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Commission permanente des affaires sociales
Etude du projet de loi no 253
Loi visant à assurer les services
de santé et les services sociaux
essentiels en cas de conflit de travail
Séance du mardi 16 décembre 1975
(Dix heures quarante-cinq minutes)
M. Brisson (président de la commission permanente des affaires
sociales): A l'ordre, messieurs!
Je constate que nous avons quorum. La commission des affaires sociales
se réunit afin d'étudier le projet de loi no 253.
Etant donné les circonstances, nous ajournons la commission sine
die.
(Fin de la séance à 10 h 46)
Reprise de la séance à 17 h 10
M. Brisson (président de la commission des affaires sociales):
A l'ordre, messieurs!
La commission des affaires sociales se réunit afin de continuer
l'étude du projet de loi no 253, Loi visant à assurer les
services de santé et les services sociaux essentiels en cas de conflit
de travail. Maintenant on me prie de vous faire part des changements suivants
chez les membres de la commission. M. Burns (Maisonneuve) remplace M.
Bédard (Chicoutimi), M. Verreault (Shefford) remplace M. Bellemare
(Rosemont), M. Tremblay (Iberville) remplace M. Lecours (Frontenac), M. Tardif
(Anjou) remplace M. Massicotte (Lotbinière).
Le député de Maisonneuve m'a suggéré de
nommer comme rapporteur le député d'Anjou.
M. Burns: M. le Président, je n'ai pas
suggéré le député d'Anjou, j'ai
suggéré le député de Taschereau. Vous m'avez mal
compris, c'est le député de Taschereau que je suggère.
Le Président (M. Brisson): Alors, messieurs, on m'informe
qu'à une séance précédente, le rapporteur de la
commission avait été nommé...
M. Burns: C'était le député de
Sainte-Marie.
Le Président (M. Brisson):... c'était le
député de Sainte-Marie.
M. Burns: Malheureusement il n'est pas ici, qu'est-ce qu'on fait
dans ce temps-là, M. le Président?
Le Président (M. Brisson): On lui rapportera, afin qu'il
puisse rapporter.
M. Burns: Comment voulez-vous qu'il rapporte quelque chose s'il
n'assiste pas? Cela pose un problème, M. le Président.
Le Président (M. Brisson): II va pouvoir lire les
Débats.
M. Burns: Non, non, il faut qu'il soit ici. Est-ce que le
député de Taschereau était là à la
séance précédente, je pense que oui? Moi je pense qu'on
devrait amender notre nomination et proposer que le député de
Taschereau soit rapporteur et qu'il... Je me sens très mal
appuyé, mais peut-être qu'on pourrait...
M. Bonnier: II n'y a pas grand monde qui est d'accord.
M. Burns: ... mais je constate quand même que je suis
appuyé par le député d'Anjou quant à la nomination
du député de Taschereau qui était présent, je me
souviens qu'il a été présent tout au cours de la
séance précédente. Moi je ne vois pas comment on peut
nommer un rapporteur ou continuer le mandat d'un rapporteur qui n'est pas ici.
Alors, je propose que le député de Taschereau soit nommé
rapporteur de la commission.
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, comme motion
préliminaire, je voudrais faire motion que...
Le Président (M. Brisson): Concernant le rapporteur,
est-ce que vous êtes d'accord?
M. Burns: Ah oui, c'est vrai, oui.
Le Président (M. Brisson): Vous êtes d'accord. Donc,
en l'absence du député de Sainte-Marie qui est retenu ailleurs,
dans ses fonctions...
M. Burns: Adopté.
Le Président (M. Brisson): ... le député de
Taschereau, M. Bonnier, est nommé rapporteur de cette commission. Alors
le député de Johnson a demandé la parole.
Motion pour réclamer la présence du
ministre du Travail
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je voudrais, au
début de ces travaux qui reprennent, faire une motion
préliminaire que: la commission parlementaire des affaires sociales
requiert la présence du ministre du Travail, afin qu'il assiste à
ces travaux qui sont très importants et qui le concernent de
manière particulière, en vertu du bill 258. Alors, je fais motion
que le ministre du Travail soit requis d'être présent à ces
travaux parlementaires dans le plus bref délai possible.
M. Forget: M. le Président, je n'ai pas d'objection
à ce que l'on demande à mon collègue, le ministre du
Travail, d'être présent à nos travaux. D'ailleurs il
m'avait indiqué, ce que j'ai transmis à la commission vendredi
dernier, lors de notre dernière séance, qu'il était
occupé, mais dans une salle voisine de celle dans laquelle nous nous
trouvions et qu'il était disponible sur un avis de quelques minutes pour
se joindre à nos travaux, répondre à des questions ou
intervenir le cas échéant.
Nous n'avons pas eu recours à lui à cette
occasion-là. Je suis sûr que sa disponibilité
manifestée vendredi est également vraie pour notre séance
d'aujourd'hui. Cependant, je ne sais pas physiquement où il se trouve
dans le moment et je ne voudrais pas que les travaux de cette commission soient
paralysés en attendant qu'on découvre où il se trouve et
s'il est disponible à ce moment-ci.
Je suggérerais, s'il y a des points que le député
de Johnson ou d'autres membres de la commission veulent soulever en sa
présence, qu'ils en prennent note et, le cas échéant,
qu'on suspende la discussion de certains articles, par exemple, jusqu'à
ce qu'il ait pu se joindre à nous, ce qu'il pourra peut-être faire
dès ce soir, si nous continuons ce soir ou à la prochaine
occasion possible.
M. Bellemare (Johnson): Les amendements que vais apporter dans
quelques minutes, M. le Président, le concernent d'une manière
toute spéciale. Et comme le ministre des Affaires sociales et le
ministre de la Justice font partie de la commission parlementaire qui
étudie la Loi de la protection de la jeunesse, je n'ai pas vu le
ministre de la Justice manquer aucune séance, et je pense que c'est fort
plus parce qu'il est drôlement question actuellement d'un article du Code
du travail no 99.
M. Forget: Ce que je peux suggérer c'est que l'amendement
ne soit pas débattu c'est un amendement à un article
spécifique que cet article soit...
M. Bellemare (Johnson): Non, ce n'est pas...
M. Forget: ... reporté jusqu'à la séance de
ce soir.
M. Burns: Non, non, en tout cas, M. le Président, si vous
permettez, je m'excuse auprès du ministre, vous n'aviez peut-être
pas terminé.
M. Forget: Oui, oui j'ai terminé.
Le Président (M. Brisson): Le député de
Maisonneuve.
M. Forget: Oui, oui j'ai terminé, je vous en prie.
M. Burns: Je ne voulais pas vous couper la parole, mais ce que
vous venez de dire m'incite à vous dire autre chose. Le
député de Johnson pourra nous préciser sa motion, mais, de
la façon que moi, je la comprends, c'est la participation exigée
de la part du ministre du Travail pour l'ensemble du projet de loi. Je vous
signale, simplement, M. le ministre, qu'au départ, avant qu'on adopte
l'article 1, avant qu'on adopte un certain nombre d'articles, il
m'apparaît essentiel c'est pour cela que je vais appuyer la motion
du député de Johnson que le ministre du Travail soit ici.
Ne le prenez pas de façon directe, M. le ministre. Ce n'est pas dans le
sens qu'on conteste votre compétence; ce que je conteste, cependant,
c'est que le ministre des Affaires sociales soit en mesure de nous donner les
conséquences de l'adoption même de l'article 1 ou de l'article 2
sur l'ensemble du monde du travail.
M. Forget: Ce sont des définitions.
M. Burns: Ecoutez, je vous parle de l'article 1 ou de l'article
2, par exemple. Il lui est difficile même de décider d'adopter un
tel projet de loi. En ce qui me concerne et cela semble la
préoccupation du député de Johnson aussi par sa motion
il me semble que le prérequis, c'est de savoir exactement
où on s'en va dans le domaine de la détermination des services
essentiels.
On pourrait aussi, si on voulait faire un "filibuster" en règle,
revenir avec une autre motion, tout de suite après, et dire: II faudrait
que le ministre de la Fonction publique soit là aussi. Je vous
dis, personnellement, que je n'ai pas du tout l'intention de faire une
telle motion. Ce n'est pas du tout dans le style "filibuster" que nous faisons
cela; du moins, c'est comme cela que je l'ai compris de la part du
député de Johnson.
M. Bellemare (Johnson): Non, non.
M. Burns: Cependant, un projet de loi comme celui-ci a
suffisamment, il me semble, d'importance sur le domaine des relations
patronales-ouvrières, sur la législation du travail, sur le Code
du travail c'est quand même, à toutes fins pratiques, un
amendement au Code du travail que vous faites pour que le ministre du
Travail soit là et qu'il nous donne, tout au moins, ses vues sur
l'ensemble du problème. Vous allez l'admettre M. le ministre, si nous
adoptons le projet de loi no 253, dans le domaine des services de santé
et des services sociaux, des services essentiels déterminés selon
un certain nombre de mécanismes dans ce projet de loi, je suis en droit
de penser que, tout à l'heure, on pourra se retrouver avec un projet de
loi de la même nature qui visera les enseignants. Je suis en droit de
penser que l'on peut recevoir un projet de loi de la même nature
concernant les fonctionnaires, concernant les employés de tous les
autres services parapublics, comme les employés de soutien des
commissions scolaires ou des maisons d'éducation.
C'est, au fond, la question que l'on se pose actuellement, surtout quand
on voit, dans la note explicative du projet de loi, qu'il est important, selon
les buts mêmes avoués du projet de loi, que le respect des
ententes en matière de services essentiels, de même que
l'acquisition du droit de grève et du lock-out soient une
préoccupation de tout le monde. C'est une des raisons pour lesquelles
vous le présentez. C'est vrai que c'est dans un domaine particulier,
jusqu'à ce stade-ci, jusqu'à ce moment-ci. Mais il me semble que
l'on devrait, tout au moins, vérifier en tout cas, en ce qui me
concerne, je n'ai pas d'objection à suspendre pour deux ou trois minutes
la possibilité que le ministre du Travail soit présent. Je
pense que l'on pourrait convenir qu'il est essentiel que ces travaux
bénéficient de la participation du ministre du Travail, surtout
qu'on sache exactement où le gouvernement, parce que c'est lui qui
parlera au nom du gouvernement, veut aller avec sa loi des services essentiels
dans le domaine de la santé.
Vous savez, si, dans quelques mois d'ici, on me présente un
projet de loi qui vise à étendre à l'ensemble de la
fonction publique et parapubli-que les mécanismes que vous proposez par
le projet de loi no 253, je vais être très malvenu, de soulever
que cela n'a aucun sens de le faire si j'ai participé à ces
travaux.
Si, ne sachant pas quelle était l'intention du gouvernement, j'ai
voté peut-être pour des raisons très particulières
pour ce projet de loi et si j'ai laissé adopter un certain nombre
d'articles du projet de loi, alors, je pense que la demande du
député de Johnson est parfaitement raisonnable. Je pense que
c'est un minimum qu'on exige, la parti- cipation du ministre du Travail aux
travaux de cette commission. Tout au moins, s'il ne peut pas participer
à tous les travaux de la commission, qu'il vienne répondre
à un certain nombre de questions que, entre autres, le
député de Johnson et moi-même aurions à lui poser
avant l'étude article par article du projet de loi.
Le Président (M. Brisson): Le ministre.
M. Forget: M. le Président, j'écoute avec beaucoup
d'intérêt le député de Maisonneuve. Je ne veux pas
faire de commentaires sur le fond de ses remarques, dans un premier temps au
moins. Mais je désire souligner que cette motion soit amenée
à ce moment-ci et qu'on choisisse de la défendre aussi longuement
et avec autant de prolixité que vient de faire le député
de Maisonneuve me porte à conclure que nous sommes là en face
d'une manoeuvre dilatoire.
Il va de soi que les arguments avancés par le
député de Maisonneuve sont des arguments qu'il peut fort bien
tenir et que je n'ai pas l'intention de contester, donc c'est un peu
défoncer une porte ouverte. Cependant je m'étonne, M. le
Président, alors qu'il est question depuis deux jours du moment
où cette commission va siéger, qu'on n'ait pas eu la simple
politesse de nous aviser que la présence de mon collègue serait
requise. Vu qu'il est dans son comté, qui est assez loin d'ici comme on
sait, puisqu'il est député de Jonquière, on sait
très bien qu'il ne pourra pas être avec nous sur-le-champ ni
même avant une heure ou deux.
M. Burns: On l'apprend actuellement.
M. Forget: II y avait malgré tout un risque, M. le
Président, qu'il ne soit pas ici et on aurait pu nous avertir, ce que
l'on n'a pas fait. Je pense qu'on peut être ici pour un bon moment et je
m'y résigne, puisque c'est là ce que veulent nos
règlements parlementaires. Mais il demeure que je ne peux pas être
d'accord avec la motion...
M. Burns: Ah non, j'invoque le règlement...
M. Forget: ... à ce moment-ci, parce qu'elle
équivaut à nous empêcher de siéger si nous
l'acceptons, puisqu'évidemment il est matériellement impossible
de produire sur-le-champ le ministre du Travail, qui est à 160 milles de
distance.
M. Bellemare (Johnson): On l'ignorait ça personnellement,
je vous jure. On m'a dit qu'il était ici hier, le député
de Taschereau m'a dit qu'il était ici, hier. Je n'ai pas appelé
à son bureau ce matin mais, quand on a préparé la motion,
il n'en était nullement question. Mais parce que l'exemple nous a
été donné dans la loi de la protection de la jeunesse,
où le ministre des Affaires sociales et le ministre de la Justice,
conjointement, assistaient aux lectures des mémoires, je me suis dit
que, quand on arriverait à la période très importante
où on va étudier article par article et où on va faire
certainement des déclarations préliminaires avant
d'entrer dans le plein du sujet, le ministre du Travail serait ici pour
répondre.
J'ai préparé une foule d'amendements au projet qui me sont
dictés par l'expérience du passé mais
particulièrement par ce qu'on a lu et retrouvé dans le
sixième rapport du conseil consultatif. Je pense que ce sont des hommes
extrêmement sérieux qui, de la part de la CSN et de la FTQ, ont
présenté un mémoire et, de la part des patrons, en ont
présenté un autre. M. Morin, le président du conseil
consultatif, a donné son avis. Ce sont des hommes du métier, ce
sont des hommes en place possédant plus d'expérience dans le
domaine du travail que le ministre des Affaires sociales. Celui-ci a
peut-être une grande compétence dans différents travaux
mais, quand il s'agit du Code du travail, tel qu'il en est question
aujourd'hui, et particulièrement du principe sacré du droit de
grève et du lock-out, je pense que là il y a une question qui est
vitale parce qu'on touche à deux domaines particuliers, celui du
tribunal du travail et celui des relations patronales-ouvrières.
De cela, M. le Président, j'en conclus que, si le ministre du
Travail avait été ici, ç'aurait été fort
heureux, parce qu'on va poser au ministre des Affaires sociales des questions
dans quelques minutes. Après que le député de Maisonneuve
aura fait son exposé, je vous ferai entendre mes observations quant
à ce projet de loi. Je pense que l'homme tout désigné
aurait été le ministre du Travail.
Je compte sur la bonne foi du ministre du Travail qui n'est pas ici,
mais se désintéresser d'un projet de loi aussi important
concernant les relations patronales-ouvrières, je vous assure que c'est
un manque de logique politique presque impardonnable. S'il y a un
problème crucial dans les relations patronales-ouvrières, ce sont
les services essentiels. On en reparlera tout à l'heure lors de la
déclaration que je ferai à la suite de la motion qui est
présentée.
M. Forget: M. le Président, ce que j'entends du
député de Johnson me convainc encore plus que j'ai vu juste dans
mes propos de tantôt, puisqu'il fait une analogie avec la commission qui
a entendu et qui continuera d'ailleurs d'entendre différentes parties
relativement à la législation projetée dans le domaine de
la protection de la jeunesse. Il s'agissait là d'une commission
conjointe. Or, c'est par un ordre de l'Assemblée que nous
siégions ici comme commission des affaires sociales et non pas comme
séance mixte des affaires sociales et du travail. Ce qui aurait tout
aussi bien pu se faire; ce qui aurait pu être demandé lors de la
motion qui nous a envoyés ici et qui nous demandait de
siéger.
Donc, je pense que l'on veut créer cette difficulté
à ce moment; c'est le droit le plus strict de nos collègues d'en
face. Il est bien évident que je suis d'accord, je n'ai aucune objection
à la présence de mon collègue du Travail. Je suis
disposé à l'inviter et même à lui demander d'aller
particulièrement vite, sans cependant dépasser les limites de
vitesse. Mais même si je fais tout cela, il ne pourra pas être avec
nous avant la fin de nos travaux à six heures. En conséquence,
même en voulant faire toute la diligence possible, à moins de se
condamner à ne rien faire, il faut passer outre à ce désir
que je suis prêt à partager et à exprimer au nom de la
commission à mon collègue et, si on insiste pour que la motion
passe de toute manière, je vais demander de prendre le vote
immédiatement pour couper court à des débats qui ne
peuvent pas avoir de fruits dans l'immédiat.
M. Burns: M. le Président, le ministre vient tout juste de
montrer son talon d'Achille dans son argumentation. Nous sortons de cette
même salle où, à une autre commission parlementaire, en
l'occurrence la commission parlementaire de la justice, étaient
présents comme ministres, alors qu'on discutait d'un projet de loi
concernant une donation, donc un domaine relevant typiquement de la juridiction
de la Justice, le ministre de l'Agriculture et le ministre de l'Education. Je
vous dis cela simplement pour réfuter l'argumentation que vous venez de
faire alors que vous dites qu'évidemment, dans le cas de la protection
de la jeunesse, il était normal que les deux ministres soient là
parce que c'était une commission conjointe. Je l'avoue. Mais
imaginez-vous donc que pour le projet de loi présenté par
l'université McGill pour le Collège McDonald je vous mets
tout simplement cela en lumière, c'est d'ailleurs ce qui nous a
retardé pour siéger parce qu'on devait siéger, à ma
connaissance, ce matin à dix heures trente malgré qu'il
s'agissait d'un projet de loi qui discutait si on devait relever
l'université McGill d'une condition qui apparaissait dans la donation de
Sir William McDonald, donc en principe une affaire relevant uniquement de la
Justice, on avait présents, et de façon très positive et
très active, le ministre de l'Agriculture et le ministre d'Etat à
l'Education. Pourquoi? Parce qu'on traitait de ce sujet. Et il n'y a personne
qui a demandé la présence de ces deux ministres, mais on a
apprécié, d'autre part, le fait que ces deux ministres soient
là parce que, à un moment donné, une question a
été posée par le député d'Outremont pour
demander l'intervention du ministre de l'Agriculture pour savoir ce qu'il en
pensait parce que cela avait énormément d'effet là-dessus.
J'avoue qu'il n'est pas intervenu, mais pendant tout ce temps, le ministre
d'Etat à l'Education, le député de Chauveau, a
été présent et était sujet à recevoir un
certain nombre de questions alors que l'Opposition n'a pas demandé la
participation de ces deux ministres.
Il me semble normal que, dès qu'on sent qu'un secteur particulier
déborde sur un autre, qu'un secteur de législation déborde
sur une autre compétence gouvernementale, le chef de ce secteur soit
présent. C'est pour cela que je trouverais tellement normal sa
présence. Vous allez me dire: Pourquoi ne demandez-vous pas la
présence du ministre de la Fonction publique? Je vous dis d'avance et
vous le répète que je n'ai pas l'intention de demander
l'intervention du ministre démissionnaire de la Fonction publique.
Je n'ai pas du tout l'intention non plus, de demander quelqu'un que je
considère comme ne prenant pas au sérieux le problème
qu'on discute actuellement. Ce serait vous faire offense à vous, M. le
ministre, que de demander de le faire siéger à la même
commission, parce que, jusqu'à maintenant, depuis le début des
travaux, je vous en félicite, je profite de l'occasion pour le faire,
vous avez démontré une grande ouverture d'esprit. J'espère
que vous allez continuer à le faire. Vous avez démontré
une grande ouverture d'esprit puis vous avez démontré une
possibilité de comprendre le problème, et je ne veux pas
mêler à tout cela des gens qui vont virer les travaux de la
commission en bouffonnerie.
C'est pour cela que je ne vous demande pas aussi la présence du
ministre de la Fonction publique. Par contre jusqu'à maintenant, en tout
cas, on est en mesure de dire que le ministre du Travail, quand on lui pose des
questions sérieusement, il y répond sérieusement. A ce
moment-là il ne viendra pas dégrader votre commission en y
participant. Mais je pense quand même que vous devez retenir notre
suggestion.
M. Forget: Est-ce que je pourrais poser une question.
M. Burns: Oui.
M. Forget: Si le but de la motion est effectivement de signifier
au ministre du Travail qu'il a le droit de participer à nos travaux,
qu'il a le droit d'être présent, je pense qu'en effet cela va de
soi, je suis tout à fait d'accord...
M. Burns: Je ne pense pas que ce soit le but. Je ne pense pas que
ce soit le but.
M. Forget: Ah bon, parce que vous citez les cas de gens qui
étaient là, dans une autre commission, d'autres ministres qui
étaient là qui se sont trouvés dans cette
commission...
M. Burns: Ecoutez, faites le compte autour de la table, M. le
ministre, soyons de bon compte, faites le compte. Simplement pour avoir quorum,
on a toutes les difficultés à l'avoir autour de la table,
c'est-à-dire on l'a, il n'y a pas de doute. Il y a vous, cela fait un,
le ministre d'Etat à l'Agriculture...
Une Voix: Aux Affaires sociales.
M. Burns: ... aux Affaires sociales, excusez, c'est parce que je
connais tellement sa réputation pour les affaires agricoles que je
pensais qu'il était rendu là. Alors cela fait deux, trois,
quatre, cinq, six, sept, huit et avec vous, M. le Président, cela fait
neuf et le quorum c'est huit, imaginez-vous. Donc, il y a de la place, il y a
du monde qui peut être remplacé au sein de cette commission-ci. Je
ne veux pas qu'on fasse comparaître le ministre du Travail comme
témoin, je veux qu'il vienne participer à nos travaux, c'est cela
que je pense. C'est ce que le député de Johnson demande
aussi.
