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Version finale

30th Legislature, 3rd Session
(March 18, 1975 au December 19, 1975)

Tuesday, May 20, 1975 - Vol. 16 N° 94

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Etude des crédits du ministère des Affaires sociales


Journal des débats

 

Commission permanente des affaires sociales

Etude des crédits du ministère des Affaires sociales

Séance du mardi 20 mai 1975

(Seize heures vingt minutes)

M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

Cet après-midi, les membres de la commission sont les suivants: Mme Bacon (Bourassa); M. Bé-dard (Chicoutimi); M. Bellemare (Johnson); M. Bellemare (Rosemont); M. Bonnier (Taschereau); M. Charron (Saint-Jacques); M. Dufour (Vanier); M. Boudreault (Bourget); M. Forget (Saint-Laurent); M. Fortier (Gaspé); M. Lecours (Frontenac); M. Massicotte (Lotbinière); M. Samson (Rouyn-Noranda); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) et M. Faucher (Nicolet-Yamaska) remplace M. Boudreault (Bourget).

M. Charron: J'ai du renfort, de mon côté, M. le Président!

Le Président (M. Houde, Limoilou): Je crois que nous étions rendus au programme 4: Services communautaires. Le député de Saint-Jacques

Services communautaires

M. Charron: Merci, M. le Président. Je dois d'abord signaler aux membres de la commission que j'ai été le premier surpris de me retrouver convoqué à nouveau à cette commission, non pas que je considère désagréable la tâche d'y être, mais c'est particulièrement embarassant d'y être à pied levé comme cela, puisque, vous vous le rappellerez, M. le Président, nous avions à peine abordé le programme 4, celui des services communautaires, et c'est l'endroit où nous avions commencé, avec M. Dumas et le ministre, la discussion sur les CLSC.

Je ne crois pas, puisque l'information est encore pertinente à ma mémoire, avoir besoin de revenir sur les indications que M. Dumas nous avait données quant à l'opération bilan. Elle est maintenant en cours et devrait se terminer, en fait, on avait même dit qu'elle était inachevable, mais que sa phase de cueillette de renseignements, en tout cas, auprès des six CLSC devrait s'achever bientôt. Si je peux retrouver mes papiers! Dans ce que j'appellerais l'identification première de la situation des CLSC, telle que faite dans le document qui s'appelle: Problématique 1974/75, qui vient du ministère et qui nous a été remis, il y a certaines affirmations, certains malaises dans l'établissement du réseau de centres locaux de services communautaires qui nous sont apparus à l'étude extrêmement valables et pertinents. A ce point de vue, je pense donc que j'avais déjà eu l'occasion de le dire avant que nous ne suspendions les travaux de la commission, et cela nous incitait en- core plus à oeuvrer dans ce domaine au cours de la prochaine année financière dont nous sommes appelés à voter les crédits.

Par contre, et je n'ai pas la prétention d'être le premier à le signaler, loin de là, mais tel que je conçois mon rôle, c'est d'en être l'écho ici, beaucoup plus que l'initiateur, il y a certaines informations dans ce même document qui nous paraissent plus critiquables ou, disons-le, sur des sujets extrêmement précis, plus inquiétantes, plus dangereuses.

Je ne fais référence qu'à cette page 5 du document, dont le titre est en soi très loquace, sur les intentions que l'on se donne à l'intérieur du ministère, de la direction des services communautaires, un encadrement plus rigoureux de la participation populaire. Plusieurs personnes ont vu dans une affirmation de ce genre une contradiction. Je ne pense pas qu'il y ait là contradiction entre l'encadrement d'une participation — on pourrait l'appeler organisation d'une participation, les moyens à prendre pour s'assurer que la participation soit effective, donne de bons résultats — mais, quand même, s'il n'y a pas contradiction, il y a quand même là, je crois, objet d'inquiétude, parce que c'est la nouveauté, les centres locaux de services communautaires. Ils constituent en soi, sur le terrain social, beaucoup d'initiatives.

Le ministre a eu l'occasion de le rappeler lorsqu'il s'est adressé à la fédération récemment créée, mais, de toutes les initiatives nouvelles dans le domaine social, celle de la participation populaire, hélas non majoritaire, sous les conseils d'administration des centres locaux de services communautaires, constitue l'acquis le plus important et le bien le plus précieux à conserver dans le développement dont il est question.

Après avoir suivi l'évolution des CLSC, dorénavant, en activité, lorsqu'on entend parler d'un encadrement plus rigoureux, vous admettrez que les points d'interrogation sont légitimement soulevés à ce moment-ci. M. le Président, permettez-moi de citer ce texte qui en dit encore plus long que le titre: "Messieurs, tout en respectant une participation efficiente de la population, la direction a développé un calendrier d'implantation qui assure à chaque centre local de services communautaires un encadrement professionnel minimal." Voilà la première expression qu'il nous faudra étayer. "Ainsi, dès l'annonce de l'implantation du CLSC, le comité promoteur procède à l'engagement de son directeur général", ce qui est nouveau, M. le Président, "lequel a la responsabilité d'évaluer les besoins prioritaires du milieu, de recruter son personnel professionnel de démarrage et de mettre en place les premiers services du CLSC, en y associant la population de son milieu. Le rôle de la participation s'inscrit dans une perspective d'évaluation des besoins et non pas d'opération-nalisation des moyens, programmes, services, pour les satisfaire."

C'est une clarification nouvelle, surtout l'énoncé de principe de la dernière phrase. M. le ministre soutiendra peut-être que ce fut toujours la façon dont on considère, à l'intérieur du ministère, la participation populaire aux CLSC. Il reste

que cela n'avait jamais été dit aussi clairement. De plus, M. le Président, je pourrais retrouver dans les propos du ministre créateur des CLSC, au moment où il défendait la loi 65, et à l'assemblée et à la commission, à chacun des articles pertinents de la loi 65 qui concerne les conseils d'administration, des affirmations qui friseraient plutôt le contraire. A l'époque de la création des tout premiers CLSC, on insistait grandement pour que la participation populaire se fasse non seulement dans une perspective d'évaluation des besoins, ce que l'on considérait encore essentiel, mais aussi dans une perspective d'opérationnalisation des moyens pour les satisfaire, contrairement à ce qui est affirmé dans le dernier paragraphe.

Je crois presque citer l'ancien ministre des Affaires sociales et tous ceux qui ont adopté cette loi à l'unanimité, c'est-à-dire l'Assemblée nationale, en disant qu'il ne suffit plus de faire de la participation à la bonne franquette, genre comité d'école qui ne fonctionne pas pour l'excellente raison que les gens ne se sentent là que pour participer à l'évaluation des besoins et aucunement pour participer un tant soit peu à l'opérationnalisation des moyens de mettre en branle la machine pour obtenir la satisfaction de ces besoins. Si on ne veut pas que le CLSC soit un attrape-nigaud de participation populaire, c'est-à-dire qu'on y fait venir les gens pour leur demander ce qu'ils croient que l'on pourrait faire dans leur quartier, leur disant: "Vous qui connaissez le quartier, vous qui connaissez le réseau social existant, comment croyez-vous que tout cela pourrait s'intégrer?", et une fois que c'est fait, dire "Merci beaucoup". On a maintenant un directeur général qui a la responsabilité, lui et non, le conseil d'administration ni les citoyens invités à participer à la préparation du CLSC. D'ailleurs, M. le Président—et j'ai déjà signalé cette nouveauté — le directeur général est nommé dès que l'annonce de l'implantation du CLSC est faite. Ce n'était pas le cas auparavant. Je crois que le député de Taschereau a vécu dans son comté la naissance du CLSC de la basse-ville.

Enfin, j'ai peut-être mis le doigt sur un CLSC problème et je n'ai justement aucune objection à le faire. Chez nous, M. le Président, dans le centre-sud de Montréal, le CLSC du centre-ville, qui fait partie du territoire que je représente, a fonctionné sans nomination immédiate d'un directeur général, car il apparaissait très important que les citoyens le choississent eux-mêmes. C'est un homme clé dans la gestion du CLSC.

C'est un homme clé dans la responsabilité de l'application et de l'exécution des volontés populaires, telles qu'elles ont le loisir de s'exprimer sur un conseil d'administration.

Dieu sait quel charivari a entouré la nomination du directeur général du CLSC de la basse-ville, de son traitement, de son statut. Les citoyens ont été légitimement chatouilleux sur cette question, car ils considèrent le directeur général non pas comme un envoyé du ministère des Affaires sociales pour encadrer rigoureusement la participation populaire... Lorsque les citoyens se permettent d'avoir à l'esprit une initiative quelconque, ils se font répondre — et ici, M. le Président, j'en ap- pelle au deuxième paragraphe: "Cet homme aura suivi une formation de gestionnaire à l'intérieur du ministère des Affaires sociales"—ils se font répondre immanquablement, dis-je, que ce n'est pas permis selon les normes du ministère, ou selon les règlements de la loi 65, ou encore: Tout ce que vous dites est bien joli, mais nous ne pouvons pas l'exprimer. Je suis venu ici, j'ai été nommé dès l'annonce de l'implantation du CLSC. Il a la responsabilité, en tant que directeur général, dès qu'il a été engagé par le comité promoteur, d'évaluer les besoins prioritaires du milieu — ce n'est pas la population qui a cette responsabilité, c'est le directeur général, le recrutement du personnel professionnel, ce n'est pas la population qui le fait, c'est le directeur général — et de voir à la mise en place des premiers services du CLSC, en y associant la population de son milieu.

