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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Friday, November 9, 1984 - Vol. 28 N° 1

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Interpellation : L'insuffisance et l'inefficacité du programme de relance économique du gouvernement péquiste


Journal des débats

 

(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration se réunit avec le mandat suivant: Procéder à l'interpellation du député de Notre-Dame-de-Grâce au ministre des Finances sur le sujet suivant: l'insuffisance et l'inefficacité du programme de relance économique du gouvernement péquiste.

M. le secrétaire est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Sirros (Laurier) remplace M. Caron (Verdun). Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le secrétaire.

Je rappelle la façon de procéder. Cet ordre des interventions que je vais vous rappeler a été convenu lors d'une rencontre des leaders des deux groupes parlementaires.

Dans un premier temps, le député qui a donné l'avis d'interpellation, soit lé député de Notre-Dame-de-Grâce va intervenir pendant les dix premières minutes. Par la suite le ministre des Finances va intervenir pendant dix minutes également. Ensuite, il y aura alternance dans les interventions de la façon suivante - ce sont des périodes de cinq minutes. Ce sera d'abord un député de l'Opposition, le ministre qui lui répondra. Un député ministériel, un député de l'Opposition, le ministre, un député ministériel, un député de l'Opposition et le ministre ainsi de suite jusqu'à ce qu'il reste finalement vingt minutes pour la période de deux heures que nous entreprenons. Lorsqu'il restera vingt minutes, le ministre des Finances pourra prendre la parole pendant dix minutes et finalement le député de Notre-Dame-de-Grâce pendant les dix dernières minutes de l'interpellation.

La parole est au député de Notre-Dame-de-Grâce.

Exposé du sujet M. Reed Scowen

M. Scowen: Merci, M. le Président. Cela fait un an que le plan de relance du gouvernement péquiste a été annoncé; cela fera un an la semaine prochaine. Nous avons trouvé propice aujourd'hui d'essayer de faire une analyse de la réalisation de ce plan depuis un an. C'est plus intéressant que jamais parce que maintenant, on connaît le nom de la personne qui a conçu ce plan de relance, le ministre des Finances et cela nous fait bien plaisir qu'il soit ici aujourd'hui pour répondre aux questions sur ce plan.

Je remarque que M. Parizeau est accompagné de dix fonctionnaires et un seul député de l'autre côté et j'imagine qu'il sera bien renseigné.

L'objectif du plan de relance était double: la création d'emplois à court terme et à moyen terme. C'est trop tôt pour savoir si le deuxième objectif sera réalisé, mais après douze mois on peut certainement parler du premier.

Je veux mettre l'accent sur l'emploi. Aujourd'hui, ce n'est pas la journée pour parler du PIB, des investissements et du taux de chômage, des affaires qui touchent indirectement et à long terme l'emploi, mais pour parler de l'emploi parce que c'est l'emploi que le premier ministre lui-même établit comme l'objectif prioritaire à court et à moyen terme.

Dans les premières dix minutes je veux mentionner deux aspects. Le premier: Quelle est la situation de l'emploi un an après le plan de relance? Effectivement, les chiffres démontrent que ce n'est pas fort. Il n'y a pas un seul nouvel emploi de créé au Québec depuis le plan de relance. Pas un seul. Nous avons assisté à un rattrapage de quelque 57 000 emplois perdus pendant la crise. On peut dire ce matin que c'est 58 000 parce qu'il y a eu effectivement 1000 emplois de créés au mois d'octobre, ce qui a été annoncé ce matin. Dans ces 57 000 emplois récupérés depuis le début du plan de relance, pas moins de 39 000 l'ont été dans le domaine du commerce en détail, secteur que le plan de relance n'avait aucunement visé. Il y a eu 14 000 autres emplois de récupérés, si vous voulez, dans les services de santé et dans les hôpitaux et 6000 autres emplois dans le secteur de l'enseignement.

Effectivement, la grande majorité des emplois récupérés - je répète qu'il n'y a pas eu un seul emploi nouveau de créé - l'ont été dans des secteurs qui n'étaient pas du tout visés par le plan de relance. Dans le domaine de l'agriculture, pas un seul nouvel emploi. Dans le domaine de la forêt, il y a 7000 personnes de moins au travail qu'il y a un an. Dans le secteur manufacturier, il y en

a à peine 4000.

Avant de passer maintenant au deuxième aspect, je veux seulement souligner un autre élément sur le plan de l'emploi. M. le Président, on se trouve aujourd'hui, un an après le plan de relance, toujours à un niveau, en ce qui concerne le nombre d'emplois au Québec, inférieur à celui qu'on avait au début de la crise économique en 1981. On est presque rendu au chiffre qu'on avait quand le Parti québécois a été élu en 1981. Pourquoi? Cela a été très bien dit en résumé par M. Claude Masson, éditorialiste du Soleil, le 14 novembre, il y a un an. Il disait que le plan était une opération rattrapage plus qu'une opération renouveau, une opération vieillissement davantage qu'une opération rajeunissement, une opération improvisation davantage qu'une opération planification; une opération sectorielle plus qu'une opération d'ensemble. Tout ce qu'il aurait pu dire de plus, c'est que c'était une opération de publicité plus qu'une activité de fond.

Pendant les dernières minutes de mon discours - il me reste deux ou trois minutes, j'imagine...

Le Président (M. Lachance): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous aviez dix minutes au début, donc il vous reste encore la moitié de votre temps.

M. Scowen: Je veux parler de cet aspect publicité. Dans ce plan, nous sommes devant une série de mesures qui sont essentiellement le ménage, la maintenance, la rénovation, le rattrapage, des choses qu'on attend de n'importe quel gouvernement dans le cours de son mandat. Ce n'est pas avec un plan de relance qu'on justifie qu'on plante des arbres pour remplacer ceux qui ont été coupés. Ce n'est pas par l'entremise d'un plan de relance qu'on justifie, si vous voulez, de subventionner les compagnies qui ont besoin d'une aide financière ou de rénover les logements vétustes dans un centre-ville. Ce sont des choses qu'on attend de n'importe quel gouvernement dans le cours de son administration.

Je veux donner au ministre un exemple que je trouve flagrant, qui est typique ou symbolique, si vous voulez, de cette publicité autour d'une série d'activités qui, normalement, doivent être faites même sans communiqué de presse. Vous avez ici une photo de l'édifice H, qui est à peine à cent mètres d'ici. C'est un édifice du gouvernement du Québec bien connu, sur la Grande-Allée. Je le vois ici, c'est beau. Devant cet édifice, aujourd'hui, vous pouvez trouver ce panneau-réclame qui dit effectivement qu'ils sont en train, dans cet édifice, de rénover la fournaise, de rénover le système de chaleur dans le propre édifice du gouvernement. Ce panneau est érigé avec la déclaration que le gouvernement a fait une contribution à ce projet de 200 000 $ et que ce projet avait créé dix emplois.

Et c'est à l'intérieur du plan de relance: Immobilisation des ministères: 2, 3. C'était dans la liste de M. Lévesque quand il a annoncé le programme. C'est une contribution du gouvernement à lui-même. Il décide de rénover la fournaise et il fait un panneau-réclame pour dire qu'il va investir 200 000 $ pour sa propre fournaise. Il dit qu'il va créer dix emplois. Est-ce que ce sont dix emplois permanents pour administrer le nouveau compresseur, le récupérateur, ou si ce sont dix emplois temporaires qu'on créera pour quelques semaines, durant la période où on procède au changement?

Nous avons l'impression que si ce sont dix emplois permanents, des gens qui vont rester au sous-sol de l'édifice en permanence pour administrer cette affaire, ce n'est pas très fort comme plan de relance. Si ce sont seulement dix emplois temporaires, c'est de la publicité frauduleuse.

On le dit, M. le Président, parce que ces panneaux-réclame se trouvent partout au Québec. C'est le symbole, quant à nous, que l'idée du plan de relance Parizeau n'a pour effet que de créer, dans l'esprit des gens, un espoir qui n'est pas réalisable et les chiffres le démontrent. Je pose cette seule question très précise au ministre des Finances ce matin, la suivante: Ces dix emplois demeureront-ils permanents après que ce projet de rénovation sera terminé? Sinon, quelle sorte d'emplois seront-ils? Trouve-t-il que ce genre de projet est vraiment un projet de relance économique solide, comme la rénovation d'une fournaise, d'un système de chauffage dans un édifice gouvernemental? Finalement, peut-il justifier l'utilisation, dans son plan de relance, de panneaux-réclame semblables à gauche et à droite, partout dans notre Québec? C'est l'essentiel des premiers commentaires que je voulais faire, M. le Président.

En terminant, je dois ajouter qu'il existe deux ou trois éléments intéressants dans le pian. Il nous a promis un amendement au système des transferts. On l'attend toujours. Il nous a promis des changements importants dans la réglementation. On les attend toujours. Il nous a promis des changements dans le régime fiscal. On les attend toujours. Ce sont trois choses qui auraient vraiment pu changer la structure industrielle, et aussi économique, et qui n'ont pas été faites. Tout ce qui a été fait, c'est ce genre de publicité frauduleuse autour des programmes de ménage administratif normal.

Quel est le sérieux de cela? En existe-t-il? C'est la question principale qu'on pose au ministre ce matin. On lui demande -parce que c'est notre interpellation - de parler de deux choses: l'emploi et le plan de

relance. À un autre moment, on va parler des investissements, du PIB et du chômage, s'il le veut, cela nous fera plaisir, mais les gens s'attendent qu'on parle aujourd'hui de l'emploi. C'est la préoccupation du premier ministre, c'est la nôtre et j'espère que c'est aussi celle du ministre des Finances.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Finances.

Réponse du ministre M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, si ce n'est vraiment que d'un panneau dont il doit s'agir ce matin, je vous avouerai que je suis un peu déçu de la façon dont la discussion s'embraye. Dit le député de Notre-Dame-de-Grâce: Nous n'allons pas parler du PIB. Bien sûr, il augmente rapidement. Nous n'allons pas parler des investissements; bien sûr, ils représentent actuellement, en 1984, la meilleure année qu'on va connaître depuis très longtemps. Il ne veut pas parler de chômage non plus, mais il veut parler de l'emploi.

Or, il revient à la fin en disant: Oui, il y a des choses que vous aviez annoncées dans le domaine fiscal et qui pouvaient changer la structure industrielle. Si on veut parler de la structure industrielle, M. le Président, je conviens que la fiscalité est importante, mais les investissements le sont probablement aussi. Il y a quelque chose de circuitaire dans le raisonnement du député de Notre-Dame-de-Grâce que je ne comprends pas très bien, mais il faut dire un certain nombre de choses sur l'emploi, évidemment.

La situation de l'emploi est actuellement, en un certain sens, plus sérieuse au Canada en général et au Québec que la plupart des gens le réalisent. Je voudrais en donner un exemple à partir des chiffres suivants: Plutôt que de calculer te nombre d'emplois perdus pendant la grande récession qu'on a connue, ce qui ne veut pas, en soi, dire grand-chose quant à sa signification profonde pour l'économie, utilisons plutôt le nombre d'emplois qu'on a perdus pendant la grande récession par 1000 personnes en âge de travailler. Cela va nous donner une base parfaitement comparable d'un endroit ou d'une province à l'autre au Canada.

Le nombre d'emplois perdus par 1000 personnes en âge de travailler. Au Québec, entre le sommet de 1981 et le creux de 1982, nous avons perdu 50 personnes par 1000 en âge de travailler, 50 postes. En Ontario, 45 et dans le reste du Canada, c'est-à-dire que j'enlève le Québec et l'Ontario, 49. Qu'est-ce qu'on a récupéré jusqu'en septembre - je n'ai pas pris les chiffres d'octobre parce qu'ils sont entrés ce matin à 9 h 15, on ne peut pas, en l'espace d'une heure, refaire les calculs - 1984? Au Québec, 28 postes par 1000 personnes en âge de travailler; en Ontario, 24 postes et dans le reste du Canada, 5 postes. C'est cela la situation extrêmement dangereuse au Canada, d'une façon. On se rend compte que pour l'ensemble du Canada, c'est presque rien comme récupération.

Nous, c'est plus de la moitié. Le Québec, à cet égard, est en tête des trois blocs que j'ai indiqués, mais il reste qu'on est loin du compte. Il n'y a pas de doute que la situation de l'économie canadienne sur le plan de l'emploi, depuis le creux de 1982, est très sérieuse, tout le monde le note. Ce n'est pas seulement dans ce Parlement qu'on s'énerve au sujet de cette question. Mais il faut reconnaître, je pense, deux choses; d'une part, que la récupération qui s'est faite en Ontario a été puissamment aidée par le relèvement des ventes d'automobile qui a eu des conséquences sur l'industrie de l'acier et d'un certain nombre d'autres industries qui sont, dans l'ensemble, concentrées en Ontario, si bien qu'il s'est fait un relèvement en Ontario, produit par le consommateur, au fond, par les changements dans les attitudes des consommateurs.

Au Québec, nous n'avons pas pu tabler sur un phénomène comme celui-là. Il faut alors se poser la question suivante: aussi difficile que soit la situation de l'emploi, pourquoi, sur la base que je viens d'indiquer, est-ce au Québec que cela a été le mieux, ou le moins mal? Et là, on est bien forcé de constater que ce qui a distingué le Québec à cet égard d'autres endroits au Canada, ce furent deux programmes de relèvement; celui, d'abord, du mont Sainte-Anne, de mars 1983, et celui de Compton, de l'automne 1983, de novembre 1983. Celui du mont Sainte-Anne étant le premier à s'enclencher a été celui qui a fourni le plus de résultats visibles dans les mois qui ont suivi; celui de Compton, commençant en novembre 1983, a pris maintenant son rythme de croisière pour à peu près l'ensemble des programmes qui le constituent.

