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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Tuesday, October 20, 1981 - Vol. 25 N° 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Présentation de mémoires sur le projet de loi no 15 - Loi sur l'abolition de la retraite obligatoire et modifiant certaines dispositions législatives


Journal des débats

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Boucher): La commission permanente des affaires sociales est réunie pour entendre les personnes ou organismes relativement au projet de loi no 15 sur l'abolition de la retraite obligatoire et modifiant certaines dispositions législatives.

Les membres de la commission sont: M. Gauthier (Roberval), qui remplace M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), qui remplace M. Brouillette (Chauveau), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Houde (Berthier), M. Lazure (Bertrand), qui remplace M. Johnson (Anjou), M. Gravel (Limoilou), qui remplace Mme Juneau (Johnson), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Ouellette (Beauce-Nord), qui remplace M. Leduc (Fabre), M. Chevrette (Joliette), qui remplace M. Rochefort (Gouin), M. Sirros (Laurier).

Les intervenants sont: M. Beauséjour (Iberville), M. Bélanger (Mégantic-Compton), Mme Harel (Maisonneuve), M. Kehoe (Chapleau), Mme Lachapelle (Dorion), M. Lafrenière (Ungava), M. Laflamme (Bourassa), M. Lincoln (Nelligan), qui remplace M. Mathieu (Beauce-Sud), M. O'Gallagher (Robert Baldwin).

Nous allons énumérer les associations pour aujourd'hui; dans l'ordre: l'Association des manufacturiers canadiens, division du Québec, l'Institut canadien des actuaires, William M. Mercer Limitée, le Conseil de l'âge d'or, région de l'Outaouais, pour dépôt du mémoire, la Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de Montréal, la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, l'Université du Québec, pour dépôt du mémoire seulement, McGill University, dépôt du mémoire, M. Pierre Demers, à titre personnel, M. Léo Gosselin, à titre personnel, et la Centrale des syndicats démocratiques.

Sans plus tarder, j'appellerais l'Association des manufacturiers canadiens, division du Québec, représentée par M. Thomas Lavoie, président du comité.

Association des manufacturiers canadiens, division du Québec

M. Dessurault (Claude): M. le Président, mesdames, messieurs, mon nom est Claude Dessurault, vice-président exécutif de l'Association des manufacturiers, division du Québec. J'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent: M. Thomas

Lavoie, à ma gauche, qui est notre président du comité de législation et, à ma droite, M. Sarto Paquin, qui est notre directeur des relations industrielles.

M. le Président, permettez-nous de vous remercier, ainsi que la commission, d'accepter de nous recevoir ce matin. Avant de procéder, j'aimerais vous rappeler que l'Association des manufacturiers canadiens, au Québec depuis 1902, groupe des manufacturiers qui représentent plus de 75% des produits fabriqués au Québec. J'inviterais Me Lavoie à commenter le mémoire qui vous a été soumis. Me Lavoie.

M. Lavoie (Thomas): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, une mesure législative en matière d'abolition de la retraite obligatoire doit absolument faire l'objet d'un diagnostic complet de la situation afin de déterminer s'il existe vraiment un problème. Un tel diagnostic doit pouvoir arriver à la preuve convaincante de la nécessité d'apporter un changement. Nous estimons qu'un tel diagnostic n'a pas été effectué. À notre avis, la question spécifique de la suppression d'une retraite est une notion complexe qui exige l'examen minutieux de toute la gamme des politiques de retraite tant actuelles que proposées. Cette analyse est d'importance vitale car faute de prévoir les conjonctures futures et de planifier votre action en conséquence, l'ensemble de l'économie, le milieu d'affaires du pays, les groupes de citoyens intéressés et tous les particuliers pourront avoir à subir de graves répercussions.

D'abord, un des points qui ne peut être ignoré, est celui de la démographie. On assiste à un vieillissement de la population canadienne. Le nombre des citoyens formant plusieurs des groupes d'âge jeunes est effectivement à la baisse, alors que celui des 65 ans et plus s'élève au moins deux fois plus rapidement que l'ensemble de la population.

Ces tendances démographiques indiquent qu'actuellement au Canada, le nombre des citoyens aptes à faire partie du marché du travail, c'est-à-dire âgé de 15 ans ou plus, s'accroît plus lentement qu'auparavant. On s'attend que dans les années quatre-vingt, la main-d'oeuvre canadienne, qui augmentait rapidement par le passé, accuse une diminution sensible. Bien que les statistiques puissent varier selon les différentes suppositions en matière de population, selon une estimation, le rapport actuel de sept

travailleurs par personne retraitée sera de trois pour une à la fin du siècle.

Après la Seconde Guerre mondiale, c'est l'élaboration de programmes gouvernementaux pour fournir un revenu à la retraite qui a favorisé la tendance des dernières décennies à une retraite précoce plutôt qu'à une retraite tardive. De plus, des pressions se sont exercées auprès des gouvernements et des dirigeants d'entreprises pour le maintien et l'abaissement de l'âge normal de la retraite. Ces pressions ont été justifiées par l'importante augmentation récente de la main-d'oeuvre causée par la génération de l'explosion démographique d'après-guerre et par le nombre croissant de femmes sur le marché du travail.

Il est clair que l'accroissement du nombre des personnes qui sont, si on peut dire, à la charge de la main-d'oeuvre alourdira considérablement le fardeau imposé à la population active du pays. D'un autre côté, les tendances actuelles pour que le gouvernement réduise ses dépenses persisteront probablement longtemps. On peut donc supposer que le secteur public tentera de réduire l'augmentation de ses dépenses dans plusieurs secteurs, y compris possiblement le revenu qu'il fournit aux personnes âgées.

Si le report de la retraite à un âge plus avancé peut atténuer certains des problèmes précités, il comporte des inconvénients qui lui sont propres. Il risque en effet de rendre nécessaires des modifications complexes aux régimes de retraite existants. Il supprime un élément de succession ordonnée en matière d'emploi. Il donne lieu à un accroissement du coût des avantages sociaux non reliés à la retraite pour les employeurs. Dans la mesure où les travailleurs âgés deviennent relativement moins productifs, le fait qu'ils restent au travail exerce des pressions à la baisse sur la productivité générale d'une entreprise. De plus, la suppression hâtive de la retraite obligatoire risque d'aggraver le problème du chômage qui est déjà critique au pays.

La retraite obligatoire est une question importante et complexe aux facettes multiples. On en a eu la preuve par l'intérêt qu'ont déjà manifesté les nombreux groupes qui se sont prononcés sur la question ainsi que par les ressources qu'on a déjà affectées à son étude. Pour attester de l'importance et de la complexité du sujet, nous tenons à exprimer l'avis qu'un examen minutieux et complet de tous ses aspects ne doit céder en rien à la hâte.

On semble croire parfois qu'une nouvelle loi peut fournir une réponse à tout problème et, lorsqu'on examine le sujet de plus près, on se rend compte qu'il existe des lois déjà en vigueur qui, si bien appliquées, pourraient fournir une solution déjà praticable. Nous pensons entre autres à la

Loi sur les normes du travail qui est déjà en vigueur.

Les effets probables d'une prolongation ou suppression complète de l'âge de la retraite justifient qu'on explore l'option plus flexible d'un processus progressif grâce auquel on pourrait adopter un groupe d'âge en vue d'une révision graduelle à la hausse de l'âge de la retraite, selon des critères applicables aux différents types d'emplois et au travailleur lui-même.

Actuellement, nombreux sont les employeurs qui gardent des employés inefficaces de 50 ans et plus tant que ces derniers n'ont pas atteint 65 ans ou, lorsqu'on parle du secteur public, l'âge de la retraite obligatoire.

Certains de ces employeurs sont disposés à maintenir ces employés à charge pendant un nombre important d'années. Si l'âge de la retraite est prolongé à 70 ans ou indéfiniment, il se peut fort bien qu'on applique alors une évaluation plus sévère à la performance. Ceci mettrait fin à l'incidence neutre de la terminaison d'emploi à l'âge de la retraite pour la remplacer par une cessation d'emploi beaucoup moins digne, basée sur la notion de causes justes et suffisantes.

Pour donner une idée de l'ampleur potentielle de cet aspect du problème, on n'a qu'à songer au nombre d'arbitrages de griefs basés sur les principes d'ancienneté par rapport à la compétence.

La suppression ou le report à une date ultérieure de l'âge normal de la retraite signifie que les travailleurs âgés garderont leur emploi plus longtemps. La retraite des employés à un certain âge crée de nouvelles occasions d'emploi, ce qui fournit aux jeunes employés des possibilités d'avancement et crée des postes vacants aux échelons inférieurs. La diminution des possibilités d'avancement pour les jeunes employés pourrait se traduire par une motivation amoindrie et risque d'augmenter le chômage des jeunes.

Sur la question du chômage, nous nous permettons de soulever le problème de coordonner ce projet de loi provincial avec les lois des autres provinces et les lois fédérales, entre autres la loi sur l'assurance-chômage. Puisque cette dernière loi fixe à 65 ans la limite d'accès aux prestations, on risque d'augmenter, à court terme à tout le moins, une catégorie de chômeurs qui pourrait être inadmissible aux prestations.

Un autre aspect majeur de la suppression de l'âge de la retraite obligatoire est le coût qu'elle comporte. L'assurance-vie et l'assurance-invalidité collective sont basées sur des tables actuarielles qui déterminent ce coût par groupe d'âges. Il est possible qu'il résulte des épargnes compensatoires du report à une date ultérieure des paiements par les régimes de

retraite des entreprises pourvu que, premièrement, l'admissibilité aux prestations de retraite ne commence pas tant que l'on aura pas mis fin à l'emploi, deuxièmement, que la retraite différée ne soit pas augmentée de façon actuarielle et, troisièmement, que l'emploi exercé et la rémunération gagnée au-delà de l'âge normal de la retraite ne soient pas compris dans le calcul des prestations de retraite.

On sait que les lois fixant un âge comme âge de retraite obligatoire n'existent que dans les secteurs publics de notre province et du fédéral. La notion de l'âge de la retraite dans le secteur privé a maintenu une flexibilité qui a cherché à satisfaire les deux parties avec le concours des associations syndicales. Cette flexibilité s'est reflétée d'ailleurs dans les conventions collectives où l'âge de la retraite n'a été spécifiquement déterminé que pour répondre aux obligations fixées en vertu de la Loi sur les régimes supplémentaires de rentes.

La notion de l'âge de la retraite, comme celle des conditions de travail, doit être souple et évoluer avec les rapports de travail. Avant d'imposer une nouvelle prohibition pour limiter le champs de la négociation entre employeurs et employés, il importe de bien connaître les conséquences autant sociales qu'économiques d'une telle mesure. C'est pourquoi nous soumettons qu'il va de l'intérêt public que les coûts inhérents à ce projet de loi, y compris le secteur public, soient connus et fassent l'objet d'analyses concluantes.

De plus, il est entendu qu'il y a intérêt à éviter des incompatibilités entre les exigences législatives et administratives des différentes provinces. C'est pourquoi il est extrêmement important que tout changement dans le domaine des pensions, y compris l'âge de la retraite, ne soit effectué qu'après une entente de la part de toutes les provinces. Nous suggérons qu'à part le secteur public, où une législation détermine l'âge obligatoire de la retraite, l'employé possède maintenant les recours voulus en vertu des lois provinciales pour s'opposer à un congédiement basé uniquement sur l'âge, et nous revenons encore à la loi 126.

Si le gouvernement veut éliminer la contrainte législative pour ses employés, il lui appartient de le faire sans imposer des interdictions additionnelles aux conditions de travail en général.

Nous vous remercions pour l'occasion de pouvoir présenter ces quelques commentaires et je redonne la parole à M. Dessurault.

M. Dessurault: M. le Président, comme vous l'avez entendu, je me permets de déclarer que les membres de l'AMC sont fort inquiets et préoccupés par le projet de loi d'aujourd'hui.

En ce qui concerne le secteur manufacturier, nous avons beaucoup de difficulté à poser un diagnostic quand nous ne sommes pas convaincus qu'il existe un problème.

L'âge normal de la retraite dans le secteur privé est de 65 ans dans 90% des sociétés et plus élevé dans l'autre tranche de 10%. Contrairement au secteur public, il n'existe pas de loi décrétant l'âge obligatoire de la retraite dans le secteur privé au Québec.

Dans l'industrie, la coutume a établi le point de repère à 65 ans, ce qui paraît acceptable autant pour les employeurs que pour les employés. Certains régimes permettent même la retraite à partir de 55 ans pendant que d'autres l'établissent à 70 ans.

Le secteur privé jouit donc d'une grande flexibilité à l'égard de la retraite et nous ne comprenons pas l'urgence de ce projet de loi.

M. le Président, pour ces motifs, l'AMC (Québec) croit que la nécessité d'abandonner le statu quo au Québec n'a pas encore été démontrée. Nous croyons de plus que les forces du marché actuel, dans la négociation collective par exemple, continueront de fournir des options satisfaisantes à la plupart des employés et des employeurs.

M. le ministre et M. le Président, il nous paraît donc essentiel, avant de légiférer à cet égard, de prendre tout le temps de bien identifier les problèmes pour le secteur privé, d'évaluer les répercussions sur le personnel de nos entreprises et d'établir les coûts. Merci, M. le Président. Nous sommes prêts à répondre à vos questions, si désiré.

Le Président (Boucher): Merci, M. Dessurault, merci, M. Lavoie. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux remercier les représentants de l'Association des manufacturiers de la section du Québec.

D'abord, une question. Vous dites: Nous sommes en faveur du statu quo. La question que je vous pose, c'est la suivante. Si on traduit en termes plus clairs votre mémoire, vous vous opposez au projet de loi. Mais comment peut-on concilier votre opposition au projet de loi avec l'enquête que le Conference Board du Canada a menée il n'y a pas longtemps auprès de 222 employeurs, auprès de 222 entreprises importantes du Canada?

Je me permets de citer une partie du rapport du Conference Board. "Cette enquête indiquait que ceux-ci, en majorité - les propriétaires d'entreprises - estimaient que la suppression de la retraite automatique à un certain âge ou après un certain nombre d'années de service n'aurait que peu ou pas de conséquences sur l'efficacité et la rentabilité de leurs entreprises, leurs régimes de retraite ou même sur l'offre de main-

d'oeuvre en général. (10 h 30)

La plupart des 222 employeurs sondés par le Conference Board ont déclaré ne pas craindre que la suppression de la retraite obligatoire ne cause de sérieuses difficultés pour la gestion du personnel. Ils estiment également que les employés âgés sont tout aussi fiables et efficaces que les plus jeunes. Enfin, ces employeurs ont répondu majoritairement que la plupart des programmes sociaux, comme l'assurance-maladie, les assurances complémentaires, pourraient être maintenus comme tels."

En d'autres termes, ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est que quand le Conference Board parle de 222 entreprises importantes, on doit retrouver à l'intérieur de cela, un certain nombre d'entreprises que représente l'Association des manufacturiers canadiens. Ma question, c'est: Vous êtes au courant de ce sondage, de cette enquête, qu'en pensez-vous?

M. Paquin (Sarto): Si vous le permettez, M. le ministre, nous respectons, bien sûr, les conclusions amenées par le Conference Board. Toutefois, vous allez nous permettre, quand même, de porter également foi à la consultation que nous avons faite. Je pense que le Conference Board dit également, à un moment donné, qu'une certaine majorité des employeurs n'y voit pas tellement de problème. Mais je vous prie de remarquer qu'on ajoute - j'essaie de me souvenir de la référence - que tout ça doit quand même se faire tout en évitant d'accroître les coûts qu'une telle politique peut amener.

Durant l'été 1981, je pense que l'organisme "Canadian Pension Conference" avait également fait état d'une étude où on disait que 45% des employeurs n'avaient pas d'objection à ce qu'il y ait abolition de l'âge de la retraite, mais à une condition fort importante. C'est qu'on ne soit pas obligé, par le fait même, d'en payer un coût astronomique. L'étude, bien sûr, on y porte foi, mais on porte également foi à la consultation que nous avons faite.

Si vous me permettez d'ouvrir une courte parenthèse, ce qui est difficile pour nous actuellement, M. le ministre, c'est la chose suivante. On n'a pas une vue de l'ensemble de la situation. On ne vous dit pas qu'il ne devrait pas y avoir une politique d'ensemble concernant les "problèmes" qui peuvent exister avec l'âge de la retraite, mais on semble vouloir actuellement nous demander de suggérer des remèdes alors qu'on ne connaît pas la maladie. C'est difficile. On pense que cela s'intègre dans un ensemble. Par exemple, la politique du Québec en termes de vieillissement, on l'attend toujours, enfin, on ne le dit pas, mais on l'attend.

M. Lazure: M. le Président, les personnes qui s'opposent à ce projet de loi -avec l'expérience qu'on a, c'est la troisième journée en commission parlementaire - sont les gens qui vont être quelque peu dérangés par les répercussions d'un tel projet de loi et c'est normal que ces personnes s'y opposent. Par ailleurs, ce qui est frappant aussi, c'est que les groupes de personnes âgées, retraitées ou préretraitées, qui sont venus ici, qui nous ont envoyé des mémoires sont massivement pour ce projet de loi parce que ce sont ces personnes qui sont susceptibles d'en profiter. Les enquêtes Gallup qui ont été menées depuis quelques années montrent clairement que le pourcentage de la population qui désire abolir l'âge obligatoire de la retraite augmente constamment. Il est rendu à au-delà de 60% maintenant dans les sondages. Alors, il ne faut pas croire que cela ne répond pas à un besoin, cela répond à un besoin.

Je vais essayer de clarifier quelques points que l'association a soulevés dans son mémoire. Bien sûr, cela demande une évaluation plus rigoureuse lorsqu'on ne peut plus remercier quelqu'un simplement à cause de son âge. Les Américains ont fait plusieurs enquêtes; il y en a une en particulier qui a été faite par un groupe de Portland, The Institute in Ageing, Portland State University, et, effectivement, à la suite de la loi, on se rend compte que 20% des employeurs sur 2000 qui ont été interrogés, disent devoir être plus sévères dans l'évaluation du rendement des employés. Il faut s'y attendre, c'est normal. Ce qui est surprenant, c'est que ce soit seulement 20% qui disent avoir été plus rigoureux dans leur méthode d'évaluation.

Là-dessus on est d'accord. C'est bien sûr que les évaluations qui, souvent, laissent à désirer, autant dans le privé que dans le public, devront être plus sévères, plus rigoureuses.

Je ne suis pas d'accord du tout avec l'association quand vous dites que la productivité d'une personne de 65 ans est nécessairement plus basse que celle d'une personne plus jeune. C'est quoi, la productivité? Dans les études américaines qu'on a, ça ne ressort pas aussi clairement. Une chose qui ressort clairement, c'est l'absentéisme. L'absentéisme se mesure facilement. La productivité, c'est plus difficile à mesurer dans bien des tâches; mais l'absentéisme, c'est mathématique, ça se mesure très facilement. Une chose est certaine, c'est que l'absentéisme est moins fort chez les personnes âgées que chez les plus jeunes, selon les études américaines, depuis que cette législation a permis l'embauche d'un plus grand nombre de personnes âgées. Donc, l'absentéisme est moins élevé chez la personne âgée que chez la personne plus jeune.

Les coûts: Vous parlez des avantages sociaux. J'ai eu l'occasion de le dire la semaine passée, les personnes qui continueront de travailler devraient toucher la même rémunération globale. Ce n'est pas parce qu'elles ont 65 ans aujourd'hui que leur rémunération globale devrait changer par rapport à la veille, à 64 ans. Autrement dit, pour un travail égal, la rémunération devrait être égale. Donc, dans notre esprit, il n'est pas exact de dire qu'il y aura augmentation des bénéfices marginaux. La rémunération étant égale, si la personne désire bonifier son système d'assurance-maladie, d'assurance dentaire, peu importe, elle le fera aux dépens d'un autre avantage social.

Pour nous, il n'est pas question d'augmenter les coûts, c'est la même rémunération globale qui pourrait être répartie autrement.

Finalement, je l'ai dit au cours de mes remarques la semaine passée, il est bien certain qu'on devra avoir des négociations non seulement avec les provinces, mais aussi avec le gouvernement fédéral. On a déjà indiqué notre intention d'entamer des pourparlers.

Vous dites: Pourquoi se hâter pour adopter un tel projet de loi? Bien sûr, quand on n'est pas soi-même visé ou victime d'une discrimination qui n'est strictement fondée que sur l'âge, on ne voit pas l'urgence de modifier l'état actuel des choses. Mais, encore une fois, il n'est jamais trop tôt; il est toujours urgent de réparer une situation discriminatoire vis-à-vis de certaines personnes.

Les prédictions un peu alarmistes que vous avez exprimées dans votre mémoire, on les avait entendues aussi lors des débats aux États-Unis, quand le Congrès américain a présenté cette législation. Curieusement, tout le monde, aujourd'hui, après trois ans de modification, s'accorde pour dire: Toutes ces prévisions alarmistes ne se sont pas réalisées. On ne voit pas pourquoi elles se réaliseraient ici. La tendance demeure et va demeurer vers une retraite plus jeune et non pas le contraire.

Nous ne disons pas: On veut que les gens travaillent plus longtemps. On veut simplement que la personne qui le désire, à 65 ans, puisse continuer si elle se sent en forme. C'est simplement d'ajouter un droit à une personne et non pas de vouloir influencer le marché du travail. De toute façon, en définitive, on sait, de par les expériences d'autres pays, que cela n'a pas d'influence importante sur le marché du travail et nos prévisions sont qu'il y aura à peine quelques milliers de personnes qui voudront bénéficier de cette nouvelle liberté de choix. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre.

M. Paquin: Vous me permettrez peut-être quelques commentaires en réponse aux remarques du ministre.

Le Président (M. Boucher): M. Paquin.

M. Paquin: Vous avez soulevé plusieurs points, M. le ministre. Vous nous dites, par exemple, que les personnes âgées sont pour la loi. Bien sûr, on s'attendait que vous nous disiez cela. Je vous rappelle tout simplement que le patronat, de façon générale, est contre le projet de loi. Je sais que certaines centrales syndicales importantes au Québec sont également contre, ce qui veut dire que ce sont quand même des interlocuteurs valables.

Lorsque vous nous parlez de productivité, j'essaie de rallier cela un peu à certains problèmes de recyclage des employés, si on peut dire ainsi. Vous me permettrez de porter à votre attention que certains règlements qui régissent la loi 101, par exemple, précisent qu'un employé qui a 25 ans de service continu ou qui est à cinq ans de sa retraite est exclu de l'obligation d'apprendre le français. Si une telle obligation est faite, c'est sans doute qu'on en arrive, à un moment donné, à la conclusion que cela peut être difficile pour lui d'apprendre le français. Vous me permettrez de faire un parallèle en disant que, s'il est difficile de faire cela, il est peut-être difficile pour lui également de s'adapter aux changements technologiques que nous connaissons maintenant.

Lorsque vous parlez des avantages sociaux, pour ma part, je suis heureux d'apprendre que, lorsque vous parlez de rémunération globale, si j'ai bien compris, vous nous dites - pour les personnes de 66 ans, 67 ans ou 68 ans - que cela pourrait signifier des accroissements - il va y en avoir sûrement - de coût des avantages sociaux, mais que c'est contrebalancé par autre chose et que, finalement, la rémunération globale demeure la même; c'est plus consolant. De toute façon, cela ne nous donne pas une idée précise du coût qu'un tel projet pourrait représenter.

Nous insistons, encore une fois, M. le ministre, pour vous informer que, selon nous, en tout cas, dans le secteur manufacturier au Québec, on n'a pas de problème avec la retraite obligatoire. Il y a des ententes qui se font. La majorité des plans de retraite prévoient que l'employé peut prendre une retraite anticipée, qu'il peut prendre une retraite excédant 65 ans. On a plutôt l'impression que le problème - et vous me corrigerez si je me trompe - réside plutôt dans le secteur public et qu'on nous demande de trouver une solution à des largesses que certains gouvernements ont pu octroyer, à un moment donné. Vous nous placez encore dans la situation de peut-être corriger un

problème qui n'existe pas dans nos entreprises, mais qui existe à d'autres niveaux.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Lazure: Un dernier mot, si vous me le permettez. Je ne peux pas partager l'opinion du représentant de l'Association des manufacturiers qui dit qu'il n'y a pas de problème dans le secteur privé. Peut-être que, du point de vue patronal, il n'y en a pas, mais il y en a certainement du point de vue des employés - ne serait-ce que d'une manière individuelle - qui nous font des représentations pour qu'on adopte une telle loi.

Deuxième remarque: Je voudrais bien savoir quel syndicat s'oppose à la loi. Il n'y a aucune des centrales qui s'est opposée à la loi. C'est assez curieux, le malentendu qu'il y a dans le public. Les médias en sont un peu responsables. Je pense, par exemple, à l'Intersyndicale qui est venue la semaine passée et qui regroupait, en plus de la CSN, la CEQ et plusieurs syndicats. Ce regroupement intersyndicaliste n'est pas contre ce projet de loi, c'est dit en toutes lettres dans son mémoire, mais ce qu'il réclame, c'est autre chose. Beaucoup de mémoires ont paru être opposés au projet de loi alors qu'ils sont pour le projet de loi, mais ils nous disent: Ce ne sont pas nos priorités; nos priorités sont que vous rendiez plus intéressant le RRQ, le Régime de rentes du Québec, que vous rendiez plus intéressants les régimes supplémentaires de rentes.

Finalement, il n'y a aucun syndicat qui s'oppose. La FTQ a tenu un colloque où il y a eu, par un vote de 54 à 46, une opposition au projet de loi qui était basée sur le malentendu suivant: Les syndiqués de ce colloque disaient: Nous nous sommes battus durant des années pour avoir le loisir de nous retirer à 55 ans ou à 60 ans, on ne va pas maintenant accepter d'être obligés de se retirer à 70 ans. Le malentendu fondamental est que certains syndiqués ont cru que le projet de loi allait enlever les droits acquis sur la retraite anticipée. (10 h 45)

Encore une fois, ce projet de loi ne touche en rien la retraite anticipée, qui non seulement va demeurer, mais que nous voulons promouvoir encore plus dans une deuxième étape. En définitive, M. le Président, je ne voulais quand même pas laisser passer sans la relever cette affirmation que les syndicats étaient contre le projet de loi. Finalement, je ne vois pas sur quoi on peut se baser pour dire qu'on est contre ce principe d'abolir une discrimination.

Le Président (M. Boucher): M.

Dessurault.

M. Dessurault: M. le Président, pour terminer, simplement un commentaire qui répète peut-être ce que nous avons déjà déclaré: c'est que si nous avions l'occasion d'étudier les répercussions des problèmes et les coûts pour l'entreprise privée, cela ne veut pas dire que nous nous opposerions au projet de loi, éventuellement. Nous aimerions bien avoir cette occasion d'évaluer ce que cela représente.

M. Lazure: M. le Président, je répète, si c'est de nature à rassurer l'association, que dans le projet de loi, il va y avoir une implantation graduelle. On est bien conscient que les 5000 régimes supplémentaires, les 5000 régimes de retraite privés qui sont en général négociés vont être affectés par une telle législation. On est bien conscient de cela. C'est pour cela que j'ai dit la semaine dernière - je le répète - que nous allons introduire une application graduelle, étapiste, du projet de loi, un peu selon le modèle américain qui a donné jusqu'à trois ans pour l'implantation d'une nouvelle mesure comme celle-là. Nous n'avons pas l'intention de brusquer du jour au lendemain l'entreprise privée. Nous allons ou bien respecter l'échéance des nouvelles négociations par le biais des conventions collectives, lorsque cela s'applique, ou encore établir un délai maximum qui peut varier entre deux et trois ans.

M. Dessurault: Je pense que ces études pourraient se faire avant de soumettre un projet de loi.

M. Lazure: M. le Président, je réponds tout simplement au représentant de l'Association des manufacturiers canadiens qu'on a accumulé depuis cinq ou six ans un grand nombre d'études, non seulement celle des États-Unis, mais celles du gouvernement du Canada, du gouvernement de l'Ontario, le gouvernement de la Saskatchewan, du gouvernement du Québec, études affectant aussi bien l'abolition de la retraite obligatoire que la retraite anticipée. Ces études sont en train de garnir plusieurs rayons de bibliothèque, et je pense que si on suit la voix de la population, il est temps de passer à l'action, tout en respectant un certain rythme qui ne va pas bouleverser les coutumes et les conventions dans le secteur privé et dans le secteur public.

M. Dessurault: Merci.

Le Président (M. Boucher): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. À mon tour, je veux remercier

l'Association des manufacturiers canadiens pour le mémoire qu'elle a présenté. Je pense qu'on a de part et d'autre tenté de montrer les bons et les mauvais côtés de ce projet de loi. Je dois dire quand même que, compte tenu des hésitations que vous avez ou de l'ambivalence que vous avez, je suis un peu surprise de la conclusion qui dit que "la nécessité d'abandonner le statu quo au Québec ou dans d'autres juridictions canadiennes n'a pas été démontrée." Vous faites une démonstration quand même assez longue du rapport qui passera de sept à trois quant au nombre de personnes qui devront soutenir d'autres personnes à charge, ce qui va causer des charges additionnelles importantes pour les gens qui sont activement sur le marché du travail. Je pense aussi que vous avez fait allusion à toute la question des revenus qui sont dans les caisses des régimes de retraite. Particulièrement au niveau gouvernemental, le gouvernement aurait de la difficulté à remplir ses obligations et il y avait peut-être une motivation économique aussi à retarder l'âge de la retraite en retardant le paiement de ces retraites.

Vous faites valoir un certain nombre d'arguments en faveur de l'abolition de l'âge de la retraite ou de la prolongation des gens sur le marché du travail et, par contre, évidemment, vous faites valoir les coûts que cela va impliquer, etc. Je dois vous dire que vous avez raison quand vous parlez de la hâte du gouvernement à adopter ce projet de loi. Je pense que là-dessus il y a eu unanimité ou à peu près de tous les intervenants qui sont venus devant nous et qui ont interprété, avec des motivations différentes, la hâte du gouvernement à aller de l'avant avec ce projet de loi. D'ailleurs, c'est assez intéressant de voir que, sur ce projet de loi, la deuxième lecture a déjà eu lieu et que là, le ministre va rattraper son projet de loi et en écrire un nouveau, alors que, normalement, il y a des commissions parlementaires après la première lecture et, à ce moment-là, on récrit son projet de loi si on juge que les interventions qui ont été faites motivent une modification en profondeur du projet de loi. Là, le gouvernement - et particulièrement le ministre - était tellement sûr de son projet de loi qu'il l'a fait adopter en deuxième lecture. Il est venu après avec sa commission parlementaire et là, il va récrire son projet de loi. Qu'il y ait de la hâte et de l'accélération peut-être mal contenue, je pense que là-dessus, même le ministre -évidemment, on ne lui demandera pas de l'avouer - n'aurait pas la mauvaise foi de le nier.

M. Lazure: Vous avez voté pour le principe?

Mme Lavoie-Roux: Oui, on a voté pour le principe.

M. Lazure: La deuxième lecture, c'est le principe.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais il reste qu'on a procédé d'une façon fort différente. Vous étiez passablement sûr de votre projet de loi quand vous arrivez... On a soulevé à peu près toutes les objections qui ont été soulevées ici en commission parlementaire au cours de la deuxième lecture, je vous le fais remarquer, M. le ministre.

Pour justifier son projet de loi, évidemment, le Conference Board of Canada n'aura jamais été cité aussi abondamment et surtout par le parti ministériel, que depuis le début de cette commission parlementaire. Je pense que c'est au moins six fois par jour qu'on entend citer le Conference Board, qui a acquis beaucoup de notoriété dans les trois derniers jours au cours des trois séances que nous avons tenues. Il y a aussi une tendance du ministre à aplanir toutes les difficultés en généralisant un peu trop l'expérience des États-Unis qui - on le sait - est quand même limitée quant à sa portée aux institutions fédérales et ainsi de suite. Jusqu'à ce qu'on soit ici en commission parlementaire, j'avais l'impression que c'était une chose généralisée aux États-Unis dans tous les secteurs, mais tel n'est pas le cas. Je suppose que, pour le ministre, c'est de bonne guerre. Il cherche ses appuis où il peut. Là-dessus, je dois reconnaître que le ministre a montré quand même de la souplesse. Alors qu'il nous disait en deuxième lecture qu'il n'était pas question de retarder, que c'était le plus tôt possible et rapidement, il est maintenant ouvert à des modalités d'application qui vont impliquer plus de souplesse quant aux délais qui sont prévus. Je pense que tous les témoignages qu'on a entendus ici vont dans le sens d'une souplesse et d'un certain laps de temps qui permettront à tous les gens touchés, que ce soient les employés, les assureurs et ainsi de suite, de vraiment faire les modifications qui s'imposent.

J'aurais seulement quelques questions. En haut de la page 5, vous faites ressortir que le retard de l'âge de la retraite pourrait donner lieu à un accroissement du coût des avantages sociaux non reliés à la retraite pour les employeurs. Vous ajoutez: "Dans la mesure où les travailleurs âgés deviennent relativement moins productifs", mais je pense que c'est là un autre élément, qu'aviez-vous en tête exactement sur l'accroissement du coût des avantages sociaux pour les employeurs? Est-ce simplement la prolongation ou si ce serait dû à l'arrivée ou à la demande d'avantages sociaux qui sont différents de ceux que l'on connaît présentement?

M. Paquin: Avant de répondre à votre question, Mme la députée, vous allez me permettre de vous dire que nous serions désolés si vous interprétiez notre mémoire comme ayant beaucoup d'ambivalence. On vous suggérerait plutôt de le voir comme étant une présentation très objective, objectivité pour laquelle l'AMC a toujours été reconnue, d'ailleurs. Le mémoire est fait en ce sens que... En somme, ce qu'on dit, c'est que si le législateur veut poursuivre son idée et finalement en arriver à une loi, on lui soumet des points sur lesquels il devra se pencher très attentivement, parce que, justement, il y a beaucoup d'ambivalences, mais on n'aimerait pas, si vous voulez, que notre mémoire soit ainsi perçu.

Lorsque nous disons en haut de la page 5 qu'il y aurait possibilité d'un accroissement du coût des avantages sociaux pour les employeurs, c'est bien sûr que si votre employé demeure à votre emploi à l'âge de 66, 67 ou 68 ans, tous les coûts par exemple inhérents à l'assurance-vie, à l'assurance-salaire, à tout ce que vous voulez, s'accroissent. Je pense d'ailleurs que vous pourriez peut-être en avoir une démonstration avec d'autres intervenants. Alors, par avantages sociaux, on regarde dans l'ensemble ce qui se fait actuellement dans les compagnies et on dit: S'il faut que les personnes travaillent après 65 ans, il y a définitivement un accroissement de coûts.

Mme Lavoie-Roux: En fait, le ministre lui-même nous a finalement dit que dans la fonction publique, après une évaluation qui semble assez préliminaire, on estimait à 2 000 000 $ les dépenses supplémentaires que ceci pourrait peut-être entraîner dans une hypothèse où il y aurait 1000 employés qui se prévaudraient au cours d'une année de cette prolongation de l'âge de la retraite. Il y a évidemment des coûts, mais que personne n'est vraiment capable de mesurer à l'heure actuelle. Je pense que les représentations qui ont été faites par un grand nombre d'intervenants, c'est peut-être d'avoir une mesure plus exacte et plus objective de ces coûts et pour le secteur privé et pour le secteur public.

En page 7, vous parlez de tout le problème de l'évaluation de l'employé qui décidera de se prévaloir de cette clause de prolongation sur le marché du travail. Vous dites: L'incidence neutre de la terminaison d'emploi à l'âge de la retraite obligatoire pourrait être remplacée par une cessation d'emploi pour cause, ce qui est moins souhaitable. Un peu plus bas, vous donnez comme exemple de l'ampleur potentielle du problème le nombre d'arbitrages de griefs ancienneté versus compétence que, pour des raisons de politique interne ou autres, les syndicats se croient obligés de soumettre au nom de leurs membres.

Qu'arrive-t-il, en fait, dans l'entreprise privée quand il s'agit pour vous autres de plaider ancienneté versus compétence? Quels sont vos critères d'évaluation? J'imagine que, quand vous vous présentez devant l'arbitre, il doit y avoir des critères que vous utilisez. Est-ce que ces critères ne pourraient pas être développés et étendus même aux personnes qui dépasseraient l'âge officiellement reconnu de la retraite aujourd'hui? Je ne suis pas sûre que les difficultés que vous éprouvez à l'endroit des personnes qui peuvent avoir 52, 47 ou 59 sont vraiment différentes quant au plaidoyer de ces griefs des problèmes que vous aurez avec des personnes de 65 ans et plus.

M. Lavoie: Je crois que vous avez raison. En fait, c'est une des soumissions que nous avons ajoutées ce matin sur la question de compétence. Nous estimons que les règles du jeu pour évaluer s'il y a une cause juste et suffisante pour congédier un employé existent déjà dans la loi 126 où, avec l'article 124, tout employé qui a accumulé cinq ans de service continu dans une entreprise - c'est habituellement le cas des gens qui sont près de la retraite - peut s'opposer s'il estime qu'il a été congédié sans cause juste et suffisante. Ce sont les commissaires au ministère du Travail qui font cette évaluation. Bien qu'il n'y ait pas eu jusqu'ici de cause pour faire la preuve de ce qu'on avance, nous croyons que l'outil est déjà là dans la loi pour l'employé. Ce sont les mêmes principes qui apparaissent devant l'arbitre dans le cas de grief.

Mme Lavoie-Roux: Alors, cet argument tomberait, finalement. Cette difficulté que vous soulignez en page 7 tomberait si on tient compte des dispositions de la loi 126. Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?

M. Lavoie: C'est qu'il faut comprendre que ce serait plus sévère, je crois. L'employeur serait obligé de faire une évaluation beaucoup plus sévère si le projet de loi était soumis tel qu'il est, tandis qu'avec la loi 126 présentement je crois que l'entreprise et les employés vont s'ajuster.

Mme Lavoie-Roux: En page...

