Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La
commission du budget et de l'administration se réunit avec le mandat de
procéder à une consultation générale portant sur
l'avant-projet de loi traitant du régime de négociation des
conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.
Les membres de la commission pour ce mandat sont les suivants: M. Leduc
(Fabre), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Biais (Terre-bonne), M. Pagé
(Portneuf), M. Beaumier (Nicolet), M. Caron (Verdun), M. Gauthier (Roberval),
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Mme Juneau (Johnson), M. Lachance
(Bellechasse), M. Laplante (Bourassa), M. Polak (Sainte-Anne), M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce), M. Tremblay (Chambly) et M. Clair (Drummond).
Je souhaite la bienvenue à tous les membres de la commission.
J'espère que les travaux de cette commission seront fructueux.
Organisation des travaux
C'est la première de six journées qui sont prévues
pour l'audition de mémoires en commission. La première
journée, aujourd'hui, va se dérouler comme suit: de 10 heures
à 12 heures, ce seront les déclarations d'ouverture du ministre
délégué à l'Administration ainsi que du
porte-parole de l'Opposition; de 14 heures à 16 heures, la
Fédération des CLSC du Québec; de 16 heures à 18
heures, l'Association des centres de services sociaux du Québec; de 20
heures à 21 heures, le Syndicat des conseillers en gestion du personnel
du gouvernement du Québec; finalement, de 21 heures à 22 heures,
M. Denis Lebel.
Je laisse maintenant...
M. Pagé: M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Pourriez-vous rappeler l'horaire de nos travaux
pour la présente semaine? On avait établi un horaire
préliminaire et, en entrant à Québec, hier soir, j'ai pris
connaissance d'un document que le secrétaire nous avait fait parvenir en
regard de l'horaire définitif des travaux de la semaine prochaine.
Devons-nous comprendre qu'on n'a pas eu d'autres demandes d'intervenants et que
c'est définitif, c'est l'horaire qui présidera à nos
travaux, qui guidera nos travaux d'ici le 7 février prochain?
Le Président (M. Lachance): Effectivement, M. le
député de Portneuf, selon les informations qui m'ont
été communiquées, si vous voulez avoir le
détail...
M. Pagé: Tout ce que je veux savoir, M. le
Président, c'est la confirmation de votre part que c'est
définitif, qu'on n'a pas d'autres demandes pendantes et que cet horaire
ne sera pas modifié au cours de nos travaux, peu importent les
motifs.
M. Laplante: J'ai une question de règlement.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Je pense que c'est prématuré de
l'affirmer actuellement, même comme président de la commission, et
de geler tout de suite dans le ciment l'horaire ou les groupes qui seront
invités, parce qu'il peut arriver aussi qu'un groupe très
important se manifeste à la dernière minute et qu'on soit
obligé de l'entendre.
Avis de motion pour aller entendre M. Claude Brunet
à Montréal
M. Pagé: De toute façon, M. le Président,
vous avez très certainement reçu copie d'un
télégramme qui a été envoyé à la
commission par M. Claude Brunet, du Comité provincial des malades,
demandant d'être entendu, indiquant son intention de se faire entendre
devant cette commission; signalant d'ailleurs que le mémoire nous
parviendrait au plus tard le 29 janvier, soit aujourd'hui. Il demandait la
possibilité, compte tenu de son état de santé et des
coûts inhérents à un tel déplacement, que notre
commission se déplace vers Montréal pour aller l'écouter
et entendre son comité sur place, un genre de commission rogatoire.
Je n'ai pas l'intention de retarder nos travaux ici ce matin, mais je
voudrais vous indiquer déjà que nous avons, notre groupe
parlementaire, l'intention de présenter une motion devant cette
commission à la lumière du précédent qui a
été établi tout récemment par la commission
parlementaire de l'agriculture qui a décidé par elle-même,
comme c'est son droit, à la lumière de la Loi sur
l'Assemblée nationale du Québec et des règlements, de se
déplacer et de se transformer en commission rogatoire pour aller
étudier, sur place, des problèmes vécus dans le monde de
l'agriculture.
À la lumière de ce précédent, je vous
indique, d'ores et déjà, notre intention de demander à
cette commission, nous du Parti libéral du Québec, dans les
meilleurs délais, après le 7 février, qu'on se
déplace vers Montréal pour aller entendre M. Brunet, compte tenu
de l'incapacité pour lui de venir ici.
Le secrétaire de notre commission m'informait ce matin que le
télégramme a bel et bien été reçu et qu'il
serait peut-être possible de se réunir dès ce midi pour
voir les possibilités techniques d'en arriver à une telle
opération. Alors, premièrement, nous sommes disponibles;
deuxièmement, nous endossons cette demande; troisièmement, nous
avons l'intention de vous présenter une motion. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Clairs M. le Président, sur la demande d'une commission
rogatoire de la part de M. Brunet, j'ai toutes les raisons de croire que la
position de notre formation politique sera également d'accepter une
telle commission rogatoire. Reste à savoir de quelle ampleur devrait
être cette commission et à quel moment elle pourrait se
déplacer. Maintenant, je pense qu'on pourrait en discuter en
séance de travail plus tard aujourd'hui ou une autre journée
cette semaine.
Pour répondre à la question du député de
Portneuf, je lui indique que, selon les informations disponibles à mon
ministère, un autre groupe, soit la Fédération des parents
des commissions scolaires du Québec, aurait demandé à
être entendu. Je n'ai pas le mémoire, non plus que les
détails de cette demande, mais je pense que là aussi, on pourra
en faire état en séance de travail.
M. Pagé: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Très bien, merci. Nous
en sommes maintenant aux déclarations d'ouverture et j'invite le
ministre délégué à l'Administration et
président du Conseil du trésor, le député de
Drummond.
Déclarations d'ouverture M. Michel
Clair
M. Clair: Merci, M. le Président. La commission
parlementaire du budget et de l'administration est invitée aujourd'hui
à procéder à l'étude de l'avant-projet de loi sur
le régime de négociation des employés des secteurs public
et parapublic du Québec. Permettez-moi d'insister sur l'importance de ce
geste et sur sa signification.
Restaurer un régime de négociation est, pour
l'Assemblée nationale et le gouvernement, une entreprise importante.
C'est là un domaine complexe et sensible qui touche les employés
de l'État de manière directe et durable et qui intéresse
tous les contribuables, tous les bénéficiaires des services
publics, finalement, l'ensemble de notre société. Restaurer un
régime de négociation des conditions de travail c'est surtout
toucher à ce que l'on qualifie communément de règles du
jeu. Or, chez nous, ces règles du jeu sont devenues tellement
importantes, elles ont pris tellement de place au cours des dernières
années, elles ont eu une telle portée qu'elles déterminent
une large portion du contrat social québécois. C'est donc
prioritairement notre responsabilité politique que nous nous
apprêtons à exercer en procédant à l'examen de cet
avant-projet de loi et en recevant des partenaires sociaux, des groupes et des
individus engagés dans l'action syndicale ou assumant des
responsabilités d'employeur qui désirent nous faire entendre leur
point de vue et nous transmettre leurs suggestions à l'endroit de cet
avant-projet de loi. D'entrée de jeu, je remercie donc tous les
parlementaires et vous-mêmes de votre collaboration et de votre
assistance dans l'étude de cet avant-projet de loi. Je remercie
également tous ceux et celles qui voudront se faire entendre et qui
contribueront ainsi à l'amélioration de cet avant-projet et
à la qualité du processus démocratique.
La rénovation du régime de négociation des secteurs
public et parapublic est certes un projet très important en soi. Il ne
serait cependant pas compris, sans le situer et nous situer dans un contexte
beaucoup plus général et sans qu'on rappelle
l'arrière-plan du secteur public québécois tel que nous le
connaissons aujourd'hui. Décrire cet arrière-plan ce n'est pas
procéder à une séance d'autocongratulations ou
d'autoflagellation, c'est rappeler brièvement d'où nous sommes
partis vers les années cinquante et où nous en sommes dans les
années quatre-vingt. C'est reprendre rapidement le fil de l'histoire de
manière à bien situer cette réforme que nous entreprenons
dans un domaine qui a peu évolué depuis 1964, celui des relations
du travail des secteurs public
et parapublic québécois. À la fin des années
1950 le Québec connaissait un retard inacceptable et criant dans le
développement de ses services publics. La population réclamait de
plus en plus fortement, et à juste titre, l'amélioration de la
situation et le développement rapide de tels services. Ainsi donc, au
cours des années soixante, et pendant la première moitié
de la décennie qui a suivi, le Québec a effectué un
rattrapage remarquable et a édifié une infrastructure de services
publics considérée aujourd'hui comme quasi complète et de
qualité fort enviable.
La croissance des effectifs et du rôle du secteur public au cours
de cette période, le développement des services, leur
multiplicité, leur déploiement sur l'ensemble du territoire
québécois ont été proprement
phénoménaux. Quelques indices démontrent bien l'ampleur de
ces phénomènes. De moins de 100 000 qu'ils étaient en
1960, les employés des secteurs public et parapublic passaient à
335 000 en 1976. En 1960, les dépenses du gouvernement du Québec
représentaient 8% du produit intérieur brut
québécois; ce taux passait à 18% en 1970, soit plus du
double, et à 25% en 1980. En vingt ans, le secteur public
québécois avait donc triplé. Au moment où je vous
parle, les dépenses publiques du Québec représentent 26.
5% de son économie, à peine plus de 1. 5% qu'il y a cinq ans,
mais plus du quart de tout ce que nous produisons est, toujours confié
à l'État québécois pour des dépenses et
services publics. C'est dire qu'avec la venue des années 1980, la taille
du gouvernement du Québec, l'ampleur de ses services publics, ont en
quelque sorte plafonné et que l'étape, de réallocation des
ressources - du développement par l'intérieur comme on le dit
parfois - a sonné. Est-ce dû au fait que le gouvernement aurait
décidé de laisser dépérir les services publics, de
renoncer à ses idéaux de justice sociale, de répondre
à des besoins nouveaux? Non, cela veut dire simplement que
l'époque de construction des services publics est à peu
près terminée. Il s'agit maintenant d'en assurer le maintien et
d'en augmenter, par tous les moyens raisonnables, le rendement et la
compétence; de répondre aux nouveaux besoins qui s'expriment sans
cesse et qui s'exprimeront toujours avec les ressources existantes. C'est
maintenant procéder à des choix de réallocation de
ressources plutôt qu'à des ajouts. À la gestion par
sédimentation succède, en quelque sorte, la gestion par
substitution.
Continuer l'élan des vingt dernières années dans le
développement du secteur public, maintenir son rythme de croissance des
effectifs, y consacrer une part sans cesse plus grande en produit
intérieur brut serait aussi irresponsable que démentiel.
L'augmentation des impôts, du déficit qui devrait supporter une
telle entreprise, déséquilibrerait rapidement l'économie
du Québec et engendrerait chômage et pauvreté. Le
Québec ne saurait jouer ainsi à l'apprenti sorcier et plonger son
économie dans le déséquilibre. Nous nous sommes
dotés d'un appareil administratif d'un trop haut niveau d'excellence
pour en faire, par irresponsabilité, un tonneau sans fond.
Mais revenons un instant sur le développement des services
publics au Québec au cours des années soixante. Un tel
développement, nécessaire bien sûr, a été
rendu possible grâce, notamment, à l'accroissement rapide des
ressources financières de l'État. En effet, notre base
économique, quoique moins développée, moins
sophistiquée et moins diversifiée qu'aujourd'hui, était
alors solide par rapport à l'époque et la croissance
économique très forte. Le produit intérieur brut, en
termes réels, croissait à un rythme supérieur à 5%
par année. De plus, le gouvernement ne prélevait que 9, 5% du
revenu personnel des citoyens du Québec, alors que nos voisins en
exigeaient bien davantage: l'Ontario, 12%, les États-Unis, 12, 5%. Le
taux de chômage oscillait pendant cette période de 4% à 7%,
à cause de différents phénomènes
socio-économiques, comme l'exclusion forcée des femmes du
marché du travail, le grand besoin de main-d'oeuvre manuelle dans les
secteurs primaire et secondaire, etc.
Le gouvernement du Québec disposait donc de ce que l'on pourrait
appeler un espace fiscal considérable qui lui permettait
d'accroître graduellement l'effort fiscal des contribuables, des citoyens
et des corporations. Ajoutons à cela que le Québec, à
l'aube de cette décennie, n'avait, à toutes fins utiles, pas
utilisé ses possibilités d'emprunt.
En 1960, la dette nette du Québec ne représentait que 3,
7% du produit intérieur brut, soit tout au plus quelques centaines de
millions de dollars, alors qu'elle était, en 1984, de 17 000 000 000 $,
soit environ 19% du produit intérieur brut.
Le développement accéléré du secteur public
québécois pouvait donc se financer à même trois
sources: la croissance de la production intérieure, la croissance de
l'effort fiscal, l'utilisation plus grande de notre potentiel d'emploi. Nous ne
nous sommes pas privés de telles possibilités, au moment
même où les retards étaient sentis et exprimés avec
force, tant par les citoyens que par leurs dirigeants.
Un bref rappel des réalisations de cette époque nous
permet, d'ailleurs, de constater l'ampleur des bouleversements qu'a alors
connus le Québec. Dans le domaine de l'éducation, deux mots
résument tout le projet: accessibilité, gratuité. Le
Québec était alors aux prises avec un défi stimulant:
scolariser les enfants de l'après-guerre qui
formaient, en raison de leur grand nombre, ce que l'on a surnommé
alors la génération du "baby boom".
Au-delà de cette exigence démographique, l'on constatait
à cette époque la nécessité d'accroître le
niveau de scolarisation des Québécois, afin de participer
pleinement au progrès que sollicitait l'ensemble de l'Amérique du
Nord.
Nous n'avons pas le temps d'entrer dans les détails, mais
rappelons-nous la grande réforme de l'enseignement primaire et
secondaire, la mise en place du réseau d'enseignement collégial,
le développement de l'enseignement universitaire et de la recherche qui
ont suivi les travaux de la commission Parent et, de façon
complémentaire, la mise en place d'un régime d'aide aux
étudiants rendant possible l'accessibilité à
l'éducation post-secondaire, devenue rapidement une priorité pour
un très grand nombre de Québécois.
Il est remarquable de constater que la proportion des
Québécois âgés de 20 à 24 ans, ayant fait des
études secondaires, soit passée de 59% en 1961 à 95% en
1981. Il est intéressant également de rappeler qu'en 1961, 7% des
jeunes de 25 à 34 ans avaient fréquenté
l'université. En 1981, cette proportion triple et elle atteint 20%.
C'est donc dire qu'aujourd'hui, globalement, le Québec se compare
avantageusement aux autres provinces canadiennes, aux États-Unis et
à l'Europe pour ce qui est de la scolarisation de ses citoyens. Bref,
cet objectif légitime et de première importance est maintenant
atteint dans des niveaux qui nous placent dans le peloton de tête des
sociétés modernes. Tout en y consacrant 6 000 000 000 $ par
année, soit près du quart de notre budget, nous en oublions
parfois l'importance et nous n'apprécions pas à sa juste valeur
cet investissement dans notre ressource humaine. (10 h 30)
Parce que ce choix de "prioriser", si vous me permettez l'expression, le
développement des cerveaux et des intelligences a été fait
il y a maintenant plusieurs années, nous sommes portés à
le tenir pour acquis comme neige en hiver et è rechercher d'autres
biens, d'autres priorités de développement moins multiplicateurs,
moins porteurs d'avenir et dont, bien souvent, la plus grande vertu consiste
dans leur nouveauté.
Les secteurs des services sociaux et de la santé ont
été touchés également par ce vent de réforme
et de mise à jour du Québec. Il n'y a qu'à rappeler la
réorganisation des services hospitaliers, la mise en place de
l'assurance-maladie, de l'assurance-hospitalisation ainsi que le
développement des services sociaux. Ici encore, les thèmes de
l'accessibilité et de la gratuité ont servi de base à la
réforme et d'objectifs à ceux qui l'ont pilotée.
Très rapidement, le développement des services de base a
connu le rattrapage nécessaire et c'est vers la qualité de la
vie, la prévention, l'éducation à la santé que se
sont tournés les gouvernements successifs. Si d'importants ajustements
restent à faire dans le domaine de la santé, il serait injuste de
ne pas admettre que nous avons atteint, dans ce domaine également, un
niveau et une qualité de services qui font l'envie de beaucoup d'autres
pays et même de nos puissants voisins du sud: les États-Unis
d'Amérique. Nous y consacrons 6 000 000 000 $ supplémentaires
annuellement. Ces deux seuls secteurs accaparent donc près de la
moitié du budget de l'État québécois et plus de 80%
de ces 12 000 000 000 $ sont versés aux employés qui dispensent
et administrent ces services.
Les gouvernements successifs du Québec ont voulu aller plus loin
et protéger les citoyens contre les risques économiques en leur
assurant un minimum de revenus. Sont alors apparus le Régime de rentes
du Québec, Ies allocations familiales et l'aide sociale et, plus
récemment, toute une panoplie de programmes de sécurité du
revenu dont le coût total se compte aussi par milliard de dollars. Enfin,
au-delà de ces investissements majeurs dans les hommes et les femmes du
Québec, l'État est intervenu pour faciliter et stimuler le
développement économique. Citons en guise d'exemple le
développement de politiques agricoles qui ont permis à
l'agriculture de passer d'un stade artisanal à celui d'une
véritable industrie hautement spécialisée, contrainte,
bien sûr, par les règles du marché mais capable d'y faire
face.
À cet exemple, on pourrait en ajouter de nombreux autres
s'appliquant à l'aide industrielle et à l'entreprise, à la
création de sociétés d'État, au
développement de ressources hydroélectriques et des autres
richesses naturelles du Québec, à la recherche, au transport, au
réseau routier. Autant d'actions du gouvernement qui ont forcé
l'émergence d'infrastructures industrielles et financières et
permis au Québec d'occuper, sur l'échiquier
socio-économique, la place qu'il a aujourd'hui.
L'intervention décisive de l'État a donc donné aux
Québécois l'accès à une gamme de services publics
qui se comparent avantageusement à ceux des autres pays
industrialisés. Les Québécois y tiennent, le gouvernement
aussi.
Cependant, force nous est de constater qu'un tel rythme de
développement du secteur public ne pouvait se poursuivre
indéfiniment sans risquer de fausser les règles du jeu
économique et sans créer même de graves
déséquilibres. D'autant plus que la croissance de la richesse
collective, au Québec comme ailleurs, s'est amenuisée
peu à peu au cours des années soixante-dix sous les coups
de plusieurs secousses. Cette période des années soixante a
été marquée dans le domaine des relations du travail du
secteur public par plusieurs transformations qui ont accompagné le
développement des services publics. Ainsi, le phénomène de
la syndicalisation des employés du secteur public sur le modèle
du syndicalisme pratiqué dans le secteur privé, la centralisation
progressive et totale des négociations, les premiers affrontements entre
l'État employeur et les syndicats du secteur public, etc.
Les gains des employés du secteur public ont été
massifs pendant cette période: sécurité d'emploi,
régime de retraite avantageux, suppression des disparités
régionales, évolution des salaires, lesquels rattrapent puis
dépassent ceux du secteur privé, nivellement par le haut des
conditions générales de travail, etc. Pendant ce temps,
l'État employeur augmente sans cesse le niveau de compétence et
la qualité générale de ses effectifs, bâtit de
nouveaux programmes, de nouveaux services publics et absorbe le coût de
tout cela en accaparant une part de plus en plus grande de la croissance
économique, en augmentant l'effort fiscal et d'emprunt.
Le début de la décennie soixante-dix est marqué,
pour l'ensemble des pays industrialisés, par plusieurs chocs qui
poussent l'inflation à des niveaux jamais connus depuis les
années cinquante: croissance des prix à la suite des graves
pénuries alimentaires de 1972, flambée des prix des
matières premières en 1973 et, finalement, quadruplement du prix
du pétrole en 1974. En l'espace de trois ans, soit de 1971 à
1974, le taux de croissance de l'indice des prix à la consommation au
Canada passe de 2, 8% à 10, 9%, un saut de plus de 8 points. Cette
inflation a touché durement les coûts de production et, en
conséquence, le prix des biens de consommation. La demande a
diminué, la production aussi. C'est le début de ce qu'il est
convenu d'appeler "stagflation", soit la présence simultanée d'un
taux élevé d'inflation et d'un taux élevé de
chômage. On constate au cours de cette période que l'inflation
sévit de façon plus forte au Québec qu'aux
États-Unis. En effet, entre 1971 et 1977, l'indice des prix à la
consommation à Montréal croît à un rythme
supérieur d'environ 1% par an à celui des États-Unis.
Comme le Québec est fortement dépendant des marchés
internationaux et ne peut se permettre des prix moins compétitifs, nos
entreprises ont dû réduire leur marge bénéficiaire
puis leur production, d'où un chômage plus
élevé.
Nous n'étions pas au bout de nos peines. En 1978, le prix du
pétrole croît à nouveau de 150%. La demande est
resserrée et les politiques monétaires deviennent restrictives.
La hausse spectaculaire des taux d'intérêt entraîne les
États-Unis et l'Occident dans la récession. Pour les
économies canadienne et québécoise, le début des
années quatre-vingt est marqué par la pire récession
depuis 1929. Depuis 1982, le ralentissement marqué de l'inflation,
conséquence du resserrement monétaire, s'est fait au
détriment d'une baisse très douloureuse de la production et de
l'emploi.
D'autres événements se sont aussi
révélés défavorables aux économies
canadienne et québécoise. Par exemple, la hausse des avantages
comparatifs des producteurs du Japon et de d'autres pays nouvellement
industrialisés a affecté nos industries traditionnelles comme le
textile et le vêtement. Le secteur primaire a durement ressenti la baisse
de la demande pour le fer, l'acier, le cuivre, l'amiante. Les barrières
tarifaires protégeant les manufacturiers québécois et
canadiens ont été réduites de plus de 60% depuis 1967. La
compétition avec la production étrangère ne se fait donc
plus uniquement sur nos marchés d'exportation mais aussi sur nos propres
marchés. Enfin, la difficulté de certains pays à assumer
le fardeau de leur dette extérieure a entraîné un mouvement
de repli sur les marchés financiers internationaux et ralenti le
commerce international.
Pendant toute cette période, l'assiette fiscale croît au
ralenti. Les gouvernements successifs, à Québec, doivent exiger
encore plus d'impôts de leurs contribuables et utiliser davantage leur
capacité d'emprunt.
En 1976, la part du revenu personnel prise par les différents
paliers de gouvernement au Québec a plus que doublée par rapport
à 1961. La situation des Québécois, par rapport à
leurs principaux concurrents économiques, s'est donc inversée. De
sous-taxés, ils deviennent surtaxés au début des
années soixante-dix. Le Québec se retrouvait donc dans une
situation économique bien éloignée de celle des
années soixante. Il pouvait capitaliser sur des nouveaux acquis, des
services publics bien développés, mais il devait aussi compter
avec le poids inhérent à ses propres choix de
développement, au moment même où la croissance
économique ralentissait, une trop forte utilisation de son potentiel
fiscal et de son pouvoir d'emprunt.
Une situation nouvelle était donc née, à laquelle
il fallait s'ajuster, parfois en rechignant, mais de manière
inéluctable. À compter du milieu de la décennie
soixante-dix, le gouvernement du Québec a donc été
contraint de tenir compte de cette réalité nouvelle. On ne
pourrait plus faire bondir les dépenses publiques de 15% ou 20%, et
même de 26% par année comme on l'a fait en 1974, sans risquer de
jeter par terre l'économie du Québec. Réduire les
dépenses de l'État, c'est en même temps réduire
les
services de l'État à ses citoyens. Lapalissade,
direz-vous. Mais surtout expression du dilemme politique bien connu. Les
citoyens, pris collectivement, réclament la réduction des
coûts des services publics. Les mêmes citoyens, pris
individuellement, demandent sans cesse à l'État d'intervenir pour
les aider et combler leurs besoins de toute nature.
Bien sûr, les dépenses de l'appareil peuvent se comprimer,
comme on l'a fait ces dernières années. Bien sûr, des
mesures énergiques comme celles qui furent prises en 1982 dans les
secteurs public et parapublic peuvent redresser en partie la situation tout en
pesant lourdement sur les acquis des employés de l'État. Mais
peut-on appliquer un remède aussi chevalin à l'aide sociale? aux
soins de santé? Peut-on ralentir le service de la dette? Peut-on toucher
au Régime de rentes? Sûrement pas. Peut-on alors imaginer
l'arrêt de tout développement, la mise au neutre de l'État
administrateur, du gouvernement "développeur", de l'État
planificateur, de l'État pourvoyeur de biens et de services?
Sûrement pas. Les efforts entrepris depuis 1977 et accentués
depuis 1980 ont porté fruit et permettent une réponse partielle
à ces difficiles questions.
L'excédent de la croissance annuelle des dépenses
budgétaires sur celle du PIB, qui était en moyenne de 6% entre
1960 et 1977, a pu être ramené à 1, 6% en moyenne depuis
1977. Cette réalisation est d'autant plus remarquable que, pendant cette
dernière période, l'assurance-maladie, le service de la dette,
l'aide sociale et les régimes de retraite des employés, qui
représentaient à eux seuls, en 1977-1978, 17% du budget, ont
crû à un taux annuel moyen de 19, 5%. À elles seules, ces
dépenses représentent aujourd'hui 28% des dépenses du
gouvernement.
Ce changement de tendance est le résultat de l'adoption de
diverses mesures de restriction budgétaire dont l'effet aura
été d'augmenter l'efficacité dans l'ensemble de l'appareil
gouvernemental. À titre d'exemple, depuis 1978-1979, les effectifs
autorisés des ministères et organismes ont été
systématiquement réduits et les autres dépenses de
fonctionnement des ministères ont fait l'objet d'une sous-indexation par
rapport à l'inflation.
Dans le réseau de la santé et des services sociaux,
diverses mesures de réallocation d'effectifs et de budgets ont
été appliquées, en plus des plans de redressement
financier imposés aux établissements qui étaient en
situation de déficit budgétaire.
Le réseau de l'éducation, en plus de l'application des
mêmes normes de contrôle, s'est vu appliquer des mesures
particulières, notamment l'augmentation de la tâche des
enseignants, de façon à améliorer la productivité
du système d'enseignement québécois.
Cette diminution des personnels et la contraction des dépenses
générales n'ont cependant pas empêché les
ministères et organismes de continuer à offrir des services de
qualité et de répondre aux besoins de la population. La
productivité du secteur public s'est donc améliorée.
Tout cela a été particulièrement difficile, voire
même pénible, à réaliser. Mais cela était
essentiel et continuera de l'être pour plusieurs années si l'on
veut conserver notre potentiel économique, les services des programmes
publics très développés que sont les nôtres.
Tous les efforts fournis par les ministères et les réseaux
dans le contrôle de leurs dépenses, la réduction des
effectifs, l'augmentation de la productivité dans l'ensemble du secteur
public, la politique de rémunération des employés de
l'État, c'est tout cela qui a permis au gouvernement du Québec de
continuer à répondre à de nouveaux besoins en affectant
une partie des économies aux domaines social et économique, tout
en maintenant à un niveau élevé les impôts et les
emprunts.
C'est de là et de cette réallocation des ressources
budgétaires qu'est venu, par exemple, le financement de nouvelles places
en garderie, des programmes destinés aux personnes handicapées,
l'amélioration des soins de santé dans les régions
éloignées et d'autres mesures sociales. C'est aussi de cette
façon que le gouvernement a pu trouver le moyen de lancer un vigoureux
programme de relance économique, que ce soit dans le soutien aux
exportations, le financement des entreprises publiques et privées, le
soutien à la construction domiciliaire; c'est par cet effort de
rationalisation et de réallocation des dépenses que le
gouvernement peut soutenir financièrement le virage technologique, celui
des écoles et des entreprises, stimuler fortement le
développement des mines, des pêcheries et de l'agriculture et
l'implantation au Québec de grandes entreprises, sans compter les
programmes de développement de l'accessibilité des jeunes au
marché du travail. (10 h 45)
Mais tous ces efforts ne sont pas venus à bout de la pire
séquelle de la dernière crise économique: le
chômage. Même si la situation continue de s'améliorer,
l'obsession du gouvernement et du Québec tout entier est et doit
demeurer l'emploi. Pour soutenir la lutte au chômage, le gouvernement du
Québec devra continuer à gérer les dépenses
publiques et les services publics avec rigueur.
En effet, puisque la croissance de l'emploi ne saurait venir de
l'accroissement des effectifs dans les services publics ce qui, à cause
des coûts, conduirait à une augmentation des impôts et, par
voie de conséquence, au chômage dans le secteur privé,
c'est donc du côté du secteur privé et
dans les sociétés d'État, mais surtout du secteur
privé, que viendra la création d'emplois. Puisque notre effort
fiscal et notre recours aux emprunts sont très élevés,
c'est donc en continuant d'agrandir par en-dedans qu'on pourra libérer
les montants d'argent nécessaires pour soutenir une politique
orientée vers l'emploi.
Il serait illusoire de travailler à l'atteinte du plein emploi
si, globalement, le coût de nos services publics, et donc le niveau de
nos impôts, est beaucoup plus élevé que celui de nos
principaux concurrents économiques alors que l'Amérique se dirige
de plus en plus vers le libre échange et que nous exportons 40% de tout
ce que nous produisons. Il faudra donc contrôler constamment le
coût de nos services publics. Viser le plein emploi en maintenant des
coûts plus élevés globalement pour les services publics au
Québec que chez nos principaux concurrents économiques, ce serait
croire que plus on charge le dos d'un cheval, plus il courra
allègrement.
Le gouvernement est déterminé à travailler à
l'atteinte de cet objectif exigeant du plein emploi. Il ne peut cependant y
atteindre seul. Il aura besoin que la collectivité
québécoise fasse consensus autour d'objectifs communs et que le
dialogue entre les grands agents économiques - l'État, les
travailleurs, les syndicats et les employeurs - soit centré avec
détermination, entêtement même, sur cet objectif. Nous avons
déjà bien assez à faire avec nos adversaires naturels qui
jouent sur les marchés de l'exportation sans nous déchirer entre
nous. C'est à cette condition que nous pourrons trouver les moyens,
à même nos ressources existantes, d. e moderniser nos entreprises,
de raffermir notre position sur le plan technologique, d'accroître les
exportations, finalement, et en peu de mots, de créer les emplois qui
manquent si cruellement, en particulier pour les jeunes.
Ainsi, si l'un des grands défis des 20 dernières
années a été de bâtir des services publics
diversifiés et accessibles et que nous avons relevé ce
défi avec succès, le défi de la prochaine décennie
pourrait être celui du plein emploi pour peu qu'on veuille prendre les
moyens pour l'atteindre et non pas croire uniquement dans les vieilles
recettes.
Il ne s'agit aucunement de renoncer à des services publics
variés et de qualité. II ne s'agit pas non plus de renoncer
à des objectifs de justice, d'équité et de
sécurité sociale. Au contraire, si l'on veut que l'État
québécois puisse continuer dans la prochaine décennie
à améliorer la quantité et la qualité des services
publics, à poursuivre avec dynamisme des objectifs de justice,
d'équité et de sécurité sociale, cela exige la
solution préalable d'une grande iniquité: le chômage, qui
est aussi un fardeau pour l'économie.
Comment pourrions-nous, comme société, prétendre,
en effet, avoir des orientations socialement valables si elles ont pour
résultat d'entretenir dans le chômage et l'aide sociale, des
centaines de milliers de nos concitoyens? Comment pourrions-nous bâtir
une économie solide, si son dynamisme est hypothéqué par
la non-production de centaines de milliers de travailleurs potentiels et des
charges sociales très lourdes pour les soutenir pendant qu'ils sont en
chômage? Comment pourrions-nous demander au gouvernement du Québec
de soutenir le développement de l'économie et de l'emploi, s'il
consacre à l'augmentation des coûts des services publics les
marges de manoeuvre péniblement dégagées?
Ainsi, la façon dont nous gérerons collectivement la
croissance des coûts des services publics et celle des dépenses
publiques influencera grandement notre capacité d'atteindre le plein
emploi et les possibilités réelles pour le gouvernement du
Québec de pouvoir continuer à intervenir dans les orientations
économiques de notre société.
Si le gouvernement du Québec en était réduit
à devenir un simple gouvernement de services, comme je l'ai lu avec
étonnement dans un document officiel récent de la CSN, je vois
mal comment un gouvernement du Québec, devenu un gros dispensaire,
pourrait infléchir les orientations économiques, politiques et
sociales de la nation en matière d'emploi.
Il importe donc au plus haut point que les règles du jeu
concernant cette gestion collective des services publics soient claires,
qu'elles facilitent l'atteinte de cet objectif et ne soient pas l'occasion
d'enfouir nos énergies dans d'interminables affrontements
stériles, mais qu'elles soient plutôt l'objet d'un consensus
suffisamment large dans notre société pour nous employer
collectivement à relever d'autres défis.
C'est donc dire que, sans aucunement en être la seule
pièce, on peut voir le lien direct entre la réforme du
régime de négociation et ce défi de l'emploi. D'abord,
parce que dans la gestion collective des services publics, ce régime de
négociation est la pierre angulaire; deuxièmement, parce que, si
ce régime fonctionne mal et draine les énergies de tout le monde
pendant une année, tous les trois ans, pour un grand affrontement, ce
gaspillage d'énergies retarde l'atteinte des objectifs
économiques et sociaux du Québec; finalement, parce que l'un des
grands acteurs essentiels, tant dans la gestion collective des services publics
que dans la recherche du plein emploi, c'est le syndicalisme
québécois présent tant dans le secteur public que dans le
secteur privé.
C'est donc pour être mieux en mesure de relever les défis
de l'avenir en matière de justice sociale et économique, avec
dynamisme et confiance en nous-mêmes, qu'il faut réformer
notre régime de négociation dans le secteur public, pour nous
sortir de ces affrontements systématiques, inutiles et coûteux
pour tout le monde et travailler à notre développement
plutôt qu'à notre déchirement. Il ne s'agit pas d'affaiblir
qui que ce soit, mais de canaliser les énergies dans la direction du
développement du Québec. Il ne s'agit pas d'enlever des droits,
mais de s'assurer que les droits collectifs et individuels que nous avons sur
le plan social et économique non seulement vont demeurer, mais vont
continuer de grandir. Voilà l'un des défis de la réforme
du régime de négociation dans le secteur public. Je sais qu'il ne
sera pas facile de sortir des vieilles ornières, de changer les bonnes
vieilles habitudes, de remettre à jour les dogmes et la doctrine, mais
cela devra se faire tôt ou tard, et le plus tôt ce sera, le plus
facile ce sera. Je suis convaincu que nous y réussirons si toute la
société québécoise est dans le coup et si le
gouvernement et les associations patronales et syndicales y travaillent avec
ouverture d'esprit, franchise et modération.
Pour bien comprendre où nous en sommes actuellement dans notre
régime de négociation dans le secteur public, il est sans doute
important d'en décrire sommairement l'évolution et les
principales caractéristiques. Essentiellement, le mode de
négociation choisi à l'époque des années soixante a
été calqué sur celui existant dans le secteur
privé, lequel s'inscrit dans ce qu'il est convenu d'appeler le
modèle nord-américain. Les caractéristiques principales en
sont le monopole de représentation syndicale, l'obligation de convenir,
de conventions collectives et un mode de résolution des
différends permettant aux parties de s'imposer mutuellement des
sanctions économiques. Vingt ans plus tard, après six rondes de
négociation, de multiples modifications et d'importants soubresauts,
force est de constater que le régime actuel de négociation
comporte des défaillances structurelles majeures, favorise la confusion
quant au rôle de l'État, conduit régulièrement
à des affrontements et n'a pas la souplesse nécessaire pour
s'adapter aux profonds changements que vit actuellement notre
société.
Un bref bilan factuel s'impose. En six rondes de négociation, si
l'on excepte les amendements de 1964 au Code du travail et l'adoption de la Loi
sur la fonction publique de 1965, pas moins de quatre lois
générales et douze lois spéciales sont venues soit
modifier le régime de négociation, soit permettre de
régler les différends qui, en tout état de cause, se sont
soldés par la perte de millions de jours de travail.
Évoluant au rythme du développement
accéléré d'un secteur public adéquat au
Québec et bénéficiant des situations
économiques et financières favorables de la fin des années
soixante et du début des années soixante-dix, le régime
des relations du travail du secteur public a développé des
caractéristiques qui le différencient nettement tant de celui du
secteur privé que des régimes des autres secteurs publics
nord-américains. Les deux principales sont la centralisation et la
confusion quant au statut des parties négociantes.
Nécessaire au moment où l'on mettait sur pied et
développait les grands réseaux de l'éducation et des
affaires sociales, la centralisation a permis d'établir des
règles de financement, des conditions de travail équitables
à l'échelle de tout le Québec et un rattrapage à ce
niveau.
Avec le temps, cependant, la centralisation a donné des
conventions collectives extrêmement complexes qui restreignent de
façon considérable la capacité des gestionnaires et des
employés à convenir des aménagements éventuellement
nécessaires pour ajuster l'organisation du travail aux
caractéristiques de chacun des établissements ou organismes.
Aujourd'hui, même sur des questions qui intéressent d'abord les
intervenants sectoriels, régionaux ou locaux, la négociation est
centralisée. Cela ne facilite pas l'existence d'un climat de travail qui
favorise l'excellence des services et des conditions de vie au travail.
En corollaire de cette centralisation, du fait que tous négocient
au même moment, surtout dans un système où l'utilisation du
rapport de force est un aboutissement inhérent, l'analyse des
négociations depuis 1972 démontre l'existence d'un immense
malentendu, né de la confusion entre le rôle de l'État
gouvernement et le rôle de l'État employeur. Par
conséquent, ont été inclus dans le champ de la
négociation et l'exercice du rapport de forces, des questions qui
relèvent ultimement de la responsabilité du gouvernement,
particulièrement en ce qui concerne les choix budgétaires
fondamentaux qui reflètent ces politiques économiques et
sociales.
Au Québec, s'est donc ajoutée, au mécanisme de
relations du travail américain, une portée européenne
à la négociation des conditions de travail. Le tout a eu pour
conséquence de déséquilibrer la négociation et de
faire en sorte que la solution des différends se situe en dehors du
système par l'adoption répétitive de lois spéciales
qui, en principe, se devraient d'être exceptionnelles.
Dans le secteur privé, le mécanisme de négociation
suppose l'égalité des parties et la présence de
contraintes économiques et financières qui délimitent les
actions des intervenants.
Dans le secteur public, cela ne saurait être le cas. L'histoire
l'a démontré, et ce, dans n'importe quel pays industriel
occidental. La négociation, avec le temps, suppose donc, au
minimum, une responsabilisation sociale des intervenants et une acceptation de
certaines contraintes propres à la nature de l'État gouvernement,
gouvernement employeur.
Lorsqu'il a entrepris le processus de réforme du régime de
négociation, le gouvernement s'est rapidement rendu compte que le point
névralgique en était la recherche d'un équilibre qui
permettrait de maintenir un régime de négociation qui, tout en
respectant les standards démocratiques internationaux, serait
adapté à la situation québécoise et permettrait
d'aborder, de façon dynamique, les défis de la prochaine
décennie. Un premier grand choix se ferait alors, soit s'inscrire
carrément dans un système similaire à ceux existant en
Europe ou soit maintenir, en l'adaptant aux besoins et à la
réalité du Québec, un système
nord-américain. Le premier signifiait, substantiellement, la
modification des droits de représentation syndicaux en abolissant
l'accréditation et le monopole et en lui substituant l'adhésion
individuelle et un mécanisme de reconnaissance aux fins de
négociations et de discussions basées sur la
représentativité proportionnelle des syndicats. Le
deuxième impliquait de ne modifier, en aucune façon, les droits
de représentation syndicaux, mais plutôt un changement substantiel
du mécanisme de négociation permettant de resituer les
caractéristiques décrites ci-haut dans un cadre susceptible
d'atteindre l'équilibre recherché.
Cet équilibre recherché, il importe de le définir
de manière assez élaborée. Pour le gouvernement, un
régime de négociation équilibré dans le secteur
public signifie ceci: Premièrement, que les employés de
l'État auront des conditions de travail équitables en
matière normative comme en matière de rémunération
et que celles-ci devront évoluer d'une manière comparable
à l'évolution de leurs vis-à-vis du secteur privé.
(11 heures)
Deuxièmement, que les employés du secteur public auront
suffisamment de garanties dans le nouveau régime qu'ils n'auront pas
besoin de recourir à la grève pour sauvegarder ou affirmer leur
droit à une évolution normale de leurs conditions de travail
actuelles et de leur rémunération par rapport à l'ensemble
des travailleurs du Québec.
Troisièmement, qu'en tout état de cause, le recours
à la grève redevienne l'ultime moyen de solution des
différends et qu'on introduise plutôt des mécanismes de
médiation, de négociation permanente, de négociation
locale, de médiateur arbitre pour assurer que dans chaque
établissement du secteur public comme dans l'ensemble du réseau,
il y ait davantage d'occasions de régler les problèmes au lieu
d'attendre le grand affrontement, tous les trois ans.
Quatrièmement, un régime équilibré devrait
prévoir que le gouvernement n'est pas appelé une fois tous les
trois ans à négocier son niveau de déficit ou de taxe et
ses priorités gouvernementales avec les seuls représentants des
employés du secteur public.
Cinquièmement, ce régime devrait permettre de s'attaquer
aux problèmes actuels et à venir dans le secteur public et
parapublic plutôt que de se livrer à des matchs revanches,
toujours sur les mêmes enjeux, une fois tous les trois ans.
Sixièmement, un régime équilibré devrait
permettre à l'État d'exercer les responsabilités ultimes
que sont les siennes en matière politique, financière, fiscale,
économique et sociale et lui permettre de maintenir à des niveaux
concurrentiels ses dépenses publiques par rapport à ses
concurrents économiques.
