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(Dix heures quatorze minutes)
Le Président (M. Boucher): La commission permanente des
affaires sociales est réunie pour entendre les personnes ou organismes
relativement au projet de loi no 15 sur l'abolition de la retraite obligatoire
et modifiant certaines dispositions législatives.
Les membres de la commission sont: M. Gauthier (Roberval), qui remplace
M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), qui remplace M. Brouillette (Chauveau), Mme
Dougherty (Jacques-Cartier), M. Houde (Berthier), M. Lazure (Bertrand), qui
remplace M. Johnson (Anjou), M. Gravel (Limoilou), qui remplace Mme Juneau
(Johnson), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Ouellette (Beauce-Nord), qui remplace
M. Leduc (Fabre), M. Chevrette (Joliette), qui remplace M. Rochefort (Gouin),
M. Sirros (Laurier).
Les intervenants sont: M. Beauséjour (Iberville), M.
Bélanger (Mégantic-Compton), Mme Harel (Maisonneuve), M. Kehoe
(Chapleau), Mme Lachapelle (Dorion), M. Lafrenière (Ungava), M. Laflamme
(Bourassa), M. Lincoln (Nelligan), qui remplace M. Mathieu (Beauce-Sud), M.
O'Gallagher (Robert Baldwin).
Nous allons énumérer les associations pour aujourd'hui;
dans l'ordre: l'Association des manufacturiers canadiens, division du
Québec, l'Institut canadien des actuaires, William M. Mercer
Limitée, le Conseil de l'âge d'or, région de l'Outaouais,
pour dépôt du mémoire, la Fraternité des policiers
de la Communauté urbaine de Montréal, la Fédération
des commissions scolaires catholiques du Québec, l'Université du
Québec, pour dépôt du mémoire seulement, McGill
University, dépôt du mémoire, M. Pierre Demers, à
titre personnel, M. Léo Gosselin, à titre personnel, et la
Centrale des syndicats démocratiques.
Sans plus tarder, j'appellerais l'Association des manufacturiers
canadiens, division du Québec, représentée par M. Thomas
Lavoie, président du comité.
Association des manufacturiers canadiens, division du
Québec
M. Dessurault (Claude): M. le Président, mesdames,
messieurs, mon nom est Claude Dessurault, vice-président exécutif
de l'Association des manufacturiers, division du Québec. J'aimerais vous
présenter les personnes qui m'accompagnent: M. Thomas
Lavoie, à ma gauche, qui est notre président du
comité de législation et, à ma droite, M. Sarto Paquin,
qui est notre directeur des relations industrielles.
M. le Président, permettez-nous de vous remercier, ainsi que la
commission, d'accepter de nous recevoir ce matin. Avant de procéder,
j'aimerais vous rappeler que l'Association des manufacturiers canadiens, au
Québec depuis 1902, groupe des manufacturiers qui représentent
plus de 75% des produits fabriqués au Québec. J'inviterais Me
Lavoie à commenter le mémoire qui vous a été
soumis. Me Lavoie.
M. Lavoie (Thomas): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs, une mesure législative en matière
d'abolition de la retraite obligatoire doit absolument faire l'objet d'un
diagnostic complet de la situation afin de déterminer s'il existe
vraiment un problème. Un tel diagnostic doit pouvoir arriver à la
preuve convaincante de la nécessité d'apporter un changement.
Nous estimons qu'un tel diagnostic n'a pas été effectué.
À notre avis, la question spécifique de la suppression d'une
retraite est une notion complexe qui exige l'examen minutieux de toute la gamme
des politiques de retraite tant actuelles que proposées. Cette analyse
est d'importance vitale car faute de prévoir les conjonctures futures et
de planifier votre action en conséquence, l'ensemble de
l'économie, le milieu d'affaires du pays, les groupes de citoyens
intéressés et tous les particuliers pourront avoir à subir
de graves répercussions.
D'abord, un des points qui ne peut être ignoré, est celui
de la démographie. On assiste à un vieillissement de la
population canadienne. Le nombre des citoyens formant plusieurs des groupes
d'âge jeunes est effectivement à la baisse, alors que celui des 65
ans et plus s'élève au moins deux fois plus rapidement que
l'ensemble de la population.
Ces tendances démographiques indiquent qu'actuellement au Canada,
le nombre des citoyens aptes à faire partie du marché du travail,
c'est-à-dire âgé de 15 ans ou plus, s'accroît plus
lentement qu'auparavant. On s'attend que dans les années quatre-vingt,
la main-d'oeuvre canadienne, qui augmentait rapidement par le passé,
accuse une diminution sensible. Bien que les statistiques puissent varier selon
les différentes suppositions en matière de population, selon une
estimation, le rapport actuel de sept
travailleurs par personne retraitée sera de trois pour une
à la fin du siècle.
Après la Seconde Guerre mondiale, c'est l'élaboration de
programmes gouvernementaux pour fournir un revenu à la retraite qui a
favorisé la tendance des dernières décennies à une
retraite précoce plutôt qu'à une retraite tardive. De plus,
des pressions se sont exercées auprès des gouvernements et des
dirigeants d'entreprises pour le maintien et l'abaissement de l'âge
normal de la retraite. Ces pressions ont été justifiées
par l'importante augmentation récente de la main-d'oeuvre causée
par la génération de l'explosion démographique
d'après-guerre et par le nombre croissant de femmes sur le marché
du travail.
Il est clair que l'accroissement du nombre des personnes qui sont, si on
peut dire, à la charge de la main-d'oeuvre alourdira
considérablement le fardeau imposé à la population active
du pays. D'un autre côté, les tendances actuelles pour que le
gouvernement réduise ses dépenses persisteront probablement
longtemps. On peut donc supposer que le secteur public tentera de
réduire l'augmentation de ses dépenses dans plusieurs secteurs, y
compris possiblement le revenu qu'il fournit aux personnes
âgées.
Si le report de la retraite à un âge plus avancé
peut atténuer certains des problèmes précités, il
comporte des inconvénients qui lui sont propres. Il risque en effet de
rendre nécessaires des modifications complexes aux régimes de
retraite existants. Il supprime un élément de succession
ordonnée en matière d'emploi. Il donne lieu à un
accroissement du coût des avantages sociaux non reliés à la
retraite pour les employeurs. Dans la mesure où les travailleurs
âgés deviennent relativement moins productifs, le fait qu'ils
restent au travail exerce des pressions à la baisse sur la
productivité générale d'une entreprise. De plus, la
suppression hâtive de la retraite obligatoire risque d'aggraver le
problème du chômage qui est déjà critique au
pays.
La retraite obligatoire est une question importante et complexe aux
facettes multiples. On en a eu la preuve par l'intérêt qu'ont
déjà manifesté les nombreux groupes qui se sont
prononcés sur la question ainsi que par les ressources qu'on a
déjà affectées à son étude. Pour attester de
l'importance et de la complexité du sujet, nous tenons à exprimer
l'avis qu'un examen minutieux et complet de tous ses aspects ne doit
céder en rien à la hâte.
On semble croire parfois qu'une nouvelle loi peut fournir une
réponse à tout problème et, lorsqu'on examine le sujet de
plus près, on se rend compte qu'il existe des lois déjà en
vigueur qui, si bien appliquées, pourraient fournir une solution
déjà praticable. Nous pensons entre autres à la
Loi sur les normes du travail qui est déjà en vigueur.
Les effets probables d'une prolongation ou suppression complète
de l'âge de la retraite justifient qu'on explore l'option plus flexible
d'un processus progressif grâce auquel on pourrait adopter un groupe
d'âge en vue d'une révision graduelle à la hausse de
l'âge de la retraite, selon des critères applicables aux
différents types d'emplois et au travailleur lui-même.
Actuellement, nombreux sont les employeurs qui gardent des
employés inefficaces de 50 ans et plus tant que ces derniers n'ont pas
atteint 65 ans ou, lorsqu'on parle du secteur public, l'âge de la
retraite obligatoire.
Certains de ces employeurs sont disposés à maintenir ces
employés à charge pendant un nombre important d'années. Si
l'âge de la retraite est prolongé à 70 ans ou
indéfiniment, il se peut fort bien qu'on applique alors une
évaluation plus sévère à la performance. Ceci
mettrait fin à l'incidence neutre de la terminaison d'emploi à
l'âge de la retraite pour la remplacer par une cessation d'emploi
beaucoup moins digne, basée sur la notion de causes justes et
suffisantes.
Pour donner une idée de l'ampleur potentielle de cet aspect du
problème, on n'a qu'à songer au nombre d'arbitrages de griefs
basés sur les principes d'ancienneté par rapport à la
compétence.
La suppression ou le report à une date ultérieure de
l'âge normal de la retraite signifie que les travailleurs
âgés garderont leur emploi plus longtemps. La retraite des
employés à un certain âge crée de nouvelles
occasions d'emploi, ce qui fournit aux jeunes employés des
possibilités d'avancement et crée des postes vacants aux
échelons inférieurs. La diminution des possibilités
d'avancement pour les jeunes employés pourrait se traduire par une
motivation amoindrie et risque d'augmenter le chômage des jeunes.
Sur la question du chômage, nous nous permettons de soulever le
problème de coordonner ce projet de loi provincial avec les lois des
autres provinces et les lois fédérales, entre autres la loi sur
l'assurance-chômage. Puisque cette dernière loi fixe à 65
ans la limite d'accès aux prestations, on risque d'augmenter, à
court terme à tout le moins, une catégorie de chômeurs qui
pourrait être inadmissible aux prestations.
Un autre aspect majeur de la suppression de l'âge de la retraite
obligatoire est le coût qu'elle comporte. L'assurance-vie et
l'assurance-invalidité collective sont basées sur des tables
actuarielles qui déterminent ce coût par groupe d'âges. Il
est possible qu'il résulte des épargnes compensatoires du report
à une date ultérieure des paiements par les régimes de
retraite des entreprises pourvu que, premièrement,
l'admissibilité aux prestations de retraite ne commence pas tant que
l'on aura pas mis fin à l'emploi, deuxièmement, que la retraite
différée ne soit pas augmentée de façon actuarielle
et, troisièmement, que l'emploi exercé et la
rémunération gagnée au-delà de l'âge normal
de la retraite ne soient pas compris dans le calcul des prestations de
retraite.
On sait que les lois fixant un âge comme âge de retraite
obligatoire n'existent que dans les secteurs publics de notre province et du
fédéral. La notion de l'âge de la retraite dans le secteur
privé a maintenu une flexibilité qui a cherché à
satisfaire les deux parties avec le concours des associations syndicales. Cette
flexibilité s'est reflétée d'ailleurs dans les conventions
collectives où l'âge de la retraite n'a été
spécifiquement déterminé que pour répondre aux
obligations fixées en vertu de la Loi sur les régimes
supplémentaires de rentes.
La notion de l'âge de la retraite, comme celle des conditions de
travail, doit être souple et évoluer avec les rapports de travail.
Avant d'imposer une nouvelle prohibition pour limiter le champs de la
négociation entre employeurs et employés, il importe de bien
connaître les conséquences autant sociales qu'économiques
d'une telle mesure. C'est pourquoi nous soumettons qu'il va de
l'intérêt public que les coûts inhérents à ce
projet de loi, y compris le secteur public, soient connus et fassent l'objet
d'analyses concluantes.
De plus, il est entendu qu'il y a intérêt à
éviter des incompatibilités entre les exigences
législatives et administratives des différentes provinces. C'est
pourquoi il est extrêmement important que tout changement dans le domaine
des pensions, y compris l'âge de la retraite, ne soit effectué
qu'après une entente de la part de toutes les provinces. Nous
suggérons qu'à part le secteur public, où une
législation détermine l'âge obligatoire de la retraite,
l'employé possède maintenant les recours voulus en vertu des lois
provinciales pour s'opposer à un congédiement basé
uniquement sur l'âge, et nous revenons encore à la loi 126.
Si le gouvernement veut éliminer la contrainte législative
pour ses employés, il lui appartient de le faire sans imposer des
interdictions additionnelles aux conditions de travail en
général.
Nous vous remercions pour l'occasion de pouvoir présenter ces
quelques commentaires et je redonne la parole à M. Dessurault.
M. Dessurault: M. le Président, comme vous l'avez entendu,
je me permets de déclarer que les membres de l'AMC sont fort inquiets et
préoccupés par le projet de loi d'aujourd'hui.
En ce qui concerne le secteur manufacturier, nous avons beaucoup de
difficulté à poser un diagnostic quand nous ne sommes pas
convaincus qu'il existe un problème.
L'âge normal de la retraite dans le secteur privé est de 65
ans dans 90% des sociétés et plus élevé dans
l'autre tranche de 10%. Contrairement au secteur public, il n'existe pas de loi
décrétant l'âge obligatoire de la retraite dans le secteur
privé au Québec.
Dans l'industrie, la coutume a établi le point de repère
à 65 ans, ce qui paraît acceptable autant pour les employeurs que
pour les employés. Certains régimes permettent même la
retraite à partir de 55 ans pendant que d'autres l'établissent
à 70 ans.
Le secteur privé jouit donc d'une grande flexibilité
à l'égard de la retraite et nous ne comprenons pas l'urgence de
ce projet de loi.
M. le Président, pour ces motifs, l'AMC (Québec) croit que
la nécessité d'abandonner le statu quo au Québec n'a pas
encore été démontrée. Nous croyons de plus que les
forces du marché actuel, dans la négociation collective par
exemple, continueront de fournir des options satisfaisantes à la plupart
des employés et des employeurs.
M. le ministre et M. le Président, il nous paraît donc
essentiel, avant de légiférer à cet égard, de
prendre tout le temps de bien identifier les problèmes pour le secteur
privé, d'évaluer les répercussions sur le personnel de nos
entreprises et d'établir les coûts. Merci, M. le Président.
Nous sommes prêts à répondre à vos questions, si
désiré.
Le Président (Boucher): Merci, M. Dessurault, merci, M.
Lavoie. M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, je veux remercier les
représentants de l'Association des manufacturiers de la section du
Québec.
D'abord, une question. Vous dites: Nous sommes en faveur du statu quo.
La question que je vous pose, c'est la suivante. Si on traduit en termes plus
clairs votre mémoire, vous vous opposez au projet de loi. Mais comment
peut-on concilier votre opposition au projet de loi avec l'enquête que le
Conference Board du Canada a menée il n'y a pas longtemps auprès
de 222 employeurs, auprès de 222 entreprises importantes du Canada?
Je me permets de citer une partie du rapport du Conference Board. "Cette
enquête indiquait que ceux-ci, en majorité - les
propriétaires d'entreprises - estimaient que la suppression de la
retraite automatique à un certain âge ou après un certain
nombre d'années de service n'aurait que peu ou pas de
conséquences sur l'efficacité et la rentabilité de leurs
entreprises, leurs régimes de retraite ou même sur l'offre de
main-
d'oeuvre en général. (10 h 30)
La plupart des 222 employeurs sondés par le Conference Board ont
déclaré ne pas craindre que la suppression de la retraite
obligatoire ne cause de sérieuses difficultés pour la gestion du
personnel. Ils estiment également que les employés
âgés sont tout aussi fiables et efficaces que les plus jeunes.
Enfin, ces employeurs ont répondu majoritairement que la plupart des
programmes sociaux, comme l'assurance-maladie, les assurances
complémentaires, pourraient être maintenus comme tels."
En d'autres termes, ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est
que quand le Conference Board parle de 222 entreprises importantes, on doit
retrouver à l'intérieur de cela, un certain nombre d'entreprises
que représente l'Association des manufacturiers canadiens. Ma question,
c'est: Vous êtes au courant de ce sondage, de cette enquête, qu'en
pensez-vous?
M. Paquin (Sarto): Si vous le permettez, M. le ministre, nous
respectons, bien sûr, les conclusions amenées par le Conference
Board. Toutefois, vous allez nous permettre, quand même, de porter
également foi à la consultation que nous avons faite. Je pense
que le Conference Board dit également, à un moment donné,
qu'une certaine majorité des employeurs n'y voit pas tellement de
problème. Mais je vous prie de remarquer qu'on ajoute - j'essaie de me
souvenir de la référence - que tout ça doit quand
même se faire tout en évitant d'accroître les coûts
qu'une telle politique peut amener.
Durant l'été 1981, je pense que l'organisme "Canadian
Pension Conference" avait également fait état d'une étude
où on disait que 45% des employeurs n'avaient pas d'objection à
ce qu'il y ait abolition de l'âge de la retraite, mais à une
condition fort importante. C'est qu'on ne soit pas obligé, par le fait
même, d'en payer un coût astronomique. L'étude, bien
sûr, on y porte foi, mais on porte également foi à la
consultation que nous avons faite.
Si vous me permettez d'ouvrir une courte parenthèse, ce qui est
difficile pour nous actuellement, M. le ministre, c'est la chose suivante. On
n'a pas une vue de l'ensemble de la situation. On ne vous dit pas qu'il ne
devrait pas y avoir une politique d'ensemble concernant les "problèmes"
qui peuvent exister avec l'âge de la retraite, mais on semble vouloir
actuellement nous demander de suggérer des remèdes alors qu'on ne
connaît pas la maladie. C'est difficile. On pense que cela
s'intègre dans un ensemble. Par exemple, la politique du Québec
en termes de vieillissement, on l'attend toujours, enfin, on ne le dit pas,
mais on l'attend.
M. Lazure: M. le Président, les personnes qui s'opposent
à ce projet de loi -avec l'expérience qu'on a, c'est la
troisième journée en commission parlementaire - sont les gens qui
vont être quelque peu dérangés par les répercussions
d'un tel projet de loi et c'est normal que ces personnes s'y opposent. Par
ailleurs, ce qui est frappant aussi, c'est que les groupes de personnes
âgées, retraitées ou préretraitées, qui sont
venus ici, qui nous ont envoyé des mémoires sont massivement pour
ce projet de loi parce que ce sont ces personnes qui sont susceptibles d'en
profiter. Les enquêtes Gallup qui ont été menées
depuis quelques années montrent clairement que le pourcentage de la
population qui désire abolir l'âge obligatoire de la retraite
augmente constamment. Il est rendu à au-delà de 60% maintenant
dans les sondages. Alors, il ne faut pas croire que cela ne répond pas
à un besoin, cela répond à un besoin.
Je vais essayer de clarifier quelques points que l'association a
soulevés dans son mémoire. Bien sûr, cela demande une
évaluation plus rigoureuse lorsqu'on ne peut plus remercier quelqu'un
simplement à cause de son âge. Les Américains ont fait
plusieurs enquêtes; il y en a une en particulier qui a été
faite par un groupe de Portland, The Institute in Ageing, Portland State
University, et, effectivement, à la suite de la loi, on se rend compte
que 20% des employeurs sur 2000 qui ont été interrogés,
disent devoir être plus sévères dans l'évaluation du
rendement des employés. Il faut s'y attendre, c'est normal. Ce qui est
surprenant, c'est que ce soit seulement 20% qui disent avoir été
plus rigoureux dans leur méthode d'évaluation.
Là-dessus on est d'accord. C'est bien sûr que les
évaluations qui, souvent, laissent à désirer, autant dans
le privé que dans le public, devront être plus
sévères, plus rigoureuses.
Je ne suis pas d'accord du tout avec l'association quand vous dites que
la productivité d'une personne de 65 ans est nécessairement plus
basse que celle d'une personne plus jeune. C'est quoi, la productivité?
Dans les études américaines qu'on a, ça ne ressort pas
aussi clairement. Une chose qui ressort clairement, c'est l'absentéisme.
L'absentéisme se mesure facilement. La productivité, c'est plus
difficile à mesurer dans bien des tâches; mais
l'absentéisme, c'est mathématique, ça se mesure
très facilement. Une chose est certaine, c'est que l'absentéisme
est moins fort chez les personnes âgées que chez les plus jeunes,
selon les études américaines, depuis que cette législation
a permis l'embauche d'un plus grand nombre de personnes âgées.
Donc, l'absentéisme est moins élevé chez la personne
âgée que chez la personne plus jeune.
Les coûts: Vous parlez des avantages sociaux. J'ai eu l'occasion
de le dire la semaine passée, les personnes qui continueront de
travailler devraient toucher la même rémunération globale.
Ce n'est pas parce qu'elles ont 65 ans aujourd'hui que leur
rémunération globale devrait changer par rapport à la
veille, à 64 ans. Autrement dit, pour un travail égal, la
rémunération devrait être égale. Donc, dans notre
esprit, il n'est pas exact de dire qu'il y aura augmentation des
bénéfices marginaux. La rémunération étant
égale, si la personne désire bonifier son système
d'assurance-maladie, d'assurance dentaire, peu importe, elle le fera aux
dépens d'un autre avantage social.
Pour nous, il n'est pas question d'augmenter les coûts, c'est la
même rémunération globale qui pourrait être
répartie autrement.
Finalement, je l'ai dit au cours de mes remarques la semaine
passée, il est bien certain qu'on devra avoir des négociations
non seulement avec les provinces, mais aussi avec le gouvernement
fédéral. On a déjà indiqué notre intention
d'entamer des pourparlers.
Vous dites: Pourquoi se hâter pour adopter un tel projet de loi?
Bien sûr, quand on n'est pas soi-même visé ou victime d'une
discrimination qui n'est strictement fondée que sur l'âge, on ne
voit pas l'urgence de modifier l'état actuel des choses. Mais, encore
une fois, il n'est jamais trop tôt; il est toujours urgent de
réparer une situation discriminatoire vis-à-vis de certaines
personnes.
Les prédictions un peu alarmistes que vous avez exprimées
dans votre mémoire, on les avait entendues aussi lors des débats
aux États-Unis, quand le Congrès américain a
présenté cette législation. Curieusement, tout le monde,
aujourd'hui, après trois ans de modification, s'accorde pour dire:
Toutes ces prévisions alarmistes ne se sont pas réalisées.
On ne voit pas pourquoi elles se réaliseraient ici. La tendance demeure
et va demeurer vers une retraite plus jeune et non pas le contraire.
Nous ne disons pas: On veut que les gens travaillent plus longtemps. On
veut simplement que la personne qui le désire, à 65 ans, puisse
continuer si elle se sent en forme. C'est simplement d'ajouter un droit
à une personne et non pas de vouloir influencer le marché du
travail. De toute façon, en définitive, on sait, de par les
expériences d'autres pays, que cela n'a pas d'influence importante sur
le marché du travail et nos prévisions sont qu'il y aura à
peine quelques milliers de personnes qui voudront bénéficier de
cette nouvelle liberté de choix. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre.
M. Paquin: Vous me permettrez peut-être quelques
commentaires en réponse aux remarques du ministre.
Le Président (M. Boucher): M. Paquin.
M. Paquin: Vous avez soulevé plusieurs points, M. le
ministre. Vous nous dites, par exemple, que les personnes âgées
sont pour la loi. Bien sûr, on s'attendait que vous nous disiez cela. Je
vous rappelle tout simplement que le patronat, de façon
générale, est contre le projet de loi. Je sais que certaines
centrales syndicales importantes au Québec sont également contre,
ce qui veut dire que ce sont quand même des interlocuteurs valables.
Lorsque vous nous parlez de productivité, j'essaie de rallier
cela un peu à certains problèmes de recyclage des
employés, si on peut dire ainsi. Vous me permettrez de porter à
votre attention que certains règlements qui régissent la loi 101,
par exemple, précisent qu'un employé qui a 25 ans de service
continu ou qui est à cinq ans de sa retraite est exclu de l'obligation
d'apprendre le français. Si une telle obligation est faite, c'est sans
doute qu'on en arrive, à un moment donné, à la conclusion
que cela peut être difficile pour lui d'apprendre le français.
Vous me permettrez de faire un parallèle en disant que, s'il est
difficile de faire cela, il est peut-être difficile pour lui
également de s'adapter aux changements technologiques que nous
connaissons maintenant.
Lorsque vous parlez des avantages sociaux, pour ma part, je suis heureux
d'apprendre que, lorsque vous parlez de rémunération globale, si
j'ai bien compris, vous nous dites - pour les personnes de 66 ans, 67 ans ou 68
ans - que cela pourrait signifier des accroissements - il va y en avoir
sûrement - de coût des avantages sociaux, mais que c'est
contrebalancé par autre chose et que, finalement, la
rémunération globale demeure la même; c'est plus consolant.
De toute façon, cela ne nous donne pas une idée précise du
coût qu'un tel projet pourrait représenter.
Nous insistons, encore une fois, M. le ministre, pour vous informer que,
selon nous, en tout cas, dans le secteur manufacturier au Québec, on n'a
pas de problème avec la retraite obligatoire. Il y a des ententes qui se
font. La majorité des plans de retraite prévoient que
l'employé peut prendre une retraite anticipée, qu'il peut prendre
une retraite excédant 65 ans. On a plutôt l'impression que le
problème - et vous me corrigerez si je me trompe - réside
plutôt dans le secteur public et qu'on nous demande de trouver une
solution à des largesses que certains gouvernements ont pu octroyer,
à un moment donné. Vous nous placez encore dans la situation de
peut-être corriger un
problème qui n'existe pas dans nos entreprises, mais qui existe
à d'autres niveaux.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Lazure: Un dernier mot, si vous me le permettez. Je ne peux
pas partager l'opinion du représentant de l'Association des
manufacturiers qui dit qu'il n'y a pas de problème dans le secteur
privé. Peut-être que, du point de vue patronal, il n'y en a pas,
mais il y en a certainement du point de vue des employés - ne serait-ce
que d'une manière individuelle - qui nous font des
représentations pour qu'on adopte une telle loi.
Deuxième remarque: Je voudrais bien savoir quel syndicat s'oppose
à la loi. Il n'y a aucune des centrales qui s'est opposée
à la loi. C'est assez curieux, le malentendu qu'il y a dans le public.
Les médias en sont un peu responsables. Je pense, par exemple, à
l'Intersyndicale qui est venue la semaine passée et qui regroupait, en
plus de la CSN, la CEQ et plusieurs syndicats. Ce regroupement
intersyndicaliste n'est pas contre ce projet de loi, c'est dit en toutes
lettres dans son mémoire, mais ce qu'il réclame, c'est autre
chose. Beaucoup de mémoires ont paru être opposés au projet
de loi alors qu'ils sont pour le projet de loi, mais ils nous disent: Ce ne
sont pas nos priorités; nos priorités sont que vous rendiez plus
intéressant le RRQ, le Régime de rentes du Québec, que
vous rendiez plus intéressants les régimes supplémentaires
de rentes.
Finalement, il n'y a aucun syndicat qui s'oppose. La FTQ a tenu un
colloque où il y a eu, par un vote de 54 à 46, une opposition au
projet de loi qui était basée sur le malentendu suivant: Les
syndiqués de ce colloque disaient: Nous nous sommes battus durant des
années pour avoir le loisir de nous retirer à 55 ans ou à
60 ans, on ne va pas maintenant accepter d'être obligés de se
retirer à 70 ans. Le malentendu fondamental est que certains
syndiqués ont cru que le projet de loi allait enlever les droits acquis
sur la retraite anticipée. (10 h 45)
Encore une fois, ce projet de loi ne touche en rien la retraite
anticipée, qui non seulement va demeurer, mais que nous voulons
promouvoir encore plus dans une deuxième étape. En
définitive, M. le Président, je ne voulais quand même pas
laisser passer sans la relever cette affirmation que les syndicats
étaient contre le projet de loi. Finalement, je ne vois pas sur quoi on
peut se baser pour dire qu'on est contre ce principe d'abolir une
discrimination.
Le Président (M. Boucher): M.
Dessurault.
M. Dessurault: M. le Président, pour terminer, simplement
un commentaire qui répète peut-être ce que nous avons
déjà déclaré: c'est que si nous avions l'occasion
d'étudier les répercussions des problèmes et les
coûts pour l'entreprise privée, cela ne veut pas dire que nous
nous opposerions au projet de loi, éventuellement. Nous aimerions bien
avoir cette occasion d'évaluer ce que cela représente.
M. Lazure: M. le Président, je répète, si
c'est de nature à rassurer l'association, que dans le projet de loi, il
va y avoir une implantation graduelle. On est bien conscient que les 5000
régimes supplémentaires, les 5000 régimes de retraite
privés qui sont en général négociés vont
être affectés par une telle législation. On est bien
conscient de cela. C'est pour cela que j'ai dit la semaine dernière - je
le répète - que nous allons introduire une application graduelle,
étapiste, du projet de loi, un peu selon le modèle
américain qui a donné jusqu'à trois ans pour
l'implantation d'une nouvelle mesure comme celle-là. Nous n'avons pas
l'intention de brusquer du jour au lendemain l'entreprise privée. Nous
allons ou bien respecter l'échéance des nouvelles
négociations par le biais des conventions collectives, lorsque cela
s'applique, ou encore établir un délai maximum qui peut varier
entre deux et trois ans.
M. Dessurault: Je pense que ces études pourraient se faire
avant de soumettre un projet de loi.
M. Lazure: M. le Président, je réponds tout
simplement au représentant de l'Association des manufacturiers canadiens
qu'on a accumulé depuis cinq ou six ans un grand nombre d'études,
non seulement celle des États-Unis, mais celles du gouvernement du
Canada, du gouvernement de l'Ontario, le gouvernement de la Saskatchewan, du
gouvernement du Québec, études affectant aussi bien l'abolition
de la retraite obligatoire que la retraite anticipée. Ces études
sont en train de garnir plusieurs rayons de bibliothèque, et je pense
que si on suit la voix de la population, il est temps de passer à
l'action, tout en respectant un certain rythme qui ne va pas bouleverser les
coutumes et les conventions dans le secteur privé et dans le secteur
public.
M. Dessurault: Merci.
Le Président (M. Boucher): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. À mon
tour, je veux remercier
l'Association des manufacturiers canadiens pour le mémoire
qu'elle a présenté. Je pense qu'on a de part et d'autre
tenté de montrer les bons et les mauvais côtés de ce projet
de loi. Je dois dire quand même que, compte tenu des hésitations
que vous avez ou de l'ambivalence que vous avez, je suis un peu surprise de la
conclusion qui dit que "la nécessité d'abandonner le statu quo au
Québec ou dans d'autres juridictions canadiennes n'a pas
été démontrée." Vous faites une
démonstration quand même assez longue du rapport qui passera de
sept à trois quant au nombre de personnes qui devront soutenir d'autres
personnes à charge, ce qui va causer des charges additionnelles
importantes pour les gens qui sont activement sur le marché du travail.
Je pense aussi que vous avez fait allusion à toute la question des
revenus qui sont dans les caisses des régimes de retraite.
Particulièrement au niveau gouvernemental, le gouvernement aurait de la
difficulté à remplir ses obligations et il y avait
peut-être une motivation économique aussi à retarder
l'âge de la retraite en retardant le paiement de ces retraites.
Vous faites valoir un certain nombre d'arguments en faveur de
l'abolition de l'âge de la retraite ou de la prolongation des gens sur le
marché du travail et, par contre, évidemment, vous faites valoir
les coûts que cela va impliquer, etc. Je dois vous dire que vous avez
raison quand vous parlez de la hâte du gouvernement à adopter ce
projet de loi. Je pense que là-dessus il y a eu unanimité ou
à peu près de tous les intervenants qui sont venus devant nous et
qui ont interprété, avec des motivations différentes, la
hâte du gouvernement à aller de l'avant avec ce projet de loi.
D'ailleurs, c'est assez intéressant de voir que, sur ce projet de loi,
la deuxième lecture a déjà eu lieu et que là, le
ministre va rattraper son projet de loi et en écrire un nouveau, alors
que, normalement, il y a des commissions parlementaires après la
première lecture et, à ce moment-là, on récrit son
projet de loi si on juge que les interventions qui ont été faites
motivent une modification en profondeur du projet de loi. Là, le
gouvernement - et particulièrement le ministre - était tellement
sûr de son projet de loi qu'il l'a fait adopter en deuxième
lecture. Il est venu après avec sa commission parlementaire et
là, il va récrire son projet de loi. Qu'il y ait de la hâte
et de l'accélération peut-être mal contenue, je pense que
là-dessus, même le ministre -évidemment, on ne lui
demandera pas de l'avouer - n'aurait pas la mauvaise foi de le nier.
M. Lazure: Vous avez voté pour le principe?
Mme Lavoie-Roux: Oui, on a voté pour le principe.
M. Lazure: La deuxième lecture, c'est le principe.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais il reste qu'on a procédé
d'une façon fort différente. Vous étiez passablement
sûr de votre projet de loi quand vous arrivez... On a soulevé
à peu près toutes les objections qui ont été
soulevées ici en commission parlementaire au cours de la deuxième
lecture, je vous le fais remarquer, M. le ministre.
Pour justifier son projet de loi, évidemment, le Conference Board
of Canada n'aura jamais été cité aussi abondamment et
surtout par le parti ministériel, que depuis le début de cette
commission parlementaire. Je pense que c'est au moins six fois par jour qu'on
entend citer le Conference Board, qui a acquis beaucoup de
notoriété dans les trois derniers jours au cours des trois
séances que nous avons tenues. Il y a aussi une tendance du ministre
à aplanir toutes les difficultés en généralisant un
peu trop l'expérience des États-Unis qui - on le sait - est quand
même limitée quant à sa portée aux institutions
fédérales et ainsi de suite. Jusqu'à ce qu'on soit ici en
commission parlementaire, j'avais l'impression que c'était une chose
généralisée aux États-Unis dans tous les secteurs,
mais tel n'est pas le cas. Je suppose que, pour le ministre, c'est de bonne
guerre. Il cherche ses appuis où il peut. Là-dessus, je dois
reconnaître que le ministre a montré quand même de la
souplesse. Alors qu'il nous disait en deuxième lecture qu'il
n'était pas question de retarder, que c'était le plus tôt
possible et rapidement, il est maintenant ouvert à des modalités
d'application qui vont impliquer plus de souplesse quant aux délais qui
sont prévus. Je pense que tous les témoignages qu'on a entendus
ici vont dans le sens d'une souplesse et d'un certain laps de temps qui
permettront à tous les gens touchés, que ce soient les
employés, les assureurs et ainsi de suite, de vraiment faire les
modifications qui s'imposent.
J'aurais seulement quelques questions. En haut de la page 5, vous faites
ressortir que le retard de l'âge de la retraite pourrait donner lieu
à un accroissement du coût des avantages sociaux non reliés
à la retraite pour les employeurs. Vous ajoutez: "Dans la mesure
où les travailleurs âgés deviennent relativement moins
productifs", mais je pense que c'est là un autre élément,
qu'aviez-vous en tête exactement sur l'accroissement du coût des
avantages sociaux pour les employeurs? Est-ce simplement la prolongation ou si
ce serait dû à l'arrivée ou à la demande d'avantages
sociaux qui sont différents de ceux que l'on connaît
présentement?
M. Paquin: Avant de répondre à votre question, Mme
la députée, vous allez me permettre de vous dire que nous serions
désolés si vous interprétiez notre mémoire comme
ayant beaucoup d'ambivalence. On vous suggérerait plutôt de le
voir comme étant une présentation très objective,
objectivité pour laquelle l'AMC a toujours été reconnue,
d'ailleurs. Le mémoire est fait en ce sens que... En somme, ce qu'on
dit, c'est que si le législateur veut poursuivre son idée et
finalement en arriver à une loi, on lui soumet des points sur lesquels
il devra se pencher très attentivement, parce que, justement, il y a
beaucoup d'ambivalences, mais on n'aimerait pas, si vous voulez, que notre
mémoire soit ainsi perçu.
Lorsque nous disons en haut de la page 5 qu'il y aurait
possibilité d'un accroissement du coût des avantages sociaux pour
les employeurs, c'est bien sûr que si votre employé demeure
à votre emploi à l'âge de 66, 67 ou 68 ans, tous les
coûts par exemple inhérents à l'assurance-vie, à
l'assurance-salaire, à tout ce que vous voulez, s'accroissent. Je pense
d'ailleurs que vous pourriez peut-être en avoir une démonstration
avec d'autres intervenants. Alors, par avantages sociaux, on regarde dans
l'ensemble ce qui se fait actuellement dans les compagnies et on dit: S'il faut
que les personnes travaillent après 65 ans, il y a définitivement
un accroissement de coûts.
Mme Lavoie-Roux: En fait, le ministre lui-même nous a
finalement dit que dans la fonction publique, après une
évaluation qui semble assez préliminaire, on estimait à 2
000 000 $ les dépenses supplémentaires que ceci pourrait
peut-être entraîner dans une hypothèse où il y aurait
1000 employés qui se prévaudraient au cours d'une année de
cette prolongation de l'âge de la retraite. Il y a évidemment des
coûts, mais que personne n'est vraiment capable de mesurer à
l'heure actuelle. Je pense que les représentations qui ont
été faites par un grand nombre d'intervenants, c'est
peut-être d'avoir une mesure plus exacte et plus objective de ces
coûts et pour le secteur privé et pour le secteur public.
En page 7, vous parlez de tout le problème de l'évaluation
de l'employé qui décidera de se prévaloir de cette clause
de prolongation sur le marché du travail. Vous dites: L'incidence neutre
de la terminaison d'emploi à l'âge de la retraite obligatoire
pourrait être remplacée par une cessation d'emploi pour cause, ce
qui est moins souhaitable. Un peu plus bas, vous donnez comme exemple de
l'ampleur potentielle du problème le nombre d'arbitrages de griefs
ancienneté versus compétence que, pour des raisons de politique
interne ou autres, les syndicats se croient obligés de soumettre au nom
de leurs membres.
Qu'arrive-t-il, en fait, dans l'entreprise privée quand il s'agit
pour vous autres de plaider ancienneté versus compétence? Quels
sont vos critères d'évaluation? J'imagine que, quand vous vous
présentez devant l'arbitre, il doit y avoir des critères que vous
utilisez. Est-ce que ces critères ne pourraient pas être
développés et étendus même aux personnes qui
dépasseraient l'âge officiellement reconnu de la retraite
aujourd'hui? Je ne suis pas sûre que les difficultés que vous
éprouvez à l'endroit des personnes qui peuvent avoir 52, 47 ou 59
sont vraiment différentes quant au plaidoyer de ces griefs des
problèmes que vous aurez avec des personnes de 65 ans et plus.
M. Lavoie: Je crois que vous avez raison. En fait, c'est une des
soumissions que nous avons ajoutées ce matin sur la question de
compétence. Nous estimons que les règles du jeu pour
évaluer s'il y a une cause juste et suffisante pour congédier un
employé existent déjà dans la loi 126 où, avec
l'article 124, tout employé qui a accumulé cinq ans de service
continu dans une entreprise - c'est habituellement le cas des gens qui sont
près de la retraite - peut s'opposer s'il estime qu'il a
été congédié sans cause juste et suffisante. Ce
sont les commissaires au ministère du Travail qui font cette
évaluation. Bien qu'il n'y ait pas eu jusqu'ici de cause pour faire la
preuve de ce qu'on avance, nous croyons que l'outil est déjà
là dans la loi pour l'employé. Ce sont les mêmes principes
qui apparaissent devant l'arbitre dans le cas de grief.
Mme Lavoie-Roux: Alors, cet argument tomberait, finalement. Cette
difficulté que vous soulignez en page 7 tomberait si on tient compte des
dispositions de la loi 126. Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?
M. Lavoie: C'est qu'il faut comprendre que ce serait plus
sévère, je crois. L'employeur serait obligé de faire une
évaluation beaucoup plus sévère si le projet de loi
était soumis tel qu'il est, tandis qu'avec la loi 126
présentement je crois que l'entreprise et les employés vont
s'ajuster.
Mme Lavoie-Roux: En page...
