Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Quinze heures onze minutes)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre!
La commission du budget et de l'administration se réunit
aujourd'hui avec le mandat de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
249, Loi concernant La Prévoyance Compagnie d'Assurances.
Nous aurons également un deuxième mandat qui nous vient
directement de la Chambre à la suite de l'étude
détaillée du projet de loi soit de procéder à une
consultation particulière sur le projet de loi 18, Loi modifiant la Loi
sur la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Je demanderais au secrétaire s'il y a des remplacements.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Blais
(Terrebonne) est remplacé par M. Paré (Shefford); M. Caron
(Verdun) est remplacé par M. Fortier (Outremont).
Le Président (M. Lachance): Merci. J'inviterais maintenant
les porte-parole de La Prévoyance Compagnie d'Assurances à se
présenter à la table et, pour les fins du Journal des
débats, je voudrais leur demander de s'identifier, s'il vous
plaît.
M. Picotte (Daniel): Mon nom est Daniel Picotte, de
l'étude Martineau, Walker, et nous représentons La
Prévoyance Compagnie d'Assurances.
M. Thivierge (François-C. ): François-C. Thivierge,
chef du contentieux de La Prévoyance.
Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre.
Projet de loi 249 Étude
détaillée
M. Duhaime: M. le Président, le projet de loi 249 est un
projet de loi privé concernant La Prévoyance Compagnie
d'Assurances. Il s'agit, en fait, de légiférer pour
remédier à une omission qui avait été faite lors de
l'émission des lettres patentes et par la suite des émissions
d'actions privilégiées. Le projet de loi qui est devant nous
aujourd'hui aura un effet rétroactif au 4 mai 1983. En fait, il s'agit
de donner une assise juridique à l'émission de lettres patentes
qui ont été faites, à ce moment, et qui reposaient sur une
résolution. Ensuite, l'émission d'actions
privilégiées qui a été faite l'a été,
bien sûr, en conformité avec le règlement qui avait
été adopté, mais les dispositions de l'article 146 de la
Loi sur les compagnies et les articles 40 et 51 de la Loi sur les assurances
n'avaient pas été respectées, en ce sens que les lettres
patentes supplémentaires ne peuvent être émises sans
l'autorisation du gouvernement.
Or, le projet de loi vient pallier cette omission et aura un effet
rétroactif à la date qui est indiquée dans le projet.
Voilà le sens du projet de loi privé qui est devant nous
aujourd'hui, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le
député de Vaudreuil-Soulanges, est-ce que vous avez... M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: J'ai juste deux ou trois commentaires. Le premier est
d'ordre général et je m'adresse au Barreau du Québec parce
que je trouve très intéressant de me trouver devant une autre loi
rétroactive aujourd'hui, et le silence le plus total du Barreau du
Québec. Cela peut vous surprendre, M. le ministre - les deux autres lois
ne vous regardent pas - mais j'ai été le parrain de deux petites
lois qui avaient pour effet de donner un peu de rétroactivité au
recours médical. Vous ne pouvez imaginer les protestations qu'ont faites
les avocats du Québec et le Barreau du Québec contre le principe
même d'une loi rétroactive adoptée et les pressions qui ont
été exercées sur le ministre de la Justice. C'est pour moi
un exemple qu'il existe deux poids différents dans ces cas. Cela ne
regarde pas le projet de loi, mais j'espère que vous ne vous opposez pas
à ce que je me vide un peu le coeur parce que ce problème a
été extrêmement difficile pendant plusieurs semaines.
M. Duhaime: Soyez bien à l'aise, cher collègue, je
ne suis pas membre du barreau.
M. Scowen: C'est terminé maintenant.
M. Duhaime: Je ne suis pas membre du barreau, soyez bien à
l'aise.
M. Scowen: De toute façon, cette partie de ma
déclaration est terminée.
On aurait seulement deux ou trois questions à vous poser. Quant
à nous, ce sont seulement des questions qui concernent les articles qui
sont pertinents aux changements que vous mentionnez et aux gestes qui ont
été posés. Il n'est aucunement fait mention de l'article
48 dans la loi. Vous parlez de l'article 155. Je suis maintenant à la
page 4 du projet de loi. On ne voit pas la pertinence de l'article 155 dans le
problème. Quant à nous, l'historique doit mentionner au moins
l'article 48, et surtout 48. 2 et 48. 9. Pouvez-vous expliquer d'abord la
pertinence de l'article 155 qui fait référence à l'article
153?
M. Picotte (Daniel): La raison de l'article 155 est que c'est
l'article qui s'applique dans le cas de compagnies régies par une loi
privée, telle La Prévoyance Compagnie d'Assurances qui a
été constituée en 1908 par loi privée. Dans ce
cas-là, c'est la partie II de la Loi sur les compagnies qui s'applique
et l'article 155 demande que le gouvernement ait approuvé
l'émission de lettres patentes avant qu'elles soient émises.
Alors, il est entendu qu'ayant omis de s'adresser à l'Inspecteur des
institutions financières pour demander des lettres patentes on n'a pas
plus demandé au gouvernement son assentiment. C'est l'une des raisons
qui pouraient faire qu'on puisse mettre en doute éventuellement la
validité de l'émission de ces actions.
M. Scowen: À l'article 155, on fait
référence à l'article 153. Les gestes qui ont
été posés par La Prévoyance étaient-ils
prévus à l'article 153? Est-ce que c'est clair que c'est...
M. Picotte (Daniel): On va examiner. Si vous me permettez,
j'ai...
M. Scowen: Oui. Pour mot...
M. Picotte (Daniel):... le texte avec moi. Il s'agissait, en
fait... Je vais vous trouver la référence exacte. La source de
tout cela est à l'article 146, à son paragraphe 9, qui dit:
"Lorsque des actions...
M. Scowen: Paragraphe 9?
M. Picotte (Daniel): Oui, de l'article 146.
M. Scowen: Oui, qui dit...
M. Picotte (Daniel):... qui dit: "Lorsque des actions sont
émises en série, les formalités prévues aux
articles 156 et 157 sont applicables. " En d'autres termes, il faut aller
chercher la sanction du gouvernement et l'émission de lettres patentes
supplémentaires.
M. Scowen: Quant à vous...
M. Picotte (Daniel): Alors, il aurait fallu que nous
allions...
M. Scowen: L'émission aurait dû être
ratifiée par les autorités gouvernementales selon les termes de
l'article 155. On avait l'impression que cela aurait dû être
autorisé selon les termes de l'article 48.
M. Picotte (Daniel): L'article 48 de la Loi sur les
compagnies?
M. Scowen: Oui.
M. Picotte (Daniel): II n'est pas applicable à La
Prévoyance Compagnie d'Assurances. L'article 48 fait partie de la partie
I de la Loi sur les compagnies, qui ne s'applique qu'aux compagnies
créées par lettres patentes.
M. Scowen: Ah bon!
M. Picotte (Daniel): Les compagnies qui sont créées
par loi spéciale sont régies par la partie II de la Loi sur les
compagnies qui est, cela va de soi, le pendant de la partie I, qui y ressemble
à tous égards, sauf que la numérotation des articles est
différente.
La contrepartie de l'article 48 se trouve à l'article 146.
M. Scowen: Alors, j'ai sûrement deux questions
additionnelles à vous poser. La première: Pouvez-vous nous
expliquer brièvement comment il se fait qu'on est devant un projet de
loi de cette nature, trois ans après que le geste est posé?
Qu'est-ce qui est arrivé pour que les gestes administratifs et les
autorisations ne soient pas faits?
M. Picotte (Daniel): II y a deux raisons. Nous sommes ici,
d'abord, parce que le vice qui affectait l'émission de ces actions n'a
été découvert et soulevé que récemment; en
fait, c'est en consultation, lorsque, pour les fins d'une autre consultation,
nous avons regardé l'acte constitutif et nous avons demandé:
Où sont les lettres patentes pour autoriser ces actions? Où est
l'autorisation gouvernementale? C'est alors qu'on s'est mis à fouiller -
chacun, jusque-là, s'était comporté à tous
égards comme si les actions étaient émises - on a
cherché les lettres patentes et le décret gouvernemental. On nous
a dit: Écoutez, il n'y en a pas. Alors, il est évident que,
à ce moment-là, la question s'est soulevée et on a dit: Il
peut y avoir un doute sur la validité de l'émission des actions.
Il faut trouver un moyen. Toutes les
parties étaient désireuses de le faire, elles
s'étaient entendues; elles avaient toujours considéré ces
actions comme émises, elles avaient déclaré des dividendes
à cet égard-là de bonne foi, elles en avaient même
racheté une partie, a-t-on dit. Bien, il faut régler cela. C'est
la raison pour laquelle nous sommes ici.
Maintenant, la raison pour laquelle cela n'a pas été
demandé, je pense que c'est sans doute dans le cadre d'un groupe qui a
de nombreuses compagnies; on se présente en fin d'exercice, en fin
d'année financière. Une transaction doit être faite
absolument avant la fin de l'année financière. Je pense que cela
a tout simplement été échappé, selon les
déclarations que notre cliente nous a faites.
M. Scowen: Est-ce que vous vous êtes assuré qu'il
n'existe aucune personne physique ou morale qui puisse subir des dommages ou
des torts à cause de cette correction que l'on va faire?
M. Picotte (Daniel): Non. Nous avons vu très certainement
que l'état des bénéfices accumulés de la compagnie
met d'abord les assurés et les créanciers parfaitement à
couvert. Les actions ont été entièrement
acquittées, comme c'est relaté dans le préambule. Les
actions ont d'abord été entièrement payées. Les
dividendes ont été déclarés, sous réserve de
la validité de l'émission d'actions, tout à fait
légalement. Chacun des actionnaires qui aurait pu s'en plaindre nous a
donné une lettre nous assurant qu'il n'avait aucune objection à
la présentation du projet de loi privé, qui est d'ailleurs, je
pense, dans, le dossier de M. le député qui l'a
présenté au nom de La Prévoyance.
Alors, à partir de là, les conseils d'administration et
les actionnaires ont été consultés, l'émission des
actions s'est faite contre valeur, les dividendes ont été
déclarés conformément à la loi, c'est-à-dire
sans causer de préjudice aux droits des créanciers et, dans ces
circonstances-là, nous ne voyons pas très bien à qui on
causerait de préjudice par l'adoption du projet de loi.
M. Scowen: II n'y a pas d'actions d'intentées ou qui
pourraient être intentées dans un avenir prévisible, qui
seront effectivement annulées ou empêchées par ce projet de
loi?
M. Picotte (Daniel): De quelle nature? M. Scowen: C'est
cela...
M. Picotte (Daniel): Je n'en vois pas. Qu'avez-vous à
l'esprit?
M. Scowen: Je pose effectivement la même question, je
pense, d'une façon différente. Je veux simplement m'as3urer qu'on
ne cause préjudice à personne à cause de l'adoption de ce
projet de loi, parce...
M. Picotte (Daniel): Non, je pense...
M. Scowen:... qu'il y a des bénéfices, d'un
côté, qui vont découler de l'adoption de ce projet de
loi.
Une voix: Franchement:
M. Scowen: On veut simplement s'assurer qu'il n'y aura pas...
M. Picotte (Daniel): Personne n'en souffre préjudice.
M. Scowen:... de coûts.
M. Picotte (Daniel): Non, comme je vous l'ai dit, il y aurait les
créanciers, le conseil d'administration et les actionnaires,
peut-être; comme je vous l'ai dit, selon le raisonnement dont je viens de
vous faire état, nous ne voyons aucune de ces personnes à qui on
causerait un préjudice.
Le Président (M. Lachance): Alors, M. le
député, cela va?
M. Scowen: Oui.
Le Président (M. Lachance): On est prêt à
passer à l'adoption du projet de loi. Est-ce que le préambule du
projet de loi 249, Loi concernant La Prévoyance Compagnie d'Assurances,
est adopté?
M. Scowen: Adopté.
Le Président (M. Lachance): Le préambule est
adopté.
M. Scowen: Adopté.
Le Président (M. Lachance): J'appelle l'article 1.
M. Scowen: Adopté.
Le Président (M. Lachance): L'article 1 est adopté.
J'appelle l'article 2.
M. Scowen: Adopté.
Le Président (M. Lachance): L'article 2 est adopté.
J'appelle l'article 3.
M. Scowen: Oui.
Le Président (M. Lachance): L'article 3 est adopté.
J'appelle maintenant le titre du projet de loi, Loi concernant La
Prévoyance Compagnie d'Assurances. Est-ce qu'il est
adopté?
M. Scowen: On pourrait l'appeler "L'Imprévoyance":
Adopté.
Le Président (M. Lachance): Adopté. Alors,
j'appelle maintenant l'ensemble du projet de loi 249. Est-ce qu'il est
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Lachance): Adopté. S'il n'y a
personne qui a autre chose à ajouter... Peut-être M. le
député de Shefford qui est le parrain du projet de loi?
M. Paré: Comme un bon parrain, cela ne sera pas tellement
long parce que c'est un bon filleul. Je dois dire que je veux féliciter
la compagnie qui a fait vraiment très rapidement la préparation
d'un rapport très bien monté et qui a fait en sorte que toutes
les craintes exprimées par mon collègue tantôt soient
vérifiées d'avance pour que, effectivement, il n'y ait pas de
problème. Il n'y avait pas de raison que cela ne soit pas adopté
à cette session-ci. Je suis content et cela m'a fait plaisir
d'être le parrain du projet de loi. Bonne chance à l'entreprise.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le
député de Shefford. Alors, je remercie Me Picotte et Me
Thivierge, de La Prévoyance et, comme la commission...
M. Duhaime: Nous voudrions nous joindre à vous pour leur
offrir nos meilleurs voeux.
Le Président (M. Lachance): Ah! Très bien, M. le
ministre. Donc, nos meilleurs voeux aux gens de La Prévoyance et bonne
chancel
M. Thivierge: Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Lachance): La commission du budget et de
l'administration ayant rempli ce premier mandat qui était
d'étudier le projet de loi privé 249, nous suspendons nos travaux
quelques instants pour permettre à nos hôtes de pouvoir
s'approcher à la table, les gens de la Caisse de dépôt et
placement du Québec.
(Suspension de la séance à 15 h 27)
(Reprise à 15 h 28)
Consultation particulière sur le projet de loi
18
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux
avec le mandat d'une consultation particulière sur le projet de loi 18,
Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du
Québec.
Il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue à M. Jean Campeau,
qui est président du conseil d'administration et directeur
général de la caisse, ainsi qu'à M. Jean-Claude Scraire,
premier vice-président, qui l'accompagne.
Je crois qu'il y a eu entente sur la façon dont cela devrait se
dérouler. Il semble que cela va se faire sans trop causer de
problèmes au président'
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Précisément, M.
le Président. Je pense que l'entente, à laquelle vous
référez, est intervenue entre vous-même et moi-même
et certains des membres de chaque côté de la table. Je pense bien
que, dans les circonstances, on peut discuter rapidement plutôt que
d'échanger des propos de 20 minutes ou de 10 minutes, comme pourrait le
prévoir le règlement, sans être à bâtons
rompus parce que c'est trop important. Je pense bien que cela va être une
discussion ouverte autour du thème qui nous réunit
aujourd'hui.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le
vice-président de la commission. Alors, je laisse la parole maintenant
au ministère des Finances. J'en profite pour souligner que c'est la
première occasion qu'il a d'intervenir ici, à cette commission;
je lui souhaite toute la chance certainement qu'il est en droit d'attendre de
ses nouvelles fonctions, de ses nouvelles responsabilités.
J'espère que tous les membres de la commission vont lui apporter leur
collaboration.
M. le ministre des Finances, vous avez la parole. Je pense que ce sera
assez bref et, ensuite, ce sera à M. Campeau, je crois, de nous
entretenir des raisons qui amènent le projet de loi 18. Par la suite, ce
sera une alternance des deux formations politiques, si vous le désirez,
pour poser des questions aux représentants de la Caisse de
dépôt et placement du Québec. M. le ministre des
Finances.
Remarques préliminaires M. Yves Duhaime
M. Duhaime: Merci, M. le Président. Je voudrais vous
remercier pour vos bons mots, en préambule, et vous dire que, si c'est
la première fois que je viens à cette commission, ce n'est pas la
première fois que je m'assois dans ce fer à cheval!
Je voudrais d'abord souligner le fait que ce projet de loi a
été déposé après le 15 novembre. Pour
cheminer jusqu'à l'étape de son adoption en troisième
lecture et
jusqu'à sa sanction avant l'ajournement des fêtes, nous
aurons besoin, comme il va de soi, de la collaboration de tous nos
collègues de l'Opposition, je devrais dire de l'Opposition officielle,
mais aussi de tous les députés indépendants qui
siègent à l'Assemblée nationale, puisqu'il nous faudra
bien sûr obtenir un consentement unanime pour l'adoption en
troisième lecture ou encore une motion présentée par le
gouvernement, par le leader, qui sera une motion de la nature dite d'une motion
d'urgence. Je crois, M. le Président, pouvoir vous rassurer tout de
suite en vous disant que, jusqu'à aujourd'hui, en tout cas, leséchanges que nous avons eus avec l'Opposition officielle
m'indiquent... et je présume à partir de ce moment-ci, à
moins que nous ne puissions réussir à faire la
démonstration cet après-midi que cette loi est nécessaire
et urgente, que, même si elle vient tardivement, elle ne pouvait pas
venir plus vite.
M. le Président, j'irai droit au but, au coeur du projet de loi
qui se résume finalement en un seul article qui modifierait l'article 31
de la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec,
par une insertion... non pas modifier l'article 31, mais insérer,
après l'article 31, l'article 31. 1. Je voudrais dire que la
portée de l'amendement est très limitée, en ce sens que la
démarche législative que nous utilisons est un peu originale dans
le sens qu'on introduit une présomption pour ce qui fait
référence aux exercices financiers débutant ou se
terminant en 1981 et en 1982, pour ce qui est de la valeur comptable de
certains actifs au portefeuille de la Caisse de dépôt et placement
du Québec. Je voudrais souligner le fait que les pouvoirs' des
administrateurs de la Caisse de dépôt et placement ne sont pas
changés, que les contraintes, puisqu'il faut appeler cela de cette
manière, qui existent actuellement aux articles 27, 30 et 31 demeurent
telles quelles.
Si l'amendement qui est amené aujourd'hui vient, en quelque
sorte, régler une situation que je qualifie d'urgente et pressante, cela
n'exclut pas pour autant que, dans les mois qui viennent, nous puissions, une
fois que j'aurai fait un peu le tour de cette grande maison,
réévaluer l'ensemble de la législation et, d'une
façon particulière, la loi constitutive de la Caisse de
dépôt et placement. Je sais que mes collègues attachent une
attention très particulière aux activités de la Caisse de
dépôt et placement du Québec. Je voudrais leur donner
l'assurance tout de suite que j'y attache autant d'attention de mon
côté et, si on trouve le temps dans les mois qui viennent, ce sera
peut-être indiqué de rajeunir une loi qui remonte quand même
à 1965. Les articles 27, 30 et 31 que nous discuterons cet
après-midi n'ont pas, sauf erreur, été modifiés de
façon substantielle depuis leur première adoption en 1965.
Maintenant, j'aimerais peut-être, à moins que mes
collègues de l'Opposition veuillent intervenir tout de suite, laisser la
parole à M. Campeau ou encore à son vice-président, M.