C'est là un exercice délicat et exigeant que de rechercher
un tel équilibre, mais je le crois sincèrement possible. Prenons
par exemple la question fondamentale de la rémunération. Je ne
connais aucun parti politique, aucun organisme ou mouvement qui
préconise aujourd'hui que les employés du secteur public et
parapublic soient moins bien traités que ceux du secteur privé
comme c'était le cas au début des années soixante. Il n'y
a plus grand monde non plus pour défendre l'ancienne théorie de
la locomotive, c'est-à-dire que les employés de l'État
devraient être mieux payés et mieux rémunérés
que ceux du secteur privé pour créer un effet
d'entraînement quant à l'amélioration des conditions de
travail dans le privé. Tout le monde sait aujourd'hui que la fameuse
locomotive a tiré jusqu'à ce que le public rejoigne le
privé. Par la suite, cette locomotive s'est mise à peser
lourdement sur les taxes dans le secteur privé, pendant qu'elle filait
avec ses passagers en toute sécurité d'emploi et
s'éloignait sans cesse des travailleurs du secteur privé,
atteignant 16% d'écart en rémunération globale en 1978,
sans tenir compte de la sécurité d'emploi. Ainsi, si plus
personne, ou à peu près, ne croit qu'un salarié de
l'État devrait recevoir moins ou plus qu'un salarié qui fait un
travail équivalent dans le secteur privé, quelqu'un pourrait-il
m'expliquer pourquoi il faudrait s'entre-déchirer, débrayer,
s'affronter une fois tous les trois ans sur cette question? Ne serait-il pas
plus profitable, plus utile et satisfaisant pour tout le monde de rechercher
ensemble les données comparatives, secteur public secteur privé,
de négocier sur cette base qu'après trois mois de
négociation le gouvernement informe l'Assemblée nationale de
l'entente ou de ses conclusions, que celle-ci puisse juger si la proposition du
gouvernement est conforme au consensus
social sur la question et que, finalement, le gouvernement fasse ce
qu'il finit toujours par faire, même dans le système actuel,
c'est-à-dire assume la lourde et ultime responsabilité de
trancher?
Je pourrais passer ainsi en revue de nombreux chapitres de
l'avant-projet et des conditions de travail des employés du secteur
public et parapublic. Je me contenterai pour le moment d'indiquer que tout le
travail effectué par le gouvernement pour définir un nouveau
régime de négociation à été orienté
dans cette direction fondamentales rechercher un équilibre qui permette
au régime de négociation de générer en soi les
solutions au défi que poseront les prochaines années en tenant
compte de la situation actuelle et à venir plutôt
qu'orienté vers le passé.
C'est donc à partir de ces choix et de ces considérations
que le gouvernement a entrepris, dès janvier 1983, le processus de
réforme du régime de négociation. Les souhaits qu'il
faisait alors étaient que ce processus générerait, d'une
part, une nouvelle forme de consultation formelle et régulière
par le gouvernement auprès des divers agents socio-économiques,
quant à ses priorités de développement social et
économique, à sa capacité de payer, au niveau de ses
dépenses, aux taxes, aux emprunts, à la qualité et au
niveau des services et, d'autre part, permettrait d'atteindre un consensus sur
un nouveau régime de négociation, plus responsabilisant et plus
rationnel. Ces souhaits demeurent mais ils ne se sont pas encore
concrétisés, d'où la nécessité de la tenue
d'une commission parlementaire de l'institution démocratique qu'est
l'Assemblée nationale.
Avant d'aborder le contenu de l'avant-projet de loi et d'expliquer en
quoi il correspond aux objectifs recherchés, il est utile de faire
état du cheminement du processus de réforme. Le 21 janvier 1983,
le premier ministre faisait une proposition offrant, en cours de
négociation, de mettre sur pied des comités paritaires sur la
rémunération, l'emploi, etc. Depuis lors, les syndicats non
affiliés ont accepté de siéger au comité paritaire
sur la rémunération. Quant aux autres comités sectoriels,
seule la Confédération des syndicats nationaux refuse d'y
participer. Certains d'entre eux, comme le comité mixte sur la
tâche des enseignants et le comité sur la sécurité
d'emploi des enseignants, ont donné des résultats concrets.
Le 23 mars 1983, le message inaugural annonce la création d'un
groupe de travail sur le renouvellement du régime de négociation
dans le secteur public. En juin 1983, rencontre des syndicats par le groupe de
travail spécial. À cette occasion, il est précisé
aux syndicats que le gouvernement envisage deux voies pour réformer le
régime de négociation. La première: une réforme
négociée où le consensus entre les parties est garant du
bon fonctionnement de la négociation et rend moins nécessaire la
limitation à la négociation et au mécanisme de
règlement des différends. La deuxième: une réforme
unilatérale beaucoup plus stricte.
Malgré un accueil initialement positif, les centrales n'ont
malheureusement pas accepté, par la suite, d'entreprendre des
discussions sur ce sujet. Le 1er mai 1984, a été lancé le
document de consultation sur la réforme du régime de
négociation du secteur public intitulé "Recherche d'un nouvel
équilibre". J'ai reçu alors le point de vue de plusieurs
associations patronales et syndicales. Les centrales n'ont pas fait
connaître le leur. Elles ont, par ailleurs, proposé de confier la
réforme à la commission consultative sur le travail ou au Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, ce qui n'a pas été
accepté par le gouvernement.
Le 14 juin 1984, je proposais, cependant, aux centrales syndicales, de
mener, si elles le désiraient, une démarche complémentaire
à la mienne, pour définir leur proposition de réforme et,
éventuellement, de le faire conjointement avec les syndicats non
affiliés et les associations patronales du secteur public.
En juin et juillet 1984, les centrales syndicales, lors de rencontres
avec le premier ministre, ont demandé une réouverture des
négociations. Le 11 octobre 1984, j'ai soumis aux syndicats du secteur
public, une proposition visant à devancer la négociation,
à la condition qu'un accord-cadre établissant un nouveau
régime de négociation convenu entre les parties soit conclu au
préalable. Les associations patronales, malgré certaines
réticences, étaient d'accord avec la proposition du gouvernement
et certains syndicats non affiliés semblaient, à ce moment,
également favorables à cette proposition.
Le 5 novembre 1984, les centrales syndicales soumettent une proposition,
en réponse à la proposition précédente du
gouvernement. La proposition des centrales, bien que manifestant des
ouvertures, démontrait qu'elles n'acceptaient pas deux des trois
conditions essentielles incluses dans notre proposition, c'est-à-dire
qu'elles voulaient mener, en parallèle, la renégociation des
conditions de travail dans la perspective de remplacer le décret par une
convention négociée, ainsi que des échanges formels sur le
régime de négociation. Deuxièmement, leur proposition
avait pour effet d'entraîner le chevauchement de deux blocs de
négociation, à savoir une négociation devancée qui
se serait déroulée du 1er janvier au 31 mars 1985 et, à
défaut d'entente, le processus actuel des lois 55 et 59 qui aurait
été mis en branle à partir du début d'avril.
Préalablement, les centrales suggéraient d'établir
un protocole définissant le cadre de travail. Toutefois, pour elles, il
n'était pas question de discuter du fond, à cette occasion, mais
tout simplement d'établir un ordre du jour pendant cette
période.
Quant aux syndicats non affiliés, la position variait. Ainsi,
entre autres, le SFPQ était contre une réouverture et deux des
syndicats d'infirmières, le SPHQ et le FIL) semblaient prêts
à discuter de la proposition du gouvernement. Devant cette impasse, le
gouvernement a décidé de proposer un nouveau modèle de
négociation en déposant un avant-projet de loi et en tenant une
commission parlementaire où tous pourront s'exprimer ouvertement.
En effet, il paraît essentiel pour le gouvernement que cette
question fasse l'objet d'un large débat public et que celui-ci soit
d'autant plus serein et positif qu'il se doit de toucher le coeur, le fond des
choses en cette matière.
La société québécoise ne saurait se
satisfaire d'un jeu de cache-cache sur ces questions, non plus que d'un
débat escamoté par quelques esclandres et deux ou trois
changements de virgules. Le régime de négociation ne concerne pas
seulement les associations patronales-syndicales et le gouvernement employeur.
Ce n'est pas un contrat privé entre deux ou trois parties, mais bel et
bien une partie importante de notre contrat social collectif et qui
mérite donc d'être traitée comme telle.
Cet avant-projet de loi met de l'avant, quant au gouvernement, certains
objectifs et principes qui ne briment ni ne nient, en aucune façon, le
droit à la négociation de conditions de travail équitables
pour les salariés du secteur public.
Voyons-en les principales directions. Premièrement, la
décentralisation. En effet, le régime incite à une
décentralisation progressive des négociations et la favorise.
Cette décentralisation se ferait en douceur et pourrait être
adaptée à la situation de chacun des secteurs ou sous-secteurs.
Elle visera principalement les questions d'organisation du travail, les
mouvements de personnel et les droits syndicaux, donc, des sujets aux
répercussions importantes sur la vie au travail au niveau local.
Elle permet la négociation et la solution des problèmes
concrets de relations du travail qui sont vécus quotidiennement dans
chacun des établissements ou organismes des réseaux, et ce, sur
une base de négociations permanentes.
Il s'agit là d'une grande amélioration qui permettra aux
employés, aux syndicats et aux administrateurs de résoudre les
problèmes rapidement et en fonction de leur vécu. C'est là
un changement nécessaire, car qui voudrait perpétuer la situation
actuelle où on ne négocie officiellement que tous les trois ans
et où le moindre problème local, si on a le temps de le discuter,
ne peut être résolu que selon le plus bas dénominateur
commun susceptible d'être accepté par tous?
Qui voudrait, également, perpétuer l'incapacité
légale de s'entendre localement, parce que la convention collective
nationale ne le permet pas, ne l'a pas prévu ou le prévoit
différemment?
Bien sûr, on argumentera qu'il n'y a pas de droit de grève
sur ces sujets. Mais il lui a été substituée une chose qui
n'existe nulle part ailleurs: la garantie du statu quo, à moins que les
parties ne conviennent de le modifier ou de permettre auxmédiateurs d'arbitrer le différend.
Ce mécanisme devrait permettre un échange mutuel et
dynamique entre les parties dans un cadre où seraient pris en compte les
problèmes et nécessités de chacun.
Je suis convaincu que l'immense majorité des salariés
préférerait un tel régime à celui qui
prévaut actuellement. Enfin, ils auraient, sur le plan local, la
garantie du statu quo, mais surtout la possibilité de le faire
évoluer en fonction du vécu de leur établissement,
plutôt que d'attendre trois ans, en accumulant de la frustration et en
espérant que quelqu'un voudra bien, quelque part, dans une salle
d'hôtel, à une table de négociation, s'attarder à
son problème. Un tel système ne peut faire l'affaire que de ceux
qui en vivent, certainement pas de ceux qui en subissent les
conséquences. (11 h 15)
Deuxième sujet, la rémunération globale et la
rémunération. La mise sur pied d'un institut de recherche vient
consacrer le principe de la comparabilité. C'est un point important,
d'autant plus qu'actuellement la tendance de certains grands pays occidentaux
est de rémunérer globalement les employés du secteur
public, considérés comme protégés, moins que ceux
du secteur privé. Telle n'est pas la politique du gouvernement du
Québec ni, comme je l'ai indiqué, et sauf erreur, d'aucun parti
politique.
De plus, le mécanisme, qui emprunte beaucoup aux anciens "Pay
Research Unit" et "Pay Research Bureau" britanniques, devrait favoriser le
dialogue permanent entre les parties et, éventuellement, permettre
d'aborder des sujets importants qui n'ont jamais été pleinement
discutés et négociés comme la discrimination salariale, la
hiérarchie des salaires, l'attraction, la rétention et la
protection des bas salariés.
Quant à la rémunération qui recouvre
essentiellement les salaires et les échelles de salaire, elle est
négociable annuellement pendant au moins quatre mois, ce qui est plus
long qu'aucune des rondes passées. Les autres aspects de ce qui est
généralement conçu comme faisant partie de la
rémunération globale sont négociables selon les
mêmes règles que la négociation nationale, y compris le
droit de grève.
Pourquoi cette modification? Essentiellement, parce qu'elle permet de
suivre fidèlement et sans à-coup, une fois tous les trois ans, le
principe de la comparabilité parce qu'elle assure que des ententes ne
seront pas conclues en fonction de prévisions triennales que la
conjoncture se charge généralement de modifier
défavorablement pour l'une ou l'autre des parties. Mais il y a un autre
point. Le mode de détermination de la rémunération permet
à l'Assemblée nationale de prendre connaissance d'un
élément qui touche une partie fondamentale du budget, et surtout
elle survient au cours de la période où sont adoptés les
crédits du gouvernement et peu avant le dépôt du budget. Ce
mécanisme devrait favoriser la mise en place éventuelle d'une
forme de consultation formelle par le gouvernement des divers agents
socio-économiques concernés par les orientations du gouvernement
qui touchent l'ensemble de la société.
La négociation nationale. Quant à la négociation
nationale, elle demeure sous la forme traditionnelle, mais sera
désormais restreinte à un nombre limité de sujets ayant un
impact considérable. Ceci devrait permettre une négociation
où seront considérés l'ensemble des facteurs et des
contraintes reliés à ces sujets. De plus, les travaux de
l'institut de recherche viendront jeter un éclairage nécessaire
sur certains aspects de cette négociation.
Pour éviter le recours à la grève comme moyen de
règlement des différends, l'avant-projet propose
différentes formes de médiation, des moyens d'assurer la
diffusion d'information et des délais de réflexion aux deux
parties afin de favoriser l'émergence d'un point d'équilibre
à l'intérieur du régime de négociation.
En ce qui concerne les services essentiels, le Conseil des services
essentiels verrait ses pouvoirs augmentés particulièrement avec
l'ajout du pouvoir d'émettre des ordonnances de faire ou de ne pas faire
ce qu'on appelle en anglais "Seize and Desist Order", lors de pratiques
déloyales, grève, lock-out et ralentissement, d'activités
illégales et de non-respect des listes, par exemple. Ce sont là
des mécanismes viables de relations du travail, du moins si on se fie
aux expériences du Canada anglais.
Somme toute, et contrairement à ce que certains pourraient
affirmer, cet avant-projet ferait que notre régime de négociation
demeurerait toujours un des plus libéraux du monde occidental. Il ne
renie pas l'expérience québécoise en matière de
négociation dans le secteur public; il tente plutôt de la faire
évoluer en s'inspirant finalement des concepts suivants: la
décentralisation, la négociation permanente, la médiation,
la déjudiciarisation et, en ce qui concerne la
rémunération, une négociation assise sur un consensus
social plutôt que sur l'affrontement.
Ce que reflète cet avant-projet, c'est donc à la fois des
orientations et des moyens pour les atteindre. Sortir le Québec des
ornières de l'affrontement, voilà une orientation très
largement partagée. Les moyens proposés sont-ils les bons? Le
gouvernement est toujours convaincu qu'il n'y a pas de vérité
absolue en ces matières et qu'il est disposé à recevoir
les opinions de chacun avant d'arrêter un projet de loi pour la session
du printemps. Une seule chose est absolument nécessaire, c'est
d'éviter de replonger le Québec dans l'affrontement à la
prochaine négociation en n'ayant rien changé dans les
règles du jeu qui nous y conduisent.
En terminant, je voudrais m'adresser aux employés des secteurs
public et parapublic ainsi qu'à leurs syndicats. Aux employés du
secteur public, je veux dire que c'est largement pour eux aussi que le
gouvernement propose cette réforme du régime de
négociation. Pour eux, parce que le gouvernement sait fort bien combien
ont été pénibles, démotivantes et de plus en plus
insatisfaisantes les dernières rondes de négociation. Le
gouvernement ne veut plus leur faire revivre de telles frustrations. Pour eux
aussi, parce que le gouvernement sait, comme eux, qu'il serait inacceptable de
remettre en cause des principes aujourd'hui reconnus en matière de
rémunération équitable en comparaison avec le secteur
privé, de sécurité d'emploi, de régimes
d'assurances et de retraite, d'équité régionale. Ce sont
là des acquis et ce ne seront pas là les défis des
prochaines négociations.
Dans l'avenir, les défis seront plutôt reliés aux
impacts des changements technologiques, au recyclage et au perfectionnement,
à la souplesse dans l'organisation du travail, aux préoccupations
légitimes de mobilité et de carrière personnelle, à
la place que les jeunes peuvent avoir dans le secteur public, à la lutte
aux discriminations en emploi et dans les régimes de retraite. Ce sont
ceux-là, les défis de l'avenir, et le gouvernement le sait bien.
Pour les relever adéquatement, le gouvernement est cependant convaincu
que ces défis font bien davantage appel à la compréhension
dans le sens de l'intelligence des situations et des données, à
la recherche conjointe de solutions plutôt qu'à la force brutale
qui tente d'imposer un point de vue dans un affrontement où tout est
à recommencer, tous les trois ans.
Enfin, aux associations syndicales qui ont refusé jusqu'à
maintenant de venir témoigner devant cette commission, je dirai
simplement ceci: À mon avis, elles ont manqué une bonne
occasion de venir dire aux parlementaires comment elles voient l'avenir des
négociations dans le secteur public. Il est tout à fait
légitime que les associations syndicales aient des points de vue
différents de ceux du gouvernement sur bien des questions. C'est
justement pour tenir compte de leur point de vue que le gouvernement a
déposé un avant-projet de loi en indiquant bien qu'on ne
prétendait pas qu'il s'agissait là d'un bloc solide de
vérité absolue. Il me semble qu'il aurait été de
l'intérêt de la démocratie, mais aussi des membres de ses
syndicats, que leurs dirigeants viennent ici dire tout haut ce qu'ils
souhaitent, et pourquoi, comme régime de négociation.
Je suis tout de même optimiste, M. le Président, et j'ai
confiance de voir ce3 syndicats contribuer positivement à ce
débat public. En effet, il semble qu'après plusieurs mois
d'hésitation, sinon même de refus chez certains, de
considérer même la possibilité de modifier le régime
de négociation, tous les syndicats du secteur public travaillent
maintenant à définir une proposition commune de réforme.
Cela est très positif, car une semblable invitation de ma part en juin
dernier était restée lettre morte. De plus, au lendemain du
dépôt de l'avant-projet, les trois principales centrales se
déclaraient en faveur du statu quo. Voilà maintenant qu'une
coalition de tous les syndicats du secteur public annonçait, il y a
quelques jours, qu'ils présenteraient un projet commun de réforme
du régime. Lentement, les choses avanceraient donc positivement.
Je puis vous assurer, M. le Président, que si ces syndicats sont
prêts à me soumettre rapidement une telle proposition, le
gouvernement du Québec la considérera. Je dis bien rapidement,
car s'il s'agissait d'une simple mesure dilatoire, cela deviendra vite
évident, compte tenu que c'est dans deux mois, soit le 5 avril prochain,
que la mécanique infernale de l'ancienne machine à produire les
affrontements se mettrait en marche.
En tout cas, je souhaite vivement que les centrales syndicales et les
syndicats non affiliés de cette coalition déposent un tel projet
de réforme. C'est bien beau de s'opposer à un avant-projet, de
refuser de participer à une commission parlementaire sur un
avant-projet, mais c'est beaucoup plus responsable, en effet, dans un tel
débat public, sur un sujet aussi fondamental, de dire tout haut ce que
l'on a à proposer ce que l'on a à mettre sur la table. Je demeure
convaincu que si les syndicats définissent ainsi rapidement une
proposition qui tient compte de la réalité d'aujourd'hui, un
terrain d'entente sera possible à trouver. Si, par malheur, une telle
proposition n'était qu'une astuce pour éviter le débat ou
si elle n'était qu'un renforcement du statu quo, chacun portera son
jugement. Mais le gouvernement proposera de toute façon, ce printemps,
un projet de loi qui tiendra compte, autant que faire se peut, des commentaires
et opinions de chacun. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. La
parole est maintenant au porte-parole de l'Opposition officielle, M. le
député de Portneuf.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. Comme j'avais
l'occasion de l'indiquer au moment du dépôt de l'avant-projet de
loi à l'Assemblée nationale du Québec par le ministre
responsable du Conseil du trésor, le député de Drummond,
c'est avec beaucoup d'intérêt que nous amorçons aujourd'hui
la procédure de consultation, ici en commission parlementaire, en regard
des propositions formulées dans cet avant-projet de loi.
Depuis maintenant deux décennies, plus précisément
depuis septembre 1964, le gouvernement du Québec a adopté une
série de dispositions législatives qui ont
déterminé le cadre légal des relations du travail des
secteurs public et parapublic. Ce nouvel encadrement permettait aux
travailleurs et aux travailleuses de ce secteur d'exercer des droits nouveaux:
droit de syndicalisation, de négociation de conventions collectives,
droit de grève, droit d'arbitrage, etc. On se rappellera qu'à
cette période les salariés de l'État se trouvaient
très nettement en retard en termes de rémunération et de
conditions de travail comparativement au secteur privé. Il existait, en
fait, un écart considérable, notamment entre les salaires du
privé et ceux du public, qui justifiait à l'époque un tel
rajustement. Il convenait de plus de créer des conditions propices pour
attirer dans le secteur public les compétences requises à
l'effort de modernisation de l'appareil de l'État, ce qui était
et qui a été l'un des grands objectifs de la révolution
tranquille des années soixante.
C'est donc dire que, dans l'élan d'une nouvelle
législation du travail et d'une demande sans cesse croissante
d'effectifs publics nécessaires à la mise en oeuvre et à
l'accomplissement de la modernisation du Québec, les salariés des
secteurs publics et l'État se sont engagés sur la voie de
l'amélioration des conditions de travail pour en arriver à un
certain équilibre. De telle sorte qu'aujourd'hui tous reconnaissent que
les travailleurs et travailleuses de l'État ont rattrapé et
même dépassé, à plusieurs égards, ce qui se
fait de mieux en termes de conditions de travail dans le secteur privé
de notre économie. Ce faisant, la masse salariale des employés de
l'État a augmenté au point de représenter aujourd'hui
environ 50% du budget de l'État. C'est donc dire un
nombre très important d'employés, une capacité de
payer sans cesse déclinante de l'État et une mécanique de
négociation qui, progressivement, a été
centralisée, tout cela pour déboucher sur une cartellisation
presque totale.
C'est ce qui constitue les caractéristiques majeures du contexte
des négociations dans le secteur public, lesquelles procèdent
pourtant toujours en vertu des mêmes règles de base
adoptées il y a 20 ans.
Au fil des ans, le problème fondamental de l'exercice du droit de
grève et du maintien des services essentiels revient
régulièrement à la surface. Cette expérience des 20
dernières années démontre que ce régime de
relations du travail a favorisé très souvent des affrontements
qui privaient les citoyens de services pourtant reconnus comme essentiels et
forçaient le ou les gouvernements à intervenir à de
nombreuses reprises, presque sur une base régulière.
Pour ne citer que quelques-unes de ces interventions par lois
spéciales qui ont été adoptées ici à
l'Assemblée nationale, mentionnons d'abord que la première a
été adoptée le 17 février 1967 et avait pour but
d'assurer le droit de l'enfant à l'éducation tout en instituant
un nouveau régime de conventions collectives dans le secteur scolaire.
En avril 1972, c'était la loi assurant la reprise des services dans le
secteur public. En juin 1976, c'était la Loi modifiant la Loi sur les
tribunaux judiciaires, le chapitre 8. En avril 1976, c'était la loi
concernant le maintien des services dans le domaine de l'éducation et
abrogeant différentes dispositions législatives. En juillet 1976,
on s'en souviendra, c'était la loi concernant les services de
santé ' dans certains établissements et le problème plus
particulier des infirmières. En novembre 1979, c'était la loi sur
les propositions aux salariés des secteurs de l'éducation, des
affaires sociales et de la fonction publique. C'est le chapitre 50. Le ministre
s'en souvient très certainement. (11 h 30)
En décembre 1979, c'était la loi assurant le maintien des
services d'électricité et prévoyant les conditions de
travail des salariés d'Hydro-Québec. Cette grève avait
affecté des milliers et des milliers de Québécois au mois
de décembre de l'année 1979. En mars 1980, c'était la loi
assurant la reprise de certains services de la ville de Montréal et de
la Communauté urbaine de Montréal. En octobre 1980,
c'était la loi sur certains différends entre les enseignants et
les commissions scolaires; si ma mémoire est fidèle,
c'était plus particulièrement dans la région de la
Mauricie. En janvier 1982, une autre loi, celle concernant les services de
transport de la Communauté urbaine de Montréal. En juin 1982,
c'était la loi sur la reprise des soins médicaux au
Québec, chapitre 20. En novembre 1982, c'était la loi assurant la
reprise du service de transport en commun sur le territoire de la
Communauté urbaine de Montréal. En décembre 1982, la loi
concernant les conditions de travail dans le secteur public. En mai 1983,
c'était la loi assurant la reprise du service de transport en commun sur
le territoire de la Communauté urbaine de Montréal. Toute une
série de mesures législatives qui sont survenues, qui nous ont
été présentées ici à l'Assemblée
nationale du Québec, à la suite de conflits, de problèmes,
parfois généraux, parfois particuliers, soit en cours de
convention ou en cours de négociation, mais toujours concernant cette
question combien importante, non seulement pour notre société,
mais aussi pour l'Assemblée nationale et le gouvernement du
Québec, des services qu'un gouvernement doit donner à sa
population.
Qu'on se réfère pendant quelques minutes au nombre de
jours-hommes, de jours-femmes perdus dans le cadre de conflits au Québec
dans les secteurs public et parapublic depuis l'adoption de ces lois en 1965 et
1966. On constate qu'à chaque année la société
québécoise a eu à souffrir d'un nombre significatif et
important de jours perdus en raison de tels conflits. Je n'en ferai pas toute
la nomenclature mais qu'il me suffise de vous dire qu'en 1972, il y eut 1 993
860 jours-hommes-femmes perdus au Québec, à la suite de conflits.
En 1976, c'était 1 394 000 jours, du capital humain qui n'a pas
été investi dans la dotation de services à des
clientèles qui sont les citoyens contribuables et qui ont droit à
ces services. En 1979, c'était 1 004 000 jours; en 1980, 1 438 000
jours-hommes-femmes perdus; en 1983, c'était 1 278 000 jours. Ce sont
des statistiques qui proviennent du Centre de recherche et de statistiques sur
le marché du travail.
En 18 ans, ce sont près de 10 000 000 de jours-hommes-femmes qui
ont été perdus en raison des conflits. Est-ce que notre
société québécoise peut se permettre, peut
continuer ou souhaite continuer à vivre avec une moyenne annuelle de 500
000 jours-hommes-femmes perdus en raison des conflits dans les secteurs public
et parapublic? Cette question, en plus de tous les autres aspects de la
négociation, l'aspect budgétaire, l'aspect de la
comparabilité au secteur privé, doit être posée et
soulevée dans le cadre des travaux de notre commission.
C'est donc dire que des situations aussi malheureuses qu'inacceptables
ont trop souvent dû être constatées, et surtout dans le
domaine de la santé et des services sociaux, à l'occasion de
telles grèves ou de lock-out. Consciente des problèmes
vécus lors des différentes rondes de négociation, notre
formation politique, à la suite d'une
réflexion, proposait des changements basés sur la
primauté du droit des bénéficiaires à des services
publics suffisants et de qualité sur tout autre droit par ailleurs
reconnu à un groupe particulier de citoyens. Malheureusement, le
présent gouvernement n'a pas fait sienne cette recommandation. De plus,
on doit constater qu'il aura attendu à la fin d'un deuxième et
possiblement d'un dernier mandat pour afficher ses couleurs.
Au début du premier mandat de ce gouvernement, les milieux
syndicaux entrevoyaient un nouveau climat de relations entre l'État
employeur et ses employés. On s'en souviendra, ce gouvernement
péquiste faisait pompeusement étalage d'un soi-disant
préjugé favorable pour les travailleurs. Les employés des
secteurs public et parapublic ont eu l'occasion, il faut en convenir, de
profiter, en 1979 et 1980, de l'échéancier
référendaire et électoral pour obtenir des conditions de
travail plus avantageuses. Mais lors de la dernière négociation,
le gouvernement a renié sa signature et il a ainsi bafoué ses
employés.
Cette façon de procéder du gouvernement a
été et est toujours préjudiciable non seulement au climat
de travail des employés des secteurs public et parapublic mais aussi
à la crédibilité même du gouvernement comme
gestionnaire et employeur négociant de bonne foi.
On s'en souviendra, l'illusion de climat de confiance et de concertation
à coup de déclarations fracassantes, tant du côté
des relations du travail dans le secteur privé que dans dans les
secteurs public et parapublic, aura été créé
artificiellement de toutes pièces par le gouvernement.
En parlant de l'illusion de climat de confiance et de concertation
véhiculée par le gouvernement, regardons d'un peu plus
près la dernière ronde de négociation. Mal engagée
dès le départ, celle-ci a été menée de
façon irresponsable par le gouvernement, ce qui n'est pas sans avoir eu
des conséquences sur la signification même du processus de
négociation dans le secteur public. Pour la première fois durant
cette période, l'idée d'une masse monétaire globale, non
négociable, était imposée sans savoir s'il s'agissait
d'une volonté politique ou le simple fruit et résultat de la
pression des événements.
Les lois 70 concernant la rémunération dans le secteur
public et 68 modifiant différentes dispositions législatives en
regard des régimes de retraite, et ce en juin 1982, sont venues
établir le prédédent d'une modification unilatérale
des termes d'une convention collective dûment signée et en
vigueur. Nulle part ailleurs en société démocratique
pareille chose ne s'était produite. L'obstination du gouvernement de
vouloir à tout prix équilibrer ses comptes d'une manière
arbitraire et injuste pour une catégorie de citoyens, soit les
employés de l'État, à qui l'on demandait, et l'on a
finalement demandé, de payer seuls les dégâts de la
politique financière du gouvernement, tout cela devait mener tout droit
à un affrontement débouchant sur la loi 105, laquelle est venue
fixer les conditions de travail dans le secteur public. Tout le monde, sauf le
gouvernement, est unanime à constater que cela a été mal
engagé.
Les lacunes de notre régime de négociations dans les
secteurs public et parapublic sont devenues encore plus évidentes dans
le contexte de la crise économique de 1982 et de la panique, la
véritable panique qui s'est emparée d'un gouvernement
financièrement aux abois.
Ce qui précède établit clairement que notre
formation, le Parti libéral du Québec, partage avec une grande
majorité de Québécois et de Québécoises
l'opinion qu'une réforme d'envergure de notre régime et du
régime de négociation des secteurs public et parapublic s'impose
plus que jamais. D'ailleurs, d'ici à quelques jours, nous aurons
l'occasion de rendre public - cela ne prendra ni des semaines ni des mois;
c'est strictement d'ici à quelques jours. Très probablement qu'on
pourra y revenir en cours de travaux ou à la fin de nos travaux en
commission parlementaire - nous aurons l'occasion de nous référer
à un document de réflexion qui a été
élaboré par notre commission politique et qui sera soumis aux
membres de notre congrès, lequel se réunira les 1er, 2 et 3 mars
prochain. Ce document touchera à la plupart des grands dossiers
économiques, politiques et sociaux du Québec d'aujourd'hui, y
compris, bien entendu, celui des relations du travail dans le secteur
privé et celui des relations du travail dans les secteurs public et
parapublic.
Puisque l'occasion m'est aujourd'hui offerte d'expliquer la position ou
l'orientation de notre groupe politique sur la réforme du régime
de négociation des employés de l'État, j'en profiterai
pour lever le voile sur la partie du document de réflexion qui en traite
spécifiquement. Sans aller dans les détails évidemment, la
plomberie, j'entends exposer les principes de base et les grandes orientations
de notre projet de réforme.
Notre groupe politique entend s'associer à une réforme,
entend réformer, si la population lui donne le mandat de le faire, le
régime de négociation des secteurs public et parapublic en
s'appuyant sur quatre principes de base. Premièrement, ces modifications
devront reconnaître et établir clairement la primauté du
droit des citoyens à la santé et à la
sécurité, laquelle primauté doit, en toutes circonstances,
primer et passer avant toute autre considération. C'est pour nous un
principe élémentaire et fondamental dans une
société démocratique
évoluée. Cette primauté est aujourd'hui reconnue
dans le cas des services, entre autres, de pompiers et de police, auxquels la
loi ne reconnaît pas de droit de grève ni de lock-out. Mais elle
est malheureusement remise en cause fréquemment dans le cas notamment
des services de santé, services pourtant réputés
essentiels en tout temps. Qu'il suffise de me référer à la
situation combien malheureuse qu'on a vécue comme société
dans une région spécifiquement affectée, qu'on a
vécue comme collectivité en regard d'un non-respect de nos lois.
Je me réfère évidemment à la situation qu'on a
vécue cet automne à Saint-Ferdinand d'Halifax, avec toutes les
conséquences que le règlement intervenu peut avoir sur les
prochaines négociations.
Deuxièmement, pour nous, les employés de l'État ont
ie droit de s'associer librement pour négocier les conditions de travail
dans le cadre prescrit par la loi. C'est une question d'équité et
de justice à l'égard d'un important groupe de travailleurs et
travailleuses de notre société. C'est aussi la reconnaissance que
le syndicalisme peut jouer un rôle fort positif pour le maintien et
l'amélioration des conditions de travail des employés.
Troisièmement, l'État employeur et les syndicats
concernés doivent reconnaître que le cadre dans lequel
s'inscrivent les relations du travail des secteurs public et parapublic ne peut
être le même que celui qui s'applique au secteur privé. Il y
a trop de caractéristiques particulières au secteur
gouvernemental pour qu'il soit souhaitable d'y appliquer sans nuances les
dispositions du Code du travail et de ses compléments
législatifs.
Si on précise davantage, on doit retenir qu'il est frappant de
constater comment, au Québec, nous avons opté pour une forme de
négociation de plus en plus centralisée. Contrairement à
la plupart des autres administrations de taille comparable en Amérique
du Nord, nous avons choisi d'aborder les négociations collectives entre
l'État et ses employés à l'intérieur d'une
opération unifiée de très grande envergure qui met en
présence l'État employeur et les représentants syndicaux
réunis en cartel intersyndical, soit en front commun.
Cette approche a eu deux grandes conséquences plus ou moins
désirables: la centralisation à outrance et la bureaucratisation
excessive des services publics par le biais de conventions collectives
extrêmement complexes et détaillées et aussi la
politisation du processus de négociation, celui-ci
dégénérant le plus souvent en affrontements où la
paix sociale est régulièrement mise en péril.
Face à ce système qui devient de moins en moins
contrôlable à chaque ronde de négociation, nous avons deux
choix: décartelliser, si je peux utiliser le terme, morceler le
processus de négociation selon le modèle de l'Ontario ou du
fédéral, par exemple, ou encore conserver le processus
centralisé mais en réduire la portée, en diminuer le
potentiel d'affrontement.
Conscient qu'il serait difficile, après 20 ans, de
réécrire l'histoire à rebours, c'est dans la seconde voix
que notre groupe politique, le Parti libéral du Québec, entend
s'engager. Nous voulons et nous souhaitons que le cadre centralisé de la
négociation soit maintenu, mais nous insistons pour que le domaine, le
territoire de négociation qui lui est ouvert soit
considérablement réduit. Autrement dit, nous croyons fermement
que la partie syndicale doit accepter, et les syndicats doivent accepter, qu'en
contrepartie du rapport de force très avantageux que lui confère
le cartel intersyndical, le nombre et l'étendue des sujets ouverts
à la négociation doivent être restreints. C'est dans ce
sens que les relations du travail des secteurs public et parapublic ne peuvent
être envisagés dans la même optique des relations du travail
dans le secteur privé. (11 h 45)
Le quatrième principe que nous retenons, c'est la
responsabilité du gouvernement à l'égard de
l'équilibre des finances publiques, la capacité de payer des
contribuables et la compétitivité de l'économie
québécoise. On conçoit facilement que l'État ne
peut soumettre la détermination de la moitié de son budget deux
ou trois ans à l'avance aux résultats d'une opération
conventionnelle de négociation de conventions collectives. C'est non
seulement la paix sociale, mais la marge de manoeuvre financière du
gouvernement, la taille de son déficit budgétaire et le fardeau
fiscal dans l'économie tout entière qui y sont en cause. De plus,
les conditions de travail du secteur public ont tendance à influencer,
comme on le sait, les conditions de travail du secteur privé par effet
d'osmose, d'imitation ou de débordement. Les syndicats l'ont compris
depuis longtemps puisqu'ils invoquaient encore, il y a quelques années,
la thèse de la locomotive pour justifier leurs revendications face
à l'État employeur. Dans le contexte économique difficile
d'aujourd'hui, il est bien évident que cette thèse n'a plus sa
place. En concédant à ses employés des conditions plus
avantageuses que celles qui prévalent dans le secteur privé,
l'État, il faut en convenir, compromet la position concurrentielle des
entreprises et la création d'emplois au Québec, deux
priorités auxquelles aucun gouvernement responsable ne saurait se
soustraire?
Quelles sont les conséquences pratiques de l'application de ces
quatre principes à la réforme du cadre de négociation des
secteurs public et parapublic? Elles sont nombreuses, et nous aurons l'occasion
de les préciser au
cours des prochains jours et des prochaines semaines. On peut cependant
dégager dès maintenant la première et la plus importante:
c'est qu'une réforme d'envergure s'impose depuis longtemps. Le fait que
le gouvernement actuel en prenne conscience aujourd'hui, après huit ans,
au début de sa neuvième année de pouvoir et à sa
troisième ronde de négociation, en dit long et témoigne de
sa compréhension du problème et de sa capacité d'y faire
face.
Nous, de l'Opposition officielle, le Parti libéral du
Québec, constatons que les travailleurs syndiqués et leurs
dirigeants font aujourd'hui preuve d'une ouverture d'esprit, d'une
compréhension des problèmes beaucoup plus grande qu'il y a
quelques années. Il suffit d'être en contact, dans les
régions, avec les travailleurs et les travailleuses, avec leurs
représentants, pour constater que le discours a changé, que les
intérêts ne sont plus les mêmes, que Ies revendications ne
sont plus les mêmes, qu'ils sont conscients et conscientes de la crise
économique qui a frappé plus durement le Québec que toutes
les autres provinces et des écueils qui résultent des
négociations et des conventions collectives qui sont signées,
plus particulièrement en ce qui concerne la comparabilité avec le
secteur privé. Les syndicats ne parlent plus de casser le
système, de refaire la société selon un modèle
idéologique étranger à notre environnement
nord-américain. Il y a donc là les germes d'un consensus
éventuel, d'une possibilité de s'asseoir et de s'entendre pour le
plus grand bien du Québec et de ses citoyens.
En contrepartie, cependant, nous comprenons parfaitement leur
méfiance à l'endroit du gouvernement actuel, de ses
méthodes autoritaires et des lois matraques qui ont été
adoptées ici à l'Assemblée nationale après que des
contrats furent signés. Nous comprenons aussi leur réticence bien
normale à aborder une telle réforme avec, comme interlocuteur, un
gouvernement qui, il faut en convenir, est essoufflé,
profondément divisé - tout le monde le voit à tous les
jours - et qui est pratiquement rendu au bout de son mandat. De ce point de
vue, nous pourrions avoir, d'ici à quelques mois, après
l'élection très probablement, une conjoncture politique bien
meilleure pour s'asseoir, échanger et surtout s'entendre.
En attendant toutefois, il est souhaitable de faire progresser le
dossier d'une manière constructive et positive en vue, notamment, de la
reconnaissance du premier principe que nous avons invoqué
précédemment, soit la primauté absolue du droit du citoyen
et des bénéficiaires aux services publics qui conditionnent leur
santé et leur sécurité. Ce principe vient en premier lieu
car il définit un droit fondamental, un absolu à l'égard
duquel aucun compromis n'est possible. Et si ce droit à la santé
et à la sécurité des citoyens doit primer toute autre
considération, il ne peut être mis en parenthèse,
être suspendu provisoirement, le temps d'une négociation, d'une
grève ou d'un lock-out.
Ce que la population attend de nous tous, participants à cette
commission parlementaire, des deux côtés de la table, c'est que
nous fassions finalement progresser les esprits et les coeurs vers des
positions de consensus qui déboucheront éventuellement sur des
mesures concrètes et réalistes à la lumière de la
fin de la décennie 1980. C'est que nos conclusions ouvrent la voie
à une réforme qui mettra un terme, une fois pour toutes, au
cortège des affrontements stériles qui ne servent
présentement ni les intérêts du gouvernement quels qu'ils
soient, ni ceux de ses employés, ni ceux des syndicats, ni ceux du
public en général.
M. le Président, nous comprenons, évidemment, la position,
l'attitude adoptée par plusieurs intervenants de première ligne
dans ce dossier. Vous aurez compris que je réfère aux syndicats
qui nous ont, malheureusement il faut en convenir, signifié qu'ils ne
participeraient pas à nos travaux. Nous comprenons leur
réticence, nous comprenons leur réserve, nous nous expliquons le
pourquoi d'une telle attitude, compte tenu que ce projet vient en fin de
mandat, compte tenu que ce projet vient à quelques mois du début
d'une prochaine ronde de négociation et compte tenu aussi des lois qui
ont été adoptées ici à l'Assemblée
nationale.
