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(Dix heures neuf minutes)
Le Président (M. Laplante): La commission élue
permanente des affaires sociales se réunit pour entendre les personnes
ou organismes relativement au projet de loi no 15, Loi sur l'abolition de la
retraite obligatoire et modifiant certaines dispositions
législatives.
Les membres de cette commission sont: M. Boucher
(Rivière-du-Loup), M. Brouillet (Chauveau), Mme Dougherty
(Jacques-Cartier), M. Houde (Berthier); M. Johnson (Anjou) remplacé par
M. Lazure (Bertrand); Mme Juneau (Johnson), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M.
Leduc (Fabre), M. Rochefort (Gouin), M. Sirros (Laurier).
Les intervenants à cette commission sont: M. Beauséjour
(Iberville) remplacé par M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata); M. Bélanger (Mégantic-Compton),
Mme Harel (Maisonneuve), M. Kehoe (Chapleau), Mme Lachapelle (Dorion), M.
Lafrenière (Ungava), M. Laplante (Bourassa); M. Mathieu (Beauce-Sud)
remplacé par M. Lincoln (Nelligan); M. O'Gallagher (Robert Baldwin).
L'ordre du jour pour aujourd'hui sera: le Forum des citoyens
âgés, mémoire no 9, l'Association québécoise
pour la défense des droits des retraités et
préretraités, mémoire no 14, la Conférence des
juges du Québec, mémoire no 15, l'Association canadienne des
compagnies d'assurances de personnes Inc., mémoire no 22, M. Jacques
Giguère, mémoire no 16, M. Jean Labrecque, mémoire no 2,
l'Intersyndicale, mémoire no 23.
J'appellerais le Forum des citoyens âgés. Veuillez prendre
place à la table ici en avant, s'il vous plaît.
Mesdames, messieurs, veuillez vous identifier, s'il vous plaît,
identifier votre organisme et commencer la lecture de votre mémoire tout
de suite après.
Forum des citoyens âgés de
Montréal
Mme McDonald (Sylvia): Sylvia
McDonald, présidente du conseil d'administration du Forum des
citoyens âgés de Montréal.
Mme Hornblower (Lucette): Lucette Hornblower, assistante
directrice au Forum des citoyens âgés de Montréal.
M. Couture (Émile): Émile Couture, Forum des
citoyens âgés de Montréal.
Le Président (M. Laplante): Merci. Vous pouvez commencer.
Avez-vous un résumé de votre mémoire?
Mme Hornblower: Je vais simplement donner les conclusions et les
recommandations de notre mémoire.
Nous accordons notre appui au projet de loi 15 concernant l'abolition de
la retraite obligatoire; nous estimons que ce projet de loi respecte l'individu
âgé aux points de vue psychologique, économique et social;
nous croyons que la contribution d'une personne au marché du travail lui
permet d'avoir un rôle, d'être en interaction avec d'autres, de se
sentir utile; autant d'éléments qui favorisent l'identité
et la satisfaction personnelle, le bien-être physique et mental.
Compte tenu des implications considérées
antérieurement et pour que l'application de cette loi produise les
résultats attendus, nous recommandons que des mesures soient prises pour
favoriser un plan de carrière et de formation continue pour tous: offrir
des programmes de préparation à la retraite dans les
différents milieux; offrir la possibilité d'une retraite
progressive; assouplir le cadre de travail; faciliter le changement de
carrière; établir la transférabilité des
contributions à différents fonds de retraite.
Alors, ce que nous avons voulu faire dans notre mémoire, c'est de
nous prononcer en faveur du projet de loi 15, mais en soulignant les
implications qu'il fallait regarder et dont il fallait tenir compte dans
l'application de cette loi et pour lesquelles il fallait assurer des mesures.
Alors, de cette façon, on espère que la loi 15 fera du
Québec une province d'avant-garde pour la libération des citoyens
âgés, maintenant et à l'avenir.
Le Président (M. Laplante): Merci. M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, je veux remercier les
dirigeants du Forum des citoyens âgés de Montréal de
s'être donné la peine de nous présenter ce mémoire
et de venir participer à cette discussion démocratique sur le
projet de loi no 15. Il ne faut pas s'étonner que le Forum des citoyens
âgés, comme d'ailleurs la Fédération des clubs de
l'âge d'or du Québec qui hier l'a démontré
clairement, soit favorable au projet de loi. Je dois reconnaître en
passant le travail particulièrement intéressant
qu'accomplit le forum surtout en regard de la préparation
à la période de retraite.
Vous me permettrez de poser quelques questions à ce sujet. Si on
regarde les conclusions ou recommandations, évidemment, on peut passer
vite aux trois premières puisque vous donnez votre accord au projet de
loi; vous en venez ensuite à faire des suggestions de mesures qui
seraient de nature à améliorer le sort du retraité. Il y a
un certain nombre de ces mesures, comme la transférabilité des
fonds de retraite, auxquelles nous nous sommes engagés. (10 h 15)
J'ai eu l'occasion de le dire hier. Dans une autre étape, nous
avons l'intention de présenter un projet de loi qui va permettre, cette
fois-ci, la retraite anticipée, la retraite à 60 ans, plus
précisément, qui va aussi ouvrir le marché du travail,
autant privé que public, pour du travail à temps partiel. Une
retraite graduelle, anticipée, n'a de sens que si une
société offre un bon nombre de postes à temps partiel. Ces
postes à temps partiel, nous avons l'intention de prendre les mesures
nécessaires pour qu'ils soient disponibles à l'occasion de cette
autre étape, lorsque nous établirons en même temps une
transférabilité des fonds de retraite.
Je répète que rendre transférables les
régimes supplémentaires de rentes, les fonds de retraite
privés, si vous voulez, les 5000, ç'a du sens, ça aussi,
seulement si on modifie les règles d'admissibilité aux fonds de
retraite privés, et je dirais même les règles
d'administration des fonds de retraite privés. Les fonds de retraite
privés, ici au Québec et au Canada, en Amérique du Nord,
de façon générale, n'ont pas joué le rôle
social que les fonds de retraite privés jouent en Europe. La vocation
sociale des mutuelles est bien connue en Europe, et si les fonds de retraite
privés ont eu un rôle social et économique dans les pays
européens, souvent, c'est parce que les travailleurs ont
participé aux décisions quant aux investissements des fonds
supplémentaires de retraite. Ce n'est pas le cas ici, malheureusement,
la plupart du temps.
Quant à nous, il faudra s'ouvrir sur cette
transférabilité, sur des améliorations quant aux
règles d'admissibilité, assouplir ce que vous appelez le cadre de
travail, créer des postes de travail à temps partiel. Evidemment,
tout ça débouche aussi, sur une retraite progressive, que la
retraite progressive se situe de 60 à 65 ans ou, au contraire, qu'elle
commence à 65 ans pour se poursuivre jusqu'à 70 ans. C'est
ça le but du projet de loi no 15: donner aux travailleurs et aux
travailleuses arrivés à un certain âge l'option, la
liberté de choisir. On appelle souvent ça la retraite à la
carte, choisir son menu à la carte. Cela s'applique autant pour la
période qui précède 65 ans que pour celle qui
dépasse 65 ans.
Je m'arrête au programme de préparation à la
retraite. Hier, nous en avons parlé un peu lorsque le Centre de services
sociaux Ville-Marie est venu présenter son mémoire. Moi, je
voudrais que vous nous fassiez part de vos expériences, de celles de vos
membres par rapport aux cours de préparation à la retraite qui
sont disponibles actuellement. Je parle de la région de Montréal
en particulier. Je pense que vous en avez une bonne connaissance et cela
éclairerait la commission, à savoir les cégeps, les
universités, les groupes comme le vôtre, les services sociaux.
D'après votre expérience, où est-ce qu'on devrait
développer davantage ces cours de préparation à la
retraite?
M. Couture: Je crois qu'il faut tenter de faire profiter des
cours de préparation à la retraite le plus grand nombre possible
de gens et surtout, si les circonstances le permettent, se tourner vers cette
masse de personnes embauchées par des compagnies dont les cadres
semblent insuffisants pour offrir des cours à la retraite.
Déjà, et si je peux parler de mon expérience personnelle,
depuis une dizaine d'années, je donne beaucoup de cours de
préparation à la retraite, mais dans des organismes de taille, en
commençant par les ministères du fédéral, les
compagnies pétrolières, le Canadien National, etc., les grosses
compagnies. Mais assez rarement peut-on faire ouvrir les portes des petites
compagnies, même en leur offrant de se joindre à d'autres groupes
pour offrir des cours de préparation à la retraite.
La constatation que l'on fait dans les cours - moi, je donne
plutôt des cours sur la santé psychologique des retraités -
dans ce domaine-là, on se bute à de sérieuses
difficultés. La plupart du temps, c'est que, à compter de
l'entrée sur le marché du travail jusqu'à la sortie,
c'est-à-dire d'un seuil à l'autre, le seuil d'entrée et le
seuil de la sortie, la plupart des travailleurs n'ont pas l'occasion, ne sont
pas incités ou n'ont pas le goût de s'occuper d'activités
autres que de celle de leur gagne-pain. Le résultat, c'est que la
retraite les surprend toujours, parce qu'ils ne sont pas suffisamment
intéressés à la vie de la société en
général. Ils éprouvent d'énormes difficultés
à retomber sur leurs pieds, précisément parce qu'ils n'ont
pas étudié depuis leur entrée sur le marché du
travail. Souvent, quand on leur pose la question: À quoi vous ont servi
vos années sur le marché du travail, ils nous répondront:
À peu près à rien. Ce que j'ai appris, si je suis
employé des postes, ne me sert à peu près à rien
lorsque le temps de ma retraite s'amène.
On se bute aux mêmes difficultés lorsque l'on a affaire
à des groupes spécialisés le moindrement, à des
gens qui
n'ont fait que leur job, qui n'ont pas participé aux
activités sociales pour la peine et qui sont dépaysés,
souvent parce qu'ils ne se connaissent pas eux-mêmes. Je dirais que le
travail peut-être le plus important des chargés de cours, c'est
d'essayer de découvrir chez les personnes à qui les cours
s'adressent ce qu'elles ont en fait de connaissances dont elles puissent tirer
parti une fois rendues à leur retraite.
C'est ma constatation, depuis déjà neuf ans, que les gens
ne sont pas prêts à leur retraite. Ils le sont plus maintenant
qu'autrefois; en ce sens que les compagnies commencent à offrir des
cours à des personnes beaucoup plus jeunes qu'aux premiers groupes que
nous rencontrions. C'étaient, d'habitude, des gens entre 60 et 65 ans,
alors qu'aujourd'hui, dans bien des cas, on rencontre des gens qui se
préparent à leur retraite, mais qui n'ont que 50 ans et à
peine plus. Je ne sais pas si ça répond à peu près
à ce que vous voulez.
M. Lazure: Oui. Je trouve ça fort intéressant parce
que, à mon avis, vous avez l'orientation qui, au fond, est la meilleure.
Hier, on était un peu plus dans un dilemme services sociaux par rapport
au réseau d'éducation; mais en réalité, comme vous
le dites si bien, ça devrait être la tâche normale de
l'employeur. Surtout un employeur de taille moyenne ou de taille
considérable aurait tout avantage, de la même manière qu'il
va procurer un certain entraînement en cours d'emploi pour
améliorer la qualité du rendement de ses employés, leur
compétence, à offrir à son employé, qu'il a eu
pendant dix ans, quinze ans, 20 ans et plus parfois, cette préparation
à la retraite.
Je trouve fort pertinentes vos remarques et, si je comprends bien,
d'après votre expérience et l'expérience de tous vos
concitoyens et concitoyennes, ces préparations sont encore mieux
placées dans le milieu du travail qu'à l'extérieur dans le
milieu scolaire ou dans le milieu de services sociaux.
Peut-être une dernière question sur les méthodes de
retraite progressive. Que ce soit avant 65 ans ou après 65 ans, dans
l'optique de la nouvelle loi, comment voyez-vous ces différentes
modalités de retraite progressive? Quand les gens vous parlent de
retraite progressive qu'ils auraient souhaité avoir, de quel genre de
modalités vous parle-t-on?
M. Couture: D'abord, je pourrais peut-être faire remarquer
que je trouve étrange que vous mentionniez un âge. Vous dites,
avant 65 ans et après 65 ans, alors que nous n'admettons pas
d'âge.
M. Lazure: On est tous un peu victimes de ce
préjugé, de cette vieille convention qui établissait
l'âge de la retraite à 65 ans. C'est ce que nous voulons faire
disparaître. Vous avez raison de le souligner.
M. Couture: Mais vous continuez de le mentionner quand
même.
M. Lazure: Vous avez raison de le souligner.
M. Couture: C'est là où on ne s'accorderait pas,
parce qu'on ne veut pas d'âge. Il y a certaines catégories de
personnes qui entendent prendre leur retraite à 45 ans et qui ont
prévu ça. Alors, elles sont loin de leurs 65 ans.
Il y en a d'autres qui ne sont pas tout à fait prêts
à prendre leur retraite et nous envisageons la retraite progressive,
soit en raison de besoins économiques additionnels dont le futur
retraité est à court: il s'est acheté une maison, il a
encore des dettes et il aimerait prolonger encore de cinq ans ou six ans
peut-être. Dans d'autres cas, le type est prêt à quitter, il
ne demande pas mieux que de quitter avant terme, mais c'est peut-être une
des erreurs que l'on rencontre le plus fréquemment à l'heure
qu'il est. La plupart des gens de 50 ans et plus ont hâte de quitter le
travail. On a beau leur dire: Vous n'êtes pas prêts, attendez
d'être vraiment prêts à prendre votre retraite. Mais ils
disent: Non, je suis écoeuré de travailler, je m'en vais le plus
tôt possible, besoin pas besoin, je quitte. C'est la réponse
classique en 1980 et 1981. Les gens veulent quitter trop tôt.
Il faut faire beaucoup d'efforts pour tenter de les convaincre de rester
en fonction encore quelque temps, parce qu'ils encourent des risques trop
grands. Il y a ça.
Par progressif, on entend partir progressivement. Dans certains cas, ce
qui est fréquent, on a des groupes de personnes qui se contenteraient
d'une demi-journée par jour ou de deux jours par semaine. Et là,
on rencontre plutôt des dames qui disent: Je ne voudrais pas continuer
à temps plein, mais j'aimerais aller à temps partiel. Alors, on
peut nommer deux personnes dans la même fonction, elles se partagent le
même travail. Cela devient de plus en plus fréquent. Nous croyons
que c'est très sain aussi. Cela n'attache pas trop une personne et cela
ne l'use pas trop vite, en même temps que cela lui donne ce
supplément de revenu dont elle peut avoir besoin.
M. Lazure: Je remercie beaucoup le Forum des citoyens
âgés de nous avoir éclairés ce matin.
Le Président (M. Laplante): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le
Président. Je veux également, au nom de l'Opposition,
remercier le Forum des citoyens âgés de s'être
déplacé et d'avoir présenté le mémoire.
Je ne reviendrai pas sur la question du principe du projet de loi no 15
qui, apparemment, va être rebaptisé quand les amendements
importants qu'on doit lui faire seront apportés. Je pense que tout le
monde s'entend sur l'abolition de l'âge de la retraite. Cela se discute
dans deux salles différentes, dans la salle voisine en fonction de la
Charte des droits et libertés de la personne, parce qu'il faut bien dire
qu'il y a huit provinces sur dix qui ont déjà l'âge comme
facteur de non-discrimination dans leur Charte des droits et libertés.
Il se peut que le Québec l'ajoute. Il y aurait également le
projet de loi 15 ou portant un autre numéro.
J'écoute les discussions qu'on a ici depuis une journée,
maintenant depuis plus de 24 heures. J'ai l'impression que, de part et d'autre,
on s'entretient de bonnes intentions. Ce n'est pas un blâme à
votre endroit, loin de là. Par exemple, vous suggérez des
recommandations fort pertinentes: favoriser un plan de carrière et de
formation continue pour tous, des possibilités d'une retraite
progressive, assouplir le cadre de travail, établir la
transférabilité des contributions à différents
fonds de retraite. Ce sont toutes des suggestions fort pertinentes. On pourrait
continuer de s'entretenir là-dessus. Le ministre nous dit:
Écoutez, on va faire une revalorisation des régimes de rentes, on
va faire une transférabilité des fonds de retraite, mais il
faudra aussi améliorer le Régime des rentes, sans cela, c'est un
peu inutile.
Je me demande si on n'oublie pas les problèmes fondamentaux qui
sont vraiment des problèmes économiques pour réaliser
toutes ces choses. Tout le monde est pour la retraite progressive. Vous faites
bien de le signaler. On se retrouve dans une situation économique avec
un taux de chômage qui est maintenant de 11,5%, avec un chômage
chez les jeunes - je n'ai pas les derniers chiffres - qui oscille autour de
17%. Je pense qu'il va falloir aussi une volonté du gouvernement du
Québec, du gouvernement fédéral également - ce
n'est peut-être pas à moi de discuter de leurs politiques - de
retrouver ou de recréer un climat économique qui favorise la mise
en place de ces différentes mesures sur lesquelles on s'entend tous.
C'est dans ce sens que je me dis: Une fois qu'on est tous d'accord sur le
principe de l'abolition de la retraite, on passe à quoi après?
(10 h 30)
Dans votre groupe, comme d'ailleurs dans les groupes des clubs de
l'âge d'or - va suivre un peu plus tard l'Association
québécoise pour la défense des droits des retraités
et des préretraités - on retrouve évidemment dans toutes
ces associations les personnes âgées qui ont le plus de dynamisme,
qui rejoignent quand même un nombre important de personnes, mais qui sont
quand même des personnes qui ont un revenu non pas élevé,
mais enfin un peu plus décent que toutes les personnes
âgées qui restent chez elles, qui vivent dans des conditions
vraiment très difficiles.
Je dois vous dire que j'ai vu, durant la campagne électorale, M.
le ministre, dans un comté, une personne âgée
complètement abandonnée dans son sous-sol, qui avait
été dans un hôpital, qu'on avait renvoyée chez elle.
Je ne veux pas faire de drame ici, parce que, finalement, l'hôpital ne
pouvait rien faire pour elle. Les voisins disaient: Oui, elle est là;
elle se tire d'affaire. Je ne veux pas vous décrire les conditions
physiques dans lesquelles cette personne était, mais je suis heureuse
qu'on ait le projet de loi 15 et je me dis: Il y a des problèmes
fondamentaux auxquels il va falloir s'attaquer; sans cela, on pourra se
retrouver ici dans un an, se redire les mêmes choses et la situation aura
peu changé, à moins que, vigoureusement, on n'établisse
les priorités au bon endroit, si on est dans un contexte
économique difficile, qu'on ne dépense l'argent qu'on a d'une
façon extrêmement rigoureuse en établissant vraiment
quelles sont nos clientèles. J'ai l'impression qu'elles ne sont pas
établies dans le moment par le gouvernement actuel ou qu'elles ne sont
établies qu'en partie. Mon voisin me souffle: Elles sont établies
en catastrophe, mais je ne veux quand même pas revenir
là-dessus.
Par exemple, quand vous parlez de retraite progressive, est-ce
qu'à votre connaissance, il existe dans des entreprises, à
l'heure actuelle, que ce soient des entreprises privées ou des
entreprises publiques, de ces possibilités de fonctionnement de
programmes de retraite progressive? Est-ce qu'il en existe quelque part
à votre connaissance?
M. Couture: Il y en a d'appliqués dans des commerces au
détail, par exemple. Dans de gros commerces au détail, cela est
déjà appliqué fréquemment et de plus en plus.
J'habite la rive sud, à Saint-Lambert, et je connais deux magasins
importants, dont le gros magasin Taylor, qui emploient des dames à temps
partiel, mais ils en emploient deux fois plus que normalement, parce qu'elles
se contentent de tant de jours ou de tant d'heures par semaine. Je cite cet
exemple, parce que je suis très familier avec cela.
Mme Lavoie-Roux: Mais est-ce que ce sont des femmes qui sont
allées chercher un emploi à temps partiel ou est-ce que ce sont
des dames qui étaient à l'emploi de cette maison ou de ces
entreprises depuis
longtemps et qui, tranquillement...
M. Couture: On a les deux. Il y a les deux.
Mme Lavoie-Roux: II y avait les deux. M. Couture: II y a
les deux. Mme Lavoie-Roux: II y a les deux. M. Couture: Oui.
Mme Lavoie-Roux: On sait que, dans la fonction publique, cela
n'existe pas présentement. À moins que je ne m'abuse, il n'y a
pas de telles possibilités dans l'entreprise publique, à ce
moment-ci, ou dans les services publics. Mais, dans l'entreprise privée,
ce sont quand même des expériences encore assez marginales.
Maintenant, du côté des revenus des personnes âgées,
est-ce que vous pouvez nous dire quelle est votre expérience, par
exemple, de la situation dans laquelle se trouvent, en particulier, les femmes
qui n'ont jamais été sur le marché du travail, qui sont
seules? Est-ce que ceci...
M. Couture: Leur situation est très précaire. C'est
très difficile pour les femmes dans le moment. Maintenant, il faut faire
une distinction entre la ville et la campagne parce que la situation des gens
de la campagne est habituellement beaucoup plus favorable que celle des femmes
de la ville, de tous les retraités des villes, si vous voulez, parce que
vous avez Montréal et les grandes villes du Québec qui posent un
grand problème, alors que les mêmes problèmes, souvent, ne
se posent pas à la campagne.
Mme Lavoie-Roux: C'est-à-dire qu'au plan financier, elles
sont peut-être...
M. Couture: Elles sont beaucoup plus favorisées.
Mme Lavoie-Roux: Elles sont beaucoup plus favorisées. Ce
qui veut dire, en d'autres termes, que dans les villes elles seraient
très défavorisées pour un grand nombre d'entre elles.
M. Couture: À part cela, elles se sentent beaucoup plus
isolées dans les villes actuellement, alors qu'à la campagne tout
le monde se connaît encore.
Mme Lavoie-Roux: Je vois que dans votre introduction, vous dites
- d'ailleurs je le savais - que le Forum des citoyens âgés
regroupe des personnes de diverses origines ethniques et religieuses. Est-ce
que votre expérience avec les groupes d'origines ethniques autres que
francophone ou anglophone, ou enfin des communautés culturelles comme on
les appelle parfois, vous indique des problèmes particuliers dans ces
groupes ou est-ce qu'ils ont une approche à l'endroit des personnes du
troisième âge qui est différente de celle que l'on
retrouve, par exemple, dans les communautés francophones ou anglophones
identifiées d'une façon beaucoup plus spécifique?
Mme McDonald: Cela dépend, madame, de la grandeur ou bien
du nombre de personnes dans ces groupes. Je me souviens qu'au forum, une fois,
nous avons eu une rencontre avec plusieurs groupes ethniques. Il y avait des
personnes qui faisaient partie d'un groupe d'une cinquantaine; ces gens
s'arrangeaient très bien s'ils étaient rapprochés l'un de
l'autre, mais si une famille demeurait d'un côté de la ville et
l'autre de l'autre côté, c'était très difficile; on
parlait même de transport pour venir à des réunions.
D'autres, comme les Italiens ou les Grecs, qui sont dans des districts
tout à fait ethniques, n'ont, selon moi, toujours, presque pas de
difficulté; ils s'arrangent pour garder leur langue, leur façon
de vivre, leurs mets, toute cela, mais ils se mêlent aussi très
facilement avec notre groupe au forum.
Par contre, au forum en général ce sont des personnes qui
viennent un peu individuellement assister à nos cours. Alors, moi, je
pourrais me placer auprès d'une dame italienne qui vient au forum parce
qu'elle est intéressée à ce que l'on fait, sans avoir de
participation à un autre groupe de chez elle.
Je voudrais revenir, si cela ne vous dérange pas trop, à
votre question. Je suis comme vous, cela fait dix ans que je travaille dans les
programmes de préparation à la retraite, et je crois que j'ai
été un peu une pionnière à Montréal. Mon
expérience est que l'idéal c'est, la retraite à la carte,
comme je l'ai toujours dit. Par contre, mettre cela en pratique va être
quelque chose de très dur parce que d'abord on est formé à
penser que la dignité de l'homme est dans son travail. On sent qu'on est
dévalorisé tout de suite lorsqu'on quitte le travail, et moi
j'essaie de prêcher que c'est le contraire, c'est nous qui faisons de
notre travail quelque chose qui a de la valeur, et cela nous valorise.
Une deuxième chose, c'est qu'il faudrait une éducation
très générale, vulgariser cette idée, parce qu'on
est déjà pris, comme l'a dit M. Couture, encore avec des
chiffres. Comment, dans une compagnie, va-t-on dire à un monsieur qui
nous a rendu de grands services à tel ou tel âge: Vous devez
partir, tandis qu'à un autre qui n'a rien fait depuis vingt ans on dit:
Vous allez rester? Cela me fatigue beaucoup.
II y a une autre chose, aussi, c'est, comme on l'a dit, l'utilité
de faciliter les changements de carrière. Je pense utile de commencer
jeune à se faciliter des changements de carrière. Il y a 15 ans,
20 ans, si on ne restait pas 20, 40 ou 50 ans dans une compagnie, on n'avait
pas une bonne réputation. Aujourd'hui, les jeunes sont plus
portés à travailler 15 ans dans un lieu, 20 ans dans un autre,
etc. Je pense que c'est quelque chose à encourager parce que,
déjà, ça prépare à la retraite. Ces
changements nous font voir autre chose que, simplement, une "job", comme on
dit. Comme l'a dit M. Couture, on en vient à ne voir que son travail,
tandis que si on change de rôle, on est préparé à sa
retraite et, très souvent, on en vit une belle.
La préparation de la retraite est très importante, mais,
par contre, il y a des gens qui sont très bien préparés,
des gens qui ont passé leur vie à se préparer à
tous les événements qui sont survenus. Je suis tout à fait
d'accord avec vous que la chose qui sera difficile, ce sera de le faire
comprendre à bien des gens, les syndicats, les compagnies, et je ne suis
pas trop d'accord pour que ce soient les employeurs qui facilitent les cours de
préparation à la retraite. Je pense que les employés
peuvent être assez fins pour savoir que c'est leur intérêt
de demander ces cours.
Quand j'ai commencé à parler du mot "retraite", on n'en
voulait pas. Maintenant, ce sont des syndicats, très souvent, qui
viennent me demander de donner des cours à leurs membres, pour que ces
personnes sachent un peu ce que c'est. Mais je crois qu'avec les
expériences de quelques compagnies... Ici à Québec, je
n'en connais pas trop, mais je sais qu'à Toronto il y a plusieurs
maisons qui ont déjà commencé à offrir la retraite
progressive, comme l'a dit M. Couture, soit de donner un mois de vacances,
travailler onze mois, ou diviser la semaine en trois jours, deux jours,
simplement une journée et, finalement, on est à sa retraite.
La question financière, évidemment, est aujourd'hui,
très importante. Quand j'ai commencé mes cours, elle
l'était beaucoup moins, parce que nous n'étions pas à la
même époque. Par contre, il y a aussi la question des jeunes sans
emploi et qui ont de la difficulté à accepter que les personnes
âgées tiennent à leur emploi tandis qu'eux ne peuvent pas
même commencer. Je ne puis vous aider, mais je sais que cette question
existe, et je suis très sympathique à ce point de vue, quoique je
pense qu'on garde, comme personne, le choix de travailler ou de ne pas
travailler.
Il y a autre chose aussi, par exemple. On a toujours l'idée que
la retraite, c'est un temps de la vie où on ne fait rien. C'est
peut-être un temps de la vie où on ne travaille pas, mais on est
occupé à quelque chose. Cela, c'est une autre forme
d'éducation, je crois, qu'il faut donner au public en
général.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup. J'ai seulement une
dernière question. Dans quelle mesure êtes-vous mis à
contribution, comme groupe ou comme individus? Vous y avez touché un
peu, vous avez dit: Parfois, certains syndicats, maintenant, font appel
à moi dans ces programmes de préparation à la retraite.
Dans les échanges qu'on a eus hier soir, on a dit: Cela peut être
les cégeps, cela peut être les universités, peut-être
les services sociaux qui ont aussi une clientèle, les CLSC à
l'occasion. Vous autres, dans quelle mesure êtes-vous mis à
contribution, comme personnes déjà retraitées, dans ces
cours de préparation à la retraite? Est-ce que c'est uniquement
là où vous prenez des initiatives comme groupe ou si les
cégeps, les universités, les CLSC, les CSS ou qui que ce soit
d'autre font appel à vous autres?
Mme McDonald: Bien, chez nous, je suis au collège
Marianopolis; j'ai commencé toute seule. Je suis encore seule avec ma
secrétaire, je fais venir des personnes-ressources, mais pas très
souvent des personnes qui viennent de l'université, parce que les
universitaires sont un peu trop théoriques pour le genre de personnes
qu'on rencontre en préparant sa retraite. C'est cela l'expérience
que j'ai. Des médecins, par exemple.
M. Lazure: Vous auriez dû être ici hier, les
universitaires étaient ici hier.
Mme McDonald: Je ne suis pas bien vue d'eux, non plus.
Mme Lavoie-Roux: Mais c'est parce que, vous savez...
Mme McDonald: Ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas de
connaissances; c'est parce qu'ils ne sont pas habitués à ce genre
de personnes-là.
Mme Lavoie-Roux: C'est parce que, vous savez, on dit beaucoup -
vous le disiez vous-même madame - On ne travaille pas, mais on est actif,
on est occupé. L'âge de la retraite, cela ne veut pas dire qu'on
devient inoccupé. On ne travaille peut-être pas au sens formel du
mot, mais on continue d'être occupé. Dans toute cette question de
préparation à la retraite, si des gens devaient être mis
à contribution, à moins que je ne me trompe et j'aimerais que
vous me corrigiez, je pense que ce sont évidemment en partie, en tout
cas, ou peut-être en grande partie les gens qui sont
déjà
à leur retraite. C'est que je voudrais savoir. Est-ce qu'on fait
appel à vous autres?
Mme McDonald: M. Couture le fait beaucoup, moi, je le fais
beaucoup, M. Mathieu; on est plusieurs qui le font. Moi, je fais à peu
près trois conférences dans chaque session que je donne de
préparation à la retraite, pour montrer qu'à un certain
âge on peut encore faire quelque chose et que le temps est bien
employé même si on ne travaille pas. Est-ce que cela répond
un peu à votre question?
Mme Lavoie-Roux: Je pense que M. Couture voulait peut-être
ajouter quelque chose.
M. Couture: Vous avez souligné une idée qui m'est
chère, c'est un projet que j'entretiens avec beaucoup de ferveur: celui
d'occuper du monde qui ne travaille pas assez, des gens qui ne pensent à
rien qui s'ennuient, qui ont des moyens très souvent, qui sont bien
logés, bien nourris et qui s'ennuient à mort. On est en train de
développer des activités communautaires pour donner quelque chose
à faire aux gens qui sont à l'aise, mais qui n'ont rien à
faire et qui s'ennuient. Là, on en fait déjà, à
titre d'expérience. Je m'occupe de trois foyers d'accueil - je vais
même dans un quatrième - où je rencontre les gens,
où on leur offre des activités communautaires. Et cela prend,
parce que les gens se meurent d'ennui, surtout ceux qui ont des moyens. Quand
vous mentionnez communautés, je crois qu'il nous faut envisager aussi
prochainement que possible les moyens de mettre le monde, pas au travail, parce
que c'est déplaisant, mais quand même en activité, de leur
faire penser à quelque chose, parce qu'ils se meurent parce que le
cerveau est vide. (10 h 45)
Mme Hornblower: J'ajouterais une chose. Quand vous demandez si
les ressources des membres sont mises à contribution dans la
préparation à la retraite, je dirais que c'est laissé
peut-être plus à l'initiative individuelle. Il y a des membres,
comme M. Couture, comme Mme McDonald et d'autres, qui participent à des
programmes de préparation à la retraite. Maintenant, je pense que
le forum a aussi une action auprès de ses propres membres qui parfois ne
se sont pas préparés à la retraite ou qui deviennent
membres du forum à 55, 60 ans. Par le programme qui leur est offert,
c'est une préparation à la retraite, je dirais, en cours
d'emploi, pour ceux qui ne l'avaient pas préparée
précédemment. Aussi dans le travail auprès des organismes
par le Conseil d'action social, nous sommes en contact avec environ 50
organismes et nous stimulons le travail communautaire.
Je pense que, à travers ça, le forum a une action qui
permet à des personnes de demeurer autonomes au moment de la retraite,
de demeurer occupées, de demeurer actives et d'être des citoyens
à part entière. Voilà une idée que le forum cherche
à véhiculer le plus possible et à stimuler par ses
activités.
Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup. M. Lazure: Merci.
Le Président (M. Laplante): Merci, mesdames et
messieurs.
M. Couture: Nous vous remercions beaucoup.
Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant
l'Association québécoise pour la défense des droits des
retraités et préretraités.
Si vous voulez identifier votre groupe et vous identifier s'il vous
plaît, messieurs.
Association québécoise pour la
défense des droits des retraités
et des préretraités
M. Brunet (Hubert): Hubert Brunet, trésorier provincial
à Association québécoise pour la défense des droits
des retraités et préretraités.
M. Plamondon (Jean): Jean Plamondon, vice-président
à l'A.Q.D.R.
Le Président (M. Laplante): Vous pouvez continuer
messieurs.
M. Brunet: Oui. M. le Président, j'aurais
préparé un résumé, je ne l'ai pas fait parce que je
ne savais pas qu'on l'exigeait. Je me demande si je dois vous imposer la
lecture de quatre pages.
Le Président (M. Laplante): Vous pouvez y aller,
messieurs; vous avez le temps.
M. Brunet: On fait la lecture.
À de nombreuses reprises depuis sa fondation, l'association s'est
prononcée sur l'âge de la retraite. C'est ainsi que le
deuxième congrès national de l'association avait permis de
rappeler: L'association demande que soit abolie l'obligation de prendre sa
retraite à 65 ans.
L'association se réjouit de constater que l'une de ses anciennes
revendications va faire l'objet d'une loi et que le gouvernement provincial va
enfin céder aux pressions légitimes et quasi unanimes que les
préretraités et retraités exerçaient
déjà depuis plusieurs années.
Mais l'arbre ne doit pas cacher la forêt. L'association rappelle
que cette
revendication enfin satisfaite ne doit pas faire oublier les autres tout
aussi importantes sinon plus à ses yeux. Les membres de l'association
ont assez d'expérience pour craindre que le gouvernement du Parti
québécois, en légiférant sur une mesure secondaire,
au coût nul, mais aux conséquences politiques avantageuses, ne
tente de faire oublier l'urgente nécessité de donner une suite
favorable aux autres revendications légitimes des
préretraités et retraités. Ces revendications ont pour
objet, d'une part, les conditions mêmes du départ en retraite pour
ceux qui souhaitent quitter le monde du travail après plusieurs dizaines
d'années de travail acharné et pénible, d'autre part, les
conditions de vie durant la retraite.
L'association rappelle qu'elle demande de plus:
Que toute personne puisse avoir le droit de prendre sa retraite à
l'âge de 60 ans, sans pénalité et avec tous les droits qui
s'y rattachent;
Que toute personne puisse prendre sa retraite de façon
progressive, soit pour pouvoir réduire progressivement son temps de
travail en fonction de ses capacités, de ses goûts et de ses
projets sans pénalité, sans disqualification, sans perte de
revenu, dans la limite de 70% du salaire antérieur; avec une
préparation à la retraite systématique universelle,
adaptée et aussi sérieuse que la préparation à la
vie professionnelle.
L'association regrette que le gouvernement du Parti
québécois ne donne aucune suite à ces revendications. La
tournée du ministre des Affaires sociales, à l'automne 1980, a
permis à M. Denis Lazure de mesurer l'importance de ces revendications
et la détermination des retraités et préretraités
à les faire aboutir. Nous sommes forcés de constater que ni M.
Lazure, ni son successeur n'ont donné une suite positive à cette
concertation. Le rapport de synthèse promis par M. Lazure n'a même
pas été publié.
L'association déplore que le gouvernement du Parti
québécois ne mette pas à profit le débat
parlementaire prochain sur la suppression de la retraite obligatoire pour
aborder les autres questions et leur donner une réponse
satisfaisante.
La conférence des pensions à Ottawa, en mai dernier, a
démontré que la retraite provoque une baisse importante des
revenus des familles âgées. Ainsi, au-delà du droit
légal de la retraite, il y a l'obligation sociale que de nombreux
travailleurs et travailleuses âgés doivent remplir, à
savoir continuer à travailler, non pas parce qu'ils ou elles en ont le
goût, mais parce qu'ils ou elles ne peuvent faire autrement, vu la
faiblesse de leurs ressources à la retraite. Quand, après une
dure et longue vie de travail, le départ en retraite devient le passage
de la pauvreté à la misère, il devient nécessaire
de continuer à travailler aussi longtemps que possible, si l'état
de santé le permet. Rappelons aux parlementaires que la majorité
des retraités au Québec vit avec des revenus annuels
inférieurs au seuil de la pauvreté, établi par le
Sénat canadien. À moins de corrections majeures des revenus de
retraite, la fin de la retraite obligatoire représentera pour une
majorité moins un choix positif qu'une obligation au travail
jusqu'à la mort. C'est pourquoi l'association veut rappeler au
gouvernement, aux parlementaires et à l'opinion publique ce qu'elle
écrivait au ministre Lazure en décembre 1980, en réponse
au document: Pour mieux vieillir au Québec.
Éléments pour une politique de la retraite. Une fois
franchi l'âge de la retraite, les hommes montréalais ont en
moyenne encore treize ans devant eux. Tandis qu'il en reste seize aux
résidents de la banlieue aisée, n'en reste que onze au bas de la
ville. Non seulement ont-ils moins de chances de se rendre à 65 ans
mais, de plus, ceux qui atteignent cet âge vivent cinq ans de moins que
les habitants des quartiers favorisés.
À notre avis, l'inégalité des citoyens devant la
retraite et la mort reflète bien l'inégalité
antérieure devant la vie. Pour nous, une vraie politique de
vieillissement devrait réduire les plus fondamentales
inégalités au plan des conditions matérielles de vie et de
travail. C'est seulement à ce prix que l'État pourra compter
diminuer les coûts que représente aujourd'hui l'aide aux personnes
pauvres et âgées. Ce sont les conditions de vie sociale et
familiale de toute la vie qu'il faut améliorer de manière
à permettre à chacun, homme et femme, d'accumuler des ressources
pour entrevoir la retraite et la vivre comme une période enrichissante
de notre vie.
