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Commission permanente des affaires sociales
Etude des crédits du ministère des
Affaires sociales
Séance du jeudi 10 avril 1975
(Dix heures seize minutes)
M. Kennedy (président de la commission permanente des affaires
sociales): A l'ordre, messieurs!
La commission permanente des affaires sociales continue son étude
des crédits budgétaires pour l'année 1975/76.
Le ministre a suggéré que l'on passe immédiatement
au programme 3, quitte à revenir plus tard au programme 2, parce que
certains fonctionnaires, qui doivent s'absenter cet après-midi, sont
présents actuellement et pourraient contribuer probablement à la
discussion. Alors, tout le monde est d'accord?
M. Samson: Je désirerais soulever un point de
règlement avant de commencer les travaux de la commission, ce matin. A
la fin des travaux de la commission, hier, alors que le député de
Saint-Jacques avait la parole, il semble que le journaliste du journal Le Jour,
M. Jacques Keable, n'avait pas toutes ses facultés.
Dans le journal de ce matin, on mentionne une partie de l'intervention
du député de Saint-Jacques et, à la fin de l'intervention,
on souligne que ce débat, qui a duré une trentaine de minutes et
qui n'est pas terminé, a fait beaucoup bâiller le
député de Rouyn-Noranda.
Je voudrais quand même rétablir les faits. Je n'ai pas,
durant ce débat, bâillé et, même si je n'avais pas
été d'accord sur ce qu'a dit le député de
Saint-Jacques, même si cela avait été ennuyant, comme
semblait le penser Jacques Keable, j'ai beaucoup plus de résistance que
le journaliste le pense et je n'aurais pas bâillé malgré
tout.
Je voudrais que ce soit bien clair et que le journaliste Jacques Keable
prenne en considération l'avis que j'émets, car je n'admettrai
pas que lui ou tout autre membre de la presse interprète faussement des
choses qui se passent à cette commission. Je n'ai pas l'habitude de
soulever des questions de privilège contre les journalistes, mais si
Jacques Keable continue de cette façon il vient d'arriver chez
nous, là; il représente le journal Le Jour je l'avertis
bien amicalement, par le truchement de la commission parlementaire, que je
verrai à faire une motion à l'Assemblée nationale et
à le traduire devant la commission de l'Assemblée nationale.
Je ne perdrai pas de temps avec des gars comme lui.
Tout ce que je lui demande je ne lui demande pas d'être
meilleur qu'il ne l'est comme journaliste ce que je lui demande c'est
d'être honnête et de rapporter la vérité et les faits
tels qu'ils se passent.
Prestations de médicaments et d'appareils
médicaux
Le Président (M. Kennedy): On revient au programme 3,
élément 1. Prestations de médicaments et d'appareils
médicaux.
M. Forget: M. le Président, je viens de faire distribuer
un document qui résume, en quelques pages, quelques
caractéristiques principales de l'assistance-médicaments. Comme
je l'indiquais tantôt aux membres de la commission, avant le début
des travaux, M. le Président de la Régie de l'assurance-maladie,
qui assume l'administration du régime, est ici avec nous, ce matin, et
il pourra nous aider à répondre aux questions des membres de la
commission.
Je n'ai pas d'autres déclarations à faire pour le
moment.
M. Charron: M. le Président, c'est l'occasion, comme
à chaque année, je pense, de faire non seulement l'étude
de l'assistance-médicaments mais aussi de tout le régime de
l'assurance-maladie. C'est à cet élément que nous avons
pris l'habitude de le faire. J'ai un certain nombre de questions à
adresser soit au ministre, soit au président de la régie, si le
ministre convient que M. le Président de la régie peut participer
à nos débats.
Actuellement, en ce qui concerne les médicaments, les
bénéficiaires de l'assistance-médicaments sont les
personnes qui sont également bénéficiaires de la Loi de
l'aide sociale ou les personnes âgées qui reçoivent un
supplément de revenu garanti. La première question qui va de soi
est la suivante: Est-ce qu'il est prévu, au cours de l'année
fiscale en cours, que le programme s'étende à d'autres
bénéficiaires?
M. Forget: Non, M. le Président, pas pour le moment.
M. Charron: N'est-ce quand même pas un des objectifs,
à long terme, peut-être, vers lequel, normalement, on devrait
franchir des étapes au cours de chacune des années dans ce long
terme, que l'assistance-médicaments s'étende à un plus
grand nombre de nos concitoyens?
M. Forget: J'ai déjà indiqué qu'il
était impossible de prévoir comment, à long terme, le
gouvernement voudrait faire évoluer ce programme.
Il est clair que le coût des médicaments ne
représente pas un facteur d'égale importance pour tous les
segments de. la population. Alors, il est évident qu'il était
nécessaire de prévoir un tel régime pour les
bénéficiaires de l'aide sociale. C'était d'ailleurs
implicite dans l'aide sociale elle-même avant l'introduction d'un
régime spécifiquement destiné à l'administration
d'un régime d'assitance-médicaments.
Pour les personnes âgées qui font face à un double
problème dans un certain nombre de cas, problème de consommation
plus élevée que la moyenne de la population, à cause de
leur âge
avancé, et un problème de revenu dans le cas au moins de
ceux qui sont actuellement couverts, ceci est assez évident qu'il
était nécessaire d'envisager un tel régime.
Il y a un autre secteur qui est dès maintenant assumé, au
moins partiellement, qui est celui représenté par des
clientèles qui ont des besoins particulièrement
élevés. Je pense, ici, à certaines personnes qui souffrent
de certaines affections chroniques qui obligent une consommation de
médicaments à long terme ou prolongée pendant de
nombreuses années, parfois indéfiniment, et pour laquelle les
coûts peuvent être, au moins cumulativement, très
substantiels.
C'est le cas de la fibrose kystique, c'est le cas de certaines
médications pour les personnes atteintes d'un cancer et c'est le cas
également, peut-être plus en fonction d'une tradition
établie à leur égard qu'en fonction des mêmes
critères, vis-à-vis des personnes affectées du glaucome,
quoique certaines nouvelles médications qui leur sont destinées
les font passer très carrément dans la catégorie de ceux
qui ont des coûts très élevés à assumer.
Nous avons instauré ce régime qui est parallèle au
régime proprement dit d'assistance-médicaments par une
distribution via les centres hospitaliers de manière à ce que le
suivi qui est nécessaire dans le cas de ces malades chroniques, le suivi
de ces médications soit assumé de façon très
complète par des cliniques spécialisées. Dans le cas de la
fibrose kystique, dans le cas du glaucome, c'est évident.
Nous attendons de pouvoir faire une certaine évaluation de ces
program mes, ce qui devrait se faire au cours des prochaines semaines, de
manière à donner satisfaction s'ils s'effectuent à des
coûts acceptables et s'il serait possible d'envisager une extension
à d'autres affections de type chronique.
Comme cette évaluation n'a pas encore pu être
complétée, certaines données nous manquent encore, il est
évident que je ne peux pas faire de conclusion à ce moment.
Cela nous paraît résumer l'ensemble des problèmes de
médicaments, les plus aigus au moins, c'est-à-dire les
assistés sociaux, les personnes âgées ayant un revenu
faible, et des personnes affectées de certaines maladies chroniques.
Pour le reste, il nous paraît que la réglementation
professionnel le envisagée permettra d'assumer à un coût
acceptable la médication pour l'ensemble du reste de la
clientèle, encore qu'il est impossible de parler pour l'avenir à
très long terme, mais il semble que les priorités que nous avons
dans d'autres secteurs ne nous commandent pas dans l'immédiat
d'envisager une extension pour l'instant.
M. Charron: Est-ce qu'on a envisagé le coût
qu'entraînerait l'extension du programme à toutes les personnes
âgées indépendamment qu'elles reçoivent ou non un
supplément de revenu garanti?
M. Forget: C'est assez facile, oui. Cela a été
fait, c'est presque exactement par tiers que la population des personnes
âgées se divise. A l'origine cela ne remonte pas à
tellement longtemps, en janvier I974 on a commencé à
étendre au premier groupe de personnes âgées le
régime, environ 155,000 personnes, pour être exact, ont
été couvertes.
Un autre nombre d'environ 150,000 aété couvert lorsque, le
1er janvier 1975, nous l'avons étendu à ceux qui reçoivent
seulement une partie du supplément du revenu garanti. Il reste un
troisième tiers d'environ 150,000 qui n'est pas couvert parce qu'ils
reçoivent seulement la pension de vieillesse et n'ont pas le
supplément du revenu garanti. Environ $9 millions partiers.
M. Charron: Si par exemple on prenait la décision de
l'étendre à toutes ces personnes, ce serait donc un coût
supplémentaire de $9 millions. Est-ce que le coût aussi peu
élevé ne peut pas entraîner une décision en ce sens
au cours des prochaines années au moins?
M. Forget: Je ne peux que répéter ce que je viens
de dire.
Il faudra aussi tenir compte non seulement de ces préoccupations,
mais aussi des disponibilités financières et des autres
priorités qui peuvent intervenir dans une décision à cet
égard, de sorte qu'il n'est pas possible actuellement de dire que ce
régime sera étendu, mais ce n'est pas à exclure, non
plus.
M. Charron: Somme toute, M. le Président, le geste qu'on
poserait en étendant ce service à toutes les personnes
âgées est relativement peu coûteux. Ces $9 millions sur
l'ensemble du budget québécois représentent une infime
proportion, même sur celui du budget des Affaires sociales que nous
sommes à étudier présentement.
Par contre, le service rendu à la population à ce
moment-là, ce droit, en fin de compte, qui existe, moralement avant
d'exister juridiquement pour les personnes âgées, qui, la plupart,
sont consommatrices de médicaments à un moment ou à un
autre de leur vie, de recevoir gratuitement des médicaments, milite, je
pense, au moins dans notre esprit, en faveur du fait qu'on l'étende le
plus rapidement possible.
L'ancien président de la régie, en quittant ses fonctions,
M. Després, avait mentionné dans son message d'adieu le souhait
qu'il faisait d'étendre le plus rapidement possible, en
commençant par ces personnes.
M. Forget: Oui, vous savez, M. le Président, on parle de
$9 millions comme d'une somme négligeable. Evidemment, en pourcentage
d'un chiffre encore plus considérable, cela peut être n'importe
quoi, y compris une somme insignifiante. Tout dépend à quoi on le
compare, mais on peut considérer, d'un autre côté, d'autres
recommandations qui nous sont faites, qui impliquent des sommes parfois moins
considérables que celle-là encore et qu'il faut parfois
décliner ou entre lesquelles il faudrait faire un choix. Je pense
particulièrement aux recommandations du comité Girard sur les
prothèses visuelles, d'un autre rapport qui démon-
tre la possibilité d'assurer une certaine couverture pour des
prothèses auditives.
On parle dans tous ces cas de coûts inférieurs, de loin
parfois, au coût de l'extension du régime
d'assistance-médicaments. Je crois qu'on peut aider davantage, s'il est
possible de faire des comparaisons dans ce domaine, certaines personnes qui ont
besoin d'une prothèse pour un handicap quelconque que, relativement
parlant, on peut le faire en étendant encore davantage
l'assistance-médicaments, et encore ce sont des comparaisons
extrêmement subjectives.
Placé devant des ressources limitées, je crois qu'ayant
satisfait à un certain nombre de besoins pour des clientèles qui
étaient sans aucun doute prioritaires au titre de
l'assistance-médicaments, notre attention se porterait peut-être
plus volontiers maintenant vers les problèmes de handicap qui peuvent
être palliés plus ou moins complètement par des
prothèses, des aides mécaniques ou autres. Les coûts
si la comparaison était faite avec ces coûts plutôt qu'avec
l'ensemble du budget d'une extension de l'assistance-médicaments,
à ce moment-là, sont exorbitants. Tout est question de
comparaison, mais c'est plutôt le sens dans lequel on pense dans le
moment.
M. Samson: M. le Président, j'aimerais poser une question
au ministre. On a, dans les régions éloignées, des
problèmes assez particuliers. On sait que dans le régime
d'assistance-maladie ou d'assurance-médicaments appelons-le comme
on voudra, je pense qu'on peut discuter de ce problème au même
article pour les patients qui doivent voir des médecins
spécialistes, en vertu des programmes, les sommes à être
versées le sont par la Régie de l'assurance-maladie, mais dans
les régions éloignées, où nous sommes à
court de spécialistes, il arrive parfois que les citoyens doivent
voyager 400, 500 ou 600 milles pour, finalement, voir un médecin
spécialiste.
Le coût de la visite au médecin est défrayé
par l'assurance-maladie mais les frais de voyage de ces gens-là ne le
sont pas. Sur une base de justice sociale, il se trouve que les personnes qui
demeurent en régions éloignées sont nettement
défavorisées. Bien sûr, si ces personnes sont
éligibles à l'aide sociale, elles peuvent recevoir l'aide au
transport, mais il se peut fort bien que ces patients soient non
éligibles à l'aide sociale, n'ayant quand même que de
faibles revenus, ce qui les place dans une situation assez difficile,
économiquement parlant, les obligeant à s'endetter parfois pour
plusieurs mois à venir.
Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose de prévu pour ces cas qui
sont spécifiques aux régions éloignées, au moins,
pour certains cas?
M. Forget: Je remercie le député de Rouyn-Noranda
dans le fond, puisqu'il me fournit l'occasion de donner des détails sur
une réponse au moins partielle à sa question, et lui donner aussi
certaines indications quant aux autres réponses sur lesquelles nous
sommes en train de travailler.
J'aimerais faire remarquer tout particulièrement le
développement notable qu'a connu l'utilisation des services
aériens du gouvernement pour l'évacuation de certains malades de
régions éloignées. Ceci a commencé depuis plusieurs
années, bien sûr, mais de façon extrêmement modeste.
Je puis donner les chiffres du développement qu'a connu ce service,
durant les deux dernières années. Je crois que nous avons
là une illustration des préoccupations du ministère
d'assurer une meilleure accessibilité.
En I972, le service aérien avait évacué 40
personnes de certaines régions éloignées du Québec,
pour les rapatrier dans des centres hospitaliers qui pouvaient leur offrir des
soins appropriés. Il avait effectué pour cela, 37
envolées. En I973, le nombre des personnes évacuées a
été augmenté à I45 pour I24 envolées. En
I974, le nombre est passé à 225 personnes et à 200
envolées, ce qui indique une progression extrêmement rapide, entre
I972 et I973, deux fois et demie le nombre d'envolées de la
période précédente et plus de 60% dans le cas de
I973,1974. Cette progression se maintient puisqu'en janvier et février
I975, nous avons évacué 52 patients en janvier et 34 patients en
février. Je n'ai pas les chiffres de mars.
Ceci ne s'est pas fait par hasard, il est le résultat d'une
politique qui va se généraliser et qui a pour but de rendre
accessibles ces services aériens qui sont offerts sans frais, à
des résidents de régions éloignées dont les
bénéficiaires se retrouvent de façon majoritaire, bien
sûr, par exemple, dans les Iles-de-la-Madeleine.
Ceci est peut-être la partie la plus traditionnelle de ces
services, qui deviennent progressivement accessibles à toute une
série de régions éloignées comme la région
du Nord et bientôt la région du Nord-Ouest.
La distribution de tous les vols depuis le début nous indique un
peu la provenance de ces cas: 35 envolées provenant des
Iles-de-la-Madeleine, 16 de Rouyn, I5 de Gaspé, I5 de Gagnonville, 11
deVal-d'Or, 8 de Bonaventure, 6 de Mont-Joli, etc. Il y a, évidemment,
des gens de Schefferville, de la région du Nord du Québec.
Des procédures ont été mises sur pied pour assurer
non seulement l'accessibilité aux services, mais pour s'assurer aussi
que l'utilisation du service était maintenue dans des limites
raisonnables en s'assurant une relation entre des centres comme ceux, par
exemple, des Iles-de-la-Madeleine et les hôpitaux de la région no
I, les hôpitaux de Gaspé en particulier et de Rimouski.
Des médecins du ministère sont en disponibilité 24
heures par jour et sept jours par semaine pour assurer les autorisations
nécessaires pour ces envolées, ce qui nous a permis de rendre
accessibles ces envolées à un plus grand nombre de régions
et d'en effectuer un plus grand nombre, effectivement, à un coût
qui s'est maintenu assez stable durant la dernière année.
Ceci représente donc un développement auquel le
ministère travaille activement pour le rendre encore plus efficace et
qui permet, au moins, pour ce qui est des cas d'urgence et des cas qui
requièrent des services spécialisés, une intervention
rapide et une référence dans les endroits où les soins
appropriés peuvent être donnés.
Tous les problèmes ne sont pas résolus parcette politique
et c'est pourquoi nous travaillons à définir ceci devrait
être fait dans les prochaines semaines des coordonnées pour
l'établissement d'une politique de transfert interhospitalier. Il est
clair je pense que c'est d'ailleurs la question du député
de Rouyn-Noranda que tous les services spécialisés ou
ultra-spécialisés ne peuvent pas être disponibles partout
sur le territoire. Il n'est pas là seulement question de
disponibilité physique dans une région donnée, mais tout
simplement de disponibilité, point, dans l'ensemble du Québec de
certaines ressources spécialisées qui ne peuvent pas être
multipliées indéfiniment et qui, même si on le tentait sur
le plan des équipements, ne constitueraient pas une réponse
adéquate, puisque le personnel manquerait ou ne serait pas
intéressés à travailler dans des régions qui
n'offrent pas un volume d'activités suffisant pour justifier leur
spécialisation.
C'est donc la raison pour laq uelle nous sommes à élaborer
une politique de transfert interhospitalier de manière que, lorsqu'un
transfert est nécessaire d'un centre moins spécialisé
à un centre plus spécialisé pour permettre des soins qui,
autrement, ne seraient pas accessibles, ceci se passe à
l'intérieur d'une politique qui n'entraîne pas, malgré
tout, des transferts massifs puisqu'il n'est pas question de vider les centres
hospitaliers régionaux au "bénéfice" des centres plus
spécialisés des grands centres urbains. Donc, il faut mesurer
notre intervention à ce qui est strictement nécessaire pour
assurer la qualité des soins et le faire aussi à un coût
acceptable. Cette politique est en voie d'être définie avec
d'assez nombreuses consultations pour s'assurer qu'elle est réaliste,
qu'elle répond aux besoinset nous espérons la mettre en vigueur
au cours de l'année.
Ceci se joint aux autres mesures qui font l'objet d'un mémo qui
vient de vous être distribué, qui résume les incitatifs et
autres mesures que nous voulons mettre en place au cours de l'année,
suite à l'adoption des mesures législatives de la loi 93,
l'automne dernier, pour favoriser la dispersion géographique, dans
certains endroits désignés, de médecins mais qui vise
peut-être plus les services de médecine générale que
les services ultraspécialisés. Toutes ces mesures prises ensemble
permettront de compléter ou, au moins, de réaliser une
étape de plus dans la réalisation d'objectifs
d'accessibilité générale aux soins qui, évidemment,
s'inscrit dans une longue tradition qui date de I96I avec, premièrement,
l'accessibilité financière aux services hospitaliers, en I970,
aux soins médicaux et qui doit se compléter par des mesures sur
le plan de l'accessibilité géographique.
M. Samson: M. le Président, bien sûr, lorsque le
ministre nous parle du service qui est maintenant donné par les avions
du gouvernement, dans les régions éloignées, nous sommes
absolument d'accord sur ce nouveau service. On doit féliciter ceux qui
en ont pris l'initiative. Mais il s'agit là de donner des services dans
des cas d'urgence.
Ce à quoi je faisais référence tantôt, c'est
dans les cas où les citoyens doivent aller consulter des
spécialistes à l'extérieurde la région même,
spécia- listes qui ne sont pas disponibles dans la région. A ce
moment-là, la Régie de l'assurance-maladie défraie le
coût de la consultation qui amène, dans plusieurs cas,
l'hospitalisation sur place, mais ne défraie pas les coûts de
transport. Compte tenu de l'éloignement des grands centres de certaines
régions, cela constitue une injustice sociale vis-à-vis de ceux
qui demeurent dans ces régions éloignées. Parce que le
citoyen demeurant à Montréal a accès à tous les
spécialistes sur place. Les coûts sont défrayés par
le gouvernement et le transport est plus que minime, dans son cas. C'est
pourquoi je voudrais plaider en faveur des régions
éloignées. Je nesais pas, cependant, quel est le mécanisme
qui pourrait être mis en place pour assurer qu'il n'y ait pas, non plus,
abus de ce côté mais que, d'une façon raisonnable, on
puisse permettre au moins à des gens à faible revenu d'avoir
accès à un certain remboursement des dépenses à
être encourues à l'occasion de voyages obligatoires à
être faits pour obtenir les services de médecins
spécialistes.
Bien sûr, je vous avoue qu'il y a un effort qui est apparent de
fait par le ministère des Affaires sociales pour envoyer dans les
régions éloignées des médecins, peut-être un
peu plus spécialisés, pour atteindre un niveau, en tout cas,
permettant de donner de meilleurs services. Il y a un effort qui me
paraît, là, louable. Mais cela n'a pas réglé tous
les problèmes et je pense que des problèmes se sont
développés surtout depuis la venue de l'assurance-maladie, alors
que les médecins eux-mêmes se catégorisent davantage, se
regroupent en clinique d'omnipraticiens ou...
Vous savez, les généralistes qu'on avait, M. le
Président, il y a quelques années, alors qu'un omnipraticien
pouvait faire à peu près tout et risquait de faire à peu
près toui, ce temps-là est passé.
Les omnipraticiens ne font plus le même genre de travail
maintenant, se contentant de diagnostiquer et de référer
àdes médecins spécialistes les cas qui leur sont soumis.
Ce qui, je pense, est bien. Mais il reste que ça développe un
nouveau besoin maintenant; ça développe un besoin de transport
que nous n'avions peut-être pas il y a dix ans, compte tenu du fait que
les omnipraticiens faisaient à peu près tout.
Je fais référence, par exemple, pour mieux me faire
comprendre, au Dr Augustin Roy, qui est maintenant au bureau de l'Ordre des
médecins et qui, il y a quelques années, pratiquait dans notre
région du Nord-Ouest québécois. C'est un omnipraticien qui
faisait en même temps le travail du dentiste; il faisait à peu
près tous ces genres de travaux dans ce temps-là. Mais ça
ne veut pas dire que c'était l'idéal.
Mais aujourd'hui, ça, on ne le retrouve plus.
M. Dufour: C'était le bon temps.
M. Samson: C'était le bon temps, comme l'adit le Dr
Dufour. Mais il resteque les temps sont changés et on doit s'adapter aux
temps d'aujourd'hui. Cette adaptation nécessaire des dépenses
pour des gens surtout à faible revenu. Je ne plaide pas des
remboursements de dépenses dans le cas de personnes qui gagnent un
salaire que je considère, par exem ple, de $10,000 et plus, mais en bas
de ça, je pense qu'il faudrait considérer une solution.
M. Forget: Ce problème est suffisamment réel mais
il y a d'autres moyens d'y obvier qu'en payant les dépenses, même
de ceux qui ont des revenus inférieurs au chiffre mentionné. Il
est plus logique, je pense, de faire se déplacer les professionnels que
de faire se déplacer leur clientèle, étant donné
qu'ils peuvent ainsi, de façon beaucoup plus facile et plus
économique, venir en contact avec une clientèle beaucoup plus
considérable et avec moins de difficulté pour la clientèle
dans l'ensemble.
J'aimerais donner un exemple de ce qui peut se faire dans cet
ordred'idées en citant, par exemple, le travail qu'a accompli le Conseil
régional de la santé et des services sociaux de la région
no 1, la Gaspésie, le Bas-du-Fleuve. Il a élaboré un
programme de services de spécialistes en opthalmologie pour l'ensemble
du territoire, basé sur une équipe de spécialistes
à l'hôpital de Rimouski, mais basé aussi sur une
utilisation de ce personnel spécialisé qui, dans une certaine
mesure, effectue déjà ce travail, qui se déplace selon un
horaire régulier de présence dans les cliniques externes des
différents hôpitaux de la péninsule. Ils seront ainsi en
mesure, une fois toutes les semaines, une fois tous les quinze jours ou moins
fréquemment, selon les besoins, mais de façon
régulière, d'avoir des cliniques d'opthalmologie sur l'ensemble
du territoire, de poser des diagnostics dans les cas les plus courants,
à l'occasion de devoir référer le patient,
évidemment, pour une période d'hospitalisation ou pour une
intervention chirurgicale, à Rimouski qui dispose d'une salle
d'opérations particulièrement appropriée pour ce type
d'intervention, mais de le faire sans aucun déplacement de la
clientèle et en donnant une accessibilité optimale.
Je pense que nous avons là un exemple de choses qui peuvent se
faire assez généralement dans des régions
éloignées et qui sont sans aucun doute sur le métier dans
la plupart des conseils régionaux qui, avec les ressources du milieu,
peuvent envisager de pareilles formules.
Je viens de faire distribuer un mémoire très bref qui
porte sur une autre expérience qui est plutôt appropriée
à un endroit presque totalement dépourvu en ressources et qui est
constituée par la mission médicale en Basse-Côte-Nord,
expérience qui illustre le même principe de faire déplacer
les ressources plutôt que de mobiliser, en quelque sorte la population
d'une région et de financer ses déplacements.
La mission médicale en Basse-Côte-Nord est une
réalisation dont, je crois, tout le monde au Québec peut
être fier, puisqu'il s'agit véritablement d'une chose
régulière et non pas simplement d'une démonstration. C'est
une opération qui se fait depuis quelques années et qui rend
accessibles des ressources spécialisées, évidemment
pendant une période assez brève. Mais étant donné
qu'il s'agit de soins plus spécialisés, puisque, de façon
constante, les infirmières de colonie, qui sont en relation avec le
Centre hospitalier de Blanc-Sablon ou plus haut sur la Côte-Nord avec
d'autres centres hospitaliers, se trouvent à pouvoir donner des soins
courants à la population de cette région, mais ont toujours
besoin évidemment, au moins une fois par année, d'une
espèce d'appui plus spécialisé, qui est fourni par cette
mission médicale qui se déplace en bateau d'un village à
l'autre et qui réussit d'une année à l'autre à
assumer une certaine continuité dans le traitement de certaines
affections qui requièrent des services plus
spécialisés.
Je crois que le problème qu'a soulevé le
député de Rouyn-Noranda est assez bien connu, mais qu'il y a des
possibilités d'y trouver des réponses en utilisant les moyens
déjà connus. Cela suppose cependant l'intervention, dans chaque
région, des conseils régionaux, et la participation des
ressources du milieu et peut-être également l'acceptation, par les
différents centres hospitaliers d'une région, d'un certain
rôle de leadership d'un centre hospitalier de leur région
vis-à-vis d'au moins un certain nombre de spécialités.
Sans nécessairement vouloir accréditer plus qu'il faut le
concept d'hôpital régional, je crois qu'il ne s'agit pas du tout
de ça, mais il faut au moins pouvoir régionaliser un certain
nombre de services, c'est-à-dire créer un centre d'excellence
dans la région qui peut, à ce moment, rayonner dans l'ensemble
des autres établissements et dans l'ensemble de la région.
Ceci s'est fait, encore une fois, de façon assez bonne dans
l'exemple que je vous ai fourni. J'omets probablement de vous mentionner
d'autres exemples qui existent sans aucun doute dans d'autres secteurs. Et il
fautmentionnerégalement la pratique traditionnelle, parexemple dans le
cas de la radiologie, du déplacement des professionnels qui est une
pratique établie depuis longtemps.
Il faut citer également les équipes volantes de
psychiatrie qui ont longtemps assuré et qui continuent, je crois,
dans une certaine mesure à les assumer des services de
psychiatrie dans la région no 1 et dans la région no 8.
M. Samson: M. le Président, bien sûr, je suis de
l'avis du ministre qu'il vaut mieux faire voyager un professionnel de la
santé que de faire voyager tous ses patients, surtout quand il s'agit de
distances comme celle qui existe entre Rouyn-Noranda et Montréal, par
exemple, de 400 milles. Mais selon mes informations, il n'est pas toujours
possible, même avec ce système, d'avoir tous les services
nécessaires.
Et même avec ce système, ça oblige quand même
des patients à être référés à
Montréal et à être obligés de voyager. C'est
évident que le système établi réduit les besoins de
transport. Mais pour les besoins qui demeurent réels, je pense qu'il
faut quand même les considérer.
Comme je le disais tantôt, vous pouvez avoir peut-être entre
une famille éligible à l'aide sociale et une famille non
éligible une différence de seulement $100 par année de
revenu. Et dans les cas où vous arrivez avec unedépense comme
celle-là, pourceux qui sont au bas de l'échelle des revenus,
ça les oblige à s'endetter pour longtemps.
C'est ça que j'aimerais faire comprendre pour que l'on tente
d'étudier une formule qui pourrait... Je pense que ça ne
coûterait pas tellement cher dans le
fond, mais au moins qu'on n'oblige pas ces gens qui sont
dépourvus de moyens à s'endetter pour ceux qui peuvent
s'endetter.
Il reste que, quand on est dépourvu de moyens, on n'a pas
facilement les pouvoirs de s'endetter non plus, c'est-à-dire que les
créanciers font moins confiance à quelqu'un qui a un faible
revenu qu'à quelqu'un qui a une garantie à offrir.
Alors j'ai eu quelques exemples qui m'ont été
référés, c'est pourquoi j'ai cru bon d'amener ce sujet ce
matin. Maintenant, dans les tableaux qu'on vient de nous présenter, je
remarque, compte tenu de la population, la région 08, Nord-Ouest
québécois, un omnipraticien par 4,725 de population. Si on la
compare à toutes les autres régions, exception faite du
Nouveau-Québec, on retrouve les autres régions à 2,300,
2,600, 2,700. En tout cas, moins de 3,000 pour les autres régions.
Là il y a une différence quand même marquée dans le
Nord-Ouest québécois.
Cela veut dire qu'on n'a pas suffisamment de médecins, donc
encore moins suffisamment de spécialistes et la réalité
est aussi que les médecins spécialistes qui sont attitrés
à voyager dans les régions éloignées, ont quand
même des bureaux à Montréal. Ce sont des gens qui ont du
travail à faire là-bas. Quand ils viennent dans ces
régions éloignées, ils le font à l'occasion d'une
fin de semaine ou, en tout cas, ils arrivent chez nous passablement
fatigués, parce qu'ils ont déjà beaucoup de travail de
fait ailleurs. Je ne veux pas blâmer personne, c'est absolument normal
que ce soit comme cela.
Mais il reste qu'au niveau des services à être
donnés, cela ne règle pas toujours les problèmes. Quand il
y a des cas qui sont plus urgents, qu'il faut attendrequinzejoursoutrois
semaines, avantque le spécialiste vienne chez nous, cela ne règle
pas encore nos problèmes. Il reste aussi un autre fait d'importance,
c'est que le fait d'être un spécialiste ne veut pas dire
nécessairement, qu'on est celui dont le client a besoin.
Il y a des omnipraticiens qui réfèrent leurs patients
à des spécialistes à Montréal, parce qu'ils sentent
le besoin que le patient voit ce spécialiste particulièrement.
Ils ne le référeraient même pas aux spécialistes
itinérants. Alors ce sont des cas qui sont peut-être un peu
particuliers. Qui devrait avoir le pouvoir de décision dans les
circonstances? Je ne le sais pas. Il y a sûrement quelqu'un qui devait
l'avoir, mais il y a sûrement des choses qui devaient être faites
de ce côté, pour en arrivera réduire, si vous le voulez,
les problèmes du côté des gens à faibles
revenus.
Et lorsque nous avons à transférer des patients d'un
hôpital, d'un centre hospitalier, local ou régional, à un
centre hospitalier à Montréal, bien que le système
aérien du gouvernement ait servi pour des cas d'urgence, dans les autres
cas, ce sont les avions commerciaux qui servent et sont aux frais des patients
eux-mêmes. Encore là, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.
Il y a un besoin d'assistance au moins pour les gens à faibles revenus.
C'est cela q ue je voudrais souligner, peut-être pas pour avoir une
réponse directement ce matin.
Je ne pense pasque le problème puisse se régler aussi
rapidement que cela. Il y a un besoin de trouver un mécanisme
adéquat, en plus des budgets mais j'aimai s à le souligner pour
qu'on le prenne au moins en considération.
M. Forget: M. le Président, j'aimerais rappeler justement
dans ce contexte ce que j'ai dit tantôt sur le travail qui se fait
actuellement pour déterminer une poli tique de transfert
interhospitalier qui permettrait d'assumer certains coûts, mais il est
évident que la définition de cette politique est assez
délicate, puisqu'il faut éviter d'atteindre un but presque
opposé à celui que nous recherchons, c'est-à-dire, si
c'était un système auquel l'accès serait trop facile, on
risquerait de décourager l'établissement et le maintien de
ressources appropriées dans les régions éloignées,
par un transfert...
M. Samson: Oui.
M. Forget:... inconditionnel et trop facile, en plus de
générer des coûts proprement inacceptables. Donc c'est dans
ce contexte.
Je crois que ce que j'ai exposé ce matin constitue un tout dont
les parties sont interdépendantes, c'est-à-dire que dans la
mesure où des gens sont référés d'un centre
hospitalier à un autre, dans le contexte de services des
pécialistes qui peuvent aller sur place, faire un certain
émondage des problèmes et référer seulement les cas
qui ne peuvent effectivement pas être traités sur place, nous
avons un système qui est viable et qui empêche que l'on ne draine
tous les cas vers les grands centres et qu'on traite, là où ils
peuvent être traités, les gens qui peuvent effectivement
l'être.
Ce sont, encore une fois, des morceaux d'un puzzle qui vont tomber en
place progressivement, au cours de l'année. Par ailleurs, pour ce qui
est des remarques qui sont absolument vraies et qui sont basées,
d'ailleurs, sur le tableau qui vient d'être distribué, il est
exact que la région du Nord-Ouest est largement
défavorisée dans l'accessibilité aux soins
généraux. Je voudrais rappeler que, depuis l'adoption du projet
de loi no 93 en décembre dernier, nous avons mis en marche un processus
pour l'application des dispositions qui y étaient prévues. Je
rappelle qu'il s'agissait d'un régime de bourse incitatif impliquant des
engagements de pratique dans les régions éloignées.
Dès le début de janvier, j'ai écrit aux différents
conseils régionaux et à la Corporation des médecins du
Québec pour les consulter sur des critères de
détermination de ces endroits désignés, puisqu'il
était nécessaire de baser cela sur des critères qui soient
acceptés et acceptables assez largement et qui correspondent,
malgré tout, aux besoins des différentes régions.
Les réponsesont commencé à nous parvenir à
la suite de cette consultation. Nous ne les avons pas toutes reçues;
elles contiennent des suggestions fort intéressantes. J'ai écrit,
également, à la Régie de l'assurance-maladie pour que
soient préparés les règlements d'application de ces
bourses. Ce projet de règlement m'a été soumis il y a
quelques jours par la régie et il sera bientôt
présenté au conseil des ministres pour approbation, ce qui
permettra de faire la publicité dans les facultés de
médecine, deman-
dant aux étudiants qui sont intéressés de faire les
demandes. Ceci peut se faire immédiatement, même si les
critères de désignation ne sont pas arrêtés,
puisque, de toute manière, ces étudiants ne sont pas sur le point
de terminer leurs études. Dès qu'ils le seront, nous aurons
certainement eu le temps de compléter la consultation, d'arrêter
les critères et nous espérons qu'il s'agit là d'un des
moyens par lesquels nous pouvons surmonter le problème. Maintenant, il y
a d'autres moyens que j'avais mentionnés dans le même contexte et
qui ont, d'ailleurs, aussi été amorcés dans leur
réalisation. Il s'agissait d'un régime incitatif pour la pratique
de groupe dans des endroits désignés. J'ai donné
instruction à notre équipe de négociation de
préparer des propositions précises pour être
déposées à la table de négociations avec les
fédérations médicales. Nous devrons là aussi,
cependant, nous inspirer des critères pour la désignation des
endroits. Donc, il y a un certain élément d'inconnu dans nos
propositions, jusqu'à maintenant.
J'ai également indiqué que les conseils régionaux,
faisant état de ces différentes mesures, pourraient se
préoccuper de voir à la disponibilité sur place
d'installations physiques pour les fins de résidence et les fins de
pratique professionnelle de ces médecins qui iront ainsi dans des
endroits désignés. Comme il y aura la garantie d'une
possibilité de location régulière, il est plus facile de
prévoir des habitations qui seront prêtes et qui seront
disponibles dans certaines de ces régions, puisque cela a
été, sur le plan pratique, un des éléments
irritants, peut-être le plus significatif, dans la difficulté de
trouver et d'envoyer dans ces régions des hommes mariés avec une
famille, par exemple.
J'ai demandé aux conseils régionaux de se
préoccuper de cet aspect également. La première
étape, qui deviend ra officielle dès ce mois-ci, ce sera une
démarche dans les facultés de médecine, sur la base des
règlements approuvés par le conseil des ministres, probablement
lors du conseil des ministres de demain.
M. Samson: Pouvons-nous considérer, suivant le rapport qui
vient de nous être distribué, que le montantdesbourses, de $3,000
par année, pour cent bourses par année universitaire
commençant en 1975/76, alors q ue l'engagement des étudiants
serait de servir dans les régions éloignées, un an pour
chaque année de bourse reçue.
C'est la politique qui guide le ministère
présentement?
M. Forget: C'est cela.
M.Samson: Dans ce contexte, compte tenu tou-jours du tableau qui
nous a été distribué, Ia région 08 me semble...
M. Forget: Toute désignée.
M. Samson:... toute désignée pour être la
première à être désignée?
M. Forget: Sans aucun doute. J'imagine que les critères
qui nous sont suggérés seront tels qu'il y aura plus d'endroits
désignésdans la région 08que dans la région 05.
M. Samson: D'accord.
M. Forget: II n'est pas exclu qu'il y ait des endroits...
M. Samson: Cela n'exclut pas les autres.
M. Forget: ...dans presque toutes les régions, si on
trouve des poches négligées, des poches de population
négligées. C'est pourquoi j'ai consulté tous les conseils
régionaux. Que cela s'applique a priori ou pas à eux, je crois
que la réflexion était utile si elle était la plus
générale possible.
M. Samson: Maisest-cequ'on peut conclure que le nombre de bourses
à être attribuées sera en fonction du besoin
général d'abord, comme premier critère?
M. Forget: On peut sûrement le conclure. M. Samson:
On peut le conclure.
M. Charron: Le ministre a répondu à plusieurs
questions, à l'avance, que j'avais à lui poser sur l'application
de la loi 93, mais un seul point demeure ambigu dans mon esprit. C'est cette
consultation sur ce qu'il a appelé les critères de
désignation. Quelle est cette consultation exacte? Le ministre faisait
état d'une lettre envoyée aux conseils régionaux.
Peut-être pouvons-nous demander le dépôt de cette lettre?
Peut-il la rendre publique?
M. Forget: Oui, sûrement. Je ne l'ai pas avec moi, mais je
pourrai sûrement la déposer.
M. Charron: D'accord, c'est simplement pour voir sur quoi
exactement vous les consultez. Est-ce une consultation sur le type de
médecine, par exemple, ou le genre de spécialistes, à
l'occasion, qu'ils pourront espérer voir arriver dans leur
région, ou si c'est une consultation quant au site précis, au
village précis?
M. Forget: C'est beaucoup plus large que cela. M. Charron:
Bon.
M. Forget: C'est une consultation sur tout ce qu'ils peuvent
avoir à suggérer comme recommandations précises visant
leur région, mais aussi sur les critères qui les ont aidés
à formuler ces recommandations précises et qui pourraient avoir
une application générale, pour l'application de ces dispositions
de la loi. Donc, ce n'est pas du tout restreint. On ne leur a pas
demandé, en d'autres termes, si telle ville ou tel village devait
être un endroit désigné.
