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Version finale

31st Legislature, 2nd Session
(March 8, 1977 au December 22, 1977)

Thursday, December 1, 1977 - Vol. 19 N° 269

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 9 — Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 9

(Dix heures vingt minutes)

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 9, Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées.

Les membres de la commission sont M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Charron (Saint-Jacques) remplacé par M. Gagnon (Champlain), M. Clair (Drummond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Gravel (Limoilou), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Lazure (Chambly), M. Marois (Laporte) remplacé par M. Jolivet (Laviolette), M. Martel (Richelieu), Mme Ouellette (Hull), M. Paquette (Rosemont), M. Saindon (Argenteuil), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Shaw (Pointe-Claire).

Aujourd'hui, nous entendrons les mémoires de l'Association des manufacturiers canadiens, de la Chambre de commerce de la province de Québec, du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec Inc., du Conseil du patronat du Québec, du Conseil québécois des ateliers de réadaptation Inc., et si nous en avons le temps, un mémoire d'un individu, M. Pierre Nadeau, le mémoire 30-M.

J'inviterais maintenant l'Association des manufacturiers canadiens à nous présenter son mémoire. M. Ethier, pouvez-vous présenter vos collègues? Les règles de cette commission sont que vous avez une vingtaine de minutes pour lire votre mémoire ou le résumer, en présenter les grandes lignes. Ensuite, les échanges se poursuivent avec nos invités durant les 45 minutes qui suivent.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de règlement, je vous ferai remarquer que je suis d'accord pour que nous continuions, mais vous n'avez pas encore quorum.

Le Président (M. Marcoux): Oui, le quorum est de neuf.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas dix?

Le Président (M. Marcoux): Non, d'après la feuille que j'ai ici, c'est neuf.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): M. Ethier, vous avez la parole.

Association des manufacturiers canadiens

M. Ethier (Jean-M.): M. le Président, M. le ministre, madame et messieurs les parlementaires, l'Association des manufacturiers canadiens est représentée ce matin par les deux personnes qui m'accompagnent et moi-même, à ma droite, M. Jean-Claude Brisebois, directeur des relations de travail de Reynolds Aluminium, au Cap-de-la-Madeleine, qui représente notre comité des relations de travail, et à ma gauche, M. Paul Delisle, président de Vitrerie Citadelle de Québec, membre de notre comité exécutif. Je suis moi-même directeur de la division du Québec de l'Association des manufacturiers canadiens.

Ayant pris connaissance des intentions du ministre d'amender, d'une certaine façon, le projet de loi no 9, ceci modifie sensiblement le ton de certaines représentations qui apparaissent dans notre mémoire, c'est pourquoi je ne le lirai pas en entier. Je résumerai certaines parties, peut-être en les commentant, et ceci, bien à l'intérieur des 20 minutes qui me sont accordées.

Comme la loi no 9 vise particulièrement l'intégration de personnes handicapées au marché du travail, il est évident que les membres de l'Association des manufacturiers canadiens, à titre d'employeurs, sont directement intéressés dans la formulation de toute nouvelle politique sociale à ce sujet. Jusqu'ici, notre société s'était plus ou moins conditionnée à l'acceptation de certains impôts dont le produit était destiné, en partie, à assurer un minimum vital à toute personne handicapée, sous forme à la fois de soins et d'assistance sociale.

Nous reconnaissons que la philosophie et la politique sociales ont évolué considérablement au cours de la dernière décennie. Des programmes spéciaux d'éducation ont été conçus et mis sur pied à l'intention de l'enfance inadaptée. Nous avons assisté à une scolarisation massive de cette clientèle. Parallèlement, divers services de réadaptation sociale et d'apprentissage aux habitudes de travail ont été dispensés, à l'intention des adultes handicapés, par les ministères de l'Education, des Affaires sociales, du Travail et de la Main-d'Oeuvre et de l'Industrie et du Commerce.

Face à cette évolution, il y a peut-être lieu pour l'employeur moyen de reconsidérer ses positions. Sa contribution strictement financière n'est peut-être plus suffisante. Telles sont les prémisses qui présideront à notre analyse critique du projet de loi no 9.

Au niveau des principes. Le livre blanc a fait état de cinq grands principes généraux dont la législation doit s'inspirer. Je n'ai pas à les lire, ils apparaissent très bien au livre blanc.

L'AMC se déclare pleinement d'accord avec ces principes qui semblent traduire fidèlement l'évolution de notre société au cours des dernières années, laquelle évolution a donné lieu, entre autres choses, à la promulgation de la Charte des droits et libertés de la personne.

C'est plutôt au niveau des modalités que notre association entend proposer des modifications lorsque certaines orientations du projet de loi semblent aller à l'encontre des principes généraux énumérés plus haut.

Le dépôt du projet de loi en première lecture a provoqué un tollé quasi général de la part d'associations de personnes handicapées. Une vaste campagne d'information fut alors entreprise dans la province par le ministère des Affaires sociales. Notre association a délégué quelques représentants à certaines des réunions publiques organisées à cette fin. Nous avons l'impression que les objections premières des associations de personnes handicapées n'ont pas encore été dissipées et qu'il reste beaucoup à faire pour convaincre celles-ci du bien-fondé de la nouvelle loi.

Vu l'existence, dans nos statuts, de la Charte des droits et libertés de la personne, dont l'application n'exclut en aucune façon les personnes handicapées, la nécessité d'une nouvelle loi apparaît en effet discutable. Ici, nous avons pris connaissance des intentions relatées dans le Devoir de ce matin. Je vois que nous allons nous référer avec beaucoup plus d'intensité à la Charte des droits et libertés de la personne. Je passe ce paragraphe.

L'article 1m du projet définit l'expression "personne handicapée" comme "toute personne limitée de façon significative et persistante dans l'accomplissement d'activités normales, à cause d'une déficience physique ou mentale et reconnue comme telle par l'office". Le chapitre premier du livre blanc laissait entrevoir déjà des difficultés sérieuses quant à la manière de cataloguer les handicapés tant mentaux que physiques. Nous reconnaissons ces difficultés.

Toutefois, comme le degré d'incapacité ou d'inadaptation peut s'avérer d'une importance capitale dans toute décision d'un employeur relative à l'embauchage ou à la rétention des services d'une personne handicapée, particulièrement en rapport avec les articles 68, 73 ou 74 du projet, la définition précitée se doit d'être élaborée. S'il y a lieu de croire, en effet, que bon nombre de personnes handicapées pourraient être intégrées au marché du travail grâce au programme envisagé par le ministère, il est loin d'être établi que tous les handicapés mentaux et physiques puissent être soumis avec succès aux diverses étapes de ce programme. Il faudra donc circonscrire, par la définition, aussi précisément que possible, la clientèle à laquelle s'adresse ce programme.

Comme c'est le cas pour toute loi-cadre, le projet de loi no 9 accorde un vaste pouvoir de réglementation à l'Office des personnes handicapées. Nous remarquons que de nombreux articles pourront faire l'objet de cette réglementation: 4, 33, 35, 39, 42, 43, 44, 54, 60, 64, 71 et 75. Nous regrettons considérablement que les règlements en question ne soient pas disponibles au moment où nous avons étudié le texte de loi, car ce sont des règlements qui précisent dans plusieurs cas la portée véritable des articles.

L'AMC s'est toujours opposée en principe à la législation par voie de loi-cadre. Elle estime que cette façon de procéder constitue une abdication du pouvoir et du devoir du législateur en faveur de l'administration publique. Nous remarquons avec satisfaction, toutefois, que les projets de règle- ments ne pourront être adoptés que moyennant un préavis de 90 jours publié dans la Gazette officielle du Québec et qu'ils devront recevoir l'approbation du gouvernement.

Nous sommes pleinement d'accord avec les dispositions des articles relatifs au contrat d'intégration sociale. Nous remarquons avec satisfaction que la liberté et la dignité de la personne handicapée y sont pleinement respectées. Il en est de même en ce qui concerne l'employeur virtuel. Le principe moteur de ce genre d'entente repose sur la persuasion et l'incitation.

Notre seule réserve, quant au contrat d'intégration professionnelle a trait à l'article 69, où il est prévu que les conditions de travail du bénéficiaire d'un tel contrat prévaudront sur toute disposition inconciliable d'une convention collective ou d'un décret applicable. Nous ne prévoyons pas d'objections majeures de la part de nos membres à ce sujet. Mais puisque chaque contrat d'intégration professionnelle devra comporter une certaine négociation entre un représentant de l'office et tout employeur virtuel, nous suggérons que le représentant de l'office discute lui-même, dans chaque cas particulier, avec le syndicat ou le comité paritaire concerné, l'exception que cette clause prévoit. Il serait regrettable, en effet, que cette disposition donne lieu à des différends entre nos membres et les syndicats. A part cela, nous accordons notre appui presque inconditionnel à la formule. Il n'en est pas de même des articles 73, 74 et 75 auxquels le livre blanc ne nous avait pas préparés, mais auxquels le ministre semble devoir apporter certaines corrections.

L'article 73 a pour objet d'interdire à toute entreprise de 50 employés ou plus de congédier un salarié pour la seule raison qu'il devient une personne handicapée. De plus, toute contravention à cet article autorise le salarié à faire valoir ses droits auprès d'un commissaire-enquêteur nommé en vertu du Code du travail au même titre que s'il s'agissait d'un congédiement pour activités syndicales; cette situation est régie par les articles 14 à 19 du Code du travail.

D'abord, pourquoi 50, pourquoi 25? Le nombre ne nous apparaît pas un critère valable. En second lieu, pourquoi faire intervenir ici le Code du travail? L'Office des personnes handicapées semblerait beaucoup plus approprié pour négocier cette situation particulière avec l'employeur concerné, et surtout, pour tracer un programme de réhabilitation en faveur du nouvel handicapé, peut-être même au service du même employeur, en vertu de certaines dispositions du projet de loi no 9.

En troisième lieu, il faudra voir dans chaque cas la nature et les conséquences de l'accident qui a provoqué le handicap du salarié. S'il s'agit d'un accident du travail, il y a lieu de croire que les dispositions de la Loi des accidents du travail permettront de disposer du cas, grâce à des soins appropriés et des indemnités adéquates. S'il s'agit, par ailleurs, d'un accident non relié aux activités professionnelles, il faudrait en reconnaître la gravité et mesurer son incidence sur la capacité

du salarié concerné à satisfaire aux exigences de son poste de travail, voire de tout poste de travail. Encore ici, l'office apparaît plus qualifié que les commissaires-enquêteurs nommés en vertu du Code du travail pour adjuger du cas.

En quatrième lieu, nous notons que l'article 73 prévoit une double pénalité, soit, d'une part, une contravention qui pourrait donner lieu rétroactivement à des remboursements de salaire et, d'autre part, une infraction à la loi pouvant occasionner le paiement d'une amende entre $2000 et $5000. Le principe de la double pénalisation est contraire à nos traditions en matière de justice.

Quant aux articles 74 et 75, qui prévoient l'obligation aux employeurs d'engager, selon un plan de service, un certain nombre d'employés, nous avons pris note des intentions du ministre d'y recourir comme dernière mesure.

A la page 7, la confidentialité.

L'AMC estime qu'il est normal que les dossiers constitués par l'office au sujet d'une personne handicapée soient confidentiels. Par contre, il nous apparaît anormal que, "nonobstant toute autre loi — article 27 — l'office puisse obtenir tout renseignement d'un ministère ou d'un organisme du gouvernement, chaque fois que la chose est nécessaire pour l'application de la présente loi."

Nous pensons, par exemple, aux rapports d'impôt sur le revenu. Ceux-ci ne concernent que le ministère du Revenu et le contribuable, personne physique ou morale. La loi en garantit la confidentialité. Il y a donc lieu de limiter la portée de l'article 27, en substituant les mots "à moins de dispositions contraires dans toute loi" aux mots "nonobstant toute loi".

Juridiction de la Commission des accidents du travail. L'article 78 du projet prévoit l'obligation, pour l'office des personnes handicapées, de conclure, avec la Commission des accidents du travail, un contrat de service par lequel les parties s'engageront, dans le cadre de leur juridiction respective, à dispenser des services aux personnes pouvant bénéficier de la loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et de la Loi des accidents du travail. Ce contrat de service devra prévoir l'engagement de la CAT et de rembourser à l'office le coût des services que celui-ci leur dispense.

Il y aurait lieu de clarifier cet article. S'il s'agit de services dispensés par l'office en raison de circonstances résultant d'accidents du travail antérieurs, à l'égard desquels des soins doivent être dispensés et des indemnités payées par la CAT, nous estimons qu'il est normal que la CAT soit appelée à rembourser l'office pour ses frais en ce sens, en autant qu'on tienne compte de la rémunération du bénéficiaire intégré au marché du travail.

D'autre part, lorsque les frais de réhabilitation se rapportent à un handicap qui ne relève pas d'un accident de travail, nous estimons que la CAT ne devrait pas être appelée à effectuer quelque remboursement que ce soit à l'Office des oersonnes handicapées. C'est peut-être dans cet article qu'il faut interpréter l'article 98. Du moins, nous l'espé- rons. Il nous semble tout simplement que cet article, tel que rédigé, n'est pas tout à fait clair et nous demandons que l'intention du législateur soit précisée, sans plus.

Comme certaines des affirmations qui sont contenues dans la dernière partie de notre mémoire peuvent sembler négatives, nous tenons à réitérer le parfait accord de l'association avec les principes généraux qui ont inspiré la rédaction du projet de loi. Les quelques objections que nous avons formulées dans les pages précédentes se rapportent spécifiquement aux dispositions du projet dont la phraséologie ou l'inspiration semble oublieuse des principes généraux du livre blanc. Il nous apparaît essentiel de sauvegarder la dignité des personnes handicapées qui seront assujetties au programme et d'éviter toute disposition coerci-tive qui risquerait d'en compromettre l'efficacité et le succès en limitant la collaboration des employeurs virtuels. Merci.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie M. Ethier.

M. Clair: Puis-je avoir une directive de votre part? Je constate que nous avons quorum, mais que seuls deux des partis reconnus à l'Assemblée nationale sont représentés; l'Opposition officielle n'étant représentée par aucun de ses membres. Est-ce qu'il y a quelque chose qui nous empêcherait de continuer nos travaux en l'absence d'un représentant de l'Opposition officielle, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): La directive sera facile à donner. A partir du moment où une commission a quorum, elle peut siéger et poursuivre ses travaux. Je vais céder la parole à M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: M. le Président, je veux remercier l'Association des manufacturiers canadiens, division du Québec, pour le travail qu'elle nous présente ce matin. Je veux aussi souligner l'esprit positif avec lequel les représentants de l'association ont abordé ce projet de loi. J'ai quelques réactions. Je me réjouis que l'association soit pleinement d'accord avec les principes qui sont avancés. Vous vous posez la question, comme une certaine minorité des groupes qui nous ont envoyé des mémoires, vous posez la question à savoir est-ce que c'est bien nécessaire d'avoir une loi? Encore une fois, il faut répéter que, idéalement, cela ne devrait pas être nécessaire d'avoir une loi, mais que, en pratique — et c'est l'expérience qu'on retrouve dans beaucoup de pays — étant donné qu'il y a beaucoup de rattrapage à faire, de trous à combler dans nos services, il est commode de souligner l'importance du travail à faire par une loi.

Il est commode d'avoir un organisme permanent qui va principalement agir comme chien de garde et qui va aussi agir comme coordonnateur de tous les services qui doivent être donnés par différents ministères, y compris, évidemment, le

réseau des affaires sociales. Il ne s'agit pas, pour cet office, de créer lui-même des services; il pourra le faire de façon très exceptionnelle tant que les structures en place des ministères ne parviendront pas à le faire.

Je vous fais remarquer aussi — et jusqu'ici je n'en ai pas parlé — je pense que pour ceux qui liront le journal des Débats, il est important de noter que nous n'improvisons pas dans ce domaine. Les Etats-Unis ont passé, le gouvernement fédéral américain a passé une législation en 1973; depuis, plusieurs états américains, la plupart, ont passé une loi spéciale; chaque état a passé une loi spéciale pour la réadaptation, si vous voulez, des handicapés physiques et mentaux. Les pays d'Europe occidentale... La Grande-Bretagne est à l'avant-garde dans ce domaine. Depuis 1944 que la Grande-Bretagne a légiféré dans ce domaine, sa loi a été révisée en 1953 et il existe en Grande-Bretagne, par exemple, à l'intérieur de sa législation, une clause qui oblige les employeurs de plus de 20 employés à réserver 3% des postes pour les handicapés physiques et mentaux. En Allemagne de l'Ouest, il y a cette législation aussi.

Si je fais ces remarques ce matin, c'est peut-être rattaché à la nature ou, si vous voulez, aux préoccupations de nos amis de l'Association des manufacturiers qui, déjà, s'inspirent souvent de l'Allemagne de l'Ouest au plan des politiques industrielles, des politiques commerciales. Souvent, on regarde avec une certaine admiration le renouveau économique de l'Allemagne de l'Ouest. D'une part, plusieurs ici nous ont fait valoir qu'il n'était pas opportun d'avoir une mesure coerci-tive; mais je fais remarquer que l'expérience, dans beaucoup de pays d'Europe, c'est qu'après avoir essayé des mesures incitatives pendant plusieurs années, ils se sont rendus compte que cela n'était pas suffisant. Cela ne veut pas dire que la mesure obligatoire de 3% en Allemagne, aussi bien qu'en Angleterre, a donné des résultats miraculeux, mais cela a quand même été mieux que seulement l'incitation.

C'est cela que je voudrais que les gens comprennent, autant les personnes handicapées elles-mêmes que les groupements qui nous présentent des mémoires. De toute façon, nous nous rallions au voeu de la majorité et nous allons, en tout cas, dans un premier temps, nous en tenir aux mesures incitatives; nous espérons que les employeurs, qu'ils aient, comme vous le dites, 50 ou 20 employés, peu importe... On a mis 50, c'est sûr que c'est arbitraire le chiffre 50, comme le chiffre 20 est arbitraire aussi en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Mais on pensait justement qu'il fallait peut-être, au début surtout, ne pas être trop exigeant vis-à-vis des petites entreprises et c'est pour cela qu'on a établi le chiffre 50 et plus; ce pourrait être 60, 70, 75, je suis bien d'accord avec vous.

Je pense que la nécessité d'une loi pour nous, si on regarde l'expérience dans le monde occidental, elle nous paraît évidente cette nécessité-là. Je vois que vous êtes d'accord avec les articles qui traitent de l'intégration professionnelle. Vous avez certaines réticences et vous suggérez que l'office, par le biais du syndicat de l'entreprise, joue un rôle dans l'acceptation d'un plan d'intégration. Je pense que c'est une suggestion fort intéressante et on va en tenir compte. Il y aura évidemment au conseil d'administration de l'office un représentant du monde syndical aussi bien qu'un représentant du monde patronal. Je pense que ces questions que vous nous posez, nous allons en tenir compte. Pour la confidentialité, nous avons dit hier que l'article 27 serait révisé un peu dans le sens que vous nous proposez ce matin. L'article aussi qui impose dans un sens une double pénalité, l'article 82, aussi nous paraît devoir être modifié.

Enfin, ma dernière remarque c'est concernant la Commission des accidents du travail, c'est l'article 78. Pour répondre à votre question, il est évident qu'il s'agit seulement de cas d'accidents du travail. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez des commentaires ou des précisions à apporter sur les propos du ministre?

M. Ethier: J'ai deux commentaires. Nous sommes au courant, M. le ministre, des expériences qui ont été faites tant aux Etats-Unis, en Allemagne, en Angleterre et ailleurs, mais nous avons aussi lu les commentaires sur ces législations et leur efficacité tel qu'ils apparaissent dans le journal des Débats au moment où le projet de loi no 55 a été étudié et présenté par l'ancien gouvernement sur le même sujet mais dans une orientation bien différente cependant. L'efficacité de la législation en Allemagne... c'est très discutable. D'ailleurs, il s'agit d'un domaine qui doit reposer sur la bonne volonté. On n'impose pas à quelqu'un de faire la charité ou d'être bon. Il faut qu'il y ait au départ certaines convictions à ce sujet et c'est pourquoi l'orientation nouvelle que vous avez adoptée de recourir à la coercition en dernier recours et, si c'est nécessaire, d'avoir ce chien de garde qui serait là pour assurer une évolution dans un sens donné, cela nous apparaît très raisonnable.

Vous avez peut-être mal interprété une intervention lorsque nous avons parlé de l'exemption de certaines conditions de travail des handicapés sur le plan de services, des dispositions de la convention collective ou des dispositions d'un décret. Vous avez dit que l'office pourrait, via le syndicat, accomplir certaines choses. Ce n'était pas l'intention que nous poursuivions. Le point que nous désirions faire est à l'effet que, s'il y a exemption de certaines dispositions de la convention collective ou d'un décret à établir, à l'endroit d'un handicapé, et qu'il faille à ce moment-là obtenir le consentement d'un syndicat, quel qu'il soit, nous aimerions que la négociation à cette fin relève de l'office vis-à-vis du syndicat plutôt que de l'employeur avec le syndicat. Nous avons déjà assez de choses à négocier avec les syndicats et peut-être particulièrement avec ce projet de loi — parce qu'on a noté le désir de la CSN de voir le gouvernement retirer le projet — s'il y a négo-

ciation à faire et que c'est possible que l'office la fasse, nous préférerions que ce soit l'office qui la fasse.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Lazure: Oui, rapidement. Sur le dernier point pour qu'on s'entende bien, je pense avoir mieux saisi l'objet de votre intervention. Ma réponse, à première vue, c'est non pas de dire que cela devrait être réglé entre l'office et le syndicat mais plutôt que cela devrait être discuté et réglé par une rencontre tripartite: l'employeur, le syndicat et l'office. Je crois qu'on s'entend là-dessus?

M. Ethier: Oui, l'office ayant à demander certaines choses à l'employeur, à l'intérieur de ce plan spécifique du plan de services...

M. Lazure: D'accord.

M. Ethier: ... et ayant certaines choses à demander au syndicat pour favoriser ce plan. Je suis bien d'accord mais que ce ne soit pas une négociation entre l'employeur et son syndicat qui puisse donner lieu à des différends. Il y en a assez déjà, Dieu merci!

M. Lazure: Sur l'autre point, ma dernière remarque. Vous faites allusion aux évaluations plus ou moins négatives par rapport à l'expérience d'Angleterre et d'Allemagne qui apparaît au journal des Débats. Il faudrait d'abord voir de qui viennent les remarques.

Vous avez souligné avec beaucoup d'à propos que l'esprit dans lequel le bill 55 était présenté et l'esprit dans lequel le bill 9 est présenté, ce sont deux esprits différents. C'est normal, il s'agit de deux gouvernements différents. Ces remarques qui apparaissent au journal des Débats sur le bill 55 seraient aussi discutables. Chose certaine, c'est qu'en 1974, en Angleterre, 574 000 personnes handicapées étaient inscrites au registre des personnes handicapées et de ce nombre, au-delà de 400 000 avaient un emploi. En Allemagne, pour l'année 1975, 113 000 employeurs fournissaient 619 000 emplois aux personnes handicapées. Sur ces 619 079 emplois, 450 283 provenaient du secteur privé.

Cela me rappelle un peu les longues discussions qu'on avait eues au Québec il y a plusieurs années en rapport avec l'assurance-maladie, venant, en particulier, des groupes de médecins qui disaient: "c'est épouvantable l'assurance-maladie que vous voulez installer. Regardez donc en Grande-Bretagne, en Allemagne et un peu partout pour voir ce que cela a donné. C'est affreux". C'était un diagnostic posé par les groupes de médecins qui s'opposaient au régime d'assurance-maladie. Le diagnostic posé par un simple citoyen qui, à l'époque, allait en Angleterre, était très différent et très favorable vis-à-vis du régime d'assurance-maladie. Aujourd'hui, personne ne met en cause, dans ses fondements, le régime d'assurance-maladie. Tout cela pour dire, M. le Président, qu'on se rallie encore une fois à la méthode incitative, mais il ne faut pas rejeter du revers de la main les expériences qui ont été faites dans d'autres pays avec des méthodes différentes. Merci.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: ...l'Union Nationale parce que j'ai été...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Merci, M. le Président. Comme première question: vous avez pris connaissance de la situation des handicapés dans les autres pays d'Europe et des Etats-Unis? Avez-vous fait des études de l'AMC sur la question des handicapés?

M. Ethier: Pas des études poussées dans les autres pays, mais nous avons commencé un relevé chez nos membres de l'emploi de personnes handicapées. Cela devrait être terminé dans quelques semaines. Nous allons soumettre au gouvernement ce document qui va démontrer que déjà, sans législation, il existe certaines politiques qui varient énormément, mais qui tendent à favoriser, jusqu'à un certain point, chez beaucoup d'employeurs, l'embauche de personnes handicapées. Nous n'avons pas fait d'études des législations ailleurs bien que nous les connaissions vaguement. L'étude du projet 55, à l'époque, avait favorisé des discussions relativement à ce qui se fait ailleurs. En Allemagne, aussi bien du côté de l'Opposition que du côté du gouvernement, on reconnaissait que les employeurs qui s'opposent à ce genre de lois payaient régulièrement l'amende et cela finissait là. Les amendes n'étaient d'ailleurs pas très onéreuses.

M. Shaw: C'est évident qu'il y a des moyens d'éviter des procédures qui sont impliquées dans un projet de loi, comme une forme de taxe additionnelle. Avez-vous parlé avec vos membres, avez-vous discuté de ce projet de loi, en ce sens que c'est vraiment une forme de taxe additionnelle pour les employeurs?

M. Ethier: Nous ne soulevons pas ce problème de taxe. Jusqu'ici notre société semblait accepter que par les taxes que nous payons, nous supportions les handicapés que notre société comporte; que ce soit par des mesures de bien-être social, par l'érection et la mise en place de systèmes spéciaux d'enseignement, de maisons de réhabilitation. C'était une façon de le faire. La réintégration est une autre façon de le faire. C'est peut-être dans le sens de l'orientation d'une société qui évolue. On est prêt à considérer cela. Avant on s'était reposé. Il y a un problème. Combien cela coûte?

Et aujourd'hui, non, on est peut-être plus humanisé et on dit: Oui, intégration. Quel est-il, ce plan de service? Qu'on l'étudié! Il nous apparaît logique...

M. Shaw: Alors, vous commencez maintenant à avoir une politique chez l'AMC pour les handicapés. Il faut que vous commenciez à développer une politique parce qu'il y a les deux côtés de la médaille dont l'un est la réinsertion sociale des handicapés dans le milieu de travail. Alors, chaque organisme a une responsabilité civique envers ces personnes. Avez-vous commencé à développer une politique?

M. Ethier: Au niveau de l'association, non. Au niveau des membres, nous avons noté qu'il y a des politiques locales personnelles chez beaucoup d'employeurs qui existent depuis bien avant que l'on ne parle de législation en ce sens. Peut-être que les éléments du plan de service prévu — et c'est la première fois dans notre histoire sociale au Québec qu'on a un plan de service dont les éléments sont aussi bien développés, aussi bien agencés — peut-être que les principes sous-jacents à la réinsertion sociale des handicapés seront l'élément moteur qui nous permettra d'établir une politique dans le sens de tout ce qui est positif et incitatif dans la loi.

M. Shaw: C'est évident, aussi, que pour éviter la coercition dans ce domaine, j'ai toujours peur d'une grosse régie, on a assez de régies au Québec, maintenant, dans tous les domaines, mais toutes ces régies sont le résultat du fait que le secteur privé n'a pas agi comme il le faut pour répondre à certaines demandes. Maintenant, on parle des handicapés et peut-être que cela sera bon et, qu'à cause de cette crainte de coercition, nous allons voir une politique humaine pour les handicapés développée par l'AMC.

M. Ethier: Ce n'est pas tellement la crainte de la coercition qui motive notre intervention, c'est plutôt la conviction que la coercition n'est pas la vraie méthode d'apporter la collaboration qui est si nécessaire dans des objectifs comme ceux qu'on poursuit là-dedans.

Vis-à-vis du handicapé, vous avez d'abord une décision très sérieuse à prendre. Le type qui va s'engager dans un programme va devoir s'engager dans un programme à long terme. Qu'il s'engage d'abord pour six mois, c'est peut-être possible de travailler sans trop de difficultés, par exemple, pendant des mois d'été avec une chaise roulante, mais si on est en août et on s'engage pour six mois, il faut y penser deux fois. Ensuite, il faut s'inscrire, il faut d'abord compléter l'éducation scolaire, il faut parachever des cours d'intégration au marché du travail, d'adaptation au marché du travail. Le libre blanc fait état de cours qui disent: Qu'est-ce qu'un contremaître? Cela demande une décision et un certain niveau de sérieux à ceux qui vont le faire. Vis-à-vis de l'employeur, ensuite, pour le contrat d'insertion au marché du travail, il faut aussi un engagement qui comporte une période. On dit: La coercition ne serait peut-être pas nécessaire parce qu'il est loin d'être établi qu'on a assez de candidats. Il serait bon qu'on en ait de très nombreux candidats, mais on ne les a pas encore, et il y a beaucoup d'handicapés, déjà, qui travaillent, et, de cela, il faudrait, à un moment donné, en tenir compte parce qu'on va aller voir un employeur et on va dire: D'accord, comment fais-tu pour établir 3% de ton personnel handicapé? Mais, lui, va nous en donner quinze de son personnel qui le seraient en vertu de la définition un peu trop vague qu'on a, mais qui seraient peut-être des handicapés aux fins de la loi, et il en reste peut-être 1,5%.

M. Shaw: Vous voyez que même le pourcentage de 3% est arbitraire, mais la chose importante est que, dans les autres pays, on voit que les quatre cinquièmes des handicapés sont employés, ont des emplois.

Peut-être, avec le projet proposé par le ministre, pourrons-nous procurer à quatre cinquièmes des handicapés du Québec, des emplois, ces chiffres peuvent changer. Mais, il faut une attitude positive des deux côtés...

M. Ethier: Oui, mais avec l'appui assez discutable reçu jusqu'à ce jour des associations des handicapés, il n'est pas établi encore que ou quatre cinquièmes ou deux tiers ou la moitié des handicapés désirent s'inscrire selon le plan prévu à la loi proposée. Ce n'est pas établi encore. Et, dans quelque six semaines, peut-être, on sera en mesure de vous dire combien de personnes handicapées ont des emplois dans le domaine manufacturier. On sera en mesure de vous le dire, dans un certain temps, on a entrepris la recherche.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député... M. le ministre?

M. Lazure: Pour préciser, pour Mme le député de L'Acadie, les chiffres que je citais tantôt — elle était absente pour quelques minutes — ce sont des chiffres de Grande-Bretagne, de 1974; sur 574 000 personnes handicapées qui étaient inscrites au registre — on tient un registre permanent — un peu plus de 400 000 occupaient un emploi dans le cadre des 3% qui là-bas sont obligatoires.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Si vous me permettez une question supplémentaire. Est-ce qu'il s'agissait nécessairement d'emploi ou d'occupation dans l'industrie, la fonction publique ou parapublique, ou si on parlait également des ateliers protégés là-dedans?

M. Lazure: Non, il s'agissait véritablement d'emploi et non pas d'atelier protégé. Pour l'Angleterre, on n'a pas la division entre public et

privé. On l'a, cependant, pour l'Allemagne et j'ai cité le nombre tantôt. Si vous me donnez deux secondes; cela serait au journal des Débats. Ah oui, je l'ai ici. En Allemagne de l'Ouest, sur 619 079 emplois aux personnes handicapées, 450 283 proviennent du secteur privé.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je veux d'abord vous remercier pour votre mémoire. Vous y faites valoir des points de vue intéressants quant à l'intégration des handicapés. Une partie de vos préoccupations doit être diminuée suite aux amendements que le ministre a mis de l'avant. Je voudrais simplement signaler, je suis heureuse que vous le fassiez vous-même au haut de la page 4, les pouvoirs excessifs de réglementation. Ils pourront prêter à des difficultés. Le fait qu'on n'ait pas établi à l'intérieur de la loi des seuils minimums d'incapacité, par exemple. Comme dans bien d'autres cas où parfois c'est difficile de trancher, on renvoie dans le cas présent à l'office le soin d'établir ses seuils ou de définir ce qu'est l'incapacité.

Cela pourra éventuellement, créer des difficultés sans compter que tous ces règlements, une fois de plus, retirent du pouvoir législatif les responsabilités qui, normalement, devraient être siennes. Je dois dire, à la décharge du gouvernement actuel, même si je suis de l'Opposition officielle, que cela n'est pas une nouvelle tendance. Mais elle me semble s'accentuer, dans le cas du gouvernement présent. Les lois deviennent de plus en plus squelettiques et, finalement, c'est dans des règlements qu'on finit tant bien que mal par administrer les citoyens et tout le domaine public.

J'ai cru comprendre, à la fin, que vous aviez dit que vous n'aviez pas de statistiques quant au nombre de handicapés qui sont présentement dans l'industrie manufacturière. Est-ce exact?

M. Ethier: C'est exact.

Mme Lavoie-Roux: Faites-vous des recherches là-dessus?

M. Ethier: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Je n'ai pas d'autres remarques, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Drummond.

M. Clair: M. le Président, nos invités mentionnaient tantôt qu'effectivement il y avait déjà trop de handicapés qui étaient au travail dans diverses entreprises.

Un groupe qui était entendu hier, je pense, suggérait que le Code du travail soit amendé dans le but d'imposer, de forcer tout groupe syndical et tout patron qui négocient une convention collective d'inclure dans cette convention collective des dispositions relativement à la possibilité pour des handicapés de sauter des postes dans un plan de carrière, dans le but d'éviter que le handicapé, parce que la convention collective s'applique également à tous les salariés, ne puisse, à un moment donné, franchir des postes et s'établir un plan de carrière comme tout autre individu, simplement parce que la convention collective, à toutes fins pratiques, vient l'en empêcher.

J'aimerais entendre les commentaires de l'Association des manufacturiers sur une telle suggestion.

M. Ethier: A prime abord, une orientation comme celle-là — c'est personnel parce que je n'en ai pas discuté avec d'autres, mais, en tant que directeur de la division du Québec de l'association, j'estime connaître assez bien ces politiques — je pense qu'il s'agit là d'une orientation très discutable. Nous demandons, relativement à l'article 73, par exemple, qu'on dise ceci entièrement: ce projet du Code du travail. Je verrais d'un mauvais oeil qu'on ajoute une nouvelle relation avec le Code du travail. Le Code du travail poursuit un but précis, c'est cadrer les relations patronales-syndicales en vue de la convention collective, des conditions de travail pour un groupe donné. C'est le groupe majoritaire. Par la convention collective, on ne vise pas des groupes particuliers, surtout des groupes exceptionnels; je ne pense pas que ce soit en conjonction avec le Code du travail qu'on doive viser cet objectif. C'est plutôt à l'intérieur de cette loi précise qui assure l'exercice de droits pour personnes handicapées. On peut envisager le plan de carrière comme un de ces droits. Il s'agit d'une personne au même titre qu'en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne.

Ce n'est pas quelque chose spécifiquement relié au Code du travail, mais ce serait spécifiquement relié au projet de loi qu'on discute présentement. C'est plutôt là, dans la réglementation de l'office.

