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Version finale

30th Legislature, 3rd Session
(March 18, 1975 au December 19, 1975)

Tuesday, December 16, 1975 - Vol. 16 N° 206

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi 253 - Loi visant à assurer les services de santé et les services sociaux essentiels en cas de conflit de travail


Journal des débats

 

Commission permanente des affaires sociales

Etude du projet de loi no 253

Loi visant à assurer les services

de santé et les services sociaux

essentiels en cas de conflit de travail

Séance du mardi 16 décembre 1975

(Dix heures quarante-cinq minutes)

M. Brisson (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

Je constate que nous avons quorum. La commission des affaires sociales se réunit afin d'étudier le projet de loi no 253.

Etant donné les circonstances, nous ajournons la commission sine die.

(Fin de la séance à 10 h 46)

Reprise de la séance à 17 h 10

M. Brisson (président de la commission des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

La commission des affaires sociales se réunit afin de continuer l'étude du projet de loi no 253, Loi visant à assurer les services de santé et les services sociaux essentiels en cas de conflit de travail. Maintenant on me prie de vous faire part des changements suivants chez les membres de la commission. M. Burns (Maisonneuve) remplace M. Bédard (Chicoutimi), M. Verreault (Shefford) remplace M. Bellemare (Rosemont), M. Tremblay (Iberville) remplace M. Lecours (Frontenac), M. Tardif (Anjou) remplace M. Massicotte (Lotbinière).

Le député de Maisonneuve m'a suggéré de nommer comme rapporteur le député d'Anjou.

M. Burns: M. le Président, je n'ai pas suggéré le député d'Anjou, j'ai suggéré le député de Taschereau. Vous m'avez mal compris, c'est le député de Taschereau que je suggère.

Le Président (M. Brisson): Alors, messieurs, on m'informe qu'à une séance précédente, le rapporteur de la commission avait été nommé...

M. Burns: C'était le député de Sainte-Marie.

Le Président (M. Brisson):... c'était le député de Sainte-Marie.

M. Burns: Malheureusement il n'est pas ici, qu'est-ce qu'on fait dans ce temps-là, M. le Président?

Le Président (M. Brisson): On lui rapportera, afin qu'il puisse rapporter.

M. Burns: Comment voulez-vous qu'il rapporte quelque chose s'il n'assiste pas? Cela pose un problème, M. le Président.

Le Président (M. Brisson): II va pouvoir lire les Débats.

M. Burns: Non, non, il faut qu'il soit ici. Est-ce que le député de Taschereau était là à la séance précédente, je pense que oui? Moi je pense qu'on devrait amender notre nomination et proposer que le député de Taschereau soit rapporteur et qu'il... Je me sens très mal appuyé, mais peut-être qu'on pourrait...

M. Bonnier: II n'y a pas grand monde qui est d'accord.

M. Burns: ... mais je constate quand même que je suis appuyé par le député d'Anjou quant à la nomination du député de Taschereau qui était présent, je me souviens qu'il a été présent tout au cours de la séance précédente. Moi je ne vois pas comment on peut nommer un rapporteur ou continuer le mandat d'un rapporteur qui n'est pas ici. Alors, je propose que le député de Taschereau soit nommé rapporteur de la commission.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, comme motion préliminaire, je voudrais faire motion que...

Le Président (M. Brisson): Concernant le rapporteur, est-ce que vous êtes d'accord?

M. Burns: Ah oui, c'est vrai, oui.

Le Président (M. Brisson): Vous êtes d'accord. Donc, en l'absence du député de Sainte-Marie qui est retenu ailleurs, dans ses fonctions...

M. Burns: Adopté.

Le Président (M. Brisson): ... le député de Taschereau, M. Bonnier, est nommé rapporteur de cette commission. Alors le député de Johnson a demandé la parole.

Motion pour réclamer la présence du ministre du Travail

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je voudrais, au début de ces travaux qui reprennent, faire une motion préliminaire que: la commission parlementaire des affaires sociales requiert la présence du ministre du Travail, afin qu'il assiste à ces travaux qui sont très importants et qui le concernent de manière particulière, en vertu du bill 258. Alors, je fais motion que le ministre du Travail soit requis d'être présent à ces travaux parlementaires dans le plus bref délai possible.

M. Forget: M. le Président, je n'ai pas d'objection à ce que l'on demande à mon collègue, le ministre du Travail, d'être présent à nos travaux. D'ailleurs il m'avait indiqué, ce que j'ai transmis à la commission vendredi dernier, lors de notre dernière séance, qu'il était occupé, mais dans une salle voisine de celle dans laquelle nous nous trouvions et qu'il était disponible sur un avis de quelques minutes pour se joindre à nos travaux, répondre à des questions ou intervenir le cas échéant.

Nous n'avons pas eu recours à lui à cette occasion-là. Je suis sûr que sa disponibilité manifestée vendredi est également vraie pour notre séance d'aujourd'hui. Cependant, je ne sais pas physiquement où il se trouve dans le moment et je ne voudrais pas que les travaux de cette commission soient paralysés en attendant qu'on découvre où il se trouve et s'il est disponible à ce moment-ci.

Je suggérerais, s'il y a des points que le député de Johnson ou d'autres membres de la commission veulent soulever en sa présence, qu'ils en prennent note et, le cas échéant, qu'on suspende la discussion de certains articles, par exemple, jusqu'à ce qu'il ait pu se joindre à nous, ce qu'il pourra peut-être faire dès ce soir, si nous continuons ce soir ou à la prochaine occasion possible.

M. Bellemare (Johnson): Les amendements que vais apporter dans quelques minutes, M. le Président, le concernent d'une manière toute spéciale. Et comme le ministre des Affaires sociales et le ministre de la Justice font partie de la commission parlementaire qui étudie la Loi de la protection de la jeunesse, je n'ai pas vu le ministre de la Justice manquer aucune séance, et je pense que c'est fort plus parce qu'il est drôlement question actuellement d'un article du Code du travail no 99.

M. Forget: Ce que je peux suggérer c'est que l'amendement ne soit pas débattu — c'est un amendement à un article spécifique — que cet article soit...

M. Bellemare (Johnson): Non, ce n'est pas...

M. Forget: ... reporté jusqu'à la séance de ce soir.

M. Burns: Non, non, en tout cas, M. le Président, si vous permettez, je m'excuse auprès du ministre, vous n'aviez peut-être pas terminé.

M. Forget: Oui, oui j'ai terminé.

Le Président (M. Brisson): Le député de Maisonneuve.

M. Forget: Oui, oui j'ai terminé, je vous en prie.

M. Burns: Je ne voulais pas vous couper la parole, mais ce que vous venez de dire m'incite à vous dire autre chose. Le député de Johnson pourra nous préciser sa motion, mais, de la façon que moi, je la comprends, c'est la participation exigée de la part du ministre du Travail pour l'ensemble du projet de loi. Je vous signale, simplement, M. le ministre, qu'au départ, avant qu'on adopte l'article 1, avant qu'on adopte un certain nombre d'articles, il m'apparaît essentiel — c'est pour cela que je vais appuyer la motion du député de Johnson — que le ministre du Travail soit ici. Ne le prenez pas de façon directe, M. le ministre. Ce n'est pas dans le sens qu'on conteste votre compétence; ce que je conteste, cependant, c'est que le ministre des Affaires sociales soit en mesure de nous donner les conséquences de l'adoption même de l'article 1 ou de l'article 2 sur l'ensemble du monde du travail.

M. Forget: Ce sont des définitions.

M. Burns: Ecoutez, je vous parle de l'article 1 ou de l'article 2, par exemple. Il lui est difficile même de décider d'adopter un tel projet de loi. En ce qui me concerne — et cela semble la préoccupation du député de Johnson aussi par sa motion — il me semble que le prérequis, c'est de savoir exactement où on s'en va dans le domaine de la détermination des services essentiels.

On pourrait aussi, si on voulait faire un "filibuster" en règle, revenir avec une autre motion, tout de suite après, et dire: II faudrait que le ministre de la Fonction publique soit là aussi. Je vous

dis, personnellement, que je n'ai pas du tout l'intention de faire une telle motion. Ce n'est pas du tout dans le style "filibuster" que nous faisons cela; du moins, c'est comme cela que je l'ai compris de la part du député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): Non, non.

M. Burns: Cependant, un projet de loi comme celui-ci a suffisamment, il me semble, d'importance sur le domaine des relations patronales-ouvrières, sur la législation du travail, sur le Code du travail — c'est quand même, à toutes fins pratiques, un amendement au Code du travail que vous faites — pour que le ministre du Travail soit là et qu'il nous donne, tout au moins, ses vues sur l'ensemble du problème. Vous allez l'admettre M. le ministre, si nous adoptons le projet de loi no 253, dans le domaine des services de santé et des services sociaux, des services essentiels déterminés selon un certain nombre de mécanismes dans ce projet de loi, je suis en droit de penser que, tout à l'heure, on pourra se retrouver avec un projet de loi de la même nature qui visera les enseignants. Je suis en droit de penser que l'on peut recevoir un projet de loi de la même nature concernant les fonctionnaires, concernant les employés de tous les autres services parapublics, comme les employés de soutien des commissions scolaires ou des maisons d'éducation.

C'est, au fond, la question que l'on se pose actuellement, surtout quand on voit, dans la note explicative du projet de loi, qu'il est important, selon les buts mêmes avoués du projet de loi, que le respect des ententes en matière de services essentiels, de même que l'acquisition du droit de grève et du lock-out soient une préoccupation de tout le monde. C'est une des raisons pour lesquelles vous le présentez. C'est vrai que c'est dans un domaine particulier, jusqu'à ce stade-ci, jusqu'à ce moment-ci. Mais il me semble que l'on devrait, tout au moins, vérifier — en tout cas, en ce qui me concerne, je n'ai pas d'objection à suspendre pour deux ou trois minutes — la possibilité que le ministre du Travail soit présent. Je pense que l'on pourrait convenir qu'il est essentiel que ces travaux bénéficient de la participation du ministre du Travail, surtout qu'on sache exactement où le gouvernement, parce que c'est lui qui parlera au nom du gouvernement, veut aller avec sa loi des services essentiels dans le domaine de la santé.

Vous savez, si, dans quelques mois d'ici, on me présente un projet de loi qui vise à étendre à l'ensemble de la fonction publique et parapubli-que les mécanismes que vous proposez par le projet de loi no 253, je vais être très malvenu, de soulever que cela n'a aucun sens de le faire si j'ai participé à ces travaux.

Si, ne sachant pas quelle était l'intention du gouvernement, j'ai voté peut-être pour des raisons très particulières pour ce projet de loi et si j'ai laissé adopter un certain nombre d'articles du projet de loi, alors, je pense que la demande du député de Johnson est parfaitement raisonnable. Je pense que c'est un minimum qu'on exige, la parti- cipation du ministre du Travail aux travaux de cette commission. Tout au moins, s'il ne peut pas participer à tous les travaux de la commission, qu'il vienne répondre à un certain nombre de questions que, entre autres, le député de Johnson et moi-même aurions à lui poser avant l'étude article par article du projet de loi.

Le Président (M. Brisson): Le ministre.

M. Forget: M. le Président, j'écoute avec beaucoup d'intérêt le député de Maisonneuve. Je ne veux pas faire de commentaires sur le fond de ses remarques, dans un premier temps au moins. Mais je désire souligner que cette motion soit amenée à ce moment-ci et qu'on choisisse de la défendre aussi longuement et avec autant de prolixité que vient de faire le député de Maisonneuve me porte à conclure que nous sommes là en face d'une manoeuvre dilatoire.

Il va de soi que les arguments avancés par le député de Maisonneuve sont des arguments qu'il peut fort bien tenir et que je n'ai pas l'intention de contester, donc c'est un peu défoncer une porte ouverte. Cependant je m'étonne, M. le Président, alors qu'il est question depuis deux jours du moment où cette commission va siéger, qu'on n'ait pas eu la simple politesse de nous aviser que la présence de mon collègue serait requise. Vu qu'il est dans son comté, qui est assez loin d'ici comme on sait, puisqu'il est député de Jonquière, on sait très bien qu'il ne pourra pas être avec nous sur-le-champ ni même avant une heure ou deux.

M. Burns: On l'apprend actuellement.

M. Forget: II y avait malgré tout un risque, M. le Président, qu'il ne soit pas ici et on aurait pu nous avertir, ce que l'on n'a pas fait. Je pense qu'on peut être ici pour un bon moment et je m'y résigne, puisque c'est là ce que veulent nos règlements parlementaires. Mais il demeure que je ne peux pas être d'accord avec la motion...

M. Burns: Ah non, j'invoque le règlement...

M. Forget: ... à ce moment-ci, parce qu'elle équivaut à nous empêcher de siéger si nous l'acceptons, puisqu'évidemment il est matériellement impossible de produire sur-le-champ le ministre du Travail, qui est à 160 milles de distance.

M. Bellemare (Johnson): On l'ignorait ça personnellement, je vous jure. On m'a dit qu'il était ici hier, le député de Taschereau m'a dit qu'il était ici, hier. Je n'ai pas appelé à son bureau ce matin mais, quand on a préparé la motion, il n'en était nullement question. Mais parce que l'exemple nous a été donné dans la loi de la protection de la jeunesse, où le ministre des Affaires sociales et le ministre de la Justice, conjointement, assistaient aux lectures des mémoires, je me suis dit que, quand on arriverait à la période très importante où on va étudier article par article et où on va faire certainement des déclarations préliminaires avant

d'entrer dans le plein du sujet, le ministre du Travail serait ici pour répondre.

J'ai préparé une foule d'amendements au projet qui me sont dictés par l'expérience du passé mais particulièrement par ce qu'on a lu et retrouvé dans le sixième rapport du conseil consultatif. Je pense que ce sont des hommes extrêmement sérieux qui, de la part de la CSN et de la FTQ, ont présenté un mémoire et, de la part des patrons, en ont présenté un autre. M. Morin, le président du conseil consultatif, a donné son avis. Ce sont des hommes du métier, ce sont des hommes en place possédant plus d'expérience dans le domaine du travail que le ministre des Affaires sociales. Celui-ci a peut-être une grande compétence dans différents travaux mais, quand il s'agit du Code du travail, tel qu'il en est question aujourd'hui, et particulièrement du principe sacré du droit de grève et du lock-out, je pense que là il y a une question qui est vitale parce qu'on touche à deux domaines particuliers, celui du tribunal du travail et celui des relations patronales-ouvrières.

De cela, M. le Président, j'en conclus que, si le ministre du Travail avait été ici, ç'aurait été fort heureux, parce qu'on va poser au ministre des Affaires sociales des questions dans quelques minutes. Après que le député de Maisonneuve aura fait son exposé, je vous ferai entendre mes observations quant à ce projet de loi. Je pense que l'homme tout désigné aurait été le ministre du Travail.

Je compte sur la bonne foi du ministre du Travail qui n'est pas ici, mais se désintéresser d'un projet de loi aussi important concernant les relations patronales-ouvrières, je vous assure que c'est un manque de logique politique presque impardonnable. S'il y a un problème crucial dans les relations patronales-ouvrières, ce sont les services essentiels. On en reparlera tout à l'heure lors de la déclaration que je ferai à la suite de la motion qui est présentée.

M. Forget: M. le Président, ce que j'entends du député de Johnson me convainc encore plus que j'ai vu juste dans mes propos de tantôt, puisqu'il fait une analogie avec la commission qui a entendu et qui continuera d'ailleurs d'entendre différentes parties relativement à la législation projetée dans le domaine de la protection de la jeunesse. Il s'agissait là d'une commission conjointe. Or, c'est par un ordre de l'Assemblée que nous siégions ici comme commission des affaires sociales et non pas comme séance mixte des affaires sociales et du travail. Ce qui aurait tout aussi bien pu se faire; ce qui aurait pu être demandé lors de la motion qui nous a envoyés ici et qui nous demandait de siéger.

Donc, je pense que l'on veut créer cette difficulté à ce moment; c'est le droit le plus strict de nos collègues d'en face. Il est bien évident que je suis d'accord, je n'ai aucune objection à la présence de mon collègue du Travail. Je suis disposé à l'inviter et même à lui demander d'aller particulièrement vite, sans cependant dépasser les limites de vitesse. Mais même si je fais tout cela, il ne pourra pas être avec nous avant la fin de nos travaux à six heures. En conséquence, même en voulant faire toute la diligence possible, à moins de se condamner à ne rien faire, il faut passer outre à ce désir que je suis prêt à partager et à exprimer au nom de la commission à mon collègue et, si on insiste pour que la motion passe de toute manière, je vais demander de prendre le vote immédiatement pour couper court à des débats qui ne peuvent pas avoir de fruits dans l'immédiat.

M. Burns: M. le Président, le ministre vient tout juste de montrer son talon d'Achille dans son argumentation. Nous sortons de cette même salle où, à une autre commission parlementaire, en l'occurrence la commission parlementaire de la justice, étaient présents comme ministres, alors qu'on discutait d'un projet de loi concernant une donation, donc un domaine relevant typiquement de la juridiction de la Justice, le ministre de l'Agriculture et le ministre de l'Education. Je vous dis cela simplement pour réfuter l'argumentation que vous venez de faire alors que vous dites qu'évidemment, dans le cas de la protection de la jeunesse, il était normal que les deux ministres soient là parce que c'était une commission conjointe. Je l'avoue. Mais imaginez-vous donc que pour le projet de loi présenté par l'université McGill pour le Collège McDonald — je vous mets tout simplement cela en lumière, c'est d'ailleurs ce qui nous a retardé pour siéger parce qu'on devait siéger, à ma connaissance, ce matin à dix heures trente — malgré qu'il s'agissait d'un projet de loi qui discutait si on devait relever l'université McGill d'une condition qui apparaissait dans la donation de Sir William McDonald, donc en principe une affaire relevant uniquement de la Justice, on avait présents, et de façon très positive et très active, le ministre de l'Agriculture et le ministre d'Etat à l'Education. Pourquoi? Parce qu'on traitait de ce sujet. Et il n'y a personne qui a demandé la présence de ces deux ministres, mais on a apprécié, d'autre part, le fait que ces deux ministres soient là parce que, à un moment donné, une question a été posée par le député d'Outremont pour demander l'intervention du ministre de l'Agriculture pour savoir ce qu'il en pensait parce que cela avait énormément d'effet là-dessus. J'avoue qu'il n'est pas intervenu, mais pendant tout ce temps, le ministre d'Etat à l'Education, le député de Chauveau, a été présent et était sujet à recevoir un certain nombre de questions alors que l'Opposition n'a pas demandé la participation de ces deux ministres.

Il me semble normal que, dès qu'on sent qu'un secteur particulier déborde sur un autre, qu'un secteur de législation déborde sur une autre compétence gouvernementale, le chef de ce secteur soit présent. C'est pour cela que je trouverais tellement normal sa présence. Vous allez me dire: Pourquoi ne demandez-vous pas la présence du ministre de la Fonction publique? Je vous dis d'avance et vous le répète que je n'ai pas l'intention de demander l'intervention du ministre démissionnaire de la Fonction publique.

Je n'ai pas du tout l'intention non plus, de demander quelqu'un que je considère comme ne prenant pas au sérieux le problème qu'on discute actuellement. Ce serait vous faire offense à vous, M. le ministre, que de demander de le faire siéger à la même commission, parce que, jusqu'à maintenant, depuis le début des travaux, je vous en félicite, je profite de l'occasion pour le faire, vous avez démontré une grande ouverture d'esprit. J'espère que vous allez continuer à le faire. Vous avez démontré une grande ouverture d'esprit puis vous avez démontré une possibilité de comprendre le problème, et je ne veux pas mêler à tout cela des gens qui vont virer les travaux de la commission en bouffonnerie.

C'est pour cela que je ne vous demande pas aussi la présence du ministre de la Fonction publique. Par contre jusqu'à maintenant, en tout cas, on est en mesure de dire que le ministre du Travail, quand on lui pose des questions sérieusement, il y répond sérieusement. A ce moment-là il ne viendra pas dégrader votre commission en y participant. Mais je pense quand même que vous devez retenir notre suggestion.

M. Forget: Est-ce que je pourrais poser une question.

M. Burns: Oui.

M. Forget: Si le but de la motion est effectivement de signifier au ministre du Travail qu'il a le droit de participer à nos travaux, qu'il a le droit d'être présent, je pense qu'en effet cela va de soi, je suis tout à fait d'accord...

M. Burns: Je ne pense pas que ce soit le but. Je ne pense pas que ce soit le but.

M. Forget: Ah bon, parce que vous citez les cas de gens qui étaient là, dans une autre commission, d'autres ministres qui étaient là qui se sont trouvés dans cette commission...

M. Burns: Ecoutez, faites le compte autour de la table, M. le ministre, soyons de bon compte, faites le compte. Simplement pour avoir quorum, on a toutes les difficultés à l'avoir autour de la table, c'est-à-dire on l'a, il n'y a pas de doute. Il y a vous, cela fait un, le ministre d'Etat à l'Agriculture...

Une Voix: Aux Affaires sociales.

M. Burns: ... aux Affaires sociales, excusez, c'est parce que je connais tellement sa réputation pour les affaires agricoles que je pensais qu'il était rendu là. Alors cela fait deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit et avec vous, M. le Président, cela fait neuf et le quorum c'est huit, imaginez-vous. Donc, il y a de la place, il y a du monde qui peut être remplacé au sein de cette commission-ci. Je ne veux pas qu'on fasse comparaître le ministre du Travail comme témoin, je veux qu'il vienne participer à nos travaux, c'est cela que je pense. C'est ce que le député de Johnson demande aussi.