Nous n'avons formulé aucune conclusion a priori. Nous leur avons
dit: Si vous avez à appliquer cette loi dans votre région,
à quelles conclusions en viendriez-vous? Qu'est-ce qu'on peut tirer de
géné-
rai dans vos recommandations en termes de critères, de choix et
de décision qui pourraient avoir une application générale
à travers le Québec? C'est la nature également des
quelques réponses que nous avons reçues, à ce jour. Je
peux me souvenir peut-être de quatre ou cinq conseils régionaux,
à ce jour, qui nous ont effectivement répondu. Pour les autres,
nous attendons encore. Je n'ai pas reçu non plus de réponse de la
Corporation professionnelle des médecins sur ce sujet.
M. Charron: Vous n'avez pas eu non plus la contre-partie des
fédérations médicales, pour le moment où vous
déposerez vos propositions à la table de négociation?
M. Forget: Non, je n'ai pas eu de contre-partie.
M. Charron: Ce qui peut être un facteur important dans
l'établissement de ce programme.
M. Forget: C'est sans aucun doute un facteur important.
M. Charron: En fait, le programme ne peut débuter qu'en
I976, donc, lors de la prochaine année financière, ,
puisque...
M. Forget: Non, c'est-à-dire que les bourses
s'appliqueront dès l'automne I975.
M. Charron: Oui.
M. Forget: Mais, évidemment, cela s'applique à des
étudiants, non pas à des diplômés.
M. Charron: L'étudiant de troisième année.
Voilà, il faut lui donner le temps de terminer. Tout cela, tout ce
programme repose aussi sur une hypothèse, un facteur très mobile,
sur le nombre d'étudiants qui se prévaudront de cette bourse.
M. Forget: En effet.
M. Charron: Est-ce qu'on a déjà vous dites
que la publicité n'est pasencore commencée sur les campus...
M. Forget: On attend l'approbation, par le conseil des ministres,
des règlements. On prévoitdes visites en avril.
M. Charron: Est-ce que vous vous attendez à la
collaboration des recteurs d'universités pour ce genre de
publicité sur les campus?
M. Bonnier: Cela dépend des recteurs.
M. Forget: Je n'ai aucune raison de douter de leur collaboration.
Je ne voudrais pas d'ailleurs être injuste à leur égard. Je
me demande si je n'ai pas reçu une offre d'aide et de collaboration de
la part de quelques-uns d'entre eux ou même de l'ensemble d'entre eux,
mais je ne me rappelle vraiment pas, de façon précise, si c'est
une lettreou si c'est le procès- verbal d'une des réunions que
nous avons à l'occasion avec eux. Je n'ai aucune raison de douter de
leur collaboration. Je ne sais pas si M. Martin a des choses à ajouter
là-dessus.
J'ai eu des communications déjà avec les doyens des
facultés de médecine et les réactions sont très
positives. Ils sont prêts à collaborer.
M. Charron: Autrement dit, les I00 bourses par année
universitaire devraient...
M. Forget: Là, c'est la réponse des
étudiants qui n'est pas connue jusqu'à présent.
M. Charron: Bien sûr.
M. Forget: Mais la collaboration des doyens est acquise.
M. Charron: Dans la consultation auprès des conseils
régionaux également, est-ce qu'on a soulevé ou
soulèveront-ils d'eux mêmes, je ne le sais trop, le
problème que peut causer l'établissement temporaire d'un
médecin qui, par la suite, ayant rempli son engagement, ayant
établi un réseau de servicesdans la région,
déciderait de retourner à son centre préféré
ou son centre natal? Il laisserait, par la suite, l'obligation au
ministère d'assurer une suite aux services médicaux.
M. Forget: Ce problème n'a pasété
soulevé et je comprends facilement pourquoi. C'est que, dans des
régions où il n'y a pas de médecin, le premier mouvement
est de vouloir en trouver. Ce n'est qu'après qu'on verra s'il y a des
difficultés de continuité. Je crois que l'espoir de tous ceux qui
se préoccupent de ce problème, c'est qu'avec les bourses mais
aussi avec le régime d'incitation à la pratique de groupe, qui va
demeurer un élément permanent du tableau, il y aurait
effectivement une continuité. Enfin, c'est l'espoir, dans la
majorité des cas, que nous aurions des solutions définitives,
avec ces deux mesures utilisées en conjonction.
Je crois d'ailleurs que l'expérience de l'Ontario, quand il s'est
agi de pratique de groupe dans des régions éloignées,
permet de justifier ces espoirs puisqu'il y a eu une continuité dans un
très grand nombre de cas. Evidemment, l'expérience là-bas
aussi remonte à un an, donc il n'est pas possible de savoir ce que cela
fait après cinq ans. On le saura dans quatre ans. Mais l'espoir au
moins, c'est tout ce que l'on peut dire, l'espoir actuel, c'est que ce sont des
solutions permanentes. Peut-être, après dix ans, le
problème sera disparu puisqu'il y aura des gens dans les endroits
désignés qui seront, en majorité, restés ou
remplacés par d'autres qui eux, peut-être, resteront.
Si c'était le cas, alors les mesures d'incitation ne seraient
plus nécessaires dans dix ans mais, sans courir aux conclusions aussi
rapidement que ça, je crois que l'espoir c'est que nous avons là
des éléments d'une solution permanente.
Maintenant, si elle n'est pas permanente, il n'y a pas beaucoup de
possibilités puisqu'on ne peut pas retenir les gens de force quand ils
veulent partir une fois qu'ils ont rempli leurs engagements.
M. Charron: L'autre aspect de la loi 93 autorisait le ministre
à entreprendre des ententes avec les fédérations et la
corporation. Il a déjà commencé à remplir ce mandat
que l'Assemblée l'a autorisé à entreprendre. Mais je
voudrais savoir si, dans les propositions, non seulement il y aura des mesures
pour faciliter l'établissement de médecins dans les
régions éloignées, mais est-ce que cela ira jusqu'à
des propositions de contingentement dans des régions qui, elles, sont
déjà surpeuplées au point de vue des services
médicaux, encore une fois?
M. Forget: Bien, ceci n'a pas encore été
abordé comme tel puisque cela semble peut-être un peu
prématuré. Cependant, dans le cadre des négociations qui
se déroulent avec la Fédération des médecins
omnipraticiens, certaines propositions, qui émanent de la
fédération elle-même, envisagent des ententes en se
prévalant de l'article 8 de la loi 93, des ententes ayant pour but de
déterminer conjointement les nombres dans des régions, etc.
Maintenant cette discussion est en progrès et je ne voudrais pas,
par des commentaires qui, dans le fond, appartiennent pi utôt à la
table de négociations dans le moment, gêner le cours des
négociations. Alors, je pense qu'on me comprendra de ne pas vouloir en
parler plus qu'il ne le faut. Mais c'est à l'étape très
préliminaire au niveau des discussions avec la Fédération
des omnipraticiens et le ministère. Je dois dire que, de ce
côté-là, les propositions, qui sont sur la table,
reflètent les opinions ou les options de la FMOQ tout autant que celles
du ministère, encore que sur les modalités il y a encore beaucoup
de discussions qui doivent avoir lieu.
M. Charron: M. le Président, sur ce sujet de la
répartition régionale des médecins, j'ai
terminé.
Le Président (M.Kennedy): Le député
deVanier. M. Bonnier: Moi, je ne suis pas de Vanier...
Le Président (M. Kennedy): Ah! Taschereau, pardon.
M. Bonnier: Mais ce n'est pas sur ce sujet, cependant, c'est sur
un autre sujet. Alors, je reviendrai peut-être.
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, dans le rapport que nous
venons de recevoir... En passant, je me demande si le ministre ne pourrait pas
donner lesdirec-tives pourqu'on nous transmette les rapports un peu
d'avance.
Je les trouve extrêmement intéressants pour les discussions
des crédits mais nous les recevons au fur et à mesure que le
programme se présente. Alors, cela ne donne pas tellement le temps d'en
prendre connaissance. C'est évident que cela restreint peut-être
la portée de nos interventions. Cela pourrait peut-être aider le
ministre à faire adopter ses crédits plus vite, mais il y aurait
peut-être avantage à ce que nous ayons parfois des discussions un
peu plus longues, s'il le faut, mais que cela amène des solutions
futures.
Dans le rapport qu'on vient de nous présenter, concernant le
transport des malades des régions excentriques, on trouve une lettre de
M. Benoît Sainte-Marie, du service aérien, au Dr Martin La-berge,
du 30 janvier I975, on dit: "Concernant votre deuxième demande, je donne
les instructions nécessaires pour que vous puissiez inclure un
journaliste et un photographe sur les vols d'urgence et ce pour satisfaire les
besoins de votre service d'information". Est-ce qu'on peut nous expliquer cela?
Est-ce une demande qui a été faite pour qu'il y ait toujours un
journaliste et un photographe sur chaque vol, pour photographier les
patients?
M. Forget: Non. C'est que le ministère avait à
l'esprit ce qui a d'ailleurs été fait un reportage
sur ce service, qui est d'ailleurs déjà paru dans Publication 65
à l'heure, qui est la publication mensuelle du service d'information du
ministère. Il était nécessaire de demander la permission,
j'imagine. C'est la raison de la mention dans la lettre. Mais il n'est pas
question d'avoir un photographe et un journaliste sur tous les vols.
C'était pour une fin bien précise.
M. Samson: Pour les fins de la propagande. M. Forget: Pour les
fins de l'information.
M. Samson: Non, non, de la propagande. Ce n'est pas pareil.
Le Président (M. Kennedy): Elément I,
adopté? M. Samson: Non, non, je n'ai pas fini.
M. Bonnier: J'ai une question, M. le Président. Ce n'est
pas sur les médecins mais c'est sur les médicaments.
M. Samson: M. le Président, vous êtes beaucoup plus
vite ce matin que vous ne l'étiez hier.
Le Président (M. Kennedy): Oui, oui.
M. Charron: M. le Président, si on peut revenir...
M. Bonnier: Est-ce que je peux parler des médicaments?
M. Charron: Bon. Allez-y.
M. Bonnier: C'est parce que je me demandais, M. le
Président, jusqu'à quel point ce qu'on a vu dansl es journaux,
dernièrement, relativement aux plaintes de pharmaciens qui trouvaient
que les prix qu'on payait pour les médicaments ne rencontraient pas les
coûts d'opération, jusqu'à quel point cette plainte est
vraie et jusqu'à quel point cela pourrait risquer d'endommager le type
de services que les pharmaciens sont appelés à donner, en
particulier aux personnes âgées et aux autres?
M. Forget: Oui. Je crois que vous avez, dans le document qui vous
a été distribué, une description du mode de fonctionnement
du régime. Et je crois qu'il est utile de rappeler que les sommes qui
sont versées aux pharmaciens, au Québec, leur sont versées
sous deux rubriques différentes. Il y a, d'une part, le remboursement du
coût du médicament, qui est effectué selon la liste
préparée à tous les six mois, pour tenir compte des
variations de prix, des variations dans les produits qui sont disponibles sur
le marché, et qui vise à rembourser le pharmacien pour le
coût qu'il doit payer lui-même pour se procurer le
médicament. Les prix sont déterminés par le comité
consultatif de pharmacologie, à la suite de demandes d'informations et
de recherches auprès des fabricants et des distributeurs de
médicaments. Ceci est la première composante du prix et
l'intention du régime est de rembourser strictement le coût du
médicament.
Le deuxième élément, la deuxième composante
du paiement fait aux pharmaciens est une composante professionnelle. C'est un
honoraire au montant de $2.15 qui leur est versé depuis le début
du régime, en août 1972. Sur ce deuxième
élément, il y a des négociations entre le ministère
et l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires
et c'est dans le contexte de cette négociation sur le montant des
honoraires que la déclaration du président de l'association, le
Dr Comptois, a été faite.
M. Bonnier: Non pas sur le coût des médicaments.
M. Forget: Ce n'est pas, comme tel, sur le coût des
médicaments. Le coût des médicaments, nous n'avons aucune
raison de croire qu'il est, de façon générale, insuffisant
selon la liste, insuffisant pour effectivement dédommager le pharmacien
de ce qu'il lui en coûte, lui-même, pour se les procurer. C'est une
chose qui est évaluée périodiquement et qui est faite
à la lumière de toutes les informations disponibles sur les prix,
sur les escomptes pour le volume, qui sont données dans le cas de
certains médicaments à consommation très
considérable.
Mais nous sommes toujours prêts à ajuster le tir si jamais
on nous démontre que le prix est soit trop élevé ou trop
bas. Mais cela ne fait pas comme tel l'objet de négociations. C'est un
prix qui est déterminé unilatéralement, si vous voulez,
par le comité consultatif de pharmacologie.
La négociation porte essentiellement sur les honorai res. Comme
il s'agit là aussi d'une négociation, bien sûr, la position
que nous défendons dans ces négociations à la suite des
déclarations qui ont été faites sera rendue publique,
comme je l'ai dit, à l'Assemblée nationale. Mais,
essentiellement, il s'agit d'une négociation et j'aimerais autant ne pas
commenter davantage ce matin l'état de ces négociations.
M. Bonnier: Mon autre point, c'est simplement une clarification.
Tout à l'heure, à la suite d'une question du député
de Saint-Jacques, on a dit que le coût des médicaments gratuits
pour les personnes âgées était à peu près de
$9 millions par strate qu'on avait impliquée. Dans l'étude des
crédits l'année dernière, c'était
évalué à une possibilité de $21 millions et, cette
année, c'est $22 millions, le coût de ces
médicaments-là. Il y a quelque chose que je ne comprends pas
parce que, par ailleurs, nous avons ajouté cette strate d'un tiers. .M.
Forget: Ce que vous avez dans les crédits ne constitue qu'une partie des
coûts du régime global d'assistance-médicaments. Il s'agit
ici seulement du coût des médicaments pour les assistés
sociaux. Le coût des médicaments pour les personnes
âgées, les deux strates qui sont actuellement couvertes, est
assumé à même les fonds de la Régie de
l'assurance-maladie comme extension au régime d'assurance-maladie. Cela
ne paraît donc pas au budget gouvernemental; ça paraît au
budget de la régie qui a ses propres sources de fonds, donc q ui ne
puise pas ces deniers-là au fonds consolidé.
M. Charron: M. le Président, tout à l'heure nous
parlions le député de Taschereau vient de nous y ramener
de la possibilité d'étendre la gratuité des
médicaments à d'autres groupes. Il est aussi important, que le
gouvernement agisse afin de diminuer le coût des médicaments dans
l'hypothèse où un jour il aura à en assumer la
gratuité pour tous. Non seulement, donc, pour protéger le public
actuellement contre un prix exagéré des médicaments, mais
si, éventuellement, le programme s'étend et qu'il devient
lui-même acheteur, c'est à son propre avantage, à moyen
terme, au moins.
Le gouvernement achète, via les hôpitaux ou les pharmacies,
actuellement, pourenviron $55 millions de produits pharmaceutiques. Quand on
compare le mode d'achat des médicaments du Québec à ce qui
se fait dans d'autres provinces canadiennes, par exemple, ou dans d'autres
sociétés, je ne pense pas que nous puissions dire que nous
sommes, dans ce domaine, à l'avant-garde.
Les possibilités d'agir pour que le coût soit réduit
et que cela ait donc un effet d'entraînement sur l'ensemble du coût
des médicaments pour les consommateurs québécois ont
toujours été présentées au ministre des Affai res
sociales, sur la table de cette commission. Mais rarement avons-nous vu une
suite donnée à ce genre de suggestion. Pourtant, ce ne sont pas,
encore une fois, des mesures exceptionnelles, draconiennes, qui engouffreraient
une large partie du budget. C'est, très souvent, par exemple, une simple
politique de regroupement des achats, qui pourrait faire économiser, si
on se fie à l'expérience des autres, plusieurs millions de
dollars.
Je ne dis pas qu'il n'existe pas de politique d'achat des
médicaments actuellement et qu'on achète tout comme cela vient,
sans se préoccuper de la facture finale. Par exemple reprenons
une suggestion faite déjà plusieurs fois si le gouvernement se
rendait lui-même acquéreur des produits pharmaceutiques dont on
fait usage dans les centres hospitaliers du Québec plutôt que de
laisser chacun en pâture à la publicité faite sur les
médicaments et à celles des voyageurs de commerce des
sociétés de produits pharmaceutiques, il y aurait là,
puisque de
toute façon c'est à même le budget
québécois que tout cela se fait, économie des fonds
publics québécois.
Encore une fois, reprenons cette hypothèse maintes fois
déposée sur la table, mais qui demeure toujours réaliste,
à mon avis, d'une régie publique pour acheter des fabricants tout
médicament consommé.
Je parlais tout à l'heure des exemples des autres provinces. Le
ministre est certainement au courant d'une expérience dont j'ai pris
connaissance; celle du Manitoba qui, dit-on, a diminué le coût des
médicaments de 20% uniquement en obligeant les pharmaciens à
vendre le produit de substitution le moins cher.
C'est un genre d'initiative qui, encore une fois, n'est pas draconienne
mais qui, à court terme, déjà, porte des fruits. J'ai ici
une coupure de presse qui date de déjà un bon moment, de la
Gazette de mai 1974, où on décrit le système du Manitoba,
qui a donc donné les résultats que je donnais tout à
l'heure: le plus bas niveau de coût des médicaments dans
l'ensemble du Canada se trouve dans cette province.
Qu'est-ce que le ministre des Affaires sociales peut nous dire
aujourd'hui de ce qui a été fait au cours de la dernière
année suite aux remarques que nous lui avons faites, toujours dans le
but de faire baisser le coût des médicaments et éviter ce
gouffre dans les fonds publics? Et q u'est-ce qu'on s'attend à faire au
cours de la prochaine année dans ce même sens?
M. Forget: Beaucoup a été fait sur cette question,
particulièrementdurant la dernière année. Ceci me donne
l'occasion de résumer un peu la situation pour ce qui est des achats, de
la distribution, et des prix des médicaments au Québec.
Il y a plusieurs distinctions qui sont nécessaires,
évidemment, puisque les problèmes sont différents selon
que l'on parle du régime dont il est question ici à l'occasion de
l'étude des crédits, que l'on parle des achats de
médicaments dans les hôpitaux ou, que l'on parle du prix des
médicaments au consommateur qui n'est encore couvert par aucun
régime. Celui-ci représente, il faut bien le dire, une partie
très substantielle du marché total pour les médicaments et
il ne doit pas être ignoré dans l'ensemble des mesures que l'on
peut prendre pour réduire le coût des médicaments.
Il serait en effet, je crois, injuste de ne penser qu'au coût des
médicaments pour l'Etat. Il faut avoir à l'esprit
l'intérêt de tous les consommateurs de médicaments et en
particulier de ceux qui doivent défrayer eux-mêmes pour l'instant
et pour un avenir prévisible le coût de la médication.
Je vais essayer d'aborder un peu systématiquement ce qui se fait
dans chacun des secteurs, les questions qui se sont posées et les
travaux qui se sont faits. Le plus facile est sans doute de résumer la
situation dans le secteur hospitalier.
On sait que dans ce secteur, depuis environ quatre ou cinq ans, il y a
eu de nombreux efforts pour regrouper les achats, non seulement les achats de
médicaments maisd'autrestypesd'achats. En 1974, suite à la mise
sur pied des conseils rég ionaux, nous avons indiquéqu'il
était selon la loietselon l'esprit dans lequel nous voulions voir
la loi s'appliquer dans les responsabilités des conseils
régionaux d'assumer désormais cette responsabilité, ce qui
a été fait.
On se souvient que la première initiative de ce regroupement des
achats a été assumée par l'Association des hôpitaux
de la province de Québec avec l'appui technique et financier du
ministère, cela va sans dire, et ce transfert de responsabilités
s'est effectué durant l'année 1974. Des formules administratives
ont été mises en place pour assurer ce regroupement des achats,
mais déjà nous étions en face de réalisations qui,
je pense, sont passablement intéressantes et qui permettent de dire que,
sur le plan du regroupement, l'essentiel est fait du côté
hospitalier.
Et d'ailleurs ceci entre parenthèses le
Québec s'était abstenu de participer jusqu'à maintenant
à des discussions fédérales-provinciales ayant pour but
d'examiner l'intérêt possible d'un regroupement des achats
peut-être à plus grande échelle, encore, que ce qui pouvait
être fait par des ententes à l'intérieur d'une
région entre des établissements hospitaliers.
Les conclusions que nous tirons de l'expérience qu'on vient de
citer de certaines provinces dans le regroupement des achats sur un plan plus
considérable que la région sont, dans l'ensemble, assez peu
encourageantes pour ce qui est des économies qui pourraient en
résulter.
Il est évident que lorsque l'on parle de petits centres
hospitaliers, dans des régions où la population est moins
importante qu'elle ne l'est au Québec et ce sont souvent les
comparaisons que l'on fait l'avantage initial d'un regroupement peut
être très considérable, mais l'économie qui en
résulte est une économie qui est réalisable seulement la
première année. On obtient, à partir de ce
moment-là, un nouveau palier et les économies ne se
répètent pas d'une année à l'autre.
On maintient une situation qui à ce moment-là est tout
juste comparable avec un avantage ou un désavantage minime à la
situation qui est déjà acquise dans les provinces comme le
Québec ou l'Ontario où ces regroupements sur le plan
régional produisent déjà des volumes très
considérables et où évidemment la proximité aux
sources d'approvisionnement, puisque les fabricants sont majoritairement
situés dans ces deux provinces, a déjà permis à ces
provinces et à leurs réseaux hospitaliers, de
bénéficier de presque tous les avantages possibles.
D'autre part, et c'est souvent ce qui est oublié dans ces
propositions de regroupement, c'est que la marge entre les prix que l'on
obtient par le regroupement et ceux qui sont obtenus à l'origine n'est
pas constituée uniquement de profits. Elle est constituée
également de coûts de distribution et souvent les propositions de
regroupement ont pour objet de faire assumer par un organisme
agréé, des activités de distribution.
Ces activités sont indispensables, évidemment la
consommation ne se fait pas à un point donné sur le territoire,
mais à travers tout le territoire, et ces
activités sont coûteuses. Elles ne sont pas
mécanisables, puisque c'est de la manutention de petits colis en petites
quantités, à un très grand nombre de destinataires, et les
coûts réels de tout système pour assurer la distribution
font que bien sûr des économies apparentes peuvent résulter
d'un regroupement à très grande échelle, mais elles ne
sont souvent qu'apparentes puisque tous ces coûts doivent être
assumés de toute manière.
C'est à la lumière de ces constatations basées sur
l'expérience de plusieurs provinces, que les projets de regroupement
à une très large échelle des achats ne sont pas retenus
pour l'instant. Ce n'est pas de ce côté, je crois, que le
Québec, dans son réseau hospitalier, peut assurer
deséconomies plus grandes que celles qu'ils assurent déjà
par la mise en place du regroupement sur le plan régional des
achats.
Je dois signaler que, parmi les amendements adoptés l'an dernier,
en vertu du projet de loi no 41, à la Loi sur les services de
santé et les services sociaux, nous avons donné une base
législative à des formulaires hospitaliers, c'est-à-dire
à une certaine limitation qui n'empêche rien sur le plan de
l'expérimentation clinique, sur le plan de la recherche scientifique,
mais qui constitue une incitation très forte à minimiser, dans
toute la mesure du possible, la liste des médicaments qui doivent
être achetés et gardés en stock par les différents
centres hospitaliers.
L'impact d'une mesure comme celle-là, sur la plan
économique, est très considérable, puiqu'on peut faire
varier la iiste de l'inventaire des médicaments en stock dans un centre
hospitalier, d'environ 800 produits, en vertu d'un formulaire qui satisfait
généralement tous les besoins courants d'un centre hospitalier,
à plus de 4,000 en l'absence de tout formulaire.
La différence entre ces deux nombres est très
considérable, et il s'agit là de centaines de milliers de dollars
qui dorment littéralement dans les stocks des centres hospitaliers, en
l'absence d'une mesure comme celle-là. Donc, nous sommes raisonnablement
rassurés du côté hospitalier, toutes les mesures possibles
qui pourraient rapporter des fruits sur le plan économique sont
déjà mises en oeuvre et il n'y a pas beaucoup de
possibilités d'amélioration, sauf, bien sûr, par une
poursuite encore plus vigoureuse des politiques d'achat en commun sous les
auspices des conseils régionaux. Mais ceci est déjà bien
amorcé et cela se développe continuellement, du moins
d'après les informations qui sont à ma disposition.
Sur le plan des coûts du régime comme tel, alors, comme
j'ai indiqué, nous avons réduit les prix affichés ou les
prix publiés, lors de la liste publiée en janvier I974, par
l'adoption du prix moyen pondéré pour une liste de produits
à haute consommation, en tenant compte du fait que la consommation
à haut volume de certains médicaments, comme le diazépam
par exemple, les tranquilisants si vous voulez, permettait aux pharmaciens
d'obtenir des escomptes de volume. Nous en avons tenu compte, en faisant une
réduction des prix qui était fort substantielle et dont les
bénéfices demeurent jusqu'à maintenant, puisque cette
réduction a été reprise dans toutes les listes
subséquentes.
Pour ce qui est du coût des médicaments à la
population en général, celle qui n'est couverte ni par les
programmes de soins hospitaliers, dans la mesure où elle ne se trouve
pas dans un centre hospita-lier.et qui n'est pas couverte non plus par le
régime, il nous a paru nécessaire d'entreprendre des discussions
avec les ordres professionnels des pharmaciens et des médecins, puisque
ce sont les médecins qui prescrivent les médicaments, pour
explorer avec eux tous les moyens possibles pour diminuer les coûts de la
médication et pour diminuer également ce qu'il est convenu
d'appeler les abus d'utilisation ou la surutilisation. Nous avons eu
déjà deux rencontres avec lesdeux corporations professionnelles
impliquées, en septembre I974 et en janvier I975. Nous leur avons soumis
un inventaire, en quelque sorte, de toutes les mesures déjà
prisesoudéjàdiscutées pour une action gouvernementale ou
une action des groupes professionnels dans ce secteur. Nous les avons
invités à poursuivre leurs réflexions avec nous pour
appliquer un certain nombre de mesures qui seraient susceptibles de diminuer le
coût des médicaments au Québec et aussi diminuer les abus
dans l'utilisation des médicaments.
Ces mesures visent la publicité, visent la possibilité de
préparer, avec l'accord des groupes professionnels impliqués et,
dans le fond, de demander aux groupes professionnels impliqués de
préparer une listede produits substituables qui seraient utilisés
un peu à la façon dont la liste des produits substituables de
l'Ontario a été utilisée mais en prenant peut-être
un soin plus particulier pour que cette liste soit moins longue mais
également moins attaquable sur le plan de la substitution
elle-même puisque la substitution n'est absolument défendable que
pour des produits qui sont non seulement de même composition chirm iq ue
mais également qui ont les mêmes propriétés
biologiques. Les expérimentations nécessaires, pour s'assurer
d'une substitution véritable entre différents produits ayant une
même désignation générique, ne sont pas très
développées encore et rendent, dans une certaine mesure,
discutables les propositions qui auraient pour but simplement de réduire
le coût de la médication en choississant, parmi plusieurs
médicaments ayant la même désignation
générique, celui qui est le moins cher. Nous voulons nous
assurer, justement avec la collaboration des professionnels, que si de telles
substitutions sont effectivement encouragées, elles le seront avec
toutes les garanties possibles d'une qualité non diminuée. C'est
la raison pour laquelle nous envisagions une liste extrêmement limitative
puisque ce ne serait pas possible de faire davantage, contrairement à d
autres provinces qui ont cherché à combiner, dans une même
liste, les préoccupations d'un régime
d'assurance-médicaments ou d'assistance-médicaments et des
préoccupations économiques.
Je crois qu'au Québec nous avons besoin de deux listes parce
qu'il est clair que si nous voulons vraiment utiliser les possibilités
de substitution au maximum, il faut être absolument sûr que nous ne
sacrifions rien quant à la qualité du produit. Je ne veux pas
décrire nécessairement l'ensemble des
mesures qui sont envisagées dans ces discussions avec les deux
corporations professionnelles pour une raison très simple, c'est qu'ils
n'ont pas encore, pour leur part, fait connaître l'ensemble de leur point
de vue sur le sujet. J'imagine que, dans une certaine mesure, ils attendent
l'adoption d'ailleurs, je sais pour ce qu'ils nous l'ont dit des
règlements de leur ordre professionnel par l'Office des professions et
par le conseil des ministres puisque les deux ordres professionnels envisagent
des mesures qui devraient avoir un effet, dans leur réglementation, soit
sur les prix, soit sur la consommation.
Par exemple, la pratique d'un dossier individuel d'un malade, chez le
pharmacien, et certaines réglementations qui doivent paraître
relativement à l'activité professionnelle des médecins,
sont de nature à favoriser, peut-être, une diminution dans la
consommation de médicaments. Ils veulent, je pense, franchir cette
première étape; cependant, nous suivons ce dossier de très
près parce que je crois qu'il est très important que le
phénomène de surconsommation, comme le phénomène
des prix, fasse l'objet d'actions concrètes à la fois de la part
du gouvernement mais également des corporations professionnelles.
Il est futile de croire que le gouvernement peut influencer,
isolément, des corporations professionnelles. Ce sont deux
phénomènes. C'est une question à laquelle nous attachons
extrêmement d'importance, comme en témoignent, je pense, le
travail que nous avons fait et les rencontres que nous avons suscitées
avec les deux corporations professionnelles en question, dont j'attends, durant
l'année, des conclusions qui nous permettront d'agir, de notre
côté, en collaboration avec elles.
M. Charron: M. le Président, la réponsedu ministre
est complète. Je voudrais revenir à une partie, celle où
il nous a expliqué l'avantage considéré, actuellement, par
le ministère des Affaires sociales, de s'en tenir au regroupement
régional quant aux achats.
Avec la comparaison qu'il nous a faite des autres situations, est-ce
qu'il est possible d'envisager que ce regroupement régional d'achat des
médicaments au niveau des centres hospitaliers puisse également
s'étendre, sur la même base régionale toujours, aux
pharmacies du coin qui seraient considérées, dans ce cas, comme
étant des points de service? Ceci pour que l'achat se fasse vraiment sur
une base régionale non simplement pour les centres hospitaliers, mais
pour tous ceux qui, centres d'hébergement, pharmacies privées ou
autres, ont sur ce territoire la vente de médicaments ou la possession
de médicaments pour consommation.
M. Forget: Pour ce qui est des établissements autres que
les centres hospitaliers, il est évident que dans la mesure où
ils se procurent des médicaments, ce qui est un fait, pour ceux du moins
qui hébergent des personnes âgées ou d'autres personnes qui
nécessitent une médication soutenue, ils sont accessibles, ils
sont admissibles ou éligibles je ne sais pas quel mot est le plus
approprié aux programmes d'achat en commun, sous la
responsabilité des conseils régionaux.
Rien n'interdit de croire qu'un même service pourrait être
rendu également accessible aux pharmaciens d'officine s'ils le
désiraient, mais il est plus naturel de penser que des regroupements de
pharmaciens, pour des fins d'achat de médicaments comme il en
existe d'ailleurs, en a existé et continue d'en exister
pourraient leur permettre d'accéder à des volumes suffisants pour
bénéficier d'escomptes et d'un certain pouvoir de marchandage
auprès des fabricants. Mais comme il s'agit d'entreprises,
essentiellement, ce n'est évidemment pas au ministère, je pense,
pas au nôtre du moins, sinon à celui de l'Industrie et du
Commerce, de favoriser des regroupements ou la constitution de
coopératives d'achat parmi les pharmaciens d'officine. De telles
démarches existent déjà, de telles entreprises existent
déjà, comme on le sait. En dépit de difficultés
aiguës pour l'une d'entre elles, qui ont mené à sa
fermeture, il reste qu'il y a encore des entreprises qui fonctionnent plus ou
moins sur une base coopérative et qui permettent aux pharmaciens
d'accéder à des volumes considérables.
Mais, encore là, il ne faut pas négliger le coût de
la distribution, qui est un coût réel. Il n'y a aucune formule
administrative ou autre qui permet de négliger ces coûts. Le
pharmacien qui vit dans une région éloignée, qui ne veut
pas avoir un inventaire qu'il ne pourrait pas financer, de toute
manière, doit faire appel, pour des petits lots de médicaments,
à un distributeur. Les distances sont considérables. Donc, pour
lui, la proportion du coût total du médicament qui est
représentée par des frais de distribution sera toujours
considérable dans quelque système que ce soit. C'est parfois
peut-être l'élément le plus important, d'ailleurs.
M. Charron: Mais vous considérez comme inconciliable en
principe le fait que la base régionale s'étende à ce que
vous appelez les pharmaciens d'officine ou ces entreprises privées. Mais
y a-t-il déjà eu un essai pilote dans quelque région que
ce soit par exemple, il y a des régions éloignées
qui ont à faire face à ce coût de distribution
inévitable et qui est plus onéreux pour elles que pour tout le
monde de faire des achats qui, également, incluraient
l'entreprise privée?
M. Forget: Je ne sais pas dans quelle mesure. Je ne peux pas vo
us affirmer que cette expérience a été faite. Je ne
pourrais pas en exclure la possibilité. Mais il y a quand même un
problème de fond que vous posez par cette question, et je ne suis pas
sûr qu'on puisse le trancher facilement. Il reste que si un conseil
régional offre un service, fait fonctionner un service de distribution,
d'achat, de revente de médicaments, il faut quand même voir qu'il
s'agit là d'un établissement public, qui a un statut fiscal fort
privilégié.
Je vois mal comment, sauf dans les cas de carence absolue ou de vide
absolu de toute autre espèce de services de distribution, ce qui n'est
le cas, je pense, dans aucune région du Québec actuellement, sauf
erreur, on pourrait envisager une espèce de forme de concurrence assez
peu loyale dans le fond, puisque le gouvernement encouragerait, par ses
deniers, une entreprise qui serait en concurrence avec une autre dont il
perçoit des impôts.
Je pense que c'est une situation qui serait assez difficile à
justifier. Pour cette raison, de façon générale, tant et
aussi longtemps que nous aurons un réseau tel qu'il existe de pharmacies
d'officine je ne pense pas, contrairement aux déclarations qui
ont été faites, que les pharmaciens eux-mêmes souhaitent
une fin rapide à ce régime je ne vois pas de
possibilité d'ensemble.
M. Charron: J'imagine bien que n'importe quel le initiative dans
ce domaine pourrait être, au départ, un peu difficile à
apprécier quant à ses conséquences de fond, comme celles
que vient de souligner le ministre. Mais si l'objectif final était
atteint, au moins partiellement, celui d'une réduction du coût des
médicaments pour les personnes qui en font usage, je pense que le
gouvernement pourrait toujours se dire justifié d'être intervenu
de cette façon.
Le problème de fond se pose, évidemment, dans le cas
où une seule région aurait ce genre d'initiative pendant que
d'autres continueraient à véhiculer le régime actuel
d'achat de médicaments. Mais, à un moment ou à un autre,
si on décide d'intervenir lorsque vous aurez fini la consultation
auprès des ordres professionnels, selon vos suggestions il est
bien entendu que l'intervention du gouvernement dans le sens de la
réduction des médicaments, devra se faire par étapes,
probablement, et que chacune des étapes portera à l'égard
d'autres personnes une partie d'injustice etd'inégalité. Mais,
quand l'objectif final est atteint, d'une protection de l'ensemble des citoyens
du Québec contre et une surconsommation et un prix exagéré
des médicaments, cela justifie, peut-être pas toujours totalement,
l'initiative gouvernementale dans ce sens.
M. Forget: Bien, il faut distinguer ce qui est une
réduction de coût et ce qui est un simple transfert de coût.
Il est clair que, si le gouvernement prend à sa charge une partie
quelconque des frais inhérents à la production ou à la
distribution des médicaments, le coût au consommateur peut
être diminué jusqu'à zéro, comme c'est le cas dans
les régimes d'assistance-médicaments. Il demeure que, si tout ce
qu'il fait, ce n'est pas de produire un régime plus efficace où
les coûts sont réellement réduits, mais de prendre à
sa charge une partie des coûts, il doit, à ce moment-là,
bien sûr, justifier son intervention par l'intérêt public,
mais il doit également, à mon avis, le faire de manière
à ne pas créer indirectement une situation qui ne veut pas
nécessairement avouer faire directement.
Ce que je veux dire, c'est que, si l'on veut exproprier une partie de
l'industrie de distribution ou de vente au détail, ou de fabrication des
médicaments, il serait plus honnête de l'annoncer, de le dire et
de le faire que d'étendre insensiblement un système qui n'a pas
pour but premier ce genre de résultat et de provoquer, pendant toute la
période intérimaire, une espèce d'insécurité
qui fera que les services se détérioreront plutôt que de
s'améliorer.
Il est clair que, si l'on laisse soupçonner que nous allons
envahir insensiblement, via la distribution par les centres hospitaliers ou les
conseils régionaux, tout le domaine de la distribution et le rôle
du grossiste en quelque sorte, à partir de demain, les services vont se
détériorer sans que, pour autant, on n'ait fait rien de
précis pour les améliorer. Ce n'est clairement pas notre
intention pour le moment. C'est évident je pense que tout le
monde le sait qu'on ne peut pas dire si dans dix ans la situation sera
la même.
Il est clair que ce n'est pas notre intention de jouer le rôle du
grossiste. Il n'est pas dans notre intention d'exproprier les pharmaciens
d'officine, ni les grossistes, ni lesfabricants. Nous avons un tas de choses
qu'il est possible de faire et dont, encore une fois, nous avons discuté
avec les ordres professionnels impliqués pour au moins accroître,
sur le plan des coûts, les pressions sur le réseau de distribution
et le réseau de fabrication, la pression sur les coûts.
Je peux donner l'assurance aux membres de cette commission que plusieurs
décisions seront requises durant l'année pour accroître la
pression sur les coûts, dans le secteur des médicaments, et que
nous ne manquerons aucune occasion d'accroître la pression sur les
coûts, d'accroître les possibilités de concurrence de
manière que les coûts soient les plus bas possible, dans le cadre
du système tel que nous le connaissons. Lorsque nous aurons obtenu ce
résultat, je crois que la différence entre les coûts que
nous aurons à ce moment-là et les coûts de tout autre
système sera beaucoup moins considérable que celle qui peut
être dans le moment.
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Vanier.
M. Dufour: M. le Président, le ministre a presque
répondu à toutes mes q uestions mais il y a une chose que je
voudrais noter. C'est que je trouve un peu enfantin d'avoir laissé
150,000 personnes âgées de 65 ans et plus non éligibles aux
médicaments parce qu'on pourrait aller chercher, je crois, cette somme
de$l.7millions qu'il en coûtera en plus au ministère,
c'est-à-dire au régime de rentes, dans l'avenir, pour payer les
médicaments pour un an.
Si on se place au niveau des personnes âgées de 65 ans et
plus, je crois qu'on peut les placer, pour 95%, sur un même pied,
même si elles ne sont pas bénéficiaires du
supplément de revenu garanti. Alors je déplore que, pour un an de
plus, on les ait laissées de côté.
Les prévisions pour 1975/76 se chiffreront par environ $39
millions. On essaie d'étudier les causes de cette montée en
flèche du coût des médicaments mais je trouve une
réponse à la page 3, dans une petite note, dans le bas: "La
différence serait attri-buable à une hausse de l'utilisation per
capita".
Cette utilisation, le ministre semble, si j'ai bien compris,
entreprendre des études pour essayer de baisser la hausse de
l'utilisation per capita. Je pense qu'il ne faudra pas trop attendre. Si on
n'étudiait pas trop longtemps, je crois qu'on pourrait peut-être
épargner de $4 millions à $5 millions, au moins, ce qui nous
permettrait de payer pour les personnes âgées de 65 ans et
plus.
C'est incroyable de voir l'utilisation des médicaments. Vous avez
beau baisser le coût, si vous ne diminuez pas l'abus... C'est par l'abus
que le coût des médicaments augmente. Je crois qu'une étude
devrait être faite avec les premiers intéressés, au
niveau
des médecins et des pharmaciens d'officine, de laboratoire, qui
livrent la médication tous les jours, pour essayer d'arriver à
réglementer cette chose.
Il se fait même un trafic de médicaments, vous le savez.
Les gens vont voir quatre ou cinq médecins dans la même
journée ou dans la même semaine et ils reçoivent des
ordonnances à peu près de tout le monde. J'ai rencontré
dernièrement des gens qui prenaient jusqu'à 40 pilules par jour.