M. Dessurault: Si vous le permettez, Mme la députée, sur cette question d'évaluation, il faut faire des distinctions de catégories d'employés. Je pense que, si nous prenons des corps de métiers, c'est peut-être plus facile de travailler dans un métier pendant 30, 40, 50 ans. Si vous regardez la catégorie des cadres dans l'entreprise, l'expérience démontre présentement qu'après 55 ans beaucoup de cadres sont déplacés pour être recyclés ailleurs, etc., plusieurs, soit de leur propre chef ou par invitation,

prennent des retraites anticipées. Vous avez ce phénomène dans la société qui veut que, d'un côté, ce soit facile de retarder l'âge de la retraite et, de l'autre côté, ça crée des complications. (11 heures)

Mme Lavoie-Roux: À la page 9, vous dites: "II est possible qu'il résulte des épargnes compensatoires du report à une date ultérieure des paiements par les régimes de retraite des entreprises pourvu que l'admissibilité aux prestations de retraite ne commence pas tant que l'on n'aura pas mis fin à l'emploi, la retraite différée ne soit pas augmentée de façon actuarielle, l'emploi exercé et la rémunération gagnée au-delà de l'âge normal de la retraite ne soient pas compris dans le calcul des prestations de retraite."

Pour votre première affirmation, que l'admissibilité aux prestations de retraite ne commence pas tant que l'on n'aura pas mis fin à l'emploi, cela me paraît peut-être assez logique mais, dans le cas des deux autres, est-ce que vous ne trouvez pas que cela serait permettre une retraite non obligatoire dépréciée puisqu'on ne permettrait pas que l'emploi exercé et la rémunération gagnée au-delà de l'âge normal de la retraite soient compris dans le calcul des prestations? Est-ce qu'il n'y aurait pas là une autre forme de discrimination dans le fond? On permettrait aux gens de travailler plus longtemps, s'ils le désirent, mais on ne permettrait pas de calculer leur retraite en tenant compte des années supplémentaires qu'ils auraient travaillées. En fait, vous auriez deux catégories de travailleurs, puisque ceux qui prendraient leur retraite à 65 ans continueraient d'obtenir une retraite selon les règles habituelles, alors que ceux qui continueraient au-delà de l'âge normal de la retraite devraient exclure du calcul de leur retraite les années supplémentaires de travail qu'ils auraient faites.

J'imagine que, s'ils ne sont pas congédiés, ils les font avec toutes leurs aptitudes, leurs capacités. Cela m'étonne. En fait, ce que je vous demande, est-ce que vous ne voyez pas là une espèce de nouveau facteur de discrimination entre deux types de travailleurs, ceux qui auront 65 ans et ceux qui auront dépassé 65 ans?

M. Dessurault: Peut-être.

M. Paquin: Une des difficultés que nous avons avec ça, Mme la députée, encore une fois, est reliée au coût. On ne peut pas, à l'heure actuelle, essayer d'évaluer l'impact de cette loi. On aura beau nous citer des exemples des États-Unis en disant qu'il y a 2%, 3%, 4% des employés qui en bénéficient. Mais, pour l'employeur qui doit gérer un plan de retraite, ces études actuarielles vont lui dire: On fait des études basées sur le fait que la convention que vous avez avec vos employés détermine que l'âge normal se situe à 65 ans et on peut sortir des coûts assez précis.

Mais, à partir du moment où les employés auraient le privilège de se rendre à 66 ans, 67 ans, 68 ans, 69 ans ou même 70 ans, sans doute que les actuaires peuvent nous en donner les coûts. On ne les a pas fait faire, bien sûr, mais c'est encore relié à l'aspect des coûts. Écoutez, vous ne pouvez pas nous demander de supporter quelque chose pleinement, je dis bien pleinement, avant de savoir ce dans quoi on s'embarque. C'est aussi simple que ça. Je ne sais pas s'il y a d'autres commentaires.

M. Lavoie: Si je peux ajouter quelque chose, comme M. Dessurault l'a dit tantôt, il y a certaines entreprises qui ont trouvé une réponse à ce problème et c'est une flexibilité qui est accordée, de concours avec l'assureur qui a le plan de retraite. Il y a un exemple qui me vient à l'idée, je ne connais pas tous le détails du plan mais, lorsqu'un employé atteint l'âge de 65 ans, il peut continuer jusqu'à 70 ans, du consentement de son employeur, le cas est soumis aux assureurs, ils font une étude et, si l'assureur est d'accord, c'est possible.

Je crois qu'encore là c'est à cause des critères actuariels qui peuvent être différents dans les différents plans.

Mme Lavoie-Roux: Écoutez, ce qui ressort des problèmes que vous soulevez ou des questions que je vous pose, c'est qu'on est encore devant beaucoup d'inconnues. Le gouvernement n'a procédé à aucune étude actuarielle, même pour le secteur public. Je pense qu'on doit entendre les actuaires un peu plus tard, je ne sais pas s'ils vont avoir des réponses. Je pense que ce qu'ils proposent, c'est de procéder par un étalement sur un certain nombre d'années. Je comprends votre inquiétude, dans ce sens où on est en face d'inconnues qui n'ont pas été quantifiées et qui auraient du l'être avant que le projet de loi ne soit déposé. C'est dans ce sens qu'on avait demandé au gouvernement de nous donner les études actuarielles qui avaient été faites par le gouvernement du Québec. Apparemment, il n'y en avait pas. Il aurait certainement été plus sage d'avoir ces données ou d'autres au plan administratif. Cela aurait permis aux intervenants qui sont venus ici de retourner chez eux avec un peu plus de quiétude. À ce moment, la seule porte ouverte, mais qui est quand même importante, c'est le fait qu'on est prêt, semble-t-il, du côté du gouvernement, à étaler sur une certaine période donnée l'application de cette loi.

M. Paquin: Sur cet aspect en particulier, Mme la députée, je vous ferai

remarquer que Me Lavoie disait ce matin, et je cite textuellement: "Les effets probables d'une prolongation ou suppression complète de l'âge de la retraite justifient qu'on explore l'option plus flexible d'un processus progressif d'âge auquel on pourrait adapter un groupe d'âge en vue d'une révision graduelle à la hausse de l'âge de la retraite selon les critères applicables pour différents types d'emploi et aux travailleurs eux-mêmes." On ne vous dit pas que c'est une option que nous ne sommes pas intéressés à regarder. Ce qu'on vous dit, c'est qu'on serait bien prêt à la regarder si on avait des statistiques, si on avait des données, si on avait quelque chose sur quoi se pencher et étudier.

Mme Lavoie-Roux: Je dois vous dire que mon collègue de Nelligan a fait un plaidoyer assez vigoureux dans le sens que l'on fixe un autre âge de la retraite, disons 70 ans, pour en étudier toutes les implications, quitte à ce que plus tard cet âge soit complètement aboli. Je dois vous dire que le ministre n'a pas été fermé complètement à cette suggestion. C'en est une qu'il dit peut-être retenir. Ce qui reste étonnant, c'est qu'on n'ait pas pensé à toutes ces choses avant de présenter ce projet de loi. Merci, messieurs.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, ce qui frappe dans l'intervention de l'Association des manufacturiers, c'est surtout ses craintes quant aux coûts. Cela peut nous mener à de fausses conclusions, parce que, en réalité, si un des 25 postes dans une petite entreprise, ou un des 3000 dans une très grande entreprise, au lieu d'être occupé par une personne de 25 ans, est occupé par une personne de 65 ans, je ne vois pas en quoi cela change les coûts. Je vous répète que ce projet de loi ne va obliger aucun employeur à garder un employé si celui-ci n'a pas les capacités physiques ou mentales pour remplir son poste. Par conséquent, l'hypothèse où l'employé a les capacités et désire demeurer à son poste, le salaire que l'employeur lui paiera, s'il ne le paie pas à lui, il l'aurait payé à un autre employé. Je disais tantôt que, pour nous, la rémunération globale doit rester la même. C'est faux d'avancer que cela va entraîner nécessairement des augmentations des coûts des avantages sociaux. Donc, l'argument des coûts n'a pas de fondement.

L'autre argument, on n'a pas de données précises. La nature même du problème auquel on fait face nous empêche d'avoir des données précises. Personne ne peut prédire l'avenir.

Mme Lavoie-Roux: C'est une hypothèse.

M. Lazure: Tout ce qu'on sait, c'est que tous les experts - ce n'est pas nous qui l'avons inventé - prévoient qu'une telle loi amènera une augmentation variant de 2% à 4%, une augmentation de ceux qui, rendus à 65 ans, décident de rester sur le marché du travail, parce qu'il y en a actuellement des personnes de 65 ans qui continuent de travailler lorsque les entreprises le permettent. Nous disons que cela va signifier une légère augmentation. On peut simplement faire des prévisions à la lumière des expériences qui ont été faites ailleurs. Attendre d'avoir des chiffres précis, on ne pourrait jamais, à ce moment-là, introduire une telle législation, parce que, essentiellement, c'est une législation qui ne devrait pas avoir de grosses répercussions quant au nombre, à moins qu'au Québec on ne soit très différent de partout ailleurs.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, cela fait plusieurs fois que le ministre nous dit: On ne peut pas, parce qu'elle n'est pas partie, cette histoire; on le saura seulement quand elle aura été mise en application. Je ne suis pas économiste, mais il me semble qu'il est possible de faire des projections, à partir de certaines hypothèses ou de certains échantillons de population, pour au moins avoir un ordre de grandeur des coûts. À peu près toutes les législations ont des implications financières - ici, évidemment, c'est plus concret, parce que c'est relié aux régimes de retraite - et, d'une façon générale, on essaie au moins de les cerner un peu. Tout ce qu'on a pu obtenir du ministre jusqu'à présent, après beaucoup de questions, c'est que, possiblement, dans la fonction publique, cela pourrait être de l'ordre de 2 000 000 $ comme coût supplémentaire.

Je pense qu'on ne peut pas se réfugier indéfiniment dans le fait que c'est vrai qu'on ne sait pas combien utiliseront cette disposition ou cette loi ou se prévaudront de cette loi. Il me semble qu'il y a quand même des études de projections qui auraient pu être faites.

M. Dessurault: M. le Président, sur cette question de la rémunération ou du coût global, il serait facile de démontrer dans l'entreprise privée qu'un homme de 60 ans est plus dispendieux qu'un jeune de 25 ans.

M. Lazure: Oui, M. le Président, il est déjà plus dispendieux au moment où on se parle. C'est pour cela que je précisais tantôt que, dans notre esprit, sa rémunération globale doit rester la même, qu'il ait 66 ans ou 64 ans. Là, on ne parle plus de la même chose. Vous nous dites qu'actuellement vos employés de 64 ans sont plus dispendieux que

vos employés de 34 ans. Bien sûr, mais la loi ne va pas changer cela; la loi n'affectera en rien ces choses; la loi va permettre à quelque 1000 Québécois et Québécoises de plus de continuer à travailler en touchant essentiellement le même salaire; donc, pour vous, les coûts demeureront les mêmes, qu'ils aient 64 ans ou 66 ans.

Je vous mets au défi encore une fois de me dire en quoi ce prolongement de quelques années de travail va apporter des coûts si significatifs à vos entreprises. On ne l'a pas encore entendu.

M. Paquin: Pas plus qu'on a entendu, M. le ministre, l'évaluation de vos coûts. Je m'excuse, mais si votre projet de loi est adopté, vous êtes d'accord et vous venez de le dire... Prenons l'exemple suivant: ]00 employés dans une entreprise qui sont âgés de 25 à 30 ans coûtent moins cher que 100 employés âgés de 60 à 64 ans, parce que l'employé de 60 à 64 ans, qui est déjà dans l'industrie depuis un bon bout de temps, gagne un salaire plus élevé à cause de son ancienneté ou autre chose et, deuxièmement, les coûts, en termes d'avantages sociaux, sont assurément plus élevés et vous l'admettez, ce qui veut dire qu'à partir du moment où vous décidez d'abolir l'âge de la retraite obligatoire... Vous nous dites que, selon vos estimations - on a avancé un chiffre tantôt - cela coûte 2 000 000 $ pour 1000 employés. L'avenir va nous dire si c'est cela, mais on en doute un peu. Il demeure que si les employés continuent de travailler après 65 ans, ces employés coûtent plus cher à 66 ans, peut-être pas par rapport à 64 ans, si vous nous dites que la rémunération globale demeure la même, mais, à 66 ans et à 67 ans, l'employé coûte plus cher que s'il quittait l'entreprise, après entente avec l'employeur, et s'il était remplacé par un employé de 25 ans. C'est là-dessus qu'il y a des coûts.

Si vous nous dites que la rémunération globale, c'est la même entre 66 et 64 ans et 364 jours, je suis bien d'accord avec vous; on s'entend là-dessus.

M. Lazure: M. le Président, on revient encore à l'argument; on ne va pas nier qu'un employé de 64 ans ou de 67 ans coûte plus cher qu'un employé de 24 ans. Encore une fois, vous avez des employés de 64 ans et même de 67 ans, parce que, vous l'avez dit vous-même tantôt, un bon pourcentage de vos employés continuent jusqu'à 70 ans. Mais c'est pour cela qu'on dit qu'il y a un certain coût, c'est pour cela qu'on a dit, la semaine dernière, que, si on fait la projection, avec les barèmes versés par l'État employeur, sur les 1500 employés ou environ qui bénéficieraient de cette nouvelle loi, si on dit, par hypothèse, qu'il y en a 1000 qui viennent des secteurs public et parapublic, cela coûterait environ 2 000 000 $. Alors, on ne nie pas qu'il y ait un coût; on dit que le coût n'est pas significatif, on dit que le coût n'est pas important. (11 h 15)

M. Paquin: M. le Président, on s'excuse mais on ne peut pas être d'accord avec cela. Lorsqu'on était en commission parlementaire, qu'on demandait des coûts sur la loi 17, on ne nous a jamais répondu, disant que ce n'était pas si pire que cela, et c'est aujourd'hui qu'on le sait. Je fais référence à ce que Mme la députée disait tantôt. On est bien prêt à accepter vos chiffres mais jusqu'à preuve du contraire, on se permet d'en douter. C'est un peu notre nature, on s'excuse, mais, souvent, rares sont les prévisions gouvernementales qui s'avèrent exactes.

Mme Lavoie-Roux: Surtout quand il n'y en a pas, c'est encore pire.

Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Alors, au nom de tous les membres de la commission, je remercie l'Association des manufacturiers canadiens, représentée par MM. Lavoie, Paquin et Dessurault.

M. Paquin: Merci, M. le Président.

Institut canadien des actuaires

Le Président (M. Boucher): J'inviterais maintenant l'Institut canadien des actuaires dont le porte-parole est M. Yves Guérard. Si vous voulez y aller, M. Guérard.

M. Guérard (Yves): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, je voudrais en premier lieu vous transmettre les salutations du président en exercice de l'Institut canadien des actuaires, M. Blake Fewster, qui est de London, en Ontario, et qui malheureusement est dans l'impossibilité d'être avec nous ce matin. Je suis moi-même le président désigné de l'Institut canadien des actuaires, c'est-à-dire que mon mandat commencera en juin prochain. J'ai avec moi M. Colin Jack, qui est le directeur général de l'institut, M. Wayne Woods, qui est le vice-président de notre commission chargée des relations avec les pouvoirs publics en matière de retraite, et M. Gaston Paradis, de Québec, qui est un membre du conseil d'administration de notre institut.

L'Institut canadien des actuaires regroupe environ 1200 "fellows" qui se retrouvent dans la plupart des provinces canadiennes. Certains sont également à l'étranger. Le Québec compte au-delà de 25% des "fellows" qui résident au Canada et qui sont membres de l'Institut canadien des actuaires. C'est pourquoi notre délégation,

ici, regroupe aujourd'hui des actuaires qui proviennent du Québec et de l'Ontario.

Vous avez déjà reçu notre mémoire. J'aimerais simplement souligner brièvement certains des points que nous soulevons. L'institut suggère qu'avant d'adopter une loi comme celle-là, on considère toutes les implications qui peuvent en résulter pour la société et sur l'ensemble des règles de fonctionnement qu'elle s'est données. L'institut ne soulève pas dans son mémoire tous les problèmes possibles; d'autres organismes spécialisés peuvent le faire. Le champ de compétence des membres de l'institut touche particulièrement la démographie et les avantages sociaux. Notre mémoire considère les effets possibles de l'élimination de la retraite obligatoire sur la main-d'oeuvre active, sur le chômage, sur les régimes publics de retraite, l'harmonisation des régimes privés de rentes et d'assurances, le coût de ces régimes, l'âge réel de la retraite. Nous soulevons également des questions concernant les effets sur la législation actuelle applicable au régime privé, l'application de certaines conventions collectives, le contrôle de la productivité et la gestion du personnel.

Sur le plan de la démographie, on a beaucoup parlé au cours des dernières années de la baisse de la natalité et de l'effet que cela pourrait avoir sur le vieillissement de la population du Québec. Effectivement, le pourcentage de la population âgée aura plus que doublé d'ici cinquante ans et le taux de dépendance passera de 14.1% qu'il était en 1979 à 34,8% en 2029, selon des projections moyennes qui ont déjà été réalisées. Cela est basé sur un âge moyen de retraite de 65 ans. Si l'âge moyen de retraite était retardé jusqu'à 70 ans, le taux de dépendance qui est projeté à 34,8% en 2029 serait abaissé à 21,4% en 2029.

On pourrait conclure à partir de ces statistiques sur un plan démographique que le fait d'avoir une retraite à un âge plus avancé que 65 ans serait utile pour éviter une croissance trop rapide du taux de dépendance. Cependant, nous signalons que d'autres éléments démographiques doivent également être pris en compte. Le fait qu'il y ait une croissance rapide du pourcentage des personnes de 65 ans et plus par rapport à la population active n'implique pas que la population active décroît. En fait, on prévoit qu'elle passera de 3 800 000 au Québec en 1979 à 4 500 000 en 2029. Alors, l'économie du Québec, qui a historiquement connu un taux de chômage élevé, aurait ainsi à absorber en même temps une augmentation du nombre de personnes qui demeureraient sur le marché du travail malgré leur âge avancé.

Cette croissance de la population active, qui demeure assez rapide au cours des prochaines années, devient graduellement de moins en moins importante et pratiquement nulle à compter de l'année 2019. Alors, l'institut est porté à se demander si, à court terme, le bien-être général de la société ne justifierait pas une limitation aux libertés individuelles en maintenant la retraite obligatoire à un âge donné pour équilibrer le flot de la main-d'oeuvre au cours des prochaines années. L'évaluation réelle de la population active et les besoins de main-d'oeuvre pourraient alors servir de barème à l'avancement graduel de l'âge de la retraite obligatoire ou à son abandon individuel.

Notre mémoire considère également les effets sur les régimes d'avantages sociaux et l'âge de la retraite. Les régimes publics prévoient le commencement du paiement de la pension à compter de 65 ans, que son bénéficiaire soit retraité ou non. À l'exception du régime de rentes du Québec, qui est temporairement capitalisé partiellement, ces pensions sont payées directement à même les taxes de l'année de sorte qu'il s'agit d'un fardeau qui est à la charge de la population active. Le poids relatif de ce fardeau ne sera que très faiblement réduit si le commencement du paiement de la pension est maintenu à 65 ans malgré l'abolition de l'âge obligatoire de la retraite.

On soulevait également les questions suivantes:

Est-il dans l'intérêt public qu'une personne puisse cumuler un salaire et une pension?

Est-ce que le commencement automatique du paiement de la pension à 65 ans constitue une incitation à demeurer à l'emploi pour la personne de 65 ans?

Est-ce que cette réponse est la même si la personne participe ou ne participe pas à un régime privé de rentes?

J'explique que dans, ce cas, évidemment le revenu dont la personne disposerait à la retraite peut être fort différent si elle participe à un régime privé de rentes qui prévoit une pension élevée que si elle ne participe pas à un tel régime ou si son régime ne prévoit qu'un montant minime de rentes? Enfin, la réduction du supplément de revenu garanti, pour tenir compte des autres revenus, qui équivaut à une taxation de 50% des revenus du travail, constitue-t-elle une incitation à quitter le marché du travail, dès qu'ils y ont droit, pour les travailleurs à faible revenu? Quel serait l'effet sur les taux de retraite à 65 ans et après si les pensions de régimes étatiques ne devenaient payables qu'à compter de la date réelle de la retraite, si elle est postérieure à 65 ans?

Nous signalons également qu'il existe plusieurs autres avantages accordés par l'État aux personnes de 65 ans et plus via la taxation ou différents programmes de droits

gratuits. Est-ce que ces programmes et cette distinction dans les lois fiscales ne pourraient pas devenir considérés comme une discrimination inéquitable entre les travailleurs de 65 ans et plus et les autres? Est-ce que cet âge de 65 ans ne devrait être remplacé par l'âge réel de la retraite, lorsqu'il est supérieur à 65 ans?

Dans le cas des régimes privés de retraite, l'avancement de l'âge de la retraite diminue généralement le coût d'un régime privé de rentes à moins que la rente ne continue de s'accroître après l'âge de la retraite et ne soit ajustée sur base d'équivalences actuarielles. L'élimination de l'âge obligatoire de la retraite dans les régimes de rentes créera certes des problèmes temporaires d'harmonisation plus ou moins complexes, mais nous ne croyons pas que ces problèmes présentent des difficultés telles qu'elles puissent être invoquées pour empêcher l'abolition de la retraite, surtout si le législateur laisse l'harmonisation de ces régimes à la libre négociation entre l'employeur et les employés.

Il est probable cependant, et certaines expériences en font état présentement, que cette réduction du coût puisse être compensée par le coût de nouveaux programmes qui viseraient à favoriser tout de même la retraite à un âge donné en la rendant plus attrayante. De cette façon, l'employeur évite de conserver à son emploi des travailleurs dont l'efficacité est possiblement réduite et il évite aussi l'odieux d'avoir à mettre à la retraite, à un moment donné, après une preuve de non-performance, un employé qui croit pouvoir continuer à travailler. Plusieurs grandes entreprises ont déjà, à cet effet, des programmes avantageux de préretraite qui visent à encourager les employés plus âgés à laisser leur emploi à des employés plus jeunes et plus productifs. Alors, ce sont des modifications du coût des programmes associés à la retraite qui sont indirectement à la charge de la population active, soit comme participant à un régime de rentes, soit comme consommateur, soit comme contribuable.

Les régimes d'assurance. L'élimination de la retraite obligatoire a un effet immédiat sérieux sur les régimes d'assurance collective. On peut présumer, en effet, que l'assurance doit être maintenue en vigueur pour un employé qui garde son emploi pour les mêmes raisons de non-discrimination qui incitent à éliminer l'âge de la retraite obligatoire. Le coût de la plupart de ces régimes d'assurance est croissant avec l'âge et l'élimination de la retraite obligatoire augmentera évidemment le coût moyen de ces régimes.

Il y a également des problèmes de contenu. Par exemple, l'assurance-salaire devra-t-elle être maintenue? Comment se comparera le montant de l'indemnité en cas d'invalidité temporaire avec le montant de la rente de retraite qui est alors disponible à l'employé en tout temps? Ces problèmes peuvent être solutionnés, mais ils pourront difficilement l'être de façon satisfaisante si l'élimination de la retraite obligatoire devient effective dès l'adoption de la loi ou peu après et si le législateur impose des contraintes à l'adaptation de ces régimes aux nouvelles conditions d'emploi.

Pour ce qui est de l'âge de la retraite, le commencement du paiement de la pension des régimes publics à 65 ans a psychologiquement imposé cet âge comme l'âge de retraite pour la majorité des travailleurs, même s'il n'est pas obligatoire. La question qu'on se pose à ce moment-là, c'est: Au lieu d'être fixé à 65 ans, l'âge requis pour retirer ces pensions ne devrait-il pas être fixé à l'âge réel de la retraite lorsqu'il est supérieur à 65 ans? Si tel est le cas, est-ce qu'on doit prévoir l'abaissement graduel de l'âge minimum de la pension, sinon de l'âge moyen de la pension? Il est possible que, si on élimine l'âge de 65 ans comme âge fixe et automatique du commencement de la pension, on voudra considérer l'âge réel de la retraite lorsqu'il sera inférieur à 65 ans de la même façon qu'on le considère lorsqu'il est supérieur à 65 ans.

L'élimination de la retraite obligatoire pourra augmenter les coûts de certains régimes et diminuer les coûts d'autres régimes. D'autres mesures incitant à la retraite pourront connaître une certaine expansion. Les variations possibles des coûts des régimes publics et privés peuvent difficilement être établies sans une analyse détaillée, plus particulièrement à la suite de leur divergence selon la nature des régimes. Selon l'institut, l'effet net de ces variations devrait être estimé et analysé avant que des dispositions législatives soient adoptées.

L'institut veut également souligner que l'élimination de la retraite obligatoire aura d'autres implications qui sont d'intérêt pour l'actuaire et il se demande si elles ont été considérées. À titre d'exemple, en vertu d'un régime enregistré d'épargne-retraite ou d'un régime enregistré de rentes, les paiements de pension doivent obligatoirement commencer avant que le rentier n'atteigne 71 ans. Cette restriction s'appliquera-t-elle à l'employé qui conserve son emploi et devra-t-il alors recevoir sa pleine rente en plus de son plein salaire?

Il y a également plusieurs conventions collectives du secteur privé, mais surtout du secteur public qui contiennent des clauses très avantageuses pour l'employé quant à la sécurité d'emploi. Sera-t-il possible, dans ces circonstances, de mettre à la retraite l'employé dont l'efficacité est réduite en

raison de son âge? Afin de maintenir le niveau de productivité, les entreprises voudront pouvoir mettre à la retraite un employé âgé qui a cessé d'être efficace. Cela nécessitera de monter un dossier personnel de performance et de prouver la satisfaction ou la non-satisfaction que cet employé donne au travail. C'est une mesure qui est jugée désagréable par des employés comme par des employeurs. Ce sera un changement par rapport à la situation actuelle où beaucoup d'employeurs tolèrent un rendement réduit de leurs employés qui approchent l'âge de la retraite, sachant qu'il y a un âge limite auquel la retraite est obligatoire. Nous nous interrogeons sur l'effet de cette mesure sur le rendement des employés âgés qui se sentiraient continuellement en insécurité quant à leur emploi. (11 h 30)

Advenant l'abolition de la retraite obligatoire, chaque employeur aura à son emploi un groupe plus considérable d'employés qui pourront quitter leur emploi en tout temps. Ceci aura des implications sur la gestion du personnel, en ce qui concerne le recrutement et les promotions, plus particulièrement si la retraite obligatoire est abolie sans période de transition. Le fonctionnement des entreprises sera certainement affecté par le fait que leurs compétiteurs qui sont dans d'autres provinces ne seraient pas nécessairement dans une situation qui comporte les mêmes exigences.

Nous signalons que certains régimes publics, comme le Régime de retraite des fonctionnaires, celui des enseignants, le RREGOP et plusieurs régimes applicables aux policiers, prévoient la possibilité de la retraite assez jeune avec pleine pension, mais avec la possibilité de demeurer à l'emploi jusqu'à un âge limite. À partir des statistiques accumulées sous ces régimes concernant l'âge de la retraite, il serait possible d'examiner quel pourcentage des employés a préféré demeurer à l'emploi jusqu'à l'âge limite de la retraite plutôt que de prendre une retraite hâtive, et cela permettrait de prévoir ce qui se passerait si la retraite obligatoire était abolie, du moins par extrapolation.

En conclusion, l'institut considère que l'abolition de la retraite obligatoire a des implications très importantes qui devraient être examinées à fond avant qu'une décision soit prise.

Les projections démographiques démontrent que l'avancement immédiat de l'âge de la retraite ne ferait qu'augmenter une main-d'oeuvre déjà partiellement en chômage. Par ailleurs, l'harmonisation de plusieurs dispositions législatives, des conditions de travail et des régimes d'avantages sociaux présentera des problèmes qui prendront un certain temps à être réglés.

Il n'est pas évident non plus qu'une telle mesure retardera nécessairement l'âge réel de la retraite. À moyen terme, l'effet pourrait être d'avoir un âge réel plus ou moins élevé que présentement, ce qui créera des pressions pour l'adaptation des régimes publics. L'effet de l'élimination de la retraite obligatoire sur les coûts devrait être préalablement estimé selon quelques scénarios et analysé en regard de ses conséquences.

Il n'est peut-être pas possible de prédire l'avenir avec précision même pour des actuaires, mais il est possible, à partir de l'expérience et des connaissances que nous avons, d'examiner quels sont les scénarios que l'avenir peut nous réserver et quels sont les intervalles de variations qui sont possibles.

On ne considère donc pas nécessairement urgent ni souhaitable de rendre la retraite obligatoire illégale à brève échéance. Une période de transition facilitera l'adaptation de la société aux nouvelles conditions d'emploi et permettra d'éviter des interventions réglementaires qui alourdissent inutilement cette adaptation.

En conséquence, l'institut suggère que la retraite obligatoire pourrait être abolie graduellement sur une période d'années. Comme première étape, la loi pourrait prohiber uniquement la retraite obligatoire avant un âge donné, par exemple, 65 ans. Cela pourrait être un autre chiffre, 60, 62, mais 65 ans est un chiffre qui est déjà imbriqué dans plusieurs lois.

Subséquemment et après analyse des effets de la première loi, l'âge de la retraite obligatoire pourrait être retardé graduellement, le cas échéant, puis éliminé entièrement.

C'est là, M. le Président, un survol du mémoire que nous avons présenté à votre commission. Avec l'aide de mes collègues, il me fera plaisir de tenter de répondre aux questions que les membres de votre commission pourraient avoir à nous poser.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Guérard. M. le ministre.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux remercier M. Guérard et ses collègues, de l'Institut canadien des actuaires, pour leur mémoire qui est d'une grande qualité. C'est un travail de professionnels. Tout en faisant ressortir plusieurs difficultés dans l'implantation d'une telle loi, je crois comprendre qu'à toutes fins utiles l'institut est plutôt favorable à une telle loi, surtout si elle était implantée graduellement avec une période de transition.

Je vais essayer de relever certaines questions ou certaines difficultés qui sont soulignées dans le mémoire.

D'abord, au paragraphe a) de la page

11, vous posez une première question: Devra-t-il recevoir alors sa pleine rente en plus de son plein salaire? La réponse, c'est oui. Évidemment, cette loi-ci a l'intention de se conformer aux lois actuelles qui émanent des différents ministères du Revenu, que ce soit au gouvernement fédéral ou à notre propre gouvernement.

Ailleurs, dans le mémoire, vous dites: Est-ce que cela a du sens que le même individu cumule à la fois une pleine retraite et un plein salaire?

Ma réponse est affirmative. Dans la mesure où cela existe, c'est une réalité. Ce n'est pas à moi, en tout cas, à me prononcer sur le caractère moral, ou de porter un jugement de valeur là-dessus. Vous allez reconnaître aussi bien que moi qu'il y a des milliers de personnes actuellement dans notre société qui touchent une pleine rente tout en touchant un plein salaire.

Le policier qui se retire avec une pleine rente à 55 ans, aussi bien que le fonctionnaire qui se retire à 58 ans ou le professeur d'université à 60 ans, peuvent fort bien, tout en touchant leur pleine rente, aller se chercher un emploi ailleurs et toucher un plein salaire. Je ne vois vraiment pas d'où vient l'aspect nouveauté puisque cela existe dans beaucoup de corps d'emploi actuellement.

Quand on pense aux quelques milliers d'individus qui seraient affectés, qui bénéficieraient d'un tel projet de loi, on pense surtout à ceux, justement, qui n'ont pas de plan de pension supplémentaire, les 55% de la main-d'oeuvre au Québec qui ne bénéficient pas de plan supplémentaire de retraite. Cela ne me scandalise pas que certaines de nos personnes âgées de 65 ans et plus, au lieu d'être obligées de vivre seulement avec la pension de vieillesse et le supplément du revenu garanti, puissent toucher leur salaire pendant quelques années de plus. Autrement dit, quand on sait que tout près des deux tiers de la population âgée vivent autour ou au-dessous du seuil de la pauvreté, je me dis que si on peut retarder cette échéance de quelques années pour un certain nombre d'entre eux, c'est tant mieux. Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit de scandalisant là-dedans.

Si je continue au paragraphe b), dans le secteur public, les évaluations du rendement de l'employé de 65 ans et plus qui voudrait continuer à travailler seront plus difficiles. On en a parlé tantôt, les appréciations, les évaluations du personnel devront être beaucoup plus rigoureuses. Voilà une difficulté réelle, on ne le cache pas.

La troisième question que vous soulevez touche aussi à l'évaluation. Au paragraphe d) vous dites: Si des employés de plus de 65 ans demeurent au travail, par rapport à des employés plus jeunes, cette situation devient plus problématique pour l'employeur, puisque la question de mobilité, de départ imprévu de la personne plus âgée, pénalise l'employeur jusqu'à un certain point.

Je n'en suis pas sûr. Il me semble, au contraire, que la main-d'oeuvre plus jeune est caractérisée par un pourcentage de mobilité beaucoup plus élevé que la main-d'oeuvre plus âgée.

Tantôt je faisais état de l'absentéisme qui était beaucoup moins marqué chez la personne âgée, mais la même chose est vraie pour la mobilité. L'incertitude de la part de l'employeur vis-à-vis d'un employé plus jeune me semble aussi réelle à l'égard d'un employé plus âgé.

Quant aux avantages sociaux, je répète que, dans notre esprit, la rémunération globale doit rester la même. Les avantages sociaux, quant à nous, devront être discutés aux tables de négociation entre employeur et employé. Je pense que c'est ce que vous souhaitez, de toute façon. Il nous paraît évident que cela doit demeurer dans le champ de la négociation tout simplement avec le cadre général que nous établissons, soit que la rémunération globale doit rester la même, quitte à ce qu'il y ait une réaffectation différente, une répartition différente de cette rémunération globale.

Finalement, la période de transition. Si je comprends bien, un de vos derniers commentaires, une de vos dernières recommandations rejoindrait un peu la substance du rapport du sénateur Croll, à savoir qu'une telle abolition devrait se faire graduellement, à raison d'une tranche d'une année chaque année. Est-ce ce que je dois comprendre? Est-ce que je comprends bien votre recommandation, celle-ci plus particulièrement?

M. Guérard: Nous n'avons pas tenté de fixer des paramètres à la durée, par exemple, de la période de préavis qu'il y aurait entre l'adoption de la loi et le moment où elle commencerait à produire ses effets, ni de fixer de façon absolue quelles pourraient être les étapes. Nous suggérons une modalité qui serait, en ayant prévu une période de transition, de limiter les effets de la loi à la retraite obligatoire avant un âge donné seulement, qui pourrait être celui de 65 ans ou celui d'un autre âge, et d'examiner ces effets plus tard. L'institut ne dispose pas des ressources humaines ou pécuniaires nécessaires pour étudier ces implications et produire des recommandations qui sont étayées sur des études documentées, mais c'est certainement le genre d'orientation que nous aurions aimé pouvoir étudier et sur lequel nous aurions aimé pouvoir nous documenter. Le gouvernement a certainement les ressources pour faire une évaluation plus précise des coûts, des conséquences et de la façon que la période de transition pourrait permettre de répondre,

d'une part, aux besoins et, d'autre part, aux adaptations nécessaires.

M. Lazure: Si je reviens au rapport du Sénat canadien, c'est un des nombreux rapports dont je faisais état tantôt qui nous permettent de dire que c'est une voie qui, non seulement est souhaitée par la majorité de la population - quand on fait des sondages; je pense que les gens croient de plus en plus aux sondages, et même les partis politiques y croient de plus en plus -mais c'est une voie qui nous a été tracée par des rapports très sérieux. Le rapport du Sénat canadien, le rapport Croll recommande qu'il y ait abolition à partir de 65 ans et à raison de l'ajout d'une tranche d'une année chaque année.

Si c'est ce que vous voulez dire ou quelque chose de semblable, nous ne rejetons pas cette approche. J'ai parlé, chaque jour de cette commission, d'une approche étapiste, d'une approche gradualiste. Quand on y pense bien, cependant, si on excepte les 40 000 employés, ou environ, qui sont déjà sur le marché du travail et qui ont plus de 65 ans - laissons-les de côté pour le moment - dans l'hypothèse où on entreprendrait la démarche d'une première année avec l'abolition de l'obligation de la retraite à 65 ans; celle de la deuxième année, à 66 ans; celle de la troisième année, à 67 ans, etc., cela équivaut, à toutes fins utiles, à abolir tout âge dès maintenant, en ce sens que, dans l'optique de notre loi, la première année, ce sont les personnes de 65 ans -j'excepte toujours les 40 000 qui sont déjà là - qui profiteraient de la loi, les quelques milliers qui voudraient en profiter. La deuxième année, ces personnes seront rendues à 66 ans et continueront, si elles le veulent, à en profiter et s'ajouteront à celles de 65 ans. La troisième année, celles qui ont commencé la première année auront 67 ans, etc.

Finalement, il n'y a pas beaucoup de différence. C'est pour cela que, quant à moi, je n'élimine pas cette possibilité de procéder de façon bien identifiée, de façon gradualiste, à raison d'une tranche d'âge d'une année par année. Je conçois que cela pourrait faciliter le travail des actuaires, si c'était établi à l'avance qu'il y aura une année seulement d'ajoutée chaque année, mais, d'autre part, cela ne nous éclairera pas plus sur le nombre de candidats ou de candidates qui voudront demeurer au travail après 65 ans. (11 h 45)

En conclusion, une des réticences, une des mises en garde de bon aloi qui ressort du mémoire, c'est celle qui touche justement les avantages sociaux, comme bien d'autres groupements l'ont fait. Je répète encore une fois que pour nous c'est, premièrement, sujet aux conventions collectives, aux négociations entre les deux parties, et, deuxièmement que cela ne doit pas signifier de nouveaux coûts et doit être encadré par le principe d'une rémunération globale.

Le Président (M. Boucher): M. Guérard.