Scraire, pour qu'on nous traduise les contraintes des articles 27, 30 et 31 sur
la problématique des exercices financiers des différents
portefeuilles pour les années 1981 et 1982, en tenant compte du fameux
rendement de 4% et de la contrainte de 7% que l'on retrouve dans la loi qui
régit la Caisse de dépôt et placement du Québec.
J'ai ces chiffres en main, M. le Président, mais j'aimerais mieux que M.
Campeau nous les donne de vive voix. Ce serait plus simple pour la bonne
compréhension de nos travaux.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Alors,
la parole est à M. Campeau ou encore à M. Scraire, selon votre
bonne volonté. On vous écoute.
M. Jean Campeau
M. Campeau (Jean): Merci, M. le Président. Si vous le
permettez, je prendrai quelques minutes pour faire un peu l'état de la
situation. Je pense que cela ira plus vite dans la discussion. Cela suscitera
peut-être des questions des deux côtés.
Dans la loi actuelle, l'article 31 de la loi sur la Caisse de
dépôt prévoit le pouvoir d'acquérir des actions
ordinaires d'entreprises dans la mesure où l'entreprise a obtenu sur
celle-ci un rendement de 4% au cours des cinq dernières années.
L'article 30, d'autre part, autorise l'acquisition d'actions
privilégiées également conformes à cette norme.
L'article 27 prévoit la possibilité d'acquérir des
obligations et d'autres titres de créance d'entreprises satisfaisant aux
mêmes critères. On peut donc dire que les trois articles sont
également concernés.
Les investissements qui ne satisfont pas à ces critères
doivent légalement être classés sous l'article 34 de la Loi
sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, qu'on
appelle clause omnibus, qui limite le total des investissements à 7% de
l'actif de la Caisse de dépôt. Par exemple, si on avait 20 000 000
000 $ de dépôt chez nous, il y aurait donc 7%, soit 1 400 000 000
$, qui serait la limite des placements qu'on pourrait faire dans cette clause
omnibus.
Les faits maintenant: au cours des années 1981 et 1982, les
profits avant impôt des entreprises canadiennes ont chuté
respectivement de 13, 4% et 35, 3%; les bénéfices par action de
19, 5% et quelque 57%. À la suite de ces résultats et par
l'application de ces articles, plus de 212 000 000 $ de valeur à court
terme, y compris, par exemple, des titres de la
Banque Nationale du Canada, Alcan, Noranda, Steinberg et plus de 935 000
000 $ d'actions ordinaires et 48 000 000 $ d'actions privilégiées
comprenant des titres d'Alcan, Noranda, Dominion Textile, Canron, Ivaco,
Bombardier, Mines Placer, Bow Valley, Genstar, Northern Telecom, Entreprises
CP, SID (Société d'investissement Desjardins), sont, le 30
septembre 1984, classés sous l'article 34, clause omnibus ou clause
panier, de la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du
Québec.
Du 31 mars 1983 au 30 septembre 1984, soit une période de 18
mois, la valeur des actions ordinaires tombant sous le coup de l'article 34 est
ainsi passée de 109 000 000 $ à 935 000 000 $. Il faut noter que
cette croissance extrêmement rapide est due notamment au fait que le
critère des 4% doit être appliqué non pas aux achats nets
d'actions, mais à tous les achats. Ainsi, si les gestionnaires estiment
devoir vendre des titres d'une valeur de 400 000 000 $, par exemple, s'ils
étaient admissibles lors de leur acquisition, et les remplacer par
l'achat de titres d'une valeur de 400 000 000 $ - même valeur - non
admissibles en vertu de l'article 31 et, sur une période de quelques
mois, il peut s'agir des mêmes titres. Le volume des titres assujettis
à la clause 34 augmentera de 400 000 000 $ même si la croissance
nette du portefeuille est nulle. Il faut noter de plus que l'effet de ce
critère de 4% pendant cinq ans est cumulatif et dure cinq ans.
Quels sont maintenant les inconvénients pour la caisse? La caisse
ne peut légalement investir plus de 7% de son actif, soit, le 30
septembre 1984, 1 380 000 000 $ dans les titres non admissibles en vertu d'une
disposition spécifique. Par ailleurs, la valeur de ces titres ainsi
détenus le 30 septembre, 1 254 000 000 $, laisse une faible marge
d'environ 126 000 000 $, alors que la croissance mensuelle moyenne de ces
titres, au cours des six derniers mois, du 30 mars au 30 septembre, est de
l'ordre de 60 000 000 $. Il est prévisible que cette croissance moyenne
doive se maintenir au cours des prochains mois.
À court terme, donc, malgré toutes les contraintes et les
gymnastiques qui pourraient être employées, le plafond de 7%
constitue un handicap extrêmement sérieux à une saine
gestion où les meilleurs titres doivent être acquis au meilleur
moment. À moyen terme, trois mois et plus, l'absence de solution serait,
pour la caisse, catastrophique puisque cette dernière serait
forcée de mettre de côté l'acquisition de multiples titres
de sociétés rentables au profit de sociétés moins
rentables. Le développement extrêmement rapide de la situation
requiert donc une solution urgente.
C'est mon exposé, M. le Président, et si vous me permettez
maintenant de laisser la parole au premier vice-président des affaires
juridiques, M. Scraire, de la Caisse de dépôt, pour exposer un peu
plus le côté légal de cet article de la loi.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Campeau. M.
Scraire.
M. Jean-Claude Scraire
M. Scraire (Jean-Claude): Le projet qui est déposé
vise, comme le disait le ministre des Finances tantôt, uniquement
à essayer de corriger la situation actuelle créée par la
situation financière des entreprises au cours des exercices de 1981 et
1982. Le texte permet, pour les compagnies, et seulement pour les compagnies
qui, en 1983, auraient effectivement versé ou obtenu un rendement de 4%,
de présumer qu'elles l'ont obtenu pour les exercices de 1981 et 1982.
Cela suppose, par ailleurs, que, pour classer ces compagnies, même avec
cet article, conformément aux articles 27, 30 et 31, on obtienne ainsi
une période de cinq ans de sorte que la marge que cet article peut
permettre d'aller chercher, selon les estimations qu'on a en main à
l'heure actuelle, est de l'ordre de 200 000 000 $ à 250 000 000 $ que
cela permettrait de reclassifier. En ce sens, la disposition constitue vraiment
une mesure provisoire ou temporaire, étant nettement prévisible
qu'à moyen terme cela ne serait pas satisfaisant, étant
donné que la situation va se perpétuer ou se maintenir pendant
une période de cinq ans.
Au niveau des explications sur le contenu exact de cette disposition,
s'il y a d'autres questions, je pourrai y répondre. Disons que
l'évolution des montants qui ont été affectés selon
la clause omnibus au cours des dernières années est
passée, du 31 décembre 1981, si on se limite uniquement aux
actions ordinaires d'entreprises, qui est le principal facteur de croissance au
cours des dernières années, en 1981, de 124 000 000 $, au 31
décembre 1982 à 136 000 000 $; au 31 décembre 1983,
à 541 000 000 $, ce qui portait, à ce moment, le total de la
clause omnibus à 770 000 000 $ sur une limite maximale de 1 270 000 000
$, laissant à ce moment une marge de manoeuvre de 500 000 000 $. Au 30
septembre 1984, cependant, les actions ordinaires classées selon
l'article 34 qui étaient, au 31 décembre 1983, de 541 000 000 $
sont passées, au 30 septembre, à 935 000 000 $, soit une
croissance de l'ordre de 400 000 000 $, ce qui a amené le choix de
chercher à dégager la marge de manoeuvre au niveau de la clause
omnibus sur les actions ordinaires d'entreprises plutôt que de rechercher
d'autres solutions qui auraient pu être
envisagées, étant donné que c'est le principal
facteur de croissance du montant de la clause omnibus.
Le Président (M. Lachance): Cela va. M. le
député de Vaudreuil-Soulanges. (15 h 45)
M. Daniel Johnson
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
C'est en écoutant M. Campeau que j'ai compris pourquoi le ministre
parlait, tout à l'heure, du caractère d'urgence qu'il y avait
à adopter cette loi avant Noël. M. Campeau a parlé d'une
catastrophe, rien de moins. Je ne parviens pas à comprendre pourquoi
l'Assemblée nationale devrait reconnaître unanimement qu'il y a un
caractère d'urgence lorsque ce qui est en cause, c'est de nous demander
à nous, l'Assemblée nationale, d'amender une loi afin qu'elle
devienne conforme aux agissements de la caisse qui est, par ailleurs,
régie par cette loi depuis sa création. La caisse me semble faire
preuve d'un peu d'impatience à l'endroit de la Législature ou
alors, implicitement, on nous accuse de ne pas comprendre les impératifs
auxquels doit faire face une institution financière comme la caisse avec
les mandats qu'elle s'est donnés. Elle a des mandats dans la loi et,
dans ses agissements, elle s'en donne d'autres dans la mesure où les
différents mandats qu'on retrouve dans la loi, sécurité,
rendement de l'épargne, développement économique et des
choses comme cela, ne sont pas définis quant è la part que chacun
de ces mandats doit représenter dans les actifs de la caisse ou dans le
temps qu'elle y consacre ou, enfin, dans les ressources qui sont
engagées dans ces différents mandats.
On se trouve dans une situation où la caisse s'est
comportée d'une façon spécifique sur une longue
période de temps pour en arriver à se heurter au plafond des 7%
de la clause omnibus, une longue période de temps - je ne parle pas de
dix ans - relativement à la faculté que la caisse devrait avoir
de savoir tous les jours à la limite où elle en est rendue dans
son portefeuille. Comment est-elle en train de se conformer au mandat qu'elle a
reçu de l'Assemblée il y a une vingtaine d'années? Comment
elle se comporte spécifiquement à l'endroit des contraintes, des
balises objectives, numériques, qui sont dans la loi?
Le commentaire incident que j'ai à ce moment-ci, c'est qu'il me
semble que la caisse n'a pas l'air d'être équipée ou
outillée pour suivre, de façon assez rapide par rapport au moment
où le geste est posé, quels sont les résultats des gestes
posés en matière de politique d'investissement. Sur la longue
période, vous ne trouverez pas beaucoup d'opposition de ce
côté-ci; il n'y en a jamais eu, finalement. On a toujours compris
que la propension que la caisse avait eue pendant bien longtemps à se
lancer dans l'investissement, dans les obligations, comme un bon père de
famille à l'extrême négligeant - entre guillemets - pendant
plusieurs années de se doter d'un portefeuille substantiel, acceptable,
raisonnable, de titres à revenus variables. Cela n'a évidemment
pas causé grand problème à l'égard de la clause
omnibus d'avoir plutôt concentré son action dans le marché
obligataire, dans des titres de cette nature-là à revenus
fixes.
Avec le temps, si on voulait améliorer le rendement de la caisse,
il était manifeste qu'il fallait avoir des titres à revenus
variables, protéger son portefeuille contre l'érosion que
l'inflation pouvait causer. Il y a donc eu une différence à la
longue, des changements dans le "mix", dans le mélange à
l'intérieur des actifs de la caisse, dans le mélange entre les
actions, titres hypothécaires, obligataires, actions à court
terme, titres à court terme, valeurs de toutes sortes, que tout le monde
a toujours compris à l'Assemblée; en tout cas, les gens qui sont
un peu sensibles à la façon dont une institution comme la caisse
doit fonctionner. Si elle veut être le plus rentable possible et se
comporter en bon père de famille sophistiqué, il n'y a pas de
difficulté avec cela.
À l'égard des titres à revenus variables, la caisse
peut avoir des grosses ou des petites participations dans des grosses ou
petites sociétés. En pourcentage: quelques centaines de milliers
d'actions ici et là dans une grosse société, ce n'est pas
un actionnaire actif, c'est un investisseur un peu comme les autres dans ce
deuxième cas-là.
La différence entre les deux cas, c'est que des participations
substantielles dans une grosse société m'apparaissent contribuer
au mandat de développement économique assez souvent. Cela peut
être en titres à revenus fixes, incidemment. À mon sens, il
n'y a pas assez d'obligations corporatives dans le portefeuille de la caisse,
si on veut parler de développement économique et de soutien de la
caisse au développement économique, des grosses participations en
actions. On a déjà évoqué, ici, à
l'Assemblée, que c'était dans le prolongement de la participation
de la caisse, donc, de l'épargne des Québécois, au
développement économique du Québec. Le cas de Domtar
revient toujours comme un des exemples. Cela a déjà
été évoqué par des ministres du gouvernement actuel
lorsque les discussions ont tourné autour de cela.
Dans le cas des petites participations, on est obligé de
regarder, dans le fond, si ce n'est pas un objectif de rendement que la caisse
recherche - j'ai l'impression que oui, -un rendement et une
sécurité à certains égards parce que cela aussi
fait partie de son mandat, parce qu'elle est un fiduciaire
également de l'épargne des Québécois. Un
fiduciaire, ce n'est pas n'importe qui. Un fiduciaire dans notre droit, dans
nos traditions, c'est quelqu'un qui gère ou détient Ies biens
pour autrui. À ce moment-là, cette institution, ce fiduciaire est
soumis à des obligations très strictes, finalement, quant
à la sécurité de l'épargne.
Je veux bien comprendre que, toutes choses étant égales,
l'effet de la crise économique de 1981-1982 est venu limiter
considérablement la flexibilité, l'autonomie,
l'indépendance d'action de la caisse sur les marchés financiers
quant à la définition de sa politique d'investissement pour les
années à venir et d'une année à l'autre - les
chiffres ont été indiqués par MM. Campeau et Scraire -
parce que le marché devenait un peu plus restreint. Les compagnies qui
n'avaient pas fait 4% dans les cinq dernières années se
multipliaient. On l'a vu, tout le monde. Ce que je prétends, c'est que
la loi étant ce qu'elle était - je dirai tout à l'heure
que ce n'est pas seulement pour la caisse, mais pour bien d'autres institutions
qui ont également ce mandat de fiduciaire -et ce qu'elle demeure
jusqu'à preuve du contraire, jusqu'à motion d'urgence,
jusqu'à consentement unanime, tout le monde a dû s'ajuster pour
donner suite concrètement au mandat de fiduciaire, défini ou
illustré par le genre de balises qu'on a fixées dans
différentes lois, que ce soient les assurances, les compagnies de
fidéicommis, le Code civil, etc. Ces balises étaient là
pour tout le monde et les gens ont été obligés de
s'ajuster à cela. Sur le marché financier où la caisse se
promène avec des petits ou des gros sabots, selon les circonstances,
elle est en concurrence avec des gens dont les lois constitutives ou
habilitantes quant à leur action prévoient que des rendements
minimums doivent être atteints, que les titres qu'ils peuvent
acquérir sont admissibles ou ne le sont pas, selon des tests objectifs;
dans certains cas, un peu moins stricts - je vais le reconnaître tout de
suite, les lois et les règlements sont là - que cinq
années consécutives où il se fait 4%. Il y en a quatre sur
cinq. La Loi sur les compagnies d'assurances canadiennes et britanniques parle
de quatre années dans les cinq dernières années où
un titre de société doit répondre au test du 4%, faute de
quoi, il devient non admissible. Il tombe dans la clause omnibus d'une
société d'assurances régie par la loi
fédérale, à titre d'exemple.
On évoquera également que c'est moins sévère
pour les compagnies d'assurances qui sont touchées par les changements
qu'on a apportés avec la loi 75. Je dis ici tout de suite que l'objectif
de la loi 75, c'est ce décloisonnement qui permettait à des
sociétés d'assurances, des compagnies d'exploitation de tous les
jours - pas des sociétés de portefeuilles vraiment - des
compagnies qui exploitent une business pour le compte de leurs actionnaires de
se diversifier et qu'il y ait mouvement dans ce sens en Amérique du
Nord. Le ministre des Finances, M. Parizeau, avait acquiescé à
cette demande du milieu des assurances québécois, du milieu
financier. Il avait ouvert les portes et avait fixé des balises
là aussi, mais quant à la catégorie d'activités
dans laquelle les sociétés pouvaient se diriger. On ne parle pas
de la même chose. Je n'aimerais pas qu'on invoque la loi 75 pour me dire:
Ce n'est pas une question d'urgence, c'est une question qui se présente
comme les autres. La caisse est dans le même marché que La
Laurentienne, soi-disant, à l'égard de certains achats qu'elle
pourrait faire. Donc, on devrait la traiter de la même façon. Ce
n'est pas exactement la même chose. Je veux le dire tout de suite.
Donc, sécurité et rendement, et mandat auquel la caisse ne
peut pas échapper, qu'elle essaie de concilier toujours. C'est un
"Balancing Act" assez difficile, peut-être moins qu'en
sécurité et rendement, d'une part, et développement
économique, d'autre part, mais cela demeure une espèce d'exercice
de funambulisme où, pendant 20 ans... et, notamment, depuis cinq ou six
ans, la caisse a réussi sans trop de mal à exécuter des
rendements. Les chiffres sont là pour les dernières
années; il n'y a pas de difficulté avec cela. Sauf que, une fois
qu'on a dit cela, on en revient à la loi, telle qu'elle existe. On en
revient à l'intention du législateur qui avait favorisé le
devoir fiduciaire, dans le fond, à l'égard certainement de 93%
des actifs de la caisse. Cela n'empêche pas, comme je l'ai indiqué
tout à l'heure, qu'on puisse rendre d'excellentes décisions
d'investissement qui répondent, d'une part, au test des 4% et, d'autre
part, qui ont de belles perspectives de rendement formidable. Cela entre dans
les 93%; ce n'est pas vraiment le fiduciaire qui achète des obligations
du Canada, du Québec ou de l'Hydro.
Le législateur a quand même dit: Pour un dollar sur
quatorze des actifs de la caisse - disons 7% de ses actifs - elle pourrait
aller jusqu'à 7% de ses actifs pour se garrocher dans quelque chose de
plus - entre guillemets - "spéculatif", peut-être.
C'est-à-dire que la caisse pourrait avoir un souci de chercher le
rendement - c'est comme cela que je le vois - à l'égard des 7%,
maximum, de son actif, a dit le législateur. C'est cela, l'intention du
législateur, à mon sens. Ce n'est pas d'empêcher la caisse
de rechercher le rendement, c'est de lui dire: Vous allez le rechercher, mais
votre politique d'investissement va être telle, compte tenu de la loi,
que c'est simplement à l'égard de 7% de vos actifs que vous allez
pouvoir vraiment être superlibre et dire: Bon, on part après le
rendement, on prend toutes
sortes de participations et il va y avoir des gains de capitaux
sensationnels qui vont se produire. On parle de 1 400 000 000 $, à
l'heure où on se parle. Ce n'est pas négligeable comme marge de
manoeuvre prise comme telle à l'intérieur des actifs de la
caisse. L'argument pratique qu'on a à considérer aujourd'hui,
c'est que, à la suite des chutes boursières, il est presque
irresponsable de ne pas se lancer dans l'achat de titres qui ont une
très basse valeur au marché, en disant: Cela ne peut pas faire
autrement, ils sont tellement bas, crise économique, écrasement
des marchés et tout ce que vous voulez, là, on va aller chercher
des gains de capitaux considérables. Malheureusement, cela ne
répond pas au test des 4%.