Pour l'association, la retraite est un droit acquis par tous les
travailleurs, celui de cesser d'être soumis à l'obligation au
travail pour recevoir ce qu'il faut pour vivre. Au début du
siècle, elle était encore réservée à une
minorité de privilégiés et il a fallu que nos parents
à nous se battent pour nous conquérir ce que tous aujourd'hui
reconnaissent comme un droit. À notre tour, nous devons lutter pour
enrichir ce droit à la retraite de conditions de revenus et de
santé compatibles avec la richesse que nous avons participé
à produire pendant les 40 à 50 ans de vie au travail. Sans
compter que pour nos enfants, les producteurs d'aujourd'hui, la
société doit à nos sueurs et à nos sacrifices le
développement intellectuel et moral qui profite aux entreprises et
à l'État.
Voilà pourquoi nous disons que la satisfaction de nos besoins
fondamentaux est un droit acquis, mais que les gouvernements
refusent encore de le reconnaître dans les faits et c'est pourquoi
nous nous défendons collectivement. Une politique de vieillissement
devrait comporter cinq secteurs principaux d'action prioritaire de
l'État dont nous indiquons ici les principaux
éléments.
Modifications des conditions de travail: programme de
sécurité d'emploi pour les travailleurs âgés pour
contrer l'impact des changements technologiques; aménagement des postes
de travail en fonction du vieillissement; contrôle des lieux de travail
au plan sécuritaire.
Revenus de retraite: augmentation des revenus de retraite pour atteindre
un minimum universel de 15% au-dessus du seuil de la pauvreté;
restructuration du Régime de rentes du Québec visant la
protection du revenu de retraite à 70% du revenu industriel moyen
indexé; commission indépendante pour fixer le seuil de
pauvreté; mécanisme de contribution pour les femmes
ménagères au régime de retraite public;
transférabilité générale des fonds de retraite
privés.
Au niveau de la santé: éducation sur la santé
à tous les âges; accessibilité aux soins et aux services
psychosociaux pendant la vie de travail et après la retraite; bilans de
santé partiels et généraux sur les lieux de travail;
étude et recherche prioritaire pour des solutions aux problèmes
de santé des travailleurs victimes de maladie industrielle directement
ou indirectement; au niveau du logement, allocation-logement
représentant l'écart entre 25% du revenu et le coût du
loyer; abolition des taxes provinciales et scolaires pour les retraités
avec supplément du revenu; aide à la rénovation;
contrôle par les citoyens de l'aménagement urbain; création
d'équipements et services communautaires; participation directe à
l'élaboration des politiques de logement, et plus
particulièrement, à tous les niveaux de décision dans les
HLM; développement de moyens de transport adaptés aux personnes
âgées et au milieu urbain ou rural; développement par le
réseau de CLSC des services et soins à domicile correspondant aux
besoins; financement du bénévolat dans une perspective de
complémentarité; enquête régulière et mise en
place de mécanismes de contrôle des résidences pour
personnes âgées, des centres d'accueil et des hôpitaux de
soins prolongés; accessibilité de congés-éducation
au cours de la vie de travail; formation et information sur les effets
négatifs de la retraite et les moyens de les éviter.
Faute d'aborder clairement l'ensemble des problèmes vécus
par les préretraités et retraités et faute d'accueillir et
de satisfaire leurs légitimes revendications, le gouvernement du Parti
québécois met de l'avant une loi gadget qui va lui permettre de
jeter de la poudre aux yeux de l'opinion publique.
L'association constate l'absence de suites concrètes à la
tournée Lazure malgré les engagements pris; les coupures dans le
réseau des affaires sociales, coupures qui, malgré les promesses
publiques, affectent directement ou indirectement les services aux personnes
âgées pourtant déjà insuffisants; le refus du
ministre Johnson d'accorder à une organisation représentative des
préretraités et retraités comme notre association les
indispensables moyens financiers pour son fonctionnement.
L'association souhaite que le débat parlementaire qui s'annonce
soit enfin l'occasion de mettre le gouvernement face à ses
responsabilités. Merci.
Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs.
M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, je remercie nos amis de l'AQDR
de venir participer à cette commission parlementaire et de nous
présenter leur point de vue. L'Association québécoise pour
la défense des droits des retraités et des
préretraités a établi ses lettres de créance, s'est
développé une crédibilité non seulement
auprès des corps publics, mais auprès de la population comme
étant un organisme, comme le titre le dit, qui est véritablement
un batailleur pour la défense des droits des personnes retraitées
et préretraitées.
Ce que vous réclamez, dans le fond, après avoir dit que
vous étiez d'accord sur le projet de loi - je vous remercie de nous le
dire aussi franchement et, effectivement, cela répond à une de
vos revendications dans le passé - vous nous dites: D'accord pour le
projet de loi no 15, l'abolition de la retraite obligatoire, mais nous, en
même temps, on veut vous passer certains messages. Vous nous les passez,
je ne vous blâme pas de nous les passer. Je ne vais pas me chicaner avec
vous quand vous menez ce combat pour abolir des inégalités
sociales ou socioéconomiques. Dans le fond, c'est ce que vous faites.
Vous menez le combat d'une meilleure égalité
socio-économique. On peut simplement vous féliciter pour votre
esprit de lutte. Donc, on reconnaît votre acceptation du projet de
loi.
Si on s'attarde à certaines de vos remarques à la toute
fin du mémoire, je ne peux évidemment pas être d'accord
avec vous quand vous dites qu'il n'y a pas eu de suites à ce que vous
appelez la tournée Lazure, parce qu'au contraire, ce qu'on fait
aujourd'hui, c'est une des suites à la tournée Lazure. À
la suite de la tournée que j'avais effectuée avec une
équipe représentant le ministère, la
fédération de l'équipe de l'âge d'or, tournée
à laquelle nous avions invité l'AQDR d'ailleurs, mais pour toutes
sortes de
raisons, cela n'avait pas fonctionné, sont survenues les
élections. Durant la campagne électorale sont survenus des
engagements faits par celui qui est premier ministre aujourd'hui, et les
engagements touchant les personnes âgées ne sont pas sortis d'un
chapeau de magicien. Ils sont sortis principalement de notre tournée de
l'automne 1980. C'était une des revendications des nombreux groupes de
personnes âgées qu'on a vus à travers tout le
Québec, c'est-à-dire abolir l'âge obligatoire de la
retraite, permettre aux personnes âgées de se retirer quand ils ou
elles le veulent et de la façon dont ils ou elles le veulent. C'est une
des réponses que nous avons eues durant la tournée. (11
heures)
Une autre réponse a été l'augmentation des budgets
à l'aide à domicile qui va aux personnes âgées
principalement, vous le savez. Malgré les restrictions
budgétaires, le budget de l'aide à domicile pour les personnes
âgées est un des rares budgets qui non seulement a
été protégé, mais où il y a eu augmentation.
Alors que le budget de l'an passé était de 55 000 000 $, le
budget de l'aide à domicile pour l'ensemble du Québec est de 62
300 000 $, cette année. Pour ceux qui n'auraient pas la perspective
historique, ce budget, en 1976-1977, était de 22 000 000 $. Il y a donc
eu une progression importante de l'aide à domicile qui est surtout
consacrée aux personnes âgées. Je suis le premier à
admettre que ce n'est pas assez, qu'il va falloir continuer de mettre beaucoup
d'argent dans ces services d'aide à domicile.
Dans les engagements électoraux dont je parlais tantôt, qui
faisaient suite à la tournée que vous appelez la tournée
Lazure, il y a eu aussi l'engagement d'étendre le programme Logirente
aux 55 ans et plus. C'est un programme d'allocation financière aux
personnes âgées actuellement de 65 ans et plus qui ont du mal
à joindre les deux bouts que l'on va étendre aux 55 ans et plus.
C'était aussi une des réclamations les plus populaires, si j'ose
dire, durant la tournée, une des plus pressantes de la tournée
que, Logirente soit appliqué aux 55 ans et plus, et nous allons le faire
durant le mandat que nous venons d'entreprendre.
Finalement, je l'ai dit hier, dans une autre étape, nous avons
l'intention d'apporter plusieurs modifications aux régimes de rentes
privés et publics. Nous allons, dans une prochaine étape,
modifier les règlements et les lois pour que la retraite puisse se
prendre à 60 ans, surtout dans le cas de gens qui ont une
invalidité partielle. L'engagement électoral est clair, les gens
de 60 ans et plus qui souffrent de 25% d'invalidité pourront prendre
leur retraite tout en touchant 100% de la prestation d'invalidité.
Nous avons aussi l'engagement de procéder à rendre
transférables les fonds de retraite privés des 5000
régimes supplémentaires de rentes. Nous allons le faire
aussi.
Finalement, dans la série de revendications que vous avez,
j'aurais du mal à en trouver une ou deux sur lesquelles je ne suis pas
d'accord. Je suis d'accord à peu près à 100% sur ce que
vous disiez tantôt. Pour le moment, nous présentons ce projet de
loi. Certains disent: Cela va avoir des répercussions
considérables. C'est un peu ce que certains médias faisaient
ressortir hier soir et aujourd'hui. D'autres disent: II n'y a rien là;
c'est une petite loi qui ne coûte rien et qui a une saveur politique.
Évidemment, la vérité se situe entre les deux
extrêmes. La vérité, c'est que cette loi est importante,
parce qu'elle va donner un droit, elle va abolir une discrimination et elle
n'aura pas les conséquences catastrophiques que, par exemple, le
porte-parole de l'Université de Montréal faisait valoir dans une
entrevue télévisée hier soir.
Le Conference Board du Canada, après avoir fait une enquête
auprès de 222 entreprises majeures au Canada, arrive à la
conclusion - ce sont les 222 chefs de ces entreprises qui en arrivent à
cette conclusion -que l'abolition de l'âge obligatoire de la retraite n'a
pas de conséquences importantes économiquement ou dans la gestion
du personnel. Je me sens obligé de le répéter, parce que
certains groupes font savoir que c'est une loi qui va bouleverser les modes de
gestion du personnel. Ce n'est pas vrai. Le Conference Board du Canada, nos
amis surtout de l'Opposition, à bon droit, y accordent beaucoup
d'importance. C'est un organisme sérieux. Quand on essaie de faire peur
aux gens en disant: C'est une loi qu'il ne faut pas adopter tout de suite, cela
va trop bouleverser, je voudrais qu'on se réfère aux sources
habituelles de nos renseignements. Le Conférence Board, c'est une des
sources les plus importantes de renseignements économiques, de futurisme
économique, de prévisions économiques; alors, selon tous
ces experts, il n'y aura pas de conséquence importante, mais, pour
chaque citoyen, pour chaque citoyenne qui pourra exercer ce nouveau droit de
choisir sa retraite à son gré, au moment qu'il ou qu'elle le
souhaite, c'est une chose précieuse, qui a une valeur.
Quant à vos revendications, nous avons l'intention d'y donner
suite certainement dans le cadre des engagements précis que nous avons
pris durant la campagne et qui touchent de beaucoup à vos
préoccupations. Aussitôt que les ressources financières du
gouvernement, qui ne sont pas illimitées, le permettront, nous
agrandirons encore plus l'éventail des services aux personnes
âgées.
Je remercie l'AQDR pour son mémoire.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Laurier.
M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais
à mon tour remercier l'association. J'ai un peu de difficulté
à savoir par où commencer dans tout cela. J'aimerais d'abord dire
que c'est une présentation, finalement, qui aborde toute la question
avec franchise et clarté, elle est à point, exacte. Je pense que
c'est quelque chose, surtout lorsque vous dites, que finalement, c'est un
projet de loi qui vise à jeter de la poudre aux yeux de l'opinion
publique. C'est peut-être une poudre qui sentirait très bon, qui
est un peu dorée autour, mais c'est de la poudre quand même. C'est
de la poudre, parce qu'effectivement vous dites: II n'y a pas de politique de
vieillissement; le vrai problème se situe au niveau de
l'économie, puis de l'incapacité des personnes âgées
à vivre au-delà du seuil de pauvreté. Il n'y a rien
là-dedans qui touche les vrais problèmes. On a beau faire des
promesses et dire qu'il y aura des choses qui vont venir plus tard; tout d'un
coup, aujourd'hui, on apprend que ceci fait suite à une tournée
qui a été entreprise il y a plus d'un an. Cela m'a surpris, parce
que c'est une suite qui n'était pas du tout prévue avant que
l'Opposition ne demande la tenue d'une commission parlementaire. En tout cas,
c'est une suite et une drôle de suite.
M. Lazure: II faudrait lire le journal des Débats du mois
de juin, parce que, quand l'Opposition m'a posé la question et m'a
demandé s'il y aurait commission parlementaire ou non, nous avons
laissé la porte entrouverte, et le leader du gouvernement a nettement
laissé entendre qu'il y aurait peut-être une commission
parlementaire.
M. Sirros: Une suite, normalement, est quelque chose de
planifié d'avance, je veux dire un an et demi après une
tournée.
M. Lazure: Cela, c'était avant votre naissance politique,
M. le député de Laurier, mais les autres s'en souviennent.
M. Sirros: Peut-être, M. le ministre, mais, en tout
cas...
Mme Lavoie-Roux: La tournée qui avait été
faite en catastrophe. Ah oui! Je m'en souviens très bien!
M. Sirros: L'autre chose que je voulais dire, vous avez, M. le
ministre, soulevé aussi...
Mme Lavoie-Roux: C'est parce que l'on prévoyait des
élections pour le mois de novembre, M. le Président.
M. Sirros: Si je pouvais continuer, M. le Président.
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse.
M. Sirros: Parfait. Tout à l'heure, le groupe
précédent a parlé des universitaires qui agissaient un peu
en théoriciens. Le ministre a aussi donné tout à l'heure
des chiffres pour montrer que quelque chose se fait au niveau des personnes
âgées. On a parlé des médecins à domicile,
disant que le budget avait été augmenté de 55 000 000 $
à 62 000 000 $, mais cela, c'est sans tenir compte de l'inflation, sans
tenir compte des 15% d'augmentation, à peu près ce que
l'application des conventions collectives nécessite, sans tenir compte
de l'augmentation du nombre des personnes âgées. Finalement, c'est
un peu théorique, cette histoire d'augmentation des coûts, des
fonds qui sont investis dans l'aide à domicile quand on sait d'avance
que, dans les institutions qui répondaient à ces besoins dans le
milieu, à part les budgets protégés que le
ministère mettait à la disposition des organismes, les
établissements ajoutaient, à partir de leur budget de
fonctionnement, des sommes, considérables dans certains cas, pour faire
face à des problèmes que les budgets protégés ne
leur permettaient pas d'envisager. Aujourd'hui, avec les coupures
annoncées, ces montants sont coupés; il y a donc en effet, dans
la réalité, dans la vie quotidienne des gens, une coupure
réelle de ces services. On a beau dire que, sur papier, cela a
augmenté, cela ne veut absolument rien dire pour la personne qui attend,
et les listes d'attente s'allongent; mais cela fait peut-être de beaux
discours en commission parlementaire. C'est peut-être parce que je suis
nouveau en politique que cela me choque tellement, je ne sais pas, mais cela me
choque quand même.
On entend citer souvent le Conference Board of Canada; il est beaucoup
plus cité par le gouvernement du Parti québécois que par
l'Opposition, peut-être pourrait-on vous inviter à ce
moment-là à lui demander s'il a des suggestions à faire
sur le développement économique ici pour regarder les vrais
problèmes. Les recommandations que vous faites dans votre rapport
concernant les éléments nécessaires à une politique
de la vieillisse, on a beau dire qu'on est d'accord avec ces choses-là,
mais, dans le concret, qu'est-ce qu'on a devant nous? On a, finalement, devant
nous un projet qui va permettre aux personnes âgées de continuer
à travailler sans leur donner une vraie liberté de choix dans ce
sens, parce qu'elles sont obligées de travailler, elles n'ont pas les
moyens nécessaires pour survivre. On nous fait cette constatation, ici,
que la majorité des personnes âgées, sans parler des femmes
qui sont encore plus douloureusement
touchées par ça vivent en bas du seuil de la
pauvreté. On a entendu des chiffres, hier, des gens qui reçoivent
des pensions de 4000 $ par année. Forcément, ces gens sont
obligés d'avoir recours à l'aide sociale.
Au moment où on parle d'une retraite dans la dignité, on
leur dit qu'ils pourront continuer à travailler. Où est la
dignité là-dedans? C'est beau, c'est un principe avec lequel on
est tous d'accord qu'il est discriminatoire de dire qu'à 65 ans
ça arrête là, qu'on est obligé de prendre sa
retraite. Cela devrait disparaître. Une approche sérieuse à
cela aurait été aussi de présenter une politique
d'ensemble de la vieillesse. Encore une fois, je voudrais simplement vous
remercier parce que vous l'avez présenté peut-être d'une
façon beaucoup plus efficace qu'un député de 34 ans peut
le faire, parce que vous le vivez.
M. Lazure: M. le Président, quelques réactions aux
propos du député de Laurier. Cela m'étonne un peu que le
député de Laurier, qui a été directeur
général d'un CLSC, sous-estime l'importance des services à
domicile. Cela m'étonne beaucoup et ça me déçoit
beaucoup aussi. Il dit: Ce n'est rien, 62 000 000 $, ce n'est rien, passer de
55 000 000 $ à 62 000 000 $. C'est seulement l'inflation, il n'y a rien
là. Les services à domicile sont dispensés à des
milliers et des milliers de personnes, surtout aux personnes âgées
à domicile. Je pense qu'il faut faire preuve de cynisme pour dire que ce
n'est pas sérieux. C'est sérieux, les services d'aide à
domicile. Malgré les difficultés économiques que notre
gouvernement, comme tous les gouvernements, connaît actuellement, nous
avons réussi à continuer à un rythme d'augmentation
important les services aux personnes âgées.
Deuxième remarque. Le député de Laurier nous
propose de nous adresser au Conference Board pour trouver des façons
d'améliorer l'économie. Je lui réponds que nous nous
adressons, comme c'est normal, au gouvernement qui a les pouvoirs d'influencer
l'économie au Canada et au Québec. Ce gouvernement, c'est le
gouvernement d'Ottawa, le gouvernement fédéral. Moi, en
contrepartie, j'encouragerais le député de Laurier et les membres
de l'Opposition, s'ils veulent vraiment donner un coup de main pour
développer l'économie au Québec, à redoubler de
pressions auprès de leurs cousins, je n'ose plus dire leurs
frères libéraux, pour qu'ils abaissent les taux
d'intérêt au plus vite et qu'on puisse enfin relancer
l'économie et procurer des emplois aux Québécois et aux
Canadiens. Cela, c'est une chose qui aurait des répercussions
tangibles.
M. le Président, je ferme la parenthèse que le
député de Laurier avait ouverte et je reviens au projet de loi no
15. C'est un projet de loi qui n'a pas la prétention d'avoir des
portées économiques, je l'ai dit à plusieurs reprises. Il
a simplement comme objectif, dans un premier temps, d'abolir une discrimination
et de répondre non seulement aux voeux des personnes âgées,
mais aux voeux de la grande majorité de la population qui s'est
prononcée là-dessus à l'occasion de plusieurs
sondages.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Laurier.
M. Sirros: Merci, M. le Président. J'aimerais seulement
dire que le vrai cynisme, selon moi, se trouve beaucoup plus dans le fait de
présenter quelque chose -alors qu'on vient de dire que les vrais
problèmes sont des problèmes économiques -qui ne les
touche pas du tout. Je n'ai jamais prétendu que rien ne se fait dans les
services à domicile; au contraire, ce sont des services qui sont
très appréciés par les personnes âgées et
très nécessaires, de plus. Ce que j'ai dit et ce que je
maintiens, c'est que c'est un peu théorique de parler d'augmentation de
ces budgets au moment où les listes d'attente s'allongent, au moment
où les établissements coupent ce qu'ils donnaient de plus parce
que c'était nécessaire de donner plus. Si ce n'est pas de la
poudre aux yeux, je ne sais pas ce que c'est.
En ce qui concerne Ottawa et le développement économique,
ça fait six ans que ce gouvernement nous dit toujours: C'est Ottawa,
c'est Ottawa, c'est Ottawa. Est-ce que l'Assemblée nationale est
à ce point dépourvue de pouvoirs? On est quand même
arrivé, en 1981, à vivre dans une société qui
fonctionne assez bien à plusieurs niveaux. Je pense, finalement, qu'il
est temps qu'on arrête de chercher des boucs émissaires et qu'on
assume les responsabilités qui sont là. Merci.
Le Président (M. Laplante): Vous avez une réponse?
(11 h 15)
M. Brunet: M. le Président, est-ce que vous me permettez
de revenir brièvement sur la formation ou la préparation à
la retraite, question qui a été débattue avec le groupe
précédent?
Personnellement, j'ai suivi le cours de préparation à la
retraite avec mon ancien employeur, un cours à peu près standard
de 10 semaines, qui ne vaut rien du tout, ou presque. Ce cours est celui qui
est donné dans les écoles secondaires; c'est à peu
près la même chose, dont Marc Hogue de l'Université de
Sherbrooke, parle abondamment dans son volume, "Maintenant qu'ils ont le
temps."
Le seul cours vraiment sérieux, c'est celui qui se donne à
Marie-Victorin. J'ai
suivi ce cours-là, c'est un cours de 700 heures, de 2 ans, 350
heures par année, qui se donne à huit endroits différents.
C'est un cours sérieux. Les autres cours, c'est pas mal, mais c'est peu
de chose, fort peu de chose. Je voulais apporter cet éclairage sur la
préparation sérieuse d'une retraite, parce que je l'ai
vécu.
Le Président (M. Laplante): Merci messieurs. J'appelle
maintenant la
Conférence des juges du Québec. Monsieur, si vous voulez
identifier votre groupe et identifier les personnes qui vous accompagnent s'il
vous plaît.
Conférence des juges du Québec
M. La Haye (Gilles): Gilles La Haye, juge des Sessions, à
Québec, président de la Conférence des juges du
Québec.
M. Joncas (Claude): Claude Joncas, juge des Sessions, à
Montréal, vice-président de la Conférence des juges du
Québec.
M. Desjardins (André): André Desjardins, juge de la
Cour provinciale, secrétaire de la Conférence des juges du
Québec.
M. de Billy (Jacques): Jacques de Billy, procureur de la
Conférence des juges du Québec.
Le Président (M. Laplante): Merci messieurs, si vous
voulez s'il vous plaît commencer la lecture de votre mémoire.
M. de Billy: M. le Président, M. le ministre, mesdames et
messieurs, c'est avec toute réserve que les juges provinciaux
présentent une intervention devant cette commission. Le pouvoir
judiciaire est évidemment distinct des pouvoirs législatif et
exécutif, et les juges provinciaux n'ont pas l'intention d'intervenir
dans les questions législatives ou politiques.
Ils croient tout de même devoir faire certaines
représentations pour autant que le projet de loi 15 les affecte.
Comme le disait un participant précédent, la philosophie
du projet de loi, c'est de faire disparaître toute question d'âge
relativement à la retraite. Comme le ministre le disait, je crois
à la presse, il n'y a pas tellement longtemps: Faire cesser de
travailler des gens qui sont aptes, parce qu'ils ont atteint un certain
âge, c'est discriminatoire.
Pour les fins de leur argumentation -mes clients ne discutent pas la
philosophie et le bien-fondé de la législation - ils
allèguent seulement que, des millions de travailleurs que compte la
province et qui seront affectés par ce projet de loi qui soutient que la
retraite ne pourrait être obligatoire, seuls, semble-t-il, les 276 juges
du Québec ne seront pas touchés par cette loi. Ce seront les
seuls qui demeureront encore sujets à une retraite obligatoire à
cause de leur âge. Il me semble que c'est faire accroc à la
philosophie qui est à la base de ce projet de loi. Je comprends que les
juges provinciaux, les juges du Québec, remplissent des fonctions
importantes et que leur aptitude physique et mentale doit être, pour
ainsi dire, hors de tout doute. Je crois, M. le Président, que ce
principe s'applique à tous les autres travailleurs.
Par exemple, la loi ne parle pas de 70 ans, la loi permettra aux
sous-ministres qui ont des pouvoirs décisionnels importants de demeurer
en fonction aussi longtemps qu'ils seront aptes à exécuter leurs
fonctions. Il en sera de même pour les membres des régies qui ont
des pouvoirs quasi judiciaires, la Régie des services publics, le
Tribunal de l'expropriation, la Régie de l'électricité et
du gaz, etc. Tous ces fonctionnaires supérieurs, également les
cadres ou les chefs de direction des compagnies importantes, tout ce monde est
touché par cette loi et il n'y a plus de retraite obligatoire. Les juges
du Québec soumettent que le législateur devrait faire en sorte
que la loi s'applique à eux également.
Évidemment, on pourrait dire que la Loi sur les tribunaux
judiciaires prévoit déjà une mise à la retraite
à 70 ans. C'est vrai, mais le sens de cette nouvelle loi, c'est de faire
disparaître dans les mises à la retraite toute question
d'âge. La Loi sur les tribunaux judiciaires prévoit la mise
à la retraite de tout juge qui devient inapte ou incapable d'exercer ses
fonctions. Nous soumettons que cette disposition est suffisante pour prendre
soin de la situation qui pourrait être créée par des juges
qui seraient moins efficaces.
D'ailleurs, on pourrait peut-être dire qu'il y a un âge de
retraite pour les juges nommés par le gouvernement
fédéral. Je crois que, justement, le Québec veut
être un pionnier, il veut établir le principe que si un homme est
capable d'accomplir son travail, quel que soit son âge, la loi ne parle
pas de 70 ans, de 75 ans, de 80 ans, un homme pourra toujours continuer son
travail. D'ailleurs, pour les juges fédéraux, l'âge
prescrit est de 75 ans.
Il me semble donc surprenant, M. le Président, messieurs de la
commission, que seuls les juges du Québec soient privés de
l'application de cette loi. Mes clients sont d'accord avec le principe et sont
d'accord avec ce que disait le ministre au journaliste de la Presse: On n'est
pas moins intelligent le jour où on a 65 ans que la veille. La retraite
à 65 ans n'est basée sur rien, c'est de la discrimination. Il me
semble que le même principe s'applique à 70 ans; si le juge
était apte à siéger à 69 ans et demi, il
devrait l'être à 70 ans et demi, à moins de
changements dans son état.
Dans les circonstances, je crois, messieurs, que les juges devraient
également tomber sous l'effet de cette loi qui frappe tous les
travailleurs, quel que soit leur rang et quelle que soit l'importance de leurs
fonctions.
Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. le
ministre.
M. Lazure: M. le Président, je veux remercier la
Conférence des juges pour sa participation à cette commission
parlementaire. Je veux féliciter le procureur de la conférence
d'avoir fort bien présenté le point de vue de ses clients, comme
il nous l'a dit tantôt.
Effectivement, de prime abord, ça semble une discrimination, mais
je vais tenter d'expliquer les fondements de cette exception. Je dois dire
d'ailleurs, au départ, même si, dans le texte du projet de loi no
15, la seule exception à la loi était les juges, depuis le
début de la commission hier, j'ai eu l'occasion de dire que probablement
nous inclurions comme autres exceptions les policiers, à leur demande,
et les pompiers, suivant en cela l'exemple des voisins américains.
Donc, je dois faire tout de suite la mise au point, à savoir
qu'il n'est pas tout à fait juste de dire... C'était juste,
seulement si on se fiait au texte du projet de loi 15, mais, dans
l'évolution de nos discussions à la commission, ce n'est plus
exact de dire que les juges sont les seuls soustraits à l'application de
cette loi. Les juges nommés par le gouvernement du Québec ont
déjà, depuis un certain temps, l'option de continuer à
travailler au-delà de 70 ans. D'ailleurs, vous le dites dans votre
mémoire, je pense que c'est l'an passé, vous évoquez les
chiffres d'une année, sept juges qui avaient atteint l'âge
"normal" de la retraite, 70 ans, ont été autorisés par le
gouvernement, à la recommandation du ministère de la Justice,
à continuer de travailler comme juges.
Donc, déjà, les juges au Québec, d'une part, ont un
âge de retraite plus prolongé, 70 ans au lieu de 65 ans; d'autre
part, ils ont l'option de continuer à oeuvrer, si la recommandation
positive est présentée par le ministre de la Justice après
consultation avec les différentes conférences de juges et
approuvée par le Conseil des ministres.
Donc, il y a déjà beaucoup de nuances à apporter
à ce qui pourrait sembler être une discrimination envers les
juges. Il y a beaucoup de portes ouvertes pour surmonter ce qui
paraîtrait être une discrimination. Dans la rédaction du
projet de loi 15, nous avons consulté le ministre de la Justice, les
autorités du ministère de la Justice et nous avons tenu compte de
leurs recommandations qui était de soustraire les juges à
l'application de la loi. Je dirais même que le juge à la retraite,
après 70 ans, dans l'état actuel des choses, peut être
rappelé à travailler, il peut être réengagé
dans des tâches particulières.
En d'autres termes, le système actuel offre déjà
pas mal de garanties pour que le juge qui veut continuer de travailler
après 70 ans - les faits sont là pour le démontrer - il y
a de grandes possibilités qu'il puisse continuer à le faire. En
somme, M. le Président, tout en étant sensible au plaidoyer de M.
le procureur, je continue de croire qu'il serait sage, pour des raisons que
j'appellerais sociologiques, de maintenir l'obligation de principe de prendre
la retraite à 70 ans, puisqu'elle est assortie, dans nos moeurs
actuelles, dans nos règlements actuels, d'une possibilité de
prolongement -un an, deux ans, il n'y a pas de limite, à ma
connaissance, au prolongement - et même à un retour sur le
marché du travail, pour ainsi dire, pour le juge qui est
déjà à sa retraite.
Pour le moment, je pense que nous retenons, sans que ce soit un
engagement tout à fait définitif, qu'il y aurait, comme je le
disais hier, un certain nombre d'exceptions; il faut les réduire le plus
possible, ces exceptions. Pour le moment, nous en retenons trois comme
possibles, sinon probables: les juges, les policiers, les pompiers. Cela semble
répondre aux attentes de la population en général et
ça semble correspondre aussi à nos moeurs sociologiques.
Je vais quand même rediscuter de toute la question, non seulement
avec mon collègue de la Justice, mais aussi avec l'ensemble du Conseil
des ministres. Je remercie la Conférence des juges du Québec. (11
h 30)
Le Président (M. Laplante): Oui, monsieur.
M. de Billy: M. le Président, si vous me permettez, M. le
ministre a fait allusion au fait qu'un juge peut être gardé plus
longtemps, et même être rappelé en fonction lorsqu'il est
à sa retraite. Il s'agit là, je pourrais dire, de
possibilités discrétionnaires qui existent dans l'entreprise
privée. Un homme est obligé de prendre sa retraite à 65
ans, il travaille pour le Canadien Pacifique, mais ils peuvent le garder s'ils
croient qu'ils en ont besoin. Il nous semble que la philosophie de la loi se
trouve à son début, à l'article 84.1, où on dit
qu'il est interdit à un employeur de suspendre, de mettre à sa
retraite un salarié pour le seul motif de l'âge. Cela semble
difficilement admissible que seuls les juges du Québec seraient
affectés par 70 ans, alors que dans toute autre fonction importante,
supérieure,
l'employeur, le gouvernement du Québec, si c'est un
fonctionnaire, ne peut pas invoquer l'âge. Mes clients acceptent le
principe de la loi, ils sont d'accord avec la philosophie qui en est la base.
Évidemment, ils continuent à souligner que cela semble être
une anomalie et une discrimination de dire aux juges: Vous, c'est à 70
ans, alors qu'un fonctionnaire supérieur apte pourrait continuer
jusqu'à 75 ou 80 ans. Cela semble être une anomalie de leur dire:
Vous êtes pratiquement les seuls. Évidemment, les pompiers, les
policiers l'ont demandé, et deuxièmement, la force physique est
importante, mais ce n'est pas le cas de mes clients, qui font un travail
intellectuel... Nous le soulignons avec toute déférence et
respectueusement à la commission et à M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, je répète que le
plaidoyer est éloquent. J'en prends bonne note. Nous en rediscuterons
avec mon collègue de la Justice et l'ensemble du Conseil des
ministres.
Le Président (M. Laplante): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Moi aussi, je
veux remercier la Conférence des juges du Québec. Je comprends
votre démarche. À sa face même, c'est évident qu'on
a plaidé ici des deux côtés de la table la
non-discrimination par rapport à l'âge de la retraite. Que vous
soyez exclus dans le projet de loi, cela pose évidemment un
problème en regard de ce principe sur lequel tout le monde a
répété à satiété qu'on était
d'accord. Je me souviens du moment où toute cette discussion avait eu
lieu sur l'abaissement de l'âge de la retraite pour les juges, parce que,
autrefois, ou il n'y en avait pas ou c'était à 75 ans,
j'oublie.
M. de Billy: II n'y en avait pas il n'y a pas tellement
longtemps.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela. À ce moment, il y avait eu un
débat, en somme, sur l'abaissement de l'âge ou la retraite
obligatoire à 70 ans. Vous avez bien dit -j'ai compris - que pour les
juges de la cour fédérale, c'est 75 ans.
M. de Billy: Les juges fédéraux, la Cour
supérieure, la Cour d'appel et les cours fédérales, la
Cour suprême, c'est à 75 ans.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Seriez-vous capable de me rappeler
brièvement quels étaient les problèmes qui avaient
été soulevés, puisqu'on avait décidé,
à ce moment, de fixer à 70 ans l'âge de la retraite, et les
arguments qui avaient été développés à cette
occasion pour rendre l'âge de la retraite obligatoire à 70 ans
pour les juges? Cela nous replacerait peut-être...
M. de Billy: Je crois qu'à cette époque, il n'y
avait pas de système de retraite, il n'y avait pas de système de
mise à la retraite. Les juges, évidemment, siégeaient
jusqu'à ce que mort s'ensuive. Je me rappelle, étant jeune
avocat, qu'on avait plusieurs juges qui avaient aux alentours de 80 ans. Ce
n'est pas une raison - on dit que l'âge n'est pas important -
d'être inapte. La fragilité de la nature humaine étant ce
qu'elle est, on avait des juges qui avaient tendance à s'assoupir sur le
banc, pour qui la lecture des dossiers comportait certaines fatigues. C'est
à ce moment que le gouvernement fédéral a réduit
l'âge de la retraite à 75 ans, mais, à cette époque,
la Loi des tribunaux judiciaires n'existait pas, il y a maintenant un
mécanisme. Le juge en chef, avec le ministre de la Justice, peut mettre
à la retraite les juges qu'ils croient, à cause de leur
âge, leur condition physique ou mentale, n'être plus aptes ou moins
aptes à siéger. Je crois que cela répond aux buts de la
loi. On ne peut pas mettre quelqu'un à sa retraite, mais s'il est
diminué, s'il n'est plus capable de faire son travail, à cause de
la nature de son travail...
Évidemment, si un homme a de grandes responsabilités dans
une compagnie privée, sa pleine capacité est plus importante.
L'article 230 de la Loi des tribunaux judiciaires du Québec
prévoit la mise à la retraite sur avis du gouvernement et sans
doute après consultation avec le chef du juge en question. Il me semble
que la soupape qui se trouve là est semblable à celle qui se
trouve dans le projet de loi 15 pour la mise à la retraite de ceux qui
sont moins capables, pas capables ou plus capables d'accomplir leurs fonctions.
C'est là le paradoxe. Personne au Québec ne serait obligé
de prendre sa retraite à 65, 70, 75 ou 80 ans, s'il pouvait accomplir
ses fonctions.
Mme Lavoie-Roux: Si je comprends bien, d'après la loi des
tribunaux, il y a cette possibilité d'une évaluation.
M. de Billy: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Les gens peuvent être mis à leur
retraite même avant 65 ans...
M. de Billy: Ah oui! absolument!
Mme Lavoie-Roux: ... sur avis du ministère de la Justice
et selon les prévisions ou les dispositions de cet article?
M. de Billy: La loi est adéquate à ce point de vue,
je crois, pour protéger les
justiciables et la société. Comme le mentionne le
ministre, c'est important que les juges soient complètement aptes
à faire leur travail, parce que c'est un travail délicat et qui
comporte beaucoup de responsabilités envers la société et
envers les parties justiciables.
Mme Lavoie-Roux: Voici ma deuxième question. Vous en avez
peut-être parlé et j'ai pu être distraite, vous avez dit: Le
mandat de ce juge a été reconduit pour une période
additionnelle. Apparemment, ceci se fait après consultation des juges en
chef et du ministre de la Justice - je pense que c'est le ministre
lui-même qui l'a expliqué - et après une décision du
Conseil des ministres.
Pouvez-vous me dire quelles avaient été - vous ne le savez
peut-être pas, si vous ne le savez pas, vous n'avez qu'à ne pas me
répondre - les conditions particulières qui ont fait que le
mandat de ces juges a été prolongé?
M. de Billy: Je n'ai pas évalué de cas concret. Je
pense que, dans ces cas, le chef du juge concerné l'a prolongé.
D'ailleurs, je crois que le mandat de certains juges en chef a
été prolongé. Je crois que le ministre de la Justice
était d'avis que ces juges en question pouvaient continuer à
fonctionner utilement. Mais c'est...
Mme Lavoie-Roux: Dans leurs fonctions de juge, non pas pour un
mandat particulier?
M. de Billy: Non, dans leurs fonctions de juge. Le mandat du juge
en chef de la Cour des sessions de la paix, à Québec, le juge
Dumontier, a été prolongé par le présent
gouvernement pendant au moins un an, un mandat. Mais, évidemment, notre
représentation à ce sujet, c'est que c'est, premièrement,
discrétionnaire...
Mme Lavoie-Roux: C'est justement ce que j'allais me dire.
M. de Billy: ... et, deuxièmement, c'est l'envers de la
loi, c'est-à-dire que la loi dit: Vous ne pouvez congédier
personne à cause de l'âge. Dans le cas des juges, ils sont
congédiés; si le gouvernement est d'accord, on peut prolonger
leur mandat. Mais on sait qu'au fond, on prolonge le mandat d'un an, pas
à tous. Je ne crois pas qu'il y ait de règle établie.
C'est un peu discrétionnaire, si le juge est apprécié,
etc.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Je vous remercie. M. le
Président, je voudrais attirer l'attention du ministre sur
peut-être deux ou trois points touchant à ceci. Je pense qu'il
faut s'assurer que la disposition contenue dans la loi ou l'article auquel vous
avez fait allusion soit étanche dans le sens de vraiment protéger
le public, parce qu'une fonction de juge, c'est quand même une fonction
qui a des conséquences importantes pour les justiciables. C'est une
chose.
