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Commission permanente des affaires sociales
Etude des crédits du ministère des
Affaires sociales
Séance du mardi 20 mai 1975
(Seize heures vingt minutes)
M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente des
affaires sociales): A l'ordre, messieurs!
Cet après-midi, les membres de la commission sont les suivants:
Mme Bacon (Bourassa); M. Bé-dard (Chicoutimi); M. Bellemare (Johnson);
M. Bellemare (Rosemont); M. Bonnier (Taschereau); M. Charron (Saint-Jacques);
M. Dufour (Vanier); M. Boudreault (Bourget); M. Forget (Saint-Laurent); M.
Fortier (Gaspé); M. Lecours (Frontenac); M. Massicotte
(Lotbinière); M. Samson (Rouyn-Noranda); M. Saint-Germain
(Jacques-Cartier) et M. Faucher (Nicolet-Yamaska) remplace M. Boudreault
(Bourget).
M. Charron: J'ai du renfort, de mon côté, M. le
Président!
Le Président (M. Houde, Limoilou): Je crois que nous
étions rendus au programme 4: Services communautaires. Le
député de Saint-Jacques
Services communautaires
M. Charron: Merci, M. le Président. Je dois d'abord
signaler aux membres de la commission que j'ai été le premier
surpris de me retrouver convoqué à nouveau à cette
commission, non pas que je considère désagréable la
tâche d'y être, mais c'est particulièrement embarassant d'y
être à pied levé comme cela, puisque, vous vous le
rappellerez, M. le Président, nous avions à peine abordé
le programme 4, celui des services communautaires, et c'est l'endroit où
nous avions commencé, avec M. Dumas et le ministre, la discussion sur
les CLSC.
Je ne crois pas, puisque l'information est encore pertinente à ma
mémoire, avoir besoin de revenir sur les indications que M. Dumas nous
avait données quant à l'opération bilan. Elle est
maintenant en cours et devrait se terminer, en fait, on avait même dit
qu'elle était inachevable, mais que sa phase de cueillette de
renseignements, en tout cas, auprès des six CLSC devrait s'achever
bientôt. Si je peux retrouver mes papiers! Dans ce que j'appellerais
l'identification première de la situation des CLSC, telle que faite dans
le document qui s'appelle: Problématique 1974/75, qui vient du
ministère et qui nous a été remis, il y a certaines
affirmations, certains malaises dans l'établissement du réseau de
centres locaux de services communautaires qui nous sont apparus à
l'étude extrêmement valables et pertinents. A ce point de vue, je
pense donc que j'avais déjà eu l'occasion de le dire avant que
nous ne suspendions les travaux de la commission, et cela nous incitait en-
core plus à oeuvrer dans ce domaine au cours de la prochaine
année financière dont nous sommes appelés à voter
les crédits.
Par contre, et je n'ai pas la prétention d'être le premier
à le signaler, loin de là, mais tel que je conçois mon
rôle, c'est d'en être l'écho ici, beaucoup plus que
l'initiateur, il y a certaines informations dans ce même document qui
nous paraissent plus critiquables ou, disons-le, sur des sujets
extrêmement précis, plus inquiétantes, plus
dangereuses.
Je ne fais référence qu'à cette page 5 du document,
dont le titre est en soi très loquace, sur les intentions que l'on se
donne à l'intérieur du ministère, de la direction des
services communautaires, un encadrement plus rigoureux de la participation
populaire. Plusieurs personnes ont vu dans une affirmation de ce genre une
contradiction. Je ne pense pas qu'il y ait là contradiction entre
l'encadrement d'une participation on pourrait l'appeler organisation
d'une participation, les moyens à prendre pour s'assurer que la
participation soit effective, donne de bons résultats mais, quand
même, s'il n'y a pas contradiction, il y a quand même là, je
crois, objet d'inquiétude, parce que c'est la nouveauté, les
centres locaux de services communautaires. Ils constituent en soi, sur le
terrain social, beaucoup d'initiatives.
Le ministre a eu l'occasion de le rappeler lorsqu'il s'est
adressé à la fédération récemment
créée, mais, de toutes les initiatives nouvelles dans le domaine
social, celle de la participation populaire, hélas non majoritaire, sous
les conseils d'administration des centres locaux de services communautaires,
constitue l'acquis le plus important et le bien le plus précieux
à conserver dans le développement dont il est question.
Après avoir suivi l'évolution des CLSC, dorénavant,
en activité, lorsqu'on entend parler d'un encadrement plus rigoureux,
vous admettrez que les points d'interrogation sont légitimement
soulevés à ce moment-ci. M. le Président, permettez-moi de
citer ce texte qui en dit encore plus long que le titre: "Messieurs, tout en
respectant une participation efficiente de la population, la direction a
développé un calendrier d'implantation qui assure à chaque
centre local de services communautaires un encadrement professionnel minimal."
Voilà la première expression qu'il nous faudra étayer.
"Ainsi, dès l'annonce de l'implantation du CLSC, le comité
promoteur procède à l'engagement de son directeur
général", ce qui est nouveau, M. le Président, "lequel a
la responsabilité d'évaluer les besoins prioritaires du milieu,
de recruter son personnel professionnel de démarrage et de mettre en
place les premiers services du CLSC, en y associant la population de son
milieu. Le rôle de la participation s'inscrit dans une perspective
d'évaluation des besoins et non pas d'opération-nalisation des
moyens, programmes, services, pour les satisfaire."
C'est une clarification nouvelle, surtout l'énoncé de
principe de la dernière phrase. M. le ministre soutiendra
peut-être que ce fut toujours la façon dont on considère,
à l'intérieur du ministère, la participation populaire aux
CLSC. Il reste
que cela n'avait jamais été dit aussi clairement. De plus,
M. le Président, je pourrais retrouver dans les propos du ministre
créateur des CLSC, au moment où il défendait la loi 65, et
à l'assemblée et à la commission, à chacun des
articles pertinents de la loi 65 qui concerne les conseils d'administration,
des affirmations qui friseraient plutôt le contraire. A l'époque
de la création des tout premiers CLSC, on insistait grandement pour que
la participation populaire se fasse non seulement dans une perspective
d'évaluation des besoins, ce que l'on considérait encore
essentiel, mais aussi dans une perspective d'opérationnalisation des
moyens pour les satisfaire, contrairement à ce qui est affirmé
dans le dernier paragraphe.
Je crois presque citer l'ancien ministre des Affaires sociales et tous
ceux qui ont adopté cette loi à l'unanimité,
c'est-à-dire l'Assemblée nationale, en disant qu'il ne suffit
plus de faire de la participation à la bonne franquette, genre
comité d'école qui ne fonctionne pas pour l'excellente raison que
les gens ne se sentent là que pour participer à
l'évaluation des besoins et aucunement pour participer un tant soit peu
à l'opérationnalisation des moyens de mettre en branle la machine
pour obtenir la satisfaction de ces besoins. Si on ne veut pas que le CLSC soit
un attrape-nigaud de participation populaire, c'est-à-dire qu'on y fait
venir les gens pour leur demander ce qu'ils croient que l'on pourrait faire
dans leur quartier, leur disant: "Vous qui connaissez le quartier, vous qui
connaissez le réseau social existant, comment croyez-vous que tout cela
pourrait s'intégrer?", et une fois que c'est fait, dire "Merci
beaucoup". On a maintenant un directeur général qui a la
responsabilité, lui et non, le conseil d'administration ni les citoyens
invités à participer à la préparation du CLSC.
D'ailleurs, M. le Présidentet j'ai déjà
signalé cette nouveauté le directeur général
est nommé dès que l'annonce de l'implantation du CLSC est faite.
Ce n'était pas le cas auparavant. Je crois que le député
de Taschereau a vécu dans son comté la naissance du CLSC de la
basse-ville.
Enfin, j'ai peut-être mis le doigt sur un CLSC problème et
je n'ai justement aucune objection à le faire. Chez nous, M. le
Président, dans le centre-sud de Montréal, le CLSC du
centre-ville, qui fait partie du territoire que je représente, a
fonctionné sans nomination immédiate d'un directeur
général, car il apparaissait très important que les
citoyens le choississent eux-mêmes. C'est un homme clé dans la
gestion du CLSC.
C'est un homme clé dans la responsabilité de l'application
et de l'exécution des volontés populaires, telles qu'elles ont le
loisir de s'exprimer sur un conseil d'administration.
Dieu sait quel charivari a entouré la nomination du directeur
général du CLSC de la basse-ville, de son traitement, de son
statut. Les citoyens ont été légitimement chatouilleux sur
cette question, car ils considèrent le directeur général
non pas comme un envoyé du ministère des Affaires sociales pour
encadrer rigoureusement la participation populaire... Lorsque les citoyens se
permettent d'avoir à l'esprit une initiative quelconque, ils se font
répondre et ici, M. le Président, j'en ap- pelle au
deuxième paragraphe: "Cet homme aura suivi une formation de gestionnaire
à l'intérieur du ministère des Affaires sociales"ils
se font répondre immanquablement, dis-je, que ce n'est pas permis selon
les normes du ministère, ou selon les règlements de la loi 65, ou
encore: Tout ce que vous dites est bien joli, mais nous ne pouvons pas
l'exprimer. Je suis venu ici, j'ai été nommé dès
l'annonce de l'implantation du CLSC. Il a la responsabilité, en tant que
directeur général, dès qu'il a été
engagé par le comité promoteur, d'évaluer les besoins
prioritaires du milieu ce n'est pas la population qui a cette
responsabilité, c'est le directeur général, le recrutement
du personnel professionnel, ce n'est pas la population qui le fait, c'est le
directeur général et de voir à la mise en place des
premiers services du CLSC, en y associant la population de son milieu.