Ils ne sont pas morts parce que la vie d'un homme, c'est assez dur, mais je
crois qu'il va falloir certainement prendre un moyen pour que le médecin
qui voit un malade en consultation soit assuré qu'il n'a pas vu d'autres
médecinsdans la même journée ou la veille et être au
courant de la médication qui a été prescrite à ce
moment-là. Je crois qu'on épargnerait plusieurs millions par
année si on posait un geste rapide pour bloquer cet abus.
Actuellement, il yen a qui, dans la même journée, vont se
chercher quatre ordonnances de diazépam et, le soir, font le trafic et
même vendent ces pilules, diazépam 10 milligrammes, à $1
par pilule, à des jeunes de douze, treize ou quatorze ans.
Alors, je pense qu'il est urgent d'organiser un carnet de santé
où le médecin qui aura prescrit une médication devra
signer la date de sa consultation et la médication.
C'est très urgent, je vous le dis. Si on continue à
réfléchir pendant des années, je crois qu'on n'a pas fini
de voir monter en flèche le coût des médicaments.
C'est un peu ce que j'avais à dire là-dessus. Mais
j'invite le ministère à se pencher d'urgence sur le sujet pour
arriver à avoir un certain contrôle sur les prescriptions
données à un même indigent qui vient nous voir au
bureau.
M. Forget: M. le Président, j'aimerais d'abord, faire
juste une brève correction. Le coût de l'exten-tion à un
troisième tiers des personnes âgées non actuellement
couvertes est de l'ordre de $9 millions parannéeetnon pas de I.7. Le
l.7qui paraît à la page 2 se réfère aux coûts
pour les trois premiers mois de I975 qui évidemment étaient
compris dans les crédits de 1974/75.
Donc, il faut multiplier par...
NI. Dufour: Par trois.
M. Forget:... quatre ce chiffre-là. Donc c'est un
coût d'environ $9 millions.
Pour ce qui est des statistiques de consommation dans le régime
d'assistance-médicaments, il est évident qu'il y a là un
problème apparent qui nous préoccupe. C'est un problème
dont la solution n'est pas facile tout simplement parce que le régime de
gratuité s'adresse au patient. Mais l'ordonnance, ce n'est pas le
patient qui la prépare et ce n'est pas le pharmacien non plus qui est
responsable du nombre d'ordonnances.
C'est la raison pour laquelle, pour vraiment en venir à une
solution à ces problèmes, nous avons rencontré, dès
le mois de septembre dernier, les deux corporations professionnelles
impliquées pour réfléchir avec elles sur des mesures
à prendre et je dois di re, sans reprochede ma part, que de
cecôté, le ministère a formulé des suggestions, des
recommandations, a fait le bilan de ce qu'il était possible d'imaginer
comme action et qu'après maintenant plus de six mois, depuis la
première rencontre, nous n'avons pas véritablement de suggestion
très concrète de nos contreparties dans cette discussion.
J'ai indiqué aussi pourquoi je pense que ce délai s'est
écoulé. Je crois que les deux corporations professionnelles ont
été impliquées durant la même période dans la
préparation de leur réglementation en vertu de la nouvelle
législation, réglementation qui incorpore des dispositions qui,
selon elles, pourraient avoir un effet sur l'abus de consommation.
Mais on en vient rapidement à des problèmes de fond qui
sont très difficiles. Lorsque l'on pense, par exemple, que même si
un patient ne consulte qu'un seul médecin, il peut aller faire remplir
sa prescription chez plusieurs pharmaciens différents. Donc, le
contrôle par le pharmacien est très Iimité de ceux qui
veulent vraiment tricher, en quelque sorte, le régime. Il ne peut faire
que ce dont il a connaissance lui-même.
Le médecin aussi est relativement sans défense
vis-à-visdes multiples consultations, lorsquec'est le cas. Et il faut se
demander s'il n'est pas nécessaire, dans un régime comme celui de
l'assistance-médicaments, de chercher à obtenir l'inscription du
patient auprès d'un pharmacien de manière qu'il puisse suivre le
dossier-patient et voir s'il ne reçoit pas des ordonnances de plusieurs
médecins différents dont les effets, les interactions entre
médicaments, pourraient être dommageables à sa
santé.
Mais l'on voit tout de suite que les préoccupations relatives
à la surconsommation vont dans le senscontraire à celles que l'on
veut également développer relativement à la pression sur
les prix, puisqu'il est clair que dans un tel système le choix du
pharmacien est rendu impossible. Une fois qu'il est fait une fois, il doit
demeurer inchangé, quels que soient les prix affichés par ce
pharmacien. Ainsi veut-on véritablement donner une espèce de
monopole permanent au moins vis-à-vis un client en particulier à
un pharmacien.
Ce genre de considérations montre que c'est un problème
extrêmement complexe, la surconsommation, lorsque surtout on veut le
faire dans un contexte où il y a d'autres préoccupations de libre
choix des professionnels. Malgré tout, il n'est pas impossible
d'entrevoir des solutions et c'est la raison pour laquelle nous avons ces
réunions.
J'espère bien que sous peu nous pourrons reprendre cette
discussion sur la base des propositions que j'ai moi-même
déposées devant un porte-parole des deux ordres professionnels.
Nous avons toute une série d'idées qu'il serait au moins
intéressant de mettre en application et nous allons voir dans les
prochains mois s'il est possible d'en appliquer au moins une ou deux.
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, sur le même sujet,
ça
n'arrive peut-être pas souvent, mais j'approuve au moins le
ministre quand il nous parle du respect de la liberté de choix pour les
individus, les professionnels, ainsi que de la liberté d'entreprise.
Cela rend peut-être un peu plusdifficile, comme il l'a dit,
certains contrôles pour empêcher des abus. Par contre, je vous
avoue que c'est la première fois que je prends connaissance qu'il y a
abus dans le sens d'un quasi-trafic de drogues, d'indigents qui,
bénéficiant du système d'assurance-maladie, iraient
chercher quatre ou cinq prescriptions par jour, les feraient remplir chez les
pharmaciens pour revendre ces médicaments.
Je remercie le député de Vanier d'avoir soulevé ce
sujet devant la commission, parce que je considère que non seulement le
sujet est important, mais que c'est une chose grave. S'il fallait que les cas
se multiplient, cela pourrait aller très loin.
C'est pourquoi j'invite le ministre à se pencher sur une
suggestion du député de Vanier que je considère comme
valable, soit le carnet de santé, qui pourrait remplacer la
"castonguette". Il est vrai qu'un même patient peut, en pratique, visiter
trois, quatre ou cinq médecins par jour.
Les médecins sont des humains qui, ne sachant pas que leur client
arrive de chez un autre médecin, compte tenu des situations, peuvent
avoir un diagnostic qui peut être nuancé et donner une
prescription un peu différente. Il est important pour la santé
des gens que le patient voie toujours le même médecin qui peut
suivre l'évolution du cas.
Dans le contexte actuel, ce n'est pas facile que ça se passe
comme ça. J'ai eu connaissance personnellement cela a
été porté à mon attention de cas d'indigents
qui, ayant un peu plus de temps que ceux qui doivent travailler pour gagner
leur vie, vont voir un médecin pour une maladie banale peut-être
et, dans la même journée, vont en voir un autre juste pour
vérifier la qualité du médecin. Ce sont des chosesqui sont
un peu délicates à discuter peut-être.
Les médecins sont peut-être un peu mal placés pour
en discuter eux, mais nous, en ayant connaissance de ce qui se passe de ce
côté, nous nous devons de le dire. Les buts qui sont poursuivis
par le régime d'assurance-maladie sont de donner des soins de
santé gratuits à la population ; ils ne sont pas de permettre
desabus qui font que les gens en font un trafic.
C'est évident q ue, si le patient avait un carnet de
santé, le médecin, en examinant le carnet, pourrait savoir que
son patient arrive de chez un confrère et qu'il y a eu prescription de
telle chose.
Je pense que ça pourrait éviter les abus qui sont
présentement dénoncés et qui ne font, j'espère, que
commencer. J'espère que ce n'est pas rendu trop loin, mais il y a le
risque que cela pourrait aller beaucoup plus loin. Et ce risque ce seul risque,
je pense, justifie une étude du ministère pour une action
précise et aussi rapide que possible.
C'est évident qu'on va nous apporter des arguments
pratico-pratiques voulant que le système est basé de telle sorte
qu'on procède avec une carte, puis il y a des machines ordinatrices qui
travaillent là-dessus. Il faudrait peut-être déprogrammer
les machines encore une fois. Ce n'est peut-être pas facile, je le
réalise. Ce n'est peut-être pas facile, M. le Président,
mais il reste que si c'est véridique je n'ai aucune raison de ne
pas prendre la parole du député de Vanier; j'ai eu aussi des
communications avec certains de ses confrèresqui m'ont parlé un
peudans le même sens, sans aller aussi loin cela veut dire qu'il
semble se développer une espèce d'habitude. Compte tenu de cette
lutte que nous devons faire socialement contre ce fléau qu'est la
drogue, au moins si on pouvait éviter cette partie, que le gouvernement
ne soit pas complice involontaire, si vous voulez, d'une espèce de
trafic de drogue, je pense qu'on aura au moins fait ce bout de chemin. D'autant
plus que rien ne justifierait que le gouvernement paye pour des choses comme
cela, et ce pour aucune considération.
La solution n'est pas facile là-dessus. J'ai beaucoup de
sympathie pour les officiers du ministère qui auront à se pencher
sur ce problème. La solution n'est pas facile, mais il faudra en
arriver, je pense, à l'intérieur du système
d'assurance-maladie, à une solution qui permettrait que le
médecin consulté sache que son patient est allé ailleurs
pour la même chose et qu'il n'y ait pas un risque de
contre-médication. On ajustement j'ai cela quelque part dans tous
mes dossiers, mais j'en parle de mémoire un article de journal
qui a paru dernièrement, suite à une étude, je pense, de
l'université McGill, portant sur une période d'une dizaine
d'années, qui disait que les médecins ne prescrivaient pas
toujours le remède qu'il fallait, peut-être par manque de
connaissance des médicaments. Je ne veux pas là laisser croire
que je ne fais pas confiance aux médecins. Au contraire, ces gens sont
pris devant une multitude de médicaments nouveaux qui arrivent sur le
marché régulièrement et ils n'ont pas toujours le temps,
s'ils veulent servir leur clientèle adéquatement puis Dieu
sait si cela en prend du temps de se tenir au fait de tous les nouveaux
médicaments. D'autant plus qu'ils sont aux prises aussi, les
médecins, avec le petit livre bleu, je pense...
M. Forget: La couleur en varie d'une année à
l'autre...
M. Samson: La couleur en varie. Bien, il y a de
l'amélioration, la couleur a varié, M. le Président, mais
il reste qu'ils sont aux prises aussi avec cela. Ils sont obligés de
mémoriser, si vous voulez, la liste des médicamentsqui sont
disponibles pour les indigents qui doivent avoir recours à
l'assistance-médicaments. Ces gens qui sont habitués à
prescrire certaines sortes de médicaments pour telle ou telle maladie
sont obligés, si c'est un indigent, d'avoir recours à la liste
pour voir si ce médicament est sur la liste, puis s'il ne l'est pas,
trouver l'équivalent.
Cela prend aussi au médecin un temps qui est précieux.
D'ailleurs, justement, j'ai une lettre qui a été envoyée
dernièrement, qui nous est parvenue du ministère, où on se
plaignait de cela, où notre correspondante se plaignait du fait que les
médicaments prescrits par son médecin, elle ne pouvait pas les
avoir en vertu du plan d'assistance-médicaments chez son pharmacien.
Dans la réponse qu'on nous donne au ministère, on dit ceci:
"II s'agirait, pour madame, de mentionner à son médecin
qu'elle a droit à la gratuité des médicaments. Ainsi, il
lui sera loisible de consulter la liste des médicaments compris dans
cette exemption avant de rédiger la prescription de sorte qu'elle n'ait
pas à assumer les frais." C'est un peu cocasse, vous savez. Le
médecin est rendu qu'il n'est presque pas capable de prescrire le
médicament qu'il croit être celui dont le patient a besoin. On ne
prescrit pas en fonction de la maladie, on prescrit en fonction de la liste qui
est fournie. Cette liste est discutable. Je n'ai pas l'intention de reprendre
tout le débat qu'on a fait l'année passée
là-dessus, on en a parlé longtemps, mais c'est quand même
discutable et c'est contesté, présentement.
Qui décide quel médicament on met sur la liste ou pas?
Cela aussi, c'est contestable, mais il demeure qu'on se retrouve devant cela
alors que tous nous savons que les cabinets de médecin sont remplis
à craquer de patients qui doivent attendre des semaines même avant
de pouvoir avoir un rendez-vous. On oblige le médecin à devenir
une espèce de technocrate, si vous voulez, qui, plutôt de faire de
la médecine, joue dans des papiers pour découvrir quel est au
juste le médicament qu'il peut prescrire et qui répond aux
normes. Cela devient de la médecine de normes, cela devient de la
médecine technocratique, à ce moment-là. Je ne pense pas
que le corps médical soit tellement intéressé à ce
genre de médecine. Il vaudrait mieux que tous les efforts du corps
médical soient faits pour donner des soins aux patients en fonction
d'une guérison le plus vite possible et non en fonction d'un petit livre
qui dit que vous devez prescrire telle chose plutôt que telle autre. Au
cas où votre prescription n'entrerait pas dans les cadres du petit
livre, le médecin a l'autorisation, je pense, à moins que je
fasse erreur, de faire l'équivalence.
L'expérience que nous en avons est que les équivalences
amènent des effets contraires aux effets recherchés, souvent,
dans le sens que les questions des allergies ne sont pas
considérées. Si un patient reçoit la médication
prescrite, exactement, par son médecin, il va tendre vers une
guérison alors que s'il reçoit une médication qui n'est
pas prescrite par le médecin, qui est différente ou
équivalente, souventefois il y a allergie à ce genre de
médicament, ce qui fait que le patient se retrouve chez son
médecin plus souvent. Les visites qui se répètent
deviennent des visites pour soigner une maladie qui a été
occasionnée par le livre b leu. C'est à peu près cela, le
résumé de la situation.
Il restequand même qu'on pourrait soulager les cabinets de
médecin quelque peu. On pourrait également soulager le budget de
la province en matière d'assistance-médicaments si on pouvait
trouver un moyen de faire en sorte que le médecin sache que son patient
est allé voir un, deux ou trois de ses confrères, qu'il a
reçu telle ou telle autre ordonnance.
Maintenant, peut-être avant de permettre au ministre de me donner
une réponse, je pourrais peut-être ajouter une question qui lui
permettra de me donner toutes les réponses en même temps.
M. Forget: Vous n'avez plus aucun commentaire, après
cela.
M. Samson: Pardon?
M. Forget: Vous n'avez plus aucun commentaire, après
cela?
M. Samson: C'est une garantie qu'on me demande, M. le
Président, qui est difficile à donner. lls'agit de la
Régie de l'assurance-maladie quant aux tarifs des médecins, quant
aux tarifs à être accordés pour les visites à
domicile. Vous savez qu'il y a de moins en moins de médecinsqui risquent
maintenant des visites à domicile. L'on me rapporte que celui qui risque
de le faire, même quand c'est absolument nécessaire, le fait
presque à ses frais. Même s'il y a compensation de la part de la
régie pour une visite àdomicile, il reste que les frais encourus
pour se déplacer font que les médecins sont de moins en moins
intéressés et de moins en moins capables de le faire. La
médecine qui permettait à un médecin de faire certaines
visites à domicile est très importante. C'est dans la philosophie
du ministère, je pense, de vouloir un peu soulager les salles, les
chambres d'hôpitaux, déjà par les cliniques dites externes.
Mais si un médecin de famille peut se rendre à domicile, parfois
il évite de cette façon peut-être une hospitalisation qui
serait très coûteuse au gouvernement. Alors les visites à
domicile font qu'il y a une économie pour le gouvernement, mais cette
économie, actuellement, n'est pas exploitée au maximum, parce
qu'on ne donne pas suffisamment d'argent au médecin qui doit faire ce
genre de visites. Les taux me semblent trop bas. Je pose aussi cette question
au ministre, est-ce qu'il y aura révision de ce côté?
M. Forget: On a parlé d'abord d'abus à la suite des
remarques du député de Vanier, dans l'utilisation du
régime d'assurance-médicaments, d'assistance-médicaments.
Le caractère étendu ou non de l'abus est une chose qu'il est
difficile de documenter. Ce n'est certainement pas possible de dire, puisque ce
serait contraire à la vérité, qu'aucune forme d'abus
n'existe. On se souviendra, cependant, que dans le cadre du régime, la
période de validité d'une ordonnance est limitée à
30 jours. Donc, les possibilités d'obtenir des renouvellements
répétés, pour des fins de trafic illicite, par exemple,
des médicaments affectant le système nerveux central, qui est
probablement le secteur où il pourrait y avoir un trafic illicite, sont
limitées par la durée, fort limitée elle-même, de
validité de l'ordonnance à 30 jours.
Il existe des cas décelés d'abus, et le président
de la régie m'informe que, dans de tels cas, une enquête
approfondie est faite, et en particulierdans un cas remarquable qui
aété porté à l'attention de la régie, la
plainte se rendra jusque devant les tribunaux.
Une solution plus générale du problème ne pourra
pasêtre disponible tant que ne seront pas mis sur pied les
mécanismes de compilation d'un fichier des bénéficiaires,
tel que nous l'avons envisagé pour
l'ensemble des services assumés par la Régie de
l'assurance-maladie et tel que nous l'avons incorporé dans la loi du
régime, l'automne dernier, par les amendements qui lui ont
été apportés.
Evidemment, il y a toute une mécanique à mettre en place
pour compiler ces données par bénéficiaire et assurer, de
cette façon, l'établissement de profils de consommation par
bénéficiaire et, donc, la détection
d'irrégularités possibles, soit au niveau d'une consommation
exagérée, soit au niveau d'une interaction, toujours possible, de
médicaments obtenus de sources différentes et sous prescription
de médecins différents, soit des possibilités de
négoce ou de trafic illicite de certaines drogues.
Ceci va prendre un certain délai, qu'on évalue à un
an ou un an et demi, dans le moment. La solution pourrait revêtir une
autre forme, telle que suggérée, celle du carnet de santé.
Cependant, dès qu'il est question d'un carnet de santé, on doit
se souvenir qu'on veut faire porter le fardeau du contrôle de tout un
système administratif sur l'individu au bénéfice duquel le
régime existe et qui, dans son ensemble, si on parle du
bénéficiaire représentatif, n'est certainement pas
systématiquement et généralement coupable d'abus.
Qu'arrivera-t-il si une personne, qui bénéficie du
régime à un titre ou à un autre, oublie son carnet et
qu'elle a dû se déplacer? Est-ce qu'on lui donnera quand
même des médicaments ou si on l'obligera à retourner
chercher le fameux carnet, à supposer qu'elle est en voyage? Est-ce que
les exceptions à un tel régime ne seraient pas suffisamment
nombreuses, permettant suffisamment d'échappatoires, pour ceux qui
veulent vraiment s'engager dans des négoces ou dans des commerces
illicites de drogues, pour rendre totalement inefficace un tel système?
Malgré tout, pour la plupart des gens qui aiment observer des lois et
s'y conformer, ce serait leur imposer une obligation additionnel le qui serait,
dans la majorité des cas, inutile.
C'est un peu ce qui nous fait pencher pour les systèmes
administratifs qui placent le fardeau sur la régie plutôt que sur
l'utilisateur. Je pense que nous sommes déjà engagés dans
cette voie et nous devrions obtenir, de cette façon peut-être, la
réponse à tous les besoins véritablement importants.
Au niveau des interactions, par exemple, si le carnet de santé,
est regardé comme ça, de visu, par un professionnel, elles
peuvent très bien échapper à l'attention, alors qu'il est
possible de déterminer des codes d'interactions possibles, tenant compte
de l'âge, du sexe du bénéficiaire, de manière
à vérifier systématiquement tous les cas possibles
d'interactions, ce que, très certainement, l'attention, malgré
tout, parfoisdistraited'un professionnel, pourratrès bien ignorer.
On a parlé, en deuxième lieu, de la liste des
médicaments. On dit, on répète, malgré les
explications qui sont données chaque fois, qu'il s'agit là d'une
liste technocratique. Je pense que cette désignation n'est pas exacte.
Il ne s'agit pas d'une liste technocratique. Il s'agit, en
vérité, d'une liste professionnel le parce qu'elle est
établie non pas en vertu de critères administratifs, mais en
vertu de critères professionnels par des spécialistes des
questions de pharmacologie, par des consultations avec les milieux
professionnels, les corporations de médecins et de pharmaciens, et tous
les cas qui nous sont signalés de soi-disant omissions à la liste
découlent de deux phénomènes.
D'un nouvel arrivé sur le marché, qui n'a pas
été incorporé à la liste parce que la liste est
publiée à tous les six mois et pas à toutes les six
semaines. Donc, il y a des délais dans l'inscription d'un
médicament mais cela est toujours corrigible et est toujours
effectivement corrigé. Il y a de nombreux changements dans chaque
édition de la liste, basés sur cette raison. Les autres cas sont
des cas où, en vertu de l'application de critères professionnels
qui sont énumérés dans l'introduction à la liste,
l'inscription à la liste n'a pas été retenue pour des
raisons scientifiques, pour des raisons professionnelles.
Atout événement, je préfère une liste
technocratique, même si on doit l'appeler comme cela, à une liste
purement commerciale, parce qu'il est clair que si nous n'avons pas cette liste
et si c'est l'alternative à laquelle on pense, nous aurons une liste
commerciale. Je trouve étonnant que, dans le contexte d'une discussion,
on parle de l'abus de consommation. L'abus de consommation ne vient pas tout
seul. Il vient par une incitation à la consommation, une incitation qui
trouve sa racine dans des considérations commerciales,
considérations commerciales qui se manifestent par une publicité,
par des efforts de promotion très intenses auprès des
professionnels, efforts de promotion qui ne sont pas toujours directement
proportionnels à l'intérêt scientifique ou professionnel de
nouvelles drogues mais beaucoup plus au potentiel économique que
représente la mise sur le marché, pour un fabricant donné,
d'une variation, sans différence, dans le fond, avec un autre produit
qui est déjà sur le marché.
Une liste commerciale constituerai tun abandon par l'Etat qui administre
un régime d'assistance-médicaments, un abandon complet de ses
responsabilités devant des pressions commerciales. Je pense que la
raison pour laquelle on persiste à soulever le problème, ce n'est
pas pour soulever le cas de tel ou tel médicament particulier. Je crois
que dans tous les cas où de tels cas particuliers sont soulevés,
nous avons toujours été en mesure de donner des raisons valables,
sur le plan professionnel.
On soulève, je pense, le problème de principe: Devrait-il
y avoir une liste? A mon avis, le dossier ou les raisons qui justifient une
liste sont absolument irréfutables. Plusieurs médicaments sont
mis sur le marché sans aucune espèce d'évaluation de leur
efficacité thérapeutique.
Tout ce que les contrôles gouvernementaux exigent, c'est que cette
drogue ne soit pas positivement dommageable à un être humain. Et
encore, même l'expérimentation qui est faite ne porte que sur une
période de temps limitée et des expériences comme celle de
la thalidomide montre très bien que même les critères
actuels sont déficients quant à leur
sévérité.
Il y a déjà dans cette liste des médicaments qui
probablement ne devraient pas y figurer, probablement des médicaments
qui, dans dix ans, apparat-
tront comme des aberrations complètes. Je ne crois pas que nous
soyons trop généreux. Il y a dans cette liste 5,000
médicaments.
Tous les spécialistes de la pharmacologie clinique, y compris des
médecins formés spécialement pour évaluer l'effet
des médicaments sur la biologie humaine, sur le métabolisme,
nousdisentqu'il y a là tout ce qu'il faut pour traiter toutes les
maladies connues. Et nous n'avons jamais hésité à faire
des additions. Ce q ui ne s'y trouve pas de façon systématique,
ce sont les produits composés pour usage interne. Ce sont des produits
qui, évidemment, ont un certain attrait pour le praticien qui, comme on
l'a indiqué, est débordé de publicité de toute
sorte sur l'effet des médicamens, qui ne peut pas se tenir au courant de
l'effet biologique, biochimique de 16,000 médicaments sur le
marché actuellement et qui varient sans cesse, dont la vie moyenne est
de l'ordre de deux, trois ou quatre ans sur le marché et qui doit se
fier à une publicité incomplète. Il est impossible de
savoir l'effet précis d'un si grand nombre de médicaments, il
doit se fier à des pharmacopées. Il n'existe pas de
pharmacopée canadiene, on doit se référer à des tas
d'ouvrages étrangers qui correspondent plus ou moins à nos
besoins et, devant de telles pressions, il est clairque des produits
composés ont un certain attrait. C'est une façon de viser assez
largement tout un ensemble de facteurs qu'il est parfois difficile de
diagnostiquer précisément et un produit composé permet, en
visant un type de symptômes, de s'assurer d'une certaine marge de
manoeuvre et d'une certaine marge d'erreur.
Mais il reste qu'une véritable médication doit être
plus spécifique que ça et c'est dans cet esprit que la liste des
médicaments est restrictive. Elle est restrictive pour éliminer
des produits qui ne satisfont pas aux critères d'efficacité
thérapeutique, une valeur thérapeutique qui a été
établie. Enfin, les sept ou huit critères qui sont
enumérés dans l'introduction à cette liste devraient
suffire à convaincre tous ceux qui ont desdoutes, d'autant plus que ce
n'est pas une situation statique, c'est une situation qui évolue
à tous les dix mois.
Encore une fois, chaque cas qui a été mentionné a
fait l'objet de discussions avec la Corporation professionnelle des
médecins, avec un comité spécialement
désigné à cette fin, des consultants dont les noms
évidemment ne sont pas connus, parce que si l'on donne les noms ils vont
tout de suite être pris d'assaut par 10,000 fabricants de produits
pharmaceutiques, ils vont se faire offrir des voyages au Japon. Il est clair
que nous ne pouvons pas révéler le nom de ces gens, si on doit
parler en termes très clairs.
M. Samson: Du moment qu'ils ne se feront pas offrir des "bad
trip".
M. Forget: Ce seraient peut-être de très bons
"trips" au contraire. Mais il est clair que ces gens nous aident à
préparer la liste. Ils ont demandé que leurs noms soient ten us
secrets et nous allons continuer à les tenir secrets, mais ce n'est pas
rédigé purement à l'intérieur du ministère
sans consultation. Et nous pouvons défendre cette liste envers et contre
tous.
D'ailleurs, c'est une liste qui est largement plus grande, plus
représentative des médicaments que celle utilisée dans
d'autres provinces, justement parce que nous avons voulu la faire obéir
à des critères professionnels, en ignorant les
préoccupations économiques qui se retrouvent dans plusieurs
listes de médicaments des autres provinces.
C'est mélanger les préoccupations que de faire une liste
en omettant certains médicaments parce qu'ils sont trop chers ou parce
qu'ils sont plus chers qued'autres. Nous avons laissé une
trèslarge liberté aux professionnels dans le choix des
médicaments, pourvu qu'ils répondent aux critères de
choix.
C'est pourquoi une action distincte de celle-ci est nécessaire
pour fai re pression sur les prix. Cela a fait d'ailleurs l'objet des
interventions précédentes. Mais je pense qu'il faut tenir
absolument à cette liste parce qu'elle est la meilleure garantie que
nous puissions avoir, dans l'état actuel des choses, que ce programme de
médicaments ne deviendra pas complètement incontrôlable et
complètement irresponsable.
Je crois qu'il serait très embarrassant pour le gouvernement de
faire une liste qui donne une caution morale à tous les
médicaments qui sont actuellement sur le marché. Il n'y a pas
beaucoup de choses que nous pourrions inclure de plus qui ne nous
entraîneraient pas jusqu'à cette limite.
J'ai testé moi-même auprès de nos consultants
plusieurs de ces suggestions et j'ai été convaincu par les
arguments qui m'ont été donnés, à chaque fois.
C'est la raison pour laquelle je crois qu'il et important de ne pas oublier
l'objectif visé par la publication de cette liste, qui est
contestée peut-être par des individus qui n'ont pas toute cette
information à leur disposition, mais qui n'est pas contestée au
niveau des groupes professionnels avec lesquels nous transigeons et qui,
pourtant, ne se font pas rigueur de nous critiquer dans bien d'autres
circonstances, qui ont toute liberté pour le faire. A leur point de vue,
cette liste n'est pas critiquée et n'est pas critiquable.
Dernier point qui est mentionné, c'est celui des tarifs des
médecins en visite à domicile. Tout ce que je peux faire,
puisqu'il s'agit d'un sujet en négociation, c'est de prendre note de la
préoccupation du député de Rouyn-Noranda, qui est, sans
aucun doute, la préoccupation de tous les membres de la commission. Il
est clair qu'il y a eu une diminution constante dans le nombre des visites
à domicile.
Il y a peut-être un remède du côté des tarifs,
mais, il ne faut pas se faire d'illusions sur révolution des moeurs dans
la société où nous vivons et sur la perte du sens de
service dans tous les groupes sociaux, qui fait que, quel que soit le tarif
dans les limites raisonnables, malgré tout on ne peut pas offrir
$100 pour une visite à domicile qui pourrait être offert,
le genre de pratique professionnelle que cela entraine, les
déplacements, les ennuis constituent peut-être le plus grand
obstacle à ce qu'il s'en fasse davantage.
Mais, nous n'écartons pas, pour autant, la possibilité de
réviser le tarif sur cette question.
M. Samson: D'accord, M. le Président...
Le Président (M. Kennedy): Messieurs les membres de la
commission, si vous voulez rester dans le
même sujet; vu qu'on va siéger cet après-midi de
trois heures à six heures continuellement, on pourrait peut-être
suspendre les travaux immédiatement jusqu'à trois heures, ce qui
donnerait un peu de temps aux membres de la commission qui ont d'autres choses
à faire.
M. Samson: Tout dépend, M. le Président, si on peut
continuer sur le même sujet et si M. Martin sera encore là cet
après-midi.
M. Forget: II ne peut pas être là cet
après-midi.
M. Samson: Ace moment-là, il vaudrait peut-être
mieux me donner quelques minutes, puis on va terminer pour permettre de
libérer M. Martin.
M. Charron: Moi, je n'ai pas fini. M. Forget: Sur
l'assurance-maladie?
M. Charron: Sur l'assurance-maladie, non évidemment.
M. Forget: L'ennui, c'est que M. Martin ne sera pas ici cet
après-midi, de toute manière; à moins que l'on suspende,
mais cela devient compliqué de reprendre...
M. Samson: Oui, c'est cela.
M. Charron: J'en ai d'autres, les soins dentaires, dont on a
commencé à parler hier, les prothèses, appareils
orthopédiques, la situation des handicapés physiques
également, les comités de révision de l'assurance-maladie,
etc.
M. Forget: On est peut-être mieux, à ce
moment-là, de remettre cela à une autre séance
complètement et de reprendre avec le programme no 2 cet
après-midi.
M. Charron: Je suis parfaitement d'accord pour passer à
l'aide sociale cet après-midi.
M. Samson: M. le Président, dans ce cas, si vous voulez me
donner deux minutes, je voudrais qu'on termine le sujet précis sur
lequel on est.
Le Président (M. Kennedy): Deux minutes. M. Samson:
Malgré que le ministre me dise que la liste n'est pas une liste
technocratique, ce n'est peut-être pas la liste, en fait, qui est une
liste technocratique, comme le fait que le médecin qui doit l'utiliser
doit poser un geste qui est technocratique, à ce moment-là.
Maintenant, je ne sais pas de quelle façon ils utilisent cette
liste, je n'en ai pas de copie. Je viens de voir un livre que le ministre avait
en main, un livre rouge. Vous voyez comme mes informations n'étaient pas
bonnes, je pensais que c'était un livre bleu. Peut-être que les
moeurs ont changé du côté des couleurs aussi.
M. Forget: Quelle couleur aimeriez-vous pour la prochaine
édition?
M. Samson: Peut-être que le vert serait un compromis
acceptable. Je retiens ce que le ministre a dit quant aux négociations
avec les médecins. Il y a peut-être d'autres facteurs qui font
qu'il y a moins de visites à domicile, mais je voudrais intervenir de
nouveau en faveur d'un tarif raisonnable. Si, malgré tout, cela
n'apportait pas un correctif à la situation, on n'aurait pas, au moins,
ce point, que je considère comme très important, comme
prétexte à ne pas donner ce service. Actuellement, il est
considéré comme non raisonnable. Amenez-le à une
proportion raisonnable et, quant à moi, je serai satisfait de ce
geste.
Quant à la liste, parmi les plaintes qu'on a souvent, on nous dit
que pour des médicaments qui doivent être prescrits, pour des
maladies comme le diabète, par exemple, il se pose des problèmes
de ce côté; on a de la difficulté à obtenir les
médicaments nécessaires. Ce que je voudrais émettre comme
voeu, à ce moment-ci, c'est qu'on prenne en, considération
ce corn ité de consultation q ue vous avez a sûrement aussi ces
exemples, ces plaintes lui parviennent probablement par le truchement du
ministère; on ades lettresqu'on envoieau ministère
régulièrement pour des questions précises comme cela
qu'on ajoute au moins le nécessaire qui fait qu'actuellement il y
a des indigents qui ne peuvent, pour ces raisons, soigner une maladie
précise telle que le diabète.
M. le Président, je n'abuserai pas plus du temps que nous avons
à notre disposition. J'y reviendrai.
Le Président (M. Kennedy): La commission suspend ses
travaux jusqu'à quinze heures.
(Suspension de la séance à 12 h 37)
Reprise de la séance à 15 h 17
M. Kennedy (président de la commission permanente des affaires
sociales): A l'ordre, messieurs!
Tel qu'entendu, avant la suspension à midi trente, nous faisons
un recul pour prendre le programme no 2, aide sociale.
M. Samson: Un moment, s'il vous plait, M. le
Président.
Si vous voulez me permettre une seconde, peut-être que vous allez
me donner votre accord, le consentement unanime.
Voici, nous étions au programme 3, ce matin, et le
président de la régie devait s'absenter. Par contre, je suis
informé que la dame qui est responsable du comité de
pharmacologie est présente. Je me demande si on aurait le consentement
unanime pour revenir au programme 3 quelques minutes, pour poser quelques
questions, à savoir comment ils procèdent pour choisir les
médicaments pour la fameuse liste dont nous parlions, ce matin, si on
n'a pas d'objection.
M. Forget: On n'a pas d'objection, M. le Président,
d'autant plus que Mme Chevalier est avec nous.
M. Samson: Alors, ma première question serait une question
d'ordre général, puisque je n'ai pas la prétention de
connaître tout ce programme. Comme vous le savez sans doute, M. le
Président, des questions ont été posées, ce matin,
à ce sujet. Il y a des questions que la population nous pose, des gens
qui doivent avoir recours à cette liste, parce qu'ils sont des
indigents. Ils se voient souvent refuser par des pharmaciens les
médicaments qui sont prescrits par les différents
médecins, sous prétexte que ces médicaments ne paraissent
pas à la liste.
Peut-être que Mme Chevalier pourrait nous faire un peu
l'historiquede la façon dont on procède au comité de
pharmacologie, afin de mieux nous faire comprendre.
M. Forget: Je vais vous résumer cela très
brièvement, pour ne pas prendre beaucoup de votre temps.
Lorsque le conseil a été créé, en 1971, il
adéfini des critères de sélection des médicaments
qui ont été analysés et approuvés par toutes les
associations médicales et pharmaceutiques.
Nous les avons soumis aux associations. Les associations les ont
approuvés.
Nous avons procédé à une sélection des
médicaments parmi les 25,000 produits pharmaceutiques sur le
marché canadien.
Ces critères de sélection sont basés sur la valeur
thérapeutique, sur la qualité du fabricant et sur la
qualité du produit. Alors, je pense que vous m'avez demandé...
Cela résume un peu les critères de sélection. Il y en a
dix. Ils ont été reformulés cette année et
approuvés par toutes les associations médicales et
pharmaceutiques, de même que par le ministre, bien entendu.
M. Samson: Est-ce que la liste des produits auxquels vous avez
accès est une liste qui est publiée ou si les différents
fabricants doivent faire parvenir au ministère...
M. Forget: Leur demande d'inscription. M. Samson: ... leur
demande... Ah bon!
M. Forget: Voici comment nous procédons. Il y a un
critère qui dit que seuls les fabricants qui répondent à
la norme canadienne de bonne fabrication peuvent voir leurs produits inscrits
dans la liste. Il faut, quand même, préserver la qualité
des produits.
Alors, nous faisons parvenir à tous ces fabricants un certain
nombre de formules de demande d'inscription et nous leur demandons de remplir
ces formules pour chacun des produits qu'ils veulent voir inscrits à la
liste, considérant qu'ils répondent aux autres critères de
sélection des médicaments.
Il y a une partie de la formule d'inscription qui traite de la valeur
thérapeutique. Nous demandons au fabricant de fournir la preuve de la
valeur thérapeutique au moyen de rapport de ces cliniques
contrôlées. Maintenant, quand le conseil reçoit une demande
d'inscription, dûment remplie, avec tous les documents
nécessaires, il étudie la demande. Parfois, c'est assez facile de
se prononcer. D'autres fois, c'est beaucoup plus difficile. Dans ces cas, nous
faisons appel à des experts externes. Nous demandons une expertise
à un des 110 consultants attachés au conseil et qui sont reconnus
comme des autorités dans les 21 domaines de la pratique
médicale.
Alors, à l'aide du dossierétudié par le conseil,
à l'aide de la documentation scientifique disponible à ce jour
on sait que ce n'est pas statique; c'est très dynamique, cela
varie continuellement et à l'aide des expertises externes
demandées par le conseil, la décision est prise à ce
moment-là.
Par contre, un dossier n'est jamais fermé. Toute nouvelle
documentation soumise au conseil appelle une nouvelle expertise.
M. Samson: Si le ministre, par exemple, reçoit
unedemande... Pour mieux me faire comprendre, je vais partir de cas
précis. A un moment donné, on a des correspondants qui viennent
aux bureaux ou nous écrivent, à Québec, en nous disant:
Moi, je souffre de diabète, je souffre de telle autre chose. Je suis sur
le bien-être social et les médicaments que m'a prescrits mon
médecin ne sont pas couverts par le régime et le médecin
refuse de me prescrire autre chose parce que, paraît-il, les autres
médicaments qui sont sur la liste me causent personnellement des
allergies. C'est le genre de cas qui nous arrivent. Si, dans ces cas, en les
référant au ministre comme on l'a fait
régulièrement, c'est-à-dire au cabinet du ministre, s'ils
y parviennent, comme j'imagine que cela se fait, il y a possibilité de
révision dans ces cas.
M. Forget: Nous répondons régulièrement aux
lettres qui nous sont référées par le ministre, qui
lui
sont adressées, et nous envoyons toujours copie au
député ou à la personne qui a fait parvenir la lettre au
ministre.
Maintenant, je pense que c'est un programme qui a certainement
dérangé des habitudes de prescription.
M. Samson: Oui.
M. Forget: Oui, c'est vrai. Nous sommes fort conscients que cela
a dérangé des habitudes de prescription. Par contre, les
données scientifiques sur les médicaments changent
énormément et nous considérons que les exigences des
pratiques des médecins ne leur donnent pas le temps de vérifier.
Vous savez, il ne faut pas considérer cela comme une atteinte à
leur liberté. Il faut considérer la liste comme un outil de
travail. C'est un outil de travail pour les médecins et ils peuvent
vérifier et choisir au sein de cette liste des médicaments dont
la valeur thérapeutique a été prouvée.
C'est énormément de travail. Vous savez, on pourrait dire:
Tous les médicaments sur le marché vont être couverts. Ce
serait facile. D'un autre côté, je ne sais pas si ce serait une
décision acceptable. Quand on désire établir une mesure
sociale pour aider la population, il faut lui donner des médicaments qui
ont une valeur thérapeutique. Le volume de vente et l'habitude de
prescription ne sont pas des critères pour déterminer la valeur
thérapeutique.
Mais nous répondons à toute demande de renseignements qui
nous est adressée.