Il y a aussi le principe sur lequel on va voter, enfin on ne votera pas,
mais sur lequel éventuellement l'Assemblée nationale va se
prononcer. Et il y a cette sorte de disposition qu'on a créée
d'une façon un peu discrétionnaire et qui me gêne un peu
parce que je me dis: Est-ce que l'on ne serait pas sur un terrain beaucoup plus
sûr en s'assurant que la disposition dont on parlait tout à
l'heure est vraiment étanche, protège vraiment les juges par
quelque chose, d'une part, qui ne serait pas discriminatoire en termes du
principe du projet de loi et qui, deuxièmement, serait beaucoup plus
juste, je pense, et n'ouvrirait pas de porte? Là, je ne veux d'aucune
façon insinuer quoi que ce soit parce que se serait un autre
gouvernement qui l'a peut-être fait dans le passé; le gouvernement
actuel, je n'ai aucune idée. C'est vrai que cela commence à
être ancien en 1973.
Je pense que, si vraiment on est soucieux de la non-discrimination, de
la justice et d'éviter le discrétionnaire le plus possible quant
à cette disposition de loi à laquelle on a fait allusion, il
faudrait probablement réviser la décision qui a été
prise dans le projet de loi. En tout cas, je pense qu'il faudrait l'examiner
sous ces angles-là et c'est ce que je soumets au ministre. Vous savez,
même si on ne met pas en doute le bon jugement du Conseil des ministres,
du ministre de la Justice quel qu'il soit, des juges en chef, etc., il reste
qu'il y a toujours danger de discrétionnaire là-dedans et le
discrétionnaire, cela devient injuste envers d'autres personnes.
Fondamentalement, c'est un principe qu'on veut établir et il faudrait
lui faire le moins d'entorses possible, le principe de l'abolition de
l'âge de la retraite. En tout cas, je soumets cela au ministre. Je pense
que le point que vous faites valoir m'apparaît, de prime abord,
fondé sur un principe assez solide.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Gouin.
M. Rochefort: M. le Président, contrairement à
madame la députée de L'Acadie, j'aimerais poser un certain nombre
de questions additionnelles au représentant à la
Conférence des juges, avant de me faire une idée si on doit
maintenir les dispositions qui sont prévues actuellement au projet de
loi 15 ou si on doit demander au ministre de les revoir.
Tantôt, vous faisiez allusion au fait qu'il y a, quand même,
une mécanique qui existe qui permet au juge en chef d'exiger qu'un juge
prenne sa retraite avant l'âge de 70 ans. Vous avez fait allusion
à cela.
J'aimerais que vous m'expliquiez un peu plus en détail comment
cela fonctionne dans les faits cette mécanique, à partir de
quelle évaluation ça se fait, si c'est fréquent, qui doit
intervenir outre le juge en chef dans cette décision, dans cette
évaluation-là.
M. de Billy: M. le député, c'est le premier
alinéa de l'article 230 de la Loi sur les tribunaux judiciaires qui
s'exprime comme suit, c'est très court: "Le juge atteint d'une
incapacité permanente qui, de l'avis du gouvernement, l'empêche de
remplir de manière satisfaisante les devoirs de sa charge cesse
d'exercer ses fonctions et est admis à la retraite avec pension." Le
dernier alinéa dit: "L'incapacité permanente est établie
après enquête par le Conseil de la magistrature à la
demande du ministre de la Justice." Comme vous le savez, le gouvernement a
créé le Conseil de la magistrature. J'ai eu l'honneur d'y
siéger pendant deux ans et c'est réellement un organisme
précieux pour l'administration de la justice. C'est l'organisme, dans un
sens, qui juge les juges et cela contribue à maintenir un standard
très élevé chez les juges du Québec.
M. Rochefort: Justement, à partir de l'expérience
que vous avez vécue et que les personnes qui vous accompagnent ont aussi
vécue, est-ce fréquent que des juges soient mis à la
retraite avant l'âge de 70 ans?
M. de Billy: Pas que je sache, M. le député,
non.
M. Rochefort: Non, c'est exceptionnel? On pourrait s'entendre
pour dire que c'est exceptionnel.
M. de Billy: Bien, évidemment, il y a des juges qui
prennent leur retraite pour raison de santé.
M. Rochefort: Non, je ne parle pas de ceux qui prennent leur
retraite. Je parle de ceux qui sont incités, de qui on exige la prise de
la retraite avant l'âge de 70 ans.
M. de Billy: Comme je le mentionnais, j'ai eu l'honneur de
siéger pendant deux ans et demi au Conseil de la magistrature et cela ne
s'est pas présenté... (11 h 45)
M. Rochefort: Jamais pendant les deux ans où vous y avez
siégé.
M. de Billy: Non. Que le gouvernement ou le ministère de
la Justice ait demandé au Conseil de la magistrature d'enquêter
sur la capacité ou l'incapacité de telle ou telle personne,
non.
M. Rochefort: Deuxièmement, au dernier paragraphe de la
première page de votre mémoire, vous dites: "À cause de
l'âge auquel certains juges accèdent à la magistrature
provinciale, les années requises à l'acquisition d'une pleine
pension ne peuvent être atteintes." Quel est l'âge moyen ou
l'âge médian auquel un avocat accède à des fonctions
de juge?
M. de Billy: Je crois que c'est entre 45 et 50 ans. Dans toutes
les juridictions, il y a une tendance à nommer des juges plus jeunes
qu'autrefois, alors que c'était un couronnement de carrière.
À ce moment-là, évidemment, il n'y avait pas de limite
d'âge. Je crois que la situation est beaucoup...
M. Rochefort: ... plus tard. Donc, ces gens qui avaient
pratiqué le droit pendant 15 ou 20 ans avant d'accéder à
un poste de juge...
M. de Billy: Oui, 15 ou 20 ans.
M. Rochefort: ... normalement, je présume qu'ils ont
accumulé un fonds de retraite, constitué au cours de leurs
années de pratique du droit.
M. de Billy: C'est très difficile à dire.
M. Rochefort: Mais en général, je le
présume. Il y en a au moins trois qui vous accompagnent.
M. de Billy: Je ne sais pas si les avocats sont plus
prévoyants que le reste de la population.
M. Rochefort: Ils sont au moins aussi prévoyants que les
autres citoyens.
M. de Billy: Je ne crois pas que nous fassions porter nos
représentations... Je comprends que notre mémoire peut porter
à...
M. Rochefort: J'avoue que votre présentation verbale de
tantôt touche plutôt la question de la discrimination. Toutefois,
lorsque je prends connaissance du texte du mémoire que vous
présentez, vous faites plutôt référence au
problème financier de fonds de retraite que cela pourrait poser.
M. de Billy: Je l'admets, mais après en avoir
discuté, nous voulons nous placer dans la philosophie de la loi. Nous
n'avons pas cru que c'était le moment de discuter des pensions, de la
rémunération des juges, mais de la philosophie de la loi et de
celle du ministre, telle qu'elle est exprimée dans la loi.
M. Rochefort: J'ai quand même le goût d'en parler un
peu, compte tenu du texte de
votre mémoire. Au premier paragraphe de la page 2, vous faites
allusion au fait que les juges recevraient une pension moindre puisqu'ils ne
peuvent espérer compléter 25 années de service. Compte
tenu de l'âge auquel les juges prennent leur retraite, vous
évaluez que la pension moyenne qu'ils retirent, comme juges, quand ils
prennent leur retraite, est de combien, environ?
M. de Billy: Auparavant, il y avait une pension automatique, sans
tenir compte des années de service, mais maintenant, pour avoir droit
à la pleine pension, il faut avoir siégé pendant 25 ans.
C'est-à-dire qu'il faut avoir été nommé sur le banc
à 45 ans ou moins. Il y a encore beaucoup de nouveaux juges qui ont
dépassé l'âge de 45 ans; encore récemment, il y en a
qui ont été nommés à l'âge de 50 ans et
même plus.
M. Rochefort: S'il n'a pas été juge pendant au
moins 25 ans, il ne touche aucune pension?
M. de Billy: Non, sa pension est moindre.
M. Rochefort: Cela peut être combien, environ?
M. de Billy: C'est 2,8% par année. La pension maximale,
c'est 70%, c'est-à-dire 25 ans de service multipliés par
2,8%.
M. Rochefort: Donnez-moi donc un montant.
M. de Billy: Si le juge n'a siégé que pendant 20
ans, sa pension ne sera que de 56% de son salaire.
M. Rochefort: Ce qui représente combien, environ?
M. de Billy: C'est la moyenne des cinq dernières
années.
M. Rochefort: C'est quoi, en général, la moyenne
des cinq dernières années? Ce que je veux, c'est que vous donniez
un chiffre.
M. de Billy: Dans le moment, c'est 26 000 $.
M. Rochefort: À peu près 26 000 $.
Vous dites qu'il y a sept juges dont le mandat a été
reconduit, en 1980, par le gouvernement. J'ai deux questions. D'une part,
combien de juges avaient fait cette demande, à votre connaissance?
M. de Billy: Je l'ignore.
M. Rochefort: Vous n'avez aucune idée.
M. de Billy: Non. Évidemment, il n'y aura peut-être
pas plus de juges qui prendront leur retraite... Comme le disait le ministre,
et comme on le dit, peut-être que 80% ou 90% des juges prendront leur
retraite à 65 ans, mais le principe, c'est que, pour tout le monde, tous
les travailleurs, l'âge ne devrait plus être un facteur de mise
à la retraite.
M. Rochefort: J'ai une dernière question qui est
peut-être un commentaire, une question avant de faire un commentaire.
Tantôt, vous laissiez entendre que la décision du Conseil des
ministres de reconduire, de prolonger le mandat d'un juge était,
à toutes fins utiles, discrétionnaire. Vous le sentez
peut-être comme cela; d'autre part, je ne peux pas vous dire comment
c'est vécu, je ne suis pas ministre, mais j'ai l'impression qu'il y a
quand même d'autres facteurs que des facteurs discrétionnaires,
comme vous le laissiez entendre tantôt. J'imagine, un petit peu comme les
facteurs que retient, par exemple, le Conseil de la magistrature quand vient le
temps de demander à un juge de prendre sa retraite avant l'âge
prévu à cette fin, que le Conseil des ministres tient compte
aussi de critères objectifs et vérifiables,
évaluables.
M. de Billy: Mais, M. le Président, c'est la même
chose pour tous les autres travailleurs que la loi affecte. On pourrait dire
que l'employeur pourra les garder en fonction s'il est satisfait, etc., mais je
crois que ce n'est pas la philosophie de la loi.
M. Rochefort: Oui, mais c'est là que je termine avec mon
commentaire. Je suis d'accord que ce n'est pas la philosophie de la loi, sauf
que l'état de mes réflexions, à la suite des discussions
qu'on a eues ce matin avec votre groupe, m'amène à au moins me
poser encore la question à savoir si on doit vraiment vous accorder ce
que vous demandez. Je suis certain que, dans l'entreprise privée, il y a
beaucoup de gens qui seront mis à la retraite même avant
d'atteindre leurs 70 ans, alors que vous nous avez très bien dit
tantôt que, chez vous, c'est une procédure qui est pratiquement
fermée. En deux ans de mandat au Conseil de la magistrature, jamais vous
n'avez eu à vous pencher, vous, sur le cas d'un juge que le juge en chef
ou le gouvernement désirait mettre à la retraite, parce qu'on
doutait de ses qualités au travail. Dans l'entreprise privée,
dans les industries, soyez certains que cela va se faire couramment. C'est
là que je me pose la question, à savoir si on doit vraiment
répondre positivement à votre demande.
M. de Billy: Oui, mais là c'est une question pratique.
Est-ce que le
gouvernement serait moins efficace avec...
M. Rochefort: Pas moins efficace, parce que c'est peut-être
plus difficile et c'est peut-être plus délicat justement. À
partir du moment où le gouvernement ferait cette demande, on pourrait
justement laisser sous-entendre, comme on le faisait tantôt, que c'est
une décision discrétionnaire et tout cela.
M. de Billy: M. le député, lorsqu'un juge est
nommé, il y a déjà un procédé de
sélection très, je pourrais dire, serré.
M. Rochefort: Oui, mais vous avouerez que 25 ans après,
c'est...
M. de Billy: Je crois que le gouvernement nomme les avocats les
plus compétents, qui sont les plus aptes à exercer les hautes
fonctions de la magistrature et je crois que cela parle hautement en faveur du
standard des juges du Québec, le fait que le ministre de la Justice
depuis que le Conseil de la magistrature existe, soit depuis deux ans et
demi...
M. Rochefort: C'est cela.
M. de Billy: ... n'ait jamais cru devoir demander qu'un juge soit
réévalué. Évidemment, c'est un petit nombre
d'avocats qui accèdent à la magistrature et ce sont sans doute
les meilleurs. Cela doit être la raison pour laquelle il n'y a pas
trop...
M. Rochefort: En tout cas, je comprends qu'on a plus de chances
que ce soient les meilleurs depuis que la procédure ne fonctionne pas
par nomination politique. Je suis d'accord avec vous là-dessus.
Le Président (M. Laplante): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je vais peut-être vous poser une question
qui va sembler être une hérésie pour des juges. Dans le
fond, on creuse la question de part et d'autre, je pense qu'il faut vous rendre
justice comme aux autres. Cela rejoint, cela s'associe aux propos du
député de Gouin.
C'est vrai qu'hier les professeurs d'université sont venus nous
faire une grande démonstration - écoutez, je n'ai pas
été convaincue jusqu'à la fin - à savoir que ce
sont les gens les plus évalués de l'univers. C'est ce qu'ils nous
ont raconté hier. Je pense qu'ils sont évalués jusqu'au
moment où ils arrivent à l'agrégation; après cela,
je ne suis pas sûre que l'évaluation dure aussi longtemps par la
suite, mais en tout cas.
Vous autres, est-ce que vous avez -c'est parce qu'on parle toujours, les
juges, on ne leur touche pas, mais là je ne dis pas cela dans un sens
péjoratif, compte tenu de l'indépendance du pouvoir
exécutif, du pouvoir judiciaire et du pouvoir législatif et toute
cette histoire-là - un comité interne de discipline,
d'appréciation de vos membres ou est-ce une hérésie de
penser à une telle chose pour les juges?
M. de Billy: M. le Président, la commission
créée par le gouvernement, c'est le Conseil de la
magistrature.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. de Billy: Également, ce sont les juges en chef de
chaque juridiction. Tous les juges en chef sont membres du Conseil de la
magistrature ex officio, plus deux représentants du barreau et plus deux
représentants du peuple qui sont très valables, dont les avis
sont très pertinents et dont les conseils sont précieux. Je dois
dire que, pendant les deux ans et demi durant lesquels j'ai
siégé, j'ai trouvé que le standard des juges du
Québec est très élevé. Les plaintes qu'on a eues
ont été très minimes, des peccadilles, rien de
réellement sérieux où un juge serait incapable de
siéger pour cause d'ivresse, ou il y aurait fraude, ou un juge aurait de
la partialité. Pendant les deux ans et demi... Le public est de plus en
plus sévère. C'est comme pour les médecins, on sait
maintenant le nombre de poursuites. Le public et les justiciables savent que le
Conseil de la magistrature existe. Comme je le disais, je trouve que c'est
très valable, je dois le dire en toute sincérité.
Mme Lavoie-Roux: Pourquoi je posais la question? C'est
peut-être à tort, mais le fait que jamais... Mais deux ans et
demi, ce n'est pas une longue période; j'admets ça, et il n'y a
pas des juges à la douzaine ou à la centaine; alors, ça
aussi, ça limite. Par exemple, sur une période de cinq ans ou de
dix ans, jamais il n'y aurait eu de réprimandes ou de rappels à
l'ordre ou de sanctions d'exercés. Cela voudrait dire que vous
êtes d'une espèce presque pas humaine, vous savez.
M. de Billy: Non, mais il y en a seulement 250; c'est ce que je
disais. Évidemment, on a eu des plaintes. Mais un juge va dire, à
Matagami - je ne nomme pas un endroit fictif, mais où il n'y a
peut-être pas de tribunal - à un témoin, à un parti:
Tu es un maudit voleur. Peut-être qu'à Montréal, ça
sonnerait hors du décorum et ce serait plus considérable, mais
avoir une plainte comme ça, ce n'est pas ça qui affecte la
capacité du juge de siéger. Il faut tenir compte du décor
et que, dans ces endroits, tout le monde se connaît. Chaque justiciable a
le droit de porter plainte et chaque plainte doit venir devant le Conseil
de la magistrature. Ces justiciables sont des milliers de personnes qui,
par leur absence de plaintes, ont presque donné un vote de confiance
à leurs juges.
Mme Lavoie-Roux: Je dois vous dire, M. le juge, que j'ignorais
que je pouvais porter plainte contre un juge. Imaginez-vous si la population
sait ça ou non.
M. de Billy: On le sait, on a des plaintes.
Mme Lavoie-Roux: Parce que, pour moi, ce qu'un juge avait
décidé à la fin... Je sais qu'il y a toutes les cours
d'appel l'une après l'autre, mais qu'une fois qu'on était rendu
au bout de la filée, je puisse porter plainte contre un juge, je ne le
savais même pas. Demandez-vous si la population le sait.
M. de Billy: On a des plaintes des districts
éloignés de la Gaspésie, de Sept-Îles.
Évidemment, on ne peut pas se plaindre lorsqu'un juge se trompe, mais,
si le juge fait des erreurs de conduite, est partial ou a un conflit
d'intérêts, ou n'est pas en état de siéger ou on
dort sur le banc, etc., ce sont toutes des choses dont le justiciable peut se
plaindre au Conseil de la magistrature, disant qu'il n'y a pas eu justice.
Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, je veux réagir à
l'appel qui a été lancé par la députée de
L'Acadie tantôt, à l'effet de reconsidérer l'orientation
que nous avions prise dans le premier texte du projet de loi 15. L'expression a
été employée tantôt. Quand on parle de juges et de
tribunaux, on est sur un terrain glissant. C'est une question délicate,
il y a la fondamentale distinction entre les trois types d'exercice: l'exercice
législatif, l'exercice exécutif, l'exercice judiciaire. (12
heures)
Je dois dire, encore une fois, que notre option, au départ, a
été d'exclure le moins possible de groupes. Nous maintenons cette
philosophie. Dans ce sens, le plaidoyer de la conférence des juges est
impressionnant. D'autre part, la députée de L'Acadie
suggère qu'il y a peut-être d'autres façons, par le biais
de la Loi des tribunaux judiciaires, par exemple - peu importe le
mécanisme - de s'assurer, en somme, et d'assurer surtout à la
population, aux justiciables, que la qualité du juge que le citoyen a
devant lui est à toute épreuve. C'est là notre
préoccupation.
M. le Président, je veux simplement conclure en disant que nous
allons tout simplement reconsidérer très sérieusement
notre orientation à la lumière des discussions que nous avons
eues ce matin.
M. de Billy: Au nom de mes clients, merci, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de
la commission, je vous remercie de nous avoir présenté un
mémoire au nom de la Conférence des juges du Québec.
L'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes Inc. a
demandé d'être mise à la fin de la liste. Alors, j'appelle
immédiatement M. Jacques Giguère, à titre personnel.
Vous pouvez y aller de la lecture de votre mémoire.
M. Jacques Giguère
M. Giguère (Jacques): Permettez-moi d'abord de
m'identifier. Mon nom est Jacques Giguère et je suis conseiller
scientifique au ministère de l'Environnement. Je me présente ici
à titre personnel ou individuel. Je dois dire aussi que le texte que
vous avez en main n'est pas le texte intégral que je veux vous livrer,
à cause de considérations, de réflexions et d'informations
que j'ai eues par la suite, après avoir présenté mon
mémoire. Tout de même, je voudrais à l'instant vous lire le
texte en question.
M. le Président, M. le ministre, Mme la députée,
MM. les députés, mesdames et messieurs, à l'instar des
organismes préoccupés du bien-être des personnes
âgées, je viens, par la présente, à titre personnel,
vous faire part de quelques réflexions qui militent en faveur du projet
de loi que vous avez devant vous. Si l'on souhaite l'aisance, le confort et la
prospérité des membres de l'âge d'or, si on a coeur
d'élaborer une véritable politique du "Mieux vieillir au
Québec", il y a sans doute lieu de se pencher d'abord sur l'âge de
la retraite, car n'est-il pas relié au bonheur et au mieux-vivre des
individus?
Suite à votre invitation de présenter des mémoires
sur le projet d'abolition de la retraite obligatoire, je voudrais exposer
devant vous les principales raisons qui appuient le projet en question. Les
sujets traités relativement au troisième âge touchent
habituellement des problèmes qu'ont à vivre les personnes
déjà à leur retraite. Sur ce point, je laisse à
d'autres la tâche d'y apporter les solutions appropriées. Mais en
parlant de solutions aux problèmes du troisième âge, l'un
des moyens de prévenir nombre de ces problèmes est
précisément d'abolir l'âge de la retraite obligatoire, car
n'est-elle pas source d'inquiétude, de frustrations et même de
dépression? La retraite obligatoire constitue le dernier grand champ de
discrimination envers la personne humaine et l'on devrait se hâter de la
faire
disparaître.
Au cours de cet exposé, nous considérerons d'abord les
inconvénients d'une retraite obligatoire à l'âge de 65 ans,
puis nous traiterons des avantages d'une retraite facultative, nous appuyant
sur des exemples contemporains. Nous traiterons également des objections
au projet, ainsi que des modalités d'application d'une telle politique
avant de présenter les conclusions du mémoire.
Désavantages de la retraite obligatoire à 65 ans. La
première conséquence néfaste chez les retraités de
65 ans est de leur faire réaliser qu'ils sont désormais des
ignorés, qu'ils ont perdu leur identité, leur utilité et
leur place dans la société. Combien de cas tragiques ont
été révélés dans le passé
relativement au désarroi et à l'impuissance de retraités
qui gardaient l'espoir de continuer à travailler après 65 ans,
mais qu'une règle implacable, arbitraire ainsi que discriminatoire
obligeait à accepter une situation qui leur était tout à
fait nocive et dommageable!
II n'existe pas de perte automatique de capacité parce que vous
atteignez 65 ans. N'est-il pas alors inhumain et injuste d'obliger quelqu'un
à prendre sa retraite lorsqu'il ne le désire pas, surtout s'il
est encore en bonne santé et capable d'assumer ses
responsabilités. De plus, même à 65 ans, il arrive que
plusieurs travailleurs aient encore des obligations familiales, ce qui leur
crée de sérieuses contraintes financières, s'ils ont perdu
leur source de revenus et s'ils ne jouissent pas d'un fonds de retraite
suffisant. Dans un tel cas, on assiste à une perte de potentiel humain
très marqué, qui devient une cause d'anxiété et
même d'angoisse chez les retraités.
C'est là l'opinion d'un psychologue réputé, le Dr
Harry Mullens, du Saskatchewan Senior Citizens Provincial Council. Pour
plusieurs, la retraite devient alors le rêve brisé de l'âge
d'or et constitue une antiperformance et un cauchemar implacable. C'est le
commencement du processus de la mort. Dans un tel contexte, l'État se
prive d'une personne expérimentée et en fait un chômeur de
plus, qui coûte très cher, car celui-ci devient un
dépendant et, dans bien des cas, un candidat à l'assistance
sociale en recevant toutes les rentes qui lui sont dues et les
bénéfices marginaux qui lui sont accordés.
Au moment où on s'interroge sérieusement sur la
capacité future de l'État à payer les pensions des
personnes âgées, il semble que l'une des façons de
remédier au problème serait de retarder l'âge de la
retraite, car une partie au moins de la population paierait pour sa propre
pension. Il faut en effet garder à l'esprit le fait que la proportion
des personnes en dessous de 65 ans qui va supporter la portion en haut de 65
ans diminue dangereusement à mesure que les années passent. La
retraite obligatoire à 65 ans constitue donc un handicap sérieux
aux fonds de retraite gouvernemental et privés, car la main-d'oeuvre
active, compte tenu de la baisse de la natalité, ne cesse de s'amoindrir
proportionnellement.
Passons maintenant aux avantages d'une retraite facultative. En plus de
mettre fin à une discrimination et à une injustice qui sont
évidentes, la retraite facultative aura pour effet de redonner aux
travailleurs la satisfaction du travail accompli et celle de contribuer, tant
qu'il en est capable, au développement et au progrès de la
société. Cette contribution sera une source de valorisation de sa
personne en le convainquant de son utilité envers sa famille, ses
concitoyens et sa patrie. On peut affirmer dès lors que, même s'il
dépasse 65 ans, le travailleur en bonne santé constitue un actif
pour l'État à cause de son expérience, de sa
compétence dans la discipline ou le métier qu'il pratique,
évite a l'État des charges supplémentaires de pensions et
de bénéfices marginaux qui sont devenus très
onéreux, assure à l'individu une satisfaction et un bonheur qu'il
ne saurait trouver dans l'inertie et le farniente, enlève à
l'individu un fardeau financier qui, dans bien des cas, n'existerait pas s'il
n'avait pas cessé de travailler, laisse à l'individu la
liberté de vaquer à son travail journalier aussi longtemps qu'il
le désire et que sa santé le lui permet, évitant ainsi des
mesures discriminatoires et injustes de la part de l'employeur, et enfin,
contribue à la solution de problèmes économiques et
sociaux dans le domaine des pensions et du secteur social.
Il faut ici souligner le fait que tous les travailleurs n'auront pas le
désir de continuer à travailler après 65 ans. Ceux qui
jouissent d'une pension normale indexée seront sans doute très
heureux de quitter les rangs du travail pour profiter d'une retraite bien
méritée, mais il y a les autres. Qui sont-ils?
On peut se demander quels seront les candidats à la retraite
volontaire. Il y a d'abord les actifs et les hyperactifs. Indépendamment
de leur situation financière, il y a des gens qui ont horreur de
l'inactivité, qui ne peuvent rester à ne rien faire, et qui ont
par conséquent le désir instinctif de faire quelque chose.
L'inaction leur est plus pénible qu'un travail régulier. La
possibilité de continuer leur travail ou métier leur sera sans
doute salutaire.
Il existe également le groupe des candidats à la retraite
facultative parce qu'ils y sont obligés financièrement. C'est
sans doute le groupe le plus nombreux. Les causes de cette
nécessité peuvent être multiples. L'employeur n'avait pas
de caisse ou de fonds de retraite, ou, s'il en avait un, il n'était pas
adéquat. Il existe aussi le cas de ceux qui ont changé
d'employeur et où
malheureusement le fonds de retraite n'était pas
transférable. C'est une situation qui n'a pas sa raison d'être,
car l'employeur, dans un tel cas, jouit d'un montant d'argent qui ne lui
appartient pas et dont il bénéficie au détriment de
l'employé qui l'a quitté. Les conséquences sont alors
néfastes pour l'employé, car ce dernier perd le
bénéfice d'années de service qui lui seraient très
utiles dans le calcul des prestations de sa pension.
Permettez-moi de suggérer ici qu'une fois l'abolition de la
retraite obligatoire accomplie il y aurait lieu d'adopter une loi exigeant le
transfert universel des pensions lorsque l'employé change
d'employeur.
Enfin, il y a le groupe de tous ceux qui, pour une raison ou pour une
autre, maladie, mise à pied, chômage, etc., arrivent au seuil de
la retraite sans avoir les ressources nécessaires pour affronter les
obligations d'une retraite forcée.
On prévoit que, dans la perspective d'une retraite facultative,
de 15% à 25% des candidats à la retraite voudront se
prévaloir du privilège de l'option de travailler ou de se
retirer. Ce pourcentage pourra varier suivant la catégorie de
travailleurs. Comme le disait le Dr Lazure à l'Assemblée
nationale à propos de ce projet de loi, il s'agit beaucoup plus d'une
mesure sociale qu'économique. Il demeure, cependant, que la proportion
de travailleurs qui voudront continuer à travailler est assez importante
pour que le gouvernement aille de l'avant avec cette mesure et accorde à
tout citoyen la sécurité et l'accès au travail, quel que
soit son âge.
Motifs qui militent en faveur de la retraite facultative. Parmi les
raisons qui appuient la retraite facultative, il faut mentionner ici que les
juges, les médecins, les députés, les sénateurs,
tous employés de l'État, ne sont pas astreints à la
retraite obligatoire à 65 ans. Des mauvaises langues ont
déjà dit que les députés et les ministres
jouissaient d'un travail facile et très peu exigeant, ce qui leur
permettait de pratiquer leur profession jusqu'à un âge
avancé. Bien que je ne partage pas cette opinion, vous avez l'occasion
rêvée, messieurs les élus du peuple, de placer tous les
citoyens sur le même pied et de réfuter à jamais les
remarques désobligeantes de ceux qui sont affectés par la
discrimination actuelle. Nous pouvons également ajouter l'exemple des
hauts dignitaires de l'Église qui se sentent capables d'assumer leur
lourde tâche jusqu'à 75 ans et même davantage. Il en est de
même de tous ceux qui travaillent à leur propre compte dans le
secteur privé.
Churchill, Adenauer, de Gaulle, Jean XXIII, Mao Tsé Toung ont
tous démontré une activité débordante et connu
leurs jours de gloire à un âge plus avancé que celui de la
retraite prétendue normale. L'humanité n'aurait pas
bénéficié de la stature, de la vision et de la sagesse de
ces hommes si la règle fatidique du retrait à 65 ans avait
présidé à leur destinée. Même si le commun
des mortels a peu d'affinités avec ces grands hommes, ces derniers
constituent quand même un exemple probant des possibilités
qu'offre à tout homme en santé le travail après 65 ans.
Pourquoi l'État devrait-il se priver d'une main-d'oeuvre experte, d'un
savoir-faire sûr, d'une expérience éprouvée et d'une
motivation assurée dans un contexte où l'excellence exige de plus
en plus de donner sa pleine mesure et même de se dépasser?
Abstraction faite des grands de l'histoire, pourquoi les membres des
disciplines autres que le commerce, le droit, la médecine et le
clergé n'auraient-ils pas les mêmes privilèges de
travailler au-delà de 65 ans, si c'est là leur désir et
s'ils en ont les capacités?
À une période où l'on évoque la
possibilité de loisirs plus nombreux, dans une époque où
l'espérance de vie s'accroît avec les nouvelles
générations, la perspective de travail prolongé dans le
temps apparaît comme une solution appropriée au manque de
productivité que l'on déplore dans certains milieux.
Lorsque la retraite obligatoire à 65 ans a été
introduite en Allemagne au XIXe siècle, on pouvait alors l'accepter
comme une mesure sociale nécessaire, car l'espérance de vie
à ce moment-là n'était que de 49 ans. Les temps ont
changé, l'espérance de vie est désormais de 78 ans en
moyenne, ce qui signifie qu'à 65 ans beaucoup de travailleurs ont encore
les capacités de fournir un travail adéquat et productif.
À l'appui de ces revendications, permettez-moi de rappeler qu'une
loi a été adoptée aux États-Unis, il y a trois ans,
abolissant l'âge de la retraite obligatoire à 65 ans. Cette loi
est universelle, même si elle fait un partage entre le secteur public
fédéral et le secteur industriel et privé. Ce dernier
secteur a une limite de 70 ans pendant que l'autre n'en a pas. L'exemple des
États-Unis n'implique certes pas l'obligation de faire comme eux, mais,
comme notre système économique s'apparente de beaucoup au leur,
une décision similaire serait sûrement profitable dans notre
province.
Deux provinces, le Nouveau-Brunswick et le Manitoba ont ratifié
des jugements de cour qui confirmaient dans leurs fonctions respectives un
opérateur de machines ainsi qu'un professeur qui demandaient leur
réengagement après avoir été
congédiés par l'application du règlement de la retraite
obligatoire à 65 ans.
La Commission des droits de la personne de l'Ontario a également
recommandé que l'âge de la retraite
obligatoire soit aboli. La Commission des droits de la personne du
Québec va dans le même sens que celle de l'Ontario et
préconise une retraite facultative. Le gouvernement
fédéral se propose d'inscrire également dans la charte des
droits de l'homme une disposition qui vise les mêmes buts. Il existe donc
une tendance à travers le Canada à favoriser le choix personnel
de l'âge de la retraite et le Québec doit être
félicité pour donner le pas dans une mesure qui, d'ici quelques
années, devrait être acceptée dans toute l'Amérique
du Nord. (12 h 15)
Il est également opportun de mentionner ici qu'un sondage Gallup,
il y a quelques mois, a révélé que plus de 60% de la
population est en faveur d'une retraite facultative alors que le pourcentage
n'était que 47% en 1966, d'où une évolution significative
de la population envers l'abandon de la retraite obligatoire.
Objections et modalités de l'application du régime. Il est
rare qu'une mesure, si bonne soit-elle, fasse l'unanimité sur son
principe et dans ses modalités. À ce titre, permettez-moi de
répondre à quelques objections formulées par les
adversaires de la retraite facultative. Les réserves le plus souvent
entendues à ce sujet proviennent des employeurs qui craignent que
l'option d'une retraite facultative augmente les coûts des
bénéfices marginaux, empêche l'employeur de se
libérer d'employés plus âgés peu productifs et
retardent l'entrée ou les promotions des plus jeunes sur le
marché du travail.
Pour la première objection, je dirai que l'employé, quel
que soit son âge, n'a pas à recevoir proportionnellement parlant
des bénéfices marginaux supérieurs à ceux de ses
compagnons de travail, et je ne vois pas en quoi un travailleur plus
âgé soit plus coûteux à son employeur que celui qui
est plus jeune si l'on considère l'ensemble des
coûts-bénéfices. S'il désire un mois de vacances
supplémentaires, il n'a qu'à les prendre sans solde. Lui seul et
non l'employeur en fera les frais.
Quant à la deuxième objection, l'employeur n'est pas tenu
de garder un employé peu productif ou en mauvaise santé. Il ne
faudrait pas que l'âge soit une excuse à un parasitisme
institutionnalisé. Il me semble que parmi les modalités
d'application du régime, l'individu, une fois qu'il aura atteint un
certain âge, devrait subir un examen médical annuel qui
témoignerait de sa capacité de fournir l'effort voulu dans
l'accomplissement de son travail. En cas de dispute, il pourrait y avoir un
arbitrage médical concernant le travailleur en question.
Enfin, en ce qui regarde le retard de l'entrée et des promotions
des plus jeunes sur le marché du travail, il est admis que le
retraité actuel est rarement remplacé par un débutant au
même poste. L'expérience, la compétence s'acquièrent
au fil des années et le retraité éventuel est
habituellement remplacé par un employé qui a déjà
plusieurs années d'expérience dans le poste convoité.
D'autre part, dans la fonction publique, dans l'industrie, dans la
grande majorité des organismes publics et parapublics, les promotions ne
sont pas octroyées en fonction de l'âge, mais en fonction d'autres
facteurs qui sont loin de défavoriser les plus jeunes; on ne pourrait
donc invoquer cet argument pour dire que les plus âgés sont des
obstacles à la promotion des plus jeunes.
Quant à l'entrée sur le marché du travail, je crois
qu'en mettant l'âge de la retraite facultative à 60 ans, on
pourrait déjà ouvrir de nombreux postes qui compenseraient pour
ceux déjà occupés par les volontaires désireux de
demeurer au poste au-delà de la limite traditionnelle de 65 ans.
Conclusion. En résumé, on peut difficilement prouver
qu'à 65 ans l'employé est devenu une charge pour l'employeur. Au
contraire, dans bien des cas, la motivation, la compétence et
l'expérience des plus âgés compensent amplement pour la
vigueur physique des nouveaux venus sur le marché du travail. La
continuité de leurs services constitue un actif important dans le
développement d'une société. Le maintien de leur
contribution au fonds de retraite soulagerait également les
appréhensions fondées vis-à-vis des régimes de
retraite vers l'an 2000. On peut affirmer aussi que le prolongement de
l'âge de la retraite est un facteur déterminant chez un certain
nombre de retraités éventuels. Il signifie pour beaucoup une
aisance relative au lieu d'une carence pécuniaire en regard de besoins
essentiels qui perdurent. Il signifie aussi une attitude sereine vers des
années de calme et de paix au lieu d'un pessimisme refoulé que la
retraite ne pourra même pas dissiper.
En conséquence, M. le ministre, dans l'élaboration de
votre politique du troisième âge, permettez-moi de vous
recommander l'abolition de la retraite obligatoire et d'y donner suite dans le
sens préconisé assurant ainsi aux fervents de la retraite
facultative, la sécurité, la sérénité et le
confort auxquels ils ont droit. Ce serait là sans doute une politique
très appréciée chez ceux qui ont horreur de la chaise
berçante et des pantoufles prématurées.
Le Président (Boucher) Merci M, Giguère.
M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, je veux remercier M.
Giguère et le féliciter pour le travail de recherche que, de
toute évidence, il a dû accomplir pour nous préparer un tel
mémoire. M. Giguère va être inscrit, par nous en tout cas,
sur la liste de personnes-
ressources à consulter à un moment donné, surtout
qu'il est proche de nous, étant dans la fonction publique.
J'ai quelques questions en particulier sur un chiffre que vous avancez,
sur le nombre de personnes qui voudraient bénéficier d'une telle
loi. Vous parlez de 15 à 20%, est-ce que l'on peut connaître
l'origine de ce chiffre?
M. Giguère: Dans les lectures que j'ai faites dans ce
secteur, c'est peut-être le sujet sur lequel j'ai trouvé le plus
de divergences. Autrement dit, j'ai vu des estimations à 1% comme j'en
ai vu jusqu'à 70%. J'ai vu des statistiques disant qu'aux
États-Unis, c'était 1%; par contre, à un endroit, Bechtel
Corporation, en Californie, on mentionne même jusqu'à 70%, ce qui
représente la plupart des cols blancs, qui voudraient continuer à
travailler après 65 ans. Ici, au Canada, il y a certainement quelques
banques, la Banque de Montréal, la compagnie Shell et, comme vous le
disiez aussi, le Conference Board, qui ont indiqué que ceci ne
représentait pas de problème pour l'avenir.
En ce qui concerne d'autres chiffres, j'en ai trouvé un, aussi,
dans un travail de M. Croll, un sénateur d'Ottawa, soit 33%, de sorte
que j'ai pris presque une moyenne, de 15% à 20%. Ce qui m'a
incité, aussi, à avancer ce chiffre, M. le ministre, c'est que
vous-même, hier, avez dit: 55% des personnes n'ont pas de fonds de
retraite, c'est-à-dire qu'ils n'appartiennent pas à un
régime de retraite enregistré. Cela veut dire que ces gens,
à 65 ans, sont des candidats automatiques au travail continu. Ces gens,
à 65 ans, ne peuvent compter que sur les rentes de l'État et vous
savez comme moi que ce n'est pas suffisant, il faut trouver autre chose pour,
au moins, atteindre le seuil de la pauvreté.
C'est un chiffre que j'ai mis là tentativement, remarquez bien,
ce n'est pas d'une façon absolue. Les lectures et les renseignements que
j'ai eus là-dessus n'étaient pas très précis non
plus, ils variaient énormément.