M. Clair: Est-ce que la convention collective qui est intervenue entre un employeur et ses employés n'est pas régulièrement un obstacle à l'évolution d'une personne handicapée dans un plan de carrière et, à ce moment, est-ce que cela ne devient pas une question de relations de travail, justement, qui devrait être régie par le Code du travail? Egalement, lorsqu'une personne est congédiée ou remerciée de ses services, parce qu'en vertu de la convention collective, d'une part, il n'y a pas de postes qui sont ouverts et, d'autre part, parce qu'elle n'est plus en mesure d'effectuer le travail qu'elle effectuait auparavant, est-ce que ce n'est pas un congédiement qui doit être régi également par le Code du travail?

M. Ethier: C'est certainement quelque chose qui pourrait être envisagé, comme je pense qu'il faudra d'abord définir d'une façon plus précise, probablement par la réglementation que la loi 9 envisage, les conditions "particulières" qui doi-

vent s'appliquer aux personnes handicapées. La convention collective doit viser d'abord ces grands objectifs. Bien sûr, lorsqu'on a une convention collective, on peut l'avoir négociée de bonne foi et on s'aperçoit qu'il y a des clauses qui sont très nuisibles après. Je donne un exemple. Lorsqu'on a des clauses d'ancienneté très fermes pour l'ouverture ou l'attribution de postes, on s'aperçoit que cela nuit à l'embauchage de personnes qui viennent d'institutions qu'on a développées dans un cadre d'évolution de la société. Prenons, par exemple, l'école de technologie ou nos CEGEP dans les options professionnelles.

Vous développez là des gens qui seront très désirables pour l'industrie, qui ont une plus grande scolarité. Lorsque vient le temps pour eux de s'intégrer dans un cadre industriel à un niveau donné, à une entrée latérale, et non pas au salaire de base de l'entreprise, il se peut fort bien qu'on ait déjà des politiques d'ancienneté pour une ouverture ou l'attribution de postes qui empêche l'embauche de ces personnes qui sont — et c'est complètement à l'opposé de la situation — mieux qualifiées, mieux préparées pour cet emploi. Mais on est obligé de le donner à un gars qui a une quatrième année parce que c'est lui qui a l'ancienneté.

Imaginez-vous que si on arrive avec la même politique et qu'on envisage de protéger ou de respecter les droits d'une personne qui, au point de vue du travail, a un handicap, comment l'ancienneté viendrait-elle nuire? C'est pourquoi la solution que suggère le ministre ce matin, d'une négociation qui serait tripartite... L'office a quelque chose à vendre à l'employeur et aux syndicats, qu'il fasse sa négociation; qu'elle soit tripartite, d'accord, mais, de grâce, qu'il ne nous la confie pas parce qu'on ne peut pas protéger l'emploi de technologues mieux préparés que beaucoup de nos employés; on ne peut pas assurer l'emploi des finissants des CEGEP. Avec les syndicats, on va avoir beaucoup de difficultés à assurer l'emploi des handicapés, surtout quand il y a une des grandes centrales qui a demandé le retrait de la loi 9.

M. Clair: A mon sens, vous démontrez justement la nécessité que la personne handicapée ait des droits solides. Finalement, dans toute cette négociation, tant l'employeur que le syndicat, bien souvent, ont des intérêts communs de ce côté; ils ne feront pas une grosse chicane concernant une personne handicapée. Je vis actuellement le cas d'un monsieur qui a eu une blessure dans le mollet et qui ne peut plus continuer à travailler debout comme il le faisait; il s'ouvre un poste assis, qu'il pourrait occuper, mais justement à cause des clauses d'ancienneté dans la convention collective, il ne peut occuper le poste. Ni le syndicat ni l'employeur n'ont fait, à mon sens, le moindre geste pour tenter de lui donner des chances de continuer à faire carrière dans cette entreprise manufacturière.

Dans ce sens, je me dis que si on ne prévoit pas des dispositions assez fermes au niveau du Code du travail au sujet de la personne handica- pée en tant que travailleur, je crains que l'entente soit peut-être trop facile entre l'employeur et le syndicat, à ce moment-là.

M. Ethier: Là, on prévoit une étape de plus, une étape très spécifique favorable à la personne handicapée et qui serait la négociation tripartite que le ministre a suggérée. Il y aurait un nouveau corps intermédiaire qui interviendrait, ce serait l'office, qui négocierait avec les deux l'application de cette loi. C'est beaucoup plus influent et susceptible d'avoir des résultats que la négociation in camera du représentant syndical et du représentant patronal, surtout que ce n'est pas assujetti au vote de ratification.

M. Clair: Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): Brièvement, le député de Laviolette.

M. Jolivet: Sur la même lignée, quand on regarde l'article qui dit que cela permet au salarié de faire valoir ses droits auprès d'un commissaire-enquêteur nommé en vertu du Code du travail, vous dites que cela devrait être envoyé, cette possibilité, ailleurs. Où la voyez-vous? Si vous parlez d'une négociation tripartite entre l'office qui est créé, le patron et le syndicat, quels seraient les mécanismes? Le mécanisme du Code du travail est rigide sur cela, ça permet des droits d'appel au niveau du commissaire-enquêteur. De quelle façon voyez-vous le droit pour le salarié de se protéger dans le cas où une personne fait une crise cardiaque et qu'on la congédie parce qu'elle est considérée comme invalide, d'un certaine façon, pour le travail qu'elle faisait avant? Vous jugez cela comment?

M. Ethier: Le paragraphe suivant ou le même paragraphe affirme que l'office nous paraît être un organisme beaucoup mieux adapté ou plus approprié pour régler ces situations, que le commissaire-enquêteur qui est habitué, lui, à intervenir dans des chicanes, avec des parties qui opèrent, parce que c'est l'économie du Code du travail, dans un climat d'adversaires, alors que là on vise un but qui devrait être dénué complètement de ce climat. Il s'agit de la réinsertion sociale de la personne handicapée. On établit une convention au départ dont est partie la personne handicapée elle-même, l'office, l'employeur et peut-être même, à cause des négociations tripartites, le syndicat, parce qu'il va devoir consentir des exemptions, mais pas un commissaire-enquêteur, avec un responsable de l'office, puisque c'est la fonction de l'office.

M. Jolivet: II ne s'agit pas ici de réinsertion du salarié, il est déjà à l'emploi sauf qu'il devient handicapé puis on le congédie parce qu'il devient handicapé, ce n'est pas une réinsertion, c'est de protéger ses droits de salarié d'avoir une occupation à l'intérieur des différents postes possibles de l'industrie, comme faisait mention le député de

Drummond sur cette question quand il dit: une personne ne peut plus accomplir une tâche debout mais elle pourrait en accomplir une assise. Cette personne est congédiée purement et simplement à cause de son nouvel handicap, alors qu'elle était déjà à l'emploi. C'est un congédiement, ce n'est pas un nouvel employé cela, c'est dans ce sens que je vous pose la question.

M. Ethier: II y a des corps publics, des corps intermédiaires qui ont des fonctions très spécifiques; ceux qui travaillent en vertu du Code du travail ont certaines fonctions, l'office en aurait vis-à-vis la protection des droits des personnes handicapées et la meilleure façon et les meilleures façons de les assurer, on ne voit pas pourquoi on sortirait cela de l'office pour le mettre dans un autre ministère ou enfin, pas dans un autre ministère, mais les fonctions qui relèvent d'un autre ministère. Et à part de cela, en discutant avec des employeurs, on empêche, on interdit de congédier la personne. Vous savez, elles ne sont pas toutes congédiées, les personnes qui seraient handicapées, et ce n'est pas toujours en vertu d'accidents du travail. Il y a beaucoup de personnes qui deviennent handicapées et qui continuent à travailler. On le démontrera en temps et lieu quand on aura des chiffres.

Mais je ne pense pas que cette orientation vis-à-vis le Code du travail plutôt que vis-à-vis l'office soit désirable.

Le Président (M. Marcoux): Sur le même sujet.

M. Clair: Est-ce que nous n'avez pas l'impression, à ce moment-là, que vous considérez la personne beaucoup plus comme une personne handicapée et ainsi vous la mettez en marge de la société, pas comme un travailleur ordinaire qui fait face à des problèmes spécifiques. J'ai l'impression, en tout cas, votre façon de répondre à la question nous laisse voir que vous considérez cette personne, d'abord et avant tout, comme une personne handicapée, et non pas comme une personne au travail, un travailleur qui a les mêmes droits que tout autre travailleur en vertu du Code du travail ou des lois générales.

M. Ethier: Je ne voudrais pas être méchant, mais c'est peut-être le texte original du projet qui tend à faire penser comme cela. Heureusement qu'arrivent certains amendements qui vont faire de la personne handicapée une personne au même titre que les autres. Aujourd'hui on lit dans le Devoir qu'on reconnaît maintenant, bien oui, que la charte s'applique à ces personnes-là comme à toute autre personne, qu'on va laisser tomber le certificat. Non, nous n'avons pas voulu penser en ce sens et nous demandons que la législation pense de plus en plus à cette personne dans le sens d'une personne comme les autres.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre. M. Lazure: M. le Président, simplement deux mots suite aux dernières remarques du représentant de l'Association des manufacturiers canadiens. Cela ne nous est pas arrivé comme un éclair de dernière minute qu'on pouvait reconnaître les droits des personnes handicapées par la charte. J'ai eu de longues discussions, depuis plusieurs mois, là-dessus.

Les avis qu'on nous avait donnés dans d'autres ministères, jusqu'à tout récemment, c'était qu'il valait mieux, pour protéger ces droits, les inscrire dans le projet de loi no 9.

Il y a eu des avis contraires donnés plus récemment. On aurait préféré, au départ, tout simplement les inscrire dans la charte. C'était simplement pour s'assurer, disait-on à l'époque — les conseillers juridiques d'autres ministères qui nous avisaient — qu'il était encore préférable de les inscrire, comme je viens de le dire, dans le projet de loi pour les droits des personnes handicapées. Mais, à partir du moment où on nous assure, au plan légal — et c'est ce qu'on a fait récemment — à partir du moment où on nous assure que ces droits seront tout aussi bien assurés, sinon mieux, maintenant, dans la charte, nous, on dit: bravo, on se réjouit de cela. Je veux remercier les représentants de l'association pour leur mémoire.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, M. Ethier, pour la présentation de votre mémoire et pour la contribution que vous avez faite aux travaux de cette commission.

J'inviterais maintenant la Chambre de commerce de la province de Québec à venir nous présenter son mémoire.

Chambre de Commerce de la province de Québec

M. Boudreau (Louis): M. le Président, mon nom est Louis Boudreau. Je représente ici le bureau exécutif de la Chambre de commerce de la province de Québec. Je suis accompagné de M. Pierre Morin qui est directeur général des affaires publiques à la Chambre de commerce de la province de Québec.

Je voudrais simplement vous mentionner que l'essentiel du mémoire que nous vous avons soumis à été approuvé à l'assemblée générale annuelle de nos membres, et qu'il a été approuvé de façon unanime lors de notre congrès, ici à Québec, au début du mois de novembre.

M. Morin étant responsable de la recherche qui a conduit à la rédaction de ce mémoire, je lui laisserai donc le soin de le lire et de le commenter.

M. Morin (Pierre): M. le Président, si ma compréhension est exacte, je crois que le texte de notre mémoire est versé au compte rendu, au journal des Débats.

Le Président (M. Marcoux): Ce n'est pas automatique. On peut le demander. Si vous le demandez et que les membres de la commission sont consentants, il peut être versé en annexe ou ajouté au compte rendu du journal des Débats. A ce moment là, vous pouvez le résumer.

M. Morin (Pierre): Je souhaiterais vous le demander, M. le Président, si les membres sont consentants.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que les membres de la commission sont d'accord pour que le mémoire présenté par la chambre de commerce soit versé au journal des Débats? Ce sera fait.(voir annexe A).

M. Morin (Pierre): Merci. Cela me permettra d'être un peu plus bref, tout au moins dans la présentation du mémoire. Un autre préalable que l'on doit faire, c'est que l'annonce faite par le ministre de certaines modifications au projet de loi, le 29 novembre dernier, répond en plusieurs points aux interventions que nous vous soumettons dans notre mémoire. Nous vous en remercions, M. le ministre.

L'intervention de la chambre de commerce se situe à deux niveaux précis. D'abord, la problématique qui devrait sous-tendre une législation visant à assurer l'exercice des droits des personnes handicapées. Pour votre information, M. le Président, j'en suis à la page 2, au centre de la page, illustré par certains articles du projet de loi 9, et certains aspects techniques du projet de loi.

Au niveau de la problématique, une société saine, démocratique et le législateur qui la représente ne peuvent qu'être soucieux d'assurer à tous leurs citoyens, défavorisés ou non, handicapés ou non, l'exercice en pleine égalité de leurs droits et libertés fondamentales. Cependant, certains citoyens sont, dans les faits, mieux placés que d'autres pour jouir de leurs droits et les exercer, et il est alors normal que le législateur s'adapte à cette réalité et il est aussi indispensable qu'il apporte les correctifs nécessaires pour remédier à cette malencontreuse situation.

Une législation qui apporte les correctifs nécessaires se doit d'intervenir avec précision et justesse. Il faut légiférer tout en tenant compte de la dignité et de l'amour-propre des personnes visées par les dispositions nouvelles. Il faut légiférer tout en ayant à l'esprit que, déjà, la nécessité de cette législation tend à démontrer que les personnes handicapées ne seraient pas des citoyens à part entière, mais des citoyens qui, au même titre que les mineurs et les déficients mentaux, demandent à être protégés comparativement aux autres.

Aussi, s'agit-il d'un secteur délicat de législation. Les personnes handicapées ont à coeur de démontrer qu'elles sont des citoyens normaux, aussi débrouillards que les autres, et il ne faudrait pas contrecarrer cet effort d'adaptation par une législation trop paternaliste qui consacrerait le principe que toutes les personnes handicapées ont à être dorlotées, envers et contre tous.

Malheureusement, nous constatons que le projet de loi 9, dans sa version initiale, tout au moins, rencontre justement ces objections. Il est certes louable pour le législateur de vouloir assurer l'exercice des droits des personnes handicapées; cependant, la façon de légiférer dans ce cas-ci est aussi importante que l'objectif poursuivi.

Par souci d'assurer l'exercice d'un droit, il ne faut pas renforcer l'idée que les handicapés sont tellement défavorisés qu'ils doivent être placés sous la tutelle de l'Etat. A maints endroits, c'est ce que fait le projet de loi.

Je lis maintenant à la page 7 de notre mémoire. Les paragraphes et articles que je saute, essentiellement, ont déjà trouvé réponse dans la déclaration du ministre. C'est pourquoi nous passons outre.

Nous sommes parfaitement conscients que le législateur ne veut que s'assurer que les personnes handicapées pourront exercer leur droit sans faire l'objet de discrimination. Cependant, son attitude et les différentes modalités prévues au projet de loi ne changeront pas vraiment la situation actuelle, car dorénavant les personnes handicapées qui seront sujettes à une discrimination factuelle le seront également de par la loi.

Enfin, la section 4 du projet de loi s'adresse à l'emploi de la personne handicapée. Les trois grands éléments de cette section sont: a) l'interdiction faite à l'entreprise de 50 employés et plus de licencier un salarié pour la seule raison qu'il est devenu une personne handicapée; b) la possibilité pour l'office d'exiger des entreprises de 50 employés et plus l'embauche de personnes handicapées jusqu'à concurrence de 3% des effectifs; c) la possibilité pour l'office de subventionner les entreprises soit pour l'adaptation des postes de travail, soit pour favoriser l'emploi des personnes handicapées. A priori, les trois éléments de cette section paraissent équilibrés et en principe ils le sont. Il est normal de concevoir qu'une partie importante de l'intégration ou de la réintégration sociale et professionnelle d'une personne handicapée soit déterminée par l'emploi et que l'entreprise puisse et même doive y jouer un rôle important.

Cependant, l'équilibre apparent ne résiste pas à l'examen, ni pour la personne handicapée, ni pour l'entreprise. D'abord, la personne handicapée est très vaguement définie comme étant "limitée de façon significative et persistante dans l'accomplissement d'activités normales, à cause d'une déficience physique ou mentale et reconnue comme telle par l'office."

Oublions, pour les fins de la discussion, le handicap physique et examinons la déficience mentale. Celle-ci peut emprunter plusieurs formes et peut même à la rigueur résulter de l'incapacité de la personne à s'adapter à la nature même de l'entreprise ou du milieu de travail. Or, ce milieu de travail n'est pas composé que de l'employeur seul sur qui repose l'interdiction de licencier, mais aussi de collègues de travail. Dans de telles circonstances, la personne handicapée peut voir son droit respecté tout en perdant un autre droit celui à l'intimité et à l'intégrité de sa personne.

Pour l'entreprise visée, il peut y avoir conflit entre, d'une part, le respect du droit de la personne handicapée et les pénalités pouvant être encourues. Ce sont là les pénalités prévues à l'article 58 du projet de loi 45, sans tenir compte des amendements introduits récemment à l'article 18

du projet de loi 45 et, d'autre part, ses obligations vis-à-vis de l'ensemble de ses commettants, clients et salariés. Par exemple, comment concilier la situation d'une personne handicapée qui, dans le milieu de travail et de par la nature du handicap pourrait constituer pour les autres salariés une menace à leur santé ou à leur sécurité. Aux dispositions actuelles, nous préférerions substituer une problématique différente, visant le même objectif, mais procédant d'une autre démarche.

Par exemple, modifier l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne, chapitre 6 des lois de 1975, pour inclure les personnes handicapées, au sens du bill 9 — nous présumons que la définition vise celles où il existe des possibilités d'intégration sociale et professionnelle — rendrait opérantes les dispositions contenues aux articles 16, 17, 18, 19 et 20 de la charte.

Voilà qui consacrerait le droit de la personne handicapée sans la stigmatiser face aux autres personnes.

Pour assurer la participation de l'entreprise, toujours en visant les objectifs de la section 4 du présent projet, nous suggérons une première disposition habilitant l'office à négocier avec toute entreprise de 50 salariés et plus, l'adaptation de postes de travail ou toute autre mesure favorisant l'emploi d'une personne handicapée.

La conclusion favorable de cette négociation conférerait à l'entreprise un agrément sanctionné par l'office à une réclamation spéciale pour fins d'impôt sur le revenu tenant compte des dépenses engagées et pour un terme limité ou déterminé. D'autre part, une entreprise déjà exemptée de la Loi de l'impôt sur le revenu pourrait obtenir une subvention en lieu d'exemption.

Il s'agit là, entre autres, d'entreprises parapu-bliques ou d'entreprises à but non lucratif.

Notre démarche s'inspire, non seulement de la responsabilité sociale de l'entreprise et des contraintes réelles de son environnement, mais aussi de son intérêt. Or, pour l'entreprise privée du Québec en général, une subvention comporte, à coût égal pour l'Etat, . moins d'avantages puisqu'elle doit la considérer à titre de revenu imposable, pour fins d'impôt fédéral et provincial. On conçoit mal qu'une contribution financière du Québec, destinée, en définitive, à l'adaptation de l'entreprise, pour l'amélioration de la condition de la personne handicapée, aboutisse dans les coffres d'un autre gouvernement.

Aspect technique du projet de loi 9: Cette partie du mémoire comporte surtout des interrogations soulevées par le projet de loi, entre autres, l'article 27 du projet qui se lit comme suit: "Nonobstant toute autre loi, l'office peut obtenir tout renseignement d'un ministère ou d'un organisme du gouvernement, chaque fois que la chose est nécessaire pour l'application de la présente loi". Cette disposition a-t-elle pour effet de permettre, par exemple, à l'office d'obtenir des renseignements du ministère du Revenu au sujet de la déclaration d'impôt d'une personne handicapée? Si tel est le cas, nous ne voyons pas pourquoi l'office bénéficierait des pouvoirs d'enquête d'un tribunal, sans pourtant être soumis au même contrôle.

Nous ne voyons pas pourquoi, par cette loi, on créerait exception au devoir spécifique de confidentialité créé par les lois régissant d'autres ministères. L'article 36 stipule ce qui suit: "L'office accorde le certificat visé à l'article 35 à un organisme, sans but lucratif, qui: a) à son avis, s'occupe principalement de la défense des droits, de la promotion des intérêts et de l'amélioration des conditions de vie de la personne handicapée, b) est constitué en vertu d'une loi du Québec, c) a transmis à l'office copie de son acte constitutif et de ses règlements". Cet article semble indiquer qu'un organisme de promotion des intérêts des personnes handicapées, constitué en vertu d'une loi fédérale ou d'une loi étrangère, ne pourrait bénéficier d'un certificat de reconnaissance. Si la réponse est positive, nous voyons mal les motivations derrière cette façon d'agir car ces organismes peuvent jouer un rôle valable pour la promotion des droits des personnes handicapées et, ceci, indépendamment de leur lieu de constitution.

L'article 40, qui se lit comme suit: "L'office peut, pour cause, révoquer le certificat de reconnaissance d'un organisme de promotion". Y a-t-il un droit d'appel de cette décision? Sinon, il y aurait lieu de prévoir un tel recours, car la révocation d'un certificat de reconnaissance est une grave pénalité pour un organisme de promotion et ce dernier devrait pouvoir enregistrer sa dissidence auprès des tribunaux supérieurs, grâce à un mécanisme spécifique d'appel, plutôt que par la voie prohibitive d'ailleurs du pouvoir de revision et de contrôle de la Cour supérieure sur les tribunaux inférieurs — l'article 33 du Code de procédure civile.

Les articles 41 et 42 prévoient ce qui suit: "Personne ne peut, s'il ne détient un certificat en vertu de l'article 36: a) solliciter ou recueillir des fonds par l'offre ou la vente de biens, de toute autre manière, en affirmant ou en laissant croire que ces fonds sont sollicités ou recueillis pour le bénéfice de personnes handicapées, b) affirmer ou laisser croire qu'il bénéficie d'une reconnaissance de l'office. L'office peut accorder un permis d'atelier protégé à une association coopérative ou à un organisme sans but lucratif qui: a) produit des biens ou services, b) emploie en majorité des personnes handicapées ne pouvant travailler dans des conditions ordinaires, afin de leur permettre d'utiliser et de développer leurs possibilités professionnelles dans des conditions de travail appropriées, c) s'engage à embaucher les personnes handicapées, placées par l'office, pour la durée que celui-ci indique, d) fournit aux personnes handicapées un travail utile et rémunérateur, e) femplit les conditions prescrites par règlement".

Si notre compréhension de cet article est exacte, un atelier protégé devra obtenir le certificat de reconnaissance visé à l'article 35 avant de vendre les biens produits par les personnes handicapées et en les annonçant comme tels. Il nous semble que l'association ou l'organisme qui détient déjà un permis d'atelier protégé devrait pouvoir solliciter des fonds du public, tel que prévu à l'article 41a, sans être obligée, en plus, d'obtenir un permis de reconnaissance visé à l'article 36.

Enfin, l'article 68 stipule que l'office peut, dans le cas d'un plan de services, conclure avec tout employeur et un bénéficiaire, un contrat en vue de l'intégration de ce bénéficiaire au marché du travail. Un tel contrat a une durée d'au plus six mois et n'est renouvelable que deux fois. L'office assure le respect des obligations qui incombent à cet employeur en vertu d'un tel contrat. Pourquoi limiter la durée du contrat de services à un maximum de six mois? Pourquoi le contrat de services n'est-il renouvelable que deux fois?

Les dispositions de l'article 73 interdisant le congédiement en plus de poser un problème d'équité pour le salarié d'une entreprise de 50 employés ou plus, en soulèvent un autre, sur le plan technique, de concordance avec les dispositions prévues dans un autre projet de loi à l'étude devant l'Assemblée nationale; celui portant sur le régime d'assurance automobile.

Effectivement, ce dernier projet prévoit la diminution des indemnités pour une personne dont le handicap résulte d'un accident et qui touche des gains provenant d'un emploi. La combinaison de ces dispositions pourrait donc priver une personne handicapée d'une partie substantielle de ses indemnités et, notons-le, il en va de même pour les personnes visées par la Loi des accidents du travail.

L'article 79 stipule que tout transporteur doit, dans l'année qui suit — insérer ici la date d'entrée en vigueur du présent article — faire approuver par le ministre des Transports un plan de développement visant à assurer dans un délai raisonnable le transport en commun des personnes handicapées dans le territoire qu'il dessert. Ce plan peut tenir compte du taux de renouvellement de son équipement et de la nature des services offerts. Il y aurait peut-être lieu de prévoir un délai un peu plus prolongé, car un an, c'est un peu court.

En conclusion, la Chambre, quoique favorable aux principes de la loi, croit que la problématique sous-jacente à ce dernier doit composer avec la dignité et le désir d'indépendance des personnes qui y sont visées.

La Chambre croit de plus qu'il serait préférable de modifier la Charte des droits et libertés de la personne afin d'assurer l'exercice des droits des personnes handicapées pour éliminer la nécessité d'une loi spéciale à cet effet qui isole alors le cas des personnes handicapées et les encadre dans un régime législatif parallèle au régime législatif prévu pour tous les Québécois.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux féliciter et remercier la Chambre de commerce de ce mémoire qui contient un grand nombre de suggestions fort pertinentes. Comme le directeur de la Chambre l'a dit tout à l'heure, une grande proportion de ces suggestion ont déjà été transmises depuis quelques mois, à la suite de la tournée que nos fonctionnaires ont effectuée à travers le Québec, et aussi à ta suite de la réception des diffé- rents mémoires, dont le vôtre. Je ne voudrais pas retourner à chacun de ces articles que nous envisageons de réviser dans le sens des propositions que vous nous faites ce matin. Je vais relever seulement quelques-unes de ces propositions. Naturellement, tout ce qui semblait devoir être obligatoire comme identification, je le répète encore une fois, deviendra, quant à nous, facultatif.

Pour les emplois aussi, comme vous le savez, nous voulons nous en tenir à des méthodes d'incitation. Les subventions pour adaptation des postes sont prévues à l'article 71 du projet actuel. Vous proposez aussi certains modes d'exemption d'impôt; je vous avoue que nous préférons, et c'est pour cela que nous l'avons incluse dans le projet, la modalité de subvention parce que les coûts sont plus facilement calculables; ils sont plus évidents aussi pour tout le monde, mais nous allons examiner plus attentivement cette possibilité.

Quant à la confidentialité et au respect de la vie privée, effectivement, l'article 27 nous paraît aller trop loin. L'essentiel, en tout cas, l'esprit dans lequel nous abordons le problème, c'est qu'on ne doit pas donner accès aux autres fichiers; on doit aussi respecter, par exemple, les dispositions du chapitre 48, la Loi sur les services de santé. Alors, il y aura lieu de réviser cet article 27.

Pour la reconnaissance des organismes, nous nous proposons de prévoir un mécanisme d'appel. Quant à la reconnaissance des ateliers protégés, elle est déjà prévue, cette reconnaissance, pas au même chapitre que les organismes de promotion, si vous voulez, mais il y aura lieu de faire une concordance. Dans notre esprit, il est évident que la reconnaissance d'un atelier protégé qui, de facto, devient une réalité par la voie des subventions, est, moralement en tout cas, suffisante pour permettre à l'atelier de vendre les produits, mais nous verrons, s'il y a lieu, à faire un ajustement de concordance.

Quant aux transporteurs, il s'agit d'un délai d'une année pour que ceux-ci nous fournissent leur plan. Ce délai d'une année pourra être plus long, évidemment, pour la mise en vigueur du plan.

Enfin, M. le Président, je vais m'en tenir à ces quelques remarques, quitte à revenir un peu plus tard dans la discussion sur d'autres articles qu'il resterait à préciser.

Le Président (M. Marcoux): Avez-vous des commentaires, des précisions à apporter aux propos du ministre?

M. Morin (Pierre): Oui, trois très courts commentaires, M. le Président.

Pour ce qui était des ateliers protégés, c'était simplement de faire attention pour qu'ils n'aient pas besoin de deux permis, c'est ce qui nous semblait... Effectivement, vous avez une disposition de concordance, c'est parfait.

Dans le cas des transporteurs, le délai d'un an nous apparaît court et nous nous expliquons. C'est que, dans des milieux urbains tels que Mont-

réal ou Québec, les deux communautés urbaines, il y a déjà le problème d'identifier sur les circuits disponibles les concentrations de personnes handicapées, c'est-à-dire qu'un plan qui doit être dressé dans le délai d'un an, si cela doit dépasser simplement le stade des principes, nous apparaît difficilement réalisable dans ce délai d'un an à cause de l'identification des concentrations et des types d'équipement qu'on a besoin de mettre en oeuvre, qu'on a besoin d'identifier pour desservir la population handicapée. C'était strictement une question technique.

M. Lazure: Je pense que l'observation de M. le directeur est pertinente; peut-être faudrait-il, pour les grandes concentrations urbaines, allonger le délai, effectivement.

M. Morin (Pierre): Ou les diviser sur le territoire, c'est-à-dire demander, sur le territoire, des plans en fonction de l'intégration. Enfin, la troisième remarque porte sur notre suggestion de substituer aux subventions un poste de déductions pour fins d'impôt. Il y a à cela deux raisons. On est conscient du problème d'identification, mais, dans ce cas, le poste serait agréé par l'office; donc, la comptabilité et le montant agréé pour fins d'impôt, c'est-à-dire la dépense agréée pour fins d'impôt, pourraient être facilement établis et suivis. Le problème, avec la subvention, c'est lorsque, dans notre système fédéral actuel, l'un des deux niveaux de gouvernement donne une subvention à une entreprise, cette dernière doit la comptabiliser à même ses revenus. Or, ces revenus sont imposables et déjà, au départ, il y a une partie importante de la subvention qui, à cause de notre système d'imposition — c'est la majeure partie de l'imposition — fait que cela retourne au gouvernement fédéral. C'est là le gros problème, et c'est un problème qui a trait non seulement aux subventions dans le cas précité, mais qui s'applique tout aussi bien à l'ensemble des subventions versées par l'Etat. Alors, comme l'intention est non pas d'aider un autre ordre de gouvernement, mais d'aider les personnes handicapées, c'est là qu'il apparaissait peut-être un peu plus opportun de procéder à même un mécanisme différent.

M. Lazure: M. le Président, il est bien clair que M. le directeur de la chambre marque des points avec ce genre d'argumentation. En tout cas, moi, je ne dis pas non; on va l'examiner. Il reste que si c'était le mode par exemption d'impôt, est-ce que cela ne favoriserait pas plutôt les grandes entreprises qui bénéficient de tables d'impôt plus avantageuses que les petites entreprises?

M. Morin (Pierre): Pour ce qui est des entreprises visées, M. le Président, soit 50 employés et plus, en vertu de la loi fédérale qui permet, je crois, $250 000 de profits et un maximum de $400 000 ou $500 000 de profits accumulés, on est véritablement dans l'ordre, c'est-à-dire qu'elles sont elles-mêmes visées au même niveau que les grandes entreprises pour ce qui est des impôts, c'est-à-dire 48% ou 47%, dont 12% appartiennent au gouvernement du Québec; la différence va au gouvernement du Canada.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux d'abord remercier la Chambre de commerce du Québec qui, je pense, a présenté un mémoire nuancé. Dans la première partie vous oposez la problématique, vous indiquez bien le défi d'une telle législation, c'est-à-dire conserver l'équilibre entre le désir de faire une place plus grande aux handicapés, d'une part, mais, d'autre part, de ne pas les marginaliser davantage. Je pense que ce souci est reflété tout au long de votre mémoire. Par contre, je me demande si ce souci que vous avez ne va peut-être pas un peu trop loin et j'aimerais vous référer à la page 5 où vous donnez, comme exemple, les articles 30 et 31, où vous vous inquiétez que l'office, par exemple, effectue des dépistages de personnes susceptibles de bénéficier des dispositions de la présente loi et l'article 31 qui demande de préparer et de publier périodiquement des statistiques sur la population des personnes handicapées du Québec.

Ne croyez-vous pas que ceci répond quand même à un besoin réel, ces deux fonctions qui incomberont à l'office? D'une part, cela peut peut-être vous surprendre mais il y a encore un grand nombre de handicapés, peut-être davantage de handicapés mentaux que physiques, qui sont souvent devenus des reclus parce qu'on les isole presque physiquement et, d'autre part, je pense que la deuxième obligation ou la deuxième responsabilité qui est confiée à l'office de tenir des statistiques est également un moyen de sensibiliser la population aux besoins et de présenter un tableau réaliste des problèmes dans ce domaine. C'est pour cela que j'aimerais que vous m'expliquiez davantage quelle est la nature exacte de vos objections à l'égard de ces deux responsabilités que l'on confie à l'office?

M. Morin (Pierre): M. le Président, on s'excuse si on a donné l'impression d'aller trop loin, là n'était point notre intention. On se référait un peu à l'économie du projet de loi et à sa rédaction et, dans un sens, l'ensemble de l'économie portant sur les droits des handicapés, essentiellement pour donner des droits aux handicapés, l'ensemble de l'économie, la section, semblait en enlever. Entre autres, lorsqu'on parle du dépistage des personnes susceptibles de bénéficier des dispositions de la loi. En apparence, cette disposition prise seule est excellente. Lorsque vous la prenez dans l'économie de cette partie du projet de loi, il y avait là un ensemble de choses où l'office semblait vouloir se subroger essentiellement aux personnes handicapées, ce que corrige d'ailleurs le texte du ministre en disant que les personnes qui veulent s'enregistrer au registre pourront le faire; la carte d'identité ne sera plus obligatoire. C'est cet ensemble de choses. C'est là où on s'est ac-

croche peut-être à une série d'articles qui traduisaient, qui semblaient peut-être aller un peu trop loin même dans cette économie.

Maintenant que le registre sera ouvert, que les gens qui voudront bien, les personnes qui voudront s'inscrire au registre — parce qu'il y a des personnes handicapées qui, pour toutes sortes de raisons, pourraient avoir l'impression de se marginaliser en s'inscrivant au registre, surtout dans l'économie du projet de loi tel que rédigé dans sa première version — c'était là où cela nous semblait aller trop loin. Donner la possibilité aux personnes qui, effectivement, ont fait déjà, par leurs propres efforts, leur réinsertion dans la société, qui trouvent un emploi rémunérateur, qui ont réussi essentiellement à dépasser leur handicap et qui ne voulaient pas se voir incluses, non pas dans les statistiques, mais dans les démarches de l'office, de pouvoir le faire... Ce que le projet de loi ne permettait pas.

Mme Lavoie-Roux: Un deuxième point que je voudrais soulever, c'est au bas de la page 9 et au début de la page 10. Quand vous suggérez une première disposition pour habiliter l'office à négocier avec des entreprises de 50 salariés et plus et, suite à cette négociation, confierait à l'entreprise un agrément, sanctionné par l'office, d'une réclamation spéciale pour fins d'impôt sur le revenu, croyez-vous que, dorénavant, ceci devrait toujours aboutir sur une compensation financière pour l'entreprise? Je vais vous laisser répondre à cette première question.

M. Morin (Pierre): Si je comprends bien, M. le Président, le sens de la question c'est de savoir si l'entreprise n'a pas elle-même des responsabilités sociales sans se voir dédommager par l'Etat. C'est bien le sens de votre question?

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est cela mais il y a aussi une autre préoccupation, c'est que si on devait arriver à cette conclusion, il faudrait déduire que l'engagement d'une personne handicapée est toujours, jusqu'à un certain point, une hypothèse pour l'entreprise, ce que personnellement je ne crois pas.