M. Dessurault: Si vous le permettez, Mme la
députée, sur cette question d'évaluation, il faut faire
des distinctions de catégories d'employés. Je pense que, si nous
prenons des corps de métiers, c'est peut-être plus facile de
travailler dans un métier pendant 30, 40, 50 ans. Si vous regardez la
catégorie des cadres dans l'entreprise, l'expérience
démontre présentement qu'après 55 ans beaucoup de cadres
sont déplacés pour être recyclés ailleurs, etc.,
plusieurs, soit de leur propre chef ou par invitation,
prennent des retraites anticipées. Vous avez ce
phénomène dans la société qui veut que, d'un
côté, ce soit facile de retarder l'âge de la retraite et, de
l'autre côté, ça crée des complications. (11
heures)
Mme Lavoie-Roux: À la page 9, vous dites: "II est possible
qu'il résulte des épargnes compensatoires du report à une
date ultérieure des paiements par les régimes de retraite des
entreprises pourvu que l'admissibilité aux prestations de retraite ne
commence pas tant que l'on n'aura pas mis fin à l'emploi, la retraite
différée ne soit pas augmentée de façon
actuarielle, l'emploi exercé et la rémunération
gagnée au-delà de l'âge normal de la retraite ne soient pas
compris dans le calcul des prestations de retraite."
Pour votre première affirmation, que l'admissibilité aux
prestations de retraite ne commence pas tant que l'on n'aura pas mis fin
à l'emploi, cela me paraît peut-être assez logique mais,
dans le cas des deux autres, est-ce que vous ne trouvez pas que cela serait
permettre une retraite non obligatoire dépréciée puisqu'on
ne permettrait pas que l'emploi exercé et la rémunération
gagnée au-delà de l'âge normal de la retraite soient
compris dans le calcul des prestations? Est-ce qu'il n'y aurait pas là
une autre forme de discrimination dans le fond? On permettrait aux gens de
travailler plus longtemps, s'ils le désirent, mais on ne permettrait pas
de calculer leur retraite en tenant compte des années
supplémentaires qu'ils auraient travaillées. En fait, vous auriez
deux catégories de travailleurs, puisque ceux qui prendraient leur
retraite à 65 ans continueraient d'obtenir une retraite selon les
règles habituelles, alors que ceux qui continueraient au-delà de
l'âge normal de la retraite devraient exclure du calcul de leur retraite
les années supplémentaires de travail qu'ils auraient faites.
J'imagine que, s'ils ne sont pas congédiés, ils les font
avec toutes leurs aptitudes, leurs capacités. Cela m'étonne. En
fait, ce que je vous demande, est-ce que vous ne voyez pas là une
espèce de nouveau facteur de discrimination entre deux types de
travailleurs, ceux qui auront 65 ans et ceux qui auront dépassé
65 ans?
M. Dessurault: Peut-être.
M. Paquin: Une des difficultés que nous avons avec
ça, Mme la députée, encore une fois, est reliée au
coût. On ne peut pas, à l'heure actuelle, essayer d'évaluer
l'impact de cette loi. On aura beau nous citer des exemples des
États-Unis en disant qu'il y a 2%, 3%, 4% des employés qui en
bénéficient. Mais, pour l'employeur qui doit gérer un plan
de retraite, ces études actuarielles vont lui dire: On fait des
études basées sur le fait que la convention que vous avez avec
vos employés détermine que l'âge normal se situe à
65 ans et on peut sortir des coûts assez précis.
Mais, à partir du moment où les employés auraient
le privilège de se rendre à 66 ans, 67 ans, 68 ans, 69 ans ou
même 70 ans, sans doute que les actuaires peuvent nous en donner les
coûts. On ne les a pas fait faire, bien sûr, mais c'est encore
relié à l'aspect des coûts. Écoutez, vous ne pouvez
pas nous demander de supporter quelque chose pleinement, je dis bien
pleinement, avant de savoir ce dans quoi on s'embarque. C'est aussi simple que
ça. Je ne sais pas s'il y a d'autres commentaires.
M. Lavoie: Si je peux ajouter quelque chose, comme M. Dessurault
l'a dit tantôt, il y a certaines entreprises qui ont trouvé une
réponse à ce problème et c'est une flexibilité qui
est accordée, de concours avec l'assureur qui a le plan de retraite. Il
y a un exemple qui me vient à l'idée, je ne connais pas tous le
détails du plan mais, lorsqu'un employé atteint l'âge de 65
ans, il peut continuer jusqu'à 70 ans, du consentement de son employeur,
le cas est soumis aux assureurs, ils font une étude et, si l'assureur
est d'accord, c'est possible.
Je crois qu'encore là c'est à cause des critères
actuariels qui peuvent être différents dans les différents
plans.
Mme Lavoie-Roux: Écoutez, ce qui ressort des
problèmes que vous soulevez ou des questions que je vous pose, c'est
qu'on est encore devant beaucoup d'inconnues. Le gouvernement n'a
procédé à aucune étude actuarielle, même pour
le secteur public. Je pense qu'on doit entendre les actuaires un peu plus tard,
je ne sais pas s'ils vont avoir des réponses. Je pense que ce qu'ils
proposent, c'est de procéder par un étalement sur un certain
nombre d'années. Je comprends votre inquiétude, dans ce sens
où on est en face d'inconnues qui n'ont pas été
quantifiées et qui auraient du l'être avant que le projet de loi
ne soit déposé. C'est dans ce sens qu'on avait demandé au
gouvernement de nous donner les études actuarielles qui avaient
été faites par le gouvernement du Québec. Apparemment, il
n'y en avait pas. Il aurait certainement été plus sage d'avoir
ces données ou d'autres au plan administratif. Cela aurait permis aux
intervenants qui sont venus ici de retourner chez eux avec un peu plus de
quiétude. À ce moment, la seule porte ouverte, mais qui est quand
même importante, c'est le fait qu'on est prêt, semble-t-il, du
côté du gouvernement, à étaler sur une certaine
période donnée l'application de cette loi.
M. Paquin: Sur cet aspect en particulier, Mme la
députée, je vous ferai
remarquer que Me Lavoie disait ce matin, et je cite textuellement: "Les
effets probables d'une prolongation ou suppression complète de
l'âge de la retraite justifient qu'on explore l'option plus flexible d'un
processus progressif d'âge auquel on pourrait adapter un groupe
d'âge en vue d'une révision graduelle à la hausse de
l'âge de la retraite selon les critères applicables pour
différents types d'emploi et aux travailleurs eux-mêmes." On ne
vous dit pas que c'est une option que nous ne sommes pas
intéressés à regarder. Ce qu'on vous dit, c'est qu'on
serait bien prêt à la regarder si on avait des statistiques, si on
avait des données, si on avait quelque chose sur quoi se pencher et
étudier.
Mme Lavoie-Roux: Je dois vous dire que mon collègue de
Nelligan a fait un plaidoyer assez vigoureux dans le sens que l'on fixe un
autre âge de la retraite, disons 70 ans, pour en étudier toutes
les implications, quitte à ce que plus tard cet âge soit
complètement aboli. Je dois vous dire que le ministre n'a pas
été fermé complètement à cette suggestion.
C'en est une qu'il dit peut-être retenir. Ce qui reste étonnant,
c'est qu'on n'ait pas pensé à toutes ces choses avant de
présenter ce projet de loi. Merci, messieurs.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, ce qui frappe dans
l'intervention de l'Association des manufacturiers, c'est surtout ses craintes
quant aux coûts. Cela peut nous mener à de fausses conclusions,
parce que, en réalité, si un des 25 postes dans une petite
entreprise, ou un des 3000 dans une très grande entreprise, au lieu
d'être occupé par une personne de 25 ans, est occupé par
une personne de 65 ans, je ne vois pas en quoi cela change les coûts. Je
vous répète que ce projet de loi ne va obliger aucun employeur
à garder un employé si celui-ci n'a pas les capacités
physiques ou mentales pour remplir son poste. Par conséquent,
l'hypothèse où l'employé a les capacités et
désire demeurer à son poste, le salaire que l'employeur lui
paiera, s'il ne le paie pas à lui, il l'aurait payé à un
autre employé. Je disais tantôt que, pour nous, la
rémunération globale doit rester la même. C'est faux
d'avancer que cela va entraîner nécessairement des augmentations
des coûts des avantages sociaux. Donc, l'argument des coûts n'a pas
de fondement.
L'autre argument, on n'a pas de données précises. La
nature même du problème auquel on fait face nous empêche
d'avoir des données précises. Personne ne peut prédire
l'avenir.
Mme Lavoie-Roux: C'est une hypothèse.
M. Lazure: Tout ce qu'on sait, c'est que tous les experts - ce
n'est pas nous qui l'avons inventé - prévoient qu'une telle loi
amènera une augmentation variant de 2% à 4%, une augmentation de
ceux qui, rendus à 65 ans, décident de rester sur le
marché du travail, parce qu'il y en a actuellement des personnes de 65
ans qui continuent de travailler lorsque les entreprises le permettent. Nous
disons que cela va signifier une légère augmentation. On peut
simplement faire des prévisions à la lumière des
expériences qui ont été faites ailleurs. Attendre d'avoir
des chiffres précis, on ne pourrait jamais, à ce
moment-là, introduire une telle législation, parce que,
essentiellement, c'est une législation qui ne devrait pas avoir de
grosses répercussions quant au nombre, à moins qu'au
Québec on ne soit très différent de partout ailleurs.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, cela fait plusieurs fois
que le ministre nous dit: On ne peut pas, parce qu'elle n'est pas partie, cette
histoire; on le saura seulement quand elle aura été mise en
application. Je ne suis pas économiste, mais il me semble qu'il est
possible de faire des projections, à partir de certaines
hypothèses ou de certains échantillons de population, pour au
moins avoir un ordre de grandeur des coûts. À peu près
toutes les législations ont des implications financières - ici,
évidemment, c'est plus concret, parce que c'est relié aux
régimes de retraite - et, d'une façon générale, on
essaie au moins de les cerner un peu. Tout ce qu'on a pu obtenir du ministre
jusqu'à présent, après beaucoup de questions, c'est que,
possiblement, dans la fonction publique, cela pourrait être de l'ordre de
2 000 000 $ comme coût supplémentaire.
Je pense qu'on ne peut pas se réfugier indéfiniment dans
le fait que c'est vrai qu'on ne sait pas combien utiliseront cette disposition
ou cette loi ou se prévaudront de cette loi. Il me semble qu'il y a
quand même des études de projections qui auraient pu être
faites.
M. Dessurault: M. le Président, sur cette question de la
rémunération ou du coût global, il serait facile de
démontrer dans l'entreprise privée qu'un homme de 60 ans est plus
dispendieux qu'un jeune de 25 ans.
M. Lazure: Oui, M. le Président, il est déjà
plus dispendieux au moment où on se parle. C'est pour cela que je
précisais tantôt que, dans notre esprit, sa
rémunération globale doit rester la même, qu'il ait 66 ans
ou 64 ans. Là, on ne parle plus de la même chose. Vous nous dites
qu'actuellement vos employés de 64 ans sont plus dispendieux que
vos employés de 34 ans. Bien sûr, mais la loi ne va pas
changer cela; la loi n'affectera en rien ces choses; la loi va permettre
à quelque 1000 Québécois et Québécoises de
plus de continuer à travailler en touchant essentiellement le même
salaire; donc, pour vous, les coûts demeureront les mêmes, qu'ils
aient 64 ans ou 66 ans.
Je vous mets au défi encore une fois de me dire en quoi ce
prolongement de quelques années de travail va apporter des coûts
si significatifs à vos entreprises. On ne l'a pas encore entendu.
M. Paquin: Pas plus qu'on a entendu, M. le ministre,
l'évaluation de vos coûts. Je m'excuse, mais si votre projet de
loi est adopté, vous êtes d'accord et vous venez de le dire...
Prenons l'exemple suivant: ]00 employés dans une entreprise qui sont
âgés de 25 à 30 ans coûtent moins cher que 100
employés âgés de 60 à 64 ans, parce que
l'employé de 60 à 64 ans, qui est déjà dans
l'industrie depuis un bon bout de temps, gagne un salaire plus
élevé à cause de son ancienneté ou autre chose et,
deuxièmement, les coûts, en termes d'avantages sociaux, sont
assurément plus élevés et vous l'admettez, ce qui veut
dire qu'à partir du moment où vous décidez d'abolir
l'âge de la retraite obligatoire... Vous nous dites que, selon vos
estimations - on a avancé un chiffre tantôt - cela coûte 2
000 000 $ pour 1000 employés. L'avenir va nous dire si c'est cela, mais
on en doute un peu. Il demeure que si les employés continuent de
travailler après 65 ans, ces employés coûtent plus cher
à 66 ans, peut-être pas par rapport à 64 ans, si vous nous
dites que la rémunération globale demeure la même, mais,
à 66 ans et à 67 ans, l'employé coûte plus cher que
s'il quittait l'entreprise, après entente avec l'employeur, et s'il
était remplacé par un employé de 25 ans. C'est
là-dessus qu'il y a des coûts.
Si vous nous dites que la rémunération globale, c'est la
même entre 66 et 64 ans et 364 jours, je suis bien d'accord avec vous; on
s'entend là-dessus.
M. Lazure: M. le Président, on revient encore à
l'argument; on ne va pas nier qu'un employé de 64 ans ou de 67 ans
coûte plus cher qu'un employé de 24 ans. Encore une fois, vous
avez des employés de 64 ans et même de 67 ans, parce que, vous
l'avez dit vous-même tantôt, un bon pourcentage de vos
employés continuent jusqu'à 70 ans. Mais c'est pour cela qu'on
dit qu'il y a un certain coût, c'est pour cela qu'on a dit, la semaine
dernière, que, si on fait la projection, avec les barèmes
versés par l'État employeur, sur les 1500 employés ou
environ qui bénéficieraient de cette nouvelle loi, si on dit, par
hypothèse, qu'il y en a 1000 qui viennent des secteurs public et
parapublic, cela coûterait environ 2 000 000 $. Alors, on ne nie pas
qu'il y ait un coût; on dit que le coût n'est pas significatif, on
dit que le coût n'est pas important. (11 h 15)
M. Paquin: M. le Président, on s'excuse mais on ne peut
pas être d'accord avec cela. Lorsqu'on était en commission
parlementaire, qu'on demandait des coûts sur la loi 17, on ne nous a
jamais répondu, disant que ce n'était pas si pire que cela, et
c'est aujourd'hui qu'on le sait. Je fais référence à ce
que Mme la députée disait tantôt. On est bien prêt
à accepter vos chiffres mais jusqu'à preuve du contraire, on se
permet d'en douter. C'est un peu notre nature, on s'excuse, mais, souvent,
rares sont les prévisions gouvernementales qui s'avèrent
exactes.
Mme Lavoie-Roux: Surtout quand il n'y en a pas, c'est encore
pire.
Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a d'autres
questions? Alors, au nom de tous les membres de la commission, je remercie
l'Association des manufacturiers canadiens, représentée par MM.
Lavoie, Paquin et Dessurault.
M. Paquin: Merci, M. le Président.
Institut canadien des actuaires
Le Président (M. Boucher): J'inviterais maintenant
l'Institut canadien des actuaires dont le porte-parole est M. Yves
Guérard. Si vous voulez y aller, M. Guérard.
M. Guérard (Yves): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs les députés, je voudrais en premier lieu
vous transmettre les salutations du président en exercice de l'Institut
canadien des actuaires, M. Blake Fewster, qui est de London, en Ontario, et qui
malheureusement est dans l'impossibilité d'être avec nous ce
matin. Je suis moi-même le président désigné de
l'Institut canadien des actuaires, c'est-à-dire que mon mandat
commencera en juin prochain. J'ai avec moi M. Colin Jack, qui est le directeur
général de l'institut, M. Wayne Woods, qui est le
vice-président de notre commission chargée des relations avec les
pouvoirs publics en matière de retraite, et M. Gaston Paradis, de
Québec, qui est un membre du conseil d'administration de notre
institut.
L'Institut canadien des actuaires regroupe environ 1200 "fellows" qui se
retrouvent dans la plupart des provinces canadiennes. Certains sont
également à l'étranger. Le Québec compte
au-delà de 25% des "fellows" qui résident au Canada et qui sont
membres de l'Institut canadien des actuaires. C'est pourquoi notre
délégation,
ici, regroupe aujourd'hui des actuaires qui proviennent du Québec
et de l'Ontario.
Vous avez déjà reçu notre mémoire.
J'aimerais simplement souligner brièvement certains des points que nous
soulevons. L'institut suggère qu'avant d'adopter une loi comme
celle-là, on considère toutes les implications qui peuvent en
résulter pour la société et sur l'ensemble des
règles de fonctionnement qu'elle s'est données. L'institut ne
soulève pas dans son mémoire tous les problèmes possibles;
d'autres organismes spécialisés peuvent le faire. Le champ de
compétence des membres de l'institut touche particulièrement la
démographie et les avantages sociaux. Notre mémoire
considère les effets possibles de l'élimination de la retraite
obligatoire sur la main-d'oeuvre active, sur le chômage, sur les
régimes publics de retraite, l'harmonisation des régimes
privés de rentes et d'assurances, le coût de ces régimes,
l'âge réel de la retraite. Nous soulevons également des
questions concernant les effets sur la législation actuelle applicable
au régime privé, l'application de certaines conventions
collectives, le contrôle de la productivité et la gestion du
personnel.
Sur le plan de la démographie, on a beaucoup parlé au
cours des dernières années de la baisse de la natalité et
de l'effet que cela pourrait avoir sur le vieillissement de la population du
Québec. Effectivement, le pourcentage de la population âgée
aura plus que doublé d'ici cinquante ans et le taux de dépendance
passera de 14.1% qu'il était en 1979 à 34,8% en 2029, selon des
projections moyennes qui ont déjà été
réalisées. Cela est basé sur un âge moyen de
retraite de 65 ans. Si l'âge moyen de retraite était
retardé jusqu'à 70 ans, le taux de dépendance qui est
projeté à 34,8% en 2029 serait abaissé à 21,4% en
2029.
On pourrait conclure à partir de ces statistiques sur un plan
démographique que le fait d'avoir une retraite à un âge
plus avancé que 65 ans serait utile pour éviter une croissance
trop rapide du taux de dépendance. Cependant, nous signalons que
d'autres éléments démographiques doivent également
être pris en compte. Le fait qu'il y ait une croissance rapide du
pourcentage des personnes de 65 ans et plus par rapport à la population
active n'implique pas que la population active décroît. En fait,
on prévoit qu'elle passera de 3 800 000 au Québec en 1979
à 4 500 000 en 2029. Alors, l'économie du Québec, qui a
historiquement connu un taux de chômage élevé, aurait ainsi
à absorber en même temps une augmentation du nombre de personnes
qui demeureraient sur le marché du travail malgré leur âge
avancé.
Cette croissance de la population active, qui demeure assez rapide au
cours des prochaines années, devient graduellement de moins en moins
importante et pratiquement nulle à compter de l'année 2019.
Alors, l'institut est porté à se demander si, à court
terme, le bien-être général de la société ne
justifierait pas une limitation aux libertés individuelles en maintenant
la retraite obligatoire à un âge donné pour
équilibrer le flot de la main-d'oeuvre au cours des prochaines
années. L'évaluation réelle de la population active et les
besoins de main-d'oeuvre pourraient alors servir de barème à
l'avancement graduel de l'âge de la retraite obligatoire ou à son
abandon individuel.
Notre mémoire considère également les effets sur
les régimes d'avantages sociaux et l'âge de la retraite. Les
régimes publics prévoient le commencement du paiement de la
pension à compter de 65 ans, que son bénéficiaire soit
retraité ou non. À l'exception du régime de rentes du
Québec, qui est temporairement capitalisé partiellement, ces
pensions sont payées directement à même les taxes de
l'année de sorte qu'il s'agit d'un fardeau qui est à la charge de
la population active. Le poids relatif de ce fardeau ne sera que très
faiblement réduit si le commencement du paiement de la pension est
maintenu à 65 ans malgré l'abolition de l'âge obligatoire
de la retraite.
On soulevait également les questions suivantes:
Est-il dans l'intérêt public qu'une personne puisse cumuler
un salaire et une pension?
Est-ce que le commencement automatique du paiement de la pension
à 65 ans constitue une incitation à demeurer à l'emploi
pour la personne de 65 ans?
Est-ce que cette réponse est la même si la personne
participe ou ne participe pas à un régime privé de
rentes?
J'explique que dans, ce cas, évidemment le revenu dont la
personne disposerait à la retraite peut être fort différent
si elle participe à un régime privé de rentes qui
prévoit une pension élevée que si elle ne participe pas
à un tel régime ou si son régime ne prévoit qu'un
montant minime de rentes? Enfin, la réduction du supplément de
revenu garanti, pour tenir compte des autres revenus, qui équivaut
à une taxation de 50% des revenus du travail, constitue-t-elle une
incitation à quitter le marché du travail, dès qu'ils y
ont droit, pour les travailleurs à faible revenu? Quel serait l'effet
sur les taux de retraite à 65 ans et après si les pensions de
régimes étatiques ne devenaient payables qu'à compter de
la date réelle de la retraite, si elle est postérieure à
65 ans?
Nous signalons également qu'il existe plusieurs autres avantages
accordés par l'État aux personnes de 65 ans et plus via la
taxation ou différents programmes de droits
gratuits. Est-ce que ces programmes et cette distinction dans les lois
fiscales ne pourraient pas devenir considérés comme une
discrimination inéquitable entre les travailleurs de 65 ans et plus et
les autres? Est-ce que cet âge de 65 ans ne devrait être
remplacé par l'âge réel de la retraite, lorsqu'il est
supérieur à 65 ans?
Dans le cas des régimes privés de retraite, l'avancement
de l'âge de la retraite diminue généralement le coût
d'un régime privé de rentes à moins que la rente ne
continue de s'accroître après l'âge de la retraite et ne
soit ajustée sur base d'équivalences actuarielles.
L'élimination de l'âge obligatoire de la retraite dans les
régimes de rentes créera certes des problèmes temporaires
d'harmonisation plus ou moins complexes, mais nous ne croyons pas que ces
problèmes présentent des difficultés telles qu'elles
puissent être invoquées pour empêcher l'abolition de la
retraite, surtout si le législateur laisse l'harmonisation de ces
régimes à la libre négociation entre l'employeur et les
employés.
Il est probable cependant, et certaines expériences en font
état présentement, que cette réduction du coût
puisse être compensée par le coût de nouveaux programmes qui
viseraient à favoriser tout de même la retraite à un
âge donné en la rendant plus attrayante. De cette façon,
l'employeur évite de conserver à son emploi des travailleurs dont
l'efficacité est possiblement réduite et il évite aussi
l'odieux d'avoir à mettre à la retraite, à un moment
donné, après une preuve de non-performance, un employé qui
croit pouvoir continuer à travailler. Plusieurs grandes entreprises ont
déjà, à cet effet, des programmes avantageux de
préretraite qui visent à encourager les employés plus
âgés à laisser leur emploi à des employés
plus jeunes et plus productifs. Alors, ce sont des modifications du coût
des programmes associés à la retraite qui sont indirectement
à la charge de la population active, soit comme participant à un
régime de rentes, soit comme consommateur, soit comme contribuable.
Les régimes d'assurance. L'élimination de la retraite
obligatoire a un effet immédiat sérieux sur les régimes
d'assurance collective. On peut présumer, en effet, que l'assurance doit
être maintenue en vigueur pour un employé qui garde son emploi
pour les mêmes raisons de non-discrimination qui incitent à
éliminer l'âge de la retraite obligatoire. Le coût de la
plupart de ces régimes d'assurance est croissant avec l'âge et
l'élimination de la retraite obligatoire augmentera évidemment le
coût moyen de ces régimes.
Il y a également des problèmes de contenu. Par exemple,
l'assurance-salaire devra-t-elle être maintenue? Comment se comparera le
montant de l'indemnité en cas d'invalidité temporaire avec le
montant de la rente de retraite qui est alors disponible à
l'employé en tout temps? Ces problèmes peuvent être
solutionnés, mais ils pourront difficilement l'être de
façon satisfaisante si l'élimination de la retraite obligatoire
devient effective dès l'adoption de la loi ou peu après et si le
législateur impose des contraintes à l'adaptation de ces
régimes aux nouvelles conditions d'emploi.
Pour ce qui est de l'âge de la retraite, le commencement du
paiement de la pension des régimes publics à 65 ans a
psychologiquement imposé cet âge comme l'âge de retraite
pour la majorité des travailleurs, même s'il n'est pas
obligatoire. La question qu'on se pose à ce moment-là, c'est: Au
lieu d'être fixé à 65 ans, l'âge requis pour retirer
ces pensions ne devrait-il pas être fixé à l'âge
réel de la retraite lorsqu'il est supérieur à 65 ans? Si
tel est le cas, est-ce qu'on doit prévoir l'abaissement graduel de
l'âge minimum de la pension, sinon de l'âge moyen de la pension? Il
est possible que, si on élimine l'âge de 65 ans comme âge
fixe et automatique du commencement de la pension, on voudra considérer
l'âge réel de la retraite lorsqu'il sera inférieur à
65 ans de la même façon qu'on le considère lorsqu'il est
supérieur à 65 ans.
L'élimination de la retraite obligatoire pourra augmenter les
coûts de certains régimes et diminuer les coûts d'autres
régimes. D'autres mesures incitant à la retraite pourront
connaître une certaine expansion. Les variations possibles des
coûts des régimes publics et privés peuvent difficilement
être établies sans une analyse détaillée, plus
particulièrement à la suite de leur divergence selon la nature
des régimes. Selon l'institut, l'effet net de ces variations devrait
être estimé et analysé avant que des dispositions
législatives soient adoptées.
L'institut veut également souligner que l'élimination de
la retraite obligatoire aura d'autres implications qui sont
d'intérêt pour l'actuaire et il se demande si elles ont
été considérées. À titre d'exemple, en vertu
d'un régime enregistré d'épargne-retraite ou d'un
régime enregistré de rentes, les paiements de pension doivent
obligatoirement commencer avant que le rentier n'atteigne 71 ans. Cette
restriction s'appliquera-t-elle à l'employé qui conserve son
emploi et devra-t-il alors recevoir sa pleine rente en plus de son plein
salaire?
Il y a également plusieurs conventions collectives du secteur
privé, mais surtout du secteur public qui contiennent des clauses
très avantageuses pour l'employé quant à la
sécurité d'emploi. Sera-t-il possible, dans ces circonstances, de
mettre à la retraite l'employé dont l'efficacité est
réduite en
raison de son âge? Afin de maintenir le niveau de
productivité, les entreprises voudront pouvoir mettre à la
retraite un employé âgé qui a cessé d'être
efficace. Cela nécessitera de monter un dossier personnel de performance
et de prouver la satisfaction ou la non-satisfaction que cet employé
donne au travail. C'est une mesure qui est jugée
désagréable par des employés comme par des employeurs. Ce
sera un changement par rapport à la situation actuelle où
beaucoup d'employeurs tolèrent un rendement réduit de leurs
employés qui approchent l'âge de la retraite, sachant qu'il y a un
âge limite auquel la retraite est obligatoire. Nous nous interrogeons sur
l'effet de cette mesure sur le rendement des employés âgés
qui se sentiraient continuellement en insécurité quant à
leur emploi. (11 h 30)
Advenant l'abolition de la retraite obligatoire, chaque employeur aura
à son emploi un groupe plus considérable d'employés qui
pourront quitter leur emploi en tout temps. Ceci aura des implications sur la
gestion du personnel, en ce qui concerne le recrutement et les promotions, plus
particulièrement si la retraite obligatoire est abolie sans
période de transition. Le fonctionnement des entreprises sera
certainement affecté par le fait que leurs compétiteurs qui sont
dans d'autres provinces ne seraient pas nécessairement dans une
situation qui comporte les mêmes exigences.
Nous signalons que certains régimes publics, comme le
Régime de retraite des fonctionnaires, celui des enseignants, le RREGOP
et plusieurs régimes applicables aux policiers, prévoient la
possibilité de la retraite assez jeune avec pleine pension, mais avec la
possibilité de demeurer à l'emploi jusqu'à un âge
limite. À partir des statistiques accumulées sous ces
régimes concernant l'âge de la retraite, il serait possible
d'examiner quel pourcentage des employés a préféré
demeurer à l'emploi jusqu'à l'âge limite de la retraite
plutôt que de prendre une retraite hâtive, et cela permettrait de
prévoir ce qui se passerait si la retraite obligatoire était
abolie, du moins par extrapolation.
En conclusion, l'institut considère que l'abolition de la
retraite obligatoire a des implications très importantes qui devraient
être examinées à fond avant qu'une décision soit
prise.
Les projections démographiques démontrent que l'avancement
immédiat de l'âge de la retraite ne ferait qu'augmenter une
main-d'oeuvre déjà partiellement en chômage. Par ailleurs,
l'harmonisation de plusieurs dispositions législatives, des conditions
de travail et des régimes d'avantages sociaux présentera des
problèmes qui prendront un certain temps à être
réglés.
Il n'est pas évident non plus qu'une telle mesure retardera
nécessairement l'âge réel de la retraite. À moyen
terme, l'effet pourrait être d'avoir un âge réel plus ou
moins élevé que présentement, ce qui créera des
pressions pour l'adaptation des régimes publics. L'effet de
l'élimination de la retraite obligatoire sur les coûts devrait
être préalablement estimé selon quelques scénarios
et analysé en regard de ses conséquences.
Il n'est peut-être pas possible de prédire l'avenir avec
précision même pour des actuaires, mais il est possible, à
partir de l'expérience et des connaissances que nous avons, d'examiner
quels sont les scénarios que l'avenir peut nous réserver et quels
sont les intervalles de variations qui sont possibles.
On ne considère donc pas nécessairement urgent ni
souhaitable de rendre la retraite obligatoire illégale à
brève échéance. Une période de transition
facilitera l'adaptation de la société aux nouvelles conditions
d'emploi et permettra d'éviter des interventions réglementaires
qui alourdissent inutilement cette adaptation.
En conséquence, l'institut suggère que la retraite
obligatoire pourrait être abolie graduellement sur une période
d'années. Comme première étape, la loi pourrait prohiber
uniquement la retraite obligatoire avant un âge donné, par
exemple, 65 ans. Cela pourrait être un autre chiffre, 60, 62, mais 65 ans
est un chiffre qui est déjà imbriqué dans plusieurs
lois.
Subséquemment et après analyse des effets de la
première loi, l'âge de la retraite obligatoire pourrait être
retardé graduellement, le cas échéant, puis
éliminé entièrement.
C'est là, M. le Président, un survol du mémoire que
nous avons présenté à votre commission. Avec l'aide de mes
collègues, il me fera plaisir de tenter de répondre aux questions
que les membres de votre commission pourraient avoir à nous poser.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Guérard. M. le
ministre.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux remercier M.
Guérard et ses collègues, de l'Institut canadien des actuaires,
pour leur mémoire qui est d'une grande qualité. C'est un travail
de professionnels. Tout en faisant ressortir plusieurs difficultés dans
l'implantation d'une telle loi, je crois comprendre qu'à toutes fins
utiles l'institut est plutôt favorable à une telle loi, surtout si
elle était implantée graduellement avec une période de
transition.
Je vais essayer de relever certaines questions ou certaines
difficultés qui sont soulignées dans le mémoire.
D'abord, au paragraphe a) de la page
11, vous posez une première question: Devra-t-il recevoir alors
sa pleine rente en plus de son plein salaire? La réponse, c'est oui.
Évidemment, cette loi-ci a l'intention de se conformer aux lois
actuelles qui émanent des différents ministères du Revenu,
que ce soit au gouvernement fédéral ou à notre propre
gouvernement.
Ailleurs, dans le mémoire, vous dites: Est-ce que cela a du sens
que le même individu cumule à la fois une pleine retraite et un
plein salaire?
Ma réponse est affirmative. Dans la mesure où cela existe,
c'est une réalité. Ce n'est pas à moi, en tout cas,
à me prononcer sur le caractère moral, ou de porter un jugement
de valeur là-dessus. Vous allez reconnaître aussi bien que moi
qu'il y a des milliers de personnes actuellement dans notre
société qui touchent une pleine rente tout en touchant un plein
salaire.
Le policier qui se retire avec une pleine rente à 55 ans, aussi
bien que le fonctionnaire qui se retire à 58 ans ou le professeur
d'université à 60 ans, peuvent fort bien, tout en touchant leur
pleine rente, aller se chercher un emploi ailleurs et toucher un plein salaire.
Je ne vois vraiment pas d'où vient l'aspect nouveauté puisque
cela existe dans beaucoup de corps d'emploi actuellement.
Quand on pense aux quelques milliers d'individus qui seraient
affectés, qui bénéficieraient d'un tel projet de loi, on
pense surtout à ceux, justement, qui n'ont pas de plan de pension
supplémentaire, les 55% de la main-d'oeuvre au Québec qui ne
bénéficient pas de plan supplémentaire de retraite. Cela
ne me scandalise pas que certaines de nos personnes âgées de 65
ans et plus, au lieu d'être obligées de vivre seulement avec la
pension de vieillesse et le supplément du revenu garanti, puissent
toucher leur salaire pendant quelques années de plus. Autrement dit,
quand on sait que tout près des deux tiers de la population
âgée vivent autour ou au-dessous du seuil de la pauvreté,
je me dis que si on peut retarder cette échéance de quelques
années pour un certain nombre d'entre eux, c'est tant mieux. Je ne pense
pas qu'il y ait quoi que ce soit de scandalisant là-dedans.
Si je continue au paragraphe b), dans le secteur public, les
évaluations du rendement de l'employé de 65 ans et plus qui
voudrait continuer à travailler seront plus difficiles. On en a
parlé tantôt, les appréciations, les évaluations du
personnel devront être beaucoup plus rigoureuses. Voilà une
difficulté réelle, on ne le cache pas.
La troisième question que vous soulevez touche aussi à
l'évaluation. Au paragraphe d) vous dites: Si des employés de
plus de 65 ans demeurent au travail, par rapport à des employés
plus jeunes, cette situation devient plus problématique pour
l'employeur, puisque la question de mobilité, de départ
imprévu de la personne plus âgée, pénalise
l'employeur jusqu'à un certain point.
Je n'en suis pas sûr. Il me semble, au contraire, que la
main-d'oeuvre plus jeune est caractérisée par un pourcentage de
mobilité beaucoup plus élevé que la main-d'oeuvre plus
âgée.
Tantôt je faisais état de l'absentéisme qui
était beaucoup moins marqué chez la personne âgée,
mais la même chose est vraie pour la mobilité. L'incertitude de la
part de l'employeur vis-à-vis d'un employé plus jeune me semble
aussi réelle à l'égard d'un employé plus
âgé.
Quant aux avantages sociaux, je répète que, dans notre
esprit, la rémunération globale doit rester la même. Les
avantages sociaux, quant à nous, devront être discutés aux
tables de négociation entre employeur et employé. Je pense que
c'est ce que vous souhaitez, de toute façon. Il nous paraît
évident que cela doit demeurer dans le champ de la négociation
tout simplement avec le cadre général que nous
établissons, soit que la rémunération globale doit rester
la même, quitte à ce qu'il y ait une réaffectation
différente, une répartition différente de cette
rémunération globale.
Finalement, la période de transition. Si je comprends bien, un de
vos derniers commentaires, une de vos dernières recommandations
rejoindrait un peu la substance du rapport du sénateur Croll, à
savoir qu'une telle abolition devrait se faire graduellement, à raison
d'une tranche d'une année chaque année. Est-ce ce que je dois
comprendre? Est-ce que je comprends bien votre recommandation, celle-ci plus
particulièrement?
M. Guérard: Nous n'avons pas tenté de fixer des
paramètres à la durée, par exemple, de la période
de préavis qu'il y aurait entre l'adoption de la loi et le moment
où elle commencerait à produire ses effets, ni de fixer de
façon absolue quelles pourraient être les étapes. Nous
suggérons une modalité qui serait, en ayant prévu une
période de transition, de limiter les effets de la loi à la
retraite obligatoire avant un âge donné seulement, qui pourrait
être celui de 65 ans ou celui d'un autre âge, et d'examiner ces
effets plus tard. L'institut ne dispose pas des ressources humaines ou
pécuniaires nécessaires pour étudier ces implications et
produire des recommandations qui sont étayées sur des
études documentées, mais c'est certainement le genre
d'orientation que nous aurions aimé pouvoir étudier et sur lequel
nous aurions aimé pouvoir nous documenter. Le gouvernement a
certainement les ressources pour faire une évaluation plus
précise des coûts, des conséquences et de la façon
que la période de transition pourrait permettre de répondre,
d'une part, aux besoins et, d'autre part, aux adaptations
nécessaires.
M. Lazure: Si je reviens au rapport du Sénat canadien,
c'est un des nombreux rapports dont je faisais état tantôt qui
nous permettent de dire que c'est une voie qui, non seulement est
souhaitée par la majorité de la population - quand on fait des
sondages; je pense que les gens croient de plus en plus aux sondages, et
même les partis politiques y croient de plus en plus -mais c'est une voie
qui nous a été tracée par des rapports très
sérieux. Le rapport du Sénat canadien, le rapport Croll
recommande qu'il y ait abolition à partir de 65 ans et à raison
de l'ajout d'une tranche d'une année chaque année.
Si c'est ce que vous voulez dire ou quelque chose de semblable, nous ne
rejetons pas cette approche. J'ai parlé, chaque jour de cette
commission, d'une approche étapiste, d'une approche gradualiste. Quand
on y pense bien, cependant, si on excepte les 40 000 employés, ou
environ, qui sont déjà sur le marché du travail et qui ont
plus de 65 ans - laissons-les de côté pour le moment - dans
l'hypothèse où on entreprendrait la démarche d'une
première année avec l'abolition de l'obligation de la retraite
à 65 ans; celle de la deuxième année, à 66 ans;
celle de la troisième année, à 67 ans, etc., cela
équivaut, à toutes fins utiles, à abolir tout âge
dès maintenant, en ce sens que, dans l'optique de notre loi, la
première année, ce sont les personnes de 65 ans -j'excepte
toujours les 40 000 qui sont déjà là - qui profiteraient
de la loi, les quelques milliers qui voudraient en profiter. La deuxième
année, ces personnes seront rendues à 66 ans et continueront, si
elles le veulent, à en profiter et s'ajouteront à celles de 65
ans. La troisième année, celles qui ont commencé la
première année auront 67 ans, etc.
Finalement, il n'y a pas beaucoup de différence. C'est pour cela
que, quant à moi, je n'élimine pas cette possibilité de
procéder de façon bien identifiée, de façon
gradualiste, à raison d'une tranche d'âge d'une année par
année. Je conçois que cela pourrait faciliter le travail des
actuaires, si c'était établi à l'avance qu'il y aura une
année seulement d'ajoutée chaque année, mais, d'autre
part, cela ne nous éclairera pas plus sur le nombre de candidats ou de
candidates qui voudront demeurer au travail après 65 ans. (11 h 45)
En conclusion, une des réticences, une des mises en garde de bon
aloi qui ressort du mémoire, c'est celle qui touche justement les
avantages sociaux, comme bien d'autres groupements l'ont fait. Je
répète encore une fois que pour nous c'est, premièrement,
sujet aux conventions collectives, aux négociations entre les deux
parties, et, deuxièmement que cela ne doit pas signifier de nouveaux
coûts et doit être encadré par le principe d'une
rémunération globale.
Le Président (M. Boucher): M. Guérard.
