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Version finale

30th Legislature, 3rd Session
(March 18, 1975 au December 19, 1975)

Thursday, April 10, 1975 - Vol. 16 N° 32

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Affaires sociales


Journal des débats

 

Commission permanente des affaires sociales

Etude des crédits du ministère des Affaires sociales

Séance du jeudi 10 avril 1975

(Dix heures seize minutes)

M. Kennedy (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

La commission permanente des affaires sociales continue son étude des crédits budgétaires pour l'année 1975/76.

Le ministre a suggéré que l'on passe immédiatement au programme 3, quitte à revenir plus tard au programme 2, parce que certains fonctionnaires, qui doivent s'absenter cet après-midi, sont présents actuellement et pourraient contribuer probablement à la discussion. Alors, tout le monde est d'accord?

M. Samson: Je désirerais soulever un point de règlement avant de commencer les travaux de la commission, ce matin. A la fin des travaux de la commission, hier, alors que le député de Saint-Jacques avait la parole, il semble que le journaliste du journal Le Jour, M. Jacques Keable, n'avait pas toutes ses facultés.

Dans le journal de ce matin, on mentionne une partie de l'intervention du député de Saint-Jacques et, à la fin de l'intervention, on souligne que ce débat, qui a duré une trentaine de minutes et qui n'est pas terminé, a fait beaucoup bâiller le député de Rouyn-Noranda.

Je voudrais quand même rétablir les faits. Je n'ai pas, durant ce débat, bâillé et, même si je n'avais pas été d'accord sur ce qu'a dit le député de Saint-Jacques, même si cela avait été ennuyant, comme semblait le penser Jacques Keable, j'ai beaucoup plus de résistance que le journaliste le pense et je n'aurais pas bâillé malgré tout.

Je voudrais que ce soit bien clair et que le journaliste Jacques Keable prenne en considération l'avis que j'émets, car je n'admettrai pas que lui ou tout autre membre de la presse interprète faussement des choses qui se passent à cette commission. Je n'ai pas l'habitude de soulever des questions de privilège contre les journalistes, mais si Jacques Keable continue de cette façon — il vient d'arriver chez nous, là; il représente le journal Le Jour — je l'avertis bien amicalement, par le truchement de la commission parlementaire, que je verrai à faire une motion à l'Assemblée nationale et à le traduire devant la commission de l'Assemblée nationale.

Je ne perdrai pas de temps avec des gars comme lui.

Tout ce que je lui demande — je ne lui demande pas d'être meilleur qu'il ne l'est comme journaliste — ce que je lui demande c'est d'être honnête et de rapporter la vérité et les faits tels qu'ils se passent.

Prestations de médicaments et d'appareils médicaux

Le Président (M. Kennedy): On revient au programme 3, élément 1. Prestations de médicaments et d'appareils médicaux.

M. Forget: M. le Président, je viens de faire distribuer un document qui résume, en quelques pages, quelques caractéristiques principales de l'assistance-médicaments. Comme je l'indiquais tantôt aux membres de la commission, avant le début des travaux, M. le Président de la Régie de l'assurance-maladie, qui assume l'administration du régime, est ici avec nous, ce matin, et il pourra nous aider à répondre aux questions des membres de la commission.

Je n'ai pas d'autres déclarations à faire pour le moment.

M. Charron: M. le Président, c'est l'occasion, comme à chaque année, je pense, de faire non seulement l'étude de l'assistance-médicaments mais aussi de tout le régime de l'assurance-maladie. C'est à cet élément que nous avons pris l'habitude de le faire. J'ai un certain nombre de questions à adresser soit au ministre, soit au président de la régie, si le ministre convient que M. le Président de la régie peut participer à nos débats.

Actuellement, en ce qui concerne les médicaments, les bénéficiaires de l'assistance-médicaments sont les personnes qui sont également bénéficiaires de la Loi de l'aide sociale ou les personnes âgées qui reçoivent un supplément de revenu garanti. La première question qui va de soi est la suivante: Est-ce qu'il est prévu, au cours de l'année fiscale en cours, que le programme s'étende à d'autres bénéficiaires?

M. Forget: Non, M. le Président, pas pour le moment.

M. Charron: N'est-ce quand même pas un des objectifs, à long terme, peut-être, vers lequel, normalement, on devrait franchir des étapes au cours de chacune des années dans ce long terme, que l'assistance-médicaments s'étende à un plus grand nombre de nos concitoyens?

M. Forget: J'ai déjà indiqué qu'il était impossible de prévoir comment, à long terme, le gouvernement voudrait faire évoluer ce programme.

Il est clair que le coût des médicaments ne représente pas un facteur d'égale importance pour tous les segments de. la population. Alors, il est évident qu'il était nécessaire de prévoir un tel régime pour les bénéficiaires de l'aide sociale. C'était d'ailleurs implicite dans l'aide sociale elle-même avant l'introduction d'un régime spécifiquement destiné à l'administration d'un régime d'assitance-médicaments.

Pour les personnes âgées qui font face à un double problème dans un certain nombre de cas, problème de consommation plus élevée que la moyenne de la population, à cause de leur âge

avancé, et un problème de revenu dans le cas au moins de ceux qui sont actuellement couverts, ceci est assez évident qu'il était nécessaire d'envisager un tel régime.

Il y a un autre secteur qui est dès maintenant assumé, au moins partiellement, qui est celui représenté par des clientèles qui ont des besoins particulièrement élevés. Je pense, ici, à certaines personnes qui souffrent de certaines affections chroniques qui obligent une consommation de médicaments à long terme ou prolongée pendant de nombreuses années, parfois indéfiniment, et pour laquelle les coûts peuvent être, au moins cumulativement, très substantiels.

C'est le cas de la fibrose kystique, c'est le cas de certaines médications pour les personnes atteintes d'un cancer et c'est le cas également, peut-être plus en fonction d'une tradition établie à leur égard qu'en fonction des mêmes critères, vis-à-vis des personnes affectées du glaucome, quoique certaines nouvelles médications qui leur sont destinées les font passer très carrément dans la catégorie de ceux qui ont des coûts très élevés à assumer.

Nous avons instauré ce régime qui est parallèle au régime proprement dit d'assistance-médicaments par une distribution via les centres hospitaliers de manière à ce que le suivi qui est nécessaire dans le cas de ces malades chroniques, le suivi de ces médications soit assumé de façon très complète par des cliniques spécialisées. Dans le cas de la fibrose kystique, dans le cas du glaucome, c'est évident.

Nous attendons de pouvoir faire une certaine évaluation de ces program mes, ce qui devrait se faire au cours des prochaines semaines, de manière à donner satisfaction s'ils s'effectuent à des coûts acceptables et s'il serait possible d'envisager une extension à d'autres affections de type chronique.

Comme cette évaluation n'a pas encore pu être complétée, certaines données nous manquent encore, il est évident que je ne peux pas faire de conclusion à ce moment.

Cela nous paraît résumer l'ensemble des problèmes de médicaments, les plus aigus au moins, c'est-à-dire les assistés sociaux, les personnes âgées ayant un revenu faible, et des personnes affectées de certaines maladies chroniques.

Pour le reste, il nous paraît que la réglementation professionnel le envisagée permettra d'assumer à un coût acceptable la médication pour l'ensemble du reste de la clientèle, encore qu'il est impossible de parler pour l'avenir à très long terme, mais il semble que les priorités que nous avons dans d'autres secteurs ne nous commandent pas dans l'immédiat d'envisager une extension pour l'instant.

M. Charron: Est-ce qu'on a envisagé le coût qu'entraînerait l'extension du programme à toutes les personnes âgées indépendamment qu'elles reçoivent ou non un supplément de revenu garanti?

M. Forget: C'est assez facile, oui. Cela a été fait, c'est presque exactement par tiers que la population des personnes âgées se divise. A l'origine — cela ne remonte pas à tellement longtemps, en janvier I974 — on a commencé à étendre au premier groupe de personnes âgées le régime, environ 155,000 personnes, pour être exact, ont été couvertes.

Un autre nombre d'environ 150,000 aété couvert lorsque, le 1er janvier 1975, nous l'avons étendu à ceux qui reçoivent seulement une partie du supplément du revenu garanti. Il reste un troisième tiers d'environ 150,000 qui n'est pas couvert parce qu'ils reçoivent seulement la pension de vieillesse et n'ont pas le supplément du revenu garanti. Environ $9 millions partiers.

M. Charron: Si par exemple on prenait la décision de l'étendre à toutes ces personnes, ce serait donc un coût supplémentaire de $9 millions. Est-ce que le coût aussi peu élevé ne peut pas entraîner une décision en ce sens au cours des prochaines années au moins?

M. Forget: Je ne peux que répéter ce que je viens de dire.

Il faudra aussi tenir compte non seulement de ces préoccupations, mais aussi des disponibilités financières et des autres priorités qui peuvent intervenir dans une décision à cet égard, de sorte qu'il n'est pas possible actuellement de dire que ce régime sera étendu, mais ce n'est pas à exclure, non plus.

M. Charron: Somme toute, M. le Président, le geste qu'on poserait en étendant ce service à toutes les personnes âgées est relativement peu coûteux. Ces $9 millions sur l'ensemble du budget québécois représentent une infime proportion, même sur celui du budget des Affaires sociales que nous sommes à étudier présentement.

Par contre, le service rendu à la population à ce moment-là, ce droit, en fin de compte, qui existe, moralement avant d'exister juridiquement pour les personnes âgées, qui, la plupart, sont consommatrices de médicaments à un moment ou à un autre de leur vie, de recevoir gratuitement des médicaments, milite, je pense, au moins dans notre esprit, en faveur du fait qu'on l'étende le plus rapidement possible.

L'ancien président de la régie, en quittant ses fonctions, M. Després, avait mentionné dans son message d'adieu le souhait qu'il faisait d'étendre le plus rapidement possible, en commençant par ces personnes.

M. Forget: Oui, vous savez, M. le Président, on parle de $9 millions comme d'une somme négligeable. Evidemment, en pourcentage d'un chiffre encore plus considérable, cela peut être n'importe quoi, y compris une somme insignifiante. Tout dépend à quoi on le compare, mais on peut considérer, d'un autre côté, d'autres recommandations qui nous sont faites, qui impliquent des sommes parfois moins considérables que celle-là encore et qu'il faut parfois décliner ou entre lesquelles il faudrait faire un choix. Je pense particulièrement aux recommandations du comité Girard sur les prothèses visuelles, d'un autre rapport qui démon-

tre la possibilité d'assurer une certaine couverture pour des prothèses auditives.

On parle dans tous ces cas de coûts inférieurs, de loin parfois, au coût de l'extension du régime d'assistance-médicaments. Je crois qu'on peut aider davantage, s'il est possible de faire des comparaisons dans ce domaine, certaines personnes qui ont besoin d'une prothèse pour un handicap quelconque que, relativement parlant, on peut le faire en étendant encore davantage l'assistance-médicaments, et encore ce sont des comparaisons extrêmement subjectives.

Placé devant des ressources limitées, je crois qu'ayant satisfait à un certain nombre de besoins pour des clientèles qui étaient sans aucun doute prioritaires au titre de l'assistance-médicaments, notre attention se porterait peut-être plus volontiers maintenant vers les problèmes de handicap qui peuvent être palliés plus ou moins complètement par des prothèses, des aides mécaniques ou autres. Les coûts — si la comparaison était faite avec ces coûts plutôt qu'avec l'ensemble du budget — d'une extension de l'assistance-médicaments, à ce moment-là, sont exorbitants. Tout est question de comparaison, mais c'est plutôt le sens dans lequel on pense dans le moment.

M. Samson: M. le Président, j'aimerais poser une question au ministre. On a, dans les régions éloignées, des problèmes assez particuliers. On sait que dans le régime d'assistance-maladie ou d'assurance-médicaments — appelons-le comme on voudra, je pense qu'on peut discuter de ce problème au même article — pour les patients qui doivent voir des médecins spécialistes, en vertu des programmes, les sommes à être versées le sont par la Régie de l'assurance-maladie, mais dans les régions éloignées, où nous sommes à court de spécialistes, il arrive parfois que les citoyens doivent voyager 400, 500 ou 600 milles pour, finalement, voir un médecin spécialiste.

Le coût de la visite au médecin est défrayé par l'assurance-maladie mais les frais de voyage de ces gens-là ne le sont pas. Sur une base de justice sociale, il se trouve que les personnes qui demeurent en régions éloignées sont nettement défavorisées. Bien sûr, si ces personnes sont éligibles à l'aide sociale, elles peuvent recevoir l'aide au transport, mais il se peut fort bien que ces patients soient non éligibles à l'aide sociale, n'ayant quand même que de faibles revenus, ce qui les place dans une situation assez difficile, économiquement parlant, les obligeant à s'endetter parfois pour plusieurs mois à venir.

Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose de prévu pour ces cas qui sont spécifiques aux régions éloignées, au moins, pour certains cas?

M. Forget: Je remercie le député de Rouyn-Noranda dans le fond, puisqu'il me fournit l'occasion de donner des détails sur une réponse au moins partielle à sa question, et lui donner aussi certaines indications quant aux autres réponses sur lesquelles nous sommes en train de travailler.

J'aimerais faire remarquer tout particulièrement le développement notable qu'a connu l'utilisation des services aériens du gouvernement pour l'évacuation de certains malades de régions éloignées. Ceci a commencé depuis plusieurs années, bien sûr, mais de façon extrêmement modeste. Je puis donner les chiffres du développement qu'a connu ce service, durant les deux dernières années. Je crois que nous avons là une illustration des préoccupations du ministère d'assurer une meilleure accessibilité.

En I972, le service aérien avait évacué 40 personnes de certaines régions éloignées du Québec, pour les rapatrier dans des centres hospitaliers qui pouvaient leur offrir des soins appropriés. Il avait effectué pour cela, 37 envolées. En I973, le nombre des personnes évacuées a été augmenté à I45 pour I24 envolées. En I974, le nombre est passé à 225 personnes et à 200 envolées, ce qui indique une progression extrêmement rapide, entre I972 et I973, deux fois et demie le nombre d'envolées de la période précédente et plus de 60% dans le cas de I973,1974. Cette progression se maintient puisqu'en janvier et février I975, nous avons évacué 52 patients en janvier et 34 patients en février. Je n'ai pas les chiffres de mars.

Ceci ne s'est pas fait par hasard, il est le résultat d'une politique qui va se généraliser et qui a pour but de rendre accessibles ces services aériens qui sont offerts sans frais, à des résidents de régions éloignées dont les bénéficiaires se retrouvent de façon majoritaire, bien sûr, par exemple, dans les Iles-de-la-Madeleine.

Ceci est peut-être la partie la plus traditionnelle de ces services, qui deviennent progressivement accessibles à toute une série de régions éloignées comme la région du Nord et bientôt la région du Nord-Ouest.

La distribution de tous les vols depuis le début nous indique un peu la provenance de ces cas: 35 envolées provenant des Iles-de-la-Madeleine, 16 de Rouyn, I5 de Gaspé, I5 de Gagnonville, 11 deVal-d'Or, 8 de Bonaventure, 6 de Mont-Joli, etc. Il y a, évidemment, des gens de Schefferville, de la région du Nord du Québec.

Des procédures ont été mises sur pied pour assurer non seulement l'accessibilité aux services, mais pour s'assurer aussi que l'utilisation du service était maintenue dans des limites raisonnables en s'assurant une relation entre des centres comme ceux, par exemple, des Iles-de-la-Madeleine et les hôpitaux de la région no I, les hôpitaux de Gaspé en particulier et de Rimouski.

Des médecins du ministère sont en disponibilité 24 heures par jour et sept jours par semaine pour assurer les autorisations nécessaires pour ces envolées, ce qui nous a permis de rendre accessibles ces envolées à un plus grand nombre de régions et d'en effectuer un plus grand nombre, effectivement, à un coût qui s'est maintenu assez stable durant la dernière année.

Ceci représente donc un développement auquel le ministère travaille activement pour le rendre encore plus efficace et qui permet, au moins, pour ce qui est des cas d'urgence et des cas qui requièrent des services spécialisés, une intervention rapide et une référence dans les endroits où les soins appropriés peuvent être donnés.

Tous les problèmes ne sont pas résolus parcette politique et c'est pourquoi nous travaillons à définir — ceci devrait être fait dans les prochaines semaines — des coordonnées pour l'établissement d'une politique de transfert interhospitalier. Il est clair — je pense que c'est d'ailleurs la question du député de Rouyn-Noranda — que tous les services spécialisés ou ultra-spécialisés ne peuvent pas être disponibles partout sur le territoire. Il n'est pas là seulement question de disponibilité physique dans une région donnée, mais tout simplement de disponibilité, point, dans l'ensemble du Québec de certaines ressources spécialisées qui ne peuvent pas être multipliées indéfiniment et qui, même si on le tentait sur le plan des équipements, ne constitueraient pas une réponse adéquate, puisque le personnel manquerait ou ne serait pas intéressés à travailler dans des régions qui n'offrent pas un volume d'activités suffisant pour justifier leur spécialisation.

C'est donc la raison pour laq uelle nous sommes à élaborer une politique de transfert interhospitalier de manière que, lorsqu'un transfert est nécessaire d'un centre moins spécialisé à un centre plus spécialisé pour permettre des soins qui, autrement, ne seraient pas accessibles, ceci se passe à l'intérieur d'une politique qui n'entraîne pas, malgré tout, des transferts massifs puisqu'il n'est pas question de vider les centres hospitaliers régionaux au "bénéfice" des centres plus spécialisés des grands centres urbains. Donc, il faut mesurer notre intervention à ce qui est strictement nécessaire pour assurer la qualité des soins et le faire aussi à un coût acceptable. Cette politique est en voie d'être définie avec d'assez nombreuses consultations pour s'assurer qu'elle est réaliste, qu'elle répond aux besoinset nous espérons la mettre en vigueur au cours de l'année.

Ceci se joint aux autres mesures qui font l'objet d'un mémo qui vient de vous être distribué, qui résume les incitatifs et autres mesures que nous voulons mettre en place au cours de l'année, suite à l'adoption des mesures législatives de la loi 93, l'automne dernier, pour favoriser la dispersion géographique, dans certains endroits désignés, de médecins mais qui vise peut-être plus les services de médecine générale que les services ultraspécialisés. Toutes ces mesures prises ensemble permettront de compléter ou, au moins, de réaliser une étape de plus dans la réalisation d'objectifs d'accessibilité générale aux soins qui, évidemment, s'inscrit dans une longue tradition qui date de I96I avec, premièrement, l'accessibilité financière aux services hospitaliers, en I970, aux soins médicaux et qui doit se compléter par des mesures sur le plan de l'accessibilité géographique.

M. Samson: M. le Président, bien sûr, lorsque le ministre nous parle du service qui est maintenant donné par les avions du gouvernement, dans les régions éloignées, nous sommes absolument d'accord sur ce nouveau service. On doit féliciter ceux qui en ont pris l'initiative. Mais il s'agit là de donner des services dans des cas d'urgence.

Ce à quoi je faisais référence tantôt, c'est dans les cas où les citoyens doivent aller consulter des spécialistes à l'extérieurde la région même, spécia- listes qui ne sont pas disponibles dans la région. A ce moment-là, la Régie de l'assurance-maladie défraie le coût de la consultation qui amène, dans plusieurs cas, l'hospitalisation sur place, mais ne défraie pas les coûts de transport. Compte tenu de l'éloignement des grands centres de certaines régions, cela constitue une injustice sociale vis-à-vis de ceux qui demeurent dans ces régions éloignées. Parce que le citoyen demeurant à Montréal a accès à tous les spécialistes sur place. Les coûts sont défrayés par le gouvernement et le transport est plus que minime, dans son cas. C'est pourquoi je voudrais plaider en faveur des régions éloignées. Je nesais pas, cependant, quel est le mécanisme qui pourrait être mis en place pour assurer qu'il n'y ait pas, non plus, abus de ce côté mais que, d'une façon raisonnable, on puisse permettre au moins à des gens à faible revenu d'avoir accès à un certain remboursement des dépenses à être encourues à l'occasion de voyages obligatoires à être faits pour obtenir les services de médecins spécialistes.

Bien sûr, je vous avoue qu'il y a un effort qui est apparent de fait par le ministère des Affaires sociales pour envoyer dans les régions éloignées des médecins, peut-être un peu plus spécialisés, pour atteindre un niveau, en tout cas, permettant de donner de meilleurs services. Il y a un effort qui me paraît, là, louable. Mais cela n'a pas réglé tous les problèmes et je pense que des problèmes se sont développés surtout depuis la venue de l'assurance-maladie, alors que les médecins eux-mêmes se catégorisent davantage, se regroupent en clinique d'omnipraticiens ou...

Vous savez, les généralistes qu'on avait, M. le Président, il y a quelques années, alors qu'un omnipraticien pouvait faire à peu près tout et risquait de faire à peu près toui, ce temps-là est passé.

Les omnipraticiens ne font plus le même genre de travail maintenant, se contentant de diagnostiquer et de référer àdes médecins spécialistes les cas qui leur sont soumis. Ce qui, je pense, est bien. Mais il reste que ça développe un nouveau besoin maintenant; ça développe un besoin de transport que nous n'avions peut-être pas il y a dix ans, compte tenu du fait que les omnipraticiens faisaient à peu près tout.

Je fais référence, par exemple, pour mieux me faire comprendre, au Dr Augustin Roy, qui est maintenant au bureau de l'Ordre des médecins et qui, il y a quelques années, pratiquait dans notre région du Nord-Ouest québécois. C'est un omnipraticien qui faisait en même temps le travail du dentiste; il faisait à peu près tous ces genres de travaux dans ce temps-là. Mais ça ne veut pas dire que c'était l'idéal.

Mais aujourd'hui, ça, on ne le retrouve plus.

M. Dufour: C'était le bon temps.

M. Samson: C'était le bon temps, comme l'adit le Dr Dufour. Mais il resteque les temps sont changés et on doit s'adapter aux temps d'aujourd'hui. Cette adaptation nécessaire des dépenses pour des gens surtout à faible revenu. Je ne plaide pas des remboursements de dépenses dans le cas de personnes qui gagnent un salaire que je considère, par exem ple, de $10,000 et plus, mais en bas de ça, je pense qu'il faudrait considérer une solution.

M. Forget: Ce problème est suffisamment réel mais il y a d'autres moyens d'y obvier qu'en payant les dépenses, même de ceux qui ont des revenus inférieurs au chiffre mentionné. Il est plus logique, je pense, de faire se déplacer les professionnels que de faire se déplacer leur clientèle, étant donné qu'ils peuvent ainsi, de façon beaucoup plus facile et plus économique, venir en contact avec une clientèle beaucoup plus considérable et avec moins de difficulté pour la clientèle dans l'ensemble.

J'aimerais donner un exemple de ce qui peut se faire dans cet ordred'idées en citant, par exemple, le travail qu'a accompli le Conseil régional de la santé et des services sociaux de la région no 1, la Gaspésie, le Bas-du-Fleuve. Il a élaboré un programme de services de spécialistes en opthalmologie pour l'ensemble du territoire, basé sur une équipe de spécialistes à l'hôpital de Rimouski, mais basé aussi sur une utilisation de ce personnel spécialisé qui, dans une certaine mesure, effectue déjà ce travail, qui se déplace selon un horaire régulier de présence dans les cliniques externes des différents hôpitaux de la péninsule. Ils seront ainsi en mesure, une fois toutes les semaines, une fois tous les quinze jours ou moins fréquemment, selon les besoins, mais de façon régulière, d'avoir des cliniques d'opthalmologie sur l'ensemble du territoire, de poser des diagnostics dans les cas les plus courants, à l'occasion de devoir référer le patient, évidemment, pour une période d'hospitalisation ou pour une intervention chirurgicale, à Rimouski qui dispose d'une salle d'opérations particulièrement appropriée pour ce type d'intervention, mais de le faire sans aucun déplacement de la clientèle et en donnant une accessibilité optimale.

Je pense que nous avons là un exemple de choses qui peuvent se faire assez généralement dans des régions éloignées et qui sont sans aucun doute sur le métier dans la plupart des conseils régionaux qui, avec les ressources du milieu, peuvent envisager de pareilles formules.

Je viens de faire distribuer un mémoire très bref qui porte sur une autre expérience qui est plutôt appropriée à un endroit presque totalement dépourvu en ressources et qui est constituée par la mission médicale en Basse-Côte-Nord, expérience qui illustre le même principe de faire déplacer les ressources plutôt que de mobiliser, en quelque sorte la population d'une région et de financer ses déplacements.

La mission médicale en Basse-Côte-Nord est une réalisation dont, je crois, tout le monde au Québec peut être fier, puisqu'il s'agit véritablement d'une chose régulière et non pas simplement d'une démonstration. C'est une opération qui se fait depuis quelques années et qui rend accessibles des ressources spécialisées, évidemment pendant une période assez brève. Mais étant donné qu'il s'agit de soins plus spécialisés, puisque, de façon constante, les infirmières de colonie, qui sont en relation avec le Centre hospitalier de Blanc-Sablon ou plus haut sur la Côte-Nord avec d'autres centres hospitaliers, se trouvent à pouvoir donner des soins courants à la population de cette région, mais ont toujours besoin évidemment, au moins une fois par année, d'une espèce d'appui plus spécialisé, qui est fourni par cette mission médicale qui se déplace en bateau d'un village à l'autre et qui réussit d'une année à l'autre à assumer une certaine continuité dans le traitement de certaines affections qui requièrent des services plus spécialisés.

Je crois que le problème qu'a soulevé le député de Rouyn-Noranda est assez bien connu, mais qu'il y a des possibilités d'y trouver des réponses en utilisant les moyens déjà connus. Cela suppose cependant l'intervention, dans chaque région, des conseils régionaux, et la participation des ressources du milieu et peut-être également l'acceptation, par les différents centres hospitaliers d'une région, d'un certain rôle de leadership d'un centre hospitalier de leur région vis-à-vis d'au moins un certain nombre de spécialités.

Sans nécessairement vouloir accréditer plus qu'il faut le concept d'hôpital régional, je crois qu'il ne s'agit pas du tout de ça, mais il faut au moins pouvoir régionaliser un certain nombre de services, c'est-à-dire créer un centre d'excellence dans la région qui peut, à ce moment, rayonner dans l'ensemble des autres établissements et dans l'ensemble de la région.

Ceci s'est fait, encore une fois, de façon assez bonne dans l'exemple que je vous ai fourni. J'omets probablement de vous mentionner d'autres exemples qui existent sans aucun doute dans d'autres secteurs. Et il fautmentionnerégalement la pratique traditionnelle, parexemple dans le cas de la radiologie, du déplacement des professionnels qui est une pratique établie depuis longtemps.

Il faut citer également les équipes volantes de psychiatrie qui ont longtemps assuré — et qui continuent, je crois, dans une certaine mesure à les assumer — des services de psychiatrie dans la région no 1 et dans la région no 8.

M. Samson: M. le Président, bien sûr, je suis de l'avis du ministre qu'il vaut mieux faire voyager un professionnel de la santé que de faire voyager tous ses patients, surtout quand il s'agit de distances comme celle qui existe entre Rouyn-Noranda et Montréal, par exemple, de 400 milles. Mais selon mes informations, il n'est pas toujours possible, même avec ce système, d'avoir tous les services nécessaires.

Et même avec ce système, ça oblige quand même des patients à être référés à Montréal et à être obligés de voyager. C'est évident que le système établi réduit les besoins de transport. Mais pour les besoins qui demeurent réels, je pense qu'il faut quand même les considérer.

Comme je le disais tantôt, vous pouvez avoir peut-être entre une famille éligible à l'aide sociale et une famille non éligible une différence de seulement $100 par année de revenu. Et dans les cas où vous arrivez avec unedépense comme celle-là, pourceux qui sont au bas de l'échelle des revenus, ça les oblige à s'endetter pour longtemps.

C'est ça que j'aimerais faire comprendre pour que l'on tente d'étudier une formule qui pourrait... Je pense que ça ne coûterait pas tellement cher dans le

fond, mais au moins qu'on n'oblige pas ces gens qui sont dépourvus de moyens à s'endetter pour ceux qui peuvent s'endetter.

Il reste que, quand on est dépourvu de moyens, on n'a pas facilement les pouvoirs de s'endetter non plus, c'est-à-dire que les créanciers font moins confiance à quelqu'un qui a un faible revenu qu'à quelqu'un qui a une garantie à offrir.

Alors j'ai eu quelques exemples qui m'ont été référés, c'est pourquoi j'ai cru bon d'amener ce sujet ce matin. Maintenant, dans les tableaux qu'on vient de nous présenter, je remarque, compte tenu de la population, la région 08, Nord-Ouest québécois, un omnipraticien par 4,725 de population. Si on la compare à toutes les autres régions, exception faite du Nouveau-Québec, on retrouve les autres régions à 2,300, 2,600, 2,700. En tout cas, moins de 3,000 pour les autres régions. Là il y a une différence quand même marquée dans le Nord-Ouest québécois.

Cela veut dire qu'on n'a pas suffisamment de médecins, donc encore moins suffisamment de spécialistes et la réalité est aussi que les médecins spécialistes qui sont attitrés à voyager dans les régions éloignées, ont quand même des bureaux à Montréal. Ce sont des gens qui ont du travail à faire là-bas. Quand ils viennent dans ces régions éloignées, ils le font à l'occasion d'une fin de semaine ou, en tout cas, ils arrivent chez nous passablement fatigués, parce qu'ils ont déjà beaucoup de travail de fait ailleurs. Je ne veux pas blâmer personne, c'est absolument normal que ce soit comme cela.

Mais il reste qu'au niveau des services à être donnés, cela ne règle pas toujours les problèmes. Quand il y a des cas qui sont plus urgents, qu'il faut attendrequinzejoursoutrois semaines, avantque le spécialiste vienne chez nous, cela ne règle pas encore nos problèmes. Il reste aussi un autre fait d'importance, c'est que le fait d'être un spécialiste ne veut pas dire nécessairement, qu'on est celui dont le client a besoin.

Il y a des omnipraticiens qui réfèrent leurs patients à des spécialistes à Montréal, parce qu'ils sentent le besoin que le patient voit ce spécialiste particulièrement. Ils ne le référeraient même pas aux spécialistes itinérants. Alors ce sont des cas qui sont peut-être un peu particuliers. Qui devrait avoir le pouvoir de décision dans les circonstances? Je ne le sais pas. Il y a sûrement quelqu'un qui devait l'avoir, mais il y a sûrement des choses qui devaient être faites de ce côté, pour en arrivera réduire, si vous le voulez, les problèmes du côté des gens à faibles revenus.

Et lorsque nous avons à transférer des patients d'un hôpital, d'un centre hospitalier, local ou régional, à un centre hospitalier à Montréal, bien que le système aérien du gouvernement ait servi pour des cas d'urgence, dans les autres cas, ce sont les avions commerciaux qui servent et sont aux frais des patients eux-mêmes. Encore là, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Il y a un besoin d'assistance au moins pour les gens à faibles revenus. C'est cela q ue je voudrais souligner, peut-être pas pour avoir une réponse directement ce matin.

Je ne pense pasque le problème puisse se régler aussi rapidement que cela. Il y a un besoin de trouver un mécanisme adéquat, en plus des budgets mais j'aimai s à le souligner pour qu'on le prenne au moins en considération.

M. Forget: M. le Président, j'aimerais rappeler justement dans ce contexte ce que j'ai dit tantôt sur le travail qui se fait actuellement pour déterminer une poli tique de transfert interhospitalier qui permettrait d'assumer certains coûts, mais il est évident que la définition de cette politique est assez délicate, puisqu'il faut éviter d'atteindre un but presque opposé à celui que nous recherchons, c'est-à-dire, si c'était un système auquel l'accès serait trop facile, on risquerait de décourager l'établissement et le maintien de ressources appropriées dans les régions éloignées, par un transfert...

M. Samson: Oui.

M. Forget:... inconditionnel et trop facile, en plus de générer des coûts proprement inacceptables. Donc c'est dans ce contexte.

Je crois que ce que j'ai exposé ce matin constitue un tout dont les parties sont interdépendantes, c'est-à-dire que dans la mesure où des gens sont référés d'un centre hospitalier à un autre, dans le contexte de services des pécialistes qui peuvent aller sur place, faire un certain émondage des problèmes et référer seulement les cas qui ne peuvent effectivement pas être traités sur place, nous avons un système qui est viable et qui empêche que l'on ne draine tous les cas vers les grands centres et qu'on traite, là où ils peuvent être traités, les gens qui peuvent effectivement l'être.

Ce sont, encore une fois, des morceaux d'un puzzle qui vont tomber en place progressivement, au cours de l'année. Par ailleurs, pour ce qui est des remarques qui sont absolument vraies et qui sont basées, d'ailleurs, sur le tableau qui vient d'être distribué, il est exact que la région du Nord-Ouest est largement défavorisée dans l'accessibilité aux soins généraux. Je voudrais rappeler que, depuis l'adoption du projet de loi no 93 en décembre dernier, nous avons mis en marche un processus pour l'application des dispositions qui y étaient prévues. Je rappelle qu'il s'agissait d'un régime de bourse incitatif impliquant des engagements de pratique dans les régions éloignées. Dès le début de janvier, j'ai écrit aux différents conseils régionaux et à la Corporation des médecins du Québec pour les consulter sur des critères de détermination de ces endroits désignés, puisqu'il était nécessaire de baser cela sur des critères qui soient acceptés et acceptables assez largement et qui correspondent, malgré tout, aux besoins des différentes régions.

Les réponsesont commencé à nous parvenir à la suite de cette consultation. Nous ne les avons pas toutes reçues; elles contiennent des suggestions fort intéressantes. J'ai écrit, également, à la Régie de l'assurance-maladie pour que soient préparés les règlements d'application de ces bourses. Ce projet de règlement m'a été soumis il y a quelques jours par la régie et il sera bientôt présenté au conseil des ministres pour approbation, ce qui permettra de faire la publicité dans les facultés de médecine, deman-

dant aux étudiants qui sont intéressés de faire les demandes. Ceci peut se faire immédiatement, même si les critères de désignation ne sont pas arrêtés, puisque, de toute manière, ces étudiants ne sont pas sur le point de terminer leurs études. Dès qu'ils le seront, nous aurons certainement eu le temps de compléter la consultation, d'arrêter les critères et nous espérons qu'il s'agit là d'un des moyens par lesquels nous pouvons surmonter le problème. Maintenant, il y a d'autres moyens que j'avais mentionnés dans le même contexte et qui ont, d'ailleurs, aussi été amorcés dans leur réalisation. Il s'agissait d'un régime incitatif pour la pratique de groupe dans des endroits désignés. J'ai donné instruction à notre équipe de négociation de préparer des propositions précises pour être déposées à la table de négociations avec les fédérations médicales. Nous devrons là aussi, cependant, nous inspirer des critères pour la désignation des endroits. Donc, il y a un certain élément d'inconnu dans nos propositions, jusqu'à maintenant.

J'ai également indiqué que les conseils régionaux, faisant état de ces différentes mesures, pourraient se préoccuper de voir à la disponibilité sur place d'installations physiques pour les fins de résidence et les fins de pratique professionnelle de ces médecins qui iront ainsi dans des endroits désignés. Comme il y aura la garantie d'une possibilité de location régulière, il est plus facile de prévoir des habitations qui seront prêtes et qui seront disponibles dans certaines de ces régions, puisque cela a été, sur le plan pratique, un des éléments irritants, peut-être le plus significatif, dans la difficulté de trouver et d'envoyer dans ces régions des hommes mariés avec une famille, par exemple.

J'ai demandé aux conseils régionaux de se préoccuper de cet aspect également. La première étape, qui deviend ra officielle dès ce mois-ci, ce sera une démarche dans les facultés de médecine, sur la base des règlements approuvés par le conseil des ministres, probablement lors du conseil des ministres de demain.

M. Samson: Pouvons-nous considérer, suivant le rapport qui vient de nous être distribué, que le montantdesbourses, de $3,000 par année, pour cent bourses par année universitaire commençant en 1975/76, alors q ue l'engagement des étudiants serait de servir dans les régions éloignées, un an pour chaque année de bourse reçue.

C'est la politique qui guide le ministère présentement?

M. Forget: C'est cela.

M.Samson: Dans ce contexte, compte tenu tou-jours du tableau qui nous a été distribué, Ia région 08 me semble...

M. Forget: Toute désignée.

M. Samson:... toute désignée pour être la première à être désignée?

M. Forget: Sans aucun doute. J'imagine que les critères qui nous sont suggérés seront tels qu'il y aura plus d'endroits désignésdans la région 08que dans la région 05.

M. Samson: D'accord.

M. Forget: II n'est pas exclu qu'il y ait des endroits...

M. Samson: Cela n'exclut pas les autres.

M. Forget: ...dans presque toutes les régions, si on trouve des poches négligées, des poches de population négligées. C'est pourquoi j'ai consulté tous les conseils régionaux. Que cela s'applique a priori ou pas à eux, je crois que la réflexion était utile si elle était la plus générale possible.

M. Samson: Maisest-cequ'on peut conclure que le nombre de bourses à être attribuées sera en fonction du besoin général d'abord, comme premier critère?

M. Forget: On peut sûrement le conclure. M. Samson: On peut le conclure.

M. Charron: Le ministre a répondu à plusieurs questions, à l'avance, que j'avais à lui poser sur l'application de la loi 93, mais un seul point demeure ambigu dans mon esprit. C'est cette consultation sur ce qu'il a appelé les critères de désignation. Quelle est cette consultation exacte? Le ministre faisait état d'une lettre envoyée aux conseils régionaux. Peut-être pouvons-nous demander le dépôt de cette lettre? Peut-il la rendre publique?

M. Forget: Oui, sûrement. Je ne l'ai pas avec moi, mais je pourrai sûrement la déposer.

M. Charron: D'accord, c'est simplement pour voir sur quoi exactement vous les consultez. Est-ce une consultation sur le type de médecine, par exemple, ou le genre de spécialistes, à l'occasion, qu'ils pourront espérer voir arriver dans leur région, ou si c'est une consultation quant au site précis, au village précis?

M. Forget: C'est beaucoup plus large que cela. M. Charron: Bon.

M. Forget: C'est une consultation sur tout ce qu'ils peuvent avoir à suggérer comme recommandations précises visant leur région, mais aussi sur les critères qui les ont aidés à formuler ces recommandations précises et qui pourraient avoir une application générale, pour l'application de ces dispositions de la loi. Donc, ce n'est pas du tout restreint. On ne leur a pas demandé, en d'autres termes, si telle ville ou tel village devait être un endroit désigné.