Au nom de notre groupe politique, je me permettrai de les inviter
à reconsidérer leur décision. Il a été
convenu au début de nos travaux et en commission préparatoire que
l'ordre du jour de nos travaux n'était pas terminé, qu'on pouvait
toujours ajouter des séances. Ce serait faire oeuvre utile pour les
employés que ces syndicats représentent et pour le public, pour
les citoyens et pour les citoyennes du Québec de venir s'asseoir
à la table avec nous et nous dire en quoi le projet de loi se devrait
d'être considéré, et aussi et surtout en quoi et pourquoi
et comment il devrait être modifié, avec comme objectif d'en
arriver avec un consensus que de plus en plus de gens... Et si ce n'est pas
l'unanimité, c'est la très grande majorité des citoyens du
Québec qui souhaitent, en ce début d'année 1985, à
quelques mois d'une autre négociation pour le renouvellement de ces
contrats de travail, c'est la très grande majorité des citoyens
qui souhaitent que le gouvernement et ses employés et les autres
intervenants puissent s'asseoir et s'entendre et ce, pour le plus grand bien du
Québec d'aujourd'hui et de demain.
Motion proposant que la commission puisse
siéger à Montréal
M. le Président, avant d'ajourner - on sait qu'il est 11 h 52 -
j'ai référé au début de nos travaux à la
requête qui avait été formulée par M. Brunet. Je
vous avais indiqué que j'ai donné un préavis d'une motion
que j'entendais déposer. On sait qu'on devra se réunir en
comité restreint à l'ajournement de nos travaux ce midi. On sait,
de plus, que la commission de l'Assemblée nationale du Québec
doit se réunir le jeudi 31 janvier prochain, soit dans deux jours. Je
dépose la motion suivante -on pourra peut-être la débattre
à un autre moment ou encore l'adopter à l'unanimité compte
tenu des échanges que nous aurons:
Que, conformément au paragraphe 3 de l'article 114 de nos
règles de procédure, la commission du budget et de
l'administration de l'Assemblée nationale demande à la commission
de l'Assemblée nationale l'autorisation de siéger en dehors de
l'Assemblée nationale et plus particulièrement à
Montréal, à une date à déterminer pour entendre la
Coalition pour les droits des malades sur l'avant-projet de loi sur le
régime de négociation des conventions collectives dans les
secteurs public et parapublic.
Nous souhaitons vivement que ces gens puissent être entendus, ces
gens qui, trop souvent malheureusement, sont durement frappés par des
conflits et ne peuvent se déplacer pour venir aussi.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le
député.
M. Pagé: Je conviens qu'elle pourra être
débattue ultérieurement, mais avant jeudi si possible, parce que
cela doit passer à la commission de l'Assemblée nationale qui se
réunit jeudi. Merci.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, j'indique immédiatement
que notre formation politique appuiera cette résolution ou cette motion
du député de Portneuf, quitte cependant à s'entendre sur
les modalités, la date et aussi à bien confirmer, je pense que
c'est là l'intention des parlementaires, que cette commission rogatoire
aurait pour unique mandat actuellement de rencontrer le président du
regroupement des malades, M. Claude Brunet, et non pas de partir en commission
rogatoire sur un grand nombre de sujets ou d'intervenants quitte à ce
que la commission reconsidère cela plus tard.
Maintenant, M. le Président, je voudrais revenir, très
très rapidement sur l'invitation qu'a lancée le
député de Portneuf aux centrales syndicales de venir en
commission parlementaire, indiquant que celle-ci pourrait prolonger ses
travaux. Je pense que son invitation va exactement dans le sens de ce que j'ai
dit en conclusion, à l'effet que le gouvernement, quant à lui,
non seulement est toujours prêt, mais désireux de connaître,
de recevoir, de prendre en considération le point de vue des syndicats
des secteurs public et parapublic sur ces questions. Effectivement, j'avais
indiqué, au moment d'une séance de travail, que nous serions
ouverts, quant à nous, à ce que la commission puisse
siéger à d'autres dates que celles prévues jusqu'à
maintenant pour entendre ces syndicats. Encore une fois, je pense que le
député de Portneuf en conviendra, malgré ses propos
quelque peu partisans qu'on ne peut lui reprocher - il fait son travail - je
pense qu'il conviendra cependant que si l'on voulait faire du travail utile,
compte tenu que c'est le 5 avril prochain que la mécanique des lois 55
et 59 se met en branle, il faudrait que cette comparution devant cette
commission soit rapide si l'on voulait faire un travail utile, et non pas la
convoquer en septembre prochain.
Comme dernier point, M. le Président, je ne peux pas
m'empêcher de dire ceci au député de Portneuf! En ce qui
concerne le non-respect de la signature, je veux bien qu'il ait cette opinion
du gouvernement du Québec, mais je lui dirais simplement que le Bureau
international du travail n'a pas partagé son avis.
Le Président (M. Lachance): Alors à ce moment-ci,
je comprends que la motion du député de Portneuf est
déposée et qu'elle sera soumise pour discussion et adoption
à un moment qui se situe ou bien aujourd'hui ou demain, soit avant jeudi
où la commission de l'Assemblée nationale devra se
réunir.
À ce moment-ci, je désire me prévaloir des
dispositions de l'article 158 de nos règles de procédure qui
concernent le dépôt de documents pour déposer
officiellement l'exposé d'ouverture du ministre
délégué à l'Administration, ainsi que celui du
député de Portneuf.
La séance est terminée pour la matinée et je
suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures, alors que nous
recevrons les porte-parole de la Fédération des CLSC du
Québec.
(Suspension de la séance à 11 h 58)
(Reprise à 14 h 12)
Le Président (M. Lachance): À l'ordrel La
commission du budget et de l'administration poursuit ses travaux afin de
procéder à une consultation générale portant sur
l'avant-projet de loi traitant du régime de négociation des
conventions collectives
dans les secteurs public et parapublic.
Cet après-midi, nous entendrons tour à tour la
Fédération des CLSC du Québec, l'Association des centres
de services sociaux du Québec, le Syndicat des conseillers en gestion du
personnel du gouvernement du Québec et M. Denis Lebel; vous aurez
compris que, à ce moment-là, nous sommes rendus en
soirée.
J'inviterais le premier groupe, la Fédération des CLSC du
Québec à prendre place, et son porte-parole est M. Marcel
Sénéchal, le président, à qui, d'abord, je
souhaiterai la bienvenue - ainsi qu'à ses collègues - et à
qui je demanderais de bien vouloir nous présenter les personnes qui
l'accompagnent en commençant par sa gauche.
Auditions Fédération des CLSC du
Québec
M. Sénéchal (Marcel): Je vous présente M.
Maurice Charlebois, directeur général de la
Fédération des CLSC; M. Denis Perras, conseiller au secteur des
relations du travail de la fédération; à ma droite, M.
Yves Léveillée, membre du comité exécutif de la
fédération et M. François Lebeau, vice-président de
la fédération.
Le Président (M. Lachance): Alors, M. le président,
pour bien clarifier la façon dont nos travaux vont maintenant se
dérouler, une période de deux heures vous est allouée, si
possible, d'ici à 16 heures. Je vous demanderais de nous faire un
exposé qui ne durera pas plus d'une vingtaine de minutes afin de
faciliter les échanges des parlementaires qui auraient des questions
à vous poser. Est-ce que ça vous convient?
M. Sénéchal: Parfait.
Le Président (M. Lachance): Alors, allez-y, M. le
président, nous sommes tout ou Te.
M. Sénéchal: M. le Président, M. le
ministre, messieurs les membres de la commission, je ne ferai pas une lecture
complète du mémoire que vous avez reçu, j'en lirai un
certain nombre de passages, si vous me permettez.
La Fédération des CLSC est heureuse, au même titre
que les CLSC qui en font partie, d'être associée au processus de
refonte du régime de négociation dans les secteurs public et
parapublic. Nous estimons que l'occasion qui nous est offerte par le
gouvernement de venir livrer le résultat de notre réflexion sur
ce sujet est une occasion privilégiée que tous et chacun des
intervenants dans ce domaine ne peuvent se permettre de laisser passer.
II nous apparaît indéniable que la réflexion qui
nous est proposée aujourd'hui s'imposait grandement. L'avant-projet de
loi, à l'étude devant cette commission parlementaire, comporte
des éléments fort valables qui permettront aux parties de se
responsabiliser davantage, notamment en modifiant le lieu de discussion des
problèmes au niveau où ils pourront davantage être
réglés.
Avant d'aborder l'essentiel de notre position sur l'avant-projet de loi,
il nous semble opportun de bien situer les CLSC en regard de la dynamique de
négociation de convention collective. Nous exposerons par la suite nos
points de vue sur trois questions: la décentralisation, la
rémunération et le droit. de grève.
L'expérience des CLSC et de leur fédération est
plus récente que celle d'autres intervenants du fait que les CLSC ont vu
le jour dans les années soixante-dix. Pour ainsi dire, les CLSC n'ont
pas connu l'ère de la négociation locale qui prévalait
avant l'entrée en vigueur de la loi 46 de 1971 qui préconisa
alors une certaine forme de regroupement aux fins de négociation des
conventions collectives.
En effet, la première véritable ronde de
négociation des conventions collectives que vécurent les CLSC fut
celle de 1975-1976 sous l'empire de la loi 95 qui cartellisa les groupements
d'établissements sous le parapluie d'un comité patronal de
négociation des Affaires sociales. Depuis lors, les CLSC ont
participé aux négociations de 1979-1980 et de 1982 lesquelles se
déroulèrent sous le couvert de la loi 55.
Le réseau des CLSC compte actuellement 124 établissements
dont 110 ont des salariés qui sont syndiqués, pour un total
d'environ 10 000 employés. Tout nous porte à croire que la
syndicalisation s'étendra a presque tous les CLSC de même
qu'à ceux qui entreront en service au cours des prochains mois qui
deviendront alors syndiqués à brève
échéance, ne serait-ce que par le biais du transfert de
ressources des Centres de services sociaux (CSS) et des Départements de
santé communautaires (DSC). Ce sont donc environ 130 CLS qui entameront
bientôt des discussions sur le renouvellement des conventions
collectives.
Dans la très grande majorité des CLSC syndiqués,
soit 92 sur 110, l'on dénote deux syndicats et plus. Au total, 307
accréditations ont été émises dans les 110 CLSC en
cause. Comparativement à d'autres catégories
d'établissements, cela peut paraître bien peu mais il faut
toutefois garder à l'esprit que la presque totalité de ces CLSC
ont en moyenne de trois à quatre cadres seulement et que, règle
générale, un seul de ces cadres s'occupe des relations du travail
en plus d'autres fonctions qu'il doit assumer.
Les CLSC sont des établissements de petite taille dont le mode de
fonctionnement est à la fois diversifié et original. Ils
poursuivent des objectifs de souplesse au niveau de leurs services de
façon à bien les harmoniser avec les besoins de la population
qu'ils desservent.
La décentralisation de la négociation nous apparaît
comme l'un des éléments les plus intéressants de la
présente réforme. En effet, comme nous l'avons déjà
souligné, les instances locales ont été plusieurs fois
désabusées face aux résultats de la négociation
nationale en ce sens que les stipulations négociées à ce
niveau étaient peu adaptées à leur
réalité.
Cela était dû principalement au fait que les
catégories d'établissements étaient regroupées et
que la négociation se faisait sectoriellement. Or, tant les travailleurs
que Ies employeurs du réseau des CLSC n'ont pas nécessairement
les mêmes préoccupations sur tous et chacun des points d'une
convention collective que leurs homologues du réseau hospitalier ou de
celui des centres d'accueil, par exemple. Les CLSC désirent donc
emprunter une avenue qui rapproche la négociation de leur
réalité mais ils ne se considèrent pas aptes à en
prendre maintenant la responsabilité localement.
En conséquence, la proposition contenue à l'avant-projet
de loi concernant la création de comités patronaux
sous-sectoriels investis de responsabilités accrues en ce qui a trait
à la détermination des niveaux de discussion des
différents éléments de la convention collective nous
semble une voie prometteuse.
Les CLSC étant regroupés sous l'égide d'un
comité sous-sectoriel CLSC pourront donc mieux faire valoir leur point
de vue et les objectifs qui leur sont propres et ne seront pas noyés
à l'intérieur d'objectifs poursuivis par d'autres
catégories d'établissements. De ce fait, même si dans un
premier temps la négociation se fera à l'échelle
nationale, les CLSC se retrouveront davantage dans les textes
négociés et la nécessité d'adapter ces dispositions
au niveau local sera moins impérative que sous le régime
actuel.
Si nous nous réjouissons de ce premier effort de
décentralisation, nous nous étonnons toutefois que l'avant-projet
de loi conserve toujours, comme sous le régime actuel, l'obligation pour
les comités sous-sectoriels de requérir leurs mandats de
négociation du Conseil du trésor. Bien que nous soyons d'accord
avec le fait que le Conseil du trésor puisse émettre des mandats
de négociation sur des sujets d'intérêt gouvernemental,
nous ne croyons quand même pas utile, si l'on veut vraiment opérer
une décentralisation, que le Conseil du trésor autorise des
mandats sur tous les sujets de la convention collective qui seraient
négociés au niveau sous-sectoriel.
En ce qui concerne l'appellation des comités patronaux de chacune
des catégories d'établissements, nous estimons que l'avant-projet
de loi devrait parler de "comité sous-sectoriel patronal" et non pas de
"sous-comité patronal".
Au même effet, il nous semble que le texte de l'article 13 devrait
être modifié en inversant les deux paragraphes qui le composent
car tel qu'il est libellé dans l'avant-projet de loi, il aurait pour
effet de créer un gigantesque comité patronal sectoriel puisque
les membres des comités sous-sectoriels devraient être issus dudit
comité sectoriel. Lors de la dernière ronde de
négociation, les CLSC comptaient deux représentants au CPNAS. Si
l'on devait suivre la formule proposée, le comité sous-sectoriel
CLSC ne serait composé que de deux représentants des CLSC
à moins que l'on élargisse leur représentation au CPNAS.
Or, il va de soi qu'un tel élargissement pour chacune des
catégories d'établissements créerait une structure lourde
au CPNAS.
En somme, la décentralisation au niveau sous-sectoriel rencontre
les attentes des CLSC. Elle est progressive et elle permet, dans un premier
temps, d'adapter les conventions collectives actuelles à la
réalité des CLSC en offrant aux parties de négocier
réellement des solutions propres aux problèmes des CLSC et des
travailleurs qui y oeuvrent. Qui plus est, elle constitue un moyen terme entre
l'hypercentralisation et la négociation intégrale au niveau local
à laquelle les CLSC ne se sentent pas prêts à l'heure
actuelle, compte tenu de leurs particularités et contraintes,
particulièrement au niveau des ressources limitées qui sont les
leurs et que nous vous avons exposées précédemment.
L'avant projet de loi propose également une
décentralisation au niveau local concernant certaines matières
prévues dans une annexe qu'il reste à définir et relatives
à l'organisation du travail, aux mouvements de personnel et aux droits
syndicaux.
Cette modification au régime actuel va dans le sens
préconisé par les CLSC qui désirent rapatrier, à
moyenne échéance, une certaine juridiction sur la
négociation des conventions collectives. En pratique toutefois, un
transfert trop accéléré vers le niveau local peut
provoquer certaines difficultés, voire même certaines impasses,
qui ne seraient guère moindres que celles qu'ont vécues les CLSC
sous l'empire des lois 95 et 55.
Certes, nous l'avons dit auparavant, les CLSC n'ont pas connu
l'ère de la négociation locale à proprement parler. Ils
sont donc un peu devant l'inconnu et c'est avec une prudence légitime
qu'ils envisagent la négociation locale. Ils sont peu armés
puisque leurs équipes de direction, peu nombreuses d'ailleurs,
s'interrogent à savoir si elles ont
les ressources humaines et financières pour absorber d'un coup
les responsabilités de négocier localement sur une liste de
sujets peut-être trop considérable, d'autant plus que cet exercice
se dédoublera par le nombre de syndicats présents dans leur
établissement -Qui trop embrasse, mal étreint, dit le proverbe -
C'est pourquoi ils souhaitent dans un premier temps que la négociation
se décentralise vers le sous-sectoriel, là où ils pourront
ensemble aménager une convention collective qui reflète leur
réalité.
Mais pour favoriser tout de même l'amorce d'une
décentralisation au niveau local, ils jugent que l'avant-projet de loi
doit éliminer les contraintes aux arrangements locaux de manière
que les parties locales aient le pouvoir de convenir d'arrangements locaux qui
pourraient, au besoin, se démarquer de certaines dispositions
négociées sous-sectoriellement sans que ces dernières y
pourvoient.
Concrètement, nous proposons donc que l'annexe A, au lieu de
prévoir certaines matières devant être
négociées et agréées exclusivement au niveau local,
traite plutôt de matières négociées et
agréées sous-sectoriellement, susceptibles de faire l'objet
d'arrangements locaux dans la mesure où les parties locales en
conviennent et ce, sans que les stipulations agréées au niveau
sous-sectoriel ne le prévoient. En ce sens, la négociation
d'arrangements locaux serait moins contraignante sur le plan du temps et des
énergies à y consacrer car, souventefois, croyons-nous, les
parties locales ne ressentiraient pas le besoin de recommencer la
négociation sur tous les sujets en annexe mais seulement sur ceux qui le
nécessitent, compte tenu de la situation particulière de chaque
CLSC. À titre d'exemple, il se peut que les textes agréés
sous-sectoriellement, concernant l'aménagement des heures et de la
semaine de travail, puissent satisfaire les parties locales dans un CLSC alors
que dans un autre, les parties sentent le besoin de les adapter.
Un autre avantage de l'arrangement local est le fait que les parties
auront déjà un modèle mieux adapté à leur
catégorie d'établissements à la suite d'une
négociation sous-sectorielle. De plus, dans la mesure où les
parties au niveau sous-sectoriel constateront qu'une disposition qu'elles ont
agréée à l'échelle nationale a fait l'objet
d'arrangements locaux dans la majorité des établissements, il
leur sera plus facile, l'exercice aidant, de convenir, comme l'article 21 de
l'avant-projet de loi le leur permet, que cette matière sera
dorénavant objet de négociation locale et évacueront ainsi
le champ.
Sous un autre aspect, nous estimons qu'il faut également
conserver aux parties locales la faculté de convenir d'arrangements
locaux sur des sujets autres que ceux prévus à l'annexe A, dans
la mesure toutefois où les stipulations agréées à
l'échelle nationale y pourvoient, que ce soit au niveau sectoriel ou
sous-sectoriel. En ce sens, l'article 22 de l'avant-projet de loi conserve sa
raison d'être.
Enfin, nous mettons de l'avant certains principes et modalités
concernant les arrangements locaux. Premièrement, les parties locales
pourront en tout temps convenir d'arrangements locaux au cours de la
durée d'une convention collective. Toutefois, lors de l'entrée en
vigueur d'une nouvelle convention collective, les parties
bénéficieront d'un délai de 90 jours pour reconduire
chacun des arrangements locaux, à défaut de quoi, la stipulation
pertinente agréée à l'échelle nationale
s'appliquera jusqu'à ce que les parties conviennent d'un nouvel
arrangement. Ce principe de reconduction expresse et non tacite nous
apparaît primordial pour sauvegarder la cohérence des textes. En
effet, il se peut qu'à la suite de la renégociation d'un texte au
niveau national, l'arrangement local convenu en fonction d'une ancienne
disposition n'ait plus la même portée ou confère à
l'une des parties un double avantage non prévu au moment de sa
conclusion ou encore qu'il place les parties dans une impasse ou finalement
qu'il entre en contradiction avec d'autres dispositions.
Deuxièmement, et cela nous apparaît aussi important, les
parties locales devront être d'accord pour entamer les discussions sur un
sujet d'arrangement local de façon à éviter que l'une ou
l'autre des parties ne cherche à obtenir ce qu'elle n'a pu avoir
ailleurs sans que l'autre partie n'y consente. À défaut d'entente
sur une matière donnée, c'est la stipulation agréée
à l'échelle nationale qui s'appliquera.
Certains seront tentés de croire que les CLSC ne désirent
pas la décentralisation à la suite des propositions que nous
venons de vous présenter. Il ne faut cependant pas se méprendre
mais plutôt prendre en considération la situation bien
particulière des CLSC. Tout comme l'adolescence constitue une
étape essentielle entre l'enfance et l'âge adulte dans le
développement de l'être, nous sommes d'avis que l'étape
sous-sectorielle est une voie sage qu'il nous faut emprunter avant d'assumer
pleinement nos responsabilités de négociation et ce, le temps que
les parties locales, tant syndicale que patronale, n'acquièrent
l'expertise et les moyens nécessaires pour ce faire. À ce titre,
procéder par étapes nous apparaît essentiel pour que la
réforme proposée par le gouvernement ait le maximum de chances de
succès dans l'atteinte des objectifs qu'il poursuit et avec lesquels
nous concourons d'ailleurs.
En conséquence, les dispositions contenues dans la sous-section 2
de la
section III du chapitre I relative à la négociation locale
conservent toute leur importance et serviront bien Ies parties locales lorsque
des sujets de négociation locale leur seront dévolus.
Au chapitre de la rémunération, quant à la
volonté du gouvernement de rendre le plus objectives et neutres les
données de base pour la négociation des salaires, nous l'appuyons
totalement puisque cela devrait, encore une fois, améliorer le
système. Conséquemment, la Fédération des CLSC
souscrit à la création d'un Institut de recherche sur la
rémunération. Le fait que cet organisme soit dirigé
paritairement ajoutera plus de crédibilité à ses
observations et. recommandations et préservera sa neutralité.
Quant au principe de la négociation annuelle de la
rémunération, cela nous semble une voie prometteuse vers
l'amélioration du régime. Le fait que les données soient
connues et publiques, que les instruments de mesure soient clairement
établis et que la négociation ne porte que sur une année
laisse présager une meilleure attitude des parties négociantes
qui discuteront à partir d'éléments concrets,
évitant ainsi de se perdre dans d'autres objectifs tels que de se
prémunir contre l'avenir incertain. En quelque sorte, cette
négociation étant distincte de celle des autres conditions de
travail, les enjeux apparaîtront plus clairs et la solution plus facile
à déterminer. (14 h 30)
Puisque cette négociation se déroulera annuellement, nous
concevons que l'avant-projet de loi instaure un échéancier
relativement court de négociation et qu'il donne au gouvernement la
responsabilité ultime, qui lui appartient d'ailleurs, de fixer par
règlement les stipulations relatives à la
rémunération, compte tenu de ses orientations budgétaires
et de la capacité de payer de l'État. À cet égard,
le gouvernement est toujours légitimé d'intervenir pour trancher
un litige et il a dû le faire à plusieurs reprises dans le
passé. Le projet de loi rendra ce recours plus facile et surtout plus
explicite, ce qui n'est pas sans améliorer les règles du jeu.
Actuellement, cette issue naturelle est toujours présentée comme
exceptionnelle et spéciale bien qu'elle ne le soit pas.
Quant au droit de grève et aux services essentiels, tout comme
lors des deux consultations précédentes, la
Fédération des CLSC du Québec n'entend pas remettre en
question le droit de grève dans les secteurs public et parapublic,
étant entendu qu'un tel droit ne saurait exister en matière
d'arrangements locaux. L'on observe actuellement, dans les
établissements de santé et de services sociaux, un changement
marqué dans l'attitude des salariés qui y oeuvrent. Compte tenu
de la nature des services offerts, ceux-ci sont davantage sensibilisés
aujourd'hui à leurs obligations envers les bénéficiaires
et ce, en tout temps.
Sans être une panacée, nous croyons que:
premièrement, la formule de médiation suggérée;
deuxièmement, la révision et la négociation annuelle de la
rémunération et la création de l'Institut de recherche sur
la rémunération; troisièmement, la décentralisation
vers le sous-sectoriel; quatrièmement, la flexibilité qu'auront
les parties locales de convenir d'arrangements locaux sur les aspects de
l'organisation du travail, les mouvements de personnel et les droits syndicaux;
cinquièmement, à moyen terme, une décentralisation
effective vers le niveau local et finalement la possibilité pour les
parties de discuter, de façon permanente, de certaines
problématiques constituent des moyens nouveaux qui pourront avoir pour
effet d'atténuer les conflits en centrant l'énergie des parties
sur la recherche de solutions à leurs problèmes là
où ils se vivent.
Qui plus est, nous croyons que les modifications apportées au
Code du travail relativement aux services essentiels par le chapitre 37 des
lois de 1982 et par le présent avant-projet de loi, notamment en ce qui
concerne les responsabilités et pouvoirs accrus confiés au
Conseil des services essentiels, civiliseront davantage l'exercice du droit de
grève en l'encadrant suffisamment pour que les
bénéficiaires reçoivent, en cas de conflit, les services
que leur état requiert. Soulignons, en passant, que ces
mécanismes, jusqu'à maintenant, expérimentés dans
le secteur du transport à Montréal ont donné des
résultats et contribuent, à notre avis, à civiliser
davantage le processus de négociation.
Comme vous avez pu le constater, à la lecture du présent
mémoire, la Fédération des CLSC du Québec concourt
en grande partie avec les principes contenus dans cet avant-projet de loi sur
le régime de négociation des conventions collectives dans les
secteurs public et parapublic, présenté par le ministre
délégué à l'Administration et président du
Conseil du trésor. Pour l'essentiel, les mesures proposées vont
dans le même sens que celles formulées par la
Fédération des CLSC lors de la récente consultation qu'a
faite le gouvernement sur son document de réflexion intitulé
"Recherche d'un nouvel équilibre".
Il doit se dégager enfin de nos commentaires la conviction que
les négociations dans les secteurs public et parapublic
évolueront essentiellement dans le sens que les acteurs voudront bien,
que progressivement, la négociation décentralisée sera
apprivoisée par les parties afin de redonner aux
intéressés le contrôle sur les choses qui les concernent
mais qu'il serait
illusoire de donner un grand coup de barre sous prétexte que des
correctifs doivent indiscutablement être apportés. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Merci, M.
Sénéchal.
Pour permettre les échanges et dans l'intérêt des
parlementaires, je vais lire l'article 164 de nos règles de
procédure: "Le président partage entre les députés
de la majorité et ceux de l'Opposition le temps que la commission
consacre à chaque personne ou organisme. Sous réserve de
l'alternance, chaque député peut parler aussi souvent qu'il le
désire, sans excéder dix minutes consécutives. " Nul doute
que je peux compter sur votre collaboration. Je cède d'abord la parole
au ministre.
M. Pagé: Je m'excuse, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Lors de la rencontre préparatoire de mardi
dernier, on n'avait pas évoqué cette question spécifique.
Je n'aurais aucune objection à ce qu'en termes de partage du temps on
établisse comme règle initiale peut-être 20 minutes pour le
ministre et 20 minutes pour le porte-parole de l'Opposition et ensuite on irait
à 10 minutes plutôt que de s'enfarger dans des questions de
règlement et de procédure.
M. Clair: Je suis tout à fait d'accord, M. le
Président, mais sous réserve que je puisse céder mon temps
de parole en partie à mes collègues de la majorité
ministérielle.
M. Pagé: Non.
M. Clair: Par après.
M. Pagé: Dans votre enveloppe de 20 minutes initiales?
M. Clair: Dans mon enveloppe de 20 minutes initiales, par
après.
M. Pagé: Par après, après que l'Opposition
soit intervenue.
M. Clair: Si je prends 10 minutes, vous pouvez prendre vos 20
minutes.
M. Pagé: D'accord.
M. Clair: Et je donne les 10 minutes de mon temps à mes
collègues.
M. Pagé: Qu'on s'entend bien ici quand vous manifestez de
la bonne foi!
Le Président (M. Lachance): Bon, si je comprends bien, on
est d'accord sur la procédure pour faire preuve de souplesse. Je
cède immédiatement la parole au ministre.
M. Clair: Oui. M. le Président, juste quelques mots pour
remercier M. Sénéchal et les gens qui l'accompagnent - de la
Fédération des CLSC du Québec - d'abord, d'avoir
accepté pendant tout le processus de consultation que j'ai eu la
responsabilité de mener au cours des derniers mois, d'avoir
accepté de nous rencontrer et de nous communiquer leur point de vue et
de toujours l'avoir fait avec beaucoup d'ouverture d'esprit et de
disponibilité de leur côté en matière de temps.
Puisque le temps est court, je voudrais immédiatement en venir
à l'un des trois grands thèmes qui est traité par le
mémoire de la Fédération des CLSC. Il s'agit de la
question de la rémunération. Il me semble que je ne suis pas
certain de comprendre clairement - on voit qu'il y a un appui
général à une orientation d'une négociation
annuelle de la rémunération. J'ai de la difficulté
à concilier, au milieu de la page 4, où on indique en
introduction que: "... toutefois, certains moyens envisagés, notamment
la suppression du droit de grève au chapitre de la
rémunération, nous apparaissent trop sévères et de
nature à compliquer l'atteinte d'un concensus sur un système
amélioré... " Par la suite, aux pages 17, 18 et suivantes, on
semble accorder un appui à l'idée de rechercher conjointement des
données neutres et objectives pour la négociation. À la
page 18, on indique et je cite: "Puisque cette négociation se
déroulera annuellement, nous concevons que l'avant-projet instaure un
échéancier relativement court de négociation et qu'il
donne au gouvernement la responsabilité ultime, tel qui lui appartient
d'ailleurs, de fixer par règlement les stipulations relatives à
la rémunération, etc. "
J'aimerais être sûr de comprendre la position de la
Fédération des CLSC du Québec là-dessus. Est-ce que
je devrais comprendre que la Fédération des CLSC du Québec
est d'accord avec l'orientation d'un bureau de recherche en
rémunération indépendant mais cependant, considère
qu'un droit de grève annuel sur cette question devrait être
maintenu pour les syndicats des secteurs public et parapublic?
Le Président (M. Lachance): M.
Sénéchal.
M. Sénéchal: Le droit de grève pour ce qui
est de la rémunération doit être maintenu à notre
avis.
M. Clair: Et la négociation se ferait annuellement.
M. Perras (Denis): La négociation se ferait
annuellement...
M. Sénéchal:... selon des échéances
à fixer.
M. Clair: En termes d'évolution des modalités,
est-ce qu'il n'y aurait pas à craindre que l'on ne donne pas beaucoup de
chance à ce nouveau système de produire des résultats
satisfaisants pendant une, deux ou trois années et que l'on connaisse
annuellement le rapport de forces qu'on connaissait antérieurement
à tous les trois ans dans le système actuel et que de cette
manière-là, on mine les chances de réussite d'un institut
de recherche en rémunération, en termes de rapprochement des
parties?
Il faut bien comprendre l'objectif fondamental du gouvernement en
matière de rémunération. C'est celui de réduire,
autant que faire se peut, les écarts qui séparent
traditionnellement les parties au moment de la négociation, et que le
travail d'un institut de recherche en rémunération soit utile
dans ce sens-là, sur la base toujours de la comparabilité en
termes de rémunération dans le secteur public par rapport au
secteur privé. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de
réfléchir à cette question.
M. Perras: Mais le problème, comme vous le posez, c'est de
ne pas prendre en considération, selon nous, tous les avantages
qu'apportent les nouvelles règles, notamment la mise en place de
l'institut et la publication d'un rapport annuel. Le fait que la
négociation se déroule également à tous les ans,
fera en sorte que la partie syndicale n'essaiera pas de se prémunir
contre un avenir incertain et négocier sur des choses qui se
dérouleront dans un environnement qui est absolument inconnu de telle
sorte que le fait que l'entente ne dure qu'une année, on
considère que c'est une amélioration très importante qui
devrait réduire, d'une certaine façon, l'importance de l'enjeu du
contrat. Le contrat ne dure qu'un an.
Ces deux aspects, quant à nous, nous apparaissent contenir des
bénéfices absolument importants qui réduiront
l'éventualité d'une grève annuelle. Bien sûr, on
peut dire: S'il y a négociation à tous les ans, si le droit de
grève est maintenu durant la négociation, il va y avoir une
grève à tous les ans. Ce n'est pas nécessairement le cas.
Je pense que là aussi, c'est oublier l'énergie, si l'on veut, que
cela peut prendre pour mobiliser tout le secteur public et parapublic pour
effectivement faire une grève. On ne pense pas que cela puisse
raisonnablement se produire tous les ans.
Il y a un autre élément, je pense, qu'il faudrait ajouter:
On considère, à notre point de vue, que le gouvernement est
légitimé, en bout de ligne, de prendre une décision. Si on
instaure vraiment un mécanisme de négociation avec la partie
syndicale, il n'est pas très réaliste de penser que même si
le droit de grève est enlevé, que si, effectivement, il y a des
enjeux très importants, du point de vue de la partie syndicale, il n'y
aura pas déploiement de moyens de pression pour faire en sorte que le
gouvernement, dans sa décision, fasse droit aux demandes des
syndicats.
Alors, ce qu'on se dit, c'est s'il y a un temps de négociation
qui est prévu, que durant ce temps, on maintienne les règles
actuelles de la négociation.
M. Clair: Parce que vous avez suffisamment confiance à
l'efficacité des autres mécanismes pour que le travail de
l'Institut de recherche en rémunération soit vraiment utile pour
l'objectif qui serait créé, soit de réduire les
écarts. C'est ça, dans le fond?
M. Charlebois (Maurice): Dans le fond, c'est ça. 11 faut
vraiment se rendre compte que c'est un pas de géant, si l'institut voit
le jour et si les parties acceptent de jouer le jeu. C'est un pas de
géant qu'on sorte à tou3 les ans des études sur la
rémunération, pilotées par un comité paritaire.
M. Clair: D'accord. J'aimerais maintenant aborder la question de
la décentralisation et de la négociation locale. Votre
fédération se prononce en faveur de ce qu'elle appelle, je pense,
dans le texte, une décentralisation sous-sectorielle - j'y reviendrai
tantôt - mais ne va pas très loin sur le plan de la
décentralisation au niveau local.
Je ne vous cache pas que certains faits qui sont rapportés dans
votre mémoire me semblent militer à rencontre de l'argumentation
que vous développez et je m'explique là-dessus.
Vous dites, par exemple, à la page 6 -ce qui est fait, je pense -
"Les CLSC sont des établissements de petite taille dont le mode de
fonctionnement est à la fois diversifié - c'est important, c'est
un fait -et original. Ils poursuivent des objectifs de souplesse au niveau de
leurs services, de façon à bien les harmoniser avec les besoins
de la population qu'ils desservent. "
Peut-être, dans l'intérêt de tous les parlementaires,
qu'il serait utile de faire état de la constitution du nombre de
personnes employées dans un CLSC moyen, d'une part. D'autre part, il me
semble que dans la mesure où on fait état, justement, de cette
très grande diversité de la nécessité de
répondre aux besoins de la clientèle avec souplesse et dans tout
près de 130 CLSC, si je ne fais pas erreur, un réseau qui devient
l'un des plus importants dans le domaine des services sociaux.
Est-ce qu'il ne s'agit pas là d'un argument de fait qui milite en
faveur d'une décentralisation plus poussée au niveau local, alors
que vous vous arrêtez, dans votre démarche, à proposer une
décentralisation sous-sectorielle?
Dernière sous-question: Est-ce qu'il n'y aurait pas un risque, je
dirais, que se sous-centralisent les négociations et que, finalement, la
souplesse recherchée en termes d'organisation du travail, le mouvement
de personnel et autres sujets ne se fassent pas réellement très
rapidement, mais qu'on fasse simplement déplacer le niveau de
centralisation d'une table centrale vers une table sous-sectorielle?
M. Sénéchal: Je pense que ce serait mal comprendre
notre position que d'interpréter que nous voulons nous arrêter au
niveau sous-sectoriel. On veut se donner des garanties d'effectuer une
décentralisation au plan local, mais dans de bonnes conditions, compte
tenu des problèmes qu'on énumère et qui sont, par exemple,
le fait qu'on ait peu de ressources qui sont actuellement affectées dans
ce secteur, à l'intérieur des CLSC et que le personnel cadre, par
exemple, est très réduit et a peu de ressources également
au plan financier. (14 h 45)
Effectivement, vous avez raison de dire qu'il y a un besoin de
souplesse; c'est ce qu'on reproche au processus actuel de négociation de
ne pas nous assurer au bout de la ligne des conditions qui sont suffisamment
souples et adaptées au plan local. Mais il nous semble qu'il y a moyen
d'aménager une décentralisation qui va correspondre à la
fois aux capacités et à la volonté des CLSC de'
décentraliser la négociation. Pour des CLSC qui se sentiraient
capables et qui sentiraient la nécessité d'aménager des
conditions qui sont négociées au plan sous-sectoriel, ils
pourraient le faire, selon les mécanismes que nous proposons, selon les
mécanismes avec lesquels nous sommes d'accord. Mais ce que nous voulons
éviter, finalement, c'est qu'on ne rencontre pas dans un processus de
négociation les objectifs qu'on poursuit par une
décentralisation. Ce serait le cas si, effectivement, on rendait
immédiatement les parties locales complètement responsables de
négocier des ententes sans leur donner les effectifs et les ressources
pour ce faire.
M. Léveillée (Yves): Personnellement, je dirige un
CLSC dit moyen, une centaine de personnes et, avec moi, j'ai deux autres
cadres. Si on avait cette responsabilité du jour au lendemain, ou je
ferais affaire avec une firme extérieure, ce qui n'est pas l'objectif,
surtout si l'objectif est une participation, une adaptation locale pour
négocier une convention collective plutôt que... Je ferais
probablement affaire avec une firme extérieure plutôt que de
laisser partir un cadre et de le mettre là-dessus, je ne pourrais pas
continuer à bien gérer l'organisation.
C'est là qu'on est. C'est plus un aspect pratique. On dit:
Donnez-nous du temps, on sera capable de le faire éventuellement, mais,
pour l'instant, on n'est pas en mesure de le faire.
M. Clair: D'accord. Avant de passer aux arrangements locaux ou
à la négociation locale, du point de vue de la
Fédération des CLSC, quels seraient les sujets ou les objets de
décentralisation sous-sectorielle?
M. Charlebois: Ce sont toutes des questions
générales. Sans énumérer les clauses des
conventions collectives, ce sont des questions relatives à
l'organisation du travail, l'organisation syndicale, mobilité du
personnel, affichage, etc.
M. Clair: II s'agirait des termes qui sont déjà
prévus dans l'avant-projet de loi, mais qui se retrouveraient davantage
au niveau sous-sectoriel plutôt qu'au niveau local?
M. Charlebois: C'est ça.
M. Clair: D'accord. Maintenant, venons-en aux arrangements locaux
dont vous traitez. L'avant-projet de loi, dans le fond, s'inspire du concept de
la négociation permanente au niveau local assises sur le statu quo
actuel du contenu des conventions collectives afin de permettre, justement,
d'éviter que, tous les trois ans, tout soit renégocié et
que chacun ait l'impression de repartir à zéro. On parlait
déjà d'un budget zéro, mais repartir d'une convention
zéro. Comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer ce matin, en compensation
du droit de grève qui n'existerait pas au niveau local, il y aurait,
d'une part, je dirais, maintien du statu quo en termes de contenu, et
également la possibilité de faire intervenir un médiateur
arbitre.
J'aurai un commentaire et deux questions. Le commentaire sera le
suivant. Je craindrais que dans la mesure où on ne maintient pas le
droit de grève, qu'il n'y a pas de droit de grève au niveau local
et que l'employé salarié n'est pas assuré que, par votre
mécanisme de dénonciation d'au moins 90 jours que vous avez
expliqué tantôt... je craindrais que, à ce
moment-là, on ne fasse pas disparaître cette mentalité,
justement du "à tous les trois ans, tout est remis en cause" et qu'on
s'éloigne du concept de la négociation permanente pour retomber
dans le bon vieux système peut-être d'arrangements locaux, me
direz-vous, mais qui, vu qu'il serait remis en cause une fois
tous les trois ans, aurait tôt fait de reconduire à
l'affrontement et au processus traditionnel.
Mes deux questions sont les suivantes. La première, qu'est-ce qui
différencie fondamentalement, en termes d'objectif, la proposition que
vous faites en termes d'arrangement local par rapport à la
négociation permanente, tel qu'elle est proposée dans
l'avant-projet de loi. Autrement dit, qu'est-ce que vous recherchez par cela?
En quoi la mécanique proposée dans votre mémoire vous
apparaît-elle plus avantageuse que celle qui est proposée?
Deuxièmement, actuellement sur le plan local, c'est un fait connu que
les conventions collectives dans le secteur de la santé et des services
sociaux sont surtout, dit-on, alignés en fonction des centres
hospitaliers qui dominent le CPNAS - le Comité patronal de
négociation - et, du côté syndical, cela est
évident, la Fédération des affaires sociales, qui a
surtout des membres dans le secteur hospitalier, domine, elle aussi, en termes
d'importance numérique et d'enjeu de sorte que les CLSC ne font que
l'objet d'une annexe, si ma mémoire est fidèle, à la
convention principale. D'ores et déjà dans le système
actuel, fait-on des arrangements locaux même si, en vertu de l'esprit des
conventions, c'est non légal pour ne pas dire illégal? Si oui,
sur quel sujet, sur quelle matière. S'il s'en fait déjà -
et là je reviens à la décentralisation vers le niveau
local -en quoi, si, d'ores et déjà, il se fait des arrangements
locaux sur le plan légal qui ne sont pas prévus par les
conventions, serait-il plus difficile d'avoir le pouvoir de le faire dans
l'avant-projet de loi alors que, sans avoir le pouvoir, vous le faites
déjà, si je me fie à ce qu'on me dit?
M. Charlebois: Je dirais qu'il y a différents
éléments dans cela. À la question précise: Se
fait-il des arrangements locaux dans les CLSC? Il s'en fait mais, cependant,
pas des tonnes. Comme catégories d'établissements, il s'en ferait
possiblement moins que dans d'autres. Effectivement, faire des arrangements
locaux dans le contexte actuel, c'est illégal, de telle sorte qu'il n'y
a pas une propension à en faire puisque, à
l'échéance de la convention collective ou au renouvellement, ces
arrangements peuvent continuellement être défaits ou
dénoncés.
Pourquoi un arrangement plutôt que négociation locale?