Le comble aurait été que l'on supprime cette association
du milieu populaire, car cela aurait été à l'encontre de
la loi 65, et, en ce sens, il n'est pas surprenant que l'on ajoute,
après la virgule, cette association obligatoire avec le milieu
populaire, c'est la loi, c'est le règlement qui les y oblige. M. le
Président, je n'essaie pas de couper les cheveux en quatre, et on
parlera de cas précis de certains CLSC de la province qui sont en
opération ou en voie d'implantation, qui ont vécu ce
problème de conflit de juridiction entre un conseil d'administration
avec participation populaire, hélas! non majoritaire encore une fois,
mais qui y va avec la croyance que cette chose lui appartient, et des textes
émanant du ministère des Affaires sociales, des
règlements, des directives, qui, eux, laissent entendre bien clairement
que le directeur général nommé dès l'implantation
du CLSC a la responsabilité d'évaluer les besoins prioritaires.
Je dis, M. le Président, que le genre d'affirmation, comme celle
contenue dans le texte actuel, est source de conflits dans l'implantation d'un
CLSC, est source de problèmes dans la vie d'un CLSC. La population vient
avec l'esprit de la loi 65; la population se dit invitée et est
recrutée à partir de l'esprit de la loi 65.
Combien de merveilleux slogans, autour de la loi 65, le ministère
des Affaires sociales n'a-t-il pas sortis comme: "C'est votre affaire", "C'est
votre organisme". Tout à coup, lorsque l'opérationalisa-tion des
moyens se met en branle, les citoyens se font dire qu'ils n'étaient
là et c'est dit dans le dernier paragraphe du texte que je cite,
ce n'est pas moi qui l'ai écrit, il vient du ministère des
Affaires sociales que dans la perspective d'évaluation des
besoins et non pas, on le spécifie, d'opé-rationalisation des
moyens. On me répondra que cela ne les écarte pas de
l'opérationalisation des moyens, car le directeur général
doit les y associer, mais il y a là et cela s'est vécu
dans la vie réelle des CLSC, je ne parle pas à travers mon
chapeau, M. le Président un renversement de pouvoir, et je
pourrais employer les grands mots, comme un renversement d'une décision
législative.
Avant de faire cette critique, je me suis soumis encore une fois
à l'étude de la lettre de la loi 65 telle que l'Assemblée
Nationale l'avait votée, et je
n'y ai pas vu, malgré toutes les précisions qu'on a pu
apporter au rôle du directeur général dans un CLSC, qu'il
était nommé responsable d'évaluer les besoins prioritaires
du milieu, de recruter son personnel professionnel de démarrage et de
mettre en place les premiers services du CLSC. C'est faux, ce n'était
pas dans l'esprit de la loi et ce n'est pas pour cela que j'ai voté
lorsque j'ai voté pour la loi 65.
Cette nouveauté m'apparaît exactement comme c'est
présenté, dans la problématique de 1974-1975 comme un
revirement inquiétant.
Je ne suis pas le premier à le dire, M. le Président, je
n'ai aucunement cette prétention.
Ceci a été dit lors de la naissance des CLSC, dont nous
reparlerons d'ailleurs, et surtout les élus sur le conseil
d'administration de cette fédération: les discours, les
programmes électoraux que ces citoyens se sont donnés dans la
salle où se tenait le congrès de cette fédération
et qui leur ont valu leur élection, symbolisent très certainement
le fait que ces gens ont été élus parce qu'ils avaient
signalé cette tangente, ce revirement. J'interviendrai tout à
l'heure, M. le Président, avec un autre indice de tangente. J'ai un
langage très modéré, M. le Président, j'en suis
convaincu et j'espère que l'on se satisfera de la délicatesse de
mes propos car, je pourrais, dans un langage beaucoup plus rigoureux, pour
prendre le mot que j'ai sous les yeux, faire une critique du revirement
politique qu'on est en train de faire avec les CLSC.
L'implantation et la façon de procéder des CLSC en cours
aujourd'hui n'a pas eu l'heur de plaire dans plusieurs hauts milieux de notre
vie politique québécoise, M. le Président. Je ne dis pas
seulement à la grandeur de la nation québécoise, je dis
dans tous les cantons du Québec. Les pressions locales des petits
potentats locaux de la santé communautaire ou de la santé dans
les termes traditionnels, ou des politiciens de cantons en place qui ont
l'intention de protéger la mainmise traditionnelle de l'organisation des
services de santé sur leur territoire ont certainement quelque chose
à voir. Je n'en fais pas la cause principale, mais soyez assuré,
M. le Président, que si je n'y mets pas plus d'insistance, ce n'est pas
parce que c'est absent de mon esprit, au contraire. J'ai assisté aux
mêmes travaux de la commission parlementaire l'année
dernière, et certains membres, qui sont en face de moi aujourd'hui,
avaient tenu des propos à l'encontre des CLSC, M. le Président,
qui peuvent me laisser à entendre que le ministre aux prises avec un
caucus bien particulier, ait eu, à l'occasion, à procéder
à des revirements sous étiquette administrative, mais qui, au
fond, ont des touches bien politiques dans la vie réelle et qui vont
à rencontre, encore une fois, d'une loi votée à
l'unanimité par l'Assemblée nationale; non pas de front, car cela
pourrait tout simplement être déclaré illégal, ce
serait ultra vires que de procéder à une réglementation
qui frise la légalité, M. le Président.
Dans le cas précis de l'action sur le terrain, prenons le cas du
CLSC de la basse-ville comme exemple. L'application de cette
réglementation, ou plutôt de cet esprit que l'on retrouve
derrière ce paragraphe, est illégale, car, à mon avis,
elle va à rencontre de l'esprit de la loi du CLSC. On y donne beaucoup
plus de pouvoir au directeur général que la loi ne lui en donne
dans les faits; on lui crée un statut privilégié dans les
faits; c'est lui qui est responsable de la participation populaire, alors
qu'auparavant c'était la participation populaire qui était
responsable du directeur général. Et je caricature à peine
la réalité qu'on a à traverser actuellement au niveau des
CLSC.
Je terminerai cette première remarque, car je voudrais
plutôt engager une discussion et je crois avoir soulevé le
problème. Je signalerai plus tard d'autres initiatives prises à
l'intérieur de la direction générale et du
ministère dans son ensemble qui font prendre aux CLSC en fonction ou en
implantation ou en voie de l'être, une tangente différente de
celle que nous leur avons souhaité de prendre lorsque nous avons
voté la loi 65.
Le Président (M. Houde, Limoilou): M. le ministre.
M. Forget: M. le Président, j'essaierai d'être assez
bref puisque je suis persuadé, en écoutant le
député de Saint-Jacques, que nos argumentations sur ce sujet
peuvent se développer en suivant des lignes parallèles sans
nécessairement se rencontrer, quelle que soit la longueur des
débats. Cependant, je crois nécessaire de préciser un
certain nombre de points sans prétendre faire un exposé
systématique, puisque de tels exposés sont déjà
contenus à la fois dans le document que le député citait
plus tôt, de même que dans le document auquel il a fait allusion et
qui constitue le texte de mon allocution au congrès de fondation de la
Fédération des CLSC.
J'aimerais, cependant, souligner que sa lecture de la loi 48
s'accompagne certainement d'une certaine interprétation. Les objectifs
de la loi sont multiples. Ils ne se résument pas à favoriser la
participation du public, qui semble sans aucun doute souhaitable et doit
être encouragée non seulement dans les CLSC, mais dans les autres
catégories d'établissements. Il reste que ce n'est pas l'objectif
unique visé; il y en a d'autres qui ont une importance au moins
égale à celui-là. C'est pour mieux atteindre ces autres
objectifs qu'une certaine réorientation dans les procédures
d'implantation s'est effectivement produite au cours des derniers mois ou de la
dernière année. C'est un fait qui a, d'ailleurs,
été abondamment décrit et qu'on ne craint pas de
décrire par écrit, parce qu'il nous semble correspondre à
un besoin évident, si vous voulez, non pas d'efficacité
administrative, mais d'efficacité par la traduction dans des
réalités concrètes d'un idéal qui, pour être
noble et avoir été appuyé par tous les partis lors de
l'adoption de la loi, demeure malgré tout difficile d'application.
Une certaine expérience a eu lieu depuis l'adoption de la loi et
il aurait été condamnable, je pense, de la part du
ministère de ne pas tenir compte de l'expérience acquise
justement dans l'articulation de ce principe de participation.
Je pense qu'il n'est pas nécessaire de citer
bien des exemples pour faire comprendre que, dans la définition
même des besoins, il y a un certain degré de
répétition, de tâtonnement, des longueurs qui paraissent
à l'observateur facilement évitables pour réaliser
justement ces autres objectifs qui sont tout autant réels que l'objectif
de participation.
La participation du public demeure un objectif qui n'est pas
nécessairement identifié à la phase d'implantation.
L'implantation dans la vie d'un établissement, c'est quelque chose qui
se vit une fois, qui est transitoire et qui implique des individus qui vont
changer de toute manière. Cela implique également une vue des
choses qui est forcément incomplète, puisqu'elle ne s'appuie sur
aucune expérience de l'établissement en question. Elle est
basée sur des conceptions, des idées, des théories. La
participation devient beaucoup plus réelle une fois que le départ
est donné et qu'on atteint un certain régime de
croisière.
C'est donc le sentiment qui nous a poussé à
accélérer, par exemple, l'engagement du directeur
général. Il n'est pas, malgré tout, engagé en vertu
d'une décision unilatérale du ministère, mais cette
décision implique les comités d'implantation, dans un sens aussi
réel qu'ils pourraient l'être à une étape
subséquente. Cela a pour avantage que nous avons là un permanent
qui aura comme fonction de faire avancer le dossier, de traduire dans des
réalités les voeux exprimés de part et d'autre,
plutôt que de s'en remettre à des personnes qui, tout en
partageant la même bonne volonté, n'ont, malgré tout, pas
les moyens ne serait-ce qu'en termes de temps et de ressources sur le
plan de la gestion qui sont nécessaires pour faire avancer de
tels projets. Ces projets, même s'ils sont de faible envergure, comme
tous les CLSC à leur départ, posent, malgré tout,
particulièrement à ce moment-là, des problèmes
très considérables, qu'ils s'agisse de problèmes
matériels, administratifs ou budgétaires, si l'on veut. Mais ce
n'est pas en les décrivant de cette façon qu'on en minimise
nécessairement la difficulté et la portée pour un groupe
de personnes qui, finalement, à part le directeur général,
sont des bénévoles, des gens qui ont d'autres occupations,
d'autres intérêts et qui n'ont qu'un temps limité à
consacrer à ce genre de choses qui sont des pierres d'achoppement,
effectivement, qui l'ont été dans le passé et qui vont
continuer à l'être dans tout projet nouveau.