Je veux bien qu'on nous tienne ce discours. Je suis parfaitement
disposé à ce qu'on nous le tienne jusqu'à concurrence de 1
380 000 000 $ des actifs de la caisse, parce que les autres institutions qui
ont le même devoir - la société de fiducie qui administre
les biens d'une succession, un curateur qui administre les biens d'un orphelin;
on pourrait faire une longue liste de gens qui sont sujets à toutes
sortes de dispositions législatives de cet ordre - ces gens ont
été obligés de prendre les moyens pour demeurer conformes,
dans leur action, à ce qu'il y a dans le Code civil ou à ce qu'il
y a dans la Loi sur les compagnies d'assurances canadiennes et britanniques,
ceux qui sont sujets à la Loi sur les compagnies de fidéicommis.
Ils l'ont fait, à défaut de quoi, il y a des sanctions
sévères. On ne parle pas de sanctions dans votre cas. Vous n'avez
pas dépassé 7% accidentellement ou autrement; ce n'est pas de
cela qu'on parle, mais, à la limite... On me fait remarquer que vous
avez peut-être dépassé et que vous n'êtes pas encore
au courant, si cela prend le temps que cela prend pour le découvrir. (16
heures)
Il y a des sanctions. Il y a des inspecteurs généraux
d'institutions financières, il y a des surintendants d'asssurances, il y
a le surintendant des banques, l'inspecteur général des banques
qui va arriver dans le portrait et qui va exiger un changement de politique et
qui va donner du temps - soyons pratiques - pour que les gens redeviennent
conformes et, je le répète, vous n'êtes pas, aujourd'hui,
allés au-delà de ce que la loi vous permet de faire. Vous
êtes toujours, selon les chiffres qui sont devant nous, dans une position
irréprochable. Le Vérificateur général n'a pas un
mot à dire sur l'état de votre portefeuille à
l'égard des balises qui sont dans la loi. Il n'y a personne qui risque
de dire: On vous retire votre permis d'opérer, comme cela peut arriver
à une compagnie de fiducie, un inspecteur général des
banques qui va leur faire tout un "show" et qui imposerait à une banque
à charte l'obligation de nettoyer: "Clean up your Act", sur une
période de temps. Ce n'est pas cela qui se passe ici. On nous demande -
et j'y reviens - d'amender la loi rétroactivement, à certains
égards, pour que la loi devienne conforme à des agissements de la
caisse qui n'étaient pas prévus, à la limite, par le
législateur. Conforme à des agissements. On nous a dit que,
même en adoptant la loi 18 qui libérerait une marge de manoeuvre
additionnelle de 250 000 000 $, ou à peu près, il faudrait qu'on
revienne devant nous dans quelques mois compte tenu de la politique
d'investissement de la caisse. Donc, si on n'adoptait pas la loi 18 et que la
politique d'investissement de la caisse ne changeait pas, cela prendrait deux
mois peut-être et les 7% seraient défoncés.
Donc, cela oblige la caisse à changer sa politique
d'investissement. Pourquoi est-ce que cela l'oblige? Cela l'oblige à
changer comment? Cela l'oblige à changer sa politique d'investissement
compte tenu de l'intention du législateur, lorsque la Caisse de
dépôt a été créée, et compte tenu de
l'intention d'un paquet de législateurs à droite et à
gauche qui régissent la façon dont ces sociétés,
ces institutions doivent gérer les biens d'autrui qu'elles
détiennent pour autrui, pour les faire fructifier pour autrui.
C'est notre position à ce moment-ci. Vous voyez qu'on n'est pas
tellement réceptif. Je pense que le ministre pourrait conclure cela,
mais je suis parfaitement disposé, et mes collègues aussi - ils
interviendront eux aussi - à écouter plus avant les arguments
additionnels que la caisse pourrait nous servir, autres que de nous dire: Le
maintien - parce que c'est cela que la caisse dit - de notre politique
d'investissement nous accule à la catastrophe. Ce sont les mots
mêmes du président-directeur général de la Caisse de
dépôt.
Imaginez-vous! La caisse agit et s'en va vers la catastrophe si on ne
change pas la loi. Je trouve cela très fort. J'aimerais mieux qu'on nous
donne d'autres arguments. Je n'ai pas encore entendu d'arguments qui
permettraient - en tout cas, à l'Opposition -de donner son consentement
à l'adoption de cette loi avant l'ajournement des fêtes, comme
vous l'avez d'ailleurs saisi, d'après mes propos, sans que je ne conclue
en ce sens.
Le Président (M. Lachance): M.
Campeau.
M. Campeau: M. le député, d'abord, votre
exposé ajoute des arguments à ce qu'on voudrait exposer.
Permettez-moi de clarifier quelque chose: on ne demande pas
une loi rétroactive. On n'a jamais été dans
l'illégalité.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je l'ai bien dit, M. Campeau.
Il n'y a pas de problème.
M. Campeau: Excusez-moi. C'est parce que j'avais mal compris
alors.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): D'accord.
M. Campeau: Je tiens à vous dire...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): J'ai bien dit que votre
portefeuille, même si le Vérificateur général
entrait là demain matin, est très certainement conforme aux
balises qui existent dans la loi; en tout cas, aux derniers chiffres que vous
avez de disponibles. Ce qui entre demain matin, je n'en sais rien, et vous non
plus peut-être.
M. Campeau: Oui, demain matin, vous pouvez être
assuré...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Tout est correct.
M. Campeau:... que depuis le 30 septembre 1984...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Depuis le temps que vous
êtes sensibles à tout cela.
M. Campeau: Depuis le temps qu'il y a eu un signal d'alarme. Cela
fait plusieurs années. À la fin de chaque année, en fait,
on regarde cela, et même tous les trois mois, sauf qu'on s'en
préoccupait peu, vu que ce n'était pas un critère que
regardaient nos analystes et nos gestionnaires, ce critère de 4%
d'administration, mais on s'en occupait parce qu'on a un vérificateur
interne qui tenait cela à jour.
D'autre part, les chiffres ne sont connus, généralement,
à moins qu'on fasse diligence, que trois mois après. Alors, les
chiffres du 31 mars sont connus en juin; ceux de juin, en septembre, et ceux de
septembre ont été connus en octobre parce qu'à ce moment
on a fait de l'ouvrage spécial et on a porté plus attention
à cette clause.
En 1983, nous avions commencé à faire l'analyse au 30
septembre 1983, et au 31 décembre plus spécifiquement. Â ce
moment, nous nous sommes aperçus, ce qui nous semblait
désastreux, que le 30 septembre 1983 nous avions 778 000 000 $ dans la
clause omnibus et qu'à la fin de l'année, le 31 décembre,
nous avions seulement 770 000 000 $. Il semblait y avoir eu un
rétablissement des faits. Donc, nous avons dit: II n'y a pas lieu de se
préoccuper de cette clause, même si, je le répète,
nos gestionnaires comme tels et nos analystes ne s'en préoccupaient pas
parce que leurs critères d'analyse ne se font non pas sur les profits
passés, mais sur les profits et les perspectives futures.
Quand on parle de catastrophe, de réduire ou d'enfreindre la
rentabilité de la Caisse de dépôt, pour nous, c'est une
catastrophe. La profitabilité, à la Caisse de dépôt,
c'est l'un des éléments très importants, qui l'est
probablement aussi pour d'autres gestionnaires de portefeuilles. Pour nous,
cela l'est. Si cette clause-là n'était pas passée, pour
nous, cela veut dire un budget de placements révisé,
changé. Cela veut dire un changement de stratégie de placements.
Cela veut dire un enlèvement de la latitude qu'on a sur nos
transactions. Je vous dirai que, si on a rencontré cela, c'est que l'an
dernier on ne s'est pas privé de faire de nombreuses transactions sur le
marché tant à la vente qu'à l'achat. Nos chiffres
démontreront dans notre rapport annuel, lorsqu'il sortira le 15 mars,
qu'on a fait des transactions dans les actions de plus de 2 000 000 000 $.
Évidemment, cela est brut. Ce n'est pas l'augmentation du portefeuille.
Or, il arrivait souvent qu'on pouvait vendre, comme je le citais tout à
l'heure, 400 000 000 $ de certains titres qui, au moment où on les
avait, n'étaient pas dans la clause panier et le fait de les racheter -
ceux-là ou d'autres - un peu plus tard faisait qu'ils tombaient dans la
clause panier.
On peut facilement, sans réduire un portefeuille d'actions,
passer de titres défensifs à des titres offensifs, ou vice versa,
ce qui change toute la structure d'un portefeuille et qui nous force à
faire cela. Le fait d'être rendu à cette limite pourrait nous
priver de faire certaines transactions souhaitables sur la bourse, des
transactions de vente pour passer d'un secteur à l'autre. Ce serait donc
une entrave pour nos gestionnaires qui gèrent au jour le jour le
portefeuille d'actions de la Caisse de dépôt.
Si je comprends bien, sur les compagnies d'assurances, les lois du
Québec ont fait sauter complètement cette clause-là qui,
pourtant, au moment où elle a été mise, était fort
nécessaire. Nous ne voulons pas négliger les 93% et 7%, mais on
se dit que c'est peut-être la mauvaise clause qui applique ces 93%
aujourd'hui pour des gestionnaires du secteur public, pour des gestionnaires
d'institutions financières. Pour des particuliers, peut-être
qu'elle est encore bonne, je n'en sais rien, ou peut-être qu'on doit en
mettre une autre. Il doit y avoir certains critères. On dit que celle-ci
nous nuit énormément quand on voit qu'on ne peut plus, par
exemple, investir dans la Banque Nationale, qu'on ne pourrait plus investir
dans Alcan ni dans l'entreprise CP, ou des
compagnies de ce genre-là, pour ajouter à notre
portefeuille-actions. Pour nous, ce n'est pas une négation, qu'il ne
faut pas certains critères pour protéger les investissements. On
dit seulement que peut-être ce critère n'est plus celui qui
s'applique, mais on ne demande pas de le changer aujourd'hui. C'est autre chose
qu'on demande.
Je reviens maintenant sur la question: pourquoi est-ce arrivé? On
a connu en 1981 et 1982 la plus importante récession depuis 1929. Depuis
la création de la Caisse de dépôt, c'est la première
fois que cela arrive. Je vous avouerai qu'on ne prévoyait pas du tout,
le 31 décembre 1984, faire face à cette situation, compte tenu
des chiffres du 31 décembre 1983. Nos gestionnaires ont-ils trop
transigé de titres au cours de la dernière année? Je
réponds non parce qu'ils ont visé la rentabilité du
portefeuille de la Caisse de dépôt; ils ont visé la
profitabilité et que, bien souvent, dans la gestion d'un portefeuille,
même si on ne réduit pas le montant total du portefeuille, il faut
changer les secteurs, encore plus que changer les compagnies,
évidemment; l'un ne va pas sans l'autre. Mais il faut aussi changer de
compagnie à un moment donné, quand on trouve que les placements
seraient préférables dans d'autres.
Discussion générale
Le Président (M. Lachance): Avant de céder la
parole au député de Notre-Dame-de-Grâce, qui me l'a
demandée, j'aurais une question d'information, M. le président.
Ce serait de connaître, à la date la plus récente, l'actif
actuel de la Caisse de dépôt. Le 30 septembre,
peut-être?
M. Campeau: On devrait avoir ce chiffre-là sous la
main.
Le Président (M. Lachance): Bon, d'accord. Si c'est un peu
plus tard dans la conversation...
M. Campeau: C'est environ 18 500 000 000 $.
M. Duhaime: Je peux vous répondre, M. le
Président.
M. Campeau: Ou 19 000 000 000 $.
Le Président (M. Lachance): Les chiffres que vous avez
là, M. le ministre des Finances, sont, semble-t-il,
dépassés au moment où on se parle.
M. Duhaime: Ils sont dépassés, oui, à partir
du 1er janvier 1984. Sur nos états financiers, le 31 décembre
1983, le total des placements par la caisse étaient de 18 633 700 000 $,
tels qu'ils apparaissent à la page 41, au tableau 4, "relevé des
placements".
Le Président (M. Lachance): De toute façon, si vous
avez des informations plus à jour, un peu plus tard, vous pourriez nous
tes communiquer. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Campeau: Le chiffre le plus précis, au moment
même où je peux le fournir, c'est 19 500 000 000 $.
Le Président (M. Lachance): Merci.
M. Scowen: M. Campeau, je pense que vous avez probablement saisi
les questions qui ont été posées par mon collègue.
Nous avons une perspective un peu négative envers ce projet de loi. Je
dois ajouter que, quant à moi, personnellement, je n'ai rien entendu,
dans les réponses que vous avez données, qui me porte à
croire qu'on sera moins négatif à la fin de cette commission
parlementaire. Je dois dire d'abord que je veux que ce soit très clair:
on ne vise pas la Caisse de dépôt, comme telle. Cela fait
plusieurs années maintenant que je regarde attentivement
l'évolution de la caisse et je trouve que le travail que vous faites
est, à plusieurs égards, admirable. On a eu de petits
débats, ici et là, en cours de route, mais je pense que,
essentiellement, ce sont des questions de détails plutôt que des
questions de fond du problème.
Si je comprends vos arguments, c'est qu'il y a un cas exceptionnel: ces
deux années de crise presque sans précédent ont eu pour
effet de réduire le rendement d'un nombre très important
d'actions ordinaires -de compagnies, si vous voulez - de rendre leur
rentabilité à un niveau exceptionnellement bas. En
conséquence, vous vous retrouvez, aujourd'hui, à cause de cette
limite de cinq ans, devant la situation où il y a un nombre très
important de titres qui sont, d'après vos analystes, très
intéressants, qui doivent faire partie de votre portefeuille et que vous
ne pouvez pas détenir au-delà de 7%, à peu près 1
380 000 000 $. Vous avez même dit que vous ne pouvez pas acheter les
meilleurs titres au meilleur moment et que vous êtes
empêchés de faire les transactions souhaitables. C'est surtout
à cause de ce problème, en 1981 et 1982. Si je comprends votre
argument, vous dites aussi qu'on doit imaginer que, aujourd'hui, tous ces
critères, qui existent depuis longtemps, sont un peu
dépassés et qu'on est en train de libéraliser ces
règles pour les autres institutions, et pourquoi pas pour la caisse. Je
pense que c'est cela l'essentiel de votre argument. Je dois admettre qu'il y a
quelque chose là.
Quand on regarde les arguments de l'autre côté, on reste
non convaincu que la
prépondérance de l'argument est de votre
côté. La première chose, c'est qu'il me semble qu'on doit
accepter que ces critères qui ont été adoptés dans
la loi ont été adoptés après un débat
pondéré par des personnes qui voulaient établir un juste
équilibre, dans les lois, entre la sécurité des titres et
la rentabilité. Quand elles pensaient à la
sécurité, elles visaient essentiellement la possibilité
que les compagnies puissent devenir très fragiles, à cause de
circonstances extérieures, comme une crise économique, à
cause de circonstances intérieures, comme la mauvaise gestion de la
compagnie, et on voulait empêcher les administrateurs de la caisse
d'aller au-delà de certains critères qu'on établissait
clairement dans les lois et, dans ce cas précis, on parle de l'article
31, de l'article 34 et d'autres critères que vous avez, une limitation
à tant de pourcent au total pour les actions ordinaires, d'autres
limitations quant au pourcentage que vous pouvez détenir dans une seule
compagnie, et ainsi de suite. (16 h 15)
II est possible, quant à moi, que ces critères soient
dépassés et on doit les réévaluer. On est convaincu
de cela nettement, depuis longtemps. Je pense que vous serez
complètement d'accord avec moi quand je dis que cela fait plusieurs fois
que nous avons demandé au ministre des Finances qu'on fasse une
commission parlementaire pour regarder attentivement l'administration et la loi
de la Caisse de dépôt. À chaque reprise, cela a
été refusé pour des raisons qu'on n'a jamais
trouvées acceptables. C'est clair qu'à un moment donné,
qui correspondait un peu avec votre arrivée à la caisse, les
orientations de la caisse ont été changées. Il y a ceux
qui disent qu'elles ont été légèrement
changées, d'autres qui disent qu'elles ont été
radicalement changées, mais au moins la caisse a commencé
à jouer un rôle un peu plus actif dans le domaine du
développement économique au Québec. On n'est pas contre
cela. Mais, ce changement avait pour nous des conséquences, ou pouvait
avoir des conséquences, qui nous portaient à croire qu'on devait
examiner en profondeur la politique générale de la caisse et la
loi de la caisse. Cela a été refusé.
Maintenant, vous vous trouvez dans une situation où,
d'après vous, d'après vos analystes, augmenter le nombre
d'actions dans la compagnie Alcan, la Banque Nationale est souhaitable. On
n'est pas capable ici d'évaluer s'ils ont raison ou pas. C'est possible
qu'ils aient raison, c'est possible qu'ils n'aient pas raison. C'est possible
que toutes ces actions baissent d'une façon importante en 1985, 1986.
C'est possible. Il n'y a personne ici qui soit capable de prévoir avec
certitude l'évolution des marchés boursiers. Vous n'êtes
pas capables de nous garantir que, si vous augmentez le nombre d'actions ou de
titres que vous avez dans ces compagnies, cela sera une réussite. C'est
votre opinion. C'est l'opinion de vos analystes et je pense qu'on doit se fier
normalement aux analystes. Mais je pense qu'on doit accepter également
que vos analystes doivent agir à l'intérieur d'un cadre
législatif qui est établi ici et qui sera changé seulement
après que nous aurons fait une commission parlementaire où on
examinera en profondeur les conséquences possibles des changements qu'on
peut faire dans cet équilibre entre sécurité et
rentabilité qui est essentiellement la base de toutes ces lois qui
gouvernent les institutions financières au Québec. Nous l'avons
fait au printemps dans le cas des compagnies d'assurances et le ministre des
Finances à l'époque, et les personnes que nous avons
consultées de l'extérieur... Cela nous a pris trois mois et des
heures et des heures de consultations que moi-même j'ai faites
auprès des institutions et des individus au Québec, au Canada et
aux États-Unis. Le ministre nous a persuadé d'accepter, d'adopter
avec lui, d'approuver les changements dont vous avez parlé tantôt.
Le ministre était en train, disait-il, de regarder la possibilité
de faire quelque chose en ce qui concerne les fiducies. On était pour
l'idée qu'on devait examiner cela aussi.
Si on propose aujourd'hui que, dès le 15 janvier, on convoque une
commission parlementaire pour examiner la Loi sur la Caisse de
dépôt à la lumière de ces conditions
changées, je ne serai pas contre. C'est cela qu'on exige depuis
longtemps du législateur, aujourd'hui, c'est-à-dire d'agir, de
corriger d'une façon artificielle une situation qui est causée
par une crise financière, mais il faut rappeler que c'est exactement
pour prévenir les conséquences des crises financières sur
la valeur des portefeuilles de la Caisse de dépôt que nous avons
installé ces critères dans la loi.
Vous nous demandez aujourd'hui de les changer, de faire ce petit
changement artificiel qui va vous aider, pendant quelques semaines ou quelques
mois, à passer à travers une période, sans qu'une
étude approfondie soit faite. Vous ne m'avez pas convaincu. J'irai
même jusqu'à dire que c'est irresponsable d'imaginer que,
simplement parce que votre programme d'investissements pour les premiers mois
de 1985 vous met en conflit avec la loi de la caisse qui existe maintenant
depuis les années soixante, automatiquement, le législateur doit
ajuster la loi pour la conformer à votre plan d'investissements. Je
n'accepte pas ce principe. C'est le monde à l'envers et je dois vous
dire que notre souci et nos craintes sont un peu renforcés par
l'imprévoyance -je pense que je n'exagère pas quand je dis
l'imprévoyance - que la caisse a démontrée
en nous amenant un tel projet de loi à la dernière minute
parce qu'on s'attend, d'une organisation comme la caisse, qu'elle sera la plus
capable de prévoir ce qui se passe.