Le comble aurait été que l'on supprime cette association du milieu populaire, car cela aurait été à l'encontre de la loi 65, et, en ce sens, il n'est pas surprenant que l'on ajoute, après la virgule, cette association obligatoire avec le milieu populaire, c'est la loi, c'est le règlement qui les y oblige. M. le Président, je n'essaie pas de couper les cheveux en quatre, et on parlera de cas précis de certains CLSC de la province qui sont en opération ou en voie d'implantation, qui ont vécu ce problème de conflit de juridiction entre un conseil d'administration avec participation populaire, hélas! non majoritaire encore une fois, mais qui y va avec la croyance que cette chose lui appartient, et des textes émanant du ministère des Affaires sociales, des règlements, des directives, qui, eux, laissent entendre bien clairement que le directeur général nommé dès l'implantation du CLSC a la responsabilité d'évaluer les besoins prioritaires. Je dis, M. le Président, que le genre d'affirmation, comme celle contenue dans le texte actuel, est source de conflits dans l'implantation d'un CLSC, est source de problèmes dans la vie d'un CLSC. La population vient avec l'esprit de la loi 65; la population se dit invitée et est recrutée à partir de l'esprit de la loi 65.

Combien de merveilleux slogans, autour de la loi 65, le ministère des Affaires sociales n'a-t-il pas sortis comme: "C'est votre affaire", "C'est votre organisme". Tout à coup, lorsque l'opérationalisa-tion des moyens se met en branle, les citoyens se font dire qu'ils n'étaient là — et c'est dit dans le dernier paragraphe du texte que je cite, ce n'est pas moi qui l'ai écrit, il vient du ministère des Affaires sociales — que dans la perspective d'évaluation des besoins et non pas, on le spécifie, d'opé-rationalisation des moyens. On me répondra que cela ne les écarte pas de l'opérationalisation des moyens, car le directeur général doit les y associer, mais il y a là — et cela s'est vécu dans la vie réelle des CLSC, je ne parle pas à travers mon chapeau, M. le Président — un renversement de pouvoir, et je pourrais employer les grands mots, comme un renversement d'une décision législative.

Avant de faire cette critique, je me suis soumis encore une fois à l'étude de la lettre de la loi 65 telle que l'Assemblée Nationale l'avait votée, et je

n'y ai pas vu, malgré toutes les précisions qu'on a pu apporter au rôle du directeur général dans un CLSC, qu'il était nommé responsable d'évaluer les besoins prioritaires du milieu, de recruter son personnel professionnel de démarrage et de mettre en place les premiers services du CLSC. C'est faux, ce n'était pas dans l'esprit de la loi et ce n'est pas pour cela que j'ai voté lorsque j'ai voté pour la loi 65.

Cette nouveauté m'apparaît exactement comme c'est présenté, dans la problématique de 1974-1975 comme un revirement inquiétant.

Je ne suis pas le premier à le dire, M. le Président, je n'ai aucunement cette prétention.

Ceci a été dit lors de la naissance des CLSC, dont nous reparlerons d'ailleurs, et surtout les élus sur le conseil d'administration de cette fédération: les discours, les programmes électoraux que ces citoyens se sont donnés dans la salle où se tenait le congrès de cette fédération et qui leur ont valu leur élection, symbolisent très certainement le fait que ces gens ont été élus parce qu'ils avaient signalé cette tangente, ce revirement. J'interviendrai tout à l'heure, M. le Président, avec un autre indice de tangente. J'ai un langage très modéré, M. le Président, j'en suis convaincu et j'espère que l'on se satisfera de la délicatesse de mes propos car, je pourrais, dans un langage beaucoup plus rigoureux, pour prendre le mot que j'ai sous les yeux, faire une critique du revirement politique qu'on est en train de faire avec les CLSC.

L'implantation et la façon de procéder des CLSC en cours aujourd'hui n'a pas eu l'heur de plaire dans plusieurs hauts milieux de notre vie politique québécoise, M. le Président. Je ne dis pas seulement à la grandeur de la nation québécoise, je dis dans tous les cantons du Québec. Les pressions locales des petits potentats locaux de la santé communautaire ou de la santé dans les termes traditionnels, ou des politiciens de cantons en place qui ont l'intention de protéger la mainmise traditionnelle de l'organisation des services de santé sur leur territoire ont certainement quelque chose à voir. Je n'en fais pas la cause principale, mais soyez assuré, M. le Président, que si je n'y mets pas plus d'insistance, ce n'est pas parce que c'est absent de mon esprit, au contraire. J'ai assisté aux mêmes travaux de la commission parlementaire l'année dernière, et certains membres, qui sont en face de moi aujourd'hui, avaient tenu des propos à l'encontre des CLSC, M. le Président, qui peuvent me laisser à entendre que le ministre aux prises avec un caucus bien particulier, ait eu, à l'occasion, à procéder à des revirements sous étiquette administrative, mais qui, au fond, ont des touches bien politiques dans la vie réelle et qui vont à rencontre, encore une fois, d'une loi votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale; non pas de front, car cela pourrait tout simplement être déclaré illégal, ce serait ultra vires que de procéder à une réglementation qui frise la légalité, M. le Président.

Dans le cas précis de l'action sur le terrain, prenons le cas du CLSC de la basse-ville comme exemple. L'application de cette réglementation, ou plutôt de cet esprit que l'on retrouve derrière ce paragraphe, est illégale, car, à mon avis, elle va à rencontre de l'esprit de la loi du CLSC. On y donne beaucoup plus de pouvoir au directeur général que la loi ne lui en donne dans les faits; on lui crée un statut privilégié dans les faits; c'est lui qui est responsable de la participation populaire, alors qu'auparavant c'était la participation populaire qui était responsable du directeur général. Et je caricature à peine la réalité qu'on a à traverser actuellement au niveau des CLSC.

Je terminerai cette première remarque, car je voudrais plutôt engager une discussion et je crois avoir soulevé le problème. Je signalerai plus tard d'autres initiatives prises à l'intérieur de la direction générale et du ministère dans son ensemble qui font prendre aux CLSC en fonction ou en implantation ou en voie de l'être, une tangente différente de celle que nous leur avons souhaité de prendre lorsque nous avons voté la loi 65.

Le Président (M. Houde, Limoilou): M. le ministre.

M. Forget: M. le Président, j'essaierai d'être assez bref puisque je suis persuadé, en écoutant le député de Saint-Jacques, que nos argumentations sur ce sujet peuvent se développer en suivant des lignes parallèles sans nécessairement se rencontrer, quelle que soit la longueur des débats. Cependant, je crois nécessaire de préciser un certain nombre de points sans prétendre faire un exposé systématique, puisque de tels exposés sont déjà contenus à la fois dans le document que le député citait plus tôt, de même que dans le document auquel il a fait allusion et qui constitue le texte de mon allocution au congrès de fondation de la Fédération des CLSC.

J'aimerais, cependant, souligner que sa lecture de la loi 48 s'accompagne certainement d'une certaine interprétation. Les objectifs de la loi sont multiples. Ils ne se résument pas à favoriser la participation du public, qui semble sans aucun doute souhaitable et doit être encouragée non seulement dans les CLSC, mais dans les autres catégories d'établissements. Il reste que ce n'est pas l'objectif unique visé; il y en a d'autres qui ont une importance au moins égale à celui-là. C'est pour mieux atteindre ces autres objectifs qu'une certaine réorientation dans les procédures d'implantation s'est effectivement produite au cours des derniers mois ou de la dernière année. C'est un fait qui a, d'ailleurs, été abondamment décrit et qu'on ne craint pas de décrire par écrit, parce qu'il nous semble correspondre à un besoin évident, si vous voulez, non pas d'efficacité administrative, mais d'efficacité par la traduction dans des réalités concrètes d'un idéal qui, pour être noble et avoir été appuyé par tous les partis lors de l'adoption de la loi, demeure malgré tout difficile d'application.

Une certaine expérience a eu lieu depuis l'adoption de la loi et il aurait été condamnable, je pense, de la part du ministère de ne pas tenir compte de l'expérience acquise justement dans l'articulation de ce principe de participation.

Je pense qu'il n'est pas nécessaire de citer

bien des exemples pour faire comprendre que, dans la définition même des besoins, il y a un certain degré de répétition, de tâtonnement, des longueurs qui paraissent à l'observateur facilement évitables pour réaliser justement ces autres objectifs qui sont tout autant réels que l'objectif de participation.

La participation du public demeure un objectif qui n'est pas nécessairement identifié à la phase d'implantation. L'implantation dans la vie d'un établissement, c'est quelque chose qui se vit une fois, qui est transitoire et qui implique des individus qui vont changer de toute manière. Cela implique également une vue des choses qui est forcément incomplète, puisqu'elle ne s'appuie sur aucune expérience de l'établissement en question. Elle est basée sur des conceptions, des idées, des théories. La participation devient beaucoup plus réelle une fois que le départ est donné et qu'on atteint un certain régime de croisière.

C'est donc le sentiment qui nous a poussé à accélérer, par exemple, l'engagement du directeur général. Il n'est pas, malgré tout, engagé en vertu d'une décision unilatérale du ministère, mais cette décision implique les comités d'implantation, dans un sens aussi réel qu'ils pourraient l'être à une étape subséquente. Cela a pour avantage que nous avons là un permanent qui aura comme fonction de faire avancer le dossier, de traduire dans des réalités les voeux exprimés de part et d'autre, plutôt que de s'en remettre à des personnes qui, tout en partageant la même bonne volonté, n'ont, malgré tout, pas les moyens — ne serait-ce qu'en termes de temps et de ressources sur le plan de la gestion — qui sont nécessaires pour faire avancer de tels projets. Ces projets, même s'ils sont de faible envergure, comme tous les CLSC à leur départ, posent, malgré tout, particulièrement à ce moment-là, des problèmes très considérables, qu'ils s'agisse de problèmes matériels, administratifs ou budgétaires, si l'on veut. Mais ce n'est pas en les décrivant de cette façon qu'on en minimise nécessairement la difficulté et la portée pour un groupe de personnes qui, finalement, à part le directeur général, sont des bénévoles, des gens qui ont d'autres occupations, d'autres intérêts et qui n'ont qu'un temps limité à consacrer à ce genre de choses qui sont des pierres d'achoppement, effectivement, qui l'ont été dans le passé et qui vont continuer à l'être dans tout projet nouveau.