M. Samson: Je pose la question parce qu'évidemment, je
sens que d'autres plaintes nous parviendront. Le système ne sera jamais
parfait.
Est-ce qu'on peut quand même considérer que si vous avez un
certain nombre de plaintes qui font état d'un même
problème, il y a une possibilité de corriger la liste aux fins de
répondre à un besoin qui n'a peut-être pas
été vu sous le même angle, peut-être à une
date différente, aussi? Peut-être qu'un besoin peut changer ou
peut se faire sentir plus à un certain moment qu'à un autre.
M. Forget: Voici, le seul fait de demander un produit
n'influencera pas son inscription.
M. Samson: Non, ce n'est pas dans ce sens-là...
M. Forget: Je vais vous l'expliquer, là. Toute nouvelle
demande appelle une nouvelle expertise.
M. Samson: Ah bon!
M. Forget: II ne s'agit pas de dire: Moi, je veux voir ce
produit-là dans la liste.
M. Samson: Ah non!
M. Forget: II faut qu'il y ait de la nouvelle documentation
scientifique, de nouveaux essais cliniques contrôlés,
scientifiquement acceptables. Maintenant, nous avons 5,000 dossiers, il y a
4,000 produits dans la liste. Les dossiers ne sont jamais fermés et si
une nouvelle documentation peut appeler l'inscription d'un produit, la nouvelle
documentation peut également appeler le retrait d'un produit.
M. Samson: Alors, ce n'est pas parce qu'un produit est
demandé qu'il sera automatiquement sur la liste mais, par contre, si on
a des plaintes à l'effet qu'une maladie ne peut pas être
soignée avec les produits existant sur la liste, étant
donné qu'à certaines occasions, dans certains cas précis,
ça cause des allergies, ce qui apporte, évidemment un effet
contraire à ce qu'on recherche, à ce moment-là, ça
pourrait être considéré.
M. Forget: Oui, mais vous savez, l'allergie la plus
fréquente que l'on rencontre chez les patients, c'est celle qui est
causée par le fait de se faire dire, par exemple: Ah bien! qu'est-ce que
vous voulez, on a une nouvelle mesure et le gouvernement ne paie pas ça.
Cela peut causer des allergies.
M. Samson: Ah bon! A ce moment-là, si vous trouvez ce
genre d'allergies, c'est que vous faites partie d'un département du
ministère. Si vous étiez plus impliqué dans le
ministère, vous seriez peut-être bien allergique parce qu'il y en
a des problèmes dans ce ministère-là.
M. Forget: Ça fait quatre ans que je suis là et, je
ne sais pas, il me semble que je suis en bon état.
M. Samson: Moi, je pense que c'est évident que vous avez
touché tantôt un point qui est sensible quand vous avez dit que
ç'a dérangé des habitudes.
M. Forget: Oui.
M. Samson: C'est peut-être un peu vrai, quand même,
qu'il y a des allergies...
M. Forget: Provoquées.
M. Samson:... qui sont provoquées parce qu'on a
dérangé beaucoup de ces habitudes. Et, à ce
moment-là, je les comprendrais un peu.
Mais je comprends aussi l'allergie provoquée ici, parce que le
médecin qui est obligé de travailler avec un livre comme
ça, ça dérange aussi parfois des habitudes qui ne sont pas
de simples habitudes mais des besoins de son temps.
C'est un débat que nous avons eu ce matin. Je n'ai pas
l'intention de le reprendre parce que le ministre a défendu son point de
vue et celui du ministère là-dessus. Ce que j'aimais surtout
savoir c'est cette réponse me donne partiellement satisfaction
qu'il y a des possibilités de revoir quand on peut faire la
preuve d'un besoin. C'est ça qui m'intéresse.
M. Forget: II y a certains produits qui font l'objet d'expertises
à chacune des mises à jour de la liste. Comme pour
l'édition de juillet prochain, nous avons ajouté I64
dénominations communes pour lesquelles nous avons eu la preuve de
l'efficacité thérapeutique.
Vous dites que le médecin doit vivre avec son temps; nous, nous
prenons les décisions avec notre temps aussi. Nous avons dans la liste
2,185 médicaments je ne parle pas des produits, il y en a 4,000
mais vous avez des grands hôpitaux universitaires qui fonctionnent
avec 400 médicaments.
Les médecins ne doivent pas se sentir lésés et
brimés.
M. Samson: Est-ce que ce sont ceux qui enterrent leurs
erreurs?
M. Forget: Je ne pense pas que ça fasse partie de la
discussion actuelle.
M. Samson: C'est évident qu'il y a sûrement des
produits sur le marché qui sont seulement concurrentiels. C'est
clair.
M. Forget: Bien sûr.
M. Samson: Nous sommes prêts à comprendre ça
que ça ne donne rien d'en avoir 50 de la même sorte si on peut
répondre aux besoins avec une sorte. Nous avons des cas qui nous
étaient référés, avec appui médical, on nous
disait que le patient faisait une allergie au médicament prescrit et qui
provenait de la liste. Il prescrivait automatiquement autre chose.
L'indigent qui est obligé de payer pour ça est
drôlement mal foutu.
M. Forget: J'aimerais dans cette question d'allergie souligner
les mêmes arguments qui viennent d'être soulignés, mais
peut-être sous un autre aspect. Lorsqu'on présente cet argument
d'une allergie, on peut faire état d'un problème réel. A
la limite, ça peut être un problème réel d'une
véritable allergie qui semble être causée par un
médicament qui est sur la liste.
Mais l'alternative c'est véritablement de voir un
médicament qui n'a pas passé les tests de valeur
thérapeutique, de qualité de fabrication ou les autres
critères qui s'appliquent dans le cas de l'inscription d'un
médicament sur la liste, de préférence à
celui-là.
C'est donc substituer un médicament qui peut-être est
efficace, mais qui cause une allergie, à un autre médicament qui
ne cause peut-être pas d'allergie, mais dont la qualité de
fabrication n'est pas prouvée.
Alors au mieux, c'est de tomber de Charybde en Scylla si vous voulez,
puisque si son efficacité thérapeutique peut être
établie, si sa qualité de fabrication peut être
établie, il va être inscrit sur la liste.
M. Samson: Mais, est-ce qu'il se pourrait que, parmi les
médicaments qui ne sont pas inscrits parce que la liste des
médicaments non inscrits est quand même assez longue aussi
est-ce qu'il se pourrait que, parmi cette liste de médicaments non
inscrits sur la liste, il y en ait qui seraient quand même acceptables,
ou est-ce que je dois comprendre que tout ce qui est acceptable est
actuellement sur la liste?
M. Forget: Voici, tous les médicaments pour lesquels nous
avons la preuve de la valeur thérapeutique sont inscrits sur la liste,
et tous les produits qui répondent aux exigences de qualité, je
parle des marques déposées qui répondent aux exigences de
qualité, sont inscrits également.
M. Veilleux: Qui donne les éléments de
qualité, qui décide des éléments...?
M. Forget: Les éléments de qualité, nous
nous basons sur un programme qui s'appelle QUAD, c'est le programme
d'appréciation de la qualité des médicaments du
gouvernement fédéral, parce que le provincial ne voulait pas
dépenser de l'argent inutilement pour faire des analyses de
médicaments et visiter les fabricants pour connaître leurs
possibilités de fabrication. Alors nous nous basons sur la norme
canadienne de bonne fabrication, qui est la norme 74GP1, et sur le programme
QUAD, qui est le programme d'appréciation de la qualité des
médicaments.
M. Veilleux: Mais quand vous avez un médicament
j'ai déjà soumis le cas d'un de mes électeurs, une de mes
électrices à vous-même et que, sur la liste que
votre commission a établie, le médicament n'y est pas contenu, on
me répond à ce moment-là: Dites au médecin qu'il
prescrive un médicament qui est sur la liste. Et moi, personnellement,
j'ai communiqué avec un spécialiste, à l'hôpital
Laval ici à Québec, parce qu'il soignait la dame en question. Je
lui ai demandé s'il y avait un équivalent et il m'a dit: II n'y a
aucun équivalent. La femme est inscrite au bien-être social, elle
a de la misère a joindre les deux bouts à la fin du mois puis
cela lui coûte $45 à $50 de médicaments parce que votre
commission ne veut pas reconnaître ce médicament, sous
prétexte qu'il n'a pas les qualités, etc.
Mais quand c'est le seul médicament pour cette maladie,
même s'il est à l'état expérimental, je pense qu'il
faudrait quand même que la commission se rende compte de faits qui
peuvent arriver et de préjudices que la population peut subir.
M. Forget: Pour les médicaments à l'état
expérimental, il y a une clause spéciale, dans l'article 3.62 du
règlement de la Loi sur les services de santé et services
sociaux, qui dit que les centres hospitaliers peuvent se servir de
médicaments autres que ceux de la liste pour des fins médicales
particulières ou pour des recherches fondamentales. Alors, personne
n'est lésé.
M. Veilleux: Je m'excuse, je n'ai pas le nom en tête, mais
je pourrai revérifier tous mes dossiers, à mon bureau, et je
trouverais le nom de la dame. La dame en question, étant donné
que cela fait au moins un an et demi ou deux ans que j'ai discuté de
cela, n'est probablement plus vivante, mais elle avait, à ce
moment-là, besoin de remèdes parce que la maladie dont elle
était atteinte la rendait aveugle
de plus en plus. C'était un médicament pour empêcher
cela et il n'y avait pas d'équivalent sur la liste. C'est bien de
valeur, il a fallu que je réfère à la
Société Saint-Vincent-de-Paul, à Saint-Jean, ou à
un autre organisme pour l'aider à défrayer les coûts. C'est
quand même anormal, au Québec, en 1973 ou 1974.
M. Forget: Je me souviens du cas auquel vous faites allusion. La
dame écrit, mais pour un autre médicament, cette fois-ci. Je me
souviens du cas parce qu'elle a écrit souvent pour le même
médicament; maintenant, c'est pour un autre. Vous dites que c'est un
spécialiste qui vous a dit qu'elle en avait absolument besoin. Nous
sommes conscients de l'importance des décisions qui sont prises et des
répercussions que ces décisions peuvent avoir et sur la pratique
et sur la population. C'est pourquoi nous faisons appel à 110
consultants qui sont des autorités dans les 21 domaines de la pratique
médicale. Je pense que c'est difficile de consulter plus que le conseil
le fait.
M. Veilleux: Je reviens à ce cas et, si mon souvenir est
bon, le médecin en question était pratiquement le seul
spécialiste au Québec qui connaissait ce genre de maladie et,
malgré cela, votre commission n'a certainement pas
référé le cas au spécialiste en question parce que
la dame n'a pas obtenu satisfaction. Si la dame demeure à Saint-Jean et
qu'elle est obligée de venir se faire soigner par un spécialiste
à Québec, j'imagine qu'il n'y a pas de spécialiste pour
cela à Montréal et on se fait dire: La qualité n'est pas
bonne, c'est à l'état expérimental, trouvez d'autres
moyens. Ce n'est pas une réponse à donner à des gens qui
sont malades et qui ont besoin de soins immédiats.
M. Forget: II y a des centres hospitaliers à Saint-Jean.
Puisque vous dites que c'est un cas de Saint-Jean, il y a des centres
hospitaliers qui ont les mêmes droits que ceux de Québec et ceux
de Montréal.
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: Je voudrais poser une question au ministre. Il semble
qu'on tourne autour du fait que seuls les médicaments inscrits sur la
liste ont une valeur. Est-ce que cela voudrait dire que chez les pharmaciens
qui ne vendent pas seulement les médicaments inscrits sur la liste,
maisqu'ilsenvendent beaucoup d'autres, le public qui ne fait pas partie des
indigents achète des médicaments qui n'ont pas une valeur totale,
actuellement?
M. Forget: II n'y a rien de nouveau dans cette affirmation. Vous
avez une législation fédérale qui existe depuis fort
longtemps, qui s'appelle la Loi sur les aliments et les drogues et qui
prévoit qu'un contrôle soit exercé. Mais le contrôle
qui est exercé sur la vente des médicaments peut s'exercer de
bien des façons. On vient de faire allusion à la norme de bonne
fabrication qui est appliquée de façon générale, je
crois à tous les médicaments fabriqués au
Canada. Cependant, cette norme ne veut pas prouver plus que ce qu'elle
affirme prouver, ce qu'elle prétend prouver, qui est essentiellement la
bonne fabrication. Elle ne prouve pas autre chose. C'est
pard'autresépreuvestellesque celles prévuesdans le cadre du
programme QUAD, qui a des prétentions beaucoup plus importantes
d'établir la qualité du médicament sur un plan biologique
plutôt que sur le plan simplement de la qualité de la fabrication,
que d'autres contrôles peuvent être imaginés. Donc, il y a
toute une série de contrôles. Il est clair qu'un pharmacien
individuellement ne peut pas présumer se substituer à des
laboratoires d'analyse qui sont en mesure de faire ces contrôles, pour
une part, et qui, même dans la situation actuelle, ne peuvent pas
soumettre tous les médicaments à l'évaluation du programme
QUAD, par exemple, qui ne porte que sur un très petit nombre de
médicaments, a ce jour.
Il y a donc des possibilités que certains médicaments qui
sont en vente ne soient pas efficaces ou même que certains
médicaments en vente comportent des dangers. C'est d'ailleurs la raison
pour laquelle on attire l'attention du public et des professionnels, depuis
plusieurs années, sur les avantages de limiter au strict minimum la
consommation de médicaments, puisqu'il y a, sans aucun doute, un
élément d'inconnu inévitable dans la consommation de
drogues, de médicaments. Même si le programme QUAD était
entièrement développé et couvrait l'ensemble des
médicaments, ce qui ne sera pas le cas avant peut-être dix ans ou
quinze ans, il serait toujours possible d'anticiper que certaines personnes
peuvent encourir des risques en consommant tel ou tel type de
médicament.
Ce n'est donc pas surprenant d'affirmer à la fois que des
professionnels assurent la distribution de médicaments et d'assurer en
même temps que certains de ces médicaments n'ont pas passé
tous les tests imaginables quant à leur qualité et quant à
leur efficacité. Il y a, malgré tout, des tests qui existent. Il
y a les normes de bonne fabrication. Dans les cas où cela a
été fait, il y a le programme QUAD qui va beaucoup plus loin que
simplement la bonne fabrication. Je crois qu'il serait irresponsable de ne pas
se prévaloir de ces expertises quand elles existent, mais
évidemment, elles ne sont pas complètes, elles ne sont pas
exhaustives.
M. Samson: Cela ne me donne pas tout à fait satisfaction,
ce genre de réponse. Il reste qu'on table beaucoup sur le fait que les
médicaments qui sont sur la liste sont de premier ordre.
Dans la pratique médicale, les médecins prescrivent
souvent autre chose que ce qu'il y a sur la liste. Or, il se trouve que les
indigents, s'ils veulent obtenir un médicament gratuit, doivent obtenir
une prescription en fonction de la liste.
Les autres, qui ont des revenus, qui doivent payer pour leurs
médicaments, ont, assez régulièrement, suivant mes
informations, des prescriptions qui vont chercher des médicaments
à l'extérieur de la liste. A ce moment-là, ce que j'ai de
la difficulté à comprendre, c'est: Est-ce qu'on prétend
que ceux, qui paient de leur poche, sont moins bien servis par les
médecins que ceux qui sont sur le bien-être
social? Vous prétendez ça. A ce moment-là, si vous
prétendez ça, c'est une affirmation qui est grave de
conséquences parce que cela atteint la réputation de tout le
corps médical.
M. Forget: Ecoutez, monsieur...
M. Samson: Nous faisons affaire avec des médecins
régulièrement. Qui que nous soyons, nous sommes tous des
candidats, en tout cas, à rencontrer un médecin un jour ou
l'autre. Si on nous fait cette affirmation comme on vient de le faire, on a des
risques parce qu'on ne nous prescrit pas toujours les médicaments qui
sont sur la liste.
A ce moment-là, le ministre des Affaires sociales a des
responsabilités encore plus graves que je ne le croyais. C'est que si
tel est le cas et si on peut le prouver, il faudrait mettre un frein à
la vente de médicaments qui ne sont pas sur la liste. C'est là
où je veux en venir.
M. Forget: J'ai fait, ce matin, une distinction que je pourrais
reprendre textuellement, cet après-midi, entre une liste commerciale et
une liste que vous avez appelée technocratique et que j'appelle ou que
j'appellerais personnellement d'un autre nom. Mais il est exact qu'il y a une
distinction qui peut, à long terme, être préoccupante. Je
pense qu'il serait peut-être intéressant d'exposer, pendant
quelques minutes, les préoccupations qui ont animé un certain
nombre de provinces. Le Québec, en particulier, a discuté avec
les autres provinces du Canada la possibilité d'une liste unique et la
possibilité de faire jouer à cette liste peut-être un
rôle non seulement pour les programmes publics de remboursement de
médicaments, de paiement, de financement des médicaments, mais un
rôle beaucoup plus large que celui-là, le rôle d'une
pharmacopée en quelque sorte qui, à ce moment-là, pourrait
jouer double fonction.
Peut-être que Mme Chevalier peut vous exposer un peu les travaux
qui se sont faits dans ce contexte.
Voici. Nous avons été convoqués à une
première réunion, en novembre dernier. C'était une
réunion interprovinciale en vue de la préparation
éventuelle d'un formulaire canadien de médicaments. Parce que
c'est beaucoup de travail pour une province de préparer une liste de
médicaments. Actuellement, quatre provinces en préparent.
Maintenant, je tiens à vous dire que les produits qui font l'objet de
controverse ici ne sont pas inscrits sur la liste des autres provinces.
La liste du Québec renferme à peu près quatre
à cinq fois les produits qui sont inscrits dans la liste des autres
provinces. Alors, je ne pense pas que les médecins d'ici soient vraiment
privés. Mais, en tout cas, il ne s'agit pas de cela.
Il s'agit de préparer, éventuellement, un formulaire
national de médicaments. Alors, nous avons une réunion
fédérale-provinciale à la fin d'avril, les 21, 22 et 23,
pour travailler dans ce sens.
Nous croyons que le fait de réunir les expertises, les ressources
des différentes provinces pourrait cond uire à un formulaire
national sur lequel tout le pays pourrait s'appuyer.
M. Samson: Oui, c'est évident que dans le contexte
canadien, sur une base d'une meilleure qualité de la vie canadienne, les
consultations que vous poursuivez sont absolument valables et je pense que vous
devez continuer à les faire de ce côté. Mais rien
n'empêche que moi, qui ne suis pas un médecin, je suis
obligé de questionner le ministre et de questionner des médecins.
Comme citoyen, si vous le voulez, je me dois de me poser la question. Si on
m'affirme, d'une part, qu'il n'y a rien d'autre que ce qu'il y a sur la liste
qui est absolument un bon médicament, que les autres sont moins
valables, partiellement valables ou à un pourcentage plus faible, cela
remet en cause, je pense, toute la pratique médicale.
M. Forget: Non, voici. Nous n'avons jamais affirmé que les
médicaments qui ne sont pas inscrits sur la liste n'avaient aucune
valeur. Nous affirmons cependant que sur ceux qui sont inscrits nous avons la
preuve de la valeur thérapeutique. Ce n'est pas la même chose.
Quant à la non-efficacité de certains médicaments
sur le marché, c'est facile à comprendre parce qu'avant 1962,
pour mettre un médicament sur le marché, il fallait prouver son
innocuité, c'est-à-dire qu'il suffisait qu'il ne tue personne,
qu'il ne fasse pas trop de dommages. Alors, on pouvait mettre un
médicament sur le marché. Mais depuis ce temps, vers 1962 ou 1964
je ne suis pas certain de la date mais cela ne dépasse pas 1964
il faut donner la preuve de la valeur thérapeutique d'un
médicament.
Il y a beaucoup de produits qui sont sur le marché depuis
très longtemps. Alors c'est possible que dans les produits qui ont
été mis sur le marché simplement avec la preuve de leur
innocuité, certains n'aient pas de valeur thérapeutique.
Vous savez, il y a des médecins qui nous écrivent pour
qu'on ajoute le Vicks Vaporub sur la liste. Ce n'est pas très
très scientifique.
M. Dufour: S'ils le demandent, c'est parce que c'est
demandé par les patients.
M. Forget: Ecoutez...
M. Dufour: Les assités sociaux n'ont pas d'argent pour
acheter du Vicks Vaporub. Ce n'est pas parce que le médecin trouve cela
meilleur qu'autre chose mais, au moins, donnez-leur quelque chose pour se
frotter!
M. Forget: II y en a dans la liste. M. Dufour: C'est bien
beau mais...
M. Forget: II y en a dans la liste. Si vous comparez la liste d u
Québec à la liste des autres provinces, nous avons toutes les
classes de médicaments. Nous avons des produits pour toutes les classes
de médicaments connus, contrairement aux autres provinces qui passent
des classes en disant: Cela, on ne le paie pas. Cela, on le paiera plus tard,
on le paiera plus tard.
M. Dufour: Avez-vous déjà pratiqué, vous?
C'est parce que tout à l'heure, vous avez parlé d'allergie.
M. Forget: C'est le député de Rouyn-Noranda.
M. Dufour: Oui mais vous avez répondu que ce
n'était pas l'allergie au médicament, souvent, que le patient
avait, et surtout le médecin. Si on parle dans cet ordre d'idées,
l'allergie devient une allergie par analogie et non pas la véritable
allergie dont parle le député de Rouyn-Noranda, quand il dit que
quelqu'un peut être allergique à un médicament. Cela arrive
assez fréquemment, si vous avez, dans votre liste, dans votre
formulaire, des médicaments qui ne correspondent pas aux besoins de tel
individu. Vous avez des médicaments qui ont telle action in vitro, mais
in vivo, ce n'est pas la même chose, et sur le nombre de patients qu'on
peut voir dans une année, on s'aperçoit qu'un patient
réagit très bien à tel médicament et que l'autre
fait des réactions.
Vous savez ça comme moi. Alors, si je prends un exemple
particulier vous prescrivez la niacine comme vaso-dilatateur
périphérique, comme supplément. Si ça ne fait pas
parce qu'il y a des gens qui ne peuvent pas prendre de niacine, vous
avez dû en rencontrer des cas si vous avez pratiqué alors,
je dois la remplacer par du cardilate que vous avez. On ne donne pas, dans le
formulaire, de l'hydergi-ne qui est un peu dispendieux, même si les
neurologues de l'Enfant-Jésus tiennent beaucoup au produit hydergine
fait par la compagnie, je pense, San-doz.
A ce moment-là, que fera le médecin qui est à son
bureau devant un patient? Il ne peut pas prendre de cardilate parce que la
tête veut lui ouvrir, ça donne beaucoup de
céphalées. Si vous ne le savez pas, je peux vous le dire. S'il
prend la niacine, allergie. Qu'est-ce qu'on va donner?
Je prends un autre exemple. On se bat depuis des années pour un
vieux médicament qui s'appelle fiorinal. Le fiorinal, il est bon, puis
il agit in vivo. In vitro, ça je m'en fout, mais ce qui compte, c'est
que le malade qui vient me voir part de chez moi avec un médicament qui
va le soulager. On se bat pour le faire mettre au formulaire, mais il n'y est
pas encore.
C'est bien beau de faire de la médecine de bureau sans patient
devant soi, mais, quand on est pris devant un malade et que c'est le seul
médicament qui agit, vous donnez du cafergot ou des choses semblables,
ça ne marche pas. Vous donnez du fiorinal, ça marche, et Dieu
sait si ça va bien. Les neurologues de l'Enfant-Jésus, qui ne
sont pas si bêtes ce sont des spécialistes; ils connaissent
quelque chose eux, en prescrivent et ils l'ont obtenu à
l'Enfant-Jésus. Moi, au Christ-Roi, je ne peux pas en prescrire, je n'en
ai pas. Alors, j'en prescris au malade et il va lui-même chercher sa
médication à la pharmacie et, pendant son hospitalisation, il
prend son remède. Je suis rendu à faire ça avec mes
malades. C'est anormal.
Dans le choix des médicaments que vous mettez dans le formulaire
le formulaire, les trois quarts des médecins, sinon plus
l'acceptent il manque encore quelque chose: des médicaments qui
ont prouvé leur efficacité depuis de nombreuses années.
Mais pourquoi vous entêter à ne pas les accepter? Vous nous
donneriez une grosse chance au point de vue médical et les patients
seraient très heureux.
M. Forget: Alors, ça fait beaucoup de choses auxquelles
répondre; je vais essayer de vous suivre, là. Voici, vous avez
parlé de médicaments qui sont efficaces in vivo et qui ne le sont
pas in vitro. Vous savez, quand nous demandons des rapports d'essais cliniques,
c'est sur des humains; c'est ni dans un vase de Pétri, ni sur des
souris. Nous recevons beaucoup de rapports d'essais cliniques sur des souris,
des rats, mais ce n'est pas un programme d'assistance-médicaments
animal; c'est un programme d'assistance-médicaments pour les
humains.
M. Dufour: Quand on fait des expertises pour certaines
pénicillines, on a des rapports de laboratoire et le microbe n'est pas
supposé répondre à tel médicament, à tel
antibiotique. On achève de guérir le malade qui est très
heureux et on nous dit: Ne donne pas ce médicament-là parce que
ça ne répond pas. Or, le malade est guéri, le microbe est
mort, c'est fini; on est prêt à renvoyer le malade chez lui en
bonne santé. Alors, il faut faire attention, aussi.
M. Forget: Vous mentionnez les pénicillines. Les
pénicillines sont toutes inscrites dans la liste. Celles qui ne le sont
pas, c'est qu'elles ne répondent pas aux exigences du programme QUAD ou
elles proviennent de fabricants qui ne répondent pas à la norme
canadienne de bonne fabrication.
Maintenant, vous avez mentionné tantôt le cardilate et vous
avez mentionné l'hydergine. Le cardilate, ce n'est pas tout à
fait la même chose.
M. Dufour: Ce sont deux médicaments différents,
mais il yen a un qui ne donne pas mal à la tête et il donne de
très bons résultats et l'autre donne de gros maux de tête.
Au début, on le prescrivait non pas comme vaso-dilatateur
périphérique pour remplacer le niacine, mais on le prescrivait
dans les cas d'angine de poitrine, le cardilate. On a arrêté d'en
prescrire parce que nos patients souffraient tous de maux de tête, des
fois atroces. Donc, on a arrêté d'en prescrire. Aujourd'hui, on
donne de l'isordil, comme vous le savez, c'est à peu près un des
seuls médicaments qu'on peut donner.
M. Forget: Alors, vu que vous avez mentionné l'hydergine,
ce médicament a fait l'objet d'expertises depuis la première
édition de la liste et fait encore l'objet d'expertises. Mais il faut
que vous soyez conscient que le fabricant l'a préconisé comme
hypotenseur, comme vaso-dilatateur périphérique, comme
vaso-dilatateur cérébral, et, depuis cette année et au
Canada seulement dans aucun autre pays comme activateurdu
métabolisme cérébral.
Nous avons encore soumis le nouveau dossier comme activateur du
métabolisme cérébral pour des expertises externes et nous
attendons les résultats.
II ne faut pas que vous pensiez que ces décisions sont celles du
conseil seulement, qu'un matin on se lève et qu'on a le goût
d'accepter un médicament ou pas. Ce sont des études qui sont
très longues. Le jugement est basé sur ce qui est
scientifiquement connu à ce jour et sur les expertises externes qui sont
faites par des autorités dans ces domaines.
Jamais un spécialiste ne nous a recommandé d'inscrire ce
médicament à la liste. Je ne voulais pas nommer de
médicament en particulier, mais c'est vous qui l'avez nommé.
M. Dufour: Je ne veux faire d'annonce pour aucune compagnie. Si
on parle d'un médicament avec un nom précis, on sait de quoi on
parle.
M. Forget: Oui.
M. Dufour: Tout à l'heure, nous parlerons avec de grands
mots de pharmacologie que j'ignore totalement et que je vais essayer de ne pas
apprendre. C'est à peu près tout ce que j'avais à dire,
mais il reste tout de même une chose, c'est que pour certains
médicaments comme le fiorinal, je pense que les études se
poursuivent depuis assez longtemps et que l'emploi coutumier par la plupart des
médecins pour soulager la migraine est suffisant. Je pense que cet essai
est suffisant, qu'on devrait se dépêcher, même si c'est un
composé. Il ne faut pas être allergique non plus aux
composés. ll y a des composés qui sont bons.
M. Forget: La liste comprend 9.8% d'associations
médicamenteuses. Alors, nous ne sommes pas bien allergiques aux
associations médicamenteuses.
M. Dufour: Non, mais...
M. Forget: Je pense qu'il y a plus de médecins qui sont
allergiques à la liste que de membres du conseil qui sont allergiques
à accepter des médicaments.
M. Dufour: Nous pourrions peut-être discuter longuement
parce que quand on est en pratique et qu'on est placé pour
étudier des normes et une batterie de médicaments dans un bureau,
ce n'est pas la même chose. Je vous dis qu'à l'expérience
de tous les jours, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de
médicaments auxquels un tel patient est allergique et l'autre pas.
Il faudrait avoir au moins un équivalent, et souvent on ne le
trouve pas. C'est un peu ce dont les médecins de la région de
Rouyn-Noranda se plaignent, surtout s'ils sont éloignés.
Aujourd'hui, comme calmant, on nous donne du diazépam ou des
équivalents, mais n'oubliez pas une chose, quand quelqu'un a pris du
diazépam pendant un mois, essayez de lui en enlever l'habitude, il l'a
pour la vie dans sa sacoche.
M. Forget: Ce n'est quand même pas le conseil qui prescrit
le diazépam.
M. Dufour: Admettons, mais c'est à peu près le seul
calmant pour engourdir quelqu'un. Après ça, on tombe dans le
gardenal, dans le plexonal, etc. Même le plexonal, je pense qu'il n'est
pas accepté, c'est encore un des bons vieux médicaments
d'autrefois.
M. Forget: Ils sont acceptés sur la preuve de leur
innocuité et pas sur la preuve de leur valeur thérapeutique.
M. Dufour: Mais pourquoi, depuis 20 ans que j'en prescris, c'est
seulement en 1973 qu'il est devenu mauvais? Le plexonal a toujours bien agi, et
quand je veux guérir réellement quelqu'un, le calmer, je vais lui
donner du plexonal. Je lui dis: Le gouvernement ne le paie pas, mais paie-le
toi-même, au moins je ne t'empoisonnerai pas, je ne t'habituerai pas au
valium.
M. Forget: Vous savez...
M. Dufour: Aujourd'hui, nous en sommes arrivés à
contribuer un peu à rendre nos patients dépendants de la
médication, et le valium est un médicament extrêmement
dangereux pour créer l'habitude.
M. Forget: Les médicaments contenus dans la liste sont
disponibles, mais ce n'est pas de la faute du conseil si 37% des prescriptions
pour les bénéficiaires du programme de médicaments sont
des médicaments du système nerveux central. Ce n'est pas le
conseil qui rédige les prescriptions. 37% sont des médicaments du
système nerveux central.
Vu que vous faites allusion au diazépam, ce serait
peut-être le temps que les gens qui en prescrivent s'interrogent...
M. Dufour: Cela fait longtemps que j'ai arrêté d'en
prescrire, parce que j'en ai vu les effets nocifs depuis longtemps.
M. Forget: C'est votre décision.
M. Dufour: Donnez-moi du plexonal.
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Saint-Jean.
M. Veilleux: Le député de Vanier, avec des mots
savants, il est médecin, connaît ça mieux que moi. Je ne
suis pas médecin, je n'ai pas étudié la médecine du
tout, mais je ne sais pas si je vous ai bien compris. Dans la liste des
médicaments acceptés par la commission, il y a un certain
nombrede médicaments composés. Est-ce que je vous ai bien compris
quand vous avez dit ça?
M. Forget: Oui.
M. Veilleux: Est-ce que vous pourriez me donner approximativement
le pourcentage?
M. Forget: 9.8%.
M. Veilleux: 9.8% des médicaments dans la liste sont des
médicaments composés.
M. Forget: Oui, j'ai les...
M. Veilleux: Moi je ne comprends plus rien, parce que...
M. Forget: Moi non plus.
M. Veilleux:... la majorité des plaintes qu'on a, en tout
cas, moi, que j'ai à Saint-Jean, et je m'imagine que le
député de Rouyn-Noranda a les mêmes plaintes, le
député de Saint-Jacques, les députés de
Nicolet-Yamaska, Gaspé et tout le monde, on se plaint que les
médicaments qui sont prescrits par les médecins ne sont pas dans
la liste, parce que ce sont des médicaments composés. Moi je ne
comprends plus rien.
M. Forget: Non, écoutez, nous avons un critère pour
les associations médicamenteuses qui dit qu'un médicament
complexe peut être inscrit, s'il est prouvé qu'il est
supérieur à chacun des ingrédients pris isolément
ou s'il a des avantages thérapeutiques particuliers. Nous en avons 9.8%.
J'ai mis 10% pour un chiffre rond, mais je me souviens que c'est 9.8%.
M. Veilleux: J'ai retrouvé le dossier dont je parlais tout
à l'heure.
M. Forget: Oui, je sais de qui il s'agit, oui.
M. Veilleux: C'est de l'orenzime et j'ai pris la peine de
communiquer, parce que la personne est encore bien vivante, elle est au
foyerà Saint-Jean, et la personne...
M. Samson: Ils ont annoncé la mort de M. Le-sage, il n'est
pas mort.
M. Veilleux: Probablement, si elle est vivante, c'est parce que
la personne a continué à payer de sa poche, à même
la pension de vieillesse qu'elle reçoit, parce qu'elle est au foyer, ce
médicament. La fille me disait que ça coûtait entre $40 et
$50 par mois à l'heure actuelle et elle est obligée de le payer.
Le spécialiste, je vais vous le nommer, qui était autrefois
à l'hôpital Notre-Dame de Montréal et qui a
été transféré, en 1972, au centre hospitalier de
Québec, c'est le Dr Marchildon. J'ai communiqué personnellement
avec lui à l'époque et il m'a dit: II n'y en a pas d'autres. Ce
n'est pas reconnu, puis la dame paye encore et elle a uniquement pour vivre une
pension.
M. Forget: Ecoutez, cela prouve seulement une chose, cela prouve
la valeur thérapeutique des placebos. Maintenant, est-ce qu'un
ministère peut accepter de payer $18 ou $50 ou $40, comme vous venez de
dire, par mois pour un placebo? Il y en a des placebos dans la liste, mais ils
ne coûtent pas cher.
M. Veilleux: Est-ce qu'ils ont le même effet?
M. Forget: Dans ce cas, oui, le même effet.
M. Veilleux: Moi, le médecin m'a dit que ce n'était
pas le même effet, puis c'est un spécialiste, moi j'ai vu cela
là...
M. Forget: Mais je vous ai dit qu'il y avait des médecins
allergiques à la liste.
M. Veilleux: Moi je ne suis pas spécialiste dans rien.
J'ai une dame devant moi qui est devant un problème comme cela. Son
spécialiste en qui elle a confiance lui dit: C'est ça, puis il
n'y a pas d'autres choses. De l'autre côté, un organisme du
ministère des Affaires sociales dit: Ce n'est pas cela. Elle, entre
l'organisme du ministère des Affaires sociales et le spécialiste
en qui elle a confiance, vous savez vers qui son coeur penche.
M. Forget: Cela on s'en doute.
M. Veilleux: C'est nous qui avons le problème puis la dame
aujourd'hui, parce que le médecin ne veut pas prescrire autre chose,
parce qu'il dit qu'il n'y a pas autre chose, elle est obligée à
même sa pension, et c'est son seul revenu, de payer cela à chaque
mois, puis vous, vous trouvez que c'est valable. Moi comme député
d'un comté, je trouve que ça ne l'est pas.
Vous avez droit à votre opinion et moi je vous donne la
mienne.
M. Forget: Dans une circonstance comme celle-là, je me
demande qui va ajuster son comportement à qui. Il me semble qu'un
médecin qui constate une situation comme celle-là pourrait
normalement, s'il a à coeur l'intérêt de son patient et
s'il s'agit d'un placebo à $50 par mois, user de son pouvoir immense de
persuasion pour le diriger vers un autre médicament qui est compris dans
la liste et qui n'aura pas plus d'effets que celui qu'il lui a prescrit
à l'origine, mais qui aura au moins ses vertus psychologiques d'aide et
de support moral pour son patient.
Comme on a indiqué tantôt, je ne pense pas que ce soit au
gouvernement à payer $50 par mois pour donner un support moral. Il
s'agit d'un programme d'assistance-médicaments, ne l'oublions pas
et...
M. Veilleux: Je veux dire au ministre que le médecin en
question ne croit pas aux autres, il croit à celui-là.
M. Charron: M. le Président, j'aimerais, sans faire de
digression, pendant que Mme Chevalier est avec nous, ramener le débat
sous un autre angle plutôt que le plan technique sur lequel on se tenait
depuis tout à l'heure. On a parlé d'allergies biologiques, dans
le métabolisme humain, à certains médicaments, que
certains corps vont recevoir, que certains autres ne recevront pas. Il existe
aussi ce qui s'appelle des traumatismes psychologiques à l'égard
des médicaments.
Les personnesdont nous parlons, est-ce besoin de le rappeler, ceux et
celles qui dépendent, pour leur guérison ou pour leur
soulagement, des médi-
caments listés par le Conseil consultatif et qui sont à la
disposition de ceux qui appliquent l'assistance-médicaments sont ou bien
des assistés sociaux, ou bien des personnes âgées, parce
que c'est encore la seule couverture qu'il y ait, des personnes
âgées qui bénéficient d'un supplément de
revenu garanti. Dans les deux cas, ce sont des personnes qui ont une vie
générale bien particulière de l'ensemble de nos
concitoyens. Il y a 8,500 assistés sociaux dans le comté que je
représente, donc, 8,500 candidats éventuels ou déjà
utilisateurs de cette liste et qui en dépendent.
Une des choses qui m'avaient frappé, dans les premières
années de mon mandat, alors que je visitais, au hasard des portes, mes
concitoyens du bas de la ville, c'est l'espèce d'importance que prennent
dans leur vie les médicaments. Evidemment, quand on a un revenu
on en parlera tout à l'heure à l'aide sociale très
limité, qui ne tient généralement aucunement compte des
loisirs nécessaires et de la culture, la vie de ces gens-là se
passe presque uniquement dans leur maison. Ils n'ont pas de revenu pour sortir.
Ce sont, dans la plupart des cas, des gens qui reçoivent l'assistance
sociale. Et c'est souvent leur santé défaillante qui les
empêche de rejoindre l'ensemble des travailleurs et qui les met dans
cette situation de bien-être social.
La maladie est donc un objet de préoccupation, et le manque
d'argent les empêche de l'oublier. Ils sont dans la maison, face à
la télévision, l'unique loisir qui leur est possible, et, comme
on dit, ils se préoccupent mentalement de ce que physiquement constitue,
pour la plupart d'entre eux, une souffrance. J'étais bien curieux,
lorsque j'arrivais pour une visite qui pouvait durer 15 minutes au maximum,
chez des concitoyens que je surprenais dans l'intimité de leur foyer,
sachant très bien que pour eux existe le respect du poste que j'occupe,
que nous occupons, de voir, dans ces dix ou quinze minutes de conversation, le
réflexe de se dire "pendant que je l'ai, je vais lui parler de quelque
chose d'intéressant ou de quelque chose d'important". Ce n'est pas le
temps de parler de la pluie ou du beau temps, ils profitent de mon passage pour
me parler de leur sujet de préoccupation première ou d'un endroit
où ils pensent que je peux intervenir en leur faveur.
Combien de fois le premier sujet, la première
préoccupation est la maladie? Combien de fois, aussi, on me fait une
démonstration des médicaments qu'ils ont pour me prouver
exactement leur état de santé? Je m'informe de leur santé
et on me dit: Cela ne va pas bien, tenez, regardez sur la
télévision, j'ai toutes ces pilules à prendre à
chaque jour.
M. Samson: C'est vrai, c'est vrai.
M. Charron: Je dis cela parce que j'ai bien l'impression que
plusieurs députés connaissent la même expérience:
L'importance psychologique, dans la vie de ces gens, de ces médicaments.