M. Lazure: Je remercie M. Giguère. Nous aussi, on a eu un
peu les mêmes sources d'information. Effectivement, le chiffre de 2%
à 4%, nous l'avons retenu parce qu'il revenait comme constante dans les
chiffres du gouvernement américain et aussi dans l'enquête du
Conference Board auprès des 222 entreprises. Je suis le premier à
admettre - je l'ai dit hier - qu'on est sur un terrain vierge; il est fort
possible que votre prévision de 15% à 20% soit tout aussi valide
que celle de 2% à 4%. Mais plus souvent qu'autrement, les
prévisions qu'on voit, c'est de l'ordre de 2% à 4% même si,
dans des cas particuliers - je suis au courant, aussi, de l'expérience
de Bechtel et d'un certain nombre d'entreprises américaines - le nombre
de ceux et celles qui ont voulu en profiter était assez impressionnant.
Par contre, il y a d'autres entreprises, comme vous l'avez dit tantôt,
où c'était de l'ordre de 1% ou 2%.
M. Giguère: Le chiffre de 2% à 4% avancé par
le Conference Board peut s'expliquer par le fait qu'il a consulté des
industries et des endroits où il y avait déjà des
régimes de retraite. Cela ne touchait pas, évidemment, les 55%
dont vous parliez hier, M. le ministre. C'est pour ça que le pourcentage
est beaucoup moindre.
M. Lazure: C'est sûr, d'accord, mais je ne suis pas tout
à fait de votre avis quand vous dites que, presque automatiquement, les
55% qui ne bénéficient pas de régime supplémentaire
de retraite vont vouloir continuer en grande majorité.
Théoriquement, on devrait s'attendre à ça, mais la nature
humaine étant ce qu'elle est, même si l'individu, rendu à
65 ans, n'a que la pension de vieillesse et le supplément au revenu
garanti, ce qui est très peu, finalement, comme revenu, on sait qu'un
"bon nombre", entre guillemets, se contentent de ça et vont vouloir
prendre leur retraite même s'ils ont l'option de pouvoir continuer
à travailler. Mais cela répond à ma question.
La deuxième question touche l'examen médical. Je vous
avoue que j'ai un peu de réticence. D'abord, je vous pose la question:
À quel âge verriez-vous un tel examen médical
automatique?
M. Giguère: Je le verrais à partir de 65 ans. Cette
mesure, c'est pour éviter que des gens s'accrochent à leur
position seulement pour le salaire. S'il y avait un examen médical, il
ne serait peut-être pas nécessaire de l'avoir tous les ans, mais,
à partir de 65 ans, disons, tous les deux ans. Peut-être que ce
serait avantageux d'avoir un certificat du médecin personnel et s'il y a
doute, évidemment, le gouvernement ou une compagnie fait voir son propre
médecin. Je suggère également qu'en cas de conflit, il
pourrait y avoir un examen médical d'un troisième parti, qui
serait l'arbitre dans les circonstances.
M. Lazure: Évidemment, ce n'est sûrement pas
nécessaire d'inscrire cela dans un projet de loi ni même dans les
règlements, puisque tout employeur a le privilège, a le loisir de
demander à son employé de subir un examen médical. J'ai
une certaine réticence, parce que à partir du moment où on
dirait, de façon systématique, examen médical à
tous les ans à partir de 65 ans, c'est un peu comme si on établit
une présomption que l'individu n'est plus capable
de continuer à travailler. La présomption est plutôt
en faveur de l'incapacité ou le doute, en tout cas, va plutôt dans
le sens de l'incapacité.
M. Giguère: Oui.
M. Lazure: Dans ce sens-là, cela me laisse un peu
perplexe. Une deuxième raison pour laquelle je suis un peu
réticent, finalement, pour avoir connu ce régime d'examen
médical automatique annuel dans toutes sortes d'entreprises, que ce soit
dans un hôpital ou ailleurs, c'est qu'on se rend compte que
l'utilité de cet examen médical automatique est plus ou moins
grande, et moins grande que plus dans bien des cas.
M. Giguère: II reste quand même que certaines
compagnies, comme vous le savez, ont automatiquement cet examen annuel pour
tous leurs employés, qu'ils soient jeunes ou vieux.
M. Lazure: C'est cela. Quoi qu'il en soit, les entreprises
garderont toujours le privilège de demander un examen médical
à l'employé.
Juste en terminant, vous y faites allusion dans votre mémoire,
vous faites la demande bien précise, une fois ce projet adopté,
que le gouvernement procède à la transférabilité
des régimes de rentes, et je répète au cas où vous
n'auriez pas suivi le débat hier. Il est entendu que, dans une prochaine
étape, puisque c'est un engagement électoral que nous voulons
tenir, comme d'habitude, dans une prochaine étape, nous allons rendre
transférables les plans de retraite, les régimes
supplémentaires de rentes, mais, à ce moment-là, il faut
aussi évidemment modifier les règles de fonctionnement des
régimes supplémentaires de rentes, les règles
d'admissibilité aussi bien que les règles qui président
aux investissements ou à la gestion de la caisse de retraite. C'est un
changement considérable qui doit faire partie d'une prochaine
législation.
M. le Président, je veux remercier le citoyen Giguère qui
nous a fourni un travail fort intéressant qui va alimenter encore plus
nos réflexions.
Le Président (M. Boucher): Merci. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: ...députée de Jacques-Cartier.
Le Président (M. Boucher): Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. Giguère, pour votre
mémoire, de la part de l'Opposition. Vous avez soulevé, à
la page 3, tout le problème financier et vous avez dit: La retraite
obligatoire à 65 ans constitue donc un handicap sérieux aux fonds
de retraite gouvernemental et privés, car la main-d'oeuvre active,
compte tenu de la baisse de la natalité, ne cesse de s'amoindrir
proportionnellement. Je crois que c'est une observation très pertinente
et je me demande si, peut-être, il n'y a pas de contradiction ici, parce
que nous avons la loi devant nous, une proposition qui essaie d'humaniser les
choses et de donner à plusieurs personnes le choix réel de
diriger leur propre style de vie. Mais, si on accepte la réalité
financière, peut-être qu'au lieu d'éliminer l'âge
obligatoire de la retraite, on doit obliger tout le monde à travailler
au-delà de l'âge de 65 ans. Est-ce que vous avez des commentaires
là-dessus? (12 h 30)
M. Giguère: Certainement. Cela doit demeurer facultatif.
Actuellement, c'est certain que le nombre - les premières années
- de ceux qui vont continuer va être plutôt restreint et n'aura pas
d'incidence économique. J'ai lu dans plusieurs articles que les
actuaires, entre autres, avaient de sérieuses réserves concernant
les fonds de retraite vers l'an 2000; en 2010 surtout.
C'est certain qu'en ayant une retraite facultative, il y a un bon nombre
de travailleurs qui vont continuer et qui, à ce moment-là, ne
recevront pas - je ne sais pas quelles seront les modalités - la pension
dès 65 ans mais plutôt à l'âge de leur retraite. Ceci
va permettre de soulager un peu les fonds de retraite pour permettre de payer
les fonds de retraite indexés à ceux qui en ont besoin.
Il y a une chose qui m'a frappé dans une enquête Gallup qui
a paru au mois de février concernant les jeunes. Parmi les 18 à
29 ans, chez les jeunes, il y en a 65% qui ont dit qu'ils étaient pour
l'abandon de la retraite obligatoire; de 30 à 49, il y en a 59%; de 50
et plus, il y en a 53%. De sorte qu'on peut se demander pour quelle raison les
jeunes sont pour, puisque dans certains cas, ça peut leur enlever des
emplois. Il y a aussi l'autre aspect à savoir que les jeunes pensent
aussi qu'ils auront à payer pour ceux qui seront à leur retraite
plus tard et que la proportion sera toujours de plus en plus grande.
Actuellement, si on établit que c'est environ de 8 à 10%, c'est
certain que vers l'an 2000, ça va être de 12 à 15%. Le
fardeau sera de plus en plus lourd pour ceux qui arrivent sur le marché
du travail et tous ceux qui continueront à travailler, de sorte que,
certainement, la retraite facultative va aider; sinon les cotisations devront
être haussées pour les fonds de retraite parce qu'on
prévoit qu'ils seront insuffisants lorsque arrivera le 20e
siècle.
Mme Dougherty: Je suis pour les buts
exprimés de la loi mais je me demande si la réalité
financière - c'est peut-être une question pour le ministre - ne va
pas rendre impossible l'atteinte de notre but au bout de la ligne.
M. Lazure: M. le Président, je m'excuse auprès de
la députée. Est-ce que vous pourriez répéter la
question, s'il vous plaît?
Mme Dougherty: C'est toute la question du problème
financier du gouvernement, des fonds de retraite qui diminueraient par
rapport...
M. Lazure: M. le Président, hier, j'ai eu l'occasion de
dire que nous aurons à présenter des modifications aux
régimes de rentes supplémentaires, surtout en ce qui concerne les
règles d'éligibilité et la transférabilité.
J'ai dit aussi que nous aurons à proposer des modifications au
Régime de rentes du Québec. Il est évident - comme le
disait M. Giguère tout à l'heure - que les fonds accumulés
et les entrées seront insuffisants pour continuer à verser les
prestations d'ici une vingtaine d'années.
Ce n'est pas surprenant puisque les taux de cotisation que l'on
connaît aujourd'hui sont les mêmes que ceux qui ont
été établis en 1965: 1,8% pour l'employeur, 1,8% pour
l'employé. Ce sont exactement les mêmes taux. Personne ne doute
qu'il va falloir à un moment donné - ce moment s'en vient
bientôt - ajuster les taux de cotisation de l'employeur et de
l'employé. Personne ne va en être surpris. Je sais en tout cas que
les employés, quand, aux centrales syndicales, on leur en parle, souvent
nous répondent: Écoutez, dans la mesure où il va en
résulter une pension - je parle du régime public du
Québec, la RRQ - drôlement plus intéressante pour les
travailleurs et les travailleuses, dans la même mesure, nous sommes
d'accord en principe pour qu'il y ait un rajustement du taux de cotisation.
Il va falloir procéder dans un avenir prochain à ce
rajustement des taux de cotisation. C'est un fait, on ne le nie pas. Ce n'est
pas seulement un problème spécial au Québec, c'est un
problème qui touche aussi le régime de rentes du Canada qui est
appliqué dans les neuf autres provinces.
Mme Dougherty: Merci. J'ai une autre petite question, M.
Giguère. Il me semble que vous prétendez que le fait de continuer
de travailler au-delà de 65 ans est peut-être la seule
façon de vivre pleinement, vous l'avez dit, pour plusieurs, mais j'ai
l'impression que c'est presque pour tout le monde, si on a la capacité
de continuer à travailler. Ne croyez-vous pas que le gouvernement
devrait peut-être étoffer la loi 15 d'autres initiatives qui
faciliteraient la possibilité pour toute personne de choisir son propre
style de vie?
M. Giguère: Je suis tout à fait d'accord avec votre
remarque, madame. D'ailleurs, j'en ai fait la distinction dans mon
mémoire. J'ai dit qu'un type qui avait une pension normale
indexée serait très heureux de rester chez lui et de quitter les
rangs du travail. Lorsque je parle des autres, c'est évidemment,
beaucoup plus par nécessité, même s'il y a un certain
nombre d'actifs ou d'hyperactifs qui vont vouloir travailler quand même.
Pour moi, cette loi est une première étape et il y en a d'autres
annoncées, M. le ministre l'a mentionné, celle du transfert des
fonds de retraite, celle de la retraite volontaire à 60 ans; en fait, il
y a d'autres mesures qui devraient venir à part celle-là.
Je pense bien que c'est une première étape que nous
devrons franchir quand même. Pour ceux qui vont continuer à
travailler, pour plusieurs, ce sera certainement un enrichissement et une
satisfaction qu'ils n'auraient pas à rester chez eux, surtout dans le
cas où il y a un manque de fonds pour subvenir à leurs
besoins.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Fabre.
M. Leduc: M. Giguère, votre mémoire est très
général et touche les travailleurs de façon
générale. Remarquez que je suis parfaitement d'accord avec les
opinions que vous exprimez. Par contre, vous êtes employé de
l'État et j'aimerais avoir votre réaction à titre
d'employé de l'État, compte tenu qu'hier, nous avons entendu un
mémoire du Syndicat des fonctionnaires provinciaux, où on disait
entre autres que très peu de fonctionnaires se prévaudraient de
la possibilité de travailler au-delà de 65 ans, compte tenu qu'on
leur offre un bon fonds de retraite, compte tenu aussi, semble-t-on dire, que
le travail est peut-être moins créateur dans ce domaine que dans
d'autres domaines. Est-ce que vous partagez cette opinion, est-ce que vous avez
creusé un peu la situation des fonctionnaires?
M. Giguère: Certainement. Chez ceux qui ont fait
entièrement carrière dans la fonction publique et qui arrivent
à 65 ans avec une pleine retraite de 70% indexée, je dirais qu'il
n'y en a pas 1% qui vont choisir de rester au travail. Du moins,
l'expérience qu'on en a actuellement, c'est que plusieurs atteignent 35
ans de service avant d'avoir atteint leurs 65 ans et prennent une
préretraite dès ce moment-là, ce qui prouve qu'ils n'ont
pas envie de continuer à travailler.
Quant à l'autre remarque, à savoir que c'est moins
créateur dans la fonction publique qu'ailleurs, je n'adopte pas du tout
cette évaluation de la fonction publique. Elle
est très différente, admettons-le. Il y a des gens
dans la fonction publique qui travaillent dans les laboratoires, qui font
beaucoup de recherche dans tous les domaines, que ce soit en droit, que ce soit
en sciences, que ce soit dans les sciences sociales. À mon sens, ils
font un travail aussi créateur que ceux de l'industrie privée.
J'ai été moi-même dans l'industrie privée autrefois
et je dois dire que, depuis que je suis au gouvernement, la satisfaction que
j'ai à travailler au gouvernement est aussi bonne, sinon meilleure, que
celle que j'avais lorsque je travaillais pour l'industrie privée.
Le Président (M. Laplante): Merci. Pas d'autres questions?
Au nom des membres de la commission, je remercie M. Giguère pour la
présentation de son mémoire.
J'invite maintenant M. Jean Labrecque, à titre personnel.
M. Jean Labrecque
M. Labrecque (Jean): Je vous remercie de bien vouloir m'entendre
quelques minutes. Je ne lirai pas le travail que je vous ai envoyé parce
que, de toute façon, je peux le résumer en quelques phrases. Vous
savez très bien que je suis contre le nouveau projet de loi, parce que
j'imagine qu'une loi qui est claire et qui donne comme cela un seuil que tout
le monde peut très bien comprendre permet d'avoir ce que j'appellerais
une meilleure vision de son avenir. 65 ans me paraît être un
chiffre arbitraire, discriminatoire, mais, en écoutant tantôt
d'autres interventions, je me suis aperçu qu'il y aurait, à la
place de cette discrimination, une discrétion qui sera due à
toutes sortes de facteurs qui dépassent en définitive l'esprit de
votre loi, parce que, dans une certaine mesure, on ne saura plus exactement
pourquoi quelqu'un continue à travailler après 65 ans pendant
qu'un autre pourra dès 60 ans se retirer.
Remarquez que je suis d'accord avec cette idée que tout citoyen
peut être en mesure de prendre sa retraite quand il le désire.
À ce moment, nous avons un problème qui ne relève plus, me
semble-t-il, d'une politique sociale, mais d'une politique économique
concernant ce que j'appellerais deux secteurs très importants quand il
s'agit de discuter de ce problème de la retraite, soit le marché
du travail qui est un marché captif et le marché des travailleurs
qui est aussi un marché captif. On sait très bien que les lois du
travail ont déterminé arbitrairement des âges
d'entrée dans le marché du travail. Pour éviter toutes
sortes d'abus comme l'emploi d'enfants ou d'adolescents, on a fixé
à 16 ou 18 ans cette entrée. Dans une certaine mesure,
c'était vraiment efficace pour s'assurer que nos citoyens soient
bien instruits. D'autre part, le marché du travail étant un
marché quand même limité, la création d'emplois
étant très difficile, la création d'argent étant
aussi très difficile, il est impossible d'imaginer que le marché
du travail puisse recevoir n'importe qui et le garder n'importe comment,
n'importe quand, de sorte que 65 ans me paraît un chiffre qui permet
à tout législateur de répartir après cela la
carrière de travail des citoyens. À ce point de vue, je pourrais
vous dire que j'ai été heureux d'entendre quelqu'un, au tout
début, parler du plan de carrière. Il me semble que tout citoyen
devrait avoir droit à un plan de carrière qui pourrait lui
assurer un certain cheminement. Si on laisse la situation actuelle, il est
évident qu'il y aura des fluctuations telles qu'on pourra se demander
dans quelle mesure une loi comme celle-là favorise indûment une
classe adulte par rapport à une classe de jeunes travailleurs. Je ne
suis pas sans vous rappeler, il me semble que c'est normal de le faire, que le
chômage affecte énormément une classe de jeunes
travailleurs et qu'il est appelé à l'affecter continuellement
étant donné les progrès technologiques qui font
disparaître énormément d'emplois traditionnels. On arrive
ainsi à des seuils très difficiles.
Je prendrai un cas particulier. En supposant qu'un homme travaille dans
l'industrie de la construction et que, vers 50 ans, il ne peut plus
travailler sur les chantiers mêmes, il est presque obligé de
prendre sa retraite, ou il pourrait accéder à des postes
administratifs, comme l'inspection du travail. Mais si, par hasard, dans ce
secteur, les inspecteurs du travail continuent à dépasser 65 ans,
j'ai bien l'impression que l'ouvrier de 50 aura beaucoup de misère
à se recycler. Le plan de carrière m'apparaît un objectif
très important. (12 h 45)
Je terminerai ici en disant que le problème de la retraite, c'est
un problème qui relèverait beaucoup plus des lois du travail et
des conventions entre les différents groupes de travailleurs
organisés en syndicat que d'une mesure de caractère social. C'est
ce qui fait d'ailleurs l'aspect insolite de la question que vous soulevez,
parce que vous associez la retraite à la vieillesse. Il y a là
une espèce d'impression qui se dégage d'un déclin,
d'une morbidité ou de quelque chose qui m'apparaît inacceptable.
Si on veut que le problème soit étudié sereinement...
L'âge de la retraite, c'est un problème qui peut se discuter
exactement comme des travailleurs discutent de leurs congés et leurs
conditions de travail.
Je termine en vous disant: Merci de m'avoir entendu. Je vous le dis, mon
texte, je l'ai fait uniquement comme un citoyen ordinaire réagit aux
nouvelles que les journaux lui apportent de temps en temps.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. Labrecque. M. le
ministre.
M. Lazure: M. le Président, je remercie M. Labrecque
d'avoir pris le soin de préparer sous forme de mémoire ses
impressions personnelles et de nous exposer ses croyances, ses convictions.
C'est un peu beaucoup le but de ces commissions parlementaires, soit de
permettre à la fois à des groupes organisés et aussi
à des citoyens de présenter leur point de vue. Nous avons cru
qu'il serait intéressant d'avoir côte à côte deux
citoyens qui apportent deux sons de cloche totalement différents.
J'ai quelques questions à poser. Au tout début de vos
remarques, vous avez dit: On enlève une discrimination, mais on remplace
cela par une discrétion. Je n'ai pas très bien saisi ce que vous
vouliez dire. Quant à nous, ce n'est pas une discrétion qu'on
introduit en enlevant la discrimination quant à l'âge. Ce qu'on
introduit, c'est une liberté de choix. On introduit la notion que le
travailleur ou la travailleuse pourra décider, si il ou elle est en
bonne santé mentale et physique, de continuer à travailler, soit
à temps plein, soit à temps partiel, peu importe. Dans la mesure
où la personne a les capacités voulues pour remplir la
tâche, nous disons simplement: Abolissons cette barrière qui n'est
même pas légale, mais qui est entrée dans nos moeurs et
dans beaucoup de conventions collectives, dans beaucoup de régimes de
retraite, abolissons cette barrière artificielle qui a été
utile à une certaine époque et qui ne l'est plus aujourd'hui, qui
est discriminatoire. Ce que vous appelez discrétion, nous
considérons que c'est plutôt un élément de
liberté de choix qu'on apporte.
Deuxième remarque. Vous dites: II ne faut pas enlever la limite
de 65 ans parce que, à toutes fins utiles, on va augmenter le
chômage chez les jeunes. C'est un des arguments que vous
développez dans votre mémoire, comme on l'a entendu de la part
d'autres personnes ou d'autres groupes. Vous étiez probablement ici
tantôt quand l'autre citoyen a fait état d'un sondage Gallup qui
est fort intéressant, parce que les jeunes ne nous ont pas dit: Vous
faites une erreur en abolissant l'âge obligatoire de la retraite parce
que vous allez nous priver d'emploi, les jeunes ne l'ont pas dit lors de ce
sondage qui est récent quand même, c'est l'an passé, en
1980.
La question - c'est un sondage Gallup -a été posée
comme ceci: Des entreprises obligent une personne à se retirer à
65 ans, êtes-vous d'accord, oui ou non? Les jeunes de 18 à 29 ans,
donc les jeunes touchés dans votre mémoire, à 65% disent:
Non, ce n'est pas une bonne idée de garder une retraite obligatoire.
C'est considérable, 65%, c'est assez curieux parce que les jeunes sont
plus nombreux à être contre cet âge de retraite obligatoire
que les gens de 50 ans et plus où, là, c'est 53%.
Alors, il y a différentes choses à répondre
à ceux qui nous disent: Votre loi va priver les jeunes d'emploi. On en a
beaucoup parlé hier, c'est un raisonnement qui, même à
l'absurde, pourrait nous mener à des affirmations comme celle-ci: Chaque
fois qu'un homme prend un emploi, il l'enlève à une femme, ou
vice versa. En regard du nombre relativement limité de personnes de 65
ans et plus qui vont vouloir continuer de travailler, on ne considère
pas que cela va avoir des répercussions importantes par rapport à
la privation d'emploi pour des jeunes.
Toutes vos remarques concernant les problèmes qui entourent le
chômage, on est obligé, évidemment, de partager vos
inquiétudes, vos préoccupations sur le taux élevé
de chômage que l'on connaît chez les jeunes, en particulier, mais,
indépendamment de ce projet de loi, tout ce que nous disons, c'est: Ne
mélangeons pas les problèmes. Il y a un problème qui est
ressenti et tous les groupes de personnes âgées qui sont venus ici
ont été unanimes à dire que c'est une bonne mesure: la
Fédération de l'âge d'or, l'association du Québec
pour les retraités, le Forum des citoyens âgés de
Montréal. Enfin, s'il y a quelqu'un qui devrait pouvoir évaluer
la situation, c'est bien ces gens qui sont directement concernés. Alors,
tous ces gens nous disent: C'est une bonne mesure, adoptez une telle loi. Les
jeunes, d'autre part, quand on procède par sondage scientifique, disent
aussi, encore plus fort que les personnes âgées de 50 ans et plus,
aux deux tiers: II faut abolir cette obligation de la retraite à un tel
âge.
En conclusion, je retiens que vous voudriez qu'on remédie le plus
rapidement possible au taux de chômage élevé dans notre
société, en particulier chez les jeunes. On vous répond:
Oui, il faut faire des efforts dans ce sens. Les efforts que nous faisons dans
le sens de la création d'emplois pour les jeunes ne sont pas
affectés négativement par l'abolition de l'âge obligatoire
de la retraite. Merci.
M. Labrecque: Est-ce que je pourrais vous poser une question?
Pourquoi le législateur l'avait-il établi à 65 ans il y a
quelques années? Quels étaient, à ce moment-là, les
motifs qui l'établissaient?
M. Lazure: II y avait un mélange de motifs. D'abord et
avant tout, je pense que c'était pour protéger les vieux jours de
la main-d'oeuvre, que ce soit en Allemagne, en France ou ailleurs.
C'était aussi, si vous voulez, pour faciliter l'accès, dans son
esprit, à une main-d'oeuvre plus jeune. Le raisonnement que vous
développez vis-à-vis
de cette espèce d'éventail, admettons, de 18 ans 65 ans,
si on continue ce raisonnement, vous pourriez dire: Montons de 18 ans à
22 ans et on va réduire d'autant le chômage, ou baissons
l'âge obligatoire de la retraite de 65 à 63 ou 60 ans et on va
réduire d'autant le chômage. Cela part d'une bonne intention, mais
je pense que vous faites un accroc sérieux à la liberté de
l'individu quand il est en bonne santé.
Il faut bien se souvenir que l'état de santé de la
population, à l'époque de Bismarck, en Allemagne, lorsque la
première loi a été adoptée pour l'âge de la
retraite, dans les années mil huit cent quatre-vingt, n'était pas
ce qu'il est aujourd'hui. L'espérance de vie était à peu
près de 45 à 50 ans et, aujourd'hui, c'est tout près de 77
ou 78 ans. Si on voulait garder les proportions et absolument imposer un
âge de retraite obligatoire, qui avait été de 65 ans
lorsque l'espérance de vie était, admettons, de 50 ans, on
devrait monter, si on veut absolument garder un plafond, à 75 ou 80 ans,
étant donné que l'espérance de vie est beaucoup plus
élevée qu'elle ne l'était à ce
moment-là.
M. Labrecque: Oui, mais vous oubliez que le travail et les
techniques de travail réduisent coûte que coûte le nombre
d'ouvriers nécessaires pour la même productivité. Il faut
savoir aussi que, dans une certaine mesure, le jeune citoyen a une vie à
organiser, tandis que le citoyen âgé de 65 ans devrait, au
contraire, ne pas garder certains emplois; s'il les garde c'est parce qu'ils
sont très payants et d'autre part il prive l'accès à une
expérience et à une efficacité le jeune citoyen moyen de
30 ou 40 ans, parce que le directeur est devenu tellement éminemment
compétent qu'on ne peut plus s'en passer. À ce moment, je
considère qu'il y a là un sacrifice; on sacrifie quelqu'un. Moi,
j'aime mieux sacrifier une personne de 65 ans et plus et encourager un jeune
employé de 30 ans et plus, parce qu'à un moment donné il
faut que la tâche soit faite par un des deux.
M. Lazure: M. le Président, je veux simplement ajouter
encore une fois que les jeunes répondent: Oui, il faut abolir cette
obligation de la retraite.
M. Labrecque: Cela, je vous le dis...
M. Lazure: Là, vous présumez que les jeunes ne
parlent pas en connaissance de cause, mais...
M. Labrecque: Non, je dis simplement que l'enquête
s'interprète comme on le veut et se vit autrement.
M. Lazure: Si vous voulez, mais juste une dernière
remarque.
M. Labrecque: Les jeunes vivent, en tout cas, la situation
économique beaucoup plus terriblement que les personnes
âgées. Cela je peux vous le dire.
M. Lazure: Mais, on l'a dit hier, les jeunes ne peuvent pas
nécessairement prendre la place de la personne de 65 ans dans bien des
types d'emplois. Le jeune de 20 ans n'est pas du tout apte à remplir
l'emploi que la personne de 65 ans doit laisser.
M. Labrecque: C'est pour cela que je vous disais que votre loi
serait raisonnable, dans une certaine mesure, si elle était
associée d'une précision quant au plan de carrière, comme
on en a parlé dans la première intervention qui m'a vraiment
frappé, parce que c'était une expression que j'ai trouvée
très heureuse. Le plan de carrière permettrait à quelqu'un
de savoir quels seront les échelons, quelles seront les balises de sa
carrière et quel sera à un moment donné le sens de sa vie.
Alors qu'actuellement vous laissez tout simplement la chose dans le vague et
vous dites: Selon les circonstances, selon le hasard des vies individuelles, on
aura peut-être la chance de travailler jusqu'à 75 ans, mais
peut-être aussi la chance... C'est cette confusion qui m'apparaît
un petit peu déplorable et c'est pour cela que je tiens toujours, en
tant que simple citoyen, à ce que les lois soient le plus claires
possible et passablement les mêmes pour tout le monde.
Quant aux problèmes de discriminations et de discrétion,
je vous l'ai dit, ces mots je les prends parce qu'ils entrent bien dans un
discours, mais, au fond, dans la vie, il y a beaucoup de ces
éléments dont il faut tenir compte: quelquefois ils sont
cachés, latents, et quelquefois ils sont visibles et
évidents.
M. Lazure: Mais vous demandez dans votre mémoire qu'on
laisse beaucoup de place aux conventions de travail. On est d'accord
là-dessus; c'est grâce aux conventions de travail, bien souvent,
que l'âge de la retraite obligatoire a été abaissé
de 70 à 65 ans...
M. Labrecque: C'est cela.
M. Lazure: ... de 65 à 60 et même à 55 ans
dans certains cas...
M. Labrecque: Oui.
M. Lazure: Cela va continuer. Encore une fois...
M. Labrecque: Je l'espère.
M. Lazure: ... comprenons-nous bien, le
projet de loi n'a pas pour but d'inciter, encore moins de forcer la
personne âgée à continuer de travailler. Les syndicats,
s'ils le désirent, si ça correspond au voeu de leurs membres,
vont continuer de réclamer autour de la table de négociation avec
le patron - des retraites anticipées. On sait fort bien que le courant
est dans ce sens, on est conscient de ça, mais un courant
n'empêche pas aussi un autre courant qu'on constate dans notre
société et qui est d'abolir toutes les formes de discrimination
ou le plus possible.
C'est dans ce sens que nous présentons le projet de loi 15, qui
va permettre à un petit nombre - un nombre beaucoup plus petit que
l'autre groupe - de gens de continuer à travailler, alors que le nombre
de ceux ou celles qui vont cesser de travailler avant 65 ans va aller en
augmentant.
M. Labrecque: Je vous l'ai dit, ma crainte c'est la perturbation
que ce petit nombre peut causer aux marges du champ du travail...
M. Lazure: Je respecte votre crainte, mais il semble que toutes
les prévisions et les expériences ailleurs n'ont pas
apporté de fondement à ces craintes qui avaient été
exprimées aussi en 1978 lorsque le Congrès américain a
passé sa loi.
Le Président (M. Boucher): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. À mon
tour, je veux remercier M. Labrecque de son mémoire. Je vais être
très brève, parce qu'il y a déjà eu passablement
d'échanges entre le ministre et vous-même. Je vois que le ministre
respecte votre crainte mais sans avoir été capable de l'apaiser.
Je ne tenterai pas non plus de le faire. Je voudrais d'abord signaler que
j'aime bien ça quand il y a un mémoire qui arrive et qui remet
quand même en question des choses que tout le monde tient pour acquises,
ça oblige à une réflexion plus avancée. Dans ce
sens, je pense que vous apportez un message intéressant. (13 heures)
La question du chômage des jeunes, évidemment, vous
préoccupe fort. C'est bien plus rattaché à une question
économique, je pense, qu'à la possibilité qu'un certain
nombre de personnes prolongent leur emploi au-delà de 65 ans. Personne
ici ne peut savoir quelle répercussion l'un a sur l'autre. Par les
projections qu'on peut faire, il semble que ce soit minime, mais on
connaît déjà 17%, 18% de chômage chez les jeunes.
Même s'il n'y avait que 2% de gens qui continuaient à travailler
en disant que les emplois des uns correspondent aux autres, ce n'est pas
nécessairement le cas, on le sait. De toute façon, je ne veux pas
revenir sur ce sujet.
Il y a deux choses que vous soulignez dans votre mémoire, je les
cite: "Les besoins prioritaires de la société actuelle ne sont
pas ceux des retraités actuels ou futurs, mais bien ceux de la jeunesse
et des jeunes familles. Il faut reconnaître l'énormité des
sommes que l'État consacre à ces deux réseaux et il est
évident qu'elles paraissent tomber dans un gouffre." Pourriez-vous,
brièvement, développer ça? Ma deuxième question,
compte tenu du temps: vous signalez, à l'avant-dernière page de
votre mémoire, que, dans bien des cas, des personnes qui poursuivront
après 65 ans accompliront un travail à rabais. Vous êtes la
première personne qui signale ça. Dans les deux cas,
pourriez-vous développer ça?
M. Giguère: Disons qu'à un moment donné j'ai
vu les gouvernements essayer de créer des emplois pour les jeunes, des
projets soit fédéraux ou provinciaux. Rappelez-vous les projets
PIL ou rappelez-vous, au tout début des années soixante, ce
fameux projet de resituation des gens de la Gaspésie. Et là, on a
eu le grand espoir de créer toutes sortes d'organisations
économiques, de nouveaux modes de vie économique dans ces
régions. On a investi des sommes considérables et au bout de
quelques années on s'est aperçu qu'on avait détruit des
milieux de vie et qu'il ne restait plus rien, parce qu'un gouvernement
commençait un projet et il disait à l'autre: Prends la suite. Je
me souviens que les critiques du gouvernement provincial contre le gouvernement
fédéral concernant les projets PIL ont justement
été celles-là. Le gouvernement fédéral
commençait un projet pour créer de l'emploi et, à un
moment donné, il laissait tout tomber et il disait au provincial: Prends
la suite. À ce moment-là, vous voyez le genre. C'est ce que
j'appelle de l'argent qui semble tomber dans un gouffre parce qu'il y a
là un manque de perspective, un manque de planification et
d'intégration des capacités des deux gouvernements à
créer de l'emploi ou à créer des conditions de vie
intéressantes pour des jeunes travailleurs.
L'autre sujet: il est très naturel que certaines personnes,
passé 65 ans, soient encore intéressées à
être actives et même à participer à des tâches
que la vie économique leur propose. À ce moment-là, il
pourrait arriver, même si nos lois du travail sont très bien
appliquées, cette espèce de tentation qu'il y a de voir des
industries, des entreprises créer ce que j'appellerais un personnel avec
lequel elles n'auront pas à négocier très longtemps pour
lui donner un salaire. Ce sera toujours une négociation de personne
à personne. Ce type de travailleurs
n'aura pas, non plus, l'intention de s'organiser en syndicat, ni de
s'organiser de façon très représentative pour participer
à ce que je pourrais appeler, la gestion d'une entreprise. Il y aura
donc une sorte de danger de pression sur des personnes pour qui le goût
de l'activité est plus important que le salaire qui y sera
attaché. Par contre, l'employeur ou l'industrie en question sera
intéressé à avoir quelqu'un qui aime, qui va faire
très bien ce travail, il va lui payer un salaire dont l'autre se
contente, mais qui, dans une certaine mesure, pourra être un peu à
rabais par rapport à la valeur même de ce travail accompli. Je ne
sais pas si vous comprenez la situation. Comme je vous dis, ce sont des choses
qui sont à voir, à prévoir.
Mme Lavoie-Roux: C'est bien de le signaler, parce que dans le cas
des femmes plus âgées qui font du service domestique, comme les
femmes de ménage, elles acceptent souvent des conditions
inférieures à ce qu'une femme plus jeune gagnerait, par manque de
confiance ou parce que les circonstances s'y prêtent. Il faut quand
même dire que cette situation existe présentement. Peut-être
que cela l'augmentera. Mais c'est bon. Au moins, ce sont les groupes de
personnes âgées qui devraient être attentives à ce
genre de choses au moment où plus de personnes travailleront à un
âge plus avancé, parce qu'il pourrait se développer, d'une
façon plus généralisée, ce modèle, ce
pattern - excusez l'anglicisme - avec les personnes âgées qui,
souvent, on l'a dit depuis deux jours, vont aller travailler par
nécessité, pour arrondir un peu les coins à la fin du mois
plutôt que par intérêt.
M. Labrecque: Je voudrais terminer par ceci. Le retraité
est plus désireux de travail que d'argent au bout du compte. Il sait que
sa journée aura sa signification s'il a fait quelque chose, et non pas
si son compte de banque a plus ou moins fluctué par ses dépenses
quotidiennes. Je ne sais pas si vous comprenez que c'est une tentation
très forte, je la comprends, mais dans une certaine mesure, je
favoriserais qu'il puisse faire un travail, mais qui ne vienne pas perturber le
marché économique du travail tel qu'on le trouve actuellement
dans notre système économique.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup, M. Labrecque.
Le Président (M. Laplante): II me reste à vous
remercier, M. Labrecque, au nom de tous les membres de la commission.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 07)
(Reprise de la séance à 15 h 05)
Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous
plaît!
À la suspension, ce matin, nous en étions au groupe de
l'Intersyndicale.
Toutefois, avant de procéder, je voudrais faire part aux membres
de la commission d'une liste de mémoires qui ont été
présentés à la commission simplement pour
dépôt. Il s'agit du mémoire de M. Albert Vandelac, du
mémoire du Conseil du patronat du Québec, du mémoire de
Mmes Sancton, Schwarz et Vilim, du mémoire de la Chambre de commerce de
la province de Québec, du mémoire de M. Roland Labrie et du
mémoire du Conseil des gens d'affaires du Québec, qui ont
demandé simplement de déposer leur mémoire.
J'appelle immédiatement le groupe de l'Intersyndicale,
représenté par M. Norbert Rodrigue, pour la CSN. M. Rodrigue.
L'Intersyndicale
M. Rodrigue (Norbert): M. le Président, M. le ministre,
mesdames, messieurs de la commission parlementaire, nous aurions pu nous
contenter de déposer notre mémoire, mais nous avons cru que le
sujet était suffisamment important et que toutes les questions qui
entourent ce projet de loi étaient suffisamment importantes pour que
nous venions donner notre opinion et exprimer notre point de vue sur un certain
nombre de questions et de revendications.
Avant de commencer, M. le Président, avec votre permission, je
voudrais souligner les organisations regroupées dans l'Intersyndicale
pour les fins de la présentation de ce mémoire: le Syndicat des
employés de magasins et bureaux de la SAQ, représenté par
Ronald Asselin, à mon extrême gauche; la Fédération
québécoise des infirmières et infirmiers,
représentée par Simon Barrette, à ma gauche aussi; la
Fédération des syndicats professionnels des infirmières et
infirmiers du Québec, représentée par Hélène
Pelletier; la Fédération des infirmières et infirmiers
unis, représentée par Berthe Martin. Normalement, elles devraient
être ici, mais je pense qu'elles sont absentes pour l'instant.
Mme Martin (Berthe): Je suis ici, monsieur, Berthe Martin.
M. Rodrigue (Norbert): Oui, d'accord, très bien. Il y a
aussi la Fédération des associations de professeurs de
l'Université du Québec, représentée par
Marie-Andrée Bertrand; l'Association provinciale des enseignants
protestants du Québec, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux,
représenté par Jean-Louis Harguindeguy et Jean-Guy
Fréchette; la Centrale de
l'enseignement du Québec, représentée par Robert
Gaulin, le président; l'Association provinciale des enseignants
catholiques et la Confédération des syndicats nationaux.
