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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Wednesday, October 14, 1981 - Vol. 25 N° 6

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Présentation de mémoires sur le projet de loi no 15 - Loi sur l'abolition de la retraite obligatoire et modifiant certaines dispositions législatives


Journal des débats

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Laplante): La commission élue permanente des affaires sociales se réunit pour entendre les personnes ou organismes relativement au projet de loi no 15, Loi sur l'abolition de la retraite obligatoire et modifiant certaines dispositions législatives.

Les membres de cette commission sont: M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Brouillet (Chauveau), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Houde (Berthier); M. Johnson (Anjou) remplacé par M. Lazure (Bertrand); Mme Juneau (Johnson), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Leduc (Fabre), M. Rochefort (Gouin), M. Sirros (Laurier).

Les intervenants à cette commission sont: M. Beauséjour (Iberville) remplacé par M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata); M. Bélanger (Mégantic-Compton), Mme Harel (Maisonneuve), M. Kehoe (Chapleau), Mme Lachapelle (Dorion), M. Lafrenière (Ungava), M. Laplante (Bourassa); M. Mathieu (Beauce-Sud) remplacé par M. Lincoln (Nelligan); M. O'Gallagher (Robert Baldwin).

L'ordre du jour pour aujourd'hui sera: le Forum des citoyens âgés, mémoire no 9, l'Association québécoise pour la défense des droits des retraités et préretraités, mémoire no 14, la Conférence des juges du Québec, mémoire no 15, l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes Inc., mémoire no 22, M. Jacques Giguère, mémoire no 16, M. Jean Labrecque, mémoire no 2, l'Intersyndicale, mémoire no 23.

J'appellerais le Forum des citoyens âgés. Veuillez prendre place à la table ici en avant, s'il vous plaît.

Mesdames, messieurs, veuillez vous identifier, s'il vous plaît, identifier votre organisme et commencer la lecture de votre mémoire tout de suite après.

Forum des citoyens âgés de Montréal

Mme McDonald (Sylvia): Sylvia

McDonald, présidente du conseil d'administration du Forum des citoyens âgés de Montréal.

Mme Hornblower (Lucette): Lucette Hornblower, assistante directrice au Forum des citoyens âgés de Montréal.

M. Couture (Émile): Émile Couture, Forum des citoyens âgés de Montréal.

Le Président (M. Laplante): Merci. Vous pouvez commencer. Avez-vous un résumé de votre mémoire?

Mme Hornblower: Je vais simplement donner les conclusions et les recommandations de notre mémoire.

Nous accordons notre appui au projet de loi 15 concernant l'abolition de la retraite obligatoire; nous estimons que ce projet de loi respecte l'individu âgé aux points de vue psychologique, économique et social; nous croyons que la contribution d'une personne au marché du travail lui permet d'avoir un rôle, d'être en interaction avec d'autres, de se sentir utile; autant d'éléments qui favorisent l'identité et la satisfaction personnelle, le bien-être physique et mental.

Compte tenu des implications considérées antérieurement et pour que l'application de cette loi produise les résultats attendus, nous recommandons que des mesures soient prises pour favoriser un plan de carrière et de formation continue pour tous: offrir des programmes de préparation à la retraite dans les différents milieux; offrir la possibilité d'une retraite progressive; assouplir le cadre de travail; faciliter le changement de carrière; établir la transférabilité des contributions à différents fonds de retraite.

Alors, ce que nous avons voulu faire dans notre mémoire, c'est de nous prononcer en faveur du projet de loi 15, mais en soulignant les implications qu'il fallait regarder et dont il fallait tenir compte dans l'application de cette loi et pour lesquelles il fallait assurer des mesures. Alors, de cette façon, on espère que la loi 15 fera du Québec une province d'avant-garde pour la libération des citoyens âgés, maintenant et à l'avenir.

Le Président (M. Laplante): Merci. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux remercier les dirigeants du Forum des citoyens âgés de Montréal de s'être donné la peine de nous présenter ce mémoire et de venir participer à cette discussion démocratique sur le projet de loi no 15. Il ne faut pas s'étonner que le Forum des citoyens âgés, comme d'ailleurs la Fédération des clubs de l'âge d'or du Québec qui hier l'a démontré clairement, soit favorable au projet de loi. Je dois reconnaître en passant le travail particulièrement intéressant

qu'accomplit le forum surtout en regard de la préparation à la période de retraite.

Vous me permettrez de poser quelques questions à ce sujet. Si on regarde les conclusions ou recommandations, évidemment, on peut passer vite aux trois premières puisque vous donnez votre accord au projet de loi; vous en venez ensuite à faire des suggestions de mesures qui seraient de nature à améliorer le sort du retraité. Il y a un certain nombre de ces mesures, comme la transférabilité des fonds de retraite, auxquelles nous nous sommes engagés. (10 h 15)

J'ai eu l'occasion de le dire hier. Dans une autre étape, nous avons l'intention de présenter un projet de loi qui va permettre, cette fois-ci, la retraite anticipée, la retraite à 60 ans, plus précisément, qui va aussi ouvrir le marché du travail, autant privé que public, pour du travail à temps partiel. Une retraite graduelle, anticipée, n'a de sens que si une société offre un bon nombre de postes à temps partiel. Ces postes à temps partiel, nous avons l'intention de prendre les mesures nécessaires pour qu'ils soient disponibles à l'occasion de cette autre étape, lorsque nous établirons en même temps une transférabilité des fonds de retraite.

Je répète que rendre transférables les régimes supplémentaires de rentes, les fonds de retraite privés, si vous voulez, les 5000, ç'a du sens, ça aussi, seulement si on modifie les règles d'admissibilité aux fonds de retraite privés, et je dirais même les règles d'administration des fonds de retraite privés. Les fonds de retraite privés, ici au Québec et au Canada, en Amérique du Nord, de façon générale, n'ont pas joué le rôle social que les fonds de retraite privés jouent en Europe. La vocation sociale des mutuelles est bien connue en Europe, et si les fonds de retraite privés ont eu un rôle social et économique dans les pays européens, souvent, c'est parce que les travailleurs ont participé aux décisions quant aux investissements des fonds supplémentaires de retraite. Ce n'est pas le cas ici, malheureusement, la plupart du temps.

Quant à nous, il faudra s'ouvrir sur cette transférabilité, sur des améliorations quant aux règles d'admissibilité, assouplir ce que vous appelez le cadre de travail, créer des postes de travail à temps partiel. Evidemment, tout ça débouche aussi, sur une retraite progressive, que la retraite progressive se situe de 60 à 65 ans ou, au contraire, qu'elle commence à 65 ans pour se poursuivre jusqu'à 70 ans. C'est ça le but du projet de loi no 15: donner aux travailleurs et aux travailleuses arrivés à un certain âge l'option, la liberté de choisir. On appelle souvent ça la retraite à la carte, choisir son menu à la carte. Cela s'applique autant pour la période qui précède 65 ans que pour celle qui dépasse 65 ans.

Je m'arrête au programme de préparation à la retraite. Hier, nous en avons parlé un peu lorsque le Centre de services sociaux Ville-Marie est venu présenter son mémoire. Moi, je voudrais que vous nous fassiez part de vos expériences, de celles de vos membres par rapport aux cours de préparation à la retraite qui sont disponibles actuellement. Je parle de la région de Montréal en particulier. Je pense que vous en avez une bonne connaissance et cela éclairerait la commission, à savoir les cégeps, les universités, les groupes comme le vôtre, les services sociaux. D'après votre expérience, où est-ce qu'on devrait développer davantage ces cours de préparation à la retraite?

M. Couture: Je crois qu'il faut tenter de faire profiter des cours de préparation à la retraite le plus grand nombre possible de gens et surtout, si les circonstances le permettent, se tourner vers cette masse de personnes embauchées par des compagnies dont les cadres semblent insuffisants pour offrir des cours à la retraite. Déjà, et si je peux parler de mon expérience personnelle, depuis une dizaine d'années, je donne beaucoup de cours de préparation à la retraite, mais dans des organismes de taille, en commençant par les ministères du fédéral, les compagnies pétrolières, le Canadien National, etc., les grosses compagnies. Mais assez rarement peut-on faire ouvrir les portes des petites compagnies, même en leur offrant de se joindre à d'autres groupes pour offrir des cours de préparation à la retraite.

La constatation que l'on fait dans les cours - moi, je donne plutôt des cours sur la santé psychologique des retraités - dans ce domaine-là, on se bute à de sérieuses difficultés. La plupart du temps, c'est que, à compter de l'entrée sur le marché du travail jusqu'à la sortie, c'est-à-dire d'un seuil à l'autre, le seuil d'entrée et le seuil de la sortie, la plupart des travailleurs n'ont pas l'occasion, ne sont pas incités ou n'ont pas le goût de s'occuper d'activités autres que de celle de leur gagne-pain. Le résultat, c'est que la retraite les surprend toujours, parce qu'ils ne sont pas suffisamment intéressés à la vie de la société en général. Ils éprouvent d'énormes difficultés à retomber sur leurs pieds, précisément parce qu'ils n'ont pas étudié depuis leur entrée sur le marché du travail. Souvent, quand on leur pose la question: À quoi vous ont servi vos années sur le marché du travail, ils nous répondront: À peu près à rien. Ce que j'ai appris, si je suis employé des postes, ne me sert à peu près à rien lorsque le temps de ma retraite s'amène.

On se bute aux mêmes difficultés lorsque l'on a affaire à des groupes spécialisés le moindrement, à des gens qui

n'ont fait que leur job, qui n'ont pas participé aux activités sociales pour la peine et qui sont dépaysés, souvent parce qu'ils ne se connaissent pas eux-mêmes. Je dirais que le travail peut-être le plus important des chargés de cours, c'est d'essayer de découvrir chez les personnes à qui les cours s'adressent ce qu'elles ont en fait de connaissances dont elles puissent tirer parti une fois rendues à leur retraite.

C'est ma constatation, depuis déjà neuf ans, que les gens ne sont pas prêts à leur retraite. Ils le sont plus maintenant qu'autrefois; en ce sens que les compagnies commencent à offrir des cours à des personnes beaucoup plus jeunes qu'aux premiers groupes que nous rencontrions. C'étaient, d'habitude, des gens entre 60 et 65 ans, alors qu'aujourd'hui, dans bien des cas, on rencontre des gens qui se préparent à leur retraite, mais qui n'ont que 50 ans et à peine plus. Je ne sais pas si ça répond à peu près à ce que vous voulez.

M. Lazure: Oui. Je trouve ça fort intéressant parce que, à mon avis, vous avez l'orientation qui, au fond, est la meilleure. Hier, on était un peu plus dans un dilemme services sociaux par rapport au réseau d'éducation; mais en réalité, comme vous le dites si bien, ça devrait être la tâche normale de l'employeur. Surtout un employeur de taille moyenne ou de taille considérable aurait tout avantage, de la même manière qu'il va procurer un certain entraînement en cours d'emploi pour améliorer la qualité du rendement de ses employés, leur compétence, à offrir à son employé, qu'il a eu pendant dix ans, quinze ans, 20 ans et plus parfois, cette préparation à la retraite.

Je trouve fort pertinentes vos remarques et, si je comprends bien, d'après votre expérience et l'expérience de tous vos concitoyens et concitoyennes, ces préparations sont encore mieux placées dans le milieu du travail qu'à l'extérieur dans le milieu scolaire ou dans le milieu de services sociaux.

Peut-être une dernière question sur les méthodes de retraite progressive. Que ce soit avant 65 ans ou après 65 ans, dans l'optique de la nouvelle loi, comment voyez-vous ces différentes modalités de retraite progressive? Quand les gens vous parlent de retraite progressive qu'ils auraient souhaité avoir, de quel genre de modalités vous parle-t-on?

M. Couture: D'abord, je pourrais peut-être faire remarquer que je trouve étrange que vous mentionniez un âge. Vous dites, avant 65 ans et après 65 ans, alors que nous n'admettons pas d'âge.

M. Lazure: On est tous un peu victimes de ce préjugé, de cette vieille convention qui établissait l'âge de la retraite à 65 ans. C'est ce que nous voulons faire disparaître. Vous avez raison de le souligner.

M. Couture: Mais vous continuez de le mentionner quand même.

M. Lazure: Vous avez raison de le souligner.

M. Couture: C'est là où on ne s'accorderait pas, parce qu'on ne veut pas d'âge. Il y a certaines catégories de personnes qui entendent prendre leur retraite à 45 ans et qui ont prévu ça. Alors, elles sont loin de leurs 65 ans.

Il y en a d'autres qui ne sont pas tout à fait prêts à prendre leur retraite et nous envisageons la retraite progressive, soit en raison de besoins économiques additionnels dont le futur retraité est à court: il s'est acheté une maison, il a encore des dettes et il aimerait prolonger encore de cinq ans ou six ans peut-être. Dans d'autres cas, le type est prêt à quitter, il ne demande pas mieux que de quitter avant terme, mais c'est peut-être une des erreurs que l'on rencontre le plus fréquemment à l'heure qu'il est. La plupart des gens de 50 ans et plus ont hâte de quitter le travail. On a beau leur dire: Vous n'êtes pas prêts, attendez d'être vraiment prêts à prendre votre retraite. Mais ils disent: Non, je suis écoeuré de travailler, je m'en vais le plus tôt possible, besoin pas besoin, je quitte. C'est la réponse classique en 1980 et 1981. Les gens veulent quitter trop tôt.

Il faut faire beaucoup d'efforts pour tenter de les convaincre de rester en fonction encore quelque temps, parce qu'ils encourent des risques trop grands. Il y a ça.

Par progressif, on entend partir progressivement. Dans certains cas, ce qui est fréquent, on a des groupes de personnes qui se contenteraient d'une demi-journée par jour ou de deux jours par semaine. Et là, on rencontre plutôt des dames qui disent: Je ne voudrais pas continuer à temps plein, mais j'aimerais aller à temps partiel. Alors, on peut nommer deux personnes dans la même fonction, elles se partagent le même travail. Cela devient de plus en plus fréquent. Nous croyons que c'est très sain aussi. Cela n'attache pas trop une personne et cela ne l'use pas trop vite, en même temps que cela lui donne ce supplément de revenu dont elle peut avoir besoin.

M. Lazure: Je remercie beaucoup le Forum des citoyens âgés de nous avoir éclairés ce matin.

Le Président (M. Laplante): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le

Président. Je veux également, au nom de l'Opposition, remercier le Forum des citoyens âgés de s'être déplacé et d'avoir présenté le mémoire.

Je ne reviendrai pas sur la question du principe du projet de loi no 15 qui, apparemment, va être rebaptisé quand les amendements importants qu'on doit lui faire seront apportés. Je pense que tout le monde s'entend sur l'abolition de l'âge de la retraite. Cela se discute dans deux salles différentes, dans la salle voisine en fonction de la Charte des droits et libertés de la personne, parce qu'il faut bien dire qu'il y a huit provinces sur dix qui ont déjà l'âge comme facteur de non-discrimination dans leur Charte des droits et libertés. Il se peut que le Québec l'ajoute. Il y aurait également le projet de loi 15 ou portant un autre numéro.

J'écoute les discussions qu'on a ici depuis une journée, maintenant depuis plus de 24 heures. J'ai l'impression que, de part et d'autre, on s'entretient de bonnes intentions. Ce n'est pas un blâme à votre endroit, loin de là. Par exemple, vous suggérez des recommandations fort pertinentes: favoriser un plan de carrière et de formation continue pour tous, des possibilités d'une retraite progressive, assouplir le cadre de travail, établir la transférabilité des contributions à différents fonds de retraite. Ce sont toutes des suggestions fort pertinentes. On pourrait continuer de s'entretenir là-dessus. Le ministre nous dit: Écoutez, on va faire une revalorisation des régimes de rentes, on va faire une transférabilité des fonds de retraite, mais il faudra aussi améliorer le Régime des rentes, sans cela, c'est un peu inutile.

Je me demande si on n'oublie pas les problèmes fondamentaux qui sont vraiment des problèmes économiques pour réaliser toutes ces choses. Tout le monde est pour la retraite progressive. Vous faites bien de le signaler. On se retrouve dans une situation économique avec un taux de chômage qui est maintenant de 11,5%, avec un chômage chez les jeunes - je n'ai pas les derniers chiffres - qui oscille autour de 17%. Je pense qu'il va falloir aussi une volonté du gouvernement du Québec, du gouvernement fédéral également - ce n'est peut-être pas à moi de discuter de leurs politiques - de retrouver ou de recréer un climat économique qui favorise la mise en place de ces différentes mesures sur lesquelles on s'entend tous. C'est dans ce sens que je me dis: Une fois qu'on est tous d'accord sur le principe de l'abolition de la retraite, on passe à quoi après? (10 h 30)

Dans votre groupe, comme d'ailleurs dans les groupes des clubs de l'âge d'or - va suivre un peu plus tard l'Association québécoise pour la défense des droits des retraités et des préretraités - on retrouve évidemment dans toutes ces associations les personnes âgées qui ont le plus de dynamisme, qui rejoignent quand même un nombre important de personnes, mais qui sont quand même des personnes qui ont un revenu non pas élevé, mais enfin un peu plus décent que toutes les personnes âgées qui restent chez elles, qui vivent dans des conditions vraiment très difficiles.

Je dois vous dire que j'ai vu, durant la campagne électorale, M. le ministre, dans un comté, une personne âgée complètement abandonnée dans son sous-sol, qui avait été dans un hôpital, qu'on avait renvoyée chez elle. Je ne veux pas faire de drame ici, parce que, finalement, l'hôpital ne pouvait rien faire pour elle. Les voisins disaient: Oui, elle est là; elle se tire d'affaire. Je ne veux pas vous décrire les conditions physiques dans lesquelles cette personne était, mais je suis heureuse qu'on ait le projet de loi 15 et je me dis: Il y a des problèmes fondamentaux auxquels il va falloir s'attaquer; sans cela, on pourra se retrouver ici dans un an, se redire les mêmes choses et la situation aura peu changé, à moins que, vigoureusement, on n'établisse les priorités au bon endroit, si on est dans un contexte économique difficile, qu'on ne dépense l'argent qu'on a d'une façon extrêmement rigoureuse en établissant vraiment quelles sont nos clientèles. J'ai l'impression qu'elles ne sont pas établies dans le moment par le gouvernement actuel ou qu'elles ne sont établies qu'en partie. Mon voisin me souffle: Elles sont établies en catastrophe, mais je ne veux quand même pas revenir là-dessus.

Par exemple, quand vous parlez de retraite progressive, est-ce qu'à votre connaissance, il existe dans des entreprises, à l'heure actuelle, que ce soient des entreprises privées ou des entreprises publiques, de ces possibilités de fonctionnement de programmes de retraite progressive? Est-ce qu'il en existe quelque part à votre connaissance?

M. Couture: Il y en a d'appliqués dans des commerces au détail, par exemple. Dans de gros commerces au détail, cela est déjà appliqué fréquemment et de plus en plus. J'habite la rive sud, à Saint-Lambert, et je connais deux magasins importants, dont le gros magasin Taylor, qui emploient des dames à temps partiel, mais ils en emploient deux fois plus que normalement, parce qu'elles se contentent de tant de jours ou de tant d'heures par semaine. Je cite cet exemple, parce que je suis très familier avec cela.

Mme Lavoie-Roux: Mais est-ce que ce sont des femmes qui sont allées chercher un emploi à temps partiel ou est-ce que ce sont des dames qui étaient à l'emploi de cette maison ou de ces entreprises depuis

longtemps et qui, tranquillement...

M. Couture: On a les deux. Il y a les deux.

Mme Lavoie-Roux: II y avait les deux. M. Couture: II y a les deux. Mme Lavoie-Roux: II y a les deux. M. Couture: Oui.

Mme Lavoie-Roux: On sait que, dans la fonction publique, cela n'existe pas présentement. À moins que je ne m'abuse, il n'y a pas de telles possibilités dans l'entreprise publique, à ce moment-ci, ou dans les services publics. Mais, dans l'entreprise privée, ce sont quand même des expériences encore assez marginales. Maintenant, du côté des revenus des personnes âgées, est-ce que vous pouvez nous dire quelle est votre expérience, par exemple, de la situation dans laquelle se trouvent, en particulier, les femmes qui n'ont jamais été sur le marché du travail, qui sont seules? Est-ce que ceci...

M. Couture: Leur situation est très précaire. C'est très difficile pour les femmes dans le moment. Maintenant, il faut faire une distinction entre la ville et la campagne parce que la situation des gens de la campagne est habituellement beaucoup plus favorable que celle des femmes de la ville, de tous les retraités des villes, si vous voulez, parce que vous avez Montréal et les grandes villes du Québec qui posent un grand problème, alors que les mêmes problèmes, souvent, ne se posent pas à la campagne.

Mme Lavoie-Roux: C'est-à-dire qu'au plan financier, elles sont peut-être...

M. Couture: Elles sont beaucoup plus favorisées.

Mme Lavoie-Roux: Elles sont beaucoup plus favorisées. Ce qui veut dire, en d'autres termes, que dans les villes elles seraient très défavorisées pour un grand nombre d'entre elles.

M. Couture: À part cela, elles se sentent beaucoup plus isolées dans les villes actuellement, alors qu'à la campagne tout le monde se connaît encore.

Mme Lavoie-Roux: Je vois que dans votre introduction, vous dites - d'ailleurs je le savais - que le Forum des citoyens âgés regroupe des personnes de diverses origines ethniques et religieuses. Est-ce que votre expérience avec les groupes d'origines ethniques autres que francophone ou anglophone, ou enfin des communautés culturelles comme on les appelle parfois, vous indique des problèmes particuliers dans ces groupes ou est-ce qu'ils ont une approche à l'endroit des personnes du troisième âge qui est différente de celle que l'on retrouve, par exemple, dans les communautés francophones ou anglophones identifiées d'une façon beaucoup plus spécifique?

Mme McDonald: Cela dépend, madame, de la grandeur ou bien du nombre de personnes dans ces groupes. Je me souviens qu'au forum, une fois, nous avons eu une rencontre avec plusieurs groupes ethniques. Il y avait des personnes qui faisaient partie d'un groupe d'une cinquantaine; ces gens s'arrangeaient très bien s'ils étaient rapprochés l'un de l'autre, mais si une famille demeurait d'un côté de la ville et l'autre de l'autre côté, c'était très difficile; on parlait même de transport pour venir à des réunions.

D'autres, comme les Italiens ou les Grecs, qui sont dans des districts tout à fait ethniques, n'ont, selon moi, toujours, presque pas de difficulté; ils s'arrangent pour garder leur langue, leur façon de vivre, leurs mets, toute cela, mais ils se mêlent aussi très facilement avec notre groupe au forum.

Par contre, au forum en général ce sont des personnes qui viennent un peu individuellement assister à nos cours. Alors, moi, je pourrais me placer auprès d'une dame italienne qui vient au forum parce qu'elle est intéressée à ce que l'on fait, sans avoir de participation à un autre groupe de chez elle.

Je voudrais revenir, si cela ne vous dérange pas trop, à votre question. Je suis comme vous, cela fait dix ans que je travaille dans les programmes de préparation à la retraite, et je crois que j'ai été un peu une pionnière à Montréal. Mon expérience est que l'idéal c'est, la retraite à la carte, comme je l'ai toujours dit. Par contre, mettre cela en pratique va être quelque chose de très dur parce que d'abord on est formé à penser que la dignité de l'homme est dans son travail. On sent qu'on est dévalorisé tout de suite lorsqu'on quitte le travail, et moi j'essaie de prêcher que c'est le contraire, c'est nous qui faisons de notre travail quelque chose qui a de la valeur, et cela nous valorise.

Une deuxième chose, c'est qu'il faudrait une éducation très générale, vulgariser cette idée, parce qu'on est déjà pris, comme l'a dit M. Couture, encore avec des chiffres. Comment, dans une compagnie, va-t-on dire à un monsieur qui nous a rendu de grands services à tel ou tel âge: Vous devez partir, tandis qu'à un autre qui n'a rien fait depuis vingt ans on dit: Vous allez rester? Cela me fatigue beaucoup.

II y a une autre chose, aussi, c'est, comme on l'a dit, l'utilité de faciliter les changements de carrière. Je pense utile de commencer jeune à se faciliter des changements de carrière. Il y a 15 ans, 20 ans, si on ne restait pas 20, 40 ou 50 ans dans une compagnie, on n'avait pas une bonne réputation. Aujourd'hui, les jeunes sont plus portés à travailler 15 ans dans un lieu, 20 ans dans un autre, etc. Je pense que c'est quelque chose à encourager parce que, déjà, ça prépare à la retraite. Ces changements nous font voir autre chose que, simplement, une "job", comme on dit. Comme l'a dit M. Couture, on en vient à ne voir que son travail, tandis que si on change de rôle, on est préparé à sa retraite et, très souvent, on en vit une belle.

La préparation de la retraite est très importante, mais, par contre, il y a des gens qui sont très bien préparés, des gens qui ont passé leur vie à se préparer à tous les événements qui sont survenus. Je suis tout à fait d'accord avec vous que la chose qui sera difficile, ce sera de le faire comprendre à bien des gens, les syndicats, les compagnies, et je ne suis pas trop d'accord pour que ce soient les employeurs qui facilitent les cours de préparation à la retraite. Je pense que les employés peuvent être assez fins pour savoir que c'est leur intérêt de demander ces cours.

Quand j'ai commencé à parler du mot "retraite", on n'en voulait pas. Maintenant, ce sont des syndicats, très souvent, qui viennent me demander de donner des cours à leurs membres, pour que ces personnes sachent un peu ce que c'est. Mais je crois qu'avec les expériences de quelques compagnies... Ici à Québec, je n'en connais pas trop, mais je sais qu'à Toronto il y a plusieurs maisons qui ont déjà commencé à offrir la retraite progressive, comme l'a dit M. Couture, soit de donner un mois de vacances, travailler onze mois, ou diviser la semaine en trois jours, deux jours, simplement une journée et, finalement, on est à sa retraite.

La question financière, évidemment, est aujourd'hui, très importante. Quand j'ai commencé mes cours, elle l'était beaucoup moins, parce que nous n'étions pas à la même époque. Par contre, il y a aussi la question des jeunes sans emploi et qui ont de la difficulté à accepter que les personnes âgées tiennent à leur emploi tandis qu'eux ne peuvent pas même commencer. Je ne puis vous aider, mais je sais que cette question existe, et je suis très sympathique à ce point de vue, quoique je pense qu'on garde, comme personne, le choix de travailler ou de ne pas travailler.

Il y a autre chose aussi, par exemple. On a toujours l'idée que la retraite, c'est un temps de la vie où on ne fait rien. C'est peut-être un temps de la vie où on ne travaille pas, mais on est occupé à quelque chose. Cela, c'est une autre forme d'éducation, je crois, qu'il faut donner au public en général.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup. J'ai seulement une dernière question. Dans quelle mesure êtes-vous mis à contribution, comme groupe ou comme individus? Vous y avez touché un peu, vous avez dit: Parfois, certains syndicats, maintenant, font appel à moi dans ces programmes de préparation à la retraite. Dans les échanges qu'on a eus hier soir, on a dit: Cela peut être les cégeps, cela peut être les universités, peut-être les services sociaux qui ont aussi une clientèle, les CLSC à l'occasion. Vous autres, dans quelle mesure êtes-vous mis à contribution, comme personnes déjà retraitées, dans ces cours de préparation à la retraite? Est-ce que c'est uniquement là où vous prenez des initiatives comme groupe ou si les cégeps, les universités, les CLSC, les CSS ou qui que ce soit d'autre font appel à vous autres?

Mme McDonald: Bien, chez nous, je suis au collège Marianopolis; j'ai commencé toute seule. Je suis encore seule avec ma secrétaire, je fais venir des personnes-ressources, mais pas très souvent des personnes qui viennent de l'université, parce que les universitaires sont un peu trop théoriques pour le genre de personnes qu'on rencontre en préparant sa retraite. C'est cela l'expérience que j'ai. Des médecins, par exemple.

M. Lazure: Vous auriez dû être ici hier, les universitaires étaient ici hier.

Mme McDonald: Je ne suis pas bien vue d'eux, non plus.

Mme Lavoie-Roux: Mais c'est parce que, vous savez...

Mme McDonald: Ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas de connaissances; c'est parce qu'ils ne sont pas habitués à ce genre de personnes-là.

Mme Lavoie-Roux: C'est parce que, vous savez, on dit beaucoup - vous le disiez vous-même madame - On ne travaille pas, mais on est actif, on est occupé. L'âge de la retraite, cela ne veut pas dire qu'on devient inoccupé. On ne travaille peut-être pas au sens formel du mot, mais on continue d'être occupé. Dans toute cette question de préparation à la retraite, si des gens devaient être mis à contribution, à moins que je ne me trompe et j'aimerais que vous me corrigiez, je pense que ce sont évidemment en partie, en tout cas, ou peut-être en grande partie les gens qui sont déjà

à leur retraite. C'est que je voudrais savoir. Est-ce qu'on fait appel à vous autres?

Mme McDonald: M. Couture le fait beaucoup, moi, je le fais beaucoup, M. Mathieu; on est plusieurs qui le font. Moi, je fais à peu près trois conférences dans chaque session que je donne de préparation à la retraite, pour montrer qu'à un certain âge on peut encore faire quelque chose et que le temps est bien employé même si on ne travaille pas. Est-ce que cela répond un peu à votre question?

Mme Lavoie-Roux: Je pense que M. Couture voulait peut-être ajouter quelque chose.

M. Couture: Vous avez souligné une idée qui m'est chère, c'est un projet que j'entretiens avec beaucoup de ferveur: celui d'occuper du monde qui ne travaille pas assez, des gens qui ne pensent à rien qui s'ennuient, qui ont des moyens très souvent, qui sont bien logés, bien nourris et qui s'ennuient à mort. On est en train de développer des activités communautaires pour donner quelque chose à faire aux gens qui sont à l'aise, mais qui n'ont rien à faire et qui s'ennuient. Là, on en fait déjà, à titre d'expérience. Je m'occupe de trois foyers d'accueil - je vais même dans un quatrième - où je rencontre les gens, où on leur offre des activités communautaires. Et cela prend, parce que les gens se meurent d'ennui, surtout ceux qui ont des moyens. Quand vous mentionnez communautés, je crois qu'il nous faut envisager aussi prochainement que possible les moyens de mettre le monde, pas au travail, parce que c'est déplaisant, mais quand même en activité, de leur faire penser à quelque chose, parce qu'ils se meurent parce que le cerveau est vide. (10 h 45)

Mme Hornblower: J'ajouterais une chose. Quand vous demandez si les ressources des membres sont mises à contribution dans la préparation à la retraite, je dirais que c'est laissé peut-être plus à l'initiative individuelle. Il y a des membres, comme M. Couture, comme Mme McDonald et d'autres, qui participent à des programmes de préparation à la retraite. Maintenant, je pense que le forum a aussi une action auprès de ses propres membres qui parfois ne se sont pas préparés à la retraite ou qui deviennent membres du forum à 55, 60 ans. Par le programme qui leur est offert, c'est une préparation à la retraite, je dirais, en cours d'emploi, pour ceux qui ne l'avaient pas préparée précédemment. Aussi dans le travail auprès des organismes par le Conseil d'action social, nous sommes en contact avec environ 50 organismes et nous stimulons le travail communautaire.

Je pense que, à travers ça, le forum a une action qui permet à des personnes de demeurer autonomes au moment de la retraite, de demeurer occupées, de demeurer actives et d'être des citoyens à part entière. Voilà une idée que le forum cherche à véhiculer le plus possible et à stimuler par ses activités.

Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup. M. Lazure: Merci.

Le Président (M. Laplante): Merci, mesdames et messieurs.

M. Couture: Nous vous remercions beaucoup.

Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant l'Association québécoise pour la défense des droits des retraités et préretraités.

Si vous voulez identifier votre groupe et vous identifier s'il vous plaît, messieurs.

Association québécoise pour la

défense des droits des retraités

et des préretraités

M. Brunet (Hubert): Hubert Brunet, trésorier provincial à Association québécoise pour la défense des droits des retraités et préretraités.

M. Plamondon (Jean): Jean Plamondon, vice-président à l'A.Q.D.R.

Le Président (M. Laplante): Vous pouvez continuer messieurs.

M. Brunet: Oui. M. le Président, j'aurais préparé un résumé, je ne l'ai pas fait parce que je ne savais pas qu'on l'exigeait. Je me demande si je dois vous imposer la lecture de quatre pages.

Le Président (M. Laplante): Vous pouvez y aller, messieurs; vous avez le temps.

M. Brunet: On fait la lecture.

À de nombreuses reprises depuis sa fondation, l'association s'est prononcée sur l'âge de la retraite. C'est ainsi que le deuxième congrès national de l'association avait permis de rappeler: L'association demande que soit abolie l'obligation de prendre sa retraite à 65 ans.

L'association se réjouit de constater que l'une de ses anciennes revendications va faire l'objet d'une loi et que le gouvernement provincial va enfin céder aux pressions légitimes et quasi unanimes que les préretraités et retraités exerçaient déjà depuis plusieurs années.

Mais l'arbre ne doit pas cacher la forêt. L'association rappelle que cette

revendication enfin satisfaite ne doit pas faire oublier les autres tout aussi importantes sinon plus à ses yeux. Les membres de l'association ont assez d'expérience pour craindre que le gouvernement du Parti québécois, en légiférant sur une mesure secondaire, au coût nul, mais aux conséquences politiques avantageuses, ne tente de faire oublier l'urgente nécessité de donner une suite favorable aux autres revendications légitimes des préretraités et retraités. Ces revendications ont pour objet, d'une part, les conditions mêmes du départ en retraite pour ceux qui souhaitent quitter le monde du travail après plusieurs dizaines d'années de travail acharné et pénible, d'autre part, les conditions de vie durant la retraite.

L'association rappelle qu'elle demande de plus:

Que toute personne puisse avoir le droit de prendre sa retraite à l'âge de 60 ans, sans pénalité et avec tous les droits qui s'y rattachent;

Que toute personne puisse prendre sa retraite de façon progressive, soit pour pouvoir réduire progressivement son temps de travail en fonction de ses capacités, de ses goûts et de ses projets sans pénalité, sans disqualification, sans perte de revenu, dans la limite de 70% du salaire antérieur; avec une préparation à la retraite systématique universelle, adaptée et aussi sérieuse que la préparation à la vie professionnelle.

L'association regrette que le gouvernement du Parti québécois ne donne aucune suite à ces revendications. La tournée du ministre des Affaires sociales, à l'automne 1980, a permis à M. Denis Lazure de mesurer l'importance de ces revendications et la détermination des retraités et préretraités à les faire aboutir. Nous sommes forcés de constater que ni M. Lazure, ni son successeur n'ont donné une suite positive à cette concertation. Le rapport de synthèse promis par M. Lazure n'a même pas été publié.

L'association déplore que le gouvernement du Parti québécois ne mette pas à profit le débat parlementaire prochain sur la suppression de la retraite obligatoire pour aborder les autres questions et leur donner une réponse satisfaisante.

La conférence des pensions à Ottawa, en mai dernier, a démontré que la retraite provoque une baisse importante des revenus des familles âgées. Ainsi, au-delà du droit légal de la retraite, il y a l'obligation sociale que de nombreux travailleurs et travailleuses âgés doivent remplir, à savoir continuer à travailler, non pas parce qu'ils ou elles en ont le goût, mais parce qu'ils ou elles ne peuvent faire autrement, vu la faiblesse de leurs ressources à la retraite. Quand, après une dure et longue vie de travail, le départ en retraite devient le passage de la pauvreté à la misère, il devient nécessaire de continuer à travailler aussi longtemps que possible, si l'état de santé le permet. Rappelons aux parlementaires que la majorité des retraités au Québec vit avec des revenus annuels inférieurs au seuil de la pauvreté, établi par le Sénat canadien. À moins de corrections majeures des revenus de retraite, la fin de la retraite obligatoire représentera pour une majorité moins un choix positif qu'une obligation au travail jusqu'à la mort. C'est pourquoi l'association veut rappeler au gouvernement, aux parlementaires et à l'opinion publique ce qu'elle écrivait au ministre Lazure en décembre 1980, en réponse au document: Pour mieux vieillir au Québec.

Éléments pour une politique de la retraite. Une fois franchi l'âge de la retraite, les hommes montréalais ont en moyenne encore treize ans devant eux. Tandis qu'il en reste seize aux résidents de la banlieue aisée, n'en reste que onze au bas de la ville. Non seulement ont-ils moins de chances de se rendre à 65 ans mais, de plus, ceux qui atteignent cet âge vivent cinq ans de moins que les habitants des quartiers favorisés.

À notre avis, l'inégalité des citoyens devant la retraite et la mort reflète bien l'inégalité antérieure devant la vie. Pour nous, une vraie politique de vieillissement devrait réduire les plus fondamentales inégalités au plan des conditions matérielles de vie et de travail. C'est seulement à ce prix que l'État pourra compter diminuer les coûts que représente aujourd'hui l'aide aux personnes pauvres et âgées. Ce sont les conditions de vie sociale et familiale de toute la vie qu'il faut améliorer de manière à permettre à chacun, homme et femme, d'accumuler des ressources pour entrevoir la retraite et la vivre comme une période enrichissante de notre vie.

