser les dents.
M. Samson: ...leur dire: Buvez de l'eau. Une Voix:
Fluorée.
M. Samson: Non, pas partout. Les enfants ne sont pas tous des
buveurs d'eau. Ils préfèrent boire des liqueurs douces, ils
préfèrent boire des jus.
M. Gosselin: Là, si on parle...
M. Samson: Moi, où je veux en venir...
M. Gosselin: ...de charriage, je pense qu'on commence à
charrier un peu.
M. Samson : C'est votre témoignage que je veux avoir, dans
le fond. Je veux en venir à ceci: Si on tient pour acquis que le fluor
est la mesure qu'il faut cela ne veut pas dire que je le tiens pour
acquis, mais sous toute réserve même après
l'imposition de cette mesure, si on n'a pas d'autres moyens de meilleure
nutrition ou d'empêcher les enfants de manger certains aliments comme
cela se fait présentement, dois-je tenir pour acquis que, finalement, la
mesure qu'est le fluor n'atteindrait pas l'objectif que vous visez, si
c'était la seule mesure et si on ne faisait pas, aussi,
l'éducation dans l'autre sens?
M. Gosselin: Vous êtes logique avec vous-même, dans
le sens qu'on prétend que c'est la meilleure, mais il ne faut pas, parce
qu'on fluoré les eaux de la province de Québec, arrêter de
faire de l'éducation d'hygiène, de brossage des dents, etc.
Même si vous disiez à quelqu'un de prendre telle vitamine tous les
jours, si vous voulez, de la gelée royale, et qu'il va vivre
jusqu'à 90 ans, je ne pense pas qu'un gars qui prend de la gelée
royale, qui prend un coup à tour de bras et qui, en plus, fume comme un
tonneau, etc., puisse vivre jusqu'à 90 ans. C'est quelque chose qui
s'ajoute à d'autres mesures.
A la base je reviens toujours là-dessus la
fluoration des eaux demeure, actuellement, la mesure principale pour la
prévention de la carie dentaire. Cependant, il faudra toujours les
autres mesures que l'on préconise: l'alimentation, l'hygiène,
etc., parce que là on entre dans plus que la santé dentaire; on
entre dans le domaine de la santé générale.
M. Samson: Merci.
Le Président (M. Pilote): L'honorable député
de Rivière-du-Loup.
M. Gosselin: M. le député, moi, je vais laisser ma
place à quelqu'un. J'étais sérieux, tout à
l'heure.
M. Lafrance: J'aimerais bien vous entendre, Dr Gosselin, parce
que je voudrais vous citer à deux reprises, mais je sais que le Dr
Lamarche ou le Dr Archambault peuvent répondre.
M. Gosselin: M. le Président, est-ce que je peux demander
une suspension de deux minutes?
Le Président (M. Pilote): Oui. Allez.
M. Gosselin: Je pense que le député aussi
m'accompagne.
M. Bédard (Chicoutimi): Je vous comprends.
M. Gosselin: Ecoutez, je ne suis pas habitué d'être
si longtemps assis, à boire de l'eau comme cela.
M. Bédard (Chicoutimi): Votre besoin semble
évident, je vous comprends.
M. Lafrance: S'il vous accompagne... M. Gosselin: Je sais que le
député...
Le Président (M. Pilote): On vous le permet. On pourra
quand même poser des questions aux autres.
M. Lafrance: Oui, oui. M. Gosselin: Pardon?
Le Président (M. Pilote): On peut quand même poser
des questions aux autres.
M. Gosselin: Le Dr Lamarche ou le Dr Archambault, ils sont
peut-être mieux qualifiés que moi pour en parler. Je reviens, ce
ne sera pas long.
Le Président (M. Pilote): Pendant que le Dr Gosselin est
absent, je voudrais vous faire remarquer que nous avons ici, cet
après-midi, un spécialiste des Etats-Unis qui vient
présenter un mémoire à la commission et qui pourra
être questionné par les membres de la commission. Le ministre m'a
demandé s'il y avait possibilité de l'entendre à deux
heures, et cela à cause des avions que doit prendre ce monsieur.
M. Lafrance: Comme le dirait Boileau, "ce que l'on conçoit
bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent
aisément".
Le Président (M. Pilote): Les membres de la commission
seraient-ils d'accord à être présents ici à deux
heures tapant pour entendre le spécialiste des Etats-Unis?
M. Bédard (Chicoutimi): D'accord.
Le Président (M. Pilote): D'accord. Il ne faudrait pas que
les gens arrivent à deux heures et quart, quand même.
M. Lafrance: Non, non. En remplacement du Dr Gosselin, je
demanderais soit au Dr Lamarche soit au Dr Archambault les précisions
suivantes. Le Dr Gosselin disait, tantôt, qu'il y a eu
énormément d'information, de sensibilisation contre la carie
dentaire. Il y a eu des programmes à la fois par le ministère des
Affaires sociales, par l'Ordre des dentistes et, auparavant, par l'Association
des chirurgiens-dentistes de la province de Québec.
On a essayé, partous les moyens, d'éduquer les enfants au
point de vue nutritif, au point de vue de l'hygiène dentaire. Est-ce que
les montants qui ont été dépensés pour propager
cette hygiène dentaire et pour faire de l'information dans les bureaux
des dentistes eux-mêmes sont une mesure efficace? Est-ce qu'on a pu
prouver, à l'heure actuelle, qu'on a réduit autant la carie
dentaire chez les jeunes qu'avec la méthode de fluoration que l'on
préconise à ce moment-ci?
Pour reprendre un peu les propos du Dr Gosselin, quand on dit, par
exemple, aux enfants je pense que c'est un peu partout parce que les
enfants ne sont pas différents d'une famille à l'autre
d'aller se brosser les dents, quand la mère demande à un enfant:
As-tu brossé tes dents? Tu t'en vas à l'école, as-tu
brossé tes dents? Le petit gars regarde et si la mère a le
malheur de s'occuper du petit de deux ans, il met sa casquette et sort dehors.
La mère l'a échappé et il n'a pas brossé ses dents.
La preuve est faite qu'à chaque fois qu'on demande à un enfant:
As-tu brossé tes dents ce matin? Les as-tu brossées hier soir?
Les as-tu brossées hier midi? c'est bien rare qu'on ait des
réponses. La seule fois où il les brosse, c'est avant de venir
à son rendez-vous chez le dentiste. Là, il essaie de nous faire
croire qu'il les a toujours brossées. A mon avis, ce n'est pas une
preuve qu'on a diminué, qu'on diminue la carie dentaire de 60%. La
méthode la plus efficace, celle qu'on préconise à l'heure
actuelle, c'est la fluoration.
Deuxième question. Je reviens encore à un propos du Dr
Gosselin. Il s'est cité en exemple, tout à l'heure,
là-dessus, disant qu'il avait donné à ses enfants des
pilules pour enrayer la carie dentaire et il a prouvé que c'était
efficace dans son cas particulier. Il y a eu des expériences faites
là-dessus, en Saskatchewan. On y a établi un programme où
on donnait les pilules pour inciter les jeunes à prendre le fluor sous
forme de comprimés. On a été obligé d'abandonner ce
programme parce que, en trois ans, on est passé de 4 millions de pilules
à 300,000 la troisième année. Il est prouvé, encore
une fois, que cette méthode n'est pas efficace. Cela veut dire
qu'à chaque fois qu'on laisse les individus libres de prendre une
médication ou d'adopter une méthode personnelle de
prévention, cela s'avère inefficace. J'aimerais connaître
les commentaires de l'Ordre des dentistes là-dessus.
Au cas où il arriverait une opposition tellement forte ce
ne sera pas le cas mais au cas où cela arriverait et qu'on soit
obligé, par exemple, de dire qu'on enlève l'obligation de fluorer
les eaux de consommation au Québec, préconiseriez-vous des
pilules comme celles-là?
M. Lamarche: Je pense que vous avez posé des questions et
vous y avez répondu par le fait même. Vous avez rappelé une
expérience en Saskatchewan où on avait distribué des
comprimés de fluor à l'école pour être sûr
qu'on l'absorberait. Cette distribution s'effectuait pendant la période
scolaire et, au bout de trois ans, on en est venu à constater que le
programme était tout à fait inefficace parce que la
réduction de la consommation et de la demande était très
élevée. D'autre part...
M. Lafrance: Avant d'aller plus loin, si vous me le permettez, Dr
Lamarche, vous avez mentionné que c'était en période
scolaire. Cela veut dire qu'à l'âge préscolaire il n'y
avait pas de protection.
M. Lamarche: Non. M. Lafrance: D'accord.
M. Lamarche: A compter de la maternelle et en période
scolaire. Pendant les vacances, on n'en avait pas. Il y a aussi le
phénomène que c'est une ingestion unique dans une journée;
donc, il y a une grande quantité de fluor qui est éliminée
parce que le rein l'élimine très rapidement. Pour qu'il y ait une
accumulation au niveau des dents, il faut que ce soit
répétitif dans une certaine mesure. Ici, je ferais appel
à certaines données physiologiques qui sont d'ordre scientifique,
que je ne mentionnerai pas, car d'autres sont plus compétents que moi
pour le faire. De toute façon, cela a été prouvé.
Sous forme de pilules, décidément, je pense qu'on doit
écarter cette possibilité, sauf si c'est la seule qu'il nous
reste, de même que pour le lait.
M. Lafrance: Pour revenir à la première question,
avez-vous une idée, depuis quelques années, à combien
la question se poserait peut-être au Dr Archambault
à combien s'élèverait le coût de l'enseignement, par
exemple, au niveau des jeunes et les dépenses qui ont été
faites par l'ordre au niveau de l'hygiène dentaire et de la
nutrition?
M. Archambault: Au point de vue de l'ordre, en soi, la campagne
nous a coûté pas loin de $100,000, une façon de parler;
nous avons essayé d'atteindre toute la province au niveau de la
prévention. Quelles peuvent être les sommes d'argent
dépensées au niveau de l'Association dentaire canadienne, qui a
contribué àfournir des documents ou des dépliants, etc.,
depuis nombre d'années? Qu'est-ce que la Ligue d'hygiène dentaire
du Québec a pu dépenser ou ce que cela a pu coûter au
gouvernement pour mener à bonne fin son travail à travers le
Québec? Enfin, qu'est-ce que tout ceci peut rapporter
véritablement sur le plan de l'efficacité en comparaison avec une
imposition qui serait absolument bénéfique pour tous? C'est un
grain de sel dans un gallon d'eau, en somme, que vous avez donné. Cela
peut coûter une fortune au gouvernement pour essayer d'éduquer le
public, il n'y a pas d'erreur.
M. Lafrance: Cela veut dire que les montants impliqués
déjà, à la fois par l'association et la Ligue
d'hygiène...
M. Archambault: Ils sont formidables, jusqu'à
présent, oui.
NI. Lafrance: ...sont disproportionnés en comparaison des
résultats?
M. Archambault: Oui.
M. Lamarche: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose,
l'ordre a fait des efforts louables en termes de prévention, mais la
prévention, l'enseignement et l'éducation populaire ne sont pas
uniquement l'affaire des dentistes. Au contraire, je pense que cela doit faire
l'objet d'une préoccupation qui doit regrouper des gens de disciplines
tout à fait différentes, parce qu'il s'agit de transmettre un
message à une population où l'échelle des valeurs est
modifiée. C'est-à-dire que la santé dentaire, au niveau de
l'échelle des valeurs, est placée à un rang qui est trop
lointain, en ce qui nous concerne.
Pour faire passer le message dans le public, je pense que ça ne
prend pas que des dentistes. Les dentistes ne touchent qu'une faible
minorité de la population. Environ 30% des gens visitent le dentiste, ce
qui veut dire que seulement 30%, actuellement, bénéficient d'une
certaine information, d'une certaine éducation dentaire et de certains
soins. Ce qu'il faut, c'est atteindre les gens qui ne visitent pas le dentiste
et qui, eux, en ont le plus besoin. Pour atteindre ces gens et pour changer les
valeurs individuelles, cela prend plus que des dentistes; cela prend des
équipes multidisciplinaires au sein desquelles doivent se regrouper des
psychologues afin de transmettre à une masse des messages de
valorisation de la santé dentaire. Cela demande des professeurs, des
spécialistes en nutrition, des diététis-tes, une
équipe multidisciplinaire.
Donc, l'Ordre des dentistes est prêt à contribuer, autant
que faire se peut; c'est sa préoccupation fondamentale, mais seuls nous
demeurons tout à fait impuissants à atteindre l'objectif que nous
devrions viser, c'est-à-di re de valoriser chez la population la
santé dentaire. Même si vous valorisez, au niveau des individus,
la santé dentaire, il faut que, parallèlement à ces
efforts, soient même imposées des mesures de prévention de
masse, dont lafluora-tion qui est la plus efficace.
M. Lafrance: Merci.
Le Président (M. Pilote): On vous remercie, M. Gosselin,
et ceux qui l'accompagnent de la valeur de votre rapport, ainsi que de la
façon dont vous l'avez présenté. Soyez assurés que
la commission va prendre bonne note de vos recommandations.
M. Gosselin: M. le Président, si vous me le permettez,
avant de clore, peut-être que je m'adresserais aux députés
de l'Opposition officielle et à tous les autres. Advenant le cas que le
gouvernement, en cours de route, modifie son projet de loi et que l'on exige un
référendum, est-ce que chaque député de cette
Assemblée serait prêt, s'il est convaincu de la
nécessité et de la valeur de tout cela lui-même, au niveau
de sa localité, de son comté, à faire campagne en vue de
faire accepter la fluoration?
Permettez-moi de terminer simplement par une petite histoire. C'est le
type qui entre chez le dentiste. Il lui manque une dent. Il lui demande:
Voulez-vous me poser une dent semblable aux autres? Le dentiste lui a
posé une dent avec quatre caries. Merci, messieurs! au plaisir de se
revoir.
Le Président (M. Pilote): Merci, messieurs. La
séance est suspendue jusqu'à deux heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
Reprise de la séance à 14 h 20
M. Pilote (président de la commission permanente des affaires
sociales): A l'ordre, messieurs! Nous allons entendre à
présent les facultés d'art dentaire des universités de
Montréal, de Laval et de McGill qui sont représentées par
le docteur Paul Simard, doyen à Laval, le docteur Jean-Paul Lussier,
doyen à Montréal, et le docteur Ambrose, doyen de McGill.
J'inviterais M. Lussier à présenter le mémoire qui
a été préparé conjointement par les trois
universités.
Facultés d'art dentaire
M. Lussier: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
la commission de recevoir les doyens des facultés dentaires des
universités du Québec pour présenter leur mémoire,
mais je voudrais, avant que les doyens eux-mêmes ne présentent et
commentent leur mémoire, que vous nous donniez la permission de vous
présenter le docteur James Shaw, à qui on a demandé de
traiter de certains aspects qui touchent particulièrement l'aspect
physiologique de la fluoration. Le docteur Shaw est un biochimiste, professeur
à l'Université Harvard de Boston; il enseigne à la
faculté de médecine et à la faculté de
médecine dentaire. Il est reconnu pour ses travaux sur la nutrition en
rapport avec la carie dentaire. Nous sommes sûrs que le docteur Shaw a
des choses extrêmement intéressantes à communiquer aux
membres de la commission.
Par ailleurs, le docteur Shaw doit nous quitter assez tôt cet
après-midi et j'aimerais, M. le Président, que vous lui accordiez
la permission de présenter son mémoire immédiatement.
Le Président (M. Pilote): La permission est
accordée.
M. Lussier: Merci, M. le Président. Mr Shaw.
M. Shaw: Thank you. Mr President, Mr Minister, ladies and
gentlemen, I appreciate very much the opportunity to be here and I trust you
will forgive me for being unable to speak in French. I regret this because a
language barrier always is a problem in communications, but I personally regret
it because I think I missed some repartees this morning that would have been
very interesting to relate to my students when I went back to Boston.
My interest in study of fluoride goes back to the days when I was a
graduate student at the University of Wisconsin. I became interested in the
relation of fluoride to dental caries and to human health. At that time, by
reason of a rather fortuitous circumstance, I knew a dentist in médecine
who was very much interested in making a little epidemiological study in local
circumstances there. And so, in the winter of 1944-45, I went with this group
of dentists to conduct the survey or to watch them conduct the survey to
compare the dental caries experience in the school of children of Union Grove,
Wisconsin, where the water, naturally, contained 1.4 parts per million of
fluoride, with the dental caries experience of children of the same ages in
Madison, Wisconsin, some 50 miles away, where the water supply contained a very
low level of fluoride.
Even though I was a layman dentally speaking at that time, I was greatly
impressed by the beauty of the children's teeth, and even to me it was very
clear that there was a remarkable difference in the amount of tooth decay for
children in that community versus Madison. Indeed, when the survey was
completed, the data indicated that the children of Union Grove had just almost
exactly one third as much tooth decay as the children of Madison,
Wisconsin.
So this is my introduction, thirty years ago. This survey, for the
people of Wisconsin, was the beginning of a very rapid trend of events which
led to rapid adoption of water fluoridation throughout the state, to the point
where Wisconsin has been one of the leading of the 50 states in providing water
fluoridation to a high percentage of its inhabitants.
Since then, for me, the survey was the beginning of a lifelong study of
the relationship of fluoride consumption to health. I have read the "Dossier
technique sur la fluoration, 1974" which was prepared by the Minister of Social
Affairs and his collaborators. I believe this is really an excellent and highly
informative document which addresses all the important issues in this area. And
this document together with the monograph which, I assume, you have available
to you, prepared by the World Health Organization, entitled: "Fluoride and
Human Health " really provides all the subject matter that is really needed to
come to a definitive answer as to whether or nor the use of fluoride reduces
tooth decay and whether or not it is safe.
So I should like to comment on the subject of water fluoridation under
the following headings: first, the occurrence of fluorides; second, the
physiology of fluorides; third, the benefits of water fluoridation and, forth,
the safety of fluoridation.
Now, under the subject of the occurrence of fluorides, I think it is
clear that we must realize that the fluorides are inorganic compounds which
contain the element fluorine. We are not talking in any sense of the word of
introducing the highly reactive gas fluorine in the water supply. These
inorganic elements are very widely distributed in nature to the point where it
is truly correct to say that they are ubiquitous. No food item or water supply,
in any place on the earth, it has been studied, is ever completely devoid of
fluorides. I realize that it is a very strong and categorical statement, but
the high prevalence of fluorides in the crust of the earth has led to the fact
that there is just not any water supply, with the kinds of analytical
procedures that are available now, which does not have a detected amount of
fluoride, and this is also true of every food.
Almost all foods contain low and relatively constant fluoride
concentrations, irrespective of the amount of fluoride in the soil in which the
foods were raised. However, just as the amount of fluoride in soil varies, the
concentration of fluoride in water varies widely in relation to the amount of
fluoride in the soil and in the rocky strata from which the water
is collected in the process of being prepared for human use. The
fluoride concentration in public water supplies around the world varies widely
and it is this fact which has made possible many epidemi-logical surveys on the
dental benefits of fluoride ingestion and on the relationship of fluoride to
every aspect of human health.