Je veux rejoindre les propos plus techniques de tout à l'heure mais sans
m'y enfarger. Donc, toute modification dans ce domaine est psychologiquement
extrêmement importante pour ces gens comme, par exemple, des cas que j'ai
eus à mon bureau, le traumatisme psychologique des gens qui
s'étaient vus simplement modifier leurs médicaments sans qu'ils
en connaissent les noms, longs comme cela, que moi non plus je ne connais pas,
mais qui s'en tiennent à la couleur de la pilule, à la grosseur,
à la taille ou à la forme, qui sont habitués, depuis
quatre ou cinq ans malades chroniques, à un genre de
médicament.
Est-ce la faute de la liste? Encore une fois, je ne fais qu'ouvrir une
parenthèse. Est-ce la faute de la liste incomplètequi oblige le
médecin à abandonner ce médicament pour pouvoir lui en
offrir un autre, payé par l'assistance-médicament, qui, sur le
plan proprement médical, est très certainement... Je crois
à la valeur thérapeuthique, aux tests et à tout le
cheminement avant d'aboutir dans cette liste. Il est bien possible que, sur le
plan strictement physique, le médicament changé soit à
l'avantage de l'assisté social en question, ce n'est pas ce que je
conteste, mais je dis que sur le plan psychologique, cela peut, parfois, lui
causer... Ecoutez, nous savons de quelles gens nous parlons. Plusieurs de ces
personnes, de celles que je connais, sont des personnes seules vivant en
chambre sur la rue Saint-Denis, sur la rue Saint-Hubert, dans le bas de la
ville, vivant isolées, seules et où le moindre changement dans
leur vie est important.
Comme, par exemple, le jour on en parlera tout à l'heure
où on a pris la décision atroce, au niveau du
ministère des Affaires sociales, de supprimer le téléphone
dans la vie de ces gens, dans le calcul. C'est une vieille décision,
mais qui fait encore mal, M. le Président. Cela a causé des
traumatismes psychologiques importants chez des gens cardiaques, malades
chroniques qui, à tout moment, se demandent, si la douleur prend,
comment ils rejoindront leur médecin, comment ils rejoindront des amis.
Je termine cette parenthèse que nous rouvrirons tout à l'heure.
C'est la même chose pour les médicaments.
Dans ce sens, tout en respectant le travail et la façon de
procéder du conseil consultatif, je croyais important de rajouter cette
dimension, parce qu'il faut toujours avoir en tête je crois bien
que vous l'avez aussi non seulement la valeur thérapeutique de
chacun de ces médicaments, mais le consommateur à qui s'adresse
cette liste et ici je parle des gens âgés pour qui le moindre
changement peut faire mal. Donc, je plaide un peu pour la souplesse, comme mes
collègues qui sont intervenus. Si un médicament est
utilisé et que vraiment son abandon ou son retrait de la liste n'est pas
plus important qu'il ne faut s'il a une valeur thérapeutique
peut-être inférieure à un autre, ce sera le choix
professionnel, du médecin et que, sur le plan psychologique, il
peut constituer un réconfort ou, disons-le, empêcher un
traumatisme chez la personne, je pense que le conseil a tout avantage à
faire preuve de souplesse.
Je crois que nous faisons déjà preuve de souplesse, parce
que le ministre a affirmé, ce matin, et Mme Chevalier l'a
répété: Nous avons une des listes des plus exhaustives du
Canada. Donc, il devrait y avoir souplesse.
Mais je pense que l'échange que nous avons eu
depuis le début de la séance sur ce sujet peut indiquer
que, si souplesse il y a, elle est essentielle à maintenir.
M. Forget: Vous savez, nous sommes fort conscients de
l'importance que ces décisions peuvent avoir sur le patient. Nous avons
commencé la liste avec 688 dénominations communes. Nous en avons
maintenant 839 et nous en avons ajouté 164 pour la septième
édition, parce que la preuve nous a été apportée de
la valeur de ces médicaments.
Maintenant, vous avez fait allusion à l'impact que peut avoir
chez un patient le fait de changer de couleur ou de forme, mais cela peut
être dû également à la substitution. Vous savez,
quand une marque déposée ne répond plus aux exigences de
qualité, est-ce que cela est mieux de la laisser dans la liste pour ne
pas traumatiser le patient, quand on sait qu'elle ne répond pas aux
exigences de la qualité ou de la retirer et que quelqu'un explique au
patient que la marque déposée qu'on lui donne est
supérieure en qualité à l'autre? C'est peut-être un
manque de communications.
M. Charron: Dont une bonne responsabilité est aux mains
des professionnels de la santé.
M. Forget: Absolument.
M. Charron: Mais plusieurs amis médecins que j'ai aussi,
qui travaillent donc avec ces gens, dans mon comté, me disent que,
malgré tous les avertissements de sécurisation qu'ils peuvent
donner quant au transfert de médicaments, il reste toujours, dans
l'esprit des gens, cette idée: C'est peut-être parce que ma
maladie s'est aggravée, puis il ne veut pas me le dire; c'est
peut-être parce que ci, parce que ça. Il faut comprendre. Je sais
bien que nous ne nous préoccuperions guère, si nous étions
malades et quand même actifs, d'un transfert de médicament. Nous
croyons ipso facto à la bonne foi du médecin qui le fait et, pour
notre bien, nous le consommerions. Mais, quand on est inactif, quand on n'a que
cela comme préoccupation et que la souffrance demeure en même
temps, aussi bien morale que physique, il faut comprendre dans quel terrain
nous intervenons.
Je faisais cette remarque sans reproche, mais pour vous inviter à
maintenir la souplesse.
M. Samson: M. le Président, je voudrais, en quelque sorte,
non pas reprendre les propos du député de Saint-Jacques, mais
appuyer fortement de la mienne l'expérience qu'il nous a
démontrée de sa pratique à lui, comme
député. Nous avons dans presque tous nos comtés les
mêmes problèmes. Je pense que cela devrait suffire à faire
comprendre au ministère que c'est un problème
généralisé. On nous a parlé, je pense, de 37%
tantôt des médicaments qui regardent le système central
nerveux.
M. Forget: C'est 37% du total des prescriptions qui sont des
médicaments du système nerveux central.
M. Samson: Est-ce qu'il y a eu progression depuis quelques
années, de ce côté?
M. Forget: Non, c'est un pourcentage qui se maintient à
peu près.
M. Samson: Cela s'est maintenu.
Il reste que l'approche non technique, si vous voulez, du
problème, l'approche plutôt humaine est tout aussi importante.
Je pense, comme citoyen, que le médicament, qu'il soit sur la
liste ou non, s'il peut réussir à soulager un patient, il
faudrait considérer le problème de cette façon.
L'honorable député de Saint-Jacques mentionnait tantôt que
certains de ses concitoyens, à l'occasion de ses visites, lui montrent
des bouteilles de pilules, de remèdes, etc. On a tous de ces
expériences et il y en a qui ne sont pas drôles pour nous non
plus.
A mon bureau, à un moment donné, une vieille dame, qui
avait perdu son mari deux ou trois mois avant, se présente avec des
problèmes qui sont, évidemment, réels mais aussi
émotifs. Là, elle sort de sa sacoche un paquet de bouteilles de
pilules et elle m'explique j'ai pris le temps de l'écouter, cela
a été long parce qu'il y en avait longtemps, des pilules
que cela est pour son coeur, cela est pour les reins, je ne me rappelle pas
toutes les maladies qu'elle avait.
Finalement, la pauvre dame était tellement malheureuse de tout
ça et elle se sentait tellement prise que, à un moment
donné, je pensais être obligé de faire venir les
ambulanciers pendant qu'elle était dans mon propre bureau. Je me suis
imaginé qu'elle était en train de me piquer une crise cardiaque.
Je vous assure que je cherchais la petite bouteille qu'elle m'avait
mentionnée comme contenant les pilules pour le coeur. Je l'ai ouverte au
plus vite et je lui ai présenté une pilule. Elle m'a dit: C'est
ça qu'il me faut et elle l'a prise. Cela s'est passé.
Cela, évidemment, est peut-être beaucoup imager la
situation, mais c'est arrivé. Cela peut arriver dans d'autres bureaux de
députés. Cela arrive dans des bureaux de médecins,
souvent. Je préfère que cela arrive dans le bureau du
député de Vanier que dans le bureau du député de
Rouyn-Noranda parce que lui est médecin et que moi je ne le suis
pas.
Mais un fait est quand même très important. Je ne veux pas
m'en prendre à Mme Chevalier, qui a un domaine particulier à
s'occuper, mais vis-à-vis du ministère des Affaires sociales, qui
est responsable de différents programmes, il y a un paquet de maladies
nerveuses qui sont reliées directement au programme d'aide sociale. Je
pense que le Dr Dufour, député de Vanier, est parfaitement au
courant de ça. Il y a plusieurs maladies nerveuses qui sont
reliées directement à l'insuffisance du programme d'aide sociale.
Cela n'est pas la faute de Mme Chevalier, c'est évident.
M. Forget: Non.
Le Président (M. Kennedy): Est-ce qu'on pourrait s'en
tenir aux médicaments parce que nous sommes au programme 2?
M. Samson: M. le Président, quand même on essaie
d'avoir une conversation qui permettrait... Si on veut mettre des
clôtures, bien sûr qu'on va mettre
des clôtures. Mais ce n'est pas en clôturant le ministre, ce
n'est pas en clôturant le député de Rouyn-Noranda que vous
allez trouver une bonne solution.
Le Président (M. Kennedy): C'était pour que vous ne
vous écartiez...
M. Samson: A ce moment, je devrais faire appel à la
protection de la présidence, M. le Président. Non, mais il
demeure que cela est un fait qui existe. Si ces maladies sont reliées
directement au programme d'aide sociale, le programme d'aide sociale est
relié directement au programme d'assistance-médicaments. Parce
que c'est une des conditions pour être éligible au programme
d'assistance-médicaments.
Si d'un côté, le ministre voit une possibilité de
solution dans le programme d'aide sociale, bien sûr, la liste, à
ce moment-là, serait peut-être moins contestée. Mais nous,
on est obligés de considérer l'ensemble. Mme Chevalier va
comprendre ça.
Si, d'un côté, on a un meilleur programme, on va
peut-être soulager le programme d'assistance-médicaments. A ce
moment-là la liste serait peut-être sinon plus complète du
moins apte à rendre plus de services que ceux qui sont rendus
actuellement, en fonction des plaintes dont les médecins eux-mêmes
nous font part.
Je ne suis pas prêt à rejeter du revers de la main les
prétentions des médecins pratiquants. C'est dommage. Sur un point
de vue technique, vous avez peut-être raison en disant que tel
médicament a telle valeur thérapeutique qu'un autre n'a pas.
Cela, je ne le sais pas et je ne veux pas discuter sur ce terrain non plus. Je
n'ai aucune espèce de compétence pour le faire. Mais quant aux
résultats, les médecins sont ceux qu'on doit voir quand on est
malade. On ne va pas voir le pharmacien. C'est le médecin d'abord.
Si le médecin me prescrit quelque chose qui n'est pas sur la
liste et que je prends en sérieuse considération les
déclarations qu'on vient de me faire, je m'en vais à la
pharmacie, à ce moment-là, puis je me demande si
réellement, il n'y a pas quelque chose qui se passe. Cela
m'amène, en tant que citoyen, à perdre un peu confiance en tout
le monde. Je me demande en qui je dois avoir confiance. En premier lieu, je
fais confiance à mon médecin qui me donne une prescription et
cette prescription n'est pas sur la liste. Evidemment, dans mon cas, cela ne
dérangerait rien mais, de toute façon, elle n'est pas sur la
liste. On me dit que le médicament qui n'est pas sur la liste n'a pas la
même valeur. Alors là, je perds confiance. Je ne le ferais pas
parce que je préfère avoir confiance au médecin mais cela
pourrait être susceptible de m'amener à perdre confiance dans le
médecin traitant, alors que les médecins traitants ont quand
même traité, au Québec, avant qu'il n'y ait une liste, M.
le Président. Ils ont rendu des services au Québec avant qu'il
n'y ait une liste de médicaments. Pourquoi rejeter du revers de la main
des demandes comme celle que vient de faire l'honorable député de
Vanier? Je ne peux pas accepter cela.
Je ne me base pas seulement sur le témoignage du
député de Vanier. Ce serait trop facile d'utiliser un
témoignage d'un député ministériel pour m'en
prendre au ministre. Ce serait facile et vous pourriez qualifier mon geste de
politique. Vous auriez probablement raison. Mais je me base aussi sur d'autres
témoignages que j'ai eus d'autres médecins qui sont dans le
même sens que le témoignage du député de Vanier.
C'est pourquoi, quand on fait appel à la souplesse, je dis qu'on doit
aller plus loin que de faire appel à la souplesse. On doit faire appel
à la compréhension des problèmes humains. C'est à
cela qu'on doit faire appel.
A ce chapitre, M. le Président, je n'irai pas plus loin parce que
je n'ai pas d'autres questions à poser quant au programme
d'assistance-médicaments mais, à ce chapitre, nous y reviendrons
à l'occasion d'un autre programme. Nous referons nos demandes au
ministre pour que le ministère prenne des dispositions pour aller plus
loin que ce qui se fait présentement dans le domaine de
l'assistance-médicaments.
Le Président (M. Kennedy): Est-ce qu'on a terminé
sur la question des médicaments, tandis que Mme Chevalier est ici?
M. Forget: Je voudrais remercier Mme Chevalier pour son
aide...
M. Charron: Bien sûr. Merci madame.
M. Forget: ... à éclairer les membres de la
commission.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Kennedy): On revient au programme 2.
Une Voix: Au programme 3.
Le Président (M. Kennedy): Est-ce qu'on continue le
programme 3 ou si on retourne au programme 2?
M. Forget: Au programme 2.
Aide aux ménages privés de moyens de
subsistance
Le Président (M. Kennedy): On retourne au programme 2,
aide sociale, élément 1, aide aux ménages privés de
moyens de subsistance.
M. Charron: M. le Président, à moins que le
ministre ne veuille ouvrir le sujet.
M. Forget: Non.
M. Charron: M. le Président, j'utiliserai comme remarques
d'ouverture à ce programme une étude publiée par le
Conseil canadien de développement social qui, je pense, devrait tracer
le cadre de la discussion que nous allons avoir sur cette catégorie de
nos concitoyens qui dépendent de la Loi de l'aide sociale.
Selon cette étude, encore une fois, du Conseil canadien de
développement social, la situation des Canadiens il faudra
toujours véhiculer cette expression qui nous englobe un tant soit peu
mais j'imagine qu'elle s'applique également au Québec
à faible revenu n'a guère progressé depuis I96I par
rapport à la situation des Canadiens à reven u moyen. Les
conclusions de cette étude ne concordent pas avec
l'interprétation tirée des chiffres de Statistiques Canada. Selon
Statistiques Canada, le pourcentage des Canadiens vivant sous le seuil de la
pauvreté aurait décru de I967 à I973, passant de 23.5%
à 17.2%. Toutefois, en tenant compte du mode de vie des Canadiens, le
conseil conclut que "le fardeau des Canadiens à faible revenu ne s'est
pas allégé, le revenu réel du pauvre n'a pas
augmenté par rapport à celui du Canadien moyen. Cependant, la
composition du groupe des Canadiens sous le seuil de la pauvreté a
beaucoup évolué en douze ans. Ainsi, les femmes seules ou
à la tête d'une famille occupent une proportion beaucoup plus
élevée dans ce groupe que dans la population entière. En
1973, les familles monoparentalesayant àl eur tête une femme
représentent 8.6% de toutes les familles canadiennes mais elles
représentent 28.7% des familles à faible revenu. Les deux tiers
environ des Canadiens pauvres, sans conjoint, sont des femmes. En tenant compte
de l'âge, le conseil note que la proportion des retraités dans le
groupe des pauvres demeure deux fois plus élevée que dans la
population.
Le conseil note également que la proportion des pauvres à
l'âge de la préretraite cette terrible période de 55
à 65 ans s'est accrue de 4.3% au cours de la même période.
"Du point de vue du revenu, peut-on lire dans le rapport, le pire consiste
à être vieux et à être femme. Etre une jeune femme
n'est guère mieux, plus des deux tiers des femmes âgées de
moins de 25 ans gagnent $5,000 ou moins. La même proportion est
observée dans le groupe de femmes de 65 ans et plus. Le chef de famille
masculin au Canada a 9.3% de chances d'être pauvre, tandis que 40.1% des
femmes chefs de famille courent ce risque."
Au Canada on calcule le seuil de pauvreté de trois façons.
Faisons abstraction de ce détail, mais la seule institution qui tienne
compte du lieu de résidence estime qu'il faut un minimum de $6,854 par
année à une famille de quatre personnes dans une ville de 500,000
habitants ou plus. Le conseil estime qu'il en faut $7,028, tandis que la
formule du Sénat porte à $7,871 le revenu nécessaire pour
soutenir cette famille.
M. le Président, ces chiffres, ces statistiques, ces
pourcentages, nous pourrions, si nous le voulions, les décortiquer et
retrouver la variante québécoise comme, j'imagine, dans le
régime de rentes dont nous avons discuté hier à certaines
occasions, notre pourcentage serait pour le mieux et à d'autres, pour le
pire.
Ce sont effectivement de ces citoyens pauvres que nous allons parler.
Non pas la totalité des citoyens pauvres, car il s'en trouve plusieurs
qui, au seuil du salaire minimum, juste au-dessus du salaire minimum,
n'atteignent quand même pas, comme revenu global, allocations familiales
comprises, ce seuil de la pauvreté fixé pour les familles de
couples avec deux enfants, par exemple, qui est le barème à
partir duquel on a calculé.
Tout cela pour dire que la pauvreté au Québec je
retrouve là la première expression que j'ai eue à
l'ouverture de l'étude de ces crédits n'est pas combattue
avec l'efficacité et l'intensité que nos moyens comme
collectivité nous permettraient de le faire.
Une bonne partie tient au régime politique dans lequel nous
vivons, j'en suis convaincu, qui nous empêche d'organiser, d'une
façon rationnelle et soutenue, une lutte à la pauvreté.
Une autre bonne partie de cette inefficacité dans la lutte contre la
pauvreté tient aussi au système économique dans lequel
nous évoluons et où il est acquis, où il est
nécessaire presque, pour une partie de la population, pour son
bénéfice et son profit, qu'une autre partie de la population soit
l'exploitée de l'exploiteur dont nous avons parlé.
Mais, peu importe, dans ce régime économique et même
avec un régime politique aussi vieillot que celui dans lequel nous
vivons, il se trouve des sociétés qui, sur le plan de la lutte
à la pauvreté, ont développé des armes plus
efficaces que celles que nous avons.
Je dis tout cela pour ouvrir, de façon générale, le
débat sur l'aide sociale, avec la demande générale que, je
suppose, plusieurs députés seraient prêts à
endosser, qui a déjà été brièvement
exprimée hier d'ailleurs par un député ministériel
en intervenant non à propos mais avec beaucoup d'acuité quand
même, sur la nécessité, avant même de nous plonger
dans la réglementation, d'éplucher chacun des articles de la loi,
de faire nos suggestions. On nous dira encore les retenir, mais on les
retrouvera probablement l'année prochaine au même point de gel
qu'elles l'ont été au cours de la dernière année,
avant même d'essayer de trouver une modification dans les barèmes
etc. Puisque le salaire minimum sera porté prochainement à $2.60,
et qu'on a toujours expliqué le plafond du revenu de l'aide sociale
actuelle en utilisant l'argument du salaire minimum principe soutenu
parqui et à cause de quoi, mais qui a certainement toujours
affecté la Loi de l'aide sociale on ne peut permettre à
une personne vivant de l'aide sociale d'avoir un revenu supérieur
à quelqu'un qui travaille. Donc, les travailleurs au salaire minimum
doivent avoir une espèce de, selon toujours ce même vieux
principe, de confort supplémentaire à une personne qui ne
travaille pas parce que, dit-on, ils se dérangent 40 heures par semaine
pour aller travailler et, donc, méritent un meilleur sort que ceux qui
n'ont qu'à rester à la maison pour attendre.
Ce principe est dangereux. S'il est réel, d'un côté,
qu'il faut valoriser le travail, il est dangereux parce qu'il laisse
sous-entendre que ceux qui sont bénéficiaires de l'aide sociale
sont des gens qui ne veulent pas travailler.
Or, nous savons tous l'ancien ministre des Affaires sociales,
celui qui est en face de moi et, j'imagine, celui qui éventuellement lui
succédera s'entendront tous pour le dire statistiques à
l'appui, devant même des criées qui montent parfois
même des rangs du parti ministériel, que les
assistés sociaux ne sont pas des paresseux, qu'ils ne sont pas des gens
qui ne veulent pas travailler, mais qu'ils vivent dans des situations où
cela leur est impossible.
Nous étudierons tout à l'heure des statistiques quant
à leur répartition. Il y a un grand nombre de familles
monoparentales conduites par une femme abandonnée,
délaissée, divorcée, peu importe son cas, mais qui se
trouve avec la responsabilité familiale qui lui interdit de travailler.
Cela ne justifie pas que cette personne vive dans l'indigence et dans le
besoin, parce que, d'autre part, le salaire minimum, qui est le plancher qui
sert de plafond à cette catégorie de citoyens, n'a pas
bougé ou bouge à peine.
Il a bougé, le plancher qui sert de plafond à l'aide
sociale, mais jamais comme nous l'aurions voulu. Nous avons proposé,
l'année dernière, à cette époque de l'année,
qu'il devienne immédiatement à $2.50 l'heure face à
l'inflation. Cela nous a été refusé. Il le deviendra
bientôt de façon supérieure même à $2.60, le
1er mai ou le 1er juin prochain.
On invoquera je l'utilise tout de suite pour ne pas avoir
à le redire, mais je le redirai si le ministre utilise encore cet
argument l'indexation annuelle maintenant contenue dans la loi pour dire
qu'il n'y a pas besoin de hausser de façon générale
l'échelle de l'aide sociale.
L'indexation n'est que l'indexation. Elle n'est aucunement une hausse du
niveau de vie, aucunement une façon d'améliorer un niveau de vie;
elle est une façon de rattraper sa détérioration annuelle.
Par définition, une indexation arrive en retard, c'est-à-dire que
le barème qui a servi à établir l'indexation de janvier
1975 est basé sur une évolution du coût de la vie que les
assistés sociaux ont eu à traverser sans avoir cette augmentation
que leur procure l'indexation.
Ce montant total qui leur est rajouté chaque mois depuis janvier
1975, s'il n'est qu'un rattrapage de 1974 qu'ils ont traversé sans appui
gouvernemental, est d'ores et déjà, nous le savons, inefficace
à faire face au coût de la vie, qui, lui, continue en 1975.
L'indexation qu'ils auront le 1er janvier 1976 n'arrivera que pour rattraper ce
qu'ils auront dû, livrés à eux-mêmes, seuls,
traverser en 1975 et, d'ores et déjà, elle sera insuffisante pour
rattraper la hausse du coût de la vie qui se produira
inévitablement en 1976.
Présenter, comme ce gouvernement l'a fait, l'indexation du revenu
des assistés sociaux comme une augmentation est un mensonge. Maintenant
que nous savons que le premier ministre a profité de l'absence du
ministre du Travail pour annoncer la hausse du salaire minimum le 1er juin
prochain, puisque nous sommes maintenant avec un vacuum entre le plafond des
assistés sociaux et le plancher des travailleurs, pouvons-nous, dans
cette lutte à la pauvreté, devant ces statistiq ues canadiennes
aussi bien que québécoises, nous attendre, au cours de la
prochaine année, de la part du gouvernement à une
réévaluation de l'échelle de l'aide sociale? Il ne s'agit
pas de retirer l'indexation par la suite, bien sûr; c'est un droit acquis
maintenant, des assistés sociaux. Quant à l'indexation à
venir, puisque celle qui est venue en janvier 1975 était insuffisante
quant au rattrapage de 1974, pouvons-nous espérer qu'elle se fera
désormais sur une échelle où les sommes mises à la
disposition de nos concitoyens les plus infortunés le mot ne peut
être mieux employé qu'ici seront différentes de ce
qu'elles ont toujours été?
L'indexation prévue par le règlement depuis janvier
dernier est basée sur l'indice générale des prix à
la consommation, alors qu'une famille bénéfi-ciairede l'aide
sociale, pouvons-nous nous le rappeler, consacre entièrement son budget
à la nourriture, au logement et aux vêtements, qui sont des
articles qui augmentent plus vite.
J'image, M. le Président, cette affirmation. On a dit que le bond
fait dans le domaine alimentaire au cours de la dernière année
c'est l'endroit où l'inflation a frappé le plus, on le
sait a été supérieur à 14% ou 15%. Pour une
famille qui consacre, je ne sais quel pourcentage il est certainement
supérieur a la moyenne québécoise de son revenu
à la nourriture, il n'est donc pas exagéré de dire que
cette famille a été frappée encore plus durement que
quiconque par l'inflation. La hausse dans l'alimentation, quand vous y
consacrez 20% de votre budget, vous, M. le Président, peut-être,
vous n'avez pas l'air de faire d'exagération, quand vous y consacrez 20%
de votre budget, cette hausse ne vous frappe que dans 20% de votre revenu. Mais
quand cette hausse frappe une famille à faible revenu, à revenu
limité ou une personne seule avec $195 par mois, toute hausse du prix du
pain, du lait, du beurre constitue une aggravation de la pauvreté et
leur interdit littéralement, en accaparant pour la nourriture une somme
plus grande de leur revenu, d'espérer utiliser cette somme de revenu
ailleurs, parce qu'elle a été engloutie.
Quand les assistés sociaux de Montréal, avec qui
j'étais devant les édifices du ministère, ont
brûlé le compte de taxe d'eau qu'ils avaient reçu, un des
slogans qu'ils utilisaient à cette occasion était: Les 8%, on les
a mangés et on ne les remettra pas à la ville de Montréal,
parce q u'on n'en a pas les moyens. Ils ont senti plus que quiconque la hausse
de l'inflation, parce qu'elle affectait, plus que quiconque, une partie de leur
budget.
Avec l'annonce de l'augmentation du salaire minimum, avec même
celle qui est survenue au cours de la dernière année
financière, en novembre dernier, avec cette inflation galopante qui
frappe plus que quiconque les assistés sociaux, la première
question que j'ai adressée au ministre du Travail, c'est: Pouvons-nous,
en dehors des modifications de circonstances qui s'imposent pour les besoins de
l'administration quotidienne de la Loi de l'aide sociale, pouvons-nous
espérer cette année et souhaiter pour nos concitoyens un
réaménagement de l'échelle de l'aide sociale,
c'est-à-dire faire que ces personnes seules, ces familles monoparentales
ou couples avec enfants reçoivent un revenu supérieur à
celui qui leur est offert aujourd'hui et qui, éventuellement, sera
indexé en janvier prochain?
Le Président (M. Kennedy): Qui prend la parole?
M. Samson: M. le Président, au début de ce
programme 2 qui est le programme d'aide sociale, qui est quand même un
article très important du budget des affaires sociales, qui constitue le
revenu des défavorisés à travers tout le Québec, je
pense qu'il est important de faire connaître les désirs de la
population. Non seulement les désirs de la population, mais les besoins
réels d'une population.
Trop souvent, aujourd'hui, et je le regrette, nous entendons des
travailleurs salariés, se plaindre que le système d'aide sociale
est pris à même leurs taxes et que cela constitue pour eux un
manque à gagner, favorisant une autre classe de la
société. C'est évident que pour cette partie des
contribuables qui sont de faibles salariés, il est très frustrant
de voir prendre sur leur paye, régulièrement, une part de taxes,
tout en leur laissant l'impression et c'est le régime qui leur
laisse cette impression que ces taxes sont utilisées pour faire
vivre une autre catégorie de gens à ne rien faire, si vous
voulez.
Je pense qu'il faudrait, par des actes concrets, dissiper ces
prétentions tout en comprenant que ces gens-là, qui se sentent
frustrés par le système, ont raison de se sentir frustrés
dans une certaine proportion. Mais il demeure que les défavorisés
de la société, les assistés sociaux, sont des personnes
humaines, sont des citoyens à part entière qui doivent
également avoir droit aux richesses qu'est capable de procurer notre
province.
Nous sommes dans une société d'abondance, au
Québec. Devant cette société d'abondance, il y a un manque
flagrant de distribution des richesses à la base. Les assistés
sociaux, qui ont absolument besoin d'aide et pour lesquels je voudrais
revendiquer également, sont des gens sans défense devant un
système économique qui, normalement, devrait leur permettre de
vivre décemment. Bien sûr, on a ce programme sélectif de
l'aide sociale qui est basé sur un tas de barèmes,
d'études, d'enquêtes même, et qui permet d'aider ces
familles, mais d'une façon totalement inadéquate. Ce que nous
permettons à ces gens d'obtenir au point de vue économique, c'est
une partie trop faible pour des besoins réels. Nous avons trop souvent
entendu les porte-parole de ce gouvernement dire que les gens devraient vivre
selon leurs moyens. Je pense que c'est une mauvaise philosophie. Les gens
devraient pouvoir vivre selon leurs besoins. C'est tout à fait
différent. Les moyens doivent être procurés selon les
besoins.
Or, le système de l'aide sociale ne permet pas aux familles, qui
sont obligées de se suffire par ce seul système, de vivre d'une
façon décente. Bien sûr, on nous dira qu'il y a des
exceptions, on nous di ra q ue dans certains milieux des gens ont trouvé
le moyen de contourner le système et vivre mieux peut-être que des
petits salariés. Mais ce n'est pas parce qu'il y a des exceptions, des
gens qui réussissent à contourner le système que nous ne
devons pas avoir des politiques générales favorisant l'ensemble
de ceux qui doivent avoir recours à ces programmes. Je l'ai dit au
début de l'étude de ces crédits, le système d'aide
sociale est fait pour décourager l'unité familiale, il est fait
de telle sorte qu'il décourage également le petit salarié.
C'est pourquoi les philosophies du ministère devront s'adapter aux
possibilités physiques de la province et per- mettre un pouvoir d'achat
minimum garanti à tous et ce sur une base universelle . Ainsi celui qui
a un faible revenu pourrait aussi avoir accès à un minimum et
ceux-là qui ont déjà un revenu considérable
verraient également ajouter à leur revenu mais, par contre,
l'Etat le leur reprendra, sans inquiétude, par le, moyen de la taxation
dans ces cas-là.
Ce que nous devons poursuivre comme objectif, c'est qu'à la base
personne ne manque du nécessaire et qu'à la base ceux-là
qui ne sont pas défavorisés physiquement, qui peuvent quand
même occuper un emploi mais dont l'emploi n'est pas tellement
rémunérateur, cela veut dire les petits salariés, que
ceux-là ne soient pas découragés de travailler, mais
plutôt encouragés en recevant également ce minimum de
pouvoir d'achat vital.
C'est là toute la philosophie qu'il faut envisager, si nous
voulons régler le problème, un jour. Sinon, jamais le
problème ne se réglera réellement. Il restera toujours un
problème entier et favorisera régulièrement la lutte des
classes, et en l'occurrence, la lutte des classes serait la lutte des
assistés sociaux et des travailleurs à faibles salaires. C'est ce
que nous devons, à tout prix, éviter, car ces deux groupes de la
société sont des groupes défavorisés.
Que ce soit une famille qui bénéficie de l'aide sociale,
ou que ce soit une famille dont le chef de famille est un petit salarié,
ces deux groupes dans la société sont des groupes
défavorisés.
On a augmenté le salaire minimum, la semaine dernière, par
décision annoncée par le premier ministre, à $2.60 pour le
1er juin. La demande était de $3. Nous avions, à
l'Assemblée nationale, je me rappelle l'avoir fait en questionnant le
premier ministre, réclamé $3. Trois dollars n'est pas trop, mais
si l'on considère les revenus des assistés sociaux,
comparativement au salaire minimum, les assistés sociaux sont bien en
deça du salaire minimum et sont des proies faciles vis-à-vis de
l'endettement. Une famille à faibles revenus, ne
bénéficiant pas de l'aide sociale, mais bénéficiant
d'un salaire, s'endette régulièrement. Comment voulez-vous que
les assistés sociaux ne s'endettent pas?
On a, bien sûr, des études qui sont faites
là-dessus, qui ont été poursuivies et qui ont
été publiées, dernièrement. L'endettement est
systématique. C'est simple, la raison c'est que le revenu est
insuffisant. Pour permettre à la famille de vivoter à la
deuxième ou à la troisième semaine du mois, on s'endette
en attendant le chèque du mois suivant. Quand le chèque du mois
suivant arrive, il est déjà hypothéqué dans une
grande proportion. Alors, si vous faites les projections, cela ne prend pas
tellement de mois pour retrouver des gens qui sont endettés plus qu'ils
ne sont capables de supporter de dettes. Dans le contexte de nos lois, des
chefs de famille se retrouvent sous l'empire de la Loi du dépôt
volontaire, que nous appelions précédemment la Loi Lacombe, donc
deviennent insolvables.
En plus de souffrir d'un manque à gagner, en plus de souffrir
d'un manque de revenu, ces gens souffrent dans leur dignité, parce
qu'ils sont rapidement, par la force des choses et par l'économique, des
victimes et des gens qui sont considérés comme insolvables et
pointés du doigt parfois.
C'est pourquoi nos revendications se conti-
nuent en espérant que le tout ne tombera pas dans l'oreille d'un
sourd, mais que le tout sera pris en considération. M. le
Président, que l'on considère également, en plus de
l'augmentation nécessaire des barèmes de base de la Loi de l'aide
sociale actuelle j'ouvre la parenthèse pour dire que l'actuelle
Loi de l'aide sociale n'est pas parfaite, cela ne réglera jamais le
problème qu'il faudrait en arriver un jour à un pouvoir
d'achat minimum garanti. Mais faute d'avoir un meilleur programme dans le
contexte du programme actuel, il faudrait voir les barèmes pour
augmenter les barèmes de base, afin de permettre, au moins, aux
défavorisés de manger comme tout le monde, trois fois par jour,
de se vêtir convenablement et de pouvoir être logés de
façon décente.
D'autant plus qu'il est effrayant de constater que, dans le contexte du
programme actuel, alors qu'on refuse un minimum décent à une
famille unie, il en coûte plus cher au gouvernement pour défrayer
les coûts du démantèlement des familles. Là-dessus,
j'ai eu une réponse, au début de l'étude des
crédits, par le ministre qui nous dit que cela coûte plus cher,
évidemment, de faire vivre des gens qui vivent séparément.
C'est clairque cela coûte plus cher. Mais ne vaudrait-il pas mieux payer
un peu plus cher pour leur permettre de vivre décemment de façon
unie que d'assister à ce démantèlement des familles et
d'en arriver, finalement, à payer plus cher pour faire vivre des
familles désunies sous l'empire de la Loi de l'aide sociale?
C'est là toute la situation. J'aimerais pouvoir convaincre les
autorités du ministère des Affaires sociales qu'il y a, de ce
côté, des améliorations qui s'imposent. Si le tout est
considéré sur une base humaine, on trouvera sûrement au
moins une meilleure solution que celle que nous avons présentement.
J'ai parlé tantôt du démantèlement des
familles. Je pourrais aussi parler des cas de célibataires demeurant
chez des parents. Il s'agit de personnes âgées de 18 ans ou plus
qui se voient octroyer une somme de $110 par mois parce qu'ils demeurent ou
bien chez le père, ou bien chez la mère, ou bien chez le
grand-père, ou bien chez la grand-mère, ou bien chez un enfant,
alors que ces mêmes personnes pourraient demeurer chez un frère et
recevoir $195 par mois. Là est toute la question également de ce
côté. On paie plus cher pour quelqu'un qui est un assisté
social, s'il demeure à l'extérieur de sa parenté que s'il
demeure chez des parents. C'est, encore là, une mesure qui
défavorise l'unité familiale.
Je trouve illogique que l'on parle du père, de la mère, du
grand-père, de la grand-mère ou d'un enfant, alors que, pour un
frère, cela change complètement. Je ne vois pas tellement, au
point de vue de la parenté, la différence. Que quelqu'un, qui est
un assisté social, demeure chez un frère, ou chez son
père, ou chez sa mère, cela ne change pas tellement de choses au
point de vue de la parenté, mais cela change quelque chose au point de
vue de la prestation d'aide sociale. Dernièrement, des cas ont
été référés au ministre des Affaires
sociales et on nous répond, en nous donnant toutes les explications,
qu'en fonction des règlements actuels ce n'est pas possible. C'est une
mesure illogique, mais c'est comme ça que cela existe. Alors, il
faudrait corriger cette situation. Il faudrait la regarder de plus
près.
Il faudrait regarder également la question du logement. On a
ramené le test à $85. On a dit: Mais non, on n'a pas réd
uit la prestation de logement; on a ramené le test à $85. Mais
là, c'est dans l'ensemble des prestations qu'on retrouve la part du
logement présentement. On n'a pas considéré q ue le
logement est une chose qui coûte très cher de nos jours. On
l'inclut dans la prestation globale. Regardez les barèmes et, vous
verrez que, pour une famille de deux enfants, trois enfants et deux adultes,
avec une prestation de $362 par mois, un logement coûte entre $175 et
$200 ou $150. N'essayez pas d'en trouver en bas de $150; ce sont des perles
rares ou des taudis.
Il arrive que le coût du logement est fort important et c'est
évident que les gens n'ont pas suffisamment de ressources leur
permettant de se nourrir ou de se vêtir.
Le logement est la chose qui doit être payée en premier. Si
on ne paie pas le logement, on se retrouve dehors. Alors, on doit
considérer les coûts de logement actuels, ce qui ne semble pas
être le cas, autrement que par des barèmes ou des études
technocratiques.
Ou encore, quand une personne possède une petite maison et arrive
à l'aide sociale, après une malchance quelconque, on ne
considère pas tellement la partie de logement à ce
moment-là, sauf les frais d'assurance et les frais, si je me rappelle
bien, d'entretien, qui sont très minimes, mais il y a également,
M. le Président, les frais pour la taxe scolaire et la taxe municipale,
ce qui n'est pas la réalité, parce que ce qu'on leur permet pour
l'entretien, dans ces cas, est une somme trop faible. Cette somme étant
trop faible, ces gens se voient, à courte échéance, dans
l'obligation de se départir de ce bien qui a été
accumulé dans les années antérieures, alors qu'ils
étaient sur le marché du travail et avec des
économies.
Ce genre de dépossession ne rapporte pas une cent au
ministère ni au gouvernement. Tout ce qu'il fait, c'est de faire perdre
à quelqu'un quelque chose. Si la dépossession rapportait au
gouvernement, on pourrait invoquer l'argument économique, mais cette
dépossession, qui se fait presque automatiquement, ne rapporte rien au
gouvernement. On a même vu, dans certains cas, certaines
spéculations. En tout cas, je ne reviendrai pas là-dessus, mais
je vous assure que cela entraîne, M. le Président, des situations
telles qu'on peut se poser des questions . Cela sème des doutes parfois
inutiles, mais cela sème quand même des doutes.
Egalement, même dans le contexte actuel, le vérificateur
général du Québec nous rapporte que 20% d'erreurs de
calcul se retrouvent quant au taux de l'aide sociale. Cela a paru dans le
dernier rapport du vérificateur général. On dit que ces
pourcentages d'erreurs relevées dans l'échantillonnage sont un
indice, de l'avis du vérificateur général, de faiblesses
administratives importantes qui se situeraient davantage au niveau du personnel
attaché à l'administration de la Loi de l'aide sociale qu'au
niveau du système même d'attribution des allocations sociales.
Cette anomalie qui a été relevée par le
vérifica-
teur général méritedesexplicationsdu ministre. Si
le vérificateur général n'a pas raison, qu'on nous le
dise. S'il y a effectivement erreur, l'erreur est humaine; qu'on nous le dise
également. Mais puisque qu'on a publié qu'il y a un pourcentage
de 20% d'erreurs dans l'administration de l'aide sociale, je pense que le
ministre profitera sûrement de l'occasion pour nous donner les
explications qui s'imposent.
M. le Président, je n'ai pas d'autres commentaires
préliminaires mais je voudrais, en terminant ces brefs commentaires,
parce que le ministre semblait, par son regard, M. le Président, croire
que j'étais parti jusqu'à six heures...