Pour l'association, la retraite est un droit acquis par tous les travailleurs, celui de cesser d'être soumis à l'obligation au travail pour recevoir ce qu'il faut pour vivre. Au début du siècle, elle était encore réservée à une minorité de privilégiés et il a fallu que nos parents à nous se battent pour nous conquérir ce que tous aujourd'hui reconnaissent comme un droit. À notre tour, nous devons lutter pour enrichir ce droit à la retraite de conditions de revenus et de santé compatibles avec la richesse que nous avons participé à produire pendant les 40 à 50 ans de vie au travail. Sans compter que pour nos enfants, les producteurs d'aujourd'hui, la société doit à nos sueurs et à nos sacrifices le développement intellectuel et moral qui profite aux entreprises et à l'État.

Voilà pourquoi nous disons que la satisfaction de nos besoins fondamentaux est un droit acquis, mais que les gouvernements

refusent encore de le reconnaître dans les faits et c'est pourquoi nous nous défendons collectivement. Une politique de vieillissement devrait comporter cinq secteurs principaux d'action prioritaire de l'État dont nous indiquons ici les principaux éléments.

Modifications des conditions de travail: programme de sécurité d'emploi pour les travailleurs âgés pour contrer l'impact des changements technologiques; aménagement des postes de travail en fonction du vieillissement; contrôle des lieux de travail au plan sécuritaire.

Revenus de retraite: augmentation des revenus de retraite pour atteindre un minimum universel de 15% au-dessus du seuil de la pauvreté; restructuration du Régime de rentes du Québec visant la protection du revenu de retraite à 70% du revenu industriel moyen indexé; commission indépendante pour fixer le seuil de pauvreté; mécanisme de contribution pour les femmes ménagères au régime de retraite public; transférabilité générale des fonds de retraite privés.

Au niveau de la santé: éducation sur la santé à tous les âges; accessibilité aux soins et aux services psychosociaux pendant la vie de travail et après la retraite; bilans de santé partiels et généraux sur les lieux de travail; étude et recherche prioritaire pour des solutions aux problèmes de santé des travailleurs victimes de maladie industrielle directement ou indirectement; au niveau du logement, allocation-logement représentant l'écart entre 25% du revenu et le coût du loyer; abolition des taxes provinciales et scolaires pour les retraités avec supplément du revenu; aide à la rénovation; contrôle par les citoyens de l'aménagement urbain; création d'équipements et services communautaires; participation directe à l'élaboration des politiques de logement, et plus particulièrement, à tous les niveaux de décision dans les HLM; développement de moyens de transport adaptés aux personnes âgées et au milieu urbain ou rural; développement par le réseau de CLSC des services et soins à domicile correspondant aux besoins; financement du bénévolat dans une perspective de complémentarité; enquête régulière et mise en place de mécanismes de contrôle des résidences pour personnes âgées, des centres d'accueil et des hôpitaux de soins prolongés; accessibilité de congés-éducation au cours de la vie de travail; formation et information sur les effets négatifs de la retraite et les moyens de les éviter.

Faute d'aborder clairement l'ensemble des problèmes vécus par les préretraités et retraités et faute d'accueillir et de satisfaire leurs légitimes revendications, le gouvernement du Parti québécois met de l'avant une loi gadget qui va lui permettre de jeter de la poudre aux yeux de l'opinion publique.

L'association constate l'absence de suites concrètes à la tournée Lazure malgré les engagements pris; les coupures dans le réseau des affaires sociales, coupures qui, malgré les promesses publiques, affectent directement ou indirectement les services aux personnes âgées pourtant déjà insuffisants; le refus du ministre Johnson d'accorder à une organisation représentative des préretraités et retraités comme notre association les indispensables moyens financiers pour son fonctionnement.

L'association souhaite que le débat parlementaire qui s'annonce soit enfin l'occasion de mettre le gouvernement face à ses responsabilités. Merci.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs.

M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je remercie nos amis de l'AQDR de venir participer à cette commission parlementaire et de nous présenter leur point de vue. L'Association québécoise pour la défense des droits des retraités et des préretraités a établi ses lettres de créance, s'est développé une crédibilité non seulement auprès des corps publics, mais auprès de la population comme étant un organisme, comme le titre le dit, qui est véritablement un batailleur pour la défense des droits des personnes retraitées et préretraitées.

Ce que vous réclamez, dans le fond, après avoir dit que vous étiez d'accord sur le projet de loi - je vous remercie de nous le dire aussi franchement et, effectivement, cela répond à une de vos revendications dans le passé - vous nous dites: D'accord pour le projet de loi no 15, l'abolition de la retraite obligatoire, mais nous, en même temps, on veut vous passer certains messages. Vous nous les passez, je ne vous blâme pas de nous les passer. Je ne vais pas me chicaner avec vous quand vous menez ce combat pour abolir des inégalités sociales ou socioéconomiques. Dans le fond, c'est ce que vous faites. Vous menez le combat d'une meilleure égalité socio-économique. On peut simplement vous féliciter pour votre esprit de lutte. Donc, on reconnaît votre acceptation du projet de loi.

Si on s'attarde à certaines de vos remarques à la toute fin du mémoire, je ne peux évidemment pas être d'accord avec vous quand vous dites qu'il n'y a pas eu de suites à ce que vous appelez la tournée Lazure, parce qu'au contraire, ce qu'on fait aujourd'hui, c'est une des suites à la tournée Lazure. À la suite de la tournée que j'avais effectuée avec une équipe représentant le ministère, la fédération de l'équipe de l'âge d'or, tournée à laquelle nous avions invité l'AQDR d'ailleurs, mais pour toutes sortes de

raisons, cela n'avait pas fonctionné, sont survenues les élections. Durant la campagne électorale sont survenus des engagements faits par celui qui est premier ministre aujourd'hui, et les engagements touchant les personnes âgées ne sont pas sortis d'un chapeau de magicien. Ils sont sortis principalement de notre tournée de l'automne 1980. C'était une des revendications des nombreux groupes de personnes âgées qu'on a vus à travers tout le Québec, c'est-à-dire abolir l'âge obligatoire de la retraite, permettre aux personnes âgées de se retirer quand ils ou elles le veulent et de la façon dont ils ou elles le veulent. C'est une des réponses que nous avons eues durant la tournée. (11 heures)

Une autre réponse a été l'augmentation des budgets à l'aide à domicile qui va aux personnes âgées principalement, vous le savez. Malgré les restrictions budgétaires, le budget de l'aide à domicile pour les personnes âgées est un des rares budgets qui non seulement a été protégé, mais où il y a eu augmentation. Alors que le budget de l'an passé était de 55 000 000 $, le budget de l'aide à domicile pour l'ensemble du Québec est de 62 300 000 $, cette année. Pour ceux qui n'auraient pas la perspective historique, ce budget, en 1976-1977, était de 22 000 000 $. Il y a donc eu une progression importante de l'aide à domicile qui est surtout consacrée aux personnes âgées. Je suis le premier à admettre que ce n'est pas assez, qu'il va falloir continuer de mettre beaucoup d'argent dans ces services d'aide à domicile.

Dans les engagements électoraux dont je parlais tantôt, qui faisaient suite à la tournée que vous appelez la tournée Lazure, il y a eu aussi l'engagement d'étendre le programme Logirente aux 55 ans et plus. C'est un programme d'allocation financière aux personnes âgées actuellement de 65 ans et plus qui ont du mal à joindre les deux bouts que l'on va étendre aux 55 ans et plus. C'était aussi une des réclamations les plus populaires, si j'ose dire, durant la tournée, une des plus pressantes de la tournée que, Logirente soit appliqué aux 55 ans et plus, et nous allons le faire durant le mandat que nous venons d'entreprendre.

Finalement, je l'ai dit hier, dans une autre étape, nous avons l'intention d'apporter plusieurs modifications aux régimes de rentes privés et publics. Nous allons, dans une prochaine étape, modifier les règlements et les lois pour que la retraite puisse se prendre à 60 ans, surtout dans le cas de gens qui ont une invalidité partielle. L'engagement électoral est clair, les gens de 60 ans et plus qui souffrent de 25% d'invalidité pourront prendre leur retraite tout en touchant 100% de la prestation d'invalidité.

Nous avons aussi l'engagement de procéder à rendre transférables les fonds de retraite privés des 5000 régimes supplémentaires de rentes. Nous allons le faire aussi.

Finalement, dans la série de revendications que vous avez, j'aurais du mal à en trouver une ou deux sur lesquelles je ne suis pas d'accord. Je suis d'accord à peu près à 100% sur ce que vous disiez tantôt. Pour le moment, nous présentons ce projet de loi. Certains disent: Cela va avoir des répercussions considérables. C'est un peu ce que certains médias faisaient ressortir hier soir et aujourd'hui. D'autres disent: II n'y a rien là; c'est une petite loi qui ne coûte rien et qui a une saveur politique. Évidemment, la vérité se situe entre les deux extrêmes. La vérité, c'est que cette loi est importante, parce qu'elle va donner un droit, elle va abolir une discrimination et elle n'aura pas les conséquences catastrophiques que, par exemple, le porte-parole de l'Université de Montréal faisait valoir dans une entrevue télévisée hier soir.

Le Conference Board du Canada, après avoir fait une enquête auprès de 222 entreprises majeures au Canada, arrive à la conclusion - ce sont les 222 chefs de ces entreprises qui en arrivent à cette conclusion -que l'abolition de l'âge obligatoire de la retraite n'a pas de conséquences importantes économiquement ou dans la gestion du personnel. Je me sens obligé de le répéter, parce que certains groupes font savoir que c'est une loi qui va bouleverser les modes de gestion du personnel. Ce n'est pas vrai. Le Conference Board du Canada, nos amis surtout de l'Opposition, à bon droit, y accordent beaucoup d'importance. C'est un organisme sérieux. Quand on essaie de faire peur aux gens en disant: C'est une loi qu'il ne faut pas adopter tout de suite, cela va trop bouleverser, je voudrais qu'on se réfère aux sources habituelles de nos renseignements. Le Conférence Board, c'est une des sources les plus importantes de renseignements économiques, de futurisme économique, de prévisions économiques; alors, selon tous ces experts, il n'y aura pas de conséquence importante, mais, pour chaque citoyen, pour chaque citoyenne qui pourra exercer ce nouveau droit de choisir sa retraite à son gré, au moment qu'il ou qu'elle le souhaite, c'est une chose précieuse, qui a une valeur.

Quant à vos revendications, nous avons l'intention d'y donner suite certainement dans le cadre des engagements précis que nous avons pris durant la campagne et qui touchent de beaucoup à vos préoccupations. Aussitôt que les ressources financières du gouvernement, qui ne sont pas illimitées, le permettront, nous agrandirons encore plus l'éventail des services aux personnes âgées.

Je remercie l'AQDR pour son mémoire.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Laurier.

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais à mon tour remercier l'association. J'ai un peu de difficulté à savoir par où commencer dans tout cela. J'aimerais d'abord dire que c'est une présentation, finalement, qui aborde toute la question avec franchise et clarté, elle est à point, exacte. Je pense que c'est quelque chose, surtout lorsque vous dites, que finalement, c'est un projet de loi qui vise à jeter de la poudre aux yeux de l'opinion publique. C'est peut-être une poudre qui sentirait très bon, qui est un peu dorée autour, mais c'est de la poudre quand même. C'est de la poudre, parce qu'effectivement vous dites: II n'y a pas de politique de vieillissement; le vrai problème se situe au niveau de l'économie, puis de l'incapacité des personnes âgées à vivre au-delà du seuil de pauvreté. Il n'y a rien là-dedans qui touche les vrais problèmes. On a beau faire des promesses et dire qu'il y aura des choses qui vont venir plus tard; tout d'un coup, aujourd'hui, on apprend que ceci fait suite à une tournée qui a été entreprise il y a plus d'un an. Cela m'a surpris, parce que c'est une suite qui n'était pas du tout prévue avant que l'Opposition ne demande la tenue d'une commission parlementaire. En tout cas, c'est une suite et une drôle de suite.

M. Lazure: II faudrait lire le journal des Débats du mois de juin, parce que, quand l'Opposition m'a posé la question et m'a demandé s'il y aurait commission parlementaire ou non, nous avons laissé la porte entrouverte, et le leader du gouvernement a nettement laissé entendre qu'il y aurait peut-être une commission parlementaire.

M. Sirros: Une suite, normalement, est quelque chose de planifié d'avance, je veux dire un an et demi après une tournée.

M. Lazure: Cela, c'était avant votre naissance politique, M. le député de Laurier, mais les autres s'en souviennent.

M. Sirros: Peut-être, M. le ministre, mais, en tout cas...

Mme Lavoie-Roux: La tournée qui avait été faite en catastrophe. Ah oui! Je m'en souviens très bien!

M. Sirros: L'autre chose que je voulais dire, vous avez, M. le ministre, soulevé aussi...

Mme Lavoie-Roux: C'est parce que l'on prévoyait des élections pour le mois de novembre, M. le Président.

M. Sirros: Si je pouvais continuer, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse.

M. Sirros: Parfait. Tout à l'heure, le groupe précédent a parlé des universitaires qui agissaient un peu en théoriciens. Le ministre a aussi donné tout à l'heure des chiffres pour montrer que quelque chose se fait au niveau des personnes âgées. On a parlé des médecins à domicile, disant que le budget avait été augmenté de 55 000 000 $ à 62 000 000 $, mais cela, c'est sans tenir compte de l'inflation, sans tenir compte des 15% d'augmentation, à peu près ce que l'application des conventions collectives nécessite, sans tenir compte de l'augmentation du nombre des personnes âgées. Finalement, c'est un peu théorique, cette histoire d'augmentation des coûts, des fonds qui sont investis dans l'aide à domicile quand on sait d'avance que, dans les institutions qui répondaient à ces besoins dans le milieu, à part les budgets protégés que le ministère mettait à la disposition des organismes, les établissements ajoutaient, à partir de leur budget de fonctionnement, des sommes, considérables dans certains cas, pour faire face à des problèmes que les budgets protégés ne leur permettaient pas d'envisager. Aujourd'hui, avec les coupures annoncées, ces montants sont coupés; il y a donc en effet, dans la réalité, dans la vie quotidienne des gens, une coupure réelle de ces services. On a beau dire que, sur papier, cela a augmenté, cela ne veut absolument rien dire pour la personne qui attend, et les listes d'attente s'allongent; mais cela fait peut-être de beaux discours en commission parlementaire. C'est peut-être parce que je suis nouveau en politique que cela me choque tellement, je ne sais pas, mais cela me choque quand même.

On entend citer souvent le Conference Board of Canada; il est beaucoup plus cité par le gouvernement du Parti québécois que par l'Opposition, peut-être pourrait-on vous inviter à ce moment-là à lui demander s'il a des suggestions à faire sur le développement économique ici pour regarder les vrais problèmes. Les recommandations que vous faites dans votre rapport concernant les éléments nécessaires à une politique de la vieillisse, on a beau dire qu'on est d'accord avec ces choses-là, mais, dans le concret, qu'est-ce qu'on a devant nous? On a, finalement, devant nous un projet qui va permettre aux personnes âgées de continuer à travailler sans leur donner une vraie liberté de choix dans ce sens, parce qu'elles sont obligées de travailler, elles n'ont pas les moyens nécessaires pour survivre. On nous fait cette constatation, ici, que la majorité des personnes âgées, sans parler des femmes qui sont encore plus douloureusement

touchées par ça vivent en bas du seuil de la pauvreté. On a entendu des chiffres, hier, des gens qui reçoivent des pensions de 4000 $ par année. Forcément, ces gens sont obligés d'avoir recours à l'aide sociale.

Au moment où on parle d'une retraite dans la dignité, on leur dit qu'ils pourront continuer à travailler. Où est la dignité là-dedans? C'est beau, c'est un principe avec lequel on est tous d'accord qu'il est discriminatoire de dire qu'à 65 ans ça arrête là, qu'on est obligé de prendre sa retraite. Cela devrait disparaître. Une approche sérieuse à cela aurait été aussi de présenter une politique d'ensemble de la vieillesse. Encore une fois, je voudrais simplement vous remercier parce que vous l'avez présenté peut-être d'une façon beaucoup plus efficace qu'un député de 34 ans peut le faire, parce que vous le vivez.

M. Lazure: M. le Président, quelques réactions aux propos du député de Laurier. Cela m'étonne un peu que le député de Laurier, qui a été directeur général d'un CLSC, sous-estime l'importance des services à domicile. Cela m'étonne beaucoup et ça me déçoit beaucoup aussi. Il dit: Ce n'est rien, 62 000 000 $, ce n'est rien, passer de 55 000 000 $ à 62 000 000 $. C'est seulement l'inflation, il n'y a rien là. Les services à domicile sont dispensés à des milliers et des milliers de personnes, surtout aux personnes âgées à domicile. Je pense qu'il faut faire preuve de cynisme pour dire que ce n'est pas sérieux. C'est sérieux, les services d'aide à domicile. Malgré les difficultés économiques que notre gouvernement, comme tous les gouvernements, connaît actuellement, nous avons réussi à continuer à un rythme d'augmentation important les services aux personnes âgées.

Deuxième remarque. Le député de Laurier nous propose de nous adresser au Conference Board pour trouver des façons d'améliorer l'économie. Je lui réponds que nous nous adressons, comme c'est normal, au gouvernement qui a les pouvoirs d'influencer l'économie au Canada et au Québec. Ce gouvernement, c'est le gouvernement d'Ottawa, le gouvernement fédéral. Moi, en contrepartie, j'encouragerais le député de Laurier et les membres de l'Opposition, s'ils veulent vraiment donner un coup de main pour développer l'économie au Québec, à redoubler de pressions auprès de leurs cousins, je n'ose plus dire leurs frères libéraux, pour qu'ils abaissent les taux d'intérêt au plus vite et qu'on puisse enfin relancer l'économie et procurer des emplois aux Québécois et aux Canadiens. Cela, c'est une chose qui aurait des répercussions tangibles.

M. le Président, je ferme la parenthèse que le député de Laurier avait ouverte et je reviens au projet de loi no 15. C'est un projet de loi qui n'a pas la prétention d'avoir des portées économiques, je l'ai dit à plusieurs reprises. Il a simplement comme objectif, dans un premier temps, d'abolir une discrimination et de répondre non seulement aux voeux des personnes âgées, mais aux voeux de la grande majorité de la population qui s'est prononcée là-dessus à l'occasion de plusieurs sondages.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Laurier.

M. Sirros: Merci, M. le Président. J'aimerais seulement dire que le vrai cynisme, selon moi, se trouve beaucoup plus dans le fait de présenter quelque chose -alors qu'on vient de dire que les vrais problèmes sont des problèmes économiques -qui ne les touche pas du tout. Je n'ai jamais prétendu que rien ne se fait dans les services à domicile; au contraire, ce sont des services qui sont très appréciés par les personnes âgées et très nécessaires, de plus. Ce que j'ai dit et ce que je maintiens, c'est que c'est un peu théorique de parler d'augmentation de ces budgets au moment où les listes d'attente s'allongent, au moment où les établissements coupent ce qu'ils donnaient de plus parce que c'était nécessaire de donner plus. Si ce n'est pas de la poudre aux yeux, je ne sais pas ce que c'est.

En ce qui concerne Ottawa et le développement économique, ça fait six ans que ce gouvernement nous dit toujours: C'est Ottawa, c'est Ottawa, c'est Ottawa. Est-ce que l'Assemblée nationale est à ce point dépourvue de pouvoirs? On est quand même arrivé, en 1981, à vivre dans une société qui fonctionne assez bien à plusieurs niveaux. Je pense, finalement, qu'il est temps qu'on arrête de chercher des boucs émissaires et qu'on assume les responsabilités qui sont là. Merci.

Le Président (M. Laplante): Vous avez une réponse? (11 h 15)

M. Brunet: M. le Président, est-ce que vous me permettez de revenir brièvement sur la formation ou la préparation à la retraite, question qui a été débattue avec le groupe précédent?

Personnellement, j'ai suivi le cours de préparation à la retraite avec mon ancien employeur, un cours à peu près standard de 10 semaines, qui ne vaut rien du tout, ou presque. Ce cours est celui qui est donné dans les écoles secondaires; c'est à peu près la même chose, dont Marc Hogue de l'Université de Sherbrooke, parle abondamment dans son volume, "Maintenant qu'ils ont le temps."

Le seul cours vraiment sérieux, c'est celui qui se donne à Marie-Victorin. J'ai

suivi ce cours-là, c'est un cours de 700 heures, de 2 ans, 350 heures par année, qui se donne à huit endroits différents. C'est un cours sérieux. Les autres cours, c'est pas mal, mais c'est peu de chose, fort peu de chose. Je voulais apporter cet éclairage sur la préparation sérieuse d'une retraite, parce que je l'ai vécu.

Le Président (M. Laplante): Merci messieurs. J'appelle maintenant la

Conférence des juges du Québec. Monsieur, si vous voulez identifier votre groupe et identifier les personnes qui vous accompagnent s'il vous plaît.

Conférence des juges du Québec

M. La Haye (Gilles): Gilles La Haye, juge des Sessions, à Québec, président de la Conférence des juges du Québec.

M. Joncas (Claude): Claude Joncas, juge des Sessions, à Montréal, vice-président de la Conférence des juges du Québec.

M. Desjardins (André): André Desjardins, juge de la Cour provinciale, secrétaire de la Conférence des juges du Québec.

M. de Billy (Jacques): Jacques de Billy, procureur de la Conférence des juges du Québec.

Le Président (M. Laplante): Merci messieurs, si vous voulez s'il vous plaît commencer la lecture de votre mémoire.

M. de Billy: M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, c'est avec toute réserve que les juges provinciaux présentent une intervention devant cette commission. Le pouvoir judiciaire est évidemment distinct des pouvoirs législatif et exécutif, et les juges provinciaux n'ont pas l'intention d'intervenir dans les questions législatives ou politiques.

Ils croient tout de même devoir faire certaines représentations pour autant que le projet de loi 15 les affecte.

Comme le disait un participant précédent, la philosophie du projet de loi, c'est de faire disparaître toute question d'âge relativement à la retraite. Comme le ministre le disait, je crois à la presse, il n'y a pas tellement longtemps: Faire cesser de travailler des gens qui sont aptes, parce qu'ils ont atteint un certain âge, c'est discriminatoire.

Pour les fins de leur argumentation -mes clients ne discutent pas la philosophie et le bien-fondé de la législation - ils allèguent seulement que, des millions de travailleurs que compte la province et qui seront affectés par ce projet de loi qui soutient que la retraite ne pourrait être obligatoire, seuls, semble-t-il, les 276 juges du Québec ne seront pas touchés par cette loi. Ce seront les seuls qui demeureront encore sujets à une retraite obligatoire à cause de leur âge. Il me semble que c'est faire accroc à la philosophie qui est à la base de ce projet de loi. Je comprends que les juges provinciaux, les juges du Québec, remplissent des fonctions importantes et que leur aptitude physique et mentale doit être, pour ainsi dire, hors de tout doute. Je crois, M. le Président, que ce principe s'applique à tous les autres travailleurs.

Par exemple, la loi ne parle pas de 70 ans, la loi permettra aux sous-ministres qui ont des pouvoirs décisionnels importants de demeurer en fonction aussi longtemps qu'ils seront aptes à exécuter leurs fonctions. Il en sera de même pour les membres des régies qui ont des pouvoirs quasi judiciaires, la Régie des services publics, le Tribunal de l'expropriation, la Régie de l'électricité et du gaz, etc. Tous ces fonctionnaires supérieurs, également les cadres ou les chefs de direction des compagnies importantes, tout ce monde est touché par cette loi et il n'y a plus de retraite obligatoire. Les juges du Québec soumettent que le législateur devrait faire en sorte que la loi s'applique à eux également.

Évidemment, on pourrait dire que la Loi sur les tribunaux judiciaires prévoit déjà une mise à la retraite à 70 ans. C'est vrai, mais le sens de cette nouvelle loi, c'est de faire disparaître dans les mises à la retraite toute question d'âge. La Loi sur les tribunaux judiciaires prévoit la mise à la retraite de tout juge qui devient inapte ou incapable d'exercer ses fonctions. Nous soumettons que cette disposition est suffisante pour prendre soin de la situation qui pourrait être créée par des juges qui seraient moins efficaces.

D'ailleurs, on pourrait peut-être dire qu'il y a un âge de retraite pour les juges nommés par le gouvernement fédéral. Je crois que, justement, le Québec veut être un pionnier, il veut établir le principe que si un homme est capable d'accomplir son travail, quel que soit son âge, la loi ne parle pas de 70 ans, de 75 ans, de 80 ans, un homme pourra toujours continuer son travail. D'ailleurs, pour les juges fédéraux, l'âge prescrit est de 75 ans.

Il me semble donc surprenant, M. le Président, messieurs de la commission, que seuls les juges du Québec soient privés de l'application de cette loi. Mes clients sont d'accord avec le principe et sont d'accord avec ce que disait le ministre au journaliste de la Presse: On n'est pas moins intelligent le jour où on a 65 ans que la veille. La retraite à 65 ans n'est basée sur rien, c'est de la discrimination. Il me semble que le même principe s'applique à 70 ans; si le juge était apte à siéger à 69 ans et demi, il

devrait l'être à 70 ans et demi, à moins de changements dans son état.

Dans les circonstances, je crois, messieurs, que les juges devraient également tomber sous l'effet de cette loi qui frappe tous les travailleurs, quel que soit leur rang et quelle que soit l'importance de leurs fonctions.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux remercier la Conférence des juges pour sa participation à cette commission parlementaire. Je veux féliciter le procureur de la conférence d'avoir fort bien présenté le point de vue de ses clients, comme il nous l'a dit tantôt.

Effectivement, de prime abord, ça semble une discrimination, mais je vais tenter d'expliquer les fondements de cette exception. Je dois dire d'ailleurs, au départ, même si, dans le texte du projet de loi no 15, la seule exception à la loi était les juges, depuis le début de la commission hier, j'ai eu l'occasion de dire que probablement nous inclurions comme autres exceptions les policiers, à leur demande, et les pompiers, suivant en cela l'exemple des voisins américains.

Donc, je dois faire tout de suite la mise au point, à savoir qu'il n'est pas tout à fait juste de dire... C'était juste, seulement si on se fiait au texte du projet de loi 15, mais, dans l'évolution de nos discussions à la commission, ce n'est plus exact de dire que les juges sont les seuls soustraits à l'application de cette loi. Les juges nommés par le gouvernement du Québec ont déjà, depuis un certain temps, l'option de continuer à travailler au-delà de 70 ans. D'ailleurs, vous le dites dans votre mémoire, je pense que c'est l'an passé, vous évoquez les chiffres d'une année, sept juges qui avaient atteint l'âge "normal" de la retraite, 70 ans, ont été autorisés par le gouvernement, à la recommandation du ministère de la Justice, à continuer de travailler comme juges.

Donc, déjà, les juges au Québec, d'une part, ont un âge de retraite plus prolongé, 70 ans au lieu de 65 ans; d'autre part, ils ont l'option de continuer à oeuvrer, si la recommandation positive est présentée par le ministre de la Justice après consultation avec les différentes conférences de juges et approuvée par le Conseil des ministres.

Donc, il y a déjà beaucoup de nuances à apporter à ce qui pourrait sembler être une discrimination envers les juges. Il y a beaucoup de portes ouvertes pour surmonter ce qui paraîtrait être une discrimination. Dans la rédaction du projet de loi 15, nous avons consulté le ministre de la Justice, les autorités du ministère de la Justice et nous avons tenu compte de leurs recommandations qui était de soustraire les juges à l'application de la loi. Je dirais même que le juge à la retraite, après 70 ans, dans l'état actuel des choses, peut être rappelé à travailler, il peut être réengagé dans des tâches particulières.

En d'autres termes, le système actuel offre déjà pas mal de garanties pour que le juge qui veut continuer de travailler après 70 ans - les faits sont là pour le démontrer - il y a de grandes possibilités qu'il puisse continuer à le faire. En somme, M. le Président, tout en étant sensible au plaidoyer de M. le procureur, je continue de croire qu'il serait sage, pour des raisons que j'appellerais sociologiques, de maintenir l'obligation de principe de prendre la retraite à 70 ans, puisqu'elle est assortie, dans nos moeurs actuelles, dans nos règlements actuels, d'une possibilité de prolongement -un an, deux ans, il n'y a pas de limite, à ma connaissance, au prolongement - et même à un retour sur le marché du travail, pour ainsi dire, pour le juge qui est déjà à sa retraite.

Pour le moment, je pense que nous retenons, sans que ce soit un engagement tout à fait définitif, qu'il y aurait, comme je le disais hier, un certain nombre d'exceptions; il faut les réduire le plus possible, ces exceptions. Pour le moment, nous en retenons trois comme possibles, sinon probables: les juges, les policiers, les pompiers. Cela semble répondre aux attentes de la population en général et ça semble correspondre aussi à nos moeurs sociologiques.

Je vais quand même rediscuter de toute la question, non seulement avec mon collègue de la Justice, mais aussi avec l'ensemble du Conseil des ministres. Je remercie la Conférence des juges du Québec. (11 h 30)

Le Président (M. Laplante): Oui, monsieur.

M. de Billy: M. le Président, si vous me permettez, M. le ministre a fait allusion au fait qu'un juge peut être gardé plus longtemps, et même être rappelé en fonction lorsqu'il est à sa retraite. Il s'agit là, je pourrais dire, de possibilités discrétionnaires qui existent dans l'entreprise privée. Un homme est obligé de prendre sa retraite à 65 ans, il travaille pour le Canadien Pacifique, mais ils peuvent le garder s'ils croient qu'ils en ont besoin. Il nous semble que la philosophie de la loi se trouve à son début, à l'article 84.1, où on dit qu'il est interdit à un employeur de suspendre, de mettre à sa retraite un salarié pour le seul motif de l'âge. Cela semble difficilement admissible que seuls les juges du Québec seraient affectés par 70 ans, alors que dans toute autre fonction importante, supérieure,

l'employeur, le gouvernement du Québec, si c'est un fonctionnaire, ne peut pas invoquer l'âge. Mes clients acceptent le principe de la loi, ils sont d'accord avec la philosophie qui en est la base. Évidemment, ils continuent à souligner que cela semble être une anomalie et une discrimination de dire aux juges: Vous, c'est à 70 ans, alors qu'un fonctionnaire supérieur apte pourrait continuer jusqu'à 75 ou 80 ans. Cela semble être une anomalie de leur dire: Vous êtes pratiquement les seuls. Évidemment, les pompiers, les policiers l'ont demandé, et deuxièmement, la force physique est importante, mais ce n'est pas le cas de mes clients, qui font un travail intellectuel... Nous le soulignons avec toute déférence et respectueusement à la commission et à M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je répète que le plaidoyer est éloquent. J'en prends bonne note. Nous en rediscuterons avec mon collègue de la Justice et l'ensemble du Conseil des ministres.

Le Président (M. Laplante): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Moi aussi, je veux remercier la Conférence des juges du Québec. Je comprends votre démarche. À sa face même, c'est évident qu'on a plaidé ici des deux côtés de la table la non-discrimination par rapport à l'âge de la retraite. Que vous soyez exclus dans le projet de loi, cela pose évidemment un problème en regard de ce principe sur lequel tout le monde a répété à satiété qu'on était d'accord. Je me souviens du moment où toute cette discussion avait eu lieu sur l'abaissement de l'âge de la retraite pour les juges, parce que, autrefois, ou il n'y en avait pas ou c'était à 75 ans, j'oublie.

M. de Billy: II n'y en avait pas il n'y a pas tellement longtemps.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. À ce moment, il y avait eu un débat, en somme, sur l'abaissement de l'âge ou la retraite obligatoire à 70 ans. Vous avez bien dit -j'ai compris - que pour les juges de la cour fédérale, c'est 75 ans.

M. de Billy: Les juges fédéraux, la Cour supérieure, la Cour d'appel et les cours fédérales, la Cour suprême, c'est à 75 ans.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Seriez-vous capable de me rappeler brièvement quels étaient les problèmes qui avaient été soulevés, puisqu'on avait décidé, à ce moment, de fixer à 70 ans l'âge de la retraite, et les arguments qui avaient été développés à cette occasion pour rendre l'âge de la retraite obligatoire à 70 ans pour les juges? Cela nous replacerait peut-être...

M. de Billy: Je crois qu'à cette époque, il n'y avait pas de système de retraite, il n'y avait pas de système de mise à la retraite. Les juges, évidemment, siégeaient jusqu'à ce que mort s'ensuive. Je me rappelle, étant jeune avocat, qu'on avait plusieurs juges qui avaient aux alentours de 80 ans. Ce n'est pas une raison - on dit que l'âge n'est pas important - d'être inapte. La fragilité de la nature humaine étant ce qu'elle est, on avait des juges qui avaient tendance à s'assoupir sur le banc, pour qui la lecture des dossiers comportait certaines fatigues. C'est à ce moment que le gouvernement fédéral a réduit l'âge de la retraite à 75 ans, mais, à cette époque, la Loi des tribunaux judiciaires n'existait pas, il y a maintenant un mécanisme. Le juge en chef, avec le ministre de la Justice, peut mettre à la retraite les juges qu'ils croient, à cause de leur âge, leur condition physique ou mentale, n'être plus aptes ou moins aptes à siéger. Je crois que cela répond aux buts de la loi. On ne peut pas mettre quelqu'un à sa retraite, mais s'il est diminué, s'il n'est plus capable de faire son travail, à cause de la nature de son travail...

Évidemment, si un homme a de grandes responsabilités dans une compagnie privée, sa pleine capacité est plus importante. L'article 230 de la Loi des tribunaux judiciaires du Québec prévoit la mise à la retraite sur avis du gouvernement et sans doute après consultation avec le chef du juge en question. Il me semble que la soupape qui se trouve là est semblable à celle qui se trouve dans le projet de loi 15 pour la mise à la retraite de ceux qui sont moins capables, pas capables ou plus capables d'accomplir leurs fonctions. C'est là le paradoxe. Personne au Québec ne serait obligé de prendre sa retraite à 65, 70, 75 ou 80 ans, s'il pouvait accomplir ses fonctions.

Mme Lavoie-Roux: Si je comprends bien, d'après la loi des tribunaux, il y a cette possibilité d'une évaluation.

M. de Billy: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Les gens peuvent être mis à leur retraite même avant 65 ans...

M. de Billy: Ah oui! absolument!

Mme Lavoie-Roux: ... sur avis du ministère de la Justice et selon les prévisions ou les dispositions de cet article?

M. de Billy: La loi est adéquate à ce point de vue, je crois, pour protéger les

justiciables et la société. Comme le mentionne le ministre, c'est important que les juges soient complètement aptes à faire leur travail, parce que c'est un travail délicat et qui comporte beaucoup de responsabilités envers la société et envers les parties justiciables.

Mme Lavoie-Roux: Voici ma deuxième question. Vous en avez peut-être parlé et j'ai pu être distraite, vous avez dit: Le mandat de ce juge a été reconduit pour une période additionnelle. Apparemment, ceci se fait après consultation des juges en chef et du ministre de la Justice - je pense que c'est le ministre lui-même qui l'a expliqué - et après une décision du Conseil des ministres.

Pouvez-vous me dire quelles avaient été - vous ne le savez peut-être pas, si vous ne le savez pas, vous n'avez qu'à ne pas me répondre - les conditions particulières qui ont fait que le mandat de ces juges a été prolongé?

M. de Billy: Je n'ai pas évalué de cas concret. Je pense que, dans ces cas, le chef du juge concerné l'a prolongé. D'ailleurs, je crois que le mandat de certains juges en chef a été prolongé. Je crois que le ministre de la Justice était d'avis que ces juges en question pouvaient continuer à fonctionner utilement. Mais c'est...

Mme Lavoie-Roux: Dans leurs fonctions de juge, non pas pour un mandat particulier?

M. de Billy: Non, dans leurs fonctions de juge. Le mandat du juge en chef de la Cour des sessions de la paix, à Québec, le juge Dumontier, a été prolongé par le présent gouvernement pendant au moins un an, un mandat. Mais, évidemment, notre représentation à ce sujet, c'est que c'est, premièrement, discrétionnaire...

Mme Lavoie-Roux: C'est justement ce que j'allais me dire.

M. de Billy: ... et, deuxièmement, c'est l'envers de la loi, c'est-à-dire que la loi dit: Vous ne pouvez congédier personne à cause de l'âge. Dans le cas des juges, ils sont congédiés; si le gouvernement est d'accord, on peut prolonger leur mandat. Mais on sait qu'au fond, on prolonge le mandat d'un an, pas à tous. Je ne crois pas qu'il y ait de règle établie. C'est un peu discrétionnaire, si le juge est apprécié, etc.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Je vous remercie. M. le Président, je voudrais attirer l'attention du ministre sur peut-être deux ou trois points touchant à ceci. Je pense qu'il faut s'assurer que la disposition contenue dans la loi ou l'article auquel vous avez fait allusion soit étanche dans le sens de vraiment protéger le public, parce qu'une fonction de juge, c'est quand même une fonction qui a des conséquences importantes pour les justiciables. C'est une chose.