Donc, cette réorientation, elle a effectivement eu lieu. Elle a
été faite, je pense, avec une large mesure d'assentiment des
groupes impliqués, bien sûr, quand il est question de poursuivre
à la fois plusieurs objectifs, comme c'est le cas dans la Loi sur les
services de santé et des services sociaux, la pondération ou
l'importance relative des différents objectifs varie selon les
observateurs. Il est inévitable que certaines personnes fassent de la
participation leur préoccupation première. Mais, encore une fois,
cette accélération du processus d'implantation, cet encadrement
ne diminue pas l'importance de la participation à notre point de vue,
elle la place dans un contexte où elle est plus susceptible de profiter
à l'utilisateur et à l'ensem- ble de la population. M. le
Président, je me limiterai, pour le moment, à des remarques
générales.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, je retiens de l'intervention
du ministre qu'il a parlé, dans la justification de cette
réorientation et là-dessus j'aimerais l'inviter à
la clarifier, pour l'information des membres de la commission de ce
tâtonnement, c'est le mot qu'il a employé, dans la naissance des
CLSC, dans leur établissement, et qui l'a incité à
procéder à cette réorientation.
Je lui pose la question: Qu'est-ce que ce tâtonnement? Et je pose
immédiatement une question subsidiaire: Est-ce que ce tâtonnement
n'est pas inévitable, en quelque sorte lorsqu'on remet et c'est
l'esprit de la loi à des gens inhabitués et jamais
invités ailleurs que, peut-être, dans ces organismes à
gérer des choses collectives entre eux? Est-ce que tous ceux qui n'ont
pas oeuvré, à un moment donné, dans un secteur
communautaire je pourrais avoir en témoignage nombre de gens qui
sont aujourd'hui militants des CLSC n'ont pas connu la lente
évolution et le respect absolu que nous devons à l'animation des
citoyens?
Il est bien entendu que ce tâtonnement, à mon esprit
à moi, est inévitable. Qu'il devienne coûteux, à la
longue, cela se peut. Que ça oblige, à l'occasion, à des
gestes pour le rendre moins coûteux, c'est possible également.
Mais qu'on parle d'un encadrement plus rigoureux en vue peut-être de
réduire à presque rien ce tâtonnement, je dis que c'est
manquer gravement à cet effort que nous avons souhaité de la
participation populaire. C'est long, ça prend du temps, chacun vient
avec son expérience du milieu d'où il a été
arraché. Certains groupes, d'ailleurs, oeuvrant sur le terrain je
peux citer le quartier que je connais le mieux, le mien ont même
eu, à l'occasion, dans la pratique passée, la possibilité
de développer des rivalités. Il y a des oeuvres
bénévoles qui sont à ce point rivales quant au partage du
territoire, au genre de d'oeuvres qu'elles doivent créer, certaines
reprochant à l'autre de se réserver les oeuvres les plus le "fun"
à accomplir et déplorant qu'on ne leur laisse à elles que
les tâches ingrates de soins à domicile, par exemple, de choses
comme ça. Tout cela fait partie de la vie réelle du milieu et je
ne pense pas que nous ayons voté cette loi pour leur dire: Maintenant,
vous allez fonctionner avec la rapidité rigoureuse d'un fonctionnaire du
ministère des Affaires sociales. Personne ne l'a espéré,
je ne l'espère pas et je crois que les fonctionnaires non plus n'ont pas
à l'espérer.
Enfin, je sais bien que le ministre peut me dire qu'il y a toujours des
responsabilités à prendre quelque part. Mais il y a des endroits
où on décourage, à force d'encadrer le tâtonnement
inévitable, je reprends l'expression du ministre, on décourage la
participation populaire. On arrache les gens d'une faible scolarité,
habitués à travailler de sept heures du matin à cinq
heures du soir à faible revenu, on les incite à venir quelque
part. Il est
bien évident que ça va aller très lentement. Je
pense que, je pensais en tout cas, moi, que la structure, telle que nous
l'avions votée, par 65, par 41 et par les règlements qui ont
été subséquemment modifiés également,
s'ajoutait à cette souplesse au lieu d'essayer de la combattre.
Enfin, je suis très critique à cet égard, mettons
cela comme cela.
M. Forget: M. le Président, j'aimerais brièvement
apporter un commentaire là-dessus, parce que je pense que c'est assez
important de bien saisir que les CLSC ne sont pas principalement un
véhicule d'éducation populaire. Je crois que c'est une
affirmation sur laquelle on peut s'entendre. Maintenant il y a certaines formes
de participation qui peuvent, loin d'être un encouragement, être un
découragement. Il y a quand même une certaine
honnêteté à respecter dans la participation. Je crois qu'il
faut éviter de dire aux gens que, dans le fond des choses qui sont
très connues, qui ont été expérimentées, qui
sont essayées, on ne les connaît pas, qu'on les ignore et qu'il
faut repartir à zéro. C'est un peu s'inscrire en marge de tout le
développement de la civilisation que de dire aux gens, sous
prétexte de participation à la limite: Voici telle ou telle chose
qui est bien connue, tel ou tel programme qui a été
expérimenté de nombreuses fois; on va faire comme si on ne
l'avait jamais fait et comme s'il fallait le réinventer.
Par exemple, s'il est question, dans un quartier où il y a
beaucoup de jeunes familles, de mettre sur pied un programme de santé
maternelle et infantile, je crois qu'il serait un peu factice de pousser la
participation jusqu'au point de vouloir faire imaginer par la population, par
des gens qui souvent n'ont aucune espèce de formation ou
d'expérience dans ces secteurs un programme de santé maternelle
et infantile. Mais si effectivement dans la population d'un district ou d'un
quartier, on s'intéresse à ces problèmes en fonction des
besoins du milieu, des besoins qui sont faciles à identifier, et ce sont
les besoins des familles qui ont des enfants, on peut leur indiquer assez
facilement quel genre de programmes existent dans ce secteur, quel genre de
ressources sont nécessaires, sans les obliger à un exercice
intellectuel pour lequel ils ne sont pas préparés. Cela
s'avérera peut-être une déception si on essaie de
substituer, aux leçons de l'expérience, un capital intellectuel
accumulé par des générations qui nous ont
précédés. C'est un processus de décision collective
qui risque d'être très frustrant et qui risque d'éloigner
et qui éloigne peut-être déjà d'organismes de
participation des gens qui n'ont pas de patience pour ce genre d'exercice
intellectuel qui tourne un peu à vide. Cela ne veut pas dire que
l'opportunité du choix entre un programme de santé maternelle et
infantile, versus un programme orienté vers une autre clientèle
comme l'aide aux personnes âgées, ne soit pas une chose qui soit
éminemment sujette à consultation, à la participation du
public, à l'évaluation de l'importance relative de deux types
d'activité.
Mais je pense qu'à un moment donné il faut savoir
s'arrêter et se dire: Bien, écoutez, on n'es- saiera pas de
réinventer un programme de dépistage de maladies infectieuses
chez les enfants; il y a des gens qui savent le faire. Je crois que les
expériences originales de participation dans le secteur ont parfois
été assez ambitieuses pour remettre en question des choses qui
dans le fond sont tranchées sur un plan professionnel et qui le sont de
façon satisfaisante. Du moins, si on doit les remettre en question, ce
sera sur un plan professionnel, sur le plan de leur efficacité à
résoudre des problèmes bien identifiés et pas dans un
contexte de participation plus générale.
Et c'est un peu l'effort qui est fait de déterminer un certain
nombre de modules dans les programmes entre lesquels des choix pourront
s'exercer, à la lumière des ressources disponibles. Evidemment,
on ne peut pas tout faire, mais il faut contenir cela dans des limites qui
soient acceptables et qui en soi ne constituent pas une invitation à des
décisions que, dans le fond, la plupart des gens raisonnables jugent
mieux traitées dans un contexte plus professionnel. Cela peut
très bien décourager des tas de gens à participer pour
remettre encore une fois en question des choses qu'ils ne se sentent pas
compétents de remettre en question.
Alors, c'est certainement une des préoccupations qui nous
animent.
Je crois qu'il y a eu, au départ, peut-être un certain
excès d'optimisme dans la capacité de créer, à
partir de zéro, des programmes. Et, quand on parle
d'opérationnaliser, il faut s'entendre. Il y a au moins deux concepts
d'opérationnalisation.
Il y en a un qui est de la nature, justement, de la conception des
programmes sur un plan technique et professionnel. L'autre est beaucoup plus
concret, beaucoup plus orienté vers des choix en fonction des besoins du
milieu. Là-dessus, il devrait y avoir une place maximale pour tenir
compte des besoins qui sont évidemment différents, des besoins
d'un district dans la région de Québec ou dans la région
du Saguenay, et ceux du centre-ville, évidemment, sont très
différents. La participation est un des moyens pour nous permettre de
mesurer cette variation et d'en tenir compte surtout, parce que la mesure
pourra aussi être une question technique, mais il y a toujours une
pondération qui, elle, ne l'est pas.
Dans un contexte où les ressources sont limitées,
seulement par une consultation populaire est-il possible de voir quelle est
l'importance relative qu'il faut finalement accorder à deux
catégories ou deux séries de préoccupations
également valables sur un plan théorique.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, le ministre avait bien raison
de dire que nous pouvons être sur des longueurs parallèles qui
jamais ne s'entrecouperont. Je pense que là on est sur l'une d'elles car
sa logique à lui, M. le Président, dans la sienne, se tient. La
façon dont il aborde la question, je ne la qualifierai pas, a une
certaine logique, c'est celle qui règne actuellement. Il a parfaitement
raison de
la défendre, c'est celle qui est dans le texte à partir
duquel j'ai soulevé cette discussion.
Elle dit que les citoyens, s'ils devaient participer à partir de
zéro, si on leur remettait intégralement, autrement dit, la
création du monde comme si le capital intellectuel accumulé
n'existait pas, trouveraient l'expérience extraordinairement frustrante.