Les sommes impliquées sont très considérables. En 1983-1984, les fonds budgétaires pour le programme du mont Sainte-Anne axé surtout sur les investissements - on s'en souviendra - pas exclusivement sur l'investissement, mais surtout sur l'investissement, ont entraîné des déboursés de 318 000 000 $. En 1984-1985, pour les estimations de la combinaison du mont Sainte-Anne - parce qu'il y a encore des dépenses d'enclenchées - et de Compton, nous en arrivons à presque 540 000 000 $. Ce sont des sommes importantes.

Il y a, dans Compton, une préoccupation d'employabilité que le programme du mont Sainte-Anne n'avait pas. C'est ainsi, par exemple, qu'en plus des

augmentations d'emplois qui se sont produites dans notre société depuis le creux de la grande récession - cela fait quand même au-delà de 184 000 emplois depuis le creux de la récession, indépendamment de ce que dit le député de Notre-Oame-de-Grâce - nous avons ajouté une dimension non pas d'emploi mais d'employabilité, surtout destinée aux jeunes assistés sociaux aptes au travail. Cela porte sur trois plans qu'on commence à bien connaître, c'est-à-dire le retour aux études pour terminer le secondaire V dans les cas où cela n'a pas été fait, deuxièmement, les stages en entreprise et, troisièmement, les travaux communautaires. Encore une fois, ce ne sont pas à proprement parler des emplois, bien sûr, mais ils vont augmenter l'employabilité d'un certain nombre de jeunes en plus des emplois qui sont apparus dans notre société depuis la récession.

Il reste cependant beaucoup de chemin à faire. Je suis le premier à le reconnaître. Alors que certaines données fondamentales de l'économie montrent un redressement depuis un an qui est assez remarquable, je pense au PIB en 1983 qui a marqué, je le rappelle, un relèvement réel de 4% dans le produit intérieur brut du Québec, cette année, cela sera probablement un peu supérieur à cela. J'ai eu l'occasion de parler des investissements suffisamment souvent en cette Chambre. On sait à quel point le redressement est spectaculaire au cours de 1984. Le chômage marquait un recul d'environ 3%, entre le creux et les meilleurs scores de cet été. On constate, depuis deux ou trois mois, une sorte de détérioration qui est embêtante. Elle n'est pas encore tragique mais on sent qu'il y a une sorte d'essoufflement sur ce plan qui présente encore des difficultés.

Je ne vois pas autrement que des efforts accrus encore pendant un an dans ces deux programmes que j'ai mentionnés, dans ces deux orientations que j'ai mentionnées, celle du mont Sainte-Anne et celle de Compton - il y a encore de très gros travaux à faire pendant un an - pour que l'on puisse réduire encore le niveau de chômage, tel qu'on a pu le constater, je ne dirais pas à un niveau raisonnable mais, souhaitons-le, marqué encore par une diminution, si c'est possible, de 1, 5% ou de 2%, du taux de chômage. Dans ce sens, je reconnais volontiers que, si on me dit qu'il reste un problème sérieux d'emploi, au Québec, je dois dire: En effet. Si on me dit qu'il subsiste des séquelles de la grande récession de 1982, je dis: Oui, aux États-Unis, il n'y en a singulièrement, presque plus, sur le plan de l'emploi. Au Canada, les séquelles restent très importantes. Je dois reconnaître, cependant, que sur la base des données que je communiquais, tout à l'heure, de ces trois grands blocs qui constituent, si on peut dire, l'économie canadienne l'Ontario, le Québec et ce que j'ai appelé le reste du Canada - c'est encore le Québec qui s'est le mieux débrouillé. Que l'on dise que cela n'est pas encore parfait, non seulement on en convient... Qu'on nous dise que ce n'est pas encore satisfaisant, sûrement. Mais, qu'on dise que le programme de relance de l'économie du Québec n'a pas donné de résultats ou a donné des résultats tout à fait insuffisants, là, je plaiderai dans le sens inverse. Je termine de cette façon, je pense, les dix minutes de mon intervention.

Le Président (M. Lachance): Vous avez raison, M. le ministre. La parole est maintenant au député de Vaudreuil-Soulanges.

Argumentation M. Daniel Johnson

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président. Manifestement, on reprend, en partie, certains des débats qui ont eu lieu dans le cadre de cette commission, en d'autres lieux et en d'autres occasions que ceux prévus par le règlement. Lorsque les parties, de part et d'autre, se parlent d'emplois et d'investissements - le ministre y a fait allusion, notamment, au chapitre de l'emploi, sur lequel il a concentré 90% de son intervention... Le ministre nous a indiqué que les chiffres très récents, de ce matin, étaient sortis à une heure qui ne lui a pas permis de faire des calculs. Je présume que le moment viendra où il nous fera part de la façon dont il utilise les chiffres, pour en arriver aux conclusions qu'il nous a livrées.

J'aimerais lui dire que, quant à nous, nous nous sommes levés assez tôt, pour prendre connaissance de ces chiffres qui étaient disponibles ce matin et que, essentiellement, lorsqu'on regarde l'évolution de l'emploi au Canada de mois en mois, depuis l'été 1981, ce qu'on doit remarquer, c'est qu'au mois d'octobre - je livre les chiffres au ministre - au Québec, il y avait 2 731 000 emplois, soit 1000 de plus que le mois dernier, comme l'a fait remarquer mon collègue. En Ontario, on est rendu à un niveau de 4 291 000 emplois, dont près de 30 000 ont été créés le mois dernier. Pour le Canada dans son ensemble, on parle de 11 077 000 emplois créés. (10 h 30)

Ce que cela signifie, lorsqu'on met ces chiffres en regard de ceux du creux que le Québec, l'Ontario et le Canada dans son ensemble ont atteint au cours de l'année 1982, la réalité des choses, c'est que le Québec n'a récupéré que 83% des emplois qu'il devait recouvrer, pour retrouver le niveau d'emploi que nous connaissions en 1981. Quant à l'Ontario, la récupération est de 142%, c'est-à-dire que l'Ontario a repris

311 000 emplois, depuis le creux de sa récession de novembre 1982. On a perdu 219 000 emplois, en Ontario; depuis, on en a récupéré 311 000, soit 142%. Quant au Canada dans son ensemble - qui comprend le Québec, avec les 83% qui sont, évidemment, insuffisants en ce qui a trait à l'opinion qu'ont nos concitoyens, du plan de relance du gouvernement du Québec - c'est 106%, c'est-à-dire que le Canada, dans son ensemble, compte maintenant 11 077 000 emplois alors qu'au plus creux de la crise on parlait de 10 485 000. Il y a donc eu des progressions dans ces pourcentages de récupération d'emplois dans l'ensemble du Canada très certainement, dont la moyenne est élevée grâce à la performance de l'Ontario - c'est comme ça que les chiffres fonctionnent -tout en étant quelque peu ralentie par le boulet que constitue une récupération à seulement 83% pour le Québec.

Le libellé de l'interpellation de ce matin fait état de l'insuffisance des moyens qui seraient en place depuis un an et qui, pour le mois dernier, ont réussi à créer 1000 emplois. Cela nous apparaît, de ce côté-ci, nettement insuffisant. On ne peut pas faire des discours; on ne peut pas faire un discours sur le budget qui se voulait un reflet d'un plan de relance; on ne peut pas faire des énoncés de politique, des rencontres au mont Sainte-Anne ou où que ce soit; prétendre qu'il y a des centaines de millions dans le portrait, comme l'a fait d'ailleurs le ministre de l'Industrie et du Commerce à l'endroit de sociétés qui trouvent pour le moins - je présume qu'elles sont polies dans leurs rapports avec le gouvernement - ces annonces prématurées. Nous y reviendrons évidemment, le 23 novembre, quant aux annonces des 70 000 000 $ qui se matérialiseraient tout d'un coup grâce à la performance d'une compagnie qui a logé une requête en faillite, comme on l'a souligné ici en Chambre il y a 24 heures.

Chose certaine, quels sont les éléments - au-delà d'une discussion sur les chiffres de l'emploi - sur lesquels reposait le plan de relance? La réglementation devait être allégée, disait le premier ministre. Nous aurions beaucoup d'annonces sur la façon dont le cadre réglementaire favoriserait la reprise. On a eu droit - la somme totale des interventions du gouvernement - à 2 900 000 $ alloués au ministère du Revenu pour améliorer son système téléphonique. J'invite le ministre - si c'est ce qu'il appelle de la relance - à se pencher sur le système téléphonique de la CSST qui fait en sorte que les bénéficiaires ne peuvent pas communiquer avec les agents chargés de dossiers. Si la relance, ce sont des appels téléphoniques, de nouveaux standards et des gens qui répondent plus poliment au téléphone, je l'invite à faire un peu la même chose et à lancer cette relance à force de panneaux publicitaires à la porte des différents bureaux gouvernementaux qui, apparemment, dans le plan de relance, ont décidé qu'une contribution à l'emploi, c'était de demeurer ouverts un peu plus longtemps pour que les citoyens puissent avoir accès aux services gouvernementaux.

De ce côté-ci, nous ne voyons pas comment ce petit volet du cadre législatif et réglementaire a créé des emplois. Nous attendons encore des réponses autres que celles qui nous parviennent non pas par la voie des journaux ou des discours, mais par la voie des panneaux-réclame qu'on voit un peu partout au Québec.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, j'aurai l'occasion, lors d'une autre intervention, puisque nos interventions sont de cinq minutes à partir de maintenant, de parler du contenu du plan de relance parce qu'on en fait vraiment une caricature. Ce n'est même pas une caricature d'ailleurs... Si on pensait imaginer un plan de relance autour de panneaux, de système téléphonique et d'heures d'ouverture du midi, vous comprenez qu'on n'aurait pas besoin de dépenser 300 000 000 $ pour ça cette année. L'argent doit aller quelque part. Bon, je reviendrai tout à l'heure.

Commençons par les chiffres des emplois utilisés par le député de Vaudreuil-Soulanges. Oui, effectivement, les chiffres de ce matin pour le mois d'octobre qui viennent de Statistique Canada indiquent que dans le mois il y aurait eu, au Québec une création de 1000 emplois et de seulement 29 000 en Ontario. Du coup, ça fait longtemps que je n'ai pas entendu des chiffres de l'emploi sortir en cette Chambre. Pourquoi? Par exemple, le mois dernier, c'était exactement l'inverse, il n'y a pas eu d'intervention là-dessus.

Le score du mois dernier, c'est-à-dire septembre, c'était: création d'emplois au Québec, 21 000; Ontario, 2000. Vous comprenez pourquoi on n'a pas entendu parler des chiffres de septembre et pourquoi on entend parler de ceux d'octobre aujourd'hui. C'est exactement la situation inversée. Une hirondelle ne fait pas le printemps. Il est évident que d'un mois à l'autre ces données changent et, à certains moments, sont en faveur - si on parle d'image - de ce qui se fait au Québec et, à d'autres moments, en faveur de ce qui se fait en Ontario.

Mais le problème, c'est de regarder ça sur une période de temps un peu plus longue. Sur une période de temps un peu plus longue, c'est-à-dire mettons depuis le creux de la

récession, c'est-à-dire chez nous, au Québec, en août 1982, il s'est créé 185 000 emplois et en Ontario, il s'en est créé 311 000, sauf que - c'est ce que je voulais dire tout à l'heure dans ma première intervention - ce n'est pas la même base. Il y a une population active de 4 700 000 habitants en Ontario et de seulement 3 100 000 au Québec. Forcément, il faut ajuster pour tenir compte de la taille de la population active. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre cela.

Si on prend la base utilisée par le député de Vaudreuil-Soulanges, c'est vrai que cela fait un taux de récupération au Québec de 83% et, en Ontario, de 142%, parce qu'ils avaient perdu beaucoup moins d'emplois que nous. Ils n'ont pas été cognés à cause de leur structure d'entreprise. J'ai eu l'occasion d'expliquer cela souvent. Ils n'ont jamais été cognés comme nous. Perdre 219 000 emplois, comme ils l'ont fait en Ontario, quand nous en perdons 222 000 et que la différence de taille entre les deux provinces est aussi grande, on voit bien qu'en pourcentage cela ne peut jamais représenter la même chose. Enfin, si on veut utiliser cette technique utilisée par le député de Vaudreuil-Soulanges, allons-y.

Quel est le portrait dans le reste du Canada, sur la base du député de Vaudreuil-Soulanges, dans le reste du Canada sans Québec et sans l'Ontario? 142 comme en Ontario? Non. 83 comme au Québec? Non. 61. On voit encore une fois qu'à cet égard le Québec n'a pas, sur la base qu'on vient d'indiquer, récupéré tout. Je le sais, je l'ai dit tout à l'heure et, à mon sens, les chiffres qu'utilise le député de Vaudreuil-Soulanges - je les connais aussi - ne rendent pas vraiment la réalités Le manque de récupération par 1000 personnes en âge de travailler est flagrant dans tout le Canada. Il est remarquable en Ontario et, à cet égard, la performance du Québec est meilleure que celle de l'Ontario, si on ajuste cela, encore une fois, par 1000 personnes et non pas sur des chiffres de plusieurs millions qui sont différents au Québec et en Ontario, qui sont donc des bases différentes.