Nous n'avons formulé aucune conclusion a priori. Nous leur avons dit: Si vous avez à appliquer cette loi dans votre région, à quelles conclusions en viendriez-vous? Qu'est-ce qu'on peut tirer de géné-

rai dans vos recommandations en termes de critères, de choix et de décision qui pourraient avoir une application générale à travers le Québec? C'est la nature également des quelques réponses que nous avons reçues, à ce jour. Je peux me souvenir peut-être de quatre ou cinq conseils régionaux, à ce jour, qui nous ont effectivement répondu. Pour les autres, nous attendons encore. Je n'ai pas reçu non plus de réponse de la Corporation professionnelle des médecins sur ce sujet.

M. Charron: Vous n'avez pas eu non plus la contre-partie des fédérations médicales, pour le moment où vous déposerez vos propositions à la table de négociation?

M. Forget: Non, je n'ai pas eu de contre-partie.

M. Charron: Ce qui peut être un facteur important dans l'établissement de ce programme.

M. Forget: C'est sans aucun doute un facteur important.

M. Charron: En fait, le programme ne peut débuter qu'en I976, donc, lors de la prochaine année financière, , puisque...

M. Forget: Non, c'est-à-dire que les bourses s'appliqueront dès l'automne I975.

M. Charron: Oui.

M. Forget: Mais, évidemment, cela s'applique à des étudiants, non pas à des diplômés.

M. Charron: L'étudiant de troisième année. Voilà, il faut lui donner le temps de terminer. Tout cela, tout ce programme repose aussi sur une hypothèse, un facteur très mobile, sur le nombre d'étudiants qui se prévaudront de cette bourse.

M. Forget: En effet.

M. Charron: Est-ce qu'on a déjà — vous dites que la publicité n'est pasencore commencée sur les campus...

M. Forget: On attend l'approbation, par le conseil des ministres, des règlements. On prévoitdes visites en avril.

M. Charron: Est-ce que vous vous attendez à la collaboration des recteurs d'universités pour ce genre de publicité sur les campus?

M. Bonnier: Cela dépend des recteurs.

M. Forget: Je n'ai aucune raison de douter de leur collaboration. Je ne voudrais pas d'ailleurs être injuste à leur égard. Je me demande si je n'ai pas reçu une offre d'aide et de collaboration de la part de quelques-uns d'entre eux ou même de l'ensemble d'entre eux, mais je ne me rappelle vraiment pas, de façon précise, si c'est une lettreou si c'est le procès- verbal d'une des réunions que nous avons à l'occasion avec eux. Je n'ai aucune raison de douter de leur collaboration. Je ne sais pas si M. Martin a des choses à ajouter là-dessus.

J'ai eu des communications déjà avec les doyens des facultés de médecine et les réactions sont très positives. Ils sont prêts à collaborer.

M. Charron: Autrement dit, les I00 bourses par année universitaire devraient...

M. Forget: Là, c'est la réponse des étudiants qui n'est pas connue jusqu'à présent.

M. Charron: Bien sûr.

M. Forget: Mais la collaboration des doyens est acquise.

M. Charron: Dans la consultation auprès des conseils régionaux également, est-ce qu'on a soulevé ou soulèveront-ils d'eux mêmes, je ne le sais trop, le problème que peut causer l'établissement temporaire d'un médecin qui, par la suite, ayant rempli son engagement, ayant établi un réseau de servicesdans la région, déciderait de retourner à son centre préféré ou son centre natal? Il laisserait, par la suite, l'obligation au ministère d'assurer une suite aux services médicaux.

M. Forget: Ce problème n'a pasété soulevé et je comprends facilement pourquoi. C'est que, dans des régions où il n'y a pas de médecin, le premier mouvement est de vouloir en trouver. Ce n'est qu'après qu'on verra s'il y a des difficultés de continuité. Je crois que l'espoir de tous ceux qui se préoccupent de ce problème, c'est qu'avec les bourses mais aussi avec le régime d'incitation à la pratique de groupe, qui va demeurer un élément permanent du tableau, il y aurait effectivement une continuité. Enfin, c'est l'espoir, dans la majorité des cas, que nous aurions des solutions définitives, avec ces deux mesures utilisées en conjonction.

Je crois d'ailleurs que l'expérience de l'Ontario, quand il s'est agi de pratique de groupe dans des régions éloignées, permet de justifier ces espoirs puisqu'il y a eu une continuité dans un très grand nombre de cas. Evidemment, l'expérience là-bas aussi remonte à un an, donc il n'est pas possible de savoir ce que cela fait après cinq ans. On le saura dans quatre ans. Mais l'espoir au moins, c'est tout ce que l'on peut dire, l'espoir actuel, c'est que ce sont des solutions permanentes. Peut-être, après dix ans, le problème sera disparu puisqu'il y aura des gens dans les endroits désignés qui seront, en majorité, restés ou remplacés par d'autres qui eux, peut-être, resteront.

Si c'était le cas, alors les mesures d'incitation ne seraient plus nécessaires dans dix ans mais, sans courir aux conclusions aussi rapidement que ça, je crois que l'espoir c'est que nous avons là des éléments d'une solution permanente.

Maintenant, si elle n'est pas permanente, il n'y a pas beaucoup de possibilités puisqu'on ne peut pas retenir les gens de force quand ils veulent partir une fois qu'ils ont rempli leurs engagements.

M. Charron: L'autre aspect de la loi 93 autorisait le ministre à entreprendre des ententes avec les fédérations et la corporation. Il a déjà commencé à remplir ce mandat que l'Assemblée l'a autorisé à entreprendre. Mais je voudrais savoir si, dans les propositions, non seulement il y aura des mesures pour faciliter l'établissement de médecins dans les régions éloignées, mais est-ce que cela ira jusqu'à des propositions de contingentement dans des régions qui, elles, sont déjà surpeuplées au point de vue des services médicaux, encore une fois?

M. Forget: Bien, ceci n'a pas encore été abordé comme tel puisque cela semble peut-être un peu prématuré. Cependant, dans le cadre des négociations qui se déroulent avec la Fédération des médecins omnipraticiens, certaines propositions, qui émanent de la fédération elle-même, envisagent des ententes en se prévalant de l'article 8 de la loi 93, des ententes ayant pour but de déterminer conjointement les nombres dans des régions, etc.

Maintenant cette discussion est en progrès et je ne voudrais pas, par des commentaires qui, dans le fond, appartiennent pi utôt à la table de négociations dans le moment, gêner le cours des négociations. Alors, je pense qu'on me comprendra de ne pas vouloir en parler plus qu'il ne le faut. Mais c'est à l'étape très préliminaire au niveau des discussions avec la Fédération des omnipraticiens et le ministère. Je dois dire que, de ce côté-là, les propositions, qui sont sur la table, reflètent les opinions ou les options de la FMOQ tout autant que celles du ministère, encore que sur les modalités il y a encore beaucoup de discussions qui doivent avoir lieu.

M. Charron: M. le Président, sur ce sujet de la répartition régionale des médecins, j'ai terminé.

Le Président (M.Kennedy): Le député deVanier. M. Bonnier: Moi, je ne suis pas de Vanier...

Le Président (M. Kennedy): Ah! Taschereau, pardon.

M. Bonnier: Mais ce n'est pas sur ce sujet, cependant, c'est sur un autre sujet. Alors, je reviendrai peut-être.

Le Président (M. Kennedy): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, dans le rapport que nous venons de recevoir... En passant, je me demande si le ministre ne pourrait pas donner lesdirec-tives pourqu'on nous transmette les rapports un peu d'avance.

Je les trouve extrêmement intéressants pour les discussions des crédits mais nous les recevons au fur et à mesure que le programme se présente. Alors, cela ne donne pas tellement le temps d'en prendre connaissance. C'est évident que cela restreint peut-être la portée de nos interventions. Cela pourrait peut-être aider le ministre à faire adopter ses crédits plus vite, mais il y aurait peut-être avantage à ce que nous ayons parfois des discussions un peu plus longues, s'il le faut, mais que cela amène des solutions futures.

Dans le rapport qu'on vient de nous présenter, concernant le transport des malades des régions excentriques, on trouve une lettre de M. Benoît Sainte-Marie, du service aérien, au Dr Martin La-berge, du 30 janvier I975, on dit: "Concernant votre deuxième demande, je donne les instructions nécessaires pour que vous puissiez inclure un journaliste et un photographe sur les vols d'urgence et ce pour satisfaire les besoins de votre service d'information". Est-ce qu'on peut nous expliquer cela? Est-ce une demande qui a été faite pour qu'il y ait toujours un journaliste et un photographe sur chaque vol, pour photographier les patients?

M. Forget: Non. C'est que le ministère avait à l'esprit — ce qui a d'ailleurs été fait — un reportage sur ce service, qui est d'ailleurs déjà paru dans Publication 65 à l'heure, qui est la publication mensuelle du service d'information du ministère. Il était nécessaire de demander la permission, j'imagine. C'est la raison de la mention dans la lettre. Mais il n'est pas question d'avoir un photographe et un journaliste sur tous les vols. C'était pour une fin bien précise.

M. Samson: Pour les fins de la propagande. M. Forget: Pour les fins de l'information.

M. Samson: Non, non, de la propagande. Ce n'est pas pareil.

Le Président (M. Kennedy): Elément I, adopté? M. Samson: Non, non, je n'ai pas fini.

M. Bonnier: J'ai une question, M. le Président. Ce n'est pas sur les médecins mais c'est sur les médicaments.

M. Samson: M. le Président, vous êtes beaucoup plus vite ce matin que vous ne l'étiez hier.

Le Président (M. Kennedy): Oui, oui.

M. Charron: M. le Président, si on peut revenir...

M. Bonnier: Est-ce que je peux parler des médicaments?

M. Charron: Bon. Allez-y.

M. Bonnier: C'est parce que je me demandais, M. le Président, jusqu'à quel point ce qu'on a vu dansl es journaux, dernièrement, relativement aux plaintes de pharmaciens qui trouvaient que les prix qu'on payait pour les médicaments ne rencontraient pas les coûts d'opération, jusqu'à quel point cette plainte est vraie et jusqu'à quel point cela pourrait risquer d'endommager le type de services que les pharmaciens sont appelés à donner, en particulier aux personnes âgées et aux autres?

M. Forget: Oui. Je crois que vous avez, dans le document qui vous a été distribué, une description du mode de fonctionnement du régime. Et je crois qu'il est utile de rappeler que les sommes qui sont versées aux pharmaciens, au Québec, leur sont versées sous deux rubriques différentes. Il y a, d'une part, le remboursement du coût du médicament, qui est effectué selon la liste préparée à tous les six mois, pour tenir compte des variations de prix, des variations dans les produits qui sont disponibles sur le marché, et qui vise à rembourser le pharmacien pour le coût qu'il doit payer lui-même pour se procurer le médicament. Les prix sont déterminés par le comité consultatif de pharmacologie, à la suite de demandes d'informations et de recherches auprès des fabricants et des distributeurs de médicaments. Ceci est la première composante du prix et l'intention du régime est de rembourser strictement le coût du médicament.

Le deuxième élément, la deuxième composante du paiement fait aux pharmaciens est une composante professionnelle. C'est un honoraire au montant de $2.15 qui leur est versé depuis le début du régime, en août 1972. Sur ce deuxième élément, il y a des négociations entre le ministère et l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires et c'est dans le contexte de cette négociation sur le montant des honoraires que la déclaration du président de l'association, le Dr Comptois, a été faite.

M. Bonnier: Non pas sur le coût des médicaments.

M. Forget: Ce n'est pas, comme tel, sur le coût des médicaments. Le coût des médicaments, nous n'avons aucune raison de croire qu'il est, de façon générale, insuffisant selon la liste, insuffisant pour effectivement dédommager le pharmacien de ce qu'il lui en coûte, lui-même, pour se les procurer. C'est une chose qui est évaluée périodiquement et qui est faite à la lumière de toutes les informations disponibles sur les prix, sur les escomptes pour le volume, qui sont données dans le cas de certains médicaments à consommation très considérable.

Mais nous sommes toujours prêts à ajuster le tir si jamais on nous démontre que le prix est soit trop élevé ou trop bas. Mais cela ne fait pas comme tel l'objet de négociations. C'est un prix qui est déterminé unilatéralement, si vous voulez, par le comité consultatif de pharmacologie.

La négociation porte essentiellement sur les honorai res. Comme il s'agit là aussi d'une négociation, bien sûr, la position que nous défendons dans ces négociations à la suite des déclarations qui ont été faites sera rendue publique, comme je l'ai dit, à l'Assemblée nationale. Mais, essentiellement, il s'agit d'une négociation et j'aimerais autant ne pas commenter davantage ce matin l'état de ces négociations.

M. Bonnier: Mon autre point, c'est simplement une clarification. Tout à l'heure, à la suite d'une question du député de Saint-Jacques, on a dit que le coût des médicaments gratuits pour les personnes âgées était à peu près de $9 millions par strate qu'on avait impliquée. Dans l'étude des crédits l'année dernière, c'était évalué à une possibilité de $21 millions et, cette année, c'est $22 millions, le coût de ces médicaments-là. Il y a quelque chose que je ne comprends pas parce que, par ailleurs, nous avons ajouté cette strate d'un tiers. .M. Forget: Ce que vous avez dans les crédits ne constitue qu'une partie des coûts du régime global d'assistance-médicaments. Il s'agit ici seulement du coût des médicaments pour les assistés sociaux. Le coût des médicaments pour les personnes âgées, les deux strates qui sont actuellement couvertes, est assumé à même les fonds de la Régie de l'assurance-maladie comme extension au régime d'assurance-maladie. Cela ne paraît donc pas au budget gouvernemental; ça paraît au budget de la régie qui a ses propres sources de fonds, donc q ui ne puise pas ces deniers-là au fonds consolidé.

M. Charron: M. le Président, tout à l'heure nous parlions — le député de Taschereau vient de nous y ramener — de la possibilité d'étendre la gratuité des médicaments à d'autres groupes. Il est aussi important, que le gouvernement agisse afin de diminuer le coût des médicaments dans l'hypothèse où un jour il aura à en assumer la gratuité pour tous. Non seulement, donc, pour protéger le public actuellement contre un prix exagéré des médicaments, mais si, éventuellement, le programme s'étend et qu'il devient lui-même acheteur, c'est à son propre avantage, à moyen terme, au moins.

Le gouvernement achète, via les hôpitaux ou les pharmacies, actuellement, pourenviron $55 millions de produits pharmaceutiques. Quand on compare le mode d'achat des médicaments du Québec à ce qui se fait dans d'autres provinces canadiennes, par exemple, ou dans d'autres sociétés, je ne pense pas que nous puissions dire que nous sommes, dans ce domaine, à l'avant-garde.

Les possibilités d'agir pour que le coût soit réduit et que cela ait donc un effet d'entraînement sur l'ensemble du coût des médicaments pour les consommateurs québécois ont toujours été présentées au ministre des Affai res sociales, sur la table de cette commission. Mais rarement avons-nous vu une suite donnée à ce genre de suggestion. Pourtant, ce ne sont pas, encore une fois, des mesures exceptionnelles, draconiennes, qui engouffreraient une large partie du budget. C'est, très souvent, par exemple, une simple politique de regroupement des achats, qui pourrait faire économiser, si on se fie à l'expérience des autres, plusieurs millions de dollars.

Je ne dis pas qu'il n'existe pas de politique d'achat des médicaments actuellement et qu'on achète tout comme cela vient, sans se préoccuper de la facture finale. Par exemple — reprenons une suggestion faite déjà plusieurs fois si le gouvernement se rendait lui-même acquéreur des produits pharmaceutiques dont on fait usage dans les centres hospitaliers du Québec plutôt que de laisser chacun en pâture à la publicité faite sur les médicaments et à celles des voyageurs de commerce des sociétés de produits pharmaceutiques, il y aurait là, puisque de

toute façon c'est à même le budget québécois que tout cela se fait, économie des fonds publics québécois.

Encore une fois, reprenons cette hypothèse maintes fois déposée sur la table, mais qui demeure toujours réaliste, à mon avis, d'une régie publique pour acheter des fabricants tout médicament consommé.

Je parlais tout à l'heure des exemples des autres provinces. Le ministre est certainement au courant d'une expérience dont j'ai pris connaissance; celle du Manitoba qui, dit-on, a diminué le coût des médicaments de 20% uniquement en obligeant les pharmaciens à vendre le produit de substitution le moins cher.

C'est un genre d'initiative qui, encore une fois, n'est pas draconienne mais qui, à court terme, déjà, porte des fruits. J'ai ici une coupure de presse qui date de déjà un bon moment, de la Gazette de mai 1974, où on décrit le système du Manitoba, qui a donc donné les résultats que je donnais tout à l'heure: le plus bas niveau de coût des médicaments dans l'ensemble du Canada se trouve dans cette province.

Qu'est-ce que le ministre des Affaires sociales peut nous dire aujourd'hui de ce qui a été fait au cours de la dernière année suite aux remarques que nous lui avons faites, toujours dans le but de faire baisser le coût des médicaments et éviter ce gouffre dans les fonds publics? Et q u'est-ce qu'on s'attend à faire au cours de la prochaine année dans ce même sens?

M. Forget: Beaucoup a été fait sur cette question, particulièrementdurant la dernière année. Ceci me donne l'occasion de résumer un peu la situation pour ce qui est des achats, de la distribution, et des prix des médicaments au Québec.

Il y a plusieurs distinctions qui sont nécessaires, évidemment, puisque les problèmes sont différents selon que l'on parle du régime dont il est question ici à l'occasion de l'étude des crédits, que l'on parle des achats de médicaments dans les hôpitaux ou, que l'on parle du prix des médicaments au consommateur qui n'est encore couvert par aucun régime. Celui-ci représente, il faut bien le dire, une partie très substantielle du marché total pour les médicaments et il ne doit pas être ignoré dans l'ensemble des mesures que l'on peut prendre pour réduire le coût des médicaments.

Il serait en effet, je crois, injuste de ne penser qu'au coût des médicaments pour l'Etat. Il faut avoir à l'esprit l'intérêt de tous les consommateurs de médicaments et en particulier de ceux qui doivent défrayer eux-mêmes pour l'instant et pour un avenir prévisible le coût de la médication.

Je vais essayer d'aborder un peu systématiquement ce qui se fait dans chacun des secteurs, les questions qui se sont posées et les travaux qui se sont faits. Le plus facile est sans doute de résumer la situation dans le secteur hospitalier.

On sait que dans ce secteur, depuis environ quatre ou cinq ans, il y a eu de nombreux efforts pour regrouper les achats, non seulement les achats de médicaments maisd'autrestypesd'achats. En 1974, suite à la mise sur pied des conseils rég ionaux, nous avons indiquéqu'il était — selon la loietselon l'esprit dans lequel nous voulions voir la loi s'appliquer — dans les responsabilités des conseils régionaux d'assumer désormais cette responsabilité, ce qui a été fait.

On se souvient que la première initiative de ce regroupement des achats a été assumée par l'Association des hôpitaux de la province de Québec avec l'appui technique et financier du ministère, cela va sans dire, et ce transfert de responsabilités s'est effectué durant l'année 1974. Des formules administratives ont été mises en place pour assurer ce regroupement des achats, mais déjà nous étions en face de réalisations qui, je pense, sont passablement intéressantes et qui permettent de dire que, sur le plan du regroupement, l'essentiel est fait du côté hospitalier.

Et d'ailleurs — ceci entre parenthèses — le Québec s'était abstenu de participer jusqu'à maintenant à des discussions fédérales-provinciales ayant pour but d'examiner l'intérêt possible d'un regroupement des achats peut-être à plus grande échelle, encore, que ce qui pouvait être fait par des ententes à l'intérieur d'une région entre des établissements hospitaliers.

Les conclusions que nous tirons de l'expérience qu'on vient de citer de certaines provinces dans le regroupement des achats sur un plan plus considérable que la région sont, dans l'ensemble, assez peu encourageantes pour ce qui est des économies qui pourraient en résulter.

Il est évident que lorsque l'on parle de petits centres hospitaliers, dans des régions où la population est moins importante qu'elle ne l'est au Québec — et ce sont souvent les comparaisons que l'on fait — l'avantage initial d'un regroupement peut être très considérable, mais l'économie qui en résulte est une économie qui est réalisable seulement la première année. On obtient, à partir de ce moment-là, un nouveau palier et les économies ne se répètent pas d'une année à l'autre.

On maintient une situation qui à ce moment-là est tout juste comparable avec un avantage ou un désavantage minime à la situation qui est déjà acquise dans les provinces comme le Québec ou l'Ontario où ces regroupements sur le plan régional produisent déjà des volumes très considérables et où évidemment la proximité aux sources d'approvisionnement, puisque les fabricants sont majoritairement situés dans ces deux provinces, a déjà permis à ces provinces et à leurs réseaux hospitaliers, de bénéficier de presque tous les avantages possibles.

D'autre part, et c'est souvent ce qui est oublié dans ces propositions de regroupement, c'est que la marge entre les prix que l'on obtient par le regroupement et ceux qui sont obtenus à l'origine n'est pas constituée uniquement de profits. Elle est constituée également de coûts de distribution et souvent les propositions de regroupement ont pour objet de faire assumer par un organisme agréé, des activités de distribution.

Ces activités sont indispensables, évidemment la consommation ne se fait pas à un point donné sur le territoire, mais à travers tout le territoire, et ces

activités sont coûteuses. Elles ne sont pas mécanisables, puisque c'est de la manutention de petits colis en petites quantités, à un très grand nombre de destinataires, et les coûts réels de tout système pour assurer la distribution font que bien sûr des économies apparentes peuvent résulter d'un regroupement à très grande échelle, mais elles ne sont souvent qu'apparentes puisque tous ces coûts doivent être assumés de toute manière.

C'est à la lumière de ces constatations basées sur l'expérience de plusieurs provinces, que les projets de regroupement à une très large échelle des achats ne sont pas retenus pour l'instant. Ce n'est pas de ce côté, je crois, que le Québec, dans son réseau hospitalier, peut assurer deséconomies plus grandes que celles qu'ils assurent déjà par la mise en place du regroupement sur le plan régional des achats.

Je dois signaler que, parmi les amendements adoptés l'an dernier, en vertu du projet de loi no 41, à la Loi sur les services de santé et les services sociaux, nous avons donné une base législative à des formulaires hospitaliers, c'est-à-dire à une certaine limitation qui n'empêche rien sur le plan de l'expérimentation clinique, sur le plan de la recherche scientifique, mais qui constitue une incitation très forte à minimiser, dans toute la mesure du possible, la liste des médicaments qui doivent être achetés et gardés en stock par les différents centres hospitaliers.

L'impact d'une mesure comme celle-là, sur la plan économique, est très considérable, puiqu'on peut faire varier la iiste de l'inventaire des médicaments en stock dans un centre hospitalier, d'environ 800 produits, en vertu d'un formulaire qui satisfait généralement tous les besoins courants d'un centre hospitalier, à plus de 4,000 en l'absence de tout formulaire.

La différence entre ces deux nombres est très considérable, et il s'agit là de centaines de milliers de dollars qui dorment littéralement dans les stocks des centres hospitaliers, en l'absence d'une mesure comme celle-là. Donc, nous sommes raisonnablement rassurés du côté hospitalier, toutes les mesures possibles qui pourraient rapporter des fruits sur le plan économique sont déjà mises en oeuvre et il n'y a pas beaucoup de possibilités d'amélioration, sauf, bien sûr, par une poursuite encore plus vigoureuse des politiques d'achat en commun sous les auspices des conseils régionaux. Mais ceci est déjà bien amorcé et cela se développe continuellement, du moins d'après les informations qui sont à ma disposition.

Sur le plan des coûts du régime comme tel, alors, comme j'ai indiqué, nous avons réduit les prix affichés ou les prix publiés, lors de la liste publiée en janvier I974, par l'adoption du prix moyen pondéré pour une liste de produits à haute consommation, en tenant compte du fait que la consommation à haut volume de certains médicaments, comme le diazépam par exemple, les tranquilisants si vous voulez, permettait aux pharmaciens d'obtenir des escomptes de volume. Nous en avons tenu compte, en faisant une réduction des prix qui était fort substantielle et dont les bénéfices demeurent jusqu'à maintenant, puisque cette réduction a été reprise dans toutes les listes subséquentes.

Pour ce qui est du coût des médicaments à la population en général, celle qui n'est couverte ni par les programmes de soins hospitaliers, dans la mesure où elle ne se trouve pas dans un centre hospita-lier.et qui n'est pas couverte non plus par le régime, il nous a paru nécessaire d'entreprendre des discussions avec les ordres professionnels des pharmaciens et des médecins, puisque ce sont les médecins qui prescrivent les médicaments, pour explorer avec eux tous les moyens possibles pour diminuer les coûts de la médication et pour diminuer également ce qu'il est convenu d'appeler les abus d'utilisation ou la surutilisation. Nous avons eu déjà deux rencontres avec lesdeux corporations professionnelles impliquées, en septembre I974 et en janvier I975. Nous leur avons soumis un inventaire, en quelque sorte, de toutes les mesures déjà prisesoudéjàdiscutées pour une action gouvernementale ou une action des groupes professionnels dans ce secteur. Nous les avons invités à poursuivre leurs réflexions avec nous pour appliquer un certain nombre de mesures qui seraient susceptibles de diminuer le coût des médicaments au Québec et aussi diminuer les abus dans l'utilisation des médicaments.

Ces mesures visent la publicité, visent la possibilité de préparer, avec l'accord des groupes professionnels impliqués et, dans le fond, de demander aux groupes professionnels impliqués de préparer une listede produits substituables qui seraient utilisés un peu à la façon dont la liste des produits substituables de l'Ontario a été utilisée mais en prenant peut-être un soin plus particulier pour que cette liste soit moins longue mais également moins attaquable sur le plan de la substitution elle-même puisque la substitution n'est absolument défendable que pour des produits qui sont non seulement de même composition chirm iq ue mais également qui ont les mêmes propriétés biologiques. Les expérimentations nécessaires, pour s'assurer d'une substitution véritable entre différents produits ayant une même désignation générique, ne sont pas très développées encore et rendent, dans une certaine mesure, discutables les propositions qui auraient pour but simplement de réduire le coût de la médication en choississant, parmi plusieurs médicaments ayant la même désignation générique, celui qui est le moins cher. Nous voulons nous assurer, justement avec la collaboration des professionnels, que si de telles substitutions sont effectivement encouragées, elles le seront avec toutes les garanties possibles d'une qualité non diminuée. C'est la raison pour laquelle nous envisagions une liste extrêmement limitative puisque ce ne serait pas possible de faire davantage, contrairement à d autres provinces qui ont cherché à combiner, dans une même liste, les préoccupations d'un régime d'assurance-médicaments ou d'assistance-médicaments et des préoccupations économiques.

Je crois qu'au Québec nous avons besoin de deux listes parce qu'il est clair que si nous voulons vraiment utiliser les possibilités de substitution au maximum, il faut être absolument sûr que nous ne sacrifions rien quant à la qualité du produit. Je ne veux pas décrire nécessairement l'ensemble des

mesures qui sont envisagées dans ces discussions avec les deux corporations professionnelles pour une raison très simple, c'est qu'ils n'ont pas encore, pour leur part, fait connaître l'ensemble de leur point de vue sur le sujet. J'imagine que, dans une certaine mesure, ils attendent l'adoption — d'ailleurs, je sais pour ce qu'ils nous l'ont dit — des règlements de leur ordre professionnel par l'Office des professions et par le conseil des ministres puisque les deux ordres professionnels envisagent des mesures qui devraient avoir un effet, dans leur réglementation, soit sur les prix, soit sur la consommation.

Par exemple, la pratique d'un dossier individuel d'un malade, chez le pharmacien, et certaines réglementations qui doivent paraître relativement à l'activité professionnelle des médecins, sont de nature à favoriser, peut-être, une diminution dans la consommation de médicaments. Ils veulent, je pense, franchir cette première étape; cependant, nous suivons ce dossier de très près parce que je crois qu'il est très important que le phénomène de surconsommation, comme le phénomène des prix, fasse l'objet d'actions concrètes à la fois de la part du gouvernement mais également des corporations professionnelles.

Il est futile de croire que le gouvernement peut influencer, isolément, des corporations professionnelles. Ce sont deux phénomènes. C'est une question à laquelle nous attachons extrêmement d'importance, comme en témoignent, je pense, le travail que nous avons fait et les rencontres que nous avons suscitées avec les deux corporations professionnelles en question, dont j'attends, durant l'année, des conclusions qui nous permettront d'agir, de notre côté, en collaboration avec elles.

M. Charron: M. le Président, la réponsedu ministre est complète. Je voudrais revenir à une partie, celle où il nous a expliqué l'avantage considéré, actuellement, par le ministère des Affaires sociales, de s'en tenir au regroupement régional quant aux achats.

Avec la comparaison qu'il nous a faite des autres situations, est-ce qu'il est possible d'envisager que ce regroupement régional d'achat des médicaments au niveau des centres hospitaliers puisse également s'étendre, sur la même base régionale toujours, aux pharmacies du coin qui seraient considérées, dans ce cas, comme étant des points de service? Ceci pour que l'achat se fasse vraiment sur une base régionale non simplement pour les centres hospitaliers, mais pour tous ceux qui, centres d'hébergement, pharmacies privées ou autres, ont sur ce territoire la vente de médicaments ou la possession de médicaments pour consommation.

M. Forget: Pour ce qui est des établissements autres que les centres hospitaliers, il est évident que dans la mesure où ils se procurent des médicaments, ce qui est un fait, pour ceux du moins qui hébergent des personnes âgées ou d'autres personnes qui nécessitent une médication soutenue, ils sont accessibles, ils sont admissibles ou éligibles — je ne sais pas quel mot est le plus approprié — aux programmes d'achat en commun, sous la responsabilité des conseils régionaux.

Rien n'interdit de croire qu'un même service pourrait être rendu également accessible aux pharmaciens d'officine s'ils le désiraient, mais il est plus naturel de penser que des regroupements de pharmaciens, pour des fins d'achat de médicaments — comme il en existe d'ailleurs, en a existé et continue d'en exister — pourraient leur permettre d'accéder à des volumes suffisants pour bénéficier d'escomptes et d'un certain pouvoir de marchandage auprès des fabricants. Mais comme il s'agit d'entreprises, essentiellement, ce n'est évidemment pas au ministère, je pense, pas au nôtre du moins, sinon à celui de l'Industrie et du Commerce, de favoriser des regroupements ou la constitution de coopératives d'achat parmi les pharmaciens d'officine. De telles démarches existent déjà, de telles entreprises existent déjà, comme on le sait. En dépit de difficultés aiguës pour l'une d'entre elles, qui ont mené à sa fermeture, il reste qu'il y a encore des entreprises qui fonctionnent plus ou moins sur une base coopérative et qui permettent aux pharmaciens d'accéder à des volumes considérables.

Mais, encore là, il ne faut pas négliger le coût de la distribution, qui est un coût réel. Il n'y a aucune formule administrative ou autre qui permet de négliger ces coûts. Le pharmacien qui vit dans une région éloignée, qui ne veut pas avoir un inventaire qu'il ne pourrait pas financer, de toute manière, doit faire appel, pour des petits lots de médicaments, à un distributeur. Les distances sont considérables. Donc, pour lui, la proportion du coût total du médicament qui est représentée par des frais de distribution sera toujours considérable dans quelque système que ce soit. C'est parfois peut-être l'élément le plus important, d'ailleurs.

M. Charron: Mais vous considérez comme inconciliable en principe le fait que la base régionale s'étende à ce que vous appelez les pharmaciens d'officine ou ces entreprises privées. Mais y a-t-il déjà eu un essai pilote dans quelque région que ce soit — par exemple, il y a des régions éloignées qui ont à faire face à ce coût de distribution inévitable et qui est plus onéreux pour elles que pour tout le monde — de faire des achats qui, également, incluraient l'entreprise privée?

M. Forget: Je ne sais pas dans quelle mesure. Je ne peux pas vo us affirmer que cette expérience a été faite. Je ne pourrais pas en exclure la possibilité. Mais il y a quand même un problème de fond que vous posez par cette question, et je ne suis pas sûr qu'on puisse le trancher facilement. Il reste que si un conseil régional offre un service, fait fonctionner un service de distribution, d'achat, de revente de médicaments, il faut quand même voir qu'il s'agit là d'un établissement public, qui a un statut fiscal fort privilégié.

Je vois mal comment, sauf dans les cas de carence absolue ou de vide absolu de toute autre espèce de services de distribution, ce qui n'est le cas, je pense, dans aucune région du Québec actuellement, sauf erreur, on pourrait envisager une espèce de forme de concurrence assez peu loyale dans le fond, puisque le gouvernement encouragerait, par ses deniers, une entreprise qui serait en concurrence avec une autre dont il perçoit des impôts.

Je pense que c'est une situation qui serait assez difficile à justifier. Pour cette raison, de façon générale, tant et aussi longtemps que nous aurons un réseau tel qu'il existe de pharmacies d'officine — je ne pense pas, contrairement aux déclarations qui ont été faites, que les pharmaciens eux-mêmes souhaitent une fin rapide à ce régime — je ne vois pas de possibilité d'ensemble.

M. Charron: J'imagine bien que n'importe quel le initiative dans ce domaine pourrait être, au départ, un peu difficile à apprécier quant à ses conséquences de fond, comme celles que vient de souligner le ministre. Mais si l'objectif final était atteint, au moins partiellement, celui d'une réduction du coût des médicaments pour les personnes qui en font usage, je pense que le gouvernement pourrait toujours se dire justifié d'être intervenu de cette façon.

Le problème de fond se pose, évidemment, dans le cas où une seule région aurait ce genre d'initiative pendant que d'autres continueraient à véhiculer le régime actuel d'achat de médicaments. Mais, à un moment ou à un autre, si on décide d'intervenir — lorsque vous aurez fini la consultation auprès des ordres professionnels, selon vos suggestions — il est bien entendu que l'intervention du gouvernement dans le sens de la réduction des médicaments, devra se faire par étapes, probablement, et que chacune des étapes portera à l'égard d'autres personnes une partie d'injustice etd'inégalité. Mais, quand l'objectif final est atteint, d'une protection de l'ensemble des citoyens du Québec contre et une surconsommation et un prix exagéré des médicaments, cela justifie, peut-être pas toujours totalement, l'initiative gouvernementale dans ce sens.

M. Forget: Bien, il faut distinguer ce qui est une réduction de coût et ce qui est un simple transfert de coût. Il est clair que, si le gouvernement prend à sa charge une partie quelconque des frais inhérents à la production ou à la distribution des médicaments, le coût au consommateur peut être diminué jusqu'à zéro, comme c'est le cas dans les régimes d'assistance-médicaments. Il demeure que, si tout ce qu'il fait, ce n'est pas de produire un régime plus efficace où les coûts sont réellement réduits, mais de prendre à sa charge une partie des coûts, il doit, à ce moment-là, bien sûr, justifier son intervention par l'intérêt public, mais il doit également, à mon avis, le faire de manière à ne pas créer indirectement une situation qui ne veut pas nécessairement avouer faire directement.

Ce que je veux dire, c'est que, si l'on veut exproprier une partie de l'industrie de distribution ou de vente au détail, ou de fabrication des médicaments, il serait plus honnête de l'annoncer, de le dire et de le faire que d'étendre insensiblement un système qui n'a pas pour but premier ce genre de résultat et de provoquer, pendant toute la période intérimaire, une espèce d'insécurité qui fera que les services se détérioreront plutôt que de s'améliorer.

Il est clair que, si l'on laisse soupçonner que nous allons envahir insensiblement, via la distribution par les centres hospitaliers ou les conseils régionaux, tout le domaine de la distribution et le rôle du grossiste en quelque sorte, à partir de demain, les services vont se détériorer sans que, pour autant, on n'ait fait rien de précis pour les améliorer. Ce n'est clairement pas notre intention pour le moment. C'est évident — je pense que tout le monde le sait — qu'on ne peut pas dire si dans dix ans la situation sera la même.

Il est clair que ce n'est pas notre intention de jouer le rôle du grossiste. Il n'est pas dans notre intention d'exproprier les pharmaciens d'officine, ni les grossistes, ni lesfabricants. Nous avons un tas de choses qu'il est possible de faire et dont, encore une fois, nous avons discuté avec les ordres professionnels impliqués pour au moins accroître, sur le plan des coûts, les pressions sur le réseau de distribution et le réseau de fabrication, la pression sur les coûts.

Je peux donner l'assurance aux membres de cette commission que plusieurs décisions seront requises durant l'année pour accroître la pression sur les coûts, dans le secteur des médicaments, et que nous ne manquerons aucune occasion d'accroître la pression sur les coûts, d'accroître les possibilités de concurrence de manière que les coûts soient les plus bas possible, dans le cadre du système tel que nous le connaissons. Lorsque nous aurons obtenu ce résultat, je crois que la différence entre les coûts que nous aurons à ce moment-là et les coûts de tout autre système sera beaucoup moins considérable que celle qui peut être dans le moment.

Le Président (M. Kennedy): Le député de Vanier.

M. Dufour: M. le Président, le ministre a presque répondu à toutes mes q uestions mais il y a une chose que je voudrais noter. C'est que je trouve un peu enfantin d'avoir laissé 150,000 personnes âgées de 65 ans et plus non éligibles aux médicaments parce qu'on pourrait aller chercher, je crois, cette somme de$l.7millions qu'il en coûtera en plus au ministère, c'est-à-dire au régime de rentes, dans l'avenir, pour payer les médicaments pour un an.

Si on se place au niveau des personnes âgées de 65 ans et plus, je crois qu'on peut les placer, pour 95%, sur un même pied, même si elles ne sont pas bénéficiaires du supplément de revenu garanti. Alors je déplore que, pour un an de plus, on les ait laissées de côté.

Les prévisions pour 1975/76 se chiffreront par environ $39 millions. On essaie d'étudier les causes de cette montée en flèche du coût des médicaments mais je trouve une réponse à la page 3, dans une petite note, dans le bas: "La différence serait attri-buable à une hausse de l'utilisation per capita".

Cette utilisation, le ministre semble, si j'ai bien compris, entreprendre des études pour essayer de baisser la hausse de l'utilisation per capita. Je pense qu'il ne faudra pas trop attendre. Si on n'étudiait pas trop longtemps, je crois qu'on pourrait peut-être épargner de $4 millions à $5 millions, au moins, ce qui nous permettrait de payer pour les personnes âgées de 65 ans et plus.

C'est incroyable de voir l'utilisation des médicaments. Vous avez beau baisser le coût, si vous ne diminuez pas l'abus... C'est par l'abus que le coût des médicaments augmente. Je crois qu'une étude devrait être faite avec les premiers intéressés, au niveau

des médecins et des pharmaciens d'officine, de laboratoire, qui livrent la médication tous les jours, pour essayer d'arriver à réglementer cette chose.