Cela les découragerait de participer, d'où encadrement
nécessaire, si j'ai bien compris la logique du raisonnement du
ministre.
Moi, je crois qu'il y a autre chose, tout en étant d'accord avec
une bonne partie de l'affirmation. C'est bien évident que si on
convoquait des gens sans leur remettre un tant soit peu de ce que nous pouvons
posséder comme expérience ailleurs, en disant: Vous partez de but
en blanc, vous avez l'univers à recréer, c'est bien
évident, dis-je, que ce serait une expérience extraordinairement
frustrante où toutes les contorsions de l'âme humaine auraient
l'occasion de se prononcer et de se jouer les unes contre les autres.
Mais, je ne crois pas, M. le Président, avoir soutenu la table
rase dans la discussion depuis le début. Je n'ai pas prétendu
je ne voterais jamais d'ailleurs en ce sens nous remettre dans
une telle situation de spontanéité créatrice qui
risquerait de faire que certains progrès, ne serait-ce que de la science
technique, de la science médicale, se trouveraient à
l'écart des citoyens parce qu'on n'a pas cru bon leur remettre cette
information entre les mains alors que cela pouvait les toucher.
Je ne dis pas non plus que le ministre a prétendu que c'est ce
que j'affirmais, mais je tiens à le dire plus clairement. Moi, je crois
que, parmi les autres raisons il y a une raison autrement dit fondamentale
autre que celle que le ministre a signalée, qui peut occasionner le
découragement, et c'est celle que tout être humain intelligent
doté d'un quotient intellectuel moyen a, je pense, le sens des
responsabilités.
Quand on ne se sent pas responsable, quand on se sent manipulé,
quand on se sent un pion, quand on se sent inutile, qu'on n'est là que
pour le décor et que pour la façade, il n'y a rien de plus
frustrant non plus. Il n'y a rien de plus pénible à endurer; il
n'y a rien non plus, disons-le, ce n'est pas souvent qu'on a ce genre de
discussion, de plus dévalorisant pour la personne humaine. Dans ce sens,
puis-je pour une dernière fois faire appel à mon
expérience au milieu de l'éducation, M. le Président?
J'ai eu à travailler longtemps dans ce domaine avec des
comités de parents. Si les parents se désintéressent des
comités d'école, ce n'est pas parce qu'ils se
désintéressent de l'éducation de leurs enfants, c'est
parce qu'ils se désintéressent des comités d'école.
J'en ai vu des milliers.
Ils sont réunis dans des fédérations qui parlent en
leur nom, d'ailleurs, soucieux de l'éducation de leurs enfants, mais qui
ne croient aucunement à un comité d'école où ils ne
sont pas responsables, où on les convoque pour être mis en face de
décisions et responsabilités auxquelles ils voudraient prendre
part mais dont ils sont écartés.
Quand je soutiens que l'esprit premier, avant cette réorientation
des CLSC, m'apparaissait plus convenable, c'est que je crois que dans l'esprit
où nous l'avions voté et dans l'implantation difficile
personne n'en doutera, personne d'ailleurs n'avait affirmé que ce ne
serait pas difficile il n'y a pas eu tâtonnement, mais... à
travers des gens qui découvraient alors le sens des
responsabilités.
C'est bien évident que chacune des manies, des toquades, je
dirais des marottes de chacun, avait l'occasion de s'exprimer, pouvait, dans un
système absolument froid et rationnel comme celui qu'on essaie
d'établir, apparaître comme l'anathème et
l'antéchrist, mais cela constituait certainement une première
explosion de volonté populaire un tant soit peu incarnée et qui,
encore une fois, ne faisait pas appel à la table rase et qui ne faisait
pas fi du capital intellectuel accumulé, mais qui en faisait son
apprentissage et qui en ce sens, méritait le respect.
Je ne pense pas, je n'ai pas vu de citoyen que j'ai eu à
côtoyer, qui oeuvrait dans le CLSC, en guerre contre certaines politiques
de prévention de mortalité infantile, par exemple, qu'on puisse
faire. Tout le monde apprécie le développement de la science
à combattre ce fléau, personne ne veut l'écarter de sa
région ou de son quartier et tout le monde le moindre parent, avec la
moindre scolarité possible est prêt à faire confiance
à ce que le ministre appelle, dans sa gentille formule, le capital
intellectuel accumulé.
Ce capital intellectuel accumulé devient une masse
déposée sur la table à partir de laquelle rayonne une
espèce de mystère et de chasse gardée et
présentée un peu comme une vache sacrée à des
citoyens qui, jamais de leur existence, n'ont eu l'occasion de s'en approcher
un tant soit peu, de ce capital intellectuel accumulé de notre
société. Et on le représente à nouveau, comme on
leur a présenté tout au long de leur vie, cette chose comme
étant la chasse gardée d'intellectuels et de connaisseurs, mais
pour eux, ne subsiste que l'évaluation des besoins du milieu. On
puisera, après ça, à partir du capital intellectuel
accumulé pour les soigner, ces besoins ou les guérir, ou leur
répondre, je dis que c'est là qu'on obtient la frustration
déjà perceptible au niveau de certains milieux. Il y a eu au
cours de l'année peut-être la direction
générale possède-t-elle des statistiques encore plus
éloquentes que les miennes qui ne sont faites qu'à partir
d'informations pigées à la pièce bon nombre de
démissions au niveau des participants populaires aux conseils
d'administration. Certaines se sont exprimées, se sont
claironnées dans les journaux de façon spectaculaire avec parfois
explosion verbale. Mais dans d'autres cas, ç'a été une
résignation tacite, mais qui répondait très certainement
à une frustration très grande. Dieu merci, je ne crois pas qu'il
y en ait eu encore dans le quartier que je représente, parce qu'il
s'agit là de gens bien oeuvres, déjà bien habitués
à des frustrations et parfois, bien obligés de contourner
certains aspects du capital intellectuel accumulé pour pouvoir se
débrouiller par eux-mêmes.
Mais notre objectif n'était pas de faire que des gens ne se
découragent pas. Notre objectif était de faire que des gens s'y
encouragent à y partici-
per, à y oeuvrer. Je crois je l'affirme encore une fois
sans grimper dans les rideaux, mais avec la conviction de parler à
partir d'une conception très ferme que j'ai là-dessus que
cet encadrement professionnel minimal, plus rigoureux, ne m'appa-raît pas
être le facteur le mieux venu actuellement pour établir et
favoriser le sens des responsabilités que nous espérions que les
citoyens y trouvent. En tout cas, sur cet apect particulier du problème,
M. le Président, je peux inviter mes collègues à rajouter
leur expérience propre, mais j'aborderai le même problème
sous un autre angle quand vous m'y convoquerez.
M. Forget: M. le Président, très brièvement,
il est clair qu'au-delà des simples abstractions dont on faisait
état au départ, ces préoccupations rejoignent sur le plan
émotif les individus, sur le plan de leurs réactions et de leur
rôle. C'est en effet au-delà de ces abstractions qu'il y a une
réalité avec laquelle il faut compter. Le rôle du
ministère n'est pas seulement de créer un réseau de CLSC,
quelque important que soit ce développement, étant donné
son caractère normatif. Son rôle est de trouver les moyens, par
cette création d'un réseau de CLSC, de modifier dans une certaine
mesure, un certain nombre de comportements et de façons d'être qui
ont pu dans le passé créer des problèmes sur le plan de la
santé dans le sens très large du mot, de la population.
Il est clair que cette transformation, cette innovation ne pourra se
faire que dans un certain climat de complémentarité, de rapport
et de respect mutuel entre ceux qui incarnent le capital intellectuel
accumulé, ceux qui incarnent, par leur formation, par leur travail, les
connaissances professionnelles et techniques qui sont un acquis, qui sont un
fait, et ceux qui, par des préoccupations plus sociales, veulent obtenir
une certaine ouverture d'un système qui, très certainement dans
le passé, a souvent été fermé sur lui-même,
souvent centré sur ses préoccupations professionnelles, au
détriment, dans certains cas, de considérations plus
générales dans leur intérêt.
Mais on ne pourra obtenir cet effet sur les centres hospitaliers, pour
ne citer qu'eux, mais la même chose est vraie des centres d'accueil, la
même chose est vraie des centres de services sociaux, que s'il nous est
possible de maintenir une certaine complémentarité entre le
rôle propre de ce qui est le plus professionnalisé, si vous
voulez, dans l'ensemble du réseau des affaires sociales, et des
éléments nouveaux qui, justement parce qu'ils ne sont pas
professionnalisés, peuvent forcer, à la longue, une certaine
ouverture des services de santé et des services sociaux vers le monde
extérieur plutôt de se concentrer sur soi-même, comme cela a
parfois été le cas. Ce rôle implique pour les
établissements traditionnels de notre réseau, un effort
particulier, auquel d'ailleurs un certain nombre se sont montrés
susceptibles d'adhérer sans trop de difficulté, mais il suppose
également certaines contraintes du côté des CLSC.
Autrement, ce que nous aurons, ce n'est pas un réseau
intégré d'établissements ayant différents
rôles, ayant des rapports les uns avec les autres, mais ce sera un
réseau parallèle, sans communications, un réseau, par la
force des choses, par la forces des budgets, par la force du personnel, qui
continuera dans le style plus traditionnel et un réseau
indépendant, peut-être marginalisé, où on aurait
laissé libre cours à un idéal d'organisation communautaire
qui peut se retrouver dans un monde idéal où personne ne se sent
menacé, où tout le monde est ouvert à 100% à toutes
sortes d'expérimentations. Ce pourrait peut-être être un
idéal, mais ce n'est pas dans ce monde que nous vivons, et si nous
voulons faire évoluer les services de santé et les services
sociaux de manière que, précisément, la priorité
numéro 1 dans leur activité devienne les besoins de la population
dans leur priorité véritable plutôt que par
l'intérêt qu'elle représente sur le plan professionnel
Dieu sait que c'est un problème il faut qu'il y ait des
ponts entre ce qui est le plus traditionnel et ce qui est le plus innovateur.