This fortuitous natural variation in fluoride consumption around the
world has literally made possible the collection of information about fluorides
in human health which should have been completely impossible from a financial
standpoint, even from the point of getting adequately controlled human studies
conducted.
Now, regardless of the source, whether endemic or, as you say,
"naturellement", or provided during water processing, "artificiellement", which
terms I do not like, but which are commonly used in English and in French, the
fluoride ion, I must say categorically, is chemically the same.
This is a point that must be emphasized. Indeed, if you take any other
position, you are going back to the time in scientific history of the
alchimists when they were trying to turn lead into gold, because basically this
is what you say if you say there is a natural fluoride ion and there is an
artificial fluoride ion.
And the thing that is important in making this emphatic statement is
that the human body therefore is unable to differentiate physiologically or
biochemically between dissolved fluoride ionsfrom different sources. The
fluoride which is present in a public water supply is completely in solution,
whether it comes from a natural source or whether you add it in the water
plant. From the time of conception of the human organism until death, the human
organism lives in an environment in which fluoride ions are present, because of
this ubiquitous nature of fluoride at different levels in waters and in more
constant levels in food items.
Therefore, throughout embryonic and fetal life, the human organism has
metabolized the fluoride ion. I think this is a point we need to get across
very clearly because again it is one of those points that has been so very
adequately demonstrated in a variety of studies. For example, at birth, the
skeletal system of a human infant, even in a low fluoride area, contains
somewhere between 50 to 100 parts for million of fluoride.
Adjustment of the fluoride concentration of the water supply to provide
an optimal level for the development of caries-resistant teeth results in the
increased consumption of a familiar element rather than in the confrontation of
the human body with some new agents. And I would be hoping that, in your
deliberations about this bill before you, you would remember that what we are
really proposing here, what your minister of Health is really proposing is an
adjustment, not the confrontation of a human body with something new.
Second : The physiology of fIuorides. When food is digested in the
intestinal tract, its fluoride dissolves to different degrees, depending on
whether the fluoride in that food is present in a relatively soluble or a
relatively insoluble form. For example, a very insoluble form would be in the
case of bone mineral which is used by some individuals as a source of calcium.
Here, only about a half of the fluoride in bone mineral, as a food supplement,
is dissolved and therefore is absorbed. Fluoride in vegetables, fruit juices
and so forth is almost exclusively absorbed.
Now the food fluoride which does not go into the solution in the
intestinal fluids is not absorbed into the blood, but is excreted in feces. The
food fluoride which dissolves is rapidly absorbed from the intestines into the
blood and likewise, fluoride which is ingested in water and is already in
solution is rapidly and almost completely absorbed from the intestinal
tract.
Fluoride in the blood is always in equilibrium with the mineral salts
which make up two thirds of the mass of the skeletal system. Fluoride is
quickly removed from the bloodstream either by excretion in the urine or by
deposition in the skeletal structures which really serve like a sponge to
remove momentary, transient excess fluoride from the blood or I point
out here a point which is often not thought of to release f I uo ride
into the blood when the level there falls below the normal value.
In this way, a remarkably steady fluoride concentration is maintained in
the blood, despite fluctuations in fluoride intake at various times in the day
after eating or after drinking something. When a relatively constant amount of
dissolved fluoride is being digested daily, approximately three quarters is
excreted daily into the urine and the remaining one quarter is incorporated
into the minerals of the skeleton.
As a result of the consumption of the fluorides endemically present in
the food and in a low-fluoride water supply, the fluoride content of the
skeletal tissues steadily increases to an average, somewhere in the
neighbourhood of 1,200 to 1,500 parts per million over a lifetime. Where water
is fluoridated at the recommended levels for optimal dental benefits, the
fluoride concentration in the skeletal tissues is approximately doubled during
a lifetime. The skeletal system has a tremendous ability to incorporate
fluoride without harm, and only about a quarter of this ability to incorporate
fluoride is utilized when the appropriate levels of fluoride are ingested to
obtain optimal dental benefits. In excess of 99% of the fluoride in the body is
built into the mineral crystals of the bones and teeth. The remaining 1%is
widely scattered throughout the soft tissues, the blood and the extracellular
fluids.
No evidence has ever been produced to indicate any accumulation of
fluorides in soft tissues as a result of fluoridation of public water
supplies.
Du ring the mineralization of teeth while they are still developing in
the jaws, fluoride is incorporated into the hydroxyappetite crystals of the
enamel and dentin. The amount of fluoride incorporated into these mineral
crystals is proportional to the amount of fluoride absorbed from the intestinal
tract, and therefore the amount that is ingested in the food.
In communities where the water supplies contain an optimal amount of
fluoride, significantly higher concentrations of fluoride are incorporated into
these mineral crystals of enamal endentum than in areas with a low-fluoride
water supply. The addi-
tional fluoride leads to a larger and more perfect series of crystals
which have lower acid solubility and a significantly higher resistance to the
production of dental caries.
One of the interesting things, from a chemical standpoint, which has
never been adequately explained, I think, to anybody's satisfaction, is the
fact that there is a very substantial increment of fluoride into the surface of
the enamal while it is developing, and though there is a period of several
months or even a year or so on some of the teeth that the crown of the tooth
after it has reached its maximum physical size, lays in this bony crypt where
it is still surrounded by the enamel in dentin forming cells.
During this period in enamel, this is a very extensive continuation of
deposition of mineral salts, and one of the unique thing about this deposition
of mineral salts that somehow, there is approximately a tenfold higher
concentration of fluoride on a very thin layer of the outer surface of
enamel.
Somehow, this very high level of fluoride in the outer surface in the
presence of adequate fluoride is undoubtedly the key to their increased caries
resistance. It may not be the sole one, and there may be other relationships
such as to the plaques, such as the microbial population around the surface of
tooth but it is certainly a key.
Third, the benefit of water fluoridation. Many surveys have been
conducted undervaried circumstances around the world to determine the
relationship of the ingestion of endemic water-borne fluoride to tooth
development during tooth development to the dental caries experience of
children and adults. Without exception, the ingestion of optimal amounts of
endemically available fluoride during tooth development resulted in a much
lower caries experience, than the neighbouring communities where the water
supplies contained low amounts of fluoride.
This benefit has been fairly consistentely in the neighbourhood of a
two-thirds reduction in dental caries experience when optimal amounts of
fluoride were ingested throughout the long period of tooth development. This
reduction has been true in areas with widely different geographic, ethnic,
cultural, economic and dietary circumstances. Even in areas where there is a
generally low dental caries experience, such as in central Europe, in Hungary,
Rumania, Czekoslovakia, a comparable two-thirds reduction in tooth decay is
observable in communities with optimal fluoride avalability, in 1945, the first
three communities began to have controlled amounts of fluorides to their water
supplies in order to evaluate whether comparable dental benefits could be
provided to the children of any community as a public health measure where
appropriate amounts of fluoride were added in the water processing plans. These
studies, I am sure you know, are in Brandford, Ontario, Grand Rapids, Michigan
and Newborg, New York. I like to mention the fact that Brandford was one of
them because I was born and grew up just a few miles from Brantford.
So these studies which were set out to evaluate could you do on a
technical basis what nature has provided? demonstrated beyond the shadow
of a doubt, within a brief period of years, that the addition of an appropriate
amount of fluoride to a community water supply was as effective as fluoride
introduced incidentally by water's contact with rock and soil in the collecting
areas.
The experience in these trial communities has been duplicated in many
comparable studies in many parts of the world. The extent to which fluoridation
has been accepted in numerous countries is shown in your dossier page 22,
certainly a clear attestation to the overwhelming acceptance of scientific and
medical dental professions throughout the world.
You have an excellent example here in the province of Quebec, in
Montmagny. The results after seven years of fluoridation are documented in
precise fashion by Doctor Michaud in appendix 3 of your dossier beginning on
page 131. I think it is very helpful to have a local site like that, because
you know, people can always ask the question: Yes it worked there, but you know
will it work here with my people, with my kind of food habits and so forth.
There is only one real thing of importance that I want to point out
about the Montmagny studies and that is the fact that there was a much larger
benefit for the five to seven year old children, then for the older children.
Now, the reason for this is clear in that the children who were twelve to
fourteen years of age, at the time of the 1973 examination were already five to
seven years old in 1966 when fluoridation was begun. Therefore, their incisors,
their first permanent molars where either already erupted or almost fully
mineralized prior to the initiation of fluoridation. Therefore, those teeth
have the old type of high carie susceptibility. However, in the teeth of these
twelve and fifteen years old which developed during the fluoridation period and
are erupting in the twelve to thirteen years old interval, they have the full
benefit of optimal fluoride ingestion and have a low carie susceptibility.
Now, children who are twelve to fourteen years of age, five or six years
from now, can be expected in Montmagny to have similar levels of reduction in
dental caries to the children who were six to eight when this survey was made
in 1973. And so, within a single mouth or a group of children's mouths, in this
community, you have a comparison between teeth with a high carie and a low
carie susceptibility because of the different life history of those individual
teeth.
As you consider the current proposal, bill no 88, for an amendment in
your Public Health Protection Act, I am glad that you have this excellent local
example. The levels of benefits described in Dr Mi-chaud's report, especially
among the six to eight-years-old children, are ones, which I am sure, are
readily evident even to the relatively cursory inspection by the untrained eye
of a layman, as I was, when I went to Union Grove in 1944, not just to the
skilled dental examiner.
A local demonstration of this nature where the two communities of
comparable ethnic, geographic and dietary characteristics is the best evidence
for you that province-wide fluoridation should be instituted at the earliest
possible time.
No doubt you have estimates of what complete dental care would cost for
a child in Montmagny versus a child of the same age in Quebec city. The savings
are no doubt many times higher than the cost of fluoridation per
individual.
And yet, you know, I think in the total economy of life and health of
the general children. I earnestly believe that the benefit to the child of this
level of dental caries prevention far exceeds for his own emotional well-being
and so forth the monetary savings that the province will make in cutting down
this amount of needs for dental care.
When the relationship of fluoride to dental caries experience was first
recognized in 1929, no other benefit of fluoride ingestion was known. For
decades investigators speculated at about other possible relationships to
health and debated wether fluoride was nutritionally essential in any other way
than for the formation of carie resistent teeth.
Within the last few years Dr Schwarz of the United States National
Institute of Health in... has demonstrated unequivocally that normal growth in
small rodents is dependent upon the ingestion of minute amounts of
fluoride.
The likelihood of a sufficiently low intake of fluoride in man to
produce growth retardation is extremely unlikely. Since fluoride is such a
ubiquitous component in food and water, heroic measures were necessary to
produce a diet that was sufficiently deficient to get this demonstration of a
growth response in experimental rodents however the important thing is that
this is the clearest demonstration yet of a pivotal fact that fluoride is an
essential nutrient in every sense of the word which you use for defining
essential nutrients for a vitamin, for a mineral mean amino acid or
whatever.
So I believe it is important to emphasize here that fluoridation is a
concern for providing an increased amount of an essential nutrient ot the
population of a community, very similar in many ways to the addition of vitamin
D to milk or calcium to bread, riboflavin to bread and so forth, iodine to
salt.
Other data from clinical surveys indicate that less osteoporosis, less
frequent collapsed vertebra occur, particularly among older women in
communities which have elevated levels of endemic fluoride in their water
supplies. It is not known whether provision of fluorides at the levels
appropriate to reduce dental caries experience will prove to be helpful as far
as the osteoporosis in concerned. Only further research will provide the
answers about the possibility of a fluoride relationship to osteoporosis.
Section 4. The safety of fluoridation. Obviously before fluoridation
could begin in the three test communities in 1945, strong assurances had to be
available that the populations in these communities were not to be subjected to
any health risks. Both before and extensively since that time large numbers of
animal trials have been conducted to evaluate various aspects of the
consumption of varying amounts of fluoride. In addition, numerous clinical
evaluation and epidemiological surveys have been conducted to evaluate various
aspects of the health of populations living in areas where varying amounts of
endemic fluoride are consumed and in- creasingly studies are becoming available
in areas where fluoride has been added in controlled amount to communal water
supplies.
I earnesly believe that there is no other relationship to human health
which has been so thoroughly studied. The conclusion reached from the
tremendous volume of pertinent literature is that fluoride ingestion at the
levels recommended for water fluoridation is completely safe for every age
group and for individuals with various medical problems. This evaluation has
been reached after careful study, not only by a great number of concerned
individuals like me, but by many professional organizations. You have an
impressive list of those in your dossier in pages 119 to 123.
Like many other essential nutrients, fluoride has a spectrum of
influence varying from deficiency, when too little is consumed to benefit, when
appropriate amounts are ingested to toxicity when excessive amounts are
consumed for prolonged periods. The same can be said for nutrients, such as
vitamin A and D, for calories and even for water. In the case of fluoride, too
little fluoride during tooth development leads to the formation of teeth which
are highly susceptible to dental caries and continuation of low fluoride levels
in consumption throughout life may lead to unnecessarily early and severe onset
of osteoporosis of the skeletal system. Uptimum levels of fluoride ingestion
during the tooth development lead to teeth of relatively high resistance
throughout life to caries and possibly also to less osteoporosis. Getti ng over
into the area of toxicity, the most sensitive cell this is a very
helpful fact in the entire body to excess fluoride, is the ameloblast,
the cell which forms enamel. When the water supply contains two and a half to
three or more times the optimal fluoride concentration for dental benefits, the
ameloblast produces enamel which we say is mottled. This abnormality varies
from tiny white patches to rough uneven areas that may be discolored and
esthetical ly unattractive. I want to point out here there is a large span from
the very insignificant, maybe in some people's mind even esthetically
desirable, early levels on up to the esthetically unttrac-tive.
Now, these teeth regardless of how badly they are mottled, are highly
resistant to dental caries. The deep degree of this abnormality increases in
direct relationship to the amount of excess fluoride consumed. However, you can
say with assurance that mottled enamel is not an esthetic problem, in the
community where the optimal level of fluoride is provided in the communal water
supply for dental benefits. At much higher levels of fluoride ingestion, for
example 20 or more milligrams per day over many years, more severe toxicity to
fluoride has been described. However, again, there is no way in which the
controlled supplementation of a water supply by fluoride that such levels
ingestion could even occur for a day, let alone for a period of many years. I
might just as aside say that the gentleman who had the bottle of, what I assume
was a can of sodium fluoride, brought in today. I imagine this was
approximately a pound or 454,000 milligrams enough fluoride to be contained in
110,000 gallons
of water at the control fluoride adjustment level obviously is bringing
in, we would say, a red herring because this would never in sense of the word,
be a humanly available amount through controlled water fluoridation.
I want to strongly affirm that no one in the Province of Quebec need
have any concern that any adverse influence will occur as a result of a
supplementation of water supplies, the adjustment of water supplies to attain a
recommended level of 1.2 parts per million of fluoride.
In summary, I am convinced that the fluoridation of public watersupply,
at an appropriate level, is the most effective way to produce a major red
uction inthe dental carie experience of a community at first among the children
but ultimately these become adults, so that the entire population is benefited.
This major dental benefit can be obtained with complete confidence in the
safety of the procedure foreveryone in the community. The cost of fluoridation
is very low on a per capita basis, far ower than the cost of dental care.
I believe that the amendments concerned with fluoridation of public
watersupplies in your bill nr 88 are exemplary. I would like to see comparable
legislation adopted throughout Canada and in the United States. The Province of
Quebec has already made good progress in view of the availability of optimal
levels of water-borne fluorides to over 800,000 of your citizens in 92
municipalities. I trust that the National Assembly of Quebec will adopt bill nr
88 in order that not just 800,000 but all of your citizens in communities with
water systems will quickly have the benefit of water fluoridation.
I was asked by the president of the Canadian Society of Public Health
Dentists to say that this position is endorsed by the members of that society
and I shall also like to point out that these statements are ones that are
strongly and enthusiastically shared by my fellow faculty members at the
Harvard School of dental medecine.
Thank you very much, Sir.
Le Président (M. Pilote): Le ministre des Affaires
sociales.
M. Forget: Thank you very much, Dr Shaw. It was a very
interesting, very informative and very clear presentation. I would like perhaps
to make sure that I understand and other members of this commission understand
as clearly as possible, all the implications of your remarks and I might have
perhaps a few questions to ask in connection therewith.
You suggest, in the first page of your presentation, that fluoride is
ubiquitous in your own word. That would tend to suggest that there is hardly
any need perhaps to add to what nature has already provided since, if it is
found everywhere, you may have, first of all, opportunity to absorb it under
many forms, and in many ways. Moreover, you may absorb it in various amounts so
that the attempt to control the intake given the wide number and variety
of sources is an impossible task, because one would have to control, not
only water intake, if that could be done, but also intake through all other
means.
What would be your reaction to such an assertion?
M. Shaw: The amounts of fluoride that are present in foods, even
though they are ubiquitous, really are very small, except for a relatively
small number of fruits, tea for example, in fusion will run somewhere in the
neighbourhood of one part per million and things like canned sardines or canned
salmon if you eat the bones there, as most people will do would
have higher amounts of fluoride, but by, and large, out vegetables, our milk,
fruits, cereals, etc., are quite low and there is very little fluctuation from
one kind of food to another in that regard.
Now I cannot give you any figures, possibly Dr Stanley and his
colleagues at the McGill University already have collected data on this spot.
But, forthe Boston area, if you sample a series of food intakes from typical
people in different age groups, the average young adult consumes food which
provides something in the neighbourhood of 0.3 to 0.5 milligrams a day and, as
nearly as we can tell, in order to get optimal dental benefits, you need
something in the order of 1 1/2 to 2 milligrams a day and there is no typical
or normal, shall we say food habit even varying in different kinds of ethnic
groups and food interest groups that give you anything like this amount from
the foods. And so, as you look around the world, places where they have the
elevated levels of fluoride up around 1 or 1.2 parts per million, the
individuals there have something like 21/2 or2.7 milligrams available to them
per day, of which 2/3 or 3/4 comes from the water and the rest from the
food.
You have to have a very unusual diet to get enough from food alone.
M. Forget: So would it be fair to say, that although fluoride is
ubiquitous, fluors is ubiquitous, its presence in theenvironmentand in food
does not matter so much, because in any case the range of variation in intake
through food intake, this range is narrow, relatively narrow, and it is
moreover perhaps not entirely relevant, because it is not in soluble form and
cannot be absorbed readily into the bone tissues, but is eliminated in any
case.
So, it shows that it is not dangerous, but it shows also that through
the food intake, it is not terribly useful for the purpose we have in mind,
that is tooth decay prevention.
M. Shaw: Yes sir, that is well said.
M. Forget: You indicate, on page 3, something which I would like
to be quite sure, I fully understand, that the organism has an ability to adapt
to variations in the intake of fluoride through elimination in the natural
waste of excess fluoride that it might absorb, and you seem to suggest that
only one quarter or 25% of this capacity to get rid of excess fluoride is
utilized at the level of fluoride intake envisaged by this piece of
legislation. Is that correct?