M. Bellemare (Johnson): Exactement.
M. Burns: ... qu'il vienne participer à nos travaux, parce
qu'en cours de route, qu'on le veuille ou non, il y aura des biais qui seront
pris. Je tiens à dire, je tiens à renouveler, à l'endroit
du ministre des Affaires sociales, qu'il n'est pas du tout question de vouloir,
de façon délibérée, retarder les travaux de la
commission. Et juste pour vous convaincre, le ministre pourra au moins me
rendre ce témoignage, j'ai même offert au leader du gouvernement
de siéger hier, c'est-à-dire lundi, à cette commission
parlementaire-ci. Comme leader de l'Opposition, je savais que j'étais
pris avec des problèmes en Chambre en fin de session et je souhaitais me
débarrasser, je le dis de façon non péjorative, mais je
souhaitais me débarrasser le plus rapidement possible du problème
qui nous concerne.
J'ai offert de siéger lundi, relativement à ce projet de
loi-ci puis on m'a convaincu du côté gouvernemental qu'on ne
pouvait pas le faire, parce que le ministre avait d'autres occupations
ailleurs. J'en suis convaincu très sérieusement, mais je veux
rassurer le ministre qu'il n'est pas du tout question de faire quelque chose de
dilatoire puis de vouloir empêcher la commission de siéger. Par
contre, si vous trouvez notre demande suffisamment justifiée, je vous
suggère de suspendre, je ne vous dis pas de suspendre jusqu'au mois
prochain, de suspendre quelques minutes puis de faire vérifier si notre
demande est réalisable, dans le sens qu'à huit heures et quinze,
on pourrait avoir la contribution du ministre du Travail.
Si tel est le cas, moi je suggérerais même de suspendre nos
travaux jusqu'à huit heures et quinze. Cela devient dilatoire, il n'y a
pas de doute, mais ce n'est pas le but de la requête qui est faite par la
motion du député de Johnson. En tout cas, moi je vous dis que mon
appui à la motion du député de Johnson n'a rien de
dilatoire en soi, si on considère l'aspect tout simplement de vouloir
retarder les travaux de la commission. Ce n'est pas dans ce sens que c'est
fait, c'est de façon très constructive. Je vous avoue que je
considère très sérieusement l'importance de la
participation à ces travaux du ministre du Travail, parce que cela aura
des implications sur les politiques du gouvernement en matière du
travail. Le ministre des Affaires sociales pourra nous dire et je ne
pourrai même pas le blâmer de nous le dire au cours des
travaux, qu'il n'est pas en mesure de nous donner la réponse à
tel et tel aspect d'une politique gouvernementale en matière de
relations de travail. Et je ne pourrais même pas vous blâmer, M. le
ministre, de ne pas me donner la réponse. Vous n'êtes pas
universel, pas plus que je ne le suis, pas plus que personne ici autour de la
table puisse se décrire comme tel.
On a chacun nos spécialités puis on a chacun nos domaines
où évidemment on est capable de répondre. Il y a des
domaines qui sont, évidemment, en dehors de notre compétence au
sens restreint du mot.
Si vous voulez défaire la motion, je trouverais
cela personnellement très regrettable. Je suis prêt
à recommencer les travaux après, mais je vous fais une
suggestion; il me semble raisonnable qu'on suspende pour quelques minutes,
qu'on fasse vérifier si la demande qu'on vous fait est possible pour 8 h
15. Si cela l'est, qu'on suspende les travaux jusqu'à 8. h 15.
Le Président (M. Brisson): De la façon dont la
motion du député de Johnson est présentée, c'est
l'équivalent d'un ordre de la Chambre, d'un ordre de la commission de se
présenter.
M. Burns: II n'a pas d'autre façon de le faire. Comme
député de l'Opposition, il n'a aucune autre façon de le
faire.
Le Président (M. Brisson): II pourrait exprimer un voeu,
peut-être.
M. Bellemare (Johnson): Dans le règlement, il n'y a rien;
j'ai regardé toutes les motions.
M. Burns: C'est la seule et unique façon, mais on vous
dit, d'autre part, que notre intention, ce n'est pas de l'assigner comme
témoin, de le mettre à la barre de le questionner. On veut qu'il
participe à nos travaux, c'est ce qu'on veut. Alors, la seule
façon de le faire je pense que, très sagement, le
député de Johnson a trouvé cette méthode de le
faire c'est que la commission des affaires sociales requière la
présence du ministre du Travail.
Maintenant, si vous voulez qu'on retire la motion et que vous nous
donnez l'assurance qu'il va être ici a huit heures quinze, je n'ai aucune
espèce d'objection. En ce qui me concerne, le but sera atteint à
ce moment.
Le Président (M. Brisson): D'autres remarques?
M. Forget: Considérant, M. le Président, que, si la
motion avait été exprimée dans le sens d'exprimer le voeu
que le ministre du Travail se joigne aux travaux de la commission le plus
tôt possible, il serait possible de l'accepter, parce que les
informations que j'ai on peut bien faire une vérification, mais
on vient de la faire; on peut cependant la faire à nouveau
m'indiquent qu'il n'est effectivement pas possible pour le ministre du Travail
d'être ici avant six heures parce qu'il est à Jonquière et
même pas à huit heures quinze, pour la reprise de nos travaux.
Ceci, de la façon dont c'est exprimé, équivaudrait
à une impossibilité de siéger. Alors, je ne sais pas si le
député de Johnson est prêt à l'exprimer
différemment sous forme de motion, mais indiquant le voeu que le
ministre du Travail soit ici le plus tôt possible, quitte à
réserver ces articles pour plus tard parce que tous les articles ne sont
certainement pas des articles que seul le ministre du Travail peut
éclairer par ses arguments.
Je pense donc qu'on peut élaborer et discuter d'une grande partie
du projet de loi en son absence, quitte à référer, pour le
moment où il sera avec nous, les articles qui échappent à
cette règle.
Dans le cas contraire, si le député de Johnson ne veut pas
modifier sa motion, je n'entreprendrai pas de soumettre un amendement à
sa motion, puisqu'on va rapidement déborder le temps qui nous est
alloué, si l'on s'engage dans un débat sur un amendement. Je
l'inviterais à modifier sa motion et je suis prêt à me
faire son interprète auprès de mon collègue pour qu'il
soit ici le plus tôt possible, si possible ce soir. On me dit que ce
n'est pas probable, que ce n'est pas possible, mais je veux bien m'employer
à persuader mon collègue d'être ici le plus tôt
possible. Encore une fois, je ne voudrais pas que les travaux soient
complètement stoppés par cet argument, parce qu'il ne me semble
pas un argument invincible, un argument absolument irréfutable
relativement à l'ensemble du projet de loi.
Sans aucun doute, certains aspects bénéficieraient
énormément de l'apport de mon collègue, mais on peut les
mettre de côté. C'est une pratique courante, dans l'étude
d'un projet article par article, de mettre de côté des articles
pour y revenir un peu plus tard.
M. Burns: D'accord, vous me dites qu'il ne peut pas être
ici non seulement à six heures, mais que c'est presque certain qu'il ne
sera pas ici à huit heures quinze, mais le danger, c'est que, si tout va
bien, cela risque d'être adopté, ce projet, à onze
heures.
C'est ce qui peut arriver.
M. Forget: Je douterais de cette éventualité.
M. Burns: Cela ne me fait rien, si vous me dites qu'il faut
absolument que cela aille mal, on va s'organiser pour que cela aille mal. Mais,
comme je vous l'ai déclaré au début, ce n'est pas du tout
mon but de tenter de bloquer ce projet de loi, malgré toutes les
réticences qu'il comporte à mes yeux.
D'ailleurs, vous avez vu comment le débat en deuxième
lecture s'est déroulé. Je pense qu'on a manifesté
clairement notre désir de collaborer, surtout qu'on a voté en
faveur du principe, tel qu'on l'a exprimé en deuxième lecture,
qu'il y ait quelque chose qui détermine comment on arrive à fixer
les services essentiels. Je ne retire rien de ce que j'ai dit en
deuxième lecture et je pense que, si le député de
Saint-Jacques était ici, serait en mesure de vous le confirmer. Je n'ai
rien à retirer au nom du député de Saint-Jacques dans ce
qu'il a dit en deuxième lecture, ceci malgré toutes les
réticences que nous avions.
Pour vous aider, M. le Président, pour aider le ministre, moi je
suis prêt à faire une motion d'amendement à la motion du
député de Johnson. Je propose que le mot requiert soit
changé par le mot souhaite, ce qui voudrait dire, quant à la
première ligne, que la commission parlementaire des affaires sociales
souhaite que le ministre du Travail, et après le mot...
Le Président (M. Brisson): Souhaite la présence du
ministre du Travail?
M. Burns: Non, non, non, souhaite que le ministre du Travail.
J'ajouterais, cela fait partie également de ma motion d'amendement, tout
de suite après le mot Travail, les mots suivants: Participe aux travaux
de la commission, en biffant le mot assister. Globalement la motion serait dans
la forme suivante: "Que la commission parlementaire des affaires sociales
souhaite que le ministre du Travail participe aux travaux de la commission".
C'est un souhait qu'on lui exprime. En ce qui me concerne, je suis
obligé, commentant ma motion...
Le Président (M. Brisson): Je pense qu'il serait plus
simple que le député de Johnson retire sa motion et que vous en
fassiez une, si...
M. Burns: Non, cela se fait, un travail d'équipe. Un
travail d'équipe.
M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas... M. Burns:...
quelle force qu'on est rendu.
M. Bellemare (Johnson): On va faire remplir des feuilles.
M. Burns: Travail d'équipe. D'ailleurs j'ai toujours
eu...
Le Président (M. Brisson): Alors le député
de Johnson retire sa motion et le député de Maisonneuve...
M. Burns: Je veux simplement dire, avant que la motion soit
adoptée, que je fais une motion d'amendement; c'est la motion du
député de Johnson, je veux qu'elle reste comme telle.
Le Président (M. Brisson): II ne reste presque plus
rien.
M. Bellemare (Johnson): Ah non. M. Burns: Le sens
même est là.
M. Bellemare (Johnson):... ministre de même. Il ne reste
plus rien.
M. Burns: Non, mais j'ai le droit de faire un amendement...
Le Président (M. Brisson): Non, non, j'ai dit qu'il ne
reste plus rien dans la motion. Tout est changé.
M. Bellemare (Johnson): Oui, mais c'est le ministre dont il est
question.
M. Burns: Non, non, tout est là. Le sens est
là.
M. Bellemare (Johnson): Avec le mot ils exigent ou bien qu'elle
est irrecevable.
M. Burns: C'est cela.
M. Bellemare (Johnson): Parce que c'était pour l'avenir.
C'est une motion qu'on reprendra un jour ou l'autre, parce que c'est
très important ce qu'on fait là ce matin. C'est une motion
d'avenir. Si le ministre du Travail a jugé inopportun d'assister, c'est
son problème, mais il y a une responsabilité énorme dans
la politique future du gouvernement en considération de ce qu'il y a
là. Il y a une chose certaine, c'est que le ministre du Travail, quand
on est dans le Code du travail, est important plus que jamais. Je ne me vois
jamais, comme ministre du Travail, manquer une séance où il est
question du ministre du Travail dans une loi aussi importante; ce n'est pas
seulement pour aujourd'hui mais pour demain. Vous allez voir ce qui va se
produire tout à l'heure, vous allez voir cela. Ce n'est pas une menace
cela.
Le Président (M. Brisson): A l'ordre! Est-ce que
l'amendement...
M. Burns: Avant d'adopter l'amendement, vous allez me permettre
quand même ce commentaire-ci.
Le Président (M. Brisson): D'accord.
M. Burns: Vous allez voir que ce n'était pas ridicule la
demande du député de Johnson et la demande à laquelle je
participe entièrement. L'article 23 nous dit que le ministre du Travail
et de la Main-d'Oeuvre est responsable de l'application de la présente
loi. Je trouve, d'autre part, absolument incompréhensible qu'il ne soit
pas ici, qu'il n'ait pas été mis en disponibilité à
l'endroit de cette commission. Si c'est lui qui doit l'appliquer cette loi, il
me semble que c'est le minimum de la décence qu'il vienne au moins ici,
en plus des arguments qu'on vous a donnés tout à l'heure,
c'est-à-dire la vue beaucoup plus large, beaucoup plus
générale que doit normalement posséder plus le ministre du
Travail et de la Main-d'Oeuvre que le ministre des Affaires sociales. Encore
une fois, ce n'est pas un blâme à l'endroit du ministre des
Affaires sociales; il est spécialisé dans un autre domaine.
Mais, je trouve absolument inacceptable qu'on nous laisse adopter un
projet de loi comme celui-ci, alors que le titulaire du ministère qui
aura à appliquer cette loi va peut-être à un moment
donné, dans l'application, se rendre compte qu'il y a des choses qui ne
sont pas applicables. Je vous dis tout de suite que cela sera une partie de nos
arguments. Le projet de loi comme tel n'est pas applicable et j'aurais
aimé avoir la réaction du ministre du Travail là-dedans.
C'est quand même des gens de son ministère. On parle du tribunal
du travail, on parle de gens nommés via le ministre du Travail, on parle
de conciliateur, de médiateur puis tout ce que vous voulez. Il y a eu
des suggestions très constructives de la part des centrales.
J'aurais aimé cela moi voir la réaction du ministre du
Travail relativement à cela.
Le Président (M. Brisson): Alors, est-ce que...
M. Forget: M. le Président, avant l'adoption, étant
donné les propos du député de Maisonneuve, je me vois
forcé d'intervenir très brièvement. On semble vouloir
créer l'impression, de façon assez inélégante
à mon avis, que mon collègue du Travail se dérobe à
ses responsabilités ou se refuse de participer à nos travaux.
C'est le contraire...
M. Burns: Non seulement je veux créer l'impression, je
vous dis qu'il se dérobe à ses responsabilités.
M. Forget: Vous parlerez à votre tour.
Il ne se dérobe en aucune façon à ses
responsabilités parce que s'il avait été ici toute la
journée, il aurait fait comme moi, c'est-à-dire presque
exclusivement attendre que les travaux des autres commissions nous permettent
enfin de siéger. Cela aurait été le résultat net de
sa présence parmi nous toute la journée.
Il est disponible, il me l'a indiqué. J'ai dit à cette
commission qu'il était disponible vendredi dernier, mais il n'aurait
rien appris de neuf à cette commission vendredi dernier parce qu'il a
été en mesure de prendre connaissance de ce dossier qu'on nous a
alors exposé, qui était un dossier relativement nouveau pour
cette commission, mais pas pour le ministre.
M. Burns: II nous aurait sauvé trois ou quatre heures, en
tout cas, s'il avait été ici. J'avais aussi des choses à
faire dans mon comté.
M. Forget: M. le Président, je crois que j'ai la parole
dans le moment et je suis sûr que le député...
M. Burns: Oui, oui.
M. Forget: ... de Maisonneuve n'a pas besoin de cette raison pour
prolonger les débats. D'ailleurs, il vient de nous le démontrer,
quand on est d'accord avec ses motions, il parle quand même, ce qui est
une bonne démonstration de son but véritable. Mais il demeure que
mon collègue du Travail est disponible et sera disponible
peut-être dès ce soir si l'on peut l'en persuader et s'il peut se
dégager de ses responsabilités actuelles, et dès demain
matin dans le cas contraire. Donc, il a toujours été disponible
pour participer à nos travaux. Nos travaux commencent effectivement
à ce moment sur la base de l'information qui nous a été
donnée dans le passé et qui lui était déjà
connue. Donc, il n'y a rien d'anormal dans son absence jusqu'à
maintenant et ce ne sont certainement pas les travaux de la séance de
cet après-midi qui auraient pu grandement profiter de la contribution
d'un autre orateur.
M. Burns: On discute depuis trois quarts d'heure de cette motion.
S'il avait été là, cela aurait sauvé trois quarts
d'heure. Puis-je vous signaler également un endroit très
précis où il aurait été nécessaire d'avoir
la présence du ministre du Tra- vail? Vendredi dernier, lorsque nous
avons siégé jusqu'à sept heures et quelques minutes, nous
avons demandé le dépôt du rapport du Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre.
Vous n'avez pas été capable de le déposer pour une
raison bien simple et on ne vous a pas blâmé, parce que le CCTM ne
relève pas de vous. Imaginez-vous que j'ai été
obligé de l'obtenir par des façons détournées en
fin de semaine. Je l'ai demandé à des gens qui l'avaient.
M. Forget: II n'était pas nécessaire d'obtenir le
rapport de façon détournée, il était
déjà déposé depuis deux semaines à
l'Assemblée nationale.
M. Burns: II n'y avait rien dedans. Ce n'était pas des
documents. Ce que M. Pepin nous a dit, c'est le rapport.
M. Forget: La réponse, je l'ai donné à la
fin de la séance. Peut-être que tout le monde était trop
fatigué pour comprendre ce que j'ai dit, mais il demeure qu'on
retrouvera la réponse que j'ai faite à la fois sur le rapport
lui-même et sur ce qu'on a appelé, vendredi, le dossier. La
réponse s'y retrouve, je vous y réfère, vous allez voir
que tout est là.
M. Bellemare (Johnson): Pas le dossier. M. Forget: La
réponse.
M. Bellemare (Johnson): La réponse, mais pas le
dossier.
M. Forget: C'est cela.
M. Burns: La position syndicale et tout cela, ce n'était
pas dans le rapport.
Le Président (M. Brisson): A l'ordre, messieurs! Le
député de Johnson pourrait-il reformuler ce que...
M. Bellemare (Johnson): Oui: Que la commission parlementaire des
affaires sociales souhaite que le ministre du Travail participe aux travaux de
la commission.
M. Burns: Vous ne voulez pas qu'on collabore?
M. Bellemare (Johnson): Oui, oui, d'accord. Un amendement..
M. Forget: Quelle était votre première motion?
M. Bellemare (Johnson): La première, vous l'avez
écrite: Que la commission parlementaire des affaires sociales requiert
que le ministre du Travail assiste aux travaux de la commission est
sous-amendée par le collègue...
M. Forget: Requiert...
M. Bellemare (Johnson):... que le ministre du Travail assiste aux
travaux de la commission.
Le Président (M. Brisson): II y a quelque chose qui ne va
pas. Ce serait "requiert la présence du ministre du Travail".
M. Bellemare (Johnson): Aux travaux de la commission.
Le Président (M. Brisson): C'est pour cela que le mot
"présence" ne peut pas être changé.
M. Burns: Non, non il n'était pas question de
présence dans la motion originale. J'ai le texte ici, c'est "requiert
que le ministre du Travail assiste aux travaux de la commission", et
l'amendement tel que je l'ai formulé reprend l'idée essentielle
de la motion du député de Johnson et se lit comme suit: Que la
commission parlementaire des affaires sociales souhaite que le ministre du
Travail participe aux travaux de la commission.
Le Président (M. Brisson): La motion d'amendement est-elle
acceptée?
M. Giasson: Oui. M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Brisson): Adopté. Alors,
messieurs, nous commençons. Article 1.
M. Bellemare (Johnson): D'après le ministre, quel est le
meilleur moyen de procéder avant l'étude article par article?
Habituellement, les parties donnent leur version en général,
avant d'attaquer article par article.
Je sais que l'honorable député de Maisonneuve, lui aussi,
donnera son point de vue sur la loi en général et sur ce qu'il
recommande, comme je le ferai moi-même.
M. Forget: C'est à M. le Président de
répondre aux questions sur la procédure qui doit être
suivie en commission. Je n'ai pas besoin de rappeler au député de
Johnson que le débat de deuxième lecture est
terminé...
M. Bellemare (Johnson): Ah, oui, c'est sûr!
M. Forget: ... et que nous sommes ici pour étudier le
projet article par article.
M. Bellemare (Johnson): Seulement, dans toutes les commissions
parlementaires c'est la tradition qu'on donne un point de vue, avant de
commencer l'étude, article par article. Si le regard peut être
jeté après avoir entendu nos invités, je pense que...
M. Burns: Une espèce de point de vue général
qui ressemble un peu à un discours de deuxième lecture, que je
n'ai pas l'intention de reprendre ici, soyez bien tranquille, M. le ministre,
mais qui ne peut pas être donné en deuxième lecture, parce
que, comme vous le savez, la procédure nous empêche d'entrer dans
les détails du projet de loi.
Sauf que, je pense, ce qui est normal et on l'a toujours fait, dans des
projets de loi qui sont importants, et celui-ci en est un, on a toujours fait
une espèce d'exposé à caractère
général de notre pensée, avant l'étude,
précisément, article par article.
J'aimerais, également, pour compléter la question du
député de Johnson, demander au ministre si déjà, au
moment où on se parle, il a l'intention de nous soumettre une
série d'amendements. Je me réfère, entre autres, à
ses interventions, vendredi dernier, à la suite des témoignages
que nous avons eus des centrales syndicales, alors qu'il nous disait qu'il
pourrait réfléchir toute la fin de semaine sur certains
exposés.
Je me demande si le ministre n'a pas déjà un certain
nombre d'amendements à nous proposer. Si tel était le cas, je lui
demanderais, de façon très constructive, pour avancer les travaux
de la commission, de les déposer immédiatement, pour qu'on puisse
en prendre connaissance, tout au moins dans l'heure du souper.
M. Forget: Cette question s'adressait à vous, M. le
Président.
Le Président (M. Brisson): La première question,
dans nos règlements, tout ce que j'ai c'est qu'un député
peut prendre la parole sur le même article aussi souvent qu'il le veut,
mais pas plus de 20 minutes par député. Maintenant, si c'est le
voeu de la commission de fixer, d'allouer un certain temps à chaque
représentant des partis pour exprimer sa pensée, personnellement
je n'ai pas d'objection si la commission est d'accord. Cela prend,
évidemment, l'unanimité.
M. Giasson: Je pense que ce sera rapide.
M. Burns: Oui, oui, écoutez ce n'est pas une affaire de
deux heures. Je vous dis des remarques à caractère
général. Je vous le dis tout de suite, M. le Président, si
vous voulez m'arrêter au bout de 20 minutes sur les remarques
générales, vous me le direz; je ne me rendrai pas là, je
ne pense pas. Il y a un fait nouveau; je pense qu'on n'a pas
siégé pour rien quand on a entendu les centrales syndicales; vous
vous souviendrez qu'en deuxième lecture je l'avais demandé.
J'avais même demandé de retarder l'adoption de la deuxième
lecture pour entendre les parties. Devant l'acceptation qui m'a
été offerte en Chambre, j'ai même retiré ma motion,
de sorte que je ne le faisais pas pour rien. Je ne le faisais pas, encore une
fois, pour retarder le projet de loi. Mais puisqu'on me disait: On va faire
comparaître les gens, à plus ou moins court terme et on
m'indiquait vendredi comme possibilité j'ai dit: Je retire ma
motion.