M. Guérard: M. le Président, si vous me permettez
de commenter immédiatement certains commentaires du ministre. Le premier
était relatif au paragraphe a) de la page 11 où le ministre nous
disait qu'à son point de vue il y aurait, dans les circonstances, cumul
de la rente et du plein salaire. Il est évident que comme groupe
professionnel d'actuaires, nous n'avons pas d'opinion à savoir si la
rente et le salaire doivent être cumulés. Je pense que notre
rôle est d'indiquer que c'est un effet possible et d'indiquer les
incidences sur les coûts. Cette remarque que je fais pour le paragraphe
a), je la fais pour tous les autres. Le but de notre institut, c'est
d'éclairer les gens qui ont à prendre les décisions de
manière qu'ils en connaissent les conséquences. Ce cumul, comme
celui auquel le ministre s'est référé, résultant de
différents régimes couvrant des policiers ou des enseignants - ce
sont deux exemples qui ont été donnés, il y en a d'autres
- résulte de l'interaction dans certains cas de décisions
publiques, dans d'autres cas de décisions privées.
Peut-être que certains de ces cumuls sont accidentels et ont
résulté du fait que des lois ou des règlements ont
été changés sans prendre en considération toutes
les conséquences sur d'autres lois ou sur d'autres
règlements.
Dans d'autres cas, il s'agit de décisions privées qui ont
pour effet de permettre ce cumul, mais je pense que c'est avant le vote d'un
projet de loi comme celui-là qu'on peut se poser la question à
savoir si tous ces cumuls sont bons, s'il y en a qui doivent être
éliminés, s'il y en a dont les coûts sont acceptables ou
inacceptables ou si les sommes qui sont dépensées à cette
fin devraient être dépensées à d'autres fins.
J'aimerais mentionner un commentaire également sur la question de la
rémunération globale. Évidemment, le principe que le
ministre met de l'avant, c'est que la rémunération globale doit
demeurer la même. En pratique, compte tenu des contraintes de l'existence
de régimes qui sont documentés dans des textes, de salaires qui
sont prescrits par des échelles ou par des conventions collectives, si
vous avez un groupe d'employés dont l'âge moyen augmente, le
coût des régimes d'assurance augmentera automatiquement. Il est
théoriquement possible de négocier des modifications qui feraient
que parce que le coût d'un régime d'assurance pour un
employé plus âgé augmente, on va enlever certains autres
avantages. Je ne sais pas si M. le ministre
songeait à réduire le salaire du montant de l'augmentation
du coût des avantages sociaux. Ce sont des ajustements qui sont
possibles, mais qui sont certainement très difficiles. C'est une des
raisons qui amènent l'institut à suggérer une
période de transition qui permettra les adaptations nécessaires,
parce que je pense qu'une simple juxtaposition de la loi et des régimes
existants résultera automatiquement en une augmentation des coûts
au niveau de la rémunération globale. Le phénomène
de transferts auquel vous faites allusion, M. le ministre, ne se fera pas
facilement.
Je n'ai pas répondu à tous les commentaires ou à
toutes les questions. Je pense bien que ce n'était pas
nécessaire, mais s'il y en a d'autres questions, nous sommes à la
disposition de la commission.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Guérard. Mme
la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je remercie M.
Guérard et l'institut du mémoire fort complet et
intéressant qu'ils nous ont présenté. Je pense qu'il
apporte quelques réponses aux questions qui ont été
posées avec le groupe précédent quant à la
possibilité des évaluations de coûts faites même
avant l'adoption de la loi. Il vous apparaît qu'on pourrait partir de
certains scénarios et qu'on pourrait au moins faire certaines
projections. Est-ce que je me trompe? Est-ce que c'est exact?
M. Guérard: Je pense qu'il est tout à fait possible
d'évaluer les coûts à l'avance avec une certaine marge
d'erreur, c'est-à-dire qu'on peut, suivant des scénarios,
prévoir une gamme allant d'un coût minimal à un coût
maximal, d'y attacher certaines possibilités et de connaître aussi
quels sont les extrêmes de coûts qui sont plausibles. En
identifiant les éléments qui présentent des coûts,
je crois que cela permet une décision plus éclairée,
premièrement quant aux priorités et, deuxièmement, quant
à l'importance qu'on doit attacher à telle ou telle modification.
Il est possible de produire de telles estimations de coûts, même
s'il s'agit de phénomènes complexes. Les actuaires ont
l'expérience de travailler dans le domaine des régimes de
retraite et des assurances, qui présentent une certaine
complexité. Ils ne réussissent pas à prédire des
coûts exacts, - personne ne connaît l'avenir - mais il est possible
d'examiner ce que l'avenir peut nous réserver suivant différents
scénarios et je pense que c'est le genre d'information dont on a besoin
pour prendre les décisions.
Mme Lavoie-Roux: Est-il exact de conclure que, dans votre esprit,
hors de tout doute, l'abolition de l'âge de la retraite va
nécessairement impliquer des coûts supplémentaires? Je
pense que c'est la démonstration que vous faites, mais j'aimerais que
vous nous le disiez d'une façon précise.
M. Guérard: Je pense que cela dépendra beaucoup de
la manière dont cela pourra se faire. Je me limite à deux
exemples. Je reprends celui du coût des avantages sociaux et de la
rémunération globale. Je pense qu'il est tout à fait
possible de maintenir le niveau de la rémunération globale
à la même égalité, nonobstant l'augmentation du
coût de certains avantages sociaux, si on peut transférer des
montants qui sont consacrés à différents programmes et les
transférer à d'autres programmes de manière à
maintenir la rémunération globale égale, mais c'est
à condition que ces transferts soient faits et que cette adaptation soit
négociée ou puisse être négociée. Ce n'est
pas quelque chose qui peut se faire automatiquement. Si cette adaptation n'est
pas faite, il en résultera certainement une augmentation du
coût.
Un deuxième exemple que je donnerais, c'est la question de
l'abaissement du coût des régimes de retraite en regard du plein
salaire qui est payé à l'employé. Si on se limite à
la considération du régime de retraite et si l'élimination
de l'âge obligatoire de la retraite a pour effet de retarder la retraite
- ce qui n'est pas certain, parce que cela pourrait également l'avancer
suivant certains exemples que nous avons donnés - il y aura une baisse
du coût des régimes de retraite, parce que la pension coûte
moins cher à un âge plus avancé, l'assurance de vie
étant réduite par la suite. Par ailleurs, le salaire est
généralement plus élevé que la pension et si, par
manque d'adaptation, tout ce qu'on a réussi à faire, c'est qu'on
paie le plein salaire à un individu qui ne fournit pas une performance
en emploi, cela coûte plus cher à la société de lui
payer son plein salaire que de lui payer sa pension. Même si, sur un plan
d'imputations budgétaires, on a une baisse du coût des pensions,
il faut considérer qu'on a aussi une hausse du budget des salaires, mais
cela ne m'apparaît pas une conséquence nécessaire. Je ne
crois pas qu'il soit nécessaire de continuer à payer à
quelqu'un son plein salaire lorsqu'il ne fournit pas le rendement en emploi,
mais, pour que cette adaptation se fasse, il faut que beaucoup de règles
du jeu qui sont inscrites soit dans des conventions collectives, soit dans des
pratiques d'emploi, soient modifiées pour permettre plus de souplesse et
de flexibilité.
Cette adaptation peut se faire. Si elle ne se fait pas, il y aura des
coûts additionnels. Si elle se fait et selon la façon dont elle
pourra se faire, ces coûts additionnels pourront être
évités et même au total, si la société
réussit à se donner des règles qui font qu'on utilise de
façon plus
complète les ressources de la main-d'oeuvre et qu'on tire de la
population active sa pleine capacité au lieu de poser des limites
arbitraires à son utilisation. On aura alors certainement un
bénéfice sur base globale pour l'ensemble de la
société, mais il est très possible de le faire d'une
manière qui fera qu'on aura une perte globale pour l'ensemble de la
société. L'objectif de l'institut, par son mémoire,
était de fournir à ceux qui auront à prendre les
décisions les informations nécessaires pour que ce soit fait de
la meilleure manière possible et d'une manière qui résulte
en un bénéfice net pour l'ensemble de la société et
pour ses membres.
Mme Lavoie-Roux: J'ai une autre question. En page 3 de votre
mémoire, vous faites allusion à la question du chômage
élevé et à la relation qui pourrait s'établir entre
l'abolition de l'âge de la retraite et une augmentation du nombre de
chômeurs. Je pense que ce à quoi vous faites allusion, c'est
à une difficulté plus grande de trouver de l'emploi pour les plus
jeunes. C'est un argument que différents groupes ont apporté ici.
Nous autres, tant du côté ministériel que de notre
côté, je ne sais pas si on a rationalisé, mais on s'est
trouvé des arguments pour dire: Ils n'occupent pas nécessairement
les mêmes emplois, les études démontrent que l'abolition de
l'âge de la retraite n'a pas d'influence sur le chômage des jeunes.
On s'est senti fort heureux de ces réponses que nous, on avait
trouvées ici, mais je me demande si, de votre côté, vous
avez des données supplémentaires là-dessus ou si vous
pourriez nous parler davantage de cette crainte que vous exprimez.
M. Guérard: Les actuaires de par leur expertise ne sont
pas des spécialistes dans le domaine de la gestion du personnel. Cette
page de notre mémoire est dans la section intitulée
Démographie où nous considérons simplement les nombres
globaux. L'argument démographique qui est à l'origine de
certaines de ces suggestions ou qui pour certains est une raison de
suggérer ceci est un argument qui n'a pas d'effets à court terme.
Ce que nous voulions signaler, c'est qu'à court terme on continue,
malgré la baisse de la natalité, à observer une croissance
de la population active, alors que cette croissance ralentit et devient nulle
ultérieurement. C'est justement à ce moment-là, s'il y a
un besoin de main-d'oeuvre plus grand, que le relèvement de l'âge
moyen de la retraite dégagerait une masse de main-d'oeuvre additionnelle
dont on aura peut-être besoin, si les prévisions s'avèrent
justes, vers les années 2019. Ce que nous voulions signaler, c'est que
l'argument démographique qui jouait à long terme ne jouait pas
à court terme.
Notre comparaison porte simplement sur le plan quantitatif; c'est que,
s'il y a un nombre d'emplois donné et qu'on augmente le nombre de
personnes qui sont à la recherche de ces emplois et qu'on permet
à ceux qui ont des emplois de se maintenir à leur emploi, on rend
certainement plus difficile pour des personnes qui arrivent sur le
marché du travail de postuler et d'obtenir ces emplois s'ils sont en
nombre limité. En termes d'équation d'équilibre,
l'argument démographique joue simplement plus tard, lorsque la
croissance de la population active se ralentit et devient nulle.
Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, ce que vous indiquez, c'est qu'un
certain décalage dans le temps quant à l'application de
l'abolition de l'âge de la retraite, si on tient compte du facteur
démographique, serait peut-être plus indiqué au moment
où on arrive avec vraiment une diminution de la main-d'oeuvre qui entre
sur le marché du travail
M. Guérard: Sur le plan démographique, oui. Si on
prend l'ensemble du mémoire, je voudrais peut-être le traduire de
cette façon; c'est qu'on a présentement un ensemble de
règles du jeu qui s'appliquent, dans bien des cas, à partir d'un
âge fixe de retraite. On peut se donner un autre ensemble de
règles du jeu, peut-être plus efficaces, plus humaines et
meilleures sur le plan de la société. Mais avant de
défaire le système actuel qui fonctionne et qui est relativement
efficace pour se donner un autre système, il faut s'assurer que la
transition se fasse de façon harmonieuse et qu'on aboutit à des
règles du jeu qui sont meilleures et pour les individus et pour la
société.
Il n'y a pas, sur le plan démographique, d'urgence; on ne
manquera pas de main-d'oeuvre demain. Donc, la société peut se
donner le temps d'adapter un ensemble de règles du jeu qui est
déjà très concret, qui se traduit par des
législations dans le secteur public, par des conventions dans le secteur
privé, par des règles de fonctionnement pour les emplois dans les
entreprises. Alors, sur le plan démographique, nous avons le temps
d'ajuster ces règles et de les perfectionner pour faire un autre
ensemble de règles du jeu qui soit au moins aussi efficace. Je comprends
qu'il peut y avoir d'autres arguments. M. le ministre a mentionné
l'argument humain, que ça touche des personnes et que, si on ne le fait
pas immédiatement, leurs descendants seront favorisés par les
nouvelles règles du jeu, mais qu'eux ne le seront pas. Je pense que
c'est une question de peser, justement de mettre dans la balance les avantages
et les inconvénients entre ces deux choses. Sur le plan
démographique, ce que signale notre mémoire, c'est qu'il n'y a
pas urgence.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais remercier M.
Guérard, mais j'aurais une question à poser au ministre pour
préciser. Est-ce que j'ai bien compris tout à l'heure - j'admets
que j'ai eu une distraction - quand il a dit qu'il laisserait au jeu de la
négociation entre les employeurs et les employés, ce qui se fait
actuellement, la discussion des avantages sociaux, même s'il y avait
abolition de l'âge de la retraite, mais que cette discussion des
avantages sociaux, eu égard à l'abolition de l'âge de la
retraite, ne devrait pas amener de coûts supplémentaires? Est-ce
que j'ai bien compris? (12 heures)
M. Lazure: Oui, c'est la réponse que j'ai donnée
tantôt, que j'avais donnée la semaine passée, c'est ce que
j'appelle la rémunération globale. Quant à nous, la
rémunération globale doit rester la même, que
l'employé ait 64 ans ou 66 ans.
La question de la députée de L'Acadie me permet de revenir
très brièvement sur deux commentaires de M. Guérard, et
ça va compléter ma réponse. Ce sont deux commentaires que
j'ai trouvés fort pertinents, parce que ça nous éclaire
sur cette fameuse question des coûts.
M. Guérard dit: Si - c'est le mot clé -la
rémunération globale est maintenue au même niveau et
qu'ensuite le jeu de négociation permet une nouvelle répartition
-par exemple mettre un peu plus d'argent dans les 30% qui vont aux
bénéfices sociaux, en mettre un peu plus sur l'assurance-maladie
et en mettre un peu moins sur une autre facette des avantages sociaux - si
c'est possible, il n'y a pas de nouveaux coûts. C'est ce que j'ai
compris.
Il dit, une deuxième fois - c'est pour ça que j'insiste
beaucoup sur ce concept de rémunération globale - si la personne
continue à donner le même rendement, qu'elle ait 66 ans, 67 ans ou
27 ans, c'est le même coût. Mais c'est bien évident que si
la personne donne un rendement à 50% et qu'on lui laisse le même
salaire, là, il y a des coûts additionnels. Je reviens au
deuxième commentaire de M. Guérard, il dit: Si la personne ayant
un rendement inférieur peut voir son salaire réajusté
à la baisse, à ce moment-là, il n'y a pas de coûts.
On se rend compte, avec ces deux commentaires, que nos vues se rencontrent.
Quant à nous -c'est là qu'est la difficulté des
évaluations du personnel - la personne qui va vouloir continuer, il
faudra qu'elle ait les capacités physiques ou mentales pour le faire, si
elle veut avoir le même salaire. Sinon, elle pourra négocier avec
son employeur un salaire réduit et, à ce moment-là, il n'y
a pas de coûts pour l'ensemble de l'entreprise.
Mme Lavoie-Roux: On peut tous souhaiter que les
négociations se fassent avec une espèce de nouvel
équilibre qui serait établi pour ne pas modifier la
rémunération globale. Mais je me demande si on n'est pas un peu
angélique de penser que les négociations collectives vont se
signer en abandonnant certains avantages sociaux en fonction de la
rémunération ou vice versa. Je pense que le ministre peut bien
dire là-dessus, à condition que ça n'augmente pas les
coûts, mais vous n'avez aucune garantie que ça n'augmentera pas
les coûts. La négociation des conventions collectives ne
dépend pas de vous, ni de nous, quant à ça, mais c'est un
rapport de forces entre deux parties.
On peut bien souhaiter ça, mais je pense que c'est rêver un
peu en couleur que de penser qu'on va céder certains avantages sociaux
pour empêcher une modification des avantages sociaux.
Quant à la question de la rémunération
elle-même, quand il s'agira d'établir si quelqu'un est plus ou
moins... Si l'on passe du temps complet au temps partiel, il n'y a pas de
problème. Je vois mal l'employé qui va accepter une baisse de sa
rémunération parce qu'il aura pris conscience d'une diminution de
ses aptitudes. Peut-être qu'avec une modification de tâche, c'est
différent, ou encore dans le cas du temps partiel, mais dans un
même emploi je vois mal, à moins que tout le monde devienne bien
vertueux demain matin, que ce soit les employés ou les employeurs, qu'on
se retrouve sans conséquences financières quant à
l'augmentation de ces coûts. Il me semble que le ministre a dit: À
condition que... Est-ce que vous dites qu'il pourrait y avoir des
règlements qui empêcheraient une modification dans la
rémunération globale et que tout devrait se faire selon un
certain équilibre qui empêcherait une augmentation de la
rémunération globale?
M. Lazure: Non, M. le Président. On ne peut pas
réglementer à l'avance les résultats des
négociations entre les deux parties.
Mme Lavoie-Roux: C'est ce que je pense moi aussi.
M. Lazure: On peut donner un cadre. Certains groupes, la semaine
passée, nous ont demandé de fixer un cadre général
pour qu'ensuite, les parties à la table de négociation,
s'inspirent de ce cadre général.
Je reviens à la remarque de la députée de L'Acadie
pour ce qui est de la rémunération globale. Encore une fois, une
entreprise donnée assure actuellement sa production par un
déboursé de X millions de dollars par année pour des
salaires. Si l'employé, rendu à 65 ans, n'a pas les
capacités à 100% pour maintenir son poste, on sait d'avance que
beaucoup de personnes rendues à cet âge, ou même plus
tôt,
préfèrent travailler à temps partiel, un ajustement
normal va se faire. Si l'employé veut continuer à travailler,
mais à demi-temps, la masse sera répartie autrement pour
l'employeur et, au lieu d'avoir un seul poste à temps complet pour cette
fonction, il en aura deux à demi-temps. L'essentiel, c'est de donner des
points de repère, un cadre général, qui ne pourront pas
conditionner à 100%, mais qui peuvent inspirer les
négociations.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Je vais vous poser une question par rapport aux pages
2 et 3, la question démographique. Vous indiquez que la population
au-delà de 70 ans, prenons 70 ans comme barème, sera de 21,4% par
rapport à la population de moins de 70 ans en l'an 2019. Ensuite, plus
loin, vous indiquez que le nombre de travailleurs globalement passera de 3 800
000 en 1979 à 4 500 000 en 2029.
Ce que je voulais vous demander, c'est ceci: Nous avons, sur une
population d'environ 6 300 000 au Québec, 60% de la population qui est
active, 3 800 000. Comme le taux de natalité est de zéro ou
moins, et admettons qu'actuellement, cela reste au même niveau ou que
cela baisse, la progression de la population active est très
significative par rapport à ce que c'est maintenant...
c'est-à-dire que le taux d'augmentation semble être très
élevé par rapport au taux de natalité de la population. De
là, il y a toute une question qui se joue, comme vous dites, la question
de coûts à court terme graduellement se balance à la
question d'une plus grande force de travail, d'une plus grande population
active par rapport à la population fixe, ce qui veut dire que cela
rapporte plus d'impôts, qu'il y a beaucoup plus de travailleurs par
rapport à la population fixe, c'est-à-dire qu'il y a un
balancement qui se fait.
Aujourd'hui, il y aura les coûts additionnels par rapport aux gens
qui vont rester à 65 ans avec de trop hauts salaires, où il n'y
aura pas ce recyclage des jeunes. Graduellement, il y aura moins de jeunes qui
vont pouvoir amener des impôts pour les bénéfices sociaux,
mais graduellement aussi, cela va se rétablir en 2020 parce qu'il y aura
plus d'impôts par rapport à la masse des travailleurs qui aura
augmenté.
Est-ce que c'est possible de faire d'une façon actuarielle des
études d'une population typique du Québec, tenant compte de
toutes ces questions démographiques, pour montrer cette progression qui
va rétablir l'échelle des coûts, qui va rebalancer toute la
question? Est-ce que ce serait possible de prendre une population typique, de
voir la progression entre maintenant et 2019 ou 2029 pour démontrer
cette question d'une façon chronologique, pour voir à quel point
le balancement des coûts se fait, ce qui arrive à court terme, ce
qui arrive à long terme?
M. Guérard: Beaucoup d'études de ce genre ont
été faites et publiées. Certaines variations selon les
hypothèses sont faites par les différents auteurs quant à
la propension au mariage ou le taux de natalité, les taux
d'activité. Il y a aussi le facteur d'immigration et émigration
nettes qui peut jouer sur la population active. De façon
générale, ces études, si je les résume très
brièvement, montrent que nous avons un taux de dépendance qui
augmente au cours des prochaines années, même si la population
active augmente, qui passe par un sommet, vers l'année 2029 - cela varie
un peu suivant les études - et qui redescend par la suite pour se
stabiliser - là, on fait des hypothèses qui deviennent constantes
pour l'avenir ensuite à un niveau passablement plus élevé
que celui qu'on connaît présentement, qui est un niveau
artificiellement bas, si on peut dire, par rapport à une population
stationnaire, parce qu'on sort à peine d'une période où la
population était très croissante à cause d'un taux de
natalité élevé. Mais la raison de cette bosse qu'on a,
c'est qu'à un moment donné, on frappe la génération
des bébés de la guerre, si on peut dire, l'explosion des
naissances, qui a été suivie d'une très forte baisse de la
natalité, ce qui se rétablit, de sorte qu'à un moment
donné, on a une génération où il y avait un
surcroît de bébés, ensuite un surcroît de population
adulte - ce sont les mêmes qui vieillissent -et on les retrouve comme
étant un surcroît de pensionnés. Ils doivent être
assumés par une population active plus basse, parce qu'elle est celle
qui justement était le contrecoup de cette génération.
Au bout d'un certain nombre d'années, à moins que la
médecine ne fasse des progrès inattendus, ces pensionnés
décèdent et sont remplacés par la génération
de pensionnés issue de la population active plus basse des années
subséquentes. Cette génération de pensionnés plus
basse en nombre devient assumée par une population active plus basse
également par rapport à ce qu'était la population
antérieure, de sorte que le taux de dépendance redescend, mais il
redescend à un niveau à peu près du double, selon des
études, de celui que celui que l'on connaît aujourd'hui. C'est
tout à fait possible de le faire suivant différents
scénarios et cela a déjà été fait, mais
l'équilibre ne se rétablit pas, à moins qu'on ne postule
un retour à des attitudes psychologiques qui n'existent plus maintenant
quant au nombre d'enfants par couple, par exemple.
Si vous me permettez, M. le Président, j'aimerais ajouter deux
remarques en réponse à des commentaires qui ont été
faits. La
première, c'est la question de l'uniformité entre les
différentes juridictions provinciales et fédérales. C'est
un aspect qui préoccupe les membres de notre institut, parce que
beaucoup de régimes de retraite et d'assurance fonctionnent pour des
entreprises qui ont des employés dans différentes provinces et il
est évident qu'une uniformité des lois facilite beaucoup les
choses; si on utilise la période de transition pour tenter de promouvoir
cette uniformité, c'est un service que l'on rend à l'ensemble de
la société.
Sur la question des coûts - on a beaucoup parlé de la
possibilité de compensation - je voudrais souligner que la force de
l'inertie et la rigidité des règles actuelles pèsent dans
la direction d'une augmentation des coûts, augmentation qui peut
être évitée, si on fait l'effort de faire les changements
et si on peut réussir à faire ces changements. La nuance que je
ferais peut-être par rapport à ce que le ministre disait
tantôt, c'est que j'ai beaucoup d'admiration pour son optimisme, mais je
ne suis pas sûr de pouvoir le partager entièrement, à moins
que les gens ne deviennent vertueux.
Par ailleurs, je voudrais signaler que, même en supposant que l'on
puisse remplacer les règles du jeu actuelles par des règles du
jeu présentant un coût équivalent, ce qui n'est pas
théoriquement impossible, même si je considère que c'est
difficile et que je le crois plus difficile que M. le ministre, il y a un
coût qui sera associé à la transition, parce que tout
changement coûte quelque chose. Ce coût, c'est le prix qu'on doit
payer pour tout changement, le prix associé à toute
amélioration, mais il faudrait toujours distinguer le coût du
changement du coût ultime après changement. Un coût est
temporaire et non récurrent alors que l'autre coût, celui qui
s'établira après le changement, est un coût permanent. Il
est peut-être plus important d'accorder une très grande attention
à ce que sera le coût ultime après changement, quitte
à minimiser le plus possible le coût associé au changement
lui-même. (12 h 15)
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laurier.
M. Sirros: Merci, M. le Président. Tout à l'heure,
M. Guérard nous a dit qu'effectivement, c'est possible de prévoir
des scénarios à partir de certaines hypothèses concernant
les coûts de cette loi par rapport au Régime de rentes, puis en
général les coûts économiques. J'aimerais simplement
demander au ministre si, suite à cette constatation de la part des
actuaires qui sont ici, il prévoit entreprendre ce genre de
démarche pour produire des études quant aux implications
économiques de cette mesure.
M. Lazure: M. le Président, encore une fois, nous avons
utilisé les projections qui ont été utilisées dans
d'autres pays ou d'autres États qui ont adopté des
législations semblables. Nous avons utilisé aussi des projections
qui sont contenues dans des rapports d'experts, rapports d'experts que j'ai
cités abondamment. Tous ces rapports indiquent qu'il n'y a pas de
coûts significatifs à la condition que les règles du jeu
soient établies. C'est ce que nous allons faire dans le projet de loi,
établir des règles du jeu.
Ceci étant dit, si on veut faire des hypothèses où
les règles du jeu seraient différentes de ce que nous avons
l'intention de proposer, on peut bien faire des hypothèses où on
dirait, par exemple, que les avantages sociaux vont coûter 10% plus cher
par chaque employé de 65 ans et plus qui resterait au travail. On peut
faire ce scénario. Je répète que nous avons fourni
à l'Opposition les documents que nous avions. Je vais tenter dans les
jours qui viennent de lui transmettre d'autres documents plus récents
qui ont trait justement aux coûts. Même les grands
spécialistes, comme c'est le cas pour l'Institut canadien des actuaires,
nous disent ce matin que si telle chose, telle chose, telle chose sont faites,
il n'y a pas de coût; que si elles ne sont pas faites, il y a des
coûts. Or nous avons maintenu depuis le début, M. Guérard
vient de le répéter, même si c'est l'hypothèse
optimiste qui prévaut, qu'il y aura quand même certains
coûts et je suis d'accord avec lui. Il y aura certains coûts
minimaux et ces coûts devront être absorbés soit par
l'entreprise publique ou par l'entreprise privée. C'est un coût
minimal qu'il faut payer chaque fois qu'on veut abolir une certaine
discrimination. C'est sur ce caractère fondamental du projet de loi que
je veux ramener mon propos. Ce n'est pas une loi qui a une grande portée
économique, je ne suis pas le seul à dire cela. Le Conference
Board, suite à son sondage, le dit de façon bien officielle et
tous les experts l'ont dit: ce n'est pas une loi principalement
économique. Elle est économique pour quelques milliers
d'individus qui au lieu d'entrer tout de suite dans le club des gens pauvres,
à 65 ans, auront le loisir de rester au travail et donc d'avoir un
revenu décent.
Le Président (M. Boucher): Pas d'autres questions? Alors,
au nom de tous les membres de la commission, je remercie l'Institut canadien
des actuaires pour la présentation de son mémoire.
J'inviterais immédiatement la société Conseil
Mercer Limitée et William M. Mercer Limitée,
représentés par M. Jean Lefebvre.
M. Lefebvre.
Société Conseil Mercer Ltée
et William M. Mercer Ltée
M. Lefebvre (Jean): M. le Président, mesdames et messieurs
les membres de la commission, mon nom est Jean Lefebvre de la
société Conseil Mercer. Permettez-moi de vous présenter
mon collègue, M. Roland Boutin, qui fait partie de notre bureau de
Québec.
Nous voudrions d'abord remercier la commission de nous donner l'occasion
de présenter notre mémoire et de répondre à vos
questions. William M. Mercer Ltée et sa filiale
québécoise, la société Conseil Mercer Ltée,
sont des sociétés de conseillers en rémunération et
avantages sociaux qui comptent au Canada plus de 500 employés
déployant leur activité auprès de plus de 3500 clients:
sociétés, comités paritaires, organismes publics,
institutions et associations.
Au Québec, ces sociétés ont deux bureaux, l'un
à Québec et l'autre à Montréal, où l'on
retrouve près de 100 employés, dont 30 actuaires.
Les recommandations suivantes présentent un consensus de
conseillers de notre maison ayant une vaste expérience dans
l'élaboration de régimes d'avantages sociaux au Québec et
au Canada et désireux d'en promouvoir la saine expansion au
bénéfice des travailleurs.
Les commentaires inclus dans ce mémoire portent sur les points
suivants: notre position sur l'abolition de la retraite obligatoire; certaines
conséquences de l'abolition de l'âge de la retraite obligatoire
sur les régimes supplémentaires de rentes et autres
régimes d'avantages sociaux; notre opinion sur l'âge de
début du versement de la rente de retraite des régimes
publics.
Notre position sur l'abolition de la retraite obligatoire. En
théorie, il est sans doute souhaitable que l'âge cesse
d'être le facteur déterminant dans l'établissement du
moment où un travailleur doit abandonner le travail actif et être
mis à la retraite. Il serait souhaitable que nos institutions puissent
permettre au travailleur de contribuer à l'activité
économique aussi longtemps qu'il en est capable et de jouir d'une
retraite convenable aussi longtemps qu'il survit à sa période
productive.
L'objectif du projet de loi 15 nous semble s'inscrire dans cette ligne
de pensée, c'est donc un objectif que nous appuyons.
Pour des considérations pratiques, il nous est cependant plus
difficile de souscrire sans réserve a la pertinence à ce
moment-ci d'une loi abolissant la retraite obligatoire.
De nombreux employeurs, notamment dans le secteur public, dans les
petites et moyennes entreprises et chez ceux dont les travailleurs sont
syndiqués, n'ont pas présentement les normes administratives qui
leur permettraient d'établir qu'un travailleur âgé qui a
occupé un emploi pendant de nombreuses années est devenu
incapable d'occuper son emploi. Ces employeurs utilisent la mise à la
retraite obligatoire pour se départir le plus humainement possible de
ces travailleurs âgés.
Il faudra donc prévoir des mécanismes flexibles par
lesquels ces employeurs pourront se départir des travailleurs
âgés qui ne peuvent continuer à exercer leur emploi. Ces
mécanismes ne devraient ni causer des situations humiliantes pour le
travailleur ni entraîner des coûts élevés et de longs
délais pour l'employeur, ni inciter un employeur à des
méthodes d'évaluation différentes pour les travailleurs
âgés.
Si les mécanismes de mise à la retraite deviennent trop
difficiles d'application et que les employeurs doivent supporter un grand
nombre de travailleurs âgés qui ne devraient pas continuer
à exercer leur emploi, l'ensemble de l'économie en subira les
conséquences par une productivité globale réduite.
Si les employeurs développent de tels mécanismes, on peut
s'attendre que certains les appliqueront avant l'âge normal de la
retraite. Il faut donc prévoir une augmentation du nombre de personnes
n'ayant pas atteint l'âge normal de la retraite ne disposant plus de
revenu d'emploi ni de rentes de retraite satisfaisantes, n'ayant pas atteint
l'âge d'admissibilité aux rentes des régimes publics et ne
bénéficiant que de faibles rentes de retraite anticipée du
régime de leur employeur.
La loi proposée ne créerait-elle pas plus de
problèmes qu'elle n'en réglerait?
La situation actuelle quant à l'âge de la retraite est le
résultat d'une longue évolution, de négociations et de
compromis de la part de toutes les parties en cause, employés,
employeurs et gouvernements. Une modification unilatérale est-elle
vraiment appropriée et nécessaire?
Les diverses études effectuées récemment par divers
gouvernements et associations vont sans doute résulter en une
législation additionnelle sur les régimes de retraite;
l'abolition de la retraite obligatoire, en supposant qu'on veuille y
procéder, est-elle d'une urgence telle qu'elle ne puisse être
considérée en même temps que la réforme plus globale
qui pourrait suivre? On éviterait ainsi beaucoup de frais aux
régimes.
Nous croyons qu'il y aurait lieu de considérer, comme situation
de compromis, une augmentation graduelle de l'âge obligatoire de la
retraite. La solution serait moins élégante au niveau du
principe, mais, dans les faits, une augmentation de quelques années
réglerait sans doute une très grande proportion des cas de
discrimination tout en donnant aux institutions le temps de s'y ajuster.
Maintenant, si l'on regarde certaines
conséquences de l'abolition de la retraite obligatoire, nous
désirons souligner certaines conséquences sur les régimes
d'avantages sociaux de l'adoption du projet de loi no 15 sur l'abolition de la
retraite obligatoire et faire des recommandations appropriées.
Les régimes supplémentaires de rentes. Ceux-ci devraient
pouvoir stipuler un âge de retraite normal, comme 65 ans, auquel un
participant pourrait prendre sa retraite à son choix et sans
réduction dans le montant de sa rente. Les régimes devraient
aussi pouvoir stipuler les conditions de retraite anticipée. Les
régimes devraient pouvoir continuer de prévoir pour les
participants actifs des prestations de décès et
d'invalidité différentes selon que les participants ont
dépassé ou non l'âge normal de la retraite.
Lorsqu'un participant continue à travailler après
l'âge de retraite normal, la loi ne devrait pas empêcher le
versement de la rente de retraite à la date de retraite normale,
même si le participant continue à travailler. Le participant
cesserait alors de cotiser. Ou encore le participant qui a atteint la pension
maximale prévue par le régime devrait pouvoir cesser de cotiser
au régime et, au choix du régime, la rente pourrait être
versée à la date effective de retraite ou à la date
normale de retraite. Dans les autres cas, le participant devrait pouvoir
cotiser au régime et accumuler des prestations de retraite qui lui
seraient versées à sa date effective de retraite. Ces prestations
devraient être déterminées selon la formule normale du
calcul de la rente. Le régime devrait pouvoir, à son choix,
prévoir un ajustement pour reconnaître le paiement retardé
de la rente.
Les régimes d'invalidité de longue durée. Dans
l'hypothèse où la Charte des droits et libertés de la
personne serait modifiée pour éliminer la discrimination quant
à l'âge, nous croyons qu'un traitement différent pour les
travailleurs âgés dans les régimes d'invalidité de
longue durée devrait être permis. La protection contre
l'invalidité de longue durée et le versement d'une prestation
d'invalidité de longue durée devraient pouvoir cesser à un
âge donné, comme 65 ans, étant donné que l'employeur
devrait pouvoir mettre à la retraite un travailleur âgé qui
est incapable d'exercer son emploi pour quelque cause que ce soit, y compris
l'invalidité, et que le travailleur invalide âgé de plus de
65 ans peut compter sur d'autres sources de revenu qui devraient prendre la
relève du régime d'invalidité, comme la rente de retraite
du Régime de rentes du Québec, la pension de
sécurité de la vieillesse et la rente de retraite d'un
régime supplémentaire de rentes, s'il y a lieu.
Pour les régimes d'assurance-vie, les régimes collectifs
d'assurance-vie devraient pouvoir prévoir des prestations
différentes pour les employés âgés de 65 ans ou plus
pour tenir compte des prestations de décès des régimes
publics et supplémentaires de rentes, le cas échéant.
Finalement, notre avis sur l'âge du début du versement de
la rente de retraite des régimes publics. Nous croyons que l'abolition
de l'âge de retraite obligatoire devrait être accompagnée
d'une révision sérieuse du principe selon lequel tout travailleur
doit recevoir automatiquement des régimes publics une rente de retraite
à l'âge de 65 ans. Par régimes publics, nous entendons le
Régime de rentes du Québec, la pension de sécurité
de la vieillesse et le supplément du revenu garanti.
Il serait particulièrement approprié d'entreprendre cette
révision maintenant s'il est reconnu qu'un travailleur ne devrait pas
être mis à la retraite automatiquement à un âge
donné. Le travailleur qui continue à recevoir un revenu de
travail après 65 ans n'a pas encore besoin des rentes de l'État.
Les économies ainsi réalisées dans les régimes
publics aideraient à en réduire les coûts et à en
améliorer certaines prestations.
Afin d'encourager un travailleur à exercer un emploi après
65 ans, les rentes de retraite des régimes publics dont le versement
serait alors retardé pourraient être augmentées dans une
certaine mesure, sans pour autant aller jusqu'à la pleine
équivalence actuarielle.
Pour ce qui est de la mise en vigueur, nous recommandons à la
commission qu'une loi éventuelle sur l'abolition de la retraite
obligatoire ou les règlements en découlant n'entrent en vigueur
que six mois après leur proclamation et qu'ils s'appliquent aux
régimes d'avantages sociaux selon l'échéancier suivant.
Pour les nouveaux régimes, à leur entrée en vigueur; pour
les régimes existants assujettis à des conventions collectives,
à la date d'entrée en vigueur de la nouvelle convention
collective, mais au plus tard trois ans après l'entrée en vigueur
de la loi ou des règlements; pour les autres régimes existants,
pour ce qui est des régimes assurés, à la date de
renouvellement du contrat d'assurance qui suit l'entrée en vigueur de la
loi ou des règlements, mais au plus tard dix-huit mois après
ladite date; pour les autres, dans les douze mois de l'entrée en vigueur
de la loi ou des règlements. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Lefebvre.
M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, je veux remercier la
société Conseil Mercer, M. Lefebvre et M. Boutin que je revois
avec plaisir. Comme première remarque générale, ce
mémoire venant d'une société de conseillers en
rémunération et avantages
sociaux - une maison importante - je dois dire qu'il est probablement le
mémoire qui se rapproche le plus de la position que nous avons
développée, laquelle sera bien concrète, bien clairement
exprimée dans la rédaction du projet de loi. (12 h 30)
J'y accorde beaucoup d'importance parce qu'en dépit de remarques
qu'on a eues d'autres groupes qui prévoient des difficultés
considérables dans la gestion du personnel ce groupe-ci nous dit:
À telle ou telle condition, c'est une loi qui est souhaitable. Le groupe
Mercer appuie, pour employer ses termes, l'objectif de notre projet de loi et
fait un plaidoyer pertinent et assez convaincant pour une implantation
progressive. Je répète encore une fois que c'est l'orientation
que nous sommes tentés de plus en plus d'adopter.
Si je regarde à la page 2 du mémoire, tout à fait
en haut, on dit: "II faudra donc prévoir des mécanismes flexibles
par lesquels ces employeurs pourront se départir des travailleurs
âgés...; ces mécanismes ne devraient pas causer des
situations humiliantes pour le travailleur, entraîner des coûts
élevés et de longs délais pour l'employeur, inciter un
employeur à des méthodes d'évaluation différentes
pour les travailleurs âgés." Je ne peux que concourir à
100% à ces remarques.
À la page 5, là aussi les représentants de Mercer
énumèrent une série de recommandations avec lesquelles
nous sommes d'accord presque à 100%. Par exemple, quand ils disent: "Les
régimes devraient pouvoir stipuler un âge de retraite normal,
comme 65 ans", c'est bien notre intention. Quand on dit qu'on veut enlever
l'âge obligatoire de la retraite, il ne faut pas confondre cela avec
l'âge "normal" et il faut que l'âge normal de 65 ans soit maintenu.
Nous avons l'intention de le maintenir.
D'autre part, vous dites que les régimes devraient aussi pouvoir
stipuler les conditions de retraite anticipée. On est d'accord en
principe; cependant, toute cette section concernant la retraite
anticipée viendra, quant à nous, dans une deuxième
étape.
Ensuite, vous dites: "Lorsqu'un participant continue à travailler
après l'âge normal de la retraite, la loi ne devrait pas
empêcher le versement de la rente de retraite à la date de la
retraite normale, même si le participant continue à travailler; le
participant cesserait alors de cotiser." Nous sommes d'accord avec cela. Nous
sommes d'accord avec chacune des propositions.