Il se fait même un trafic de médicaments, vous le savez. Les gens vont voir quatre ou cinq médecins dans la même journée ou dans la même semaine et ils reçoivent des ordonnances à peu près de tout le monde. J'ai rencontré dernièrement des gens qui prenaient jusqu'à 40 pilules par jour. Ils ne sont pas morts parce que la vie d'un homme, c'est assez dur, mais je crois qu'il va falloir certainement prendre un moyen pour que le médecin qui voit un malade en consultation soit assuré qu'il n'a pas vu d'autres médecinsdans la même journée ou la veille et être au courant de la médication qui a été prescrite à ce moment-là. Je crois qu'on épargnerait plusieurs millions par année si on posait un geste rapide pour bloquer cet abus.

Actuellement, il yen a qui, dans la même journée, vont se chercher quatre ordonnances de diazépam et, le soir, font le trafic et même vendent ces pilules, diazépam 10 milligrammes, à $1 par pilule, à des jeunes de douze, treize ou quatorze ans.

Alors, je pense qu'il est urgent d'organiser un carnet de santé où le médecin qui aura prescrit une médication devra signer la date de sa consultation et la médication.

C'est très urgent, je vous le dis. Si on continue à réfléchir pendant des années, je crois qu'on n'a pas fini de voir monter en flèche le coût des médicaments.

C'est un peu ce que j'avais à dire là-dessus. Mais j'invite le ministère à se pencher d'urgence sur le sujet pour arriver à avoir un certain contrôle sur les prescriptions données à un même indigent qui vient nous voir au bureau.

M. Forget: M. le Président, j'aimerais d'abord, faire juste une brève correction. Le coût de l'exten-tion à un troisième tiers des personnes âgées non actuellement couvertes est de l'ordre de $9 millions parannéeetnon pas de I.7. Le l.7qui paraît à la page 2 se réfère aux coûts pour les trois premiers mois de I975 qui évidemment étaient compris dans les crédits de 1974/75.

Donc, il faut multiplier par...

NI. Dufour: Par trois.

M. Forget:... quatre ce chiffre-là. Donc c'est un coût d'environ $9 millions.

Pour ce qui est des statistiques de consommation dans le régime d'assistance-médicaments, il est évident qu'il y a là un problème apparent qui nous préoccupe. C'est un problème dont la solution n'est pas facile tout simplement parce que le régime de gratuité s'adresse au patient. Mais l'ordonnance, ce n'est pas le patient qui la prépare et ce n'est pas le pharmacien non plus qui est responsable du nombre d'ordonnances.

C'est la raison pour laquelle, pour vraiment en venir à une solution à ces problèmes, nous avons rencontré, dès le mois de septembre dernier, les deux corporations professionnelles impliquées pour réfléchir avec elles sur des mesures à prendre et je dois di re, sans reprochede ma part, que de cecôté, le ministère a formulé des suggestions, des recommandations, a fait le bilan de ce qu'il était possible d'imaginer comme action et qu'après maintenant plus de six mois, depuis la première rencontre, nous n'avons pas véritablement de suggestion très concrète de nos contreparties dans cette discussion.

J'ai indiqué aussi pourquoi je pense que ce délai s'est écoulé. Je crois que les deux corporations professionnelles ont été impliquées durant la même période dans la préparation de leur réglementation en vertu de la nouvelle législation, réglementation qui incorpore des dispositions qui, selon elles, pourraient avoir un effet sur l'abus de consommation.

Mais on en vient rapidement à des problèmes de fond qui sont très difficiles. Lorsque l'on pense, par exemple, que même si un patient ne consulte qu'un seul médecin, il peut aller faire remplir sa prescription chez plusieurs pharmaciens différents. Donc, le contrôle par le pharmacien est très Iimité de ceux qui veulent vraiment tricher, en quelque sorte, le régime. Il ne peut faire que ce dont il a connaissance lui-même.

Le médecin aussi est relativement sans défense vis-à-visdes multiples consultations, lorsquec'est le cas. Et il faut se demander s'il n'est pas nécessaire, dans un régime comme celui de l'assistance-médicaments, de chercher à obtenir l'inscription du patient auprès d'un pharmacien de manière qu'il puisse suivre le dossier-patient et voir s'il ne reçoit pas des ordonnances de plusieurs médecins différents dont les effets, les interactions entre médicaments, pourraient être dommageables à sa santé.

Mais l'on voit tout de suite que les préoccupations relatives à la surconsommation vont dans le senscontraire à celles que l'on veut également développer relativement à la pression sur les prix, puisqu'il est clair que dans un tel système le choix du pharmacien est rendu impossible. Une fois qu'il est fait une fois, il doit demeurer inchangé, quels que soient les prix affichés par ce pharmacien. Ainsi veut-on véritablement donner une espèce de monopole permanent au moins vis-à-vis un client en particulier à un pharmacien.

Ce genre de considérations montre que c'est un problème extrêmement complexe, la surconsommation, lorsque surtout on veut le faire dans un contexte où il y a d'autres préoccupations de libre choix des professionnels. Malgré tout, il n'est pas impossible d'entrevoir des solutions et c'est la raison pour laquelle nous avons ces réunions.

J'espère bien que sous peu nous pourrons reprendre cette discussion sur la base des propositions que j'ai moi-même déposées devant un porte-parole des deux ordres professionnels. Nous avons toute une série d'idées qu'il serait au moins intéressant de mettre en application et nous allons voir dans les prochains mois s'il est possible d'en appliquer au moins une ou deux.

Le Président (M. Kennedy): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, sur le même sujet, ça

n'arrive peut-être pas souvent, mais j'approuve au moins le ministre quand il nous parle du respect de la liberté de choix pour les individus, les professionnels, ainsi que de la liberté d'entreprise.

Cela rend peut-être un peu plusdifficile, comme il l'a dit, certains contrôles pour empêcher des abus. Par contre, je vous avoue que c'est la première fois que je prends connaissance qu'il y a abus dans le sens d'un quasi-trafic de drogues, d'indigents qui, bénéficiant du système d'assurance-maladie, iraient chercher quatre ou cinq prescriptions par jour, les feraient remplir chez les pharmaciens pour revendre ces médicaments.

Je remercie le député de Vanier d'avoir soulevé ce sujet devant la commission, parce que je considère que non seulement le sujet est important, mais que c'est une chose grave. S'il fallait que les cas se multiplient, cela pourrait aller très loin.

C'est pourquoi j'invite le ministre à se pencher sur une suggestion du député de Vanier que je considère comme valable, soit le carnet de santé, qui pourrait remplacer la "castonguette". Il est vrai qu'un même patient peut, en pratique, visiter trois, quatre ou cinq médecins par jour.

Les médecins sont des humains qui, ne sachant pas que leur client arrive de chez un autre médecin, compte tenu des situations, peuvent avoir un diagnostic qui peut être nuancé et donner une prescription un peu différente. Il est important pour la santé des gens que le patient voie toujours le même médecin qui peut suivre l'évolution du cas.

Dans le contexte actuel, ce n'est pas facile que ça se passe comme ça. J'ai eu connaissance personnellement — cela a été porté à mon attention — de cas d'indigents qui, ayant un peu plus de temps que ceux qui doivent travailler pour gagner leur vie, vont voir un médecin pour une maladie banale peut-être et, dans la même journée, vont en voir un autre juste pour vérifier la qualité du médecin. Ce sont des chosesqui sont un peu délicates à discuter peut-être.

Les médecins sont peut-être un peu mal placés pour en discuter eux, mais nous, en ayant connaissance de ce qui se passe de ce côté, nous nous devons de le dire. Les buts qui sont poursuivis par le régime d'assurance-maladie sont de donner des soins de santé gratuits à la population ; ils ne sont pas de permettre desabus qui font que les gens en font un trafic.

C'est évident q ue, si le patient avait un carnet de santé, le médecin, en examinant le carnet, pourrait savoir que son patient arrive de chez un confrère et qu'il y a eu prescription de telle chose.

Je pense que ça pourrait éviter les abus qui sont présentement dénoncés et qui ne font, j'espère, que commencer. J'espère que ce n'est pas rendu trop loin, mais il y a le risque que cela pourrait aller beaucoup plus loin. Et ce risque ce seul risque, je pense, justifie une étude du ministère pour une action précise et aussi rapide que possible.

C'est évident qu'on va nous apporter des arguments pratico-pratiques voulant que le système est basé de telle sorte qu'on procède avec une carte, puis il y a des machines ordinatrices qui travaillent là-dessus. Il faudrait peut-être déprogrammer les machines encore une fois. Ce n'est peut-être pas facile, je le réalise. Ce n'est peut-être pas facile, M. le Président, mais il reste que si c'est véridique — je n'ai aucune raison de ne pas prendre la parole du député de Vanier; j'ai eu aussi des communications avec certains de ses confrèresqui m'ont parlé un peudans le même sens, sans aller aussi loin — cela veut dire qu'il semble se développer une espèce d'habitude. Compte tenu de cette lutte que nous devons faire socialement contre ce fléau qu'est la drogue, au moins si on pouvait éviter cette partie, que le gouvernement ne soit pas complice involontaire, si vous voulez, d'une espèce de trafic de drogue, je pense qu'on aura au moins fait ce bout de chemin. D'autant plus que rien ne justifierait que le gouvernement paye pour des choses comme cela, et ce pour aucune considération.

La solution n'est pas facile là-dessus. J'ai beaucoup de sympathie pour les officiers du ministère qui auront à se pencher sur ce problème. La solution n'est pas facile, mais il faudra en arriver, je pense, à l'intérieur du système d'assurance-maladie, à une solution qui permettrait que le médecin consulté sache que son patient est allé ailleurs pour la même chose et qu'il n'y ait pas un risque de contre-médication. On ajustement — j'ai cela quelque part dans tous mes dossiers, mais j'en parle de mémoire — un article de journal qui a paru dernièrement, suite à une étude, je pense, de l'université McGill, portant sur une période d'une dizaine d'années, qui disait que les médecins ne prescrivaient pas toujours le remède qu'il fallait, peut-être par manque de connaissance des médicaments. Je ne veux pas là laisser croire que je ne fais pas confiance aux médecins. Au contraire, ces gens sont pris devant une multitude de médicaments nouveaux qui arrivent sur le marché régulièrement et ils n'ont pas toujours le temps, s'ils veulent servir leur clientèle adéquatement— puis Dieu sait si cela en prend du temps— de se tenir au fait de tous les nouveaux médicaments. D'autant plus qu'ils sont aux prises aussi, les médecins, avec le petit livre bleu, je pense...

M. Forget: La couleur en varie d'une année à l'autre...

M. Samson: La couleur en varie. Bien, il y a de l'amélioration, la couleur a varié, M. le Président, mais il reste qu'ils sont aux prises aussi avec cela. Ils sont obligés de mémoriser, si vous voulez, la liste des médicamentsqui sont disponibles pour les indigents qui doivent avoir recours à l'assistance-médicaments. Ces gens qui sont habitués à prescrire certaines sortes de médicaments pour telle ou telle maladie sont obligés, si c'est un indigent, d'avoir recours à la liste pour voir si ce médicament est sur la liste, puis s'il ne l'est pas, trouver l'équivalent.

Cela prend aussi au médecin un temps qui est précieux. D'ailleurs, justement, j'ai une lettre qui a été envoyée dernièrement, qui nous est parvenue du ministère, où on se plaignait de cela, où notre correspondante se plaignait du fait que les médicaments prescrits par son médecin, elle ne pouvait pas les avoir en vertu du plan d'assistance-médicaments chez son pharmacien. Dans la réponse qu'on nous donne au ministère, on dit ceci:

"II s'agirait, pour madame, de mentionner à son médecin qu'elle a droit à la gratuité des médicaments. Ainsi, il lui sera loisible de consulter la liste des médicaments compris dans cette exemption avant de rédiger la prescription de sorte qu'elle n'ait pas à assumer les frais." C'est un peu cocasse, vous savez. Le médecin est rendu qu'il n'est presque pas capable de prescrire le médicament qu'il croit être celui dont le patient a besoin. On ne prescrit pas en fonction de la maladie, on prescrit en fonction de la liste qui est fournie. Cette liste est discutable. Je n'ai pas l'intention de reprendre tout le débat qu'on a fait l'année passée là-dessus, on en a parlé longtemps, mais c'est quand même discutable et c'est contesté, présentement.

Qui décide quel médicament on met sur la liste ou pas? Cela aussi, c'est contestable, mais il demeure qu'on se retrouve devant cela alors que tous nous savons que les cabinets de médecin sont remplis à craquer de patients qui doivent attendre des semaines même avant de pouvoir avoir un rendez-vous. On oblige le médecin à devenir une espèce de technocrate, si vous voulez, qui, plutôt de faire de la médecine, joue dans des papiers pour découvrir quel est au juste le médicament qu'il peut prescrire et qui répond aux normes. Cela devient de la médecine de normes, cela devient de la médecine technocratique, à ce moment-là. Je ne pense pas que le corps médical soit tellement intéressé à ce genre de médecine. Il vaudrait mieux que tous les efforts du corps médical soient faits pour donner des soins aux patients en fonction d'une guérison le plus vite possible et non en fonction d'un petit livre qui dit que vous devez prescrire telle chose plutôt que telle autre. Au cas où votre prescription n'entrerait pas dans les cadres du petit livre, le médecin a l'autorisation, je pense, à moins que je fasse erreur, de faire l'équivalence.

L'expérience que nous en avons est que les équivalences amènent des effets contraires aux effets recherchés, souvent, dans le sens que les questions des allergies ne sont pas considérées. Si un patient reçoit la médication prescrite, exactement, par son médecin, il va tendre vers une guérison alors que s'il reçoit une médication qui n'est pas prescrite par le médecin, qui est différente ou équivalente, souventefois il y a allergie à ce genre de médicament, ce qui fait que le patient se retrouve chez son médecin plus souvent. Les visites qui se répètent deviennent des visites pour soigner une maladie qui a été occasionnée par le livre b leu. C'est à peu près cela, le résumé de la situation.

Il restequand même qu'on pourrait soulager les cabinets de médecin quelque peu. On pourrait également soulager le budget de la province en matière d'assistance-médicaments si on pouvait trouver un moyen de faire en sorte que le médecin sache que son patient est allé voir un, deux ou trois de ses confrères, qu'il a reçu telle ou telle autre ordonnance.

Maintenant, peut-être avant de permettre au ministre de me donner une réponse, je pourrais peut-être ajouter une question qui lui permettra de me donner toutes les réponses en même temps.

M. Forget: Vous n'avez plus aucun commentaire, après cela.

M. Samson: Pardon?

M. Forget: Vous n'avez plus aucun commentaire, après cela?

M. Samson: C'est une garantie qu'on me demande, M. le Président, qui est difficile à donner. lls'agit de la Régie de l'assurance-maladie quant aux tarifs des médecins, quant aux tarifs à être accordés pour les visites à domicile. Vous savez qu'il y a de moins en moins de médecinsqui risquent maintenant des visites à domicile. L'on me rapporte que celui qui risque de le faire, même quand c'est absolument nécessaire, le fait presque à ses frais. Même s'il y a compensation de la part de la régie pour une visite àdomicile, il reste que les frais encourus pour se déplacer font que les médecins sont de moins en moins intéressés et de moins en moins capables de le faire. La médecine qui permettait à un médecin de faire certaines visites à domicile est très importante. C'est dans la philosophie du ministère, je pense, de vouloir un peu soulager les salles, les chambres d'hôpitaux, déjà par les cliniques dites externes. Mais si un médecin de famille peut se rendre à domicile, parfois il évite de cette façon peut-être une hospitalisation qui serait très coûteuse au gouvernement. Alors les visites à domicile font qu'il y a une économie pour le gouvernement, mais cette économie, actuellement, n'est pas exploitée au maximum, parce qu'on ne donne pas suffisamment d'argent au médecin qui doit faire ce genre de visites. Les taux me semblent trop bas. Je pose aussi cette question au ministre, est-ce qu'il y aura révision de ce côté?

M. Forget: On a parlé d'abord d'abus à la suite des remarques du député de Vanier, dans l'utilisation du régime d'assurance-médicaments, d'assistance-médicaments. Le caractère étendu ou non de l'abus est une chose qu'il est difficile de documenter. Ce n'est certainement pas possible de dire, puisque ce serait contraire à la vérité, qu'aucune forme d'abus n'existe. On se souviendra, cependant, que dans le cadre du régime, la période de validité d'une ordonnance est limitée à 30 jours. Donc, les possibilités d'obtenir des renouvellements répétés, pour des fins de trafic illicite, par exemple, des médicaments affectant le système nerveux central, qui est probablement le secteur où il pourrait y avoir un trafic illicite, sont limitées par la durée, fort limitée elle-même, de validité de l'ordonnance à 30 jours.

Il existe des cas décelés d'abus, et le président de la régie m'informe que, dans de tels cas, une enquête approfondie est faite, et en particulierdans un cas remarquable qui aété porté à l'attention de la régie, la plainte se rendra jusque devant les tribunaux.

Une solution plus générale du problème ne pourra pasêtre disponible tant que ne seront pas mis sur pied les mécanismes de compilation d'un fichier des bénéficiaires, tel que nous l'avons envisagé pour

l'ensemble des services assumés par la Régie de l'assurance-maladie et tel que nous l'avons incorporé dans la loi du régime, l'automne dernier, par les amendements qui lui ont été apportés.

Evidemment, il y a toute une mécanique à mettre en place pour compiler ces données par bénéficiaire et assurer, de cette façon, l'établissement de profils de consommation par bénéficiaire et, donc, la détection d'irrégularités possibles, soit au niveau d'une consommation exagérée, soit au niveau d'une interaction, toujours possible, de médicaments obtenus de sources différentes et sous prescription de médecins différents, soit des possibilités de négoce ou de trafic illicite de certaines drogues.

Ceci va prendre un certain délai, qu'on évalue à un an ou un an et demi, dans le moment. La solution pourrait revêtir une autre forme, telle que suggérée, celle du carnet de santé. Cependant, dès qu'il est question d'un carnet de santé, on doit se souvenir qu'on veut faire porter le fardeau du contrôle de tout un système administratif sur l'individu au bénéfice duquel le régime existe et qui, dans son ensemble, si on parle du bénéficiaire représentatif, n'est certainement pas systématiquement et généralement coupable d'abus.

Qu'arrivera-t-il si une personne, qui bénéficie du régime à un titre ou à un autre, oublie son carnet et qu'elle a dû se déplacer? Est-ce qu'on lui donnera quand même des médicaments ou si on l'obligera à retourner chercher le fameux carnet, à supposer qu'elle est en voyage? Est-ce que les exceptions à un tel régime ne seraient pas suffisamment nombreuses, permettant suffisamment d'échappatoires, pour ceux qui veulent vraiment s'engager dans des négoces ou dans des commerces illicites de drogues, pour rendre totalement inefficace un tel système? Malgré tout, pour la plupart des gens qui aiment observer des lois et s'y conformer, ce serait leur imposer une obligation additionnel le qui serait, dans la majorité des cas, inutile.

C'est un peu ce qui nous fait pencher pour les systèmes administratifs qui placent le fardeau sur la régie plutôt que sur l'utilisateur. Je pense que nous sommes déjà engagés dans cette voie et nous devrions obtenir, de cette façon peut-être, la réponse à tous les besoins véritablement importants.

Au niveau des interactions, par exemple, si le carnet de santé, est regardé comme ça, de visu, par un professionnel, elles peuvent très bien échapper à l'attention, alors qu'il est possible de déterminer des codes d'interactions possibles, tenant compte de l'âge, du sexe du bénéficiaire, de manière à vérifier systématiquement tous les cas possibles d'interactions, ce que, très certainement, l'attention, malgré tout, parfoisdistraited'un professionnel, pourratrès bien ignorer.

On a parlé, en deuxième lieu, de la liste des médicaments. On dit, on répète, malgré les explications qui sont données chaque fois, qu'il s'agit là d'une liste technocratique. Je pense que cette désignation n'est pas exacte. Il ne s'agit pas d'une liste technocratique. Il s'agit, en vérité, d'une liste professionnel le parce qu'elle est établie non pas en vertu de critères administratifs, mais en vertu de critères professionnels par des spécialistes des questions de pharmacologie, par des consultations avec les milieux professionnels, les corporations de médecins et de pharmaciens, et tous les cas qui nous sont signalés de soi-disant omissions à la liste découlent de deux phénomènes.

D'un nouvel arrivé sur le marché, qui n'a pas été incorporé à la liste parce que la liste est publiée à tous les six mois et pas à toutes les six semaines. Donc, il y a des délais dans l'inscription d'un médicament mais cela est toujours corrigible et est toujours effectivement corrigé. Il y a de nombreux changements dans chaque édition de la liste, basés sur cette raison. Les autres cas sont des cas où, en vertu de l'application de critères professionnels qui sont énumérés dans l'introduction à la liste, l'inscription à la liste n'a pas été retenue pour des raisons scientifiques, pour des raisons professionnelles.

Atout événement, je préfère une liste technocratique, même si on doit l'appeler comme cela, à une liste purement commerciale, parce qu'il est clair que si nous n'avons pas cette liste et si c'est l'alternative à laquelle on pense, nous aurons une liste commerciale. Je trouve étonnant que, dans le contexte d'une discussion, on parle de l'abus de consommation. L'abus de consommation ne vient pas tout seul. Il vient par une incitation à la consommation, une incitation qui trouve sa racine dans des considérations commerciales, considérations commerciales qui se manifestent par une publicité, par des efforts de promotion très intenses auprès des professionnels, efforts de promotion qui ne sont pas toujours directement proportionnels à l'intérêt scientifique ou professionnel de nouvelles drogues mais beaucoup plus au potentiel économique que représente la mise sur le marché, pour un fabricant donné, d'une variation, sans différence, dans le fond, avec un autre produit qui est déjà sur le marché.

Une liste commerciale constituerai tun abandon par l'Etat qui administre un régime d'assistance-médicaments, un abandon complet de ses responsabilités devant des pressions commerciales. Je pense que la raison pour laquelle on persiste à soulever le problème, ce n'est pas pour soulever le cas de tel ou tel médicament particulier. Je crois que dans tous les cas où de tels cas particuliers sont soulevés, nous avons toujours été en mesure de donner des raisons valables, sur le plan professionnel.

On soulève, je pense, le problème de principe: Devrait-il y avoir une liste? A mon avis, le dossier ou les raisons qui justifient une liste sont absolument irréfutables. Plusieurs médicaments sont mis sur le marché sans aucune espèce d'évaluation de leur efficacité thérapeutique.

Tout ce que les contrôles gouvernementaux exigent, c'est que cette drogue ne soit pas positivement dommageable à un être humain. Et encore, même l'expérimentation qui est faite ne porte que sur une période de temps limitée et des expériences comme celle de la thalidomide montre très bien que même les critères actuels sont déficients quant à leur sévérité.

Il y a déjà dans cette liste des médicaments qui probablement ne devraient pas y figurer, probablement des médicaments qui, dans dix ans, apparat-

tront comme des aberrations complètes. Je ne crois pas que nous soyons trop généreux. Il y a dans cette liste 5,000 médicaments.

Tous les spécialistes de la pharmacologie clinique, y compris des médecins formés spécialement pour évaluer l'effet des médicaments sur la biologie humaine, sur le métabolisme, nousdisentqu'il y a là tout ce qu'il faut pour traiter toutes les maladies connues. Et nous n'avons jamais hésité à faire des additions. Ce q ui ne s'y trouve pas de façon systématique, ce sont les produits composés pour usage interne. Ce sont des produits qui, évidemment, ont un certain attrait pour le praticien qui, comme on l'a indiqué, est débordé de publicité de toute sorte sur l'effet des médicamens, qui ne peut pas se tenir au courant de l'effet biologique, biochimique de 16,000 médicaments sur le marché actuellement et qui varient sans cesse, dont la vie moyenne est de l'ordre de deux, trois ou quatre ans sur le marché et qui doit se fier à une publicité incomplète. Il est impossible de savoir l'effet précis d'un si grand nombre de médicaments, il doit se fier à des pharmacopées. Il n'existe pas de pharmacopée canadiene, on doit se référer à des tas d'ouvrages étrangers qui correspondent plus ou moins à nos besoins et, devant de telles pressions, il est clairque des produits composés ont un certain attrait. C'est une façon de viser assez largement tout un ensemble de facteurs qu'il est parfois difficile de diagnostiquer précisément et un produit composé permet, en visant un type de symptômes, de s'assurer d'une certaine marge de manoeuvre et d'une certaine marge d'erreur.

Mais il reste qu'une véritable médication doit être plus spécifique que ça et c'est dans cet esprit que la liste des médicaments est restrictive. Elle est restrictive pour éliminer des produits qui ne satisfont pas aux critères d'efficacité thérapeutique, une valeur thérapeutique qui a été établie. Enfin, les sept ou huit critères qui sont enumérés dans l'introduction à cette liste devraient suffire à convaincre tous ceux qui ont desdoutes, d'autant plus que ce n'est pas une situation statique, c'est une situation qui évolue à tous les dix mois.

Encore une fois, chaque cas qui a été mentionné a fait l'objet de discussions avec la Corporation professionnelle des médecins, avec un comité spécialement désigné à cette fin, des consultants dont les noms évidemment ne sont pas connus, parce que si l'on donne les noms ils vont tout de suite être pris d'assaut par 10,000 fabricants de produits pharmaceutiques, ils vont se faire offrir des voyages au Japon. Il est clair que nous ne pouvons pas révéler le nom de ces gens, si on doit parler en termes très clairs.

M. Samson: Du moment qu'ils ne se feront pas offrir des "bad trip".

M. Forget: Ce seraient peut-être de très bons "trips" au contraire. Mais il est clair que ces gens nous aident à préparer la liste. Ils ont demandé que leurs noms soient ten us secrets et nous allons continuer à les tenir secrets, mais ce n'est pas rédigé purement à l'intérieur du ministère sans consultation. Et nous pouvons défendre cette liste envers et contre tous.

D'ailleurs, c'est une liste qui est largement plus grande, plus représentative des médicaments que celle utilisée dans d'autres provinces, justement parce que nous avons voulu la faire obéir à des critères professionnels, en ignorant les préoccupations économiques qui se retrouvent dans plusieurs listes de médicaments des autres provinces.

C'est mélanger les préoccupations que de faire une liste en omettant certains médicaments parce qu'ils sont trop chers ou parce qu'ils sont plus chers qued'autres. Nous avons laissé une trèslarge liberté aux professionnels dans le choix des médicaments, pourvu qu'ils répondent aux critères de choix.

C'est pourquoi une action distincte de celle-ci est nécessaire pour fai re pression sur les prix. Cela a fait d'ailleurs l'objet des interventions précédentes. Mais je pense qu'il faut tenir absolument à cette liste parce qu'elle est la meilleure garantie que nous puissions avoir, dans l'état actuel des choses, que ce programme de médicaments ne deviendra pas complètement incontrôlable et complètement irresponsable.

Je crois qu'il serait très embarrassant pour le gouvernement de faire une liste qui donne une caution morale à tous les médicaments qui sont actuellement sur le marché. Il n'y a pas beaucoup de choses que nous pourrions inclure de plus qui ne nous entraîneraient pas jusqu'à cette limite.

J'ai testé moi-même auprès de nos consultants plusieurs de ces suggestions et j'ai été convaincu par les arguments qui m'ont été donnés, à chaque fois. C'est la raison pour laquelle je crois qu'il et important de ne pas oublier l'objectif visé par la publication de cette liste, qui est contestée peut-être par des individus qui n'ont pas toute cette information à leur disposition, mais qui n'est pas contestée au niveau des groupes professionnels avec lesquels nous transigeons et qui, pourtant, ne se font pas rigueur de nous critiquer dans bien d'autres circonstances, qui ont toute liberté pour le faire. A leur point de vue, cette liste n'est pas critiquée et n'est pas critiquable.

Dernier point qui est mentionné, c'est celui des tarifs des médecins en visite à domicile. Tout ce que je peux faire, puisqu'il s'agit d'un sujet en négociation, c'est de prendre note de la préoccupation du député de Rouyn-Noranda, qui est, sans aucun doute, la préoccupation de tous les membres de la commission. Il est clair qu'il y a eu une diminution constante dans le nombre des visites à domicile.

Il y a peut-être un remède du côté des tarifs, mais, il ne faut pas se faire d'illusions sur révolution des moeurs dans la société où nous vivons et sur la perte du sens de service dans tous les groupes sociaux, qui fait que, quel que soit le tarif dans les limites raisonnables, malgré tout — on ne peut pas offrir $100 pour une visite à domicile — qui pourrait être offert, le genre de pratique professionnelle que cela entraine, les déplacements, les ennuis constituent peut-être le plus grand obstacle à ce qu'il s'en fasse davantage.

Mais, nous n'écartons pas, pour autant, la possibilité de réviser le tarif sur cette question.

M. Samson: D'accord, M. le Président...

Le Président (M. Kennedy): Messieurs les membres de la commission, si vous voulez rester dans le

même sujet; vu qu'on va siéger cet après-midi de trois heures à six heures continuellement, on pourrait peut-être suspendre les travaux immédiatement jusqu'à trois heures, ce qui donnerait un peu de temps aux membres de la commission qui ont d'autres choses à faire.

M. Samson: Tout dépend, M. le Président, si on peut continuer sur le même sujet et si M. Martin sera encore là cet après-midi.

M. Forget: II ne peut pas être là cet après-midi.

M. Samson: Ace moment-là, il vaudrait peut-être mieux me donner quelques minutes, puis on va terminer pour permettre de libérer M. Martin.

M. Charron: Moi, je n'ai pas fini. M. Forget: Sur l'assurance-maladie?

M. Charron: Sur l'assurance-maladie, non évidemment.

M. Forget: L'ennui, c'est que M. Martin ne sera pas ici cet après-midi, de toute manière; à moins que l'on suspende, mais cela devient compliqué de reprendre...

M. Samson: Oui, c'est cela.

M. Charron: J'en ai d'autres, les soins dentaires, dont on a commencé à parler hier, les prothèses, appareils orthopédiques, la situation des handicapés physiques également, les comités de révision de l'assurance-maladie, etc.

M. Forget: On est peut-être mieux, à ce moment-là, de remettre cela à une autre séance complètement et de reprendre avec le programme no 2 cet après-midi.

M. Charron: Je suis parfaitement d'accord pour passer à l'aide sociale cet après-midi.

M. Samson: M. le Président, dans ce cas, si vous voulez me donner deux minutes, je voudrais qu'on termine le sujet précis sur lequel on est.

Le Président (M. Kennedy): Deux minutes. M. Samson: Malgré que le ministre me dise que la liste n'est pas une liste technocratique, ce n'est peut-être pas la liste, en fait, qui est une liste technocratique, comme le fait que le médecin qui doit l'utiliser doit poser un geste qui est technocratique, à ce moment-là.

Maintenant, je ne sais pas de quelle façon ils utilisent cette liste, je n'en ai pas de copie. Je viens de voir un livre que le ministre avait en main, un livre rouge. Vous voyez comme mes informations n'étaient pas bonnes, je pensais que c'était un livre bleu. Peut-être que les moeurs ont changé du côté des couleurs aussi.

M. Forget: Quelle couleur aimeriez-vous pour la prochaine édition?

M. Samson: Peut-être que le vert serait un compromis acceptable. Je retiens ce que le ministre a dit quant aux négociations avec les médecins. Il y a peut-être d'autres facteurs qui font qu'il y a moins de visites à domicile, mais je voudrais intervenir de nouveau en faveur d'un tarif raisonnable. Si, malgré tout, cela n'apportait pas un correctif à la situation, on n'aurait pas, au moins, ce point, que je considère comme très important, comme prétexte à ne pas donner ce service. Actuellement, il est considéré comme non raisonnable. Amenez-le à une proportion raisonnable et, quant à moi, je serai satisfait de ce geste.

Quant à la liste, parmi les plaintes qu'on a souvent, on nous dit que pour des médicaments qui doivent être prescrits, pour des maladies comme le diabète, par exemple, il se pose des problèmes de ce côté; on a de la difficulté à obtenir les médicaments nécessaires. Ce que je voudrais émettre comme voeu, à ce moment-ci, c'est qu'on prenne en, considération — ce corn ité de consultation q ue vous avez a sûrement aussi ces exemples, ces plaintes lui parviennent probablement par le truchement du ministère; on ades lettresqu'on envoieau ministère régulièrement pour des questions précises comme cela — qu'on ajoute au moins le nécessaire qui fait qu'actuellement il y a des indigents qui ne peuvent, pour ces raisons, soigner une maladie précise telle que le diabète.

M. le Président, je n'abuserai pas plus du temps que nous avons à notre disposition. J'y reviendrai.

Le Président (M. Kennedy): La commission suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.

(Suspension de la séance à 12 h 37)

Reprise de la séance à 15 h 17

M. Kennedy (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

Tel qu'entendu, avant la suspension à midi trente, nous faisons un recul pour prendre le programme no 2, aide sociale.

M. Samson: Un moment, s'il vous plait, M. le Président.

Si vous voulez me permettre une seconde, peut-être que vous allez me donner votre accord, le consentement unanime.

Voici, nous étions au programme 3, ce matin, et le président de la régie devait s'absenter. Par contre, je suis informé que la dame qui est responsable du comité de pharmacologie est présente. Je me demande si on aurait le consentement unanime pour revenir au programme 3 quelques minutes, pour poser quelques questions, à savoir comment ils procèdent pour choisir les médicaments pour la fameuse liste dont nous parlions, ce matin, si on n'a pas d'objection.

M. Forget: On n'a pas d'objection, M. le Président, d'autant plus que Mme Chevalier est avec nous.

M. Samson: Alors, ma première question serait une question d'ordre général, puisque je n'ai pas la prétention de connaître tout ce programme. Comme vous le savez sans doute, M. le Président, des questions ont été posées, ce matin, à ce sujet. Il y a des questions que la population nous pose, des gens qui doivent avoir recours à cette liste, parce qu'ils sont des indigents. Ils se voient souvent refuser par des pharmaciens les médicaments qui sont prescrits par les différents médecins, sous prétexte que ces médicaments ne paraissent pas à la liste.

Peut-être que Mme Chevalier pourrait nous faire un peu l'historiquede la façon dont on procède au comité de pharmacologie, afin de mieux nous faire comprendre.

M. Forget: Je vais vous résumer cela très brièvement, pour ne pas prendre beaucoup de votre temps.

Lorsque le conseil a été créé, en 1971, il adéfini des critères de sélection des médicaments qui ont été analysés et approuvés par toutes les associations médicales et pharmaceutiques.

Nous les avons soumis aux associations. Les associations les ont approuvés.

Nous avons procédé à une sélection des médicaments parmi les 25,000 produits pharmaceutiques sur le marché canadien.

Ces critères de sélection sont basés sur la valeur thérapeutique, sur la qualité du fabricant et sur la qualité du produit. Alors, je pense que vous m'avez demandé... Cela résume un peu les critères de sélection. Il y en a dix. Ils ont été reformulés cette année et approuvés par toutes les associations médicales et pharmaceutiques, de même que par le ministre, bien entendu.

M. Samson: Est-ce que la liste des produits auxquels vous avez accès est une liste qui est publiée ou si les différents fabricants doivent faire parvenir au ministère...

M. Forget: Leur demande d'inscription. M. Samson: ... leur demande... Ah bon!

M. Forget: Voici comment nous procédons. Il y a un critère qui dit que seuls les fabricants qui répondent à la norme canadienne de bonne fabrication peuvent voir leurs produits inscrits dans la liste. Il faut, quand même, préserver la qualité des produits.

Alors, nous faisons parvenir à tous ces fabricants un certain nombre de formules de demande d'inscription et nous leur demandons de remplir ces formules pour chacun des produits qu'ils veulent voir inscrits à la liste, considérant qu'ils répondent aux autres critères de sélection des médicaments.

Il y a une partie de la formule d'inscription qui traite de la valeur thérapeutique. Nous demandons au fabricant de fournir la preuve de la valeur thérapeutique au moyen de rapport de ces cliniques contrôlées. Maintenant, quand le conseil reçoit une demande d'inscription, dûment remplie, avec tous les documents nécessaires, il étudie la demande. Parfois, c'est assez facile de se prononcer. D'autres fois, c'est beaucoup plus difficile. Dans ces cas, nous faisons appel à des experts externes. Nous demandons une expertise à un des 110 consultants attachés au conseil et qui sont reconnus comme des autorités dans les 21 domaines de la pratique médicale.

Alors, à l'aide du dossierétudié par le conseil, à l'aide de la documentation scientifique disponible à ce jour — on sait que ce n'est pas statique; c'est très dynamique, cela varie continuellement — et à l'aide des expertises externes demandées par le conseil, la décision est prise à ce moment-là.

Par contre, un dossier n'est jamais fermé. Toute nouvelle documentation soumise au conseil appelle une nouvelle expertise.

M. Samson: Si le ministre, par exemple, reçoit unedemande... Pour mieux me faire comprendre, je vais partir de cas précis. A un moment donné, on a des correspondants qui viennent aux bureaux ou nous écrivent, à Québec, en nous disant: Moi, je souffre de diabète, je souffre de telle autre chose. Je suis sur le bien-être social et les médicaments que m'a prescrits mon médecin ne sont pas couverts par le régime et le médecin refuse de me prescrire autre chose parce que, paraît-il, les autres médicaments qui sont sur la liste me causent personnellement des allergies. C'est le genre de cas qui nous arrivent. Si, dans ces cas, en les référant au ministre comme on l'a fait régulièrement, c'est-à-dire au cabinet du ministre, s'ils y parviennent, comme j'imagine que cela se fait, il y a possibilité de révision dans ces cas.

M. Forget: Nous répondons régulièrement aux lettres qui nous sont référées par le ministre, qui lui

sont adressées, et nous envoyons toujours copie au député ou à la personne qui a fait parvenir la lettre au ministre.

Maintenant, je pense que c'est un programme qui a certainement dérangé des habitudes de prescription.

M. Samson: Oui.

M. Forget: Oui, c'est vrai. Nous sommes fort conscients que cela a dérangé des habitudes de prescription. Par contre, les données scientifiques sur les médicaments changent énormément et nous considérons que les exigences des pratiques des médecins ne leur donnent pas le temps de vérifier. Vous savez, il ne faut pas considérer cela comme une atteinte à leur liberté. Il faut considérer la liste comme un outil de travail. C'est un outil de travail pour les médecins et ils peuvent vérifier et choisir au sein de cette liste des médicaments dont la valeur thérapeutique a été prouvée.

C'est énormément de travail. Vous savez, on pourrait dire: Tous les médicaments sur le marché vont être couverts. Ce serait facile. D'un autre côté, je ne sais pas si ce serait une décision acceptable. Quand on désire établir une mesure sociale pour aider la population, il faut lui donner des médicaments qui ont une valeur thérapeutique. Le volume de vente et l'habitude de prescription ne sont pas des critères pour déterminer la valeur thérapeutique.

Mais nous répondons à toute demande de renseignements qui nous est adressée.

M. Samson: Je pose la question parce qu'évidemment, je sens que d'autres plaintes nous parviendront. Le système ne sera jamais parfait.