M. Guérard: M. le Président, si vous me permettez de commenter immédiatement certains commentaires du ministre. Le premier était relatif au paragraphe a) de la page 11 où le ministre nous disait qu'à son point de vue il y aurait, dans les circonstances, cumul de la rente et du plein salaire. Il est évident que comme groupe professionnel d'actuaires, nous n'avons pas d'opinion à savoir si la rente et le salaire doivent être cumulés. Je pense que notre rôle est d'indiquer que c'est un effet possible et d'indiquer les incidences sur les coûts. Cette remarque que je fais pour le paragraphe a), je la fais pour tous les autres. Le but de notre institut, c'est d'éclairer les gens qui ont à prendre les décisions de manière qu'ils en connaissent les conséquences. Ce cumul, comme celui auquel le ministre s'est référé, résultant de différents régimes couvrant des policiers ou des enseignants - ce sont deux exemples qui ont été donnés, il y en a d'autres - résulte de l'interaction dans certains cas de décisions publiques, dans d'autres cas de décisions privées. Peut-être que certains de ces cumuls sont accidentels et ont résulté du fait que des lois ou des règlements ont été changés sans prendre en considération toutes les conséquences sur d'autres lois ou sur d'autres règlements.

Dans d'autres cas, il s'agit de décisions privées qui ont pour effet de permettre ce cumul, mais je pense que c'est avant le vote d'un projet de loi comme celui-là qu'on peut se poser la question à savoir si tous ces cumuls sont bons, s'il y en a qui doivent être éliminés, s'il y en a dont les coûts sont acceptables ou inacceptables ou si les sommes qui sont dépensées à cette fin devraient être dépensées à d'autres fins. J'aimerais mentionner un commentaire également sur la question de la rémunération globale. Évidemment, le principe que le ministre met de l'avant, c'est que la rémunération globale doit demeurer la même. En pratique, compte tenu des contraintes de l'existence de régimes qui sont documentés dans des textes, de salaires qui sont prescrits par des échelles ou par des conventions collectives, si vous avez un groupe d'employés dont l'âge moyen augmente, le coût des régimes d'assurance augmentera automatiquement. Il est théoriquement possible de négocier des modifications qui feraient que parce que le coût d'un régime d'assurance pour un employé plus âgé augmente, on va enlever certains autres avantages. Je ne sais pas si M. le ministre

songeait à réduire le salaire du montant de l'augmentation du coût des avantages sociaux. Ce sont des ajustements qui sont possibles, mais qui sont certainement très difficiles. C'est une des raisons qui amènent l'institut à suggérer une période de transition qui permettra les adaptations nécessaires, parce que je pense qu'une simple juxtaposition de la loi et des régimes existants résultera automatiquement en une augmentation des coûts au niveau de la rémunération globale. Le phénomène de transferts auquel vous faites allusion, M. le ministre, ne se fera pas facilement.

Je n'ai pas répondu à tous les commentaires ou à toutes les questions. Je pense bien que ce n'était pas nécessaire, mais s'il y en a d'autres questions, nous sommes à la disposition de la commission.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Guérard. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je remercie M. Guérard et l'institut du mémoire fort complet et intéressant qu'ils nous ont présenté. Je pense qu'il apporte quelques réponses aux questions qui ont été posées avec le groupe précédent quant à la possibilité des évaluations de coûts faites même avant l'adoption de la loi. Il vous apparaît qu'on pourrait partir de certains scénarios et qu'on pourrait au moins faire certaines projections. Est-ce que je me trompe? Est-ce que c'est exact?

M. Guérard: Je pense qu'il est tout à fait possible d'évaluer les coûts à l'avance avec une certaine marge d'erreur, c'est-à-dire qu'on peut, suivant des scénarios, prévoir une gamme allant d'un coût minimal à un coût maximal, d'y attacher certaines possibilités et de connaître aussi quels sont les extrêmes de coûts qui sont plausibles. En identifiant les éléments qui présentent des coûts, je crois que cela permet une décision plus éclairée, premièrement quant aux priorités et, deuxièmement, quant à l'importance qu'on doit attacher à telle ou telle modification. Il est possible de produire de telles estimations de coûts, même s'il s'agit de phénomènes complexes. Les actuaires ont l'expérience de travailler dans le domaine des régimes de retraite et des assurances, qui présentent une certaine complexité. Ils ne réussissent pas à prédire des coûts exacts, - personne ne connaît l'avenir - mais il est possible d'examiner ce que l'avenir peut nous réserver suivant différents scénarios et je pense que c'est le genre d'information dont on a besoin pour prendre les décisions.

Mme Lavoie-Roux: Est-il exact de conclure que, dans votre esprit, hors de tout doute, l'abolition de l'âge de la retraite va nécessairement impliquer des coûts supplémentaires? Je pense que c'est la démonstration que vous faites, mais j'aimerais que vous nous le disiez d'une façon précise.

M. Guérard: Je pense que cela dépendra beaucoup de la manière dont cela pourra se faire. Je me limite à deux exemples. Je reprends celui du coût des avantages sociaux et de la rémunération globale. Je pense qu'il est tout à fait possible de maintenir le niveau de la rémunération globale à la même égalité, nonobstant l'augmentation du coût de certains avantages sociaux, si on peut transférer des montants qui sont consacrés à différents programmes et les transférer à d'autres programmes de manière à maintenir la rémunération globale égale, mais c'est à condition que ces transferts soient faits et que cette adaptation soit négociée ou puisse être négociée. Ce n'est pas quelque chose qui peut se faire automatiquement. Si cette adaptation n'est pas faite, il en résultera certainement une augmentation du coût.

Un deuxième exemple que je donnerais, c'est la question de l'abaissement du coût des régimes de retraite en regard du plein salaire qui est payé à l'employé. Si on se limite à la considération du régime de retraite et si l'élimination de l'âge obligatoire de la retraite a pour effet de retarder la retraite - ce qui n'est pas certain, parce que cela pourrait également l'avancer suivant certains exemples que nous avons donnés - il y aura une baisse du coût des régimes de retraite, parce que la pension coûte moins cher à un âge plus avancé, l'assurance de vie étant réduite par la suite. Par ailleurs, le salaire est généralement plus élevé que la pension et si, par manque d'adaptation, tout ce qu'on a réussi à faire, c'est qu'on paie le plein salaire à un individu qui ne fournit pas une performance en emploi, cela coûte plus cher à la société de lui payer son plein salaire que de lui payer sa pension. Même si, sur un plan d'imputations budgétaires, on a une baisse du coût des pensions, il faut considérer qu'on a aussi une hausse du budget des salaires, mais cela ne m'apparaît pas une conséquence nécessaire. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de continuer à payer à quelqu'un son plein salaire lorsqu'il ne fournit pas le rendement en emploi, mais, pour que cette adaptation se fasse, il faut que beaucoup de règles du jeu qui sont inscrites soit dans des conventions collectives, soit dans des pratiques d'emploi, soient modifiées pour permettre plus de souplesse et de flexibilité.

Cette adaptation peut se faire. Si elle ne se fait pas, il y aura des coûts additionnels. Si elle se fait et selon la façon dont elle pourra se faire, ces coûts additionnels pourront être évités et même au total, si la société réussit à se donner des règles qui font qu'on utilise de façon plus

complète les ressources de la main-d'oeuvre et qu'on tire de la population active sa pleine capacité au lieu de poser des limites arbitraires à son utilisation. On aura alors certainement un bénéfice sur base globale pour l'ensemble de la société, mais il est très possible de le faire d'une manière qui fera qu'on aura une perte globale pour l'ensemble de la société. L'objectif de l'institut, par son mémoire, était de fournir à ceux qui auront à prendre les décisions les informations nécessaires pour que ce soit fait de la meilleure manière possible et d'une manière qui résulte en un bénéfice net pour l'ensemble de la société et pour ses membres.

Mme Lavoie-Roux: J'ai une autre question. En page 3 de votre mémoire, vous faites allusion à la question du chômage élevé et à la relation qui pourrait s'établir entre l'abolition de l'âge de la retraite et une augmentation du nombre de chômeurs. Je pense que ce à quoi vous faites allusion, c'est à une difficulté plus grande de trouver de l'emploi pour les plus jeunes. C'est un argument que différents groupes ont apporté ici. Nous autres, tant du côté ministériel que de notre côté, je ne sais pas si on a rationalisé, mais on s'est trouvé des arguments pour dire: Ils n'occupent pas nécessairement les mêmes emplois, les études démontrent que l'abolition de l'âge de la retraite n'a pas d'influence sur le chômage des jeunes. On s'est senti fort heureux de ces réponses que nous, on avait trouvées ici, mais je me demande si, de votre côté, vous avez des données supplémentaires là-dessus ou si vous pourriez nous parler davantage de cette crainte que vous exprimez.

M. Guérard: Les actuaires de par leur expertise ne sont pas des spécialistes dans le domaine de la gestion du personnel. Cette page de notre mémoire est dans la section intitulée Démographie où nous considérons simplement les nombres globaux. L'argument démographique qui est à l'origine de certaines de ces suggestions ou qui pour certains est une raison de suggérer ceci est un argument qui n'a pas d'effets à court terme. Ce que nous voulions signaler, c'est qu'à court terme on continue, malgré la baisse de la natalité, à observer une croissance de la population active, alors que cette croissance ralentit et devient nulle ultérieurement. C'est justement à ce moment-là, s'il y a un besoin de main-d'oeuvre plus grand, que le relèvement de l'âge moyen de la retraite dégagerait une masse de main-d'oeuvre additionnelle dont on aura peut-être besoin, si les prévisions s'avèrent justes, vers les années 2019. Ce que nous voulions signaler, c'est que l'argument démographique qui jouait à long terme ne jouait pas à court terme.

Notre comparaison porte simplement sur le plan quantitatif; c'est que, s'il y a un nombre d'emplois donné et qu'on augmente le nombre de personnes qui sont à la recherche de ces emplois et qu'on permet à ceux qui ont des emplois de se maintenir à leur emploi, on rend certainement plus difficile pour des personnes qui arrivent sur le marché du travail de postuler et d'obtenir ces emplois s'ils sont en nombre limité. En termes d'équation d'équilibre, l'argument démographique joue simplement plus tard, lorsque la croissance de la population active se ralentit et devient nulle.

Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, ce que vous indiquez, c'est qu'un certain décalage dans le temps quant à l'application de l'abolition de l'âge de la retraite, si on tient compte du facteur démographique, serait peut-être plus indiqué au moment où on arrive avec vraiment une diminution de la main-d'oeuvre qui entre sur le marché du travail

M. Guérard: Sur le plan démographique, oui. Si on prend l'ensemble du mémoire, je voudrais peut-être le traduire de cette façon; c'est qu'on a présentement un ensemble de règles du jeu qui s'appliquent, dans bien des cas, à partir d'un âge fixe de retraite. On peut se donner un autre ensemble de règles du jeu, peut-être plus efficaces, plus humaines et meilleures sur le plan de la société. Mais avant de défaire le système actuel qui fonctionne et qui est relativement efficace pour se donner un autre système, il faut s'assurer que la transition se fasse de façon harmonieuse et qu'on aboutit à des règles du jeu qui sont meilleures et pour les individus et pour la société.

Il n'y a pas, sur le plan démographique, d'urgence; on ne manquera pas de main-d'oeuvre demain. Donc, la société peut se donner le temps d'adapter un ensemble de règles du jeu qui est déjà très concret, qui se traduit par des législations dans le secteur public, par des conventions dans le secteur privé, par des règles de fonctionnement pour les emplois dans les entreprises. Alors, sur le plan démographique, nous avons le temps d'ajuster ces règles et de les perfectionner pour faire un autre ensemble de règles du jeu qui soit au moins aussi efficace. Je comprends qu'il peut y avoir d'autres arguments. M. le ministre a mentionné l'argument humain, que ça touche des personnes et que, si on ne le fait pas immédiatement, leurs descendants seront favorisés par les nouvelles règles du jeu, mais qu'eux ne le seront pas. Je pense que c'est une question de peser, justement de mettre dans la balance les avantages et les inconvénients entre ces deux choses. Sur le plan démographique, ce que signale notre mémoire, c'est qu'il n'y a pas urgence.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais remercier M. Guérard, mais j'aurais une question à poser au ministre pour préciser. Est-ce que j'ai bien compris tout à l'heure - j'admets que j'ai eu une distraction - quand il a dit qu'il laisserait au jeu de la négociation entre les employeurs et les employés, ce qui se fait actuellement, la discussion des avantages sociaux, même s'il y avait abolition de l'âge de la retraite, mais que cette discussion des avantages sociaux, eu égard à l'abolition de l'âge de la retraite, ne devrait pas amener de coûts supplémentaires? Est-ce que j'ai bien compris? (12 heures)

M. Lazure: Oui, c'est la réponse que j'ai donnée tantôt, que j'avais donnée la semaine passée, c'est ce que j'appelle la rémunération globale. Quant à nous, la rémunération globale doit rester la même, que l'employé ait 64 ans ou 66 ans.

La question de la députée de L'Acadie me permet de revenir très brièvement sur deux commentaires de M. Guérard, et ça va compléter ma réponse. Ce sont deux commentaires que j'ai trouvés fort pertinents, parce que ça nous éclaire sur cette fameuse question des coûts.

M. Guérard dit: Si - c'est le mot clé -la rémunération globale est maintenue au même niveau et qu'ensuite le jeu de négociation permet une nouvelle répartition -par exemple mettre un peu plus d'argent dans les 30% qui vont aux bénéfices sociaux, en mettre un peu plus sur l'assurance-maladie et en mettre un peu moins sur une autre facette des avantages sociaux - si c'est possible, il n'y a pas de nouveaux coûts. C'est ce que j'ai compris.

Il dit, une deuxième fois - c'est pour ça que j'insiste beaucoup sur ce concept de rémunération globale - si la personne continue à donner le même rendement, qu'elle ait 66 ans, 67 ans ou 27 ans, c'est le même coût. Mais c'est bien évident que si la personne donne un rendement à 50% et qu'on lui laisse le même salaire, là, il y a des coûts additionnels. Je reviens au deuxième commentaire de M. Guérard, il dit: Si la personne ayant un rendement inférieur peut voir son salaire réajusté à la baisse, à ce moment-là, il n'y a pas de coûts. On se rend compte, avec ces deux commentaires, que nos vues se rencontrent. Quant à nous -c'est là qu'est la difficulté des évaluations du personnel - la personne qui va vouloir continuer, il faudra qu'elle ait les capacités physiques ou mentales pour le faire, si elle veut avoir le même salaire. Sinon, elle pourra négocier avec son employeur un salaire réduit et, à ce moment-là, il n'y a pas de coûts pour l'ensemble de l'entreprise.

Mme Lavoie-Roux: On peut tous souhaiter que les négociations se fassent avec une espèce de nouvel équilibre qui serait établi pour ne pas modifier la rémunération globale. Mais je me demande si on n'est pas un peu angélique de penser que les négociations collectives vont se signer en abandonnant certains avantages sociaux en fonction de la rémunération ou vice versa. Je pense que le ministre peut bien dire là-dessus, à condition que ça n'augmente pas les coûts, mais vous n'avez aucune garantie que ça n'augmentera pas les coûts. La négociation des conventions collectives ne dépend pas de vous, ni de nous, quant à ça, mais c'est un rapport de forces entre deux parties.

On peut bien souhaiter ça, mais je pense que c'est rêver un peu en couleur que de penser qu'on va céder certains avantages sociaux pour empêcher une modification des avantages sociaux.

Quant à la question de la rémunération elle-même, quand il s'agira d'établir si quelqu'un est plus ou moins... Si l'on passe du temps complet au temps partiel, il n'y a pas de problème. Je vois mal l'employé qui va accepter une baisse de sa rémunération parce qu'il aura pris conscience d'une diminution de ses aptitudes. Peut-être qu'avec une modification de tâche, c'est différent, ou encore dans le cas du temps partiel, mais dans un même emploi je vois mal, à moins que tout le monde devienne bien vertueux demain matin, que ce soit les employés ou les employeurs, qu'on se retrouve sans conséquences financières quant à l'augmentation de ces coûts. Il me semble que le ministre a dit: À condition que... Est-ce que vous dites qu'il pourrait y avoir des règlements qui empêcheraient une modification dans la rémunération globale et que tout devrait se faire selon un certain équilibre qui empêcherait une augmentation de la rémunération globale?

M. Lazure: Non, M. le Président. On ne peut pas réglementer à l'avance les résultats des négociations entre les deux parties.

Mme Lavoie-Roux: C'est ce que je pense moi aussi.

M. Lazure: On peut donner un cadre. Certains groupes, la semaine passée, nous ont demandé de fixer un cadre général pour qu'ensuite, les parties à la table de négociation, s'inspirent de ce cadre général.

Je reviens à la remarque de la députée de L'Acadie pour ce qui est de la rémunération globale. Encore une fois, une entreprise donnée assure actuellement sa production par un déboursé de X millions de dollars par année pour des salaires. Si l'employé, rendu à 65 ans, n'a pas les capacités à 100% pour maintenir son poste, on sait d'avance que beaucoup de personnes rendues à cet âge, ou même plus tôt,

préfèrent travailler à temps partiel, un ajustement normal va se faire. Si l'employé veut continuer à travailler, mais à demi-temps, la masse sera répartie autrement pour l'employeur et, au lieu d'avoir un seul poste à temps complet pour cette fonction, il en aura deux à demi-temps. L'essentiel, c'est de donner des points de repère, un cadre général, qui ne pourront pas conditionner à 100%, mais qui peuvent inspirer les négociations.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Je vais vous poser une question par rapport aux pages 2 et 3, la question démographique. Vous indiquez que la population au-delà de 70 ans, prenons 70 ans comme barème, sera de 21,4% par rapport à la population de moins de 70 ans en l'an 2019. Ensuite, plus loin, vous indiquez que le nombre de travailleurs globalement passera de 3 800 000 en 1979 à 4 500 000 en 2029.

Ce que je voulais vous demander, c'est ceci: Nous avons, sur une population d'environ 6 300 000 au Québec, 60% de la population qui est active, 3 800 000. Comme le taux de natalité est de zéro ou moins, et admettons qu'actuellement, cela reste au même niveau ou que cela baisse, la progression de la population active est très significative par rapport à ce que c'est maintenant... c'est-à-dire que le taux d'augmentation semble être très élevé par rapport au taux de natalité de la population. De là, il y a toute une question qui se joue, comme vous dites, la question de coûts à court terme graduellement se balance à la question d'une plus grande force de travail, d'une plus grande population active par rapport à la population fixe, ce qui veut dire que cela rapporte plus d'impôts, qu'il y a beaucoup plus de travailleurs par rapport à la population fixe, c'est-à-dire qu'il y a un balancement qui se fait.

Aujourd'hui, il y aura les coûts additionnels par rapport aux gens qui vont rester à 65 ans avec de trop hauts salaires, où il n'y aura pas ce recyclage des jeunes. Graduellement, il y aura moins de jeunes qui vont pouvoir amener des impôts pour les bénéfices sociaux, mais graduellement aussi, cela va se rétablir en 2020 parce qu'il y aura plus d'impôts par rapport à la masse des travailleurs qui aura augmenté.

Est-ce que c'est possible de faire d'une façon actuarielle des études d'une population typique du Québec, tenant compte de toutes ces questions démographiques, pour montrer cette progression qui va rétablir l'échelle des coûts, qui va rebalancer toute la question? Est-ce que ce serait possible de prendre une population typique, de voir la progression entre maintenant et 2019 ou 2029 pour démontrer cette question d'une façon chronologique, pour voir à quel point le balancement des coûts se fait, ce qui arrive à court terme, ce qui arrive à long terme?

M. Guérard: Beaucoup d'études de ce genre ont été faites et publiées. Certaines variations selon les hypothèses sont faites par les différents auteurs quant à la propension au mariage ou le taux de natalité, les taux d'activité. Il y a aussi le facteur d'immigration et émigration nettes qui peut jouer sur la population active. De façon générale, ces études, si je les résume très brièvement, montrent que nous avons un taux de dépendance qui augmente au cours des prochaines années, même si la population active augmente, qui passe par un sommet, vers l'année 2029 - cela varie un peu suivant les études - et qui redescend par la suite pour se stabiliser - là, on fait des hypothèses qui deviennent constantes pour l'avenir ensuite à un niveau passablement plus élevé que celui qu'on connaît présentement, qui est un niveau artificiellement bas, si on peut dire, par rapport à une population stationnaire, parce qu'on sort à peine d'une période où la population était très croissante à cause d'un taux de natalité élevé. Mais la raison de cette bosse qu'on a, c'est qu'à un moment donné, on frappe la génération des bébés de la guerre, si on peut dire, l'explosion des naissances, qui a été suivie d'une très forte baisse de la natalité, ce qui se rétablit, de sorte qu'à un moment donné, on a une génération où il y avait un surcroît de bébés, ensuite un surcroît de population adulte - ce sont les mêmes qui vieillissent -et on les retrouve comme étant un surcroît de pensionnés. Ils doivent être assumés par une population active plus basse, parce qu'elle est celle qui justement était le contrecoup de cette génération.

Au bout d'un certain nombre d'années, à moins que la médecine ne fasse des progrès inattendus, ces pensionnés décèdent et sont remplacés par la génération de pensionnés issue de la population active plus basse des années subséquentes. Cette génération de pensionnés plus basse en nombre devient assumée par une population active plus basse également par rapport à ce qu'était la population antérieure, de sorte que le taux de dépendance redescend, mais il redescend à un niveau à peu près du double, selon des études, de celui que celui que l'on connaît aujourd'hui. C'est tout à fait possible de le faire suivant différents scénarios et cela a déjà été fait, mais l'équilibre ne se rétablit pas, à moins qu'on ne postule un retour à des attitudes psychologiques qui n'existent plus maintenant quant au nombre d'enfants par couple, par exemple.

Si vous me permettez, M. le Président, j'aimerais ajouter deux remarques en réponse à des commentaires qui ont été faits. La

première, c'est la question de l'uniformité entre les différentes juridictions provinciales et fédérales. C'est un aspect qui préoccupe les membres de notre institut, parce que beaucoup de régimes de retraite et d'assurance fonctionnent pour des entreprises qui ont des employés dans différentes provinces et il est évident qu'une uniformité des lois facilite beaucoup les choses; si on utilise la période de transition pour tenter de promouvoir cette uniformité, c'est un service que l'on rend à l'ensemble de la société.

Sur la question des coûts - on a beaucoup parlé de la possibilité de compensation - je voudrais souligner que la force de l'inertie et la rigidité des règles actuelles pèsent dans la direction d'une augmentation des coûts, augmentation qui peut être évitée, si on fait l'effort de faire les changements et si on peut réussir à faire ces changements. La nuance que je ferais peut-être par rapport à ce que le ministre disait tantôt, c'est que j'ai beaucoup d'admiration pour son optimisme, mais je ne suis pas sûr de pouvoir le partager entièrement, à moins que les gens ne deviennent vertueux.

Par ailleurs, je voudrais signaler que, même en supposant que l'on puisse remplacer les règles du jeu actuelles par des règles du jeu présentant un coût équivalent, ce qui n'est pas théoriquement impossible, même si je considère que c'est difficile et que je le crois plus difficile que M. le ministre, il y a un coût qui sera associé à la transition, parce que tout changement coûte quelque chose. Ce coût, c'est le prix qu'on doit payer pour tout changement, le prix associé à toute amélioration, mais il faudrait toujours distinguer le coût du changement du coût ultime après changement. Un coût est temporaire et non récurrent alors que l'autre coût, celui qui s'établira après le changement, est un coût permanent. Il est peut-être plus important d'accorder une très grande attention à ce que sera le coût ultime après changement, quitte à minimiser le plus possible le coût associé au changement lui-même. (12 h 15)

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laurier.

M. Sirros: Merci, M. le Président. Tout à l'heure, M. Guérard nous a dit qu'effectivement, c'est possible de prévoir des scénarios à partir de certaines hypothèses concernant les coûts de cette loi par rapport au Régime de rentes, puis en général les coûts économiques. J'aimerais simplement demander au ministre si, suite à cette constatation de la part des actuaires qui sont ici, il prévoit entreprendre ce genre de démarche pour produire des études quant aux implications économiques de cette mesure.

M. Lazure: M. le Président, encore une fois, nous avons utilisé les projections qui ont été utilisées dans d'autres pays ou d'autres États qui ont adopté des législations semblables. Nous avons utilisé aussi des projections qui sont contenues dans des rapports d'experts, rapports d'experts que j'ai cités abondamment. Tous ces rapports indiquent qu'il n'y a pas de coûts significatifs à la condition que les règles du jeu soient établies. C'est ce que nous allons faire dans le projet de loi, établir des règles du jeu.

Ceci étant dit, si on veut faire des hypothèses où les règles du jeu seraient différentes de ce que nous avons l'intention de proposer, on peut bien faire des hypothèses où on dirait, par exemple, que les avantages sociaux vont coûter 10% plus cher par chaque employé de 65 ans et plus qui resterait au travail. On peut faire ce scénario. Je répète que nous avons fourni à l'Opposition les documents que nous avions. Je vais tenter dans les jours qui viennent de lui transmettre d'autres documents plus récents qui ont trait justement aux coûts. Même les grands spécialistes, comme c'est le cas pour l'Institut canadien des actuaires, nous disent ce matin que si telle chose, telle chose, telle chose sont faites, il n'y a pas de coût; que si elles ne sont pas faites, il y a des coûts. Or nous avons maintenu depuis le début, M. Guérard vient de le répéter, même si c'est l'hypothèse optimiste qui prévaut, qu'il y aura quand même certains coûts et je suis d'accord avec lui. Il y aura certains coûts minimaux et ces coûts devront être absorbés soit par l'entreprise publique ou par l'entreprise privée. C'est un coût minimal qu'il faut payer chaque fois qu'on veut abolir une certaine discrimination. C'est sur ce caractère fondamental du projet de loi que je veux ramener mon propos. Ce n'est pas une loi qui a une grande portée économique, je ne suis pas le seul à dire cela. Le Conference Board, suite à son sondage, le dit de façon bien officielle et tous les experts l'ont dit: ce n'est pas une loi principalement économique. Elle est économique pour quelques milliers d'individus qui au lieu d'entrer tout de suite dans le club des gens pauvres, à 65 ans, auront le loisir de rester au travail et donc d'avoir un revenu décent.

Le Président (M. Boucher): Pas d'autres questions? Alors, au nom de tous les membres de la commission, je remercie l'Institut canadien des actuaires pour la présentation de son mémoire.

J'inviterais immédiatement la société Conseil Mercer Limitée et William M. Mercer Limitée, représentés par M. Jean Lefebvre.

M. Lefebvre.

Société Conseil Mercer Ltée et William M. Mercer Ltée

M. Lefebvre (Jean): M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la commission, mon nom est Jean Lefebvre de la société Conseil Mercer. Permettez-moi de vous présenter mon collègue, M. Roland Boutin, qui fait partie de notre bureau de Québec.

Nous voudrions d'abord remercier la commission de nous donner l'occasion de présenter notre mémoire et de répondre à vos questions. William M. Mercer Ltée et sa filiale québécoise, la société Conseil Mercer Ltée, sont des sociétés de conseillers en rémunération et avantages sociaux qui comptent au Canada plus de 500 employés déployant leur activité auprès de plus de 3500 clients: sociétés, comités paritaires, organismes publics, institutions et associations.

Au Québec, ces sociétés ont deux bureaux, l'un à Québec et l'autre à Montréal, où l'on retrouve près de 100 employés, dont 30 actuaires.

Les recommandations suivantes présentent un consensus de conseillers de notre maison ayant une vaste expérience dans l'élaboration de régimes d'avantages sociaux au Québec et au Canada et désireux d'en promouvoir la saine expansion au bénéfice des travailleurs.

Les commentaires inclus dans ce mémoire portent sur les points suivants: notre position sur l'abolition de la retraite obligatoire; certaines conséquences de l'abolition de l'âge de la retraite obligatoire sur les régimes supplémentaires de rentes et autres régimes d'avantages sociaux; notre opinion sur l'âge de début du versement de la rente de retraite des régimes publics.

Notre position sur l'abolition de la retraite obligatoire. En théorie, il est sans doute souhaitable que l'âge cesse d'être le facteur déterminant dans l'établissement du moment où un travailleur doit abandonner le travail actif et être mis à la retraite. Il serait souhaitable que nos institutions puissent permettre au travailleur de contribuer à l'activité économique aussi longtemps qu'il en est capable et de jouir d'une retraite convenable aussi longtemps qu'il survit à sa période productive.

L'objectif du projet de loi 15 nous semble s'inscrire dans cette ligne de pensée, c'est donc un objectif que nous appuyons.

Pour des considérations pratiques, il nous est cependant plus difficile de souscrire sans réserve a la pertinence à ce moment-ci d'une loi abolissant la retraite obligatoire.

De nombreux employeurs, notamment dans le secteur public, dans les petites et moyennes entreprises et chez ceux dont les travailleurs sont syndiqués, n'ont pas présentement les normes administratives qui leur permettraient d'établir qu'un travailleur âgé qui a occupé un emploi pendant de nombreuses années est devenu incapable d'occuper son emploi. Ces employeurs utilisent la mise à la retraite obligatoire pour se départir le plus humainement possible de ces travailleurs âgés.

Il faudra donc prévoir des mécanismes flexibles par lesquels ces employeurs pourront se départir des travailleurs âgés qui ne peuvent continuer à exercer leur emploi. Ces mécanismes ne devraient ni causer des situations humiliantes pour le travailleur ni entraîner des coûts élevés et de longs délais pour l'employeur, ni inciter un employeur à des méthodes d'évaluation différentes pour les travailleurs âgés.

Si les mécanismes de mise à la retraite deviennent trop difficiles d'application et que les employeurs doivent supporter un grand nombre de travailleurs âgés qui ne devraient pas continuer à exercer leur emploi, l'ensemble de l'économie en subira les conséquences par une productivité globale réduite.

Si les employeurs développent de tels mécanismes, on peut s'attendre que certains les appliqueront avant l'âge normal de la retraite. Il faut donc prévoir une augmentation du nombre de personnes n'ayant pas atteint l'âge normal de la retraite ne disposant plus de revenu d'emploi ni de rentes de retraite satisfaisantes, n'ayant pas atteint l'âge d'admissibilité aux rentes des régimes publics et ne bénéficiant que de faibles rentes de retraite anticipée du régime de leur employeur.

La loi proposée ne créerait-elle pas plus de problèmes qu'elle n'en réglerait?

La situation actuelle quant à l'âge de la retraite est le résultat d'une longue évolution, de négociations et de compromis de la part de toutes les parties en cause, employés, employeurs et gouvernements. Une modification unilatérale est-elle vraiment appropriée et nécessaire?

Les diverses études effectuées récemment par divers gouvernements et associations vont sans doute résulter en une législation additionnelle sur les régimes de retraite; l'abolition de la retraite obligatoire, en supposant qu'on veuille y procéder, est-elle d'une urgence telle qu'elle ne puisse être considérée en même temps que la réforme plus globale qui pourrait suivre? On éviterait ainsi beaucoup de frais aux régimes.

Nous croyons qu'il y aurait lieu de considérer, comme situation de compromis, une augmentation graduelle de l'âge obligatoire de la retraite. La solution serait moins élégante au niveau du principe, mais, dans les faits, une augmentation de quelques années réglerait sans doute une très grande proportion des cas de discrimination tout en donnant aux institutions le temps de s'y ajuster.

Maintenant, si l'on regarde certaines

conséquences de l'abolition de la retraite obligatoire, nous désirons souligner certaines conséquences sur les régimes d'avantages sociaux de l'adoption du projet de loi no 15 sur l'abolition de la retraite obligatoire et faire des recommandations appropriées.

Les régimes supplémentaires de rentes. Ceux-ci devraient pouvoir stipuler un âge de retraite normal, comme 65 ans, auquel un participant pourrait prendre sa retraite à son choix et sans réduction dans le montant de sa rente. Les régimes devraient aussi pouvoir stipuler les conditions de retraite anticipée. Les régimes devraient pouvoir continuer de prévoir pour les participants actifs des prestations de décès et d'invalidité différentes selon que les participants ont dépassé ou non l'âge normal de la retraite.

Lorsqu'un participant continue à travailler après l'âge de retraite normal, la loi ne devrait pas empêcher le versement de la rente de retraite à la date de retraite normale, même si le participant continue à travailler. Le participant cesserait alors de cotiser. Ou encore le participant qui a atteint la pension maximale prévue par le régime devrait pouvoir cesser de cotiser au régime et, au choix du régime, la rente pourrait être versée à la date effective de retraite ou à la date normale de retraite. Dans les autres cas, le participant devrait pouvoir cotiser au régime et accumuler des prestations de retraite qui lui seraient versées à sa date effective de retraite. Ces prestations devraient être déterminées selon la formule normale du calcul de la rente. Le régime devrait pouvoir, à son choix, prévoir un ajustement pour reconnaître le paiement retardé de la rente.

Les régimes d'invalidité de longue durée. Dans l'hypothèse où la Charte des droits et libertés de la personne serait modifiée pour éliminer la discrimination quant à l'âge, nous croyons qu'un traitement différent pour les travailleurs âgés dans les régimes d'invalidité de longue durée devrait être permis. La protection contre l'invalidité de longue durée et le versement d'une prestation d'invalidité de longue durée devraient pouvoir cesser à un âge donné, comme 65 ans, étant donné que l'employeur devrait pouvoir mettre à la retraite un travailleur âgé qui est incapable d'exercer son emploi pour quelque cause que ce soit, y compris l'invalidité, et que le travailleur invalide âgé de plus de 65 ans peut compter sur d'autres sources de revenu qui devraient prendre la relève du régime d'invalidité, comme la rente de retraite du Régime de rentes du Québec, la pension de sécurité de la vieillesse et la rente de retraite d'un régime supplémentaire de rentes, s'il y a lieu.

Pour les régimes d'assurance-vie, les régimes collectifs d'assurance-vie devraient pouvoir prévoir des prestations différentes pour les employés âgés de 65 ans ou plus pour tenir compte des prestations de décès des régimes publics et supplémentaires de rentes, le cas échéant.

Finalement, notre avis sur l'âge du début du versement de la rente de retraite des régimes publics. Nous croyons que l'abolition de l'âge de retraite obligatoire devrait être accompagnée d'une révision sérieuse du principe selon lequel tout travailleur doit recevoir automatiquement des régimes publics une rente de retraite à l'âge de 65 ans. Par régimes publics, nous entendons le Régime de rentes du Québec, la pension de sécurité de la vieillesse et le supplément du revenu garanti.

Il serait particulièrement approprié d'entreprendre cette révision maintenant s'il est reconnu qu'un travailleur ne devrait pas être mis à la retraite automatiquement à un âge donné. Le travailleur qui continue à recevoir un revenu de travail après 65 ans n'a pas encore besoin des rentes de l'État. Les économies ainsi réalisées dans les régimes publics aideraient à en réduire les coûts et à en améliorer certaines prestations.

Afin d'encourager un travailleur à exercer un emploi après 65 ans, les rentes de retraite des régimes publics dont le versement serait alors retardé pourraient être augmentées dans une certaine mesure, sans pour autant aller jusqu'à la pleine équivalence actuarielle.

Pour ce qui est de la mise en vigueur, nous recommandons à la commission qu'une loi éventuelle sur l'abolition de la retraite obligatoire ou les règlements en découlant n'entrent en vigueur que six mois après leur proclamation et qu'ils s'appliquent aux régimes d'avantages sociaux selon l'échéancier suivant. Pour les nouveaux régimes, à leur entrée en vigueur; pour les régimes existants assujettis à des conventions collectives, à la date d'entrée en vigueur de la nouvelle convention collective, mais au plus tard trois ans après l'entrée en vigueur de la loi ou des règlements; pour les autres régimes existants, pour ce qui est des régimes assurés, à la date de renouvellement du contrat d'assurance qui suit l'entrée en vigueur de la loi ou des règlements, mais au plus tard dix-huit mois après ladite date; pour les autres, dans les douze mois de l'entrée en vigueur de la loi ou des règlements. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Lefebvre.

M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux remercier la société Conseil Mercer, M. Lefebvre et M. Boutin que je revois avec plaisir. Comme première remarque générale, ce mémoire venant d'une société de conseillers en rémunération et avantages

sociaux - une maison importante - je dois dire qu'il est probablement le mémoire qui se rapproche le plus de la position que nous avons développée, laquelle sera bien concrète, bien clairement exprimée dans la rédaction du projet de loi. (12 h 30)

J'y accorde beaucoup d'importance parce qu'en dépit de remarques qu'on a eues d'autres groupes qui prévoient des difficultés considérables dans la gestion du personnel ce groupe-ci nous dit: À telle ou telle condition, c'est une loi qui est souhaitable. Le groupe Mercer appuie, pour employer ses termes, l'objectif de notre projet de loi et fait un plaidoyer pertinent et assez convaincant pour une implantation progressive. Je répète encore une fois que c'est l'orientation que nous sommes tentés de plus en plus d'adopter.

Si je regarde à la page 2 du mémoire, tout à fait en haut, on dit: "II faudra donc prévoir des mécanismes flexibles par lesquels ces employeurs pourront se départir des travailleurs âgés...; ces mécanismes ne devraient pas causer des situations humiliantes pour le travailleur, entraîner des coûts élevés et de longs délais pour l'employeur, inciter un employeur à des méthodes d'évaluation différentes pour les travailleurs âgés." Je ne peux que concourir à 100% à ces remarques.

À la page 5, là aussi les représentants de Mercer énumèrent une série de recommandations avec lesquelles nous sommes d'accord presque à 100%. Par exemple, quand ils disent: "Les régimes devraient pouvoir stipuler un âge de retraite normal, comme 65 ans", c'est bien notre intention. Quand on dit qu'on veut enlever l'âge obligatoire de la retraite, il ne faut pas confondre cela avec l'âge "normal" et il faut que l'âge normal de 65 ans soit maintenu. Nous avons l'intention de le maintenir.

D'autre part, vous dites que les régimes devraient aussi pouvoir stipuler les conditions de retraite anticipée. On est d'accord en principe; cependant, toute cette section concernant la retraite anticipée viendra, quant à nous, dans une deuxième étape.