M. Bellemare (Johnson): Exactement.

M. Burns: ... qu'il vienne participer à nos travaux, parce qu'en cours de route, qu'on le veuille ou non, il y aura des biais qui seront pris. Je tiens à dire, je tiens à renouveler, à l'endroit du ministre des Affaires sociales, qu'il n'est pas du tout question de vouloir, de façon délibérée, retarder les travaux de la commission. Et juste pour vous convaincre, le ministre pourra au moins me rendre ce témoignage, j'ai même offert au leader du gouvernement de siéger hier, c'est-à-dire lundi, à cette commission parlementaire-ci. Comme leader de l'Opposition, je savais que j'étais pris avec des problèmes en Chambre en fin de session et je souhaitais me débarrasser, je le dis de façon non péjorative, mais je souhaitais me débarrasser le plus rapidement possible du problème qui nous concerne.

J'ai offert de siéger lundi, relativement à ce projet de loi-ci puis on m'a convaincu du côté gouvernemental qu'on ne pouvait pas le faire, parce que le ministre avait d'autres occupations ailleurs. J'en suis convaincu très sérieusement, mais je veux rassurer le ministre qu'il n'est pas du tout question de faire quelque chose de dilatoire puis de vouloir empêcher la commission de siéger. Par contre, si vous trouvez notre demande suffisamment justifiée, je vous suggère de suspendre, je ne vous dis pas de suspendre jusqu'au mois prochain, de suspendre quelques minutes puis de faire vérifier si notre demande est réalisable, dans le sens qu'à huit heures et quinze, on pourrait avoir la contribution du ministre du Travail.

Si tel est le cas, moi je suggérerais même de suspendre nos travaux jusqu'à huit heures et quinze. Cela devient dilatoire, il n'y a pas de doute, mais ce n'est pas le but de la requête qui est faite par la motion du député de Johnson. En tout cas, moi je vous dis que mon appui à la motion du député de Johnson n'a rien de dilatoire en soi, si on considère l'aspect tout simplement de vouloir retarder les travaux de la commission. Ce n'est pas dans ce sens que c'est fait, c'est de façon très constructive. Je vous avoue que je considère très sérieusement l'importance de la participation à ces travaux du ministre du Travail, parce que cela aura des implications sur les politiques du gouvernement en matière du travail. Le ministre des Affaires sociales pourra nous dire — et je ne pourrai même pas le blâmer de nous le dire — au cours des travaux, qu'il n'est pas en mesure de nous donner la réponse à tel et tel aspect d'une politique gouvernementale en matière de relations de travail. Et je ne pourrais même pas vous blâmer, M. le ministre, de ne pas me donner la réponse. Vous n'êtes pas universel, pas plus que je ne le suis, pas plus que personne ici autour de la table puisse se décrire comme tel.

On a chacun nos spécialités puis on a chacun nos domaines où évidemment on est capable de répondre. Il y a des domaines qui sont, évidemment, en dehors de notre compétence au sens restreint du mot.

Si vous voulez défaire la motion, je trouverais

cela personnellement très regrettable. Je suis prêt à recommencer les travaux après, mais je vous fais une suggestion; il me semble raisonnable qu'on suspende pour quelques minutes, qu'on fasse vérifier si la demande qu'on vous fait est possible pour 8 h 15. Si cela l'est, qu'on suspende les travaux jusqu'à 8. h 15.

Le Président (M. Brisson): De la façon dont la motion du député de Johnson est présentée, c'est l'équivalent d'un ordre de la Chambre, d'un ordre de la commission de se présenter.

M. Burns: II n'a pas d'autre façon de le faire. Comme député de l'Opposition, il n'a aucune autre façon de le faire.

Le Président (M. Brisson): II pourrait exprimer un voeu, peut-être.

M. Bellemare (Johnson): Dans le règlement, il n'y a rien; j'ai regardé toutes les motions.

M. Burns: C'est la seule et unique façon, mais on vous dit, d'autre part, que notre intention, ce n'est pas de l'assigner comme témoin, de le mettre à la barre de le questionner. On veut qu'il participe à nos travaux, c'est ce qu'on veut. Alors, la seule façon de le faire — je pense que, très sagement, le député de Johnson a trouvé cette méthode de le faire — c'est que la commission des affaires sociales requière la présence du ministre du Travail.

Maintenant, si vous voulez qu'on retire la motion et que vous nous donnez l'assurance qu'il va être ici a huit heures quinze, je n'ai aucune espèce d'objection. En ce qui me concerne, le but sera atteint à ce moment.

Le Président (M. Brisson): D'autres remarques?

M. Forget: Considérant, M. le Président, que, si la motion avait été exprimée dans le sens d'exprimer le voeu que le ministre du Travail se joigne aux travaux de la commission le plus tôt possible, il serait possible de l'accepter, parce que les informations que j'ai — on peut bien faire une vérification, mais on vient de la faire; on peut cependant la faire à nouveau — m'indiquent qu'il n'est effectivement pas possible pour le ministre du Travail d'être ici avant six heures parce qu'il est à Jonquière et même pas à huit heures quinze, pour la reprise de nos travaux. Ceci, de la façon dont c'est exprimé, équivaudrait à une impossibilité de siéger. Alors, je ne sais pas si le député de Johnson est prêt à l'exprimer différemment sous forme de motion, mais indiquant le voeu que le ministre du Travail soit ici le plus tôt possible, quitte à réserver ces articles pour plus tard parce que tous les articles ne sont certainement pas des articles que seul le ministre du Travail peut éclairer par ses arguments.

Je pense donc qu'on peut élaborer et discuter d'une grande partie du projet de loi en son absence, quitte à référer, pour le moment où il sera avec nous, les articles qui échappent à cette règle.

Dans le cas contraire, si le député de Johnson ne veut pas modifier sa motion, je n'entreprendrai pas de soumettre un amendement à sa motion, puisqu'on va rapidement déborder le temps qui nous est alloué, si l'on s'engage dans un débat sur un amendement. Je l'inviterais à modifier sa motion et je suis prêt à me faire son interprète auprès de mon collègue pour qu'il soit ici le plus tôt possible, si possible ce soir. On me dit que ce n'est pas probable, que ce n'est pas possible, mais je veux bien m'employer à persuader mon collègue d'être ici le plus tôt possible. Encore une fois, je ne voudrais pas que les travaux soient complètement stoppés par cet argument, parce qu'il ne me semble pas un argument invincible, un argument absolument irréfutable relativement à l'ensemble du projet de loi.

Sans aucun doute, certains aspects bénéficieraient énormément de l'apport de mon collègue, mais on peut les mettre de côté. C'est une pratique courante, dans l'étude d'un projet article par article, de mettre de côté des articles pour y revenir un peu plus tard.

M. Burns: D'accord, vous me dites qu'il ne peut pas être ici non seulement à six heures, mais que c'est presque certain qu'il ne sera pas ici à huit heures quinze, mais le danger, c'est que, si tout va bien, cela risque d'être adopté, ce projet, à onze heures.

C'est ce qui peut arriver.

M. Forget: Je douterais de cette éventualité.

M. Burns: Cela ne me fait rien, si vous me dites qu'il faut absolument que cela aille mal, on va s'organiser pour que cela aille mal. Mais, comme je vous l'ai déclaré au début, ce n'est pas du tout mon but de tenter de bloquer ce projet de loi, malgré toutes les réticences qu'il comporte à mes yeux.

D'ailleurs, vous avez vu comment le débat en deuxième lecture s'est déroulé. Je pense qu'on a manifesté clairement notre désir de collaborer, surtout qu'on a voté en faveur du principe, tel qu'on l'a exprimé en deuxième lecture, qu'il y ait quelque chose qui détermine comment on arrive à fixer les services essentiels. Je ne retire rien de ce que j'ai dit en deuxième lecture et je pense que, si le député de Saint-Jacques était ici, serait en mesure de vous le confirmer. Je n'ai rien à retirer au nom du député de Saint-Jacques dans ce qu'il a dit en deuxième lecture, ceci malgré toutes les réticences que nous avions.

Pour vous aider, M. le Président, pour aider le ministre, moi je suis prêt à faire une motion d'amendement à la motion du député de Johnson. Je propose que le mot requiert soit changé par le mot souhaite, ce qui voudrait dire, quant à la première ligne, que la commission parlementaire des affaires sociales souhaite que le ministre du Travail, et après le mot...

Le Président (M. Brisson): Souhaite la présence du ministre du Travail?

M. Burns: Non, non, non, souhaite que le ministre du Travail. J'ajouterais, cela fait partie également de ma motion d'amendement, tout de suite après le mot Travail, les mots suivants: Participe aux travaux de la commission, en biffant le mot assister. Globalement la motion serait dans la forme suivante: "Que la commission parlementaire des affaires sociales souhaite que le ministre du Travail participe aux travaux de la commission". C'est un souhait qu'on lui exprime. En ce qui me concerne, je suis obligé, commentant ma motion...

Le Président (M. Brisson): Je pense qu'il serait plus simple que le député de Johnson retire sa motion et que vous en fassiez une, si...

M. Burns: Non, cela se fait, un travail d'équipe. Un travail d'équipe.

M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas... M. Burns:... quelle force qu'on est rendu.

M. Bellemare (Johnson): On va faire remplir des feuilles.

M. Burns: Travail d'équipe. D'ailleurs j'ai toujours eu...

Le Président (M. Brisson): Alors le député de Johnson retire sa motion et le député de Maisonneuve...

M. Burns: Je veux simplement dire, avant que la motion soit adoptée, que je fais une motion d'amendement; c'est la motion du député de Johnson, je veux qu'elle reste comme telle.

Le Président (M. Brisson): II ne reste presque plus rien.

M. Bellemare (Johnson): Ah non. M. Burns: Le sens même est là.

M. Bellemare (Johnson):... ministre de même. Il ne reste plus rien.

M. Burns: Non, mais j'ai le droit de faire un amendement...

Le Président (M. Brisson): Non, non, j'ai dit qu'il ne reste plus rien dans la motion. Tout est changé.

M. Bellemare (Johnson): Oui, mais c'est le ministre dont il est question.

M. Burns: Non, non, tout est là. Le sens est là.

M. Bellemare (Johnson): Avec le mot ils exigent ou bien qu'elle est irrecevable.

M. Burns: C'est cela.

M. Bellemare (Johnson): Parce que c'était pour l'avenir. C'est une motion qu'on reprendra un jour ou l'autre, parce que c'est très important ce qu'on fait là ce matin. C'est une motion d'avenir. Si le ministre du Travail a jugé inopportun d'assister, c'est son problème, mais il y a une responsabilité énorme dans la politique future du gouvernement en considération de ce qu'il y a là. Il y a une chose certaine, c'est que le ministre du Travail, quand on est dans le Code du travail, est important plus que jamais. Je ne me vois jamais, comme ministre du Travail, manquer une séance où il est question du ministre du Travail dans une loi aussi importante; ce n'est pas seulement pour aujourd'hui mais pour demain. Vous allez voir ce qui va se produire tout à l'heure, vous allez voir cela. Ce n'est pas une menace cela.

Le Président (M. Brisson): A l'ordre! Est-ce que l'amendement...

M. Burns: Avant d'adopter l'amendement, vous allez me permettre quand même ce commentaire-ci.

Le Président (M. Brisson): D'accord.

M. Burns: Vous allez voir que ce n'était pas ridicule la demande du député de Johnson et la demande à laquelle je participe entièrement. L'article 23 nous dit que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre est responsable de l'application de la présente loi. Je trouve, d'autre part, absolument incompréhensible qu'il ne soit pas ici, qu'il n'ait pas été mis en disponibilité à l'endroit de cette commission. Si c'est lui qui doit l'appliquer cette loi, il me semble que c'est le minimum de la décence qu'il vienne au moins ici, en plus des arguments qu'on vous a donnés tout à l'heure, c'est-à-dire la vue beaucoup plus large, beaucoup plus générale que doit normalement posséder plus le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre que le ministre des Affaires sociales. Encore une fois, ce n'est pas un blâme à l'endroit du ministre des Affaires sociales; il est spécialisé dans un autre domaine.

Mais, je trouve absolument inacceptable qu'on nous laisse adopter un projet de loi comme celui-ci, alors que le titulaire du ministère qui aura à appliquer cette loi va peut-être à un moment donné, dans l'application, se rendre compte qu'il y a des choses qui ne sont pas applicables. Je vous dis tout de suite que cela sera une partie de nos arguments. Le projet de loi comme tel n'est pas applicable et j'aurais aimé avoir la réaction du ministre du Travail là-dedans. C'est quand même des gens de son ministère. On parle du tribunal du travail, on parle de gens nommés via le ministre du Travail, on parle de conciliateur, de médiateur puis tout ce que vous voulez. Il y a eu des suggestions très constructives de la part des centrales.

J'aurais aimé cela moi voir la réaction du ministre du Travail relativement à cela.

Le Président (M. Brisson): Alors, est-ce que...

M. Forget: M. le Président, avant l'adoption, étant donné les propos du député de Maisonneuve, je me vois forcé d'intervenir très brièvement. On semble vouloir créer l'impression, de façon assez inélégante à mon avis, que mon collègue du Travail se dérobe à ses responsabilités ou se refuse de participer à nos travaux. C'est le contraire...

M. Burns: Non seulement je veux créer l'impression, je vous dis qu'il se dérobe à ses responsabilités.

M. Forget: Vous parlerez à votre tour.

Il ne se dérobe en aucune façon à ses responsabilités parce que s'il avait été ici toute la journée, il aurait fait comme moi, c'est-à-dire presque exclusivement attendre que les travaux des autres commissions nous permettent enfin de siéger. Cela aurait été le résultat net de sa présence parmi nous toute la journée.

Il est disponible, il me l'a indiqué. J'ai dit à cette commission qu'il était disponible vendredi dernier, mais il n'aurait rien appris de neuf à cette commission vendredi dernier parce qu'il a été en mesure de prendre connaissance de ce dossier qu'on nous a alors exposé, qui était un dossier relativement nouveau pour cette commission, mais pas pour le ministre.

M. Burns: II nous aurait sauvé trois ou quatre heures, en tout cas, s'il avait été ici. J'avais aussi des choses à faire dans mon comté.

M. Forget: M. le Président, je crois que j'ai la parole dans le moment et je suis sûr que le député...

M. Burns: Oui, oui.

M. Forget: ... de Maisonneuve n'a pas besoin de cette raison pour prolonger les débats. D'ailleurs, il vient de nous le démontrer, quand on est d'accord avec ses motions, il parle quand même, ce qui est une bonne démonstration de son but véritable. Mais il demeure que mon collègue du Travail est disponible et sera disponible peut-être dès ce soir si l'on peut l'en persuader et s'il peut se dégager de ses responsabilités actuelles, et dès demain matin dans le cas contraire. Donc, il a toujours été disponible pour participer à nos travaux. Nos travaux commencent effectivement à ce moment sur la base de l'information qui nous a été donnée dans le passé et qui lui était déjà connue. Donc, il n'y a rien d'anormal dans son absence jusqu'à maintenant et ce ne sont certainement pas les travaux de la séance de cet après-midi qui auraient pu grandement profiter de la contribution d'un autre orateur.

M. Burns: On discute depuis trois quarts d'heure de cette motion. S'il avait été là, cela aurait sauvé trois quarts d'heure. Puis-je vous signaler également un endroit très précis où il aurait été nécessaire d'avoir la présence du ministre du Tra- vail? Vendredi dernier, lorsque nous avons siégé jusqu'à sept heures et quelques minutes, nous avons demandé le dépôt du rapport du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

Vous n'avez pas été capable de le déposer pour une raison bien simple et on ne vous a pas blâmé, parce que le CCTM ne relève pas de vous. Imaginez-vous que j'ai été obligé de l'obtenir par des façons détournées en fin de semaine. Je l'ai demandé à des gens qui l'avaient.

M. Forget: II n'était pas nécessaire d'obtenir le rapport de façon détournée, il était déjà déposé depuis deux semaines à l'Assemblée nationale.

M. Burns: II n'y avait rien dedans. Ce n'était pas des documents. Ce que M. Pepin nous a dit, c'est le rapport.

M. Forget: La réponse, je l'ai donné à la fin de la séance. Peut-être que tout le monde était trop fatigué pour comprendre ce que j'ai dit, mais il demeure qu'on retrouvera la réponse que j'ai faite à la fois sur le rapport lui-même et sur ce qu'on a appelé, vendredi, le dossier. La réponse s'y retrouve, je vous y réfère, vous allez voir que tout est là.

M. Bellemare (Johnson): Pas le dossier. M. Forget: La réponse.

M. Bellemare (Johnson): La réponse, mais pas le dossier.

M. Forget: C'est cela.

M. Burns: La position syndicale et tout cela, ce n'était pas dans le rapport.

Le Président (M. Brisson): A l'ordre, messieurs! Le député de Johnson pourrait-il reformuler ce que...

M. Bellemare (Johnson): Oui: Que la commission parlementaire des affaires sociales souhaite que le ministre du Travail participe aux travaux de la commission.

M. Burns: Vous ne voulez pas qu'on collabore?

M. Bellemare (Johnson): Oui, oui, d'accord. Un amendement..

M. Forget: Quelle était votre première motion?

M. Bellemare (Johnson): La première, vous l'avez écrite: Que la commission parlementaire des affaires sociales requiert que le ministre du Travail assiste aux travaux de la commission est sous-amendée par le collègue...

M. Forget: Requiert...

M. Bellemare (Johnson):... que le ministre du Travail assiste aux travaux de la commission.

Le Président (M. Brisson): II y a quelque chose qui ne va pas. Ce serait "requiert la présence du ministre du Travail".

M. Bellemare (Johnson): Aux travaux de la commission.

Le Président (M. Brisson): C'est pour cela que le mot "présence" ne peut pas être changé.

M. Burns: Non, non il n'était pas question de présence dans la motion originale. J'ai le texte ici, c'est "requiert que le ministre du Travail assiste aux travaux de la commission", et l'amendement tel que je l'ai formulé reprend l'idée essentielle de la motion du député de Johnson et se lit comme suit: Que la commission parlementaire des affaires sociales souhaite que le ministre du Travail participe aux travaux de la commission.

Le Président (M. Brisson): La motion d'amendement est-elle acceptée?

M. Giasson: Oui. M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Brisson): Adopté. Alors, messieurs, nous commençons. Article 1.

M. Bellemare (Johnson): D'après le ministre, quel est le meilleur moyen de procéder avant l'étude article par article? Habituellement, les parties donnent leur version en général, avant d'attaquer article par article.

Je sais que l'honorable député de Maisonneuve, lui aussi, donnera son point de vue sur la loi en général et sur ce qu'il recommande, comme je le ferai moi-même.

M. Forget: C'est à M. le Président de répondre aux questions sur la procédure qui doit être suivie en commission. Je n'ai pas besoin de rappeler au député de Johnson que le débat de deuxième lecture est terminé...

M. Bellemare (Johnson): Ah, oui, c'est sûr!

M. Forget: ... et que nous sommes ici pour étudier le projet article par article.

M. Bellemare (Johnson): Seulement, dans toutes les commissions parlementaires c'est la tradition qu'on donne un point de vue, avant de commencer l'étude, article par article. Si le regard peut être jeté après avoir entendu nos invités, je pense que...

M. Burns: Une espèce de point de vue général qui ressemble un peu à un discours de deuxième lecture, que je n'ai pas l'intention de reprendre ici, soyez bien tranquille, M. le ministre, mais qui ne peut pas être donné en deuxième lecture, parce que, comme vous le savez, la procédure nous empêche d'entrer dans les détails du projet de loi.

Sauf que, je pense, ce qui est normal et on l'a toujours fait, dans des projets de loi qui sont importants, et celui-ci en est un, on a toujours fait une espèce d'exposé à caractère général de notre pensée, avant l'étude, précisément, article par article.

J'aimerais, également, pour compléter la question du député de Johnson, demander au ministre si déjà, au moment où on se parle, il a l'intention de nous soumettre une série d'amendements. Je me réfère, entre autres, à ses interventions, vendredi dernier, à la suite des témoignages que nous avons eus des centrales syndicales, alors qu'il nous disait qu'il pourrait réfléchir toute la fin de semaine sur certains exposés.

Je me demande si le ministre n'a pas déjà un certain nombre d'amendements à nous proposer. Si tel était le cas, je lui demanderais, de façon très constructive, pour avancer les travaux de la commission, de les déposer immédiatement, pour qu'on puisse en prendre connaissance, tout au moins dans l'heure du souper.

M. Forget: Cette question s'adressait à vous, M. le Président.

Le Président (M. Brisson): La première question, dans nos règlements, tout ce que j'ai c'est qu'un député peut prendre la parole sur le même article aussi souvent qu'il le veut, mais pas plus de 20 minutes par député. Maintenant, si c'est le voeu de la commission de fixer, d'allouer un certain temps à chaque représentant des partis pour exprimer sa pensée, personnellement je n'ai pas d'objection si la commission est d'accord. Cela prend, évidemment, l'unanimité.

M. Giasson: Je pense que ce sera rapide.

M. Burns: Oui, oui, écoutez ce n'est pas une affaire de deux heures. Je vous dis des remarques à caractère général. Je vous le dis tout de suite, M. le Président, si vous voulez m'arrêter au bout de 20 minutes sur les remarques générales, vous me le direz; je ne me rendrai pas là, je ne pense pas. Il y a un fait nouveau; je pense qu'on n'a pas siégé pour rien quand on a entendu les centrales syndicales; vous vous souviendrez qu'en deuxième lecture je l'avais demandé. J'avais même demandé de retarder l'adoption de la deuxième lecture pour entendre les parties. Devant l'acceptation qui m'a été offerte en Chambre, j'ai même retiré ma motion, de sorte que je ne le faisais pas pour rien. Je ne le faisais pas, encore une fois, pour retarder le projet de loi. Mais puisqu'on me disait: On va faire comparaître les gens, à plus ou moins court terme — et on m'indiquait vendredi comme possibilité — j'ai dit: Je retire ma motion.