Il y a aussi le principe sur lequel on va voter, enfin on ne votera pas, mais sur lequel éventuellement l'Assemblée nationale va se prononcer. Et il y a cette sorte de disposition qu'on a créée d'une façon un peu discrétionnaire et qui me gêne un peu parce que je me dis: Est-ce que l'on ne serait pas sur un terrain beaucoup plus sûr en s'assurant que la disposition dont on parlait tout à l'heure est vraiment étanche, protège vraiment les juges par quelque chose, d'une part, qui ne serait pas discriminatoire en termes du principe du projet de loi et qui, deuxièmement, serait beaucoup plus juste, je pense, et n'ouvrirait pas de porte? Là, je ne veux d'aucune façon insinuer quoi que ce soit parce que se serait un autre gouvernement qui l'a peut-être fait dans le passé; le gouvernement actuel, je n'ai aucune idée. C'est vrai que cela commence à être ancien en 1973.

Je pense que, si vraiment on est soucieux de la non-discrimination, de la justice et d'éviter le discrétionnaire le plus possible quant à cette disposition de loi à laquelle on a fait allusion, il faudrait probablement réviser la décision qui a été prise dans le projet de loi. En tout cas, je pense qu'il faudrait l'examiner sous ces angles-là et c'est ce que je soumets au ministre. Vous savez, même si on ne met pas en doute le bon jugement du Conseil des ministres, du ministre de la Justice quel qu'il soit, des juges en chef, etc., il reste qu'il y a toujours danger de discrétionnaire là-dedans et le discrétionnaire, cela devient injuste envers d'autres personnes. Fondamentalement, c'est un principe qu'on veut établir et il faudrait lui faire le moins d'entorses possible, le principe de l'abolition de l'âge de la retraite. En tout cas, je soumets cela au ministre. Je pense que le point que vous faites valoir m'apparaît, de prime abord, fondé sur un principe assez solide.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Gouin.

M. Rochefort: M. le Président, contrairement à madame la députée de L'Acadie, j'aimerais poser un certain nombre de questions additionnelles au représentant à la Conférence des juges, avant de me faire une idée si on doit maintenir les dispositions qui sont prévues actuellement au projet de loi 15 ou si on doit demander au ministre de les revoir.

Tantôt, vous faisiez allusion au fait qu'il y a, quand même, une mécanique qui existe qui permet au juge en chef d'exiger qu'un juge prenne sa retraite avant l'âge de 70 ans. Vous avez fait allusion à cela.

J'aimerais que vous m'expliquiez un peu plus en détail comment cela fonctionne dans les faits cette mécanique, à partir de quelle évaluation ça se fait, si c'est fréquent, qui doit intervenir outre le juge en chef dans cette décision, dans cette évaluation-là.

M. de Billy: M. le député, c'est le premier alinéa de l'article 230 de la Loi sur les tribunaux judiciaires qui s'exprime comme suit, c'est très court: "Le juge atteint d'une incapacité permanente qui, de l'avis du gouvernement, l'empêche de remplir de manière satisfaisante les devoirs de sa charge cesse d'exercer ses fonctions et est admis à la retraite avec pension." Le dernier alinéa dit: "L'incapacité permanente est établie après enquête par le Conseil de la magistrature à la demande du ministre de la Justice." Comme vous le savez, le gouvernement a créé le Conseil de la magistrature. J'ai eu l'honneur d'y siéger pendant deux ans et c'est réellement un organisme précieux pour l'administration de la justice. C'est l'organisme, dans un sens, qui juge les juges et cela contribue à maintenir un standard très élevé chez les juges du Québec.

M. Rochefort: Justement, à partir de l'expérience que vous avez vécue et que les personnes qui vous accompagnent ont aussi vécue, est-ce fréquent que des juges soient mis à la retraite avant l'âge de 70 ans?

M. de Billy: Pas que je sache, M. le député, non.

M. Rochefort: Non, c'est exceptionnel? On pourrait s'entendre pour dire que c'est exceptionnel.

M. de Billy: Bien, évidemment, il y a des juges qui prennent leur retraite pour raison de santé.

M. Rochefort: Non, je ne parle pas de ceux qui prennent leur retraite. Je parle de ceux qui sont incités, de qui on exige la prise de la retraite avant l'âge de 70 ans.

M. de Billy: Comme je le mentionnais, j'ai eu l'honneur de siéger pendant deux ans et demi au Conseil de la magistrature et cela ne s'est pas présenté... (11 h 45)

M. Rochefort: Jamais pendant les deux ans où vous y avez siégé.

M. de Billy: Non. Que le gouvernement ou le ministère de la Justice ait demandé au Conseil de la magistrature d'enquêter sur la capacité ou l'incapacité de telle ou telle personne, non.

M. Rochefort: Deuxièmement, au dernier paragraphe de la première page de votre mémoire, vous dites: "À cause de l'âge auquel certains juges accèdent à la magistrature provinciale, les années requises à l'acquisition d'une pleine pension ne peuvent être atteintes." Quel est l'âge moyen ou l'âge médian auquel un avocat accède à des fonctions de juge?

M. de Billy: Je crois que c'est entre 45 et 50 ans. Dans toutes les juridictions, il y a une tendance à nommer des juges plus jeunes qu'autrefois, alors que c'était un couronnement de carrière. À ce moment-là, évidemment, il n'y avait pas de limite d'âge. Je crois que la situation est beaucoup...

M. Rochefort: ... plus tard. Donc, ces gens qui avaient pratiqué le droit pendant 15 ou 20 ans avant d'accéder à un poste de juge...

M. de Billy: Oui, 15 ou 20 ans.

M. Rochefort: ... normalement, je présume qu'ils ont accumulé un fonds de retraite, constitué au cours de leurs années de pratique du droit.

M. de Billy: C'est très difficile à dire.

M. Rochefort: Mais en général, je le présume. Il y en a au moins trois qui vous accompagnent.

M. de Billy: Je ne sais pas si les avocats sont plus prévoyants que le reste de la population.

M. Rochefort: Ils sont au moins aussi prévoyants que les autres citoyens.

M. de Billy: Je ne crois pas que nous fassions porter nos représentations... Je comprends que notre mémoire peut porter à...

M. Rochefort: J'avoue que votre présentation verbale de tantôt touche plutôt la question de la discrimination. Toutefois, lorsque je prends connaissance du texte du mémoire que vous présentez, vous faites plutôt référence au problème financier de fonds de retraite que cela pourrait poser.

M. de Billy: Je l'admets, mais après en avoir discuté, nous voulons nous placer dans la philosophie de la loi. Nous n'avons pas cru que c'était le moment de discuter des pensions, de la rémunération des juges, mais de la philosophie de la loi et de celle du ministre, telle qu'elle est exprimée dans la loi.

M. Rochefort: J'ai quand même le goût d'en parler un peu, compte tenu du texte de

votre mémoire. Au premier paragraphe de la page 2, vous faites allusion au fait que les juges recevraient une pension moindre puisqu'ils ne peuvent espérer compléter 25 années de service. Compte tenu de l'âge auquel les juges prennent leur retraite, vous évaluez que la pension moyenne qu'ils retirent, comme juges, quand ils prennent leur retraite, est de combien, environ?

M. de Billy: Auparavant, il y avait une pension automatique, sans tenir compte des années de service, mais maintenant, pour avoir droit à la pleine pension, il faut avoir siégé pendant 25 ans. C'est-à-dire qu'il faut avoir été nommé sur le banc à 45 ans ou moins. Il y a encore beaucoup de nouveaux juges qui ont dépassé l'âge de 45 ans; encore récemment, il y en a qui ont été nommés à l'âge de 50 ans et même plus.

M. Rochefort: S'il n'a pas été juge pendant au moins 25 ans, il ne touche aucune pension?

M. de Billy: Non, sa pension est moindre.

M. Rochefort: Cela peut être combien, environ?

M. de Billy: C'est 2,8% par année. La pension maximale, c'est 70%, c'est-à-dire 25 ans de service multipliés par 2,8%.

M. Rochefort: Donnez-moi donc un montant.

M. de Billy: Si le juge n'a siégé que pendant 20 ans, sa pension ne sera que de 56% de son salaire.

M. Rochefort: Ce qui représente combien, environ?

M. de Billy: C'est la moyenne des cinq dernières années.

M. Rochefort: C'est quoi, en général, la moyenne des cinq dernières années? Ce que je veux, c'est que vous donniez un chiffre.

M. de Billy: Dans le moment, c'est 26 000 $.

M. Rochefort: À peu près 26 000 $.

Vous dites qu'il y a sept juges dont le mandat a été reconduit, en 1980, par le gouvernement. J'ai deux questions. D'une part, combien de juges avaient fait cette demande, à votre connaissance?

M. de Billy: Je l'ignore.

M. Rochefort: Vous n'avez aucune idée.

M. de Billy: Non. Évidemment, il n'y aura peut-être pas plus de juges qui prendront leur retraite... Comme le disait le ministre, et comme on le dit, peut-être que 80% ou 90% des juges prendront leur retraite à 65 ans, mais le principe, c'est que, pour tout le monde, tous les travailleurs, l'âge ne devrait plus être un facteur de mise à la retraite.

M. Rochefort: J'ai une dernière question qui est peut-être un commentaire, une question avant de faire un commentaire. Tantôt, vous laissiez entendre que la décision du Conseil des ministres de reconduire, de prolonger le mandat d'un juge était, à toutes fins utiles, discrétionnaire. Vous le sentez peut-être comme cela; d'autre part, je ne peux pas vous dire comment c'est vécu, je ne suis pas ministre, mais j'ai l'impression qu'il y a quand même d'autres facteurs que des facteurs discrétionnaires, comme vous le laissiez entendre tantôt. J'imagine, un petit peu comme les facteurs que retient, par exemple, le Conseil de la magistrature quand vient le temps de demander à un juge de prendre sa retraite avant l'âge prévu à cette fin, que le Conseil des ministres tient compte aussi de critères objectifs et vérifiables, évaluables.

M. de Billy: Mais, M. le Président, c'est la même chose pour tous les autres travailleurs que la loi affecte. On pourrait dire que l'employeur pourra les garder en fonction s'il est satisfait, etc., mais je crois que ce n'est pas la philosophie de la loi.

M. Rochefort: Oui, mais c'est là que je termine avec mon commentaire. Je suis d'accord que ce n'est pas la philosophie de la loi, sauf que l'état de mes réflexions, à la suite des discussions qu'on a eues ce matin avec votre groupe, m'amène à au moins me poser encore la question à savoir si on doit vraiment vous accorder ce que vous demandez. Je suis certain que, dans l'entreprise privée, il y a beaucoup de gens qui seront mis à la retraite même avant d'atteindre leurs 70 ans, alors que vous nous avez très bien dit tantôt que, chez vous, c'est une procédure qui est pratiquement fermée. En deux ans de mandat au Conseil de la magistrature, jamais vous n'avez eu à vous pencher, vous, sur le cas d'un juge que le juge en chef ou le gouvernement désirait mettre à la retraite, parce qu'on doutait de ses qualités au travail. Dans l'entreprise privée, dans les industries, soyez certains que cela va se faire couramment. C'est là que je me pose la question, à savoir si on doit vraiment répondre positivement à votre demande.

M. de Billy: Oui, mais là c'est une question pratique. Est-ce que le

gouvernement serait moins efficace avec...

M. Rochefort: Pas moins efficace, parce que c'est peut-être plus difficile et c'est peut-être plus délicat justement. À partir du moment où le gouvernement ferait cette demande, on pourrait justement laisser sous-entendre, comme on le faisait tantôt, que c'est une décision discrétionnaire et tout cela.

M. de Billy: M. le député, lorsqu'un juge est nommé, il y a déjà un procédé de sélection très, je pourrais dire, serré.

M. Rochefort: Oui, mais vous avouerez que 25 ans après, c'est...

M. de Billy: Je crois que le gouvernement nomme les avocats les plus compétents, qui sont les plus aptes à exercer les hautes fonctions de la magistrature et je crois que cela parle hautement en faveur du standard des juges du Québec, le fait que le ministre de la Justice depuis que le Conseil de la magistrature existe, soit depuis deux ans et demi...

M. Rochefort: C'est cela.

M. de Billy: ... n'ait jamais cru devoir demander qu'un juge soit réévalué. Évidemment, c'est un petit nombre d'avocats qui accèdent à la magistrature et ce sont sans doute les meilleurs. Cela doit être la raison pour laquelle il n'y a pas trop...

M. Rochefort: En tout cas, je comprends qu'on a plus de chances que ce soient les meilleurs depuis que la procédure ne fonctionne pas par nomination politique. Je suis d'accord avec vous là-dessus.

Le Président (M. Laplante): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je vais peut-être vous poser une question qui va sembler être une hérésie pour des juges. Dans le fond, on creuse la question de part et d'autre, je pense qu'il faut vous rendre justice comme aux autres. Cela rejoint, cela s'associe aux propos du député de Gouin.

C'est vrai qu'hier les professeurs d'université sont venus nous faire une grande démonstration - écoutez, je n'ai pas été convaincue jusqu'à la fin - à savoir que ce sont les gens les plus évalués de l'univers. C'est ce qu'ils nous ont raconté hier. Je pense qu'ils sont évalués jusqu'au moment où ils arrivent à l'agrégation; après cela, je ne suis pas sûre que l'évaluation dure aussi longtemps par la suite, mais en tout cas.

Vous autres, est-ce que vous avez -c'est parce qu'on parle toujours, les juges, on ne leur touche pas, mais là je ne dis pas cela dans un sens péjoratif, compte tenu de l'indépendance du pouvoir exécutif, du pouvoir judiciaire et du pouvoir législatif et toute cette histoire-là - un comité interne de discipline, d'appréciation de vos membres ou est-ce une hérésie de penser à une telle chose pour les juges?

M. de Billy: M. le Président, la commission créée par le gouvernement, c'est le Conseil de la magistrature.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. de Billy: Également, ce sont les juges en chef de chaque juridiction. Tous les juges en chef sont membres du Conseil de la magistrature ex officio, plus deux représentants du barreau et plus deux représentants du peuple qui sont très valables, dont les avis sont très pertinents et dont les conseils sont précieux. Je dois dire que, pendant les deux ans et demi durant lesquels j'ai siégé, j'ai trouvé que le standard des juges du Québec est très élevé. Les plaintes qu'on a eues ont été très minimes, des peccadilles, rien de réellement sérieux où un juge serait incapable de siéger pour cause d'ivresse, ou il y aurait fraude, ou un juge aurait de la partialité. Pendant les deux ans et demi... Le public est de plus en plus sévère. C'est comme pour les médecins, on sait maintenant le nombre de poursuites. Le public et les justiciables savent que le Conseil de la magistrature existe. Comme je le disais, je trouve que c'est très valable, je dois le dire en toute sincérité.

Mme Lavoie-Roux: Pourquoi je posais la question? C'est peut-être à tort, mais le fait que jamais... Mais deux ans et demi, ce n'est pas une longue période; j'admets ça, et il n'y a pas des juges à la douzaine ou à la centaine; alors, ça aussi, ça limite. Par exemple, sur une période de cinq ans ou de dix ans, jamais il n'y aurait eu de réprimandes ou de rappels à l'ordre ou de sanctions d'exercés. Cela voudrait dire que vous êtes d'une espèce presque pas humaine, vous savez.

M. de Billy: Non, mais il y en a seulement 250; c'est ce que je disais. Évidemment, on a eu des plaintes. Mais un juge va dire, à Matagami - je ne nomme pas un endroit fictif, mais où il n'y a peut-être pas de tribunal - à un témoin, à un parti: Tu es un maudit voleur. Peut-être qu'à Montréal, ça sonnerait hors du décorum et ce serait plus considérable, mais avoir une plainte comme ça, ce n'est pas ça qui affecte la capacité du juge de siéger. Il faut tenir compte du décor et que, dans ces endroits, tout le monde se connaît. Chaque justiciable a le droit de porter plainte et chaque plainte doit venir devant le Conseil

de la magistrature. Ces justiciables sont des milliers de personnes qui, par leur absence de plaintes, ont presque donné un vote de confiance à leurs juges.

Mme Lavoie-Roux: Je dois vous dire, M. le juge, que j'ignorais que je pouvais porter plainte contre un juge. Imaginez-vous si la population sait ça ou non.

M. de Billy: On le sait, on a des plaintes.

Mme Lavoie-Roux: Parce que, pour moi, ce qu'un juge avait décidé à la fin... Je sais qu'il y a toutes les cours d'appel l'une après l'autre, mais qu'une fois qu'on était rendu au bout de la filée, je puisse porter plainte contre un juge, je ne le savais même pas. Demandez-vous si la population le sait.

M. de Billy: On a des plaintes des districts éloignés de la Gaspésie, de Sept-Îles. Évidemment, on ne peut pas se plaindre lorsqu'un juge se trompe, mais, si le juge fait des erreurs de conduite, est partial ou a un conflit d'intérêts, ou n'est pas en état de siéger ou on dort sur le banc, etc., ce sont toutes des choses dont le justiciable peut se plaindre au Conseil de la magistrature, disant qu'il n'y a pas eu justice.

Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux réagir à l'appel qui a été lancé par la députée de L'Acadie tantôt, à l'effet de reconsidérer l'orientation que nous avions prise dans le premier texte du projet de loi 15. L'expression a été employée tantôt. Quand on parle de juges et de tribunaux, on est sur un terrain glissant. C'est une question délicate, il y a la fondamentale distinction entre les trois types d'exercice: l'exercice législatif, l'exercice exécutif, l'exercice judiciaire. (12 heures)

Je dois dire, encore une fois, que notre option, au départ, a été d'exclure le moins possible de groupes. Nous maintenons cette philosophie. Dans ce sens, le plaidoyer de la conférence des juges est impressionnant. D'autre part, la députée de L'Acadie suggère qu'il y a peut-être d'autres façons, par le biais de la Loi des tribunaux judiciaires, par exemple - peu importe le mécanisme - de s'assurer, en somme, et d'assurer surtout à la population, aux justiciables, que la qualité du juge que le citoyen a devant lui est à toute épreuve. C'est là notre préoccupation.

M. le Président, je veux simplement conclure en disant que nous allons tout simplement reconsidérer très sérieusement notre orientation à la lumière des discussions que nous avons eues ce matin.

M. de Billy: Au nom de mes clients, merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie de nous avoir présenté un mémoire au nom de la Conférence des juges du Québec. L'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes Inc. a demandé d'être mise à la fin de la liste. Alors, j'appelle immédiatement M. Jacques Giguère, à titre personnel.

Vous pouvez y aller de la lecture de votre mémoire.

M. Jacques Giguère

M. Giguère (Jacques): Permettez-moi d'abord de m'identifier. Mon nom est Jacques Giguère et je suis conseiller scientifique au ministère de l'Environnement. Je me présente ici à titre personnel ou individuel. Je dois dire aussi que le texte que vous avez en main n'est pas le texte intégral que je veux vous livrer, à cause de considérations, de réflexions et d'informations que j'ai eues par la suite, après avoir présenté mon mémoire. Tout de même, je voudrais à l'instant vous lire le texte en question.

M. le Président, M. le ministre, Mme la députée, MM. les députés, mesdames et messieurs, à l'instar des organismes préoccupés du bien-être des personnes âgées, je viens, par la présente, à titre personnel, vous faire part de quelques réflexions qui militent en faveur du projet de loi que vous avez devant vous. Si l'on souhaite l'aisance, le confort et la prospérité des membres de l'âge d'or, si on a coeur d'élaborer une véritable politique du "Mieux vieillir au Québec", il y a sans doute lieu de se pencher d'abord sur l'âge de la retraite, car n'est-il pas relié au bonheur et au mieux-vivre des individus?

Suite à votre invitation de présenter des mémoires sur le projet d'abolition de la retraite obligatoire, je voudrais exposer devant vous les principales raisons qui appuient le projet en question. Les sujets traités relativement au troisième âge touchent habituellement des problèmes qu'ont à vivre les personnes déjà à leur retraite. Sur ce point, je laisse à d'autres la tâche d'y apporter les solutions appropriées. Mais en parlant de solutions aux problèmes du troisième âge, l'un des moyens de prévenir nombre de ces problèmes est précisément d'abolir l'âge de la retraite obligatoire, car n'est-elle pas source d'inquiétude, de frustrations et même de dépression? La retraite obligatoire constitue le dernier grand champ de discrimination envers la personne humaine et l'on devrait se hâter de la faire

disparaître.

Au cours de cet exposé, nous considérerons d'abord les inconvénients d'une retraite obligatoire à l'âge de 65 ans, puis nous traiterons des avantages d'une retraite facultative, nous appuyant sur des exemples contemporains. Nous traiterons également des objections au projet, ainsi que des modalités d'application d'une telle politique avant de présenter les conclusions du mémoire.

Désavantages de la retraite obligatoire à 65 ans. La première conséquence néfaste chez les retraités de 65 ans est de leur faire réaliser qu'ils sont désormais des ignorés, qu'ils ont perdu leur identité, leur utilité et leur place dans la société. Combien de cas tragiques ont été révélés dans le passé relativement au désarroi et à l'impuissance de retraités qui gardaient l'espoir de continuer à travailler après 65 ans, mais qu'une règle implacable, arbitraire ainsi que discriminatoire obligeait à accepter une situation qui leur était tout à fait nocive et dommageable!

II n'existe pas de perte automatique de capacité parce que vous atteignez 65 ans. N'est-il pas alors inhumain et injuste d'obliger quelqu'un à prendre sa retraite lorsqu'il ne le désire pas, surtout s'il est encore en bonne santé et capable d'assumer ses responsabilités. De plus, même à 65 ans, il arrive que plusieurs travailleurs aient encore des obligations familiales, ce qui leur crée de sérieuses contraintes financières, s'ils ont perdu leur source de revenus et s'ils ne jouissent pas d'un fonds de retraite suffisant. Dans un tel cas, on assiste à une perte de potentiel humain très marqué, qui devient une cause d'anxiété et même d'angoisse chez les retraités.

C'est là l'opinion d'un psychologue réputé, le Dr Harry Mullens, du Saskatchewan Senior Citizens Provincial Council. Pour plusieurs, la retraite devient alors le rêve brisé de l'âge d'or et constitue une antiperformance et un cauchemar implacable. C'est le commencement du processus de la mort. Dans un tel contexte, l'État se prive d'une personne expérimentée et en fait un chômeur de plus, qui coûte très cher, car celui-ci devient un dépendant et, dans bien des cas, un candidat à l'assistance sociale en recevant toutes les rentes qui lui sont dues et les bénéfices marginaux qui lui sont accordés.

Au moment où on s'interroge sérieusement sur la capacité future de l'État à payer les pensions des personnes âgées, il semble que l'une des façons de remédier au problème serait de retarder l'âge de la retraite, car une partie au moins de la population paierait pour sa propre pension. Il faut en effet garder à l'esprit le fait que la proportion des personnes en dessous de 65 ans qui va supporter la portion en haut de 65 ans diminue dangereusement à mesure que les années passent. La retraite obligatoire à 65 ans constitue donc un handicap sérieux aux fonds de retraite gouvernemental et privés, car la main-d'oeuvre active, compte tenu de la baisse de la natalité, ne cesse de s'amoindrir proportionnellement.

Passons maintenant aux avantages d'une retraite facultative. En plus de mettre fin à une discrimination et à une injustice qui sont évidentes, la retraite facultative aura pour effet de redonner aux travailleurs la satisfaction du travail accompli et celle de contribuer, tant qu'il en est capable, au développement et au progrès de la société. Cette contribution sera une source de valorisation de sa personne en le convainquant de son utilité envers sa famille, ses concitoyens et sa patrie. On peut affirmer dès lors que, même s'il dépasse 65 ans, le travailleur en bonne santé constitue un actif pour l'État à cause de son expérience, de sa compétence dans la discipline ou le métier qu'il pratique, évite a l'État des charges supplémentaires de pensions et de bénéfices marginaux qui sont devenus très onéreux, assure à l'individu une satisfaction et un bonheur qu'il ne saurait trouver dans l'inertie et le farniente, enlève à l'individu un fardeau financier qui, dans bien des cas, n'existerait pas s'il n'avait pas cessé de travailler, laisse à l'individu la liberté de vaquer à son travail journalier aussi longtemps qu'il le désire et que sa santé le lui permet, évitant ainsi des mesures discriminatoires et injustes de la part de l'employeur, et enfin, contribue à la solution de problèmes économiques et sociaux dans le domaine des pensions et du secteur social.

Il faut ici souligner le fait que tous les travailleurs n'auront pas le désir de continuer à travailler après 65 ans. Ceux qui jouissent d'une pension normale indexée seront sans doute très heureux de quitter les rangs du travail pour profiter d'une retraite bien méritée, mais il y a les autres. Qui sont-ils?

On peut se demander quels seront les candidats à la retraite volontaire. Il y a d'abord les actifs et les hyperactifs. Indépendamment de leur situation financière, il y a des gens qui ont horreur de l'inactivité, qui ne peuvent rester à ne rien faire, et qui ont par conséquent le désir instinctif de faire quelque chose. L'inaction leur est plus pénible qu'un travail régulier. La possibilité de continuer leur travail ou métier leur sera sans doute salutaire.

Il existe également le groupe des candidats à la retraite facultative parce qu'ils y sont obligés financièrement. C'est sans doute le groupe le plus nombreux. Les causes de cette nécessité peuvent être multiples. L'employeur n'avait pas de caisse ou de fonds de retraite, ou, s'il en avait un, il n'était pas adéquat. Il existe aussi le cas de ceux qui ont changé d'employeur et où

malheureusement le fonds de retraite n'était pas transférable. C'est une situation qui n'a pas sa raison d'être, car l'employeur, dans un tel cas, jouit d'un montant d'argent qui ne lui appartient pas et dont il bénéficie au détriment de l'employé qui l'a quitté. Les conséquences sont alors néfastes pour l'employé, car ce dernier perd le bénéfice d'années de service qui lui seraient très utiles dans le calcul des prestations de sa pension.

Permettez-moi de suggérer ici qu'une fois l'abolition de la retraite obligatoire accomplie il y aurait lieu d'adopter une loi exigeant le transfert universel des pensions lorsque l'employé change d'employeur.

Enfin, il y a le groupe de tous ceux qui, pour une raison ou pour une autre, maladie, mise à pied, chômage, etc., arrivent au seuil de la retraite sans avoir les ressources nécessaires pour affronter les obligations d'une retraite forcée.

On prévoit que, dans la perspective d'une retraite facultative, de 15% à 25% des candidats à la retraite voudront se prévaloir du privilège de l'option de travailler ou de se retirer. Ce pourcentage pourra varier suivant la catégorie de travailleurs. Comme le disait le Dr Lazure à l'Assemblée nationale à propos de ce projet de loi, il s'agit beaucoup plus d'une mesure sociale qu'économique. Il demeure, cependant, que la proportion de travailleurs qui voudront continuer à travailler est assez importante pour que le gouvernement aille de l'avant avec cette mesure et accorde à tout citoyen la sécurité et l'accès au travail, quel que soit son âge.

Motifs qui militent en faveur de la retraite facultative. Parmi les raisons qui appuient la retraite facultative, il faut mentionner ici que les juges, les médecins, les députés, les sénateurs, tous employés de l'État, ne sont pas astreints à la retraite obligatoire à 65 ans. Des mauvaises langues ont déjà dit que les députés et les ministres jouissaient d'un travail facile et très peu exigeant, ce qui leur permettait de pratiquer leur profession jusqu'à un âge avancé. Bien que je ne partage pas cette opinion, vous avez l'occasion rêvée, messieurs les élus du peuple, de placer tous les citoyens sur le même pied et de réfuter à jamais les remarques désobligeantes de ceux qui sont affectés par la discrimination actuelle. Nous pouvons également ajouter l'exemple des hauts dignitaires de l'Église qui se sentent capables d'assumer leur lourde tâche jusqu'à 75 ans et même davantage. Il en est de même de tous ceux qui travaillent à leur propre compte dans le secteur privé.

Churchill, Adenauer, de Gaulle, Jean XXIII, Mao Tsé Toung ont tous démontré une activité débordante et connu leurs jours de gloire à un âge plus avancé que celui de la retraite prétendue normale. L'humanité n'aurait pas bénéficié de la stature, de la vision et de la sagesse de ces hommes si la règle fatidique du retrait à 65 ans avait présidé à leur destinée. Même si le commun des mortels a peu d'affinités avec ces grands hommes, ces derniers constituent quand même un exemple probant des possibilités qu'offre à tout homme en santé le travail après 65 ans. Pourquoi l'État devrait-il se priver d'une main-d'oeuvre experte, d'un savoir-faire sûr, d'une expérience éprouvée et d'une motivation assurée dans un contexte où l'excellence exige de plus en plus de donner sa pleine mesure et même de se dépasser?

Abstraction faite des grands de l'histoire, pourquoi les membres des disciplines autres que le commerce, le droit, la médecine et le clergé n'auraient-ils pas les mêmes privilèges de travailler au-delà de 65 ans, si c'est là leur désir et s'ils en ont les capacités?

À une période où l'on évoque la possibilité de loisirs plus nombreux, dans une époque où l'espérance de vie s'accroît avec les nouvelles générations, la perspective de travail prolongé dans le temps apparaît comme une solution appropriée au manque de productivité que l'on déplore dans certains milieux.

Lorsque la retraite obligatoire à 65 ans a été introduite en Allemagne au XIXe siècle, on pouvait alors l'accepter comme une mesure sociale nécessaire, car l'espérance de vie à ce moment-là n'était que de 49 ans. Les temps ont changé, l'espérance de vie est désormais de 78 ans en moyenne, ce qui signifie qu'à 65 ans beaucoup de travailleurs ont encore les capacités de fournir un travail adéquat et productif.

À l'appui de ces revendications, permettez-moi de rappeler qu'une loi a été adoptée aux États-Unis, il y a trois ans, abolissant l'âge de la retraite obligatoire à 65 ans. Cette loi est universelle, même si elle fait un partage entre le secteur public fédéral et le secteur industriel et privé. Ce dernier secteur a une limite de 70 ans pendant que l'autre n'en a pas. L'exemple des États-Unis n'implique certes pas l'obligation de faire comme eux, mais, comme notre système économique s'apparente de beaucoup au leur, une décision similaire serait sûrement profitable dans notre province.

Deux provinces, le Nouveau-Brunswick et le Manitoba ont ratifié des jugements de cour qui confirmaient dans leurs fonctions respectives un opérateur de machines ainsi qu'un professeur qui demandaient leur réengagement après avoir été congédiés par l'application du règlement de la retraite obligatoire à 65 ans.

La Commission des droits de la personne de l'Ontario a également recommandé que l'âge de la retraite

obligatoire soit aboli. La Commission des droits de la personne du Québec va dans le même sens que celle de l'Ontario et préconise une retraite facultative. Le gouvernement fédéral se propose d'inscrire également dans la charte des droits de l'homme une disposition qui vise les mêmes buts. Il existe donc une tendance à travers le Canada à favoriser le choix personnel de l'âge de la retraite et le Québec doit être félicité pour donner le pas dans une mesure qui, d'ici quelques années, devrait être acceptée dans toute l'Amérique du Nord. (12 h 15)

Il est également opportun de mentionner ici qu'un sondage Gallup, il y a quelques mois, a révélé que plus de 60% de la population est en faveur d'une retraite facultative alors que le pourcentage n'était que 47% en 1966, d'où une évolution significative de la population envers l'abandon de la retraite obligatoire.

Objections et modalités de l'application du régime. Il est rare qu'une mesure, si bonne soit-elle, fasse l'unanimité sur son principe et dans ses modalités. À ce titre, permettez-moi de répondre à quelques objections formulées par les adversaires de la retraite facultative. Les réserves le plus souvent entendues à ce sujet proviennent des employeurs qui craignent que l'option d'une retraite facultative augmente les coûts des bénéfices marginaux, empêche l'employeur de se libérer d'employés plus âgés peu productifs et retardent l'entrée ou les promotions des plus jeunes sur le marché du travail.

Pour la première objection, je dirai que l'employé, quel que soit son âge, n'a pas à recevoir proportionnellement parlant des bénéfices marginaux supérieurs à ceux de ses compagnons de travail, et je ne vois pas en quoi un travailleur plus âgé soit plus coûteux à son employeur que celui qui est plus jeune si l'on considère l'ensemble des coûts-bénéfices. S'il désire un mois de vacances supplémentaires, il n'a qu'à les prendre sans solde. Lui seul et non l'employeur en fera les frais.

Quant à la deuxième objection, l'employeur n'est pas tenu de garder un employé peu productif ou en mauvaise santé. Il ne faudrait pas que l'âge soit une excuse à un parasitisme institutionnalisé. Il me semble que parmi les modalités d'application du régime, l'individu, une fois qu'il aura atteint un certain âge, devrait subir un examen médical annuel qui témoignerait de sa capacité de fournir l'effort voulu dans l'accomplissement de son travail. En cas de dispute, il pourrait y avoir un arbitrage médical concernant le travailleur en question.

Enfin, en ce qui regarde le retard de l'entrée et des promotions des plus jeunes sur le marché du travail, il est admis que le retraité actuel est rarement remplacé par un débutant au même poste. L'expérience, la compétence s'acquièrent au fil des années et le retraité éventuel est habituellement remplacé par un employé qui a déjà plusieurs années d'expérience dans le poste convoité.

D'autre part, dans la fonction publique, dans l'industrie, dans la grande majorité des organismes publics et parapublics, les promotions ne sont pas octroyées en fonction de l'âge, mais en fonction d'autres facteurs qui sont loin de défavoriser les plus jeunes; on ne pourrait donc invoquer cet argument pour dire que les plus âgés sont des obstacles à la promotion des plus jeunes.

Quant à l'entrée sur le marché du travail, je crois qu'en mettant l'âge de la retraite facultative à 60 ans, on pourrait déjà ouvrir de nombreux postes qui compenseraient pour ceux déjà occupés par les volontaires désireux de demeurer au poste au-delà de la limite traditionnelle de 65 ans.

Conclusion. En résumé, on peut difficilement prouver qu'à 65 ans l'employé est devenu une charge pour l'employeur. Au contraire, dans bien des cas, la motivation, la compétence et l'expérience des plus âgés compensent amplement pour la vigueur physique des nouveaux venus sur le marché du travail. La continuité de leurs services constitue un actif important dans le développement d'une société. Le maintien de leur contribution au fonds de retraite soulagerait également les appréhensions fondées vis-à-vis des régimes de retraite vers l'an 2000. On peut affirmer aussi que le prolongement de l'âge de la retraite est un facteur déterminant chez un certain nombre de retraités éventuels. Il signifie pour beaucoup une aisance relative au lieu d'une carence pécuniaire en regard de besoins essentiels qui perdurent. Il signifie aussi une attitude sereine vers des années de calme et de paix au lieu d'un pessimisme refoulé que la retraite ne pourra même pas dissiper.

En conséquence, M. le ministre, dans l'élaboration de votre politique du troisième âge, permettez-moi de vous recommander l'abolition de la retraite obligatoire et d'y donner suite dans le sens préconisé assurant ainsi aux fervents de la retraite facultative, la sécurité, la sérénité et le confort auxquels ils ont droit. Ce serait là sans doute une politique très appréciée chez ceux qui ont horreur de la chaise berçante et des pantoufles prématurées.

Le Président (Boucher) Merci M, Giguère.

M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux remercier M. Giguère et le féliciter pour le travail de recherche que, de toute évidence, il a dû accomplir pour nous préparer un tel mémoire. M. Giguère va être inscrit, par nous en tout cas, sur la liste de personnes-

ressources à consulter à un moment donné, surtout qu'il est proche de nous, étant dans la fonction publique.

J'ai quelques questions en particulier sur un chiffre que vous avancez, sur le nombre de personnes qui voudraient bénéficier d'une telle loi. Vous parlez de 15 à 20%, est-ce que l'on peut connaître l'origine de ce chiffre?

M. Giguère: Dans les lectures que j'ai faites dans ce secteur, c'est peut-être le sujet sur lequel j'ai trouvé le plus de divergences. Autrement dit, j'ai vu des estimations à 1% comme j'en ai vu jusqu'à 70%. J'ai vu des statistiques disant qu'aux États-Unis, c'était 1%; par contre, à un endroit, Bechtel Corporation, en Californie, on mentionne même jusqu'à 70%, ce qui représente la plupart des cols blancs, qui voudraient continuer à travailler après 65 ans. Ici, au Canada, il y a certainement quelques banques, la Banque de Montréal, la compagnie Shell et, comme vous le disiez aussi, le Conference Board, qui ont indiqué que ceci ne représentait pas de problème pour l'avenir.

En ce qui concerne d'autres chiffres, j'en ai trouvé un, aussi, dans un travail de M. Croll, un sénateur d'Ottawa, soit 33%, de sorte que j'ai pris presque une moyenne, de 15% à 20%. Ce qui m'a incité, aussi, à avancer ce chiffre, M. le ministre, c'est que vous-même, hier, avez dit: 55% des personnes n'ont pas de fonds de retraite, c'est-à-dire qu'ils n'appartiennent pas à un régime de retraite enregistré. Cela veut dire que ces gens, à 65 ans, sont des candidats automatiques au travail continu. Ces gens, à 65 ans, ne peuvent compter que sur les rentes de l'État et vous savez comme moi que ce n'est pas suffisant, il faut trouver autre chose pour, au moins, atteindre le seuil de la pauvreté.