Ensuite, vous dites: "Lorsqu'un participant continue à travailler après l'âge normal de la retraite, la loi ne devrait pas empêcher le versement de la rente de retraite à la date de la retraite normale, même si le participant continue à travailler; le participant cesserait alors de cotiser." Nous sommes d'accord avec cela. Nous sommes d'accord avec chacune des propositions.

J'ai déjà eu l'occasion, la semaine dernière, de parler, à plusieurs reprises, des trois choix qui s'offrent à 65 ans, qui devront s'offrir à partir de 65 ans. Le premier choix, c'est de continuer à travailler tout en retirant la rente. Donc, avoir un double statut de travailleur et de retraité, pour ainsi dire.

Le deuxième choix, c'est de différer sa rente, de différer la rente pendant un an, deux ans, trois ans, pendant le nombre d'années durant lesquelles l'employé continuera à travailler passé 65 ans. Dans cette deuxième hypothèse d'une rente différée, elle pourra être bonifiée par une cotisation ou ne pas être bonifiée par une cotisation. Alors, elle pourra être différée avec ou sans cotisation. En somme, on rejoint presque en totalité les recommandations que vous nous proposez.

Juste un élément qui n'est même pas de divergence, en tout cas, à ce stade-ci, et que nous ne sommes pas prêts à accepter. Vous dites, à la page 8: "Nous croyons que l'abolition de l'âge de la retraite obligatoire devrait être accompagnée d'une révision sérieuse du principe selon lequel tout travailleur doit recevoir automatiquement des régimes publics une rente de retraite à l'âge de 65 ans. Par régimes publics, nous entendons le Régime de rentes du Québec, la pension de sécurité de la vieillesse et le supplément du revenu garanti." Je pense que le projet de loi ne peut pas aller aussi loin que de dire: Dorénavant, pour les personnes de 65 ans et plus... D'ailleurs ça dépasse notre compétence dans l'état actuel des choses. Ce n'est pas par notre projet de loi qu'on pourrait décréter que la personne qui continue à travailler après 65 ans ne recevra pas la pension de vieillesse ou le supplément du revenu garanti qui sont versés par le gouvernement fédéral.

Quant au Régime de rentes du Québec, on a vu tantôt, dans les trois options, ce qui peut arriver.

Finalement, dans l'avant-dernière page, vous nous proposez une mise en vigueur par étapes, avec une série de recommandations très précises qui me plaisent beaucoup. En définitive, M. le Président, je veux remercier bien cordialement le groupe Mercer pour les remarques fort pertinentes contenues dans son mémoire.

M. Boutin (Roland): Merci.

Le Président (M. Boucher): Oui, monsieur.

M. Boutin: M. le Président, j'aimerais faire référence à un commentaire que M. le ministre faisait à l'intervention précédente, au groupe de l'Institut canadien des actuaires, alors qu'il parlait de la retraite graduelle ou du travail à temps partiel.

Est-ce qu'il serait contraire à l'esprit du projet de loi sur l'abolition de l'âge obligatoire de la retraite que le travail à temps partiel après l'âge normal de la retraite soit décidé par l'employeur plutôt

que par l'employé?

En d'autres termes, si l'employeur décidait, dès que quelqu'un a atteint 65 ans, de se prévaloir du meilleur temps de cet employé, qui est peut-être en moins bonne forme le matin, de le faire travailler tous les après-midi, est-ce que ce serait contraire à l'esprit de votre projet de loi?

M. Lazure: Selon l'esprit du projet de loi, les deux parties doivent s'entendre. Notre loi, aussi bien que n'importe quelle autre, ne peut pas s'interposer dans ce principe élémentaire des relations du travail. C'est une matière à négociation entre l'employeur et l'employé.

Si vous me demandez une opinion personnelle, j'ai l'impression que plusieurs personnes qui, en principe, désireraient continuer de travailler après 65 ans, vont être portées à accepter facilement de travailler à temps partiel. C'est tout le principe de la retraite graduelle, autant avant qu'après 65 ans. C'est une pratique qui n'a pas été tellement répandue dans notre société, qui est beaucoup plus répandue dans certaines sociétés: retraite à la carte, retraite graduelle, soit à partir de 60 ans ou soit qui se continue après 65 ans jusqu'à 68 ou 70 ans.

Ce ne serait certainement pas contre l'esprit de la loi que se développent graduellement de plus en plus d'emplois à temps partiel pour des personnes âgées. Ce serait, au contraire, conforme à l'esprit de la loi. Mais de là à dire que la loi va permettre à l'employeur de l'imposer à l'employé, la loi va rester muette là-dessus. La loi n'a pas à se prononcer là-dessus.

Ce sont les règles générales, les lois qui gouvernent déjà les relations de travail qui continueront à gouverner les relations de travail, que l'employé ait 66 ans ou 64 ans.

M. Boutin: Nous nous demandions si ce n'était pas là un mécanisme assez souple qui pourrait être avantageux pour toutes les parties en cause.

M. Lazure: Ma réponse est affirmative. Je crois beaucoup à ce mécanisme. Je pense que les personnes d'un certain âge sont très attirées par un tel mécanisme.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: J'aurais voulu poser au représentant de Mercer une question au sujet de la page 4 du mémoire. Vous dites dans le second paragraphe: " ... l'abolition de la retraite obligatoire, en supposant qu'on veuille y procéder, est-elle d'une urgence telle qu'elle ne puisse être considérée en même temps que la réforme plus globale qui pourrait suivre? On éviterait ainsi beaucoup de frais aux régimes."

Je pense que le ministre n'a pas souligné cette clause, ne lui a pas donné autant d'importance. Vraiment, cela va dans le sens de la plupart des mémoires qui ont été présentés par les groupes les plus importants ici, c'est-à-dire qu'on devrait peut-être, avant la présentation de la loi, faire une étude approfondie des conséquences que la loi aurait sur les régimes publics et privés, des conséquences actuarielles, des conséquences économiques, etc. Qu'est-ce que vous envisagez, quand vous parlez de réforme? Plus loin, vous dites: "Nous croyons qu'il y aurait lieu de considérer comme une situation de compromis une augmentation graduelle de l'âge obligatoire de la retraite". Est-ce que vous envisagez cela comme réforme ou si vous pensiez à quelque chose de beaucoup plus vaste, à une étude beaucoup plus vaste?

M. Lefebvre: Ce paragraphe se rapporte réellement à tout ce qui se passe actuellement dans le domaine des régimes de rentes. Il y a eu beaucoup d'études qui ont été faites ces dernières années au sujet des difficultés des personnes âgées et des changements qu'il serait approprié d'apporter dans le domaine des régimes de rentes en général, et notre paragraphe se réfère aux frais d'amendement des régimes. On ne parle pas réellement de l'impact économique général de l'abolition de la retraite obligatoire, on parle du coût d'amendement au Québec de 4000 ou 5000 régimes dans un premier temps, après l'abolition de la retraite obligatoire, et ensuite, un an ou un an et demi plus tard, à la suite de changements, d'une réforme plus globale dans le domaine des régimes de rentes; tous ces régimes seraient à réétudier.

Je pense, à la suite de discussions qui ont déjà eu lieu sur l'impact économique d'une telle mesure, que, théoriquement ceux qui nous ont précédés ont soulevé ce point - dans un environnement parfait, si vous avez un plus grand nombre de personnes qui travaillent dans la société, ce devrait être profitable à la société. Il y a le coût direct en dollars, il y a le standard de vie qui augmenterait pour l'ensemble de la société qui seraient à considérer. Évidemment, il y a peut-être une période d'ajustement qui serait difficile. Le principe du nombre d'emplois limité au départ, dans une société donnée, je trouve cela difficile à comprendre. Il y a des sociétés de 10 000 personnes où il y a du chômage, il y a des sociétés de 200 000 000 où, en pourcentage, il n'y a pas plus de chômage. Je croirais que, si tous les mécanismes fonctionnent bien, ayant donné la possibilité à une certaine partie de la population de travailler, cela permettrait l'augmentation du standard de vie de la société en général. C'est

d'ailleurs peut-être dans cette direction qu'est la solution au problème du revenu des personnes âgées. À mesure que l'expectative de vie augmente, si on espère que les gens vont se retirer de plus en plus jeunes et qu'en moyenne les gens meurent de plus en plus vieux, je ne vois pas comment notre société a une productivité telle qu'elle pourra assumer ce phénomène en donnant le même standard de vie à tous les citoyens. C'est peut-être un pas dans la très bonne direction que de se diriger vers une société où on permettra aux gens de travailler plus longtemps, où on les encouragera à travailler plus longtemps.

M. Lincoln: Si je comprends bien, les recommandations que vous faites à la page 9 permettraient de faire les ajustements nécessaires quant au coût de concordance des 5000 régimes privé et public avec la loi. C'est cela que vous voulez dire, en fait?

M. Lefebvre: Je pense que tout ça doit être coordonné. On a fait référence tantôt à des situations où les gens recevaient une rente et un salaire. Évidemment, chacun a le droit de répartir le produit de cette productivité comme il l'entend, en autant que les mécanismes le permettent, mais si on considère cela en vase fermé, si on considère notre société dans son ensemble, je pense que si les gens en général travaillent plus longtemps, ce sera profitable pour tout le monde. On parle ici de retarder le paiement des rentes de l'État. On parle un peu plus bas de faire un ajustement pour encourager les gens à continuer à travailler. Je pense qu'il faut faire une différence jusqu'à un certain point entre les régimes privés où de plus en plus le principe de rémunération différée est accepté. Je pense qu'à ce moment, la personne peut considérer ça comme ayant été sa rémunération et, jusqu'à un certain point, la personne y a droit. (12 h 45)

Mais si, à ce moment, vous permettez à cette personne de continuer à travailler pendant quelques années et ensuite d'obtenir une rente qui a été augmentée, là on a déjà fait un pas dans la solution du revenu des personnes âgées qui, de toute évidence, est insuffisant actuellement. Pour ce qui est des régimes qu'on pourrait considérer plutôt comme des régimes sociaux où en fait ce sont les voisins qui paient la rente de la personne, jusqu'à quel point on devrait demander aux voisins de payer par les taxes la rente d'une personne qui est encore au travail, c'est moins évident.

M. Lincoln: Dernière question, peut-être, pour être sûr que j'ai bien compris le ministre. À la page 5, quand vous parlez de prestations de décès et d'invalidité différentes, est-ce que vous disiez, M. le ministre, que vous étiez d'accord sur la seconde suggestion de monsieur?

M. Lazure: Quand vous dites la seconde, laquelle?

M. Lincoln: "Les régimes devraient pouvoir continuer de prévoir pour les participants actifs des prestations de décès et d'invalidité différentes selon que les participants ont dépassé ou non l'âge normal de la retraite." Vous n'avez pas d'objection à cela?

M. Lazure: Dans le cas des prestations de décès, j'ai dit la semaine dernière que la personne âgée de plus de 65 ans qui continuerait de travailler, si elle décédait en cours de travail, pour fins des prestations au conjoint survivant, elle serait considérée comme ayant été à sa retraite même si elle travaillait. Je pense que c'est clair là-dessus. Pour ce qui est de l'invalidité, dans ce cas, les choses sont moins claires. Il faut voir s'il s'agit d'une invalidité temporaire de courte période ou de longue période. Dans notre esprit, il est bien sûr qu'il n'est pas question qu'un employé de 67 ans, mettons, bénéficie d'une invalidité de longue période. À ce moment, il bénéficiera de son régime de retraite. Maintenant, si, dans certains contrats collectifs, on veut négocier, même pour les personnes de plus de 65 ans, un programme d'invalidité temporaire de courte durée, à ce moment, on passe par le biais des congés de maladie, des congés d'invalidité qui devraient être les mêmes que pour tout autre employé, quel que soit l'âge. Il faut distinguer entre invalidité à court terme et à long terme.

M. Lincoln: Oui, d'accord. En fait, le principe reste le même, mais eux, ils disent qu'il faudrait différents barèmes à partir de 65 ans. D'après ce que je comprends, pour les questions de décès, d'invalidité, il faudra situer les conditions différemment, c'est-à-dire prendre comme un fait que ces gens sont à la retraite malgré qu'ils travaillent.

M. Lazure: En tout cas, nous sommes d'accord avec la première partie de la proposition quant au décès. C'est clair. Quant à la deuxième partie, nous sommes d'accord, mais avec des nuances, selon que c'est une invalidité de longue durée ou de courte durée.

M. Lefebvre: Cela reprend un peu ce qu'on dit à la page 6, où on parle spécifiquement des régimes d'invalidité de longue durée, parce que les prestations d'invalidité, dans un régime de rentes, demeurent quelque chose d'un peu accessoire. Je pense que la réponse de nos suggestions

pour le traitement des cas d'invalidité à long terme se retrouve plutôt à la page 6 où l'on s'attache spécifiquement à la question des régimes d'invalidité de longue durée.

Le Président (M. Boucher): Pas d'autres questions? Au nom de tous les membres de la commission, je remercie MM. Boutin et Lefebvre pour la présentation de leur mémoire.

Le groupe suivant, le Conseil de l'âge d'or, région de l'Outaouais, a simplement demandé de déposer son mémoire et, compte tenu de l'heure, je demanderais aux membres de la commission s'ils sont prêts à suspendre leurs travaux pour les reprendre cet après-midi. D'accord?

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 50)

(Reprise de la séance à 15 h 10)

Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous plaît!

Lors de la suspension, nous en étions au mémoire de la Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de Montréal que j'inviterais immédiatement à prendre place. Le représentant est M. Claude Fleurent, porte-parole. Messieurs, si vous voulez y aller de la lecture de votre mémoire.

Fraternité des policiers de la CUM

M. Fleurent (Claude): M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission parlementaire, mon nom est Claude Fleurent et je suis le président de la Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de Montréal. J'aimerais vous présenter mes collègues. À ma gauche, directeur exécutif et secrétaire de la fraternité, M. Réal Déry; à ma droite, directeur exécutif à la Fraternité des policiers, M. André Sasseville.

La Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de Montréal Inc., est incorporée en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels et accréditée en vertu du Code du travail. Tant en vertu de son incorporation que de son accréditation, elle a le mandat de défendre les intérêts économiques, sociaux et moraux des policiers salariés au sens du Code du travail et à l'emploi du service de police de la Communauté urbaine de Montréal.

Dans l'exécution de son mandat, ladite fraternité, entre autres choses, négocie le régime de retraite des policiers ci-haut mentionnés, et, particularité intéressante, en vertu de la Loi constituant le service de police de la Communauté urbaine de Montréal (chapitre 93 des Lois du Québec 1971), elle négocie ce régime de retraite non seulement pour les policiers salariés au sens du Code du travail, mais pour tous les policiers transférés à la Communauté urbaine de Montréal (article 35, alinéa 2 du chapitre 93 des Lois du Québec 1971).

Par ailleurs, le régime de retraite négocié par la fraternité est administré par l'Association de bienfaisance et de retraite des policiers de la Communauté urbaine de Montréal. Ce dernier organisme s'est prévalu de son droit de comparaître devant votre commission et, à cette fin, il a déjà déposé un mémoire daté du 26 août dernier. La fraternité a eu l'avantage de prendre connaissance dudit mémoire et elle endosse entièrement les remarques, commentaires et suggestions qui s'y retrouvent. La fraternité, cependant, pour son propre compte et le bénéfice de ses membres, soumet bien respectueusement les quelques observations additionnelles exposées ci-après.

En fait, nous considérons que cette loi s'inscrit dans la lignée des autres mesures, encore trop timides quant à nous, adoptées à cause et avec l'évolution de notre droit du travail pour précisément protéger le droit au travail. Le droit au travail, quant à nous, est aussi important que le droit de propriété. C'est de toute façon, en règle générale, par le travail que l'être humain peut jouir du droit de propriété puisqu'il lui procure l'argent nécessaire pour acquérir quoi que ce soit aujourd'hui et, d'autre part, le travail, encore pour nombre d'individus qui ont choisi d'exercer une profession et qui l'ont fait en donnant le meilleur d'eux-mêmes pendant des années, demeure, à n'en pas douter, un excellent moyen de se réaliser, de se valoriser et même éventuellement, disons-le carrément, de justifier son existence.

Aucun principe, aucun but ne peuvent justifier que l'on prive un être humain de ce droit au travail sous prétexte qu'il a atteint un certain âge. Sans élaborer plus avant, la Fraternité des policiers de la CUM déclare, sans aucune restriction, être entièrement d'accord avec le but visé par cette loi. Elle félicite les législateurs d'avoir enfin entrepris la démarche qui conduira éventuellement à mettre fin à cette forme de discrimination.

Quelques questions et suggestions. Nous suggérons, au départ, à l'instar d'autres intervenants, que le projet de loi soit écrit de façon positive, soit qu'il reconnaisse un droit et non pas qu'il crée une prohibition. Par ailleurs, l'analyse plus spécifique de quelques articles du projet de loi nous inspire les commentaires suivants. L'article 84.1 de la Loi sur les normes du travail, 1979, chapitre 45, devrait prévoir non seulement le droit pour le travailleur de conserver son emploi après l'âge autrefois prévu pour sa retraite, mais également le droit de conserver ses fonctions, à moins qu'on ait de bonnes raisons pour le déplacer.

Inspiré sans doute par l'article 15 du Code du travail, le législateur devrait s'en tenir à ce qui y est prévu et qui inclut la possibilité pour un salarié "déplacé", et non seulement congédié ou suspendu à cause de l'exercice d'un droit qui résulte dudit code, de porter plainte devant le commissaire du travail. Ainsi, nous éviterions possiblement qu'un employeur, sans congédier ou mettre à la retraite un employé à cause de son âge, le déplace et l'affecte à des fonctions pour lesquelles il n'est pas préparé, qui le dévalorisent et qui même, en quelque sorte, le pénalisent, de telle façon que l'on pousse éventuellement à la retraite l'employé qu'on n'a plus le droit de mettre à la retraite. (15 h 15)

L'utilisation du mot "salarié", surtout en ce qui concerne le cas précis de la Fraternité des policiers de la CUM, qui négocie le régime de retraite des policiers salariés au sens du Code du travail et de ceux qui ne le sont pas, pourrait entraîner une certaine confusion. Ce terme de "salarié" s'est vu conférer, par l'usage et les distinctions faites en vertu du Code du travail en ce qui concerne le droit d'être représenté par une association accréditée ou non, un sens bien précis.

Il nous semble que le terme "employé" est un terme plus générique qui couvre tout individu qui a un employeur et donc tous ceux qui, possiblement, n'auraient pas eu, jusqu'à maintenant, le choix du moment où ils doivent cesser de travailler. Le texte de l'article 84.1 actuellement suggéré interdit à un employeur ou à son agent de congédier, suspendre ou mettre à la retraite un salarié pour le seul motif qu'il a atteint ou dépassé l'âge ou le nombre d'années de service à compter duquel il nous semble que l'âge ou le nombre d'années de service ne devrait même pas pouvoir être invoqué comme étant l'un des motifs justifiant un congédiement, une suspension, un déplacement ou une mise à la retraite.

De la façon dont le texte est actuellement rédigé, il nous semble possible à un employeur qui voudrait se départir des services de quelqu'un à cause de son âge ou du nombre d'années de service de celui-ci, d'alléguer un ou quelques autres motifs pour justifier sa décision, et de plaider ensuite que, l'âge n'étant pas le seul motif, le commissaire du travail ne peut intervenir.

Nous croyons qu'il y aurait lieu de prévoir que dès que l'employé établit à la satisfaction du commissaire du travail que l'une des raisons pour lesquelles on a mis fin à son emploi pourrait être son âge ou son nombre d'années de service, il y aura présomption qu'on a effectivement mis fin à son emploi pour cette raison et l'employeur devra dès lors justifier sa décision par d'autres motifs justes et raisonnables.

Par ailleurs, l'expérience vécue nous montre que parfois certains employeurs peuvent inciter, de façon directe ou indirecte, certains employés à démissionner.

Ceux-ci, étant parfois intimidés et n'ayant pas le recul nécessaire pour évaluer une semblable décision, très souvent, posent un geste qui leur est opposé par la suite par l'employeur lorsque, après avoir réfléchi, ils expriment le désir de modifier leur décision et de continuer leur travail ou même de le reprendre après l'avoir quitté pour quelques jours.

Il nous semble qu'il y aurait lieu de protéger ces employés, et ainsi de prévoir que toute démission donnée par un employé qui autrement pourrait se prévaloir des droits et recours prévus à cette loi, ne prend effet et ne peut être opposable audit employé que dans un délai, par exemple, de quinze jours après que l'employé a effectivement quitté son emploi.

Article 4: Certains régimes de retraite négociés, pour ne pas dire la plupart d'entre eux, prévoient un maximum de rentes payables et, en conséquence, les cotisations qui peuvent être perçues ou qu'il est nécessaire de contribuer au fonds de retraite atteignent éventuellement, elles aussi, un plafond.

Par ailleurs, en ce qui concerne lesdits régimes de retraite négociés, nous ne voyons pas pourquoi ils auraient pu faire l'objet d'une entente pendant des années, entente qui aurait pu être modifiée ou même à laquelle il aurait pu être mis fin en tout temps sur accord des parties, et ils deviendraient soudainement, à toutes fins utiles, obligatoires parce que l'âge prévu à un ancien régime de retraite ou le nombre d'années de service prévu auxdits régimes aurait été atteint.

D'ailleurs, pour se conformer à la loi, les régimes de retraite éventuellement ne comporteront pas d'indications concernant le nombre d'années de service maximum ou un âge obligatoire de retraite. Par conséquent, c'est strictement par négociation que les parties détermineront ce qu'elles cotisent, jusqu'à quand elles cotisent et possiblement, à partir de quand elles cessent de cotiser.

L'article 4 devrait donc prévoir la possibilité pour l'employé de continuer à cotiser s'il le désire ou si le régime de retraite négocié pour lui le prévoit. À ce moment, l'employeur également devrait être tenu de cotiser selon les ententes intervenues.

Cette possibilité prévue pour l'employé de cette obligation imposée à l'employeur, selon les ententes intervenues entre eux, devrait exister jusqu'à la date effective de la cessation d'emploi de l'employé concerné et non pas, tel que déjà mentionné, naître à compter d'une date quelconque ou d'un nombre d'années de service qui ne peuvent plus être invoqués et qui éventuellement ne

seront plus même stipulés.

L'alinéa 4 de l'article 7, qui ne prévoit pas de délai maximal d'avis de cessation d'emploi ou de non-réengagement, pourrait peut-être permettre à un employeur, qui veut se débarrasser de ses "vieux", de leur faire parvenir de semblables avis et de mettre fin à leur emploi plusieurs mois après la date d'entrée en vigueur de la loi.

Sachant, par exemple, que la loi doit entrer en vigueur le 1er février 1982 et sachant, par ailleurs, qu'un employé doit atteindre l'âge de soixante ans, soit l'âge autrefois prévu pour une retraite obligatoire dans un régime de retraite négocié, plusieurs mois ou même un an après le 1er février, l'employeur pourrait, avant cette dernière date, aviser l'employé qu'advenant son soixantième anniversaire, il sera mis à la retraite à cause de son âge.

Ainsi, même s'il n'était pas effectivement mis à la retraite le jour de l'entrée en vigueur de la loi, parce que l'employé aura reçu un avis de cessation d'emploi, il ne pourra être protégé par ladite loi.

Nous croyons qu'il y aurait lieu de prévoir qu'un semblable avis ne doit pas annoncer une cessation d'emploi ou un non-réengagement postérieur à un mois ou, au maximum, deux mois après la date d'entrée en vigueur de la loi.

Conclusions. La Fraternité des policiers de la CUM croit que les conditions économiques et sociales qui prévalent actuellement dans notre société justifient l'adoption d'un projet de loi soumis par le gouvernement et elle a la prétention de croire que les quelques suggestions humblement soumises dans le présent mémoire sont de nature à le bonifier.

Pour cette raison, elle réitère sa haute appréciation de l'initiative prise par le gouvernement ainsi que sa satisfaction d'avoir eu l'occasion d'apporter sa mince contribution à la préparation d'une autre loi dûment souhaitée par ses membres et hautement justifiée. Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Fleurent. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux remercier la fraternité et, en particulier, son président pour avoir bien voulu venir participer à cet exercice démocratique qu'est la commission parlementaire.

Je note, au départ, qu'à la page 3 de leur mémoire, les policiers de la Communauté urbaine de Montréal affirment sans aucun doute, sans aucune ambiguïté leur accord avec le but visé par le projet de loi. Je les remercie pour les suggestions pertinentes, les points de vue qu'ils soulèvent tout au long de leur mémoire.

La première suggestion de rendre plus positive la formulation du projet, pour que sans aucun doute dans l'esprit de personne ça devienne un droit de continuer à travailler, on la retient, mais il est possible qu'on formule autrement le texte. Dans notre esprit, c'est clair: l'esprit de la loi, l'esprit du projet de loi, c'était de constituer un nouveau droit à la personne. Non pas cependant un droit aussi large que celui que vous proposez, un droit général au travail, parce que c'est un projet de loi qui ne porte pas sur toutes les facettes du travail, mais seulement sur l'abolition de la retraite obligatoire. Dans notre esprit c'est clair, par exemple, que lorsqu'il y a un conflit, un litige et qu'une personne est congédiée, si la personne a le moindre doute dans son esprit qu'elle est congédiée à cause de son âge, ce seul motif suffit pour qu'elle fasse appel au commissaire du travail. À ce moment, c'est l'employeur qui a le fardeau de la preuve. Cela est clair. Alors, si notre texte actuel ne paraît pas tout à fait assez clair, on va essayer avec nos spécialistes de la rédaction du projet de loi de le rendre très très clair, mais on est d'accord avec vous sur l'esprit.

La distinction que vous faites entre salarié puis employé. Nous on prend la définition de "salarié" qu'on retrouve dans la Loi sur les normes minimales du travail. À notre avis, cette description, cette définition, plutôt, du terme "salarié" dans la Loi sur les normes minimales, elle est très large; elle est plus large à notre avis que celle qu'on retrouve dans le Code du travail. C'est peut-être cela qui vous cause un peu d'inquiétude. Pour nous, la définition de "salarié" est celle qui est dans la Loi sur les normes minimales et non pas celle qui est dans le Code du travail. Dans le Code du travail, c'est un peu plus étroit comme définition. Tandis que dans la Loi sur les normes minimales, ça nous paraît à peu près ce qu'il y a de plus large.

Maintenant, vous allez plus loin. Vous dites non seulement que l'employé devrait avoir le droit de conserver son emploi, s'il en a les capacités physiques ou mentales, mais aussi qu'il devrait conserver le même emploi qu'il occupe. La sécurité d'emploi quant au poste précis, évidemment, cela dépasse l'objet de notre projet de loi, et la seule réponse que j'ai à fournir à cela, c'est tout simplement que les règles actuelles qui régissent les relations patronales-syndicales vont continuer de s'appliquer. Ce projet de loi ne veut rien changer, d'aucune façon, sauf en ce qui concerne la discrimination qui veut qu'on congédie quelqu'un à cause de son âge. Mais, sauf pour cela, ce projet de loi ne va rien changer, dis-je, au Code du travail et aux règles du jeu que l'on connaît dans les relations patronales-syndicales.

Il y a peut-être la dernière remarque, quitte à y revenir plus tard: l'article 4 va être écrit de nouveau pour énoncer bien clairement les choix - les trois choix - qu'un

employé ou une employée qui désire continuer de travailler aura à 65 ans.

Le premier choix, c'est que, tout en touchant un salaire, tout en continuant de travailler en touchant son salaire, la personne pourra toucher son régime supplémentaire de rentes.

Le deuxième choix, c'est de différer sa retraite, et ce deuxième choix se subdivise en deux à son tour, parce que l'on peut la différer soit en cotisant, en ajoutant donc, en bonifiant son régime de retraite, soit la différer sans ajouter à ce régime.

Ces trois choix seront donc clairement exprimés, et, l'article 5, nous avons l'intention de le retrancher, de la même façon qu'on a l'intention de retrancher l'article 7.4. Vous avez fait allusion à l'article 7.4, quand on disait que la présente loi ne s'applique pas à une personne, au paragraphe 4, qui a reçu un avis de cessation d'emploi ou de non-engagement en raison de l'âge ou du nombre d'années de service. Nous avons l'intention de retrancher cet article de toute façon.

Je rappelle aussi qu'en plus de la commission que nous avons pour la troisième journée, il y a aussi la commission des droits de la personne qui a entendu des mémoires, plusieurs mémoires, qui réclament l'abolition de l'âge obligatoire de la retraite. Nous pensons que l'un n'interdit pas l'autre. Au contraire, nous pensons qu'il y a place probablement dans la charte des droits pour inscrire ce nouveau motif de discrimination, l'âge, donc établir là une protection élémentaire au niveau des droits généraux et, en plus, d'avoir, par une loi spéciale comme celle-ci, une loi qui va s'appliquer par le biais de la Loi sur les normes minimales du travail et par le biais des commissaires du travail. La Commission des droits de la personne n'a pas les pouvoirs exécutoires, évidemment, et nous pensons que les pouvoirs exécutoires du commissaire du travail seront plus efficaces pour intervenir dans le cas où l'employé sent qu'il a été mis à pied à cause de son âge.

M. le Président, je remercie encore une fois la fraternité pour son excellent mémoire.

Le Président (M. Boucher): M. Fleurent.

M. Fleurent: M. le Président, pour répondre à M. le ministre, au service de police de la CUM, les mots "salarié" et "employé" signifient ce qui suit au sens de la loi. Le patron, pour nous, c'est la communauté; les employés, ce sont tous les employés, incluant l'état-major, les cadres du service de police; quant aux salariés, au sens du Code du travail, ce sont les gens syndicables. C'est pour cela qu'on voulait faire la différence.

M. Lazure: C'est pour ça que je vous disais tantôt que notre définition du salarié n'est pas au sens du Code du travail, mais selon la Loi sur les normes minimales du travail qui inclut, à ce moment-là, les cadres.

M. Fleurent: Qui inclut les cadres?

M. Lazure: Oui. Attendez, je vais vérifier. Il y a un représentant du contentieux du ministère qui nous affirme que c'est exact. Au paragraphe 10 de l'article ] de la Loi sur les normes minimales du travail, il est clair que la définition du mot "salarié", inclut les cadres. (15 h 30)

M. Fleurent: Quant à l'endroit spécifique - c'est la deuxième remarque que vous avez faite - on suggère qu'un salarié ne devrait pas être déplacé, parce qu'on n'a pas d'autre choix, à la police, que de prendre sa retraite si on est déplacé. Il n'y a pas d'endroit, personne n'est recyclé, en fait. C'est pour ça qu'on insiste sur le fait que le policier garde le même emploi, le même genre de travail. Si la loi ne le prévoit pas, il faudrait qu'il y ait un mécanisme, au sein de notre organisation, en tout cas, qui verrait à recycler les gens et à profiter de leur expérience.

M. Lazure: Encore une fois, M. le Président, il faut bien comprendre que cette loi est une loi fondamentale qui enlève une discrimination. Cette loi n'a pas la prétention de vouloir toucher aux règles normales des relations du travail. Je comprends ce que vous voulez dire, mais notre loi n'affectera pas les règles normales de relations du travail.

M. Fleurent: Dans le discours que vous avez prononcé en date du 13, vous parliez de la capacité d'accomplir un travail. C'est pour cela que vous vouliez enlever les policiers et les pompiers de cette loi. Nous autres, on prétend qu'on a les mêmes droits que n'importe quel travailleur.

M. Lazure: Là, on parle d'autre chose.

M. Fleurent: Parce qu'il y a un autre mémoire à cet effet.

M. Lazure: Oui, là, c'est plus clair. J'allais tantôt revenir là-dessus et poser la question au président de la fraternité. Qu'est-ce qu'il pense de cette espèce de divergence d'opinions entre deux corps de police aussi compétents l'un que l'autre, aussi précieux l'un que l'autre, la Sûreté du Québec et la Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de Montréal? La Sûreté du Québec nous demande d'être exemptée de

la loi. Vous, au contraire, demandez que la loi s'applique à vous, si je comprends bien.

M. Fleurent: C'est exact.

M. Lazure: C'est cela. Je ne vous cache pas que notre intention, à ce jour, va plutôt vers l'exemption. Ce n'est pas définitif, mais nous pensons que les arguments que la Sûreté du Québec a fait valoir et ceux qu'on retrouvait aussi dans les débats au Congrès américain lorsque la loi a été adoptée et que les policiers et les pompiers ont été exemptés de la loi sont assez impressionnants. Nous nous acheminons vers une telle exemption, même si ce n'est pas encore définitif.

M. Fleurent: M. le Président, si vous me le permettez.

Le Président (M. Boucher): Oui, M. Fleurent.

M. Fleurent: Actuellement, avec l'expérience que nous ayons, il y a des policiers qui sont en pleine forme pour continuer leur travail, et même il y a un grief pour un cas. Ils veulent continuer à travailler. C'est un droit à la Fraternité des policiers de la CUM qu'on veut donner à nos membres, à nos policiers. L'explication de la divergence d'opinions, vous avez sûrement dû poser la question aux gens de l'APPQ, de la Sûreté du Québec. Quant à nous, on a une vocation syndicale stricte, à la fraternité. Je m'explique. La fraternité a le pouvoir de négocier le fonds de retraite seulement quand il est négociable. Par la suite, on a l'Association de bienfaisance et de retraite, laquelle a présenté un mémoire, qui administre le fonds de retraite des policiers de la CUM. Ce sont deux cas séparés. C'est pour cela que, pour nous, c'est une vocation syndicale et, syndicalement parlant, on ne veut pas enlever des moyens à nos membres. On veut leur en donner comme la loi le prévoit. De plus, on veut se faire reconnaître par tout le monde comme des travailleurs à part entière, la même chose que tout le monde.

M. Lazure: Dans le cadre de cette vocation exclusivement syndicale qui est la vôtre et que je respecte, il n'y a rien dans notre loi qui va vous empêcher de négocier un prolongement de votre travail. Si les deux parties s'entendent pour maintenir, comme actuellement dans certains cas, indépendamment de toute loi à venir... Actuellement, votre corps, comme n'importe quel autre corps dans la société, s'il réussit à s'entendre par voie de négociation avec l'employeur pour continuer son travail, il n'y a rien qui vous empêchera de le faire.

M. Fleurent: Si on était...

M. Chevrette: Je vous écoute depuis tantôt...

Le Président (M. Boucher): Mme la députée de L'Acadie, est-ce que vous permettez...

Mme Lavoie-Roux: Je pense que je vais céder mon droit de parole au député de Nelligan.

M. Chevrette: Je suis convaincu que le... C'est à la suite de cela; on va vider ce problème et, après, vous...

M. Lincoln: Oui, cela va.

M. Chevrette: Merci beaucoup. Vous êtes compréhensif, vous.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: J'aurais une question bien précise. Vous semblez vouloir vous afficher comme une entité syndicale pure. C'est cela que vous avez bien clairement fait entendre.

M. Fleurent: C'est cela.

M. Chevrette: Comment se fait-il que par un de vos commentaires, vous semblez vouloir faire inclure dans la législation un élément de négociation?

Je vais m'expliquer. Vous dites: Nous autres, on revendique syndicalement. Ce avec quoi je suis d'accord...

M. Fleurent: C'était pour répondre à M. le ministre.

M. Chevrette: Oui.

M. Fleurent: La comparaison entre la Sûreté du Québec et nous-mêmes.

M. Chevrette: D'accord.

M. Fleurent: C'était la réponse. En fait...

M. Chevrette: C'est parce que la comparaison que vous avez faite m'a ouvert grands les yeux et les oreilles en même temps, pour comprendre difficilement une de vos premières allégations, savoir que vous vouliez faire introduire dans la législation le maintien du poste. Dès que vous voulez introduire dans la législation le maintient du poste, vous voulez le soustraire du champ de négociation.

M. Fleurent: Non. Actuellement on a le

pouvoir. Par exemple, quelqu'un qui ne fonctionne pas à 32 ans d'âge et non de service, il y a des mécanismes: soit la mise à la retraite professionnelle ou la mise à la retraite proprement dite. La même chose s'appliquerait à 65 ou à 67 ans.

M. Chevrette: Je vais faire une supposition, M. le Président. À 65 ans, vous avez un droit dans la législation actuelle pour continuer à travailler cinq ans additionnels. Si vous incluiez, tel que vous le demandez, le droit du maintien au poste, vous ne pourriez pas négocier, comme entité syndicale, la mobilité du poste ou vous ne pourriez pas négocier que vos plus vieux pompiers ou que vos plus vieux policiers aient des postes moins onéreux sur le plan du travail. Vous ne pourriez pas négocier, par exemple, le fait qu'un policier de 65 ans soit confiné à des tâches beaucoup moins astreignantes, qui comportent beaucoup moins de risques, puisque vous nous dites que vous voudriez voir le maintien du poste inclus dans la législation. Est-ce que je me trompe ou si j'ai trop bien compris?

M. Fleurent: On ne veut pas que la loi impose, seulement à cause de l'âge, de changer son champ d'action ou l'endroit de travail. C'est le but de notre intervention. C'est-à-dire que le policier qui atteindrait l'âge de 62 ans, le patron lui dirait: Parce que tu as 62 ans, tu ne travailleras plus dans ta fonction, tu vas travailler dans le bureau, par exemple. Si le gars a encore la capacité de travailler dans son métier de policier, je ne vois pas pourquoi on lui enlèverait le droit, à cause de l'âge. Cela n'a rien à voir avec la négociation.

En principe, si vous l'excluez de la loi, on ne peut plus négocier. À 60 ans on s'en va actuellement. On est obligé de par la loi de s'en aller à 60 ans. Tandis qu'on voudrait endosser la loi dans ce sens-là. Les policiers également.

M. Chevrette! En tenant pour acquis que vous ne voulez rien soustraire de votre champ de négociation...

M. Fleurent: Absolument pas, on est un syndicat.

M. Chevrette: Donc, oublions la notion de poste et regardons uniquement le droit au travail. C'est bien ça?

M. Fleurent: C'est ça. M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Dans le même ordre d'idées, j'aurais voulu vous poser une question concernant la page 5 de votre mémoire, paragraphe 4. D'abord, est-ce que je comprends bien? Vous voulez aller plus loin que la loi pour dire qu'on ne peut pas invoquer l'âge comme motif de congédiement. Vous dites: II faudrait qu'on prévienne que l'âge soit même un seul des motifs.