M. Shaw: I am not sure that I understand you there. Basically, if
you are consuming, say, 2 1/2
milligrams of fluoride a day, on a steady day-by-day basis, in round
figures two milligrams, that is going to be excreted in the urine and the half
a milligram is going to be stored in the skeleton or in the developing teeth.
Now, on the other hand, if you go down to levels of half a milligram
consumption a day, roughly 0.4 milligram is going to be excreted in the urine
and one tenth to two tenths are going to be stored in the skeleton.
The cells of the skeleton are somewhat of a buffer system so that when
there is a little excess in the blood after a meal in which there is an
appreciable amount of fluoride, then there is a movement into the bone, but
then, when that is passed, when there has been excretion in the urine, there is
a movement back out into the blood. These are entirely in an equilibrium with
each other and the equilibrium is adjusted up a little higher each time the
ingestion level is increased. So, if you are ingesting one milligram, eight
tenths are excreted and two tenths are stored. If you are consuming two
milligrams, 1.6 milligrams are excreted in the urine, 1.4 are stored in the
bone.
M. Forget: I see.
M. Shaw: It is a real beautiful homeostatic mechanism. That is
the term that we use of any kind of system like that in the human body, the
checks and balances as it were to make sure of safety in cases of minor
excesses or in cases of deficit. These are really extremely finely honed in the
case of fluoride.
M. Forget: But it is not a mechanism that can adjust...
M. Shaw: Yes.
M. Forget: ...the level of fluoride to whatever the variations in
the intake, up to a certain range to provide the more or less optimal level in
the bloodstream.
M. Shaw: Yes.
M. Forget: You suggest, later down in your presentation, that
there is a great concentration in the outer surface of the enamel, and that
concentration is greater if the intake of fluoride is increased.
M. Shaw: Yes, sir.
M. Forget: Then, if one would say, from the observation, tha
tfluoride is found in natural sources of water without adjustment of the
fluoride level, one could say that one could get half the benefit if half the
fluoride level is observed to be present. But from this observation, it would
tend to show that, if you are only half virtuous, you will get less than half
the rewards for your virtue. In other words, you do not get half the benefit if
half the fluoride is there, but you get less than half.
M. Shaw: That is right. It is a sort of curve that goes along
like this. You consume about so much and there is very little noticeable
benefit. But then, you have a sharp curve and a plateau when you get up to the
desirable level.
M. Forget: So that would be an argument not to leave well enough
alone.
M. Shaw: Absolutely!
M. Forget: You refer to the three communities that began adding
controlled amount of fluorides to their water supplies 30 years ago this year,
actually.
M. Shaw: Yes, this is the anniversary.
M. Forget: Have any of these communities or other communities in
the United States abandoned fluoridation as a result of a verification, or a
controlled study of the bad effects that fluoride might have had?
M. Shaw: Without interruption, these three communities that began
in 1945 have been continuous. So, for 30 years, you have a solid record, and
each one of these three communities have been kept on as steady cases by reason
of their desire to know, over a long period of time, not only what the dental
benefit was, but also what the systemic relationships were.
Now, there have been communities where fluoride has been discontinued in
the United States, and this is not true, though of any of these three. The
reasons for discontinuation have been usually centered around one of two
things: That the most common one was that there would be a group of people in
the community who were very upset by the fact that fluoridation was being
required of them, and so, they would start some sort of procedure whereby the
process could be required by the law in that particular political subdivision
to be stopped, to stop fluoridation. So this is item number 1. These facts are
very commonly. Those we have had, scare-kinds of techniques of people in the
community who have raised unfair and unjust, incorrect statements. I think the
other reason that fluoridation has been discontinued here and there, has been
on the basis of other people who took a terribly conservative, authoritarian
sort of approach that here was something that was legally being forced upon us,
rather than us having the local option to do it. But I know of no case I
can say this absolutely categorically where fluoride was stopped because
of any demonstration of danger or harm or bad taste in the water supply of the
community.
M. Forget: Dr Shaw, we have received letters which refer to
levels of fluoride in the coronary artery, in people living in communities
where there is a fluoridated water supply. An example of such a community is
Grand Rapids, Michigan, and these allegations compare the levels of fluoride,
again in the coronary artery of people in those communities to people living in
non-fluoridated regions.
Could you comment on this, from a nutritional viewpoint, which is your
field of specialty, and from the point of view of the physiology involved?
M. Shaw: Yes. Wherever mineral is deposited in the body, there
will be an amount of fluoride deposi-
ted also, simply because in just the ordinary process of formation of
crystals of mineral structure, whether it be in the dorsal aorta or the
coronary artery or in bone or teeth, there will be fluoride deposit in it
simply because there is fluoride in the milieu in which that crystallization is
taking place. Now, this does not say that the crystallization of those minerals
occured because of the fluoride in those studies in the coronary artery.
Undoubtedly, this was an atherosclerotic plaque that was in some process of
healing, so that mineralization was taking place, which is quite a routine
procedure in a plaque that is not increasing and growing larger.
As I recall that study it was a very small one if recall
correctly, ten or eleven people in Grand Rapids who had amounts of fluoride in
the ash that is listed as, I think, .84% which would be 84/100 parts per
million. That would be a level which would be comparable to what would be in
bone in Bartlett, Texas where there is eight parts per million in the water
supply. In other words, a relatively high amount.
Now, I find that paper hard to be absolutely sure how those data are
expressed. But my belief is, that is 84/100 parts per million of the mineral,
whereas if you were to express it on the fresh weight of the aorta, it would be
down to 840 parts per million, because there is only a 10% moneralization
present in that particular area.
But it is a rather difficult paper to read, and the number of people who
examined it really was very small. But you must not take away from a meeting
like this that the calcification in the aorta occurred because of the fluoride.
The fluoride is there, sort of as a transient or accidental thing at the time
that the calcification occurred.
M. Forget: I understand, Dr Shaw, that you said that fluoride is
a nutrient in our diet not only do you say that, but you said it is an
essential nutrient in our diet? Could you comment on the assertion that
fluoride, especially in drinking water, seen as a tooth decay prevention
measure, is a form of mass medication, in other words, that fluoride is a drug?
How would you contrast the drug with a nutrient?
M. Shaw: I think I would fall back on a dictionary definition of
a drug as an agent that has a specific role to cure a disease which is already
present, and it would also be a compound which the human body was not normally
exposed to. In other words, you give penicillin to clear up a severe process of
pneumonia. I do not, in my day's food or water, ever have any contact with
penicillin, whereas fluoride, you are not providing to clear up a problem that
already exists, and you are not giving something that the human body is not
accustomed to handling on a moment-by-moment basis. So, in both of those
categories, I would have to put fluoride in the nutrient category, in
comparison with penicillin or aspirin in the drug category.
M. Forget: Thank you very much. I have no other question. Yes,
perhaps one, if I may. You refer to excess fluoride intake as possibly causing,
if it is up to a particularly high level, mottled enamel, and you say,
explicitely, that this creates an esthetic problem. Could you comment as to
what point it has to go before it ceases to be purely an esthetic problem and
might become a health problem. Because, surely, as long as it remains an
esthetic problem, the value of the measure in preventing tooth decay remains
and is even reinforced to some extent. But when does it go beyond that and
becomes more than just an esthetic problem but a health hazard?
M. Shaw: As far as teeth are concerned or otherwise in the
body?
M. Forget: Otherwise, yes.
M. Shaw: As far as teeth, there is no problem other than
esthetic, because the teeth look nasty, but they stay in good health throughout
an individual's life.
I think the data from industrial studies and from areas in India and
some of the other very hot countries is that the intake has to be up something
in the neighbourhood of 20 miligrams a day for, in excess of a decade, in order
to have a crippling fluorosis, which is where you have overdevelopment of the
bone in the spinal vertebra and where you have a calcification of the
interventebral discs. Now, here, obviously, is a situation where you are
talking about 1.2 parts per million in the water supply in Montreal or here in
Quebec City, the individual has to consistently drink something in the order of
18 quarts, litres of water per day and not just during a period when he might
have a high fever and get up rather high amounts, but for literally year after
year after year on an everyday basis.
I mean this is a case where you have water intoxication, long before you
would have fluoride intoxication, because water intoxication is a very real
thing also, and one is quite easily able to exceed the ability of his kidney to
excrete water if he is persistently consuming excess amounts.
M. Forget:Thank you very much, Mr. Chairman. I have no other
question.
Le Président (M. Lafrance): Y a-t-il d'autres membres de
la commission qui veulent poser des questions au Dr Shaw? Les doyens des
facultés auraient-ils d'autres choses à ajouter?
M. Lussier: ...si vous me donnez la permission. Le
Président (M. Lafrance): Allez-y, Dr Lussier. M. Lussier: Je
remercie le Dr Shaw.
M. Shaw: Thank you very much. It has been a real privilege to be
here. I have enjoyed it a great deal.
Le Président (M. Lafrance): Thank you, Dr Shaw.
M. Lussier: M. le Président, si vous y consentez.
je proposerais qu'on fasse lecture du mémoire en voyant les
points un par un et en les offrant à la discussion, si l'on veut, un par
un, plutôt que de tout lire le mémoire d'un bout à l'autre.
Comme les questions ont été très "sériées"
les unes par rapport aux autres, peut-être y aurait-il avantage à
les prendre à leur mérite une par une. De cette façon,
nous pourrions peut-être insister sur certaines qui présentent
plus d'intérêt aux membres de la commission, et passer plus
rapidement sur celles qui ont peut-être été couvertes au
cours des discussions antérieures. Si vous êtes d'accord avec
cette proposition, M. le Président, je pourrais procéder.
Le Président (M. Lafrance): En fait, c'est aux membres de
la commission de décider de la procédure.
M. Bellemare (Rosemont): Quel mémoire?
Le Président (M. Lafrance): C'est le mémoire 16M.
Remarquez bien qu'on a accordé assez de latitude jusqu'à
présent. Si les membres de la commission sont d'accord qu'on pose les
questions au fur et à mesure qu'elles se présentent, je crois
qu'on n'a pas d'objection de part et d'autre. Dr Lussier, vous pouvez
procéder.
M. Lussier: Merci, M. le Président.
Le présent document apporte les commentaires des facultés
dentaires des universités de Montréal, McGill et Laval sur la
section 4-A: Fluoration des eaux de consommation que les législateurs
désirent introduire dans leur Loi de la protection de la santé
publique actuellement en force.
Les facultés dentaires expriment leur satisfaction au
gouvernement du Québec et le félicitent de prendre de nouveau
l'initiative en matière de fluoration des eaux de consommation et de
proposer une législation en vued'obligertout propriétaire d'usine
de filtration à appliquer une mesure qui améliore
incontestablement la santé dentaire de la population du
Québec.
Il appartient, en effet, au gouvernement de la province de
protéger la santé des individus par des mesures de santé
publique reconnues et en instituant les législations qui en assurent
l'application. La Loi de la santé publique est l'un des véhicules
par lesquels le gouvernement indique aux services privés les
règles auxquelles ils doivent se soumettre au cours de
l'exécution de leurs fonctions pour protéger au maximum la
santé des individus. De plus en plus, les gouvernements de provinces ou
d'Etats interviennent par cette voie pour garantir au plus grand nombre les
bénéfices de la fluoration. Nous citons le cas des Etats
américains où les législations ont été
faites par l'Etat, de façon que les villes soient dans l'obligation
d'apporter cette mesure protectrice de la santé à leurs
citoyens.
Au cours de la discussion ce matin naturellement, on a soulevé la
question de la liberté individuelle. Dans la position où nous
sommes, ce n'est pas que les doyens ne sont pas des gens qui respectent la
liberté des autres. Je pense qu'autant que possible nous essayons de le
faire. Je pense que vu que nous sommes des gens responsables dans la formation
de gens qui doivent donner des soins de santé et, pour cette raison,
nous sommes très soucieux de l'efficacité des services que ces
gens doivent rendre. Nous sommes également soucieux de ce que la
santé des gens soit protégée par tous les moyens
possibles, et si les individus ne peuvent pas le faire, disons sciemment et
avec la compréhension voulue, il est bon que l'Etat intervienne par des
mesures qui se justifient comme étant des mesures qui ne briment pas la
liberté des gens et qui leur apportent les bénéfices
voulus.
Il y a quantité d'exemples qui ont fait qu'antérieurement
les gouvernements ont agi, de façon à protéger la vie des
gens ou la santé des gens en imposant des mesures, et nous croyons, dans
cette logique, que la présente loi correspond tout à fait aux
bénéfices qui sont attendus d'une Loi de la protection de la
santé publique. C'est pour cette raison. Nous sommes des
éducateurs de fonction, en même temps que nous sommes des
administrateurs de fonction, mais nous sommes convaincus que même si l'on
peut arriver à convaincre les populations du bien-fondé de
certaines mesures et que l'emploi des mesures au niveau individuel est une
chose à répandre au maximum, nous sommes quand même
convaincus que l'éducation est un processus extrêmement lent, et
que si on veut avoir des résultats et que l'on fasse appel seulement
à l'éducation pour le faire, il faut se barder d'une grande
quantité de patience avant d'arriver aux effets qu'on veut obtenir.
Or, du côté de la santé, le malheur est que
l'éducation est tellement lente que les gens meurent souvent, avant
d'avoir appris. Sur le plan de la santé, il y a un dicton qui dit: On
apprend facilement les choses mauvaises et on a beaucoup de difficultés
à apprendre les choses bonnes. Ceci est dit d'une façon
très sérieuse, d'une façon générale et
spécifiquement dans le domaine de la santé. C'est vrai que les
gens ont tendance à retenir un tas de faits ou un tas de choses sous
l'aspect des maladies, mais la minute qu'on essaie d'offrir à leur
intelligence des concepts pour protéger leur santé, les gens ne
le font pas. Cela est une longue éducation et l'éducation est
d'autant plus longue à se faire que les conditions culturelles ne
préconisent pas des choses de cette nature.
En tant que Québécois, nous ne sommes pas des gens
particulièrement disciplinés. Nous ne sommes pas des gens qui ont
été élevés, depuis des générations,
sous la férule militaire, où les gens sont habitués
à appliquer ce qu'on leur dit à l'école sans absolument
contredire. Ce n'est pas le climat dans lequel nous vivons. Nous
n'élevons pas nos enfants dans ce contexte, de sorte que les gens vont
de même vers un certain nombre de mesures quand ils en sont convaincus.
Ceci peut être très long, d'autant plus que nos mesures
d'éducation ne sont pas aussi efficaces qu'on le voudrait.
Dans ce contexte, nous croyons que, depuis l'expérience que nous
vivons, cela fait 30 ans qu'on parle de fluoration dans la ville de
Montréal, à ma connaissance. Et on en parle encore pas mal
fortement, depuis les derniers vingt ans, avec aucun ré-
sultat concret. Je pense que ce n'est pas parce qu'on n'a pas
essayé de convaincre les gens de la nécessité de la chose,
c'est que le système d'éducation ne nous permet pas de rejoindre
les gens et de leur faire comprendre. Dans ces cas, je pense que le
gouvernement est parfaitement légitimé d'imposer une mesure qui a
donné ses preuves partout, et qui se montre incontestable sur le plan de
son efficacité.
Le Président (M. Lafrance): Sur ce point, le
député de Chicoutimi.
M. Bédard (Chicoutimi): Lorsqu'on a présenté
le projet de loi 31 dans le temps de M. Claude Castonguay qui
rejoignait les buts du projet de loi 88 mais qui permettait la liberté
de consultation au niveau de la population, par voie de
référendums, est-ce que vous étiez d'accord sur ce
mémoire? Est-ce que vous avez rédigé un mémoire
dans le but de déplorer que, dans ce projet de loi qui avait
été présenté en 1972, je crois, le gouvernement
n'avait pas cru bon d'imposer la fluoration, ou si vous étiez d'accord
sur la manière de procéder du gouvernement, en 1972?
M. Lussier: A cette question, M. le Président, je dirai
que nous n'avons pas présenté de mémoire, je pense, pour
des raisons d'opportunité qui, à ce moment, ne nous permettant
pas d'intervenir, parce que cela n'avait rien à fai re avec la valeur de
la loi ou la valeur de la mesure. C'est simplement qu'à ce moment, nous
n'avons pas été en mesure d'intervenir pour des raisons qui n'ont
rien à faire avec cela. Mais je pense que, si on avait posé la
question, on aurait certainement appuyé la loi autant qu'on appuie
celle-ci. Je pense qu'on appuie la loi présente avec autant de vigueur
parce qu'on est sûr que la mesure en vaut la peine et que, dans des
circonstances comme cela, il vaut peut-être mieux un peu rebrousser les
poils de certains individus chatouilleux sur ce point, mais en retirer le plus
possible de bénéfices.
M. Bédard (Chicoutimi): Mais vous soutenez la loi, surtout
en fonction des effets bénéfiques que vous reconnaissez à
la fluoration?
M. Lussier: Ce sont les effets...
M. Bédard (Chicoutimi): Non pas en fonction de son
caractère obligatoire...?
M. Lussier: Ce sont les effets que l'on veut avoir et non pas de
brimer les gens. On veut les effets et on les veut, le plus tôt
possible.
M. Bédard (Chicoutimi): Je sais que la démocratie,
cela peut être difficile à vivre, mais quand vous employez
l'argument que c'est la santé des gens à protéger, vous
admettrez avec moi que les gens aussi les populations qui pourraient
être consultées ont a coeur aussi de protéger leur
propre santé, leur mieux-être et que s'ils sont valablement
informés, ils peuvent prendre volontaire- ment, librement les
décisions qui s'imposent? Je crois qu'au niveau de la démocratie,
je peux avoir comme conviction que l'indépendance du Québec est
nécessaire pour le bien commun du Québec, pour l'avenir de
l'ensemble des Québécois, cela ne me donne pas le droit de
l'imposer aux Québécois. Si on essayait de l'imposer, on sait ce
qu'on nous répondrait.
M. Lussier: Je ne vois rien d'autre chose à faire que de
réitérer l'importance que l'on attache à la santé
dentaire et que, dans la position où nous sommes, nous disons que nous
avons consacré nos vies à défendre des points qui sont
ceux-là pour faire en sorte que les gens soient le plus conscients
possible de leur santé dentaire et qu'ils se servent des services
à leur disposition, le mieux possible. Dans ce contexte, nous nous
croyons obligés de souligner cette importance et de dire que, dans de
telles circonstances, nous croyons qu'un gouvernement est légitime
d'imposer une loi qui protège la santé comme chaque fois
où il est demandé de protéger la santé des
gens.
M. Bédard (Chicoutimi): Autrement dit, vous ne croyez pas
à la capacité d'une population valablement informée de
comprendre que la décision qu'elle doit prendre est d'accepter la
fluoration?
Je voud rais vous poser une deuxième question. Est-ce que vous ne
trouvez pas qu'il y a toute la différence du monde je ne parle
pas au niveau des effets, je dis psychologiquement parlant entre
l'état d'une population qui, après s'être valablement
informée, accepte la fluoration et celle qui, sans autre information que
celle qu'on a maintenant, se voit imposer la fluoration?