M. Morin (Pierre): Non, ce que nous ne croyons pas nous-mêmes. C'est que, dans certains cas, l'aménagement — parce que là il s'agit de toutes les entreprises de 50 employés — de postes de travail peut aussi demander d'autres aménagements tels par exemple, des modifications aux structures de l'entreprise, des dépenses au niveau de l'accès même à l'entreprise, dans certains cas, qui pourraient être considérées comme faisant partie de ces dépenses et qui, dans le contexte immédiat, ne sont pas des dépenses productives, dans une certaine mesure. Elles ne contribuent pas à augmenter d'aucune façon la productivité de l'entreprise. Or, c'est un peu cette compensation qui varie d'une entreprise à une autre dans certains cas. Il se peut fort bien que, dans le cas d'une nouvelle entreprise, déjà les barrières architecturales disparaissent ou qu'on fasse en sorte qu'elles n'existent pas, qu'on aménage des postes qui font simplement partie de l'investissement normal de l'entreprise qui, à ce moment, pour des fins productives, bénéficie déjà d'amortissement accéléré, pour fins d'impôt.

Essentiellement, la proposition que nous faisons est sensiblement la même chose. Ce serait traduire sur un même plan, avantager l'entreprise existante sur le même plan que le serait une nouvelle entreprise, une entreprise qui s'établit.

Il ne faut pas non plus oublier que l'exemption que nous projetons n'est que temporaire; l'emploi, lui, est permanent, mais l'exemption pour l'aménagement des postes, n'est que temporaire.

Mme Lavoie-Roux: II y a un autre endroit où vous soulevez la difficulté quant à l'emploi de personnes qui, particulièrement au plan de déficience mentale, peuvent créer des difficultés, non seulement à l'employeur, mais aux collègues de travail. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus parce que ça devient extrêmement délicat de savoir de quelle façon un projet de loi peut prévoir ou contrer cette difficulté.

M. Morin (Pierre): C'est que, M. le Président, dans la définition d'un handicapé; la définition est très vaste et très large...

Mme Lavoie-Roux: Trop large, je suis d'accord.

M. Morin (Pierre):... et c'est là où on a dû tracer un certain nombre d'hypothèses. L'hypothèse que nous avons retenue, par exemple, est celle de l'alcoolisme: l'alcoolisme qui peut, effectivement, et qui pourrait, à la rigueur, être considéré comme un handicap à un certain stade ce phénomène de l'alcoolisme qui entraîne, à la fois, dans son stade le plus virulent, l'absentéisme, le manque d'attention etc. dans la mesure où il est reconnu comme un handicap et dans la mesure où il est traité comme les autres handicaps. Souvent, la personne qui en est affligée peut avoir à faire un travail auprès de collègues dans des situations qui pourraient être un peu plus dangereuses et c'est essentiellement là le fondement de l'hypothèse que nous avons retenue, c'est-à-dire la crainte de voir une personne affligée par l'alcoolisme devenir un danger pour des collègues, surtout — l'hypothèse qu'on avait dressée puisque ça s'adressait aux entreprises de 50 employés et plus — dans un domaine tel que, par exemple, la construction. La fiabilité même de la personne, à cause de son handicap, est grandement réduite. C'était un peu là le sens de...

Mme Lavoie-Roux: Merci, monsieur.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier la Chambre de commerce pour

son mémoire parce qu'il est presque dans la même veine de critiques que nous avons nous-mêmes envisagée.

Nous avons autant de changements dans le projet de loi, avec les amendements proposés par le ministre, mais peut-être pourrais-je demander au ministre, — s'il a un moment — c'est qu'on a ici une excellente étude que nous avons vue avant sur le projet de loi 9; maintenant on parle de changement aux articles 36, 27...

Même la base d'identification, la base du changement est incitative au lieu de coercitive dans les emplois. On arrive maintenant avec autant de changements; est-ce que vous prévoyez réimprimer cette loi?

Mme Lavoie-Roux: II va y avoir la loi 109.

M. Lazure: Peut-être, peut-être, peut-être, peut-être. Ecoutez, il n'y a pas de problème pour admettre qu'il va y avoir beaucoup de changements. On se fait reprocher parfois d'avoir une attitude trop rigide; j'espère qu'on ne me reprochera pas d'être souple. L'essentiel, c'est d'arriver à la meilleure loi possible. Si cela veut dire réimprimer une autre loi, on le fera, mais je ne suis pas sûr que cela veuille dire une réimpression. On verra vers la fin des auditions de la commission.

M. Shaw: Parce que je suis convaincu que la Chambre, avec nous, est craintive de cette régie. Quelle sorte de forme va-t-elle prendre? Nous avons parlé hier...

M. Lazure: Vous parlez de l'Office des handicapés?

M. Shaw: ... de l'office, régie, on change les noms...

M. Lazure: On l'a dit à plusieurs...

M. Shaw: ... mais c'est la même chose. C'est un autre organisme gouvernemental. On ne connaît pas les paramètres de cet organisme. Est-ce que nous pouvons commencer à critiquer un organisme qui, à un moment donné, avec le projet de loi 9, a beaucoup de pouvoir dans tous les domaines, maintenant qui a été changé, peut-être même par l'application directe de certains pouvoirs. Je suis convaincu que la Chambre peut nous donner des renseignements avec une nouvelle étude. Est-ce que vous êtes venu faire étudier le projet de loi 55 qui a été fait...

M. Morin (Pierre): Oui, nous avions comparé, M. le Président.

M. Shaw: Vous êtes venu ici encore avec un nouveau projet de loi qui est presque totalement changé. Est-ce que la Chambre est craintive, sans avoir premièrement les chiffres, du coût d'un nouvel office des handicapés, sa fonction et même l'organigramme, la structure de cet office, les moyens qu'ils vont prendre pour effectuer leur mandat? Un organisme aussi vague que cela vous rend-il craintif?

M. Morin (Pierre): M. le Président, nous entretenions certaines craintes au niveau de l'office, telles que prévues par le projet de loi 9, non pas tellement au niveau des dépenses, mais au niveau des pouvoirs et des pouvoirs d'appels dont peut disposer le citoyen handicapé ou non face à l'office. Les modifications proposées par le ministre dans son texte font que nous sommes beaucoup moins craintifs. Nous reconnaissons l'utilité et même la nécessité de mettre sur pied un office pour promouvoir les droits de la personne handicapée. Aucun doute. Une fois cette question de principe posée, il reste des modalités. Encore là, quel sera le mandat exact de l'office, quels seront ses pouvoirs? Nous avons déjà indiqué le sens que nous souhaiterions voir donner au mandat de l'office ainsi qu'à ses pouvoirs dans la mesure où ce mandat et ses pouvoirs respecteraient, iraient généralement dans la ligne de pensée que nous avons suggérée, nous serions totalement d'accord avec la création et le fonctionnement d'un tel office. Et nous souhaiterions aller même un peu plus loin et voir au sein même de l'office se créer soit au niveau de son conseil d'administration — le ministre a déjà parlé de régionalisation au niveau de son conseil d'administration — mais pouvoir voir là à la fois la présence de l'entreprise et des salariés représentés, de façon, précisément, à pouvoir ajouter essentiellement au mandat et à la force de l'office.

M. Lazure: M. le Président, si vous me permettez de réagir. Dans cette orientation justement que nous voulons prendre de créer un office avec une structure centrale légère, nous tiendrons aussi compte, régionalement, de la composition de l'office central, si je peux dire. Au conseil d'administration de l'office, on retrouve un représentant du monde syndical et un représentant du monde patronal. J'espérerais que, régionalement, on puisse avoir la réplique de cette composition. Encore une fois, pour revenir au député de Pointe-Claire, les objectifs de l'office demeurent les mêmes. Ce que nous proposons maintenant, c'est essentiellement de réaliser ces objectifs par des méthodes incitatives plutôt que par des méthodes coercitives. C'est essentiellement le gros du changement.

M. Shaw: Nous avons demandé une certaine protection des handicapés par la société ainsi que l'aide de la société. Nous avons besoin d'un office des handicapés qui peut fonctionner. Mais on parle maintenant en termes vagues. On parle d'une application qui n'est pas dans le projet de loi et on fait des études. Vous voyez que c'est bien marqué dans mon livre que cela a été étudié, mais c'est totalement changé dans le projet dont on parle maintenant. On parle toujours d'un gouvernement transparent. Je ne dis pas que le ministre cache quelque chose, mais si nous voulons étudier comme il faut tout le projet de loi, il faut y apporter des amendements fondamentaux.

C'est pour cette raison que je n'ai pas de question fondamentale sur votre étude, parce que c'est l'étude du projet de loi 9, et maintenant c'est peut-être le 109, ou9a ou quelque chose d'autre, mais c'est peut-être totalement différent.

Le Président (M. Marcoux): Alors...

M. Lazure: Oui, mais justement, M. le Président, cela fait partie du processus démocratique des tournées ou des commissions parlementaires. On ne peut jamais dire d'avance combien d'amendements on va retenir à la suite des mémoires qui nous sont présentés. De toute façon, on en reparlera à la deuxième lecture, il va y avoir une étude article par article.

M. Shaw: Je voudrais remercier la chambre pour son mémoire et j'espère qu'au projet de loi 109 vous aurez une autre occasion de faire un autre discours.

Le Président (M. Marcoux): Au nom de tous les membres de la commission, je remercie les représentants de la Chambre de commerce de la province de Québec pour la présentation de leur mémoire.

Conseil québécois des ateliers de réadaptation Inc.

J'inviterais maintenant le Conseil québécois des ateliers de réadaptation Inc., à venir nous présenter son mémoire.

M. Paquin, c'est vous?

M. Paquin (Maurice): C'est moi.

Le Président (M. Marcoux): II me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue. Je vous inviterais à présenter les collègues qui vous accompagnent.

Comme la commission termine ses travaux à 12 h 30 pour les reprendre... N'ayez crainte, nous allons consacrer tout le temps dont vous avez besoin pour nous exposer votre point de vue.

Durant la première partie, comme plusieurs membres de la commission ont reçu le mémoire seulement ce matin, probablement pour des raisons d'erreurs techniques, nous allons entendre la présentation de votre mémoire jusqu'à 12 h 30 et la période de questions et d'échanges suivra cet après-midi, à la reprise de nos travaux.

M. Paquin: A quelle heure, M. le Président?

Le Président (M. Marcoux): Oh! C'est très aléatoire. C'est entre 15 heures et 17 heures. Ordinairement, c'est aux environs de 15 h 30.

M. Paquin: Merci.

M. le Président, M. le ministre des Affaires sociales, madame et messieurs les membres de la commission parlementaire, mesdames, mesdemoiselles, messieurs, comme président du Conseil québécois... Cela va aller vite, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Présentez vos collègues.

M. Paquin: Oui, je les présente. Cela ne sera pas long. Je vous remercie d'abord de nous avoir donné l'occasion de présenter notre mémoire — le Conseil québécois — et, de ce pas, je vous présente les collègues qui vont le défendre avec moi: A ma gauche, M. Robert Capistran, vice-président du Conseil québécois des ateliers de réadaptation et aussi, dans la vie privée, directeur général de Centrap (Mitis), à Sainte-Flavie. A ma droite, M. Armand-F. Patenaude, vice-président aux services administratifs du CQAR et aussi directeur général du Centre d'accueil socio-professionnel de Sala-berry à Valleyfield. A mon extrême droite, M. Jean Gauthier, directeur du conseil québécois et aussi directeur général d'un atelier protégé, le Transit, à Pointe-aux-Trembles. A mon extrême gauche, M. Jacques Steingue, directeur du conseil québécois et aussi directeur général du Centre de travail des Îles aux Iles-de-la-Madeleine et, moi-même, Maurice Paquin, aussi directeur général du Centre de travail de Laval Inc.

Avant de débuter, permettez-moi... Nous avons fait une synthèse de notre mémoire que j'aimerais distribuer aux membres de la commission avant de commencer, si c'est possible. On a des copies ici. Y aurait-il possibilité que cette synthèse du mémoire soit inscrite au journal des Débats?

Le Président (M. Marcoux): Allez-vous nous lire votre synthèse?

M. Paquin: Oui. On vous la donne pour mieux nous suivre.

Le Président (M. Marcoux): Alors, en la lisant, c'est automatique. Cela sera inscrit au journal des Débats.

M. Paquin: Alors, M. Capistran.

M. Capistran (Robert): M. le Président, l'exposé que nous allons maintenant faire reprend et complète les commentaires généraux et les principaux amendements écrits dans le mémoire qui fut déposé à cette commission en septembre.

Nous allons préciser certains éléments de notre mémoire et nous ajouterons des recommandations supplémentaires.

Le fait de présenter un projet de loi portant sur l'exercice des droits des personnes handicapées cadre mal avec les principes de normalisation tels que définis dans le document du ministère des Affaires sociales du mois de juin 1974 et intitulé: Eléments d'une politique de réadaptation des adultes.

Par la présentation de ce projet de loi, le gouvernement traite les personnes handicapées comme des êtres à part et la préférence qu'il leur accorde constitue une certaine forme de discrimination pourtant condamnée à l'article 2 du projet de loi.

En présentant cette loi, le gouvernement avoue l'existence de ségrégation dans plusieurs de ses lois et politiques actuelles, principalement au niveau de l'éducation, de la main-d'oeuvre, des affaires sociales, du transport et de l'habitation.

Le gouvernement avoue son impuissance à faire appliquer ses lois à l'avantage de tous les citoyens et crée une nouvelle loi pour les faire appliquer.

Des amendements aux lois existantes ou des directives que les lois s'appliquent à tous respecteraient beaucoup plus les principes de la normalisation. C'est pourquoi le premier objectif du futur Office des personnes handicapées devrait être de s'autodétruire dans un délai d'au maximum dix ans, c'est-à-dire de faire en sorte que, d'ici dix ans, les lois et les politiques du gouvernement soient les mêmes pour tous et que, d'ici dix ans, la personne handicapée soit réellement un citoyen à part entière dans notre société.

A cet effet, nous verrons à préciser plus complètement, plus loin dans le présent exposé, le mandat et l'organigramme de l'office.

Pour qu'un tel objectif se réalise, une politique globale et étapiste doit être conçue. Le projet de loi 9 ne s'adresse pas à toutes les personnes handicapées et le livre blanc ne présente pas une telle politique globale et étapiste des services aux personnes handicapées.

Dans le projet de loi et le livre blanc, l'accent est mis sur les adultes seulement et la catégorie d'adultes ayant un potentiel assez élevé d'intégration sociale.

Nous convenons que beaucoup d'adultes handicapés, n'ayant pas reçu dans les années passées des services adéquats, ont besoin de services spéciaux pour leur permettre de rattraper une certaine normalité.

Mais que fera le gouvernement pour éviter que de telles situations continuent d'exister? Nous ne voyons aucun engagement de la part du gouvernement à améliorer le système éducationnel, les services de santé, les services d'hébergement public. Par exemple, à quoi peut servir d'augmenter de 18 à 21 ans le droit à la fréquentation scolaire si l'enseignement qui est donné reste à peu près le même. Nous aurions préféré que le gouvernement s'engage à faire en sorte que X% des personnes handicapées puisse vivre d'une façon autonome à l'âge de 18 ans. C'est de 0 à 18 ans que les personnes handicapées doivent avoir les services adaptés de façon qu'elles ne deviennent pas marginales. Si les services étaient donnés à temps, il ne serait pas nécessaire de créer une catégorie spéciale de centres d'accueil, soit le centre de réadaptation pour adultes. Il serait peut-être préférable de mettre l'accent sur les 0 à 3 ans au lieu des 18 à 21 ans.

D'autre part, le gouvernement oublie presque complètement les personnes handicapées au niveau psychique et socio-affectif. Le malade mental chronique a certes besoin de services, mais pour éviter que bien d'autres malades psychiatriques et handicapés socio-affectifs deviennent des malades chroniques, il faudrait leur donner à eux aussi des services éducationnels, des services de placement au travail, de l'emploi en centre de travail. Leur handicap n'est pas aussi chiffrable qu'un potentiel intellectuel, mais il n'en est pas moins réel.

Nous voulons maintenant faire ressortir trois éléments de la loi 9 qui nous paraissent primordiaux et se rattachent de plus près aux ateliers de réadaptation existant au Québec. Le premier élément concerne l'implication de chacun des ministères, le deuxième, l'emploi protégé et le troisième, le rôle des organismes de promotion.

D'habitude, quand nous parlons de personnes handicapées, nous nous référons au ministère des Affaires sociales. D'ailleurs le projet de loi fut présenté par ce ministère et les informations furent données par ce ministère. Dans leur tournée d'information réalisée durant l'été, combien de personnes représentant l'éducation, le travail, le transport, les syndicats, etc., ont assisté aux réunions publiques? A peu près personne. Les autres ministères et leurs organismes ne se sentent pas impliqués. Il est temps que le gouvernement et la population arrêtent d'identifier handicapés avec affaires sociales, si ce n'est aide sociale. Il faut que chacun des ministères desserve les personnes handicapées au même titre que tout autre citoyen et coordonne ces services pour une complémentarité plus grande. Pour que chacun des ministères se sente impliqué, pour qu'il y ait une coordination réelle entre eux, pour sortir le handicapé du cadre des affaires sociales, nous recommandons que le ministre chargé de l'office soit le ministre d'Etat au développement social.

L'office se doit de n'être qu'un office de promotion des intérêts des personnes handicapées, de recherche et de coordination interministérielle et interorganisme. L'office ne devrait pas donner des services directs mais avoir les pouvoirs de voir à ce que les services soient donnés. L'office devrait être une structure très décentralisée, ce qui est certes dans la mentalité de ce gouvernement. Le rôle des représentants régionaux dont il est question à l'article 31c devrait être de former et d'animer des comités de concertation formés par les organismes ayant à distribuer des services aux personnes handicapées. Ainsi, la demande d'une personne handicapée désirant un plan de services devrait se faire non pas auprès de l'office, mais auprès de ce comité de concertation locale ou sous-régionale animé par l'office. Nous pensons que c'est en mettant dès maintenant les organismes dans le réel des services qu'ils doivent rendre que nous éviterons que l'office devienne une autre structure de services, une sorte de réseau parallèle qui empêchera une vraie normalisation et qui fera de l'office une structure permanente.

Nous considérons l'atelier protégé comme un établissement nécessaire. Nous avons dans nos ateliers des personnes handicapées qui sont autonomes ou presque, mais qui ne sont pas compétitives sur le marché régulier du travail à cause de leur handicap. Le système actuel les oblige à vivre dans un état continuel de dépendance et d'aide sociale, situation qui les empêche de développer leurs aptitudes, de gagner leur vie, d'être des citoyens à part entière.

L'atelier protégé n'a son sens que s'il constitue une entreprise normale au niveau du produit fabriqué et du service rendu. Il faudrait d'ailleurs lui enlever l'étiquette d'atelier protégé et parler plutôt d'industrie adaptée, de centre de travail ou autre appellation plus normalisante.

Traditionnellement, au Québec, atelier protégé est significatif d'activités occupationnelles et non d'entreprises industrielles. L'atelier protégé qui ne serait qu'une certaine forme d'aide sociale déguisée serait socialement condamnable.

Nous n'avons pas le droit de donner un emploi à une personne du seul fait qu'elle est handicapée. Le devoir de l'Etat est de compenser la perte d'une entreprise suite à un faible taux de production d'une personne, conséquente à son handicap. C'est pourquoi l'atelier protégé devra être structuré sur le modèle d'une entreprise normale et non sur le modèle des ateliers existants. Dans cette optique, en considération d'un office des personnes handicapées qui ne donne pas de services directs, nous recommandons que les futurs ateliers protégés soient rattachés au ministère de l'Industrie et du Commerce.

L'atelier protégé n'est pas la seule forme d'emploi protégé que l'Etat pourrait utiliser. Au lieu d'obliger les entreprises à engager des personnes handicapées, pourquoi ne pas compenser le manque de productivité d'un employé handicapé par une subvention équivalente durant tout le temps que la personne handicapée se rend chez un employeur? Cette formule serait beaucoup plus normalisante que l'atelier protégé et si vous en faites le calcul précis, serait économiquement beaucoup moins dispendieuse.

Une autre forme d'emploi protégé est l'aide directe à une ou des personnes handicapées qui voudraient partir leur propre entreprise de commerce, par exemple, un atelier de réparation d'appareils électriques, une cordonnerie, etc. Nous connaissons de ces personnes qui ont des projets de petite entreprise, mais qui ne trouvent pas l'aide technique et les fonds nécessaires. Si nous voulons l'intégration de la personne handicapée à notre société, forçons-nous les méninges pour éviter ces espèces de grosses structures où la personne handicapée est beaucoup plus un patient ou un client qu'un travailleur et un citoyen à part entière.

Concernant l'emploi protégé, nous voudrions que l'Etat considère tout handicapé comme susceptible d'occuper un emploi. L'expérience démontre qu'un déficient intellectuel, même profond, peut occuper un emploi si nous prenons le temps et les moyens de lui permettre un apprentissage adéquat.

Les organismes de promotion: les associations de parents de handicapés, les associations de handicapés, les différents organismes, en grande partie bénévoles, sont les principaux artisans des développements survenus dans les services aux personnes handicapées durant les dernières années. Le gouvernement a certes mis des fonds supplémentaires dans ce secteur, mais ce sont les organismes de promotion qui ont forcé les ministères à donner des services auxquels les personnes handicapées ont droit au même titre que tout autre citoyen.

Nous félicitons le gouvernement d'en tenir compte dans la composition de l'office et nous recommandons une plus forte représentation des organismes de promotion. Mais l'office ne se donne-t-il pas des pouvoirs trop élevés sur ses partenaires? Quelle latitude un organisme de promotion aurait-il pour contester le gouvernement ou l'office? Nous sommes en faveur d'empêcher certains organismes de soutirer frauduleusement des sommes de la population au nom des handicapés, mais il faudrait éviter de contrôler ses partenaires.

Au contraire, le gouvernement devrait donner davantage de ressources à ces organismes de promotion qui, souvent, font en une semaine, ce que les centres d'accueil font en un mois.

Le livre blanc sur une politique à l'égard des personnes handicapées mentionne la mise en place de centres de réadaptation pour adultes visant la réadaptation sociale et l'apprentissage aux habitudes de travail. Ces futurs CRA, comme on les appelle, sont attendus avec impatience par nos membres. Du fait que la plupart du temps, la publicité a mis en vedette ceux de nos ateliers membres qui ont le plus gros chiffre de vente brute, bien des gens croient que la réadaptation est un élément secondaire dans nos ateliers. Or, la grande préoccupation dans le réseau actuel des ateliers est d'en arriver à faire de la vraie réadaptation. L'analyse de nos membres démontre que la majorité est destinée à devenir des centres de réadaptation pour adultes et non des ateliers protégés.

A part les bonnes intentions, combien le ministère des Affaires sociales est-il prêt à investir en ressources humaines dans les futurs CRA? Il serait ridicule et fautif de former une nouvelle catégorie de centres d'accueil sans leur donner les ressources nécessaires.

Le budget total de nos 40 ateliers membres est de l'ordre de $6 millions pour 2000 personnes handicapées. En milieu hospitalier et en centre d'accueil, il en coûterait au moins $70 millions. L'Etat serait-il plus intéressé à soigner, à héberger, qu'à réadapter?

Un des points qui touchent le plus les stagiaires actuels de nos ateliers, et pour une bonne part d'entre eux, les stagiaires des futurs CRA, c'est l'allocation qu'ils recevront durant leur stage. Le 17 novembre dernier, ces stagiaires ont exposé au ministre des Affaires sociales leur demande et le ministre a avoué lui-même que leur demande était des plus raisonnables.

Considérer le stagiaire en CRA comme un assisté social à qui, certes, on veut bien défrayer les frais encourus par le stage, est catastrophique au plan de la réadaptation. L'Etat énonce des principes de normalisation et met ces stagiaires en situation complètement à l'encontre de la normalisation.

Pourquoi ne pas considérer ces stagiaires au même titre que tous les adultes en formation, qui

eux, n'ont pas l'étiquette d'assisté social? Et c'est dès maintenant que la situation doit être changée. Pourquoi attendre que la loi 9 soit sanctionnée, vu qu'elle ne touchera, dans un premier temps, qu'environ 25% des stagiaires actuels de nos ateliers? Si la demande de nos stagiaires est raisonnable, pourquoi ne pas y répondre immédiatement? Ils attendent le changement depuis 1974.

Selon le livre blanc, les futurs CRA seront des centres d'accueil en vertu de la Loi des services de santé et des services sociaux. Nous sommes en accord avec cette politique, mais considérant le rôle nouveau et bien particulier des CRA, nous recommandons d'éviter l'intégration des centres actuels à des centres d'accueil ou des centres hospitaliers existants ayant une mission différente.

Il est recommandé de créer une instance spéciale à l'intérieur du chapitre 48 qui serait appelé CRA. Il n'existe pas actuellement de professionnels et de techniciens spécialisés dans la réadaptation sociale et l'apprentissage des activités de travail. Le personnel de nos ateliers s'est formé par l'expérience. Le Conseil québécois des ateliers de réadaptation organise des sessions de formation, des rencontres d'échanges, mais il serait nécessaire de cumuler toutes les expériences pour élaborer scientifiquement des méthodes de réadaptation les plus efficaces possible.

C'est pourquoi nous recommandons au ministère des Affaires sociales et au ministère de l'Education, de voir à la formation structurée du personnel des futurs CRA.

Le premier ministre, M. Lévesque, disait qu'il trouvait humiliant de devoir présenter la loi 101 sur la langue française. L'Etat devrait être aussi humilié de devoir présenter une loi sur l'exercice des droits des personnes handicapées. Mais même si, sur un plan idéologique, il aurait été souhaitable de ne pas avoir une loi spécialement sur l'exercice des droits des personnes handicapées, nous considérons que la loi 9 apporte des éléments positifs dans une politique d'ensemble qui est malheureusement encore un peu, si ce n'est beaucoup, boiteuse.

C'est pourquoi le Conseil québécois des ateliers de réadaptation veut être le partenaire du gouvernement dans l'application de cette loi et nous sommes heureux que le ministère des Affaires sociales nous ait déjà demandé notre collaboration. Tous les ateliers membres du Conseil québécois des ateliers de réadaptation sont touchés par la loi 9 et le livre blanc. Certains deviendront ateliers protégés, d'autres, centres de réadaptation des adultes.

Il est primordial que dans le processus de changement, l'Etat respecte les énergies que les bénévoles des conseils d'administration et le personnel de nos ateliers membres ont mis à bâtir le réseau actuel. C'est pourquoi l'Etat devrait former une mission chargée de bien les informer, de recevoir leurs suggestions d'avenir et de favoriser la concertation régionale entre les différents organismes.

Nos membres sont prêts à accepter le changement, mais dans le souci même d'un meilleur service à la clientèle, ils veulent participer activement aux changements.

En terminant, nous résumons notre exposé par les recommandations suivantes: 1) que l'Office des personnes handicapées vise à ce que, dans dix ans, les services soient donnés aux personnes handicapées, comme à tout autre citoyen, de sorte que l'office puisse lui-même disparaître. 2) que l'Etat élabore une politique globale et étapiste des services aux personnes handicapées. 3) que l'Office des personnes handicapées soit rattaché au ministre d'Etat au développement social. 4)que l'Office des personnes handicapées ne donne pas de services directs, mais vise essentiellement la promotion des intérêts des personnes handicapées, la planification des services dans le cadre d'un politique globale à élaborer, la recherche de nouveaux moyens d'intervention, principalement en bas âge, et la coordination interministérielle et interorganisme; 5)que la personne handicapée désireuse d'un plan de services s'adresse à un comité de concertation locale ou surrégionale formé des organismes pouvant lui offrir des services, comité animé par le représentant de l'office; 6)que les ateliers protégés soient rattachés au ministère de l'Industrie et du Commerce; 7) que l'Etat favorise plusieurs formes d'emplois protégés, comme une compensation de l'employeur pour le manque de productivité d'une personne handicapée et l'aide technique et pécuniaire à des initiatives individuelles; 8)que l'Etat donne aux organismes de promotion des ressources nécessaires à leur fonctionnement; 9)que les futurs centres de réadaptation pour adultes aient les ressources humaines nécessaires à l'atteinte de la mission qui leur est fixée, de même que l'Etat consacre aux ateliers protégés les sommes qui leur sont nécessaires; 10) que l'allocation aux stagiaires en centres de réadaptation pour adultes soit basée sur les principes de l'allocation donnée à tout autre adulte qui veut parfaire son éducation et que ce changement se fasse dès maintenant; 11)que l'Etat reconnaisse le statut particulier des futurs CRA et évite de les rattacher à des centres d'accueil et à des centres hospitaliers existants; 12) que l'Etat voit à la formation de professionnels et de techniciens spécialisés en réadaptation sociale et apprentissage aux activités de travail; 13)que dans le processus de changement qui s'en vient, le Conseil québécois des ateliers de réaptation et chacun de nos ateliers membres soient des partenaires actifs.

M. le Président, nous remercions cette commission de nous donner l'occasion d'exprimer nos recommandations. Nous savons que vous leur donnerez toute l'attention qu'elles méritent.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie,

au nom de tous les membres de la commission, de la présentation de votre mémoire.

Nous nous retrouverons pour les questions après l'avis donné par le leader en Chambre, cet après-midi, c'est-à-dire — tantôt, j'ai blagué un peu — probablement vers 15 h 15. Je vous remercie beaucoup.

La commission des affaires sociales ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 28)

Reprise de la séance à 17 h 4

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs!

La commission des affaires sociales est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 9 sur la protection des handicapés.

Les membres de la commission sont M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Charron (Saint-Jacques) remplacé par M. Gagnon (Champlain); M. Clair (Drummond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Gravel (Limoilou), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Lazure (Chambly), M. Marois (Laporte), M. Martel (Richelieu), Mme Ouellette (Hull), M. Paquette (Rosemont), M. Saindon (Argenteuil), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Shaw (Pointe-Claire).

Nous nous excusons de notre retard. Nous en étions rendus à l'échange qui fait suite à la présentation du mémoire du Conseil québécois des ateliers de réadaptation.

M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux remercier chaleureusement le Conseil québécois des ateliers de réadaptation pour ce qui est sûrement une des contributions les plus éclairées et les plus pertinentes que nous ayons entendues jusqu'à maintenant à cette commission. Je veux aussi en profiter pour remercier ses membres pour le travail extrêmement précieux qu'ils accomplissent depuis un certain temps, c'est-à-dire d'essayer de regrouper ce que nous appelions, il n'y a pas si longtemps, les ateliers protégés. Ils ont mentionné, dans leur mémoire, une certaine satisfaction du fait que le ministère travaille de façon de plus en plus étroite avec ce conseil québécois.

En gros, je dois dire que les remarques, dans l'allocution d'ouverture de la commission de mardi dernier, rejoignent plusieurs des recommandations, des suggestions qui nous sont faites dans le mémoire du conseil québécois. Je dois donc dire que nous sommes à peu près sur la même longueur d'ondes. Je vais commenter rapidement quelques unes des principales recommandations. La première — et je me réfère à la page 12 — des treize recommandations principales... J'admire l'esprit d'optimisme de nos amis qui émettent l'hypothèse que, dans dix ans, on aura suffisamment changé la mentalité de notre société pour arriver à la conclusion que l'office serait, à toutes fins pratiques, superflu.

Je l'espère. J'espère que cela sera réalisé. C'est tout ce que je peux en dire parce qu'encore une fois, ce rôle de coordination, de stimulation et d'ombudsman que l'office devra jouer, on espère que, de plus en plus, des groupements locaux et régionaux assumeront ce rôle et il est fort possible qu'à un certain moment, l'office ne soit plus nécessaire.

Quant à la politique globale que vous réclamez, évidemment, le livre blanc en a esquissé les grandes lignes. Le projet de loi, avec les modifica-

tions qui y seront apportées, ajoute à ces grandes lignes. Il y a aussi certains autres documents que j'appellerais plus spécialisés, plus sectoriels comme un document portant sur la réadaptation des enfants handicapés visuels et auditifs, document qui circule actuellement dans tout le Québec à titre consultatif.

Il y a plusieurs documents qui, réunis ensemble, — et ce sera une des premières responsabilités de l'office — formeront la pierre angulaire de ce qui deviendra la politique globale.

Vous demandez aussi que l'office soit rattaché au ministre d'Etat au développement social. Il y a un autre mémoire qui fait la même suggestion. Je comprends la logique qui sous-tend cette demande, à savoir qu'étant donné que plusieurs ministères, presque une dizaine de ministères, sont concernés — et je souligne en passant la présence du ministre délégué au Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports et député de Saint-Jacques — il peut être logique que la coordination, par le biais de l'office, se fasse par un ministre d'Etat, plus particulièrement celui au développement social.

Il n'a pas été jusqu'ici dans les coutumes encore jeunes de ce gouvernement de confier des tâches administratives aux différents ministres d'Etat. C'est la seule remarque que je peux faire et on va quand même étudier cette hypothèse.

Je peux assurer aussi les gens que le ministre des Affaires sociales ne cherche pas à agrandir un empire déjà trop considérable.

La cinquième recommandation, à l'effet que la personne handicapée désireuse d'un plan de services puisse s'adresser à un comité de concertation local ou sous-régional et non pas directement à la maison-mère de l'office, entre aussi tout à fait dans la lignée de nos orientations.

Il y aura une décentralisation de cet office. Le premier ministre a déjà dit, il y a plusieurs mois, qu'il souhaitait que même l'office, dans ses quartiers généraux, soit situé en dehors de Montréal ou de Québec, de façon à souligner l'intention de décentralisation qu'a notre gouvernement. Peu importe l'endroit où il sera situé, l'office aura des filiales, pour ainsi dire, régionales qui pourront être greffées, composées de gens qui sont déjà dans le réseau de la réadaptation. Cela peut être par des centres de réadaptation déjà existants, cela peut être par des centres locaux de services communautaires, ou même des conseils régionaux. Mais nous voulons utiliser au maximum toutes les ressources existantes, localement et régio-nalement. L'autre proposition, c'est que les ateliers protégés soient rattachés au ministère de l'Industrie et du Commerce; là aussi je comprends le motif derrière cette proposition. Nous allons étudier cette proposition. Je ne la rejette pas, en principe.

Le numéro 9, que les centres de réadaptation pour adultes aient les ressources nécessaires et que l'Etat consacre aux ateliers protégés... Evidemment, cela aussi sera une des principales tâches de l'office, celle de stimuler le gouvernement ou le ministère ou le ministre qui sera responsa- ble, de façon qu'il y ait des crédits importants d'alloués. Il est bien évident qu'on a besoin de beaucoup plus d'ateliers protégés que nous n'en avons actuellement. L'allocation aux stagiaires du centre de réadaptation; il faut distinguer le centre de réadaptation de l'atelier protégé, évidemment. Le principe de l'allocation aux stagiaires, nous le reconnaissons comme étant très valable. Vous avez fait allusion à la rencontre que nous avons eue il y a quelque temps avec des représentants de votre groupe et je pense que nous ne sommes pas loin d'une entente quant aux sommes qui sont impliquées. Enfin, M. le Président, pour l'appellation de l'atelier protégé, je retiens une des suggestions que vous faites: centre de travail adapté.

Cela me paraît une appellation assez logique car dans le projet de loi, nous parlons d'adapter des postes de travail dans l'entreprise publique ou privée, sur le marché régulier du travail. Cela me paraîtrait une contrepartie intéressante d'avoir non seulement des postes adaptés dans l'entreprise, mais aussi d'avoir des centres de travail complètement adaptés.