Comment une telle affaire peut-elle arriver? M. Scraire a eu la
gentillesse de me donner un tableau qui nous donne la légitimité
des placements en vertu de l'article 34, du 31 décembre 1981
jusqu'à nos jours. On voit immédiatement l'augmentation radicale
qui est arrivée depuis ce temps. Vous étiez, à la fin de
1981, à peu près à 25% de la limite maximale et vous
êtes maintenant à 85% ou 90%.
M. Scraire nous a dit, plus tôt aujourd'hui, et vous l'avez un peu
répété vous-même aujourd'hui, que, jusqu'ici, il
n'existe aucun contrôle, aucune indication régulière
à l'intérieur de la caisse pour vous dire jusqu'à quel
point vous approchez de cette limite. Ce n'est pas difficile de le savoir. Vous
pouvez acheter un logiciel chez Computerland pour 275 $ qui peut voua informer
de ces faits sur une base quotidienne. Il n'y a pas de problème.
Vous avez dit, effectivement: On ne l'a pas fait parce qu'on est surpris
de découvrir comment cela a augmenté rapidement,
dernièrement. Mais c'est exactement cela qui nous préoccupe. Si
cette incapacité de prévoir ce qui se passe à
l'intérieur de la caisse existe, je pense que cela a pour effet de
mettre un peu en doute, chez les législateurs prudents, l'idée
qu'on doit s'ajuster avec un projet de loi ' un peu artificiel, tel qu'il est
proposé aujourd'hui, simplement pour vous permettre de passer à
travers une période.
En terminant, le seul argument qu'on peut apporter et qui va
au-delà de celui que j'ai soulevé, c'est qu'il y a une
catastrophe qui s'en vient, si on n'accepte pas ces modifications. Le mot
"catastrophe" que vous avez utilisé est un mot qui existe dans le
dictionnaire et qui a beaucoup de sens, mais on a vu plusieurs catastrophes
ici, au Québec, depuis des années, et je ne mets pas le
problème devant lequel on se trouve aujourd'hui dans cette
catégorie. Vous seriez limités dans vos possibilités de
poursuivre ce que vous croyez être une politique de placements des plus
rentables pendant quelques semaines ou quelques mois en attendant la refonte de
votre loi. Cela peut coûter des sous aux Québécois ou c'est
possible que cela puisse épargner des sous aux Québécois,
parce que c'est possible que le législateur, quand il a inscrit ces
limites dans la loi vers les années soixante, ait eu raison. On ne le
sait pas. On n'a pas examiné cette question.
Vous dites que c'est un non-sens, aujourd'hui, mais ce n'est pas
prouvé et ce n'est pas possible de le prouver. Personne ne peut dire
avec certitude que, si on vous laisse cette latitude, ce sera pour le meilleur
des Québécois. Personne n'est capable de le dire. Dans une
situation qui touche nos institutions financières, les régimes de
retraite des Québécois, la Régie de l'assurance
automobile, la CSST - vous connaissez la liste de vos clients autant que moi -
dans le cas des lois qui sont le fondement même de la
sécurité de l'épargne des Québécois et de la
confiance que les Québécois doivent garder dans leurs
institutions financières, je trouve un peu irresponsable d'accepter
d'amender cette loi d'une façon artificielle et temporaire sans
l'étudier en profondeur, simplement et uniquement parce que vous nous
dites aujourd'hui que vous venez seulement, dans les dernières heures,
dans les dernières semaines, de découvrir que la loi actuelle va
vous empêcher de faire ce que vos analystes vous ont dit de faire dans
les semaines qui suivent. Ma suggestion au ministre - je suis certain que je
suis appuyé par mon collègue qui est maintenant au salon bleu
pour la loi 3, je suis certain qu'il est d'accord avec moi - c'est qu'on retire
le projet de loi et que, le plus vite possible, en 1985... On est prêt
à siéger ici, à la limite, le 5, le 6 ou le 7 -you name it
-
Une voix: Y inclus le 19.
M. Scowen:... même le samedi. On est prêt à
examiner cela en profondeur lors d'une commission parlementaire pour permettre
aux experts de tous les côtés d'exprimer leur opinion et faire la
refonte de la Loi sur la Caisse de dépôt, comme on l'a fait avec
la Loi sur les assurances, d'une façon responsable et
équilibrée pour vous permettre de continuer. Si ce retard a pour
effet de nous coûter quelques sous, premièrement, personne, je le
répète, ne sera capable de prouver que c'est le cas et nous
aurions, même si vous aviez raison en disant que cela va coûter
quelques sous aux Québécois, la garantie que nous n'avons pas agi
d'une façon irresponsable, sans consultation, à la
dernière minute, à la fin d'une session de l'Assemblée
nationale.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre, avant de vous
donner la parole, je voudrais vous faire savoir, puisque vous êtes
nouveau à la commission, qu'il y un élément que vous devez
savoir. Je trouve un peu étrange que le député de
Notre-Dame-de-Grâce nous dise aujourd'hui que le gouvernement a
refusé jusqu'à maintenant de regarder en commission ou autrement
la gestion ou le fonctionnement de la Caisse de dépôt parce que,
le 30 octobre dernier, en commission de travail de cette commission du budget
et de l'administration, on s'est réuni pour regarder l'application de
l'article 286 de nos règles de procédure que je vous lis: "Chaque
commission examine
annuellement les orientations, les activités et la gestion d'au
moins un organisme public soumis à son pouvoir de surveillance. " Or,
à cette occasion, les députés ministériels avaient
suggéré que l'organisme public qui devait faire l'objet d'un
examen soit, effectivement, la Caisse de dépôt et placement. Les
gens de l'Opposition, à cette occasion, ont plutôt
suggéré, quant à eux, que ce soit l'Inspecteur
général des institutions financières. Je trouve un peu
étrange qu'aujourd'hui le député de
Notre-Dame-de-Grâce nous arrive avec cela alors que l'occasion
était belle le 30 octobre de dire: Allons-y avec la Caisse de
dépôt et placement. Je ne voudrais pas entrer dans un
débat, mais vous deviez savoir ces informations, M. le ministre.
M. Scowen: Le président est très gentil à
votre égard, mais il doit absolument me permettre de faire un
commentaire là-dessus.
Le Président (M. Lachance): Très brièvement,
M. le député.
M. Scowen: J'ai combien de temps pour...
Le Président (M. Lachance): Écoutez...
M. Scowen: Brièvement, qu'est-ce que cela veut dire
exactement? C'est vous qui établissez les règles.
M. Duhaime: Je pourrai vous faire signe à un moment
donné.
M. Fortier: On a mis le règlement de côté.
(16 h 30)
M. Scowen: Jusqu'ici, il était clair dans notre esprit que
le ministre des Finances n'accepterait jamais une commission parlementaire avec
des audiences publiques qui permettraient aux personnes
intéressées de l'extérieur d'exprimer leur opinion et de
présenter des mémoires. C'est devenu - je pense que je peux le
dire - presque un rituel - et M. Campeau est conscient de cela -que, chaque
année, lorsqu'on étudie les crédits, on demande au
ministre le droit de faire cet examen en profondeur et c'est toujours
refusé. Si nous avons proposé, lors de cette commission - et
j'étais là avec mon collègue de Vaudreuil-Soulanges - de
choisir une autre institution, c'est parce qu'on savait, par suite d'une
expérience vécue, qu'au moment où les parlementaires du
côté ministériel seraient allés voir monsieur pour
lui demander ce qu'il pensait de l'idée de faire une commission
parlementaire sur la Caisse de dépôt, la réponse aurait
été très claire et les ministériels les auraient
retourner avec une série d'arguments bien fondés pour
démontrer que ce n'était pas possible. Pourquoi perdre notre
temps dans un débat qu'on a perdu cinq, six, sept fois? C'est une cause
perdue. Maintenant que l'ancien ministre n'est plus ici, peut-être que le
ministre des Finances actuel aura un esprit un peu plus ouvert. Je pense que la
démonstration qu'il y a des choses qui vont mal va peut-être
l'encourager. Je suis prêt à mettre le passé de
côté. Je propose que, si tout le monde est d'accord, on fasse une
commission parlementaire sur la caisse et la loi de la caisse le plus tôt
possible.
Le Président (M. Lachance): Ce n'est pas l'endroit pour
décider cela, M. le député; cependant, je remarque que
vous avez l'art de tourner sur un dix sous. M. le ministre des Finances.
M. Duhaime: M. le Président, je dois vous dire que,
à partir de ce que vous venez de porter à mon attention je suis
un peu étonné de l'attitude de mes collègues de
l'Opposition. Je vais reprendre l'explication en tenant pour acquis deux
choses: que la bonne foi est toujours présumée des deux
côtés de cette table et que, suivant ce que vous avez dit tout
à l'heure, vous êtes ouverts à la compréhension des
choses.
M. Scowen: Absolument.
M. Duhaime: Dieu me garde de faire erreur sur l'un ou l'autre de
ces deux points! Je pense que M. Campeau et, de votre côté, tout
à l'heure, votre collègue de Vaudreuil-Soulanges et vous aussi
dans vos propos, avez reconnu une chose qui m'apparaît fondamentale.
C'est qu'à l'heure où nous nous parlons la politique de
placements et d'investissements suivie à la Caisse de dépôt
et placement du Québec est absolument conforme au cadre
législatif qui régit la Caisse de dépôt et placement
du Québec, même si la loi date de bientôt vingt ans. Je m'en
vais aux états financiers de la caisse, en 1983, à la page 41, au
tableau 4 qui nous donne la ventilation de l'ensemble des fonds. Il n'y a rien
comme ne pas essayer de compliquer les choses simples. Ce qui m'apparaît
assez clair, c'est qu'il y a deux grandes rubriques à l'intérieur
de cette ventilation. La première, c'est...
M. Scowen: À quelle page?
M. Duhaime: À la page 41, au tableau 4. En chiffres
arrondis, si on fait un examen rapide du portefeuille de la caisse, on se rend
compte que, sous la rubrique "Général" des titres de placements
à revenu fixe, vous avez un portefeuille d'obligations pour 11 500 000
000 $, des hypothèques pour 1 100 000 000 $, ce qui vous fait un total
de 12 642 900 000 $ comme total des titres à revenu fixe, ce qui vous
donne 73, 9% de la
valeur inscrite.
Deuxième grande rubrique, le total des titres à revenu
variable. On va oublier... On ne l'oubliera pas, il est là. Il y a
d'abord les actions et valeurs convertibles, pour 4 800 000 000 $, les
investissements dans l'immobilier pour 300 000 000 $, ce qui vous donne un
total de 5 161 000 000 $. Vous avez ensuite une addition qui est importante.
Donc, le total des placements à long terme, 17 800 000 000 $, et vous
avez un court terme de 820 000 000 $, ce qui nous donne, au 31 décembre
1983, un grand total des placements à la caisse de 18 633 700 000 $ pour
être plus précis, et on va oublier les grenailles. De quoi
s'agit-il aujourd'hui? Nous ne sommes pas en train de modifier
artificiellement, comme vous dites, la Loi sur la Caisse de dépôt
et placement du Québec. Nous sommes en train de vous proposer un
correctif qui tient compte de la réalité économique que
nous avons vécue à travers ce que j'ai eu l'occasion d'appeler,
à maintes reprises, une des plus grandes "secousses sismiques" que
l'économie mondiale a connue et qui s'est reflétée,
essentiellement, sur les titres et sur les placements à
l'intérieur même du portefeuille de la caisse.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je vous
rejoindrais dans votre argumentation si, dans le projet de loi, nous faisions
sauter deux choses: les 7% et cette notion des 4% de rendement pour toutes les
années antérieures. La loi qui régit la caisse,
actuellement, parle de 4% non pas sur une base cumulative ou encore sur une
moyenne de 5 ans, mais sur chacune des années successives durant 5
ans.
Une voix: C'est cela.
M. Duhaime: Donc, 1984, 1983, 1982, 1981, 1980, n'est-ce pas?
Une voix: C'est exact.
M. Duhaime: Qu'est-ce que la loi propose? La loi dit: Pour les
années 1981 et 1982, nous allons présumer que le rendement a
été d'au moins 4%, mais la clause omnibus des 7% sur l'ensemble
du portefeuille des actions et obligations demeure, on est d'accord
là-dessus.
Une voix: Oui, oui.
M. Duhaime: Pour l'année 1980, pour l'année 1983,
pour l'année 1984 et ensuite pour l'année 1985, les mêmes
contraintes demeurent. Ce que vous nous proposez aujourd'hui, moi, je prends la
parole du président de cette commission qui nous dit qu'en octobre vous
avez refusé un débat sur la Caisse de dépôt et
placement.
Une voix: Je ne pense pas.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ah! non. Quand vous a-t-il dit
cela?
M. Duhaime: Je puis vous confirmer que nos bons amis de
l'Opposition sont très intéressés aux affaires de la
Caisse de dépôt et placement. Mon Dieu! Il suffit de lire les
journaux.
M. le Président, je suis aussi parfaitement conscient d'une
chose. C'est que les gestionnaires de la Caisse de dépôt et
placement du Québec, qui sont des gestionnaires responsables, où
il existe un conseil d'administration responsable, ont cette espèce de
contrainte d'avoir à marier le mieux possible la sécurité
de ces placements et la rentabilité.
Vous avez prononcé un mot lourd de sens, tantôt. J'avoue
que j'en suis un peu ahuri.
M. Scowen: Ahuri?
M. Duhaime: Ahuri, avec un "h".
Une voix: "Astonished", avec un "h".
M. Duhaime: Vous pouvez le prononcer comme un "h" aspiré
ou un "h" muet, cela dépend des régions d'où on vient.
J'espère que vous dites, sans y avoir trop réfléchi, que
c'est irresponsable de procéder de la manière que nous le faisons
maintenant. Je vous renvoie la balle en vous disant que ne pas bouger
maintenant serait irresponsable.
Tenons pour acquis une chose. Supposons que cette loi soit
adoptée. On reparlera du débat... Quand l'Opposition me fait des
propositions, je les écoute. M. le Président, vous allez convenir
avec moi que la définition de l'Opposition loyale, cela n'a pas
changé dans notre système parlementaire et, quand on me fait des
invitations avec une pareille insistance, je suis un peu sur mes gardes. J'ai
eu l'occasion, depuis les dernières années, de travailler
beaucoup avec l'Opposition et, un de ces bons jours, j'écrirai
peut-être ou je dirai toute l'appréciation que cela peut
m'inspirer certains jours.
Si nous vous proposions un projet de loi qui allait dans le sens de
dire: Nous allons modifier les articles 27, 30, 31 ainsi que la clause omnibus
à l'article 34 et tout faire sauter les contraintes législatives
qui existent actuellement dans le cadre de cette loi, je serais d'accord avec
vous que nous ne pourrions procéder de cette manière sans qu'on
prenne vraiment le temps de décanter et de comparer ce qui se fait dans
d'autres lois, par exemple. De mémoire, lorsque cette loi a
été pilotée, en 1965, les deux critères des 4% et
de la clause omnibus des 7% s'inspiraient presque par plagiat de ce qui
existait dans la Loi sur les assurances et probablement aussi dans
d'autres dispositions législatives qui touchaient certaines
fiducies.
Vous ne viendrez pas me dire aujourd'hui, en 1984 et bientôt en
1985, cela fait 20 ans... J'ai eu l'occasion, depuis que je siège
à l'Assemblée nationale, de piloter plusieurs lois, de travailler
au Comité de législation pendant de longues années et
même de présider ce comité.
M. Scowen: Oui.
M. Duhaime: Je vous dirai que ce qui est important pour une loi,
c'est de résister à l'épreuve du temps. Mais quand une loi
a fait 20 ans, il faut peut-être se poser des questions pertinentes pour
savoir si ce n'est pas le moment de l'ajuster. Ce n'est pas ce que nous vous
proposons aujourd'hui. Ce que nous vous proposons... Je rejoins un peu
certaines questions que vous me posez à l'Assemblée nationale,
certains matins, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce; on
dirait que, du côté de l'Opposition, la crise économique en
1981 et puis en 1982, cela est arrivé sur une autre planète. Mais
c'est arrivé sur le continent nord-américain, c'est arrivé
aux États-Unis, c'est arrivé dans les pays industrialisés
de l'Europe de l'Ouest. Cela a cogné également au Japon. On a eu
à subir les chocs et les contrechocs du pétrole et de la hausse
presque sauvage des prix. Cela a cogné dur sur l'économie.
Ce que le président de la caisse vous dit aujourd'hui... Parce
que, sur les transactions de portefeuille-actions, si j'ai bien saisi, ce sont
les achats nets; c'est assez embêtant qu'aujourd'hui la Caisse de
dépôt ne puisse pas transiger au-delà d'un certain seuil
sur des actions de l'Alcan. De mémoire, durant la crise
économique, pour la première fois en 80 ans, l'Alcan a fait une
perte à son compte d'opérations, je crois que c'est 58 000 000 $;
mais, dans la même année, la même compagnie a
déclaré un dividende à ses actionnaires. Ce qui est vrai
pour l'Alcan est certainement vrai pour d'autres titres de grandes corporations
qui sont, en quelque sorte, le coeur économique ou l'épine
dorsale de l'économie du Québec.
Ce que l'Opposition est en train de faire, M. le Président, je le
regrette et je sonne la cloche, c'est que vous semblez vouloir nier une
évidence. J'ai expliqué -peut-être que j'ai parlé
trop brièvement, je n'aime pas cela parler trop longtemps - j'ai dit que
la mécanique juridique que nous avions retenue était d'introduire
dans le projet de loi 18 la présomption suivante: Que, pour les
années débutant et se terminant en 1981 et en 1982, nous
présumions que le rendement était d'au moins 4%. Mais cela
n'enlève pas l'obligation pour les années 1980, 1983 et 1984,
cela n'enlève pas l'obligation que la clause omnibus de 7% soit
maintenue. M. Scowen: Oui.
M. Duhaime: Vous me dites: Nous serions intéressés,
M. le ministre, votre prédécesseur a toujours dit non - M. le
président me dit le contraire, on va aller vérifier aux
procès-verbaux...
M. Scowen: Ayez confiance en nous.
M. Duhaime:... si mon prédécesseur ne voulait pas
ouvrir un débat public sur la Caisse de dépôt...
Une voix: II y en a un qui a démissionné.
M. Duhaime:... moi, je voudrais vous donner, non pas mon
état d'âme, mais mon état d'esprit.
Je commencerais par une phrase célèbre d'un de nos anciens
collègues, qui a été leader de notre gouvernement pendant
de longues années, dans les belles années, dirait-il: "Other
days, other ways. " Ce que vous me proposez est très dangereux. Vous me
dites: On trouve cela intéressant. Si j'essaie bien de saisir quel est
votre profil face à la loi qui est devant vous, c'est de dire: Oui, cela
peut avoir un certain sens, mais au mois de janvier. Mais vous savez qu'au mois
de janvier l'Assemblée nationale ne siège pas. Vous savez que de
par nos statuts et règlements à l'Assemblée nationale nous
allons siéger, après l'ajournement de vendredi le 21, à
nouveau le mardi 12 mars. Même si on faisait des commissions
parlementaires... Demandez à mon collègue d'Outremont. On a fait
des commissions parlementaires pendant je ne sais combien de semaines sur le
dossier de l'énergie, cela a été très profitable
à tout le monde...