C'est un chiffre que j'ai mis là tentativement, remarquez bien, ce n'est pas d'une façon absolue. Les lectures et les renseignements que j'ai eus là-dessus n'étaient pas très précis non plus, ils variaient énormément.

M. Lazure: Je remercie M. Giguère. Nous aussi, on a eu un peu les mêmes sources d'information. Effectivement, le chiffre de 2% à 4%, nous l'avons retenu parce qu'il revenait comme constante dans les chiffres du gouvernement américain et aussi dans l'enquête du Conference Board auprès des 222 entreprises. Je suis le premier à admettre - je l'ai dit hier - qu'on est sur un terrain vierge; il est fort possible que votre prévision de 15% à 20% soit tout aussi valide que celle de 2% à 4%. Mais plus souvent qu'autrement, les prévisions qu'on voit, c'est de l'ordre de 2% à 4% même si, dans des cas particuliers - je suis au courant, aussi, de l'expérience de Bechtel et d'un certain nombre d'entreprises américaines - le nombre de ceux et celles qui ont voulu en profiter était assez impressionnant. Par contre, il y a d'autres entreprises, comme vous l'avez dit tantôt, où c'était de l'ordre de 1% ou 2%.

M. Giguère: Le chiffre de 2% à 4% avancé par le Conference Board peut s'expliquer par le fait qu'il a consulté des industries et des endroits où il y avait déjà des régimes de retraite. Cela ne touchait pas, évidemment, les 55% dont vous parliez hier, M. le ministre. C'est pour ça que le pourcentage est beaucoup moindre.

M. Lazure: C'est sûr, d'accord, mais je ne suis pas tout à fait de votre avis quand vous dites que, presque automatiquement, les 55% qui ne bénéficient pas de régime supplémentaire de retraite vont vouloir continuer en grande majorité. Théoriquement, on devrait s'attendre à ça, mais la nature humaine étant ce qu'elle est, même si l'individu, rendu à 65 ans, n'a que la pension de vieillesse et le supplément au revenu garanti, ce qui est très peu, finalement, comme revenu, on sait qu'un "bon nombre", entre guillemets, se contentent de ça et vont vouloir prendre leur retraite même s'ils ont l'option de pouvoir continuer à travailler. Mais cela répond à ma question.

La deuxième question touche l'examen médical. Je vous avoue que j'ai un peu de réticence. D'abord, je vous pose la question: À quel âge verriez-vous un tel examen médical automatique?

M. Giguère: Je le verrais à partir de 65 ans. Cette mesure, c'est pour éviter que des gens s'accrochent à leur position seulement pour le salaire. S'il y avait un examen médical, il ne serait peut-être pas nécessaire de l'avoir tous les ans, mais, à partir de 65 ans, disons, tous les deux ans. Peut-être que ce serait avantageux d'avoir un certificat du médecin personnel et s'il y a doute, évidemment, le gouvernement ou une compagnie fait voir son propre médecin. Je suggère également qu'en cas de conflit, il pourrait y avoir un examen médical d'un troisième parti, qui serait l'arbitre dans les circonstances.

M. Lazure: Évidemment, ce n'est sûrement pas nécessaire d'inscrire cela dans un projet de loi ni même dans les règlements, puisque tout employeur a le privilège, a le loisir de demander à son employé de subir un examen médical. J'ai une certaine réticence, parce que à partir du moment où on dirait, de façon systématique, examen médical à tous les ans à partir de 65 ans, c'est un peu comme si on établit une présomption que l'individu n'est plus capable

de continuer à travailler. La présomption est plutôt en faveur de l'incapacité ou le doute, en tout cas, va plutôt dans le sens de l'incapacité.

M. Giguère: Oui.

M. Lazure: Dans ce sens-là, cela me laisse un peu perplexe. Une deuxième raison pour laquelle je suis un peu réticent, finalement, pour avoir connu ce régime d'examen médical automatique annuel dans toutes sortes d'entreprises, que ce soit dans un hôpital ou ailleurs, c'est qu'on se rend compte que l'utilité de cet examen médical automatique est plus ou moins grande, et moins grande que plus dans bien des cas.

M. Giguère: II reste quand même que certaines compagnies, comme vous le savez, ont automatiquement cet examen annuel pour tous leurs employés, qu'ils soient jeunes ou vieux.

M. Lazure: C'est cela. Quoi qu'il en soit, les entreprises garderont toujours le privilège de demander un examen médical à l'employé.

Juste en terminant, vous y faites allusion dans votre mémoire, vous faites la demande bien précise, une fois ce projet adopté, que le gouvernement procède à la transférabilité des régimes de rentes, et je répète au cas où vous n'auriez pas suivi le débat hier. Il est entendu que, dans une prochaine étape, puisque c'est un engagement électoral que nous voulons tenir, comme d'habitude, dans une prochaine étape, nous allons rendre transférables les plans de retraite, les régimes supplémentaires de rentes, mais, à ce moment-là, il faut aussi évidemment modifier les règles de fonctionnement des régimes supplémentaires de rentes, les règles d'admissibilité aussi bien que les règles qui président aux investissements ou à la gestion de la caisse de retraite. C'est un changement considérable qui doit faire partie d'une prochaine législation.

M. le Président, je veux remercier le citoyen Giguère qui nous a fourni un travail fort intéressant qui va alimenter encore plus nos réflexions.

Le Président (M. Boucher): Merci. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: ...députée de Jacques-Cartier.

Le Président (M. Boucher): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. Giguère, pour votre mémoire, de la part de l'Opposition. Vous avez soulevé, à la page 3, tout le problème financier et vous avez dit: La retraite obligatoire à 65 ans constitue donc un handicap sérieux aux fonds de retraite gouvernemental et privés, car la main-d'oeuvre active, compte tenu de la baisse de la natalité, ne cesse de s'amoindrir proportionnellement. Je crois que c'est une observation très pertinente et je me demande si, peut-être, il n'y a pas de contradiction ici, parce que nous avons la loi devant nous, une proposition qui essaie d'humaniser les choses et de donner à plusieurs personnes le choix réel de diriger leur propre style de vie. Mais, si on accepte la réalité financière, peut-être qu'au lieu d'éliminer l'âge obligatoire de la retraite, on doit obliger tout le monde à travailler au-delà de l'âge de 65 ans. Est-ce que vous avez des commentaires là-dessus? (12 h 30)

M. Giguère: Certainement. Cela doit demeurer facultatif. Actuellement, c'est certain que le nombre - les premières années - de ceux qui vont continuer va être plutôt restreint et n'aura pas d'incidence économique. J'ai lu dans plusieurs articles que les actuaires, entre autres, avaient de sérieuses réserves concernant les fonds de retraite vers l'an 2000; en 2010 surtout.

C'est certain qu'en ayant une retraite facultative, il y a un bon nombre de travailleurs qui vont continuer et qui, à ce moment-là, ne recevront pas - je ne sais pas quelles seront les modalités - la pension dès 65 ans mais plutôt à l'âge de leur retraite. Ceci va permettre de soulager un peu les fonds de retraite pour permettre de payer les fonds de retraite indexés à ceux qui en ont besoin.

Il y a une chose qui m'a frappé dans une enquête Gallup qui a paru au mois de février concernant les jeunes. Parmi les 18 à 29 ans, chez les jeunes, il y en a 65% qui ont dit qu'ils étaient pour l'abandon de la retraite obligatoire; de 30 à 49, il y en a 59%; de 50 et plus, il y en a 53%. De sorte qu'on peut se demander pour quelle raison les jeunes sont pour, puisque dans certains cas, ça peut leur enlever des emplois. Il y a aussi l'autre aspect à savoir que les jeunes pensent aussi qu'ils auront à payer pour ceux qui seront à leur retraite plus tard et que la proportion sera toujours de plus en plus grande. Actuellement, si on établit que c'est environ de 8 à 10%, c'est certain que vers l'an 2000, ça va être de 12 à 15%. Le fardeau sera de plus en plus lourd pour ceux qui arrivent sur le marché du travail et tous ceux qui continueront à travailler, de sorte que, certainement, la retraite facultative va aider; sinon les cotisations devront être haussées pour les fonds de retraite parce qu'on prévoit qu'ils seront insuffisants lorsque arrivera le 20e siècle.

Mme Dougherty: Je suis pour les buts

exprimés de la loi mais je me demande si la réalité financière - c'est peut-être une question pour le ministre - ne va pas rendre impossible l'atteinte de notre but au bout de la ligne.

M. Lazure: M. le Président, je m'excuse auprès de la députée. Est-ce que vous pourriez répéter la question, s'il vous plaît?

Mme Dougherty: C'est toute la question du problème financier du gouvernement, des fonds de retraite qui diminueraient par rapport...

M. Lazure: M. le Président, hier, j'ai eu l'occasion de dire que nous aurons à présenter des modifications aux régimes de rentes supplémentaires, surtout en ce qui concerne les règles d'éligibilité et la transférabilité. J'ai dit aussi que nous aurons à proposer des modifications au Régime de rentes du Québec. Il est évident - comme le disait M. Giguère tout à l'heure - que les fonds accumulés et les entrées seront insuffisants pour continuer à verser les prestations d'ici une vingtaine d'années.

Ce n'est pas surprenant puisque les taux de cotisation que l'on connaît aujourd'hui sont les mêmes que ceux qui ont été établis en 1965: 1,8% pour l'employeur, 1,8% pour l'employé. Ce sont exactement les mêmes taux. Personne ne doute qu'il va falloir à un moment donné - ce moment s'en vient bientôt - ajuster les taux de cotisation de l'employeur et de l'employé. Personne ne va en être surpris. Je sais en tout cas que les employés, quand, aux centrales syndicales, on leur en parle, souvent nous répondent: Écoutez, dans la mesure où il va en résulter une pension - je parle du régime public du Québec, la RRQ - drôlement plus intéressante pour les travailleurs et les travailleuses, dans la même mesure, nous sommes d'accord en principe pour qu'il y ait un rajustement du taux de cotisation.

Il va falloir procéder dans un avenir prochain à ce rajustement des taux de cotisation. C'est un fait, on ne le nie pas. Ce n'est pas seulement un problème spécial au Québec, c'est un problème qui touche aussi le régime de rentes du Canada qui est appliqué dans les neuf autres provinces.

Mme Dougherty: Merci. J'ai une autre petite question, M. Giguère. Il me semble que vous prétendez que le fait de continuer de travailler au-delà de 65 ans est peut-être la seule façon de vivre pleinement, vous l'avez dit, pour plusieurs, mais j'ai l'impression que c'est presque pour tout le monde, si on a la capacité de continuer à travailler. Ne croyez-vous pas que le gouvernement devrait peut-être étoffer la loi 15 d'autres initiatives qui faciliteraient la possibilité pour toute personne de choisir son propre style de vie?

M. Giguère: Je suis tout à fait d'accord avec votre remarque, madame. D'ailleurs, j'en ai fait la distinction dans mon mémoire. J'ai dit qu'un type qui avait une pension normale indexée serait très heureux de rester chez lui et de quitter les rangs du travail. Lorsque je parle des autres, c'est évidemment, beaucoup plus par nécessité, même s'il y a un certain nombre d'actifs ou d'hyperactifs qui vont vouloir travailler quand même. Pour moi, cette loi est une première étape et il y en a d'autres annoncées, M. le ministre l'a mentionné, celle du transfert des fonds de retraite, celle de la retraite volontaire à 60 ans; en fait, il y a d'autres mesures qui devraient venir à part celle-là.

Je pense bien que c'est une première étape que nous devrons franchir quand même. Pour ceux qui vont continuer à travailler, pour plusieurs, ce sera certainement un enrichissement et une satisfaction qu'ils n'auraient pas à rester chez eux, surtout dans le cas où il y a un manque de fonds pour subvenir à leurs besoins.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Fabre.

M. Leduc: M. Giguère, votre mémoire est très général et touche les travailleurs de façon générale. Remarquez que je suis parfaitement d'accord avec les opinions que vous exprimez. Par contre, vous êtes employé de l'État et j'aimerais avoir votre réaction à titre d'employé de l'État, compte tenu qu'hier, nous avons entendu un mémoire du Syndicat des fonctionnaires provinciaux, où on disait entre autres que très peu de fonctionnaires se prévaudraient de la possibilité de travailler au-delà de 65 ans, compte tenu qu'on leur offre un bon fonds de retraite, compte tenu aussi, semble-t-on dire, que le travail est peut-être moins créateur dans ce domaine que dans d'autres domaines. Est-ce que vous partagez cette opinion, est-ce que vous avez creusé un peu la situation des fonctionnaires?

M. Giguère: Certainement. Chez ceux qui ont fait entièrement carrière dans la fonction publique et qui arrivent à 65 ans avec une pleine retraite de 70% indexée, je dirais qu'il n'y en a pas 1% qui vont choisir de rester au travail. Du moins, l'expérience qu'on en a actuellement, c'est que plusieurs atteignent 35 ans de service avant d'avoir atteint leurs 65 ans et prennent une préretraite dès ce moment-là, ce qui prouve qu'ils n'ont pas envie de continuer à travailler.

Quant à l'autre remarque, à savoir que c'est moins créateur dans la fonction publique qu'ailleurs, je n'adopte pas du tout cette évaluation de la fonction publique. Elle

est très différente, admettons-le. Il y a des gens dans la fonction publique qui travaillent dans les laboratoires, qui font beaucoup de recherche dans tous les domaines, que ce soit en droit, que ce soit en sciences, que ce soit dans les sciences sociales. À mon sens, ils font un travail aussi créateur que ceux de l'industrie privée. J'ai été moi-même dans l'industrie privée autrefois et je dois dire que, depuis que je suis au gouvernement, la satisfaction que j'ai à travailler au gouvernement est aussi bonne, sinon meilleure, que celle que j'avais lorsque je travaillais pour l'industrie privée.

Le Président (M. Laplante): Merci. Pas d'autres questions? Au nom des membres de la commission, je remercie M. Giguère pour la présentation de son mémoire.

J'invite maintenant M. Jean Labrecque, à titre personnel.

M. Jean Labrecque

M. Labrecque (Jean): Je vous remercie de bien vouloir m'entendre quelques minutes. Je ne lirai pas le travail que je vous ai envoyé parce que, de toute façon, je peux le résumer en quelques phrases. Vous savez très bien que je suis contre le nouveau projet de loi, parce que j'imagine qu'une loi qui est claire et qui donne comme cela un seuil que tout le monde peut très bien comprendre permet d'avoir ce que j'appellerais une meilleure vision de son avenir. 65 ans me paraît être un chiffre arbitraire, discriminatoire, mais, en écoutant tantôt d'autres interventions, je me suis aperçu qu'il y aurait, à la place de cette discrimination, une discrétion qui sera due à toutes sortes de facteurs qui dépassent en définitive l'esprit de votre loi, parce que, dans une certaine mesure, on ne saura plus exactement pourquoi quelqu'un continue à travailler après 65 ans pendant qu'un autre pourra dès 60 ans se retirer.

Remarquez que je suis d'accord avec cette idée que tout citoyen peut être en mesure de prendre sa retraite quand il le désire. À ce moment, nous avons un problème qui ne relève plus, me semble-t-il, d'une politique sociale, mais d'une politique économique concernant ce que j'appellerais deux secteurs très importants quand il s'agit de discuter de ce problème de la retraite, soit le marché du travail qui est un marché captif et le marché des travailleurs qui est aussi un marché captif. On sait très bien que les lois du travail ont déterminé arbitrairement des âges d'entrée dans le marché du travail. Pour éviter toutes sortes d'abus comme l'emploi d'enfants ou d'adolescents, on a fixé à 16 ou 18 ans cette entrée. Dans une certaine mesure, c'était vraiment efficace pour s'assurer que nos citoyens soient bien instruits. D'autre part, le marché du travail étant un marché quand même limité, la création d'emplois étant très difficile, la création d'argent étant aussi très difficile, il est impossible d'imaginer que le marché du travail puisse recevoir n'importe qui et le garder n'importe comment, n'importe quand, de sorte que 65 ans me paraît un chiffre qui permet à tout législateur de répartir après cela la carrière de travail des citoyens. À ce point de vue, je pourrais vous dire que j'ai été heureux d'entendre quelqu'un, au tout début, parler du plan de carrière. Il me semble que tout citoyen devrait avoir droit à un plan de carrière qui pourrait lui assurer un certain cheminement. Si on laisse la situation actuelle, il est évident qu'il y aura des fluctuations telles qu'on pourra se demander dans quelle mesure une loi comme celle-là favorise indûment une classe adulte par rapport à une classe de jeunes travailleurs. Je ne suis pas sans vous rappeler, il me semble que c'est normal de le faire, que le chômage affecte énormément une classe de jeunes travailleurs et qu'il est appelé à l'affecter continuellement étant donné les progrès technologiques qui font disparaître énormément d'emplois traditionnels. On arrive ainsi à des seuils très difficiles.

Je prendrai un cas particulier. En supposant qu'un homme travaille dans l'industrie de la construction et que, vers 50 ans, il ne peut plus travailler sur les chantiers mêmes, il est presque obligé de prendre sa retraite, ou il pourrait accéder à des postes administratifs, comme l'inspection du travail. Mais si, par hasard, dans ce secteur, les inspecteurs du travail continuent à dépasser 65 ans, j'ai bien l'impression que l'ouvrier de 50 aura beaucoup de misère à se recycler. Le plan de carrière m'apparaît un objectif très important. (12 h 45)

Je terminerai ici en disant que le problème de la retraite, c'est un problème qui relèverait beaucoup plus des lois du travail et des conventions entre les différents groupes de travailleurs organisés en syndicat que d'une mesure de caractère social. C'est ce qui fait d'ailleurs l'aspect insolite de la question que vous soulevez, parce que vous associez la retraite à la vieillesse. Il y a là une espèce d'impression qui se dégage d'un déclin, d'une morbidité ou de quelque chose qui m'apparaît inacceptable. Si on veut que le problème soit étudié sereinement... L'âge de la retraite, c'est un problème qui peut se discuter exactement comme des travailleurs discutent de leurs congés et leurs conditions de travail.

Je termine en vous disant: Merci de m'avoir entendu. Je vous le dis, mon texte, je l'ai fait uniquement comme un citoyen ordinaire réagit aux nouvelles que les journaux lui apportent de temps en temps.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. Labrecque. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je remercie M. Labrecque d'avoir pris le soin de préparer sous forme de mémoire ses impressions personnelles et de nous exposer ses croyances, ses convictions. C'est un peu beaucoup le but de ces commissions parlementaires, soit de permettre à la fois à des groupes organisés et aussi à des citoyens de présenter leur point de vue. Nous avons cru qu'il serait intéressant d'avoir côte à côte deux citoyens qui apportent deux sons de cloche totalement différents.

J'ai quelques questions à poser. Au tout début de vos remarques, vous avez dit: On enlève une discrimination, mais on remplace cela par une discrétion. Je n'ai pas très bien saisi ce que vous vouliez dire. Quant à nous, ce n'est pas une discrétion qu'on introduit en enlevant la discrimination quant à l'âge. Ce qu'on introduit, c'est une liberté de choix. On introduit la notion que le travailleur ou la travailleuse pourra décider, si il ou elle est en bonne santé mentale et physique, de continuer à travailler, soit à temps plein, soit à temps partiel, peu importe. Dans la mesure où la personne a les capacités voulues pour remplir la tâche, nous disons simplement: Abolissons cette barrière qui n'est même pas légale, mais qui est entrée dans nos moeurs et dans beaucoup de conventions collectives, dans beaucoup de régimes de retraite, abolissons cette barrière artificielle qui a été utile à une certaine époque et qui ne l'est plus aujourd'hui, qui est discriminatoire. Ce que vous appelez discrétion, nous considérons que c'est plutôt un élément de liberté de choix qu'on apporte.

Deuxième remarque. Vous dites: II ne faut pas enlever la limite de 65 ans parce que, à toutes fins utiles, on va augmenter le chômage chez les jeunes. C'est un des arguments que vous développez dans votre mémoire, comme on l'a entendu de la part d'autres personnes ou d'autres groupes. Vous étiez probablement ici tantôt quand l'autre citoyen a fait état d'un sondage Gallup qui est fort intéressant, parce que les jeunes ne nous ont pas dit: Vous faites une erreur en abolissant l'âge obligatoire de la retraite parce que vous allez nous priver d'emploi, les jeunes ne l'ont pas dit lors de ce sondage qui est récent quand même, c'est l'an passé, en 1980.

La question - c'est un sondage Gallup -a été posée comme ceci: Des entreprises obligent une personne à se retirer à 65 ans, êtes-vous d'accord, oui ou non? Les jeunes de 18 à 29 ans, donc les jeunes touchés dans votre mémoire, à 65% disent: Non, ce n'est pas une bonne idée de garder une retraite obligatoire. C'est considérable, 65%, c'est assez curieux parce que les jeunes sont plus nombreux à être contre cet âge de retraite obligatoire que les gens de 50 ans et plus où, là, c'est 53%.

Alors, il y a différentes choses à répondre à ceux qui nous disent: Votre loi va priver les jeunes d'emploi. On en a beaucoup parlé hier, c'est un raisonnement qui, même à l'absurde, pourrait nous mener à des affirmations comme celle-ci: Chaque fois qu'un homme prend un emploi, il l'enlève à une femme, ou vice versa. En regard du nombre relativement limité de personnes de 65 ans et plus qui vont vouloir continuer de travailler, on ne considère pas que cela va avoir des répercussions importantes par rapport à la privation d'emploi pour des jeunes.

Toutes vos remarques concernant les problèmes qui entourent le chômage, on est obligé, évidemment, de partager vos inquiétudes, vos préoccupations sur le taux élevé de chômage que l'on connaît chez les jeunes, en particulier, mais, indépendamment de ce projet de loi, tout ce que nous disons, c'est: Ne mélangeons pas les problèmes. Il y a un problème qui est ressenti et tous les groupes de personnes âgées qui sont venus ici ont été unanimes à dire que c'est une bonne mesure: la Fédération de l'âge d'or, l'association du Québec pour les retraités, le Forum des citoyens âgés de Montréal. Enfin, s'il y a quelqu'un qui devrait pouvoir évaluer la situation, c'est bien ces gens qui sont directement concernés. Alors, tous ces gens nous disent: C'est une bonne mesure, adoptez une telle loi. Les jeunes, d'autre part, quand on procède par sondage scientifique, disent aussi, encore plus fort que les personnes âgées de 50 ans et plus, aux deux tiers: II faut abolir cette obligation de la retraite à un tel âge.

En conclusion, je retiens que vous voudriez qu'on remédie le plus rapidement possible au taux de chômage élevé dans notre société, en particulier chez les jeunes. On vous répond: Oui, il faut faire des efforts dans ce sens. Les efforts que nous faisons dans le sens de la création d'emplois pour les jeunes ne sont pas affectés négativement par l'abolition de l'âge obligatoire de la retraite. Merci.

M. Labrecque: Est-ce que je pourrais vous poser une question? Pourquoi le législateur l'avait-il établi à 65 ans il y a quelques années? Quels étaient, à ce moment-là, les motifs qui l'établissaient?

M. Lazure: II y avait un mélange de motifs. D'abord et avant tout, je pense que c'était pour protéger les vieux jours de la main-d'oeuvre, que ce soit en Allemagne, en France ou ailleurs. C'était aussi, si vous voulez, pour faciliter l'accès, dans son esprit, à une main-d'oeuvre plus jeune. Le raisonnement que vous développez vis-à-vis

de cette espèce d'éventail, admettons, de 18 ans 65 ans, si on continue ce raisonnement, vous pourriez dire: Montons de 18 ans à 22 ans et on va réduire d'autant le chômage, ou baissons l'âge obligatoire de la retraite de 65 à 63 ou 60 ans et on va réduire d'autant le chômage. Cela part d'une bonne intention, mais je pense que vous faites un accroc sérieux à la liberté de l'individu quand il est en bonne santé.

Il faut bien se souvenir que l'état de santé de la population, à l'époque de Bismarck, en Allemagne, lorsque la première loi a été adoptée pour l'âge de la retraite, dans les années mil huit cent quatre-vingt, n'était pas ce qu'il est aujourd'hui. L'espérance de vie était à peu près de 45 à 50 ans et, aujourd'hui, c'est tout près de 77 ou 78 ans. Si on voulait garder les proportions et absolument imposer un âge de retraite obligatoire, qui avait été de 65 ans lorsque l'espérance de vie était, admettons, de 50 ans, on devrait monter, si on veut absolument garder un plafond, à 75 ou 80 ans, étant donné que l'espérance de vie est beaucoup plus élevée qu'elle ne l'était à ce moment-là.

M. Labrecque: Oui, mais vous oubliez que le travail et les techniques de travail réduisent coûte que coûte le nombre d'ouvriers nécessaires pour la même productivité. Il faut savoir aussi que, dans une certaine mesure, le jeune citoyen a une vie à organiser, tandis que le citoyen âgé de 65 ans devrait, au contraire, ne pas garder certains emplois; s'il les garde c'est parce qu'ils sont très payants et d'autre part il prive l'accès à une expérience et à une efficacité le jeune citoyen moyen de 30 ou 40 ans, parce que le directeur est devenu tellement éminemment compétent qu'on ne peut plus s'en passer. À ce moment, je considère qu'il y a là un sacrifice; on sacrifie quelqu'un. Moi, j'aime mieux sacrifier une personne de 65 ans et plus et encourager un jeune employé de 30 ans et plus, parce qu'à un moment donné il faut que la tâche soit faite par un des deux.

M. Lazure: M. le Président, je veux simplement ajouter encore une fois que les jeunes répondent: Oui, il faut abolir cette obligation de la retraite.

M. Labrecque: Cela, je vous le dis...

M. Lazure: Là, vous présumez que les jeunes ne parlent pas en connaissance de cause, mais...

M. Labrecque: Non, je dis simplement que l'enquête s'interprète comme on le veut et se vit autrement.

M. Lazure: Si vous voulez, mais juste une dernière remarque.

M. Labrecque: Les jeunes vivent, en tout cas, la situation économique beaucoup plus terriblement que les personnes âgées. Cela je peux vous le dire.

M. Lazure: Mais, on l'a dit hier, les jeunes ne peuvent pas nécessairement prendre la place de la personne de 65 ans dans bien des types d'emplois. Le jeune de 20 ans n'est pas du tout apte à remplir l'emploi que la personne de 65 ans doit laisser.

M. Labrecque: C'est pour cela que je vous disais que votre loi serait raisonnable, dans une certaine mesure, si elle était associée d'une précision quant au plan de carrière, comme on en a parlé dans la première intervention qui m'a vraiment frappé, parce que c'était une expression que j'ai trouvée très heureuse. Le plan de carrière permettrait à quelqu'un de savoir quels seront les échelons, quelles seront les balises de sa carrière et quel sera à un moment donné le sens de sa vie. Alors qu'actuellement vous laissez tout simplement la chose dans le vague et vous dites: Selon les circonstances, selon le hasard des vies individuelles, on aura peut-être la chance de travailler jusqu'à 75 ans, mais peut-être aussi la chance... C'est cette confusion qui m'apparaît un petit peu déplorable et c'est pour cela que je tiens toujours, en tant que simple citoyen, à ce que les lois soient le plus claires possible et passablement les mêmes pour tout le monde.

Quant aux problèmes de discriminations et de discrétion, je vous l'ai dit, ces mots je les prends parce qu'ils entrent bien dans un discours, mais, au fond, dans la vie, il y a beaucoup de ces éléments dont il faut tenir compte: quelquefois ils sont cachés, latents, et quelquefois ils sont visibles et évidents.

M. Lazure: Mais vous demandez dans votre mémoire qu'on laisse beaucoup de place aux conventions de travail. On est d'accord là-dessus; c'est grâce aux conventions de travail, bien souvent, que l'âge de la retraite obligatoire a été abaissé de 70 à 65 ans...

M. Labrecque: C'est cela.

M. Lazure: ... de 65 à 60 et même à 55 ans dans certains cas...

M. Labrecque: Oui.

M. Lazure: Cela va continuer. Encore une fois...

M. Labrecque: Je l'espère.

M. Lazure: ... comprenons-nous bien, le

projet de loi n'a pas pour but d'inciter, encore moins de forcer la personne âgée à continuer de travailler. Les syndicats, s'ils le désirent, si ça correspond au voeu de leurs membres, vont continuer de réclamer autour de la table de négociation avec le patron - des retraites anticipées. On sait fort bien que le courant est dans ce sens, on est conscient de ça, mais un courant n'empêche pas aussi un autre courant qu'on constate dans notre société et qui est d'abolir toutes les formes de discrimination ou le plus possible.

C'est dans ce sens que nous présentons le projet de loi 15, qui va permettre à un petit nombre - un nombre beaucoup plus petit que l'autre groupe - de gens de continuer à travailler, alors que le nombre de ceux ou celles qui vont cesser de travailler avant 65 ans va aller en augmentant.

M. Labrecque: Je vous l'ai dit, ma crainte c'est la perturbation que ce petit nombre peut causer aux marges du champ du travail...

M. Lazure: Je respecte votre crainte, mais il semble que toutes les prévisions et les expériences ailleurs n'ont pas apporté de fondement à ces craintes qui avaient été exprimées aussi en 1978 lorsque le Congrès américain a passé sa loi.

Le Président (M. Boucher): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. À mon tour, je veux remercier M. Labrecque de son mémoire. Je vais être très brève, parce qu'il y a déjà eu passablement d'échanges entre le ministre et vous-même. Je vois que le ministre respecte votre crainte mais sans avoir été capable de l'apaiser. Je ne tenterai pas non plus de le faire. Je voudrais d'abord signaler que j'aime bien ça quand il y a un mémoire qui arrive et qui remet quand même en question des choses que tout le monde tient pour acquises, ça oblige à une réflexion plus avancée. Dans ce sens, je pense que vous apportez un message intéressant. (13 heures)

La question du chômage des jeunes, évidemment, vous préoccupe fort. C'est bien plus rattaché à une question économique, je pense, qu'à la possibilité qu'un certain nombre de personnes prolongent leur emploi au-delà de 65 ans. Personne ici ne peut savoir quelle répercussion l'un a sur l'autre. Par les projections qu'on peut faire, il semble que ce soit minime, mais on connaît déjà 17%, 18% de chômage chez les jeunes. Même s'il n'y avait que 2% de gens qui continuaient à travailler en disant que les emplois des uns correspondent aux autres, ce n'est pas nécessairement le cas, on le sait. De toute façon, je ne veux pas revenir sur ce sujet.

Il y a deux choses que vous soulignez dans votre mémoire, je les cite: "Les besoins prioritaires de la société actuelle ne sont pas ceux des retraités actuels ou futurs, mais bien ceux de la jeunesse et des jeunes familles. Il faut reconnaître l'énormité des sommes que l'État consacre à ces deux réseaux et il est évident qu'elles paraissent tomber dans un gouffre." Pourriez-vous, brièvement, développer ça? Ma deuxième question, compte tenu du temps: vous signalez, à l'avant-dernière page de votre mémoire, que, dans bien des cas, des personnes qui poursuivront après 65 ans accompliront un travail à rabais. Vous êtes la première personne qui signale ça. Dans les deux cas, pourriez-vous développer ça?

M. Giguère: Disons qu'à un moment donné j'ai vu les gouvernements essayer de créer des emplois pour les jeunes, des projets soit fédéraux ou provinciaux. Rappelez-vous les projets PIL ou rappelez-vous, au tout début des années soixante, ce fameux projet de resituation des gens de la Gaspésie. Et là, on a eu le grand espoir de créer toutes sortes d'organisations économiques, de nouveaux modes de vie économique dans ces régions. On a investi des sommes considérables et au bout de quelques années on s'est aperçu qu'on avait détruit des milieux de vie et qu'il ne restait plus rien, parce qu'un gouvernement commençait un projet et il disait à l'autre: Prends la suite. Je me souviens que les critiques du gouvernement provincial contre le gouvernement fédéral concernant les projets PIL ont justement été celles-là. Le gouvernement fédéral commençait un projet pour créer de l'emploi et, à un moment donné, il laissait tout tomber et il disait au provincial: Prends la suite. À ce moment-là, vous voyez le genre. C'est ce que j'appelle de l'argent qui semble tomber dans un gouffre parce qu'il y a là un manque de perspective, un manque de planification et d'intégration des capacités des deux gouvernements à créer de l'emploi ou à créer des conditions de vie intéressantes pour des jeunes travailleurs.

L'autre sujet: il est très naturel que certaines personnes, passé 65 ans, soient encore intéressées à être actives et même à participer à des tâches que la vie économique leur propose. À ce moment-là, il pourrait arriver, même si nos lois du travail sont très bien appliquées, cette espèce de tentation qu'il y a de voir des industries, des entreprises créer ce que j'appellerais un personnel avec lequel elles n'auront pas à négocier très longtemps pour lui donner un salaire. Ce sera toujours une négociation de personne à personne. Ce type de travailleurs

n'aura pas, non plus, l'intention de s'organiser en syndicat, ni de s'organiser de façon très représentative pour participer à ce que je pourrais appeler, la gestion d'une entreprise. Il y aura donc une sorte de danger de pression sur des personnes pour qui le goût de l'activité est plus important que le salaire qui y sera attaché. Par contre, l'employeur ou l'industrie en question sera intéressé à avoir quelqu'un qui aime, qui va faire très bien ce travail, il va lui payer un salaire dont l'autre se contente, mais qui, dans une certaine mesure, pourra être un peu à rabais par rapport à la valeur même de ce travail accompli. Je ne sais pas si vous comprenez la situation. Comme je vous dis, ce sont des choses qui sont à voir, à prévoir.

Mme Lavoie-Roux: C'est bien de le signaler, parce que dans le cas des femmes plus âgées qui font du service domestique, comme les femmes de ménage, elles acceptent souvent des conditions inférieures à ce qu'une femme plus jeune gagnerait, par manque de confiance ou parce que les circonstances s'y prêtent. Il faut quand même dire que cette situation existe présentement. Peut-être que cela l'augmentera. Mais c'est bon. Au moins, ce sont les groupes de personnes âgées qui devraient être attentives à ce genre de choses au moment où plus de personnes travailleront à un âge plus avancé, parce qu'il pourrait se développer, d'une façon plus généralisée, ce modèle, ce pattern - excusez l'anglicisme - avec les personnes âgées qui, souvent, on l'a dit depuis deux jours, vont aller travailler par nécessité, pour arrondir un peu les coins à la fin du mois plutôt que par intérêt.

M. Labrecque: Je voudrais terminer par ceci. Le retraité est plus désireux de travail que d'argent au bout du compte. Il sait que sa journée aura sa signification s'il a fait quelque chose, et non pas si son compte de banque a plus ou moins fluctué par ses dépenses quotidiennes. Je ne sais pas si vous comprenez que c'est une tentation très forte, je la comprends, mais dans une certaine mesure, je favoriserais qu'il puisse faire un travail, mais qui ne vienne pas perturber le marché économique du travail tel qu'on le trouve actuellement dans notre système économique.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup, M. Labrecque.

Le Président (M. Laplante): II me reste à vous remercier, M. Labrecque, au nom de tous les membres de la commission.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 07)

(Reprise de la séance à 15 h 05)

Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous plaît!

À la suspension, ce matin, nous en étions au groupe de l'Intersyndicale.

Toutefois, avant de procéder, je voudrais faire part aux membres de la commission d'une liste de mémoires qui ont été présentés à la commission simplement pour dépôt. Il s'agit du mémoire de M. Albert Vandelac, du mémoire du Conseil du patronat du Québec, du mémoire de Mmes Sancton, Schwarz et Vilim, du mémoire de la Chambre de commerce de la province de Québec, du mémoire de M. Roland Labrie et du mémoire du Conseil des gens d'affaires du Québec, qui ont demandé simplement de déposer leur mémoire.

J'appelle immédiatement le groupe de l'Intersyndicale, représenté par M. Norbert Rodrigue, pour la CSN. M. Rodrigue.

L'Intersyndicale

M. Rodrigue (Norbert): M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs de la commission parlementaire, nous aurions pu nous contenter de déposer notre mémoire, mais nous avons cru que le sujet était suffisamment important et que toutes les questions qui entourent ce projet de loi étaient suffisamment importantes pour que nous venions donner notre opinion et exprimer notre point de vue sur un certain nombre de questions et de revendications.

Avant de commencer, M. le Président, avec votre permission, je voudrais souligner les organisations regroupées dans l'Intersyndicale pour les fins de la présentation de ce mémoire: le Syndicat des employés de magasins et bureaux de la SAQ, représenté par Ronald Asselin, à mon extrême gauche; la Fédération québécoise des infirmières et infirmiers, représentée par Simon Barrette, à ma gauche aussi; la Fédération des syndicats professionnels des infirmières et infirmiers du Québec, représentée par Hélène Pelletier; la Fédération des infirmières et infirmiers unis, représentée par Berthe Martin. Normalement, elles devraient être ici, mais je pense qu'elles sont absentes pour l'instant.

Mme Martin (Berthe): Je suis ici, monsieur, Berthe Martin.

M. Rodrigue (Norbert): Oui, d'accord, très bien. Il y a aussi la Fédération des associations de professeurs de l'Université du Québec, représentée par Marie-Andrée Bertrand; l'Association provinciale des enseignants protestants du Québec, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux, représenté par Jean-Louis Harguindeguy et Jean-Guy Fréchette; la Centrale de

l'enseignement du Québec, représentée par Robert Gaulin, le président; l'Association provinciale des enseignants catholiques et la Confédération des syndicats nationaux.