Je m'en tiens à ça, pour le moment, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez des commentaires ou des précisions à apporter aux propos du ministre?

M. Paquin: Des commentaires, M. le Président, c'est moins houleux qu'à l'Assemblée, au départ. M. le ministre des Affaires sociales semble bien conscient et a précisé qu'il y a une longueur d'ondes qui s'est établie entre les organismes consultatifs; c'est fort heureux qu'on le reconnaisse. D'ailleurs, les recommandations qu'on fait semblent être retenues sans être trop compromises. Maintenant, M. Capistran aurait une question à ce sujet.

M. Capistran: J'aurais une question ou un commentaire concernant l'allocation aux stagiaires. Il ne faut pas voir le problème simplement comme étant une demande d'argent supplémentaire qu'ils auraient à la semaine. Le problème est une question de statut. C'est d'enlever le statut d'assisté social qui est très déprimant pour nos stagiaires qui viennent en réadaptation. Ce n'est pas seulement une question de montant, mais aussi une question de statut.

M. Lazure: Je comprends fort bien, M. le Président, la remarque de M. Capistran et je partage son optique entièrement. Il me semble qu'on peut comparer, justement, la période de temps qu'un stagiaire doit passer dans un centre de réadaptation à un stage que fait n'importe quel étudiant adulte à l'intérieur du reclassement de certains adultes. Moi aussi, je ne demande pas mieux qu'on élimine une fois pour toutes le statut d'assisté social quand il s'agit des handicapés.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: A mon tour, je vais me joindre au ministre des Affaires sociales pour remercier et féliciter le Conseil québécois des ateliers de réadaptation pour la qualité de son mémoire. En dehors des suggestions fort utiles que vous faites, j'ai l'impression que vous posez des jalons qui suggèrent un dynamisme qui va au-delà de ce qui est contenu dans le projet de loi. Je trouve cela extrêmement intéressant.

Par exemple, il y a deux points qui retiennent particulièrement mon attention, c'est l'implication de chacun des ministères dont vous parlez, de rattacher les ateliers au ministère de l'Industrie et du Commerce et, en somme que chacun des ministères concernés se sente vraiment impliqué.

Je pense que vous ne m'en voudrez pas de faire une certaine analogie avec la condition de la femme — c'est la première fois que je fais cela en commission parlementaire — où on dit aussi: La journée où chacun des ministères impliqués verra vraiment cela comme sa responsabilité, on aura fait un grand pas en avant dans l'évolution des mentalités, dans l'acceptation des personnes.

Je pense que c'est le message que vous transmettez ici, de les sortir un peu de cette perspective souvent limitée que cela relève des affaires sociales, avec tout ce que cela comporte de marginalisation quand on fait appel à ce concept ou à cette notion. Je pense que dans ce sens-là, c'est extrêmement intéressant.

L'autre message que vous passez, et que moi j'ai vu, c'est un peu cette crainte que les pouvoirs de l'office, enfin, la place qu'éventuellement, l'office pourrait occuper, pas nécessairement parce que c'est dans la loi, mais parce qu'une fois qu'on est en place, on tend toujours à prendre plus de place, ne devrait pas venir démobiliser une population locale, ou la prise en charge par les populations, ou par les organismes locaux, de même que paralyser un peu la créativité qui devrait demeurer vraiment dans les régions respectives qui, d'ailleurs, sont beaucoup mieux placées que l'office pour répondre aux besoins de cette population. Je pense que c'est toujours un danger qui nous guette quand on adopte une loi ou on crée un office ou une commission qui, tout à coup, se voit accorder des pouvoirs très importants.

Je pense que c'est un autre message qui m'apparaît important et que, à ma connaissance, vous êtes le premier organisme à le présenter d'une façon aussi — éloquente n'est peut-être pas le mot—exacte que vous le faites.

Il y a des recommandations intéressantes que vous faites, auxquelles le ministre a fait allusion, par exemple le changement du nom de l'atelier fermé en centre de travail adapté. Vous parlez également de la question des salaires, de l'allocation aux stagiaires. Je pense que le ministre semble d'accord là-dessus, cela me semble très intéressant.

Il y a un autre point sur lequel vous nous mettez en garde. C'est la participation des organismes de promotion.

Je pense que le ministre des Affaires sociales, autant que moi-même, a été en mesure de réaliser, au cours de ses activités professionnelles, comme je l'ai été moi-même, vraiment le rôle important que ces organismes ont joué dans le développement des ressources, dans la sensibilisation des populations. Même si on les inclut dans l'office à titre de représentants ou de membres de cet office, que ce soit bien important qu'on leur laisse aussi le plus de latitude possible. Jamais on ne pourra remplacer le dynamisme de ce type d'organisation, parce qu'il n'y a rien qui ne menace plus, je pense, le progrès social ou la sensibilisation d'un gouvernement ou d'une société que de tout à coup retrouver tout le monde enrégimenté dans les proches parents du fonctionnarisme, au fond. C'est un autre point que vous faites valoir et qui est extrêmement important.

Une question que je voudrais vous poser; quand on travaille avec des personnes handicapées, c'est fort heureux l'engagement qui se développe à l'égard de ces personnes ou de ces groupes. Parfois, on voit peut-être les choses d'une façon un peu trop optimiste. C'est dans ce sens que je voudrais vous demander... Par exemple, quand vous parlez, en page 7, concernant l'emploi protégé... "Nous voudrions que l'Etat considère tout handicapé comme susceptible d'occuper un emploi. L'expérience démontre qu'un déficient intellectuel même profond peut accomplir un emploi si nous prenons le temps et les moyens de lui permettre un apprentissage adéquat".

Je suis en accord avec une bonne partie de ceci, parce que, finalement, l'évaluation du déficient intellectuel dépend tellement d'une foule de facteurs et non pas uniquement d'un quotient un peu désséché; mais il reste quand même — je ne sais pas s'il n'y a pas une partie de vous et de désirs bien légitimes de votre part — que la réalité est peut-être dans les faits un peu différente et il faudra garder des maisons de garde, également des ateliers qu'on appelle d'occupations ou d'avantages mais pas uniquement des ateliers où tout le monde pourra avoir un emploi.

M. Paquin: Pour répondre à votre question, Mme Lavoie-Roux, il est vrai, certainement, que ce n'est pas utopique, que ce n'est pas trop optimiste de penser que certains handicapés voire profonds puissent réaliser des choses.

Je déplore le fait que la plupart des membres de cette commission, des membres de l'Assemblée nationale n'aient pas visité d'atelier protégé, au départ, dans la province. Il y en a quarante. Je sais que nous sommes une minorité au service d'une minorité.

En fait, nous, qui sommes vraiment impliqués de près dans le domaine de la réadaptation et dans la réadaptation où le moyen thérapeutique principal du moment est le travail, parce qu'on n'avait pas d'autre choix, on a réalisé de grandes choses. C'est bien entendu qu'il ne faut pas écarter les centres de réadaptation pour adultes où on devra vraiment accentuer l'aspect de la réadaptation sociale telle qu'elle est. Jacques?

M. Steingue (Jacques): Je voudrais simplement faire une remarque. Tout handicapé, quel qu'il soit...

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous pouvez vous identifier aux fins du journal des Débats, s'il vous plaît?

M. Steingue: Jacques Steingue. Tout handicapé quel qu'il soit, peut exercer un travail. C'est relié à une question de tâches à l'intérieur d'une activité de travail, que ce soit dans un centre de réadaptation pour adultes ou dans ce qu'on appelle un atelier protégé, le fait est là. C'est d'organiser des activités de travail en rapport avec leur potentiel.

Mme Lavoie-Roux: L'autre question que je voudrais vous poser concerne les principes que vous avez énoncés au départ, à savoir que vous êtes bien d'accord avec le projet de loi dans le sens qu'on accorde des droits beaucoup plus grands et qu'on se préoccupe davantage des handicapés. Vous mettez l'accent sur le fait que peut-être, et c'est dans ce sens que vous parlez d'étapisme, on devrait peut-être aussi avoir mis l'accent davantage sur les soins des zéro à trois ans en premier lieu, et enfin jusqu'aux 18 ans, et que ceci semble avoir été quelque peu oublié dans ce projet de loi.

Compte tenu de l'expérience que vous vivez présentement et de votre connaissance des ressources actuelles, tant au plan éducatif, au plan de réadaptation, entraînement professionnel et tout, est-ce que vous seriez capable de développer un peu quelles seraient pour vous les priorités dans ce groupe d'âge, de zéro à trois ans, trois ans à dix-huit ans, les besoins qui devraient être comblés et qui n'existent pas et vous semblent vraiment des carences qui, finalement, limitent le développement total de l'handicapé devenu adulte, parce que c'est évident qu'il y a encore beaucoup de carences, on le sait. Quels seraient pour vous, dans ce groupe d'âge, les besoins que vous identifieriez comme les plus importants à combler dans un avenir le plus rapproché possible?

M. Steingue: Je veux seulement faire une remarque encore concernant ce groupe d'âge dont vous parlez. Je vais vous donner un exemple — je ne parlerai pas des priorités, un autre en parlera — seulement pour vous dire à quel point c'en est rendu. Cela date d'avant-hier.

J'ai rencontré deux personnes à Montréal. Ce sont une dame et un homme qui ont un enfant mongol de 18 mois. Ces personnes se sont adressé au CLSC de leur région pour que la garderie puisse prendre ce petit bonhomme durant la journée. On a refusé en disant que cela serait au détriment des autres enfants qui sont là. C'est un organisme du domaine du social.

M. Lazure: Vous comprendrez, M. le Président, que je ne peux pas m'empêcher de réagir à cela. Je trouve évidemment cela tout à fait inacceptable. Encore une fois, ce n'est pas parce que ces personnes sont des employés dans un service du réseau des affaires sociales qu'elles ont compris. Il y en a encore plusieurs qui n'ont pas compris, un peu comme toute la société en général. Je veux juste ajouter, en rapport avec cela — on n'en a pas parlé depuis l'ouverture de la commission — puisqu'on parle d'enfants maintenant, il y a presque un an, suite à l'augmentation des crédits pour les garderies, nous avons ajouté une clause nouvelle dans les réglementations de garderie qui permet à chaque garderie qui admet jusqu'à 20 à 25% d'enfants inadaptés d'avoir une subvention additionnelle pour permettre d'avoir du personnel additionnel. Il est bien clair que, pour nous, l'enfant handicapé, quel que soit son niveau, préscolaire ou scolaire, doit être intégré le plus souvent possible dans le courant régulier, dans la garderie pour l'ensemble des enfants, comme pour l'école qui est destinée à l'ensemble des enfants.

M. Paquin: Pour répondre à votre question, Mme Lavoie-Roux, c'est que ce qui nous touche le plus, ce sont les 18 ans qui doivent sortir des centres d'accueil actuels, des centres de réadaptation, qui sont référés à nos ateliers protégés — on les appelle malheureusement comme cela, l'appellation va changer —. Ces jeunes, bien souvent, arrivent chez nous sans autonomie. Ils devraient avoir acquis cette autonomie à l'intérieur d'un CRA, à l'intérieur du centre d'accueil. On déplore cela. On veut les orienter vers l'atelier protégé et bien souvent il faudrait avoir, en atelier protégé, justement un secteur réadaptation au départ. De la structure organisationnelle des ateliers actuels, il est à peu près impossible. De là les listes d'attente, de là le "output" qui ne se fait pas à partir du centre d'accueil, CRA, à l'atelier protégé — excusez-moi l'anglicisme — mais il y a un "bottle neck" qui se fait là. Est-ce que cela répond à votre question?

Mme Lavoie-Roux: Oui. Dans le fond, c'est peut-être au niveau des programmes à l'intérieur du système d'éducation, mais aussi au niveau des ressources d'accueil. Il semble exister encore des carences. Les programmes éducatifs destinés aux enfants handicapés, quel que soit leur handicap, ne sont pas encore adéquats.

M. Paquin: Je déplore ce fait, mais par contre il n'est pas tout à fait de notre ressort de vraiment critiquer ou blâmer ce qui se passe dans ces centres d'accueil parce que, en fait, nous sommes vraiment impliqués au niveau de la réadaptation via l'atelier protégé. On déplore certaines lacunes. Je ne me vois pas — ce n'est pas mon rôle ici — je pense que d'autres organismes savent ce qui se passe. Je déplore les lacunes. Il y a évidemment les questions de financement, les questions de personnel, aussi les questions de clientèle. C'est bien difficile pour nous de nous impliquer dans ce domaine.

Mme Lavoie-Roux: Ma dernière question, si le ministre des Affaires sociales veut y répondre, c'est à lui que je veux la poser. Je le référerais à la page 10, troisième paragraphe. "Il n'existe pas ac-

tuellement de professionnels, de techniciens spécialisés dans la réadaptation sociale et dans l'apprentissage aux activités de travail. C'est pourquoi nous recommandons au ministère des Affaires sociales et au ministère de l'Education de voir à la formation structurée du personnel des futurs CRA."

M. Lazure: J'ai mis un gros point d'interrroga-tion devant ce paragraphe. Je comprends la question. C'est vrai et ce n'est pas vrai. Je pense comprendre ce que le groupe veut dire. Il existe plusieurs groupes professionnels ou non professionnels qui oeuvrent actuellement dans ce domaine, que ce soit la partie apprentissage au travail, incluant l'intégration du marché régulier du travail, ou que ce soit la partie intégration sociale, ou apprentissage de la vie en société. Dans cette deuxième section, on a recours, habituellement, au service social, dans son sens large du terme, les travailleurs sociaux professionnels ou les techniciens en aide sociale. Dans la première partie, c'est moins clair. On a parfois des pédagogues. On a des moniteurs d'ateliers. On a parfois des conseillers en orientation.

Il est vrai de dire qu'il n'existe pas une profession qui aurait la compétence entière pour prendre le handicapé dès le début et le mener jusqu'à son intégration complète dans la société. Il n'existe pas une profession polyvalente. Il existe des morceaux un peu spécialisés. C'est un problème, mais je ne suis pas sûr qu'il faille développer une autre spécialité, une autre profession. Je ne suis pas sûr.

M. Paquin: Permettez-moi, M. le Président. M. Gauthier pourrait peut-être répondre à cette question. C'est fort bien ce que vous dites, mais en fait, on a des éducateurs spécialisés. C'est sûr, mais on pourrait avoir des éducateurs spécialisés et améliorer la spécialisation en fonction de l'atelier protégé, éventuellement.

M. Gauthier, s'il vous plaît.

M. Gauthier: M. le Président, ce que le Conseil québécois yeut particulièrement dire pour la formation de personnel, c'est ceci: Lorsqu'on parlait tout à l'heure de centres d'accueil qui s'occupaient des enfants et qui étaient structurés avec du personnel pour les enfants, mais qu'au niveau des adultes, ils ne l'avaient pas, ce qui se passe au niveau du personnel spécialisé, c'est l'inverse. Au niveau des enfants, on a quelque chose qui s'appelle l'éducation spécialisée. Dans beaucoup de CEGEP du Québec, il y a des programmes d'éducation spécialisée pour former des éducateurs spécialisés pour les enfants surtout.

Il y a quelques endroits dans la province où on a certains programmes pour les adultes, mais ce sont des besoins régionaux identifiés comme tels.

A cet égard, j'ai siégé à un comité MAS-MEQ où on tentait de redéfinir la tâche et la fonction d'un éducateur spécialisé afin qu'il puisse répondre aux besoins des enfants et des adultes. Il y a des gens impliqués dans le milieu qui travaillent depuis des années au niveau des enfants qui se demandaient qu'est-ce que pouvait bien avoir de différent un adulte lorsqu'on avait suivi un cours d'éducateur spécialisé pour les enfants.

Alors, une fois que ces gens ont compris la différence, la redéfinition, comment le structurer... mais nous disons au Conseil québécois qu'il ne faudrait pas que cela prenne un temps énorme, parce qu'en attendant, il y a des handicapés qui seraient prêts, éventuellement, à recevoir un soutien plus précis de la part d'éducateurs ou de professionnels pour les adultes, mais ils ne le reçoivent pas présentement.

Nous trouvons cela déplorable. On fait de nos pieds et de nos mains pour essayer de leur donner le support adéquat. Il n'est pas toujours sûr qu'on y parvient. Alors, on essaie, à l'intérieur de notre organisme, de former notre personnel déjà en place, mais c'est petit comme effort et le besoin est énorme.

C'est ce que nous voulons dire par formation de personnel spécialisé qui relèverait de l'Etat, donc qui serait plus facile d'accès pour les gens en place et le futur personnel des CRA et des ateliers protégés.

Mme Lavoie-Roux: Je me demande, M. le Président, si le problème que nos invités signalent n'est pas similaire, dans le fond — ce ne sera pas une consolation pour vous autres — à celui qu'on rencontre dans tout le domaine de l'éducation des adultes où, finalement, on a simplement transplanté — je parle toujours d'une façon générale, je pense qu'il y a une légère évolution — des éducateurs de l'enseignement primaire et secondaire à l'enseignement des adultes alors qu'il y a des approches qui doivent être différentes. Je pense que les universités ont commencé à réfléchir un peu là-dessus. Cette préoccupation devra avoir un prolongement, dans le sens des besoins spécifiques dont la population que vous servez a besoin.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Merci, M. le Président. Premièrement, je voudrais aussi féliciter le conseil pour son mémoire qui est si bien fait. Quand j'ai lu ce document, c'était une bonne préparation au projet de loi, même si presque tout le projet de loi sera changé. Je vois aussi que vous avez les mêmes craintes que celles de presque tous les témoins en ce qui concerne les pouvoirs et la fonction de l'Office des handicapés. J'espère que le ministre et je crois que le ministre est aussi conscient que nous avons besoin de conserver le rôle du secteur privé, le secteur communautaire dans le domaine des handicapés. J'ai noté le principe que vous avez présenté, c'est-à-dire intégrer non seulement les handicapés dans les lieux, mais préparer les lieux pour les accepter comme il faut.

J'ai quelques petites questions sur les subventions aux industries qui acceptent des handicapés au lieu de les employer dans des ateliers fermés,

ou des ateliers spécialisés. Dans quel sens prévoyez-vous que nous pouvons faire ces subventions sans que ce soit sous forme d'aide sociale?

M. Capistran: II s'agit de subventions qui sont données aux handicapés qui travaillent dans une entreprise privée. C'est bien cela, votre question?

M. Shaw: C'est cela.

M. Capistran: Nous avons pris l'idée d'après des informations que nous avons eues du régime existant en Suède où il y a des emplois protégés dans l'industrie privée et le gouvernement compense jusqu'à 40% du salaire qui est donné à la personne handicapée. C'est une formule qui existe en Suède et c'est là qu'on a pris l'idée.

M. Shaw: Est-ce que je peux poser la même question au ministre? Parce que j'ai entendu dire que le système suédois donne des subventions directement aux compagnies au lieu de produire un effet négatif sur les entreprises privées; c'est une forme qui a un effet positif.

M. Lazure: On a parlé ce matin et hier du mécanisme de subventions que nous prévoyons déjà dans le texte de loi. Par exemple, on le prévoit pour l'adaptation de postes au travail. On prévoit un mécanisme de subventions aux entreprises pour adapter des postes pour certains handicapés.

Nous en avons discuté ce matin aussi; je pense que c'est avec la chambre de commerce qui préconisait plutôt des exemptions d'impôt. Notre position, actuellement, c'est plutôt vers la subvention qui est plus facilement comptabilisable et qui semble répartir plus équitablement, surtout en rapport avec les petites entreprises qui seraient moins avantagées si c'était des exemptions d'impôt.

M. Shaw: II y a un autre endroit important dans ce domaine, c'est la fonction publique elle-même. C'est évident qu'avec toutes les régies que nous sommes en train de former, ça prend du personnel aussi. Est-ce que le ministre a des postes pour un pourcentage des handicapés dans le service public du Québec?

M. Lazure: Oui, j'ai donné l'exemple, l'autre jour, d'une action que nous avons prise au ministère des Affaires sociales, il y a déjà plusieurs mois, et à la Régie de l'assurance-maladie. Nous avons émis la directive à notre service du personnel de réserver 2% des emplois des fonctionnaires à notre ministère et à la Régie de l'assurance-maladie pour les personnes handicapées. J'ai écrit aux autres ministères du gouvernement pour les encourager à faire la même chose.

M. Shaw: J'ai eu la chance hier de visiter le festival de la citrouille, Pumpkin Festival, où j'ai eu l'occasion de voir les produits faits dans vos ateliers. Je peux constater que cela a du bon sens et on doit faire un marché pour ces produits, vers l'extérieur du ministère de l'aide sociale, comme vous avez suggéré, cela aurait du bon sens. Mais est-ce que ça représente, vous parlez de 40 ateliers, en comparaison avec la Suède ou les autres provinces canadiennes, est-ce que nous avons du succès dans ce domaine au Québec?

M. Paquin: On a sûrement du succès avec nos ateliers protégés au Québec, mais ça prendrait des ateliers protégés améliorés, comme je le disais tantôt. Vous dites que vous avez visité le festival de la citrouille, je déplore le fait et le conseil québécois a vraiment honte d'un festival des citrouilles. Vous avez vu des belles choses, c'est vrai, mais c'est un festival tenu sous l'égide de la pitié, vente du handicapé sous la pitié. Quand on vend trois citrouilles $1400 la citrouille, on peut faire sept tartes avec ça, ça fait $200 la tarte, ce n'est plus le "fun" en 1977. Je pense bien que le conseil québécois qui s'implique davantage dans la distribution d'un réseau de marketing pour ces produits, qu'il réponde à des normes de consommation, des normes de compétition, doit oublier cette espèce de bénévolat.

Je ne le dénigre pas, on en a besoin pour certains ateliers qui ne produisent pas suffisamment pour permettre d'écouler leurs produits sur un réseau normal d'écoulement. Par contre, si on considère les ventes globales des 40 ateliers protégés, l'an passé, pour l'exercice se terminant le 31 mars 1977, on a vendu pour $1 939 371.

M. Shaw: Cela représente...

M. Paquin: Je peux dire qu'environ 50% des ateliers protégés actuels participent quand même avec une production assez élevée. Je peux vous citer le cas de deux ateliers protégés au Québec qui produisent ensemble au-delà de 3/4 de million de dollars à eux seuls, avec à peu près 100 handicapés.

M. Shaw: Et vous avez combien de personnes impliquées dans les ateliers maintenant?

M. Paquin: Au niveau clientèle, stagiaires, travailleurs stagiaires qui bénéficient, qui participent à nos programmes, 2143, pour un budget global, un apport du ministère des Affaires sociales, de $7 millions.

M. Shaw: Mais un septième est payé par la production de votre...

M. Paquin: Dans la plupart des ateliers — malheureusement, certains ne s'autofinancent pas à cause des régions éloignées, à cause des produits fabriqués, il y a des lacunes, ce qui existe n'est pas nécessairement bon sur toute la ligne — la clientèle influence aussi la production, les équipements influencent la production. C'est sûr qu'on doit développer d'autres ateliers protégés.

M. Shaw: Est-ce que vous avez pensé, quant à la question d'identité et d'identification, c'est fa-

cultatif, pensez-vous que les handicapés impliqués vont être craintifs de ne pas être enregistrés?

M. Paquin: Ils ne sont pas craintifs, ils réclament eux-mêmes un statut de travailleurs. Même si ce sont des travailleurs handicapés, ils réclament leur statut. M. le ministre Lazure les a rencontrés, ils réclament ce statut. Ils n'ont pas vraiment peur de recevoir un salaire minimum. La loi 9 parle beaucoup plus d'ateliers protégés que de CRA, de centres de réadaptation. Ils n'ont pas peur d'avoir un salaire minimum.

Je vous mets en garde contre une chose qui existe, que je déplore dans nos ateliers protégés actuels, c'est le fait que des gens qui produisent des biens de consommation ne sont même pas couverts par la Loi des accidents du travail. On n'en parle peut-être pas dans notre mémoire, mais on vit cette question.

Le Conseil québécois a dû s'assurer que tous ses membres aient une police d'assurance couvrant quelqu'un qui pouvait se couper une main, par exemple. Ce sont de petites choses comme celles-là qui, dans l'ensemble, ont besoin de s'améliorer, pour vous situer.

M. Shaw: Merci.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre, est-ce que vous voulez conclure?

M. Lazure: Non, sauf remercier le groupe du Conseil québécois et le féliciter pour l'excellent travail qu'il a présenté.

Le Président (M. Marcoux): Avant le mot de la fin, j'aimerais vous remercier également, au nom de tous les membres de la commission, car en plus de la rédaction de votre mémoire, vous avez pris le temps de faire une synthèse de ce mémoire qui a été adaptée aux événements récents, par exemple, suite à la présentation de la pétition du CEDAP d'Alma, au nom de l'ensemble de ses travailleurs. Je pense que plusieurs l'ont appréciée. Je me devais de le signaler.

Je voudrais vous signaler également que plusieurs des députés ici présents n'ont pas eu l'occasion de visiter un atelier protégé, mais nous avons eu le plaisir de visionner, au début de nos travaux, un film réalisé par le CEDAP d'Alma, qui nous a mis en situation; même si nous n'avons pas tous eu le plaisir de visiter un atelier protégé, jusqu'à maintenant.

Je vous laisse le mot de la fin.

M. Paquin: Avant le mot de la fin, M. le Président, permettez-moi de revenir à la page 9. Je semble vouloir insister, M. le ministre des Affaires sociales, mais on parle du statut d'assisté social.

Ma grande crainte et la grande crainte des membres du Conseil québécois des ateliers membres est la suivante: Si jamais cette loi n'était pas adoptée, qu'adviendrait-il du fameux statut d'assisté social qu'on colle à nos handicapés en atelier protégé? Est-ce que, par voie de règlement ré- troactif, on ne pourrait pas... Il y a 300 000 assistés sociaux au Québec; dans les ateliers protégés, il y en a 2000. Pour l'amour du Ciel, faisons quelque chose pour eux.

M. Lazure: Vous dites, si jamais le projet de loi n'était pas adopté, je ne sais pas sur quoi vous fondez cette note pessimiste. A ce que je sache, le gouvernement au pouvoir a une majorité assez confortable. J'ai toutes les raisons de croire que...

Mme Lavoie-Roux: Nous n'avons pas l'intention non plus de le saboter, on va peut-être essayer de l'améliorer.

M. Lazure: C'est cela. Vous voyez les témoignages des deux partis de l'Opposition. J'ai toutes les raisons de croire sérieusement que le projet de loi sera adopté assez rapidement, le plus rapidement possible. Je pense que là-dessus on peut vous rassurer.

M. Paquin: Je vous remercie, M. le ministre. Permettez-moi de souligner aux membres de cette commission que nous avons trois travailleurs stagiaires en ateliers protégés qui sont partis de Montréal, d'Alma et de Charlevoix en les personnes de Serge Boudreault, Patrice Fraïoli et Onésime Henry.

Je vous remercie, M. le Président, MM. les membres de cette commission, MM. les députés. J'espère que vous n'oublierez pas que le Conseil québécois est l'organisme impliqué de près avec le ministère des Affaires sociales, et de nous retenir comme partenaires éventuels. Merci.

Le Président (M. Marcoux): C'est enregistré au journal des Débats.

J'inviterais maintenant le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec à venir présenter son mémoire. Je vous invite à vous présenter et à présenter vos collègues. D'ici la fin de cette période, à 18 heures, vous pouvez présenter votre mémoire. Si vous n'avez pas terminé la présentation du mémoire, même s'il faut prolonger de quelques minutes, je pense qu'on sera d'accord pour... L'ensemble des députés sont engagés à 18 heures. Présentez votre mémoire. De toute façon, on complétera à partir de 20 heures.

Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec

M. Fréchette (Jean-Guy): M. le Président, M. le ministre, Mme et MM. les députés, il me fait plaisir, au nom du Syndicat des fonctionnaires, comme vice-président — mon nom, c'est Jean-Guy Fréchette — de vous présenter le bref mémoire que nous avons préparé à ce sujet sur le projet de loi no 9.

Pour préparer ce mémoire, j'ai eu l'entière collaboration de mes deux collègues, premièrement, Yves Carrier, secrétaire adjoint du président du Syndicat des fonctionnaires et Me Jean Poudrier, conseiller juridique du Syndicat des fonctionnaires.

Pour ce faire, suite au projet d'amendement ou à la déclaration que le ministre a faite concernant le projet de loi no 9, il est évident que nous aurions peut-être un exposé sommaire à vous faire qui n'était pas compris dans le mémoire que nous avons déposé dû au fait que certains exposés compris dans la déclaration du ministre rencontrent certaines de nos demandes à ce sujet.

Si vous nous permettez, c'est seulement un bref mémoire de deux pages que je vais vous lire pour vous donner un peu une idée de ce qu'on pense de la déclaration du ministre à ce sujet.

M. le Président, permettez-nous, avant de commencer la lecture de notre mémoire sur le projet de loi no 9, de commenter sommairement l'exposé du ministre des Affaires sociale lors de l'ouverture de la présente commission parlementaire. En premier lieu, nous aimerions reprendre les différents points de la politique gouvernementale du Québec à l'égard des personnes handicapées, nous identifiant aux objectifs visés par le gouvernement; ceci, dans le but de faire le parallèle entre, d'une part, l'exposé du ministre des Affaires sociales et, d'autre part, notre mémoire. Le premier but visé par le gouvernement par ce projet de loi est la promotion, l'autonomie des personnes handicapées. Nous vous référons donc à la page 2 du préambule de notre mémoire, deuxième paragraphe, où nous disons que la préoccupation de l'Etat employeur à l'égard de ces handicapés doit d'ailleurs, à notre avis, être totale, coordonnée, quotidienne et efficace.

L'Etat employeur, avec la collaboration du Syndicat des fonctionnaires provinciaux, devrait être l'exemple à suivre et devrait engendrer l'éveil de la conscience sociale de tout employeur et syndicat au Québec.

A la conclusion de notre mémoire, nous soulignons que nous reconnaissons le droit au travail des handicapés et la nécessité de leur valorisation. Le deuxième but visé par cette politique du gouvernement est de développer et de maintenir au maximum les handicapés, les capacités des personnes handicapées. Nous vous demandons donc de faire référence aux pages 4 et 5 de notre mémoire, division C, laquelle division traite des emplois réservés et du reclassement favorable et des structures gouvernementales et ministérielles d'exécution, de même qu'à la page 3 de notre mémoire, deuxième paragraphe, où nous disons qu'il aurait suffi qu'un représentant du ministère accepte la proposition syndicale et celle l'INCA, c'est-à-dire l'utilisation d'un Visualteck par M. Lavoie, pour que celui-ci puisse accomplir son travail avec rendement. Cette offre fut carrément refusée et ce, à maintes reprises.

Pour ce qui est des buts des articles 3 et 4 de la politique gouvernementale, à savoir dans l'ordre: adapter les équipements aux besoins des personnes handicapées, et quatrièmement, favoriser l'intégration des personnes handicapées aux activités et aux situations de vie considérées comme normales dans notre société, nous référons à la page 4 de notre mémoire où nous disons que chaque ministère devrait avoir, au sein de son service du personnel, un responsable dont la tâche principale consisterait à voir à l'application de ce projet de loi. Ce représentant, plus ouvert aux problèmes des handicapés, verra à sensibiliser les cadres de ce ministère, à surveiller l'application de la loi et assister quotidiennement les handicapés dans leurs besoins. De même qu'à la page 5 où nous disons, au cas où un reclassement est nécessaire, c'est un comité tripartite qui devrait s'occuper de cette tâche. Ce comité serait composé d'un représentant de l'employeur, c'est-à-dire le gouvernement du Québec, dans le cas qui nous préoccupe, d'un représentant du syndicat et d'un représentant choisi par les deux parties dans un organisme compétent, compte tenu du handicap de l'employé. L'exemple de l'INCA pour les aveugles.

Nous disons de plus que la loi devrait prévoir l'obligation d'impliquer le syndicat lorsqu'il s'agit d'une entreprise syndiquée et les modalités d'une telle implication. Nous soulignons que le reclassement favorable de l'employé doit se faire dans un emploi où son handicap ne lui nuit pas, ou au contraire pourrait l'aider. Par exemple un handicapé de l'ouïe affecté à un lieu de travail à hauts décibels. Aucune perte de salaire ne doit résulter de ce reclassement pour l'employé. Nous continuons en affirmant que les règlements découlant de la loi devraient aussi prévoir un schéma d'exécution ou de modalités d'application de la loi semblable à ce que nous vous proposons. Le système actuel n'implique le syndicat qu'après la soumission d'un grief par l'employé et est inhumain pour l'employé handicapé. Les cas handicapés ne doivent pas, en principe, être traités en arbitrage devant un juge.

Le cinquième objectif visé par la politique du gouvernement, à savoir assurer progressivement la prise en charge par l'Etat des coûts entraînés par un handicapé, nous vous référons à la page 5 de notre mémoire, au deuxième paragraphe où nous disons que cette valorisation peut s'effectuer dans certains cas par l'achat d'un appareil qui supprime le handicap, par exemple, Visualteck. Aucun reclassement de l'employé n'est alors nécessaire et le coût d'achat ou de location d'un tel appareil devrait être subventionné en partie ou en totalité par la Régie de l'assurance-maladie.

Nous sommes heureux de voir aussi que le ministre traite l'office institué par le projet de loi comme un instrument d'intervention. Cependant, nous tenons à vous souligner que, quant à nous, l'office devrait avoir le pouvoir de lier la couronne lorsqu'il rend la décision, tout au moins, lorsque cette décision doit s'appliquer à l'Etat employeur. Et v0us admettrez avec nous qu'il est important de remettre à l'office un tel pouvoir puisque, comme le souligne le ministre dans son exposé à la page 5, et nous citons: "L'office pourra aussi jouer, de concert avec les organismes et ministères concernés, le rôle d'éducation population en matière de prévention des handicaps physiques et mentaux".

Il va sans dire, quant à nous, que les préoccupations de l'Etat employeur à l'égard de ses em-

ployés handicapés doivent être quotidiennement efficaces. L'Etat employeur doit être l'exemple à suivre et doit engendrer l'éveil de la conscience sociale de tout employeur et syndicat au Québec. Nous allons maintenant passer à la lecture du mémoire comme tel et pour cela, je vais demander à Yves Carrier de le lire.

M. Carrier (Yves): Ce document s'inspire de l'expérience vécue par des handicapés travaillant au gouvernement du Québec. Jusqu'à un certain point, il se veut le prolongement de différentes démarches rendues nécessaires par le manque de compréhension de plusieurs gestionnaires du gouvernement du Québec vis-à-vis de ses employés handicapés ou devenus handicapés.

Une mise en garde s'impose avant d'aller plus loin. Certains documents accolés au présent mémoire ne relèvent pas de la science-fiction, mais bien de la réalité tandis que le contenu de certains autres pourront faire naître dans votre esprit la révolte contre le chantage qui se produit, à un certain moment, dans la vie d'un fonctionnaire handicapé.

Nous ne voulons pas que vous vous instituiez juge contre des personnes utilisant de telles méthodes envers des handicapés.