A la suite, cependant, de la comparution des représentants des
centrales syndicales, je suis arrivé à des positions qui peuvent
peut-être compléter mon intervention en deuxième lecture.
J'aimerais bien vous les faire connaître avant qu'on étudie le
projet de loi, article par article.
M. Forget: M. le Président, je pense que vos propos ont
éclairé un peu la question du député de Johnson
dont, je ne comprenais pas beaucoup le sens. Ce qui m'apparaît, à
votre réponse, c'est qu'effectivement le député de Johnson
et le député de Maisonneuve, je pense, demandaient le
consentement unanime pour que l'on déroge un peu à
l'interprétation stricte des règlements et qu'on leur permette un
exposé de caractère général. Je n'ai pas
d'objection à ce qu'ils fassent un exposé général,
pourvu qu'ils se maintiennent à l'intérieur d'une durée
raisonnable.
Je pense qu'on vient de nous dire qu'on a réfléchi, durant
le week-end. Je m'en réjouis, M. le Président, et en plus de cela
on veut réfléchir tout haut, c'est encore mieux; on va
bénéficier de cette réflexion à haute voix.
M. Burns: Réfléchir ensemble!
M. Forget: C'est cela. Alors, je n'ai évidemment pas
d'objection à entendre les réflexions des deux membres de la
commission.
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, ma
deuxième question...
Le Président (M. Brisson): II faudrait bien que ce ne soit
pas débat, qu'on laisse parler les opinants.
M. Burns: Non, non, je vous le dis, M. le Président. Si
vous voulez même me dire: ne parlez pas plus que 20 minutes, je vous le
dis d'avance, vous me fermerez la boîte au bout de 20 minutes.
Je m'engage même à parler moins que cela.
Le Président (M. Brisson): A la deuxième question
du député de Maisonneuve, est-ce qu'il y a une réponse ou
certains amendements à déposer?
M. Burns: Est-ce que vous avez des amendements à
déposer?
M. Forget: Etant donné l'heure, M. le Président, et
étant donné que...
M. Burns: C'est pour cela, étant donné l'heure, que
je vous demande...
M. Forget: ... on va réfléchir tout haut à
la prochaine séance, je pense qu'il y aura lieu, à ce moment, de
réfléchir tout haut et de vous faire part également du
résultat de nos réflexions.
M. Burns: Ne me dites pas que vous avez attrapé la maladie
de votre chef, vous ne voulez pas répondre aux questions.
Non, mais sérieusement, M. le ministre, si vous aviez des
amendements qui sont déjà prêts et que vous avez
l'intention de nous soumettre, il me semble que ce serait très
constructif que vous nous les remettiez immédiatement. Je vous fais la
suggestion, parce que, autrement, peut-être qu'on va mal les comprendre,
vos amendements, si vous nous les donnez sur la gueule, comme on dit, au moment
où on discutera de l'article. Mais, si vous les avez déjà,
je vous fais la demande de nous les soumettre pour qu'on puisse au moins
prendre l'heure du souper pour en prendre connaissance. Peut-être, on
vous dirait: Bien, cet amendement améliore le projet de loi. Cela peut
peut-être se faire sans aucune discussion à ce moment. Mais, si on
le comprend mal, cela peut peut-être prendre plus de temps, à un
moment donné.
M. Forget: J'ai compris que non seulement il pouvait y avoir des
amendements du côté du gouvernement, mais que certains membres de
l'Opposition avaient eux-mêmes des amendements. Je pense qu'il peut
être assez difficile de comprendre tout cela, à moins de le faire
systématiquement article par article, à moins que vous n'ayez des
amendements de telle envergure qu'il faille vraiment modifier toute
l'orientation du projet de loi, à la condition même qu'on puisse
le faire après la deuxième lecture.
M. Burns: Si le ministre est prêt à nous donner ses
amendements, moi, je suis prêt à lui donner les miens.
M. Bellemare (Johnson): Moi aussi.
M. Forget: Bien, je pense que, si on peut voir tous ces
amendements, cela peut peut-être accélérer...
M. Burns: Vous préférez les prendre au fur et
à mesure.
M. Forget: Bien, il me semble que cela va être plus facile
que de les voir en vrac, comme cela, sans l'ordre naturel et sans les
explications. On nous promet des réflexions et on veut tout de suite
sauter aux conclusions.
M. Burns: Est-ce qu'à la reprise, après que nous
aurons eu l'occasion de vous éclairer de nos savants propos, le
député de Johnson et moi, le ministre est prêt, lui,
à nous donner la nouvelle orientation qu'il entend donner au projet de
loi, s'il a décidé d'en donner une, sans nous donner
peut-être précisément des amendements, mais,
peut-être, en nous donnant une indication des endroits où il est
prêt à modifier ce projet de loi.
M. Forget: Je pense qu'il n'y a pas de problème à
ce que je fasse part de mes réflexions, comme je l'indiquais tout
à l'heure, à la suite des vôtres.
M. Bellemare (Johnson): Mais le ministre est bien disposé
à en accepter quelques-uns?
M. Forget: Pardon?
M. Bellemare (Johnson): Le ministre est bien disposé
à en accepter quelques-uns?
M. Forget: J'ai l'esprit ouvert; le député de
Maisonneuve, d'ailleurs, l'a dit tantôt.
Le Président (M. Brlsson): Afin d'accélérer
les travaux de la commission, est-ce qu'on pourrait avoir des copies de ces
amendements pour les distribuer et qu'ils soient tous par écrit, si
possible?
Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à vingt heures
quinze.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
Reprise de la séance à 20 h 37
M. Brlsson (président de la commission parlementaire des
affaires sociales): A l'ordre, messieurs!
Je voudrais vous indiquer les changements suivants pour ce soir: M.
Burns (Maisonneuve) remplace M. Bédard (Chicoutimi), M. Houde
(Abitibi-Est) remplace M. Bellemare (Rosemont), M. Déom (Laporte)
remplace M. Malépart (Sainte-Marie), M. Carpentier (Laviolette) remplace
M. Lecours (Frontenac).
Nous en sommes à différentes observations avant de
commencer l'article 1. Le ministre aurait-il des observations en premier?
M. Forget: Non.
Le Président (M. Brisson): Le député de
Maisonneuve?
M. Burns: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Brisson): Avez-vous certaines
observations à faire avant qu'on commence?
M. Burns: J'en ai quelques-unes, oui, M. le Président.
Le Président (M. Brisson): Nous vous écoutons.
M. Burns: M. le Président, j'ai...
M. Déom: Non, non.
M. Burns: Non, ce sera court.
Exposés préliminaires
M. le Président, j'ai certaines observations préliminaires
à l'étude du projet de loi qu'il m'apparaît à ce
stade-ci important de soumettre à l'attention du ministre. Peu importe
d'ailleurs l'absence du ministre du Travail, que nous avons demandé cet
après-midi je ne veux pas revenir là-dessus mais je
pense qu'il aurait pu, à un moment donné, nous dire si nous
avions raison de pencher de telle ou telle façon quant à
l'approche du projet de loi.
Je dois dire d'une part que je suis... Je demande au ministre de me
croire, de ne pas me faire de procès d'intention et de ne pas s'imaginer
que j'essaie d'allonger le débat comme il l'a dit cet après-midi.
J'essaie de vous dire que j'ai abordé ce projet de loi avec toute
l'ouverture d'esprit que j'espère retrouver chez le ministre des
Affaires sociales tout au cours du débat qui s'en vient.
Je vous dis même je vais aller plus loin que cela
que dans sa structure actuelle le projet de loi m'apparaissait comme quelque
chose qui était acceptable malgré des défauts de
mécanisme.
J'irai plus loin, M. le Président. Je vais même vous dire
que la référence du conflit, si jamais il y avait conflit quant
à la détermination des services
essentiels, pour moi, m'apparaissait comme normalement devant être
dévolue au Tribunal du travail, en qui je fais une confiance à
peu près sans borne. Sans borne, c'est peut-être trop, mais
trouvez-moi un qualificatif un peu moins fort que celui-là et je vais
l'adopter. Disons une confiance très importante.
J'ai entendu, d'autre part, les interventions de M. Laramée et de
M. Pepin, vendredi dernier. Je puis vous dire je l'ai dit d'ailleurs
directement à ces deux personnes que la première chose qui
m'a frappé dans leur intervention, c'est qu'on se dirigeait dans une
très mauvaise ligne. Je n'en prends pas le crédit, c'est eux qui
m'ont convaincu de cela. Ce serait le cas si jamais on accordait au tribunal du
travail le droit et, à toutes fins pratiques, si on le met dans le
projet de loi, l'obligation de trancher le problème à savoir
quels sont les services essentiels qui devraient être assurés dans
tel ou tel établissement de santé.
L'argument le plus fort que j'ai entendu à cette commission-ci,
qui nous a été livré par les deux représentants des
centrales syndicales, est celui que le tribunal du travail a acquis une
très grande crédibilité, malgré les
décisions qui sont souvent défavorables au côté
patronal, souvent défavorables au côté syndical. On se rend
compte qu'évidemment un tribunal est là pour trancher, donc pour
déplaire à quelqu'un. Si c'est la partie syndicale qui perd,
c'est évident que cela déplaît à la partie
syndicale; si c'est la partie patronale qui perd, c'est elle qui est un peu
mécontente de la décision. Donc, cela peut déplaire
à la partie patronale. Mais il y a une chose qu'on est en mesure de dire
depuis le début et depuis l'existence même... C'est pour cela
je rattache cela à la motion du député de Johnson
de cet après-midi que c'était important qu'au cours de ce
débat-ci on ait la présence du ministre du Travail.
Il va y avoir des conséquences à long terme de ce qu'on
est en train de faire ici.
Tout le monde reconnaît, quel que soit le côté,
patronal, syndical ou même, si on peut nous qualifier de neutres dans ce
problème, les hommes politiques, tout le monde reconnaît, pour peu
qu'ils connaissent la situation, pour peu qu'ils connaissent ce qu'a
amené la création du Tribunal du travail, tout le monde
reconnaît que ce tribunal a acquis une crédibilité qui est
assez incroyable. Ce n'en est pas un techniquement, parce que c'est une
division de la Cour provinciale actuellement et, à cause de
problèmes constitutionnels, on n'a pas pu créer la cour qui
pouvait avoir l'autonomie et l'indépendance, par exemple, que la Cour
supérieure peut avoir ou que la Cour provinciale peut avoir, etc.
Tout le monde reconnaît, et moi, en tout cas, je n'ai pas peur
d'attacher mon nom à ce que je suis en train de vous dire, que le seul
tribunal, actuellement, au Québec, qui, malgré les
décisions qu'il rend et qui peuvent déplaire, le seul tribunal
qui, actuellement, reçoit l'approbation, quant à son
intégrité je pèse bien mes mots quant
à son intégrité, quant à son indépendance et
quant à son équité, le seul, actuellement, qui peut
recevoir ces trois cadeaux, c'est le Tribunal du travail.
Dans le projet de loi on n'est pas rendu à l'article en
question mais, on s'apprête à dire que ce tribunal va,
à un moment donné, non pas de façon judiciaire, mais de
façon administrative, intervenir dans des problèmes qui risquent
de lui faire perdre cette crédibilité. Au départ, je vous
avoue que cela m'a très sérieusement impressionné quand
j'ai entendu M. Pepin et M. Laramée nous parler de cela.
Je ne vais pas plus loin, M. le Président, on aura l'occasion
d'en discuter, lorsque l'article en question viendra.
Je ne dérange personne, j'espère. Le député
de Taschereau, je ne vous dérange pas?
M. Bonnier: Excusez, excusez.
M. Burns: Mais, moi vous me dérangez.
Deuxièmement, M. le Président et c'est un autre
argument que j'ai retenu de l'intervention syndicale je me pose de
très sérieuses questions, mise à part la question de
principe que je viens de soumettre, relativement au Tribunal du travail, et
c'est une question de principe qui a des conséquences dans les
faits.
C'est pour cela que je la soumets la première. Je me pose une
question qui, me direz-vous, aurait dû être posée en
premier, mais je la pose en deuxième à cause de l'attachement que
j'ai au Tribunal du travail. Donc, je pensais qu'il fallait la présenter
la première.
La deuxième, c'est l'existence même du projet de loi,
à ce stade-ci. Nous sommes rendus au stade où déjà
une série de syndicats on me contredira si j'ai tort
là-dessus qui représentent des employés des
établissements de santé ont déjà
déclenché le processus qui mène à l'arrêt de
travail. Il y a, à ma connaissance, un très grand nombre de
syndicats, qui représentent des employés d'établissements
hospitaliers, qui ont déjà fait leur demande de conciliation
depuis au moins le 1er décembre.
De notre côté, M. le Président, on se
présente avec un projet de loi no 253 qui a été soumis en
première lecture et qui a suivi les étapes et où,
véritablement, personne, que ce soit du côté gouvernemental
ou du côté de l'Opposition, n'est capable de dire que c'est
stupide de penser à trouver des solutions à
l'établissement des services essentiels. Ainsi, vous avez eu
l'Opposition qui a voté avec vous et qui a dit: C'est bien sûr.
Nous le réclamions, de notre côté, depuis
déjà deux ans qu'il y ait des méthodes
d'établissement de mécanismes pour voir à ce que les
services essentiels soient assurés en cas de conflit de travail dans ce
domaine comme dans les autres. Remarquez que nous avions demandé
même plus que cela; on parlait même des autres domaines du secteur
public et parapublic. Mais je suis obligé, comme député,
actuellement, de me rendre compte du fait que nous intervenons en plein cours
du processus qui mène éventuellement au conflit de travail
déclaré de la façon la plus évidente,
c'est-à-dire par une grève. Nous intervenons dans ce processus et
cela me déplaît suprêmement, M. le Président.
Je ferais une demande au ministre des Affai-
res sociales, puisqu'il n'a pas actuellement à nous vendre une
politique gouvernementale, mais qu'il tente de nous vendre une solution
particulière.
Ce n'est pas l'ensemble du Code du travail, ce n'est pas l'ensemble des
lois concernant la fonction publique qui vont être modifiées par
le projet de loi no 253, c'est un domaine particulier. Je lui demande s'il
n'est pas capable d'être assez généreux pour dire à
ce stade-ci qu'il n'est pas possible d'adopter un tel projet de loi.
Je ne lui demande pas de faire une retraite complète, je ne lui
demande pas de dire: Mon projet de loi était mauvais. Je lui demande
cependant de nous dire s'il ne croit pas que son projet de loi arrive à
un mauvais moment.
Et c'est là-dessus, M. le Président, que je disais que cet
après-midi, que ce sont des éléments
complémentaires à mon discours de deuxième lecture et au
discours du député de Saint-Jacques en deuxième lecture.
Je pense que c'est un élément que, de façon
préliminaire, on est obligé d'examiner avant d'embarquer dans les
articles les uns après les autres.
Est-ce que le gouvernement est capable de jouer les règles du jeu
de façon suffisamment détachée, de faire croire je
ne dis pas de façon péjorative non plus à tout le
monde que, de sa position de législateur, il est capable de revenir
à sa position d'employeur? Comme employeur, actuellement, il est en
train de passer quelque chose qui est aussi répréhensible
à mon avis que le bill 19 qui intervenait dans le processus d'une
grève légale des employés des secteurs public et
parapublic. Il est en train de modifier les règles du jeu en plein cours
du processus. Ce processus est déclenché, ou si vous voulez
enclenché à partir du moment où il y a des avis qui sont
adressés par divers syndicats demandant l'intervention du
ministère du Travail via un conciliateur.
C'est ce que nous faisons. Je me demande si, à ce stade-ci, on
n'est pas capable ensemble de dire, un peu comme M. Pepin nous le disait
vendredi dernier: Prenez votre chance sur nous cette année. Si on n'est
pas capable de le faire, à ce moment-là, très bien, qu'on
se le dise ensemble, puis l'Opposition prendra ses responsabilités,
votera dans tel sens ou dans tel autre. Mais il me semble que toute solution
que je pourrais vous proposer, que j'envisagerais, moi, en tout cas dans une
optique tout à fait différente et d'une façon beaucoup
plus détendue, s'il n'y avait pas déjà un autre processus
qui est en marche, il me semble, dis-je, que je serais capable de vous faire
des suggestions et il me semble que du côté gouvernemental on
serait capable de dire qu'il n'y a pas que du mauvais, qu'il y a du bon dans ce
que le député de Maisonneuve dit.
Je suis convaincu que le débat qu'on commence ce soir est
absolument faux parce que vous avez, vous, M. le ministre, en vue la
présente négociation et parce que j'ai en vue la présente
négociation et parce que les centrales syndicales, quand elles sont
venues devant nous, avaient en vue la présente négociation et
parce que tout le monde autour de la table nous dit: C'est pour régler
le cas d'une éventuelle grève dans les hôpi- taux qui peut
peut-être arriver au mois de février. C'est ce qui fausse le
débat.
Ce n'est pas une motion dilatoire, M. le ministre, que je fais. Je ne
fais même pas de motion. Je vous demande tout simplement d'avoir la
générosité, comme représentant du gouvernement, de
reconnaître qu'un premier geste qui a été fait en 1964
accordant le droit de grève ne peut pas, surtout pas être
corrigé par un geste qui se passe à l'intérieur d'un
processus où déjà les gens ont une certaine
animosité les uns à l'endroit des autres. En tout cas, ce sont
les quelques remarques que j'ai à vous faire. Je n'ai pas l'intention
d'allonger ce débat au point de vue des remarques à
caractère général. Mais il me semble que vous vous devez
là, j'inverse l'ordre de la présentation de mes deux
arguments de nous dire, surtout en fin de session, qu'il faut
absolument, actuellement, qu'on fasse confiance aux gens qui ont
déjà commencé à utiliser des droits qui leur
appartiennent en vertu du Code du travail.
Il faut qu'on reconnaisse ce droit. Une fois qu'on l'aura reconnu, il me
semble que ma première remarque elle-même pourra être
utilisée lorsque vous viderez le problème fondamentalement.
J'aurais, dans d'autres circonstances, un tas de propositions à vous
faire. Je vous suggérerais, par exemple, de trouver une autre
méthode de raccourcir les délais, comme je le mentionnais en
deuxième lecture, quant à l'établissement des services
essentiels. Quant à nous, c'est une lacune de la législation; il
n'y a pas de doute, il faut absolument que ce soit corrigé, mais pas
à ce moment-ci. Je vous suggérerais, par exemple, une
véritable réforme qui établirait un système ou un
mécanisme pour régler les services essentiels. Même, pour
trancher le débat, si jamais il n'y a pas d'entente entre les parties,
je vous suggérerais un système qui, à ce moment-là,
met même de côté les dispositions de l'article 99 du Code du
travail, celui qui permet l'intervention de l'Etat, malgré l'exercice
légal du droit de grève.
Je pourrais vous suggérer également, M. le
Président, d'autres mesures qui, en tout cas, nous incitent à
vous dire que vous allez assez loin, dans une loi fixant les services
essentiels et c'est là l'importance sur l'ensemble de la
législation du travail q ue, possiblement, cela veut même
dire plus aucune injonction dans quelque conflit du travail que ce soit. Cela
peut peut-être vouloir dire, même, aussi, que vous adoptez, en
parallèle et en réponse à ce que vous demandez au
syndicat, une loi anti-scabs dans le domaine de la fonction publique. En tout
cas, c'est un peu tout cela que je voulais vous dire au départ. Puis
c'est un peu tout cela qui me paraît être le cadre de la discussion
que nous nous apprêtons à avoir, relativement au projet de loi no
253.
Mais je demande, et je termine là-dessus, M. le Président,
en grâce et je m'adresse à un des ministres pour qui j'ai
du respect dans ce gouvernement; je ne veux pas faire de personnalité,
mais même si je ne suis pas critique en matière des affaires
sociales, je le vois agir, c'est à un des ministres pour qui j'ai du
respect que je m'adresse et je lui demande en grâce de ne pas
adopter le pro-
jet de loi no 253, à ce stade-ci. Je lui demande de faire
confiance aux syndicats qui, eux aussi, ont eu à souffrir des
problèmes de 1972. Ce n'est pas seulement le gouvernement qui a
reçu des claques sur la gueule à la suite du bill 19, il y a des
syndicats qui, à un moment donné, se sont dit: Peut-être
que ce n'est pas comme cela qu'on aurait dû agir. On aurait
peut-être dû agir autrement.
Et la leçon, à mon avis vous n'avez pas à me
prendre comme témoin, mais je vous dis mon impression c'est que
les syndicats se sont rendu compte, eux aussi, que, malgré tout ce
qu'ils avaient à reprocher au côté patronal qui ne
voulait pas d'ailleurs, soit dit en passant, en 1972, négocier les
services essentiels, puis on a mis cela sur leur dos il reste quand
même que sur le plan, il me paraît, factuel, les syndicats nous ont
fait une déclaration au nom de deux personnages très
représentatifs des deux centrales, c'est-à-dire M. Laramée
et M. Pepin. Le premier est le directeur québécois du Syndicat
canadien de la fonction publique et l'autre, le président de la CSN. Il
me semble que moi, je suis prêt à leur faire confiance. Ils sont
venus nous dire tous les deux: Ce n'est pas possible que vous fassiez, en plein
cours de négociation et alors que le processus est déjà
enclenché, un changement des règles du jeu qui s'appelle le bill
253.
On vous dit qu'on est prêt ce sont toujours les deux
représentants des centrales qui nous parlent à faire
l'essai d'une solution que nous avons soumise au Conseil consultatif du travail
et de la main-d'oeuvre, c'est-à-dire une non-intervention
gouvernementale et sans que personne arrive éventuellement à
imposer une décision.
Je vous fais cette suggestion. C'est la proposition
généreuse à laquelle je vous convie.
Le Président (M. Brlsson): Si vous permettez, j'ai
oublié de mentionner que M. Tremblay (Iberville) remplace M. Fortier
(Gaspé).
Le député de Johnson.
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je n'ai pas
besoin de vous dire que l'exposé que vient de faire le
député de Maisonneuve est rempli de logique et de bon sens. Voici
un homme qui a travaillé très étroitement avec les
centrales syndicales dans toutes sortes d'heures difficiles et de conflits. Il
a à son dossier véritablement une expérience qui milite en
faveur des propos qu'il vient de tenir.