J'ai déjà eu l'occasion, la semaine dernière, de
parler, à plusieurs reprises, des trois choix qui s'offrent à 65
ans, qui devront s'offrir à partir de 65 ans. Le premier choix, c'est de
continuer à travailler tout en retirant la rente. Donc, avoir un double
statut de travailleur et de retraité, pour ainsi dire.
Le deuxième choix, c'est de différer sa rente, de
différer la rente pendant un an, deux ans, trois ans, pendant le nombre
d'années durant lesquelles l'employé continuera à
travailler passé 65 ans. Dans cette deuxième hypothèse
d'une rente différée, elle pourra être bonifiée par
une cotisation ou ne pas être bonifiée par une cotisation. Alors,
elle pourra être différée avec ou sans cotisation. En
somme, on rejoint presque en totalité les recommandations que vous nous
proposez.
Juste un élément qui n'est même pas de divergence,
en tout cas, à ce stade-ci, et que nous ne sommes pas prêts
à accepter. Vous dites, à la page 8: "Nous croyons que
l'abolition de l'âge de la retraite obligatoire devrait être
accompagnée d'une révision sérieuse du principe selon
lequel tout travailleur doit recevoir automatiquement des régimes
publics une rente de retraite à l'âge de 65 ans. Par
régimes publics, nous entendons le Régime de rentes du
Québec, la pension de sécurité de la vieillesse et le
supplément du revenu garanti." Je pense que le projet de loi ne peut pas
aller aussi loin que de dire: Dorénavant, pour les personnes de 65 ans
et plus... D'ailleurs ça dépasse notre compétence dans
l'état actuel des choses. Ce n'est pas par notre projet de loi qu'on
pourrait décréter que la personne qui continue à
travailler après 65 ans ne recevra pas la pension de vieillesse ou le
supplément du revenu garanti qui sont versés par le gouvernement
fédéral.
Quant au Régime de rentes du Québec, on a vu tantôt,
dans les trois options, ce qui peut arriver.
Finalement, dans l'avant-dernière page, vous nous proposez une
mise en vigueur par étapes, avec une série de recommandations
très précises qui me plaisent beaucoup. En définitive, M.
le Président, je veux remercier bien cordialement le groupe Mercer pour
les remarques fort pertinentes contenues dans son mémoire.
M. Boutin (Roland): Merci.
Le Président (M. Boucher): Oui, monsieur.
M. Boutin: M. le Président, j'aimerais faire
référence à un commentaire que M. le ministre faisait
à l'intervention précédente, au groupe de l'Institut
canadien des actuaires, alors qu'il parlait de la retraite graduelle ou du
travail à temps partiel.
Est-ce qu'il serait contraire à l'esprit du projet de loi sur
l'abolition de l'âge obligatoire de la retraite que le travail à
temps partiel après l'âge normal de la retraite soit
décidé par l'employeur plutôt
que par l'employé?
En d'autres termes, si l'employeur décidait, dès que
quelqu'un a atteint 65 ans, de se prévaloir du meilleur temps de cet
employé, qui est peut-être en moins bonne forme le matin, de le
faire travailler tous les après-midi, est-ce que ce serait contraire
à l'esprit de votre projet de loi?
M. Lazure: Selon l'esprit du projet de loi, les deux parties
doivent s'entendre. Notre loi, aussi bien que n'importe quelle autre, ne peut
pas s'interposer dans ce principe élémentaire des relations du
travail. C'est une matière à négociation entre l'employeur
et l'employé.
Si vous me demandez une opinion personnelle, j'ai l'impression que
plusieurs personnes qui, en principe, désireraient continuer de
travailler après 65 ans, vont être portées à
accepter facilement de travailler à temps partiel. C'est tout le
principe de la retraite graduelle, autant avant qu'après 65 ans. C'est
une pratique qui n'a pas été tellement répandue dans notre
société, qui est beaucoup plus répandue dans certaines
sociétés: retraite à la carte, retraite graduelle, soit
à partir de 60 ans ou soit qui se continue après 65 ans
jusqu'à 68 ou 70 ans.
Ce ne serait certainement pas contre l'esprit de la loi que se
développent graduellement de plus en plus d'emplois à temps
partiel pour des personnes âgées. Ce serait, au contraire,
conforme à l'esprit de la loi. Mais de là à dire que la
loi va permettre à l'employeur de l'imposer à l'employé,
la loi va rester muette là-dessus. La loi n'a pas à se prononcer
là-dessus.
Ce sont les règles générales, les lois qui
gouvernent déjà les relations de travail qui continueront
à gouverner les relations de travail, que l'employé ait 66 ans ou
64 ans.
M. Boutin: Nous nous demandions si ce n'était pas
là un mécanisme assez souple qui pourrait être avantageux
pour toutes les parties en cause.
M. Lazure: Ma réponse est affirmative. Je crois beaucoup
à ce mécanisme. Je pense que les personnes d'un certain âge
sont très attirées par un tel mécanisme.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: J'aurais voulu poser au représentant de Mercer
une question au sujet de la page 4 du mémoire. Vous dites dans le second
paragraphe: " ... l'abolition de la retraite obligatoire, en supposant qu'on
veuille y procéder, est-elle d'une urgence telle qu'elle ne puisse
être considérée en même temps que la réforme
plus globale qui pourrait suivre? On éviterait ainsi beaucoup de frais
aux régimes."
Je pense que le ministre n'a pas souligné cette clause, ne lui a
pas donné autant d'importance. Vraiment, cela va dans le sens de la
plupart des mémoires qui ont été présentés
par les groupes les plus importants ici, c'est-à-dire qu'on devrait
peut-être, avant la présentation de la loi, faire une étude
approfondie des conséquences que la loi aurait sur les régimes
publics et privés, des conséquences actuarielles, des
conséquences économiques, etc. Qu'est-ce que vous envisagez,
quand vous parlez de réforme? Plus loin, vous dites: "Nous croyons qu'il
y aurait lieu de considérer comme une situation de compromis une
augmentation graduelle de l'âge obligatoire de la retraite". Est-ce que
vous envisagez cela comme réforme ou si vous pensiez à quelque
chose de beaucoup plus vaste, à une étude beaucoup plus
vaste?
M. Lefebvre: Ce paragraphe se rapporte réellement à
tout ce qui se passe actuellement dans le domaine des régimes de rentes.
Il y a eu beaucoup d'études qui ont été faites ces
dernières années au sujet des difficultés des personnes
âgées et des changements qu'il serait approprié d'apporter
dans le domaine des régimes de rentes en général, et notre
paragraphe se réfère aux frais d'amendement des régimes.
On ne parle pas réellement de l'impact économique
général de l'abolition de la retraite obligatoire, on parle du
coût d'amendement au Québec de 4000 ou 5000 régimes dans un
premier temps, après l'abolition de la retraite obligatoire, et ensuite,
un an ou un an et demi plus tard, à la suite de changements, d'une
réforme plus globale dans le domaine des régimes de rentes; tous
ces régimes seraient à réétudier.
Je pense, à la suite de discussions qui ont déjà eu
lieu sur l'impact économique d'une telle mesure, que,
théoriquement ceux qui nous ont précédés ont
soulevé ce point - dans un environnement parfait, si vous avez un plus
grand nombre de personnes qui travaillent dans la société, ce
devrait être profitable à la société. Il y a le
coût direct en dollars, il y a le standard de vie qui augmenterait pour
l'ensemble de la société qui seraient à considérer.
Évidemment, il y a peut-être une période d'ajustement qui
serait difficile. Le principe du nombre d'emplois limité au
départ, dans une société donnée, je trouve cela
difficile à comprendre. Il y a des sociétés de 10 000
personnes où il y a du chômage, il y a des sociétés
de 200 000 000 où, en pourcentage, il n'y a pas plus de chômage.
Je croirais que, si tous les mécanismes fonctionnent bien, ayant
donné la possibilité à une certaine partie de la
population de travailler, cela permettrait l'augmentation du standard de vie de
la société en général. C'est
d'ailleurs peut-être dans cette direction qu'est la solution au
problème du revenu des personnes âgées. À mesure que
l'expectative de vie augmente, si on espère que les gens vont se retirer
de plus en plus jeunes et qu'en moyenne les gens meurent de plus en plus vieux,
je ne vois pas comment notre société a une productivité
telle qu'elle pourra assumer ce phénomène en donnant le
même standard de vie à tous les citoyens. C'est peut-être un
pas dans la très bonne direction que de se diriger vers une
société où on permettra aux gens de travailler plus
longtemps, où on les encouragera à travailler plus longtemps.
M. Lincoln: Si je comprends bien, les recommandations que vous
faites à la page 9 permettraient de faire les ajustements
nécessaires quant au coût de concordance des 5000 régimes
privé et public avec la loi. C'est cela que vous voulez dire, en
fait?
M. Lefebvre: Je pense que tout ça doit être
coordonné. On a fait référence tantôt à des
situations où les gens recevaient une rente et un salaire.
Évidemment, chacun a le droit de répartir le produit de cette
productivité comme il l'entend, en autant que les mécanismes le
permettent, mais si on considère cela en vase fermé, si on
considère notre société dans son ensemble, je pense que si
les gens en général travaillent plus longtemps, ce sera
profitable pour tout le monde. On parle ici de retarder le paiement des rentes
de l'État. On parle un peu plus bas de faire un ajustement pour
encourager les gens à continuer à travailler. Je pense qu'il faut
faire une différence jusqu'à un certain point entre les
régimes privés où de plus en plus le principe de
rémunération différée est accepté. Je pense
qu'à ce moment, la personne peut considérer ça comme ayant
été sa rémunération et, jusqu'à un certain
point, la personne y a droit. (12 h 45)
Mais si, à ce moment, vous permettez à cette personne de
continuer à travailler pendant quelques années et ensuite
d'obtenir une rente qui a été augmentée, là on a
déjà fait un pas dans la solution du revenu des personnes
âgées qui, de toute évidence, est insuffisant actuellement.
Pour ce qui est des régimes qu'on pourrait considérer
plutôt comme des régimes sociaux où en fait ce sont les
voisins qui paient la rente de la personne, jusqu'à quel point on
devrait demander aux voisins de payer par les taxes la rente d'une personne qui
est encore au travail, c'est moins évident.
M. Lincoln: Dernière question, peut-être, pour
être sûr que j'ai bien compris le ministre. À la page 5,
quand vous parlez de prestations de décès et d'invalidité
différentes, est-ce que vous disiez, M. le ministre, que vous
étiez d'accord sur la seconde suggestion de monsieur?
M. Lazure: Quand vous dites la seconde, laquelle?
M. Lincoln: "Les régimes devraient pouvoir continuer de
prévoir pour les participants actifs des prestations de
décès et d'invalidité différentes selon que les
participants ont dépassé ou non l'âge normal de la
retraite." Vous n'avez pas d'objection à cela?
M. Lazure: Dans le cas des prestations de décès,
j'ai dit la semaine dernière que la personne âgée de plus
de 65 ans qui continuerait de travailler, si elle décédait en
cours de travail, pour fins des prestations au conjoint survivant, elle serait
considérée comme ayant été à sa retraite
même si elle travaillait. Je pense que c'est clair là-dessus. Pour
ce qui est de l'invalidité, dans ce cas, les choses sont moins claires.
Il faut voir s'il s'agit d'une invalidité temporaire de courte
période ou de longue période. Dans notre esprit, il est bien
sûr qu'il n'est pas question qu'un employé de 67 ans, mettons,
bénéficie d'une invalidité de longue période.
À ce moment, il bénéficiera de son régime de
retraite. Maintenant, si, dans certains contrats collectifs, on veut
négocier, même pour les personnes de plus de 65 ans, un programme
d'invalidité temporaire de courte durée, à ce moment, on
passe par le biais des congés de maladie, des congés
d'invalidité qui devraient être les mêmes que pour tout
autre employé, quel que soit l'âge. Il faut distinguer entre
invalidité à court terme et à long terme.
M. Lincoln: Oui, d'accord. En fait, le principe reste le
même, mais eux, ils disent qu'il faudrait différents
barèmes à partir de 65 ans. D'après ce que je comprends,
pour les questions de décès, d'invalidité, il faudra
situer les conditions différemment, c'est-à-dire prendre comme un
fait que ces gens sont à la retraite malgré qu'ils
travaillent.
M. Lazure: En tout cas, nous sommes d'accord avec la
première partie de la proposition quant au décès. C'est
clair. Quant à la deuxième partie, nous sommes d'accord, mais
avec des nuances, selon que c'est une invalidité de longue durée
ou de courte durée.
M. Lefebvre: Cela reprend un peu ce qu'on dit à la page 6,
où on parle spécifiquement des régimes d'invalidité
de longue durée, parce que les prestations d'invalidité, dans un
régime de rentes, demeurent quelque chose d'un peu accessoire. Je pense
que la réponse de nos suggestions
pour le traitement des cas d'invalidité à long terme se
retrouve plutôt à la page 6 où l'on s'attache
spécifiquement à la question des régimes
d'invalidité de longue durée.
Le Président (M. Boucher): Pas d'autres questions? Au nom
de tous les membres de la commission, je remercie MM. Boutin et Lefebvre pour
la présentation de leur mémoire.
Le groupe suivant, le Conseil de l'âge d'or, région de
l'Outaouais, a simplement demandé de déposer son mémoire
et, compte tenu de l'heure, je demanderais aux membres de la commission s'ils
sont prêts à suspendre leurs travaux pour les reprendre cet
après-midi. D'accord?
La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures cet
après-midi. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 50)
(Reprise de la séance à 15 h 10)
Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Lors de la suspension, nous en étions au mémoire de la
Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de
Montréal que j'inviterais immédiatement à prendre place.
Le représentant est M. Claude Fleurent, porte-parole. Messieurs, si vous
voulez y aller de la lecture de votre mémoire.
Fraternité des policiers de la CUM
M. Fleurent (Claude): M. le ministre, mesdames et messieurs de la
commission parlementaire, mon nom est Claude Fleurent et je suis le
président de la Fraternité des policiers de la Communauté
urbaine de Montréal. J'aimerais vous présenter mes
collègues. À ma gauche, directeur exécutif et
secrétaire de la fraternité, M. Réal Déry; à
ma droite, directeur exécutif à la Fraternité des
policiers, M. André Sasseville.
La Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de
Montréal Inc., est incorporée en vertu de la Loi sur les
syndicats professionnels et accréditée en vertu du Code du
travail. Tant en vertu de son incorporation que de son accréditation,
elle a le mandat de défendre les intérêts
économiques, sociaux et moraux des policiers salariés au sens du
Code du travail et à l'emploi du service de police de la
Communauté urbaine de Montréal.
Dans l'exécution de son mandat, ladite fraternité, entre
autres choses, négocie le régime de retraite des policiers
ci-haut mentionnés, et, particularité intéressante, en
vertu de la Loi constituant le service de police de la Communauté
urbaine de Montréal (chapitre 93 des Lois du Québec 1971), elle
négocie ce régime de retraite non seulement pour les policiers
salariés au sens du Code du travail, mais pour tous les policiers
transférés à la Communauté urbaine de
Montréal (article 35, alinéa 2 du chapitre 93 des Lois du
Québec 1971).
Par ailleurs, le régime de retraite négocié par la
fraternité est administré par l'Association de bienfaisance et de
retraite des policiers de la Communauté urbaine de Montréal. Ce
dernier organisme s'est prévalu de son droit de comparaître devant
votre commission et, à cette fin, il a déjà
déposé un mémoire daté du 26 août dernier. La
fraternité a eu l'avantage de prendre connaissance dudit mémoire
et elle endosse entièrement les remarques, commentaires et suggestions
qui s'y retrouvent. La fraternité, cependant, pour son propre compte et
le bénéfice de ses membres, soumet bien respectueusement les
quelques observations additionnelles exposées ci-après.
En fait, nous considérons que cette loi s'inscrit dans la
lignée des autres mesures, encore trop timides quant à nous,
adoptées à cause et avec l'évolution de notre droit du
travail pour précisément protéger le droit au travail. Le
droit au travail, quant à nous, est aussi important que le droit de
propriété. C'est de toute façon, en règle
générale, par le travail que l'être humain peut jouir du
droit de propriété puisqu'il lui procure l'argent
nécessaire pour acquérir quoi que ce soit aujourd'hui et, d'autre
part, le travail, encore pour nombre d'individus qui ont choisi d'exercer une
profession et qui l'ont fait en donnant le meilleur d'eux-mêmes pendant
des années, demeure, à n'en pas douter, un excellent moyen de se
réaliser, de se valoriser et même éventuellement, disons-le
carrément, de justifier son existence.
Aucun principe, aucun but ne peuvent justifier que l'on prive un
être humain de ce droit au travail sous prétexte qu'il a atteint
un certain âge. Sans élaborer plus avant, la Fraternité des
policiers de la CUM déclare, sans aucune restriction, être
entièrement d'accord avec le but visé par cette loi. Elle
félicite les législateurs d'avoir enfin entrepris la
démarche qui conduira éventuellement à mettre fin à
cette forme de discrimination.
Quelques questions et suggestions. Nous suggérons, au
départ, à l'instar d'autres intervenants, que le projet de loi
soit écrit de façon positive, soit qu'il reconnaisse un droit et
non pas qu'il crée une prohibition. Par ailleurs, l'analyse plus
spécifique de quelques articles du projet de loi nous inspire les
commentaires suivants. L'article 84.1 de la Loi sur les normes du travail,
1979, chapitre 45, devrait prévoir non seulement le droit pour le
travailleur de conserver son emploi après l'âge autrefois
prévu pour sa retraite, mais également le droit de conserver ses
fonctions, à moins qu'on ait de bonnes raisons pour le
déplacer.
Inspiré sans doute par l'article 15 du Code du travail, le
législateur devrait s'en tenir à ce qui y est prévu et qui
inclut la possibilité pour un salarié "déplacé", et
non seulement congédié ou suspendu à cause de l'exercice
d'un droit qui résulte dudit code, de porter plainte devant le
commissaire du travail. Ainsi, nous éviterions possiblement qu'un
employeur, sans congédier ou mettre à la retraite un
employé à cause de son âge, le déplace et l'affecte
à des fonctions pour lesquelles il n'est pas préparé, qui
le dévalorisent et qui même, en quelque sorte, le
pénalisent, de telle façon que l'on pousse éventuellement
à la retraite l'employé qu'on n'a plus le droit de mettre
à la retraite. (15 h 15)
L'utilisation du mot "salarié", surtout en ce qui concerne le cas
précis de la Fraternité des policiers de la CUM, qui
négocie le régime de retraite des policiers salariés au
sens du Code du travail et de ceux qui ne le sont pas, pourrait entraîner
une certaine confusion. Ce terme de "salarié" s'est vu conférer,
par l'usage et les distinctions faites en vertu du Code du travail en ce qui
concerne le droit d'être représenté par une association
accréditée ou non, un sens bien précis.
Il nous semble que le terme "employé" est un terme plus
générique qui couvre tout individu qui a un employeur et donc
tous ceux qui, possiblement, n'auraient pas eu, jusqu'à maintenant, le
choix du moment où ils doivent cesser de travailler. Le texte de
l'article 84.1 actuellement suggéré interdit à un
employeur ou à son agent de congédier, suspendre ou mettre
à la retraite un salarié pour le seul motif qu'il a atteint ou
dépassé l'âge ou le nombre d'années de service
à compter duquel il nous semble que l'âge ou le nombre
d'années de service ne devrait même pas pouvoir être
invoqué comme étant l'un des motifs justifiant un
congédiement, une suspension, un déplacement ou une mise à
la retraite.
De la façon dont le texte est actuellement rédigé,
il nous semble possible à un employeur qui voudrait se départir
des services de quelqu'un à cause de son âge ou du nombre
d'années de service de celui-ci, d'alléguer un ou quelques autres
motifs pour justifier sa décision, et de plaider ensuite que,
l'âge n'étant pas le seul motif, le commissaire du travail ne peut
intervenir.
Nous croyons qu'il y aurait lieu de prévoir que dès que
l'employé établit à la satisfaction du commissaire du
travail que l'une des raisons pour lesquelles on a mis fin à son emploi
pourrait être son âge ou son nombre d'années de service, il
y aura présomption qu'on a effectivement mis fin à son emploi
pour cette raison et l'employeur devra dès lors justifier sa
décision par d'autres motifs justes et raisonnables.
Par ailleurs, l'expérience vécue nous montre que parfois
certains employeurs peuvent inciter, de façon directe ou indirecte,
certains employés à démissionner.
Ceux-ci, étant parfois intimidés et n'ayant pas le recul
nécessaire pour évaluer une semblable décision,
très souvent, posent un geste qui leur est opposé par la suite
par l'employeur lorsque, après avoir réfléchi, ils
expriment le désir de modifier leur décision et de continuer leur
travail ou même de le reprendre après l'avoir quitté pour
quelques jours.
Il nous semble qu'il y aurait lieu de protéger ces
employés, et ainsi de prévoir que toute démission
donnée par un employé qui autrement pourrait se prévaloir
des droits et recours prévus à cette loi, ne prend effet et ne
peut être opposable audit employé que dans un délai, par
exemple, de quinze jours après que l'employé a effectivement
quitté son emploi.
Article 4: Certains régimes de retraite négociés,
pour ne pas dire la plupart d'entre eux, prévoient un maximum de rentes
payables et, en conséquence, les cotisations qui peuvent être
perçues ou qu'il est nécessaire de contribuer au fonds de
retraite atteignent éventuellement, elles aussi, un plafond.
Par ailleurs, en ce qui concerne lesdits régimes de retraite
négociés, nous ne voyons pas pourquoi ils auraient pu faire
l'objet d'une entente pendant des années, entente qui aurait pu
être modifiée ou même à laquelle il aurait pu
être mis fin en tout temps sur accord des parties, et ils deviendraient
soudainement, à toutes fins utiles, obligatoires parce que l'âge
prévu à un ancien régime de retraite ou le nombre
d'années de service prévu auxdits régimes aurait
été atteint.
D'ailleurs, pour se conformer à la loi, les régimes de
retraite éventuellement ne comporteront pas d'indications concernant le
nombre d'années de service maximum ou un âge obligatoire de
retraite. Par conséquent, c'est strictement par négociation que
les parties détermineront ce qu'elles cotisent, jusqu'à quand
elles cotisent et possiblement, à partir de quand elles cessent de
cotiser.
L'article 4 devrait donc prévoir la possibilité pour
l'employé de continuer à cotiser s'il le désire ou si le
régime de retraite négocié pour lui le prévoit.
À ce moment, l'employeur également devrait être tenu de
cotiser selon les ententes intervenues.
Cette possibilité prévue pour l'employé de cette
obligation imposée à l'employeur, selon les ententes intervenues
entre eux, devrait exister jusqu'à la date effective de la cessation
d'emploi de l'employé concerné et non pas, tel que
déjà mentionné, naître à compter d'une date
quelconque ou d'un nombre d'années de service qui ne peuvent plus
être invoqués et qui éventuellement ne
seront plus même stipulés.
L'alinéa 4 de l'article 7, qui ne prévoit pas de
délai maximal d'avis de cessation d'emploi ou de
non-réengagement, pourrait peut-être permettre à un
employeur, qui veut se débarrasser de ses "vieux", de leur faire
parvenir de semblables avis et de mettre fin à leur emploi plusieurs
mois après la date d'entrée en vigueur de la loi.
Sachant, par exemple, que la loi doit entrer en vigueur le 1er
février 1982 et sachant, par ailleurs, qu'un employé doit
atteindre l'âge de soixante ans, soit l'âge autrefois prévu
pour une retraite obligatoire dans un régime de retraite
négocié, plusieurs mois ou même un an après le 1er
février, l'employeur pourrait, avant cette dernière date, aviser
l'employé qu'advenant son soixantième anniversaire, il sera mis
à la retraite à cause de son âge.
Ainsi, même s'il n'était pas effectivement mis à la
retraite le jour de l'entrée en vigueur de la loi, parce que
l'employé aura reçu un avis de cessation d'emploi, il ne pourra
être protégé par ladite loi.
Nous croyons qu'il y aurait lieu de prévoir qu'un semblable avis
ne doit pas annoncer une cessation d'emploi ou un non-réengagement
postérieur à un mois ou, au maximum, deux mois après la
date d'entrée en vigueur de la loi.
Conclusions. La Fraternité des policiers de la CUM croit que les
conditions économiques et sociales qui prévalent actuellement
dans notre société justifient l'adoption d'un projet de loi
soumis par le gouvernement et elle a la prétention de croire que les
quelques suggestions humblement soumises dans le présent mémoire
sont de nature à le bonifier.
Pour cette raison, elle réitère sa haute
appréciation de l'initiative prise par le gouvernement ainsi que sa
satisfaction d'avoir eu l'occasion d'apporter sa mince contribution à la
préparation d'une autre loi dûment souhaitée par ses
membres et hautement justifiée. Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Fleurent. M. le
ministre.
M. Lazure: M. le Président, je veux remercier la
fraternité et, en particulier, son président pour avoir bien
voulu venir participer à cet exercice démocratique qu'est la
commission parlementaire.
Je note, au départ, qu'à la page 3 de leur mémoire,
les policiers de la Communauté urbaine de Montréal affirment sans
aucun doute, sans aucune ambiguïté leur accord avec le but
visé par le projet de loi. Je les remercie pour les suggestions
pertinentes, les points de vue qu'ils soulèvent tout au long de leur
mémoire.
La première suggestion de rendre plus positive la formulation du
projet, pour que sans aucun doute dans l'esprit de personne ça devienne
un droit de continuer à travailler, on la retient, mais il est possible
qu'on formule autrement le texte. Dans notre esprit, c'est clair: l'esprit de
la loi, l'esprit du projet de loi, c'était de constituer un nouveau
droit à la personne. Non pas cependant un droit aussi large que celui
que vous proposez, un droit général au travail, parce que c'est
un projet de loi qui ne porte pas sur toutes les facettes du travail, mais
seulement sur l'abolition de la retraite obligatoire. Dans notre esprit c'est
clair, par exemple, que lorsqu'il y a un conflit, un litige et qu'une personne
est congédiée, si la personne a le moindre doute dans son esprit
qu'elle est congédiée à cause de son âge, ce seul
motif suffit pour qu'elle fasse appel au commissaire du travail. À ce
moment, c'est l'employeur qui a le fardeau de la preuve. Cela est clair. Alors,
si notre texte actuel ne paraît pas tout à fait assez clair, on va
essayer avec nos spécialistes de la rédaction du projet de loi de
le rendre très très clair, mais on est d'accord avec vous sur
l'esprit.
La distinction que vous faites entre salarié puis employé.
Nous on prend la définition de "salarié" qu'on retrouve dans la
Loi sur les normes minimales du travail. À notre avis, cette
description, cette définition, plutôt, du terme "salarié"
dans la Loi sur les normes minimales, elle est très large; elle est plus
large à notre avis que celle qu'on retrouve dans le Code du travail.
C'est peut-être cela qui vous cause un peu d'inquiétude. Pour
nous, la définition de "salarié" est celle qui est dans la Loi
sur les normes minimales et non pas celle qui est dans le Code du travail. Dans
le Code du travail, c'est un peu plus étroit comme définition.
Tandis que dans la Loi sur les normes minimales, ça nous paraît
à peu près ce qu'il y a de plus large.
Maintenant, vous allez plus loin. Vous dites non seulement que
l'employé devrait avoir le droit de conserver son emploi, s'il en a les
capacités physiques ou mentales, mais aussi qu'il devrait conserver le
même emploi qu'il occupe. La sécurité d'emploi quant au
poste précis, évidemment, cela dépasse l'objet de notre
projet de loi, et la seule réponse que j'ai à fournir à
cela, c'est tout simplement que les règles actuelles qui
régissent les relations patronales-syndicales vont continuer de
s'appliquer. Ce projet de loi ne veut rien changer, d'aucune façon, sauf
en ce qui concerne la discrimination qui veut qu'on congédie quelqu'un
à cause de son âge. Mais, sauf pour cela, ce projet de loi ne va
rien changer, dis-je, au Code du travail et aux règles du jeu que l'on
connaît dans les relations patronales-syndicales.
Il y a peut-être la dernière remarque, quitte à y
revenir plus tard: l'article 4 va être écrit de nouveau pour
énoncer bien clairement les choix - les trois choix - qu'un
employé ou une employée qui désire continuer de
travailler aura à 65 ans.
Le premier choix, c'est que, tout en touchant un salaire, tout en
continuant de travailler en touchant son salaire, la personne pourra toucher
son régime supplémentaire de rentes.
Le deuxième choix, c'est de différer sa retraite, et ce
deuxième choix se subdivise en deux à son tour, parce que l'on
peut la différer soit en cotisant, en ajoutant donc, en bonifiant son
régime de retraite, soit la différer sans ajouter à ce
régime.
Ces trois choix seront donc clairement exprimés, et, l'article 5,
nous avons l'intention de le retrancher, de la même façon qu'on a
l'intention de retrancher l'article 7.4. Vous avez fait allusion à
l'article 7.4, quand on disait que la présente loi ne s'applique pas
à une personne, au paragraphe 4, qui a reçu un avis de cessation
d'emploi ou de non-engagement en raison de l'âge ou du nombre
d'années de service. Nous avons l'intention de retrancher cet article de
toute façon.
Je rappelle aussi qu'en plus de la commission que nous avons pour la
troisième journée, il y a aussi la commission des droits de la
personne qui a entendu des mémoires, plusieurs mémoires, qui
réclament l'abolition de l'âge obligatoire de la retraite. Nous
pensons que l'un n'interdit pas l'autre. Au contraire, nous pensons qu'il y a
place probablement dans la charte des droits pour inscrire ce nouveau motif de
discrimination, l'âge, donc établir là une protection
élémentaire au niveau des droits généraux et, en
plus, d'avoir, par une loi spéciale comme celle-ci, une loi qui va
s'appliquer par le biais de la Loi sur les normes minimales du travail et par
le biais des commissaires du travail. La Commission des droits de la personne
n'a pas les pouvoirs exécutoires, évidemment, et nous pensons que
les pouvoirs exécutoires du commissaire du travail seront plus efficaces
pour intervenir dans le cas où l'employé sent qu'il a
été mis à pied à cause de son âge.
M. le Président, je remercie encore une fois la fraternité
pour son excellent mémoire.
Le Président (M. Boucher): M. Fleurent.
M. Fleurent: M. le Président, pour répondre
à M. le ministre, au service de police de la CUM, les mots
"salarié" et "employé" signifient ce qui suit au sens de la loi.
Le patron, pour nous, c'est la communauté; les employés, ce sont
tous les employés, incluant l'état-major, les cadres du service
de police; quant aux salariés, au sens du Code du travail, ce sont les
gens syndicables. C'est pour cela qu'on voulait faire la différence.
M. Lazure: C'est pour ça que je vous disais tantôt
que notre définition du salarié n'est pas au sens du Code du
travail, mais selon la Loi sur les normes minimales du travail qui inclut,
à ce moment-là, les cadres.
M. Fleurent: Qui inclut les cadres?
M. Lazure: Oui. Attendez, je vais vérifier. Il y a un
représentant du contentieux du ministère qui nous affirme que
c'est exact. Au paragraphe 10 de l'article ] de la Loi sur les normes minimales
du travail, il est clair que la définition du mot "salarié",
inclut les cadres. (15 h 30)
M. Fleurent: Quant à l'endroit spécifique - c'est
la deuxième remarque que vous avez faite - on suggère qu'un
salarié ne devrait pas être déplacé, parce qu'on n'a
pas d'autre choix, à la police, que de prendre sa retraite si on est
déplacé. Il n'y a pas d'endroit, personne n'est recyclé,
en fait. C'est pour ça qu'on insiste sur le fait que le policier garde
le même emploi, le même genre de travail. Si la loi ne le
prévoit pas, il faudrait qu'il y ait un mécanisme, au sein de
notre organisation, en tout cas, qui verrait à recycler les gens et
à profiter de leur expérience.
M. Lazure: Encore une fois, M. le Président, il faut bien
comprendre que cette loi est une loi fondamentale qui enlève une
discrimination. Cette loi n'a pas la prétention de vouloir toucher aux
règles normales des relations du travail. Je comprends ce que vous
voulez dire, mais notre loi n'affectera pas les règles normales de
relations du travail.
M. Fleurent: Dans le discours que vous avez prononcé en
date du 13, vous parliez de la capacité d'accomplir un travail. C'est
pour cela que vous vouliez enlever les policiers et les pompiers de cette loi.
Nous autres, on prétend qu'on a les mêmes droits que n'importe
quel travailleur.
M. Lazure: Là, on parle d'autre chose.
M. Fleurent: Parce qu'il y a un autre mémoire à cet
effet.
M. Lazure: Oui, là, c'est plus clair. J'allais
tantôt revenir là-dessus et poser la question au président
de la fraternité. Qu'est-ce qu'il pense de cette espèce de
divergence d'opinions entre deux corps de police aussi compétents l'un
que l'autre, aussi précieux l'un que l'autre, la Sûreté du
Québec et la Fraternité des policiers de la Communauté
urbaine de Montréal? La Sûreté du Québec nous
demande d'être exemptée de
la loi. Vous, au contraire, demandez que la loi s'applique à
vous, si je comprends bien.
M. Fleurent: C'est exact.
M. Lazure: C'est cela. Je ne vous cache pas que notre intention,
à ce jour, va plutôt vers l'exemption. Ce n'est pas
définitif, mais nous pensons que les arguments que la
Sûreté du Québec a fait valoir et ceux qu'on retrouvait
aussi dans les débats au Congrès américain lorsque la loi
a été adoptée et que les policiers et les pompiers ont
été exemptés de la loi sont assez impressionnants. Nous
nous acheminons vers une telle exemption, même si ce n'est pas encore
définitif.
M. Fleurent: M. le Président, si vous me le permettez.
Le Président (M. Boucher): Oui, M. Fleurent.
M. Fleurent: Actuellement, avec l'expérience que nous
ayons, il y a des policiers qui sont en pleine forme pour continuer leur
travail, et même il y a un grief pour un cas. Ils veulent continuer
à travailler. C'est un droit à la Fraternité des policiers
de la CUM qu'on veut donner à nos membres, à nos policiers.
L'explication de la divergence d'opinions, vous avez sûrement dû
poser la question aux gens de l'APPQ, de la Sûreté du
Québec. Quant à nous, on a une vocation syndicale stricte,
à la fraternité. Je m'explique. La fraternité a le pouvoir
de négocier le fonds de retraite seulement quand il est
négociable. Par la suite, on a l'Association de bienfaisance et de
retraite, laquelle a présenté un mémoire, qui administre
le fonds de retraite des policiers de la CUM. Ce sont deux cas
séparés. C'est pour cela que, pour nous, c'est une vocation
syndicale et, syndicalement parlant, on ne veut pas enlever des moyens à
nos membres. On veut leur en donner comme la loi le prévoit. De plus, on
veut se faire reconnaître par tout le monde comme des travailleurs
à part entière, la même chose que tout le monde.
M. Lazure: Dans le cadre de cette vocation exclusivement
syndicale qui est la vôtre et que je respecte, il n'y a rien dans notre
loi qui va vous empêcher de négocier un prolongement de votre
travail. Si les deux parties s'entendent pour maintenir, comme actuellement
dans certains cas, indépendamment de toute loi à venir...
Actuellement, votre corps, comme n'importe quel autre corps dans la
société, s'il réussit à s'entendre par voie de
négociation avec l'employeur pour continuer son travail, il n'y a rien
qui vous empêchera de le faire.
M. Fleurent: Si on était...
M. Chevrette: Je vous écoute depuis tantôt...
Le Président (M. Boucher): Mme la députée de
L'Acadie, est-ce que vous permettez...
Mme Lavoie-Roux: Je pense que je vais céder mon droit de
parole au député de Nelligan.
M. Chevrette: Je suis convaincu que le... C'est à la suite
de cela; on va vider ce problème et, après, vous...
M. Lincoln: Oui, cela va.
M. Chevrette: Merci beaucoup. Vous êtes
compréhensif, vous.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Joliette.
M. Chevrette: J'aurais une question bien précise. Vous
semblez vouloir vous afficher comme une entité syndicale pure. C'est
cela que vous avez bien clairement fait entendre.
M. Fleurent: C'est cela.
M. Chevrette: Comment se fait-il que par un de vos commentaires,
vous semblez vouloir faire inclure dans la législation un
élément de négociation?
Je vais m'expliquer. Vous dites: Nous autres, on revendique
syndicalement. Ce avec quoi je suis d'accord...
M. Fleurent: C'était pour répondre à M. le
ministre.
M. Chevrette: Oui.
M. Fleurent: La comparaison entre la Sûreté du
Québec et nous-mêmes.
M. Chevrette: D'accord.
M. Fleurent: C'était la réponse. En fait...
M. Chevrette: C'est parce que la comparaison que vous avez faite
m'a ouvert grands les yeux et les oreilles en même temps, pour comprendre
difficilement une de vos premières allégations, savoir que vous
vouliez faire introduire dans la législation le maintien du poste.
Dès que vous voulez introduire dans la législation le maintient
du poste, vous voulez le soustraire du champ de négociation.
M. Fleurent: Non. Actuellement on a le
pouvoir. Par exemple, quelqu'un qui ne fonctionne pas à 32 ans
d'âge et non de service, il y a des mécanismes: soit la mise
à la retraite professionnelle ou la mise à la retraite proprement
dite. La même chose s'appliquerait à 65 ou à 67 ans.
M. Chevrette: Je vais faire une supposition, M. le
Président. À 65 ans, vous avez un droit dans la
législation actuelle pour continuer à travailler cinq ans
additionnels. Si vous incluiez, tel que vous le demandez, le droit du maintien
au poste, vous ne pourriez pas négocier, comme entité syndicale,
la mobilité du poste ou vous ne pourriez pas négocier que vos
plus vieux pompiers ou que vos plus vieux policiers aient des postes moins
onéreux sur le plan du travail. Vous ne pourriez pas négocier,
par exemple, le fait qu'un policier de 65 ans soit confiné à des
tâches beaucoup moins astreignantes, qui comportent beaucoup moins de
risques, puisque vous nous dites que vous voudriez voir le maintien du poste
inclus dans la législation. Est-ce que je me trompe ou si j'ai trop bien
compris?
M. Fleurent: On ne veut pas que la loi impose, seulement à
cause de l'âge, de changer son champ d'action ou l'endroit de travail.
C'est le but de notre intervention. C'est-à-dire que le policier qui
atteindrait l'âge de 62 ans, le patron lui dirait: Parce que tu as 62
ans, tu ne travailleras plus dans ta fonction, tu vas travailler dans le
bureau, par exemple. Si le gars a encore la capacité de travailler dans
son métier de policier, je ne vois pas pourquoi on lui enlèverait
le droit, à cause de l'âge. Cela n'a rien à voir avec la
négociation.
En principe, si vous l'excluez de la loi, on ne peut plus
négocier. À 60 ans on s'en va actuellement. On est obligé
de par la loi de s'en aller à 60 ans. Tandis qu'on voudrait endosser la
loi dans ce sens-là. Les policiers également.
M. Chevrette! En tenant pour acquis que vous ne voulez rien
soustraire de votre champ de négociation...
M. Fleurent: Absolument pas, on est un syndicat.
M. Chevrette: Donc, oublions la notion de poste et regardons
uniquement le droit au travail. C'est bien ça?