Parce que, après une longue réflexion, on veut se diriger vers la
négociation locale. On vous propose une espèce de virage en
douce. Vous avez posé des questions tantôt sur ce qu'est le CLSC
et sur son organisation. Il ne faut jamais le perdre de vue. C'est une
organisation qui est en développement. Il n'y a pas beaucoup de
personnel d'encadrement et les gens qui sont là n'ont pas
été embauchés pour faire des relations du travail, prendre
en charge la négociation collective sur une liste de sujets qui peut
être assez considérable avec deux, trois ou quatre syndicats. Cela
ne veut pas dire que cela ne peut pas se faire éventuellement, mais il
faut apprivoiser cela. Dans les CLSC, il faut, d'une part, je dirais,
établir une espèce de convention type qui se rapproche plus de
nos problèmes. Ce qui est inscrit dans l'avant-projet de loi c'est qu'on
a le statut quo comme base, mais il faut bien comprendre que c'est le statu quo
hospitalier. Il ne correspond pas nécessairement à la
réalité désirée par les CLSC. On se dit! Allons-y!
Dans un premier temps, faisons une convention collective qui corresponde
à notre catégorie d'éta-blissements! Ce sera
déjà un pas très important vers la
décentralisation. On aura une espèce de convention
maîtresse pour les CLSC. Le réseau des CLSC, au début des
consultations, si vous vous souvenez au mois de mai, résistait aux
négociations locales, ne voulait pas se rendre jusqu'à cette
étape. Après une réflexion qui s'est faite quand
même dans les derniers mois, on arrive à la conclusion
qu'effectivement, il y a lieu de mettre les parties en présence et de se
rendre à la négociation locale. C'est pour cela qu'on est
arrivé avec la proposition d'arrangement. La proposition d'arrangement
ouvre la discussion au niveau local, si les parties sont d'accord, sur une
foule de sujets. Cela sera très certainement l'occasion
d'expérimenter la négociation, de se dessiner des clauses qui
correspondront aux besoins et aux réalités. Comme on l'indique
également dans le mémoire: dans une étape
ultérieure, les parties au niveau sous-sectoriel... Il y a des
matières comme, par exemple, l'administration des listes de rappel,
où c'est pratiquement impossible de faire une disposition provinciale.
Les parties au niveau local feront des arrangements assez rapidement et les
parties provinciales évacueront ce champ et le laisseront au local.
En conclusion, je répète que c'est un virage en douce
qu'on vous propose et qui vise à tenir compte des ressources actuelles
des CLSC. Il ne s'agit pas uniquement des ressources financières; il
s'agit des ressources humaines. Les gens qui sont là n'ont pas
été embauchés pour faire la négociation de
conventions collectives. Je rappelle que dans un CLSC, il n'y a
généralement qu'une seule personne à l'administration qui
a à couvrir tous les aspects: gestion financière, gestion
matérielle et gestion de personnel. La gestion financière dans
les CLSC souffre de la même lourdeur, je dirais, que dans les centres
hospitaliers. Ce sont les mêmes lois, les mêmes règlements,
le même environnement réglementaire en somme. C'est très
lourd et, demain matin, les CLSC ne sont pas capables de prendre cela en
charge.
M. Clair: Merci. Je voudrais passer au troisième sujet que
vous avez abordé, c'est-à-dire la question des services
essentiels et la question du droit de grève. Bien des gens qui prennent
connaissance de votre mémoire seraient portés à penser:
Ah! Voilà une fédération d'employeurs, donc sûrement
favorable à l'abolition du droit de grève dans le secteur de la
santé et des services sociaux. C'est ce à quoi bien des gens
s'attendent normalement. Tel n'est pas le cas. Vous ne proposez pas de remettre
en cause le droit de grève dans le domaine de la santé et des
services sociaux. Est-ce que cette position est assise sur la conception, non
pas limitée au sens péjoratif, mais, autrement dit, est-ce que
votre position s'applique uniquement au réseau des CLSC ou si elle vise
l'ensemble des services de santé et des services sociaux, d'une part?
D'autre part, en ce qui concerne les services essentiels, dans quelle mesure et
quels sont -même si je sais qu'on ne peut pas en faire une
énumération détaillée ici, aujourd'hui -mais dans
votre esprit, en termes de concept, quels sont les services essentiels à
la population dans les services que vous offrez et quels sont ceux qui ne le
sont pas? Comment pouvez-vous distinguer ce qui représente des services
essentiels de ceux qui n'en sont pas dans un réseau comme celui des
CLSC? Voilà mes deux questions en ce qui concerne cette partie de votre
mémoire.
M. Sénéchal: Je laisserai à d'autres le soin
de répondre à la deuxième question. Quant à la
première question, il est sûr que la position qu'on défend
dans notre mémoire vaut pour l'ensemble du réseau.
M. Clair: Le réseau des affaires sociales et de tout le
secteur public?
M. Sénéchal: De tout le secteur public. Cela
s'appuie sur les raisons suivantes qu'on précise dans notre
mémoire. Vous disiez tout à l'heure que le fait qu'on ne propose
pas l'abolition du droit de grève fait de nous une partie patronale un
peu curieuse ou un peu bizarre dans le contexte.
M. Clair: Je n'ai pas affirmé cela. J'ai dit que des gens
peuvent se poser des questions.
M. Sénéchal: C'est peut-être dû au fait
aussi que, dans les CLSC, on a appris à développer une approche
préventive. Ce qu'on dit en matière de relations du travail,
c'est un peu la même chose. Ce qu'on dit, c'est que, si on
améliore les conditions dans lesquelles se font les négociations,
cela a une chance d'avoir un impact sur ce qui peut se passer au terme d'une
négociation comme moyen de pression ultime. Ce que je veux dire, c'est
que, si on améliore et, il y a plusieurs moyens prévus dans
l'avant-projet de loi pour améliorer ce processus de négociation,
on pense que ces conditions vont avoir un impact sur les négociations et
vont diminuer d'autant le recours au droit de grève. C'est une
première raison.
Une deuxième raison, c'est que je ne sais pas si c'est dû
au fait que les travailleurs et travailleuses des CLSC oeuvrent auprès
de la population et qu'ils ont à rendre compte à cette
population, mais il reste qu'au cours des dernières années, on
s'est aperçu que la mentalité avait beaucoup changé et que
ce n'est pas très souvent qu'on a recours au droit de grève,
particulièrement dans les CLSC. (15 heures)
Je pense que c'est aussi une attitude pratique qui nous inspire et qui
explique pourquoi on ne fait pas de bataille sur le principe du droit de
grève. Ce qu'on se dit, en pratique, c'est qu'on pourrait bien avoir une
législation pure, mais qu'il y aura des grèves et qu'il y aura
probablement encore des grèves illégales. Ce qu'on
prétend, nous, c'est qu'il vaut mieux travailler - c'est ce qu'on vous
suggère - sur des conditions qui vont faire qu'on aura le moins possible
recours à cet exercice ultime du droit de grève qui peut arranger
les choses. Si on ne fait pas porter notre attention principalement
là-dessus, ce qui arrivera finalement c'est qu'on aura, comme on en a
eu, les pires grèves qu'on connaisse. Ce sont des grèves
illégales et le poids social de ces grèves illégales est
encore beaucoup plus lourd, à notre avis, qu'une grève qui se
fait dans les règles et dans le cadre d'un droit de grève aussi
dont les règles sont précises et mieux
réglementées. Enfin, c'est une attitude pratique qui nous inspire
à ce niveau-là. Sur la deuxième...
M. Charlebois:... pratique et stratégique...
M. Sénéchal: Oui, c'est cela.
M. Charlebois:... vouloir modifier plusieurs règles du jeu
et que les nouveaux mécanismes qu'on introduit fassent appel à la
bonne foi des parties, forcément, dans un régime de relations du
travail, à la collaboration aussi, eh bien, concentrons-nous
là-dessus. C'est un peu d'ailleurs ce qu'on vous avait transmis comme
réaction au printemps dernier et qu'on veut véhiculer ici encore
une fois.
Il y a aussi une autre considération qui n'a pas
été mentionnée et ce sont les nouvelles dispositions de la
Loi sur les services essentiels, loi adoptée en 1982, qui n'ont jamais
été appliquées dans le secteur des affaires sociales, de
telle sorte que ce
que nous maintenons comme point de vue, c'est qu'on devrait tenter de
fonctionner avec le système de détermination des services
essentiels. Parce que bien qu'on dise que le droit de grève devrait
exister, il faut se rappeler qu'on maintient que la Loi sur les services
essentiels est là, que la commission est là et qu'il y aura
détermination des services essentiels. Donc, les règlements,
d'ailleurs, qui devraient être adoptés dans le secteur des
affaires sociales, ne l'ont pas été et on n'a pas puexpérimenter dans le secteur des affaires sociales ce qui a
été expérimenté ces dernières années
dans d'autres domaines d'activité comme le secteur municipal ou le
secteur du transport en commun. On doit bien admettre que, dans ces domaines,
bien que la grève reste un événement indésirable,
les grèves ont été plus "tolérables", entre
guillemets, ces dernières années. Donc, que ces nouvelles
dispositions s'appliquent dans le secteur des affaires sociales, et on
verra.
M. Clair: Cela vous paraît possible dans le réseau
des CLSC de déterminer ce qui est un service essentiel et ce qui ne
l'est pas.
M. Charlebois: Oui, comme il a été mentionné
tantôt, il n'y a pas eu, dans le réseau des CLSC - contrairement
peut-être à ce que certains auraient pu penser - de grèves
importantes et il n'y a pas eu non plus de difficulté dans le
réseau des CLSC à déterminer les services essentiels,
à déterminer les listes. On n'a pas eu non plus de grèves
sauvages, de grèves illégales de telle sorte que nous nous
situons dans un environnement où on considère que nous devrions
améliorer les règles du jeu, mettre le paquet pour
désynchroniser la négociation, pour multiplier les lieux de
discussion, rapprocher la discussion, pour les parties qui sont en
présence, des lieux de travail, etc. Faisons ce virage d'une
façon sérieuse. Faisons-le en douce, en fonction de nos
capacités, et on améliorera le régime. On arrivera
très certainement à ce nouvel équilibre qui est tant
recherché.
M. Clair: Je vous remercie.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. D'abord, je
voudrais remercier M. Sénéchal et ses collègues du
mémoire qu'ils nous ont présenté aujourd'hui. Vous
représentez la Fédération des CLSC du Québec, CLSC
qui, comme on le sait, ont été implantés à la suite
de l'adoption de la loi 65 de 1971 et qui s'inscrivaient directement dans une
dotation de services de santé et de services sociaux à la
population, plus particulièrement au niveau des régions.
Je peux témoigner, aujourd'hui, comme député
siégeant à l'Assemblée nationale depuis bientôt
douze ans, de l'importance des CLSC dans la vie des citoyens et des citoyennes
du Québec. Vous avez fait allusion à quelques reprises dans votre
mémoire au caractère spécifique en termes d'objectifs,
d'activités et de services d'un CLSC à l'autre. Ce serait mal
connaître cette structure des services de santé au niveau de la
première ligne que d'ignorer cet état de fait. Vous vous fondez
sur cette distinction pour plaider la cause ou votre requête ou votre
position au regard d'une négociation que vous voulez plus
décentralisée possible et nous y souscrivons.
Dans votre mémoire, vous êtes donc en accord avec ce qui
est évoqué au chapitre de la décentralisation, vous
êtes en accord avec le mode de détermination de la
rémunération ainsi que la mise sur pied d'un institut de
recherche. Vous êtes d'accord avec une négociation annuelle, pour
ne pas dire continue, de la rémunération à partir des
paramètres qui sont indiqués dans le projet de loi bien que vous
souhaitiez, et j'en suis surpris, que ce droit de grève soit annuel, que
l'exercice du droit de grève puisse être utilisé
annuellement.
Vous vous dites, enfin, d'accord avec les différentes formules de
médiation qui auront évidemment comme objectif de prévenir
des conflits. Cependant, vous indiquez vos réserves et vos
réticences à ce que les comités sous-sectoriels doivent
requérir leur mandat du Conseil du trésor. C'est là un
volet qui est important. Quant à moi, je pensais que le ministre, ce
matin, profiterait de son intervention d'ouverture pour définir ou
répondre à la question qui a été posée
à plusieurs reprises depuis le mois de décembre, à savoir:
Dans l'esprit du gouvernement du Québec et, particulièrement, du
président du Conseil du trésor, jusqu'où va la notion de
rémunération? Que comprend la rémunération? Vous
avez abordé cela.
Comme première question, j'aimerais vous demander quelle est
votre perception de la définition de la rémunération. On
sait que cela risque d'avoir des effets sur ce qui sera négocié
à l'intérieur de la décentralisation. Quelle est votre
perception? Comment la définissez-vous? Aussi et surtout, comment
concilier cette définition avec les réserves que vous exprimez au
regard des mandats à aller chercher et vraiment quérir du Conseil
du trésor?
M. Charlebois: Pour la définition de la
rémunération, ce qu'on pourrait avancer c'est évidemment:
salaires, primes et principaux régimes d'avantages sociaux. Comment
concilier cela maintenant avec le fait qu'on pense qu'on ne devrait pas
requérir du Conseil du trésor tous les mandats? Il faut
se rapporter à d'autres dispositions de la toi qui sont
reconduites et qui existent déjà dans la loi 55 - je pense que
c'est le numéro actuel de la loi - selon lesquelles, lorsqu'un
comité patronal est créé, il y a un protocole qui est
établi, il y a une entente qui est établie entre le gouvernement
et l'association. L'entente porte sur les matières qui sont
réputées, aux fins de décision, appartenir à l'une
ou l'autre des parties de telle sorte que ce qu'on considère c'est
qu'une fois que cette entente est établie, on devrait déjà
avoir disposé de la question de savoir sur quoi le Conseil du
trésor a un mot à dire.
Les autres matières qui sont réputées être de
prépondérance - on appelle cela des matières sur
lesquelles le vote prépondérant appartient aux associations - sur
ces autres matières, on ne voit vraiment pas pourquoi il faudrait aller
requérir un mandat du Conseil du trésor. Je pense, par exemple,
à l'aménagement des horaires de travail.
C'est un peu en ce sens... Cette réserve que nous mettons dans
notre mémoire doit se comprendre à la lumière des autres
dispositions de la loi et elle doit se comprendre à la lumière de
cette entente, finalement, qui est établie entre le gouvernement et les
associations ou chacune des associations s'il y a des sous-comités.
M. Pagé: Si je comprends bien, ce que vous
considérez comme devant être négocié au niveau de la
décentralisation, ailleurs qu'au niveau des tables centrales, ça
se limiterait à ce qu'on pourrait qualifier de normatif léger,
c'est-à-dire l'organisation du travail, les droits syndicaux, en fait
comme c'est indiqué dans le projet de loi. Tout le reste...
M. Charlebois: II y a d'autres sujets. On peut penser au
régime de retraite. Par exemple dans le projet, toutes les
matières autres que la rémunération qu'on a définie
un peu tantôt, sont remises au sous-sectoriel. Les organismes ou les
comités patronaux sous-sectoriels peuvent négocier
eux-mêmes ou former un cartel, parce que la loi le prévoit et on
est d'accord avec ça, sur certaines matières. Dans l'ensemble de
ces matières, il y a du léger et du lourd. Il y a des
matières sur lesquelles il y a un vote prépondérant qui
appartient aux associations ou au Conseil du trésor, selon une entente.
Il y a une entente qui crée le comité. Une fois que l'entente est
établie, pourquoi le comité retourne-t-il continuellement au
Conseil du trésor? C'est un peu ça, notre point de vue.
M. Pagé: Cela permet de mieux définir ce que vous
avez cité dans votre mémoire et je vous en remercie.
Vous avez évoqué à plusieurs reprises la
décentralisation au niveau sous-sectoriel en plaidant et en soutenant
que les CLSC se distinguent des autres établissements du réseau,
des autres éléments de la structure. Compte tenu du
caractère distinctif d'un établissement, d'un CLSC par rapport
à un autre, c'est évident qu'on prenne dans la région de
Québec, le CLSC de la Basse-Ville et le CLSC de Portneuf, c'est bien
différent. Le CLSC de la Basse-Ville comprend peut-être cinq ou
six établissements hospitaliers, et je ne sais combien de cliniques
externes et de cliniques médicales sur son territoire. Le
côté dit social est davantage développé que le
côté santé. C'est explicable et c'est normal qu'il en soit
ainsi.
Par contre, dans d'autres régions du Québec, parce qu'il
n'y a pas seulement les centres urbains au Québec, il n'y a pas
seulement Québec et Montréal, Sherbrooke, Trois-Rivières
et Laval, la priorité a été mise davantage sur la
santé. À cet égard, ne croyez-vous pas qu'il serait
préférable d'envisager une décentralisation au niveau des
régions plutôt que des secteurs où les CLSC, au niveau
d'une région, pourraient voir jusqu'où leurs activités
s'intègrent avec tout le reste des services sociaux dispensés au
niveau de la région et les services de santé? Il faut convenir
aussi qu'au niveau des régions, il y a une distinction qui se fait
naturellement en termes de besoins. C'est évident que dans la
région de Québec, dans l'agglomération de Québec,
on n'a pas les mêmes problèmes, par exemple, au niveau de la
prévention, qu'on peut avoir dans les régions forestières,
dans les régions minières, etc. J'aimerais bien vous entendre sur
votre perception si on décentralisait au niveau des régions
plutôt qu'au niveau des secteurs.
M. Sénéchal: Je ne vous cache pas que cette
hypothèse de la régionalisation, de négociation au plan
régional, c'est une hypothèse qui a été
avancée et étudiée lorsque l'ensemble des CLSC du
Québec se sont rencontrés pour voir quels avis formuler dans le
cadre des consultations qui ont été faites au printemps dernier.
Cependant, ce qu'il faut savoir, c'est qu'à ce niveau-là il y a
peu de structures, peu d'outils existants. C'est quelque chose qui peut
être envisagé mais on s'est rabattu finalement, lorsque est
arrivé le temps de décider des hypothèses à
privilégier, sur des outils et des structures qui existaient
déjà.
Les CLSC sont donc déjà regroupés à
l'intérieur de la fédération. C'est là un
mécanisme qu'ils utilisent déjà pour les
négociations actuelles. C'est une avenue tout à fait nouvelle,
qui n'est pas à exclure pour le futur mais il reste qu'actuellement, si
on voulait quand même respecter les choses qui étaient
déjà là, les outils existants, il nous semblait plus
pratique et plus réaliste, à court et à moyen termes, de
privilégier une négociation à l'intérieur de la
fédération et
sur un plan provincial. (15 h 15)
M. Léveillée: Je pense qu'on peut dire aussi - si
on peut ajouter à cela - que, nécessairement, si on arrive
à une déconcentration, à une décentralisation
locale, il va certainement y avoir des regroupements régionaux qui vont
se faire automatiquement. C'est parce qu'on part d'une très grande
centralisation et qu'on s'en va vers le local, mais, même localement, on
va avoir certainement entre CLSC le même environnement pour se regrouper
et pour espérer des conventions semblables qui répondent aux
besoins qu'on a.
M. Charlebois: D'ailleurs, j'ajouterais que les dispositions de
la loi sur les arrangements locaux, c'est-à-dire les propositions qu'on
fait pour les arrangements locaux - on emploie "locaux" ou "régionaux"
il va très certainement y avoir des regroupements régionaux. Je
pense, par exemple, aux frais de déplacement, pas aux frais, mais aux
procédures pour calculer les déplacements. Très
certainement que les gens des régions éloignées comme en
Gaspésie, en Abitibi ou sur la Côte-Nord, vont tous être aux
prises, quand ils voudront faire des arrangements, avec des situations
semblables et, assez spontanément, ils vont se réunir et ils vont
essayer d'élaborer une espèce de canevas ou de position qui va
être semblable. Pour les gens des régions urbaines, la
problématique va être complètement différente. Ce
que nous faisons, c'est de tenir exactement le même raisonnement pour la
négociation locale ou la négociation régionale. Une fois
que les conventions collectives se seront adaptées le plus possible
à la réalité de la catégorie
d'établissement, la dynamique des aménagements et,
éventuellement, de la négociation locale, va faire en sorte que
ce sera local ou... non pas régional, mais par type
d'établissement, soit urbain soit rural. Il n'y a rien qui interdit cela
dans les dispositions de l'avant-projet de loi.
M. Pagé: C'est ce qui est souhaitable dans une perspective
de décartelliser - si je peux utiliser le terme - et d'en remettre le
plus possible aux instances locales ou sectorielles.
Je dois vous dire que j'ai été surpris de la position que
vous adoptez au regard du droit de grève. Tout comme le ministre a eu
l'occasion de le signaler, vous représentez un groupe dit patronal. Vous
avez une réaction qui est peut-être le résultat de
l'habitude ou du fatalisme quand vous dites: Ce n'est pas parce que le droit de
grève sera enlevé qu'il n'y aura plus de grève
illégale. Vous savez, il y a certainement des moyens pour faire en
sorte, à la lumière soit de consensus, soit de lois, soit
d'ententes, que, si le droit de grève est enlevé dans certains
secteurs, il n'y en ait effectivement pas, parce que ce serait, finalement,
manquer complètement l'objectif. La position que vous adoptez est
certainement le résultat d'une consultation que je présume la
plus large possible auprès de tous vos établissements.
Sans vouloir - et je veux être bien clair - miner la
crédibilité de la position que vous adoptez, pourriez-vous
m'indiquer s'il y avait une tendance différente selon que
l'établissement avait comme vocation principale les services sociaux par
rapport à d'autres établissements qui, comme je vous le disais au
début, entre autres, dans mon comté, mettent davantage l'accent
et dont les budgets, les orientations et les activités sont, finalement,
davantage orientés vers les services de santé que les services
sociaux?
M. Sénéchal: Ce que je peux dire là-dessus,
en tout cas pour ma part, c'est que la majorité des CLSC sont des
établissements qui, dans la pratique, privilégient, si on veut,
l'aspect santé à l'aspect social pour la simple raison que les
CLSC sont peu développés au plan socio-communautaire. Il y a donc
une préoccupation. Actuellement, la préoccupation des CLSC est
majeure dans ce domaine parce que le gros de leurs effectifs sont des effectifs
de santé. C'est toute une bataille que nous menons maintenant pour que
les CLSC soient mieux outillés pour répondre à l'ensemble
des besoins de la population, et vous êtes sans doute au courant. Ce que
je peux dire, c'est que sur le processus même de consultation, c'est,
comme vous dites, la majorité des établissements qui a
été prévue. Il n'y a pas, sur le droit de grève,
deux et trois tendances. Très majoritairement, dans l'ensemble des CLSC,
l'ensemble de nos membres étaient pour la position qui vous est
présentée dans notre mémoire.
M. Charlebois: Une question nous a été posée
tantôt par le ministre et à laquelle on n'a pas répondu. Il
voulait savoir quels étaient les services que nous considérions
essentiels. Il faut toujours se rappeler que ce que nous... Bien sûr, on
ne demande pas l'abolition du droit de grève, mais on indique dans notre
mémoire qu'on s'inscrit dans les règles du jeu qu'on
connaît maintenant. Et les règles du jeu qu'on connaît
maintenant, c'est qu'il y a détermination de services essentiels. La
totalité des CLSC administrent le programme de maintien à
domicile. Pour la majorité des CLSC, ce programme est un programme
absolument névralgique et dans lequel il devrait y avoir un minimum ou,
même, pas de perturbation de service. Cela, c'est la position que les
CLSC tiendraient devant la commission des services essentiels au moment
où, si les règles n'étaient pas changées, elle
déterminerait les règlements
s'appliquant dans le secteur des CLSC.
M. Pagé: Vous venez de prendre, et je l'apprécie,
un exemple particulier: les services à domicile. Tout le monde est
unanime à constater au Québec que les budgets consentis aux
centres locaux de services communautaires, dans le cadre du programme de
services à domicile sont bien peu, comparativement aux besoins nombreux.
Là se pose toute la problématique des CLSC qui ont un territoire
juridictionnel qui est très vaste avec des distances à parcourir,
etc.
Dois-je comprendre que la perception que vous en faites c'est que dans
le réseau actuellement, compte tenu des ressources que vous avez, les
services à domicile doivent être considérés... la
représentation que vous faites, c'est que le tout est essentiel et qu'il
ne doit y avoir aucune coupure de personnel dans un service comme
celui-là. Est-ce cela?
M. Charlebois: Assez spontanément, si on consultait les
CLSC pour déterminer une position devant la commission, si, ce serait la
position des CLSC. D'ailleurs, lorsqu'on a déterminé des listes
dans le passé, soit par négociations ou autrement, habituellement
dans les services à domicile, assez spontanément, même les
syndicats n'y touchaient pas.
M. Pagé: Ce qui est regrettable c'est que M. Chevrette ne
soit pas ici, cela aurait peut-être pu contribuer à le
sensibiliser à la faiblesse des budgets.
M. Charlebois: II y a un phénomène important. Par
exemple, dans un programme comme le maintien à domicile, les
employés: infirmières, médecins, auxiliaires familiaux
font des visites à domicile chez des gens et, contrairement,
peut-être, à ce qui peut se produire dans un milieu hospitalier
où ce n'est pas un roulement, où la durée
d'hospitalisation est d'une journée, deux journées, il y a des
attaches qui se développent. Laissez nous vous dire que,
spontanément, les syndicats, les employés, avec leur association
syndicale, ne déclencheront pas facilement une grève dans ce
domaine.
Pour toutes ces raisons qui existent dans le milieu des CLSC, c'est un
contexte très particulier qui n'existe peut-être pas dans un autre
milieu parce qu'on n'est pas dans un environnement qui va faciliter cette
relation qui va se développer.
M. Pagé: Le sentiment d'appartenance au besoin, ce n'est
pas partout dans le réseau.
M. Charlebois: "Imputabilité" à l'égard des
personnes.
Une voix: Elles se sentent responsables. M. Pagé:
Merci.
Le Président (M. Lachance): La parole est maintenant au
député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais vous
faire préciser davantage vos positions sur la négociation locale,
la décentralisation. J'ai un peu de difficulté à
comprendre votre position. Est-ce que j'ai bien compris si je dis que, c'est au
niveau du sous-comité sectoriel qu'on définirait les
matières sur lesquelles il pourrait y avoir des arrangements locaux et
non pas au niveau du comité national? Cela, c'est ma première
question. Dans votre esprit, ce serait au niveau du sous-comité
sectoriel qu'on définirait les matières, et les arrangements au
niveau local seraient limités aux sujets définis par le
sous-comité sectoriel. Est-ce que c'est juste comme perception?
M. Charlebois: Ce n'est pas juste, mais je vais demander à
M. Perras de vous préciser la technicité.
M. Perras: Au niveau des matières qui peuvent être
susceptibles de faire des arrangements locaux, ce qu'on dit là-dedans,
c'est l'annexe A dont le contenu n'est peut-être pas encore totalement
déterminé, mais je pense qu'on en a une assez bonne idée
quand on regarde les sujets, l'organisation du travail, etc., les droits
syndicaux et les mouvements de personnel. C'est vis-à-vis de cela, les
arrangements locaux, ce n'est pas au niveau sous-sectoriel qu'on va dire: Vous
pouvez en faire. Les parties locales vont avoir, automatiquement, le droit de
convenir d'arrangements locaux sur ces sujets qui apparaîtront dans une
annexe à la loi.
Au niveau des arrangements locaux, dans un premier temps, c'est cela.
Dans un deuxième temps, il y a d'autres aménagements locaux, dans
les arrangements locaux ou régionaux, à l'échelle locale
ou régionale, comme l'avant-projet de loi le dit, qui seront possibles
sur des matières qui seront négociées sectoriellement ou
d'autres matières qui n'auront pas été prévues dans
l'annexe A, dans la mesure où les parties à l'échelle
nationale vont prévoir que les parties locales sur ces sujets peuvent
également convenir d'arrangements locaux.
M. Clair: Les parties signifiant...
M. Perras: Les parties sectorielles ou sous-sectorielles selon le
niveau où les dispositions en question vont se négocier.
M. Leduc (Fabre): J'ai l'impression d'avoir dit la même
chose que vous sans
préciser cet aspect sur les mouvements de personnel, droits
syndicaux qui sont spécifiés à l'article 21. Si on prend
les sujets spécifiés à l'annexe A et qu'on retrouve
à l'article 21, et qu'on ajoute à cela la possibilité qui
est donnée à l'article 22 de faire des arrangements relatifs
à la mise en oeuvre des stipulations négociées et
agréées à l'échelle nationale dit, l'article 22;
vous dites plutat à l'échelle sectorielle.
M. Perras: L'échelle nationale sectorielle ou nationale
sous-sectorielle. On sait qu'il y a un autre article, je m'excuse.
M. Leduc (Fabre): Cela pourrait être national et sectoriel,
est-cela?
M. Charlebois: C'est embêtant sectoriel ou sous-sectoriel.
En fait c'est au niveau national, affaires sociales ou national CLSC. Le
national CLSC, c'est le sous-sectoriel et national, les affaires sociales
seraient le sectoriel. Ce qui est trompeur c'est qu'on n'a pas la liste.
M. Clair: Je veux intervenir tout de suite sur cela.
Effectivement, ce que M. Charlebois vient d'indiquer peut être
embarrassant ou embêtant pour les parties concernées par
l'avant-projet de loi. Ce que je peux indiquer, c'est que, dès demain,
nous serons en mesure de rendre disponible un document préliminaire de
ce que pourrait être l'annexe A. Mais si l'avant-projet est un
avant-projet, je vous dirai que la liste sera une avant-liste dans le sens
qu'il y a encore du travail à effectuer sur cela. Si la page
était blanche, c'était que plutôt que de publier quelque
chose qui n'était pas suffisamment avancé, nous avons
préféré retarder, les orientations fondamentales
apparaissant quand même dans le projet de loi soit: organisation du
travail, mouvement de personnel, droits syndicaux. Il reste à traduire
dans une annexe ce que cela pourrait signifier pour chacun des secteurs et
sous-secteurs. Laissez-moi vous dire qu'après 20 ans de centralisation,
faire un tel travail, cela devient exigeant d'essayer de préciser ce qui
devrait se retrouver dans chacun des sous-secteurs en termes d'annexe.
M. Sénéchal: II faudrait revenir
après-demain.
M. Leduc (Fabre): Je continue, M. le Président. Je regarde
la modification que vous appportez à l'article 22 où vous
suggérez une réécriture de l'article 22. Je ne vois
vraiment pas beaucoup de différence entre ce qui est proposé dans
l'avant-projet et ce que vous proposez. Il y a cette distinction que vous
faites, vous dites: Les parties à une convention peuvent convenir de
négocier. Vous pourriez peut-être nous préciser la nuance
que vous faites puisque dans l'article 22, on dit tout simplement: Les parties
à une convention collective peuvent négocier. Vous, vous dites
"peuvent convenir de négocier". Précisez-nous donc la nuance,
s'il vous plaît?
M. Perras: La nuance existe parce qu'il s'agit d'un arrangement
local et non pas de négociations locales au sens de l'avant-projet de
loi, des articles 28 et suivants. C'est une différence qu'on pose entre
l'arrangement local et la négociation locale. L'arrangement local, on a
dit tantôt que les parties ont déjà un texte en main, un
texte négocié à l'échelle nationale sectorielle ou
sous-sectorielle et, à ce moment, ce texte est là. Les parties
locales ne sont pas nécessairement obligées d'entreprendre de la
négociation sur ces sujets; c'est seulement si les deux parties,
à un moment donné, s'aperçoivent que, par exemple, sur les
heures de travail, la disposition qui apparaît au niveau provincial
s'adapte mal à leur réalité. Je pense que les parties au
niveau local vont souvent identifier un problème commun en ce qui
concerne le fonctionnement ou encore les droits des salariés par rapport
à une clause contenue dans une convention collective dite nationale et,
à partir de là, les parties vont convenir d'entamer des
négociations sur un sujet d'arrangement local. (15 h 30)
M- Leduc (Fabre): Oui, enfin, à l'article 22 du projet de
loi c'est "peuvent négocier". En tout cas, je ne m'attarderai pas
à cette nuance. De toute façon, vous aussi vous précisez
"négocier et convenir de négocier et d'agréer à
l'échelle locale", donc, vous parlez également de
négociation. Etes-vous d'accord avec l'intervention du médiateur
arbitre sur les questions qui ont trait à la négociation locale,
s'il y a désaccord évidemment entre les parties, ou bien est-ce
que vous seriez d'accord avec un droit de grève au niveau local puisque
vous êtes d'accord avec le droit de grève sur la
rémunération? Donc, est-ce que ce ne serait pas, si vous voulez,
concordant ou conforme à vos positions, est-ce que vous ne devriez pas
être d'accord sur un droit de grève au niveau local
également, s'il y a désaccord entre les parties?
M. Charlebois: Nous sommes d'accord avec les dispositions qui
prévoient l'intervention du médiateur et, effectivement, notre
position est cohérente. Si nous sommes d'accord avec le droit de
grève au niveau de la négociation de la
rémunération, après l'intervention du médiateur
arbitre, nous serions d'accord pour qu'il y ait droit de grève. Mais il
s'agit d'un contexte de négociation locale et non pas de discussion sur
les arrangements locaux.
Là aussi, un peu comme pour la
rémunération au tout début, on nous dit qu'on ne
voyait pas l'utilité de retirer le droit de grève pour ce qui est
des dispositions qui seraient négociées localement. Il faut se
rendre compte que la discussion peut se faire en tout temps, il faut se rendre
compte que les conventions collectives auront été adaptées
à la couleur de l'établissement, il faut se rendre compte qu'il y
aura eu intervention d'un médiateur, il faut se rendre compte qu'il ne
s'agit pas très souvent de sujets qui peuvent entraîner une
catastrophe nationale. Pour toutes ces raisons, on se dit, encore une fois:
Investissons sur l'amélioration des règles du jeu, gardons nos
règles actuelles détermination de services essentiels et droit de
grève - et nous courons les meilleures chances d'avoir effectivement une
amélioration des règles du jeu et la collaboration de tout le
monde pour qu'on se dirige sur une autre voie.
M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges voudrait intervenir en vertu de l'alternance. M. le
député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
J'aimerais peut-être demander ici aux gens qui représentent la
Fédération des CLSC du Québec de nous faire part de leur
expérience quant à l'effet d'un modèle organisationnel ou
un mode de gestion sur l'espèce de degré de civilisation qu'on
semble avoir atteint. Vous avez dit tout à l'heure, qu'il n'y avait pas
tellement de grèves et c'est remarquable. Vous avez
allégué l'attachement, à cause de la nature des services
rendus, l'attachement que le personnel peut avoir quant à la nature de
son travail qui, quant à moi, se traduit par une satisfaction du travail
qui est assez extraordinaire.
Quand on parle du mode de négociation, on est en train de parler
simplement d'un des aspects, un des éléments objectifs qui assure
la facilité, la qualité du fonctionnement d'une institution. Il y
a également la structure organisationnelle que vous pouvez vous donner
à l'intérieur d'un établissement. Il y a le genre de
service, vous l'avez évoqué, vous avez tout simplement
donné cet exemple-là. J'essayais de voir si, à la
lumière de votre expérience... Il y en a un tas, des dizaines et
des dizaines de CLSC; en général, on y retrouve, comme chez les
individus, une distribution en forme de cloche: il y a ceux qui sont des
modèles du genre, il y a la grosse moyenne et il y a ceux où,
franchement, il y a des améliorations à apporter, pour employer
un euphémisme.
À la lumière de votre expérience, pourriez-vous
nous indiquer ce qu'ils ont de particulier, vos établissements qui
marchent particulièrement bien? Est-ce qu'il y a des
caractéristiques quant à la forme de gestion qui a
été instaurée? Est-ce qu'il y a plus de gestion
participative? Est-ce qu'il y a des politiques de porte ouverte et
d'accessibilité à la direction qui, ailleurs, manquerait? Est-ce
que c'est simplement - peut-être est-ce pour cela que vous avez
donné l'exemple, à cause de la qualité du genre ou, je
devrais plutôt dire, de service qui est rendu, un service de
première ligne, à des gens qui ont besoin, peut-être plus
que d'autres membres de la société, de l'aide ponctuelle ou
à terme que vous pouvez rendre au-delà des services de
santé, on s'adresse à une condition physique où, selon mon
expérience, c'est un peu plus polyvalent que cela, il y a un
degré d'ouverture d'esprit sur les problèmes des gens qu'on
retrouve dans les CLSC qui peut être dû à la façon
dont cela a été implanté, ce qui dans le milieu a
créé le besoin, ce qui tient à la qualité des
professionnels qu'on y retrouve... Je reviens au début de ma question:
Souvent, c'est le modèle organisationnel, quant à moi, qui m'a
frappé comme étant un gage de succès, un gage d'embarquer
tout le monde dans une tâche, un objectif où on recherche presque
naturellement de la productivité dans le terme d'efficacité dans
l'atteinte des objectifs.
Je me demandais si, dans les dizaines de CLSC que vous
représentez, vous êtes capable de dégager, à
même votre expérience, un modèle à suivre - on
déborde un peu du cadre législatif, mais on pourra y revenir -
quant aux autres éléments qui font qu'à des endroits,
ça va bien et, à d'autres, ça va moins bien.
M. Sénéchal: C'est sûr que nous sommes dans
le domaine des hypothèses. Il n'y a pas eu de recherches qui ont
été faites là-dessus; donc, c'est tiré de notre
expérience. Je pourrais essayer trois ou quatre raisons, mais j'aimerais
dire au départ que vous avez tout à fait raison de concevoir que
le processus de négociations qui s'amorce dans un établissement,
c'est un élément dans un vécu beaucoup plus global; une
approche préventive par rapport à ce secteur consisterait
à améliorer bien d'autres choses dans l'organisation et
travailler sur un modèle d'organisation, par exemple, peut avoir un
impact sur la façon dont des négociations peuvent être
menées à l'intérieur d'une organisation.
Cela dit, je pense qu'il y a plusieurs facteurs qui peuvent jouer en
faveur de ce phénomène qu'on tente d'expliquer, le fait qu'il y a
eu très peu de grèves dans les CLSC depuis cinq ans. Il y a la
grosseur de l'établissement. Un CLSC, ça regroupe peut-être
70 employés, ce qui veut dire que, dans
un CLSC, tout le monde se connaît. L'administration connaît
son monde et on connaît les forces et les faiblesses de chacun. Cela
crée un environnement un peu particulier où le réseau de
communications est de beaucoup facilité par le fait que, finalement, ce
ne sont pas de grosses boîtes. Ce sont de petites boîtes où
tout le monde se connaît. Quand il y a des problèmes, ils sont
connus aussi; on peut plus facilement identifier les problèmes et, par
conséquent, en identifier les causes et apporter des correctifs.
La deuxième chose, c'est ce qu'on disait dans notre
mémoire: c'est un fait, il y a peu de personnel cadre dans les CLSC. Ce
n'est pas une boîte très hiérarchisée, encore. Cela
veut dire que les équipes de travail ont beaucoup plus d'autonomie que
dans une grosse boîte où on aurait un, deux ou trois niveaux de
contrôle. Il y a beaucoup plus d'autonomie et les travailleurs et
travailleuses ont beaucoup plus d'initiative dans la conception et
l'élaboration des programmes, et leur actualisation.
Un troisième facteur, c'est que les CLSC se voient attribuer un
territoire précis et épousent un peu ce territoire, ses valeurs,
sa culture. En ce sens, les travailleurs se sentent interpellés
quotidiennement par la population. Si les gens à l'intérieur du
CLSC ne travaillent pas comme des groupes ou des ressources dans le milieu
l'entendent, ils se le font dire. La proximité de la population fait
qu'ils ont à répondre quotidiennement aux besoins de cette
population ou des ressources qui sont là.
Finalement, c'est dû, comme vous le dites, je pense, à la
nature des tâches, aux approches aussi. Les CLSC ont une approche
communautaire et doivent absolument obtenir la collaboration des ressources qui
sont là. Sinon, ils sont ignorés et ils deviennent un peu
inefficaces et inutilisés dans le milieu. Ce n'est pas que les CLSC
recherchent et aiment, bien entendu.
Alors, c'est un ensemble de facteurs qui fait, à mon avis, qu'ils
tiennent aux modèles d'organisation qu'on retrouve à
l'intérieur des CLSC, qui font qu'il s'est développé
là une problématique un peu différente de ce qu'on
retrouve dans d'autres établissements.
M. Léveillée: Je pense que vous avez
mentionné aussi la qualité du personnel. Il ne faut pas minimiser
cela, c'est très important. Il s'est ramassé dans les CLSC des
gens qui étaient un peu "tannés", pour ne pas dire
écoeurés, des systèmes bureaucratisés, des gens qui
voulaient innover et humaniser un peu leur action et leurs fonctions. C'est un
peu le ton qu'ils ont donné. Il y a les fonctions de gestion, je crois,
qui sont importantes pour permettre ça. Quand vous parlez de
participation, j'y crois, moi, j'en fais. Mais, ce sont eux qui sont les plus
importants et ce sont eux qui ont réussi, je pense, à rapprocher
la population des services publics, parce que, finalement, un CLSC, c'est
probablement l'endroit où c'est le plus près du réseau
privé dans les institutions.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Dans ce sens-là, ce que
vous voulez dire, c'est que vous êtes beaucoup plus sensible aux besoins
de votre clientèle. Pour continuer dans cette veine un petit peu, est-ce
que le cadre législatif, depuis quelques années, constitue, dans
certains cas, un obstacle aux modèles organisationnels que vous avez
développés? C'est-à-dire est-ce que vous avez quand
même, comme administrateur, les coudées franches à
l'intérieur des virgules, des points-virgules, des sous-paragraphes, et
tout ce que vous voulez, des conventions collectives pour optimiser votre
gestion, pour aller chercher le plus possible, dans le genre de gestion dont on
vient de parler, les ressources?
Est-ce qu'il y a des exemples précis où, vraiment, c'est
un carcan qui vous empêche d'être meilleur administrateur, compte
tenu des besoins, compte tenu des ressources, compte tenu de la satisfaction
que retirent vos gens de faire tel genre de travail de telle façon?