Je voudrais aussi souligner, M. le Président, que si on utilise la base cumulative de création d'emplois au Québec et alors pour le Canada tout entier, pour les neuf premiers mois de 1984, jusqu'en octobre c'est une base que le chef de ces messieurs d'en face affectionne - nous arrivons à la conclusion suivante. Encore une fois, j'utilise la même technique de calcul d'augmentation d'emplois que M. Bourassa traîne dans le portrait.

Une voix:...

M. Parizeau: Non.

M. Scowen: Il vous avait persuadé.

M. Parizeau: J'utilise cela parce que j'ai toujours dit qu'à mon sens, cela soufflait indûment le phénomène. En 1983, quelle a été la création d'emplois au Québec par rapport à l'ensemble du Canada? 64%. Quelle a été la création d'emplois de janvier à octobre 1984 au Québec par rapport à tout le Canada? 32%. Je sais bien que cela gonfle ce qui s'est fait au Québec, j'ai eu l'occasion de le dire, mais vous comprendrez qu'en utilisant toute espèce de base de calcul, on peut démontrer pas mal de choses de nature bien différente. Sur les chiffres que je viens de mentionner, le Québec a eu quelque chose d'absolument sensationnel comme performance sur le plan de l'emploi. Sur la base utilisée par le député de Vaudreuil-Soulanges, nous venons après l'Ontario, mais devant tout le reste du Canada. Sur la base que j'ai utilisée ce matin, c'est-à-dire du nombre d'emplois perdus par 1000 personnes en âge de travailler et d'emplois récupérés, le Québec arrive en tête. Trois présentations, M. le Président; trois présentations distinctes. Une qui indique qu'on est champion toutes catégories, la seconde qui indique qu'on vient après l'Ontario, mais devant tout le reste du Canada, et la troisième qui indique qu'on va un peu mieux que l'Ontario, nettement mieux que le reste du Canada, mais qu'il reste un chemin considérable à parcourir sur le plan de la création d'emplois. Je préfère celle-là, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Roberval.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: Merci. Il y a une chose au début de cette première intervention - on aura l'occasion d'y revenir au cours du débat - que je voudrais un peu démystifier pour les gens qui nous écoutent et qui, je pense, est d'intérêt pour rétablir le débat dans sa juste perspective. Les gens d'en face, dans le but évident d'essayer de démontrer que les choses se déroulent moins bien au Québec qu'ailleurs, pour prouver la mauvaise performance du gouvernement, utilisent un procédé pour le moins douteux sur le plan intellectuel. Ce procédé consiste à prendre, à certaines occasions, un certain nombre de chiffres, de les opposer à d'autres chiffres de même nature dans des années, dans des périodes, dans des époques ou sans des gouvernements différents et, par là même, de faire une démonstration en disant: Voyez, vous n'avez fait que récupéré X milliers d'emplois. Nous, on avait créé, pendant trois années de notre mandat, X emplois, donc, on est meilleurs que vous.

Il y a là un procédé qui est pour le

moins douteux sur le plan même du raisonnement. J'aimerais utiliser un exemple bien simple pour faire comprendre ce que je veux dire ici. Je viens d'une région qu'a rendue célèbre la traversée internationale du lac Saint-Jean. Il s'agit là d'une compétition de natation qui se déroule chaque année. Il ne viendrait jamais à l'idée de personne de comparer d'une année à l'autre, selon les conditions, les résultats obtenus par les compétiteurs professionnels qui effectuent cette traversée. Il y a des années où la mer est d'huile, où la température est idéale et où les cinq premiers compétiteurs se classent entre sept heures et sept heures trente de compétition. Il arrive, également, d'autres années où, la température étant moins clémente, le premier, le champion, celui qui remporte le marathon, se classe après huit heures, huit heures qIl1 n'y a personne au lac Saint-Jean ni au Québec qui aurait l'idée de comparer la performance du premier de 1984, qui a été de huit heures et quelques minutes dans des conditions épouvantables, à la performance du premier de 1983, où les conditions atmosphériques étaient absolument exceptionnelles.

C'est à peu près ce qui se passe ici lorsqu'on discute de la performance d'un gouvernement. Les gens d'en face font cette comparaison odieuse de la performance du compétiteur dans une année ou dans une période où les conditions étaient excellentes et idéales, à des performances du compétiteur dans une année où les conditions étaient absolument épouvantables. Je pense que pour avoir une juste compréhension des choses, dans une compétition ou à la traversée du lac Saint-Jean, quand le premier termine, on le compare au deuxième, au troisième et au quatrième pour évaluer la qualité de sa compétition, et non pas à ceux des années antérieures où les conditions étaient différentes. Les gens d'en face vont être obligés de comprendre - j'aimerais bien qu'on ramène à chaque fois les chiffres dans cette perspective - que dans la période où on se trouve, qui a été extrêmement difficile pour tous les gouvernements la meilleure façon de comprendre et d'évaluer l'impact des décisions et des actions de ce gouvernement sur le plan économique, c'est de le comparer à d'autres gouvernements, à d'autres compétiteurs qui évoluent dans le même contexte. Cela me semble être d'une telle évidence que je n'aurais jamais cru avoir besoin d'apporter ici un exemple comme celui-là.

Les gens doivent comprendre que lorsqu'on veut parler de performance, on compare à d'autres gouvernements qui sont dans la même situation et non pas dans des conditions absolument idéales. Dans un premier temps, c'est une chose que je comptais rétablir. Dans des interventions subséquentes on verra comment ce gouvernement, dans des conditions difficiles, aura obtenu, et de loin, la meilleure performance en comparaison avec des gouvernements semblables au Canada. (10 h 45)

Le Président (M. Lachance): M. le député de Laurier.

M. Christos Sirros

M. Sirros: M. le Président, j'ai la mauvaise habitude de ne jamais cesser d'espérer et j'espérais que, de la part de l'adjoint parlementaire du ministre des Finances, on entendrait au moins des choses -un peu plus concrètes. J'aurais dû le savoir, on a déjà eu ce genre de situation.

Je ne veux pas vous parler de chiffres, je ne veux pas vous parler d'emplois en termes de pourcentage ou de chiffres, mais je veux vous parler un peu d'approches, d'approches dans le domaine de la main-d'oeuvre et de la création directe d'emplois par le gouvernement durant les dernières années, pour vous démontrer finalement que, d'une part ce que l'on vit aujourd'hui n'est effectivement qu'un ramassis de programmes mis ensemble à la dernière minute, à la vapeur et à la vitesse, et qui n'ont pas leur place aujourd'hui. Ce que vous avez fait il y a trois ou quatre ans vous n'auriez jamais dû le faire. Ce que vous faites aujourd'hui vous auriez dû le faire il y a trois ou quatre ans. Et ce que vous devriez faire aujourd'hui vous ne le faites aucunement. Et je m'explique.

Il y a trois ou quatre ans, le gouvernement s'en est allé dans une voie qui était la création des petits programmes, que le premier ministre lui-même a finalement qualifiés de programmes qui aboutissaient à des "jobines". C'étaient des programmes, si on voulait être généreux, qu'on pourrait appeler programmes de sécurité de revenu peut-être, mais jamais programmes de création d'emplois. Vous vous rappelez: il s'agissait en grande majoritié de programmes qui créaient des emplois pendant une période de 20 semaines, juste assez de temps pour permettre aux bénéficiaires de l'aide sociale qui bénéficiaient de ces programmes d'avoir recours aux prestations d'assurance-chômage, pour ensuite éventuellement retourner sur l'aide sociale. Cela veut dire que toutes les sommes assez importantes que le gouvernement du Québec a investies à travers ces programmes pendant les quatre ou cinq ans qu'ils existaient n'ont laissé aucune création nette d'emplois, et qu'ils n'ont laissé aucune valeur réelle aux personnes qui en ont bénéficié. Tout ce que cela leur a permis de faire c'est d'avoir accès aux prestations d'assurance-chômage. Pour moi cela a été une perte - et cela l'est toujours - et une mauvaise utilisation des fonds publics des plus flagrantes. On

pouvait l'expliquer en disant des choses que le gouvernement a déjà dit.

Ce que vous faites aujourd'hui, les prétendus programmes d'emploi, s'ils ont une valeur ce n'est sûrement pas par la façon de les mettre de l'avant de la façon dont cela a été fait, sans aucun véritable plan, sans aucun véritable objectif par rapport, par exemple, aux stages en entreprise, où l'on procède à la pièce finalement à trouver n'importe quoi pour insérer un jeune dans une entreprise. L'objectif visé par ces trois programmes n'est pas la formation de la main-d'oeuvre, c'est de pallier la problématique qui existe dans la Loi sur l'aide sociale: c'est qu'ii y a une discrimination nette qui aurait été faite par rapport à leur âge. Donc, on a pensé à mettre sur pied des programmes qui pourraient avoir un certain bénéfice par rapport à "l'employabilité". C'est exactement ce genre de programmes qu'il aurait fallu faire avec le rattrapage scolaire, il y a trois ou quatre ans, quand les emplois tombaient comme des mouches. On aurait peut-être pu préparer pour aujourd'hui une jeunesse un peu plus employable si vous voulez.

On en vient à cela aujourd'hui. Qu'est-ce que le gouvernement devrait faire aujourd'hui finalement? Aujourd'hui, à l'exception de un ou deux petits programmes où l'idée est peut-être intéressante, mais où les chiffres et les nombres n'ont aucune portée réelle, il n'y a aucun programme de création d'emplois directs. Il y a quand même des personnes comme les 150 000 jeunes sur l'aide sociale, dont 120 000 à peu près sont aptes au travail. Il y a combien de chômeurs qui sont jeunes et moins jeunes? Il y a, en d'autres mots, énormément de personnes qui auraient encore besoin d'avoir de l'aide directe en termes d'emploi. Ce que le gouvernement devrait faire aujourd'hui, il ne le fait pas. La seule voie que le gouvernement devrait mettre de l'avant pour espérer qu'il pourrait y avoir une incidence sur la création d'emplois serait le genre de programmes de subventions directes à l'emploi où on ne voit aucunement les intentions du gouvernement. On nous a annoncé une série de symposiums qui vont avoir lieu pendant des mois. On nous a annoncé des projets qui vont être opérationnels à la fin de l'année 1985, selon le document du gouvernement. Mais pour l'instant on n'a rien devant nous qui puisse nous permettre de croire qu'à la suite du plan de relance de l'année passée on ait eu quelque chose de concret et de réel par rapport aux personnes qui sont, soit sur l'aide sociale, aptes au travail ou soit sur le chômage. Dans ce sens-là, le passé on ne peut pas le changer mais on peut le juger, M. le Président, et le jugement doit être sévère.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, c'est heureux que le député de Laurier cherche à dégager une sorte de perspective, peut-être pas historique mais, enfin, une perspective d'évolution des programmes sur une période de deux ou trois ans, parce que, effectivement, il y a un certain nombre de leçons à tirer d'une perspective comme celle-là.

Il y a au fond, je pense, trois grandes étapes dans la mise en place de programmes d'accélération de l'économie et de création d'emplois - pas toujours de création directe d'emplois - simplement parce que tels secteurs s'activent ou parce que la construction remonte, etc.

D'abord, il y a cette espèce d'étape, été 1982, où on est en pleine récession. Tout dégringole. Un certain nombre de mesures vont être prises, qui auront sur le plan de l'emploi des conséquences considérables. C'est de là, je vous rappelle, du sommet de Québec en avril 1982 que démarre - il démarrera après les vacances de la construction - Corvée-habitation. Comprenons-nous bien. En 1982, on était menacés de tomber en bas de 20 000 mises en chantier par année. On envisageait à ce moment-là quelque chose comme 18 000. On en a fait 29 000 cette année-là, clairement à cause de Corvée-habitation. Cela, c'est 10 000 emplois. L'année suivante, on est monté à 40 000 mises en chantier. Ce n'est pas compliqué de calculer l'emploi là-dedans: c'est un emploi par mise en chantier, un emploi par logement, un homme-année.

Il y a eu ce qu'on a appelé le plan Biron, qui était un plan d'urgence de financement d'entreprises. Il en a sauvé 300 ou 400, il a sauvé 30 000 emplois. Vous me direz: Ce n'est pas une création. Non, mais c'est arrivé juste à temps. Il faut en parler aux hommes d'affaires et bien se rendre compte à quel point cela a mis une sorte de filet en-dessous des entreprises dont certaines étaient excellentes - elles avaient fonctionné pendant dix ou douze ans - mais qui étaient rendues à cause des taux d'intérêt complètement étranglées.

Troisièmement, il y a eu un programme d'emplois temporaires. Ce qu'on a appelé les emplois de 20 semaines, auxquels faisait allusion le député de Laurier. Je pense qu'il a tout à fait raison. On ne peut pas s'imaginer, en créant beaucoup de petits emplois de 20 semaines, qu'on va changer profondément des choses sur le marché du travail, sauf que quand cela va aussi mal et aussi brutalement que cela l'a été à ce moment-là, il faut comprendre que des emplois temporaires sont mieux que rien et

qu'on met un filet. On ne s'est jamais imaginé qu'on continuerait ces programmes d'emplois temporaires indéfiniment. Ils sont tombés au moment où il fallait les mettre parce que c'était vraiment trop sérieux comme situation.

Mais apparaissent aussi un certain nombre de choses plus intéressantes: les bons d'emplois qui auront permis à passablement de jeunes de trouver des emplois alors permanents, des initiatives nouvelles comme Chantier-Québec qui sont de la création directe d'emplois. Je reviendrai tout à l'heure sur cette question de la création directe d'emplois par opposition ou tout au moins de façon distincte de la création d'emplois par les moyens plus habituels.