Celui qui vous parle a une faible expérience au point de vue du
travail, mais je peux vous dire qu'après avoir assumé les
responsabilités de ministre du Travail je n'ai pas pu tout accomplir
pendant les quatre années où j'ai été en poste,
mais au moins j'ai réalisé quelque chose d'assez extraordinaire,
et le changement complet de la philosophie du Conseil supérieur du
travail, et le Tribunal du travail.
Dans un premier temps, on l'avait dit, lors de l'organisation du
Tribunal du travail, nous voulions remplacer la Commission des relations du
travail, qui était devenue désuète et qui avait
accumulé un nombre considérable de dossiers sur lesquels elle ne
s'était jamais prononcée et qui rendait un bien mauvais service
à la population ouvrière du Québec.
Cela a eu comme effet d'amender en grande partie le Code du travail qui
a nommé, à ce moment, des commissaires-enquêteurs et qui a
donné certains pouvoirs judiciaires au Tribunal du travail. Il a eu en
main tout ce qu'il fallait pour interpréter au moins légalement
les accréditations et aussi toutes les décisions des
commissaires-enquêteurs qui ont été rendues depuis cette
date.
Comme le député de Maisonneuve, je me suis réjoui
du sérieux qu'a apporté ce Tribunal du travail. Dans l'opinion
publique, il a réussi à avoir une certaine
notoriété. Je pense que ceux qui le composent sont des gens
intègres, mais particulièrement des gens qui ont fait leur
carrière, toute leur vie dans les relations du travail.
Des excellents bonshommes peuvent avoir fait du criminel, d'autres du
droit maritime, mais ceux qui sont nommés présentement au
Tribunal du travail sont des gens qui ont été pris dans le milieu
des relations du travail. Tous, après une longue expérience ont
démontré qu'ils étaient complètement
intègres dans leurs décisions. Ils ont fait véritablement
un bon job. C'est mon premier argument. Comme le député de
Maisonneuve le dit: Pourquoi prendre quelque chose qui va bien pour
l'empêcher et l'amener à faire du mal, pourquoi? Pourquoi se
servir d'un tribunal comme celui-là pour prendre des hommes qui sont
accrédités aujourd'hui dans le domaine du travail avec une
excellente réputation et les entacher de politique?
Que vous le vouliez ou non le commissaire qui va être
nommé, qui va venir du Tribunal du travail va avoir marqué dans
le front que c'est une nomination politique tandis qu'aujourd'hui je dois vous
dire que ceux qui sont là ont appartenu à toutes sortes de partis
politiques. Je me suis foutu des allégeances politiques quand je les ai
recommandés au ministère de la Justice pour les faire nommer. Il
y a là des libéraux, il y a là des gens qui ont
été reconnus dans toutes sortes d'autres mouvements que le mien
et je pense que leur nomination et effectivement leur travail ont
été reconnus.
Là, M. le Président, on va entrer de plain-pied dans un
domaine où le Tribunal du travail rend de bien précieux services.
Je l'ai dit lors de mon intervention en seconde lecture. Les services
essentiels auraient dû depuis longtemps être assurés, tel
que le disait le programme libéral qui a été publié
ces dernières années et où l'on consacre
particulièrement aux secteurs public et parapublic tout un lot de
recommandations.
Je ferais peut-être plaisir au ministre mais je vais lui
épargner ce supplice douloureux d'entendre ce que disaient ces grands
poètes de la doctrine libérale qui, dans les services essentiels,
recommandaient une action positive immédiate. Je reviendrai sur cela. Je
ne veux surtout pas faire choquer le ministre. Ce n'est pas le temps. Il faut
lui demander une faveur au ministre ce soir. Mais je dis, par exemple, M. le
Président, que ce qui a été écrit dans le programme
libéral, cela aurait peut-être été bien
d'actualité que le ministre le re-
lise un an avant les.négociations. Comme je l'ai dit en Chambre
à la deuxième lecture, les services essentiels ne devraient pas
être seulement arrêtés pour le domaine de la santé.
Ils devraient couvrir l'éducation, tous les services publics ou
parapu-blics.
Pour cela, je dis que le "timing", si le mot est français et,
s'il ne l'est pas, l'à-propos d'adopter aujourd'hui une loi comme
celle-là nous amène à poser au ministre certaines
questions. Une des premières questions que je voudrais poser au ministre
est la suivante: A-t-il bien pensé que les négociations
étaient engagées? A-t-il pensé au tort
considérable, comme instrument de pression, qu'il exerce
présentement par son projet de loi no 253? Tous les gens qui sont aux
tables sectorielles connaissent le projet de loi no 253, tous ont
été avertis qu'en vertu de cette loi les services essentiels
seront assurés, d'une manière ou de l'autre, après huit
jours d'avis et trente jours d'essai par le commissaire venant du Tribunal du
travail, et s'il n'y a pas entente, par le juge. Le commissaire nommé
dans la loi va pouvoir exercer toutes les discrétions possibles et
impossibles quant au nombre, quant aux heures, à l'équipe,
à l'établissement, quant à la région, quant aux
établissements locaux. Il va définir tout seul, sans avoir
l'approbation de personne, parce que la loi lui donne le pouvoir.
Encore pire que cela, M. le Président, à l'article 22,
c'est une énormité qu'a mise dans le bill l'honorable ministre
qui veut nous faire adopter aujourd'hui ce bill. Il s'agit de relire l'article
22 pour vous montrer jusqu'où cela va: "Lorsque le ministre du Travail
et de la Main-d'Oeuvre a reçu un avis visé à l'article 42
du Code du travail avant l'entrée en vigueur de la présente loi,
de la part d'une partie à des négociations relatives aux
établissements et aux organismes assimilés, il en adresse copie
sans délai pour le commissaire aux services essentiels au greffier du
tribunal. "L'avis est alors considéré, aux fins de l'article 10
de la présente loi, comme ayant été expédié
le jour de cette entrée en vigueur de ladite loi."
Est-ce que, M. le Président, vous pouvez me dire
véritablement que cela, dans une loi, doit apparaître surtout dans
les circonstances où se vivent présentement les
négociations? C'est purement et simplement du chantage. Cela en est, M.
le Président, à pleine porte.
Je dois dire, comme mon collègue de Maisonneuve, que le Tribunal
du travail ayant une bonne renommée, nous ne devrions pas, je pense,
toucher de loin ou de près à cette institution. Sauf, si,
à l'avenir, il y a une chambre à part au Tribunal du travail, une
chambre administrative qui pourrait se voir déléguer des pouvoirs
d'administration.
Actuellement, il a le pouvoir judiciaire, celui d'interpréter la
loi et de dire: Oui, selon la loi vous avez raison ou non, selon la loi vous
n'avez pas raison dans l'accréditation ou dans un grief. Mais s'il y a
une chambre d'administration, c'est-à-dire une chambre administrative
dans le même Tribunal du travail, composée d'hommes
extrêmement compétents encore, mais qui auront dans ce domaine un
rôle particulier comme administrateurs, là je dis que ce serait
peut-être toute la différence qui existe entre un Tribunal du
travail qui est aujourd'hui, constitué pour régler les
différends en vertu du Code du travail et la chambre nouvelle qui ferait
partie du Tribunal du travail, mais qui aurait un rôle administratif,
à qui on pourrait confier des tâches comme celles que le ministre
veut donner dans la loi d'aujourd'hui.
Je pense que cela est une précaution qui serait bien
élémentaire et je pense aussi, M. le Président,
qu'à ce moment on pourrait peut-être trouver des gens d'une
extrême compétence qui pourraient jouer un rôle, soit comme
commissaires ou dans n'importe quel conflit de travail qui pourrait arriver,
mais pas seulement pour définir des services essentiels.
M. le Président, nous avons été vivement
impressionnés par la visite de M. Pepin, de M. Laramée et des
personnes qui les accompagnaient, lors de la séance de la commission
parlementaire, vendredi dernier. Pour ma part, j'appartiens à cette
classe des travailleurs et je n'ai pas besoin de vous dire que j'ai beaucoup de
respect pour l'union dont j'ai fait partie pendant des années. Mais
comme législateur, j'ai aussi une responsabilité; celle de
trouver le meilleur moyen pour rendre justice au bien commun, au bien
public.
Je pense que les arguments qui ont été invoqués par
M. Pepin et M. Laramée ont été d'une excellence assez
extraordinaire. Le ministre lui-même en a été
frappé, je l'ai remarqué, à quelques endroits. J'ai dit
même à quelqu'un à côté de moi: Regardez, je
pense que cela impressionne énormément le ministre. Je verrai
tout à l'heure si réellement il a été
impressionné ou s'il a réfléchi en fin de semaine, comme
il a promis de le faire.
Mais, M. le Président, le ministre ne sait-il pas qu'actuellement
il y a des négociations en cours? Est-ce que d'après son
programme politique il n'aurait pas pu, avant aujourd'hui, présenter une
loi des services essentiels, pas seulement dans le domaine de la santé,
mais dans tous les domaines?
Or, vous allez me dire: Bellemare, on vous a connu, so, so, so,
correct.
Il y a un article dans notre Code du travail, l'article 99, qui
prévoit que "la grève est interdite aux salariés à
l'emploi d'un service public, à moins que l'association des
salariés en cause y ait acquis droit suivant l'article 46 et ait
donné par écrit au ministre avis..."
Si le lieutenant-gouverneur en conseil est d'avis que dans un service
public une grève appréhendée ou en cours met en danger la
santé ou la sécurité publique, il peut constituer une
commission, etc." C'est le code.
Le ministre va me répondre: Bien oui, mais si ça ne veut
pas négocier, qu'est-ce qui va arriver? Vous allez vous servir
d'injonctions, c'est sûr, c'est ce qui va arriver. Mais, par exemple,
l'article 41 du code, qui a été amendé
spécifiquement, dit: "Après un avis prévu à
l'article précédent, les négociations doivent commencer et
se poursuivre avec diligence cela veut dire immédiatement
et de bonne foi". Vous allez dire: Oui, mais s'ils ne le font pas? Bien, vous
avez l'article 127 où
il y a des amendes lourdes pour ceux qui ne veulent pas négocier
de bonne fol.
M. le Président, ce qui fait le sujet des amendements que je veux
apporter, c'est surtout le rapport Morin. On ne peut pas appeler cela le
rapport Morin mais le...
M. Giasson: Le document.
M. Bellemare (Johnson): ... document. Merci pour la bonne
inspiration, vous aurez contribué au débat d'une manière
très vigilante.
M. Giasson: Très brève.
M. Bellemare (Johnson): Très brève.
M. Giasson: Et très précise.
M. Bellemare (Johnson): Le document Morin, M. le
Président, émane du conseil supérieur du travail à
qui le ministre avait demandé véritablement une opinion en
services essentiels. Et là, après que les unions ouvrières
aient produit un document fort volumineux, un dossier que le ministre ne nous a
pas remis mais que j'ai, moi aussi, pu me procurer par des voies
très...
M. Burns: Des bons amis.
M. Bellemare (Johnson): Pardon?
M. Déom: Par votre carte de membre.
M. Bellemare (Johnson): Est-ce que je suis devant un tribunal?
Alors, M. le Président, et par des centrales syndicales et par le groupe
des patrons, ils ont produit chacun un document qui est fort volumineux. En fin
de semaine, j'ai regardé un peu cela et M. Morin, qui est le
président du Conseil supérieur du travail, a résumé
cela en quelques phrases, en ce qui regarde les services essentiels.
Me permettriez-vous, M. le Président, de vous faire la lecture
d'un petit paragraphe qui va peut-être faire un nouvel éclairage
sur la proposition qui aurait pu nous être apportée aujourd'huu au
lieu de se servir du Tribunal du travail comme commissaire: "Avant le
trentième jour précédant l'acquisition du droit de
grève ou de lock-out dans les services publics, les parties doivent
avoir mis en place les mécanismes nécessaires à la
détermination des services essentiels et la façon de les
maintenir pour la protection de la santé et de la sécurité
publique. Elles doivent aussi, dans ce même délai, nommer un
commissaire aux services essentiels et en informer immédiatement le
ministre. A défaut de connaître le nom du commissaire aux services
essentiels dans les délais impartis, le ministre nomme pour agir
à ce titre une personne qu'il choisit à l'aide d'une liste
dressée à cet effet par le Conseil consultatif du travail et de
la main-d'oeuvre d'ailleurs qu'il renouvelle à chaque
année et en informe les parties".
Mais ce commissaire, M. le Président, qui serait nommé
dans le document Morin, serait choisi dans un conseil de médiation que
recommande aussi le rapport. Ce rapport recommande que soit établi un
conseil de médiation se composant d'un président assisté
de deux assesseurs. Ce conseil a pour fonction de faire un rapport comprenant
un constat de la négociation et du différend et ses
recommandations pour la conclusion d'une convention collective.
Là, M. le Président, vous en avez un mécanisme.
Vous avez un mécanisme qui ne toucherait nullement au tribunal du
travail mais qui viendrait d'un conseil de consultation, d'un conseil de
médiation. Et les noms de ceux qui pourraient être choisis
seraient pris à même cette liste qui serait une liste d'abord
acceptée par le conseil du travail et aussi qui est publique. Là,
le ministre pourrait facilement trouver ce qu'il faut pour le faire. Alors, M.
le Président, je pense que les observations que je viens de faire et
surtout les amendements que je voudrais faire sont d'avoir, plutôt qu'un
commissaire venant de la partie du Tribunal du travail, un médiateur qui
serait choisi parmi la liste mentionnée à l'article 2 et selon
les modalités mentionnées à l'article 8 et je
l'explique.
Je fais distribuer présentement un document qui a
été bien pensé pour tâcher de donner au ministre
cette souplesse que le député de Maisonneuve demandait tout
à l'heure avec tant d'insistance au ministre.
Ce serait sûrement un geste qui serait significatif, un geste de
compréhension vis-à-vis des syndicats qui ont toujours eu
à rouspéter contre les lois du gouvernement. M. Pepin disait
dernièrement qu'on devrait leur faire confiance, surtout cette
année, à l'endroit même où se rencontre un conflit
extraordinaire où l'on va venir, M. le Président, près
d'un schisme et où je pense que cela pourrait peut-être être
pire qu'en 1972.
Surtout, qu'on enlève l'article 22 où il est dit que
"l'avis est alors considéré, aux fins de l'article 10 de la
présente loi, comme ayant été expédié le
jour de cette entrée en vigueur de ladite loi." Je dis que, pour
éviter des chicanes inutiles, pour ne pas nuire aux négociations
en cours dans les secteurs public et parapublic, il serait
préférable d'abroger cet article. Le médiateur dont je
recommande aujourd'hui la nomination serait un homme qui, lui, choisirait les
assesseurs qui l'accompagneraient et, s'il n'y a pas entente vous le
verrez plus tard les parties pourraient peut-être faire rapport et
le ministre pourrait les nommer. Pourquoi le ministre ne veut-il pas comprendre
cet argument, si fort, du bon sens et légiférer à la toute
dernière minute, seulement dans un cas particulier, pour régler
un cas, en définitive, très pertinent?
Je pense que le ministre devrait se rendre à ces exhortations qui
viennent du monde ouvrier. J'ai lu le mémoire des patrons et je pense
que le bill est copié sur les suggestions patronales. Le ministre sait
bien que les ouvriers savent cela. Les ouvriers savent bien, ceux qui sont
appelés aux tables de négociations, que les patrons ont
dressé la loi qu'on étudie qui est presque mot à mot ce
qui a été recommandé par la partie patronale. Est-ce que
la force des travailleurs du Québec ne
mérite pas autant dans un domaine où on va les frapper
durement que celle de l'autre partie? Pour une fois, M. le Président, ce
n'est pas la mort du ministre qu'on veut; c'est sa conversion et je pense
qu'elle serait possible. Il rendrait un fier service à tout
l'élément négociateur qui actuellement est aux tables
sectorielles, pour que véritablement on puisse obtenir un peu plus d'air
dans les relations patronales-ouvrières.
Là, M. le Président, vous allez boucher des avenues, puis,
comme l'ont dit M. Pepin et M. La-ramée: Si on ne l'écoute pas
votre loi, qu'est-ce que vous allez faire? Vous allez nous faire payer $20,000
par jour, vous allez sortir la matraque. On vous avertit nous, aujourd'hui,
qu'elle n'est pas bonne, votre loi. Ils sont allés loin, ces
gens-là. Ils ont dit au ministre des choses qui peuvent peut-être
se réaliser.
Gouverner, c'est prévoir, M. le Président. Je pense que le
ministre devrait revenir un peu en arrière. On ne lui reprochera jamais
d'avoir fait ce retour vers le bon sens et vers la logique. On dira, par
exemple, qu'il a évité le pire. Dans les circonstances, quand
nous allons étudier le projet de loi article par article, je proposerai
les amendements qui sont là.
Le ministre a dit, par exemple cet après-midi: Le
député de Johnson est après "pourfendre" des portes
ouvertes. Voyez-vous là, un autre Don Quichotte, un monsieur avec sa
lance. Ecoutez, ce n'est pas cela. Il y a là une lutte entre deux
parties, la partie patronale qui veut le bill parce qu'elle l'a écrit
presque authentiquement et la partie syndicale qui vit, elle, des
problèmes difficiles. C'est cela qu'on vous demande de
considérer. Si le ministre décide de passer outre, je l'avertis
qu'il peut être l'instigateur de troubles et cela, ce serait malheureux
dans la province. On en a déjà eu, et le gouvernement a
été obligé, comme le disait le député de
Saint-Jacques en Chambre, de se servir du bill 19 en 1972 et cela, cela c'a
fait mal. Cela a fait mal à bien du monde. Cela n'a
réconcilié personne. M. le Président, j'attendrai la
réponse du ministre et je suis sûr que, lorsqu'il nous
répondra, il nous parlera aussi des services essentiels qui sont
déterminés au niveau local. Cela aussi, c'est une chose que je
voudrais que vous nous définissiez, comme, d'ailleurs, les services
assimilés, où cela commence et où cela finit.
Je comprends que dans le projet de loi il y a une définition dans
l'article 1 b). "Toute entreprise qui fournit des services à un
établissement et est déclarée par le lieutenant-gouverneur
être assimilée à un établissement". Cela va
très loin et cela peut causer de grands préjudices. Un service
assimilé, on sait ce que cela représente dans un domaine aussi
vaste que celui des hôpitaux, des centres d'hébergement. Tout
cela, ça va très loin. Par exemple, je serais très heureux
de savoir de quelle manière, au niveau local, on va pouvoir tenir compte
des services essentiels pour les besoins particuliers de chaque
établissement ou des organismes qui fonctionnent à
l'intérieur du service de la santé.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Brisson): L'honorable ministre.
M. Forget: M. le Président, on vient d'entendre le
résultat des efforts de réflexion de nos deux collègues.
J'ai un peu le sentiment qu'on est au XIXe siècle. J'ai l'habitude de
faire cette constatation; notre Parlement a beaucoup d'habitudes qu'il a
héritées du XIXe siècle. D'ailleurs, si je voulais
être méchant je dirais, à celui qui vient de parler en
dernier lieu, que ce n'est pas surprenant, mais je ne serai pas méchant.
Je dirai que la même remarque s'applique également à son
collègue décidément beaucoup plus jeune.
L'hypothèse qu'on vient d'entendre exposer avec beaucoup
d'assurance, une assurance désarmante, c'est que la loi des parties,
essentiellement, c'est la loi du pays. Pourvu que tout le monde s'entende, le
législateur doit être satisfait. C'est étrange que dans le
domaine des affaires sociales on ignore si facilement l'intérêt du
public qui, lui, ne s'implique pas dans ces conflits parce qu'il veut
réaliser un avantage matériel ou qu'il veut gérer ses
ressources matérielles d'une façon qui lui paraît plus
appropriée. Le public, qui est impliqué dans ces services, sans
mélodrame, parce qu'il en va de sa vie même dans certains cas, on
nous invite à l'écarter du débat, à présumer
que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Tout ce qu'on vient de dire, c'est vrai d'un monde idéal, c'est
vrai de la période que nous vivons, c'est vrai également de la
période que nous avons vécue. Si l'on pouvait affirmer avec
autant d'assurance que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, que
les parties vont s'entendre, qu'elles vont négocier, qu'on va leur faire
confiance, qu'on va supposer que leur sens de responsabilités est
tellement grand, tellement complet qu'elles ne se trompent pas, qu'elles ne
sont pas aveuglées par leurs intérêts particuliers, dans
certains cas, au point d'en oublier des considérations
supérieures à ces intérêts, on pourrait, avec
beaucoup de tranquilité d'esprit, se croiser les bras et laisser faire
les événements. Que ce serait donc commode, en effet, de ne pas
légiférer, de ne rien faire, de ne rien décider, de
laisser les parties s'entre-déchirer, à supposer qu'elles
s'entendent, mais c'est curieux comme elles ne s'entendent pas souvent. Quand
elles ne s'entendent pas, on ne dit pas, évidemment, ce qui va arriver;
on présume que, magiquement, la solution va descendre du ciel.
J'aimerais beaucoup croire ceux qui viennent de parler, que le monde
qu'ils décrivent est le monde réel.
Mais je ne peux pas me persuader, en lisant les journaux tous les soirs,
en écoutant la télévision que ce qu'on voit, c'est
seulement le résultat d'une loi qui n'est même pas adoptée.
Il doit y avoir autre chose qui trouble l'univers dans lequel on vit que la Loi
sur les services essentiels que l'on discute aujourd'hui. Comment se fait-il
qu'il y ait des problèmes? Comment se fait-il que ces problèmes
résultent dans un certain secteur, qui est le secteur des services de
santé et des services sociaux, dans le fait qu'on a vécu
cela ne fait pas des décennies de cela, cela fait quelques années
des situations où effectivement les services essentiels n'ont pas
été donnés? Qu'est-ce qui empêchait qu'ils le
soient? Evidemment, tout le monde s'accuse de mauvaise foi. Je veux bien croire
que tout le monde est de
mauvaise foi. D'ailleurs, les gens de bonne foi, les autres de bonne
foi, je ne les ai jamais vus. C'est toujours soi-même qui est de bonne
foi, les autres étant par définition de mauvaise foi. C'est
facile de régler le problème comme cela, évidemment, on a
fait son possible, on est allé aussi loin qu'on pouvait et, les gens
étant méchants, on n'a pas pu s'entendre et il y a des victimes.
Cela on en parle moins longtemps, parce que, qu'est-ce que vous voulez, les
victimes, de toute façon, elles ne sont pas organisées. Personne
ne parle pour elles.