M. Fortier: Le ministre n'a rien produit.
M. Duhaime:... depuis ce temps-là, l'Opposition comprend
ce qui se passe dans le dossier de l'énergie, j'en suis ravi.
M. Fortier: Le ministre n'a rien produit.
M. Duhaime: Mais même si on siégeait tout le mois de
janvier et pendant tout le mois de février...
M. Scowen: Oui. (16 h 45)
M. Duhaime:... on ne changera rien à la Loi sur la Caisse
de dépôt et placement du Québec et on va dire à M.
Campeau: Vous allez vivre avec le cadre législatif que vous impose la
loi telle qu'elle est.
Contrairement à ce que le député de
Vaudreuil-Soulanges disait tout à l'heure, on ne légifère
pas aujourd'hui pour que la loi et l'Assemblée nationale s'ajustent
à la politique d'investissements et de placements de la caisse. La
caisse a une politique d'investissements et de placements à
l'intérieur de contraintes que nous retrouvons dans sa loi constitutive.
On s'entend là-dessus. On s'entend également pour dire
qu'à ce jour, à moins qu'on ne me dise le contraire, ce cadre ou
ces contraintes législatives ont été respectées. Si
vous refusez...
M. Scowen: J'espère. Cela va de soi.
M. Duhaîme: Moi, c'est peut-être par
déformation professionnelle, M. le Président, mais je tiens pour
acquis que les gens à qui je parle sont de bonne foi...
M. Scowen: Je comprends.
M. Duhaime:... et qu'elle est toujours
présumée.
Une voix: Je comprends, c'est sûr.
M. Duhaime: Si nous laissons la loi en état et que, pour
une raison ou pour une autre... Peut-être que, durant la soirée,
vous aurez des conversations ensemble et que, demain matin, vous nous direz:
Bon, cela va...
Une voix: C'est une invitation à dîner, celai
M. Duhaime:... on a examiné cela, ou peut-être que
vous ferez un appel à tous. Cela pourrait inclure tout le monde. Mais,
si cet amendement n'est pas fait, qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire
que la Caisse de dépôt et placement va devoir réviser sa
politique de placements et s'en aller sur des titres qui, durant les cinq
dernières années et pour chacune des dernières
années, seront au-dessus du seuil de 4% parce qu'on est au plafond des
7% pour l'autre groupe. Est-ce exact? On se comprend bien.
M. Scowen: C'est cela. Vous avez bien saisi la situation.
Bravo!
M. Duhaime: Alors, à partir du moment où l'on se
comprend, mais...
M. Scowen: Tout le monde s'entend.
M. Duhaime:... êtes-vous capable de me dire où est
votre difficulté?
M. Scowen: Oui.
M. Duhaime: Je vous laisse la parole là-dessus. Je
voudrais bien vous entendre.
M. Scowen: Je vais poser une très courte question au
ministre, si cela m'est permis.
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Outremont a demandé la parole et il est patient depuis longtemps.
M. Scowen: Parfait.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II mérite qu'on
l'entende.
Le Président (M. Lachance): D'accord, on lui laisse la
parole.
M. Fortier: M. le Président, il ne faudrait pas vous
surprendre de ma présence ici. J'ai deux intérêts.
Une voix: Ah! oui.
M. Fortier: Le premier, bien sûr, c'est de suivre la
carrière de l'ex-ministre de l'Énergie et des Ressources et de
voir jusqu'à quel point il peut faire ses premiers pas dans ses
nouvelles fonctions. Le deuxième est mon intérêt pour les
sociétés d'État et, si je suis venu ici, c'est bien
sûr pour me renseigner et pour suivre de plus près le débat
qui, à mon avis, est extrêmement important. Je crois que le
député de Vaudreuil-Soulanges et le député de
Notre-Dame-de-Grâce ont exprimé le point de vue qui est le
nôtre.
Pour ma part, j'aurais juste quelques questions brèves parce que
j'aimerais être sûr de bien comprendre les données du
problème. Je comprends la conjoncture, je comprends le problème
général qui est devant nous. Mais, pour ma part, j'aimerais
comprendre davantage les difficultés qui peuvent affliger la caisse ou
qui pourraient affliger la caisse. J'aurais deux ou trois questions très
brèves, M. Campeau, si vous voulez y répondre.
J'ai devant moi un document que vous nous avez fait parvenir et qui
comprend les actions qui sont incluses dans le "basket clause". Il y a un
document qui est daté du 31 décembre 1981. Est-ce que je dois
comprendre, si je prends l'Alcan en particulier, que les actions qui sont
mentionnées là, 944 030 actions, seraient des actions qui
auraient été achetées en 1981 et, à cause de
l'exigence des 4% sur les 5 dernières années, à ce
moment-là, en 1981, les achats que vous avez faits ne respectaient pas
cette clause, devaient être incluses dans la "basket clause"?
M. Campeau: Non, c'est une des réponses que je voulais
donner à votre collègue, M. Scowen.
Prenons l'exemple de l'Alcan qui est peut-être un exemple typique.
Si vous achetez de l'Alcan, au moment où vous achetez votre Alcan...
M. Fortier: En 1981.
M. Campeau:... il est admissible à ce moment-là.
Parce que, au cours des quatre dernières années, il avait eu ses
4%.
M. Fortier: En 1981.
M. Campeau: En 1981. Même si vous êtes en 1984, il
demeure admissible, celui que vous avez acheté. Ce ne sont que les
nouvelles actions que vous ajoutez qui ne sont pas admissibles.
M. Fortier: Mais prenons la liste que vous nous avez
donnée et prenons la liste du 31 décembre 1981. J'ai une liste
ici devant moi. On a le temps, deux minutes. Non, c'était le 31
décembre 1983, je m'excuse. Prenons n'importe quelle valeur au 31
décembre 1981... C'est écrit à la main, je m'excuse. Je ne
peux pas tout à fait comprendre. Prenons n'importe quelle action incluse
dans la liste du 31 décembre 1981.
M. Campeau: Celle que vous avez est-elle du 30 novembre 1984?
M. Fortier: Je vais vous dire ce que j'ai devant moi. J'ai ici un
document qui est intitulé "30 novembre 1984", à la main.
M. Campeau: C'est cela.
M. Fortier: Après pela, ici en haut, c'est marqué
31 décembre 1983.
M. Scowen: C'est cela.
M. Fortier: Après cela, quelqu'un a marqué 31
décembre 1981. Alors, c'est 1983. C'est donc dire... J'avais de la
difficulté à comprendre parce que, si cela avait
été le 31 décembre 1981, je me posais la question: Comment
se fait-il que des actions comme celles de l'Alcan, au 31 décembre 1981,
n'étaient pas admissibles? Vous voulez me dire que, rendu au 31
décembre 1983, les actions qui auraient été
achetées antérieurement ne sont pas ramenées à
l'intérieur de cette clause-là. Si elles ont été
achetées au moment où les critères étaient
respectés, ces actions-là demeurent là où elles
étaient. C'est uniquement pour les actions qui, au moment où vous
faites votre achat, ne respectent pas la clause qui est définie dans
l'article 31.
M. Campeau: Vous me permettrez d'ajouter à votre question
que, dans l'année... Comme cette année, nous avons fait pour 2
000 000 000 $ de transactions autant à l'achat qu'à la vente.
Notre portefeuille-actions va avoir augmenté de seulement 500 000 000 $
à 600 000 000 $, d'autre part. Si on a vendu de l'Alcan, quand c'est
vendu, c'est fini. Le nouvel Alcan qu'on achète, même si à
la fin de l'année, le nombre d'actions qu'on possède de l'Alcan
est plus faible que celui de l'année précédente, la partie
achetée dans l'année tombe dans la clause.
M. Fortierî D'accord, je comprends bien cela. J'imagine que
les raisons pour lesquelles vous voulez faire une transaction comme
celle-là peuvent être multiples. C'est pour réaliser un
gain de capital ou pour... Pourquoi vendre de l'Alcan pour acheter de l'Alcan
de nouveau?
M. Campeau: La plupart du temps, ce n'est pas de l'Alcan qu'on
vendrait, si on a décidé de l'accumuler parce qu'il était
bon, ce serait un autre secteur. On peut passer d'un secteur défensif et
on peut vendre des banques, par exemple, pour s'en aller dans un secteur plus
offensif comme l'Alcan. Le fait de vendre nous empêcherait de passer d'un
secteur à l'autre. La limitation, même si on ne devait pas
investir un dollar supplémentaire dans notre portefeuille-actions cette
année, la clause nous ferait mal quand même. Cela nous
empêcherait de bien gérer notre portefeuille d'actions. Cela nous
empêcherait de vendre des secteurs qui semblent avoir atteint leur
maturité ou le haut du marché pour profiter et acheter d'autres
compagnies de secteur qui sont dans le bas du marché.
M. Fortier: Autrement dit, même si vous n'ajoutiez pas en
termes de volume de dollars, cela vous empêcherait de vendre certains
titres pour en acheter de nouveaux, étant donné qu'ils
tomberaient dans la nouvelle classification.
M. Campeau: Oui. Contrairement à des particuliers - nous
sommes tous des particuliers parce que notre portefeuille...
M. Fortier: Oui, moi aussi j'en ai, mais je n'ai pas de clause 31
dans mon portefeuille.
M. Campeau:... et, à part cela, je ne veux pas vous faire
de reproche, mais je tiens pour acquis que vous savez quand acheter et que vous
ne savez probablement pas quand vendre, comme la majorité d'entre nous.
On est tous des bons acheteurs pour savoir quand acheter, mais, quand vient le
temps de vendre, on hésite. Alors qu'une institution comme la
nôtre, suivant le marché par des experts au jour le jour, à
un moment donné, décide de vendre et d'aller
dans d'autres secteurs. Si nous achetons une Banque Nationale, on la
garde et, si elle se vend comme aujourd'hui à 14 $ ou 15 $, on dit:
C'est bon; je vais la garder encore; peut-être qu'il faudrait vendre.
M. Fortier: La deuxième explication que j'aimerais avoir
est la suivante: ici, dans la deuxième page du document que M. Scraire
nous a fait circuler, on donne l'évaluation des titres dans le "basket
clause" au 30 juin et au 30 septembre. Vous avez dit tout à l'heure
qu'il fallait un certain temps pour faire l'évaluation des
différents titres, des différentes actions qui seraient à
l'intérieur de cette clause. Mon collègue de
Notre-Dame-de-Grâce vous a recommandé de vous acheter un
mini-ordinateur pour 2000 $ et de faire le calcul rapidement. Pourriez-vous
m'expliquer quelle est la difficulté? S'il s'agit des actions, il ne
s'agit somme toute que de regarder la valeur des actions en bourse à une
date donnée et de faire l'addition. J'ai de la difficulté
à comprendre pourquoi cela peut vous prendre un certain nombre de
semaines avant que vous connaissiez exactement la valeur des placements qui
sont à l'intérieur de cette clause.
M. Campeau: D'abord, laissez-moi ne pas répondre
directement à votre question. Depuis que nous avons vu l'urgence du
problème, parce qu'on venait près de notre limite, il est
évident que des directives ont été données à
la caisse pour contraindre nos gestionnaires à continuellement tenir
compte de la clause lorsqu'ils font des achats. Quand je disais que le
critère des 4% de rendement n'était pas un critère
employé par les analystes et les gestionnaires qui ne s'en
préoccupaient pas dans le passé, aujourd'hui même, ils s'en
préoccupent parce qu'il s'agit pour nous de ne pas dépasser notre
clause. On est rendu très proche, donc il faut que tout le monde soit
sensibilisé au problème. Quand on disait qu'on ne peut pas savoir
exactement, au jour le jour, comment nous sommes de ce temps-là, on sait
qu'on ne le dépasse pas parce que les directives sont données et
les transactions sont suivies.
D'autre part, la Caisse de dépôt a plusieurs portefeuilles
et la clause panier, la clause omnibus ne concerne pas uniquement les actions.
Elle concerne tous nos véhicules de placements...
M. Fortier: Oui, oui.
M. Campeau:... que ce soit des obligations, des valeurs à
court terme et tout cela.
M. Fortier: D'accord.
M. Campeau: Quand il s'agit de compiler tout cela, si on
développe un mécanisme pour le suivre au jour le jour, on
pourrait y arriver. Quand il n'y a pas état de crise, je ne pense pas
qu'on perdrait du temps à faire cela, à le suivre au jour le
jour. De ce temps-là, si vous me demandez: Est-ce que vous seriez
capable de me donner une estimation dans deux ou trois jours à partir de
ce soir?, je pense que oui, parce qu'on le suit.
M. Fortier: M. Campeau, la dernière évaluation que
vous avez donnée, dans le document, c'est le 13 septembre 1984. Mon
collègue de Vaudreuil-Soulanges disait: Vous êtes
présentement, à la lumière de ces données, à
l'intérieur de la loi. Mais, étant donné que nous sommes
rendus au 19 décembre, pourquoi ne pas avoir donné
l'évaluation, disons, au 30 novembre? Vous avez donné
l'impression que cela prenait deux ou trois mois avant de savoir quelle
était l'évaluation de votre portefeuille, eu égard
à cette restriction de l'article 34, que cela prenait plusieurs mois
pour l'évaluer. J'ai de la misère à comprendre cela. Il me
semble que, si c'est une clause aussi importante, pour laquelle vous demandez
aux membres de l'Assemblée nationale de se réunir pour modifier
un article de loi en dérogation des règlements de la Chambre,
vous auriez dû, avant d'arriver ici, vous donner les moyens qui nous
permettraient maintenant de connaître quelle est l'évaluation du
portefeuille, disons, au 30 novembre ou au 15 décembre 1984. Je dois
admettre qu'avec un mini-ordinateur, cela ne me semble pas tellement
compliqué. J'ai de la difficulté à comprendre... Bien, je
n'ai pas de difficulté à comprendre que, dans les années
1982 et 1983, vous ne l'ayez pas fait. Mais, depuis le mois de mars 1984, de
toute évidence, le mois de juin, le 30 septembre, il est évident
que vous vous rapprochez de plus en plus de la limite permise par la loi. Et un
bon administrateur aurait sûrement pris les moyens de se donner les
outils nécessaires pour suivre cette évolution, quasiment au jour
le jour, du moins à toutes les fins de mois.
M. Campeau: Un bon administrateur peut prendre plusieurs moyens.
Le vôtre est sûrement bon, le mien est bon aussi. Parce qu'on a
réuni nos gestionnaires et on a émis des directives pour que tout
placement, qui pouvait aller dans la clause, soit retardé ou soit bien
estimé. Peut-être que les estimations ne seront pas exactes, parce
que souvent les gens ne s'entendent pas, cela prend un vérificateur
interne qui passe pardessus les transactions pour bien faire tous les calculs,
pour savoir si c'est dans la clause panier ou non, parce que c'est tellement
délicat, toutes ces affaires-là. Mais je peux vous assurer
qu'aujourd'hui on n'est
pas loin de ce chiffre-là, d'après les mesures que nous
avons prises.
Si vous me demandez de sortir le chiffre exact sur le mini-ordinateur,
nous ne l'avons pas aujourd'hui. Mais je sais, d'autre part, que les
gestionnaires de la Caisse de dépôt ayant été
sensibilisés à ce problème n'ont pas exagéré
depuis ce temps-là et que nous sommes en mesure de finir au 31
décembre en dedans de la clause. Est-ce que cela aura nui à notre
rentabilité? Sûrement un peu. Quand je dis "catastrophe" et que M.
Scowen en parlait tout à l'heure, quand cela réduit les profits
de la Caisse de dépôt, pour moi, c'est une catastrophe.
M. Fortier: Quand cela... Répétez donc cela.
M. Campeau: Quand cela réduit la profitabilité de
la Caisse de dépôt, pour moi, c'est une catastrophe. C'est,
évidemment, pour autant que la sécurité des placements est
sauvegardée.
Ici, par exemple, on voit que la Caisse de dépôt est la
première des institutions financières au point de vue de la
profitabilité au Canada et même de toutes les entreprises. Mais ce
serait trop long à expliquer; il y en a qui paient de l'impôt,
nous n'en payons pas. On dépasse la Banque du Canada en fait de profits,
on a 1 770 000 000 $ et elle a 1 744 000 000 $. Ce n'est pas juste pour cela
qu'on veut faire des profits, mais je pense qu'on doit regarder tous les
profits, pourvu, évidemment, que la sécurité du placement
et des fonds soit conservée. C'est cela que j'aurais voulu
répondre à monsieur...
M. Fortier: M. Scraire, oui.
M. Scraire: Je voudrais juste ajouter qu'on travaille
essentiellement avec les chiffres du 30 septembre parce que ce sont les
derniers chiffres où il n'y a pas de contrainte découlant
uniquement de la clause des 4%, où les gestionnaires n'avaient pas cette
contrainte. Ce sont les derniers chiffres en date. Depuis ce temps-là,
étant donné les montants en cause, il y a les contraintes dont M.
Campeau a parlé, qui sont en fonction... Alors, à partir du
moment où les contraintes sont en fonction, vous n'avez pas le
développement normal de votre programme de placements, ni l'application
normale de vos stratégies de placements. Alors, dans un cadre normal,
les derniers chiffres sont ceux du 30 septembre. (17 heures)
M. Fortier: En terminant, M. le Président, je vais laisser
la parole à mes collègues qui se sont mieux
préparés que moi pour faire face à ce débat. Bien
sûr, en ce qui concerne la profitabilité de la caisse, nous
serions les derniers à vous reprocher de rendre la caisse la plus
profitable possible. Je crois que, dans le passé, mes collègues
ont fait des représentations dans ce sens pour maximiser le plus
possible la profitabilité tout en maintenant des facteurs de
sécurité qui restent à définir. Je pense bien que
le débat que nous faisons autour de la table présentement, c'est:
est-ce que nous devons, à la toute dernière minute, en fin de
session, changer les critères qui, à venir jusqu'à
maintenant, avaient permis à la caisse de se développer et de
répondre, justement, aux critères de sécurité qui
ne semblaient pas lui nuire?
La dernière question que j'aimerais vous poser, c'est que ce
facteur de profitabilité que vous évoquez, eu égard aux
changements qui ont été proposés, est-ce que c'est une
question d'années ou est-ce une question de mois? Est-ce que le fait de
retarder une telle décision pour six mois, disons, ce serait toujours
dans votre langage "catastrophique" ou si vous croyez que ce genre de
problème pourrait être réglé, je ne sais pas, sur
une période de temps raisonnable, compte tenu, je crois, des
recommandations qu'a faites mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce?
Autrement dit, à supposer qu'il y ait un bien-fondé à la
demande que vous formulez, est-ce qu'une période de mois serait à
ce point désastreuse que les parlementaires ne devraient pas prendre le
temps d'examiner cette situation en profondeur? Autrement dit, ce qu'on essaie
d'évaluer aujourd'hui, c'est, à supposer que nous acceptions
votre argumentation, dans quelle mesure il y a urgence et dans quelle mesure il
y a crise. Je crois que ce sont les questions que je me pose en particulier,
compte tenu du sérieux qu'on doit apporter à modifier les
règles qui régissent une institution financière aussi
importante que la Caisse de dépôt et placement du
Québec.