Est-ce qu'on peut quand même considérer que si vous avez un certain nombre de plaintes qui font état d'un même problème, il y a une possibilité de corriger la liste aux fins de répondre à un besoin qui n'a peut-être pas été vu sous le même angle, peut-être à une date différente, aussi? Peut-être qu'un besoin peut changer ou peut se faire sentir plus à un certain moment qu'à un autre.

M. Forget: Voici, le seul fait de demander un produit n'influencera pas son inscription.

M. Samson: Non, ce n'est pas dans ce sens-là...

M. Forget: Je vais vous l'expliquer, là. Toute nouvelle demande appelle une nouvelle expertise.

M. Samson: Ah bon!

M. Forget: II ne s'agit pas de dire: Moi, je veux voir ce produit-là dans la liste.

M. Samson: Ah non!

M. Forget: II faut qu'il y ait de la nouvelle documentation scientifique, de nouveaux essais cliniques contrôlés, scientifiquement acceptables. Maintenant, nous avons 5,000 dossiers, il y a 4,000 produits dans la liste. Les dossiers ne sont jamais fermés et si une nouvelle documentation peut appeler l'inscription d'un produit, la nouvelle documentation peut également appeler le retrait d'un produit.

M. Samson: Alors, ce n'est pas parce qu'un produit est demandé qu'il sera automatiquement sur la liste mais, par contre, si on a des plaintes à l'effet qu'une maladie ne peut pas être soignée avec les produits existant sur la liste, étant donné qu'à certaines occasions, dans certains cas précis, ça cause des allergies, ce qui apporte, évidemment un effet contraire à ce qu'on recherche, à ce moment-là, ça pourrait être considéré.

M. Forget: Oui, mais vous savez, l'allergie la plus fréquente que l'on rencontre chez les patients, c'est celle qui est causée par le fait de se faire dire, par exemple: Ah bien! qu'est-ce que vous voulez, on a une nouvelle mesure et le gouvernement ne paie pas ça. Cela peut causer des allergies.

M. Samson: Ah bon! A ce moment-là, si vous trouvez ce genre d'allergies, c'est que vous faites partie d'un département du ministère. Si vous étiez plus impliqué dans le ministère, vous seriez peut-être bien allergique parce qu'il y en a des problèmes dans ce ministère-là.

M. Forget: Ça fait quatre ans que je suis là et, je ne sais pas, il me semble que je suis en bon état.

M. Samson: Moi, je pense que c'est évident que vous avez touché tantôt un point qui est sensible quand vous avez dit que ç'a dérangé des habitudes.

M. Forget: Oui.

M. Samson: C'est peut-être un peu vrai, quand même, qu'il y a des allergies...

M. Forget: Provoquées.

M. Samson:... qui sont provoquées parce qu'on a dérangé beaucoup de ces habitudes. Et, à ce moment-là, je les comprendrais un peu.

Mais je comprends aussi l'allergie provoquée ici, parce que le médecin qui est obligé de travailler avec un livre comme ça, ça dérange aussi parfois des habitudes qui ne sont pas de simples habitudes mais des besoins de son temps.

C'est un débat que nous avons eu ce matin. Je n'ai pas l'intention de le reprendre parce que le ministre a défendu son point de vue et celui du ministère là-dessus. Ce que j'aimais surtout savoir c'est — cette réponse me donne partiellement satisfaction — qu'il y a des possibilités de revoir quand on peut faire la preuve d'un besoin. C'est ça qui m'intéresse.

M. Forget: II y a certains produits qui font l'objet d'expertises à chacune des mises à jour de la liste. Comme pour l'édition de juillet prochain, nous avons ajouté I64 dénominations communes pour lesquelles nous avons eu la preuve de l'efficacité thérapeutique.

Vous dites que le médecin doit vivre avec son temps; nous, nous prenons les décisions avec notre temps aussi. Nous avons dans la liste 2,185 médicaments — je ne parle pas des produits, il y en a 4,000 — mais vous avez des grands hôpitaux universitaires qui fonctionnent avec 400 médicaments.

Les médecins ne doivent pas se sentir lésés et brimés.

M. Samson: Est-ce que ce sont ceux qui enterrent leurs erreurs?

M. Forget: Je ne pense pas que ça fasse partie de la discussion actuelle.

M. Samson: C'est évident qu'il y a sûrement des produits sur le marché qui sont seulement concurrentiels. C'est clair.

M. Forget: Bien sûr.

M. Samson: Nous sommes prêts à comprendre ça que ça ne donne rien d'en avoir 50 de la même sorte si on peut répondre aux besoins avec une sorte. Nous avons des cas qui nous étaient référés, avec appui médical, on nous disait que le patient faisait une allergie au médicament prescrit et qui provenait de la liste. Il prescrivait automatiquement autre chose.

L'indigent qui est obligé de payer pour ça est drôlement mal foutu.

M. Forget: J'aimerais dans cette question d'allergie souligner les mêmes arguments qui viennent d'être soulignés, mais peut-être sous un autre aspect. Lorsqu'on présente cet argument d'une allergie, on peut faire état d'un problème réel. A la limite, ça peut être un problème réel d'une véritable allergie qui semble être causée par un médicament qui est sur la liste.

Mais l'alternative c'est véritablement de voir un médicament qui n'a pas passé les tests de valeur thérapeutique, de qualité de fabrication ou les autres critères qui s'appliquent dans le cas de l'inscription d'un médicament sur la liste, de préférence à celui-là.

C'est donc substituer un médicament qui peut-être est efficace, mais qui cause une allergie, à un autre médicament qui ne cause peut-être pas d'allergie, mais dont la qualité de fabrication n'est pas prouvée.

Alors au mieux, c'est de tomber de Charybde en Scylla si vous voulez, puisque si son efficacité thérapeutique peut être établie, si sa qualité de fabrication peut être établie, il va être inscrit sur la liste.

M. Samson: Mais, est-ce qu'il se pourrait que, parmi les médicaments qui ne sont pas inscrits — parce que la liste des médicaments non inscrits est quand même assez longue aussi — est-ce qu'il se pourrait que, parmi cette liste de médicaments non inscrits sur la liste, il y en ait qui seraient quand même acceptables, ou est-ce que je dois comprendre que tout ce qui est acceptable est actuellement sur la liste?

M. Forget: Voici, tous les médicaments pour lesquels nous avons la preuve de la valeur thérapeutique sont inscrits sur la liste, et tous les produits qui répondent aux exigences de qualité, je parle des marques déposées qui répondent aux exigences de qualité, sont inscrits également.

M. Veilleux: Qui donne les éléments de qualité, qui décide des éléments...?

M. Forget: Les éléments de qualité, nous nous basons sur un programme qui s'appelle QUAD, c'est le programme d'appréciation de la qualité des médicaments du gouvernement fédéral, parce que le provincial ne voulait pas dépenser de l'argent inutilement pour faire des analyses de médicaments et visiter les fabricants pour connaître leurs possibilités de fabrication. Alors nous nous basons sur la norme canadienne de bonne fabrication, qui est la norme 74GP1, et sur le programme QUAD, qui est le programme d'appréciation de la qualité des médicaments.

M. Veilleux: Mais quand vous avez un médicament — j'ai déjà soumis le cas d'un de mes électeurs, une de mes électrices à vous-même — et que, sur la liste que votre commission a établie, le médicament n'y est pas contenu, on me répond à ce moment-là: Dites au médecin qu'il prescrive un médicament qui est sur la liste. Et moi, personnellement, j'ai communiqué avec un spécialiste, à l'hôpital Laval ici à Québec, parce qu'il soignait la dame en question. Je lui ai demandé s'il y avait un équivalent et il m'a dit: II n'y a aucun équivalent. La femme est inscrite au bien-être social, elle a de la misère a joindre les deux bouts à la fin du mois puis cela lui coûte $45 à $50 de médicaments parce que votre commission ne veut pas reconnaître ce médicament, sous prétexte qu'il n'a pas les qualités, etc.

Mais quand c'est le seul médicament pour cette maladie, même s'il est à l'état expérimental, je pense qu'il faudrait quand même que la commission se rende compte de faits qui peuvent arriver et de préjudices que la population peut subir.

M. Forget: Pour les médicaments à l'état expérimental, il y a une clause spéciale, dans l'article 3.62 du règlement de la Loi sur les services de santé et services sociaux, qui dit que les centres hospitaliers peuvent se servir de médicaments autres que ceux de la liste pour des fins médicales particulières ou pour des recherches fondamentales. Alors, personne n'est lésé.

M. Veilleux: Je m'excuse, je n'ai pas le nom en tête, mais je pourrai revérifier tous mes dossiers, à mon bureau, et je trouverais le nom de la dame. La dame en question, étant donné que cela fait au moins un an et demi ou deux ans que j'ai discuté de cela, n'est probablement plus vivante, mais elle avait, à ce moment-là, besoin de remèdes parce que la maladie dont elle était atteinte la rendait aveugle

de plus en plus. C'était un médicament pour empêcher cela et il n'y avait pas d'équivalent sur la liste. C'est bien de valeur, il a fallu que je réfère à la Société Saint-Vincent-de-Paul, à Saint-Jean, ou à un autre organisme pour l'aider à défrayer les coûts. C'est quand même anormal, au Québec, en 1973 ou 1974.

M. Forget: Je me souviens du cas auquel vous faites allusion. La dame écrit, mais pour un autre médicament, cette fois-ci. Je me souviens du cas parce qu'elle a écrit souvent pour le même médicament; maintenant, c'est pour un autre. Vous dites que c'est un spécialiste qui vous a dit qu'elle en avait absolument besoin. Nous sommes conscients de l'importance des décisions qui sont prises et des répercussions que ces décisions peuvent avoir et sur la pratique et sur la population. C'est pourquoi nous faisons appel à 110 consultants qui sont des autorités dans les 21 domaines de la pratique médicale. Je pense que c'est difficile de consulter plus que le conseil le fait.

M. Veilleux: Je reviens à ce cas et, si mon souvenir est bon, le médecin en question était pratiquement le seul spécialiste au Québec qui connaissait ce genre de maladie et, malgré cela, votre commission n'a certainement pas référé le cas au spécialiste en question parce que la dame n'a pas obtenu satisfaction. Si la dame demeure à Saint-Jean et qu'elle est obligée de venir se faire soigner par un spécialiste à Québec, j'imagine qu'il n'y a pas de spécialiste pour cela à Montréal et on se fait dire: La qualité n'est pas bonne, c'est à l'état expérimental, trouvez d'autres moyens. Ce n'est pas une réponse à donner à des gens qui sont malades et qui ont besoin de soins immédiats.

M. Forget: II y a des centres hospitaliers à Saint-Jean. Puisque vous dites que c'est un cas de Saint-Jean, il y a des centres hospitaliers qui ont les mêmes droits que ceux de Québec et ceux de Montréal.

Le Président (M. Kennedy): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: Je voudrais poser une question au ministre. Il semble qu'on tourne autour du fait que seuls les médicaments inscrits sur la liste ont une valeur. Est-ce que cela voudrait dire que chez les pharmaciens qui ne vendent pas seulement les médicaments inscrits sur la liste, maisqu'ilsenvendent beaucoup d'autres, le public qui ne fait pas partie des indigents achète des médicaments qui n'ont pas une valeur totale, actuellement?

M. Forget: II n'y a rien de nouveau dans cette affirmation. Vous avez une législation fédérale qui existe depuis fort longtemps, qui s'appelle la Loi sur les aliments et les drogues et qui prévoit qu'un contrôle soit exercé. Mais le contrôle qui est exercé sur la vente des médicaments peut s'exercer de bien des façons. On vient de faire allusion à la norme de bonne fabrication qui est appliquée de façon générale, je crois à tous les médicaments fabriqués au

Canada. Cependant, cette norme ne veut pas prouver plus que ce qu'elle affirme prouver, ce qu'elle prétend prouver, qui est essentiellement la bonne fabrication. Elle ne prouve pas autre chose. C'est pard'autresépreuvestellesque celles prévuesdans le cadre du programme QUAD, qui a des prétentions beaucoup plus importantes d'établir la qualité du médicament sur un plan biologique plutôt que sur le plan simplement de la qualité de la fabrication, que d'autres contrôles peuvent être imaginés. Donc, il y a toute une série de contrôles. Il est clair qu'un pharmacien individuellement ne peut pas présumer se substituer à des laboratoires d'analyse qui sont en mesure de faire ces contrôles, pour une part, et qui, même dans la situation actuelle, ne peuvent pas soumettre tous les médicaments à l'évaluation du programme QUAD, par exemple, qui ne porte que sur un très petit nombre de médicaments, a ce jour.

Il y a donc des possibilités que certains médicaments qui sont en vente ne soient pas efficaces ou même que certains médicaments en vente comportent des dangers. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on attire l'attention du public et des professionnels, depuis plusieurs années, sur les avantages de limiter au strict minimum la consommation de médicaments, puisqu'il y a, sans aucun doute, un élément d'inconnu inévitable dans la consommation de drogues, de médicaments. Même si le programme QUAD était entièrement développé et couvrait l'ensemble des médicaments, ce qui ne sera pas le cas avant peut-être dix ans ou quinze ans, il serait toujours possible d'anticiper que certaines personnes peuvent encourir des risques en consommant tel ou tel type de médicament.

Ce n'est donc pas surprenant d'affirmer à la fois que des professionnels assurent la distribution de médicaments et d'assurer en même temps que certains de ces médicaments n'ont pas passé tous les tests imaginables quant à leur qualité et quant à leur efficacité. Il y a, malgré tout, des tests qui existent. Il y a les normes de bonne fabrication. Dans les cas où cela a été fait, il y a le programme QUAD qui va beaucoup plus loin que simplement la bonne fabrication. Je crois qu'il serait irresponsable de ne pas se prévaloir de ces expertises quand elles existent, mais évidemment, elles ne sont pas complètes, elles ne sont pas exhaustives.

M. Samson: Cela ne me donne pas tout à fait satisfaction, ce genre de réponse. Il reste qu'on table beaucoup sur le fait que les médicaments qui sont sur la liste sont de premier ordre.

Dans la pratique médicale, les médecins prescrivent souvent autre chose que ce qu'il y a sur la liste. Or, il se trouve que les indigents, s'ils veulent obtenir un médicament gratuit, doivent obtenir une prescription en fonction de la liste.

Les autres, qui ont des revenus, qui doivent payer pour leurs médicaments, ont, assez régulièrement, suivant mes informations, des prescriptions qui vont chercher des médicaments à l'extérieur de la liste. A ce moment-là, ce que j'ai de la difficulté à comprendre, c'est: Est-ce qu'on prétend que ceux, qui paient de leur poche, sont moins bien servis par les médecins que ceux qui sont sur le bien-être

social? Vous prétendez ça. A ce moment-là, si vous prétendez ça, c'est une affirmation qui est grave de conséquences parce que cela atteint la réputation de tout le corps médical.

M. Forget: Ecoutez, monsieur...

M. Samson: Nous faisons affaire avec des médecins régulièrement. Qui que nous soyons, nous sommes tous des candidats, en tout cas, à rencontrer un médecin un jour ou l'autre. Si on nous fait cette affirmation comme on vient de le faire, on a des risques parce qu'on ne nous prescrit pas toujours les médicaments qui sont sur la liste.

A ce moment-là, le ministre des Affaires sociales a des responsabilités encore plus graves que je ne le croyais. C'est que si tel est le cas et si on peut le prouver, il faudrait mettre un frein à la vente de médicaments qui ne sont pas sur la liste. C'est là où je veux en venir.

M. Forget: J'ai fait, ce matin, une distinction que je pourrais reprendre textuellement, cet après-midi, entre une liste commerciale et une liste que vous avez appelée technocratique et que j'appelle ou que j'appellerais personnellement d'un autre nom. Mais il est exact qu'il y a une distinction qui peut, à long terme, être préoccupante. Je pense qu'il serait peut-être intéressant d'exposer, pendant quelques minutes, les préoccupations qui ont animé un certain nombre de provinces. Le Québec, en particulier, a discuté avec les autres provinces du Canada la possibilité d'une liste unique et la possibilité de faire jouer à cette liste peut-être un rôle non seulement pour les programmes publics de remboursement de médicaments, de paiement, de financement des médicaments, mais un rôle beaucoup plus large que celui-là, le rôle d'une pharmacopée en quelque sorte qui, à ce moment-là, pourrait jouer double fonction.

Peut-être que Mme Chevalier peut vous exposer un peu les travaux qui se sont faits dans ce contexte.

Voici. Nous avons été convoqués à une première réunion, en novembre dernier. C'était une réunion interprovinciale en vue de la préparation éventuelle d'un formulaire canadien de médicaments. Parce que c'est beaucoup de travail pour une province de préparer une liste de médicaments. Actuellement, quatre provinces en préparent. Maintenant, je tiens à vous dire que les produits qui font l'objet de controverse ici ne sont pas inscrits sur la liste des autres provinces.

La liste du Québec renferme à peu près quatre à cinq fois les produits qui sont inscrits dans la liste des autres provinces. Alors, je ne pense pas que les médecins d'ici soient vraiment privés. Mais, en tout cas, il ne s'agit pas de cela.

Il s'agit de préparer, éventuellement, un formulaire national de médicaments. Alors, nous avons une réunion fédérale-provinciale à la fin d'avril, les 21, 22 et 23, pour travailler dans ce sens.

Nous croyons que le fait de réunir les expertises, les ressources des différentes provinces pourrait cond uire à un formulaire national sur lequel tout le pays pourrait s'appuyer.

M. Samson: Oui, c'est évident que dans le contexte canadien, sur une base d'une meilleure qualité de la vie canadienne, les consultations que vous poursuivez sont absolument valables et je pense que vous devez continuer à les faire de ce côté. Mais rien n'empêche que moi, qui ne suis pas un médecin, je suis obligé de questionner le ministre et de questionner des médecins. Comme citoyen, si vous le voulez, je me dois de me poser la question. Si on m'affirme, d'une part, qu'il n'y a rien d'autre que ce qu'il y a sur la liste qui est absolument un bon médicament, que les autres sont moins valables, partiellement valables ou à un pourcentage plus faible, cela remet en cause, je pense, toute la pratique médicale.

M. Forget: Non, voici. Nous n'avons jamais affirmé que les médicaments qui ne sont pas inscrits sur la liste n'avaient aucune valeur. Nous affirmons cependant que sur ceux qui sont inscrits nous avons la preuve de la valeur thérapeutique. Ce n'est pas la même chose.

Quant à la non-efficacité de certains médicaments sur le marché, c'est facile à comprendre parce qu'avant 1962, pour mettre un médicament sur le marché, il fallait prouver son innocuité, c'est-à-dire qu'il suffisait qu'il ne tue personne, qu'il ne fasse pas trop de dommages. Alors, on pouvait mettre un médicament sur le marché. Mais depuis ce temps, vers 1962 ou 1964 — je ne suis pas certain de la date mais cela ne dépasse pas 1964 — il faut donner la preuve de la valeur thérapeutique d'un médicament.

Il y a beaucoup de produits qui sont sur le marché depuis très longtemps. Alors c'est possible que dans les produits qui ont été mis sur le marché simplement avec la preuve de leur innocuité, certains n'aient pas de valeur thérapeutique.

Vous savez, il y a des médecins qui nous écrivent pour qu'on ajoute le Vicks Vaporub sur la liste. Ce n'est pas très très scientifique.

M. Dufour: S'ils le demandent, c'est parce que c'est demandé par les patients.

M. Forget: Ecoutez...

M. Dufour: Les assités sociaux n'ont pas d'argent pour acheter du Vicks Vaporub. Ce n'est pas parce que le médecin trouve cela meilleur qu'autre chose mais, au moins, donnez-leur quelque chose pour se frotter!

M. Forget: II y en a dans la liste. M. Dufour: C'est bien beau mais...

M. Forget: II y en a dans la liste. Si vous comparez la liste d u Québec à la liste des autres provinces, nous avons toutes les classes de médicaments. Nous avons des produits pour toutes les classes de médicaments connus, contrairement aux autres provinces qui passent des classes en disant: Cela, on ne le paie pas. Cela, on le paiera plus tard, on le paiera plus tard.

M. Dufour: Avez-vous déjà pratiqué, vous? C'est parce que tout à l'heure, vous avez parlé d'allergie.

M. Forget: C'est le député de Rouyn-Noranda.

M. Dufour: Oui mais vous avez répondu que ce n'était pas l'allergie au médicament, souvent, que le patient avait, et surtout le médecin. Si on parle dans cet ordre d'idées, l'allergie devient une allergie par analogie et non pas la véritable allergie dont parle le député de Rouyn-Noranda, quand il dit que quelqu'un peut être allergique à un médicament. Cela arrive assez fréquemment, si vous avez, dans votre liste, dans votre formulaire, des médicaments qui ne correspondent pas aux besoins de tel individu. Vous avez des médicaments qui ont telle action in vitro, mais in vivo, ce n'est pas la même chose, et sur le nombre de patients qu'on peut voir dans une année, on s'aperçoit qu'un patient réagit très bien à tel médicament et que l'autre fait des réactions.

Vous savez ça comme moi. Alors, si — je prends un exemple particulier — vous prescrivez la niacine comme vaso-dilatateur périphérique, comme supplément. Si ça ne fait pas — parce qu'il y a des gens qui ne peuvent pas prendre de niacine, vous avez dû en rencontrer des cas si vous avez pratiqué — alors, je dois la remplacer par du cardilate que vous avez. On ne donne pas, dans le formulaire, de l'hydergi-ne qui est un peu dispendieux, même si les neurologues de l'Enfant-Jésus tiennent beaucoup au produit hydergine fait par la compagnie, je pense, San-doz.

A ce moment-là, que fera le médecin qui est à son bureau devant un patient? Il ne peut pas prendre de cardilate parce que la tête veut lui ouvrir, ça donne beaucoup de céphalées. Si vous ne le savez pas, je peux vous le dire. S'il prend la niacine, allergie. Qu'est-ce qu'on va donner?

Je prends un autre exemple. On se bat depuis des années pour un vieux médicament qui s'appelle fiorinal. Le fiorinal, il est bon, puis il agit in vivo. In vitro, ça je m'en fout, mais ce qui compte, c'est que le malade qui vient me voir part de chez moi avec un médicament qui va le soulager. On se bat pour le faire mettre au formulaire, mais il n'y est pas encore.

C'est bien beau de faire de la médecine de bureau sans patient devant soi, mais, quand on est pris devant un malade et que c'est le seul médicament qui agit, vous donnez du cafergot ou des choses semblables, ça ne marche pas. Vous donnez du fiorinal, ça marche, et Dieu sait si ça va bien. Les neurologues de l'Enfant-Jésus, qui ne sont pas si bêtes — ce sont des spécialistes; ils connaissent quelque chose — eux, en prescrivent et ils l'ont obtenu à l'Enfant-Jésus. Moi, au Christ-Roi, je ne peux pas en prescrire, je n'en ai pas. Alors, j'en prescris au malade et il va lui-même chercher sa médication à la pharmacie et, pendant son hospitalisation, il prend son remède. Je suis rendu à faire ça avec mes malades. C'est anormal.

Dans le choix des médicaments que vous mettez dans le formulaire — le formulaire, les trois quarts des médecins, sinon plus l'acceptent — il manque encore quelque chose: des médicaments qui ont prouvé leur efficacité depuis de nombreuses années. Mais pourquoi vous entêter à ne pas les accepter? Vous nous donneriez une grosse chance au point de vue médical et les patients seraient très heureux.

M. Forget: Alors, ça fait beaucoup de choses auxquelles répondre; je vais essayer de vous suivre, là. Voici, vous avez parlé de médicaments qui sont efficaces in vivo et qui ne le sont pas in vitro. Vous savez, quand nous demandons des rapports d'essais cliniques, c'est sur des humains; c'est ni dans un vase de Pétri, ni sur des souris. Nous recevons beaucoup de rapports d'essais cliniques sur des souris, des rats, mais ce n'est pas un programme d'assistance-médicaments animal; c'est un programme d'assistance-médicaments pour les humains.

M. Dufour: Quand on fait des expertises pour certaines pénicillines, on a des rapports de laboratoire et le microbe n'est pas supposé répondre à tel médicament, à tel antibiotique. On achève de guérir le malade qui est très heureux et on nous dit: Ne donne pas ce médicament-là parce que ça ne répond pas. Or, le malade est guéri, le microbe est mort, c'est fini; on est prêt à renvoyer le malade chez lui en bonne santé. Alors, il faut faire attention, aussi.

M. Forget: Vous mentionnez les pénicillines. Les pénicillines sont toutes inscrites dans la liste. Celles qui ne le sont pas, c'est qu'elles ne répondent pas aux exigences du programme QUAD ou elles proviennent de fabricants qui ne répondent pas à la norme canadienne de bonne fabrication.

Maintenant, vous avez mentionné tantôt le cardilate et vous avez mentionné l'hydergine. Le cardilate, ce n'est pas tout à fait la même chose.

M. Dufour: Ce sont deux médicaments différents, mais il yen a un qui ne donne pas mal à la tête et il donne de très bons résultats et l'autre donne de gros maux de tête. Au début, on le prescrivait non pas comme vaso-dilatateur périphérique pour remplacer le niacine, mais on le prescrivait dans les cas d'angine de poitrine, le cardilate. On a arrêté d'en prescrire parce que nos patients souffraient tous de maux de tête, des fois atroces. Donc, on a arrêté d'en prescrire. Aujourd'hui, on donne de l'isordil, comme vous le savez, c'est à peu près un des seuls médicaments qu'on peut donner.

M. Forget: Alors, vu que vous avez mentionné l'hydergine, ce médicament a fait l'objet d'expertises depuis la première édition de la liste et fait encore l'objet d'expertises. Mais il faut que vous soyez conscient que le fabricant l'a préconisé comme hypotenseur, comme vaso-dilatateur périphérique, comme vaso-dilatateur cérébral, et, depuis cette année et au Canada seulement — dans aucun autre pays — comme activateurdu métabolisme cérébral.

Nous avons encore soumis le nouveau dossier comme activateur du métabolisme cérébral pour des expertises externes et nous attendons les résultats.

II ne faut pas que vous pensiez que ces décisions sont celles du conseil seulement, qu'un matin on se lève et qu'on a le goût d'accepter un médicament ou pas. Ce sont des études qui sont très longues. Le jugement est basé sur ce qui est scientifiquement connu à ce jour et sur les expertises externes qui sont faites par des autorités dans ces domaines.

Jamais un spécialiste ne nous a recommandé d'inscrire ce médicament à la liste. Je ne voulais pas nommer de médicament en particulier, mais c'est vous qui l'avez nommé.

M. Dufour: Je ne veux faire d'annonce pour aucune compagnie. Si on parle d'un médicament avec un nom précis, on sait de quoi on parle.

M. Forget: Oui.

M. Dufour: Tout à l'heure, nous parlerons avec de grands mots de pharmacologie que j'ignore totalement et que je vais essayer de ne pas apprendre. C'est à peu près tout ce que j'avais à dire, mais il reste tout de même une chose, c'est que pour certains médicaments comme le fiorinal, je pense que les études se poursuivent depuis assez longtemps et que l'emploi coutumier par la plupart des médecins pour soulager la migraine est suffisant. Je pense que cet essai est suffisant, qu'on devrait se dépêcher, même si c'est un composé. Il ne faut pas être allergique non plus aux composés. ll y a des composés qui sont bons.

M. Forget: La liste comprend 9.8% d'associations médicamenteuses. Alors, nous ne sommes pas bien allergiques aux associations médicamenteuses.

M. Dufour: Non, mais...

M. Forget: Je pense qu'il y a plus de médecins qui sont allergiques à la liste que de membres du conseil qui sont allergiques à accepter des médicaments.

M. Dufour: Nous pourrions peut-être discuter longuement parce que quand on est en pratique et qu'on est placé pour étudier des normes et une batterie de médicaments dans un bureau, ce n'est pas la même chose. Je vous dis qu'à l'expérience de tous les jours, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de médicaments auxquels un tel patient est allergique et l'autre pas.

Il faudrait avoir au moins un équivalent, et souvent on ne le trouve pas. C'est un peu ce dont les médecins de la région de Rouyn-Noranda se plaignent, surtout s'ils sont éloignés. Aujourd'hui, comme calmant, on nous donne du diazépam ou des équivalents, mais n'oubliez pas une chose, quand quelqu'un a pris du diazépam pendant un mois, essayez de lui en enlever l'habitude, il l'a pour la vie dans sa sacoche.

M. Forget: Ce n'est quand même pas le conseil qui prescrit le diazépam.

M. Dufour: Admettons, mais c'est à peu près le seul calmant pour engourdir quelqu'un. Après ça, on tombe dans le gardenal, dans le plexonal, etc. Même le plexonal, je pense qu'il n'est pas accepté, c'est encore un des bons vieux médicaments d'autrefois.

M. Forget: Ils sont acceptés sur la preuve de leur innocuité et pas sur la preuve de leur valeur thérapeutique.

M. Dufour: Mais pourquoi, depuis 20 ans que j'en prescris, c'est seulement en 1973 qu'il est devenu mauvais? Le plexonal a toujours bien agi, et quand je veux guérir réellement quelqu'un, le calmer, je vais lui donner du plexonal. Je lui dis: Le gouvernement ne le paie pas, mais paie-le toi-même, au moins je ne t'empoisonnerai pas, je ne t'habituerai pas au valium.

M. Forget: Vous savez...

M. Dufour: Aujourd'hui, nous en sommes arrivés à contribuer un peu à rendre nos patients dépendants de la médication, et le valium est un médicament extrêmement dangereux pour créer l'habitude.

M. Forget: Les médicaments contenus dans la liste sont disponibles, mais ce n'est pas de la faute du conseil si 37% des prescriptions pour les bénéficiaires du programme de médicaments sont des médicaments du système nerveux central. Ce n'est pas le conseil qui rédige les prescriptions. 37% sont des médicaments du système nerveux central.

Vu que vous faites allusion au diazépam, ce serait peut-être le temps que les gens qui en prescrivent s'interrogent...

M. Dufour: Cela fait longtemps que j'ai arrêté d'en prescrire, parce que j'en ai vu les effets nocifs depuis longtemps.

M. Forget: C'est votre décision.

M. Dufour: Donnez-moi du plexonal.

Le Président (M. Kennedy): Le député de Saint-Jean.

M. Veilleux: Le député de Vanier, avec des mots savants, il est médecin, connaît ça mieux que moi. Je ne suis pas médecin, je n'ai pas étudié la médecine du tout, mais je ne sais pas si je vous ai bien compris. Dans la liste des médicaments acceptés par la commission, il y a un certain nombrede médicaments composés. Est-ce que je vous ai bien compris quand vous avez dit ça?

M. Forget: Oui.

M. Veilleux: Est-ce que vous pourriez me donner approximativement le pourcentage?

M. Forget: 9.8%.

M. Veilleux: 9.8% des médicaments dans la liste sont des médicaments composés.

M. Forget: Oui, j'ai les...

M. Veilleux: Moi je ne comprends plus rien, parce que...

M. Forget: Moi non plus.

M. Veilleux:... la majorité des plaintes qu'on a, en tout cas, moi, que j'ai à Saint-Jean, et je m'imagine que le député de Rouyn-Noranda a les mêmes plaintes, le député de Saint-Jacques, les députés de Nicolet-Yamaska, Gaspé et tout le monde, on se plaint que les médicaments qui sont prescrits par les médecins ne sont pas dans la liste, parce que ce sont des médicaments composés. Moi je ne comprends plus rien.

M. Forget: Non, écoutez, nous avons un critère pour les associations médicamenteuses qui dit qu'un médicament complexe peut être inscrit, s'il est prouvé qu'il est supérieur à chacun des ingrédients pris isolément ou s'il a des avantages thérapeutiques particuliers. Nous en avons 9.8%. J'ai mis 10% pour un chiffre rond, mais je me souviens que c'est 9.8%.

M. Veilleux: J'ai retrouvé le dossier dont je parlais tout à l'heure.

M. Forget: Oui, je sais de qui il s'agit, oui.

M. Veilleux: C'est de l'orenzime et j'ai pris la peine de communiquer, parce que la personne est encore bien vivante, elle est au foyerà Saint-Jean, et la personne...

M. Samson: Ils ont annoncé la mort de M. Le-sage, il n'est pas mort.

M. Veilleux: Probablement, si elle est vivante, c'est parce que la personne a continué à payer de sa poche, à même la pension de vieillesse qu'elle reçoit, parce qu'elle est au foyer, ce médicament. La fille me disait que ça coûtait entre $40 et $50 par mois à l'heure actuelle et elle est obligée de le payer. Le spécialiste, je vais vous le nommer, qui était autrefois à l'hôpital Notre-Dame de Montréal et qui a été transféré, en 1972, au centre hospitalier de Québec, c'est le Dr Marchildon. J'ai communiqué personnellement avec lui à l'époque et il m'a dit: II n'y en a pas d'autres. Ce n'est pas reconnu, puis la dame paye encore et elle a uniquement pour vivre une pension.

M. Forget: Ecoutez, cela prouve seulement une chose, cela prouve la valeur thérapeutique des placebos. Maintenant, est-ce qu'un ministère peut accepter de payer $18 ou $50 ou $40, comme vous venez de dire, par mois pour un placebo? Il y en a des placebos dans la liste, mais ils ne coûtent pas cher.

M. Veilleux: Est-ce qu'ils ont le même effet?

M. Forget: Dans ce cas, oui, le même effet.

M. Veilleux: Moi, le médecin m'a dit que ce n'était pas le même effet, puis c'est un spécialiste, moi j'ai vu cela là...

M. Forget: Mais je vous ai dit qu'il y avait des médecins allergiques à la liste.

M. Veilleux: Moi je ne suis pas spécialiste dans rien. J'ai une dame devant moi qui est devant un problème comme cela. Son spécialiste en qui elle a confiance lui dit: C'est ça, puis il n'y a pas d'autres choses. De l'autre côté, un organisme du ministère des Affaires sociales dit: Ce n'est pas cela. Elle, entre l'organisme du ministère des Affaires sociales et le spécialiste en qui elle a confiance, vous savez vers qui son coeur penche.

M. Forget: Cela on s'en doute.

M. Veilleux: C'est nous qui avons le problème puis la dame aujourd'hui, parce que le médecin ne veut pas prescrire autre chose, parce qu'il dit qu'il n'y a pas autre chose, elle est obligée à même sa pension, et c'est son seul revenu, de payer cela à chaque mois, puis vous, vous trouvez que c'est valable. Moi comme député d'un comté, je trouve que ça ne l'est pas.

Vous avez droit à votre opinion et moi je vous donne la mienne.

M. Forget: Dans une circonstance comme celle-là, je me demande qui va ajuster son comportement à qui. Il me semble qu'un médecin qui constate une situation comme celle-là pourrait normalement, s'il a à coeur l'intérêt de son patient et s'il s'agit d'un placebo à $50 par mois, user de son pouvoir immense de persuasion pour le diriger vers un autre médicament qui est compris dans la liste et qui n'aura pas plus d'effets que celui qu'il lui a prescrit à l'origine, mais qui aura au moins ses vertus psychologiques d'aide et de support moral pour son patient.

Comme on a indiqué tantôt, je ne pense pas que ce soit au gouvernement à payer $50 par mois pour donner un support moral. Il s'agit d'un programme d'assistance-médicaments, ne l'oublions pas et...

M. Veilleux: Je veux dire au ministre que le médecin en question ne croit pas aux autres, il croit à celui-là.

M. Charron: M. le Président, j'aimerais, sans faire de digression, pendant que Mme Chevalier est avec nous, ramener le débat sous un autre angle plutôt que le plan technique sur lequel on se tenait depuis tout à l'heure. On a parlé d'allergies biologiques, dans le métabolisme humain, à certains médicaments, que certains corps vont recevoir, que certains autres ne recevront pas. Il existe aussi ce qui s'appelle des traumatismes psychologiques à l'égard des médicaments.

Les personnesdont nous parlons, est-ce besoin de le rappeler, ceux et celles qui dépendent, pour leur guérison ou pour leur soulagement, des médi-

caments listés par le Conseil consultatif et qui sont à la disposition de ceux qui appliquent l'assistance-médicaments sont ou bien des assistés sociaux, ou bien des personnes âgées, parce que c'est encore la seule couverture qu'il y ait, des personnes âgées qui bénéficient d'un supplément de revenu garanti. Dans les deux cas, ce sont des personnes qui ont une vie générale bien particulière de l'ensemble de nos concitoyens. Il y a 8,500 assistés sociaux dans le comté que je représente, donc, 8,500 candidats éventuels ou déjà utilisateurs de cette liste et qui en dépendent.

Une des choses qui m'avaient frappé, dans les premières années de mon mandat, alors que je visitais, au hasard des portes, mes concitoyens du bas de la ville, c'est l'espèce d'importance que prennent dans leur vie les médicaments. Evidemment, quand on a un revenu — on en parlera tout à l'heure à l'aide sociale — très limité, qui ne tient généralement aucunement compte des loisirs nécessaires et de la culture, la vie de ces gens-là se passe presque uniquement dans leur maison. Ils n'ont pas de revenu pour sortir. Ce sont, dans la plupart des cas, des gens qui reçoivent l'assistance sociale. Et c'est souvent leur santé défaillante qui les empêche de rejoindre l'ensemble des travailleurs et qui les met dans cette situation de bien-être social.

La maladie est donc un objet de préoccupation, et le manque d'argent les empêche de l'oublier. Ils sont dans la maison, face à la télévision, l'unique loisir qui leur est possible, et, comme on dit, ils se préoccupent mentalement de ce que physiquement constitue, pour la plupart d'entre eux, une souffrance. J'étais bien curieux, lorsque j'arrivais pour une visite qui pouvait durer 15 minutes au maximum, chez des concitoyens que je surprenais dans l'intimité de leur foyer, sachant très bien que pour eux existe le respect du poste que j'occupe, que nous occupons, de voir, dans ces dix ou quinze minutes de conversation, le réflexe de se dire "pendant que je l'ai, je vais lui parler de quelque chose d'intéressant ou de quelque chose d'important". Ce n'est pas le temps de parler de la pluie ou du beau temps, ils profitent de mon passage pour me parler de leur sujet de préoccupation première ou d'un endroit où ils pensent que je peux intervenir en leur faveur.

Combien de fois le premier sujet, la première préoccupation est la maladie? Combien de fois, aussi, on me fait une démonstration des médicaments qu'ils ont pour me prouver exactement leur état de santé? Je m'informe de leur santé et on me dit: Cela ne va pas bien, tenez, regardez sur la télévision, j'ai toutes ces pilules à prendre à chaque jour.