Le mouvement syndical, M. le Président, s'est montré
favorable en de multiples occasions à l'abolition de l'âge de la
retraite obligatoire. Cependant, la simple abolition de l'âge de la
retraite obligatoire n'est qu'accessoire au problème entier et beaucoup
plus vaste du droit à la retraite et à l'établissement
d'un revenu minimum décent. À notre avis, ce droit à la
retraite doit être assorti de plusieurs législations importantes
et le décloisonnement de l'âge de la retraite doit être
accompagné de plusieurs concordances obligatoires à
réaliser simultanément.
Sans pour autant être exhaustifs, nous voudrions signaler les
points suivants: les législations importantes, à notre point de
vue, c'est la situation des personnes qui ne participent pas à un
régime privé de retraite, le rapport COFIRENTES que vous
connaissez probablement tous et toutes, la situation des femmes, l'âge
normal de la retraite, la discrimination en raison de l'âge, les
barèmes d'aide sociale, la politique de la main-d'oeuvre. En ce qui
concerne les concordances obligatoires à réaliser, il y a les
mécanismes de protection, la concordance avec la pension de
sécurité de la vieillesse, le Régime de rentes du
Québec ou le régime de rentes du Canada, la concordance avec la
loi des régimes supplémentaires de retraite, les
bénéfices de l'assurance-chômage, l'assurance-salaire, la
préretraite et les conventions collectives.
Il y a moins de 43% des Québécois qui ont des revenus
autres que ceux des régimes publics. De plus, seulement 1 $ sur 7 $ du
revenu des personnes âgées provient de régimes
supplémentaires de rentes, tandis que 3 $ pour chaque 5 $ proviennent
des programmes publics, soit fédéraux ou provinciaux. Comment
corriger d'une manière égale la situation des personnes qui n'ont
pas l'opportunité de participer à un régime privé
de retraite? Est-ce dire que les personnes qui sont riches pourront prendre
leur retraite plus tôt que 65 ans, sinon à 65 ans, et que celles
qui sont pauvres devront continuer à travailler en dépit de leur
âge à cause de l'insuffisance de leur revenu au moment de la
retraite? Le projet de loi no 15 ne parle pas de cette question,
évidemment.
Quand cessera-t-on de considérer que la retraite est un avantage
qu'on peut se payer si on a été prévoyant, si on doit
continuer à travailler jusqu'à son décès? Quand
est-ce que l'on va considérer que la prise de la retraite avec un revenu
suffisant et à un âge normal est un droit plutôt qu'un
privilège?
Or, le mouvement syndical considère, d'autre part, inadmissible
l'insertion du projet de loi no 15 dans toute l'industrie des régimes
supplémentaires de retraite pour corriger l'insuffisance de revenu des
plus de 65 ans. La voie normale de procéder par correctifs au
régime public existant serait de beaucoup souhaitable puisque les
statistiques déjà fournies démontrent que seulement 43% de
la population est couverte par les régimes supplémentaires de
rentes.
Un comité formé par le gouvernement du Québec a
déjà examiné toutes ces questions et a
déposé, en 1977, un rapport au ministère des Affaires
sociales. Ce rapport et ses conclusions sont demeurés, depuis ce temps,
lettre morte. Nous trouverions plus logique que le gouvernement du
Québec commence à mettre en application les différentes
recommandations contenues au rapport COFIRENTES, même si, on doit
l'avouer, plusieurs points de désaccord y ont été
manifestés en ce qui nous concerne.
La situation des femmes. Lorsqu'on examine la situation
particulière des femmes en ce qui concerne leur participation à
un régime supplémentaire de retraite, on se rend bien compte que
ce ne sont pas les modifications apportées par le projet de loi no 15
qui vont améliorer leur situation. En effet, 66% de la population
féminine ne participe pas à un régime de retraite. Ce
n'est pas le fait de demeurer au travail qui va leur permettre
d'améliorer le revenu de rentes qu'elles auront lorsqu'elles cesseront
de travailler. De toute manière, il n'y a pas de revenu de travail pour
les femmes qui demeurent à domicile. Le projet de loi no 15, qui n'a
certes pas la qualité d'être un projet de loi global, est tout
à fait muet sur cette facette du problème et a donc comme
conséquence de maintenir les femmes dans une situation tout à
fait différente des hommes sur ce point.
Le mouvement syndical serait tout à fait disposé à
considérer le décloisonnement de l'âge obligatoire de la
retraite au-delà de 65 ans à la condition, également,
d'abaisser aussi cet âge pour en arriver à établir une
politique souple à cet égard.
Particulièrement, nous aimerions voir s'introduire un
élargissement du concept de l'âge normal de la retraite. Est-il
vain de rappeler que certaines catégories de main-d'oeuvre n'ont pas
à se demander si elles pourront repousser au-delà de 65 ans leur
âge de retraite; elles meurent avant d'y arriver, compte tenu de la
dureté de leur milieu de travail.
Comment ne pas songer, par exemple, à la discrimination en raison
de l'âge, cette dimension où des employeurs sans scrupule
congédient des salariés en raison de leur âge. Les mises
à pied sont fréquentes et, à cet âge, rien, dans la
Charte des droits et libertés de la personne, ne vient protéger
le travailleur ou la travailleuse. À quoi sert un droit tel que celui
qu'accorde le projet de
loi no 15 si, par ailleurs, ce droit n'est pas protégé au
titre de la discrimination? On constate qu'il y en a beaucoup à ce
chapitre. Sans élaborer sur un sujet aussi transparent, laissons parler
la Commission des droits de la personne du Québec, dans son cahier 3,
page 50, en regard de l'article 19 de la charte des droits de la personne. La
commission parle des motifs interdits de discrimination: "II demeure toutefois
un grand absent: l'âge. Parce qu'il est la source de la mise à
l'écart d'une portion de la population qui a contribué sa large
part au service de la collectivité et qui, ce faisant, a pu
développer une grande richesse d'expérience, la Commission des
droits de la personne souhaite voir ce motif ajouté à la liste
actuelle. L'effet de cet ajout se manifesterait sans doute
particulièrement au niveau des avantages sociaux. Nous avons d'ailleurs
exprimé ce point de vue, parce que nous le partageons, à la
Commission des droits de la personne et à la commission parlementaire
qui siège au même moment sur la Charte des droits et
libertés de la personne. Un droit, quant à nous, n'existe que
dans la mesure où il peut être utilisé sans contrainte et
sans discrimination.
En ce qui concerne les barèmes d'aide sociale, le projet de loi
15 ne règle rien en termes d'insuffisance des revenus des personnes
à la retraite. Nous croyons que cette situation de l'insuffisance des
revenus doit être traitée dans son ensemble. Cette approche, selon
nous, devrait passer par le relèvement des barèmes d'aide sociale
à tous les niveaux, tant avant qu'après la retraite. Il nous
semble urgent que le gouvernement mette en place un vrai régime de
revenu minimum garanti intégré. (15 h 15)
La multiplication de différentes mesures qui ont toutes un
rapport avec le seuil de pauvreté et qui proviennent de
différents niveaux de gouvernement impose qu'on s'attaque à ce
problème de pauvreté de façon cohérente et
décisive.
Ces mesures économiques et sociales devraient toucher des aspects
tels que le salaire minimum, le coût du logement, les hauts taux
d'intérêt, le système de taxation, l'endettement des
individus et des familles, l'indexation des tables d'impôt au coût
de la vie, les disparités régionales, etc.
La politique de main-d'oeuvre. Le projet de loi 15 nous amène
aussi à insister sur une véritable politique de main-d'oeuvre qui
permettrait l'existence d'un réel droit au travail pour tous et pour
toutes. Nous traversons une période, je pense qu'on n'a pas à la
décrire tellement longtemps, où le chômage atteint des
records sans précédent, où la planification des besoins de
la main- d'oeuvre nous montre son échec à peu près total.
C'est à se demander s'il existe d'abord une vraie planification des
besoins en main-d'oeuvre. Comment pouvons-nous ne pas nous interroger sur
l'existence du projet de loi 15 quand les problèmes de main-d'oeuvre et
de chômage ne sont pas résolus? Et aussi, comment ne pas nous
interroger sur la reconnaissance du droit au travail, non seulement pour les
plus âgés, mais aussi pour tous, car on ne veut pas entrer dans un
débat d'opposition entre les jeunes et les moins jeunes? Ce que nous
disons cependant, c'est que la perspective du projet de loi vient accorder un
droit au travail pour ceux qui ont 65 ans et qu'on ne retrouve pas ce
même droit là en termes d'application pour l'ensemble des
travailleurs et travailleuses.
En ce qui concerne les concordances obligatoires à
réaliser, selon notre point de vue, il y a les mécanismes de la
protection. L'article 2 du projet de loi 15 prévoit qu'une personne
congédiée, suspendue ou mise à la retraite parce qu'elle a
atteint ou dépassé l'âge de la retraite ou le nombre
d'années de service prévu, pourra loger une plainte au
commissaire du travail et être entendue selon les mécanismes du
Code du travail applicables au congédiement pour activités
syndicales. Sans nous y arrêter, il nous faut souligner que l'employeur
ne serait pas empêché d'exercer des représailles avant
l'atteinte de l'âge de la retraite, ni ne contreviendrait à la loi
en exerçant d'autres formes de représailles que le
congédiement, la suspension et la mise à la retraite.
Particulièrement dû au nombre de causes, aux délais
impartis, aux technicités juridiques et aux coûts, il faut
indiquer que les limites du recours sont telles qu'il devient illusoire
d'espérer une protection sérieuse des droits.
Je voudrais juste souligner qu'actuellement nous faisons des
représentations au niveau du Code du travail. En ce qui concerne les
plaintes de congédiement pour activités syndicales, qui est le
même processus que suggéré dans le cas qui nous concerne,
nous avons des délais d'attente entre huit mois et un an pour trouver
une réponse en termes de décision soit des commissaires, soit du
Tribunal du travail dans les circonstances actuelles. On a un peu et beaucoup
de craintes quant aux autres cas qui pourraient se produire en ce qui concerne
les questions relatives à la retraite.
En ce qui concerne les concordances avec la pension de
sécurité de la vieillesse, le RRQ et le RRC, puisque le projet de
loi 15 est muet sur cette question, force nous est de conclure que la personne
qui continuerait de travailler plutôt que de prendre sa retraite
recevrait les différents bénéfices provenant des
régimes publics, c'est-à-dire pension de sécurité
de la vieillesse du Canada et Régime de rentes du
Québec. Si cette hypothèse n'est pas exacte, nous
aimerions alors connaître d'une manière non ambiguë les
dispositions qui ont été prises pour déterminer le moment
où ces bénéfices seront payables. Les personnes
concernées auraient-elles à la fois un double statut de
retraité et de cotisant? Nous posons la question parce que ça
nous paraît important.
En ce qui concerne les concordances avec les régimes
supplémentaires de retraite, si le projet de loi 15 a, entre autres
objectifs, celui de permettre au travailleur ou à la travailleuse
d'améliorer l'état des bénéfices de rentes qu'il ou
qu'elle recevra alors qu'il ou qu'elle cessera de travailler, il faut convenir
que cela n'a pas un grand effet sur les exemples illustrés dans les
tableaux présentés en annexe. Vous pourrez consulter les tableaux
2, 3, 4, 5, 6, 7. Or, dans les dispositions du projet de loi 15, il n'est
aucunement indiqué qu'une personne qui continue de travailler
après 65 ans voit le montant de sa rente amélioré, sauf
qu'elle a à "cotiser au régime qui lui est applicable". Ce qu'on
constate, selon nos calculs, c'est que quelqu'un qui, en vertu du projet de loi
15, continuerait à travailler pendant cinq ans pour prendre sa retraite,
par exemple, à 70 ans, fondamentalement, au niveau de sa rente, ne
bénéficierait d'à peu près rien pour les
années supplémentaires où il aurait travaillé.
Celui qui aurait pris sa retraite à 65 ans se situerait en termes de
revenu à peu près un même niveau que celui qui a
continué à travailler pendant cinq ans. Ce qu'on pose comme
question: Est-ce que ces travailleurs qui ne prendront pas leur retraite
à 65 ans, mais qui décideront de travailler pourront
bénéficier d'ajustements équivalents à leurs
rentes, en surplus de ce qui est déjà prévu pour des
besoins de revenus et répondre à leurs besoins fondamentaux?
À défaut de précision dans le projet de loi 15, nous
devons conclure dans le sens prévu au précédent paragraphe
et affirmer que le projet, sur ce point, est tout à fait
insuffisant.
Les bénéfices de l'assurance-chômage. Un autre
aspect du problème n'a pas été, à notre sens,
examiné, c'est celui de l'assurance-chômage. Actuellement, il est
prévu qu'une personne, lorsqu'elle prend sa retraite à 65 ans,
n'a pas d'autres bénéfices à recevoir de
l'assurance-chômage qu'une prestation de trois semaines, dans le but de
lui permettre d'attendre le paiement des bénéfices de rente
auxquels elle a droit.
Comme, dans le projet de loi 15, aucune concordance avec cette situation
n'a été faite, une personne qui demeure sur le marché du
travail cesse d'être couverte par l'assurance-chômage. Les
fermetures d'usine et les surplus de personnel sont fréquents, vous en
savez quelque chose de ce temps-ci. Quelle protection aura alors une personne
devant les situations qui l'attendent de toute manière, rendue à
cet âge? Le projet de loi 15 est muet à ce chapitre. Le
décloisonnement de l'âge obligatoire ne risque-t-il pas
d'être théorique alors?
Voici ce qu'on pose comme question. On a perçu qu'il n'y avait
pas eu de démarche avec le bureau d'assurance-chômage dans la
perspective où l'âge obligatoire de la retraite devient ouvert,
où il n'y a plus d'obligation à 65 ans. Pour le gars ou la fille
qui va continuer à travailler entre 65 ans et 70 ans, bien sûr, il
y a toute la question de juridiction, mais comme l'assurance-chômage
prévoit que quand tu arrives à 65 ans, tu as droit à trois
semaines d'assurance-chômage, est-ce qu'à 68 ans, si tu as
continué à travailler, si tu es mis à pied, tu vas pouvoir
bénéficier de l'assurance-chômage? On pose la question
à savoir s'il y a eu des démarches faites, on s'interroge
là-dessus.
En ce qui concerne la question de l'assurance-salaire, beaucoup de
travailleurs et de travailleuses couverts par une convention collective ou non,
bénéficient d'un régime d'assurance-salaire accordant une
prestation d'invalidité long terme jusqu'à 65 ans.
Puisqu'en vertu du projet de loi 15, un travailleur ou une travailleuse
peut demeurer au travail après 65 ans, pourquoi cette limite de 65 ans
demeurerait-elle dans ces régimes ou conventions collectives? Quelle
sera la conséquence du décloisonnement sur ces régimes
d'assurance-salaire et sur les niveaux des primes payables? Le
législateur n'a-t-il pas à faire certaines concordances
importantes à ce niveau-là? Le gouvernement, par son projet de
loi 15, a-t-il sondé auprès du marché des assurances
l'impact d'une telle approche? Si oui, quelles sont les mesures prises, les
conséquences et les prix?
Ce sont des questions que nous voulons poser et nous aimerions avoir des
réponses. Encore une fois, nous pensons que le projet, à sa
lecture, est muet sur cette question.
En ce qui concerne les préretraites et les conventions
collectives, à l'article 7 du projet de loi 15, il est dit que la loi ne
s'applique pas à une personne qui est à la préretraite
à la date de sanction du projet de loi. Faut-il comprendre que les
personnes qui continuent de travailler après l'âge de 65 ans ne
seront pas admissibles à la préretraite? A-t-on prévu
faire les concordances à cet effet au niveau des conventions
collectives, par exemple? Certains avantages obtenus par convention sont-ils
alors unilatéralement soustraits? Encore là, le projet de loi 15
ne répond pas à cette question. La question est très
simple, c'est que dans certains secteurs, au moment où on se parle, il
arrive que quelqu'un qui arrive à 64 ans, alors que l'âge de
la
retraite est de 65, plutôt que de s'inscrire dans un processus de
"bum ping" et de fermer la porte à un plus jeune travailleur qui
pourrait occuper son poste, décide à 64 ans de s'en aller en
préretraite. Il y a des dispositions contenues dans les conventions qui
lui permettent de le faire. On dit: Si l'âge de la retraite était
plafonné, est-ce qu'on a pensé à faire ces concordances et
quelle serait la situation de ces travailleurs dans cette perspective
éventuellement?
En ce qui concerne le reste des questions, nous pensons avec respect,
sans équivoque, que le projet de loi 15 constitue en quelque sorte le
résultat de promesses électorales faites dans le but de
répondre à un certain besoin, mais de plaire aussi à une
partie de la population qui n'a vu dans ce geste que du feu, parce qu'on
constate que c'est beaucoup plus large que le déplafonnement ou le
décloisonnement. Le projet de loi 15 pour nous est incomplet et il
laisse de côté de véritables problèmes. Il vient
masquer une situation beaucoup plus grave, quant à nous, c'est la
question de l'insuffisance des revenus.
Dans un deuxième temps, il nous faut constater qu'il a
été préparé à la hâte tellement ces
insuffisances sont nombreuses. Il ne s'agit pas de décloisonner
uniquement ou de déplafonner. Nous pensons déjà que les
questions de retraite sont tellement complexes et qu'il y a tellement
d'intervenants dans ces questions qu'il nous faut aller plus en profondeur. Un
tel projet de loi, c'est manifeste, a comme conséquence une
récupération financière de la part des employeurs. Un tel
projet de loi a comme effet de diminuer proportionnellement les contributions
des employeurs en ce sens que les obligations des régimes sont
diminuées. Généralement, la contribution de l'employeur
est déterminée par le solde du coût, alors que celle de
l'employé est fixe. Cette diminution des obligations des régimes
provient principalement du fait que les retraités
bénéficieront d'une pension au régime
supplémentaire de retraite pendant une période plus courte en
demeurant plus longtemps sur le marché du travail pour plusieurs. On ne
se compte pas d'histoires là-dessus. Il y a plusieurs fonds de retraite
ou régimes de retraite supplémentaires où effectivement
l'employeur, c'est le solde qui le concerne. Si tu travailles jusqu'à 70
ans, tu peux mourir entre 65 et 70 ans, d'abord, et si tu ne meurs pas, tu
écourtes, tu rapetisses un peu l'obligation de l'employeur parce que
cela ne se situe pas de la même façon dans le temps. Par
conséquent, les cinq ans, cela veut dire que l'employeur n'a pas besoin
de les combler. Selon nous, cela constitue de la récupération
pour les employeurs.
En conclusion, M. le ministre et M. le Président, le mouvement
syndical, en principe, n'est pas en désaccord avec le
décloisonnement de l'âge de la retraite obligatoire.
Cependant, le projet de loi 15 n'est pas, à notre avis, à
lui seul suffisant pour corriger le faible revenu des personnes à leur
retraite et n'est pas adéquatement assorti de dispositions quant
à différents avantages sociaux existants.
C'est pourquoi l'ensemble des organisations devant vous demande au
gouvernement qu'il s'engage à procéder à une
révision complète de la législation pour une politique de
retraite qui tienne compte des besoins réels.
J'ajouterais, cette fois-ci, un commentaire uniquement au nom de
l'organisation que je représente. Cela n'engage pas les autres
participants. Mais, de plus, M. le ministre, nous vous invitons, comme
responsable de ce dossier, à regarder toutes les implications - en tout
cas la CSN l'a fait - économiques de ce dossier, c'est-à-dire que
nous continuons de prétendre, quant à nous, que ces montants, ces
contributions payées par les travailleurs et les travailleuses
québécois et québécoises constituent en quelque
sorte ou pourraient constituer, devrais-je dire, des leviers économiques
importants pour notre société, plutôt que d'être
investies dans des trusts privés, d'être investies aux
États-Unis, où on a besoin d'aller emprunter, par la voie
d'Hydro-Québec ou d'autres, des montants à des forts taux
d'intérêt. J'ajoute cela, comme président de la CSN, parce
que cet aspect nous paraît important. Je ne voudrais pas faire
dévier le débat, mais, comme la mémoire est une
faculté qui oublie, je ne cours pas de risque, je vous le rappelle.
Cela termine pour l'instant la lecture du mémoire. On est
disponible pour répondre aux questions.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Rodrigue. M. le
ministre.
M. Lazure: M. le Président, je veux remercier les
porte-parole de l'Intersyndicale pour leur présence. Je suis content
effectivement qu'ils soient venus. Je veux les féliciter pour le
sérieux qu'ils ont apporté, comme d'habitude, à la
préparation de leur document.
Il y a un grand nombre de questions soulevées par le porte-parole
de l'Intersyndicale. Je vais essayer de répondre aux principales, quitte
à ce qu'on prolonge l'échange pendant un certain temps.
Je dois d'abord noter, puisque le porte-parole l'a encore
répété à la fin de son intervention, et il faut
retenir que, sur le fond du projet de loi qui vise à abolir cette
discrimination reliée à l'âge au moment de la retraite, il
y a un accord.
M. Rodrigue (Norbert): Il n'y a pas de désaccord.
M. Lazure: II n'y a pas de désaccord et je me permets de
conclure qu'il y a un accord. C'est mon privilège. J'oserais même
dire aussi qu'il y a un accord entre nous lorsque vous affirmez que c'est un
projet de loi insuffisant. On ne l'a pas caché depuis quelques jours -
je m'excuse pour ceux et celles qui sont ici depuis hier matin; il y a
forcément toujours un peu de répétition dans nos
interventions - mais je dois encore une fois affirmer bien fort que, pour nous,
c'est clair que ce projet de loi en soi ne constitue qu'une étape
très préliminaire, si vous voulez, ou modeste, très
modeste, quand on considère l'ensemble de la révision majeure
qu'il faut apporter aux régimes de rentes, aussi bien publics que
privés. Là aussi on est d'accord. (15 h 30)
Autrement dit, c'est un projet de loi qui n'a pas de prétention,
mais qui veut régler un problème. Pendant qu'on a
travaillé à ce projet de loi, on a travaillé aussi
à des corrections au Régime de rentes du Québec et aux
5000 régimes supplémentaires de rentes, les régimes
privés. Je vous dis encore une fois, surtout quand vous évoquez
les 55% de travailleurs et de travailleuses qui n'ont pas de régime
supplémentaire de rentes, que c'est bien évident que ce n'est pas
par ce projet que nous les aidons surtout. Cela va les aider de façon
marginale pour les quelques milliers qui voudront continuer de travailler, ce
qui n'est pas négligeable si on se place au point de vue de chaque
individu, mais, pour l'ensemble des milliers et des milliers de travailleurs
qui n'ont pas de protection par un régime supplémentaire, les
55%, pour nous c'est clair, et le gouvernement va indiquer ses orientations de
manière progressivement précise dans les jours qui viennent, que
c'est par le Régime de rentes du Québec que doit passer le
règlement ou l'amélioration du sort du revenu des 55% dont vous
parliez tantôt.
C'est important cette option que notre gouvernement fait en faveur de la
revalorisation du Régime de rentes du Québec. Certains
gouvernements ont opté pour, au contraire, une amélioration ou
même une extension des régimes supplémentaires, une
extension obligatoire des régimes supplémentaires à tous
les employeurs. C'est le cas de l'Ontario, par exemple; c'est l'orientation de
l'Ontario. D'autres gouvernements - un autre en tout cas, celui de la
Saskatchewan - misent, comme nous voulons le faire, sur une révision
majeure du régime de rentes public.
Donc, pour les 55% de travailleurs et de travailleuses pour qui les
employeurs n'ont jamais offert un régime supplémentaire de
rentes, quant à nous, on ne vas pas continuer de se faire des illusions
sur l'empressement des employeurs à fournir des régimes
supplémentaires; on va plutôt s'occuper de présenter le
plus rapidement possible à l'Assemblée nationale des
modifications au Régime de rentes du Québec.
Tout de suite j'enchaîne avec votre dernière remarque parce
que c'est tellement intimement lié. Vous parliez à titre de
président de la CSN, mais j'imagine que cela rejoint les
préoccupations de l'ensemble des travailleurs et des travailleuses. Il
est bien évident pour nous que ce projet, comme d'autre projets du
genre, ne constitue pas un remède important au sous-développement
économique ou aux problèmes de chômage qu'on éprouve
de ce temps-ci.
Par ailleurs, quand on s'arrête à une révision
majeure du Régime de rentes du Québec, par conséquent on
envisage non seulement de remettre à flot la caisse de la Régie
des rentes du Québec, mais de la garnir de manière que l'on
puisse utiliser ces sommes considérables - comme cela s'est fait
jusqu'à un certain point depuis bon nombre d'années, mais le
faire encore plus -à développer certains secteurs de notre
économie.
Cependant, on ne va pas négliger les régimes
supplémentaires parce que même si cela touche seulement 45% de la
main-d'oeuvre, il est bien évident qu'il faut non seulement apporter une
transférabilité à tous ces régimes de retraite
privés, mais surtout changer les règles du jeu. Nous avons la
conviction qu'une transférabilité sans changer les règles
du jeu n'apporterait pas grand-chose en bout de ligne. Alors, lorsque nous
parlons de changer les règles du jeu, nous parlons, par exemple, de
modifier pour les améliorer les critères
d'éligibilité.
Actuellement, la règle actuelle de 45 ans et 10 ans de service
nous paraît trop sévère. Un grand nombre de travailleurs et
de travailleuses ne peuvent pas toucher le régime supplémentaire
de rentes et, par conséquent, l'employeur fait de l'argent, si vous
voulez, sur le dos de cette main-d'oeuvre qui quitte l'emploi avant la
période de dix ans. On sait que, dans la plupart des pays d'Europe, les
critères d'admissibilité sont beaucoup moins
sévères. Très souvent, on ne demande qu'un an ou deux
d'ancienneté et on n'impose pas d'âge; quand on impose un
âge, c'est à peine 30 ans d'âge. C'est l'orientation que
nous avons en tête quant à la bonification des régimes
supplémentaires de rentes, les critères
d'admissibilité.
Mais il y a aussi d'autres règles du jeu, dans les régimes
privés, qu'il faudra changer.
Il y a la gestion de ces caisses. Là, on rejoint vos soucis
économiques. On est bien conscient, quand on se met à
étudier minutieusement tout l'ensemble de la situation des caisses de
retraite privées au
Québec, qu'il y a des milliards de dollars qui quittent le
Québec. Souvent, c'est l'épargne de petits travailleurs, de
travailleurs à revenu modeste, et cette épargne va soit aux
États-Unis, comme vous le disiez, soit en Ontario. Mais un très
petit pourcentage de ces épargnes est réinvesti au Québec.
On ne le sait même pas, parce que les règles du jeu ne nous
permettent pas de le savoir de façon claire.
Une autre règle du jeu qu'il faudra évidemment modifier,
c'est de rendre public le pourcentage de cotisation de l'employeur, de
définir ce pourcentage de cotisation. Dans beaucoup de régimes
supplémentaires privés, l'employeur n'a même pas à
dire quel est le pourcentage qu'il va contribuer à la caisse. Ce n'est
pas limitatif, ce n'est pas complet, mais je vous donne quelques exemples de
règles du jeu qu'il faudra changer dans les régimes
supplémentaires de rentes.
Le dernier point que je mentionnais hier, qui est important et qui vous
intéresse sûrement, débouche sur la vocation sociale des
régimes supplémentaires de rentes. Là aussi, on n'a
qu'à voir comment, dans la plupart des pays européens, les
travailleurs et travailleuses, bien souvent, dans des comités paritaires
avec l'employeur, ont réussi, grâce à ces caisses
accumulées, à se donner des services sociaux ou des services de
loisirs, des services sociaux dans le sens très large. Au fond, c'est
toute la gestion des fonds de retraite supplémentaires qui, jusqu'ici, a
été unilatérale, une gestion presque exclusivement de
l'employeur, du patron, et nous pensons qu'il est temps que les employés
aient une voix paritaire au chapitre de la disposition des caisses de
retraite.
Quand on parle des RSR, des régimes supplémentaires de
retraite, et qu'on envisage des changements, il y a un changement qui touche
les femmes de façon très particulière. Dans la plupart des
régimes supplémentaires de rentes, il n'y a pas de clause qui
prévoit ce qui s'appelle dans le jargon la rente réversible au
conjoint survivant, qui est habituellement la conjointe survivante. Dans
beaucoup de plans publics, on prévoit une rente réversible
d'à peu près 50%. Certaines entreprises c'est l'exception, ont
des plans de retraite assez potables qui prévoient cette rente
réversible de 50%. C'est une des règles qui devront être
apportées dans l'ensemble des modifications aux régimes
supplémentaires de rentes et qui, de façon très
réelle, de façon très directe, devraient toucher un grand
nombre de femmes au Québec.
Je continue dans l'ordre des questions que vous avez soulevées.
Vous avez parlé de la dureté - c'est l'expression que vous
employez - du milieu de travail. Dans l'engagement électoral à
plusieurs volets qui touche les personnes âgées, vous vous
rappelez sûrement que nous avons pris l'engagement de procéder le
plus rapidement possible - quant à nous, ce sera la deuxième
étape, une fois cette première franchie - par législation
à l'ouverture de la retraite anticipée à 60 ans dans un
premier temps et pour un premier groupe bien défini qui aura la
priorité sur tous les autres, soit le groupe des 60 ans et plus,
justement, qui ont oeuvré dans des milieux de travail difficiles, que ce
soit dans les fonderies, les mines, les forêts, peu importe. Les
travailleurs qui auront le moindrement d'invalidité, d'incapacité
- on a parlé de 25% - pourront se retirer à 60 ans avec non pas
25% de prestation d'invalidité, mais 100% de prestation
d'invalidité à ce moment-là. Nous allons présenter
cette modification le plus rapidement possible. Nous sommes conscients que
c'est un cheminement étapiste, mais je pense que surtout votre groupe,
qui a travaillé de façon si sérieuse sur le
mémoire, va comprendre que c'est effectivement un domaine
extrêmement complexe et que nous avons choisi d'y arriver avec des
changements étape par étape.
Il y a quelques questions encore, par exemple, le congédiement.
Vous dites: Bon, c'est peut-être beau d'enlever l'âge obligatoire
de 65 ans, mais qui vous dit que les employeurs ne se mettront pas à
congédier à 60 ans ou à 55 ans, comme, d'ailleurs, cela se
fait déjà? Votre crainte, c'est que cela se fasse encore plus. Je
pense que c'est une crainte qui est légitime. D'ailleurs, la
législation américaine de 1978 a une portée un peu plus
large quant à la discrimination. Ce n'est pas simplement l'abolition de
la discrimination pour l'âge obligatoire à la retraite, mais c'est
aussi une protection pour congédiement à partir de l'âge de
40 ans dans la législation américaine. En d'autres termes, si un
travailleur ou une travailleuse est congédié à 40 ans et
que la personne a des motifs de croire que c'était rattaché
à son âge, elle peut avoir recours au mécanisme qui est
prévu dans leur loi et qui dans leur cas est rattaché aussi au
ministère du Travail. Peut-être pas à partir de 40 ans,
mais peut-être à partir de 50 ans, on envisage d'introduire une
clause semblable dans le projet de loi final.
Ministère du Travail, Commission des normes, vous dites: II y a
déjà un certain embouteillage dans les services qui sont
dispensés par la commission. C'est exact, mais si c'est la formule
retenue dans le projet de loi final, il est bien clair qu'il faudra,
malgré les difficultés budgétaires qu'on connaît,
trouver le moyen d'augmenter le personnel comme on l'a déjà fait.
Chaque fois qu'on introduisait un nouveau service, mettons, que devait
dispenser la Commission des affaires sociales, on ajoutait un certain nombre de
personnes à la Commission des affaires sociales, puisqu'elle avait ce
nouveau
service à dispenser. Je pense que ce sera une chose à
laquelle il faudra s'attendre normalement.
Double statut du travailleur, retraité et travailleur. La
réponse c'est oui. Je pense que, si on vous avait dit avant que vous
commenciez la rédaction, que les articles 4 et 5 allaient être
modifiés radicalement, on n'aurait pas eu exactement les mêmes
remarques de votre part. Vous avez raison d'exprimer ce que vous avez
exprimé, c'était basé sur le projet 15. Nous avons
l'intention de retrancher l'article 5 complètement et de modifier
l'article 4. L'article 4 essentiellement va offrir trois choix à la
personne qui arrive à 65 ans et qui décide de continuer de
travailler. Elle pourra, justement, avoir le double statut; elle pourra
commencer de toucher sa rente tout de suite, tout en touchant son salaire et
sans investir quoi que ce soit. Deuxième choix, elle pourra vouloir
différer sa rente tout en investissant. Troisième choix, elle
pourra vouloir différer en n'investissant pas. Dans les deuxième
et troisième cas, là aussi la rédaction était un
peu ambiguë. Ces deux articles, 4 et 5, dans notre esprit, avaient une
portée transitoire. La rédaction sera claire cette fois-ci, elle
va clairement indiquer qu'il va y avoir une revalorisation de la rente
différée. (15 h 45)
Si la personne veut travailler trois ans de plus, c'est-à-dire
jusqu'à 68 ans et que sa pension normalement aurait été de
10 000 $ par année à partir de 65 ans, pendant 12 ans, si la
personne travaille trois ans de plus et, par conséquent, va toucher
trois ans de moins sa rente, il est bien évident qu'il faut valoriser
ses paiements mensuels ou annuels. Je pense qu'on se comprend là-dessus.
C'est une revendication que vous faites et vous avez raison de la faire. Au
plan de l'équité sociale, il nous paraît absolument normal
de procéder à cette revalorisation de la rente. Par
conséquent, on dispose d'une crainte que vous aviez que l'employeur
accumule des sommes sur le dos de l'employé, à toutes fins
utiles. Donc, le double statut sera permis.
Assurance-chômage. Il est évident que, et vous en
êtes bien conscients, si notre loi est adoptée à peu
près selon la lettre, comme je viens d'essayer de la décrire en
substance, il faudra que le gouvernement fédéral modifie ses
critères d'admissibilité à l'assurance-chômage. On
va le lui demander de façon officielle. J'ai un certain espoir que la
réponse puisse être positive dans la mesure où le
gouvernement fédéral - le ministre de la Santé nationale
et du Bien-être social l'a déjà annoncé - a
l'intention de légiférer aussi pour abolir l'âge
obligatoire de la retraite.
Il me semble qu'à partir du moment où le
fédéral veut aussi aller dans le même sens que nous,
enlever la discrimination quant à l'âge, il devra rajuster ses
critères d'admissibilité à l'assurance-chômage. Ce
n'est pas à moi de le garantir, mais c'est une chose que nous allons
réclamer. On compte bien sur votre appui dans ces réclamations
auprès du gouvernement fédéral.
La question de l'assurance-salaire, de tous les avantages sociaux et des
bénéfices marginaux. Il y a un principe de base aussi qui sera
clair dans la loi, à savoir que, à travail égal, la
rémunération globale de la personne qui vient d'avoir 65 ans et
qui continue de travailler devrait rester la même. Je ne parle pas
nonobstant des promotions qui pourraient arriver, mais à supposer qu'il
n'y ait pas de promotion dans un avenir prochain, la personne veut garder son
travail, employeur et employé sont d'accord que la personne est en
mesure de faire son travail, nous pensons que sa rémunération
globale, c'est-à-dire salaire et avantages sociaux, doit rester la
même chose quel que soit son âge. C'est ça l'absence de
discrimination. Cependant, à partir de ce moment-là, le jeu des
relations patron-employé, le jeu des négociations doit continuer
d'intervenir comme c'est le cas actuellement dans les régimes
supplémentaires de rentes. La plupart des régimes
supplémentaires de rentes, que ce soit dans le parapublic ou dans le
privé, font l'objet d'une certaine négociation. Ayant posé
ce principe élémentaire, nous pensons que, quant au reste,
ça doit se régler aux tables de négociations.
Préretraite. Quant à nous, ça reste aussi la
préretraite. Il faut bien comprendre que la notion de préretraite
est rattachée à un âge soi-disant normal de retraite. En
enlevant l'obligation de se retirer à 65 ans, on n'enlève pas
l'âge normal de la retraite au point de vue actuariel qui va rester dans
la plupart des cas, de 65 ans, dans certains cas, 70 ans. La préretraite
va demeurer possible, mais elle sera raccrochée à l'âge qui
sera convenu entre les deux parties et considéré comme âge
normal de la retraite, 65 ans ou 70 ans.
En terminant, M. le Président, j'ai probablement oublié
des choses, les porte-parole pourront y revenir, mais je veux, encore une fois,
remercier l'Intersyndicale pour le sérieux qu'elle a apporté dans
la rédaction de son mémoire et je veux l'assurer que, sans se
faire d'illusion sur le projet de loi que nous présentons dans le
moment, nous pensons néanmoins qu'il est important. Toute mesure du
genre qui discrimine contre les droits d'un individu doit vraiment être
abolie et il n'est jamais trop tôt pour le faire. Nous pensons que c'est
une mesure qui n'a pas beaucoup de répercussions économiques,
sauf peut-être pour les quelques milliers de femmes et d'hommes qui
voudront en profiter, mais nous pensons quand même
qu'au plan des principes il est important d'abolir cette discrimination.
Cela ne nous empêche pas de travailler très fort à la
préparation de toutes les autres modifications qui devront être
apportées aux différents régimes de retraite publics et
privés.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M.
Rodrigue.
M. Rodrigue (Norbert): Dans un premier temps, M. le ministre, je
dois vous dire que nous sommes assez heureux de vous entendre dire qu'en ce qui
concerne le choix du gouvernement québécois quant à
l'amélioration relative de la question des retraites, il doit passer par
le RRQ. Parce qu'on a déploré et on était
déçu, à la conférence fédérale
convoquée par le gouvernement d'Ottawa, de la non-expression des
représentants du gouvernement québécois - parce que nous y
étions - sur le choix, en termes d'avenir, entre la perspective de se
diriger vers la "privatisation" des caisses de retraite, plutôt que vers
les caisses de retraite publiques qui existent.
Je dois comprendre, si je comprends bien, que le gouvernement nous dit
aujourd'hui, sans parler ou sans mettre en cause l'existence totale, partielle
ou peu importe des RSR, des régimes supplémentaires, que la voie
choisie sera celle de l'amélioration du RRQ.
M. Lazure: M. le Président, si vous me permettez trente
secondes là-dessus. Si on n'était pas présents à la
conférence convoquée par le gouvernement fédéral
pour le dire, la raison est très simple, tout ce qui touche les
régimes de rentes, c'est nettement et clairement énoncé
dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique comme étant
à primauté législative provinciale. Tout le monde sait
ça. Nous pensons, par conséquent, que le gouvernement
fédéral n'a pas à convoquer de but en blanc une soi-disant
conférence fédérale-provinciale où des douzaines et
des douzaines d'organismes sont invités et où on va placer les
gouvernements des provinces qui ont primauté législative dans ce
domaine sur le même pied que des douzaines et des douzaines d'autres
organismes, en tout respect pour vos organismes.