En même temps que vous avez fait appel à la santé
des gens, au bien commun à protéger, vous avez également
parlé de votre souci de la démocratie. Vous avez
été à même de constater c'est pour cela qu'on
y attache de l'importance le point sur lequel nous différions,
nous de l'Opposition officielle, avec le gouvernement, non pas sur les effets
politiques, mais sur l'intention du gouvernement d'imposer la
législation, parce que, sur les effets politiques, je ne vous aurais pas
posé d'autres questions. Déjà, vous connaissez nos
convictions, mais puisque vous-même vous vous êtes avancé
à parler de démocratie, de votre souci de la respecter, j'oriente
mes questions dans ce sens.
Le Président (M. Lafrance): Le ministre des Affaires
sociales. Après, je crois que le Dr Lussier aurait quelque chose et le
Dr Simard par la suite, si vous permettez.
M. Forget: M. le Président, je m'en veux d'interrompre,
mais malgré tout, les questions posées aux experts qui viennent
déposer devant nous ne doivent pas revêtir un caractère de
controverse et surtout déboucher sur des questions politiques beaucoup
plus larges ou des problèmes purement partisans.
Je comprends que le député de Chicoutimi l'a à
coeur, mais je pense qu'il est injuste de demander à
des personnes qui viennent ici nous parler de la fluoration, des effets
sur la santé, des commentaires de nature purement politique.
Je comprendrais le Dr Lussier de se décourager, si on me permet
ce commentaire incident de la possibilité de persuader I'ensemble de la
population lorsqu'il semble être assez difficile de persuader deux ou
trois députés de l'intérêt de ces mesures. Je pense
que, ayant à notre disposition tous ces experts, s'il est difficile de
vous persuader, on peut, à juste titre, se désoler et
s'inquiéter de la possibilité de persuader d'autres personnes
alors que les ressources auxquelles cette commission accède ne seront
pas, pardéf inition, accessibles à tout le monde.
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, je
n'entreprendrai pas un autre dialogue avec le ministre de la santé, il
charrie au moment où il fait son commentaire, parce qu'il n'est pas
question, pour les experts, de nous convaincre des effets
bénéfiques, comme on l'a dit, de la fluoration. On est d'accord.
Je puis, d'avance, m'engager à ne poser aucune question sur le fait de
l'imposer ou non à tous les experts qui viendront témoigner, mais
à condition qu'ils restent dans le domaine de l'expertise.
Mais quand, d'eux-mêmes, ils entrent dans un autre domaine, qui
est celui du principe de la loi, à savoir si elle doit être
obligatoire ou non, je ne vois pas en quoi j'irais à l'encontre du
règlement, M. le Président, de poser des questions et de faire
les rectifications qui, je crois, s'imposent.
M. Forget: Je souhaite tout simplement qu'on ne fasse pas
d'analogie ou d'extension déplacée dans les questions qu'on
pose.
M. Bédard (Chicoutimi): II y a des fois où les
exemples permettent de bien comprendre le sens d'une question ou encore
d'amener une réponse claire. C'est dans ce sens que je vous ai dit que
ce n'est pas parce qu'on est convaincu que le bien commun est dans tel endroit
et j'ai employé l'exemple de l'indépendance du Québec dont
j'ai la conviction qu'elle est nécessaire pour les
Québécois, que cela nous donne le droit de l'imposer. Je dis que
ce n'est pas seulement avec cet argument que vous employez au niveau de la
santé des gens que cela nous fait mettre en même temps de
côté la possibilité démocratique de pouvoir
atteindre le but principal, qui est de protéger la santé des gens
et de l'atteindre d'une façon autre qu'en l'imposant, mais en consultant
la population et en lui fournissant les informations nécessaires qui lui
permettront de décider. Chacun a sa manière de voir la
démocratie.
Le Président (M. Lafrance): Docteur Lussier ou docteur
Simard.
M. Lussier: Ce n'est pas parce qu'on voulait se lancer sur le
plan juridique, mais, simplement, ce qu'on a voulu dire, c'est que, sur le plan
de l'analogie avec d'autres mesures où on intervient directement pour
protéger la santé des gens, si, par exemple, l'usage des rayons
X... A ce moment, on ne peut pas consulter la population pour savoir comment on
protège les gens contre cela. On prend des mesures et c'est justement
pour cela; à ce moment, on protège les gens en empêchant
des choses. Nous avons cru que la même rationalité s'imposait en
faisant des choses pour protéger la santé des gens et que ceci en
était une. On ne peut pas aller plus loin que cela, mais on veut montrer
que, dans notre rationalité, ceci était une chose fort
acceptable.
M. Bédard (Chicoutimi): Je pense qu'on s'est
expliqué de part et d'autre.
Le Président (M. Lafrance): Docteur Simard.
M. Simard (Paul): Je ne veux pas qu'on discute trop longtemps sur
cette question, mais j'aurais peut-être un point de vue à apporter
en tant que spécialiste en santé publique. Parce qu'avant
d'être doyen par accident, j'ai été mêlé
à la santé publique. J'ai suivi d'assez près la question
de la fluoration, le développement de la fluoration, tant au Canada
qu'aux Etats-Unis. La question de référendum est souvent venue
sur le tapis ou sur la table. Si on voit ce mouvement de certains Etats
américains qui rend lafluoration obligatoire, il y a une raison. C'est
parce qu'on a constaté, quand il y avait un référendum sur
une question comme celle-là, qu'il y avait appel aux passions populaires
et aussi parce que c'était une question absolument d'ordre scientifique.
Quand on abordait une question d'ordre scientifique comme celle-là, il
devenait extrêmement difficile d'exposer le problème d'une
façon très claire et très nette à la population.
C'est pour cette raison que nous appuyons ce projet de loi.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous voudriez essayer de nous dire
qu'on doit, le moins possible, faire appel au référendum,
lorsqu'on peut se buter à des émotions populaires? Quand vous
avez des élections, vous avez des émotions populaires, cela
n'empêche pas la démocratie de trouver qu'il est normal qu'il y
ait des élections. Vous la trouverez partout, l'émotion
populaire. J'espère que ce n'est pas votre base d'argumentation?
M. Simard (Paul): Ce que je veux dire, c'est que, quand on parle
d'un problème scientifique comme cela... Comme ce matin, on nous a
montré un pot de fluor en disant: C'est poison; c'est juste. Il s'agit
d'arriver à la télévision ou devant une population, de
faire de tels gestes et de semer la crainte chez cette population. Par la
suite, si vous tenez le référendum, vous avez de fortes chances
qu'une mesure, que vous jugez juste et que nous jugeons très
appropriée, soit battue en brèche, simplement parce qu'on a
semé la crainte.
M. Bédard (Chicoutimi): Faites un référendum
dans le comté de Chicoutimi, où je suis membre de l'Opposition.
Je suis d'accord avec les effets bénéfiques de la fluoration et
si je me prononce très clairement en faveur de cette mesure, et
également le gouvernement, qu'on donne les informations
nécessaires, et vous croyez toujours que cela ne passerait pas? Ce n'est
pas nécessaire de mêler la politique à n'importe quoi, sauf
qu'il y a peut-être des
endroits où la population a le droit d'être
consultée. Si on prend le même raisonnement, il me semble que sa
santé est quand même un bien primordial. Elle a quand même
le droit d'être consultée et le droit d'expliciter son
idée. Il y en a qui peuvent en avoir assez de voir le Québec
bâti à coups de hache. On impose des fusions, on impose
l'obligation, encore une fois, dans un autre projet de loi, et je pourrais vous
en citer quatre ou cinq autres je ne veux pas déborder du
débat mais il y a peut-être moyen de le construire
autrement qu'à coups de hache et d'imposition. Il y a peut-être
moyen avec une loi qui se tient et, quand on a les arguments qu'il faut pour
convaincre une population, il ne faut pas avoir peur de rencontrer cette
population.
M. Simard (Paul): L'expérience nous a prouvé que,
quand on tenait des référendums aux Etats-Unis, on faisait venir
des soi-disant experts ou surtout des experts "antifluorationnistes" et
où il y a aussi des "profluorationnistes"; entre autres, les
"antiflurationnistes" qui vivent uniquement de cela. On retrouve les
mêmes personnes qui ont vécu ils commencent à avoir
de l'âge en se prononçant contre la pasteurisation du lait,
les mêmes personnes. Il y a un dossier assez poussé
là-dessus, et si...
M. Bédard (Chicoutimi): La pasteurisation est
acceptée.
M. Simard (Paul): Pardon?
M. Bédard (Chicoutimi): Maintenant, elle est
acceptée, la pasteurisation.
M. Simard (Paul): Oui, mais les mêmes personnes qui ont
vécu, qui ont passé leur vie en se commettant dans des
référendums comme cela, ont changé. Ils ne parlent plus de
pasteurisation, ce n'est plus rentable, parce que c'est accepté, mais
ils le font avec la fluoration. Ils vivent avec cela.
M. Bédard (Chicoutimi): Je pose la question, parce qu'il y
a des choses changées. On nous disait, ce matin, que 98.8% des experts
sont d'accord sur les effets bénéfiques de la fluoration. On
n'est pas dans une situation qui existait peut-être il y a plusieurs
années, où les avis étaient beaucoup plus partagés.
Peut-être aussi remarquez que je ne veux pas l'affirmer
que, même au niveau des hommes publics ou encore d'organismes, à
l'heure actuelle, il y a une plus grande unanimité qu'il y en avait il y
a une dizaine d'années sur cette question.
A ce moment, tenant compte de toutes ces choses, c'est ce qui fait qu'on
est démocratiquement capable de faire accepter une mesure à une
population après l'avoir informée. Je vous le souligne encore une
fois et vous me répondrez. Est-ce que vous ne trouvez pas, du point de
vue du climat psychologique j'emploie ce mot, je n'en ai pas d'autres
à l'idée qu'il y a toute la différence du monde,
pour une population, entre une mesure qu'elle accepte après information
et une mesure qu'elle se fait imposer? Je ne parle pas des effets. Vous ne
croyez pas à la possibilité, pour une population, d'être
capable de saisir cela si on le lui explique?
M. Simard (Paul): C'est parce que, quand on a fait
l'éducation populaire dans le domaine dentaire, pendant des
années je suis en hygiène publique depuis 1958 j'ai
donné des conférences ici, dans la ville de Québec,
à peu près à tous les clubs sociaux. J'ai fait la
même chose dans le comté de Lévis. Je suis allé
jusqu'à Rivière-du-Loup avant que le Dr Lafrance ne soit
là. Qu'est-ce que cela a donné? Peut-être que
j'étais un mauvais conférencier, je pourrais l'admettre, mais
cela n'a pas donné grand-chose. J'ai fait le tour de la Gaspésie
pour faire l'éducation dentaire, de la région de Québec,
ici, jusque dans le comté de Charlevoix, mais c'était noyé
à travers tout le reste. Vous me direz qu'il y a possibilité,
mais il faudrait dépenser des fortunes. Comprenez bien que le peu de
personnes qui peuvent s'occuperde l'éducation de la population, vous les
voyez, les trois doyens ici, ne croyez pas que nous allons pouvoir passer des
journées ou des semaines à faire cette éducation
populaire.
Déjà, on nous demande d'aller à la radio, à
la télévision. On peut le faire une fois de temps à autre,
mais nous avons, comme vous le savez, comme c'est votre cas d'ailleurs, une
autre besogne que cela à accomplir. C'est une éducation qui doit
se faire pendant des semaines, des mois et des années. Si la fluoration
n'est pas rendue obligatoire, cela prendra encore des années avant de
convaincre la population que la fluoration est une mesure désirable.
M. Bédard (Chicoutimi): Je vous parle de...
M. Simard (Paul): Je n'aime pas employer le mot
"expérience', c'est un mot qu'on évite toujours avec des
étudiants, entre autres. J'aimerais autant l'éviter avec les
députés, mais c'est par expérience, si vous acceptez ce
mot, quand on parle d'éducation. Les mesures d'hygiène publique,
quelles qu'elles soient, sont extrêmement difficiles à "vendre ",
tant pour le brossage des dents, si vous voulez, que la fluoration.
M. Bédard (Chicoutimi): Je vous respecte quand vous nous
apportez votre expérience à témoin et je sais très
bien que vous ne minimisez pas la portée ou les résultats de vos
efforts, simplement pour les fins de la discussion que nous avons, mais je suis
convaincu que les efforts que vous et que bien d'autres ontfaits,
étendus sur bien des années, ont peut-être porté
beaucoup plus de fruits qu'on ne saurait le croire. Je pense qu'il est possible
que notre manière différente de voir le projet de loi sur son
principe de consultation est peut-être justement parce que certains...
Les choses ont quand même avancé; une population, en y mettant un
peu l'effort, peut assez facilement, maintenant, accepter cette mesure, mais
vous semblez, malgré tous les efforts que vous nous dites avoir faits
avec d'autres, être encore très pessimiste sur ce point.
C'est évident qu'on va avoir de la misère à
vérifier qui, de vous ou de nous, a raison, parce que. si on nous impose
on n'a pas la majorité cette loi, qu'on nous la vote
majoritairement, elle sera imposée et on n'aura jamais la chance de voir
si les gens auraient eu assez de maturité pour l'accepter.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: Dr Simard, vous semblez insister beaucoup sur le fait
qu'étant donné... Vous considérez, évidemment que
c'est quelque chose de très valable pour la population, même si
cette population ne comprend pas ces soi-disant effets
bénéfiques, il vaut mieux se dépêcher et l'imposer
à tout prix. Je ne devrais pas dire vous-même, mais il semble que,
dans les discussions qui ont été apportées, c'est à
peu près cela qui ressort.
Pour le commun des mortels qui doit évidemment prendre une
décision à savoir s'il doit, oui ou non, voteren faveur d'un
référendum qui aurait lieu par exemple sur cette question, ne
croyez-vous pas que les idées peuvent être un peu
mélangées? Vous supportez certaines théories, mais devant
l'opinion publique, il demeure que d'autres supportent d'autres
théories.
On se retrouve devant des théories qui s'affrontent. Le
député de Johnson, ce matin, mentionnait justement trois
professeurs de l'université Laval, je pense MM. Morin, Roy et Boutet,
qui avaient fait connaître un point de vue différent de celui que
vous faites connaître présentement. Je n'ai pas l'intention
d'évaluer la valeur des témoignages, mais il demeure que, dans
l'opinion publique, il y a des oppositions. Ne croyez-vous pas que, devant
cette situation, il vaudrait mieux, si effet bénéfique il y a, si
cela peut se prouver, à ce moment-là, faire l'effort par
l'éducation, oui, mais par la conviction également?
Ce n'est pas tout de donner de l'information. Quelqu'un a dit ce matin:
De l'information, de l'information, cela n'apporte pas grand-chose. C'est un
petit peu vrai. L'information de la façon qu'elle est distribuée
par le gouvernement, avec les façons qu'ils ont de distribuer cette
information, je vous assure que ce n'est pas seulement dans le domaine
médical que c'est un petit peu mêlé, dans tous les autres
domaines, c'est comme ça.
Mais vous ne trouvez pas qu'il vaudrait mieux tenter de convaincre les
gens si c'est réellement valable que de leur imposer cela
d'autorité?
M. Simard (Paul): C'est parce que je vois toujours
l'inquiétude. Admettons, par exemple, làvous faites allusion
à un article, il y a deux pathologistes qui se sont
prononcés...
M. Samson: Remarquez que je ne les connais pas, je pars d'un
article de presse.
M. Simard (Paul): Moi, je les connais très peu aussi, je
les ai rencontrés, ce n'est pas qu'ils se prononcent contre la
fluoration, c'est qu'ils se posent certaines questions. Maintenant, à ce
moment-là, je pense que ce que qu'on doit se demander, ce n'est pas ce
que les docteurs Untel et Untel pensent. Moi ce que je regarde à ce
moment-là, en tant que quelqu'un qui travaille pour la santé
publique, si vous me demandiez: Vous faites des travaux scientifiques en
biochimie pour prouver que la fluoration est bonne, je vous répondrai
non, mais en tant qu'homme qui se consacre à la santé publique,
ce que je regarde, c'est l'attitude des associations. Si un pathologiste ou
deux pathologistes se prononcent contre la fluoration, moi je regarde quelle
est l'attitude de l'Association des pathologistes. Si là je constate que
l'Association des pathologistes, elle, se prononce en faveur de la fluoration,
je me dis: Je dois davantage me fier aux témoignages d'une association
que me fier au témoignage d'une ou deux personnes.
M. Bédard (Chicoutimi): La population peut faire cela
aussi.
M. Simard (Paul): Mais la population, tout dépend si on
pouvait lui donner une information absolument intégrale et cela
ça devient à peu près impossible, parce que admettons
qu'il y a une émission de télévision et q ue vous faites
passer un pathologiste ou deux pathologistes je prends ça,
ça pourrait être un biochimiste, il ne faut pas parler des
pathologistes un biochimiste et qu'il sort toute une argumentation
contre la fluoration etqu'il arrive qu'à ce moment-là cette
émission ait une cote d'écoute plus forte qu'une autre, cela va
avoir un impact excessivement grand sur la population.
Si elle a une cote d'écoute très forte, cela peut
convaincre peut-être 40% de la population que la fluoration est
dangereuse. C'est à ce point de vue que je me place.
M. Samson: Est-ce que, vous, vous considérez que la
fluoration, c'est de la médication de masse?
M. Simard (Paul): Moi, non. Non, là-dessus, je partage
l'opinion qu'a émise le Dr Shaw tantôt, je ne sais pas si vous
étiez ici à ce moment-là, on lui a posé la
question, je partage cette opinion.
M. Samson: Ce n'est pas de la médication de masse?
M. Simard (Paul): Non.
M. Samson: Tantôt, on a surtout discuté de la
question de l'imposition de cette mesure. Je suis un peu comme le
député de Chicoutimi, évidemment, je n'ai pas l'intention
d'en discuter d'un point de vue scientifique, mais quant à ce qui
concerne la grande question des libertés individuelles et c'est
évident qu'on est obligé de discuter sur ce point aussi. On est
obligé, même si certaines personnes ne voudraient pas qu'on le
discute de ce point de vue, il faut le faire. Il y a de grands principes qui
doivent nous guider.
Avez-vous eu l'occasion de prendre connaissance de ce qu'a écrit
à ce sujet, en ce qui concerne les libertés individuelles, le
maire Jean Drapeau en 1969? Cela m'intéresserait de connaître
votre point de vue sur ce qu'il disait à ce moment-là. Si vous
n'en avez pas pris connaissance, je peux peut-être vous en lire une
couple de paragraphes; cela va, je pense, vous faire mieux comprendre ce qu'est
notre point de vue quant aux libertés individuelles. Ce qu'il a dit,
c'est également notre point de vue mais il a apporté des
nuances.
Par exemple, il dit, à un moment donné: "De plus, pas un
médecin n'osera pratiquer un traitement auquel son patient s'objecte.