M. Samson: C'est vrai, c'est vrai.

M. Charron: Je dis cela parce que j'ai bien l'impression que plusieurs députés connaissent la même expérience: L'importance psychologique, dans la vie de ces gens, de ces médicaments. Je veux rejoindre les propos plus techniques de tout à l'heure mais sans m'y enfarger. Donc, toute modification dans ce domaine est psychologiquement extrêmement importante pour ces gens comme, par exemple, des cas que j'ai eus à mon bureau, le traumatisme psychologique des gens qui s'étaient vus simplement modifier leurs médicaments sans qu'ils en connaissent les noms, longs comme cela, que moi non plus je ne connais pas, mais qui s'en tiennent à la couleur de la pilule, à la grosseur, à la taille ou à la forme, qui sont habitués, depuis quatre ou cinq ans malades chroniques, à un genre de médicament.

Est-ce la faute de la liste? Encore une fois, je ne fais qu'ouvrir une parenthèse. Est-ce la faute de la liste incomplètequi oblige le médecin à abandonner ce médicament pour pouvoir lui en offrir un autre, payé par l'assistance-médicament, qui, sur le plan proprement médical, est très certainement... Je crois à la valeur thérapeuthique, aux tests et à tout le cheminement avant d'aboutir dans cette liste. Il est bien possible que, sur le plan strictement physique, le médicament changé soit à l'avantage de l'assisté social en question, ce n'est pas ce que je conteste, mais je dis que sur le plan psychologique, cela peut, parfois, lui causer... Ecoutez, nous savons de quelles gens nous parlons. Plusieurs de ces personnes, de celles que je connais, sont des personnes seules vivant en chambre sur la rue Saint-Denis, sur la rue Saint-Hubert, dans le bas de la ville, vivant isolées, seules et où le moindre changement dans leur vie est important.

Comme, par exemple, le jour — on en parlera tout à l'heure — où on a pris la décision atroce, au niveau du ministère des Affaires sociales, de supprimer le téléphone dans la vie de ces gens, dans le calcul. C'est une vieille décision, mais qui fait encore mal, M. le Président. Cela a causé des traumatismes psychologiques importants chez des gens cardiaques, malades chroniques qui, à tout moment, se demandent, si la douleur prend, comment ils rejoindront leur médecin, comment ils rejoindront des amis. Je termine cette parenthèse que nous rouvrirons tout à l'heure. C'est la même chose pour les médicaments.

Dans ce sens, tout en respectant le travail et la façon de procéder du conseil consultatif, je croyais important de rajouter cette dimension, parce qu'il faut toujours avoir en tête — je crois bien que vous l'avez aussi — non seulement la valeur thérapeutique de chacun de ces médicaments, mais le consommateur à qui s'adresse cette liste et ici je parle des gens âgés pour qui le moindre changement peut faire mal. Donc, je plaide un peu pour la souplesse, comme mes collègues qui sont intervenus. Si un médicament est utilisé et que vraiment son abandon ou son retrait de la liste n'est pas plus important qu'il ne faut — s'il a une valeur thérapeutique peut-être inférieure à un autre, ce sera le choix professionnel, du médecin — et que, sur le plan psychologique, il peut constituer un réconfort ou, disons-le, empêcher un traumatisme chez la personne, je pense que le conseil a tout avantage à faire preuve de souplesse.

Je crois que nous faisons déjà preuve de souplesse, parce que le ministre a affirmé, ce matin, et Mme Chevalier l'a répété: Nous avons une des listes des plus exhaustives du Canada. Donc, il devrait y avoir souplesse.

Mais je pense que l'échange que nous avons eu

depuis le début de la séance sur ce sujet peut indiquer que, si souplesse il y a, elle est essentielle à maintenir.

M. Forget: Vous savez, nous sommes fort conscients de l'importance que ces décisions peuvent avoir sur le patient. Nous avons commencé la liste avec 688 dénominations communes. Nous en avons maintenant 839 et nous en avons ajouté 164 pour la septième édition, parce que la preuve nous a été apportée de la valeur de ces médicaments.

Maintenant, vous avez fait allusion à l'impact que peut avoir chez un patient le fait de changer de couleur ou de forme, mais cela peut être dû également à la substitution. Vous savez, quand une marque déposée ne répond plus aux exigences de qualité, est-ce que cela est mieux de la laisser dans la liste pour ne pas traumatiser le patient, quand on sait qu'elle ne répond pas aux exigences de la qualité ou de la retirer et que quelqu'un explique au patient que la marque déposée qu'on lui donne est supérieure en qualité à l'autre? C'est peut-être un manque de communications.

M. Charron: Dont une bonne responsabilité est aux mains des professionnels de la santé.

M. Forget: Absolument.

M. Charron: Mais plusieurs amis médecins que j'ai aussi, qui travaillent donc avec ces gens, dans mon comté, me disent que, malgré tous les avertissements de sécurisation qu'ils peuvent donner quant au transfert de médicaments, il reste toujours, dans l'esprit des gens, cette idée: C'est peut-être parce que ma maladie s'est aggravée, puis il ne veut pas me le dire; c'est peut-être parce que ci, parce que ça. Il faut comprendre. Je sais bien que nous ne nous préoccuperions guère, si nous étions malades et quand même actifs, d'un transfert de médicament. Nous croyons ipso facto à la bonne foi du médecin qui le fait et, pour notre bien, nous le consommerions. Mais, quand on est inactif, quand on n'a que cela comme préoccupation et que la souffrance demeure en même temps, aussi bien morale que physique, il faut comprendre dans quel terrain nous intervenons.

Je faisais cette remarque sans reproche, mais pour vous inviter à maintenir la souplesse.

M. Samson: M. le Président, je voudrais, en quelque sorte, non pas reprendre les propos du député de Saint-Jacques, mais appuyer fortement de la mienne l'expérience qu'il nous a démontrée de sa pratique à lui, comme député. Nous avons dans presque tous nos comtés les mêmes problèmes. Je pense que cela devrait suffire à faire comprendre au ministère que c'est un problème généralisé. On nous a parlé, je pense, de 37% tantôt des médicaments qui regardent le système central nerveux.

M. Forget: C'est 37% du total des prescriptions qui sont des médicaments du système nerveux central.

M. Samson: Est-ce qu'il y a eu progression depuis quelques années, de ce côté?

M. Forget: Non, c'est un pourcentage qui se maintient à peu près.

M. Samson: Cela s'est maintenu.

Il reste que l'approche non technique, si vous voulez, du problème, l'approche plutôt humaine est tout aussi importante.

Je pense, comme citoyen, que le médicament, qu'il soit sur la liste ou non, s'il peut réussir à soulager un patient, il faudrait considérer le problème de cette façon. L'honorable député de Saint-Jacques mentionnait tantôt que certains de ses concitoyens, à l'occasion de ses visites, lui montrent des bouteilles de pilules, de remèdes, etc. On a tous de ces expériences et il y en a qui ne sont pas drôles pour nous non plus.

A mon bureau, à un moment donné, une vieille dame, qui avait perdu son mari deux ou trois mois avant, se présente avec des problèmes qui sont, évidemment, réels mais aussi émotifs. Là, elle sort de sa sacoche un paquet de bouteilles de pilules et elle m'explique — j'ai pris le temps de l'écouter, cela a été long parce qu'il y en avait longtemps, des pilules — que cela est pour son coeur, cela est pour les reins, je ne me rappelle pas toutes les maladies qu'elle avait.

Finalement, la pauvre dame était tellement malheureuse de tout ça et elle se sentait tellement prise que, à un moment donné, je pensais être obligé de faire venir les ambulanciers pendant qu'elle était dans mon propre bureau. Je me suis imaginé qu'elle était en train de me piquer une crise cardiaque. Je vous assure que je cherchais la petite bouteille qu'elle m'avait mentionnée comme contenant les pilules pour le coeur. Je l'ai ouverte au plus vite et je lui ai présenté une pilule. Elle m'a dit: C'est ça qu'il me faut et elle l'a prise. Cela s'est passé.

Cela, évidemment, est peut-être beaucoup imager la situation, mais c'est arrivé. Cela peut arriver dans d'autres bureaux de députés. Cela arrive dans des bureaux de médecins, souvent. Je préfère que cela arrive dans le bureau du député de Vanier que dans le bureau du député de Rouyn-Noranda parce que lui est médecin et que moi je ne le suis pas.

Mais un fait est quand même très important. Je ne veux pas m'en prendre à Mme Chevalier, qui a un domaine particulier à s'occuper, mais vis-à-vis du ministère des Affaires sociales, qui est responsable de différents programmes, il y a un paquet de maladies nerveuses qui sont reliées directement au programme d'aide sociale. Je pense que le Dr Dufour, député de Vanier, est parfaitement au courant de ça. Il y a plusieurs maladies nerveuses qui sont reliées directement à l'insuffisance du programme d'aide sociale. Cela n'est pas la faute de Mme Chevalier, c'est évident.

M. Forget: Non.

Le Président (M. Kennedy): Est-ce qu'on pourrait s'en tenir aux médicaments parce que nous sommes au programme 2?

M. Samson: M. le Président, quand même on essaie d'avoir une conversation qui permettrait... Si on veut mettre des clôtures, bien sûr qu'on va mettre

des clôtures. Mais ce n'est pas en clôturant le ministre, ce n'est pas en clôturant le député de Rouyn-Noranda que vous allez trouver une bonne solution.

Le Président (M. Kennedy): C'était pour que vous ne vous écartiez...

M. Samson: A ce moment, je devrais faire appel à la protection de la présidence, M. le Président. Non, mais il demeure que cela est un fait qui existe. Si ces maladies sont reliées directement au programme d'aide sociale, le programme d'aide sociale est relié directement au programme d'assistance-médicaments. Parce que c'est une des conditions pour être éligible au programme d'assistance-médicaments.

Si d'un côté, le ministre voit une possibilité de solution dans le programme d'aide sociale, bien sûr, la liste, à ce moment-là, serait peut-être moins contestée. Mais nous, on est obligés de considérer l'ensemble. Mme Chevalier va comprendre ça.

Si, d'un côté, on a un meilleur programme, on va peut-être soulager le programme d'assistance-médicaments. A ce moment-là la liste serait peut-être sinon plus complète du moins apte à rendre plus de services que ceux qui sont rendus actuellement, en fonction des plaintes dont les médecins eux-mêmes nous font part.

Je ne suis pas prêt à rejeter du revers de la main les prétentions des médecins pratiquants. C'est dommage. Sur un point de vue technique, vous avez peut-être raison en disant que tel médicament a telle valeur thérapeutique qu'un autre n'a pas. Cela, je ne le sais pas et je ne veux pas discuter sur ce terrain non plus. Je n'ai aucune espèce de compétence pour le faire. Mais quant aux résultats, les médecins sont ceux qu'on doit voir quand on est malade. On ne va pas voir le pharmacien. C'est le médecin d'abord.

Si le médecin me prescrit quelque chose qui n'est pas sur la liste et que je prends en sérieuse considération les déclarations qu'on vient de me faire, je m'en vais à la pharmacie, à ce moment-là, puis je me demande si réellement, il n'y a pas quelque chose qui se passe. Cela m'amène, en tant que citoyen, à perdre un peu confiance en tout le monde. Je me demande en qui je dois avoir confiance. En premier lieu, je fais confiance à mon médecin qui me donne une prescription et cette prescription n'est pas sur la liste. Evidemment, dans mon cas, cela ne dérangerait rien mais, de toute façon, elle n'est pas sur la liste. On me dit que le médicament qui n'est pas sur la liste n'a pas la même valeur. Alors là, je perds confiance. Je ne le ferais pas parce que je préfère avoir confiance au médecin mais cela pourrait être susceptible de m'amener à perdre confiance dans le médecin traitant, alors que les médecins traitants ont quand même traité, au Québec, avant qu'il n'y ait une liste, M. le Président. Ils ont rendu des services au Québec avant qu'il n'y ait une liste de médicaments. Pourquoi rejeter du revers de la main des demandes comme celle que vient de faire l'honorable député de Vanier? Je ne peux pas accepter cela.

Je ne me base pas seulement sur le témoignage du député de Vanier. Ce serait trop facile d'utiliser un témoignage d'un député ministériel pour m'en prendre au ministre. Ce serait facile et vous pourriez qualifier mon geste de politique. Vous auriez probablement raison. Mais je me base aussi sur d'autres témoignages que j'ai eus d'autres médecins qui sont dans le même sens que le témoignage du député de Vanier. C'est pourquoi, quand on fait appel à la souplesse, je dis qu'on doit aller plus loin que de faire appel à la souplesse. On doit faire appel à la compréhension des problèmes humains. C'est à cela qu'on doit faire appel.

A ce chapitre, M. le Président, je n'irai pas plus loin parce que je n'ai pas d'autres questions à poser quant au programme d'assistance-médicaments mais, à ce chapitre, nous y reviendrons à l'occasion d'un autre programme. Nous referons nos demandes au ministre pour que le ministère prenne des dispositions pour aller plus loin que ce qui se fait présentement dans le domaine de l'assistance-médicaments.

Le Président (M. Kennedy): Est-ce qu'on a terminé sur la question des médicaments, tandis que Mme Chevalier est ici?

M. Forget: Je voudrais remercier Mme Chevalier pour son aide...

M. Charron: Bien sûr. Merci madame.

M. Forget: ... à éclairer les membres de la commission.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Kennedy): On revient au programme 2.

Une Voix: Au programme 3.

Le Président (M. Kennedy): Est-ce qu'on continue le programme 3 ou si on retourne au programme 2?

M. Forget: Au programme 2.

Aide aux ménages privés de moyens de subsistance

Le Président (M. Kennedy): On retourne au programme 2, aide sociale, élément 1, aide aux ménages privés de moyens de subsistance.

M. Charron: M. le Président, à moins que le ministre ne veuille ouvrir le sujet.

M. Forget: Non.

M. Charron: M. le Président, j'utiliserai comme remarques d'ouverture à ce programme une étude publiée par le Conseil canadien de développement social qui, je pense, devrait tracer le cadre de la discussion que nous allons avoir sur cette catégorie de nos concitoyens qui dépendent de la Loi de l'aide sociale.

Selon cette étude, encore une fois, du Conseil canadien de développement social, la situation des Canadiens — il faudra toujours véhiculer cette expression qui nous englobe un tant soit peu mais j'imagine qu'elle s'applique également au Québec — à faible revenu n'a guère progressé depuis I96I par rapport à la situation des Canadiens à reven u moyen. Les conclusions de cette étude ne concordent pas avec l'interprétation tirée des chiffres de Statistiques Canada. Selon Statistiques Canada, le pourcentage des Canadiens vivant sous le seuil de la pauvreté aurait décru de I967 à I973, passant de 23.5% à 17.2%. Toutefois, en tenant compte du mode de vie des Canadiens, le conseil conclut que "le fardeau des Canadiens à faible revenu ne s'est pas allégé, le revenu réel du pauvre n'a pas augmenté par rapport à celui du Canadien moyen. Cependant, la composition du groupe des Canadiens sous le seuil de la pauvreté a beaucoup évolué en douze ans. Ainsi, les femmes seules ou à la tête d'une famille occupent une proportion beaucoup plus élevée dans ce groupe que dans la population entière. En 1973, les familles monoparentalesayant àl eur tête une femme représentent 8.6% de toutes les familles canadiennes mais elles représentent 28.7% des familles à faible revenu. Les deux tiers environ des Canadiens pauvres, sans conjoint, sont des femmes. En tenant compte de l'âge, le conseil note que la proportion des retraités dans le groupe des pauvres demeure deux fois plus élevée que dans la population.

Le conseil note également que la proportion des pauvres à l'âge de la préretraite cette terrible période de 55 à 65 ans s'est accrue de 4.3% au cours de la même période. "Du point de vue du revenu, peut-on lire dans le rapport, le pire consiste à être vieux et à être femme. Etre une jeune femme n'est guère mieux, plus des deux tiers des femmes âgées de moins de 25 ans gagnent $5,000 ou moins. La même proportion est observée dans le groupe de femmes de 65 ans et plus. Le chef de famille masculin au Canada a 9.3% de chances d'être pauvre, tandis que 40.1% des femmes chefs de famille courent ce risque."

Au Canada on calcule le seuil de pauvreté de trois façons. Faisons abstraction de ce détail, mais la seule institution qui tienne compte du lieu de résidence estime qu'il faut un minimum de $6,854 par année à une famille de quatre personnes dans une ville de 500,000 habitants ou plus. Le conseil estime qu'il en faut $7,028, tandis que la formule du Sénat porte à $7,871 le revenu nécessaire pour soutenir cette famille.

M. le Président, ces chiffres, ces statistiques, ces pourcentages, nous pourrions, si nous le voulions, les décortiquer et retrouver la variante québécoise comme, j'imagine, dans le régime de rentes dont nous avons discuté hier à certaines occasions, notre pourcentage serait pour le mieux et à d'autres, pour le pire.

Ce sont effectivement de ces citoyens pauvres que nous allons parler. Non pas la totalité des citoyens pauvres, car il s'en trouve plusieurs qui, au seuil du salaire minimum, juste au-dessus du salaire minimum, n'atteignent quand même pas, comme revenu global, allocations familiales comprises, ce seuil de la pauvreté fixé pour les familles de couples avec deux enfants, par exemple, qui est le barème à partir duquel on a calculé.

Tout cela pour dire que la pauvreté au Québec — je retrouve là la première expression que j'ai eue à l'ouverture de l'étude de ces crédits — n'est pas combattue avec l'efficacité et l'intensité que nos moyens comme collectivité nous permettraient de le faire.

Une bonne partie tient au régime politique dans lequel nous vivons, j'en suis convaincu, qui nous empêche d'organiser, d'une façon rationnelle et soutenue, une lutte à la pauvreté. Une autre bonne partie de cette inefficacité dans la lutte contre la pauvreté tient aussi au système économique dans lequel nous évoluons et où il est acquis, où il est nécessaire presque, pour une partie de la population, pour son bénéfice et son profit, qu'une autre partie de la population soit l'exploitée de l'exploiteur dont nous avons parlé.

Mais, peu importe, dans ce régime économique et même avec un régime politique aussi vieillot que celui dans lequel nous vivons, il se trouve des sociétés qui, sur le plan de la lutte à la pauvreté, ont développé des armes plus efficaces que celles que nous avons.

Je dis tout cela pour ouvrir, de façon générale, le débat sur l'aide sociale, avec la demande générale que, je suppose, plusieurs députés seraient prêts à endosser, qui a déjà été brièvement exprimée hier d'ailleurs par un député ministériel en intervenant non à propos mais avec beaucoup d'acuité quand même, sur la nécessité, avant même de nous plonger dans la réglementation, d'éplucher chacun des articles de la loi, de faire nos suggestions. On nous dira encore les retenir, mais on les retrouvera probablement l'année prochaine au même point de gel qu'elles l'ont été au cours de la dernière année, avant même d'essayer de trouver une modification dans les barèmes etc. Puisque le salaire minimum sera porté prochainement à $2.60, et qu'on a toujours expliqué le plafond du revenu de l'aide sociale actuelle en utilisant l'argument du salaire minimum — principe soutenu parqui et à cause de quoi, mais qui a certainement toujours affecté la Loi de l'aide sociale — on ne peut permettre à une personne vivant de l'aide sociale d'avoir un revenu supérieur à quelqu'un qui travaille. Donc, les travailleurs au salaire minimum doivent avoir une espèce de, selon toujours ce même vieux principe, de confort supplémentaire à une personne qui ne travaille pas parce que, dit-on, ils se dérangent 40 heures par semaine pour aller travailler et, donc, méritent un meilleur sort que ceux qui n'ont qu'à rester à la maison pour attendre.

Ce principe est dangereux. S'il est réel, d'un côté, qu'il faut valoriser le travail, il est dangereux parce qu'il laisse sous-entendre que ceux qui sont bénéficiaires de l'aide sociale sont des gens qui ne veulent pas travailler.

Or, nous savons tous — l'ancien ministre des Affaires sociales, celui qui est en face de moi et, j'imagine, celui qui éventuellement lui succédera s'entendront tous pour le dire — statistiques à l'appui, devant même des criées qui montent parfois

même des rangs du parti ministériel, que les assistés sociaux ne sont pas des paresseux, qu'ils ne sont pas des gens qui ne veulent pas travailler, mais qu'ils vivent dans des situations où cela leur est impossible.

Nous étudierons tout à l'heure des statistiques quant à leur répartition. Il y a un grand nombre de familles monoparentales conduites par une femme abandonnée, délaissée, divorcée, peu importe son cas, mais qui se trouve avec la responsabilité familiale qui lui interdit de travailler. Cela ne justifie pas que cette personne vive dans l'indigence et dans le besoin, parce que, d'autre part, le salaire minimum, qui est le plancher qui sert de plafond à cette catégorie de citoyens, n'a pas bougé ou bouge à peine.

Il a bougé, le plancher qui sert de plafond à l'aide sociale, mais jamais comme nous l'aurions voulu. Nous avons proposé, l'année dernière, à cette époque de l'année, qu'il devienne immédiatement à $2.50 l'heure face à l'inflation. Cela nous a été refusé. Il le deviendra bientôt de façon supérieure même à $2.60, le 1er mai ou le 1er juin prochain.

On invoquera — je l'utilise tout de suite pour ne pas avoir à le redire, mais je le redirai si le ministre utilise encore cet argument— l'indexation annuelle maintenant contenue dans la loi pour dire qu'il n'y a pas besoin de hausser de façon générale l'échelle de l'aide sociale.

L'indexation n'est que l'indexation. Elle n'est aucunement une hausse du niveau de vie, aucunement une façon d'améliorer un niveau de vie; elle est une façon de rattraper sa détérioration annuelle. Par définition, une indexation arrive en retard, c'est-à-dire que le barème qui a servi à établir l'indexation de janvier 1975 est basé sur une évolution du coût de la vie que les assistés sociaux ont eu à traverser sans avoir cette augmentation que leur procure l'indexation.

Ce montant total qui leur est rajouté chaque mois depuis janvier 1975, s'il n'est qu'un rattrapage de 1974 qu'ils ont traversé sans appui gouvernemental, est d'ores et déjà, nous le savons, inefficace à faire face au coût de la vie, qui, lui, continue en 1975. L'indexation qu'ils auront le 1er janvier 1976 n'arrivera que pour rattraper ce qu'ils auront dû, livrés à eux-mêmes, seuls, traverser en 1975 et, d'ores et déjà, elle sera insuffisante pour rattraper la hausse du coût de la vie qui se produira inévitablement en 1976.

Présenter, comme ce gouvernement l'a fait, l'indexation du revenu des assistés sociaux comme une augmentation est un mensonge. Maintenant que nous savons que le premier ministre a profité de l'absence du ministre du Travail pour annoncer la hausse du salaire minimum le 1er juin prochain, puisque nous sommes maintenant avec un vacuum entre le plafond des assistés sociaux et le plancher des travailleurs, pouvons-nous, dans cette lutte à la pauvreté, devant ces statistiq ues canadiennes aussi bien que québécoises, nous attendre, au cours de la prochaine année, de la part du gouvernement à une réévaluation de l'échelle de l'aide sociale? Il ne s'agit pas de retirer l'indexation par la suite, bien sûr; c'est un droit acquis maintenant, des assistés sociaux. Quant à l'indexation à venir, puisque celle qui est venue en janvier 1975 était insuffisante quant au rattrapage de 1974, pouvons-nous espérer qu'elle se fera désormais sur une échelle où les sommes mises à la disposition de nos concitoyens les plus infortunés — le mot ne peut être mieux employé qu'ici — seront différentes de ce qu'elles ont toujours été?

L'indexation prévue par le règlement depuis janvier dernier est basée sur l'indice générale des prix à la consommation, alors qu'une famille bénéfi-ciairede l'aide sociale, pouvons-nous nous le rappeler, consacre entièrement son budget à la nourriture, au logement et aux vêtements, qui sont des articles qui augmentent plus vite.

J'image, M. le Président, cette affirmation. On a dit que le bond fait dans le domaine alimentaire au cours de la dernière année — c'est l'endroit où l'inflation a frappé le plus, on le sait — a été supérieur à 14% ou 15%. Pour une famille qui consacre, je ne sais quel pourcentage — il est certainement supérieur a la moyenne québécoise — de son revenu à la nourriture, il n'est donc pas exagéré de dire que cette famille a été frappée encore plus durement que quiconque par l'inflation. La hausse dans l'alimentation, quand vous y consacrez 20% de votre budget, vous, M. le Président, peut-être, vous n'avez pas l'air de faire d'exagération, quand vous y consacrez 20% de votre budget, cette hausse ne vous frappe que dans 20% de votre revenu. Mais quand cette hausse frappe une famille à faible revenu, à revenu limité ou une personne seule avec $195 par mois, toute hausse du prix du pain, du lait, du beurre constitue une aggravation de la pauvreté et leur interdit littéralement, en accaparant pour la nourriture une somme plus grande de leur revenu, d'espérer utiliser cette somme de revenu ailleurs, parce qu'elle a été engloutie.

Quand les assistés sociaux de Montréal, avec qui j'étais devant les édifices du ministère, ont brûlé le compte de taxe d'eau qu'ils avaient reçu, un des slogans qu'ils utilisaient à cette occasion était: Les 8%, on les a mangés et on ne les remettra pas à la ville de Montréal, parce q u'on n'en a pas les moyens. Ils ont senti plus que quiconque la hausse de l'inflation, parce qu'elle affectait, plus que quiconque, une partie de leur budget.

Avec l'annonce de l'augmentation du salaire minimum, avec même celle qui est survenue au cours de la dernière année financière, en novembre dernier, avec cette inflation galopante qui frappe plus que quiconque les assistés sociaux, la première question que j'ai adressée au ministre du Travail, c'est: Pouvons-nous, en dehors des modifications de circonstances qui s'imposent pour les besoins de l'administration quotidienne de la Loi de l'aide sociale, pouvons-nous espérer cette année et souhaiter pour nos concitoyens un réaménagement de l'échelle de l'aide sociale, c'est-à-dire faire que ces personnes seules, ces familles monoparentales ou couples avec enfants reçoivent un revenu supérieur à celui qui leur est offert aujourd'hui et qui, éventuellement, sera indexé en janvier prochain?

Le Président (M. Kennedy): Qui prend la parole?

M. Samson: M. le Président, au début de ce programme 2 qui est le programme d'aide sociale, qui est quand même un article très important du budget des affaires sociales, qui constitue le revenu des défavorisés à travers tout le Québec, je pense qu'il est important de faire connaître les désirs de la population. Non seulement les désirs de la population, mais les besoins réels d'une population.

Trop souvent, aujourd'hui, et je le regrette, nous entendons des travailleurs salariés, se plaindre que le système d'aide sociale est pris à même leurs taxes et que cela constitue pour eux un manque à gagner, favorisant une autre classe de la société. C'est évident que pour cette partie des contribuables qui sont de faibles salariés, il est très frustrant de voir prendre sur leur paye, régulièrement, une part de taxes, tout en leur laissant l'impression — et c'est le régime qui leur laisse cette impression — que ces taxes sont utilisées pour faire vivre une autre catégorie de gens à ne rien faire, si vous voulez.

Je pense qu'il faudrait, par des actes concrets, dissiper ces prétentions tout en comprenant que ces gens-là, qui se sentent frustrés par le système, ont raison de se sentir frustrés dans une certaine proportion. Mais il demeure que les défavorisés de la société, les assistés sociaux, sont des personnes humaines, sont des citoyens à part entière qui doivent également avoir droit aux richesses qu'est capable de procurer notre province.

Nous sommes dans une société d'abondance, au Québec. Devant cette société d'abondance, il y a un manque flagrant de distribution des richesses à la base. Les assistés sociaux, qui ont absolument besoin d'aide et pour lesquels je voudrais revendiquer également, sont des gens sans défense devant un système économique qui, normalement, devrait leur permettre de vivre décemment. Bien sûr, on a ce programme sélectif de l'aide sociale qui est basé sur un tas de barèmes, d'études, d'enquêtes même, et qui permet d'aider ces familles, mais d'une façon totalement inadéquate. Ce que nous permettons à ces gens d'obtenir au point de vue économique, c'est une partie trop faible pour des besoins réels. Nous avons trop souvent entendu les porte-parole de ce gouvernement dire que les gens devraient vivre selon leurs moyens. Je pense que c'est une mauvaise philosophie. Les gens devraient pouvoir vivre selon leurs besoins. C'est tout à fait différent. Les moyens doivent être procurés selon les besoins.

Or, le système de l'aide sociale ne permet pas aux familles, qui sont obligées de se suffire par ce seul système, de vivre d'une façon décente. Bien sûr, on nous dira qu'il y a des exceptions, on nous di ra q ue dans certains milieux des gens ont trouvé le moyen de contourner le système et vivre mieux peut-être que des petits salariés. Mais ce n'est pas parce qu'il y a des exceptions, des gens qui réussissent à contourner le système que nous ne devons pas avoir des politiques générales favorisant l'ensemble de ceux qui doivent avoir recours à ces programmes. Je l'ai dit au début de l'étude de ces crédits, le système d'aide sociale est fait pour décourager l'unité familiale, il est fait de telle sorte qu'il décourage également le petit salarié. C'est pourquoi les philosophies du ministère devront s'adapter aux possibilités physiques de la province et per- mettre un pouvoir d'achat minimum garanti à tous et ce sur une base universelle . Ainsi celui qui a un faible revenu pourrait aussi avoir accès à un minimum et ceux-là qui ont déjà un revenu considérable verraient également ajouter à leur revenu mais, par contre, l'Etat le leur reprendra, sans inquiétude, par le, moyen de la taxation dans ces cas-là.

Ce que nous devons poursuivre comme objectif, c'est qu'à la base personne ne manque du nécessaire et qu'à la base ceux-là qui ne sont pas défavorisés physiquement, qui peuvent quand même occuper un emploi mais dont l'emploi n'est pas tellement rémunérateur, cela veut dire les petits salariés, que ceux-là ne soient pas découragés de travailler, mais plutôt encouragés en recevant également ce minimum de pouvoir d'achat vital.

C'est là toute la philosophie qu'il faut envisager, si nous voulons régler le problème, un jour. Sinon, jamais le problème ne se réglera réellement. Il restera toujours un problème entier et favorisera régulièrement la lutte des classes, et en l'occurrence, la lutte des classes serait la lutte des assistés sociaux et des travailleurs à faibles salaires. C'est ce que nous devons, à tout prix, éviter, car ces deux groupes de la société sont des groupes défavorisés.

Que ce soit une famille qui bénéficie de l'aide sociale, ou que ce soit une famille dont le chef de famille est un petit salarié, ces deux groupes dans la société sont des groupes défavorisés.

On a augmenté le salaire minimum, la semaine dernière, par décision annoncée par le premier ministre, à $2.60 pour le 1er juin. La demande était de $3. Nous avions, à l'Assemblée nationale, je me rappelle l'avoir fait en questionnant le premier ministre, réclamé $3. Trois dollars n'est pas trop, mais si l'on considère les revenus des assistés sociaux, comparativement au salaire minimum, les assistés sociaux sont bien en deça du salaire minimum et sont des proies faciles vis-à-vis de l'endettement. Une famille à faibles revenus, ne bénéficiant pas de l'aide sociale, mais bénéficiant d'un salaire, s'endette régulièrement. Comment voulez-vous que les assistés sociaux ne s'endettent pas?

On a, bien sûr, des études qui sont faites là-dessus, qui ont été poursuivies et qui ont été publiées, dernièrement. L'endettement est systématique. C'est simple, la raison c'est que le revenu est insuffisant. Pour permettre à la famille de vivoter à la deuxième ou à la troisième semaine du mois, on s'endette en attendant le chèque du mois suivant. Quand le chèque du mois suivant arrive, il est déjà hypothéqué dans une grande proportion. Alors, si vous faites les projections, cela ne prend pas tellement de mois pour retrouver des gens qui sont endettés plus qu'ils ne sont capables de supporter de dettes. Dans le contexte de nos lois, des chefs de famille se retrouvent sous l'empire de la Loi du dépôt volontaire, que nous appelions précédemment la Loi Lacombe, donc deviennent insolvables.

En plus de souffrir d'un manque à gagner, en plus de souffrir d'un manque de revenu, ces gens souffrent dans leur dignité, parce qu'ils sont rapidement, par la force des choses et par l'économique, des victimes et des gens qui sont considérés comme insolvables et pointés du doigt parfois.

C'est pourquoi nos revendications se conti-

nuent en espérant que le tout ne tombera pas dans l'oreille d'un sourd, mais que le tout sera pris en considération. M. le Président, que l'on considère également, en plus de l'augmentation nécessaire des barèmes de base de la Loi de l'aide sociale actuelle — j'ouvre la parenthèse pour dire que l'actuelle Loi de l'aide sociale n'est pas parfaite, cela ne réglera jamais le problème — qu'il faudrait en arriver un jour à un pouvoir d'achat minimum garanti. Mais faute d'avoir un meilleur programme dans le contexte du programme actuel, il faudrait voir les barèmes pour augmenter les barèmes de base, afin de permettre, au moins, aux défavorisés de manger comme tout le monde, trois fois par jour, de se vêtir convenablement et de pouvoir être logés de façon décente.

D'autant plus qu'il est effrayant de constater que, dans le contexte du programme actuel, alors qu'on refuse un minimum décent à une famille unie, il en coûte plus cher au gouvernement pour défrayer les coûts du démantèlement des familles. Là-dessus, j'ai eu une réponse, au début de l'étude des crédits, par le ministre qui nous dit que cela coûte plus cher, évidemment, de faire vivre des gens qui vivent séparément. C'est clairque cela coûte plus cher. Mais ne vaudrait-il pas mieux payer un peu plus cher pour leur permettre de vivre décemment de façon unie que d'assister à ce démantèlement des familles et d'en arriver, finalement, à payer plus cher pour faire vivre des familles désunies sous l'empire de la Loi de l'aide sociale?

C'est là toute la situation. J'aimerais pouvoir convaincre les autorités du ministère des Affaires sociales qu'il y a, de ce côté, des améliorations qui s'imposent. Si le tout est considéré sur une base humaine, on trouvera sûrement au moins une meilleure solution que celle que nous avons présentement.

J'ai parlé tantôt du démantèlement des familles. Je pourrais aussi parler des cas de célibataires demeurant chez des parents. Il s'agit de personnes âgées de 18 ans ou plus qui se voient octroyer une somme de $110 par mois parce qu'ils demeurent ou bien chez le père, ou bien chez la mère, ou bien chez le grand-père, ou bien chez la grand-mère, ou bien chez un enfant, alors que ces mêmes personnes pourraient demeurer chez un frère et recevoir $195 par mois. Là est toute la question également de ce côté. On paie plus cher pour quelqu'un qui est un assisté social, s'il demeure à l'extérieur de sa parenté que s'il demeure chez des parents. C'est, encore là, une mesure qui défavorise l'unité familiale.

Je trouve illogique que l'on parle du père, de la mère, du grand-père, de la grand-mère ou d'un enfant, alors que, pour un frère, cela change complètement. Je ne vois pas tellement, au point de vue de la parenté, la différence. Que quelqu'un, qui est un assisté social, demeure chez un frère, ou chez son père, ou chez sa mère, cela ne change pas tellement de choses au point de vue de la parenté, mais cela change quelque chose au point de vue de la prestation d'aide sociale. Dernièrement, des cas ont été référés au ministre des Affaires sociales et on nous répond, en nous donnant toutes les explications, qu'en fonction des règlements actuels ce n'est pas possible. C'est une mesure illogique, mais c'est comme ça que cela existe. Alors, il faudrait corriger cette situation. Il faudrait la regarder de plus près.

Il faudrait regarder également la question du logement. On a ramené le test à $85. On a dit: Mais non, on n'a pas réd uit la prestation de logement; on a ramené le test à $85. Mais là, c'est dans l'ensemble des prestations qu'on retrouve la part du logement présentement. On n'a pas considéré q ue le logement est une chose qui coûte très cher de nos jours. On l'inclut dans la prestation globale. Regardez les barèmes et, vous verrez que, pour une famille de deux enfants, trois enfants et deux adultes, avec une prestation de $362 par mois, un logement coûte entre $175 et $200 ou $150. N'essayez pas d'en trouver en bas de $150; ce sont des perles rares ou des taudis.

Il arrive que le coût du logement est fort important et c'est évident que les gens n'ont pas suffisamment de ressources leur permettant de se nourrir ou de se vêtir.

Le logement est la chose qui doit être payée en premier. Si on ne paie pas le logement, on se retrouve dehors. Alors, on doit considérer les coûts de logement actuels, ce qui ne semble pas être le cas, autrement que par des barèmes ou des études technocratiques.

Ou encore, quand une personne possède une petite maison et arrive à l'aide sociale, après une malchance quelconque, on ne considère pas tellement la partie de logement à ce moment-là, sauf les frais d'assurance et les frais, si je me rappelle bien, d'entretien, qui sont très minimes, mais il y a également, M. le Président, les frais pour la taxe scolaire et la taxe municipale, ce qui n'est pas la réalité, parce que ce qu'on leur permet pour l'entretien, dans ces cas, est une somme trop faible. Cette somme étant trop faible, ces gens se voient, à courte échéance, dans l'obligation de se départir de ce bien qui a été accumulé dans les années antérieures, alors qu'ils étaient sur le marché du travail et avec des économies.

Ce genre de dépossession ne rapporte pas une cent au ministère ni au gouvernement. Tout ce qu'il fait, c'est de faire perdre à quelqu'un quelque chose. Si la dépossession rapportait au gouvernement, on pourrait invoquer l'argument économique, mais cette dépossession, qui se fait presque automatiquement, ne rapporte rien au gouvernement. On a même vu, dans certains cas, certaines spéculations. En tout cas, je ne reviendrai pas là-dessus, mais je vous assure que cela entraîne, M. le Président, des situations telles qu'on peut se poser des questions . Cela sème des doutes parfois inutiles, mais cela sème quand même des doutes.

Egalement, même dans le contexte actuel, le vérificateur général du Québec nous rapporte que 20% d'erreurs de calcul se retrouvent quant au taux de l'aide sociale. Cela a paru dans le dernier rapport du vérificateur général. On dit que ces pourcentages d'erreurs relevées dans l'échantillonnage sont un indice, de l'avis du vérificateur général, de faiblesses administratives importantes qui se situeraient davantage au niveau du personnel attaché à l'administration de la Loi de l'aide sociale qu'au niveau du système même d'attribution des allocations sociales.

Cette anomalie qui a été relevée par le vérifica-

teur général méritedesexplicationsdu ministre. Si le vérificateur général n'a pas raison, qu'on nous le dise. S'il y a effectivement erreur, l'erreur est humaine; qu'on nous le dise également. Mais puisque qu'on a publié qu'il y a un pourcentage de 20% d'erreurs dans l'administration de l'aide sociale, je pense que le ministre profitera sûrement de l'occasion pour nous donner les explications qui s'imposent.