Donc, cette réorientation, elle a effectivement eu lieu. Elle a été faite, je pense, avec une large mesure d'assentiment des groupes impliqués, bien sûr, quand il est question de poursuivre à la fois plusieurs objectifs, comme c'est le cas dans la Loi sur les services de santé et des services sociaux, la pondération ou l'importance relative des différents objectifs varie selon les observateurs. Il est inévitable que certaines personnes fassent de la participation leur préoccupation première. Mais, encore une fois, cette accélération du processus d'implantation, cet encadrement ne diminue pas l'importance de la participation à notre point de vue, elle la place dans un contexte où elle est plus susceptible de profiter à l'utilisateur et à l'ensem- ble de la population. M. le Président, je me limiterai, pour le moment, à des remarques générales.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, je retiens de l'intervention du ministre qu'il a parlé, dans la justification de cette réorientation — et là-dessus j'aimerais l'inviter à la clarifier, pour l'information des membres de la commission — de ce tâtonnement, c'est le mot qu'il a employé, dans la naissance des CLSC, dans leur établissement, et qui l'a incité à procéder à cette réorientation.

Je lui pose la question: Qu'est-ce que ce tâtonnement? Et je pose immédiatement une question subsidiaire: Est-ce que ce tâtonnement n'est pas inévitable, en quelque sorte lorsqu'on remet — et c'est l'esprit de la loi — à des gens inhabitués et jamais invités ailleurs que, peut-être, dans ces organismes à gérer des choses collectives entre eux? Est-ce que tous ceux qui n'ont pas oeuvré, à un moment donné, dans un secteur communautaire — je pourrais avoir en témoignage nombre de gens qui sont aujourd'hui militants des CLSC — n'ont pas connu la lente évolution et le respect absolu que nous devons à l'animation des citoyens?

Il est bien entendu que ce tâtonnement, à mon esprit à moi, est inévitable. Qu'il devienne coûteux, à la longue, cela se peut. Que ça oblige, à l'occasion, à des gestes pour le rendre moins coûteux, c'est possible également. Mais qu'on parle d'un encadrement plus rigoureux en vue peut-être de réduire à presque rien ce tâtonnement, je dis que c'est manquer gravement à cet effort que nous avons souhaité de la participation populaire. C'est long, ça prend du temps, chacun vient avec son expérience du milieu d'où il a été arraché. Certains groupes, d'ailleurs, oeuvrant sur le terrain — je peux citer le quartier que je connais le mieux, le mien — ont même eu, à l'occasion, dans la pratique passée, la possibilité de développer des rivalités. Il y a des oeuvres bénévoles qui sont à ce point rivales quant au partage du territoire, au genre de d'oeuvres qu'elles doivent créer, certaines reprochant à l'autre de se réserver les oeuvres les plus le "fun" à accomplir et déplorant qu'on ne leur laisse à elles que les tâches ingrates de soins à domicile, par exemple, de choses comme ça. Tout cela fait partie de la vie réelle du milieu et je ne pense pas que nous ayons voté cette loi pour leur dire: Maintenant, vous allez fonctionner avec la rapidité rigoureuse d'un fonctionnaire du ministère des Affaires sociales. Personne ne l'a espéré, je ne l'espère pas et je crois que les fonctionnaires non plus n'ont pas à l'espérer.

Enfin, je sais bien que le ministre peut me dire qu'il y a toujours des responsabilités à prendre quelque part. Mais il y a des endroits où on décourage, à force d'encadrer le tâtonnement inévitable, je reprends l'expression du ministre, on décourage la participation populaire. On arrache les gens d'une faible scolarité, habitués à travailler de sept heures du matin à cinq heures du soir à faible revenu, on les incite à venir quelque part. Il est

bien évident que ça va aller très lentement. Je pense que, je pensais en tout cas, moi, que la structure, telle que nous l'avions votée, par 65, par 41 et par les règlements qui ont été subséquemment modifiés également, s'ajoutait à cette souplesse au lieu d'essayer de la combattre.

Enfin, je suis très critique à cet égard, mettons cela comme cela.

M. Forget: M. le Président, j'aimerais brièvement apporter un commentaire là-dessus, parce que je pense que c'est assez important de bien saisir que les CLSC ne sont pas principalement un véhicule d'éducation populaire. Je crois que c'est une affirmation sur laquelle on peut s'entendre. Maintenant il y a certaines formes de participation qui peuvent, loin d'être un encouragement, être un découragement. Il y a quand même une certaine honnêteté à respecter dans la participation. Je crois qu'il faut éviter de dire aux gens que, dans le fond des choses qui sont très connues, qui ont été expérimentées, qui sont essayées, on ne les connaît pas, qu'on les ignore et qu'il faut repartir à zéro. C'est un peu s'inscrire en marge de tout le développement de la civilisation que de dire aux gens, sous prétexte de participation à la limite: Voici telle ou telle chose qui est bien connue, tel ou tel programme qui a été expérimenté de nombreuses fois; on va faire comme si on ne l'avait jamais fait et comme s'il fallait le réinventer.

Par exemple, s'il est question, dans un quartier où il y a beaucoup de jeunes familles, de mettre sur pied un programme de santé maternelle et infantile, je crois qu'il serait un peu factice de pousser la participation jusqu'au point de vouloir faire imaginer par la population, par des gens qui souvent n'ont aucune espèce de formation ou d'expérience dans ces secteurs un programme de santé maternelle et infantile. Mais si effectivement dans la population d'un district ou d'un quartier, on s'intéresse à ces problèmes en fonction des besoins du milieu, des besoins qui sont faciles à identifier, et ce sont les besoins des familles qui ont des enfants, on peut leur indiquer assez facilement quel genre de programmes existent dans ce secteur, quel genre de ressources sont nécessaires, sans les obliger à un exercice intellectuel pour lequel ils ne sont pas préparés. Cela s'avérera peut-être une déception si on essaie de substituer, aux leçons de l'expérience, un capital intellectuel accumulé par des générations qui nous ont précédés. C'est un processus de décision collective qui risque d'être très frustrant et qui risque d'éloigner et qui éloigne peut-être déjà d'organismes de participation des gens qui n'ont pas de patience pour ce genre d'exercice intellectuel qui tourne un peu à vide. Cela ne veut pas dire que l'opportunité du choix entre un programme de santé maternelle et infantile, versus un programme orienté vers une autre clientèle comme l'aide aux personnes âgées, ne soit pas une chose qui soit éminemment sujette à consultation, à la participation du public, à l'évaluation de l'importance relative de deux types d'activité.

Mais je pense qu'à un moment donné il faut savoir s'arrêter et se dire: Bien, écoutez, on n'es- saiera pas de réinventer un programme de dépistage de maladies infectieuses chez les enfants; il y a des gens qui savent le faire. Je crois que les expériences originales de participation dans le secteur ont parfois été assez ambitieuses pour remettre en question des choses qui dans le fond sont tranchées sur un plan professionnel et qui le sont de façon satisfaisante. Du moins, si on doit les remettre en question, ce sera sur un plan professionnel, sur le plan de leur efficacité à résoudre des problèmes bien identifiés et pas dans un contexte de participation plus générale.

Et c'est un peu l'effort qui est fait de déterminer un certain nombre de modules dans les programmes entre lesquels des choix pourront s'exercer, à la lumière des ressources disponibles. Evidemment, on ne peut pas tout faire, mais il faut contenir cela dans des limites qui soient acceptables et qui en soi ne constituent pas une invitation à des décisions que, dans le fond, la plupart des gens raisonnables jugent mieux traitées dans un contexte plus professionnel. Cela peut très bien décourager des tas de gens à participer pour remettre encore une fois en question des choses qu'ils ne se sentent pas compétents de remettre en question.

Alors, c'est certainement une des préoccupations qui nous animent.

Je crois qu'il y a eu, au départ, peut-être un certain excès d'optimisme dans la capacité de créer, à partir de zéro, des programmes. Et, quand on parle d'opérationnaliser, il faut s'entendre. Il y a au moins deux concepts d'opérationnalisation.

Il y en a un qui est de la nature, justement, de la conception des programmes sur un plan technique et professionnel. L'autre est beaucoup plus concret, beaucoup plus orienté vers des choix en fonction des besoins du milieu. Là-dessus, il devrait y avoir une place maximale pour tenir compte des besoins qui sont évidemment différents, des besoins d'un district dans la région de Québec ou dans la région du Saguenay, et ceux du centre-ville, évidemment, sont très différents. La participation est un des moyens pour nous permettre de mesurer cette variation et d'en tenir compte surtout, parce que la mesure pourra aussi être une question technique, mais il y a toujours une pondération qui, elle, ne l'est pas.

Dans un contexte où les ressources sont limitées, seulement par une consultation populaire est-il possible de voir quelle est l'importance relative qu'il faut finalement accorder à deux catégories ou deux séries de préoccupations également valables sur un plan théorique.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, le ministre avait bien raison de dire que nous pouvons être sur des longueurs parallèles qui jamais ne s'entrecouperont. Je pense que là on est sur l'une d'elles car sa logique à lui, M. le Président, dans la sienne, se tient. La façon dont il aborde la question, je ne la qualifierai pas, a une certaine logique, c'est celle qui règne actuellement. Il a parfaitement raison de

la défendre, c'est celle qui est dans le texte à partir duquel j'ai soulevé cette discussion.