Nous reherchons plutôt de votre part un consensus afin que les fonctionnaires de l'Etat, ayant à supporter un handicap et/ou devenant mafheureusement handicapés, soient intégrés à l'application du projet de loi 9, loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées. Nous espérons que ce document pourra vous aider à soumettre une loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées qui soit à la hauteur des aspirations légitimes des employés handicapés de la fonction publique québécoise, non seulement dans leur vie de citoyen: accès aux édifices publics, à des logements adaptés à leurs besoins. etc., mais surtout à leur vie au travail. La préoccupation de l'Etat employeur à l'égard de ses handicapés doit d'ailleurs, à notre avis, être totale, coordonnée, quotidienne et efficace. L'Etat employeur, avec la collaboration du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, devrait être l'exemple à suivre et devrait engendrer l'éveil de la conscience sociale de tout employeur et syndicat au Québec.

Ce mémoire a pour but d'étudier la situation des personnes handicapées travaillant dans la fonction publique, de suggérer à cet égard certains amendements et améliorations à leurs conditions de travail. Nos recommandations ou suggestions sont aussi applicables sous plusieurs aspects au secteur parapublic ou privé.

Notre mémoire se divise ainsi: Situation antérieure à la convention collective 1975-1978 et volonté syndicale de correction de cette convention, nécessité de lier la couronne, emplois réservés, reclassement favorable et structures gouvernementales et ministérielles d'exécution, dispositions transitoires, et à la fin, conclusion.

Les arbitres nommés aux différentes conventions collectives de la fonction publique ont toujours reconnu le droit des employés malades temporairement — sentence Gaston Robert, vous pourrez voir notre annexe a) — ces employés ont droit d'utiliser leur caisse de congés de maladie et sont couverts par le régime d'assurance-maladie. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'une maladie persistante, constante et définitive, l'approche n'est plus la même...

Le Président (M. Marcoux): Si vous le permettez, je vais vous interrompre parce que les membres de cette commission sont tous attendus. Alors, nous reprendrons nos travaux tantôt. Je suspends la séance jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

Reprise de la séance à 20 h 19

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

J'inviterais nos invités, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, à poursuivre la présentation de leur mémoire et à être le plus concis possible pour que s'engage le plus tôt possible le dialogue avec les membres de la commission.

M. Carrier (Yves): Alors, je continue. Si l'employé devient incapable physiquement d'accomplir ses tâches de façon significative — cinq mois sur douze — et persistante, il est congédié. Exemple: sentence Tancrède Lavoie, notre annexe B. Ni l'arbitre, ni la convention collective ne peuvent obliger le gouvernement à être humanitaire. Devant une telle situation, le syndicat, dans ses demandes pour le renouvellement de la convention collective expirée en 1975 désirait qu'il n'y ait aucune discrimination contre un fonctionnaire à cause de sa race, ses croyances religieuses ou leur absence, son sexe, sa langue, son ascendance nationale, son origine sociale, son état physique ou psychologique et ses opinions politiques.

Cette demande syndicale fut rejetée par le gouvernement. Pourtant, notre demande se rapprochait, quant aux personnes visées, de l'article 1-M de votre projet de loi et, quant à ces droits, des articles 2 et 73. Voulant empêcher le congédiement des handicapés et devant le refus patronal de la demande précitée, le syndicat dut convenir que l'employeur pourrait rétrograder un handicapé, ou qu'un handicapé pourrait lui-même demander sa rétrogradation, mais le gouvernement exigea que tout soit sous réserve du droit de l'employeur de le congédier.

Nous avons cru que, logiquement, l'employeur replacerait le handicapé dans un travail lui convenant, quitte à ce que ce déplacement entraîne une certaine baisse de salaire, mais tel ne fut pas le cas. Ainsi, au ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières, M. Georges-Henri Lavoie, qui travaillait à ce ministère depuis sept ans, et dont l'état visuel n'avait substantiellement pas changé depuis son embauche, a été, pour incapacité physique, mis en demeure d'accepter d'être placé sous le régime de l'assurance-salaire. Lorsque deux ans d'assurance-salaire se seront écoulés, il est évident qu'il sera congédié. Il aurait suffi qu'un représentant du ministère accepte la proposition syndicale et de l'INCA de l'utilisation d'un Visualteck pour M. Lavoie pour que celui-ci puisse accomplir son travail avec rendement. Cette offre fut carrément refusée, et ce, à maintes reprises.

En annexe C, nous reproduisons certains écrits illustrant le cas précité, mais nous ne voulons pas discuter un cas personnel. Nous voulons plutôt voir l'avenir de façon positive et constructive. Nous ne pouvons que féliciter le gouvernement d'avoir introduit l'article 104 dans son projet. Il est capital que cet article soit adopté. La conscience sociale du gouvernement devrait même être non pas égale, mais supérieure à celle de l'entreprise privée, qu'elle lie par ce projet. Il est à noter toutefois que ce projet renvoie à d'autres lois dont certaines pourraient ne pas lier la couronne. Certaines lois, comme le Code du travail, lient au moins sur certains sujets, le gouvernement. Mais, dans le passé, le ministère du Travail a toujours omis de nommer un conciliateur lorsque le gouvernement était partie à la négociation.

De la même façon, il faudrait être certain que l'Office des personnes handicapées du Québec puisse dans la réalité contraindre le gouvernement. A notre avis, il ne suffit pas de décréter que la loi lie la couronne, il faudrait que dans la réalité quotidienne l'office lie la couronne. Il est urgent pour l'exécution de ce projet de loi que le gouvernement évalue le nombre de handicapés à son emploi et identifie les emplois réservés. Ce travail devrait se faire en coopération aveo le syndicat. Dans certains pays, par exemple, la Suède, des emplois sont réservés aux handicapés. Exemples: archives, informations par téléphone, perforation de cartes d'informatique, etc. chives, informations par téléphone, perforation de cartes d'informatique, etc.

Chaque ministère devrait avoir au sein de son service du personnel un responsable dont les tâches principales consisteraient à voir à l'application de ce projet de loi. Ce représentant, plus ouvert aux problèmes des handicapés, verrait à sensibiliser les cadres de ce ministère, à surveiller l'application de la loi et à assister quotidiennement les handicapés dans leurs besoins. A notre avis, non seulement un handicapé ne doit pas être congédié à cause de ce fait, mais encore tous les efforts doivent être faits pour le valoriser à son travail. Cette valorisation peut s'effectuer dans certains cas par l'achat d'un appareil qui supprime le handicap.

Aucun reclassement de l'employé n'est alors nécessaire et le coût d'achat ou de location d'un tel appareil devrait être subventionné en partie ou en totalité par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Au cas où un reclassement est nécessaire, c'est un comité tripartite qui devrait s'occuper de cette tâche. Ce comité serait composé d'un représentant de l'employeur, d'un représentant du syndicat et d'un représentant choisi par les deux premiers dans un organisme compétent compte tenu du handicap de l'employé. Exemple: l'INCA pour les aveugles.

La loi devrait prévoir l'obligation d'impliquer le syndicat lorsqu'il s'agit d'une entreprise syndiquée et les modalités de telle implication. Le reclassement favorable de l'employé doit se faire dans un emploi où son handicap ne lui nuit pas ou, au contraire, pourrait l'aider. Exemple, un handicapé de l'ouïe affecté à un lieu de travail à hauts décibels. Aucune perte salariale ne doit résulter pour l'employé de ce reclassement.

Les règlements découlant de la loi devraient aussi prévoir un schéma d'exécution ou des modalités d'application de la loi semblables à ce que nous proposons. Le système actuel qui n'implique le syndicat qu'après la soumission d'un grief par

l'employé est inhumain pour l'employé. Les cas de handicapés ne doivent pas, en principe, être traités à l'arbitrage.

Nous aurions souhaité que les dispositions de la loi soient rétroactives. A défaut, tout cas de handicapé devrait, jusqu'à l'adoption de la présente loi, être référé à un comité tripartite: Commission de la fonction publique, ministère impliqué et syndicat, aux fins de résoudre le cas dans l'esprit des politiques proposées par le livre blanc et par votre projet de loi.

A l'heure actuelle, certaines catégories d'employés de l'Etat — le surnuméraire en vertu de la Loi de la fonction publique et l'occasionnel — sont mieux traités que le fonctionnaire permanent qui est devenu handicapé, ce qui est inadmissible. Il est d'ailleurs dommage que les demandes syndicales à cet effet aient été rejetées par le gouvernement. Il ne faudrait pas de plus que le présent projet de loi soit, quant au gouvernement, annulé par les termes "insuffisance professionnelle " utilisés dans le projet de loi no 53 sous le titre "rétrogradation, révocation ou destitution pour insuffisance professionnelle". Ce danger est réel si l'on se fie aux définitions que certains arbitres ont déjà données aux termes "compétence" et "rendement".

Les principes émis dans votre projet de loi devraient lier tout arbitre comme s'ils étaient inscrits dans toute convention collective, à moins que telle convention ne prévoie des droits supérieurs aux handicapés.

En conclusion, nous reconnaissons le droit au travail des handicapés et la nécessité de leur valorisation. Nous espérons que nos suggestions qui partent d'un esprit positif et constructif seront retenues.

Nous espérons que les cas en suspens de certains handicapés seront résolus avec l'esprit nouveau qui ressort du projet de loi. Afin de vous sensibiliser encore plus aux différentes thèses que nous venons d'effleurer, permettez-moi de vous lire un extrait de la partie 5 de notre mémoire.

Cet extrait est de la correspondance échangée dans le cas que nous avons mentionné, celui de Georges-Henri Lavoie. Il vient du bureau du sous-ministre du ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières. Il est daté de Québec, le 28 février 1977. C'est recommandé et envoyé à M. Georges-Henri Lavoie.

Je lis: "Monsieur, je vous informe, par la présente, que votre nomination est révoquée à compter du 11 mars 1977, 16 h 30, pour la raison suivante: incapacité physique de remplir vos fonctions. Cependant, d'ici cette date, je suis disposé à vous assurer mon entière collaboration pour vous faciliter l'obtention de l'assurance-salaire, tenant lieu et place de cette révocation, si vous manifestez le désir de vous prévaloir de ce bénéfice et de fournir les documents nécessaires. Veuillez accepter l'expression de mes sentiments distingués." C'est signé: Gérard Barbin, sous-ministre."

En terminant, nous demandons l'unanimité de cette commission pour que les parties non lues de notre mémoire soient incluses au journal des Débats de cette commission. Ce sont les parties III, IV et V. Avant de terminer notre exposé, nous nous permettons de demander à l'honorable ministre des Affaires sociales s'il est intéressé à ce que le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec le saisisse des différents cas où des décisions administratives prises par les autorités des différents ministères ou organismes publics ont eu pour effet de brimer dans leurs droits des employés de l'Etat qui sont handicapés ou qui sont devenus handicapés. Nous vous remercions de votre bonne attention.

Le Président (M. Marcoux): Les membres de la commission semblent d'accord pour inscrire au journal des Débats les annexes de votre mémoire que vous n'avez pas eu le temps de lire. (Voir annexe B).

M. le ministre.

M. Lazure: Je veux remercier le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec pour sa présentation, pour le travail de recherche qu'il a dû effectuer pour documenter, en annexe, le mémoire qu'il nous présente. Je veux relever trois ou quatre propositions ou suggestions qui nous sont faites. D'abord, en ce qui concerne le projet de loi 53, vous faites une mise en garde à toutes fins pratiques.

Nous croyons que l'article 73 du projet actuel viendrait non seulement mettre une fin à certaines pratiques que vous avez décrites tout à l'heure dans la fonction publique, mais je pense que l'article 73 préviendrait aussi des situations que vous appréhendez dans votre interprétation du bill 53. Je prends bonne note de votre mise en garde et je vais en discuter avec le ministre de la Fonction publique. C'est bien clair qu'il faudra qu'il y ait concordance sur cet article 73. On a eu l'occasion d'en discuter avec un autre groupe hier, je crois. L'esprit, évidemment, c'est d'empêcher qu'un employeur, que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public, puisse discriminer et remercier de ses services un individu pour la seule et unique raison qu'il est handicapé.

On a dit hier, qu'il faudra nuancer cet article. On y tient à cet article, parce que l'expérience de la Commission des accidents du travail, aussi bien que votre expérience à vous autres, démontre qu'il est tentant, pour un employeur, de remercier, quand il a à remercier des employés, en tout premier lieu, la personne handicapée. Alors, d'une part, on peut concevoir, comme un groupe nous l'a fait valoir, que cet article est peut-être trop ouvert et peut-être trop absolu. Il peut arriver certains accidents qui causent des handicaps tellement majeurs que l'individu ne pourrait véritablement remplir aucune tâche, même adaptée à son handicap. Alors, il faudra nuancer dans ce sens. Evidemment, il y a d'autres mécanismes qui pourraient compenser, que ce soit la Commission des accidents du travail ou tout autre mécanisme.

Vos remarques aussi sur l'article 104 de notre projet, en rapport avec la couronne. Il est bien sûr que l'office devra jouer son rôle de chien de garde, non seulement pour les entreprises privées par rapport à leur plan d'embauche que l'office leur demanderait, mais évidemment aussi par rap-

port aux organismes publics et en particulier les ministères.

Je répète que, déjà, dans notre ministère, depuis plusieurs mois, et la même chose pour la Régie de l'assurance-maladie, nous avons demandé au service du personnel de réserver 2% des postes pour des handicapés. J'ai, par écrit, demandé aux autres ministères d'emboîter le pas. Il est clair que l'office serait vigilant pour s'assurer que les ministères commencent eux-mêmes par donner l'exemple.

Il est évident aussi qu'il faudra qu'il y ait des emplois adaptés dans les entreprises et nous prévoyons un système de subventions pour les employeurs qui voudraient adapter des emplois aux handicaps de leurs candidats. Mais aussi vous dites de façon bien pertinente que, si les employeurs publics et privés se donnaient la peine, plusieurs tâches seraient tout à fait compatibles avec certains handicaps. Vous donnez l'exemple du handicapé de l'ouïe qui est un candidat tout désigné pour travailler dans un milieu où il y a énormément de bruit; même chose pour la chambre noire, pour un handicapé de la vue. Je pense que là aussi l'office, dans son rôle de stimulant de plus grands emplois pour les personnes handicapées, devra utiliser ce genre de situations qui, naturellement, par la force des choses, sont adaptées à certains handicaps.

Une dernière remarque: Vous formulez, si je comprends bien, le souriait que le ministère des Affaires sociales, plus précisément le ministre, accepte de recevoir des rapports de votre syndicat des fonctionnaires provinciaux ou d'autres organismes qui dépisteraient des actions discriminatoires vis-à-vis des handicapés. Encore là, l'office jouera ce rôle d'ombudsman et moi je suis bien prêt à le jouer temporairement si ça peut rendre service. Merci.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez des commentaires ou des questions suite aux propos du ministre?

M. Fréchette: Oui, sur le projet de loi 53. Il faudrait bien se situer dans le texte; il ne faut pas oublier que le Syndicat des fonctionnaires est régi par une loi spéciale et la nouvelle loi qui semble venir, la Loi sur la fonction publique, le projet de loi 53. A l'article 3, on définit bien que ce sont les pouvoirs du ministre de déterminer par règlement ce que va être l'insuffisance professionnelle. En plus, si on se réfère à l'article 88, on définit ce qu'est une insuffisance professionnelle. Donc, le ministre ne peut pas aller en dehors de cela. Ce qu'on dit, c'est "incapable d'exercer ses fonctions".

Si on prend les exemples qu'on a donnés on pourrait donner celui, sans prendre le cas de M. Lavoie, d'un accidenté à l'Office des autoroutes, un cas qu'on a essayé de régler. Comme le type n'est pas capable d'exercer la fonction pour laquelle il est handicapé, en vertu du texte original de la loi, on ne serait pas capable, en vertu de l'article 73, nous, ayant un employé régi par cette loi et nos conventions collectives, de passer à côté. C'est pour cela qu'on met en garde votre ministère sur ce point parce qu'autrement on va être pris entre deux chaises à un moment donné pour dire: Qu'est-ce qu'on va appliquer pour lui? On a déterminé bien précisément ce que c'est d'exercer ses fonctions avec insuffisance professionnelle et insuffisance incapacité. Sur ce point, c'est assez précis ce que nous voulions apporter dansla loi.

Si on regarde l'autre point de vue à l'article 104 lorsque vous nous dites que déjà on l'a demandé à certains ministères, nous ce qu'on voulait, c'est que quand l'office aura le pouvoir, que ce ne soit pas seulement des directives demandées au ministère, mais des droits d'application. Réellement, il faut que ce soit concret. Si, à ce moment, il y a une décision de l'office, qu'on prévoie réellement des postes. En prenant notre exemple, on sait qu'au gouvernement il y a beaucoup de postes de gardiens d'édifices qui appartiennent au gouvernement. Vous pouvez avoir un handicapé qui, sûrement, est capable de remplir une telle fonction. Prenons l'exemple suivant. Notre type est un conducteur d'équipement mobile et il se fait couper un bras. Il est peut-être capable d'être gardien sauf que si on se réfère à notre situation de la convention actuelle, alors qu'on avait voulu amener autre chose dedans, il ne serait pas possible de le garder à l'emploi. On sait que l'arbitre si on va en arbitrage sur un grief, aura à statuer exactement sur le cas de la fonction que le gars remplit, point.

Quand on parlait des cas à vous présenter, sûrement qu'on est bien d'accord, d'ici à ce que la loi soit adoptée, pour vous présenter des cas, temporairement, pour essayer de les régler. On a certains cas assez précis qu'on pourrait vous amener. Là-dessus, on est complètement d'accord pour le faire. Soyez assurés qu'on va faire en sorte que vous puissiez connaître ces cas.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais remercier le Syndicat des fonctionnaires d'être venu ce soir présenter son mémoire. Je pense qu'il fait oeuvre extrêmement utile. En effet, j'ai eu l'occasion de vivre certaines expériences dans la fonction, peut-être, parapublique où il s'exerçait véritablement un certain chantage auprès de la personne handicapée qui devait changer de fonctions. On tentait de la réaffecter, mais, quand cela semblait le moindrement difficile, je pense qu'on a exercé, à certaines occasions, du chantage pour avoir sa démission, avec une certaine compensation en retour, etc. La personne était assez démunie, se trouvant seule, en fait, devant des gens qui connaissaient peut-être plus les rouages administratifs qu'elle. C'est peut-être le message que vous venez porter ici.

Maintenant, il y a une question que je voudrais vous poser. Si ma mémoire est fidèle, une des difficultés qu'on retrouvait, là où je travaillais, à reclasser du personnel qui était frappé d'une certaine incapacité, c'est qu'il y avait peut-être, d'une part, du côté du patron, de l'incompréhension,

mais on trouvait aussi, à l'intérieur des conventions, certaines dispositions, par exemple dans les concours ou dans les priorités accordées à l'intérieur de certains emplois, qui empêchaient de réaffecter les personnes. Elles n'avaient pas priorité à l'intérieur des concours qui devaient être tenus pour certains emplois, etc.

Une fois qu'on a fait la part des préjugés que peuvent avoir l'employeur ou ces fonctionnaires, etc., est-ce que, d'après vous, il existe du côté des conventions collectives aussi, des dispositions qui empêchent que ce travail de reclassement se fasse de la façon la plus satisfaisante possible pour la personne touchée par un handicap?

M. Fréchette: Dans notre mémoire, on dit que ce qu'on voudrait, c'est pouvoir reclasser les gens sans perte de traitement dans ces conditions. Je pense qu'on n'est pas dans notre convention contre cela parce que c'était déjà notre demande en 1975. D'accord? Sauf que le gouvernement a mis peut-être certaines restrictions. Il a dit: L'employé handicapé, nous, on est prêt à le rétrograder. Nous, on a dit: Si, jamais, il faut le réaffecter à une fonction, on a déjà prévu cette partie, même si, en dernier, le gouvernement a gardé son droit, après les deux ans d'assurance-salaire, de le mettre à pied. Même, dans notre mémoire on vous demande d'avoir un comité tripartite comprenant le gouvernement, le syndicat et une association professionnelle des handicapés.

De ce côté-là, il est évident qu'à l'intérieur de notre convention on ne veut aucunement restreindre la possibilité de réaffecter ces employés. On sait qu'au gouvernement, dans les fonctions, il y a sûrement des possibilités de réaffectation, sauf dans des cas extrêmes. Si un employé peut être reclassé, on le favorise et soyez assurés que c'est notre position.

Mme Lavoie-Roux: Peut-être que ma question n'a pas été énoncée très clairement. A tort ou à raison, j'ai l'impression que dans certaines conventions collectives, peut-être pas dans toutes, il y a certaines clauses qui prévoient, par exemple, que quand un poste s'ouvre, on doit procéder par concours, et dans ce concours, il y a certains critères auxquels il faut répondre. Par exemple, il peut y avoir la clause de séniorité, il peut y avoir la clause d'expérience, etc. Même si le patron montrait une bonne volonté, de l'autre côté vous rencontrez cette difficulté.

Est-ce que vous êtes prêts à renoncer, dans les conventions collectives, à ces dispositions qui deviennent une contrainte dans la réaffectation des employés, même s'il s'agit de personnes handicapées?

M. Fréchette: Voici, pour nous il n'y a pas de restrictions à l'intérieur de la convention collective. Et même plus que cela, on est prêt à y collaborer à fond de train pour tenter d'apporter à un handicapé qui est déjà au travail, la possibilité de participer à des concours et d'obtenir des postes. Même, on prévoit, et cela on l'a mis dans nos articles de convention, que, premièrement, lorsqu'il y a un poste ouvert, on devrait l'offrir aux employés déjà à l'intérieur de la fonction publique. Donc, on prévoit déjà cela en partie. Et même, nos demandes de la prochaine convention prévoient que, dans le cas d'un employé qui devient handicapé, on ne fasse pas de discrimination d'aucune façon. Ce qui était à l'article 4 qu'on vous a soulevé, a un moment donné, qui avait été refusé antérieurement. Donc, dans notre convention actuelle, il n'y a aucune restriction là-dessus. Si l'employeur est prêt à le faire, de ce côté il n'y a pas de restriction pour nous autres.

Mme Lavoie-Roux: Ce que je veux dire: par exemple, dans ces fameux concours, il y a un poste qui s'ouvre, et il y a certains critères que le candidat doit remplir pour avoir accès à ce poste. Ce n'est pas une question de faire de la discrimination contre la personne handicapée, vous n'en voulez pas faire, ce n'est pas parce qu'elle est handicapée qu'elle ne pourra pas se présenter au concours. Mais êtes-vous prêts à ce que certains postes soient réservés pour des personnes handicapées?

M. Carrier: Oui, mais écoutez, c'est exactement, en fin de compte, la réponse à votre question qui se retrouve à l'article c) de notre mémoire où on traite des emplois réservés et reclassements favorables pour ces personnes. On dit: Exemple: Dans un endroit où il y a des décibels qui sont plus élevés que la normale, à ce moment, on pourrait créer des corps d'emplois réservés à des handicapés de l'ouïe. En fin de compte, c'est exactement ce qu'on veut. On veut donner aux personnes le droit au travail, sans discrimination, qu'ils soient oui ou non handicapés.

M. Poudrier (Jean): Non seulement cela, si vous permettez, mais on est prêt, avec l'employeur, à identifier ces postes et à s'impliquer dans un comité tripartite pour trouver de l'emploi à ces gens. On pourrait vous donner un autre exemple qu'on vit présentement: II s'agit d'un gardien à l'Office des autoroutes qui est dans une guérite. Prenons l'autoroute du Nord, si vous vouiez. Effectivement, il a été frappé, alors qu'il était à l'intérieur de sa guérite, par une remorque, une vanne, de telle sorte qu'il a été blessé et il souffre d'un traumatisme. Il ne peut pas travailler à nouveau à l'intérieur de cette guérite.

Tout ce que l'employeur nous répond: S'il ne peut pas remplir son emploi à l'intérieur de la guérite, on va le congédier. Je pense qu'autant que nous vous serez d'accord qu'il faut donner une priorité à une telle personne. Surtout que c'est l'équivalent d'un accident de travail qui l'a vraiment traumatisé, c'est anormal de dire que, si cet individu ne peut plus remplir ses fonctions de péager à l'autoroute, il doive être congédié.

Vous serez sûrement d'accord avec nous qu'il faut le replacer ailleurs et de façon prioritaire et non pas le congédier. Ce qu'on vous dit est l'expérience qu'on vit présentement, dans certains ministères, peut-être autres, cependant, que les Affaires sociales. Bien qu'il y ait des directives qui

puissent exister, dans le concret, on voit des cas où les employés sont congédiés à cause d'un handicap qui survient en cours d'emploi, l'exemple que je viens de donner du péager, ou dans le cas de Georges-Henri Lavoie, qui souffre de ce handicap depuis qu'il a été engagé au gouvernement. Il a été engagé avec ce handicap, il a toujours eu ce handicap et un bon matin on décide qu'on le congédie pour ce handicap. Je pense que vous serez d'accord avec nous que cela ne devrait pas procéder de la façon qu'on vous décrit.

Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas besoin de me convaincre de ceci, je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais c'est parce que cela, c'est un effort conjoint et il faut que les deux parties soient prêtes à le faire et qu'un moment donné on ne s'enfarge pas, si vous me passez l'expression, dans des contraintes de dispositions à l'intérieur de concours de la fonction publique, etc. Mais, comme vous dites, vous êtes prêts, conjointement avec le gouvernement en l'occurrence, de réserver un certain nombre de postes, compte tenu de la nature de ces postes pour ces personnes.

C'est parce que, dans le passé, j'ai vu des abus des deux côtés. Je pense qu'il s'agit que les gens fassent un effort conjoint pour pallier ce genre de problème.

M. Poudrier: Si vous me permettez, non seulement vous avez notre intention ou notre optique qui est clairement expliquée, mais je vous réfère aussi à la page 5 de notre mémoire, quatrième paragraphe, où on dit: La loi devrait prévoir l'obligation d'impliquer le syndicat, lorsqu'il s'agit d'une entreprise syndiquée, et les modalités de telle implication. Dans notre esprit, cela va aussi loin que dire que cette collaboration ou cette optique ou cette mentalité devrait être une préoccupation du gouvernement, devrait aussi être petit à petit une mentalité qu'on créera chez l'employeur et aussi chez le syndicat, lorsqu'un syndicat existe dans la boîte ou l'entreprise. On va même jusqu'à dire: Pour faciliter le recours, non nécessairement le recours à l'office mais aussi le recours qui est la voie normale d'expression d'un syndiqué, à savoir le grief, on devrait prendre la loi qui existe présentement comme étant un minimum inclus dans une convention collective, même si elle n'y figure pas. Exemple, il n'y aura pas de discrimination à cause de l'état physique ou psychologique d'un individu. Si cette clause était implicite dans toute convention collective, même si cela n'existe pas dans le concret, cela donnerait une voie ou un recours à tout individu syndiqué et on ne vivrait pas, tant au gouvernement qu'ailleurs, certaines situations que, malheureusement, on a eu à vivre.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Merci, M. le Président. Je crois que le ministre est presque totalement d'accord sur votre position. J'aimerais vous poser quelques ques- tions, parce que je trouve très intéressante la proposition que vous avez faite en 1964. Est-ce en 1964?

M. Frechette: En 1975.

M. Shaw: La convention collective expirée en 1975 disait qu'il n'y avait aucune discrimination contre un fonctionnaire à cause de sa race, ses croyances religieuses et même sa langue, etc. Comment se fait-il que cela n'ait pas été adopté?

M. Frechette: Ce qu'on n'a pas obtenu, c'est l'état physique ou psychologique de l'employé. Cela n'a pas été mis dans le texte; cela a été refusé parce que l'employeur se réservait un autre article et la possibilité de mettre l'employé à pied après le délai de l'assurance-salaire prévu dans la convention. On revient encore à la charge et on espère cette fois-ci que le gouvernement va en tenir compte lors de nos prochaines négociations qui vont débuter probablement au cours du mois de février alors que nous serons prêts à déposer notre projet de convention.

Pour répondre en même temps à Mme le député de L'Acadie, en incluant cette partie de clause dans l'article 4 de notre convention, cela ferait en sorte que même pour tout poste d'avancement, non pas seulement pour une rétrogradation, l'employé ne pourrait souffrir de discrimination, autant syndicale que patronale. L'article 4 de la convention dit qu'il ne doit y avoir aucune discrimination de la part de l'employeur ou du syndicat en ce qui concerne toutes les clauses incluses. C'est la répétition de notre article, de notre demande en vue de notre prochaine convention, encore une fois.

M. Shaw: Si l'handicapé est un pilote et qu'il devient aveugle, il est évident qu'il est impossible qu'il continue à travailler dans sa profession, mais vous dites que vous êtes prêts à négocier avec le gouvernement ou avec le ministère impliqué pour chercher d'autres emplois. Est-ce votre point de vue?

M. Frechette: Oui. Vous avez comme exemple dans nos annexes le cas de Tancrède Lavoie qui a été congédié. C'est un gars qui ne pouvait travailler durant la période d'hiver parce qu'il travaillait à l'entretien des routes à l'extérieur. Par contre, ce gars est capable de travailler sept mois par année, même s'il travaille à l'extérieur, tant et aussi longtemps que la température n'est pas trop froide. Nous étions prêts à dire au gouvernement, au ministère en question: Mettez-le à titre d'employé saisonnier durant la période d'été. Il y en a au gouvernement, on ne s'en cache pas, au ministère des Transports. C'est un exemple qu'on pourrait donner dans un secteur où il y a à peu près 120 employés, durant cette période, qu'on appelle "des occasionnels éternels". Vous avez à peu près de 200 à 250 employés qui viennent travailler de sept à huit mois par année.

C'est ce qu'on cherche et ces emplois, on est capable de les identifier. C'est comme notre gars

de l'autoroute qui a eu un accident. On lui a même trouvé un poste de gardien dans le même ministère, sauf qu'on a dit: Ce n'est pas "ta job". On a dit: On ne t'affecte pas là parce que ce n'est pas "ta job". Nous sommes prêts à le faire et c'est pourquoi nous sommes encore prêts à le remettre dans la convention collective. On est prêt à les chercher, on a même déjà fait ces démarches.

M. Shaw: Vous parlez assez longuement de ceux qui sont désavantagés pendant une période d'emploi, mais votre syndicat est-il prêt aussi à accepter une proposition de 2% de tous les employés qui doivent être handicapés, au début?

M. Fréchette: Oui, parce qu'on demande bien plus que cela. On demande l'application de l'article 73 de votre projet de loi, qui prévoit 3%. Donc, on est prêt à aller jusque-là, un minimum de 2%. Nous, on disait: Au moins ce qui est prévu à l'article 73, qui est 3%. C'est évident qu'il y a des fonctions qu'on est prêt à accepter.

M. Poudrier: Prenons, si vous le permettez, l'exemple du téléphone. Qu'est-ce qui empêche le ministère du Revenu d'avoir un handicapé à qui il manque les deux jambes pour répondre au téléphone? Ou'est-ce qui empêche le ministère des Transports d'avoir un handicapé, là encore, du côté de la démarche, du côté des jambes, pour donner les conditions des routes l'hiver? On pourrait vous en donner à l'infini des exemples. Je pense qu'on peut attirer votre attention sur le titre de notre mémoire: "Nous sommes tous handicapés." Je ne sais pas si cela vous a frappés, mais je pense qu'il y a une leçon à tirer de cela. Ce qu'on veut dire, c'est que n'importe qui d'entre vous, si on le met gardien de but au hockey demain matin, est handicapé. Qu'on prenne le gardien de but et qu'on lui mette un violon entre les mains, lui aussi est handicapé. Nous sommes tous handicapés. Alors, il s'agit d'utiliser au maximum le potentiel de chacun, c'est tout, "the right man in the right place".

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Rivière-du-Loup.

M. Boucher: Puisqu'on en est sur des exemples de handicapés, je comprends qu'on est tous handicapés, mais il reste qu'il a été évoqué, au cours des mémoires précédents, l'exemple de l'alcoolique. Est-ce qu'à partir de la définition qui est donnée à l'article 1m vous considérez qu'un alcoolique est un handicapé?

M. Poudrier: D'abord, je vous répondrai rapidement qu'il est prévu dans notre convention collective, et ce depuis la dernière convention collective seulement, qu'un alcoolique est considéré comme un malade, ce qui est une optique tout à fait nouvelle du gouvernement. Il a fallu, d'ailleurs, aller en arbitrage pour faire rentrer cette notion nouvelle dans l'esprit du gouvernement. A l'heure actuelle, l'alcoolique, tant qu'il se fait traiter, est sur l'assurance-salaire. En d'autres termes, il est considéré comme un malade. Je pense qu'il y aurait peut-être lieu, encore là, de repenser ce problème peut-être plus à fond, de voir quelle serait notre position là-dessus. Ce que je vous dis pour l'instant, c'est qu'on a réussi à faire entrer dans l'esprit du gouvernement qu'un alcoolique, c'est un malade, tandis que, dans les anciennes conventions collectives, un alcoolique était tout simplement congédié, avec plus ou moins de tolérance, selon le supérieur immédiat qu'il pouvait avoir et qui le comprenait ou non.

M. Boucher: II n'est pas couvert par la loi 9. Il est couvert par la convention collective.

M. Fréchette: Actuellement, si on regarde le texte, moi, je dirais non. A ce moment-là, la seule partie qui le couvre, c'est notre partie de la convention au point de vue de l'assurance-salaire. J'ai eu à en traiter un dernièrement; c'est une personne qui n'est peut-être pas allée voir le médecin tant et aussi longtemps qu'elle n'a pas eu de problèmes de congédiement. Par la suite, elle a accepté de se faire traiter, sauf que là on a dit que l'on ne reconnaît plus rien; que ce soit un handicap ou non, on ne le reconnaît plus.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Lazure: Pour revenir à la question du député de Rivière-du-Loup, c'est vraiment une zone grise, l'alcoolisme. C'est un débat qui dure depuis bien longtemps. Est-ce que l'alcoolisme est une maladie ou pas? Dans la mesure où on accepte la thèse qui veut que ce soit une maladie, évidemment, l'alcoolique pourrait être inclus dans la dernière partie de la définition, au paragraphe m), à la page 2 du projet de loi, "à cause d'une déficience physique ou mentale et reconnue comme telle par l'office". Il y a sûrement un bon nombre d'alcooliques qui ont des déficiences mentales ou des maladies mentales qui sont persistantes. Dans ce sens, il y a sûrement un pourcentage de personnes alcooliques qui pourraient être considérées comme des personnes handicapées. La même chose pour les narcomanes. Ce n'est pas que le législateur veuille rester vague dans la loi, c'est un problème qui n'est pas résolu dans notre société: c'est quoi exactement un alcoolique?

Je n'ai pas d'autres commentaires, M. le Président, sauf pour remercier le syndicat.

Le Président (M. Marcoux): Un bref commentaire? Nous avons encore deux invités, je crois.

M. Carrier: Avant d'arriver au mot de la fin, j'aimerais retenir une promesse que le ministre a faite à l'effet qu'il parlerait à son collègue le ministre de la Fonction publique. Si on regarde aujourd'hui dans le Devoir, sous la collaboration d'Alain Baccigalupo qui est un politicologue à l'université Laval, il dit, quand il traite du projet de loi 53: "Or, chacun sait qu'il est très facile de confier à un agent dont on veut se débarrasser un

travail très difficile, ou l'inverse, de ne lui attribuer qu'une charge de travail très faible afin de le déclarer ensuite incompétent". En fin de compte, c'est la réserve qu'on a au moment où on se parle. Quand il y a dés projets de loi qui sont pensés et écrits après, il nous semble, à toutes fins utiles, qu'il y a un manque de communication entre les divers ministres et que l'application des différentes lois devient, à ce moment-là, impossible. Je n'ai pas l'impression que le projet de loi 9, lorsqu'il sera sanctionné, sera appliqué par la Commission de la fonction publique.