Le mouvement syndical, M. le Président, s'est montré favorable en de multiples occasions à l'abolition de l'âge de la retraite obligatoire. Cependant, la simple abolition de l'âge de la retraite obligatoire n'est qu'accessoire au problème entier et beaucoup plus vaste du droit à la retraite et à l'établissement d'un revenu minimum décent. À notre avis, ce droit à la retraite doit être assorti de plusieurs législations importantes et le décloisonnement de l'âge de la retraite doit être accompagné de plusieurs concordances obligatoires à réaliser simultanément.

Sans pour autant être exhaustifs, nous voudrions signaler les points suivants: les législations importantes, à notre point de vue, c'est la situation des personnes qui ne participent pas à un régime privé de retraite, le rapport COFIRENTES que vous connaissez probablement tous et toutes, la situation des femmes, l'âge normal de la retraite, la discrimination en raison de l'âge, les barèmes d'aide sociale, la politique de la main-d'oeuvre. En ce qui concerne les concordances obligatoires à réaliser, il y a les mécanismes de protection, la concordance avec la pension de sécurité de la vieillesse, le Régime de rentes du Québec ou le régime de rentes du Canada, la concordance avec la loi des régimes supplémentaires de retraite, les bénéfices de l'assurance-chômage, l'assurance-salaire, la préretraite et les conventions collectives.

Il y a moins de 43% des Québécois qui ont des revenus autres que ceux des régimes publics. De plus, seulement 1 $ sur 7 $ du revenu des personnes âgées provient de régimes supplémentaires de rentes, tandis que 3 $ pour chaque 5 $ proviennent des programmes publics, soit fédéraux ou provinciaux. Comment corriger d'une manière égale la situation des personnes qui n'ont pas l'opportunité de participer à un régime privé de retraite? Est-ce dire que les personnes qui sont riches pourront prendre leur retraite plus tôt que 65 ans, sinon à 65 ans, et que celles qui sont pauvres devront continuer à travailler en dépit de leur âge à cause de l'insuffisance de leur revenu au moment de la retraite? Le projet de loi no 15 ne parle pas de cette question, évidemment.

Quand cessera-t-on de considérer que la retraite est un avantage qu'on peut se payer si on a été prévoyant, si on doit continuer à travailler jusqu'à son décès? Quand est-ce que l'on va considérer que la prise de la retraite avec un revenu suffisant et à un âge normal est un droit plutôt qu'un privilège?

Or, le mouvement syndical considère, d'autre part, inadmissible l'insertion du projet de loi no 15 dans toute l'industrie des régimes supplémentaires de retraite pour corriger l'insuffisance de revenu des plus de 65 ans. La voie normale de procéder par correctifs au régime public existant serait de beaucoup souhaitable puisque les statistiques déjà fournies démontrent que seulement 43% de la population est couverte par les régimes supplémentaires de rentes.

Un comité formé par le gouvernement du Québec a déjà examiné toutes ces questions et a déposé, en 1977, un rapport au ministère des Affaires sociales. Ce rapport et ses conclusions sont demeurés, depuis ce temps, lettre morte. Nous trouverions plus logique que le gouvernement du Québec commence à mettre en application les différentes recommandations contenues au rapport COFIRENTES, même si, on doit l'avouer, plusieurs points de désaccord y ont été manifestés en ce qui nous concerne.

La situation des femmes. Lorsqu'on examine la situation particulière des femmes en ce qui concerne leur participation à un régime supplémentaire de retraite, on se rend bien compte que ce ne sont pas les modifications apportées par le projet de loi no 15 qui vont améliorer leur situation. En effet, 66% de la population féminine ne participe pas à un régime de retraite. Ce n'est pas le fait de demeurer au travail qui va leur permettre d'améliorer le revenu de rentes qu'elles auront lorsqu'elles cesseront de travailler. De toute manière, il n'y a pas de revenu de travail pour les femmes qui demeurent à domicile. Le projet de loi no 15, qui n'a certes pas la qualité d'être un projet de loi global, est tout à fait muet sur cette facette du problème et a donc comme conséquence de maintenir les femmes dans une situation tout à fait différente des hommes sur ce point.

Le mouvement syndical serait tout à fait disposé à considérer le décloisonnement de l'âge obligatoire de la retraite au-delà de 65 ans à la condition, également, d'abaisser aussi cet âge pour en arriver à établir une politique souple à cet égard.

Particulièrement, nous aimerions voir s'introduire un élargissement du concept de l'âge normal de la retraite. Est-il vain de rappeler que certaines catégories de main-d'oeuvre n'ont pas à se demander si elles pourront repousser au-delà de 65 ans leur âge de retraite; elles meurent avant d'y arriver, compte tenu de la dureté de leur milieu de travail.

Comment ne pas songer, par exemple, à la discrimination en raison de l'âge, cette dimension où des employeurs sans scrupule congédient des salariés en raison de leur âge. Les mises à pied sont fréquentes et, à cet âge, rien, dans la Charte des droits et libertés de la personne, ne vient protéger le travailleur ou la travailleuse. À quoi sert un droit tel que celui qu'accorde le projet de

loi no 15 si, par ailleurs, ce droit n'est pas protégé au titre de la discrimination? On constate qu'il y en a beaucoup à ce chapitre. Sans élaborer sur un sujet aussi transparent, laissons parler la Commission des droits de la personne du Québec, dans son cahier 3, page 50, en regard de l'article 19 de la charte des droits de la personne. La commission parle des motifs interdits de discrimination: "II demeure toutefois un grand absent: l'âge. Parce qu'il est la source de la mise à l'écart d'une portion de la population qui a contribué sa large part au service de la collectivité et qui, ce faisant, a pu développer une grande richesse d'expérience, la Commission des droits de la personne souhaite voir ce motif ajouté à la liste actuelle. L'effet de cet ajout se manifesterait sans doute particulièrement au niveau des avantages sociaux. Nous avons d'ailleurs exprimé ce point de vue, parce que nous le partageons, à la Commission des droits de la personne et à la commission parlementaire qui siège au même moment sur la Charte des droits et libertés de la personne. Un droit, quant à nous, n'existe que dans la mesure où il peut être utilisé sans contrainte et sans discrimination.

En ce qui concerne les barèmes d'aide sociale, le projet de loi 15 ne règle rien en termes d'insuffisance des revenus des personnes à la retraite. Nous croyons que cette situation de l'insuffisance des revenus doit être traitée dans son ensemble. Cette approche, selon nous, devrait passer par le relèvement des barèmes d'aide sociale à tous les niveaux, tant avant qu'après la retraite. Il nous semble urgent que le gouvernement mette en place un vrai régime de revenu minimum garanti intégré. (15 h 15)

La multiplication de différentes mesures qui ont toutes un rapport avec le seuil de pauvreté et qui proviennent de différents niveaux de gouvernement impose qu'on s'attaque à ce problème de pauvreté de façon cohérente et décisive.

Ces mesures économiques et sociales devraient toucher des aspects tels que le salaire minimum, le coût du logement, les hauts taux d'intérêt, le système de taxation, l'endettement des individus et des familles, l'indexation des tables d'impôt au coût de la vie, les disparités régionales, etc.

La politique de main-d'oeuvre. Le projet de loi 15 nous amène aussi à insister sur une véritable politique de main-d'oeuvre qui permettrait l'existence d'un réel droit au travail pour tous et pour toutes. Nous traversons une période, je pense qu'on n'a pas à la décrire tellement longtemps, où le chômage atteint des records sans précédent, où la planification des besoins de la main- d'oeuvre nous montre son échec à peu près total. C'est à se demander s'il existe d'abord une vraie planification des besoins en main-d'oeuvre. Comment pouvons-nous ne pas nous interroger sur l'existence du projet de loi 15 quand les problèmes de main-d'oeuvre et de chômage ne sont pas résolus? Et aussi, comment ne pas nous interroger sur la reconnaissance du droit au travail, non seulement pour les plus âgés, mais aussi pour tous, car on ne veut pas entrer dans un débat d'opposition entre les jeunes et les moins jeunes? Ce que nous disons cependant, c'est que la perspective du projet de loi vient accorder un droit au travail pour ceux qui ont 65 ans et qu'on ne retrouve pas ce même droit là en termes d'application pour l'ensemble des travailleurs et travailleuses.

En ce qui concerne les concordances obligatoires à réaliser, selon notre point de vue, il y a les mécanismes de la protection. L'article 2 du projet de loi 15 prévoit qu'une personne congédiée, suspendue ou mise à la retraite parce qu'elle a atteint ou dépassé l'âge de la retraite ou le nombre d'années de service prévu, pourra loger une plainte au commissaire du travail et être entendue selon les mécanismes du Code du travail applicables au congédiement pour activités syndicales. Sans nous y arrêter, il nous faut souligner que l'employeur ne serait pas empêché d'exercer des représailles avant l'atteinte de l'âge de la retraite, ni ne contreviendrait à la loi en exerçant d'autres formes de représailles que le congédiement, la suspension et la mise à la retraite. Particulièrement dû au nombre de causes, aux délais impartis, aux technicités juridiques et aux coûts, il faut indiquer que les limites du recours sont telles qu'il devient illusoire d'espérer une protection sérieuse des droits.

Je voudrais juste souligner qu'actuellement nous faisons des représentations au niveau du Code du travail. En ce qui concerne les plaintes de congédiement pour activités syndicales, qui est le même processus que suggéré dans le cas qui nous concerne, nous avons des délais d'attente entre huit mois et un an pour trouver une réponse en termes de décision soit des commissaires, soit du Tribunal du travail dans les circonstances actuelles. On a un peu et beaucoup de craintes quant aux autres cas qui pourraient se produire en ce qui concerne les questions relatives à la retraite.

En ce qui concerne les concordances avec la pension de sécurité de la vieillesse, le RRQ et le RRC, puisque le projet de loi 15 est muet sur cette question, force nous est de conclure que la personne qui continuerait de travailler plutôt que de prendre sa retraite recevrait les différents bénéfices provenant des régimes publics, c'est-à-dire pension de sécurité de la vieillesse du Canada et Régime de rentes du

Québec. Si cette hypothèse n'est pas exacte, nous aimerions alors connaître d'une manière non ambiguë les dispositions qui ont été prises pour déterminer le moment où ces bénéfices seront payables. Les personnes concernées auraient-elles à la fois un double statut de retraité et de cotisant? Nous posons la question parce que ça nous paraît important.

En ce qui concerne les concordances avec les régimes supplémentaires de retraite, si le projet de loi 15 a, entre autres objectifs, celui de permettre au travailleur ou à la travailleuse d'améliorer l'état des bénéfices de rentes qu'il ou qu'elle recevra alors qu'il ou qu'elle cessera de travailler, il faut convenir que cela n'a pas un grand effet sur les exemples illustrés dans les tableaux présentés en annexe. Vous pourrez consulter les tableaux 2, 3, 4, 5, 6, 7. Or, dans les dispositions du projet de loi 15, il n'est aucunement indiqué qu'une personne qui continue de travailler après 65 ans voit le montant de sa rente amélioré, sauf qu'elle a à "cotiser au régime qui lui est applicable". Ce qu'on constate, selon nos calculs, c'est que quelqu'un qui, en vertu du projet de loi 15, continuerait à travailler pendant cinq ans pour prendre sa retraite, par exemple, à 70 ans, fondamentalement, au niveau de sa rente, ne bénéficierait d'à peu près rien pour les années supplémentaires où il aurait travaillé. Celui qui aurait pris sa retraite à 65 ans se situerait en termes de revenu à peu près un même niveau que celui qui a continué à travailler pendant cinq ans. Ce qu'on pose comme question: Est-ce que ces travailleurs qui ne prendront pas leur retraite à 65 ans, mais qui décideront de travailler pourront bénéficier d'ajustements équivalents à leurs rentes, en surplus de ce qui est déjà prévu pour des besoins de revenus et répondre à leurs besoins fondamentaux? À défaut de précision dans le projet de loi 15, nous devons conclure dans le sens prévu au précédent paragraphe et affirmer que le projet, sur ce point, est tout à fait insuffisant.

Les bénéfices de l'assurance-chômage. Un autre aspect du problème n'a pas été, à notre sens, examiné, c'est celui de l'assurance-chômage. Actuellement, il est prévu qu'une personne, lorsqu'elle prend sa retraite à 65 ans, n'a pas d'autres bénéfices à recevoir de l'assurance-chômage qu'une prestation de trois semaines, dans le but de lui permettre d'attendre le paiement des bénéfices de rente auxquels elle a droit.

Comme, dans le projet de loi 15, aucune concordance avec cette situation n'a été faite, une personne qui demeure sur le marché du travail cesse d'être couverte par l'assurance-chômage. Les fermetures d'usine et les surplus de personnel sont fréquents, vous en savez quelque chose de ce temps-ci. Quelle protection aura alors une personne devant les situations qui l'attendent de toute manière, rendue à cet âge? Le projet de loi 15 est muet à ce chapitre. Le décloisonnement de l'âge obligatoire ne risque-t-il pas d'être théorique alors?

Voici ce qu'on pose comme question. On a perçu qu'il n'y avait pas eu de démarche avec le bureau d'assurance-chômage dans la perspective où l'âge obligatoire de la retraite devient ouvert, où il n'y a plus d'obligation à 65 ans. Pour le gars ou la fille qui va continuer à travailler entre 65 ans et 70 ans, bien sûr, il y a toute la question de juridiction, mais comme l'assurance-chômage prévoit que quand tu arrives à 65 ans, tu as droit à trois semaines d'assurance-chômage, est-ce qu'à 68 ans, si tu as continué à travailler, si tu es mis à pied, tu vas pouvoir bénéficier de l'assurance-chômage? On pose la question à savoir s'il y a eu des démarches faites, on s'interroge là-dessus.

En ce qui concerne la question de l'assurance-salaire, beaucoup de travailleurs et de travailleuses couverts par une convention collective ou non, bénéficient d'un régime d'assurance-salaire accordant une prestation d'invalidité long terme jusqu'à 65 ans.

Puisqu'en vertu du projet de loi 15, un travailleur ou une travailleuse peut demeurer au travail après 65 ans, pourquoi cette limite de 65 ans demeurerait-elle dans ces régimes ou conventions collectives? Quelle sera la conséquence du décloisonnement sur ces régimes d'assurance-salaire et sur les niveaux des primes payables? Le législateur n'a-t-il pas à faire certaines concordances importantes à ce niveau-là? Le gouvernement, par son projet de loi 15, a-t-il sondé auprès du marché des assurances l'impact d'une telle approche? Si oui, quelles sont les mesures prises, les conséquences et les prix?

Ce sont des questions que nous voulons poser et nous aimerions avoir des réponses. Encore une fois, nous pensons que le projet, à sa lecture, est muet sur cette question.

En ce qui concerne les préretraites et les conventions collectives, à l'article 7 du projet de loi 15, il est dit que la loi ne s'applique pas à une personne qui est à la préretraite à la date de sanction du projet de loi. Faut-il comprendre que les personnes qui continuent de travailler après l'âge de 65 ans ne seront pas admissibles à la préretraite? A-t-on prévu faire les concordances à cet effet au niveau des conventions collectives, par exemple? Certains avantages obtenus par convention sont-ils alors unilatéralement soustraits? Encore là, le projet de loi 15 ne répond pas à cette question. La question est très simple, c'est que dans certains secteurs, au moment où on se parle, il arrive que quelqu'un qui arrive à 64 ans, alors que l'âge de la

retraite est de 65, plutôt que de s'inscrire dans un processus de "bum ping" et de fermer la porte à un plus jeune travailleur qui pourrait occuper son poste, décide à 64 ans de s'en aller en préretraite. Il y a des dispositions contenues dans les conventions qui lui permettent de le faire. On dit: Si l'âge de la retraite était plafonné, est-ce qu'on a pensé à faire ces concordances et quelle serait la situation de ces travailleurs dans cette perspective éventuellement?

En ce qui concerne le reste des questions, nous pensons avec respect, sans équivoque, que le projet de loi 15 constitue en quelque sorte le résultat de promesses électorales faites dans le but de répondre à un certain besoin, mais de plaire aussi à une partie de la population qui n'a vu dans ce geste que du feu, parce qu'on constate que c'est beaucoup plus large que le déplafonnement ou le décloisonnement. Le projet de loi 15 pour nous est incomplet et il laisse de côté de véritables problèmes. Il vient masquer une situation beaucoup plus grave, quant à nous, c'est la question de l'insuffisance des revenus.

Dans un deuxième temps, il nous faut constater qu'il a été préparé à la hâte tellement ces insuffisances sont nombreuses. Il ne s'agit pas de décloisonner uniquement ou de déplafonner. Nous pensons déjà que les questions de retraite sont tellement complexes et qu'il y a tellement d'intervenants dans ces questions qu'il nous faut aller plus en profondeur. Un tel projet de loi, c'est manifeste, a comme conséquence une récupération financière de la part des employeurs. Un tel projet de loi a comme effet de diminuer proportionnellement les contributions des employeurs en ce sens que les obligations des régimes sont diminuées. Généralement, la contribution de l'employeur est déterminée par le solde du coût, alors que celle de l'employé est fixe. Cette diminution des obligations des régimes provient principalement du fait que les retraités bénéficieront d'une pension au régime supplémentaire de retraite pendant une période plus courte en demeurant plus longtemps sur le marché du travail pour plusieurs. On ne se compte pas d'histoires là-dessus. Il y a plusieurs fonds de retraite ou régimes de retraite supplémentaires où effectivement l'employeur, c'est le solde qui le concerne. Si tu travailles jusqu'à 70 ans, tu peux mourir entre 65 et 70 ans, d'abord, et si tu ne meurs pas, tu écourtes, tu rapetisses un peu l'obligation de l'employeur parce que cela ne se situe pas de la même façon dans le temps. Par conséquent, les cinq ans, cela veut dire que l'employeur n'a pas besoin de les combler. Selon nous, cela constitue de la récupération pour les employeurs.

En conclusion, M. le ministre et M. le Président, le mouvement syndical, en principe, n'est pas en désaccord avec le décloisonnement de l'âge de la retraite obligatoire.

Cependant, le projet de loi 15 n'est pas, à notre avis, à lui seul suffisant pour corriger le faible revenu des personnes à leur retraite et n'est pas adéquatement assorti de dispositions quant à différents avantages sociaux existants.

C'est pourquoi l'ensemble des organisations devant vous demande au gouvernement qu'il s'engage à procéder à une révision complète de la législation pour une politique de retraite qui tienne compte des besoins réels.

J'ajouterais, cette fois-ci, un commentaire uniquement au nom de l'organisation que je représente. Cela n'engage pas les autres participants. Mais, de plus, M. le ministre, nous vous invitons, comme responsable de ce dossier, à regarder toutes les implications - en tout cas la CSN l'a fait - économiques de ce dossier, c'est-à-dire que nous continuons de prétendre, quant à nous, que ces montants, ces contributions payées par les travailleurs et les travailleuses québécois et québécoises constituent en quelque sorte ou pourraient constituer, devrais-je dire, des leviers économiques importants pour notre société, plutôt que d'être investies dans des trusts privés, d'être investies aux États-Unis, où on a besoin d'aller emprunter, par la voie d'Hydro-Québec ou d'autres, des montants à des forts taux d'intérêt. J'ajoute cela, comme président de la CSN, parce que cet aspect nous paraît important. Je ne voudrais pas faire dévier le débat, mais, comme la mémoire est une faculté qui oublie, je ne cours pas de risque, je vous le rappelle.

Cela termine pour l'instant la lecture du mémoire. On est disponible pour répondre aux questions.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Rodrigue. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux remercier les porte-parole de l'Intersyndicale pour leur présence. Je suis content effectivement qu'ils soient venus. Je veux les féliciter pour le sérieux qu'ils ont apporté, comme d'habitude, à la préparation de leur document.

Il y a un grand nombre de questions soulevées par le porte-parole de l'Intersyndicale. Je vais essayer de répondre aux principales, quitte à ce qu'on prolonge l'échange pendant un certain temps.

Je dois d'abord noter, puisque le porte-parole l'a encore répété à la fin de son intervention, et il faut retenir que, sur le fond du projet de loi qui vise à abolir cette discrimination reliée à l'âge au moment de la retraite, il y a un accord.

M. Rodrigue (Norbert): Il n'y a pas de désaccord.

M. Lazure: II n'y a pas de désaccord et je me permets de conclure qu'il y a un accord. C'est mon privilège. J'oserais même dire aussi qu'il y a un accord entre nous lorsque vous affirmez que c'est un projet de loi insuffisant. On ne l'a pas caché depuis quelques jours - je m'excuse pour ceux et celles qui sont ici depuis hier matin; il y a forcément toujours un peu de répétition dans nos interventions - mais je dois encore une fois affirmer bien fort que, pour nous, c'est clair que ce projet de loi en soi ne constitue qu'une étape très préliminaire, si vous voulez, ou modeste, très modeste, quand on considère l'ensemble de la révision majeure qu'il faut apporter aux régimes de rentes, aussi bien publics que privés. Là aussi on est d'accord. (15 h 30)

Autrement dit, c'est un projet de loi qui n'a pas de prétention, mais qui veut régler un problème. Pendant qu'on a travaillé à ce projet de loi, on a travaillé aussi à des corrections au Régime de rentes du Québec et aux 5000 régimes supplémentaires de rentes, les régimes privés. Je vous dis encore une fois, surtout quand vous évoquez les 55% de travailleurs et de travailleuses qui n'ont pas de régime supplémentaire de rentes, que c'est bien évident que ce n'est pas par ce projet que nous les aidons surtout. Cela va les aider de façon marginale pour les quelques milliers qui voudront continuer de travailler, ce qui n'est pas négligeable si on se place au point de vue de chaque individu, mais, pour l'ensemble des milliers et des milliers de travailleurs qui n'ont pas de protection par un régime supplémentaire, les 55%, pour nous c'est clair, et le gouvernement va indiquer ses orientations de manière progressivement précise dans les jours qui viennent, que c'est par le Régime de rentes du Québec que doit passer le règlement ou l'amélioration du sort du revenu des 55% dont vous parliez tantôt.

C'est important cette option que notre gouvernement fait en faveur de la revalorisation du Régime de rentes du Québec. Certains gouvernements ont opté pour, au contraire, une amélioration ou même une extension des régimes supplémentaires, une extension obligatoire des régimes supplémentaires à tous les employeurs. C'est le cas de l'Ontario, par exemple; c'est l'orientation de l'Ontario. D'autres gouvernements - un autre en tout cas, celui de la Saskatchewan - misent, comme nous voulons le faire, sur une révision majeure du régime de rentes public.

Donc, pour les 55% de travailleurs et de travailleuses pour qui les employeurs n'ont jamais offert un régime supplémentaire de rentes, quant à nous, on ne vas pas continuer de se faire des illusions sur l'empressement des employeurs à fournir des régimes supplémentaires; on va plutôt s'occuper de présenter le plus rapidement possible à l'Assemblée nationale des modifications au Régime de rentes du Québec.

Tout de suite j'enchaîne avec votre dernière remarque parce que c'est tellement intimement lié. Vous parliez à titre de président de la CSN, mais j'imagine que cela rejoint les préoccupations de l'ensemble des travailleurs et des travailleuses. Il est bien évident pour nous que ce projet, comme d'autre projets du genre, ne constitue pas un remède important au sous-développement économique ou aux problèmes de chômage qu'on éprouve de ce temps-ci.

Par ailleurs, quand on s'arrête à une révision majeure du Régime de rentes du Québec, par conséquent on envisage non seulement de remettre à flot la caisse de la Régie des rentes du Québec, mais de la garnir de manière que l'on puisse utiliser ces sommes considérables - comme cela s'est fait jusqu'à un certain point depuis bon nombre d'années, mais le faire encore plus -à développer certains secteurs de notre économie.

Cependant, on ne va pas négliger les régimes supplémentaires parce que même si cela touche seulement 45% de la main-d'oeuvre, il est bien évident qu'il faut non seulement apporter une transférabilité à tous ces régimes de retraite privés, mais surtout changer les règles du jeu. Nous avons la conviction qu'une transférabilité sans changer les règles du jeu n'apporterait pas grand-chose en bout de ligne. Alors, lorsque nous parlons de changer les règles du jeu, nous parlons, par exemple, de modifier pour les améliorer les critères d'éligibilité.

Actuellement, la règle actuelle de 45 ans et 10 ans de service nous paraît trop sévère. Un grand nombre de travailleurs et de travailleuses ne peuvent pas toucher le régime supplémentaire de rentes et, par conséquent, l'employeur fait de l'argent, si vous voulez, sur le dos de cette main-d'oeuvre qui quitte l'emploi avant la période de dix ans. On sait que, dans la plupart des pays d'Europe, les critères d'admissibilité sont beaucoup moins sévères. Très souvent, on ne demande qu'un an ou deux d'ancienneté et on n'impose pas d'âge; quand on impose un âge, c'est à peine 30 ans d'âge. C'est l'orientation que nous avons en tête quant à la bonification des régimes supplémentaires de rentes, les critères d'admissibilité.

Mais il y a aussi d'autres règles du jeu, dans les régimes privés, qu'il faudra changer.

Il y a la gestion de ces caisses. Là, on rejoint vos soucis économiques. On est bien conscient, quand on se met à étudier minutieusement tout l'ensemble de la situation des caisses de retraite privées au

Québec, qu'il y a des milliards de dollars qui quittent le Québec. Souvent, c'est l'épargne de petits travailleurs, de travailleurs à revenu modeste, et cette épargne va soit aux États-Unis, comme vous le disiez, soit en Ontario. Mais un très petit pourcentage de ces épargnes est réinvesti au Québec. On ne le sait même pas, parce que les règles du jeu ne nous permettent pas de le savoir de façon claire.

Une autre règle du jeu qu'il faudra évidemment modifier, c'est de rendre public le pourcentage de cotisation de l'employeur, de définir ce pourcentage de cotisation. Dans beaucoup de régimes supplémentaires privés, l'employeur n'a même pas à dire quel est le pourcentage qu'il va contribuer à la caisse. Ce n'est pas limitatif, ce n'est pas complet, mais je vous donne quelques exemples de règles du jeu qu'il faudra changer dans les régimes supplémentaires de rentes.

Le dernier point que je mentionnais hier, qui est important et qui vous intéresse sûrement, débouche sur la vocation sociale des régimes supplémentaires de rentes. Là aussi, on n'a qu'à voir comment, dans la plupart des pays européens, les travailleurs et travailleuses, bien souvent, dans des comités paritaires avec l'employeur, ont réussi, grâce à ces caisses accumulées, à se donner des services sociaux ou des services de loisirs, des services sociaux dans le sens très large. Au fond, c'est toute la gestion des fonds de retraite supplémentaires qui, jusqu'ici, a été unilatérale, une gestion presque exclusivement de l'employeur, du patron, et nous pensons qu'il est temps que les employés aient une voix paritaire au chapitre de la disposition des caisses de retraite.

Quand on parle des RSR, des régimes supplémentaires de retraite, et qu'on envisage des changements, il y a un changement qui touche les femmes de façon très particulière. Dans la plupart des régimes supplémentaires de rentes, il n'y a pas de clause qui prévoit ce qui s'appelle dans le jargon la rente réversible au conjoint survivant, qui est habituellement la conjointe survivante. Dans beaucoup de plans publics, on prévoit une rente réversible d'à peu près 50%. Certaines entreprises c'est l'exception, ont des plans de retraite assez potables qui prévoient cette rente réversible de 50%. C'est une des règles qui devront être apportées dans l'ensemble des modifications aux régimes supplémentaires de rentes et qui, de façon très réelle, de façon très directe, devraient toucher un grand nombre de femmes au Québec.

Je continue dans l'ordre des questions que vous avez soulevées. Vous avez parlé de la dureté - c'est l'expression que vous employez - du milieu de travail. Dans l'engagement électoral à plusieurs volets qui touche les personnes âgées, vous vous rappelez sûrement que nous avons pris l'engagement de procéder le plus rapidement possible - quant à nous, ce sera la deuxième étape, une fois cette première franchie - par législation à l'ouverture de la retraite anticipée à 60 ans dans un premier temps et pour un premier groupe bien défini qui aura la priorité sur tous les autres, soit le groupe des 60 ans et plus, justement, qui ont oeuvré dans des milieux de travail difficiles, que ce soit dans les fonderies, les mines, les forêts, peu importe. Les travailleurs qui auront le moindrement d'invalidité, d'incapacité - on a parlé de 25% - pourront se retirer à 60 ans avec non pas 25% de prestation d'invalidité, mais 100% de prestation d'invalidité à ce moment-là. Nous allons présenter cette modification le plus rapidement possible. Nous sommes conscients que c'est un cheminement étapiste, mais je pense que surtout votre groupe, qui a travaillé de façon si sérieuse sur le mémoire, va comprendre que c'est effectivement un domaine extrêmement complexe et que nous avons choisi d'y arriver avec des changements étape par étape.

Il y a quelques questions encore, par exemple, le congédiement. Vous dites: Bon, c'est peut-être beau d'enlever l'âge obligatoire de 65 ans, mais qui vous dit que les employeurs ne se mettront pas à congédier à 60 ans ou à 55 ans, comme, d'ailleurs, cela se fait déjà? Votre crainte, c'est que cela se fasse encore plus. Je pense que c'est une crainte qui est légitime. D'ailleurs, la législation américaine de 1978 a une portée un peu plus large quant à la discrimination. Ce n'est pas simplement l'abolition de la discrimination pour l'âge obligatoire à la retraite, mais c'est aussi une protection pour congédiement à partir de l'âge de 40 ans dans la législation américaine. En d'autres termes, si un travailleur ou une travailleuse est congédié à 40 ans et que la personne a des motifs de croire que c'était rattaché à son âge, elle peut avoir recours au mécanisme qui est prévu dans leur loi et qui dans leur cas est rattaché aussi au ministère du Travail. Peut-être pas à partir de 40 ans, mais peut-être à partir de 50 ans, on envisage d'introduire une clause semblable dans le projet de loi final.

Ministère du Travail, Commission des normes, vous dites: II y a déjà un certain embouteillage dans les services qui sont dispensés par la commission. C'est exact, mais si c'est la formule retenue dans le projet de loi final, il est bien clair qu'il faudra, malgré les difficultés budgétaires qu'on connaît, trouver le moyen d'augmenter le personnel comme on l'a déjà fait. Chaque fois qu'on introduisait un nouveau service, mettons, que devait dispenser la Commission des affaires sociales, on ajoutait un certain nombre de personnes à la Commission des affaires sociales, puisqu'elle avait ce nouveau

service à dispenser. Je pense que ce sera une chose à laquelle il faudra s'attendre normalement.

Double statut du travailleur, retraité et travailleur. La réponse c'est oui. Je pense que, si on vous avait dit avant que vous commenciez la rédaction, que les articles 4 et 5 allaient être modifiés radicalement, on n'aurait pas eu exactement les mêmes remarques de votre part. Vous avez raison d'exprimer ce que vous avez exprimé, c'était basé sur le projet 15. Nous avons l'intention de retrancher l'article 5 complètement et de modifier l'article 4. L'article 4 essentiellement va offrir trois choix à la personne qui arrive à 65 ans et qui décide de continuer de travailler. Elle pourra, justement, avoir le double statut; elle pourra commencer de toucher sa rente tout de suite, tout en touchant son salaire et sans investir quoi que ce soit. Deuxième choix, elle pourra vouloir différer sa rente tout en investissant. Troisième choix, elle pourra vouloir différer en n'investissant pas. Dans les deuxième et troisième cas, là aussi la rédaction était un peu ambiguë. Ces deux articles, 4 et 5, dans notre esprit, avaient une portée transitoire. La rédaction sera claire cette fois-ci, elle va clairement indiquer qu'il va y avoir une revalorisation de la rente différée. (15 h 45)

Si la personne veut travailler trois ans de plus, c'est-à-dire jusqu'à 68 ans et que sa pension normalement aurait été de 10 000 $ par année à partir de 65 ans, pendant 12 ans, si la personne travaille trois ans de plus et, par conséquent, va toucher trois ans de moins sa rente, il est bien évident qu'il faut valoriser ses paiements mensuels ou annuels. Je pense qu'on se comprend là-dessus. C'est une revendication que vous faites et vous avez raison de la faire. Au plan de l'équité sociale, il nous paraît absolument normal de procéder à cette revalorisation de la rente. Par conséquent, on dispose d'une crainte que vous aviez que l'employeur accumule des sommes sur le dos de l'employé, à toutes fins utiles. Donc, le double statut sera permis.

Assurance-chômage. Il est évident que, et vous en êtes bien conscients, si notre loi est adoptée à peu près selon la lettre, comme je viens d'essayer de la décrire en substance, il faudra que le gouvernement fédéral modifie ses critères d'admissibilité à l'assurance-chômage. On va le lui demander de façon officielle. J'ai un certain espoir que la réponse puisse être positive dans la mesure où le gouvernement fédéral - le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social l'a déjà annoncé - a l'intention de légiférer aussi pour abolir l'âge obligatoire de la retraite.

Il me semble qu'à partir du moment où le fédéral veut aussi aller dans le même sens que nous, enlever la discrimination quant à l'âge, il devra rajuster ses critères d'admissibilité à l'assurance-chômage. Ce n'est pas à moi de le garantir, mais c'est une chose que nous allons réclamer. On compte bien sur votre appui dans ces réclamations auprès du gouvernement fédéral.

La question de l'assurance-salaire, de tous les avantages sociaux et des bénéfices marginaux. Il y a un principe de base aussi qui sera clair dans la loi, à savoir que, à travail égal, la rémunération globale de la personne qui vient d'avoir 65 ans et qui continue de travailler devrait rester la même. Je ne parle pas nonobstant des promotions qui pourraient arriver, mais à supposer qu'il n'y ait pas de promotion dans un avenir prochain, la personne veut garder son travail, employeur et employé sont d'accord que la personne est en mesure de faire son travail, nous pensons que sa rémunération globale, c'est-à-dire salaire et avantages sociaux, doit rester la même chose quel que soit son âge. C'est ça l'absence de discrimination. Cependant, à partir de ce moment-là, le jeu des relations patron-employé, le jeu des négociations doit continuer d'intervenir comme c'est le cas actuellement dans les régimes supplémentaires de rentes. La plupart des régimes supplémentaires de rentes, que ce soit dans le parapublic ou dans le privé, font l'objet d'une certaine négociation. Ayant posé ce principe élémentaire, nous pensons que, quant au reste, ça doit se régler aux tables de négociations.

Préretraite. Quant à nous, ça reste aussi la préretraite. Il faut bien comprendre que la notion de préretraite est rattachée à un âge soi-disant normal de retraite. En enlevant l'obligation de se retirer à 65 ans, on n'enlève pas l'âge normal de la retraite au point de vue actuariel qui va rester dans la plupart des cas, de 65 ans, dans certains cas, 70 ans. La préretraite va demeurer possible, mais elle sera raccrochée à l'âge qui sera convenu entre les deux parties et considéré comme âge normal de la retraite, 65 ans ou 70 ans.

En terminant, M. le Président, j'ai probablement oublié des choses, les porte-parole pourront y revenir, mais je veux, encore une fois, remercier l'Intersyndicale pour le sérieux qu'elle a apporté dans la rédaction de son mémoire et je veux l'assurer que, sans se faire d'illusion sur le projet de loi que nous présentons dans le moment, nous pensons néanmoins qu'il est important. Toute mesure du genre qui discrimine contre les droits d'un individu doit vraiment être abolie et il n'est jamais trop tôt pour le faire. Nous pensons que c'est une mesure qui n'a pas beaucoup de répercussions économiques, sauf peut-être pour les quelques milliers de femmes et d'hommes qui voudront en profiter, mais nous pensons quand même

qu'au plan des principes il est important d'abolir cette discrimination. Cela ne nous empêche pas de travailler très fort à la préparation de toutes les autres modifications qui devront être apportées aux différents régimes de retraite publics et privés.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. Rodrigue.

M. Rodrigue (Norbert): Dans un premier temps, M. le ministre, je dois vous dire que nous sommes assez heureux de vous entendre dire qu'en ce qui concerne le choix du gouvernement québécois quant à l'amélioration relative de la question des retraites, il doit passer par le RRQ. Parce qu'on a déploré et on était déçu, à la conférence fédérale convoquée par le gouvernement d'Ottawa, de la non-expression des représentants du gouvernement québécois - parce que nous y étions - sur le choix, en termes d'avenir, entre la perspective de se diriger vers la "privatisation" des caisses de retraite, plutôt que vers les caisses de retraite publiques qui existent.

Je dois comprendre, si je comprends bien, que le gouvernement nous dit aujourd'hui, sans parler ou sans mettre en cause l'existence totale, partielle ou peu importe des RSR, des régimes supplémentaires, que la voie choisie sera celle de l'amélioration du RRQ.

M. Lazure: M. le Président, si vous me permettez trente secondes là-dessus. Si on n'était pas présents à la conférence convoquée par le gouvernement fédéral pour le dire, la raison est très simple, tout ce qui touche les régimes de rentes, c'est nettement et clairement énoncé dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique comme étant à primauté législative provinciale. Tout le monde sait ça. Nous pensons, par conséquent, que le gouvernement fédéral n'a pas à convoquer de but en blanc une soi-disant conférence fédérale-provinciale où des douzaines et des douzaines d'organismes sont invités et où on va placer les gouvernements des provinces qui ont primauté législative dans ce domaine sur le même pied que des douzaines et des douzaines d'autres organismes, en tout respect pour vos organismes.