Elle dit que les citoyens, s'ils devaient participer à partir de zéro, si on leur remettait intégralement, autrement dit, la création du monde comme si le capital intellectuel accumulé n'existait pas, trouveraient l'expérience extraordinairement frustrante. Cela les découragerait de participer, d'où encadrement nécessaire, si j'ai bien compris la logique du raisonnement du ministre.

Moi, je crois qu'il y a autre chose, tout en étant d'accord avec une bonne partie de l'affirmation. C'est bien évident que si on convoquait des gens sans leur remettre un tant soit peu de ce que nous pouvons posséder comme expérience ailleurs, en disant: Vous partez de but en blanc, vous avez l'univers à recréer, c'est bien évident, dis-je, que ce serait une expérience extraordinairement frustrante où toutes les contorsions de l'âme humaine auraient l'occasion de se prononcer et de se jouer les unes contre les autres.

Mais, je ne crois pas, M. le Président, avoir soutenu la table rase dans la discussion depuis le début. Je n'ai pas prétendu — je ne voterais jamais d'ailleurs en ce sens — nous remettre dans une telle situation de spontanéité créatrice qui risquerait de faire que certains progrès, ne serait-ce que de la science technique, de la science médicale, se trouveraient à l'écart des citoyens parce qu'on n'a pas cru bon leur remettre cette information entre les mains alors que cela pouvait les toucher.

Je ne dis pas non plus que le ministre a prétendu que c'est ce que j'affirmais, mais je tiens à le dire plus clairement. Moi, je crois que, parmi les autres raisons il y a une raison autrement dit fondamentale autre que celle que le ministre a signalée, qui peut occasionner le découragement, et c'est celle que tout être humain intelligent doté d'un quotient intellectuel moyen a, je pense, le sens des responsabilités.

Quand on ne se sent pas responsable, quand on se sent manipulé, quand on se sent un pion, quand on se sent inutile, qu'on n'est là que pour le décor et que pour la façade, il n'y a rien de plus frustrant non plus. Il n'y a rien de plus pénible à endurer; il n'y a rien non plus, disons-le, ce n'est pas souvent qu'on a ce genre de discussion, de plus dévalorisant pour la personne humaine. Dans ce sens, puis-je pour une dernière fois faire appel à mon expérience au milieu de l'éducation, M. le Président?

J'ai eu à travailler longtemps dans ce domaine avec des comités de parents. Si les parents se désintéressent des comités d'école, ce n'est pas parce qu'ils se désintéressent de l'éducation de leurs enfants, c'est parce qu'ils se désintéressent des comités d'école. J'en ai vu des milliers.

Ils sont réunis dans des fédérations qui parlent en leur nom, d'ailleurs, soucieux de l'éducation de leurs enfants, mais qui ne croient aucunement à un comité d'école où ils ne sont pas responsables, où on les convoque pour être mis en face de décisions et responsabilités auxquelles ils voudraient prendre part mais dont ils sont écartés.

Quand je soutiens que l'esprit premier, avant cette réorientation des CLSC, m'apparaissait plus convenable, c'est que je crois que dans l'esprit où nous l'avions voté et dans l'implantation difficile — personne n'en doutera, personne d'ailleurs n'avait affirmé que ce ne serait pas difficile — il n'y a pas eu tâtonnement, mais... à travers des gens qui découvraient alors le sens des responsabilités.

C'est bien évident que chacune des manies, des toquades, je dirais des marottes de chacun, avait l'occasion de s'exprimer, pouvait, dans un système absolument froid et rationnel comme celui qu'on essaie d'établir, apparaître comme l'anathème et l'antéchrist, mais cela constituait certainement une première explosion de volonté populaire un tant soit peu incarnée et qui, encore une fois, ne faisait pas appel à la table rase et qui ne faisait pas fi du capital intellectuel accumulé, mais qui en faisait son apprentissage et qui en ce sens, méritait le respect.

Je ne pense pas, je n'ai pas vu de citoyen que j'ai eu à côtoyer, qui oeuvrait dans le CLSC, en guerre contre certaines politiques de prévention de mortalité infantile, par exemple, qu'on puisse faire. Tout le monde apprécie le développement de la science à combattre ce fléau, personne ne veut l'écarter de sa région ou de son quartier et tout le monde le moindre parent, avec la moindre scolarité possible est prêt à faire confiance à ce que le ministre appelle, dans sa gentille formule, le capital intellectuel accumulé.

Ce capital intellectuel accumulé devient une masse déposée sur la table à partir de laquelle rayonne une espèce de mystère et de chasse gardée et présentée un peu comme une vache sacrée à des citoyens qui, jamais de leur existence, n'ont eu l'occasion de s'en approcher un tant soit peu, de ce capital intellectuel accumulé de notre société. Et on le représente à nouveau, comme on leur a présenté tout au long de leur vie, cette chose comme étant la chasse gardée d'intellectuels et de connaisseurs, mais pour eux, ne subsiste que l'évaluation des besoins du milieu. On puisera, après ça, à partir du capital intellectuel accumulé pour les soigner, ces besoins ou les guérir, ou leur répondre, je dis que c'est là qu'on obtient la frustration déjà perceptible au niveau de certains milieux. Il y a eu au cours de l'année — peut-être la direction générale possède-t-elle des statistiques encore plus éloquentes que les miennes qui ne sont faites qu'à partir d'informations pigées à la pièce — bon nombre de démissions au niveau des participants populaires aux conseils d'administration. Certaines se sont exprimées, se sont claironnées dans les journaux de façon spectaculaire avec parfois explosion verbale. Mais dans d'autres cas, ç'a été une résignation tacite, mais qui répondait très certainement à une frustration très grande. Dieu merci, je ne crois pas qu'il y en ait eu encore dans le quartier que je représente, parce qu'il s'agit là de gens bien oeuvres, déjà bien habitués à des frustrations et parfois, bien obligés de contourner certains aspects du capital intellectuel accumulé pour pouvoir se débrouiller par eux-mêmes.

Mais notre objectif n'était pas de faire que des gens ne se découragent pas. Notre objectif était de faire que des gens s'y encouragent à y partici-

per, à y oeuvrer. Je crois — je l'affirme encore une fois sans grimper dans les rideaux, mais avec la conviction de parler à partir d'une conception très ferme que j'ai là-dessus — que cet encadrement professionnel minimal, plus rigoureux, ne m'appa-raît pas être le facteur le mieux venu actuellement pour établir et favoriser le sens des responsabilités que nous espérions que les citoyens y trouvent. En tout cas, sur cet apect particulier du problème, M. le Président, je peux inviter mes collègues à rajouter leur expérience propre, mais j'aborderai le même problème sous un autre angle quand vous m'y convoquerez.

M. Forget: M. le Président, très brièvement, il est clair qu'au-delà des simples abstractions dont on faisait état au départ, ces préoccupations rejoignent sur le plan émotif les individus, sur le plan de leurs réactions et de leur rôle. C'est en effet au-delà de ces abstractions qu'il y a une réalité avec laquelle il faut compter. Le rôle du ministère n'est pas seulement de créer un réseau de CLSC, quelque important que soit ce développement, étant donné son caractère normatif. Son rôle est de trouver les moyens, par cette création d'un réseau de CLSC, de modifier dans une certaine mesure, un certain nombre de comportements et de façons d'être qui ont pu dans le passé créer des problèmes sur le plan de la santé dans le sens très large du mot, de la population.

Il est clair que cette transformation, cette innovation ne pourra se faire que dans un certain climat de complémentarité, de rapport et de respect mutuel entre ceux qui incarnent le capital intellectuel accumulé, ceux qui incarnent, par leur formation, par leur travail, les connaissances professionnelles et techniques qui sont un acquis, qui sont un fait, et ceux qui, par des préoccupations plus sociales, veulent obtenir une certaine ouverture d'un système qui, très certainement dans le passé, a souvent été fermé sur lui-même, souvent centré sur ses préoccupations professionnelles, au détriment, dans certains cas, de considérations plus générales dans leur intérêt.

Mais on ne pourra obtenir cet effet sur les centres hospitaliers, pour ne citer qu'eux, mais la même chose est vraie des centres d'accueil, la même chose est vraie des centres de services sociaux, que s'il nous est possible de maintenir une certaine complémentarité entre le rôle propre de ce qui est le plus professionnalisé, si vous voulez, dans l'ensemble du réseau des affaires sociales, et des éléments nouveaux qui, justement parce qu'ils ne sont pas professionnalisés, peuvent forcer, à la longue, une certaine ouverture des services de santé et des services sociaux vers le monde extérieur plutôt de se concentrer sur soi-même, comme cela a parfois été le cas. Ce rôle implique pour les établissements traditionnels de notre réseau, un effort particulier, auquel d'ailleurs un certain nombre se sont montrés susceptibles d'adhérer sans trop de difficulté, mais il suppose également certaines contraintes du côté des CLSC. Autrement, ce que nous aurons, ce n'est pas un réseau intégré d'établissements ayant différents rôles, ayant des rapports les uns avec les autres, mais ce sera un réseau parallèle, sans communications, un réseau, par la force des choses, par la forces des budgets, par la force du personnel, qui continuera dans le style plus traditionnel et un réseau indépendant, peut-être marginalisé, où on aurait laissé libre cours à un idéal d'organisation communautaire qui peut se retrouver dans un monde idéal où personne ne se sent menacé, où tout le monde est ouvert à 100% à toutes sortes d'expérimentations. Ce pourrait peut-être être un idéal, mais ce n'est pas dans ce monde que nous vivons, et si nous voulons faire évoluer les services de santé et les services sociaux de manière que, précisément, la priorité numéro 1 dans leur activité devienne les besoins de la population dans leur priorité véritable plutôt que par l'intérêt qu'elle représente sur le plan professionnel — Dieu sait que c'est un problème — il faut qu'il y ait des ponts entre ce qui est le plus traditionnel et ce qui est le plus innovateur. Des ponts qui sont nécessairement ressentis comme des contraintes, qui sont ressentis parfois avec impatience comme étant des contraintes, mais le rôle du ministère est justement de maintenir ces ponts et donc d'imposer, dans une certaine mesure, des contraintes pour que cette complémentarité, ce dialogue devienne une réalité vécue.