Vous dites: Nous croyons qu'il y aurait lieu de prévoir que dès que l'employé établit à la satisfaction du commissaire du travail que l'une des raisons pour lesquelles on a mis fin à son emploi pourrait être son âge, etc... l'employeur devra dès lors justifier sa décision par d'autres motifs justes et raisonnables.

Tout cela est un enchaînement d'idées, n'est-ce pas? L'âge, comme tel, ne peut pas être le motif principal. Si, par exemple, un policier arrive à 70 ans et que, du fait même, il ne peut plus faire son travail d'une façon aussi sécuritaire qu'à 50 ans, tout cela est relié à la question de déplacement. Vous dites: Si on se déplace, on n'a pas le droit de continuer notre travail. Est-ce que ce n'est pas une question syndicale interne, une question de gestion interne de la police de Montréal plutôt qu'une question de loi?

M. Fleurent: Non. On ne voudrait pas, pour continuer dans le même ordre d'idées, que le policier soit dégagé à cause de son âge, et qu'il devienne garçon d'ascenseur. On veut qu'il demeure policier...

M. Lincoln: Oui, oui, d'accord.

M. Fleurent: II pourrait être recyclé à l'intérieur du service, bien sûr. Pour répondre à votre autre question...

M. Lincoln: Cela veut dire que, s'il y a un recyclage dans le service et qu'un policier, qui était détective ou autrement, se voit déplacé à l'administration, vous n'êtes pas contre ce principe.

M. Fleurent: Pas du tout, ce serait bénéfique pour tout le monde, en fait. Une personne qui a 35 ans ou 40 ans de service, bien sûr, ne sera peut-être pas dans la possibilité, à cause de son âge, de faire face à la violence, de courir après des suspects ou des choses semblables, mais elle peut aider les jeunes, elle peut aider ses patrons aussi ou des administrateurs.

M. Lincoln: Vous parlez du poste dans le terme très général du mot, pour un policier. Bon, d'accord.

M. Fleurent: Bien sûr, cela peut s'appliquer à un membre de l'état-major également. Dans l'article 15 du Code du travail, pour des raisons syndicales, on n'a

pas le droit de limoger un employé ou un salarié. Ce serait la même chose: simplement à cause de l'âge, on n'aurait pas le droit de limoger un policier. On pourrait invoquer d'autres raisons, comme on peut en invoquer à 45 ans ou à 50 ans, on a toujours le loisir de le faire. C'est bien entendu que, s'il y a des policiers ou des individus qui ne peuvent plus fonctionner, psychologiquement ou physiquement parlant, il y a actuellement des moyens qui existent pour les placer à la retraite d'une façon professionnelle ou autrement.

M. Lincoln: Mais supposons que la loi exempte les policiers ou les pompiers. D'après ce que j'ai compris, vous dites: Maintenant, on est forcé de prendre notre retraite à 60 ans. Mais la loi n'affectera pas cela, en fait, même si vous étiez exemptés. Si, par exemple, vous négociez avec vos employeurs pour que ce soit à 65 ans ou à 70 ans, la loi ne changera pas cela, aucunement, n'est-ce pas?

M. Fleurent: On m'informe ici que la loi de la CUM force les policiers à prendre leur retraite à 60 ans. Chez les policiers de la CUM, on est forcé de le faire. Si on est exclu de la loi, on est donc encore forcé de prendre notre retraite à 60 ans. On ne veut pas cela, nous. On veut un droit acquis. Cela ne veut pas dire une obligation, comme le ministre le disait ce matin; cela donne un avantage de plus aux policiers de pouvoir continuer s'ils le veulent. Il y a certains exemples. J'imagine que cela n'affectera pas beaucoup de personnes, comme vous le disiez tantôt. Les policiers sont dans le même pourcentage que la population.

M. Lincoln: Oui, mais s'il y avait une exemption dans la loi - écoutez, moi, j'ai l'esprit ouvert là-dessus, ce n'est pas moi qui fais la loi, de toute façon - la question serait, en fait, le changement de la loi de la CUM. Ce n'est pas la clé de la question, c'est une autre chose. Ce n'est pas de cette loi qu'on discute.

M. Fleurent: C'est possible, mais, en étant d'accord avec cette loi-ci, on peut aussi faire des interventions pour d'autres lois, bien entendu.

M. Lincoln: Oui, d'accord.

M. Fleurent: Actuellement, on étudie la refonte de la loi de la CUM.

M. Lincoln: J'ai une autre question quant à l'article 7. Vous parlez du mémoire de la commission de bienfaisance ou du comité de bienfaisance. On a parlé de la question de la préretraite, c'était ce qui les gênait, l'alinéa 3 de l'article 7, et vous, vous parlez de l'alinéa 4. Cela veut-il dire que vous n'avez aucune objection à l'article 3? C'est-à-dire l'alinéa 3 de l'article 7.

M. Fleurent: Quand vous vous référez à l'article 3, est-ce dans le mémoire de l'association?

M. Lincoln: Vous dites que vous êtes tout à fait d'accord avec leurs remarques; eux ne parlaient pas de l'alinéa 4, ils parlaient de l'alinéa 3 au sujet de la préretraite. Selon ce que je comprends, cela ne vous affecte pas du tout, vous.

M. Fleurent: Cela ne nous affecte pas. M. Lincoln: Bon, d'accord.

M. Fleurent: On est d'accord avec cela au complet, dans le mémoire, on l'a dit tantôt. Cela ne nous affecte pas directement.

M. Lazure: M. le Président, si vous me le permettez, sur le même sujet...

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Lazure: ... sans vouloir éterniser le débat, après être allé aux sources, ce qui vous oblige à prendre votre retraite à 60 ans, effectivement, c'est le règlement qui découle de votre négociation, c'est le règlement qui entoure votre régime de retraite - c'est cela - et non pas la loi de la CUM. Alors, il est négociable; c'est ce que je disais tantôt et je rejoins le député de Nelligan. Notre loi ne vous empêche pas de négocier avec votre employeur un âge de retraite plus élevé. Là, c'est 60 ans, mais ce pourrait être 64 ans, 65 ans, 66 ans, peu importe. (15 h 45)

De toute façon, je ne vous dis pas aujourd'hui que vous serez formellement exemptés, ce n'est pas décidé. Je vous dis que nous étions portés à le faire à la suite des demandes des policiers provinciaux, mais vous nous faites une demande contraire, alors, on va prendre cela en délibéré.

M. Fleurent: Tantôt, on faisait la comparaison entre la fraternité et l'association de bienfaisance. Ce sont deux organisations, tandis que la Sûreté du Québec n'a pas ces deux organisations. Ils ont deux sièges en fait ici quand ils parlent de leur mémoire. Je ne veux pas répondre pour eux. C'est la raison pour laquelle on diverge d'opinion.

Le Président (M. Boucher): Pas d'autre question? Je remercie la Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de

Montréal, au nom des membres de la commission pour la présentation de son mémoire.

Fédération des commissions scolaires catholiques

J'invite immédiatement la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec. Mme Gobeil, vous pouvez y aller avec la lecture de votre mémoire.

Mme Gobeil (Estelle): M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, il me fait plaisir, en premier lieu, de présenter mes collègues: M. Jacques Audy, à ma droite, directeur général, et M. Jean-Pierre Tessier, à ma gauche, directeur des relations du travail. L'intention du gouvernement d'adopter une loi interdisant à un employeur d'obliger un salarié de quitter son emploi pour le seul motif qu'il a atteint un âge prévu de mise à la retraite ou un nombre d'années de service déterminé suscite une controverse aiguë dans les milieux du travail. Il est appréciable dans ce contexte qu'il offre aux intervenants soucieux des conséquences que pourrait amener la réforme proposée l'occasion de se faire entendre dans le cadre d'une commission parlementaire.

L'évolution de la grille démographique du Québec révèle un vieillissement progressif de la population qui s'accompagne incidemment d'une montée significative de la force et de l'importance politique des personnes du troisième âge. Sans entrer dans les mobiles profonds qui ont amené le dépôt de ce projet de loi, il est manifeste que le gouvernement n'a pas été insensible à cette réalité.

Au demeurant, si d'autres mesures ne parviennent pas au cours des 20 prochaines années à redresser le taux de natalité au Québec, notre société n'aura peut-être pas d'autre choix que de prolonger la période de contribution de ses membres à l'effort commun de production. Mais il est impérieux d'évaluer la conjoncture actuelle en abordant cette question et d'éviter de retenir des arguments fondés sur une démarche trop prospective. Le législateur, s'il ne doit pas hésiter en certaines circonstances à faire oeuvre de pionnier, ne doit jamais perdre de vue la balance des inconvénients lorsqu'il étudie un projet de réforme.

Mises à part les considérations de nature psychosociales, la mise à la retraite obligatoire implique des effets variables selon les individus et les secteurs d'activités. Le nombre d'années de contribution à un régime devient certainement l'un des facteurs les plus déterminants de l'impact que produit la retraite forcée.

Il va sans dire que personne ne peut entrevoir allègrement une retraite qui ne lui assure pas la possibilité financière de réorganiser ses activités de vie. Mais la retraite facultative constitue-t-elle à cet égard une véritable solution? Elle atteint une cible beaucoup plus grande que l'objectif présumément visé. Si l'on veut améliorer le sort des moins bien nantis, il faudra de toute façon, un jour ou l'autre, adopter des moyens plus directs. Pour l'État, le dilemme est de taille puisqu'il revêt une incidence économique majeure. Il s'agit en fait de concilier et d'équilibrer deux pôles qui, dans la situation actuelle, tendent à s'opposer: celui des jeunes qui s'impatientent de jouer un rôle actif dans notre société et celui des gens du troisième âge qui revendiquent un statut social et économique à la mesure des efforts qu'ils ont consentis pour rendre possible le Québec d'aujourd'hui.

La prolongation de la période active des individus déjà installés dans le système de production de biens et de services ne pourra manquer de faire augmenter le contingent déjà très lourd et inquiétant des jeunes prêts et aptes à s'intégrer dans un marché du travail qui se ferme à eux.

L'impasse devant laquelle se retrouve la jeune force vive de notre population qui se voit refuser le moyen le plus légitime de l'insertion sociale qu'est le travail représente pour l'immédiat un péril qu'il ne convient pas d'aggraver par une initiative théoriquement acceptable en soi, mais trop parcellaire, parce qu'elle ne fait pas partie d'une politique d'ensemble qui devrait contenir les antidotes nécessaires pour contrer les effets négatifs de la retraite facultative.

Par son caractère universel et immédiat, le projet de loi no 15 escamote la réflexion sur les conséquences concrètes qu'amènerait son application dans les différents secteurs d'activités dont on ne peut nier les particularités.

Soulignons que l'étape de la retraite obligatoire évite à certains employés la douloureuse et difficile expérience de la remise en question de leur prestation de services pour des motifs de capacité et de rendement, bien qu'à cet égard, il faille beaucoup nuancer et distinguer selon les domaines. Il est difficile, sous cet aspect, de confondre un mineur, un ouvrier de la construction, un graphiste, un psychologue, un enseignant, etc. On débouche alors sur une dimension importante de la question, le recyclage ou le perfectionnement de la main-d'oeuvre active, qui ne peut, par ailleurs, être traitée équitablement sans considérer l'intégration au travail des personnes qui en sont déjà exclues.

Marqué par une préoccupation ostensiblement sociale et politique, le projet de loi no 15 écarte d'emblée la notion de l'intérêt de l'entreprise en faveur d'une vision strictement individualiste du travail qui élude trop facilement les contraintes et

les réalités de notre système économique.

La Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec regroupe la majorité des commissions scolaires du Québec, qui comptent au total près de 100 000 employés. Nous voulons rappeler aux membres de la commission parlementaire un certain nombre de données dont ils devraient tenir compte dans le cadre de l'étude du projet de loi no 15. 1. La décroissance de la clientèle scolaire aux niveaux primaire et secondaire crée une situation dramatique d'excédent d'effectifs dans les commissions scolaires. Ce facteur de première importance, associé à celui des contraintes budgétaires que vous connaissez, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, oblige les employeurs de ce secteur à déclarer des surplus de personnel de plus en plus grands chaque année. Les mécanismes de sécurité d'emploi prévus aux conventions permettent par ailleurs à ces employés de demeurer en service rémunéré.

Je vous demanderais de bien vouloir corriger les chiffres que vous avez. Je vais vous donner les chiffres au 1er octobre. Une compilation effectuée au 1er octobre 1981 indique que 4367 employés de commissions scolaires étaient en surplus à cette date dont 3228 enseignants, 187 cadres et gérants, 245 professionnels non enseignants et 697 employés de soutien.

D'autre part, à cette même date, les commissions scolaires comptaient non pas 1614 employés non permanents, mais 1500, dont le lien d'emploi a été rompu. Ils se répartissent comme suit, et là aussi, il y a des corrections: 1145 enseignants, six cadres et gérants, 86 professionnels non enseignants, 192 employés de soutien. 2. Cette conjoncture de compression des emplois au sein des commissions scolaires a pour effet de fermer presque totalement ce secteur de travail aux jeunes diplômés des institutions d'enseignement dont certains, par leur formation, ne peuvent compter pratiquement sur aucun autre secteur pour leur offrir des débouchés. 3. Cette difficulté d'accueillir du sang neuf provogue un vieillissement progressif du corps professoral qui n'est pas sans effet sur le style d'enseignement dispensé aux élèves, et j'attire particulièrement votre attention sur ce paragraphe. 4. Pour pallier les conséquences du nombre d'employés qui doivent être mis en disponibilité chaque année, les conventions collectives de travail prévoient des mesures incitant les employés à quitter le secteur. C'est ainsi que l'on accorde des congés de préretraite d'une année complète avec plein traitement aux employés permanents si leur démission permet d'accorder un poste à un employé en disponibilité. On octroie également des primes de séparation représentant jusqu'à la moitié du salaire annuel aux employés permanents qui acceptent de rompre leurs liens d'emploi afin de permettre la relocalisation d'un disponible. 5. Ce contexte explique à lui seul les réticences des administrateurs des commissions scolaires à l'égard de la retraite facultative mise de l'avant par le projet de loi 15, la proposition qu'il contient étant considérée prématurée et incomplète.

Recommandations. Le gouvernement devrait sans tarder envisager une politique d'ensemble visant à assurer et à maintenir l'insertion sociale des deux groupes extrêmes de notre population active, les 19-25 ans et les 65 ans et plus. Ces moyens devront s'attaquer prioritairement au chômage chronique des jeunes qui recèle l'une des causes de la dénatalité québécoise, elle-même à la source du plus grand danger social et économique qui nous menace.

Plutôt que de considérer la retraite comme une étape dramatique de la vie qu'il faut reculer à tout prix, les initiatives gouvernementales devront tendre à assurer la valorisation des personnes du troisième âge à la retraite par des programmes axés sur d'autres dimensions que le travail rémunéré.

Même s'il est possible d'envisager que l'indice du taux de mortalité et le niveau de santé sont des facteurs qui feraient pression en faveur de la retraite volontaire aux environs de 65 ans, amoindrissant ainsi l'impact économique que pourrait causer la réforme du projet de loi 15, l'incertitude à l'égard de ce phénomène impose à elle seule une grande prudence et justifie que le gouvernement retarde - et non retire -l'application de son projet de loi.

Le gouvernement devra garder à l'esprit que, dans le secteur de l'enseignement public, primaire et secondaire, l'instauration de la retraite facultative nécessiterait de toute façon l'ajout de fonds publics permettant de renforcer les incitations déjà prévues aux conventions collectives en faveur de la retraite anticipée, sans compter les sommes qui devraient être allouées pour le recyclage et le perfectionnement des enseignants et des autres employés.

M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de votre attention. Nous demeurons attentives et attentifs à vos questions.

Le Président (M. Boucher): Merci, Mme Gobeil. M. le ministre.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux remercier Mme Gobeil et ses collègues de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec. Je me réjouis tout de suite d'un changement qui paraît mineur en bas de la page 8, mais qui est quand même assez important. La fédération nous dit qu'elle change le mot "retire" pour le mot

"retarde". Ma première question c'est: Retarder jusqu'à quand?

Mme Gobeil: M. le ministre, pour que vous puissiez vérifier certaines considérations que nous avons mises dans le mémoire.

M. Lazure: Oui. Sérieusement, il y a des considérations qui nous ont amenés non seulement à faire des vérifications, mais aussi à solliciter - comme on l'a fait dans d'autres ministères - l'avis du ministère de l'Éducation. Je vous en reparlerai tantôt.

Je veux prendre certains passages de votre mémoire. Une chose qui m'a fait un peu sursauter, vous parlez du caractère universel et immédiat de la loi qui semble, à bon droit peut-être, vous avoir surpris et vous poser, des problèmes. Je répète ce que j'ai eu l'occasion de dire à plusieurs reprises: Nous avons l'intention, justement, de prévoir certaines exemptions; donc, il ne sera pas universel. Nous avons aussi l'intention de prévoir une certaine mise en application graduelle. (16 heures)

Bien sûr que dans le domaine de l'enseignement, à prime abord, comme dans la fonction publique peut-être, on pourrait élaborer des hypothèses assez inquiétantes et s'imaginer que cette loi ouvrira la porte à un abus du maintien au travail, que des gens de 65 s'accrocheraient à leur travail pendant plusieurs années, parce que leurs conditions de travail sont assez bonnes dans le secteur de l'enseignement ou de la fonction publique. D'autre part, ce qu'il ne faut pas perdre de vue et ce que votre mémoire ne souligne pas suffisamment, c'est que non seulement ici au Québec, mais un peu partout dans le monde occidental, et je dirais même dans le monde le moindrement industrialisé, surtout quand on a des revenus et un plan de retraite intéressants, la tendance est à la retraite anticipée, et à plus forte raison dans l'enseignement.

Les ministres n'ont pas nécessairement de bonnes conditions de travail comme les enseignants; Mme la députée de L'Acadie s'inquiète si on va partir bientôt; non, on va continuer de travailler. Il y a encore beaucoup de lois à changer.

Sérieusement, le mouvement est déjà imprimé dans notre société. C'est une inquiétude un peu beaucoup théorique que vous présentez dans votre mémoire. Je dois vous dire que j'ai un document du ministère de l'Éducation qui, après y avoir bien réfléchi depuis quelques mois, nous donne un avis écrit et nous dit: Allez-y avec ce projet de loi. Il n'y aura pas les répercussions inquiétantes qu'on avait présumées à prime abord, à cause principalement de cette tendance chez les enseignants. Cela peut être un peu différent, vous me direz, pour les employés manuels, ce qui vient confirmer notre thèse que les gens qui vont surtout profiter de cette abolition de l'âge obligatoire de la retraite sont des gens à petit revenu et des gens qui n'ont pas des plans de retraite tellement confortables. Donc, le mouvement de retraite anticipé est déjà bien amorcé dans votre domaine de l'enseignement. Il va continuer. On veut le continuer. On veut le favoriser. Dans une deuxième étape, on veut permettre la retraite anticipée à beaucoup plus de monde et, par conséquent, des emplois à temps partiel, des prestations, surtout quand il y a un peu d'invalidité, beaucoup plus intéressantes, de manière que la personne puisse se retirer à 60 ans, après avoir travaillé dans des fonctions où c'est très dur physiquement ou mentalement, en retirant une prestation qui a de l'allure, non pas de 25%, mais de 100% lorsqu'il y aurait 25% d'invalidité.

Troisième remarque, il semble ressortir un peu de votre mémoire - les gens de l'Université de Montréal ont eu un peu ce langage - que l'enseignement ou la recherche faite par des jeunes, c'est nécessairement meilleur que l'enseignement ou la recherche faite par des gens d'un certain âge. Vous me permettrez d'être en désaccord - vous ne le dites pas explicitement comme cela, mais on le sent. C'est d'autant moins approprié dans les circonstances que notre corps enseignant dans l'ensemble du Québec est jeune. Au niveau scolaire élémentaire, quelle est la moyenne d'âge de l'enseignant du primaire, par exemple?

Mme Lavoie-Roux: C'est particulièrement vieux, plus vieux qu'au secondaire. Au secondaire, c'est plus jeune.

M. Lazure: Est-ce qu'on a une idée pour l'élémentaire et le secondaire"?

Mme Gobeil: M. le ministre, il y a une chose qui est certaine, sans vous donner le chiffre, au primaire, c'est plus élevé.

M. Lazure: Plus vieux qu'au secondaire ou collégial?

Mme Gobeil: Oui. On va avoir le renseignement et on va vous le faire parvenir. Je tiens à vous dire que vous allez peut-être avoir des surprises.

M. Lazure: On se promène beaucoup, les députés des deux côtés de la Chambre, on rencontre souvent du personnel scolaire. C'est rare qu'on rencontre ce que vous appelleriez de vieux professeurs ou de vieux enseignants. C'est rare.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais pour les enfants qu'est-ce que c'est, de vieux professeurs? C'est comme les vieux

ministres, vous savez.

M. Lazure: Tout est relatif.

Mme Lavoie-Roux: C'est comme les vieux députés.

M. Lazure: C'est mon ex-collaboratrice des temps anciens qui parle. À l'époque, la députée de L'Acadie faisait du service social où je faisais de la psychiatrie, mais elle était plus indulgente pour les vieux. Enfin, revenons au mémoire. Sérieusement, il me semble que c'est une prémisse qui paraît ressortir de votre mémoire savoir que, si on veut maintenir une bonne qualité d'enseignement, il faut s'assurer d'un certain pourcentage d'entrée de jeunes professeurs. Je suis bien d'accord, mais encore une fois, on sait qu'il n'y en a pas beaucoup qui continuent à oeuvrer après soixante ans. Je serais curieux d'avoir des chiffres là aussi.

Aux niveaux élémentaire et secondaire, combien continuent de travailler à temps plein après soixante ans? Tout cela pour dire que, théoriquement, il y a certaines appréhensions justes, mais il ne serait pas conforme aux moeurs dans l'enseignement développées depuis une dizaine d'années, au Québec, à mesure que les conditions se sont améliorées, de s'attendre à voir un grand nombre d'enseignants s'accrocher à leur poste. Vous nous dites de retarder. On a retardé de quelques mois pour avoir cette commission parlementaire. Cela vous a permis de réviser votre position. Vous ne demandez plus de retirer le projet de loi, vous demandez de le retarder. Avec les nuances que j'ai exprimées depuis une semaine, la mise en vigueur graduelle et pas nécessairement universelle, il y a moyen d'avoir une loi qui n'aura pas de conséquences dramatiques dans le monde de l'enseignement.

Le Président (M. Boucher): Mme Gobeil.

Mme Gobeil: M. le Président, je me permettrai de réagir aux commentaires de M. le ministre. Premièrement, fondamentalement, si nous n'étions pas du secteur de l'éducation, nous pourrions probablement être d'accord avec vous à 100% et on ne vous aurait même pas demandé de retarder le projet de loi. Mais, étant donné que notre premier objectif, c'est de viser à l'épanouissement intégral de l'enfant, à la qualité du système d'éducation, c'est la raison pour laquelle nous vivons dans nos commissions scolaires certaines situations où nous voyons de nos yeux et où nous entendons de nos oreilles, dans nos écoles, un nombre d'enseignants assez considérable qui ne s'adaptent pas aux méthodes d'aujourd'hui. C'est un fait. Nous vous le signalons et il appartient au législateur, après qu'on ait signalé ce fait, de faire ce que bon lui semble. Mais il nous apparaît qu'il était juste et équitable, étant donné l'objectif que nous avons, soit la qualité du système d'éducation et l'enfant d'abord, de vous le signaler.

M. le ministre, vous dites qu'il y a un processus d'enclenché. Je vous dis que, dans l'enseignement et surtout au primaire, le processus est lent. Il y a effectivement des enseignants qui s'accrochent à leur travail, peut-être parce qu'ils n'ont pas en perspective la possibilité d'une retraite décente ou pour toutes sortes de raisons, mais c'est un fait. Les chiffres nous manquent. Je comprends que vous souhaiteriez avoir les chiffres. On va essayer de les avoir.

Deuxièmement, M. le ministre, c'est très bien que vous ayez consulté le ministère de l'Éducation, mais vous me permettrez de vous signaler que le ministère de l'Éducation n'est pas encore dans l'école, ni à la commission scolaire. Nous vivons les situations.

Vous m'avez beaucoup parlé de théorie, M. le ministre. Moi aussi, je crois en la théorie, mais entre la théorie et la pratique, il y a la différence d'entre la nuit et le jour. C'est pour cela que j'ai demandé à mes collègues, au lieu de demander de retirer le projet, de le retarder pour vous permettre de vérifier certaines choses et de faire en sorte que nos enfants ne soient pas pénalisés par l'approche d'un nombre d'enseignants assez considérable qui ne veulent pas se recycler et s'adapter à une nouvelle méthode d'enseigner; conséquence: les enfants n'ont pas le goût d'aller à l'école.

M. Lazure: Seulement un dernier commentaire, si vous permettez. Il faut constater que notre société vieillit; tout le monde le dit et elle va continuer de vieillir cette société. Je dis que ce soit dans le monde scolaire ou dans le monde hospitalier ou peu importe, dans le monde politique, il faut que ce vieillissement de la population se répercute et qu'on le constate un peu partout.

Autrement dit, on ne peut pas en même temps constater qu'on passe d'un pourcentage de 6% qu'il était, il y a quinze ans, et qui sera de ] 2% dans douze ans sans que cela veuille dire que, dans des emplois, on retrouve de plus en plus de personnes d'un certain âge. C'est tout ce qu'on dit. Qu'il y en ait un peu plus dans le monde de l'enseignement avec une telle loi, on dit: Quoi de surprenant à cela? Il n'y a rien d'aussi peu sûr que de dire que l'enseignement aux enfants va en être amoindri, cela est loin d'être sûr. La sagesse des gens d'un certain âge, peut-être les enfants au secondaire et à l'élémentaire ont-ils de moins en moins l'occasion souvent d'en

bénéficier. Je m'arrête ici, M. le Président.

M. le Président (M. Boucher): Merci. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président, je veux remercier la fédération, Mme Gobeil et ses collègues. Je voudrais simplement vous dire que - vous me permettrez ça, on se connaît depuis longtemps - je n'aurai pas de jugements aussi absolus sur la qualité de l'enseignement que ceux que vous venez d'énoncer, Mme Gobeil. Je pense que la qualité de l'enseignement n'est pas reliée à l'âge des professeurs et, quand il y a des problèmes dans la qualité de l'enseignement, c'est relié à une foule de facteurs. Mais, si on veut se restreindre uniquement à celui du professeur, vous avez des professeurs qui ont, peu importe l'âge, on va donner 32 ans comme exemple, qui peuvent être des professeurs dont on voudrait bien pouvoir se départir, comme vous en avez de 62 ans dont on dit: Cela ça va être triste quand ils vont partir.

Je pense que, dans le fond, ce que le monde scolaire vit présentement, c'est à cause de la baisse de la natalité, c'est un surplus de professeurs, une sous-utilisation des professeurs ou un mauvais emploi des professeurs. Je pense qu'il ne faudrait peut-être pas mêler les deux problèmes, parce que ce problème-là, en soi, est considérable, mais le problème des professeurs qui pourraient demeurer au-delà de 65 ans et plus va être minime en fonction du nombre comparé à ce surplus qu'on connaît présentement. L'autre chose, c'est qu'il me semble qu'il y a eu des avancés de faits selon lesquels, s'il y avait une meilleure utilisation des professeurs... Là, je réalise que c'est soumis à toutes les conventions collectives, mais des professeurs qui seraient plus vieux ou qui sont mis en disponibilité pourraient être utilisés pour aider les plus jeunes, pour justement mettre au profit des autres leur propre expérience pédagogique. Vous savez, un vieux professeur de première année, ce n'est pas facile à remplacer. En fait, c'est vrai que les professeurs de l'élémentaire sont plus âgés, mais ce n'est peut-être pas nécessairement mauvais. Au secondaire, je pense que ça peut être différent, il y a la question de l'identification sous une forme différente de celle des professeurs à l'élémentaire.

Mais, en tout cas, dans tout ceci, on pourrait faire des grands discours, Mme Gobeil, pour dire que je suis sensible à votre problème du surplus de professeurs, du vieillissement du corps professoral, mais je ne voudrais pas qu'on mêle cela avec celui du projet de l'abolition de l'âge de la retraite, qui va toucher à un nombre beaucoup plus infime que celui qui est touché par les autres problèmes que vous venez de mentionner. Une seule question:

Aux chiffres que vous nous avez donnés à la page six, vous avez fait des corrections...

Mme Gobeil: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Au 4 septembre 1981, cela indique que ce n'est plus 5232, mais combien d'employés?

Mme Gobeil: C'est 4367 au 1er octobre 1981.

Mme Lavoie-Roux: C'est parce que là, vous avez tenu compte des professeurs qui ont été rappelés ou du personnel qui a été rappelé. Alors, ce sont les gens en place présentement.

Mme Gobeil: C'est ça.

Mme Lavoie-Roux: Je vais vous poser une question qui n'a rien à faire avec l'abolition de l'âge de la retraite... Peut-être, si on veut étirer cela un peu. À quoi sont utilisés ces 3228 professeurs qui sont en surplus dans les écoles primaires et secondaires du Québec?

Mme Gobeil: Je vais demander au directeur des relations de travail de répondre.

M. Tessier (Jean-Pierre): En grande partie, l'utilisation se fait au niveau de la suppléance et il y a quelques positions expérimentales, quelques affectations au niveau du dépannage, au niveau de l'encadrement des élèves, au niveau d'un service pour des élèves qui ont dû s'absenter de l'école et qui sont en récupération. Mais, une grande majorité sont utilisés pour de la suppléance.

Mme Lavoie-Roux: Cela veut dire qu'il y aurait combien de professeurs vraiment inactifs? Vous n'êtes pas capable d'évaluer cela?

M. Tessier: La suppléance en absorbe plus de 65%, mais il reste que ce n'est pas nécessairement permanent; on peut être en suppléance 15 jours d'affilée, être deux ou trois jours inactif...

Mme Lavoie-Roux: Ce que vous dites, c'est que, durant une année, 65% des professeurs seraient rappelés pour de la suppléance. En cours d'année...

M. Tessier: La rotation globale de marche de suppléance atteint jusqu'à 75%, finalement, d'occupation, mais il y a des individus qui sont touchés de façon cyclique. (16 h 15)

Mme Lavoie-Roux: Un seul autre point. Évidemment, je ne vous demanderai pas ce

qui arrive aux cadres et aux gérants. C'est évident que les professionnels non enseignants, que ce soit ceux qui ont eu leur congé ou la rupture de leur lien d'emploi ou que ce soit les autres, indiquent que les services parapédagogiques ont certainement diminué à l'intérieur des commissions scolaires ou des écoles.

La question précise que je voudrais vous demander est dans quelle mesure, au plan financier, au plan budgétaire, les commissions scolaires sont obligées d'assumer le coût de tout ce personnel en surplus. Je sais que par le truchement de la suppléance vous récupérez des sommes, mais apparemment vous n'en récupérez pas la totalité. Je vous pose la question parce que si, dans le cas de - avec les budgets fermés - l'adoption de la loi venait s'ajouter un certain nombre de professeurs, il ne faudrait pas qu'encore une fois ce soit les institutions locales qui écopent des coûts. C'est déjà le cas, même - vous me corrigerez, je vous pose la question - au niveau de la sécurité d'emploi, que les institutions locales soient obligées d'assumer une partie des coûts, et cela évidemment au détriment de services, ou peut-être que l'on peut parler de la qualité des services. Est-ce que c'est exact ou si je me trompe?

Mme Gobeil: Oui. C'est exact, je vais demander à Jean-Pierre de donner le chiffre précis.

M. Tessier: Sur la suppléance, il y a un financement à 50%. Cependant, comme je vous le dis, le taux de rotation peut aller à 65%, mais il y a des commissions qui avaient gardé des bassins de suppléants déjà réguliers à cause des surplus par secteurs. Il n'y a pas un véritable surplus, il y a des besoins dans un domaine, il y a des surplus dans un autre, on doit donc garder des gens qui ne peuvent pas être utilisés et qui sont à ce moment-là dans le champ de la suppléance. Ayant déjà des gens à ce niveau-là, des gens disponibles s'ajoutant pour faire de la suppléance, c'est là qu'arrivent des difficultés quant à l'utilisation de tout ce monde par rapport à une norme de financement qui est générale, qui ne tient pas compte de ce bassin de suppléance que nous avons déjà dans les commissions scolaires.

C'est variable d'une commission scolaire à l'autre selon le bassin qu'on avait déjà de suppléance, selon les distances quant à l'utilisation des gens, parce qu'il n'y a pas de service d'école à école pour voiturer les suppléants. Donc, selon les territoires, c'est à regarder.

Mme Lavoie-Roux: Le seul message que je voulais laisser au gouvernement, c'est que souvent on adopte des lois qui sont bonnes dans leurs intentions, dans leur principe, mais on en a mal évalué les coûts, peu évalué les coûts. Ce serait peut-être un cas pertinent, ce cas-ci, compte tenu des discussions qu'on a eues dans les derniers jours. Il ne faudrait quand même pas que les bonnes oeuvres du gouvernement soient payées par ceux qui doivent assurer des services directs à la population. Je vous remercie, madame Gobeil.

Mme Gobeil: M. le Président, est-ce que vous permettriez de donner, juste à titre d'information, le coût des primes de préretraite? Pour les enseignants, 383 primes ont coûté 11 800 000 $. Pour les professionnels non enseignants, 13 primes ont coûté 520 000 $. Pour le personnel de soutien, 74 primes ont coûté 1 500 000 $. Je vous donne ces chiffres juste à titre d'information.

Mme Lavoie-Roux: C'est le gouvernement qui les paie.

Mme Gobeil: Oui, mais quand même si vous ajoutez encore...

Mme Lavoie-Roux: Cela coûte cher.

Mme Gobeil: M. le Président, est-ce que vous me permettriez juste de clarifier sur les commentaires de madame la députée de L'Acadie?

Je ne voudrais pas donner l'impression à cette commission parlementaire, premièrement, que nous croyons - et que moi pour ma part je crois; je serais très mal placée d'ailleurs - qu'en vieillissant on est moins bon. Ce n'est pas cela du tout; vieillir c'est revivre. Ce que je veux dire, M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, c'est qu'il est clair que, quand même, dans nos commissions scolaires, cela cause un problème par rapport aux conventions: Ou des jeunes qui sont excellents aimeraient demeurer, puis on doit les mettre de côté pour permettre aux plus âgés, si vous voulez, de conserver leur emploi.

Je tiens beaucoup à clarifier ce point-là parce que, madame, j'abonde complètement dans votre sens, je pense que vous me connaissez assez pour le savoir, mais je pense que dans un mémoire il est très difficile de nuancer comme on le souhaiterait. C'est en posant les questions que vous posez que vous nous permettez de clarifier. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Je suis content que vous ayez fait cette clarification parce que mon discours aurait été tout à fait différent. Lier la compétence à l'âge m'apparaît même

disgracieux. J'aurais été insulté, en tant qu'enseignant et faisant partie du monde de l'éducation, que vous insistiez pour maintenir cette allégation.

Il y a une chose que je constate dans votre mémoire, c'est une analyse théorique de la situation que vous faites quand vous donnez des chiffres. Pour y avoir vécu pendant dix-sept ans, je puis vous dire que les professeurs ont assez hâte de sortir de l'enseignement, ma chère dame, après vingt-cinq ou trente ans, que vous ne me ferez pas accroire qu'ils vont chercher à demeurer dans l'enseignement. Là, je diverge complètement d'avis avec vous, avec vos collègues et même avec la députée de L'Acadie sur cette partie.

On ne demande plus cela à un enseignant qui est devant 35, 40 et même 50 élèves, dans bien des cas, au secondaire, car il y a encore des classes de 45 ou 50 élèves, contrairement à ce qu'on prétend, il y a même une grève dans mon propre comté, à l'école Thérèse-Martin, à cause d'un trop grand nombre d'étudiants par groupe au secondaire. Vous pourrez vérifier, c'est à l'école Thérèse-Martin, régionale Lanaudière, c'est une grève d'étudiants.

Mme Gobeil: Je vous crois, M. le député.

Mme Lavoie-Roux: Méchant gouvernement!

M. Chevrette: Ce n'est pas un méchant gouvernement. Je vous dirai pourquoi. Absolument pas, c'est une mauvaise planification locale. Cela va faire les manchettes, demain matin, chez nous.

Cela dit, je pense que vous avez fait une analyse théorique à partir du portrait de l'âge chronologique des enseignants au niveau du Québec. Mais dans les faits, je suis convaincu que si vous offriez le contraire à un enseignant, soit l'occasion de prendre sa retraite après 30 ans, dans le monde de l'enseignement, au lieu de 35 ans, vous seriez très surpris. Vous atteindriez peut-être l'objectif beaucoup plus rapidement dans ce cas-ci que dans celui qui vise à prolonger l'âge. Par des discussions concrètes, régulières, avec un grand nombre d'enseignants - je m'occupais de syndicalisme enseignant - j'ai appris jusqu'à quel point le système nerveux peut être affecté après 25 ou 30 ans devant des groupes d'étudiants, en particulier dans la conjoncture sociale dans laquelle on vit.

Je persiste à croire qu'il n'y aurait pas de problème, en particulier dans le monde de l'enseignement. S'il y a un endroit où cette loi ne créera probablement aucun problème, c'est bien dans le monde de l'enseignement où, au contraire, on cherche à devancer la retraite au lieu de prolonger le nombre d'années de travail. J'en suis plus que convaincu.

L'âge, je veux quand même en traiter un peu. À l'élémentaire, effectivement, vous avez peut-être les enseignants dont l'âge est le plus avancé, je ne le conteste pas, je pense que c'est tout à fait juste. D'autre part, je ne sais pas quelles sont vos enquêtes au niveau de la Fédération des commissions scolaires, mais la compétence du personnel de l'élémentaire n'est à peu près jamais mise en doute, comparativement à la compétence du personnel de niveau secondaire. D'où l'allégation de Mme Lavoie-Roux et de M. Lazure que la compétence n'est vraiment pas liée à l'âge. Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Mme Gobeil.