Il y a une question — je crois qu'on va partir sans réponse parce qu'elle est très technique — qu'on pose, à l'intérieur de notre mémoire, au ministre: de nous fournir le pourcentage de handicapés présentement à l'emploi du gouvernement du Québec. C'est très important. On se fait répondre, à diverses occasions, par des responsables de ministères, par exemple, qu'ils ont une dame à qui il manque un bras et qui fait un travail de technicienne. Ils disent: Pour nous, c'est une handicapée, physique. Et ce n'en est pas pour le poste qu'elle occupe. J'ai l'impression qu'il faudrait être très alerte, au ministère des Affaires sociales, lorsque vous aurez ces chiffres afin de savoir quels postes ces gens remplissent et quelles fonctions ils font effectivement.

M. Lazure: M. le Président, on va faire l'impossible pour obtenir les chiffres des autres ministères. Quant à mon collègue de la fonction publique, vous avez bien dit que je me suis engagé à lui parler. Vous présumez qu'il y a incompatibilité; je n'en suis pas tout à fait sûr mais on va vérifier.

Mme Lavoie-Roux: Je trouve que la dernière remarque que M. Carrier vient de faire est une nuance extrêmement importante. C'est qu'il ne faut pas fabriquer des handicapés non plus. Je pense que c'est un message extrêmement important.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, au nom des membres de la commission, de la présentation de votre mémoire. J'inviterais maintenant le Conseil du patronat du Québec.

M. Fréchette: J'aimerais remercier le ministre de sa bonne attention, tous les députés, autant de l'Opposition que du parti en place, ainsi que M. le président, de l'accueil que vous nous avez fait. Merci.

Conseil du patronat du Québec

Le Président (M. Marcoux): Merci. J'inviterais maintenant les représentants du Conseil du patronat du Québec à venir nous présenter leur mémoire.

M. Dufour, je vous inviterais à présenter vos collègues et à lire ou présenter votre mémoire en prenant une vingtaine de minutes autant que possible pour l'essentiel de votre mémoire pour permettre de passer le plus rapidement possible aux échanges.

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, M. le ministre, Mme le député, MM. les députés, mon collègue de gauche est Jacques Tremblay, directeur de la recherche au Conseil du patronat, et à ma droite c'est M. Pierre Lalonde, qui est directeur du personnel à Aigle d'Or.

M. le Président, je n'avais aucune intention de lire notre mémoire. Si vous faites la même entente que tantôt avec nous, je voudrais que notre mémoire soit tout simplement versé au journal des Débats. Je vais tenter de le résumer en tenant compte des intentions d'amendements qu'a suggérées le ministre cette semaine.

Au tout début, peut-être deux commentaires. Le premier pour signaler que, évidemment, le Conseil du patronat est très intéressé par ce projet de loi, notamment à l'égard de l'intervention possible de l'Etat dans le domaine de l'intégration au marché du travail des handicapés.

Le deuxième commentaire porte sur la consultation. Nous sommes très heureux de signaler la démarche de consultation qu'a faite le ministre dans ce cas; il a consulté, au cours de l'été, mais surtout il a tenu compte de l'ensemble des mémoires. Cela s'exprime très clairement dans les intentions d'amendements qui ont été annoncées au début de la semaine. Pour nous, c'est assez intéressant parce que c'est peut-être une première fois qu'on a l'impression qu'on n'a pas simplement été écoutés, mais qu'on a été entendus, M. le ministre.

Les trois principes que véhicule le projet de loi sont, quant à nous, l'aide de l'Etat, empêcher la discrimination et offrir des services sur mesures. Quant à l'aide de l'Etat, les cinq grands principes que l'on retrouve au livre blanc nous les endossons pleinement. Nous avions quand même certaines inquiétudes à l'égard de la façon dont on avait transposé ces principes dans le projet de loi, mais dans le texte de mardi il nous semble, à ce moment, que ce que l'on veut privilégier, c'est vraiment une offre de services et que cette aide de l'Etat sera le moins coercitive possible. Cette forme d'intervention de l'Etat qui est incitative et non coercitive, quant à nous, à notre plein appui.

Dans notre mémoire, nous nous préoccupions aussi beaucoup de cette intention qui nous apparaissait, chez le législateur, faire une distinction à l'égard des handicapés avec une loi spéciale. Encore là, dans les amendements de mardi, on semble vouloir transférer, à la Charte des droits et libertés de la personne, toute cette section; donc, notre total accord.

Même chose finalement sur le troisième grand cran de ce projet de loi qui est d'offrir des services sur mesures. Vous avez notre entier appui là-dessus.

Cela nous amène à des choses plus particulières à l'intérieur du projet de loi et qui nous préoccupent plus. Evidemment les articles 73 à 76 et certaines autres dimensions. Comme nous considérons que, dans les amendements, vous n'êtes pas allé assez loin, je vais me permettre de rappeler les grands principes de notre position contenus dans le mémoire.

Bien sûr, il s'agit de l'article qui donne le pou-

voir à l'office de fixer des quotas. Nous considérons que cette proposition, même amendée, est tout à fait contraire à ce qui est déjà exprimé dans le livre blanc. Nous avons d'ailleurs cette citation, dans notre mémoire, a la page 58, où on ne se réfère qu'à l'aspect incitatif de l'intégration au marché du travail.

Nous disons que, même avec l'amendement, vous donnez à l'office un pouvoir qui est inutile. En effet, l'office s'occupera d'information, de campagne de promotion. L'office aura surtout le pouvoir de conclure des ententes avec tout employeur et de contribuer financièrement à l'adaptation de postes de travail aux possibilités de personnes handicapées.

Il nous apparaît que, par ces divers moyens, l'office pourra contribuer, mais vraiment, à l'intégration des handicapés au marché du travail en respectant à la fois — cela nous apparaît important— les lois du marché et le libre choix du bénéficiaire.

Troisièmement, cela nous apparaît une technique inapplicable. Certains pays d'Europe, certains Etats américains ont tenté l'expérience de régler des problèmes sociaux — pas nécessairement ce problème — par la technique des quotas. A notre connaissance, les résultats furent mauvais. Bien sûr, le ministre pourra nous citer l'expérience de certains pays européens; nous lui opposerons l'expérience d'autres pays européens et, à ce moment-là, on en arrivera à dire que les expériences ne sont pas nécessairement concluantes.

La position concurrentielle des entreprises nous apparaît importante. Dans les conditions normales d'intégration professionnelle dont parle le projet de loi, l'entreprise peut assumer une plus large part de responsabilité dans l'intégration professionnelle et sociale des handicapés sans, pour cela, sacrifier sa mission proprement économique.

Par contre, une entreprise d'une centaine d'employés qui se verrait imposer deux ou trois employés alors qu'elle n'est pas disposée à les recevoir, non seulement indisposerait même les handicapés mais supporterait une charge financière relativement importante et finalement contraire à l'opinion des handicapés et des employeurs. Comme les handicapés vous l'ont signalé eux-mêmes, je me réfère tout simplement à l'expérience des employeurs.

Nous avons conduit, au début de 1977, une brève recherche sur cette question. Nous avons demandé aux employeurs qui sont membres chez nous d'exprimer leur opinion sur le principe, au moment où on en parlait, avant même le dépôt du projet de loi no 9. Plus des deux tiers des répondants déclarent ou bien que le principe est inacceptable, ou bien qu'il est inapplicable dans leur secteur propre d'activité. Et là, évidemment, on n'avait pas fait de distinction. Nous, cela avait été une recherche très générale qui s'appliquait à des secteurs souvent aussi compliqués que la construction, ou les mines, ou les pâtes et papiers.

D'autres secteurs, malgré leur accord de principe, décrivent diverses conditions à son application, si bien que ce principe général ne pourrait s'appliquer qu'à la suite d'une entente particulière avec chaque genre d'entreprise. Donc, la proposition d'amendement va dans ce sens, mais quant à nous, elle garde encore un aspect coercitif parce que l'office conserve toujours un pouvoir délégué d'imposer un quota.

L'autre question, c'est l'article 73. L'objet de cet article est de protéger la personne handicapée contre un congédiement injustifié. Cela nous apparaît évidemment beaucoup moins grave que l'article précédent, mais quand même possiblement abusif. Nous le signalons à l'attention de la commission parlementaire, non pas parce qu'il est faux dans son intention — et nous insistons là-dessus — mais parce qu'il risque de causer à l'entreprise des difficultés inutiles.

Le texte de l'article 73 interdit à une entreprise de 50 employés et plus de congédier une personne pour la seule raison qu'elle devient handicapée, mais handicapée physiquement et mentalement. Cette formulation est ambiguë. Si le handicap en question rend la personne inapte à occuper un emploi dans l'entreprise en cause, cette proposition s'appliquerait-elle encore? Si oui, elle oblige, en pratique, l'entreprise à payer le salaire d'un employé non productif.

Si, par ailleurs, il s'agit d'un handicap qui n'empêche pas l'employé d'accomplir son travail ordinaire, le congédiement par l'entreprise — et c'est ce que vous voulez protéger — deviendrait un cas de discrimination et, alors, cet article est inutile, puisque c'est déjà protégé par la Charte des droits et libertés de la personne. Le seul élément nouveau dans la disposition par rapport à celle qui traite de la discrimination serait de donner à la personne lésée un droit de recours à un commissaire enquêteur nommé en vertu du Code du travail. Or, une telle orientation, pour nous, étant rejetée, nous l'avons rejetée dans le cas de la loi 101 aussi. Il ne faut pas mélanger des problèmes de relations de travail avec des problèmes du type de la langue, ou du type qui nous préoccupe ici, celui des personnes handicapées. C'est une section, d'ailleurs, qui n'est pas touchée par les amendements qui sont proposés depuis mardi.

Alors, M. le Président, c'est une synthèse très rapide. Dans trois minutes, je résume maintenant ce qui nous apparaît les points clés au moment où on se reparle. Le chapitre 2 nous semble à peu près réglé parce qu'il y a un transfert à la Charte des droits et libertés de la personne. Deuxièmement, les pouvoirs de réglementation de l'office nous apparaissent encore beaucoup trop importants parce que vous conservez toujours le pouvoir du quota.

Troisièmement, l'article 27. On n'en a pas parlé ici, mais l'article 27, quant à nous, devrait être corrigé de façon à assurer aux handicapés exactement la même protection dans l'usage des dossiers confidentiels que celle qui est accordée aux autres citoyens. Quatrièmement, les articles 35 à 41 devraient être rédigés de façon à ne pas limiter le droit d'association des handicapés. Je pense qu'encore là vous avez donné certaines orientations nouvelles avec lesquelles nous sommes parfaitement d'accord.

Un article qui a été très peu touché, je pense,

même par les organismes patronaux ce matin, c'est l'article 69 qui prévoit que les clauses d'un contrat entre un employeur et l'office "prévalent sur toute disposition inconciliable d'une convention collective ou d'un décret". Cela nous apparaît un nid de guêpes. C'est la responsabilité de l'office de négocier un contrat avec un employeur, mais en tenant compte des engagements antérieurs de cet employeur avec ses autres employés, notamment avec le syndicat. Dans le cas où l'office jugera nécessaire de demander une exception à un contrat collectif, il faut absolument que l'office s'entende, et que ce soit dit dans la loi, avec les deux parties signataires du contrat en cause.

Si seulement l'office et un employeur font une entente, vous imaginez immédiatement ce qui va se passer avec le syndicat. Il faut absolument que cette chose, quant à nous, soit refaite pour éviter le problème des relations de travail. Finalement, je résume ce qu'on dit sur les articles 73 à 77. L'article 73 sur l'obligation de conserver devrait être, en tout cas, remodelé. Sur l'autre, M. le ministre et M. le Président, nous maintenons nos objections. Nous considérons que cela doit être pour l'instant, en tout cas, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas vraiment fait une expérience, soit incitatif, quitte à ce que la loi soit amendée, si cela ne donne rien et qu'à ce moment le législateur se donne un pouvoir coercitif, mais pas un organisme administratif. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie et je remarque que vos habitudes de venir nous voir, de venir voir les députés en commission parlementaire, vous servent bien quand c'est le temps de résumer un mémoire aussi long. Je demanderais maintenant au ministre de prendre la parole.

M. Lazure: M. le Président, je veux remercier le Conseil du patronat pour sa contribution et en particulier M. Dufour pour son expertise comme présentateur aux commissions parlementaires. Effectivement, depuis l'allocution d'ouverture — vous avez pris connaissance du texte aujourd'hui — il reste très peu de différends entre votre position et la nôtre. En ce qui concerne la question du quota, j'ai dit, mardi matin, que, dans notre esprit, cela devait être utilisé en dernier recours. Je ne suis pas sûr, au moment où on se parle, si nous le maintiendrons dans le texte du projet de loi. Il est possible qu'on ne le maintienne pas et qu'on fasse l'essai, pendant un certain temps, strictement de la méthode incitative. Comme vous l'avez dit vous-même, on peut se lancer des chiffres l'un l'autre pendant longtemps. J'ai cité, ce matin ou hier, les chiffres de l'Allemagne de l'Ouest qui a un quota de 6%. L'Allemagne de l'Ouest, c'est un pays quand même qui, au plan des affaires, vous inspire souvent. Je parle du monde des affaires généralement.

Ils ont un quota de 6% à partir des entreprises de 16 employés et cela a été assez fructueux. Grosso modo, je peux vous citer les chiffres si vous voulez, mais ils réussissent à maintenir envi- ron 75% des personnes handicapées dans des emplois. A tout événement, notre orientation, pour le moment, est de recourir aux méthodes incitatives. Je cite l'exemple de l'Allemagne. On pourrait parler de l'exemple de l'Angleterre aussi pour, encore une fois, faire comprendre aux gens qu'il ne s'agit pas d'un caprice tout simplement et qu'une fois la tentative faite pendant un certain temps strictement par les méthodes incitatives, si jamais cette méthode s'avérait infructueuse, nous pourrions rejoindre le rang de certains pays qui ont de telles clauses dans leur législation.

En ce qui concerne l'article 27, très rapidement, je l'ai annoncé mardi en réponse à une question d'un groupe, il faut réviser cet article. Effectivement, il faut que cela soit concordant avec les autres lois, en particulier le chapitre 48 sur les services de santé et les services sociaux. Il ne faut pas que l'office ait accès aux autres dossiers.

L'article 69, on en a parlé hier aussi. J'ai émis l'hypothèse d'une révision dans le sens d'une espèce de comité tripartite, employeur, employé, syndicat défendant les droits de la personne handicapée, et l'office. Je pense qu'il faut, dans une situation comme celle-là, que l'office joue un rôle d'ombudsman; et le rôle d'ombudsman, de protecteur des droits des personnes handicapées pourrait être pertinent dans des situations comme celle-là.

Quant au congédiement, c'est 73, nous avons dit l'autre jour aussi qu'il fallait nuancer. Nous voulons éviter, évidemment, qu'un employé soit remercié de ses services seulement parce qu'il est handicapé. Par contre, nous nous rendons compte qu'il peut arriver des cas où le handicap soit tellement majeur que la personne ne puisse remplir aucune espèce d'emploi. Il y aura lieu de nuancer cet article. D'autre part, en maintenant cet article dans son esprit principal, au lieu de recourir tout simplement à la Charte des droits de l'homme, nous pensons que c'est plus qu'utile à la personne handicapée, en ce sens que le fardeau de la preuve, à ce moment, repose sur les épaules de l'employeur.

Ma dernière remarque, vous parlez d'information et de promotion comme étant les deux fonctions principales que l'office devrait jouer, nous nous rejoignons là-dessus. Nous pensons que l'office aura un rôle d'éducation populaire fort important à jouer, si on veut modifier les attitudes de la société qui, encore trop souvent, demeurent discriminatoires.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez des commentaires ou des questions à ajouter aux propos du ministre?

M. Dufour: Pas de commentaires sur l'article 27, parce que cela semble réglé.

L'article 69, l'idée du comité tripartite, je pense que c'est une excellente avenue.

Sur la question des quotas, en tout cas, si on vous comprend bien, vous dites que l'orientation à ce jour est vraiment d'être incitative et non coerci-tive et éventuellement seulement d'amender la loi

pour la rendre coercitive. C'est exactement notre approche.

Il reste donc surtout l'article 73. A l'article 73, il faut d'abord signaler la loi 52 sur l'amiantose et la silicose qui nous empêcherait d'appliquer même cet article, parce que dès que vous perdez un certificat de mineur, vous ne pouvez pas être gardé par une entreprise. C'est un cas particulier, vous allez me dire, mais qui, déjà, existe. Donc, il y a une certaine contradiction avec la loi 52 qui, d'ailleurs, est remise en cause parce que même si l'entreprise n'a pas la nécessité de garder l'employé à son service, il y a des montants forfaitaires, et on a établi que ces montants forfaitaires étaient trop dispendieux pour l'entreprise. Il faut vraiment revoir cette section.

Nous, la position qu'on a prise, même pas vis-à-vis des handicapés en général, mais vis-à-vis de ceux qui nous préoccupent davantage qui sont les accidentés du travail, a été beaucoup plus une approche de réhabilitation et de réadaptation qu'une approche de service social dispensé par l'entreprise. On pourrait peut-être vous référer là-dessus au rapport Riverin, fait pour le compte de la Commission des accidents du travail — cela a sûrement été regardé par votre équipe — et qui est justement au niveau de l'approche de conserver le travailleur dans un emploi où il est absolument non productif et peut souvent se sentir lui-même très malheureux parce que non productif. Au lieu d'avoir un coût social par l'entreprise pour le maintenir en fonction, avoir une réorientation, comme le suggérait Riverin, qui est de réhabilitation. A ce moment, non pas une entreprise individuelle, mais l'ensemble des entreprises, au niveau notamment de la CAT, qui paie l'ensemble des fonds, assumerait au moins la réhabilitation de ces gens au lieu de les conserver de façon non productive dans l'entreprise. Ils en sortiraient probablement beaucoup plus heureux.

C'était une approche différente de l'approche de l'article 73 qu'on vous demanderait d'explorer et d'explorer peut-être de façon ad hoc; au lieu d'essayer, à ce moment-ci, de régler le sort du monde, on pourrait peut-être essayer de voir si on ne peut pas regarder de façon plus précise les secteurs où on pourrait agir en tenant compte des sommes d'argent disponibles dans ce secteur-là. Cela nous paraît trop omnibus pour avoir des résultats probants.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier le Conseil du patronat. Le ministre des Affaires sociales l'a déjà rassuré sur un assez grand nombre de points. Vous soulevez le problème de l'article 69; il peut présenter les difficultés dont vous parlez mais, à mon point de vue, il y a une autre difficulté qui se présente, tel que rédigé parce que je pense qu'il permettrait à un contrat d'intégration de déroger même à l'obligation du salaire minimum, si on le prend sous un autre angle que celui que vous avez envisagé. Je vois qu'il y en a qui ne sont pas d'accord derrière, mais cela me paraît tel quel.

Pour ce qui touche l'article 73, au deuxième paragraphe de la page 12, je conçois qu'il y ait des difficultés. A quel moment ou de quelle façon établit-on qu'un employé qui devient une personne handicapée l'est tellement que, finalement, elle ne peut vraiment remplir aucun emploi à l'intérieur de l'entreprise? De la façon dont vous le rédigez, si, par ailleurs, il s'agissait d'un handicap qui n'empêche pas l'employé d'accomplir son travail ordinaire, le congédiement deviendrait un cas de discrimination selon la Charte des droits et libertés de la personne. Si le handicap en question rend la personne inapte à occuper un emploi dans l'entreprise en cause, cette proposition s'appliquerait-elle encore? Dois-je comprendre que vous faites abstraction des possibilités de relocalisation à l'intérieur de l'entreprise? Vous dites que cela devient inutile de toute façon.

M. Tremblay (Jacques): On peut imaginer des centaines de cas hypothétiques. Dans une entreprise de 50 employés, par exemple, qui peut être en cause vis-à-vis de la loi, la possibilité de relocalisation n'est pas énorme. Si un employé perd un bras et ne peut plus occuper l'emploi qui lui demandait deux bras auparavant, mais qui peut très bien être gardien de nuit, c'est une hypothèse qui s'analyse et qui se règle par elle-même. Vous ne pouvez pas multiplier indéfiniment ces hypothèses. Lorsqu'on dit que dans le cas où un employé souffre d'un handicap, qu'il devient un handicapé et ne peut plus être utilisé de façon productive par une entreprise, c'est après un effort de relocalisation, de réadaptation, etc. Si vous parlez de la fonction publique, où vous avez des milliers de personnes, les jeux de relocalisation sont peut-être énormes, mais, dans le cas de la majorité des entreprises, les nombres ne sont pas si grands et même le cas de relocalisation n'est pas sans poser certains problèmes.

Si vous parlez de quelqu'un qui était chauffeur de camion et que, le lendemain, vous voulez en faire un veilleur de nuit, peut-être devrez-vous vous demander si vous ne devrez pas congédier un veilleur de nuit, qui lui, par ailleurs, s'attendait à conserver son emploi. Votre chauffeur de camion, vous devrez le remplacer, d'une part, et si vous mettez cet homme à la place d'un veilleur de nuit, le veilleur de nuit qui était déjà là, qu'est-ce que vous en faites s'il ne peut pas, lui, devenir chauffeur de camion? Les possibilités de relocalisation dans une entreprise relativement spécialisée ne sont pas toujours très grandes. C'est bien sûr que, dans les cas où il y a une relocalisation possible, cela entre dans notre hypothèse où le congédiement deviendrait un cas de discrimination.

Mme Lavoie-Roux: Dans l'hypothèse, justement, il se peut qu'il y ait des cas où vraiment il n'y a pas possibilité de relocaliser, soit que la personne soit trop handicapée, etc., et les cas que vous soulevez peuvent être tout à fait exacts.

Mais d'un autre côté, je suis d'accord que l'ar-

tide 73 peut peut-être être reformulé autrement. Je pense qu'il faut quand même garder une disposition quelconque pour mettre les individus à l'abri quand même d'abus possibles, parce que c'est toujours facile de trouver une justification selon la sensibilisation du chef de l'entreprise au problème des personnes handicapées. C'est toujours facile de trouver une justification, surtout dans une plus petite entreprise, où il n'y en a pas de place pour la relocalisation. Je pense qu'il y a peut-être un juste milieu entre les deux.

M. Dufour: Non seulement il y a deux aspects, mais ce qui peut se produire aussi dans le prolongement de l'intervention de M. Tremblay, c'est qu'on peut avoir à faire face, comme entrepreneur dans une petite boîte de 150, 200 employés, à une situation un petit peu de catastrophe où vous avez quatre ou cinq employés qui pourraient être en cause à ce moment-là et vous avez à les garder. Cela est drôlement un coup pour l'entreprise.

Une dernière intervention, Mme le député, si vous permettez. Je pense que dans votre intervention aussi, vous soulevez une question qui est importante. Vous l'avez posée d'ailleurs au Syndicat des fonctionnaires tantôt et il n'a pas tellement mordu; c'est toute la question de l'ancienneté et cela nous apparaît majeur. Même dans les phénomènes de relocalisation, lorsque vous avez un syndicat, Dieu sait combien on a de ces problèmes, surtout si par hasard le handicapé en question n'est pas membre du syndicat. On sait comment cela se passe, on va avoir des problèmes syndicaux, avec l'application de cette clause, souvent fantastiques.

Le fait aussi que vous vous référiez au commissaire enquêteur pour le règlement de ces cas fait que vous allez faire régler les problèmes de gens qui souvent sont non syndiqués par une structure qui est purement une structure prévue pour des relations patronales-ouvrières. Encore là on va relier des problèmes de relations ouvrières à une question qui est tout à fait différente finalement.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question. Tout à l'heure vous mentionniez que ce serait peut-être préférable qu'il n'y ait pas un quota d'établi, à savoir 2% ou 3% quant au nombre de personnes handicapées qui devraient être engagées. Ce serait peut-être idéalement la meilleure solution, mais il reste que vous devez être aussi conscients que nous, je pense, strictement comme simples citoyens, que l'évolution des entreprises au plan de la pensée sociale est très différente ou peut être très différente d'une entreprise à l'autre. Est-ce que le Conseil du patronat, comme organisme qui rejoint quand même un grand nombre d'entreprises, a des programmes à caractère social dans le sens de la sensibilisation, par exemple, des entreprises à ces dimensions des problèmes humains, parce que s'il n'y a pas de quota, il faut quand même qu'en contrepartie il y ait un travail qui se fasse. Evidemment, l'office va en assumer une partie, peut-être une large partie, mais est-ce que le Conseil du patronat comme or- ganisme se reconnaît des responsabilités à cet égard au plan de l'éducation?

M. Dufour: Je dois dire que jusqu'au dépôt du projet de loi 55 de M. Forget, ce n'était pas un problème auquel on était tellement sensibilisé.

M. Lazure: II faut mettre la clause.

M. Dufour: Cela a eu l'avantage de nous mettre en contact, et beaucoup, avec les associations de handicapés, notamment le bureau des conférenciers, le comité de liaison, donc toute une série de groupes avec lesquels on est en contact constant depuis ce temps, et nous a permis d'entrer en relation avec les sections de placement du fédéral, du provincial. Donc, il y a une sensibilisation en tout cas en ce qui nous concerne au plan des structures depuis un an et demi, deux ans, au problème de l'intégration de ces gens au marché du travail.

C'est pour cela d'ailleurs qu'on reçoit bien la proposition du ministre à savoir que jusqu'à un certain point les entreprises soient obligées de déposer auprès de l'office un programme d'intégration, parce que ce qu'on a réalisé dans notre propre recherche — qui a d'ailleurs sensibilisé beaucoup de monde — c'est que même certains secteurs comme ceux de la construction nous disaient: Le principe est achetable, mais c'est peut-être facile d'acheter pour nous, parce qu'on ne pourra pas en prendre de toute façon. Dans les entreprises de services, quand on demandait même un potentiel possible de quota dont certains allaient jusqu'à 7%, 8%, 10%, on nous disait: De toute façon souvent on en a jusqu'à 5% ou 6%, il n'y a pas de problème.

Cette idée de demander à une entreprise, en y mettant les formes — je pense que c'est important — des programmes pour fins d'embauche additionnelle seront bien reçus dans l'entreprise. Il y a une sensibilisation dans notre milieu, depuis un an ou deux, qui m'apparaît drôlement lancée dans un prolongement à venir important.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il ne faut pas oublier qu'il y a un tas de lois et probablement trop de lois qu'on est obligé d'adopter, parce que c'est un rôle supplétif finalement que l'Etat joue à l'égard d'une certaine inconscience ou d'une méconnaissance de problèmes auxquels peut-être la population devrait prendre l'initiative de répondre elle-même. C'est peut-être regrettable, d'une certaine façon, que cela se produise ainsi.

M. Dufour: D'ailleurs, c'est pour cela que nous disons: Si l'expérience incitative — et là on se rejoint finalement — ne donnait pas les résultats voulus, on sera probablement les premiers à accepter l'aspect coercitif à cadrer, à ce moment-là, et à appliquer de façon différente. Je ne retournerai pas sur les chiffres de l'Allemagne, parce que c'est bien sûr que le taux de chômage est différent; donc, la situation est tout à fait différente.

Si on revoit, après une expérience de deux ou trois ans, tout le schéma, on sera peut-être les

premiers à être d'accord pour dire: II faut y aller avec la coercition. Mais pas tout de suite.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci, M. Dufour.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: M. le Président, j'ai seulement une petite question, parce que je n'ai pas remarqué dans votre mémoire la question de la grandeur, de la forme, de la structure, de l'organigramme de l'office lui-même. Comme Conseil du patronat qui s'occupe vraiment d'administration, n'êtes-vous pas craintif? Cela peut ne pas être tout de suite, mais le "reinforce self-interest" peut, à un moment donné, faire grossir l'organisme.

M. Dufour: Vis-à-vis des organismes d'Etat, nous sommes toujours craintifs. Quant au nombre d'employés éventuellement, c'est sûr, cela commence toujours à dix employés et, éventuellement, c'est 100. Ce qui nous préoccupe davantage, ce sont les pouvoirs et c'est ce que nous avons essayé d'établir.

Par ailleurs, dans les amendements qui nous ont été proposés au début de la semaine, on parle d'un office où le personnel serait vraiment très restreint. Cela nous apparaît une orientation beaucoup plus acceptable, beaucoup plus achetable pour nous. Mais on peut bien le dire et le répéter; on le dit à tout coup: Lorsqu'on crée un organisme gouvernemental, c'est toujours avec dix employés, mais, finalement, cela devient un monstre administratif. On n'y échappera peut-être pas ici. On ne l'a pas souligné parce que, pour nous, c'est une réaction normale à tout projet de ce type. Je ne le retrouve pas, M. le ministre, mais il me semble que dans votre projet de mardi vous souligniez justement la question de personnel; ce sera réduit au minimum?

M. Lazure: Oui, oui. On en a parlé mardi et on veut vraiment maintenir l'office au strict minimum quant aux effectifs. Je suis sûr que les groupes de personnes handicapées et aussi les groupes qui parlent au nom des personnes handicapées vont nous surveiller de très près. Je ne craindrais pas trop, M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Merci, M. le Président. C'est la seule question que j'ai.

Le Président (M. Marcoux): Avant de vous céder la parole, M. le député de Bourassa, je dois demander aux membres de la commission s'ils sont d'accord pour que vous ayez le droit de parole puisque vous n'êtes pas membre de la commission. Est-ce qu'il y a consentement?

M. Lazure: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'on devrait discuter la motion pendant dix minutes.

Le Président (M. Marcoux): Je vois qu'il y a un quasi-consentement.

Mme Lavoie-Roux: Le député de Papineau, apparemment, vous a donné le droit de parole, M. le député de Bourassa. Alors, je suis d'accord.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Je dois vous féliciter, d'abord, de la qualité du mémoire. Comme chez tout bon patron, il y a toujours des inquiétudes sur tout ce qui touche un petit peu au portefeuille dans de telles situations, surtout si on parle de handicapés. Vous faites référence très nettement à ce qui arriverait si on vous obligeait, si on avait à le faire, à conserver une position pour une personne qui subirait un accident chez vous. Tout de suite, vous invoquez le nombre de faillites qu'il y a au Québec actuellement pour essayer d'alourdir nos sentiments. Vous parlez de l'aspect pécuniaire pour une entreprise de 50, 100 employés et plus.

Je dois d'abord vous féliciter de commencer à vous sensibiliser aux handicapés. Vous avez avoué vous-même — cela a fait partie d'une question — qu'à venir jusqu'à aujourd'hui, vous n'étiez pas tellement intéressé ou sensibilisé au problème.

M. Dufour: Pas aujourd'hui. J'ai dit deux ans, à peu près.

M. Laplante: Dans les conventions collectives, vous en connaissez plusieurs avec des contenus, est-ce qu'il y a beaucoup de conventions collectives qui traitent de ce genre de problème sur des travailleurs qui deviennent handicapés dans le secteur industriel?

M. Dufour: Sur votre première intervention — je ne peux pas y échapper — ur la question des faillites, quand on en a parlé, on a tout simplement voulu soulever un autre coût additionnel pour l'entreprise. Je pense que personne n'a intérêt à avoir des coûts sociaux dans l'entreprise qui lui permettraient de ne pas être concurrentiels. On le sait tous. On a des problèmes dans ces secteurs, par exemple les secteurs mous. Ce n'est pas nous qui les avons identifiés. Il y a des problèmes économiques dans certains secteurs. Il faut vraiment se le dire.

Sur l'autre question des conventions collectives, oui, il y a des conventions collectives qui le prévoient, mais c'est généralement au niveau des cas d'accidentés du travail. Il y a des conventions qui prévoient qu'on doit garder le travailleur handicapé dans un poste, ou essayer de trouver un poste avec salaire à peu près comparable. Souvent, cela tiendra compte de l'ancienneté. Par exemple, si c'est un travailleur qui a dix ou quinze ans de services, à ce moment, il y a des conventions collectives qui, effectivement, prévoient cela.

M. Laplante: Sur les conventions collectives,

sentez-vous qu'il y a un besoin d'introduire dans une convention collective... Depuis combien d'années environ les syndicats sentent-ils le besoin d'en faire des clauses? Est-ce qu'il y a une augmentation?

M. Dufour: Au niveau des accidents du travail, avec de gros syndicats comme les métallos, les travailleurs unis de l'automobile, les gros syndicats nord-américains, ce sont des demandes qui sont faites depuis déjà bon nombre d'années.

M. Laplante: Ici, localement, au Québec? On est toujours un peu en retard, là-dedans, nous.

M. Dufour: Quand je vous parle des travailleurs unis de l'automobile, je parle du Québec.

M. Laplante: Je parle des autres secteurs, parce qu'on ne se fiera pas à une compagnie comme GM, où ils ont une assez bonne protection actuellement là-dessus.

M. Dufour: Je n'ai pas de données. C'est bien sûr que nous, on n'a jamais suggéré au syndicat de nous faire des demandes de ce type. Si, eux, ne les ont pas faites, c'est un peu la mission sociale comme telle des syndicats qui peut être mise en cause. Nous, ce sur quoi on a surtout travaillé — c'est ce que je disais tantôt au ministre — c'est non pas de leur conserver des emplois dans l'entreprise, mais de les réhabiliter. C'est dans ce sens qu'on a travaillé, beaucoup plus avec la Commission des accidents du travail qu'avec les syndicats.

M. Laplante: Dans nos bureaux, on a très souvent, comme plainte, le problème des colonnes. Après qu'ils reçoivent une greffe ou qu'ils ont un accident quelconque, l'employeur, la plupart du temps, renvoie ces gens. Il n'y a plus de travail pour eux, même pas pour chauffer un camion.

M. Dufour: Là vous me donnez une date de référence. Le problème que nous avons dans l'entreprise, ce genre d'accident, c'est depuis qu'il y a la motoneige au Québec. Finalement, les cas d'accidents du travail, les cas les plus rapportés sont ce genre de cas. Encore là, on pourrait peut-être adresser au président de la commission des données relatives aux conventions collectives. Cela existe au centre de données de McGill. Ce genre de clause, on pourrait l'expédier au président de la commission.

M. Laplante: J'aurais plusieurs autres questions mais, vu qu'il y a un autre mémoire à entendre, je vous remercie, monsieur.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de la présentation de votre mémoire, au nom de tous les membres de la commission, et nous espérons vous revoir.

M. Dufour: Nous revoir sur ce problème? C'est réglé.

Le Président (M. Marcoux): Non, sur les autres. J'inviterais maintenant M. Pierre Nadeau à venir nous présenter son mémoire.

M. Pierre Nadeau

M. Nadeau (Pierre): M. le Président, M. le ministre, Mme et MM. les membres de la commission, je suis très conscient de l'heure tardive. Je ne reviendrai pas tellement sur les amendements qui ont déjà été apportés au projet de loi parce que je calcule que c'est passablement bon au niveau de la Charte des droits et libertés de la personne. Je pense que l'intégration à l'intérieur de la charte était nécessaire. Soit dit en passant, j'ai émis, dans mon mémoire, des propos peut-être un peu humoristiques et j'espère que les membres de la commission ne m'en tiendront pas rancune.