Si on n'a pas eu de représentation politique à cette
conférence, on a quand même eu une représentation
d'observateur, de fonctionnaires, nous sommes bien au courant de ce qui s'est
passé là-bas, nous avons protesté contre la tenue d'une
conférence amorcée comme ça. Nous nous dirigeons vers une
conférence interprovinciale au cours de laquelle nous allons nous
préparer à des négociations avec le gouvernement
fédéral.
Je voulais simplement répéter encore une fois que ce
n'était pas par négligence ou par incertitude de notre part, nous
pensons que ce n'était pas le véhicule approprié à
ce moment-là.
M. Rodrigue (Norbert): Politiquement, de toute manière,
nous considérons, quant à nous, que le pied sur lequel on va
danser demain matin, à plusieurs égards, ce n'est pas encore
certain que ce sera le pied gauche ou le pied droit. Parce qu'avec tout le
débat constitutionnel qui est présent actuellement dans la
société, en général, il y a beaucoup de questions
sur lesquelles nous aurions... Nous sommes, de toute façon, heureux
d'entendre le gouvernement s'exprimer sur ce choix aujourd'hui.
Deuxièmement, nous sommes particulièrement heureux de vous
entendre dire aussi qu'il y a effectivement des milliards, en termes d'argent
des Québécois, investis dans les caisses de retraite qui quittent
le Québec et qui sont investis ailleurs. On reprendra cela dans un autre
débat.
Finalement, juste quelques considérations en relation avec les
réponses que vous nous avez données, et probablement que d'autres
camarades voudront intervenir. Je voudrais dire d'abord qu'il me semble... Cela
vous fait rire, "camarades", je vois des gens rire, j'ai appris cela de
René
Lecavalier et de Jean-Maurice Bailly quand j'écoutais le hockey,
à trois, quatre ou cinq ans, quand mon père me faisait
écouter cela: À toi, mon camarade, Jean-Maurice! On dirait que
cela n'avait pas la même couleur dans le temps. Je voudrais dire que,
dans un premier temps, j'ai l'impression que je suis devant une commission
parlementaire, devant un ministre en particulier qui a déjà
plusieurs réponses à plusieurs questions que nous posons, alors
que, concrètement, un projet de loi est déposé sur le
décloisonnement; ce qui me fait dire que je serais en droit de
m'attendre normalement qu'on revienne devant vous dans la perspective d'un
projet de loi embrassant beaucoup plus largement la question et où
toutes les composantes intéressées pourraient discuter. J'ai
peut-être mal compris. Vous pourrez préciser cela, mais c'est ce
que je comprends.
Deuxièmement, je voudrais vous dire plus en détail que,
sur la question du congédiement, la question de la discrimination, notre
crainte est très simple, M. le ministre. Actuellement, avec l'âge
obligatoire à 65 ans, l'employeur qui voudrait procéder à
un congédiement basé sur l'âge et qui constate que
l'employé en question, homme ou femme, a un an à faire ou un an
et demi à faire, va parfois décider de laisser faire et
d'attendre que la retraite intervienne, mais, avec la perspective du
décloisonnement, notre crainte est la suivante: c'est que, voyant que le
travailleur
ou la travailleuse a le droit de demeurer au travail, il va se trouver
d'autres moyens, des moyens détournés, pour procéder au
congédiement, peut-être même avant l'âge qui est
déjà celui de 65 ans ou encore avant l'âge où le
travailleur aurait choisi lui-même de partir. Ce qui nous fait dire qu'on
n'est pas tellement contre le fait que ce soit le ministère du Travail
qui absorbe en quelque sorte la tâche de recevoir les plaintes de
congédiement ou de discrimination dans ce cas, mais nous disons qu'il
faudra prendre les moyens, parce que, actuellement, au ministère du
Travail, on ne veut pas lui enlever de juridiction, mais il y a le travail en
général, il y a, comme vous le savez, des transferts de
juridictions qui ont été faits depuis un an ou deux, concernant
toute la question de la sécurité et de la santé, il y a la
question des revenus, etc. Il a une juridiction très large, des
obligations très larges. En conséquence, il ne suffira pas de
donner des moyens techniques au ministère du Travail pour corriger ces
cas d'abus. Il faudra aussi que, dans les principes, soit en termes de droit de
la personne ou dans le Code du travail, on prévoie des questions comme
le statu quo ante, dans ces cas, c'est-à-dire que l'employeur ne puisse
pas agir unilatéralement sans que quelqu'un quelque part rende une
décision. Il faudra aussi faire en sorte de prévoir que
l'employeur qui agira de cette manière doive avoir le fardeau de faire
la preuve qu'il n'a pas discriminé, et non pas que le travailleur soit
aux prises avec l'obligation de faire la preuve qu'il a été
discriminé.
M. Lazure: Je veux rassurer tout de suite l'Intersyndicale que
c'est clair dans notre esprit que c'est l'employeur qui aura le fardeau de la
preuve. C'est clair. J'ai déjà eu l'occasion de le dire.
Sérieusement, M. Rodrigue, à part la Commission des normes du
travail qu'on voit comme un véhicule correct, est-ce qu'il y a d'autres
véhicules, d'autres mécanismes, d'autres organismes qui vous
paraîtraient aussi appropriés ou mieux appropriés?
M. Rodrigue (Norbert): II peut y avoir plusieurs types
d'intervention. Robert va ajouter quelque chose là-dessus.
M. Gaulin (Robert): La Commission des droits de la personne, si
on le juge sous l'angle de la discrimination, si on pense que ce sont des cas
de discrimination; il y aura probablement besoin - on le disait dans l'autre
salle hier - d'ajouter des ressources à cet organisme si on veut
l'amener à assumer ses responsabilités. Je crois qu'il y a aussi
les conventions collectives. Là où il y a une convention
collective, je ne vois pas pourquoi on n'irait pas en arbitrage selon la
convention collective pour défendre un congédiement, que ce soit
à 65 ans ou non, ce qui éviterait d'envoyer un paquet de choses
à Québec. (16 heures)
Je crois qu'autour des commissaires du travail, il y a vraiment une
interrogation importante à faire. Avant de surcharger ou d'ajouter des
dossiers nouveaux ou des champs nouveaux de juridiction aux commissaires du
travail, à mon avis, vous devriez discuter assez sérieusement
avec votre collègue du Travail et de la Main-d'Oeuvre et avec le Conseil
des ministres pour voir ce qu'ils entendent faire pour résoudre le
problème.
Actuellement, cela n'a pas de bon sens le fonctionnement du
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre à cet égard.
Au lieu d'attendre un an et demi ou deux ans avant d'avoir un jugement dans le
cas d'un salarié congédié pour activités syndicales
ou autrement, il faudrait envisager une politique de décentralisation de
ce ministère afin qu'il y ait des bureaux dans les régions
où on puisse aller porter plainte et faire auditionner sa cause sans
avoir à se déplacer.
Il y a l'aspect judiciaire des commissaires du travail. De plus en plus,
on parle de jurisprudence, de dossiers, et cela prend quasiment des
spécialistes pour traiter de certaines questions. Le travailleur qui
n'est pas syndiqué est obligé d'engager un avocat pour se faire
protéger. À mon avis, il y a un certain nombre
d'éléments de cet ordre qu'il faudrait regarder. Je suis heureux
d'entendre que vous avez déjà l'intention de préciser la
loi, mais le projet de loi 15 qu'on a étudié, tel que vous
l'admettez, mérite d'être examiné à nouveau
très sérieusement pour apporter des réponses
précises à des cas et à des situations assez
précis.
Vous dites sur un autre point qu'il va rester de la place pour la
négociation et que les règles du jeu de la négociation
vont continuer de s'appliquer. Je crois que vous devriez avoir la prudence, en
modifiant les conventions collectives par le biais de la loi 15, de ne pas
favoriser une partie plutôt qu'une autre et de ne pas placer l'employeur
en situation de dire: II y a la loi 15. C'est à vous autres à
faire la preuve et c'est à vous autres à vous battre pour avoir
une application positive plutôt que négative de la loi face
à toute la question des avantages sociaux.
Est-ce que j'ai bien compris, quand vous avez parlé de
l'âge normal de la retraite et que, face à cette question
d'absence de définition de l'âge normal de la retraite dans une
convention collective ou en l'absence de convention collective, vous
définiriez dans la loi l'âge normal de la retraite comme
étant 65 ans pour ceux qui n'ont pas d'autres...
M. Lazure: C'est cela, oui.
M. Gaulin: ... pour permettre justement de maintenir les...
M. Lazure: C'est cela, on maintiendrait ce qu'il est convenu
d'accepter dans l'ensemble du Québec, cet âge de 65 ans, pour les
besoins d'un âge normal de retraite.
M. Gaulin: En l'absence d'un autre âge étant
défini dans...
M. Lazure: C'est cela, là où cela ne paraît
pas dans la convention.
M. Gaulin: Ou dans les régimes de...
M. Lazure: Ou dans les régimes de rentes, c'est cela.
M. Gaulin: D'accord. Enfin, un...
M. Lazure: Je dois dire aussi que toutes les lois du travail en
vigueur vont continuer d'exister. Cette loi ne va toucher d'aucune façon
le fonctionnement actuel des lois du travail. Encore une fois je
répète ce que nous disons quant aux avantages sociaux: Les
employeurs et les employés devront s'entendre à la table sur une
nouvelle répartition, s'il y a lieu. Peut-être qu'ils s'entendront
pour conserver le statu quo quant à la répartition des 15% ou 20%
que représentent les avantages sociaux. Or, les employeurs et les
employés pourraient s'entendre pour les maintenir tels quels, même
si l'individu continue à travailler jusqu'à 67 ans, ou ils
pourraient s'entendre pour faire un réaménagement de ce
pourcentage d'argent qui pourrait être affecté soit à la
rente, soit au salaire.
M. Gaulin: Enfin, un mot sur l'étapisme. Je crois qu'il y
a différentes sortes d'étapismes. Il y a un étapisme qui
consiste à définir une étape et à faire des
promesses pour toutes les autres, sans engagement très réel et
très concret, de sorte qu'on ne sait pas si cela va prendre dix ans,
quinze ans, vingt ans ou cinq ans pour faire une réforme ou pour faire
un débat global sur cette question de la retraite. Il y une autre forme
d'étapisme qui consiste à définir à l'avance des
étapes ou à prendre des engagements assez précis.
Là-dessus, je n'ai pas trop compris vers quelle forme d'étapisme
vous vous dirigiez. Vous avez manifesté un certain nombre d'intentions
sur la réforme du Régime de rentes, du Québec, sur la
réforme des régimes supplémentaires. À notre avis,
il y a là une urgence et ces engagements auraient dû se faire
à l'occasion du débat sur la première étape.
Dans notre mémoire, on disait: Pour nous, ce n'est pas
nécessairement la première étape, ce n'est pas
nécessairement par là qu'il fallait commencer, cette question de
l'âge obligatoire de la retraite, mais cela nous apparaît
important, pour la clarification des débats sur cette question de la
retraite dans notre société, d'avoir de la part du gouvernement
des engagements législatifs assez précis: savoir si la
première étape, c'est en 1981, si la deuxième, cela va
être en telle année, et aussi la troisième, s'il y en a une
troisième, de manière que l'on puisse non seulement aborder les
questions une par une, point par point, en disant qu'il y a d'autres points qui
sont plus importants, mais aussi, à mon avis, envisager un débat
global dans l'ensemble de ces dimensions sur toute cette question de la
retraite. Je crois donc qu'il y aurait intérêt à ce que le
gouvernement précise davantage ses engagements.
M. Lazure: Brièvement, cela a été
précisé dans l'engagement. Quand on dit au cours du mandat, pour
nous, c'est une période maximale de quatre ans quand on parle d'un
mandat, et les engagements, les modifications dont j'ai parlé
tantôt, pour nous, c'est clair que cela va se situer à
l'intérieur de cette période de quatre ans. Est-ce que cela sera
la prochaine étape? Il y aura pas seulement une autre étape, il y
en aura probablement quelques autres, j'ai indiqué à plusieurs
reprises aujourd'hui et hier que la prochaine étape va toucher les
retraites anticipées à 60 ans, surtout pour les travailleurs
venant de milieux durs. Est-ce que ce sera dans 6 mois, dans 8 mois, dans 10
mois, je vous dis que ce sera le plus rapidement possible, et les autres
étapes qui vont toucher la transférabilité ainsi que la
bonification des régimes aussi bien privés que publics vont venir
à l'intérieur du mandat.
M. Gaulin: Avec la troisième étape, le
régime des rentes?
M. Rodrigue (Norbert): Je m'excuse. Avec la permission du
président, je sais qu'il y a d'autres intervenants qui ont probablement
des choses à dire et des questions à poser, j'aurais à
ajouter deux éléments. Le premier porte sur le fait suivant ou
l'affirmation suivante: vous dites avoir des préoccupations quant
à la gestion des régimes supplémentaires de retraite. Je
voudrais vous dire qu'avant de vous inscrire dans une démarche
paritaire, il faudrait y songer, puis il faudrait consulter, parce que, au
moment où je vous parle, nous avons des conflits de travail qui durent
depuis des mois sur la question des caisses de retraite supplémentaires,
justement. L'employeur ne verse aucune maudite "cenne"; ce sont les
travailleurs qui versent leur pourcentage en termes de contribution et c'est
l'employeur
qui l'administre totalement. Il n'est pas question pour lui de
céder l'administration au syndicat et, plus que cela, non seulement il
l'administre totalement, mais il propose au cours de la négociation
d'augmenter la participation des travailleurs, en effronté qu'il peut
être - ils ne sont pas tous comme cela, mais il y en a de temps en temps
- au lieu de payer 5%, vous allez payer 7%, mais c'est moi qui vais les
administrer, c'est moi qui vais faire le choix des investissements, c'est moi
qui vais tenir le portefeuille, etc.
Avant de s'inscrire dans une démarche paritaire, nous autres, on
va crier un peu, parce que, quand c'est l'argent des filles et des gars qui
sont dans les fonds de retraite, je veux le dire, on se pose des questions
à savoir quelle sorte d'intervention l'employeur a à faire
là-dedans.
Mon deuxième point est le suivant. On est capable de vous
prêter beaucoup d'intentions en termes de préoccupations sociales,
on sait bien que vous en avez, on ne met pas cela en cause, mais se pourrait-il
aussi que le décloisonnement de l'âge de la retraite corresponde
à des questions d'intérêt spécifique sur le plan
économique? Je pense, par exemple, aux futures années en termes
de main-d'oeuvre, en termes de disponibilité de main-d'oeuvre. Tout le
monde sait que, pour 1990 ou encore pour l'an 2000, la main-d'oeuvre au
Québec et au Canada, c'est une question qui va être importante. Se
pourrait-il qu'il y ait ce type de notion dans cette démarche qui fasse
en sorte... Vous comprendrez sûrement nos motivations. Autant nous sommes
capables de comprendre vos motivations sociales, autant vous êtes
capables de comprendre, je l'espère, nos motivations, peut-être
égoïstes, mais de protection ou d'autoprotection en ce qui nous
concerne, pour ceux qui ont investi jusqu'à maintenant et pour ceux qui
vont investir plus tard, et conséquemment pour ceux qui auront à
bénéficier des caisses de retraite, parce qu'ils se les
paient.
Dans cette perspective, je dois dire que, à l'Intersyndicale,
toute la perception que nous avons eue du projet de loi, lorsque nous affirmons
que nous ne sommes pas en désaccord avec le décloisonnement mais
qu'il nous apparaît qu'il faut regarder un ensemble de questions
relatives à la retraite, c'est dans cet esprit qu'on le fait, c'est pour
apporter une contribution qui fasse en sorte que l'on corrige le fond du
problème et non pas que l'on pose un "pansement" sur une plaie qui est
déjà infectée.
M. Lazure: Une dernière remarque pour répondre
à votre question: Est-ce que ça se peut? Oui, ça se peut.
Non seulement ça se peut, mais on est conscient que, comme vous dites,
dans une vingtaine d'années, à cause de la baisse des taux de
naissance depuis une quinzaine d'années, il est possible qu'on manque de
main-d'oeuvre jeune si les entrées d'immigrants étaient
maintenues à peu près au même nombre. Pour nous, c'est une
considération accessoire, c'est le terme que vous avez employé,
vous avez parlé de notre projet de loi comme étant accessoire par
rapport à d'autres problèmes qui sont très urgents...
M. Rodrigue (Norbert): Est-on capable de s'entendre ici pour dire
que ce n'est pas si accessoire que ça? Si le Canada a l'intention de
décloisonner et il a l'intention de le faire, on le sait, il se
prépare à le faire depuis trois ou quatre ans le Québec
s'inscrit dans cette même démarche et d'autres provinces vont
s'inscrire dans cette même démarche, on en est convaincu. On ne
veut pas prêter des intentions malsaines, on dit tout simplement qu'il y
a un constat à faire. Il y a plusieurs intervenants qui ont des
intérêts spécifiques là-dedans. Je pense bien que
c'est une préoccupation d'ordre social, mais ce n'est pas uniquement une
préoccupation d'ordre social, il y a aussi des éléments
d'ordre économique rattachés à cela. En
conséquence, il faut regarder tous les aspects, c'est pour
ça.
M. Lazure: Oui, mais, encore une fois, il ne faut pas oublier que
- là, on rejoint quand même l'expérience de nos voisins
américains et toutes les prévisions qui ont été
faites ici par les experts - la prévision, c'est que ça peut
rejoindre de 2% à 4% de la main-d'oeuvre, donc, quelques milliers de
personnes par année qui décideraient de continuer de travailler
au-delà de 65 ans. C'est dans ce sens qu'on dit que ça n'aura pas
de grandes répercussions économiques ou démographiques, si
vous voulez, quant au marché du travail. Cela n'affectera pas les
employeurs. En tout cas, les 222 qui ont été consultés par
le Conference Board il y a un an sont unanimes pour dire que ça n'aura
pas de répercussion importante dans la gestion du personnel ou dans le
marché du travail.
Finalement, M. le Président, je veux rassurer l'Intersyndicale.
Si on a eu un peu d'hésitation à dire carrément, au mois
de juin dernier: II y aura commission parlementaire ouverte au public sur le
projet de loi no 15 - nous avions gardé les deux possibilités
ouvertes - dans le cas des prochaines étapes, je peux vous dire tout de
suite qu'il y aura commission parlementaire ouverte au public et, en
particulier, à des groupes comme le vôtre. Donc, on aura
l'occasion de se reparler sérieusement.
Le Président (M. Boucher): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux
remercier, moi aussi,
l'Intersyndicale d'être venue présenter son point de vue en
commission parlementaire, de l'avoir fait d'une façon fort succincte
tout en touchant quand même tous les éléments importants
que présente cette nouvelle politique, soit l'abolition de l'âge
de la retraite. Je dois vous dire que presque tous les éléments
que vous avez soulevés, on les avait soulevés,
déjà, lors du débat de deuxième lecture. On avait
quand même procédé à une certaine consultation et on
réalisait fort bien que c'était plus complexe que ça ne
semblait paraître au premier coup d'oeil. Vous avez tout à fait
raison de dire que ç'a été fait de façon
précipitée par le gouvernement.
Tout à l'heure, vous faisiez remarquer que, finalement, vous
aviez l'impression qu'après toutes les corrections que le ministre nous
dit avoir l'intention d'apporter, toutes les bonnes intentions qu'il exprime -
il nous a d'ailleurs annoncé que le projet sera récrit - on
pourrait souhaiter un projet plus englobant; mais je pense que ce ne sera pas
tout de suite, ce sera encore un projet uniquement sur l'abolition de
l'âge de la retraite.
Vous posez la question des intérêts économiques, je
ne dirai pas du gouvernement, mais des gouvernements à présenter
ce type de politique. Je pense que c'est exact. Hier, je disais qu'en 1980 une
commission présidentielle, aux États-Unis, avait
étudié le problème de toute la sécurité
sociale américaine et suggérait que l'âge de la retraite,
même si, aux États-Unis, il y a une certaine abolition de
l'âge de la retraite, c'est ce qu'on appelle l'âge normal de la
retraite, pour reprendre les termes qu'on a utilisés, soit d'augmenter
d'un mois par année jusqu'à ce qu'on atteigne l'âge de 68
ans pour justement pallier le problème de la sécurité
sociale aux États-Unis, les gouvernements rencontrant les
difficultés financières très importantes. (16 h 15)
Tout à l'heure, vous souleviez un point; on n'a pas à se
le cacher. Si les gens travaillent jusqu'à 69 ans et qu'ils doivent
mourir à 69 ans et 6 mois, ils auront peu profité de tous les
versements qu'ils auront faits, que ce soit au régime
supplémentaire de rentes, au Régime de rentes du Québec ou
même à la sécurité de vieillesse. Dans ce
sens-là, cela sera le choix des individus de continuer de travailler,
d'ailleurs on sait fort bien que les gouvernements se financent avec - dans le
cas du Québec - la caisse de dépôt, c'est à cela
qu'elle sert, et bien des gens paient pour la sécurité de
vieillesse et n'en retireront jamais un sou. On le sait.
Il y a quelques questions que je voudrais vous poser. Je ne veux pas
reparler de tous les éléments que vous avez apportés, des
questions que moi-même et le ministre ont soulevées ou qu'on
retrouve dans votre mémoire.
Voici une question précise que j'aimerais vous poser. Est-ce que
vous croyez que la Commission des normes du travail, non pas sur l'aspect
discrimination lui-même, parce qu'on pourra recourir à un
commissaire et faire état que l'on a été l'objet de
discrimination quant à l'âge, mais quant aux conditions de travail
touchant les personnes de 65 ans et plus, pour qu'elles ne se trouvent pas
à travailler à rabais... Vous savez, les personnes
âgées se dévalorisent souvent et si, par hasard, on leur
permet de travailler plus longtemps qu'il n'est coutume ou qu'il n'est
généralement admis, souvent on accepte des conditions de travail
qui soient inférieures à celles d'autres travailleurs qui font le
même type de travail. Voilà ma première question.
La deuxième question, j'aimerais vous demander...
M. Rodrigue (Norbert): Pouvez-vous préciser votre
première, parce que...
Mme Lavoie-Roux: La première: Est-ce que vous croyez que
la Commission des normes du travail serait en mesure de protéger...
M. Rodrigue (Norbert): Sur le salaire, par exemple.
Mme Lavoie-Roux: Oui, pour que les conditions soient
respectées, parce que souvent les personnes âgées,
même déjà actuellement ont tendance à accepter des
conditions de travail moindres que les employés réguliers, parce
qu'elles ont l'impression qu'on leur fait une faveur si on les laisse
travailler.
Deuxièmement. C'est à la CSN que je le demande. Je
pourrais le demander à la CEQ, mais particulièrement à la
CSN qui a beaucoup plus de syndiqués parmi les cols bleus que la
CEQ.
Est-ce que vous avez fait certaines projections quant au nombre de
travailleurs chez les cols bleus, qui voudraient se prévaloir de cette
prolongation possible de travail après l'âge de 65 ans?
Dans le cas où vous aurez des indications, peut-être
très peu, compte tenu que dans les classes laborieuses souvent on vise
davantage à une retraite anticipée qu'à une retraite
retardée, si je peux dire. Les écarts dans les revenus finalement
ne seront pas plus grands chez les personnes âgées qu'ils ne le
sont actuellement, puisque ce sont les gens plus scolarisés, les gens
qui font un travail moins dur, qui auront davantage tendance à se
prévaloir de cette disposition de la loi. Après j'aurai une
question à la CEQ.
M. Rodrigue (Norbert): Voici en ce qui
concerne la première question, quant à la commission des
normes. Nous devons vous dire ici que nous avons été d'accord
d'abord avec la loi, avec bien sûr des nuances, parce qu'on trouvait
qu'elle était insuffisante. Nous constatons avec l'expérience
qu'il faudra mettre un peu de chair autour de l'os en termes de moyens et en
termes d'efficacité parce qu'il y a beaucoup de travail à faire.
Notamment, sur ce plan, nous pensons que c'est un mécanisme valable.
Cependant, vous me donnez l'occasion de vous réaffirmer ici
devant la commission que, pour nous, la réponse pour les travailleurs et
les travailleuses qui sont aux prises avec des conditions qu'on connaît
dans plusieurs secteurs, c'est encore, et ça demeure la réponse
la plus efficace, la syndicalisation. En conséquence, permettre un
accès plus grand et limiter les obstacles à la syndicalisation.
Puisqu'on n'en est pas là, je pense que la commission peut jouer un
rôle sur cette question en termes de surveillance et en termes de forcer
des employeurs à faire en sorte qu'on ne force pas les travailleurs qui
décident de continuer à accepter des conditions plus basses que
dans le secteur ou dans l'industrie même. Parce qu'il y a des exemples
concrets - vous avez raison de souligner ça - où c'est presque
présenté comme un cadeau à quelqu'un qui veut continuer
à travailler après 65 ans.
En ce qui concerne la deuxième question, on n'a pas de
statistiques, Mme Lavoie-Roux, sur le nombre de travailleurs qui voudraient ou
ne voudraient pas poursuivre à 65 ans chez les cols bleus. Nous avons
une position à la CSN puisque vous posez la question à la CSN,
qui est la suivante: Nous considérons qu'il est fondamental - en plus de
prévoir des conditions concrètes pour permettre un revenu
suffisant - de prévoir aussi des conditions de préparation
à la retraite d'abord. Quant à nous, notre position est la
suivante: Nous l'avons présentée au fédéral, il y a
une couple d'années, nous pensons que l'âge de la retraite doit
être une question ouverte entre 55 ans et 70 ans. C'est-à-dire
prévoir la possibilité pour les travailleurs et les
travailleuses, peu importe le secteur, sans exception... Parce qu'on pourrait
vous dire ici que, pour toutes sortes de motifs, chez les cols blancs ou chez
les cols bleus, on peut se retrouver dans l'obligation d'avoir la
nécessité de prendre sa retraite plus tôt que l'âge
prévu normalement. On dit, nous: Entre 55 ans et 70 ans, facultatif.
Prévoir, bien sûr, les conditions de préretraite et de
préparation à la retraite. C'est inimaginable sur le plan social
l'effet que peut avoir l'absence de préparation à la retraite. Il
y a des hommes et des femmes, et là-dessus on a des expériences
parce qu'on a pris sur nous, comme organisation syndicale, de donner des cours
à nos éventuels retraités en termes de préparation
à la retraite, dans l'industrie par exemple.
En conséquence, on constate que plusieurs ouvriers et
ouvrières quand ils se retrouvent non préparés et qu'ils
arrivent au moment de la retraite, finalement, ils en crèvent tout
simplement quelques mois après parce qu'ils se sentent perdus, ils n'ont
pas été préparés à ça, etc. On
considère donc que c'est important et généralement
l'opinion des travailleurs chez les cols bleus, le sentiment qu'on ressent,
c'est effectivement qu'ils ont généralement, à partir de
50 ou 55 ans, un peu hâte d'arriver au repos, au retrait du travail.
Cependant, pour plusieurs les conditions d'existence font qu'ils sont
obligés de poursuivre avec des conditions difficiles et parfois dans des
conditions personnellement difficiles. Dans ce sens, on dit que l'âge
soit avancé à 55 ans et que ça puisse permettre des
régimes supplémentaires qui verseraient des pensions sur une
période fixe entre 55 et 65 ans et qui combleraient la différence
entre le revenu du travail et le revenu antérieur. Cela
élargirait de beaucoup les possibilités de retraite
anticipée sans pénalité. On trouve que c'est fondamental
dans une société.
J'ai tenté de répondre à votre question tout en
vous disant qu'on n'a pas de statistiques, mais ce sont des sentiments qu'on
exprime et qui nous sont exprimés souvent. C'est pour ça que
ça me faisait dire tout à l'heure: Il n'y a pas d'exception pour
nous. Un mineur avec une béquille, c'est aussi pire qu'un policier avec
une béquille. Une infirmière qui est dans une autre situation sur
le plan psychologique ou sur le plan physique, c'est aussi pire qu'un mineur ou
qu'un policier. Dans cette perspective pour nous, il n'y a pas d'exception. Il
s'agit d'ouvrir une période où l'ensemble des travailleurs et
travailleuses retrouvent des conditions, les meilleures possible, pour se
préparer, à partir d'un certain âge, et prendre leur
retraite.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, M. Rodrigue. Je pense que vous
avez tout à fait raison d'insister sur la préparation à la
retraite et particulièrement dans un contexte où on abolit
l'âge de la retraite. Quand les gens savent qu'ils sont mis à leur
retraite à 65 ans ou à 60 ans, même si on ne le veut pas,
il y a une espèce de préparation psychologique qui se fait
malgré eux. Mais, au moment où vous abolissez l'âge de la
retraite, cette perspective de la retraite peut être constamment remise
au plan psychologique et il se peut que, finalement, il y ait un
problème plus grand qui soit créé à cet
égard.
Une question que j'aimerais poser à la CEQ... On a soulevé
ici hier la question du renouvellement du corps professoral. D'ailleurs, je
pense que M. Gaulin est fort
au courant, avec les coupures budgétaires et autres et aussi la
diminution des élèves, le plus grand nombre de professeurs en
disponibilité, et même les mises à pied chez le personnel
le plus jeune et, d'un autre côté, les gens disent: II faut quand
même garder un certain dynamisme. En fonction de l'abolition de
l'âge de la retraite, est-ce que vous avez réfléchi
à ce problème du côté de la CEQ?
M. Gaulin: Je pense que le problème ne se pose pas
seulement dans le secteur de l'éducation, mais dans le secteur des
affaires sociales aussi et dans la fonction publique. Partout où il y a
des coupures budgétaires, des politiques de restriction dans
l'engagement du personnel, on ne favorise pas la mobilité de la
main-d'oeuvre parce que c'est plus difficile pour quelqu'un d'abandonner son
poste et d'aller se replacer ailleurs. Ce qui m'amène à parler,
et on en a parlé depuis longtemps à la CEQ, d'une
véritable politique de la main-d'oeuvre qu'il faudrait qu'on se donne
dans une société comme la nôtre. On parlait de ça au
début des années soixante-dix. La société,
l'État doit se donner une politique de la main-d'oeuvre où on
retrouve des dimensions comme ça, question de retraite, mais question
aussi de mobilité, question de transfert des droits d'un employeur
à l'autre, question aussi pour une personne d'avoir une carrière
qui peut se dessiner autrement que dans la voie actuelle. On constate, avec les
régimes de retraite qu'on a, que quelqu'un qui a fait 25 ans de service
auprès d'un employeur ou dans un réseau est
intéressé à poursuivre jusqu'à 35 ans pour avoir
droit à sa retraite, ce qui est tout à fait normal. Quelquefois,
cette personne pourrait manifester des intentions de poursuivre sa
carrière ou avoir un cheminement différent de carrière.
Mais ça ne peut pas se régler à la pièce comme
ça et ça doit entrer dans le cadre d'une politique plus large de
la main-d'oeuvre.
Je ne suis pas à même d'apprécier l'effet de la
clause de 65 ans dans le secteur de l'éducation, c'est une revendication
qu'on a soutenue et qu'on a défendue pendant longtemps. On est
allé, à la CEQ, jusqu'en Cour suprême pour protéger
une institutrice qui voulait travailler après 65 ans et on avait eu gain
de cause, parce qu'elle n'avait pas 35 ans de service, mais c'est le
gouvernement et ce sont les employeurs qui ont imposé dans le secteur
public l'âge de 65 ans comme étant l'âge de la retraite
obligatoire. Cela n'existait pas il y a 10 ans.
Donc, il y a un revirement de situation, c'est le même
gouvernement qui change d'idée, non pas les mêmes personnes, mais
le même gouvernement; le gouvernement du Québec change
d'idée à quelques années d'intervalle et, bien sûr,
cela a aussi des effets économiques avantageux. Je réponds un peu
à l'autre question. S'il n'y avait pas d'effets économiques
avantageux pour les employeurs et pour les gouvernements, il y aurait pas mal
plus de résistance à modifier actuellement cette question de
l'âge obligatoire de la retraite.
Mais, comme expérience, on s'aperçoit que, quand les
travailleurs ont 35 ans de service, en général, ils prennent leur
retraite et ceux qui prolongent après 65 ans - il y a toujours des
exceptions - ce sont des gens qui n'ont pas 35 ans de service et qui, par
conséquent, n'ont pas droit à une pleine retraite. Dans ces cas,
n'ayant pas réglé encore les problèmes des ex-religieux et
ex-religieuses qui ont des limites aux possibilités de rachat des
années travaillées, ou dans le cas des femmes, parce qu'il y a un
certain nombre de femmes qui ont quitté l'enseignement pour se marier,
c'était la mode, c'était l'obligation à un moment
donné, et qui, en quittant l'enseignement, ont décidé de
retirer les montants versés au régime de retraite... Comme ils ne
peuvent pas racheter de nouveau les années contribuées, que ces
années ne comptent pas pour fins de retraite, quoique cela puisse
arriver, dans ces catégories, des gens qui vont prolonger au-delà
de 65 ans pour atteindre le nombre d'années de service pour avoir le
droit à une pleine retraite. On va suivre attentivement
l'évolution de ces questions. (16 h 30)
Je crois qu'il y a des préoccupations cependant. Le projet de loi
15 renforce ces préoccupations chez bon nombre de personnes qui sont en
disponibilité et qui ont perdu leur emploi. On rencontre des jeunes dans
les universités qui se destinent à une carrière et qui
voient l'horizon bouché pour eux, soit dans l'enseignement, soit dans
les hôpitaux, soit dans des fonctions connexes. Là-dessus,
même si on dit que dans dix ans, il va y avoir pénurie de
main-d'oeuvre, aujourd'hui, il y a quantité de jeunes qui ne peuvent pas
trouver d'emploi. Cela doit être un élément de
préoccupation également. Cela doit entrer à je ne sais
laquelle des étapes, mais, à mon avis, on serait mûr au
Québec pour commencer à parler véritablement d'une
politique de main-d'oeuvre qui permettrait de répondre aux besoins et de
faire reconnaître le droit effectif au travail.
Pour ce qui est de la préparation à la retraite, je
souscris entièrement à ce qu'a dit Norbert. Nous avons
commencé nous-mêmes chaque année des sessions de
préparation à la retraite auprès des travailleurs. Cela
favorise la prise de la retraite. Cela sécurise les gens face à
leur avenir. Cela me paraît quelque chose de tout à fait important
et essentiel.
Mme Lavoie-Roux: En terminant, je voudrais simplement ajouter
qu'en ce qui a trait aux intentions du gouvernement, le ministre nous les a
réitérées à plusieurs reprises depuis hier,
à peu près à tous les deux mémoires. Je vous
inviterais à relire la réplique du ministre au discours de
deuxième lecture. Ce n'était pas la première fois qu'on
lui parlait des suites à donner au rapport COFIRENTES. On l'avait fait
à d'autres occasions. C'est un rapport qu'il a depuis 1977. Dans sa
réplique, il nous dit qu'il a maintenant en main à peu
près tous les rapports semblables à COFIRENTES, qui ont
été faits dans d'autres provinces, ainsi que par le gouvernement
fédéral. C'était une des raisons de son attente, si vous
voulez. Il y a des options fondamentales, je ne veux pas vous dire cela au
complet, mais leur idée n'est pas encore tout à fait faite. Par
contre, on a l'intention à la prochaine session de compléter par
d'autres projets de loi cet ensemble de mesures visant à
améliorer de façon notable le sort des retraités et des
préretraités.
Tout ce que je peux dire, c'est que, de notre côté, nous
allons continuer de talonner le gouvernement. Plusieurs l'ont dit, on a
peut-être mis la charrue devant les boeufs, parce qu'on part avec
l'abolition de l'âge de la retraite. Mes collègues l'ont dit,
c'est un peu un choix fictif quand des gens sont obligés de continuer
à travailler pour pouvoir ne pas être en dessous du seuil de la
pauvreté.
Vous parlez d'étapisme. Le ministre nous a parlé d'un
étapisme de bon aloi dans ce cas. Je ne sais pas si c'est une garantie
de plus grand succès que d'autres formes d'étapisme qu'on a
connues, mais il semble bien...
M. Lazure: L'autre va bien aussi.
Mme Lavoie-Roux: ... qu'on développe plusieurs
modèles d'étapisme au Québec. Plus sérieusement, le
problème des revenus des personnes à leur retraite,
particulièrement des femmes, est un problème extrêmement
aigu. Nous allons talonner le gouvernement pour qu'il livre la marchandise que
le ministre a assuré de livrer...
M. Lazure: Le plus rapidement possible au cours du mandat.
Mme Lavoie-Roux: Cela s'allonge un peu. Vous aviez raison
de...
M. Lazure: Non, relisez le journal des Débats.
Mme Lavoie-Roux: Hier, cela s'en venait... Au printemps, cela
s'en venait à l'automne; à l'automne, cela s'en venait au
printemps prochain. Il y a un autre député, le
député de Bourassa, qui a dit: On vous promet cela d'ici deux
ans. Maintenant, c'est durant le mandat. On verra la suite des
événements. Merci.
M. Lazure: M. le Président, par respect pour la
vérité, j'ai dit effectivement tantôt aux
représentants de l'Intersyndicale que nos engagements précis de
la campagne électorale se situaient à l'intérieur du
mandat, donc, généralement parlant, environ quatre ans, un peu
plus ou un peu moins. Mais j'ai dit aussi hier - c'est à cela que vous
faites allusion, je le répète aujourd'hui...
Mme Lavoie-Roux: En fonction de la vérité, c'est la
première fois que vous nous parlez de quatre ans.
M. Lazure: ... - que la prochaine étape va arriver dans
les mois qui viennent. Mais il n'y aura pas seulement une autre étape,
il va y avoir quelques autres étapes...
Mme Lavoie-Roux: Bon!
M. Lazure: ... le tout nous amenant à ce que vous
souhaitez, ce que nous souhaitons tous, une amélioration à la
fois des régimes de rentes privés, mais aussi et surtout du
Régime de rentes du Québec.
Mme Lavoie-Roux: Espérons qu'on va vivre assez vieux.
M. Gaulin: Quand je me référais à un autre
étapisme, c'était aux coupures dans les universités. Vous
avez été assez clair. 1981, 1982, 1983, 1984, 1985; c'est un
étapisme qui est pas mal plus clair que celui-là. Cela ne veut
pas dire que je suis d'accord avec cela, n'est-ce pas?
M. Lazure: II faudrait d'abord voir si ce sont
véritablement des coupures. Nous pensons que c'est surtout un
ralentissement de la croissance.