M. le Président, je n'ai pas d'autres commentaires préliminaires mais je voudrais, en terminant ces brefs commentaires, parce que le ministre semblait, par son regard, M. le Président, croire que j'étais parti jusqu'à six heures...

M. Forget: On lit mes pensées.

M. Samson: Je sais qu'à l'autre bout de la table, peut-être qu'on croyait cela.

Cela vous aurait peut-être été plus bénéfique. De toute façon on y reviendra, ne vous en faites pas.

M. Veilleux: M. le Président...

M. Samson: M. le Président, moi je voudrais demander au ministre, en terminant, qu'il songe sérieusement à un mode de revenu annuel garanti, et ça de façon universelle, pour éviter ces injustices entre les classes de défavorisés que sont les assistés sociaux et les travailleurs à faible revenu.

M. Veilleux: Seulement quelques... Je sais qu'on est censé ajourner à cinq heures.

Le Président (M. Kennedy): Six heures.

M. Veilleux: Six heures. Ah! d'accord.

Moi, j'aurais quelques renseignements à demander au ministre. Dans le document qu'on m'a remis tout à l'heure, le rapport sur l'aide sociale, à une page on dit — ça c'est pour vérification: "Depuis le 1er janvier 1975, l'aide sociale que reçoit une personne seule est de $195 par mois à la condition, etc." Un peu plus loin on dit que c'est $185. Lequel des deux montants est exact?

Dans le même rapport, un peu plus loin...

M. Forget: $195. C'est une erreur de frappe.

M. Veilleux: C'est $195.

Comme l'a mentionné le député de Rouyn-Noranda, on a l'impression, en regardant les barèmes, qu'on motive la dislocation de la famille. D'ailleurs la conférence des évêques a mentionné ce cas. Dans ma région, je connais des cas où une personne, pour recevoir plus, va aller passer ses journées ailleurs et quand même le soir va retrouver sa légitime épouse. Si vous avez deux adultes et un enfant, avec l'allocation familiale, cela donne un revenu de $356 par mois d'aide sociale. Si un des adultes fout le camp, à ce moment-là l'adulte avec l'enfant touche $291, plus $195, ce qui fait $486 versus $356. Et on oblige pratiquement les gens, d'une certaine façon, à poser des gestes qui peuvent être désastreux pour les enfants.

Je me demande aussi s'il n'y aurait pas lieu d'envisager ceci. Si je regarde le document que le ministre nous a remis, à un endroit on mentionne que, la première année où on a fait un effort pour ceux qui bénéficient de l'aide sociale et qui sont aptes au travail, à un retour au travail, on disposait d'une somme de $5 millions et, l'année suivante, de $5 millions on en est venu — il faudrait que je trouve la page exacte — à $2 millions ou $2.5 millions. Le pourquoi de cette baisse-là, le ministre pourrait peut-être nous donner les explications. Justement, je l'ai ici à la page 2, on dit: "En 1973/74, des sommes de près de $5 millions et, en 1974/75, de plus de $2.5 millions ont été consacrées à la création d'emplois pour les bénéficiaires de l'aide sociale".

Je me demande s'il n'y aurait pas lieu qu'on fasse un retour en arrière dans le domaine de l'aide sociale et qu'on fasse une nette distinction entre les personnes q ui sont aptes au travail et les pe rsonnes q ui sont inaptes au travail. Vous allez trouver, par exemple, un jeune de 18 ou 19 ans, handicapé physique ou mental ; je connais, à Saint-Jean, un jeune d'une vingtaine d'années qui est handicapé physique, n'est pas capable de se déplacer seul. Alors il va nécessairement résider avec ses parents et, parce qu'il réside avec ses parents, il va recevoir moins que s'il demeurait ailleurs ou en chambre. Et je ne vois pas cette personne-là pouvoir vivre seule à l'extérieur, compte tenu de son handicap. D'autre part, des jeunes de 18 ou 19 ans, par esprit d'émancipation, vont quitter le foyer pour aller vivre à l'extérieur et eux vont pouvoir bénéficier d'une aide financière pi us élevée que l'autre. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu de repenser cela, compte tenu qu'il y a des étapes qui ont été franchies depuis un certain nombre d'années; il y a de très nettes améliorations qui ont été faites dans ce secteur-là, il y en a encore d'autres. Je sais que le ministre est conscient de ça, et les fonctionnaires au ministère qui travaillent dans ce secteur-là. Mais je me demande si on ne devrait pas en venir à une solution le plus rapidement possible et faire la distinction entre les gens qui sont aptes au travail et ceux qui sont inaptes au travail.

Peut-être que ça permettrait au ministre d'accélérer son programme d'emploi ici, de retour au travail, et ça permettrait à ceux qui sont inaptes au travail, qui n'ont pas d'autre choix que de mourir comme assistés sociaux, de recevoir une aide financière plus substantielle qu'ils peuvent recevoir présentement versus un autre qui est apte au travail et qui pourrait peut-être recevoir un peu moins pour le motiver à retourner au travail.

C'est quand même déplorable de voir — et on en voitde plus en plus malheureusement — des jeunes qui n'ont pas encore atteint 25 ans et qui bénéficient de l'aide sociale depuis deux ou trois ans. Il y en a, et si on faisait cette distinction, je suis persuadé que ça pourrait être un motif raisonnable pour les entraîner à un retour au travail beaucoup plus rapidement que présentement.

Le Président (M. Kennedy): Le ministre des Affaires sociales.

M. Forget: Merci, M. le Président. Avant d'aborder des questions spécifiques, j'aimerais prendre

quelques brèves minutes.comme l'a fait le député de Rouyn-Noranda et, avant lui, le député de Saint-Jacques, pour discuter de certains aspects plus généraux de la Loi de l'aide sociale et même, dépassant la Loi de l'aide sociale, de tout le contexte de la pauvreté et de la sécurité du revenu.

J'éviterai, malgré tout, de répéter ce que j'ai dit à plusieurs reprises et particulièrement l'automne dernier, lors de notre discussion à l'Assemblée de la Loi amendant le régime de rentes où toutes ces questions ont été discutées et où j'ai eu l'occasion d'indiquer quelles étaient nos orientations.

Je vais commencer par faire une revue d'ensemble de l'évolution générale du programme d'aide sociale durant la dernière année. Sans doute des publications du ministère et même les comptes publics permettent d'avoir un certain tableau de cette évolution, mais c'est souvent un tableau qui est presque uniquement chiffré. Il est peut-être intéressant de saisir l'évolution du programme d'aide sociale durant l'année, de manière à mieux comprendre ce qui se cache, en quelque sorte, sous les chiffres globaux qui nous sont présentés.

Au cours de l'exercice 1974/75, la moyenne mensuelle des ménages à l'aide sociale s'établissait à 188,831, dont 87,465 familles et 101,366 personnes seules. Si l'on compare ces chiffres à ceux de l'exercice précédent, 1973/74, où la moyenne des ménages était de 179,675, répartis en 84,650 familles et 95,025 personnes seules, on constate une augmentation globale des effectifs de l'ordre de 5% composée d'une hausse de 3.3% chez les familles et de 6.7% chez les personnes seules.

Les éléments expliquant la hausse de 5% du nombre moyen des ménages se situent sur trois volets. Le premier volet concerne sans aucun doute l'impact de l'environnement économique sur le programme de l'aide sociale.

En deuxième lieu, on peut imputer une partie de cette hausse à l'élargissement de la couverture du programme vers le nouveau groupe qui était auparavant couvert quant à la sécurité du revenu par d'autres programmes du ministère des Affaires sociales.

Et finalement, le troisième volet se rapporte à l'élargissement du potentiel d'admissibilité au programme qui intervient nécessairement lorsque les barèmes, en termes financiers, en chiffres absolus, sont élevés, puisque la règle fondamentale de l'aide sociale est de combler le déficit entre les revenus de toutes sources et les besoins tels qu'évalués par ces barèmes officiels. Lorsque les barèmes s'élèvent, par définition un écart apparaît pour certains individus qui n'existait pas auparavant.

A compter d'octobre 1974, l'augmentation des actifs a commencé à afficher une croissance plus rapide pour atteindre un sommet de 200,800 ménages en février 1975.

Une dimension de cette situation est sans doute l'augmentation du nombre réel de chômeurs de 170,000 à 217,000 entre novembre et décembre. Nous reviendrons, cependant, surcet aspect un peu plus tard. Comme je viens de le mentionner, de nouveaux groupes ont été admis à l'aide sociale durant l'année. Je crois que quelques précisions seraient sans doute nécessaires pour justement mieux comprendre l'évolution du nombre des ménages dans le régime. C'est ainsi qu'en avril 1974 les personnes hébergées dans les pensions surveillées devenaient admissibles et que, depuis le mois d'août, les gens qui fréquentent les ateliers protégés reçoivent leurs allocations du programme de l'aide sociale plutôt que du programme des ateliers protégés.

D'ailleurs, la raison fondamentale de l'augmentation relativement plus grande du nombre de personnes seules, soit 6.7% par rapport aux familles, c'est-à-dire 3.3%, réside dans le fait que ces deux nouveaux groupes de ménages sont principalement et, bien évidemment, constitués de personnes seules.

En dernier lieu, il convient peut-être, si l'on veut comprendre l'évolution des nombres, de signaler que, malgré une hausse globale de 5% du nombre des ménages, le nombre total des bénéficiaires a diminué de 1%, passant de 407,339 en moyenne en 1973/74 à 404,500 en 1974/75.

Cette baisse du nombre total des effectifs, qui tient compte évidemment de la présence des dépendants dans les familles, est attribuable à une baisse, que l'on a remarquée dans notre discussion du programme des allocations familiales, dans les taux de natalité et dans le nombre absolu des naissances, depuisquelques années. Ainsi, la taille moyenne des familles est passée de 3.69 personnes en 1973/74 à 3.46 personnes en 1974/75.

J'aimerais maintenant dire quelques mots sur l'évolution de la prestation moyenne. D'avril 1974 à mars 1975, la prestation moyenne des ménages est passée de $181.42 à $207.40, soit une augmentation de 14.3%. Durant la même période, les familles ont enregistré une hausse de 17.7% dans leurs prestations, c'est-à-dire de $229.44 à $270, tandis que les personnes seules obtenaient une augmentation de 10.290, c'est-à-dire de $139.58 à $153.80.

L'augmentation des barèmes au 1er juin 1974, la diminution des barèmes de logement en novembre 1974 et l'indexation des barèmes de besoins ordinaires en janvier 1975 résument les modifications ayant un impact significatif sur l'évolution à la hausse de la prestation moyenne.

La configuration durant l'année, bien sûr, doit tenir compte du versement forfaitaire de $25 qui est effectué en septembre pour chaque enfant au moment de la rentrée scolaire et qui représente un montant global de $3,610,000. La baisse des déboursés au mois d'août... Ces détails sont peut-être un peu longs, mais, si l'on observe, malgré tout, le profil des déboursés au mois d'août, on note une diminution qui est simplement le résultat de différences dans les méthodes de comptabilisation.

J'aimerais, lorsque nous considérons l'évolution de la prestation moyenne dans l'aide sociale, rapprocher ces chiffres des chiffres d'augmentation du coût de la vie, qui se sont manifestés durant la même période. On a fait allusion, tout à l'heure, à l'augmentation très importante de certains articles du budget des ménages bénéficiaires de l'aide sociale et on en a tiré argument pour prétendre que l'indexation, telle qu'elle s'est faite, est insuffisante pour donner à ces familles une compensation

complète pour l'augmentation des dépenses auxquelles elles doivent faire face et qui, sans aucun doute, sont différentes du budget moyen d'une famille ayant un revenu moyen.

Le calcul de cet impact différentiel pour les gens à très faible revenu a été fait, et l'augmentation du coût des biens inclus dans le seuil de pauvreté, qui sert de point de référence pour tous ces calculs, était, en I974, de ll.l%. Si l'on rapproche ces chiffres de ceux que je viens de nommer, notamment la hausse des barèmes de l'aide sociale au 1er janvier 1975 par rapport à l'année antérieure, on observe que les variations étaient de 10.2% et de 12% pour la même période. Ce qui veut dire que cet argument ne peut pas être retenu et qu'effectivement l'indexation, jointe aux autres mesures qui sont intervenues durant l'exercice financier précédent, a plus que compensé les bénéficiaires de l'aide sociale pour l'augmentation du coût de la vie.

D'ailleurs, cette compensation ou cette surcompensation au titre de l'augmentation pour le coût de la vie n'est pas limitée, comme on sait, au seul développement intervenu durant l'exercice financier précédent. En effet, lorsqu'on porte son regard un peu plus loin en arrière, on constate une augmentation assez sensible du niveau des prestations mensuelles moyennes au titre de l'aide sociale. Ainsi, pour une période s'étendant de mars 1971 à janvier I975, les prestations mensuelles moyennes, pour les personnes seules, sont passées de $80.29 à $152.34, soit une augmentation en pourcentage de 89%. Pour une famille, la prestation moyenne est passée de $158.41 à $263.28, soit une augmentation de la prestation moyenne, au titre de l'aide sociale, de 68%, à laquelle on doit ajouter, bien évidemment, une augmentation attribuable aux allocations familiales qui est survenue en janvier 1974 et en janvier 1975.

D'ailleurs, et je dois le mentionner pour éviter que l'on se méprenne sur la signification des chiffres que je viens de mentionner, l'augmentation intervenue, en janvier 1975, dans l'ensemble des bénéfices de l'aide sociale tient compte de la majoration de l'allocation pour les enfants, au titre de l'aide sociale, qui, comme on le sait, a été plus que majorée pour tenir compte de l'augmentation stricte du coût de la vie, mais qui a également été majorée de façon uniforme avec la majoration des allocations familiales effectuée en vertu d'une loi adoptée en juillet dernier et qui a permis de majorer le montant moyen des allocations familiales fédérales versées aux familles du Québec. C'est donc une combinaison de ces facteursqui a permisde compenser plus qu'adéqua-tement l'augmentation du coût de la vie.

A titre de référence, je devrais citer également, pour la même période de mars 1971 à janvier 1975, une augmentation de l'ordre de 70% dans le niveau du salaire minimum. Nous nous retrouvons donc dans une situation où, à cause de toutes ces augmentations successives, augmentations qui ont dépassé l'augmentation du coût de la vie durant la période, il est strictement faux de prétendre qu'il n'y a eu aucune amélioration dans la situation des assistés sociaux pendant la période. Il n'est pas du tout exact de prétendre qu'on n'a fait que rattraper, avec retard, l'augmentation du coût de la vie. Il y a eu une amélio- ration véritable du standard de vie des assistés sociaux.

J'aimerais, à cet égard, citer l'amélioration des pourcentages de couverture des seuils de pauvreté qui est intervenue largement à la suite des réformes assez profondes de la structure des allocations sociales en janvier 1974. J'ai déjà cité ces chiffres mais je crois qu'ils méritent d'être cités à nouveau parce qu'ils indiquent très clairement la direction suivie par le gouvernement et la direction qui va continuer à être suivie par le gouvernement dans la réalisation des seuils de pauvreté pour les résidents du Québec.

Ainsi, dans le cas d'un adulte seul, le pourcentage de couverture des seuils de pauvreté était, en octobre 1973, de 88%. Il était, en octobre 1974, un an pi us tard, de 100%, soit un progrès de 12% d urant une année. C'est un progrès qui est réel puisque dans les deux cas les seuils de pauvreté ont été, bien sûr, ajustés pour réfléter l'augmentation du coût de la vie.

Dans le cas d'un adulte et un enfant, le pourcentage de couverture est passé de 69% à 95%, un progrès de 16 points dans le pourcentage de couverture. Dans le cas d'un adulte et de deux enfants, ce pourcentage est passé de 80% à 89%. Je pourrais citer plus longuement des familles de taille plus considérable. Parlons maintenant des familles de deux adultes: ce pourcentage est passé de 76% à 100%, soit 24 points d'amélioration. Dans le cas de deux adultes et un enfant, de 77% à 87%, soit dix points de progrès. Et dans le cas de deux adultes et deux enfants, de 76% à 84%, soit huit points.

Dans l'ensemble, il y a donc des progrès notables qui ont été effectués, mais il demeure vrai, bien entendu, de prétendre que nous n'avons pas réussi à rattraper dans tous les cas les seuils de pauvreté qui ont été définis pour le Québec et qu'il y a encore du chemin à faire. C'est d'ailleurs une affirmation que j'ai faite moi-même que j'ai prise à mon compte, l'automne dernier. Il est clair que tout ce travail de rattrapage, si important, si significatif qu'il soit, n'est pas encore satisfaisant et n'est particulièrement pas satisfaisant dans le cas des familles nombreuses.

Cependant, ce n'est pas, bien sûr, une consolation totale, mais on remarque que la clientèle des bénéficiaires de l'aide sociale se situe de plus en plus dans les catégories qui correspondent à celles où les taux de couverture sont les plus satisfaisants. C'est donc, dans une certaine mesure, une certaine consolation pour n'avoir pas réussi dans tous les cas à obtenir une couverture complète.

M. Charron: M. le Président, si vous me le permettez, quels sont ces seuils de pauvreté dont vous parlez et que vous prenez comme barèmes et qui les a fixés?

M. Forget: Les seuils de pauvreté que nous prenons pour barèmes sont les seuls qui aient été définis strictement en fonction des familles du Québec, et particulièrement de la région de Montréal, par le Montreal Diet Dispensary qui est un organisme autonome, qui a défini ces taux, il y a quelques années, taux que nous avons indexés à chaque moment,

dans nos comparaisons, pour évaluer les taux de comparaison.

Maintenant, il est clair que l'établissement d'un seuil de pauvreté est, dans une certaine mesure, une question presque subjective. Parce qu'il n'y a pas moyen de définir abstraitement, une fois pour toutes, et sans possibilité de contestation, un seuil de pauvreté. C'est un jugement de valeur que l'on porte sur un certain niveau de vie. Mais il y a beaucoup plus de raisons d'adopter un seuil de pauvreté défini pour le Québec, que d'adopter un seuil de pauvreté qui est tout autant influencé par les standards de vie et les coûts de la vie dans la région métropolitaine de Toronto ou dans la région métropolitaine de Vancouver, sans parler des autres régions au Canada, et qui, dans une large mesure, correspond donc à des régimes de vie, à des modes de distribuer le budget familial qui n'est pas nécessairement relié de très près avec les besoins des familles du Québec.

Maintenant, conscient du vieillissement de l'étude originale, le ministère a entrepris une étude, a commandité une étude nouvelle des seuils de pauvreté pour le Québec, de manière à être bien sûr que notre standard de référence soit le plus fiable possible. Dès que ces études seront terminées, il nous sera possible d'en faire état et de voir dans quelle mesure les résultats dont nous avons parlé méritent d'être corrigés ou notre tir mérite d'être corrigé.

Il est clair que, comme de toute manière, ce sont des chiffres qui doivent être basés sur les jugements de valeur, que les jugements de valeur varient énormément, dans le cadre des discussions fédérales provinciales, sur l'établissement d'un régime de revenu garanti, plusieurs hypothèses ont été faites, qui varient sensiblement entre un chiffre bas et un chiffre élevé. Il y a tout un éventail de possibilités. Je crois que le chiffre le plus bas était de $4,000, et le chiffre le plus élevé était de près de $5,000, pour une famille de deux adultes et deux enfants.

On sait que les chiffres du Sénat étaient encore plus élevés que ceux-là, si on les indexe à l'augmentation du coût de la vie, depuis la date de publication du rapport Croll.

M. Charron: Me rappelleriez-vous, s'il vous plaît, simplement le pourcentage atteint par rapport au barème du seuil de pauvreté qui sert à votre calcul pour les personnes seules?

M. Forget: Pour les personnes seules, de 88% à 100%.

M. Charron: Donc le seuil de pauvreté pour une personne seule serait de $195 par mois?

M. Forget: Exactement. C'est-à-dire que, normalement, il est cité par année mais c'est...

M. Charron: Bon!

M. Forget:... en effet le chiffre qu'il faut retenir.

Donc, si l'on considère l'évolution des prestations moyennes, si on les considère sur l'année écoulée, si on les considère sur l'ensemble des quelques dernières années, sans être totalement satisfaits du chemin qui a été parcouru, on peut néanmoins et on doit, si l'on considère ces chiffres avec impartialité, honnêtement, constater qu'il y a plus qu'un simple rattrapage. Il y a eu, véritablement, une amélioration qu'on peut, sans aucun doute, comme nous le faisons nous-mêmes, juger encore insatisfaisante mais une amélioration néanmoins réelle.

J'aimerais, avant de passer à d'autres aspects de cette question, décrire, pour le bénéfice des membres de cette commission, certaines extensions de la couverture du programme d'aide sociale qui sont intervenues durant l'année puisque nous n'avons pas eu tellement l'occasion d'en faire état mais elles ont quand même une certaine signification.

Le 1er avril dernier, en 1974, environ 2,000 adultes nécessiteux requérant une surveillance occasionnelle en raison de leur état de santé et qui étaient hébergés dans ce qu'il était convenu d'appeler traditionnellement des pensions surveillées, placés dans ces pensions qu'ils étaient par les agences sociales, enfin les centres de services sociaux, devenaient admissibles à l'aide sociale et avaient droit à une prestation à titre de personne seule de $170 par mois, ce qui était le taux en vigueur à l'époque pour les personnes seules.

Cette modification a donc provoqué une hausse permanente des effectifs du programme d'aide sociale. En juin 1974, il y a eu une majoration mais ce n'est pas mon propos d'en parler ici. En août 1974, il y a eu 500 stagiaires des ateliers protégés ou environ 500 stagiaires qui recevaient désormais leurs allocations du programme de l'aide sociale plutôt que du programme de réadaptation des adultes. Ils recevaient, en plus de l'allocation d'aide sociale, une somme de $10 par semaine, à titre d'allocation de déplacement.

Alors, en dehors de cette revuede l'évolution du régime durant les années passées et les mois passés, les problèmes soulevés par les interventions précédentes nous replacent dans le contexte de la pauvreté prise dans son sens le plus général. Ce contexte pourrait nous amener à de très longs développements.

Ce qu'il est important de noter, puisqu'on a cité des études récemment publiées du Conseil canadien de développement social et, également, puisqu'on nous a exhortés à l'établissement d'une politique de revenu minimum garanti, c'est de souligner qu'en dépit des efforts faits au Québec dans le cadre de l'aide sociale proprement dit le problème de la pauvreté, même s'il était entièrement résolu, par hypothèse, pour les assistés sociaux, continuerait, malgré tout, à se faire sentir pour la classe sociale qui, quant à ses revenus, est immédiatement au-dessus, en quelque sorte, des bénéficiaires de l'aide sociale et qui est constituée par les travailleurs à faibles revenus.

C'est particulièrement en pensant aux travailleurs à faibles revenus que les conclusions de l'étude du Conseil canadien de développement social sont appropriées. Il est vrai que ceux, qui se situent en dessous du seuil de pauvreté et donc qui, à ce titre-là, bénéficient des programmes d'assis-

tance sociale, ont vu leur situation s'améliorer. Je crois qu'au Québec ce tableau, si on le projetait en arrière, aussi loin que I960, serait très spectaculaire. C'est une période qui a vu se développer le régime d'aide sociale à la suite des recommandations de la commission Boucher, qui a publié son rapport en I963, à la suite de la mise sur pied du régime canadien d'assistance publique en I966, à la suite de l'adoption de la Loi de l'aide sociale en I969. Il y a eu une prise en charge de plus en plus ferme de la part de l'Etat et, en particulier, de l'État provincial vis-à-vis de cette catégorie de la population et une hausse, encore une fois, que l'on peut critiquer mais malgré tout assez substantielle des barèmes d'aide sociale.

Malgré tout, bien peu de chose a été fait pour les personnes qui sont des travailleurs à faible revenu. Il ne faudrait pas, malgré tout, oublier, en faisant cette affirmation, ce qui a effectivement été fait et qui les privilégie comme classe sociale plus que toute autre classe sociale. En particulier, les mesures de l'assurance-hospitalisation et de l'assurance-maladie ont eu un impact très certain sur cette classe, de même que des mesures aussi considérables que les allocations familiales.

Les allocations familiales — on se rappellera les arguments qui avaient été soulevés à l'époque — ont particulièrement été mises de l'avant par le Québec, parmi toutes les provinces, comme une mesure qui, par opposition à l'aide sociale, pouvait particulièrement bénéficier à cette catégorie de la société. Si l'on considère l'évolution de la position relative des travailleurs à faible revenu avant et après l'introduction de cette mesure, de cette amélioration du régime des allocations familiales en 1974, on peut voir une amélioration très sensible de leur situation en termes absolus et en termes de pourcentages.

Malgré tout, la situation demeure insatisfaisante à cet égard. C'est en pensant particulièrement à ce problème que j'ai indiqué mon désir de ne pas répéter toute l'argumentation que j'ai tenue, en novembre dernier, devant l'Assemblée nationale. Il nous paraît donc important de développer des mesures d'aide et de complément du revenu qui soient en harmonie et cohérentes avec celles qui existent déjà pour l'aide sociale et qui permettent de ne pas pénaliser, comme c'est malheureusement le cas encore, ceux qui participent à la main-d'oeuvre, en leur imposant un taux de récupération des allocations sociales qui, jointes à la fiscalité à laquelle ils font très tôt face en gagnant des revenus d'emplois, leur imposent une pénalité excessive et une situation inéquitable.

C'est un objectif auquel nous souscrivons et je ne peux, encore une fois, que répéter ce qui a été dit à de nombreuses reprises. Nous aurons, à la fin d'avril, une autre rencontre fédérale-provinciale qui s'inscrit dans la série désormais assez longue de rencontres fédérales-provinciales sur ce problème. Nous espérons pouvoir faire des progrès dans la poursuite de cet objectif, mais il est clair que cette route n'est pas facile. De nombreux problèmes techniques et des problèmes financiers se trouvent sur la route qui nous sépare d'une solution. Ces problèmes ne sont pas tous résolus. Malgré tout, nous sommes confiants qu'il sera possible, éventuellement, de développer des solutions progressivement pour améliorer la situation de cette catégorie de la population.

M. le Président, je crois que j'avais quelque chose à ajouter mais, malheureusement, je l'ai oublié. Cela me reviendra probablement.

Le Président (M. Kennedy): Alors, on va passer au député de Vanier, qui avait demandé la parole.

M. Forget: Je pourrais peut-être répondre tout de suite aux questions.

Le Président (M. Kennedy): Je m'excuse.

M. Forget: Je m'excuse, M. le Président, mais avant et sous réserve de revenir à un exposé plus général, il y a, malgré tout, des questions plus particulières qui m'ont été posées par le député de Saint-Jean.

Ah oui! Cela me ramène immédiatement à ce que je voulais dire. On a soulevé justement, dans ces questions particulières, des aspects, dans le fond, qui sont beaucoup plus généraux. On a mentionné, par exemple, l'Opération placement. On a posé des questions spécifiquement sur l'Opération placement, sur les raisons pour lesquelles les crédits accordés la première année ont diminué la deuxième année. On a soulevé également la possibilité d'une distinction entre les personnes aptes au travail et celles qui ne le sont pas. Avant de demander, peut-être, à des fonctionnaires, qui sont au fait de l'évolution détaillée de ces programmes, de nous expliquer en détail, si on le souhaite, les raisons de l'évolution du programme de l'Opération placement.

Je dois cependant souligner que cet effort, qui a semblé donner des fruits intéressants durant les premières et deuxième années, a vu son cadre s'élargir récemment par une décision du conseil des ministres qui a décidé de mettre sur pied un programme d'emplois nouveaux qui implique la collaboration, cette fois, non plus seulement du ministère des Affaires sociales et du ministère québécois du Travail et de la Main-d'Oeuvre, de même que de sa contrepartie fédérale, mais qui implique la collaboration d'un plus grand nombre de ministères tels que l'Agriculture et les Travaux publics qui, dans un comité interministériel, vont mettre sur pied des mécanismes de coordination de nature permanente de manière à favoriser, par tous les moyens possibles, le retour au travail des assistés sociaux.

C'est un engagement du gouvernement à la poursuite d'une expérience qui s'est révélée très fructueuse, qui a permis d'édifier des liens très étroits entre le personnel du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre et le ministère des Affaires sociales.

Il y a, actuellement, dans une centaine de bureaux locaux des Affaires sociales, des représentants du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Il y a, dans les régions, des comités conjoints, impliquant également les représentants du ministère fé-

déral du Travail et de la Main-d'Oeuvre, qui ont permis de construire des liens permanents opérationnels qui permettent d'utiliser au maximum les ressources disponibles de chacun de ces ministères pour le placement des assistés sociaux.

En élargissant le programme, nous espérons construire le même type de liens avec d'autres ministères, et des fonds importants ont été mis à la disposition de ce programme pour la première année. Il s'agira, encore une fois, d'une somme de $5 millions. Je crois qu'avec l'envergure élargie du programme, il devrait être possible d'utiliser complètement cette somme.

Ce n'est pas par mesquinerie, mais par défaut, je pense, de programmes valables que les budgets consacrés dans deux années successives au programme Opération placement ont affiché une diminution plutôt qu'une augmentation. Mais, en élargissant ainsi l'envergure du programme, en y incorporant, y intéressant d'autres ministères, il sera possible de faire porter l'action sur un plus grand nombre de bénéficiaires et donc d'avoir une action, du moins espérons-le, beaucoup plus considérable.

Pour ce qui est de la distinction entre les aptes au travail et les inaptes au travail, nous avons là un problème qui a fait l'objet de très nombreuses discussions, dans le cadre de la conférence fédérale-provinciale et du comité fédéral-provincial, pour élaborer un nouveau régime de sécurité du revenu.

L'opinion unanime de tous les gouvernements du Canada sur ce sujet, maintenant, après ces consultations, après ces discussions, est qu'il est indésirable d'utiliser une telle distinction dans des programmes de sécurité du revenu.

C'est une distinction qui est facile, à priori, à définir, mais qui, dans les faits, est extrêmement arbitraire, extrêmement difficile à rendre opérationnelle, à rendre applicable de façon équitable, parce que l'aptitude ou l'inaptitude au travail ne peut pas être jugée indépendamment des circonstances qui entourent une personne, un bénéficiaire d'aide sociale.

Or, ce qui a l'air d'être un critère vérifiable par un certificat médical ou par une expertise quelconque est, en fait, une situation dont les déterminants sont très nombreux. La variété et la difficulté de ces situations ou de l'évaluation de telles situations individuelles sont bien illustrées par le fait que les programmes d'aide sociale ont une importance très variable d'une province à l'autre et qu'il est clair que les différences observées ne sont certainement pas attribuables en entier ni même de façon substantielle à une éthique du travail plus ou moins développée dans différentes provinces, mais sont, sans aucun doute attribuables, pour une large part, à la situation économique générale d'une province.

On n'a qu'à citer les différences à cet égard entre le Québec et l'Ontario, par exemple, pour voir combien il serait difficile d'adopter une définition technocratique, purement objective de l'aptitude au travail.

Il est clair qu'une personne qui est apte au travail en Ontario peut très bien ne pas être apte au travail au Québec, étant donné que l'existence d'un plus grand nombre de personnes sous-employées rend ces critères effectivement différents dans une province comme le Québec de ce qu'ils peuvent être dans une province où il y a très peu de personnes qui sont non employées . Tous les employeurs s'ingénient à trouver des possibilités d'employer des gens qui dans un autre type d'économie sont considérés comme étant non employables, parce qu'on peut tout simplement leur préférer des personnes qui n'ont pas tel ou tel trait de personnalité, indépendamment de leur situation physique, que l'employeur a priori, à tort ou à raison, trouve plus ou moins acceptable.

C'est donc une distinction que tous les gouvernements ont décidé de rejeter en faveur d'une approche qui est plus réaliste et qui tient compte, non pas de la possibilité d'accepter un emploi, mais de la disponibilité d'un emploi. C'est une distinction qui pose encore à ce niveau des difficultés puisqu'elle suppose une collaboration très étroite entre les responsables des programmes d'aide sociale et les responsables des programmes d'emploi et de placement.

Peut-être que la collaboration déjà amorcée dans le cadre de l'Opération placement et dans le cadre du nouveau programme d'emplois nouveaux, nous permettra d'appliquer de telles distinctions à l'avenir.

Dans le cadre des règlements de l'aide sociale, il faut souligner que cette distinction intervient seulement à un endroit, et ceci contrairement à l'impression créée par la remarque du député de Saint-Jean. Elle intervient pour les jeunes adultes de moins de 30 ans, personnes seules qui ne bénéficient pas du tout de la même prestation, selon qu'ils sont aptes ou non à travailler.

Ceux qui sont aptes à travailler reçoivent une prestation plafonnée à $85 par mois, alors que ceux qui sont non aptes à travailler reçoivent, selon les circonstances dans lesquelles ils se trouvent, soit $110. s'ils sont chez un parent, soit $195 s'ils sont entièrement autonomes.

Donc, ce critère intervient, mais il intervient — on doit le noter — pour une catégorie de la population où il est peut-être plus facile d'appliquer ce critère, population jeune qui, a priori, à moins d'être évidemment affectée d'un handicap physique ou mental qui peut être démontré, pourrait vraisemblablement travailler, alors que déjà cette distinction est beaucoup plus difficile à appliquer dans une situation de sous-emploi dans certaines régions pour des personnes plus âgées et presque inapplicables pour des raisons humanitaires dans le cas de chefs de famille.

Cette fois, je crois q ue je suis vraiment arrivé à la fin et à la conclusion, si ce n'est pour ajouter une dernière observation qui, je pense, nous rappelle que les programmes de lutte à la pauvreté, quelle que soit la volonté politique de les faire progresser, s'inscrivent malgré tout dans le contexte général de la société dans laquelle nous fonctionnons.

Le député de Saint-Jacques a voulu tirer des conclusions trop rapides, à mon avis, sur ce plan, en disant que nous n'avions que les programmes contre la pauvreté que notre société, notre type de démocratie, notre régime politique voulaient bien

nous donner. Sur un plan très abstrait et très théorique, il a peut-être raison, mais s'il veut dire par là que nous ne faisons pas tout ce que nous pourrions faire pour combattre la pauvreté, je crois que cette affirmation est erronée.

Il demeure, malgré tout, que la pauvreté de certains individus, certaines familles au Québec, dans une certaine mesure est, relativement parlant aussi, le reflet de la pauvreté relative du Québec vis-à-vis d'autres sections du pays, d'autres provinces du pays. Il est très évident, quand on regarde le budget gouvernemental du Québec et de l'Ontario, par exemple, que le poids de programmes d'aide sociale, qui sont comparables et qui sont d'ailleurs peut-être un peu plus généreux en Ontario, comme il convient de toute manière, relativement parlant, étant donné le niveau, le coût de la vie peut-être supérieur en Ontario et très certainement le niveau relativement plus élevé de la rémunération moyenne en Ontario, que le poids relatif de l'aide sociale, donc dans les deux budgets de ces deux gouvernements, est très différent.

Ceci reflète tout simplement le fait que la pauvreté, non pas seulement sur le plan individuel mais sur le plan collectif, est un phénomène beaucoup plus important au Québec qu'il ne l'est dans d'autres provinces. On ne peut aborder ce problème strictement sur le plan de l'individu, maiségalement il faut tenir compte de la situation relative des gouvernements et de leur capacité d'assumer un fardeau relativement lourd, dans certains cas. C'est très certainement le cas du Québec où se retrouve une masse très impressionnante, en termes relatifs, de personnes qui sont dans une situation très près de la pauvreté ou en-dessous du seuil de la pauvreté.

Ceci affecte la capacité des gouvernements d'élever les impôts pour financer ces régimes puisqu'il est évident que nous parlons de redistribution, nous ne parlons pas ici de création de richesses.

Alors, il me ferait plaisir de répondre à des questions peut-être plus détaillées, ces propos plus généraux ayant été échangés sur le sujet, sur l'administration, les règlements de l'aide sociale. Il y a plusieurs fonctionnaires, responsables de l'administration du régime, qui se feront un plaisir de répondre aux questions.

M. Samson: Est-ce qu'ils accepteraient de répondre, j'ai posé plusieurs questions, mais peut-être à une première, qui est la question des 20% d'erreurs relevées par le vérificateur général.

Le Président (M. Kennedy): Est-ce qu'on pourra revenir? Il y a deux députés qui ont demandé la parole.

M. Samson: Pas de problème.

Le Président (M. Kennedy): On va revenir à votre question.

Le député de Taschereau.

M. Bonnier: Là je suis un peu confus pour poser ma question, parce que le ministre a suggéré qu'or pose des questions très précises sur des programmes très précis. J'en aurais, mais si le ministre permettait, j'aimerais aussi réagir à ses propos.

Si on n'a pas le temps, je vais passer par-dessus.

M. Forget: Nous sommes à votre disposition.

M. Bonnier: Je pense que c'est quand même relié à des programmes très précis. Je me pose des questions sérieures quant à la définition même du seuil de pauvreté. Je pense que le ministre, très honnêtement, a dit que c'est une notion qui est subjective. Je pense que lorsque le Montreal Diet Dispensary l'a établi — c'était Mme Allen, je crois, je ne sais quel était le nom de celle qui était là dans le temps — il l'a établi à partir de certains barèmes C'est sûr que les barèmes utilisés à ce moment-là mettaient peut-être un poids beaucoup plus important, mettons, à l'alimentation par rapport à d'autres articles dans le budget, mais la relavitivé des coûts de chacun des articles a changé.

Je suis heureux de voir que le ministre nous annonce que le ministère va maintenant établir sa propre étude et je pense que c'est urgent. Se référer à d'anciens barèmes, même si on les indexe, c'est parfois continuer une erreur, en la majorant, parfois. C'est mon premier réflexe.

Je pense que ce pourquoi on a aussi une certaine difficulté dans le domaine de l'aide sociale, c'est que j'ai l'impression qu'on est un peu compartimenté. D'une part, on peut certainement parler d'un revenu annuel garanti; d'autre part, on va parler d'un autre programme d'habitation; d'autre part, on va parler d'un programme de loisirs. Il me semble qu'il serait temps que nous axions davantage nos préoccupations sur la personne.

Les difficultés que nous avons dans nos comtés, lorsque nous rencontrons des groupes que je n'appellerais pas d'assistés sociaux mais de bénéficiaires d'allocations de l'Etat — parce que je n'aime pas le terme "assistés sociaux", je trouve que c'est dévaloriser des personnes — la difficulté que nous avons à discuter avec eux, c'est qu'ils nous apportent l'ensemble de leur situation. Nous autres, on est obligé de parler en termes de catégories ou de programmes. Il me semble que si on doit redéfinir le seuil de pauvreté, on ferait mieux de redéfinir le seuil de vie d'une personne ou d'un ménage dans notre société, puisque la pauvreté, à l'heure actuelle, est un accident dans la vie d'une personne. Même si c'est un handicapé mental qui va peut-être l'être pendant plusieurs années, c'est quand même un accident. Il est dans un état marginal par rapport à l'ensemble de la société mais, en tant que personne humaine, il a des besoins essentiels auxquels il doit répondre. Ces besoins sont relatifs, évidemment, dans l'espèce de société — comme M. le ministre le disait — dans laquelle nous vivons, mais ils doivent quand même correspondre à certaines aspirations humaines de la personne et du ménage.