Des ponts qui sont nécessairement ressentis comme des contraintes, qui
sont ressentis parfois avec impatience comme étant des contraintes, mais
le rôle du ministère est justement de maintenir ces ponts et donc
d'imposer, dans une certaine mesure, des contraintes pour que cette
complémentarité, ce dialogue devienne une réalité
vécue.
Il serait trop facile de procéder par morceaux
détachés, de satisfaire une certaine clientèle dans le
sens très large du mot, par un réseau qui lui fait plaisir et
correspond à ses ambitions sur le plan professionnel et autrement, et
d'entretenir également un autre réseau qui, lui-même,
aurait sa propre clientèle.
Je crois que le rôle du gouvernement, s'il a un rôle
à jouer sur le plan global de conception et de gestion d'un
réseau d'établissement ayant des fonctions propres, ayant des
orientations qui sont distinctives, c'est précisément de faire
sentir certaines contraintes qui sont la contrepartie, en quelque sorte, de ce
qui est demandé aux autres éléments du réseau, et
une condition essentielle pour qu'ils apprennent à vivre ensemble et
à se compléter les uns les autres.
C'est un équilibre qui sera toujours difficile à
maintenir. Je pense que l'élément nouveau, c'est qu'on injecte
dans un secteur immense de notre activité collective, un
élément qui n'existait pas dans le système traditionnel,
mais qui est particulièrement fortement représenté au
niveau local, mais qui n'est pas absent non plus, je devrais le faire
remarquer, par la participation au conseil d'administration, plutôt que
par des comités consultatifs, comme c'est le cas dans un autre secteur,
qui est présent au conseil d'administration, un élément de
participation, de préoccupation des besoins, tel que ressentis par
l'usager.
C'est une formule qui suppose et ceci, peut-être, en
terminant un intérêt. Il est presque tabou de parler,
surtout à notre époque, d'une absence de motivation et d'une
absence d'intérêt.
Cependant, il ne faut pas être trop idéaliste non plus. Je
pense qu'il y a une chose qui s'appelle l'absence d'intérêt et
l'absence de motivation à une participation, que ce soit au
comité d'école vis-à-vis de l'éducation des
enfants, que ce soit
dans nos établissements vis-à-vis de l'état de
santé de la population.
Ce serait se faire des illusions que de présumer que la
capacité, la volonté est là, et que ce ne sont que des
obstacles administratifs et légaux, ou juridictionnels qui en
empêchent l'expression.
Ce sont également ces préoccupations
d'intérêt de la population, à ses affaires à elle,
ce sont également des choses qu'il faut développer, qu'on ne peut
pas prendre pour acquises. Je crois que le développement institutionnel,
le développement au point de vue administratif et autres, peut
accompagner un développement sur le plan de l'intérêt et de
la motivation. Il ne peut absolument pas le précéder.
Je crois que c'est un développement qui doit se faire à
peu près au même rythme des deux côtés. Au
départ, ce que nous avons présumé, c'est que,
peut-être, il y avait un potentiel non exprimé, beaucoup plus
considérable qu'il ne s'est avéré de fait, lorsque l'on
considère, par exemple, la participation aux réunions, surtout
dans certains quartiers, dans certains districts, qui n'a pas la vigueur et la
force, même au départ, de ce qu'on pourrait souhaiter, lorsque
l'on considère la participation, au processus électoral dans les
établissements.
Il est évident qu'il y a là des possibilités qui
existent et l'apparition des possibilités n'a pas fait apparaître
nécessairement le phénomène de participation, dans tous
les cas.
Donc, il y a une éducation à faire, un
intéressement progressif à réaliser.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Taschereau.
M. Bonnier: M. le Président, je pense que la discussion
que nous avons pourrait être fort longue, parce qu'elle implique une
foule de principes qui se réfèrent à l'organisation
communautaire, qui se réfèrent également au rôle de
l'Etat, en relation avec les citoyens.
C'est sûr que la véritable combinaison des deux est
toujours à rechercher. Cependant, il me semble que, lorsqu'on centre la
discussion sur le rôle du directeur général, tel
qu'énoncé dans le texte, peut-être le prend-on comme
étant un exemple d'une certaine volonté.
Moi, je pense qu'il faudrait également regarder l'ensemble de
l'opération bilan qui va faire son rapport en juin, je suppose, ou en
juillet, pour qu'on sache exactement ce qu'est un CLSC.
Je pense que l'ambiguïté de la définition même
de la vocation, du rôle d'un CLSC dans un milieu a eu comme
conséquence, évidemment, que les gens s'en sont plus ou moins
approchés.
Il y a des gens qui s'en sont approchés parce qu'il y a des gens
qui s'occupent à peu près de tout, mais qui, après cela,
se sont dit: On fait quoi exactement? On ne le savait pas. Je pense bien que,
lorsque le député de Saint-Jacques fait un parallèle avec
les comités d'écoles, c'est un peu la même chose.
Les comités d'école ne fonctionnent pas parce que les
parents, dans un bon nombre de cas, ne comprennent pas ce qui se passe à
l'école.
Ils se disent: Le comité d'école, quand même nous y
allons, on se fait dire ce qui se passe, on se fait informer, mais on n'est pas
capable d'orienter cette grosse machine qui s'appelle l'éducation.
Lorsque les études de la commission Castonguay-Nepveu ont abouti,
après plusieurs années, à la suggestion de
l'établissement de CLSC, ce qu'on voulait, c'était de
déconcentrer l'administration d'un certain nombre de services et,
également, d'essayer de rapprocher ce type de services à des
besoins réels d'une population.
Les deux y étaient. Peut-être qu'à ce
moment-là, lorsqu'on aura mieux défini le rôle du CLSC, on
pourra peut-être davantage préciser le rôle du directeur
général. Cela me semble un peu prématuré de le
définir immédiatement. Je pense qu'il va se préciser, du
moment qu'on va préciser la vocation. Si c'est vrai c'est un
fait, je pense bien que l'intégration et la participation
communautaire des gens, ce n'est pas un mouvement naturel pour la
majorité des gens, c'est fort possible, je pense que c'est vrai qu'il va
falloir faire de l'éducation. C'est peut-être vrai aussi qu'il ne
faudrait peut-être pas essayer d'implanter des CLSC partout.
Il faudra procéder par essais, et voir où cela
réussit, pourquoi cela réussit, dans quel sens que cela
réussit. On ne peut pas dire que la formule n'est pas bonne, je pense
que la formule est bonne, mais elle a peut-être été...
C'est un peu comme si on faisait un parallèle dans le domaine scolaire,
où on a peut-être été un peu rapidement, dans
certains cas, je pense à l'Opération 55 où les parents
assistaient.
J'ai assisté à une foule de réunions où on
nous envoyait par la tête des statistiques qui venaient du
ministère, qui n'avaient pas été digérées du
tout par les gens et cela été implanté comme cela:
Après cela, on se surprend que les gens n'y adhèrent pas.
Je pense que peut-être les CLSC, sans le vouloir, ont fait un peu
la même erreur et que, lorsqu'on aura mieux défini le CLSC dans
certains milieux, on pourra, avec les gens du milieu, essayer de voir
jusqu'à quel point cela correspond à un besoin, jusqu'à
quel point leur participation est nécessaire.
A partir de ce moment-là, je pense que le rôle même
du directeur général va se préciser et sans doute qu'il
faudra maintenir un lien avec le ministère de l'Education, mais je pense
que, si on veut vraiment que les gens du milieu soient un tant soit peu
responsables de l'orientation du CLSC, il va falloir qu'ils aient une
responsabilité quant à l'orientation, la définition des
besoins, je pense bien, mais aussi quant à la mise sur pied et la
responsabilité de contrôle de ces services qui seraient
donnés, du moins quant à l'évaluation de leur importance
et de leur efficacité.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre.
Le député de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Personnellement, j'étais ici lors de
l'étude de cette loi. Il me semblait, lors de ces études, qu'il
était tout à fait évident que la fondation et
l'établissement des CLSC, dans diffé-
rentes parties de la province, ne se ferait pas si aisément qu'on
semblait le croire dans le temps.
On parle de définitions du CLSC. Je crois que définir un
CLSC, c'est tellement difficile, qu'il faut certainement le décrire dans
des termes très généraux, pour la bonne raison que, pour
en donner une définition précise d'un CLSC donné, il
faudrait nécessairement connaître quels sont les besoins, non
seulement de l'ensemble de la province, mais de chaque secteur, de chaque
paroisse et bien souvent, de chaque ville.
Un CLSC peut être utile en rendant un service donné
à un endroit donné et absolument impuissant à donner le
même service... Ce même service peut être inutile, dans un
autre endroit donné.
M. Bonnier: Ce n'est pas la définition, c'est
l'évaluation des besoins.
M. Saint-Germain: Si vous voulez. Mais comme je le dis, il en
reste que ce n'est pas la définition. Comment voulez-vous définir
ce qu'est un CLSC dans des termes très précis? Ce sont toujours
des définitions tellement générales qu'on peut y inclure
à peu près n'importe quoi.
Je pense qu'il y aura un parallèle à faire entre
l'établissement de CLSC et la fondation de certaines
coopératives, des caisses populaires en particulier. Les caisses
populaires, à mon avis, sont le résultat d'un besoin du milieu.
Il y a eu un homme, à un moment donné, qui a étudié
le service que pouvaient rendre les caisses populaires dans le détail,
un homme du peuple et un homme qui connaissait bien les besoins précis
de la province et d'une façon extrêmement spécifique.
C'était une question de finance. Ce n'était pas
général comme le CLSC, les services qui devaient être
rendus par les caisses, on pouvait réellement les définir, on
pouvait réellement établir le pourquoi d'une caisse, ses
obligations vis-à-vis du public, le service qu'elle pouvait rendre. On a
été assez intelligent et assez observateur pour canaliser la
bonne volonté de la population qui existe aujourd'hui comme elle
existait dans le temps, mais on a été assez fin, assez humain, on
connaissait très bien le milieu et on a pu canaliser les énergies
et la bonne volonté de chacun. Tout cela s'est fait avec quoi? Avec les
années, avec les décennies.