M. Fleurent: C'est ça. M. Chevrette: Merci.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Dans le même ordre d'idées, j'aurais
voulu vous poser une question concernant la page 5 de votre mémoire,
paragraphe 4. D'abord, est-ce que je comprends bien? Vous voulez aller plus
loin que la loi pour dire qu'on ne peut pas invoquer l'âge comme motif de
congédiement. Vous dites: II faudrait qu'on prévienne que
l'âge soit même un seul des motifs.
Vous dites: Nous croyons qu'il y aurait lieu de prévoir que
dès que l'employé établit à la satisfaction du
commissaire du travail que l'une des raisons pour lesquelles on a mis fin
à son emploi pourrait être son âge, etc... l'employeur devra
dès lors justifier sa décision par d'autres motifs justes et
raisonnables.
Tout cela est un enchaînement d'idées, n'est-ce pas?
L'âge, comme tel, ne peut pas être le motif principal. Si, par
exemple, un policier arrive à 70 ans et que, du fait même, il ne
peut plus faire son travail d'une façon aussi sécuritaire
qu'à 50 ans, tout cela est relié à la question de
déplacement. Vous dites: Si on se déplace, on n'a pas le droit de
continuer notre travail. Est-ce que ce n'est pas une question syndicale
interne, une question de gestion interne de la police de Montréal
plutôt qu'une question de loi?
M. Fleurent: Non. On ne voudrait pas, pour continuer dans le
même ordre d'idées, que le policier soit dégagé
à cause de son âge, et qu'il devienne garçon d'ascenseur.
On veut qu'il demeure policier...
M. Lincoln: Oui, oui, d'accord.
M. Fleurent: II pourrait être recyclé à
l'intérieur du service, bien sûr. Pour répondre à
votre autre question...
M. Lincoln: Cela veut dire que, s'il y a un recyclage dans le
service et qu'un policier, qui était détective ou autrement, se
voit déplacé à l'administration, vous n'êtes pas
contre ce principe.
M. Fleurent: Pas du tout, ce serait bénéfique pour
tout le monde, en fait. Une personne qui a 35 ans ou 40 ans de service, bien
sûr, ne sera peut-être pas dans la possibilité, à
cause de son âge, de faire face à la violence, de courir
après des suspects ou des choses semblables, mais elle peut aider les
jeunes, elle peut aider ses patrons aussi ou des administrateurs.
M. Lincoln: Vous parlez du poste dans le terme très
général du mot, pour un policier. Bon, d'accord.
M. Fleurent: Bien sûr, cela peut s'appliquer à un
membre de l'état-major également. Dans l'article 15 du Code du
travail, pour des raisons syndicales, on n'a
pas le droit de limoger un employé ou un salarié. Ce
serait la même chose: simplement à cause de l'âge, on
n'aurait pas le droit de limoger un policier. On pourrait invoquer d'autres
raisons, comme on peut en invoquer à 45 ans ou à 50 ans, on a
toujours le loisir de le faire. C'est bien entendu que, s'il y a des policiers
ou des individus qui ne peuvent plus fonctionner, psychologiquement ou
physiquement parlant, il y a actuellement des moyens qui existent pour les
placer à la retraite d'une façon professionnelle ou
autrement.
M. Lincoln: Mais supposons que la loi exempte les policiers ou
les pompiers. D'après ce que j'ai compris, vous dites: Maintenant, on
est forcé de prendre notre retraite à 60 ans. Mais la loi
n'affectera pas cela, en fait, même si vous étiez exemptés.
Si, par exemple, vous négociez avec vos employeurs pour que ce soit
à 65 ans ou à 70 ans, la loi ne changera pas cela, aucunement,
n'est-ce pas?
M. Fleurent: On m'informe ici que la loi de la CUM force les
policiers à prendre leur retraite à 60 ans. Chez les policiers de
la CUM, on est forcé de le faire. Si on est exclu de la loi, on est donc
encore forcé de prendre notre retraite à 60 ans. On ne veut pas
cela, nous. On veut un droit acquis. Cela ne veut pas dire une obligation,
comme le ministre le disait ce matin; cela donne un avantage de plus aux
policiers de pouvoir continuer s'ils le veulent. Il y a certains exemples.
J'imagine que cela n'affectera pas beaucoup de personnes, comme vous le disiez
tantôt. Les policiers sont dans le même pourcentage que la
population.
M. Lincoln: Oui, mais s'il y avait une exemption dans la loi -
écoutez, moi, j'ai l'esprit ouvert là-dessus, ce n'est pas moi
qui fais la loi, de toute façon - la question serait, en fait, le
changement de la loi de la CUM. Ce n'est pas la clé de la question,
c'est une autre chose. Ce n'est pas de cette loi qu'on discute.
M. Fleurent: C'est possible, mais, en étant d'accord avec
cette loi-ci, on peut aussi faire des interventions pour d'autres lois, bien
entendu.
M. Lincoln: Oui, d'accord.
M. Fleurent: Actuellement, on étudie la refonte de la loi
de la CUM.
M. Lincoln: J'ai une autre question quant à l'article 7.
Vous parlez du mémoire de la commission de bienfaisance ou du
comité de bienfaisance. On a parlé de la question de la
préretraite, c'était ce qui les gênait, l'alinéa 3
de l'article 7, et vous, vous parlez de l'alinéa 4. Cela veut-il dire
que vous n'avez aucune objection à l'article 3? C'est-à-dire
l'alinéa 3 de l'article 7.
M. Fleurent: Quand vous vous référez à
l'article 3, est-ce dans le mémoire de l'association?
M. Lincoln: Vous dites que vous êtes tout à fait
d'accord avec leurs remarques; eux ne parlaient pas de l'alinéa 4, ils
parlaient de l'alinéa 3 au sujet de la préretraite. Selon ce que
je comprends, cela ne vous affecte pas du tout, vous.
M. Fleurent: Cela ne nous affecte pas. M. Lincoln: Bon,
d'accord.
M. Fleurent: On est d'accord avec cela au complet, dans le
mémoire, on l'a dit tantôt. Cela ne nous affecte pas
directement.
M. Lazure: M. le Président, si vous me le permettez, sur
le même sujet...
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Lazure: ... sans vouloir éterniser le débat,
après être allé aux sources, ce qui vous oblige à
prendre votre retraite à 60 ans, effectivement, c'est le
règlement qui découle de votre négociation, c'est le
règlement qui entoure votre régime de retraite - c'est cela - et
non pas la loi de la CUM. Alors, il est négociable; c'est ce que je
disais tantôt et je rejoins le député de Nelligan. Notre
loi ne vous empêche pas de négocier avec votre employeur un
âge de retraite plus élevé. Là, c'est 60 ans, mais
ce pourrait être 64 ans, 65 ans, 66 ans, peu importe. (15 h 45)
De toute façon, je ne vous dis pas aujourd'hui que vous serez
formellement exemptés, ce n'est pas décidé. Je vous dis
que nous étions portés à le faire à la suite des
demandes des policiers provinciaux, mais vous nous faites une demande
contraire, alors, on va prendre cela en délibéré.
M. Fleurent: Tantôt, on faisait la comparaison entre la
fraternité et l'association de bienfaisance. Ce sont deux organisations,
tandis que la Sûreté du Québec n'a pas ces deux
organisations. Ils ont deux sièges en fait ici quand ils parlent de leur
mémoire. Je ne veux pas répondre pour eux. C'est la raison pour
laquelle on diverge d'opinion.
Le Président (M. Boucher): Pas d'autre question? Je
remercie la Fraternité des policiers de la Communauté urbaine
de
Montréal, au nom des membres de la commission pour la
présentation de son mémoire.
Fédération des commissions scolaires
catholiques
J'invite immédiatement la Fédération des
commissions scolaires catholiques du Québec. Mme Gobeil, vous pouvez y
aller avec la lecture de votre mémoire.
Mme Gobeil (Estelle): M. le Président, M. le ministre,
mesdames, messieurs, il me fait plaisir, en premier lieu, de présenter
mes collègues: M. Jacques Audy, à ma droite, directeur
général, et M. Jean-Pierre Tessier, à ma gauche, directeur
des relations du travail. L'intention du gouvernement d'adopter une loi
interdisant à un employeur d'obliger un salarié de quitter son
emploi pour le seul motif qu'il a atteint un âge prévu de mise
à la retraite ou un nombre d'années de service
déterminé suscite une controverse aiguë dans les milieux du
travail. Il est appréciable dans ce contexte qu'il offre aux
intervenants soucieux des conséquences que pourrait amener la
réforme proposée l'occasion de se faire entendre dans le cadre
d'une commission parlementaire.
L'évolution de la grille démographique du Québec
révèle un vieillissement progressif de la population qui
s'accompagne incidemment d'une montée significative de la force et de
l'importance politique des personnes du troisième âge. Sans entrer
dans les mobiles profonds qui ont amené le dépôt de ce
projet de loi, il est manifeste que le gouvernement n'a pas été
insensible à cette réalité.
Au demeurant, si d'autres mesures ne parviennent pas au cours des 20
prochaines années à redresser le taux de natalité au
Québec, notre société n'aura peut-être pas d'autre
choix que de prolonger la période de contribution de ses membres
à l'effort commun de production. Mais il est impérieux
d'évaluer la conjoncture actuelle en abordant cette question et
d'éviter de retenir des arguments fondés sur une démarche
trop prospective. Le législateur, s'il ne doit pas hésiter en
certaines circonstances à faire oeuvre de pionnier, ne doit jamais
perdre de vue la balance des inconvénients lorsqu'il étudie un
projet de réforme.
Mises à part les considérations de nature psychosociales,
la mise à la retraite obligatoire implique des effets variables selon
les individus et les secteurs d'activités. Le nombre d'années de
contribution à un régime devient certainement l'un des facteurs
les plus déterminants de l'impact que produit la retraite
forcée.
Il va sans dire que personne ne peut entrevoir allègrement une
retraite qui ne lui assure pas la possibilité financière de
réorganiser ses activités de vie. Mais la retraite facultative
constitue-t-elle à cet égard une véritable solution? Elle
atteint une cible beaucoup plus grande que l'objectif présumément
visé. Si l'on veut améliorer le sort des moins bien nantis, il
faudra de toute façon, un jour ou l'autre, adopter des moyens plus
directs. Pour l'État, le dilemme est de taille puisqu'il revêt une
incidence économique majeure. Il s'agit en fait de concilier et
d'équilibrer deux pôles qui, dans la situation actuelle, tendent
à s'opposer: celui des jeunes qui s'impatientent de jouer un rôle
actif dans notre société et celui des gens du troisième
âge qui revendiquent un statut social et économique à la
mesure des efforts qu'ils ont consentis pour rendre possible le Québec
d'aujourd'hui.
La prolongation de la période active des individus
déjà installés dans le système de production de
biens et de services ne pourra manquer de faire augmenter le contingent
déjà très lourd et inquiétant des jeunes
prêts et aptes à s'intégrer dans un marché du
travail qui se ferme à eux.
L'impasse devant laquelle se retrouve la jeune force vive de notre
population qui se voit refuser le moyen le plus légitime de l'insertion
sociale qu'est le travail représente pour l'immédiat un
péril qu'il ne convient pas d'aggraver par une initiative
théoriquement acceptable en soi, mais trop parcellaire, parce qu'elle ne
fait pas partie d'une politique d'ensemble qui devrait contenir les antidotes
nécessaires pour contrer les effets négatifs de la retraite
facultative.
Par son caractère universel et immédiat, le projet de loi
no 15 escamote la réflexion sur les conséquences concrètes
qu'amènerait son application dans les différents secteurs
d'activités dont on ne peut nier les particularités.
Soulignons que l'étape de la retraite obligatoire évite
à certains employés la douloureuse et difficile expérience
de la remise en question de leur prestation de services pour des motifs de
capacité et de rendement, bien qu'à cet égard, il faille
beaucoup nuancer et distinguer selon les domaines. Il est difficile, sous cet
aspect, de confondre un mineur, un ouvrier de la construction, un graphiste, un
psychologue, un enseignant, etc. On débouche alors sur une dimension
importante de la question, le recyclage ou le perfectionnement de la
main-d'oeuvre active, qui ne peut, par ailleurs, être traitée
équitablement sans considérer l'intégration au travail des
personnes qui en sont déjà exclues.
Marqué par une préoccupation ostensiblement sociale et
politique, le projet de loi no 15 écarte d'emblée la notion de
l'intérêt de l'entreprise en faveur d'une vision strictement
individualiste du travail qui élude trop facilement les contraintes
et
les réalités de notre système
économique.
La Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec regroupe la majorité des commissions scolaires du
Québec, qui comptent au total près de 100 000 employés.
Nous voulons rappeler aux membres de la commission parlementaire un certain
nombre de données dont ils devraient tenir compte dans le cadre de
l'étude du projet de loi no 15. 1. La décroissance de la
clientèle scolaire aux niveaux primaire et secondaire crée une
situation dramatique d'excédent d'effectifs dans les commissions
scolaires. Ce facteur de première importance, associé à
celui des contraintes budgétaires que vous connaissez, M. le ministre,
mesdames et messieurs les députés, oblige les employeurs de ce
secteur à déclarer des surplus de personnel de plus en plus
grands chaque année. Les mécanismes de sécurité
d'emploi prévus aux conventions permettent par ailleurs à ces
employés de demeurer en service rémunéré.
Je vous demanderais de bien vouloir corriger les chiffres que vous avez.
Je vais vous donner les chiffres au 1er octobre. Une compilation
effectuée au 1er octobre 1981 indique que 4367 employés de
commissions scolaires étaient en surplus à cette date dont 3228
enseignants, 187 cadres et gérants, 245 professionnels non enseignants
et 697 employés de soutien.
D'autre part, à cette même date, les commissions scolaires
comptaient non pas 1614 employés non permanents, mais 1500, dont le lien
d'emploi a été rompu. Ils se répartissent comme suit, et
là aussi, il y a des corrections: 1145 enseignants, six cadres et
gérants, 86 professionnels non enseignants, 192 employés de
soutien. 2. Cette conjoncture de compression des emplois au sein des
commissions scolaires a pour effet de fermer presque totalement ce secteur de
travail aux jeunes diplômés des institutions d'enseignement dont
certains, par leur formation, ne peuvent compter pratiquement sur aucun autre
secteur pour leur offrir des débouchés. 3. Cette
difficulté d'accueillir du sang neuf provogue un vieillissement
progressif du corps professoral qui n'est pas sans effet sur le style
d'enseignement dispensé aux élèves, et j'attire
particulièrement votre attention sur ce paragraphe. 4. Pour pallier les
conséquences du nombre d'employés qui doivent être mis en
disponibilité chaque année, les conventions collectives de
travail prévoient des mesures incitant les employés à
quitter le secteur. C'est ainsi que l'on accorde des congés de
préretraite d'une année complète avec plein traitement aux
employés permanents si leur démission permet d'accorder un poste
à un employé en disponibilité. On octroie également
des primes de séparation représentant jusqu'à la
moitié du salaire annuel aux employés permanents qui acceptent de
rompre leurs liens d'emploi afin de permettre la relocalisation d'un
disponible. 5. Ce contexte explique à lui seul les réticences des
administrateurs des commissions scolaires à l'égard de la
retraite facultative mise de l'avant par le projet de loi 15, la proposition
qu'il contient étant considérée prématurée
et incomplète.
Recommandations. Le gouvernement devrait sans tarder envisager une
politique d'ensemble visant à assurer et à maintenir l'insertion
sociale des deux groupes extrêmes de notre population active, les 19-25
ans et les 65 ans et plus. Ces moyens devront s'attaquer prioritairement au
chômage chronique des jeunes qui recèle l'une des causes de la
dénatalité québécoise, elle-même à la
source du plus grand danger social et économique qui nous menace.
Plutôt que de considérer la retraite comme une étape
dramatique de la vie qu'il faut reculer à tout prix, les initiatives
gouvernementales devront tendre à assurer la valorisation des personnes
du troisième âge à la retraite par des programmes
axés sur d'autres dimensions que le travail
rémunéré.
Même s'il est possible d'envisager que l'indice du taux de
mortalité et le niveau de santé sont des facteurs qui feraient
pression en faveur de la retraite volontaire aux environs de 65 ans,
amoindrissant ainsi l'impact économique que pourrait causer la
réforme du projet de loi 15, l'incertitude à l'égard de ce
phénomène impose à elle seule une grande prudence et
justifie que le gouvernement retarde - et non retire -l'application de son
projet de loi.
Le gouvernement devra garder à l'esprit que, dans le secteur de
l'enseignement public, primaire et secondaire, l'instauration de la retraite
facultative nécessiterait de toute façon l'ajout de fonds publics
permettant de renforcer les incitations déjà prévues aux
conventions collectives en faveur de la retraite anticipée, sans compter
les sommes qui devraient être allouées pour le recyclage et le
perfectionnement des enseignants et des autres employés.
M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs les
députés, je vous remercie de votre attention. Nous demeurons
attentives et attentifs à vos questions.
Le Président (M. Boucher): Merci, Mme Gobeil. M. le
ministre.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux remercier Mme
Gobeil et ses collègues de la Fédération des commissions
scolaires catholiques du Québec. Je me réjouis tout de suite d'un
changement qui paraît mineur en bas de la page 8, mais qui est quand
même assez important. La fédération nous dit qu'elle change
le mot "retire" pour le mot
"retarde". Ma première question c'est: Retarder jusqu'à
quand?
Mme Gobeil: M. le ministre, pour que vous puissiez
vérifier certaines considérations que nous avons mises dans le
mémoire.
M. Lazure: Oui. Sérieusement, il y a des
considérations qui nous ont amenés non seulement à faire
des vérifications, mais aussi à solliciter - comme on l'a fait
dans d'autres ministères - l'avis du ministère de
l'Éducation. Je vous en reparlerai tantôt.
Je veux prendre certains passages de votre mémoire. Une chose qui
m'a fait un peu sursauter, vous parlez du caractère universel et
immédiat de la loi qui semble, à bon droit peut-être, vous
avoir surpris et vous poser, des problèmes. Je répète ce
que j'ai eu l'occasion de dire à plusieurs reprises: Nous avons
l'intention, justement, de prévoir certaines exemptions; donc, il ne
sera pas universel. Nous avons aussi l'intention de prévoir une certaine
mise en application graduelle. (16 heures)
Bien sûr que dans le domaine de l'enseignement, à prime
abord, comme dans la fonction publique peut-être, on pourrait
élaborer des hypothèses assez inquiétantes et s'imaginer
que cette loi ouvrira la porte à un abus du maintien au travail, que des
gens de 65 s'accrocheraient à leur travail pendant plusieurs
années, parce que leurs conditions de travail sont assez bonnes dans le
secteur de l'enseignement ou de la fonction publique. D'autre part, ce qu'il ne
faut pas perdre de vue et ce que votre mémoire ne souligne pas
suffisamment, c'est que non seulement ici au Québec, mais un peu partout
dans le monde occidental, et je dirais même dans le monde le moindrement
industrialisé, surtout quand on a des revenus et un plan de retraite
intéressants, la tendance est à la retraite anticipée, et
à plus forte raison dans l'enseignement.
Les ministres n'ont pas nécessairement de bonnes conditions de
travail comme les enseignants; Mme la députée de L'Acadie
s'inquiète si on va partir bientôt; non, on va continuer de
travailler. Il y a encore beaucoup de lois à changer.
Sérieusement, le mouvement est déjà imprimé
dans notre société. C'est une inquiétude un peu beaucoup
théorique que vous présentez dans votre mémoire. Je dois
vous dire que j'ai un document du ministère de l'Éducation qui,
après y avoir bien réfléchi depuis quelques mois, nous
donne un avis écrit et nous dit: Allez-y avec ce projet de loi. Il n'y
aura pas les répercussions inquiétantes qu'on avait
présumées à prime abord, à cause principalement de
cette tendance chez les enseignants. Cela peut être un peu
différent, vous me direz, pour les employés manuels, ce qui vient
confirmer notre thèse que les gens qui vont surtout profiter de cette
abolition de l'âge obligatoire de la retraite sont des gens à
petit revenu et des gens qui n'ont pas des plans de retraite tellement
confortables. Donc, le mouvement de retraite anticipé est
déjà bien amorcé dans votre domaine de l'enseignement. Il
va continuer. On veut le continuer. On veut le favoriser. Dans une
deuxième étape, on veut permettre la retraite anticipée
à beaucoup plus de monde et, par conséquent, des emplois à
temps partiel, des prestations, surtout quand il y a un peu
d'invalidité, beaucoup plus intéressantes, de manière que
la personne puisse se retirer à 60 ans, après avoir
travaillé dans des fonctions où c'est très dur
physiquement ou mentalement, en retirant une prestation qui a de l'allure, non
pas de 25%, mais de 100% lorsqu'il y aurait 25% d'invalidité.
Troisième remarque, il semble ressortir un peu de votre
mémoire - les gens de l'Université de Montréal ont eu un
peu ce langage - que l'enseignement ou la recherche faite par des jeunes, c'est
nécessairement meilleur que l'enseignement ou la recherche faite par des
gens d'un certain âge. Vous me permettrez d'être en
désaccord - vous ne le dites pas explicitement comme cela, mais on le
sent. C'est d'autant moins approprié dans les circonstances que notre
corps enseignant dans l'ensemble du Québec est jeune. Au niveau scolaire
élémentaire, quelle est la moyenne d'âge de l'enseignant du
primaire, par exemple?
Mme Lavoie-Roux: C'est particulièrement vieux, plus vieux
qu'au secondaire. Au secondaire, c'est plus jeune.
M. Lazure: Est-ce qu'on a une idée pour
l'élémentaire et le secondaire"?
Mme Gobeil: M. le ministre, il y a une chose qui est certaine,
sans vous donner le chiffre, au primaire, c'est plus élevé.
M. Lazure: Plus vieux qu'au secondaire ou collégial?
Mme Gobeil: Oui. On va avoir le renseignement et on va vous le
faire parvenir. Je tiens à vous dire que vous allez peut-être
avoir des surprises.
M. Lazure: On se promène beaucoup, les
députés des deux côtés de la Chambre, on rencontre
souvent du personnel scolaire. C'est rare qu'on rencontre ce que vous
appelleriez de vieux professeurs ou de vieux enseignants. C'est rare.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais pour les enfants qu'est-ce que c'est,
de vieux professeurs? C'est comme les vieux
ministres, vous savez.
M. Lazure: Tout est relatif.
Mme Lavoie-Roux: C'est comme les vieux députés.
M. Lazure: C'est mon ex-collaboratrice des temps anciens qui
parle. À l'époque, la députée de L'Acadie faisait
du service social où je faisais de la psychiatrie, mais elle
était plus indulgente pour les vieux. Enfin, revenons au mémoire.
Sérieusement, il me semble que c'est une prémisse qui
paraît ressortir de votre mémoire savoir que, si on veut maintenir
une bonne qualité d'enseignement, il faut s'assurer d'un certain
pourcentage d'entrée de jeunes professeurs. Je suis bien d'accord, mais
encore une fois, on sait qu'il n'y en a pas beaucoup qui continuent à
oeuvrer après soixante ans. Je serais curieux d'avoir des chiffres
là aussi.
Aux niveaux élémentaire et secondaire, combien continuent
de travailler à temps plein après soixante ans? Tout cela pour
dire que, théoriquement, il y a certaines appréhensions justes,
mais il ne serait pas conforme aux moeurs dans l'enseignement
développées depuis une dizaine d'années, au Québec,
à mesure que les conditions se sont améliorées, de
s'attendre à voir un grand nombre d'enseignants s'accrocher à
leur poste. Vous nous dites de retarder. On a retardé de quelques mois
pour avoir cette commission parlementaire. Cela vous a permis de réviser
votre position. Vous ne demandez plus de retirer le projet de loi, vous
demandez de le retarder. Avec les nuances que j'ai exprimées depuis une
semaine, la mise en vigueur graduelle et pas nécessairement universelle,
il y a moyen d'avoir une loi qui n'aura pas de conséquences dramatiques
dans le monde de l'enseignement.
Le Président (M. Boucher): Mme Gobeil.
Mme Gobeil: M. le Président, je me permettrai de
réagir aux commentaires de M. le ministre. Premièrement,
fondamentalement, si nous n'étions pas du secteur de l'éducation,
nous pourrions probablement être d'accord avec vous à 100% et on
ne vous aurait même pas demandé de retarder le projet de loi.
Mais, étant donné que notre premier objectif, c'est de viser
à l'épanouissement intégral de l'enfant, à la
qualité du système d'éducation, c'est la raison pour
laquelle nous vivons dans nos commissions scolaires certaines situations
où nous voyons de nos yeux et où nous entendons de nos oreilles,
dans nos écoles, un nombre d'enseignants assez considérable qui
ne s'adaptent pas aux méthodes d'aujourd'hui. C'est un fait. Nous vous
le signalons et il appartient au législateur, après qu'on ait
signalé ce fait, de faire ce que bon lui semble. Mais il nous
apparaît qu'il était juste et équitable, étant
donné l'objectif que nous avons, soit la qualité du
système d'éducation et l'enfant d'abord, de vous le signaler.
M. le ministre, vous dites qu'il y a un processus d'enclenché. Je
vous dis que, dans l'enseignement et surtout au primaire, le processus est
lent. Il y a effectivement des enseignants qui s'accrochent à leur
travail, peut-être parce qu'ils n'ont pas en perspective la
possibilité d'une retraite décente ou pour toutes sortes de
raisons, mais c'est un fait. Les chiffres nous manquent. Je comprends que vous
souhaiteriez avoir les chiffres. On va essayer de les avoir.
Deuxièmement, M. le ministre, c'est très bien que vous
ayez consulté le ministère de l'Éducation, mais vous me
permettrez de vous signaler que le ministère de l'Éducation n'est
pas encore dans l'école, ni à la commission scolaire. Nous vivons
les situations.
Vous m'avez beaucoup parlé de théorie, M. le ministre. Moi
aussi, je crois en la théorie, mais entre la théorie et la
pratique, il y a la différence d'entre la nuit et le jour. C'est pour
cela que j'ai demandé à mes collègues, au lieu de demander
de retirer le projet, de le retarder pour vous permettre de vérifier
certaines choses et de faire en sorte que nos enfants ne soient pas
pénalisés par l'approche d'un nombre d'enseignants assez
considérable qui ne veulent pas se recycler et s'adapter à une
nouvelle méthode d'enseigner; conséquence: les enfants n'ont pas
le goût d'aller à l'école.
M. Lazure: Seulement un dernier commentaire, si vous permettez.
Il faut constater que notre société vieillit; tout le monde le
dit et elle va continuer de vieillir cette société. Je dis que ce
soit dans le monde scolaire ou dans le monde hospitalier ou peu importe, dans
le monde politique, il faut que ce vieillissement de la population se
répercute et qu'on le constate un peu partout.
Autrement dit, on ne peut pas en même temps constater qu'on passe
d'un pourcentage de 6% qu'il était, il y a quinze ans, et qui sera de ]
2% dans douze ans sans que cela veuille dire que, dans des emplois, on retrouve
de plus en plus de personnes d'un certain âge. C'est tout ce qu'on dit.
Qu'il y en ait un peu plus dans le monde de l'enseignement avec une telle loi,
on dit: Quoi de surprenant à cela? Il n'y a rien d'aussi peu sûr
que de dire que l'enseignement aux enfants va en être amoindri, cela est
loin d'être sûr. La sagesse des gens d'un certain âge,
peut-être les enfants au secondaire et à
l'élémentaire ont-ils de moins en moins l'occasion souvent
d'en
bénéficier. Je m'arrête ici, M. le
Président.
M. le Président (M. Boucher): Merci. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président, je veux remercier
la fédération, Mme Gobeil et ses collègues. Je voudrais
simplement vous dire que - vous me permettrez ça, on se connaît
depuis longtemps - je n'aurai pas de jugements aussi absolus sur la
qualité de l'enseignement que ceux que vous venez d'énoncer, Mme
Gobeil. Je pense que la qualité de l'enseignement n'est pas
reliée à l'âge des professeurs et, quand il y a des
problèmes dans la qualité de l'enseignement, c'est relié
à une foule de facteurs. Mais, si on veut se restreindre uniquement
à celui du professeur, vous avez des professeurs qui ont, peu importe
l'âge, on va donner 32 ans comme exemple, qui peuvent être des
professeurs dont on voudrait bien pouvoir se départir, comme vous en
avez de 62 ans dont on dit: Cela ça va être triste quand ils vont
partir.
Je pense que, dans le fond, ce que le monde scolaire vit
présentement, c'est à cause de la baisse de la natalité,
c'est un surplus de professeurs, une sous-utilisation des professeurs ou un
mauvais emploi des professeurs. Je pense qu'il ne faudrait peut-être pas
mêler les deux problèmes, parce que ce problème-là,
en soi, est considérable, mais le problème des professeurs qui
pourraient demeurer au-delà de 65 ans et plus va être minime en
fonction du nombre comparé à ce surplus qu'on connaît
présentement. L'autre chose, c'est qu'il me semble qu'il y a eu des
avancés de faits selon lesquels, s'il y avait une meilleure utilisation
des professeurs... Là, je réalise que c'est soumis à
toutes les conventions collectives, mais des professeurs qui seraient plus
vieux ou qui sont mis en disponibilité pourraient être
utilisés pour aider les plus jeunes, pour justement mettre au profit des
autres leur propre expérience pédagogique. Vous savez, un vieux
professeur de première année, ce n'est pas facile à
remplacer. En fait, c'est vrai que les professeurs de
l'élémentaire sont plus âgés, mais ce n'est
peut-être pas nécessairement mauvais. Au secondaire, je pense que
ça peut être différent, il y a la question de
l'identification sous une forme différente de celle des professeurs
à l'élémentaire.
Mais, en tout cas, dans tout ceci, on pourrait faire des grands
discours, Mme Gobeil, pour dire que je suis sensible à votre
problème du surplus de professeurs, du vieillissement du corps
professoral, mais je ne voudrais pas qu'on mêle cela avec celui du projet
de l'abolition de l'âge de la retraite, qui va toucher à un nombre
beaucoup plus infime que celui qui est touché par les autres
problèmes que vous venez de mentionner. Une seule question:
Aux chiffres que vous nous avez donnés à la page six, vous
avez fait des corrections...
Mme Gobeil: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Au 4 septembre 1981, cela indique que ce n'est
plus 5232, mais combien d'employés?
Mme Gobeil: C'est 4367 au 1er octobre 1981.
Mme Lavoie-Roux: C'est parce que là, vous avez tenu compte
des professeurs qui ont été rappelés ou du personnel qui a
été rappelé. Alors, ce sont les gens en place
présentement.
Mme Gobeil: C'est ça.
Mme Lavoie-Roux: Je vais vous poser une question qui n'a rien
à faire avec l'abolition de l'âge de la retraite...
Peut-être, si on veut étirer cela un peu. À quoi sont
utilisés ces 3228 professeurs qui sont en surplus dans les écoles
primaires et secondaires du Québec?
Mme Gobeil: Je vais demander au directeur des relations de
travail de répondre.
M. Tessier (Jean-Pierre): En grande partie, l'utilisation se fait
au niveau de la suppléance et il y a quelques positions
expérimentales, quelques affectations au niveau du dépannage, au
niveau de l'encadrement des élèves, au niveau d'un service pour
des élèves qui ont dû s'absenter de l'école et qui
sont en récupération. Mais, une grande majorité sont
utilisés pour de la suppléance.
Mme Lavoie-Roux: Cela veut dire qu'il y aurait combien de
professeurs vraiment inactifs? Vous n'êtes pas capable d'évaluer
cela?
M. Tessier: La suppléance en absorbe plus de 65%, mais il
reste que ce n'est pas nécessairement permanent; on peut être en
suppléance 15 jours d'affilée, être deux ou trois jours
inactif...
Mme Lavoie-Roux: Ce que vous dites, c'est que, durant une
année, 65% des professeurs seraient rappelés pour de la
suppléance. En cours d'année...
M. Tessier: La rotation globale de marche de suppléance
atteint jusqu'à 75%, finalement, d'occupation, mais il y a des individus
qui sont touchés de façon cyclique. (16 h 15)
Mme Lavoie-Roux: Un seul autre point. Évidemment, je ne
vous demanderai pas ce
qui arrive aux cadres et aux gérants. C'est évident que
les professionnels non enseignants, que ce soit ceux qui ont eu leur
congé ou la rupture de leur lien d'emploi ou que ce soit les autres,
indiquent que les services parapédagogiques ont certainement
diminué à l'intérieur des commissions scolaires ou des
écoles.
La question précise que je voudrais vous demander est dans quelle
mesure, au plan financier, au plan budgétaire, les commissions scolaires
sont obligées d'assumer le coût de tout ce personnel en surplus.
Je sais que par le truchement de la suppléance vous
récupérez des sommes, mais apparemment vous n'en
récupérez pas la totalité. Je vous pose la question parce
que si, dans le cas de - avec les budgets fermés - l'adoption de la loi
venait s'ajouter un certain nombre de professeurs, il ne faudrait pas qu'encore
une fois ce soit les institutions locales qui écopent des coûts.
C'est déjà le cas, même - vous me corrigerez, je vous pose
la question - au niveau de la sécurité d'emploi, que les
institutions locales soient obligées d'assumer une partie des
coûts, et cela évidemment au détriment de services, ou
peut-être que l'on peut parler de la qualité des services. Est-ce
que c'est exact ou si je me trompe?
Mme Gobeil: Oui. C'est exact, je vais demander à
Jean-Pierre de donner le chiffre précis.
M. Tessier: Sur la suppléance, il y a un financement
à 50%. Cependant, comme je vous le dis, le taux de rotation peut aller
à 65%, mais il y a des commissions qui avaient gardé des bassins
de suppléants déjà réguliers à cause des
surplus par secteurs. Il n'y a pas un véritable surplus, il y a des
besoins dans un domaine, il y a des surplus dans un autre, on doit donc garder
des gens qui ne peuvent pas être utilisés et qui sont à ce
moment-là dans le champ de la suppléance. Ayant
déjà des gens à ce niveau-là, des gens disponibles
s'ajoutant pour faire de la suppléance, c'est là qu'arrivent des
difficultés quant à l'utilisation de tout ce monde par rapport
à une norme de financement qui est générale, qui ne tient
pas compte de ce bassin de suppléance que nous avons déjà
dans les commissions scolaires.
C'est variable d'une commission scolaire à l'autre selon le
bassin qu'on avait déjà de suppléance, selon les distances
quant à l'utilisation des gens, parce qu'il n'y a pas de service
d'école à école pour voiturer les suppléants. Donc,
selon les territoires, c'est à regarder.
Mme Lavoie-Roux: Le seul message que je voulais laisser au
gouvernement, c'est que souvent on adopte des lois qui sont bonnes dans leurs
intentions, dans leur principe, mais on en a mal évalué les
coûts, peu évalué les coûts. Ce serait
peut-être un cas pertinent, ce cas-ci, compte tenu des discussions qu'on
a eues dans les derniers jours. Il ne faudrait quand même pas que les
bonnes oeuvres du gouvernement soient payées par ceux qui doivent
assurer des services directs à la population. Je vous remercie, madame
Gobeil.
Mme Gobeil: M. le Président, est-ce que vous permettriez
de donner, juste à titre d'information, le coût des primes de
préretraite? Pour les enseignants, 383 primes ont coûté 11
800 000 $. Pour les professionnels non enseignants, 13 primes ont
coûté 520 000 $. Pour le personnel de soutien, 74 primes ont
coûté 1 500 000 $. Je vous donne ces chiffres juste à titre
d'information.
Mme Lavoie-Roux: C'est le gouvernement qui les paie.
Mme Gobeil: Oui, mais quand même si vous ajoutez
encore...
Mme Lavoie-Roux: Cela coûte cher.
Mme Gobeil: M. le Président, est-ce que vous me
permettriez juste de clarifier sur les commentaires de madame la
députée de L'Acadie?
Je ne voudrais pas donner l'impression à cette commission
parlementaire, premièrement, que nous croyons - et que moi pour ma part
je crois; je serais très mal placée d'ailleurs - qu'en
vieillissant on est moins bon. Ce n'est pas cela du tout; vieillir c'est
revivre. Ce que je veux dire, M. le Président, M. le ministre, mesdames
et messieurs les députés, c'est qu'il est clair que, quand
même, dans nos commissions scolaires, cela cause un problème par
rapport aux conventions: Ou des jeunes qui sont excellents aimeraient demeurer,
puis on doit les mettre de côté pour permettre aux plus
âgés, si vous voulez, de conserver leur emploi.
Je tiens beaucoup à clarifier ce point-là parce que,
madame, j'abonde complètement dans votre sens, je pense que vous me
connaissez assez pour le savoir, mais je pense que dans un mémoire il
est très difficile de nuancer comme on le souhaiterait. C'est en posant
les questions que vous posez que vous nous permettez de clarifier. Je vous
remercie beaucoup.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Joliette.
M. Chevrette: Je suis content que vous ayez fait cette
clarification parce que mon discours aurait été tout à
fait différent. Lier la compétence à l'âge
m'apparaît même
disgracieux. J'aurais été insulté, en tant
qu'enseignant et faisant partie du monde de l'éducation, que vous
insistiez pour maintenir cette allégation.
Il y a une chose que je constate dans votre mémoire, c'est une
analyse théorique de la situation que vous faites quand vous donnez des
chiffres. Pour y avoir vécu pendant dix-sept ans, je puis vous dire que
les professeurs ont assez hâte de sortir de l'enseignement, ma
chère dame, après vingt-cinq ou trente ans, que vous ne me ferez
pas accroire qu'ils vont chercher à demeurer dans l'enseignement.
Là, je diverge complètement d'avis avec vous, avec vos
collègues et même avec la députée de L'Acadie sur
cette partie.
On ne demande plus cela à un enseignant qui est devant 35, 40 et
même 50 élèves, dans bien des cas, au secondaire, car il y
a encore des classes de 45 ou 50 élèves, contrairement à
ce qu'on prétend, il y a même une grève dans mon propre
comté, à l'école Thérèse-Martin, à
cause d'un trop grand nombre d'étudiants par groupe au secondaire. Vous
pourrez vérifier, c'est à l'école
Thérèse-Martin, régionale Lanaudière, c'est une
grève d'étudiants.
Mme Gobeil: Je vous crois, M. le député.
Mme Lavoie-Roux: Méchant gouvernement!
M. Chevrette: Ce n'est pas un méchant gouvernement. Je
vous dirai pourquoi. Absolument pas, c'est une mauvaise planification locale.
Cela va faire les manchettes, demain matin, chez nous.
Cela dit, je pense que vous avez fait une analyse théorique
à partir du portrait de l'âge chronologique des enseignants au
niveau du Québec. Mais dans les faits, je suis convaincu que si vous
offriez le contraire à un enseignant, soit l'occasion de prendre sa
retraite après 30 ans, dans le monde de l'enseignement, au lieu de 35
ans, vous seriez très surpris. Vous atteindriez peut-être
l'objectif beaucoup plus rapidement dans ce cas-ci que dans celui qui vise
à prolonger l'âge. Par des discussions concrètes,
régulières, avec un grand nombre d'enseignants - je m'occupais de
syndicalisme enseignant - j'ai appris jusqu'à quel point le
système nerveux peut être affecté après 25 ou 30 ans
devant des groupes d'étudiants, en particulier dans la conjoncture
sociale dans laquelle on vit.
Je persiste à croire qu'il n'y aurait pas de problème, en
particulier dans le monde de l'enseignement. S'il y a un endroit où
cette loi ne créera probablement aucun problème, c'est bien dans
le monde de l'enseignement où, au contraire, on cherche à
devancer la retraite au lieu de prolonger le nombre d'années de travail.
J'en suis plus que convaincu.