En 1983, c'est le plan d'action du mont Sainte-Anne axé, bien sûr, beaucoup moins sur de la création directe d'emplois que de faire redémarrer les investissements, pour faire redémarrer les investissements privés. C'est de là que datent les gros projets d'aluminerie, par exemple. Les investissements publics. Il est clair que la baisse des investissements d'Hydro-Québec est en train d'accentuer sur le plan des investissements publics une situation assez déplorable du travail dans l'industrie de la construction. Des programmes d'expansion des exportations. Cela peut paraître un terme abstrait, mais plus les entreprises exportent, plus elles embauchent du personnel. Il y a un certain nombre de choses qui seront, en deuxième étape, concentrées, ' mais probablement d'abord et avant tout sur la relance des investissements. Cela marche et très bien.

La troisième étape: le plan Compton. J'arrive à son contenu rapidement. Dans ce plan de relance, il y a 'des éléments très divers. Il y a au-delà d'une cinquantaine de programmes. 11 y en a qui ont une influence considérable sur l'entreprise et l'embauche par les entreprises. Par exemple, le programme de financement de garantie de prêts aux entreprises, soit à des fins d'investissements ou à des fins de fonds de roulement, le gouvernement a dit: Je suis prêt à investir 2 000 000 000 $ de garanties là-dessus et il est bien possible qu'on y arrive. En tout cas, en termes de nombre d'entreprises qu'on pensait rejoindre, l'objectif va être atteint. Dans un seul mois l'an dernier, la Société de développement industriel a accepté pour environ 300 000 000 $ de projets d'investissements dans une seule de ses réunions de son conseil d'administration. Il est tout à fait évident que ce programme de financement que nous avons mis en place a donné et donne, à l'heure actuelle, des effets tout à fait remarquables. Élément de politique économique.

On me dit que mes cinq minutes sont écoulées. Je viens, dans cette espèce d'historique, de me rendre jusqu'au plan de relance - le plan de Compton. J'ai donné un élément économique majeur, je m'arrête parce que mes cinq minutes sont écoulées. Quand je récupérerai mes cinq minutes, je poursuivrai dans la même voie, dans cette espèce d'historique intéressant que le député de Laurier esquissait.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Roberval.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: Merci, M. le Président. J'ai expliqué tout à l'heure que, pour être en mesure de porter un jugement efficace sur les énergies qu'a déployées ce gouvernement pour améliorer la situation économique du Québec, il fallait être en mesure de comprendre le contexte et de savoir qu'il importe de comparer des gouvernements qui sont en quelque sorte - vous me prêterez l'expression - en compétition dans un contexte difficile, afin de savoir quel est le meilleur, lequel a su déployer le plus d'efforts, a su atteindre aux meilleurs résultats compte tenu des circonstances.

Je parlais tout à l'heure des investissements. Je me permettrai très brièvement de vous citer les quelques chiffres qui sont disponibles concernant les investissements privés et publics dans leur ensemble, au total, quant à leur évolution au cours des trois dernières années. Dans le contexte extrêmement pénible qu'on a connu, il faut regarder ce qui s'est fait ailleurs et ce qui se fait chez nous: par exemple, la proportion qu'occupent les investissements privés et publics, au total, au Québec, par rapport aux investissements privés et publics, au total, au Canada durant une même période. Quand on veut comparer la performance, on considère la situation et on compare la performance de deux, de trois ou de cinq compétiteurs.

Au Canada, en 1982, le total des investissements privés et publics du Québec, la proportion des investissements privés et publics au Québec par rapport au total des investissements privés et publics au Canada, c'est 17, 6%. En 1983, il y a des mesures qui sont entrées dans le décor, dont on discute ce matin, qui ont fait en sorte que la performance du Québec s'est nettement améliorée. En 1982, c'était 17, 6%; en 1983, les investissements totaux au Québec par rapport aux investissements totaux au Canada sont passés à 18, 47%; en 1984, à 19, 99%, c'est-à-dire à 20%.

On peut, d'ores et déjà, dire qu'entre 1982 et 1984 il s'est certainement passé quelque chose au Québec, puisque la proportion des investissements faits au Québec par rapport à ceux faits au Canada, dans le même contexte difficile, augmente

constamment. C'est certainement qu'il y a eu des mesures spécifiques au Québec qui ont fait en sorte que notre performance est maintenant meilleure.

Si on se compare maintenant à un autre compétiteur, soit l'Ontario - c'est le barème de comparaison habituel pour ce genre de choses - on réalise qu'en 1982 les investissements faits au Québec, par rapport à l'Ontario, étaient de 58, 4%. En 1983, on investissait 60% de ce qui était investi en Ontario et, en 1984, 62, 37%. Que ce soit par rapport au Canada, au contexte canadien dans lequel nous vivons, ou que ce soit par rapport à la province à laquelle on se compare habituellement pour ce genre de choses, on réalise qu'on est en constante progression. Pour que la performance du Québec se soit améliorée de façon significative en termes de pourcentage des investissements totaux privés et publics, qu'on me démontre maintenant que ce gouvernement n'a pas posé des gestes les plus pertinents et les plus appropriés.

On peut au moins le croire. Les autres gouvernements ont certainement posé des gestes également pour redresser l'économie, mais les gestes qu'on a posés étaient tellement appropriés que notre performance, que ce soit par rapport à l'ensemble canadien ou que ce soit par rapport à l'Ontario - notre barème de comparaison, très souvent - est nettement meilleure et s'améliore de 1982 à 1983 et de 1983 à 1984. On verra ce que nous réserve 1985 avec l'ensemble des mesures que ce gouvernement continue d'appliquer avec le plus grand sérieux et avec l'ensemble des mesures que ce gouvernement continue de compléter et de perfectionner au fur et à mesure que les nouvelles données économiques se présentent à nous. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: M. le Président, la moitié de ce débat est déjà écoulée et j'ai l'impression que si les gens qui nous écoutent ne dorment pas, ils sont écoeurés par le débat de la part du gouvernement. Nous lui avons demandé de nous parler d'un plan de relance, le plan Parizeau, qui est le plan du ministre des Finances pour relancer l'économie. Il a donné toutes les indications qu'il ne le connaît pas du tout. Il refuse de parler des détails de ce plan et nous a proposé de donner un historique de l'évolution de sa pensée économique, qui n'est d'ailleurs pas très forte, depuis Compton et mont Sainte-Anne. (11 heures)

Je veux l'amener à des questions précises qui pourraient être comprises par les gens ordinaires. Il a inventé trois nouvelles façons de calculer l'emploi ce matin. Il a dit que la SDI a créé 12 000 emplois, une autre organisation en a créé 100 000, 15 000, 2000. On lance des chiffres à gauche et à droite et personne n'est capable de comprendre.

Je veux revenir à ce panneau-réclame. J'ai posé des questions très précises au ministre et je vais les reposer parce que c'est dans ce genre d'affaire que les gens ordinaires peuvent comprendre ce qui se passe. C'est de la publicité pour le plan Parizeau. La publicité qu'on voit un peu partout. On voit ici: Création de dix emplois dans un édifice du gouvernement en face, à quelques centaines de mètres d'ici. Le gouvernement a annoncé son intention d'investir 200 000 $ pour rénover sa fournaise dans son propre édifice. Nous prétendons que c'est de la publicité frauduleuse. Nous demandons au ministre d'arrêter son historique de l'évolution de l'économie du Québec et de nous donner des informations précises sur ces dix emplois. Qui sont ces personnes? Selon le plan Parizeau annoncé sur ce panneau-réclame, est-ce que ces personnes auront des emplois permanents dans cet édifice? Ces dix personnes seront-elles embauchées temporairement pour faire les rénovations? Est-ce que ces personnes ont déjà une carte de l'Office de la construction du Québec et travaillent-elles quelque part pour un entrepreneur? Est-ce que ce sont dix emplois hommes-année? Qui sont ces personnes qui auront ces emplois? C'est cela qu'on veut savoir.

C'est dans des centaines et des centaines de panneaux-réclame comme ceux-ci. Ils font partie du plan Parizeau. C'est lui, le ministre des Finances, qui a inventé cette affaire. On lui demande de nous expliquer non pas l'histoire de l'économie du Québec mais, premièrement, quels sont ces dix emplois exactement. Qui sont ces personnes, est-ce que ce sont des emplois permanents, stables? De quel genre d'emploi s'agit-il? Comment peut-il justifier de lancer à gauche et à droite des panneaux publicitaires comme ceux-ci, qu'on voit dans toutes les rues du Québec, qui sont simplement là, quant à nous, pour faire croire à la population qu'il y a quelque chose, alors que les projets de ménage administratif, normaux, qu'on attend de tout gouvernement, qu'il soit péquiste ou libéral, ne sont que des ballounes publicitaires?

Si le ministre peut, dans les cinq prochaines minutes, expliquer les dix emplois de son plan Parizeau, de son panneau-réclame, la population sera beaucoup plus contente que s'il décide de continuer avec le chapitre III de l'historique qui n'intéresse que lui seul. Alors, qu'on revienne au sérieux, s'il vous plaît.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: Oui, effectivement, nous allons revenir au sérieux, après cette intervention de cinq minutes. Quel mépris pour le public, M. le Président; En somme, ce dont nous avons discuté jusqu'à maintenant qui a contribué à augmenter l'emploi depuis le creux de la récession d'environ 185 000, cela, le public n'est pas apte à comprendre. Décrire le programme de relance de l'économie du gouvernement, le public n'est pas apte à comprendre. Quel mépris prodigieux pour la population! Ce qu'il faut, c'est engager la discussion sur un panneau. Je n'en sais rien, qui sont ces dix personnes qui sont embauchées là-dessus. Je peux prendre la commande: veut-il leur nom, leur numéro d'assurance sociale, la couleur de leurs cheveux? On verra, je n'ai pas la moindre idée et je ne vais pas m'amuser tout l'avant-midi à déterminer l'état civil des dix personnes qui sont embauchées par le projet. Si cela l'intéresse à ce point, je demanderai au ministère des Communications de faire des recherches ou celui des Travaux publics, je ne sais pas très bien, mais on verra. Cela étant dit, comme disait le député de Notre-Dame-de-Grâce, revenons aux choses sérieuses.

Le programme de relance qui est apparu à Compton et qui roule maintenant depuis un an, j'ai dit tout à l'heure qu'il était composé d'un certain nombre d'éléments d'ordre économique et financier. Je vais continuer d'en donner quelques exemples. Nous avons décidé aussi, à ce moment, d'étendre la politique de rabais des tarifs d'électricité à d'autres entreprises que l'aluminium. Cela avait déjà été fait à la fin de 1982, au début de 1983, mais là on a décidé de l'étendre à d'autres entreprises. Et c'est grâce à cette extension que plusieurs entreprises dans la chimie ou dans l'électrométallurgie ont commencé leur expansion au Québec. Il n'y a pas de doute que cela attire énormément d'investissements. On le sent simplement par l'intérêt énorme d'entreprises étrangères, américaines en particulier. Les gens d'Hydro-Québec nous disent qu'ils sont inondés de demandes de renseignements sur, à la fois, cette politique de rabais d'électricité et sur la politique plus récente de stabilisation des tarifs. Il ne me fait pas l'ombre d'un doute que, d'ici à un an ou un an et demi, on puisse voir une implantation d'entreprises en nombre assez important au Québec grâce à ce programme.

En troisième lieu, on y faisait allusion plus tôt, il y a un certain nombre d'investissements de caractère public ou privé, enfin mixte. Cette politique, en particulier, de reboisement, très importante en termes de création d'emplois, cela va embaucher beaucoup de monde, cette politique de quintupler le reboisement au Québec. À cet égard, on dira: Vous êtes en retard. Peut-être qu'à cet égard on est en retard, mais là, en passant à 300 000 000 $, on ne sera sûrement pas en retard. Cela roule bien.

Cependant, nous constations que, dans certains secteurs de l'investissement public, ou bien des retards s'étaient faits ou des espèces d'écrasement s'étaient produits, écrasement des investissements d'Hydro-Québec à la baie James, en particulier, qui a pesé d'un poids très lourd sur l'économie du Québec, et retard dans le programme d'assainissement des eaux. Là, il y a une série de dispositions pour faciliter le financement municipal à cette fin; il y a comme un coup d'accélération qui a été donné sur ces milliards de dollars de travaux d'épuration des eaux qui doivent être faits au Québec. On dira: On est très en retard. Oui, on est très en retard comme société à cet égard. Peut-être pas le gouvernement actuel parce que, depuis quelques années, il pousse, mais à Compton, dans le plan de relance, on a fait apparaître des incitations très importantes qui suscitent maintenant une collaboration des municipalités, qui s'est considérablement activée depuis quelques mois.

Hydro-Québec posait un problème parce que ses capacités de production, ses investissements dans de la capacité de production tombaient et que cela avait un impact considérable sur l'emploi et le marché du travail au Québec. Il ne faut pas oublier qu'à un moment donné, Hydro-Québec investissait 30% de tous les investissements productifs au Québec. Il fallait, en un certain sens, essayer de réorienter avec Hydro-Québec ses investissements. C'est là que sont apparus une série de programmes d'entretien du réseau, d'enfouissement des câbles; il y a eu une collaboration remarquable avec la ville de Montréal à cet égard et c'est en train de déclencher des centaines de millions de dollars de travaux qui ont des répercussions tout à fait directes sur l'emploi.