M. Forget: On lit mes pensées.
M. Samson: Je sais qu'à l'autre bout de la table,
peut-être qu'on croyait cela.
Cela vous aurait peut-être été plus
bénéfique. De toute façon on y reviendra, ne vous en
faites pas.
M. Veilleux: M. le Président...
M. Samson: M. le Président, moi je voudrais demander au
ministre, en terminant, qu'il songe sérieusement à un mode de
revenu annuel garanti, et ça de façon universelle, pour
éviter ces injustices entre les classes de défavorisés que
sont les assistés sociaux et les travailleurs à faible
revenu.
M. Veilleux: Seulement quelques... Je sais qu'on est censé
ajourner à cinq heures.
Le Président (M. Kennedy): Six heures.
M. Veilleux: Six heures. Ah! d'accord.
Moi, j'aurais quelques renseignements à demander au ministre.
Dans le document qu'on m'a remis tout à l'heure, le rapport sur l'aide
sociale, à une page on dit ça c'est pour
vérification: "Depuis le 1er janvier 1975, l'aide sociale que
reçoit une personne seule est de $195 par mois à la condition,
etc." Un peu plus loin on dit que c'est $185. Lequel des deux montants est
exact?
Dans le même rapport, un peu plus loin...
M. Forget: $195. C'est une erreur de frappe.
M. Veilleux: C'est $195.
Comme l'a mentionné le député de Rouyn-Noranda, on
a l'impression, en regardant les barèmes, qu'on motive la dislocation de
la famille. D'ailleurs la conférence des évêques a
mentionné ce cas. Dans ma région, je connais des cas où
une personne, pour recevoir plus, va aller passer ses journées ailleurs
et quand même le soir va retrouver sa légitime épouse. Si
vous avez deux adultes et un enfant, avec l'allocation familiale, cela donne un
revenu de $356 par mois d'aide sociale. Si un des adultes fout le camp,
à ce moment-là l'adulte avec l'enfant touche $291, plus $195, ce
qui fait $486 versus $356. Et on oblige pratiquement les gens, d'une certaine
façon, à poser des gestes qui peuvent être
désastreux pour les enfants.
Je me demande aussi s'il n'y aurait pas lieu d'envisager ceci. Si je
regarde le document que le ministre nous a remis, à un endroit on
mentionne que, la première année où on a fait un effort
pour ceux qui bénéficient de l'aide sociale et qui sont aptes au
travail, à un retour au travail, on disposait d'une somme de $5 millions
et, l'année suivante, de $5 millions on en est venu il faudrait
que je trouve la page exacte à $2 millions ou $2.5 millions. Le
pourquoi de cette baisse-là, le ministre pourrait peut-être nous
donner les explications. Justement, je l'ai ici à la page 2, on dit: "En
1973/74, des sommes de près de $5 millions et, en 1974/75, de plus de
$2.5 millions ont été consacrées à la
création d'emplois pour les bénéficiaires de l'aide
sociale".
Je me demande s'il n'y aurait pas lieu qu'on fasse un retour en
arrière dans le domaine de l'aide sociale et qu'on fasse une nette
distinction entre les personnes q ui sont aptes au travail et les pe rsonnes q
ui sont inaptes au travail. Vous allez trouver, par exemple, un jeune de 18 ou
19 ans, handicapé physique ou mental ; je connais, à Saint-Jean,
un jeune d'une vingtaine d'années qui est handicapé physique,
n'est pas capable de se déplacer seul. Alors il va nécessairement
résider avec ses parents et, parce qu'il réside avec ses parents,
il va recevoir moins que s'il demeurait ailleurs ou en chambre. Et je ne vois
pas cette personne-là pouvoir vivre seule à l'extérieur,
compte tenu de son handicap. D'autre part, des jeunes de 18 ou 19 ans, par
esprit d'émancipation, vont quitter le foyer pour aller vivre à
l'extérieur et eux vont pouvoir bénéficier d'une aide
financière pi us élevée que l'autre. Je me demande s'il
n'y aurait pas lieu de repenser cela, compte tenu qu'il y a des étapes
qui ont été franchies depuis un certain nombre d'années;
il y a de très nettes améliorations qui ont été
faites dans ce secteur-là, il y en a encore d'autres. Je sais que le
ministre est conscient de ça, et les fonctionnaires au ministère
qui travaillent dans ce secteur-là. Mais je me demande si on ne devrait
pas en venir à une solution le plus rapidement possible et faire la
distinction entre les gens qui sont aptes au travail et ceux qui sont inaptes
au travail.
Peut-être que ça permettrait au ministre
d'accélérer son programme d'emploi ici, de retour au travail, et
ça permettrait à ceux qui sont inaptes au travail, qui n'ont pas
d'autre choix que de mourir comme assistés sociaux, de recevoir une aide
financière plus substantielle qu'ils peuvent recevoir
présentement versus un autre qui est apte au travail et qui pourrait
peut-être recevoir un peu moins pour le motiver à retourner au
travail.
C'est quand même déplorable de voir et on en voitde
plus en plus malheureusement des jeunes qui n'ont pas encore atteint 25
ans et qui bénéficient de l'aide sociale depuis deux ou trois
ans. Il y en a, et si on faisait cette distinction, je suis persuadé que
ça pourrait être un motif raisonnable pour les entraîner
à un retour au travail beaucoup plus rapidement que
présentement.
Le Président (M. Kennedy): Le ministre des Affaires
sociales.
M. Forget: Merci, M. le Président. Avant d'aborder des
questions spécifiques, j'aimerais prendre
quelques brèves minutes.comme l'a fait le député de
Rouyn-Noranda et, avant lui, le député de Saint-Jacques, pour
discuter de certains aspects plus généraux de la Loi de l'aide
sociale et même, dépassant la Loi de l'aide sociale, de tout le
contexte de la pauvreté et de la sécurité du revenu.
J'éviterai, malgré tout, de répéter ce que
j'ai dit à plusieurs reprises et particulièrement l'automne
dernier, lors de notre discussion à l'Assemblée de la Loi
amendant le régime de rentes où toutes ces questions ont
été discutées et où j'ai eu l'occasion d'indiquer
quelles étaient nos orientations.
Je vais commencer par faire une revue d'ensemble de l'évolution
générale du programme d'aide sociale durant la dernière
année. Sans doute des publications du ministère et même les
comptes publics permettent d'avoir un certain tableau de cette
évolution, mais c'est souvent un tableau qui est presque uniquement
chiffré. Il est peut-être intéressant de saisir
l'évolution du programme d'aide sociale durant l'année, de
manière à mieux comprendre ce qui se cache, en quelque sorte,
sous les chiffres globaux qui nous sont présentés.
Au cours de l'exercice 1974/75, la moyenne mensuelle des ménages
à l'aide sociale s'établissait à 188,831, dont 87,465
familles et 101,366 personnes seules. Si l'on compare ces chiffres à
ceux de l'exercice précédent, 1973/74, où la moyenne des
ménages était de 179,675, répartis en 84,650 familles et
95,025 personnes seules, on constate une augmentation globale des effectifs de
l'ordre de 5% composée d'une hausse de 3.3% chez les familles et de 6.7%
chez les personnes seules.
Les éléments expliquant la hausse de 5% du nombre moyen
des ménages se situent sur trois volets. Le premier volet concerne sans
aucun doute l'impact de l'environnement économique sur le programme de
l'aide sociale.
En deuxième lieu, on peut imputer une partie de cette hausse
à l'élargissement de la couverture du programme vers le nouveau
groupe qui était auparavant couvert quant à la
sécurité du revenu par d'autres programmes du ministère
des Affaires sociales.
Et finalement, le troisième volet se rapporte à
l'élargissement du potentiel d'admissibilité au programme qui
intervient nécessairement lorsque les barèmes, en termes
financiers, en chiffres absolus, sont élevés, puisque la
règle fondamentale de l'aide sociale est de combler le déficit
entre les revenus de toutes sources et les besoins tels
qu'évalués par ces barèmes officiels. Lorsque les
barèmes s'élèvent, par définition un écart
apparaît pour certains individus qui n'existait pas auparavant.
A compter d'octobre 1974, l'augmentation des actifs a commencé
à afficher une croissance plus rapide pour atteindre un sommet de
200,800 ménages en février 1975.
Une dimension de cette situation est sans doute l'augmentation du nombre
réel de chômeurs de 170,000 à 217,000 entre novembre et
décembre. Nous reviendrons, cependant, surcet aspect un peu plus tard.
Comme je viens de le mentionner, de nouveaux groupes ont été
admis à l'aide sociale durant l'année. Je crois que quelques
précisions seraient sans doute nécessaires pour justement mieux
comprendre l'évolution du nombre des ménages dans le
régime. C'est ainsi qu'en avril 1974 les personnes
hébergées dans les pensions surveillées devenaient
admissibles et que, depuis le mois d'août, les gens qui
fréquentent les ateliers protégés reçoivent leurs
allocations du programme de l'aide sociale plutôt que du programme des
ateliers protégés.
D'ailleurs, la raison fondamentale de l'augmentation relativement plus
grande du nombre de personnes seules, soit 6.7% par rapport aux familles,
c'est-à-dire 3.3%, réside dans le fait que ces deux nouveaux
groupes de ménages sont principalement et, bien évidemment,
constitués de personnes seules.
En dernier lieu, il convient peut-être, si l'on veut comprendre
l'évolution des nombres, de signaler que, malgré une hausse
globale de 5% du nombre des ménages, le nombre total des
bénéficiaires a diminué de 1%, passant de 407,339 en
moyenne en 1973/74 à 404,500 en 1974/75.
Cette baisse du nombre total des effectifs, qui tient compte
évidemment de la présence des dépendants dans les
familles, est attribuable à une baisse, que l'on a remarquée dans
notre discussion du programme des allocations familiales, dans les taux de
natalité et dans le nombre absolu des naissances, depuisquelques
années. Ainsi, la taille moyenne des familles est passée de 3.69
personnes en 1973/74 à 3.46 personnes en 1974/75.
J'aimerais maintenant dire quelques mots sur l'évolution de la
prestation moyenne. D'avril 1974 à mars 1975, la prestation moyenne des
ménages est passée de $181.42 à $207.40, soit une
augmentation de 14.3%. Durant la même période, les familles ont
enregistré une hausse de 17.7% dans leurs prestations,
c'est-à-dire de $229.44 à $270, tandis que les personnes seules
obtenaient une augmentation de 10.290, c'est-à-dire de $139.58 à
$153.80.
L'augmentation des barèmes au 1er juin 1974, la diminution des
barèmes de logement en novembre 1974 et l'indexation des barèmes
de besoins ordinaires en janvier 1975 résument les modifications ayant
un impact significatif sur l'évolution à la hausse de la
prestation moyenne.
La configuration durant l'année, bien sûr, doit tenir
compte du versement forfaitaire de $25 qui est effectué en septembre
pour chaque enfant au moment de la rentrée scolaire et qui
représente un montant global de $3,610,000. La baisse des
déboursés au mois d'août... Ces détails sont
peut-être un peu longs, mais, si l'on observe, malgré tout, le
profil des déboursés au mois d'août, on note une diminution
qui est simplement le résultat de différences dans les
méthodes de comptabilisation.
J'aimerais, lorsque nous considérons l'évolution de la
prestation moyenne dans l'aide sociale, rapprocher ces chiffres des chiffres
d'augmentation du coût de la vie, qui se sont manifestés durant la
même période. On a fait allusion, tout à l'heure, à
l'augmentation très importante de certains articles du budget des
ménages bénéficiaires de l'aide sociale et on en a
tiré argument pour prétendre que l'indexation, telle qu'elle
s'est faite, est insuffisante pour donner à ces familles une
compensation
complète pour l'augmentation des dépenses auxquelles elles
doivent faire face et qui, sans aucun doute, sont différentes du budget
moyen d'une famille ayant un revenu moyen.
Le calcul de cet impact différentiel pour les gens à
très faible revenu a été fait, et l'augmentation du
coût des biens inclus dans le seuil de pauvreté, qui sert de point
de référence pour tous ces calculs, était, en I974, de
ll.l%. Si l'on rapproche ces chiffres de ceux que je viens de nommer, notamment
la hausse des barèmes de l'aide sociale au 1er janvier 1975 par rapport
à l'année antérieure, on observe que les variations
étaient de 10.2% et de 12% pour la même période. Ce qui
veut dire que cet argument ne peut pas être retenu et qu'effectivement
l'indexation, jointe aux autres mesures qui sont intervenues durant l'exercice
financier précédent, a plus que compensé les
bénéficiaires de l'aide sociale pour l'augmentation du coût
de la vie.
D'ailleurs, cette compensation ou cette surcompensation au titre de
l'augmentation pour le coût de la vie n'est pas limitée, comme on
sait, au seul développement intervenu durant l'exercice financier
précédent. En effet, lorsqu'on porte son regard un peu plus loin
en arrière, on constate une augmentation assez sensible du niveau des
prestations mensuelles moyennes au titre de l'aide sociale. Ainsi, pour une
période s'étendant de mars 1971 à janvier I975, les
prestations mensuelles moyennes, pour les personnes seules, sont passées
de $80.29 à $152.34, soit une augmentation en pourcentage de 89%. Pour
une famille, la prestation moyenne est passée de $158.41 à
$263.28, soit une augmentation de la prestation moyenne, au titre de l'aide
sociale, de 68%, à laquelle on doit ajouter, bien évidemment, une
augmentation attribuable aux allocations familiales qui est survenue en janvier
1974 et en janvier 1975.
D'ailleurs, et je dois le mentionner pour éviter que l'on se
méprenne sur la signification des chiffres que je viens de mentionner,
l'augmentation intervenue, en janvier 1975, dans l'ensemble des
bénéfices de l'aide sociale tient compte de la majoration de
l'allocation pour les enfants, au titre de l'aide sociale, qui, comme on le
sait, a été plus que majorée pour tenir compte de
l'augmentation stricte du coût de la vie, mais qui a également
été majorée de façon uniforme avec la majoration
des allocations familiales effectuée en vertu d'une loi adoptée
en juillet dernier et qui a permis de majorer le montant moyen des allocations
familiales fédérales versées aux familles du
Québec. C'est donc une combinaison de ces facteursqui a permisde
compenser plus qu'adéqua-tement l'augmentation du coût de la
vie.
A titre de référence, je devrais citer également,
pour la même période de mars 1971 à janvier 1975, une
augmentation de l'ordre de 70% dans le niveau du salaire minimum. Nous nous
retrouvons donc dans une situation où, à cause de toutes ces
augmentations successives, augmentations qui ont dépassé
l'augmentation du coût de la vie durant la période, il est
strictement faux de prétendre qu'il n'y a eu aucune amélioration
dans la situation des assistés sociaux pendant la période. Il
n'est pas du tout exact de prétendre qu'on n'a fait que rattraper, avec
retard, l'augmentation du coût de la vie. Il y a eu une amélio-
ration véritable du standard de vie des assistés sociaux.
J'aimerais, à cet égard, citer l'amélioration des
pourcentages de couverture des seuils de pauvreté qui est intervenue
largement à la suite des réformes assez profondes de la structure
des allocations sociales en janvier 1974. J'ai déjà cité
ces chiffres mais je crois qu'ils méritent d'être cités
à nouveau parce qu'ils indiquent très clairement la direction
suivie par le gouvernement et la direction qui va continuer à être
suivie par le gouvernement dans la réalisation des seuils de
pauvreté pour les résidents du Québec.
Ainsi, dans le cas d'un adulte seul, le pourcentage de couverture des
seuils de pauvreté était, en octobre 1973, de 88%. Il
était, en octobre 1974, un an pi us tard, de 100%, soit un
progrès de 12% d urant une année. C'est un progrès qui est
réel puisque dans les deux cas les seuils de pauvreté ont
été, bien sûr, ajustés pour réfléter
l'augmentation du coût de la vie.
Dans le cas d'un adulte et un enfant, le pourcentage de couverture est
passé de 69% à 95%, un progrès de 16 points dans le
pourcentage de couverture. Dans le cas d'un adulte et de deux enfants, ce
pourcentage est passé de 80% à 89%. Je pourrais citer plus
longuement des familles de taille plus considérable. Parlons maintenant
des familles de deux adultes: ce pourcentage est passé de 76% à
100%, soit 24 points d'amélioration. Dans le cas de deux adultes et un
enfant, de 77% à 87%, soit dix points de progrès. Et dans le cas
de deux adultes et deux enfants, de 76% à 84%, soit huit points.
Dans l'ensemble, il y a donc des progrès notables qui ont
été effectués, mais il demeure vrai, bien entendu, de
prétendre que nous n'avons pas réussi à rattraper dans
tous les cas les seuils de pauvreté qui ont été
définis pour le Québec et qu'il y a encore du chemin à
faire. C'est d'ailleurs une affirmation que j'ai faite moi-même que j'ai
prise à mon compte, l'automne dernier. Il est clair que tout ce travail
de rattrapage, si important, si significatif qu'il soit, n'est pas encore
satisfaisant et n'est particulièrement pas satisfaisant dans le cas des
familles nombreuses.
Cependant, ce n'est pas, bien sûr, une consolation totale, mais on
remarque que la clientèle des bénéficiaires de l'aide
sociale se situe de plus en plus dans les catégories qui correspondent
à celles où les taux de couverture sont les plus satisfaisants.
C'est donc, dans une certaine mesure, une certaine consolation pour n'avoir pas
réussi dans tous les cas à obtenir une couverture
complète.
M. Charron: M. le Président, si vous me le permettez,
quels sont ces seuils de pauvreté dont vous parlez et que vous prenez
comme barèmes et qui les a fixés?
M. Forget: Les seuils de pauvreté que nous prenons pour
barèmes sont les seuls qui aient été définis
strictement en fonction des familles du Québec, et
particulièrement de la région de Montréal, par le Montreal
Diet Dispensary qui est un organisme autonome, qui a défini ces taux, il
y a quelques années, taux que nous avons indexés à chaque
moment,
dans nos comparaisons, pour évaluer les taux de comparaison.
Maintenant, il est clair que l'établissement d'un seuil de
pauvreté est, dans une certaine mesure, une question presque subjective.
Parce qu'il n'y a pas moyen de définir abstraitement, une fois pour
toutes, et sans possibilité de contestation, un seuil de
pauvreté. C'est un jugement de valeur que l'on porte sur un certain
niveau de vie. Mais il y a beaucoup plus de raisons d'adopter un seuil de
pauvreté défini pour le Québec, que d'adopter un seuil de
pauvreté qui est tout autant influencé par les standards de vie
et les coûts de la vie dans la région métropolitaine de
Toronto ou dans la région métropolitaine de Vancouver, sans
parler des autres régions au Canada, et qui, dans une large mesure,
correspond donc à des régimes de vie, à des modes de
distribuer le budget familial qui n'est pas nécessairement relié
de très près avec les besoins des familles du Québec.
Maintenant, conscient du vieillissement de l'étude originale, le
ministère a entrepris une étude, a commandité une
étude nouvelle des seuils de pauvreté pour le Québec, de
manière à être bien sûr que notre standard de
référence soit le plus fiable possible. Dès que ces
études seront terminées, il nous sera possible d'en faire
état et de voir dans quelle mesure les résultats dont nous avons
parlé méritent d'être corrigés ou notre tir
mérite d'être corrigé.
Il est clair que, comme de toute manière, ce sont des chiffres
qui doivent être basés sur les jugements de valeur, que les
jugements de valeur varient énormément, dans le cadre des
discussions fédérales provinciales, sur l'établissement
d'un régime de revenu garanti, plusieurs hypothèses ont
été faites, qui varient sensiblement entre un chiffre bas et un
chiffre élevé. Il y a tout un éventail de
possibilités. Je crois que le chiffre le plus bas était de
$4,000, et le chiffre le plus élevé était de près
de $5,000, pour une famille de deux adultes et deux enfants.
On sait que les chiffres du Sénat étaient encore plus
élevés que ceux-là, si on les indexe à
l'augmentation du coût de la vie, depuis la date de publication du
rapport Croll.
M. Charron: Me rappelleriez-vous, s'il vous plaît,
simplement le pourcentage atteint par rapport au barème du seuil de
pauvreté qui sert à votre calcul pour les personnes seules?
M. Forget: Pour les personnes seules, de 88% à 100%.
M. Charron: Donc le seuil de pauvreté pour une personne
seule serait de $195 par mois?
M. Forget: Exactement. C'est-à-dire que, normalement, il
est cité par année mais c'est...
M. Charron: Bon!
M. Forget:... en effet le chiffre qu'il faut retenir.
Donc, si l'on considère l'évolution des prestations
moyennes, si on les considère sur l'année écoulée,
si on les considère sur l'ensemble des quelques dernières
années, sans être totalement satisfaits du chemin qui a
été parcouru, on peut néanmoins et on doit, si l'on
considère ces chiffres avec impartialité, honnêtement,
constater qu'il y a plus qu'un simple rattrapage. Il y a eu,
véritablement, une amélioration qu'on peut, sans aucun doute,
comme nous le faisons nous-mêmes, juger encore insatisfaisante mais une
amélioration néanmoins réelle.
J'aimerais, avant de passer à d'autres aspects de cette question,
décrire, pour le bénéfice des membres de cette commission,
certaines extensions de la couverture du programme d'aide sociale qui sont
intervenues durant l'année puisque nous n'avons pas eu tellement
l'occasion d'en faire état mais elles ont quand même une certaine
signification.
Le 1er avril dernier, en 1974, environ 2,000 adultes nécessiteux
requérant une surveillance occasionnelle en raison de leur état
de santé et qui étaient hébergés dans ce qu'il
était convenu d'appeler traditionnellement des pensions
surveillées, placés dans ces pensions qu'ils étaient par
les agences sociales, enfin les centres de services sociaux, devenaient
admissibles à l'aide sociale et avaient droit à une prestation
à titre de personne seule de $170 par mois, ce qui était le taux
en vigueur à l'époque pour les personnes seules.
Cette modification a donc provoqué une hausse permanente des
effectifs du programme d'aide sociale. En juin 1974, il y a eu une majoration
mais ce n'est pas mon propos d'en parler ici. En août 1974, il y a eu 500
stagiaires des ateliers protégés ou environ 500 stagiaires qui
recevaient désormais leurs allocations du programme de l'aide sociale
plutôt que du programme de réadaptation des adultes. Ils
recevaient, en plus de l'allocation d'aide sociale, une somme de $10 par
semaine, à titre d'allocation de déplacement.
Alors, en dehors de cette revuede l'évolution du régime
durant les années passées et les mois passés, les
problèmes soulevés par les interventions
précédentes nous replacent dans le contexte de la pauvreté
prise dans son sens le plus général. Ce contexte pourrait nous
amener à de très longs développements.
Ce qu'il est important de noter, puisqu'on a cité des
études récemment publiées du Conseil canadien de
développement social et, également, puisqu'on nous a
exhortés à l'établissement d'une politique de revenu
minimum garanti, c'est de souligner qu'en dépit des efforts faits au
Québec dans le cadre de l'aide sociale proprement dit le problème
de la pauvreté, même s'il était entièrement
résolu, par hypothèse, pour les assistés sociaux,
continuerait, malgré tout, à se faire sentir pour la classe
sociale qui, quant à ses revenus, est immédiatement au-dessus, en
quelque sorte, des bénéficiaires de l'aide sociale et qui est
constituée par les travailleurs à faibles revenus.
C'est particulièrement en pensant aux travailleurs à
faibles revenus que les conclusions de l'étude du Conseil canadien de
développement social sont appropriées. Il est vrai que ceux, qui
se situent en dessous du seuil de pauvreté et donc qui, à ce
titre-là, bénéficient des programmes d'assis-
tance sociale, ont vu leur situation s'améliorer. Je crois qu'au
Québec ce tableau, si on le projetait en arrière, aussi loin que
I960, serait très spectaculaire. C'est une période qui a vu se
développer le régime d'aide sociale à la suite des
recommandations de la commission Boucher, qui a publié son rapport en
I963, à la suite de la mise sur pied du régime canadien
d'assistance publique en I966, à la suite de l'adoption de la Loi de
l'aide sociale en I969. Il y a eu une prise en charge de plus en plus ferme de
la part de l'Etat et, en particulier, de l'État provincial
vis-à-vis de cette catégorie de la population et une hausse,
encore une fois, que l'on peut critiquer mais malgré tout assez
substantielle des barèmes d'aide sociale.
Malgré tout, bien peu de chose a été fait pour les
personnes qui sont des travailleurs à faible revenu. Il ne faudrait pas,
malgré tout, oublier, en faisant cette affirmation, ce qui a
effectivement été fait et qui les privilégie comme classe
sociale plus que toute autre classe sociale. En particulier, les mesures de
l'assurance-hospitalisation et de l'assurance-maladie ont eu un impact
très certain sur cette classe, de même que des mesures aussi
considérables que les allocations familiales.
Les allocations familiales on se rappellera les arguments qui
avaient été soulevés à l'époque ont
particulièrement été mises de l'avant par le
Québec, parmi toutes les provinces, comme une mesure qui, par opposition
à l'aide sociale, pouvait particulièrement
bénéficier à cette catégorie de la
société. Si l'on considère l'évolution de la
position relative des travailleurs à faible revenu avant et après
l'introduction de cette mesure, de cette amélioration du régime
des allocations familiales en 1974, on peut voir une amélioration
très sensible de leur situation en termes absolus et en termes de
pourcentages.
Malgré tout, la situation demeure insatisfaisante à cet
égard. C'est en pensant particulièrement à ce
problème que j'ai indiqué mon désir de ne pas
répéter toute l'argumentation que j'ai tenue, en novembre
dernier, devant l'Assemblée nationale. Il nous paraît donc
important de développer des mesures d'aide et de complément du
revenu qui soient en harmonie et cohérentes avec celles qui existent
déjà pour l'aide sociale et qui permettent de ne pas
pénaliser, comme c'est malheureusement le cas encore, ceux qui
participent à la main-d'oeuvre, en leur imposant un taux de
récupération des allocations sociales qui, jointes à la
fiscalité à laquelle ils font très tôt face en
gagnant des revenus d'emplois, leur imposent une pénalité
excessive et une situation inéquitable.
C'est un objectif auquel nous souscrivons et je ne peux, encore une
fois, que répéter ce qui a été dit à de
nombreuses reprises. Nous aurons, à la fin d'avril, une autre rencontre
fédérale-provinciale qui s'inscrit dans la série
désormais assez longue de rencontres
fédérales-provinciales sur ce problème. Nous
espérons pouvoir faire des progrès dans la poursuite de cet
objectif, mais il est clair que cette route n'est pas facile. De nombreux
problèmes techniques et des problèmes financiers se trouvent sur
la route qui nous sépare d'une solution. Ces problèmes ne sont
pas tous résolus. Malgré tout, nous sommes confiants qu'il sera
possible, éventuellement, de développer des solutions
progressivement pour améliorer la situation de cette catégorie de
la population.
M. le Président, je crois que j'avais quelque chose à
ajouter mais, malheureusement, je l'ai oublié. Cela me reviendra
probablement.
Le Président (M. Kennedy): Alors, on va passer au
député de Vanier, qui avait demandé la parole.
M. Forget: Je pourrais peut-être répondre tout de
suite aux questions.
Le Président (M. Kennedy): Je m'excuse.
M. Forget: Je m'excuse, M. le Président, mais avant et
sous réserve de revenir à un exposé plus
général, il y a, malgré tout, des questions plus
particulières qui m'ont été posées par le
député de Saint-Jean.
Ah oui! Cela me ramène immédiatement à ce que je
voulais dire. On a soulevé justement, dans ces questions
particulières, des aspects, dans le fond, qui sont beaucoup plus
généraux. On a mentionné, par exemple, l'Opération
placement. On a posé des questions spécifiquement sur
l'Opération placement, sur les raisons pour lesquelles les
crédits accordés la première année ont
diminué la deuxième année. On a soulevé
également la possibilité d'une distinction entre les personnes
aptes au travail et celles qui ne le sont pas. Avant de demander,
peut-être, à des fonctionnaires, qui sont au fait de
l'évolution détaillée de ces programmes, de nous expliquer
en détail, si on le souhaite, les raisons de l'évolution du
programme de l'Opération placement.
Je dois cependant souligner que cet effort, qui a semblé donner
des fruits intéressants durant les premières et deuxième
années, a vu son cadre s'élargir récemment par une
décision du conseil des ministres qui a décidé de mettre
sur pied un programme d'emplois nouveaux qui implique la collaboration, cette
fois, non plus seulement du ministère des Affaires sociales et du
ministère québécois du Travail et de la Main-d'Oeuvre, de
même que de sa contrepartie fédérale, mais qui implique la
collaboration d'un plus grand nombre de ministères tels que
l'Agriculture et les Travaux publics qui, dans un comité
interministériel, vont mettre sur pied des mécanismes de
coordination de nature permanente de manière à favoriser, par
tous les moyens possibles, le retour au travail des assistés
sociaux.
C'est un engagement du gouvernement à la poursuite d'une
expérience qui s'est révélée très
fructueuse, qui a permis d'édifier des liens très étroits
entre le personnel du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre et le
ministère des Affaires sociales.
Il y a, actuellement, dans une centaine de bureaux locaux des Affaires
sociales, des représentants du ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre. Il y a, dans les régions, des comités conjoints,
impliquant également les représentants du ministère
fé-
déral du Travail et de la Main-d'Oeuvre, qui ont permis de
construire des liens permanents opérationnels qui permettent d'utiliser
au maximum les ressources disponibles de chacun de ces ministères pour
le placement des assistés sociaux.
En élargissant le programme, nous espérons construire le
même type de liens avec d'autres ministères, et des fonds
importants ont été mis à la disposition de ce programme
pour la première année. Il s'agira, encore une fois, d'une somme
de $5 millions. Je crois qu'avec l'envergure élargie du programme, il
devrait être possible d'utiliser complètement cette somme.
Ce n'est pas par mesquinerie, mais par défaut, je pense, de
programmes valables que les budgets consacrés dans deux années
successives au programme Opération placement ont affiché une
diminution plutôt qu'une augmentation. Mais, en élargissant ainsi
l'envergure du programme, en y incorporant, y intéressant d'autres
ministères, il sera possible de faire porter l'action sur un plus grand
nombre de bénéficiaires et donc d'avoir une action, du moins
espérons-le, beaucoup plus considérable.
Pour ce qui est de la distinction entre les aptes au travail et les
inaptes au travail, nous avons là un problème qui a fait l'objet
de très nombreuses discussions, dans le cadre de la conférence
fédérale-provinciale et du comité
fédéral-provincial, pour élaborer un nouveau régime
de sécurité du revenu.
L'opinion unanime de tous les gouvernements du Canada sur ce sujet,
maintenant, après ces consultations, après ces discussions, est
qu'il est indésirable d'utiliser une telle distinction dans des
programmes de sécurité du revenu.
C'est une distinction qui est facile, à priori, à
définir, mais qui, dans les faits, est extrêmement arbitraire,
extrêmement difficile à rendre opérationnelle, à
rendre applicable de façon équitable, parce que l'aptitude ou
l'inaptitude au travail ne peut pas être jugée
indépendamment des circonstances qui entourent une personne, un
bénéficiaire d'aide sociale.
Or, ce qui a l'air d'être un critère vérifiable par
un certificat médical ou par une expertise quelconque est, en fait, une
situation dont les déterminants sont très nombreux. La
variété et la difficulté de ces situations ou de
l'évaluation de telles situations individuelles sont bien
illustrées par le fait que les programmes d'aide sociale ont une
importance très variable d'une province à l'autre et qu'il est
clair que les différences observées ne sont certainement pas
attribuables en entier ni même de façon substantielle à une
éthique du travail plus ou moins développée dans
différentes provinces, mais sont, sans aucun doute attribuables, pour
une large part, à la situation économique générale
d'une province.
On n'a qu'à citer les différences à cet
égard entre le Québec et l'Ontario, par exemple, pour voir
combien il serait difficile d'adopter une définition technocratique,
purement objective de l'aptitude au travail.
Il est clair qu'une personne qui est apte au travail en Ontario peut
très bien ne pas être apte au travail au Québec,
étant donné que l'existence d'un plus grand nombre de personnes
sous-employées rend ces critères effectivement différents
dans une province comme le Québec de ce qu'ils peuvent être dans
une province où il y a très peu de personnes qui sont non
employées . Tous les employeurs s'ingénient à trouver des
possibilités d'employer des gens qui dans un autre type
d'économie sont considérés comme étant non
employables, parce qu'on peut tout simplement leur préférer des
personnes qui n'ont pas tel ou tel trait de personnalité,
indépendamment de leur situation physique, que l'employeur a priori,
à tort ou à raison, trouve plus ou moins acceptable.
C'est donc une distinction que tous les gouvernements ont
décidé de rejeter en faveur d'une approche qui est plus
réaliste et qui tient compte, non pas de la possibilité
d'accepter un emploi, mais de la disponibilité d'un emploi. C'est une
distinction qui pose encore à ce niveau des difficultés
puisqu'elle suppose une collaboration très étroite entre les
responsables des programmes d'aide sociale et les responsables des programmes
d'emploi et de placement.
Peut-être que la collaboration déjà amorcée
dans le cadre de l'Opération placement et dans le cadre du nouveau
programme d'emplois nouveaux, nous permettra d'appliquer de telles distinctions
à l'avenir.
Dans le cadre des règlements de l'aide sociale, il faut souligner
que cette distinction intervient seulement à un endroit, et ceci
contrairement à l'impression créée par la remarque du
député de Saint-Jean. Elle intervient pour les jeunes adultes de
moins de 30 ans, personnes seules qui ne bénéficient pas du tout
de la même prestation, selon qu'ils sont aptes ou non à
travailler.
Ceux qui sont aptes à travailler reçoivent une prestation
plafonnée à $85 par mois, alors que ceux qui sont non aptes
à travailler reçoivent, selon les circonstances dans lesquelles
ils se trouvent, soit $110. s'ils sont chez un parent, soit $195 s'ils sont
entièrement autonomes.
Donc, ce critère intervient, mais il intervient on doit le
noter pour une catégorie de la population où il est
peut-être plus facile d'appliquer ce critère, population jeune
qui, a priori, à moins d'être évidemment affectée
d'un handicap physique ou mental qui peut être démontré,
pourrait vraisemblablement travailler, alors que déjà cette
distinction est beaucoup plus difficile à appliquer dans une situation
de sous-emploi dans certaines régions pour des personnes plus
âgées et presque inapplicables pour des raisons humanitaires dans
le cas de chefs de famille.
Cette fois, je crois q ue je suis vraiment arrivé à la fin
et à la conclusion, si ce n'est pour ajouter une dernière
observation qui, je pense, nous rappelle que les programmes de lutte à
la pauvreté, quelle que soit la volonté politique de les faire
progresser, s'inscrivent malgré tout dans le contexte
général de la société dans laquelle nous
fonctionnons.
Le député de Saint-Jacques a voulu tirer des conclusions
trop rapides, à mon avis, sur ce plan, en disant que nous n'avions que
les programmes contre la pauvreté que notre société, notre
type de démocratie, notre régime politique voulaient bien
nous donner. Sur un plan très abstrait et très
théorique, il a peut-être raison, mais s'il veut dire par
là que nous ne faisons pas tout ce que nous pourrions faire pour
combattre la pauvreté, je crois que cette affirmation est
erronée.
Il demeure, malgré tout, que la pauvreté de certains
individus, certaines familles au Québec, dans une certaine mesure est,
relativement parlant aussi, le reflet de la pauvreté relative du
Québec vis-à-vis d'autres sections du pays, d'autres provinces du
pays. Il est très évident, quand on regarde le budget
gouvernemental du Québec et de l'Ontario, par exemple, que le poids de
programmes d'aide sociale, qui sont comparables et qui sont d'ailleurs
peut-être un peu plus généreux en Ontario, comme il
convient de toute manière, relativement parlant, étant
donné le niveau, le coût de la vie peut-être
supérieur en Ontario et très certainement le niveau relativement
plus élevé de la rémunération moyenne en Ontario,
que le poids relatif de l'aide sociale, donc dans les deux budgets de ces deux
gouvernements, est très différent.
Ceci reflète tout simplement le fait que la pauvreté, non
pas seulement sur le plan individuel mais sur le plan collectif, est un
phénomène beaucoup plus important au Québec qu'il ne l'est
dans d'autres provinces. On ne peut aborder ce problème strictement sur
le plan de l'individu, maiségalement il faut tenir compte de la
situation relative des gouvernements et de leur capacité d'assumer un
fardeau relativement lourd, dans certains cas. C'est très certainement
le cas du Québec où se retrouve une masse très
impressionnante, en termes relatifs, de personnes qui sont dans une situation
très près de la pauvreté ou en-dessous du seuil de la
pauvreté.
Ceci affecte la capacité des gouvernements d'élever les
impôts pour financer ces régimes puisqu'il est évident que
nous parlons de redistribution, nous ne parlons pas ici de création de
richesses.
Alors, il me ferait plaisir de répondre à des questions
peut-être plus détaillées, ces propos plus
généraux ayant été échangés sur le
sujet, sur l'administration, les règlements de l'aide sociale. Il y a
plusieurs fonctionnaires, responsables de l'administration du régime,
qui se feront un plaisir de répondre aux questions.
M. Samson: Est-ce qu'ils accepteraient de répondre, j'ai
posé plusieurs questions, mais peut-être à une
première, qui est la question des 20% d'erreurs relevées par le
vérificateur général.
Le Président (M. Kennedy): Est-ce qu'on pourra revenir? Il
y a deux députés qui ont demandé la parole.
M. Samson: Pas de problème.
Le Président (M. Kennedy): On va revenir à votre
question.
Le député de Taschereau.
M. Bonnier: Là je suis un peu confus pour poser ma
question, parce que le ministre a suggéré qu'or pose des
questions très précises sur des programmes très
précis. J'en aurais, mais si le ministre permettait, j'aimerais aussi
réagir à ses propos.
Si on n'a pas le temps, je vais passer par-dessus.
M. Forget: Nous sommes à votre disposition.
M. Bonnier: Je pense que c'est quand même relié
à des programmes très précis. Je me pose des questions
sérieures quant à la définition même du seuil de
pauvreté. Je pense que le ministre, très honnêtement, a dit
que c'est une notion qui est subjective. Je pense que lorsque le Montreal Diet
Dispensary l'a établi c'était Mme Allen, je crois, je ne
sais quel était le nom de celle qui était là dans le temps
il l'a établi à partir de certains barèmes C'est
sûr que les barèmes utilisés à ce moment-là
mettaient peut-être un poids beaucoup plus important, mettons, à
l'alimentation par rapport à d'autres articles dans le budget, mais la
relavitivé des coûts de chacun des articles a changé.
Je suis heureux de voir que le ministre nous annonce que le
ministère va maintenant établir sa propre étude et je
pense que c'est urgent. Se référer à d'anciens
barèmes, même si on les indexe, c'est parfois continuer une
erreur, en la majorant, parfois. C'est mon premier réflexe.
Je pense que ce pourquoi on a aussi une certaine difficulté dans
le domaine de l'aide sociale, c'est que j'ai l'impression qu'on est un peu
compartimenté. D'une part, on peut certainement parler d'un revenu
annuel garanti; d'autre part, on va parler d'un autre programme d'habitation;
d'autre part, on va parler d'un programme de loisirs. Il me semble qu'il serait
temps que nous axions davantage nos préoccupations sur la personne.
Les difficultés que nous avons dans nos comtés, lorsque
nous rencontrons des groupes que je n'appellerais pas d'assistés sociaux
mais de bénéficiaires d'allocations de l'Etat parce que je
n'aime pas le terme "assistés sociaux", je trouve que c'est
dévaloriser des personnes la difficulté que nous avons
à discuter avec eux, c'est qu'ils nous apportent l'ensemble de leur
situation. Nous autres, on est obligé de parler en termes de
catégories ou de programmes. Il me semble que si on doit
redéfinir le seuil de pauvreté, on ferait mieux de
redéfinir le seuil de vie d'une personne ou d'un ménage dans
notre société, puisque la pauvreté, à l'heure
actuelle, est un accident dans la vie d'une personne. Même si c'est un
handicapé mental qui va peut-être l'être pendant plusieurs
années, c'est quand même un accident. Il est dans un état
marginal par rapport à l'ensemble de la société mais, en
tant que personne humaine, il a des besoins essentiels auxquels il doit
répondre. Ces besoins sont relatifs, évidemment, dans
l'espèce de société comme M. le ministre le disait
dans laquelle nous vivons, mais ils doivent quand même
correspondre à certaines aspirations humaines de la personne et du
ménage.