Mon intervention va être au niveau du fonctionnement de l'office. A l'article 19 on dit qu'une personne ne pourra pas participer à des décisions qui mettent en conflit ses intérêts; d'accord, c'est normal. Mais je pense que c'est important et que cela peut apporter, au niveau des points à débattre, qu'une telle personne donne au moins son point de vue. Il y a aussi l'article 26, deuxième paragraphe, qui est une adaptation de l'article 4 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux où l'accès aux dossiers se limite seulement aux professionnels, dans l'article 4.

On m'a dit que comme dans la Loi de la protection de la jeunesse pour ce droit, on avait l'expression "toute personne". Je suis bien conscient que cela prend l'approbation de l'office, que cela prend l'approbation de l'individu, mais je suis quand même inquiet qu'il y ait des fraudes qui se fassent à ce niveau.

Les pouvoirs de l'office. Le ministre a annoncé qu'il était pour assouplir les pouvoirs en deuxième lecture. Ce qui m'a intéressé, c'est qu'il a parlé de représentation régionale à l'intérieur de l'office. C'est bien, mais je me pose des questions. Ces représentants régionaux vont être nommés par qui? Mon point de vue — dans le fond, d'accord, je suis seulement un individu — c'est qu'il serait bon que ce soit les instances régionales elles-mêmes qui regroupent les intervenants d'une région, entre autres, les organismes; que l'instance régionale nomme son représentant à l'office.

Je suis bien conscient qu'en ayant des structures régionales, c'est quand même dangereux d'alourdir la structure, mais ces instances régionales, sans avoir des pouvoirs administratifs plein les bras, qu'elles soient pour le représentant la source de ses consultations, c'est-à-dire que le représentant régional soit en rapport constant avec son comité consultatif régional ou quelque chose comme cela.

Au niveau des structures c'est pas mal et on va laisser tomber l'article 33 au niveau des chiens-guides. On va passer à la reconnaissance des organismes de promotion. Je suis bien content que finalement on se débarrasse des vendeurs de shampoing qui font de l'exploitation avec la grosse finance. D'accord, mais je suis inquiet

d'un côté quand j'entends dire que quelqu'un demande une charte pour avoir un organisme, puis qu'on lui demande de retirer un des mandats qui dit de travailler à l'intégration sociale des personnes handicapées.

Pour moi, c'est un non-sens, parce que tout le monde doit travailler à l'intégration sociale que je considère très importante. Il y a l'article 41 qui dit: Nul ne pourra faire de sollicitation à moins d'être reconnu par l'office. Cela peut protéger les personnes avec un handicap, la population et les organismes. Je pense que cela va être bon aussi de contrôler la publicité des organismes surtout pour attirer la pitié.

On parlait même, tout à l'heure, d'un festival qui s'est tenu, cette semaine, à Montréal, je ne reviendrai pas là-dessus, je pense que ce n'est pas nécessaire vu les modifications, de dire que j'avais peur que ce soit un moyen légal de contrôler un organisme qui parle trop fort. Il y a un point sur lequel, je pense, on devrait faire une loi aussi. C'est au sujet de la sollicitation par les personnes handicapées elles-mêmes, c'est-à-dire les handicapées qui vont solliciter de l'argent au coin des rues. Ce que je trouve encore plus révoltant, c'est qu'il y a des villes qui donnent des permis pour de la sollicitation.

Je ne peux pas me permettre de dire comme cela qu'on devrait interdire la sollicitation. Je sais que c'est mal; moi, je ne le fais pas, mais le gars qui le fait, il me bloque quand il me dit que le steak et le beurre sont chers. Je voudrais savoir quel moyen le gouvernement va prendre pour régler cette situation que notre société civilisée ne peut se permettre.

Il y a aussi les ateliers protégés. C'est bien beau de leur donner un salaire rémunérateur, mais il serait bon de tenir compte des capacités réelles de l'individu. Je cite un cas. J'ai passé une fin de semaine avec des déficients mentaux qui m'ont dit qu'ils étaient tannés de faire de la courtepointe.

Même si c'était plus payant là, de faire de la courtepointe, juste de la courtepointe, cela devient plate avec le temps.

Et puis au niveau des contrats d'intégration professionnelle, je me pose la même question que la Chambre de commerce du Québec, à savoir pourquoi c'est renouvelable juste deux fois et pourquoi c'est seulement six mois. Je me demande si cela ne ressemble pas un peu à des projets PIL; on leur donne du nanane, parce que moi j'appelle cela du nanane, pendant une période de temps, puis après on leur enlève leur nanane, puis le gars rétrograde. Pour moi il faudrait y voir.

Au niveau de la population 0-18 ans, le ministre a suffisamment éclairé ici la situation. Il dit qu'au niveau du travail il favorise pour le moment des mesures incitatives. Je me mets dans la peau d'un gars qui va être engagé à la suite de mesures coercitives; à un moment donné il pourrait se faire dire: Toi tu travailles ici parce qu'on est obligé de te donner une job puisque tu es un pauvre petit handicapé. Tu sais, je pense que cela peut prendre du temps, mais il faut aussi que la personne handicapée elle-même se batte pour avoir un emploi et qu'elle fasse ses preuves.

A ce niveau, c'est bien important. Quant au transport, on parle de délais raisonnables pour les commissions de transport pour mettre sur pied un système adéquat pour la population dont on discute ici. Il y en a qui disent qu'un an c'est trop court, que ça devrait être plus long, mais au moins que le gouvernement précise ce qu'est un délai raisonnable au niveau du transport pour qu'on n'attende pas des années et des années. Il faut dire que le transport, c'est la colonne vertébrale de l'autonomie des personnes handicapées. Il ne faudrait pas que cela traîne.

Comme conclusion, je peux dire que je ne suis pas satisfait des amendements annoncés et j'espère que d'autres vont venir s'y ajouter. Je remercie la commission de m'avoir entendu.

Le Président (M. Marcoux): C'est moi qui vous remercie également au nom des membres de la commission. Je pense que vous aviez dit que vos propos seraient imagés; vous avez été fidèle à ce que vous avez dit que vous feriez. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je remercie M. Pierre Nadeau pour sa présentation. Je veux ajouter quelques précisions, par exemple, sur les six mois dans le programme d'intégration renouvelable à deux reprises. Il y a un certain nombre de mémoires qui nous ont suggéré de lever, d'enlever la limite, et je pense que c'est ce que nous allons faire. Evidemment, l'esprit de cette clause c'était de bien souligner qu'un tel programme d'intégration doit être, par définition, temporaire et passager.

Je conçois très bien que, dans certains cas, cela pourrait prendre trois, quatre ou cinq périodes, mais cela devrait rester quand même exceptionnel.

M. Nadeau: II faut considérer aussi le rythme de l'individu. Comme exemple, c'est très difficile de comparer un paralytique cérébral à un paraplégique.

M. Lazure: C'est très juste. Sur un autre point, les courtepointes. Moi aussi, je suis tanné que ce soit des courtepointes ou des espèces de travaux qui n'ont pas vraiment de sens pour la personne handicapée, pas seulement parce que les produits n'ont pas d'utilité, mais aussi parce que cela ne correspond pas aux aptitudes, aux goûts, à la culture et aux intérêts de la personne handicapée. J'ai remarqué qu'un groupe qu'on a entendu cet après-midi ou hier, la corporation du Québec, a fait et continue de faire un bon travail dans ce sens: diversifier les activités et les matériaux de production dans les différents ateliers qui deviendront peut-être des centres de travail adaptés, comme quelqu'un nous l'a suggéré aujourd'hui.

Je note aussi dans votre mémoire que vous faites des suggestions quant aux représentants régionaux possiblement accrochés aux CRSSS, aux conseils régionaux de la santé, et des services sociaux. C'est une structure régionale qu'on veut utiliser de plus en plus. On va en tenir compte en

établissant des bureaux régionaux du futur office. Merci, M. Nadeau.

M. Nadeau: Avant de terminer, au niveau des ateliers protégés — je vais essayer d'être bref — cela peut arriver que les ateliers protégés ne puissent pas desservir une clientèle de handicapés lourds. Cependant, étant donné que je travaille au niveau d'une association sur la rive sud de Montréal, on a des handicapés lourds et il y en a là-dedans qui n'ont jamais sorti de chez eux et on leur a fait la charité d'aller chez eux.

N'y aurait-il pas moyen, à un moment donné, de mettre sur pied des genres de centres de jour pour une clientèle particulière?

M. Lazure: Je pense que oui, il y a moyen. Cela a déjà été fait pour certaines clientèles particulières et il va falloir diversifier le genre de centres de jour selon les capacités de chaque personne handicapée.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais remercier M. Nadeau de son mémoire. J'ai été particulièrement intéressée par la mise en garde que vous faites au sujet des structures de l'office. Je pense que vous avez appelé cela de l'humour. Mais quand vous faites allusion au fait que, peut-être, ce que l'on entrevoit comme structures de l'office ne correspond peut-être pas tellement, dans la réalité, à des désirs de décentralisation, cela m'apparaît tout à fait juste.

Je retournais, pendant que vous faisiez votre exposé, à l'article 30 qui définit les devoirs et pouvoirs de l'office: "L'Office a pour fonction d'informer et de conseiller les personnes handicapées, de promouvoir leurs intérêts et de favoriser leur intégration professionnelle et sociale." Après cela, vous arrivez, évidemment, avec six ou sept points sur lesquels, finalement, il sera permis à l'office de faire à peu près tout. Même si le ministre, tout à l'heure, nous rassurait que ce serait, enfin, minime, comme nombre, et qu'on serait surveillé par les associations de personnes handicapées elles-mêmes, je ne peux pas m'empêcher de faire un point de comparaison. Evidemment, on a chacun ses points de référence et c'est probablement la présence du député de Bourassa qui me fait faire cette comparaison avec ce qui était censé être les pouvoirs du conseil scolaire de l'île de Montréal où il se trouvait, au départ, une phrase vague et vaste comme celle-ci: "pour fonction d'informer et de conseiller les personnes handicapées et de promouvoir leurs intérêts."

Cela veut dire que sous le couvert de cette unique phrase, on ouvre la porte à faire tout et à prendre toutes les responsabilités, et vous avez toujours la loi derrière vous pour vous appuyer. Je trouve que c'est un point sur lequel on devrait se repencher d'une façon sérieuse parce qu'on va entrer dans des batailles de juridiction entre les pouvoirs régionaux et le pouvoir central.

Malheureusement, je pense que, comme vous le signalez très justement, on peut se demander pourquoi il revient, par exemple, à l'office de tenir le registre des logements destinés aux personnes handicapées alors que cela reviendrait beaucoup plus normalement aux instances régionales ou plus locales de faire une opération comme celle-là. Si les instances régionales lui soulignent un manque de ce côté, là il y a peut-être des interventions qu'il peut faire en haut lieu.

Il me semble vraiment qu'on a multiplié inutilement les responsabilités de l'office. Je ne mets pas en doute les intentions du ministre, qui voudrait limiter le plus possible les activités de l'office mais, quand on met dans un projet de loi un cadre aussi large et aussi vaste que celui-là, on s'expose, malgré soi, à une très grande centralisation et à des conflits de juridiction. Tout votre chapitre sur les structures et le rôle de l'office me semble tout à fait approprié. Je vous remercie de l'avoir signalé d'une façon aussi claire que vous l'avez fait dans votre mémoire.

Le Président (M. Marcoux): Nous verserons au journal des Débats votre mémoire, que vous n'avez pas lu, mais que vous avez résumé, (voir annexe C). Egalement, j'aimerais ajouter que vous avez repris certaines idées qui ont été énoncées depuis trois jours devant cette commission. Mais votre courtepointe à vous dans cela n'était pas une courtepointe plate. Elle était vraiment intéressante. Je vous remercie de la présentation que vous avez faite de votre mémoire, au nom de tous les membres de la commission.

Maintenant, je voudrais aviser les membres de la commission des numéros des mémoires que nous entendrons mardi prochain à compter de 10 h 30. Les mémoires 33, 10, 19, 25, 42, 37 et 2. Compte tenu de la charge de travail que nous aurons mardi, je pense qu'il serait important que nous commencions aux environs de 10 h 30.

La commission ajourne ses travaux à mardi prochain, 10 h 30.

(Fin de la séance à 22 h 13)

ANNEXE A

Mémoire de la Chambre de Commerce de la Province de Québec

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre des Affaires sociales

Messieurs les Membres de la Commission Parlementaire

A — Introduction

(1)

La Chambre de Commerce de la Province de Québec apprécie et vous remercie de l'occasion offerte, dans le cadre des audiences de la Commission parlementaire, de vous soumettre ses observations et recommandations relativement au projet de loi 9, soit la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées.

(2) La Chambre

La Chambre, fédération regroupant quelque deux cents chambres de commerce actives au Québec, représente ainsi plus de 31 000 membres, dont la majorité sont des hommes d'affaires, ainsi que, 2600 entreprises commerciales et industrielles, lesquelles adhèrent directement à la Chambre du Québec et l'appuient dans ses objectifs et son action.

(3) Objectifs de la Chambre

La Chambre, constituée par une loi spéciale du parlement fédéral a pour objectifs de "favoriser le progrès économique, civique et social au Québec". Ses objectifs, vastes à souhait, permettent de situer l'intervention de la Chambre devant vous, ce jour.

(4) Intérêt de la Chambre

Effectivement, la Chambre se justifie d'un intérêt évident dans son intervention auprès du législateur relativement aux droits des handicapés.

On apprécie le niveau de développement social et civique d'une société démocratique à sa façon libérale de traiter, protéger et assurer les droits de ses défavorisés.

Assurer l'exercice des droits des personnes handicapées, c'est favoriser le développement social du Québec.

B — Intervention de la Chambre

La Chambre situe son intervention à deux niveaux précis, - la problématique qui devrait sous-tendre une législation visant à assurer l'exercice des droits des personnes handicapées, illustrée par certains articles du projet de loi 9. - certains aspects techniques du projet de loi.

C — Problématique

Une société saine, démocratique, et le législateur qui la représente, ne peuvent qu'être soucieux d'assurer à tous leurs citoyens, défavorisés ou pas, handicapés ou non, l'exercice en pleine égalité de leurs droits, et, libertés fondamentales.

Cependant, certains citoyens sont dans les faits mieux placés que d'autres pour jouir de leurs droits et les exercer, et il est alors normal que le législateur s'adapte à cette réalité, et indispensable, qu'il apporte les correctifs nécessaires pour remédier à cette malencontreuse situation.

Une législation qui apporte les correctifs nécessaires se doit d'intervenir avec précision et justesse.

Il faut légiférer tout en tenant compte de la dignité et de l'amour-propre des personnes visées par les dispositions nouvelles.

Il faut légiférer tout en ayant à l'esprit que déjà la nécessité de cette législation tend à démontrer que les personnes handicapées ne seraient pas des citoyens à part entière mais des citoyens qui au même titre que les mineurs et les déficients mentaux demandent à être protégés comparativement aux autres.

Aussi, s'agit-il d'un secteur délicat de législation.

Les personnes handicapées ont à coeur de démontrer qu'elles sont des citoyens normaux, aussi débrouillards que les autres, et il ne faudrait pas contrecarrer cet effort d'adaptation par une législation trop paternaliste qui consacrerait le principe que les personnes handicapées ont à être dorlotées et préservées envers et contre tous.

Malheureusement, nous constatons que le projet de loi 9 rencontre justement ces objections.

Il est certes, louable pour le législateur de vouloir assurer l'exercice des droits des personnes handicapées.

Cependant, la façon de légiférer dans ce cas-ci est aussi importante que l'objectif poursuivi.

Par souci d'assurer l'exercice d'un droit, il ne faut pas renforcer l'idée que les handicapés sont tellement défavorisés qu'ils doivent être placés sous la tutelle de l'Etat.

Or à maints et maints endroits, c'est ce que fait le projet de loi.

Ainsi, pourquoi le chapitre II du projet de loi s'intitule-t-il "Les droits des personnes handicapées?"

L'article 2 du projet stipule que les personnes handicapées jouissent des droits et libertés de la personne. Elles jouissent également des droits qui leur sont conférés par le projet de loi 9. (Par exemple, l'article 3 du projet de loi.)

Ces dispositions ne peuvent entraîner qu'une seule déduction logique, c'est que les personnes handicapées sont des citoyens marginaux car elles bénéficient de plus de droits que les citoyens ordinaires.

L'article 4 du projet de loi 9 se lit comme suit: "Le propriétaire de tout logement dont l'un des occupants utilise de façon permanente un fauteuil roulant doit, aux fins de sécurité, identifier ce logement à l'aide d'un symbole prescrit par règlement. Le propriétaire n'est tenu à cette obligation qu'en autant qu'il est informé, par écrit, de la présence de cette personne".

Cet article n'a-t-il pas pour effet de créer une distinction entre certains locataires et d'autres? Cette distinction est-elle de la discrimination? (cf. art. 3)

Cette identification peut-elle diminuer pour la personne handicapée la jouissance libre et paisible de son appartement?

Dorénavant, ce symbole permettra aux autres locataires et à leurs visiteurs d'identifier le logement d'une personne qui utilise en permanence un fauteuil roulant, c'est une pensée amusante pour un handicapé qui ne désire que passer inaperçu (car, de par la rédaction de l'article, l'on ne peut présumer que seule la personne handicapée ne pourra signaler par écrit sa présence.)

L'article 11 prévoit la création d'un office des personnes handicapées du Québec.

L'article 30 précise que: "L'Office a pour fonction d'informer et de conseiller les personnes handicapées, de promouvoir leurs intérêts et de favoriser leur intégration professionnelle et sociale.

L'Office: b) effectue le dépistage de personnes susceptibles de bénéficier des dispositions de la présente loi;"

Ainsi, les personnes handicapées feront l'objet d'un dépistage; elles n'auront plus la liberté d'opter pour ou contre une collaboration avec l'office mais se verront imposer cette dernière.

L'article 31 prévoit que: "L'office peut: e) préparer et publier périodiquement des statistiques sur la population des personnes handicapées du Québec."

Les handicapés sont une classe sociale distincte!

L'article 33 se lit comme suit: "L'Office peut, par règlement: a)déterminer les lieux publics ou les catégories de lieux publics accessibles au handicapé visuel accompagné d'un chien-guide, délimiter, à l'intérieur de ces mêmes lieux, les parties non accessibles à un chien-guide, statuer sur les mesures de sécurité qui doivent alors être prises par les gardiens de ces lieux pour assurer le déplacement et la sécurité du handicapé visuel, la garde du chien-guide et la protection des tiers et prévoir le mode d'affichage de ces mesures de sécurité dans les lieux publics; b)pourvoir à la reconnaissance des personnes handicapées par la délivrance de cartes d'identité selon les conditions et modalités qu'il prescrit, cette carte devant, dans le cas du handicapé visuel, indiquer, s'il y a lieu, qu'il a droit d'être accompagné d'un chien-guide; c)établir les critères de reconnaissance des écoles d'entraînement de chiens-guides et fixer les modalités de délivrance de la médaille que doit porter le chien-guide du handicapé visuel ainsi que les inscriptions qui doivent figurer sur cette médaille; d)statuer sur le contenu, la conservation et la consultation du dossier d'une personne handicapée."

Cet article vise à faciliter les déplacements des handicapés avec leurs chiens-guide, cependant, dans les faits, il crée de la discrimination: -certains lieux seront accessibles et pas d'autres -une carte d'identité spéciale pour les handicapés. -...etc.

Nous sommes parfaitement conscients que le législateur ne veut que s'assurer que les personnes handicapées pourront exercer leur droit sans faire l'objet de discrimination, cependant son attitude et les différentes modalités prévues au projet de loi ne changeront pas vraiment la situation actuelle, car dorénavant les personnes handicapées qui seront sujettes à la discrimination factuelle le seront également de par la loi.

Enfin, la section IV du projet de loi s'adresse à l'emploi de la personne handicapée. Les trois grands éléments de cette section sont: a)l'interdiction faite à l'entreprise de cinquante employés et plus de licencier un salarié pour la seule raison qu'il est devenu une personne handicapée; b)la possibilité pour l'Office d'exiger des entreprises de cinquante employés et plus l'embauche de personnes handicapées, jusqu'à concurrence de trois pour cent des effectifs; c)la possibilité pour l'Office de subventionner les entreprises, soit pour l'adaptation des postes de travail, soit pour favoriser l'emploi des personnes handicapées.

A priori, les trois éléments de cette section paraissent équilibrés et, en principe, ils le sont. Il est normal de concevoir qu'une partie importante de l'intégration ou de la réintégration sociale et professionnelle d'une personne handicapée soit déterminée par l'emploi et que l'entreprise puisse et même doive y jouer un rôle important.

Cependant, l'équilibre apparent ne résiste pas à l'examen, ni pour la personne handicapée, ni pour l'entreprise.

D'abord, la personne handicapée, très vaguement définie comme étant: limitée de façon significative et persistante dans l'accomplissement d'activités normales, à cause d'une déficience physique ou mentale et reconnue comme telle par l'Office. (Art. 1m)

Oublions, pour les fins de la discussion, le handicap physique et examinons la déficience mentale. Celle-ci peut emprunter plusieurs formes et peut même, à la rigueur résulter de l'incapacité de la personne à s'adapter à la nature même de l'entreprise ou du milieu de travail. Or, ce milieu de travail n'est pas composé de l'employeur seul sur qui repose l'interdiction de licencier mais aussi de collègues de travail. Dans de telles circonstances, la personne handicapée peut voir son droit respecté tout en perdant un autre droit celui à l'intimité et à l'intégrité de sa personne.

Pour l'entreprise visée, il peut y avoir conflit entre, d'une part, le respect du droit de la personne handicapée et les pénalités pouvant être encourues ($5000, art. 82) et $500 par jour (art. 58 du projet 45) et, d'autre part, ses obligations vis-à-vis l'ensemble de ses commettants, clients et salariés. Par exemple, comment concilier la situation d'une personne handicapée qui dans le milieu de travail et de par la nature du handicap pourrait constituer pour les autres salariés, une menace à leur santé ou à leur sécurité?

Aux dispositions actuelles, nous préférerions substituer une problématique différente, visant le même objectif mais procédant d'une autre démarche.

Par exemple, modifier l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne (ch. 6, lois de 1975) pour inclure les personnes handicapées, au sens du bill 9 (nous présumons que la définition vise celles où il existe des possibilités d'intégration sociale et professionnelle) rendraient opérantes les dispositions contenues aux articles 16, 17, 18, 19 et 20 de la Charte.

Voilà qui consacrerait le droit de la personne handicapée, sans la stigmatiser face aux autres personnes.

Pour assurer la participation de l'entreprise, toujours en visant les objectifs de la section IV du présent projet, nous suggérons une première disposition habilitant l'Office à négocier avec toute entreprise de cinquante salariés et plus, l'adaptation de postes de travail ou toute autre mesure favorisant l'emploi d'une personne handicapée.

La conclusion favorable de cette négociation conférerait à l'entreprise un agrément sanctionné par l'Office à une réclamation spéciale pour fins d'impôt sur le revenu tenant compte des dépenses engagées et pour un terme déterminé. D'autre part, une entreprise déjà exemptée de la loi de l'impôt sur le revenu pourrait obtenir une subvention en lieu d'exemption.

Notre démarche s'inspire non seulement de la responsabilité sociale de l'entreprise et des contraintes réelles de son environnement mais aussi de son intérêt. Or, pour l'entreprise privée du Québec en général, une subvention comporte, à coût égal pour l'Etat, moins d'avantages puisqu'elle doit la considérer à titre de revenu imposable pour fins d'impôt fédéral et provincial. L'on conçoit mal qu'une contribution financière du Québec destinée en définitive à l'adaptation de l'entreprise pour l'amélioration de la condition de la personne handicapée aboutisse dans les coffres d'un autre gouvernement.

D — L'aspect technique du projet de loi 9

Cette partie du mémoire comporte surtout des interrogations soulevées par le projet de loi. L'article 27 du projet se lit comme suit: "Nonobstant toute autre loi, l'Office peut obtenir tout renseignement d'un ministère ou d'un organisme du gouvernement, chaque fois que la chose est nécessaire pour l'application de la présente loi."

Cette disposition a-t-elle pour effet de permettre, par exemple à l'office d'obtenir des renseignements du Ministère du revenu au sujet de la déclaration d'impôts d'une personne handicapée?

Si tel est le cas, nous ne voyons pas pourquoi l'office bénéficierait des pouvoirs d'enquête d'un tribunal sans pourtant être soumise aux mêmes contrôles.

Nous ne voyons pas pourquoi par cette loi on créerait exception au devoir spécifique de confidentialité créé par les lois régissant d'autres ministères.

L'article 36 stipule ce qui suit: "L'Office accorde le certificat visé à l'article 35 à un organisme sans but lucratif qui: a)à son avis, s'occupe principalement de la défense des droits, de la promotion des intérêts et de l'amélioration des conditions de vie de la personne handicapée; b)est constitué en vertu d'une loi du Québec; c)a transmis à l'Office copie de son acte constitutif et de ses règlements.

Cet article semble indiquer qu'un organisme de promotion des intérêts des personnes handicapées constitué en vertu d'une loi fédérale ou loi étrangère ne pourrait bénéficier d'un certificat de reconnaissance.

Si la réponse est positive, nous voyons mal les motivations derrière cette façon d'agir car ces organismes peuvent jouer un rôle valable pour la promotion des droits des personnes handicapées et ceci indépendamment de leur lieu de constitution.

L'article 40 se lit comme suit: «L'Office peut, pour cause, révoquer le certificat de reconnaissance d'un organisme de promotion.»

Y a-t-il un droit d'appel de cette décision?

Si non, il y aurait lieu de prévoir un tel recours, car la révocation d'un certificat de reconnaissance est une grave pénalité pour un organisme de promotion, et ce dernier devrait pouvoir enregistrer sa dissidence auprès des tribunaux supérieurs grâce à un mécanisme spécifique d'appel plutôt que par la voie prohibitive d'ailleurs du pouvoir de révision et de contrôle de la Cour supérieure sur les tribunaux inférieurs. (Art. 33 C.P.C.)

Les articles 41 et 42 prévoient ce qui suit: «Personne ne peut, s'il ne détient un certificat en vertu de l'article 36: a)solliciter ou recueillir des fonds, par l'offre ou la vente de biens ou de toute autre manière, en affirmant ou laissant croire que ces fonds sont sollicités ou recueillis pour le bénéfice de personnes handicapées; b)affirmer ou laisser croire qu'il bénéficie d'une reconnaissance de l'Office." «L'Office peut accorder un permis d'atelier protégé à une association coopérative ou à un organisme sans but lucratif qui: a)produit des biens ou services; b)emploie en majorité des personnes handicapées ne pouvant travailler dans des conditions ordinaires, afin de leur permettre d'utiliser et de développer leurs possibilités professionnelles dans des conditions de travail appropriées; c)s'engage à embaucher des personnes handicapées placées par l'Office pour la durée que celui-ci indique; d)fournit aux personnes handicapées un travail utile et rémunérateur; et e)remplit les conditions prescrites par règlement.

Si notre compréhension de ces articles est exacte, un atelier protégé devra obtenir le certificat de reconnaissance visé à l'article 35 avant de vendre les biens produits par les personnes handicapées en les annonçant comme tels.

Il nous semble que l'association ou l'organisme qui détient déjà un permis d'atelier protégé devrait pouvoir solliciter des fonds du public tel que prévu à l'article 41a sans en plus être obligé d'obtenir un permis de reconnaissance visé à l'article 36.

L'article 68 stipule ce qui suit: «L'Office peut, dans le cadre d'un plan de services, conclure avec tout employeur et un bénéficiaire un contrat en vue de l'intégration de ce bénéficiaire au marché du travail. Un tel contrat a une durée d'au plus six mois et n'est renouvelable que deux fois.

L'Office assure le respect des obligations qui incombent à cet employeur en vertu d'un tel contrat.»

Pourquoi limiter la durée du contrat de service à un maximum de 6 mois?

Pourquoi le contrat de service n'est-il renouvelable que deux fois?

Les dispositions de l'article 73 interdisant le congédiement en plus de poser un problème d'équité pour le salarié d'une entreprise de 50 employés ou plus en soulève un autre, sur le plan technique, de concordance avec des dispositions prévues dans un autre projet de loi à l'étude devant l'Assemblée nationale: celui portant sur le régime d'assurance automobile.

Effectivement, ce dernier projet prévoit la diminution des indemnités pour une personne dont le handicap résulte d'un accident et qui touche des gains provenant d'un emploi.

La combinaison ae ces dispositions pourrait donc priver une personne handicapée d'une partie substantielle de ses indemnités. Et, notons-le, il en va de même pour les personnes visées par la loi des accidents du travail.

L'article 79 stipule ce qui suit: «Tout transporteur doit, dans l'année qui suit le (insérer ici la date de l'entrée en vigueur du présent article), faire approuver par le ministre des transports un plan de développement visant à assurer, dans un délai raisonnable, le transport en commun des personnes handicapées dans le territoire qu'il dessert.

Ce plan peut tenir compte du taux de renouvellement de son équipement et de la nature des services offerts.»

Il y aurait peut-être lieu de prévoir un délai plus prolongé car un an, c'est un peu court.

E — Conclusion

Somme toute, la Chambre, quoique favorable au principe du projet de loi, croit que la problématique sous-jacente à ce dernier doit composer avec la dignité et le désir d'indépendance des personnes qui y sont visées.

La Chambre croit de plus qu'il serait préférable de modifier la Charte des droits et libertés de la personne afin d'assurer l'exercice des droits des personnes handicapées pour éliminer la nécessité d'une législation spéciale à cet effet, qui isole alors le cas des personnes handicapées et les encadre dans un régime législatif parallèle au régime législatif prévu pour tous les Québécois.

La Chambre de Commerce de la Province de Québec le 9 septembre 1977

ANNEXE B

Chapitres III, IV et V du mémoire du Syndicat des fonctionnaires provinciaux

Partie III

CANADA DEVANT L'ARBITRE DES GRIEFS

PROVINCE DE QUEBEC DISTRICT DE QUEBEC

Dossier No 02-68-4818

DANS L'AFFAIRE DU GRIEF DE GASTON ROBERT (Commission des Accidents du Travail).

LE GOUVERNEMENT DE LA PROVINCE DE QUEBEC, ci-après appelé: «LE GOUVERNEMENT», — et —

LE SYNDICAT DES FONCTIONNAIRES PROVINCIAUX DU QUEBEC (Unité Ouvriers), ci-après appelé: «LE SYNDICAT»

Sentence exécutoire

II s'agit du grief de Gaston Robert, un nettoyeur-laveur à l'emploi de la Commission des Accidents du Travail, au Centre de Réadaptation, à Québec, qui est entré à l'emploi du Gouvernement le 9 juillet 1969 et qui a été congédié par une lettre en date du 29 janvier 1971, par l'honorable Maurice Belle-mare, président de la CAT.

Le plaignant prétend que le congédiement est injustifié et il réclame sa réinstallation dans sa fonction avec tous les droits et avantages qui s'y rattachent.

L'arbitre soussigné a eu le concours de messieurs ERNEST RINGUET, assesseur patronal, et PAUL CHOINIERE, assesseur syndical, dans l'étude de la preuve et des arguments des parties pour en arriver à la présente décision.

Les faits

Le Gouvernement a fait une longue preuve tendant à établir les absences répétées de cet employé depuis son entrée en fonction, absences qui se chiffrent aux alentours de vingt pour cent (20%) des jours ouvrables durant la période concernée.

Le Gouvernement a également établi que les supérieurs du plaignant Gaston Robert l'ont averti à plusieurs reprises d'avoir à être plus assidu et le 31 juillet 1970, l'attaché d'administration du personnel, M. Maurice Gaudreau, lui a fait parvenir une lettre qu'à l'avenir il devrait produire un certificat médical attestant qu'il était physiquement incapable de remplir ses fonctions de nettoyeur-laveur, et cela, même pour des absences de trois jours ou moins. Ce certificat devait accompagner la formule P-51 dès son retour au travail.

Subséquemment, le Gouvernement par l'intermédiaire du président de la C.A.T., soit le 5 août 1970, a suspendu le plaignant pour une période de quinze (15) jours sans paie, entre le 7 août et le 21 août 1970.

Dans la lettre de suspension, pièce G-12, le président de la C.A.T., terminait en disant: «Nous comptons que cette suspension vous incitera à améliorer votre assiduité, sans quoi, nous serons dans l'obligation de demander votre révocation.»

Mais à la suite de cette suspension sans paie, la preuve a révélé que le plaignant a été quelques mois sans s'absenter, ses premières absences pour maladie survenant les 22 et 23 octobre 1970. Par la suite, les absences se sont répétées assez fréquemment, toujours pour cause de maladie et, dans bien des cas, alors que la caisse de crédits du plaignant était épuisée et qu'il ne recevait aucun salaire pour ses absences-maladie. Ces faits apparaissent très bien dans la fiche d'assiduité, pièce G-5, qui fait voir le grand nombre de jours d'absence-maladie non rémunérés.

Les raisons invoquées le 29 janvier 1971 par le président de la C.A.T., pour demander la révocation de Gaston Robert, sont basées sur ses absences répétées avant comme après sa suspension du 5 août 1970.

De son côté, le Syndicat a prouvé par le témoignage du Docteur Antonin Fournier que Gaston Robert avait été son patient et qu'il l'avait examiné pour une lombalgie, le 27 octobre 1969, et lui avait donné un certificat médical établissant qu'il était incapable de travailler et qu'il pourrait probablement retourner au travail aux environs du 3 novembre 1969.

Le Docteur Fournier a expliqué que lors de l'examen clinique de son patient, il lui fallait se fier à ce que le patient lui disait quant aux malaises physiques dans le dos, mais qu'il y avait un moyen de vérifier un état grippal et c'était de prendre la température. Le 31 octobre 1969, Gaston Robert faisait de la température, ce qui confirmait un état grippal accompagné de douleurs musculaires.

Par la suite, le Docteur Fournier a revu le plaignant le 9 janvier 1970 et il avait encore un état grippal accompagné de douleurs musculaires et il lui a donné un certificat médical pour la période du 6 au 12 janvier 1970.

Le 11 décembre 1970, il a revu son patient qui souffrait d'une légère brûlure à la main gauche, le rendant incapable de travailler au moins pour une journée, mais il ne lui a pas donné de certificat médical.

A d'autres occasions, le plaignant Gaston Robert a obtenu des certificats médicaux pour couvrir différentes périodes d'absence-maladie, comme celle du 12 février au 9 mars 1970, par le Docteur Eugène Bissonnette.

Il ressort de la preuve médicale, qui a été faite devant moi par le Docteur Fournier, qu'il s'agissait d'un homme qui a fait des épisodes grippaux à répétition et qui avait un seuil de douleur assez bas, ce qui l'aurait rendu souvent incapable de travailler durant la période concernée. Le Docteur Fournier avait déjà été consulté par le plaignant avant qu'il ne travaille pour le Gouvernement, et cela pour des cas sérieux, et il en a conclu qu'il s'agissait d'un patient fiable qui ne se plaignait pas pour rien. Se basant sur son expérience avec Gaston Robert, le docteur Fournier conclut qu'il est plausible qu'il ait été véritablement malade chaque fois qu'il s'est absenté en alléguant la maladie dans sa formule P-51 et alors que l'absence n'était pas assez longue pour nécessiter un certificat médical.