Mme Lavoie-Roux: Gérer la décroissance.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! s'il
vous plaît!
M. Rodrigue (Norbert): II faudrait, avant de nous proposer
d'autres concertations, que vous vous concertiez au cabinet ou chez la
députation, parce que les discours qu'on entend ne sont pas toujours les
mêmes sur les coupures...
M. Lazure: Sur quoi, M. Rodrigue?
M. Rodrigue (Norbert): Sur le coupures en termes d'effets, que ce
soit en termes de
coupures de services, de main-d'oeuvre, etc. Mais je voudrais en
profiter pour dire, avec la permission du président que nous avons
exprimé un point de vue, nous avons exprimé la
nécessité quant à nous de toucher d'une façon plus
large la question des retraites. On a les réponses que le ministre nous
donne, mais nous pensons qu'il faut que le gouvernement regarde cela
immédiatement et revoie d'une façon plus large la question des
retraites. Et je veux insister sur un point qui m'apparaît très
important. Hier, nous étions devant la commission permanente de la
justice à étudier la Charte des droits et libertés de la
personne. Nous avons exprimé comme position la nécessité
que, dans les régimes, dans les avantages sociaux, on fasse
disparaître la discrimination. Vous savez que, par rapport aux femmes,
c'est un des éléments qui demeurent permis par la charte, la
discrimination dans les avantages sociaux.
Mme Lavoie-Roux: Le rapport Boutin.
M. Rodrigue (Norbert): Je voudrais inviter cette présente
commission, parce que je présume que vous rencontrez de temps en temps
vos collègues, à insister sur cette question car, actuellement,
c'est le nid, à mon avis, le plus sérieux de discrimination
à l'égard des femmes qui soit permis par la loi et qui,
concrètement, se manifeste par des situations qui ne se soutiennent pas
sur le plan social. Personne ne peut soutenir de façon raisonnable
l'existence de ces situations ou les justifier.
Or, dans la conjoncture, il nous apparaît fondamental que la
charte soit amendée pour éviter et interdire la discrimination,
mais cette présente commission, qui traite justement des régimes
de rentes, devrait être en mesure, à la connaissance de
l'étude que vous avez faite, de constater ce fait. Elle devrait insister
fortement auprès de vos autres camarades pour corriger la situation.
M. Lazure: Nos camarades, M. le Président, sont bien
sensibles à cela, surtout nos camarades féminins
évidemment. Vous avez raison de dire que ce sont surtout les femmes qui
sont victimes de ces discriminations dans les régimes d'avantages
sociaux. J'ai eu l'occasion, lorsque j'étais titulaire des Affaires
sociales, de répondre à quelques reprises à l'Opposition
que, oui, nous allions remédier à ces choses et que cela allait
se faire par le biais justement de la Charte des droits et libertés de
la personne. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles la commission
siège actuellement et c'est l'intention du gouvernement de corriger ces
situations.
Mme Lavoie-Roux: Le rapport Boutin, le ministre en a entendu
parler très souvent et il l'a eu avant le rapport de COFIRENTES à
part cela.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Juste une courte question. Félicitations pour
votre mémoire qui nous appelle à la prudence. On apprend des
choses là-dedans. Il faut y aller souventefois à pas de loup.
Dans les conventions que vous signez présentement ou celles que vous
avez signées dans le passé, y a-t-il des articles qui traitent
beaucoup de la préretraite et de la retraite à 65 ans? Avez-vous
commencé à travailler là-dessus?
M. Rodrigue (Norbert): Bien sûr, toutes les conventions
à ma connaissance, dans le public ou dans le privé, traitent de
la question des retraites. C'est effectivement une question qu'il nous faut
voir, parce que, par exemple, on arrive en négociation à fixer
l'âge normal de la retraite ou l'âge obligatoire de la retraite. En
conséquence, selon la décision gouvernementale ou la
législation éventuelle, nous devrons revoir ces questions.
En ce qui concerne les préretraites, il y a effectivement des
conventions collectives qui prévoient certains mécanismes, je ne
vais pas les citer tous, mais je donnerai l'exemple de la CSN; ce n'est pas
l'exemple à suivre nécessairement, mais on prévoit, en
approche de l'âge de la retraite, qu'on peut avoir une organisation du
travail différente. Il se peut que des travailleurs ou travailleuses
désirent, pour se préparer à la prise de retraite,
travailler dans les dernières années six mois par année ou
trois jours par semaine pendant une certaine période. Aménager le
temps du travail, c'est possible pour permettre une préparation à
la retraite. Alors, dans les conventions il existe certains mécanismes,
quoique insuffisants, mais j'allais dire tout de suite après. Ne tentez
pas de nous renverser le fardeau et nous faire avoir des complexes de
culpabilité comme on tente souvent de le faire sur le dos des syndicats.
Les syndicats, lorsque nous négocions nos conventions, vous nous
reprochez assez souvent d'aller en grève; je voudrais juste vous
rappeler que nos conditions de travail, on est obligé de les arracher,
et souvent on est obligé de faire la grève, malheureusement, pour
les avoir.
Je pense que, sur le plan d'une société, il faut
prévoir cela dans la législation, les questions de
préretraite et les conditions de revenus à la retraite, etc. Je
rappelle d'ailleurs qu'il y a des sociétés capitalistes pas
très loin de nous dans notre régime fédéral actuel,
tel qu'il est composé, ou des provinces qui prévoient que c'est
au plan du patrimoine et des ressources naturelles qu'il faut aussi intervenir
pour tirer de ces
ressources un certain pourcentage qui est affecté en termes de
rentes pour ceux qui sont actifs dans la société, actuellement,
et qui éventuellement prendront leur retraite. Vous avez cité la
Saskatchewan, je pense que la Saskatchewan fonctionne un peu comme cela
relativement à la potasse; on a l'électricité au
Québec. Il y a un pourcentage qui est affecté au patrimoine et
qui éventuellement va servir à traiter de ces questions et
à répondre à certains problèmes de cette
nature.
Alors, dans ce genre de situation, encore une fois c'est limité
les exemples, mais il y en a.
M. Laplante: D'accord.
M. Gaulin: Dans le secteur public il y a une clause assez
précise qui s'applique à l'ensemble des groupes. Dans les cas de
surplus de personnel, quand il y a des effectifs additionnels, il y a un droit
à la préretraite l'année qui précède
l'âge normal de la retraite. Bien sûr, c'est une question de gros
sous, quand on négocie ces clauses, il y a des gens qui calculent
rapidement et qui gonflent les affaires.
Je voudrais attirer votre attention, puisqu'on parle de la retraite, sur
une déclaration du discours sur le budget du ministre des Finances, M.
Parizeau, qui a annoncé son intention ou l'intention du gouvernement de
modifier les régimes de retraite, le RREGOP, et de créer un
nouveau régime pour les nouveaux employés du secteur public, de
le créer d'autorité alors qu'actuellement les régimes dans
le secteur public sont des régimes négociés, bien
sûr déterminés à la fin de tout par
législation, car il y a des lois qui couvrent ces régimes de
retraite. Mais depuis dix ans dans les négociations du secteur public
nous avons amené à la table centrale cette question de
régimes de retraite, nous avons créé le RREGOP par
négociation. À notre avis, ce serait aller à l'encontre de
tout ce que l'on se dit ici aujourd'hui que de laisser s'en aller tout seul le
ministre des Finances, j'espère qu'il est tout seul, dans sa
volonté de modifier la structure des négociations des
régimes de retraite et d'imposer un nouveau régime. J'en profite
pour attirer votre attention sur ces phrases qui ont été assez
frappantes dans le dernier discours du budget.
M. Laplante: Dans les métiers de la construction, M.
Rodrigue, je ne veux pas vous faire de publicité parce que vous
êtes en campagne de maraudage de ce temps-ci, mais...
M. Rodrigue (Norbert): II y a une loi là-dessus qui dit
qu'à tous les trois ans on va en campagne d'allégeance; c'est un
droit que l'on considère fondamental.
M. Laplante: II y a beaucoup de menuisiers ou journaliers, de
gens des métiers de la construction qui prennent leur retraite, disons,
à 60 ans. Pouvez-vous déterminer à peu près le
nombre à tous les ans?
M. Rodrigue (Norbert): Non, je n'ai pas de statistiques sur le
nombre de travailleurs de la construction, mais ce que l'on peut dire, c'est
que les gars de la construction et, éventuellement, les filles, quand on
aura élargi nos concepts et donné ouverture à l'embauche
des femmes dans d'autres secteurs que ceux qu'elles occupent actuellement, sont
dans des situations difficiles sur le plan des conditions de travail. (16 h
45)
Je pense que c'est un peu le même sentiment que j'exprimais
à Mme la députée de L'Acadie, c'est-à-dire que l'on
accuse les gars de la construction d'avoir de gros salaires, mais c'est un
préjugé mal fondé parce qu'ils travaillent en moyenne six
mois par année, mais ils travaillent dur, et quand ils arrivent à
55 ans ils commencent effectivement à penser à leur retraite.
Cela ne me surprendrait pas qu'à 60 ans, environ, on retrouve une
certaine quantité de travailleurs de la construction désireux de
prendre leur retraite.
Sur cette question, on est de plus en plus équipé,
statistiquement. On va éventuellement pouvoir vérifier ces
choses. Tu as peut-être des informations supplémentaires que tu ne
me livres pas tout de suite, tu as peut-être la réponse, je ne le
sais pas.
M. Laplante: Je ne connais pas la réponse.
M. Rodrigue (Norbert): Non? M. Laplante: Merci.
Le Président (M. Boucher): S'il n'y a pas d'autre
question, je remercie les porte-parole de l'Intersyndicale pour la
présentation de leur mémoire.
J'appelle maintenant l'Association canadienne des compagnies
d'assurances de personnes Inc. Me Claude Girard, si vous voulez
présenter ceux qui vous accompagnent et présenter votre
mémoire.
Association canadienne des compagnies d'assurances de
personnes Inc.
M. Massicotte (René): Bonjour, M. le Président. Je
ne suis pas Me Girard, mon nom est René Massicotte, je suis le directeur
général de l'Assurance-vie Desjardins et je
suis membre du bureau de direction de l'Association canadienne des
compagnies d'assurances de personnes. J'ai, avec moi, M. Robert Bégin,
président de la compagnie d'assurances L'Industrielle; M. Marcellin
Tremblay, à ma gauche immédiate, vice-président de
l'association, responsable de notre bureau de Montréal, et M. Serge
Miron, à mon extrême gauche, un actuaire de l'association.
Si vous le permettez, nous vous avons soumis un mémoire par
écrit, je vais vous en faire un résumé mais, auparavant,
je voudrais vous dire que l'association comprend 125 compagnies, à peu
près, qui font affaires au Québec et qui transigent probablement
90% des assurances de personnes au Québec. Il est évident que
l'association vous remercie de lui donner l'occasion de formuler ses
commentaires sur l'abolition de l'âge de la retraite obligatoire. Comme
je viens de vous le dire, nous avons déposé un document de
travail qui reprend en détail plusieurs des arguments pour et contre
l'abolition de l'âge de la retraite obligatoire. Ces arguments, vous les
avez entendus, lors de la présentation du projet de loi no 15 à
l'Assemblée nationale et devant cette commission, de la part de
plusieurs autres groupes. Alors, je vais me contenter de vous en faire un
résumé.
Plusieurs arguments militent en faveur de l'abolition de l'âge de
la retraite obligatoire, notamment les suivants. La retraite obligatoire
à un âge fixe est arbitraire. Elle ne tient pas compte de la
situation de l'individu, soit sa capacité physique ou mentale à
poursuivre son travail, ni de sa situation financière, alors que dans ce
dernier cas c'est, pour plusieurs, la principale incitation à conserver
un emploi. La retraite obligatoire entraîne un gaspillage de la
main-d'oeuvre productive.
Il n'en reste pas moins que la retraite obligatoire est une pratique
bien ancrée chez les employeurs et notre société a fait de
l'âge de 65 ans un point tournant. Le Régime de rentes du
Québec, la sécurité de la vieillesse,
l'assurance-chômage, les lois de l'impôt sur le revenu et le
régime d'assurance-maladie et de revenu garanti pourvoient tous à
des prestations qui commencent ou cessent à l'âge de 65 ans. Il
faudra donc en tenir compte.
La retraite obligatoire présente également les avantages
qui suivent. Elle permet à un employeur de planifier les retraites et
prévoir la promotion de salariés plus jeunes, assurant ainsi la
vitalité de l'entreprise. Elle constitue une façon humaine et
ordonnée de traiter les salariés plus âgés dont la
productivité a diminué. Elle aide à résoudre en
partie le problème du chômage des jeunes.
Pour ces raisons, l'abolition de l'âge de la retraite obligatoire
aurait donc de profondes répercussions sur les salariés, les
employeurs et sur la société en général. Entre
autres, il faudrait réviser les programmes de sécurité
sociale et remanier les régimes de rentes supplémentaires. Les
compagnies d'assurances de personnes, à la fois en tant qu'employeurs et
en tant qu'administrateurs de régimes de retraite, pourraient s'adapter
à cette politique d'abolition de l'âge de la retraite obligatoire,
de sorte qu'elles ne s'opposent pas à une telle mesure. Elles soulignent
cependant que le problème est complexe et qu'avant d'aller de l'avant
avec ce projet, le gouvernement devrait entreprendre une étude plus
poussée sur les répercussions sociales et économiques
d'une telle législation. Il faudrait trouver des réponses aux
questions suivantes: Quelles seraient les répercussions sur les taux
d'emploi? Comment évaluer la productivité des travailleurs plus
âgés sans être accusés de discrimination à
leur endroit? Comment devraient être modifiés les programmes de
sécurité sociale qui fixent l'âge de la retraite à
65 ans, de façon à pouvoir les adapter à un âge de
retraite flexible?
Enfin, les régimes collectifs d'assurance-vie et
d'accident-maladie seront affectés, car les taux de mortalité, de
morbidité augmentent de façon sensible aux âges plus
avancés. Il en est de même des clauses d'invalidité, il
faudra déterminer des normes servant à établir à
quel moment un salarié invalide devient un retraité. Il s'agit
là d'autant d'aspects qui méritent d'être
étudiés et l'association est disposée à collaborer
à cette étude.
Ce sont là les quelques remarques que nous voulions formuler au
sujet du projet de loi no 15. Évidemment, c'est un résumé
des remarques que nous avions à formuler. L'abolition de l'âge
obligatoire de la retraite n'est qu'un aspect mineur du problème. Plus
grave est la question du revenu au moment de la retraite, qu'elle soit
obligatoire ou non. Les diverses études réalisées au cours
des dernières années ont fortement mis en doute les
capacités du système actuel de pension, les régimes
publics et privés réunis, de satisfaire les besoins fondamentaux
des Québécois en matière de revenu pendant leurs
années de retraite. Il est clair qu'un simple replâtrage ne suffit
pas, le défi consiste à refondre entièrement le
système, de sorte qu'un plus grand nombre de personnes touchent des
prestations adéquates. Pour y arriver, il faudra conjuguer les efforts
du secteur public et du secteur privé vers cet objectif. La position de
notre association à ce sujet est déjà connue et nous
espérons avoir prochainement l'occasion d'en discuter avec les
autorités gouvernementales.
Alors, comme je vous l'ai dit, M. le Président, c'était un
résumé du mémoire que nous avons déposé. Il
va sans dire que nous
sommes prêts à répondre à vos questions si
vous en avez.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Massicotte. M. le
ministre.
M. Lazure: Je remercie l'Association canadienne des compagnies
d'assurances de personnes d'avoir bien voulu se déplacer. Je remercie
ses représentants de venir participer à cette discussion sur le
projet de loi no 15. Les points de vue qu'exprime l'association méritent
beaucoup de considération, quand on s'arrête à la
statistique que vous donniez tantôt, c'est-à-dire que vous couvrez
environ 90% des personnes assurées au Québec.
J'ai quelques commentaires et une question. Si je comprends bien, en
substance, vous nous dites: On ne s'oppose pas au projet de loi, on voudrait
cependant être sûr que le gouvernement a fait les études
sérieuses qu'une telle législation mérite. On croit avoir
fait les études depuis plusieurs mois, les études voulues, et on
croit surtout avoir pris connaissance avec beaucoup d'attention des
expériences faites ailleurs. On a parlé depuis deux jours de
l'expérience des États-Unis, mais il y a eu en Europe d'autres
pays qui, à un moment donné, ont aboli l'âge obligatoire de
la retraite. Une des enquêtes particulièrement
intéressantes et que vous connaissez peut-être, c'est celle du
Conference Board of Canada qui, après avoir sondé 222 entreprises
et peut-être, parmi ces 222 entreprises, certaines qui sont
affiliées à votre association... C'est un peu le sens de ma
question. Je serais curieux tantôt de voir si vous avez participé
à cette enquête. Le Conference Board, avec tout le sérieux
qu'on lui connaît, déclarait publiquement, il y a
déjà quelque temps, qu'une telle législation n'aura pas de
répercussions importantes ou appréciables quant à la
gestion du personnel dans les entreprises ou quant au plan strictement
économique. Ce groupe, aussi bien que les expériences
américaines, aussi bien aussi que le rapport du Sénat canadien,
le rapport Croll, arrivent à la conclusion -là, je réponds
à une de vos questions - que les répercussions sur la
main-d'oeuvre sont minimes et parlent d'un pourcentage variant de 2 à 4%
de gens qui voudront bénéficier d'un tel prolongement de leur
carrière au travail. Je vais vous donner l'occasion de réagir
à cette question concernant l'enquête du Conference Board.
M. Massicotte: Oui, si vous voulez. Je vous avoue que, pour ma
part, ça ne m'étonne pas d'entendre ce que vous venez de dire, M.
le ministre. Après une certaine période d'ajustement,
probablement que cette abolition de l'âge de la retraite n'aura pas
autant de répercussion qu'on pourrait le craindre. Il y a
peut-être une période au départ qui va amener des remous
plus importants. C'est pourquoi nous vous disons dans le mémoire qu'il y
a au-delà de ça beaucoup d'autres questions qui sont
soulevées. Les effets sur le monde du travail ne sont peut-être
pas plus élevés que ceux que vous dites là, c'est bien
possible. Le Conference Board est un organisme sérieux qui a fait une
enquête valable, mais qu'il y a un tas d'autres questions qui se posent
en ce moment en plus de l'effet sur la main-d'oeuvre, en particulier pour les
jeunes.
Je pense que M. Bégin voudrait ajouter quelque chose.
M. Bégin (Robert): M. le ministre, je suis
également d'accord que l'étude du Conference Board a donné
ces résultats. Je me demande vraiment - et je crois que le gouvernement
devrait aussi se le demander -quels seraient les résultats d'une
enquête avant le fait, mais aussi quels seront les résultats dans
les faits si vous allez de l'avant avec l'alternative A dont vous avez
parlé tout à l'heure, qui permettrait l'accumulation du statut
d'employé et du statut de retraité et de recevoir les deux
revenus. Le type de 65 ans qui se voit donner une augmentation de salaire va
avoir beaucoup plus d'incitation à rester sur le marché du
travail à l'avenir. Je pense que le résultat dans les faits sera
radicalement différent et peut causer des inquiétudes
réelles. Si l'alternative n'existait pas, il est probable que ça
n'aurait pas d'effets majeurs sur...
M. Lazure: Vous touchez là à ce qu'on appelle la
revalorisation de la rente différée ou la perception de la rente.
Vous touchez aux trois options que j'énumérais tantôt,
n'est-ce pas?
M. Bégin: Je touche seulement à la première
où il serait possible de cumuler les deux.
M. Lazure: Où il est à la fois retraité et
travailleur. Bien sûr que ça lui fait un revenu plus imposant,
mais est-ce qu'il ne va pas payer des taxes plus imposantes aussi, des
impôts plus imposants?
M. Bégin: Oui, il sera dans le même bateau que bien
d'autres, mais il en reste toujours plus malgré tout.
M. Lazure: Je n'ai pas d'autres réponses à vous
donner mais je pense qu'en toute équité il faut laisser ce choix
à la personne. Nous pensons que - plusieurs groupes nous ont
parlé de la fameuse retraite graduelle, la retraite à la carte
-dans la mesure où les deux statuts seraient possibles en même
temps, on se trouve à ouvrir une porte qui est souhaitée par
beaucoup de monde vers une retraite qui se fait graduellement, avec du
travail à temps partiel. L'option, telle que je la décrivais,
c'était travailleur à temps plein et retraité en
même temps à temps plein, pour ainsi dire. Je continue à
croire que ce sera le fait d'un très petit nombre de personnes,
finalement. Plusieurs voudront, au contraire, devenir des employés
à temps partiel tout en touchant une rente qu'ils ont accumulée.
C'est à ces personnes qu'appartient la rente en question. Il me semble
que la personne doit avoir le privilège de dire: Je peux la toucher
maintenant ou je peux la toucher de façon différée. (17
heures)
M. Tremblay (Marcellin): M. le Président, je pense qu'on
fait allusion, en même temps aussi, au régime de
sécurité sociale qui commence à 65 ans. À ce
moment, ce n'est pas véritablement tout à fait la même
chose que ce que vous dites, il l'a payée, il peut la toucher
immédiatement. Évidemment, il l'a payée comme tous les
citoyens l'ont payée, mais il me semble que, lorsqu'on a
préparé nos notes pour venir ici aujourd'hui, c'était en
vertu du projet de loi qui avait été soumis. Vous admettez
vous-même que vous en avez modifié certains articles où on
clarifie justement certaines questions qu'on se posait. À ce moment, on
se disait: Est-ce que des études suffisantes ont été
faites? Vous avez admis vous-même tout à l'heure qu'il a fallu
réviser le projet de loi, vous rendant compte que certains articles
méritaient une précision.
On se posait justement la question qui vient d'être
soulevée, ce n'était pas clair dans le projet de loi. C'est la
raison pour laquelle nous avons pris la précaution de dire qu'une
étude plus approfondie devrait être faite avant que ce projet ne
soit soumis. Je pense que, dans notre prise de position aujourd'hui, il est
intéressant d'entendre ceux qui nous ont précédés
tantôt. Il est assez rare qu'on soit toujours d'accord avec le mouvement
syndical, mais il reste que plusieurs aspects de nos préoccupations ont
été soulevés tout à l'heure dans le mémoire
intersyndical qui a été soumis et je pense que cette
préoccupation était semblable à celle que nous avons.
Nous avons surtout insisté sur le dernier aspect de la question,
parce que, pour nous, l'âge obligatoire de la retraite n'est pas le
problème, comme on l'a souligné, le plus fondamental.
Vous-même l'avez dit à plusieurs reprises, de même que Mme
Lavoie-Roux l'a souligné également lors du débat en
Chambre. Je pense que la question la plus fondamentale, c'est tout l'ensemble
du problème de la retraite lui-même. On se demande un peu pourquoi
une loi spéciale pour l'abolition de l'âge de la retraite, alors
qu'on a un problème plus global et beaucoup plus considérable que
celui-là. On a déjà correspondu, je pense, avec vous pour
vous indiquer la position de notre association concernant les problèmes
de retraite. On était heureux de vous entendre dire qu'il est question
d'améliorer les régimes de rentes supplémentaires. Nous
sommes d'accord sur bien des points et croyons qu'il faut que les
régimes de rentes supplémentaires soient révisés,
soient améliorés particulièrement sur la question de
portabilité des pensions, sur la question de l'acquisition des
contributions de l'employeur, sur la question d'une certaine forme
d'indexation, je pense que nous sommes d'accord là-dessus que les plans
privés doivent être améliorés.
Là où nous sommes en totale opposition aux orientations
que vous avez exprimées tantôt, c'est de voir une expansion
considérable du régime de retraite étatique plutôt
que de s'orienter vers un régime privé. Il est évident que
c'est une question philosophique absolument fondamentale, je pense qu'à
ce moment-là, c'est l'État face à l'entreprise
privée. Il est évident que notre prise de position, à ce
sujet-là, est totalement à l'opposé. L'Association
canadienne des compagnies d'assurances de personnes recommande de prendre
position clairement; elle recommande éventuellement, si on veut qu'un
plus grand nombre de personnes soient couvertes par un régime de
retraite, que les régimes de retraite deviennent obligatoires, qu'un
minimum de retraite dans les entreprises devienne obligatoire. Nous croyons que
ces régimes de retraite obligatoires devraient être laissés
à l'entreprise privée pour une raison assez fondamentale, je
pense, qui est toute l'orientation économique vers laquelle la province
doit se tourner.
Il est certain que les épargnes des Québécois sont
en grande partie dans les régimes de retraite et si l'État
étend le programme de régime de rentes du Québec, il est
bien certain que la Caisse de dépôt et de placement par exemple,
va prendre des proportions énormes et deviendra à peu près
le seul investisseur. Dans un régime d'économie libre, je pense
qu'il est important de laisser entre les mains du secteur privé une
partie des épargnes. C'est là-dessus que notre objectif est
peut-être le même, mais, sur la façon d'arriver à un
objectif global, je pense que nous avons une prise de position absolument
à l'opposé de celle du présent gouvernement.
M. Lazure: M. le Président, on me permettra sûrement
de réagir tout de suite, parce que je ne veux surtout pas qu'il y ait de
malentendu sur les remarques que j'ai faites tantôt devant le groupe qui
a précédé le vôtre. Je n'ai jamais dit, ni
laissé entendre que le gouvernement s'apprêtait à
constituer un monopole des caisses de
retraite et, par conséquent, devenir le seul investisseur
appréciable au Québec. Jamais je n'ai laissé entendre une
telle chose. Je comprends que l'Association canadienne des compagnies
d'assurances de personnes ait des vues différentes de l'Intersyndicale
ou même du gouvernement. Je veux tout de suite replacer dans son contexte
beaucoup plus réaliste et beaucoup plus conforme à ce que j'ai
dit tantôt, les remarques visant la réforme du Régime de
rentes du Québec.
Vous conviendrez sans doute qu'un régime où les
cotisations sont les mêmes depuis quinze ans, ce qui est le cas pour la
RRQ, 1,8%/1,8%, a besoin d'être rajusté quinze ans plus tard. Je
ne pense pas que vous soyez contre cette nécessité urgente
d'ajuster les tarifs. Forcément, en rajustant les tarifs, nous allons
bonifier ce Régime de rentes. C'est présomptueux de votre part de
sauter à la conclusion que le gouvernement a l'intention
d'établir un monopole de l'investissement avec une caisse qui
deviendrait démesurée. Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. Ce
n'est pas du tout l'intention du gouvernement. Le gouvernement pense qu'il y a
place pour un régime de rentes public amélioré, par
conséquent, une caisse publique mieux garnie, à la fois, pour une
amélioration aussi des régimes de rentes supplémentaires.
Il n'y a rien dans l'état actuel des choses, et même après
les améliorations au RRQ, qui va empêcher les entreprises
privées de recourir plus souvent qu'elles ne l'ont fait dans le
passé à des régimes supplémentaires de rentes.
M. Massicotte: Si vous me permettez de vous le dire, nous sommes
bien contents de vous entendre dire cela, M. le ministre. Je dois avouer que,
comme mon collègue, M. Tremblay, j'avais eu l'impression que vous
songiez à quelque chose de beaucoup plus important. Je vous remercie de
le préciser.
M. Lazure: Pour nous, c'est très important de bonifier le
Régime de rentes du Québec. C'est important aussi - je suis
content de voir que vous êtes d'accord avec notre position -
d'améliorer les règles du jeu concernant les régimes
supplémentaires de rentes. Quant à nous, il n'y a absolument rien
dans nos intentions qui va freiner l'ouverture, le développement
d'autres régimes supplémentaires de rentes, quand on constate
qu'il y a encore 55% de la main-d'oeuvre qui ne sont pas couverts.
M. Tremblay (Marcellin): M. le ministre, nous aurons l'occasion
de vérifier cela, parce que justement l'Association canadienne des
compagnies d'assurances de personnes met de l'avant présentement un plan
pour développer un programme de pensions pour les petites entreprises.
C'est connu que c'est dans les petites entreprises que les fonds de pension
sont les moins existants. Il est clair que dans les entreprises de 50 personnes
et moins, assez souvent, il n'existe pas de fonds de retraite et les
enquêtes révèlent que c'est là qu'il y a plus grand
manque de couverture. Nous avons développé, au niveau de
l'association, un projet de pension multi-employeurs. Nous avons soumis ce
projet à la Régie des rentes du Québec. Nous sommes
actuellement en pourparlers avec elle pour le faire accepter, mais la
législation présente semble s'y opposer. Il semblerait qu'un
régime de pension doit être enregistré au nom d'un
employeur. On ne peut pas l'enregistrer au nom de multi-employeurs. On aura
l'occasion, M. le ministre, de voir si véritablement notre secteur
privé peut obtenir les élargissements nécessaires pour
pouvoir couvrir davantage les travailleurs du Québec avec des
régimes privés supplémentaires. Merci.
M. Lazure: Comme je l'ai dit à l'autre groupe qui vous a
précédés, on aura sûrement l'occasion de se reparler
à l'occasion non seulement d'une prochaine commission parlementaire,
mais à l'occasion de consultations aussi qui pourront se tenir
entre-temps.
Quelques autres remarques sur votre mémoire. Vous posez la
question dans le mémoire à savoir s'il y aurait lieu d'exempter,
si j'ai bien compris, les entreprises de moins de 20 employés. Vous
faites allusion à la législation américaine qui les
exempte. Je vous avoue que nous ne sommes pas portés à les
exempter, précisément parce que les quelques milliers de
travailleurs et de travailleuses qui voudront profiter de cette nouvelle loi,
souvent c'est pour des motifs économiques -on l'a vu tantôt - pour
maintenir un revenu qui n'est déjà pas élevé et
souvent on va les retrouver dans des petites entreprises de moins de 20
employés.
Contrairement au cheminement américain, nous ne sommes pas
portés, en tout cas pour le moment, à soustraire les petites
entreprises de cette nouvelle loi.
Finalement, vous vous demandez si les régimes de
sécurité sociale seront maintenus. Si vous entendez par là
la pension de vieillesse ou le revenu supplémentaire garanti, les deux
formes de sécurité sociale émanant du gouvernement
fédéral, quant à nous, cela va continuer tel quel.
Voulez-vous préciser votre question?
M. Massicotte: Si l'âge de la retraite était aboli
comme tel, il y aurait possibilité que ces régimes soient
amendés pour s'adapter à cette nouvelle optique, si vous voulez,
de retraite à un âge plus avancé que 65 ans. Cela a
déjà été le cas que ces régimes
prévoyaient des âges de retraite plus
vieux que cela.
M. Lazure: Dans les régimes privés, oui.
M. Massicotte: Dans les régimes publics aussi.
M. Lazure: Mais si vous parlez du régime public...
M. Massicotte: Dans les régimes publics, cela a
déjà été 70 ans.
M. Lazure: Ah oui! d'accord.
M. Massicotte: Cela pourrait revenir. L'option dont vous parlait
M. Bégin, tantôt, de considérer un travailleur à la
fois comme travailleur et comme retraité, cela pourrait vous donner la
tentation d'avoir ce qu'on avait autrefois, des tests de moyens pour savoir si
la rente doit être diminuée, parce que la personne travaille
encore et reçoit un salaire. Cela implique quand même pas mal de
choses, non seulement des changements dans les âges de retraite, mais
aussi les tests de moyens qui pourraient revenir, par exemple.
M. Lazure: Non, dans notre esprit, il n'est pas question de tests
de gains ou de tests de moyens.
M. Massicotte: Cela veut dire qu'un travailleur pourrait, dans
l'optique dont vous parliez tantôt, à la fois recevoir sa pension
et un salaire pour un emploi qu'il occuperait?
M. Lazure: Oui.
M. Massicotte: Dans cette optique, sans doute M. Bégin
voudra-t-il revenir pour vous dire qu'il croit que plusieurs personnes voudront
profiter de cette augmentation de salaire à l'âge de la
retraite.
M. Bégin: Je ne reviendrai pas sur le sujet, je l'ai
déjà dit.
Concernant votre première question, M. le ministre, je crois que
notre association souffre un peu du même malaise que les gouvernements en
ce sens que divers comités de notre association ignorent parfois la
position de l'autre de la même façon que les ministres semblent le
faire à l'occasion.
Notre position vis-à-vis de la révision du régime
de retraite est carrément pour une protection universelle sans
exception. Je pense que c'est la position qui sera maintenue par l'association
sans exception, peu importe le nombre d'employés d'un employeur.
M. Lazure: Ah bon!
M. Bégin: Autrement dit, l'exception de vingt ou cinq
employés et moins, la seule protection oratoire qu'on y a mise, c'est
qu'il y aurait lieu d'y aller progressivement pour certaines petits employeurs
qui du jour au lendemain se retrouveraient avec ces frais additionnels, mais on
recherche la couverture universelle privée ou publique ou une bonne
combinaison des deux.
M. Lazure: Voilà. Je suis content, cela éclaire ma
lanterne. Je veux être bien sûr, vous dites que vous êtes
d'avis en somme que la loi, dans l'orientation qui se dessine, devrait
s'appliquer aux employés des petites entreprises, mais vous mettez une
nuance, vous dites: Avec un certain gradualisme.
M. Bégin: C'est exact.
M. Lazure: J'ai, à plusieurs reprises hier, parlé
d'une approche qui serait gradualiste, par étapes. Est-ce que cet
étapisme, dont on a parlé à l'occasion de certains
groupements, pourrait s'appliquer aux petits employeurs ou aux employés
de petites entreprises?
M. Bégin: Notre suggestion était que cela
s'applique seulement aux petits employeurs sans vraiment donner une
définition, mais on pensait vraiment aux petits.
M. Lazure: On retient votre suggestion pour considération.
Merci.
Le Président (M. Boucher): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je vais céder mon droit de parole
à mon collègue de Nelligan. Je reviendrai, s'il reste du temps,
pour une question.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: S'il y a quelque chose qui se détache de votre
mémoire, c'est la même chose qui a paru dans plusieurs
mémoires qu'on a entendus. Cela a été bien
intéressant de voir la conclusion à laquelle vous arrivez qui est
celle de plusieurs des plus importants mémoires qui ont
été présentés. Vous dites: L'abolition de
l'âge obligatoire de la retraite n'est qu'un aspect mineur du
problème; plus grave est la question du revenu au moment de la retraite,
qu'elle soit obligatoire ou non. Il est clair qu'un simple replâtrage ne
suffit pas. C'est intéressant de penser que les syndicats qui n'ont pas
les mêmes objectifs que vous, je suis certain, disent que le projet no 15
est incomplet et a laissé de côté les véritables
problèmes. (17 h 15)
On veut masquer une situation beaucoup plus grave, celle de
l'insuffisance des revenus. Vous auriez pu avoir écrit la conclusion du
mémoire du syndicat et vice versa.
Ensuite, ils disent: II nous faut constater qu'il a été
préparé à la hâte tellement ces insuffisances sont
nombreuses. D'autres mémoires ont appelé la loi une loi-gadget en
disant que l'on a manqué tout le fond de la chose, une façon de
dire que l'on a mis la charrue devant les boeufs.
Spécifiquement, à la page 5 de votre mémoire, vous
citez tous les éléments de retraite et de fonds de
sécurité sociale: revenu garanti, assurance-maladie, il y en a
six, je pense que vous citez, des prestations qui commencent ou qui cessent
à l'âge de 65 ans. Plus loin, aux articles 1 et 2, au bas de la
page 8, vous dites: À noter qu'à l'heure actuelle, Revenu Canada
ne permet pas de constitution de prestations après l'âge de 71
ans, ni un ajustement actuariel dans le cas de retraites
différées au-delà de cet âge.
Ensuite, vous faites le point. Le fait que les prestations
prévues au Régime de rentes du Québec, au régime de
pensions du Canada, etc., rend difficile l'intégration des prestations
de retraites des régimes privés lorsque l'âge de la
retraite est souple... Plus loin: De plus, comme nous l'avons noté,
l'adoption de la retraite souple pourrait avoir des répercussions sur
d'autres programmes publics, l'Assurance-chômage, etc. Voilà les
points que beaucoup de mémoires ont votés.
Voici, ce que je voulais vous demander en première partie. Si,
par exemple, cette loi va de l'avant, comme elle est, avec l'ajustement des
articles 4 et 5, sans réellement prévoir tout de suite des
ajustements à tous ces éléments, tous ces régimes
dont certains ont une portée fédérale, quelles sont les
portées, quels sont les problèmes que cela causerait entre la
période de l'effet de la loi et la période de l'ajustement de
toutes ces questions par une seconde étape du projet du ministre?
C'est-à-dire, qu'il va y avoir trois étapes,
d'après ce que le ministre a dit. Il y aura la première
étape, c'est maintenant, c'est ce projet. La seconde étape, c'est
de réduire l'âge de la retraite à 60 ans,
c'est-à-dire l'abaisser, et ensuite, la troisième étape
serait le changement des régimes pour permettre de transférer des
retraites, la question des conjoints, etc.
M. Bégin: Je peux essayer de répondre à
cette question. Le problème fondamental, c'est que si les concordances
ne sont pas faites simultanément, elles ne le seront jamais. Parce que
cela voudrait dire enlever quelque chose à quelqu'un. Or, on sait bien
que, dans la société d'aujourd'hui, c'est très difficile
d'enlever quelque chose qui existe. Alors il faut que les concordances soient
simultanées avec l'entrée de la loi pour qu'on puisse
espérer que cela se fasse.
M. Lincoln: Alors, deuxième point que j'avais à
vous demander. En fait, il n'y a pas de précédent au sujet de
toute cette question-là, excepté les États-Unis et les
pays Européens, mais en principe, on s'appuie beaucoup sur
l'expérience américaine qui a fait des relevés, etc.
D'ailleurs, vous les citez beaucoup dans votre rapport. Le ministre a
parlé de 2% à 4%, les Américains disaient encore
peut-être même moins que 2%, c'est un très faible nombre,
mais l'expérience est très récente.
Pourtant il y a un monsieur qui a présenté en
mémoire, mais il ne cite pas de chiffres à l'appui; il a dit
qu'il avait eu des données de très grosses firmes comme Bechtel,
etc. Il mettait les chiffres possiblement dans les 15% à 20%, quelque
chose de rigoureux. Le ministre a dit que c'était entre les deux; bref,
personne ne sait vraiment.
Les Américains disent qu'ils étudient encore la
portée de la chose après 70 ans. C'est pourquoi ils ont retenu
l'âge de 70 ans jusqu'à présent.
Est-ce que vous, comme association d'assureurs, avez des chiffres et des
statistiques sur cette question? Passé 70 ans, combien de gens, est-ce
2%, 4%, 15%, 20%...