A la suite, cependant, de la comparution des représentants des centrales syndicales, je suis arrivé à des positions qui peuvent peut-être compléter mon intervention en deuxième lecture. J'aimerais bien vous les faire connaître avant qu'on étudie le projet de loi, article par article.

M. Forget: M. le Président, je pense que vos propos ont éclairé un peu la question du député de Johnson dont, je ne comprenais pas beaucoup le sens. Ce qui m'apparaît, à votre réponse, c'est qu'effectivement le député de Johnson et le député de Maisonneuve, je pense, demandaient le consentement unanime pour que l'on déroge un peu à l'interprétation stricte des règlements et qu'on leur permette un exposé de caractère général. Je n'ai pas d'objection à ce qu'ils fassent un exposé général, pourvu qu'ils se maintiennent à l'intérieur d'une durée raisonnable.

Je pense qu'on vient de nous dire qu'on a réfléchi, durant le week-end. Je m'en réjouis, M. le Président, et en plus de cela on veut réfléchir tout haut, c'est encore mieux; on va bénéficier de cette réflexion à haute voix.

M. Burns: Réfléchir ensemble!

M. Forget: C'est cela. Alors, je n'ai évidemment pas d'objection à entendre les réflexions des deux membres de la commission.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, ma deuxième question...

Le Président (M. Brisson): II faudrait bien que ce ne soit pas débat, qu'on laisse parler les opinants.

M. Burns: Non, non, je vous le dis, M. le Président. Si vous voulez même me dire: ne parlez pas plus que 20 minutes, je vous le dis d'avance, vous me fermerez la boîte au bout de 20 minutes.

Je m'engage même à parler moins que cela.

Le Président (M. Brisson): A la deuxième question du député de Maisonneuve, est-ce qu'il y a une réponse ou certains amendements à déposer?

M. Burns: Est-ce que vous avez des amendements à déposer?

M. Forget: Etant donné l'heure, M. le Président, et étant donné que...

M. Burns: C'est pour cela, étant donné l'heure, que je vous demande...

M. Forget: ... on va réfléchir tout haut à la prochaine séance, je pense qu'il y aura lieu, à ce moment, de réfléchir tout haut et de vous faire part également du résultat de nos réflexions.

M. Burns: Ne me dites pas que vous avez attrapé la maladie de votre chef, vous ne voulez pas répondre aux questions.

Non, mais sérieusement, M. le ministre, si vous aviez des amendements qui sont déjà prêts et que vous avez l'intention de nous soumettre, il me semble que ce serait très constructif que vous nous les remettiez immédiatement. Je vous fais la suggestion, parce que, autrement, peut-être qu'on va mal les comprendre, vos amendements, si vous nous les donnez sur la gueule, comme on dit, au moment où on discutera de l'article. Mais, si vous les avez déjà, je vous fais la demande de nous les soumettre pour qu'on puisse au moins prendre l'heure du souper pour en prendre connaissance. Peut-être, on vous dirait: Bien, cet amendement améliore le projet de loi. Cela peut peut-être se faire sans aucune discussion à ce moment. Mais, si on le comprend mal, cela peut peut-être prendre plus de temps, à un moment donné.

M. Forget: J'ai compris que non seulement il pouvait y avoir des amendements du côté du gouvernement, mais que certains membres de l'Opposition avaient eux-mêmes des amendements. Je pense qu'il peut être assez difficile de comprendre tout cela, à moins de le faire systématiquement article par article, à moins que vous n'ayez des amendements de telle envergure qu'il faille vraiment modifier toute l'orientation du projet de loi, à la condition même qu'on puisse le faire après la deuxième lecture.

M. Burns: Si le ministre est prêt à nous donner ses amendements, moi, je suis prêt à lui donner les miens.

M. Bellemare (Johnson): Moi aussi.

M. Forget: Bien, je pense que, si on peut voir tous ces amendements, cela peut peut-être accélérer...

M. Burns: Vous préférez les prendre au fur et à mesure.

M. Forget: Bien, il me semble que cela va être plus facile que de les voir en vrac, comme cela, sans l'ordre naturel et sans les explications. On nous promet des réflexions et on veut tout de suite sauter aux conclusions.

M. Burns: Est-ce qu'à la reprise, après que nous aurons eu l'occasion de vous éclairer de nos savants propos, le député de Johnson et moi, le ministre est prêt, lui, à nous donner la nouvelle orientation qu'il entend donner au projet de loi, s'il a décidé d'en donner une, sans nous donner peut-être précisément des amendements, mais, peut-être, en nous donnant une indication des endroits où il est prêt à modifier ce projet de loi.

M. Forget: Je pense qu'il n'y a pas de problème à ce que je fasse part de mes réflexions, comme je l'indiquais tout à l'heure, à la suite des vôtres.

M. Bellemare (Johnson): Mais le ministre est bien disposé à en accepter quelques-uns?

M. Forget: Pardon?

M. Bellemare (Johnson): Le ministre est bien disposé à en accepter quelques-uns?

M. Forget: J'ai l'esprit ouvert; le député de Maisonneuve, d'ailleurs, l'a dit tantôt.

Le Président (M. Brlsson): Afin d'accélérer les travaux de la commission, est-ce qu'on pourrait avoir des copies de ces amendements pour les distribuer et qu'ils soient tous par écrit, si possible?

Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

Reprise de la séance à 20 h 37

M. Brlsson (président de la commission parlementaire des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

Je voudrais vous indiquer les changements suivants pour ce soir: M. Burns (Maisonneuve) remplace M. Bédard (Chicoutimi), M. Houde (Abitibi-Est) remplace M. Bellemare (Rosemont), M. Déom (Laporte) remplace M. Malépart (Sainte-Marie), M. Carpentier (Laviolette) remplace M. Lecours (Frontenac).

Nous en sommes à différentes observations avant de commencer l'article 1. Le ministre aurait-il des observations en premier?

M. Forget: Non.

Le Président (M. Brisson): Le député de Maisonneuve?

M. Burns: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Brisson): Avez-vous certaines observations à faire avant qu'on commence?

M. Burns: J'en ai quelques-unes, oui, M. le Président.

Le Président (M. Brisson): Nous vous écoutons.

M. Burns: M. le Président, j'ai...

M. Déom: Non, non.

M. Burns: Non, ce sera court.

Exposés préliminaires

M. le Président, j'ai certaines observations préliminaires à l'étude du projet de loi qu'il m'apparaît à ce stade-ci important de soumettre à l'attention du ministre. Peu importe d'ailleurs l'absence du ministre du Travail, que nous avons demandé cet après-midi — je ne veux pas revenir là-dessus — mais je pense qu'il aurait pu, à un moment donné, nous dire si nous avions raison de pencher de telle ou telle façon quant à l'approche du projet de loi.

Je dois dire d'une part que je suis... Je demande au ministre de me croire, de ne pas me faire de procès d'intention et de ne pas s'imaginer que j'essaie d'allonger le débat comme il l'a dit cet après-midi. J'essaie de vous dire que j'ai abordé ce projet de loi avec toute l'ouverture d'esprit que j'espère retrouver chez le ministre des Affaires sociales tout au cours du débat qui s'en vient.

Je vous dis même — je vais aller plus loin que cela — que dans sa structure actuelle le projet de loi m'apparaissait comme quelque chose qui était acceptable malgré des défauts de mécanisme.

J'irai plus loin, M. le Président. Je vais même vous dire que la référence du conflit, si jamais il y avait conflit quant à la détermination des services

essentiels, pour moi, m'apparaissait comme normalement devant être dévolue au Tribunal du travail, en qui je fais une confiance à peu près sans borne. Sans borne, c'est peut-être trop, mais trouvez-moi un qualificatif un peu moins fort que celui-là et je vais l'adopter. Disons une confiance très importante.

J'ai entendu, d'autre part, les interventions de M. Laramée et de M. Pepin, vendredi dernier. Je puis vous dire — je l'ai dit d'ailleurs directement à ces deux personnes — que la première chose qui m'a frappé dans leur intervention, c'est qu'on se dirigeait dans une très mauvaise ligne. Je n'en prends pas le crédit, c'est eux qui m'ont convaincu de cela. Ce serait le cas si jamais on accordait au tribunal du travail le droit et, à toutes fins pratiques, si on le met dans le projet de loi, l'obligation de trancher le problème à savoir quels sont les services essentiels qui devraient être assurés dans tel ou tel établissement de santé.

L'argument le plus fort que j'ai entendu à cette commission-ci, qui nous a été livré par les deux représentants des centrales syndicales, est celui que le tribunal du travail a acquis une très grande crédibilité, malgré les décisions qui sont souvent défavorables au côté patronal, souvent défavorables au côté syndical. On se rend compte qu'évidemment un tribunal est là pour trancher, donc pour déplaire à quelqu'un. Si c'est la partie syndicale qui perd, c'est évident que cela déplaît à la partie syndicale; si c'est la partie patronale qui perd, c'est elle qui est un peu mécontente de la décision. Donc, cela peut déplaire à la partie patronale. Mais il y a une chose qu'on est en mesure de dire depuis le début et depuis l'existence même... C'est pour cela — je rattache cela à la motion du député de Johnson de cet après-midi — que c'était important qu'au cours de ce débat-ci on ait la présence du ministre du Travail.

Il va y avoir des conséquences à long terme de ce qu'on est en train de faire ici.

Tout le monde reconnaît, quel que soit le côté, patronal, syndical ou même, si on peut nous qualifier de neutres dans ce problème, les hommes politiques, tout le monde reconnaît, pour peu qu'ils connaissent la situation, pour peu qu'ils connaissent ce qu'a amené la création du Tribunal du travail, tout le monde reconnaît que ce tribunal a acquis une crédibilité qui est assez incroyable. Ce n'en est pas un techniquement, parce que c'est une division de la Cour provinciale actuellement et, à cause de problèmes constitutionnels, on n'a pas pu créer la cour qui pouvait avoir l'autonomie et l'indépendance, par exemple, que la Cour supérieure peut avoir ou que la Cour provinciale peut avoir, etc.

Tout le monde reconnaît, et moi, en tout cas, je n'ai pas peur d'attacher mon nom à ce que je suis en train de vous dire, que le seul tribunal, actuellement, au Québec, qui, malgré les décisions qu'il rend et qui peuvent déplaire, le seul tribunal qui, actuellement, reçoit l'approbation, quant à son intégrité — je pèse bien mes mots — quant à son intégrité, quant à son indépendance et quant à son équité, le seul, actuellement, qui peut recevoir ces trois cadeaux, c'est le Tribunal du travail.

Dans le projet de loi — on n'est pas rendu à l'article en question — mais, on s'apprête à dire que ce tribunal va, à un moment donné, non pas de façon judiciaire, mais de façon administrative, intervenir dans des problèmes qui risquent de lui faire perdre cette crédibilité. Au départ, je vous avoue que cela m'a très sérieusement impressionné quand j'ai entendu M. Pepin et M. Laramée nous parler de cela.

Je ne vais pas plus loin, M. le Président, on aura l'occasion d'en discuter, lorsque l'article en question viendra.

Je ne dérange personne, j'espère. Le député de Taschereau, je ne vous dérange pas?

M. Bonnier: Excusez, excusez.

M. Burns: Mais, moi vous me dérangez.

Deuxièmement, M. le Président — et c'est un autre argument que j'ai retenu de l'intervention syndicale — je me pose de très sérieuses questions, mise à part la question de principe que je viens de soumettre, relativement au Tribunal du travail, et c'est une question de principe qui a des conséquences dans les faits.

C'est pour cela que je la soumets la première. Je me pose une question qui, me direz-vous, aurait dû être posée en premier, mais je la pose en deuxième à cause de l'attachement que j'ai au Tribunal du travail. Donc, je pensais qu'il fallait la présenter la première.

La deuxième, c'est l'existence même du projet de loi, à ce stade-ci. Nous sommes rendus au stade où déjà une série de syndicats — on me contredira si j'ai tort là-dessus — qui représentent des employés des établissements de santé ont déjà déclenché le processus qui mène à l'arrêt de travail. Il y a, à ma connaissance, un très grand nombre de syndicats, qui représentent des employés d'établissements hospitaliers, qui ont déjà fait leur demande de conciliation depuis au moins le 1er décembre.

De notre côté, M. le Président, on se présente avec un projet de loi no 253 qui a été soumis en première lecture et qui a suivi les étapes et où, véritablement, personne, que ce soit du côté gouvernemental ou du côté de l'Opposition, n'est capable de dire que c'est stupide de penser à trouver des solutions à l'établissement des services essentiels. Ainsi, vous avez eu l'Opposition qui a voté avec vous et qui a dit: C'est bien sûr. Nous le réclamions, de notre côté, depuis déjà deux ans qu'il y ait des méthodes d'établissement de mécanismes pour voir à ce que les services essentiels soient assurés en cas de conflit de travail dans ce domaine comme dans les autres. Remarquez que nous avions demandé même plus que cela; on parlait même des autres domaines du secteur public et parapublic. Mais je suis obligé, comme député, actuellement, de me rendre compte du fait que nous intervenons en plein cours du processus qui mène éventuellement au conflit de travail déclaré de la façon la plus évidente, c'est-à-dire par une grève. Nous intervenons dans ce processus et cela me déplaît suprêmement, M. le Président.

Je ferais une demande au ministre des Affai-

res sociales, puisqu'il n'a pas actuellement à nous vendre une politique gouvernementale, mais qu'il tente de nous vendre une solution particulière.

Ce n'est pas l'ensemble du Code du travail, ce n'est pas l'ensemble des lois concernant la fonction publique qui vont être modifiées par le projet de loi no 253, c'est un domaine particulier. Je lui demande s'il n'est pas capable d'être assez généreux pour dire à ce stade-ci qu'il n'est pas possible d'adopter un tel projet de loi.

Je ne lui demande pas de faire une retraite complète, je ne lui demande pas de dire: Mon projet de loi était mauvais. Je lui demande cependant de nous dire s'il ne croit pas que son projet de loi arrive à un mauvais moment.

Et c'est là-dessus, M. le Président, que je disais que cet après-midi, que ce sont des éléments complémentaires à mon discours de deuxième lecture et au discours du député de Saint-Jacques en deuxième lecture. Je pense que c'est un élément que, de façon préliminaire, on est obligé d'examiner avant d'embarquer dans les articles les uns après les autres.

Est-ce que le gouvernement est capable de jouer les règles du jeu de façon suffisamment détachée, de faire croire — je ne dis pas de façon péjorative non plus — à tout le monde que, de sa position de législateur, il est capable de revenir à sa position d'employeur? Comme employeur, actuellement, il est en train de passer quelque chose qui est aussi répréhensible à mon avis que le bill 19 qui intervenait dans le processus d'une grève légale des employés des secteurs public et parapublic. Il est en train de modifier les règles du jeu en plein cours du processus. Ce processus est déclenché, ou si vous voulez enclenché à partir du moment où il y a des avis qui sont adressés par divers syndicats demandant l'intervention du ministère du Travail via un conciliateur.

C'est ce que nous faisons. Je me demande si, à ce stade-ci, on n'est pas capable ensemble de dire, un peu comme M. Pepin nous le disait vendredi dernier: Prenez votre chance sur nous cette année. Si on n'est pas capable de le faire, à ce moment-là, très bien, qu'on se le dise ensemble, puis l'Opposition prendra ses responsabilités, votera dans tel sens ou dans tel autre. Mais il me semble que toute solution que je pourrais vous proposer, que j'envisagerais, moi, en tout cas dans une optique tout à fait différente et d'une façon beaucoup plus détendue, s'il n'y avait pas déjà un autre processus qui est en marche, il me semble, dis-je, que je serais capable de vous faire des suggestions et il me semble que du côté gouvernemental on serait capable de dire qu'il n'y a pas que du mauvais, qu'il y a du bon dans ce que le député de Maisonneuve dit.

Je suis convaincu que le débat qu'on commence ce soir est absolument faux parce que vous avez, vous, M. le ministre, en vue la présente négociation et parce que j'ai en vue la présente négociation et parce que les centrales syndicales, quand elles sont venues devant nous, avaient en vue la présente négociation et parce que tout le monde autour de la table nous dit: C'est pour régler le cas d'une éventuelle grève dans les hôpi- taux qui peut peut-être arriver au mois de février. C'est ce qui fausse le débat.

Ce n'est pas une motion dilatoire, M. le ministre, que je fais. Je ne fais même pas de motion. Je vous demande tout simplement d'avoir la générosité, comme représentant du gouvernement, de reconnaître qu'un premier geste qui a été fait en 1964 accordant le droit de grève ne peut pas, surtout pas être corrigé par un geste qui se passe à l'intérieur d'un processus où déjà les gens ont une certaine animosité les uns à l'endroit des autres. En tout cas, ce sont les quelques remarques que j'ai à vous faire. Je n'ai pas l'intention d'allonger ce débat au point de vue des remarques à caractère général. Mais il me semble que vous vous devez — là, j'inverse l'ordre de la présentation de mes deux arguments — de nous dire, surtout en fin de session, qu'il faut absolument, actuellement, qu'on fasse confiance aux gens qui ont déjà commencé à utiliser des droits qui leur appartiennent en vertu du Code du travail.

Il faut qu'on reconnaisse ce droit. Une fois qu'on l'aura reconnu, il me semble que ma première remarque elle-même pourra être utilisée lorsque vous viderez le problème fondamentalement. J'aurais, dans d'autres circonstances, un tas de propositions à vous faire. Je vous suggérerais, par exemple, de trouver une autre méthode de raccourcir les délais, comme je le mentionnais en deuxième lecture, quant à l'établissement des services essentiels. Quant à nous, c'est une lacune de la législation; il n'y a pas de doute, il faut absolument que ce soit corrigé, mais pas à ce moment-ci. Je vous suggérerais, par exemple, une véritable réforme qui établirait un système ou un mécanisme pour régler les services essentiels. Même, pour trancher le débat, si jamais il n'y a pas d'entente entre les parties, je vous suggérerais un système qui, à ce moment-là, met même de côté les dispositions de l'article 99 du Code du travail, celui qui permet l'intervention de l'Etat, malgré l'exercice légal du droit de grève.

Je pourrais vous suggérer également, M. le Président, d'autres mesures qui, en tout cas, nous incitent à vous dire que vous allez assez loin, dans une loi fixant les services essentiels — et c'est là l'importance sur l'ensemble de la législation du travail —q ue, possiblement, cela veut même dire plus aucune injonction dans quelque conflit du travail que ce soit. Cela peut peut-être vouloir dire, même, aussi, que vous adoptez, en parallèle et en réponse à ce que vous demandez au syndicat, une loi anti-scabs dans le domaine de la fonction publique. En tout cas, c'est un peu tout cela que je voulais vous dire au départ. Puis c'est un peu tout cela qui me paraît être le cadre de la discussion que nous nous apprêtons à avoir, relativement au projet de loi no 253.

Mais je demande, et je termine là-dessus, M. le Président, en grâce — et je m'adresse à un des ministres pour qui j'ai du respect dans ce gouvernement; je ne veux pas faire de personnalité, mais même si je ne suis pas critique en matière des affaires sociales, je le vois agir, c'est à un des ministres pour qui j'ai du respect que je m'adresse — et je lui demande en grâce de ne pas adopter le pro-

jet de loi no 253, à ce stade-ci. Je lui demande de faire confiance aux syndicats qui, eux aussi, ont eu à souffrir des problèmes de 1972. Ce n'est pas seulement le gouvernement qui a reçu des claques sur la gueule à la suite du bill 19, il y a des syndicats qui, à un moment donné, se sont dit: Peut-être que ce n'est pas comme cela qu'on aurait dû agir. On aurait peut-être dû agir autrement.

Et la leçon, à mon avis — vous n'avez pas à me prendre comme témoin, mais je vous dis mon impression — c'est que les syndicats se sont rendu compte, eux aussi, que, malgré tout ce qu'ils avaient à reprocher au côté patronal — qui ne voulait pas d'ailleurs, soit dit en passant, en 1972, négocier les services essentiels, puis on a mis cela sur leur dos — il reste quand même que sur le plan, il me paraît, factuel, les syndicats nous ont fait une déclaration au nom de deux personnages très représentatifs des deux centrales, c'est-à-dire M. Laramée et M. Pepin. Le premier est le directeur québécois du Syndicat canadien de la fonction publique et l'autre, le président de la CSN. Il me semble que moi, je suis prêt à leur faire confiance. Ils sont venus nous dire tous les deux: Ce n'est pas possible que vous fassiez, en plein cours de négociation et alors que le processus est déjà enclenché, un changement des règles du jeu qui s'appelle le bill 253.

On vous dit qu'on est prêt — ce sont toujours les deux représentants des centrales qui nous parlent — à faire l'essai d'une solution que nous avons soumise au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, c'est-à-dire une non-intervention gouvernementale et sans que personne arrive éventuellement à imposer une décision.

Je vous fais cette suggestion. C'est la proposition généreuse à laquelle je vous convie.

Le Président (M. Brlsson): Si vous permettez, j'ai oublié de mentionner que M. Tremblay (Iberville) remplace M. Fortier (Gaspé).

Le député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire que l'exposé que vient de faire le député de Maisonneuve est rempli de logique et de bon sens. Voici un homme qui a travaillé très étroitement avec les centrales syndicales dans toutes sortes d'heures difficiles et de conflits. Il a à son dossier véritablement une expérience qui milite en faveur des propos qu'il vient de tenir.