Si on n'a pas eu de représentation politique à cette conférence, on a quand même eu une représentation d'observateur, de fonctionnaires, nous sommes bien au courant de ce qui s'est passé là-bas, nous avons protesté contre la tenue d'une conférence amorcée comme ça. Nous nous dirigeons vers une conférence interprovinciale au cours de laquelle nous allons nous préparer à des négociations avec le gouvernement fédéral.

Je voulais simplement répéter encore une fois que ce n'était pas par négligence ou par incertitude de notre part, nous pensons que ce n'était pas le véhicule approprié à ce moment-là.

M. Rodrigue (Norbert): Politiquement, de toute manière, nous considérons, quant à nous, que le pied sur lequel on va danser demain matin, à plusieurs égards, ce n'est pas encore certain que ce sera le pied gauche ou le pied droit. Parce qu'avec tout le débat constitutionnel qui est présent actuellement dans la société, en général, il y a beaucoup de questions sur lesquelles nous aurions... Nous sommes, de toute façon, heureux d'entendre le gouvernement s'exprimer sur ce choix aujourd'hui. Deuxièmement, nous sommes particulièrement heureux de vous entendre dire aussi qu'il y a effectivement des milliards, en termes d'argent des Québécois, investis dans les caisses de retraite qui quittent le Québec et qui sont investis ailleurs. On reprendra cela dans un autre débat.

Finalement, juste quelques considérations en relation avec les réponses que vous nous avez données, et probablement que d'autres camarades voudront intervenir. Je voudrais dire d'abord qu'il me semble... Cela vous fait rire, "camarades", je vois des gens rire, j'ai appris cela de René

Lecavalier et de Jean-Maurice Bailly quand j'écoutais le hockey, à trois, quatre ou cinq ans, quand mon père me faisait écouter cela: À toi, mon camarade, Jean-Maurice! On dirait que cela n'avait pas la même couleur dans le temps. Je voudrais dire que, dans un premier temps, j'ai l'impression que je suis devant une commission parlementaire, devant un ministre en particulier qui a déjà plusieurs réponses à plusieurs questions que nous posons, alors que, concrètement, un projet de loi est déposé sur le décloisonnement; ce qui me fait dire que je serais en droit de m'attendre normalement qu'on revienne devant vous dans la perspective d'un projet de loi embrassant beaucoup plus largement la question et où toutes les composantes intéressées pourraient discuter. J'ai peut-être mal compris. Vous pourrez préciser cela, mais c'est ce que je comprends.

Deuxièmement, je voudrais vous dire plus en détail que, sur la question du congédiement, la question de la discrimination, notre crainte est très simple, M. le ministre. Actuellement, avec l'âge obligatoire à 65 ans, l'employeur qui voudrait procéder à un congédiement basé sur l'âge et qui constate que l'employé en question, homme ou femme, a un an à faire ou un an et demi à faire, va parfois décider de laisser faire et d'attendre que la retraite intervienne, mais, avec la perspective du décloisonnement, notre crainte est la suivante: c'est que, voyant que le travailleur

ou la travailleuse a le droit de demeurer au travail, il va se trouver d'autres moyens, des moyens détournés, pour procéder au congédiement, peut-être même avant l'âge qui est déjà celui de 65 ans ou encore avant l'âge où le travailleur aurait choisi lui-même de partir. Ce qui nous fait dire qu'on n'est pas tellement contre le fait que ce soit le ministère du Travail qui absorbe en quelque sorte la tâche de recevoir les plaintes de congédiement ou de discrimination dans ce cas, mais nous disons qu'il faudra prendre les moyens, parce que, actuellement, au ministère du Travail, on ne veut pas lui enlever de juridiction, mais il y a le travail en général, il y a, comme vous le savez, des transferts de juridictions qui ont été faits depuis un an ou deux, concernant toute la question de la sécurité et de la santé, il y a la question des revenus, etc. Il a une juridiction très large, des obligations très larges. En conséquence, il ne suffira pas de donner des moyens techniques au ministère du Travail pour corriger ces cas d'abus. Il faudra aussi que, dans les principes, soit en termes de droit de la personne ou dans le Code du travail, on prévoie des questions comme le statu quo ante, dans ces cas, c'est-à-dire que l'employeur ne puisse pas agir unilatéralement sans que quelqu'un quelque part rende une décision. Il faudra aussi faire en sorte de prévoir que l'employeur qui agira de cette manière doive avoir le fardeau de faire la preuve qu'il n'a pas discriminé, et non pas que le travailleur soit aux prises avec l'obligation de faire la preuve qu'il a été discriminé.

M. Lazure: Je veux rassurer tout de suite l'Intersyndicale que c'est clair dans notre esprit que c'est l'employeur qui aura le fardeau de la preuve. C'est clair. J'ai déjà eu l'occasion de le dire. Sérieusement, M. Rodrigue, à part la Commission des normes du travail qu'on voit comme un véhicule correct, est-ce qu'il y a d'autres véhicules, d'autres mécanismes, d'autres organismes qui vous paraîtraient aussi appropriés ou mieux appropriés?

M. Rodrigue (Norbert): II peut y avoir plusieurs types d'intervention. Robert va ajouter quelque chose là-dessus.

M. Gaulin (Robert): La Commission des droits de la personne, si on le juge sous l'angle de la discrimination, si on pense que ce sont des cas de discrimination; il y aura probablement besoin - on le disait dans l'autre salle hier - d'ajouter des ressources à cet organisme si on veut l'amener à assumer ses responsabilités. Je crois qu'il y a aussi les conventions collectives. Là où il y a une convention collective, je ne vois pas pourquoi on n'irait pas en arbitrage selon la convention collective pour défendre un congédiement, que ce soit à 65 ans ou non, ce qui éviterait d'envoyer un paquet de choses à Québec. (16 heures)

Je crois qu'autour des commissaires du travail, il y a vraiment une interrogation importante à faire. Avant de surcharger ou d'ajouter des dossiers nouveaux ou des champs nouveaux de juridiction aux commissaires du travail, à mon avis, vous devriez discuter assez sérieusement avec votre collègue du Travail et de la Main-d'Oeuvre et avec le Conseil des ministres pour voir ce qu'ils entendent faire pour résoudre le problème.

Actuellement, cela n'a pas de bon sens le fonctionnement du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre à cet égard. Au lieu d'attendre un an et demi ou deux ans avant d'avoir un jugement dans le cas d'un salarié congédié pour activités syndicales ou autrement, il faudrait envisager une politique de décentralisation de ce ministère afin qu'il y ait des bureaux dans les régions où on puisse aller porter plainte et faire auditionner sa cause sans avoir à se déplacer.

Il y a l'aspect judiciaire des commissaires du travail. De plus en plus, on parle de jurisprudence, de dossiers, et cela prend quasiment des spécialistes pour traiter de certaines questions. Le travailleur qui n'est pas syndiqué est obligé d'engager un avocat pour se faire protéger. À mon avis, il y a un certain nombre d'éléments de cet ordre qu'il faudrait regarder. Je suis heureux d'entendre que vous avez déjà l'intention de préciser la loi, mais le projet de loi 15 qu'on a étudié, tel que vous l'admettez, mérite d'être examiné à nouveau très sérieusement pour apporter des réponses précises à des cas et à des situations assez précis.

Vous dites sur un autre point qu'il va rester de la place pour la négociation et que les règles du jeu de la négociation vont continuer de s'appliquer. Je crois que vous devriez avoir la prudence, en modifiant les conventions collectives par le biais de la loi 15, de ne pas favoriser une partie plutôt qu'une autre et de ne pas placer l'employeur en situation de dire: II y a la loi 15. C'est à vous autres à faire la preuve et c'est à vous autres à vous battre pour avoir une application positive plutôt que négative de la loi face à toute la question des avantages sociaux.

Est-ce que j'ai bien compris, quand vous avez parlé de l'âge normal de la retraite et que, face à cette question d'absence de définition de l'âge normal de la retraite dans une convention collective ou en l'absence de convention collective, vous définiriez dans la loi l'âge normal de la retraite comme étant 65 ans pour ceux qui n'ont pas d'autres...

M. Lazure: C'est cela, oui.

M. Gaulin: ... pour permettre justement de maintenir les...

M. Lazure: C'est cela, on maintiendrait ce qu'il est convenu d'accepter dans l'ensemble du Québec, cet âge de 65 ans, pour les besoins d'un âge normal de retraite.

M. Gaulin: En l'absence d'un autre âge étant défini dans...

M. Lazure: C'est cela, là où cela ne paraît pas dans la convention.

M. Gaulin: Ou dans les régimes de...

M. Lazure: Ou dans les régimes de rentes, c'est cela.

M. Gaulin: D'accord. Enfin, un...

M. Lazure: Je dois dire aussi que toutes les lois du travail en vigueur vont continuer d'exister. Cette loi ne va toucher d'aucune façon le fonctionnement actuel des lois du travail. Encore une fois je répète ce que nous disons quant aux avantages sociaux: Les employeurs et les employés devront s'entendre à la table sur une nouvelle répartition, s'il y a lieu. Peut-être qu'ils s'entendront pour conserver le statu quo quant à la répartition des 15% ou 20% que représentent les avantages sociaux. Or, les employeurs et les employés pourraient s'entendre pour les maintenir tels quels, même si l'individu continue à travailler jusqu'à 67 ans, ou ils pourraient s'entendre pour faire un réaménagement de ce pourcentage d'argent qui pourrait être affecté soit à la rente, soit au salaire.

M. Gaulin: Enfin, un mot sur l'étapisme. Je crois qu'il y a différentes sortes d'étapismes. Il y a un étapisme qui consiste à définir une étape et à faire des promesses pour toutes les autres, sans engagement très réel et très concret, de sorte qu'on ne sait pas si cela va prendre dix ans, quinze ans, vingt ans ou cinq ans pour faire une réforme ou pour faire un débat global sur cette question de la retraite. Il y une autre forme d'étapisme qui consiste à définir à l'avance des étapes ou à prendre des engagements assez précis. Là-dessus, je n'ai pas trop compris vers quelle forme d'étapisme vous vous dirigiez. Vous avez manifesté un certain nombre d'intentions sur la réforme du Régime de rentes, du Québec, sur la réforme des régimes supplémentaires. À notre avis, il y a là une urgence et ces engagements auraient dû se faire à l'occasion du débat sur la première étape.

Dans notre mémoire, on disait: Pour nous, ce n'est pas nécessairement la première étape, ce n'est pas nécessairement par là qu'il fallait commencer, cette question de l'âge obligatoire de la retraite, mais cela nous apparaît important, pour la clarification des débats sur cette question de la retraite dans notre société, d'avoir de la part du gouvernement des engagements législatifs assez précis: savoir si la première étape, c'est en 1981, si la deuxième, cela va être en telle année, et aussi la troisième, s'il y en a une troisième, de manière que l'on puisse non seulement aborder les questions une par une, point par point, en disant qu'il y a d'autres points qui sont plus importants, mais aussi, à mon avis, envisager un débat global dans l'ensemble de ces dimensions sur toute cette question de la retraite. Je crois donc qu'il y aurait intérêt à ce que le gouvernement précise davantage ses engagements.

M. Lazure: Brièvement, cela a été précisé dans l'engagement. Quand on dit au cours du mandat, pour nous, c'est une période maximale de quatre ans quand on parle d'un mandat, et les engagements, les modifications dont j'ai parlé tantôt, pour nous, c'est clair que cela va se situer à l'intérieur de cette période de quatre ans. Est-ce que cela sera la prochaine étape? Il y aura pas seulement une autre étape, il y en aura probablement quelques autres, j'ai indiqué à plusieurs reprises aujourd'hui et hier que la prochaine étape va toucher les retraites anticipées à 60 ans, surtout pour les travailleurs venant de milieux durs. Est-ce que ce sera dans 6 mois, dans 8 mois, dans 10 mois, je vous dis que ce sera le plus rapidement possible, et les autres étapes qui vont toucher la transférabilité ainsi que la bonification des régimes aussi bien privés que publics vont venir à l'intérieur du mandat.

M. Gaulin: Avec la troisième étape, le régime des rentes?

M. Rodrigue (Norbert): Je m'excuse. Avec la permission du président, je sais qu'il y a d'autres intervenants qui ont probablement des choses à dire et des questions à poser, j'aurais à ajouter deux éléments. Le premier porte sur le fait suivant ou l'affirmation suivante: vous dites avoir des préoccupations quant à la gestion des régimes supplémentaires de retraite. Je voudrais vous dire qu'avant de vous inscrire dans une démarche paritaire, il faudrait y songer, puis il faudrait consulter, parce que, au moment où je vous parle, nous avons des conflits de travail qui durent depuis des mois sur la question des caisses de retraite supplémentaires, justement. L'employeur ne verse aucune maudite "cenne"; ce sont les travailleurs qui versent leur pourcentage en termes de contribution et c'est l'employeur

qui l'administre totalement. Il n'est pas question pour lui de céder l'administration au syndicat et, plus que cela, non seulement il l'administre totalement, mais il propose au cours de la négociation d'augmenter la participation des travailleurs, en effronté qu'il peut être - ils ne sont pas tous comme cela, mais il y en a de temps en temps - au lieu de payer 5%, vous allez payer 7%, mais c'est moi qui vais les administrer, c'est moi qui vais faire le choix des investissements, c'est moi qui vais tenir le portefeuille, etc.

Avant de s'inscrire dans une démarche paritaire, nous autres, on va crier un peu, parce que, quand c'est l'argent des filles et des gars qui sont dans les fonds de retraite, je veux le dire, on se pose des questions à savoir quelle sorte d'intervention l'employeur a à faire là-dedans.

Mon deuxième point est le suivant. On est capable de vous prêter beaucoup d'intentions en termes de préoccupations sociales, on sait bien que vous en avez, on ne met pas cela en cause, mais se pourrait-il aussi que le décloisonnement de l'âge de la retraite corresponde à des questions d'intérêt spécifique sur le plan économique? Je pense, par exemple, aux futures années en termes de main-d'oeuvre, en termes de disponibilité de main-d'oeuvre. Tout le monde sait que, pour 1990 ou encore pour l'an 2000, la main-d'oeuvre au Québec et au Canada, c'est une question qui va être importante. Se pourrait-il qu'il y ait ce type de notion dans cette démarche qui fasse en sorte... Vous comprendrez sûrement nos motivations. Autant nous sommes capables de comprendre vos motivations sociales, autant vous êtes capables de comprendre, je l'espère, nos motivations, peut-être égoïstes, mais de protection ou d'autoprotection en ce qui nous concerne, pour ceux qui ont investi jusqu'à maintenant et pour ceux qui vont investir plus tard, et conséquemment pour ceux qui auront à bénéficier des caisses de retraite, parce qu'ils se les paient.

Dans cette perspective, je dois dire que, à l'Intersyndicale, toute la perception que nous avons eue du projet de loi, lorsque nous affirmons que nous ne sommes pas en désaccord avec le décloisonnement mais qu'il nous apparaît qu'il faut regarder un ensemble de questions relatives à la retraite, c'est dans cet esprit qu'on le fait, c'est pour apporter une contribution qui fasse en sorte que l'on corrige le fond du problème et non pas que l'on pose un "pansement" sur une plaie qui est déjà infectée.

M. Lazure: Une dernière remarque pour répondre à votre question: Est-ce que ça se peut? Oui, ça se peut. Non seulement ça se peut, mais on est conscient que, comme vous dites, dans une vingtaine d'années, à cause de la baisse des taux de naissance depuis une quinzaine d'années, il est possible qu'on manque de main-d'oeuvre jeune si les entrées d'immigrants étaient maintenues à peu près au même nombre. Pour nous, c'est une considération accessoire, c'est le terme que vous avez employé, vous avez parlé de notre projet de loi comme étant accessoire par rapport à d'autres problèmes qui sont très urgents...

M. Rodrigue (Norbert): Est-on capable de s'entendre ici pour dire que ce n'est pas si accessoire que ça? Si le Canada a l'intention de décloisonner et il a l'intention de le faire, on le sait, il se prépare à le faire depuis trois ou quatre ans le Québec s'inscrit dans cette même démarche et d'autres provinces vont s'inscrire dans cette même démarche, on en est convaincu. On ne veut pas prêter des intentions malsaines, on dit tout simplement qu'il y a un constat à faire. Il y a plusieurs intervenants qui ont des intérêts spécifiques là-dedans. Je pense bien que c'est une préoccupation d'ordre social, mais ce n'est pas uniquement une préoccupation d'ordre social, il y a aussi des éléments d'ordre économique rattachés à cela. En conséquence, il faut regarder tous les aspects, c'est pour ça.

M. Lazure: Oui, mais, encore une fois, il ne faut pas oublier que - là, on rejoint quand même l'expérience de nos voisins américains et toutes les prévisions qui ont été faites ici par les experts - la prévision, c'est que ça peut rejoindre de 2% à 4% de la main-d'oeuvre, donc, quelques milliers de personnes par année qui décideraient de continuer de travailler au-delà de 65 ans. C'est dans ce sens qu'on dit que ça n'aura pas de grandes répercussions économiques ou démographiques, si vous voulez, quant au marché du travail. Cela n'affectera pas les employeurs. En tout cas, les 222 qui ont été consultés par le Conference Board il y a un an sont unanimes pour dire que ça n'aura pas de répercussion importante dans la gestion du personnel ou dans le marché du travail.

Finalement, M. le Président, je veux rassurer l'Intersyndicale. Si on a eu un peu d'hésitation à dire carrément, au mois de juin dernier: II y aura commission parlementaire ouverte au public sur le projet de loi no 15 - nous avions gardé les deux possibilités ouvertes - dans le cas des prochaines étapes, je peux vous dire tout de suite qu'il y aura commission parlementaire ouverte au public et, en particulier, à des groupes comme le vôtre. Donc, on aura l'occasion de se reparler sérieusement.

Le Président (M. Boucher): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier, moi aussi,

l'Intersyndicale d'être venue présenter son point de vue en commission parlementaire, de l'avoir fait d'une façon fort succincte tout en touchant quand même tous les éléments importants que présente cette nouvelle politique, soit l'abolition de l'âge de la retraite. Je dois vous dire que presque tous les éléments que vous avez soulevés, on les avait soulevés, déjà, lors du débat de deuxième lecture. On avait quand même procédé à une certaine consultation et on réalisait fort bien que c'était plus complexe que ça ne semblait paraître au premier coup d'oeil. Vous avez tout à fait raison de dire que ç'a été fait de façon précipitée par le gouvernement.

Tout à l'heure, vous faisiez remarquer que, finalement, vous aviez l'impression qu'après toutes les corrections que le ministre nous dit avoir l'intention d'apporter, toutes les bonnes intentions qu'il exprime - il nous a d'ailleurs annoncé que le projet sera récrit - on pourrait souhaiter un projet plus englobant; mais je pense que ce ne sera pas tout de suite, ce sera encore un projet uniquement sur l'abolition de l'âge de la retraite.

Vous posez la question des intérêts économiques, je ne dirai pas du gouvernement, mais des gouvernements à présenter ce type de politique. Je pense que c'est exact. Hier, je disais qu'en 1980 une commission présidentielle, aux États-Unis, avait étudié le problème de toute la sécurité sociale américaine et suggérait que l'âge de la retraite, même si, aux États-Unis, il y a une certaine abolition de l'âge de la retraite, c'est ce qu'on appelle l'âge normal de la retraite, pour reprendre les termes qu'on a utilisés, soit d'augmenter d'un mois par année jusqu'à ce qu'on atteigne l'âge de 68 ans pour justement pallier le problème de la sécurité sociale aux États-Unis, les gouvernements rencontrant les difficultés financières très importantes. (16 h 15)

Tout à l'heure, vous souleviez un point; on n'a pas à se le cacher. Si les gens travaillent jusqu'à 69 ans et qu'ils doivent mourir à 69 ans et 6 mois, ils auront peu profité de tous les versements qu'ils auront faits, que ce soit au régime supplémentaire de rentes, au Régime de rentes du Québec ou même à la sécurité de vieillesse. Dans ce sens-là, cela sera le choix des individus de continuer de travailler, d'ailleurs on sait fort bien que les gouvernements se financent avec - dans le cas du Québec - la caisse de dépôt, c'est à cela qu'elle sert, et bien des gens paient pour la sécurité de vieillesse et n'en retireront jamais un sou. On le sait.

Il y a quelques questions que je voudrais vous poser. Je ne veux pas reparler de tous les éléments que vous avez apportés, des questions que moi-même et le ministre ont soulevées ou qu'on retrouve dans votre mémoire.

Voici une question précise que j'aimerais vous poser. Est-ce que vous croyez que la Commission des normes du travail, non pas sur l'aspect discrimination lui-même, parce qu'on pourra recourir à un commissaire et faire état que l'on a été l'objet de discrimination quant à l'âge, mais quant aux conditions de travail touchant les personnes de 65 ans et plus, pour qu'elles ne se trouvent pas à travailler à rabais... Vous savez, les personnes âgées se dévalorisent souvent et si, par hasard, on leur permet de travailler plus longtemps qu'il n'est coutume ou qu'il n'est généralement admis, souvent on accepte des conditions de travail qui soient inférieures à celles d'autres travailleurs qui font le même type de travail. Voilà ma première question.

La deuxième question, j'aimerais vous demander...

M. Rodrigue (Norbert): Pouvez-vous préciser votre première, parce que...

Mme Lavoie-Roux: La première: Est-ce que vous croyez que la Commission des normes du travail serait en mesure de protéger...

M. Rodrigue (Norbert): Sur le salaire, par exemple.

Mme Lavoie-Roux: Oui, pour que les conditions soient respectées, parce que souvent les personnes âgées, même déjà actuellement ont tendance à accepter des conditions de travail moindres que les employés réguliers, parce qu'elles ont l'impression qu'on leur fait une faveur si on les laisse travailler.

Deuxièmement. C'est à la CSN que je le demande. Je pourrais le demander à la CEQ, mais particulièrement à la CSN qui a beaucoup plus de syndiqués parmi les cols bleus que la CEQ.

Est-ce que vous avez fait certaines projections quant au nombre de travailleurs chez les cols bleus, qui voudraient se prévaloir de cette prolongation possible de travail après l'âge de 65 ans?

Dans le cas où vous aurez des indications, peut-être très peu, compte tenu que dans les classes laborieuses souvent on vise davantage à une retraite anticipée qu'à une retraite retardée, si je peux dire. Les écarts dans les revenus finalement ne seront pas plus grands chez les personnes âgées qu'ils ne le sont actuellement, puisque ce sont les gens plus scolarisés, les gens qui font un travail moins dur, qui auront davantage tendance à se prévaloir de cette disposition de la loi. Après j'aurai une question à la CEQ.

M. Rodrigue (Norbert): Voici en ce qui

concerne la première question, quant à la commission des normes. Nous devons vous dire ici que nous avons été d'accord d'abord avec la loi, avec bien sûr des nuances, parce qu'on trouvait qu'elle était insuffisante. Nous constatons avec l'expérience qu'il faudra mettre un peu de chair autour de l'os en termes de moyens et en termes d'efficacité parce qu'il y a beaucoup de travail à faire. Notamment, sur ce plan, nous pensons que c'est un mécanisme valable.

Cependant, vous me donnez l'occasion de vous réaffirmer ici devant la commission que, pour nous, la réponse pour les travailleurs et les travailleuses qui sont aux prises avec des conditions qu'on connaît dans plusieurs secteurs, c'est encore, et ça demeure la réponse la plus efficace, la syndicalisation. En conséquence, permettre un accès plus grand et limiter les obstacles à la syndicalisation. Puisqu'on n'en est pas là, je pense que la commission peut jouer un rôle sur cette question en termes de surveillance et en termes de forcer des employeurs à faire en sorte qu'on ne force pas les travailleurs qui décident de continuer à accepter des conditions plus basses que dans le secteur ou dans l'industrie même. Parce qu'il y a des exemples concrets - vous avez raison de souligner ça - où c'est presque présenté comme un cadeau à quelqu'un qui veut continuer à travailler après 65 ans.

En ce qui concerne la deuxième question, on n'a pas de statistiques, Mme Lavoie-Roux, sur le nombre de travailleurs qui voudraient ou ne voudraient pas poursuivre à 65 ans chez les cols bleus. Nous avons une position à la CSN puisque vous posez la question à la CSN, qui est la suivante: Nous considérons qu'il est fondamental - en plus de prévoir des conditions concrètes pour permettre un revenu suffisant - de prévoir aussi des conditions de préparation à la retraite d'abord. Quant à nous, notre position est la suivante: Nous l'avons présentée au fédéral, il y a une couple d'années, nous pensons que l'âge de la retraite doit être une question ouverte entre 55 ans et 70 ans. C'est-à-dire prévoir la possibilité pour les travailleurs et les travailleuses, peu importe le secteur, sans exception... Parce qu'on pourrait vous dire ici que, pour toutes sortes de motifs, chez les cols blancs ou chez les cols bleus, on peut se retrouver dans l'obligation d'avoir la nécessité de prendre sa retraite plus tôt que l'âge prévu normalement. On dit, nous: Entre 55 ans et 70 ans, facultatif. Prévoir, bien sûr, les conditions de préretraite et de préparation à la retraite. C'est inimaginable sur le plan social l'effet que peut avoir l'absence de préparation à la retraite. Il y a des hommes et des femmes, et là-dessus on a des expériences parce qu'on a pris sur nous, comme organisation syndicale, de donner des cours à nos éventuels retraités en termes de préparation à la retraite, dans l'industrie par exemple.

En conséquence, on constate que plusieurs ouvriers et ouvrières quand ils se retrouvent non préparés et qu'ils arrivent au moment de la retraite, finalement, ils en crèvent tout simplement quelques mois après parce qu'ils se sentent perdus, ils n'ont pas été préparés à ça, etc. On considère donc que c'est important et généralement l'opinion des travailleurs chez les cols bleus, le sentiment qu'on ressent, c'est effectivement qu'ils ont généralement, à partir de 50 ou 55 ans, un peu hâte d'arriver au repos, au retrait du travail. Cependant, pour plusieurs les conditions d'existence font qu'ils sont obligés de poursuivre avec des conditions difficiles et parfois dans des conditions personnellement difficiles. Dans ce sens, on dit que l'âge soit avancé à 55 ans et que ça puisse permettre des régimes supplémentaires qui verseraient des pensions sur une période fixe entre 55 et 65 ans et qui combleraient la différence entre le revenu du travail et le revenu antérieur. Cela élargirait de beaucoup les possibilités de retraite anticipée sans pénalité. On trouve que c'est fondamental dans une société.

J'ai tenté de répondre à votre question tout en vous disant qu'on n'a pas de statistiques, mais ce sont des sentiments qu'on exprime et qui nous sont exprimés souvent. C'est pour ça que ça me faisait dire tout à l'heure: Il n'y a pas d'exception pour nous. Un mineur avec une béquille, c'est aussi pire qu'un policier avec une béquille. Une infirmière qui est dans une autre situation sur le plan psychologique ou sur le plan physique, c'est aussi pire qu'un mineur ou qu'un policier. Dans cette perspective pour nous, il n'y a pas d'exception. Il s'agit d'ouvrir une période où l'ensemble des travailleurs et travailleuses retrouvent des conditions, les meilleures possible, pour se préparer, à partir d'un certain âge, et prendre leur retraite.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, M. Rodrigue. Je pense que vous avez tout à fait raison d'insister sur la préparation à la retraite et particulièrement dans un contexte où on abolit l'âge de la retraite. Quand les gens savent qu'ils sont mis à leur retraite à 65 ans ou à 60 ans, même si on ne le veut pas, il y a une espèce de préparation psychologique qui se fait malgré eux. Mais, au moment où vous abolissez l'âge de la retraite, cette perspective de la retraite peut être constamment remise au plan psychologique et il se peut que, finalement, il y ait un problème plus grand qui soit créé à cet égard.

Une question que j'aimerais poser à la CEQ... On a soulevé ici hier la question du renouvellement du corps professoral. D'ailleurs, je pense que M. Gaulin est fort

au courant, avec les coupures budgétaires et autres et aussi la diminution des élèves, le plus grand nombre de professeurs en disponibilité, et même les mises à pied chez le personnel le plus jeune et, d'un autre côté, les gens disent: II faut quand même garder un certain dynamisme. En fonction de l'abolition de l'âge de la retraite, est-ce que vous avez réfléchi à ce problème du côté de la CEQ?

M. Gaulin: Je pense que le problème ne se pose pas seulement dans le secteur de l'éducation, mais dans le secteur des affaires sociales aussi et dans la fonction publique. Partout où il y a des coupures budgétaires, des politiques de restriction dans l'engagement du personnel, on ne favorise pas la mobilité de la main-d'oeuvre parce que c'est plus difficile pour quelqu'un d'abandonner son poste et d'aller se replacer ailleurs. Ce qui m'amène à parler, et on en a parlé depuis longtemps à la CEQ, d'une véritable politique de la main-d'oeuvre qu'il faudrait qu'on se donne dans une société comme la nôtre. On parlait de ça au début des années soixante-dix. La société, l'État doit se donner une politique de la main-d'oeuvre où on retrouve des dimensions comme ça, question de retraite, mais question aussi de mobilité, question de transfert des droits d'un employeur à l'autre, question aussi pour une personne d'avoir une carrière qui peut se dessiner autrement que dans la voie actuelle. On constate, avec les régimes de retraite qu'on a, que quelqu'un qui a fait 25 ans de service auprès d'un employeur ou dans un réseau est intéressé à poursuivre jusqu'à 35 ans pour avoir droit à sa retraite, ce qui est tout à fait normal. Quelquefois, cette personne pourrait manifester des intentions de poursuivre sa carrière ou avoir un cheminement différent de carrière. Mais ça ne peut pas se régler à la pièce comme ça et ça doit entrer dans le cadre d'une politique plus large de la main-d'oeuvre.

Je ne suis pas à même d'apprécier l'effet de la clause de 65 ans dans le secteur de l'éducation, c'est une revendication qu'on a soutenue et qu'on a défendue pendant longtemps. On est allé, à la CEQ, jusqu'en Cour suprême pour protéger une institutrice qui voulait travailler après 65 ans et on avait eu gain de cause, parce qu'elle n'avait pas 35 ans de service, mais c'est le gouvernement et ce sont les employeurs qui ont imposé dans le secteur public l'âge de 65 ans comme étant l'âge de la retraite obligatoire. Cela n'existait pas il y a 10 ans.

Donc, il y a un revirement de situation, c'est le même gouvernement qui change d'idée, non pas les mêmes personnes, mais le même gouvernement; le gouvernement du Québec change d'idée à quelques années d'intervalle et, bien sûr, cela a aussi des effets économiques avantageux. Je réponds un peu à l'autre question. S'il n'y avait pas d'effets économiques avantageux pour les employeurs et pour les gouvernements, il y aurait pas mal plus de résistance à modifier actuellement cette question de l'âge obligatoire de la retraite.

Mais, comme expérience, on s'aperçoit que, quand les travailleurs ont 35 ans de service, en général, ils prennent leur retraite et ceux qui prolongent après 65 ans - il y a toujours des exceptions - ce sont des gens qui n'ont pas 35 ans de service et qui, par conséquent, n'ont pas droit à une pleine retraite. Dans ces cas, n'ayant pas réglé encore les problèmes des ex-religieux et ex-religieuses qui ont des limites aux possibilités de rachat des années travaillées, ou dans le cas des femmes, parce qu'il y a un certain nombre de femmes qui ont quitté l'enseignement pour se marier, c'était la mode, c'était l'obligation à un moment donné, et qui, en quittant l'enseignement, ont décidé de retirer les montants versés au régime de retraite... Comme ils ne peuvent pas racheter de nouveau les années contribuées, que ces années ne comptent pas pour fins de retraite, quoique cela puisse arriver, dans ces catégories, des gens qui vont prolonger au-delà de 65 ans pour atteindre le nombre d'années de service pour avoir le droit à une pleine retraite. On va suivre attentivement l'évolution de ces questions. (16 h 30)

Je crois qu'il y a des préoccupations cependant. Le projet de loi 15 renforce ces préoccupations chez bon nombre de personnes qui sont en disponibilité et qui ont perdu leur emploi. On rencontre des jeunes dans les universités qui se destinent à une carrière et qui voient l'horizon bouché pour eux, soit dans l'enseignement, soit dans les hôpitaux, soit dans des fonctions connexes. Là-dessus, même si on dit que dans dix ans, il va y avoir pénurie de main-d'oeuvre, aujourd'hui, il y a quantité de jeunes qui ne peuvent pas trouver d'emploi. Cela doit être un élément de préoccupation également. Cela doit entrer à je ne sais laquelle des étapes, mais, à mon avis, on serait mûr au Québec pour commencer à parler véritablement d'une politique de main-d'oeuvre qui permettrait de répondre aux besoins et de faire reconnaître le droit effectif au travail.

Pour ce qui est de la préparation à la retraite, je souscris entièrement à ce qu'a dit Norbert. Nous avons commencé nous-mêmes chaque année des sessions de préparation à la retraite auprès des travailleurs. Cela favorise la prise de la retraite. Cela sécurise les gens face à leur avenir. Cela me paraît quelque chose de tout à fait important et essentiel.

Mme Lavoie-Roux: En terminant, je voudrais simplement ajouter qu'en ce qui a trait aux intentions du gouvernement, le ministre nous les a réitérées à plusieurs reprises depuis hier, à peu près à tous les deux mémoires. Je vous inviterais à relire la réplique du ministre au discours de deuxième lecture. Ce n'était pas la première fois qu'on lui parlait des suites à donner au rapport COFIRENTES. On l'avait fait à d'autres occasions. C'est un rapport qu'il a depuis 1977. Dans sa réplique, il nous dit qu'il a maintenant en main à peu près tous les rapports semblables à COFIRENTES, qui ont été faits dans d'autres provinces, ainsi que par le gouvernement fédéral. C'était une des raisons de son attente, si vous voulez. Il y a des options fondamentales, je ne veux pas vous dire cela au complet, mais leur idée n'est pas encore tout à fait faite. Par contre, on a l'intention à la prochaine session de compléter par d'autres projets de loi cet ensemble de mesures visant à améliorer de façon notable le sort des retraités et des préretraités.

Tout ce que je peux dire, c'est que, de notre côté, nous allons continuer de talonner le gouvernement. Plusieurs l'ont dit, on a peut-être mis la charrue devant les boeufs, parce qu'on part avec l'abolition de l'âge de la retraite. Mes collègues l'ont dit, c'est un peu un choix fictif quand des gens sont obligés de continuer à travailler pour pouvoir ne pas être en dessous du seuil de la pauvreté.

Vous parlez d'étapisme. Le ministre nous a parlé d'un étapisme de bon aloi dans ce cas. Je ne sais pas si c'est une garantie de plus grand succès que d'autres formes d'étapisme qu'on a connues, mais il semble bien...

M. Lazure: L'autre va bien aussi.

Mme Lavoie-Roux: ... qu'on développe plusieurs modèles d'étapisme au Québec. Plus sérieusement, le problème des revenus des personnes à leur retraite, particulièrement des femmes, est un problème extrêmement aigu. Nous allons talonner le gouvernement pour qu'il livre la marchandise que le ministre a assuré de livrer...

M. Lazure: Le plus rapidement possible au cours du mandat.

Mme Lavoie-Roux: Cela s'allonge un peu. Vous aviez raison de...

M. Lazure: Non, relisez le journal des Débats.

Mme Lavoie-Roux: Hier, cela s'en venait... Au printemps, cela s'en venait à l'automne; à l'automne, cela s'en venait au printemps prochain. Il y a un autre député, le député de Bourassa, qui a dit: On vous promet cela d'ici deux ans. Maintenant, c'est durant le mandat. On verra la suite des événements. Merci.

M. Lazure: M. le Président, par respect pour la vérité, j'ai dit effectivement tantôt aux représentants de l'Intersyndicale que nos engagements précis de la campagne électorale se situaient à l'intérieur du mandat, donc, généralement parlant, environ quatre ans, un peu plus ou un peu moins. Mais j'ai dit aussi hier - c'est à cela que vous faites allusion, je le répète aujourd'hui...

Mme Lavoie-Roux: En fonction de la vérité, c'est la première fois que vous nous parlez de quatre ans.

M. Lazure: ... - que la prochaine étape va arriver dans les mois qui viennent. Mais il n'y aura pas seulement une autre étape, il va y avoir quelques autres étapes...

Mme Lavoie-Roux: Bon!

M. Lazure: ... le tout nous amenant à ce que vous souhaitez, ce que nous souhaitons tous, une amélioration à la fois des régimes de rentes privés, mais aussi et surtout du Régime de rentes du Québec.

Mme Lavoie-Roux: Espérons qu'on va vivre assez vieux.

M. Gaulin: Quand je me référais à un autre étapisme, c'était aux coupures dans les universités. Vous avez été assez clair. 1981, 1982, 1983, 1984, 1985; c'est un étapisme qui est pas mal plus clair que celui-là. Cela ne veut pas dire que je suis d'accord avec cela, n'est-ce pas?