Je pense qu'on ne peut pas aussi facilement disposer du problème.
C'est malheureux pour nous parce qu'à l'Assemblée nationale, cela
nous prend quelques heures de discussion pour trancher le problème. Ce
n'est pas important que cela prenne quelques heures ou quelques jours ou
quelques semaines de discussion. On discute bien plus longtemps de
problèmes beaucoup moins importants. Il reste qu'il y a quelqu'un, un
beau jour, qui va devoir essayer de trouver des solutions. Elles ne sont
peut-être pas les bonnes solutions, elles ne seront peut-être pas
la solution, mais encore faut-il s'essayer et juger à
l'expérience si, effectivement, c'est une solution ou si ce n'en est pas
une. Mais ce n'est sûrement pas en ne faisant rien que l'on va apprendre
à l'expérience. Oui, on va apprendre à
l'expérience. L'expérience qu'on a déjà apprise de
toute façon, qui va se répéter, on peut se le promettre
entre nous est qu'il va y avoir effectivement des gens qui vont être pris
dans des situations difficiles, des gens qui ne sont pas
représentés et que personne ne court pour défendre, parce
que ce ne sont pas des cas payants. Ce ne sont pas des causes profitables que
défendre ces victimes.
L'hypothèse selon laquelle les parties vont s'entendre, qu'on n'a
qu'à les laisser faire, ce sont tellement de bonnes personnes, elles ont
tellement à coeur l'intérêt du public, elles vont tellement
être altruistes le moment venu, même si on est bien excité,
puis même si on croit qu'on a raison, puis même si on croit que
l'autre, l'adversaire, est un entêté qui ne veut rien entendre, on
va, malgré tout, s'arranger pour que la raison prévale dans ces
circonstances, c'est beaucoup demander, vous ne trouvez pas? Moi, je trouve que
c'est beaucoup demander de toute façon. Et l'expérience nous dit
que c'est trop demander. Donc, il faut trouver une solution. Ah! le moment est
mal choisi, il fallait le faire avant, il faudrait le faire après, il
faudrait le faire ailleurs. Il y a toujours une bonne raison pour ne pas le
faire, je suis d'accord. Il y a plusieurs raisons pour ne rien faire. Ces
raisons sont ordinairement plus abondantes que celles qu'on peut trouver pour
agir.
M. Burns: Est-ce que je peux poser une question au ministre?
M. Forget: Vous pourrez poser toutes les questions que vous
voudrez après, si vous permettez.
M. Burns: J'aurais une question simplement ici.
M. Forget: Non, vous ne pouvez pas poser de questions pour le
moment.
M. Burns: Entre autres la date du dépôt du projet de
loi au tout début.
M. Forget: Alors, on se trouve devant une situation où on
nous invite à l'inertie. On nous invite à laisser faire. Je
pense, pour ma part, que ce n'est pas une solution. On discutera, article par
article, des dispositions. J'ai réfléchi, moi aussi, mais il y a
une chose à laquelle ma réflexion ne m'a pas conduit: c'est de
dire le contraire, le mardi, de ce que je pensais après des mois de
réflexion, le jeudi ou le mercredi de la semaine
précédente. Il me semble que c'est ce qu'on vient d'entendre. On
vient d'entendre les résultats d'un effort de réflexion qui nous
amène à réfléchir en une semaine le contraire de ce
qu'on a réfléchi la semaine précédente. Il n'y a
rien de nouveau sur la table...
M. Bellemare (Johnson): Qui a réfléchi comme
ça?
M. Forget: Je parle en particulier du député de
Maisonneuve. Mais peut-être aviez-vous des doutes?
M. Bellemare (Johnson): Non, non! J'ai mon discours de
deuxième lecture; je pourrais le répéter.
M. Burns: Moi aussi, je suis prêt à le
répéter.
M. Forget: Alors, pas besoin de relire les discours, je m'en
souviens très bien. Il reste qu'il n'y a rien de nouveau sur la table
dans le moment. Il y a un projet de loi sur les services essentiels qui est
là depuis le mois de juin. Il y a quelques articles de plus, mais ce
n'est pas une question de délai, ce n'est pas une question de
nomination.
On parle des principes, on a dit: On va faire un exposé
général. Les principes, on les connaît déjà
depuis un bon moment. Il est curieux qu'on n'ait pas réfléchi du
mois de juin jusqu'au mois de novembre. La réflexion était en
sommeil, était sur d'autres sujets sûrement plus
intéressants que de protéger le public dans ses services
essentiels.
M. Burns: Ah, bon!
M. Forget: J'espère que c'était vraiment plus
intéressant.
M. Burns: Qui n'a pas présenté le projet de loi en
juin?
M. Forget: Et vraiment plus important. Le projet est là,
quels sont les commentaires qui ont été faits?
M. Burns: Qui n'a pas présenté le projet de
loi?
M. Forget: Qui sont ceux qui se sont faits entendre sur le projet
et qui sont ceux qui, la semaine dernière encore, disaient: Le principe
de ce projet, il y a quelques minutes encore, on est pour, sauf qu'on est
contre?
M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas ce qu'on a dit.
M. Burns: Pas du tout.
M. Bellemare (Johnson): Pas du tout. Le "timing" et le tribunal
du travail dans mon discours de deuxième lecture, ce n'est pas du tout
ce que j'ai dit. Vous ne me ferez pas dire cela, par exemple, ce n'est pas
vrai. Non, dites-le pour n'importe qui, mais pas pour moi.
J'ai écouté le discours du député de
Maisonneuve, ce n'est pas ce qu'il a dit.
M. Burns: Ce n'est pas ce qu'on a dit.
M. Bellemare (Johnson): C'est de la phrase. Faites-en encore!
Le Président (M. Brlsson): A l'ordre, messieurs! Laissez
continuer l'honorable ministre et vous rétablirez les faits
après.
M. Bellemare (Johnson): Non, je suis bien prêt à en
encaisser, mais pas pour cela.
Le Président (M. Brisson): A l'ordre! L'honorable ministre
a la parole.
M. Burns: Je vais retirer mes paroles de gentillesse à
l'endroit du ministre. Je pensais que c'était le seul ministre qui
était objectif dans ce gouvernement. Je m'aperçois que ce n'est
pas exact.
Le Président (M. Brisson): L'honorable ministre des
Affaires sociales.
M. Forget: M. le Président, je pense qu'on a trop
protesté; comme a dit le député de Saint-Jacques: Le jupon
dépasse à ces occasions. Mais laissons cette question, il reste
que le problème qui est devant nous est capital. Je crois que sur cela
nous pouvons être d'accord. Il s'agit d'assurer, le nom même
l'indique, des services essentiels.
On a avancé des arguments pour préserver la
crédibilité de certaines structures établies, pour
préserver certaines procédures d'ordre privé, parce que
ces structures ont été établies pour régler des
conflits privés. Même s'il y a plusieurs individus
impliqués, cela demeure des conflits privés; ce sont des conflits
d'intérêt dans le véritable sens du mot. Ce sont des
intérêts en conflit, des intérêts particuliers.
Sans doute ces procédures sont respectables, sont
vénérables, il faut les respecter. Sans doute les institutions
qu'on a créées pour leur permettre de se développer
normalement sont respectables et doivent être respectées, doivent
être préservées des atteintes qu'on croit supposer qu'on y
a faites. Il demeure qu'il y a un intérêt qui est supérieur
à celui-là ou à ceux-là et cet intérêt
qu'on essaie de défendre est celui du public en général.
Il n'y a pas beaucoup d'assurances qui sont données à ce public,
sauf celui de se dire: Laissez faire les choses, laissez courir les
événements, vous allez voir, les gens sont raisonnables. Encore
une fois, c'est un argument qui ne colle pas à la réalité,
que personne ne peut vraiment croire. Sans doute, nous espérons,
j'espère avec tous les membres de la commission, j'espère avec
tout le monde que nous réussirons à nous entendre.
Malheureusement, ce type de confrontation d'intérêts privés
est tel que parfois on ne s'entend pas.
Il n'est pas question d'abolir le droit d'aller à la limite de
cette confrontation et le Code du travail prévoit que c'est le droit de
grève. Il a effectivement été accordé aux
employés du secteur public et du secteur parapublic, il y a plus de dix
ans. On sait très bien que ce projet de loi n'a pas d'effet de les
priver de l'exercice de ce droit. Mais il faut aussi dire dans le même
souffle que, lorsque ce droit a été accordé, nous
étions dans un contexte bien différent. A ce moment, il
n'était pas prévu, il n'était pas de tradition, il
n'était pas stipulé dans les lois que tout le monde pouvait faire
la grève en même temps, le même jour. Nous n'étions
pas encore rendus là dans notre évolution sociale...
M. Burns: On n'avait même pas le droit de grève
à ce moment-là.
M. Forget:... et économique au Québec. Nous y
sommes maintenant, le climat est différent. Ce qui ne veut pas dire
qu'il faut retirer un droit qui a été donné et qui doit
s'exercer si on doit avoir une issue. Il n'y a pas de substitut au droit de
grève, c'est M. Pepin qui nous l'a dit et qui nous l'a
répété en commission parlementaire vendredi.
Je suis d'accord avec lui. Il n'y a pas de substitut au droit de
grève. C'est l'issue, l'issue ultime et regrettable mais l'issue
nécessaire, parfois, de certaines situations. Il faut que ce droit, pour
pouvoir s'exercer dans le secteur des affaires sociales, s'exerce dans un
contexte tel que l'intérêt essentiel du public, sans charrier,
sans exagérer, soit au moins protégé. Vis-à-vis de
cette responsabilité, le gouvernement, et le ministre des Affaires
sociales tout particulièrement, ne peut pas se croiser les bras et dire:
On vit dans le meilleur des mondes possibles et cela va s'arranger tout seul
d'une façon ou d'une autre. Ce n'est pas vrai.
On a vu l'expérience. On l'a eue sur le nez, l'expérience.
On ne peut pas prétendre qu'elle ne s'est pas produite et on ne peut pas
se réfugier dans des excuses telles: Ah! les gens étaient de
mauvaise foi! Bien oui! mais ils vont peut-être l'être encore de
mauvaise foi. Et alors, où en serons-nous? Nous serons exactement au
même point. Ceux qui sont trop pusillanimes, qui veulent ménager
la chèvre et le chou à ce moment-ci devront subir, si telle
était l'optique que nous envisagions, le fardeau de cette
responsabilité. Je ne veux pas en être. Je ne veux pas être
de ceux qui subissent cet opprobre public pour une responsabilité non
assumée.
On peut discuter des modalités. Là-dessus, bien sûr,
pas de difficulté. On peut en discuter. Certains points qui ont
été présentés par les gens qui ont comparu devant
nous en commission parlementaire sont des points valables. On peut
les regarder. On peut même modifier les textes. Mais de là
à dire: Ne faisons rien, ne menaçons pas nos institutions qui
sont des institutions de convenance pour régler des conflits dans des
intérêts privés. Cela n'a rien de sacré. Il y a un
intérêt qui est supérieur à celui-là. C'est
dans ce contexte que ce projet de loi est présenté, pas dans un
autre.
S'il faut aller jusqu'au bout, s'il faut aller jusqu'à la
grève, il faut pouvoir y aller et il faut pouvoir y aller des deux
côtés, la conscience claire qu'en y allant, nous ne mettons en
danger la vie de personne. Or, nous n'avons aucune assurance dans le moment ni
du côté syndical, ni du côté patronal qu'en allant
jusqu'au bout de nos positions, comme chacun a le droit de le faire, nous ne
mettons pas en danger la vie de citoyens qui n'ont rien à voir avec ce
conflit. C'est une responsabilité que nous ne devons pas prendre que de
courir un tel risque. C'est le but du projet de loi et pas autre chose.
J'ai dit en deuxième lecture j'espère qu'on s'en
souviendra que je n'ai aucune objection à ce qu'il y ait une
bonne grève à la suite d'une bonne négociation, mais qu'il
faut peut-être qu'il y ait une bonne grève et qu'une bonne
grève veuille dire essentiellement ceci, que c'est une grève qui
n'a pas d'effet néfaste, qui n'a pas d'effet tragique sur la
population.
Mais peut-être qu'assuré de cette possibilité d'une
bonne grève dans ce sens, on aura enfin une aussi bonne
négociation. Je ne suis pas sûr qu'à toutes les tables,
nous ayons actuellement une bonne négociation. Quoi qu'il en soit, ce
n'est pas l'objet de ce projet de loi que de nous permettre de régler ce
qui arrive aux tables de négociation. Il faut ouvrir au moins la porte
à l'exercice responsable du droit de grève et c'est un service,
dans le fond, que l'on rend non seulement à la partie patronale
on en parle beaucoup, on dit que c'est le projet de la partie patronale
mais même à la partie syndicale, si elle veut vraiment aller
jusqu'au bout de sa position.
M. le Président, c'est tout ce que j'ai à dire en guise de
remarques préliminaires.
M. Charron: M. le Président...
Le Président (M. Brlsson): Est-ce que l'honorable
député a des questions à poser? C'est parce que nous
avions convenu, avant de suspendre le débat, qu'il y aurait un
représentant de chaque parti...
M. Burns: Non, jamais, M. le Président.
M. Charron: Je suis membre en titre de la commission, M. le
Président.
M. Burns: Un membre de la commission a le droit de parler.
M. Charron: Surtout...
Le Président (M. Brlsson): Je n'ai pas l'intention de vous
enlever votre droit de parole. Sim- plement, je fais cette remarque. Dans les
remarques générales, il était quasiment convenu que
c'était un représentant de chaque parti et qu'après
cela...
M. Burns: J'ai dit que je ne dépasserais pas, M. le
Président, mes 20 minutes. Il n'a jamais été question de
dire qu'il y avait un représentant de chaque parti.
M. Charron: Mes remarques seront brèves, M. le
Président.
M. Burns: M. le Président, je vous le dis bien
honnêtement. Il n'a jamais été question de cela.
Le Président (M. Brisson): Je n'ai pas d'objection
à donner la parole à l'honorable député de
Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, la référence au
XIXe siècle dont s'est servi le ministre des Affaires sociales
était de mise, je pense, parce que si, effectivement, comme il a voulu
le prétendre, les interventions de mes deux collègues de
l'Opposition pouvaient le référer, dans son esprit, à
cette époque.
Il semble évident qu'il ne manquait à ce tableau que
l'attitude patronale du XIXe siècle, ce qu'il vient également de
nous donner pour terminer le tableau.
Je n'ai pas entendu dans les propos d'aucun des députés
intervenant sur le projet de loi en deuxième lecture, comme ici ce soir
en commission parlementaire, d'affirmations comme celle qui voudrait que tout
va pour le mieux dans le meilleur des mondes, que nous n'avons à faire
face qu'au courant normal des relations humaines, que l'entente
prévaudra et que la sécurité du public sera,
automatiquement, assurée.
A moins de vouloir être un patron borné ou à moins
de vouloir être un patron hypocrite qui se prépare
déjà à se masquer en juge, il ne fallait pas entendre cela
dans les propos, mais il fallait plutôt entendre le contraire. Nous
sommes intervenus pour dire le danger réel attaché aux
mécanismes de fonctionnement de ce projet de loi et dire de quelle
façon nous étudierons, article par article, ce projet de loi,
justement parce que tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes,
mais que, précisément, au Québec, actuellement, la
situation financière est plus grave qu'elle ne l'a jamais
été dans son histoire.
S'il faut donc prendre nos interventions pour dire que nous
réclamons le laisser-faire et l'inertie, c'est le contraire. Nous disons
que la situation économique, sociale du Québec, telle que
conduite pas le patron impliqué dans cette entreprise, soit le
gouvernement du Québec, est à ce point grave que chaque
intervention doit être minutieusement étudiée et qu'une
intervention qui serait malheureuse ou qui se voudrait dans la suite
d'attitudes patronales régrogrades, comme celle que le ministre des
Affaires sociales vient de prendre sur un ton pleurnichard, ne ferait
qu'ajouter de l'huile sur le feu qui couve déjà dans la
situation
sociale du Québec. C'est ce que nous avons dit. Autant dans les
interventions du député de Johnson, qui nous suggère un
tout autre mécanisme que celui qu'on retrouve dans ce projet de loi, que
dans celles du député de Maisonneuve, on a dit: Nous avons
été d'accord sur le principe de ce projet de loi, mais attention!
vous avez déjà suffisamment fait de gâchis pour que ce
projet de loi ne soit pas un gâchis supplémentaire.
Si nous sommes dans une période où chacun d'entre nous
entrevoit une période de difficultés sociales graves et
sérieuses, c'est précisément suite à l'action du
patron dans cette attitude. Au moment où le patron se prépare
déjà à devenir un juge, nous voulons lui dire que nous ne
lui permettrons pas d'être n'importe quel juge.
Qu'il devienne, à l'occasion, pour la sécurité du
public, essentiel d'assurer des services essentiels, nous en convenons, mais
à la manière et à la façon rétrogrades dont
le patron s'est toujours conduit dans ce dossier, pas nécessairement.
Loin de là, et c'est ce que nous avons exprimé.
Tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes depuis le
départ dans ce dossier, M. le Président. Loin de là. Nous
vivons dans une société où le partage des richesses est
profondément injuste et inéquitable. Ce n'est pas se fermer les
deux yeux et ce n'est pas s'arroser d'eau de rose que de le
répéter. Nous vivons dans une société où le
pouvoir d'intervention de l'Etat dans le partage des richesses n'est pas aussi
déterminant qu'il pourrait l'être, mais est occasionnellement
déterminant dans certains dossiers, comme celui dont on parle.
Nous vivons dans une société où le gouvernement a
été aveuglé, à certaines occasions, par ses
intérêts partisans, où il a promis des choix qui
deviennent, pour la société québécoise,
éminemment coûteux. Nous en sommes à $1.1 milliard
d'emprunt pour ce seul exercice financier; nous conduisons,
pêle-mêle, des projets gigantesques dont ni vous ni moi, M. le
Président, ne connaissons l'aboutissement final ou même le
coût actuel: les Jeux olympiques dont nous avons hérité par
suite d'une négligence criminelle de ce gouvernement et la baie James
qui constitue le mystère financier et politique de toute cette
décennie.
Tout cela fait partie du monde réel dans lequel nous vivons, et
ce n'est pas le meilleur des mondes. Il n'y a pas un député
conscient de l'Opposition, qui surveille l'attitude d'administrateur des fonds
publics de ce gouvernement, qui pourrait prétendre aujourd'hui que
précisément il faut laisser aller la chose comme dans le meilleur
des mondes.
C'est précisément parce que le gouvernement a
dépensé des fonds publics et a provoqué les citoyens par
ses décisions politiques que nous pouvons estimer que ce n'est pas le
meilleur des mondes. C'est donc le conflit le plus sévère que
nous puissions entrevoir qui est à l'horizon. Donc, toute intervention,
surtout celle qui arrive au milieu d'une négociation, doit être
encore plus méti-culeusement étudiée. C'est ce que nous
avons soutenu depuis le début. Le monde réel, c'est cela.
Nous vivons dans une société où le ministre de la
Fonction publique nous répond, les bras croisés: Je n'ai pas
d'information à vous donner sur les offres patronales et syndicales.
Je n'ai pas d'informations à vous donner là-dessus, et la
masse salariale, on n'y touchera pas. Ils vont se contenter de cela et on va
les "tougher" et ils feront la grève s'ils veulent. C'est cela le monde
réel dans lequel nous vivons. Ce n'est pas le meilleur des mondes. Et,
quand on pose des questions sur la discrimination à l'intérieur
des offres, il nous dit: Je ne m'occupe pas de niaiseries. Quand on parle de
discrimination à l'intérieur même des offres dans le
secteur social entre les infirmières et les aides-infirmières,
les écarts accrus et maintenus entre hommes et femmes à l'endroit
du secteur des affaires sociales tels que présentés par le
ministre même qui vient de pleurnicher sur la situation, c'est cela le
monde réel. Ce n'est pas le meilleur des mondes, je ne peux pas le
dire.
Et quand on demande de faire attention au mécanisme qu'on va
adopter, surtout au moment où on choisit de le faire intervenir, c'est
parce qu'on sait dans quel monde cela intervient. Si c'était le meilleur
des mondes, si on n'avait pas un gouvernement qui est en train de nous endetter
par-dessus la tête, si on avait un gouvernement qui s'était
occupé d'aller chercher l'argent là où il était...
sans en avoir le contrôle à d'autres endroits, si on était
un gouvernement qui, au lieu de déposer en sept ou quinze points ses
litiges avec le gouvernement fédéral, s'occupait d'aller chercher
l'argent qui nous appartient là-bas, ce serait peut-être bien une
autre chose. Ce n'est pas le cas, c'est loin d'être le meilleur des
mondes. D'où l'importance de s'assurer du mécanisme que le patron
invente juste avant de se déguiser comme juge, avec déjà
tout le lyrisme pleurnichard dont on vient de goûter la première
once, et ce n'est pas fini, Dieu merci! Cela va probablement aller
jusqu'à la loi d'exception, cela se maquillera dans les injonctions en
vertu de l'article 99, cela s'utilisera dans les mécanismes
prévus de cette loi à l'article 10 ou 11 quand le patron choisira
ses juges.
Tout cela est à l'intérieur. C'est loin d'être le
meilleur des mondes. Et les députés de l'Opposition interviennent
pour dire, en remarques préliminaires avant l'étude article par
article: N'oubliez pas de quoi on est en train de parler. On est en train de
parler d'un mécanisme qui doit intervenir à la suite de
négligences et d'actions passées du gouvernement. Si nous sommes
aujourd'hui en train de décider, de façon législative,
comment assurer les services essentiels, c'est parce que nous tous convenons
que la gestion actuelle des affaires québécoises depuis cinq ans
nous a légitimement conduits à penser qu'il était possible
de prévoir des ententes en bonne et due forme entre patron et syndicat.
C'est parce que cela s'est pourri au cours des dernières années,
parce que les choix politiques qui ont été faits de l'autre
côté, de la part du gouvernement, ont grevé les
capacités financières. Les employés du secteur public et
parapublic ont vu cette gestion, ont été conscients de cette
gestion. Et quand ils font des demandes
salariales et se font dire que le gouvernement n'a pas d'argent et
qu'ils voient en même temps leur même gouvernement, leur "boss" qui
se prépare déjà à devenir juge, ramasser une
patente de $600 millions de déficit et investir de $11 milliards
à $15 milliards à la baie James sans savoir ce qu'on sait, ce ne
sont pas des caves, eux non plus. Ce n'est pas pour rien qu'on sait qu'on n'est
pas dans le meilleur des mondes. On sait qu'on a probablement le pire des
gouvernements que le Québec ait jamais eu.