M. Sénéchal: Je serais plutôt porté
à dire qu'effectivement ce qui nous fait préconiser une plus
grande décentralisation dans ce domaine, c'est que, sur certains points,
les conventions collectives actuelles -on l'a expliqué auparavant -
comportent des modalités, des mécanismes qui valent mieux pour de
grosses boîtes, tels les centres hospitaliers. C'est évident que
quand vous vous retrouvez à 80, si on se retrouve, par exemple, à
cause d'une convention collective, avec six ou sept comités, on est
très mal servi. On va chercher du monde pour composer les comités
et ça devient un obstacle à notre fonctionnement. On a besoin de
mécanismes plus souples, au plan de l'affectation des tâches, au
plan des heures supplémentaires, par exemple, pour mieux s'adapter
à des programmes qu'il faut mettre de l'avant pour répondre aux
besoins de la population.
Dans ce sens, on n'a pas avantage, souvent, à adopter les
mêmes mécanismes qu'on retrouve dans les centres hospitaliers qui
sont ceux qu'on retrouve, à toutes fins utiles, dans les conventions qui
sont actuellement négociées, parce qu'elles sont
négociées à un plan international.
M. Charlebois: Ou toute l'orientation pour l'éclatement
des tâches où on arrive à des définitions de
tâche très précises, très parcellisées dans
les grands ensembles industriels. Cela a été importé dans
le
secteur hospitalier ou dans le secteur de l'éducation. C'est tout
à fait inadéquat dans un CLSC où une plus grande
polyvalence est recherchée. De façon générale, on a
le plus possible tenté de résister à importer les
définitions de tâche qui vont exister ailleurs.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je vous remercie. C'est
à dessein que je vous ai, dans le fond, permis de
réitérer, comme vous l'avez vous-même souligné, des
choses que vous avez dites un peu plus tôt, dans la mesure où
ça m'apparaît un modèle assez particulier que je voulais
mettre en regard. Le modèle particulier que vous avez
développé, la proximité de la clientèle, les
résultats probants du degré de civilisation assez
élevé dans les rapports entre l'administration et les
employés, les travailleurs dans les CLSC, c'était important
à mon sens de réitérer cela et je vous remercie de l'avoir
fait.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, je voudrais revenir seulement
à une question soulevée par la Fédération des CLSC.
Il s'agit de la question des mandats à obtenir du Conseil du
trésor. Il ne s'agit aucunement pour moi de défendre le Conseil
du trésor, mais d'être bien sûr que je comprends l'impact de
ce qui est proposé.
Dans l'avant-projet de loi, ce qu'on indique, c'est que, d'abord,
plutôt que l'ancien CPNAS comme fondé de pouvoir, ce serait ce que
vous appelez - on ne s'entend pas sur les termes - comité sous-sectoriel
ou sous-comité sous-sectoriel, je ne me souviens plus, qui soit
fondé de pouvoir; d'autre part, que les sujets en annexe soient des
sujets de négociations locales et ne fassent donc pas l'objet d'un
mandat du Conseil du trésor en termes de contenu, j'entends.
Si, par ailleurs, il y a une entente ou une demande pour
décentraliser au niveau local un sujet qui n'est pas prévu dans
la liste, cela requerrait l'autorisation du Conseil du trésor. Reste le
protocole d'entente à intervenir au niveau des deux grands
comités patronaux - éducation - affaires sociales -avec
prépondérance de vote sur certaines matières pour l'une ou
l'autre des parties, le ministre des Affaires sociales ou les associations
patronales. (15 h 45)
Pourquoi c'est conçu comme ça? J'ai eu l'occasion de le
dire à plusieurs reprises, il ne peut pas y avoir plusieurs conseils du
trésor dans un gouvernement, pour la bonne et simple raison qu'il n'y a
qu'un seul gouvernement qui perçoit une seule série de taxes - et
c'est bien assez - et qui gère une seule série de
dépenses; il ne peut pas en gérer deux, il n'en gère
qu'une. Il doit y avoir nécessairement au niveau central du gouvernement
un lieu, un endroit, un forum où le gouvernement, d'une part, est saisi
de toute l'information et, d'autre part, donne des orientations ou des mandats
et, à tout le moins, sait dans quelle direction un secteur, un
sous-secteur s'en va par rapport à un autre, afin d'être bien
sûr que l'on mesure tous les impacts financiers, budgétaires ou
autres de telle ou telle décision qui se prend.
Est-ce que je comprends que votre charge contre le Conseil du
trésor va jusqu'à dire que, sur les matières, dans le
fond, où les associations patronales auraient
prépondérance, une fois le protocole d'entente signé, en
termes de contenu, ce serait, à toutes fins utiles, puisque vous auriez
prépondérance, les associations patronales qui se donneraient
elles-mêmes un mandat sur les matières qui, même si elles
sont normatives - vous le reconnaissiez tantôt - peuvent être
tantôt lourdes, tantôt légères, parce que ce n'est
pas facile de discriminer et de dire: On va mettre dans un paquet ce qui est
léger et dans un autre ce qui est lourd? C'est plutôt en termes de
modulation et de résultat final qu'on peut distinguer ce qui est lourd
de ce qui est léger. Est-ce que je comprends de votre proposition que
cela irait jusqu'à faire en sorte qu'au niveau du CPNAS, ou du
comité sous-sectoriel, à toutes fins utiles, ce serait sur les
matières à prépondérance patronale, des
associations patronales elles-mêmes qui, en termes de contenu,
définiraient, sans l'obtention d'aucun mandat de la part du Conseil du
trésor, non plus que du Conseil des ministres, le contenu des mandats?
Je vois mal comment qui que ce soit au niveau des élus de
l'Assemblée nationale ou du gouvernement pourrait assurer cette
tâche de coordination. J'aimerais que vous nous précisiez
l'étendue de votre proposition.
M. Charlebois: Vous exposez bien notre point de vue dans votre
question. Effectivement, on pense qu'une fois l'entente signée pour la
création du comité patronal...
M. Clair: L'entente serait-elle exactement de la même
nature que celle qu'elle est maintenant ou prévoirait-elle, en termes de
contenu de mandat, des planchers et des plafonds, ou un corridor?
M. Charlebois: L'entente qui existe actuellement prévoit
que la partie ministérielle a un vote prépondérant sur
certaines matières, cela va. Pour les autres matières, c'est la
partie des associations. On considère que, pour cette partie, la source
des mandats, ce devraient être les établissements qui donnent
mandat à l'association.
M. Clair: Comment concilier cela? M. Charlebois: Comment
concilier...
M. Clair: Vous acceptez sûrement... parce que, sur le plan
de la gestion des services publics et de la gestion budgétaire et
fiscale du gouvernement, il m'apparatt essentiel qu'il y ait un lieu de
coordination pour l'ensemble gouvernemental. Cependant, ce n'est pas
contradictoire avec une volonté de décentralisation au niveau
local ou sous-sectoriel sur les trois thèmes indiqués dans le
projet, mais dans la mesure où il s'agit d'aller au-delà de
cela...
M. Charlebois: Je comprends difficilement les craintes que vous
exprimez, surtout que dans le projet de loi il est prévu qu'un ensemble
de matières vont être négociées au niveau local
où la source du mandat va être le conseil d'administration de
l'établissement.
M. Clair: C'est exact.
M. Charlebois: En quoi y a-t-il danger de perte de contrôle
de la part du Conseil du trésor si, au niveau sous-sectoriel, dans les
matières sur lesquelles le vote prépondérant appartient
aux associations, la source des mandats, ce sont les établissements?
D'autant plus que dans les ententes que avons avec le Conseil du trésor,
il est prévu, en fin de compte, en vertu de l'article 18 de la loi, que
le Conseil du trésor peut toujours juger qu'un sujet devient
d'intérêt gouvernemental et il s'arroge alors le mandat. On
considère que la loi donne suffisamment de poigne au Conseil du
trésor pour qu'à un moment' donné, s'il juge
nécessaire d'intervenir, il intervienne, qu'il n'est pas
nécessaire d'en rajouter dans ces domaines.
M. Clair: Mais entendons-nous bien: ce que l'avant-projet de loi
favorise, c'est la décentralisation au niveau local et les
matières qui seraient décentralisées au niveau local ou au
niveau sous-sectoriel dans la direction que vous proposez ne feraient pas
l'objet d'un mandat du Conseil du trésor. Ce serait dans la mesure
où on viendrait y ajouter - et quand on se pose la question, à
savoir ce qu'on peut ajouter, c'est là que les matières
apparaissent vite comme nécessitant une coordination et... Remarquez
qu'on a longuement réfléchi à cette question du pouvoir
d'invoquer l'intérêt gouvernemental par rapport à une
liste, mais il faudrait éviter, je pense, de placer le Conseil du
trésor dans une position où il a très
fréquemment... où, finalement, il fait comme la dernière
fois, il déclare à peu près tout d'intérêt
gouvernemental et il fait par la porte arrière ce qu'on ne semble pas
vouloir faire par la porte avant. À ce compte-là, je tiens
à préciser que les sujets qui feraient l'objet de
négociations locales ou sous-sectorielles, s'il s'agit de la même
liste que celle dont on parle dans l'avant-projet, ne feraient pas l'objet d'un
mandat du Conseil du trésor, mais aller au-delà, c'est là
que le point d'interrogation se pose.
M. Charlebois: II faut bien se rendre compte qu'il va y avoir des
circonstances où le Conseil du trésor va intervenir et je suis
convaincu que cela va se produire même dans une négociation
locale, là où les parties sont soi-disant totalement
responsabilisées. Pour revenir aux nouvelles matières qui
pourraient s'ajouter et qui ne sont pas prévues à la liste,
l'entente qui a été signée par le gouvernement et les
associations d'établissements pour créer le CPNAS - et je
présume que l'entente qui serait signée entre les comités
sous-sectoriels et le gouvernement serait de même nature - dans la mesure
où on prévoit sur quelles matières le gouvernement a le
droit de prépondérance sur les établissements et dans ia
mesure où on a même prévu un mécanisme pour trancher
les zones grises, on considère qu'il y a tout dans l'entente pour
disposer de ces questions. Si vous avez en mémoire cette entente, dans
les cas où ce n'est pas clair à qui appartient le vote, il y a
tout un mécanisme d'appel qui, en fin de compte, remet au ministre le
pouvoir de déclarer que c'est d'intérêt gouvernemental. Je
pense que la Fédération des CLSC, en souhaitant s'associer aux
négociations, en souhaitant participer à un comité
sous-sectoriel, maintient une attitude qu'elle a eue dans le passé, mais
il est bien évident qu'en fin de compte c'est le gouvernement qui peut
déclarer des matières d'intérêt gouvernemental.
Lorsque cela s'est produit - vous avez évoqué ce qui s'est
produit à la dernière négociation - que je sache, dans le
secteur des affaires sociales, il n'y a pas nécessairement eu de hauts
cris. C'est une espèce de dynamique qui va se produire de toute
façon. Je répète que, même dans des
négociations locales - et on l'a vu récemment - cela se produit.
Il arrive à un moment donné une situation où, qu'on le
veuille ou non, cela devient d'intérêt gouvernemental.
M. Clair: Alors, M. le Président, il ne me reste
qu'à...
M. Charlebois: Et c'est notre fatalisme, peut-être, qui
apparaît tout le long.
M. Clair: II ne me reste, M. le Président, qu'à
remercier M. Sénéchal, le président, M. Charlebois et les
autres personnes qui les accompagnent de leur présence en commission
parlementaire. Merci.
Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs de la
Fédération des CLSC du Québec, d'abord, d'avoir commis un
mémoire et, ensuite, d'être venus ici échanger avec les
parlementaires. Merci beaucoup.
Association des centres de services sociaux du
Québec
J'invite maintenant l'Association des centres de services sociaux du
Québec à prendre place à la table pour venir à son
tour nous faire part de ses remarques sur l'avant-projet de loi. Le
porte-parole désigné est M. Louis-Philippe Thibeault, qui est
président et à qui je vais demander de bien vouloir nous
présenter les personnes qui l'accompagnent, en commençant par sa
gauche. Comme vous voudrez, allez-y. De toute façon, il n'y aura pas
d'équivoque.
M. Thibeault (Louis-Philippe): Si vous permettez, M. le
Président, je vais commencer par la droite: Mme Lise Denis, directrice
générale de l'Association des centres de services sociaux du
Québec; à ma gauche, M. Jacques Paradis, qui est directeur des
ressources humaines à l'Association des centres de services sociaux, et
votre porte-parole, Louis-Philippe Thibeault, président de
l'association.
Le Président (M. Lachance): Très bien. Comme pour
le groupe précédent, je vous inviterais, M. Thibeault, à
nous présenter votre mémoire au cours d'un exposé d'une
durée maximale de 20 minutes. Vous avez la parole.
M. Thibeault: Merci, M. le Président. Chers membres de la
députation, vous avez en main le mémoire qu'on a
déposé ici, il y a quelque temps. C'est un mémoire qui
n'est pas très long et, bien qu'il ne soit pas très long, on a
tenu à en faire une présentation encore plus sommaire pour
permettre plus d'échanges au niveau de la période des
questions.
L'Association des centres de services sociaux est heureuse d'avoir
à nouveau l'occasion de faire connaître aux législateurs
ses positions quant aux modifications à apporter au régime de
négociations dans les secteurs public et parapublic à la suite du
dépôt de l'avant-projet de loi sur le sujet. Notre
expérience à ce chapitre date de 1969, période où
les agences sociales commençaient dans ces rondes périodiques de
négociations. Par la suite, nous avons été
impliqués régulièrement dans ce lourd et complexe
processus. Lors de consultations antérieures du gouvernement, nous avons
eu l'occasion de faire état publiquement de nos analyses et de nos
recommandations. Les propos que nous tenons dans le présent
mémoire sont en continuité avec ces dernières et suivent
les pistes tracées dans le document de consultation du gouvernement
publié au printemps dernier, sous l'autorité du président
du Conseil du trésor, M. Clair. Les CSS ont participé à la
démarche proposée lors de cette consultation. Comme le
gouvernement le souhaitait, nous avons cru que tous les groupes
intéressés à cette épineuse question y
participeraient, chacun y allant de sa contribution en fonction de son
vécu et de ses intérêts. Tel ne fut pas le cas.
Compte tenu de la nécessité d'apporter des changements
significatifs au régime actuel, il y a lieu, tel que la présente
démarche gouvernementale le propose, de procéder par vote
législative aux modifications rendues nécessaires. De
façon générale et sous réserve de quelques
modifications, le contenu de l'avant-projet de loi rallie les centres de
services sociaux tant par les nouveaux mécanismes introduits que par
l'esprit qui l'anime. Le nouveau mode de détermination de la
rémunération nous paraît ramener les choses à leur
juste dimension. Il s'agit d'une prérogative gouvernementale importante.
C'est plus de 50% du budget de l'État qui est en jeu et on ne saurait
laisser à un groupe organisé la capacité de
négocier avec une force de pression inouïe le niveau de taxation
des contribuables, la marge de manoeuvre du gouvernement et les
priorités de l'État.
En ce sens, les mécanismes proposés ainsi que les
règles du jeu mis de l'avant permettront de concilier les
différents intérêts présents. Un aspect important de
la réforme proposée a trait à la décentralisation
des objets de négociation. À plusieurs reprises, nous avons
dénoncé ce cartel forcé des organisations patronales, au
niveau des affaires sociales, qui a eu pour conséquence d'uniformiser
les dispositions normatives des conventions collectives où un
établissement, tel un CSS, a peine à s'y retrouver.
Nous croyons que la négociation par les comités
sous-sectoriels endigue cette uniformisation excessive et permettra la
conclusion d'entente tenant compte des réalités
spécifiques aux Centres de services sociaux. Toutefois, l'article 15 de
l'avant-projet de loi reconduit une stipulation de la loi actuelle
prévoyant que les comités sectoriels et sous-sectoriels demeurent
sous l'autorité du ministre des Affaires sociales et qu'ils doivent
requérir du Conseil du trésor les mandats de négociation.
Nous sommes d'avis qu'une véritable décentralisation devrait
faire en sorte que les comités sectoriels et sous-sectoriels disposent
de l'autonomie nécessaire à la conduite de leur
négociation respective. L'actuel avant-projet de loi reconduit le statu
quo à ce chapitre et reconfirme ainsi le contrôle gouvernemental
à tous les paliers de négociation, ce qui nous paraît
contraire à l'orientation
de cet avant-projet de loi. (16 heures)
La décentralisation au niveau des établissements est bien
accueillie par les Centres de services sociaux. Toutefois, il est essentiel
qu'elle soit progressive. Nous l'indiquons dans notre mémoire, la
décentralisation doit permettre aux parties locales d'évoluer
à leur rythme vers une prise en charge de plus en plus complète
de leur devenir. Le système a fait en sorte que, depuis 20 ans, nous
ayons assisté à une hypercentralisation progressive dont
l'aboutissement a été vécu lors de la dernière
ronde de négociations. Donnons-nous les moyens et le temps de renverser
cette tendance sans provoquer de mouvement de ressac que nous ne pourrions que
déplorer à nouveau.
Les établissements que nous représentons sont prêts
à assumer leurs responsabilités. Ils veulent être en mesure
d'y faire face progressivement, au fur et à mesure de leur
intérêt et de leur capacité. C'est pourquoi notre
association préconise plutôt que l'annexe A soit une liste
indicative de sujets que les parties locales pourraient s'approprier à
leur rythme.
Comme nous l'avons dit précédemment, les
négociations, pour ce qui est des matières normatives à
prépondérance d'établissement, devraient se
dérouler au niveau des comités sous-sectoriels. Il y aurait
déjà là une prise en charge significative de notre
problématique particulière. Par la suite et en complément
à cette étape, l'employeur local et le syndicat concerné
pourraient, s'il y a lieu, voir à convenir d'autres ajustements en
fonction de leur spécificité locale. À ce chapitre, nous
croyons qu'un transfert trop brusque des champs de responsabilités
risque sérieusement de compromettre une partie des objectifs
recherchés par cet avant-projet de loi.
Quant à l'épineuse question du droit de grève, le
gouvernement s'oriente vers une forme de compromis entre son abolition et son
maintien intégral. Tout a été dit à ce sujet. Quant
à nous, nous nous rallions derrière la solution avancée.
Nous croyons que les mécanismes de médiation mis de l'avant, tant
au niveau national que local, ne pourront que contribuer à la recherche
du consensus désiré par les différentes parties en cause.
Nous savons tous que malgré Ies meilleures formules que nous pourrions
mettre de l'avant, une réforme du régime de négociations
dans les secteurs public et parapublic n'est possible que si les
différents intervenants s'associent dans un contexte de concertation. En
ce qui concerne les centres de services sociaux, nous entendons y contribuer
positivement. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci. Je constate que vous
êtes quelqu'un qui est bref. La parole est maintenant au ministre.
M. Clair: Oui. M. le Président, j'aimerais
également aborder à nouveau, comme M. Thibeault... D'abord, je
souhaite la bienvenue à M. Thibeault, ainsi qu'aux gens de l'Association
des centres de services sociaux du Québec, et je les remercie pour les
rencontres que j'ai eu l'occasion d'avoir avec eux ainsi que la politique de
porte ouverte qu'ils ont pratiquée avec moi et les membres du Conseil du
trésor sur l'avant-projet et la consultation que j'ai menée
depuis le mois de mai.
J'entre immédiatement dans le fond de la question puisque les
gens qui l'accompagnent étaient présents au moment du
débat avec la Fédération des CLSC. Je voudrais revenir
à la question du rôle du Conseil du trésor et, à
partir des discussions que j'avais tantôt avec les gens de la
Fédération des CLSC, dans le fond, leur reposer les mêmes
questions et peut-être détailler un peu plus leur position, en
quoi la présence, la nécessité, sur les questions autres
que celles qui apparaîtraient en annexe selon le mécanisme de
décentralisation qui serait retenu à un niveau local ou
sous-sectoriel, sur ces questions, c'est établi clairement, il n'y
aurait pas nécessité d'obtenir un mandat de la part du Conseil du
trésor.
Sur les autres questions, en quoi la nécessité d'obtenir
un mandat de la part du Conseil du trésor ne permet pas de satisfaire
aux objectifs souhaités et sur lesquels l'Association des centres de
services sociaux du Québec semble d'accord avec le gouvernement sur
l'avant-projet, en quoi cela serait-il inopérationnel ou, encore, en
quoi cela nuirait-il à l'atteinte des objectifs souhaités en
termes de responsabilisation des intervenants, de processus de
décentralisation? J'aimerais qu'on revienne sur cette question.
M. Thibeault: Je vais simplement partir de ce qu'on appelle
l'annexe A qui prévoit une négociation au niveau local sur
certaines matières. Ce qui est prévu dans l'avant-projet de loi,
c'est que ces matières seraient de négociation locale. Par
contre, il y est aussi prévu qu'au niveau sous-sectoriel les parties
peuvent convenir d'ajouter ou de retrancher cette liste-là. Donc, il y a
là tout de suite, dans son mécanisme, une disposition qui fait
que le législateur prévoit des négociations au niveau
local, donne les pouvoirs en conséquence, mais prévoit qu'une
instance supérieure, qui est le sous-sectoriel, peut retrancher ou
ajouter. Il nous est apparu, à la lecture de l'avant-projet de loi,
à moins qu'on en ait fait une mauvaise lecture, que, finalement, les
mandats venaient du Conseil du trésor, ce qui revient
à dire, comme résultat net, que, finalement, le Conseil du
trésor, directement ou indirectement, a un pouvoir de contrôle ou
d'influence à peu près sur toutes les matières.
M. Clair: Non pas sur les trois thèmes, sur les sujets ou
les objets de négociations qu'on prévoyait locale dans
l'avant-projet sur ces questions-là - on me corrigera si je fais erreur
quant à l'interprétation de mon propre texte - mais il n'y avait
pas de mandat de la part du Conseil du trésor. Il y aurait mandat de la
part du Conseil du trésor quant à deux volets: s'il s'agit
d'ajouter, de décentraliser beaucoup plus... C'est bien sûr que je
donne un exemple simpliste, si le CPNAS décide de décentraliser
les régimes de retraite, c'est évident que je pense que ça
ne sera pas mauvais qu'un mandat soit vite déclaré
d'intérêt gouvernemental. C'est une première série.
L'autre série concerne des choses plus réalistes faisant l'objet
d'un protocole d'entente entre le ministère et l'association patronale.
Il s'agirait de savoir, une fois que le vote prépondérant est
distribué, si les matières à prépondérance
patronale ne porteraient que sur des questions qui ne sont absolument pas
à impact financier, et, si oui, ce qui reste une fois qu'on a pris comme
orientation de les envoyer au niveau local ou sous-sectoriel et au sujet
desquelles on dit qu'il n'y a pas de mandat du Conseil du trésor. J'ai
de la difficulté à voir ce qui resterait dans ce paquet-là
sans aucune incidence financière. On peut en entrevoir, mais il est
difficile de distinguer ce qui serait léger ou lourd. Cela ne me semble
pas facile à réaliser.
M. Thibeault: Si vous me permettez, je pourrais demander à
M. Paradis de répondre.
M. Paradis (Jacques); L'idée que nous retenons de
l'avant-projet de loi, au-delà des mécanismes mis de l'avant, et
on vous dit que nous les partageons dans leur ensemble, on y constate un esprit
de décentralisation, une intention de décentralisation qui prend
différentes formes, entre autres, en ce qui regarde la
négociation locale, pour laquelle, d'ailleurs, nous avons quelques
modifications à suggérer. Le Conseil du trésor se
réserve le droit de disposer, de la façon dont c'est
proposé dans l'avant-projet de loi, de la rémunération par
l'institut de recherche, la négociation et un règlement qui
découle du consensus éventuel.
Il y a les parties nationales qui continuent à négocier au
niveau sectoriel en ce qui regarde les affaires sociales et sous-sectoriel plus
particulièrement. Ce qu'on dit là-dedans, c'est, en quelque
sorte, que le Conseil du trésor se réserve le droit strict de
disposer avec les partenaires syndicaux concernés de la question de la
rémunération, les parties locales auront la possibilité de
s'approprier à leur rythme et en fonction de leurs capacités de
certaines prérogatives qui ont trait à l'organisation du travail,
mouvement de personnel et droits syndicaux. Il reste ce qui est
négociable au niveau national. Dans notre esprit, le niveau national, il
y a une étape là-dedans. Il y a le sous-sectoriel qui devrait
avoir une partie - tout étant relatif - assez importante à ce
niveau-là - dans un premier temps, du moins - nous donnant le soin de
calquer quand même nos dispositions actuelles sur le modèle des
établissements que nous représentons, par opposition à ce
qu'on sait actuellement, que les dispositions tiennent davantage compte du
milieu hospitalier, d'ailleurs, comme nous le disaient nos collègues des
CLSC tout à l'heure.
Le ministère des Affaires sociales, au niveau du comité,
tant sectoriel que sous-sectoriel, est présent. Le gouvernement, par le
biais du Conseil du trésor - article 18 -permet au Conseil du
trésor d'intervenir sur tout sujet qu'il juge d'intérêt
gouvernemental. Effectivement, on comprend très bien que le gouvernement
a le souci d'avoir une coordination en ce qui regarde, entre autres, certaines
considérations à caractère financier. Ce qu'on dit
là-dessus, c'est que le ministère des Affaires sociales, par ses
représentants, est déjà présent à l'un et
l'autre des comités, tant au comité sectoriel, ce qu'on appelle
le comité CPNAS actuel, si on réfère à ce qu'on
connaît déjà, qu'au sous-sectoriel.
Déjà, nos règles de fonctionnement, dans le
contexte actuel prévoient un protocole qui laisse une
prépondérance, d'une part, aux établissements en ce qui
regarde certains aspects normatifs et, d'autre part, au gouvernement, au
ministère des Affaires sociales, en ce qui regarde certains aspects
normatifs qui pourraient avoir, entre autres, des incidences
financières. Cet aspect est couvert déjà. Advenant un
désaccord en termes d'émission de mandat à l'un ou l'autre
de ces comités, évidemment, la partie gouvernementale, par le
biais des représentants du ministère des Affaires sociales,
pourrait faire valoir sa prépondérance et, éventuellement,
se situer à l'intérieur des mandats que l'appareil gouvernemental
pourrait émettre en fonction de ses prérogatives. Dans ce
sens-là, ce qu'on dit, c'est: Donnons à chacune des parties, tant
au niveau local qu'au niveau national, le soin de remplir pleinement son
mandat. À ce moment-là, pourquoi le Conseil du trésor
serait-il présent, comme le disaient nos collègues tout à
l'heure, et aurait-il des poignées à deux endroits: à
l'article 18, l'intérêt gouvernemental, et à l'article 15,
l'autorisation des mandats, et à double titre, parce que le
ministère des Affaires sociales est, je le répète,
présent à ces comités où il
est partie aux décisions?
Mme Denis (Lise): Cela nous semble à tout le moins
compromettre une partie de l'esprit de décentralisation qui est dans
l'avant-projet de loi. On trouve dangereux que le Conseil du trésor,
à toutes fins utiles, devienne juge et partie dans ce processus à
la fois en donnant les mandats et en exerçant une forme de
contrôle lorsqu'il déclare un sujet d'intérêt
gouvernemental.
M. Clair: C'est-à-dire qu'il soit le moins partie possible
pour être le meilleur juge possible en public.
Mme Denis: C'est cela, exactement. Une voix: Nous sommes
d'accord.
M. Clair: J'aimerais maintenant aborder la question du mode de
règlement des différends, le droit de grève et Ies
services essentiels dans le secteur des services sociaux, qui est le
vôtre. Vous avez comme position d'appuyer ce qui est contenu dans
l'avant-projet de loi. Vous vous distinguez à certains égards de
la position des CLSC. Pourtant, il s'agit là de services qui, sans
être identiques, sont quand même dans une même famille de
services par rapport à l'éducation, par exemple. J'aimerais mieux
comprendre et poser la question directement: En termes de mécanismes de.
services essentiels, est-ce donc à dire qu'il vous apparaît
possible de déterminer ce qu'est un service essentiel, qu'est-ce qui est
service essentiel et qu'est-ce qui ne l'est pas? Quelle est votre
expérience des mécanismes que nous avions en 197, 9 qui ont
joué en termes de liste de services essentiels? Je sais que les
dispositions du Code du travail, telles qu'elles sont actuellement, n'ont
jamais été utilisées. Quelle appréhension au sens
positif du terme avez-vous des possibilités de fonctionnement de ces
mécanismes-là dans le secteur, dans les centres de services
sociaux? Pouvez-vous expliciter votre attitude en ce qui concerne ce sujet?
M. Thibeault: D'abord, les services que dispensent les centres de
services sociaux, on peut les resituer par rapport à une
évolution historique. Sans faire une histoire détaillée,
ce qu'on peut constater aujourd'hui, c'est que les ex-agences de service social
qui sont maintenant regroupées en quatorze centres de services sociaux
ont été, pendant de nombreuses années, dans certains cas,
voire même depuis 50 ans, les seules dispensatrices de services sociaux
au Québec. Les agences donnaient, à ce moment-là, des
services qu'on pourrait qualifier - en régions, du moins - de
polyvalents et, dans les centres urbains, peut-être de plus
spécialisés. La réforme de 1973 a privilégié
qu'on fasse des 42 agences de l'époque 14 centres de services sociaux,
avec une mission qu'on avait qualifiée à ce moment-là de
plus en plus spécialisée à l'endroit de certaines
clientèles, laissant ainsi le champ libre à la venue des
CLSC.
Or, ce qu'on constate maintenant dans l'évolution des services
des centres de services sociaux, c'est que les services que les CSS sont
appelés à dispenser, on peut les qualifier de plus en plus de
services de protection. À titre d'exemple, dans le domaine de la
protection de la jeunesse, le législateur est venu confirmer cette
mission en adoptant il y a quelques années - de façon unanime,
d'ailleurs - une loi sur la protection de la jeunesse. Chez les adultes et les
personnes âgées, bien qu'il n'y ait pas de loi de protection comme
telle, les clientèles - pour nous, en tout cas s'apparentent de plus en
plus à des clientèles en besoin de protection, soit des adultes
exploités, des personnes âgées exploitées ou dans
des conditions matérielles inacceptables. Dans ce sens-là, on
peut dire que la grande majorité des services présentement
dispensés par les centres de services sociaux, ce sont des services
essentiels parce qu'ils s'adressent à des besoins fondamentaux chez les
individus, autant chez les enfants en besoin de protection que chez les adultes
et les personnes âgées.
Qu'est-ce que cela veut dire, une fois qu'on a dit cela? Demain matin,
est-ce que les CSS peuvent s'acquitter de leurs devoirs légaux ou de
leurs responsabilités sociales s'il y a une perturbation au niveau des
relations du travail qui amène, je dirais, une grève? Il y a des
secteurs qui sont plus névralgiques que d'autres. Le premier,
naturellement, c'est le secteur de la protection de la jeunesse où le
législateur nous demande d'ailleurs d'assurer la réception des
signalements d'enfants battus, maltraités, abandonnés ou
négligés, 24 heures par jour, sept jours par semaine.
Déjà, là, il y a une obligation juridique. Je pense que
c'est tout à fait correct, compte tenu des besoins exprimés
lorsqu'on reçoit des signalements. Que ce soit durant la nuit ou en fin
de semaine, lorsqu'on nous appelle pour nous dire que, dans tel lieu physique,
il y a la présence d'un enfant maltraité, je pense que cela ne
peut pas subir de délai. (16 h 15)
C'est un peu la même chose du côté de nos services
d'urgence sociale disponibles en dehors des heures d'ouverture,
c'est-à-dire le soir et les fins de semaine. Les gens qui nous appellent
sont très souvent les policiers, parce qu'ils ont été mis
au courant de situations familiales dramatiques ou de jeunes qui ont commis des
délits et autres. Le service d'urgence sociale reçoit des
demandes de services qui nécessitent une réponse
immédiate. C'est là que j'en viens à définir
le concept des services d'urgence dans les centres de services sociaux.
Ce n'est pas toujours défini par catégories de services, mais
c'est beaucoup plus. Il faut, au minimum, assurer une réception et un
accueil qui permette d'évaluer le besoin de la personne quand elle
appelle ou lorsqu'elle se présente. Dès lors, on peut
évaluer si la personne peut attendre le lundi matin pour recevoir le
service ou si on doit intervenir tout de suite. Je dirais que la formule des
services essentiels prend chez nous des couleurs très
particulières à la lumière de cette
réalité.
M. Clair: Tout ce que vous décrivez semble couvrir une
large partie du mandat des CSS et c'est là que je veux vous forcer
à faire le lien entre le maintien du droit de grève,
l'acceptation de la notion de mécanismes visant à assurer la
conservation des services essentiels en tout temps et, finalement, la
description que vous faites de ce qu'est un service essentiel,
définition qui semble couvrir à peu près l'ensemble des
services. Quelqu'un pourrait poser la question que je posais tantôt
à la Fédération des CLSC: Comment se fait-il qu'une telle
démonstration n'ait pas comme conclusion l'abolition du droit de
grève?
M. Thibeault: D'abord, dans l'avant-projet de loi, sur la
rémunération, il n'y a pas de droit de grève qui y est
associé. On souscrit à cette orientation non seulement parce
qu'elle correspond à notre réalité, mais principalement
parce que, un peu comme on le mentionne dans notre mémoire, cela devient
de moins en moins acceptable dans une société démocratique
qu'un groupe organisé puisse disposer de plus de 50% des fonds de tous
les contribuables. C'est un peu l'argument défendu par le gouvernement,
mais il y a aussi un autre élément qui peut nous... je dirais
qu'on se situe dans une perspective. On dit à la fin de notre
mémoire qu'effectivement l'avant-projet de loi, en plus de mettre de
nouveaux mécanismes en place, force des changements de mentalité.
Nous souscrivons beaucoup à cela. On a beau changer les
mécanismes, si les mentalités ne changent pas, cela va avoir des
résultats très limités. Dans ce sens, on pense que le fait
d'abolir le droit de grève pour la rémunération - on ne se
le cachera pas, pour être bien pragmatique, dans 90% des cas, c'est la
cause principale de la mobilisation et du débrayage - est certainement
un élément à ce niveau qui va forcer les parties à
jouer selon les nouvelles règles du jeu et changer les
mentalités. Par contre, on comprend aussi que le droit de grève
est maintenu sur les matières nationales, normatives. On est d'accord
aussi avec cela. Au niveau local, effectivement, il y a abolition du droit de
grève. Nous y souscrivons, mais, de toute façon, ce ne sont pas
des matières pour lesquelles les gens se mobilisent
énormément et font des débrayages.
M. Clair: Vous faites référence à l'autre
sujet que je voulais justement aborder dans la réponse que vous donnez:
la question de la rémunération. Vous en venez à une
conclusion opposée à celle de la Fédération des
CLSC, qui nous a dit tantôt qu'en ce qui concerne la
rémunération - je résume le plus honnêtement
possible - quant à elle, de son point de vue d'administrateur, de son
vécu, les mécanismes proposés étaient suffisamment
valables pour ne pas justifier, rendre utile, l'abolition du droit de
grève sur la question de la rémunération ou son
remplacement par de nouveaux mécanismes.
De votre côté, vous en venez à la conclusion qu'en
termes de services essentiels et d'autres questions, les mécanismes sont
bons et qu'on peut maintenir le droit de grève. Par contre, tel n'est
pas le cas en ce qui concerne la rémunération. Qu'est-ce qui vous
amène à conclure différemment de la
Fédération des CLSC du Québec? Est-ce que c'est sur le
principe de la non-négociabilité du budget de l'État avec
les syndicats des secteurs public et parapublic ou si c'est plutôt le
manque de confiance dans les mécanismes proposés: Institut de
recherche sur la rémunération, sur lequel, je pense, tout le
monde autour de cette table est à peu près d'accord aujourd'hui
pour solutionner le différend? Est-ce que c'est cette position de
principe, la non-négociabilité du budget de l'État, ou le
manque de confiance dans la valeur et dans la possibilité que les
mentalités évoluent, que l'Institut de recherche sur la
rémunération puisse donner des résultats satisfaisants? Je
pose la question suivante: Comment expliquez-vous la différence de
position avec celle de la Fédération des CLSC du
Québec?
M. Thibeault: Il y a une chose qui est claire: ce n'est pas parce
qu'on ne croit pas aux mécanismes. Je mentionnais tout à l'heure
que la raison principale était le fait que, par ce droit de
grève, on exerce une pression démesurée sur plus de 50%,
finalement, des contributions de tous les contribuables du Québec. Pour
nous, cela paraît un élément important.
L'autre élément, c'est l'objectif de mettre en place un
régime qui va permettre un changement de mentalité. En tout cas,
personnellement... je pourrais consulter, mais il nous apparaît que, tant
que l'on maintient le principe du droit de grève, on ne force pas
nécessairement les mentalités, même si on met en place de
nouveaux mécanismes. On risque de jouer le jeu des nouveaux
mécanismes...
M. Clair: Je vous interromps volontairement. Qu'est ce qui est le
plus important? Faire changer les mentalités... À supposer que le
retrait du droit de grève contribue à faire évoluer les
mentalités - je prends ce que vous venez de dire - en quoi est-il plus
important de faire évoluer les mentalités sur la
rémunération plutôt que sur ce que mon collègue de
Portneuf évoquait ce matin: le droit à la santé, à
la vie qui est prioritaire par rapport au droit collectif des syndicats ou au
droit individuel des salariés?
M. Thibeault: Je vais plutôt être
terre-à-terre, M. le ministre. Si on regarde dans le passé sur
quoi se sont fondés les syndicats pour exercer le droit de grève,
c'est la dimension pécuniaire qui mobilise et qui fait qu'on en arrive
à exercer le droit de grève; c'est très peu sur le
normatif. C'est un constat, je pense, et c'est dans ce sens-là qu'on
dit: Si c'est l'aspect pécuniaire qui amène les gens en
grève, c'est là-dessus qu'il faut enlever le droit de
grève.
Juste pour compléter; outre le fait que le droit de grève
des syndicats exerce un pouvoir exagéré sur notre système
démocratique, outre que c'est un élément qui,
d'après notre analyse, est susceptible de forcer un changement de
mentalité et de faire bien jouer les règles du jeu, je voulais
ajouter, et là, je ne suis pas nécessairement en contradiction
avec la Fédération des CLSC - mais on peut s'interroger: Si on
croit aux nouveaux mécanismes, et en particulier au fait que les
salaires vont être déterminés pour un an - donc, s'il y a
une erreur, d'un bord ou de l'autre, on peut se rajuster huit ou neuf mois
après - il m'apparaît que l'on vient d'enlever une pression
énorme pour le recours à la grève. Dans ce sens-là,
si on pense que les mécanismes mis en place sont de nature à
faire recourir de moins en moins à la grève, on n'enlève
plus grand-chose rendu là.
M. Clair: Parfaitl Je voudrais aborder un dernier sujet - je sais
que cela fait davantage appel à l'expérience vécue
qu'à des données officielles; du moins, je ne pense pas qu'il y
ait eu de sondage de fait, je n'ai pas posé la question à la
Fédération des CLSC - quant à l'évolution des
mentalités. Vous y faites référence beaucoup parce qu'on
aura beau, dites-vous, avoir les meilleurs mécanismes, si les
mentalités ne changent pas, on n'aura pas avancé beaucoup et les
mécanismes doivent favoriser l'évolution des mentalités.
Il ne fait aucun doute dans l'esprit du gouvernement que projet de
réforme doit viser cela, favoriser l'évolution des
mentalités en termes de mécanismes. Simplement parce que les CLSC
avant vous ont fait référence à cette question, en termes
de changement de l'évolution des mentalités - on en parle
beaucoup - avez- vous des données à partir de l'expérience
vécue dans les CSS au cours des derniers mois? Affirmeriez-vous la
même chose que les représentants de la Fédération
des CLSC, tantôt, qu'il y a eu une évolution des mentalités
quant au recours à la grève, quant à la situation des
employés des secteurs public et privé, à la
capacité de payer du gouvernement, au rattrapage effectué et non
plus à effectuer? Qu'en est-il de cette question dans votre esprit?
Avez-vous fait une enquête, des sondages ou quoi que ce soit sur ces
questions?
M. Thibeault: Quant à l'enquête, je laisserai le
soin à Jacques de répondre. Non, je peux vous donner tout de
suite un premier élément de réponse et je demanderais
à M. Paradis de compléter. On en a d'ailleurs parlé du
côté des CLSC tout à l'heure et c'est la même
évolution qu'on observe du côté des centres de services
sociaux. Le régime de négociations actuel ne prévoit pas
d'ententes locales et, pourtant, il y a un nombre de plus en plus grand
d'ententes qu'on pourrait qualifier d'illégales, du moins, non
dénoncées par les parties au plan local. Dans ce sens, c'est pour
nous un indicateur que la voie de la décentralisation des
négociations au niveau local correspond à une évolution
amorcée depuis un certain temps et qui va aller en s'amplifiant parce
que les gens constatent que, dans le régime actuel, en particulier dans
des établissements un peu comme les CLSC et les CSS, les gens ne se
retrouvent pas dans les conventions collectives négociées au plan
national, parce que c'est calqué à la lumière
d'établissements qui n'ont pas le même profil de services que
nous. Quant à la question de savoir s'il y a eu une enquête ou un
sondage...
M. Clair: Ou encore à partir des données auxquelles
vous faites référence en termes quantitatifs
d'appréciation. Vous dites qu'il y a de plus en plus d'ententes locales.
Peut-on avoir une idée, en termes de nombre, de fréquence, de
l'évolution des ententes locales et des sujets sur lesquels il y en a de
plus en plus?