M. Lazure: II faudrait d'abord voir si ce sont véritablement des coupures. Nous pensons que c'est surtout un ralentissement de la croissance.

Mme Lavoie-Roux: Gérer la décroissance.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! s'il vous plaît!

M. Rodrigue (Norbert): II faudrait, avant de nous proposer d'autres concertations, que vous vous concertiez au cabinet ou chez la députation, parce que les discours qu'on entend ne sont pas toujours les mêmes sur les coupures...

M. Lazure: Sur quoi, M. Rodrigue?

M. Rodrigue (Norbert): Sur le coupures en termes d'effets, que ce soit en termes de

coupures de services, de main-d'oeuvre, etc. Mais je voudrais en profiter pour dire, avec la permission du président que nous avons exprimé un point de vue, nous avons exprimé la nécessité quant à nous de toucher d'une façon plus large la question des retraites. On a les réponses que le ministre nous donne, mais nous pensons qu'il faut que le gouvernement regarde cela immédiatement et revoie d'une façon plus large la question des retraites. Et je veux insister sur un point qui m'apparaît très important. Hier, nous étions devant la commission permanente de la justice à étudier la Charte des droits et libertés de la personne. Nous avons exprimé comme position la nécessité que, dans les régimes, dans les avantages sociaux, on fasse disparaître la discrimination. Vous savez que, par rapport aux femmes, c'est un des éléments qui demeurent permis par la charte, la discrimination dans les avantages sociaux.

Mme Lavoie-Roux: Le rapport Boutin.

M. Rodrigue (Norbert): Je voudrais inviter cette présente commission, parce que je présume que vous rencontrez de temps en temps vos collègues, à insister sur cette question car, actuellement, c'est le nid, à mon avis, le plus sérieux de discrimination à l'égard des femmes qui soit permis par la loi et qui, concrètement, se manifeste par des situations qui ne se soutiennent pas sur le plan social. Personne ne peut soutenir de façon raisonnable l'existence de ces situations ou les justifier.

Or, dans la conjoncture, il nous apparaît fondamental que la charte soit amendée pour éviter et interdire la discrimination, mais cette présente commission, qui traite justement des régimes de rentes, devrait être en mesure, à la connaissance de l'étude que vous avez faite, de constater ce fait. Elle devrait insister fortement auprès de vos autres camarades pour corriger la situation.

M. Lazure: Nos camarades, M. le Président, sont bien sensibles à cela, surtout nos camarades féminins évidemment. Vous avez raison de dire que ce sont surtout les femmes qui sont victimes de ces discriminations dans les régimes d'avantages sociaux. J'ai eu l'occasion, lorsque j'étais titulaire des Affaires sociales, de répondre à quelques reprises à l'Opposition que, oui, nous allions remédier à ces choses et que cela allait se faire par le biais justement de la Charte des droits et libertés de la personne. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles la commission siège actuellement et c'est l'intention du gouvernement de corriger ces situations.

Mme Lavoie-Roux: Le rapport Boutin, le ministre en a entendu parler très souvent et il l'a eu avant le rapport de COFIRENTES à part cela.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Juste une courte question. Félicitations pour votre mémoire qui nous appelle à la prudence. On apprend des choses là-dedans. Il faut y aller souventefois à pas de loup. Dans les conventions que vous signez présentement ou celles que vous avez signées dans le passé, y a-t-il des articles qui traitent beaucoup de la préretraite et de la retraite à 65 ans? Avez-vous commencé à travailler là-dessus?

M. Rodrigue (Norbert): Bien sûr, toutes les conventions à ma connaissance, dans le public ou dans le privé, traitent de la question des retraites. C'est effectivement une question qu'il nous faut voir, parce que, par exemple, on arrive en négociation à fixer l'âge normal de la retraite ou l'âge obligatoire de la retraite. En conséquence, selon la décision gouvernementale ou la législation éventuelle, nous devrons revoir ces questions.

En ce qui concerne les préretraites, il y a effectivement des conventions collectives qui prévoient certains mécanismes, je ne vais pas les citer tous, mais je donnerai l'exemple de la CSN; ce n'est pas l'exemple à suivre nécessairement, mais on prévoit, en approche de l'âge de la retraite, qu'on peut avoir une organisation du travail différente. Il se peut que des travailleurs ou travailleuses désirent, pour se préparer à la prise de retraite, travailler dans les dernières années six mois par année ou trois jours par semaine pendant une certaine période. Aménager le temps du travail, c'est possible pour permettre une préparation à la retraite. Alors, dans les conventions il existe certains mécanismes, quoique insuffisants, mais j'allais dire tout de suite après. Ne tentez pas de nous renverser le fardeau et nous faire avoir des complexes de culpabilité comme on tente souvent de le faire sur le dos des syndicats. Les syndicats, lorsque nous négocions nos conventions, vous nous reprochez assez souvent d'aller en grève; je voudrais juste vous rappeler que nos conditions de travail, on est obligé de les arracher, et souvent on est obligé de faire la grève, malheureusement, pour les avoir.

Je pense que, sur le plan d'une société, il faut prévoir cela dans la législation, les questions de préretraite et les conditions de revenus à la retraite, etc. Je rappelle d'ailleurs qu'il y a des sociétés capitalistes pas très loin de nous dans notre régime fédéral actuel, tel qu'il est composé, ou des provinces qui prévoient que c'est au plan du patrimoine et des ressources naturelles qu'il faut aussi intervenir pour tirer de ces

ressources un certain pourcentage qui est affecté en termes de rentes pour ceux qui sont actifs dans la société, actuellement, et qui éventuellement prendront leur retraite. Vous avez cité la Saskatchewan, je pense que la Saskatchewan fonctionne un peu comme cela relativement à la potasse; on a l'électricité au Québec. Il y a un pourcentage qui est affecté au patrimoine et qui éventuellement va servir à traiter de ces questions et à répondre à certains problèmes de cette nature.

Alors, dans ce genre de situation, encore une fois c'est limité les exemples, mais il y en a.

M. Laplante: D'accord.

M. Gaulin: Dans le secteur public il y a une clause assez précise qui s'applique à l'ensemble des groupes. Dans les cas de surplus de personnel, quand il y a des effectifs additionnels, il y a un droit à la préretraite l'année qui précède l'âge normal de la retraite. Bien sûr, c'est une question de gros sous, quand on négocie ces clauses, il y a des gens qui calculent rapidement et qui gonflent les affaires.

Je voudrais attirer votre attention, puisqu'on parle de la retraite, sur une déclaration du discours sur le budget du ministre des Finances, M. Parizeau, qui a annoncé son intention ou l'intention du gouvernement de modifier les régimes de retraite, le RREGOP, et de créer un nouveau régime pour les nouveaux employés du secteur public, de le créer d'autorité alors qu'actuellement les régimes dans le secteur public sont des régimes négociés, bien sûr déterminés à la fin de tout par législation, car il y a des lois qui couvrent ces régimes de retraite. Mais depuis dix ans dans les négociations du secteur public nous avons amené à la table centrale cette question de régimes de retraite, nous avons créé le RREGOP par négociation. À notre avis, ce serait aller à l'encontre de tout ce que l'on se dit ici aujourd'hui que de laisser s'en aller tout seul le ministre des Finances, j'espère qu'il est tout seul, dans sa volonté de modifier la structure des négociations des régimes de retraite et d'imposer un nouveau régime. J'en profite pour attirer votre attention sur ces phrases qui ont été assez frappantes dans le dernier discours du budget.

M. Laplante: Dans les métiers de la construction, M. Rodrigue, je ne veux pas vous faire de publicité parce que vous êtes en campagne de maraudage de ce temps-ci, mais...

M. Rodrigue (Norbert): II y a une loi là-dessus qui dit qu'à tous les trois ans on va en campagne d'allégeance; c'est un droit que l'on considère fondamental.

M. Laplante: II y a beaucoup de menuisiers ou journaliers, de gens des métiers de la construction qui prennent leur retraite, disons, à 60 ans. Pouvez-vous déterminer à peu près le nombre à tous les ans?

M. Rodrigue (Norbert): Non, je n'ai pas de statistiques sur le nombre de travailleurs de la construction, mais ce que l'on peut dire, c'est que les gars de la construction et, éventuellement, les filles, quand on aura élargi nos concepts et donné ouverture à l'embauche des femmes dans d'autres secteurs que ceux qu'elles occupent actuellement, sont dans des situations difficiles sur le plan des conditions de travail. (16 h 45)

Je pense que c'est un peu le même sentiment que j'exprimais à Mme la députée de L'Acadie, c'est-à-dire que l'on accuse les gars de la construction d'avoir de gros salaires, mais c'est un préjugé mal fondé parce qu'ils travaillent en moyenne six mois par année, mais ils travaillent dur, et quand ils arrivent à 55 ans ils commencent effectivement à penser à leur retraite. Cela ne me surprendrait pas qu'à 60 ans, environ, on retrouve une certaine quantité de travailleurs de la construction désireux de prendre leur retraite.

Sur cette question, on est de plus en plus équipé, statistiquement. On va éventuellement pouvoir vérifier ces choses. Tu as peut-être des informations supplémentaires que tu ne me livres pas tout de suite, tu as peut-être la réponse, je ne le sais pas.

M. Laplante: Je ne connais pas la réponse.

M. Rodrigue (Norbert): Non? M. Laplante: Merci.

Le Président (M. Boucher): S'il n'y a pas d'autre question, je remercie les porte-parole de l'Intersyndicale pour la présentation de leur mémoire.

J'appelle maintenant l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes Inc. Me Claude Girard, si vous voulez présenter ceux qui vous accompagnent et présenter votre mémoire.

Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes Inc.

M. Massicotte (René): Bonjour, M. le Président. Je ne suis pas Me Girard, mon nom est René Massicotte, je suis le directeur général de l'Assurance-vie Desjardins et je

suis membre du bureau de direction de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. J'ai, avec moi, M. Robert Bégin, président de la compagnie d'assurances L'Industrielle; M. Marcellin Tremblay, à ma gauche immédiate, vice-président de l'association, responsable de notre bureau de Montréal, et M. Serge Miron, à mon extrême gauche, un actuaire de l'association.

Si vous le permettez, nous vous avons soumis un mémoire par écrit, je vais vous en faire un résumé mais, auparavant, je voudrais vous dire que l'association comprend 125 compagnies, à peu près, qui font affaires au Québec et qui transigent probablement 90% des assurances de personnes au Québec. Il est évident que l'association vous remercie de lui donner l'occasion de formuler ses commentaires sur l'abolition de l'âge de la retraite obligatoire. Comme je viens de vous le dire, nous avons déposé un document de travail qui reprend en détail plusieurs des arguments pour et contre l'abolition de l'âge de la retraite obligatoire. Ces arguments, vous les avez entendus, lors de la présentation du projet de loi no 15 à l'Assemblée nationale et devant cette commission, de la part de plusieurs autres groupes. Alors, je vais me contenter de vous en faire un résumé.

Plusieurs arguments militent en faveur de l'abolition de l'âge de la retraite obligatoire, notamment les suivants. La retraite obligatoire à un âge fixe est arbitraire. Elle ne tient pas compte de la situation de l'individu, soit sa capacité physique ou mentale à poursuivre son travail, ni de sa situation financière, alors que dans ce dernier cas c'est, pour plusieurs, la principale incitation à conserver un emploi. La retraite obligatoire entraîne un gaspillage de la main-d'oeuvre productive.

Il n'en reste pas moins que la retraite obligatoire est une pratique bien ancrée chez les employeurs et notre société a fait de l'âge de 65 ans un point tournant. Le Régime de rentes du Québec, la sécurité de la vieillesse, l'assurance-chômage, les lois de l'impôt sur le revenu et le régime d'assurance-maladie et de revenu garanti pourvoient tous à des prestations qui commencent ou cessent à l'âge de 65 ans. Il faudra donc en tenir compte.

La retraite obligatoire présente également les avantages qui suivent. Elle permet à un employeur de planifier les retraites et prévoir la promotion de salariés plus jeunes, assurant ainsi la vitalité de l'entreprise. Elle constitue une façon humaine et ordonnée de traiter les salariés plus âgés dont la productivité a diminué. Elle aide à résoudre en partie le problème du chômage des jeunes.

Pour ces raisons, l'abolition de l'âge de la retraite obligatoire aurait donc de profondes répercussions sur les salariés, les employeurs et sur la société en général. Entre autres, il faudrait réviser les programmes de sécurité sociale et remanier les régimes de rentes supplémentaires. Les compagnies d'assurances de personnes, à la fois en tant qu'employeurs et en tant qu'administrateurs de régimes de retraite, pourraient s'adapter à cette politique d'abolition de l'âge de la retraite obligatoire, de sorte qu'elles ne s'opposent pas à une telle mesure. Elles soulignent cependant que le problème est complexe et qu'avant d'aller de l'avant avec ce projet, le gouvernement devrait entreprendre une étude plus poussée sur les répercussions sociales et économiques d'une telle législation. Il faudrait trouver des réponses aux questions suivantes: Quelles seraient les répercussions sur les taux d'emploi? Comment évaluer la productivité des travailleurs plus âgés sans être accusés de discrimination à leur endroit? Comment devraient être modifiés les programmes de sécurité sociale qui fixent l'âge de la retraite à 65 ans, de façon à pouvoir les adapter à un âge de retraite flexible?

Enfin, les régimes collectifs d'assurance-vie et d'accident-maladie seront affectés, car les taux de mortalité, de morbidité augmentent de façon sensible aux âges plus avancés. Il en est de même des clauses d'invalidité, il faudra déterminer des normes servant à établir à quel moment un salarié invalide devient un retraité. Il s'agit là d'autant d'aspects qui méritent d'être étudiés et l'association est disposée à collaborer à cette étude.

Ce sont là les quelques remarques que nous voulions formuler au sujet du projet de loi no 15. Évidemment, c'est un résumé des remarques que nous avions à formuler. L'abolition de l'âge obligatoire de la retraite n'est qu'un aspect mineur du problème. Plus grave est la question du revenu au moment de la retraite, qu'elle soit obligatoire ou non. Les diverses études réalisées au cours des dernières années ont fortement mis en doute les capacités du système actuel de pension, les régimes publics et privés réunis, de satisfaire les besoins fondamentaux des Québécois en matière de revenu pendant leurs années de retraite. Il est clair qu'un simple replâtrage ne suffit pas, le défi consiste à refondre entièrement le système, de sorte qu'un plus grand nombre de personnes touchent des prestations adéquates. Pour y arriver, il faudra conjuguer les efforts du secteur public et du secteur privé vers cet objectif. La position de notre association à ce sujet est déjà connue et nous espérons avoir prochainement l'occasion d'en discuter avec les autorités gouvernementales.

Alors, comme je vous l'ai dit, M. le Président, c'était un résumé du mémoire que nous avons déposé. Il va sans dire que nous

sommes prêts à répondre à vos questions si vous en avez.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Massicotte. M. le ministre.

M. Lazure: Je remercie l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes d'avoir bien voulu se déplacer. Je remercie ses représentants de venir participer à cette discussion sur le projet de loi no 15. Les points de vue qu'exprime l'association méritent beaucoup de considération, quand on s'arrête à la statistique que vous donniez tantôt, c'est-à-dire que vous couvrez environ 90% des personnes assurées au Québec.

J'ai quelques commentaires et une question. Si je comprends bien, en substance, vous nous dites: On ne s'oppose pas au projet de loi, on voudrait cependant être sûr que le gouvernement a fait les études sérieuses qu'une telle législation mérite. On croit avoir fait les études depuis plusieurs mois, les études voulues, et on croit surtout avoir pris connaissance avec beaucoup d'attention des expériences faites ailleurs. On a parlé depuis deux jours de l'expérience des États-Unis, mais il y a eu en Europe d'autres pays qui, à un moment donné, ont aboli l'âge obligatoire de la retraite. Une des enquêtes particulièrement intéressantes et que vous connaissez peut-être, c'est celle du Conference Board of Canada qui, après avoir sondé 222 entreprises et peut-être, parmi ces 222 entreprises, certaines qui sont affiliées à votre association... C'est un peu le sens de ma question. Je serais curieux tantôt de voir si vous avez participé à cette enquête. Le Conference Board, avec tout le sérieux qu'on lui connaît, déclarait publiquement, il y a déjà quelque temps, qu'une telle législation n'aura pas de répercussions importantes ou appréciables quant à la gestion du personnel dans les entreprises ou quant au plan strictement économique. Ce groupe, aussi bien que les expériences américaines, aussi bien aussi que le rapport du Sénat canadien, le rapport Croll, arrivent à la conclusion -là, je réponds à une de vos questions - que les répercussions sur la main-d'oeuvre sont minimes et parlent d'un pourcentage variant de 2 à 4% de gens qui voudront bénéficier d'un tel prolongement de leur carrière au travail. Je vais vous donner l'occasion de réagir à cette question concernant l'enquête du Conference Board.

M. Massicotte: Oui, si vous voulez. Je vous avoue que, pour ma part, ça ne m'étonne pas d'entendre ce que vous venez de dire, M. le ministre. Après une certaine période d'ajustement, probablement que cette abolition de l'âge de la retraite n'aura pas autant de répercussion qu'on pourrait le craindre. Il y a peut-être une période au départ qui va amener des remous plus importants. C'est pourquoi nous vous disons dans le mémoire qu'il y a au-delà de ça beaucoup d'autres questions qui sont soulevées. Les effets sur le monde du travail ne sont peut-être pas plus élevés que ceux que vous dites là, c'est bien possible. Le Conference Board est un organisme sérieux qui a fait une enquête valable, mais qu'il y a un tas d'autres questions qui se posent en ce moment en plus de l'effet sur la main-d'oeuvre, en particulier pour les jeunes.

Je pense que M. Bégin voudrait ajouter quelque chose.

M. Bégin (Robert): M. le ministre, je suis également d'accord que l'étude du Conference Board a donné ces résultats. Je me demande vraiment - et je crois que le gouvernement devrait aussi se le demander -quels seraient les résultats d'une enquête avant le fait, mais aussi quels seront les résultats dans les faits si vous allez de l'avant avec l'alternative A dont vous avez parlé tout à l'heure, qui permettrait l'accumulation du statut d'employé et du statut de retraité et de recevoir les deux revenus. Le type de 65 ans qui se voit donner une augmentation de salaire va avoir beaucoup plus d'incitation à rester sur le marché du travail à l'avenir. Je pense que le résultat dans les faits sera radicalement différent et peut causer des inquiétudes réelles. Si l'alternative n'existait pas, il est probable que ça n'aurait pas d'effets majeurs sur...

M. Lazure: Vous touchez là à ce qu'on appelle la revalorisation de la rente différée ou la perception de la rente. Vous touchez aux trois options que j'énumérais tantôt, n'est-ce pas?

M. Bégin: Je touche seulement à la première où il serait possible de cumuler les deux.

M. Lazure: Où il est à la fois retraité et travailleur. Bien sûr que ça lui fait un revenu plus imposant, mais est-ce qu'il ne va pas payer des taxes plus imposantes aussi, des impôts plus imposants?

M. Bégin: Oui, il sera dans le même bateau que bien d'autres, mais il en reste toujours plus malgré tout.

M. Lazure: Je n'ai pas d'autres réponses à vous donner mais je pense qu'en toute équité il faut laisser ce choix à la personne. Nous pensons que - plusieurs groupes nous ont parlé de la fameuse retraite graduelle, la retraite à la carte -dans la mesure où les deux statuts seraient possibles en même temps, on se trouve à ouvrir une porte qui est souhaitée par

beaucoup de monde vers une retraite qui se fait graduellement, avec du travail à temps partiel. L'option, telle que je la décrivais, c'était travailleur à temps plein et retraité en même temps à temps plein, pour ainsi dire. Je continue à croire que ce sera le fait d'un très petit nombre de personnes, finalement. Plusieurs voudront, au contraire, devenir des employés à temps partiel tout en touchant une rente qu'ils ont accumulée. C'est à ces personnes qu'appartient la rente en question. Il me semble que la personne doit avoir le privilège de dire: Je peux la toucher maintenant ou je peux la toucher de façon différée. (17 heures)

M. Tremblay (Marcellin): M. le Président, je pense qu'on fait allusion, en même temps aussi, au régime de sécurité sociale qui commence à 65 ans. À ce moment, ce n'est pas véritablement tout à fait la même chose que ce que vous dites, il l'a payée, il peut la toucher immédiatement. Évidemment, il l'a payée comme tous les citoyens l'ont payée, mais il me semble que, lorsqu'on a préparé nos notes pour venir ici aujourd'hui, c'était en vertu du projet de loi qui avait été soumis. Vous admettez vous-même que vous en avez modifié certains articles où on clarifie justement certaines questions qu'on se posait. À ce moment, on se disait: Est-ce que des études suffisantes ont été faites? Vous avez admis vous-même tout à l'heure qu'il a fallu réviser le projet de loi, vous rendant compte que certains articles méritaient une précision.

On se posait justement la question qui vient d'être soulevée, ce n'était pas clair dans le projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous avons pris la précaution de dire qu'une étude plus approfondie devrait être faite avant que ce projet ne soit soumis. Je pense que, dans notre prise de position aujourd'hui, il est intéressant d'entendre ceux qui nous ont précédés tantôt. Il est assez rare qu'on soit toujours d'accord avec le mouvement syndical, mais il reste que plusieurs aspects de nos préoccupations ont été soulevés tout à l'heure dans le mémoire intersyndical qui a été soumis et je pense que cette préoccupation était semblable à celle que nous avons.

Nous avons surtout insisté sur le dernier aspect de la question, parce que, pour nous, l'âge obligatoire de la retraite n'est pas le problème, comme on l'a souligné, le plus fondamental. Vous-même l'avez dit à plusieurs reprises, de même que Mme Lavoie-Roux l'a souligné également lors du débat en Chambre. Je pense que la question la plus fondamentale, c'est tout l'ensemble du problème de la retraite lui-même. On se demande un peu pourquoi une loi spéciale pour l'abolition de l'âge de la retraite, alors qu'on a un problème plus global et beaucoup plus considérable que celui-là. On a déjà correspondu, je pense, avec vous pour vous indiquer la position de notre association concernant les problèmes de retraite. On était heureux de vous entendre dire qu'il est question d'améliorer les régimes de rentes supplémentaires. Nous sommes d'accord sur bien des points et croyons qu'il faut que les régimes de rentes supplémentaires soient révisés, soient améliorés particulièrement sur la question de portabilité des pensions, sur la question de l'acquisition des contributions de l'employeur, sur la question d'une certaine forme d'indexation, je pense que nous sommes d'accord là-dessus que les plans privés doivent être améliorés.

Là où nous sommes en totale opposition aux orientations que vous avez exprimées tantôt, c'est de voir une expansion considérable du régime de retraite étatique plutôt que de s'orienter vers un régime privé. Il est évident que c'est une question philosophique absolument fondamentale, je pense qu'à ce moment-là, c'est l'État face à l'entreprise privée. Il est évident que notre prise de position, à ce sujet-là, est totalement à l'opposé. L'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes recommande de prendre position clairement; elle recommande éventuellement, si on veut qu'un plus grand nombre de personnes soient couvertes par un régime de retraite, que les régimes de retraite deviennent obligatoires, qu'un minimum de retraite dans les entreprises devienne obligatoire. Nous croyons que ces régimes de retraite obligatoires devraient être laissés à l'entreprise privée pour une raison assez fondamentale, je pense, qui est toute l'orientation économique vers laquelle la province doit se tourner.

Il est certain que les épargnes des Québécois sont en grande partie dans les régimes de retraite et si l'État étend le programme de régime de rentes du Québec, il est bien certain que la Caisse de dépôt et de placement par exemple, va prendre des proportions énormes et deviendra à peu près le seul investisseur. Dans un régime d'économie libre, je pense qu'il est important de laisser entre les mains du secteur privé une partie des épargnes. C'est là-dessus que notre objectif est peut-être le même, mais, sur la façon d'arriver à un objectif global, je pense que nous avons une prise de position absolument à l'opposé de celle du présent gouvernement.

M. Lazure: M. le Président, on me permettra sûrement de réagir tout de suite, parce que je ne veux surtout pas qu'il y ait de malentendu sur les remarques que j'ai faites tantôt devant le groupe qui a précédé le vôtre. Je n'ai jamais dit, ni laissé entendre que le gouvernement s'apprêtait à constituer un monopole des caisses de

retraite et, par conséquent, devenir le seul investisseur appréciable au Québec. Jamais je n'ai laissé entendre une telle chose. Je comprends que l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes ait des vues différentes de l'Intersyndicale ou même du gouvernement. Je veux tout de suite replacer dans son contexte beaucoup plus réaliste et beaucoup plus conforme à ce que j'ai dit tantôt, les remarques visant la réforme du Régime de rentes du Québec.

Vous conviendrez sans doute qu'un régime où les cotisations sont les mêmes depuis quinze ans, ce qui est le cas pour la RRQ, 1,8%/1,8%, a besoin d'être rajusté quinze ans plus tard. Je ne pense pas que vous soyez contre cette nécessité urgente d'ajuster les tarifs. Forcément, en rajustant les tarifs, nous allons bonifier ce Régime de rentes. C'est présomptueux de votre part de sauter à la conclusion que le gouvernement a l'intention d'établir un monopole de l'investissement avec une caisse qui deviendrait démesurée. Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. Ce n'est pas du tout l'intention du gouvernement. Le gouvernement pense qu'il y a place pour un régime de rentes public amélioré, par conséquent, une caisse publique mieux garnie, à la fois, pour une amélioration aussi des régimes de rentes supplémentaires. Il n'y a rien dans l'état actuel des choses, et même après les améliorations au RRQ, qui va empêcher les entreprises privées de recourir plus souvent qu'elles ne l'ont fait dans le passé à des régimes supplémentaires de rentes.

M. Massicotte: Si vous me permettez de vous le dire, nous sommes bien contents de vous entendre dire cela, M. le ministre. Je dois avouer que, comme mon collègue, M. Tremblay, j'avais eu l'impression que vous songiez à quelque chose de beaucoup plus important. Je vous remercie de le préciser.

M. Lazure: Pour nous, c'est très important de bonifier le Régime de rentes du Québec. C'est important aussi - je suis content de voir que vous êtes d'accord avec notre position - d'améliorer les règles du jeu concernant les régimes supplémentaires de rentes. Quant à nous, il n'y a absolument rien dans nos intentions qui va freiner l'ouverture, le développement d'autres régimes supplémentaires de rentes, quand on constate qu'il y a encore 55% de la main-d'oeuvre qui ne sont pas couverts.

M. Tremblay (Marcellin): M. le ministre, nous aurons l'occasion de vérifier cela, parce que justement l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes met de l'avant présentement un plan pour développer un programme de pensions pour les petites entreprises. C'est connu que c'est dans les petites entreprises que les fonds de pension sont les moins existants. Il est clair que dans les entreprises de 50 personnes et moins, assez souvent, il n'existe pas de fonds de retraite et les enquêtes révèlent que c'est là qu'il y a plus grand manque de couverture. Nous avons développé, au niveau de l'association, un projet de pension multi-employeurs. Nous avons soumis ce projet à la Régie des rentes du Québec. Nous sommes actuellement en pourparlers avec elle pour le faire accepter, mais la législation présente semble s'y opposer. Il semblerait qu'un régime de pension doit être enregistré au nom d'un employeur. On ne peut pas l'enregistrer au nom de multi-employeurs. On aura l'occasion, M. le ministre, de voir si véritablement notre secteur privé peut obtenir les élargissements nécessaires pour pouvoir couvrir davantage les travailleurs du Québec avec des régimes privés supplémentaires. Merci.

M. Lazure: Comme je l'ai dit à l'autre groupe qui vous a précédés, on aura sûrement l'occasion de se reparler à l'occasion non seulement d'une prochaine commission parlementaire, mais à l'occasion de consultations aussi qui pourront se tenir entre-temps.

Quelques autres remarques sur votre mémoire. Vous posez la question dans le mémoire à savoir s'il y aurait lieu d'exempter, si j'ai bien compris, les entreprises de moins de 20 employés. Vous faites allusion à la législation américaine qui les exempte. Je vous avoue que nous ne sommes pas portés à les exempter, précisément parce que les quelques milliers de travailleurs et de travailleuses qui voudront profiter de cette nouvelle loi, souvent c'est pour des motifs économiques -on l'a vu tantôt - pour maintenir un revenu qui n'est déjà pas élevé et souvent on va les retrouver dans des petites entreprises de moins de 20 employés.

Contrairement au cheminement américain, nous ne sommes pas portés, en tout cas pour le moment, à soustraire les petites entreprises de cette nouvelle loi.

Finalement, vous vous demandez si les régimes de sécurité sociale seront maintenus. Si vous entendez par là la pension de vieillesse ou le revenu supplémentaire garanti, les deux formes de sécurité sociale émanant du gouvernement fédéral, quant à nous, cela va continuer tel quel. Voulez-vous préciser votre question?

M. Massicotte: Si l'âge de la retraite était aboli comme tel, il y aurait possibilité que ces régimes soient amendés pour s'adapter à cette nouvelle optique, si vous voulez, de retraite à un âge plus avancé que 65 ans. Cela a déjà été le cas que ces régimes prévoyaient des âges de retraite plus

vieux que cela.

M. Lazure: Dans les régimes privés, oui.

M. Massicotte: Dans les régimes publics aussi.

M. Lazure: Mais si vous parlez du régime public...

M. Massicotte: Dans les régimes publics, cela a déjà été 70 ans.

M. Lazure: Ah oui! d'accord.

M. Massicotte: Cela pourrait revenir. L'option dont vous parlait M. Bégin, tantôt, de considérer un travailleur à la fois comme travailleur et comme retraité, cela pourrait vous donner la tentation d'avoir ce qu'on avait autrefois, des tests de moyens pour savoir si la rente doit être diminuée, parce que la personne travaille encore et reçoit un salaire. Cela implique quand même pas mal de choses, non seulement des changements dans les âges de retraite, mais aussi les tests de moyens qui pourraient revenir, par exemple.

M. Lazure: Non, dans notre esprit, il n'est pas question de tests de gains ou de tests de moyens.

M. Massicotte: Cela veut dire qu'un travailleur pourrait, dans l'optique dont vous parliez tantôt, à la fois recevoir sa pension et un salaire pour un emploi qu'il occuperait?

M. Lazure: Oui.

M. Massicotte: Dans cette optique, sans doute M. Bégin voudra-t-il revenir pour vous dire qu'il croit que plusieurs personnes voudront profiter de cette augmentation de salaire à l'âge de la retraite.

M. Bégin: Je ne reviendrai pas sur le sujet, je l'ai déjà dit.

Concernant votre première question, M. le ministre, je crois que notre association souffre un peu du même malaise que les gouvernements en ce sens que divers comités de notre association ignorent parfois la position de l'autre de la même façon que les ministres semblent le faire à l'occasion.

Notre position vis-à-vis de la révision du régime de retraite est carrément pour une protection universelle sans exception. Je pense que c'est la position qui sera maintenue par l'association sans exception, peu importe le nombre d'employés d'un employeur.

M. Lazure: Ah bon!

M. Bégin: Autrement dit, l'exception de vingt ou cinq employés et moins, la seule protection oratoire qu'on y a mise, c'est qu'il y aurait lieu d'y aller progressivement pour certaines petits employeurs qui du jour au lendemain se retrouveraient avec ces frais additionnels, mais on recherche la couverture universelle privée ou publique ou une bonne combinaison des deux.

M. Lazure: Voilà. Je suis content, cela éclaire ma lanterne. Je veux être bien sûr, vous dites que vous êtes d'avis en somme que la loi, dans l'orientation qui se dessine, devrait s'appliquer aux employés des petites entreprises, mais vous mettez une nuance, vous dites: Avec un certain gradualisme.

M. Bégin: C'est exact.

M. Lazure: J'ai, à plusieurs reprises hier, parlé d'une approche qui serait gradualiste, par étapes. Est-ce que cet étapisme, dont on a parlé à l'occasion de certains groupements, pourrait s'appliquer aux petits employeurs ou aux employés de petites entreprises?

M. Bégin: Notre suggestion était que cela s'applique seulement aux petits employeurs sans vraiment donner une définition, mais on pensait vraiment aux petits.

M. Lazure: On retient votre suggestion pour considération. Merci.

Le Président (M. Boucher): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je vais céder mon droit de parole à mon collègue de Nelligan. Je reviendrai, s'il reste du temps, pour une question.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: S'il y a quelque chose qui se détache de votre mémoire, c'est la même chose qui a paru dans plusieurs mémoires qu'on a entendus. Cela a été bien intéressant de voir la conclusion à laquelle vous arrivez qui est celle de plusieurs des plus importants mémoires qui ont été présentés. Vous dites: L'abolition de l'âge obligatoire de la retraite n'est qu'un aspect mineur du problème; plus grave est la question du revenu au moment de la retraite, qu'elle soit obligatoire ou non. Il est clair qu'un simple replâtrage ne suffit pas. C'est intéressant de penser que les syndicats qui n'ont pas les mêmes objectifs que vous, je suis certain, disent que le projet no 15 est incomplet et a laissé de côté les véritables problèmes. (17 h 15)

On veut masquer une situation beaucoup plus grave, celle de l'insuffisance des revenus. Vous auriez pu avoir écrit la conclusion du mémoire du syndicat et vice versa.

Ensuite, ils disent: II nous faut constater qu'il a été préparé à la hâte tellement ces insuffisances sont nombreuses. D'autres mémoires ont appelé la loi une loi-gadget en disant que l'on a manqué tout le fond de la chose, une façon de dire que l'on a mis la charrue devant les boeufs.

Spécifiquement, à la page 5 de votre mémoire, vous citez tous les éléments de retraite et de fonds de sécurité sociale: revenu garanti, assurance-maladie, il y en a six, je pense que vous citez, des prestations qui commencent ou qui cessent à l'âge de 65 ans. Plus loin, aux articles 1 et 2, au bas de la page 8, vous dites: À noter qu'à l'heure actuelle, Revenu Canada ne permet pas de constitution de prestations après l'âge de 71 ans, ni un ajustement actuariel dans le cas de retraites différées au-delà de cet âge.

Ensuite, vous faites le point. Le fait que les prestations prévues au Régime de rentes du Québec, au régime de pensions du Canada, etc., rend difficile l'intégration des prestations de retraites des régimes privés lorsque l'âge de la retraite est souple... Plus loin: De plus, comme nous l'avons noté, l'adoption de la retraite souple pourrait avoir des répercussions sur d'autres programmes publics, l'Assurance-chômage, etc. Voilà les points que beaucoup de mémoires ont votés.

Voici, ce que je voulais vous demander en première partie. Si, par exemple, cette loi va de l'avant, comme elle est, avec l'ajustement des articles 4 et 5, sans réellement prévoir tout de suite des ajustements à tous ces éléments, tous ces régimes dont certains ont une portée fédérale, quelles sont les portées, quels sont les problèmes que cela causerait entre la période de l'effet de la loi et la période de l'ajustement de toutes ces questions par une seconde étape du projet du ministre?

C'est-à-dire, qu'il va y avoir trois étapes, d'après ce que le ministre a dit. Il y aura la première étape, c'est maintenant, c'est ce projet. La seconde étape, c'est de réduire l'âge de la retraite à 60 ans, c'est-à-dire l'abaisser, et ensuite, la troisième étape serait le changement des régimes pour permettre de transférer des retraites, la question des conjoints, etc.

M. Bégin: Je peux essayer de répondre à cette question. Le problème fondamental, c'est que si les concordances ne sont pas faites simultanément, elles ne le seront jamais. Parce que cela voudrait dire enlever quelque chose à quelqu'un. Or, on sait bien que, dans la société d'aujourd'hui, c'est très difficile d'enlever quelque chose qui existe. Alors il faut que les concordances soient simultanées avec l'entrée de la loi pour qu'on puisse espérer que cela se fasse.

M. Lincoln: Alors, deuxième point que j'avais à vous demander. En fait, il n'y a pas de précédent au sujet de toute cette question-là, excepté les États-Unis et les pays Européens, mais en principe, on s'appuie beaucoup sur l'expérience américaine qui a fait des relevés, etc. D'ailleurs, vous les citez beaucoup dans votre rapport. Le ministre a parlé de 2% à 4%, les Américains disaient encore peut-être même moins que 2%, c'est un très faible nombre, mais l'expérience est très récente.

Pourtant il y a un monsieur qui a présenté en mémoire, mais il ne cite pas de chiffres à l'appui; il a dit qu'il avait eu des données de très grosses firmes comme Bechtel, etc. Il mettait les chiffres possiblement dans les 15% à 20%, quelque chose de rigoureux. Le ministre a dit que c'était entre les deux; bref, personne ne sait vraiment.

Les Américains disent qu'ils étudient encore la portée de la chose après 70 ans. C'est pourquoi ils ont retenu l'âge de 70 ans jusqu'à présent.

Est-ce que vous, comme association d'assureurs, avez des chiffres et des statistiques sur cette question? Passé 70 ans, combien de gens, est-ce 2%, 4%, 15%, 20%...

M. Tremblay (Marcellin): M. le Président, malheureusement, nous n'avons pas de statistiques parce que je pense que seule l'expérience va nous démontrer ce qui va se passer. Surtout lorsque les deux vont s'additionner, comme M. Bégin le soulignait tantôt, il est fort probable que ça peut être une incitation, du moins, au début. Il y a toujours une période d'ajustement, l'expérience le dira.