Il serait trop facile de procéder par morceaux détachés, de satisfaire une certaine clientèle dans le sens très large du mot, par un réseau qui lui fait plaisir et correspond à ses ambitions sur le plan professionnel et autrement, et d'entretenir également un autre réseau qui, lui-même, aurait sa propre clientèle.

Je crois que le rôle du gouvernement, s'il a un rôle à jouer sur le plan global de conception et de gestion d'un réseau d'établissement ayant des fonctions propres, ayant des orientations qui sont distinctives, c'est précisément de faire sentir certaines contraintes qui sont la contrepartie, en quelque sorte, de ce qui est demandé aux autres éléments du réseau, et une condition essentielle pour qu'ils apprennent à vivre ensemble et à se compléter les uns les autres.

C'est un équilibre qui sera toujours difficile à maintenir. Je pense que l'élément nouveau, c'est qu'on injecte dans un secteur immense de notre activité collective, un élément qui n'existait pas dans le système traditionnel, mais qui est particulièrement fortement représenté au niveau local, mais qui n'est pas absent non plus, je devrais le faire remarquer, par la participation au conseil d'administration, plutôt que par des comités consultatifs, comme c'est le cas dans un autre secteur, qui est présent au conseil d'administration, un élément de participation, de préoccupation des besoins, tel que ressentis par l'usager.

C'est une formule qui suppose — et ceci, peut-être, en terminant — un intérêt. Il est presque tabou de parler, surtout à notre époque, d'une absence de motivation et d'une absence d'intérêt.

Cependant, il ne faut pas être trop idéaliste non plus. Je pense qu'il y a une chose qui s'appelle l'absence d'intérêt et l'absence de motivation à une participation, que ce soit au comité d'école vis-à-vis de l'éducation des enfants, que ce soit

dans nos établissements vis-à-vis de l'état de santé de la population.

Ce serait se faire des illusions que de présumer que la capacité, la volonté est là, et que ce ne sont que des obstacles administratifs et légaux, ou juridictionnels qui en empêchent l'expression.

Ce sont également ces préoccupations d'intérêt de la population, à ses affaires à elle, ce sont également des choses qu'il faut développer, qu'on ne peut pas prendre pour acquises. Je crois que le développement institutionnel, le développement au point de vue administratif et autres, peut accompagner un développement sur le plan de l'intérêt et de la motivation. Il ne peut absolument pas le précéder.

Je crois que c'est un développement qui doit se faire à peu près au même rythme des deux côtés. Au départ, ce que nous avons présumé, c'est que, peut-être, il y avait un potentiel non exprimé, beaucoup plus considérable qu'il ne s'est avéré de fait, lorsque l'on considère, par exemple, la participation aux réunions, surtout dans certains quartiers, dans certains districts, qui n'a pas la vigueur et la force, même au départ, de ce qu'on pourrait souhaiter, lorsque l'on considère la participation, au processus électoral dans les établissements.

Il est évident qu'il y a là des possibilités qui existent et l'apparition des possibilités n'a pas fait apparaître nécessairement le phénomène de participation, dans tous les cas.

Donc, il y a une éducation à faire, un intéressement progressif à réaliser.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Taschereau.

M. Bonnier: M. le Président, je pense que la discussion que nous avons pourrait être fort longue, parce qu'elle implique une foule de principes qui se réfèrent à l'organisation communautaire, qui se réfèrent également au rôle de l'Etat, en relation avec les citoyens.

C'est sûr que la véritable combinaison des deux est toujours à rechercher. Cependant, il me semble que, lorsqu'on centre la discussion sur le rôle du directeur général, tel qu'énoncé dans le texte, peut-être le prend-on comme étant un exemple d'une certaine volonté.

Moi, je pense qu'il faudrait également regarder l'ensemble de l'opération bilan qui va faire son rapport en juin, je suppose, ou en juillet, pour qu'on sache exactement ce qu'est un CLSC.

Je pense que l'ambiguïté de la définition même de la vocation, du rôle d'un CLSC dans un milieu a eu comme conséquence, évidemment, que les gens s'en sont plus ou moins approchés.

Il y a des gens qui s'en sont approchés parce qu'il y a des gens qui s'occupent à peu près de tout, mais qui, après cela, se sont dit: On fait quoi exactement? On ne le savait pas. Je pense bien que, lorsque le député de Saint-Jacques fait un parallèle avec les comités d'écoles, c'est un peu la même chose.

Les comités d'école ne fonctionnent pas parce que les parents, dans un bon nombre de cas, ne comprennent pas ce qui se passe à l'école.

Ils se disent: Le comité d'école, quand même nous y allons, on se fait dire ce qui se passe, on se fait informer, mais on n'est pas capable d'orienter cette grosse machine qui s'appelle l'éducation.

Lorsque les études de la commission Castonguay-Nepveu ont abouti, après plusieurs années, à la suggestion de l'établissement de CLSC, ce qu'on voulait, c'était de déconcentrer l'administration d'un certain nombre de services et, également, d'essayer de rapprocher ce type de services à des besoins réels d'une population.

Les deux y étaient. Peut-être qu'à ce moment-là, lorsqu'on aura mieux défini le rôle du CLSC, on pourra peut-être davantage préciser le rôle du directeur général. Cela me semble un peu prématuré de le définir immédiatement. Je pense qu'il va se préciser, du moment qu'on va préciser la vocation. Si c'est vrai — c'est un fait, je pense bien — que l'intégration et la participation communautaire des gens, ce n'est pas un mouvement naturel pour la majorité des gens, c'est fort possible, je pense que c'est vrai qu'il va falloir faire de l'éducation. C'est peut-être vrai aussi qu'il ne faudrait peut-être pas essayer d'implanter des CLSC partout.

Il faudra procéder par essais, et voir où cela réussit, pourquoi cela réussit, dans quel sens que cela réussit. On ne peut pas dire que la formule n'est pas bonne, je pense que la formule est bonne, mais elle a peut-être été... C'est un peu comme si on faisait un parallèle dans le domaine scolaire, où on a peut-être été un peu rapidement, dans certains cas, je pense à l'Opération 55 où les parents assistaient.

J'ai assisté à une foule de réunions où on nous envoyait par la tête des statistiques qui venaient du ministère, qui n'avaient pas été digérées du tout par les gens et cela été implanté comme cela: Après cela, on se surprend que les gens n'y adhèrent pas.

Je pense que peut-être les CLSC, sans le vouloir, ont fait un peu la même erreur et que, lorsqu'on aura mieux défini le CLSC dans certains milieux, on pourra, avec les gens du milieu, essayer de voir jusqu'à quel point cela correspond à un besoin, jusqu'à quel point leur participation est nécessaire.

A partir de ce moment-là, je pense que le rôle même du directeur général va se préciser et sans doute qu'il faudra maintenir un lien avec le ministère de l'Education, mais je pense que, si on veut vraiment que les gens du milieu soient un tant soit peu responsables de l'orientation du CLSC, il va falloir qu'ils aient une responsabilité quant à l'orientation, la définition des besoins, je pense bien, mais aussi quant à la mise sur pied et la responsabilité de contrôle de ces services qui seraient donnés, du moins quant à l'évaluation de leur importance et de leur efficacité.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre. Le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Personnellement, j'étais ici lors de l'étude de cette loi. Il me semblait, lors de ces études, qu'il était tout à fait évident que la fondation et l'établissement des CLSC, dans diffé-

rentes parties de la province, ne se ferait pas si aisément qu'on semblait le croire dans le temps.

On parle de définitions du CLSC. Je crois que définir un CLSC, c'est tellement difficile, qu'il faut certainement le décrire dans des termes très généraux, pour la bonne raison que, pour en donner une définition précise d'un CLSC donné, il faudrait nécessairement connaître quels sont les besoins, non seulement de l'ensemble de la province, mais de chaque secteur, de chaque paroisse et bien souvent, de chaque ville.

Un CLSC peut être utile en rendant un service donné à un endroit donné et absolument impuissant à donner le même service... Ce même service peut être inutile, dans un autre endroit donné.

M. Bonnier: Ce n'est pas la définition, c'est l'évaluation des besoins.

M. Saint-Germain: Si vous voulez. Mais comme je le dis, il en reste que ce n'est pas la définition. Comment voulez-vous définir ce qu'est un CLSC dans des termes très précis? Ce sont toujours des définitions tellement générales qu'on peut y inclure à peu près n'importe quoi.

Je pense qu'il y aura un parallèle à faire entre l'établissement de CLSC et la fondation de certaines coopératives, des caisses populaires en particulier. Les caisses populaires, à mon avis, sont le résultat d'un besoin du milieu. Il y a eu un homme, à un moment donné, qui a étudié le service que pouvaient rendre les caisses populaires dans le détail, un homme du peuple et un homme qui connaissait bien les besoins précis de la province et d'une façon extrêmement spécifique. C'était une question de finance. Ce n'était pas général comme le CLSC, les services qui devaient être rendus par les caisses, on pouvait réellement les définir, on pouvait réellement établir le pourquoi d'une caisse, ses obligations vis-à-vis du public, le service qu'elle pouvait rendre. On a été assez intelligent et assez observateur pour canaliser la bonne volonté de la population qui existe aujourd'hui comme elle existait dans le temps, mais on a été assez fin, assez humain, on connaissait très bien le milieu et on a pu canaliser les énergies et la bonne volonté de chacun. Tout cela s'est fait avec quoi? Avec les années, avec les décennies.