Il me semble que si on doit réévaluer ce seuil, il faudra
tenir compte des programmes d'habitation que nous avons et de ceux que nous
devrions mettre
en marche, des programmes de loisirs, des programmes de santé qui
existent etc., de façon que l'individu, au Canada, soit capable de mener
une vie et qu'on arrête de l'appeler "pauvre", qu'on arrête de
parler de programmes de pauvreté, mais qu'on parle de programmes de vie
décente pour des personnes.
C'était ma seule remarque.
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Vanier avait demandé la parole.
M. Dufour: Moi, je ne parlerai pas de l'ensemble du rapport sur
l'aide sociale, mais je voudrais poser au ministre une question bien pratique.
Je parle en tant que député de Vanier et je rencontre le
problème de temps en temps. Qu'est-ce qu'on va faire avec les
problèmes ultimes, c'est-à-dire avec des cas qui ne peuvent
être réglés par l'ordinateur? Vous savez que les
assistés sociaux excusez-moi, j'ai oublié l'expression si
bien choisie: les bénéficiaires de l'aide sociale, des services
de l'Etat, c'est encore mieux parfois nous arrivent avec des
problèmes sérieux et on appelle le directeur du service social
pour qu'il prenne en considération un cas pitoyable, un cas
pénible. Toujours on nous répond: Si on le soumet à
l'ordinateur, il va être rejeté automatiquement. Est-ce que nous
payons des directeurs de section de services sociaux pour tout simplement
regarder marcher l'ordinateur ou encore juger des cas? Si le directeur n'a pas
d'autre chose à faire que de dire: L'ordinateur rejette le cas, je pense
qu'on paie un salaire pour rien.
Je crois qu'on doit se pencher sur des problèmes qui sont
sérieux et les juger à leur juste valeur. J'ai des cas,
actuellement, trois ou quatre. Je suis en discussion avec le directeur du
service qui est réellement un gars très sympathique; il comprend
le problème, mais ne peut pas aller plus loin. Est-ce que, demain, le
ministère envisage de laisser au directeur du service le soin de juger,
selon le mérite, le cas que nous lui présentons? D'habitude, on
ne perd pas notre temps à régler les problèmes qui entrent
dans l'ordinateur, mais ce sont des problèmes très sérieux
et jamais, à ce jour, je n'ai eu une réponse favorable pour
essayer de soulager des gens qui sont dans l'extrême misère.
J'espère qu'on va pouvoir élargir ce barème et permettre
au directeur de donner satisfaction à la population.
M. Forget: M. le Président, j'aimerais, juste très
brièvement, réagir aux deux interventions
précédentes. Je sympathise avec, évidemment, le
député de Taschereau quand il souligne le problème de
l'établissement du barème de pauvreté ou du niveau de
pauvreté et souhaiterait y voir incorporé des
éléments qui permettraient de ne plus l'appeler un niveau de
pauvreté.
Malheureusement, je pense que, de façon réaliste, tant que
nous n'avons pas atteint toutes les catégories de
bénéficiaires, il est illusoire de croire qu'on pourra produire
et atteindre, surtout, des niveaux de pauvreté, des seuils de
pauvreté qui ne seraient plus des seuils de pauvreté mais des
seuils de revenu moyen en quelque sorte.
Je ne pense pas qu'il soit possible, matériellement parlant,
d'envisager, de garantir un niveau égal ou se rapprochant du revenu
moyen. Il demeure que, lorsque j'ai indiqué qu'il s'agissait
essentiellement d'un jugement de valeur que le seuil de pauvreté, ce que
j'ai indiqué c'est que le choix des critères qu'on utilise pour
le calculer est arbitraire, non pas que le niveau lui-même soit quelque
chose dont quelqu'un, un matin, dise: Bien, aujourd'hui, je pense que le seuil
de pauvreté va être de $5,000.
Il y a, malgré tout, une certaine méthode utilisée
à partir de l'étude du budget des familles où l'on
retrouve certaines régularités et, par exemple, on remarque,
lorsqu'on étudie le budget des familles, que la part relative prise par
certaines dépenses, telles que la nourriture, le logement et le
vêtement, qui sont peut-être des dépenses essentielles et
incompressibles dans une certaine mesure, la part de ces dépenses
diminue de façon progressive, à mesure qu'on progresse dans
l'échelle des revenus. On a défini souvent le seuil de
pauvreté comme correspondant à un pourcentage minimum que
représentent ces dépenses dans le budget total d'une famille.
Bon, alors ce n'est pas entièrement discrétionnaire mais
c'est basé malgré tout sur le choix d'un pourcentage parmi
d'autres. Pour ce qui est du problème soulevé par le
député de Vanier, les directeurs, ils sont engagés, bien
sûr, pour administrer la loi et pour poser des jugements, mais poser des
jugements dans le contexte de la loi et des règlements.
Je crois qu'il est intenable d'envisager que ies directeurs des bureaux
locaux ou des bureaux régionaux vont se substituer au législateur
et au gouvernement pour décider ce qui, selon eux, est approprié
comme assistance à une famille ou à une personne seule, quels
besoins seront reconnus et quels besoins ne le seront pas. A partir de ce
moment-là, nous n'avons plus besoin d'une loi et nous n'avons plus
besoin d'un règlement; nous n'avons besoin que d'un budget. Et il est
à croire que le budget ne durera pas, quel que soit son montant,
jusqu'à la fin de l'année si on dit aux gens: Utilisez votre bon
sens et votre bonne volonté pour décider des
problèmes.
Il faut fournir les guides. Il faut fournir des guides dans la mesure
où l'on considère que nous avons établi un revenu minimum
garanti, dans le fond, par cette loi et par ces règlements, qui
constituent des droits pour toute personne qui est privée de tout autre
moyen de subsistance et des droits qui doivent être le plus semblable
possible d'une région ou d'une ville à l'autre.
Autrement, on pourra facilement nous accuser d'être injustes
envers un individu qui n'aurait pas obtenu ce qu'un agent ou un directeur, dans
un bureau, aurait jugé bon de lui accorder.
Ces décisions-là, je pense qu'il n'y a pas d'autre choix
que de les prendre à la lumière d'un jugement à porter sur
des circonstances concrètes, mais toujours à l'intérieur
de la loi et des règlements, qui doivent préciser aussi
clairement, aussi explicitement que possible, qu'est-ce qui est accordé
et qu'est-ce qui ne l'est pas. Il n'y a véritablement pas moyen d'en
sortir. Bien sûr, on revient souvent à
l'explication des ordinateurs, mais ce n'est véritablement pas
l'ordinateur qui décide. L'ordinateur ne fait que dire aux gens
qu'est-ce que la loi et les règlements permettent.
Si c'est rigoureux, tout ce que je puis dire, c'est tant mieux parce que
cela indique que tout le monde est traité de la même façon,
ce que, je pense, nous voulons tous.
Ce que, je pense bien, le député de Vanier veut dire,
c'est que peut-être certaines circonstances ne sont pas
adéquatement prévues dans la loi et les règlements. Cela,
je suis bien prêt à l'admettre. C'est d'ailleurs la raison pour
laquelle les règlements, dans les détails, sont modifiés
quand même passablement souvent. Depuis trois ou quatre ans, il y a eu je
ne sais plus combien de modifications aux règlements, à chaque
fois dans le but d'améliorer le fonctionnement, de traiter les gens de
la façon la plus responsable possible, de les rendre le plus autonomes
possible dans la façon dont leurs budgets sont administrés, de
tenir compte des situations particulières dans toute la mesure où
on peut en tenir compte de façon systématique.
Maintenant, sans aucun doute, des progrès sont encore
possibles.
C'est la raison, d'ailleurs, pour laquelle j'ai indiqué que nous
travaillons actuellement à une ultime révision des
règlements. Cette fois-ci, ce sera une révision de l'ensemble des
règlements. Il y en a eu tellement à la pièce, en quelque
sorte, que nous avons ressenti le besoin d'en faire une qui reprenne l'ensemble
des règlements, les rende plus lisibles, plus compréhensibles,
plus facilement adrninistra-bles.
Le Président (M. Kennedy): Alors, messieurs...
M. Dufour: Est-ce qu'on pourrait penser aller jusqu'au ministre
pour lui soumettre certains cas? Je n'ai pas parlé de l'ensemble; j'ai
parlé de certains cas d'exception qui sont réellement
pénibles. Quand on se penche sur un cas, c'est parce qu'il est
réellement pénible. Alors, par notre intervention auprès
du ministère, soit du ministre, du sous-ministre ou d'un autre, est-ce
qu'on pourrait obtenir quelque chose pour essayer d'améliorer le sort de
certaines personnes réellement dans l'ultime misère? C'est
là la question.
M. Forget: Ecoutez, là-dessus, très
brièvement, M. le Président, je n'ai aucun souhait, dans
l'intérêt même des gens qu'on veut aider, d'avoir une petite
caisse pour dépannage au niveau du cabinet du ministre. Il y aurait une
tendance inévitable à ce que les 190,000
bénéficiaires de l'aide sociale apprennent éventuellement
l'existence de la petite caisse et que j'essaie d'administrer le programme
à partir de mon bureau. Je ne crois pas que je rendrai service à
quiconque en faisant ça. J'aime mieux travailler au changement des
règlements quand le besoin s'en fait sentir.
Le Président (M. Kennedy): Alors, messieurs, comme
l'Assemblée doit siéger à huit heures quinze, la
commission ajourne ses travaux sine die.
(Suspension de la séancea 18 h 3)
Reprise de la séance à 20 h 20
M. Kennedy (président de la commission permanente des affaires
sociales): A l'ordre, messieurs!
Nous étions à l'élément 2 dans les
considérations générales lorsque nous avons suspendu la
séance à six heures.
Personne n'avait demandé la parole, alors...
M. Charron: M. le Président, si les réponses que
nous a fournies le ministre, à la question très
générale et en même temps très importante que nous
avions posée quant à une hausse générale de
l'échelle de l'aide sociale, sont complètes, elles n'en demeurent
pas moins difficiles à accepter quant à une certaine
catégorie de bénéficiaires de l'aide sociale, en
particulier.
Je me demande si le ministre, refusant une modification de cette aide,
ne pourrait pas procéder par catégories de
bénéficiaires de l'aide sociale je pense que les plus
touchées, on en conviendra peut-être, sont les femmes seules qui
ont des charges familiales, les veuves, par exemple tel que
demandé par le conseil régional de pastorale La Chaudière.
Celui-ci avait été appuyé à l'époque par le
député de Beauce-Nord, pendant la campagne électorale. Il
n'est pas ici ce soir pour faire valoir son engagement auprès de ces
gens, mais il s'était rendu à leur demande bien expliquée
comme quoi les barèmes de l'aide sociale pour les familles
monoparentales dirigées par une femme sont insuffisants
actuellement.
Si le ministre refuse d'augmenter l'aide sociale des personnes seules,
qui sont les plus nombreuses parmi les bénéficiaires, parce que,
dit-il, selon le barème avec lequel il fonctionne il a atteint
déjà le seuil de la pauvreté dans le revenu de ces
personnes, peut-il penser étendre une augmentation aux femmes seules qui
ont des charges familiales?
M. Forget: II est clair que si un réaménagement des
barèmes était envisagé et comme je l'ai
indiqué précédemment, cela ne peut jamais être
exclu, de toute manière il faudrait tenir compte du taux de
couverture différent pour différentes classes de
bénéficiaires, comme on vient d'y faire allusion, et faire porter
davantage de notre aide sur ces catégories pour lesquelles le taux de
couverture est le plus faible actuellement, ce qui essentiellement viserait les
adultes avec enfants, les familles avec enfants ou des personnes seules avec
enfants.
Je suis loin d'être convaincu qu'une discrimination basée
sur le sexe ou sur le statut civil, quel que soit son attrait a priori, peut
résister très longtemps à l'analyse parce qu'elle implique
un jugement de valeur qui, dans tous les cas marginaux, serait très
difficile à défendre entre ceux qui bénéficieraient
d'une majoration et qui se trouveraient au même niveau de revenu et
essentiellement dans les mêmes circonstances, sauf celle qui fait l'objet
de la discrimination.
J'éprouve quelques difficultés à voir comment on
pourrait justifier une telle discrimination.
M. Charron: Notez que je me rends à cette sug-
gestion que je ne vous fait qu'en second lieu. Je ne l'approuve pas en
principe non plus quand on parle d'une échelle générale,
qui est censée avoir une certaine logique, même si elle est
difficile à découvrir à la lecture et à la pratique
et qu'on se fait opposer un refus en disant que le seuil de la pauvreté,
dans l'ensemble, atteint pour chacune des catégories de
bénéficiaires, que l'indexation couvre amplement les besoins,
enfin toutes les raisons que vous m'avez énumérées avant
que nous ajournions. Les $195 par mois pour vivre, pour une personne seule,
à Montréal ou n'importe où ailleurs, que cela atteigne ou
que cela n'atteigne pas le seuil de pauvreté qui vous sert de
barème et qui est peut-être calculé avec un barème
que nous ne connaissons pas, peu importe, je peux même vous dire que ces
$195 sont évidemment insuffisants.
M. Forget: Oui.
M. Charron: Que cela atteigne votre barème ou pas. Pour
reprendre un peu l'expression du député de Taschereau, cela
atteint peut-être le seuil de la pauvreté mais pas le seuil de la
vie décente. Et me rendant donc, à moins de vouloir inutilement
faire un débat plus long parce que vous ne m'avez pas opposé un
refus, je me dis: Peut-être est-il possible de procéder à
la pièce, si le changement général vous paraît trop
coûteux ou trop audacieux, et de vraiment toucher une catégorie de
personnes qui me paraissent encore beaucoup plus en situation de
difficultés que l'autre. Prenons l'exemple, que je viens de donner,
d'une femme qui est abandonnée avec des enfants, quel que soit son
statut civil comme dit le ministre; je parle d'une personne qui, par exemple,
avec deux enfants, reçoit $292 par mois, actuellement. Si elle
était seule, elle recevrait $195.
Elle reçoit donc moins de $100 par mois pour faire vivre ses deux
enfants. Personne d'entre nous ne peut dire que cette personne, quel que soit,
encore une fois, le barème qu'a invoqué le ministre, a une vie
décente. S'il est un endroit où l'injustice de cette
échelle pèse le plus lourd, c'est bien celle où des
enfants sont concernés. Et la critique la plus fondamentale qu'on peut
faire à l'égard du système actuel, c'est que non seulement
il est injuste, il fait vivre des gens dans une pauvreté
invraisemblable, mais il maintient les gens dans la pauvreté, de
génération en génération, parce que ces enfants,
qui sont élevés par leur seule mère et qui ne peuvent
bénéficier, en revenu total, pour leur famille, que de $292 par
mois, sont appelés inévitablement, M. le Président,
à un avenir qui n'est pas très joyeux pour eux.
Récemment, le conseil de développement social a
émis un mémoire sur la situation des enfants pauvres, au
Québec. La plupart de ces enfants pauvres et c'est ce qui est
encore plus tragique dans la situation où ils sont, ils y sont
pour probablement 40 ou 50 ans, parce qu'ils n'ont pas l'occasion de
décoller de la situation de pauvreté où ils se
trouvent.
C'est en me rendant à l'évidence, je dirais, que j'en suis
venu à suggérer cette intervention à la pièce dans
l'échelle de l'aide sociale, sachant très bien que c'est
l'ensemble de l'échelle qui mériterait une augmentation qui
permettrait aux citoyens, en dehors de l'indexation, de suivre l'augmentation
du coût de la vie et d'améliorer leur niveau de vie.
Je pourrais tout aussi bien plaider, M. le Président, pour une
autre catégorie de la population à l'intérieur de cette
catégorie générale: les personnes d'un certain âge,
qui n'ont pas encore atteint l'âge de la retraite. Il y a plusieurs de
mes concitoyens comme cela qui, à 50 ou 55 ans, se font dire partout,
par n'importe quel employeur: Tu es fini. On ne peut plus te trouver de job. Tu
es trop vieux. On prétexte très souvent que les assurances ne
couvrent pas la vie de ces travailleurs dans les usines. C'est très
souvent aussi parce que l'employeur sait qu'il aurait à fournir beaucoup
plus au fonds de retraite de ce travailleur, à cause de son
expérience, s'il devait l'embaucher. Il est beaucoup plus facile de
prendre un jeune, sans expérience, de le maintenir pendant un bon moment
au salaire minimum, comme 50% de ceux qui sont sur le salaire minimum sont de
jeunes travailleurs, que de prendre un travailleur, même avec une charge
familiale, mais qui a 50 ou 55 ans.
Combien y a-t-il de mes concitoyens, dans Saint-Jacques, M. le
Président, qui, à 50 ou 55 ans, malades et incapables de se
trouver un emploi, se font dire qu'il n'y a rien d'autre pour eux que le
bien-être social ou d'obliger leur femme, très souvent, qui
devient une source de revenu à ce moment-là à aller
travailler dans une des petites "pawn shops" de la rue Ontario à tailler
des cravates ou à poser des boutons au salaire minimum, parce que
justement l'homme est dans la situation humiliante, quand on a encore 50 ou 55
ans d'être incapable d'assurer le revenu de sa famille.
Je vous donne encore cet exemple, M. le Président, de ce couple
avec deux enfants, qui reçoit actuellement $357 par mois, plus ce que
lui accorde l'allocation familiale pour les enfants. Personne ne peut
prétendre que ces gens-là ont atteint j'aime bien
l'expression du député de Taschereau le seuil de la vie
décente. Ils ont peut-être, quand on étire les
barèmes et quand on les pourfend, atteint un certain seuil de la
pauvreté, lorsqu'on se limite, dans le calcul du seuil de la
pauvreté à la nourriture ou au vêtement, par exemple. Mais,
quant à la possibilité de vivre et surtout de donner la chance
à leurs enfants de ne pas vivre la même vie, il n'y a pas un de
ces pères de famille, il n'y a pas une de ces mères de famille
qui ne se rende malheureux ou malheureuse à l'idée que non
seulement ce revenu est insuffisant pour eux et pour leurs enfants quand ils
ont cinq ou six ans, mais qu'en même temps ils se trouvent à les
enchaîner à cette condition.
On le sait, c'est connu et l'ancien ministre des Affaires sociales avait
déjà publié des statistiques là-dessus: le
bien-être social, c'est également héréditaire, parce
que justement jamais n'arrive l'occasion de décoller. Si j'en viens
à demander des interventions à la pièce, c'est bien
particulièrement pour les enfants de ces familles. On dit qu'il y a
quelque 400,000 assistés sociaux ; combien sont des enfants, en fait?
175,599 personnes dont la subsis-
tance parce que dire la vie, c'est beaucoup trop fort est
assurée par cette échelle dont je demande et le
député de Rouyn-Noranda également, une
réévaluation complète, 175,599 enfants qui sont
appelés, peut-être, à y rester de façon
définitive.
C'est, bien sur, une correction totale de l'échelle pour
rejoindre un plancher décent. Pour les deux catégories que j'ai
spécifiées: les femmes seules qui ont des charges familiales et
les personnes d'un certain âge qui n'ont pas encore atteint l'âge
de la pension de vieillesse, mais qui sont dans l'espèce de vacuum
où notre société maintient plusieurs citoyens, il me
semble que ces classes-là devraient attirer encore plus l'attention du
ministre à intervenir de façon favorable au cours de
l'année financière, pour une réévaluation de
l'échelle d'aide sociale.
M. Forget: Je suis sensible aux préoccupations du
député de Saint-Jacques et je peux assurer les membres de cette
commission que je partage ses préoccupations. Je ne voudrais pas,
cherchant à faire une réponse trop précise, diminuer la
portée de mes propos sur le sujet de la pauvreté et des
écarts qui restent encore à combler.
Il est clair que nous ne serons pas satisfaits tant que persistera un
certain nombre des problèmes qu'ont mentionné le
député de Saint-Jacques et les autres membres de cette commission
le député de Taschereau et d'autres ont mentionné
tout ce qui reste à accomplir il est clair, dis-je que le
ministère des Affaires sociales, le gouvernement dans son ensemble ne
considère pas le travail terminé dans le développement et
dans l'amélioration des mesures de sécurité du revenu.
Mais si j'allais plus loin que ça à ce moment, alors que
nous travaillons encore à chercher les moyens de développer nos
programmes dans le domaine de la sécurité du revenu, en ayant
tout particulièrement à l'esprit le problème des familles
qui ont des jeunes enfants et qui doivent vivre avec un revenu insuffisant, en
ayant à l'esprit aussi les problèmes que constituent pour les
personnes la perte d'un emploi, alors qu'elles ont dépassé un
certain âge, le problème des mères seules qui doivent
élaver une famille, tous des problèmes réels, je ne
voudrais pas, en essayant de fournir aujourd'hui une réponse très
précise quant à nos orientations, avoir l'air de figer notre
position dans le statu quo. Ce n'est certainement pas notre intention. On
comprendra également que je ne puis ici annoncer des
développements pour lesquels nous ne sommes pas prêts à
agir.
Et, certainement, dès que nous serons prêts à agir,
je serai plus qu'heureux d'en faire l'annonce. Mais, encore une fois, c'est un
peu de ça dont je parlais l'automne dernier, dont je parle encore
aujourd'hui quand j'insiste pour affirmer que nous n'avons pas terminé
le travail de développement des programmes de sécurité du
revenu.
Nous avons fait des progrès sensibles, et je crois bien qu'il est
normal et humain, indépendamment de toute considération
politique, que le gouvernement qui les a réalisés s'en
félicite et rappelle que ces progrès existent malgré tout,
qu'ils ont été faits. C'est tout à fait normal de
souligner, comme le font les membres de cette commission, qu'il reste encore du
travail à faire.
Tout ce que je peux dire à ce moment-ci, c'est que nous en sommes
conscients et que nous allons essayer de déboucher dans ce sens, le plus
rapidement possible.
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, cet après-midi dans les
remarques préliminaires au programme 2, j'ai posé un certain
nombre de questions. Pour le bénéfice du ministre, je vais les
reposer, puisqu'il y a eu tellement de discussions depuis ce temps,
peut-être dans le désordre, mais, de toute façon,
j'espère avoir des réponses dans l'ordre.
Une Voix: Vous êtes gagnant quand même. M. Samson:
De toute façon...
M. Forget: Les prix ne sont peut-être pas aussi gros que le
député de Rouyn-Noranda l'espérerait.
M. Samson: De toute façon, si on gagne quelque chose,
c'est quelque chose de fait.
La question des 20% d'erreurs qui est relevée par le
vérificateur général. Là-dessus, je pense que le
ministre s'apprêtait à me donner une réponse cet
après-midi quand finalement on est tombé sur un autre sujet; on
pourrait peut-être commencer par cette question.
M. Forget: En effet, je demanderais à M. Houde, qui est
sous-ministre adjoint et responsable de l'administration de l'aide sociale
responsable de toutes ces erreurs non pas toutes ces erreurs,
parce q ue je crois que vous aurez une réponse satisfaisante à ce
problème qui est souligné dans le rapport du vérificateur
général et qui évidemment est un problème
réel.
J'aimerais malgré tout préciser, parce que celui qui est
le premier responsable hésitera peut-être à le faire pour
des raisons évidentes, que, dans tous ces rapports du
vérificateur général, il y a un fait qui doit être
mentionné, à l'occasion, malgré tout, et qui est
très réel. Dans la plupart des cas où des erreurs sont
soulignées, les erreurs ont déjà été
révélées par le travail de vérification interne des
administrateurs dont on surveille l'action. Le vérificateur
général, lors de ses visites, prend à son compte
évidemment et c'est naturel pour tous les vérificateurs
apparemment les observations qui ont déjà
été faites à l'intérieur du service et à la
sol ution desquelles les premiers responsables sont déjà à
l'oeuvre.
Et ceci se fait de façon coutumière, si bien qu'à
la limite on pourrait prétendre que, sauf un zèle particulier des
vérificateurs, les services où sont soulevés les
pourcentages d'erreurs les plus considérables sont parfois ceux
où les systèmes de vérification interne sont les plus
vigilants.
Il est évident que, lorsqu'on a $8 milliards de crédits
non seulement à approuver, mais, éventuel-
lement, à vérifier, le vérificateur
général ne peut pas évaluer à nouveau toutes les
transactions et tous les gestes qui sont posés; il doit largement se
fier au travail de vérification interne. Tout ceci pour dire je
pense que c'est très vrai que lorsqu'on trouve un pourcentage
élevé d'erreurs dans un service, cela démontre, je pense,
la vigilance des services internes de vérification.
Je ne voudrais pas en faire une déclaration
générale, il y a des exceptions, mais je pense que, dans ce
cas-ci, comme on va vous l'expliquer, c'est une description exacte de la
réalité.
Quand je me suis vu confier, par le prédécesseur du
ministre actuel, la responsabilité, en 1972, j'ai, avec l'équipe
qui m'aidait, pressenti ce besoin d'assainissement administratif. La
période couverte par le rapport du vérificateur
général, vous l'aurez noté sans doute, est celle de
1973/74 qui est précisément celle pendant laquelle nous avons
progressivement implanté notre nouveau système administratif
d'aide sociale.
Auparavant il suffit de lire les règlements de 1972 pour
s'en rendre compte les calculs de l'aide se faisaient sur des
critères extrêmement détaillés, qui tenaient compte
des besoins personnels, des zones de logement, d'une multiplicité de
besoins spéciaux, qui étaient une première source
d'erreur. Un deuxième élément était que tout devait
se faire manuellement, qu'on parle d'indexation de pension de vieillesse, d'un
enfant qui changeait d'âge, qu'on parle de changement de taux de petite
ou de grande importance, qu'on parle de changement de calcul d'indexation, tout
devenait routine, de sorte que des millions de transactions, au fond, devait se
faire manuellement.
Le troisième facteur est que le système d'acheminement des
dossiers était d'une lenteur telle, environ un mois, que chaque mois il
fallait retenir environ 25,000 ou 30,000 chèques et les traiter de
façon très rapide, ne serait-ce que pour rencontrer les
délais observés. La quatrième remarque est qu'on arrivait
dans une période qui était consécutive à la mise en
oeuvre en 1970 et 1971 du système d'aide sociale, avec de nouveaux
employés qui commençaient à peine, au moment où
l'année 1973 s'engageait, à connaître et à roder
leur tâche d'une façon où ils s'y sentaient confortables.
L'impact de tous ces facteurs, cumulativement, a fait que, dans un grand nombre
de cas, il y a eu des ajustements de taux.
Il ne faudrait pas en déduire pour autant qu'en termes
financiers, ces ajustements aient eu la même conséquence. Il y a
eu un assez fort pourcentage d'augmentation, un pourcentage encore plus fort,
évidemment, de diminution. Et, comme le ministre le soulignait
d'ailleurs je pense que le rapport du vérificateur le mentionne
la très grande majorité de ces remarques font suite au travail
des équipes de vérification volantes qui ont visité les
150 bureaux et qui ont multiplié, à raison de deux visites par 18
mois, le sommaire des constatations faites par le vérificateur
général.
Le nouveau système d'informatique qu'on a décrié,
évidemment je ne pense pas tant en soi que pour montrer à
quel point un régime d'aide sociale se doit d'être souple, et je
suis d'accord a permis quand même de libérer l'agent d'une
corvée vraiment remarquable de travail manuel qu'on peut concevoir. Dans
ce sens, je pense qu'on peut dire qu'il a été un succès.
Il n'a pas à répondre à des politiques, ce n'est pas son
rôle. Mais dans la mesure où il a absorbé du travail de
bureau, il l'a fait. Une dernière remarque que je voudrais faire, c'est
de dire que les propos du député de Rouyn-Noranda, M. le
Président, rejoignent quand même un peu ceux du
député de Vanier qui parlait du personnel. C'est que le fait
d'avoir permis, par un système, d'assumer certaines tâches de
bureau a quand même créé, dans une certaine mesure, chez le
personnel, un degré d'inquiétude quant à ces fonctions
nouvelles. Nous avons voulu j'ai un document ici qui pourrait être
distribué, c'est un projet de travail orienter l'aide sociale
davantage, avec le temps acquis, vers un meilleur contact avec la
clientèle, mais aussi vers un dialogue intelligent avec les
préoccupations de ceux qui vont les trouver. Curieusement,
l'humanisation de l'aide sociale passe par deux pôles opposés.
C'est qu'au niveau de l'aide elle-même, je pense qu'il faut ne pas
établir un droit entre l'aide et la personne qui la donne, mais un
rapport entre le bénéficiaire et son droit. Ce droit doit
être constaté de façon précise et il doit le faire
valoir. Ce droit ne doit pas être subordonné à des
transactions de nature humaine. Mais au plan de l'accueil, au plan du climat,
je pense que le bénéficiaire s'attend aussi à ce qu'on
l'accueille dans un climat qui non seulement soit un climat de chaleur, mais de
compréhension de son environnement économique normal, de ses
problèmes normaux et coutumiers.
Le député de Saint-Jacques soulignait le besoin de
médicaments et il avait parfaitement raison de dire à quel point
des choses qui, pour nous, semblent simples et courantes, deviennent pour eux
des poids lourds à porter. Nos agents d'aide sociale, qui, en 1973 ou
1974, avaient 37 ans en moyenne n'avaient qu'une onzième année
avec quelques années d'expérience et gagnaient $6,000 par
année avec une moyenne de moins de $8,000 par année, se sentent
évidemment, devant ce nouveau rôle, inquiets quant à leur
capacité et quant à notre capacité de les former en temps
utile pour qu'ils continuent à donner le service qu'ils veulent donner.
Dans ce sens, il existe des préoccupations du personnel qu'il faut
comprendre et qui expliquent certaines attitudes vis-à-vis du nouveau
système administratif qui n'en conserve pas moins, quant à moi,
la valeur qu'il avait, celle de les libérer au départ pour
accomplir un nouveau pas.
M. Samson: M. le Président, j'ai entendu avec beaucoup de
plaisir les paroles du sous-ministre. Sans malice, si on retrouvait, dans tous
les bureaux de bien-être social, des directeurs qui ont cette
mentalité, nous aurions sûrement beaucoup moins de revendications
à faire devant cette commission.
L'approche humaine, dont le sous-ministre vient de faire preuve, est une
approche des plus importantes. Il dit, avec raison, je crois, que même en
étant subordonné à des règlements, il y a une
loi
qui plafonne quand même des taux. Lorsque c'est bien
expliqué, quand le client est bien accueilli, qu'il sent cette chaleur
humaine qui est souhaitable, il arrive parfois que cela règle
passablement de problèmes, seulement par ce genre d'accueil.
Alors, si c'est là l'approche du sous-ministre, quant à
cette partie du problème parce que je garde des réserves
pour les tarifs je me permets de le féliciter et de
féliciter également celui qui a eu la main heureuse de le nommer
à ce poste et l'autre qui a eu la main heureuse en le gardant. Il ne
faut pas que j'en oublie.
M. Forget: Vous pouvez me féliciter parce que je n'ai pas
l'intention de le congédier non plus.
M. Charron: Bon. Vous voyez, M. le Président, je pense que
mon approche est tellement positive que je pourrais demander le consentement
unanime et l'obtenir.
Mais il reste que M. le sous-ministre n'a pas répondu totalement
à la question principale que je posais en ce sens que j'aimerais qu'il
détaille davantage puisqu'il a parlé d'erreurs. J'ai bien compris
qu'il y avait changement de système administratif qui peut avoir
occasionné ces erreurs. Mais quel est le genre d'erreurs qui a
été retrouvé le plus souvent, ou par le
vérificateur général, ou par vos services? De toute
façon, ce n'est pas à moi de juger qui a trouvé les
erreurs. Mais quel est le genre d'erreur que vous retrouvez le plus souvent et
qui a souffert de ces erreurs?
M. Forget: Je vais devoir parler de mémoire, M. le
Président, parce que j'avais un gros cahier vert cet après-midi
qui m'a échappé ce soir. Mais le genre d'erreurs le plus
fréquemment retrouvé est un peu une forme de rattrapage et c'est
le rattrapage consécutif au fait que des gens retournent sur le
marché du travail, acquièrent des revenus et ne nous
préviennent pas aussi rapidement que certains penseraient qu'ils
devraient le faire, par exemple, lorsqu'ils le font.
Je ne voudrais pas que cette attitude soit
mésinterprétée, d'autre part, car le préjudice dont
souffre l'aide sociale souvent dans notre société, fait que ceux,
qui nous quittent, le font avec une certaine satisfaction en se disant: Enfin,
j'ai retrouvé l'air pur, j'ai retrouvé mon autonomie. Ils ne le
font pas dans le désir de frauder le moindrement le gouvernement mais
dans le désir de retrouver leurs propres ailes. C'est après deux
ou trois mois, disons, quand ils ne nous ont pas transmis leurs
déclarations, qu'une vérification fait qu'on s'aperçoit
qu'ils ont recommencé à travailler.
Dans cette optique, je pense qu'il faut porter un jugement nuancé
et n'en pas tirer de conclusion générale. D'autre part, le fait
qu'ils ont une certaine incitation ainsi à retourner au marché du
travail, sans qu'une rigueur administrative trop grande vienne les freiner,
n'est quand même pas si néfaste non plus. Cette erreur est de
celles qui ont pour effet de garder les taux, disons, de jouer à
l'encontre des coûts du régime.
Il en existe évidemment qui jouent à rencontre ou qui ont
joué, à l'époque, à l'encontre des
bénéficiaires. C'était particulièrement, à
l'époque, dans les calculs de zones de logement, les calculs de taux
quant aux nécessités personnelles et domestiques, certains oublis
quant aux personnes qui pouvaient être à charge, les fameux
calculs qui faisaient en sorte qu'on comptabilisait le revenu d'enfants en
pension chez leurs parents oui et d'autres taux d'usage.
M. Charron: En fait, ces erreurs que signalait le
vérificateur général, qui a amené la question du
député de Rouyn-Noranda, sont des erreurs qui sont à sens
unique, c'est-à-dire qui sont désavantageuses pour l'Etat. C'est
l'Etat qui perd des sommes, qui donne des sommes qu'il ne devrait pas donner,
etc., mais il y a aussi des erreurs dans l'autre sens...
M. Forget: C'est ce que je dis, oui...
M. Charron:... des erreurs qui privent les
bénéficiaires d'un revenu auquel Ils avaient droit.
Vous avez entendu parler de cette enquête, par une sociologue de
l'université McGill, maintenant, auprès des assistés
sociaux de Montréal, qu'elle a interviewés en long et en large.
Mais surtout, indépendamment de cette enquête, vous avez entendu
parler également du travail, que je trouve personnellement excellent, de
l'Association de défense des droits sociaux du Montréal
métropolitain, avec leurs différents services, à
Québec également maintenant et un peu partout, qui, eux,
s'occupent de prévenir les bénéficiaires des erreurs ou
des injustices il faut le dire qui se sont commises à leur
endroit, autrement dit, dans une loi aussi sèche et aussi aride,
permettre que ce qui est permis à un assisté social de recevoir
lui soit remis intégralement. Au fond, ils font exactement ce que,
j'imagine, n'importe quel membre de cette commission fait lorsque quelqu'un
vient à notre bureau: le rassurer et lui dire: Ecoute, je ne
t'obtiendrai certainement pas plus que la loi te permet d'avoir, mais je
m'engage à vérifier si le montant que tu reçois à
chaque mois est celui auquel tu as droit. Si tu y as droit et que tu ne l'as
pas eu, je m'engage à communiquer dans mon cas, j'ai quatre
bureaux différents qui fonctionnent dans le secteur et à
signaler ton cas, demander une réouverture du dossier en disant: Je
crois avoir l'indice que cette personne ne reçoit pas ce qu'elle devrait
recevoir, en aucun cas militer ou travailler pour lui permettre d'obtenir ce
qu'elle n'a pas le droit de recevoir.
Mme Heppner, dans l'enquête que je vous donnais, qu'elle a
conduite auprès de 280 assistés sociaux de Montréal,
arrivait à la statistique, après sa connaissance très
profonde des règlements de loi, que 23% des personnes qu'elle avait
rencontrées, en fait, si on avait repris leur dossier, auraient eu droit
à plus.
C'est ce genre d'erreur également, parce que je greffais ma
question à celle du député de Rouyn-Noranda, qui doit sans
doute préoccuper le ministère.
M. Forget: Oui. En fait, cette question est très
pertinente, M. le Président. Ce qu'on oublie souvent, dans nos
procédés de vérification, c'est qu'on imagine qu'on doit
en tirer des conclusions purement en termes de contrôle, mais le
contrôle ou le bon contrôle joue dans les deux sens. Le but d'un
contrôle n'est pas d'économiser de l'argent en soi mais de faire
en sorte que les gens reçoivent ce à quoi ils ont droit. Le
chiffre des augmentations est tout aussi significatif, comme mesure de
l'efficacité du système, que le chiffre des annulations.
Même si, par la force des choses, l'un peut avoir une
préséance sur l'autre en termes de pourcentage, il reste que
l'évolution relative de l'un par rapport à l'autre est tout aussi
importante.
Nous avons fait récemment une opération de
vérification et, personnellement, je me suis pratiquement plus
intéressé au fait que notre pourcentage d'augmentation
nécessaire avait été réduit qu'à l'autre
facteur, parce que c'est une mesure du degré dans lequel le
bénéficiaire reçoit satisfaction. Je partage
là-dessus l'avis du député de Saint-Jacques.
Quant aux mouvements de citoyens, je pense qu'on peut dire que leur
évolution depuis six à douze mois est extrêmement
encourageante. D'un côté, nous les avons toujours acceptés.
Par exemple, quand nous avons fait, en février, une opération de
vérification sélective, ils ont profité de l'occasion pour
distribuer des messages qui concernaient la taxe d'eau. Même si nous
n'étions d'aucune façon d'accord sur ces messages, d'aucune
façon non plus nous n'aurions voulu les empêcher de le faire.
Il y a maintenant Québec aussi où on sent, aans le
mémoire de l'association des bénéficiaires, des
préoccupations qui deviennent plus fondamentales que, par exemple, la
simple recherche de bénéfices immédiats. Quand on voit un
mémoire qui, par exemple, souligne le problème de l'aptitude au
travail dans la sécurité de revenu ces gens-là
n'ont quand même pas fait toute la démarche que nous avons
amorcée au niveau des conférences
fédérales-provinciales et surtout quand on voit qu'ils
n'arrivent pas avec des solutions faciles, comme c'était le cas
auparavant, je pense qu'on doit se sentir encouragé de
l'évolution que ces comités, semblent vouloir prendre.
Aussi les moyens qu'ils utilisent. Encore là, sur ce plan, je
pense que j'approuvais les propos que le député de Saint-Jacques
vient de tenir.
M. Charron: Si je vous demandais ceci par pure mémoire,
sans y attacher plus d'importance qu'il ne faut: Les erreurs qui se commettent
au désavantage du bénéficiaire sont habituellement
à quel endroit et de quel ordre? C'est quoi, habituellement, le
correctif qu'à un moment ou à un autre vous vous sentez
obligé de rajouter parce que vous découvrez que le
bénéficiaire avait droit à plus, en fait?
M. Forget: En raison du jeu de l'ordinateur, je pense que c'est
au niveau maintenant que l'appréciation des besoins spéciaux
surtout que les erreurs se commettent le plus. Comme vous le savez on
peut différer d'opinion là-dessus on a envers les besoins
spéciaux une politique qui, tout en voulant conserver absolument ceux
qui sont nécessaires, comme l'assurance-incendie, par exemple, et
d'autres du même genre, une politique qui veut leur attacher moins
d'importance relative par rapport à l'ensemble d'un revenu dont le
bénéficiaire dispose à sa guise.
En passant ce message, avec le temps, avec les années, je pense
qu'on a peut-être développé chez certains de nos agents des
politiques ou des attitudes qui peuvent être trop restrictives et qu'il
faut tendre à corriger aussi, parce qu'encore une fois il y a des
besoins spéciaux nécessaires.