Celui qui vous parle a une faible expérience au point de vue du travail, mais je peux vous dire qu'après avoir assumé les responsabilités de ministre du Travail je n'ai pas pu tout accomplir pendant les quatre années où j'ai été en poste, mais au moins j'ai réalisé quelque chose d'assez extraordinaire, et le changement complet de la philosophie du Conseil supérieur du travail, et le Tribunal du travail.

Dans un premier temps, on l'avait dit, lors de l'organisation du Tribunal du travail, nous voulions remplacer la Commission des relations du travail, qui était devenue désuète et qui avait accumulé un nombre considérable de dossiers sur lesquels elle ne s'était jamais prononcée et qui rendait un bien mauvais service à la population ouvrière du Québec.

Cela a eu comme effet d'amender en grande partie le Code du travail qui a nommé, à ce moment, des commissaires-enquêteurs et qui a donné certains pouvoirs judiciaires au Tribunal du travail. Il a eu en main tout ce qu'il fallait pour interpréter au moins légalement les accréditations et aussi toutes les décisions des commissaires-enquêteurs qui ont été rendues depuis cette date.

Comme le député de Maisonneuve, je me suis réjoui du sérieux qu'a apporté ce Tribunal du travail. Dans l'opinion publique, il a réussi à avoir une certaine notoriété. Je pense que ceux qui le composent sont des gens intègres, mais particulièrement des gens qui ont fait leur carrière, toute leur vie dans les relations du travail.

Des excellents bonshommes peuvent avoir fait du criminel, d'autres du droit maritime, mais ceux qui sont nommés présentement au Tribunal du travail sont des gens qui ont été pris dans le milieu des relations du travail. Tous, après une longue expérience ont démontré qu'ils étaient complètement intègres dans leurs décisions. Ils ont fait véritablement un bon job. C'est mon premier argument. Comme le député de Maisonneuve le dit: Pourquoi prendre quelque chose qui va bien pour l'empêcher et l'amener à faire du mal, pourquoi? Pourquoi se servir d'un tribunal comme celui-là pour prendre des hommes qui sont accrédités aujourd'hui dans le domaine du travail avec une excellente réputation et les entacher de politique?

Que vous le vouliez ou non le commissaire qui va être nommé, qui va venir du Tribunal du travail va avoir marqué dans le front que c'est une nomination politique tandis qu'aujourd'hui je dois vous dire que ceux qui sont là ont appartenu à toutes sortes de partis politiques. Je me suis foutu des allégeances politiques quand je les ai recommandés au ministère de la Justice pour les faire nommer. Il y a là des libéraux, il y a là des gens qui ont été reconnus dans toutes sortes d'autres mouvements que le mien et je pense que leur nomination et effectivement leur travail ont été reconnus.

Là, M. le Président, on va entrer de plain-pied dans un domaine où le Tribunal du travail rend de bien précieux services. Je l'ai dit lors de mon intervention en seconde lecture. Les services essentiels auraient dû depuis longtemps être assurés, tel que le disait le programme libéral qui a été publié ces dernières années et où l'on consacre particulièrement aux secteurs public et parapublic tout un lot de recommandations.

Je ferais peut-être plaisir au ministre mais je vais lui épargner ce supplice douloureux d'entendre ce que disaient ces grands poètes de la doctrine libérale qui, dans les services essentiels, recommandaient une action positive immédiate. Je reviendrai sur cela. Je ne veux surtout pas faire choquer le ministre. Ce n'est pas le temps. Il faut lui demander une faveur au ministre ce soir. Mais je dis, par exemple, M. le Président, que ce qui a été écrit dans le programme libéral, cela aurait peut-être été bien d'actualité que le ministre le re-

lise un an avant les.négociations. Comme je l'ai dit en Chambre à la deuxième lecture, les services essentiels ne devraient pas être seulement arrêtés pour le domaine de la santé. Ils devraient couvrir l'éducation, tous les services publics ou parapu-blics.

Pour cela, je dis que le "timing", si le mot est français et, s'il ne l'est pas, l'à-propos d'adopter aujourd'hui une loi comme celle-là nous amène à poser au ministre certaines questions. Une des premières questions que je voudrais poser au ministre est la suivante: A-t-il bien pensé que les négociations étaient engagées? A-t-il pensé au tort considérable, comme instrument de pression, qu'il exerce présentement par son projet de loi no 253? Tous les gens qui sont aux tables sectorielles connaissent le projet de loi no 253, tous ont été avertis qu'en vertu de cette loi les services essentiels seront assurés, d'une manière ou de l'autre, après huit jours d'avis et trente jours d'essai par le commissaire venant du Tribunal du travail, et s'il n'y a pas entente, par le juge. Le commissaire nommé dans la loi va pouvoir exercer toutes les discrétions possibles et impossibles quant au nombre, quant aux heures, à l'équipe, à l'établissement, quant à la région, quant aux établissements locaux. Il va définir tout seul, sans avoir l'approbation de personne, parce que la loi lui donne le pouvoir.

Encore pire que cela, M. le Président, à l'article 22, c'est une énormité qu'a mise dans le bill l'honorable ministre qui veut nous faire adopter aujourd'hui ce bill. Il s'agit de relire l'article 22 pour vous montrer jusqu'où cela va: "Lorsque le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre a reçu un avis visé à l'article 42 du Code du travail avant l'entrée en vigueur de la présente loi, de la part d'une partie à des négociations relatives aux établissements et aux organismes assimilés, il en adresse copie sans délai pour le commissaire aux services essentiels au greffier du tribunal. "L'avis est alors considéré, aux fins de l'article 10 de la présente loi, comme ayant été expédié le jour de cette entrée en vigueur de ladite loi."

Est-ce que, M. le Président, vous pouvez me dire véritablement que cela, dans une loi, doit apparaître surtout dans les circonstances où se vivent présentement les négociations? C'est purement et simplement du chantage. Cela en est, M. le Président, à pleine porte.

Je dois dire, comme mon collègue de Maisonneuve, que le Tribunal du travail ayant une bonne renommée, nous ne devrions pas, je pense, toucher de loin ou de près à cette institution. Sauf, si, à l'avenir, il y a une chambre à part au Tribunal du travail, une chambre administrative qui pourrait se voir déléguer des pouvoirs d'administration.

Actuellement, il a le pouvoir judiciaire, celui d'interpréter la loi et de dire: Oui, selon la loi vous avez raison ou non, selon la loi vous n'avez pas raison dans l'accréditation ou dans un grief. Mais s'il y a une chambre d'administration, c'est-à-dire une chambre administrative dans le même Tribunal du travail, composée d'hommes extrêmement compétents encore, mais qui auront dans ce domaine un rôle particulier comme administrateurs, là je dis que ce serait peut-être toute la différence qui existe entre un Tribunal du travail qui est aujourd'hui, constitué pour régler les différends en vertu du Code du travail et la chambre nouvelle qui ferait partie du Tribunal du travail, mais qui aurait un rôle administratif, à qui on pourrait confier des tâches comme celles que le ministre veut donner dans la loi d'aujourd'hui.

Je pense que cela est une précaution qui serait bien élémentaire et je pense aussi, M. le Président, qu'à ce moment on pourrait peut-être trouver des gens d'une extrême compétence qui pourraient jouer un rôle, soit comme commissaires ou dans n'importe quel conflit de travail qui pourrait arriver, mais pas seulement pour définir des services essentiels.

M. le Président, nous avons été vivement impressionnés par la visite de M. Pepin, de M. Laramée et des personnes qui les accompagnaient, lors de la séance de la commission parlementaire, vendredi dernier. Pour ma part, j'appartiens à cette classe des travailleurs et je n'ai pas besoin de vous dire que j'ai beaucoup de respect pour l'union dont j'ai fait partie pendant des années. Mais comme législateur, j'ai aussi une responsabilité; celle de trouver le meilleur moyen pour rendre justice au bien commun, au bien public.

Je pense que les arguments qui ont été invoqués par M. Pepin et M. Laramée ont été d'une excellence assez extraordinaire. Le ministre lui-même en a été frappé, je l'ai remarqué, à quelques endroits. J'ai dit même à quelqu'un à côté de moi: Regardez, je pense que cela impressionne énormément le ministre. Je verrai tout à l'heure si réellement il a été impressionné ou s'il a réfléchi en fin de semaine, comme il a promis de le faire.

Mais, M. le Président, le ministre ne sait-il pas qu'actuellement il y a des négociations en cours? Est-ce que d'après son programme politique il n'aurait pas pu, avant aujourd'hui, présenter une loi des services essentiels, pas seulement dans le domaine de la santé, mais dans tous les domaines?

Or, vous allez me dire: Bellemare, on vous a connu, so, so, so, correct.

Il y a un article dans notre Code du travail, l'article 99, qui prévoit que "la grève est interdite aux salariés à l'emploi d'un service public, à moins que l'association des salariés en cause y ait acquis droit suivant l'article 46 et ait donné par écrit au ministre avis..."

Si le lieutenant-gouverneur en conseil est d'avis que dans un service public une grève appréhendée ou en cours met en danger la santé ou la sécurité publique, il peut constituer une commission, etc." C'est le code.

Le ministre va me répondre: Bien oui, mais si ça ne veut pas négocier, qu'est-ce qui va arriver? Vous allez vous servir d'injonctions, c'est sûr, c'est ce qui va arriver. Mais, par exemple, l'article 41 du code, qui a été amendé spécifiquement, dit: "Après un avis prévu à l'article précédent, les négociations doivent commencer et se poursuivre avec diligence — cela veut dire immédiatement — et de bonne foi". Vous allez dire: Oui, mais s'ils ne le font pas? Bien, vous avez l'article 127 où

il y a des amendes lourdes pour ceux qui ne veulent pas négocier de bonne fol.

M. le Président, ce qui fait le sujet des amendements que je veux apporter, c'est surtout le rapport Morin. On ne peut pas appeler cela le rapport Morin mais le...

M. Giasson: Le document.

M. Bellemare (Johnson): ... document. Merci pour la bonne inspiration, vous aurez contribué au débat d'une manière très vigilante.

M. Giasson: Très brève.

M. Bellemare (Johnson): Très brève.

M. Giasson: Et très précise.

M. Bellemare (Johnson): Le document Morin, M. le Président, émane du conseil supérieur du travail à qui le ministre avait demandé véritablement une opinion en services essentiels. Et là, après que les unions ouvrières aient produit un document fort volumineux, un dossier que le ministre ne nous a pas remis mais que j'ai, moi aussi, pu me procurer par des voies très...

M. Burns: Des bons amis.

M. Bellemare (Johnson): Pardon?

M. Déom: Par votre carte de membre.

M. Bellemare (Johnson): Est-ce que je suis devant un tribunal? Alors, M. le Président, et par des centrales syndicales et par le groupe des patrons, ils ont produit chacun un document qui est fort volumineux. En fin de semaine, j'ai regardé un peu cela et M. Morin, qui est le président du Conseil supérieur du travail, a résumé cela en quelques phrases, en ce qui regarde les services essentiels.

Me permettriez-vous, M. le Président, de vous faire la lecture d'un petit paragraphe qui va peut-être faire un nouvel éclairage sur la proposition qui aurait pu nous être apportée aujourd'huu au lieu de se servir du Tribunal du travail comme commissaire: "Avant le trentième jour précédant l'acquisition du droit de grève ou de lock-out dans les services publics, les parties doivent avoir mis en place les mécanismes nécessaires à la détermination des services essentiels et la façon de les maintenir pour la protection de la santé et de la sécurité publique. Elles doivent aussi, dans ce même délai, nommer un commissaire aux services essentiels et en informer immédiatement le ministre. A défaut de connaître le nom du commissaire aux services essentiels dans les délais impartis, le ministre nomme pour agir à ce titre une personne qu'il choisit à l'aide d'une liste dressée à cet effet par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre — d'ailleurs qu'il renouvelle à chaque année — et en informe les parties".

Mais ce commissaire, M. le Président, qui serait nommé dans le document Morin, serait choisi dans un conseil de médiation que recommande aussi le rapport. Ce rapport recommande que soit établi un conseil de médiation se composant d'un président assisté de deux assesseurs. Ce conseil a pour fonction de faire un rapport comprenant un constat de la négociation et du différend et ses recommandations pour la conclusion d'une convention collective.

Là, M. le Président, vous en avez un mécanisme. Vous avez un mécanisme qui ne toucherait nullement au tribunal du travail mais qui viendrait d'un conseil de consultation, d'un conseil de médiation. Et les noms de ceux qui pourraient être choisis seraient pris à même cette liste qui serait une liste d'abord acceptée par le conseil du travail et aussi qui est publique. Là, le ministre pourrait facilement trouver ce qu'il faut pour le faire. Alors, M. le Président, je pense que les observations que je viens de faire et surtout les amendements que je voudrais faire sont d'avoir, plutôt qu'un commissaire venant de la partie du Tribunal du travail, un médiateur qui serait choisi parmi la liste mentionnée à l'article 2 et selon les modalités mentionnées à l'article 8 et je l'explique.

Je fais distribuer présentement un document qui a été bien pensé pour tâcher de donner au ministre cette souplesse que le député de Maisonneuve demandait tout à l'heure avec tant d'insistance au ministre.

Ce serait sûrement un geste qui serait significatif, un geste de compréhension vis-à-vis des syndicats qui ont toujours eu à rouspéter contre les lois du gouvernement. M. Pepin disait dernièrement qu'on devrait leur faire confiance, surtout cette année, à l'endroit même où se rencontre un conflit extraordinaire où l'on va venir, M. le Président, près d'un schisme et où je pense que cela pourrait peut-être être pire qu'en 1972.

Surtout, qu'on enlève l'article 22 où il est dit que "l'avis est alors considéré, aux fins de l'article 10 de la présente loi, comme ayant été expédié le jour de cette entrée en vigueur de ladite loi." Je dis que, pour éviter des chicanes inutiles, pour ne pas nuire aux négociations en cours dans les secteurs public et parapublic, il serait préférable d'abroger cet article. Le médiateur dont je recommande aujourd'hui la nomination serait un homme qui, lui, choisirait les assesseurs qui l'accompagneraient et, s'il n'y a pas entente — vous le verrez plus tard — les parties pourraient peut-être faire rapport et le ministre pourrait les nommer. Pourquoi le ministre ne veut-il pas comprendre cet argument, si fort, du bon sens et légiférer à la toute dernière minute, seulement dans un cas particulier, pour régler un cas, en définitive, très pertinent?

Je pense que le ministre devrait se rendre à ces exhortations qui viennent du monde ouvrier. J'ai lu le mémoire des patrons et je pense que le bill est copié sur les suggestions patronales. Le ministre sait bien que les ouvriers savent cela. Les ouvriers savent bien, ceux qui sont appelés aux tables de négociations, que les patrons ont dressé la loi qu'on étudie qui est presque mot à mot ce qui a été recommandé par la partie patronale. Est-ce que la force des travailleurs du Québec ne

mérite pas autant dans un domaine où on va les frapper durement que celle de l'autre partie? Pour une fois, M. le Président, ce n'est pas la mort du ministre qu'on veut; c'est sa conversion et je pense qu'elle serait possible. Il rendrait un fier service à tout l'élément négociateur qui actuellement est aux tables sectorielles, pour que véritablement on puisse obtenir un peu plus d'air dans les relations patronales-ouvrières.

Là, M. le Président, vous allez boucher des avenues, puis, comme l'ont dit M. Pepin et M. La-ramée: Si on ne l'écoute pas votre loi, qu'est-ce que vous allez faire? Vous allez nous faire payer $20,000 par jour, vous allez sortir la matraque. On vous avertit nous, aujourd'hui, qu'elle n'est pas bonne, votre loi. Ils sont allés loin, ces gens-là. Ils ont dit au ministre des choses qui peuvent peut-être se réaliser.

Gouverner, c'est prévoir, M. le Président. Je pense que le ministre devrait revenir un peu en arrière. On ne lui reprochera jamais d'avoir fait ce retour vers le bon sens et vers la logique. On dira, par exemple, qu'il a évité le pire. Dans les circonstances, quand nous allons étudier le projet de loi article par article, je proposerai les amendements qui sont là.

Le ministre a dit, par exemple cet après-midi: Le député de Johnson est après "pourfendre" des portes ouvertes. Voyez-vous là, un autre Don Quichotte, un monsieur avec sa lance. Ecoutez, ce n'est pas cela. Il y a là une lutte entre deux parties, la partie patronale qui veut le bill parce qu'elle l'a écrit presque authentiquement et la partie syndicale qui vit, elle, des problèmes difficiles. C'est cela qu'on vous demande de considérer. Si le ministre décide de passer outre, je l'avertis qu'il peut être l'instigateur de troubles et cela, ce serait malheureux dans la province. On en a déjà eu, et le gouvernement a été obligé, comme le disait le député de Saint-Jacques en Chambre, de se servir du bill 19 en 1972 et cela, cela c'a fait mal. Cela a fait mal à bien du monde. Cela n'a réconcilié personne. M. le Président, j'attendrai la réponse du ministre et je suis sûr que, lorsqu'il nous répondra, il nous parlera aussi des services essentiels qui sont déterminés au niveau local. Cela aussi, c'est une chose que je voudrais que vous nous définissiez, comme, d'ailleurs, les services assimilés, où cela commence et où cela finit.

Je comprends que dans le projet de loi il y a une définition dans l'article 1 b). "Toute entreprise qui fournit des services à un établissement et est déclarée par le lieutenant-gouverneur être assimilée à un établissement". Cela va très loin et cela peut causer de grands préjudices. Un service assimilé, on sait ce que cela représente dans un domaine aussi vaste que celui des hôpitaux, des centres d'hébergement. Tout cela, ça va très loin. Par exemple, je serais très heureux de savoir de quelle manière, au niveau local, on va pouvoir tenir compte des services essentiels pour les besoins particuliers de chaque établissement ou des organismes qui fonctionnent à l'intérieur du service de la santé.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Brisson): L'honorable ministre.

M. Forget: M. le Président, on vient d'entendre le résultat des efforts de réflexion de nos deux collègues. J'ai un peu le sentiment qu'on est au XIXe siècle. J'ai l'habitude de faire cette constatation; notre Parlement a beaucoup d'habitudes qu'il a héritées du XIXe siècle. D'ailleurs, si je voulais être méchant je dirais, à celui qui vient de parler en dernier lieu, que ce n'est pas surprenant, mais je ne serai pas méchant. Je dirai que la même remarque s'applique également à son collègue décidément beaucoup plus jeune.

L'hypothèse qu'on vient d'entendre exposer avec beaucoup d'assurance, une assurance désarmante, c'est que la loi des parties, essentiellement, c'est la loi du pays. Pourvu que tout le monde s'entende, le législateur doit être satisfait. C'est étrange que dans le domaine des affaires sociales on ignore si facilement l'intérêt du public qui, lui, ne s'implique pas dans ces conflits parce qu'il veut réaliser un avantage matériel ou qu'il veut gérer ses ressources matérielles d'une façon qui lui paraît plus appropriée. Le public, qui est impliqué dans ces services, sans mélodrame, parce qu'il en va de sa vie même dans certains cas, on nous invite à l'écarter du débat, à présumer que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Tout ce qu'on vient de dire, c'est vrai d'un monde idéal, c'est vrai de la période que nous vivons, c'est vrai également de la période que nous avons vécue. Si l'on pouvait affirmer avec autant d'assurance que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, que les parties vont s'entendre, qu'elles vont négocier, qu'on va leur faire confiance, qu'on va supposer que leur sens de responsabilités est tellement grand, tellement complet qu'elles ne se trompent pas, qu'elles ne sont pas aveuglées par leurs intérêts particuliers, dans certains cas, au point d'en oublier des considérations supérieures à ces intérêts, on pourrait, avec beaucoup de tranquilité d'esprit, se croiser les bras et laisser faire les événements. Que ce serait donc commode, en effet, de ne pas légiférer, de ne rien faire, de ne rien décider, de laisser les parties s'entre-déchirer, à supposer qu'elles s'entendent, mais c'est curieux comme elles ne s'entendent pas souvent. Quand elles ne s'entendent pas, on ne dit pas, évidemment, ce qui va arriver; on présume que, magiquement, la solution va descendre du ciel.

J'aimerais beaucoup croire ceux qui viennent de parler, que le monde qu'ils décrivent est le monde réel.

Mais je ne peux pas me persuader, en lisant les journaux tous les soirs, en écoutant la télévision que ce qu'on voit, c'est seulement le résultat d'une loi qui n'est même pas adoptée. Il doit y avoir autre chose qui trouble l'univers dans lequel on vit que la Loi sur les services essentiels que l'on discute aujourd'hui. Comment se fait-il qu'il y ait des problèmes? Comment se fait-il que ces problèmes résultent dans un certain secteur, qui est le secteur des services de santé et des services sociaux, dans le fait qu'on a vécu — cela ne fait pas des décennies de cela, cela fait quelques années — des situations où effectivement les services essentiels n'ont pas été donnés? Qu'est-ce qui empêchait qu'ils le soient? Evidemment, tout le monde s'accuse de mauvaise foi. Je veux bien croire que tout le monde est de

mauvaise foi. D'ailleurs, les gens de bonne foi, les autres de bonne foi, je ne les ai jamais vus. C'est toujours soi-même qui est de bonne foi, les autres étant par définition de mauvaise foi. C'est facile de régler le problème comme cela, évidemment, on a fait son possible, on est allé aussi loin qu'on pouvait et, les gens étant méchants, on n'a pas pu s'entendre et il y a des victimes. Cela on en parle moins longtemps, parce que, qu'est-ce que vous voulez, les victimes, de toute façon, elles ne sont pas organisées. Personne ne parle pour elles.