Les caisses populaires n'ont pas joué un rôle important au point de vue économique, si vous voulez, peut-être jusqu'à il y a dix ans. Même aujourd'hui, on commence à prévoir jusqu'à quel point elles peuvent devenir puissantes si elles continuent cette évolution toujours en condor-dance avec les besoins de la population. Vous arrivez avec un CLSC, c'est tout à fait nouveau. On parle d'éducation. La commission scolaire dans la province de Québec a une tradition vieille d'au-delà d'un siècle probablement. Comme députés, ceux qui ont été commissaires ont tous eu des expériences personnelles dans le milieu qu'on représente. On a toujours eu de la difficulté à intéresser les gens à leur commission scolaire. C'est le même phénomène aujourd'hui. Les gens ne vont pas voter, les gens ne s'intéressent pas. Personne n'assiste aux assemblées. On a essayé avec nos lois d'atteindre les gens. Qu'est-ce que vous voulez? Lorsque les gens, comme on l'a si bien dit, se sentent impuissants à changer quoi que ce soit, lorsqu'on connaît les structures scolaires, l'omniprésence du ministère de l'Education, la responsabilité bien définie des commissaires, les contrats de travail des professeurs, ainsi de suite, les gens vont là et disent: C'est très intéressant, mais qu'est-ce qu'on peut faire pour changer l'évolution? Ils sont un peu perdus. C'est un peu un labyrinthe pour eux.

Le CLSC, c'est un peu la même chose. C'est tellement vaste. Comme je vous le dis, chez les citoyens en général, cette bonne volonté existe, mais on ne peut pas éviter qu'un vendeur d'assurance, par exemple, se serve du CLSC pour faire du contact public. On ne peut pas éviter qu'un partisan de l'extrême-gauche ou de n'importe quelle théorie politique, soit-il du Parti libéral, du Parti québécois ou de quoi que ce soit, veuille participer et essayer de se servir d'un CLSC pour imposer sa théorie. C'est normal. C'est cela l'humain.

On ne pourra jamais avoir un cours universitaire ou un cours qui se donnerait à des hommes en disant qu'on forme un directeur par des cours. Je pense que ce n'est même pas assez limité. Quelle doit être la formation première d'un directeur, quelles que soient sa formation et ses connaissances? C'est la connaissance profonde du milieu, et pas du milieu général et nécessairement de la province de Québec, mais du quartier qu'il veut servir. Ce directeur va apprendre comment? Comme tous les fonctionnaires, comme nous d'ailleurs. Comment va-t-on apprendre à diriger un CLSC? Dans l'action, dans l'expérience. Il n'y aura jamais d'autres sortes de cours qui pourront se donner. Le directeur et ceux qui sont responsables du CLSC, il faut absolument qu'ils aient et conservent la confiance et le respect du milieu. Ces gens doivent être choisis avec justesse, quels que soient les gens qui vont les choisir. Si vous manquez votre coup au départ d'un CLSC, vous faites bien plus de dommage que vous ne faites de bien, parce que, tout de suite, il y a des préjugés contre les CLSC qui s'établissent et qui peuvent durer.

Les professionnels, que ce soient des médecins, des sociologues, des psychiatres, des psychologues ou ce que vous voulez, ne sont pas habitués à travailler dans un milieu comme le CLSC. C'est tout à fait nouveau. C'est un tout autre contexte. Pas plus que les gens du milieu sont habitués à travailler avec leurs professionnels; on est habitué dans le milieu à demander un service aux professionnels. On n'est pas habitué à travailler en coopération avec lui. Je vous dis, en toute sincérité, que j'ai beaucoup de sympathie pour ceux qui, comme fonctionnaires, vont essayer d'établir les CLSC et d'avoir des CLSC efficaces, parce qu'ils n'ont pas fini. Le débat n'est pas terminé. Cela durera, cela va durer pendant dix ans et cela va encore durer dans vingt ans. Il n'est absolument pas certain que cette loi sera simplement inopérante, qu'elle aura peut-être simplement concouru à y perdre des millions et, si vous voulez, à rebuter les gens qui auront travaillé d'une

façon désintéressée dans les CLSC. Il y a des gens qui voudront travailler d'une façon absolue dans les CLSC et qui vont être tellement déçus qu'ils vont s'en aller chacun chez soi et qu'ils ne voudront jamais plus entendre parler de vie communautaire.

Qu'on ne se scandalise pas que les règlements vont changer. Ils vont changer. Même la loi va changer. On va en entendre parler, comme législateurs pendant des décennies parce qu'à mon avis, ceux qui ont conçu le CLSC, c'était des gens très bien intentionnés, mais qui n'ont jamais évalué la tâche qu'ils se donnaient et la responsabilité qu'ils se donnaient, parce qu'on aurait pu commencer cette chose d'une tout autre façon qu'on ne l'a fait avec le bill 65. On a essayé... Vous avez les hôpitaux qui jouent dans notre milieu, depuis des décennies, un rôle de base. On n'est pas capable d'intéresser les gens à s'occuper de leur hôpital. Qu'est-ce que vous voulez? Chez nous, je pourrais vous nommer un hôpital où il y a beaucoup de dames patronnesses qui travaillent et où il y a beaucoup de services bénévoles. A ma grande surprise, s'il y a une assemblée pour élire les directeurs, il y a treize personnes. C'est inimaginable. Je ne crois pas qu'on doive blâmer les gens parce que je crois que les gens sont prêts à voir leur action et leur bonne volonté canalisées de façon à travailler dans un but donné. Seulement, ce n'est pas facile à faire. Ce n'est pas facile à chaque hôpital ou à chaque commission scolaire ou à chaque CLSC. Cela prend des hommes. Un directeur de CLSC, à mon avis, devrait être un être humain, un homme patient qui comprend les gens. Où allez-vous trouver ces gars-là?

Peut-être qu'on aurait dû simplement miser... Parce que des CLSC, avant la loi, il en existait. Il y avait tout de même des coopératives ou des mouvements localisés qui étaient efficaces. Peut-être qu'on aurait dû simplement aider ces gens, essayer de leur donner certains corps, toujours en respectant leur autonomie et leur capacité de décision, et essayer de bâtir peut-être là-dessus pour en arriver dans dix, quinze ou vingt ans de travail à fonder réellement un CLSC. Je ne le sais pas. Enfin, j'ai peut-être été trop long, mais quant à moi, je suis bien prêt à écouter parler de CLSC, parce que je sais pertinemment que, tant que je serai député, je vais en entendre parler. Le ministre qui va en être responsable va en entendre parler. Cela ne sera jamais un cadeau pour le ministre et cela ne sera jamais un cadeau pour qui que ce soit qui s'occupera des CLSC. Les problèmes seront éternels, du moins pour les prochaines années.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Autre question au programme 4?

M. Charron: Oui, M. le Président. Avant l'excellente intervention du député de Jacques-Cartier, le ministre avait conclu — je vais immédiatement enchaîner avec une question — en faisant mention de l'importance que le système CLSC, appelons le comme cela pour les fins de la discussion, soit intégré à l'ensemble du réseau, et non pas qu'il soit un réseau parallèle à des fins bien particulières pour ceux que cela intéresserait.

Il a, à ce moment — ce que j'endosse également — fait état de contraintes auxquelles le système CLSC devrait lui-même se soumettre, puisqu'il a l'intention de le garder membre d'un réseau entier, contraintes qu'il a comparées à celles que les autres membres du réseau ont dû s'imposer pour l'existence des CLSC disant: Vivant tous dans la même famille, autrement dit, dans ce réseau de services sociaux et de santé communautaire, nous sommes à étudier l'ensemble des crédits, ce sont des contraintes pour des contraintes.

J'aimerais amener le ministre à préciser ce que, selon lui, ont été les contraintes imposées aux autres partenaires du réseau social, par l'arrivée des CLSC. Autrement dit, les autres membres du réseau ont été affectés, dans leur existence antérieure, jusque-là traditionnelle, par l'arrivée des CLSC. Peut-il identifier ce que cela a signifié pour eux?

J'enchaîne immédiatement, M. le Président, parce que je vois que le temps passe, à l'autre facette dont je voulais parler, II y a eu, effectivement, à mon avis, des contraintes. Les CLSC ont beaucoup de difficultés, comme le disait mon voisin, mais ils ont aussi beaucoup d'ennemis. Les uns alliés aux autres, c'est-à-dire les difficultés naturelles d'implantation d'un pareil système avec ceux pour qui ils se trouvaient à créer de sérieuses contraintes par leur arrivée, ont fait que le sujet est certainement à l'ordre du jour pour plusieurs réunions de la commission des affaires sociales.

Par contre, les autres membres du réseau social ont réagi à ces contraintes, à mon avis et, parfois, avec l'aide du ministère des Affaires sociales, toujours dans sa philosophie de maintenir le réseau parfaitement intégré. J'en nomme deux: les médecins directement touchés par l'arrivée de cette médecine un peu particulière... Dans un partage, ils n'ont plus des donneurs de service, comme nous le disait le député de Jacques-Cartier, mais des coparticipants désormais. Ils ont eu des réactions très professionnelles, parfois qui frisaient la chasse gardée, à d'autres occasions inquiétantes quant à leur statut professionnel, inquiétudes légitimes à d'autres occasions. Mais, peu importe, ils ont donné l'occasion, par exemple, de développer des réseaux de polycliniques privées, extrêmement bien munies, bien bâties, oeuvrant parfois un peu sur le modèle de nos centres de main-d'oeuvre, face à face, au bord de la rue, Canada-Québec, oeuvrant parfois dans le voisinage immédiat d'un CLSC qui était en voie d'implantation et qui s'efforçait d'établir ce même genre de service.