Les caisses populaires n'ont pas joué un rôle important au
point de vue économique, si vous voulez, peut-être jusqu'à
il y a dix ans. Même aujourd'hui, on commence à prévoir
jusqu'à quel point elles peuvent devenir puissantes si elles continuent
cette évolution toujours en condor-dance avec les besoins de la
population. Vous arrivez avec un CLSC, c'est tout à fait nouveau. On
parle d'éducation. La commission scolaire dans la province de
Québec a une tradition vieille d'au-delà d'un siècle
probablement. Comme députés, ceux qui ont été
commissaires ont tous eu des expériences personnelles dans le milieu
qu'on représente. On a toujours eu de la difficulté à
intéresser les gens à leur commission scolaire. C'est le
même phénomène aujourd'hui. Les gens ne vont pas voter, les
gens ne s'intéressent pas. Personne n'assiste aux assemblées. On
a essayé avec nos lois d'atteindre les gens. Qu'est-ce que vous voulez?
Lorsque les gens, comme on l'a si bien dit, se sentent impuissants à
changer quoi que ce soit, lorsqu'on connaît les structures scolaires,
l'omniprésence du ministère de l'Education, la
responsabilité bien définie des commissaires, les contrats de
travail des professeurs, ainsi de suite, les gens vont là et disent:
C'est très intéressant, mais qu'est-ce qu'on peut faire pour
changer l'évolution? Ils sont un peu perdus. C'est un peu un labyrinthe
pour eux.
Le CLSC, c'est un peu la même chose. C'est tellement vaste. Comme
je vous le dis, chez les citoyens en général, cette bonne
volonté existe, mais on ne peut pas éviter qu'un vendeur
d'assurance, par exemple, se serve du CLSC pour faire du contact public. On ne
peut pas éviter qu'un partisan de l'extrême-gauche ou de n'importe
quelle théorie politique, soit-il du Parti libéral, du Parti
québécois ou de quoi que ce soit, veuille participer et essayer
de se servir d'un CLSC pour imposer sa théorie. C'est normal. C'est cela
l'humain.
On ne pourra jamais avoir un cours universitaire ou un cours qui se
donnerait à des hommes en disant qu'on forme un directeur par des cours.
Je pense que ce n'est même pas assez limité. Quelle doit
être la formation première d'un directeur, quelles que soient sa
formation et ses connaissances? C'est la connaissance profonde du milieu, et
pas du milieu général et nécessairement de la province de
Québec, mais du quartier qu'il veut servir. Ce directeur va apprendre
comment? Comme tous les fonctionnaires, comme nous d'ailleurs. Comment va-t-on
apprendre à diriger un CLSC? Dans l'action, dans l'expérience. Il
n'y aura jamais d'autres sortes de cours qui pourront se donner. Le directeur
et ceux qui sont responsables du CLSC, il faut absolument qu'ils aient et
conservent la confiance et le respect du milieu. Ces gens doivent être
choisis avec justesse, quels que soient les gens qui vont les choisir. Si vous
manquez votre coup au départ d'un CLSC, vous faites bien plus de dommage
que vous ne faites de bien, parce que, tout de suite, il y a des
préjugés contre les CLSC qui s'établissent et qui peuvent
durer.
Les professionnels, que ce soient des médecins, des sociologues,
des psychiatres, des psychologues ou ce que vous voulez, ne sont pas
habitués à travailler dans un milieu comme le CLSC. C'est tout
à fait nouveau. C'est un tout autre contexte. Pas plus que les gens du
milieu sont habitués à travailler avec leurs professionnels; on
est habitué dans le milieu à demander un service aux
professionnels. On n'est pas habitué à travailler en
coopération avec lui. Je vous dis, en toute sincérité, que
j'ai beaucoup de sympathie pour ceux qui, comme fonctionnaires, vont essayer
d'établir les CLSC et d'avoir des CLSC efficaces, parce qu'ils n'ont pas
fini. Le débat n'est pas terminé. Cela durera, cela va durer
pendant dix ans et cela va encore durer dans vingt ans. Il n'est absolument pas
certain que cette loi sera simplement inopérante, qu'elle aura
peut-être simplement concouru à y perdre des millions et, si vous
voulez, à rebuter les gens qui auront travaillé d'une
façon désintéressée dans les CLSC. Il y a
des gens qui voudront travailler d'une façon absolue dans les CLSC et
qui vont être tellement déçus qu'ils vont s'en aller chacun
chez soi et qu'ils ne voudront jamais plus entendre parler de vie
communautaire.
Qu'on ne se scandalise pas que les règlements vont changer. Ils
vont changer. Même la loi va changer. On va en entendre parler, comme
législateurs pendant des décennies parce qu'à mon avis,
ceux qui ont conçu le CLSC, c'était des gens très bien
intentionnés, mais qui n'ont jamais évalué la tâche
qu'ils se donnaient et la responsabilité qu'ils se donnaient, parce
qu'on aurait pu commencer cette chose d'une tout autre façon qu'on ne
l'a fait avec le bill 65. On a essayé... Vous avez les hôpitaux
qui jouent dans notre milieu, depuis des décennies, un rôle de
base. On n'est pas capable d'intéresser les gens à s'occuper de
leur hôpital. Qu'est-ce que vous voulez? Chez nous, je pourrais vous
nommer un hôpital où il y a beaucoup de dames patronnesses qui
travaillent et où il y a beaucoup de services bénévoles. A
ma grande surprise, s'il y a une assemblée pour élire les
directeurs, il y a treize personnes. C'est inimaginable. Je ne crois pas qu'on
doive blâmer les gens parce que je crois que les gens sont prêts
à voir leur action et leur bonne volonté canalisées de
façon à travailler dans un but donné. Seulement, ce n'est
pas facile à faire. Ce n'est pas facile à chaque hôpital ou
à chaque commission scolaire ou à chaque CLSC. Cela prend des
hommes. Un directeur de CLSC, à mon avis, devrait être un
être humain, un homme patient qui comprend les gens. Où allez-vous
trouver ces gars-là?
Peut-être qu'on aurait dû simplement miser... Parce que des
CLSC, avant la loi, il en existait. Il y avait tout de même des
coopératives ou des mouvements localisés qui étaient
efficaces. Peut-être qu'on aurait dû simplement aider ces gens,
essayer de leur donner certains corps, toujours en respectant leur autonomie et
leur capacité de décision, et essayer de bâtir
peut-être là-dessus pour en arriver dans dix, quinze ou vingt ans
de travail à fonder réellement un CLSC. Je ne le sais pas. Enfin,
j'ai peut-être été trop long, mais quant à moi, je
suis bien prêt à écouter parler de CLSC, parce que je sais
pertinemment que, tant que je serai député, je vais en entendre
parler. Le ministre qui va en être responsable va en entendre parler.
Cela ne sera jamais un cadeau pour le ministre et cela ne sera jamais un cadeau
pour qui que ce soit qui s'occupera des CLSC. Les problèmes seront
éternels, du moins pour les prochaines années.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Autre question au
programme 4?
M. Charron: Oui, M. le Président. Avant l'excellente
intervention du député de Jacques-Cartier, le ministre avait
conclu je vais immédiatement enchaîner avec une question
en faisant mention de l'importance que le système CLSC, appelons
le comme cela pour les fins de la discussion, soit intégré
à l'ensemble du réseau, et non pas qu'il soit un réseau
parallèle à des fins bien particulières pour ceux que cela
intéresserait.
Il a, à ce moment ce que j'endosse également
fait état de contraintes auxquelles le système CLSC devrait
lui-même se soumettre, puisqu'il a l'intention de le garder membre d'un
réseau entier, contraintes qu'il a comparées à celles que
les autres membres du réseau ont dû s'imposer pour l'existence des
CLSC disant: Vivant tous dans la même famille, autrement dit, dans ce
réseau de services sociaux et de santé communautaire, nous sommes
à étudier l'ensemble des crédits, ce sont des contraintes
pour des contraintes.
J'aimerais amener le ministre à préciser ce que, selon
lui, ont été les contraintes imposées aux autres
partenaires du réseau social, par l'arrivée des CLSC. Autrement
dit, les autres membres du réseau ont été affectés,
dans leur existence antérieure, jusque-là traditionnelle, par
l'arrivée des CLSC. Peut-il identifier ce que cela a signifié
pour eux?
J'enchaîne immédiatement, M. le Président, parce que
je vois que le temps passe, à l'autre facette dont je voulais parler, II
y a eu, effectivement, à mon avis, des contraintes. Les CLSC ont
beaucoup de difficultés, comme le disait mon voisin, mais ils ont aussi
beaucoup d'ennemis. Les uns alliés aux autres, c'est-à-dire les
difficultés naturelles d'implantation d'un pareil système avec
ceux pour qui ils se trouvaient à créer de sérieuses
contraintes par leur arrivée, ont fait que le sujet est certainement
à l'ordre du jour pour plusieurs réunions de la commission des
affaires sociales.
Par contre, les autres membres du réseau social ont réagi
à ces contraintes, à mon avis et, parfois, avec l'aide du
ministère des Affaires sociales, toujours dans sa philosophie de
maintenir le réseau parfaitement intégré. J'en nomme deux:
les médecins directement touchés par l'arrivée de cette
médecine un peu particulière... Dans un partage, ils n'ont plus
des donneurs de service, comme nous le disait le député de
Jacques-Cartier, mais des coparticipants désormais. Ils ont eu des
réactions très professionnelles, parfois qui frisaient la chasse
gardée, à d'autres occasions inquiétantes quant à
leur statut professionnel, inquiétudes légitimes à
d'autres occasions. Mais, peu importe, ils ont donné l'occasion, par
exemple, de développer des réseaux de polycliniques
privées, extrêmement bien munies, bien bâties, oeuvrant
parfois un peu sur le modèle de nos centres de main-d'oeuvre, face
à face, au bord de la rue, Canada-Québec, oeuvrant parfois dans
le voisinage immédiat d'un CLSC qui était en voie d'implantation
et qui s'efforçait d'établir ce même genre de service.