L'âge, je veux quand même en traiter un peu. À
l'élémentaire, effectivement, vous avez peut-être les
enseignants dont l'âge est le plus avancé, je ne le conteste pas,
je pense que c'est tout à fait juste. D'autre part, je ne sais pas
quelles sont vos enquêtes au niveau de la Fédération des
commissions scolaires, mais la compétence du personnel de
l'élémentaire n'est à peu près jamais mise en
doute, comparativement à la compétence du personnel de niveau
secondaire. D'où l'allégation de Mme Lavoie-Roux et de M. Lazure
que la compétence n'est vraiment pas liée à l'âge.
Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Mme Gobeil.
Mme Gobeil: M. le Président, me permettriez-vous de donner
certains chiffres
M. le député peut les contester justement sur les
sentences sur l'âge de la retraite. Je vais demander au directeur des
relations du travail de vous les donner; ce sont des choses que vous pouvez
vérifier.
M. Tessier: Nous avons, entre 1968 et 1972, six cas ou six
syndicats qui ont appuyé, à ce moment-là, des enseignants
qui demandaient de ne pas être mis à la retraite à
l'âge de 65 ans. Ce sont des sentences qui varient de 300 jusqu'à
813, on n'en a pas passé, il y a 2000 sentences arbitrales dans le
domaine de l'éducation, mais c'est la période où
c'était le règlement qui obligeait la mise à la retraite
et des gens réclamaient de continuer à travailler passé
cet âge.
M. Chevrette: Six griefs?
M. Tessier: Les personnes mises en cause dans toute la commission
scolaire, c'est-à-dire que le syndicat défendait la personne en
cause et il y avait, parfois, trois, quatre, cinq, six ou douze enseignants
chaque fois, ça dépend.
M. Chevrette: Vous aviez, dites-vous, des griefs collectifs
là-dessus?
M. Tessier: On prenait, comme on le fait toujours - on a des cas
types - le cas le plus sympathique. Vous savez très bien ce qu'on fait,
M. le député.
M. Chevrette: Ordinairement, on se bat avec les meilleures armes
possible, oui.
M. Tessier: II y a ce facteur et il y a aussi des pressions qui
sont faites, qui n'influencent pas la qualité des individus qui
enseignent, mais le climat de l'école. Actuellement, dans certaines
écoles de la CECQ, des pressions sont faites par des sous-entendus, par
des affirmations, à des
enseignants qui ont 62 ou 63 ans, qui pourraient prendre leur retraite,
parce qu'ils ont atteint 35 ans de service, et qui demeurent encore en poste
à 63 ans. La qualité de leur enseignement, on ne la discute pas,
mais dans le climat de l'école cela fait que le jeune qui a
enseigné seulement pendant quatorze ans et qui, cette année, est
en disponibilité et fait de la suppléance aimerait revenir
à un enseignement plus actif. Il a pourtant, lui, 35 ou 38 ans et il
aimerait revenir à un enseignement actif. L'autre personne a 63 ans et
elle est en poste. On ne conteste pas la qualité des gens, mais cela
fait un climat de tension dans cette école. Je vous en donne un exemple.
Il y a un climat qui entoure cela et des cas qui veulent - on vous les cite -
prolonger.
M. Chevrette: Je maintiens quand même, M. le
Président, que ce serait très minime, ce serait des cas
particuliers. Ces gens qui s'accrocheraient précisément à
vouloir continuer, bien souvent, n'ont aucune source de revenus et ont des
problèmes extérieurs à celui du monde de
l'enseignement.
Ceci dit, je voudrais ajouter un autre élément, pour
terminer. Je pense que ce phénomène que l'on discute, d'âge
et de mise en disponibilité de jeunes par rapport à des
enseignants plus âgés, on a la preuve hors de tout doute - vous
pouvez le constater autant au niveau des commissaires d'écoles qu'au
niveau de ceux qui ont à oeuvrer même dans le syndicalisme
enseignant - que c'est avec des professeurs un peu plus âgés qui
ont reçu une formation d'ordre général et non pas une
formation spécialisée dans un secteur qu'on réussit
à pouvoir effectuer des affectations ou des mutations beaucoup plus
faciles, des réadaptations à des postes. On dépanne en
"mosus", pour ne pas dire plus, les commissions scolaires avec ces
gens-là. Ils sont capables d'aller enseigner la géographie, par
exemple, parce qu'ils ont eu une formation d'ordre général. Si
vous avez un spécialiste en chimie, il ne pourra pas enseigner l'anglais
et vous savez jusqu'à quel point... Je ne veux pas me faire le
défenseur des vieux profs, mais, ayant 21 ans d'expérience, je me
sens aller sur ce côté-là et je ne voudrais surtout pas que
vous m'oubliiez.
Mme Lavoie-Roux: Si vous me le permettez, les griefs dont vous
parlez, est-ce que c'étaient des gens qui n'avaient pas 35 ans de
services, parce que ce pouvait être des ex-religieux? Alors, ce
n'étaient pas nécessairement des gens qui avaient...
M. Tessier: Effectivement.
Mme Lavoie-Roux: On a eu ce cas chez les professeurs
d'université aussi et même les juges nous ont demandé cela
pour, finalement, avoir le droit à une retraite plus
généreuse.
M. Tessier: C'est cela.
Le Président (M. Boucher): Oui.
M. Audy (Jacques): M. le Président, je suis heureux de
constater que M. Chevrette relève le fait que les coupures
budgétaires non planifiées et non échelonnées dans
le temps ont des conséquences au niveau de la planification locale.
Effectivement, dans le mémoire qu'on avait préparé
relativement aux compressions budgétaires, on avait souligné le
fait que l'utilisation des deniers publics était quelque chose de
très important pour les commissions scolaires. Toutefois, il fallait se
situer à l'intérieur d'une planification de ces coupures de
façon à arriver avec des choix plus rationnels et non pas avec
des choix qui soient arbitraires. Donc, je suis heureux de constater qu'ille réalise d'une façon concrète et que - M. Parizeau
l'a déjà annoncé - une planification triennale devient
quelque chose de fort important. Quand vous êtes pris dans un court laps
de temps pour faire des choix budgétaires, cela a nécessairement
des conséquences si on ne vous donne pas le temps de faire des
rationalisations budgétaires.
Quant à l'orientation qui se trouve à l'intérieur
du mémoire que nous avons présenté, il est certain que,
concernant les objectifs du projet de loi comme tel, là où on
s'interrogeait le plus, c'est à savoir: Est-ce que l'objectif est d'un
ordre social ou s'il est d'un ordre économique? On connaît les
problèmes qui ont été soulevés, que ce soit par le
gouvernement actuel ou le gouvernement précédent, compte tenu des
montants qui n'ont pas été pourvus face aux montants des pensions
des personnes et à l'évolution ou au vieillissement de la
population. Donc, on se disait: Est-ce que l'objectif est davantage de niveau
économique pour pallier cela parce que le gouvernement n'aurait pas,
à ce moment-là, à payer pour ces gens-là si un
certain nombre de personnes continuaient à travailler par la suite?
Donc, c'était une question qu'on se posait à ce moment-là.
Il y a des sommes d'épargnées pour le gouvernement, mais il y a
aussi une valorisation sociale qui se fait pour permettre à des gens qui
ont encore les capacités de le faire, de continuer à
travailler.
Dans notre mémoire, c'est un fait que la raison pour laquelle on
enlève le mot "retire" pour le remplacer par le mot "retarde", c'est
particulièrement relié à des phénomènes,
comme M. le ministre l'a soulevé. Nous le comprenions d'une
façon
beaucoup plus universelle, M. le ministre. On est heureux de constater
le phénomène des exemptions. Lorsqu'on a envoyé le
mémoire, on ne réalisait pas cela ou on ne percevait pas cela.
(16 h 30)
Donc, l'exemption pour certaines catégories, c'est quelque chose
d'important, de même que le fait d'une mise en application graduelle qui
amène un certain réalisme dans l'établissement dans le
temps d'une telle politique; ce sont des éléments qui permettent
d'enlever le mot "retirer" pour parler de "retarder" à ce
moment-là.
M. Lazure: M. le Président, juste sur la question
précise à savoir que ce projet de loi n'a pas de visées
économiques. Il a d'abord et avant tout une visée sociale. C'est
dans le but d'ajouter un droit de plus à chaque individu,
c'est-à-dire le droit de planifier sa retraite au moment où il le
juge opportun, compte tenu de ses capacités physiques et mentales. C'est
essentiellement un projet d'ordre social, si vous voulez, et non pas dans le
but d'économiser des sous à l'État.
M. Audy: Oui, mais la question qu'on se posait là-dessus
et sur laquelle on est d'accord dans notre document, c'est qu'on pense que les
gens qui n'ont pas eu l'occasion de contribuer pendant longtemps à un
fonds de retraite ont le droit, eux aussi, à une retraite
décente. Ce sont des éléments qu'il faut considérer
dans le choix à faire. Par contre, on sait que, sur le plan des choix
sociaux qui ont à faire, il y a nécessairement des coûts
économiques qu'il faut aussi envisager. À ce moment-là, la
question qu'on se posait est: Que fait-on, par rapport aux chiffres qui ont
été fournis par des actuaires, qui ont dit: À un moment
donné il n'y aura pas assez de gens qui vont travailler pour payer les
contributions de ceux qui seront retraités? Que fait-on avec ça
sur le plan économique? Est-ce qu'il y a des orientations
gouvernementales par rapport à cet aspect de la question ou du projet de
loi?
M. Lazure: Cela déborde évidemment du cadre modeste
et restreint de notre projet de loi. Il y a d'autres actions gouvernementales
qui ont été prises, qui vont continuer d'être prises pour
essayer de remédier le plus possible à ce
problème-là.
La retraite anticipée qui sera favorisée dans une
deuxième étape va être un des éléments de
solution. C'est sûr qu'il va falloir aussi - et je l'ai dit - bonifier
les régimes de retraite, autant les régimes privés que les
régimes publics. En conclusion là-dessus, tout en n'ayant pas
d'abord une portée économique, c'est bien sûr que, pour les
quelque 1000 personnes qui vont vouloir bénéficier de ce nouveau
droit et continuer de travailler au-delà de 65 ans, cela va avoir une
portée économique importante, mais par rapport à
l'ensemble de la main-d'oeuvre au Québec, ça reste très
très marginal au point de vue du nombre.
Le Président (M. Boucher): Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. Mme Gobeil, je suis heureuse que vous ayez
soulevé ce problème très particulier qui existe dans le
monde de l'éducation, à savoir la difficulté d'accueillir
du sang neuf dans nos écoles. Ce phénomène de
vieillissement progressif de notre corps professoral est grave, à mon
sens, et en général - il y a des exceptions, naturellement - ce
n'est pas dans le meilleur intérêt de nos enfants.
Le ministre a parlé d'un certain équilibre qui arrivera
dans un certain nombre d'années, mais je peux vous assurer, M. le
ministre, que dans les écoles anglophones le phénomène
devient de pis en pis. Il n'y a pas beaucoup de chance de voir une
amélioration dans l'avenir prévu.
J'ai deux questions. La première est un peu dans le même
sens que celles des autres, mais je ne comprends pas vraiment votre
inquiétude. Il y a beaucoup de problèmes, mais quand il s'agit de
la loi 15 je ne comprends pas vraiment votre inquiétude. Compte tenu des
incitations qui sont assez généreuses à l'heure actuelle
dans les conventions collectives pour encourager les enseignants à
quitter le monde de l'éducation, croyez-vous que la loi 15 aurait
vraiment un effet négatif dans nos écoles?
Mme Gobeil: Mme la députée, selon les informations
que m'ont données les professionnels, nous avons des réserves et
des inquiétudes. Évidemment, ces inquiétudes ne pourraient
être justifiées que par l'application de la loi.
Mme Dougherty: Vous avez parlé des autres mesures, une
certaine possibilité de renforcer les incitations déjà
prévues aux conventions collectives. Croyez-vous que les enseignants
seront prêts "to trade off" un certain pourcentage de leur
sécurité d'emploi contre une amélioration de ces
mesures?
Mme Gobeil: Franchement, Mme la députée, je vous
assure que je ne suis pas la personne qui peut vous donner la
réponse.
Mme Dougherty: D'accord. Deuxième question. N'avez-vous
jamais examiné ou considéré l'implantation du
système de l'année sabbatique régulière,
"sabbatical leave", pour tout enseignant, payé par les enseignants
eux-mêmes à l'aide d'un certain pourcentage de leur salaire qui
serait déféré?
II y a un tel plan au cégep de Vanier;
je ne sais pas s'il y a d'autres cégeps qui l'ont adopté.
C'est un plan facultatif qui a été choisi par plusieurs
professeurs, à Vanier, et il a été établi en
concertation avec un plan d'assurance privé. Ce pourrait être
quelque chose à examiner par la fédération pour soulager
le problème de surplus et aussi le problème du
vieillissement.
J'ai eu quelques renseignements sur ce programme. Lors des prochaines
négociations, ce serait quelque chose qu'on pourrait introduire pour
améliorer la situation. Cela ne coûterait rien au gouvernement et
il y gagnerait beaucoup.
Mme Gobeil: Si vous me le permettez, M. le Président, le
plan que Mme la députée souligne nous est demandé par les
cadres. On est en train de l'étudier. En ce qui concerne les
enseignants, que je sache, il n'y a rien eu de fait; cependant, le directeur
général aurait quelques commentaires à faire.
M. Audy: Quant à votre première question, Mme
Dougherty, sur les mécanismes de sécurité d'emploi, et
comme le mentionnait M. Chevrette tout à l'heure, on constate qu'avec
les nouveaux mécanismes de sécurité d'emploi, il y a eu un
intérêt assez marqué par les enseignants - je n'ai pas de
chiffres à l'appui - face à la question des primes de
séparation. De façon à négocier leur départ,
on s'est aperçu qu'il y a eu un intérêt assez
évident pour les enseignants de quitter le système moyennant des
primes de séparation. Donc, cela pourrait renchérir dans le sens
de ce que M. Chevrette mentionnait tout à l'heure.
Là-dessus, quelle ampleur cela prendra-t-il? C'est
peut-être sur une base triennale ou quinquennale qu'on sera à
même de constater, lors de la prochaine ronde de négociations, si
cela peut devenir un problème, si on constatait un net
intérêt à sortir de l'enseignement moyennant des sommes qui
peuvent devenir plus ou moins intéressantes.
Quant à la deuxième question, savoir étaler dans le
temps ou pouvoir payer pendant un certain nombre d'années pour, à
un moment donné, avoir le droit de prendre une année sabbatique
payée par ce que vous appelez le salaire différé,
effectivement, les questions sont posées par des cadres ou des
hors-cadres des commissions scolaires. On nous demande de regarder cette
possibilité compte tenu que les congés de perfectionnement, avec
solde ou sans solde, sont beaucoup plus difficiles ou beaucoup plus restreints
au niveau de ce type de personnel. Ces derniers s'intéressent à
cette question.
Je savais qu'au niveau des cégeps, cela existait ou qu'il y avait
une approche à titre expérimental. Mais au niveau du
réseau primaire et secondaire, à ma connaissance, je n'ai rien vu
sur cette question de la part de la CEQ. C'est sûrement un point qu'il
faudrait regarder, comme d'autres mesures, de façon à absorber
les surplus de personnel. Il ne faut pas oublier que lorsque les gens partent
en congé avec solde ou en congé sans solde, cela permet
l'utilisation d'un certain nombre de personnes en surplus ou le rappel d'un
certain nombre de personnes non réengagées. Donc, il y a des
effets positifs. Le fait d'élargir ces possibilités peut avoir
des effets positifs sur le système parce que les gens reviennent
peut-être avec une façon différente de concevoir
l'enseignement, ils reviennent davantage des gens de ressource. Je pense que
toute cette question devrait être davantage explorée.
Le Président (M. Boucher): Merci. Au nom des membres de la
commission, je remercie la Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec, Mme Gobeil, MM. Audy et Tessier, pour la
présentation de leur mémoire.
Préalablement, il y avait l'Université du Québec et
l'Université McGill qui ont présenté chacune son
mémoire pour dépôt seulement. J'appelle maintenant M.
Pierre Demers, à titre personnel.
M. Pierre Demers
M. Demers (Pierre): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs de la commission parlementaire, mesdames, messieurs, je
suis honoré d'être admis dans cette enceinte réputée
et auguste, je dirais. Je m'y instruis et j'ai entendu beaucoup de choses fort
intéressantes dont je tâcherai de faire mon profit. Je fais une
remarque d'ordre général. J'admire la démocratie à
l'oeuvre dans ces commissions parlementaires. Mes remarques suivent l'ordre des
notes que j'ai rédigées. Elles sont faites au nom des signataires
d'un télégramme qui sont les professeurs Adamkiewicz,
faculté de médecine; de Grandpré, faculté des
sciences de l'éducation; Paul Lorrain, département de
physique.
Ce mémoire, dont je prends l'entière
responsabilité, représente cependant un consensus au sein d'un
groupe de professeurs à l'Université de Montréal qui
s'appellent les doyens d'âge. Il comprend le professeur Brody et le
professeur Roback des relations industrielles, le professeur Ross
d'études hispaniques, les professeurs Morel et Savoie de la
faculté de droit, Charles Murin et Lagadec de philosophie, MacNeil,
d'urbanisme, Nicodème-Joffe qui est directrice des bibliothèques,
et j'ai mentionné les autres.
Une première remarque: II faut savoir gré au gouvernement
de se préoccuper du troisième âge, de ce troisième
âge qui nous concerne tous, sans distinction de race, de
sexe, de religion et le reste; de ce troisième âge qui,
depuis de longues années, est traité cruellement par le
deuxième âge, peut-être parce que les plus jeunes,
préférant l'illusion, veulent se séparer le plus possible
de la catégorie lointaine de ceux qui vont mourir avant eux. En cause
sont la dignité humaine, motif principal de toutes les chartes des
droits, la qualité de la vie, qui seront désormais mieux
respectées et ce sera à l'honneur du Québec.
Il faut savoir gré aux syndicats, telle la CSN qui fête son
soixantième, qui a lutté pour implanter les pensions en faveur du
troisième âge. C'était un progrès social, mais il ne
faudrait pas qu'au nom du système financier de ces pensions, on retarde
davantage cet autre progrès social qu'est le droit au travail du
troisième âge.
Des mémoires que j'ai entendus aujourd'hui, un bon nombre
étaient d'ordre financier et économique. Comme vous le voyez, je
m'engage dans une voie plutôt sociologique.
Droit au travail, à un travail productif. Beaucoup de vieux et
surtout de vieilles souffrent au point de vue financier, et d'autres que nous
ne manqueront pas de toucher cet aspect important que cependant notre
mémoire ne touchera pas. (16 h 45)
Notre mémoire s'inquiète du droit de travailler et de
poursuivre un travail productif, surtout en recherche scientifique et surtout
à l'université. On refuse ce droit aux retraités, dans la
pratique. Sauf changement, on le refusera à ceux qui sont sur les listes
pour le 1er juin 1982. On le refuse déjà d'avance à ceux
qui sont désignés pour la retraite dans quelques années.
On les met sur la tablette, à cinq, peut-être à dix ans de
cette échéance. On les contraint à réduire leurs
activités, et cette situation est dommageable pour la
collectivité autant que pour les professeurs chercheurs mis ainsi en
veilleuse. Une centaine de professeurs touchent les 65 ans à chaque
année au Québec. Sur ce nombre, entre 10% et 20% sont
désireux et capables de rester actifs. On voit que ces professeurs du
troisième âge, ceux qui sont désignés pour prendre
leur retraite et ceux qui sont mis sur la tablette, comme je l'ai dit, forment
un apport non négligeable au potentiel humain en matière de
recherche scientifique à cette époque où le Québec
manque de scientifiques et surtout de scientifiques
expérimentés.
Voici quelques commentaires concernant "Place aux jeunes!" sous l'aspect
de la psychologie. Paul Lacoste, recteur de l'Université de
Montréal, qui s'est exprimé il y a quelques jours dans cette
enceinte, a dit devant l'assemblée universitaire: "II est sûr que
la maturité et la sagesse sont des éléments fort
importants dans certaines disciplines, mais ils jouent beaucoup moins pour les
professeurs qui oeuvrent en physique, en mathématiques, par exemple. En
moyenne, cet âge représente celui où il vaut mieux se
retirer et laisser la place aux plus jeunes." C'était le 14 septembre
dernier. Je viens d'apercevoir des remarques du même genre dans le
mémoire de je ne sais quel corps, qui portait l'en-tête
"Université du Québec", et de même pour l'Université
McGill.
Thérèse Gouin-Décarie, professeur au
département de psychologie de l'Université de Montréal, a
répondu à ces propos quelques semaines plus tard à
l'assemblée universitaire également. C'était le 5 octobre
dernier. "Si l'on observe une diminution de productivité avant 65 ans,
celle-ci est beaucoup imputable à l'imminence de la retraite. Pourquoi
travailler si fort s'il faut arrêter brusquement dans six mois, dans un
an ou dans deux ans? Des facteurs socioculturels de découragement sont
plus importants que la diminution des facultés du professeur
chercheur."
Il y a une enquête de Physics Today, un périodique, un
bulletin de l'American Physical Society paru en janvier 1980, et je vous prie
de corriger, ce n'est pas 1981, comme c'est écrit dans le texte. Pour
les physiciens, d'accord avec les enquêtes des sénateurs du
Canada, du Bureau international du travail, de la Commission des droits de la
personne du Québec, de la Fédération de l'âge d'or
du Québec, pour l'ensemble des travailleurs, cette enquête de
Physics Today a démontré que la productivité et la
créativité des personnes en activité est loin de diminuer
avec l'incidence du troisième âge, pourvu que ces personnes soient
placées dans des circonstances socioculturelles favorisant leur
activité.
Quant à faire place aux jeunes, je suis d'accord. J'ai des jeunes
à placer. Je suis en charge de trois garçons et j'espère
qu'ils se placeront dans la vie, eux aussi, mais voici des remarques au sujet
des vieux en concurrence avec les jeunes. Les jeunes sont-ils tous productifs
et créateurs, capables de se renouveler? Je viens d'apercevoir - c'est
dans le mémoire de l'Université du Québec -des remarques
du même type. La créativité et la productivité sont
intenses chez les jeunes avant leur doctorat, pendant la période de
préparation de leur doctorat et immédiatement après.
Est-ce qu'ils restent productifs par la suite avant qu'ils soient
catégorisés comme approchant du troisième âge ou y
appartenant?
La retraite anticipée étant rendue davantage accessible,
comme il vient d'en être question, n'est-ce pas, M. le ministre,
plusieurs professeurs la prendraient avant 65 ans, la moyenne étant de
61,2 années, selon un sondage syndical, un sondage réalisé
par le Syndicat général des professeurs de l'Université de
Montréal, à l'automne 1979 et
au début de 1980. De plus, près de 10% des professeurs de
l'Université de Montréal quittent chaque année le corps
professoral spontanément, en plus de ceux qui sont
désignés pour la retraite et qui prennent leur retraite, veut ou
veut pas. Cela représente près de 100 professeurs qui quittent
spontanément l'Université de Montréal chaque année
sur un corps d'environ 1000 à 1200. Ces données viennent
également du Syndicat général des professeurs de
l'Université de Montréal.
Cela crée autant de places vides, je dis vides, et non pas de
places disponibles parce que, selon les procédés, les
méthodes ce qu'on appelle la politique de l'Université de
Montréal, les postes quittés ne sont pas maintenus; ils restent
vacants. Donc, les jeunes ne les occupent pas dans ces conditions. Si les
jeunes restaient un peu plus longtemps à l'école des vieux,
serait-ce un tel mal? Plus il y a d'activités dans un domaine comme
celles que les vieux professeurs encore actifs peuvent maintenir, plus il y a
de profit pour tous. Que dire des immigrants? Allons-nous interdire
l'immigration? Chaque immigrant qui nous arrive prend une place qu'un des
nôtres ne prendra pas. Après tout, le Québec n'est pas
aussi exigu que le Radeau de la Méduse.
Je vais parler maintenant de dispositions que j'appelle, faute d'une
autre appellation et pour me faire comprendre, rétroactives ou
postactives, selon qu'il vous plaira de les appeler. Certains employeurs
prévenus depuis 1976, année où la Commission des droits de
la personne a recommandé que l'on ajoute le mot "âge" dans la
Charte des droits de la personne, ont restreint injustement les conditions de
maintien en fonction de leurs employés, restrictions qui deviendront,
nous l'espérons tous, illégales.
Il convient que ces employeurs réparent le tort causé aux
employés ainsi congédiés contre leur gré, le tort
causé à la collectivité par l'oisiveté et
l'improductivité imposées à ces employés.
L'Université de Montréal a attribué des droits et
des privilèges aux professeurs à la retraite, démontrant
par là que ceux-ci étaient mis à la retraite pour cause de
discipline et non d'incapacité, puisqu'on leur donne des droits et des
privilèges d'ordre académique. La différence est que le
professeur à la retraite se trouve livré au bon plaisir et
à l'arbitraire des administrateurs pour l'exercice de ses fonctions
administratives, d'enseignement, d'étude, de recherche et de
publication; le tout est mentionné nommément dans le
règlement de ces droits et privilèges. On le prive cependant
totalement de droits politiques, on lui accorde le statut d'un mineur ou d'un
étranger: troisième âge égale ghetto politique.
Cela explique que le professeur à la retraite ou sur le point de
l'être redoute de se plaindre en public. S'il réclame c'est
à force de faire antichambre et de faire des révérences
devant les administrateurs. Bravoure et témérité
l'exposeraient à des représailles. De plus, il devient exclu de
la protection syndicale. Finalement, le règlement sur les droits et
privilèges des professeurs à la retraite, adopté en 1970,
n'a à peu près pas servi. Comme le signalait le professeur
Nicodème-Joffe, l'administration a regardé ce règlement
avec désinvolture. C'était le 5 octobre dernier.
Les professeurs du troisième âge devraient conserver,
qu'ils soient à la retraite ou non, leurs droits politiques, surtout en
matière d'évaluation des collègues aux fins de
réorientation ou de mise à la retraite pour cause juste. En
effet, si l'on songe aux moyens de réaliser un processus
d'évaluation permettant de mettre à la retraite obligatoire des
professeurs qui vraiment ne peuvent plus faire leur ouvrage correctement, il
faut bien songer à des comités. On songe naturellement, en milieu
démocratique, à des comités de pairs. Mais qui sont ces
pairs? Qui est votre pair? Quel est mon pair? De qui suis-je le pair? S'il
suffit pour les pairs de désigner l'un des leurs pour aller
obligatoirement à la retraite et si, après cela, celui qui est
mis à la retraite ne peut pas avoir d'action en retour sur celui qui l'a
mis à la retraite, qui l'a obligé à prendre sa retraite,
il y a un manque de parité. Il faut songer à ces circonstances
très humaines. Je propose donc que les professeurs du troisième
âge devraient conserver leurs droits politiques.
Quant à la syndicalisation, il serait discriminatoire de former
un syndicat de professeurs du troisième âge seulement. Si nous
voulons combattre la discrimination selon l'âge, ne l'établissons
pas en décidant qu'il faut un syndicat du troisième âge.
Mieux vaudrait que les professeurs du troisième âge continuent
d'appartenir à l'unité de négociation réunissant
tous les professeurs. Une lettre que j'ai reçue de Francine
Panet-Raymond et une autre reçue de Pierre Blache sont
déterminantes à ce sujet: un professeur à la retraite est
considéré comme en dehors de l'unité de
négociation. Francine Panet-Raymond est dans le contentieux de
l'Université de Montréal et Pierre Blache s'occupe de la
Fédération des associations de professeurs d'universités
du Québec.
J'aurais des remarques à faire au sujet d'université,
direction, syndicat et doyens d'âge. L'Université de
Montréal, cela ne comprend pas seulement la direction, cela comprend
aussi des professeurs. La direction s'est fait entendre il y a une semaine. Des
professeurs se sont fait entendre ici par le Syndicat général des
professeurs de
l'Université de Montréal. Cette fois-ci,
présentement, des professeurs s'expriment dans le présent
mémoire des doyens d'âge.
J'aurais une remarque concernant le moratoire que la direction de
l'Université de Montréal a recommandé vis-à-vis de
l'abolition de la retraite obligatoire. Le mémoire de la direction est
l'oeuvre des permanents de l'université. S'ils ont proposé un
moratoire, je crois savoir pourquoi. C'est parce que j'ai engagé un
procès contre l'université et celle-ci ne veut pas envenimer la
situation.
Bientôt, espérons-le, la loi 15 et les amendements à
la charte répareront ces difficultés que nous avons
mentionnées. Nous avons d'excellentes raisons de croire que ces
dispositions nouvelles rendront plus heureux et plus productifs les vieux
citoyens du Québec et que ce sera au profit général. (17
heures)
J'aimerais ajouter quelques remarques précisément sur la
loi no 15. Les remarques que je viens de faire sont très
générales ou très spécifiques à
l'université. Tel que la loi est rédigée, elle
n'interdirait pas à un employeur de refuser une personne du
troisième âge pour cause d'âge. L'abolitition de la
discrimination selon l'âge en matière d'emploi ou de promotion
réclame autre chose que le texte du projet de loi 15, tel qu'il est
actuellement; cela pourrait relever d'amendements à la Charte des droits
et libertés de la personne, bien sûr.
Un danger doublé d'un illogisme - c'est peut-être un
pléonasme si j'en parle, puisque M. le ministre vient de signaler la
chose -apparaît aux dernières lignes des notes explicatives et aux
dernières lignes de l'article 7 du projet de loi no 15, tel que
déposé le 17 juin de cette année. Il permet à un
employeur mis au courant de renvoyer légalement, pour cause d'âge,
à telle époque, au choix dudit employeur, une personne
actuellement à son emploi. Il suffit à l'employeur qu'il ait
donné son avis - il pourrait le donner aujourd'hui, il aurait pu le
donner il y a quelques jours, quelques mois -et le reste de la loi sera
contourné.
Dans le cas de l'Université de Montréal, l'avis est
censé être déjà donné. Tous les membres, non
seulement les professeurs, mais tous les employés de l'Université
de Montréal membres du régime de retraite sont avisés, par
un texte qu'ils connaissent ou qu'ils ne connaissent pas, que la retraite est
automatique et obligatoire à 65 ans.
J'aimerais lire également à ce moment-ci deux autres
remarques de ce texte, si vous le voulez bien, M. le Président. Il
faudrait que le syndicat soit habilité à défendre les
personnes qui étaient membres du syndicat, de l'unité de
négociation et qui sont à la retraite.
Le Président (M. Boucher): Monsieur, vous m'excuserez, le
texte que vous avez déposé ici, entreprenez-vous de le lire
immédiatement?
M. Demers: Non.
Le Président (M. Boucher): Ah bon! d'accord.
M. Demers: Je n'ai plus que quatre lignes à lire...
Le Président (M. Boucher): Oui.
M. Demers: ... deux, même. Le maintien en fonction d'une
personne âgée ne devrait pas être plus exigeant que le
maintien en fonction d'une personne plus jeune. C'est tout, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Demers. M. le
ministre.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux remercier M.
Demers de s'être déplacé pour venir nous faire part de ses
commentaires sur le projet de loi.
M. Demers comprendra qu'il est toujours extrêmement difficile pour
le législateur de rendre une loi rétroactive, malgré toute
la sympathie qu'on peut avoir pour les inconvénients que lui-même
a éprouvés ou que d'autres dans une situation équivalente
ont pu éprouver. Si on a manifesté une certaine hâte
à adopter ce projet de loi antidiscrimination, c'est justement pour que
le moins d'individus possible souffrent des préjudices dont vous semblez
avoir souffert. Je ne vois pas comment on pourrait rendre rétroactive
cette loi.
D'autre part, vous êtes un témoignage vivant d'une certaine
urgence à abolir cette discrimination.
Il faut aussi tomber d'accord avec vous lorsque vous réclamez que
non seulement la personne de 65 ans qui en a les aptitudes doive continuer de
travailler, mais qu'elle doive aussi utiliser et jouir de tous ses droits
politiques, ce que vous appelez les droits politiques. À ce chapitre,
certains organismes, peut-être même certains organismes syndicaux,
devront prendre leurs responsabilités et admettre que la défense
des droits de leurs employés, qu'ils aient 22 ans ou 67 ans, est tout
aussi importante. On a souvent exprimé le principe qu'à travail
égal, la rémunération devrait être égale, peu
importe l'âge. Il s'ensuit quant à nous, si on abolit la
discrimination d'une mise à la retraite forcée à cause
d'un âge, qu'il faut maintenir les droits qui accompagnent le statut de
travailleur.
La charte, si elle était modifiée à la suite de la
commission parlementaire, si elle
était modifiée dans le sens d'inclure l'âge comme un
nouveau motif de discrimination, cela ne ferait que rendre encore plus forte la
position du gouvernement vis-à-vis de cette question. Cela ne ferait que
renforcer aussi les droits des travailleurs, des travailleuses de continuer
à occuper un emploi au-delà de 65 ans. Il n'y a pas de
contradiction entre une inclusion de ce droit dans la charte des droits et
l'adoption d'un projet de loi qui en plus d'abolir la discrimination, trace une
voie pour régler des cas particuliers qui pourraient surgir et qui
semblent être le résultat de cette discrimination.
Finalement, je pense que vous avez bien traité cet argument un
peu trop facile, qu'on a entendu de la part de certains groupes, à
savoir qu'une telle loi viendrait enlever des places aux jeunes. Plus on entend
les argumentations de ceux qui s'opposent à la loi, parce que entre
autres choses, ça va enlever des places aux jeunes, plus on se rend
compte que ces gens-là utilisent un autre type de discrimination. Comme
vous l'avez bien remarqué tantôt, si on continuait ce raisonnement
jusqu'à l'absurde, cela pourrait nous amener à bloquer toute
forme d'immigration ou à bloquer tout mouvement d'émancipation de
quelque minorité que ce soit qui a été brimée dans
ses droits.
M. le Président, je veux remercier M. Demers et l'assurer, quant
à nous, que les inconvénients qu'il nous a décrits dans
son mémoire, nous pensons justement que ce projet de loi devrait y
remédier dans l'avenir.
M. Demers: Merci.
Le président (M. Boucher): M. Demers.
M. Demers: J'ai écouté avec intérêt
les propos de M. le ministre. Quant à l'effet rétroactif, j'ai
hésité à employer le mot "rétro" parce que la loi
no 15 mentionne expressément qu'il n'y aura pas d'effet
rétroactif. Bien sûr, une loi_ n'a jamais d'effet
rétroactif. Elle peut légaliser ou rendre illégal quelque
chose à cause d'un acte précédant la sanction de la loi.
Par exemple, si un propriétaire a construit une usine sur un terrain
où il n'a pas le droit, on peut changer le code de zonage et
déclarer qu'il y a un effet rétroactif. Enfin, ce n'est pas
véritablement un effet rétroactif, c'est un effet postactif. Ici,
j'ai eu l'idée de mettre aussi postactif. Ce n'est peut-être ni
l'un ni l'autre d'ailleurs; c'est quelque chose qui correspond au principe
général de la dignité humaine. Si l'on a dans le
passé brimé des personnes par des gestes injustes que l'on
déclare enfin illégaux, il convient que la société
prenne des moyens adéquats pour que le dommage causé, que l'on
reconnaît enfin, soit réparé d'une manière ou d'une
autre. Comment le faire? Je vous avoue que je ne vois pas de formule
législative précise.
M. le ministre, dans votre discours du 17 juin, vous avez parlé
d'un changement des mentalités. C'est surtout cela qu'il faut changer
et, ce sera une conséquence, en autant que les changements
législatifs causent des conséquences, des mesures
législatives qui sont en marche actuellement. Il faut que les
mentalités changent au point que les personnes qui ont été
mises à la retraite contre leur gré, de force et injustement,
soient compensées d'une manière adéquate. Voilà ce
que je voulais dire.
Quant à la formule exacte, je crois que les législateurs
sont capables de s'ingénier à trouver les formules, je ne sais
pas si ce sont des lois, des règlements, des discours.
Le Président (M. Boucher): Mme la député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. À mon
tour, je veux remercier M. Demers. J'ai lu avec attention son mémoire,
d'autant plus qu'il était quelque peu dissident par rapport au
mémoire présenté par la direction de l'Université
de Montréal.
Je pense que le ministre a déjà souligné les points
les plus importants, la question de la rétroactivité, etc. Je
voudrais simplement dire comment j'ai apprécié le message plus
général que vous nous portez eu égard à la
discrimination vis-à-vis des personnes âgées. Je pense
qu'on n'est pas assez sensibilisé à ceci. Évidemment, on
parle de l'abolition de l'âge de la retraite, on dit que c'est un facteur
de discrimination que l'on va enlever, mais il y a aussi tout ce qui, par
exemple, touche l'affichage, touche la publicité; vous en donnez
plusieurs exemples dans votre mémoire. Je pense que de la même
façon qu'on se sensibilise petit à petit par la publicité,
par des efforts de non-discrimination à l'endroit des personnes
handicapées et particulièrement des femmes, peut-être que
l'on devrait avoir le même souci à l'égard des personnes
âgées. En tout cas, peut-être que votre mémoire
original, qui était plus développé, m'apporte ce message
que je trouve extrêmement important et peut-être que l'on pourra
prendre des mesures ponctuelles pour les personnes âgées, dans ce
cas-ci, l'abolition de l'âge de la retraite. Mais je pense qu'il y a tout
ce domaine plus grand de la discrimination parfois subtile, mais bien
réelle qui s'exerce à l'endroit des personnes âgées
et je vous remercie de nous l'avoir souligné d'une façon
très concrète. J'espère que, d'un côté et de
l'autre de la Chambre, cela nous inspirera d'autres gestes dans le sens de la
non-discrimination à l'endroit des personnes âgées ou de
correctifs à apporter
pour éliminer cette discrimination. Alors je vous remercie, M.
Demers.
M. Demers: Merci, Mme Lavoie-Roux.
Le Président (Boucher): Merci, M. Demers. Il n'y a pas
d'autres questions?
Alors, au nom des membres de la commission, je vous remercie pour la
présentation de votre mémoire. J'invite maintenant M. Léo
Gosselin, à titre personnel.
M. Léo Gosselin
M. Gosselin (Léo): M. le Président, M. le ministre
Lazure, Mme la députée de L'Acadie, messieurs les commissaires,
après avoir entendu les représentants de l'Association des
manufacturiers canadiens, de la Fédération des écoles
catholiques, de l'Institut des actuaires et certains autres, je suis à
me demander si mon mémoire pourra porter les fruits attendus.
Je vais quand même y aller de mes notes, croyant répondre
à une demande faite par un certain nombre de retraités,
même si le tout est traité personnellement.
Mes premiers mots seront pour remercier votre commission de pouvoir
exprimer mes idées sur ce projet de loi.
Au dernier paragraphe des notes explicatives du paragraphe 7, no 1, on
dit que ce projet ne s'appliquera pas aux personnes qui, à la date de la
sanction de la loi no 15, sont à la retraite. Mon cas diffère un
peu ici car, sitôt mis à la retraite, le 10 mai 1981, j'ai
été appelé à titre occasionnel le 11 mai 1981; je
dois donc penser à une continuation de travail, ce qui pourrait affecter
ledit paragraphe des notes explicatives.
Au paragraphe 5 de cette loi, vous avez parlé, M. le ministre, de
l'abolir. Dans mon cas, y étant allé de ma participation pour un
séjour de quatre ans et trois mois, la retraite actuelle est de 32,81 $
par 15 jours.
Ma mise à la retraite comprend deux points. Le premier point est
qu'ayant travaillé pour des compagnies privées, ces
dernières ne possédant aucune sorte de retraite, sauf une remise
d'un plateau en argent et d'un léger cadeau en espèces en
remerciement de services rendus, ce n'est pas très encourageant pour
celui qui s'est démené toute une vie pour n'avoir rien en face de
la retraite de ces dites compagnies.