M. Paradis (Jacques): Je suis content que vous posiez la
question, à savoir si on a fait un sondage scientifique ou quelque chose
de semblable. Évidemment, non. Un changement de mentalité dans
les comportements est difficilement mesurable. Cependant, à la
lumière des expériences que nous vivons et avec le nombre
d'établissements que nous représentons, nous pouvons plus
facilement ramasser, étant un groupe plus restreint, nous pouvons
constater qu'effectivement les groupements syndicaux locaux, de concert avec
leur direction d'établissement, s'entendent de plus en plus
pour s'ajuster dans leur quotidien, et cela, malgré les mots
d'ordre des dirigeants syndicaux qui, au niveau national, leur donnent des
directives ou des indications par rapport à leur façon d'agir qui
sont plus ou moins suivies. De plus en plus, les syndicats locaux et surtout
leurs membres ont une certaine indépendance et sont davantage
intéressés à la solution des problèmes concrets
qu'ils vivent. Dans ce sens-là, le fait de leur donner des
possibilités de jouer avec ces règles, mais à
l'intérieur de mesures législatives permissives, cela ne ferait
que consacrer la tendance de la pratique actuelle, qui devrait, quant à
nous, s'accélérer.
En ce qui regarde le nombre d'ententes, évidemment, elles sont
variées et sur différents sujets. J'ai un exemple précis:
justement, hier, je jasais avec une personne d'un établissement, qui me
disait qu'il avait 22 ententes pour l'application de la convention collective
actuelle. C'est un nombre important, mais c'est un gros établissement et
on a discuté de sujets variés. L'établissement voisin peut
en avoir dix, mais cela peut porter sur dix sujets différents des 22
autres sujets d'ententes. Cela varie d'un établissement à l'autre
en fonction des problématiques rencontrées et aussi de la
capacité - on en parle dans notre mémoire - des gens de pouvoir
effectivement convenir d'un modus vivendi adéquat à leur
situation.
M. Clair: C'est un point qui est différent de ce qu'on
nous rapportait tantôt au niveau de la Fédération des CLSC.
On me disait: Oui, il se fait des ententes locales, mais pas en très
grand nombre alors que du côté des CSS votre affirmation est
plutôt contraire, dans le sens qu'elles ont tendance à se
multiplier de plus en plus, justement à cause de l'inadéquation
du cadre dans lequel vous fonctionnez à partir de la convention
collective, bâti davantage sur le réseau hospitalier que sur le
réseau des CSS ou CLSC. (16 h 30)
M. Paradis (Jacques): Je dois ajouter à cette
réponse qu'on a une certaine expérience depuis un certain temps.
Au début, nos établissements étaient nous aussi
très peu friands de conclure des ententes. Les gens étaient un
peu sur leurs gardes: Qu'est-ce qui va m'arriver? Est-ce que ce que je
négocie est correct ou non? Finalement, de part et d'autre, autant au
niveau syndical que patronal, les gens ont développé des
habiletés, des capacités qui ont fait qu'ils en sont rendus
là aujourd'hui. Sans doute que, sans vouloir parler pour d'autres, dans
l'avenir, on pourra prévoir que d'autres types d'établissements
seront en mesure de faire ce genre de choses. Nous aussi, on a
évolué tranquillement là-dessus.
M. Clair: L'appétit vient en mangeant. M. Paradis
(Jacques): Merci.
M. Clair: C'est tout pour le moment, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier M. Thibeault, Mme Denis et M. Paradis de leur contribution à
nos travaux d'aujourd'hui et au processus d'analyse, de réflexion qui
déccule directement du dépôt, en décembre dernier
par le ministre, de l'avant-projet de loi.
Vous avez abordé avec le ministre certains points que j'avais
l'intention de soulever. Vous avez donc répondu à quelques-unes
des questions que je voulais formuler, mais il y en a une sur laquelle je veux
revenir. Vous vous êtes référés, entre autres, aux
services essentiels et vous avez tenté d'informer cette commission et
les auditeurs de ce qui était pratiquement intouchable en termes
d'arrêt ou de ralentissement de travail dans les opérations
courantes d'un centre de services sociaux. Vous vous êtes
référés aux situations qui sont faites en présence
d'enfants. Vous vous êtes référés au Protecteur de
la jeunesse et aux services qui en découlent, etc.
Nous avions, avant 1982, une loi sur les services essentiels qui
était - c'est le moins qu'on puisse dire - assez particulière. On
se rappellera la fameuse notion de dépôt des listes. On se
rappellera qu'en cas de mésentente le syndicat pouvait déposer sa
liste purement et simplement. C'est celle qui primait et qui indiquait le
nombre de personnes et le genre de services qui étaient jugés
essentiels dans le cas d'un conflit dans cet établissement. Cette loi a
été modifiée et ce n'est pas par plaisir que le
législateur l'a modifiée. C'est parce que, dans certains cas,
c'était complètement absurde. On a déjà vu au
Québec, dans des établissements où il y avait toute une
gamme de services qui, à leur face même, apparaissaient
essentiels, des dépôts de listes ne comportant aucun travailleur
ni aucune travailleuse. C'était le modus vivendi pour couvrir les
services essentiels. Pourriez-vous nous indiquer, à la lumière de
votre expérience de ces fameuses listes, comment cela a
été vécu à l'intérieur des centres de
services sociaux?
M. Thibeault: Je demanderais à M. Paradis de
répondre à votre question, si vous le permettez.
M. Paradis (Jacques): Notre expérience à ce
chapitre a été assez diversifiée. On a assisté
effectivement à des ententes, à la satisfaction des parties, qui
ont fait en sorte
que cela a pu être viable, et, même, on a ajusté ces
ententes selon la longueur des conflits de travail. Dans d'autres situations,
on n'a pas eu d'entente; dans certains cas, nous avons eu des listes qui
étaient moindrement acceptables. Parfois, on a eu des listes comportant
un seul salarié; dans d'autres cas, une liste comportait uniquement des
cadres; donc, à toutes fins utiles, pas de liste. Mais les services
essentiels dans les centres de services sociaux, en
complémentarité avec ce que M. Thibeault disait tout à
l'heure, c'est très complémentaire. Autant nos services
complètent ce qui est fait dans d'autres établissements - je
parle des centres d'accueil ou des CLSC - autant un arrêt de travail dans
ces établissements aura des effets complémentaires graves sur nos
clientèles. On parle, par exemple, des signalements pour la protection
de la jeunesse où il faut, à un moment donné, faire une
intervention. Si on n'a pas la ressource du centre d'accueil à notre
disposition, parce que celui-ci est en grève, on a un problème.
Les maintiens à domicile que les CLSC doivent faire, s'ils ne peuvent
pas les assumer à cause d'un arrêt de travail, on est pris avec
des clientèles de personnes âgées qui doivent avoir un
traitement quelconque de la part du CSS, ou il doit compter lui-même sur
une ressource comme un centre d'accueil, mais si lui-même est en
grève... Il y a également des arrêts de travail qui durent
une journée et avec lesquels on peut toujours composer.
On faisait référence tout à l'heure à nos
services d'urgence ou aux services de 24 heures, qui font en sorte que nos
services réguliers prennent en charge un bénéficiaire
quelconque qui a été signalé durant la nuit. Lorsque nos
services réguliers ne sont pas en fonction le lundi matin pour prendre
en main le bénéficiaire en question, on a un service d'urgence
qui mérite d'être modifié, parce que notre urgence doit
absorber tout et non seulement les cas d'urgence. C'est élastique un
peu. Cela dépend de la longueur du conflit et, également, de la
situation de nos partenaires, les autres établissements, et de ce qu'ils
peuvent faire par rapport à nos bénéficiaires qui sont les
mêmes, finalement, d'une façon ou d'une autre.
M. Pagé: Mais, compte tenu de cette interdépendance
des établissements et du caractère particulier du réseau
des affaires sociales au Québec, compte tenu du droit fondamental pour
le citoyen de recevoir le service auquel il a légitimement droit, et on
sait comme cela peut être fondamental dans une société,
pour un citoyen, de requérir et de recevoir en tout temps le service
donné par le réseau des affaires sociales, ne croyez-vous pas
qu'il serait plus opportun pour le législateur de rechercher et d'avoir
comme objectif qu'il n'y ait pas de conflit ni de grève dans le
réseau des affaires sociales? Comment réagissez-vous à cet
égard, et je parle de tout le réseau?
M. Thibeault: Comme objectif, nous sommes tout à fait
d'accord. Il faut chercher à ce qu'il n'y ait pas d'arrêt de
travail. Sauf que, dès qu'on pose la question en termes de refonte du
régime de négociations, effectivement, je pense qu'il faut
apprécier l'ancien régime qu'on veut modifier. Ce que nous
constatons, en tout cas, nous, c'est que les raisons qui amènent les
gens à faire la grève se résument principalement à
la dimension pécuniaire. Dans ce sens-là, je pense que d'enlever
le droit de grève sur la dimension pécuniaire est de nature, je
dirais, à faire disparaître en très grande partie les
éventuels arrêts de travail, quoique nous n'y sommes pas
complètement à l'abri. Effectivement, est-ce que l'abolition du
droit de grève, purement et simplement, de façon
générale, ne serait pas une meilleure formule? On s'interroge.
Quant à nous, on s'est dit qu'à la lecture des
événements du dernier régime, en l'abolissant sur la
dimension pécuniaire, on vient de régler le problème
peut-être à 80% et on ne fait pas disparaître un principe
quand même relativement sacré du côté des
associations syndicales.
M. Pagé: Ne trouvez-vous pas qu'il devient un peu
contradictoire d'établir que -la rémunération se
négocie évidemment au niveau des cartels, mandats du Conseil du
trésor, etc. - la rémunération n'étant pas
définie, on doit présumer qu'elle sera la plus large possible
compte tenu de l'expérience où on peut facilement conclure que le
Conseil du trésor a beaucoup d'emprise. Comment concilier tout cela avec
une volonté de décentralisation et où la
décentralisation portera essentiellement sur ce qui ne sera pas de la
rémunération, avec l'obligation d'aller chercher ses mandats au
Conseil du trésor dès que cela osera effleurer ou toucher quelque
chose de monnayable ou qui risque d'avoir un effet financier, comment concilier
tout cela? C'est donc dire que le droit de grève, compte tenu de la
large définition de la rémunération, n'existera
pratiquement plus.
M. Thibeault: Possiblement.
M. Pagé: Comment percevez-vous cela, vous?
M. Thibeault: D'abord, sur le principe de la
décentralisation, nous y souscrivons entièrement. D'ailleurs, les
établissements le réclament depuis plusieurs années. Je
pense que les centres de services sociaux sont prêts à prendre des
responsabilités dans ce
domaine, mais, comme on le soulignait dans notre mémoire,
allons-y de façon progressive.
En ce qui concerne la dimension de la rémunération,
là, effectivement, c'est la fameuse question: Peut-on accepter qu'un
groupe organisé puisse, par un moyen de pression quelconque, finalement,
disposer jusqu'à un certain point ou faire des pressions sur plus de 50%
du budget de l'État? Sans compter que, quand on dit dans notre
mémoire qu'il y a des pressions inouïes, c'est qu'on a vu en
certaines circonstances que ce n'était même plus une question
financière, ce jeu de rapport de forces en arrivait même à
mettre en déséquilibre notre propre régime
démocratique jusqu'à un certain point, au point où on
arrivait à dire dans ces jeux-là, finalement, parce que les
négociations, jusqu'à un certain point, ce sont des règles
de jeu qu'on se donne, on en arrivait à remettre en question la
légitimité même d'un gouvernement, de quelque parti qu'il
soit. En tout cas, je pense que les citoyens ne peuvent plus accepter une telle
situation.
Dans ce sens-là, je pense que c'est la raison pour laquelle nous
souscrivons à une orientation qui va dans le sens de demander à
l'État de distinguer jusqu'à un certain point son pouvoir ou son
rôle d'employeur par rapport à son rôle de gouvernement et,
dans son rôle de gouvernement, à partir du moment où on
n'accepte plus dans nos règles démocratiques qu'on soit
obligé de négocier ces choses-là, il faudra que le
gouvernement se donne les mécanismes nécessaires pour être
le plus équitable possible envers ses employés. Dans ce
sens-là, les nouvelles règles de jeu invitent davantage les
parties à une recherche d'un certain équilibre dans la
redistribution plutôt qu'à un rapport de forces "au plus fort la
poche", comme on dit.
M. Pagé: Monsieur, nous sommes d'accord avec vous, nous
l'avons indiqué ce matin, compte tenu de la dualité État
employeur, État qui représente les contribuables, pour ceux qui
paient taxes et impôts, il n'y a pas de problème. Le ministre l'a
établi, on l'a établi, on s'entend là-dessus.
Vous dites: Comment accepter? Mais, maintenant, comment le Conseil du
trésor, le président du Conseil du trésor peut-il accepter
de ne pas contrôler un objet de négociations qui risquerait
d'avoir un impact budgétaire? C'est ce qui explique
l'énoncé du projet de loi qui limite d'autant le champ
d'application pour ce qui peut se négocier au niveau local.
M. Thibeault: Avant de répondre à votre question,
on va devoir, peut-être, avec le gouvernement ou avec les gens qui ont
préparé le projet de loi, revérifier des choses pour voir
si on en a fait une bonne lecture. Là-dessus, notre mémoire va
dans le sens suivant: c'est qu'on souscrit au fait que le gouvernement ait,
dans son rôle de gouvernement, un certain droit de regard sur tout ce qui
se dépense dans ces secteurs. Donc, cela déborde la pure
rémunération ou le salaire. Il faut que cela aille au sens de ce
qu'on appelle la rémunération globale.
Là où on s'est interrogé, c'est que dans
l'avant-projet de loi qui est déposé, on ne voit pas clairement
ces règles de jeu. Nous, dans le fond, ce qu'on propose, ce sont des
négociations locales, une véritable décentralisation sur
des objets qui n'ont pas d'effet financier et, au niveau sectoriel, il y a
là une présence du gouvernement, des parties patronales; selon
les règles qu'on se donnait dans le passé, on s'est dit que ce
pourrait être les mêmes règles, c'est-à-dire que,
d'une part, le gouvernement, par la présence des représentants
des différents ministères, a une voix prépondérante
sur les dispositions normatives à conséquence économique
et, sur les dispositions normatives sans conséquence économique,
ce seraient les établissements qui auraient un vote
prépondérant sans avoir recours à un mandat du Conseil du
trésor.
Ce qu'on lisait dans l'avant-projet de loi, c'est qu'on ne distinguait
pas ces deux matières et on avait l'impression que, pour tout mandat
à négocier au niveau sous-sectoriel, il fallait aller chercher un
mandat au niveau du Conseil du trésor. C'est ce qui nous faisait dire
qu'il semble y avoir une volonté de décentralisation, mais la
mécanique ne le traduit pas correctement dans son fonctionnement.
M. Pagé: Je présume que le ministre profitera de
son dernier propos au moment de la fin de votre comparution pour y
répondre, je l'espère bien.
Au chapitre de la décentralisation, vous évoquez à
la page 5, et je vais vous citer: "À plusieurs occasions, nous avons
déploré la centralisation excessive de la négociation de
stipulations ayant trait au caractère normatif des conventions
collectives. Cette façon de faire a eu pour premier effet de soustraire
progressivement du débat les parties réellement impliquées
dans la distribution des services à la population et
conséquemment de diluer leur responsabilité dans ce lourd et
complexe processus. "
Tout le monde est unanime à constater que c'est devenu gros, que
c'est devenu lourd, que c'est tellement lourd que cela prend du temps à
s'articuler, à se développer et, évidemment, à
conclure. Ce qu'on remarque, c'est que, finalement, les principaux acteurs,
ceux qui vivent dans les réseaux, sont absents, ou presque, ou ne sont
pas directement associés à l'ensemble de la démarche. (16
h 45)
Cet alourdissement fait en sorte - c'est là une conclusion
personnelle à laquelle j'en viens; j'en suis venu là à la
suite d'échanges et de rencontres dans ces milieux - qu'à peu
près tout le monde est malheureux, finalement. Dans ces
établissements, la direction a la responsabilité de voir à
l'application de conventions collectives, de normes de travail, etc. Elle a la
responsabilité de donner des services avec des budgets qui lui sont
donnés, qui sont coupés occasionnellement, tant et si bien que,
dans nos réseaux, l'administration se promène avec ses normes,
ses coupures et son budget, puis le grand livre réglementaire des
politiques gouvernementales, et les employés se promènent avec
leur convention collective. Dans le réseau de l'éducation, cela
se compte maintenant à la minute, et valse la marquise, tout le monde
est malheureux et on continue à centraliser. Ce n'est pas drôle,
ça; ce n'est pas drôle, mais c'est comme ça. Et, là,
aujourd'hui, le gouvernement parle de décentralisation, nous en parlons,
nos intervenants se disent heureux enfin de s'associer à une
démarche de décentralisation, mais ce qu'on doit retenir, c'est
que la décentralisation, ça va quand même être
limité à des aspects de la vie à l'intérieur d'un
service quand même très très limité: les droits
syndicaux, etc.
Ne croyez-vous pas que, pour en arriver à une
décentralisation utile, qu'on appelle ça au niveau -
peut-être pas au niveau des établissements - mais des secteurs ou
encore au niveau des régions, que le gouvernement serait plus
légitimé, malgré les contraintes que cela impliquera, de
définir, d'articuler une façon ou des façons qui
permettront une plus grande prise en charge, en termes de reponsabilités
des instances locales, au-delà de ce qu'on indique dans l'avant-projet
de loi. Si vous êtes d'accord, comment concilier tout ça avec ce
que vous indiquez à la page 8 quant aux deux premiers paragraphes,
après avoir affirmé votre assentiment à la
décentralisation, vous semblez émettre certaines réserves
dans les deux premiers paragraphes quand vous dites: "... la
décentralisation doit permettre aux parties locales d'évoluer
à leur rythme vers une prise en charge de plus en plus complète
de leur devenir. " Je peux me tromper, mais c'est comme si le jugement que vous
portez, c'est que vous ne seriez peut-être pas réceptifs à
la décentralisation, selon que vous êtes dans tel ou tel secteur,
dans tel établissement, dans telle ou telle région.
M. Thibeault: Je pense que la décentralisation, il ne faut
surtout pas voir qu'on n'y est pas favorable. Quand on dit que ça doit
se faire progressivement, pour nous, c'est parce qu'il faut tenir compte des
particularités de chaque centre de services sociaux. Là, on parle
vraiment pour les centres de services sociaux et non pour d'autres
catégories d'établissements.
Pour les centres de services sociaux, on sait très bien qu'un
centre comme Montréal-Métro, qui a une direction de personnel
très structurée, il peut en prendre peut-être beaucoup plus
que ce qu'il y a dans la liste, mais, dans un centre de services sociaux comme
le CSS Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, j'ai l'impression que quand
il va avoir pris deux ou trois sujets dans la liste la première
année, il faudra qu'il commence à développer des
habiletés à négocier.
Dans ce sens-là, je pense que la liste proposée par le
gouvernement est un pas dans la bonne direction, sauf que notre remarque
principale sur cette liste-là j'attire votre attention là-dessus
- c'est que, contrairement à ce que propose le projet de loi, au lieu
d'en faire un objet obligatoire de négociations et que, du jour au
lendemain, un établissement comme le CSS GIM se voit confier la
responsabilité de négocier localement 34 sujets, on dit: Allons-y
à notre rythme. La mécanique qu'on propose, c'est qu'on dit:
Laissons l'annexe A en place, mais que les parties conviennent de se les
approprier au fur et à mesure qu'elles sont prêtes à les
négocier et que, dans l'hypothèse où elles ne les prennent
pas, elles vont continuer à être négociées au niveau
sous-sectoriel. C'est ce qu'on propose pour pouvoir arriver au rythme.
Par contre, l'autre dimension que vous avez soulevée dans votre
exposé de départ, selon laquelle les gens étaient
malheureux dans les établissements: le gouvernement se promène
avec ses normes, les syndiqués avec leur convention, je dirais
là-dessus que, souvent, on s'en plaint et, parfois, on exagère,
mais, effectivement, je ne veux pas minimiser le fait qu'il y a des contraintes
de part et d'autre, mais je ne voudrais pas non plus qu'on en fasse, je dirais,
le principal portrait de nos établissements parce que les gens
travaillent quand même dans nos établissements et on peut dire
que, de façon générale, il y a un niveau de satisfaction;
sinon, ils ne resteraient pas chez nous.
On peut mentionner que les objets qui ont été mis dans la
liste, par contre, ce sont des objets, même s'ils n'ont pas une
répercussion financière importante, pour les gens qui vivent au
quotidien dans nos établissements et qui rencontrent des
difficultés particulières, ce sont des objets qui ont beaucoup
d'importance, qui ont été historiquement négociés
au niveau sous-sectoriel ou national, mais qui ont dû, par la force des
choses, et on parlait des ententes illégales, tout à l'heure,
faire l'objet d'ententes presque illégales parce que mal
appropriées.
Or, en ramenant au niveau local ce pouvoir d'entente, on pense que
même si ce
sont des éléments qui n'ont pas de répercussion
financière, qu'ils ont une très grande importance dans la
qualité de vie au travail dans nos établissements.
Dans ce sens-là on pense que c'est un pas dans la bonne
direction. Maintenant c'est une invitation à nous demander aussi:
Pourquoi ne pas aller vers une décentralisation intrégrale, y
compris la dimension financière? C'est une bonne question.
M. Pagé: Dernière question. En conclusion, vous
dites: "Le changement dans les mentalités et les comportements
nécessaires à cette réforme est déjà
perceptible dans nos milieux de travail. " On le perçoit aussi. Comme je
l'indiquais ce matin, le syndicalisme de combat s'est réorienté.
On parle peut-être un peu moins de la rémunération, mais on
parle peut-être davantage de la qualité de vie au travail, de
l'emploi, du partage de l'emploi, etc. Comment concilier cela? C'est quoi votre
perception? Comment concilier ce qu'on sent dans les milieux, chez les
travailleuses et les travailleurs, avec l'absence de peut-être une
quinzaine de syndicats autour de notre table?
M. Thibeault: Cela aussi, c'est une bonne question. Lorsqu'on
regarde du côté des centrales syndicales ou du côté
des travailleurs et travailleuses, ce qu'on pense, c'est qu'effectivement, si
on décentralise au niveau local, on va ramener beaucoup plus plus
près des travailleurs et des travailleuses le pouvoir de
négociation sur un bon nombre d'objets. Dans ce sens-là,
l'évolution des mentalités qu'on dit perceptible
présentement dans nos établissements, c'est à ce
niveau-là qu'on l'observe. Ce n'est pas au niveau des
négociations tous les trois ans ou au niveau national. C'est vraiment
dans le quotidien, dans les difficultés qu'on éprouve, où
les parties patronale et syndicale s'assoient, examinent et essaient de trouver
des solutions. Dans ce sens-là, les mentalités, c'est
perceptible. Qu'on décentralise, cela va venir, je dirais, renforcer
cette évolution. L'absence des centrales, ici, aujourd'hui devant cette
commission, je pense, pose une question d'un autre ordre que celui du
changement des mentalités dont nous parlons présentement.
M. Pagé: Merci.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Oui, sur la décentralisation, à la
page 8. Je ne comprends pas tout à fait les explications que vous avez
données tout à l'heure au député de Portneuf. En
somme, à la page 8, en donnant les arguments voulus, vous voulez qu'il y
ait des listes à partir de la partie syndicale, au niveau local.
Concernant les listes déjà établies au point de vue
national qui vous sont présentées, vous avez un choix
là-dedans, dans le projet de loi. Si la liste est
déterminée et que vous ne vous entendez pas là-dessus,
vous avez déjà le statu quo qui s'applique à cette liste.
Pourquoi, vous autres, forcer le syndicat à confectionner une liste?
C'est cela que je ne comprends pas au niveau local.
M. Paradis (Jacques): II y a peut-être une question de
clarification avant tout.
M. Laplante: C'est cela que je ne comprends pas. Il me semble que
cela vous attire des problèmes.
M. Paradis (Jacques): C'est que le projet de loi prévoit
qu'il y aura une liste. Pour l'instant, la liste, c'est une page blanche. Le
ministre, tout à l'heure, nous disait qu'il y aurait bientôt,
demain peut-être, une liste de sujets qui devrait être une
avant-liste de l'avant-projet de loi. On a fait des exercices effectivement en
préparation des consultations que nous pourrons peut-être avoir
sur le contenu de cette liste éventuelle. Ce que je comprends, c'est que
la loi devrait contenir, pour les centres de services sociaux, une liste de X
sujets qui seraient dorénavant de juridiction locale. C'est là
que nous intervenons en disant: Oui, mais pas nécessairement
négociables tout de suite. Nous sommes d'accord avec l'idée d'une
liste pour que la décentralisation puisse effectivement être
vécue dans les milieux de travail où les gens, tant employeurs
que salariés, à leur rythme, pourraient puiser là-dedans
et dire: Nous voulons modifier la disposition nationale qui n'est pas tout
à fait à notre convenance pour différentes raisons. Donc,
on ne force pas des parties à négocier si elles n'en ont pas
besoin et, deuxièmement, si elles sont plus ou moins habilitées
à le faire, eu égard au contexte immédiat. Par contre, ce
sur quoi nous comptons, c'est que les parties locales vont développer
ces habiletés et de plus en plus puiser dans cette liste, ce qui fera en
sorte que, de plus en plus, la convention collective qui s'appliquera au niveau
local sera davantage issue de leurs ambitions respectives plutôt que des
ambitions de deux ou trois individus qui vont régler cela au niveau
central, à un moment donné. Donc, ce serait en quelque sorte une
liste indicative, une liste qui permettrait aux instances locales de
négocier localement si tel était leur désir et leurs
ambitions, indépendamment de ce que les organisations patronales ou
syndicales pourraient dire au niveau national, parce que c'est à elles
qu'on donnerait la possibilité de dire: On veut de la négociation
locale. Ce que nous
prétendons, c'est que nos établissements veulent de la
négociation locale, mais à leur rythme et en fonction de leurs
besoins. Nous disons: Laissons-leur la possibilité de prendre
elles-mêmes la décision en leur donnant dans la loi la
possibilité de négocier si elles le veulent et si elles
s'entendent pour le faire.
M. Laplante: Mais n'avez-vous pas peur à ce
moment-là d'avoir des listes interminables?
M. Paradis (Jacques): Non. Évidemment, c'est un sujet qui
demeure discutable, mais, dans notre esprit, c'est quelque 20 ou 25 sujets.
M. Laplante: II y a aussi moyen de bloquer des
négociations au niveau local. On a vécu cela, à un moment
donné, avec les commissions scolaires, avant que ce ne soit
centralisé, comme à l'heure actuelle. Les listes deviennent
tellement abondantes de part et d'autre que le statu quo reste, parce que les
gens disent en somme; Je ne veux pas négocier ton bloc. Tu ne
négocieras pas le mien. On en revient avec des frustrations
énormes, parce que personne n'a pu avoir d'amélioration dans sa
convention locale. C'est ma peur. J'aimerais comprendre cela. Comme partie
patronale, dans le cas de négociations locales, pouvez-vous me dire ce
qui arriverait s'il y avait trop de demandes de part et d'autre et que les
vrais sujets nationaux pouvant apporter quelques améliorations locales
seraient rendus à ce niveau? Qu'est-ce que cela amènerait au
bout? Il y aurait encore plus de frustration. J'ai peur de cela et j'aimerais
que vous puissiez me convaincre du contraire.
M. Paradis (Jacques): Très bien. En ce qui me concerne,
c'est que la mécanique qu'on propose fait en sorte que les
négociations au niveau du comité sous-sectoriel, au niveau
national continuent d'avoir lieu sur l'ensemble des dispositions normatives des
conventions collectives. L'objectif qu'on recherche là-dedans, du moins
dans un premier temps - on le dit peut-être dans le mémoire -
c'est de façonner le plus possible les stipulations au contexte des
centres de services sociaux en ce qui nous concerne.
Donc, le lendemain de la signature d'une convention au niveau national,
lorsque les parties locales se rencontreront au niveau local et diront:
Maintenant, on va négocier; on va tenter de négocier
peut-être l'article 3, l'article 4 ou l'article 10, selon la liste qui
sera disponible, si elles ne s'entendent pas pour le négocier ou sur une
solution avancée par l'une ou l'autre des parties, la mécanique
suggérée dans l'avant-projet de loi suppose que c'est le statu
quo qui s'applique et un statu quo qui, dans notre esprit, se vourdrait de plus
en plus à notre couleur et à notre réalité
plutôt que d'être du style de celui des centres hospitaliers, par
exemple, et même des gros centres hospitaliers. C'est dans ce sens que la
frustration à laquelle vous vous référez, quant à
nous, sera largement diminuée par ce mécanisme. Encore une fois,
au risque d'être angélique, on mise beaucoup sur le changement des
comportements et des mentalités dans les milieux de travail. Dans ce
sens, on pense que cette frustration, dans un second temps ou sous un second
volet, si vous voulez, pourra effectivement trouver des satisfactions.
M. Laplante: Mais qu'auriez-vous pensé, par exemple... Ce
n'est pas dans l'avant-projet de loi, c'est une initiative tout à fait
personnelle que je vais vous suggérer... Lors de conventions, il y a des
sujets à discuter. S'il y a, à un moment donné, 300 ou 400
articles - ce n'est pas rare dans les conventions collectives, il peut
peut-être y avoir un millier d'articles à un moment donné -
s'il y avait un pourcentage fixe des articles d'une convention collective qui
seraient renégociables sur un base de 5% ou 10% au niveau local et que
ce serait demandé autant par la partie patronale que la partie
syndicale, comme sujets de négociation sérieuse dans une
convention collective, que penseriez-vous d'une idée comme cela?
M. Paradis (Jacques): Ce que vous dites finalement, si je
comprends bien votre question, c'est: Pourquoi tout est renégociable
à nouveau alors que certaines dispositions pourraient très bien
être reconduites sans qu'on en discute et qu'on pourrait plutôt
concentrer nos énergies sur des sujets particuliers? Oui, c'est une
formule, effectivement, qui est vécue à certains endroits, sauf
que nous pensons que les différents niveaux de négociation, les
différents paliers de négociation qui sont dans l'avant-projet de
loi actuellement, d'une certaine façon, répondent à cette
façon de faire, en ce sens que, d'une part, il y a le rite annuel pour
la rémunération - donc, annuellement, on revoit la question. Au
niveau national, c'est triennal. Tous les trois ans on recommence le processus,
mais sur un nombre restreint de sujets, parce que, d'une part, on a
oublié ou on a disposé autrement de la
rémunération. On a également le local qui,
progressivement, quant à nous, va prendre un place de plus en plus
importante. Donc, au niveau local, c'est permanent et au gré des parties
ou aux deux ans, selon les différentes situations qui peuvent se
présenter, de telle sorte que la fameuse ronde aux trois ans - si on y
va dans une perspective de deux rondes de négociation, va
peut-être faire en sorte qu'on se
retrouverait sur dix, douze sujets au lieu d'en avoir quarante-deux
comme c'est le cas actuellement et laissant au niveau local, de façon
permanente et ad hoc, le soin de disposer d'autres questions plus terre
à terre ou plus près des parties en cause. Dans ce
sens-là, l'avant-projet de loi rencontre, d'une certaine façon,
le genre d'objectif qui pourrait être recherché par la formule que
vous émettiez comme hypothèse. (17 heures)
M. Laplante: Ce que je vois là-dedans, je le
répète, c'est qu'au niveau national, on allège la
négociation qui serait moins lourde, mais dans votre solution, on
alourdit actuellement le niveau local qui, souvent, est mal
préparé aussi au point de vue de conseillers. Ils n'ont pas les
moyens, souventefois, d'avoir les conseillers en relations du travail qu'il
faut au point de vue de la négociation. Si on pouvait limiter les sujets
d'une convention à l'autre ou d'une année à l'autre,
j'aurais moins peur d'apporter quelques sujets, de dire à la partie
syndicale et à la partie patronale: Vous allez emmener tant pour cent de
sujets. Actuellement, la proposition que vous faites revient à dire que
cela va alourdir énormément, parce qu'on ne pourra pas
l'appliquer seulement à vous autres, là-dedans, dans des cas
particuliers. Si on prend la grosseur des commissions scolaires qui auront
probablement 2500 ou 3000 élèves dans certaines commissions
scolaires, on sait qu'ils n'ont pas les ressources humaines, à ce
niveau, pour mener à bien les conventions collectives locales. Il leur
faudra certainement de l'aide, soit de la Fédération des
commissions scolaires ou d'autres instances gouvernementales. Si on arrive avec
la formule que vous dites, on connaît les demandes qu'il peut y avoir au
niveau syndical; à ce moment-là, elles sont énormes. Moi,
c'est seulement là-dessus que j'ai des réserves au sujet de votre
proposition. Peut-être que dans l'avenir, avec les années qui vont
venir, avec cette nouvelle forme de négociation, on apprendra à
mieux se comprendre au niveau local entre les instances. Il s'établira
un climat de confiance entre ces parties et ce sera peut-être plus facile
dans quatre ans, dans six ans, d'en arriver au principe que vous voulez
adopter. Actuellement, vous le dites vous-mêmes, au niveau local, ce sera
lourd en partant car vous n'êtes pas tout à fait prêts
à cela encore.
M. Thibeault: C'est-à-dire, non, nous, on est prêts.
Certains sont plus prêts que d'autres. Par contre, c'est un peu la
critique qu'on fait de l'avant-projet de loi, c'est-à-dire que, si on
rend obligatoire, à partir d'une liste qui s'appelle "l'annexe A", les
négociations locales, du jour au lendemain, là, effectivement, on
alourdit énormément parce que les gens ne sont pas prêts
à cela, ni en termes de ressources humaines pour le faire, ni,
peut-être, en termes d'habitude à négocier des
ententes.
Dans ce sens-là, notre proposition va effectivement dans le sens
d'éviter cette lourdeur spontanée qui pourrait se reproduire au
lendemain de la réforme du régime. Ce qu'on propose,
essentiellement, nous, c'est que, relativement à la liste à
négocier localement, ce soit les parties qui conviennent au plan local
de s'approprier les sujets au fur et à mesure qu'elles veulent se les
approprier. Donc, théoriquement, la liste est là; elles peuvent
tout négocier, comme elles pourraient, la première année,
dire: On ne négocie rien, on laisse tout le sectoriel le négocier
parce qu'on n'a pas les ressources, on n'a pas le temps ou cela ne nous
intéresse pas. Le sens de notre proposition, non seulement va permettre,
quant à nous, de respecter le rythme de chaque centre de services
sociaux mais, à la limite, si elle était adoptée pour
l'ensemble du secteur parapublic, elle permettrait même de respecter le
rythme des hôpitaux, des commissions scolaires et autres. C'est qu'elle
suppose au départ que la partie patronale et la partie syndicale au
niveau local s'entendent pour rapatrier de cette liste-là, certains
sujets qu'elles veulent négocier localement et une fois qu'elles les ont
rapatriées, si elles n'en viennent pas à un accord, il y a le
mécanisme du médiateur arbitre et, une fois que cela a
joué, si vraiment les parties ne s'entendent pas, c'est toujours le
statu quo. Dans ce sens-là, c'est ce qu'on appelle...
M. Laplante: Mais, je vais vous placer comme syndicaliste.
Supposons que vous êtes le président de votre syndicat...
M. Thibeault: Pardon?
M. Laplante:... et que votre patron vous a créé un
appétit en vous disant: Donne des listes, tous les sujets que tu penses
bons à être négociés localement, puisque vous
négociez de bonne foi, parce qu'on n'a pas à douter de la bonne
foi de la partie syndicale de négocier les demandes que le patron lui a
demandé de mettre sur la liste, et qu'à un moment donné,
vous trouvez, comme syndiqués, que la partie patronale n'est pas de
bonne foi, parce que après avoir créé des demandes, elle
refuse en majorité ce que les syndicats demandent et vous retournez,
telle que la loi vous le permet, au statu quo. Quelles réactions
auriez-vous en tant que président de ce syndicat-là?
M. Thibeault: C'est-à-dire que j'ai l'impression que, dans
ces règles de jeu-là, on se situe dans un rapport... Il peut
arriver que, sur un objet, le syndicat soit intéressé
à
conclure une entente locale. Le patron va dire: Moi, cela ne
m'intéresse pas parce que la clause provinciale me convient. Mais, par
contre, il pourrait arriver que sur un autre objet, la partie patronale soit en
demande pour négocier localement certains objets que le syndicat, lui,
ne voudrait pas voir négocier. J'ai l'impression qu'une dynamique locale
va s'installer avec ces règles du jeu et va faire en sorte que: Tu me
rends un service, je te rends un service et on règle nos
problèmes de part et d'autre. Comme on le mentionnait tout à
l'heure, il reste qu'on parle de changement de mentalité qu'on voit
déjà apparaître dans nos établissements à ce
chapitre-là. L'augmentation des ententes locales démontre
très bien que les parties dans les centres des services sociaux peuvent
s'entendre. À preuve, c'est qu'on conclut des ententes alors que c'est
dans la pure illégalité. Donc, il y a vraiment une volonté
de résoudre les problèmes tant du côté du patron que
du côté du syndicat.
Je me souviens d'un problème qu'on a eu il y a quelques
années où on avait importé chez nous, comme on le fait
toujours, la convention collective des hôpitaux. Dans une convention
collective d'hôpital, entre autres, quand on parle de transférer
du personnel d'un département à l'autre, on ne se pose pas la
question s'il va y avoir une distance de plus 50 kilomètres parce que
cela passe du 11e au 8e étage. Cette convention, rendue chez nous, quand
on transfère du personnel d'une filiale à l'autre, ce personnel
part de Chicoutimi et s'en va à Chibougamau. On n'avait pas tenu compte
de cette particularité. À ce moment-là, et le syndicat et
l'employeur étaient prêts à conclure des ententes locales
là-dessus parce que cela porte préjudice aux deux dans bien des
cas aussi. Lorsqu'il y a une entente locale, c'est parce que la clause
provinciale ne convient généralement pas ni à l'un ni
à l'autre. Il y a une recherche de solution appropriée.
M. Laplante: Merci, monsieur.
Mme Denis: II faut voir aussi que lorsqu'on parle du statu quo,
même provincial, ce qui est souhaité c'est que cela aussi soit le
résultat d'une négociation. La même dynamique dont vous
parlez au plan local, vous l'avez aussi au plan provincial.
M. Laplante: Elle part des tables de concertation, par exemple.
Elle ne part pas comme cela. Arriver à la base syndicale et dire:
Fais-nous tes propositions sur une négociation locale.
Déjà, un cheminement a été fait au niveau national
là-dessus, en tout cas... Je vous remercie.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, je voudrais revenir
brièvement à ce que disait M. Thibeault tantôt concernant
les relations entre le Conseil du trésor et les comités
patronaux. Je ne m'essaierais pas à répéter ce qu'il a
dit, je me contenterai de dire que ce qu'il a rapporté est tout à
fait exact, tant en terme d'objectifs poursuivis par le gouvernement dans ces
matières qu'en termes de contenu de l'avant-projet. J'ajouterai
cependant que, oui, il y a matière à réflexion sur cette
question-là. Devrait-il être suffisant que le Conseil du
trésor et le gouvernement aient le pouvoir d'invoquer
l'intérêt gouvernemental ou, si on a une approche un peu plus
préventive et qu'on demande d'avoir un mandat sur les questions autres
que les sujets de négociation locale? Il y a matière à
opinion là-dessus et l'avant-projet prévoit, effectivement, que,
oui, il devrait y avoir demande de mandat, mais on peut très bien
prétendre - et c'est matière à évaluation - qu'il
pourrait être possible de dessiner une liste de sujets qui ne sont pas de
négociation locale, mais qui font l'objet de l'accord entre
l'association patronale et le ministère des Affaires sociales en
l'occurrence, sur des sujets à prépondérance de
l'association patronale, sans répercussion financière, pour
lesquels il n'y aurait pas nécessité d'obtenir un mandat. Mon
seul point, c'est de dire que c'est difficile d'établir une telle liste.
Si c'est compliqué de trouver une liste de sujets à
décentraliser éventuellement localement, cela l'est aussi tout
autant de faire une telle liste à prépondérance patronale
sans aucune conséquence budgétaire, sans mandat, mais en
permettant, cependant, au Conseil du trésor de pouvoir revenir par une
déclaration d'intérêt gouvernemental qui, sauf erreur
d'ailleurs - je ne pense pas qu'il y ait de modifications là-dessus - ne
se fait pas par le Conseil du trésor, mais par le Conseil des ministres,
si ma mémoire est fidèle. La déclaration... C'est le
Conseil du trésor? Vous avez bien raison.
Maintenant, je voudrais revenir - pour le progrès des travaux, ce
serait important -sur la question de la rémunération. Je voudrais
simplement indiquer au député de Portneuf que je pense qu'il a
mal compris le discours que j'ai fait ce matin. La mise sur pied paritaire de
l'Institut de recherche en rémunération entraînerait la
négociation de la masse salariale par de nouveaux mécanismes mais
sans droit de grève. Qu'est-ce qu'on entend par
rémunération au sens de l'avant-projet de loi? Les salaires et
les échelles de salaires. Ce qui demeurerait à la
négociation nationale triennale, avec droit de grève, serait des
questions qui peuvent être incluses dans le concept de
rémunération globale mais qui sont différentes de celles
des salaires et des échelles de salaires. Les régimes de
retraite, par exemple, dans la
mesure où les assurances ou d'autres sujets qui ont fait
tantôt l'objet d'une loi de négociation - on ne sait plus si
c'était négociable ou non - mais toujours est-il qu'on en
parlait. Alors, les éléments de contenu de la
rémunération globale, autres que ceux des salaires et des
échelles de salaires, donc des enjeux avec une répercussion
financière mais qui, visiblement, seraient en nombre beaucoup plus
limité, pourraient continuer de faire l'objet d'une négociation
au niveau national avec droit de grève. Mais il est évident que
les enjeux en seraient considérablement limités puisque, comme on
l'a signalé tout à l'heure, quand on parle de
rémunération ou de rémunération globale, la
première réalité en cents et piastres qui nous vient
à l'esprit, c'est celle des salaires et des échelles de salaires;
c'est évident. Je tenais à préciser cela, parce que je
pense que, pour les intervenants, c'est important qu'on le situe
correctement.