Le Président (M. Lachance): M.
Campeau.
M. Campeau: Je sais que votre collègue de
Notre-Dame-de-Grâce suit les cours du marché au jour le jour, et
peut-être que vous aussi, mais ce n'est pas nécessaire pour placer
ses actions.
M. Fortier: Je ne les suis pas, c'est mon fils qui fait cela.
M. Campeau: C'est votre fils qui fait cela. C'est parfait. Or, on
a vu, au cours des derniers jours, que la Bourse a monté très
rapidement. Qu'est-ce que nos gestionnaires vont faire devant une incertitude
immédiate? S'ils ont trois mois pour réagir, c'est assez. S'il y
a des titres qu'ils pourraient vendre pour diminuer le portefeuille et prendre
un profit, calculant
que le titre est à un point où il est rendu un peu trop
haut d'après nos prévisions, est-ce qu'ils vont les vendre
sachant qu'ils ne peuvent pas racheter d'autres titres d'autres secteurs parce
que ces titres font partie de la clause omnibus? Qu'est-ce qu'ils vont faire?
Ils vont probablement garder le statu quo et peut-être laisser passer un
profit qu'ils devraient faire. Donc, cela va les empêcher de bien
administrer et de bien planifier, indépendamment du fait qu'ils prennent
de nouvelles sommes d'argent de nos déposants ou de l'argent qu'on a
déjà en portefeuille, les actifs que nous avons. Pour nous, c'est
une entrave à la bonne gestion des fonds de la caisse.
M. Fortier: Même pour une période de six mots.
M. Campeau: Même pour une période de six mois.
M. Fortier: Je vous remercie.
Le Président (M. Lachance): Merci. En vertu du principe
reconnu ici de l'alternance, la parole est au ministre des Finances et
après ce sera au tour du député de Vaudreuil-Soulanges. M.
le ministre des Finances.
M. Duhaime: M. le Président, d'abord, je voudrais saluer
la présence de mon collègue d'Outremont. Je ne sais pas s'il y a
un branle-bas de combat dans l'Opposition...
M. Fortier: Ils vont me nommer porte-parole dans le domaine des
finances.
M. Duhaime:... et que le député d'Outremont
deviendrait, éventuellement, le critique financier de l'Opposition
officielle. Mes meilleurs voeux vous accompagnent.
M. Fortier: C'est parce que nous, on est ambivalents.
M. Duhaime: Je devrais dire, M. le Président... Je
voudrais peut-être corriger, du moins, une impression. J'espère
que ce n'est pas la compréhension du député d'Outrement
qui vient de se joindre à nos travaux.
Fondamentalement, le projet de loi 18 qui est ici ne change pas les
critères et les contraintes. Les mêmes critères et les
mêmes contraines, les premiers 4% et la clause omnibus de 7% demeurent
intégralement, si on se place sur une période de 5 années,
pour l'année 1980, pour l'année 1983 et pour l'année 1984.
Je pense que c'est cela qu'il est important de bien mettre en lumière
dans le débat qui, à la fois, nous réunit et nous
désunit.
Je suis assez impressionné par les propos de M. Campeau lorsqu'il
nous dit que des occasions de faire des placements devront être
laissées pour compte ou que les gestionnaires devront les laisser passer
parce qu'on a fait le plein des achats sous, ce que j'appellerais, la coupole
des 7%. Je vous avoue honnêtement que, comme Québécois
-parce que l'Opposition est peut-être fatigué, c'est la fin de la
session - ce n'est pas un problème très, très
compliqué, entre nous. J'aurais pensé que vous auriez eu
raison... Je m'excuse de devoir me répéter, mais, dans d'autres
dossiers, j'ai eu l'occasion de me répéter très souvent.
Pour mémoire, nous avons fait un débat - on vous a manqué
à ce débat, mon cher ami de Notre-Dame-de Grâce, de
même que le député de Vaudreuil-Soulanges, mais mon
collègue d'Outremont était là - on a fait un débat,
je crois que c'est en 1981, lorsque nous avons introduit le projet de loi 16
modifiant la Loi sur Hydro-Québec. Vous m'avez tenu en commission
pendant, disons, ce qu'on appelle un "filibuste"...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le député de
Frontenac était là.
M. Duhaime:... pendant 72 heures 40 minutes que j'ai
calculé - non pas des heures essentiellement gaspillées dans ma
vie parlementaire, mais j'ai appris à vous connaître - pour une
loi qui consistait essentiellement à prendre les réserves
d'Hydro-Québec, à ses livres, qui étaient pour un montant
d'à peu près 4 000 000 000 $, de donner à
Hydro-Québec une structure de capital-actions, de permettre un
réaménagement dans la direction de l'entreprise. Et qu'est-ce que
l'Opposition officielle nous a dit? Non, mais ce que je vais vous dire va vous
sécuriser dans la démarche que je propose que nous fassions
concernant la gestion des affaires de la Caisse de dépôt et
placement. Le député d'Outremont va s'en souvenir.
Premièrement, elle nous a dit que le gouvernement voulait faire
main basse sur Hydro-Québec. C'était votre première
affirmation.
La deuxième... Et le député d'Outremont va
sûrement sourire. S'il se relit aujourd'hui, il va dire: Je n'ai
sûrement jamais dit cela. Mais, effectivement, il l'a dit. Il a dit: M.
le ministre de l'Énergie et des Ressources, ce que vous êtes en
train de faire va avoir pour conséquence directe que vous allez effrayer
le marché financier et Hydro-Québec ne sera plus capable
d'emprunter.
Une voix: Ils ont été effrayés.
M. Duhaime: Ils ont été effrayés? Soyez
sérieux. Pendant même que nous débattions le projet de loi
16 en commission parlementaire jusqu'à 22 heures, 23 heures,
minuit - bon, on est tous en bonne santé -je vous ai
annoncé lors du débat de troisième lecture
qu'Hydro-Québec avait terminé son programme d'emprunt pour
l'année en cours. Est-ce que je pourrais vous répéter -
cela ne fait pas encore tellement longtemps que j'ai laissé le
ministère de l'Énergie et des Ressources - qu'Hydro-Québec
a terminé, effectivement, depuis un mois ou deux, son programme
d'emprunt pour l'année 1984.
Je vous dis cela pour vous donner un peu d'assurance parce que vous me
semblez inutilement inquiets. Pendant les années 1983, 1982,
après la loi 16 - c'était presque gênant, je suis
prêt l'admettre - Hydro-Québec a donné quoi? Elle a
donné des bénéfices à la hauteur de 800 000 000 $
par année. Et que disiez-vous? La politique de dividendes du
gouvernement qui va consister à presser le citron d'Hydro-Québec.
Vous vous êtes magistralement trompés, n'est-ce-pas? Ce n'est pas
facile de l'admettre. Je n'en disconviens pas. Peut-être qu'un jour
viendra où vous direz: Le ministre avait raison. Mais, en tout cas, les
faits sont là. Je vous donne cela comme exemple aujourd'hui parce que
Hydro-Québec n'est pas la dernière des PME du Québec.
C'est notre plus grande entreprise. Il y a 25 000 000 000 $ d'actifs. II n'y a
rien d'excitant à travailler aujourd'hui avec un portefeuille de 18 000
000 000 $. Vous êtes habitué à travailler sur ces hauteurs
| chiffrés, M. le député d'Outremont.
Alors, je m'explique mal votre nervosité et je m'excuse de me
répéter, mais il n'y a rien comme se répéter pour
se faire comprendre.
Si je vous proposais dans la loi que ces 7% soient levés; si je
vous proposais également de lever sans réserve les 4% qui
existent actuellement dans la loi, vous auriez raison, et vous auriez tellement
raison que ce n'est pas ce que je vous présente. Le projet de loi tient
essentiellement compte d'une réalité économique que nous
avons vécue durant la crise et qui s'est répercutée sur
les états financiers des entreprises, par voie de conséquence,
sur l'état de leur portefeuille et, par voie de conséquence, sur
le portefeuille de la Caisse de dépôt et placement. Et c'est
très limitatif; pour les années 1981 et 1982, nous introduisons
une présomption.
Il m'est arrivé dans la vie, M. le Président, de plaider
des causes faciles, une action sur compte. Cela est facile. Il m'est
arrivé de plaider des causes très difficiles, mais devant des
tribunaux compréhensifs. Il m'est arrivé également de
plaider des choses relativement faciles, mais devant des cours, devant des
juges ou des bancs où je sentais qu'il n'y avait pas ce degré
suffisant de compréhension. Et j'avoue que cela m'a toujours un peu -
non, même pas - agacé.
Je ne veux pas vous dire que je suis en train de ressentir ces vieux
souvenirs aujourd'hui, mais, M. le Président, je n'arrive pas à
comprendre quelle est l'argumentation logique, la rationnelle de la position
que l'Opposition de Sa Majesté défend aujourd'hui devant cette
commission. Je pense vous avoir expliqué de long en large ce dont il
s'agissait. M. Campeau vous dit, dans son langage à lui, et je le
comprends parfaitement: Si le rendement de la caisse risque de diminuer de
quelque façon que ce soit, pour moi, comme gestionnaire responsable de
cette entreprise, c'est une catastrophe. Et je lui dis bravo là-dessus;
c'est son premier devoir. Notre devoir à nous, c'est d'essayer de
l'aider à faire son boulot, en tenant compte des années qui sont
passées derrière nous et qui sont là. Si vous rencontrez
le président de l'Alcan, il n'aime pas trop que vous parliez de
l'année où il a fait une perte à son compte
d'opération et où, pour être capable de baisser ses
inventaires, il a vendu X millions de tonnes d'aluminium aux Chinois de Chine,
payées comptant sur le quai. La seule chose que l'Alcan ne vous dira
pas, c'est quel est le prix vendu.
C'est durant la crise économique que M. Culver a pris une
décision risquée comme chef d'entreprise, qui a été
de maintenir sa capacité de production, presque dans sa totalité,
alors que ses concurrents ont décidé de diminuer. "The Master
Degree of Business Administration" lui a donné une médaille en
or. C'est cette même compagnie qui fait une perte d'opération
d'environ 50 000 000 $ durant l'année. Les administrateurs de cette
compagnie se réunissent et disent: Nous avons confiance en notre
entreprise, nous allons maintenir la confiance en ceux qui détiennent
les actions de notre portefeuille, nous allons déclarer un dividende qui
est plus que double des pertes d'opération dans l'année.
C'est ce genre de portefeuille qui fait que, aujourd'hui, le
président de la Caisse de dépôt et placement du
Québec vous dit: Je ne peux pas, aujourd'hui, transiger sur ces titres -
c'est fort en maudit, entre nous! -parce que la contrainte juridique de la loi
veut que, pas sur une moyenne de cinq ans, mais pour chacune des cinq
années, donc de 1980 à 1984 inclusivement, je suis dans
l'obligation de vivre à l'intérieur des contraintes. Vous devriez
féliciter M. Campeau. Il vient nous dire ici, en commission: Je veux
respecter intégralement la loi qui me régit parce que cela, c'est
la volonté de l'Assemblée nationale. Il nous explique que, s'il
respecte l'abc de la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du
Québec, telle qu'elle est aujourd'hui, sans l'amendement du projet de
loi 18, ce qui va se produire... Ce n'est pas moi qui gère la Caisse de
dépôt et placement du Québec,
c'est le président et son conseil d'administration et les cadres
de la caisse. Qu'est ce qu'il nous dit? C'est qu'il y a un risque que nous
fassions des pertes. Il y aura donc un manque à gagner. Si l'Opposition
veut porter le manque à gagner, elle va le porter parce qu'on va le
chiffrer. Peut-être que, lorsque le printemps sera venu, si vous voulez
avoir un débat sur la Caisse de dépôt et placement du
Québec, je vais vous le dire. Vous en voulez un? J'espère que, si
on en fait un, vous serez inspiré d'une autre source. Je ne nommerai
personne ici, mais vous l'avez deviné déjà; il y a
quelqu'un qui travaille à l'intérieur d'une commission politique
bien connue et d'un parti qui est l'Opposition. J'aimerais que ce soit, bien
sûr, sérieux. (17 h 15)
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous me dites:
Nous serions prêts à siéger en janvier. Moi, je vous dis
que, pour régler le problème qui est sur la table aujourd'hui,
janvier, c'est trop tard. Vous me proposez de faire marcher l'ascenseur?
Retournez l'ascenseur! Je ne vous demande pas de faire plaisir au gouvernement,
aujourd'hui, en donnant votre accord sur ce projet-là. Vous avez
tellement d'autres occasions pour nous faire plaisir. En tout cas, je vous
propose, comme citoyen, comme député, comme membre d'un
gouvernement aussi, de vous dire que la Caisse de dépât et
placement du Québec a un problème qui risque d'entacher la
rentabilité maximale en tenant ' compte, bien sûr, des
critères de sécurité qui est l'autre volet, comme dans une
espèce de balance. Si vous me dites: Niet! Soit, on verrai
La seule mise en garde que je voudrais vous faire aujourd'hui, c'est
que, s'il y a un prix à votre refus, ce prix sera chiffré. Je
suis bon joueur; je suis prêt à payer le prix si l'ascenseur va
dans l'autre sens et si nous faisons une erreur dans le sens suivant. Lorsque
le président de la Caisse de dépôt et placement du
Québec vient devant une commission parlementaire, je tiens pour acquis
que ce problème a été discuté au niveau de son
conseil d'administration. Les gens qui siègent au conseil
d'administration ne doivent pas être, par définition, des idiots
parce qu'ils sont membres du conseil d'administration. Ce n'est pas vous qui
les avez nommés, mais voulez-vous qu'on mentionne leurs noms?
Des voix: On les connaît.
M. Duhaime: Vous les connaissez? Bon. Il y a même la photo
en couleur. Quand j'étais au ministère de l'Énergie et des
Ressources, j'avais à m'occuper de grandes sociétés
d'État. Quand j'étais au ministère de l'Industrie et du
Commerce, c'était un peu la même chose. Très souvent, j'ai
entendu l'Opposition dire à l'Assemblée nationale, très
certainement à la blague, à l'endroit de mon
prédécesseur: Le ministre des Finances veut mettre la main sur la
Caisse de dépôt et placement; il veut diriger la Caisse de
dépôt et placement dans sa politique d'investissements, etc.
Au-delà de l'affirmation, cela n'a jamais été
étalé très fort. Je vous dis, M. le Président, que
je connais le conseil d'administration; non pas intimement, je connais peu de
gens intimement. Mais ceux-là, je les connais; ils ont une loi qui les
régit, il y a un cadre législatif. Le hasard des choses veut que
ce soit le député de Saint-Maurice, qui ait, en même temps,
le boulot et l'honneur de devoir répondre devant l'Assemblée
nationale. Mais pour le reste, la Caisse de dépôt et placement du
Québec a son conseil d'administration et celui-ci porte la
responsabilité des décisions qu'il prend. Nous, les
législateurs, nous avons un héritage du passé qui est la
loi qui date de 1965. Si vous voulez que je recommence encore l'argumentation,
je peux bien le faire. Je ne vous apprendrai rien de neuf!
M. le Président, il est 17 h 17, il reste 43 minutes. Vous
n'êtes pas obligé de répondre avant 18 heures. Vous pouvez
réfléchir ce soir. Vous pouvez réfléchir demain;
demain, je m'excuse, vous allez devoir vous priver de ma présence, je
serai à Ottawa; mais vendredi, je serai là. J'espère que
vous me pardonnerez.
Une voix: On va vous pardonner.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. La
parole est au député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, le
ministre a illustré que la répétition est l'une des
meilleures formes de rhétorique. Il n'y a aucun doute. En politique,
d'après le ministre, il faut quelquefois répéter souvent
la même chose, notamment quand on a un filon qu'on trouve
intéressant au point de vue politique et qui n'a rien à voir avec
le fond même de la loi, le filon de nous blâmer à l'avance
des pertes, incidemment non chiffrables - j'y reviendrai - que la caisse
pourrait encourir si la loi n'était pas changée. Je vais revenir
pour le moment au fond de la question. Le fond de la question, nous l'avons dit
- le ministre l'a mis en doute - c'est que la loi 18 est destinée
à amender la Loi sur la Caisse de dépôt et placement afin
que cette dernière devienne conforme aux agissements de la caisse. Il
n'a pas dit que cela va légitimer un état de fait qui, par
ailleurs, n'est pas conforme à une loi. On nous a dit ici qu'il y a une
politique d'investissements telle que, si on ne fait pas ce
changement-là, que vous souhaitez par le projet de loi
18, la disposition des 7% va être brisée, que la caisse, au
point de vue financier, ne sera plus dans les normes fixées par la loi
actuelle. C'est cela qu'on a entendu, c'est cela qu'on nous a
répété et c'est cela, de notre côté, qu'on
prétend qui n'a pas d'allure; pas d'allure dans la mesure
où...
Ce qui m'a étonné beaucoup aussi de la part des
représentants de la caisse, c'est d'entendre que les 4% et 7% ne
faisaient pas partie des préoccupations des gestionnaires, sauf lorsque
vous avez découvert qu'on commençait à approcher du
plafond de 7%; que la norme des 4% de rendement qu'un titre doit avoir connu
dans les cinq dernières années, dans chacune d'elles, ne fait pas
partie de la grille d'analyse et de décision des gestionnaires qui
décident où ils vont investir les fonds de la Caisse de
dépôt. Je suis convaincu que j'ai bien entendu, tout le monde a
entendu cela.
M. Campeau: On disait que cela ne faisait pas partie.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ah, absolument d'accord, sauf
depuis que vous avez découvert, comme je le disais, que le plafond des
7% commence à être atteint tranquillement. On se comprend? Vous
êtes d'accord avec moi, vous faites signe que oui.
Auquel cas, comment se fait-il qu'investis d'un mandat décrit
dans la loi, où ces contraintes existent noir sur blanc, les
gestionnaires... Tous les jours, peut-être que, proprio motu, compte tenu
que ce sont des experts en la matière, que ce sont des gens qui ont
été engagés, qui connaissent le marché financier
sur le long, sur le large, en profondeur, dans toutes les dimensions possibles,
que ces gens ne se préoccupent pas des 4%, c'est une chose. Mais que le
conseil d'administration n'ait jamais donné le signal que cela faisait
partie des contraintes que la loi imposait, là, par exemple, je suis
particulièrement surpris. Et quand je dis qu'il y a un aspect
rétroactif à cette loi, c'est qu'on rend admissibles des actions
qui ne le sont pas aujourd'hui et qu'on dit: lorsque vous les avez
achetées, on présume qu'elles sont admissibles, certaines d'entre
elles. C'est de donner le sens de l'admissibilité à des titres
qui, par ailleurs, ne le sont pas, compte tenu de l'état actuel, de la
rédaction actuelle de la loi. Quand on dit - je le répète
- que cela est de s'assurer, avec la loi 18, que la Loi sur la Caisse de
dépôt et placement du Québec va être conforme
à vos agissements, à votre politique d'investissements, je dis et
je répète que c'est exactement cela l'exercice auquel on se
livre.