Le retraité de 65 ans qui a effleuré ces remises ne peut
dire qu'il vivra aisément le reste de ses jours. Nombre de
retraités possèdent une maison, une petite famille et ont certes
besoin d'un revenu additionnel aux deux pensions gouvernementales, la pension
de vieillesse et la Régie des rentes du Québec, pour ceux qui y
ont participé, le tout estimé à environ 500 $ par mois.
(17 h 15)
On nous a déjà dit: Achetez-vous une maison, les loyers
sont trop chers. Mais comment un retraité peut-il continuer à
payer ladite maison avec les comptes effroyables de taxes municipales et
scolaires, le chauffage, l'électricité, la nourriture, le
vêtement, et quelquefois l'automobile, avec le prix de l'essence,
l'entretien, les assurances, les plaques? Comment peut-il arriver avec ces
montants? Dans mon cas, 32,95 $ par quinzaine, donc, j'ai besoin d'un travail
rémunérateur pour combler le vide.
La loi pourrait être amendée pour que le retraité
puisse continuer son travail s'il remplit les conditions suivantes, qui peuvent
être ajoutées au paragraphe en question: 1) jouir d'une bonne
santé, et ceci approuvé par des médecins
compétents; 2) que le travail qu'il a exécuté ou qu'il
exécute encore ait toujours été satisfaisant, les fiches
de notation des supérieurs en faisant foi.
Je ne vois pas l'obligation de la fonction publique de laisser aller un
homme qui, certes, a de très bonnes qualités de travailleur
assidu, de fiabilité, d'honnêteté, pour prendre un jeune
homme sans expérience qui - on le voit tous les jours -veut travailler
sans prendre de responsabilité, se fichant de tout ordre des
supérieurs et voulant retirer des bénéfices de son
travail, au lieu de garder celui qui a toujours fait un travail complet et qui
possède encore, malgré ses 65 ans, les preuves de rendement futur
adéquat et honnête pour pouvoir continuer à payer et sa
maison familiale et, dans mon cas, élever une jeune fille qui se dirige
en physiothérapie, cours assez coûteux, sans oublier toutes les
autres dépenses afférentes à ces cours.
Je ne ferais pas de suggestion semblable, M. le ministre, si je jugeais
de l'incapacité du retraité à vaquer à ses
occupations par maladie, par paresse ou autre motif quelconque. Mais croyez que
j'irai jusqu'au bout afin que le projet de loi no 15 soit non seulement
accepté, mais amendé pour qu'une rétroactivité - M.
le ministre, je pense que vous en avez parlé -soit accordée
à celui qui est actuellement retraité, qui veut travailler, afin
qu'il puisse le faire sans que le paragraphe 7 soit inclus dans le projet et,
ainsi, l'empêche de continuer le travail qu'il exécutait à
merveille avant son départ.
Une seconde suggestion vient s'ajouter aux autres. Que le
retraité, lorsqu'il sera appelé au travail à 65 ans, fasse
la remise des montants reçus de ladite retraite - dans mon cas, 32,81 $
par semaine - pour continuer à contribuer au régime de retraite,
ce qui augmentera ses prochains revenus au moment de la retraite de son choix.
Croyez que vous avez devant vous un homme en
santé, qui peut travailler aux heures exigées sans
maugréer et ainsi profiter des largesses, très
agréablement acceptées, du gouvernement à qui il a voulu
donner tout son coeur et une partie de ses forces.
M. le ministre, croyez en mon bon vouloir de vous être
agréable et en celui d'obtenir ce que plusieurs retraités
désirent depuis fort longtemps. Si vous avez eu à projeter
l'abolition de la retraite à 65 ans, c'est que d'autres avant moi ont
émis l'idée qu'en 1981, pour survivre, il faut des revenus
additionnels qui peuvent aider l'homme âgé, après avoir
peiné toute sa vie, à jouir, lors de sa retraite, d'années
heureuses sans heurts avant de passer dans l'autre monde.
Croyez que votre humble serviteur pourra en tout temps aider les
commissaires dans les travaux futurs pour l'abolition de la retraite qui, pour
d'aucuns, est un commencement de stress qui mène à la maladie, au
recours à des médicaments de tout genre pour calmer les nerfs
affaiblis par les exigences de toutes sortes, sans compter les désunions
qu'apportent les revenus minimes face aux fortes dépenses des
années quatre-vingt, ce qui n'est pas mon problème.
Je désirerais ajouter quelques mots à ce mémoire au
sujet de candidats qui désirent prendre leur retraite avant 65 ans et
qui sont pénalisés par le régime les forçant
à se rendre au terme cité dans la loi. Pourquoi
n'accepteriez-vous pas de mettre à la retraite sans
pénalité, après vingt ans de service, ceux qui le
désirent? Ce qui, à mon avis, laisserait la place aux jeunes sans
toutefois oublier que ceux qui ont 65 ans, une bonne santé et un grand
désir de continuer à travailler doivent pouvoir le faire.
Messieurs les commissaires, il faut y voir. Je vous ai raconté
une partie de ma vie personnelle, mais combien sont de mon avis? Vous me direz
que ceci est vrai, et j'aimerais interroger ceux qui sont présentement
à la retraite, qui en arrachent avec leur petite pension et qui,
à 65 ans, auraient préféré continuer à
travailler, ce qui les aurait aidés à joindre les deux bouts.
Que vous travailliez pour les villes ou les commerces, il faudrait qu'un
plan de retraite soit étudié par les autorités
gouvernementales afin que chaque commerce ait un plan approprié de
retraite pour que les employés ne soient pas tous
intéressés à travailler gouvernementalement, la clause de
la retraite et la sécurité d'emploi étant les premiers
atouts.
Je ne connais ici à Québec que quelques firmes qui
possèdent un plan de retraite et combien heureux en sont les membres.
Ils n'envient aucunement les employés du gouvernement, car ils ont les
mêmes privilèges qu'eux et peuvent donner leur place aux jeunes
car, pour eux, la retraite sera belle, n'ayant à envisager aucun
problème financier à venir.
Avec l'aide de nos gouvernements, avec nos impôts, nous sommes
sûrs que le gouvernement, sous quelque forme que ce soit, pourra aider le
retraité afin qu'il puisse finir ses jours heureux, sans problème
et parmi les siens, à avancer dans la vie sans qu'il ait à
recourir à tous les services sociaux pour joindre - ce qui a
été dit - les deux bouts.
Je vous ai dit antérieurement que j'irai jusqu'à la fin et
plusieurs sont heureux de mon initiative car eux-mêmes auraient voulu
parler sans en avoir la permission ou la chance de crier tout fort ce qu'ils
pensaient tout bas. Il est un temps où tous, nous devons nous donner la
main pour que nos futurs retraités soient heureux de leur sort. Merci,
M. le ministre.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Gosselin. M. le
ministre.
M. Lazure: M. le Président, je remercie beaucoup M.
Gosselin de se présenter devant nous et de nous faire part de son point
de vue. Alors qu'on arrive à la fin de cette commission parlementaire -
il nous reste un groupe important à entendre, la CSD presque au terme de
cette commission, il est extrêmement précieux qu'on puisse de
nouveau entendre directement, comme on l'a fait au tout début avec la
Fédération des clubs de l'âge d'or du Québec, le
témoignage d'une jeune personne âgée qui, elle-même,
a souffert de cette obligation de se retirer à 65 ans.
À ces commissions parlementaires, avec toutes les exigences
bureaucratiques qui accompagnent la préparation de mémoires, on
est souvent porté à les oublier ou à accorder moins
d'importance aux groupements ou aux individus qui ont moins de moyens que
certains groupements patronaux ou même syndicaux. On a entendu les
groupements patronaux; de façon générale, ils nous font
valoir que, oui, c'est peut-être correct d'enlever cette retraite
obligatoire, mais cela va nous déranger, disent-ils; cela va
peut-être coûter plus cher, cela va peut-être occasionner des
bouleversements dans nos méthodes de gestion du personnel. Tout cela est
un peu vrai.
Mais ce que vous venez de dire, comme M. Demers auparavant, c'est aussi
très vrai. Tout en gardant en tête que la vaste majorité
des gens, que ce soit dans les secteurs public ou privé, veulent se
retirer à 65 ans et même plus tôt, je crois qu'il est du
devoir d'un gouvernement de permettre à ceux et celles qui veulent
prolonger leur vie active au travail de le faire. C'est cela qui est l'objectif
premier du projet de loi. À travers vous et quelques autres personnes
qui sont venues témoigner ici, aussi bien que les quelque 500 personnes
qui nous ont écrit à
titre personnel, on entend un son de cloche qu'il faut respecter.
Je dois dire malheureusement, comme je l'ai dit à M. Demers
tantôt, qu'il est à peu près impossible d'introduire un
effet rétroactif dans la loi. C'est regrettable pour les individus comme
vous qui, déjà, ont été pénalisés par
cette retraite obligatoire, mais cela ne fait que souligner l'urgence d'adopter
une telle loi.
Vous dites quelques mots sur la retraite anticipée. Cela permet
de répéter encore une fois que, dans une deuxième
étape dans le cadre de cette amélioration des revenus des
personnes âgées, il est bien sûr qu'on va permettre et
encourager la retraite anticipée, surtout pour les travailleurs et les
travailleuses qui ont eu des emplois difficiles, la retraite anticipée,
par exemple, dans un premier temps, pour les travailleurs qui souffrent
à 25% d'invalidité, d'incapacité due soit à un
accident du travail ou à une maladie professionnelle, tout en leur
donnant 100% de prestation d'invalidité.
Finalement, vos commentaires sur les régimes
supplémentaires de rentes sont tout à fait appropriés. Il
y a à peine 45% de toute la main-d'oeuvre du Québec qui
bénéficient de régimes supplémentaires de rentes.
Les employeurs au Québec ont encore beaucoup de chemin à faire
pour offrir une protection supplémentaire correcte, adéquate
à leur main-d'oeuvre. Si les débats qui entourent la
présentation de ce projet de loi peuvent aider les employeurs du
Québec à améliorer les régimes de retraite
privés lorsqu'ils existent ou encore à les créer
lorsqu'ils n'existent pas, cela aura été un des effets
bénéfiques, un des effets intéressants de tout cet
exercice.
Je veux vous remercier encore une fois et vous dire avec regret qu'on ne
pourra pas, par cette loi, remédier à votre situation
personnelle, mais on va faire de la prévention, on va au moins permettre
à plusieurs, à l'avenir, de ne pas avoir les mêmes
inconvénients que vous avez eus.
Le Président (M. Boucher): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais également remercier M.
Gosselin pour son mémoire. Je pense qu'il l'a fait avec beaucoup de
conviction. On sentait que c'était un problème qu'il vivait et
qu'il partageait avec d'autres de ses amis.
Nous avons ici, à quelques reprises, déploré que le
gouvernement n'ait pas agi plus tôt à la suite du rapport de
COFIRENTES qu'il a entre les mains depuis 1977 où, justement, on
déplorait le manque de régimes de retraite supplémentaires
pour plusieurs personnes, mais, entre autres, dans le domaine privé.
L'Ontario et probablement d'autres provinces ont déjà
légiféré dans ce sens-là. Je pense qu'il y a une
obligation faite à toutes les entreprises privées de
prévoir un système...
M. Lazure: Où?
Mme Lavoie-Roux: En Ontario.
M. Lazure: Petite correction. Non, ce n'est pas fait encore. Ils
ont exprimé l'intention d'adopter une législation à cet
effet, mais ce n'est pas fait encore.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas fait.
M. Lazure: C'est une expression d'intention.
Mme Lavoie-Roux: Bon. Souhaitons que et l'Ontario et le
Québec le fassent et les autres provinces. J'aimerais vous poser cette
question. Vous n'êtes pas obligé de répondre parce que
c'est une question un peu personnelle; alors, je vous laisse bien libre, M.
Gosselin. Si dans votre cas, vous aviez eu un régime de pension qui soit
suffisant et qui vous permette de vivre d'une façon décente,
comme vous le mentionnez, est-ce que cette question de l'abolition de
l'âge de la retraite aurait été une priorité aussi
grande pour vous qu'elle l'est aujourd'hui?
M. Gosselin: Non, parce que j'ai des amis qui ont appartenu
à des compagnies privées qui avaient un système de
retraite à 65 ans et, Dieu merci, aujourd'hui ces gens-là sont
très heureux. C'est un peu ce que j'ai dit au commencement: Plutôt
que de nous donner un plat d'argent et peut-être une somme d'argent pour
nous remercier de nos services, s'ils nous avaient dit: On va vous donner 200 $
par mois pour les services que vous nous avez rendus, il me semble que cela
aurait mieux fait. Dans mon cas, il est sûr que - naturellement, j'ai ma
maison, elle est payée, il n'y a pas de problème - si je veux me
donner un petit peu de plaisir, il va falloir que je travaille, partiellement,
peut-être, mais quand même il va falloir que je travaille pour me
donner certaines jouissances que je mérite bien après avoir
travaillé 20 ans à la même place. (17 h 30)
Mme Lavoie-Roux: Selon toutes les audiences que nous avons
tenues, je dirais qu'il y a deux catégories de personnes qui
désirent pouvoir profiter de l'abolition de l'âge de la retraite:
Ceux qui veulent supplémenter leur revenu - c'est certainement les plus
nombreux d'après tous les témoignages qu'on a entendus - et ceux
qui veulent continuer une activité professionnelle qui les
intéresse. Je pense vraiment que ce sont ceux dont les besoins sont les
plus grands qui priment.
J'aurais une question à poser au
ministre eu égard à cette question de
rétroactivité qui vient de nous être posée par MM.
Gosselin et Demers. Je comprends qu'on ne puisse pas rendre cette loi
rétroactive, car cela pourrait remonter à 1970 et cela
deviendrait peut-être un peu compliqué, même si on ne
retournait qu'en 1975. Le ministre entrevoit-il une possibilité de
rétroactivité au moment du dépôt de la loi? J'ai
oublié la date - c'est au mois de mai ou de juin - exacte de son
dépôt. Cela ne résoudra peut-être pas le cas de M.
Gosselin, mais je pense à d'autres; plusieurs représentations
nous ont été faites, on a eu beaucoup d'espoir au moment du
dépôt de la loi. Est-ce une possibilité que le ministre
rejette complètement? Cela nous arrive d'accepter cette sorte de
rétroactivité - si on peut parler de rétroactivité
dans ce cas-là - à compter du dépôt de la loi.
M. Lazure: On avait envisagé cette possibilité au
mois de mai, quand on l'a déposée, et ce n'est pas encore
strictement éliminé. D'autre part, je ferai remarquer à
l'Opposition, à la députée de L'Acadie qu'on nous place un
peu dans un dilemme. On a prétendu, depuis le mois de mai, qu'il y avait
une certaine urgence à adopter un tel projet de loi; l'Opposition nous a
dit à plusieurs reprises, des groupements nous ont dit à
plusieurs reprises de ne pas aller si vite. Le député de
Nelligan, en particulier, a fait un plaidoyer pour qu'on aille plus lentement,
pour qu'on procède plus graduellement. Certaines parties de ces
plaidoyers sont valides et c'est pour cela que j'ai dit, il y a quelques jours,
que nous envisagions un certain étapisme, un gradualisme, une
application phase par phase, si vous voulez, ce qui est un peu l'inverse de ce
que la députée de L'Acadie nous demande de faire maintenant,
à savoir de l'appliquer rétroactivement au mois de mai,
c'est-à-dire au moment où on a déposé la loi. Cela
indique certaines contradictions.
Pour faire une parenthèse, j'ai autre chose devant moi. J'ai le
journal qu'on nous a distribué tantôt, le journal de
l'Université de Montréal: Forum. Un titre dit: Le syndicat
général des profs de l'Université de Montréal
favorise l'abolition de l'âge obligatoire. Le même journal, dans un
numéro suivant, titre: L'université demande un moratoire sur
l'abolition de la retraite obligatoire. Dans le deuxième cas,
évidemment, c'est la direction de l'université qui demande le
moratoire.
Finalement, il y a de l'argumentation valable dans les deux sens. Cela
me paraît difficile à ce stade-ci, en prenant le pouls de la
majorité des groupements, des individus qui se sont manifestés,
de dire qu'il y a une demande assez claire pour une implantation graduelle et
cela me paraîtrait difficile de revenir à une mise en vigueur
rétroactive au moment du dépôt.
Mme Lavoie-Roux: Je suis d'accord avec le ministre quand il
souligne ce qui semble être une contradiction de la députée
de L'Acadie, si je puis dire. Mais, comme le ministre n'avait pas encore
décidé de cela, je me plaçais dans l'hypothèse - je
pense l'avoir lu quelque part dans une entrevue qu'il a donnée au Soleil
ou ailleurs, la fin de semaine avant le début des audiences de la
commission parlementaire et peut-être même durant la commission
parlementaire, je n'ai sûrement pas rêvé cela - qu'il
voulait que cette loi soit adoptée avant le mois de décembre ou
avant janvier.
M. Lazure: Avant Noël autant que possible, oui, j'ai dit
cela.
Mme Lavoie-Roux: Bon. À ce moment-là, cela
dépendra des modalités qui seront incluses dans la loi. Il se
pourrait, dépendamment des modalités que vous inclurez, que vous
puissiez retourner au mois de mai, parce que c'est une période de six
mois. Évidemment, si la loi devait être adoptée en 1983, ce
serait un peu retourner comme en 1977. Si c'est ce laps de temps que vous
maintenez, compte tenu de toutes les observations qui vous ont
été faites, vous croyez que vous pouvez aller de l'avant en
décembre, alors on se situe dans un contexte différent de celui
où une loi dont l'application ou l'adoption serait retardée
à un an ou deux ans.
En tout cas, c'est une suggestion. Je n'en ferai même pas en
commission parlementaire un point de discussion ou d'obstruction. Mais si ce
laps de temps est si court, compte tenu des expectatives qui avaient
été créées à ce moment, s'il n'y a pas de
modalité qui s'y oppose, si elle devait s'appliquer dans son
intégralité au 1er janvier, il y a peut-être
possibilité de regarder une rétroactivité.
Si la loi est adoptée, mais que son application entre en vigueur
beaucoup plus tard, on se retrouvera dans un contexte différent. Je vous
remercie, M. Gosselin.
M. Gosselin: Cela me fait plaisir.
Le Président (M. Boucher): Je vous remercie, au nom de
tous les membres de la commission.
Centrale des syndicats démocratiques
J'appelle maintenant la Centrale des syndicats démocratiques
représentée par M. Jean-Paul Hétu, porte-parole, et M.
Jacques Dion. À vous la parole.
M. Hétu (Jean-Paul): M. le Président, je voudrais
tout d'abord vous présenter quelques
membres qui m'accompagnent, outre M. Jacques Dion, qui est
trésorier et en même temps responsable de toutes les questions
relatives à la retraite. Ce n'est pas parce qu'il est plus
âgé que les autres, c'est à cause de sa compétence
tout simplement. D'autre part, il y a Mme Thérèse Paquet, qui est
membre du conseil de direction et qui, demain, doit parler de la question de la
retraite à la commission des droits de la personne. Ensuite, il y a
France Roy-Meunier, qui est la secrétaire du secteur des affaires
sociales à la CSD.
Je n'ai pas l'intention, M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs, de lire le mémoire que nous vous avons soumis. Ce
que nous voulons faire, cependant, c'est apporter des explications, des
précisions quant à ce mémoire et, surtout, on aimerait le
légitimer.
Nos propositions visent deux objectifs. Tout d'abord, nous appuyons le
projet de loi en mentionnant aussi un désaccord sur un des points,
notamment la cotisation et, surtout, nous voulons vous dire, M. le ministre,
mesdames et messieurs de la commission, que ce projet de loi ne va pas
suffisamment loin, parce qu'il n'y a pas suffisamment de mesures pour
protéger le droit à la retraite. Je vais m'expliquer assez
précisément à ce sujet tantôt. C'est pourquoi nous
préconisons, dans notre mémoire comme d'autres d'ailleurs qui
nous ont précédés, la nécessité ou l'urgence
d'une réforme globale.
Qu'est-ce que nous appuyons dans le projet de loi? Nous sommes
profondément d'accord sur le droit nouveau que ce projet de loi
renferme, c'est-à-dire qu'on accorde au travailleur, quel qu'il soit, de
pouvoir utiliser un recours juridique devant le commissaire ou le Tribunal du
travail. Bien sûr, il est lié intimement, comme vous le savez,
comme vous l'avez dit à maintes reprises, au droit du travailleur de
pouvoir poursuivre son travail aussitôt qu'il a dépassé
l'âge de la retraite.
Pourquoi appuyons-nous ce droit nouveau? Tout simplement parce que, dans
le passé, à venir jusqu'à récemment encore, nous
avons, il faut le dire, hélas! perdu des cas devant les conseils
arbitraux où des travailleurs avaient été
congédiés parce qu'ils avaient dépassé l'âge
que le milieu reconnaissait comme étant l'âge de la retraite,
même si, dans les conventions collectives, nous avions des dispositions
générales, à savoir que l'employeur ne pouvait pas exercer
son droit de discrimination, etc. Nous avons perdu suffisamment de cas et il
était temps que le gouvernement, dans ce projet de loi no 15, donne un
recours aux travailleurs afin d'éliminer, à leur source
même, les discriminations qu'ils subissaient quant à l'âge
de la retraite.
Nous disons cependant que ce projet de loi ne va pas trop loin, ne va
pas suffisamment loin. Nous disons qu'il va permettre aussi de
développer d'autres formes de discrimination indirecte. Que veut-on dire
par là? Dans la Loi sur les normes du travail, il y a, dans la
définition même du salarié, à l'article 1,
paragraphe 10, les dispositions qui permettent à l'employeur d'exercer,
sous des formes variées, une discrimination vis-à-vis,
éventuellement, des travailleurs qui seront en âge de prendre leur
retraite, mais qui ne voudront pas prendre cette retraite.
Que dit l'article 1, paragraphe 10? II dit tout simplement que,
moyennant un salaire, un travailleur doit exécuter un travail
déterminé dans le cadre et selon les méthodes et les
moyens que cette personne -l'employeur - détermine.
Bien sûr, nous sommes bien conscients que, pour corriger tous les
problèmes qui peuvent être suscités par cette disposition
juridique, il faut réformer l'ensemble de la législation du
travail et la clé se trouve dans ce que l'ergonomie appelle l'adaptation
au travail. Actuellement, dans les entreprises oeuvrant avec des modèles
d'organisation du travail où il y a du travail partialisé ou
différentes formes de travail, on peut en tout temps discriminer les
travailleurs. Je vais donner des exemples. Par exemple, concernant la vision,
on sait que, pour les travailleurs, au fur et à mesure qu'ils prennent
de l'âge, leur vue baisse. Il est possible, même s'il existe une
disposition dans les règlements de la qualité du milieu du
travail à cette fin, d'utiliser ce prétexte pour indiquer que tel
travailleur qui a un âge X n'a pas les capacités visuelles pour
exercer son travail. On sait aussi, par la psychologie, qu'un travailleur qui
prend de l'âge perd de la mémoire. Il y a le
phénomène de la mémoire courte et le
phénomène de la mémoire longue. Plus un travailleur
vieillit - et le ministre en connaît sans doute plus que moi
là-dessus...
M. Lazure: Pas parce que je suis vieux.
M. Hétu: Non, non, je n'ai jamais voulu insinuer cela.
M. Lazure: À cause de mon ancien métier,
voulez-vous dire?
M. Hétu: Je suis content de votre précision.
M. Lazure: Merci, M. Hétu.
M. Hétu: II y a quand même, au fur et à
mesure que les travailleurs vieillissent, le phénomène de la
mémoire courte. Alors, si le travail n'est pas adapté à
cette condition, tout comme à la condition de la capacité
visuelle, il est possible d'utiliser ces choses
pour discriminer les travailleurs. C'est un peu ce que vous disiez en
d'autres termes en réponse au patronat qui présentait un
mémoire sous l'égide de l'Association des manufacturiers
canadiens, section du Québec. Il est possible aussi de discriminer les
travailleurs à cause des capacités physiques qui diminuent avec
l'âge. Il est possible aussi et il sera possible de discriminer les
travailleurs qui sont victimes d'usure parce qu'ils ont travaillé trop
longtemps, manuellement, physiquement. Cela se fait déjà. (17 h
45)
Exemple, pour être bien précis, un travailleur qui pendant
25 ans a oeuvré à déplacer - ils sont légion mais
qui ont d'autres fonctions - des bobines dans une entreprise de textile. Il
prend quatre ou cinq bobines, n'est-ce pas, dans ses mains et les remplace,
etc. Plusieurs travailleurs ont été usés au bout de 25 ans
de travail, c'est-à-dire qu'après ce nombre d'années de
travail, ils sont incapables de resserrer les doigts et les mains pour capter
les bobines. Actuellement, on tente de les discriminer à cause de ces
choses.
Il sera possible de le faire. C'est pourquoi nous vous disons que le
projet de loi ne va pas assez loin dans sa forme actuelle. Il va falloir que ce
soit corrigé par des modifications à la loi sur les normes
permettant d'adapter le travail à ces différentes conditions et
aux travailleurs qui en sont victimes. Si on ne le fait pas, et actuellement la
Loi sur les normes du travail ne le fait pas, il sera possible juridiquement de
les discriminer. Bien sûr, ça va se faire de manière
informelle. On ne le fera pas directement à cause de l'âge, comme
on le faisait antérieurement, mais il sera possible de le faire.
Deuxième volet. Les mesures d'ordre général ou la
réforme générale sur les conditions de prise de retraite.
En 1975, à la CSD, nous avions adopté le principe de la retraite
à 60 ans, sur une base facultative. Depuis, il y a certains
événements qui nous ont fait réaliser, dans notre
organisme, que cette mesure même était inadéquate, parce
que la réalité est assez complexe. Je vais donner des exemples
bien précis face à certaines catégories de travailleurs.
Par exemple, les travailleurs du textile, du vêtement et de la ganterie
sont depuis cinq ou six ans victimes de changements technologiques parce qu'on
modernise ces entreprises. Or, à la suite de ces changements
technologiques, il y a plusieurs travailleurs qui ont tout simplement perdu
leur emploi, mais grâce à une disposition issue de la Loi C-215,
soit la préretraite accordée à 54 ans, ils ont pu avoir
une retraite ou commencer leur retraite à compter de 54 ans avec une
somme d'argent qui n'était pas considérable mais qui leur
permettait quand même de vivre. On a fait un décompte: depuis cinq
ans, il y a 300 travailleurs qui, dans le textile et dans le vêtement,
ont bénéficié de cette mesure de préretraite parce
qu'il leur était impossible de trouver de l'emploi dans leur
localité ou ailleurs à cause de leur âge. Cela pose un
autre type de problèmes.
Deuxièmement, je voudrais aussi vous raconter comment
réagissent les travailleurs de l'amiante face à votre projet
d'abolition de l'âge de la retraite. Depuis la venue ou l'adoption de la
loi 52, qui maintenant a été intégrée dans la Loi
sur les accidents du travail, il y a près de 200 travailleurs qui ont
pris leur retraite, parce qu'ils étaient atteints d'amiantose. Or, ces
travailleurs, dans leur unité où il y a quelque 2200
travailleurs, ont adopté une proposition en vertu de laquelle ils disent
que, pour eux, dans leur condition, à cause des dangers que
représente l'amiante, ils préféreraient que la retraite
soit à l'âge de 55 ans et non facultative. Vous voyez, la
réalité est complexe.
J'aimerais raconter aussi, dans ce domaine, des problèmes
réels qui sont vécus par des individus atteints de maladies
professionnelles, mais qui ne sont pas reconnues au travail. Je donnerai le cas
d'un travailleur de 55 ans qui travaillait dans un milieu - nommément
une fonderie - où il était exposé à des produits
chimiques, monoxyde de carbone et aussi des poussières. Il a
été malade, il a été opéré au
duodénum et il lui a été impossible par la suite, à
l'âge de 55 ans, de reprendre le travail. Sa maladie l'a affaibli
à un point tel qu'il n'a pas été reconnu par la
Régie des rentes comme invalide, mais son état ne lui permettait
pas de retourner à son travail ou d'exercer un autre travail en rapport
avec sa compétence. Où cela l'a-t-il conduit? Tout simplement au
bien-être social.
Il y a un autre travailleur qui était lui aussi exposé au
monoxyde de carbone, mais il était en plus atteint d'asthme. Parce qu'il
avait l'asthme, parce qu'il était exposé à des produits
chimiques, à un moment donné, il a été incapable de
travailler; même comme concierge, dans son établissement. Il a
dû quitter son emploi vers l'âge de 50 ans et il a tenté de
se trouver un emploi ailleurs, dans une banque, à titre de concierge,
mais parce qu'il avait un état suffisamment avancé de maladie, la
banque n'a pas voulu l'embaucher. Il en a été de même dans
d'autres lieux. Ce type est bénéficiaire de l'aide sociale.
Il y a une sorte de "no man's land" qui existe pour certains
travailleurs qui sont malades, qui ne sont pas invalides au sens de la loi, qui
ne sont pas couverts par la Loi sur les accidents du travail. Il y a des
problèmes de cette nature qui sont réels et qui sont complexes,
mais auxquels il faut
trouver des solutions.
Il y a ensuite un autre secteur industriel où il y a peu de
travailleurs qui peuvent bénéficier de la retraite et c'est dans
l'industrie de la construction. Rares sont les travailleurs dans l'industrie de
la construction qui se rendent jusqu'à l'âge limite actuel de la
retraite. À cause des conditions de travail dures, ils laissent en cours
de route l'industrie de la construction. Encore là, vous avez une autre
catégorie de travailleurs qui ne bénéficieront sans doute
pas, s'ils demeurent à leur emploi, de la disposition prévue dans
le projet de loi.
Pour toutes ces raisons, nous en sommes arrivés à la
conclusion qu'il fallait réformer en profondeur le régime de
retraite actuel. Nous avons entrepris dans notre organisation une consultation
auprès de nos membres sur une base régionale, à partir
d'un questionnaire qui fait état d'un certain nombre de
problèmes, etc., pour préparer les bases de cette réforme
globale qu'il faut apporter, comme vous le disiez, sans doute étape par
étape. À cette fin, nous vous invitons, ainsi que les
représentants de l'Opposition à participer à un
débat qui aura lieu dans notre organisation à la fin de
novembre.
Je demanderais à M. Jacques Dion d'indiquer le point sur lequel,
notamment concernant la cotisation, nous sommes en désaccord partiel et
de vous exposer sommairement ce à quoi nous songeons quand nous songeons
à établir une réforme globale au niveau de la
retraite.
M. Dion (Jacques): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs les membres de la commission, j'ai eu l'occasion de
siéger quelques années à la Régie des rentes du
Québec. J'ai eu à ce moment-là l'occasion de
connaître le ministre Lazure et j'ai trouvé que c'était un
gars qui comprenait assez vite les problèmes.
De fait, dans les régimes supplémentaires de rentes, pour
les comités de retraite, c'était une chasse gardée. Il ne
fallait pas informer les travailleurs, parce que les travailleurs ne
comprennent rien. Un gars qui a les mains sales, c'est un niaiseux. C'est la
considération que beaucoup d'employeurs ont encore de nos jours.
Lors d'une première visite du ministre, je lui ai demandé,
au conseil d'administration de la régie, de permettre au travailleur
d'avoir le droit de savoir ce qui se passe dans son régime à lui;
qu'est-ce qu'on fait de son argent? Ce n'était pas d'hier que je le
demandais et, immédiatement, le ministre a dit: M. Dion a raison,
préparez-moi quelque chose. Et vous avez adopté un amendement
à l'Assemblée nationale. Beaucoup d'autres amendements ont
été apportés.
Alors, sur le plan des régimes supplémentaires de rentes,
je trouve qu'il y a une grosse amélioration. D'abord, avoir
installé une loi pour surveiller cela, c'est beaucoup. Tout le monde
faisait n'importe quoi. On déposait l'argent qu'on percevait sur les
payes et la contribution de l'employeur quand ça le disait aux
employeurs et maintenant c'est le mois suivant que l'argent doit être
déposé. Ce sont des amendements très sérieux que
vous avez adoptés à l'Assemblée nationale. Cela
démontre l'importance de surveiller les régimes
supplémentaires de rentes.
Le régime public, je pense qu'on le néglige. Ce qu'on
cherche aujourd'hui, c'est sortir les gens de la misère; ce n'est pas
d'hier qu'on cherche cela, sortir les gens de la misère. J'ai 58 ans et
je connais la misère. Nous étions dix chez nous et c'est ce qui
m'amène à chercher des solutions pour ceux qui sont dans la
misère. Quand on a connu cela, on est un petit plus sensible. Je vous
garantis que je l'ai connu, je l'ai connu comme il faut.
Permettre au salarié de continuer à travailler parce qu'il
n'a pas assez de revenus d'accumulés, ce n'est pas assez, c'est un
remède temporaire et on ne peut pas rester là. En 1967 ou
à peu près, rappelez-vous qu'à Ottawa on a
décidé de voter une loi pour apporter un supplément au
revenu, parce que les retraités n'en avaient pas assez. En 1981, au
fédéral, on dépense 1 917 000 000 $ et sur cela, au
Québec, on en absorbe 573 000 000 $, soit 29,9%. Et remarquez bien,
c'est encore très peu. La loi devait durer 10 ans et pendant ce temps,
on devait trouver des formules. Cela fait 14 ans à peu près et on
cherche encore.
Il y a eu une conférence fédérale en mars, beaucoup
de gens y ont participé, puis on cherche encore la formule. On est
autour d'une table ici, un paquet de gens intéressés, puis on
cherche la formule. Mais tout ce qu'il y a dans la loi et c'est ce
bout-là... J'ai l'impression que le ministre devait être
très occupé lorsqu'on lui a passé le projet, parce que,
moi, je ne le connais pas comme cela. Penser de faire contribuer les gens
après 65 ans sans qu'on accumule quoi que soit, je trouve que c'est du
vol légalisé. On ne fait pas cela. Je ne serais pas prêt
à contribuer; je serais prêt à faire contribuer, par
exemple, celui qui a atteint 70% de son salaire et qui veut continuer à
travailler. S'il aime le travail, qu'il aime autant le travailleur et qu'il
paie, pour l'autre qui a besoin, dans un fonds spécial, pour pouvoir
aider les autres. Celui-là je le ferais payer.
Quand on a atteint 70% de son salaire... Je vais arriver avec la formule
que je suis à examiner avec l'aide de tous les militants de la province,
et c'est peut-être 1000 que je vais rencontrer. J'en ai rencontré
près de 120 à ce jour et je vous dis que les réponses sont
révélatrices. C'est
pour cela que, tout de suite, je vais vous dire ce vers quoi je m'en
viens. Je pense qu'en plus, peut-être pas demain, mais rapidement, il
faut trouver des formules. Il faut trouver des remèdes. Quand on est
médecin, on connaît cela des remèdes et on en essaie de
toutes sortes; là on doit en essayer un. Alors, moi, j'en ai un, un
autre va en avoir un autre, mais que ceux qui en ont s'assoient et que l'on
finisse par trouver quelque chose, par mettre quelque chose en place. (18
heures)
Je dis comme premier remède... Remarquez que malgré une
loi accordant un supplément de revenu de la part du
fédéral, il y a encore, les deux tiers des retraités qui
vivent dans la grande misère, et cela, vous le savez. Il y en a au
Québec 569 882 qui retirent des chèques de pension de vieillesse.
Sur ce nombre, il y en a 251 134 qui retirent des rentes du Québec; 318
748 n'en retirent pas. Pourquoi? Parce qu'on permet à ceux qui n'ont pas
atteint 45 ans d'âge et dix ans de service de sortir leur argent. Il y a
de pauvres misérables qui ne peuvent jamais accumuler les fameux dix ans
de service. Les 45 ans d'âge, ils vont l'atteindre, mais les dix ans de
service, il n'ont jamais la chance de travailler dix ans à la même
place. Qu'est-ce qui arrive"? 83,1% des gens qui quittent leur emploi sortent
leur argent. On a le droit de sortir notre argent de la régie quand on
n'a pas 45 ans d'âge et dix ans de service. 83,1% sortent leur argent;
c'est absolument ridicule! C'est une première mesure qu'il faudrait
arrêter.
Remarquez que ce n'est pas populaire de dire cela pour un chef syndical,
mais j'ai passé ma vie dans cela et je l'achève. Ce n'est pas
populaire de dire cela. Une personne qui a 35 ans, qui a 45 ans, qui a des
problèmes, qui a des dettes se dit: Moi, j'arrête de travailler et
je peux, à même ce que j'ai d'accumulé, résoudre mon
problème aujourd'hui et puis recommencer. Aujourd'hui, à
l'âge de 30 ans, 40 ans ou 50 ans, on peut ajuster le problème,
mais, à l'âge de la retraite, il ne s'ajuste plus. Alors, laissons
donc l'argent qu'on accumule dans un fonds de retraite gelé à la
Régie des rentes, même pour la totalité.
Une solution à laquelle j'ai pensé, à
l'expérience de la vie - de la mienne, en particulier - est,
premièrement, de corriger la négligence du gouvernement à
prendre ses responsabilités. Dépêchez-vous de les prendre,
vous êtes en retard de six ans. Il manque 6/10%, vous savez cela, depuis
1978. Le rapport de COFIRENTES vous l'a dit au mois de septembre ou au mois
d'octobre 1977: II manque 6/10% de cotisations au Régime de rentes du
Québec pour qu'il soit solvable. Il n'est pas solvable, on est en retard
de quatre ans. Je ne suis pas un actuaire, mais j'ai fait un calcul rapide et
il doit manquer autour de 600 000 000 $ actuellement, parce qu'on a
négligé d'augmenter les contributions de 6/10%. Remarquez bien
qu'il n'est pas impopulaire d'augmenter les contributions pour sécuriser
la vieillesse; c'est loin d'être impopulaire, je pense que c'est rentable
pour un parti politique. Dépêchez-vous donc de prendre ces
responsabilités. Je pense que ce serait une première solution,
c'est une responsabilité qui vous appartient et vous êtes en
retard.
Deuxièmement, améliorer le Régime de rentes du
Québec. La rente est trop basse. Je ne voudrais pas oublier de vous dire
que, parmi les retraités de 65 ans ou plus, il y en a 318 748 au
Québec qui touchent un revenu d'à peu près 79,37 $ par
semaine et 251 134 qui touchent 114,15 $. C'est ça que les gens ont pour
vivre aujourd'hui. Il y en a qui ont un peu de régime de rentes;
d'autres n'en ont pas du tout. Ceux qui n'en ont pas du tout, ce sont des gens
qui vont chercher un petit peu de supplément et qui n'ont que 79,37 $.
Comment je le trouve? Il y a la pension de vieillesse qui donne 2 440,82 $,
c'est ce qui a été versé depuis un an. En
supplément, versé depuis un an au Québec, en moyenne,
c'est 1 586,72 $, ce qui fait à celui qui n'a pas d'autre chose, celui
qui n'a pas de régime de rentes - il y en a un paquet - 4 127,54 $ par
année. C'est tout ce qu'il a pour vivre. C'est la grande pauvreté
pour 44,05% de ceux qui ont 65 ans et plus. Les formules que je
préconise... Remarquez que je suis à consulter. Je fais une
tournée provinciale, je vais rencontrer à peu près un
millier de travailleurs, je dois en avoir rencontré aux alentours de
200, et les réponses aux questions sont très indicatives et me
permettent d'avancer la solution que je préconise et que j'essaierai de
vendre à la CSD.
Premièrement, ajuster ce qui manque au Régime de rentes du
Québec. Plus on va retarder, plus ça coûtera cher.