M. le Président, quant à moi, je pense que le
mémoire de l'Association des centres de services sociaux du
Québec était clair et limpide quant aux prises de position de
cette association patronale. Comme j'ai eu l'occasion à de multiples
reprises de discuter de ces questions avec les associations patronales et que
je pense que les points principaux ont été abordés par MM.
Thibeault et Paradis et Mme Denis, je n'aurai pas d'autres questions pour le
moment. J'ignore si, du côté de l'Opposition ou de mes
collègues, il y a d'autres questions.
Le Président (M. Lachance): Je remercie les
représentants de l'Association des centres de services sociaux du
Québec et, d'une façon particulière, M. Thibeault, M.
Paradis et Mme Denis de leur présence ici en commission parlementaire et
de leur contribution à l'étude de ce régime de
négociation qui, comme on peut le voir par l'expérience
vécue, ne va pas pour le meilleur des mondes. Merci beaucoup.
M. Thibeault: C'est nous qui vous remercions.
Le Président (M. Lachance): Pardon?
M. Pagé: Vous voulez dire, M. le Président, que
cela ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Le Président (M. Lachance): Quelque chose comme cela. Si
on est ici, c'est pour essayer de l'améliorer et je vous en
remercie.
Nous allons poursuivre nos travaux à 20 heures ce soir au moment
où nous entendrons les porte-parole du Syndicat des conseillers en
gestion du personnel du gouvernement du Québec. Auparavant, j'inviterais
les membres du comité directeur à se réunir
immédiatement à la salle 198 pour prendre certaines
décisions inhérentes au fonctionnement de la commission.
Les travaux de la commission du budget et de l'administration sont
suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 14)
(Reprise à 20 h 10)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission du budget et de l'administration poursuit ses
travaux avec le mandat de procéder à une consultation
générale portant sur l'avant-projet de loi traitant du
régime de négociation des conventions collectives dans les
secteurs public et parapublic.
Nous entendrons, ce soir, les porte-parole du Syndicat des conseillers
en gestion du personnel du gouvernement du Québec que j'invite
immédiatement à prendre place à la table. En fin de
soirée, à partir de 21 heures, M. Denis Lebel viendra
présenter son mémoire.
Je souhaite la bienvenue aux gens du syndicat des conseillers en gestion
qui ont comme porte-parole M. Michel Lanouette, le président, à
qui je demande de bien vouloir identifier pour nous les personnes qui
l'accompagnent en commençant par son extrême gauche, s'il vous
plaît!
Syndicat des conseillers en gestion du personnel du
gouvernement du Québec
M. Lanouette (Michel): D'accord. Avec moi, les membres du conseil
d'administration et du syndicat des conseillers en gestion du personnel.
 l'extrême gauche, M. Gill Gosselin, qui est directeur au conseil
d'administration; ensuite, M. Bernard Lanctôt, qui occupe la fonction de
secrétaire et M. Michel Carpentier, qui occupe la fonction de directeur.
A ma droite immédiate, M. Pierre Cailloux, qui occupe la fonction de
trésorier; M. Bernard Taschereau, directeur et M. Louis-Georges
Brouillard, secrétaire exécutif.
Le Président (M. Lachance): Merci. Je vous invite
immédiatement à nous faire l'exposé relatif à votre
mémoire.
M. Lanouette: Merci. M. le Président, il me fait plaisir
de vous présenter, au nom des membres que nous représentons, nos
commentaires concernant l'avant-projet de loi sur le régime de
négociation des conventions collectives dans les secteurs public et
parapublic. Nous vous remercions sincèrement de l'occasion que vous nous
offrez de nous faire entendre sur un sujet qui nous intéresse au plus
haut point.
Laissez-moi d'abord vous expliquer brièvement ce qu'est le
syndicat des conseillers en gestion du personnel. Notre syndicat est une
association professionnelle qui a été autorisée par le
ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions
financières en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels. C'est
donc dire que ce n'est pas un syndicat reconnu en vertu du Code du travail ni
en vertu de la Loi sur la fonction publique comme peut l'être, par
exemple, le syndicat des fonctionnaires ou le syndicat des professionnels.
Par contre, le gouvernement, par arrêté en conseil, a
reconnu le syndicat comme représentant, pour fins de relations du
travail, de tous les employés du groupe des agents de la gestion du
personnel dans la fonction publique. Il y en a actuellement 542 qui exercent
leur profession dans les différents ministères et organismes; 80%
des conseillers et conseillères admissibles sont membres actifs de notre
syndicat sur une base volontaire. Le syndicat a une existence légale
depuis 1975, donc est relativement jeune, et ses comités de travail sont
assurés de façon bénévole par ses membres.
Le Syndicat des conseillers en gestion du personnel du gouvernement du
Québec juge important de commenter l'avant-projet de loi en raison de
l'impact quotidien des conventions collectives ou des documents qui en tiennent
lieu sur l'activité de ses membres. C'est donc à titre de
conseillers impliqués directement dans la gestion des ressources
humaines, notamment dans la négociation et l'interprétation des
conditions de travail, que nous soumettons ce mémoire.
Si vous permettez, M. le Président, j'ouvre ici une
parenthèse avant d'aller plus loin. On serait tenté, à ce
moment-ci, de se poser la question à savoir qui on représente,
quelle position on veut défendre. Est-ce qu'on est ici pour
défendre la position de la partie patronale, à laquelle nous
pouvons être associés comme partenaires dans la gestion du
personnel, ou encore celle de la partie syndicale, puisque nous sommes aussi un
organisme voué à la défense et à la promotion des
intérêts de nos membres? À cela nous répondons que,
dans ce dossier, nos intérêts sont ceux d'un groupement
professionnel qui s'interroge et qui est vivement intéressé par
tout ce qui touche la gestion des ressources humaines.
Nos membres évoluent dans les différents domaines de la
gestion des ressources humaines, que ce soit, par exemple, la sélection
du personnel, la formation et le développement des ressources humaines,
l'organisation administrative, les relations du travail, etc.
Plusieurs de nos membres sont impliqués directement dans la
négociation et dans l'application des conventions collectives.
Étant donné notre expertise, étant donné le
rôle que nous jouons directement auprès des gestionnaires et
auprès des employés, nous sommes bien placés pour voir les
impacts que peuvent avoir des négociations, pour voir les
difficultés que peut poser l'application des conventions
collectives.
C'est donc dans cette optique que nous avons préparé ce
mémoire et que nous vous le présentons.
Je passe la parole à mon collègue, Pierre Cailloux, qui va
vous livrer la première partie de ce mémoire.
M. Cailloux (Pierre): Merci. M. le Président, M. le
ministre, messieurs de la commission, mesdames et messieurs du public, le
mémoire qu'on vous présente ce soir se compose de quatre grandes
parties. Premièrement, la problématique; deuxièmement, les
attentes des parties concernées; troisièmement, les changements
proposés; quatrièmement, les forces favorables aux changements;
auxquelles parties s'ajoute une conclusion.
La première partie, la problématique, nous tenons à
le rappeler en premier, parce que ça sous-tend normalement le projet de
réforme du régime de négociation du secteur public. Cette
problématique, nous l'abordons sous deux chefs; en premier, à
partir d'une reformulation de ce que nous trouvons important dans le document
qui a été préparé par le Conseil du trésor
intitulé, "Recherche d'un nouvel équilibre", et aussi, sous le
chef de notre perception à titre de syndicat comme tel. Rappelons
brièvement la problématique de ce document que nous avons
étudié. Ce document traite de la question sous cinq thèmes
qu'on assimile à des difficultés éprouvées dans le
régime actuel, nommément, l'égalité des parties
négociantes, l'hypercentralisation, l'affrontement systématique,
le règlement des différends, les mentalités et
l'avenir.
Au titre de l'égalité des parties négociantes, je
dirais plutôt qu'on confond souvent le rôle de l'État
employeur avec le rôle de l'État gouvernement et que les choix qui
concernent l'ensemble de la société ne sauraient être
négociés autour d'une table de négociation.
On touche l'hypercentralisation, à savoir qu'elle est
nécessaire en certaines occasions, mais qu'elle n'a cessé de
croître depuis 20 ans et qu'elle affecte même plusieurs
matières d'intérêt, d'abord, local. On continue avec
l'hypercentralisation en soulignant toutes les conventions collectives
extrêmement complexes que cela a entraînées avec toute la
restriction des marges de manoeuvre au point de vue local. Cette même
hypercentralisation nuit à la création d'un climat de travail
propice basé sur une qualité des services, objectif essentiel et
primordial dans une fonction publique ou parapublique, et aussi sur la
qualité de vie au travail, fondement de la motivation, d'un bon
rendement des ressources et des investissements humains. Il est difficile, avec
toute cette hypercentra-lisation, de concilier les impératifs de
contrôles budgétaires et financiers avec les rôles des
différents partenaires et un régime adéquat de
négociation. Enfin, sous ce chef, dans la perspective d'une
décentralisation, dans un mouvement de pendule, on parle d'un retour en
arrière et on craint que ce soit difficile et qu'on revienne à
des disparités locales injustifiées.
Le troisième point de ce document, c'est l'affrontement
systématique. Je pense que tout le monde connaît - ce document le
souligne - les affrontements successifs, les crises politiques et sociales que
cela a entraînés. Enfin, cela rappelle, je pense à juste
titre, que la négociation porte inévitablement en soi des
possibilités de conflits, et le mot "inévitable" est très
fort.
L'affrontement systématique, c'est un des grands défauts
du système que souligne ce document dans le sens que cela fonctionne par
à-coups dans un rapport périodique de forces où il y a
fatalement des gagnants et des perdants, ce qui entraîne dans la ronde
suivante un match revanche où on a à régler tous les
problèmes accumulés, en plus de prévoir tous les
éventuels problèmes hypothétiques, les situations
conflictuelles, etc.
Le règlement des différends. On dit que l'exercice des
moyens de pression découle du processus même de la
négociation, que le recours trop fréquent à des moyens de
pression - c'est un jugement de valeur -découle soit du mauvais
fonctionnement du régime, soit de la mentalité des parties ou des
deux. Cela nous plaît de voir ça là.
Dans le réseau des affaires sociales, auquel on semble attacher
une importance plus spéciale, on dit que l'exercice du droit de
grève soulève inévitablement la question de la
primauté de ce droit sur les droits à la vie, à la
santé et à la sécurité du public. On parle
également de ce même réseau en termes de
caractéristiques et on dit qu'il est difficile de définir de
façon pratique les services essentiels adéquats, encore pis, on
dit qu'il est difficile de s'assurer, pendant le conflit, que ces mêmes
services ont été bien définis et surtout qu'ils sont
effectivement et adéquatement maintenus pendant une grève.
Depuis 1970, on souligne également les lois spéciales qui
ont restreint le droit de grève et, enfin, on dit que l'abolition du
droit de grève ne résout pas tous les problèmes. Il faut
choisir un substitut adéquat, dit-on.
Enfin, dans ce document, qui est une toile de fond bien brossée,
on parle des mentalités de l'avenir. On y dit textuellement, ou à
peu près, qu'il ne suffit pas de mofifier les structures ou les
délais pour qu'un régime de négociation fonctionne, qu'il
faut également un changement des mentalités qui ne peut survenir
du jour au lendemain.
C'est le document du Conseil du trésor que nous tenions à
rappeler, parce qu'il était important pour nous comme toile de fond.
La problématique, telle que perçue par le Syndicat des
conseillers en gestion du personnel du gouvernement du Québec. Tout en
étant d'accord avec la majorité des constats proposés dans
ce document "Recherche d'un nouvel équilibre", notre syndicat croit
opportun d'ajouter quelques éléments à cette toile de fond
sur laquelle on s'apprête à dessiner un nouveau régime de
négociation. Nos réflexions nous amènent à vous
faire part des quelques perceptions suivantes: Le gouvernement n'a et ne sera
jamais un employeur comme les autres visés par le Code du travail, cela
vaut la peine de le répéter même si je pense que c'est de
notoriété publique.
Le régime actuel de négociation dans le secteur public
est, sur le plan de l'encadrement légal, à notre avis et de
l'avis de plusieurs, un des plus libéraux de tous les pays
industrialisés. D'autre part, les conflits dans le secteur public ont et
- pouvons-nous dire - auront toujours une saveur politique et pour le
gouvernement et pour les syndicats. Enfin, tombons dans les choses plus
concrètes, il y a les séquelles de la ronde de 1982. Ces
séquelles se font encore sentir chez les employés de
l'État et du parapublic - nous sommes bien placés pour le savoir
-ce sont nos clients en grande partie avec les gestionnaires et nous les
côtoyons en grande partie quotidiennement.
Les événements récents de Saint-Ferdinand d'Halifax
nous laissent songeurs et laissent entrevoir des attitudes qui
prévaudront vraisemblablement de part et d'autre lors de la prochaine
ronde de négociation. Le régime de négociation actuel -
pour nous c'est important parce que nous sommes venus ici l'an dernier à
l'occasion de la loi 51 - ne correspond pas à l'esprit et aux principes
que l'Assemblée nationale a voulu mettre de l'avant en votant l'actuelle
Loi sur la fonction publique, la loi 51. Voilà donc, un peu la
problématique à partir de laquelle nous avons bâti ce
mémoire.
Nous avons voulu aussi rappeler les attentes des parties
concernées, les attentes de différents groupes qui sont,
nommément, la population sous plusieurs chefs, les salariés du
secteur public, les gestionnaires de ces mêmes salariés, les
attentes des syndicats, les attentes du gouvernement.
Les attentes de la population, quelles sont-elles? Sans faire de grandes
recherches sociologiques on peut facilement dégager certaines
perceptions. Le contribuable s'attend à recevoir le plus de services
possible, bien sûr, en retour de ses contributions, sans voir son
fardeau fiscal augmenter, vérité de La Palice. Le
bénéficiaire des services gouvernementaux souhaite
évidemment que les services soient de bonne qualité et surtout
qu'ils ne soient pas interrompus. Le salarié du secteur privé
espère être traité équitablement en comparaison avec
les conditions de travail consenties aux employés du secteur public et,
depuis quelque temps, on se demande si cela ne pourrait pas être vice
versa. Le chômeur doit souvent penser que le gouvernement est
déjà trop généreux à l'égard de ses
employés.
Quelles sont les attentes des salariés du secteur public? Ces
employés désirent, bien sûr comme tout le monde, une
bonification de leurs conditions de travail mais ils désirent entre
autres choses une plus grande démocratisation, tant dans la vie
syndicale que dans la vie au travail, le respect de l'employeur et c'est
très important.
Les attentes des gestionnaires. Ces gestionnaires, pour gérer,
ont besoin d'une marge de manoeuvre dans la gestion, dans leurs ressources, et
moins de ces normes rigides et inefficaces inscrites souvent dans les
conventions collectives actuelles.
Les syndicats. Leur préoccupation pour la conservation des droits
acquis est presque légendaire. Ils cherchent à obtenir par une
négociation libre, les meilleures conditions de travail possible pour
leurs membres. Le vocabulaire utilisé par ces instances: luttes,
combats, adversaires, etc., permet de penser que l'action syndicale se situe
inévitablement dans une perspective de confrontation.
Les attentes du gouvernement. Le gouvernement fait part, dans le
document, de la recherche d'un nouvel équilibre, d'un certain nombre
d'attentes qu'il convient de mentionner. Le gouvernement veut faire les choix
pour lesquels il a été élu, réduire les
défaillances structurelles majeures du régime, clarifier le
rôle de l'État, éviter les affrontements réguliers,
pouvoir s'adapter avec souplesse au profond changement que vit notre
société, bref, trouver un équilibre et des solutions.
Est-il nécessaire de le souligner ici que, pour un syndicat comme
pour un gouvernement, il y a des élections au bout. Alors, à la
lumière des attentes plus ou moins hypothétiques de ces
différents groupes, nous allons maintenant aborder comme telle la
position de notre syndicat face à l'avant-projet de loi en
considérant, maintenant, les grandes lignes et les changements
proposés dans ce même avant-projet. Pour ce faire, je passe la
parole à M. Michel Carpentier.
Le Président (M. Lachance): Je m'excuse de vous
interrompre. Je voudrais vous faire remarquer que le temps file rapidement. Si
vous voulez permettre des échanges d'opinions avec les membres de la
commission, il faudrait pouvoir vous restreindre au niveau de la compression de
votre exposé. Ceci dit...
M. Cailloux: Nous prenons bonne note. Le Président (M.
Lachance): Allez-y!
M. Carpentier (Michel): Je prends note. Disons, vous savez, comme
nous autres, ce que l'avant-projet de loi propose, donc, je saute cette partie
et je file directement aux commentaires que nous aimerions faire.
Si on essaie d'établir des liens entre le document "Recherche
d'un nouvel équilibre" et l'avant-projet de loi, on constate que les
dispositions de l'avant-projet se retrouvent globalement parmi les
hypothèses et les interrogations proposées dans "Recherche d'un
nouvel équilibre". Donc, dans le fond, il n'y a pas de surprise pour
personne. Par exemple, le souci de modifier progressivement le régime
paraît, d'un certain point de vue, avoir été
respecté. En contrepartie, ce qui se présentait comme un
compromis par le gouvernement ne manquera pas, à notre avis,
d'être perçu par les syndicats comme une perte de droits acquis.
Parce que nous sommes convaincus de la nécessité de
procéder par étapes, nous craignons que certaines avenues
proposées dans l'avant-projet et surtout leur rythme d'implantation
aient des effets contraires à certains des objectifs
énoncés dans la "Recherche d'un nouvel équilibre". Par
exemple, les syndicats - on peut penser - se considéreront perdants dans
cette réforme, surtout si elle est faite en une seule étape et
nous ne pensons pas que ce soit, pour eux, une incitation à renoncer aux
affrontements, bien au contraire.
Nous désirons souligner deux points qui nous apparaissent
particulièrement intéressants. D'abord, la création de
l'Institut de recherche sur la rémunération nous paraît,
moyennant certaines conditions, moyennant que les gens acceptent d'y
adhérer, devoir contribuer efficacement à l'amenuisement des
tensions entre les parties et les tiers. D'autre part, nous souscrivons
également entièrement à l'idée d'une
négociation permanente qui permettrait de réduire l'accumulation
des problèmes qui ne sont pas réglés.
Nous souhaitons apporter quelques précisions au niveau du texte.
Tantôt on parle de rémunération globale, tantôt on
parle de rémunération. Si une concordance n'est pas
établie, selon nous, partout dans l'avant-projet, non seulement une
concordance mais, comme disait Fernand Morin en fin de semaine, peut-être
une définition de ces termes, nous entrevoyons le risque de tenter de
comparer des pommes
avec oranges. C'est une chose que de comparer des salaires et c'est
autre chose que de comparer un ensemble qui constitue la
rémunération et, par conséquent, d'affaiblir sinon
d'anéantir l'impact que pourraient avoir les données produites
par l'institut. (20 h 30)
Aux articles 20 à 27 qui traitent de la négociation
à l'échelle nationale, le texte ne nous paraît pas clair
quant au mode de règlement des différends après
l'intervention du médiateur. Dans les deux cas, on arrive avec un
rapport rendu public, mais rien ne précise ce qui se passe après.
De la même manière, lorsqu'on parle des négociations
à l'échelle locale ou régionale, aux articles 31 à
39, on s'interroge sur la nature exacte de la juridiction du
médiateur-arbitre et sur les façons d'exercer cette juridiction.
Il me semble qu'il y a des précisions qu'il y aurait
intérêt à apporter à ce niveau. On s'étonne
également des dispositions qui confèrent à un individu des
pouvoirs qui n'appartiennent généralement qu'à une cour de
justice.
Plus loin, à l'article 43, lorsqu'on parle de la
négociation au niveau des organismes gouvernementaux, on trouve que le
rôle du ministre tel que défini semble, de prime abord,
plutôt symbolique et à rebours par rapport aux intentions de
décentralisation. On a l'impression que le ministre sert un peu de
boîte aux lettres là-dedans et à pas grand-chose de
plus.
Pour ce qui est des organismes gouvernementaux, aux articles 40 à
45, on regrette, dans notre cas, l'absence de référence directe
aux recherches de l'institut. On est tenté de penser que le dicton deux
poids, deux mesures pourrait être appliqué ici. Pourquoi ne
profiterait-on pas, dans le secteur des organismes gouvernementaux, des
données que pourrait fournir l'institut?
Enfin, aux articles 70 et 71, on trouve que le Conseil du trésor
se retrouve encore dans la position délicate de juge et partie.
Dans une quatrième partie, on a essayé d'examiner quelles
étaient les forces favorables aux changements. Voici quels points
positifs on a trouvés. Il y a tout d'abord la frustration
générale engendrée par les échecs
consécutifs subis par l'une ou l'autre des parties au cours des six
rondes de négociation qui nous semble assez élevée pour
que la plupart des acteurs accueillent favorablement des propositions de
réforme. D'autre part, on pense qu'une partie significative des attentes
- on a énoncé hypothétiquement un certain nombre
d'attentes en deuxième partie, des attentes de la population, des
salariés du secteur public, des attentes des gestionnaires, des
syndicats et du gouvernement - se verrait satisfaite au moins partiellement par
l'adoption d'un projet de loi qui irait un peu dans le sens de l'avant-projet
de loi. Une troisième force positive, le recours à l'arbitrage
où l'ésotérisme de certains articles de conventions
collectives, la difficulté d'administration de certaines clauses, les
changements dans la conjoncture, les complicités plus ou moins tacites
entre gestionnaires et employés, font que dans la pratique, les parties
entretiennent des rapports continus, prélude à une
négociation continue. Ce qu'on pense, c'est que, dans les faits, il
existe actuellement une espèce de négociation continue.
Finalement, à notre point de vue, les obligations et les
responsabilités du gouvernement, de même que les pouvoirs dont il
est investi, rendent légitime aux yeux de l'opinion publique et dans les
faits son intervention par une réforme.
Cependant, on ne veut pas fermer les yeux sur certaines
difficultés prévisibles. On en a évoqué
quelques-unes tout au long de notre réflexion. Il y en a deux qui nous
paraissent particulièrement significatives. Ce sont deux questions qu'on
pose.
Premièrement, comment éviter l'affrontement avec les
syndicats qui se sentiront à coup sûr lésés par la
perte de droits acquis, le droit de grève, entre autres, et le droit de
négocier certaines matières? Deuxièmement, comment rendre
viable à court terme un régime dont l'efficacité repose en
partie sur un changement de mentalité qui, lui, ne peut que se faire
à moyen et à long terme?
M. Lanouette: En guise de conclusion, M. le Président,
toutes les personnes de bonne foi reconnaissent que la réforme est
inéluctable. Là où on est moins d'accord, c'est sur la
nature de la réforme souhaitable et sur le choix de stratégies
appropriées pour procéder à la satisfaction du plus grand
nombre à cette réforme.
Nous n'avons pas de réponses toutes faites, ni de solutions
miracles à proposer pour répondre à ces deux niveaux de
préoccupations. Cependant, nous aimerions soumettre à cette
commission deux considérations qu'il nous paraît utile d'examiner
dans le contexte actuel.
La première considération: grâce au progrès
de l'étude des sciences du comportement humain, nous disposons
maintenant en gestion des ressources humaines de moyens relativement efficaces
pour amener les gens à modifier leur attitude et leur comportement en
regard de leurs intérêts qui ne sont pas nécessairement
irréconciliables avec ceux de l'organisation à laquelle ils
appartiennent. Autrement dit, l'évolution des mentalités peut
être provoquée et encouragée par des techniques
d'apprentissage et de développement si certaines conditions sont
réunies. Par exemple, un bon climat de confiance, d'ouverture, de
responsabilisation et d'interdépendance. Cette solution requiert
cependant beaucoup d'investissement en temps et en énergie.
Deuxième considération: si on choisit une démarche
systémique pour faire le diagnostic d'une organisation, on est
forcé de considérer le régime de négociation comme
l'un des sous-systèmes qui favorisent ou nuisent à atteindre des
objectifs organisa-tionnels. Ce qui revient à dire qu'un régime
de négociation ne saurait être efficace s'il est défini
sans référence aux autres composantes du système.
Les rapports entre êtres humains, même le milieu de travail,
ne sauraient être exclusivement définis par l'encadrement
juridique de lois du travail et des conventions collectives. On oublie trop
souvent que certaines organisations fonctionnent à la satisfaction de
leurs membres sans que ces derniers ne soient liés entre eux par un
contrat de travail. Ignorer ces deux considérations, c'est-à-dire
ne pas avoir de vision globale, et tourner le dos à des approches comme
celle de la qualité de vie au travail et du développement
organi-sationnel, c'est peut-être renoncer à des avenues qui
contiennent des éléments de solution.
Pour terminer, j'ajoute quelques commentaires qui résument ou qui
complètent la position que nous avons exprimée dans ce
mémoire. Notre syndicat est, dans l'ensemble, d'accord avec la
problématique telle qu'exposée dans le document du Conseil du
trésor, "Recherche d'un nouvel équilibre". Par conséquent,
nous sommes d'accord avec la nécessité d'une réforme.
Deuxièmement, les moyens préconisés par
l'avant-projet de loi pour mettre de l'avant cette réforme sont avant
tout d'ordre technique et légal. Cet avant-projet de loi contient des
éléments intéressants et nous les avons soulignés
dans notre mémoire. Nous nous sommes également interrogés
sur d'autres éléments et nous avons, de plus,
dénoté certaines imprécisions.
Cependant, quant à nous, le point majeur est le fait qu'une
véritable réforme ne peut s'opérer que par un changement
de mentalité, un changement d'attitude des intervenants
concernés. Or, on constate notamment que les changements importants au
régime sont au risque d'être imposés
unilatéralement, qu'ils se feront en une seule étape et que l'une
des parties concernées risque de se considérer la grande
perdante, la victime d'un règlement de compte.
Le changement de mentalité dont on parle pourra difficilement se
faire dans ce contexte. De nouveaux affrontements majeurs demeurent
prévisibles et une foule de problèmes de relations du travail en
découleront.
En terminant, je vous signale que, à notre avis, les
problèmes liés à ce qu'on a appelé
l'hypercentralisation dans le document du Conseil du trésor sont loin
d'être réglés. Un effort de décentralisation est
peut-être fait dans le cas des réseaux des affaires sociales et de
l'éducation, mais ce n'est sûrement pas le cas pour la fonction
publique. On devrait plutôt parler de statu quo en ce qui concerne la
fonction publique.
Cela nous semble également aller à l'encontre de l'esprit
de la nouvelle Loi sur la fonction publique, c'est-à-dire de la loi
51.
M. le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Lanouette. M. le
ministre délégué à l'administration.
M. Clair: Oui, M. le Président. Dans un premier temps, je
voudrais remercier le Syndicat des conseillers en gestion du personnel du
gouvernement du Québec - tel est son nom officiel - d'avoir bien voulu
se pencher sur l'avant-projet de loi en ce qui concerne le régime de
négociation dans les secteurs public et parapublic et saluer M.
Lanouette, son président.
Comme le président du syndicat en question l'a indiqué,
ces gens représentent des gens qui sont effectivement impliqués
dans la gestion des ressources humaines sur le plan quotidien et qui ont toutes
les raisons de venir nous éclairer quant à leurs interrogations,
leur point de vue sur la gestion des ressources humaines à partir des
conventions collectives ou de l'absence de conventions collectives que produit
le système de négociation dans lequel nous évoluons
présentement.
Ils sont également régulièrement impliqués
de manière directe ou indirecte dans les négociations à
proprement parler et également dans l'application de ces conventions.
C'est donc une expertise à partir de leur vécu qu'ils nous
apportent - je pense qu'à ce point de vue, même s'il ne s'agit
pas, à proprement parler, comme M. Lanouette l'a bien indiqué au
départ, d'un syndicat au sens où on l'entend traditionnellement -
d'avoir bien voulu accepter de se pencher sur l'avant-projet de loi.
Je voudrais immédiatement répondre à deux ou trois
interrogations qui ont été soulevées par le mémoire
du Syndicat des conseillers en gestion du personnel du gouvernement du
Québec. En ce qui concerne les précisions à apporter au
niveau des termes "rémunération" et "rémunération
globale", il ne fait aucun doute dans mon esprit que vous touchez là un
point important et que, effectivement, que ce soit au niveau du texte de
l'avant-projet de loi ou de l'éventuel projet de loi ou encore au niveau
ne serait-ce que du discours, il importe de bien distinguer ces deux
notions-là et peut-être ne l'avons-nous pas fait
suffisamment jusqu'à maintenant. Au sens strict de l'avant-projet
de loi, le terme "rémunération", lorsque l'on parle du rôle
de l'Institut de recherche en rémunération, porterait
essentiellement, comme j'ai eu l'occasion de le dire cet après-midi, sur
les salaires et les échelles de salaires. Donc, un sen3 assez
limité de la rémunération afin de faciliter
l'établissement de multiples types de comparaison.
Quant à l'expression "rémunération globale" qui
était employée dans le document "Recherche d'un nouvel
équilibre" et qu'on a employée à plusieurs autres
occasions, sans essayer de vous donner une définition au sens du
dictionnaire, de la fonction publique, des secteurs public et parapublic et du
Conseil du trésor, je dirai que de manière générale
lorsqu'on parle de rémunération globale, d'abord on a la
tradition de tout ramener en termes de rémunération horaire et
d'y inclure tout autant le salaire, les primes, toutes les questions de
congés fériés, chômés, avantages sociaux,
assurances, régime de retraite et autres, donc, une conception
très large de ce qu'est la rémunération, en termes de
coûts pour le gouvernement, de la main-d'oeuvre et de la ramener sur une
base horaire pour des fins comparatives. Ceci étant de manière
non exhaustive, parce qu'on pourrait dresser toute une liste de ce que comprend
et de ce que ne comprend pas la rémunération globale. Pour les
fins de l'avant-projet de loi, donc l'Institut de recherche en
rémunération se pencherait sur "salaire" et "échelle de
salaire" et demeurerait dans le régime de négociation triennal
tel qu'il existe présentement, toutes les autres questions indirectement
reliées au salaire, je dirais...
Une autre question qui est soulevée dans le mémoire, si ma
mémoire est fidèle, je ne me souviens plus à quelle page,
c'est celle du secteur péripublic, certains organismes gouvernementaux
qui ne sont pas couverts par l'avant-projet de loi.
Nous nous sommes longuement penchés sur cette question et je
dirais qu'on est un peu en face d'une situation où on a à
considérer la tradition, la logique et la différence entre les
sociétés d'État et le gouvernement et les
sociétés d'État en situation monopolistique et
sociétés d'État en situation non monopolistique, dans le
sens qu'il est bien évident que Hydro-Québec, par exemple, se
compare davantage à Bell Canada comme entreprise quant à son
importance, quant à la place qu'elle occupe. Même si Bell Canada
n'a pas un monopole au Québec, c'est fort différent de parler
d'Hydro-Québec que de parler de la filiale Louvem, de la
Société québécoise de l'exploration minière
qui est une entreprise en concurrence avec d'autres entreprises dans un
marché beaucoup plus concurrentiel que dynamique au sens de la
concurrence, que peut l'être Hydro-Québec.
On était un peu en face de situations multiples. Au point de vue
de la tradition, on sait tous que celle-ci veut que par sédimentation il
y ait des organismes paragouvernementaux ou sociétés
d'État même qui doivent venir requérir des mandats de
négociation ou faire approuver des mandats de négociation au
Conseil du trésor. Si ma mémoire est fidèle, même
HydroQuébec et la Société des alcools du Québec
sont dans cette situation alors que, si je me souviens bien, REXFOR n'est pas
dans une telle situation non plus que SOQUEM, non plus que Loto-Québec,
je crois, qui est également dans une situation qu'on pourrait presque
inclure dans une troisième catégorie. (20 h 45)
Pour l'instant on a limité aux seuls organismes gouvernementaux,
je dirais, l'application de l'avant-projet. Quant aux sociétés
d'État, celles qui sont en monopole comme celles qui ne sont pas en
monopole, ce que nous avons considéré, c'est qu'il y avait
précisément une commission, la commission Châtillon qui a
maintenant changé de nom à cause de son président, qui est
chargée de revoir les mécanismes, le Code du travail, dans le
secteur privé. Il nous a semblé qu'il pouvait être
préférable à ce stade-ci, sans fermer la porte à
des considérations ultérieures, pour l'instant de ne pas les
inclure dans le champ de nos travaux. C'est donc dire, M. le Président,
que je suis conscient que les arguments que je fais valoir s'appuient sur des
distinctions qui sont parfois, je dirais, ténues et, par ailleurs,
à l'occasion, appuyées simplement sur la tradition. Ce que nous
avons surtout voulu viser par l'avant-projet de loi, il s'agit principalement
de ce qu'on pourrait appeler -entre guillemets - les "services publics", en
sachant que cette définition n'était pas parfaite parce que
quelqu'un pourrait fort bien prétendre qu'Hydro-Québec, c'est un
service public. Quelqu'un employait aujourd'hui, dans un mémoire,
l'expression "qui trop embrasse mal étreint", mais on a
préféré aujourd'hui, dans l'avant-projet de loi,
restreindre les travaux du Conseil du trésor sur ce qui était le
plus spécifique au titre de services publics au sens où on
l'entend généralement, c'est-à-dire les trois grands
réseaux, fonction publique, réseau de l'enseignement et
réseau des services de santé et de services sociaux.
Quant à l'autre question, je pense que je ne ferai pas de
commentaires. Je préférerais en poser sur le Conseil du
trésor juge et partie plutôt que de faire un commentaire. Le
mémoire du SCGPGQ -pour employer l'abrégé - commence par
établir la problématique et fait état
d'éléments additionnels de problématique à ceux qui
étaient publiés dans le document, "Recherche d'un nouvel
équilibre", en mai
dernier. Si je ne me trompe pas, parce que, malheureusement, les copies
qu'on nous a remises n'étaient pas paginées - j'ai paginé
rapidement la mienne à partir d'une seule référence -
à la page 10 du mémoire, vous dites que vos réflexions
vous amènent à nous faire part des quelques perceptions
suivantes. La première, c'est que le gouvernement n'est pas et ne sera
jamais un employeur comme les autres visés par le Code du travail. Vous
l'établissez comme un élément de problématique et
je pense que c'est largement entendu, reçu dans l'opinion publique que
le gouvernement n'est pas et ne pourra jamais être un employeur comme un
autre puisque les sanctions économiques qui devraient s'ensuivre
normalement, si on était dans le secteur privé, n'ont pas la
même portée dans le secteur public. Lorsque le gouvernement
employeur négocie, il ne peut pas oublier ses autres
responsabilités. Oui, je pense que c'est un élément
problématique important.
Nulle part dans votre texte je n'ai pu trouver de conclusion,
découvrir de piste quant aux conclusions auxquelles cela doit conduire,
que ce soit en termes de rémunération, de
non-négociabilité de la rémunération ou de
négociabilité. Au-delà des distinctions entre
rémunération au sens strict et rémunération
globale, etc., à quelle conclusion vous amène cet
élément, je pense, fondamental de la problématique? Je
vais y ajouter deux autres questions, puisque c'est à la page suivante,
quant à des éléments de problématique qui, à
mon sens, normalement, doivent amener une conclusion ou, en tout cas, une piste
de solution. Au cinquième paragraphe, après avoir rappelé
les séquelles de la ronde de 1982, vous indiquez que les
événements récents de Saint-Ferdinand d'Halifax laissent
entrevoir des attitudes qui prévaudront vraisemblablement de part et
d'autre lors de la prochaine ronde de négociation. Sans prétendre
que vous puissiez disposer d'une boule de cristal, je serais
intéressé à connaître votre perception quant
à ce que semble sous-entendre à l'égard du gouvernement
des associations patronales ou des patrons du secteur public, parce qu'il y
avait quand même un établissement géré par des
patrons qui était en cause dans cette affaire. Qu'est-ce que vous voyez
venir? À quoi voulez-vous nous alerter relativement à ce
problème?
Finalement, au point 6, vous indiquez: "Le régime de
négociation actuel ne correspond pas à l'esprit et aux principes
mis de l'avant dans l'actuelle Loi sur la fonction publique. " M. Lanouette, je
pense, est revenu sur ce point en conclusion. J'aimerais aussi que, sur ce
point, vous nous indiquiez en quoi vous considérez que l'avant-projet de
loi ne correspond pas à l'esprit et aux principes mis de l'avant dans la
loi 51.
D'ores et déjà, je reconnais que, lorsqu'on parle de
décentralisation, par exemple, il me paraît bien évident -
j'ai eu l'occasion de le dire à M. Harguindeguy -que, tel que
déposé, tel que mis de l'avant, l'avant-projet de loi ne vient
pas faire de chacun des ministères l'équivalent d'un conseil
d'administration d'un centre hospitalier ou encore d'une
fédération des centres d'accueil, ou des CLSC, ou des commissions
scolaires du Québec, mais si cette affirmation veut dire que
peut-être que l'avant-projet de loi ne va pas aussi loin que vous ne le
souhaitiez dans le sens de la loi 51, c'est une chose et s'il s'agit de dire
que le projet de réforme, au contraire, contredit en quelque sorte la
loi 51, cela en est une autre. Sur ces trois questions, j'aimerais
connaître votre point de vue.
Le Président (M. Lachance): M. Lanouette.
M. Lanouette: Je peux peut-être commencer par le dernier
point, la loi 51. L'un des principes, l'esprit de base de la loi 51, c'est la
décentralisation, la responsabilisation des ministères et des
organismes et surtout celle des gestionnaires qui ont effectivement à
gérer des ressources humaines pour atteindre leurs objectifs:
responsabilisation, imputabilité. On s'attarde surtout à l'aspect
centralisation. L'un des éléments importants, peut-être un
des outils importants du gestionnaire pour gérer ces ressources
humaines, ce sont les conventions collectives qui définissent un peu les
règles du jeu, les rapports entre les employés et les
gestionnaires. Cette partie leur échappe complètement. Les
conventions collectives sont entièrement, exclusivement
négociées à un niveau central. Elles sont devenues
extrêmement complexes avec le temps. On n'a qu'à regarder leur
épaisseur et cela nous donnera une idée de tout ce qu'il peut y
avoir là-dedans. On essaie de tout prévoir, de définir
tous les rapports. Il faut pratiquement être expert pour être en
mesure de comprendre ces conventions collectives. Nous disons qu'il y a
peut-être des questions d'intérêt local à tout le
moins qui devraient être négociées davantage sur le plan
local, même dans la fonction publique. Pour les conventions collectives,
le mouvement devrait être à l'inverse de ce qu'on a fait depuis
quelques années. Au lieu de tenter de tout prévoir, il serait
peut-être préférable de négocier davantage des
paramètres ou les grandes lignes plutôt que tous les
détails. À cette condition, les gestionnaires seraient davantage
en mesure de comprendre ces conventions collectives et de les utiliser
efficacement.
Concernant la loi 51, c'était surtout l'aspect
centralisation-décentralisation.
En ce qui concerne les deux autres points, Michel, veux-tu
répondre? Oui.
M. Clair: J'aimerais que vous parliez de la
décentralisation dans la fonction publique.
M. Lanouette: Je pense qu'on devrait s'attarder davantage au
niveau central à négocier de grands paramètres. Je pense
qu'on s'entend concernant la rémunération. Compte tenu des
conséquences que cela peut avoir, cela doit être
négocié au niveau central, au niveau du Conseil du trésor.
On pourrait, à titre d'exemple, prendre les horaires de travail.
Qu'est-ce qui empêcherait, par exemple, de négocier au niveau
central la question du 35 heures par semaine, négocier 35, 37 et laisser
aux différents ministères et organismes le soin de définir
les modalités par la suite. C'est un exemple très simple, il y en
a d'autres.
M. Carpentier: Pour Saint-Ferdinand d'Halifax, on n'a pas de
boule de cristal, effectivement, mais on se dit que c'est peut-être un
excellent laboratoire pour tester les changements de mentalité et
d'attitude de part et d'autre, et du gouvernement et des syndicats. Selon les
décisions qui seront prises, on pense que cela va être une
façon de voir si, vraiment, l'esprit qui était
véhiculé dans le document "Recherche d'un nouvel
équilibre", si on voit des manifestations de cela. On ne sait pas encore
les résultats, il reste qu'il y a des choses qui ont été
faites à ce jour, on a vu avec quel esprit les syndicats ont au moins
abordé à cette confrontation et l'issue de cela sera pour nous
précieuse, à titre de renseignement.
Pour ce qui est de la première question, puisque l'État
n'est pas un employeur comme les autres, on peut examiner deux avenues
possibles. D'une part, essayer d'en faire un employeur comme les autres, une
façon serait de dire, par exemple, à une institution: Compte tenu
de la capacité de payer du gouvernement et des citoyens, vous avez un
budget global à administrer, gérez-le donc comme vous voulez, y
compris la négociation des salaires. Vous avez 5 000 000 $ pour
gérer cet hôpital, fonctionnez avec, arrangez-vous. Cela
rejoindrait aussi la préoccupation qui était dans la loi 51.
L'autre hypothèse, c'est si on dit: Ce n'est vraiment pas un
employeur comme les autres, sortons-le radicalement du Code du travail et
soyons créatifs, essayons d'inventer de nouvelles règles du jeu,
complètement différentes, parce que le Code du travail,
initialement, il a été fait pour un rapport de force,
complètement différent de celui qui existe au gouvernement. Donc,
ce sont deux avenues possibles, il y en a peut-être d'autres à
imaginer.