Jusqu'à maintenant, j'ai parlé d'investissements. Parlons maintenant des ressources humaines, de l'investissement soit dans les cerveaux, soit d'argent placé dans la création directe d'emplois, le thème que le député de Laurier affectionnait particulièrement tout à l'heure. Cette question de la formation, de l'accentuation des sommes placées à l'entraînement du personnel et à la création directe d'emplois sera le propos de mes prochaines cinq minutes, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M.

le ministre. M. le député de Roberval. M. Michel Gauthier

M. Gauthier: M. le Président, je m'étonne un peu que ce matin l'Opposition nous parle de l'insuffisance et de l'inefficacité du programme de relance. Évidemment, on peut dire que c'est toujours insuffisant, que ce n'est pas tout à fait assez efficace parce qu'on sera content lorsqu'on aura atteint, pour nos concitoyens, le plein emploi.

M. le Président, je m'étonne que ces gens prennent un exemple d'investissement et critiquent le plan de relance à partir de choses aussi particulières, aussi individuelles. Je m'étonne, parce que la seule recette que les gens d'en face ont trouvée, la seule d'ailleurs qui existe pour améliorer la situation économique d'une province comme le Québec, c'est, bien sûr, d'augmenter sensiblement, et le plus possible, les investissements privés et publics. C'est tellement la recette principale, M. le Président, que je vous rappellerai, qu'il n'y a pas si longtemps, avant qu'une firme américaine importante le rappelle à la réalité, le chef du Parti libéral n'avait pour toute solution, aux problèmes économiques du Québec, que d'augmenter massivement les investissements, en construisant une Baie James phase II, phase III ou je ne sais trop laquelle. La seule solution que le chef du Parti libéral avait trouvée, tout économiste qu'il soit, pour améliorer la situation économique du Québec, c'était de bâtir un barrage hydroélectrique. Évidemment, cela frappe l'imagination de gens qui ne sont pas trop avertis, de dire: On va dépenser 15 000 000 000 $ tout d'un coup, pour bâtir un barrage hydroélectrique, mais, ce faisant, le chef du Parti libéral ne confirmait qu'une chose: pour que cela aille mieux au Québec, comme dans n'importe quelle économie du genre de la nôtre, il faut nécessairement que les investissements soient plus importants. On a vu, tout à l'heure, - je l'ai démontré avec des chiffres - que notre performance, de ce côté-là, est absolument inattaquable. Nous avons la meilleure performance dans les investissements. On est au moins d'accord sur une chose, avec le chef du Parti libéral: pour que cela aille mieux, il faut qu'on investisse plus, et nous sommes, actuellement, à la tête de la performance, à la tête du peloton dans cette obligation ou dans cette nécessité d'accroître les investissements privés et publics.

Comme on a ramené M. Bourassa à la réalité et qu'on lui a dit que bâtir un barrage hydroélectrique, alors qu'on avait des surplus d'électricité, ce n'était peut-être pas ce qu'il y avait de plus prudent, sur le plan économique, et que cela pourrait entraîner des hausses de coûts considérables pour les citoyens, les entreprises du Québec et avoir, par le fait même, un effet extrêmement négatif sur leur développement, M. Bourassa a cessé de parler de cet investissement majeur, mais il n'a jamais donné de recette différente de celle qu'il proposait initialement. Il n'en parle plus. Il parle d'augmenter les investissements, mais jamais il ne donne de recette.

Or, le gouvernement du Québec qui, lui, devait faire face à la musique - les citoyens n'auraient pas accepté qu'on ne soit pas à la hauteur de la situation - a préparé un plan qui nous permettait de croire - cela s'est confirmé et se confirme toujours - que les investissements augmenteraient considérablement au Québec, mais dans des domaines où on en avait besoin, des domaines où cela ne créerait pas de problème particulier, comme celui de l'hydroélectricité. Le gouvernement a mis sur pied le plan de relance et a prévu des secteurs d'investissement extrêmement importants, comme il a prévu aussi de faire flèche de tout bois et de prévoir des secteurs d'investissement moins importants, mais, de toute façon, l'ensemble des mesures contenues dans le plan de relance n'ont qu'un seul but - elles l'ont atteint et elles continuent de nous garder en tête du peloton - c'est d'augmenter les investissements privés et publics au Québec. On a la meilleure performance, comparativement à tous les autres gouvernements au Canada, depuis les trois dernières années.

M. le Président, il faudra peut-être demander au chef du Parti libéral de venir en Chambre nous expliquer comment, puisqu'il a maintenant compris qu'il était impossible d'investir immédiatement, et aussi massivement, dans une autre Baie James, il ferait pour augmenter les investissements privés et publics au Québec, pour nous garder en tête du peloton. Une chose est certaine: nous, non seulement on l'a dit, mais on l'a fait et on le fait encore. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Vaudreuil-Solanges.

M. Daniel Johnson

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, le député de Roberval ne semble pas lire les journaux. Je lui rappelle que certains, des gens qui siègent avec lui, ont déjà été de son avis, mais cela fait déjà un bon petit moment. M. Bérubé avait traité d'aberration mentale, une politique d'un gouvernement du Québec qui visait à exporter massivement de l'électricité vers la Nouvelle-Angleterre, mais les journaux sont publiés tous les jours et les déclarations des ministres restent noir sur blanc, à certains endroits, à tel point, que si le député de Roberval s'était donné la peine de consulter

les journaux, il se serait aperçu que le ministre actuel de l'Énergie et des Ressources, M. Duhaime, a déjà déclaré que le gouvernement du Québec était prêt à accélérer le rythme de construction de ses projets de centrales hydroélectriques afin d'exporter une quantité importante d'électricité de base aux États-Unis. En septembre 1981. Ce n'est pas d'hier qu'on sent qu'il y a là un marché. (11 h 15)

On ne peut pas simplement, comme vient de le faire le député de Roberval, comme l'a déjà fait le ministre Bérubé, traiter de malades mentaux - c'est essentiellement, c'est textuellement ce qu'il a dit - les gens qui parlent d'exporter de l'électricité aux États-Unis. Ils sont atteints d'aberration mentale. Si je comprends bien, le ministre actuel de l'Énergie et des Ressources, si j'en crois la déclaration de son collègue qui est maintenant à l'Éducation, serait atteint également d'aberration mentale et un tas de gens qui commencent à réaliser qu'il y a un potentiel économique pour le Québec, de ce côté-là.

Mais ce qui va rester, c'est qu'il y a des gens qui ont démontré, comme le Parti libéral du Québec, qu'ils prennent des décisions, qu'ils mettent en place les investissements qu'il faut, qui expriment la volonté politique de construire des installations qui permettraient d'exporter de l'énergie. Et il y a ceux qui ne font effectivement qu'en parler. On peut voir que le député de Roberval loge très bien à cette enseigne.

Je n'ai pas l'intention de parler pendant cinq minutes du panneau publicitaire dont nous entretenait le député de Notre-Dame-de-Grâce, tout à l'heure. Le ministre a parlé de ce panneau pendant dix secondes. À deux reprises, dix secondes chaque fois, il a prétendu que ce n'est pas important. Le gouvernement publie les chiffres d'emplois. Le gouvernement se targue d'investir. Il nous donne des additions. Chaque mois, il nous en redonnera et, lorsque le plan de relance, qui s'appelle le plan Parizeau, sera terminé, si jamais il se termine, on aura comptabilisé ces dix emplois quelque part. On aura comptabilisé aussi quelque part les 200 000 $.

La question est assez simple. Si le ministre veut passer une commande, c'est une chose. Nous sommes prêts à attendre, mais cela se trouve facilement. Nous voulons savoir de ce côté-ci, si ce sont dix emplois permanents ou si ce sont dix emplois temporaires? Est-ce que ce sont dix emplois en termes d'années-hommes? Est-ce que ce sont des gens du ministère des Travaux publics qui vont installer la fournaise? Est-ce que ce seront des sous-entrepreneurs? De quoi s'agit-il? Ce chiffre-là fera partie des divulgations globales lorsque le gouvernement va se péter les bretelles sur la création d'emplois. Il y aura, dans les chiffres que le gouvernement nous donnera ou inventera, ces dix emplois. Dans quelle colonne seront-ils? Dans celle des emplois temporaires? Dans celle des emplois permanents? Il me semble que la question est simple. Il me semble qu'elle appelle une réponse.

Le gouvernement a choisi de faire une campagne de publicité. Le gouvernement, sous les exhortations de l'Opposition, a aboli le péage à certains postes de péage. Il a commencé à donner suite aux demandes de l'Opposition. Après avoir lui-même doublé le péage, il s'est retourné, il a fait volte-face et il a aboli le péage. Nous étions pour. Aujourd'hui, on n'est pas pour le critiquer. Cela ne serait absolument pas crédible. Ce qui me frappe comme étant un peu exagéré de la part du gouvernement, c'est d'installer, là où il y avait des postes de péage, d'immenses panneaux de 6 pieds sur 9 - pas en mètres, quand même, on n'est pas rendu là - qui se lisent mot à mot ainsi, je les ai vus: "L'abolition du péage pour la relance de notre région". Souligné, d'une part, et signé, d'autre part "Gouvernement du Québec".

Combien coûte un panneau de 6 pieds sur 9, installé dans les deux directions aux approches des postes de péage? Qu'est-ce que cela crée comme emplois véritables, permanents, durables, pour reprendre les mots du premier ministre, dans sa déclaration liminaire en novembre de l'an dernier: "Nous voulons créer des emplois permanents et durables"? Ces mots-là se retrouvaient dans les notes introductives de ce que le gouvernement appelait à l'époque: le plan de relance, ce qui est devenu manifestement le plan Parizeau.

Le Président (M. Lachance): Veuillez conclure, M. le député.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ces emplois sont-ils permanents ou durables? C'est ce qui est important. Nous parlons d'insuffisance des moyens, à la lumière d'une mesure. Où est le caractère permanent, le caractère durable des interventions du gouvernement?

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Finances.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, je vais d'abord me considérer comme flatté par le fait que l'Opposition tient absolument à accoler mon nom au plan de relance. C'est me faire beaucoup d'honneur. Ce plan de relance a été préparé par le Conseil des ministres, annoncé par le premier ministre et moi, j'ai la responsabilité d'en assurer le suivi. Si on veut m'attribuer une paternité

plus active que celle que j'ai, encore une fois, c'est me faire beaucoup d'honneur parce que c'est effectivement un plan qui roule bien et qui commence à donner des résultats, à mon sens, remarquables. Mais je dois quand même rendre à César ce qui est à César et ne pas chercher, en dépit de l'Opposition, à m'attribuer un mérite que je n'ai pas.

Cela dit, je continue la description de ce plan de relance. Je prends bonne note que le député de Vaudreuil-Soulanges veut, au sujet des panneaux, davantage de renseignements. On va essayer de lui trouver cela. Combien coûte un panneau le long d'une autoroute? Je ne le sais pas. Il faudrait, cependant, qu'il me dise exactement ce qu'il veut que j'incorpore dans le coût: le coût du bois, sans doute, du travail, de la peinture. Est-ce que la livraison du panneau, l'essence nécessaire dans le camion pour livrer le panneau au bon endroit doivent entrer dans le coût? Enfin, nous essaierons d'établir quelque chose d'aussi précis que cela. J'imagine que nous arriverons à la constatation que poser un panneau coûte à peu près le même prix, quel que soit celui qui le pose: un gouvernement, une entreprise ou une épicerie. Le prix des panneaux est habituellement quelque chose d'assez standard. Si l'Opposition a ce genre de préoccupation, somme toute assez frivole, soit!

Je poursuis sur la lancée des questions beaucoup plus sérieuses que me posait le député de Laurier. Le plan de relance comporte un certain nombre de dimensions destinées à la fois à augmenter le personnel technique dont nous disposons au Québec, à améliorer son entraînement, à faire en sorte que, dans le monde de, technologie qui change très rapidement, nous soyons aussi bien préparés que possible. Évidemment, c'est très structurant pour l'avenir. Ce sont des mesures qui sont toutes ramassées en peu de temps, mais qui vont avoir très longtemps un impact sur l'économie du Québec, sur le genre d'emplois qui sont créés et sur la technicité de ces emplois.

Je vais vous donner un certain nombre d'exemples. La création du ministère de la Science et de la Technologie a permis d'accélérer considérablement les sommes que le gouvernement pouvait placer dans un certain nombre de programmes, la définition de ces programmes et a donné - comment dire? - une relance très importante à l'ensemble des dépenses de recherche et de développement que le gouvernement du Québec pouvait aborder.

On l'a vu, par exemple, par un programme de financement d'installations dites de CAO-FAO. Le gouvernement était, jusqu'à maintenant, très peu intervenu là-dedans, mais, maintenant, c'est parti. De la même façon, le programme de relance prévoit sur trois ans la création de six nouveaux centres de recherche au Québec, des centres de recherche assez importants qui vont impliquer un investissement total d'à peu près 80 000 000 $. Nous avons considérablement augmenté le programme de soutien à l'emploi scientifique par les entreprises. Le Centre de recherche industrielle établit de nouveaux laboratoires à Montréal et il a donné un coup de main considérable aux hommes d'affaires depuis quelques années pour mettre au point des produits. Il était normal, concentré comme ce l'était à Québec, que cela déborde maintenant jusqu'à Montréal. Nous sommes en train de financer une quarantaine d'équipes de recherche dans les universités. Il était fondamental que ce genre de choses soient faites. Sans doute, avons-nous dû tasser, si je peux m'exprimer ainsi, le financement global des universités au cours des quelques dernières années, mais il reste qu'il y a des efforts à faire maintenant sur le plan de la modernisation des laboratoires et de la création ou de l'augmentation des ressources mises à la disposition d'un nombre important de centres de recherche.