On dit, à plusieurs endroits, que ces réseaux de polycliniques privées ont bénéficié d'un bon oeil accordant du ministère des Affaires sociales, alors que même vues comme une réaction à des contraintes imposées par l'arrivée des CLSC, on permettait, on tolérait et, à l'occasion, on favorisait l'arrivée de ces polycliniques privées, rivales, à certaines occasions, de services de santé qu'on essayait, de peine et de misère, d'établir dans les centres locaux de services communautaires.

Autre exemple des réactions aux contraintes qu'ont développées les autres partenaires du ré-

seau social, avec l'arrivée des CLSC, cette toute nouvelle initiative que 31 centres hospitaliers du Québec, je crois, comptent maintenant, des centres de santé communautaire. On a vu, dans plusieurs endroits, le développement des centres de santé communautaire, dans les hôpitaux comme une concurrence établie ou en voie de s'établir, mais bénéficiant d'un budget tellement considérable et, surtout, de l'acquis du passé des centres hospitaliers dans la vie sociale des Québécois, comme étant une espèce de grugeur de certains services qu'encore une fois les centres locaux de services communautaires, avec toutes les difficultés qu'ils sont appelés à connaître par leur nature même, se voyaient ajouter.

L'Hôpital Saint-Luc, à Montréal, M. le Président, a un centre de santé communautaire qui développe et était à développer un certain nombre de services, à partir de son propre budget de fonctionnement qui, littéralement, coupaient l'herbe sous le pied aux services que la CLSC, du centre-ville, était à se donner. C'est un fait.

Il a fallu des négociations ardues, entre le directeur du centre hospitalier et celui du CLSC, du centre-ville, pour qu'on en vienne actuellement à une espèce de guerre froide, de statu quo, du genre de la théorie des dominos, qui s'appliquait sur le terrain du centre-ville de Montréal. Jusqu'à telle rue, c'est le centre communautaire, de l'autre côté de telle rue, c'est le CLSC. Tel genre de service, lorsque cela obtient telle ampleur, c'est au CLSC; dès que cela dépasse telle ampleur, cela passe au centre hospitalier et vice versa, à l'occasion. Tel genre de soin était uniquement réservé, par protocole, au centre hospitalier; tel autre genre de soins, uniquement... Tout cela, on l'a vécu à Montréal; on le vit ailleurs. Il y a 31 centres hospitaliers, si mon chiffre est exact, désormais dotés d'un centre de santé communautaire.

Les mauvaises langues ont dit que c'était fait pour littéralement miner le développement des CLSC. Je ne prête pas d'intentions aussi machiavéliques à cela, surtout, lorsque c'est fait avec les mêmes fonds, provenant des mêmes contribuables. Il reste que, dans le développement concret, encore une fois par réaction aux contraintes qu'imposait l'arrivée des CLSC, les autres partenaires du réseau social ont eu leurs propres réactions les médecins, en développant un grand nombre de systèmes de polycliniques et les centres hospitaliers, avec l'aide du ministère des Affaires sociales, en initiant ce centre de santé communautaire. L'occasion est littéralement du duplicata ou, lorsqu'elle ne l'est pas, elle est une entrave au développement libre que nous espérions par la seule décision des conseils d'administration des CLSC, aux genres de services qu'ils veulent implanter dans leur quartier.

Ces deux phénomènes, M. le Président, je pourrais les étayer d'un grand nombre de citations, si le terme en était donné. Ils ont été beaucoup discutés, dans la Presse et, j'imagine, dans les officines du ministère des Affaires sociales, quand à leurs réactions. J'ai signalé ces deux phénomènes, parce que, quand le ministre me disait qu'il fallait que les CLSC comprennent qu'on ne les laissera pas aller, de façon parallèle, mais qu'ils font partie d'un réseau, je dis: Soit, mais ne croyez pas que les autres membres du réseau n'ont pas réagi, eux non plus.

Les exemples que j'ai donnés m'apparaissent comme des faits réels de réactions, dans le bon sens du mot. L'arrivée d'un corps étranger a produit une réaction...

M. Dufour: De rejet.

M. Charron: ... de rejet — je n'espérais pas être aussi abondant — de la part de la classe médicale, d'un côté... C'est un phénomène qui n'est pas sans importance pour les CLSC, car c'est un secret de polichinelle, par exemple, M. le Président, que les médecins, oeuvrant dans les CLSC, ont tout le mal du monde, dans plusieurs endroits du Québec, dans la ville où nous sommes aujourd'hui, à voir leurs patients hospitalisés. Ils ne sont pas les favorisés, quand à l'obtention... Dieu sait comment c'est difficile l'obtention d'un lit d'hôpital. Le partage des patrons dans les hôpitaux, le phénomène bien connu du monopole médical sur les centres hospitaliers québécois est un fait.

L'arrivée, en plus des médecins pratiquants, en cabinet privé, de ces polycliniques à partir desquelles l'espèce de banque de lits que possèdent un certain nombre de patrons, dans les hôpitaux, sont mis à la disposition de la polyclinique, rendent encore plus attrayante la polyclinique plutôt que le CLSC, parce que bons nombre de gens... Cela se dit de bouche à oreille et de canton en canton: Si tu veux te faire soigner et si tu veux avoir une chance d'entrer à l'hôpital rapidement, sans être sur une liste d'attente, va plutôt à la polyclinique qu'au CLSC. Le CLSC est sur la "black list" à l'hôpital. Quand tu es référé par le CLSC, tu vas passer, quand il y aura des lits libres. Cela se dit à partir de faits vécus. C'est ce que j'appelle des réactions aux contraintes qu'imposait l'arrivée des CLSC. C'est pour cela que je pose à nouveau avec ces deux exemples, que j'invite le ministre à commenter, bien sûr, ma première question, M. le Président. Vous avez parlé de contraintes que se sont imposés aussi les partenaires. Décrivez-les donc avec un peu plus d'abondance, parce que nous avons assisté à une réaction à ces contraintes qui nous semblent probablement extrêmement bien efficaces.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre.

M. Forget: M. le Président, je veux le faire volontiers.

Je suis presque tenté de préfacer, cependant, mes remarques, mais je m'abstiendrai de le faire parce que le député de Saint-Jacques a dit qu'il avait un ton modéré. C'est vrai, je lui en sais gré, mais je pense, malgré tout, sans le dire, qu'il nous permettra d'affirmer que... J'ai l'impression, en entendant un peu sa description de ces problèmes, que, quand on n'a pas de problèmes on s'en cherche ou on s'en crée. Dans le sens suivant, c'est

qu'un très grand nombre des exemples ou des illustrations de l'argument qu'il a cité m'apparaissent des développements tout à fait normaux qui ne constituent pas, loin de là, des problèmes nouveaux qu'il faudrait résoudre.

Avant d'en venir à ces illustrations, je vais malgré tout indiquer un certain nombre de contraintes qui font partie de la même séria ou de la même réforme qui touche l'ensemble des services de santé, qui visent les centres hospitaliers, qui ne découlent pas nécessairement comme telles de l'existence des CLSC, mais qui s'inscrivent dans le même contexte. Comme je l'ai indiqué tantôt, une certaine ouverture, plus qu'une certaine ouverture, une ouverture certaine des conseils d'administration à une participation beaucoup plus largement définie que ce n'était le cas dans le passé constitue, sans aucun doute, une contrainte nouvelle sur le fonctionnement des centres qui fait partie du même contexte qui a vu la création des centres hospitaliers.

La loi 48, ceci a d'ailleurs été reconfirmé et précisé dans les amendements adoptés l'automne dernier, introduit le principe du droit de tout médecin à pratiquer dans un centre hospitalier. Bien sur, tous les problèmes ne sonj: pas résolus de ce côté. Le député de Saint-Jacques a justement fait allusion à certaines réticences qui existent encore et qui s'expriment, à l'occasion, vis-à-vis des médecins des CLSC. Mais c'est un phénomène beaucoup plus large que celui-là, qui date de bien plus longtemps que l'idée même des CLSC au Québec. Malgré tout, ce phénomène dans la loi, dans la mesure où elle est appliquée, et là cela dépend des parties de vouloir mettre en marche les mécanismes pour son application, il permet, il consacre le droit de tout médecin à l'accès à un centre hospitalier, avec les recours que la loi prévoit désormais, fort explicitement, et qui ont d'ailleurs déjà été utilisés avec profit par ceux qui s'en sont prévalus.

Il y a les services de santé communautaire. Nous y reviendrons. Il reste que le service de santé communautaire vu simplement du point de vue du centre hospitalier constitue une invitation au monde hospitalier à s'intéresser à ce qui se passe en dehors de ses murs, contrairement à une approche plus traditionnelle où le centre hospitalier, un peu comme les juges, était passif. On lui amenait des problèmes pour les résoudres dans le meilleur des cas. Maintenant, on dit à un certain nombre de centres hospitaliers, donc au monde hospitalier dans son ensemble: II y a des problèmes en dehors de vos murs et vous devez prendre des initiatives, pas seulement avoir une attitude passive vis-à-vis du milieu, mais une attitude active. C'est une nouvelle contrainte qui provoque un certain nombre de changements d'attitude, de changements de comportement qui ne sont pas indifférents.

Il y a des échanges de services qui sont encouragés et qui, là aussi, vont un peu contre le grain, parfois, des échanges de services non seulement vis-à-vis du CLSC, mais très certainement vis-à-vis du CLSC dans le cas des prélèvements qui sont faits et qui sont envoyés dans un labora- toire d'hôpital par exemple, des références généralement faites du CLSC au centre hospitalier, un échange de services qui peut prendre la forme dans le cas des centres d'accueil par exemple, mais toujours du point de vue du centre hospitalier dans des services de pharmacies, le contrôle de la médication dans les centres d'accueil. C'est là un genre de contraintes qui sont à la fois des contraintes et des invitations à un certain dépassement du rôle traditionnel, mais qui, compte tenu des habitudes, constitue aussi un aspect contraignant dans l'orientation, dans le développement.