Pas un dentiste n'arrachera une dent à un patient contre son gré,
quel que soit le bienfait qui en résulterait." C'est un principe qui est
émis. "Et, même en cas de mort prochaine, une transfusion de sang
qui, seule, pourrait sauver sa vie ne peut se faire contre la volonté du
malade ou de ceux que la loi autorise à consentir pour lui." Un peu plus
loin, je vais terminer là-dessus: "La fluoration de l'eau, disent les
médecins, dans le jugement desquels j'ai foi c'est Jean Drapeau
qui parle apportera un grand bienfait à ceux qui feront usage de
cette eau. Admettons-le, il s'agit d'un bienfait individuel que chacun est
libre et a le droit formel de souhaiter ou de rejeter. Car s'il est vrai que
celui qui refuse de boire de l'eau fluorée s'expose ou expose ses
enfants à des troubles dentaires, ceux-ci ne sont pas contagieux et ne
menacent pas directement les autres citoyens. Ils les privent peut-être
d'un avantage mais ils ne sont pas la cause d'un mal ou d'un danger grave."
J'aimerais connaître votre opinion sur cette prise de
position.
M. Simard (Paul): Cela rejoint un peu votre première
question quand vous demandez si le fluor est un médicament. Dans cette
argumentation, on parle de traitement. On n'impose pas un traitement que
quelqu'un ne veut pas recevoir, comme on n'impose pas un médicament que
quelqu'un ne veut pas recevoir. Etant donné qu'on parle de "nutriment",
ce n'est pas une médication qu'on impose. A ce moment-là, je le
compare aux autres mesures de santé publique. Je veux bien croire qu'on
revient souvent avec cela mais on revient souvent avec les libertés
individuelles aussi. Je pense qu'on peut revenir assez souvent avec l'exemple
de la pasteurisation et celui de la chloration.
Etant donné qu'on n'impose pas une médication, on ne brime
pas les libertés individuelles. Qu'est-ce que la liberté, si on
veut simplifier au maximum? Il faut d'abord faire une distinction. Moi, je ne
suis pas philosophe; on pourrait avoir des philosophes ici qui pourraient
ergoter sur cette question pendant des semaines et des mois.
M. Samson: On pourrait argumenter longtemps là-dessus.
M. Simard (Paul): Si on veut simplifier, moi, quand on me posait
la question, je disais qu'on peut considérer la liberté sous deux
formes: la liberté physique et la liberté morale. La
liberté physique, qu'est-ce que c'est? C'est la possibilité de
faire tout ce qu'on veut, tout ce qu'on peut. Moi, j'ai un revolver dans ma
poche...
M. Samson: Un instant.
M. Simard (Paul): Je parle au point de vue physique.
M. Samson: Je vous arrête immédiatement. Faire tout
ce qu'on veut pour autant que ça ne nuise pas à la liberté
des autres.
M. Simard (Paul): Je parle de la liberté physique. Je
reviens avec l'autre. La liberté physique: Moi, je peux sortir, à
n'importe quel moment, un revolverde ma poche et tirersur n'importe qui. C'est
une liberté physique de le faire. Seulement, je n'ai pas la
liberté morale de le faire. La liberté morale, c'est ce qui nous
permet de poser des actes qui ne nuisent pas au bien commun.
M. Samson: C'est cela.
M. Simard (Paul): Quand on parle d'une mesure comme la
fluoration, on peut peut-être léser la liberté individuelle
d'une personne mais on regarde l'ensemble de la population, on regarde le bien
commun. Quelqu'un peut dire: Moi, mes enfant sont de bonnes dents et, si vous
faites la fluoration, ce n'est pas nécessaire dans mon cas, et vous
m'empêchez de décider ce que je veux. Ce qui compte dans tout
cela, je pense, c'est de voir au bien commun et de respecter la liberté
morale qui vise, elle, à respecter le bien commun.
M. Samson: N'admettez-vous pas que celui qui ne veut pas
consommer de ce genre d'eau fluorée a le droit de s'y opposer? En
suivant votre raisonnement, en disant que c'est bon pour la santé
publique, ceux-là qui ne veulent pas s'y opposer ont quand même
des possibilités d'accès au fluor par d'autres moyens que celui
de la fluoration obligatoire dans l'eau potable.
M. Simard (Paul): Oui, et ceux qui ne veulent pas en boire,
aussi, peuvent ne pas en boire. Ils ont encore la liberté de ne pas
boire de l'eau fluorée.
M. Samson: Un instant! On peut ne pas boire d'eau mais je pense
qu'on ne peut pas s'empêcher d'en boire de temps en temps. Si vous avez
une possibilité de boire ou bien de l'eau fluorée ou bien de
l'eau non fluorée, à ce moment-là, vous devenez celui qui
décide; si vous voulez boire telle sorte d'eau, votre liberté
vous permet de le faire.
Mais si, par une loi, on fait qu'il n'y en ait qu'une seule sorte
possible, à ce moment-là, il n'y a plus de liberté. Par
des contraintes, on oblige les gens à passer dans le même
moule.
Maintenant, je reviens à ce que vous avez dit tantôt, que
vous ne donsidérez pas que c'est de la médication de masse. Bon.
Partant de cela, vous soutenez plutôt que c'est un nutriment. Ai-je bien
compris?
M. Simard (Paul): Oui.
M. Samson: Bon. A-t-on plus le droit d'imposer un nutriment
qu'une médication de masse? Si on part du principe des libertés
individuelles, a-t-on plus le droit de m'imposer des choses que je ne veux pas
manger que de m'imposer des choses que je ne veux pas boire?
M. Simard (Paul): Je partais de votre argumentation quand vous
disiez: On n'a pas le droitd imposer une intervention médicale à
quelqu'un. Je trouve que cela se compare à un médicament,
à ce
moment-là. Tandis que, si c'est juste pour améliorer la
santé de la population, vous l'aidez, tout simplement.
M. Samson: Je pense qu'on tourne toujours autour du même
pot. Si c'est réellement valable là-dessus, dans sa
déclaration, le maire Drapeau ne met pas du tout cela en cause, lui
je prétends qu'on devrait être capable de le faire
comprendre à la population. C'est une atteinte à l'intelligence
de la population de dire qu'elle n'est pas capable de comprendre cela et qu'il
faut le lui imposer. Je n'admettrais pas ce point de vue. D'ailleurs,
même le ministre aurait des inquiétudes à laisser dire que
la population n'est pas capable de se faire une idée.
M. Forget: Vous êtes en train d'interpréter mes
paroles.
M. Samson: Non, je suis en train d'interpréter le regard
du ministre et je sais qu'il pourrait soulever un point de règlement en
me disant que je n'ai pas le droit de l'interpréter.
M. Bellemare (Rosemont): II lit dans les yeux. Il est philosophe,
il lit dans les yeux.
M. Samson: Je sais parfaitement que le ministre pourrait soulever
une question de règlement en me disant que je n'ai pas le droit de
l'interpréter. Je n'ai pas le droit de l'interpréter et je suis
prêt à retirer ce que j'ai dit, si ça peut faire plaisir au
ministre.
M. Forget: Je vous remercie.
Le Président (M. Lafrance): Alors, c'est
retiré.
M. Samson: Mais, je peux quand même continuer, dans ma
liberté individuelle, à le penser.
Le Président (M. Lafrance): L'honorable
député de Chicoutimi.
M. Bédard (Chicoutimi): Je pense, M. le Président,
que c'est peut-être l'occasion rêvée de parler d'un des
aspects importants de ce projet de loi, qu'est le caractère obligatoire,
l'aspect démocratique du projet de loi sur lequel vous vous êtes
dit d'accord, puisque nous avons le plaisir d'avoir avec nous trois recteurs
d'université. Je ne vous qualifierai pas de gardiens de la
démocratie, je sais que vous n'y tenez pas non plus, mais vous
êtes sûrement des personnes avec qui on peut en parler.
Je vous écoutais, tout à l'heure, donner l'exemple d'une
peur que vous avez, si on faisait un référendum, que deux
pathologistes ou deux personnes, deux experts ayant des idées
différentes se présentent à la télévision et
que celui qui est contre la fluoration puisse l'emporter. C'est quoi, la
démocratie, si ce n'est pas accepter ce "challenge", ce
défi?Quequelqu'unqui n'est pas d'accord puisse le dire, que celui qui
est d'accord, sur une position, puisse le dire pleinement et que les gens
puissent décider. D'accord, on court des risques.
Quand vous faites une élection, c'est quoi? C'est
nécessaire en démocratie. Vous avez un parti qui se
présente avec des hommes qui passent tel message et d'autres qui passent
tel autre message. Vous courez le risque aussi de ne pas élire le bon
gouvernement mais, au bout de la ligne, quand il y en a un qui a
été élu, on dit qu'il a été élu
démocratiquement.
Une Voix: C'est déjà arrivé.
M. Bédard (Chicoutimi): II n'y a peut-être pas si
longtemps.
M. Forget: On court ses propres risques, on ne court pas des
risques au nom de la sécurité et de la santé du public.
Votre exemple est très mal choisi.
M. Bédard (Chicoutimi): D'abord, vous pourriez demander la
parole au président. Si ce n'est pas courir des risques avec la
santé des gens, si la santé démocratique d'un pays n'est
pas aussi importante que la santé tout court, je pense que ce sont des
préceptes importants.
M. Bonnier: M. le Président...
M. Bellemare (Rosemont): Ce n'est pas du tout dans la pertinence
du débat.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que je peux finir, M. le
Président?
M. Bellemare (Rosemont): La pertinence du débat.
Le Président (M. Lafrance): Oui, allez-y. On va surveiller
pour ne pas qu'on s'écarte trop du sujet.
M. Bédard (Chicoutimi): Oui, je pense que j'étais
en règle jusqu'à ce qu'on fasse des interventions.
Le Président (M. Lafrance ): Continuez, on va vous
surveiller.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous êtes les gens tout
indiqués, des recteurs d'université. Je vous demande: N'est-ce
pas la démocratie, d'accepter ce défi que chacun exprime son
opinion en espérant que la bonne version l'emporte? Vous vous occupez de
la santé des gens. Chacun a le droit d'entendre les deux messages et, au
nom de sa santé, au nom de sa protection, de s'exprimer. Ensuite, si la
majorité est d'un côté, à ce moment-là,
démocratiquement, vous pouvez dire que la majorité est d'accord
et vous pouvez exercer une certaine coercition versus la minorité qui
n'est pas d'accord. A moins que je ne comprenne pas la démocratie.
M. Simard (Paul): Si on continue dans ce sens, il faudrait
remettre en cause toutes les mesures de santé publique. Il faudrait
remettre en cause...
M. Bédard (Chicoutimi): Pourquoi...
M. Sirnard (Paul): Je ne sais pas si vous savez que, quand on
avait imposé la vaccination à Montréal, il y a eu une
émeute. On a brûlé l'hôtel de ville, etc. On
recommencerait à zéro, presque.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est bien différent. M.
Samson: Non.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous le savez, de plus, que c'est
bien différent.
M. Samson: Quand on impose un vaccin, c'est parce qu'il y a un
danger de contagion, un danger pour la santé des autres. Quand on impose
la fluora-tion, il n'y a pas un danger pour la santé des autres.
M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, un point de
règlement.
M. Samson: II y a des avantages...
Le Président (M. Lafrance): Question de
règlement.
M. Samson: ... qu'il ne retirerait peut-être pas, mais ce
n'est pas un danger.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Rosemont sur une question de règlement.
M. Bellemare (Rosemont): Le député de Rouyn-Noranda
n'a pas demandé la parole, vous ne lui avez pas accordée non
plus, parce que nous autres aussi, on a des questions à poser. Il nous
dit tantôt de respecter les autres, alors on va revenir...
Le Président (M. Lafrance): On va revenir sur le sujet. La
parole était au député de Chicoutimi et le Dr Lussier a
demandé la parole.
M. Bédard (Chicoutimi): Simplement, je terminerai
là-dessus, j'attends votre réponse qui sera probablement la
même. Vous avez dit, d'une part: A un moment donné, il faut aider
la population. On a peut-être des moyens différents de l'aider. On
peut l'aider en l'informant, comme vous l'avez dit, une information qui soit
correcte, qui soit adéquate, qui soit intégrale. Je pense que
c'en est une manière d'aider et de faire jouer la démocratie,
puisqu'on dit, à juste titre, qu'à mesure qu'un homme est
informé, il est plus libre. Plus il est informé, plus il est
libre; il en va ainsi pour une population, pour un peuple.
Est-ce que vous ne croyez pas que ce but qu'on vise, on peut
l'atteindre, peut-être avec plus d'efforts. La démocratie en
demande des efforts, si on veut qu'elle demeure. On peut l'atteindre en
continuant les efforts, en accentuant les efforts déjà faits pour
faire comprendre à une population que c'est la décision qu'elle
doit prendre collectivement pour son mieux-être. Est-ce que vous
êtes pessimistes à ce point?
M. Simard (Paul): Je suis pessimiste à ce point, parce
que, quand j'ai commencé à parler de la fluo- ration en 1956
on est rendu en 1974 à tous les endroits où j'ai
essayé de faire passer cette mesure de fluoration, j'ai manqué
mon coup partout. Alors, vous comprendrez que je sois assez pessimiste.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est...
M. Simard (Paul): J'aurais certainement fait un très
mauvais député.
M. Bédard (Chicoutimi): ... pas au pouvoir encore, vous
savez.
Le Président (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous
plaît! Dr Lussier, parcequ'il faudrait peut-être
accélérer un petit peu les travaux. Vous avez, si je ne m'abuse,
à peu près quatorze pages à lire avec des commentaires sur
chacune. Il faudrait peut-être accélérer à la fois
les questions et les réponses. Dr Lussier, si vous voulez
procéder. Ensuite, la parole sera donnée au député
de Taschereau.
M. Lussier: Tout ce que nous avons voulu dire en disant cela,
c'était d'exprimer notre opinion. Nous avons exprimé notre
opinion. A vouloir la débattre plus longtemps, je ne pense pas qu'on
gagnerait grand-chose. Je pense que les gens ont tous, chacun leur opinion.
Comme on essaie de nous convaincre que nous sommes en démocratie, nous
avons essayé de démontrer justement que nous comprenons cette
démocratie. Nous avons exprimé notre opinion et nous n'avons pas
voulu faire plus que cela. Maintenant, elle n'est peut-être pas
acceptable, mais on acceptera que d'autres ne l'acceptent pas. C'était
notre opinion, nous l'avons dit. A ce moment, je pense que tout le monde a
été informé des positions qui sont actuellement
défendues.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Taschereau.
M. Bonnier: M. le Président, mon commentaire s'inscrit
tout à fait à la suite du dernier commentaire du Dr Lussier. Je
crois que la question à savoir si cette mesure devrait être
imposée ou laissée sous forme de test, sous forme de
référendum, n'est pas une question qui devrait être
débattue avec les experts. C'est une question qu'on devrait
débattre, parce que c'est un point dans la loi, entre nous, les membres
de la commission parlementaire lorsqu'on arrivera à discuter cette loi.
Que des membres de la commission puissent demander tout simplement l'avis des
experts là-dessus, ils peuvent toujours le fai re, mais non pas engager
un débat. Je crois que le débat est d'ordre plutôt
politique, non pas partisan, mais politique.
Deuxièmement, cette question lorsqu'on la discutera, je crois
qu'il faudra éviter certains écueils parce que je crois que les
engagements que nous avons eus jusqu'à maintenant, sont un petit peu
dangereux. On risque de mêler les ordres de valeur. Il faut voir dans
cette mesure qui est proposée, le point de vue positif, non pas
nécessairement négatif. D'un point de vue positif, je crois que
l'Etat quel qu'il soit, a une responsabilité vis-à-vis de la
santé
publique. Il a une responsabilité non seulement de la conserver,
de la protéger, mais également de l'augmenter si possible. Cette
dernière mesure s'insère dans ce troisième ordre de
responsabilités. Lorsqu'il le fait, il a un mandat en tant qu'Etat pour
le faire. La façon de le faire, je crois que c'est de soumettre un
projet de loi et de le discuter à une commission parlementaire comme la
nôtre et prendre des avis des experts. Il a vraiment une
responsabilité sans nécessairement être
antidémocratique, parce qu'il ne fait pas nécessairement un
référendum. Je comprends les préoccupations du
député de Chicoutimi. Je partage ses préoccupations en ce
qui regarde, par exemple, la nécessité de faire adhérer
les gens à un nouveau projet. Cela se fait dans certains domaines.
Mais quand on arrive au niveau du domaine de la santé publique,
parfois les impératifs sont tels que l'Etat doit quand même
prendre les responsabilités, même s'ils ne sont pas aussi clairs,
n'apparaissent pas aussi clairs à tout le monde. Je pense que l'exemple
qu'on nous a donné en ce qui regarde la vaccination, qui était
dans l'ordre de prévention et non pas d'augmentation peut-être de
la santé, est un très bon exemple dans les circonstances, quelque
chose qui n'a pas nécessairement été perçu comme
étant bénéfique, mais qui l'était. Cette mesure-ci,
qui peut peut-être ne pas être perçue par 100% des gens
comme étant bénéfique. Mais nous, en tant que commission
parlementaire, et l'étape que nous suivons à l'heure actuelle,
c'est de nous faire éclairer, à savoir si c'est
bénéfique ou non, personnellement, jusqu'à maintenant, je
peux penser qu'elle est bénéfique, mais je n'ai pas fini
d'examiner la question.
Je ne voudrais pas me prononcer sur l'importance d'imposer ou de ne pas
l'imposer avant d'avoir fait le tour de l'examen objectif de la question en
soi.
M. Bédard (Chicoutimi): Le député me
permettra simplement d'exprimer mon accord avec lui que lorsque ce sont des
experts, on discute d'expertise, sauf que lorsque les experts commencent
à entrer dans le principe, il est tout à fait normal qu'on engage
la discussion à ce moment.
Le Président (M. Lafrance): Alors, les experts sont
sortis...
M. Bédard (Chicoutimi): Eux, sortant de leur domaine,
peut-être que c'est normal.
M. Bonnier: Ce serait au président que...
Le Président (M. Lafrance): On est sorti de ce domaine. On
passe à l'article 2. Dr Lussier.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est le domaine du recteur de
l'université...
M. Lussier: Sur le deuxième point, j'en fais lecture. Cela
se rattache particulièrement à l'état que l'on constate de
la santé dentaire au Québec avec les préoccupations
qu'elle soulève. L'initiative du gouvernement est donc
appréciée, mais on ne peut s'empêcher de souligner qu'il
n'y a pas preuve d'avant-gardisme. Entre le temps où la mesure a fait
ses preuves et celui où on intervient sérieusement pour en faire
profiter la population en général, il se sera
écoulé plus de vingt ans. En page 2.
Au Canada, aux Etats-Unis, et même dans certaines
municipalités du Québec, on a jugé à propos
d'instaurer la fluoration au cours des années cinquante. Si l'on
consulte l'annexe 2, on y verra depuis combien de temps plusieurs
municipalités d'importance ont pris d'avance sur les grandes villes du
Québec en cette matière. Le Québec qui se distingue par
des caractéristiques dentaires défavorables, qu'on
énumérera plus tard, accuse un retard de toutes ces années
et dans cet intervalle, la situation au point de vue dentaire a continué
à s'aggraver. La loi proposée n'arrivera pas à effacer la
multitude des défauts qui auraient pu être prévenus, mais
elle aura le grand mérite d'apporter pour les années à
venir l'assurance que la santé dentaire de la population du
Québec s'améliorera rapidement. Je pense que nous arrivons
à un certain nombre de points pour l'étude, pour démontrer
comment on peut y arriver.