Je pense qu'on ne peut pas aussi facilement disposer du problème. C'est malheureux pour nous parce qu'à l'Assemblée nationale, cela nous prend quelques heures de discussion pour trancher le problème. Ce n'est pas important que cela prenne quelques heures ou quelques jours ou quelques semaines de discussion. On discute bien plus longtemps de problèmes beaucoup moins importants. Il reste qu'il y a quelqu'un, un beau jour, qui va devoir essayer de trouver des solutions. Elles ne sont peut-être pas les bonnes solutions, elles ne seront peut-être pas la solution, mais encore faut-il s'essayer et juger à l'expérience si, effectivement, c'est une solution ou si ce n'en est pas une. Mais ce n'est sûrement pas en ne faisant rien que l'on va apprendre à l'expérience. Oui, on va apprendre à l'expérience. L'expérience qu'on a déjà apprise de toute façon, qui va se répéter, on peut se le promettre entre nous est qu'il va y avoir effectivement des gens qui vont être pris dans des situations difficiles, des gens qui ne sont pas représentés et que personne ne court pour défendre, parce que ce ne sont pas des cas payants. Ce ne sont pas des causes profitables que défendre ces victimes.

L'hypothèse selon laquelle les parties vont s'entendre, qu'on n'a qu'à les laisser faire, ce sont tellement de bonnes personnes, elles ont tellement à coeur l'intérêt du public, elles vont tellement être altruistes le moment venu, même si on est bien excité, puis même si on croit qu'on a raison, puis même si on croit que l'autre, l'adversaire, est un entêté qui ne veut rien entendre, on va, malgré tout, s'arranger pour que la raison prévale dans ces circonstances, c'est beaucoup demander, vous ne trouvez pas? Moi, je trouve que c'est beaucoup demander de toute façon. Et l'expérience nous dit que c'est trop demander. Donc, il faut trouver une solution. Ah! le moment est mal choisi, il fallait le faire avant, il faudrait le faire après, il faudrait le faire ailleurs. Il y a toujours une bonne raison pour ne pas le faire, je suis d'accord. Il y a plusieurs raisons pour ne rien faire. Ces raisons sont ordinairement plus abondantes que celles qu'on peut trouver pour agir.

M. Burns: Est-ce que je peux poser une question au ministre?

M. Forget: Vous pourrez poser toutes les questions que vous voudrez après, si vous permettez.

M. Burns: J'aurais une question simplement ici.

M. Forget: Non, vous ne pouvez pas poser de questions pour le moment.

M. Burns: Entre autres la date du dépôt du projet de loi au tout début.

M. Forget: Alors, on se trouve devant une situation où on nous invite à l'inertie. On nous invite à laisser faire. Je pense, pour ma part, que ce n'est pas une solution. On discutera, article par article, des dispositions. J'ai réfléchi, moi aussi, mais il y a une chose à laquelle ma réflexion ne m'a pas conduit: c'est de dire le contraire, le mardi, de ce que je pensais après des mois de réflexion, le jeudi ou le mercredi de la semaine précédente. Il me semble que c'est ce qu'on vient d'entendre. On vient d'entendre les résultats d'un effort de réflexion qui nous amène à réfléchir en une semaine le contraire de ce qu'on a réfléchi la semaine précédente. Il n'y a rien de nouveau sur la table...

M. Bellemare (Johnson): Qui a réfléchi comme ça?

M. Forget: Je parle en particulier du député de Maisonneuve. Mais peut-être aviez-vous des doutes?

M. Bellemare (Johnson): Non, non! J'ai mon discours de deuxième lecture; je pourrais le répéter.

M. Burns: Moi aussi, je suis prêt à le répéter.

M. Forget: Alors, pas besoin de relire les discours, je m'en souviens très bien. Il reste qu'il n'y a rien de nouveau sur la table dans le moment. Il y a un projet de loi sur les services essentiels qui est là depuis le mois de juin. Il y a quelques articles de plus, mais ce n'est pas une question de délai, ce n'est pas une question de nomination.

On parle des principes, on a dit: On va faire un exposé général. Les principes, on les connaît déjà depuis un bon moment. Il est curieux qu'on n'ait pas réfléchi du mois de juin jusqu'au mois de novembre. La réflexion était en sommeil, était sur d'autres sujets sûrement plus intéressants que de protéger le public dans ses services essentiels.

M. Burns: Ah, bon!

M. Forget: J'espère que c'était vraiment plus intéressant.

M. Burns: Qui n'a pas présenté le projet de loi en juin?

M. Forget: Et vraiment plus important. Le projet est là, quels sont les commentaires qui ont été faits?

M. Burns: Qui n'a pas présenté le projet de loi?

M. Forget: Qui sont ceux qui se sont faits entendre sur le projet et qui sont ceux qui, la semaine dernière encore, disaient: Le principe de ce projet, il y a quelques minutes encore, on est pour, sauf qu'on est contre?

M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas ce qu'on a dit.

M. Burns: Pas du tout.

M. Bellemare (Johnson): Pas du tout. Le "timing" et le tribunal du travail dans mon discours de deuxième lecture, ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. Vous ne me ferez pas dire cela, par exemple, ce n'est pas vrai. Non, dites-le pour n'importe qui, mais pas pour moi.

J'ai écouté le discours du député de Maisonneuve, ce n'est pas ce qu'il a dit.

M. Burns: Ce n'est pas ce qu'on a dit.

M. Bellemare (Johnson): C'est de la phrase. Faites-en encore!

Le Président (M. Brlsson): A l'ordre, messieurs! Laissez continuer l'honorable ministre et vous rétablirez les faits après.

M. Bellemare (Johnson): Non, je suis bien prêt à en encaisser, mais pas pour cela.

Le Président (M. Brisson): A l'ordre! L'honorable ministre a la parole.

M. Burns: Je vais retirer mes paroles de gentillesse à l'endroit du ministre. Je pensais que c'était le seul ministre qui était objectif dans ce gouvernement. Je m'aperçois que ce n'est pas exact.

Le Président (M. Brisson): L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. Forget: M. le Président, je pense qu'on a trop protesté; comme a dit le député de Saint-Jacques: Le jupon dépasse à ces occasions. Mais laissons cette question, il reste que le problème qui est devant nous est capital. Je crois que sur cela nous pouvons être d'accord. Il s'agit d'assurer, le nom même l'indique, des services essentiels.

On a avancé des arguments pour préserver la crédibilité de certaines structures établies, pour préserver certaines procédures d'ordre privé, parce que ces structures ont été établies pour régler des conflits privés. Même s'il y a plusieurs individus impliqués, cela demeure des conflits privés; ce sont des conflits d'intérêt dans le véritable sens du mot. Ce sont des intérêts en conflit, des intérêts particuliers.

Sans doute ces procédures sont respectables, sont vénérables, il faut les respecter. Sans doute les institutions qu'on a créées pour leur permettre de se développer normalement sont respectables et doivent être respectées, doivent être préservées des atteintes qu'on croit supposer qu'on y a faites. Il demeure qu'il y a un intérêt qui est supérieur à celui-là ou à ceux-là et cet intérêt qu'on essaie de défendre est celui du public en général. Il n'y a pas beaucoup d'assurances qui sont données à ce public, sauf celui de se dire: Laissez faire les choses, laissez courir les événements, vous allez voir, les gens sont raisonnables. Encore une fois, c'est un argument qui ne colle pas à la réalité, que personne ne peut vraiment croire. Sans doute, nous espérons, j'espère avec tous les membres de la commission, j'espère avec tout le monde que nous réussirons à nous entendre. Malheureusement, ce type de confrontation d'intérêts privés est tel que parfois on ne s'entend pas.

Il n'est pas question d'abolir le droit d'aller à la limite de cette confrontation et le Code du travail prévoit que c'est le droit de grève. Il a effectivement été accordé aux employés du secteur public et du secteur parapublic, il y a plus de dix ans. On sait très bien que ce projet de loi n'a pas d'effet de les priver de l'exercice de ce droit. Mais il faut aussi dire dans le même souffle que, lorsque ce droit a été accordé, nous étions dans un contexte bien différent. A ce moment, il n'était pas prévu, il n'était pas de tradition, il n'était pas stipulé dans les lois que tout le monde pouvait faire la grève en même temps, le même jour. Nous n'étions pas encore rendus là dans notre évolution sociale...

M. Burns: On n'avait même pas le droit de grève à ce moment-là.

M. Forget:... et économique au Québec. Nous y sommes maintenant, le climat est différent. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut retirer un droit qui a été donné et qui doit s'exercer si on doit avoir une issue. Il n'y a pas de substitut au droit de grève, c'est M. Pepin qui nous l'a dit et qui nous l'a répété en commission parlementaire vendredi.

Je suis d'accord avec lui. Il n'y a pas de substitut au droit de grève. C'est l'issue, l'issue ultime et regrettable mais l'issue nécessaire, parfois, de certaines situations. Il faut que ce droit, pour pouvoir s'exercer dans le secteur des affaires sociales, s'exerce dans un contexte tel que l'intérêt essentiel du public, sans charrier, sans exagérer, soit au moins protégé. Vis-à-vis de cette responsabilité, le gouvernement, et le ministre des Affaires sociales tout particulièrement, ne peut pas se croiser les bras et dire: On vit dans le meilleur des mondes possibles et cela va s'arranger tout seul d'une façon ou d'une autre. Ce n'est pas vrai.

On a vu l'expérience. On l'a eue sur le nez, l'expérience. On ne peut pas prétendre qu'elle ne s'est pas produite et on ne peut pas se réfugier dans des excuses telles: Ah! les gens étaient de mauvaise foi! Bien oui! mais ils vont peut-être l'être encore de mauvaise foi. Et alors, où en serons-nous? Nous serons exactement au même point. Ceux qui sont trop pusillanimes, qui veulent ménager la chèvre et le chou à ce moment-ci devront subir, si telle était l'optique que nous envisagions, le fardeau de cette responsabilité. Je ne veux pas en être. Je ne veux pas être de ceux qui subissent cet opprobre public pour une responsabilité non assumée.

On peut discuter des modalités. Là-dessus, bien sûr, pas de difficulté. On peut en discuter. Certains points qui ont été présentés par les gens qui ont comparu devant nous en commission parlementaire sont des points valables. On peut

les regarder. On peut même modifier les textes. Mais de là à dire: Ne faisons rien, ne menaçons pas nos institutions qui sont des institutions de convenance pour régler des conflits dans des intérêts privés. Cela n'a rien de sacré. Il y a un intérêt qui est supérieur à celui-là. C'est dans ce contexte que ce projet de loi est présenté, pas dans un autre.

S'il faut aller jusqu'au bout, s'il faut aller jusqu'à la grève, il faut pouvoir y aller et il faut pouvoir y aller des deux côtés, la conscience claire qu'en y allant, nous ne mettons en danger la vie de personne. Or, nous n'avons aucune assurance dans le moment ni du côté syndical, ni du côté patronal qu'en allant jusqu'au bout de nos positions, comme chacun a le droit de le faire, nous ne mettons pas en danger la vie de citoyens qui n'ont rien à voir avec ce conflit. C'est une responsabilité que nous ne devons pas prendre que de courir un tel risque. C'est le but du projet de loi et pas autre chose.

J'ai dit en deuxième lecture — j'espère qu'on s'en souviendra — que je n'ai aucune objection à ce qu'il y ait une bonne grève à la suite d'une bonne négociation, mais qu'il faut peut-être qu'il y ait une bonne grève et qu'une bonne grève veuille dire essentiellement ceci, que c'est une grève qui n'a pas d'effet néfaste, qui n'a pas d'effet tragique sur la population.

Mais peut-être qu'assuré de cette possibilité d'une bonne grève dans ce sens, on aura enfin une aussi bonne négociation. Je ne suis pas sûr qu'à toutes les tables, nous ayons actuellement une bonne négociation. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas l'objet de ce projet de loi que de nous permettre de régler ce qui arrive aux tables de négociation. Il faut ouvrir au moins la porte à l'exercice responsable du droit de grève et c'est un service, dans le fond, que l'on rend non seulement à la partie patronale — on en parle beaucoup, on dit que c'est le projet de la partie patronale — mais même à la partie syndicale, si elle veut vraiment aller jusqu'au bout de sa position.

M. le Président, c'est tout ce que j'ai à dire en guise de remarques préliminaires.

M. Charron: M. le Président...

Le Président (M. Brlsson): Est-ce que l'honorable député a des questions à poser? C'est parce que nous avions convenu, avant de suspendre le débat, qu'il y aurait un représentant de chaque parti...

M. Burns: Non, jamais, M. le Président.

M. Charron: Je suis membre en titre de la commission, M. le Président.

M. Burns: Un membre de la commission a le droit de parler.

M. Charron: Surtout...

Le Président (M. Brlsson): Je n'ai pas l'intention de vous enlever votre droit de parole. Sim- plement, je fais cette remarque. Dans les remarques générales, il était quasiment convenu que c'était un représentant de chaque parti et qu'après cela...

M. Burns: J'ai dit que je ne dépasserais pas, M. le Président, mes 20 minutes. Il n'a jamais été question de dire qu'il y avait un représentant de chaque parti.

M. Charron: Mes remarques seront brèves, M. le Président.

M. Burns: M. le Président, je vous le dis bien honnêtement. Il n'a jamais été question de cela.

Le Président (M. Brisson): Je n'ai pas d'objection à donner la parole à l'honorable député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, la référence au XIXe siècle dont s'est servi le ministre des Affaires sociales était de mise, je pense, parce que si, effectivement, comme il a voulu le prétendre, les interventions de mes deux collègues de l'Opposition pouvaient le référer, dans son esprit, à cette époque.

Il semble évident qu'il ne manquait à ce tableau que l'attitude patronale du XIXe siècle, ce qu'il vient également de nous donner pour terminer le tableau.

Je n'ai pas entendu dans les propos d'aucun des députés intervenant sur le projet de loi en deuxième lecture, comme ici ce soir en commission parlementaire, d'affirmations comme celle qui voudrait que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, que nous n'avons à faire face qu'au courant normal des relations humaines, que l'entente prévaudra et que la sécurité du public sera, automatiquement, assurée.

A moins de vouloir être un patron borné ou à moins de vouloir être un patron hypocrite qui se prépare déjà à se masquer en juge, il ne fallait pas entendre cela dans les propos, mais il fallait plutôt entendre le contraire. Nous sommes intervenus pour dire le danger réel attaché aux mécanismes de fonctionnement de ce projet de loi et dire de quelle façon nous étudierons, article par article, ce projet de loi, justement parce que tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais que, précisément, au Québec, actuellement, la situation financière est plus grave qu'elle ne l'a jamais été dans son histoire.

S'il faut donc prendre nos interventions pour dire que nous réclamons le laisser-faire et l'inertie, c'est le contraire. Nous disons que la situation économique, sociale du Québec, telle que conduite pas le patron impliqué dans cette entreprise, soit le gouvernement du Québec, est à ce point grave que chaque intervention doit être minutieusement étudiée et qu'une intervention qui serait malheureuse ou qui se voudrait dans la suite d'attitudes patronales régrogrades, comme celle que le ministre des Affaires sociales vient de prendre sur un ton pleurnichard, ne ferait qu'ajouter de l'huile sur le feu qui couve déjà dans la situation

sociale du Québec. C'est ce que nous avons dit. Autant dans les interventions du député de Johnson, qui nous suggère un tout autre mécanisme que celui qu'on retrouve dans ce projet de loi, que dans celles du député de Maisonneuve, on a dit: Nous avons été d'accord sur le principe de ce projet de loi, mais attention! vous avez déjà suffisamment fait de gâchis pour que ce projet de loi ne soit pas un gâchis supplémentaire.

Si nous sommes dans une période où chacun d'entre nous entrevoit une période de difficultés sociales graves et sérieuses, c'est précisément suite à l'action du patron dans cette attitude. Au moment où le patron se prépare déjà à devenir un juge, nous voulons lui dire que nous ne lui permettrons pas d'être n'importe quel juge.

Qu'il devienne, à l'occasion, pour la sécurité du public, essentiel d'assurer des services essentiels, nous en convenons, mais à la manière et à la façon rétrogrades dont le patron s'est toujours conduit dans ce dossier, pas nécessairement. Loin de là, et c'est ce que nous avons exprimé.

Tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes depuis le départ dans ce dossier, M. le Président. Loin de là. Nous vivons dans une société où le partage des richesses est profondément injuste et inéquitable. Ce n'est pas se fermer les deux yeux et ce n'est pas s'arroser d'eau de rose que de le répéter. Nous vivons dans une société où le pouvoir d'intervention de l'Etat dans le partage des richesses n'est pas aussi déterminant qu'il pourrait l'être, mais est occasionnellement déterminant dans certains dossiers, comme celui dont on parle.

Nous vivons dans une société où le gouvernement a été aveuglé, à certaines occasions, par ses intérêts partisans, où il a promis des choix qui deviennent, pour la société québécoise, éminemment coûteux. Nous en sommes à $1.1 milliard d'emprunt pour ce seul exercice financier; nous conduisons, pêle-mêle, des projets gigantesques dont ni vous ni moi, M. le Président, ne connaissons l'aboutissement final ou même le coût actuel: les Jeux olympiques dont nous avons hérité par suite d'une négligence criminelle de ce gouvernement et la baie James qui constitue le mystère financier et politique de toute cette décennie.

Tout cela fait partie du monde réel dans lequel nous vivons, et ce n'est pas le meilleur des mondes. Il n'y a pas un député conscient de l'Opposition, qui surveille l'attitude d'administrateur des fonds publics de ce gouvernement, qui pourrait prétendre aujourd'hui que précisément il faut laisser aller la chose comme dans le meilleur des mondes.

C'est précisément parce que le gouvernement a dépensé des fonds publics et a provoqué les citoyens par ses décisions politiques que nous pouvons estimer que ce n'est pas le meilleur des mondes. C'est donc le conflit le plus sévère que nous puissions entrevoir qui est à l'horizon. Donc, toute intervention, surtout celle qui arrive au milieu d'une négociation, doit être encore plus méti-culeusement étudiée. C'est ce que nous avons soutenu depuis le début. Le monde réel, c'est cela.

Nous vivons dans une société où le ministre de la Fonction publique nous répond, les bras croisés: Je n'ai pas d'information à vous donner sur les offres patronales et syndicales.

Je n'ai pas d'informations à vous donner là-dessus, et la masse salariale, on n'y touchera pas. Ils vont se contenter de cela et on va les "tougher" et ils feront la grève s'ils veulent. C'est cela le monde réel dans lequel nous vivons. Ce n'est pas le meilleur des mondes. Et, quand on pose des questions sur la discrimination à l'intérieur des offres, il nous dit: Je ne m'occupe pas de niaiseries. Quand on parle de discrimination à l'intérieur même des offres dans le secteur social entre les infirmières et les aides-infirmières, les écarts accrus et maintenus entre hommes et femmes à l'endroit du secteur des affaires sociales tels que présentés par le ministre même qui vient de pleurnicher sur la situation, c'est cela le monde réel. Ce n'est pas le meilleur des mondes, je ne peux pas le dire.

Et quand on demande de faire attention au mécanisme qu'on va adopter, surtout au moment où on choisit de le faire intervenir, c'est parce qu'on sait dans quel monde cela intervient. Si c'était le meilleur des mondes, si on n'avait pas un gouvernement qui est en train de nous endetter par-dessus la tête, si on avait un gouvernement qui s'était occupé d'aller chercher l'argent là où il était... sans en avoir le contrôle à d'autres endroits, si on était un gouvernement qui, au lieu de déposer en sept ou quinze points ses litiges avec le gouvernement fédéral, s'occupait d'aller chercher l'argent qui nous appartient là-bas, ce serait peut-être bien une autre chose. Ce n'est pas le cas, c'est loin d'être le meilleur des mondes. D'où l'importance de s'assurer du mécanisme que le patron invente juste avant de se déguiser comme juge, avec déjà tout le lyrisme pleurnichard dont on vient de goûter la première once, et ce n'est pas fini, Dieu merci! Cela va probablement aller jusqu'à la loi d'exception, cela se maquillera dans les injonctions en vertu de l'article 99, cela s'utilisera dans les mécanismes prévus de cette loi à l'article 10 ou 11 quand le patron choisira ses juges.

Tout cela est à l'intérieur. C'est loin d'être le meilleur des mondes. Et les députés de l'Opposition interviennent pour dire, en remarques préliminaires avant l'étude article par article: N'oubliez pas de quoi on est en train de parler. On est en train de parler d'un mécanisme qui doit intervenir à la suite de négligences et d'actions passées du gouvernement. Si nous sommes aujourd'hui en train de décider, de façon législative, comment assurer les services essentiels, c'est parce que nous tous convenons que la gestion actuelle des affaires québécoises depuis cinq ans nous a légitimement conduits à penser qu'il était possible de prévoir des ententes en bonne et due forme entre patron et syndicat. C'est parce que cela s'est pourri au cours des dernières années, parce que les choix politiques qui ont été faits de l'autre côté, de la part du gouvernement, ont grevé les capacités financières. Les employés du secteur public et parapublic ont vu cette gestion, ont été conscients de cette gestion. Et quand ils font des demandes

salariales et se font dire que le gouvernement n'a pas d'argent et qu'ils voient en même temps leur même gouvernement, leur "boss" qui se prépare déjà à devenir juge, ramasser une patente de $600 millions de déficit et investir de $11 milliards à $15 milliards à la baie James sans savoir ce qu'on sait, ce ne sont pas des caves, eux non plus. Ce n'est pas pour rien qu'on sait qu'on n'est pas dans le meilleur des mondes. On sait qu'on a probablement le pire des gouvernements que le Québec ait jamais eu.