A l'horizon de tout cela, il y a les victimes possibles. Qu'on ne
pleurniche pas et qu'on ne se maquille pas de l'attitude de défenseurs
de l'intérêt public et je ne veux pas subir l'opprobre qui me
reviendra nécessairement. Vous l'avez déjà l'opprobre,
vous l'avez déjà l'opprobre des Québécois. La masse
salariale inamovible que vous avez présentée, la discrimination
contenue à l'intérieur de ces offres méritent
déjà l'opprobre qui est là. C'est bien évident que
les victimes ne doivent pas être des Québécois qui sont
déjà ceux qui paient des taxes et qui vous les remettent entre
les mains pour que vous les administriez de la façon dont vous le faites
depuis cinq ans.
Il est bien normal que nous ne passions pas non plus là-dessus.
Les victimes possibles, celles sur lesquelles on se prépare
déjà à intervenir de façon mélancolique sont
des gens qui ont payé des taxes. Ce sont leurs taxes à ces gens,
à ces malades, à ces gens dans les centres de services sociaux,
à ces gens dans les foyers d'accueil. Ce sont leurs taxes, c'est leur
argent que vous avez gaspillé dans les Jeux olympiques, que vous avez
gaspillé dans les services de la baie James et que vous serrez
volontairement lorsqu'il s'agit de payer les employés qui sont ceux qui
les touchent directement là où ils se trouvent et là
où ils peuvent devenir des victimes.
Nous n'avons pas à faire de choix aveugles, je suis d'accord
là-dessus avec le ministre. Au contraire, nous avons à faire des
choix méticuleux dans ce projet de loi. Un mécanisme qui ne
ferait qu'accroître le pouvoir d'intervention patronale dans ce dossier,
qui prépare déjà son intervention couverte d'hypocrisie
comme juge dans ce dossier est un mécanisme qui ne fait
qu'accroître les possibilités qu'il y ait de nombreuses victimes
dans le dossier.
C'est donc dans cet état d'esprit que nous devons étudier
le projet de loi. Si c'était dans le meilleur des mondes, nous n'aurions
même pas voté pour le principe de ce projet de loi. Si les
services essentiels nous apparaissaient d'ores et déjà
assurés, nous n'aurions pas apporté notre concours. Mais
maintenant que nous sommes à discuter le mécanisme, maintenant
que toute cette Assemblée s'est dite d'accord pour que les services
essentiels soient assurés, nous n'allons pas nous fourvoyer dans le
mécanisme à prendre pour le faire, sinon notre attitude n'aurait
été que de l'hypocrisie. C'est malheureusement ce qu'il faut
découvrir dans la dernière intervention du ministre des Affaires
sociales.
Déjà on se prépare à une deuxième
lecture du projet de loi mettant fin à une grève légale.
Tout cela est à l'horizon dans le projet de loi 253. Il faut juste voir
la façon dont le ministre vient de répondre aux critiques de
l'Opposition, la façon puritaine dont il a envoyé les critiques
en les refoulant au 19e siècle pour voir que déjà il ne
veut rien savoir. Le "boss" se prépare à un affrontement. Il a
aussi la première étape qui lui permettra de se convertir en juge
et il nous dit: Je n'hésiterai pas à le faire une deuxième
fois, si cette étape n'est pas nécessaire ou n'est pas
efficace.
Bien si c'est de même, M. le Président, qu'on aborde le
dossier en plein milieu des négociations, c'est réel que cela ne
fonctionnera pas. C'est réel et attendons-nous donc à une
étude du projet de loi qui soit plus minutieuse que celle-là.
Nous sommes d'accord pour assurer les services essentiels, le ministre est
d'accord pour assurer les services essentiels, en cas de conflit de travail. Il
sait que la gestion de son gouvernement conduit de façon imminente
à ce conflit de travail qui apparaîtra sur la carte sociale du
Québec. Bien que nous prenions le temps non seulement d'étudier
le mécanisme que le patron prépare, mais au besoin de modifier
considérablement le mécanisme préparé par le
patron, parce que s'il en va véritablement de l'intérêt
public. Il faut croire que c'est plus important que l'intérêt
gouvernemental et que s'il faut "scrapper" le projet de loi gouvernemental qui
est devant nous, parce qu'il ne fait qu'attiser le feu qui couve
déjà dans le domaine social, on le "scrappera".
Mais, le principe qui nous a réunis alentour de cette table,
celui d'assurer les services essentiels doit l'emporter sur n'importe quel
intérêt partisan du patron-gouvernement. C'est avec cet esprit, M.
le Président, qu'il faut le regarder. Nous avons convenu du principe. Le
mécanisme est maintenant quatorze fois plus important que le principe.
Quand même on se roulerait à terre pour dire qu'il faut assurer
l'intérêt public et qu'aucun d'entre nous ne subisse l'opprobre de
l'opinion publique pour avoir manqué à son devoir, tout cela
n'est que tartuferie pour le moment.
La vraie condition, pour l'intérêt public réside
dans le mécanisme même de l'établissement des services
essentiels que nous nous apprêtons à étudier. Quels
qu'aient été les deux discours de deuxième lecture, si
nous devions sortir à la fin de cette étude article par article
avec ce même projet de loi, avec ces mêmes mécanismes, sans
altération profonde autre qu'une considération qu'on se vanterait
d'avoir eu en discussion par la suite mais qui n'apparaîtrait pas dans le
texte de loi, alors nous n'aurions pas à assurer les services essentiels
et alors le gouvernement mériterait déjà, comme il le
mérite depuis le début de sa gestion de ce dossier, l'opprobre
public qu'il craint de recevoir à la suite des remarques des
députés de l'Opposition.
Le Président (M. Brisson): Le député de
Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: M. le Président, ce qui nous
ramène surtout, avec le dernier discours qu'on vient d'entendre, au XIXe
siècle, c'est qu'au
XIXe siècle comme à notre siècle, les gens sont
motivés beaucoup plus par leur intérêt personnel, qu'il
soit financier ou qu'il soit politique, que par les intérêts
particuliers de ceux qui, à un moment donné, dans le public se
trouvent sans défense.
Ce qui est au XXe siècle dans nos institutions actuellement,
c'est que nos hôpitaux sont étatisés. Malgré qu'on
accuse le gouvernement et notre société d'être basés
sur l'appât du gain et sur le système de l'entreprise
privée, il reste que, dans ce secteur en particulier, ces gouvernements
représentatifs de l'industrie privée et de la philosophie de la
libre entreprise ont bien voulu socialiser tout le système des
hôpitaux dans la province de Québec. Cela n'est certainement pas
du XIXe siècle, c'est bien du XXe siècle.
Si la population a accepté et si les gouvernements ont
accepté cette socialisation, c'est qu'on a senti que les hôpitaux
étaient, en somme, un service essentiel à la population, c'est
qu'on n'a pas voulu laisser les propriétaires des institutions faire des
profits à même les malades, à même ceux qui
souffrent. En plus, on a calculé qu'un droit aux soins médicaux
et à l'hospitalisation était un droit strict de tout citoyen,
quels que soient ses revenus et sa situation sociale.
D'un autre côté, ce qui est bien aussi du XIXe
siècle, c'est la grève et les syndicats. Si les syndicats ont
débuté dans le passé, cela a été une
réaction, si vous voulez, contre les abus de la libre entreprise, contre
les abus des profits exagérés, des conditions de travail
abominables, etc. Ces syndicats, avec les décades, ont oeuvré
aussi dans les champs d'activités socialistes comme les hôpitaux.
Aujourd'hui, les syndicats ne peuvent certainement pas se piquer de
défendre leurs syndiqués contre des abus de profits parce qu'il
n'y a pas d'abus de profits. Leur employeur, c'est le public, par l'entremise
du gouvernement dûment élu et démocratiquement élu,
de la façon la meilleure qu'on puisse le faire avec l'état des
choses au XXe siècle. Voilà que les syndicats vont
déclarer une grève légale. Cela leur est permis par le
Code du travail, mais c'est tout de même, à certains points de
vue, si on veut philosopher, un certain non-sens.
Je ne suis pas nécessairement contre le fait qu'il y ait des
syndicats, même dans les champs d'activité les plus socialistes,
parce qu'il reste qu'il y a des conditions de travail à discuter et
à établir. Il y a une rémunération, etc. Pour ce
qui regarde les hôpitaux, je suis le premier à admettre qu'il y a
bien des employés dans nos hôpitaux qui ne sont pas
rémunérés en concordance avec les services qu'ils rendent.
Mais la grève, c'est la grève, surtout dans la province de
Québec, on le sait. Souvent, cela crée des situations
anarchiques. S'il y avait des députés ici aujourd'hui qui
étaient responsables et élus par les malades dans les
hôpitaux, je crois que le débat se ferait sur un palier beaucoup
plus désintéressé et beaucoup plus
élevé.
Ce qu'il y a du XIXe siècle dans le système actuel ou dans
l'état des choses actuel c'est qu'encore les gens se battent pour leur
profit, qu'il soit politique ou qu'il soit pécuniaire. Comme au XIXe
siècle, qui en souffre? Ce sont les plus dépourvus, ceux qui ne
peuvent pas se payer le luxe de faire sentir leur poids, ceux qui ne peuvent
pas crier leur misère. Il faut être allé à
l'hôpital pour savoir l'atmosphère qui peut exister et ce que peut
ressentir un malade qui est absolument dépendant des autres pour ses
soins les plus élémentaires et basiques.
Ce qui est du XIXe siècle, c'est qu'on n'est pas tellement plus
civilisé, même un siècle après, parce qu'encore pour
ses intérêts personnels on est obligé de piaffer et de
piler sur ceux qui sont sans défense. On se bat sur une loi; tout le
monde admet le principe. On veut la tuer par des formalités. A qui
peut-on faire confiance si on est simplement sensibilisé aux
intérêts du public en grève? Aux syndicats, en particulier?
On connaît la réputation des syndicats, on l'a vue par
l'enquête Cliche, on l'a vue par les abus qui se sont faits. Tout le
monde sait que les syndicats, ce n'est pas démocratique. On sait tous
cela. Quand les syndicats ont-ils été tellement
sensibilisés à l'intérêt du public en
général, quand? Les syndicats, comme les gens du XIXe
siècle, actuellement... Je n'aurais pas donné ces descriptions il
y a un demi-siècle, par exemple, où les chefs syndicaux
étaient simplement des travailleurs comme tout le monde, qui risquaient
leur sécurité et leur peau pour l'intérêt de leurs
collègues. Aujourd'hui, que sont les chefs syndicaux si ce ne sont pas
des professionnels des syndicats qui sont grassement payés pour faire
l'ouvrage qu'ils font?
Ils sont obligés, parfois, de marcher selon les
intérêts, non pas de la communauté, mais selon les
intérêts bien définis et bien particuliers de ceux qu'ils
sont appelés à servir et qui, bien souvent, n'ont rien à
faire avec le bien de la communauté. Alors, qu'un gouvernement
responsable veuille, dans le contexte actuel, protéger ceux qui vont
voir leur intérêt et leur propre sécurité en jeu,
dans un conflit exclusivement d'intérêts, non pas de principes, il
me semble que c'est la chose la plus normale possible pour un homme qui est
responsable, non pas devant les syndicats, non pas devant le gouvernement mais
devant le public. Ce sont des choses que le public sait. Si nous étions
tous, au tour de cette table, conscients de l'intérêt de
l'impuissant qui va être à l'hôpital au cours d'une
grève, le débat aurait pris une tout autre tournure. On n'aurait
pas fait le procès du gouvernement dans un contexte semblable. On veut
une loi, on admet le principe de ce projet de loi; bien, parlons-en donc
froidement, d'une façon positive et objective sans passion. Qu'on
détermine la meilleure façon dont on doit prendre
l'intérêt du malade. Il me semble que c'est évident et que
cela devrait être simple à faire, si on vit au XXe
siècle.
Le Président (M. Brisson): Le député de
La-porte.
M. Déom: M. le Président, je serai très
court. J'ai suivi avec beaucoup de respect l'intervention du
député de Maisonneuve, ainsi que le spectacle du
député de Saint-Jacques. Je suis presque inter-
venu pour le rappeler à la pertinence du débat quand II a
commencé à nous parler de la baie James et des Jeux olympiques.
Il m'a fait penser à la journaliste, l'autre jour, qui ne faisait pas la
différence, quand elle interviewait le premier ministre du
Québec, entre les dépenses courantes et les investissements. Le
député de Saint-Jacques vient parler des travailleurs qui voient
le gouvernement dépenser pour reprendre en charge la Régie des
Jeux olympiques et la baie James. Mais peut-être que les syndicats
devraient donner aux travailleurs un petit peu de formation économique
pour leur montrer la différence entre une dépense courante et un
investissement. On ne finance pas à même des emprunts les
dépenses courantes et je pense que cela, c'est une chose sur laquelle il
faut revenir sans cesse, parce que c'est extrêmement important.
Le deuxième point que je voudrais souligner, c'est qu'on
s'étonne, puis on traite d'hypocrisie le fait que le gouvernement
dépose une loi visant à assurer les services de santé et
les services sociaux essentiels. Mais cette loi s'inscrit dans la dynamique,
puis dans la philosophie du Code du travail. Le député de
Maisonneuve, était présent, par l'entremise de ses
représentants, en 1964, quand cela a été voté et
quand on a accepté de donner le droit de grève.
M. Burns: J'étais bien plus présent que cela.
L'ancien ministre du Travail peut vous le confirmer.
M. Déom: Le ministre du Travail était là, je
me rappelle très bien.
M. Burns: Pas à cette époque, mais en 1969.
M. Bellemare (Johnson): J'étais dans l'Opposition, en
1964.
M. Déom: Oui, vous étiez assis à
côté du chef de l'Opposition, je me le rappelle très
bien.
M. Bellemare (Rosemont): Puis le député de
Maisonneuve travaillait pour le Parti libéral dans ce
temps-là.
M. Déom: Vous avez voté pour la loi.
M. Bellemare (Johnson): J'ai apporté 61 amendements que M.
Lesage a acceptés.
M. Déom: Oui, d'accord. Ce que je veux soulever, c'est
que, quand le gouvernement et l'Opposition, en 1964, ont accepté de
donner le droit de grève dans les services publics et dans la fonction
publique, on a automatiquement confondu; on a mis le gouvernement dans une
situation qui est extrêmement difficile à tenir, celle
d'être à la fois le législateur et l'employeur. Je me le
rappelle parce que j'ai fait des représentations en 1964 devant le
comité des bills privés, et vous étiez là. On ne
peut s'imaginer que le ministre des Affaires sociales, une journée, se
regarde dans le miroir, puis il se dit aujourd'hui: Je suis un
législateur; de- main, je suis le négociateur. C'est toujours le
même homme. Alors, quand les gens du Québec ont accepté
cette loi en 1964, ils ont automatiquement admis qu'il fallait que le
gouvernement intervienne et utilise son pouvoir politique. Ce n'est pas de
l'hypocrisie; c'est inscrit dans la dynamique même du Code du
travail.
Ce qu'il aurait fallu faire, c'est leur refuser le droit de grève
et dire, comme le premier ministre du temps: La reine ne négocie pas
avec ses sujets. En tout cas, on ne reviendra pas sur cette discussion. Je
voudrais juste souligner ces deux points. Quand la société
québécoise, en 1964, a accepté de donner le droit de
grève à un service public, elle a accepté, en même
temps que le gouvernement joue à la fois le rôle de
législateur et le rôle d'employeur, et on ne peut pas demander
à des individus d'être des Dr Jekyll et Mr. Hyde. C'est dommage,
mais c'est toujours le même homme. Cette loi s'inscrit dans la dynamique
même du Code du travail et je ne pense pas qu'on puisse traiter le
gouvernement d'hypocrite. C'est normal, le gouvernement utilise les moyens
à sa disposition. Et comme employeur, un des moyens qu'il a, c'est
l'Assemblée nationale et la souveraineté de l'Assemblée
nationale. Que voulez-vous? On a copié, en 1964, les mécanismes
de l'entreprise privée pour les mettre dans le secteur public sans
penser que la convention collective et la grève avaient
été développées pour et par l'entreprise
privée pour régler des problèmes de l'entreprise
privée et non des problèmes du secteur public.
M. Burns: Mais c'est contre le droit de grève même
que vous êtes.
M. Déom: Je ne parle pas contre le droit de grève.
Je dis que lorsqu'on traite le gouvernement d'hypocrite, on charrie, parce que
cette loi s'inscrit dans la suite logique de la loi de 1964.
M. Bellemare (Johnson): Le député de Laporte sait
bien que c'est le "timing" qui n'est pas bon.
M. Déom: Pardon?
M. Bellemare (Johnson): Le député de Laporte sait
que c'est le "timing" qui n'est pas bon. C'est sûr et certain.
M. Burns: Vous êtes bien trop expérimenté
dans ce domaine pour accepter que ce soit normal qu'en plein cours de
négociations, on nous arrive avec un projet de loi comme cela.
M. Déom: Le député de Maisonneuve sait
très bien qu'en négociations un employeur, qu'il s'appelle le
gouvernement ou ITT ou IT and T, ou n'importe qui, va utiliser tous les moyens
à sa disposition pour régler le conflit en sa faveur.
M. Burns: Y compris celui de passer une loi à cause
de...
M. Déom: C'est normal, cela s'Inscrit même dans la
logique du Code du travail.
M. Burns: D'accord. Parfait.
M. Charron: C'est cela qu'on se désâmait à
dire tout à l'heure...
M. Déom: Ne venez pas traiter le gouvernement
d'hypocrite.
M. Charron: C'est ce qu'on a dit tout à l'heure et il nous
a dit qu'on était du XIXe siècle. Un patron essaie toujours de
mettre les cartes de son bord.
Le Président (M. Brisson): A l'ordre, messieurs! Le
député de Laporte a-t-il terminé?
M. Déom: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Brisson): Je vous remercie. Article
1.
M. Burns: Vous avez terminé sur un point d'ordre. Je dois
vous le dire.
Le Président (M. Brisson): Paragraphe a),
adopté?
M. Burns: C'est une admission absolument... Non, M. le
Président.
M. Bellemare (Johnson): Un instant, M. le Président.
M. Burns: M. le Président, à l'article 1 a) on
définit l'établissement comme étant un
établissement au sens de la Loi sur les services de santé et les
services sociaux 1971, chapitre 48. Cela est une question pour laquelle on
n'avait pas besoin du ministre du Travail, alors je m'adresse à la bonne
personne, il n'y a pas de doute. J'aimerais que le ministre des Affaires
sociales nous dise quel est le nombre des établissements
concernés par la définition qui apparaît au paragraphe a)
de l'article 1.
Je vais vous dire pourquoi, cette question. Ce n'est pas pour avoir
l'air "cute" mais je pense que cela peut éventuellement nous diriger
quant à la façon d'envisager les mécanismes. Si on est
face à deux ou trois établissements, il y a un certain
mécanisme dans la loi qui m'apparaît comme étant
possible.
Si on se retrouve vis-à-vis de plusieurs établissements,
là j'ai le droit de me poser des questions vis-à-vis du
mécanisme. C'est pour cela que je pose cette question à ce
stade.
M. Forget: Le nombre dont il est question est effectivement un
nombre très élevé. Cependant, le problème ne se
pose pas, et c'est la raison pour laquelle il y a d'autres dispositions dans la
loi qui laissent des possibilités d'interprétation. Il y a
même la notion de services essentiels elle-même qui n'est pas
définie en termes descriptifs parce qu'il y a des circonstances
extrêmement diverses.
Je dirais que pour la majorité peut-être, en nombre, des
établissements, le problème ne se pose effectivement pas sauf
qu'ils appartiennent à des catégories générales,
soit centres hospitaliers. On parle là d'environ 250 centres
hospitaliers à travers le Québec. On parle de plusieurs centaines
de centres d'accueil.
M. Burns: Combien de centaines?
M. Forget: A peu près 700 centres d'accueil, je crois. Au
total, environ 1,300 établissements.
M. Burns: Est-ce que cela veut dire, à toutes fins
pratiques, en admettant que la négociation se fasse au niveau local et
que, d'autre part, il y ait, comme on le vit depuis au moins deux
négociations, presque trois, une forme de front commun, il y aura
quelque 1,300 négociations, si jamais le front commun est global, total,
de services essentiels? Je précède la loi parce qu'il y a
d'autres dispositions dans la loi qui nous disent qu'il devrait y avoir des
négociations et que, si cela ne marche pas, il va y avoir
également par la suite des décisions qui devront être
rendues.
J'admets d'avance avec le ministre, comme il l'indiquait, que même
s'il me disait oui à la question que je viens de lui poser, cela ne veut
pas dire nécessairement qu'il y aura mésentente dans les 1,300
cas, d'accord. Mais est-ce que cela veut dire quand même qu'il y aura
1,300 négociations?
M. Forget: Théoriquement, oui.
M. Burns: Théoriquement, c'est peut-être cela.
M. Bellemare (Johnson): Le ministre a déclaré, le 6
décembre, dans le Nouvelliste je retrouve l'article et j'aimerais
lui rappeler cela que "les services essentiels seront
déterminés dans chaque hôpital, dans chaque centre
d'accueil ou autre établissement en fonction de ses
caractéristiques et des besoins particuliers de la clientèle".
Cela veut dire qu'il y aurait des négociations et peut-être encore
beaucoup plus que 1,300.
M. Forget: Pourquoi plus que 1,300?
M. Bellemare (Johnson): Parce qu'il peut y avoir d'autres
services, dans le ministère des Affaires sociales, qui sont
affectés par cela aussi. Vous avez tous les services
assimilés.
M. Forget: On reviendra tantôt à la notion
d'organismes assimilés. Effectivement, vous avez raison de dire que cela
doit être fait selon les circonstances locales dans chacun des
établissements. Dans certains cas, cela peut être
extrêmement sommaire et cela l'est effectivement. Dans certains cas, le
problème des services essentiels ne se pose pas à strictement
parler, ou s'il se pose, il peut être tranché de façon
extrêmement sommaire. On parle de centres d'accueil, dans cer-
tains cas, de 40 places ou de 35 places où on sait d'avance quel
genre de services doivent absolument être maintenus, et où il n'y
a pas, étant donné le petit nombre de personnel, la relation
étroite qui existe entre la direction et le personnel. On le sait
d'avance et on arrive facilement à des ententes. Dans le passé,
ce n'est pas là qu'ont été les problèmes, encore
que, théoriquement, il puisse y en avoir partout. C'est effectivement
dans les centres hospitaliers que se retrouvent les problèmes.