L'AQVIR, l'Agence de valorisation industrielle de la recherche, a été mise sur pied. On sent - on le voit, d'ailleurs - aidé en cela par des mesures fiscales du gouvernement, qu'il y a bouillonnement à l'heure actuelle sur le plan de la recherche et du développement au Québec comme jamais il n'y en a eu. Pour une bonne part, c'est dû, encore une fois, aux gestes posés dans le cadre du programme de relance. Évidemment, il y a, sur le plan de la création d'emplois et, encore une fois, de la valorisation des emplois techniques, quelque chose qui est tout à fait fondamental à la fois pour le présent, parce que cela crée davantage d'emplois, et pour l'avenir, parce que ce sont des emplois qui, dans le monde contemporain, sont extrêmement concurrentiels.

À l'occasion de mes cinq prochaines minutes, M. le Président, j'aborderai le volet de la création directe d'emplois qui intéressait particulièrement le député de Laurier.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre.

M. le député de Roberval.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: Pour répondre au député de Vaudreuil-Soulanges, qui nous servait tout à l'heure des citations plus ou moins sorties de leur contexte, je voudrais rappeler certaines de ses déclarations lors de la campagne au leadership du Parti libéral, particulièrement celle qui a été reproduite dans la Tribune du 27 août où il disait, concernant le développement encore plus poussé du potentiel hydroélectrique, qu'il

considérait qu'il s'agissait d'une mauvaise priorité. "Nous allons devenir des esclaves de ce genre de mythe. Je suis convaincu qu'à long terme il va nous coûter très cher. " Il parle toujours de la phobie de son chef de développer le potentiel hydroélectrique plus vite qu'on ne doit le faire. Cela signifie l'exportation d'emplois. "L'énergie, c'est quelque chose de tellement précieux - disait le député de Vaudreuil-Soulanges - qu'il faut la conserver ici pour justement permettre la transformation de produits au Québec même. "

Quand on parle d'électricité et d'hydroélectricité, M. le Président, il arrive parfois que les citoyens ne comprennent pas la position du chef du Parti libéral, mais dorénavant on sera obligé de dire qu'on comprend de moins en moins la position du numéro deux, le critique officiel en matière de finances du Parti libéral du Québec.

C'est d'ailleurs ce même Parti libéral qui a réussi le tour de force de nous démontrer en commission parlementaire que le gouvernement du Québec avait trop rationalisé les dépenses, avait trop coupé. Il aurait dû moins couper, donc dépenser plus. Ce sont ces mêmes membres du Parti libéral qui ont réussi à nous démontrer qu'on taxait trop, qu'il faudrait baisser les impôts. Si on baisse les impôts et si on ne coupe pas, normalement, on emprunterait plus. Non, ils nous disent qu'on emprunte trop!

Ce sont aussi eux qui nous disent que le déficit global est trop élevé. En réponse à une question que je posais au député de Vaudreuil-Soulanges, à savoir: Comment peut-on faire, si on ne coupe pas les dépenses, si on taxe moins, si on emprunte moins, pour boucler le budget? il me répondait, et c'était d'ailleurs une réponse un peu générale qui lui permettait de se sortir de ce mauvais pas: Pour être en mesure d'administrer le Québec sans couper, sans emprunter, sans augmenter les taxes et en bouclant le budget, chers amis, augmentons les investissements!

On avait à ce moment-là un plan de relance qui permettait d'augmenter les investissements. On se retrouve aujourd'hui à l'Assemblée nationale pour étudier, selon le Parti libéral, l'insuffisance et l'inefficacité du plan de relance. Je conclus de l'équation particulièrement difficile que faisait le député de Vaudreuil-Soulanges, critique officiel en matière de finances et d'administration, que la réponse qu'attendent les Québécois, c'est qu'on fasse en sorte d'augmenter les investissements. Lui, il se ralliait à ça, c'est la réponse qu'il nous donnait en commission parlementaire.

Aujourd'hui on étudie un plan de relance qui a pour but d'augmenter les investissements au Québec. On a des chiffres...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Sans succès.

M. Gauthier: Le député de Vaudreuil-Soulanges, que j'aime bien et que j'ai laissé parler tout à l'heure sans l'interrompe, me dit: "Sans succès". Regardons-les, les succès du plan de relance du gouvernement du Québec. J'ai parlé tantôt des investissements publics et privés au total. Notre performance est nettement supérieure à celle de l'Ontario et, dans l'ensemble canadien, notre place est de plus en plus grande.

Il nous dit que c'est sans succès. Qu'on regarde les investissements dans le secteur de la fabrication. C'est important, ça! Notre position au Canada, c'était 18% en 1982; c'était 23% en 1983; c'est devenu 31% an 1984. Ce sont des investissements nettement plus importants au Québec.

Si le député de Vaudreuil-Soulanges trouvait que le seul moyen d'administrer le Québec, c'était d'augmenter les investissements - c'est lui-même qui nous l'a dit, on pourrait relever les procès-verbaux de nos réunions - pourquoi ne nous parle-t-il pas aujourd'hui des investissements? Pourquoi nous parle-t-il de dix emplois créés par une activité d'investissements publics? Pourquoi ne pas parler d'investissements? Il nous dit même ici, alors qu'il n'a pas la parole, que le plan de relance a été sans succès. Voyez les statistiques, on les donne. Si vous en voulez d'autres, j'aurai encore des périodes de cinq minutes tout à l'heure et je pourrai vous donner, dans tous les domaines qui vous intéressent, des chiffres vérifiés qui vous démontreront que ces mêmes investissements augmentent au Québec de façon significative. Merci. (11 h 30)

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Roberval.

La parole est maintenant au député de Laurier.

M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. J'ai le goût de dire: Voyons donc, M. le Président: Je vais revenir sur ce que je disais tout à l'heure, quand le ministre des Finances a prétexté un petit retour dans le passé pour nous faire une grande leçon historique, un retour historique sur le développement de l'économie. Je vais reprendre la discussion sur la création d'emplois directs et poser un certain nombre de questions directes pour essayer de faire le point sur cet aspect de l'intervention gouvernementale quand il s'agit de lutte au chômage, si on peut parler ainsi.

J'aimerais savoir, concrètement, combien d'emplois directs, durables et permanents le gouvernement a créés par ses programmes des quatre ou cinq dernières années. J'aimerais savoir combien d'emplois directs, permanents et durables le gouvernement crée actuellement avec ses

trois mesures contenues dans le plan de relance. J'aimerais savoir, si ce qu'on nous dit de l'autre côté, c'est-à-dire que cela va très bien comparativement, s'il n'y a pas là la preuve de ma thèse: ce que vous avez fait il y a trois ou quatre ans, vous n'auriez jamais dû le faire, ce que vous faites aujourd'hui, vous auriez dû le faire il y a trois ou quatre ans et ce que vous devriez faire aujourd'hui, on est devant un vide.

Durant la crise, alors que les gens les plus fragiles en termes d'employabilité tombaient comme des mouches, en termes d'emplois, ce qu'on a mis sur pied c'étaient des choses qui menaient dans un cul-de-sac en termes d'emplois permanents. Est-ce qu'on n'aurait pas dû, à ce moment-là, mettre sur pied des programmes d'employabilité pour qu'aujourd'hui, quand cela va tellement bien, comme on nous le dit, ces gens-là soient déjà employables, donc susceptibles d'avoir des emplois permanents et durables? Il me semble plutôt que vous êtes en décalage de trois ou quatre ans, si on regarde l'échéancier que nous avons devant nous. Nous avons un gouvernement qui en est à sa dernière partie de mandat et qui, maintenant, commence à faire des choses qui auraient dû être faites il y a trois ou quatre ans pour, finalement, ne laisser aucun espoir aux jeunes et aux chômeurs non moins jeunes qui sont les moins employables.

C'était le but de l'intervention que je faisais tout à l'heure. Ce n'était pas d'ouvrir une porte à une leçon historique sur le développement de l'économie et des investissements. C'est sur cela que j'aimerais que le ministre des Finances revienne, le choix que le gouvernement a fait il y a trois ou quatre ans. Car il me, semble clair que son choix a été motivé par un besoin d'apaiser sa conscience, de "s'autogratifier", dans le sens que - je me rappelle les débats ici, en Chambre - chaque fois qu'on avait un petit projet de création d'emplois de 20 semaines, on se pétait les bretelles, on publiait ad nauseam, continuellement, des dépliants pour annoncer un paquet de choses qui ne menaient nulle part.

La question que je pose directement, c'est: Combien d'emplois durables, permanents et réels ont été créés par ces programmes dans lesquels, au cours des quatre dernières années - selon les chiffres que j'ai - on a investi près de 500 000 000 $ des fonds publics? Combien d'emplois réels, permanents et durables seront créés par les programmes de travaux communautaires, de retour aux études, de stages en industrie, qu'on appelle des programmes d'employabilité qu'on aurait dû faire il y a trois ou quatre ans quand ces besoins d'employabilité étaient tellement évidents? Les gens les moins employables étaient ceux qui, les premiers, perdaient leur emploi. Et aujourd'hui que cela va un peu mieux, si on avait fait ce genre d'intervention à ce moment-là, on aurait été en mesure d'avoir une main-d'oeuvre un peu plus employable.

L'autre question directe que j'aimerais poser au ministre des Finances, c'est: Les mesures qui viennent sous le volet main-d'oeuvre annoncées dans le plan de relance, quelle est leur portée réelle en termes de formation de la main-'d'oeuvre? Est-ce que vous pouvez affirmer que les 10 000 personnes qui ont été, jusqu'à maintenant, touchées par les trois mesures ont véritablement eu une formation en termes de leur employabilité qui va leur permettre d'envisager l'avenir avec un certain espoir, en termes de participation active sur le marché du travail, ou n'est-il pas vrai que les programmes mis de l'avant ne sont pas des véritables programmes de formation de la main-d'oeuvre, mais plutôt une mesure palliative pour régler le problème de la discrimination faite à l'égard de l'aide sociale? N'est-il pas vrai que, finalement, un programme, il faut le juger par rapport à son objectif? Si l'objectif était effectivement de pallier la discrimination par rapport à l'aide sociale, est-ce qu'on peut vraiment dire que 11 000 personnes touchées, sur un total de 150 000 personnes aptes de moins de 30 ans... À peu près, 11 000 sur 120 000, ce n'est pas bien beau.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Finances.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: Nous en étions justement, dans le sens de l'intervention du député de Laurier, dans la description du plan de relance, à la question de l'emploi direct et des formes, des moyens qui ont été utilisés pour en faire apparaître.

Il y a ici plusieurs questions qu'il faut sérier. Je vais essayer de répondre aussi précisément que possible aux questions que le député de Laurier vient de me poser dans le cadre que je me propose de suivre dans les minutes qui viennent. D'abord, il faut bien comprendre, avant d'aller plus loin, que la majeure partie de la création d'emplois depuis le creux de la récession, contrairement à ce que bien des gens pensent, a été de nature permanente. À l'heure actuelle, sur les 185 000 emplois qui sont apparus depuis le creux de la récession, il y en a un peu plus de 86% qui sont permanents. Cela est contraire à des impressions que bien des gens peuvent avoir, mais c'est ce qui s'est produit dans le relèvement de l'économie. Donc, ce sont surtout des emplois permanents.

Les initiatives du gouvernement ont souvent porté, en 1982, 1983 et 1984 - j'ai eu l'occasion de l'expliquer avant - sur des programmes de nature temporaire. En fait,

de tous les programmes qu'on pourrait considérer comme de la création directe d'emplois - là, je comprends qu'il peut y avoir des problèmes de définition - il y aurait à peu près 118 000 personnes au Québec qui auraient été touchées par ces programmes jusqu'à maintenant, sans les mesures d'employabilité que je garderai pour la fin. Cela touche 118 000 personnes.

Là-dessus, c'est très difficile de savoir ce qu'il y a de temporaire et ce qu'il y a de permanent. Dans quelle mesure des emplois sont-ils créés, par exemple, pour 20 semaines et, ensuite, quelqu'un décroche, retourne à l'assurance-chômage ou bien si, à partir de ces programmes qui peuvent être de nature temporaire, l'emploi se prolonge. Par exemple: bon d'emploi. Les bons d'emploi, il y en a qui s'en sont servis pour obtenir un emploi qui n'a pas duré chez leur employeur. 11 y en a d'autres qui s'en sont servis et qui, grâce à ce bon d'emploi, sont toujours chez leur employeur. Combien des deux catégories? Cela devient très difficile. Il faudrait quasiment faire un "follow-up" des individus un à un.

Il y a, d'autre part, certains de ces programmes de création d'emplois du gouvernement qui, de par leur nature, sont plutôt permanents. Par exemple: PECEC. Il y a 17 000 employés dans le cadre de PECEC qui ont des emplois surtout de nature permanente. À côté de cela, il y a le programme PRIME pour les municipalités. On sait que ce sont surtout des emplois temporaires. Il reste que plusieurs de ces programmes d'emplois temporaires ont permis à des gens de recevoir une aide temporaire d'emploi direct et de garder leur emploi au bout. On se rend bien compte que ces programmes vont directement dans le sens d'un relèvement de l'emploi même si, encore une fois, dans un bon nombre de cas, il faut reconnaître qu'il y a eu, surtout en 1982, quand on a mis une sorte de filet en dessous de l'économie qui s'effondrait, beaucoup d'emplois temporaires de 20 semaines, je le reconnais.