Je ne sais pas, du côté du gouvernement, si on a fait une évaluation dans la fonction publique. L'État québécois est quand même le plus gros employeur. Il serait intéressant de savoir quelle serait la conséquence, par exemple, dans la fonction publique. On connaît la proportion d'employés des secteurs public et parapublic. Il serait intéressant de savoir quel en serait l'effet d'une telle chose. On sait par expérience que, dans tous les gouvernements, il y a toujours un certain nombre d'employés qui sont plus ou moins productifs pour différentes raisons. Est-ce que ce serait une incitation pour plusieurs à dire: Pourquoi prendre ma retraite? Je vais rester. Je ne sais pas quels seront les effets. C'est seulement l'expérience qui nous le dira, je crois bien. De toute façon, vous devez avoir des études, puisque vous dites que ç'a été étudié suffisamment pour nous donner des statistiques.

M. Bégin: Je crois que, sur une base volontaire, à ma connaissance, dans toutes les études que j'ai vues, il y a certains régimes où, sur une base volontaire, présentement, ça peut se faire, mais il n'y a pas d'incitation particulière. Je crois que le chiffre du Conference Board est à peu près correct, de 2% à 4%, c'est à peu près l'expérience vécue à ce jour. Mais je répète le point que je soulevais tout à l'heure, peut-être en y ajoutant que, s'il est possible, à 65 ans, de se retrouver avec une pension de vieillesse plus un régime supplémentaire, plus la Régie des rentes, plus son salaire plus ou moins plein, je crois qu'on va gonfler considérablement ce pourcentage et qu'on se créera, comme société, des problèmes d'immobilisme dans la main-d'oeuvre pour de très longues années.

M. Lincoln: Est-ce que je peux vous poser une ou deux questions, M. le ministre?

M. Lazure: Oui, oui.

M. Lincoln: À la suite de la question que j'ai posée à l'Association canadienne des compagnies d'assurances, est-ce que c'est votre intention de faire toutes ces concordances entre tous les régimes de rentes et de sécurité sociale conjointement avec le projet de loi?

M. Lazure: Je m'excuse. Pourriez-vous reprendre la question?

M. Lincoln: Est-il dans votre intention de faire toutes ces concordances entre les régimes cités ici, justement, pour la question de l'ajustement des prestations, en même temps que la mise en vigueur du projet de loi no 15?

M. Lazure: J'ai expliqué hier, et je le répète encore une fois, que, pour les ajustements, en particulier par rapport aux 5000 régimes supplémentaires de rentes, nous voulons donner une période qui va permettre une entrée en vigueur de la loi qui pourra correspondre soit au renouvellement des conventions collectives, lorsque les RSR sont à l'intérieur de conventions collectives, de négociations, ou encore un maximum, qui peut être de deux ou trois ans, un peu selon le modèle américain. Cela, c'est pour les régimes supplémentaires de rentes, c'est clair.

Si, par concordance avec les mesures de sécurité sociale, vous faites allusion, par exemple, entre autres choses, à la pension de vieillesse, il n'en est pas question. Il n'est pas question, à mon avis, de dire à la personne qui va vouloir continuer à travailler au-delà de 65 ans, pendant un an ou deux, que la pension de vieillesse lui sera versée seulement lorsqu'elle arrêtera de travailler, si c'est cela que vous avez en tête. Quant à nous, ça ne paraît pas indiqué du tout d'essayer de faire ça. De toute façon, ce n'est pas en notre pouvoir de le faire, mais il ne nous paraît pas indiqué de négocier une telle chose auprès du gouvernement fédéral.

M. Lincoln: Non, mais il y a certaines choses comme, par exemple, la question de l'ajustement de l'impôt sur le revenu, la question de l'assurance-chômage qui ont été soulevées par les syndicats.

M. Lazure: Si vous voulez, on va les prendre un par un, et je vais revenir.

M. Lincoln: Si vous regardez à la page 8 du mémoire, il y a...

M. Lazure: Si vous me permettez, j'ai commencé par la pension de vieillesse, mais prenons les grands éléments de ce qu'on appelle la sécurité sociale. Il y a ensuite la rente du Québec. Déjà, c'est permis dans l'état actuel des choses. C'est pour ça que je ne suis pas d'accord du tout avec vos prévisions un peu alarmistes; déjà, c'est permis, on a amendé la loi en 1977. C'est permis pour un travailleur, à 65 ans, de toucher à plein sa rente du Québec, 150 $, 200 $, 220 $ par mois, peu importe, et de continuer à travailler, à toucher son plein salaire. C'est permis cela, il ne faut pas l'oublier. Il ne faut quand même pas faire abstraction de la réalité de tous les jours. Donc, ce qui a l'air de vous surprendre tellement, le double statut de travailleur et de retraité, c'est déjà en vigueur et, à ma connaissance, cela n'a pas apporté de catastrophe, cela n'a pas amené des milliers de personnes à vouloir s'accrocher à leur emploi tout en touchant la rente venant de la Régie des rentes du Québec.

M. Bégin: Est-ce que je peux ajouter un mot exactement sur cela? Cela est exact, cela n'a pas amené de catastrophe parce que, de l'autre côté, la retraite obligatoire à 65 ans était là. Maintenant, on parle de changer les règles du jeu et de donner toute liberté, et cela change considérablement les règles du jeu. La motivation économique ou financière des individus va jouer vraiment à fond à ce moment-là. Par contre, il est possible d'avoir cette concordance tout en maintenant une équité individuelle par le jeu des équivalences actuarielles. Je suis absolument convaincu que c'est absolument possible de maintenir l'équité individuelle tout en s'assurant qu'un individu, à 65 ans et un mois, ne reçoit pas 150% par rapport à ce qu'il recevait la veille.

M. Lazure: Encore une fois, arrêtons-nous sur ce double statut qui a semblé vous surprendre beaucoup tantôt et qui a été à

l'origine de notre discussion. Il existe le double statut, depuis quelques années; il y a actuellement environ 40 000 personnes de 65 ans et plus qui travaillent, 40 000 personnes.

Mme Lavoie-Roux: 8%, je pense, M. le ministre.

M. Lazure: C'est cela, 8%. Vous dites: Oui, cela existe, le double statut, mais étant donné que l'âge obligatoire de la retraite est encore à 65 ans cela n'a pas amené une augmentation considérable. Je vous ferais remarquer que l'âge de retraite obligatoire, 65 ans, ne s'applique pas à au moins la moitié de la main-d'oeuvre. Tous les individus qui sont dans des entreprises, que ce soit de 1000 employés ou de 12 employés, où il n'y a pas de régime supplémentaire de rentes du tout, si l'employeur veut garder son employé, il peut le garder. Donc, il n'y a pas de retraite obligatoire à 65 ans, ni même à 70 ans, dans plusieurs de ces entreprises. Alors, je ne comprends pas là. Vous dites: Cela n'a pas amené de catastrophe, parce qu'il y a encore un âge obligatoire de retraite, mais il n'existe pas pour beaucoup de ces personnes, l'âge obligatoire.

M. Bégin: C'est exact que cela n'existe pas, mais pour ceux qui ont un régime supplémentaire, cette contrainte joue. Pour ceux qui n'en ont pas et qui sont devant la possibilité d'avoir la pension de vieillesse et la Régie des rentes du Québec comme seuls revenus, la chute est accouplée de l'inflation qui continue.

M. Lazure: Même dans les cas où il y a un régime supplémentaire de retraite, vous savez fort bien que 70% de ces employés ont vu l'âge obligatoire porté à 70 ans. Donc, eux aussi ont la faculté d'avoir un double statut. Vous admettez cela?

Mme Lavoie-Roux: Juste une remarque concernant les 40 000 qui ont dépassé 65 ans et qui travaillent - je n'ai pas de chiffres moi non plus - il se pourrait fort bien que la majorité de ces personnes n'ait pas le même emploi qu'à l'âge de 65 ans, si la question de la retraite obligatoire s'appliquait. Alors que dans le cas qu'on prévoit ce sera l'employeur actuel, il pourra toujours changer d'emploi s'il le veut, mais ce sera l'employeur actuel qui aura l'obligation de le garder à son emploi. Je pense que cela va peut-être apporter une perspective un petit peu différente; en tout cas, on ne l'a pas touchée ni dans un sens ni dans l'autre.

M. Lazure: On ne sait pas vraiment, mais effectivement il y a beaucoup de ces 40 000 qui, à 65 ans, quittent leur emploi parce qu'ils y sont forcés par un plan privé de retraite et prennent un autre emploi.

M. Lincoln: Je veux vous poser deux questions bien courtes, s'il vous plaît. La première chose: je ne sais pas si vous avez statué là-dessus, mais pourquoi n'avez-vous pas retenu la formule des États-Unis, au point de vue des gros bonnets qui touchent de grosses rentes comme 27 000 $ et plus, l'effet économique de cela, est-ce qu'on a pensé à l'effet économique quand beaucoup de gens gagnent de 70 000 $ à 80 000 $ pendant que les jeunes ne rentrent pas au travail? Je crois que l'Université McGill a des statistiques montrant que ça coûte une fortune de garder des gens avec de gros salaires, qui pourraient être remplacés par des gens ayant des salaires plus bas. Surtout dans la conjoncture des coupures budgétaires, ça va frapper les... on peut penser aux hôpitaux, aux services publics... (17 h 30)

M. Lazure: Juste sur ce point précis, c'est vrai que nous n'en avons pas parlé beaucoup depuis deux jours mais, quant à nous, nous n'avons pas abandonné cette possibilité. Notre choix n'est pas fait. Dans un sens, il y a quelque chose d'un peu rébarbatif et c'est pour ça que nous avons une certaine réticence à emprunter cette clause qu'on retrouve dans la législation américaine où c'est 27 000 $. Cela veut dire que si la personne, arrivée à l'âge de retraite, que ce soit 65 ou 70 ans selon les secteurs, a un régime de retraite qui lui permet d'avoir un revenu de 27 000 $ ou plus, à ce moment-là, la loi ne s'applique pas à elle.

Il y a quelque chose d'un peu ennuyeux au plan du principe de la non-discrimination. D'autre part, il est bien sûr que ça peut être attirant à d'autres points de vue, pas simplement au point de vue économique -déjà ça pourrait être considérable - mais aussi à d'autres points de vue. Certains groupes nous demandent que la loi s'applique à eux; je pense, pour être précis, à nos juges ou aux professeurs d'université. Certains demandent, comme les juges, d'être inclus, et nous pensons qu'ils devraient être exclus. C'est sûr que si on passe par le biais d'une rente de 27 000 $, comme les Américains, ou de 25 000 $, peu importe, automatiquement ils en seraient exclus. Si on excluait les personnes qui touchent une rente de 25 000 $ ou plus annuellement, cela exclurait la grande majorité des juges, sinon tous, de la même façon que ça exclurait la majorité des professeurs d'université, des professeurs de carrière ou encore des hauts fonctionnaires et des ministres aussi. Mais, pour les ministres, il y a un autre mécanisme encore bien plus efficace pour les exclure un jour. Tout ministre, un jour, se fait exclure, comme tout député se fait exclure, un jour, c'est la seule chose qui est

certaine en politique. C'est qu'un jour...

Mme Lavoie-Roux: II y a des exclusions volontaires, il y a les involontaires.

M. Lazure: ... si on ne s'exclut pas, on se fait exclure. Mais, sérieusement, M. le député de Nelligan, nous n'avons pas rejeté cette possibilité. Je vous avoue que nous sommes encore hésitants, et moi je serais heureux d'avoir vos opinions du côté de l'Opposition s'il y en a qui veulent s'exprimer.

M. Lincoln: J'aimerais vous demander... M. Lazure: L'opinion...

M. Lincoln: Je suis 100% pour la question...

M. Lazure: Pardon.

M. Lincoln: Je suis 100% pour une mesure quelconque qui favoriserait le recyclage des jeunes. Toute la question économique, je ne sais comment ça se pose, mais au moins comme première étape...

Mme Lavoie-Roux: II manque d'expérience, on ne donne jamais ça devant un ministre qui nous l'a demandé.

M. Lincoln: Vous connaissez mon opinion.

M. Lazure: C'est une belle candeur qu'il faut admirer, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Cela ne dure pas longtemps.

M. Lincoln: Ce que je voudrais vous demander en dernier lieu... Je crois que tous ces mémoires ont soulevé toutes sortes de questions de fond qui demandent beaucoup d'étude. Il y a l'exemple du fonds minier où on a examiné la question, puis on a réalisé que peut-être on allait de l'avant trop vite avec ça, et on a eu à revoir toute l'affaire. Vous avez parlé de trois étapes s'échelonnant peut-être sur un an; maintenant vous dites peut-être durant le mandat de quatre ans, je ne sais pas, mais enfin peut-être que ça sera entre les deux. Je me demande si, compte tenu de toutes les objections qui seront faites, de la question des études de fond, on pourrait parvenir à faire cette loi, s'arrêter à 70 ans pour une première étape, quitte à... Si vous devez aller de l'avant, l'idéal serait d'attendre que vous fassiez une étude pour coordonner tout cela. Si vous continuez à aller de l'avant avec ça, comme première étape, peut-être pourriez-vous le faire jusqu'à 70 ans, quitte à apporter un amendement ensuite quand on aura vu toutes les conséquences.

M. Lazure: M. le Président, ce n'est pas exclu. Je vous répète que dans notre engagement, d'ailleurs, on avait dit 70 ans de façon précise. Lorsqu'on a commencé à étudier les expériences ailleurs, on s'est aperçu qu'il y en avait si peu qui continuaient après 70 que ce n'était vraiment pas la peine de garder la discrimination avec un âge quelconque. C'était aussi bien d'enlever toute référence à l'âge parce que ce que vous proposez, ça ne répugne pas, on va l'envisager, mais je ne suis pas sûr que ça nous aiderait. À supposer qu'on dise: 70 ans pour une période de trois ans, les études qu'on fera au cours des trois années nous donneront des statistiques sur le nombre d'individus qui ont opté pour continuer à travailler après 65 ans, mais ça ne nous éclairera pas plus sur le nombre de ceux qui vont vouloir rester après 70 ans.

Ce que je veux simplement souligner, c'est que, dans un domaine comme celui-là, qu'on dise 70 ans, 75 ans ou pas d'âge du tout, par définition, ce sont simplement des probabilités qui sont basées sur des expériences ailleurs. On n'a pas exclu cette possibilité, mais je ne suis pas convaincu qu'on serait en terrain tellement plus solide en parlant de 70 ans qu'en enlevant tout âge.

M. Lincoln: Mais cela nous donnerait le temps d'attendre le résultat des études américaines qui sont imminentes, parce que les Américains attendent ces études pour aller plus loin que 70 ans. Attendons, nous aussi, les études qu'ils ont faites, peut-être qu'on aura des études actuarielles et des études statistiques qui aideront beaucoup et ce sera une étape. Après ça, vous pourrez lever 70 ans quand vous aurez le reste de votre projet, dans quatre ans, dans cinq ans. Parce que c'est la dernière chance, vous n'aurez pas de mandat après quatre ans, alors...

M. Lazure: Les propos du député sont raisonnables, sauf les tout derniers, mais les autres auparavant, avant qu'il devienne partisan, étaient tout à fait raisonnables. Je ne sais plus, parce qu'à un moment donné, l'Opposition nous reproche de ne pas aller assez vite; elle fait des gorges chaudes avec notre philosophie d'étapisme, on nous dit: C'est trop lent; à un autre moment, vous nous reprochez d'aller trop vite. Alors...

M. Lincoln: II y a quand même une différence entre...

Mme Lavoie-Roux: Le ministre ne change pas.

M. Lincoln: Vous savez ce qu'on dit, M.

le ministre, vous savez ce qu'on dit.

M. Lazure: Sérieusement, les deux remarques, d'une part, l'exclusion des 27 000 $ de revenus de rentes annuelles et plus, aussi bien que la limite de 70 ans, ces deux remarques sont pertinentes, nous allons les prendre en considération.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: C'est de l'assurance-vie que vous faites à travers ça aussi, est-ce que ça pourrait avoir une implication sur les taux d'assurance-vie en donnant plus d'âge, à cause des risques de mortalité par accident ou autrement? Est-ce qu'il peut y avoir une répercussion sur les taux d'assurance-vie, en changeant ça?

M. Massicotte: Nous le disons dans notre mémoire: le fait de garder des gens au travail à un âge plus avancé augmente les coûts des assurances-vie collectives pour les groupes d'employés, si ces gens ont les mêmes assurances collectives qu'ils avaient auparavant, parce que, forcément, tout le monde sait que le risque de décès augmente avec l'âge; le coût des assurances augmente donc d'autant.

Ce qui peut se faire alors, c'est qu'actuellement les retraités ont moins d'assurances ou n'en ont pas, dans les assurances collectives, de sorte que le coût des assurances risque d'augmenter proportionnellement, même plus que proportionnellement, au nombre de travailleurs qui resteront au travail après l'âge de 65 ans.

M. Laplante: D'accord pour les assurances collectives, le bon sens peut le donner, mais si on regarde l'assurance-vie traditionnelle, qu'on prend l'assurance-famille ou une autre, est-ce que ça peut avoir un effet sur ces taux-là aussi?

M. Massicotte: II n'y a pas de raison. Je ne vois pas pourquoi. Les gens peuvent avoir actuellement des régimes qui se prolongent après 65 ans, ça dépend des choix qu'ils ont faits avant cet âge d'avoir des régimes d'assurance; peut-être que le fait qu'ils cessent de travailler à un moment donné les amène à considérer que leurs besoins d'assurances sont moindres ou que leur capacité de payer des assurances est moindre, de sorte qu'ils vont avoir des assurances qui se terminent à 65 ans ou qu'ils vont racheter des polices à cet âge, mais comme les taux sont établis individuellement, aux différents âges, cela ne devrait pas avoir d'effet, je ne crois pas.

M. Bégin: Je pourrais ajouter qu'à court terme, certainement pas, aussi longtemps que, statistiquement, il n'aura pas été prouvé que l'usage de cette liberté raccourcit la vie ou la prolonge, c'est impossible à prévoir présentement.

M. Laplante: Je pense qu'elle peut la prolonger.

M. Lazure: M. le Président, en rapport avec la question du député de Bourassa, sur les coûts de l'assurance-vie pour l'employé qui continuerait au-delà de 65 ans, il me semble, quant à nous, que cela fait partie du jeu des négociations. Dans les entreprises où il y a un régime supplémentaire avec avantages sociaux - on est en train de parler d'avantages sociaux, quand vous parlez d'une police d'assurance-vie pour un employé, qu'il ait 65 ans ou 40 ans ou 68 ans, c'est la même chose. Cela découlera du jeu des négociations patronales-syndicales, il me semble. Je ne sais pas si vous avez eu un avis différent.

M. Massicotte: Ce qui arrive, je crois, c'est qu'en ce moment les gens qui sont à la retraite n'ont pas les mêmes montants d'assurance ou n'ont pas d'assurance du tout dans bien des cas, de sorte qu'ils ne font pas partie du groupe assuré en vertu de la police d'assurance collective. Si vous les ajoutez ou si vous en ajoutez une certaine quantité, l'âge moyen du point de vue des assurances va forcément augmenter - suffisamment ou pas suffisamment, c'est difficile à prédire -pour changer le coût moyen des assurances, parce que ces coûts sont établis sur la moyenne du groupe, et non pas sur des âges individuels des gens.

M. Lazure: Ce n'est pas à nous de les ajouter. Ce sera à l'employeur et à l'employé.

M. Massicotte: C'est vrai. Est-ce que cela veut dire que vous considéreriez qu'ils aient des conditions de travail différentes de ceux qui n'ont pas 65 ans?

M. Lazure: Ils auront les conditions de travail que leurs représentants syndicaux auront négociées pour eux.

M. Massicotte: Ah bon! À ce moment, vous accepterez que les négociations portent sur des conditions différentes selon les âges. C'est ce que vous dites.

M. Laplante: Je commence à comprendre une chose.

M. Lazure: L'expression que j'ai employée hier et ce matin, c'est la rémunération globale. L'employé, dans les mois qui ont précédé son 65e anniversaire,

qui touchait 200 $ par semaine, avec certains avantages qui représentent peut-être 20%, quant à nous, s'il est apte à remplir sa fonction à 65 ou 66 ans, il devrait être maintenu à la même rémunération globale.

M. Massicotte: C'est bien ce que nous croyions aussi. C'est pour cela que je répondais que le coût des assurances pourrait augmenter si ces gens restent assurés aux mêmes conditions qu'ils le sont avant l'âge de 65 ans. Ce n'est pas une impossibilité. C'est la même chose pour l'assurance-maladie ou pour l'assurance-salaire. Si elles doivent rester en vigueur à un âge plus avancé, il est probable que les coûts augmenteront en moyenne, puisque ces gens présenteraient normalement un risque plus grand. C'est tout ce que je voulais dire.

M. Laplante: Cela me fait comprendre une chose, avec le recul du temps. Je vois que c'était surtout pour préserver notre assurance-groupe que le chef de l'Opposition voulait avoir des candidats en bas de 55 ans! Il ne voulait pas en haut de 55 ans, à un moment donné. C'était dans ses critères. Maintenant, sur l'investissement au Québec. Vous aviez eu une certaine crainte d'être nationalisé - allons-y par le bon mot, c'est un petit peu le mot que vous n'avez pas prononcé tout à l'heure, mais que vous auriez aimé prononcer ouvertement - mais si votre crainte était là, aujourd'hui, au moment où on se parle, quel est l'investissement au Québec de l'épargne québécoise, dans votre association?

M. Massicotte: Cela dépend. Je ne sais pas si M. Bégin a plus de chiffres que moi là-dessus.

M. Bégin: II faudrait que je me fie à ma mémoire. Comme vous le savez, l'industrie est fortement réglementée et surveillée par le surintendant des assurances. Depuis quelques années, cela a été la préoccupation des ministres des Finances et non pas seulement celui qui est là, de forcer une plus grande concordance des investissements au Québec par rapport aux engagements au Québec. Il y a eu un progrès considérable. Il y a des compagnies qui sont surinvesties au Québec par rapport à leurs engagements; il y en a plusieurs qui restent sous-investies. Selon mon souvenir, la moyenne de l'industrie a maintenant atteint aux alentours de 80% et s'améliore d'année en année avec les recommandations très fortes du surintendant des assurances et des ministres des Finances.

M. Laplante: Merci.

M. Tremblay (Marcellin): II serait peut-être bon d'ajouter à ce sujet que, d'après les derniers chiffres que j'ai vus, si on inclut les investissements de compagnies d'assurance-vie qui ne font pas affaires au Québec, qui dépassent leurs engagements, on dépasse les 100% par rapport aux obligations envers les assurés, ce qui veut dire que, dans une économie libre comme la nôtre, il arrive des périodes où les compagnies d'assurance-vie peuvent être à 80% de leurs engagements au Québec, mais, par ailleurs, d'autres compagnies viennent ici comme nous allons ailleurs. L'ensemble de l'opération nous est favorable, en d'autres termes. Il y a plus d'investissements de compagnies d'assurances au Québec qu'il y a d'engagements envers les assurés. (17 h 45)

M. Lazure: Là, on tombe sur un terrain un peu glissant. C'est une affirmation qui sera consignée au journal des Débats. En tout cas, comme gouvernement, on n'a pas la conviction de connaître, malgré toutes les questions qu'on puisse poser, de façon bien exacte le lieu des investissements des grandes compagnies d'assurances. Nous restons persuadés que souvent, par des moyens tout à fait légaux, très légaux, surtout pour les compagnies d'assurances qui sont d'origine américaine, des USA, que leur taux d'investissements au Québec n'est pas ce qu'il devrait être, n'est pas assez élevé.

Une voix: Vous pouvez, en tout cas...

M. Lazure: Là, il y a sûrement une divergence d'opinions.

M. Bégin: Je ne pense pas qu'il y ait une grande divergence d'opinions, je crois que vous avez raison. Si on veut faire une gradation des différentes compagnies d'assurances, les compagnies oeuvrant au Québec, en vertu d'une charte provinciale, sont peut-être les mieux placées vis-à-vis de leurs investissements, les compagnies canadiennes oeuvrant sur une base canadienne viennent ensuite et l'ensemble des compagnies américaines viennent certainement en dernier lieu. Pour répéter ce que M. Tremblay disait, il y a quand même des compagnies américaines qui ne font pas affaires au Québec, mais qui investissent au Québec.

M. Lazure: Oui, c'est vrai.

M. Tremblay (Marcellin): Cela ne comprend pas évidemment les fonds de retraite, les trusts et tout cela, on parle du taux d'assurance.

Le Président (M. Boucher): Mme la députée...

M. Massicotte: Mais les données là-dessus peuvent se trouver dans le rapport du

surintendant des assurances en ce qui concerne les compagnies d'assurances membres de notre association comme toutes les autres.

Le Président (M. Boucher): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je vais être très brève, je ne pensais pas que cela prendrait autant de temps. Il y a une question que je veux poser au ministre. Cela fait deux ou trois fois - peut-être que je suis charitable, c'est peut-être cinq ou six fois -qu'il nous dit que le gouvernement a fait des études, au Québec, sur ce projet, touchant la façon dont cela affecterait la fonction publique, etc. Je les lui demande, d'une façon formelle, s'il a des études, s'il pourrait nous les remettre. Je les ai demandées au printemps, je lui demande à nouveau aujourd'hui. Je pense que c'est le minimum que l'on peut exiger d'un gouvernement qui prétend toujours à la transparence, mais ce n'est pas pour cela, s'est pour le meilleur jugement de chacun d'entre nous. Alors, M. le ministre, est-ce que vous allez nous déposer ces études-là, est-ce qu'il y a des études? On ne veut pas... il y a le Conference Board évidemment...

M. Lazure: J'en ai déjà déposé, M. le Président, j'ai déjà fait parvenir au bureau de la députée de L'Acadie, avant l'ajournement du mois de juin ou au cours du mois de juin, certaines études qui nous avaient guidés dans nos travaux.

Mme Lavoie-Roux: Les études qui ont été faites pour le Québec, pas les études...

M. Lazure: Oui, oui.

Mme Lavoie-Roux: Dans celles que vous m'avez envoyées, il n'y en avait aucune du Québec, M. le ministre, je regrette.

M. Lazure: Écoutez, il s'agit...

Mme Lavoie-Roux: Sauf celle-ci et celle de COFIRENTES; votre gouvernement avait fait celle-ci et l'autre avait été faite sous l'ancien gouvernement. Je parle d'études en fonction du projet de loi actuel.

M. Lazure: Après deux jours de commission parlementaire sur le sujet, il me semble qu'il devrait être clair pour tout le monde qu'on ne peut que faire des projections, on ne peut que faire des hypothèses, mais c'est un travail d'étude en soi que de faire des hypothèses en partant des expériences ailleurs. On ne peut pas nous reprocher de ne pas avoir un pile de dossiers sur des faits concrets sous un régime où il y aurait une telle loi en vigueur applicable au

Québec, puisqu'on ne l'a jamais eu au Québec. Alors, on part de faits réels qui viennent d'autres pays et on part d'enquêtes qui ont été faites par des groupes sérieux comme le Conference Board et l'enquête du Sénat canadien, notre propre enquête COFIRENTES, vous connaissez toute la longue série d'enquêtes qui ont été faites.

Partant de ces enquêtes aussi bien que de donner des statistiques sur des faits réels à la suite d'une expérience, après avoir réfléchi beaucoup, nous en arrivons à présenter un projet de loi qui va essayer d'aller chercher le meilleur dans chacune de ces études. Alors, il n'y a rien de mystérieux là-dedans. Le reste, ce que l'on ne vous a pas envoyé, ce sont simplement des documents de travail internes, des brouillons de projets de mémoires, des brouillons de projets de loi. Je pense que l'on va vous épargner le trouble de lire des brouillons.

Mme Lavoie-Roux: II y a quelque chose de plus brouillon que celui-là?

M. Lazure: Mais je retiens la question de la députée de L'Acadie, j'admire sa soif de connaissance et si je peux, avec les fonctionnaires, déterrer un autre mémoire ou un autre rapport qu'elle ne connaît pas encore, cela me fera plaisir de le lui faire parvenir.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, c'est parce qu'il y a eu une question qui a été posée, je pense, par M. Tremblay, à savoir: Est-ce que vous avez fait des études dans la fonction publique pour déterminer les coûts et certaines projections possibles? Vous avez dit: Oui, on a des études. Alors, je comprends qu'il n'y avait pas d'étude sur la question précise de M. Tremblay, mais il y a toute cette série d'études, partant du Conference Board pour se rendre au rapport du Sénat. C'est ce que je dois comprendre, il n'y en a pas d'autre.

M. Lazure: Hier, j'ai mentionné l'étude de la CARR, la Commission d'administration des régimes de rentes.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'on peut l'avoir celle-là?

M. Lazure: Probablement, mais je veux toujours distinguer, dans le cadre de notre travail parlementaire puisqu'on est à l'Assemblée nationale dans le moment, entre des documents de travail qui normalement servent dans un ministère à préparer des projets de loi et des documents qui deviennent publics, officiels. Alors, parfois il y a des documents qui se situent entre les deux, c'est pour cela que j'hésite un peu, mais je vais relire le document de la CARR...

Mme Lavoie-Roux: ... soit confidentiel ou non.

M. Lazure: ... et, s'il n'y a rien de confidentiel, je le passerai avec plaisir à Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: II y a juste une question que je voudrais faire préciser que mon collègue de Nelligan a posée. Il vous a dit: Le ministre nous a dit qu'il procéderait selon un échéancier. On a présentement la loi sur l'abolition de la retraite, il y a un projet de loi à venir sur la retraite anticipée, il y a un projet de loi sur... Je m'en tiendrai seulement à ces deux premiers éléments. Il a dit: Est-ce que ça vous semble essentiel qu'un projet de loi sur la retraite anticipée, un autre sur l'abolition de la retraite et, évidemment, certaines autres concordances, soient faits au moment de la sanction et de l'application de la loi? Vous avez dit: Oui. Mais j'ai cru comprendre que c'était uniquement en fonction de l'âge de l'abolition de la retraite. Est-ce que, pour vous, il faudrait aussi qu'une loi sur la retraite anticipée, sur l'abolition de la retraite et la mise en application de la loi soient faites en un même temps?

M. Massicotte: Je comprends un peu difficilement votre question. Ce que nous disons, c'est qu'il nous paraît y avoir pas mal de concordances à faire; il nous apparaissait, en tout cas, y avoir pas mal de concordances à faire avec toutes sortes de régimes qui existent actuellement en appliquant cette loi sur l'abolition de l'âge de la retraite. J'avoue que, pour ma part, je reste encore un peu indécis quant à savoir si ces concordances vont être faites. En tout cas, elles ne semblent pas toutes paraître nécessaires au ministre en ce moment. J'avoue que je suis pas mal indécis là-dessus. Ce qui nous préoccupait surtout, c'était la concordance avec les régimes existants qui prévoient des âges de 65 ans pour bien des choses et dont la concordance nous paraît difficile. C'est le point qu'a soulevé surtout M. Bégin tantôt, et c'est là-dessus que nous aurions aimé qu'il y ait des ajustements de concordance.

Mme Lavoie-Roux: Je vais poser ma question différemment. En admettant que ces concordances seraient faites en fonction de la loi sur l'abolition de la retraite, est-ce qu'on pourrait faire, dans un deuxième temps, un autre réajustement pour la retraite anticipée ou si les deux devraient se faire en même temps? Là, il y a deux éléments: il y a l'abolition de l'âge de la retraite et il y a, possiblement - je pense que le ministre l'a annoncé à plusieurs reprises - un projet de loi sur la retraite anticipée qui, à ce moment-là, serait baissée à 60 ans. Est-ce que ces deux choses devraient se faire en même temps?

M. Tremblay (Marcellin): Si vous permettez, je crois que, pour la retraite anticipée, c'est plus facile, parce qu'il s'agit d'ajustements actuariels qui peuvent se faire après très facilement; je ne crois pas qu'il y ait de difficultés. De sorte que ça s'appliquerait principalement à l'abolition de l'âge de la retraite.

Mme Lavoie-Roux: Même si l'autre venait dans un deuxième temps, ce n'est pas là qu'est le problème.

M. Massicotte: Cela ne devrait pas poser de problème parce qu'il s'agit d'aller chercher l'argent qu'il faut pour payer ces retraites anticipées, et les cotisations sont en conséquence.

Mme Lavoie-Roux: D'accord, d'accord.

M. Massicotte: Évidemment, pour les régimes publics, actuellement, le Régime de rentes du Québec, le ministre l'a dit tantôt, les cotisations deviendront insuffisantes à un moment donné. Si on va surtout vers les retraites à 60 ans, c'est encore plus grave de ce point de vue.

M. Bégin: Je voudrais seulement ajouter un mot. La question de la retraite anticipée pour moi - je dois mal lire les journaux, mais c'est une nouvelle absolue - si vous parlez de la retraite anticipée avec pleins bénéfices faisant l'objet...

M. Lazure: Dans une première étape, pour les employés de 60 ans et plus qui souffrent d'une invalidité de 25%.

M. Bégin: Sur le plan social, il y a certainement...

M. Lazure: Juste un dernier mot, M. le Président, sur cette fameuse concordance; l'association y revient. Encore une fois, nous sommes prêts à mettre des délais dans la loi pour permettre aux 5000 régimes supplémentaires de rentes de s'ajuster. Nous sommes prêts à cela et je pense que c'est, premièrement, votre principale préoccupation, mais nous n'allons pas fixer dans la loi comment ces ajustements vont se faire. C'est l'employeur et l'employé qui décideront ensemble comment cela se fera.

M. Bégin: Notre préoccupation, je crois, couvre au moins le Régime de rentes du Québec en même temps que les régimes supplémentaires.

M. Lazure: Je pensais avoir répondu à cette objection de votre part en vous

rappelant qu'il y a 40 000 Québécois et Québécoises qui ont ce double statut de retraités et de travailleurs, et cela n'a pas semblé causer de problèmes jusqu'ici. Je ne vois pas comment l'addition de quelque milliers par année vous causerait un problème.

M. Massicotte: C'est-à-dire que dès que vous avez parlé du statut de travailleur retraité qui recevrait une pension d'un régime privé, par exemple, une pleine pension, présumément, d'après ce que vous avez dit, un plein salaire de l'emploi qu'il occupait précédemment, une pleine pension du Régime de rentes du Québec et la pleine pension de vieillesse, cela fait pas mal d'argent. C'est ce qui inquiétait M. Bégin. Cela vous inquiète aussi dans une certaine mesure, si vous dites que vous vous inquiétez...

M. Lazure: Cela se fait pour ces 40 000 personnes-là.

M. Massicotte: Non, parce que, habituellement, nous croyons, nous, qu'elles n'ont pas, ces personnes, comme l'a dit Mme la députée tantôt et M. Bégin aussi, d'autre chose que le Régime de rentes du Québec et la pension de vieillesse, ce qui fait un petit revenu qui, dans bien des cas, a besoin, avec raison, d'être augmenté. Si vous ajoutez à cela un régime privé de rentes qui est quand même normalement suffisant, si vous pensez, par exemple, au régime basé sur les cinq meilleures années de salaire avec 35 ans de service et tout cela, vous faites pas mal d'argent. Quand vous vous inquiétez des gens qui gagnent 27 000 $ et plus, cela veut dire quand même que vous avez cette préoccupation vous aussi, parce que là, vous voulez mettre une espèce de plafond à cette concordance en pensant aux gens qui gagnent 27 000 $ et plus.

M. Lazure: Non, je n'ai pas dit que je voulais mettre ce plafond. J'ai répondu au député de Nelligan, qui soulevait la question, que c'était une chose à laquelle on réfléchit.

M. Massicotte: C'est ça, ce n'est pas nécessairement exclu.

M. Lazure: Ce n'est pas exclu.

M. Massicotte: Cela veut dire quand même que vous voyez là aussi une espèce de problème de concordance entre différents éléments qu'il pourrait devenir, à un moment donné, nécessaire de faire, parce que vous réalisez qu'il y a des gens quelque part qui vont tantôt vouloir rester au travail à cause de l'argent que ça va leur apporter.

M. Lazure: M. le Président, à moins que tout le monde ne se soit trompé, y compris les Américains, tout converge pour dire que la grande majorité de ceux et celles qui profitent d'une telle loi sont les gens à petit revenu, qui, pour des raisons économiques justement, rendus à 65 ans, veulent continuer de toucher leur salaire parce qu'autrement, tout ce qu'ils vont avoir, c'est leur pension de vieillesse et la sécurité du revenu. Tout le monde s'accorde pour dire ça.

Le Président (M. Boucher): Là-dessus, nous sommes parfaitement d'accord aussi; il n'y a pas là de problème.

M. Lazure: Merci beaucoup.

Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de la commission, je remercie l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes Inc.

M. Massicotte: Nous vous remercions aussi, nous vous assurons de notre collaboration dans vos futurs projets de retraite.

Le Président (M. Boucher): Merci, monsieur.

La commission ajourne ses travaux au mardi, le 20 octobre, à 10 heures, à la salle 81-A.

(Fin de la séance à 18 heures)

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