M. Tremblay (Marcellin): M. le Président, malheureusement,
nous n'avons pas de statistiques parce que je pense que seule
l'expérience va nous démontrer ce qui va se passer. Surtout
lorsque les deux vont s'additionner, comme M. Bégin le soulignait
tantôt, il est fort probable que ça peut être une
incitation, du moins, au début. Il y a toujours une période
d'ajustement, l'expérience le dira.
Je ne sais pas, du côté du gouvernement, si on a fait une
évaluation dans la fonction publique. L'État
québécois est quand même le plus gros employeur. Il serait
intéressant de savoir quelle serait la conséquence, par exemple,
dans la fonction publique. On connaît la proportion d'employés des
secteurs public et parapublic. Il serait intéressant de savoir quel en
serait l'effet d'une telle chose. On sait par expérience que, dans tous
les gouvernements, il y a toujours un certain nombre d'employés qui sont
plus ou moins productifs pour différentes raisons. Est-ce que ce serait
une incitation pour plusieurs à dire: Pourquoi prendre ma retraite? Je
vais rester. Je ne sais pas quels seront les effets. C'est seulement
l'expérience qui nous le dira, je crois bien. De toute façon,
vous devez avoir des études, puisque vous dites que ç'a
été étudié suffisamment pour nous donner des
statistiques.
M. Bégin: Je crois que, sur une base volontaire, à
ma connaissance, dans toutes les études que j'ai vues, il y a certains
régimes où, sur une base volontaire, présentement,
ça peut se faire, mais il n'y a pas d'incitation particulière. Je
crois que le chiffre du Conference Board est à peu près correct,
de 2% à 4%, c'est à peu près l'expérience
vécue à ce jour. Mais je répète le point que je
soulevais tout à l'heure, peut-être en y ajoutant que, s'il est
possible, à 65 ans, de se retrouver avec une pension de vieillesse plus
un régime supplémentaire, plus la Régie des rentes, plus
son salaire plus ou moins plein, je crois qu'on va gonfler
considérablement ce pourcentage et qu'on se créera, comme
société, des problèmes d'immobilisme dans la main-d'oeuvre
pour de très longues années.
M. Lincoln: Est-ce que je peux vous poser une ou deux questions,
M. le ministre?
M. Lazure: Oui, oui.
M. Lincoln: À la suite de la question que j'ai
posée à l'Association canadienne des compagnies d'assurances,
est-ce que c'est votre intention de faire toutes ces concordances entre tous
les régimes de rentes et de sécurité sociale conjointement
avec le projet de loi?
M. Lazure: Je m'excuse. Pourriez-vous reprendre la question?
M. Lincoln: Est-il dans votre intention de faire toutes ces
concordances entre les régimes cités ici, justement, pour la
question de l'ajustement des prestations, en même temps que la mise en
vigueur du projet de loi no 15?
M. Lazure: J'ai expliqué hier, et je le
répète encore une fois, que, pour les ajustements, en particulier
par rapport aux 5000 régimes supplémentaires de rentes, nous
voulons donner une période qui va permettre une entrée en vigueur
de la loi qui pourra correspondre soit au renouvellement des conventions
collectives, lorsque les RSR sont à l'intérieur de conventions
collectives, de négociations, ou encore un maximum, qui peut être
de deux ou trois ans, un peu selon le modèle américain. Cela,
c'est pour les régimes supplémentaires de rentes, c'est
clair.
Si, par concordance avec les mesures de sécurité sociale,
vous faites allusion, par exemple, entre autres choses, à la pension de
vieillesse, il n'en est pas question. Il n'est pas question, à mon avis,
de dire à la personne qui va vouloir continuer à travailler
au-delà de 65 ans, pendant un an ou deux, que la pension de vieillesse
lui sera versée seulement lorsqu'elle arrêtera de travailler, si
c'est cela que vous avez en tête. Quant à nous, ça ne
paraît pas indiqué du tout d'essayer de faire ça. De toute
façon, ce n'est pas en notre pouvoir de le faire, mais il ne nous
paraît pas indiqué de négocier une telle chose
auprès du gouvernement fédéral.
M. Lincoln: Non, mais il y a certaines choses comme, par exemple,
la question de l'ajustement de l'impôt sur le revenu, la question de
l'assurance-chômage qui ont été soulevées par les
syndicats.
M. Lazure: Si vous voulez, on va les prendre un par un, et je
vais revenir.
M. Lincoln: Si vous regardez à la page 8 du
mémoire, il y a...
M. Lazure: Si vous me permettez, j'ai commencé par la
pension de vieillesse, mais prenons les grands éléments de ce
qu'on appelle la sécurité sociale. Il y a ensuite la rente du
Québec. Déjà, c'est permis dans l'état actuel des
choses. C'est pour ça que je ne suis pas d'accord du tout avec vos
prévisions un peu alarmistes; déjà, c'est permis, on a
amendé la loi en 1977. C'est permis pour un travailleur, à 65
ans, de toucher à plein sa rente du Québec, 150 $, 200 $, 220 $
par mois, peu importe, et de continuer à travailler, à toucher
son plein salaire. C'est permis cela, il ne faut pas l'oublier. Il ne faut
quand même pas faire abstraction de la réalité de tous les
jours. Donc, ce qui a l'air de vous surprendre tellement, le double statut de
travailleur et de retraité, c'est déjà en vigueur et,
à ma connaissance, cela n'a pas apporté de catastrophe, cela n'a
pas amené des milliers de personnes à vouloir s'accrocher
à leur emploi tout en touchant la rente venant de la Régie des
rentes du Québec.
M. Bégin: Est-ce que je peux ajouter un mot exactement sur
cela? Cela est exact, cela n'a pas amené de catastrophe parce que, de
l'autre côté, la retraite obligatoire à 65 ans était
là. Maintenant, on parle de changer les règles du jeu et de
donner toute liberté, et cela change considérablement les
règles du jeu. La motivation économique ou financière des
individus va jouer vraiment à fond à ce moment-là. Par
contre, il est possible d'avoir cette concordance tout en maintenant une
équité individuelle par le jeu des équivalences
actuarielles. Je suis absolument convaincu que c'est absolument possible de
maintenir l'équité individuelle tout en s'assurant qu'un
individu, à 65 ans et un mois, ne reçoit pas 150% par rapport
à ce qu'il recevait la veille.
M. Lazure: Encore une fois, arrêtons-nous sur ce double
statut qui a semblé vous surprendre beaucoup tantôt et qui a
été à
l'origine de notre discussion. Il existe le double statut, depuis
quelques années; il y a actuellement environ 40 000 personnes de 65 ans
et plus qui travaillent, 40 000 personnes.
Mme Lavoie-Roux: 8%, je pense, M. le ministre.
M. Lazure: C'est cela, 8%. Vous dites: Oui, cela existe, le
double statut, mais étant donné que l'âge obligatoire de la
retraite est encore à 65 ans cela n'a pas amené une augmentation
considérable. Je vous ferais remarquer que l'âge de retraite
obligatoire, 65 ans, ne s'applique pas à au moins la moitié de la
main-d'oeuvre. Tous les individus qui sont dans des entreprises, que ce soit de
1000 employés ou de 12 employés, où il n'y a pas de
régime supplémentaire de rentes du tout, si l'employeur veut
garder son employé, il peut le garder. Donc, il n'y a pas de retraite
obligatoire à 65 ans, ni même à 70 ans, dans plusieurs de
ces entreprises. Alors, je ne comprends pas là. Vous dites: Cela n'a pas
amené de catastrophe, parce qu'il y a encore un âge obligatoire de
retraite, mais il n'existe pas pour beaucoup de ces personnes, l'âge
obligatoire.
M. Bégin: C'est exact que cela n'existe pas, mais pour
ceux qui ont un régime supplémentaire, cette contrainte joue.
Pour ceux qui n'en ont pas et qui sont devant la possibilité d'avoir la
pension de vieillesse et la Régie des rentes du Québec comme
seuls revenus, la chute est accouplée de l'inflation qui continue.
M. Lazure: Même dans les cas où il y a un
régime supplémentaire de retraite, vous savez fort bien que 70%
de ces employés ont vu l'âge obligatoire porté à 70
ans. Donc, eux aussi ont la faculté d'avoir un double statut. Vous
admettez cela?
Mme Lavoie-Roux: Juste une remarque concernant les 40 000 qui ont
dépassé 65 ans et qui travaillent - je n'ai pas de chiffres moi
non plus - il se pourrait fort bien que la majorité de ces personnes
n'ait pas le même emploi qu'à l'âge de 65 ans, si la
question de la retraite obligatoire s'appliquait. Alors que dans le cas qu'on
prévoit ce sera l'employeur actuel, il pourra toujours changer d'emploi
s'il le veut, mais ce sera l'employeur actuel qui aura l'obligation de le
garder à son emploi. Je pense que cela va peut-être apporter une
perspective un petit peu différente; en tout cas, on ne l'a pas
touchée ni dans un sens ni dans l'autre.
M. Lazure: On ne sait pas vraiment, mais effectivement il y a
beaucoup de ces 40 000 qui, à 65 ans, quittent leur emploi parce qu'ils
y sont forcés par un plan privé de retraite et prennent un autre
emploi.
M. Lincoln: Je veux vous poser deux questions bien courtes, s'il
vous plaît. La première chose: je ne sais pas si vous avez
statué là-dessus, mais pourquoi n'avez-vous pas retenu la formule
des États-Unis, au point de vue des gros bonnets qui touchent de grosses
rentes comme 27 000 $ et plus, l'effet économique de cela, est-ce qu'on
a pensé à l'effet économique quand beaucoup de gens
gagnent de 70 000 $ à 80 000 $ pendant que les jeunes ne rentrent pas au
travail? Je crois que l'Université McGill a des statistiques montrant
que ça coûte une fortune de garder des gens avec de gros salaires,
qui pourraient être remplacés par des gens ayant des salaires plus
bas. Surtout dans la conjoncture des coupures budgétaires, ça va
frapper les... on peut penser aux hôpitaux, aux services publics... (17 h
30)
M. Lazure: Juste sur ce point précis, c'est vrai que nous
n'en avons pas parlé beaucoup depuis deux jours mais, quant à
nous, nous n'avons pas abandonné cette possibilité. Notre choix
n'est pas fait. Dans un sens, il y a quelque chose d'un peu rébarbatif
et c'est pour ça que nous avons une certaine réticence à
emprunter cette clause qu'on retrouve dans la législation
américaine où c'est 27 000 $. Cela veut dire que si la personne,
arrivée à l'âge de retraite, que ce soit 65 ou 70 ans selon
les secteurs, a un régime de retraite qui lui permet d'avoir un revenu
de 27 000 $ ou plus, à ce moment-là, la loi ne s'applique pas
à elle.
Il y a quelque chose d'un peu ennuyeux au plan du principe de la
non-discrimination. D'autre part, il est bien sûr que ça peut
être attirant à d'autres points de vue, pas simplement au point de
vue économique -déjà ça pourrait être
considérable - mais aussi à d'autres points de vue. Certains
groupes nous demandent que la loi s'applique à eux; je pense, pour
être précis, à nos juges ou aux professeurs
d'université. Certains demandent, comme les juges, d'être inclus,
et nous pensons qu'ils devraient être exclus. C'est sûr que si on
passe par le biais d'une rente de 27 000 $, comme les Américains, ou de
25 000 $, peu importe, automatiquement ils en seraient exclus. Si on excluait
les personnes qui touchent une rente de 25 000 $ ou plus annuellement, cela
exclurait la grande majorité des juges, sinon tous, de la même
façon que ça exclurait la majorité des professeurs
d'université, des professeurs de carrière ou encore des hauts
fonctionnaires et des ministres aussi. Mais, pour les ministres, il y a un
autre mécanisme encore bien plus efficace pour les exclure un jour. Tout
ministre, un jour, se fait exclure, comme tout député se fait
exclure, un jour, c'est la seule chose qui est
certaine en politique. C'est qu'un jour...
Mme Lavoie-Roux: II y a des exclusions volontaires, il y a les
involontaires.
M. Lazure: ... si on ne s'exclut pas, on se fait exclure. Mais,
sérieusement, M. le député de Nelligan, nous n'avons pas
rejeté cette possibilité. Je vous avoue que nous sommes encore
hésitants, et moi je serais heureux d'avoir vos opinions du
côté de l'Opposition s'il y en a qui veulent s'exprimer.
M. Lincoln: J'aimerais vous demander... M. Lazure:
L'opinion...
M. Lincoln: Je suis 100% pour la question...
M. Lazure: Pardon.
M. Lincoln: Je suis 100% pour une mesure quelconque qui
favoriserait le recyclage des jeunes. Toute la question économique, je
ne sais comment ça se pose, mais au moins comme première
étape...
Mme Lavoie-Roux: II manque d'expérience, on ne donne
jamais ça devant un ministre qui nous l'a demandé.
M. Lincoln: Vous connaissez mon opinion.
M. Lazure: C'est une belle candeur qu'il faut admirer, M. le
Président.
Mme Lavoie-Roux: Cela ne dure pas longtemps.
M. Lincoln: Ce que je voudrais vous demander en dernier lieu...
Je crois que tous ces mémoires ont soulevé toutes sortes de
questions de fond qui demandent beaucoup d'étude. Il y a l'exemple du
fonds minier où on a examiné la question, puis on a
réalisé que peut-être on allait de l'avant trop vite avec
ça, et on a eu à revoir toute l'affaire. Vous avez parlé
de trois étapes s'échelonnant peut-être sur un an;
maintenant vous dites peut-être durant le mandat de quatre ans, je ne
sais pas, mais enfin peut-être que ça sera entre les deux. Je me
demande si, compte tenu de toutes les objections qui seront faites, de la
question des études de fond, on pourrait parvenir à faire cette
loi, s'arrêter à 70 ans pour une première étape,
quitte à... Si vous devez aller de l'avant, l'idéal serait
d'attendre que vous fassiez une étude pour coordonner tout cela. Si vous
continuez à aller de l'avant avec ça, comme première
étape, peut-être pourriez-vous le faire jusqu'à 70 ans,
quitte à apporter un amendement ensuite quand on aura vu toutes les
conséquences.
M. Lazure: M. le Président, ce n'est pas exclu. Je vous
répète que dans notre engagement, d'ailleurs, on avait dit 70 ans
de façon précise. Lorsqu'on a commencé à
étudier les expériences ailleurs, on s'est aperçu qu'il y
en avait si peu qui continuaient après 70 que ce n'était vraiment
pas la peine de garder la discrimination avec un âge quelconque.
C'était aussi bien d'enlever toute référence à
l'âge parce que ce que vous proposez, ça ne répugne pas, on
va l'envisager, mais je ne suis pas sûr que ça nous aiderait.
À supposer qu'on dise: 70 ans pour une période de trois ans, les
études qu'on fera au cours des trois années nous donneront des
statistiques sur le nombre d'individus qui ont opté pour continuer
à travailler après 65 ans, mais ça ne nous
éclairera pas plus sur le nombre de ceux qui vont vouloir rester
après 70 ans.
Ce que je veux simplement souligner, c'est que, dans un domaine comme
celui-là, qu'on dise 70 ans, 75 ans ou pas d'âge du tout, par
définition, ce sont simplement des probabilités qui sont
basées sur des expériences ailleurs. On n'a pas exclu cette
possibilité, mais je ne suis pas convaincu qu'on serait en terrain
tellement plus solide en parlant de 70 ans qu'en enlevant tout âge.
M. Lincoln: Mais cela nous donnerait le temps d'attendre le
résultat des études américaines qui sont imminentes, parce
que les Américains attendent ces études pour aller plus loin que
70 ans. Attendons, nous aussi, les études qu'ils ont faites,
peut-être qu'on aura des études actuarielles et des études
statistiques qui aideront beaucoup et ce sera une étape. Après
ça, vous pourrez lever 70 ans quand vous aurez le reste de votre projet,
dans quatre ans, dans cinq ans. Parce que c'est la dernière chance, vous
n'aurez pas de mandat après quatre ans, alors...
M. Lazure: Les propos du député sont raisonnables,
sauf les tout derniers, mais les autres auparavant, avant qu'il devienne
partisan, étaient tout à fait raisonnables. Je ne sais plus,
parce qu'à un moment donné, l'Opposition nous reproche de ne pas
aller assez vite; elle fait des gorges chaudes avec notre philosophie
d'étapisme, on nous dit: C'est trop lent; à un autre moment, vous
nous reprochez d'aller trop vite. Alors...
M. Lincoln: II y a quand même une différence
entre...
Mme Lavoie-Roux: Le ministre ne change pas.
M. Lincoln: Vous savez ce qu'on dit, M.
le ministre, vous savez ce qu'on dit.
M. Lazure: Sérieusement, les deux remarques, d'une part,
l'exclusion des 27 000 $ de revenus de rentes annuelles et plus, aussi bien que
la limite de 70 ans, ces deux remarques sont pertinentes, nous allons les
prendre en considération.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: C'est de l'assurance-vie que vous faites à
travers ça aussi, est-ce que ça pourrait avoir une implication
sur les taux d'assurance-vie en donnant plus d'âge, à cause des
risques de mortalité par accident ou autrement? Est-ce qu'il peut y
avoir une répercussion sur les taux d'assurance-vie, en changeant
ça?
M. Massicotte: Nous le disons dans notre mémoire: le fait
de garder des gens au travail à un âge plus avancé augmente
les coûts des assurances-vie collectives pour les groupes
d'employés, si ces gens ont les mêmes assurances collectives
qu'ils avaient auparavant, parce que, forcément, tout le monde sait que
le risque de décès augmente avec l'âge; le coût des
assurances augmente donc d'autant.
Ce qui peut se faire alors, c'est qu'actuellement les retraités
ont moins d'assurances ou n'en ont pas, dans les assurances collectives, de
sorte que le coût des assurances risque d'augmenter proportionnellement,
même plus que proportionnellement, au nombre de travailleurs qui
resteront au travail après l'âge de 65 ans.
M. Laplante: D'accord pour les assurances collectives, le bon
sens peut le donner, mais si on regarde l'assurance-vie traditionnelle, qu'on
prend l'assurance-famille ou une autre, est-ce que ça peut avoir un
effet sur ces taux-là aussi?
M. Massicotte: II n'y a pas de raison. Je ne vois pas pourquoi.
Les gens peuvent avoir actuellement des régimes qui se prolongent
après 65 ans, ça dépend des choix qu'ils ont faits avant
cet âge d'avoir des régimes d'assurance; peut-être que le
fait qu'ils cessent de travailler à un moment donné les
amène à considérer que leurs besoins d'assurances sont
moindres ou que leur capacité de payer des assurances est moindre, de
sorte qu'ils vont avoir des assurances qui se terminent à 65 ans ou
qu'ils vont racheter des polices à cet âge, mais comme les taux
sont établis individuellement, aux différents âges, cela ne
devrait pas avoir d'effet, je ne crois pas.
M. Bégin: Je pourrais ajouter qu'à court terme,
certainement pas, aussi longtemps que, statistiquement, il n'aura pas
été prouvé que l'usage de cette liberté raccourcit
la vie ou la prolonge, c'est impossible à prévoir
présentement.
M. Laplante: Je pense qu'elle peut la prolonger.
M. Lazure: M. le Président, en rapport avec la question du
député de Bourassa, sur les coûts de l'assurance-vie pour
l'employé qui continuerait au-delà de 65 ans, il me semble, quant
à nous, que cela fait partie du jeu des négociations. Dans les
entreprises où il y a un régime supplémentaire avec
avantages sociaux - on est en train de parler d'avantages sociaux, quand vous
parlez d'une police d'assurance-vie pour un employé, qu'il ait 65 ans ou
40 ans ou 68 ans, c'est la même chose. Cela découlera du jeu des
négociations patronales-syndicales, il me semble. Je ne sais pas si vous
avez eu un avis différent.
M. Massicotte: Ce qui arrive, je crois, c'est qu'en ce moment les
gens qui sont à la retraite n'ont pas les mêmes montants
d'assurance ou n'ont pas d'assurance du tout dans bien des cas, de sorte qu'ils
ne font pas partie du groupe assuré en vertu de la police d'assurance
collective. Si vous les ajoutez ou si vous en ajoutez une certaine
quantité, l'âge moyen du point de vue des assurances va
forcément augmenter - suffisamment ou pas suffisamment, c'est difficile
à prédire -pour changer le coût moyen des assurances, parce
que ces coûts sont établis sur la moyenne du groupe, et non pas
sur des âges individuels des gens.
M. Lazure: Ce n'est pas à nous de les ajouter. Ce sera
à l'employeur et à l'employé.
M. Massicotte: C'est vrai. Est-ce que cela veut dire que vous
considéreriez qu'ils aient des conditions de travail différentes
de ceux qui n'ont pas 65 ans?
M. Lazure: Ils auront les conditions de travail que leurs
représentants syndicaux auront négociées pour eux.
M. Massicotte: Ah bon! À ce moment, vous accepterez que
les négociations portent sur des conditions différentes selon les
âges. C'est ce que vous dites.
M. Laplante: Je commence à comprendre une chose.
M. Lazure: L'expression que j'ai employée hier et ce
matin, c'est la rémunération globale. L'employé, dans les
mois qui ont précédé son 65e anniversaire,
qui touchait 200 $ par semaine, avec certains avantages qui
représentent peut-être 20%, quant à nous, s'il est apte
à remplir sa fonction à 65 ou 66 ans, il devrait être
maintenu à la même rémunération globale.
M. Massicotte: C'est bien ce que nous croyions aussi. C'est pour
cela que je répondais que le coût des assurances pourrait
augmenter si ces gens restent assurés aux mêmes conditions qu'ils
le sont avant l'âge de 65 ans. Ce n'est pas une impossibilité.
C'est la même chose pour l'assurance-maladie ou pour l'assurance-salaire.
Si elles doivent rester en vigueur à un âge plus avancé, il
est probable que les coûts augmenteront en moyenne, puisque ces gens
présenteraient normalement un risque plus grand. C'est tout ce que je
voulais dire.
M. Laplante: Cela me fait comprendre une chose, avec le recul du
temps. Je vois que c'était surtout pour préserver notre
assurance-groupe que le chef de l'Opposition voulait avoir des candidats en bas
de 55 ans! Il ne voulait pas en haut de 55 ans, à un moment
donné. C'était dans ses critères. Maintenant, sur
l'investissement au Québec. Vous aviez eu une certaine crainte
d'être nationalisé - allons-y par le bon mot, c'est un petit peu
le mot que vous n'avez pas prononcé tout à l'heure, mais que vous
auriez aimé prononcer ouvertement - mais si votre crainte était
là, aujourd'hui, au moment où on se parle, quel est
l'investissement au Québec de l'épargne québécoise,
dans votre association?
M. Massicotte: Cela dépend. Je ne sais pas si M.
Bégin a plus de chiffres que moi là-dessus.
M. Bégin: II faudrait que je me fie à ma
mémoire. Comme vous le savez, l'industrie est fortement
réglementée et surveillée par le surintendant des
assurances. Depuis quelques années, cela a été la
préoccupation des ministres des Finances et non pas seulement celui qui
est là, de forcer une plus grande concordance des investissements au
Québec par rapport aux engagements au Québec. Il y a eu un
progrès considérable. Il y a des compagnies qui sont surinvesties
au Québec par rapport à leurs engagements; il y en a plusieurs
qui restent sous-investies. Selon mon souvenir, la moyenne de l'industrie a
maintenant atteint aux alentours de 80% et s'améliore d'année en
année avec les recommandations très fortes du surintendant des
assurances et des ministres des Finances.
M. Laplante: Merci.
M. Tremblay (Marcellin): II serait peut-être bon d'ajouter
à ce sujet que, d'après les derniers chiffres que j'ai vus, si on
inclut les investissements de compagnies d'assurance-vie qui ne font pas
affaires au Québec, qui dépassent leurs engagements, on
dépasse les 100% par rapport aux obligations envers les assurés,
ce qui veut dire que, dans une économie libre comme la nôtre, il
arrive des périodes où les compagnies d'assurance-vie peuvent
être à 80% de leurs engagements au Québec, mais, par
ailleurs, d'autres compagnies viennent ici comme nous allons ailleurs.
L'ensemble de l'opération nous est favorable, en d'autres termes. Il y a
plus d'investissements de compagnies d'assurances au Québec qu'il y a
d'engagements envers les assurés. (17 h 45)
M. Lazure: Là, on tombe sur un terrain un peu glissant.
C'est une affirmation qui sera consignée au journal des Débats.
En tout cas, comme gouvernement, on n'a pas la conviction de connaître,
malgré toutes les questions qu'on puisse poser, de façon bien
exacte le lieu des investissements des grandes compagnies d'assurances. Nous
restons persuadés que souvent, par des moyens tout à fait
légaux, très légaux, surtout pour les compagnies
d'assurances qui sont d'origine américaine, des USA, que leur taux
d'investissements au Québec n'est pas ce qu'il devrait être, n'est
pas assez élevé.
Une voix: Vous pouvez, en tout cas...
M. Lazure: Là, il y a sûrement une divergence
d'opinions.
M. Bégin: Je ne pense pas qu'il y ait une grande
divergence d'opinions, je crois que vous avez raison. Si on veut faire une
gradation des différentes compagnies d'assurances, les compagnies
oeuvrant au Québec, en vertu d'une charte provinciale, sont
peut-être les mieux placées vis-à-vis de leurs
investissements, les compagnies canadiennes oeuvrant sur une base canadienne
viennent ensuite et l'ensemble des compagnies américaines viennent
certainement en dernier lieu. Pour répéter ce que M. Tremblay
disait, il y a quand même des compagnies américaines qui ne font
pas affaires au Québec, mais qui investissent au Québec.
M. Lazure: Oui, c'est vrai.
M. Tremblay (Marcellin): Cela ne comprend pas évidemment
les fonds de retraite, les trusts et tout cela, on parle du taux
d'assurance.
Le Président (M. Boucher): Mme la
députée...
M. Massicotte: Mais les données là-dessus peuvent
se trouver dans le rapport du
surintendant des assurances en ce qui concerne les compagnies
d'assurances membres de notre association comme toutes les autres.
Le Président (M. Boucher): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je vais être très brève, je
ne pensais pas que cela prendrait autant de temps. Il y a une question que je
veux poser au ministre. Cela fait deux ou trois fois - peut-être que je
suis charitable, c'est peut-être cinq ou six fois -qu'il nous dit que le
gouvernement a fait des études, au Québec, sur ce projet,
touchant la façon dont cela affecterait la fonction publique, etc. Je
les lui demande, d'une façon formelle, s'il a des études, s'il
pourrait nous les remettre. Je les ai demandées au printemps, je lui
demande à nouveau aujourd'hui. Je pense que c'est le minimum que l'on
peut exiger d'un gouvernement qui prétend toujours à la
transparence, mais ce n'est pas pour cela, s'est pour le meilleur jugement de
chacun d'entre nous. Alors, M. le ministre, est-ce que vous allez nous
déposer ces études-là, est-ce qu'il y a des études?
On ne veut pas... il y a le Conference Board évidemment...
M. Lazure: J'en ai déjà déposé, M. le
Président, j'ai déjà fait parvenir au bureau de la
députée de L'Acadie, avant l'ajournement du mois de juin ou au
cours du mois de juin, certaines études qui nous avaient guidés
dans nos travaux.
Mme Lavoie-Roux: Les études qui ont été
faites pour le Québec, pas les études...
M. Lazure: Oui, oui.
Mme Lavoie-Roux: Dans celles que vous m'avez envoyées, il
n'y en avait aucune du Québec, M. le ministre, je regrette.
M. Lazure: Écoutez, il s'agit...
Mme Lavoie-Roux: Sauf celle-ci et celle de COFIRENTES; votre
gouvernement avait fait celle-ci et l'autre avait été faite sous
l'ancien gouvernement. Je parle d'études en fonction du projet de loi
actuel.
M. Lazure: Après deux jours de commission parlementaire
sur le sujet, il me semble qu'il devrait être clair pour tout le monde
qu'on ne peut que faire des projections, on ne peut que faire des
hypothèses, mais c'est un travail d'étude en soi que de faire des
hypothèses en partant des expériences ailleurs. On ne peut pas
nous reprocher de ne pas avoir un pile de dossiers sur des faits concrets sous
un régime où il y aurait une telle loi en vigueur applicable
au
Québec, puisqu'on ne l'a jamais eu au Québec. Alors, on
part de faits réels qui viennent d'autres pays et on part
d'enquêtes qui ont été faites par des groupes
sérieux comme le Conference Board et l'enquête du Sénat
canadien, notre propre enquête COFIRENTES, vous connaissez toute la
longue série d'enquêtes qui ont été faites.
Partant de ces enquêtes aussi bien que de donner des statistiques
sur des faits réels à la suite d'une expérience,
après avoir réfléchi beaucoup, nous en arrivons à
présenter un projet de loi qui va essayer d'aller chercher le meilleur
dans chacune de ces études. Alors, il n'y a rien de mystérieux
là-dedans. Le reste, ce que l'on ne vous a pas envoyé, ce sont
simplement des documents de travail internes, des brouillons de projets de
mémoires, des brouillons de projets de loi. Je pense que l'on va vous
épargner le trouble de lire des brouillons.
Mme Lavoie-Roux: II y a quelque chose de plus brouillon que
celui-là?
M. Lazure: Mais je retiens la question de la
députée de L'Acadie, j'admire sa soif de connaissance et si je
peux, avec les fonctionnaires, déterrer un autre mémoire ou un
autre rapport qu'elle ne connaît pas encore, cela me fera plaisir de le
lui faire parvenir.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, c'est parce qu'il y a eu
une question qui a été posée, je pense, par M. Tremblay,
à savoir: Est-ce que vous avez fait des études dans la fonction
publique pour déterminer les coûts et certaines projections
possibles? Vous avez dit: Oui, on a des études. Alors, je comprends
qu'il n'y avait pas d'étude sur la question précise de M.
Tremblay, mais il y a toute cette série d'études, partant du
Conference Board pour se rendre au rapport du Sénat. C'est ce que je
dois comprendre, il n'y en a pas d'autre.
M. Lazure: Hier, j'ai mentionné l'étude de la CARR,
la Commission d'administration des régimes de rentes.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'on peut l'avoir celle-là?
M. Lazure: Probablement, mais je veux toujours distinguer, dans
le cadre de notre travail parlementaire puisqu'on est à
l'Assemblée nationale dans le moment, entre des documents de travail qui
normalement servent dans un ministère à préparer des
projets de loi et des documents qui deviennent publics, officiels. Alors,
parfois il y a des documents qui se situent entre les deux, c'est pour cela que
j'hésite un peu, mais je vais relire le document de la CARR...
Mme Lavoie-Roux: ... soit confidentiel ou non.
M. Lazure: ... et, s'il n'y a rien de confidentiel, je le
passerai avec plaisir à Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: II y a juste une question que je voudrais faire
préciser que mon collègue de Nelligan a posée. Il vous a
dit: Le ministre nous a dit qu'il procéderait selon un
échéancier. On a présentement la loi sur l'abolition de la
retraite, il y a un projet de loi à venir sur la retraite
anticipée, il y a un projet de loi sur... Je m'en tiendrai seulement
à ces deux premiers éléments. Il a dit: Est-ce que
ça vous semble essentiel qu'un projet de loi sur la retraite
anticipée, un autre sur l'abolition de la retraite et,
évidemment, certaines autres concordances, soient faits au moment de la
sanction et de l'application de la loi? Vous avez dit: Oui. Mais j'ai cru
comprendre que c'était uniquement en fonction de l'âge de
l'abolition de la retraite. Est-ce que, pour vous, il faudrait aussi qu'une loi
sur la retraite anticipée, sur l'abolition de la retraite et la mise en
application de la loi soient faites en un même temps?
M. Massicotte: Je comprends un peu difficilement votre question.
Ce que nous disons, c'est qu'il nous paraît y avoir pas mal de
concordances à faire; il nous apparaissait, en tout cas, y avoir pas mal
de concordances à faire avec toutes sortes de régimes qui
existent actuellement en appliquant cette loi sur l'abolition de l'âge de
la retraite. J'avoue que, pour ma part, je reste encore un peu indécis
quant à savoir si ces concordances vont être faites. En tout cas,
elles ne semblent pas toutes paraître nécessaires au ministre en
ce moment. J'avoue que je suis pas mal indécis là-dessus. Ce qui
nous préoccupait surtout, c'était la concordance avec les
régimes existants qui prévoient des âges de 65 ans pour
bien des choses et dont la concordance nous paraît difficile. C'est le
point qu'a soulevé surtout M. Bégin tantôt, et c'est
là-dessus que nous aurions aimé qu'il y ait des ajustements de
concordance.
Mme Lavoie-Roux: Je vais poser ma question différemment.
En admettant que ces concordances seraient faites en fonction de la loi sur
l'abolition de la retraite, est-ce qu'on pourrait faire, dans un
deuxième temps, un autre réajustement pour la retraite
anticipée ou si les deux devraient se faire en même temps?
Là, il y a deux éléments: il y a l'abolition de
l'âge de la retraite et il y a, possiblement - je pense que le ministre
l'a annoncé à plusieurs reprises - un projet de loi sur la
retraite anticipée qui, à ce moment-là, serait
baissée à 60 ans. Est-ce que ces deux choses devraient se faire
en même temps?
M. Tremblay (Marcellin): Si vous permettez, je crois que, pour la
retraite anticipée, c'est plus facile, parce qu'il s'agit d'ajustements
actuariels qui peuvent se faire après très facilement; je ne
crois pas qu'il y ait de difficultés. De sorte que ça
s'appliquerait principalement à l'abolition de l'âge de la
retraite.
Mme Lavoie-Roux: Même si l'autre venait dans un
deuxième temps, ce n'est pas là qu'est le problème.
M. Massicotte: Cela ne devrait pas poser de problème parce
qu'il s'agit d'aller chercher l'argent qu'il faut pour payer ces retraites
anticipées, et les cotisations sont en conséquence.
Mme Lavoie-Roux: D'accord, d'accord.
M. Massicotte: Évidemment, pour les régimes
publics, actuellement, le Régime de rentes du Québec, le ministre
l'a dit tantôt, les cotisations deviendront insuffisantes à un
moment donné. Si on va surtout vers les retraites à 60 ans, c'est
encore plus grave de ce point de vue.
M. Bégin: Je voudrais seulement ajouter un mot. La
question de la retraite anticipée pour moi - je dois mal lire les
journaux, mais c'est une nouvelle absolue - si vous parlez de la retraite
anticipée avec pleins bénéfices faisant l'objet...
M. Lazure: Dans une première étape, pour les
employés de 60 ans et plus qui souffrent d'une invalidité de
25%.
M. Bégin: Sur le plan social, il y a certainement...
M. Lazure: Juste un dernier mot, M. le Président, sur
cette fameuse concordance; l'association y revient. Encore une fois, nous
sommes prêts à mettre des délais dans la loi pour permettre
aux 5000 régimes supplémentaires de rentes de s'ajuster. Nous
sommes prêts à cela et je pense que c'est, premièrement,
votre principale préoccupation, mais nous n'allons pas fixer dans la loi
comment ces ajustements vont se faire. C'est l'employeur et l'employé
qui décideront ensemble comment cela se fera.
M. Bégin: Notre préoccupation, je crois, couvre au
moins le Régime de rentes du Québec en même temps que les
régimes supplémentaires.
M. Lazure: Je pensais avoir répondu à cette
objection de votre part en vous
rappelant qu'il y a 40 000 Québécois et
Québécoises qui ont ce double statut de retraités et de
travailleurs, et cela n'a pas semblé causer de problèmes
jusqu'ici. Je ne vois pas comment l'addition de quelque milliers par
année vous causerait un problème.
M. Massicotte: C'est-à-dire que dès que vous avez
parlé du statut de travailleur retraité qui recevrait une pension
d'un régime privé, par exemple, une pleine pension,
présumément, d'après ce que vous avez dit, un plein
salaire de l'emploi qu'il occupait précédemment, une pleine
pension du Régime de rentes du Québec et la pleine pension de
vieillesse, cela fait pas mal d'argent. C'est ce qui inquiétait M.
Bégin. Cela vous inquiète aussi dans une certaine mesure, si vous
dites que vous vous inquiétez...
M. Lazure: Cela se fait pour ces 40 000 personnes-là.
M. Massicotte: Non, parce que, habituellement, nous croyons,
nous, qu'elles n'ont pas, ces personnes, comme l'a dit Mme la
députée tantôt et M. Bégin aussi, d'autre chose que
le Régime de rentes du Québec et la pension de vieillesse, ce qui
fait un petit revenu qui, dans bien des cas, a besoin, avec raison,
d'être augmenté. Si vous ajoutez à cela un régime
privé de rentes qui est quand même normalement suffisant, si vous
pensez, par exemple, au régime basé sur les cinq meilleures
années de salaire avec 35 ans de service et tout cela, vous faites pas
mal d'argent. Quand vous vous inquiétez des gens qui gagnent 27 000 $ et
plus, cela veut dire quand même que vous avez cette préoccupation
vous aussi, parce que là, vous voulez mettre une espèce de
plafond à cette concordance en pensant aux gens qui gagnent 27 000 $ et
plus.
M. Lazure: Non, je n'ai pas dit que je voulais mettre ce plafond.
J'ai répondu au député de Nelligan, qui soulevait la
question, que c'était une chose à laquelle on
réfléchit.
M. Massicotte: C'est ça, ce n'est pas
nécessairement exclu.
M. Lazure: Ce n'est pas exclu.
M. Massicotte: Cela veut dire quand même que vous voyez
là aussi une espèce de problème de concordance entre
différents éléments qu'il pourrait devenir, à un
moment donné, nécessaire de faire, parce que vous réalisez
qu'il y a des gens quelque part qui vont tantôt vouloir rester au travail
à cause de l'argent que ça va leur apporter.
M. Lazure: M. le Président, à moins que tout le
monde ne se soit trompé, y compris les Américains, tout converge
pour dire que la grande majorité de ceux et celles qui profitent d'une
telle loi sont les gens à petit revenu, qui, pour des raisons
économiques justement, rendus à 65 ans, veulent continuer de
toucher leur salaire parce qu'autrement, tout ce qu'ils vont avoir, c'est leur
pension de vieillesse et la sécurité du revenu. Tout le monde
s'accorde pour dire ça.
Le Président (M. Boucher): Là-dessus, nous sommes
parfaitement d'accord aussi; il n'y a pas là de problème.
M. Lazure: Merci beaucoup.
Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de
la commission, je remercie l'Association canadienne des compagnies d'assurances
de personnes Inc.
M. Massicotte: Nous vous remercions aussi, nous vous assurons de
notre collaboration dans vos futurs projets de retraite.
Le Président (M. Boucher): Merci, monsieur.
La commission ajourne ses travaux au mardi, le 20 octobre, à 10
heures, à la salle 81-A.
(Fin de la séance à 18 heures)