Si vous permettez, j'aborderai le point numéro 3 qui insiste sur
l'innocuité des fluors avec des arguments qui, peut-être, ont
été servis, mais d'autres, enfin, que nous apportons en
considération. L'apport du fluor par la voie de l'eau d'alimentation et
son influence bénéfique sur les dents et les os de l'homme ont
été tant de fois mis en évidence qu'il n'est pas
indiqué, à notre avis, de reprendre une preuve qui s'est
indéfectiblement poursuivie depuis vingt ans en s'enrichissant
constamment d'éléments positifs et rassurants. L'immense
bibliographie qui existe aujourd'hui sur le sujet de la fluoration atteste de
l'intérêt que les hommes de science et les institutions de
santé publique y ont accordé.
Nous rappelons simplement que, depuis les premiers essais de sa mise en
opération jusqu'à aujourd'hui, cette mesure n'a donné lieu
à aucun accident ni à aucune plainte fondée, même si
des centaines de millions d'individus ont été exposés
à la fluoration. Il n'y a pas lieu de s'en étonner. Trop de gens
oublient que le fluor est un élément avec qui le genre humain vit
depuis toujours. Dans à peu près tous les sols et toutes les
sources d'eau d'approvisionnement, on retrouve des quantités plus ou
moins grandes de sels de fluor. On a donc parfaitement raison de
considérer la fluoration comme un ajustement du contenu des eaux
d'alimentation en fluor et non pas comme l'introduction d'une substance
étrangère. L'ajustement proposé est de porter le contenu
à 1.2 partie de fluor par million de parties d'eau en se servant d'un
sel de fluor approprié. L'innocuité du fluor employé
à ce niveau ne fait aucun doute. L'universalité comme la
pérennité de l'ingestion du fluor venant de l'eau et des aliments
à des taux souvent plus élevés que celui mentionné
dans la loi, avait prouvé fort avant l'invention de la fluoration comme
mesure de santé publique que cet élément était
innocent de tous les torts que les opposants de la fluoration ont
cherché à lui attribuer.
Je pense que le Dr Shaw a insisté justement sur
la cible qu'a constituée la fluoration depuis 25 ans. Il n'y a
pas qu'une mesure de santé publique. Si l'histoire nous rapporte
correctement les faits, il n'y a pas de mesure qui a été soumise
à l'inquisition persistante d'à peu près tout le monde. Il
n'y a pas un point qui a été remis en question, qui n'avait pas
été resoulevé et prouvé 100 fois. Je pense que sur
le point de l'innocuité, il y a quantité de documents qui
l'attestent et quantité de documents bien faits.
C'est entendu que, si on regarde l'épaisseur du papier qui a
été publié là-dessus, on peut se laisser plus ou
moins impressionner, parce qu'aujourd'hui il y a tellement de papier, que cela
nous impressionne moins. Si on regarde la valeur des études qui ont
été faites, il n'y a pas une situation semblable qui existe pour
démontrer que cette mesure est à l'abri de toute enquête.
Il n'y a pas une étude qu'on a entreprise comme celle qui a
été menée à la fin des années cinquante ou
au début des années soixante au Texas dans la petite ville de
Bartlett comparée à la ville de Cameron où on a fait le
relevé médical de plus de 100 personnes dans chacune de ces
villes, pour des gens qui y étaient demeurés au-delà de
quinze ans. On a tout épluché ce qui était possible. On
les a poursuivis partout où ils étaient rendus pour essayer de
savoir ce qui était advenu de ces gens, pour voir s'il y avait des
différences dans les dossiers médicaux. On n'a trouvé
aucune différence. C'est une analyse qu'on n'afaite pour aucune autre
situation au monde, dans aucun autre plan de la santé. Je pense que ce
sont des faits qui doivent être portés à votre attention
pour montrer combien sérieusement la chose a été prise.
Dans le continent nord-américain, nous avons une expérience de 25
ans d'observations persistantes. Le Dr Shaw a soulevé les cas des villes
de Grand Rapids, Newburg et Havinston qui ont eu la fluoration depuis le
début, qui ont été parmi les premières. Il a
cité également le cas de Brantford. Il y a donc un cas au Canada
qu'on peut regarder. On n'aurait à peine qu'à regarder les
résultats qui ont été obtenus en Ontario, en comparant
constamment les villes de Brantford, Stratford et Sarnia et qui nous donnent
toute l'histoire.
Est-ce qu'on a vu surgir dans ce milieu quelque chose qui semblait
anormal? Cela n'a jamais été porté à l'attention ni
du monde médical ni des autres. Je pense que du point de vue de
l'innocuité, il ne devrait plus y avoir de discussion. Nous avons tous
les éléments en main. Cela ne fait pas que 25 ans qu'on vit avec
le fluor. C'est depuis que l'homme est l'homme qu'on vit avec du fluor. Dans
aucun cas où on a utilisé des eaux qui contenaient des
proportions convenables, on n'est arrivé avec des problèmes. Tous
les cas de toxicité qu'on nous sort et avec lesquels on nous rabat les
oreilles sont des cas d'intoxiqués sur le côté technique et
industriel. Cela n'a rien à voir avec une mesure de santé
publique. Qu'est-ce que vous voulez? On compare des choux et des raves. Cela
n'a rien à voir ensemble. La position de la toxicité du fluor est
tellement plus loin que ce qu'on dit, ce n'est absolument pas la même
chose. C'est comme si on disait aux enfants: II ne faut pas jouer avec des
roches, il y a des montagnes. Ce sont des choses comme cela. Ce sont des choses
qui ne se comparent pas. Nous sommes devant des positions quantitatives qui
n'ont absolument aucune parenté. Je pense que, du point de vue de
l'innocuité, il faut comprendre que c'est un cas apparemment
réglé; pour l'ensemble du monde et pour les scientifiques, c'est
définitivement réglé.
Le Président (M. Lafrance): Article 4.
M. Lussier: Après plus de trente ans de recherches
coûteuses et soutenues dans le domaine de la prévention des
maladies dentaires, on n'a pas pu découvrir une mesure plus efficace,
plus facile d'application, plus économique et de portée aussi
étendue. Rien ne laisse prévoir encore qu'on arrivera dans le
cours des prochaines années à trouver une mesure de rechange qui
assure les mêmes avantages que la fluoration, encore moins à la
supplanter. C'est pourquoi la mesure a rallié l'appui de tant
d'organismes nationaux et internationaux. On trouvera à l'annexe 3 les
déclarations de l'Organisation mondiale de la santé et de la
Fédération dentaire internationale. Elles indiquent le niveau de
confiance qu'on accorde à la fluoration sur le plan international de la
santé dentaire. Dans toutes les écoles dentaires des
universités du monde, on transmet ce message à tous ceux qui
auront à prendre des responsabilités dans la dispensation des
soins dentaires ou dans l'organisation des services dentaires.
Quand on dit que rien ne laisse prévoir, c'est que, si on avait
des mesures de portée analogue ou d'efficacité égale, je
pense qu'on en parlerait. On serait très ouvert de mettre les deux
situations devant les gens qui ont des décisions à prendre comme
vous. Mais il n'y a rien actuellement qui laisse prévoir qu'on trouvera,
d'ici 20 ans et même plus, une solution qui peut arriver même au
tiers de l'efficacité de la fluoration. C'est pour cela qu'on insiste
tant. On n'a rien qui puisse se comparer à cela, sur le plan de
l'efficacité et sur tous les autres plans. Qu'est-ce que vous voulez? On
est donc moralement obligé de venir défendre cela, on n'a pas
autre chose à défendre. On ne vous dit pas que c'est la
perfection, mais on vous dit que c'est la meilleure chose qu'on ait pu trouver
jusqu'à présent et que, pour le moment, tant qu'il n'y en aura
pas d'autre, on va être obligé de se battre pour cela. C'est la
position que nous prenons.
Le Président (M. Lafrance): Article 5.
M. Lussier: Dans une société où la
santé fait partie des droits inaliénables de chaque citoyen, il
appartient au gouvernement d'établir des politiques de protection de la
santé et d'instaurer des programmes qui garantissent leur
application.
Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, les
soins dentaires ont pris une importance grandissante, au point
d'apparaître prioritaires dans les programmes de santé de
plusieurs pays. Or, la logique la plus élémentaire commande que
dans tout programme de soins qui vise à l'amélioration
réelle de la santé, on inclue au moins un volet sur les aspects
préventifs avec la garantie bien nette qu'on sera vigilant à
réprimer le développement des mala-
dies autant qu'à en corriger les effets. Dans un programme de
soins dentaires de portée générale, il est évident
que la fluoration se place en tête. Un programme sans cette composante
est voué à une escalade dans les coûts et à une
distribution d'efforts incohérente, ce qui engendre
nécessairement plus de mécontents que de satisfaits.
On n'insistera jamais assez sur une rentabilité des mesures
préventives en santé publique. Ce ne sont pourtant pas les
exemples qui manquent tant du côté de l'élimination des
maladies contagieuses que du côté de la prévention des
accidents. Une mesure comme la fluoration s'impose d'elle-même dans tout
processus de planification de soins dentaires subventionnés par les
deniers publics et nous croyons qu'il est urgent d'en faire profiter la
population du Québec maintenant que le gouvernement s'est engagé
à subventionner les soins dentaires pour une partie de cette
population.
Je pense que la déclaration n'a pas besoin de commentaires. Je
pense que pour nous c'est le commencement d'un programme de soins dentaires et
qu'on s'assure là qu'on va au moins travailler dans le positif pour les
années à venir.
Le Président (M. Lafrance): Article 6.
M. Lussier: Le Québec se distingue, parmi les provinces du
Canada, parson faible taux de dentistes proportionnellement à la
population servie. Dans l'annexe 4, nous apportons des chiffres. La demande de
soins dentaires taxe lourdement les quelque 1,900 dentistes qui constituent
l'essentiel de la main-d'oeuvre dentaire de cette province. Pourtant, sauf le
groupe d'âge de 0 à 8 ans, c'est en très faible nombre que
les Québécois profitent d'un partage de coûts des soins
dentaires avec un tiers payant. Quelle serait la situation si la demande
était subitement encouragée, par des mécanismes
d'assurance-maladie publics ou privés, à solliciter plus
largement les soins dispensés par le dentiste? Or, c'est alors que la
fluoration vient à la rescousse des régions qui font face
à ce problème. Dans la ville de Karl-Marx, en Allemagne de l'Est,
la fluoration a produit en huit ans le résultat suivant. Alors qu'en
1963, il fallait 16 dentistes pour les 19,000 enfants qui recevaient les soins,
soit un dentiste pour 1,200, il n'en fallait que neuf pour le même groupe
en 1971, soit une récupération de personnel de 40%.
Je pense que nous devons nous éveiller, tant que nous sommes,
à cette situation de la main-d'oeuvre dentaire. L'ordre n'en a pas
parlé énormément ce matin. Nous, du domaine de
l'éducation, nous sommes constamment éveillés à ce
problème parce que nous devons former plus de dentistes. Est-ce qu'il
faut les former différemment? Est-ce que nos programmes sont
adaptés à la situation? Enfin, ce sont toujours ces
problèmes d'adaptation de nos programmes à la formation des
professionnels qui, eux, doivent s'adapter à une clientèle qui
est en mouvement. Il y a beaucoup de paramètres qui se mêlent dans
cette situation, et particulièrement en 1975. On est rendu avec des
programmes de soins dentaires qui s'ouvrent à certaines parties de la
population. On a un éveil de plus en plus grand de la part de la
population vis-à-vis des soins dentaires. Les gens recherchent ces
soins. Ils se plaignent qu'ils n'ont pas de rendez-vous assez
fréquemment chez les dentistes. On parle de former un personnel
auxiliaire pour venir en aide à des dentistes. Qu'est-ce que ce
personnel auxiliaire va faire? Où va-t-on le mettre? Dans quelles
circonstances va-t-il travailler? Ce sont toutes des questions qui sont
à l'étude, mais je crois que si, en même temps qu'on
étudie ces problèmes, on était en mesure de compter sur la
mise en vigueur de la fluoration, on serait dans une perspective
différente d'évaluation. L'économie de la main-d'oeuvre
qui se ferait à travers la fluoration pour les deux ou trois
décennies à venir serait un facteur quantitatif extrêmement
important dans la planification qui s'entrevoit. Il est temps qu'on sache si on
va marcher avec cela ou si on va marcher sans cela. Parce que si on marche sans
la fluoration, c'est une planification complètement différente,
c'est un engagement financier complètement différent, c'est pour
la population, un genre de santé dentaire complètement
différent. Je pense qu'à ce moment-ci c'est donc une
décision d'importance et extrêmement urgente à prendre pour
que ceux qui ont la responsabilité de la planification des soins soient
en mesure d'agir convenablement.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: Merci, M. le Président. Dr Lussier, vous nous
mentionnez que dans la ville de Karl-Marx, en Allemagne de l'Est, la fluoration
a produit, en huit ans seulement, le résultat qu'en 1963 il fallait 16
dentistes pour 19,000 enfants qui recevaient les soins, soit un dentiste par
1,200, et qu'en 1971, seulement neuf pouvaient faire le même travail.
Est-ce que vous sauriez nous citer l'expérience vécue à
Laval, par exemple, où, selon les informations que j'ai eues, l'eau est
fluorée depuis un peu plus de dix ans?
Est-ce que vous pourriez faire la comparaison en nous disant quel a
été le nombre de dentistes après l'expérience de
dix ans, combien il y en a eus avant, en fonction, combien en fallait-il
à Laval et combien, après la période de dix ans?
M. Lussier: Je ne peux pas vous fournir de chiffres et ça
s'explique très facilement. La ville de Laval est une ville nouvelle,
une ville qui est venue au monde il y a à peu près une dizaine
d'années ou douze ans, où on a fait le regroupement d'un paquet
de municipalités. Antérieurement à ça, ces petites
municipalités, qui étaient desservies par cet aqueduc qui a
été mis en commun, n'avaient pas mis sur pied d'études et,
habituellement, c'est ce qui doit être fait pour arriver à des
résultats comme ceux que je vous donne là, il faut que ces
études soient planifiées à partir du début. Si,
dans la ville de Laval, au moment où on l'a formée, on avait
décidé de poursuivre une étude en fonction de ça et
de tenir compte de l'augmentation de la population des dentistes qui
était là, je pense qu'on serait en mesure de vous
répondre.
Actuellement, je n'ai pas de statistiques, je ne sais pas si la ville de
Laval est capable de me dire à quel taux le nombre de dentistes s'est
introduit dans cette nouvelle région.
Deuxièmement, un autre point. C'est que, pour arriver à
des études comme ça, il faut aussi se choisir des populations sur
lesquelles on peut tirer des données. Dans la ville de Karl-Marx, je
présume qu'on fait affaires avec une ville relativement petite où
la population est très bien contrôlée au point de vue du
nombre et dans son évolution. On n'est pas en mesure de faire la
même chose là-bas. Je ne pourrais pas vous dire combien il y avait
d'enfants à ce moment-là, particulièrement dans Laval, ni
de quel âge, ni dans quelle situation ils se trouvaient et là, je
pense que les conditions de comparaison sont tellement différentes entre
ce qu'il y avait il y a dix ans et ce qu'il y a aujourd'hui, que je ne crois
pas qu'on pourrait arriver avec des données très fiables.
Je comprends la préoccupation de monsieur le député
d'avoir des études qui viennent de chez nous en fonction de cela et je
suis le premier à déplorer qu'on n'ait pas eu le leadership, la
sagesse, dans ces endroits, de penser à l'importance de ces statistiques
et de commencer à les compiler au moment où c'était facile
à faire. Aujourd'hui, faire des statistiques en reculant, c'est pas mal
plus difficile.
M. Samson: C'est évident que, si j'ai posé cette
question, M. le Président, c'est que ce matin, justement, l'Ordre des
dentistes nous a mentionné Acton Vale où, compte tenu de la
densité de la population, cela se rapprochait peut-être plus de la
densité de la population de la ville de Karl-Marx que de celle de Laval.
On n'a pas pu nous dire ce matin s'il y avait eu réduction des dentistes
à Acton Vale; puisque c'est une petite ville, ils n'ont pas eu tellement
besoin de statistiques pour nous dire qu'au début, il y en avait deux et
qu'il y en a encore deux. Cela veut dire qu'il n'y a pas eu de réduction
de ce côté. S'il n'y a pas eu de réduction dans les petites
villes, est-ce qu'il y aurait réduction dans les grandes villes?
Il y a une autre question que j'aimerais poser: Est-ce qu'on peut
prétendre que les statistiques données en ces matières
peuvent être aussi valables, qu'elles proviennent de notre territoire ou
d'autres pays où les conditions climatiques peuvent être
différentes? Est-ce qu'à ce moment-là, cela ne pourrait
pas influencer une différence dans le taux de réduction des
dentistes?
M. Lussier: Pour ce qui est du taux de réduction
même, je ne connais pas le mode de pratique dentaire dans les pays qui
ont été, à un moment donné, désignés
comme derrière le rideau de fer. C'est entendu que le mode de pratique
des professionnels là-bas diffère du nôtre. Mon
interprétation est qu'on peut rapporter des faits comme cela, en mettant
des groupes d'enfants par rapport à un professionnel parce que, dans ces
régions, on assigne des territoires à des professionnels, comme
on le fait en Angleterre actuellement, pour ce qui est des médecins. Les
médecins qui travaillent en Angleterre sont des gens que l'on envoie
dans un territoire et qui sont responsables du groupe d'individus qui est
là. A ce moment-là, c'est facile de faire des statistiques par
rapport au bonhomme qui est là.
Ce n'est pas notre système en Amérique du Nord, les gens
vont s'installer partout où cela fait leur affaire. On peut avoir une
forte concentration à Montréal et avoir une disette
complète dans d autres villes. On ne peut pas arriver à des
comparaisons comme cela aussi facilement, mais, quand on les a dans des pays
où le système leur permet de les faire, je pense qu'on ne peut
pas faire autrement que d'en tirer profit.
M. Samson: Oui, d'accord. Mais à ce moment-là,
compte tenu de ce que vous venez de dire, autour de l'exemple de la ville de
Karl-Marx que vous avez cité, est-ce que cela amène une
crédibilité absolue de ce qui est cité là, compte
tenu de tout ce que vous venez de nous dire ou à ce moment-là, ce
genre d'exemple pourrait être très discutable?
M. Lussier: Si c'était le seul. J'en ai cité un; je
ne me suis pas donné la peine de rechercher tous ceux qui existent.
J'aurais bien pu prendre un autre exemple en Nouvelle-Zélande quant aux
soins donnés aux enfants. Sous un autre système, ce sont des
infirmières dentaires qui travaillent dans les écoles; on
institue des cliniques dans les écoles et ce sont ces personnes qui
donnent les soins.