M. Burns: Saviez-vous, M. le ministre, soit dit en passant
je voudrais vous demander la permission d'ouvrir cette parenthèse
qu'au moment même où on discutait du projet de loi,
c'est-à-dire vendredi dernier j'admets la confiance que vous
venez d'énoncer le comité de négociation patronal
des affaires sociales a refusé systématiquement de
négocier, vendredi dernier, le 12 décembre, pendant que la
commission parlementaire siégeait, lorsqu'il a été
invité à le faire par un conseiller syndical, en l'occurrence
concernant l'hôpital Saint-Sacrement de Québec? Saviez-vous cela?
Ce sont des faits.
On a beau parler de nos attitudes très XIXe siècle, etc.
Je me sentais quasiment, tout à l'heure, avec une fraise autour du cou
et une épée en bandoulière.
M. Forget: Cela vous irait bien!
M. Burns: Peut-être. Peut-être que cela me ferait
bien. Malheureusement, ce n'est plus à la mode. Vous ne me verrez pas
avec cela, je vous le promets. Dans les prochains mois, vous ne me verrez avec
ni l'un ni l'autre des deux appareils que je viens de mentionner.
Par contre, il y a là des faits assez précis qui font
qu'à un moment donné, alors même qu'on discute de cela,
alors même que vous avez des représentants de centrales syndicales
qui viennent nous dire:
Faites-nous confiance, on est prêts à l'essayer, vous avez
l'air de mettre le fardeau, partout, sur le dos des centrales syndicales, alors
que tout le monde sait que, lors de la dernière négociation en
1972, dans la majorité des cas où cela a bloqué au niveau
des services essentiels, ce sont les administrations des établissements
hospitaliers qui ont bloqué et qui ont dit: C'est bien simple, on n'en
discute pas; on veut tout ou rien. Est-ce que le ministre est au courant de
cela? Je veux dire que cela aussi, c'est un élément de confiance
qu'il est important d'avoir, tant de votre côté que de notre
côté, avant l'examen complet du projet de loi, avant d'en arriver
aux mécanismes.
Il y a quelque chose qui sera, éventuellement, sous-tendu par
cela, quand on dira, par exemple, comment cela se fait une négociation
des services essentiels.
Je vous l'ai dit l'autre soir, dans mon discours de deuxième
lecture. J'en ai négocié, dans le passé, des services
essentiels; je n'ai eu besoin de personne pour m'imposer des règles du
jeu, ni quoi que ce soit; je n'ai pas eu besoin de tant de jours pour
négocier cela. Cela s'est fait en quelques heures et, habituellement, en
moins de 24 heures, sauf dans un cas où cela a pris trois jours. Dans
chaque cas, cela a réussi parce que, de part et d'autre, on
s'était dit: II faut quand même les assurer, ces services
essentiels.
La partie syndicale, actuellement, imaginez-vous donc qu'elle y croit
à cela. Je me demande sérieusement si la partie patronale y
croit, actuellement. Tout en prenant acte de l'admission du
député de Laporte, tout à l'heure, à l'effet qu'un
patron a le droit d'utiliser les tactiques qu'il voudra et moi j'inclus
dans ce système de tactiques, peut-être le projet de loi no 253
si c'est le cas, je m'inquiète beaucoup quand je sais...
M. Déom: Une stratégie.
M. Burns: Vous aimez mieux stratégie? C'est la même
chose. Une stratégie, c'est une série de tactiques. C'est
l'accumulation des tactiques qui fait une stratégie. En tout cas, cela
donne le même résultat en fin de compte. Je m'en remets à
l'expérience de négociation du député de
Laporte.
Il y a quelque 1,300 établissements ce n'est pas tout, il
y a le paragraphe b) aussi où il faudra peut-être nous donner des
explications; combien d'établissements sont visés au paragraphe
b) visés au paragraphe a)? Des établissements au sens de
la Loi sur les services de santé et les services sociaux, il y en a
1,300. Si déjà, alors qu'on n'a pas la pression de la loi, alors
qu'il n'y a pas le mécanisme coercitif qui nous est amené par le
projet de loi, dans un cas et ce n'est pas un hôpital secondaire,
l'hôpital Saint-Sacrement à Québec vous avez une
attitude comme celle-là, quelle confiance le ministre a-t-il en la
possibilité que sa loi puisse éventuellement être mise en
application?
Ne suis-je pas en droit de me poser cette question dès l'article
1?
M. Forget: M. le Président, non seulement le
député de Maisonneuve est en droit de se poser des questions,
mais je pense qu'il est en droit d'avoir des réponses. Je
désespérais un peu de la lui donner, mais je le remercie de
l'opportunité qu'il me donne.
M. Burns: C'est pour cela que j'ai arrêté,
j'attendais la réponse.
M. Forget: J'avais peur d'oublier votre question. Le
député de Maisonneuve répète une
interprétation ou une thèse j'irais même
jusqu'à dire une hypothèse qui a été
défendue devant nous vendredi dernier, à l'effet que, soi-disant,
la partie patronale aurait refusé récemment de négocier
les services essentiels. C'est le contraire de la vérité.
Il est clair on l'a dit et on va le répéter encore
que, depuis des mois, depuis le mois de mai de cette année, la
partie patronale a demandé de négocier les structures à
mettre en place pour assurer les services essentiels. On nous a dit
à
l'époque: Oh! On n'est pas pressé! Cela peut venir plus
tard!
Plusieurs mois plus tard, on nous a dit: Oui, peut-être qu'on peut
commencer à en discuter. Au moment du dépôt du projet de
loi no 253, celles des centrales qui n'avaient pas encore donné une
réponse négative ne s'étaient pas encore exprimées
sur ce sujet.
Donc, s'il y a eu des lenteurs dans la négociation d'une
structure qui aurait peut-être pu se substituer au projet de loi actuel,
je pense qu'il ne faut pas mettre le blâme sur une hésitation,
même un refus, encore moins un refus de la partie patronale. Il y a eu
une suggestion de le faire et on nous a reportés à plus tard. Une
fois qu'on a finalement commencé, on n'avait quand même pas encore
de réponse de tous côtés de façon à
être assurés d'une situation où ce serait complet. Il ne
s'agit pas de convenir avec une centrale dans un cas particulier.
Pour ce qui est de la période actuelle, on a cité M.
Pleau, qui est le président du comité patronal de
négociation; on l'a cité de travers. Je ne suis pas intervenu
vendredi, puisque c'était une affirmation que nos invités
faisaient, je les ai laissés parler; mais comme vous reprenez encore la
même thèse, ou la même hypothèse, je peux vous dire
que ce n'était pas du tout de cela qu'il s'agissait mais de la question
de négocier les services essentiels pour des périodes où
le droit de grève n'est pas acquis. C'est tout autre chose, c'est tout
autre chose.
Pour ce qui est de la négociation, il est faux à mon avis
de prétendre que c'est parce que la partie patronale n'était pas
intéressée, en 1972, de négocier les services essentiels
qu'ils n'ont pas été négociés. D'ailleurs, il est
faux de dire qu'ils n'ont pas été négociés puisque
tout le monde s'accorde à dire qu'il y a eu des ententes; il y en a eu
plus d'une centaine. Même lorsqu'il y en a eu, il y a eu non-respect des
ententes. Il faut aussi se poser cette question, même si on
réussit à les négocier. Il y a parfois une autre
étape qu'il faut franchir. Mais, indépendamment de cela, il ne
s'agit pas du respect des ententes, il s'agit de savoir s'il y en a eu; il y en
a eu et donc au moins dans ces cas-là, la partie patronale a dû
être consentante à négocier puisqu'il y a eu des ententes.
Il y a eu effectivement, généralement, un désir de la
partie patronale de négocier. Je peux vous assurer, assurer les membres
de cette commission, M. le Président, que le désir de
négocier des services essentiels est maintenu au moins aussi intense et
davantage même si nous sommes assurés que ces négociations
ne seront pas un vain mot mais qu'il y a un mécanisme pour en assurer le
respect. Il n'y a aucune diminution dans notre ardeur, du côté
patronal, à négocier des ententes portant sur les services
essentiels. De fait, il est essentiel que ces négociations soient la
voie normale pour déboucher sur la garantie de services essentiels. Ce
n'est que par exception, si les parties font défaut de s'entendre, qu'il
faut envisager un autre mécanisme et il faut bien qu'il y en ait un
à ce moment-là. Mais encore une fois, je ne re- viendrai pas
là-dessus, l'hypothèse privilégiée c'est qu'il y
ait entente sur les services essentiels pendant la période de
grève et c'est le point de vue que nous allons maintenir pendant toute
cette négociation. C'est le point de vue que nous allons maintenir au
sein du comité patronal de négociation et nous allons voir
quelles sont les mesures concrètes qu'il faut prendre pour s'assurer que
ce désir ne soit pas simplement un voeu pieux mais se manifeste
concrètement partout où il doit se manifester.
M. Burns: Je dois dire avec le ministre qu'évidemment tout
le monde souhaite que des négociations soient menées à
bien. Tout le monde le souhaite; même les centrales syndicales qui sont
venues devant nous nous ont même suggéré une formule qui
excluait toute possibilité d'être tranchée via une
tierce-partie, dans le cas où l'entente n'aurait pas lieu. Donc, elles
se fiaient très fortement c'est peut-être cela qui est
très XIXe siècle dans l'esprit du ministre sur le fait que
les gens auraient la grandeur voulue pour en arriver à une entente. Mais
là où je ne comprends pas le ministre, c'est que, dans sa
réponse il me dit qu'il faut faire la distinction entre la
période où le droit de grève est acquis, la période
je ne sais pas quelle expression le ministre a utilisée mais il a
fait une distinction sur le fait qu'il y avait une certaine période
où le droit de grève n'était pas acquis et cela changeait
beaucoup de choses. Est-ce que le ministre veut préciser ce qu'il
voulait dire par là?
M. Forget: Bien, M. le Président, je ne suis pas pour
faire un cours de droit du travail au député de
Maisonneuve...
M. Burns: Vous n'avez pas besoin de me le faire, j'ai
enseigné ce...
M. Forget: ... je pense que la distinction est bien connue entre
le moment qui précède l'acquisition du droit de grève et
celui qui le suit.
M. Burns: Non, non! Ce que je veux savoir c'est ce que vous
vouliez dire précisément quand, vous référant
à M. Pleau, vous avez dit: II faut quand même faire la distinction
entre le moment où la période le requiert et où la
période ne le requiert pas. A ce que je sache, actuellement, il n'y a
rien qui requiert quoi que ce soit en matière de négociation des
services essentiels. Il n'y a rien qui...
M. Forget: Non.
M. Burns: Tout ce que vous avez, actuellement, c'est l'article 99
qui, semble-t-il, aux dires même du ministre du Travail
précédent devrait même disparaître du Code du
travail. C'est tout ce que je sais, mais même si on a une
référence aux services essentiels dans l'article 99, sinon dans
le texte du moins dans l'esprit, même si on a le projet de loi qui est
sur la table, même si on a aussi, dans la Loi de la fonction publique,
une certaine
notion de prénégociation des services essentiels, c'est la
première fois qu'on a quelque chose de concret concernant les services
essentiels, même si on n'a pas de définition.
Mais, citant le cas c'est ainsi que j'ai compris cela de
l'hôpital Saint-Sacrement, j'entends le ministre me dire: Ecoutez, il
faut quand même comprendre qu'on n'est pas dans la période
où c'est nécessaire de le faire. C'est ce que j'ai compris. Je
parle de période, c'est le ministre qui a utilisé cette
expression. J'aimerais avoir plus de détails là-dessus.
M. Forget: Mes remarques ne s'adressent pas à une
situation particulière dans un établissement particulier. On
pourrait explorer cette question, je pense que je peux en prendre avis. Si on
me pose une question aussi particulière que celle-là, savoir
qu'est-ce qui s'est passé à 3 h 55 dans tel hôpital, comme
on en a 250, je pense qu'on peut comprendre que je ne suis pas
immédiatement informé de tout ce qui s'est dit dans chaque
hôpital. Mais il reste qu'on a cité le président du
comité patronal des négociations qui aurait déclaré
de façon générale, et pas dans le contexte particulier
d'un établissement, une chose qui est évidente dès qu'on
la dit: c'est que lorsqu'un arrêt de travail est illégal, il est
illégal jusqu'à ce que le Code du travail nous permette de le
faire légalement. Là-dessus, je n'ai pas, je pense bien, d'autres
explications à fournir. On le fera au besoin mais c'est très
clair. Quand il est permis de faire une grève légale, alors toute
la période qui précède ce moment peut nous placer devant
des situations et elles sont quand même assez fréquentes...
On sait qu'il y a eu des arrêts de travail dans certains
hôpitaux au Québec depuis un an et ce sont des arrêts de
travail illégaux. Je pense que le député de Maisonneuve
sera d'accord avec moi pour juger que puisqu'on le fait dans une situation de
conflit de travail, au sens du Code du travail, que la demande de conciliation
n'a pas été produite dans ces cas, qu'il n'y a pas eu le
délai de 60 jours, qu'il n'y a pas eu l'avis de huit jours, on est dans
une situation de conflit et d'arrêt de travail illégal. On sait
cela, c'est bien connu. Et la remarque de M. Pleau était, remarque toute
naturelle dans des circonstances comme celle-là, que ce sont tous les
services qui doivent être fournis et que la distinction entre des
services essentiels et des services qui ne le sont pas, il est
inapproprié qu'elle fasse l'objet d'une négociation.
M. Burns: On est tellement imbu du côté patronal de
ce que soulevait le député de Jacques-Cartier, de ce que à
quoi donnait écho le député de Laporte et de ce qui, j'en
suis convaincu se trouvait sous-tendu par toute l'intervention du ministre
lui-même, on est tellement imbu de la protection du malade que même
une grève illégale advenant, on se dit: Non c'est une
grève illégale, puis on ne négocie pas les services
essentiels. C'est cela que M. Pleau a dit?
M. Forget: Je ne sais pas si le député de Mai-
sonneuve veut me faire dire que nous devrions négocier
l'illégalité...
M. Burns: Je ne vous demande pas de négocier
l'illégalité, mais je vous dis tout simplement, si vous
êtes aussi imbu de la protection du malade, que même dans un cas de
grève illégale, il me semble en tout cas que quand une offre vous
est faite du côté syndical de négocier les services
essentiels, cela devrait être suivi par une acceptation non pas de la
situation illégale, mais une acceptation que les services essentiels
doivent être assumés.
Je vous soulève cette question parce que je prétends que
toute l'attitude patronale va être teintée de cela, même
dans le cadre d'une grève légale. C'est une attitude, qu'est-ce
que vous voulez, que vous ne changerez pas.
Il y a des hôpitaux, imaginez-vous donc, où c'est facile.
Cela a été facile, en 1972, de négocier des services
essentiels dans le cadre d'une grève légale, cette
fois-là. Il y a des hôpitaux où cela a été,
d'autre part, absolument impossible. On peut les pointer du doigt. On peut vous
dire, à part cela, dans quels hôpitaux, lors de la
négociation prochaine, s'il doit y en avoir une je ne le souhaite
pas, mais s'il doit y avoir un arrêt de travail dans le milieu
hospitalier on est quasiment capable de vous dire à quels
endroits cela va bien aller, la négociation des services essentiels, et
à quels endroits ça n'ira pas. Je suis presque capable de vous
dire qu'avec la loi que vous présentez, même les places où,
actuellement, on pense que ça peut bien aller, ça n'ira pas.
Je ne veux pas devancer l'argumentation qu'on donnera à
l'occasion d'autres articles, mais c'est ce que je veux vous faire dire. Si on
se retranche derrière ce type de situation et si on dit à grands
coups de toge, à grands coups de veston et de paletot qu'il faut sauver
les malades, qu'il faut protéger les malades car c'est eux autres,
d'abord et avant tout, qui souffrent de tout cela, et qu'à un moment
donné il y a une grève légale ou illégale, si je
n'admettais pas qu'il y a des grèves qui se font en dehors du cadre
prévu dans la loi, je serais un aveugle. J'admets qu'il y a des
grèves qui se font en dehors, c'est d'ailleurs pour cela qu'on a eu, en
1964, la modification importante au Code du travail qui, semble-t-il, est
encore réprouvée par certains membres autour de la table. C'est
parce qu'il y a eu des grèves illégales au sens du code du temps.
La grève des infirmières de Sainte-Justine, en 1964, ce
n'était pas une grève légale, mais elle est devenue
légale par la suite parce qu'on a dit: Cela, c'est le genre de
grève qu'on peut permettre.
Même si, dans le cadre d'une grève prétendue
illégale, on refuse de négocier des services essentiels, je me
pose des questions à savoir si, à un moment donné, on ne
trouvera pas des questions de légalité pour refuser de
négocier véritablement, de bonne foi et avec diligence, selon les
termes mêmes de l'article 41 du Code du travail, si on ne se forcera pas
pour dire: Vous savez, nous autres, on est bien placé; on a raison et on
ne négocie
pas les services essentiels, parce que vous n'avez pas été
gentils. Votre avis n'a pas été donné huit jours avant la
grève, en vertu de l'article 99, il a été donné
sept jours avant. Ou bien l'autre folie, absolument monumentale, que j'ai vue
dans des services publics. Ce sont aussi des cas de grèves
illégales, des gens qui disent: On vous donne avis qu'on fait la
grève dans huit jours et, finalement, ils décident de la faire
dans neuf jours. J'ai vu cela, moi; j'ai vu des patrons qui disaient: Vous
faites une grève illégale parce que vous avez donné au
ministre l'avis de huit jours et vous l'avez faite neuf jours après et
non pas huit jours.
J'ai vu des concombres de sous-ministres du Travail qui m'ont
répondu par télégramme, quand je donnais un avis comme
cela, que mon avis était illégal parce que je ne leur donnais pas
la minute à laquelle on entrait en grève. Si vous voulez voir ces
choses-là, je vais vous les montrer. J'ai encore cela, imaginez-vous! Je
les ai gardées, je me suis dit que c'étaient des pièces de
musée. Des concombres de même, il en traîne encore partout
et vous en avez surtout dans votre domaine à vous.
C'est ce que je veux savoir. Est-ce qu'on s'apprête à se
faire dire: Peut-être qu'à un moment donné il va y avoir un
"illégalisisme"... Je ne sais pas si le diminutif est accepté. En
espagnol, cela pourrait être utilisé. En tout cas, on a une petite
illégalité et toute la patente devient illégale et
là, on dit: Je m'excuse, c'est illégal et on ne négocie
pas les services essentiels. Est-ce que ça veut dire? Si c'est ça
qu'on s'apprête à faire, je vous avoue qu'on s'apprête
à avoir un beau projet de loi, on s'apprête à avoir de
belles négociations de services essentiels tout à l'heure. Cela
va être "too much", comme on dit, cette affaire-là. Cela va
être absolument incompréhensible dans 1,300 établissements.
Et attendez de voir combien on a d'organismes assimilés
après.
M. Bellemare (Johnson): Ah oui!
M. Burns: J'ai hâte de voir combien on en a.
M. Bellemare (Johnson): Les services, à part cela.
M. Burns: Là, tout le monde se croise les bras et tout le
monde dit: Non, il y a une infinitésimale illégalité dans
cette bébelle, donc, je me croise les bras, donc, je ne négocie
pas. En plus de cela, mettez le mécanisme par-dessus, le
mécanisme qui dit: Le même gars agit comme médiateur, et ce
médiateur, on va lui dévoiler toutes nos batteries, et si jamais
ce médiateur ne réussit pas et juge... Et vous pensez que cela va
réussir, cette affaire-là! Mon Dieu, Seigneur! Tout est
là, M. le ministre. Tout est là, c'est une question de
réalisme, cette affaire-là.
Je vous la pose, la question. C'est pour cela que je vous demanderais,
tout à l'heure, si vous croyez vraiment c'est le temps de se
poser la question dès l'article 1 que votre projet de loi a des
chances d'être appliqué avec ce qu'on connaît de
l'atmosphère. J'ai fini, ma question est posée. Point
d'interrogation, j'arrête.
M. Forget: Ou d'exclamation.
M. Burns: II y en avait de toutes sortes.
M. Forget: De mon côté aussi. Le
député de Maisonneuve dit qu'il ne comprend pas notre intention
quand on dit que, dans le contexte d'une grève illégale, il nous
paraît étrange de négocier les services essentiels. Je
pense que, s'il ne comprend pas cela, c'est peut-être parce qu'il se
mélange lui-même dans ses arguments. Il nous disait tantôt
que ce projet de loi, qui arrive à un moment où les avis de
conciliation, les avis de désaccord et la demande de conciliation ont
déjà été faits, viendrait bouleverser les
délais, etc. A ce moment, je croyais qu'il parlait selon sa formation
juridique, que c'était un juriste qui nous parlait; il y avait un
processus, il y avait toute une procédure. On sait que les juristes
s'attachent, à bon droit d'ailleurs, à la procédure. Je
pense que c'est tout à fait bien normalement de s'attacher à la
procédure. C'est vrai qu'il y a dans cette loi, qui est le Code du
travail, un certain ordre à respecter, certaines façons de faire
les choses. Il attirait votre attention sur la nécessité de
respecter cela.
Maintenant, quand on lui dit: Bien, écoutez, si les gens ne le
respectent pas, si, dans une situation, on a mis de côté le Code
du travail, parce qu'on a ignoré ses dispositions, il nous invite
à dire: C'est très bien, on va faire comme si cela n'existait
pas, le Code du travail. Tout à coup, il est là et, tout à
coup, il disparaît, selon qu'on en a besoin ou pas; le Code du travail,
c'est un instrument. Je pense que c'est un peu plus sérieux que cela. Il
y a des périodes qui sont réservées à la
négociation et il y a des périodes qui sont
réservées, si on en vient là, à une contestation
plus brutale, qui est la grève, où chacun va au bout de sa
position jusqu'à ce que l'autre partie du moins c'est ce qu'il
espère change la sienne. C'est une procédure qui a
été établie, je pense, après passablement
d'expérimentation, passablement d'efforts à trouver d'autres
façons de régler les conflits.