Au niveau des revenus de travail, il y a aussi, par rapport à
certaines attitudes que le réseau a toujours eues vis-à-vis de la
valeur traditionnelle du travail, un peu le travail en soi, des attitudes qui
font qu'à certains moments, je pense, des pressions trop fortes par
rapport à ce que le législateur a exprimé jusqu'ici se
font qui nécessitent aussi certains types de corrections.
Il y a, enfin, des erreurs dans les procédures ou les
procédés administratifs. Justement, lors de la révision
des règlements, je pense qu'on devrait en profiter, si c'est possible,
pour introduire des principes qui diraient, par exemple, que, s'il y a vice
involontaire de forme qui ne change rien quant au droit à l'aide, on ne
devrait tout simplement pas en tenir compte, etc.
Là, il y a une question d'attitude et de mentalité sur ce
troisième plan. Mais je dirais que ce sont les trois dimensions
particulières, et certaines nous sont en quelque sorte imputables de
bonne foi.
M. Samson: Dans la réponse qu'a donnée le
sous-ministre tantôt, il a mentionné, parmi les erreurs
administratives, des erreurs favorables à certains assistés
sociaux, dans le sens que quelqu'un qui a oublié de mentionner son
retour au travail pour un mois ou deux s'est vu accorder des prestations
sociales...
M. Forget: Comme moi, j'oublie de payer mes comptes.
M. Samson: J'espère que vous n'oubliez pas ça de
façon généralisée au ministère, parce qu'on
aurait des assistés sociaux sur la brèche. Il arrive que je
trouve extrêmement intéressante cette partie de la
discussion...
Le Président (M. Kennedy): ...
M. Samson: Ne commencez pas, M. le Président. Le
sous-ministre, dans sa réponse, a eu une souplesse qui, je pense,
l'honorable. Il a dit un mois ou deux payés en trop, ç'a permis
à quelqu'un de réintégrer le marché du travail
d'une façon plus normale et plus facile.
Je pense que ça doit être retenu, ce genre d'attitude.
Pourquoi je veux le souligner? Quand je regarde l'annexe B qui sont les revenus
de travail compris dans le calcul de l'aide pour les assistés sociaux
qui retournent au travail, vous avez l'échelle qui permet de
réduire progressivement l'aide so-
ciale pour celui qui retourne au travail, tout en lui permettant de
retirer certaines sommes pour le premier, le deuxième et le
troisième mois.
A partir du quatrième mois, en regardant ces barèmes, je
suis resté un peu surpris. Je voudrais très objectivement attirer
l'attention des autorités sur un calcul que j'ai fait en partant des
barèmes, mais en me basant sur le taux de prestations pour une famille
de trois enfants, donc deux adultes et trois enfants, qui est de $362 comme on
le sait.
Un type qui retourne au travail et qui gagnerait l'équivalent de
sa prestation en salaire est-ce théoriquement possible
$362 par mois, se verrait réduire de $338, au quatrième mois, la
prestation, ce qui veut dire que ça lui laisserait une somme de $24 pour
le quatrième mois.
Je retrouve le même type qui, hypothétique-ment, au lieu de
travailler à plein temps et gagnait $362 dans son mois, décidait
de travailler seulement un jour ou deux et de gagner $40, $39.99 pour
être en bas du barème, à ce moment-là, on va lui
enlever seulement $13, ce qui fait que la différence devient de $26.99
au lieu de $24. Alors, si on travaille un jour par mois, pour gagner seulement
$39.99, ou deux jours, on est gagnant de $2.99. C'est là la
différence entre avoir travaillé un jour et avoir
travaillé tout le mois. Alors je pense que ce n'est pas tellement
susceptible d'inciter les gens à retourner au travail. Je le dis en
toute objectivité, je ne veux pas faire un débat là-dessus
pour accuser qui que ce soit, mais je pense que l'approche du sous-ministre m'a
ouvert une porte, si vous voulez, en quelque sorte pour souligner ce
problème.
Puisqu'on nous a mentionné l'idée que ce n'était
peut-être pas si mauvais que ces quelques erreurs se soient produites,
est-ce qu'à ce moment-ci il n'y aurait pas lieu de demander au ministre
de prendre en considération cette situation? Le vérificateur
général, en ayant pris à son compte certaines choses qui
ne !e sont peut-être pas, nous aurait peut-être rendu le service
suivant, soit de voir toute la dimension du problème et la
possibilité d'une meilleure solution.
C'est peut-être très positif finalement ce que le
vérificateur général nous a publié, parce que ce
n'est pas moi qui l'ai trouvé, je ne sais pas qui l'a trouvé,
mais en tout cas cela a été publié. En partant de
là, cela permet à quelqu'un de dire que cela n'a peut-être
pas été si mauvais ce genre d'erreur.
Je suis d'accord que cela n'a peut-être pas été si
mauvais. C'est peut-être une malchance administrative, si vous voulez,
mais si cela a permis de voirque cela a donné des bons résultats
quant à l'approche humaine. Je pense qu'on devrait peut-être le
considérer davantage pour une révision de cette annexe B que je
trouve, en passant je ne dirai pas le mot, M. le Président, cela
m'obligerait à dire des choses que j'aimerais mieux ne pas dire ce soir.
Je suis dans des bonnes dispositions comme vous voyez.
Mais, il demeure que moi je suis de ceux qui pensent qu'on doit inciter
les assistés sociaux à retourner au travail, quand ils sont aptes
au travail. On doit les inciter. Evidemment, on me dira qu'il y a des dangers
si on leur laisse deux mois de pleine prestation à leur retour au
travail. Il y a des dangers qu'ils retournent au travail deux mois puis qu'ils
reviennent sur le bien-être social après. Cela je le
comprends.
Egalement, dans tout le mécanisme que vous administrez, il y a
que vous avez, à l'occasion de trop-perçus, des
possibilités de récupérer. Alors, si on regardait par
exemple l'approche suivante; c'est que on pourrait laisser un mois ou deux en
pleines prestations ou en prestations assez intéressantes, pour donner
un coup de main à celui qui veut retourner au travail, pour se refaire,
si vous le voulez, une situation. Ce sont toujours les premières
semaines, les premiers mois de travail qui coûtent plus cher, parce qu'il
faut acheter du linge pour aller travailler.
Il faut se procurer un moyen de transport, pour travailler. Cela
coûte cher, trouver un "job", vous savez. Cela coûte cher,
travailler. Les premiers mois sont les plus difficiles pour ces gens-là.
Si le type n'est pas revenu à l'aide sociale dans les six mois ou un an,
si vous voulez, à ce moment-là, il aurait
bénéficié de quelque chose qui lui aurait permis de
retourner au travail. S'il vous revient au bout de deux ou trois mois, je ne
parle pas de la même façon. Je ne voudrais pas être
l'instrument qui permet à des gens de frauder le système, au
contraire.
Je vous le laisse comme cela, M. le ministre, pour une
considération, je pense, qui est valable. Je sais que, l'an dernier,
à l'occasion de l'étude des crédits, nous avions fait
certaines suggestions comme cela qui ont trouvé preneur au cours de
l'année. On doit remercier le ministre de les avoir prises en
considération, notamment, dans le domaine de l'aide aux médecins
qui doivent s'éloigner, etc. Nous en avions parlé l'année
dernière, et durant le cours de l'année il y a eu des
dispositions de prises là-dessus. Je le soumets pour haute
considération. Il me semble, en tout cas par la physionomie des gens que
je vois devant moi, que cela paraît mieux accueilli que certaines autres
suggestions que j'ai faites depuis le début.
M. Forget: J'aurais mauvaise grâce de ne pas en
convenir.
M. Charron: M. le Président...
M. Samson: Je m'excuse, est-ce que je peux couper le
député? Pas couper le député mais couper la parole
au député.
M. Charron: C'est déjà fait.
M. Samson: J'ai demandé au ministre son opinion sur ce
sujet précis.
M. Forget: Oui. Assez brièvement, c'est une
préoccupation qui est venue à notre esprit, durant le cours de
l'année, que ces dispositions transitoires. Mais, comme on vient de le
dire, on débouche rapidement de ces considérations transitoires,
qui sont valables, vers des considérations plus larges puisque pour
assurer la transition, ce que l'on permet effectivement c'est le cumul de la
prestation et du revenu d'emploi à des degrés divers.
Il est clair qu'au titre de l'incitation émane une
certaine justice sociale. C'est un cumuli que l'on peut souhaiter, mais
il n'y a véritablement pas de raison de s'arrêter en si bonne voie
. C'est ce qui nous fait déboucher presque automatiquement sur
l'idée d'un revenu minimum garanti avec un taux de
récupération ou de réduction des prestations sociales
inférieur à 100% puisque plus on assouplit, plus on rend
généreuses les dispositions transitoires, plus on se pose la
question: Si les travailleurs à faible revenu en
bénéficient, parce qu'ils étaient, avant, des
assistés sociaux, pourquoi les autres travailleurs, à faible
revenu, n'en bénéficieraient-ils pas aussi? Je comprends, bien
sûr, les arguments d'incitation, les arguments, aussi, des frais
spéciaux qui ne sont pas nécessairement des frais qui se
perpétuent, qui accompagnent le retour au travail.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, dans le cadre de la
révision des règlements dont j'ai parlé
déjà, c'est sans aucun doute un sujet sur lequel nous allons nous
pencher à nouveau. Encore une fois, c'est un si bon principe qu'on
voudrait en voir l'application beaucoup plus grande que simplement dans le
contexte de mesures de transition. Evidemment, là, on parle d'une autre
partie de hockey, c'est un autre champ d'action complètement.
Mais je terminerais cette brève réponse en disant, dans
l'esprit de ce que vient de dire le député de Rouyn-Noranda, que
j'ai toujours évidemment un motif secret en me présentant en
commission parlementaire pour l'étude des crédits, ce n'est pas
de faire approuver les crédits tant que de voir de nombreuses
suggestions que je m'empresse de transformer en réalités au cours
de l'année.
M. Samson: Cela va aller mieux pour le reste des
crédits.
M. Charron: L'invitation est trop belle, M. le
Président.
M. Samson: II doit y avoir quelque chose.
M. Charron: En faisant une suggestion, j'aimerais vous poser une
question également. Le député vient de nous amener dans la
jungle du règlement qui accompagne la Loi de l'aide sociale; aussi bien
y rester, si vous me le permettez, M. le Président.
L'article 3.05 de ce règlement fait que la prestation de
certaines catégories de bénéficiaires n'est pas
indexée. Les personnes seules, aptes au travail, qui ont moins de 30
ans, qui vivent chez un parent ou un enfant, sont limitées à $85
par mois, sans indexation au 1er janvier de chaque année. Je devine
à l'avance une partie de l'explication, mais je la devine insuffisante;
donc, j'aime mieu l'attendre. Mais ce qui me paraît plus sérieux,
M. le Président, encore, et plus difficilement défendable, c'est
qu'on n'ait pas indexé également comme exception les prestations
des personnes qui séjournent comme patients dans un centre hospitalier,
depuis plus d'un an, qui qui sont souvent des malades chroniques qui savent
à l'avance qu'ils passeront une partie de leur vie, parfois leur vie en
entier, dans cet hôpital. Ils recevaient, il y a encore deux ans, $85 par
mois pour assurer, cigarettes, loisirs, etc., qu'ils peuvent se permettre.
Quand on pense que c'est tout ce qu'ils peuvent se permettre, ils sont
déjà durement frappés, Eh bien, eux n'ont pas
bénéficié de l'indexation qui est arrivée en 1974,
qui a été répétée en janvier 1975.
Je demande au ministre, en vertu de l'article 3.07, pourquoi ces deux
catégories de bénéficiaires ont échappé
à l'indexation.
M. Forget: M. le Président, quant à ces
prestations, il y a plusieurs choses que l'on peut dire. Pour ce qui est des
personnes seules, en bas de 30 ans, dont la prestation est fixée de
façon absolue à $85 sans indexation nous sommes là en
présence d'un phénomène sociologique, si vous voulez, avec
lequel tous les régimes d'aide sociale des autres provinces se sont
colletés, si vous voulez, puisque les réponses ne semblent pas
évidentes.
Plutôt que d'offrir notre rationalisation à nous pour cette
pratique, j'aimerais peut-être vous inviter à comparer notre
pratique, que vous venez de décrire, à celle qui est monnaie
courante, c'est le cas de le dire, en Colombie-Britannique. On fait souvent une
réputation de très grande libéralité pour les
mesures sociales à la Colombie-Britannique.
Ce problème du "dropping out" ou d'une jeunesse puisqu'il s'agit
de jeunes dans le fond qui sont des individus isolés, sans
responsabilités, et qui, qu'il s'agisse soit de
l'assurance-chômage, soit d'autres mesures sociales, vivent un peu,
pendant quelques années, c'est ordinairement temporaire, en marge de la
société, est un problème avec lequel toutes les
sociétés ont à se mesurer.
En Colombie-Britannique, l'attitude est beaucoup plus
sévère que celle que nous adoptons. On prévoit une
allocation sociale de $25 par mois pour ces jeunes, contrairement à $85
dans notre cas, et on prévoit qu'ils se logeront dans des
hôtelleries de jeunes, dans des auberges de jeunesse. Donc, on ne
prévoit aucune somme pour le logement et on leur donne $25 pour leurs
menues dépenses en quelque sorte.
M. Charron: Menues, c'est le cas de le dire. M. Forget:
C'est le cas de le dire, oui.
M. Samson: M. le Président, est-ce que le ministre me
permettrait de dire qu'en Colombie-Britannique, l'an dernier, quand nous y
sommes allés en délégation parlementaire, on a vu
quelques-unes de ces personnes installées sur le terrain en face du
parlement dans des tentes de toile?
Alors, ce n'est peut-être pas la meilleure référence
que l'on a, le système de la Colombie-Britannique.
M. Forget: Je ne cite pas cela en exemple, mais au moins comme
illustration du problème qui est un problème différent
pour cette clientèle de ce qu'il peut être pour le reste de la
clientèle. Evidemment, c'est assez arbitraire, la distinction qu'on peut
faire, mais il faut bien en faire une qui ne soit quand même pas trop
livrée à l'arbitraire des jugements personnels, à savoir
l'apparence physique des individus ou
des choses dans ce genre. Donc, ce sont des règles qui sont
établies et qui visent tout le monde dans une certaine catégorie.
Mais il reste que ce sont ordinairement des gens qui ont le choix de faire
autre chose et d'avoir un revenu, et qui optent pour un certain style de vie
dont, d'ailleurs, la popularité a été
développée pour toutes sortes de raisons et en vertu d'une
certaine philosophie de la vie.
C'est véritablement un problème différent de celui
des familles, de celui des gens avec des responsabilités familiales.
C'est essentiellement la raison pour cette attitude, apparemment
sévère, que nous adoptons.
M. Charron: M. le Président, je ne conteste pas le
phénomène sociologique que le ministre vient de décrire,
ce phénomène, effectivement, ce choix que certains jeunes
Québécois, comme certains jeunes Canadiens, peuvent
décider, à un moment donné de faire. Il est exact que
plusieurs de nos jeunes concitoyens, déçus du système
scolaire ou encore inintéressés à embarquer dans un
marché du travail pour 40 ou 45 ans en ligne, décident de
profiter de ce qu'on appelle la période verte pour jouir de la vie
à leur façon.
Je ne crois pas que ce soit quand même la majorité des
bénéficiaires de la Loi de l'aide sociale qui
bénéficient de l'article 3.05, paragraphe b), c'est-à-dire
de $85 par mois. Parce qu'il y a une autre chose. Je ne dis pas que le ministre
veut la faire oublier à la commission mais il aurait avantage à
la rajouter dans son explication.
C'est que, pour ces jeunes, c'est la catégorie pour laquelle
c'est le plus dur, trouver du travail. Les jeunes choisissent de ne pas
travailler pendant un certain temps mais même ceux qui veulent ne le
peuvent pas. La statistique de chômage effarente, qui affecte le
Québec actuellement, compte toujours, dans sa liste de chômeurs,
de 40% à 50% de jeunes de moins de 30 ans, parfois même de moins
de 25 ans.
Ces jeunes vont, par exemple, ne pouvoir se trouverque des emplois
occasionnels, donc ne pas contribuer suffisamment longtemps au fonds
d'assurance-chômage pour pouvoir en bénéficier pendant un
certain temps. Moi, je peux vous dire que je connais des jeunes des deux
groupes. Je connais des jeunes qui ont choisi délibérément
de ne participer à rien c'est le cas de le dire "dropping
out" est vraiment la meilleure expression, mais j'en connais aussi qui vont
travailler, comme on dit ce sont des expressions de chez nous, M. le
Président sur le "shipping" ou le "receiving" dans une compagnie,
très occasionnels, pendant quelque temps ou même employés
occasionnels du gouvernement. Dieu sait que la plupart des jeunes à
l'emploi du gouvernement, que ce soit aux ministères des Travaux
publics, des Transports, des Affaires culturelles ou quoi que ce soit, sont
rarement intégrés à la fonction publique, ne sont
engagés que comme occasionnels . A un moment donné, on leur dit
qu'on n'a plus besoin d'eux et c'est extrêmement difficile pour eux de
trouver un travail, même s'ils le veulent.
Une bonne partie des chômeurs québécois, sont des
jeunes. A un moment donné, le fonds d'assurance-chômage ne les
couvre plus et ce sont, inévitablement, s'ils ne veulent pas crever de
faim, des candidats à l'aide sociale. A ce moment-là, c'est
beaucoup plus difficile parce que l'aide qui provient du fonds
d'assurance-chômage est hebdomadaire. Elle est peut-être
réduite mais je suis certain que le total mensuel est plus
élevée que les $85. Il se retrouve dans cette situation.
Habituellement, il ne reste pas longtemps non plus parce qu'il n'y a personne
qui vivrait longtemps à $85 par mois. Mais il ne suffit pas, je crois,
de présenter cela comme un phénomène sociologique qui a
accompagné cette contestation de la fin des années soixante mais
c'est aussi un trait économ iq ue de notre société, qui a
d u mal à employer ses jeunes citoyens, à leur assurer une
permanence dans le travail.
M. Forget: Je ne veux pas développer plus longtemps ce
thème. Je pense qu'il y a place à des différences
d'opinion quant à l'importance réelle du phénomène.
Je pense, malgré tout, qu'il suffit largement à expliquer
l'ensemble de la mesure même si, bien entendu, il ne s'applique pas
à tous les individus dans cette catégorie. Il reste que, sur le
plan de l'emploi, on pourrait discuter longuement des emplois qui,
évidemment, moyennant l'acceptation d'un certain style de vie, sont
disponibles et ne trouvent pas preneurs et pour lesquels des jeunes sans
attache familiale sont particulièrement bien adaptés.
Mais, de toute manière, je pense que cela nous entraînerait
sur un terrain qui est peut-être assez loin des préoccupations
strictes de l'aide sociale.
M. Charron: De toute façon, ma question, M. le ministre,
portait sur le refus de l'indexation de cette mesure. Quelle que soit la
décision politique qui puisse expliquer de maintenir cela à un
niveau assez bas, à cause de la catégorie de citoyens qu'on pense
particulièrement toucher, pour garder auprès de cette
catégorie une véritable incitation au travail, cela ne justifie
pas un appauvrissement mesuré de mois en mois face au coût de la
vie. Pourquoi ce montant, aussi minime qu'il soit, n'a pas pu
bénéficier d'une indexation comme les autres?
M. Forget: Ceci résulte d'un jugement. Etant donné
les circonstances auxquelles on s'est référé, il ne
paraissait pas urgent d'y apporter une mesure telle que l'indexation.
J'aimerais faire un commentaire sur la deuxième partie de votre
question qui touchait les allocations versées aux malades chroniques
dans les centres hospitaliers. On pourrait faire un très long
exposé sur les raisons pour lesquelles une majoration n'est pas encore
intervenue. Malgré tout je désire donner l'assurance, comme j'ai
d'ailleurs eu l'occasion de le faire tout récemment, que cette
majoration, qui serait de l'ordre du double de son niveau actuel,
c'est-à-dire que le niveau envisagé est de $30 par mois
plutôt que de $15, interviendra bientôt.
Pourquoi avoir différé son application? C'est justement
cette partie de ma réponse qui exigerait
un très long développement. Peut-être que ça
peut paraître incroyable mais cette question était
impliquée dans toute une série de mesures administratives d'une
très grande complexité, auxquelles le ministère travaille
depuis, ma foi, deux ans deux ans et demi et peut-être trois ans, et qui
implique tout le régime d'hébergement et la situation des
bénéficiaires des établissements, des centres d'accueil
pour adultes dans l'ensemble du Québec. La situation qui leur est faite
depuis plusieurs années et l'enjeu de ces changements était
très considérable pour le Québec au titre des accords de
partage avec le gouvernement fédéral, et nous n'avons que tout
récemment réglé l'ensemble du problème. Il reste
encore quelques détails à préciser et nous pourrons
bientôt appliquer ces mesures.
Cela peut sembler incroyable parce que c'est apparemment une mesure
simple qui vise une clientèle limitée. Si je n'avais pas
vécu moi-même les complications dont je parle, auxquelles je fais
allusion tout simplement sans les décrire, je crois que je ne le
croirais pas moi-même. Mais c'est un fait extrêmement
compliqué et extrêmement difficile à résoudre.
Mais enfin nous avons la solution et nous allons l'appliquer d'ici
quelques mois.
M. Charron: Combien de personnes sont touchées?
M. Forget: C'est environ 2,000 personnes, je crois, qui sont
touchées.
M. Charron: Et vous dites que la politique nouvelle qui sera
annoncée dans quelques semaines, quelques mois est globale...
M. Forget: Elle est globale dans ses implications. Mais pour ce
qui est de votre question précise, l'allocation versée par l'aide
sociale aux malades chroniques qui se trouvent dans un centre hospitalier, pour
des soins de longue durée, sera portée de $15 à $30
à ce moment-là. En soi c'est simple, cette mesure-là est
très simple et elle ne vise que 2,000 personnes environ.
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Taschereau.
M. Bonnier: II arrive quelques fois, M. le Président,
qu'un bureau local doive faire une avance à un assisté social
pour différentes raisons, en particulier, lorsqu'il doit recevoir de
l'assurance chômage ou pour besoins particuliers, mais il doit remettre
le plein montant, normalement, le mois suivant, c'est-à-dire qu'on le
déduit du paiement qu'on lui fait.
Par ailleurs, on constate que le surendettement qui existe dans notre
société, en bonne partie sinon en majorité, se situe soit
au niveau des économiquement faibles sinon des
bénéficiaires de l'aide sociale.
Est-ce que le ministère a songé à mettre sur pied
lui-même ou en relation avec une institution financière un
système de "pool" duquel les assistés sociaux pourraient
emprunter à des taux peut-être préférentiels, mais
du moins à des conditions de prêts intéressantes de
façon, d'un côté, à les sortir des griffes de
certains usuriers et, en second lieu, aussi, pour ne pas avoir à faire
des avances? Ils iraient tout simplement emprunter à ce même
fonds.
M. Forget: Je ne sais pas si j'ai bien compris la première
partie de la question du député de Taschereau. On
réfère aux bénéficiaires en attente
d'assurance-chômage dont on déduirait ensuite le montant dû
des prêts?
M. Bonnier: II y a ces gens et ceux qui, parfois, attendent une
pension.
M. Forget: II est arrivé dans certains cas que nous ayons
un problème parce que des déductions faites par l'autre
régime qui payait, que ce soit l'assurance-chômage ou les
allocations familiales, faisaient qu'en tenant compte d'un montant qu'il
n'avait pas reçu leur aide sociale s'en trouvait effectivement
réduite.
Mais, de façon générale, nous ne déduisons
pas pour quelque motif que ce soit de la prestation d'aide sociale des sommes
pendant que le bénéficiaire reçoit de l'aide sociale. La
raison étant bien simple, c'est que si....
M. Bonnier: Oui, mais vous faites des avances, dans certains
cas.
M. Forget: Oui.
M. Bonnier: Et ce sont ces avances que vous soustrayez dès
le mois suivant. Vous ne les répartissez pas sur x mois, du moins
d'après les expériences que j'ai eues et j'ai eu à
discuter...
M. Forget: J'aimerais que le député de Taschereau
me donne des cas précis parce que telle n'est pas notre politique, aussi
longtemps que le bénéficiaire doit demeurer
bénéficiaire.
Comme je le disais tout à l'heure, au plan des revenus comme au
plan de certains besoins spéciaux, il y a eu dans le réseau et il
demeure certaines attitudes qui font que parfois cet esprit n'est pas
totalement compris. Mais dans la mesure où le bénéficiaire
doit dépendre, pour lui et les siens, de l'aide sociale et qu'il n'y a
pas de mauvaise foi ou de fraude impliquées, ce qui est
extrêmement rare, dans cette même mesure, s'il s'agit d'un minimum,
il ne serait pas souhaitable que soit déduit de la prestation d'aide
sociale pendant qu'il est bénéficiaire un montant de la nature de
celui dont le député parle.
J'aimerais, si nous pouvions avoir l'occasion de nous entretenir sur
quelques-unes des expériences que vous avez vécues, tirer la
situation au clair.
M. Bonnier: J'en ai eu plusieurs. Cela doit se trouver ailleurs
aussi.
M. Samson: Est-ce que le député me permettrait une
question? Je ne suis pas tellement certain,
non plus, de saisir la portée de la question. Je me demande si le
député de Taschereau ne fait pas référence à
cette possibilité d'avance d'un montant d'argent pris sur les
allocations familiales, tel qu'en faisait foi un amendement à une loi,
dont je ne me rappelle pas le numéro, qui a été
adoptée en novembre ou décembre dernier. En juillet? C'est
déjà si loin que ça. Le temps passe vite, oui. On
vieillit. Cet amendement permettait de faire une avance équivalante
à deux mois d'allocations familiales et qui était remboursable.
C'est peut-être à ça que fait référence le
député de Taschereau.
M. Bonnier: Les cas que j'ai eus, c'est que les gens avaient
à faire certains paiements à un moment donné et ils ont eu
des avances de la part de leur bureau local, mais à condition de les
rembourser dés le mois suivant en totalité. J'ai dû
personnellement intervenir auprès de caisses populaires pour qu'on leur
facilite un prêt.
M. Forget: Le seul cas où nous l'acceptons, c'est celui,
par exemple, où il y a des arrérages d'électricité
et où le bénéficiaire, pour se voir rétablir le
service, a besoin d'une avance que nous lui faisons, dans ce cas, de
façon normale. C'est, par exemple, l'entente que nous avons dans la
région de Montréal. Nous tentons de déduire le montant sur
une période prolongée. Encore une fois, j'apprécierais
beaucoup avoir l'occasion d'étudier la question avec le
député, parce qu'elle est importante.
Le Président (M. Kennedy): Le député
Lotbinière.
M. Massicotte: M. le Président, j'aimerais ajouter qu'on a
vécu la même chose avec des personnes qui ont atteint un certain
âge et qui, ne pouvant pas travailler, ont dû vendre leur ferme. En
attendant de vendre leur ferme pour avoir un certain revenu, le
ministère des Affaires sociales leur a avancé une certaine somme
à condition que des paiements seraient faits par après, lorsque
la ferme serait vendue. Cela a été un cas vécu.
M. Forget: Cela, c'est une...
M. Samson: C'est comme la CAT.
M. Forget: Oui, cela est une situation différente. Dans la
forme et la teneur actuelle des règlements, si un individu
possède un actif qui le rend inadmissible à l'aide sociale, il
est permis de lui avancer l'aide sociale pendant un certain nombre de mois,
sous réserve qu'il doit vendre son actif, et lorsqu'il en a
disposé et qu'il a un montant qui ne vient pas de l'aide sociale, il
rembourse, mais, si j'ai bien compris le sens de la question, c'est à
même la prestation d'aide sociale.
M. Bonnier: Moi, ce qui me surprend, c'est... En tout cas, je
pourrais regarder dans mes dossiers les raisons exactes. J'ai deux ou trois cas
où cela m'est arrivé. Disons qu'on exigeait, je ne sais pas si
c'est parce qu'on n'avait pas confiance au bénéficiaire, un
montant de $50 à être déduit à même le
chèque du mois suivant et je suis intervenu auprès du
ministère. On m'a dit: M. Bonnier, c'est le règlement qu'on
remette d'un seul coup.
Comme la personne n'était certainement pas en mesure de le faire,
c'est grâce à un prêt d'une caisse populaire puis à
l'intervention du député qu'elle l'a fait. Je trouvais que ce
n'était pas ma "job" bien gros de faire cela.
M. Forget: Est-ce que c'est assez lointain?
M. Bonnier: Ce n'est pas tellement lointain, cela doit dater de
cinq ou six mois.
M. Forget: D'accord. Encore une fois, si vous aviez quelques
minutes, M. le Président...
M. Bonnier: Pour l'autre partie de ma question, relativement
à l'endettement, en tout cas, en majorité parmi les
assistés sociaux, en particulier chez les usuriers, est-ce que c'est une
préoccupation qui est vôtre, à l'heure actuelle? Est-ce que
vous avez une méthode?
M. Forget: Oui, c'est une préoccupation, M. le
député je devrais dire, M. le Président, on voit
mon inexpérience parlementaire que nous poursuivons...
M. Samson: Cela va bien. Cela va bien. C'est encourageant. Je
retiens votre nom.
Une Voix: Vous en avez encore 109 à trouver.
M. Samson: Oui, il faut commencer quelque part.
M. Forget: C'est une expérience à laquelle nous
tenons et il est fort juste de dire que cet élément d'une
politique d'aide sociale est important, non seulement pour les situations
d'urgence dont on nous a fait part, mais aussi parce qu'il est normaf, pour
quelqu'un qui doit administrer un budget modique, de pouvoir au besoin
capitaliser en quelque sorte sur son revenu futur dans des proportions
raisonnables et dans des conditions raisonnables, pour faire face aux
fluctuations de la vie normale.
C'est un des problèmes de l'aide sociale; ce qui la distingue
d'un revenu qui peut même être l'équivalent sur le
marché du travail, c'est que le travailleur a des moyens de s'en sortir
dans le temps qu'un bénéficiaire n'a pas.
Nous avons entrepris, avec le mouvement coopératif, des
démarches qui ont mené, en fait, à la rédaction
d'un protocole d'entente qui achoppe présentement sur une
difficulté assez fondamentale. C'est que d'un côté on
voudrait, à toutes fins pratiques, que le gouvernement se porte garant
totalement du montant prêté en capital et intérêt, ce
qui équivaudrait, finalement, à faire les avances sous une autre
forme. Ce que nous demandons au mouvement coopératif, c'est de porter
une partie du risque, une partie pas très élevée mais une
partie suffisante pour que quand le bénéficiaire va se
pré-
senter à sa caisse populaire, la caisse étant
engagée elle-même dans le processus, elle va le traiter comme un
citoyen normal. Elle va lui faire subir le processus normal de crédit,
le processus normal de contrôle, le processus normal de prêt et on
va transiger avec lui d'une façon qui va s'assimiler à celle d'un
autre sociétaire .
Jepense que ce principe d'engagement, au niveau du prêt, d'abord a
un phénomène d'autocontrôle parce que, évidemment,
si on garantissait simplement la totalité des avances, il faudrait
immédiatement établir une série de restrictions parce que
le nombre s'accumulerait très vite. Alors, il y aurait un processus
d'autocontrôle du milieu en ce sens qu'avant même d'engager 20% ou
25%, les caisses poseraient les questions pertinentes et, deuxièmement,
parce que le bénéficiaire aurait l'impression d'appartenir
à sa caisse. Je pense que c'est un mauvais calcul parce que les
bénéficiaires d'aide sociale sont généralement les
meilleurs payeurs, ceux qui paient le mieux, parce qu'ils savent fort bien que
s'ils ne remboursent pas à ceux qui leur ont fait confiance, je parle de
l'épicier, par exemple, ils se privent, à toutes fins pratiques,
de la seule source de crédit qu'il ont. Quand ils le font, parce qu'ils
ne sont vraiment pas capables de s'en sortir autrement, ils tombent, comme on
vient de le mentionner, dans un processus qui peut être d'usure et qui
peut leur créer des ennuis.
Nous espérons que d'ici quelques mois nous pourrons mettre en
oeuvre cette politique si, évidemment, au niveau des autorités
supérieures du gouvernement, on pense pouvoir l'entériner.
M. Vellleux: N'y a-t-il pas une expérience qui est
tentée présentement dans ce domaine-là dans le
comté de Sainte-Marie? Ce n'est pas une caisse populaire mais c'est une
banque, une des grosses banques dont on dit qu'elles sont toujours mauvaises et
multinationales, qui joue un peu dans le milieu le rôle... C'est
regrettable que le député de Sainte-Marie ne soit pas ici parce
que je sais que c'est lui qui avait fait les approches. Je crois que c'est la
Banque royale ou la Banque de Montréal ou quelque chose comme cela.
M. Forget: C'est parfaitement exact. Il y a une expérience
que la Banque royale...
M. Vellleux: Je n'ai rien contre le mouvement coopératif
mais, parfois le mouvement coopératif ne coopère pas toujours
comme il pourrait coopérer. Il y aurait peut-être lieu de se
tourner vers l'autre milieu bancaire et à ce moment, il pourrait y avoir
une concurrence entre les deux et peut-être un meilleur taux
d'intérêt.
M. Forget: J'aimerais préciser, M. le Président,
là-dessus que, effectivement, même si des démarches ont
été tentées auprès du mouvement coopératif,
comme je pense il était naturel et normal qu'on le fasse, étant
donné les objectifs du mouvement coopératif, qu'aucune
collaboration à cet égard neserait refusée. J'ai eu
moi-même le plaisir de visiter justement cette succursale qui est un peu
spéciale, de la
Banque royale dans un quartier défavorisé. J'ai pu
constater justement que l'expérience de remboursement,
l'expérience des prêts consentis aux assistés sociaux, par
cette succursale, c'est une expérience qui remontait à quelques
mois sinon davantage à l'époque, était effectivement
meilleure pour les assistés sociaux qu'elle ne l'était pour les
travailleurs à faible revenu. Je dois dire que la Banque royale, en
assumant cette responsabilité, n'avait demandé aucune garantie au
ministère des Affaires sociales. Ce qui prouve donc que c'est possible,
au moins à une certaine échelle, de le faire. Et c'est une
initiative, je crois, qu'ils ont l'intention de répéter dans
d'autres quartiers.
Mais c'est un service qui n'est pas offert non plus isolément,
qui est offert dans ce contexte, avec un service de consultation sur le budget
familial de manière que, non seulement offre-t-on un service
additionnel, mais également le fait-on dans un contexte de
réadaptation, en quelque sorte, ou de formation à
l'administration d'un budget familial. Je pense que c'est la façon
réaliste d'envisager une telle mesure. D'ailleurs c'est un
développement que cette consultation sur le budget familial qui est
envisagée, dans le cadre de l'aide sociale puisque, dans les programmes
de formation des agents d'aide sociale, c'est une préoccupation que nous
avons de les rendre capables de donner certains servicesde ce genre aux
bénéficiaires de l'aide sociale.
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Faucher: M. le Président, tout à l'heure, on a
dit que les bureaux d'aide sociale aidaient, dépensaient de l'argent,
surtout dans les cas comme l'assurance-chômage.
Parfois, en attendant l'assurance-chômage, ils vont avancer de
l'argent. Ils vont avancer également de l'argent si le type attend sa
rente du Québec.
Maintenant, une autre question que j'aimerais poser, ce serait sur le
problème d'une caisse de dépannage. Il arrive, les fins de
semaine, soit un samedi, soit un dimanche, soit un jour férié,
qu'une personne soit prise et n'ait absolument rien pour se dépanner. Je
ne sais pas s'il y a quelque chose qui existe.
M. Forget: Bien, il y a des règles pour l'utilisation des
caisses de dépannage. Il y a aussi, certaines circonstances, par
exemple, les incendies à Montréal lors de la grève des
pompiers, qui ont donné lieu à l'application
particulièrement vigoureuse de ces mécanismes de
dépannage. Peut-être qu'on peut vous les décrire plus au
long, si vous le souhaitez. Mais il y a eu, à ce moment-là, une
action extrêmement rapide par les bureaux d'aide sociale pour permettre
aux gens d'occuper des maisons qui remplaçaient évidemment celles
qu'ils venaient de perdre, leur donner des sommes nécessaires à
leur subsistance. Tout ceci s'est fait durant la fin de semaine et très
rapidement, au bénéfice d'un très grand nombre de
familles.
Il y a eu, sur le plan de dépannage, des développements et
des améliorations durant l'année qui
s'est écoulée pour accroître le nombre de causes qui
donnaient ouverture à ce genre de services.
M. Veilleux: C'est peut-être plus facile...
M. Charron: Si le député de Saint-Jacques me
permet...
M. Veilleux: ... dans un milieu urbain. Pour reprendre
l'idée...
M. Charron: Non, mais je voudrais simplement ajouter...
M. Veilleux:... quand même émise par le
député de Nicolet-Yamaska...
M. Charron:... sur le sujet que vient de q uitter le ministre des
Affaires sociales.
M. Veilleux: Oui, mais moi c'est ça aussi. Une Voix:
C'est la même chose. M. Charron: Bon, vas-y donc.
M. Veilleux: Je pense, M. le Président, que j'ai autant le
droit de parole que le député de Saint-Jacques.
M. Charron: Bien oui, bien oui.
M. Veilleux: Je sais que le député de Saint-Jacques
a des difficultés dans le milieu qu'il représente. Le ministre a
mentionné un cas précis. Lorsqu'il y a eu un incendie à
Montréal, il y a plusieurs locataires... Mais ce que le
député de Nicolet-Yamaska a essayé de démontrer,
c'est que, dans le secteur rural, les bénéficiaires de l'aide
sociale pas nécessairement dans un édifice à
plusieurs logements qui pourraient éventuellement passer au feu
vivent isolément dans de petites maisons, etc. Ce qui est arrivé
à Montréal, dans le cas que vous avez mentionné, ne peut
pas se produire dans notre région. On se trouve dépourvu dans le
secteur rural.
Je pense que le député de Nicolet-Yamaska voulait savoir
s'il y avait des possibilités, dans le secteur rural, de trouver le
même genre de centre de dépannage. Vous avez mentionné que
c'était dans le secteur urbain.
M. Forget: Ce n'est pas impossible, mais il faut voir aussi que
les circonstances sont différentes sur le plan physique dans un milieu
urbain, de ce qu'elles sont dans le milieu rural.
Le milieu rural, traditionnellement et normalement, offre aussi des
ressources différentes pour permettre la transition sur la
période d'une fin de semaine, par exemple. S'il y a un sinistre sur une
ferme ou dans un milieu rural, les relations sociales sont beaucoup moins
anonymes que dans les centres urbains et il est plus facile d'imaginer des
solutions d'appoint temporaires dans ces milieux. On devrait normalement y
compter, puisqu'on imagine un peu qu'en rendant accessibles, par exemple, les
bureaux locaux d'aide sociale toute la fin de semai ne, on n'y verrait pas
grand monde durant les fins de semaine. Ce serait un coût
considérable pour le faible nombre d'occasions qu'on aurait de s'en
prévaloir.
Dans les milieux ruraux, on fait l'hypothèse qui, je pense, se
vérifie assez souvent évidemment, c'est un fait sur lequel
le député de Nicolet-Yamaska est peut-être plus en mesure
de nous éclairer que généralement des voisins, des
parents, vont accommoder les gens qui sont, par exemple, victimes d'un
sinistre.
M. Veilleux: Je pourrais peut-être donner un exemple au
ministre. Cela s'est produit dans le comté voisin du mien, la semai ne
passée. Une résidence est passée au feu. C'est la
Sûreté du Québec qui s'est occupée du cas. Elle l'a
transféré à la Sûreté municipale d'Iberville
et on l'a couché en prison. C'est comme cela qu'on a réglé
le problème.
Le Président (M. Kennedy): Messieurs, il est onze heures.
La commission ajourne ses travaux jusqu'à nouvel ordre de la
Chambre.
(Fin de la séance à 23 h 1)