Pour ce qui est des centres hospitaliers d'enseignement, il y a des contrats d'affiliation, qui ont défini les rôles respectifs des autorités responsables de l'enseignement vis-à-vis de celles responsables des activités cliniques proprement dites, qui constituent une autre invitation à changer dans un sens qui, je pense, est favorable au progrès de l'enseignement médical et qui, malgré tout, constitue une contrainte inhérente à ce nouveau contexte.

Ce ne sont que quelques simples exemples, mais il y en a probablement d'autres qu'il serait possible de citer; il y a des contraintes qui découlent des efforts de régionalisation et des structures régionales mises en place qui progressivement s'affirmeront vis-à-vis des centres hospitaliers et vont provoquer un certain regroupement, une mise en commun de différentes ressources dont notre milieu hospitalier a sûrement besoin et d'une façon aiguë dans certains cas.

On a parlé des réactions engendrées dans différents milieux. Je dois dire immédiatement, et je le répète pour la centième fois et je veux bien le dire une cent unième fois, que c'est un peu construire un problème artificiel que de parler d'une concurrence entre les CLSC et les polycliniques. Que les médecins du Québec aient décidé, comme leurs collègues dans un grand nombre de pays, qu'il était plus commode et souvent plus économique de regrouper leurs bureaux et d'aménager leurs heures de travail en fonction d'une pratique en commun plutôt que d'une pratique isolée, c'est l'évidence même, et si les politiques du ministère n'ont eu pour effet que de leur faire comprendre les avantages qui ont toujours existé en faveur de tels arrangements, il faut non seulement les en féliciter, mais féliciter le ministère pour leur avoir ouvert les yeux sur cette évidence a l'époque dans laquelle nous vivons. C'est normal; c'est une situation qui se développe, qui existe en bien d'autres endroits dans le monde, mais ça n'est pas pour autant une concurrence dans le sens où le député de Saint-Jacques employait ce mot.

Il faut se poser la question à savoir si les polycliniques sont de nature à donner à la prévention dans le domaine de la santé l'importance qui lui revient. On sait que la rémunération à l'acte, qui est la règle universelle dans le cadre de la pratique en cabinet, permettrait mal de supporter, surtout économiquement, des activités de prévention, puisqu'il est normal d'avoir recours à un personnel particulièrement formé, et peut-être moins intensivement spécialisé dans les aspects curatifs de la médecine, pour cette action préventive. Or, le

mode de rémunération utilisé interdit d'y songer dans ce contexte. Pour tout le personnel de soutien de l'activité médicale, dont l'importance croît à cause du développement scientifique, technologique du secteur médical; il y a des limites très restreintes aux possibilités d'une polyclinique, même en regroupant des ressources, de financer de tels services. Est-il question de services de laboratoire dans les mêmes conditions qu'ils sont offerts dans le réseau hospitalier public dans un tel contexte? Evidemment non. Donc, il me semble que, lorsque l'on compare le CLSC et ce qu'il veut apporter sur le plan de la prévention et de l'élaboration de programmes spéciaux pour une clientèle-cible comme les personnes âgées, l'enfance, l'hygiène maternelle et infantile, la santé industrielle, on met en parallèle des choses qui sont essentiellement différentes, mais qui sont sans doute complémentaires. Ce qui ne signifie pas que, dans le cadre d'un CLSC, la présence médicale ne soit pas importante; elle l'est plutôt de façon différente de celle qu'elle a dans une polyclinique.

Il y a donc tout un régime de collaboration à établir entre les médecins qui font de la pratique privée, qu'ils soient ou non regroupés, la nature de la pratique ne change pas parce qu'ils travaillent dans un lieu physiquement différent, et des CLSC qui peuvent évidemment, dans certains milieux, pour des raisons d'accessibilité ou de préférence individuelle aussi, parce qu'il faut aussi prévoir de telles circonstances et qu'il est tout à fait normal qu'il y ait des médecins dans ces milieux, et ils est nécessaire et essentiel qu'ils le soient pour plusieurs fonctions propres aux CLSC et pour lesquelles il n'y a malheureusement aucune concurrence.

Le jour où il y aura concurrence dans notre secteur dans le domaine de la prévention et de l'éducation sanitaire, nous aurons fait beaucoup de chemin. Le gros problème actuellement se situe plutôt au niveau de la carence; on n'en est hélas! pas rendu à décider de qui s'occupera de la prévention parmi la foule de gens intéressés à le faire, ou alors nous serions rendus sensiblement plus loin que nous le sommes maintenant. Donc, la concurrence ne joue pas. D'ici quelques années, il sera possible, avec un peu de recul de voir jusqu'où ces expériences de polyclinique nous mèneront.

Est-il possible de concevoir qu'elles assument le fardeau des urgences mineures et d'une présence continue de services médicaux dans chaque région sur la base actuelle? J'espérerais que ce soit possible, mais je vois mal qu'elles puissent l'assurer dans toutes les circonstances. Dès lors, la nécessité du CLSC deviendra évidente; elle constituera même, à mon avis, une des préoccupations et fera l'effet d'une des demandes de la part de ceux qui aujourd'hui en redoutent la concurrence, à tort, je le redis.

La même idée de concurrence vis-à-vis des services de santé communautaires est tout aussi factice et artificielle. Il faut voir ce qui a été fait; d'ailleurs, la création de ces services coïncide dans le temps avec le lancement de l'idée des CLSC; il n'y a donc pas de conflit ni de retour en arrière auquel on pourrait attribuer l'idée des services de santé communautaires. Il y avait des acti- vités de santé publique qui, traditionnellement, au Québec comme ailleurs, étaient assumées par le gouvernement de façon centralisée, par des médecins et des infirmières fonctionnaires. Dans bien des pays, et ici en particulier, cette formule a été jugée inefficace. Certaines activités n'étaient pas assumées de fait, d'autres l'étaient de façon inadéquate et fort marginale par rapport à l'ensemble des services de santé offerts. La formation des services de santé communautaires constitue pour une large part une décentralisation d'activités autrefois assumées directement par le ministère des Affaires sociales, qui sont et qui devraient être de plus en plus des activités d'évaluation et de contrôle de la santé publique, des activités de première ligne. Il est nécessaire de prévoir que quelqu'un s'occupe, entre autres, de la vaccination des enfants, de programmes élémentaires de santé publique, comme la santé industrielle, maternelle ou infantile, le dépistage et le suivi d'un certain nombre de maladies infectieuses.

A mon avis, il n'a jamais été question, il pourrait difficilement être question de confier de telles responsabilités aux CLSC, car il n'y a aucun espoir, même dans trente ans, d'avoir suffisamment de personnes ayant une formation appropriée pour le faire efficacement en multipliant les points de service à l'infini, et surtout en multipliant les responsabilités de contrôle et d'évaluation qui sont essentiels au réseau des services de santé et qui lui font cruellement défaut à ce jour.

Ces évaluations et ces contrôles de la santé publique ne peuvent pas être multipliés plus qu'ils le seront dans ces trente et un services de santé communautaires; cette activité d'évaluation et de contrôle est en tout point compatible et complémentaire à la fonction des CLSC: il'n'y a donc pas concurrence de ce côté. Dans l'éventualité d'une concurrence, je reviens à la remarque que j'ai faite plus tôt au sujet des polycliniques, si on se bat pour donner des services à la population, si on rivalise d'imagination et d'audace pour élaborer des programmes de prévention, s'occuper de la santé publique en général sous tous ses aspects et ceux qu'elle revêt en 1975, je ne suis pas particulièrement inquiet ou désolé de cette forme de concurrence, car on en retrouve dans bien d'autres secteurs qui seraient moins prioritaires et l'on ne semble pas nous en tenir rigueur.

Je crois qu'une certaine émulation dans ce secteur serait sensible, quoique, au niveau des conceptions et des rôles, il n'y en ait pas, bien sûr. L'expérience seule permettra d'ajuster plus finement la contribution respective de chacun des agents dans ce domaine.

La concurrence est la dernière des inquiétudes que l'on pourrait avoir dans tout le secteur de la santé publique et préventive.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Vanier.

M. Dufour: M. le Président, je ne voudrais pas laisser passer sous silence l'affirmation du député de Saint-Jacques qui confirme ce que M. le ministre vient d'exprimer, à savoir qu'il n'y a ni concurrence ni rivalité entre les médecins des secteurs public et privé. Je ne voudrais pas laisser croire à

la population que les patients suivis dans les CLSC subissent des préjudices parce qu'ils sont traités dans le secteur public lorsqu'il s'agit d'hospitalisation. Pour la satisfaction du député de Saint-Jacques, je puis dire que les membres du CLSC de la basse-ville font partie du département de médecine générale de l'hôpital où je pratique; ils assistent à nos bureaux médicaux, ils soignent leurs patients à l'hôpital et ils y sont acceptés aussi vite que les nôtres. Mais il ne faudrait pas que le contraire arrive et que les patients du secteur public entrent plus vite que ceux du secteur privé. Connaissant très bien le milieu hospitalier de Québec, je sais que les patients attendent parfois jusqu'à six ou huit mois, qu'ils viennent du secteur public ou privé, pour avoir un lit à l'hôpital. Je ne crois pas que cela dépende du fait que le malade est traité ou suivi dans un CLSC, un bu- reau privé ou une polyclinique. Dès lors, je ne crois pas nécessaire que l'on s'attarde ici à faire un peu de démagogie; je crois que les bureaux d'admission des hôpitaux sont suffisamment bien organisés maintenant pour faire la part des choses et être le plus juste possible pour ceux qui nécessitent des soins.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Programme 4, adopté.

M. Charron: Non, M. le Président. J'aurai d'autres questions à la prochaine séance de la commission.

Le Président (M. Houde, Limoilou): La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 58)

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