On dit, à plusieurs endroits, que ces réseaux de
polycliniques privées ont bénéficié d'un bon oeil
accordant du ministère des Affaires sociales, alors que même vues
comme une réaction à des contraintes imposées par
l'arrivée des CLSC, on permettait, on tolérait et, à
l'occasion, on favorisait l'arrivée de ces polycliniques privées,
rivales, à certaines occasions, de services de santé qu'on
essayait, de peine et de misère, d'établir dans les centres
locaux de services communautaires.
Autre exemple des réactions aux contraintes qu'ont
développées les autres partenaires du ré-
seau social, avec l'arrivée des CLSC, cette toute nouvelle
initiative que 31 centres hospitaliers du Québec, je crois, comptent
maintenant, des centres de santé communautaire. On a vu, dans plusieurs
endroits, le développement des centres de santé communautaire,
dans les hôpitaux comme une concurrence établie ou en voie de
s'établir, mais bénéficiant d'un budget tellement
considérable et, surtout, de l'acquis du passé des centres
hospitaliers dans la vie sociale des Québécois, comme
étant une espèce de grugeur de certains services qu'encore une
fois les centres locaux de services communautaires, avec toutes les
difficultés qu'ils sont appelés à connaître par leur
nature même, se voyaient ajouter.
L'Hôpital Saint-Luc, à Montréal, M. le
Président, a un centre de santé communautaire qui
développe et était à développer un certain nombre
de services, à partir de son propre budget de fonctionnement qui,
littéralement, coupaient l'herbe sous le pied aux services que la CLSC,
du centre-ville, était à se donner. C'est un fait.
Il a fallu des négociations ardues, entre le directeur du centre
hospitalier et celui du CLSC, du centre-ville, pour qu'on en vienne
actuellement à une espèce de guerre froide, de statu quo, du
genre de la théorie des dominos, qui s'appliquait sur le terrain du
centre-ville de Montréal. Jusqu'à telle rue, c'est le centre
communautaire, de l'autre côté de telle rue, c'est le CLSC. Tel
genre de service, lorsque cela obtient telle ampleur, c'est au CLSC; dès
que cela dépasse telle ampleur, cela passe au centre hospitalier et vice
versa, à l'occasion. Tel genre de soin était uniquement
réservé, par protocole, au centre hospitalier; tel autre genre de
soins, uniquement... Tout cela, on l'a vécu à Montréal; on
le vit ailleurs. Il y a 31 centres hospitaliers, si mon chiffre est exact,
désormais dotés d'un centre de santé communautaire.
Les mauvaises langues ont dit que c'était fait pour
littéralement miner le développement des CLSC. Je ne prête
pas d'intentions aussi machiavéliques à cela, surtout, lorsque
c'est fait avec les mêmes fonds, provenant des mêmes contribuables.
Il reste que, dans le développement concret, encore une fois par
réaction aux contraintes qu'imposait l'arrivée des CLSC, les
autres partenaires du réseau social ont eu leurs propres
réactions les médecins, en développant un grand nombre de
systèmes de polycliniques et les centres hospitaliers, avec l'aide du
ministère des Affaires sociales, en initiant ce centre de santé
communautaire. L'occasion est littéralement du duplicata ou, lorsqu'elle
ne l'est pas, elle est une entrave au développement libre que nous
espérions par la seule décision des conseils d'administration des
CLSC, aux genres de services qu'ils veulent implanter dans leur quartier.
Ces deux phénomènes, M. le Président, je pourrais
les étayer d'un grand nombre de citations, si le terme en était
donné. Ils ont été beaucoup discutés, dans la
Presse et, j'imagine, dans les officines du ministère des Affaires
sociales, quand à leurs réactions. J'ai signalé ces deux
phénomènes, parce que, quand le ministre me disait qu'il fallait
que les CLSC comprennent qu'on ne les laissera pas aller, de façon
parallèle, mais qu'ils font partie d'un réseau, je dis: Soit,
mais ne croyez pas que les autres membres du réseau n'ont pas
réagi, eux non plus.
Les exemples que j'ai donnés m'apparaissent comme des faits
réels de réactions, dans le bon sens du mot. L'arrivée
d'un corps étranger a produit une réaction...
M. Dufour: De rejet.
M. Charron: ... de rejet je n'espérais pas
être aussi abondant de la part de la classe médicale, d'un
côté... C'est un phénomène qui n'est pas sans
importance pour les CLSC, car c'est un secret de polichinelle, par exemple, M.
le Président, que les médecins, oeuvrant dans les CLSC, ont tout
le mal du monde, dans plusieurs endroits du Québec, dans la ville
où nous sommes aujourd'hui, à voir leurs patients
hospitalisés. Ils ne sont pas les favorisés, quand à
l'obtention... Dieu sait comment c'est difficile l'obtention d'un lit
d'hôpital. Le partage des patrons dans les hôpitaux, le
phénomène bien connu du monopole médical sur les centres
hospitaliers québécois est un fait.
L'arrivée, en plus des médecins pratiquants, en cabinet
privé, de ces polycliniques à partir desquelles l'espèce
de banque de lits que possèdent un certain nombre de patrons, dans les
hôpitaux, sont mis à la disposition de la polyclinique, rendent
encore plus attrayante la polyclinique plutôt que le CLSC, parce que bons
nombre de gens... Cela se dit de bouche à oreille et de canton en
canton: Si tu veux te faire soigner et si tu veux avoir une chance d'entrer
à l'hôpital rapidement, sans être sur une liste d'attente,
va plutôt à la polyclinique qu'au CLSC. Le CLSC est sur la "black
list" à l'hôpital. Quand tu es référé par le
CLSC, tu vas passer, quand il y aura des lits libres. Cela se dit à
partir de faits vécus. C'est ce que j'appelle des réactions aux
contraintes qu'imposait l'arrivée des CLSC. C'est pour cela que je pose
à nouveau avec ces deux exemples, que j'invite le ministre à
commenter, bien sûr, ma première question, M. le Président.
Vous avez parlé de contraintes que se sont imposés aussi les
partenaires. Décrivez-les donc avec un peu plus d'abondance, parce que
nous avons assisté à une réaction à ces contraintes
qui nous semblent probablement extrêmement bien efficaces.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
ministre.
M. Forget: M. le Président, je veux le faire
volontiers.
Je suis presque tenté de préfacer, cependant, mes
remarques, mais je m'abstiendrai de le faire parce que le député
de Saint-Jacques a dit qu'il avait un ton modéré. C'est vrai, je
lui en sais gré, mais je pense, malgré tout, sans le dire, qu'il
nous permettra d'affirmer que... J'ai l'impression, en entendant un peu sa
description de ces problèmes, que, quand on n'a pas de problèmes
on s'en cherche ou on s'en crée. Dans le sens suivant, c'est
qu'un très grand nombre des exemples ou des illustrations de
l'argument qu'il a cité m'apparaissent des développements tout
à fait normaux qui ne constituent pas, loin de là, des
problèmes nouveaux qu'il faudrait résoudre.
Avant d'en venir à ces illustrations, je vais malgré tout
indiquer un certain nombre de contraintes qui font partie de la même
séria ou de la même réforme qui touche l'ensemble des
services de santé, qui visent les centres hospitaliers, qui ne
découlent pas nécessairement comme telles de l'existence des
CLSC, mais qui s'inscrivent dans le même contexte. Comme je l'ai
indiqué tantôt, une certaine ouverture, plus qu'une certaine
ouverture, une ouverture certaine des conseils d'administration à une
participation beaucoup plus largement définie que ce n'était le
cas dans le passé constitue, sans aucun doute, une contrainte nouvelle
sur le fonctionnement des centres qui fait partie du même contexte qui a
vu la création des centres hospitaliers.
La loi 48, ceci a d'ailleurs été reconfirmé et
précisé dans les amendements adoptés l'automne dernier,
introduit le principe du droit de tout médecin à pratiquer dans
un centre hospitalier. Bien sur, tous les problèmes ne sonj: pas
résolus de ce côté. Le député de
Saint-Jacques a justement fait allusion à certaines réticences
qui existent encore et qui s'expriment, à l'occasion, vis-à-vis
des médecins des CLSC. Mais c'est un phénomène beaucoup
plus large que celui-là, qui date de bien plus longtemps que
l'idée même des CLSC au Québec. Malgré tout, ce
phénomène dans la loi, dans la mesure où elle est
appliquée, et là cela dépend des parties de vouloir mettre
en marche les mécanismes pour son application, il permet, il consacre le
droit de tout médecin à l'accès à un centre
hospitalier, avec les recours que la loi prévoit désormais, fort
explicitement, et qui ont d'ailleurs déjà été
utilisés avec profit par ceux qui s'en sont prévalus.
Il y a les services de santé communautaire. Nous y reviendrons.
Il reste que le service de santé communautaire vu simplement du point de
vue du centre hospitalier constitue une invitation au monde hospitalier
à s'intéresser à ce qui se passe en dehors de ses murs,
contrairement à une approche plus traditionnelle où le centre
hospitalier, un peu comme les juges, était passif. On lui amenait des
problèmes pour les résoudres dans le meilleur des cas.
Maintenant, on dit à un certain nombre de centres hospitaliers, donc au
monde hospitalier dans son ensemble: II y a des problèmes en dehors de
vos murs et vous devez prendre des initiatives, pas seulement avoir une
attitude passive vis-à-vis du milieu, mais une attitude active. C'est
une nouvelle contrainte qui provoque un certain nombre de changements
d'attitude, de changements de comportement qui ne sont pas
indifférents.
Il y a des échanges de services qui sont encouragés et
qui, là aussi, vont un peu contre le grain, parfois, des échanges
de services non seulement vis-à-vis du CLSC, mais très
certainement vis-à-vis du CLSC dans le cas des
prélèvements qui sont faits et qui sont envoyés dans un
labora- toire d'hôpital par exemple, des références
généralement faites du CLSC au centre hospitalier, un
échange de services qui peut prendre la forme dans le cas des centres
d'accueil par exemple, mais toujours du point de vue du centre hospitalier dans
des services de pharmacies, le contrôle de la médication dans les
centres d'accueil. C'est là un genre de contraintes qui sont à la
fois des contraintes et des invitations à un certain dépassement
du rôle traditionnel, mais qui, compte tenu des habitudes, constitue
aussi un aspect contraignant dans l'orientation, dans le
développement.