Il me semble que si on doit réévaluer ce seuil, il faudra tenir compte des programmes d'habitation que nous avons et de ceux que nous devrions mettre

en marche, des programmes de loisirs, des programmes de santé qui existent etc., de façon que l'individu, au Canada, soit capable de mener une vie et qu'on arrête de l'appeler "pauvre", qu'on arrête de parler de programmes de pauvreté, mais qu'on parle de programmes de vie décente pour des personnes.

C'était ma seule remarque.

Le Président (M. Kennedy): Le député de Vanier avait demandé la parole.

M. Dufour: Moi, je ne parlerai pas de l'ensemble du rapport sur l'aide sociale, mais je voudrais poser au ministre une question bien pratique. Je parle en tant que député de Vanier et je rencontre le problème de temps en temps. Qu'est-ce qu'on va faire avec les problèmes ultimes, c'est-à-dire avec des cas qui ne peuvent être réglés par l'ordinateur? Vous savez que les assistés sociaux — excusez-moi, j'ai oublié l'expression si bien choisie: les bénéficiaires de l'aide sociale, des services de l'Etat, c'est encore mieux — parfois nous arrivent avec des problèmes sérieux et on appelle le directeur du service social pour qu'il prenne en considération un cas pitoyable, un cas pénible. Toujours on nous répond: Si on le soumet à l'ordinateur, il va être rejeté automatiquement. Est-ce que nous payons des directeurs de section de services sociaux pour tout simplement regarder marcher l'ordinateur ou encore juger des cas? Si le directeur n'a pas d'autre chose à faire que de dire: L'ordinateur rejette le cas, je pense qu'on paie un salaire pour rien.

Je crois qu'on doit se pencher sur des problèmes qui sont sérieux et les juger à leur juste valeur. J'ai des cas, actuellement, trois ou quatre. Je suis en discussion avec le directeur du service qui est réellement un gars très sympathique; il comprend le problème, mais ne peut pas aller plus loin. Est-ce que, demain, le ministère envisage de laisser au directeur du service le soin de juger, selon le mérite, le cas que nous lui présentons? D'habitude, on ne perd pas notre temps à régler les problèmes qui entrent dans l'ordinateur, mais ce sont des problèmes très sérieux et jamais, à ce jour, je n'ai eu une réponse favorable pour essayer de soulager des gens qui sont dans l'extrême misère. J'espère qu'on va pouvoir élargir ce barème et permettre au directeur de donner satisfaction à la population.

M. Forget: M. le Président, j'aimerais, juste très brièvement, réagir aux deux interventions précédentes. Je sympathise avec, évidemment, le député de Taschereau quand il souligne le problème de l'établissement du barème de pauvreté ou du niveau de pauvreté et souhaiterait y voir incorporé des éléments qui permettraient de ne plus l'appeler un niveau de pauvreté.

Malheureusement, je pense que, de façon réaliste, tant que nous n'avons pas atteint toutes les catégories de bénéficiaires, il est illusoire de croire qu'on pourra produire et atteindre, surtout, des niveaux de pauvreté, des seuils de pauvreté qui ne seraient plus des seuils de pauvreté mais des seuils de revenu moyen en quelque sorte.

Je ne pense pas qu'il soit possible, matériellement parlant, d'envisager, de garantir un niveau égal ou se rapprochant du revenu moyen. Il demeure que, lorsque j'ai indiqué qu'il s'agissait essentiellement d'un jugement de valeur que le seuil de pauvreté, ce que j'ai indiqué c'est que le choix des critères qu'on utilise pour le calculer est arbitraire, non pas que le niveau lui-même soit quelque chose dont quelqu'un, un matin, dise: Bien, aujourd'hui, je pense que le seuil de pauvreté va être de $5,000.

Il y a, malgré tout, une certaine méthode utilisée à partir de l'étude du budget des familles où l'on retrouve certaines régularités et, par exemple, on remarque, lorsqu'on étudie le budget des familles, que la part relative prise par certaines dépenses, telles que la nourriture, le logement et le vêtement, qui sont peut-être des dépenses essentielles et incompressibles dans une certaine mesure, la part de ces dépenses diminue de façon progressive, à mesure qu'on progresse dans l'échelle des revenus. On a défini souvent le seuil de pauvreté comme correspondant à un pourcentage minimum que représentent ces dépenses dans le budget total d'une famille.

Bon, alors ce n'est pas entièrement discrétionnaire mais c'est basé malgré tout sur le choix d'un pourcentage parmi d'autres. Pour ce qui est du problème soulevé par le député de Vanier, les directeurs, ils sont engagés, bien sûr, pour administrer la loi et pour poser des jugements, mais poser des jugements dans le contexte de la loi et des règlements.

Je crois qu'il est intenable d'envisager que ies directeurs des bureaux locaux ou des bureaux régionaux vont se substituer au législateur et au gouvernement pour décider ce qui, selon eux, est approprié comme assistance à une famille ou à une personne seule, quels besoins seront reconnus et quels besoins ne le seront pas. A partir de ce moment-là, nous n'avons plus besoin d'une loi et nous n'avons plus besoin d'un règlement; nous n'avons besoin que d'un budget. Et il est à croire que le budget ne durera pas, quel que soit son montant, jusqu'à la fin de l'année si on dit aux gens: Utilisez votre bon sens et votre bonne volonté pour décider des problèmes.

Il faut fournir les guides. Il faut fournir des guides dans la mesure où l'on considère que nous avons établi un revenu minimum garanti, dans le fond, par cette loi et par ces règlements, qui constituent des droits pour toute personne qui est privée de tout autre moyen de subsistance et des droits qui doivent être le plus semblable possible d'une région ou d'une ville à l'autre.

Autrement, on pourra facilement nous accuser d'être injustes envers un individu qui n'aurait pas obtenu ce qu'un agent ou un directeur, dans un bureau, aurait jugé bon de lui accorder.

Ces décisions-là, je pense qu'il n'y a pas d'autre choix que de les prendre à la lumière d'un jugement à porter sur des circonstances concrètes, mais toujours à l'intérieur de la loi et des règlements, qui doivent préciser aussi clairement, aussi explicitement que possible, qu'est-ce qui est accordé et qu'est-ce qui ne l'est pas. Il n'y a véritablement pas moyen d'en sortir. Bien sûr, on revient souvent à

l'explication des ordinateurs, mais ce n'est véritablement pas l'ordinateur qui décide. L'ordinateur ne fait que dire aux gens qu'est-ce que la loi et les règlements permettent.

Si c'est rigoureux, tout ce que je puis dire, c'est tant mieux parce que cela indique que tout le monde est traité de la même façon, ce que, je pense, nous voulons tous.

Ce que, je pense bien, le député de Vanier veut dire, c'est que peut-être certaines circonstances ne sont pas adéquatement prévues dans la loi et les règlements. Cela, je suis bien prêt à l'admettre. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les règlements, dans les détails, sont modifiés quand même passablement souvent. Depuis trois ou quatre ans, il y a eu je ne sais plus combien de modifications aux règlements, à chaque fois dans le but d'améliorer le fonctionnement, de traiter les gens de la façon la plus responsable possible, de les rendre le plus autonomes possible dans la façon dont leurs budgets sont administrés, de tenir compte des situations particulières dans toute la mesure où on peut en tenir compte de façon systématique.

Maintenant, sans aucun doute, des progrès sont encore possibles.

C'est la raison, d'ailleurs, pour laquelle j'ai indiqué que nous travaillons actuellement à une ultime révision des règlements. Cette fois-ci, ce sera une révision de l'ensemble des règlements. Il y en a eu tellement à la pièce, en quelque sorte, que nous avons ressenti le besoin d'en faire une qui reprenne l'ensemble des règlements, les rende plus lisibles, plus compréhensibles, plus facilement adrninistra-bles.

Le Président (M. Kennedy): Alors, messieurs...

M. Dufour: Est-ce qu'on pourrait penser aller jusqu'au ministre pour lui soumettre certains cas? Je n'ai pas parlé de l'ensemble; j'ai parlé de certains cas d'exception qui sont réellement pénibles. Quand on se penche sur un cas, c'est parce qu'il est réellement pénible. Alors, par notre intervention auprès du ministère, soit du ministre, du sous-ministre ou d'un autre, est-ce qu'on pourrait obtenir quelque chose pour essayer d'améliorer le sort de certaines personnes réellement dans l'ultime misère? C'est là la question.

M. Forget: Ecoutez, là-dessus, très brièvement, M. le Président, je n'ai aucun souhait, dans l'intérêt même des gens qu'on veut aider, d'avoir une petite caisse pour dépannage au niveau du cabinet du ministre. Il y aurait une tendance inévitable à ce que les 190,000 bénéficiaires de l'aide sociale apprennent éventuellement l'existence de la petite caisse et que j'essaie d'administrer le programme à partir de mon bureau. Je ne crois pas que je rendrai service à quiconque en faisant ça. J'aime mieux travailler au changement des règlements quand le besoin s'en fait sentir.

Le Président (M. Kennedy): Alors, messieurs, comme l'Assemblée doit siéger à huit heures quinze, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Suspension de la séancea 18 h 3)

Reprise de la séance à 20 h 20

M. Kennedy (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

Nous étions à l'élément 2 dans les considérations générales lorsque nous avons suspendu la séance à six heures.

Personne n'avait demandé la parole, alors...

M. Charron: M. le Président, si les réponses que nous a fournies le ministre, à la question très générale et en même temps très importante que nous avions posée quant à une hausse générale de l'échelle de l'aide sociale, sont complètes, elles n'en demeurent pas moins difficiles à accepter quant à une certaine catégorie de bénéficiaires de l'aide sociale, en particulier.

Je me demande si le ministre, refusant une modification de cette aide, ne pourrait pas procéder par catégories de bénéficiaires de l'aide sociale — je pense que les plus touchées, on en conviendra peut-être, sont les femmes seules qui ont des charges familiales, les veuves, par exemple — tel que demandé par le conseil régional de pastorale La Chaudière. Celui-ci avait été appuyé à l'époque par le député de Beauce-Nord, pendant la campagne électorale. Il n'est pas ici ce soir pour faire valoir son engagement auprès de ces gens, mais il s'était rendu à leur demande bien expliquée comme quoi les barèmes de l'aide sociale pour les familles monoparentales dirigées par une femme sont insuffisants actuellement.

Si le ministre refuse d'augmenter l'aide sociale des personnes seules, qui sont les plus nombreuses parmi les bénéficiaires, parce que, dit-il, selon le barème avec lequel il fonctionne il a atteint déjà le seuil de la pauvreté dans le revenu de ces personnes, peut-il penser étendre une augmentation aux femmes seules qui ont des charges familiales?

M. Forget: II est clair que si un réaménagement des barèmes était envisagé — et comme je l'ai indiqué précédemment, cela ne peut jamais être exclu, de toute manière — il faudrait tenir compte du taux de couverture différent pour différentes classes de bénéficiaires, comme on vient d'y faire allusion, et faire porter davantage de notre aide sur ces catégories pour lesquelles le taux de couverture est le plus faible actuellement, ce qui essentiellement viserait les adultes avec enfants, les familles avec enfants ou des personnes seules avec enfants.

Je suis loin d'être convaincu qu'une discrimination basée sur le sexe ou sur le statut civil, quel que soit son attrait a priori, peut résister très longtemps à l'analyse parce qu'elle implique un jugement de valeur qui, dans tous les cas marginaux, serait très difficile à défendre entre ceux qui bénéficieraient d'une majoration et qui se trouveraient au même niveau de revenu et essentiellement dans les mêmes circonstances, sauf celle qui fait l'objet de la discrimination.

J'éprouve quelques difficultés à voir comment on pourrait justifier une telle discrimination.

M. Charron: Notez que je me rends à cette sug-

gestion que je ne vous fait qu'en second lieu. Je ne l'approuve pas en principe non plus quand on parle d'une échelle générale, qui est censée avoir une certaine logique, même si elle est difficile à découvrir à la lecture et à la pratique et qu'on se fait opposer un refus en disant que le seuil de la pauvreté, dans l'ensemble, atteint pour chacune des catégories de bénéficiaires, que l'indexation couvre amplement les besoins, enfin toutes les raisons que vous m'avez énumérées avant que nous ajournions. Les $195 par mois pour vivre, pour une personne seule, à Montréal ou n'importe où ailleurs, que cela atteigne ou que cela n'atteigne pas le seuil de pauvreté qui vous sert de barème et qui est peut-être calculé avec un barème que nous ne connaissons pas, peu importe, je peux même vous dire que ces $195 sont évidemment insuffisants.

M. Forget: Oui.

M. Charron: Que cela atteigne votre barème ou pas. Pour reprendre un peu l'expression du député de Taschereau, cela atteint peut-être le seuil de la pauvreté mais pas le seuil de la vie décente. Et me rendant donc, à moins de vouloir inutilement faire un débat plus long parce que vous ne m'avez pas opposé un refus, je me dis: Peut-être est-il possible de procéder à la pièce, si le changement général vous paraît trop coûteux ou trop audacieux, et de vraiment toucher une catégorie de personnes qui me paraissent encore beaucoup plus en situation de difficultés que l'autre. Prenons l'exemple, que je viens de donner, d'une femme qui est abandonnée avec des enfants, quel que soit son statut civil comme dit le ministre; je parle d'une personne qui, par exemple, avec deux enfants, reçoit $292 par mois, actuellement. Si elle était seule, elle recevrait $195.

Elle reçoit donc moins de $100 par mois pour faire vivre ses deux enfants. Personne d'entre nous ne peut dire que cette personne, quel que soit, encore une fois, le barème qu'a invoqué le ministre, a une vie décente. S'il est un endroit où l'injustice de cette échelle pèse le plus lourd, c'est bien celle où des enfants sont concernés. Et la critique la plus fondamentale qu'on peut faire à l'égard du système actuel, c'est que non seulement il est injuste, il fait vivre des gens dans une pauvreté invraisemblable, mais il maintient les gens dans la pauvreté, de génération en génération, parce que ces enfants, qui sont élevés par leur seule mère et qui ne peuvent bénéficier, en revenu total, pour leur famille, que de $292 par mois, sont appelés inévitablement, M. le Président, à un avenir qui n'est pas très joyeux pour eux.

Récemment, le conseil de développement social a émis un mémoire sur la situation des enfants pauvres, au Québec. La plupart de ces enfants pauvres— et c'est ce qui est encore plus tragique — dans la situation où ils sont, ils y sont pour probablement 40 ou 50 ans, parce qu'ils n'ont pas l'occasion de décoller de la situation de pauvreté où ils se trouvent.

C'est en me rendant à l'évidence, je dirais, que j'en suis venu à suggérer cette intervention à la pièce dans l'échelle de l'aide sociale, sachant très bien que c'est l'ensemble de l'échelle qui mériterait une augmentation qui permettrait aux citoyens, en dehors de l'indexation, de suivre l'augmentation du coût de la vie et d'améliorer leur niveau de vie.

Je pourrais tout aussi bien plaider, M. le Président, pour une autre catégorie de la population à l'intérieur de cette catégorie générale: les personnes d'un certain âge, qui n'ont pas encore atteint l'âge de la retraite. Il y a plusieurs de mes concitoyens comme cela qui, à 50 ou 55 ans, se font dire partout, par n'importe quel employeur: Tu es fini. On ne peut plus te trouver de job. Tu es trop vieux. On prétexte très souvent que les assurances ne couvrent pas la vie de ces travailleurs dans les usines. C'est très souvent aussi parce que l'employeur sait qu'il aurait à fournir beaucoup plus au fonds de retraite de ce travailleur, à cause de son expérience, s'il devait l'embaucher. Il est beaucoup plus facile de prendre un jeune, sans expérience, de le maintenir pendant un bon moment au salaire minimum, comme 50% de ceux qui sont sur le salaire minimum sont de jeunes travailleurs, que de prendre un travailleur, même avec une charge familiale, mais qui a 50 ou 55 ans.

Combien y a-t-il de mes concitoyens, dans Saint-Jacques, M. le Président, qui, à 50 ou 55 ans, malades et incapables de se trouver un emploi, se font dire qu'il n'y a rien d'autre pour eux que le bien-être social ou d'obliger leur femme, très souvent, qui devient une source de revenu à ce moment-là à aller travailler dans une des petites "pawn shops" de la rue Ontario à tailler des cravates ou à poser des boutons au salaire minimum, parce que justement l'homme est dans la situation humiliante, quand on a encore 50 ou 55 ans d'être incapable d'assurer le revenu de sa famille.

Je vous donne encore cet exemple, M. le Président, de ce couple avec deux enfants, qui reçoit actuellement $357 par mois, plus ce que lui accorde l'allocation familiale pour les enfants. Personne ne peut prétendre que ces gens-là ont atteint — j'aime bien l'expression du député de Taschereau — le seuil de la vie décente. Ils ont peut-être, quand on étire les barèmes et quand on les pourfend, atteint un certain seuil de la pauvreté, lorsqu'on se limite, dans le calcul du seuil de la pauvreté à la nourriture ou au vêtement, par exemple. Mais, quant à la possibilité de vivre et surtout de donner la chance à leurs enfants de ne pas vivre la même vie, il n'y a pas un de ces pères de famille, il n'y a pas une de ces mères de famille qui ne se rende malheureux ou malheureuse à l'idée que non seulement ce revenu est insuffisant pour eux et pour leurs enfants quand ils ont cinq ou six ans, mais qu'en même temps ils se trouvent à les enchaîner à cette condition.

On le sait, c'est connu et l'ancien ministre des Affaires sociales avait déjà publié des statistiques là-dessus: le bien-être social, c'est également héréditaire, parce que justement jamais n'arrive l'occasion de décoller. Si j'en viens à demander des interventions à la pièce, c'est bien particulièrement pour les enfants de ces familles. On dit qu'il y a quelque 400,000 assistés sociaux ; combien sont des enfants, en fait? 175,599 personnes dont la subsis-

tance — parce que dire la vie, c'est beaucoup trop fort — est assurée par cette échelle dont je demande et le député de Rouyn-Noranda également, une réévaluation complète, 175,599 enfants qui sont appelés, peut-être, à y rester de façon définitive.

C'est, bien sur, une correction totale de l'échelle pour rejoindre un plancher décent. Pour les deux catégories que j'ai spécifiées: les femmes seules qui ont des charges familiales et les personnes d'un certain âge qui n'ont pas encore atteint l'âge de la pension de vieillesse, mais qui sont dans l'espèce de vacuum où notre société maintient plusieurs citoyens, il me semble que ces classes-là devraient attirer encore plus l'attention du ministre à intervenir de façon favorable au cours de l'année financière, pour une réévaluation de l'échelle d'aide sociale.

M. Forget: Je suis sensible aux préoccupations du député de Saint-Jacques et je peux assurer les membres de cette commission que je partage ses préoccupations. Je ne voudrais pas, cherchant à faire une réponse trop précise, diminuer la portée de mes propos sur le sujet de la pauvreté et des écarts qui restent encore à combler.

Il est clair que nous ne serons pas satisfaits tant que persistera un certain nombre des problèmes qu'ont mentionné le député de Saint-Jacques et les autres membres de cette commission — le député de Taschereau et d'autres ont mentionné tout ce qui reste à accomplir — il est clair, dis-je que le ministère des Affaires sociales, le gouvernement dans son ensemble ne considère pas le travail terminé dans le développement et dans l'amélioration des mesures de sécurité du revenu.

Mais si j'allais plus loin que ça à ce moment, alors que nous travaillons encore à chercher les moyens de développer nos programmes dans le domaine de la sécurité du revenu, en ayant tout particulièrement à l'esprit le problème des familles qui ont des jeunes enfants et qui doivent vivre avec un revenu insuffisant, en ayant à l'esprit aussi les problèmes que constituent pour les personnes la perte d'un emploi, alors qu'elles ont dépassé un certain âge, le problème des mères seules qui doivent élaver une famille, tous des problèmes réels, je ne voudrais pas, en essayant de fournir aujourd'hui une réponse très précise quant à nos orientations, avoir l'air de figer notre position dans le statu quo. Ce n'est certainement pas notre intention. On comprendra également que je ne puis ici annoncer des développements pour lesquels nous ne sommes pas prêts à agir.

Et, certainement, dès que nous serons prêts à agir, je serai plus qu'heureux d'en faire l'annonce. Mais, encore une fois, c'est un peu de ça dont je parlais l'automne dernier, dont je parle encore aujourd'hui quand j'insiste pour affirmer que nous n'avons pas terminé le travail de développement des programmes de sécurité du revenu.

Nous avons fait des progrès sensibles, et je crois bien qu'il est normal et humain, indépendamment de toute considération politique, que le gouvernement qui les a réalisés s'en félicite et rappelle que ces progrès existent malgré tout, qu'ils ont été faits. C'est tout à fait normal de souligner, comme le font les membres de cette commission, qu'il reste encore du travail à faire.

Tout ce que je peux dire à ce moment-ci, c'est que nous en sommes conscients et que nous allons essayer de déboucher dans ce sens, le plus rapidement possible.

Le Président (M. Kennedy): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, cet après-midi dans les remarques préliminaires au programme 2, j'ai posé un certain nombre de questions. Pour le bénéfice du ministre, je vais les reposer, puisqu'il y a eu tellement de discussions depuis ce temps, peut-être dans le désordre, mais, de toute façon, j'espère avoir des réponses dans l'ordre.

Une Voix: Vous êtes gagnant quand même. M. Samson: De toute façon...

M. Forget: Les prix ne sont peut-être pas aussi gros que le député de Rouyn-Noranda l'espérerait.

M. Samson: De toute façon, si on gagne quelque chose, c'est quelque chose de fait.

La question des 20% d'erreurs qui est relevée par le vérificateur général. Là-dessus, je pense que le ministre s'apprêtait à me donner une réponse cet après-midi quand finalement on est tombé sur un autre sujet; on pourrait peut-être commencer par cette question.

M. Forget: En effet, je demanderais à M. Houde, qui est sous-ministre adjoint et responsable de l'administration de l'aide sociale — responsable de toutes ces erreurs — non pas toutes ces erreurs, parce q ue je crois que vous aurez une réponse satisfaisante à ce problème qui est souligné dans le rapport du vérificateur général et qui évidemment est un problème réel.

J'aimerais malgré tout préciser, parce que celui qui est le premier responsable hésitera peut-être à le faire pour des raisons évidentes, que, dans tous ces rapports du vérificateur général, il y a un fait qui doit être mentionné, à l'occasion, malgré tout, et qui est très réel. Dans la plupart des cas où des erreurs sont soulignées, les erreurs ont déjà été révélées par le travail de vérification interne des administrateurs dont on surveille l'action. Le vérificateur général, lors de ses visites, prend à son compte évidemment — et c'est naturel pour tous les vérificateurs apparemment — les observations qui ont déjà été faites à l'intérieur du service et à la sol ution desquelles les premiers responsables sont déjà à l'oeuvre.

Et ceci se fait de façon coutumière, si bien qu'à la limite on pourrait prétendre que, sauf un zèle particulier des vérificateurs, les services où sont soulevés les pourcentages d'erreurs les plus considérables sont parfois ceux où les systèmes de vérification interne sont les plus vigilants.

Il est évident que, lorsqu'on a $8 milliards de crédits non seulement à approuver, mais, éventuel-

lement, à vérifier, le vérificateur général ne peut pas évaluer à nouveau toutes les transactions et tous les gestes qui sont posés; il doit largement se fier au travail de vérification interne. Tout ceci pour dire — je pense que c'est très vrai — que lorsqu'on trouve un pourcentage élevé d'erreurs dans un service, cela démontre, je pense, la vigilance des services internes de vérification.

Je ne voudrais pas en faire une déclaration générale, il y a des exceptions, mais je pense que, dans ce cas-ci, comme on va vous l'expliquer, c'est une description exacte de la réalité.

Quand je me suis vu confier, par le prédécesseur du ministre actuel, la responsabilité, en 1972, j'ai, avec l'équipe qui m'aidait, pressenti ce besoin d'assainissement administratif. La période couverte par le rapport du vérificateur général, vous l'aurez noté sans doute, est celle de 1973/74 qui est précisément celle pendant laquelle nous avons progressivement implanté notre nouveau système administratif d'aide sociale.

Auparavant — il suffit de lire les règlements de 1972 pour s'en rendre compte — les calculs de l'aide se faisaient sur des critères extrêmement détaillés, qui tenaient compte des besoins personnels, des zones de logement, d'une multiplicité de besoins spéciaux, qui étaient une première source d'erreur. Un deuxième élément était que tout devait se faire manuellement, qu'on parle d'indexation de pension de vieillesse, d'un enfant qui changeait d'âge, qu'on parle de changement de taux de petite ou de grande importance, qu'on parle de changement de calcul d'indexation, tout devenait routine, de sorte que des millions de transactions, au fond, devait se faire manuellement.

Le troisième facteur est que le système d'acheminement des dossiers était d'une lenteur telle, environ un mois, que chaque mois il fallait retenir environ 25,000 ou 30,000 chèques et les traiter de façon très rapide, ne serait-ce que pour rencontrer les délais observés. La quatrième remarque est qu'on arrivait dans une période qui était consécutive à la mise en oeuvre en 1970 et 1971 du système d'aide sociale, avec de nouveaux employés qui commençaient à peine, au moment où l'année 1973 s'engageait, à connaître et à roder leur tâche d'une façon où ils s'y sentaient confortables. L'impact de tous ces facteurs, cumulativement, a fait que, dans un grand nombre de cas, il y a eu des ajustements de taux.

Il ne faudrait pas en déduire pour autant qu'en termes financiers, ces ajustements aient eu la même conséquence. Il y a eu un assez fort pourcentage d'augmentation, un pourcentage encore plus fort, évidemment, de diminution. Et, comme le ministre le soulignait — d'ailleurs je pense que le rapport du vérificateur le mentionne — la très grande majorité de ces remarques font suite au travail des équipes de vérification volantes qui ont visité les 150 bureaux et qui ont multiplié, à raison de deux visites par 18 mois, le sommaire des constatations faites par le vérificateur général.

Le nouveau système d'informatique qu'on a décrié, évidemment — je ne pense pas tant en soi que pour montrer à quel point un régime d'aide sociale se doit d'être souple, et je suis d'accord — a permis quand même de libérer l'agent d'une corvée vraiment remarquable de travail manuel qu'on peut concevoir. Dans ce sens, je pense qu'on peut dire qu'il a été un succès. Il n'a pas à répondre à des politiques, ce n'est pas son rôle. Mais dans la mesure où il a absorbé du travail de bureau, il l'a fait. Une dernière remarque que je voudrais faire, c'est de dire que les propos du député de Rouyn-Noranda, M. le Président, rejoignent quand même un peu ceux du député de Vanier qui parlait du personnel. C'est que le fait d'avoir permis, par un système, d'assumer certaines tâches de bureau a quand même créé, dans une certaine mesure, chez le personnel, un degré d'inquiétude quant à ces fonctions nouvelles. Nous avons voulu — j'ai un document ici qui pourrait être distribué, c'est un projet de travail — orienter l'aide sociale davantage, avec le temps acquis, vers un meilleur contact avec la clientèle, mais aussi vers un dialogue intelligent avec les préoccupations de ceux qui vont les trouver. Curieusement, l'humanisation de l'aide sociale passe par deux pôles opposés. C'est qu'au niveau de l'aide elle-même, je pense qu'il faut ne pas établir un droit entre l'aide et la personne qui la donne, mais un rapport entre le bénéficiaire et son droit. Ce droit doit être constaté de façon précise et il doit le faire valoir. Ce droit ne doit pas être subordonné à des transactions de nature humaine. Mais au plan de l'accueil, au plan du climat, je pense que le bénéficiaire s'attend aussi à ce qu'on l'accueille dans un climat qui non seulement soit un climat de chaleur, mais de compréhension de son environnement économique normal, de ses problèmes normaux et coutumiers.

Le député de Saint-Jacques soulignait le besoin de médicaments et il avait parfaitement raison de dire à quel point des choses qui, pour nous, semblent simples et courantes, deviennent pour eux des poids lourds à porter. Nos agents d'aide sociale, qui, en 1973 ou 1974, avaient 37 ans en moyenne n'avaient qu'une onzième année avec quelques années d'expérience et gagnaient $6,000 par année avec une moyenne de moins de $8,000 par année, se sentent évidemment, devant ce nouveau rôle, inquiets quant à leur capacité et quant à notre capacité de les former en temps utile pour qu'ils continuent à donner le service qu'ils veulent donner. Dans ce sens, il existe des préoccupations du personnel qu'il faut comprendre et qui expliquent certaines attitudes vis-à-vis du nouveau système administratif qui n'en conserve pas moins, quant à moi, la valeur qu'il avait, celle de les libérer au départ pour accomplir un nouveau pas.

M. Samson: M. le Président, j'ai entendu avec beaucoup de plaisir les paroles du sous-ministre. Sans malice, si on retrouvait, dans tous les bureaux de bien-être social, des directeurs qui ont cette mentalité, nous aurions sûrement beaucoup moins de revendications à faire devant cette commission.

L'approche humaine, dont le sous-ministre vient de faire preuve, est une approche des plus importantes. Il dit, avec raison, je crois, que même en étant subordonné à des règlements, il y a une loi

qui plafonne quand même des taux. Lorsque c'est bien expliqué, quand le client est bien accueilli, qu'il sent cette chaleur humaine qui est souhaitable, il arrive parfois que cela règle passablement de problèmes, seulement par ce genre d'accueil.

Alors, si c'est là l'approche du sous-ministre, quant à cette partie du problème — parce que je garde des réserves pour les tarifs — je me permets de le féliciter et de féliciter également celui qui a eu la main heureuse de le nommer à ce poste et l'autre qui a eu la main heureuse en le gardant. Il ne faut pas que j'en oublie.

M. Forget: Vous pouvez me féliciter parce que je n'ai pas l'intention de le congédier non plus.

M. Charron: Bon. Vous voyez, M. le Président, je pense que mon approche est tellement positive que je pourrais demander le consentement unanime et l'obtenir.

Mais il reste que M. le sous-ministre n'a pas répondu totalement à la question principale que je posais en ce sens que j'aimerais qu'il détaille davantage puisqu'il a parlé d'erreurs. J'ai bien compris qu'il y avait changement de système administratif qui peut avoir occasionné ces erreurs. Mais quel est le genre d'erreurs qui a été retrouvé le plus souvent, ou par le vérificateur général, ou par vos services? De toute façon, ce n'est pas à moi de juger qui a trouvé les erreurs. Mais quel est le genre d'erreur que vous retrouvez le plus souvent et qui a souffert de ces erreurs?

M. Forget: Je vais devoir parler de mémoire, M. le Président, parce que j'avais un gros cahier vert cet après-midi qui m'a échappé ce soir. Mais le genre d'erreurs le plus fréquemment retrouvé est un peu une forme de rattrapage et c'est le rattrapage consécutif au fait que des gens retournent sur le marché du travail, acquièrent des revenus et ne nous préviennent pas aussi rapidement que certains penseraient qu'ils devraient le faire, par exemple, lorsqu'ils le font.

Je ne voudrais pas que cette attitude soit mésinterprétée, d'autre part, car le préjudice dont souffre l'aide sociale souvent dans notre société, fait que ceux, qui nous quittent, le font avec une certaine satisfaction en se disant: Enfin, j'ai retrouvé l'air pur, j'ai retrouvé mon autonomie. Ils ne le font pas dans le désir de frauder le moindrement le gouvernement mais dans le désir de retrouver leurs propres ailes. C'est après deux ou trois mois, disons, quand ils ne nous ont pas transmis leurs déclarations, qu'une vérification fait qu'on s'aperçoit qu'ils ont recommencé à travailler.

Dans cette optique, je pense qu'il faut porter un jugement nuancé et n'en pas tirer de conclusion générale. D'autre part, le fait qu'ils ont une certaine incitation ainsi à retourner au marché du travail, sans qu'une rigueur administrative trop grande vienne les freiner, n'est quand même pas si néfaste non plus. Cette erreur est de celles qui ont pour effet de garder les taux, disons, de jouer à l'encontre des coûts du régime.

Il en existe évidemment qui jouent à rencontre ou qui ont joué, à l'époque, à l'encontre des bénéficiaires. C'était particulièrement, à l'époque, dans les calculs de zones de logement, les calculs de taux quant aux nécessités personnelles et domestiques, certains oublis quant aux personnes qui pouvaient être à charge, les fameux calculs qui faisaient en sorte qu'on comptabilisait le revenu d'enfants en pension chez leurs parents — oui — et d'autres taux d'usage.

M. Charron: En fait, ces erreurs que signalait le vérificateur général, qui a amené la question du député de Rouyn-Noranda, sont des erreurs qui sont à sens unique, c'est-à-dire qui sont désavantageuses pour l'Etat. C'est l'Etat qui perd des sommes, qui donne des sommes qu'il ne devrait pas donner, etc., mais il y a aussi des erreurs dans l'autre sens...

M. Forget: C'est ce que je dis, oui...

M. Charron:... des erreurs qui privent les bénéficiaires d'un revenu auquel Ils avaient droit.

Vous avez entendu parler de cette enquête, par une sociologue de l'université McGill, maintenant, auprès des assistés sociaux de Montréal, qu'elle a interviewés en long et en large. Mais surtout, indépendamment de cette enquête, vous avez entendu parler également du travail, que je trouve personnellement excellent, de l'Association de défense des droits sociaux du Montréal métropolitain, avec leurs différents services, à Québec également maintenant et un peu partout, qui, eux, s'occupent de prévenir les bénéficiaires des erreurs ou des injustices — il faut le dire — qui se sont commises à leur endroit, autrement dit, dans une loi aussi sèche et aussi aride, permettre que ce qui est permis à un assisté social de recevoir lui soit remis intégralement. Au fond, ils font exactement ce que, j'imagine, n'importe quel membre de cette commission fait lorsque quelqu'un vient à notre bureau: le rassurer et lui dire: Ecoute, je ne t'obtiendrai certainement pas plus que la loi te permet d'avoir, mais je m'engage à vérifier si le montant que tu reçois à chaque mois est celui auquel tu as droit. Si tu y as droit et que tu ne l'as pas eu, je m'engage à communiquer — dans mon cas, j'ai quatre bureaux différents qui fonctionnent dans le secteur — et à signaler ton cas, demander une réouverture du dossier en disant: Je crois avoir l'indice que cette personne ne reçoit pas ce qu'elle devrait recevoir, en aucun cas militer ou travailler pour lui permettre d'obtenir ce qu'elle n'a pas le droit de recevoir.

Mme Heppner, dans l'enquête que je vous donnais, qu'elle a conduite auprès de 280 assistés sociaux de Montréal, arrivait à la statistique, après sa connaissance très profonde des règlements de loi, que 23% des personnes qu'elle avait rencontrées, en fait, si on avait repris leur dossier, auraient eu droit à plus.

C'est ce genre d'erreur également, parce que je greffais ma question à celle du député de Rouyn-Noranda, qui doit sans doute préoccuper le ministère.

M. Forget: Oui. En fait, cette question est très pertinente, M. le Président. Ce qu'on oublie souvent, dans nos procédés de vérification, c'est qu'on imagine qu'on doit en tirer des conclusions purement en termes de contrôle, mais le contrôle ou le bon contrôle joue dans les deux sens. Le but d'un contrôle n'est pas d'économiser de l'argent en soi mais de faire en sorte que les gens reçoivent ce à quoi ils ont droit. Le chiffre des augmentations est tout aussi significatif, comme mesure de l'efficacité du système, que le chiffre des annulations. Même si, par la force des choses, l'un peut avoir une préséance sur l'autre en termes de pourcentage, il reste que l'évolution relative de l'un par rapport à l'autre est tout aussi importante.

Nous avons fait récemment une opération de vérification et, personnellement, je me suis pratiquement plus intéressé au fait que notre pourcentage d'augmentation nécessaire avait été réduit qu'à l'autre facteur, parce que c'est une mesure du degré dans lequel le bénéficiaire reçoit satisfaction. Je partage là-dessus l'avis du député de Saint-Jacques.

Quant aux mouvements de citoyens, je pense qu'on peut dire que leur évolution depuis six à douze mois est extrêmement encourageante. D'un côté, nous les avons toujours acceptés. Par exemple, quand nous avons fait, en février, une opération de vérification sélective, ils ont profité de l'occasion pour distribuer des messages qui concernaient la taxe d'eau. Même si nous n'étions d'aucune façon d'accord sur ces messages, d'aucune façon non plus nous n'aurions voulu les empêcher de le faire.

Il y a maintenant Québec aussi où on sent, aans le mémoire de l'association des bénéficiaires, des préoccupations qui deviennent plus fondamentales que, par exemple, la simple recherche de bénéfices immédiats. Quand on voit un mémoire qui, par exemple, souligne le problème de l'aptitude au travail dans la sécurité de revenu — ces gens-là n'ont quand même pas fait toute la démarche que nous avons amorcée au niveau des conférences fédérales-provinciales — et surtout quand on voit qu'ils n'arrivent pas avec des solutions faciles, comme c'était le cas auparavant, je pense qu'on doit se sentir encouragé de l'évolution que ces comités, semblent vouloir prendre.

Aussi les moyens qu'ils utilisent. Encore là, sur ce plan, je pense que j'approuvais les propos que le député de Saint-Jacques vient de tenir.

M. Charron: Si je vous demandais ceci par pure mémoire, sans y attacher plus d'importance qu'il ne faut: Les erreurs qui se commettent au désavantage du bénéficiaire sont habituellement à quel endroit et de quel ordre? C'est quoi, habituellement, le correctif qu'à un moment ou à un autre vous vous sentez obligé de rajouter parce que vous découvrez que le bénéficiaire avait droit à plus, en fait?

M. Forget: En raison du jeu de l'ordinateur, je pense que c'est au niveau maintenant que l'appréciation des besoins spéciaux surtout que les erreurs se commettent le plus. Comme vous le savez — on peut différer d'opinion là-dessus — on a envers les besoins spéciaux une politique qui, tout en voulant conserver absolument ceux qui sont nécessaires, comme l'assurance-incendie, par exemple, et d'autres du même genre, une politique qui veut leur attacher moins d'importance relative par rapport à l'ensemble d'un revenu dont le bénéficiaire dispose à sa guise.

En passant ce message, avec le temps, avec les années, je pense qu'on a peut-être développé chez certains de nos agents des politiques ou des attitudes qui peuvent être trop restrictives et qu'il faut tendre à corriger aussi, parce qu'encore une fois il y a des besoins spéciaux nécessaires.