Depuis qu'en Nouvelle-Zélande, on a la fluora-tion, le nombre
d'enfants traités par des infirmières a augmenté. Cela
veut dire qu'il y a moins de travail à faire par enfant et, au lieu d'en
traiter 300, les infirmières vont en traiter 500. Alors, par un autre
mécanisme, à l'autre bout du monde, on retrouve exactement la
même situation. Tout cela pour arriver à dire simplement, sans
attacher une foi absolue aux chiffres, puisque vous ne le voulez pas et je vous
respecte de ce côté, mais c'est simplement à titre
d'exemple, pour montrer que lorsqu'on utilise la fluoration, les soins qu'on a
à donner aux enfants sont tellement réduits que l'on peut traiter
plus d'enfants avec le même nombre de professionnels. Pour nous, c'est
extrêmement important, parce qu'on manque de professionnels
dentaires.
Donc, si on avait la fluoration, nos dentistes pourraient traiter
individuellement plus d'enfants qu'ils ne le font maintenant. Lorsqu'ils en
prennent un, il y a tellement de choses à faire qu'ils ne peuvent pas en
prendre plus qu'un certain nombre. C'est simplement ce que cela veut dire.
C'est ainsi qu'on augmente la productivité des professionnels qui sont
en disponibilité.
M. Samson: Vous avez tenu compte, dans l'élaboration de
votre mémoire, des expériences faites au Chili par le Dr Schatz.
Vous en avez sûrement entendu parler?
M. Lussier: Je ne suis pas très familier avec ce qui s'est
fait au Chili. J'ai eu simplement quelques entrevues avec des praticiens de
cette région et c'est un mode de pratique dentaire qui est assez
éloigné du nôtre. C'est un pays à tendance
totalitaire, ou du moins, cela l'a été pendant un certain temps,
de sorte que les dentistes travaillent dans
des cliniques du gouvernement, obligatoirement, pendant une certaine
période de la journée ou de la semaine et ont leur cabinet
à part; de sorte que c'est quelque chose qui est très
différent de notre régime. Là encore, pour faire suite
à la remarque que vous faisiez tout à l'heure, les données
qu'on peut avoir, il faut les prendre dans le contexte où c'est
présenté. Je ne vous ai rien apporté du Chili parce que je
ne me suis pas donné la peine d'aller chercher des exemples là et
je n'ai pas étudié le dossier du Chili
particulièrement.
M. Samson: Est-ce que vous êtes d'accord, quand même,
que les expériences qui pourraient avoir été faites au
Chili, sous le régime totalitaire que vous avez mentionné,
pourraient se comparer aux expériences faites en Allemagne de l'Est sous
un autre régime totalitaire?
M. Lussier: C'est à la suite de la comparaison qu'on
pourra le dire, véritablement, si...
M. Samson: C'est parce qu'il est évident que ce que vous
apportez comme exemple, en citant la ville de Karl-Marx, en Allemagne de l'Est,
est totalement l'opposé de ce qui nous est amené comme
expérience par le rapport Schatz, fait au Chili. C'est évident
que là, on ne peut pas dire qu'il s'agit de deux contextes
différents, mais de deux contextes politiques exactement semblables.
C'est pourquoi je vous posais la question, à savoir si vous aviez
eu l'occasion de prendre connaissance de ce rapport. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): L'honorable ministre des
Affaires sociales.
M. Forget: M. le Président, je voulais seulement souligner
que la question de tantôt, posée par le député de
Rouyn-Noranda, comportait deux parties. La première, sans doute par
inadvertance, n'a pas encore reçu de réponse du Dr Lussier. Il
faisait allusion aux différences climatiques. Peut-être, pour
dérider la commission, j'aimerais souligner au député de
Rouyn-Noranda que ce n'est pas le gel qui cause des fissures dans les
dents.
Mais peut-être que le Dr Lussier pourrait faire un commentaire
plus éclairé que celui-là, pour répondre à
la question du député de Rouyn-Noranda et déterminer dans
quelle mesure les conclusions qui ont été observées dans
un grand nombre de pays, sont sujettes à des qualifications, à
des réserves, ou à cause des conditions climatiques.
M. Lussier: Je pense qu'on soulève un point qui peut
donner lieu à une très longue discussion. C'est sûr que, si
on prend les conditions de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, de la
ville Hong Kong, de la Californie, de l'Allemagne et du Canada, on arrive dans
des conditions non seulement de climats, mais aussi de cultures qui sont
extrêmement différentes. Je pense qu'il faut tenir compte, dans
chacune de ces groupes, d'une situation qui ne vaut que pour la région
elle-même, mais il faut aussi dire que, dans toutes ces études, on
fait des études avec des contrôles, on fait des études avec
des témoins.
Dans la ville de Karl-Marx, je vous le rapporte, ce sont des
constatations sur les mêmes enfants. Si on s'en va en
Nouvelle-Zélande et en Australie et qu'on rapporte des
différences de rendement au point de vue de l'application de la
méthode, c'est en fonction de groupes qui, au point de vue culturel et
climatique et tout cela, sont des groupes comparables. On ne compare pas une
situation de la Nouvelle-Zélande avec une situation du nord de
l'Irlande. Cela ne va pas du tout, voyez-vous? Il faut tout de même
prendre les résultats qu'on a dans chaque pays et les voir à la
lueur de ce que l'on fait là, du système qui est en marche
là. Mais, il y a quelque chose de frappant tout de même, c'est
que, partout, où on a mis la fluoration, à quelque endroit que ce
soit dans le monde, on en a tiré des effets bénéfiques, de
la même façon, dans la même proportion.
Le Président (M. Pilote): Est-ce qu'il y en a d'autres qui
veulent la parole?
Je vous remercie, messieurs. J'ai été absent un bout de
temps, excusez-moi.
M. Lussier: D'accord. Il n'y a pas d'étude globale qui a
pu jusqu'à maintenant établir l'indice de santé dentaire
au Québec. Si une telle valeur était connue pour chacun des
âges de notre population, nous serions en meilleure posture pour faire
des comparaisons et des calculs d'opération.
Il existe cependant un certain nombre de relevés provenant de
groupes isolés qui ont servi d'élément de comparaison avec
les autres provinces et les autres pays. C'est grâce à ces
données qu'on pourra apporter un certain éclairage sur
l'étendue des besoins dentaires de notre jeune population. Par exemple,
on estime qu'au Québec 70% des enfants de cinq à treize ans ont
quatre à cinq dents qui nécessitent une obturation; 30% des
enfants de onze à treize ans ont trois dents cariées au point de
les supprimer.
Une étude faite de 1965 à 1968, à
l'Université de Montréal, démontrait que les enfants des
milieux peu fortunés ont, à l'âge de dix ans, 6.4 dents
permanentes cariées et, à l'âge de treize ans, 13.8 dents
permanentes cariées, c'est-à-dire que plus de la moitié
des dents qu'ils ont en bouche sont déjà atteintes de carie. Nous
avons les tableaux qui mettent ces données en évidence à
l'annexe 5.
Comme le groupe d'âge de six à treize ans correspond
à une population d'un peu plus d'un million, on peut supposer qu'il en
coûterait plus de $100 millions pour effectuer les soins de restauration
sur ces enfants dans l'hypothèse que la moyenne de caries pour cet
agrégat est de sept caries et que le coût moyen de chaque
obturation est d'environ $15.
Le rapport du Service de santé de la ville d'Ed-monton, Alberta,
insiste sur le profit qu'a retiré la population de cette ville en cinq
ans de fluoration, j'insiste sur cinq ans. Pour l'ensemble de la population des
enfants d'âge scolaire de 6 à 17 ans, on enregistre une diminution
de 46%. Alors qu'à Montréal le taux se maintient à 6.9
caries par enfant, à Edmonton il n'est que de 1.1.
AToronto, en dix ans de fluoration, on a doublé
le nombre d'enfants exempts de carie chez les préscolaires. Pour
l'ensemble des 5 à 19 ans, un enfant sur cinq, à Toronto, est
exempt de carie en 1973 alors qu'il y en avait un sur dix en 1963. Il serait
intéressant de faire des comparaisons avec Montréal, mais les
données pour des ensembles aussi grands nous manquent. Rappelons
cependant que l'étude de l'Université de Montréal,
déjà mentionnée, présente une évaluation
faite sur un groupe de 3,888 sujets de 6 à 13 ans. Seulement 1 sur 15 de
ces enfants était exempt de carie et ces enfants étaient tous de
moins de 10 ans. On peut donc en conclure qu'en dehors des zones ou l'eau est
fluorée ce ne sera qu'exceptionnellement qu'on trouvera un enfant de 10
ans pt plus qui ne sera pas déjà atteint de carie.
On ne saurait trop insistersur la situation déplorable qui
prévaut dans notre jeune population. Il est grandement temps qu'on
prenne les moyens de la corriger. La fluoration est évidemment la mesure
toute désignée pour apporter un remède à
brève échéance.
Je pense que ces faits ne font que corroborer ceux qui ont
déjà été cités antérieurement, mais
ils manifestent encore aussi éloquemment la triste situation dans
laquelle notre jeune population se trouve au point de vue dentaire.
Le point no 8, le problème des maladies dentaires ne peut se bien
comprendre que si on le situe sur le plan communautaire. La carie dentaire, en
général, atteint plus de 95% des individus d'une population. Au
Canada, selon une étude commanditée par la Commission royale sur
les services de santé en 1963, le coût des soins dentaires
était le troisième en tête dans une liste de 21 services
cités. En 1966, alors que le coût des traitements dus aux maladies
coronariennes atteignait $8 millions, c'est $178 millions que coûtaient
les soins dentaires. En 1972, le coût des soins dentaires se haussait
à $350 millions même si, à ce coût, à peine un
tiers de la population canadienne recevait les soins requis. Rien pourtant ne
laisse prévoir que les coûts iront en diminuant.
Il y a quand même une lueur d'espoir dans ce tableau et c'est la
fluoration qui seule peut l'alimenter. Nous avons fait allusion
précédemment à l'avance prise par plusieurs villes et
régions d'Amérique du Nord qui, par la fluoration, ont
protégé fort avant la santé dentaire de leurs
habitants.
Il n'y a pas que cet avantage qu'elles ont trouvé. Celui de
l'économie des dollars leur est venu par surcroît. A l'annexe 7
apparaissent les données qui émergent d'analyse de coût et
de bénéfices dans les villes où la population en
expérience a été soigneusement choisie et suivie. Les
données que nous présentons illustrent les résultats
obtenus dans des Etats américains de climat et de géographie
différents. Ils ne démontrent pas moins que, dans tous les cas,
la fluoration a apporté une réduction considérable dans le
coût des soins dentaires rendus aux enfants. Dans l'ensemble, les
coûts diminuent de plus de 50% et, dans plusieurs cas, la diminution
dépasse 60%.
Cette constatation impressionne à ce point les compagnies
d'assurance privée qu'elles songent maintenant à
établirdes primes préférentielles pour les habitants des
villes où l'eau est fluorée. Que l'on examine attentivement la
différence des réclamations qui originent de San Francisco par
rapport à Los Angeles et l'on se convaincra du bien-fondé de
cette préoccupation.
Le cas de la ville de Shebogan, Wisconsin, est certes le plus
éloquent. Alors qu'avant 1950 le coût des soins dentaires par
enfant, par année, était de $172.32, il a été
réduit, après 20 ans de fluoration, à $46.34 (dollar
constant). On estime maintenant que, pour chaque dollar dépensé
pour la fluoration, on encourt une économie de $55.77 sur les frais de
services et d'honoraires. Les exemples de ce genre foisonnent à
volonté. Nous croyons qu'il aura suffi de ce bref aperçu pour se
convaincre des avantages d'ordre économique que procure la
fluoration.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est simplement une
précision que je voudrais vous demander. Lorsqu'on parle du coût
par personne au point de vue des soins dentaires requis, là où il
n'y a pas la fluoration, est-ce qu'il y a des études qui font le partage
sur la période où cela coûte nécessairement le plus
cher? J'imagine que c'est à l'âge de l'adolescence. Ici, dans le
cas de la ville du Wisconsin dont vous nous parlez, on parle de $172 par
enfant, ce qui a baissé par la suite à $46.34, après
l'usage de la fluoration. Pour les personnes plus âgées, est-ce
que, à votre connaissance, il y a des statistiques, dans le sens de
départager les coûts qui sont requis? Pour les enfants de tel
âge à tel âge, et, ensuite, pour les personnes plus
âgées?
M. Lussier: C'est plus facile de le faire pour les enfants que
pour les personnes plus âgées. Lorsqu'on veut faire des analyses
de coût par enfant, on est obligé, naturellement, de s'en
référer aux cabinets dentaires pour avoir les données
voulues. L'avantage de comparer par enfant, c'est que les services
donnés aux enfants sont beaucoup plus semblables que les soins qu'on
donne aux adultes.
Si on le faisait pour les adultes, il faudrait le faire pour plusieurs
tranches d'adultes. Pour des adultes de 18 à 30 ans, de 30 à 45
ans et de 45 à 60 ans, le genre de soins qu'on rend est
différent. Aux enfants, on rend des soins qui sont dus au dommage de la
carie et qui sont des soins orthodontiques, pour remplacer les dents, et les
soins chirurgicaux qui peuvent être nécessaires, vu l'état
grave des dents.
Ce sont des ensembles de soins qui sont assez comparables pour les
groupes d'enfants. Mais lorsqu'on est chez des adultes, c'est plus difficile.
Il y a des gens qui ont peu de dents et il y en a qui ont beaucoup de dents.
Ceux qui ont beaucoup de dents ont besoin de types de soins qui sont
différents de ceux qui ont peu de dents.
Pour les gens qui se font extraire des dents à l'âge de 20
ans et qui portent des dentiers, c'est une comptabilité pas mal
différente de celle des gens qui ont leurs 32 dents dans la bouche, qui
vont chez le dentiste à tous les six mois et qui se font faire de la
dentisterie pas mal sophistiquée.
Si, à un moment donné, madame, rendue à 45 ans,
n'aime pas son alignement et la couleur de ses dents et qu'elle veut se faire
faire des couronnes
partout, c'est un cas pas mal particulier. Quand on arrive dans un
agrégat comme cela, c'est extrêmement difficile à
dégager.
On est obligé de tenir compte du niveau social de ces individus.
On a des comptabilités plus difficiles à faire que lorsqu'on le
fait du côté des enfants. C'est pour cela qu'on a tendance
à comparer les coûts du côté des enfants.
Disons que, d'une façon générale, c'est sûr
qu'il y a une répercussion et on va l'avoir de plus en plus. Je vous
disais tout à l'heure que cela fait 25 ans qu'on fluore. C'est une
période assez longue pour tenir compte de toute la population qui est
venue au monde pendant ce temps-là.
Mais on est encore ce qu'on appelle dans des jeunes "brackets". Les gens
qui avaient 25 ans il y a 25 ans sont des gens de 50 ans aujourd'hui. On ne
peut pas les comparer là-dedans, on ne les a pas entrés
là-dedans. Il y a une courbe qui existe. Si on pense en termes de
protection que confère la f I uora-tion chez l'adulte ou chez des
populations adultes qui ont vécu toute leur vie avec de l'eau
fluorée, il y a une étude qui a été faite au
Colorado, il y a une quinzaine d'années, où on a comparé
Colorado Springs avec la ville de Boulder, chez des gens de 20 ans à 60
ans. On a regardé le nombre de caries qui s'étaient
développées chez ces gens. Les résultats sont dans votre
dossier analytique. Vous les trouvez ici. Chez des gens de 45 ans, ils ont un
taux de carie de 7% à 8%, d isons, peut-être, 9%, à
comparer à 23% par rapport aux autres, à 44 ans. Si on regarde ce
qu'ils étaient à 20 ans, c'était 6% par rapport à
14%.
Donc, la protection qui a été conférée quand
ces gens étaient jeunes s'est maintenue par la suite. J'ai l'impression
que les gens qui n'ont eu que 9 ou 10 obturations à se faire faire par
rapport à 26, ça leur a au moins coûté la
moitié moins. Je pense que c'est très modeste en fait de chiffres
que de dire que cela a coûté la moitié moins. Parce que le
genre de carie qui apparaît chez des gens qui bénéficient
de l'eau fluorée sont des caries qui coûtent bien moins cher
à réparer que les autres. Parce qu'elles sont beaucoup plus
petites.
M. Bédard (Chicoutimi): Merci.
M. Simard: J'aurais une remarque très courte à
ajouter à cela. Le docteur parlait de 9 caries, il faut prendre en
considération que, quand quelqu'un a un nombre de caries aussi
restreint, il est beaucoup plus porté à se faire traiter que
quelqu'un qui en a un très grand nombre. Quand il y en a un très
grand nombre, on recourt à l'extraction; c'est pour cela que, dans la
province de Québec, on a autant, malheureusement, de porteurs de
prothèses.
M. Bédard (Chicoutimi): Oui.
Le Président (M. Pilote): D'autres questions?
M. Lussier: II serait opportun d'apporter à la
considération du gouvernement un avantage indirect, mais non moins
important, de la fluoration, celui de contribuer au développement normal
et harmonieux des os et des structures de la face de chaque individu, au cours
des quinze ou seize premières années de sa vie, et
d'éviter l'apparition de complexes d'ordre psychologique causés
par les anomalies et malformations qui surgissent à l'adolescence. On
sait que l'enfant, au moment où il prend conscience de sa
personnalité, s'inquiète de l'image qu'il projette et cherche
à se rassurer sur l'état de son aspect physique. Une denture
saine, complète et régulière est reconnue depuis toujours
comme l'un des éléments les plus appréciés de ceux
qui sont sensibles à la beauté physique. Or, les adolescents sont
hypersensibles à l'endroit de tout ce qui lèse leur ego. Nombreux
sont ceux qui développent des complexes à cause de leur mauvaise
denture. Les adolescents qui ont des dents cariées ou absentes se
rendent compte de l'importance des dents alors qu'il est trop tard pour
corriger la situation dont, d'ailleurs, ils ne sont pas toujours les plus
responsables. Pourtant, dans la plupart des cas, on aurait pu prévenir
à la fois les troubles dentaires et les troubles psychologiques.
On sait que la croissance des os de la face est grandement
conditionnée par la venue et la chute des dents temporaires et par la
retenue des dents permanentes en bouche jusqu'à l'âge adulte. Les
études faites chez des populations d'enfants provenant de régions
où l'eau était fluorée ont démontré que les
problèmes de croissance faciale sont considérablement moins
nombreux parce que la rétention des dents temporaires en position
jusqu'à leur chute normale prévient quantité de
difformités au niveau de la moitié inférieure de la
face.
Indirectement, mais tout aussi efficacement, la fluoration, par son
action inhibitrice sur la carie, épargne à une forte proportion
de jeunes gens des épisodes désagréables sur le plan
psychologique, sans compter les frais de traitements d'orthodontie qui,
habituellement, viennent grossir la note des dommages encourus.