On nous dit, essentiellement, qu'il faut que la Caisse de
dépôt puisse ne pas changer sa politique d'investissements parce
que celle qu'elle a empruntée depuis quelque temps est la plus
profitable, la plus rentable. On admettra au moins avec moi qu'on est en train
de présumer qu'à la Caisse de dépôt les gens ont des
boules de cristal où le "fine tuning" est meilleur que tous les autres.
Comment est-ce que l'on peut prétendre, aujourd'hui - M. Campeau l'a
dit, on est très bon pour acheter, mais pas tellement pour vendre,
nécessairement...
M. Campeau: Les particuliers.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Les particuliers, oui,
d'accord.
M. Campeau: Pas la caisse.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): La caisse, c'est la meilleure
parce qu'elle suit le marché à tous les jours, il y a un tas
d'experts, etc.
Mais, à la limite, commencer à prétendre que la loi
actuelle va faire en sorte que vous allez être moins rentable, cela
présume que, tous les jours où vous allez faire des transactions,
vous allez pouvoir dire publiquement! Si ce n'étaient pas des
libéraux, on achèterait telle chose et on se reverra dans six
mois, mais, étant donné que la loi 18 n'est pas changée,
on est obligé d'acheter telle autre chose et on comparera les
portefeuilles dans six mois. Très risqué, M. Campeau, vous
êtes entièrement d'accord avec moi à cet
égard-là. Parce que me faire dire: Dans six mois, regardez, notre
portefeuille est tant et, si ce n'avait été des libéraux,
on aurait pu acheter telle chose, telle chose, telle chose, six mois
après, je vous promets que je peux, dans les journaux financiers,
trouver les titres que j'aurais dû acheter il y a six mois. Pas de
problème avec cela. Et si vous voulez jouer des jeux comme cela, vous
montrez le peu de sérieux dans le fond que vous accordez à
l'argument que vous-même apportez ici. Parce qu'on ne sait pas quelle va
être la rentabilité de la caisse dans six mois, avec ou sans la
clause. Je vais aller jusque-là.
Une voix: Oui.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Auquel cas, vous me direz:
Donc, si c'est avec ou sans, ce n'est pas pertinent. Donc, oublions tout cela,
approuvons le projet de loi 18, on se reverra plus tard. Dans tous les autres
articles, on va faire sauter toutes les limites chiffrées qui
apparaissent. Non, ce n'est pas cela. C'est l'intention du législateur
à l'égard du genre de fonds qui sont détenus par la caisse
qui se retrouve ici, depuis 20 ans, qui se retrouve dans d'autres lois
d'institutions qui ont la même responsabilité à l'endroit
des fonds d'autrui. Ces limites numériques existent substantiellement
dans la même forme.
II y a, je le répète, dans la loi sur les compagnies
d'assurances canadiennes et britanniques, le test de quatre années dans
les cinq dernières. Il n'y a pas de problème. Si on s'en va vers
là, qu'on y aille tous ensemble. Ce n'est pas cela qu'on est en train de
nous demander. On est en train de nous dire: II y a une politique
d'investissements à la caisse et elle commence à heurter une des
contraintes que le législateur a fixées. Donnons-lui un coup de
main pour quelques mois, nous dit-on, ce qui nous permet de conclure qu'elle ne
veut pas changer sa politique d'investissements, même si cela va à
l'encontre de la loi actuelle.
Ce n'est pas étonnant. Cette loi n'a jamais fait partie des
préoccupations de la caisse, cette limite, ce test des 4%. On vient de
nous dire, carrément, que cela n'a jamais fait partie des
considérations soumises au conseil d'administration. Je trouve cela
assez particulier. Là, évidemment, c'est une contrainte
quotidienne. Tout le monde est au courant. Il faut qu'elle fasse attention pour
ne pas acheter des titres qui n'ont pas gagné 4% durant cinq
années de suite depuis l'an dernier, depuis le moment où vous
avez découvert que les 7% étaient une contrainte, compte tenu de
la politique d'investissements que vous voulez continuer à suivre.
Dans ce sens, je ne vois toujours pas comme convaincants les arguments
que le ministre a voulu soutenir. Au point de vue politique, le Parti
libéral va être responsable de "pertes" de la Caisse de
dépôt et placement d'ici à six mois. Je vais être
entièrement d'accord avec les pertes qu'on pourrait nous chiffrer si,
tous les jours, à la fin de chaque journée, à la
clôture des affaires, la caisse nous dit: On aurait acheté telle
chose si le Parti libéral du Québec avait donné son
consentement à la loi 18, mais, étant donné qu'il n'a pas
donné son consentement, que la loi n'a pas été
adoptée, on a acheté telle autre chose. Cela serait très,
très intéressant. On nous dit que cela les empêche
d'acheter d'autres actions... On a parlé de l'AIcan, je ne sais pas
pourquoi, c'est par ordre alphabétique, cela revient toujours plus
facilement. Il y a environ 100 000 000 $ de titres d'Alcan Aluminium
Ltée qui sont dans la clause panier.
Une voix: Société Asbestos.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): L'an dernier, en
décembre, il y avait pour 350 000 000 $, valeur de réalisation,
d'actions de l'AIcan dans le portefeuille de la caisse.
M. Scowen: Et elle peut les garder. (17 h 30)
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Elle peut garder tout cela,
premièrement, à moins que les 100 000 000 $ qui sont là ne
soient en partie dans les 349 000 000 $, je n'en sais rien. Présumons
qu'elles y sont. Un jour on se débarrassera des 100 000 000 $ et il va
rester 250 000 000 $. Il faudra voir le marché à l'époque,
etc. Il reste pas mal d'actions de l'AIcan, je vais le dire franchement. Il en
avait 7 000 000 l'an dernier, mais il y en a environ 2 000 000 qui ne se
qualifient pas, un petit peu plus. Ce n'est pas comme si on empêchait la
Caisse de dépôt et placement d'avoir des actions de l'AIcan. Je ne
vois pas le problème.
J'aurais beaucoup mieux aimé que, dans sa politique
d'investissements - c'est peut-être un autre débat, cela, je ne
voudrais pas parler longuement de cela - la caisse nous explique comment
l'achat d'actions qui sont émises en vertu du régime
d'épargne-actions peut faire partie de son portefeuille? Je pense qu'il
est de notoriété publique que, lors de l'émission de REA
de Bytec, la caisse a pris une participation dans ces actions. Il y a
peut-être d'autres cas. Je n'ai pas fait l'inventaire complet, mais je
rappellerais à la caisse et au ministre que, quand une
société émet, en vertu du régime
d'épargne-actions, notamment à 150%, le marché sait fort
bien que ce sont des gens qui paient un petit peu d'impôt, merci, qui
vont acheter cela, que les gens ajustent automatiquement leur décision
d'achat au coût net du crédit d'impôt qu'ils seront
disposés à verser et que, si on émet à 8 $ et qu'il
y a un paquet de gens, dans le marché qui vont l'acheter parce qu'ils
savent que cela leur coûte 5 $ ou 5, 50 $ - la vraie valeur, entre nous,
c'est bien plus 5, 50 $ que 8 $ - et que la Caisse de dépôt et
placement, qui n'est pas taxable, qui ne peut pas bénéficier du
crédit d'impôt et tout ce que vous voulez, se garroche et
achète à 8 $ ce que tout le monde est prêt à payer
5, 50 $, cela ne m'apparaît pas plus enclin à améliorer la
rentabilité de la Caisse de dépôt. C'est un exemple facile,
M. Campeau. Vous allez m'accorder cela; vous m'accordez d'ailleurs l'admission
que j'en fais. Ce n'est pas un gros montant, compte tenu de votre portefeuille.
(17 h 30)
Cela m'a frappé de voir qu'il y avait au moins un titre qui avait
été émis en vertu du régime
d'épargne-actions et qui se retrouvait dans votre portefeuille. J'ai
trouvé cela assez spécial, compte tenu de ce que je viens de dire
sur les valeurs de marché présumé qui se promènent
dans le portrait. Quant au reste, moi non plus, je ne veux pas
répéter, comme le ministre l'a suggéré -cela ne
servirait à rien, peut-être, à ce moment-ci - les arguments
qu'on a fait valoir. Il y a une responsabilité particulière de la
caisse, ce sont les fonds d'autrui, il y avait une loi, on ne s'est jamais
préoccupé
de la loi. On vient nous voir à la dernière minute pour
nous dire: Aie! on ne s'est pas conformé à la loi; c'est ce qu'on
nous dit. Maintenant, dédouanez-nous à l'égard d'environ
200 000 000 $ de ce qui constitue la clause panier. Le ministre fait signe que
non. Cela demeure comme cela. On a découvert à un moment
donné qu'on pouvait avoir un problème. On n'a quand même
pas, au point de vue de la loi, décidé d'ajuster la politique
d'investissements, compte tenu des contraintes qu'il y avait dans la loi. Cela
est absolument... Personne ne peut contredire cela; on ne peut pas vous
contredire sur cela.
M. Duhaime: Si vous me permettez, juste 30 secondes.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, c'est correct.
M. Duhaime: Je ne voudrais pas qu'on s'induise mutuellement en
erreur. M. le député de Vaudreuil-Soulanges...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges}: Ce n'est pas mon intention.
M. Duhaime: Non, non, mais je pense que c'est - comment
appelle-t-on cela? - un laïus ou un lapsus?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Un lapsus, oui.
M. Duhaime: En tout cas, quelque chose vous a
échappé...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je vous écoute.
M. Duhaime:... et qui me fait sursauter. Vous avez dit, dans vos
dernières phrases, que la caisse ne s'était pas conformée
à la loi.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Non, non.
M. Duhaime: Je ne pense pas... C'est ce que j'ai compris.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je n'ai jamais dit cela, M. le
ministre.
M. Duhaime: C'est ce que mon ouïe a enregistré, mot
à mot.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ah! auquel cas, c'est un lapsus
parce que j'ai dit le contraire au moins cinq fois.
M. Scowen: On l'a dit.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II n'y a pas de
problème, c'est correct.
M. Duhaime: Voilà ce qui me surprenait, d'où mon
étonnement.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je voulais parler d'une "foot
note", une note en bas de page. Je l'ai dit d'une façon raccourcie.
C'est peut-être cela qui a fait sursauter le ministre. La caisse nous
dit: Notre politique d'investissements à long terme, si on continue dans
la direction, à faire le même genre d'investissement, etc., va
éventuellement se heurter à cette limite des 7%. C'est ce qu'on
nous a dit, que cela libérait 200 000 000 $ ou 300 000 000 $ et qu'on
serait obligé de revenir dans six, sept mois... enfin, on va être
bon pour six ou sept mois si vous nous libérez, à
l'intérieur des 7%, si vous nous libérez environ 200 000 000 $,
cela va nous permettre de faire des transactions. C'est ce qu'on nous a dit. Ce
que je dis, c'est que la caisse a une politique d'investissement, elle entend
la continuer et elle va se heurter très prochainement à la limite
des 7%. Donc, elle nous dit: Arrangez-vous pour nous donner une marge de
manoeuvre que la loi ne nous reconnaît pas aujourd'hui afin que la
nouvelle loi, la loi 18, nous permette de demeurer plus conforme plus longtemps
à la loi actuelle. C'est ce que je veux dire quand je parle de
conformité entre la loi et la politique d'investissements de la caisse
pour les prochains mois.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le
député. M. Campeau.
M. Campeau: Je voudrais d'abord faire un commentaire sur la
préoccupation de la Caisse de dépôt. Moi aussi, je pense
bien avoir dit que les gestionnaires ne se préoccupaient pas de ce
critère-là. Cela ne veut pas dire que les cadres de la Caisse de
dép6t ne s'en préoccupaient pas. Cela ne veut pas dire que son
vérificateur interne ne remettait pas son rapport tous les trois mois ou
tous les six mois. Par exemple, je regrette de vous donner un exemple un peu
simpliste. Si je m'en vais sur la route et que la limite est de 100
kilomètres, j'ai toujours fait 60. Je ne me préoccupe pas des 100
kilomètres, mais, quand je suis rendu à 95, là, je fais
bien attention et je regarde de temps en temps mon indicateur de vitesse.
M. Fortier: Tu regardes s'il n'y a pas de policier.
M. Campeau: Pardon?
M. Fortier: Tu regardes s'il n'y a pas de policier.
M. Campeau: C'est justement cela,
mais, là, je ne regarde pas s'il y a un policier, on vient pour
tâcher de discuter de notre loi.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Toujours en poursuivant le
même exemple, avant de dépasser 100 kilomètres, vous vous
en allez vers 105 ou 110, et vous voulez que la police vous attrappe plus tard
et on se reparlera à ce moment-là. C'est dans ce sens-là
que...
M. Campeau: Écoutez, tout exemple peut choquer. Je vous
dis seulement qu'on ne s'en préoccupe pas. Sur l'autre chose à
reprocher aux libéraux, non, la Caisse de dépôt est
indépendante, elle ne reprochera à personne son propre rendement,
si on peut s'entendre là-dessus.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le ministre, lui?
M. Campeau: Sur sa politique d'investissements, la caisse, je
l'ai dit tout à l'heure et je veux le répéter, n'est pas
préoccupée uniquement par ses nouveaux fonds. Cela veut dire que
la gestion de son portefeuille serait endommagée ou lésée
par le fait qu'elle hésiterait à faire certaines ventes en se
disant: Je ne pourrai pas racheter ces titres, je ne pourrai pas les racheter.
Si un titre se vend 30 $ aujourd'hui, ils vont passer le temps de le vendre.
Ils vont dire: Même si je pense qu'il va descendre plus bas, même
si je peux acheter un autre titre plus bas, je ne le ferai pas parce que je ne
peux pas acheter l'autre; donc, je vais garder mon titre à 30 $,
même si je fais un profit. Cela empêche vraiment la caisse de bien
gérer son portefeuille.
J'ai d'autres exemples. Cela l'empêche aussi, il me semble...
Seulement un cas. Peut-être que là, on pense trop à l'essor
économique ou à quoi que ce soit, mais, d'après moi, les
placements dans la Banque Nationale sont d'excellents placements sur le
marché à court terme. Je n'ai pas peur du tout et je vais dormir
toute la nuit avec un placement de bons du Trésor de la Banque
Nationale. C'est une banque à charte et, en tout cas, elle est bien
capitalisée et on est tous... On ne peut pas, cela fait partie de la
clause. Donc, on se priverait de cet investissement. On priverait aussi la
Banque Nationale de cela. Alors, la Caisse de dépôt et placement
du Québec est rendue un client important de la Banque Nationale, dans
tous ses véhicules de placements. Le fait qu'elle ne soit pas là,
à l'occasion, peut nuire à la banque et peut être une
contrainte importante pour elle. Maintenant, elle peut quand même vivre
sans nous. Ce sont ces commentaires que je voulais apporter.
D'autre part, quand on parlait de négligence, je peux dire qu'on
a peut-être sous-estimé le "trading" des actions au cours de
l'année 1984. On n'a pas, en tout cas, personnellement, je n'ai pas
estimé qu'on aboutirait à un volume de transactions égal
à 2 000 000 000 $. Je ne pensais pas que nos secteurs changeraient comme
cela. Nos gestionnaires ont trouvé bon, à un moment donné,
de changer de secteur, de passer d'un portefeuille défensif à un
portefeuille offensif. C'est un choix. Je vous avoue que, là-dessus,
c'est peut-être sur cet aspect qu'on peut dire que la caisse n'a pas vu
venir.
Quant au reste, au 31 décembre 1983, on avait bien estimé
nos 770 000 000 $ et on avait même vu une stabilisation dans la clause
panier. C'est un peu les nombreuses transactions qui se sont faites dans notre
portefeuille-actions qui sont venues, un peu beaucoup, changer nos
prévisions. Quand on a un portefeuille de 5 000 000 000 $, cela peut
changer les prévisions. Je crois que c'est normal et nécessaire.
On ne peut pas acheter des actions et dire: Je les garde dix ans. Il faut
qu'une certaine partie du portefeuille soit administrée au jour le jour
et qu'il y ait des ventes et des achats. On essaie, du côté des
obligations, depuis un an ou deux, de faire la même chose. C'est
tellement vrai que, cette année, on a réussi à
négocier, sur les marchés, une valeur d'obligations du
Québec et d'Hydro-Québec supérieure aux nouvelles
émissions qu'on a achetées du gouvernement du Québec et
d'Hydro-Québec. On ne le faisait pas avant. Évidemment, on n'a
pas de problème, cela ne va pas dans la clause panier. En admettant que
cela irait dans cette clause, on n'aurait pas été capable de
négocier cela. Je trouve que l'administration de la caisse a
changé, sa gestion de portefeuille a changé, il y a plus de
roulement dans les valeurs qu'il n'y en avait autrefois. Je vous ferais
simplement remarquer qu'en 1979 le portefeuille de la caisse était de
12, 5% en actions. On va finir, cette année, à quelque 27%. On ne
roule pas de la même façon qu'on roulait avant. Je ne suis pas en
train de critiquer l'ancienne administration, mais, dans ce temps-là,
cela fonctionnait comme ça et c'était peut-être bien.
L'évolution des marchés a voulu cela.
Je souligne encore mon exemple du Québec. Il y a eu certaines
années où c'était impossible d'en vendre sur le
marché secondaire un volume important. Il était impossible de
transiger un volume important de titres du gouvernement du Québec.
Aujourd'hui, cela se transige facilement. Ce sont les circonstances qui font
cela. Les écarts, par exemple, entre le gouvernement du Canada et le
gouvernement du Québec sont maintenant d'environ 0, 45 $ à 0, 50
$. Il y s trois ou quatre ans ou avant cela, ils ont déjà
été de 1% à 1, 25%. Est-ce qu'ils
vont remonter? Je n'en sais rien. Est-ce qu'ils seront moins liquides
l'année prochaine? Je n'en sais rien. Ce sont des choses qui sont
difficiles à prévoir. Par exemple, dans le cas de Québec,
je pense que cela aurait été mal administrer que de ne pas
profiter de l'occasion pour réaliser des profits et mieux organiser
notre portefeuille d'obligations. Les mêmes critères s'appliquent
aussi dans nos actions.
M. Scowen: Est-ce que...
Le Président (M. Lachance): Le député de
Roberval m'avait demandé la parole et ce serait à vous
après. Est-ce que c'est possible de revenir par la suite?
M. Scowen: Oui, c'est parfait, je vais attendre.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Ce ne sera pas
très long. J'ai compris de nos discussions, depuis que je suis à
l'Assemblée nationale, en même temps que mes collègues d'en
face, d'ailleurs, que le législateur avait principalement deux
rôles face à l'épargne des Québécois qui se
trouve gérée par la Caisse de dépôt. C'est celui,
d'abord, de protéger l'épargne, d'une part, et de s'assurer que
cet argent demeure en sécurité et, d'autre part, de favoriser,
par tous les moyens possibles, bien sûr, que cet argent, cette
épargne se développe, qu'elle fructifie et, par le fait
même, qu'elle grandisse, qu'elle enrichisse l'ensemble des
Québécois et des Québécoises qui ont de l'argent
sur ces deux rôles, je pense que l'Opposition a toujours posé des
questions à l'Assemblée nationale, se préoccupant, il faut
bien le dire, de ces deux rôles. Entre autres, plusieurs questions sont
posées concernant la deuxième partie, concernant le
développement de ces épargnes et l'Opposition s'est toujours
souciée, à juste titre, d'ailleurs, de faire en sorte que le
gouvernement évite des interventions dans le processus de gestion de la
Caisse de dépôt, en laissant la liberté aux administrateurs
qui sont nommés et qui ont en main tous les outils nécessaires
pour prendre des décisions éclairées. Ils l'ont
prouvé, je pense, par le rendement général de cet
organisme, en les laissant libres d'agir comme ils doivent, comme ils croient,
en tout professionnalisme, devoir le faire. Évidemment, la protection de
l'épargne est assurée par le fait qu'il y a une loi qui encadre
cet organisme et le rôle de l'Assemblée nationale, c'est de faire
en sorte que cette loi soit respectée, suivie, ajustée, si le
besoin s'en fait sentir.