Pour ce qui est des centres hospitaliers d'enseignement, il y a des
contrats d'affiliation, qui ont défini les rôles respectifs des
autorités responsables de l'enseignement vis-à-vis de celles
responsables des activités cliniques proprement dites, qui constituent
une autre invitation à changer dans un sens qui, je pense, est favorable
au progrès de l'enseignement médical et qui, malgré tout,
constitue une contrainte inhérente à ce nouveau contexte.
Ce ne sont que quelques simples exemples, mais il y en a probablement
d'autres qu'il serait possible de citer; il y a des contraintes qui
découlent des efforts de régionalisation et des structures
régionales mises en place qui progressivement s'affirmeront
vis-à-vis des centres hospitaliers et vont provoquer un certain
regroupement, une mise en commun de différentes ressources dont notre
milieu hospitalier a sûrement besoin et d'une façon aiguë
dans certains cas.
On a parlé des réactions engendrées dans
différents milieux. Je dois dire immédiatement, et je le
répète pour la centième fois et je veux bien le dire une
cent unième fois, que c'est un peu construire un problème
artificiel que de parler d'une concurrence entre les CLSC et les polycliniques.
Que les médecins du Québec aient décidé, comme
leurs collègues dans un grand nombre de pays, qu'il était plus
commode et souvent plus économique de regrouper leurs bureaux et
d'aménager leurs heures de travail en fonction d'une pratique en commun
plutôt que d'une pratique isolée, c'est l'évidence
même, et si les politiques du ministère n'ont eu pour effet que de
leur faire comprendre les avantages qui ont toujours existé en faveur de
tels arrangements, il faut non seulement les en féliciter, mais
féliciter le ministère pour leur avoir ouvert les yeux sur cette
évidence a l'époque dans laquelle nous vivons. C'est normal;
c'est une situation qui se développe, qui existe en bien d'autres
endroits dans le monde, mais ça n'est pas pour autant une concurrence
dans le sens où le député de Saint-Jacques employait ce
mot.
Il faut se poser la question à savoir si les polycliniques sont
de nature à donner à la prévention dans le domaine de la
santé l'importance qui lui revient. On sait que la
rémunération à l'acte, qui est la règle universelle
dans le cadre de la pratique en cabinet, permettrait mal de supporter, surtout
économiquement, des activités de prévention, puisqu'il est
normal d'avoir recours à un personnel particulièrement
formé, et peut-être moins intensivement spécialisé
dans les aspects curatifs de la médecine, pour cette action
préventive. Or, le
mode de rémunération utilisé interdit d'y songer
dans ce contexte. Pour tout le personnel de soutien de l'activité
médicale, dont l'importance croît à cause du
développement scientifique, technologique du secteur médical; il
y a des limites très restreintes aux possibilités d'une
polyclinique, même en regroupant des ressources, de financer de tels
services. Est-il question de services de laboratoire dans les mêmes
conditions qu'ils sont offerts dans le réseau hospitalier public dans un
tel contexte? Evidemment non. Donc, il me semble que, lorsque l'on compare le
CLSC et ce qu'il veut apporter sur le plan de la prévention et de
l'élaboration de programmes spéciaux pour une
clientèle-cible comme les personnes âgées, l'enfance,
l'hygiène maternelle et infantile, la santé industrielle, on met
en parallèle des choses qui sont essentiellement différentes,
mais qui sont sans doute complémentaires. Ce qui ne signifie pas que,
dans le cadre d'un CLSC, la présence médicale ne soit pas
importante; elle l'est plutôt de façon différente de celle
qu'elle a dans une polyclinique.
Il y a donc tout un régime de collaboration à
établir entre les médecins qui font de la pratique privée,
qu'ils soient ou non regroupés, la nature de la pratique ne change pas
parce qu'ils travaillent dans un lieu physiquement différent, et des
CLSC qui peuvent évidemment, dans certains milieux, pour des raisons
d'accessibilité ou de préférence individuelle aussi, parce
qu'il faut aussi prévoir de telles circonstances et qu'il est tout
à fait normal qu'il y ait des médecins dans ces milieux, et ils
est nécessaire et essentiel qu'ils le soient pour plusieurs fonctions
propres aux CLSC et pour lesquelles il n'y a malheureusement aucune
concurrence.
Le jour où il y aura concurrence dans notre secteur dans le
domaine de la prévention et de l'éducation sanitaire, nous aurons
fait beaucoup de chemin. Le gros problème actuellement se situe
plutôt au niveau de la carence; on n'en est hélas! pas rendu
à décider de qui s'occupera de la prévention parmi la
foule de gens intéressés à le faire, ou alors nous serions
rendus sensiblement plus loin que nous le sommes maintenant. Donc, la
concurrence ne joue pas. D'ici quelques années, il sera possible, avec
un peu de recul de voir jusqu'où ces expériences de polyclinique
nous mèneront.
Est-il possible de concevoir qu'elles assument le fardeau des urgences
mineures et d'une présence continue de services médicaux dans
chaque région sur la base actuelle? J'espérerais que ce soit
possible, mais je vois mal qu'elles puissent l'assurer dans toutes les
circonstances. Dès lors, la nécessité du CLSC deviendra
évidente; elle constituera même, à mon avis, une des
préoccupations et fera l'effet d'une des demandes de la part de ceux qui
aujourd'hui en redoutent la concurrence, à tort, je le redis.
La même idée de concurrence vis-à-vis des services
de santé communautaires est tout aussi factice et artificielle. Il faut
voir ce qui a été fait; d'ailleurs, la création de ces
services coïncide dans le temps avec le lancement de l'idée des
CLSC; il n'y a donc pas de conflit ni de retour en arrière auquel on
pourrait attribuer l'idée des services de santé communautaires.
Il y avait des acti- vités de santé publique qui,
traditionnellement, au Québec comme ailleurs, étaient
assumées par le gouvernement de façon centralisée, par des
médecins et des infirmières fonctionnaires. Dans bien des pays,
et ici en particulier, cette formule a été jugée
inefficace. Certaines activités n'étaient pas assumées de
fait, d'autres l'étaient de façon inadéquate et fort
marginale par rapport à l'ensemble des services de santé offerts.
La formation des services de santé communautaires constitue pour une
large part une décentralisation d'activités autrefois
assumées directement par le ministère des Affaires sociales, qui
sont et qui devraient être de plus en plus des activités
d'évaluation et de contrôle de la santé publique, des
activités de première ligne. Il est nécessaire de
prévoir que quelqu'un s'occupe, entre autres, de la vaccination des
enfants, de programmes élémentaires de santé publique,
comme la santé industrielle, maternelle ou infantile, le
dépistage et le suivi d'un certain nombre de maladies infectieuses.
A mon avis, il n'a jamais été question, il pourrait
difficilement être question de confier de telles responsabilités
aux CLSC, car il n'y a aucun espoir, même dans trente ans, d'avoir
suffisamment de personnes ayant une formation appropriée pour le faire
efficacement en multipliant les points de service à l'infini, et surtout
en multipliant les responsabilités de contrôle et
d'évaluation qui sont essentiels au réseau des services de
santé et qui lui font cruellement défaut à ce jour.
Ces évaluations et ces contrôles de la santé
publique ne peuvent pas être multipliés plus qu'ils le seront dans
ces trente et un services de santé communautaires; cette activité
d'évaluation et de contrôle est en tout point compatible et
complémentaire à la fonction des CLSC: il'n'y a donc pas
concurrence de ce côté. Dans l'éventualité d'une
concurrence, je reviens à la remarque que j'ai faite plus tôt au
sujet des polycliniques, si on se bat pour donner des services à la
population, si on rivalise d'imagination et d'audace pour élaborer des
programmes de prévention, s'occuper de la santé publique en
général sous tous ses aspects et ceux qu'elle revêt en
1975, je ne suis pas particulièrement inquiet ou désolé de
cette forme de concurrence, car on en retrouve dans bien d'autres secteurs qui
seraient moins prioritaires et l'on ne semble pas nous en tenir rigueur.
Je crois qu'une certaine émulation dans ce secteur serait
sensible, quoique, au niveau des conceptions et des rôles, il n'y en ait
pas, bien sûr. L'expérience seule permettra d'ajuster plus
finement la contribution respective de chacun des agents dans ce domaine.
La concurrence est la dernière des inquiétudes que l'on
pourrait avoir dans tout le secteur de la santé publique et
préventive.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Vanier.
M. Dufour: M. le Président, je ne voudrais pas laisser
passer sous silence l'affirmation du député de Saint-Jacques qui
confirme ce que M. le ministre vient d'exprimer, à savoir qu'il n'y a ni
concurrence ni rivalité entre les médecins des secteurs public et
privé. Je ne voudrais pas laisser croire à
la population que les patients suivis dans les CLSC subissent des
préjudices parce qu'ils sont traités dans le secteur public
lorsqu'il s'agit d'hospitalisation. Pour la satisfaction du
député de Saint-Jacques, je puis dire que les membres du CLSC de
la basse-ville font partie du département de médecine
générale de l'hôpital où je pratique; ils assistent
à nos bureaux médicaux, ils soignent leurs patients à
l'hôpital et ils y sont acceptés aussi vite que les nôtres.
Mais il ne faudrait pas que le contraire arrive et que les patients du secteur
public entrent plus vite que ceux du secteur privé. Connaissant
très bien le milieu hospitalier de Québec, je sais que les
patients attendent parfois jusqu'à six ou huit mois, qu'ils viennent du
secteur public ou privé, pour avoir un lit à l'hôpital. Je
ne crois pas que cela dépende du fait que le malade est traité ou
suivi dans un CLSC, un bu- reau privé ou une polyclinique. Dès
lors, je ne crois pas nécessaire que l'on s'attarde ici à faire
un peu de démagogie; je crois que les bureaux d'admission des
hôpitaux sont suffisamment bien organisés maintenant pour faire la
part des choses et être le plus juste possible pour ceux qui
nécessitent des soins.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Programme 4,
adopté.
M. Charron: Non, M. le Président. J'aurai d'autres
questions à la prochaine séance de la commission.
Le Président (M. Houde, Limoilou): La commission ajourne
ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 17 h 58)