A l'horizon de tout cela, il y a les victimes possibles. Qu'on ne pleurniche pas et qu'on ne se maquille pas de l'attitude de défenseurs de l'intérêt public et je ne veux pas subir l'opprobre qui me reviendra nécessairement. Vous l'avez déjà l'opprobre, vous l'avez déjà l'opprobre des Québécois. La masse salariale inamovible que vous avez présentée, la discrimination contenue à l'intérieur de ces offres méritent déjà l'opprobre qui est là. C'est bien évident que les victimes ne doivent pas être des Québécois qui sont déjà ceux qui paient des taxes et qui vous les remettent entre les mains pour que vous les administriez de la façon dont vous le faites depuis cinq ans.

Il est bien normal que nous ne passions pas non plus là-dessus. Les victimes possibles, celles sur lesquelles on se prépare déjà à intervenir de façon mélancolique sont des gens qui ont payé des taxes. Ce sont leurs taxes à ces gens, à ces malades, à ces gens dans les centres de services sociaux, à ces gens dans les foyers d'accueil. Ce sont leurs taxes, c'est leur argent que vous avez gaspillé dans les Jeux olympiques, que vous avez gaspillé dans les services de la baie James et que vous serrez volontairement lorsqu'il s'agit de payer les employés qui sont ceux qui les touchent directement là où ils se trouvent et là où ils peuvent devenir des victimes.

Nous n'avons pas à faire de choix aveugles, je suis d'accord là-dessus avec le ministre. Au contraire, nous avons à faire des choix méticuleux dans ce projet de loi. Un mécanisme qui ne ferait qu'accroître le pouvoir d'intervention patronale dans ce dossier, qui prépare déjà son intervention couverte d'hypocrisie comme juge dans ce dossier est un mécanisme qui ne fait qu'accroître les possibilités qu'il y ait de nombreuses victimes dans le dossier.

C'est donc dans cet état d'esprit que nous devons étudier le projet de loi. Si c'était dans le meilleur des mondes, nous n'aurions même pas voté pour le principe de ce projet de loi. Si les services essentiels nous apparaissaient d'ores et déjà assurés, nous n'aurions pas apporté notre concours. Mais maintenant que nous sommes à discuter le mécanisme, maintenant que toute cette Assemblée s'est dite d'accord pour que les services essentiels soient assurés, nous n'allons pas nous fourvoyer dans le mécanisme à prendre pour le faire, sinon notre attitude n'aurait été que de l'hypocrisie. C'est malheureusement ce qu'il faut découvrir dans la dernière intervention du ministre des Affaires sociales.

Déjà on se prépare à une deuxième lecture du projet de loi mettant fin à une grève légale. Tout cela est à l'horizon dans le projet de loi 253. Il faut juste voir la façon dont le ministre vient de répondre aux critiques de l'Opposition, la façon puritaine dont il a envoyé les critiques en les refoulant au 19e siècle pour voir que déjà il ne veut rien savoir. Le "boss" se prépare à un affrontement. Il a aussi la première étape qui lui permettra de se convertir en juge et il nous dit: Je n'hésiterai pas à le faire une deuxième fois, si cette étape n'est pas nécessaire ou n'est pas efficace.

Bien si c'est de même, M. le Président, qu'on aborde le dossier en plein milieu des négociations, c'est réel que cela ne fonctionnera pas. C'est réel et attendons-nous donc à une étude du projet de loi qui soit plus minutieuse que celle-là. Nous sommes d'accord pour assurer les services essentiels, le ministre est d'accord pour assurer les services essentiels, en cas de conflit de travail. Il sait que la gestion de son gouvernement conduit de façon imminente à ce conflit de travail qui apparaîtra sur la carte sociale du Québec. Bien que nous prenions le temps non seulement d'étudier le mécanisme que le patron prépare, mais au besoin de modifier considérablement le mécanisme préparé par le patron, parce que s'il en va véritablement de l'intérêt public. Il faut croire que c'est plus important que l'intérêt gouvernemental et que s'il faut "scrapper" le projet de loi gouvernemental qui est devant nous, parce qu'il ne fait qu'attiser le feu qui couve déjà dans le domaine social, on le "scrappera".

Mais, le principe qui nous a réunis alentour de cette table, celui d'assurer les services essentiels doit l'emporter sur n'importe quel intérêt partisan du patron-gouvernement. C'est avec cet esprit, M. le Président, qu'il faut le regarder. Nous avons convenu du principe. Le mécanisme est maintenant quatorze fois plus important que le principe. Quand même on se roulerait à terre pour dire qu'il faut assurer l'intérêt public et qu'aucun d'entre nous ne subisse l'opprobre de l'opinion publique pour avoir manqué à son devoir, tout cela n'est que tartuferie pour le moment.

La vraie condition, pour l'intérêt public réside dans le mécanisme même de l'établissement des services essentiels que nous nous apprêtons à étudier. Quels qu'aient été les deux discours de deuxième lecture, si nous devions sortir à la fin de cette étude article par article avec ce même projet de loi, avec ces mêmes mécanismes, sans altération profonde autre qu'une considération qu'on se vanterait d'avoir eu en discussion par la suite mais qui n'apparaîtrait pas dans le texte de loi, alors nous n'aurions pas à assurer les services essentiels et alors le gouvernement mériterait déjà, comme il le mérite depuis le début de sa gestion de ce dossier, l'opprobre public qu'il craint de recevoir à la suite des remarques des députés de l'Opposition.

Le Président (M. Brisson): Le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: M. le Président, ce qui nous ramène surtout, avec le dernier discours qu'on vient d'entendre, au XIXe siècle, c'est qu'au

XIXe siècle comme à notre siècle, les gens sont motivés beaucoup plus par leur intérêt personnel, qu'il soit financier ou qu'il soit politique, que par les intérêts particuliers de ceux qui, à un moment donné, dans le public se trouvent sans défense.

Ce qui est au XXe siècle dans nos institutions actuellement, c'est que nos hôpitaux sont étatisés. Malgré qu'on accuse le gouvernement et notre société d'être basés sur l'appât du gain et sur le système de l'entreprise privée, il reste que, dans ce secteur en particulier, ces gouvernements représentatifs de l'industrie privée et de la philosophie de la libre entreprise ont bien voulu socialiser tout le système des hôpitaux dans la province de Québec. Cela n'est certainement pas du XIXe siècle, c'est bien du XXe siècle.

Si la population a accepté et si les gouvernements ont accepté cette socialisation, c'est qu'on a senti que les hôpitaux étaient, en somme, un service essentiel à la population, c'est qu'on n'a pas voulu laisser les propriétaires des institutions faire des profits à même les malades, à même ceux qui souffrent. En plus, on a calculé qu'un droit aux soins médicaux et à l'hospitalisation était un droit strict de tout citoyen, quels que soient ses revenus et sa situation sociale.

D'un autre côté, ce qui est bien aussi du XIXe siècle, c'est la grève et les syndicats. Si les syndicats ont débuté dans le passé, cela a été une réaction, si vous voulez, contre les abus de la libre entreprise, contre les abus des profits exagérés, des conditions de travail abominables, etc. Ces syndicats, avec les décades, ont oeuvré aussi dans les champs d'activités socialistes comme les hôpitaux. Aujourd'hui, les syndicats ne peuvent certainement pas se piquer de défendre leurs syndiqués contre des abus de profits parce qu'il n'y a pas d'abus de profits. Leur employeur, c'est le public, par l'entremise du gouvernement dûment élu et démocratiquement élu, de la façon la meilleure qu'on puisse le faire avec l'état des choses au XXe siècle. Voilà que les syndicats vont déclarer une grève légale. Cela leur est permis par le Code du travail, mais c'est tout de même, à certains points de vue, si on veut philosopher, un certain non-sens.

Je ne suis pas nécessairement contre le fait qu'il y ait des syndicats, même dans les champs d'activité les plus socialistes, parce qu'il reste qu'il y a des conditions de travail à discuter et à établir. Il y a une rémunération, etc. Pour ce qui regarde les hôpitaux, je suis le premier à admettre qu'il y a bien des employés dans nos hôpitaux qui ne sont pas rémunérés en concordance avec les services qu'ils rendent. Mais la grève, c'est la grève, surtout dans la province de Québec, on le sait. Souvent, cela crée des situations anarchiques. S'il y avait des députés ici aujourd'hui qui étaient responsables et élus par les malades dans les hôpitaux, je crois que le débat se ferait sur un palier beaucoup plus désintéressé et beaucoup plus élevé.

Ce qu'il y a du XIXe siècle dans le système actuel ou dans l'état des choses actuel c'est qu'encore les gens se battent pour leur profit, qu'il soit politique ou qu'il soit pécuniaire. Comme au XIXe siècle, qui en souffre? Ce sont les plus dépourvus, ceux qui ne peuvent pas se payer le luxe de faire sentir leur poids, ceux qui ne peuvent pas crier leur misère. Il faut être allé à l'hôpital pour savoir l'atmosphère qui peut exister et ce que peut ressentir un malade qui est absolument dépendant des autres pour ses soins les plus élémentaires et basiques.

Ce qui est du XIXe siècle, c'est qu'on n'est pas tellement plus civilisé, même un siècle après, parce qu'encore pour ses intérêts personnels on est obligé de piaffer et de piler sur ceux qui sont sans défense. On se bat sur une loi; tout le monde admet le principe. On veut la tuer par des formalités. A qui peut-on faire confiance si on est simplement sensibilisé aux intérêts du public en grève? Aux syndicats, en particulier? On connaît la réputation des syndicats, on l'a vue par l'enquête Cliche, on l'a vue par les abus qui se sont faits. Tout le monde sait que les syndicats, ce n'est pas démocratique. On sait tous cela. Quand les syndicats ont-ils été tellement sensibilisés à l'intérêt du public en général, quand? Les syndicats, comme les gens du XIXe siècle, actuellement... Je n'aurais pas donné ces descriptions il y a un demi-siècle, par exemple, où les chefs syndicaux étaient simplement des travailleurs comme tout le monde, qui risquaient leur sécurité et leur peau pour l'intérêt de leurs collègues. Aujourd'hui, que sont les chefs syndicaux si ce ne sont pas des professionnels des syndicats qui sont grassement payés pour faire l'ouvrage qu'ils font?

Ils sont obligés, parfois, de marcher selon les intérêts, non pas de la communauté, mais selon les intérêts bien définis et bien particuliers de ceux qu'ils sont appelés à servir et qui, bien souvent, n'ont rien à faire avec le bien de la communauté. Alors, qu'un gouvernement responsable veuille, dans le contexte actuel, protéger ceux qui vont voir leur intérêt et leur propre sécurité en jeu, dans un conflit exclusivement d'intérêts, non pas de principes, il me semble que c'est la chose la plus normale possible pour un homme qui est responsable, non pas devant les syndicats, non pas devant le gouvernement mais devant le public. Ce sont des choses que le public sait. Si nous étions tous, au tour de cette table, conscients de l'intérêt de l'impuissant qui va être à l'hôpital au cours d'une grève, le débat aurait pris une tout autre tournure. On n'aurait pas fait le procès du gouvernement dans un contexte semblable. On veut une loi, on admet le principe de ce projet de loi; bien, parlons-en donc froidement, d'une façon positive et objective sans passion. Qu'on détermine la meilleure façon dont on doit prendre l'intérêt du malade. Il me semble que c'est évident et que cela devrait être simple à faire, si on vit au XXe siècle.

Le Président (M. Brisson): Le député de La-porte.

M. Déom: M. le Président, je serai très court. J'ai suivi avec beaucoup de respect l'intervention du député de Maisonneuve, ainsi que le spectacle du député de Saint-Jacques. Je suis presque inter-

venu pour le rappeler à la pertinence du débat quand II a commencé à nous parler de la baie James et des Jeux olympiques. Il m'a fait penser à la journaliste, l'autre jour, qui ne faisait pas la différence, quand elle interviewait le premier ministre du Québec, entre les dépenses courantes et les investissements. Le député de Saint-Jacques vient parler des travailleurs qui voient le gouvernement dépenser pour reprendre en charge la Régie des Jeux olympiques et la baie James. Mais peut-être que les syndicats devraient donner aux travailleurs un petit peu de formation économique pour leur montrer la différence entre une dépense courante et un investissement. On ne finance pas à même des emprunts les dépenses courantes et je pense que cela, c'est une chose sur laquelle il faut revenir sans cesse, parce que c'est extrêmement important.

Le deuxième point que je voudrais souligner, c'est qu'on s'étonne, puis on traite d'hypocrisie le fait que le gouvernement dépose une loi visant à assurer les services de santé et les services sociaux essentiels. Mais cette loi s'inscrit dans la dynamique, puis dans la philosophie du Code du travail. Le député de Maisonneuve, était présent, par l'entremise de ses représentants, en 1964, quand cela a été voté et quand on a accepté de donner le droit de grève.

M. Burns: J'étais bien plus présent que cela. L'ancien ministre du Travail peut vous le confirmer.

M. Déom: Le ministre du Travail était là, je me rappelle très bien.

M. Burns: Pas à cette époque, mais en 1969.

M. Bellemare (Johnson): J'étais dans l'Opposition, en 1964.

M. Déom: Oui, vous étiez assis à côté du chef de l'Opposition, je me le rappelle très bien.

M. Bellemare (Rosemont): Puis le député de Maisonneuve travaillait pour le Parti libéral dans ce temps-là.

M. Déom: Vous avez voté pour la loi.

M. Bellemare (Johnson): J'ai apporté 61 amendements que M. Lesage a acceptés.

M. Déom: Oui, d'accord. Ce que je veux soulever, c'est que, quand le gouvernement et l'Opposition, en 1964, ont accepté de donner le droit de grève dans les services publics et dans la fonction publique, on a automatiquement confondu; on a mis le gouvernement dans une situation qui est extrêmement difficile à tenir, celle d'être à la fois le législateur et l'employeur. Je me le rappelle parce que j'ai fait des représentations en 1964 devant le comité des bills privés, et vous étiez là. On ne peut s'imaginer que le ministre des Affaires sociales, une journée, se regarde dans le miroir, puis il se dit aujourd'hui: Je suis un législateur; de- main, je suis le négociateur. C'est toujours le même homme. Alors, quand les gens du Québec ont accepté cette loi en 1964, ils ont automatiquement admis qu'il fallait que le gouvernement intervienne et utilise son pouvoir politique. Ce n'est pas de l'hypocrisie; c'est inscrit dans la dynamique même du Code du travail.

Ce qu'il aurait fallu faire, c'est leur refuser le droit de grève et dire, comme le premier ministre du temps: La reine ne négocie pas avec ses sujets. En tout cas, on ne reviendra pas sur cette discussion. Je voudrais juste souligner ces deux points. Quand la société québécoise, en 1964, a accepté de donner le droit de grève à un service public, elle a accepté, en même temps que le gouvernement joue à la fois le rôle de législateur et le rôle d'employeur, et on ne peut pas demander à des individus d'être des Dr Jekyll et Mr. Hyde. C'est dommage, mais c'est toujours le même homme. Cette loi s'inscrit dans la dynamique même du Code du travail et je ne pense pas qu'on puisse traiter le gouvernement d'hypocrite. C'est normal, le gouvernement utilise les moyens à sa disposition. Et comme employeur, un des moyens qu'il a, c'est l'Assemblée nationale et la souveraineté de l'Assemblée nationale. Que voulez-vous? On a copié, en 1964, les mécanismes de l'entreprise privée pour les mettre dans le secteur public sans penser que la convention collective et la grève avaient été développées pour et par l'entreprise privée pour régler des problèmes de l'entreprise privée et non des problèmes du secteur public.

M. Burns: Mais c'est contre le droit de grève même que vous êtes.

M. Déom: Je ne parle pas contre le droit de grève. Je dis que lorsqu'on traite le gouvernement d'hypocrite, on charrie, parce que cette loi s'inscrit dans la suite logique de la loi de 1964.

M. Bellemare (Johnson): Le député de Laporte sait bien que c'est le "timing" qui n'est pas bon.

M. Déom: Pardon?

M. Bellemare (Johnson): Le député de Laporte sait que c'est le "timing" qui n'est pas bon. C'est sûr et certain.

M. Burns: Vous êtes bien trop expérimenté dans ce domaine pour accepter que ce soit normal qu'en plein cours de négociations, on nous arrive avec un projet de loi comme cela.

M. Déom: Le député de Maisonneuve sait très bien qu'en négociations un employeur, qu'il s'appelle le gouvernement ou ITT ou IT and T, ou n'importe qui, va utiliser tous les moyens à sa disposition pour régler le conflit en sa faveur.

M. Burns: Y compris celui de passer une loi à cause de...

M. Déom: C'est normal, cela s'Inscrit même dans la logique du Code du travail.

M. Burns: D'accord. Parfait.

M. Charron: C'est cela qu'on se désâmait à dire tout à l'heure...

M. Déom: Ne venez pas traiter le gouvernement d'hypocrite.

M. Charron: C'est ce qu'on a dit tout à l'heure et il nous a dit qu'on était du XIXe siècle. Un patron essaie toujours de mettre les cartes de son bord.

Le Président (M. Brisson): A l'ordre, messieurs! Le député de Laporte a-t-il terminé?

M. Déom: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Brisson): Je vous remercie. Article 1.

M. Burns: Vous avez terminé sur un point d'ordre. Je dois vous le dire.

Le Président (M. Brisson): Paragraphe a), adopté?

M. Burns: C'est une admission absolument... Non, M. le Président.

M. Bellemare (Johnson): Un instant, M. le Président.

M. Burns: M. le Président, à l'article 1 a) on définit l'établissement comme étant un établissement au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux 1971, chapitre 48. Cela est une question pour laquelle on n'avait pas besoin du ministre du Travail, alors je m'adresse à la bonne personne, il n'y a pas de doute. J'aimerais que le ministre des Affaires sociales nous dise quel est le nombre des établissements concernés par la définition qui apparaît au paragraphe a) de l'article 1.

Je vais vous dire pourquoi, cette question. Ce n'est pas pour avoir l'air "cute" mais je pense que cela peut éventuellement nous diriger quant à la façon d'envisager les mécanismes. Si on est face à deux ou trois établissements, il y a un certain mécanisme dans la loi qui m'apparaît comme étant possible.

Si on se retrouve vis-à-vis de plusieurs établissements, là j'ai le droit de me poser des questions vis-à-vis du mécanisme. C'est pour cela que je pose cette question à ce stade.

M. Forget: Le nombre dont il est question est effectivement un nombre très élevé. Cependant, le problème ne se pose pas, et c'est la raison pour laquelle il y a d'autres dispositions dans la loi qui laissent des possibilités d'interprétation. Il y a même la notion de services essentiels elle-même qui n'est pas définie en termes descriptifs parce qu'il y a des circonstances extrêmement diverses.

Je dirais que pour la majorité peut-être, en nombre, des établissements, le problème ne se pose effectivement pas sauf qu'ils appartiennent à des catégories générales, soit centres hospitaliers. On parle là d'environ 250 centres hospitaliers à travers le Québec. On parle de plusieurs centaines de centres d'accueil.

M. Burns: Combien de centaines?

M. Forget: A peu près 700 centres d'accueil, je crois. Au total, environ 1,300 établissements.

M. Burns: Est-ce que cela veut dire, à toutes fins pratiques, en admettant que la négociation se fasse au niveau local et que, d'autre part, il y ait, comme on le vit depuis au moins deux négociations, presque trois, une forme de front commun, il y aura quelque 1,300 négociations, si jamais le front commun est global, total, de services essentiels? Je précède la loi parce qu'il y a d'autres dispositions dans la loi qui nous disent qu'il devrait y avoir des négociations et que, si cela ne marche pas, il va y avoir également par la suite des décisions qui devront être rendues.

J'admets d'avance avec le ministre, comme il l'indiquait, que même s'il me disait oui à la question que je viens de lui poser, cela ne veut pas dire nécessairement qu'il y aura mésentente dans les 1,300 cas, d'accord. Mais est-ce que cela veut dire quand même qu'il y aura 1,300 négociations?

M. Forget: Théoriquement, oui.

M. Burns: Théoriquement, c'est peut-être cela.

M. Bellemare (Johnson): Le ministre a déclaré, le 6 décembre, dans le Nouvelliste — je retrouve l'article et j'aimerais lui rappeler cela — que "les services essentiels seront déterminés dans chaque hôpital, dans chaque centre d'accueil ou autre établissement en fonction de ses caractéristiques et des besoins particuliers de la clientèle". Cela veut dire qu'il y aurait des négociations et peut-être encore beaucoup plus que 1,300.

M. Forget: Pourquoi plus que 1,300?

M. Bellemare (Johnson): Parce qu'il peut y avoir d'autres services, dans le ministère des Affaires sociales, qui sont affectés par cela aussi. Vous avez tous les services assimilés.

M. Forget: On reviendra tantôt à la notion d'organismes assimilés. Effectivement, vous avez raison de dire que cela doit être fait selon les circonstances locales dans chacun des établissements. Dans certains cas, cela peut être extrêmement sommaire et cela l'est effectivement. Dans certains cas, le problème des services essentiels ne se pose pas à strictement parler, ou s'il se pose, il peut être tranché de façon extrêmement sommaire. On parle de centres d'accueil, dans cer-

tains cas, de 40 places ou de 35 places où on sait d'avance quel genre de services doivent absolument être maintenus, et où il n'y a pas, étant donné le petit nombre de personnel, la relation étroite qui existe entre la direction et le personnel. On le sait d'avance et on arrive facilement à des ententes. Dans le passé, ce n'est pas là qu'ont été les problèmes, encore que, théoriquement, il puisse y en avoir partout. C'est effectivement dans les centres hospitaliers que se retrouvent les problèmes.