Mme Gobeil: M. le Président, me permettriez-vous de donner certains chiffres

M. le député peut les contester justement sur les sentences sur l'âge de la retraite. Je vais demander au directeur des relations du travail de vous les donner; ce sont des choses que vous pouvez vérifier.

M. Tessier: Nous avons, entre 1968 et 1972, six cas ou six syndicats qui ont appuyé, à ce moment-là, des enseignants qui demandaient de ne pas être mis à la retraite à l'âge de 65 ans. Ce sont des sentences qui varient de 300 jusqu'à 813, on n'en a pas passé, il y a 2000 sentences arbitrales dans le domaine de l'éducation, mais c'est la période où c'était le règlement qui obligeait la mise à la retraite et des gens réclamaient de continuer à travailler passé cet âge.

M. Chevrette: Six griefs?

M. Tessier: Les personnes mises en cause dans toute la commission scolaire, c'est-à-dire que le syndicat défendait la personne en cause et il y avait, parfois, trois, quatre, cinq, six ou douze enseignants chaque fois, ça dépend.

M. Chevrette: Vous aviez, dites-vous, des griefs collectifs là-dessus?

M. Tessier: On prenait, comme on le fait toujours - on a des cas types - le cas le plus sympathique. Vous savez très bien ce qu'on fait, M. le député.

M. Chevrette: Ordinairement, on se bat avec les meilleures armes possible, oui.

M. Tessier: II y a ce facteur et il y a aussi des pressions qui sont faites, qui n'influencent pas la qualité des individus qui enseignent, mais le climat de l'école. Actuellement, dans certaines écoles de la CECQ, des pressions sont faites par des sous-entendus, par des affirmations, à des

enseignants qui ont 62 ou 63 ans, qui pourraient prendre leur retraite, parce qu'ils ont atteint 35 ans de service, et qui demeurent encore en poste à 63 ans. La qualité de leur enseignement, on ne la discute pas, mais dans le climat de l'école cela fait que le jeune qui a enseigné seulement pendant quatorze ans et qui, cette année, est en disponibilité et fait de la suppléance aimerait revenir à un enseignement plus actif. Il a pourtant, lui, 35 ou 38 ans et il aimerait revenir à un enseignement actif. L'autre personne a 63 ans et elle est en poste. On ne conteste pas la qualité des gens, mais cela fait un climat de tension dans cette école. Je vous en donne un exemple. Il y a un climat qui entoure cela et des cas qui veulent - on vous les cite - prolonger.

M. Chevrette: Je maintiens quand même, M. le Président, que ce serait très minime, ce serait des cas particuliers. Ces gens qui s'accrocheraient précisément à vouloir continuer, bien souvent, n'ont aucune source de revenus et ont des problèmes extérieurs à celui du monde de l'enseignement.

Ceci dit, je voudrais ajouter un autre élément, pour terminer. Je pense que ce phénomène que l'on discute, d'âge et de mise en disponibilité de jeunes par rapport à des enseignants plus âgés, on a la preuve hors de tout doute - vous pouvez le constater autant au niveau des commissaires d'écoles qu'au niveau de ceux qui ont à oeuvrer même dans le syndicalisme enseignant - que c'est avec des professeurs un peu plus âgés qui ont reçu une formation d'ordre général et non pas une formation spécialisée dans un secteur qu'on réussit à pouvoir effectuer des affectations ou des mutations beaucoup plus faciles, des réadaptations à des postes. On dépanne en "mosus", pour ne pas dire plus, les commissions scolaires avec ces gens-là. Ils sont capables d'aller enseigner la géographie, par exemple, parce qu'ils ont eu une formation d'ordre général. Si vous avez un spécialiste en chimie, il ne pourra pas enseigner l'anglais et vous savez jusqu'à quel point... Je ne veux pas me faire le défenseur des vieux profs, mais, ayant 21 ans d'expérience, je me sens aller sur ce côté-là et je ne voudrais surtout pas que vous m'oubliiez.

Mme Lavoie-Roux: Si vous me le permettez, les griefs dont vous parlez, est-ce que c'étaient des gens qui n'avaient pas 35 ans de services, parce que ce pouvait être des ex-religieux? Alors, ce n'étaient pas nécessairement des gens qui avaient...

M. Tessier: Effectivement.

Mme Lavoie-Roux: On a eu ce cas chez les professeurs d'université aussi et même les juges nous ont demandé cela pour, finalement, avoir le droit à une retraite plus généreuse.

M. Tessier: C'est cela.

Le Président (M. Boucher): Oui.

M. Audy (Jacques): M. le Président, je suis heureux de constater que M. Chevrette relève le fait que les coupures budgétaires non planifiées et non échelonnées dans le temps ont des conséquences au niveau de la planification locale. Effectivement, dans le mémoire qu'on avait préparé relativement aux compressions budgétaires, on avait souligné le fait que l'utilisation des deniers publics était quelque chose de très important pour les commissions scolaires. Toutefois, il fallait se situer à l'intérieur d'une planification de ces coupures de façon à arriver avec des choix plus rationnels et non pas avec des choix qui soient arbitraires. Donc, je suis heureux de constater qu'ille réalise d'une façon concrète et que - M. Parizeau l'a déjà annoncé - une planification triennale devient quelque chose de fort important. Quand vous êtes pris dans un court laps de temps pour faire des choix budgétaires, cela a nécessairement des conséquences si on ne vous donne pas le temps de faire des rationalisations budgétaires.

Quant à l'orientation qui se trouve à l'intérieur du mémoire que nous avons présenté, il est certain que, concernant les objectifs du projet de loi comme tel, là où on s'interrogeait le plus, c'est à savoir: Est-ce que l'objectif est d'un ordre social ou s'il est d'un ordre économique? On connaît les problèmes qui ont été soulevés, que ce soit par le gouvernement actuel ou le gouvernement précédent, compte tenu des montants qui n'ont pas été pourvus face aux montants des pensions des personnes et à l'évolution ou au vieillissement de la population. Donc, on se disait: Est-ce que l'objectif est davantage de niveau économique pour pallier cela parce que le gouvernement n'aurait pas, à ce moment-là, à payer pour ces gens-là si un certain nombre de personnes continuaient à travailler par la suite? Donc, c'était une question qu'on se posait à ce moment-là. Il y a des sommes d'épargnées pour le gouvernement, mais il y a aussi une valorisation sociale qui se fait pour permettre à des gens qui ont encore les capacités de le faire, de continuer à travailler.

Dans notre mémoire, c'est un fait que la raison pour laquelle on enlève le mot "retire" pour le remplacer par le mot "retarde", c'est particulièrement relié à des phénomènes, comme M. le ministre l'a soulevé. Nous le comprenions d'une façon

beaucoup plus universelle, M. le ministre. On est heureux de constater le phénomène des exemptions. Lorsqu'on a envoyé le mémoire, on ne réalisait pas cela ou on ne percevait pas cela. (16 h 30)

Donc, l'exemption pour certaines catégories, c'est quelque chose d'important, de même que le fait d'une mise en application graduelle qui amène un certain réalisme dans l'établissement dans le temps d'une telle politique; ce sont des éléments qui permettent d'enlever le mot "retirer" pour parler de "retarder" à ce moment-là.

M. Lazure: M. le Président, juste sur la question précise à savoir que ce projet de loi n'a pas de visées économiques. Il a d'abord et avant tout une visée sociale. C'est dans le but d'ajouter un droit de plus à chaque individu, c'est-à-dire le droit de planifier sa retraite au moment où il le juge opportun, compte tenu de ses capacités physiques et mentales. C'est essentiellement un projet d'ordre social, si vous voulez, et non pas dans le but d'économiser des sous à l'État.

M. Audy: Oui, mais la question qu'on se posait là-dessus et sur laquelle on est d'accord dans notre document, c'est qu'on pense que les gens qui n'ont pas eu l'occasion de contribuer pendant longtemps à un fonds de retraite ont le droit, eux aussi, à une retraite décente. Ce sont des éléments qu'il faut considérer dans le choix à faire. Par contre, on sait que, sur le plan des choix sociaux qui ont à faire, il y a nécessairement des coûts économiques qu'il faut aussi envisager. À ce moment-là, la question qu'on se posait est: Que fait-on, par rapport aux chiffres qui ont été fournis par des actuaires, qui ont dit: À un moment donné il n'y aura pas assez de gens qui vont travailler pour payer les contributions de ceux qui seront retraités? Que fait-on avec ça sur le plan économique? Est-ce qu'il y a des orientations gouvernementales par rapport à cet aspect de la question ou du projet de loi?

M. Lazure: Cela déborde évidemment du cadre modeste et restreint de notre projet de loi. Il y a d'autres actions gouvernementales qui ont été prises, qui vont continuer d'être prises pour essayer de remédier le plus possible à ce problème-là.

La retraite anticipée qui sera favorisée dans une deuxième étape va être un des éléments de solution. C'est sûr qu'il va falloir aussi - et je l'ai dit - bonifier les régimes de retraite, autant les régimes privés que les régimes publics. En conclusion là-dessus, tout en n'ayant pas d'abord une portée économique, c'est bien sûr que, pour les quelque 1000 personnes qui vont vouloir bénéficier de ce nouveau droit et continuer de travailler au-delà de 65 ans, cela va avoir une portée économique importante, mais par rapport à l'ensemble de la main-d'oeuvre au Québec, ça reste très très marginal au point de vue du nombre.

Le Président (M. Boucher): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. Mme Gobeil, je suis heureuse que vous ayez soulevé ce problème très particulier qui existe dans le monde de l'éducation, à savoir la difficulté d'accueillir du sang neuf dans nos écoles. Ce phénomène de vieillissement progressif de notre corps professoral est grave, à mon sens, et en général - il y a des exceptions, naturellement - ce n'est pas dans le meilleur intérêt de nos enfants.

Le ministre a parlé d'un certain équilibre qui arrivera dans un certain nombre d'années, mais je peux vous assurer, M. le ministre, que dans les écoles anglophones le phénomène devient de pis en pis. Il n'y a pas beaucoup de chance de voir une amélioration dans l'avenir prévu.

J'ai deux questions. La première est un peu dans le même sens que celles des autres, mais je ne comprends pas vraiment votre inquiétude. Il y a beaucoup de problèmes, mais quand il s'agit de la loi 15 je ne comprends pas vraiment votre inquiétude. Compte tenu des incitations qui sont assez généreuses à l'heure actuelle dans les conventions collectives pour encourager les enseignants à quitter le monde de l'éducation, croyez-vous que la loi 15 aurait vraiment un effet négatif dans nos écoles?

Mme Gobeil: Mme la députée, selon les informations que m'ont données les professionnels, nous avons des réserves et des inquiétudes. Évidemment, ces inquiétudes ne pourraient être justifiées que par l'application de la loi.

Mme Dougherty: Vous avez parlé des autres mesures, une certaine possibilité de renforcer les incitations déjà prévues aux conventions collectives. Croyez-vous que les enseignants seront prêts "to trade off" un certain pourcentage de leur sécurité d'emploi contre une amélioration de ces mesures?

Mme Gobeil: Franchement, Mme la députée, je vous assure que je ne suis pas la personne qui peut vous donner la réponse.

Mme Dougherty: D'accord. Deuxième question. N'avez-vous jamais examiné ou considéré l'implantation du système de l'année sabbatique régulière, "sabbatical leave", pour tout enseignant, payé par les enseignants eux-mêmes à l'aide d'un certain pourcentage de leur salaire qui serait déféré?

II y a un tel plan au cégep de Vanier;

je ne sais pas s'il y a d'autres cégeps qui l'ont adopté. C'est un plan facultatif qui a été choisi par plusieurs professeurs, à Vanier, et il a été établi en concertation avec un plan d'assurance privé. Ce pourrait être quelque chose à examiner par la fédération pour soulager le problème de surplus et aussi le problème du vieillissement.

J'ai eu quelques renseignements sur ce programme. Lors des prochaines négociations, ce serait quelque chose qu'on pourrait introduire pour améliorer la situation. Cela ne coûterait rien au gouvernement et il y gagnerait beaucoup.

Mme Gobeil: Si vous me le permettez, M. le Président, le plan que Mme la députée souligne nous est demandé par les cadres. On est en train de l'étudier. En ce qui concerne les enseignants, que je sache, il n'y a rien eu de fait; cependant, le directeur général aurait quelques commentaires à faire.

M. Audy: Quant à votre première question, Mme Dougherty, sur les mécanismes de sécurité d'emploi, et comme le mentionnait M. Chevrette tout à l'heure, on constate qu'avec les nouveaux mécanismes de sécurité d'emploi, il y a eu un intérêt assez marqué par les enseignants - je n'ai pas de chiffres à l'appui - face à la question des primes de séparation. De façon à négocier leur départ, on s'est aperçu qu'il y a eu un intérêt assez évident pour les enseignants de quitter le système moyennant des primes de séparation. Donc, cela pourrait renchérir dans le sens de ce que M. Chevrette mentionnait tout à l'heure.

Là-dessus, quelle ampleur cela prendra-t-il? C'est peut-être sur une base triennale ou quinquennale qu'on sera à même de constater, lors de la prochaine ronde de négociations, si cela peut devenir un problème, si on constatait un net intérêt à sortir de l'enseignement moyennant des sommes qui peuvent devenir plus ou moins intéressantes.

Quant à la deuxième question, savoir étaler dans le temps ou pouvoir payer pendant un certain nombre d'années pour, à un moment donné, avoir le droit de prendre une année sabbatique payée par ce que vous appelez le salaire différé, effectivement, les questions sont posées par des cadres ou des hors-cadres des commissions scolaires. On nous demande de regarder cette possibilité compte tenu que les congés de perfectionnement, avec solde ou sans solde, sont beaucoup plus difficiles ou beaucoup plus restreints au niveau de ce type de personnel. Ces derniers s'intéressent à cette question.

Je savais qu'au niveau des cégeps, cela existait ou qu'il y avait une approche à titre expérimental. Mais au niveau du réseau primaire et secondaire, à ma connaissance, je n'ai rien vu sur cette question de la part de la CEQ. C'est sûrement un point qu'il faudrait regarder, comme d'autres mesures, de façon à absorber les surplus de personnel. Il ne faut pas oublier que lorsque les gens partent en congé avec solde ou en congé sans solde, cela permet l'utilisation d'un certain nombre de personnes en surplus ou le rappel d'un certain nombre de personnes non réengagées. Donc, il y a des effets positifs. Le fait d'élargir ces possibilités peut avoir des effets positifs sur le système parce que les gens reviennent peut-être avec une façon différente de concevoir l'enseignement, ils reviennent davantage des gens de ressource. Je pense que toute cette question devrait être davantage explorée.

Le Président (M. Boucher): Merci. Au nom des membres de la commission, je remercie la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, Mme Gobeil, MM. Audy et Tessier, pour la présentation de leur mémoire.

Préalablement, il y avait l'Université du Québec et l'Université McGill qui ont présenté chacune son mémoire pour dépôt seulement. J'appelle maintenant M. Pierre Demers, à titre personnel.

M. Pierre Demers

M. Demers (Pierre): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission parlementaire, mesdames, messieurs, je suis honoré d'être admis dans cette enceinte réputée et auguste, je dirais. Je m'y instruis et j'ai entendu beaucoup de choses fort intéressantes dont je tâcherai de faire mon profit. Je fais une remarque d'ordre général. J'admire la démocratie à l'oeuvre dans ces commissions parlementaires. Mes remarques suivent l'ordre des notes que j'ai rédigées. Elles sont faites au nom des signataires d'un télégramme qui sont les professeurs Adamkiewicz, faculté de médecine; de Grandpré, faculté des sciences de l'éducation; Paul Lorrain, département de physique.

Ce mémoire, dont je prends l'entière responsabilité, représente cependant un consensus au sein d'un groupe de professeurs à l'Université de Montréal qui s'appellent les doyens d'âge. Il comprend le professeur Brody et le professeur Roback des relations industrielles, le professeur Ross d'études hispaniques, les professeurs Morel et Savoie de la faculté de droit, Charles Murin et Lagadec de philosophie, MacNeil, d'urbanisme, Nicodème-Joffe qui est directrice des bibliothèques, et j'ai mentionné les autres.

Une première remarque: II faut savoir gré au gouvernement de se préoccuper du troisième âge, de ce troisième âge qui nous concerne tous, sans distinction de race, de

sexe, de religion et le reste; de ce troisième âge qui, depuis de longues années, est traité cruellement par le deuxième âge, peut-être parce que les plus jeunes, préférant l'illusion, veulent se séparer le plus possible de la catégorie lointaine de ceux qui vont mourir avant eux. En cause sont la dignité humaine, motif principal de toutes les chartes des droits, la qualité de la vie, qui seront désormais mieux respectées et ce sera à l'honneur du Québec.

Il faut savoir gré aux syndicats, telle la CSN qui fête son soixantième, qui a lutté pour implanter les pensions en faveur du troisième âge. C'était un progrès social, mais il ne faudrait pas qu'au nom du système financier de ces pensions, on retarde davantage cet autre progrès social qu'est le droit au travail du troisième âge.

Des mémoires que j'ai entendus aujourd'hui, un bon nombre étaient d'ordre financier et économique. Comme vous le voyez, je m'engage dans une voie plutôt sociologique.

Droit au travail, à un travail productif. Beaucoup de vieux et surtout de vieilles souffrent au point de vue financier, et d'autres que nous ne manqueront pas de toucher cet aspect important que cependant notre mémoire ne touchera pas. (16 h 45)

Notre mémoire s'inquiète du droit de travailler et de poursuivre un travail productif, surtout en recherche scientifique et surtout à l'université. On refuse ce droit aux retraités, dans la pratique. Sauf changement, on le refusera à ceux qui sont sur les listes pour le 1er juin 1982. On le refuse déjà d'avance à ceux qui sont désignés pour la retraite dans quelques années. On les met sur la tablette, à cinq, peut-être à dix ans de cette échéance. On les contraint à réduire leurs activités, et cette situation est dommageable pour la collectivité autant que pour les professeurs chercheurs mis ainsi en veilleuse. Une centaine de professeurs touchent les 65 ans à chaque année au Québec. Sur ce nombre, entre 10% et 20% sont désireux et capables de rester actifs. On voit que ces professeurs du troisième âge, ceux qui sont désignés pour prendre leur retraite et ceux qui sont mis sur la tablette, comme je l'ai dit, forment un apport non négligeable au potentiel humain en matière de recherche scientifique à cette époque où le Québec manque de scientifiques et surtout de scientifiques expérimentés.

Voici quelques commentaires concernant "Place aux jeunes!" sous l'aspect de la psychologie. Paul Lacoste, recteur de l'Université de Montréal, qui s'est exprimé il y a quelques jours dans cette enceinte, a dit devant l'assemblée universitaire: "II est sûr que la maturité et la sagesse sont des éléments fort importants dans certaines disciplines, mais ils jouent beaucoup moins pour les professeurs qui oeuvrent en physique, en mathématiques, par exemple. En moyenne, cet âge représente celui où il vaut mieux se retirer et laisser la place aux plus jeunes." C'était le 14 septembre dernier. Je viens d'apercevoir des remarques du même genre dans le mémoire de je ne sais quel corps, qui portait l'en-tête "Université du Québec", et de même pour l'Université McGill.

Thérèse Gouin-Décarie, professeur au département de psychologie de l'Université de Montréal, a répondu à ces propos quelques semaines plus tard à l'assemblée universitaire également. C'était le 5 octobre dernier. "Si l'on observe une diminution de productivité avant 65 ans, celle-ci est beaucoup imputable à l'imminence de la retraite. Pourquoi travailler si fort s'il faut arrêter brusquement dans six mois, dans un an ou dans deux ans? Des facteurs socioculturels de découragement sont plus importants que la diminution des facultés du professeur chercheur."

Il y a une enquête de Physics Today, un périodique, un bulletin de l'American Physical Society paru en janvier 1980, et je vous prie de corriger, ce n'est pas 1981, comme c'est écrit dans le texte. Pour les physiciens, d'accord avec les enquêtes des sénateurs du Canada, du Bureau international du travail, de la Commission des droits de la personne du Québec, de la Fédération de l'âge d'or du Québec, pour l'ensemble des travailleurs, cette enquête de Physics Today a démontré que la productivité et la créativité des personnes en activité est loin de diminuer avec l'incidence du troisième âge, pourvu que ces personnes soient placées dans des circonstances socioculturelles favorisant leur activité.

Quant à faire place aux jeunes, je suis d'accord. J'ai des jeunes à placer. Je suis en charge de trois garçons et j'espère qu'ils se placeront dans la vie, eux aussi, mais voici des remarques au sujet des vieux en concurrence avec les jeunes. Les jeunes sont-ils tous productifs et créateurs, capables de se renouveler? Je viens d'apercevoir - c'est dans le mémoire de l'Université du Québec -des remarques du même type. La créativité et la productivité sont intenses chez les jeunes avant leur doctorat, pendant la période de préparation de leur doctorat et immédiatement après. Est-ce qu'ils restent productifs par la suite avant qu'ils soient catégorisés comme approchant du troisième âge ou y appartenant?

La retraite anticipée étant rendue davantage accessible, comme il vient d'en être question, n'est-ce pas, M. le ministre, plusieurs professeurs la prendraient avant 65 ans, la moyenne étant de 61,2 années, selon un sondage syndical, un sondage réalisé par le Syndicat général des professeurs de l'Université de Montréal, à l'automne 1979 et

au début de 1980. De plus, près de 10% des professeurs de l'Université de Montréal quittent chaque année le corps professoral spontanément, en plus de ceux qui sont désignés pour la retraite et qui prennent leur retraite, veut ou veut pas. Cela représente près de 100 professeurs qui quittent spontanément l'Université de Montréal chaque année sur un corps d'environ 1000 à 1200. Ces données viennent également du Syndicat général des professeurs de l'Université de Montréal.

Cela crée autant de places vides, je dis vides, et non pas de places disponibles parce que, selon les procédés, les méthodes ce qu'on appelle la politique de l'Université de Montréal, les postes quittés ne sont pas maintenus; ils restent vacants. Donc, les jeunes ne les occupent pas dans ces conditions. Si les jeunes restaient un peu plus longtemps à l'école des vieux, serait-ce un tel mal? Plus il y a d'activités dans un domaine comme celles que les vieux professeurs encore actifs peuvent maintenir, plus il y a de profit pour tous. Que dire des immigrants? Allons-nous interdire l'immigration? Chaque immigrant qui nous arrive prend une place qu'un des nôtres ne prendra pas. Après tout, le Québec n'est pas aussi exigu que le Radeau de la Méduse.

Je vais parler maintenant de dispositions que j'appelle, faute d'une autre appellation et pour me faire comprendre, rétroactives ou postactives, selon qu'il vous plaira de les appeler. Certains employeurs prévenus depuis 1976, année où la Commission des droits de la personne a recommandé que l'on ajoute le mot "âge" dans la Charte des droits de la personne, ont restreint injustement les conditions de maintien en fonction de leurs employés, restrictions qui deviendront, nous l'espérons tous, illégales.

Il convient que ces employeurs réparent le tort causé aux employés ainsi congédiés contre leur gré, le tort causé à la collectivité par l'oisiveté et l'improductivité imposées à ces employés.

L'Université de Montréal a attribué des droits et des privilèges aux professeurs à la retraite, démontrant par là que ceux-ci étaient mis à la retraite pour cause de discipline et non d'incapacité, puisqu'on leur donne des droits et des privilèges d'ordre académique. La différence est que le professeur à la retraite se trouve livré au bon plaisir et à l'arbitraire des administrateurs pour l'exercice de ses fonctions administratives, d'enseignement, d'étude, de recherche et de publication; le tout est mentionné nommément dans le règlement de ces droits et privilèges. On le prive cependant totalement de droits politiques, on lui accorde le statut d'un mineur ou d'un étranger: troisième âge égale ghetto politique.

Cela explique que le professeur à la retraite ou sur le point de l'être redoute de se plaindre en public. S'il réclame c'est à force de faire antichambre et de faire des révérences devant les administrateurs. Bravoure et témérité l'exposeraient à des représailles. De plus, il devient exclu de la protection syndicale. Finalement, le règlement sur les droits et privilèges des professeurs à la retraite, adopté en 1970, n'a à peu près pas servi. Comme le signalait le professeur Nicodème-Joffe, l'administration a regardé ce règlement avec désinvolture. C'était le 5 octobre dernier.

Les professeurs du troisième âge devraient conserver, qu'ils soient à la retraite ou non, leurs droits politiques, surtout en matière d'évaluation des collègues aux fins de réorientation ou de mise à la retraite pour cause juste. En effet, si l'on songe aux moyens de réaliser un processus d'évaluation permettant de mettre à la retraite obligatoire des professeurs qui vraiment ne peuvent plus faire leur ouvrage correctement, il faut bien songer à des comités. On songe naturellement, en milieu démocratique, à des comités de pairs. Mais qui sont ces pairs? Qui est votre pair? Quel est mon pair? De qui suis-je le pair? S'il suffit pour les pairs de désigner l'un des leurs pour aller obligatoirement à la retraite et si, après cela, celui qui est mis à la retraite ne peut pas avoir d'action en retour sur celui qui l'a mis à la retraite, qui l'a obligé à prendre sa retraite, il y a un manque de parité. Il faut songer à ces circonstances très humaines. Je propose donc que les professeurs du troisième âge devraient conserver leurs droits politiques.

Quant à la syndicalisation, il serait discriminatoire de former un syndicat de professeurs du troisième âge seulement. Si nous voulons combattre la discrimination selon l'âge, ne l'établissons pas en décidant qu'il faut un syndicat du troisième âge. Mieux vaudrait que les professeurs du troisième âge continuent d'appartenir à l'unité de négociation réunissant tous les professeurs. Une lettre que j'ai reçue de Francine Panet-Raymond et une autre reçue de Pierre Blache sont déterminantes à ce sujet: un professeur à la retraite est considéré comme en dehors de l'unité de négociation. Francine Panet-Raymond est dans le contentieux de l'Université de Montréal et Pierre Blache s'occupe de la Fédération des associations de professeurs d'universités du Québec.

J'aurais des remarques à faire au sujet d'université, direction, syndicat et doyens d'âge. L'Université de Montréal, cela ne comprend pas seulement la direction, cela comprend aussi des professeurs. La direction s'est fait entendre il y a une semaine. Des professeurs se sont fait entendre ici par le Syndicat général des professeurs de

l'Université de Montréal. Cette fois-ci, présentement, des professeurs s'expriment dans le présent mémoire des doyens d'âge.

J'aurais une remarque concernant le moratoire que la direction de l'Université de Montréal a recommandé vis-à-vis de l'abolition de la retraite obligatoire. Le mémoire de la direction est l'oeuvre des permanents de l'université. S'ils ont proposé un moratoire, je crois savoir pourquoi. C'est parce que j'ai engagé un procès contre l'université et celle-ci ne veut pas envenimer la situation.

Bientôt, espérons-le, la loi 15 et les amendements à la charte répareront ces difficultés que nous avons mentionnées. Nous avons d'excellentes raisons de croire que ces dispositions nouvelles rendront plus heureux et plus productifs les vieux citoyens du Québec et que ce sera au profit général. (17 heures)

J'aimerais ajouter quelques remarques précisément sur la loi no 15. Les remarques que je viens de faire sont très générales ou très spécifiques à l'université. Tel que la loi est rédigée, elle n'interdirait pas à un employeur de refuser une personne du troisième âge pour cause d'âge. L'abolitition de la discrimination selon l'âge en matière d'emploi ou de promotion réclame autre chose que le texte du projet de loi 15, tel qu'il est actuellement; cela pourrait relever d'amendements à la Charte des droits et libertés de la personne, bien sûr.

Un danger doublé d'un illogisme - c'est peut-être un pléonasme si j'en parle, puisque M. le ministre vient de signaler la chose -apparaît aux dernières lignes des notes explicatives et aux dernières lignes de l'article 7 du projet de loi no 15, tel que déposé le 17 juin de cette année. Il permet à un employeur mis au courant de renvoyer légalement, pour cause d'âge, à telle époque, au choix dudit employeur, une personne actuellement à son emploi. Il suffit à l'employeur qu'il ait donné son avis - il pourrait le donner aujourd'hui, il aurait pu le donner il y a quelques jours, quelques mois -et le reste de la loi sera contourné.

Dans le cas de l'Université de Montréal, l'avis est censé être déjà donné. Tous les membres, non seulement les professeurs, mais tous les employés de l'Université de Montréal membres du régime de retraite sont avisés, par un texte qu'ils connaissent ou qu'ils ne connaissent pas, que la retraite est automatique et obligatoire à 65 ans.

J'aimerais lire également à ce moment-ci deux autres remarques de ce texte, si vous le voulez bien, M. le Président. Il faudrait que le syndicat soit habilité à défendre les personnes qui étaient membres du syndicat, de l'unité de négociation et qui sont à la retraite.

Le Président (M. Boucher): Monsieur, vous m'excuserez, le texte que vous avez déposé ici, entreprenez-vous de le lire immédiatement?

M. Demers: Non.

Le Président (M. Boucher): Ah bon! d'accord.

M. Demers: Je n'ai plus que quatre lignes à lire...

Le Président (M. Boucher): Oui.

M. Demers: ... deux, même. Le maintien en fonction d'une personne âgée ne devrait pas être plus exigeant que le maintien en fonction d'une personne plus jeune. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Demers. M. le ministre.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux remercier M. Demers de s'être déplacé pour venir nous faire part de ses commentaires sur le projet de loi.

M. Demers comprendra qu'il est toujours extrêmement difficile pour le législateur de rendre une loi rétroactive, malgré toute la sympathie qu'on peut avoir pour les inconvénients que lui-même a éprouvés ou que d'autres dans une situation équivalente ont pu éprouver. Si on a manifesté une certaine hâte à adopter ce projet de loi antidiscrimination, c'est justement pour que le moins d'individus possible souffrent des préjudices dont vous semblez avoir souffert. Je ne vois pas comment on pourrait rendre rétroactive cette loi.

D'autre part, vous êtes un témoignage vivant d'une certaine urgence à abolir cette discrimination.

Il faut aussi tomber d'accord avec vous lorsque vous réclamez que non seulement la personne de 65 ans qui en a les aptitudes doive continuer de travailler, mais qu'elle doive aussi utiliser et jouir de tous ses droits politiques, ce que vous appelez les droits politiques. À ce chapitre, certains organismes, peut-être même certains organismes syndicaux, devront prendre leurs responsabilités et admettre que la défense des droits de leurs employés, qu'ils aient 22 ans ou 67 ans, est tout aussi importante. On a souvent exprimé le principe qu'à travail égal, la rémunération devrait être égale, peu importe l'âge. Il s'ensuit quant à nous, si on abolit la discrimination d'une mise à la retraite forcée à cause d'un âge, qu'il faut maintenir les droits qui accompagnent le statut de travailleur.

La charte, si elle était modifiée à la suite de la commission parlementaire, si elle

était modifiée dans le sens d'inclure l'âge comme un nouveau motif de discrimination, cela ne ferait que rendre encore plus forte la position du gouvernement vis-à-vis de cette question. Cela ne ferait que renforcer aussi les droits des travailleurs, des travailleuses de continuer à occuper un emploi au-delà de 65 ans. Il n'y a pas de contradiction entre une inclusion de ce droit dans la charte des droits et l'adoption d'un projet de loi qui en plus d'abolir la discrimination, trace une voie pour régler des cas particuliers qui pourraient surgir et qui semblent être le résultat de cette discrimination.

Finalement, je pense que vous avez bien traité cet argument un peu trop facile, qu'on a entendu de la part de certains groupes, à savoir qu'une telle loi viendrait enlever des places aux jeunes. Plus on entend les argumentations de ceux qui s'opposent à la loi, parce que entre autres choses, ça va enlever des places aux jeunes, plus on se rend compte que ces gens-là utilisent un autre type de discrimination. Comme vous l'avez bien remarqué tantôt, si on continuait ce raisonnement jusqu'à l'absurde, cela pourrait nous amener à bloquer toute forme d'immigration ou à bloquer tout mouvement d'émancipation de quelque minorité que ce soit qui a été brimée dans ses droits.

M. le Président, je veux remercier M. Demers et l'assurer, quant à nous, que les inconvénients qu'il nous a décrits dans son mémoire, nous pensons justement que ce projet de loi devrait y remédier dans l'avenir.

M. Demers: Merci.

Le président (M. Boucher): M. Demers.

M. Demers: J'ai écouté avec intérêt les propos de M. le ministre. Quant à l'effet rétroactif, j'ai hésité à employer le mot "rétro" parce que la loi no 15 mentionne expressément qu'il n'y aura pas d'effet rétroactif. Bien sûr, une loi_ n'a jamais d'effet rétroactif. Elle peut légaliser ou rendre illégal quelque chose à cause d'un acte précédant la sanction de la loi. Par exemple, si un propriétaire a construit une usine sur un terrain où il n'a pas le droit, on peut changer le code de zonage et déclarer qu'il y a un effet rétroactif. Enfin, ce n'est pas véritablement un effet rétroactif, c'est un effet postactif. Ici, j'ai eu l'idée de mettre aussi postactif. Ce n'est peut-être ni l'un ni l'autre d'ailleurs; c'est quelque chose qui correspond au principe général de la dignité humaine. Si l'on a dans le passé brimé des personnes par des gestes injustes que l'on déclare enfin illégaux, il convient que la société prenne des moyens adéquats pour que le dommage causé, que l'on reconnaît enfin, soit réparé d'une manière ou d'une autre. Comment le faire? Je vous avoue que je ne vois pas de formule législative précise.

M. le ministre, dans votre discours du 17 juin, vous avez parlé d'un changement des mentalités. C'est surtout cela qu'il faut changer et, ce sera une conséquence, en autant que les changements législatifs causent des conséquences, des mesures législatives qui sont en marche actuellement. Il faut que les mentalités changent au point que les personnes qui ont été mises à la retraite contre leur gré, de force et injustement, soient compensées d'une manière adéquate. Voilà ce que je voulais dire.

Quant à la formule exacte, je crois que les législateurs sont capables de s'ingénier à trouver les formules, je ne sais pas si ce sont des lois, des règlements, des discours.

Le Président (M. Boucher): Mme la député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. À mon tour, je veux remercier M. Demers. J'ai lu avec attention son mémoire, d'autant plus qu'il était quelque peu dissident par rapport au mémoire présenté par la direction de l'Université de Montréal.

Je pense que le ministre a déjà souligné les points les plus importants, la question de la rétroactivité, etc. Je voudrais simplement dire comment j'ai apprécié le message plus général que vous nous portez eu égard à la discrimination vis-à-vis des personnes âgées. Je pense qu'on n'est pas assez sensibilisé à ceci. Évidemment, on parle de l'abolition de l'âge de la retraite, on dit que c'est un facteur de discrimination que l'on va enlever, mais il y a aussi tout ce qui, par exemple, touche l'affichage, touche la publicité; vous en donnez plusieurs exemples dans votre mémoire. Je pense que de la même façon qu'on se sensibilise petit à petit par la publicité, par des efforts de non-discrimination à l'endroit des personnes handicapées et particulièrement des femmes, peut-être que l'on devrait avoir le même souci à l'égard des personnes âgées. En tout cas, peut-être que votre mémoire original, qui était plus développé, m'apporte ce message que je trouve extrêmement important et peut-être que l'on pourra prendre des mesures ponctuelles pour les personnes âgées, dans ce cas-ci, l'abolition de l'âge de la retraite. Mais je pense qu'il y a tout ce domaine plus grand de la discrimination parfois subtile, mais bien réelle qui s'exerce à l'endroit des personnes âgées et je vous remercie de nous l'avoir souligné d'une façon très concrète. J'espère que, d'un côté et de l'autre de la Chambre, cela nous inspirera d'autres gestes dans le sens de la non-discrimination à l'endroit des personnes âgées ou de correctifs à apporter

pour éliminer cette discrimination. Alors je vous remercie, M. Demers.

M. Demers: Merci, Mme Lavoie-Roux.

Le Président (Boucher): Merci, M. Demers. Il n'y a pas d'autres questions?

Alors, au nom des membres de la commission, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. J'invite maintenant M. Léo Gosselin, à titre personnel.

M. Léo Gosselin

M. Gosselin (Léo): M. le Président, M. le ministre Lazure, Mme la députée de L'Acadie, messieurs les commissaires, après avoir entendu les représentants de l'Association des manufacturiers canadiens, de la Fédération des écoles catholiques, de l'Institut des actuaires et certains autres, je suis à me demander si mon mémoire pourra porter les fruits attendus.

Je vais quand même y aller de mes notes, croyant répondre à une demande faite par un certain nombre de retraités, même si le tout est traité personnellement.

Mes premiers mots seront pour remercier votre commission de pouvoir exprimer mes idées sur ce projet de loi.

Au dernier paragraphe des notes explicatives du paragraphe 7, no 1, on dit que ce projet ne s'appliquera pas aux personnes qui, à la date de la sanction de la loi no 15, sont à la retraite. Mon cas diffère un peu ici car, sitôt mis à la retraite, le 10 mai 1981, j'ai été appelé à titre occasionnel le 11 mai 1981; je dois donc penser à une continuation de travail, ce qui pourrait affecter ledit paragraphe des notes explicatives.

Au paragraphe 5 de cette loi, vous avez parlé, M. le ministre, de l'abolir. Dans mon cas, y étant allé de ma participation pour un séjour de quatre ans et trois mois, la retraite actuelle est de 32,81 $ par 15 jours.

Ma mise à la retraite comprend deux points. Le premier point est qu'ayant travaillé pour des compagnies privées, ces dernières ne possédant aucune sorte de retraite, sauf une remise d'un plateau en argent et d'un léger cadeau en espèces en remerciement de services rendus, ce n'est pas très encourageant pour celui qui s'est démené toute une vie pour n'avoir rien en face de la retraite de ces dites compagnies.