Deuxièmement, un régime supplémentaire de rentes
imposé à toute l'entreprise privée obligatoirement par une
loi qui accorderait 70% du salaire, jusqu'à un maximum de 70% du salaire
moyen canadien ou salaire moyen du Québec, qui est sensiblement le
même à quelques dollars près. C'est autour, au-dessus ou en
dessous, de 18 000 $. J'ai les chiffres exacts, mais vous savez qu'en prenant
18 000 $, je suis dans le centre. C'est le minimum qu'on devrait imposer
à toute l'entreprise privée. Les travailleurs de l'entreprise
privée contribuent au régime de rentes des employés du
secteur public à part leur impôt, alors qu'on impose donc
rapidement à l'entreprise privée une protection obligatoire,
parce qu'il y a des gens qui jamais ne pourront avoir de régime
supplémentaire de rentes si l'Assemblée nationale du
Québec ne
l'impose pas à l'entreprise privée. La deuxième
formule, c'est un régime supplémentaire avec blocage des
cotisations tant pour l'employé que pour l'employeur.
Troisièmement... excusez-moi si je me réfère
à mes statistiques, je regrette, je voudrais démontrer, vous
montrer que le ministre Lazure a compris, en date du mercredi 14, qu'il fallait
procéder à des changements importants à la retraite
obligatoire dans le sens d'augmenter les prestations et le revenu des personnes
âgées. Le lendemain, le 15, le même ministre disait que le
régime de rentes sera réformé d'ici quatre ans. Il faut
dépasser les intentions et il faut se dépêcher d'imposer
des amendements qui vont améliorer la retraite des personnes
âgées. D'après la réponse des gens que j'ai
consultés sur l'imposition d'un régime supplémentaire de
rentes, 83,1% sont d'accord pour qu'on impose un régime
supplémentaire de rentes avec un maximum allant jusqu'à 70% du
salaire moyen canadien.
J'ai posé une deuxième question en disant: Seriez-vous
d'accord pour que le régime de rentes public soit augmenté et de
combien? Remarquez le sondage auprès des gens que j'ai vus
jusqu'à maintenant. Sur une base de 100%, 48,33% préfèrent
que ce soit augmenté de 100%, 11,66% demandent que ce soit
augmenté de 75%, 31,66% demandent que ce soit augmenté de 50% et
8,33% sont d'accord pour que la rente publique soit augmentée de
25%.
Une troisième question que je pose porte sur La loi imposant un
régime supplémentaire de rentes à toute l'entreprise
privée et administré par l'entreprise privée, parce que si
on veut faire administrer cela par l'État, cela va être un
tollé de l'entreprise privée et on ne pourra pas passer un tel
régime. Je laisserais l'administration à l'entreprise
privée et je pense qu'on a plus de chances que le législateur
l'adopte. Voici la réponse des gens que j'ai rencontrés: 98,33%
sont d'accord pour qu'on impose à l'entreprise privée un
régime supplémentaire de rentes couvrant jusqu'à 70% de
leur salaire, jusqu'à concurrence de 12 600 $.
La troisième question porte sur un régime de rentes
privé, 70% du salaire. D'accord. C'est la question
précédente. À 70%, oui. La réponse, c'est que 91%
sont d'accord pour qu'un régime privé imposé par la
Législature soit en vigueur le plus rapidement possible.
Il y a une autre question. Entre-temps, là, évidemment,
pour celui qui prend sa retraite, sur la pension de vieillesse, le
supplément de revenu garanti, les économies qu'on peut faire par
notre épargne personnelle et un régime supplémentaire de
rentes, s'il en existait dans l'entreprise, la question que je pose est celle
que Mme Lavoie-Roux posait tout à l'heure à M.
Gosselin: Si vous étiez assuré d'un revenu suffisant,
accepteriez-vous de prendre votre retraite ou préféreriez-vous
continuer de travailler? La réponse à cela, moi, je dis que le
revenu minimum que la personne de 65 ans devrait toucher, c'est 70% du salaire
moyen gagné au Canada ou au Québec, soit 12 600 $. C'est 91,66%
qui seraient d'accord à prendre leur retraite s'ils étaient
assurés d'un revenu de 12 600 $ incluant la pension de vieillesse, le
supplément de revenu garanti s'ils y ont droit, les régimes
supplémentaires et des intérêts de revenu sur des
épargnes personnelles. 91,66% seraient d'accord. Vous voyez que
très peu préfèrent continuer à travailler. (18 h
15)
Entre-temps, d'ici à ce que les gens atteignent 70% si demain ou
tantôt on impose un régime supplémentaire, qu'est-ce qui va
compenser pour l'insuffisance? Prenons un exemple: j'ai 4000 $ de pension de
vieillesse, j'ai 1000 $ de supplément, j'ai 1000 $
d'intérêts, ça en fait six; j'ai un fonds de retraite
privé qui m'achète pour 3000 $, je suis rendu à 9000 $.
Entre-temps, je n'ai pas le revenu suffisant pour vivre. Je dis que ça
prend 70% du salaire moyen au Canada ou au Québec. Qu'est-ce qu'il
faudrait pour compenser? Vous allez être surpris, mais 83% seraient
d'accord pour cotiser un supplément sur leur revenu pour constituer un
fonds commun administré par l'État pour compenser les
insuffisances.
Vous me suivrez? Un régime supplémentaire à
l'entreprise privée, ça presse. Mais, entre-temps, pour qu'on ait
un revenu décent pour vivre à 65 ans - et pour moi, c'est 12 600
$, 70% du salaire moyen incluant la pension de vieillesse et les autres revenus
- les insuffisances seraient comblées par un fonds commun où on
déposerait ce qui vient d'Ottawa en supplément de revenu garanti.
Vous savez qu'au cours de la dernière année il est entré
au Québec pour nos personnes de 65 ans et plus, 573 000 000 $. Ces 573
000 000 $ devraient être versés dans la caisse pour couvrir
l'insuffisance, ce qui manque à chacune des personnes qui atteindraient
65 ans. Ce serait pris à même ce fonds commun qui 'serait
administré par l'État à côté du régime
public administré par la Régie des rentes du Québec.
Alors, je vous dis que des solutions au problème, ça urge.
Ce n'est pas seulement des bonnes intentions. En 1967, autour d'une table, des
gens comme vous ont étudié des remèdes, des "patches".
C'était pour une période de dix ans; ça fait quatorze ans
et ça existe encore. Il ne faudrait pas qu'aujourd'hui on dise qu'en
attendant on va faire ça. Il faut rapidement que le ministre responsable
mette des gens au travail pour chercher une formule pour couvrir
l'insuffisance, ce qui manque pour permettre
un revenu décent à ceux qui atteignent 65 ans. C'est
ça qui est important. Il est temps qu'on arrête de frapper aux
portes du bien-être social. Pour moi, l'humiliation a assez duré
et on a assez d'être pauvre toute notre vie sans être
obligé, à l'âge de la retraite à 65 ans, de frapper
aux portes du bien-être social et auprès des fonctionnaires de ces
services pour aller chercher des suppléments. Souvent on se moque de ces
gens-là et on trouve toutes sortes de défauts parce qu'ils n'ont
pas trouvé le moyen d'accumuler certaines réserves pour pouvoir
vivre.
M. le Président, M. le ministre, j'espère que l'on va
dépasser aujourd'hui les bonnes intentions et que l'on va essayer de
trouver une formule permanente, pas une formule temporaire, un fonds commun; et
la deuxième, l'imposition à toute l'entreprise privée d'un
régime supplémentaire de rentes égal à 70% du
salaire moyen canadien, qui est actuellement autour de 18 000 $.
Le Président (Boucher): Merci, M. Dion. M. le
ministre.
M. Lazure: M. le Président, je veux remercier les
dirigeants, les deux collègues de la CSD, saluer mon voisin de la rive
sud de Montréal, M. le président, et souligner l'éloquence
de M. Dion, qui va toujours en s'améliorant.
Je me méfiais un peu quand M. Dion a commencé par me
lancer quelques compliments. D'abord, c'est rare que cela arrive. On les prend,
on est flatté, on est content, mais on se méfie. Effectivement
ça lui a donné le loisir ensuite, avec son franc parler habituel,
de lancer le pot avec les fleurs qui étaient déjà parties,
mais c'est de bonne guerre. Je dois dire au départ que les
réformes que vous êtes en train de proposer à des gens dans
tous les coins du Québec par votre sondage, votre enquête, vos
consultations ne sont pas du chinois pour nous; c'est quelque chose qui est
tout à fait dans la ligne de ce que l'on envisage, mais je vais y
revenir point par point. C'est le commentaire général que je
voulais faire.
Je veux vous remercier, M. le président, pour votre invitation au
mois de novembre et bien sûr que j'accepterai avec plaisir d'assister
à ce colloque. Je pense que c'est en même temps une occasion pour
moi d'inciter non seulement les groupes syndicaux mais patronaux à
organiser ce genre de rencontre. Je pense qu'on a intérêt, nous au
gouvernement, à avoir le plus d'éclairage possible et on a
intérêt à ce que les groupements intéressés
se manifestent le plus possible.
Sur le projet proprement dit, je pense que l'on n'a pas de dispute
importante. Je reviens sur l'article no 4, j'ai eu l'occasion de le dire,
peut-être étiez-vous ici, c'est clarifié, les trois choix
vont être là. Je pense que cela vous satisfait.
L'âge normal de la retraite, le baisser à 60 ans, cela est
une grosse commande, une grosse commande avec des répercussions
économiques. Si vous entendez par là que les régimes
publics devraient s'y ajuster à commencer par le Régime de rentes
du Québec, cela voudrait dire qu'au lieu de commencer à payer
à 65 ans on commencerait à 60 ans; cela veut dire que le
gouvernement fédéral commencerait à payer les pensions de
vieillesse à 60 ans au lieu de 65 ans. Cela ce serait
véritablement une mesure, contrairement à celle que l'on
présente aujourd'hui, qui aurait d'énormes répercussions
économiques.
D'autre part, je vais continuer à réagir au propos de M.
Hétu, propos du président. On vous a écouté bien
attentivement lorsque vous avez décrit plusieurs formes de
discrimination, qui, dites-vous, pourraient commencer à se manifester.
Entre vous et moi, elles ont déjà commencé à se
manifester. L'adoption d'un projet de loi comme celui-ci, en soi, ne va pas les
provoquer plus qu'auparavant; je ne crois pas. De toute façon, ce sont
des choses qu'il faut continuer de surveiller, mais ce n'est pas parce qu'il y
aurait même une accentuation de ces formes déguisées de
discrimination, que vous avez si bien décrite, ce n'est pas parce que la
loi pourrait amener quelques-uns de ces abus à se manifester encore
plus, qu'il faut nous empêcher d'abolir l'autre discrimination qui est
clairement identifiée, celle de l'âge obligatoire. Alors
j'interprète vos commentaires comme une espèce de mise en garde.
Au fur et à mesure que les lois vont permettre aux personnes de
continuer à travailler plus avancé en âge, c'est sûr
qu'il faudra surveiller la partie patronale pour ne pas qu'on recoure de
façon indirecte à des discriminations qui équivaudraient,
au fond, à maintenir l'âge obligatoire de la retraite.
Je répète que, pour nous, il est clair que le fardeau de
la preuve, dans les cas où il y aurait, dans la tête de
l'employé, un soupçon qu'il a été mis à pied
à cause de son âge, va incomber à l'employeur. C'est
clair.
Cela m'amène à deux ou trois points fondamentaux qui ont
été développés, en particulier, par M. Dion. C'est
bien sûr que ce projet-ci n'est rien qu'une facette, je dirais
même, mineure, de toutes les réformes qu'il faut faire. On est
d'accord là-dessus. Ce que je dis touche certains travailleurs dont vous
parliez, M. Hétu: les mineurs, les travailleurs de fonderie.
Dans une deuxième étape, on va donner suite à notre
engagement électoral de permettre aux gens de soixante ans et plus, qui
ont vingt-cinq pour cent d'incapacité, soit à cause d'un accident
du travail, d'une maladie professionnelle, de se retirer tout en touchant cent
pour cent de la prestation
d'invalidité et non pas vingt-cinq pour cent. Alors, c'est un
exemple de réforme qui va être apportée dans le sens
inverse de ce que l'on veut faire aujourd'hui. Aujourd'hui, on veut permettre
aux gens qui le veulent de continuer à travailler, mais dans la
deuxième étape, on va plutôt favoriser la retraite
anticipée à ceux et celles qui voudront bien y recourir.
Dans l'amélioration globale des revenus des pensionnés, il
y a deux fronts principaux d'attaque. Il y a le Régime de rentes du
Québec, le régime public et les régimes privés.
Commençons par les régimes privés. Je répète
encore une fois, dans une troisième étape, que nous avons
l'intention de nous attaquer à cela. Nous avons l'intention de bonifier
le Régime de rentes du Québec. Vous avez raison, M. Dion, de dire
qu'il est grand temps de le faire; mais vous savez aussi, M. Dion, que nous
aurons à faire des concordances avec le régime de rentes du
Canada et, par conséquent, des négociations avec le gouvernement
fédéral et les provinces. Certaines provinces et le
fédéral, lui-même, c'est une des raisons du retard que nous
accusons, avaient mis sur pied des commissions d'enquête. L'Ontario, par
exemple, a mis sur pied une commission royale d'enquête et c'est elle qui
a suggéré au gouvernement de l'Ontario d'imposer des
régimes supplémentaires de rentes. Le gouvernement lui-même
ne s'est pas encore prononcé. Nous savions que plusieurs provinces et le
fédéral avaient des enquêtes en cours. D'ailleurs, le
Nouveau-Brunswick en a une qui n'est pas tout à fait finie encore. Nous
avions convenu, même si cela accusait un retard pour le Québec par
rapport à COFIRENTES, parce que là nous avons été
un peu en avant des autres provinces en sortant en 1977 le rapport
COFIRENTES... Mais nous sommes prêts à améliorer le
Régime de rentes du Québec. (18 h 30)
Est-ce que le gouvernement du Québec doit compter sur l'un aux
dépens de l'autre? Il faut compter sur les deux. Vous nous dites bien
précisément: Rendez donc obligatoire dans chaque entreprise un
régime supplémentaire de retraite. Au fond, c'est la proposition
de la commission royale d'enquête en Ontario.
On ne vous dit pas non à cela. D'autre part, vous vous rendez
compte que c'est aussi une commande d'importance parce que, en même
temps, vous nous dites aussi: Doublez les cotisations des employeurs et des
employés au RRQ, au Régime de rentes du Québec. Donc
là, vous dites en somme à l'employeur qui n'a pas du tout de
régime supplémentaire de retraite: D'un coup, vous allez devoir
non seulement doubler votre cotisation au RRQ, au régime public, mais
vous allez devoir commencer à donner une cotisation à un
régime supplémentaire de rentes. Je ne suis pas en
désaccord avec vous. Mais il s'agira de voir ce qui est possible et ce
que les employeurs peuvent absorber comme coût.
Chose certaine, c'est qu'on veut modifier des règles du jeu. Je
le répète une dernière fois au cours de cette commission,
parce que c'est important. Vous avez fait allusion aux changements qu'on a
apportés. Par une modification, en 1977-1978, nous avons maintenant au
moins rendu obligatoire le rapport une fois par année de l'employeur,
vis-à-vis de son employé, quant à l'utilisation des fonds.
Mais, il faut aller plus loin que cela. Vous avez raison de dire qu'il faut
changer ce qu'on appelle dans le jargon les règles de l'acquisition. La
règle de 45 ans d'âge et de 10 ans de service, à notre
avis, cela doit être modifié, c'est beaucoup trop
sévère. La plupart des pays européens n'ont pas une
règle aussi sévère que cela. Ce que l'on retrouve
communément, c'est 30 ans d'âge et 3 ans de service, ou parfois
même 2 ans de service.
Il faut faire en sorte que l'employé ne parte pas avec sa part.
Il faut geler cette immobilisation-là. On s'entend là-dessus.
Mais, pour cela, il va falloir aussi que les règles d'investissement des
fonds soient changées. Il faut que l'employé puisse avoir une
voix paritaire avec l'employeur pour décider des investissements de ces
fonds qui deviennent des fonds énormes, surtout si on veut bonifier ces
régimes supplémentaires de retraite.
Donc, là-dessus, on s'entend, sauf peut-être pour la partie
obligation imposée d'un régime supplémentaire à
tous les employeurs. Chose certaine, c'est que nous, on pense que, comme le
ministre fédéral de la Santé l'a dit encore publiquement
il n'y a pas longtemps, les employeurs au Québec et au Canada se sont
traînés les pieds trop longtemps et devraient mettre sur pied de
tels régimes.
Pour ce qui est du régime public, je suis content de voir, mais
cela ne me surprend pas, que votre sondage indique que la vaste majorité
des travailleurs et des travailleuses est prête à cotiser plus
pour se préparer une retraite qui est plus décente. Et, j'ai
cette conviction moi aussi. Alors, je pense que c'est devant cette conviction
que notre intention d'augmenter le tarif, autant pour l'employé que
l'employeur, cette intention-là, il va falloir qu'elle se
concrétise et on va le faire le plus rapidement possible. On travaille
très fort là-dessus et il est dans nos plans de procéder
dans un avenir pas trop lointain.
Maintenant, je vous pose la question, M. Dion. Vous dites, quand vous
faisiez vos calculs, vous disiez qu'il manquait 4000 $ ou 5000 $ pour atteindre
ce que vous établissez, vous, comme nouveau seuil de pauvreté.
C'est à peu près 12 000 $?
M. Dion: 12 600 $.
M. Lazure: 12 600 $, je vous ferai remarquer que c'est pas mal
plus haut que les seuils de pauvreté qu'on retient habituellement. Pas
juste notre gouvernement, mais la plupart des gouvernements. Alors, la
vérité se situe probablement entre les deux. Cette nouvelle
caisse que vous proposez, à côté du RRQ, je ne comprends
pas pourquoi cela ne serait pas imbriqué, cela ne serait pas
associé au Régime de rentes du Québec. Est-ce que vous
pouvez m'expliquer un peu plus en détail pourquoi vous jugez
nécessaire de créer un nouveau fonds public qui serait à
côté du RRQ?
M. Dion: Je dis qu'on a tous des responsabilités à
différents niveaux. Si on impose une cotisation aux employés, aux
employeurs, aux gouvernements pour un fonds commun destiné à
pallier la situation, en attendant que le régime supplémentaire
qu'on pourrait imposer à l'entreprise privée atteigne sa
maturité, il faut mettre d'autres dollars de côté. Vous
dites: On va les mettre à la Régie des rentes. Vous savez ce que
c'est: Quand la charge est trop forte sur un même plan, la critique est
plus forte.
Moi, je dis qu'il y ait un régime public, d'accord; un
régime privé obligatoire, oui, en attendant un fonds commun qui
sera appelé à disparaître. C'est pour pallier les
insuffisances.
M. Lazure: Juste pour voir si j'ai bien compris, ce serait un
fonds commun qui serait constitué de cotisations de l'employeur et de
l'employé.
M. Dion: Oui, un tiers-deux tiers; un tiers de
l'employé...
M. Lazure: Bon, et cela serait administré par une
administration publique.
M. Dion: Plus les 573 000 000 $ qu'on va chercher à Ottawa
en supplément de revenu garanti. Pourquoi ne ramènerait-on pas
cela ici?
M. Lazure: Au fond, c'est cela. Vous voulez
déplacer...
M. Dion: Dans ce temps-ci, cela négocie bien!
M. Lazure: On est bien d'accord pour déplacer des choses
administrées par le gouvernement fédéral, surtout dans le
domaine des rentes où ce sont les provinces qui ont la primauté
législative. Je ne l'ai pas encore dit assez souvent, M. le
Président, lors de cette commission.
Mme Lavoie-Roux: C'est la troisième fois, au moins!
M. Lazure: Oui, mais c'est ma dernière chance de le dire
aujourd'hui. La primauté législative, en matière de
régime de rentes, appartient aux provinces.
Mme Lavoie-Roux: Vous l'avez dit moins souvent que vous n'avez
cité le Conference Board.
M. Lazure: Oui, le Conference Board... Je comprends mieux votre
projet, au fond, de rapatrier d'Ottawa ces 573 000 000 $ et d'y ajouter des
cotisations employeur-employé. Bon.
M. Dion: Un tiers-deux tiers. Dans cette
proportion-là.
M. Lazure: Évidemment, on compterait sur votre appui pour
négocier le rapatriement des 573 000 000 $ par année.
M. Dion: C'est cela.
M. Lazure: Merci! Sérieusement, on aurait l'appui de
l'Opposition aussi, évidemment!
Mme Lavoie-Roux: Ah, oui! Surtout quand vous serez rendu
député péquiste au fédéral, vous pourrez
faire des pressions!
M. Lazure: Ah! Ah! Ah! Pourquoi pas! Dans le fond, quelle que
soit la modalité... C'est un élément nouveau. La CSD est
le premier groupement qui nous conseille, par cette proposition bien
concrète, de reprendre cette lutte avec le gouvernement
fédéral pour qu'on assume pleinement la juridiction en
matière de régime de rentes. Je prends bonne note de cela. Mais
on veut être réaliste, je ne pense pas que ce rapatriement puisse
se faire dans un avenir très prochain. À ce moment-là, je
reviens à ma question: Est-ce que, comme alternative, on ne peut pas
songer à utiliser l'administration du Régime de rentes, qui est
une bonne administration, qui a beaucoup de crédibilité"? Je vous
pose la question.
M. Dion: On n'aurait pas d'objection, M. le ministre, pour autant
qu'on soit assuré que les revenus entrent. On n'aurait pas d'objection
à cela.
M. Lazure: Bon. Il y aurait beaucoup de choses à dire,
mais sur l'essentiel j'apprécie beaucoup ce mémoire de la
Centrale des syndicats démocratiques. Nous avons, au fond, les
mêmes objectifs. Je pense que les dirigeants de la centrale nous ont fait
un plaidoyer éloquent sur l'urgence d'améliorer les revenus des
pensionnés. C'est ce à quoi
le gouvernement veut s'attaquer en priorité. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre.
Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: À mon tour, je veux remercier les
représentants de la Centrale des syndicats démocratiques qui sont
venus se faire entendre devant nous aujourd'hui. Je ne reprendrai pas tous les
points que le ministre a soulignés et qui découlent, en grande
partie, de représentations que M. Dion a faites. Sauf que je pense que
le pot était bien mérité, les fleurs ayant
été mises de côté.
Non, écoutez, vous, vous voulez finir en beauté, parce
qu'il reste que c'est depuis 1977 que le gouvernement a le rapport COFIRENTES
et c'est vrai qu'il ne s'est pas bougé les pieds et il y avait dedans
des recommandations très précises telles qu'on ne se retrouverait
peut-être pas aujourd'hui avec les deux tiers de la population
âgée qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté.
Je pense - on en a discuté beaucoup à cette table, je ne
veux pas me répéter - que l'abolition de l'âge de la
retraite, c'est une chose, mais cela ne règle en rien toute la question
de la sécurité du revenu pour les personnes âgées.
Ce que j'apprécie, dans ce que vous avez fait, même si je dois
vous dire que vous allez peut-être publier quelque chose, ou vous allez
avoir votre congrès, c'est que vous avez invité aussi
l'Opposition apparemment. Je l'apprécie, il reste que je trouve quand
même un peu plus imaginatif que vous veniez avec des ébauches, des
solutions que vous seriez prêts à ébaucher avec le
gouvernement ou avec d'autres. Je pense que cela est excellent.
Ce problème de la pauvreté est considérable. On
pourrait peut-être demain injecter tant de millions ou de milliards de
plus et on serait peut-être encore vis-à-vis d'un problème
de pauvreté. On ne serait peut-être plus sous le seuil de la
pauvreté par rapport aux normes du Diet Dispensary de Montréal,
mais on serait peut-être en dessous du seuil de pauvreté par
rapport aux normes du Sénat canadien, parce que je pense qu'il y a un
décalage entre les deux pour ne nommer que ceux-ci. Je trouve cela
intéressant et j'espère qu'on aura l'occasion de pouvoir en
discuter plus à fond. Ces questions sont quand même complexes.
Il y a juste une question que je voudrais poser à M. Hétu.
C'est au sujet de la difficulté, je pense, que vous éprouvez
à prouver la discrimination soit dans l'embauche, le
congédiement, mais particulièrement dans le congédiement.
Je pense que c'est surtout là que le bât blesse. À l'heure
actuelle, des griefs comme ceux-là, est-ce que
généralement vous les gagnez?
Qu'est-ce qui est mis en preuve? Je ne suis pas familière avec
ça mais ça m'intéresse, parce que c'est une notion qui est
revenue souvent avec d'autres groupes et qui peut revenir davantage avec le
recul de l'âge de la retraite. À ce moment, on serait plus
près à utiliser cet élément de discrimination que
peut-être d'autres qu'on a utilisés dans le passé: la
mauvaise vision, qui pouvait être vraie ou pas vraie, etc.
M. Hétu: Disons qu'au départ le pas vraiment
positif qui va être fait, si jamais on adopte le projet de loi no 15,
cela va être d'éliminer la discrimination qu'on peut appeler
formelle quant à l'âge et aux années de service. C'est
vraiment un pas précis. Dans le passé, on a perdu des griefs de
façon claire, nette, parce que c'étaient des politiques
inhérentes à l'entreprise, n'est-ce pas? Avec une disposition
aussi claire que celle qui est proposée quant au recours, il y a
l'objectif qui est visé, là-dessus, c'est évident. Quant
à l'avenir, je ne pense pas qu'on puisse perdre des cas. C'est vraiment
positif. Cependant, on sait par expérience -on l'a vu ce matin d'une
manière indirecte -qu'il va se produire - et c'est évident - des
formes concrètes de discrimination. On a parlé, par exemple, face
à la productivité, des quotas de production; il est
évident qu'on va jouer sur cet élément. C'est pourquoi il
va falloir qu'à l'avenir on suive cela de très près et
qu'on apporte des correctifs dans le cadre de la Loi sur les normes du
travail.
Il est même prévu, par exemple, dans la loi, concernant les
systèmes de rémunération au rendement... c'est drôle
à dire, mais il y a des travailleurs qui ont 60 ans et qui travaillent
encore avec des systèmes de rémunération au rendement,
vous savez. Alors, si j'avance en âge, il va être beaucoup plus
difficile d'atteindre ce qu'on appelle dans le jargon les quotas de production
fixés par la rémunération au rendement et cela deviendra
un motif de congédiement. (18 h 30)
On n'évoquera pas l'âge, on va évoquer le fait que
le travailleur n'est pas capable de produire selon les exigences de
l'entreprise, tout comme on pourrait évoquer d'autres motifs
inhérents au vieillissement, mais on n'utilisera pas la question
d'âge. On va tout simplement soulever que ce travailleur n'est pas
capable de satisfaire aux exigences normales de la tâche et ça va
être difficile à démontrer au niveau des arbitrages,
à moins qu'il n'y ait des dispositions spécifiques qui
protègent les travailleurs, ceux qui sont syndiqués, d'une part,
parce que c'est ceux-là qui sont protégés par des
conventions collectives, mais il y a les autres, et ils sont nombreux, ceux qui
ne sont pas syndiqués et qui seront victimes de ces discriminations qui
n'auront
pas trait à l'âge du tout. Elles auront trait à leur
incapacité tout simplement physique, mentale ou tout simplement à
leur manque de capacités. On va leur dire: Vous ne pouvez pas satisfaire
aux exigences normales de travail. Il n'y aura pas de possibilité de les
protéger en vertu de la Loi sur les normes du travail telle qu'elle
existe actuellement. Il faut être attentif à cela et, dans toute
la législation du travail, y compris la Loi sur la santé et la
sécurité du travail, y compris aussi la Loi sur les normes du
travail et les autres, il va falloir qu'on apporte les modifications
nécessaires pour permettre aux gens de travailler selon leurs
capacités.
En d'autres termes, il faudra adapter le travail aux hommes et aux
femmes. Actuellement, qu'on le veuille ou non, avec les modèles
d'organisation qui existent dans l'entreprise, ce sont les travailleurs et les
travailleuses qui doivent s'adapter au régime et au mode de production.
Si on n'est pas adapté à cela, on a des problèmes
pratiques et c'est le congédiement, pour cause. C'est cela qui est
subtil. On apporte un raisonnement par analogie dans notre mémoire en
parlant du congédiement pour activités syndicales. Aujourd'hui,
les patrons ont découvert - ils sont rares maintenant ceux qui vont
congédier spécifiquement un travailleur pour activités
syndicales d'autres motifs sous le couvert de cause juste et suffisante. On va
évoquer toutes sortes de motifs. Déjà, les employeurs
où il y a un syndicat sont expérimentés. Ils vont utiliser
par analogie, bien sûr, les mêmes procédés non pas
pour se débarrasser - c'est un terme grossier, une caricature - mais
pour donner congé tout simplement aux travailleurs qui prennent de
l'âge et qui auraient pu et qui devraient continuer parce qu'ils ont un
manque à gagner à satisfaire.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, M. Hétu. Mon
collègue de Nelligan aurait quelques questions à vous poser.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Tout d'abord, je voudrais vous offrir nos
félicitations pour votre mémoire. Je pense que, comme dernier
mémoire, cela a été très symbolique. Cela a sans
doute été pour moi le plus intéressant que j'ai entendu
ici.
M. Hétu, à titre d'information, vous avez parlé de
certaines industries, par exemple, l'industrie de l'amiante, les fonderies et
l'industrie du textile, où il y a justement ce grand problème de
l'incapacité prématurée due à des maladies du
travail. Dans ces industries, y a-t-il un programme maintenant, une assurance
pour incapacité quand les gens ne peuvent plus fournir le travail pour
lequel ils ont des compétences techniques ou professionnelles et qui
serait une mesure intérimaire de revenu en attendant l'âge de la
retraite obligatoire? Y a-t-il quelque chose dans ce sens?
M. Hétu: Dans le textile, le vêtement et la
chaussure, lorsque des travailleurs sont licenciés à la suite
d'une modernisation, on peut accéder, selon un certain nombre de
conditions qu'il faut satisfaire, par exemple, 20 ans d'ancienneté dans
l'entreprise et avoir 54 ans, à un régime de préretraite,
qu'on appelle, à compter de l'âge de 54 ans. Ensuite, au niveau
des incapacités dues à des maladies professionnelles, bien
sûr, il y a la Loi sur les accidents du travail actuellement qui couvre
un certain nombre de maladies professionnelles reconnues, par exemple, dans
l'amiante. Mais le problème qui se pose par rapport aux travailleurs de
l'amiante, c'est que, constatant que bon nombre actuellement de travailleurs
qui sont à l'emploi - près de 200 travailleurs, 190 environ - ont
pris leur retraite d'une manière prématurée grâce
à la loi 52 et constatant aussi que la maladie de l'amiantose est
évolutive à mesure qu'ils prennent de l'âge, d'autres
travailleurs disent: Nous autres, on ne veut plus continuer à travailler
jusqu'à 60 et 65 ans. On voudrait que la retraite soit à 55
ans.
À notre grande surprise, dans le projet de loi sur le fonds
minier - évidemment, il n'est pas prévu qu'il s'applique aux
travailleurs de l'amiante - on a vu que l'âge de la retraite obligatoire
qui y était fixé était 65 ans. Nous, on se dit qu'il
faudrait, pour les travailleurs miniers, qu'elle soit à 55 ans parce
qu'il est prévu un fonds d'indemnité, d'aide, etc. Pour d'autres
types de travailleurs, je pense que le ministre a répondu tantôt
quand il a dit qu'éventuellement... Est-ce que je me trompe? vous
référez au nouveau projet de loi sur la réparation des
lésions professionnellles quand vous parlez de... Précisez.
M. Lazure: Non, je parlais d'un autre projet de loi qui va suivre
comme deuxième étape. Un projet de loi qui va toucher surtout la
retraite anticipée et la retraite anticipée chez des travailleurs
qui souffrent d'une invalidité de 25%, indépendamment des
réformes au régime de compensation.
M. Lincoln: Pourrais-je poser deux questions à M. Dion,
s'il vous plaît? La première question, vous avez parlé
d'une suggestion d'un salaire minimum de 18 000 $ qui donnerait une pension de
12 600 $, je pense, 70%. Est-ce que vous parlez de ça
indépendamment des bénéfices supplémentaires, tels
que pension de vieillesse, etc., ou bien est-ce que vous dites 12 600 $
intégralement?
M. Dion: Intégralement.
M. Lincoln: Intégralement. C'est-à-dire que
ça inclurait tous les bénéfices
supplémentaires.
La deuxième question, puisque vous avez l'air d'avoir pas mal de
statistiques sur vos membres, etc., est-ce que vous savez combien de vos
membres vont prendre leur retraite avec des revenus adéquats selon vous,
bien au-dessus du seuil de la pauvreté? Je concède que ce n'est
pas 2600 $ mais disons que ce soit plus de 4000 $, plus que le seuil de la
pauvreté. Est-ce que vous avez des statistiques? Seconde partie de cette
question, est-ce que vous savez combien de membres de votre syndicat seront
obligés de continuer à travailler après 65 ans parce
qu'ils n'auront pas assez de revenus? Est-ce que vous avez fait des recherches
là-dessus?
M. Dion: Quatre sur cinq sont dans l'insuffisance et
préféreraient arrêter de travailler mais, parce qu'ils sont
dans l'insuffisance, ils seront probablement forcés de travailler ou
d'essayer de travailler jusqu'à ce que l'employeur ne les endure
plus.
M. Lincoln: Voici pourquoi on vous demande ça. C'est parce
qu'il y a des statistiques américaines qui ont été
citées; on place ce nombre de gens au-dessus de 65 ans à
peut-être une toute petite proportion de 2%, maximum 4%. Quand vous dites
4 sur 5, ça représente combien de personnes si elles avaient
à continuer à travailler au-dessus de 65 ans?
M. Dion: C'est les 4/5 des retraités, il y en a environ
500 000 actuellement au Québec. Il y a 569 882 retraités au
Québec et 55,93% ont un revenu de 79,37 $ pour vivre.
M. Lincoln: Peut-être que je me suis mal exprimé. Ce
que je vous demandais, c'est parmi les membres de votre centrale qui sont au
travail maintenant. Ceux qui normalement auraient été
obligés de prendre leur retraite à 65 ans parce que c'est comme
ça que c'est prévu. Maintenant, avec la loi flexible, la loi qui
abolit l'obligation de se retirer à 65 ans, ils vont continuer à
travailler. Combien sont obligés? II y en a qui sont obligés de
continuer à travailler à cause du manque de revenu. Est-ce que
vous avez fait des recherches, des statistiques, présenté des
questionnaires à vos membres pour savoir combien profiteraient de cette
loi parce qu'ils sont obligés?
M. Dion: J'ai la conviction que plusieurs malgré ça
vont se priver de travailler et vont accepter de souffrir un peu, mais il
devrait y en avoir quatre sur cinq, parce qu'ils ont une insuffisance de
revenus, qui seraient obligés de travailler pour atteindre les 12 600
$.
M. Lincoln: Merci.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
Fin des auditions
M. Lazure: M. le Président, permettez-moi quelques brefs
commentaires pour clôturer cette commission parlementaire. Je veux
d'abord remercier les membres de la commission, du côté
ministériel aussi bien que du côté de l'Opposition, pour
leur collaboration, remercier aussi la présidence, remercier les
groupes, les individus qui sont venus participer et les individus,
au-delà de 500, qui nous ont envoyé des lettres.
Je veux souligner encore une fois qu'il s'agit d'une première
étape dans une réforme importante visant à
améliorer les revenus des retraités, souligner l'éclairage
utile que nous avons reçu durant cette commission parlementaire qui va
nous permettre d'apporter des modifications au projet de loi. Deux exemples de
ces modifications que nous envisageons: une implantation graduelle de cette
nouvelle loi aussi bien qu'une possibilité d'exemption pour un certain
nombre de groupes.
Finalement, M. le Président, cette loi donne un droit nouveau aux
individus. C'est là essentiellement l'objectif de la loi. C'est une loi
qui enlève une discrimination et, tout en accordant un droit nouveau, va
permettre aussi à un certain nombre de personnes, dont parlait M. Dion
tantôt, qui sont sous le seuil de la pauvreté et qui ont les
capacités de continuer à travailler de le faire et, par
conséquent, de maintenir un revenu décent pendant au moins
quelques années additionnelles.
Enfin, à part le revenu économique que cela va apporter
à un certain nombre de personnes qui vont vouloir profiter de cette
nouvelle loi, cela va aussi apporter un bien-être psychologique qui n'est
pas négligeable, cela va apporter un sentiment de sécurité
psychosociale chez l'individu qui pourra planifier selon son état de
santé, selon ses capacités, de façon plus personnelle, le
moment où il voudra prendre sa retraite. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci M. le ministre.
Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais également remercier tous les
groupes qui se sont présentés, ils nous ont fait la
démonstration que la commission parlementaire était loin
d'être superflue et
que plusieurs réticences que nous avions exprimées au
moment du discours de deuxième lecture se sont avérées
exactes.
J'apprécie le fait que le ministre, je pense qu'il n'a pas le
choix...
M. Lazure: ... parce que je n'ai pas le choix.
Mme Lavoie-Roux: ... animé de sa fougue habituelle, a
décidé en cours de route de réfléchir et de voir
les conséquences plus avant; il reviendra fort probablement avec un
autre projet de loi.
Le ministre soulignait que compte tenu de la pauvreté d'un grand
nombre de personnes âgées, ce projet de loi va peut-être
permettre de soulager leur pauvreté et de leur apporter sur le plan
économique un certain bien-être.
L'on repart du tout début. La raison principale pour laquelle on
a voté en deuxième lecture pour le principe de la loi, ce qui
m'apparaît le plus important, c'est l'élimination de la
discrimination selon l'âge qui est contenu dans ce projet de loi. Si cet
élément économique dont parle le ministre n'est pas
désirable, les gens vont opter pour continuer de travailler s'ils le
désirent uniquement pour une raison économique. Comme
société, on n'aura pas donné à nos personnes
âgées les revenus dont normalement elles devraient pouvoir jouir
lorsque arrive l'âge de la retraite. C'est dans ce sens-là que
deux de mes collègues lors du discours de deuxième lecture
avaient dit: On ne peut pas parler d'un véritable choix de travailler ou
de ne pas travailler, c'est un choix fictif, lorsque l'on travaille par
nécessité économique rendu à 65 ans et plus.
Ce qu'il ne faut surtout pas oublier, c'est que ceux qui vont s'en
prévaloir pour un objectif économique en vue d'augmenter leurs
revenus, ce sont les personnes qui se seront le plus usées au travail,
les gens à plus bas revenu, ce sont les gens qui auront occupé
toute leur vie des emplois qui, sur le plan physique, sont difficiles et qui
peut-être seraient les premiers qui devraient vouloir et pouvoir jouir
d'une retraite même d'une retraite anticipée. (19 heures)
Alors, on n'est qu'au début du travail dans tout ce domaine de la
sécurité du revenu pour les personnes du troisième
âge, des régimes de retraite, etc. Tout ce dont nous pouvons
assurer le public, c'est que nous allons sans répit harceler le
gouvernement pour qu'il mette à exécution ses promesses touchant
la sécurité du revenu pour les personnes âgées.
Alors, je vous remercie, M. le Président, et je pense que cela a
été...
Le Président (M. Boucher): Merci, Mme la
députée. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie
les représentants de la Centrale des syndicats démocratiques pour
la présentation de leur mémoire.
Je demanderais au rapporteur de cette commission de faire rapport
à l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais.
La commission des affaires sociales ajourne ses débats sine
die.
(Fin de la séance à 19 h 01)