Je voudrais insister sur ce point de l'esthétique. Cela semble
secondaire, souvent, l'esthétique. Mais il ne faut pas oublier que notre
profession s'est légitimée, a pris racine dans nos
sociétés modernes pour deux raisons: pour combattre le mal de
dent et pour redonner aux gens l'apparence qu'ils auraient s'ils avaient leurs
dents ou si leurs dents leur étaient conservées dans le meilleur
état possible. Ce sont les deux raisons qui ont justifié le
développement de la profession dans le monde moderne. Ces deux aspects,
il les ont combinés ensemble, et les dentistes sont forcément des
esthéticiens de la bouche; en même temps, ce sont des
restaurateurs de la fonction de mastication. Ce n'est pas tout de redonner la
fonction, les gens veulent retrouver leur sourire, leur expression, leur
personnalité telle qu'elle se manifeste à travers leur
faciès. Ce n'est pas pour leur intérêt personnel que les
dentistes ont développé cela, c'est parce que leur
clientèle leur demandait de faire cela.
On sait depuis longtemps que la beauté du visage tient beaucoup
plus au développement harmonieux de la partie inférieure que de
la partie supérieure. Des gens qui ont des fronts laids sont beaucoup
plus rares que des gens qui ont des massifs buccaux peu jolis. Et pourquoi les
massifs buc-
eaux sont peu jolis et nombreux? C'est parce que justement il y a des
problèmes de croissance dentaire dus à ce que les gens souvent
perdent leurs dents trop jeunes. Les gens se défigurent malgré
eux à un âge précoce de leur vie parce qu'ils ne retiennent
pas leurs dents assez longtemps dans la bouche, les dents temporaires qui
doivent être là jusqu'à l'apparition des autres et, de
plus, les dents permanentes qui sont faites pour durer la vie. En dépit
de ce que les gens en pensent, on n'a pas des dents pour les perdre, on a des
dents pour les garder. Il est normal que les gens meurent avec leurs dents.
C'est une anomalie de notre civilisation qu'on meure sans dents. On n'a plus
raison de mourir sans dents que de mourir sans yeux ou sans jambes. La
population ne comprend pas cela. Nous sommes devant une situation où les
gens se disent: Ma foi, par l'esthétique, en payant pour, on vient qu'on
rétablit cela. Je pense que c'est une erreur grave parce qu'en
dépit des moyens excellents dont jouissent les dentistes pour
rétablir l'esthétique, pour effacer les dégâts on ne
remplace pas le jeu de la nature. On n'arrive pas à redonner aux gens ce
dont normalement ils auraient l'air s'ils avaient gardé leurs dents en
bouche tout le temps de la croissance ou tout le temps de leur vie. Je pense
que c'est un point important qui est très sous-estimé.
Cela a une valeur psychologique et une valeur économique. C'est
difficile ce monnayer cela exactement, mais faites faire un choix à des
gens rendus à 40 ans de leur vie en leur disant: Si tu avais pu
conserver tes dents pendant tout ce temps sans avoir de problème, les
aurais-tu gardées ou si tu aurais choisi d'avoir des dentiers? Je pense
qu'on peut s'attendre à la réponse. Je pense que les gens
auraient choisi de garder ce que la nature leur a donné. Mais on ne leur
a pas laissé le choix ou du moins on les a mis dans des situations
telles qu'ils ont été obligés de s'adonner à autre
chose pour se tirer d'embarras. Je pense que la fluoration, à ce
moment-ci, corrige je ne dis pas qu'elle guérit la
situation considérablement. Dans certaines villes on a pu faire des
comparaisons. A Newburg et à Kingston, deux petites villes de l'Etat de
New York, depuis 25 ans on fait des études de ce qui s'est passé.
On est allé chez les orthodontistes de ces villes, on a examiné
leurs dossiers, on a examiné les modèles des gens qui avaient
été traités et on s'est aperçu que, dans la ville
où l'eau était fluorée, les enfants ne présentaient
pas les mêmes anomalies, ni en nombre ni en gravité, par rapport
à la ville où il n'y avait pas d'eau fluorée, qui est
Kingston.
Quand on calcule le capital humain, la valeur humaine qui est
conservée à travers une situation comme celle-là, je pense
que c'est un élément dont il faut tenir compte sans compter le
coût des services, parce que s'il y a trois fois plus d'enfants qui ont
des traitements d'orthodontie à se faire faire. Comptez ce que cela peut
coûter aux parents pour arriver à corriger une situation qui
aurait simplement pu être évitée par la fluoration.
M. le Président, par ce mémoire, les trois facultés
dentaires des universités du Québec ont voulu souligner au
gouvernement de cette province l'ensemble des bénéfices les plus
apparents qui peu- vent être attendus de la mise en vigueur de la
fluoration des eaux de consommation dans tous les endroits où les
réseaux d'aqueduc le permettent et où cette mesure n'est pas
déjà en vigueur, en s'ap-puyant sur les faits qui ont
semblé les plus évidents et les plus représentatifs. La
fluoration est maintenant connue dans ses effets sous de multiples aspects et
l'étendue et le degré de son emploi sur le continent
nord-américain et dans le reste du monde ont pris une telle proportion
et une telle justification qu'on ne peut, si l'on veut faire preuve
d'objectivité, s'opposer à la présente loi, qui vise
à améliorer la santé dentaire dans notre population.
Ce mémoire constitue un appui sans restriction au projet de loi
no 88, qui enjoint les propriétaires d'usine de filtration à
ajuster le niveau de fluor au taux de 1.2 partie par million dans les eaux
fournies. Les facultés dentaires expriment leur reconnaissance d'avoir
été entendues et souhaitent que leur intervention contribuera
à doter notre système de soins de santé d'une mesure que,
de nos jours, on estime indispensable.
Nous nous ouvrons à toutes les questions que les membres de la
commission voudront bien maintenant nous adresser en rapport avec ce
mémoire ou en rapport avec la question qui est discutée.
Le Président (M. Pilote): Le député de
Chicoutimi.
M. Bédard (Chicoutimi): Non, c'était simplement
pour exprimer mon accord sur un point que vous avez soulevé en tout
dernier lieu, à savoir I importance de la dentition, surtout de garder
ses dents naturelles, et sur l'aspect esthétique important aussi, non
seulement du point de vue économique, mais du point de vue psychologique
tel que vous l'avez mentionné.
Vous avez exprimé l'idée, vous l'avez dit très
carrément: Les gens ne comprennent pas cela. Est-ce que vous n'avez pas
l'impression, sinon la conviction du moins c'est celle que j'ai
qu'il ya beaucoup plus de gens, de parents ou de gens qui ont à traiter
de ces problèmes, même du point de vue du comportement des
dentistes eux-mêmes, vous ne pensez pas que les gens sont beaucoup plus
sensibilisés a cette importance du point de vue esthétique,
économique et psychologique de garder ses dents et non pas de recourir,
dès les premières caries ou encore dès les premiers
troubles majeurs, à la demande qu'on faisait très facilement
avant à un dentiste de poser des dentiers? Personnellement, je crois que
les dentistes eux-mêmes, il y a peut-être dix ou quinze ans,
étaient beaucoup moins sensibilisés par la préoccupation
de garder les dents aux patients qu' is ne le sont présentement. Je ne
sais pas si c'est une mauvaise perception que j'ai, mais il me semble que,
maintenant, la médecine dentaire est beaucoup plus orientée en
fonction de la prévention qu'elle ne l'était auparavant et
beaucoup plus réfractaire à enlever des dents quelle ne
l'était autrefois.
M. Lussier: Sur ce point, si le président me permet de le
commenter, c'est sûr que la profession
fait des progrès. Elle en a fait depuis un bon nombre
d'années. Elle continue à en faire. La profession est
marquée par les apports scientifiques qui lui sont versés
quotidiennement. La profession est certainement alerte de ce côté
et essaie de donner les meilleurs soins possibles, à la plus grande
partie de la population. Il faut penser que le nombre de dentistes en existence
dans la province de Québec est insuffisant pour une population qui veut
se donner tous les soins dentaires disponibles.
M. Bédard (Chicoutimi): Remarquez que je ne veux pas
prendre cet exemple pour vous dire: Donc, la conséquence, pas de
fluoration. Dans cet esprit, je vous pose la question simplement en termes de
constatation.
M. Lussier: C'est la raison pour laquelle...
M. Bédard (Chicoutimi): D'une part, je pense que, du point
de vue des médecins, du point de vue des dentistes, c'est une
constatation personnelle. Remarquez que je peux être dans l'erreur. On a
beaucoup évolué dans le sens de garder les dents plutôt que
de les enlever, la profession comme telle. Egalement, il me semble que, depuis
quelques années, les parents sont beaucoup plus sensibilisés
à la nécessité et à l'importance pour leurs enfants
de garder leurs dents qu'ils ne l'étaient auparavant.
M. Lussier: Je pense qu'on est entièrement d'accord
là-dessus. L'éducation se fait, il y a un progrès dans le
public de ce côté, un progrès énorme. Il y a des
parents qui sont certainement plus réceptifs aux conseils du dentiste
que cela ne l'était il y a quinze ans ou vingt ans ou plus longtemps que
cela. Il n'en reste pas moins que, dans certains milieux, on laisse les choses
s'aggraver tellement, surtout dans les milieux défavorisés, les
soins dentaires semblent tellement être en dehors de ce que ce public
peut se payer, qu'il attend, comme pour toute autre situation à
ce moment, il est tout à fait logique et constant avec lui-même
il attend d'être dans des situations atroces pour s'en sortir.
On a fait allusion, dans le mémoire, à une étude
qu'on a faite à l'Université de Montréal. Nous traitons
des enfants, en cours d'été, qui viennent des milieux
défavorisés de Montréal. On a fait ces études en
donnant des traitements à ces enfants. Non seulement on traite ces gens,
mais on essaie de les intéresser à venir recevoir les
traitements. Vous devriez voir le mal qu'on a à les retenir pour leur
donner des soins et pourtant on les soigne bien, on ne les violente pas. Il il
y a eu un temps où on allait même les chercher à leur
domicile ou à la cour d'école pour les amener. Même dans
ces conditions, les gens refusent. Vous voyez que l'éducation n'est pas
aussi ancrée dans les moeurs qu'on le croirait. On offre un service pour
rien et les gens ne veulent même pas s'en prévaloir. Ils font
traiter les enfants une fois ou deux fois, et, l'été suivant, on
leur demande de revenir, on va leur donner les mêmes soins, et on ne les
voit plus réapparaître. Donc, au point de vue de
l'éducation, il y a considérable- ment à faire. Je reviens
au point que je développais au début; si on attend de convaincre
tout ce monde par des processus éducatifs, on va sacrifier cette
génération, on va se retrouver dans vingt ans et on n'aura pas
fait tellement de progrès.
C'est pour cela qu'il faut agir tout de suite. C'est pour cela que,
conscients avec nos responsabilités d'hommes de science de la
santé, nous voulons encourager le gouvernement à prendre des
mesures qui protègent au moins ces enfants. Emmenez-nous les à un
niveau de santé dentaire tel qu'on puisse faire quelque chose, mais
entendez-vous, dans vingt ans d'ici, ne nous emmenez des gens qui sont dans des
situations aussi extrêmes que celles qu'on connaît
actuellement.
Le Président (M. Pilote): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: Je voudrais m'adresser, M. le Président, au Dr
Simard. Nous avons mentionné tantôt les déclarations des
professeurs Roy, Boutet et Morin, de l'université Laval. Je voudrais
revenir sur le sujet, en ce qui concerne un point particulier. Dans votre
mémoire, à l'annexe 3, en page 3, vous soutenez que l'organisme
de protection de l'environnement soutiendrait que le fait d'ajuster la teneur
en fluor de l'eau potable ne peut être considéré comme de
la pollution, alors que, dans la déclaration des trois professeurs Roy,
Morin et Boutet, dans Le Devoir du 27 janvier, ces derniers soulignent que, du
point de vue scientifique, la fluoration des eaux du Saint-Laurent paraît
inacceptable à cause de ses effets désastreux sur la faune
marine. Comment pouvez-vous concilier ces deux positions qui semblent
complètement différentes, provenant des gens qui sont quand
même de la même université. Dans le public, on n'est pas des
scientifiques, pas tous en tout cas.
M. Simard: C'est seulement une hypothèse qu'ils font.
M. Samson: Evidemment, on a compris, quand ils parlent de la
fluoration des eaux du Saint-Laurent, c'est par la voie des égouts de
toutes les villes, d'où l'eau se retrouve là. Eux soutiennent
que, du point de vue scientifique, ce serait inacceptable à cause des
effets désastreux sur la faune marine. Vous soutenez, dans votre
mémoire, qu'il y a à peine...
M. Simard: Si je me rappelle bien, ils se posent une
interrogation. Ils ne font pas d'affirmation, si je me rappelle bien. Ils se
posent une question.
M. Samson: Elle paraît inacceptable.
M. Simard: Je reviens à ce que je vous disais tout
à l'heure. J'aime beaucoup mieux me fier à un organisme qui est,
justement, l'organisme de la protection de l'environnement qu'à un
individu isolé qui va faire une intervention.
M. Samson: Je suis d'accord avec vous, mais il
reste que les organismes sont composés d'individus.
M. Simard: C'est cela.
M. Samson: Ces individus sont à l'université Laval.
Vous êtes de l'université Laval. Ils sont là
également. Qu'est-ce qu'on doit conclure de cela? Je vous pose la
question.
M. Simard: Je leur demanderais de prouver scientifiquement leur
assertion. Ils vont venir, je pense, à la commission parlementaire.
M. Samson: Je ne sais pas s'ils vont venir à la commission
parlementaire, je parle de la déclaration publique.
M. Simard: Je pense que je leur demanderais directement de
prouver leur assertion. Si je me rappelle bien, c'est plutôt une
interrogation qu'ils se posaient. C'est très bien de se poser une
interrogation...
M. Samson: Est-ce que, du point de vue scientifique, la
fluoration de l'eau, selon ce que vous nous expliquez, est une bonne mesure
pour la protection de la carie dentaire, les effets seraient les mêmes
sur la forme...
M. Lafrance: Question de règlement, s'il vous
plaît.
M. Samson: Je m'excuse, M. le Président, il n'y a pas de
question de règlement.
M. Lafrance: Question de règlement.
M. Samson: Je ne laisserais pas passer cela, M. le
Président.
M. Lafrance: Question de règlement.
M. Samson: Rappelez le député à l'ordre. Ma
question est dans l'ordre.
M. Lafrance: Question de règlement, parce que...
M. Samson: M. le Président, est-ce que ma question est
dans l'ordre, oui ou non?
Le Président (M. Pilote): Question de
règlement.
M. Lafrance: Question de règlement, M. le
Président. Le député de Rouyn-Noranda a affirmé une
fausseté. Il dit que la fluoration est une bonne mesure
pourlacariedentaire. C'estfaux, c'est contre la carie dentaire.
M. Samson: M. le Président, nonobstant l'évasion du
député de Rivière-du-Loup, qu'il me soit permis de
continuer à questionner le Dr Simard.
M. Lafrance: Ce n'est pas pour, c'est contre.
M. Samson: Non, ce n'est pas fort. D ailleurs... M. Lafrance:
C'est contre.
M. Samson:... c'est bien de vous autres. Est-ce qu'on peut dire
qu'on pourrait...
M. Lafrance: On lui pardonne.
M. Samson:... anticiper les mêmes effets sur la faune
marine ou sur les animaux, par exemple? Les effets du fluor, est-ce que cela
aurait les mêmes effets, d'après vous?
M. Lussier: Je pense que, sans vouloir répond re
directement à la question parce que si on nous demande ce que
cela va faire dans le Saint-Laurent, je ne peux pas tellement vous le dire, car
on ne la pas essayé dans le Saint-Laurent il y a nombre de villes
qui ont l'eau fluorée depuis plusieurs décennies et qui
déversent leurs eaux dans des cours d'eau. On a qu'à regarder,
par exemple, la ville de Saint-Louis qui déverse ses eaux dans le
Mississipi. Il y a quantité d'autres villes qui déversent leurs
eaux dans des cours d'eau et en aucun cas, depuis le temps où cela
existe, cela n'a semblé causer des problèmes du côté
de l'environnement. Il y en a quantité de ce
côté-là. On peut retrouver, dans toute la liste des villes
qui ont de l'eau fluorée depuis fort longtemps, des exemples comme cela,
près du fleuve Columbia, à l'ouest des Etats-Unis ou ailleurs; il
y a quantité de situations semblables.
En aucun cas cela n'a semblé avoir dinfluence. ni sur le saumon
de ces rivières, ni ailleurs. Alors, ni pour la flore, ni pour la faune,
il ne semble y avoir eu de déposition qui mette en cause l'usage de la
fluoration aux taux normaux de la fluoration.
M. Samson: Est-ce que je dois en déduire que vous affirmez
catégoriquement qu'il n'y aurait pas de danger, si vous vous basez sur
ces expériences? Docteur Simard...
M. Simard (Paul): II faut dire tout simplement que l'eau de la
mer contient 1.5 ppm de fluor. Il s'y trouve du poisson qu'on mange
régulièrement. Justement, j'en ai encore mangé ce midi, je
pense bien qu'il n'y a personne qui est...
M. Samson: Oui, mais écoutez, à ce point de vue,
peut-être que les poissons de la mer ont une bonne dentition, mais vous
viendrez dans les lacs du nord, on n'a pas mis de fluor et on n'a jamais
pêché un brochet avec un dentier.
M. Lafrance: On a pogné un créditiste avec des
dentiers et il les perdait, par exemple.
Le Président (M. Pilote): L'honorable ministre des
Affaires sociales.
M. Forget: M. le Président...
M. Samson: C'est peut-être parce qu'ils avaient
été mal ajustés par un dentiste comme vous.
Le Président (M. Pilote): Par un denturolo-giste...
M. Samson: ... par un dentiste comme vous.
Le Président (M. Pilote): ... que vous avez
appuyé.
L'honorable ministre des Affaires sociales.
M. Forget: M. le Président, je n'ai pas de question
à ce stade-ci et je crois deviner qu'aucun de nos collègues,
membre de la commission, n'en a. Je voulais tout simplement remercier MM. les
doyens des facultés de chirurgie dentaire des trois universités
qui ont passé plusieurs heures, même toute la journée avec
nous et qui, par leurs mémoires ainsi que leurs réponses à
nos questions, nous ont permis d'éclaicir un certain nombre de points
qui sont soulevés par le projet de loi.
Je les remercie, au nom de tous les membres de la commission, de leur
collaboration et de leur patience pendant toute la journée.
M. Bédard (Chicoutimi): Je m'associe de bon gré aux
paroles de remerciement du ministre des Affaires sociales à l'endroit
des...
Le Président (M. Pilote): On vous remercie, messieurs.
Avant d'ajourner la commission, voici quels seront les organismes
convoqués qui seront entendus demain. Il y a le Front commun contre la
fluoration; la Corporation professionnelle des médecins du
Québec; l'Ecole de médecine dentaire de l'université
Laval; le Conseil de la santé et des services sociaux de l'Outaouais; le
Conseil de la santé et des services sociaux de Montréal
métropolitain; l'Ordre des agronomes du Québec et l'Association
dentaire canadienne.
La commission ajourne ses travaux à demain, dix heures.
(Fin de la séance à 16 h 53)