Au niveau des revenus de travail, il y a aussi, par rapport à certaines attitudes que le réseau a toujours eues vis-à-vis de la valeur traditionnelle du travail, un peu le travail en soi, des attitudes qui font qu'à certains moments, je pense, des pressions trop fortes par rapport à ce que le législateur a exprimé jusqu'ici se font qui nécessitent aussi certains types de corrections.

Il y a, enfin, des erreurs dans les procédures ou les procédés administratifs. Justement, lors de la révision des règlements, je pense qu'on devrait en profiter, si c'est possible, pour introduire des principes qui diraient, par exemple, que, s'il y a vice involontaire de forme qui ne change rien quant au droit à l'aide, on ne devrait tout simplement pas en tenir compte, etc.

Là, il y a une question d'attitude et de mentalité sur ce troisième plan. Mais je dirais que ce sont les trois dimensions particulières, et certaines nous sont en quelque sorte imputables de bonne foi.

M. Samson: Dans la réponse qu'a donnée le sous-ministre tantôt, il a mentionné, parmi les erreurs administratives, des erreurs favorables à certains assistés sociaux, dans le sens que quelqu'un qui a oublié de mentionner son retour au travail pour un mois ou deux s'est vu accorder des prestations sociales...

M. Forget: Comme moi, j'oublie de payer mes comptes.

M. Samson: J'espère que vous n'oubliez pas ça de façon généralisée au ministère, parce qu'on aurait des assistés sociaux sur la brèche. Il arrive que je trouve extrêmement intéressante cette partie de la discussion...

Le Président (M. Kennedy): ...

M. Samson: Ne commencez pas, M. le Président. Le sous-ministre, dans sa réponse, a eu une souplesse qui, je pense, l'honorable. Il a dit un mois ou deux payés en trop, ç'a permis à quelqu'un de réintégrer le marché du travail d'une façon plus normale et plus facile.

Je pense que ça doit être retenu, ce genre d'attitude. Pourquoi je veux le souligner? Quand je regarde l'annexe B qui sont les revenus de travail compris dans le calcul de l'aide pour les assistés sociaux qui retournent au travail, vous avez l'échelle qui permet de réduire progressivement l'aide so-

ciale pour celui qui retourne au travail, tout en lui permettant de retirer certaines sommes pour le premier, le deuxième et le troisième mois.

A partir du quatrième mois, en regardant ces barèmes, je suis resté un peu surpris. Je voudrais très objectivement attirer l'attention des autorités sur un calcul que j'ai fait en partant des barèmes, mais en me basant sur le taux de prestations pour une famille de trois enfants, donc deux adultes et trois enfants, qui est de $362 comme on le sait.

Un type qui retourne au travail et qui gagnerait l'équivalent de sa prestation en salaire — est-ce théoriquement possible — $362 par mois, se verrait réduire de $338, au quatrième mois, la prestation, ce qui veut dire que ça lui laisserait une somme de $24 pour le quatrième mois.

Je retrouve le même type qui, hypothétique-ment, au lieu de travailler à plein temps et gagnait $362 dans son mois, décidait de travailler seulement un jour ou deux et de gagner $40, $39.99 pour être en bas du barème, à ce moment-là, on va lui enlever seulement $13, ce qui fait que la différence devient de $26.99 au lieu de $24. Alors, si on travaille un jour par mois, pour gagner seulement $39.99, ou deux jours, on est gagnant de $2.99. C'est là la différence entre avoir travaillé un jour et avoir travaillé tout le mois. Alors je pense que ce n'est pas tellement susceptible d'inciter les gens à retourner au travail. Je le dis en toute objectivité, je ne veux pas faire un débat là-dessus pour accuser qui que ce soit, mais je pense que l'approche du sous-ministre m'a ouvert une porte, si vous voulez, en quelque sorte pour souligner ce problème.

Puisqu'on nous a mentionné l'idée que ce n'était peut-être pas si mauvais que ces quelques erreurs se soient produites, est-ce qu'à ce moment-ci il n'y aurait pas lieu de demander au ministre de prendre en considération cette situation? Le vérificateur général, en ayant pris à son compte certaines choses qui ne !e sont peut-être pas, nous aurait peut-être rendu le service suivant, soit de voir toute la dimension du problème et la possibilité d'une meilleure solution.

C'est peut-être très positif finalement ce que le vérificateur général nous a publié, parce que ce n'est pas moi qui l'ai trouvé, je ne sais pas qui l'a trouvé, mais en tout cas cela a été publié. En partant de là, cela permet à quelqu'un de dire que cela n'a peut-être pas été si mauvais ce genre d'erreur.

Je suis d'accord que cela n'a peut-être pas été si mauvais. C'est peut-être une malchance administrative, si vous voulez, mais si cela a permis de voirque cela a donné des bons résultats quant à l'approche humaine. Je pense qu'on devrait peut-être le considérer davantage pour une révision de cette annexe B que je trouve, en passant — je ne dirai pas le mot, M. le Président, cela m'obligerait à dire des choses que j'aimerais mieux ne pas dire ce soir. Je suis dans des bonnes dispositions comme vous voyez.

Mais, il demeure que moi je suis de ceux qui pensent qu'on doit inciter les assistés sociaux à retourner au travail, quand ils sont aptes au travail. On doit les inciter. Evidemment, on me dira qu'il y a des dangers si on leur laisse deux mois de pleine prestation à leur retour au travail. Il y a des dangers qu'ils retournent au travail deux mois puis qu'ils reviennent sur le bien-être social après. Cela je le comprends.

Egalement, dans tout le mécanisme que vous administrez, il y a que vous avez, à l'occasion de trop-perçus, des possibilités de récupérer. Alors, si on regardait par exemple l'approche suivante; c'est que on pourrait laisser un mois ou deux en pleines prestations ou en prestations assez intéressantes, pour donner un coup de main à celui qui veut retourner au travail, pour se refaire, si vous le voulez, une situation. Ce sont toujours les premières semaines, les premiers mois de travail qui coûtent plus cher, parce qu'il faut acheter du linge pour aller travailler.

Il faut se procurer un moyen de transport, pour travailler. Cela coûte cher, trouver un "job", vous savez. Cela coûte cher, travailler. Les premiers mois sont les plus difficiles pour ces gens-là. Si le type n'est pas revenu à l'aide sociale dans les six mois ou un an, si vous voulez, à ce moment-là, il aurait bénéficié de quelque chose qui lui aurait permis de retourner au travail. S'il vous revient au bout de deux ou trois mois, je ne parle pas de la même façon. Je ne voudrais pas être l'instrument qui permet à des gens de frauder le système, au contraire.

Je vous le laisse comme cela, M. le ministre, pour une considération, je pense, qui est valable. Je sais que, l'an dernier, à l'occasion de l'étude des crédits, nous avions fait certaines suggestions comme cela qui ont trouvé preneur au cours de l'année. On doit remercier le ministre de les avoir prises en considération, notamment, dans le domaine de l'aide aux médecins qui doivent s'éloigner, etc. Nous en avions parlé l'année dernière, et durant le cours de l'année il y a eu des dispositions de prises là-dessus. Je le soumets pour haute considération. Il me semble, en tout cas par la physionomie des gens que je vois devant moi, que cela paraît mieux accueilli que certaines autres suggestions que j'ai faites depuis le début.

M. Forget: J'aurais mauvaise grâce de ne pas en convenir.

M. Charron: M. le Président...

M. Samson: Je m'excuse, est-ce que je peux couper le député? Pas couper le député mais couper la parole au député.

M. Charron: C'est déjà fait.

M. Samson: J'ai demandé au ministre son opinion sur ce sujet précis.

M. Forget: Oui. Assez brièvement, c'est une préoccupation qui est venue à notre esprit, durant le cours de l'année, que ces dispositions transitoires. Mais, comme on vient de le dire, on débouche rapidement de ces considérations transitoires, qui sont valables, vers des considérations plus larges puisque pour assurer la transition, ce que l'on permet effectivement c'est le cumul de la prestation et du revenu d'emploi à des degrés divers.

Il est clair qu'au titre de l'incitation émane une

certaine justice sociale. C'est un cumuli que l'on peut souhaiter, mais il n'y a véritablement pas de raison de s'arrêter en si bonne voie . C'est ce qui nous fait déboucher presque automatiquement sur l'idée d'un revenu minimum garanti avec un taux de récupération ou de réduction des prestations sociales inférieur à 100% puisque plus on assouplit, plus on rend généreuses les dispositions transitoires, plus on se pose la question: Si les travailleurs à faible revenu en bénéficient, parce qu'ils étaient, avant, des assistés sociaux, pourquoi les autres travailleurs, à faible revenu, n'en bénéficieraient-ils pas aussi? Je comprends, bien sûr, les arguments d'incitation, les arguments, aussi, des frais spéciaux qui ne sont pas nécessairement des frais qui se perpétuent, qui accompagnent le retour au travail.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, dans le cadre de la révision des règlements dont j'ai parlé déjà, c'est sans aucun doute un sujet sur lequel nous allons nous pencher à nouveau. Encore une fois, c'est un si bon principe qu'on voudrait en voir l'application beaucoup plus grande que simplement dans le contexte de mesures de transition. Evidemment, là, on parle d'une autre partie de hockey, c'est un autre champ d'action complètement.

Mais je terminerais cette brève réponse en disant, dans l'esprit de ce que vient de dire le député de Rouyn-Noranda, que j'ai toujours évidemment un motif secret en me présentant en commission parlementaire pour l'étude des crédits, ce n'est pas de faire approuver les crédits tant que de voir de nombreuses suggestions que je m'empresse de transformer en réalités au cours de l'année.

M. Samson: Cela va aller mieux pour le reste des crédits.

M. Charron: L'invitation est trop belle, M. le Président.

M. Samson: II doit y avoir quelque chose.

M. Charron: En faisant une suggestion, j'aimerais vous poser une question également. Le député vient de nous amener dans la jungle du règlement qui accompagne la Loi de l'aide sociale; aussi bien y rester, si vous me le permettez, M. le Président.

L'article 3.05 de ce règlement fait que la prestation de certaines catégories de bénéficiaires n'est pas indexée. Les personnes seules, aptes au travail, qui ont moins de 30 ans, qui vivent chez un parent ou un enfant, sont limitées à $85 par mois, sans indexation au 1er janvier de chaque année. Je devine à l'avance une partie de l'explication, mais je la devine insuffisante; donc, j'aime mieu l'attendre. Mais ce qui me paraît plus sérieux, M. le Président, encore, et plus difficilement défendable, c'est qu'on n'ait pas indexé également comme exception les prestations des personnes qui séjournent comme patients dans un centre hospitalier, depuis plus d'un an, qui qui sont souvent des malades chroniques qui savent à l'avance qu'ils passeront une partie de leur vie, parfois leur vie en entier, dans cet hôpital. Ils recevaient, il y a encore deux ans, $85 par mois pour assurer, cigarettes, loisirs, etc., qu'ils peuvent se permettre. Quand on pense que c'est tout ce qu'ils peuvent se permettre, ils sont déjà durement frappés, Eh bien, eux n'ont pas bénéficié de l'indexation qui est arrivée en 1974, qui a été répétée en janvier 1975.

Je demande au ministre, en vertu de l'article 3.07, pourquoi ces deux catégories de bénéficiaires ont échappé à l'indexation.

M. Forget: M. le Président, quant à ces prestations, il y a plusieurs choses que l'on peut dire. Pour ce qui est des personnes seules, en bas de 30 ans, dont la prestation est fixée de façon absolue à $85 sans indexation nous sommes là en présence d'un phénomène sociologique, si vous voulez, avec lequel tous les régimes d'aide sociale des autres provinces se sont colletés, si vous voulez, puisque les réponses ne semblent pas évidentes.

Plutôt que d'offrir notre rationalisation à nous pour cette pratique, j'aimerais peut-être vous inviter à comparer notre pratique, que vous venez de décrire, à celle qui est monnaie courante, c'est le cas de le dire, en Colombie-Britannique. On fait souvent une réputation de très grande libéralité pour les mesures sociales à la Colombie-Britannique.

Ce problème du "dropping out" ou d'une jeunesse puisqu'il s'agit de jeunes dans le fond qui sont des individus isolés, sans responsabilités, et qui, qu'il s'agisse soit de l'assurance-chômage, soit d'autres mesures sociales, vivent un peu, pendant quelques années, c'est ordinairement temporaire, en marge de la société, est un problème avec lequel toutes les sociétés ont à se mesurer.

En Colombie-Britannique, l'attitude est beaucoup plus sévère que celle que nous adoptons. On prévoit une allocation sociale de $25 par mois pour ces jeunes, contrairement à $85 dans notre cas, et on prévoit qu'ils se logeront dans des hôtelleries de jeunes, dans des auberges de jeunesse. Donc, on ne prévoit aucune somme pour le logement et on leur donne $25 pour leurs menues dépenses en quelque sorte.

M. Charron: Menues, c'est le cas de le dire. M. Forget: C'est le cas de le dire, oui.

M. Samson: M. le Président, est-ce que le ministre me permettrait de dire qu'en Colombie-Britannique, l'an dernier, quand nous y sommes allés en délégation parlementaire, on a vu quelques-unes de ces personnes installées sur le terrain en face du parlement dans des tentes de toile?

Alors, ce n'est peut-être pas la meilleure référence que l'on a, le système de la Colombie-Britannique.

M. Forget: Je ne cite pas cela en exemple, mais au moins comme illustration du problème qui est un problème différent pour cette clientèle de ce qu'il peut être pour le reste de la clientèle. Evidemment, c'est assez arbitraire, la distinction qu'on peut faire, mais il faut bien en faire une qui ne soit quand même pas trop livrée à l'arbitraire des jugements personnels, à savoir l'apparence physique des individus ou

des choses dans ce genre. Donc, ce sont des règles qui sont établies et qui visent tout le monde dans une certaine catégorie. Mais il reste que ce sont ordinairement des gens qui ont le choix de faire autre chose et d'avoir un revenu, et qui optent pour un certain style de vie dont, d'ailleurs, la popularité a été développée pour toutes sortes de raisons et en vertu d'une certaine philosophie de la vie.

C'est véritablement un problème différent de celui des familles, de celui des gens avec des responsabilités familiales. C'est essentiellement la raison pour cette attitude, apparemment sévère, que nous adoptons.

M. Charron: M. le Président, je ne conteste pas le phénomène sociologique que le ministre vient de décrire, ce phénomène, effectivement, ce choix que certains jeunes Québécois, comme certains jeunes Canadiens, peuvent décider, à un moment donné de faire. Il est exact que plusieurs de nos jeunes concitoyens, déçus du système scolaire ou encore inintéressés à embarquer dans un marché du travail pour 40 ou 45 ans en ligne, décident de profiter de ce qu'on appelle la période verte pour jouir de la vie à leur façon.

Je ne crois pas que ce soit quand même la majorité des bénéficiaires de la Loi de l'aide sociale qui bénéficient de l'article 3.05, paragraphe b), c'est-à-dire de $85 par mois. Parce qu'il y a une autre chose. Je ne dis pas que le ministre veut la faire oublier à la commission mais il aurait avantage à la rajouter dans son explication.

C'est que, pour ces jeunes, c'est la catégorie pour laquelle c'est le plus dur, trouver du travail. Les jeunes choisissent de ne pas travailler pendant un certain temps mais même ceux qui veulent ne le peuvent pas. La statistique de chômage effarente, qui affecte le Québec actuellement, compte toujours, dans sa liste de chômeurs, de 40% à 50% de jeunes de moins de 30 ans, parfois même de moins de 25 ans.

Ces jeunes vont, par exemple, ne pouvoir se trouverque des emplois occasionnels, donc ne pas contribuer suffisamment longtemps au fonds d'assurance-chômage pour pouvoir en bénéficier pendant un certain temps. Moi, je peux vous dire que je connais des jeunes des deux groupes. Je connais des jeunes qui ont choisi délibérément de ne participer à rien — c'est le cas de le dire — "dropping out" est vraiment la meilleure expression, mais j'en connais aussi qui vont travailler, comme on dit— ce sont des expressions de chez nous, M. le Président — sur le "shipping" ou le "receiving" dans une compagnie, très occasionnels, pendant quelque temps ou même employés occasionnels du gouvernement. Dieu sait que la plupart des jeunes à l'emploi du gouvernement, que ce soit aux ministères des Travaux publics, des Transports, des Affaires culturelles ou quoi que ce soit, sont rarement intégrés à la fonction publique, ne sont engagés que comme occasionnels . A un moment donné, on leur dit qu'on n'a plus besoin d'eux et c'est extrêmement difficile pour eux de trouver un travail, même s'ils le veulent.

Une bonne partie des chômeurs québécois, sont des jeunes. A un moment donné, le fonds d'assurance-chômage ne les couvre plus et ce sont, inévitablement, s'ils ne veulent pas crever de faim, des candidats à l'aide sociale. A ce moment-là, c'est beaucoup plus difficile parce que l'aide qui provient du fonds d'assurance-chômage est hebdomadaire. Elle est peut-être réduite mais je suis certain que le total mensuel est plus élevée que les $85. Il se retrouve dans cette situation. Habituellement, il ne reste pas longtemps non plus parce qu'il n'y a personne qui vivrait longtemps à $85 par mois. Mais il ne suffit pas, je crois, de présenter cela comme un phénomène sociologique qui a accompagné cette contestation de la fin des années soixante mais c'est aussi un trait économ iq ue de notre société, qui a d u mal à employer ses jeunes citoyens, à leur assurer une permanence dans le travail.

M. Forget: Je ne veux pas développer plus longtemps ce thème. Je pense qu'il y a place à des différences d'opinion quant à l'importance réelle du phénomène. Je pense, malgré tout, qu'il suffit largement à expliquer l'ensemble de la mesure même si, bien entendu, il ne s'applique pas à tous les individus dans cette catégorie. Il reste que, sur le plan de l'emploi, on pourrait discuter longuement des emplois qui, évidemment, moyennant l'acceptation d'un certain style de vie, sont disponibles et ne trouvent pas preneurs et pour lesquels des jeunes sans attache familiale sont particulièrement bien adaptés.

Mais, de toute manière, je pense que cela nous entraînerait sur un terrain qui est peut-être assez loin des préoccupations strictes de l'aide sociale.

M. Charron: De toute façon, ma question, M. le ministre, portait sur le refus de l'indexation de cette mesure. Quelle que soit la décision politique qui puisse expliquer de maintenir cela à un niveau assez bas, à cause de la catégorie de citoyens qu'on pense particulièrement toucher, pour garder auprès de cette catégorie une véritable incitation au travail, cela ne justifie pas un appauvrissement mesuré de mois en mois face au coût de la vie. Pourquoi ce montant, aussi minime qu'il soit, n'a pas pu bénéficier d'une indexation comme les autres?

M. Forget: Ceci résulte d'un jugement. Etant donné les circonstances auxquelles on s'est référé, il ne paraissait pas urgent d'y apporter une mesure telle que l'indexation.

J'aimerais faire un commentaire sur la deuxième partie de votre question qui touchait les allocations versées aux malades chroniques dans les centres hospitaliers. On pourrait faire un très long exposé sur les raisons pour lesquelles une majoration n'est pas encore intervenue. Malgré tout je désire donner l'assurance, comme j'ai d'ailleurs eu l'occasion de le faire tout récemment, que cette majoration, qui serait de l'ordre du double de son niveau actuel, c'est-à-dire que le niveau envisagé est de $30 par mois plutôt que de $15, interviendra bientôt.

Pourquoi avoir différé son application? C'est justement cette partie de ma réponse qui exigerait

un très long développement. Peut-être que ça peut paraître incroyable mais cette question était impliquée dans toute une série de mesures administratives d'une très grande complexité, auxquelles le ministère travaille depuis, ma foi, deux ans deux ans et demi et peut-être trois ans, et qui implique tout le régime d'hébergement et la situation des bénéficiaires des établissements, des centres d'accueil pour adultes dans l'ensemble du Québec. La situation qui leur est faite depuis plusieurs années et l'enjeu de ces changements était très considérable pour le Québec au titre des accords de partage avec le gouvernement fédéral, et nous n'avons que tout récemment réglé l'ensemble du problème. Il reste encore quelques détails à préciser et nous pourrons bientôt appliquer ces mesures.

Cela peut sembler incroyable parce que c'est apparemment une mesure simple qui vise une clientèle limitée. Si je n'avais pas vécu moi-même les complications dont je parle, auxquelles je fais allusion tout simplement sans les décrire, je crois que je ne le croirais pas moi-même. Mais c'est un fait extrêmement compliqué et extrêmement difficile à résoudre.

Mais enfin nous avons la solution et nous allons l'appliquer d'ici quelques mois.

M. Charron: Combien de personnes sont touchées?

M. Forget: C'est environ 2,000 personnes, je crois, qui sont touchées.

M. Charron: Et vous dites que la politique nouvelle qui sera annoncée dans quelques semaines, quelques mois est globale...

M. Forget: Elle est globale dans ses implications. Mais pour ce qui est de votre question précise, l'allocation versée par l'aide sociale aux malades chroniques qui se trouvent dans un centre hospitalier, pour des soins de longue durée, sera portée de $15 à $30 à ce moment-là. En soi c'est simple, cette mesure-là est très simple et elle ne vise que 2,000 personnes environ.

Le Président (M. Kennedy): Le député de Taschereau.

M. Bonnier: II arrive quelques fois, M. le Président, qu'un bureau local doive faire une avance à un assisté social pour différentes raisons, en particulier, lorsqu'il doit recevoir de l'assurance chômage ou pour besoins particuliers, mais il doit remettre le plein montant, normalement, le mois suivant, c'est-à-dire qu'on le déduit du paiement qu'on lui fait.

Par ailleurs, on constate que le surendettement qui existe dans notre société, en bonne partie sinon en majorité, se situe soit au niveau des économiquement faibles sinon des bénéficiaires de l'aide sociale.

Est-ce que le ministère a songé à mettre sur pied lui-même ou en relation avec une institution financière un système de "pool" duquel les assistés sociaux pourraient emprunter à des taux peut-être préférentiels, mais du moins à des conditions de prêts intéressantes de façon, d'un côté, à les sortir des griffes de certains usuriers et, en second lieu, aussi, pour ne pas avoir à faire des avances? Ils iraient tout simplement emprunter à ce même fonds.

M. Forget: Je ne sais pas si j'ai bien compris la première partie de la question du député de Taschereau. On réfère aux bénéficiaires en attente d'assurance-chômage dont on déduirait ensuite le montant dû des prêts?

M. Bonnier: II y a ces gens et ceux qui, parfois, attendent une pension.

M. Forget: II est arrivé dans certains cas que nous ayons un problème parce que des déductions faites par l'autre régime qui payait, que ce soit l'assurance-chômage ou les allocations familiales, faisaient qu'en tenant compte d'un montant qu'il n'avait pas reçu leur aide sociale s'en trouvait effectivement réduite.

Mais, de façon générale, nous ne déduisons pas pour quelque motif que ce soit de la prestation d'aide sociale des sommes pendant que le bénéficiaire reçoit de l'aide sociale. La raison étant bien simple, c'est que si....

M. Bonnier: Oui, mais vous faites des avances, dans certains cas.

M. Forget: Oui.

M. Bonnier: Et ce sont ces avances que vous soustrayez dès le mois suivant. Vous ne les répartissez pas sur x mois, du moins d'après les expériences que j'ai eues et j'ai eu à discuter...

M. Forget: J'aimerais que le député de Taschereau me donne des cas précis parce que telle n'est pas notre politique, aussi longtemps que le bénéficiaire doit demeurer bénéficiaire.

Comme je le disais tout à l'heure, au plan des revenus comme au plan de certains besoins spéciaux, il y a eu dans le réseau et il demeure certaines attitudes qui font que parfois cet esprit n'est pas totalement compris. Mais dans la mesure où le bénéficiaire doit dépendre, pour lui et les siens, de l'aide sociale et qu'il n'y a pas de mauvaise foi ou de fraude impliquées, ce qui est extrêmement rare, dans cette même mesure, s'il s'agit d'un minimum, il ne serait pas souhaitable que soit déduit de la prestation d'aide sociale pendant qu'il est bénéficiaire un montant de la nature de celui dont le député parle.

J'aimerais, si nous pouvions avoir l'occasion de nous entretenir sur quelques-unes des expériences que vous avez vécues, tirer la situation au clair.

M. Bonnier: J'en ai eu plusieurs. Cela doit se trouver ailleurs aussi.

M. Samson: Est-ce que le député me permettrait une question? Je ne suis pas tellement certain,

non plus, de saisir la portée de la question. Je me demande si le député de Taschereau ne fait pas référence à cette possibilité d'avance d'un montant d'argent pris sur les allocations familiales, tel qu'en faisait foi un amendement à une loi, dont je ne me rappelle pas le numéro, qui a été adoptée en novembre ou décembre dernier. En juillet? C'est déjà si loin que ça. Le temps passe vite, oui. On vieillit. Cet amendement permettait de faire une avance équivalante à deux mois d'allocations familiales et qui était remboursable. C'est peut-être à ça que fait référence le député de Taschereau.

M. Bonnier: Les cas que j'ai eus, c'est que les gens avaient à faire certains paiements à un moment donné et ils ont eu des avances de la part de leur bureau local, mais à condition de les rembourser dés le mois suivant en totalité. J'ai dû personnellement intervenir auprès de caisses populaires pour qu'on leur facilite un prêt.

M. Forget: Le seul cas où nous l'acceptons, c'est celui, par exemple, où il y a des arrérages d'électricité et où le bénéficiaire, pour se voir rétablir le service, a besoin d'une avance que nous lui faisons, dans ce cas, de façon normale. C'est, par exemple, l'entente que nous avons dans la région de Montréal. Nous tentons de déduire le montant sur une période prolongée. Encore une fois, j'apprécierais beaucoup avoir l'occasion d'étudier la question avec le député, parce qu'elle est importante.

Le Président (M. Kennedy): Le député Lotbinière.

M. Massicotte: M. le Président, j'aimerais ajouter qu'on a vécu la même chose avec des personnes qui ont atteint un certain âge et qui, ne pouvant pas travailler, ont dû vendre leur ferme. En attendant de vendre leur ferme pour avoir un certain revenu, le ministère des Affaires sociales leur a avancé une certaine somme à condition que des paiements seraient faits par après, lorsque la ferme serait vendue. Cela a été un cas vécu.

M. Forget: Cela, c'est une...

M. Samson: C'est comme la CAT.

M. Forget: Oui, cela est une situation différente. Dans la forme et la teneur actuelle des règlements, si un individu possède un actif qui le rend inadmissible à l'aide sociale, il est permis de lui avancer l'aide sociale pendant un certain nombre de mois, sous réserve qu'il doit vendre son actif, et lorsqu'il en a disposé et qu'il a un montant qui ne vient pas de l'aide sociale, il rembourse, mais, si j'ai bien compris le sens de la question, c'est à même la prestation d'aide sociale.

M. Bonnier: Moi, ce qui me surprend, c'est... En tout cas, je pourrais regarder dans mes dossiers les raisons exactes. J'ai deux ou trois cas où cela m'est arrivé. Disons qu'on exigeait, je ne sais pas si c'est parce qu'on n'avait pas confiance au bénéficiaire, un montant de $50 à être déduit à même le chèque du mois suivant et je suis intervenu auprès du ministère. On m'a dit: M. Bonnier, c'est le règlement qu'on remette d'un seul coup.

Comme la personne n'était certainement pas en mesure de le faire, c'est grâce à un prêt d'une caisse populaire puis à l'intervention du député qu'elle l'a fait. Je trouvais que ce n'était pas ma "job" bien gros de faire cela.

M. Forget: Est-ce que c'est assez lointain?

M. Bonnier: Ce n'est pas tellement lointain, cela doit dater de cinq ou six mois.

M. Forget: D'accord. Encore une fois, si vous aviez quelques minutes, M. le Président...

M. Bonnier: Pour l'autre partie de ma question, relativement à l'endettement, en tout cas, en majorité parmi les assistés sociaux, en particulier chez les usuriers, est-ce que c'est une préoccupation qui est vôtre, à l'heure actuelle? Est-ce que vous avez une méthode?

M. Forget: Oui, c'est une préoccupation, M. le député — je devrais dire, M. le Président, on voit mon inexpérience parlementaire — que nous poursuivons...

M. Samson: Cela va bien. Cela va bien. C'est encourageant. Je retiens votre nom.

Une Voix: Vous en avez encore 109 à trouver.

M. Samson: Oui, il faut commencer quelque part.

M. Forget: C'est une expérience à laquelle nous tenons et il est fort juste de dire que cet élément d'une politique d'aide sociale est important, non seulement pour les situations d'urgence dont on nous a fait part, mais aussi parce qu'il est normaf, pour quelqu'un qui doit administrer un budget modique, de pouvoir au besoin capitaliser en quelque sorte sur son revenu futur dans des proportions raisonnables et dans des conditions raisonnables, pour faire face aux fluctuations de la vie normale.

C'est un des problèmes de l'aide sociale; ce qui la distingue d'un revenu qui peut même être l'équivalent sur le marché du travail, c'est que le travailleur a des moyens de s'en sortir dans le temps qu'un bénéficiaire n'a pas.

Nous avons entrepris, avec le mouvement coopératif, des démarches qui ont mené, en fait, à la rédaction d'un protocole d'entente qui achoppe présentement sur une difficulté assez fondamentale. C'est que d'un côté on voudrait, à toutes fins pratiques, que le gouvernement se porte garant totalement du montant prêté en capital et intérêt, ce qui équivaudrait, finalement, à faire les avances sous une autre forme. Ce que nous demandons au mouvement coopératif, c'est de porter une partie du risque, une partie pas très élevée mais une partie suffisante pour que quand le bénéficiaire va se pré-

senter à sa caisse populaire, la caisse étant engagée elle-même dans le processus, elle va le traiter comme un citoyen normal. Elle va lui faire subir le processus normal de crédit, le processus normal de contrôle, le processus normal de prêt et on va transiger avec lui d'une façon qui va s'assimiler à celle d'un autre sociétaire .

Jepense que ce principe d'engagement, au niveau du prêt, d'abord a un phénomène d'autocontrôle parce que, évidemment, si on garantissait simplement la totalité des avances, il faudrait immédiatement établir une série de restrictions parce que le nombre s'accumulerait très vite. Alors, il y aurait un processus d'autocontrôle du milieu en ce sens qu'avant même d'engager 20% ou 25%, les caisses poseraient les questions pertinentes et, deuxièmement, parce que le bénéficiaire aurait l'impression d'appartenir à sa caisse. Je pense que c'est un mauvais calcul parce que les bénéficiaires d'aide sociale sont généralement les meilleurs payeurs, ceux qui paient le mieux, parce qu'ils savent fort bien que s'ils ne remboursent pas à ceux qui leur ont fait confiance, je parle de l'épicier, par exemple, ils se privent, à toutes fins pratiques, de la seule source de crédit qu'il ont. Quand ils le font, parce qu'ils ne sont vraiment pas capables de s'en sortir autrement, ils tombent, comme on vient de le mentionner, dans un processus qui peut être d'usure et qui peut leur créer des ennuis.

Nous espérons que d'ici quelques mois nous pourrons mettre en oeuvre cette politique si, évidemment, au niveau des autorités supérieures du gouvernement, on pense pouvoir l'entériner.

M. Vellleux: N'y a-t-il pas une expérience qui est tentée présentement dans ce domaine-là dans le comté de Sainte-Marie? Ce n'est pas une caisse populaire mais c'est une banque, une des grosses banques dont on dit qu'elles sont toujours mauvaises et multinationales, qui joue un peu dans le milieu le rôle... C'est regrettable que le député de Sainte-Marie ne soit pas ici parce que je sais que c'est lui qui avait fait les approches. Je crois que c'est la Banque royale ou la Banque de Montréal ou quelque chose comme cela.

M. Forget: C'est parfaitement exact. Il y a une expérience que la Banque royale...

M. Vellleux: Je n'ai rien contre le mouvement coopératif mais, parfois le mouvement coopératif ne coopère pas toujours comme il pourrait coopérer. Il y aurait peut-être lieu de se tourner vers l'autre milieu bancaire et à ce moment, il pourrait y avoir une concurrence entre les deux et peut-être un meilleur taux d'intérêt.

M. Forget: J'aimerais préciser, M. le Président, là-dessus que, effectivement, même si des démarches ont été tentées auprès du mouvement coopératif, comme je pense il était naturel et normal qu'on le fasse, étant donné les objectifs du mouvement coopératif, qu'aucune collaboration à cet égard neserait refusée. J'ai eu moi-même le plaisir de visiter justement cette succursale qui est un peu spéciale, de la

Banque royale dans un quartier défavorisé. J'ai pu constater justement que l'expérience de remboursement, l'expérience des prêts consentis aux assistés sociaux, par cette succursale, c'est une expérience qui remontait à quelques mois sinon davantage à l'époque, était effectivement meilleure pour les assistés sociaux qu'elle ne l'était pour les travailleurs à faible revenu. Je dois dire que la Banque royale, en assumant cette responsabilité, n'avait demandé aucune garantie au ministère des Affaires sociales. Ce qui prouve donc que c'est possible, au moins à une certaine échelle, de le faire. Et c'est une initiative, je crois, qu'ils ont l'intention de répéter dans d'autres quartiers.

Mais c'est un service qui n'est pas offert non plus isolément, qui est offert dans ce contexte, avec un service de consultation sur le budget familial de manière que, non seulement offre-t-on un service additionnel, mais également le fait-on dans un contexte de réadaptation, en quelque sorte, ou de formation à l'administration d'un budget familial. Je pense que c'est la façon réaliste d'envisager une telle mesure. D'ailleurs c'est un développement que cette consultation sur le budget familial qui est envisagée, dans le cadre de l'aide sociale puisque, dans les programmes de formation des agents d'aide sociale, c'est une préoccupation que nous avons de les rendre capables de donner certains servicesde ce genre aux bénéficiaires de l'aide sociale.

Le Président (M. Kennedy): Le député de Nicolet-Yamaska.

M. Faucher: M. le Président, tout à l'heure, on a dit que les bureaux d'aide sociale aidaient, dépensaient de l'argent, surtout dans les cas comme l'assurance-chômage.

Parfois, en attendant l'assurance-chômage, ils vont avancer de l'argent. Ils vont avancer également de l'argent si le type attend sa rente du Québec.

Maintenant, une autre question que j'aimerais poser, ce serait sur le problème d'une caisse de dépannage. Il arrive, les fins de semaine, soit un samedi, soit un dimanche, soit un jour férié, qu'une personne soit prise et n'ait absolument rien pour se dépanner. Je ne sais pas s'il y a quelque chose qui existe.

M. Forget: Bien, il y a des règles pour l'utilisation des caisses de dépannage. Il y a aussi, certaines circonstances, par exemple, les incendies à Montréal lors de la grève des pompiers, qui ont donné lieu à l'application particulièrement vigoureuse de ces mécanismes de dépannage. Peut-être qu'on peut vous les décrire plus au long, si vous le souhaitez. Mais il y a eu, à ce moment-là, une action extrêmement rapide par les bureaux d'aide sociale pour permettre aux gens d'occuper des maisons qui remplaçaient évidemment celles qu'ils venaient de perdre, leur donner des sommes nécessaires à leur subsistance. Tout ceci s'est fait durant la fin de semaine et très rapidement, au bénéfice d'un très grand nombre de familles.

Il y a eu, sur le plan de dépannage, des développements et des améliorations durant l'année qui

s'est écoulée pour accroître le nombre de causes qui donnaient ouverture à ce genre de services.

M. Veilleux: C'est peut-être plus facile...

M. Charron: Si le député de Saint-Jacques me permet...

M. Veilleux: ... dans un milieu urbain. Pour reprendre l'idée...

M. Charron: Non, mais je voudrais simplement ajouter...

M. Veilleux:... quand même émise par le député de Nicolet-Yamaska...

M. Charron:... sur le sujet que vient de q uitter le ministre des Affaires sociales.

M. Veilleux: Oui, mais moi c'est ça aussi. Une Voix: C'est la même chose. M. Charron: Bon, vas-y donc.

M. Veilleux: Je pense, M. le Président, que j'ai autant le droit de parole que le député de Saint-Jacques.

M. Charron: Bien oui, bien oui.

M. Veilleux: Je sais que le député de Saint-Jacques a des difficultés dans le milieu qu'il représente. Le ministre a mentionné un cas précis. Lorsqu'il y a eu un incendie à Montréal, il y a plusieurs locataires... Mais ce que le député de Nicolet-Yamaska a essayé de démontrer, c'est que, dans le secteur rural, les bénéficiaires de l'aide sociale — pas nécessairement dans un édifice à plusieurs logements — qui pourraient éventuellement passer au feu vivent isolément dans de petites maisons, etc. Ce qui est arrivé à Montréal, dans le cas que vous avez mentionné, ne peut pas se produire dans notre région. On se trouve dépourvu dans le secteur rural.

Je pense que le député de Nicolet-Yamaska voulait savoir s'il y avait des possibilités, dans le secteur rural, de trouver le même genre de centre de dépannage. Vous avez mentionné que c'était dans le secteur urbain.

M. Forget: Ce n'est pas impossible, mais il faut voir aussi que les circonstances sont différentes sur le plan physique dans un milieu urbain, de ce qu'elles sont dans le milieu rural.

Le milieu rural, traditionnellement et normalement, offre aussi des ressources différentes pour permettre la transition sur la période d'une fin de semaine, par exemple. S'il y a un sinistre sur une ferme ou dans un milieu rural, les relations sociales sont beaucoup moins anonymes que dans les centres urbains et il est plus facile d'imaginer des solutions d'appoint temporaires dans ces milieux. On devrait normalement y compter, puisqu'on imagine un peu qu'en rendant accessibles, par exemple, les bureaux locaux d'aide sociale toute la fin de semai ne, on n'y verrait pas grand monde durant les fins de semaine. Ce serait un coût considérable pour le faible nombre d'occasions qu'on aurait de s'en prévaloir.

Dans les milieux ruraux, on fait l'hypothèse qui, je pense, se vérifie assez souvent — évidemment, c'est un fait sur lequel le député de Nicolet-Yamaska est peut-être plus en mesure de nous éclairer — que généralement des voisins, des parents, vont accommoder les gens qui sont, par exemple, victimes d'un sinistre.

M. Veilleux: Je pourrais peut-être donner un exemple au ministre. Cela s'est produit dans le comté voisin du mien, la semai ne passée. Une résidence est passée au feu. C'est la Sûreté du Québec qui s'est occupée du cas. Elle l'a transféré à la Sûreté municipale d'Iberville et on l'a couché en prison. C'est comme cela qu'on a réglé le problème.

Le Président (M. Kennedy): Messieurs, il est onze heures. La commission ajourne ses travaux jusqu'à nouvel ordre de la Chambre.

(Fin de la séance à 23 h 1)

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