Le retraité de 65 ans qui a effleuré ces remises ne peut dire qu'il vivra aisément le reste de ses jours. Nombre de retraités possèdent une maison, une petite famille et ont certes besoin d'un revenu additionnel aux deux pensions gouvernementales, la pension de vieillesse et la Régie des rentes du Québec, pour ceux qui y ont participé, le tout estimé à environ 500 $ par mois. (17 h 15)

On nous a déjà dit: Achetez-vous une maison, les loyers sont trop chers. Mais comment un retraité peut-il continuer à payer ladite maison avec les comptes effroyables de taxes municipales et scolaires, le chauffage, l'électricité, la nourriture, le vêtement, et quelquefois l'automobile, avec le prix de l'essence, l'entretien, les assurances, les plaques? Comment peut-il arriver avec ces montants? Dans mon cas, 32,95 $ par quinzaine, donc, j'ai besoin d'un travail rémunérateur pour combler le vide.

La loi pourrait être amendée pour que le retraité puisse continuer son travail s'il remplit les conditions suivantes, qui peuvent être ajoutées au paragraphe en question: 1) jouir d'une bonne santé, et ceci approuvé par des médecins compétents; 2) que le travail qu'il a exécuté ou qu'il exécute encore ait toujours été satisfaisant, les fiches de notation des supérieurs en faisant foi.

Je ne vois pas l'obligation de la fonction publique de laisser aller un homme qui, certes, a de très bonnes qualités de travailleur assidu, de fiabilité, d'honnêteté, pour prendre un jeune homme sans expérience qui - on le voit tous les jours -veut travailler sans prendre de responsabilité, se fichant de tout ordre des supérieurs et voulant retirer des bénéfices de son travail, au lieu de garder celui qui a toujours fait un travail complet et qui possède encore, malgré ses 65 ans, les preuves de rendement futur adéquat et honnête pour pouvoir continuer à payer et sa maison familiale et, dans mon cas, élever une jeune fille qui se dirige en physiothérapie, cours assez coûteux, sans oublier toutes les autres dépenses afférentes à ces cours.

Je ne ferais pas de suggestion semblable, M. le ministre, si je jugeais de l'incapacité du retraité à vaquer à ses occupations par maladie, par paresse ou autre motif quelconque. Mais croyez que j'irai jusqu'au bout afin que le projet de loi no 15 soit non seulement accepté, mais amendé pour qu'une rétroactivité - M. le ministre, je pense que vous en avez parlé -soit accordée à celui qui est actuellement retraité, qui veut travailler, afin qu'il puisse le faire sans que le paragraphe 7 soit inclus dans le projet et, ainsi, l'empêche de continuer le travail qu'il exécutait à merveille avant son départ.

Une seconde suggestion vient s'ajouter aux autres. Que le retraité, lorsqu'il sera appelé au travail à 65 ans, fasse la remise des montants reçus de ladite retraite - dans mon cas, 32,81 $ par semaine - pour continuer à contribuer au régime de retraite, ce qui augmentera ses prochains revenus au moment de la retraite de son choix. Croyez que vous avez devant vous un homme en

santé, qui peut travailler aux heures exigées sans maugréer et ainsi profiter des largesses, très agréablement acceptées, du gouvernement à qui il a voulu donner tout son coeur et une partie de ses forces.

M. le ministre, croyez en mon bon vouloir de vous être agréable et en celui d'obtenir ce que plusieurs retraités désirent depuis fort longtemps. Si vous avez eu à projeter l'abolition de la retraite à 65 ans, c'est que d'autres avant moi ont émis l'idée qu'en 1981, pour survivre, il faut des revenus additionnels qui peuvent aider l'homme âgé, après avoir peiné toute sa vie, à jouir, lors de sa retraite, d'années heureuses sans heurts avant de passer dans l'autre monde.

Croyez que votre humble serviteur pourra en tout temps aider les commissaires dans les travaux futurs pour l'abolition de la retraite qui, pour d'aucuns, est un commencement de stress qui mène à la maladie, au recours à des médicaments de tout genre pour calmer les nerfs affaiblis par les exigences de toutes sortes, sans compter les désunions qu'apportent les revenus minimes face aux fortes dépenses des années quatre-vingt, ce qui n'est pas mon problème.

Je désirerais ajouter quelques mots à ce mémoire au sujet de candidats qui désirent prendre leur retraite avant 65 ans et qui sont pénalisés par le régime les forçant à se rendre au terme cité dans la loi. Pourquoi n'accepteriez-vous pas de mettre à la retraite sans pénalité, après vingt ans de service, ceux qui le désirent? Ce qui, à mon avis, laisserait la place aux jeunes sans toutefois oublier que ceux qui ont 65 ans, une bonne santé et un grand désir de continuer à travailler doivent pouvoir le faire.

Messieurs les commissaires, il faut y voir. Je vous ai raconté une partie de ma vie personnelle, mais combien sont de mon avis? Vous me direz que ceci est vrai, et j'aimerais interroger ceux qui sont présentement à la retraite, qui en arrachent avec leur petite pension et qui, à 65 ans, auraient préféré continuer à travailler, ce qui les aurait aidés à joindre les deux bouts.

Que vous travailliez pour les villes ou les commerces, il faudrait qu'un plan de retraite soit étudié par les autorités gouvernementales afin que chaque commerce ait un plan approprié de retraite pour que les employés ne soient pas tous intéressés à travailler gouvernementalement, la clause de la retraite et la sécurité d'emploi étant les premiers atouts.

Je ne connais ici à Québec que quelques firmes qui possèdent un plan de retraite et combien heureux en sont les membres. Ils n'envient aucunement les employés du gouvernement, car ils ont les mêmes privilèges qu'eux et peuvent donner leur place aux jeunes car, pour eux, la retraite sera belle, n'ayant à envisager aucun problème financier à venir.

Avec l'aide de nos gouvernements, avec nos impôts, nous sommes sûrs que le gouvernement, sous quelque forme que ce soit, pourra aider le retraité afin qu'il puisse finir ses jours heureux, sans problème et parmi les siens, à avancer dans la vie sans qu'il ait à recourir à tous les services sociaux pour joindre - ce qui a été dit - les deux bouts.

Je vous ai dit antérieurement que j'irai jusqu'à la fin et plusieurs sont heureux de mon initiative car eux-mêmes auraient voulu parler sans en avoir la permission ou la chance de crier tout fort ce qu'ils pensaient tout bas. Il est un temps où tous, nous devons nous donner la main pour que nos futurs retraités soient heureux de leur sort. Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Gosselin. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je remercie beaucoup M. Gosselin de se présenter devant nous et de nous faire part de son point de vue. Alors qu'on arrive à la fin de cette commission parlementaire - il nous reste un groupe important à entendre, la CSD presque au terme de cette commission, il est extrêmement précieux qu'on puisse de nouveau entendre directement, comme on l'a fait au tout début avec la Fédération des clubs de l'âge d'or du Québec, le témoignage d'une jeune personne âgée qui, elle-même, a souffert de cette obligation de se retirer à 65 ans.

À ces commissions parlementaires, avec toutes les exigences bureaucratiques qui accompagnent la préparation de mémoires, on est souvent porté à les oublier ou à accorder moins d'importance aux groupements ou aux individus qui ont moins de moyens que certains groupements patronaux ou même syndicaux. On a entendu les groupements patronaux; de façon générale, ils nous font valoir que, oui, c'est peut-être correct d'enlever cette retraite obligatoire, mais cela va nous déranger, disent-ils; cela va peut-être coûter plus cher, cela va peut-être occasionner des bouleversements dans nos méthodes de gestion du personnel. Tout cela est un peu vrai.

Mais ce que vous venez de dire, comme M. Demers auparavant, c'est aussi très vrai. Tout en gardant en tête que la vaste majorité des gens, que ce soit dans les secteurs public ou privé, veulent se retirer à 65 ans et même plus tôt, je crois qu'il est du devoir d'un gouvernement de permettre à ceux et celles qui veulent prolonger leur vie active au travail de le faire. C'est cela qui est l'objectif premier du projet de loi. À travers vous et quelques autres personnes qui sont venues témoigner ici, aussi bien que les quelque 500 personnes qui nous ont écrit à

titre personnel, on entend un son de cloche qu'il faut respecter.

Je dois dire malheureusement, comme je l'ai dit à M. Demers tantôt, qu'il est à peu près impossible d'introduire un effet rétroactif dans la loi. C'est regrettable pour les individus comme vous qui, déjà, ont été pénalisés par cette retraite obligatoire, mais cela ne fait que souligner l'urgence d'adopter une telle loi.

Vous dites quelques mots sur la retraite anticipée. Cela permet de répéter encore une fois que, dans une deuxième étape dans le cadre de cette amélioration des revenus des personnes âgées, il est bien sûr qu'on va permettre et encourager la retraite anticipée, surtout pour les travailleurs et les travailleuses qui ont eu des emplois difficiles, la retraite anticipée, par exemple, dans un premier temps, pour les travailleurs qui souffrent à 25% d'invalidité, d'incapacité due soit à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, tout en leur donnant 100% de prestation d'invalidité.

Finalement, vos commentaires sur les régimes supplémentaires de rentes sont tout à fait appropriés. Il y a à peine 45% de toute la main-d'oeuvre du Québec qui bénéficient de régimes supplémentaires de rentes. Les employeurs au Québec ont encore beaucoup de chemin à faire pour offrir une protection supplémentaire correcte, adéquate à leur main-d'oeuvre. Si les débats qui entourent la présentation de ce projet de loi peuvent aider les employeurs du Québec à améliorer les régimes de retraite privés lorsqu'ils existent ou encore à les créer lorsqu'ils n'existent pas, cela aura été un des effets bénéfiques, un des effets intéressants de tout cet exercice.

Je veux vous remercier encore une fois et vous dire avec regret qu'on ne pourra pas, par cette loi, remédier à votre situation personnelle, mais on va faire de la prévention, on va au moins permettre à plusieurs, à l'avenir, de ne pas avoir les mêmes inconvénients que vous avez eus.

Le Président (M. Boucher): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais également remercier M. Gosselin pour son mémoire. Je pense qu'il l'a fait avec beaucoup de conviction. On sentait que c'était un problème qu'il vivait et qu'il partageait avec d'autres de ses amis.

Nous avons ici, à quelques reprises, déploré que le gouvernement n'ait pas agi plus tôt à la suite du rapport de COFIRENTES qu'il a entre les mains depuis 1977 où, justement, on déplorait le manque de régimes de retraite supplémentaires pour plusieurs personnes, mais, entre autres, dans le domaine privé. L'Ontario et probablement d'autres provinces ont déjà légiféré dans ce sens-là. Je pense qu'il y a une obligation faite à toutes les entreprises privées de prévoir un système...

M. Lazure: Où?

Mme Lavoie-Roux: En Ontario.

M. Lazure: Petite correction. Non, ce n'est pas fait encore. Ils ont exprimé l'intention d'adopter une législation à cet effet, mais ce n'est pas fait encore.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas fait.

M. Lazure: C'est une expression d'intention.

Mme Lavoie-Roux: Bon. Souhaitons que et l'Ontario et le Québec le fassent et les autres provinces. J'aimerais vous poser cette question. Vous n'êtes pas obligé de répondre parce que c'est une question un peu personnelle; alors, je vous laisse bien libre, M. Gosselin. Si dans votre cas, vous aviez eu un régime de pension qui soit suffisant et qui vous permette de vivre d'une façon décente, comme vous le mentionnez, est-ce que cette question de l'abolition de l'âge de la retraite aurait été une priorité aussi grande pour vous qu'elle l'est aujourd'hui?

M. Gosselin: Non, parce que j'ai des amis qui ont appartenu à des compagnies privées qui avaient un système de retraite à 65 ans et, Dieu merci, aujourd'hui ces gens-là sont très heureux. C'est un peu ce que j'ai dit au commencement: Plutôt que de nous donner un plat d'argent et peut-être une somme d'argent pour nous remercier de nos services, s'ils nous avaient dit: On va vous donner 200 $ par mois pour les services que vous nous avez rendus, il me semble que cela aurait mieux fait. Dans mon cas, il est sûr que - naturellement, j'ai ma maison, elle est payée, il n'y a pas de problème - si je veux me donner un petit peu de plaisir, il va falloir que je travaille, partiellement, peut-être, mais quand même il va falloir que je travaille pour me donner certaines jouissances que je mérite bien après avoir travaillé 20 ans à la même place. (17 h 30)

Mme Lavoie-Roux: Selon toutes les audiences que nous avons tenues, je dirais qu'il y a deux catégories de personnes qui désirent pouvoir profiter de l'abolition de l'âge de la retraite: Ceux qui veulent supplémenter leur revenu - c'est certainement les plus nombreux d'après tous les témoignages qu'on a entendus - et ceux qui veulent continuer une activité professionnelle qui les intéresse. Je pense vraiment que ce sont ceux dont les besoins sont les plus grands qui priment.

J'aurais une question à poser au

ministre eu égard à cette question de rétroactivité qui vient de nous être posée par MM. Gosselin et Demers. Je comprends qu'on ne puisse pas rendre cette loi rétroactive, car cela pourrait remonter à 1970 et cela deviendrait peut-être un peu compliqué, même si on ne retournait qu'en 1975. Le ministre entrevoit-il une possibilité de rétroactivité au moment du dépôt de la loi? J'ai oublié la date - c'est au mois de mai ou de juin - exacte de son dépôt. Cela ne résoudra peut-être pas le cas de M. Gosselin, mais je pense à d'autres; plusieurs représentations nous ont été faites, on a eu beaucoup d'espoir au moment du dépôt de la loi. Est-ce une possibilité que le ministre rejette complètement? Cela nous arrive d'accepter cette sorte de rétroactivité - si on peut parler de rétroactivité dans ce cas-là - à compter du dépôt de la loi.

M. Lazure: On avait envisagé cette possibilité au mois de mai, quand on l'a déposée, et ce n'est pas encore strictement éliminé. D'autre part, je ferai remarquer à l'Opposition, à la députée de L'Acadie qu'on nous place un peu dans un dilemme. On a prétendu, depuis le mois de mai, qu'il y avait une certaine urgence à adopter un tel projet de loi; l'Opposition nous a dit à plusieurs reprises, des groupements nous ont dit à plusieurs reprises de ne pas aller si vite. Le député de Nelligan, en particulier, a fait un plaidoyer pour qu'on aille plus lentement, pour qu'on procède plus graduellement. Certaines parties de ces plaidoyers sont valides et c'est pour cela que j'ai dit, il y a quelques jours, que nous envisagions un certain étapisme, un gradualisme, une application phase par phase, si vous voulez, ce qui est un peu l'inverse de ce que la députée de L'Acadie nous demande de faire maintenant, à savoir de l'appliquer rétroactivement au mois de mai, c'est-à-dire au moment où on a déposé la loi. Cela indique certaines contradictions.

Pour faire une parenthèse, j'ai autre chose devant moi. J'ai le journal qu'on nous a distribué tantôt, le journal de l'Université de Montréal: Forum. Un titre dit: Le syndicat général des profs de l'Université de Montréal favorise l'abolition de l'âge obligatoire. Le même journal, dans un numéro suivant, titre: L'université demande un moratoire sur l'abolition de la retraite obligatoire. Dans le deuxième cas, évidemment, c'est la direction de l'université qui demande le moratoire.

Finalement, il y a de l'argumentation valable dans les deux sens. Cela me paraît difficile à ce stade-ci, en prenant le pouls de la majorité des groupements, des individus qui se sont manifestés, de dire qu'il y a une demande assez claire pour une implantation graduelle et cela me paraîtrait difficile de revenir à une mise en vigueur rétroactive au moment du dépôt.

Mme Lavoie-Roux: Je suis d'accord avec le ministre quand il souligne ce qui semble être une contradiction de la députée de L'Acadie, si je puis dire. Mais, comme le ministre n'avait pas encore décidé de cela, je me plaçais dans l'hypothèse - je pense l'avoir lu quelque part dans une entrevue qu'il a donnée au Soleil ou ailleurs, la fin de semaine avant le début des audiences de la commission parlementaire et peut-être même durant la commission parlementaire, je n'ai sûrement pas rêvé cela - qu'il voulait que cette loi soit adoptée avant le mois de décembre ou avant janvier.

M. Lazure: Avant Noël autant que possible, oui, j'ai dit cela.

Mme Lavoie-Roux: Bon. À ce moment-là, cela dépendra des modalités qui seront incluses dans la loi. Il se pourrait, dépendamment des modalités que vous inclurez, que vous puissiez retourner au mois de mai, parce que c'est une période de six mois. Évidemment, si la loi devait être adoptée en 1983, ce serait un peu retourner comme en 1977. Si c'est ce laps de temps que vous maintenez, compte tenu de toutes les observations qui vous ont été faites, vous croyez que vous pouvez aller de l'avant en décembre, alors on se situe dans un contexte différent de celui où une loi dont l'application ou l'adoption serait retardée à un an ou deux ans.

En tout cas, c'est une suggestion. Je n'en ferai même pas en commission parlementaire un point de discussion ou d'obstruction. Mais si ce laps de temps est si court, compte tenu des expectatives qui avaient été créées à ce moment, s'il n'y a pas de modalité qui s'y oppose, si elle devait s'appliquer dans son intégralité au 1er janvier, il y a peut-être possibilité de regarder une rétroactivité.

Si la loi est adoptée, mais que son application entre en vigueur beaucoup plus tard, on se retrouvera dans un contexte différent. Je vous remercie, M. Gosselin.

M. Gosselin: Cela me fait plaisir.

Le Président (M. Boucher): Je vous remercie, au nom de tous les membres de la commission.

Centrale des syndicats démocratiques

J'appelle maintenant la Centrale des syndicats démocratiques représentée par M. Jean-Paul Hétu, porte-parole, et M. Jacques Dion. À vous la parole.

M. Hétu (Jean-Paul): M. le Président, je voudrais tout d'abord vous présenter quelques

membres qui m'accompagnent, outre M. Jacques Dion, qui est trésorier et en même temps responsable de toutes les questions relatives à la retraite. Ce n'est pas parce qu'il est plus âgé que les autres, c'est à cause de sa compétence tout simplement. D'autre part, il y a Mme Thérèse Paquet, qui est membre du conseil de direction et qui, demain, doit parler de la question de la retraite à la commission des droits de la personne. Ensuite, il y a France Roy-Meunier, qui est la secrétaire du secteur des affaires sociales à la CSD.

Je n'ai pas l'intention, M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, de lire le mémoire que nous vous avons soumis. Ce que nous voulons faire, cependant, c'est apporter des explications, des précisions quant à ce mémoire et, surtout, on aimerait le légitimer.

Nos propositions visent deux objectifs. Tout d'abord, nous appuyons le projet de loi en mentionnant aussi un désaccord sur un des points, notamment la cotisation et, surtout, nous voulons vous dire, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission, que ce projet de loi ne va pas suffisamment loin, parce qu'il n'y a pas suffisamment de mesures pour protéger le droit à la retraite. Je vais m'expliquer assez précisément à ce sujet tantôt. C'est pourquoi nous préconisons, dans notre mémoire comme d'autres d'ailleurs qui nous ont précédés, la nécessité ou l'urgence d'une réforme globale.

Qu'est-ce que nous appuyons dans le projet de loi? Nous sommes profondément d'accord sur le droit nouveau que ce projet de loi renferme, c'est-à-dire qu'on accorde au travailleur, quel qu'il soit, de pouvoir utiliser un recours juridique devant le commissaire ou le Tribunal du travail. Bien sûr, il est lié intimement, comme vous le savez, comme vous l'avez dit à maintes reprises, au droit du travailleur de pouvoir poursuivre son travail aussitôt qu'il a dépassé l'âge de la retraite.

Pourquoi appuyons-nous ce droit nouveau? Tout simplement parce que, dans le passé, à venir jusqu'à récemment encore, nous avons, il faut le dire, hélas! perdu des cas devant les conseils arbitraux où des travailleurs avaient été congédiés parce qu'ils avaient dépassé l'âge que le milieu reconnaissait comme étant l'âge de la retraite, même si, dans les conventions collectives, nous avions des dispositions générales, à savoir que l'employeur ne pouvait pas exercer son droit de discrimination, etc. Nous avons perdu suffisamment de cas et il était temps que le gouvernement, dans ce projet de loi no 15, donne un recours aux travailleurs afin d'éliminer, à leur source même, les discriminations qu'ils subissaient quant à l'âge de la retraite.

Nous disons cependant que ce projet de loi ne va pas trop loin, ne va pas suffisamment loin. Nous disons qu'il va permettre aussi de développer d'autres formes de discrimination indirecte. Que veut-on dire par là? Dans la Loi sur les normes du travail, il y a, dans la définition même du salarié, à l'article 1, paragraphe 10, les dispositions qui permettent à l'employeur d'exercer, sous des formes variées, une discrimination vis-à-vis, éventuellement, des travailleurs qui seront en âge de prendre leur retraite, mais qui ne voudront pas prendre cette retraite.

Que dit l'article 1, paragraphe 10? II dit tout simplement que, moyennant un salaire, un travailleur doit exécuter un travail déterminé dans le cadre et selon les méthodes et les moyens que cette personne -l'employeur - détermine.

Bien sûr, nous sommes bien conscients que, pour corriger tous les problèmes qui peuvent être suscités par cette disposition juridique, il faut réformer l'ensemble de la législation du travail et la clé se trouve dans ce que l'ergonomie appelle l'adaptation au travail. Actuellement, dans les entreprises oeuvrant avec des modèles d'organisation du travail où il y a du travail partialisé ou différentes formes de travail, on peut en tout temps discriminer les travailleurs. Je vais donner des exemples. Par exemple, concernant la vision, on sait que, pour les travailleurs, au fur et à mesure qu'ils prennent de l'âge, leur vue baisse. Il est possible, même s'il existe une disposition dans les règlements de la qualité du milieu du travail à cette fin, d'utiliser ce prétexte pour indiquer que tel travailleur qui a un âge X n'a pas les capacités visuelles pour exercer son travail. On sait aussi, par la psychologie, qu'un travailleur qui prend de l'âge perd de la mémoire. Il y a le phénomène de la mémoire courte et le phénomène de la mémoire longue. Plus un travailleur vieillit - et le ministre en connaît sans doute plus que moi là-dessus...

M. Lazure: Pas parce que je suis vieux.

M. Hétu: Non, non, je n'ai jamais voulu insinuer cela.

M. Lazure: À cause de mon ancien métier, voulez-vous dire?

M. Hétu: Je suis content de votre précision.

M. Lazure: Merci, M. Hétu.

M. Hétu: II y a quand même, au fur et à mesure que les travailleurs vieillissent, le phénomène de la mémoire courte. Alors, si le travail n'est pas adapté à cette condition, tout comme à la condition de la capacité visuelle, il est possible d'utiliser ces choses

pour discriminer les travailleurs. C'est un peu ce que vous disiez en d'autres termes en réponse au patronat qui présentait un mémoire sous l'égide de l'Association des manufacturiers canadiens, section du Québec. Il est possible aussi de discriminer les travailleurs à cause des capacités physiques qui diminuent avec l'âge. Il est possible aussi et il sera possible de discriminer les travailleurs qui sont victimes d'usure parce qu'ils ont travaillé trop longtemps, manuellement, physiquement. Cela se fait déjà. (17 h 45)

Exemple, pour être bien précis, un travailleur qui pendant 25 ans a oeuvré à déplacer - ils sont légion mais qui ont d'autres fonctions - des bobines dans une entreprise de textile. Il prend quatre ou cinq bobines, n'est-ce pas, dans ses mains et les remplace, etc. Plusieurs travailleurs ont été usés au bout de 25 ans de travail, c'est-à-dire qu'après ce nombre d'années de travail, ils sont incapables de resserrer les doigts et les mains pour capter les bobines. Actuellement, on tente de les discriminer à cause de ces choses.

Il sera possible de le faire. C'est pourquoi nous vous disons que le projet de loi ne va pas assez loin dans sa forme actuelle. Il va falloir que ce soit corrigé par des modifications à la loi sur les normes permettant d'adapter le travail à ces différentes conditions et aux travailleurs qui en sont victimes. Si on ne le fait pas, et actuellement la Loi sur les normes du travail ne le fait pas, il sera possible juridiquement de les discriminer. Bien sûr, ça va se faire de manière informelle. On ne le fera pas directement à cause de l'âge, comme on le faisait antérieurement, mais il sera possible de le faire.

Deuxième volet. Les mesures d'ordre général ou la réforme générale sur les conditions de prise de retraite. En 1975, à la CSD, nous avions adopté le principe de la retraite à 60 ans, sur une base facultative. Depuis, il y a certains événements qui nous ont fait réaliser, dans notre organisme, que cette mesure même était inadéquate, parce que la réalité est assez complexe. Je vais donner des exemples bien précis face à certaines catégories de travailleurs. Par exemple, les travailleurs du textile, du vêtement et de la ganterie sont depuis cinq ou six ans victimes de changements technologiques parce qu'on modernise ces entreprises. Or, à la suite de ces changements technologiques, il y a plusieurs travailleurs qui ont tout simplement perdu leur emploi, mais grâce à une disposition issue de la Loi C-215, soit la préretraite accordée à 54 ans, ils ont pu avoir une retraite ou commencer leur retraite à compter de 54 ans avec une somme d'argent qui n'était pas considérable mais qui leur permettait quand même de vivre. On a fait un décompte: depuis cinq ans, il y a 300 travailleurs qui, dans le textile et dans le vêtement, ont bénéficié de cette mesure de préretraite parce qu'il leur était impossible de trouver de l'emploi dans leur localité ou ailleurs à cause de leur âge. Cela pose un autre type de problèmes.

Deuxièmement, je voudrais aussi vous raconter comment réagissent les travailleurs de l'amiante face à votre projet d'abolition de l'âge de la retraite. Depuis la venue ou l'adoption de la loi 52, qui maintenant a été intégrée dans la Loi sur les accidents du travail, il y a près de 200 travailleurs qui ont pris leur retraite, parce qu'ils étaient atteints d'amiantose. Or, ces travailleurs, dans leur unité où il y a quelque 2200 travailleurs, ont adopté une proposition en vertu de laquelle ils disent que, pour eux, dans leur condition, à cause des dangers que représente l'amiante, ils préféreraient que la retraite soit à l'âge de 55 ans et non facultative. Vous voyez, la réalité est complexe.

J'aimerais raconter aussi, dans ce domaine, des problèmes réels qui sont vécus par des individus atteints de maladies professionnelles, mais qui ne sont pas reconnues au travail. Je donnerai le cas d'un travailleur de 55 ans qui travaillait dans un milieu - nommément une fonderie - où il était exposé à des produits chimiques, monoxyde de carbone et aussi des poussières. Il a été malade, il a été opéré au duodénum et il lui a été impossible par la suite, à l'âge de 55 ans, de reprendre le travail. Sa maladie l'a affaibli à un point tel qu'il n'a pas été reconnu par la Régie des rentes comme invalide, mais son état ne lui permettait pas de retourner à son travail ou d'exercer un autre travail en rapport avec sa compétence. Où cela l'a-t-il conduit? Tout simplement au bien-être social.

Il y a un autre travailleur qui était lui aussi exposé au monoxyde de carbone, mais il était en plus atteint d'asthme. Parce qu'il avait l'asthme, parce qu'il était exposé à des produits chimiques, à un moment donné, il a été incapable de travailler; même comme concierge, dans son établissement. Il a dû quitter son emploi vers l'âge de 50 ans et il a tenté de se trouver un emploi ailleurs, dans une banque, à titre de concierge, mais parce qu'il avait un état suffisamment avancé de maladie, la banque n'a pas voulu l'embaucher. Il en a été de même dans d'autres lieux. Ce type est bénéficiaire de l'aide sociale.

Il y a une sorte de "no man's land" qui existe pour certains travailleurs qui sont malades, qui ne sont pas invalides au sens de la loi, qui ne sont pas couverts par la Loi sur les accidents du travail. Il y a des problèmes de cette nature qui sont réels et qui sont complexes, mais auxquels il faut

trouver des solutions.

Il y a ensuite un autre secteur industriel où il y a peu de travailleurs qui peuvent bénéficier de la retraite et c'est dans l'industrie de la construction. Rares sont les travailleurs dans l'industrie de la construction qui se rendent jusqu'à l'âge limite actuel de la retraite. À cause des conditions de travail dures, ils laissent en cours de route l'industrie de la construction. Encore là, vous avez une autre catégorie de travailleurs qui ne bénéficieront sans doute pas, s'ils demeurent à leur emploi, de la disposition prévue dans le projet de loi.

Pour toutes ces raisons, nous en sommes arrivés à la conclusion qu'il fallait réformer en profondeur le régime de retraite actuel. Nous avons entrepris dans notre organisation une consultation auprès de nos membres sur une base régionale, à partir d'un questionnaire qui fait état d'un certain nombre de problèmes, etc., pour préparer les bases de cette réforme globale qu'il faut apporter, comme vous le disiez, sans doute étape par étape. À cette fin, nous vous invitons, ainsi que les représentants de l'Opposition à participer à un débat qui aura lieu dans notre organisation à la fin de novembre.

Je demanderais à M. Jacques Dion d'indiquer le point sur lequel, notamment concernant la cotisation, nous sommes en désaccord partiel et de vous exposer sommairement ce à quoi nous songeons quand nous songeons à établir une réforme globale au niveau de la retraite.

M. Dion (Jacques): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les membres de la commission, j'ai eu l'occasion de siéger quelques années à la Régie des rentes du Québec. J'ai eu à ce moment-là l'occasion de connaître le ministre Lazure et j'ai trouvé que c'était un gars qui comprenait assez vite les problèmes.

De fait, dans les régimes supplémentaires de rentes, pour les comités de retraite, c'était une chasse gardée. Il ne fallait pas informer les travailleurs, parce que les travailleurs ne comprennent rien. Un gars qui a les mains sales, c'est un niaiseux. C'est la considération que beaucoup d'employeurs ont encore de nos jours.

Lors d'une première visite du ministre, je lui ai demandé, au conseil d'administration de la régie, de permettre au travailleur d'avoir le droit de savoir ce qui se passe dans son régime à lui; qu'est-ce qu'on fait de son argent? Ce n'était pas d'hier que je le demandais et, immédiatement, le ministre a dit: M. Dion a raison, préparez-moi quelque chose. Et vous avez adopté un amendement à l'Assemblée nationale. Beaucoup d'autres amendements ont été apportés.

Alors, sur le plan des régimes supplémentaires de rentes, je trouve qu'il y a une grosse amélioration. D'abord, avoir installé une loi pour surveiller cela, c'est beaucoup. Tout le monde faisait n'importe quoi. On déposait l'argent qu'on percevait sur les payes et la contribution de l'employeur quand ça le disait aux employeurs et maintenant c'est le mois suivant que l'argent doit être déposé. Ce sont des amendements très sérieux que vous avez adoptés à l'Assemblée nationale. Cela démontre l'importance de surveiller les régimes supplémentaires de rentes.

Le régime public, je pense qu'on le néglige. Ce qu'on cherche aujourd'hui, c'est sortir les gens de la misère; ce n'est pas d'hier qu'on cherche cela, sortir les gens de la misère. J'ai 58 ans et je connais la misère. Nous étions dix chez nous et c'est ce qui m'amène à chercher des solutions pour ceux qui sont dans la misère. Quand on a connu cela, on est un petit plus sensible. Je vous garantis que je l'ai connu, je l'ai connu comme il faut.

Permettre au salarié de continuer à travailler parce qu'il n'a pas assez de revenus d'accumulés, ce n'est pas assez, c'est un remède temporaire et on ne peut pas rester là. En 1967 ou à peu près, rappelez-vous qu'à Ottawa on a décidé de voter une loi pour apporter un supplément au revenu, parce que les retraités n'en avaient pas assez. En 1981, au fédéral, on dépense 1 917 000 000 $ et sur cela, au Québec, on en absorbe 573 000 000 $, soit 29,9%. Et remarquez bien, c'est encore très peu. La loi devait durer 10 ans et pendant ce temps, on devait trouver des formules. Cela fait 14 ans à peu près et on cherche encore.

Il y a eu une conférence fédérale en mars, beaucoup de gens y ont participé, puis on cherche encore la formule. On est autour d'une table ici, un paquet de gens intéressés, puis on cherche la formule. Mais tout ce qu'il y a dans la loi et c'est ce bout-là... J'ai l'impression que le ministre devait être très occupé lorsqu'on lui a passé le projet, parce que, moi, je ne le connais pas comme cela. Penser de faire contribuer les gens après 65 ans sans qu'on accumule quoi que soit, je trouve que c'est du vol légalisé. On ne fait pas cela. Je ne serais pas prêt à contribuer; je serais prêt à faire contribuer, par exemple, celui qui a atteint 70% de son salaire et qui veut continuer à travailler. S'il aime le travail, qu'il aime autant le travailleur et qu'il paie, pour l'autre qui a besoin, dans un fonds spécial, pour pouvoir aider les autres. Celui-là je le ferais payer.

Quand on a atteint 70% de son salaire... Je vais arriver avec la formule que je suis à examiner avec l'aide de tous les militants de la province, et c'est peut-être 1000 que je vais rencontrer. J'en ai rencontré près de 120 à ce jour et je vous dis que les réponses sont révélatrices. C'est

pour cela que, tout de suite, je vais vous dire ce vers quoi je m'en viens. Je pense qu'en plus, peut-être pas demain, mais rapidement, il faut trouver des formules. Il faut trouver des remèdes. Quand on est médecin, on connaît cela des remèdes et on en essaie de toutes sortes; là on doit en essayer un. Alors, moi, j'en ai un, un autre va en avoir un autre, mais que ceux qui en ont s'assoient et que l'on finisse par trouver quelque chose, par mettre quelque chose en place. (18 heures)

Je dis comme premier remède... Remarquez que malgré une loi accordant un supplément de revenu de la part du fédéral, il y a encore, les deux tiers des retraités qui vivent dans la grande misère, et cela, vous le savez. Il y en a au Québec 569 882 qui retirent des chèques de pension de vieillesse. Sur ce nombre, il y en a 251 134 qui retirent des rentes du Québec; 318 748 n'en retirent pas. Pourquoi? Parce qu'on permet à ceux qui n'ont pas atteint 45 ans d'âge et dix ans de service de sortir leur argent. Il y a de pauvres misérables qui ne peuvent jamais accumuler les fameux dix ans de service. Les 45 ans d'âge, ils vont l'atteindre, mais les dix ans de service, il n'ont jamais la chance de travailler dix ans à la même place. Qu'est-ce qui arrive"? 83,1% des gens qui quittent leur emploi sortent leur argent. On a le droit de sortir notre argent de la régie quand on n'a pas 45 ans d'âge et dix ans de service. 83,1% sortent leur argent; c'est absolument ridicule! C'est une première mesure qu'il faudrait arrêter.

Remarquez que ce n'est pas populaire de dire cela pour un chef syndical, mais j'ai passé ma vie dans cela et je l'achève. Ce n'est pas populaire de dire cela. Une personne qui a 35 ans, qui a 45 ans, qui a des problèmes, qui a des dettes se dit: Moi, j'arrête de travailler et je peux, à même ce que j'ai d'accumulé, résoudre mon problème aujourd'hui et puis recommencer. Aujourd'hui, à l'âge de 30 ans, 40 ans ou 50 ans, on peut ajuster le problème, mais, à l'âge de la retraite, il ne s'ajuste plus. Alors, laissons donc l'argent qu'on accumule dans un fonds de retraite gelé à la Régie des rentes, même pour la totalité.

Une solution à laquelle j'ai pensé, à l'expérience de la vie - de la mienne, en particulier - est, premièrement, de corriger la négligence du gouvernement à prendre ses responsabilités. Dépêchez-vous de les prendre, vous êtes en retard de six ans. Il manque 6/10%, vous savez cela, depuis 1978. Le rapport de COFIRENTES vous l'a dit au mois de septembre ou au mois d'octobre 1977: II manque 6/10% de cotisations au Régime de rentes du Québec pour qu'il soit solvable. Il n'est pas solvable, on est en retard de quatre ans. Je ne suis pas un actuaire, mais j'ai fait un calcul rapide et il doit manquer autour de 600 000 000 $ actuellement, parce qu'on a négligé d'augmenter les contributions de 6/10%. Remarquez bien qu'il n'est pas impopulaire d'augmenter les contributions pour sécuriser la vieillesse; c'est loin d'être impopulaire, je pense que c'est rentable pour un parti politique. Dépêchez-vous donc de prendre ces responsabilités. Je pense que ce serait une première solution, c'est une responsabilité qui vous appartient et vous êtes en retard.

Deuxièmement, améliorer le Régime de rentes du Québec. La rente est trop basse. Je ne voudrais pas oublier de vous dire que, parmi les retraités de 65 ans ou plus, il y en a 318 748 au Québec qui touchent un revenu d'à peu près 79,37 $ par semaine et 251 134 qui touchent 114,15 $. C'est ça que les gens ont pour vivre aujourd'hui. Il y en a qui ont un peu de régime de rentes; d'autres n'en ont pas du tout. Ceux qui n'en ont pas du tout, ce sont des gens qui vont chercher un petit peu de supplément et qui n'ont que 79,37 $. Comment je le trouve? Il y a la pension de vieillesse qui donne 2 440,82 $, c'est ce qui a été versé depuis un an. En supplément, versé depuis un an au Québec, en moyenne, c'est 1 586,72 $, ce qui fait à celui qui n'a pas d'autre chose, celui qui n'a pas de régime de rentes - il y en a un paquet - 4 127,54 $ par année. C'est tout ce qu'il a pour vivre. C'est la grande pauvreté pour 44,05% de ceux qui ont 65 ans et plus. Les formules que je préconise... Remarquez que je suis à consulter. Je fais une tournée provinciale, je vais rencontrer à peu près un millier de travailleurs, je dois en avoir rencontré aux alentours de 200, et les réponses aux questions sont très indicatives et me permettent d'avancer la solution que je préconise et que j'essaierai de vendre à la CSD.

Premièrement, ajuster ce qui manque au Régime de rentes du Québec. Plus on va retarder, plus ça coûtera cher.