M. Burns: Saviez-vous, M. le ministre, soit dit en passant — je voudrais vous demander la permission d'ouvrir cette parenthèse — qu'au moment même où on discutait du projet de loi, c'est-à-dire vendredi dernier — j'admets la confiance que vous venez d'énoncer — le comité de négociation patronal des affaires sociales a refusé systématiquement de négocier, vendredi dernier, le 12 décembre, pendant que la commission parlementaire siégeait, lorsqu'il a été invité à le faire par un conseiller syndical, en l'occurrence concernant l'hôpital Saint-Sacrement de Québec? Saviez-vous cela? Ce sont des faits.

On a beau parler de nos attitudes très XIXe siècle, etc. Je me sentais quasiment, tout à l'heure, avec une fraise autour du cou et une épée en bandoulière.

M. Forget: Cela vous irait bien!

M. Burns: Peut-être. Peut-être que cela me ferait bien. Malheureusement, ce n'est plus à la mode. Vous ne me verrez pas avec cela, je vous le promets. Dans les prochains mois, vous ne me verrez avec ni l'un ni l'autre des deux appareils que je viens de mentionner.

Par contre, il y a là des faits assez précis qui font qu'à un moment donné, alors même qu'on discute de cela, alors même que vous avez des représentants de centrales syndicales qui viennent nous dire:

Faites-nous confiance, on est prêts à l'essayer, vous avez l'air de mettre le fardeau, partout, sur le dos des centrales syndicales, alors que tout le monde sait que, lors de la dernière négociation en 1972, dans la majorité des cas où cela a bloqué au niveau des services essentiels, ce sont les administrations des établissements hospitaliers qui ont bloqué et qui ont dit: C'est bien simple, on n'en discute pas; on veut tout ou rien. Est-ce que le ministre est au courant de cela? Je veux dire que cela aussi, c'est un élément de confiance qu'il est important d'avoir, tant de votre côté que de notre côté, avant l'examen complet du projet de loi, avant d'en arriver aux mécanismes.

Il y a quelque chose qui sera, éventuellement, sous-tendu par cela, quand on dira, par exemple, comment cela se fait une négociation des services essentiels.

Je vous l'ai dit l'autre soir, dans mon discours de deuxième lecture. J'en ai négocié, dans le passé, des services essentiels; je n'ai eu besoin de personne pour m'imposer des règles du jeu, ni quoi que ce soit; je n'ai pas eu besoin de tant de jours pour négocier cela. Cela s'est fait en quelques heures et, habituellement, en moins de 24 heures, sauf dans un cas où cela a pris trois jours. Dans chaque cas, cela a réussi parce que, de part et d'autre, on s'était dit: II faut quand même les assurer, ces services essentiels.

La partie syndicale, actuellement, imaginez-vous donc qu'elle y croit à cela. Je me demande sérieusement si la partie patronale y croit, actuellement. Tout en prenant acte de l'admission du député de Laporte, tout à l'heure, à l'effet qu'un patron a le droit d'utiliser les tactiques qu'il voudra — et moi j'inclus dans ce système de tactiques, peut-être le projet de loi no 253 — si c'est le cas, je m'inquiète beaucoup quand je sais...

M. Déom: Une stratégie.

M. Burns: Vous aimez mieux stratégie? C'est la même chose. Une stratégie, c'est une série de tactiques. C'est l'accumulation des tactiques qui fait une stratégie. En tout cas, cela donne le même résultat en fin de compte. Je m'en remets à l'expérience de négociation du député de Laporte.

Il y a quelque 1,300 établissements — ce n'est pas tout, il y a le paragraphe b) aussi où il faudra peut-être nous donner des explications; combien d'établissements sont visés au paragraphe b) — visés au paragraphe a)? Des établissements au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, il y en a 1,300. Si déjà, alors qu'on n'a pas la pression de la loi, alors qu'il n'y a pas le mécanisme coercitif qui nous est amené par le projet de loi, dans un cas — et ce n'est pas un hôpital secondaire, l'hôpital Saint-Sacrement à Québec — vous avez une attitude comme celle-là, quelle confiance le ministre a-t-il en la possibilité que sa loi puisse éventuellement être mise en application?

Ne suis-je pas en droit de me poser cette question dès l'article 1?

M. Forget: M. le Président, non seulement le député de Maisonneuve est en droit de se poser des questions, mais je pense qu'il est en droit d'avoir des réponses. Je désespérais un peu de la lui donner, mais je le remercie de l'opportunité qu'il me donne.

M. Burns: C'est pour cela que j'ai arrêté, j'attendais la réponse.

M. Forget: J'avais peur d'oublier votre question. Le député de Maisonneuve répète une interprétation ou une thèse — j'irais même jusqu'à dire une hypothèse — qui a été défendue devant nous vendredi dernier, à l'effet que, soi-disant, la partie patronale aurait refusé récemment de négocier les services essentiels. C'est le contraire de la vérité.

Il est clair — on l'a dit et on va le répéter encore — que, depuis des mois, depuis le mois de mai de cette année, la partie patronale a demandé de négocier les structures à mettre en place pour assurer les services essentiels. On nous a dit à

l'époque: Oh! On n'est pas pressé! Cela peut venir plus tard!

Plusieurs mois plus tard, on nous a dit: Oui, peut-être qu'on peut commencer à en discuter. Au moment du dépôt du projet de loi no 253, celles des centrales qui n'avaient pas encore donné une réponse négative ne s'étaient pas encore exprimées sur ce sujet.

Donc, s'il y a eu des lenteurs dans la négociation d'une structure qui aurait peut-être pu se substituer au projet de loi actuel, je pense qu'il ne faut pas mettre le blâme sur une hésitation, même un refus, encore moins un refus de la partie patronale. Il y a eu une suggestion de le faire et on nous a reportés à plus tard. Une fois qu'on a finalement commencé, on n'avait quand même pas encore de réponse de tous côtés de façon à être assurés d'une situation où ce serait complet. Il ne s'agit pas de convenir avec une centrale dans un cas particulier.

Pour ce qui est de la période actuelle, on a cité M. Pleau, qui est le président du comité patronal de négociation; on l'a cité de travers. Je ne suis pas intervenu vendredi, puisque c'était une affirmation que nos invités faisaient, je les ai laissés parler; mais comme vous reprenez encore la même thèse, ou la même hypothèse, je peux vous dire que ce n'était pas du tout de cela qu'il s'agissait mais de la question de négocier les services essentiels pour des périodes où le droit de grève n'est pas acquis. C'est tout autre chose, c'est tout autre chose.

Pour ce qui est de la négociation, il est faux à mon avis de prétendre que c'est parce que la partie patronale n'était pas intéressée, en 1972, de négocier les services essentiels qu'ils n'ont pas été négociés. D'ailleurs, il est faux de dire qu'ils n'ont pas été négociés puisque tout le monde s'accorde à dire qu'il y a eu des ententes; il y en a eu plus d'une centaine. Même lorsqu'il y en a eu, il y a eu non-respect des ententes. Il faut aussi se poser cette question, même si on réussit à les négocier. Il y a parfois une autre étape qu'il faut franchir. Mais, indépendamment de cela, il ne s'agit pas du respect des ententes, il s'agit de savoir s'il y en a eu; il y en a eu et donc au moins dans ces cas-là, la partie patronale a dû être consentante à négocier puisqu'il y a eu des ententes. Il y a eu effectivement, généralement, un désir de la partie patronale de négocier. Je peux vous assurer, assurer les membres de cette commission, M. le Président, que le désir de négocier des services essentiels est maintenu au moins aussi intense et davantage même si nous sommes assurés que ces négociations ne seront pas un vain mot mais qu'il y a un mécanisme pour en assurer le respect. Il n'y a aucune diminution dans notre ardeur, du côté patronal, à négocier des ententes portant sur les services essentiels. De fait, il est essentiel que ces négociations soient la voie normale pour déboucher sur la garantie de services essentiels. Ce n'est que par exception, si les parties font défaut de s'entendre, qu'il faut envisager un autre mécanisme et il faut bien qu'il y en ait un à ce moment-là. Mais encore une fois, je ne re- viendrai pas là-dessus, l'hypothèse privilégiée c'est qu'il y ait entente sur les services essentiels pendant la période de grève et c'est le point de vue que nous allons maintenir pendant toute cette négociation. C'est le point de vue que nous allons maintenir au sein du comité patronal de négociation et nous allons voir quelles sont les mesures concrètes qu'il faut prendre pour s'assurer que ce désir ne soit pas simplement un voeu pieux mais se manifeste concrètement partout où il doit se manifester.

M. Burns: Je dois dire avec le ministre qu'évidemment tout le monde souhaite que des négociations soient menées à bien. Tout le monde le souhaite; même les centrales syndicales qui sont venues devant nous nous ont même suggéré une formule qui excluait toute possibilité d'être tranchée via une tierce-partie, dans le cas où l'entente n'aurait pas lieu. Donc, elles se fiaient très fortement — c'est peut-être cela qui est très XIXe siècle dans l'esprit du ministre — sur le fait que les gens auraient la grandeur voulue pour en arriver à une entente. Mais là où je ne comprends pas le ministre, c'est que, dans sa réponse il me dit qu'il faut faire la distinction entre la période où le droit de grève est acquis, la période — je ne sais pas quelle expression le ministre a utilisée mais il a fait une distinction sur le fait qu'il y avait une certaine période où le droit de grève n'était pas acquis et cela changeait beaucoup de choses. Est-ce que le ministre veut préciser ce qu'il voulait dire par là?

M. Forget: Bien, M. le Président, je ne suis pas pour faire un cours de droit du travail au député de Maisonneuve...

M. Burns: Vous n'avez pas besoin de me le faire, j'ai enseigné ce...

M. Forget: ... je pense que la distinction est bien connue entre le moment qui précède l'acquisition du droit de grève et celui qui le suit.

M. Burns: Non, non! Ce que je veux savoir c'est ce que vous vouliez dire précisément quand, vous référant à M. Pleau, vous avez dit: II faut quand même faire la distinction entre le moment où la période le requiert et où la période ne le requiert pas. A ce que je sache, actuellement, il n'y a rien qui requiert quoi que ce soit en matière de négociation des services essentiels. Il n'y a rien qui...

M. Forget: Non.

M. Burns: Tout ce que vous avez, actuellement, c'est l'article 99 qui, semble-t-il, aux dires même du ministre du Travail précédent devrait même disparaître du Code du travail. C'est tout ce que je sais, mais même si on a une référence aux services essentiels dans l'article 99, sinon dans le texte du moins dans l'esprit, même si on a le projet de loi qui est sur la table, même si on a aussi, dans la Loi de la fonction publique, une certaine

notion de prénégociation des services essentiels, c'est la première fois qu'on a quelque chose de concret concernant les services essentiels, même si on n'a pas de définition.

Mais, citant le cas — c'est ainsi que j'ai compris cela — de l'hôpital Saint-Sacrement, j'entends le ministre me dire: Ecoutez, il faut quand même comprendre qu'on n'est pas dans la période où c'est nécessaire de le faire. C'est ce que j'ai compris. Je parle de période, c'est le ministre qui a utilisé cette expression. J'aimerais avoir plus de détails là-dessus.

M. Forget: Mes remarques ne s'adressent pas à une situation particulière dans un établissement particulier. On pourrait explorer cette question, je pense que je peux en prendre avis. Si on me pose une question aussi particulière que celle-là, savoir qu'est-ce qui s'est passé à 3 h 55 dans tel hôpital, comme on en a 250, je pense qu'on peut comprendre que je ne suis pas immédiatement informé de tout ce qui s'est dit dans chaque hôpital. Mais il reste qu'on a cité le président du comité patronal des négociations qui aurait déclaré de façon générale, et pas dans le contexte particulier d'un établissement, une chose qui est évidente dès qu'on la dit: c'est que lorsqu'un arrêt de travail est illégal, il est illégal jusqu'à ce que le Code du travail nous permette de le faire légalement. Là-dessus, je n'ai pas, je pense bien, d'autres explications à fournir. On le fera au besoin mais c'est très clair. Quand il est permis de faire une grève légale, alors toute la période qui précède ce moment peut nous placer devant des situations et elles sont quand même assez fréquentes...

On sait qu'il y a eu des arrêts de travail dans certains hôpitaux au Québec depuis un an et ce sont des arrêts de travail illégaux. Je pense que le député de Maisonneuve sera d'accord avec moi pour juger que puisqu'on le fait dans une situation de conflit de travail, au sens du Code du travail, que la demande de conciliation n'a pas été produite dans ces cas, qu'il n'y a pas eu le délai de 60 jours, qu'il n'y a pas eu l'avis de huit jours, on est dans une situation de conflit et d'arrêt de travail illégal. On sait cela, c'est bien connu. Et la remarque de M. Pleau était, remarque toute naturelle dans des circonstances comme celle-là, que ce sont tous les services qui doivent être fournis et que la distinction entre des services essentiels et des services qui ne le sont pas, il est inapproprié qu'elle fasse l'objet d'une négociation.

M. Burns: On est tellement imbu du côté patronal de ce que soulevait le député de Jacques-Cartier, de ce que à quoi donnait écho le député de Laporte et de ce qui, j'en suis convaincu se trouvait sous-tendu par toute l'intervention du ministre lui-même, on est tellement imbu de la protection du malade que même une grève illégale advenant, on se dit: Non c'est une grève illégale, puis on ne négocie pas les services essentiels. C'est cela que M. Pleau a dit?

M. Forget: Je ne sais pas si le député de Mai- sonneuve veut me faire dire que nous devrions négocier l'illégalité...

M. Burns: Je ne vous demande pas de négocier l'illégalité, mais je vous dis tout simplement, si vous êtes aussi imbu de la protection du malade, que même dans un cas de grève illégale, il me semble en tout cas que quand une offre vous est faite du côté syndical de négocier les services essentiels, cela devrait être suivi par une acceptation non pas de la situation illégale, mais une acceptation que les services essentiels doivent être assumés.

Je vous soulève cette question parce que je prétends que toute l'attitude patronale va être teintée de cela, même dans le cadre d'une grève légale. C'est une attitude, qu'est-ce que vous voulez, que vous ne changerez pas.

Il y a des hôpitaux, imaginez-vous donc, où c'est facile. Cela a été facile, en 1972, de négocier des services essentiels dans le cadre d'une grève légale, cette fois-là. Il y a des hôpitaux où cela a été, d'autre part, absolument impossible. On peut les pointer du doigt. On peut vous dire, à part cela, dans quels hôpitaux, lors de la négociation prochaine, s'il doit y en avoir une — je ne le souhaite pas, mais s'il doit y avoir un arrêt de travail dans le milieu hospitalier — on est quasiment capable de vous dire à quels endroits cela va bien aller, la négociation des services essentiels, et à quels endroits ça n'ira pas. Je suis presque capable de vous dire qu'avec la loi que vous présentez, même les places où, actuellement, on pense que ça peut bien aller, ça n'ira pas.

Je ne veux pas devancer l'argumentation qu'on donnera à l'occasion d'autres articles, mais c'est ce que je veux vous faire dire. Si on se retranche derrière ce type de situation et si on dit à grands coups de toge, à grands coups de veston et de paletot qu'il faut sauver les malades, qu'il faut protéger les malades car c'est eux autres, d'abord et avant tout, qui souffrent de tout cela, et qu'à un moment donné il y a une grève légale ou illégale, si je n'admettais pas qu'il y a des grèves qui se font en dehors du cadre prévu dans la loi, je serais un aveugle. J'admets qu'il y a des grèves qui se font en dehors, c'est d'ailleurs pour cela qu'on a eu, en 1964, la modification importante au Code du travail qui, semble-t-il, est encore réprouvée par certains membres autour de la table. C'est parce qu'il y a eu des grèves illégales au sens du code du temps. La grève des infirmières de Sainte-Justine, en 1964, ce n'était pas une grève légale, mais elle est devenue légale par la suite parce qu'on a dit: Cela, c'est le genre de grève qu'on peut permettre.

Même si, dans le cadre d'une grève prétendue illégale, on refuse de négocier des services essentiels, je me pose des questions à savoir si, à un moment donné, on ne trouvera pas des questions de légalité pour refuser de négocier véritablement, de bonne foi et avec diligence, selon les termes mêmes de l'article 41 du Code du travail, si on ne se forcera pas pour dire: Vous savez, nous autres, on est bien placé; on a raison et on ne négocie

pas les services essentiels, parce que vous n'avez pas été gentils. Votre avis n'a pas été donné huit jours avant la grève, en vertu de l'article 99, il a été donné sept jours avant. Ou bien l'autre folie, absolument monumentale, que j'ai vue dans des services publics. Ce sont aussi des cas de grèves illégales, des gens qui disent: On vous donne avis qu'on fait la grève dans huit jours et, finalement, ils décident de la faire dans neuf jours. J'ai vu cela, moi; j'ai vu des patrons qui disaient: Vous faites une grève illégale parce que vous avez donné au ministre l'avis de huit jours et vous l'avez faite neuf jours après et non pas huit jours.

J'ai vu des concombres de sous-ministres du Travail qui m'ont répondu par télégramme, quand je donnais un avis comme cela, que mon avis était illégal parce que je ne leur donnais pas la minute à laquelle on entrait en grève. Si vous voulez voir ces choses-là, je vais vous les montrer. J'ai encore cela, imaginez-vous! Je les ai gardées, je me suis dit que c'étaient des pièces de musée. Des concombres de même, il en traîne encore partout et vous en avez surtout dans votre domaine à vous.

C'est ce que je veux savoir. Est-ce qu'on s'apprête à se faire dire: Peut-être qu'à un moment donné il va y avoir un "illégalisisme"... Je ne sais pas si le diminutif est accepté. En espagnol, cela pourrait être utilisé. En tout cas, on a une petite illégalité et toute la patente devient illégale et là, on dit: Je m'excuse, c'est illégal et on ne négocie pas les services essentiels. Est-ce que ça veut dire? Si c'est ça qu'on s'apprête à faire, je vous avoue qu'on s'apprête à avoir un beau projet de loi, on s'apprête à avoir de belles négociations de services essentiels tout à l'heure. Cela va être "too much", comme on dit, cette affaire-là. Cela va être absolument incompréhensible dans 1,300 établissements. Et attendez de voir combien on a d'organismes assimilés après.

M. Bellemare (Johnson): Ah oui!

M. Burns: J'ai hâte de voir combien on en a.

M. Bellemare (Johnson): Les services, à part cela.

M. Burns: Là, tout le monde se croise les bras et tout le monde dit: Non, il y a une infinitésimale illégalité dans cette bébelle, donc, je me croise les bras, donc, je ne négocie pas. En plus de cela, mettez le mécanisme par-dessus, le mécanisme qui dit: Le même gars agit comme médiateur, et ce médiateur, on va lui dévoiler toutes nos batteries, et si jamais ce médiateur ne réussit pas et juge... Et vous pensez que cela va réussir, cette affaire-là! Mon Dieu, Seigneur! Tout est là, M. le ministre. Tout est là, c'est une question de réalisme, cette affaire-là.

Je vous la pose, la question. C'est pour cela que je vous demanderais, tout à l'heure, si vous croyez vraiment — c'est le temps de se poser la question dès l'article 1 — que votre projet de loi a des chances d'être appliqué avec ce qu'on connaît de l'atmosphère. J'ai fini, ma question est posée. Point d'interrogation, j'arrête.

M. Forget: Ou d'exclamation.

M. Burns: II y en avait de toutes sortes.

M. Forget: De mon côté aussi. Le député de Maisonneuve dit qu'il ne comprend pas notre intention quand on dit que, dans le contexte d'une grève illégale, il nous paraît étrange de négocier les services essentiels. Je pense que, s'il ne comprend pas cela, c'est peut-être parce qu'il se mélange lui-même dans ses arguments. Il nous disait tantôt que ce projet de loi, qui arrive à un moment où les avis de conciliation, les avis de désaccord et la demande de conciliation ont déjà été faits, viendrait bouleverser les délais, etc. A ce moment, je croyais qu'il parlait selon sa formation juridique, que c'était un juriste qui nous parlait; il y avait un processus, il y avait toute une procédure. On sait que les juristes s'attachent, à bon droit d'ailleurs, à la procédure. Je pense que c'est tout à fait bien normalement de s'attacher à la procédure. C'est vrai qu'il y a dans cette loi, qui est le Code du travail, un certain ordre à respecter, certaines façons de faire les choses. Il attirait votre attention sur la nécessité de respecter cela.

Maintenant, quand on lui dit: Bien, écoutez, si les gens ne le respectent pas, si, dans une situation, on a mis de côté le Code du travail, parce qu'on a ignoré ses dispositions, il nous invite à dire: C'est très bien, on va faire comme si cela n'existait pas, le Code du travail. Tout à coup, il est là et, tout à coup, il disparaît, selon qu'on en a besoin ou pas; le Code du travail, c'est un instrument. Je pense que c'est un peu plus sérieux que cela. Il y a des périodes qui sont réservées à la négociation et il y a des périodes qui sont réservées, si on en vient là, à une contestation plus brutale, qui est la grève, où chacun va au bout de sa position jusqu'à ce que l'autre partie — du moins c'est ce qu'il espère — change la sienne. C'est une procédure qui a été établie, je pense, après passablement d'expérimentation, passablement d'efforts à trouver d'autres façons de régler les conflits.