Quand délibérément une des parties ou les deux les
mettent de côté et se disent: Bien nous, on se fait justice
nous-mêmes, je suis d'accord avec le député de Maisonneuve
que, si cela se produit, il faut s'assurer que les services essentiels soient
donnés. Mais il y a des moyens autres que la loi qui est devant nous
pour le faire et il y a certainement, de toute manière, d'autres moyens
que de négocier en disant: On sait que vous êtes hors la loi, mais
on va arranger cela, on va s'entendre et, pourvu que vous fassiez l'essentiel,
on va ignorer que la loi vous impose des obligations. Je pense que c'est une
position intenable et je m'étonne, M. le Président, que le leader
parlementaire de l'Opposition nous fasse une suggestion pareille.
M. Burns: Simplement, c'est un appel au réa-
lisme que je vous fais dès le début de l'étude du
projet de loi. Je suis content que l'expression se faire justice soi-même
ait été lâchée par le ministre. Imaginez-vous donc
que, et les syndicats et les patrons, je suis prêt à l'admettre,
connaissent le Code du travail. Mais, quand une des deux parties dit à
l'autre: Vous ne respectez pas le Code du travail, elle vient de rendre
jugement. C'est une partie cela, à peu près comme vous, si vous
me frappez avec votre automobile, puis que je décide que je vais allez
vous voler les $500 que me coûte ma réparation, parce que j'ai
décidé que vous étiez en tort. Je suis exactement dans la
même situation que le patron qui vient de décider que cette
grève est illégale.
Donc, le sort des malades, à ce moment, l'intéresse un peu
moins, et les services essentiels l'intéressent un peu moins, parce que
lui a jugé et j'insiste sur le mot que la grève
était illégale. Qui est-il pour décider cela? C'est le
problème. Le vrai problème, le problème
terre-à-terre, les deux pieds dans le ciment, c'est quoi? C'est qu'il y
a des services essentiels à assurer. Avec le genre d'expériences
que les syndicats ont eues dans le passé de ces attitudes patronales, et
celle de Saint-Sacrement, la semaine dernière, c'est pareil. Le ministre
fera les vérifications. C'est exactement le même style.
Il y a des gens qui prennent des jugements et en période de
grève légale ils se mettent à crier: A l'outrage, au
malade! Au secours, on viole les malades. On les laisse tout seuls. On ne leur
donne même pas le minimum requis. Ce sont ces mêmes personnes qui,
un moment donné, décident de juger elles-mêmes que la
grève est illégale et là le malade n'est pas assez
important pour qu'on négocie les services essentiels. Comment
voulez-vous que, dans une atmosphère telle, on puisse penser qu'il va y
avoir de véritables négociations?
S'il n'y a pas de véritables négociations, il va y avoir
1300 décisions de commissaires-enquêteurs ou appelez-le comme vous
voudrez, et cela je vous dis que c'est absolument impossible de penser que cela
se réalisera.
Si le ministre, d'autre part, me dit que lui va donner des instructions
aux différents établissements visés par la loi et qu'il
est convaincu que ses instructions vont être suivies et qu'elles
voudraient dire, par exemple, qu'il faut négocier véritablement
du côté patronal, à ce moment, je dis: II n'y aura
peut-être pas 1300 arbitrages, si on peut les appeler comme tels, ou 1300
médiations suivies d'un arbitrage. Automatiquement si vous avez une
médiation en vertu de la présente loi, je suis convaincu que vous
allez avoir éventuellement quelqu'un qui va être obligé de
la trancher dans le mécanisme actuel de la loi. Mais le ministre est-il
prêt à dire cela, est-il prêt à m'assurer et à
me convaincre que sur simple directive qu'il pourra envoyer à tous les
directeurs d'hôpitaux, quelque concombre qu'on puisse trouver dans la
liste quelque part et quand je dis quelque concombre, si vous voulez que
je l'épelle, je vais répeler, il n'y a pas de s à
quelque.
M. Tremblay: Cela va être copié au journal des
Débats.
M. Burns: Pardon?
M. Tremblay: Cela va être copié au journal des
Débats.
M. Burns: Je le dis justement pour cela.
M. Tremblay: On va vous faire élire comme directeur
d'hôpitaux.
M. Burns: Oui, oui, et je pense aux directeurs d'hôpitaux
et j'espère qu'il y en a qui se sentent visés par ce que je dis
là.
M. Charron: Le ministre non plus n'est pas très
aimé des directeurs d'hôpitaux.
M. Saint-Germain: Parmi les unions il n'y a pas de concombre?
M. Burns: II y en a partout de cela. Il y en a dans le Parti
libéral, il y en a dans l'Opposition.
M. Tremblay: Chez les péquistes.
Le Président (M. Brisson): A l'ordre, messieurs! On est en
hiver.
M. Burns: II y en a partout.
M. Bellemare (Rosemont): II n'y en a pas...
M. Burns: Non, il y en a partout.
M. Bellemare (Rosemont): Son infusion...
M. Burns: Sauf que nous avons trouvé qu'il y en avait pas
mal moins chez nous que chez vous, mais c'est une autre affaire.
Le Président (M. Brisson): A l'ordre! Article 1,
paragraphe a).
M. Bellemare (Johnson): Un instant, est-ce que vous allez
continuer dans l'argumentation qu'a faite le député de
Maisonneuve? Le ministre n'a pas répondu à cette question qui est
pertinente parce qu'il a déclaré qu'il ne cherchera pas à
appliquer des normes rigides et préfabriquées à des
structures profondément différentes les unes des autres. Cela
rejoint bien l'élément en question du député de
Maisonneuve. C'est sûr et certain, quand la partie patronale dit que
c'est illégal, c'est la loi qui le déclare illégal.
M. Bellemare (Rosemont): C'était pire dans votre
temps!
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je n'ai pas
besoin de vous dire que cette question qui a été posée au
ministre n'a pas reçu encore de vé-
ritable réponse. Peut-être qu'on ne lui a pas donné
le temps de répondre, peut-être que la question a
été longue mais, d'un autre côté, on pourrait avoir
une réponse assez précise sur cet élément de
question parce que c'est le commencement de l'étude du bill où,
nécessairement, il va être question de bien des choses concernant
les relations patronales-ouvrières. C'est le début de tout le
reste. Tout le reste va s'ensuivre.
M. Charron: C'est l'esprit du législateur, comme dirait le
tribunal.
M. Forget: M. le Président, la façon dont on
formule les questions...
M. Bellemare (Johnson): Voulez-vous aller vous coucher? Votre
temps est passé. Sept heures sont passées
M. Bellemare (Rosemont): Mon cher oncle, je suis assez vieux pour
aller me coucher quand je déciderai d'y aller!
M. Bellemare (Johnson): Non, non! Il y a des heures pour
vous.
M. Bellemare (Rosemont): Mon oncle Maurice, quand je
déciderai d'aller me coucher, je suis assez vieux pour y aller tout
seul. Duplessis ne me dira pas: Ti-Toine, toé, tais-toé!
Le Président (M. Brissson): A l'ordre, Messieurs!
M. Bellemare (Johnson): Je vais aller vous donner une petite tape
sur les fesses!
M. Bellemare (Rosemont): Malheureusement, il n'y en a pas comme
cela dans mon parti!
Le Président (M, Brisson): Le sous-paragraphe a) est-il
adopté?
M. Bellemare (Johnson): Vous allez déranger le ministre.
Allez donc vous coucher!
M. Bellemare (Rosemont): Je ne m'appelle pas Jean-Noël!
Le Président (M. Brisson): L'honorable ministre.
M. Bellemare (Rosemont): Noëlla! Je n'ai pas donné de
nom.
M. Burns: Une chance qu'il n'est pas membre de la commission. Je
ne pense pas que ses paroles soient enregistrées.
Le Président (M. Brisson): C'est censé
l'être.
M. Bellemare (Rosemont): On m'insulte: Insulte pour insulte.
Le Président (M. Brisson): L'honorable ministre a-t-il
terminé sa réponse?
M. Bellemare (Johnson): Cela va vous aider à
répondre! Au moins, cela nous a détendus pour cinq minutes.
M. Burns: Cela vient rehausser le débat!
M. Bellemare (Rosemont):... mon oncle. Cela va faire du bien
à votre coeur!
M. Forget: M. le Président, je disais que la façon
dont la question a été posée par le député
de Maisonneuve rend presque impossible une réponse. C'est un peu comme
la question: Quand allez-vous cesser de battre votre femme? C'est exactement la
même chose.
M. Burns: Quand "avez-vous" cessé de battre votre
femme?
M. Forget: Oui! Des Voix: Ha! Ha!
M. Forget: II est clair que lorsqu'on parle de 1,300
établissements dans un réseau comme celui des affaires sociales,
si sérieusement on me pose la question savoir si dans chacun de ces
établissements, dans chacun des cas où il peut y avoir un
problème de la nature de celui dont on discute, on va réagir
exactement selon les voeux du ministère ou du gouvernement ou du
comité patronal de négociation, on sait très bien quelle
peut être la réponse. C'est demander une assurance absolu
là ou il est impossible d'en avoir.
On parle de problème de relations humaines, après tout, on
ne parle pas de mécanique.
M. Burns: Là-dessus, je...
M. Forget: Mais si la question porte plutôt sur l'intention
de la partie patronale, je ne peux que réaffirmer, pour la
troisième fois ce soir, que dans le passé, maintenant et dans le
futur, la politique est très claire, l'attitude est très claire.
C'est la négociation d'abord comme moyen privilégié d'en
arriver à une solution pour le maintien des services essentiels. Cela ne
fait aucun doute. C'est l'attitude que nous allons adopter, que nous allons
continuer d'avoir dans le déroulement des négociations. Pourquoi
en serait-il autrement?
M. Burns: Que ce soit une grève qui vous paraisse
illégale ou une grève qui vous paraisse légale?
M. Forget: Dans le cas de grève illégale, la
situation est différente, comme je vous l'ai indiqué, puisque
nous sommes dans une situation qui, de toute manière, peut trouver son
remède autrement.
II n'y a pas de problème à poser un jugement, les
analogies que trace le député de Maisonneuve, M. le
Président, entre un jugement de responsabilité civile où,
évidemment, on est en face d'une appréciation à
poser...
M. Burns: Je pourrais avoir tort en...
M. Forget: Vous pouvez avoir tort, vous pouvez avoir tort ou
raison et ce n'est certainement pas à vous de vous faire justice,
vous-même.
M. Burns: C'est sûr.
M. Forget: La situation où on doit quand même se
placer, à savoir si on a parcouru le chemin que trace, très
clairement, le Code du travail, ce n'est un secret pour personne, il n'est pas
question d'appréciation dans tout ceci. Si le député de
Maisonneuve a des doutes quant au légalisme avec lequel on peut
interpréter tout cela, il sait très bien qu'il y a dans le Code
du travail une disposition à l'effet de prévenir un
légalisme excessif.
Il nous cite des arguments de procureurs, de parties patronales, mais il
sait très bien que, pour certains procureurs, tout argument est bon.
M. Burns: Je sais cela.
M. Forget: Ce n'est pas parce qu'on le prétend...
M. Burns: Je sais très bien cela, c'est justement parce
que je le sais...
M. Forget: ... ce n'est pas parce qu'on le prétend que ce
conflit a été déclaré illégal, mais je
pense...
M. Burns: M. le ministre...
M. Forget:... que l'histoire qu'il nous a racontée
n'était pas finie.
M. Burns: M. le ministre, est-ce que je peux... M. Charron:
... illégal. C'est cela la question.
M. Burns: Je m'excuse auprès du député de
Saint-Jacques, puis-je vous poser une seule question?
Vous êtes-vous déjà demandé ce que voulait
dire le deuxième alinéa de l'article 98 du Code du travail, qui
se lit comme suit? "Rien dans le présent code n'empêche une
interruption de travail qui ne constitue pas une grève ou un
lock-out".
M. Bellemare (Johnson): C'est cela.
M. Burns: Vous êtes-vous déjà, dans vos nuits
d'insomnie, penché là-dessus?
M. Bellemare (Johnson):... pas de nuit.
M. Burns: Bien moi, je vous dis que, dans mes nuits d'insomnie,
je me suis penché là-dessus souvent. Et cela, il y a bien des
avocats qui peuvent s'amuser avec cela devant les tribunaux, correct? Et j'ai
vu des avocats qui se sont amusés, du côté syndical, comme
j'en ai vus du côté patronal, ne pas s'amuser avec cela.
Cela veut dire quoi, cela? Cherchez-moi une décision
là-dessus, bien claire. Trouvez-m'en une, je serai bien content. Je
pense que vous allez me calmer mes nuits d'insomnie, quand j'en ai.
M. Tremblay: Est-ce que cela fait longtemps, M. le
député de Maisonneuve?
M. Bellemare (Johnson): Quatre-vingt-dix-huit...
M. Charron: Parce qu'effectivement, M. le Président...
M. Burns: Quatre-vingt-dix-huit, deuxième alinéa.
"Rien dans le présent code n'empêche une interruption de travail
qui ne constitue pas une grève ou un lock-out". Alors qu'à 94 et
un peu partout, tant dans les mesures ailleurs et les pénalités,
on dit qu'une grève, quand c'est illégal, c'est une grève
qui n'est pas exercée dans les 60 jours, de l'avis de conciliation,
etc... Amusez-vous avec cela. Il y en a plein comme cela dans le Code du
travail et vous avez le problème de l'avis de 99, que je vous citais
tout à l'heure...
M. Tremblay: ... zèle, journée d'étude et
tout cela?
M. Burns: ... est-ce que c'est cela que cela veut dire? Je ne le
sais pas, moi. Je ne le sais pas, en tout cas je ne suis pas assez fort en
droit pour vous dire ce que cela veut dire.
M. Tremblay: D'après votre interprétation, est-ce
que cela veut dire cela?
M. Burns: Quand je plaiderai, je vous le dirai. M. Tremblay:
C'est cela qui fait...
Le Président (M. Brisson): L'honorable
député de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, c'est une question, quand le
ministre dit, si c'est un cas de grève illégale, pas de question,
la question ne se pose pas, c'est une grève illégale, il y a
toutes les dispositions du Code du travail qui doivent donc s'appliquer dans
ces cas-là. Si c'est une grève légale, c'est le 253 qui
s'appliquera. Mais, qui détermine si c'est légal ou
illégal? Il arrive souvent un conflit, il en est arrivé dans le
secteur des affaires sociales comme il en arrive ailleurs, où le patron
a la conviction que c'est illégal. Donc, il refuse d'en-clancher tout le
mécanisme prévu dans le code légal. Mais les
employés, eux, se considèrent abso-
lument justifiés. Prenons une période de tension, par
exemple, qui peut marquer la ronde de négociation, le bloquage à
la table sectorielle ou à la table centrale de négociation, qui
peut amener tension chez les employés.
Un directeur de centre d'accueil, par exemple, à la suite de
mauvais fonctionnement à l'intérieur de l'institution, peut
procéder à des suspensions ou à une suspension visant un
employé en particulier qu'il considère comme étant la
tête chaude à l'intérieur du centre d'accueil. Cela peut
amener les employés, par solidarité, à un arrêt de
travail en vertu de l'article 98, deuxièmement, ce qui n'est pas
illégal. Je ne parle pas d'une grève, mais d'une interruption de
travail pour protester, ne serait-ce que quelques heures, contre une suspension
qu'ils considèrent discriminatoire soit à l'égard d'un de
leurs leaders syndicaux, soit simplement à l'égard d'un
employé comme eux autres qu'ils considèrent avoir
été victime d'une injustice.
Est-ce légal? Est-ce illégal? Quelle loi s'applique? Le
Code du travail ou le projet de loi no 253? Qui décide à ce
moment-là? Le directeur du centre d'accueil estime qu'il est aux prises
avec un débrayage illégal, avec une interruption de travail
illégale, ce qui est plaidable devant les tribunaux, parce que l'article
98, deuxièmement, peut le permettre. Les employés, eux,
considèrent que l'article 98, deuxièmement, leur permet de faire
une interruption de travail. Rien, dans le présent code, n'interdit les
interruptions de travail de ce genre.
Tout cela, tout ce méli-mélo, ce spaghetti des relations
de travail dans lequel nous pouvons nous trouver à un moment
donné, cela peut faire que, pendant le temps où dure ce
méli-mélo, où on ne sait plus si c'est légal ou
illégal un soutient que ça l'est; l'autre, que ça
ne l'est pas lesdits services essentiels à l'intérieur de
l'institution ne sont pas assurés. Un peut vouloir les négocier
et l'autre refuser de les négocier. Les employés,
considérant qu'ils sont en grève légale, peuvent se
préparer à négocier les services essentiels. Le patron,
considérant au départ que c'est une grève illégale,
refuse d'enclencher le mécanisme qui existe normalement dans un
arrêt de travail légal. Cette situation, qui peut être de 12
heures, de 24 heures ou de dix jours à l'intérieur de certaines
institutions, fait que le mécanisme que nous nous apprêtons
à discuter en détail n'aura même aucune chance de
s'appliquer, le patron étant convaincu qu'il n'a pas à
l'appliquer, la grève étant illégale. Où
sommes-nous dans ces cas-là?
Je ne dis pas le député de Maisonneuve ne l'a pas
affirmé et le député de Johnson non plus que cela
va se produire dans 1,300 établissements sur 1,300
établissements. Mais, si cela devait se produire dans un seul centre
hospitalier, mais que, dans cet établissement, il se trouve 550 ou 600
malades; si cela devait se produire j'entends encore les trémolos
des interventions de l'autre côté de la table, qui ont
marqué le début de cette séance dans un seul
établissement où il y a un seul malade dont la seule vie, je
dirais, peut être mise en danger tout le monde conviendra que le
problème mérite l'attention.
Nous parlons de 1,300 organismes où il peut se produire des
décisions d'un côté comme de l'autre, dont la
légalité peut être mise en doute.
Cela enclenche toutes les négociations, les parades devant les
tribunaux. Pendant tout ce temps, on n'aura peut-être pas toujours les
services d'urgence de la part des tribunaux qu'on a eus pendant la grève
de 1972, où il suffisait que le patron arrive avec un nombre
d'injonctions pour qu'elles lui soient accordées. Il y a des fois
où ce n'est pas toujours aussi clair que cela. C'est la question.
J'admets très bien la distinction du ministre, M. le Président,
je conclus avec cela. Si c'est illégal, il y a des mesures de
prévues là-dedans. Si c'est une grève légale, elles
seront éventuellement ici. Je crois qu'elles ne seront pas de cette
nature, c'est prévu pour cela.
Très bien, dans un cas comme dans l'autre, mais qui décide
que c'est dans quel cas? On a vécu beaucoup de situations où une
partie est convaincue de la légalité de son geste et l'autre, de
l'illégalité. Alors, dans quel "bag" on tombe à ce
moment-là? Il y a des malades pendant ce temps, des malades, ceux qui
sont dans les foyers, ceux qui sont dans les centres d'accueil.
M. Saint-Germain:... sans importance les malades.
MBurns: ... prétend que c'est important les malades.
Le Président (M. Brisson): L'honorable ministre.
M. Forget: Je ne veux pas prendre le temps de cette commission,
qui est si précieux, pour entrer dans un débat sur
l'interprétation du Code du travail. Si on commence à
interpréter toutes les lois on en aura pour un bon moment, d'autant plus
que les tribunaux sont ceux qui sont créés pour ce travail. Il
reste qu'on parle de cessation...
M. Burns: Etes-vous prêts à dire ce que vous venez
de dire...
M. Forget: On parle de cessation de travail un peu comme si
n'importe quel arrêt de travail que l'on n'intitule pas grève
permettait d'échapper au Code du travail. On sait très bien qu'il
n'en est rien. Il y a malgré tout des critères pour
reconnaître une grève d'une simple cessation de travail au sens de
l'article 98. Il y a une définition de la grève dans la loi. Je
pense que c'est cela aussi. Si c'est un arrêt concerté, si c'est
une cessation concertée, on est en face d'une grève
automatiquement.
Pour ce qui est de la question de fait, il est clair qu'il y a des zones
grises, il y a des cas qui doivent être tranchés par le tribunal.
Il y a des cas où aucune des parties ne peut être absolument
certaine d'être dans la légalité ou dans
l'illégalité. Il y a des cas aussi qui sont très clairs.
Je pense qu'on peut citer plusieurs exemples de cas qui seraient très
clairs et où il ne serait pas permis à une partie qui est capable
de lire un texte de loi et qui
est capable de lire simplement le français de douter à un
seul moment qu'elle est dans une situation d'illégalité.
C'est dans ces cas qu'il nous paraît irrecevable d'envisager une
négociation pour aménager l'illégalité, pour se
faire une place confortable au sein d'une situation illégale. Ce n'est
pas possible. Il doit y avoir et il y a effectivement d'autres sanctions
à ce moment-là.
Le Président (M. Brisson): Messieurs, il est onze heures
et, selon l'article 31, nous devons ajourner. A moins que la commission ne
veuille continuer.
M. Bellemare (Johnson): Quand siégera-t-elle de
nouveau?
Le Président (M. Brisson): Sine die.
M. Bellemare (Johnson): Sine die, pour le ministre, c'est...
M. Burns: M. le Président, je suis prêt à
vous dire, et je le répète à l'endroit du ministre, que si
vous voulez siéger demain matin, à dix heures, ie vous l'offre,
je suis disponible. Je suis prêt à siéger demain matin,
à dix heures. Il n'est pas question de vouloir retarder...
M. Forget: II y a une réunion du conseil des ministres
à laquelle je dois assister absolument, M. le Président.
M. Burns: D'accord. Je suis bien content.
M. Burns: C'est enregistré aux Débats, cela.
D'accord? C'est clair, ça?
M. Forget: Oui.
M. Burns: J'espère que le journal des Débats n'es
pas arrêté. Moi, je vous ai offert...
M. Forget: Ce que je dis au dossier est enregistré aux
Débats; j'aimerais bien qu'il en soit de même pour tout ce que
tout le monde dit.
M. Burns: C'est cela.
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, est-ce qu'on
siège demain soir? Si on ne siège pas demain après-midi,
est-ce qu'on revient demain soir?
M. Forget: Moi, je suis disponible demain soir.
Le Président (M. Brisson): Cela dépendra de
l'entente avec les différents leaders...
M. Forget: C'est cela.
Le Président (M. Brisson): ... à l'Assemblée
nationale.
M. Burns: Là-dessus, j'ai réservé, ce soir
en Chambre, mon opinion pour demain après-midi. Cela dépendra
comment on sera gentil, comment on ne sera pas gentil. On verra.
Le Président (M. Brisson): Messieurs, la commission
ajourne ses travaux sine die.