L'employabilité maintenant. Il est vrai qu'il y a 120 000 personnes qui pourraient être touchées par ces programmes d'employabilité, des jeunes assistés sociaux de moins de 30 ans. Notre programme, à l'heure actuelle, sur trois volets, est de 50 000. On commence par 50 000. On pourrait toujours se dire: On pourrait y faire passer tous les 120 000, mais on commence par 50 000. C'est vraiment à la fin de l'été que ces programmes ont commencé à démarrer et c'est vrai qu'à l'heure actuelle ceux qui reçoivent leurs chèques, parce qu'ils sont inscrits dans chacun des trois volets... Je répète ce que c'est: retour à l'enseignement secondaire; stages en entreprise ou travaux communautaires. Il y en a 12 500 à peu près, 12 000 ou 12 500, qui sont inscrits sur les listes. Ce nombre augmente rapidement. Je pense qu'on va arriver à l'objectif de 50 000. Dans la mesure où on arrive à l'objectif de 50 000, là, on pourra ajuster la formule au besoin et essayer de prendre la totalité de la population visée.

Est-ce que tout cela implique une augmentation de l'employabilité? Je pense que oui, cela est vrai dans le cas de ceux qui n'ont pas terminé leur enseignement secondaire. Je pense qu'il est indiscutable que, dans notre société, quelqu'un qui n'a pas fini son cours secondaire part avec un handicap terrible. Les stages en entreprise m'ont l'air d'être très bien faits sur le plan d'initier au travail et de réinitier au travail et, autant que possible, à un travail un peu valorisant, des gens qui étaient sur l'aide sociale depuis assez longtemps. Je pense aussi que cela augmente indiscutablement leur employabilité.

Pour les travaux communautaires, peut-être pas tant que cela. Cela me paraît clair que le travail communautaire est un travail, comme son nom l'indique, qui peut augmenter l'employabilité, mais peut-être pas nécessairement.

Voilà, M. le Président, comment je conclus mes cinq minutes. D'abord, l'essentiel de la création d'emplois qui s'est faite depuis 1982 sur le marché du travail, ce sont des emplois permanents. Le gouvernement est intervenu pour toucher à peu près 120 000 personnes par des programmes temporaires, mais qui, dans la plupart des cas, sont devenus permanents, emploi par emploi, et dont certains étaient permanents de leur vocation propre comme PECEC.

Troisièmement, pour les mesures d'employabilité, je pense que nous faisons une première expérience avec quand même un bloc important de 50 000 personnes; l'objectif ultime, c'est que tout le monde puisse y passer.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre.

Il reste une intervention d'un député ministériel, une intervention de cinq minutes également d'un député de l'Opposition et finalement nous en serons aux deux interventions de dix minutes et du ministre et du député de Notre-Dame-de-Grâce.

La parole est au député de Roberval.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Pour continuer un peu dans la même veine de discussion, alors qu'on doit étudier à l'Assemblée nationale, à la demande de l'Opposition, l'efficacité et la nature même du programme de relance économique du gouvernement du Québec, on parle de toutes sortes de choses, mais on parle bien peu du fond de la question. Je dois vous livrer ma

déception face au manque d'articulation du Parti libéral en matière économique. C'est la dernière fois que j'ai l'occasion d'intervenir et je me dois de dire que j'aurais cru et j'étais - comme mes collègues d'ailleurs -préparé pour intervenir sur le fond même de la question sur la relance économique et sur l'efficacité des mesures. Outre quelques questions sur la nature des emplois créés ou les catégories d'emplois créés, on a eu bien peu de questions à caractère économique qui nous auraient permis, comme on est en droit, je pense, de l'espérer, de recevoir de l'Opposition des critiques justifiées, mais aussi des idées, des stratégies, de savoir comment eux auraient fonctionné, comment eux auraient fait pour créer plus d'emplois. Non pas de savoir si l'emploi no 14 823 est un emploi temporaire ou un emploi de dix mois, de douze mois ou un emploi permanent, mais bien de regarder l'ensemble du développement économique du Québec et de nous dire en quoi était justifiée une motion qui parle d'insuffisance et d'inefficacité d'un programme de relance. Mais comment peut-on parler d'insuffisance et d'inefficacité des programmes quand les résultats sont extrêmement positifs, toutes proportions gardées, quand on se compare dans un même contexte à d'autres gouvernements? Comment peut-on parler d'inefficacité et d'insuffisance quand les investissements générés par ce plan de relance sont même plus élevés que ce qui était prévu initialement? Comment peut-on parler d'insuffisance et d'inefficacité et de façon crédible quand on parle de quelque chose comme 10 000 000 000 $ d'investissements directement reliés aux préoccupations et aux mesures gouvernementales qui ont été traduites dans le plan de relance?

Ce matin, je m'attendais que l'Opposition, de façon articulée, précise, claire et évidente nous démontre que c'est insuffisant ce qu'on a fait et que c'est inefficace. (11 h 45)

M. le Président, on va être obligé de conclure, compte tenu de la performance exceptionnelle du Québec, compte tenu des investissements extrêmement importants qui se font au Québec et compte tenu aussi du fait qu'on sait très bien, et cela nous a été confirmé par l'Opposition, que la recette la plus probable, la plus plausible et la plus acceptable pour améliorer le sort des Québécois et des Québécoises, c'est d'augmenter les investissements, on va être obligé de conclure, dis-je, que le gouvernement, par ce plan de relance, dont on attribue la parternité au ministre des Finances, a été extrêmement efficace et qu'il nous a permis de nous sortir de la crise plus rapidement qu'ailleurs, de nous en sortir mieux, d'avoir au Québec une performance tout à fait inespérée. C'est par ces résultats absolument exceptionnels que je comprends maintenant la difficulté pour l'Opposition de nous présenter quelque chose d'articulé, des arguments de fond.

Je comprends que, quand on est dans l'Opposition, ce n'est pas facile de venir parler d'un plan de relance et de constater que le gouvernement a réussi. Soit, il y a des progrès à faire et la perfection n'étant pas de ce monde, nous allons la poursuivre tant et aussi longtemps que nous serons à la gouverne de l'État, mais je peux vous dire que je comprends sa piètre performance par le fait que ce n'est pas facile comme Opposition d'être obligée de constater avec le gouvernement que, dans des circonstances difficiles, nous nous en sommes drôlement bien sortis. Ce qui est le pire et le plus décourageant pour eux qui aspirent à former le gouvernement, ces pauves gens du Parti libéral, c'est qu'on est bien obligé de constater que cela continue et drôlement bien. C'est inquiétant pour eux et c'est probablement pour cela qu'ils réclament des élections au plus tôt. Ils savent bien que, quand les Québécoises et les Québécois auront véritablement pris conscience de l'ensemble des résultats et des effets du plan de relance, ils choisiront ce gouvernement comme étant le plus apte à faire évoluer l'économie du Québec dans le bon sens et à leur créer des emplois à tous et à toutes. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Vaudreuil-Soulanges, vous avez cinq minutes.

M. Daniel Johnson

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président. Le député de Roberval vient de démontrer qu'effectivement la perfection n'est pas de ce monde. Quant à la façon dont on peut articuler ses prises de position dans les débats, tout ce que j'ai vu du député de Roberval, c'est qu'il nous a parlé de la traversée du lac Saint-Jean, entre autres choses, et qu'il semble faire très peu de cas d'un aspect fondamental de l'action gouvernementale qui est de savoir si un gouvernement se comporte de façon à donner une image de lui-même ou à s'occuper des véritables problèmes qu'affronte la population.

Quant à nous, l'illustration que nous faisons que c'est un gouvernement d'image qu'on a devant nous, cela a été l'insistance relative qu'on a mise à pointer du doigt des panneaux-réclame à droite et à gauche. Le ministre a voulu d'une façon extrêmement légère mettre de côté cet aspect qui a de l'importance pour la population, c'est-à-dire des panneaux, le décor qui est un peu embelli par la couleur bleue et blanche qui est celle de l'Assemblée nationale, mais qui, par ailleurs, ne crée absolument, comme tel, aucun emploi, ce n'est pas l'illustration d'une

volonté politique de faire quelque chose.

Quant aux arguties dont le député de Roberval veut bien nous abreuver et s'abreuve lui-même, d'ailleurs, je lui rappelle qu'à l'égard des divergences de vues qui peuvent exister à l'intérieur d'un parti, il y en a qui portent effectivement sur les accents plus ou moins aigus, plus ou moins graves qu'on peut mettre sur le développement des ressources énergétiques, notamment. Le député l'a souligné tout à l'heure, ça fait partie du dossier public, il n'y a aucune difficulté là-dessus, mais vous me permettrez de souligner que ces divergences d'opinions qui rassemblent, au-delà de tout ça, des gens dans un même parti, c'est beaucoup moins sérieux pour l'avenir du Québec que les débats de fond dont les journaux font constamment état entre les purs et les durs sur des options fondamentales du Parti québécois et ceux qu'on appelle les révisionnistes, les défaitistes, qu'on les appelle comme on voudra. Quand on parle de solidarité entre les gens, quand on parle de regarder vers l'avenir, il apparaît important de dire que, si les gens se retrouvent au moins sur le terrain de l'économie et de la création d'emplois comme on le fait au Parti libéral du Québec, les Québécois devraient se sentir plus en confiance que d'être entre les mains d'un parti qui ne sait même pas s'il est encore pour l'option, le libellé, le programme qui, essentiellement, réunit ces gens, théoriquement, encore à l'intérieur d'un même gouvernement.

Quant à parler des suggestions que nous aurions à l'égard de certains des volets, prenons un volet où, étrangement, l'action gouvernementale n'a pas donné lieu à la création d'emplois, tout au contraire. Dans le domaine des forêts - mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce l'a mentionné - on a perdu plusieurs milliers d'emplois depuis que le plan de relance, le plan Parizeau est en vigueur. Pourquoi? Parce que ce n'est pas pensé. C'est un programme, ce reboisement de la forêt, qui est un des volets de la politique forestière, qui met la charrue devant les boeufs. On ne pourra véritablement, au Québec, parler d'un développement ordonné de nos exploitations forestières créatrices de dizaines de milliers d'emplois directs et d'au moins le double en matière d'emplois indirects, s'il n'y a pas de politique forestière organisée.

Il y a déjà un volet qui, en principe, est accepté par tout le monde, la révocation des permis pour les limites de coupe, etc. Cela date, d'ailleurs, de la fin des années de l'occupation du siège du pouvoir par le Parti libéral du Québec, 1974-1975, alors que les principes ont été admis. Mais il faut - ça, c'est la responsabilité d'un gouvernement qui doit faire les choses normales qu'un gouvernement fait - donner lieu à une politique forestière où, après la révocation, on parle d'allocation du territoire, on parle du partage des coûts en matière de reboisement entre le privé et le public, on parle d'une politique de protection des forêts, notamment.

La protection des forêts au point de vue du feu, au Québec, ne crée pas de problèmes. On a probablement la meilleure équipe, si on veut, dans tout le territoire, pour combattre les feux de forêt; ça tient à notre géographie, à nos traditions, à la façon dont nous savons quand même gérer nos forêts. Mais on manque d'une politique de protection véritable qui s'adresserait aux problèmes criants des ruptures de stock possibles et il y a 28% du territoire producteur de matières ligneuses pour les pâtes et papiers, le bois de sciage, qui n'est plus productif. Le gouvernement a été négligent quant à la politique de protection. 11 ne fait rien cette année, malgré tous les discours du plan Parizeau, pour passer à 300 000 000 d'arbres qui seraient replantés. C'est 65 000 000 le rythme actuel; cette année, de l'avis de tous ceux qui connaissent cela et gagnent leur vie là-dedans, on parle de 70 000 000 à 75 000 000. Ce n'est certainement pas là qu'on voit les grands pas en avant vers une politique véritable de reboisement de nos forêts, qui comprend, d'ailleurs, des mécanismes de recherche et de développement de façon à protéger la forêt. Ces 28% maintenant démolis, qui ne servent plus à rien, il faut y voir. Le gouvernement n'y voit pas du tout, il introduit des mesures de débroussaillement et tout ce que vous voulez qui vont coûter de neuf à dix fois plus cher que les méthodes traditionnelles, qui peuvent être améliorées. C'est là qu'un gouvernement responsable doit intervenir. À l'égard du plan de relance en matière de reboisement, il y a une faillite à tel point qu'il y a moins d'emplois qu'il n'y en avait. Le gouvernement doit, de façon responsable, se diriger vers un programme cohérent dans ce volet du plan Parizeau.

Le Président (M, Lachance): Nous en sommes maintenant, messieurs de la commission, à la conclusion de l'interpellation d'aujourd'hui. Il reste donc une période de dix minutes au ministre des Finances et, par la suite, dix minutes additionnelles au député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le ministre des Finances.

Conclusions M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, je voudrais conclure mes interventions ce matin en essayant de faire le point de la situation économique telle qu'on peut la voir actuellement au Québec et pour certains

secteurs plus spécifiques de son économie. Je terminerai en disant quelques mots des perspectives d'emploi telles qu'elles m'apparaissent actuellement.

Il n'y a pas l'ombre d'un doute que le pessimisme assez marqué chez certains de nos dirigeants économiques a fait place depuis un an, un an et demi peut-être, à un optimisme assez remarquable. J'en veux pour témoin ce qui se passe à Montréal. Montréal est quelque chose de considérable pour le Québec, pour son économie. La région métropolitaine de Montréal est ainsi faite que 40% ou 45% de la population totale du Québec vit dans un rayon de 30 à 35 kilomètres de Peel et Sainte-Catherine. Montréal qui ne va pas affecte tout le Québec. Montréal qui va bien affecte aussi tout le Québec. Je commence à parler de Montréal parce que, effectivement, l'économie montréalaise, sous toute espèce de formes et de plans, est en train de se redresser de façon assez remarquable.