Quand délibérément une des parties ou les deux les mettent de côté et se disent: Bien nous, on se fait justice nous-mêmes, je suis d'accord avec le député de Maisonneuve que, si cela se produit, il faut s'assurer que les services essentiels soient donnés. Mais il y a des moyens autres que la loi qui est devant nous pour le faire et il y a certainement, de toute manière, d'autres moyens que de négocier en disant: On sait que vous êtes hors la loi, mais on va arranger cela, on va s'entendre et, pourvu que vous fassiez l'essentiel, on va ignorer que la loi vous impose des obligations. Je pense que c'est une position intenable et je m'étonne, M. le Président, que le leader parlementaire de l'Opposition nous fasse une suggestion pareille.

M. Burns: Simplement, c'est un appel au réa-

lisme que je vous fais dès le début de l'étude du projet de loi. Je suis content que l'expression se faire justice soi-même ait été lâchée par le ministre. Imaginez-vous donc que, et les syndicats et les patrons, je suis prêt à l'admettre, connaissent le Code du travail. Mais, quand une des deux parties dit à l'autre: Vous ne respectez pas le Code du travail, elle vient de rendre jugement. C'est une partie cela, à peu près comme vous, si vous me frappez avec votre automobile, puis que je décide que je vais allez vous voler les $500 que me coûte ma réparation, parce que j'ai décidé que vous étiez en tort. Je suis exactement dans la même situation que le patron qui vient de décider que cette grève est illégale.

Donc, le sort des malades, à ce moment, l'intéresse un peu moins, et les services essentiels l'intéressent un peu moins, parce que lui a jugé — et j'insiste sur le mot — que la grève était illégale. Qui est-il pour décider cela? C'est le problème. Le vrai problème, le problème terre-à-terre, les deux pieds dans le ciment, c'est quoi? C'est qu'il y a des services essentiels à assurer. Avec le genre d'expériences que les syndicats ont eues dans le passé de ces attitudes patronales, et celle de Saint-Sacrement, la semaine dernière, c'est pareil. Le ministre fera les vérifications. C'est exactement le même style.

Il y a des gens qui prennent des jugements et en période de grève légale ils se mettent à crier: A l'outrage, au malade! Au secours, on viole les malades. On les laisse tout seuls. On ne leur donne même pas le minimum requis. Ce sont ces mêmes personnes qui, un moment donné, décident de juger elles-mêmes que la grève est illégale et là le malade n'est pas assez important pour qu'on négocie les services essentiels. Comment voulez-vous que, dans une atmosphère telle, on puisse penser qu'il va y avoir de véritables négociations?

S'il n'y a pas de véritables négociations, il va y avoir 1300 décisions de commissaires-enquêteurs ou appelez-le comme vous voudrez, et cela je vous dis que c'est absolument impossible de penser que cela se réalisera.

Si le ministre, d'autre part, me dit que lui va donner des instructions aux différents établissements visés par la loi et qu'il est convaincu que ses instructions vont être suivies et qu'elles voudraient dire, par exemple, qu'il faut négocier véritablement du côté patronal, à ce moment, je dis: II n'y aura peut-être pas 1300 arbitrages, si on peut les appeler comme tels, ou 1300 médiations suivies d'un arbitrage. Automatiquement si vous avez une médiation en vertu de la présente loi, je suis convaincu que vous allez avoir éventuellement quelqu'un qui va être obligé de la trancher dans le mécanisme actuel de la loi. Mais le ministre est-il prêt à dire cela, est-il prêt à m'assurer et à me convaincre que sur simple directive qu'il pourra envoyer à tous les directeurs d'hôpitaux, quelque concombre qu'on puisse trouver dans la liste quelque part — et quand je dis quelque concombre, si vous voulez que je l'épelle, je vais répeler, il n'y a pas de s à quelque.

M. Tremblay: Cela va être copié au journal des Débats.

M. Burns: Pardon?

M. Tremblay: Cela va être copié au journal des Débats.

M. Burns: Je le dis justement pour cela.

M. Tremblay: On va vous faire élire comme directeur d'hôpitaux.

M. Burns: Oui, oui, et je pense aux directeurs d'hôpitaux et j'espère qu'il y en a qui se sentent visés par ce que je dis là.

M. Charron: Le ministre non plus n'est pas très aimé des directeurs d'hôpitaux.

M. Saint-Germain: Parmi les unions il n'y a pas de concombre?

M. Burns: II y en a partout de cela. Il y en a dans le Parti libéral, il y en a dans l'Opposition.

M. Tremblay: Chez les péquistes.

Le Président (M. Brisson): A l'ordre, messieurs! On est en hiver.

M. Burns: II y en a partout.

M. Bellemare (Rosemont): II n'y en a pas...

M. Burns: Non, il y en a partout.

M. Bellemare (Rosemont): Son infusion...

M. Burns: Sauf que nous avons trouvé qu'il y en avait pas mal moins chez nous que chez vous, mais c'est une autre affaire.

Le Président (M. Brisson): A l'ordre! Article 1, paragraphe a).

M. Bellemare (Johnson): Un instant, est-ce que vous allez continuer dans l'argumentation qu'a faite le député de Maisonneuve? Le ministre n'a pas répondu à cette question qui est pertinente parce qu'il a déclaré qu'il ne cherchera pas à appliquer des normes rigides et préfabriquées à des structures profondément différentes les unes des autres. Cela rejoint bien l'élément en question du député de Maisonneuve. C'est sûr et certain, quand la partie patronale dit que c'est illégal, c'est la loi qui le déclare illégal.

M. Bellemare (Rosemont): C'était pire dans votre temps!

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire que cette question qui a été posée au ministre n'a pas reçu encore de vé-

ritable réponse. Peut-être qu'on ne lui a pas donné le temps de répondre, peut-être que la question a été longue mais, d'un autre côté, on pourrait avoir une réponse assez précise sur cet élément de question parce que c'est le commencement de l'étude du bill où, nécessairement, il va être question de bien des choses concernant les relations patronales-ouvrières. C'est le début de tout le reste. Tout le reste va s'ensuivre.

M. Charron: C'est l'esprit du législateur, comme dirait le tribunal.

M. Forget: M. le Président, la façon dont on formule les questions...

M. Bellemare (Johnson): Voulez-vous aller vous coucher? Votre temps est passé. Sept heures sont passées

M. Bellemare (Rosemont): Mon cher oncle, je suis assez vieux pour aller me coucher quand je déciderai d'y aller!

M. Bellemare (Johnson): Non, non! Il y a des heures pour vous.

M. Bellemare (Rosemont): Mon oncle Maurice, quand je déciderai d'aller me coucher, je suis assez vieux pour y aller tout seul. Duplessis ne me dira pas: Ti-Toine, toé, tais-toé!

Le Président (M. Brissson): A l'ordre, Messieurs!

M. Bellemare (Johnson): Je vais aller vous donner une petite tape sur les fesses!

M. Bellemare (Rosemont): Malheureusement, il n'y en a pas comme cela dans mon parti!

Le Président (M, Brisson): Le sous-paragraphe a) est-il adopté?

M. Bellemare (Johnson): Vous allez déranger le ministre. Allez donc vous coucher!

M. Bellemare (Rosemont): Je ne m'appelle pas Jean-Noël!

Le Président (M. Brisson): L'honorable ministre.

M. Bellemare (Rosemont): Noëlla! Je n'ai pas donné de nom.

M. Burns: Une chance qu'il n'est pas membre de la commission. Je ne pense pas que ses paroles soient enregistrées.

Le Président (M. Brisson): C'est censé l'être.

M. Bellemare (Rosemont): On m'insulte: Insulte pour insulte.

Le Président (M. Brisson): L'honorable ministre a-t-il terminé sa réponse?

M. Bellemare (Johnson): Cela va vous aider à répondre! Au moins, cela nous a détendus pour cinq minutes.

M. Burns: Cela vient rehausser le débat!

M. Bellemare (Rosemont):... mon oncle. Cela va faire du bien à votre coeur!

M. Forget: M. le Président, je disais que la façon dont la question a été posée par le député de Maisonneuve rend presque impossible une réponse. C'est un peu comme la question: Quand allez-vous cesser de battre votre femme? C'est exactement la même chose.

M. Burns: Quand "avez-vous" cessé de battre votre femme?

M. Forget: Oui! Des Voix: Ha! Ha!

M. Forget: II est clair que lorsqu'on parle de 1,300 établissements dans un réseau comme celui des affaires sociales, si sérieusement on me pose la question savoir si dans chacun de ces établissements, dans chacun des cas où il peut y avoir un problème de la nature de celui dont on discute, on va réagir exactement selon les voeux du ministère ou du gouvernement ou du comité patronal de négociation, on sait très bien quelle peut être la réponse. C'est demander une assurance absolu là ou il est impossible d'en avoir.

On parle de problème de relations humaines, après tout, on ne parle pas de mécanique.

M. Burns: Là-dessus, je...

M. Forget: Mais si la question porte plutôt sur l'intention de la partie patronale, je ne peux que réaffirmer, pour la troisième fois ce soir, que dans le passé, maintenant et dans le futur, la politique est très claire, l'attitude est très claire. C'est la négociation d'abord comme moyen privilégié d'en arriver à une solution pour le maintien des services essentiels. Cela ne fait aucun doute. C'est l'attitude que nous allons adopter, que nous allons continuer d'avoir dans le déroulement des négociations. Pourquoi en serait-il autrement?

M. Burns: Que ce soit une grève qui vous paraisse illégale ou une grève qui vous paraisse légale?

M. Forget: Dans le cas de grève illégale, la situation est différente, comme je vous l'ai indiqué, puisque nous sommes dans une situation qui, de toute manière, peut trouver son remède autrement.

II n'y a pas de problème à poser un jugement, les analogies que trace le député de Maisonneuve, M. le Président, entre un jugement de responsabilité civile où, évidemment, on est en face d'une appréciation à poser...

M. Burns: Je pourrais avoir tort en...

M. Forget: Vous pouvez avoir tort, vous pouvez avoir tort ou raison et ce n'est certainement pas à vous de vous faire justice, vous-même.

M. Burns: C'est sûr.

M. Forget: La situation où on doit quand même se placer, à savoir si on a parcouru le chemin que trace, très clairement, le Code du travail, ce n'est un secret pour personne, il n'est pas question d'appréciation dans tout ceci. Si le député de Maisonneuve a des doutes quant au légalisme avec lequel on peut interpréter tout cela, il sait très bien qu'il y a dans le Code du travail une disposition à l'effet de prévenir un légalisme excessif.

Il nous cite des arguments de procureurs, de parties patronales, mais il sait très bien que, pour certains procureurs, tout argument est bon.

M. Burns: Je sais cela.

M. Forget: Ce n'est pas parce qu'on le prétend...

M. Burns: Je sais très bien cela, c'est justement parce que je le sais...

M. Forget: ... ce n'est pas parce qu'on le prétend que ce conflit a été déclaré illégal, mais je pense...

M. Burns: M. le ministre...

M. Forget:... que l'histoire qu'il nous a racontée n'était pas finie.

M. Burns: M. le ministre, est-ce que je peux... M. Charron: ... illégal. C'est cela la question.

M. Burns: Je m'excuse auprès du député de Saint-Jacques, puis-je vous poser une seule question?

Vous êtes-vous déjà demandé ce que voulait dire le deuxième alinéa de l'article 98 du Code du travail, qui se lit comme suit? "Rien dans le présent code n'empêche une interruption de travail qui ne constitue pas une grève ou un lock-out".

M. Bellemare (Johnson): C'est cela.

M. Burns: Vous êtes-vous déjà, dans vos nuits d'insomnie, penché là-dessus?

M. Bellemare (Johnson):... pas de nuit.

M. Burns: Bien moi, je vous dis que, dans mes nuits d'insomnie, je me suis penché là-dessus souvent. Et cela, il y a bien des avocats qui peuvent s'amuser avec cela devant les tribunaux, correct? Et j'ai vu des avocats qui se sont amusés, du côté syndical, comme j'en ai vus du côté patronal, ne pas s'amuser avec cela.

Cela veut dire quoi, cela? Cherchez-moi une décision là-dessus, bien claire. Trouvez-m'en une, je serai bien content. Je pense que vous allez me calmer mes nuits d'insomnie, quand j'en ai.

M. Tremblay: Est-ce que cela fait longtemps, M. le député de Maisonneuve?

M. Bellemare (Johnson): Quatre-vingt-dix-huit...

M. Charron: Parce qu'effectivement, M. le Président...

M. Burns: Quatre-vingt-dix-huit, deuxième alinéa. "Rien dans le présent code n'empêche une interruption de travail qui ne constitue pas une grève ou un lock-out". Alors qu'à 94 et un peu partout, tant dans les mesures ailleurs et les pénalités, on dit qu'une grève, quand c'est illégal, c'est une grève qui n'est pas exercée dans les 60 jours, de l'avis de conciliation, etc... Amusez-vous avec cela. Il y en a plein comme cela dans le Code du travail et vous avez le problème de l'avis de 99, que je vous citais tout à l'heure...

M. Tremblay: ... zèle, journée d'étude et tout cela?

M. Burns: ... est-ce que c'est cela que cela veut dire? Je ne le sais pas, moi. Je ne le sais pas, en tout cas je ne suis pas assez fort en droit pour vous dire ce que cela veut dire.

M. Tremblay: D'après votre interprétation, est-ce que cela veut dire cela?

M. Burns: Quand je plaiderai, je vous le dirai. M. Tremblay: C'est cela qui fait...

Le Président (M. Brisson): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, c'est une question, quand le ministre dit, si c'est un cas de grève illégale, pas de question, la question ne se pose pas, c'est une grève illégale, il y a toutes les dispositions du Code du travail qui doivent donc s'appliquer dans ces cas-là. Si c'est une grève légale, c'est le 253 qui s'appliquera. Mais, qui détermine si c'est légal ou illégal? Il arrive souvent un conflit, il en est arrivé dans le secteur des affaires sociales comme il en arrive ailleurs, où le patron a la conviction que c'est illégal. Donc, il refuse d'en-clancher tout le mécanisme prévu dans le code légal. Mais les employés, eux, se considèrent abso-

lument justifiés. Prenons une période de tension, par exemple, qui peut marquer la ronde de négociation, le bloquage à la table sectorielle ou à la table centrale de négociation, qui peut amener tension chez les employés.

Un directeur de centre d'accueil, par exemple, à la suite de mauvais fonctionnement à l'intérieur de l'institution, peut procéder à des suspensions ou à une suspension visant un employé en particulier qu'il considère comme étant la tête chaude à l'intérieur du centre d'accueil. Cela peut amener les employés, par solidarité, à un arrêt de travail en vertu de l'article 98, deuxièmement, ce qui n'est pas illégal. Je ne parle pas d'une grève, mais d'une interruption de travail pour protester, ne serait-ce que quelques heures, contre une suspension qu'ils considèrent discriminatoire soit à l'égard d'un de leurs leaders syndicaux, soit simplement à l'égard d'un employé comme eux autres qu'ils considèrent avoir été victime d'une injustice.

Est-ce légal? Est-ce illégal? Quelle loi s'applique? Le Code du travail ou le projet de loi no 253? Qui décide à ce moment-là? Le directeur du centre d'accueil estime qu'il est aux prises avec un débrayage illégal, avec une interruption de travail illégale, ce qui est plaidable devant les tribunaux, parce que l'article 98, deuxièmement, peut le permettre. Les employés, eux, considèrent que l'article 98, deuxièmement, leur permet de faire une interruption de travail. Rien, dans le présent code, n'interdit les interruptions de travail de ce genre.

Tout cela, tout ce méli-mélo, ce spaghetti des relations de travail dans lequel nous pouvons nous trouver à un moment donné, cela peut faire que, pendant le temps où dure ce méli-mélo, où on ne sait plus si c'est légal ou illégal — un soutient que ça l'est; l'autre, que ça ne l'est pas — lesdits services essentiels à l'intérieur de l'institution ne sont pas assurés. Un peut vouloir les négocier et l'autre refuser de les négocier. Les employés, considérant qu'ils sont en grève légale, peuvent se préparer à négocier les services essentiels. Le patron, considérant au départ que c'est une grève illégale, refuse d'enclencher le mécanisme qui existe normalement dans un arrêt de travail légal. Cette situation, qui peut être de 12 heures, de 24 heures ou de dix jours à l'intérieur de certaines institutions, fait que le mécanisme que nous nous apprêtons à discuter en détail n'aura même aucune chance de s'appliquer, le patron étant convaincu qu'il n'a pas à l'appliquer, la grève étant illégale. Où sommes-nous dans ces cas-là?

Je ne dis pas — le député de Maisonneuve ne l'a pas affirmé et le député de Johnson non plus — que cela va se produire dans 1,300 établissements sur 1,300 établissements. Mais, si cela devait se produire dans un seul centre hospitalier, mais que, dans cet établissement, il se trouve 550 ou 600 malades; si cela devait se produire — j'entends encore les trémolos des interventions de l'autre côté de la table, qui ont marqué le début de cette séance — dans un seul établissement où il y a un seul malade dont la seule vie, je dirais, peut être mise en danger tout le monde conviendra que le problème mérite l'attention.

Nous parlons de 1,300 organismes où il peut se produire des décisions d'un côté comme de l'autre, dont la légalité peut être mise en doute.

Cela enclenche toutes les négociations, les parades devant les tribunaux. Pendant tout ce temps, on n'aura peut-être pas toujours les services d'urgence de la part des tribunaux qu'on a eus pendant la grève de 1972, où il suffisait que le patron arrive avec un nombre d'injonctions pour qu'elles lui soient accordées. Il y a des fois où ce n'est pas toujours aussi clair que cela. C'est la question. J'admets très bien la distinction du ministre, M. le Président, je conclus avec cela. Si c'est illégal, il y a des mesures de prévues là-dedans. Si c'est une grève légale, elles seront éventuellement ici. Je crois qu'elles ne seront pas de cette nature, c'est prévu pour cela.

Très bien, dans un cas comme dans l'autre, mais qui décide que c'est dans quel cas? On a vécu beaucoup de situations où une partie est convaincue de la légalité de son geste et l'autre, de l'illégalité. Alors, dans quel "bag" on tombe à ce moment-là? Il y a des malades pendant ce temps, des malades, ceux qui sont dans les foyers, ceux qui sont dans les centres d'accueil.

M. Saint-Germain:... sans importance les malades.

MBurns: ... prétend que c'est important les malades.

Le Président (M. Brisson): L'honorable ministre.

M. Forget: Je ne veux pas prendre le temps de cette commission, qui est si précieux, pour entrer dans un débat sur l'interprétation du Code du travail. Si on commence à interpréter toutes les lois on en aura pour un bon moment, d'autant plus que les tribunaux sont ceux qui sont créés pour ce travail. Il reste qu'on parle de cessation...

M. Burns: Etes-vous prêts à dire ce que vous venez de dire...

M. Forget: On parle de cessation de travail un peu comme si n'importe quel arrêt de travail que l'on n'intitule pas grève permettait d'échapper au Code du travail. On sait très bien qu'il n'en est rien. Il y a malgré tout des critères pour reconnaître une grève d'une simple cessation de travail au sens de l'article 98. Il y a une définition de la grève dans la loi. Je pense que c'est cela aussi. Si c'est un arrêt concerté, si c'est une cessation concertée, on est en face d'une grève automatiquement.

Pour ce qui est de la question de fait, il est clair qu'il y a des zones grises, il y a des cas qui doivent être tranchés par le tribunal. Il y a des cas où aucune des parties ne peut être absolument certaine d'être dans la légalité ou dans l'illégalité. Il y a des cas aussi qui sont très clairs. Je pense qu'on peut citer plusieurs exemples de cas qui seraient très clairs et où il ne serait pas permis à une partie qui est capable de lire un texte de loi et qui

est capable de lire simplement le français de douter à un seul moment qu'elle est dans une situation d'illégalité.

C'est dans ces cas qu'il nous paraît irrecevable d'envisager une négociation pour aménager l'illégalité, pour se faire une place confortable au sein d'une situation illégale. Ce n'est pas possible. Il doit y avoir et il y a effectivement d'autres sanctions à ce moment-là.

Le Président (M. Brisson): Messieurs, il est onze heures et, selon l'article 31, nous devons ajourner. A moins que la commission ne veuille continuer.

M. Bellemare (Johnson): Quand siégera-t-elle de nouveau?

Le Président (M. Brisson): Sine die.

M. Bellemare (Johnson): Sine die, pour le ministre, c'est...

M. Burns: M. le Président, je suis prêt à vous dire, et je le répète à l'endroit du ministre, que si vous voulez siéger demain matin, à dix heures, ie vous l'offre, je suis disponible. Je suis prêt à siéger demain matin, à dix heures. Il n'est pas question de vouloir retarder...

M. Forget: II y a une réunion du conseil des ministres à laquelle je dois assister absolument, M. le Président.

M. Burns: D'accord. Je suis bien content.

M. Burns: C'est enregistré aux Débats, cela. D'accord? C'est clair, ça?

M. Forget: Oui.

M. Burns: J'espère que le journal des Débats n'es pas arrêté. Moi, je vous ai offert...

M. Forget: Ce que je dis au dossier est enregistré aux Débats; j'aimerais bien qu'il en soit de même pour tout ce que tout le monde dit.

M. Burns: C'est cela.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, est-ce qu'on siège demain soir? Si on ne siège pas demain après-midi, est-ce qu'on revient demain soir?

M. Forget: Moi, je suis disponible demain soir.

Le Président (M. Brisson): Cela dépendra de l'entente avec les différents leaders...

M. Forget: C'est cela.

Le Président (M. Brisson): ... à l'Assemblée nationale.

M. Burns: Là-dessus, j'ai réservé, ce soir en Chambre, mon opinion pour demain après-midi. Cela dépendra comment on sera gentil, comment on ne sera pas gentil. On verra.

Le Président (M. Brisson): Messieurs, la commission ajourne ses travaux sine die.

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