Deuxièmement, un régime supplémentaire de rentes imposé à toute l'entreprise privée obligatoirement par une loi qui accorderait 70% du salaire, jusqu'à un maximum de 70% du salaire moyen canadien ou salaire moyen du Québec, qui est sensiblement le même à quelques dollars près. C'est autour, au-dessus ou en dessous, de 18 000 $. J'ai les chiffres exacts, mais vous savez qu'en prenant 18 000 $, je suis dans le centre. C'est le minimum qu'on devrait imposer à toute l'entreprise privée. Les travailleurs de l'entreprise privée contribuent au régime de rentes des employés du secteur public à part leur impôt, alors qu'on impose donc rapidement à l'entreprise privée une protection obligatoire, parce qu'il y a des gens qui jamais ne pourront avoir de régime supplémentaire de rentes si l'Assemblée nationale du Québec ne

l'impose pas à l'entreprise privée. La deuxième formule, c'est un régime supplémentaire avec blocage des cotisations tant pour l'employé que pour l'employeur.

Troisièmement... excusez-moi si je me réfère à mes statistiques, je regrette, je voudrais démontrer, vous montrer que le ministre Lazure a compris, en date du mercredi 14, qu'il fallait procéder à des changements importants à la retraite obligatoire dans le sens d'augmenter les prestations et le revenu des personnes âgées. Le lendemain, le 15, le même ministre disait que le régime de rentes sera réformé d'ici quatre ans. Il faut dépasser les intentions et il faut se dépêcher d'imposer des amendements qui vont améliorer la retraite des personnes âgées. D'après la réponse des gens que j'ai consultés sur l'imposition d'un régime supplémentaire de rentes, 83,1% sont d'accord pour qu'on impose un régime supplémentaire de rentes avec un maximum allant jusqu'à 70% du salaire moyen canadien.

J'ai posé une deuxième question en disant: Seriez-vous d'accord pour que le régime de rentes public soit augmenté et de combien? Remarquez le sondage auprès des gens que j'ai vus jusqu'à maintenant. Sur une base de 100%, 48,33% préfèrent que ce soit augmenté de 100%, 11,66% demandent que ce soit augmenté de 75%, 31,66% demandent que ce soit augmenté de 50% et 8,33% sont d'accord pour que la rente publique soit augmentée de 25%.

Une troisième question que je pose porte sur La loi imposant un régime supplémentaire de rentes à toute l'entreprise privée et administré par l'entreprise privée, parce que si on veut faire administrer cela par l'État, cela va être un tollé de l'entreprise privée et on ne pourra pas passer un tel régime. Je laisserais l'administration à l'entreprise privée et je pense qu'on a plus de chances que le législateur l'adopte. Voici la réponse des gens que j'ai rencontrés: 98,33% sont d'accord pour qu'on impose à l'entreprise privée un régime supplémentaire de rentes couvrant jusqu'à 70% de leur salaire, jusqu'à concurrence de 12 600 $.

La troisième question porte sur un régime de rentes privé, 70% du salaire. D'accord. C'est la question précédente. À 70%, oui. La réponse, c'est que 91% sont d'accord pour qu'un régime privé imposé par la Législature soit en vigueur le plus rapidement possible.

Il y a une autre question. Entre-temps, là, évidemment, pour celui qui prend sa retraite, sur la pension de vieillesse, le supplément de revenu garanti, les économies qu'on peut faire par notre épargne personnelle et un régime supplémentaire de rentes, s'il en existait dans l'entreprise, la question que je pose est celle que Mme Lavoie-Roux posait tout à l'heure à M.

Gosselin: Si vous étiez assuré d'un revenu suffisant, accepteriez-vous de prendre votre retraite ou préféreriez-vous continuer de travailler? La réponse à cela, moi, je dis que le revenu minimum que la personne de 65 ans devrait toucher, c'est 70% du salaire moyen gagné au Canada ou au Québec, soit 12 600 $. C'est 91,66% qui seraient d'accord à prendre leur retraite s'ils étaient assurés d'un revenu de 12 600 $ incluant la pension de vieillesse, le supplément de revenu garanti s'ils y ont droit, les régimes supplémentaires et des intérêts de revenu sur des épargnes personnelles. 91,66% seraient d'accord. Vous voyez que très peu préfèrent continuer à travailler. (18 h 15)

Entre-temps, d'ici à ce que les gens atteignent 70% si demain ou tantôt on impose un régime supplémentaire, qu'est-ce qui va compenser pour l'insuffisance? Prenons un exemple: j'ai 4000 $ de pension de vieillesse, j'ai 1000 $ de supplément, j'ai 1000 $ d'intérêts, ça en fait six; j'ai un fonds de retraite privé qui m'achète pour 3000 $, je suis rendu à 9000 $. Entre-temps, je n'ai pas le revenu suffisant pour vivre. Je dis que ça prend 70% du salaire moyen au Canada ou au Québec. Qu'est-ce qu'il faudrait pour compenser? Vous allez être surpris, mais 83% seraient d'accord pour cotiser un supplément sur leur revenu pour constituer un fonds commun administré par l'État pour compenser les insuffisances.

Vous me suivrez? Un régime supplémentaire à l'entreprise privée, ça presse. Mais, entre-temps, pour qu'on ait un revenu décent pour vivre à 65 ans - et pour moi, c'est 12 600 $, 70% du salaire moyen incluant la pension de vieillesse et les autres revenus - les insuffisances seraient comblées par un fonds commun où on déposerait ce qui vient d'Ottawa en supplément de revenu garanti. Vous savez qu'au cours de la dernière année il est entré au Québec pour nos personnes de 65 ans et plus, 573 000 000 $. Ces 573 000 000 $ devraient être versés dans la caisse pour couvrir l'insuffisance, ce qui manque à chacune des personnes qui atteindraient 65 ans. Ce serait pris à même ce fonds commun qui 'serait administré par l'État à côté du régime public administré par la Régie des rentes du Québec.

Alors, je vous dis que des solutions au problème, ça urge. Ce n'est pas seulement des bonnes intentions. En 1967, autour d'une table, des gens comme vous ont étudié des remèdes, des "patches". C'était pour une période de dix ans; ça fait quatorze ans et ça existe encore. Il ne faudrait pas qu'aujourd'hui on dise qu'en attendant on va faire ça. Il faut rapidement que le ministre responsable mette des gens au travail pour chercher une formule pour couvrir l'insuffisance, ce qui manque pour permettre

un revenu décent à ceux qui atteignent 65 ans. C'est ça qui est important. Il est temps qu'on arrête de frapper aux portes du bien-être social. Pour moi, l'humiliation a assez duré et on a assez d'être pauvre toute notre vie sans être obligé, à l'âge de la retraite à 65 ans, de frapper aux portes du bien-être social et auprès des fonctionnaires de ces services pour aller chercher des suppléments. Souvent on se moque de ces gens-là et on trouve toutes sortes de défauts parce qu'ils n'ont pas trouvé le moyen d'accumuler certaines réserves pour pouvoir vivre.

M. le Président, M. le ministre, j'espère que l'on va dépasser aujourd'hui les bonnes intentions et que l'on va essayer de trouver une formule permanente, pas une formule temporaire, un fonds commun; et la deuxième, l'imposition à toute l'entreprise privée d'un régime supplémentaire de rentes égal à 70% du salaire moyen canadien, qui est actuellement autour de 18 000 $.

Le Président (Boucher): Merci, M. Dion. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux remercier les dirigeants, les deux collègues de la CSD, saluer mon voisin de la rive sud de Montréal, M. le président, et souligner l'éloquence de M. Dion, qui va toujours en s'améliorant.

Je me méfiais un peu quand M. Dion a commencé par me lancer quelques compliments. D'abord, c'est rare que cela arrive. On les prend, on est flatté, on est content, mais on se méfie. Effectivement ça lui a donné le loisir ensuite, avec son franc parler habituel, de lancer le pot avec les fleurs qui étaient déjà parties, mais c'est de bonne guerre. Je dois dire au départ que les réformes que vous êtes en train de proposer à des gens dans tous les coins du Québec par votre sondage, votre enquête, vos consultations ne sont pas du chinois pour nous; c'est quelque chose qui est tout à fait dans la ligne de ce que l'on envisage, mais je vais y revenir point par point. C'est le commentaire général que je voulais faire.

Je veux vous remercier, M. le président, pour votre invitation au mois de novembre et bien sûr que j'accepterai avec plaisir d'assister à ce colloque. Je pense que c'est en même temps une occasion pour moi d'inciter non seulement les groupes syndicaux mais patronaux à organiser ce genre de rencontre. Je pense qu'on a intérêt, nous au gouvernement, à avoir le plus d'éclairage possible et on a intérêt à ce que les groupements intéressés se manifestent le plus possible.

Sur le projet proprement dit, je pense que l'on n'a pas de dispute importante. Je reviens sur l'article no 4, j'ai eu l'occasion de le dire, peut-être étiez-vous ici, c'est clarifié, les trois choix vont être là. Je pense que cela vous satisfait.

L'âge normal de la retraite, le baisser à 60 ans, cela est une grosse commande, une grosse commande avec des répercussions économiques. Si vous entendez par là que les régimes publics devraient s'y ajuster à commencer par le Régime de rentes du Québec, cela voudrait dire qu'au lieu de commencer à payer à 65 ans on commencerait à 60 ans; cela veut dire que le gouvernement fédéral commencerait à payer les pensions de vieillesse à 60 ans au lieu de 65 ans. Cela ce serait véritablement une mesure, contrairement à celle que l'on présente aujourd'hui, qui aurait d'énormes répercussions économiques.

D'autre part, je vais continuer à réagir au propos de M. Hétu, propos du président. On vous a écouté bien attentivement lorsque vous avez décrit plusieurs formes de discrimination, qui, dites-vous, pourraient commencer à se manifester. Entre vous et moi, elles ont déjà commencé à se manifester. L'adoption d'un projet de loi comme celui-ci, en soi, ne va pas les provoquer plus qu'auparavant; je ne crois pas. De toute façon, ce sont des choses qu'il faut continuer de surveiller, mais ce n'est pas parce qu'il y aurait même une accentuation de ces formes déguisées de discrimination, que vous avez si bien décrite, ce n'est pas parce que la loi pourrait amener quelques-uns de ces abus à se manifester encore plus, qu'il faut nous empêcher d'abolir l'autre discrimination qui est clairement identifiée, celle de l'âge obligatoire. Alors j'interprète vos commentaires comme une espèce de mise en garde. Au fur et à mesure que les lois vont permettre aux personnes de continuer à travailler plus avancé en âge, c'est sûr qu'il faudra surveiller la partie patronale pour ne pas qu'on recoure de façon indirecte à des discriminations qui équivaudraient, au fond, à maintenir l'âge obligatoire de la retraite.

Je répète que, pour nous, il est clair que le fardeau de la preuve, dans les cas où il y aurait, dans la tête de l'employé, un soupçon qu'il a été mis à pied à cause de son âge, va incomber à l'employeur. C'est clair.

Cela m'amène à deux ou trois points fondamentaux qui ont été développés, en particulier, par M. Dion. C'est bien sûr que ce projet-ci n'est rien qu'une facette, je dirais même, mineure, de toutes les réformes qu'il faut faire. On est d'accord là-dessus. Ce que je dis touche certains travailleurs dont vous parliez, M. Hétu: les mineurs, les travailleurs de fonderie.

Dans une deuxième étape, on va donner suite à notre engagement électoral de permettre aux gens de soixante ans et plus, qui ont vingt-cinq pour cent d'incapacité, soit à cause d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle, de se retirer tout en touchant cent pour cent de la prestation

d'invalidité et non pas vingt-cinq pour cent. Alors, c'est un exemple de réforme qui va être apportée dans le sens inverse de ce que l'on veut faire aujourd'hui. Aujourd'hui, on veut permettre aux gens qui le veulent de continuer à travailler, mais dans la deuxième étape, on va plutôt favoriser la retraite anticipée à ceux et celles qui voudront bien y recourir.

Dans l'amélioration globale des revenus des pensionnés, il y a deux fronts principaux d'attaque. Il y a le Régime de rentes du Québec, le régime public et les régimes privés. Commençons par les régimes privés. Je répète encore une fois, dans une troisième étape, que nous avons l'intention de nous attaquer à cela. Nous avons l'intention de bonifier le Régime de rentes du Québec. Vous avez raison, M. Dion, de dire qu'il est grand temps de le faire; mais vous savez aussi, M. Dion, que nous aurons à faire des concordances avec le régime de rentes du Canada et, par conséquent, des négociations avec le gouvernement fédéral et les provinces. Certaines provinces et le fédéral, lui-même, c'est une des raisons du retard que nous accusons, avaient mis sur pied des commissions d'enquête. L'Ontario, par exemple, a mis sur pied une commission royale d'enquête et c'est elle qui a suggéré au gouvernement de l'Ontario d'imposer des régimes supplémentaires de rentes. Le gouvernement lui-même ne s'est pas encore prononcé. Nous savions que plusieurs provinces et le fédéral avaient des enquêtes en cours. D'ailleurs, le Nouveau-Brunswick en a une qui n'est pas tout à fait finie encore. Nous avions convenu, même si cela accusait un retard pour le Québec par rapport à COFIRENTES, parce que là nous avons été un peu en avant des autres provinces en sortant en 1977 le rapport COFIRENTES... Mais nous sommes prêts à améliorer le Régime de rentes du Québec. (18 h 30)

Est-ce que le gouvernement du Québec doit compter sur l'un aux dépens de l'autre? Il faut compter sur les deux. Vous nous dites bien précisément: Rendez donc obligatoire dans chaque entreprise un régime supplémentaire de retraite. Au fond, c'est la proposition de la commission royale d'enquête en Ontario.

On ne vous dit pas non à cela. D'autre part, vous vous rendez compte que c'est aussi une commande d'importance parce que, en même temps, vous nous dites aussi: Doublez les cotisations des employeurs et des employés au RRQ, au Régime de rentes du Québec. Donc là, vous dites en somme à l'employeur qui n'a pas du tout de régime supplémentaire de retraite: D'un coup, vous allez devoir non seulement doubler votre cotisation au RRQ, au régime public, mais vous allez devoir commencer à donner une cotisation à un régime supplémentaire de rentes. Je ne suis pas en désaccord avec vous. Mais il s'agira de voir ce qui est possible et ce que les employeurs peuvent absorber comme coût.

Chose certaine, c'est qu'on veut modifier des règles du jeu. Je le répète une dernière fois au cours de cette commission, parce que c'est important. Vous avez fait allusion aux changements qu'on a apportés. Par une modification, en 1977-1978, nous avons maintenant au moins rendu obligatoire le rapport une fois par année de l'employeur, vis-à-vis de son employé, quant à l'utilisation des fonds. Mais, il faut aller plus loin que cela. Vous avez raison de dire qu'il faut changer ce qu'on appelle dans le jargon les règles de l'acquisition. La règle de 45 ans d'âge et de 10 ans de service, à notre avis, cela doit être modifié, c'est beaucoup trop sévère. La plupart des pays européens n'ont pas une règle aussi sévère que cela. Ce que l'on retrouve communément, c'est 30 ans d'âge et 3 ans de service, ou parfois même 2 ans de service.

Il faut faire en sorte que l'employé ne parte pas avec sa part. Il faut geler cette immobilisation-là. On s'entend là-dessus. Mais, pour cela, il va falloir aussi que les règles d'investissement des fonds soient changées. Il faut que l'employé puisse avoir une voix paritaire avec l'employeur pour décider des investissements de ces fonds qui deviennent des fonds énormes, surtout si on veut bonifier ces régimes supplémentaires de retraite.

Donc, là-dessus, on s'entend, sauf peut-être pour la partie obligation imposée d'un régime supplémentaire à tous les employeurs. Chose certaine, c'est que nous, on pense que, comme le ministre fédéral de la Santé l'a dit encore publiquement il n'y a pas longtemps, les employeurs au Québec et au Canada se sont traînés les pieds trop longtemps et devraient mettre sur pied de tels régimes.

Pour ce qui est du régime public, je suis content de voir, mais cela ne me surprend pas, que votre sondage indique que la vaste majorité des travailleurs et des travailleuses est prête à cotiser plus pour se préparer une retraite qui est plus décente. Et, j'ai cette conviction moi aussi. Alors, je pense que c'est devant cette conviction que notre intention d'augmenter le tarif, autant pour l'employé que l'employeur, cette intention-là, il va falloir qu'elle se concrétise et on va le faire le plus rapidement possible. On travaille très fort là-dessus et il est dans nos plans de procéder dans un avenir pas trop lointain.

Maintenant, je vous pose la question, M. Dion. Vous dites, quand vous faisiez vos calculs, vous disiez qu'il manquait 4000 $ ou 5000 $ pour atteindre ce que vous établissez, vous, comme nouveau seuil de pauvreté. C'est à peu près 12 000 $?

M. Dion: 12 600 $.

M. Lazure: 12 600 $, je vous ferai remarquer que c'est pas mal plus haut que les seuils de pauvreté qu'on retient habituellement. Pas juste notre gouvernement, mais la plupart des gouvernements. Alors, la vérité se situe probablement entre les deux. Cette nouvelle caisse que vous proposez, à côté du RRQ, je ne comprends pas pourquoi cela ne serait pas imbriqué, cela ne serait pas associé au Régime de rentes du Québec. Est-ce que vous pouvez m'expliquer un peu plus en détail pourquoi vous jugez nécessaire de créer un nouveau fonds public qui serait à côté du RRQ?

M. Dion: Je dis qu'on a tous des responsabilités à différents niveaux. Si on impose une cotisation aux employés, aux employeurs, aux gouvernements pour un fonds commun destiné à pallier la situation, en attendant que le régime supplémentaire qu'on pourrait imposer à l'entreprise privée atteigne sa maturité, il faut mettre d'autres dollars de côté. Vous dites: On va les mettre à la Régie des rentes. Vous savez ce que c'est: Quand la charge est trop forte sur un même plan, la critique est plus forte.

Moi, je dis qu'il y ait un régime public, d'accord; un régime privé obligatoire, oui, en attendant un fonds commun qui sera appelé à disparaître. C'est pour pallier les insuffisances.

M. Lazure: Juste pour voir si j'ai bien compris, ce serait un fonds commun qui serait constitué de cotisations de l'employeur et de l'employé.

M. Dion: Oui, un tiers-deux tiers; un tiers de l'employé...

M. Lazure: Bon, et cela serait administré par une administration publique.

M. Dion: Plus les 573 000 000 $ qu'on va chercher à Ottawa en supplément de revenu garanti. Pourquoi ne ramènerait-on pas cela ici?

M. Lazure: Au fond, c'est cela. Vous voulez déplacer...

M. Dion: Dans ce temps-ci, cela négocie bien!

M. Lazure: On est bien d'accord pour déplacer des choses administrées par le gouvernement fédéral, surtout dans le domaine des rentes où ce sont les provinces qui ont la primauté législative. Je ne l'ai pas encore dit assez souvent, M. le Président, lors de cette commission.

Mme Lavoie-Roux: C'est la troisième fois, au moins!

M. Lazure: Oui, mais c'est ma dernière chance de le dire aujourd'hui. La primauté législative, en matière de régime de rentes, appartient aux provinces.

Mme Lavoie-Roux: Vous l'avez dit moins souvent que vous n'avez cité le Conference Board.

M. Lazure: Oui, le Conference Board... Je comprends mieux votre projet, au fond, de rapatrier d'Ottawa ces 573 000 000 $ et d'y ajouter des cotisations employeur-employé. Bon.

M. Dion: Un tiers-deux tiers. Dans cette proportion-là.

M. Lazure: Évidemment, on compterait sur votre appui pour négocier le rapatriement des 573 000 000 $ par année.

M. Dion: C'est cela.

M. Lazure: Merci! Sérieusement, on aurait l'appui de l'Opposition aussi, évidemment!

Mme Lavoie-Roux: Ah, oui! Surtout quand vous serez rendu député péquiste au fédéral, vous pourrez faire des pressions!

M. Lazure: Ah! Ah! Ah! Pourquoi pas! Dans le fond, quelle que soit la modalité... C'est un élément nouveau. La CSD est le premier groupement qui nous conseille, par cette proposition bien concrète, de reprendre cette lutte avec le gouvernement fédéral pour qu'on assume pleinement la juridiction en matière de régime de rentes. Je prends bonne note de cela. Mais on veut être réaliste, je ne pense pas que ce rapatriement puisse se faire dans un avenir très prochain. À ce moment-là, je reviens à ma question: Est-ce que, comme alternative, on ne peut pas songer à utiliser l'administration du Régime de rentes, qui est une bonne administration, qui a beaucoup de crédibilité"? Je vous pose la question.

M. Dion: On n'aurait pas d'objection, M. le ministre, pour autant qu'on soit assuré que les revenus entrent. On n'aurait pas d'objection à cela.

M. Lazure: Bon. Il y aurait beaucoup de choses à dire, mais sur l'essentiel j'apprécie beaucoup ce mémoire de la Centrale des syndicats démocratiques. Nous avons, au fond, les mêmes objectifs. Je pense que les dirigeants de la centrale nous ont fait un plaidoyer éloquent sur l'urgence d'améliorer les revenus des pensionnés. C'est ce à quoi

le gouvernement veut s'attaquer en priorité. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre.

Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: À mon tour, je veux remercier les représentants de la Centrale des syndicats démocratiques qui sont venus se faire entendre devant nous aujourd'hui. Je ne reprendrai pas tous les points que le ministre a soulignés et qui découlent, en grande partie, de représentations que M. Dion a faites. Sauf que je pense que le pot était bien mérité, les fleurs ayant été mises de côté.

Non, écoutez, vous, vous voulez finir en beauté, parce qu'il reste que c'est depuis 1977 que le gouvernement a le rapport COFIRENTES et c'est vrai qu'il ne s'est pas bougé les pieds et il y avait dedans des recommandations très précises telles qu'on ne se retrouverait peut-être pas aujourd'hui avec les deux tiers de la population âgée qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté.

Je pense - on en a discuté beaucoup à cette table, je ne veux pas me répéter - que l'abolition de l'âge de la retraite, c'est une chose, mais cela ne règle en rien toute la question de la sécurité du revenu pour les personnes âgées. Ce que j'apprécie, dans ce que vous avez fait, même si je dois vous dire que vous allez peut-être publier quelque chose, ou vous allez avoir votre congrès, c'est que vous avez invité aussi l'Opposition apparemment. Je l'apprécie, il reste que je trouve quand même un peu plus imaginatif que vous veniez avec des ébauches, des solutions que vous seriez prêts à ébaucher avec le gouvernement ou avec d'autres. Je pense que cela est excellent.

Ce problème de la pauvreté est considérable. On pourrait peut-être demain injecter tant de millions ou de milliards de plus et on serait peut-être encore vis-à-vis d'un problème de pauvreté. On ne serait peut-être plus sous le seuil de la pauvreté par rapport aux normes du Diet Dispensary de Montréal, mais on serait peut-être en dessous du seuil de pauvreté par rapport aux normes du Sénat canadien, parce que je pense qu'il y a un décalage entre les deux pour ne nommer que ceux-ci. Je trouve cela intéressant et j'espère qu'on aura l'occasion de pouvoir en discuter plus à fond. Ces questions sont quand même complexes.

Il y a juste une question que je voudrais poser à M. Hétu. C'est au sujet de la difficulté, je pense, que vous éprouvez à prouver la discrimination soit dans l'embauche, le congédiement, mais particulièrement dans le congédiement. Je pense que c'est surtout là que le bât blesse. À l'heure actuelle, des griefs comme ceux-là, est-ce que généralement vous les gagnez?

Qu'est-ce qui est mis en preuve? Je ne suis pas familière avec ça mais ça m'intéresse, parce que c'est une notion qui est revenue souvent avec d'autres groupes et qui peut revenir davantage avec le recul de l'âge de la retraite. À ce moment, on serait plus près à utiliser cet élément de discrimination que peut-être d'autres qu'on a utilisés dans le passé: la mauvaise vision, qui pouvait être vraie ou pas vraie, etc.

M. Hétu: Disons qu'au départ le pas vraiment positif qui va être fait, si jamais on adopte le projet de loi no 15, cela va être d'éliminer la discrimination qu'on peut appeler formelle quant à l'âge et aux années de service. C'est vraiment un pas précis. Dans le passé, on a perdu des griefs de façon claire, nette, parce que c'étaient des politiques inhérentes à l'entreprise, n'est-ce pas? Avec une disposition aussi claire que celle qui est proposée quant au recours, il y a l'objectif qui est visé, là-dessus, c'est évident. Quant à l'avenir, je ne pense pas qu'on puisse perdre des cas. C'est vraiment positif. Cependant, on sait par expérience -on l'a vu ce matin d'une manière indirecte -qu'il va se produire - et c'est évident - des formes concrètes de discrimination. On a parlé, par exemple, face à la productivité, des quotas de production; il est évident qu'on va jouer sur cet élément. C'est pourquoi il va falloir qu'à l'avenir on suive cela de très près et qu'on apporte des correctifs dans le cadre de la Loi sur les normes du travail.

Il est même prévu, par exemple, dans la loi, concernant les systèmes de rémunération au rendement... c'est drôle à dire, mais il y a des travailleurs qui ont 60 ans et qui travaillent encore avec des systèmes de rémunération au rendement, vous savez. Alors, si j'avance en âge, il va être beaucoup plus difficile d'atteindre ce qu'on appelle dans le jargon les quotas de production fixés par la rémunération au rendement et cela deviendra un motif de congédiement. (18 h 30)

On n'évoquera pas l'âge, on va évoquer le fait que le travailleur n'est pas capable de produire selon les exigences de l'entreprise, tout comme on pourrait évoquer d'autres motifs inhérents au vieillissement, mais on n'utilisera pas la question d'âge. On va tout simplement soulever que ce travailleur n'est pas capable de satisfaire aux exigences normales de la tâche et ça va être difficile à démontrer au niveau des arbitrages, à moins qu'il n'y ait des dispositions spécifiques qui protègent les travailleurs, ceux qui sont syndiqués, d'une part, parce que c'est ceux-là qui sont protégés par des conventions collectives, mais il y a les autres, et ils sont nombreux, ceux qui ne sont pas syndiqués et qui seront victimes de ces discriminations qui n'auront

pas trait à l'âge du tout. Elles auront trait à leur incapacité tout simplement physique, mentale ou tout simplement à leur manque de capacités. On va leur dire: Vous ne pouvez pas satisfaire aux exigences normales de travail. Il n'y aura pas de possibilité de les protéger en vertu de la Loi sur les normes du travail telle qu'elle existe actuellement. Il faut être attentif à cela et, dans toute la législation du travail, y compris la Loi sur la santé et la sécurité du travail, y compris aussi la Loi sur les normes du travail et les autres, il va falloir qu'on apporte les modifications nécessaires pour permettre aux gens de travailler selon leurs capacités.

En d'autres termes, il faudra adapter le travail aux hommes et aux femmes. Actuellement, qu'on le veuille ou non, avec les modèles d'organisation qui existent dans l'entreprise, ce sont les travailleurs et les travailleuses qui doivent s'adapter au régime et au mode de production. Si on n'est pas adapté à cela, on a des problèmes pratiques et c'est le congédiement, pour cause. C'est cela qui est subtil. On apporte un raisonnement par analogie dans notre mémoire en parlant du congédiement pour activités syndicales. Aujourd'hui, les patrons ont découvert - ils sont rares maintenant ceux qui vont congédier spécifiquement un travailleur pour activités syndicales d'autres motifs sous le couvert de cause juste et suffisante. On va évoquer toutes sortes de motifs. Déjà, les employeurs où il y a un syndicat sont expérimentés. Ils vont utiliser par analogie, bien sûr, les mêmes procédés non pas pour se débarrasser - c'est un terme grossier, une caricature - mais pour donner congé tout simplement aux travailleurs qui prennent de l'âge et qui auraient pu et qui devraient continuer parce qu'ils ont un manque à gagner à satisfaire.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, M. Hétu. Mon collègue de Nelligan aurait quelques questions à vous poser.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Tout d'abord, je voudrais vous offrir nos félicitations pour votre mémoire. Je pense que, comme dernier mémoire, cela a été très symbolique. Cela a sans doute été pour moi le plus intéressant que j'ai entendu ici.

M. Hétu, à titre d'information, vous avez parlé de certaines industries, par exemple, l'industrie de l'amiante, les fonderies et l'industrie du textile, où il y a justement ce grand problème de l'incapacité prématurée due à des maladies du travail. Dans ces industries, y a-t-il un programme maintenant, une assurance pour incapacité quand les gens ne peuvent plus fournir le travail pour lequel ils ont des compétences techniques ou professionnelles et qui serait une mesure intérimaire de revenu en attendant l'âge de la retraite obligatoire? Y a-t-il quelque chose dans ce sens?

M. Hétu: Dans le textile, le vêtement et la chaussure, lorsque des travailleurs sont licenciés à la suite d'une modernisation, on peut accéder, selon un certain nombre de conditions qu'il faut satisfaire, par exemple, 20 ans d'ancienneté dans l'entreprise et avoir 54 ans, à un régime de préretraite, qu'on appelle, à compter de l'âge de 54 ans. Ensuite, au niveau des incapacités dues à des maladies professionnelles, bien sûr, il y a la Loi sur les accidents du travail actuellement qui couvre un certain nombre de maladies professionnelles reconnues, par exemple, dans l'amiante. Mais le problème qui se pose par rapport aux travailleurs de l'amiante, c'est que, constatant que bon nombre actuellement de travailleurs qui sont à l'emploi - près de 200 travailleurs, 190 environ - ont pris leur retraite d'une manière prématurée grâce à la loi 52 et constatant aussi que la maladie de l'amiantose est évolutive à mesure qu'ils prennent de l'âge, d'autres travailleurs disent: Nous autres, on ne veut plus continuer à travailler jusqu'à 60 et 65 ans. On voudrait que la retraite soit à 55 ans.

À notre grande surprise, dans le projet de loi sur le fonds minier - évidemment, il n'est pas prévu qu'il s'applique aux travailleurs de l'amiante - on a vu que l'âge de la retraite obligatoire qui y était fixé était 65 ans. Nous, on se dit qu'il faudrait, pour les travailleurs miniers, qu'elle soit à 55 ans parce qu'il est prévu un fonds d'indemnité, d'aide, etc. Pour d'autres types de travailleurs, je pense que le ministre a répondu tantôt quand il a dit qu'éventuellement... Est-ce que je me trompe? vous référez au nouveau projet de loi sur la réparation des lésions professionnellles quand vous parlez de... Précisez.

M. Lazure: Non, je parlais d'un autre projet de loi qui va suivre comme deuxième étape. Un projet de loi qui va toucher surtout la retraite anticipée et la retraite anticipée chez des travailleurs qui souffrent d'une invalidité de 25%, indépendamment des réformes au régime de compensation.

M. Lincoln: Pourrais-je poser deux questions à M. Dion, s'il vous plaît? La première question, vous avez parlé d'une suggestion d'un salaire minimum de 18 000 $ qui donnerait une pension de 12 600 $, je pense, 70%. Est-ce que vous parlez de ça indépendamment des bénéfices supplémentaires, tels que pension de vieillesse, etc., ou bien est-ce que vous dites 12 600 $ intégralement?

M. Dion: Intégralement.

M. Lincoln: Intégralement. C'est-à-dire que ça inclurait tous les bénéfices supplémentaires.

La deuxième question, puisque vous avez l'air d'avoir pas mal de statistiques sur vos membres, etc., est-ce que vous savez combien de vos membres vont prendre leur retraite avec des revenus adéquats selon vous, bien au-dessus du seuil de la pauvreté? Je concède que ce n'est pas 2600 $ mais disons que ce soit plus de 4000 $, plus que le seuil de la pauvreté. Est-ce que vous avez des statistiques? Seconde partie de cette question, est-ce que vous savez combien de membres de votre syndicat seront obligés de continuer à travailler après 65 ans parce qu'ils n'auront pas assez de revenus? Est-ce que vous avez fait des recherches là-dessus?

M. Dion: Quatre sur cinq sont dans l'insuffisance et préféreraient arrêter de travailler mais, parce qu'ils sont dans l'insuffisance, ils seront probablement forcés de travailler ou d'essayer de travailler jusqu'à ce que l'employeur ne les endure plus.

M. Lincoln: Voici pourquoi on vous demande ça. C'est parce qu'il y a des statistiques américaines qui ont été citées; on place ce nombre de gens au-dessus de 65 ans à peut-être une toute petite proportion de 2%, maximum 4%. Quand vous dites 4 sur 5, ça représente combien de personnes si elles avaient à continuer à travailler au-dessus de 65 ans?

M. Dion: C'est les 4/5 des retraités, il y en a environ 500 000 actuellement au Québec. Il y a 569 882 retraités au Québec et 55,93% ont un revenu de 79,37 $ pour vivre.

M. Lincoln: Peut-être que je me suis mal exprimé. Ce que je vous demandais, c'est parmi les membres de votre centrale qui sont au travail maintenant. Ceux qui normalement auraient été obligés de prendre leur retraite à 65 ans parce que c'est comme ça que c'est prévu. Maintenant, avec la loi flexible, la loi qui abolit l'obligation de se retirer à 65 ans, ils vont continuer à travailler. Combien sont obligés? II y en a qui sont obligés de continuer à travailler à cause du manque de revenu. Est-ce que vous avez fait des recherches, des statistiques, présenté des questionnaires à vos membres pour savoir combien profiteraient de cette loi parce qu'ils sont obligés?

M. Dion: J'ai la conviction que plusieurs malgré ça vont se priver de travailler et vont accepter de souffrir un peu, mais il devrait y en avoir quatre sur cinq, parce qu'ils ont une insuffisance de revenus, qui seraient obligés de travailler pour atteindre les 12 600 $.

M. Lincoln: Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

Fin des auditions

M. Lazure: M. le Président, permettez-moi quelques brefs commentaires pour clôturer cette commission parlementaire. Je veux d'abord remercier les membres de la commission, du côté ministériel aussi bien que du côté de l'Opposition, pour leur collaboration, remercier aussi la présidence, remercier les groupes, les individus qui sont venus participer et les individus, au-delà de 500, qui nous ont envoyé des lettres.

Je veux souligner encore une fois qu'il s'agit d'une première étape dans une réforme importante visant à améliorer les revenus des retraités, souligner l'éclairage utile que nous avons reçu durant cette commission parlementaire qui va nous permettre d'apporter des modifications au projet de loi. Deux exemples de ces modifications que nous envisageons: une implantation graduelle de cette nouvelle loi aussi bien qu'une possibilité d'exemption pour un certain nombre de groupes.

Finalement, M. le Président, cette loi donne un droit nouveau aux individus. C'est là essentiellement l'objectif de la loi. C'est une loi qui enlève une discrimination et, tout en accordant un droit nouveau, va permettre aussi à un certain nombre de personnes, dont parlait M. Dion tantôt, qui sont sous le seuil de la pauvreté et qui ont les capacités de continuer à travailler de le faire et, par conséquent, de maintenir un revenu décent pendant au moins quelques années additionnelles.

Enfin, à part le revenu économique que cela va apporter à un certain nombre de personnes qui vont vouloir profiter de cette nouvelle loi, cela va aussi apporter un bien-être psychologique qui n'est pas négligeable, cela va apporter un sentiment de sécurité psychosociale chez l'individu qui pourra planifier selon son état de santé, selon ses capacités, de façon plus personnelle, le moment où il voudra prendre sa retraite. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci M. le ministre.

Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais également remercier tous les groupes qui se sont présentés, ils nous ont fait la démonstration que la commission parlementaire était loin d'être superflue et

que plusieurs réticences que nous avions exprimées au moment du discours de deuxième lecture se sont avérées exactes.

J'apprécie le fait que le ministre, je pense qu'il n'a pas le choix...

M. Lazure: ... parce que je n'ai pas le choix.

Mme Lavoie-Roux: ... animé de sa fougue habituelle, a décidé en cours de route de réfléchir et de voir les conséquences plus avant; il reviendra fort probablement avec un autre projet de loi.

Le ministre soulignait que compte tenu de la pauvreté d'un grand nombre de personnes âgées, ce projet de loi va peut-être permettre de soulager leur pauvreté et de leur apporter sur le plan économique un certain bien-être.

L'on repart du tout début. La raison principale pour laquelle on a voté en deuxième lecture pour le principe de la loi, ce qui m'apparaît le plus important, c'est l'élimination de la discrimination selon l'âge qui est contenu dans ce projet de loi. Si cet élément économique dont parle le ministre n'est pas désirable, les gens vont opter pour continuer de travailler s'ils le désirent uniquement pour une raison économique. Comme société, on n'aura pas donné à nos personnes âgées les revenus dont normalement elles devraient pouvoir jouir lorsque arrive l'âge de la retraite. C'est dans ce sens-là que deux de mes collègues lors du discours de deuxième lecture avaient dit: On ne peut pas parler d'un véritable choix de travailler ou de ne pas travailler, c'est un choix fictif, lorsque l'on travaille par nécessité économique rendu à 65 ans et plus.

Ce qu'il ne faut surtout pas oublier, c'est que ceux qui vont s'en prévaloir pour un objectif économique en vue d'augmenter leurs revenus, ce sont les personnes qui se seront le plus usées au travail, les gens à plus bas revenu, ce sont les gens qui auront occupé toute leur vie des emplois qui, sur le plan physique, sont difficiles et qui peut-être seraient les premiers qui devraient vouloir et pouvoir jouir d'une retraite même d'une retraite anticipée. (19 heures)

Alors, on n'est qu'au début du travail dans tout ce domaine de la sécurité du revenu pour les personnes du troisième âge, des régimes de retraite, etc. Tout ce dont nous pouvons assurer le public, c'est que nous allons sans répit harceler le gouvernement pour qu'il mette à exécution ses promesses touchant la sécurité du revenu pour les personnes âgées.

Alors, je vous remercie, M. le Président, et je pense que cela a été...

Le Président (M. Boucher): Merci, Mme la députée. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie les représentants de la Centrale des syndicats démocratiques pour la présentation de leur mémoire.

Je demanderais au rapporteur de cette commission de faire rapport à l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais.

La commission des affaires sociales ajourne ses débats sine die.

(Fin de la séance à 19 h 01)

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