Le Gouvernement n'a pas tenté de prouver qu'en une seule occasion le plaignant Gaston Robert se soit déclaré malade alors qu'en réalité il ne l'était pas et avait accompli autre chose durant cette absence-maladie en voulant ainsi frauder le Gouvernement. Au contraire, le plaignant Gaston Robert a établi qu'à chaque fois qu'il s'était déclaré malade, c'était bien exact et il n'était pas sorti de la maison pour aller faire autre chose. Il a admis qu'un jour, il avait téléphoné à M. Charles Hardy, son supérieur immédiat, pour lui dire que son automobile était gelée et qu'il ne pouvait pas se rendre au travail, et en essayant de la partir il a pris du froid et a dû perdre deux ou trois jours à cause de la grippe.

Tenant compte du fait que, le plus souvent, les absences-maladie du plaignant n'ont pas été rémunérées, faute de crédit en maladie il est raisonnable de conclure que le plaignant a été de bonne foi lorsqu'il s'est déclaré malade pour justifier ses absences au travail. Il n'avait rien à gagner en agissant ainsi et sa bonne foi ne peut être mise en doute.

Enfin, sur la question de fournir un certificat médical après le 31 juillet 1970 pour toute absence-maladie, la preuve a révélé que M. Maurice Gaudreau n'a pas rescindé son exigence par écrit du 31 juillet 1970, pièce G-11, mais après la suspension de Gaston Robert, ce dernier s'est adressé à Charles Hardy qui lui aurait laissé entendre que l'affaire était arrangée et qu'il n'aurait plus, à l'avenir, à fournir de certificat médical pour des absences de trois jours ou moins.

A ce sujet, Charles Hardy admet avoir téléphoné à M. Maurice Gaudreau pour lui demander d'exempter Gaston Robert de l'obligation contenue dans la lettre du 31 juillet 1970 et M. Gaudreau aurait déclaré: «Je vais essayer d'arranger cela» et M. Hardy lui aurait fait part de cette réponse de Maurice Gaudreau. Quoi qu'il en soit, ni Maurice Gaudreau, ni Charles Hardy n'ont insisté, après le 31 juillet 1970, pour obtenir des certificats médicaux pour des absences-maladie de trois jours ou moins.

Le droit

Le savant procureur du Syndicat, Me Jean Poudrier, a soutenu que même si le Gouvernement avait réussi à prouver des absences répétées de la part du plaignant, et cela dans la proportion de vingt pour cent (20%) environ des jours ouvrables durant la période concernée, si ces absences étaient motivées par la maladie, elles ne pouvaient pas justifier un congédiement.

Il a cité une nombreuse jurisprudence à cet effet et je crois devoirreproduire quelques-unes des plus importantes qui ont établi ce principe: 1- «UNITED ELECTRICAL WORKERS, Local 504, -and-

CANADIAN WESTINGHOUSE CO. LTD. Labour Arbitration Cases, Vol. 14, page 232: Rule 10 of the plant rules provided for disciplinary action in case of 'failure to maintain regular

attendance'. The Board unanimously held that this rule required some form of offence or misconduct, and could not be applied to justify a written warning or other disciplinary action for an employee who was absent by reason of legitimate and well-known illness, no matter how often such absences were repeated.» 2-«UNITED BREWERY WORKERS, Local 304, -and-

MOLSON'S BREWERY (Ontario) LTD.

Labour Arbitration Cases, Vol. 11, page 381:

Where an employee's absence from work because of illness is in fact justifiable, failure to obey a regulation requiring independent proof of such justification is not a 'just cause' for discharge, even as a culmination of a previously unsatisfactory record, where the company neither requires the employee to bring forth such independent proof nor institutes inquiries of its own as to the truth of the employee's assertion.» 3-«UNITED RUBBER WORKERS, Local 232, -and-

GOODYEAR TIRE & RUBBER CO. OF CANADA LTD.

Labour Arbitration Cases,

Vol. 17, page 137:

The grievor was absent for two days because, as he testified, he had injured his leg at work. When he did report for work, he was discharged, no attempt being made to ascertain the truth of his story. The grievor had a clearly unsatisfactory attendance record, and had been successively warned and suspended on that account. Held, by a majority of the board of arbitration, R. V. Hicks dissenting, in the absence of evidence indicating misconduct on the grievor's part on the occasion in question, discipline was not justified, and the grievor was ordered reinstated with compensation.»

Dans une sentence de UNITED AUTOMOBILE WORKERS, L.A.C., Vol. 17, page 289, il a été décidé également que la maladie ne pouvait pas constituer une cause de congédiement et que si un employé devenait incapable de remplir convenablement son travail par suite d'absences-maladie répétées, il pourrait être mis à pied en attendant de lui trouver un emploi convenable à ses capacités réduites ou encore il pourrait lui être accordé un congé-maladie sans solde pour lui permettre de se guérir et de revenir ensuite au travail pour fournir un travail normal avec des absences-maladie normales.

Il y a aussi une décision du notaire Perrin où il semble que l'arbitre ne soit pas d'avis que la maladie, si elle est prouvée, comme cause très fréquente d'absence, puisse entraîner un congédiement. Ce serait plutôt pour avoir fait défaut de fournir la preuve de la maladie et d'avoir averti son supérieur immédiat de sa maladie que le plaignant Gérard Paradis a été congédié.

En réponse aux arguments du procureur syndical, le savant procureur du Gouvernement, Me Rémi Chartier, soulève l'opinion émise par l'arbitre Jean-Réal Cardin dans la sentence de Imperial Tobacco Limitée, à l'effet que l'employeur conserve ses droits de mettre fin à leur emploi ou de les assigner à d'autres fonctions si la preuve révèle que des employés, d'une façon constante et définitive, ne peuvent remplir valablement les exigences de leur tâche. Il s'agissait d'un manque d'assiduité pour cause de maladie, mais l'arbitre n'a pas conclu qu'il s'agissait d'une déficience définitive bien que les pourcentages d'absentéisme pour maladie aient été beaucoup plus élevés dans le cas qu'avait à décider l'arbitre Cardin que dans le nôtre.

Il me faut donc conclure que les absences répétées de Gaston Robert ont été justifiées par la maladie et qu'aucune preuve de fraude ou de mauvaise conduite n'a été faite contre lui et qu'une mesure disciplinaire ne pouvait pas, dans les circonstances, lui être imposée.

Je comprends que les absences répétées de cet employé ont embarrassé considérablement le Centre de Réadaptation et que le président de la CAT. était justifié d'agir pour mettre fin à une telle situation, mais il ne pouvait pas le faire par une demande de révocation mais plutôt par une mise à pied ou encore en offrant au plaignant un congé-maladie sans solde pour une période assez longue pour lui permettre de se rétablir complètement, comme il semble l'être aujourd'hui suivant le rapport du docteur Fournier, en date du 17 mai 1971, pièce S-2.

Si le gouvernement, par la voix du président de la C.A.T. avait mis à pied Gaston Robert le 2 février 1971, il aurait été certes quelques mois sans travailler pour se rétablir de ses épisodes grippaux à répétition et il y a lieu de conclure qu'il aurait pu être en mise à pied ou en congé-maladie sans solde jusqu'au 17 mai 1971, date où il a été déclaré apte à reprendre son travail. Il y a donc lieu de ne lui accorder le remboursement de salaire qu'à compter du 17 mai 1971.

Conclusion

EN CONSÉQUENCE, POUR CES MOTIFS:

J'ANNULE la décision du Gouvernement de congédier GASTON ROBERT à compter du 2 février 1971.

J'ORDONNE au Gouvernement de le réinstaller dans ses fonctions de nettoyeur-laveur au Centre de Réadaptation de la C.A.T., à Québec, et cela avec tous ses droits en vertu de la convention collective, et J'ORDONNE au Gouvernement de lui rembourser le salaire perdu à compter du 17 mai 1971 jusqu'à la date de sa réinstallation, moins le salaire qu'il a pu gagner ailleurs ou toute compensation qu'il a pu recevoir pendant cette période.

Cette sentence est exécutoire dans le plus bref délai possible suivant l'article 13.07 de la convention collective.

EN FOI DE QUOI, j'ai signé à SHERBROOKE, ce 15 juin 1971.

Jean-Louis Péloquin, Juge provincial, Arbitre unique.

Partie IV

CANADA

PROVINCE DE QUEBEC

DISTRICT DE QUEBEC

Devant l'arbitre des griefs

Dossier: No. 02-68-5064

Dans l'affaire du grief de Tancrède Lavoie

LE GOUVERNEMENT DU QUEBEC

___et_

LE SYNDICAT DES FONCTIONNAIRES PROVINCIAUX DU QUEBEC (unité ouvriers)

Décision exécutoire

Le 19 mai 1971, le Syndicat des Fonctionnaires Provinciaux du Québec, unité ouvriers, donnait à M. le Juge Alan B. Gold avis d'arbitrage du grief sommairement exposé comme suit: «Contestation d'un congédiement».

Le 16 septembre 1971, l'enquête au mérite procédait devant le soussigné et les deux assesseurs désignés par chacune des parties.

Les faits sont relativement simples. Ils se résument à ce qui suit.

Le plaignant était un «ouvrier de voirie» à l'emploi du Gouvernement depuis environ onze ans. Ses fonctions consistaient à travailler douze mois par année à l'extérieur sur les chemins publics.

En décembre 1969, la maladie le força à abandonner son emploi jusqu'au 16 mars 1970, tel qu'il appert du certificat médical, produit sous la cote G-2.

Le ou vers le 26 octobre 1970, le plaignant remit à son employeur, de la part de son médecin traitant, le document (G-3) qui se lit comme suit: «Dr. Joachim Bouchard, m.d. Médecin Chirurgien, 106, rue St-Edouard, St-Urbain, Cté Charlevoix

Le 26 octobre 1970 A qui de droit,

Sujet: Tancrède Lavoie, St-Urbain, Co. Charlevoix

Je certifie que Monsieur Tancrède Lavoie est incapable d'occuper son emploi à compter du 15 novembre au 15 avril 1971.

Je vous suggère donc de lui donner un congé sans solde pour cette période de temps car je lui interdis de travailler sur le sablage des chemins pendant l'hiver en raison de sa condition physique.

Joachim Bouchard, m.d.»

Sur réception de ce document, le Gouvernement, par écrit, s'enquit auprès du plaignant si son incapacité était temporaire ou permanente, le médecin traitant du plaignant transmit, alors, à l'employeur l'avis (G-4) suivant: «Dr. Joachim Bouchard, m.d.

Médecin Chirurgien, 106, rue St-Edouard,

St-Urbain,

Charlevoix

Le 16 janvier 1971

Ministère de la Voirie La Malbaie Co. Charlevoix

A qui de droit,

Sujet: Tancrède Lavoie, St-Urbain, Co. Charlevoix

En réponse à la lettre que vous adressiez au précité en date du 15-01-71, je dois vous dire que l'incapacité de travailler l'hiver pour Monsieur Tancrède Lavoie est permanente.

Joachim Bouchard, m.d.»

Suite à cet avis du médecin traitant, le Gouvernement mit fin au contrat de travail du plaignant.

Or, la question qui se pose est donc de savoir si, pour cause d'incapacité permanente, l'employeur était en droit de mettre fin au contrat de travail du plaignant.

Hors pour ce qui a trait à certains cas d'espèce, l'arbitre est en mesure d'affirmer, qu'à son avis, comme règle générale, il est prohibé à l'employeur de s'autoriser de la fréquence des absences réelles pour maladie d'un employé pour le congédier, ou mettre fin à son contrat de travail.

La règle nie ce droit à l'employeur, cela la jurisprudence l'a établi clairement. Pour mieux s'en convaincre, qu'il suffise de référer à deux décisions particulières: «Gaston Robert — dossier: no 02-68-4818

Le gouvernement de la province de Québec —et—

Le Syndicat des Fonctionnaires Provinciaux du Québec (u.o.)»

Cette décision de M. le Juge Jean-Louis Péloquin fait état d'une jurisprudence abondante, niant le droit à l'employeur de «congédier» un employé pour absences fréquentes ou prolongées, mais temporaires, motivées par la maladie. «Thérèse Gauvin

Les Produits Imperial Tobacco Ltée —et—

Le Syndicat International des Travailleurs du tabac, local 315.»

Après avoir fait, à la fin du premier paragraphe de la huitième page, une affirmation qui fixe les normes qui, à son avis, différencient un cas d'espèce d'une toute autre nature, dans cette dernière décision le président du tribunal, M. Jean Réal Cardin, en arrive à la même conclusion que dans la décision précédente: la fréquence des absences ou la durée de la période d'absences pour maladie, temporaire, d'un employé ne peut être cause de son congédiement.

Si ces deux décisions, avec celles auxquelles elles réfèrent, résument généralement la jurisprudence qui doit s'appliquer au titre des congédiements pour cause de maladie, il s'impose, toutefois, d'en dégager les lignes maîtresses, afin de voir si les faits qu'elles rapportent et les principes qu'elles posent s'appliquent effectivement au litige qui nous concerne.

Or, l'arbitre constate que dans chacune des décisions citées, le tribunal était en présence d'employés que la maladie, «dans le sens ordinare du mot» (article 34.01), avait éloigné de leur travail de façon temporaire et accidentelle, quoique pour des périodes plus ou moins prolongées.

Dans aucun de ces cas, l'état, «la condition» physique ou une déficience permanente de l'employé ne l'avait rendu indéfiniment — pour toujours — inapte à exercer telle fonction spécifique qui était sienne. Sa maladie, prolongée ou à «répétition», en le forçant à garder le lit ou la maison, l'avait seulement empêché pour un temps de travailler généralement et non, une fois guéri, rendu inapte pour toujours à remplir un emploi donné.

Dans le présent litige, force est d'affirmer que le plaignant, qui ne souffre d'aucune maladie, «dans le sens ordinaire du mot», ne peut plus exécuter «valablement», de façon permanente, «constante et définitive», la tâche spécifique à laquelle il était assigné, «les exigences de sa tâche».

Aussi, l'arbitre est-il d'opinion qu'il est effectivement en présence d'un cas où l'employeur était justifié de mettre fin au contrat de travail du plaignant.

A cause de son état physique, de sa déficience permanente, pendant cinq mois sur douze («à compter du 15 novembre au 15 avril» dit le médecin), le plaignant ne pourra plus jamais exécuter le travail pour lequel il a été engagé.

Dans son cas, il ne s'agit pas d'absences répétées ou prolongées, causées par la maladie, «au sens ordinaire du mot», absences qui, toutefois, restent temporaires et accidentelles et qui, à brève ou longue échéance, appellent un retour à la normale. Il ne s'agit pas d'une situation qui, un jour ou l'autre étant rétablie, permet à un employé de reprendre l'exécution raisonnable de son contrat de travail. Au contraire, bien que guéri, le plaignant ne pourra plus jamais — cinq mois sur douze — , à cause d'incapacité physique, s'acquitter de ses fonctions. Il ne pourra plus jamais «valablement» exécuter son contrat de travail.

Il s'en suit, donc, que l'employeur avait tous les droits d'y mettre fin. L'arbitre ne voit aucunement qu'il s'agisse ici d'un cas de maladie régi par les articles 34.01 et 34.03 de la Convention collective.

A notre sens, le présent litige exprime précisément le cas d'exception que note la décision Cardin, à la page 8, auquel l'arbitre souscrit entièrement.

D'autre part, comme il a commencé à le faire, le Gouvernement devrait-il désormais, à chaque année, donner du travail au plaignant quand sa capacité physique lui permet d'en effectuer. Cela est affaire humanitaire qu'il n'appartient pas à l'arbitre de trancher. Il doit se borner à le souhaiter.

PAR CES MOTIFS, l'arbitre:

REJETTE, à toutes fins que de droit, le grief de M. Tancrède Lavoie. En foi de quoi, j'ai signé à Québec, ce 26ième jour d'octobre 1971.

Jean Bérubé

Juge de la Cour provinciale

Arbitre unique.

Partie V 1) Correspondance à Georges-Henri Lavoie de Gérard Barbin, sous-ministre, ministère des consommateurs, coopératives et institutions financières, en date du 28 février 1977. 2)Correspondance à Charles-A. Gauthier, service des relations de travail, ministère des consommateurs coopératives et institutions financières, de Jean-Guy Saint-Pierre, représentant du comité de qriefs du SFPQ en date du 21 avril 1977. 3) Correspondance à Jean-Guy Saint-Pierre, représentant du comité de griefs du SFPQ de Charles-A. Gauthier, service des relations du travail, ministère des consommateurs, coopératives et institutions financières, en date du 27 avril 1977.

Gouvernement du Québec

Ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières

Bureau du sous-ministre

800, place d'Youville, Québec G1R 4Y5

Québec, le 28 février 1977. RECOMMANDE

Monsieur Georges-Henri Lavoie 2280, Chemin Ste-Foy, app. 307 Ste-Foy, Que.

Monsieur,

Je vous informe, par la présente, que votre nomination est révoquée à compter du 11 mars 1977, 16.30 heures, pour la raison suivante: incapacité physique de remplir vos fonctions.

Cependant, d'ici cette date, je suis disposé à vous assurer mon entière collaboration pour vous faciliter l'obtention de l'assurance-salaire, tenant lieu et place de cette révocation, si vous manifestez le désir de vous prévaloir de ce bénéfice et de fournir les documents nécessaires.

Veuillez accepter l'expression de mes sentiments distingués.

Gérard Barbin Sous-ministre

Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec Inc.

Siège social

155 est, Boul. Charest

Québec—G1K3G6

(418) 529-4581

Québec, le 21 avril 1977

Monsieur Charles-A. Gauthier

Service des relations de travail

Ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières 800 Place d'Youville

Québec, P.Q.

Objet: Monsieur Georges-Henri Lavoie

Griefs 229502 — 229564 — 266091 — 266092

Monsieur,

La présente est pour vous réitérer ma demande à l'effet de tenir une rencontre spéciale afin de discuter du cas de l'employé ci-haut mentionné, et ce, suite à notre conversation téléphonique du 19 avril courant au cours de laquelle vous m'informiez que vous n'étiez pas intéressé à nous rencontrer, étant donné le fait que selon vous il s'agirait d'une perte de temps, puisque les représentants de votre ministère, soit messieurs Poulin, Carrier et Barbin, ainsi que vous-même, n'aviez pas l'intention de bouger dans ce dossier.

Je tiens également à vous confirmer que nous prendrons tous les moyens légaux nécessaires a-fin que justice soit rendue à monsieur Lavoie, et j'entends par ces moyens la Commission parlementaire qui devrait avoir lieu incessamment sur les handicapés physiques, ainsi que des poursuites contre le Dr. Richard Audet qui vous avait transmis des informations alors qu'il n'avait pas l'autorisation de monsieur Lavoie, de même que tous les moyens couverts par la convention collective en regard de chaque dossier.

J'ose donc espérer que vous reviserez votre position et accepterez qu'une telle rencontre soit tenue, à laquelle je serais accompagné de notre procureur, Me Jean Poudrier, ainsi que du président de section, monsieur Yves Carrier.

Espérant donc vous lire favorablement à ce sujet dans les meilleurs délais, je demeure,

Votre tout dévoué,

Jean-Guy St-Pierre Représentant Comité de griefs «F»

Gouvernement du Québec

Ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières

Québec, le 27 avril 1977.

Monsieur Jean-Guy St-Pierre

Représentant Comité de griefs «F»

Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec Inc. 155 est, boul. Charest

Québec.

G1K 3G6

Objet: Georges-Henri Lavoie

Griefs 229502 — 229564 — 266091 — 266092

Monsieur,

Suite à votre lettre du 21 avril 1977 et à une nouvelle étude des cas mentionnés en titre, nous désirons reconsidérer sommairement avec vous chacun des griefs qui à votre avis devraient faire l'objet d'une rencontre avec notre ministère.

Grief no 229502:

Changement de grade refusé: Séance d'arbitrage du 9 nov. 1976 Sentence rendue le 7 février 77 et rejetant le grief du plaignant.

Grief no 229564:

Changement de grade refusé: Séance d'arbitrage prévue pour le 15 avril 77, mais reportée en juin 77.

(Grief identique à celui au sujet duquel une sentence a été rendue le 7 février 1977).

Grief no 266091: - Refus de subir un examen de la vue (soumis le 17 février 77) - L'employé s'est présenté chez le médecin pour examen de la vue le 18 février 1977.

Grief no 266092: - Refus de subir un examen de la vue (soumis le 17 février 77) -L'employé exige le retrait à son dossier personnel de la lettre lui demandant de subir un examen de la vue -L'employé nous ayant remis le 7 mars 1977 trois certificats médicaux suite à des examens de la vue subis chez des médecins de son choix; la lettre mentionnée au paragraphe précédent ne peut être retirée du dossier puisqu'elle en est une partie intégrante.

Comme vous pouvez le constater il n'y a pas lieu, étant donné la nature de ces griefs et l'étape qu'ils ont déjà atteinte, de nous rencontrer pour en discuter à nouveau.

Soyez, cependant, assuré que nous continuons de porter un intérêt particulier au cas de cet employé.

Veuillez accepter, Monsieur St-Pierre, l'expression de nos sentiments distingués.

Charles A. Gauthier

Division des relations de travail

Service du personnel c.c.: Dossier

ANNEXE C

Mémoire sur le projet de loi no 9

présenté à la commission parlementaire

des Affaires sociales

par Pierre Nadeau un des six millions d'êtres humains du Québec

O.P.H.Q Préambule

En regardant la page couverture de ce mémoire, on remarque que l'on peut y trouver plusieurs significations: 1)La partie écrite se veut l'expression d'un désir d'être reconnu comme un être humain sans distinction de RACE, de LANGUE, de CONDITION SOCIALE... OU PHYSIQUE, OU MENTALE. 2)Les pétales de la fleur de lys identifient un peuple qui se pose des questions à tous les niveaux (politique, culturel, appartenance économique... et sociale etc.). 3)La figure entre les deux pétales pourrait être considérée de plusieurs façons; elle pourrait représenter l'ombre d'une chandelle, lueur d'espoir, ou bien une pierre tombale? tout dépend des individus.

En tout cas, ça permet de se poser bien des questions auxquelles on peut trouver des réponses... vagues quelquefois.

Dans le cas présent, on s'interroge sur le projet de loi no 9. On peut bien s'interroger puisque ce projet de loi influencera la vie de plusieurs personnes. (Reste à savoir de quelle façon).

Il faut dire que ie «LIBERAL-55» a laissé un goût amer dans l'esprit de plusieurs d'entre-nous et jusqu'ici, le «PQ-9» ne donne meilleure impression. C'est surprenant parce que les «livres de recettes» ne manquent pas. Pourtant, au MAS, «on vous a donné de quoi faire une «maudite bouffe».»

Voici donc ENCORE des suggestions venant de la part d'un individu qui n'a pas la prétention de «tout» savoir mais...

Le présent mémoire sera «PASSABLEMENT COLORE» et «BIEN ASSAISONNE». Aussi, il se peut que mon sens de l'humour soit «UN PEU PIQUANT».

Où est allé tout ce monde qui avait quelque chose à raconter? On a mis quelqu'un au monde, on devrait peut-être l'écouter!

Les droits des personnes handicapées

Déjà, quand on commence à lire le projet de loi, une question se pose à l'article 2 qui ressemble comme deux gouttes d'eau à l'article 10 de la charte des droits et libertés de la personne. Alors on se pose la question à savoir si on ne veut pas faire de nous une classe à part «UNE BONNE FOIS POUR TOUTES».

Il y a aussi l'article 4 qui nous achale «ben gros» à savoir l'étiquetage des logements où vivent des personnes handicapées; on dit pour des raisons de «sécurité», à cause du feu etc.. mais, vous n'avez pas pensé que ce symbole pourrait être une invitation au vol, au vandalisme etc.. Cet article va aussi à rencontre d'une liberté fondamentale, celle du droit à la vie privée.

La plupart des autres articles sont aussi une adaptation de la charte pour les PERSONNES HANDICAPEES!!!

En fait, ce chapitre devrait n'être réservé qu'à des droits particuliers mais ENCORE LA, on devra jouer franc jeu. Si l'on regarde l'article 5 sur le droit d'accès des personnes ayant un handicap visuel on dit bravo mais on s'aperçoit que ce droit est limité par l'article 33 qui confère les pouvoirs à l'Office de décider où ces personnes pourront aller. CELA NE REGLE ENCORE RIEN...

Il est surprenant qu'à l'article 9 on reconnaisse à la commission le droit de considérer toute demande d'enquête; mais ceci laisse sous-entendre que nous aurons besoin de l'approbation de l'Office pour s'y adresser.

LE FAIT DE DEMANDER QUE LES DROITS FONDAMENTAUX SOIENT RAPATRIES DANS LA CHARTE DES DROITS ET LIBERTES DE LA PERSONNE N'EST PAS UNE QUESTION DE CAPRICE, MAIS PLUTOT DE DIGNITE.

Il est évident qu'une personne ne peut participer à des décisions mettant ses intérêts personnels en conflit mais il me semble que l'article 19 devrait prévoir que cette dernière puisse au moins avoir droit de parole car une personne en conflit d'intérêt peut quand même apporter des points positifs à une discussion. Cela peut peut-être vous paraître bizarre mais certains conseils d'administration d'associations ont déjà tenu des assemblées sans aviser certaines personnes étant en conflit d'intérêt, ce qui me semble quand même injuste.

L'article 26, 2e alinéa est une adaptation de l'article 4 de la loi des services de santé et des services sociaux. En effet, l'accès aux dossiers qui se limite seulement aux professionnels dans l'article 4 est permis à toutes personnes dans le projet de loi 9 comme dans la loi de la protection de la jeunesse. Il ine semble que, malgré le fait que l'Office doit donner son approbation et que l'anonymat de la personne handicapée doit être respecté, il y a danger d'atteinte à la vie privée.

Les pouvoirs de l'Office

L'abstraction du mot «devoirs» est «VOLONTAIRE» puisqu'il me semble que l'Office a plus de pouvoirs qu'elle a de devoirs.

L'article 30 est pour moi un exemple flagrant de centralisation en considérant les sous-articles suivants:

L'Office: a)Déloge les organismes de promotion déjà mandatés pour faire ce travail; b)tient un registre de logements accessibles quand les CLSC et les CRSSS pourraient s'en occuper; c)prépare des plans de services quand elle pourrait plutôt en coordonner la préparation par différents intervenants (centres de réhabilitation, commissions scolaires et autres).

Il semble y avoir beaucoup de dédoublements à plusieurs niveaux.

Les structures de l'Office

L'Office, tel que défini dans le projet de loi no 9, semble vouloir centraliser tous les pouvoirs dont plusieurs sont déjà dans le mandat de maints organismes.

Et dire que la politique du nouveau gouvernement se veut décentralisatrice!

La structure proposée est intéressante mais semble TRES LOIN de la base. Il faudrait, à moyen terme, penser à une régionalisation de l'Office qui impliquerait les intervenants du milieu avec un représentant de chaque région au sein de l'Office afin de pouvoir répondre à des besoins régionaux; et il pourrait y avoir une centralisation au niveau des problèmes d'envergure avec la participation des régions.

Une telle structure pourrait être mise sur pied par le biais de comités, à l'intérieur des CRSSS par exemple, pour quand même donner une certaine souplesse à cette dernière en se servant des mécanismes existants.

Les CRSSS, en vertu de l'article 16, en particulier aux paragraphes a, b, c, e et f de la loi sur les Services de Santé et Services Sociaux, pourraient servir d'intermédiaire entre les groupements et l'Office en avant toujours un comité prévu à cette fin à l'intérieur de leurs structures. Quand on parle de la structure d'UN CONSEIL REGIONAL, on voit qu'elle réunit plusieurs intervenants autour d'une même table; c'est un peu de cette façon que les régions pourraient être structurées. Les membres de ce comité seraient des personnes représentant divers intervenants d'une région. Il est donc à espérer que l'Office aura une structure qui pourra tenir compte des disparités régionales afin d'être efficace.

L'Office serait très efficace si elle se limitait au mandat qui serait énuméré à l'article 31 en faisant de la coordination tel que demandé précédemment. Mais si, par contre, l'Office essaie de tout faire, tout contrôler, elle sera inefficace.

La reconnaissance d'organismes de promotion

II est très important qu'un certain contrôle soit établi afin qu'il y ait le moins possible d'exploitation des personnes ayant un handicap ainsi que de la population en général. Cependant, il serait bien de connaître les critères d'admission exigés par l'Office pour reconnaître un organisme. La loi n'est pas encore sanctionnée qu'elle cause déjà des problèmes aux organismes. J'ai appris dernièrement de la part d'un des fonctionnaires gouvernementaux que la MAS voulait qu'un organisme de Granby retire de sa demande d'incorporation la responsabilité de travailler à l'intégration sociale des personnes handicapées (?) c'est plutôt drôle hein! Pourtant, tout le monde doit travailler à l'intégration, pas vrai? On peut aussi se demander si l'Office ne pourra se débarasser des organismes qui parlent un peu trop fort en vertu des articles 36a et 40.

L'article 38 me porte à m'interroger à Savoir que l'Office POURRA consulter les organismes de promotion sur toute question relative à l'application de la loi et des règlements. Il est donc permis de se poser la question à savoir comment l'Office utilisera ce pouvoir. Il est vrai que l'Office ne pourra consulter tous les organismes à tout moment mais il pourrait y avoir une consultation régionale par le biais des CRSSS.

L'article 41 est un peu obscur à savoir si les individus faisant de la sollicitation seront eux-aussi touchés. Cet article peut protéger les personnes ayant un handicap, la population et les organismes puisque certaines organisations se servent du nom d'un organisme afin de frauder le public et souvent d'exploiter le phénomène de la pitié.

L'Office devra aussi voir de quelle façon la publicité des organismes de promotion sera faite afin d'amasser des fonds. (Affiches, commerciaux, téléthons etc..) D'un autre côté, ne serait-ce pas une forme de chantage de la part de l'Office afin de mettre des bâtons dans les roues des organismes qui parlent trop.

Dans le cas où l'Office révoquerait le certificat de reconnaissance d'un organisme de promotion en vertu de l'article 40, le projet de loi ne prévoit même pas de droit d'appel (laissez-nous au moins l'échelle!!!).

Agrément des ateliers protégés

Depuis longtemps, on a parlé d'exploitation dans les ateliers protégés. On pourrait aussi parler de l'utilité des travaux exécutés à ces endroits et de la valorisation qu'ils apportent à l'individu.

Durant un camp de fin de semaine, j'entendais discuter quelques personnes atteintes d'une déficience mentale légère qui disaient entre-autre: «Les courtes pointes, c'est rendu plate seulement faire ça et pis dix piastres par semaine c'est pas beaucoup comme salaire; faudrait partir une union», (croyez-moi, c'était bel et bien leurs propres mots...). Vous savez messieurs encore mieux que moi (du moins, je l'espère) que les personnes atteintes d'une déficience mentale peuvent être très conscientes des situations dans lesquelles elles se trouvent. Y SONT PAS FOUS VOUS SAVEZ!!!

Donc, quand, à l'article 42 a. on dit «Produit des biens et services.» on devrait ajouter «en tenant compte des capacités REELLES des individus.»

A 42 b. il semble y avoir une lacune; cela dépend de quel point de vue on se place. Comment parler d'intégration quand on emploie en majorité des personnes handicapées. Je favoriserais beaucoup plus un système de coopérative comme une industrie sans buts lucratifs de la région montréalaise où seulement le tiers du personnel est formé de personnes handicapées.

Il est aussi à noter qu'à cet endroit, ce sont des «vieux du métier» et non des professionnels qui ont formé les personnes; il est possible de faire de l'intégration quand les deux tiers du personnel n'a pas de handicap apparent. Il ne faudrait surtout pas que les ateliers protégés deviennent des «boîtes à savon» où on entasserait les personnes; «PARCE QUE D'LA COURTE-POINTE MEME AVEC LE SALAIRE MINIMUM, ÇA PEUT ETRE AUSSI PLATE!»

L'intégration professionnelle et sociale 1)LES PLANS DE SERVICES: II est vrai que l'intégration professionnelle et sociale des personnes avec déficience physique ou mentale dépendra des moyens mis à leur disposition et les plans de services me semblent être le cheminement logique vers cette intégration. Il est toutefois à souhaiter qu'on débute ce cheminement en bas-âge pour une plus grande efficacité. L'article 56 me semble cependant dictatorial en ce sens qu'il déclare que l'Office est chargé de la préparation de ce plan» et laisse sous-entendre qu'il le fera avec ou sans la personne qui elle, est directement concernée par ce plan. On devrait y fusionner «selon les besoins et aspirations de la personne». 2)AIDE MATÉRIELLE: Y a-t-il quelque chose de prévu pour les personnes qui sont sur le marché du travail et qui, pour parfaire leurs connaissances, veulent retourner aux études. 3)CONTRAT D'INTÉGRATION PROFESSIONNELLE: Cette section du projet de loi semble intéressante MAIS plusieurs questions se posent: Face à l'article 68, 2ième alinéa qui dit qu'un contrat a une durée d'au plus six mois et n'est renouvelable que deux fois, il y a lieu de se poser la question à savoir ce qui arrivera à la fin du contrat. Ne serait-ce pas une forme déguisée d'exploitation de la part des employeurs étant donné que la personne aura droit à ses allocations et que ces dernières seront déduites de son salaire? (Art. 70, 2ième alinéa) VOYEZ-Y!

Reste à savoir quelles seront les obligations d'un employeur face à un tel contrat MIEUX VAUT ENVISAGER LES INCONVÉNIENTS TOUT DE SUITE PLUTÔT QUE DANS QUELQUES ANNÉES. 4) PROPOSITION D'UN PROGRAMME DE PRÉ-INTÉGRATION POUR LES 0-18 ans: II me semble que la population 0-18 ans est, comme dans le «Libéral-55» délaissée. On ne mentionne pas si le projet de loi no 9 s'adresse aux 0-18 ans. Sinon, on devrait prévoir un programme de pré-intégration qui aurait pour but un programme éducatif et un autre de réadaptation.

Emploi de la personne handicapée

II est à espérer que le gouvernement utilisera des moyens autres que celui d'imposer un pourcentage aux employeurs. Cette dernière mesure serait plus ou moins efficace. Il serait mieux de favoriser la mise sur pied de campagnes d'information au monde patronal et syndical. L'Office pourrait travailler en ce sens en collaboration avec les divers intervenants.

Transport

Le projet de la loi no 9 modifie les chartes des différentes commissions de transport mais ne précise aucun délai maximum raisonnable pour la mise sur pied du service de transport.

Conclusion

Je conclus ce mémoire en faisant les propositions suivantes: 1.Que le chapitre II soit transféré dans la charte des droits et libertés de la personne 2.Que de vrais droits soient acquis pour les propriétaires de chiens-guides 3.Que la structure de l'Office soit démocratisée par la mise sur pied de comités régionaux à l'intérieur des CRSSS afin d'y réunir les intervenants du milieu 4.Que les fonctions de l'Office concernant les plans de services définis aux articles 52 à 58 deviennent dans les faits des fonctions des CRSSS 5.Que l'Office se limite à la promotion et à la coordination entre les divers organismes 6.Que le gouvernement fixe un délai maximum pour la mise sur pied d'un système de transport adapté non seulement dans les grands centres mais aussi en province 7.Que des mesures soient prévues pour assurer des services adéquats à la population 0-18 ans 8.Que le projet de loi accorde un droit d'appel aux organismes de promotion qui se feraient révoquer leur certificat de reconnaissance en vertu de l'article 40.

Pierre Nadeau 855 B, Ste-Hélène, Longueuil, P.Q. 514-651-8156 (résidence) 514-271-2548 (bureau)

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