Je ne veux pas, un instant, imaginer qu'un gouvernement peut tout faire, et fait tout, et que seul le gouvernement est responsable de ce qui se produit à Montréal, à l'heure actuelle. Il y a sûrement un changement de climat. Il y a eu une sorte de regroupement des forces à Montréal depuis quelque temps. Le gouvernement de Québec a assez nettement appuyé, je pense, ce relèvement, d'abord au niveau des investissements publics, mais aussi par la collaboration très étroite de ses agences, comme la Société de développement industriel, par exemple, comme la Caisse de dépôt, à une résurgence des investissements privés dans la région métropolitaine de Montréal. Des mesures fiscales ont aidé aussi en parallèle avec le plan' de relance. Il ne fait pas de doute que la place financière de Montréal est en train de reprendre du poil de la bête de façon tout à fait remarquable. Là encore, des mesures très énergiques, prises par la direction de la Bourse de Montréal, sont sûrement, d'abord et avant tout, responsables de ce qui est en train de se produire. Mais, le gouvernement y a été pour sa part. Il est clair, par exemple, que l'introduction du Régime d'épargne-actions, au Québec, a encouragé un financement public d'entreprises, a permis à des entreprises de prendre une expansion que, jamais, elles n'auraient pu prendre ou n'auraient pu risquer, sans cela. Tout le monde le reconnaît.

On voit, ce matin, dans le Globe and Mail, une série d'articles consacrés à Montréal, qui marquent fort bien ce relèvement. Nous assistons, ailleurs qu'à Montréal, à des développements intéressants, mais divers. Ce que je veux dire par là, c'est que, dans les Cantons de l'Est, par exemple, on assiste à des agrandissements d'usines, à l'implantation de nouvelles usines, à une augmentation de l'emploi industriel assez notoire depuis un an et demi. Au contraire, il y a des régions qui, à l'heure actuelle, éprouvent encore de très fortes difficultés. Je pense ici, en termes d'emploi ou de chômage, à l'Abitibi où la fermeture d'une très grande entreprise et deux grèves importantes doivent mettre en cause environ 2000 ou 2500 employés et, par les effets indirects que cela a, probablement 4000 ou 5000 emplois dans cette seule région, ce qui est énorme pour un endroit comme l'Abitibi.

Il ne faut pas s'imaginer que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Au contraire, il reste, comme je le dirai en terminant, tout à l'heure, passablement de chemin à parcourir, mais, enfin, on voit qu'on est sorti de cette dure récession qui nous avait frappés, et, qu'en particulier à Montréal et dans quelques régions, la reprise est très forte, elle est remarquable, elle est constatée par tout le monde.

Ce qu'il y a d'un peu lunaire dans nos échanges, ici, c'est que ce que je dis correspond au bon sens, c'est une perception qui est très généralement répandue. J'imagine que nos amis d'en face n'ont pas eu l'occasion de regarder le Globe and Mail de ce matin ou le dernier numéro du même journal, qui a une certaine qualité dans la connaissance de ce genre de phénomène, le dernier numéro spécial publié sur le Québec. Tout le monde reconnaît cela. Dans le milieu des affaires, c'est tout à fait clair. Dans ce sens, encore une fois, qu'on ne me demande pas, un instant, d'imaginer que je vais donner au gouvernement de Québec la paternité de tout ce qui s'est fait. Nous n'avons ni cette vanité, ni cet aveuglement. Il faut reconnaître - tout le monde le reconnaît - que plusieurs sources de cette expansion nouvelle viennent de politiques gouvernementales.

J'ai dit quelques mots tout à l'heure de Corvée-habitation. Quand on sort des panneaux, Corvée-habitation a donné à la construction domiciliaire au Québec une sorte de bond en avant qui n'a aucune espèce d'autre correspondance au Canada. Évidemment, on s'est dit en 1983, quand on s'est rendu compte qu'on avait augmenté grâce à Corvée-habitation de 75% les mises en chantier: Quand même, en 1984, cela va tomber. Pas du tout. 1984 ne connaîtra pas des accroissements pareils, bien sûr, mais va être un peu meilleure encore que 1983. Ce sont des gestes fondamentaux comme ceux-là qui ont été posés, et qu'on n'a pas faits seuls. (12 heures)

Je pense qu'une partie du relèvement de l'économie du Québec à l'heure actuelle vient dans une bonne mesure ou dans une certaine mesure - il faut rapporter progrès ici - des formes de concertation que le présent gouvernement a développées petit à

petit avec les syndicats et les patrons. Nous avons tenu quelque chose comme 32 sommets depuis quelques années. On en a tenu tellement qu'à certains moments certains sourient chaque fois qu'on parle d'un autre sommet qu'on va organiser; mais regardons bien, M. le Président, ce que cela donné. Cela a donné à un gouvernement qui ne s'imagine pas tout savoir un certain nombre de perceptions des exigences de certains secteurs; on a fait des sommets dans la chaussure, dans le meuble, dans le textile. Beaucoup des mesures que nous avons prises ont été dictées, finalement, par la connaissance des dossiers qui est apparue à ce moment-là.

Certains sommets plus généraux, vraiment, où tous les intervenants importants dans l'économie se retrouvaient - je pense au sommet de Québec, par exemple, d'avril 1982 - ont été absolument déterminants pour lancer certaines des mesures gouvernementales. Corvée-habitation n'a pas été inventé par le gouvernement. L'idée est venue de Louis Laberge, le président de la FTQ, et a été appuyée immédiatement et solidement par M. Biais, le président du Mouvement Desjardins. C'est de cette étincelle que ce succès énorme de Corvée-habitation est venu. Nous avançons dans cette concertation. Ah! Ce n'est pas facile, je le sais bien. Très souvent, les intérêts sont assez divergents. Je le sais aussi. Mais il reste que cette concertation graduelle avec les agents du milieu, je pense, donne, pour la première fois, à un gouvernement du Québec une telle connaissance des exigences de ce milieu.

Cela aura eu indiscutablement, à l'occasion de la mise au point du plan de relance, un effet très profond. Pendant que ce pian de relance se préparait à Compton, on voyait un défilé de toute espèce de gens qui venaient rencontrer des ministres parce qu'on voulait les tester sur certaines choses pour en mesurer l'efficacité et, évidemment, le bien-fondé. C'était dans le même sens, dans la même démarche de chercher à trouver, parmi tous les instruments qui, théoriquement, s'offrent à un gouvernement, ceux qui sont les plus susceptibles d'avoir un impact sur les affaires en général, sur, plus particulièrement, ce qui détermine, finalement, la prospérité d'une économie, c'est-à-dire ses investissements, ses exportations, le niveau de consommation, bien sûr, de ses particuliers, les capacités de sa main-d'oeuvre et son degré d'entraînement.

C'est là-dessus que nous cherchons surtout à travailler, avec, cependant, des mesures additionnelles plus temporaires, plus immédiates de création directe d'emplois, de programmes temporaires dont il ne faut pas se moquer parce qu'il en faut tant que le rythme de progression des données de base de l'économie n'est pas encore suffisamment avancé. Dans ce sens, tout n'est pas parfait, loin de là. Nous avons encore un bon bout de chemin à parcourir, mais je suis convaincu que nous sommes sur la bonne voie. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre des Finances. Maintenant, la parole est au député de Notre-Dame-de-Grâce pour le mot de la fin.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Le ministre des Finances a pris récemment la mauvaise habitude de faire des attaques personnelles contre les membres de l'Opposition. La semaine dernière, il en a fait contre mon collègue, le député de Laporte. Ce matin, il m'accuse de mépris. Ce ne sont pas les deux seuls cas.

J'ai l'intention, en terminant, ce matin, d'être poli, mais quand même assez direct dans ce que je vais dire. La première chose, c'est que, si le ministre des Finances aspire un jour à faire un débat sur l'économie avec M. Robert Bourassa, il doit d'abord réussir dans ses efforts de devenir chef de son parti et, deuxièmement, il doit arriver à ce débat beaucoup mieux préparé qu'il ne l'était aujourd'hui, et de loin.

Il y a deux semaines, nous avons décidé de proposer un débat sur le plan de relance. On ne savait pas qui était la personne responsable de ce plan. On pensait que cela pouvait être au président du Conseil du trésor d'assumer la responsabilité, mais le leader nous a dit: Non, la personne responsable, c'est le ministre des Finances. Il est donc venu ici et, ce matin, il a non seulement nié qu'il l'avait conçu, il a nié sa responsabilité là-dedans. Je comprends très bien pourquoi. Personnellement, l'expérience m'a, au moins, donné l'occasion de savoir qui est véritablement le ministre responsable de ce plan et je vous dirai quelle est cette personne à la fin de mon intervention.

Le ministre n'a démontré aucune connaissance des détails, ni des principes de fond - s'il y en a - de ce plan de relance. À titre de ministre des Finances depuis huit ans, c'est la première fois qu'il vient ici pour faire un débat exclusivement sur la question d'un programme économique. À titre de ministre des Finances, il est connu comme quelqu'un qui a augmenté la dette du Québec à un niveau sans précédent. Il est le premier ministre des Finances, depuis des années et des décennies, à être responsable d'une baisse de notre cote de crédit. Nous sommes devenus pendant son mandat les plus taxés en Amérique du Nord. Il a eu le culot de nous présenter deux budgets en 1981, l'un quelques mois avant l'élection et l'autre, quelques mois après. Vous vous souvenez de la taxe ascenseur du deuxième budget. Il a perdu tout contrôle sur le livre blanc qu'il a promis au moins dix fois. Il a fait des erreurs dans le calcul de transferts fédéraux

pour lesquelles il a subi les reproches d'à peu près tout le monde. Il a fait des erreurs dans sa loi sur le Régime d'épargne-actions au sujet desquelles il s'est attiré les reproches des milieux d'affaires. Pendant tout ce temps, il prétend que les hommes d'affaires et le secteur économique de notre province lui donnent leur appui. Mais j'ai de la difficulté à trouver une seule personne prête à voter pour lui lors d'une prochaine élection générale.

Il arrive aujourd'hui pour nous parler de l'économie et c'est encore pire qu'avant. On a répété et on répète encore que, quant à nous, ce plan de relance est une série de mesures d'entretien, de maintenance, d'administration normale d'un gouvernement, qu'il doit faire tous les jours, sans faire de bruit, sans publicité.

Finalement, je pense que toute personne qui élit un gouvernement au Québec s'attend que celui-ci remplace sur son territoire les arbres qui sont coupés. Il s'attend que le gouvernement accordera une aide au financement des petites entreprises, comme cela s'est fait depuis des années par la SDI; il s'attend qu'on rénovera les logements désuets; il s'attend que les programmes agroalimentaires continueront; il s'attend qu'on continuera de donner un appui à l'industrie touristique.

Ce sont là les éléments du plan de relance. Le plan de relance essentiellement n'est pas un plan du tout. Le ministre n'était pas capable de décrire ses fondements ni ses principes de base. Il a démontré un manque de connaissance presque total des détails, en répondant aux questions qui ont été posées par mes collègues: le député de Laurier, sur les programmes de création d'emplois et le député de Vaudreuil-Soùlanges, dans le domaine des forêts.

Il a surtout démontré un manque total de connaissance des détails de son programme d'emploi quand on lui a montré ce tableau et qu'on lui a dit qu'il y en avait partout au Québec, de tels panneaux-réclame: chaque personne peut sortir de sa maison et en trouver. J'invite les gens à demander au député de leur comté, chaque fois qu'ils voient un tel panneau-réclame: Qu'est-ce que c'est exactement, ces emplois? Est-ce que ce sont les emplois permanents qui seront créés à cause de cet événement qui est décrit ici? Est-ce que ces emplois seront là d'ici à un an ou deux ou est-ce, tout simplement, le nombre de personnes qui seront mises à l'oeuvre pendant quelques semaines par un entrepreneur pour effectuer de la rénovation?

On en arrive au point où on peut s'attendre que le ministre des Finances ou la personne responsable de ce programme annoncera une création d'emplois quand il accorde un contrat pour laver les vitres d'un édifice gouvernemental. Sept emplois créés parce que, pendant une semaine, on lave la vitrine.

Personne de votre côté n'est capable de répondre à ces questions et c'est normal, mais on aurait pu s'attendre que le ministre envoyé ici au nom du gouvernement puisse nous dire si ce sont de vrais emplois ou non. Il n'est même pas capable de répondre. Il ne sait pas. La personne qui a été envoyée ici pour nous donner des réponses n'a pas de réponses. Il ne connaît pas son dossier.

J'arrive à la fin de cette affaire et je veux dire que je sais maintenant qui est le ministre responsable de ce pseudo plan de relance. J'avais dit tantôt que ce panneau, reproduit dans tout le Québec, était le symbole du plan de relance, et je me suis trompé. Je n'avais pas raison. Ce panneau-réclame n'est pas le symbole du plan de relance. C'est son essence même, c'est tout ce qu'il y a. Il n'y a que cela. Effectivement, c'est cela, le plan de relance, les panneaux publicitaires.

En terminant, M. le Président, je suis obligé de vous dire que je suis totalement persuadé que la personne qui a conçu et réalisé le plan de relance, c'est nul autre que M. Bertrand, le ministre des Communications. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député.

M. le ministre, messieurs de la commission, merci de votre collaboration qui m'a facilité la tâche comme président.

La commission du budget et de l'administration, s'étant acquittée de son mandat, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 12)

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