Là, on fait face essentiellement à deux choses,
aujourd'hui. L'Opposition peut toujours refuser son consentement et ne pas
permettre que le projet de loi 18 puisse être adopté d'ici
à la fin de la session, c'est-à- dire dans les prochains jours.
C'est vrai, elle peut prendre cette attitude. Elle pourrait dire, quant
à la protection de l'épargne, qu'effectivement cette attitude est
compatible. On évite de changer les barèmes de protection de
l'épargne en ne bougeant pas et, par le fait même, on remplie
notre rôle de parlementaire. On continue à protéger
l'épargne des Québécois.
Cependant, concernant le développement de ces épargnes, le
deuxième objectif, je me demande sincèrement s'il serait facile
pour l'Opposition, ou pour M. Bourassa, qui est le chef du Parti
libéral, d'expliquer aux citoyens du Québec en quoi l'attitude de
ses députés, qui ont empêché d'éliminer une
enfarge au développement de la Caisse de dépôt, en quoi
cela a pu aider à faire fructifier l'argent des Québécois
et des Québécoises. J'ai bien hâte que l'on puisse lui
poser des questions à ce sujet et j'ai hâte de voir son
explication.
On peut aussi laisser passer la loi. On peut décider, de
consentement unanime, qu'on adopte la mesure législative qui est devant
nous. Quant à la protection, je pense sincèrement qu'il n'y a
vraiment rien de changé. Les pourcentages déjà inscrits
dans la loi d'origine demeurent, la norme de rentabilité de 4% demeure
aussi. Je ne sais pas si le député de Vaudreuil-Soulanges est
sérieux quand... Je ne pense pas qu'il veuille dire qu'une entreprise
qui aurait eu, une année ou deux, un rendement moins bon, surtout dans
la période de la crise économique et dont les affaires seraient
rétablies nettement, je ne crois pas que cela soit là un grand
danger pour la Caisse de dépôt que d'investir dans ces mêmes
entreprises.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ce n'est pas le
problème. C'est la loi pour tout le monde.
M. Gauthier: Concernant la fructification des épargnes,
cependant, si on acceptait, si on donnait le consentement, j'ai nettement
l'impression qu'en ouvrant, qu'en laissant un peu plus de liberté
à la Caisse de dépôt, en lui permettant de faire ces
mouvements d'argent qui sont nécessaires, en lui permettant de
gérer convenablement, comme c'est sa mission, ses différents
portefeuilles, principalement celui qui nous intéresse aujourd'hui, je
pense qu'effectivement l'Opposition aurait contribué à jouer son
véritable rôle parlementaire, c'est-à-dire protéger
l'épargne des Québécois et favoriser leur
développement. (17 h 45)
Vraiment, j'ignore qu'est-ce qui peut motiver, à ce moment-ci,
l'Opposition à se buter de telle façon et j'ignore aussi - c'est
la question que je me pose - comment elle pourrait expliquer décemment
à l'ensemble
des citoyens du Québec qu'elle a aidé au
développement de leur épargne en laissant la Caisse de
dépôt s'enfarger - pour garder mon expression - dans une mesure
qui, dans le contexte de la crise économique, n'était
peut-être pas appropriée pour les deux années dont il est
question.
J'espère que l'Opposition va réviser sa façon de
voir les choses et, effectivement, on ne prendra pas prétexte qu'on veut
étudier de façon globale tout le fonctionnement de la Caisse de
dépôt pour ne pas lui permettre, à ce moment-ci, de
continuer à fonctionner de la façon la plus rentable possible
pour le bien-être de tous. D'autant plus, je le répète et
vous l'avez indiqué un peu plus tôt dans cette commission, que
j'ai moi-même soumis à l'Opposition, en commission parlementaire,
la possibilité d'entreprendre un mandat d'initiative assez large
concernant la Caisse de dépôt. On a refusé ce mandat en
disant qu'on en avait suffisamment discuté au cours des dernières
années, que cela ne préoccupait pas à ce moment-ci
l'Opposition, que c'était bien plus important, dans le contexte
où l'on se trouvait, de faire venir l'inspecteur général
des institutions financières et que la Caisse de dépôt,
cela pouvait toujours attendre. Aujourd'hui, on prendrait prétexte,
à peine un mois après, qu'on veut étudier l'ensemble du
développement et du fonctionnement de la Caisse de dépôt
pour ne pas éliminer cette enfarge? Vraiment, cela ne ferait pas
sérieux. C'est pour cela que je compte bien que le député
de Vaudreuil-Soulanges, après mûre réflexion, dans les
minutes qui viennent, révisera son jugement et nous accordera cette
possibilité de donner à la Caisse de dépôt ce
qu'elle demande aujourd'hui. Merci.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Ce que je vais faire, M. le Président, dans
quelques minutes, c'est d'expliquer au député de Roberval,
à la population et au ministre les véritables raisons de notre
opposition. Je vais essayer de le faire de la façon la moins
politisée possible, parce que je conviens avec vous que vous êtes
devant un problème.
Nos propos, en résumé, sont les suivants:
premièrement, la façon selon laquelle la demande est faite est,
en soi, inquiétante. Vous nous dites que vous avez changé, d'une
façon importante, votre façon de gérer le portefeuille. Je
conviens avec vous que c'était probablement une bonne idée. Vous
acceptez d'avoir été pris par surprise, par l'évolution de
la quantité d'actions, de titres qui se trouvent dans la clause panier.
Vous en avez pris connaissance il y a seulement quelques semaines et, en
conséquence, il faut agir rapidement. Vous proposez qu'on agisse
rapidement et d'une façon urgente, M. le ministre, dans un domaine
où toute l'expérience des législateurs, depuis toujours, a
été dans le sens qu'on doit agir lentement et avec beaucoup de
prudence. Quand on parle des compagnies d'assurances, les clauses qu'on a
enlevées cette année, au mois de mai, sont des clauses qui ont
limité la rentabilité des compagnies d'assurances pour plusieurs
années. Chaque année, le gestionnaire était devant ces
mutations, il était obligé de dire à ses "traders": Voici
les limites; on va essayer de les faire changer à Québec et,
à un moment donné, elles ont été changées,
d'une façon pondérée. Pour moi, c'est le fondement de
notre argument: on ne change pas des choses qui sont aussi importantes du jour
au lendemain sans une étude approfondie, précisément parce
que c'est l'épargne des Québécois qui est en jeu.
Le deuxième aspect de l'argument, c'est que c'est catastrophique
si l'on n'agit pas. Mais la démonstration n'est pas faite que c'est
catastrophique. En effet, le ministre a un peu prétendu le contraire. Je
pense qu'il est plus près de la réalité. Les changements
que vous proposez ne doivent pas changer grand-chose. M. Scraire a
suggéré que cela allait libérer, pour les mois qui
viennent, 250 000 000 $ de votre panier. Si je ne m'abuse, les 250 000 000 $,
même si je me limite aux actions seulement - vous avez à peu
près 5 000 000 000 $ d'actions -cela va vous donner une marge de
manoeuvre de 250 000 000 $. Sur 5 000 000 000 $, 5% de votre portefeuille
seront libérés.
On ne peut pas dire que les 5%, si cela reste comme tel aujourd'hui, ne
vont donner aucun rendement. Cela va donner un rendement. Vous allez
peut-être avoir un meilleur rendement sur 5% de votre portefeuille
d'actions, c'est tout. Il y a une possibilité que le rendement sur un
maximum de 5% de la totalité des actions, qui sont seulement une partie
de la totalité des actifs de la caisse, sera amélioré.
C'est cela l'enjeu. Il ne faut pas l'exagérer. C'est tout ce qui est en
jeu ici, et le ministre avait raison quand il a essayé de nous persuader
de l'accepter, parce que ce n'était pas un changement radical. Cela,
c'est beaucoup plus près de la vérité que l'idée
que de ne pas changer serait une catastrophe. Nous sommes devant la
possibilité de faire ce qui est, en termes de rendement pour vous
autres, un changement mineur, à première vue, qui peut vous
apporter, et j'admets que cela puisse vous apporter une rentabilité plus
forte, jusqu'à ce point, pendant les quelques mois qui s'en viennent.
J'admets cela. On ne sera jamais capable de le prouver mais je conviens avec
vous que c'est possible, mais ce n'est pas certain et c'est marginal.
Troisièmement, il existe, avec la volonté du ministre, la
possibilité de régler
ces problèmes dans les six mois qui viennent. Si on fait une
commission parlementaire - je ne veux pas exagérer - au mois de
février ou mars, on peut imaginer un projet de loi qui sera soumis
à l'Assemblée nationale au mois de mars ou avril et qui sera
adopté avant la fin de la session, au mois de juin. Vous allez avoir
passé à travers six mois d'inconvénients et, je le
répète, les fiducies sont toujours dans cette situation.
Aujourd'hui, elles jouent avec ces problèmes. Elles acceptent que cela
prenne du temps avant de se régler. Les compagnies d'assurances ont
attendu longtemps. Les compagnies régies par les chartes
fédérales attendent. Tout le monde attend parce que le
législateur est conscient que, quand il joue avec ces règles du
jeu dans des institutions financières, il joue avec quelque chose qui
est fondamental.
Alors, pour moi, le principe même de l'idée d'agir
rapidement dans une telle affaire est mauvais. Il n'y a aucune raison que vous
ayez donnée aujourd'hui qui nous porte à croire que le changement
dans la rentabilité totale de la caisse sera énorme et je reviens
aux chiffres de M. Scraire, c'est 250 000 000 $ qui sont en jeu. On ne sait pas
exactement qu'est-ce que cela peut nous donner comme danger additionnel. Je
pense que ce n'est pas quelque chose qui est énorme du côté
des dangers non plus, mais c'est quand même possible que cela puisse
apporter des problèmes.
Avant tout, je pense que la Caisse de dépôt et placement,
comme toutes les autres institutions financières au Québec, qui
sont aussi des déposantes pour l'épargne des
Québécois, doit attendre que ces changements soient faits d'une
façon ordonnée par le gouvernement dans une procédure
qu'on connaît déjà et qui pourrait être
amorcée, ici, dans les plus brefs délais. C'est en
résumé, M. le Président, pourquoi, moi, au moins, je suis
opposé à l'idée qu'on adopte cette loi aujourd'hui ou
demain.
Le Président (M. Lachance): M.
Campeau, avant de céder la parole à M. le ministre pour le
mot de la fin. M. Campeau.
M. Campeau; Notre première demande n'était pas un
changement de seulement 250 000 000 $. Il est évident que les 250 000
000 $ nous permettent de mieux administrer pour une période de trois
mois à six mois. Il est clair qu'à la suite de cette
récession qu'on a connue en 1980, 1981, 1982, le problème va
revenir. En tout cas, il faut qu'il dure cinq ans; cinq ans, c'est long sur ces
choses. Il est évident que cela va restreindre une partie de nos
transactions, mais l'essentiel pourra au moins être fait. Si on suit
vraiment nos portefeuilles et nos chiffres, peut-être pas au jour le
jour, mais chaque mois, cela nous permettra quand même de bien
administrer et on ne trouve pas que notre administration en souffrira. Il nous
manque ce petit montant, si on peut dire, par rapport au reste.
Éventuellement, est-ce que cela nuirait à notre administration et
à la rentabilité? Oui, si on ne revenait pas devant le
gouvernement pour apporter des correctifs à la loi. Est-ce que cela nous
donnerait le temps de mieux gérer notre portefeuille ou de penser
à d'autres avenues? Peut-être. Est-ce que cela nous forcerait
à aller plus sur le marché international? Peut-être. Je ne
pense pas que ce soit souhaitable d'y aller trop vite; peut-être que,
pour une partie, c'est bon. Dans ce marché, on y va lentement,
prudemment. Est-ce que cela nous ferait réduire nos investissements en
actions? Peut-être, mais tout dépend. Notre budget pour
l'année prochaine n'est pas encore terminé, je ne saurais pas
vous dire le montant qu'on va investir en actions. Comme je le disais tout
à l'heure, la gestion du portefeuille, elle, est aussi importante pour
nous permettre de changer de secteur, quand on veut changer de secteur, ou de
compagnie, quand on veut changer de compagnie. Ce qu'on demande aujourd'hui:
Est-ce que c'est la solution totale, complète et idéale? Non, ce
n'est pas la solution idéale, mais c'est un correctif qui, au moins,
nous permet de bien administrer pour quelques mois à venir.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Campeau. Je
cède maintenant la parole au ministre des Finances.
M. Campeau: Si M. le ministre des Finances me le permet,
d'après nos chiffres - cela s'ajoute aux détails, mais cela ne
répond pas aux questions du député de
Notre-Dame-de-Grâce - on a actuellement 300 compagnies dans notre
portefeuille, a peu près. Sur les 700, il y en a 100 qui sont
affectées par la clause des 4%.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je n'ai pas besoin de vous
dire que j'ai écouté avec beaucoup d'attention le
résumé de la pensée du député de
Notre-Dame-de-Grâce et, soit dit en passant, c'est un effort de
synthèse remarquable en deux points et en moins de cinq minutes.
Cependant, si j'allais dans le sens de votre argumentation et qu'on
laisse porter, qu'on laisse les choses en état, le problème que
nous soulevons aujourd'hui, que nous avons identifié, va se
régler de lui-même, mais en 1988, si nous n'intervenons pas,
demain ou après-demain, ou dans les prochains mois; on s'entend
là-dessus. Alors, je n'ai pas l'intention, M. le Président, de
reprendre l'argumentation. J'espère que la
réflexion... Peut-être qu'il y a des points que j'aurais
dû souligner davantage. Je vous rappelle que mon estomac me commande
d'aller quelque part, d'autant plus que ce midi, cela a été
plutôt bref. Je voudrais rappeler au député de
Notre-Dame-de-Grâce un procès-verbal d'une séance de
travail: mardi le 30 octobre 1984...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Voyons donc!
M. Duhaime:... commission du budget et de l'administration...
M. Scowen: II n'y a rien là!
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Démagogique!
M. Duhaime: Non, mais c'est intéressant pour ceux qui
relisent nos débats.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Démagogique!
M. Duhaime: Je me souviens qu'avant d'être élu
à l'Assemblée nationale, je lisais religieusement la
période des questions, aussitôt que les transcripts étaient
publiés, et je lisais également ce qui se disait en commission
parlementaire.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On n'a plus le temps.
M. Duhaime: Je voudrais juste vérifier avec l'Opposition
si le procès-verbal qui a été signé par le
secrétaire de la commission, M. Chouinard, et par son président,
M. Lachance, traduit bien ceci, et je vais citer quatre lignes: "Choix de
l'organisme public soumis au pouvoir de surveillance de la commission".
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est cela.
M. Duhaime: Je n'étais pas avec vous, à ce
moment-là...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Pas d'affaire là!
M. Duhaime:... j'étais dans d'autres...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ce n'est pas exact non plus,
d'ailleurs.
M. Duhaime:... dans d'autres arènes. "L'Opposition
officielle indique que son choix porterait sur l'Inspecteur
général des institutions financières. Le parti
ministériel opterait, quant à lui, pour la Caisse de
dépôt et placement du Québec. Après discussion, la
commission convient de remettre le choix de l'organisme public à une
séance de travail ultérieure afin que chacun puisse faire les
consultations nécessaires et préciser les modalités de
l'audition. " Fin de la citation.
Ce qui m'apparatt très clair, c'est qu'il y a au moins deux
choses de claires là-dedans: premièrement, le parti
ministériel avait fait son choix: la Caisse de dépôt et
placement, l'Opposition officielle avait fait son choix: l'Inspecteur
général des institutions financières, probablement parce
que l'appelation était nouvelle; c'étaient les fonctions
qu'exerçait autrefois l'ancien sous-ministre en titre aux institutions
financières, compagnies et coopératives.
M. Scowen: M. le Président, mais...
M. Duhaime: Je tenais à l'introduire, ce
procès-verbal, dans nos débats d'aujourd'hui...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Cela n'a rien à
foutre!
M. Duhaime:... pour ne pas qu'on jette dans la confusion ceux qui
suivent nos débats.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est cela que vous êtes
en train de faire.
M. Scowen: M. le Président, excusez, M. le
Président...
Le Président (M. Lachance): Écoutez, M. le
député...
M. Scowen: Je vous pose une question...
Le Président (M. Lachance):... il est déjà
18 h 1...
M. Scowen: Mais laissez-moi vous poser une question, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Très rapidement, avec
la permission des membres de la commission.
M. Duhaime: Oui, oui, M. le Président, je n'ai pas
d'objection.
M. Scowen: Je veux simplement clarifier quelque chose qui est
survenu dans la déclaration du ministre. Il faut que le ministre
comprenne que la question qui a été posée à cette
commission était en fonction de l'obligation de cette commission, de
toutes les commissions, d'examiner le fonctionnement d'au moins une
société d'État, organisme gouvernemental par année.
Ce n'est pas du tout le genre de commission parlementaire que nous avons
demandée depuis longtemps au ministre des Finances. Il s'agissait d'une
tout autre affaire: une audience publique sur le rôle de la caisse et
l'examen de la loi de la caisse. C'est une tout autre affaire.
Nous avons décidé que, dans le cadre de cette obligation
qui existe dans le règlement d'examiner le fonctionnement interne d'une
institution, c'était plus important à ce moment-ci, dans le cadre
de ces limitations, d'examiner le rôle élargi récemment
d'une façon très importante de l'inspecteur
général. Cela n'a rien à voir du tout avec la demande que
nous avons faite pour une commission parlementaire publique sur le rôle
de la caisse, l'avenir de la caisse et la loi de la caisse. Je veux simplement
le dire pour que le ministre comprenne qu'on parle de deux choses
complètement différentes.
Le Président (M. Lachance): Alors, M. le
député, je ne prolongerai pas indûment, mais il n'y a rien
qui empêchait la commission, dans son mandat, de scruter l'organisme.
Rien n'empêchait la commission d'y aller dans le sens de ce que vous
indiquez. Il est laissé a l'initiative de la commission de voir à
l'exécution de son mandat. Ceci dit, je....
M. Duhaime: Puis-je vous offrir, M. le Président, à
vous-même, à votre famille et tous vos commettants, de même
qu'à mes collègues de l'Opposition...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Joyeux Noël, bonne
année!
M. Duhaime:... et à ces messieurs de la Caisse de
dépôt et placement, mes meilleurs voeux?
Le Président (M. Lachance): Merci bien, M. le ministre. Je
remercie, en votre nom à tous, M. Campeau et M. Scraire de la Caisse de
dépôt et placement d'être venus. En terminant, je vais
redire cette phrase qu'on entend généralement en cette
période-ci de l'année: Paix aux hommes de bonne volontél
Les femmes aussi d'ailleurs.
Alors, la commission du budget et de l'administration, s'étant
acquittée de son mandat, ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 4)