M. Clair: Par exemple, sur la rémunération, si le
gouvernement n'est pas un employeur comme un autre, on a entendu ce matin des
gens qui ont dit: La rémunération ne doit plus être
négociable et donc être décrétée par le
gouvernement. D'autres nous ont dit: Au contraire, ce serait plus de la nature
d'un symbole, puisque les améliorations que vous proposez d'apporter en
termes d'institut de recherche conjointe, paritaire des données, sont
amplement suffisantes, ce n'est donc pas nécessaire -sans caricaturer -
d'enlever du champ de la négociation, la rémunération.
C'est pour cela que je posais la question tantôt, à savoir, quant
aux cinq principaux thèmes que vous avez vous-même relevés
dans notre document de consultation, à quelle conclusion cela vous
amène-t-il sur une question aussi fondamentale que la
négociabilité ou non de la masse salariale et selon quelles
modalités?
M. Carpentier: On pense que l'avenue proposée est
importante dans la mesure, comme on l'a précisé, où on
arrive à une définition claire de la rémunération.
Si on considère, par exemple, les avantages fiscaux qui sont
concédés à des gens de l'entreprise privée et qui
sont absolument inaccessibles à des fonctionnaires, cela devient quelque
chose de juste, mais si on considère seulement les salaires, cela n'a
pas beaucoup de signification. Un salaire de 40 000 $ dans la fonction publique
cela équivaut peut-être à un salaire de 30 000 $ dans le
secteur privé compte tenu des dégrèvements fiscaux que
peut obtenir un employé du secteur privé et qui sont absolument
inaccessibles au secteur public.
Il y a l'aspect, par exemple, de la gestion des régimes de
retraite, le RREGOP administre, ou en tout cas les autres régimes
administrent notre régime de retraite à des taux peut-être
de 3%, alors que dans l'entreprise privée, la personne qui peut
gérer son propre régime de retraite peut bénéficier
d'avantages nettement supérieurs. Si donc, quand on étudie la
rémunération, on considère aussi ces
éléments, il me semble que la solution de l'institut est
très intéressante. Si par contre on en fait fi, c'est plus ou
moins équitable, nous semble-t-il.
M. Clair: Ce que je peux vous indiquer là-dessus, c'est ce
que je disais tantôt, dans l'esprit de l'avant-projet, l'institut de
recherche s'occupe de deux éléments, le reste demeure
négociable. (21 heures)
M. le Président, je vois que le temps file, ma dernière
question sera la suivante concernant le rôle du Conseil du trésor,
à la page 20, si je ne fais pas erreur. On dit qu'avec les articles 70
et 71, le Conseil du trésor se retrouve encore dans la position
délicate de juge et partie. Simplement, je veux dire là-dessus
d'abord que le Conseil du
trésor n'existe pas en soi, ce n'est pas une créature de
martien, élu par un sénat ou un suffrage particulier. Le Conseil
du trésor, au fond, n'est qu'un sous-comité du Conseil des
ministres qui, en vertu de la loi, a des mandats précis. Tout ce que
disent les articles 70 et 71, c'est qu'après publication par l'institut
- cela porte sur la rémunération - du rapport prévu de
recherche annuel, le Conseil du trésor négocie - je résume
- avec les groupements, les associations de salariés en vue d'en arriver
à une entente et que c'est le président du Conseil du
trésor qui dépose à l'Assemblée nationale l'entente
ou les conclusions auxquelles en est venu le gouvernement.
Alors, quand on dit que le Conseil du trésor se retrouve encore
dans la position délicate de juge et partie, dans la mesure où le
Conseil du trésor n'est qu'un sous-comité du Conseil des
ministres sur le plan juridique et que de toute manière c'est
inhérent à la confusion du rôle de l'État employeur
et de l'État gouvernement que de se retrouver juge et partie, je me dis:
Que faudrait-il faire, Grand Dieu! pour sortir le Conseil du trésor de
ces accusations d'être à la fois juge et partie? Qui d'autre, sur
le plan de la rémunération, hormis qu'on dise que c'est le
ministre des Finances plutôt que le président du Conseil du
trésor, et encore là on dirait qu'il est en conflit
d'intérêts lui aussi, qu'il est à la fois juge et partie...
Qui d'autre que le Conseil du trésor devrait négocier avec les
groupements de salariés une fois que l'institut de recherche a fait
rapport? Comment éviter l'écueil, si vous avez des solutions
là-dessus?
J'ai souvent l'impression, quant à moi, que c'est un peu
inéluctable dans le sens qu'il appartient, en fin de compte, au
gouvernement de négocier avec les représentants des
salariés, donc les syndicats, et le gouvernement ne peut confier cette
responsabilité à un tiers. À qui confie-t-il cette
responsabilité? Il la confie, dans le fond, à un
sous-comité du Conseil des ministres qui est mandaté, en vertu de
la loi, pour ce faire. J'aurais aimé avoir des pistes là-dessus,
si vous avez des idées.
M. Carpentier: En fait, c'est plus un constat qu'un reproche
parce que, effectivement, des avenues il n'y en a pas. Il n'y en a pas des,
tonnes d'avenues sinon peut-être celle, encore une fois, d'attribuer
à des organismes la responsabilité de la gestion de la masse
financière qui, elle, sera déterminée par un organisme
central. C'est peut-être une hypothèse à examiner.
M. Clair: En tout cas, M. le Président, je peux terminer
rapidement en disant qu'en ce qui concerne la fonction publique, je suis,
effectivement, très préoccupé par toute la dimension et je
suis conscient que je m'adresse surtout à des gens qui
représentent le secteur de la fonction publique plus que le
réseau en ce qui concerne toute la question du partage plus clair des
rôles entre le Conseil du trésor, les ministères, en termes
de gestion des ressources humaines, afin d'augmenter, au sens positif, la
productivité, la motivation au travail, la responsabilisation et
l'intérêt des gestionnaires. On est en phase de recherche et, sur
cette question comme sur d'autres, malheureusement, il n'y a pas de
vérité absolue. Tout ce que je peux souhaiter, c'est qu'on puisse
continuer à bénéficier de la collaboration du Syndicat des
conseillers en gestion du personnel du gouvernement du Québec pour
tenter de continuer constamment à améliorer les orientations du
gouvernement en ces matières. Si j'ai l'occasion, j'y reviendrai. Je
vois que mon collègue, le député de Vaudreuil-Soulanges,
est impatient.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
Simplement un commentaire pour commencer. Le ministre vient de dire qu'on
pouvait accuser le président du Conseil du trésor. On a
accusé déjà, mais juge et partie, maintenant, on l'a
constaté simplement. Le ministre lui-même a fait remarquer que si
cela avait été le ministre des Finances la même accusation
ou constat aurait pu être porté. On peut s'imaginer la nature du
constat ou de l'accusation quand on se souvient que M. Parizeau avait les deux
chapeaux sur sa tête. C'était le grand négociateur, le
grand argentier, le grand payeur, le grand dépensier...
M. Clair:... d'une accusation.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):... le grand contrôleur et
tout ce que vous voulez. C'est peut-être un avantage, déjà,
une amélioration qu'on ait, au moins, un arbitrage potentiel entre deux
ministres qui ont des fonctions fort différentes.
Je souhaite la bienvenue, enfin, à des praticiens de la chose
dont on parle ici, des gens qui, quotidiennement, sont obligés de vivre
avec ce qu'un appareil bureaucratique centralisé a inventé pour
leur causer des problèmes, manifestement. Des praticiens qui, selon
toute apparence, n'ont jamais été consultés, n'ont jamais
eu voix au chapitre, n'ont jamais eu un input pour que la machine qu'on leur
demande d'administrer soit mieux conformée, soit mieux dessinée,
soit le plus possible sensible aux gestionnaires, aux objectifs des
gestionnaires, à la recherche des objectifs qui doivent être ceux
des programmes, des ministères, des directions générales
et ce que vous voulez. Je suis presque tenté de dire qu'on nous a
presque représenté - et dans le fond, ce cera l'objet de la
grande question, il y a peut-
être seulement une longue réponse - que les gens qui sont
devant nous n'ont jamais pu faire de représentation quant à
l'élaboration ultime du cadre juridique dans lequel ils sont
obligés de fonctionner, au point de vue de la gestion des ressources
humaines. C'est, à plus forte raison, important lorsqu'ils le
soulignent, comme je l'ai déjà fait à l'égard d'un
autre mémoire: le cadre juridique est simplement l'un des
éléments qu'on doit avoir à l'esprit quand on parle de la
gestion des ressources humaines. Vous en parlez comme dans un
sous-système. Vous êtes condamnés, on dirait, à
être des acteurs dans une grande pièce que vous n'avez même
pas eu le temps de répéter avant de la jouer. C'est un peu les
sons que j'ai entendus. Les décideurs centralisés et centraux
nous arrivent avec un cadre à un moment donné qui vous est
imposé. Il n'y a donc pas de consultation. En toute apparence, il n'y a
pas de concertation. Toute votre capacité sur le cours des choses,
d'influencer le comportement des ressources humaines, donc votre application
des sciences de la gestion que vous évoquez ici comme étant, oui,
une science à bien des égards, semble sous-utiliser dans le
système qu'on connaît aujourd'hui pendant que - c'est presque le
corollaire - le cadre juridique a été privilégié.
On en a surestimé grandement les effets ou alors on les a ignorés
totalement. On ne semble pas jamais s'être préoccupé de la
façon dont les clauses des conventions collectives ont une influence
quotidienne. Cela est vrai, à tel point que vous nous avouez qu'il y a
de la négociation permanente en marge du cadre juridique, pour en
arriver à faire quoi? À être de meilleurs gestionnaires,
trouver le moyen de motiver les gens qui sont là, trouver le moyen de
mesurer ce qu'ils font, trouver le moyen d'évaluer donc de la
performance, c'est la seule façon de donner un peu de satisfaction aux
gens, leur donner un objectif, mesurer l'atteinte de l'objectif à un
moment donné, cela permet de faire une évaluation de la personne.
Cela permet de voir quel genre de progrès elle a fait comme travailleur,
comme personne responsable dans son cadre, petit ou grand, chargée d'en
arriver à quelque chose, à rendre un service à la
population à même les deniers publics. Ce souci s'est traduit
à deux reprises: une fois dans la présentation et une fois en
réponse à une question du ministre qui a demandé - cela
m'a surpris dans le fond -comment pouvez-vous motiver les gens. C'était
cela le fond de la question, mais les mots employés étaient:
Comment décentralise-t-on dans la fonction publique?
Décentraliser pour permettre à des unités pas trop grosses
de ne pas être soumises à la pesanteur de l'appareil
bureaucratique de sorte que le gestionnaire a un peu de contrôle
plutôt que de se perdre dans les points-virgules et les sous-paragraphes
de conventions collectives. On a répondu: Négociez donc des
grands paramètres. On demande à ce moment-ci qu'il y ait de la
flexibilité dans l'application, c'est que les objectifs soient
raisonnables, compte tenu des circonstances, qu'on puisse s'adapter dans la
gestion à des nouveaux programmes qui pleuvent de tous bords et de tous
côtés, inventés par les politiciens, il n'y a aucun doute,
pour de bonnes raisons dans tous les cas, mais qui semblent faire très
peu de cas des gens qui doivent les administrer tous les jours.
Ce qu'on semble souhaiter, c'est qu'on se donne les moyens de donner aux
gestionnaires la faculté de fixer des objectifs en ressources humaines
et ensuite, de pouvoir mesurer cela. Il faut voir si dans l'appareil,
aujourd'hui, cette capacité existe.
Ma première question: Est-ce que j'ai raison de prétendre
que vous vous trouvez en marge du système et que, dans le fond, on vous
demande d'administrer sans vous demander si cela a du bon sens ce qu'on vous
demande d'administrer?
Ma deuxième question: Dans le système, aujourd'hui, de
toute façon, quelle que soit la convention collective, quel que soit le
programme à administrer, est-ce qu'il existe des façons de
mesurer l'atteinte des objectifs?
J'ai cru comprendre que oui en lisant le rapport du Vérificateur
général du Québec - non pas celui qui vient de
paraître, mais le précédent qui m'avait frappé -
où on avait tenté dans certains minsitères d'instaurer la
vérification intégrée à l'interne avant que cela
devienne une loi un bon jour. Les vérificateurs internes des
différents ministères ont un mandat, apparemment, de faire de la
vérification intégrée. Donc, ce sont des mesures
d'efficacité, d'efficience, d'atteinte des objectifs, etc. Le
Vérificateur général trouvait qu'il n'y avait pas eu de
gros progrès là-dedans, qu'il y avait un manque de volonté
politique. C'est comme cela que j'ai lu ses commentaires. Est-ce qu'il n'y a
pas des choses, de toute façon, à part les récriminations
que vous pouvez avoir sur la façon dont la centralisation a
diminué votre capacité d'améliorer la gestion? Est-ce
qu'il n'y a pas déjà, à l'interne, des façons de
faire qui amélioreraient, justement, la gestion des services publics?
J'évoque un exemple qui, par la bande, était mentionné par
le Vérificateur général. Est-ce que cela existe,
aujourd'hui? Donc, deux questions.
M. Lanouette: Si j'ai bien compris vos questions, je pense
qu'effectivement, il y a eu quand même un pas de fait dans la bonne
direction avec la nouvelle Loi sur la fonction publique qui a vraiment
contribué à décentraliser la gestion, à donner aux
gestionnaires des responsabilités en matière
de gestion de personnel. On reconnaît maintenant - c'est tout
récent - que le gestionnaire est responsable de la gestion de ses
ressources humaines et on lui donne les pouvoirs pour gérer. Là
où cela accroche peut-être encore un peu, c'est surtout,
malheureusement, dans le domaine des relations du travail, dans le domaine de
l'administration des conventions collectives. Tout est tellement
normalisé, tellement régi que les gestionnaires, finalement, ont
très peu de marge de manoeuvre. Les gestionnaires sont contents d'avoir
des responsabilités, d'avoir des pouvoirs mais, par contre, ils viennent
nous dire en retour: Je ne peux pas faire grand-chose, je n'ai aucune marge de
manoeuvre et, de plus, souvent les règles du jeu m'échappent.
En ce qui concerne la façon de mesurer l'atteinte des objectifs,
effectivement, cela existe maintenant. Cela fait partie de la gestion
quotidienne que de fixer des objectifs et d'en mesurer l'atteinte. Encore une
fois, je pense que l'un des préalables à une saine gestion pour
gérer par objectifs, c'est la marge de manoeuvre sur les moyens. C'est
beau de fixer des objectifs, mais si tu n'as aucune marge de manoeuvre sur les
moyens, cela ne donne pas grand-chose. Je ne sais pas si j'ai répondu
à vos questions. Peut-être que quelqu'un d'autre voudrait ajouter
des commentaires.
M. Carpentier: J'aimerais peut-être faire un commentaire
à votre première question, à savoir si on est en marge du
système. On a la possibilité d'intervenir dans des commissions
parlementaires au même titre que n'importe quel regroupement mais,
à l'interne, il faut avouer qu'il n'y a pas de mécanisme formel
de consultation. C'est tellement vrai que je voudrais citer un exemple, celui
des directeurs de personnel qui sont regroupés en comité
consultatif de la gestion du personnel et qui ont présenté un
mémoire en réaction au document "Recherche d'un nouvel
équilibre". Ils faisaient des recommandations très
concrètes par rapport à la décentralisation, par exemple,
dans le secteur de la fonction publique. À notre connaissance,
très peu de cas a été fait de l'opinion de ceux qui sont
les directeurs de personnel dans les ministères et organismes du
gouvernement. Donc, notre poids et le poids des directeurs de personnel n'est
pas très pesant dans cet ensemble. On peut même dire - en tout
cas, c'est une observation qu'on s'est faite en étudiant et le document
"Recherche d'un nouvel équilibre" et l'avant-projet de loi - que
c'étaient deux groupes de personnes qui avaient travaillé
là-dessus, deux groupes de personnes avec des approches
différentes. C'est un "feeling" qu'on avait en lisant le document. Une
approche un peu plus sociologique, d'un côté, puis un peu plus
légaliste de l'autre. À moins que la même personne ait
changé de ton en cours de route. (21 h 15)
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Dans votre conclusion, vous
soumettez deux considérations. J'aimerais y revenir, elles
m'apparaissent absolument centrales. La première fait état des
compétences qui existent, de la science qui existe et qui permet
d'améliorer la gestion en faisant appel aux intérêts des
gens. Vous parlez de façons de changer les mentalités et les
attitudes qui, de l'avis de tout le monde, sont un prérequis à
une discussion, à une conclusion, surtout à laquelle on pourrait
arriver dans la sérénité quant au changement de
régime de négociation.
Deuxièmement, évidemment, vous indiquez très
clairement - à mon sens, c'est important aussi, je le
répète - que le cadre juridique est simplement un des
éléments qui entrent en ligne de compte quand on parle de gestion
de ressources humaines. Est-ce que, dans ces deux cas, il y a des choses qui
sont en marche? Est-ce qu'il y a une volonté quelque part qui s'exprime
d'utiliser à des effets bénéfiques, d'une part,
l'application des sciences du comportement pour changer les attitudes? On n'a
pas besoin de commissinon parlementaire pour cela. Je ne peux pas croire. On
n'a pas besoin d'avoir un avant-projet de loi devant nous. Cela devrait
être du domaine des choses courantes à faire dans une
administration. Est-ce que cela existe? Est-ce qu'on sent que cela pousse dans
ce sens dans l'appareil? C'est votre vision de l'intérieur que je
sollicite.
Par ailleurs, est-ce qu'il y a une conscience aussi chez les
décideurs centraux, où que ce soit, dans les appareils - les
niveaux sont assez différents - parce que cela dépend des
gestionnaires, des gens qui sont en place? Est-ce qu'on sent cette
sensibilité au fait que le cadre juridique est simplement une
composante? Ce n'est pas la réponse. Le cadre juridique n'est pas la
réponse, sauf s'il devient tellement lâche et large, qu'on fait
vraiment confiance à tout le monde pour fixer des objectifs, fixer
eux-mêmes des paramètres, des horizons pour atteindre des
objectifs et tout ce que vous voulez. Est-ce qu'on sent, dans l'administration
publique au Québec, sous votre impulsion ou autrement, parce que vous
êtes des professionnels de cette chose, que ces idées font leur
bonhomme de chemin? Est-ce qu'il y a une conscience que le cadre juridique est
seulement un élément et non la réponse? Est-ce qu'il y a
une conscience qu'il existe des professionnels dans l'appareil qui sont
capables d'influencer le comportement des gens?
M. Carpentier: Ce qu'on peut dire là-dessus, c'est qu'il y
a effectivement des mouvements pour tenir compte des autres
aspects. Le reproche qu'on peut faire, c'est que, à notre
connaissance entre autres, il n'y a jamais eu de psychologues industriels qui
ont été engagés pour faire la négociation dans le
secteur public. Il n'y a jamais eu de psychologues industriels ou d'autres
spécialistes des sciences du comportement qui étaient sur les
tables, par exemple des spécialistes de la gestion des conflits, c'est
une science, la gestion des conflits...
On ne fait pas appel à ces gens à ces moments. On peut
faire appel à d'autres moments à des spécialistes en
science du comportement au niveau ministériel, organi-sationnel. Il y a
aussi des politiques intéressantes qui sont annoncées, qui sont
mises en oeuvre depuis une couple d'années et qui font appel à
d'autres valeurs que la simple rémunération, qui tendent à
valoriser le travail, qui tendent à motiver les gens. Ce qui nous semble
manquer le plus, c'est un effort de coordination de tout cela. Ce sont des
sous-systèmes mais qui fonctionnent en parallèle et sans se
parler. C'est ce qui nous semble le défaut le plus criant à
l'heure actuelle.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Dans les exemples de
flexibilité que M. Lanouette mentionnait tout à l'heure en
réponse à une question du ministre, on a dit: Bien, au moins, si
on avait des paramètres généraux. Autrement dit, c'est une
espèce d'appel, de cri du coeur pour dire: Laissez-nous de la marge de
manoeuvre, laissez-nous nous adapter aux conditions de chaque environnement.
Par exemple, vous avez donné l'exemple des heures de travail. Seulement
pour vous donner une occasion de le préciser, est-ce que vous voulez
dire que la convention collective pourrait prévoir un nombre d'heures de
travail et que, à l'intérieur, on pourrait décider qu'il y
aurait des heures flexibles, qu'il y aurait des heures qui ne soient pas les
mêmes pour chaque service, que ça dépend du contact avec la
clientèle, que ça dépend des heures d'ouverture, d'autres
choses? C'est de ça que vous parliez, juste pour que ce soit bien clair
parce que tout à l'heure c'était... Entre professionnels, je sais
que vous vous compreniez...
M. Lanouette: Oui, c'est ça. C'est un exemple que j'ai
donné pour illustrer un peu la façon dont ça pourrait
fonctionner, mais c'est définitivement ça.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci. Sur cette
précision, M. le Président...
Le Président (M. Lachance): Merci.
M. Clair: M. le Président...
Le Président (M. Lachance): Briève- ment, M. le
ministre.
M. Clair: Oui. J'en aurais long à dire sur les
affirmations du député de Vaudreuil-Soulanges qui n'a
sûrement pas suivi les réorientations fondamentales en ce qui
concerne la fonction publique qui ont suivi l'application de la loi 51 dans le
laïus qu'il faisait. J'indique simplement qu'en ce qui concerne la
centralisation et la décentralisation pour le secteur de la fonction
publique, je ne parle pas ici des grands réseaux, oui la loi 51 vise
à faire de plus en plus confiance aux gestionnaires. J'ai moi-même
dit, et je le répète, que j'ai davantage confiance au jugement
d'un gestionnaire faisant appel à son sens des responsabilités et
engageant son jugement, sa responsabilité et sa
crédibilité plutôt qu'à des normes tellement
strictes qu'elles ne font plus appel au jugement mais simplement à
l'obéissance et qu'il fallait conserver aux centrales, au niveau du
Conseil du trésor, uniquement ce qui est essentiel, ce qui serait
absurde de ne pas conserver au niveau central. Là-dessus, je pense que
le député de Vaudreuil-Soulanges en avait peut-être
manqué un petit bout. Je voudrais lui souligner qu'une des
derières fois qu'on a fait appel à des psychologues industriels
dans un service donné, les premiers à dénoncer et à
tenter de ridiculiser la chose ont été les gens de sa propre
formation politique à l'Assemblée nationale, juste dans la
Chambre, de l'autre côté. Je voulais juste replacer ça, en
passant, au député.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est une affirmation
gratuite.
M. Clair: C'était le député de
Louis-Hébert. On peut lui pardonner.
M. le Président, puisque vous m'indiquez qu'il faut
procéder, je ne voudrais pas allonger inutilement le débat.
J'avais pris plusieurs autres notes, mais je pen9e que, effectivement, le temps
nous est compté. Je termine en remerciant le Syndicat des conseillers en
gestion du personnel du gouvernement du Québec, M. Lanouette, son
président, d'avoir bien voulu se pencher sur l'avant-projet et venir
faire profiter les parlementaires de leurs réflexions. Même s'il
n'existe pas de mécanisme formel de consultation, je sais que ces gens
savent trouver les moyens d'infléchir les orientations de leur directeur
du personnel, de leur sous-ministre adjoint à l'administration et aux
relations du travail, et qu'ils continueront à le faire pour le plus
grand intérêt, j'en suis convaincu, de toute la fonction publique
du Québec et du Québec en général. Je vous
remercie.
M. Lanouette: Au nom de tous nos membres, nous vous
remercions.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Au nom de l'Opposition, que
votre voix soit entendue et vos talents utilisés.
Le Président (M. Lachance): Merci MM. du Syndicat des
conseillers en gestion du personnel du gouvernement du Québec
d'être venus en commission nous faire part de votre point de vue.
Je cède maintenant la parole au député de Portneuf.
J'inviterais, pendant ce temps-là, M. Denis Lebel à prendre place
à la table aussitôt que nous aurons entendu le
député de Portneuf.
M. le député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, à ce moment-ci de
nos travaux je ne voudrais pas relever la remarque partisane du ministre. Il
fallait qu'il succombe évidemment avant la fin de la journée dans
les commentaires qu'il a formulés comme suite du propos de mon honorable
collègue de Vaudreuil-Soulanges.
Le but de mon intervention à ce moment-ci est de préciser
et finalement de reformuler la motion que j'avais déposée ce
matin comme suite des échanges avec les gens de la majorité. Je
dois présumer à ce moment-ci que la majorité acceptera la
motion que je vous présente à l'instant.
Je fais motion pour que, conformément au paragraphe 3 de
l'article 114 de nos règles de procédure, la commission du budget
et de l'administration demande. à la commission de l'Assemblée
nationale l'autorisation de siéger à Montréal, à
une date à déterminer, pour entendre la Coalition pour les droits
des malades sur l'avant-projet de loi traitant du régime de
négociation des conventions collectives dans les secteurs public et
parapublic.
Et, qu'en vertu de l'article 146 de nos règles de
procédure, ce mandat soit exécuté par une sous-commission
composée de M. Michel Clair, président du Conseil du
trésor et ministre délégué à
l'Administration, de moi-même, comme porte-parole de l'Opposition et de
M. Claude Lachance, président de la commission. Que M. Claude Lachance
agisse à titre de président de la sous-commission et que M.
Donald Chouinard en soit le secrétaire.
En espérant que cette sous-commission pourra se réunir
dans les délais les plus brefs, après l'ajournement prévu
des travaux de cette commission, soit le 7 février prochain. On souhaite
évidemment le 8 février, dans l'après-midi, et le rapport
sera ensuite produit à la commission ici.
Je remercie la majorité d'avoir accepté la proposition de
l'Opposition qui vise à faire en sorte que M. Brunet, le groupe
important qu'il représente et plus particulièrement ceux qui sont
affectés par des services de santé puissent être entendus
en regard des propositions formulées dans l'avant-projet de loi. Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Portneuf, évidemment, votre motion est recevable. Je demanderais aux
représentants du parti ministériel s'ils sont d'accord.
M. Clair: M. le Président, j'ai déjà eu
l'occasion de l'indiquer à la séance de travail qui a
précédé notre accord en ce qui concerne cette proposition
et je remarque que n'est pas précisée la question de la
télédiffusion des débats. J'imagine que c'est parce qu'il
ne s'agit pas là d'une question qui doit être tranchée par
la motion et qu'à la commission de l'Assemblée nationale il sera
clairement établi que notre consentement est général et
selon les modalités qui apparaissent dans la motion du whip en chef de
l'Opposition. Quant aux modalités, nous avons clairement indiqué
que s'il était tout à fait convenable, compte tenu de la
circonstance, que la commission parlementaire délègue une
sous-commission pour aller rencontrer M. Brunet et la coalition qu'il
représente, il nous apparaissait qu'il serait cependant trop
coûteux de déplacer les services de télédiffusion de
l'Assemblée nationale et que seuls les services d'enregistrement du
Journal des débats seraient suffisants. Si cette condition est
acceptée par la commission de l'Assemblée nationale, il nous fera
plaisir de concourir à cette motion. Quant à la date, nous
devrions pouvoir en disposer demain.
M. Pagé: Une date prospective.
M. Clair: Une date prospective serait le 8 ou,
éventuellement, au plus tard le 14 février, mais
vraisemblablement ce qui semblait faire consensus, c'était davantage le
8.
M. Pagé: C'est bien cela.
Le Président (M. Lachance): Très bien, M. le
ministre. Je comprends que la motion est acceptée. Donc, la motion est
adoptée unanimement. Merci.
Nous entendrons maintenant, pour clore cette première
journée des auditions publiques, M. Denis Lebel. J'aimerais souligner
que M. Lebel est la seule personne à se présenter comme un seul
homme à cette commission parlementaire parce que, comme vous avez pu le
constater, les autres, c'étaient des groupes. Les membres de la
commission ont regardé les mémoires qui nous ont
été soumis et ils ont décidé, même s'il
s'agissait d'une personne, de l'entendre en commission parlementaire.
M. Lebel, il nous fait plaisir de vous accueillir et la parole vous
appartient.
M. Denis Lebel
M. Lebel (Denis): Merci, M. le Président. Je voudrais
d'abord signaler mon appréciation pour le mode de consultation qui
permet précisément à un simple citoyen de s'exprimer, de
se faire entendre devant les plus hautes instances consultatives de
l'État. J'essaierai d'être assez bref. J'ai assisté
à la majeure partie des délibérations d'aujourd'hui et je
comprends que le temps a passé peut-être un peu plus vite que vous
le souhaitiez et que c'est vrai aussi pour le personnel qui entoure la tenue de
vos travaux. J'essaierai de résumer mon mémoire plutôt que
de le lire et de répondre assez brièvement aussi à vos
questions. (21 h 30)
Le premier point sur lequel je vais insister, c'est qu'il y a consensus,
enfin il y a un certain consensus pour réviser le mode de
négociation dans la mesure où on se rend compte qu'il ne produit
pas de solution négociée. À partir du moment où une
institution ne produit pas le résultat qu'on attendait, c'est sûr
qu'il faut changer des choses. Pour changer des choses, il faut s'attarder
à identifier les causes de son non-fonctionnement ou de son mauvais
fonctionnement. On peut être tenté de chercher dans le
comportement des intervenants ou dans la structure stricte des
négociations, mais personnellement je me suis attardé,
peut-être par déformation professionnelle ou autre, à
identifier dans le fonctionnement de l'État lui-même, ce qui met
en cause les parlementaires bien sûr, les causes du mauvais
fonctionnement du régime actuel de négociation. Le mémoire
que j'ai déposé a strictement comme intention d'éclaicir
cette dimension du problème. Il y a des opinions sur d'autres dimensions
du problème, mais elles sont moins détaillées et
possiblement moins arrêtées que celle que je m'apprête
à vous donner. J'aurais pu aussi aborder le problème en observant
d'autres dimensions spécifiques qui ne semblent pas être
touchées dans la démarche suggérée, mais, entre
autres, - lorsque je dis "la démarche suggérée", je fais
référence aux documents de consultation qui ont été
produits et aux déclarations publiques qui ont été faites
- je pense que le rôle de la presse dans ce régime de
négociation mériterait un examen particulier, comme celui aussi
des formations politiques et des avantages stratégiques qu'elles peuvent
chercher à retirer du régime de négociation actuel. J'ai
volontairement mis cela de côté afin de ne m'intéresser
qu'aux dimensions spécifiques du fonctionnement de l'État. Dans
la mesure où on accepte l'existence de l'État, on lui
reconnaît un certain nombre de fonctions: assurer la
sécurité des citoyens, fournir des services publics, redistribuer
une partie de la richesse nationale, contribuer au développement
économique, culturel, social de la collectivité. Toutes ces
choses sont généralement acceptées.
Dans le régime de type parlementaire, il y a un partage des
fonctions. C'est là-dessus que je veux insister particulièrement.
Je me réfère finalement à un modèle assez
théorique, celui des sciences politiques traditionnelles. Autrement dit,
finalement en caricaturant, je pourrais dire que mon approche est un peu
créditiste. Il y a déjà un député
créditiste qui a dit: Cela irait mieux dans les écoles si les
étudiants étudiaient, si les professeurs enseignaient, si les
administrateurs administraient. Je m'excuse, je ne veux pas être le
porte-parole de l'idéologie créditiste, mais j'essaie de ramener
au centre du débat les fonctions, les raisons d'être des
institutions de l'État, entre autres, celle du Parlement qui est de
voter les lois et les impôts. C'est un rôle que tout le monde lui
reconnaît. C'est la raison d'être du Parlement. Le gouvernement est
chargé d'administrer les affaires de l'État et les tribunaux sont
chargés de faire appliquer les lois. En dehors de ce modèle
théorique, il y a quelques aménagements par lesquels le
législateur confie à des corps publics organisés la
gestion de certaines activités de l'État. Je pense, entre autres,
aux commissions scolaires, aux hôpitaux, aux cégeps, aux
entreprises publiques en général à qui le
législateur reconnaît la responsabilité de gérer une
partie de ses responsabilités à cause du degré de
spécialisation de ces activités. On s'imaginerait mal, par
exemple, qu'un protocole d'une salle d'opération soit défini
à l'Assemblée nationale. On s'attend plus à ce que ce soit
le conseil des médecins et des chirurgiens qui décide cela. Il y
a des responsabilités données par la loi a des instances
décentralisées, à des corps publics organisés pour
fournir certains services à la population. Tout cela, c'est le
modèle théorique officiel; tout le monde dit: Oui, c'est cela. On
pourrait prendre un document sur les institutions québécoises et
on dirait: Oui, c'est un bon résumé que vous venez de faire. Le
problème, c'est que, lorsque arrive le moment des négociations,
tout cela devient mêlé, tout cela s'emberlificote; une chatte ne
reconnaîtrait pas ses petits, comme disait l'autre. Mais je vais vous
donner un certains nombre d'exemples qui ne sont pas nécessairement
tirés d'événements récents ou de cas précis.
Je vous demande simplement de les considérer comme plausibles. Je ne
vous demande pas de me dire que cela ne s'est pas passé ainsi ou que
cela ne se passe pas ainsi, je vous demande simplement de considérer que
c'est plausible que cela se passe ainsi ou que cela se soit passé ainsi.
Entre autres, lorsqu'il s'agit de négociation des conditions de travail,
c'est le gouvernement qui négocie au nom des
institutions ou des établissements qu'il a mis en place, que
l'Assemblée nationale a mis en place, donc qui sont des corps publics
autonomes, à qui on a donné des responsabilités de gestion
et c'est le gouvernement qui négocie des conditions de travail qui
affectent le fonctionnement de ces institutions et qui limite, de façon
significative, le pouvoir de gestion, à l'intérieur de ces
institutions. Déjà, il y a une anomalie qu'on peut constater.
Le gouvernement, aussi en négociant les échelles
salariales, ou n'importe quelles autres conditions de
rémunération, détermine un niveau de fiscalité, un
niveau de taxation et la taxation, par définition, c'est un acte qui
revient à l'Assemblée nationale. Le pouvoir de lever des
impôts revient à l'Assemblée nationale, les actes des
tribunaux comme les injonctions ou la décision de poursuivre ou non
devant un tribunal peuvent être utilisés comme des moyens de
pression par des parties pour contrer d'autres moyens de pression, alors il y a
une autre distorsion dans le système. Le gouvernement, par la tradition
de ligne de parti - ça c'est un point sur lequel je vais revenir plus
tard, le parti gouvernemental - fait voter des lois par l'Assemblée
nationale qui détermine des conditions de travail. Déterminer des
conditions de travail, c'est un acte administratif qui devrait normalement
revenir au gouvernement, administrer les affaires de l'État, cela
revient au gouvernement. Alors, le gouvernement fait voter des lois par
l'Assemblée nationale pour administrer; c'est encore une autre anomalie.
On pourrait rajouter aussi que le gouvernement peut convenir de réviser
ou soumettre à l'arbitrage d'un tiers, des sanctions administratives
prises par des organismes publics, juridiquement autorisés à
poser de tels gestes par une loi du Parlement, autrement dit, encore une autre
intervention qui vient à l'encontre du fonctionnement habituel des
institutions démocratiques. Finalement, les décisions des
tribunaux, comme les sentences, peuvent être révisées, ou
comme les ententes sur les injonctions peuvent être
révisées, par les gouvernements ou une des parties
décentralisées, lors de négociations. Les décisions
des tribunaux peuvent être négociées avec les regroupements
de salariés concernés directement.
En résumé, on peut voir qu'il y a une certaine confusion
dans les fonctions de l'État dès qu'il s'agit de
négociations, de rapports collectifs avec les salariés de
l'État ou les salariés indirects de l'État. Dans l'esprit
de la population, tout cela devient absolument confus. Quand on entend dire:
C'est de la faute du gouvernement, je n'ai pas l'impression, quand il s'agit de
négociations, qu'on distingue Assemblée nationale, gouvernement
et le pouvoir judiciaire, c'est-à-dire que tout cela c'est le
gouvernement. À ce moment-là, ça donne l'impression que le
gouvernement, dans l'ensemble de ces institutions, devient partie à
l'affrontement parce qu'on aura posé dans le diagnostic que le
régime de négociation amenait des affrontements et c'est
l'ensemble de l'État qui devient partie, alors que l'État doit
toujours conserver son rôle d'arbitre dans un conflit entre des citoyens,
entre eux, ou entre des citoyens et le gouvernement.
Dans le cas des négociations entre le gouvernement de ces
salariés, c'est l'État qui semble mis en cause comme partie. Je
n'ai pas trouvé - je m'en excuse auprès du ministre
délégué à l'Administration et président du
Conseil du trésor - dans l'avant-projet de loi, des
éléments qui me permettraient de croire que ces distorsions que
je viens de mentionner et qui à mon avis perturbent non seulement le
régime de négociation mais aussi le fonctionnement de
l'État, je n'ai pas trouvé que ces distorsions étaient
corrigées. La lecture que j'ai faite de l'avant-projet de loi
m'amène à croire que dans la mesure où il va y avoir un
enjeu, sur lequel les forces vont se cristaliser, qu'il va y avoir une
espèce de concentration d'énergie de part et d'autre, que cela va
nécessairement remonter au niveau politique, on va retomber dans les
mêmes ornières qui vont remettre en cause, non seulement la
légitimité du système de négociation, mais aussi la
"légitimité" - entre guillemets - de l'État dans ses
différentes composantes.
Par ailleurs, dans l'avant-projet de loi, on observe que la question de
la rémunération serait retirée des matières sur
lesquelles il pourrait y avoir droit de grève, ce qui veut dire que,
dans l'intention de l'avant-projet de loi, on est prêt à faire une
exception au principe de l'égalité des droits,
c'est-à-dire qu'on est prêt à retirer à un groupe de
citoyens le droit de s'associer pour négocier des conditions salariales.
On reconnaît cela à tout le monde sauf que pour l'État, je
suis tout à fait d'accord pour reconnaître que cela pose un
problème particulier, mais ce que propose l'avant-projet de loi, c'est
de leur retirer un droit. Or, retirer un droit, ce n'est pas
nécessairement la seule solution pour régler un problème
particulier.
En réfléchissant sur ces dimensions, il m'est apparu qu'il
pourrait y avoir d'autres modes de solutions et en pensant, aussi, parce
qu'à ce moment c'était déjà annoncé que la
majeure partie des regroupements de salariés ne se présenterait
pas devant la commission parlementaire, j'ai imaginé un certain nombre
de correctifs qui pourraient s'appliquer de la stricte volonté de
l'État en autant que l'État est d'accord pour changer des choses.
Il y a des choses qui peuvent
être changées sans brimer des droits, mais en les
aménageant et en changeant son propre fonctionnement seulement.
J'introduis, dans le projet que je j'apprête à vous
présenter, la possibilité d'arbitrage. Je me suis attaché
à donner à cet arbitrage une plus grande légitimité
que l'arbitrage qu'on connaît de ces conflits, habituellement,
c'est-à-dire qu'une des parties négociantes décide de
décréter. C'est ce qu'on connaît actuellement.
La proposition que je m'apprête à vous soumettre permettra
aussi de renouer avec la raison d'être, la signification profonde des
principaux corps organisés qui sont impliqués dans ces
négociations. Les éléments de la proposition, vous les
retrouverez à la page 4. Devant l'institut de recherche sur la
rémunération, je pense que c'est une chose qui s'impose
actuellement. Après le dépôt du rapport de l'institut de
recherche, il devrait y avoir négociation entre les parties au niveau du
gouvernement et des centrales syndicales. Je ne vous ai pas annoncé cela
encore, mais je vous l'annonce tout de suite, c'est que ma proposition en est
une de décentralisation parce que cela aussi c'est un des objectifs, je
pense, que devrait avoir la réforme, c'est de décentraliser
vraiment. Ce que je propose, c'est de garder, au niveau de l'État, les
fonctions relatives à la fiscalité. Donc, la négociation
de la masse salariale devrait revenir au gouvernement.
Je propose de maintenir aussi, à ce niveau, le droit de
grève et de lock-out, selon les mêmes dispositions que celles que
prévoit l'avant-projet de loi, c'est-à-dire avec une
médiation, une période de refroidissement après le
rapport, etc. Après la période de médiation,, le droit de
grève étant acquis, il pourrait s'exercer pendant une
période limitée. J'ai indiqué cinq jours ici, mais ce
n'est pas une disposition que je considère particulièrement de
rigueur par rapport à l'esprit général de la proposition
que je vous fais. Mais un droit de grève pourrait être maintenu de
façon limitée au terme duquel n'importe quelle des deux parties
pourrait demander l'arbitrage de l'Assemblée nationale, ce qui mettrait
fin au droit de grève. Les parties ont dix jours pour déposer
à l'Assemblée nationale leur proposition finale, leur
dernière proposition. Les négociations peuvent se poursuivre
encore, mais après dix jours, l'Assemblée nationale devrait se
prononcer sur l'une ou l'autre des deux dernières propositions qui lui
auraient été soumises; la durée du débat
étant limité, bien sûr. C'est là que j'introduis un
certain nombre de changements qui concernent moins les syndicats que les
institutions de l'État. Le vote d'arbitrage sur la négociation
entre le gouvernement et ses salariés ne devrait pas mettre en cause la
survie du gouvernement et ne devrait pas non plus tenir compte de la ligne des
partis, mais de l'intérêt des électeurs. Autrement dit,
quand il y a un vote sur une question aussi controversée que celle des
conditions de rémunération dans les secteurs public et
parapublic, il faudrait que chacun des députés considère
que l'opinion de ses électeurs importe davantage que l'opinion de son
chef ou que celle du président du Conseil du trésor, le cas
échéant. Il est important de revaloriser le rôle du
député comme représentant de ses électeurs.
Autrement dit, quand il y a un conflit où tout le monde invoque le bien
commun, l'opinion générale, le bien-être de la
société, il faut, à un moment donné, que cela se
règle quelque part. Je me dis que cela pourrait se régler
à l'Assemblée nationale, à condition que chaque individu
votant à l'Assemblée nationale doive en répondre
personnellement et non pas se cacher en arrière de la bannière
d'un parti. Dans la réalité, vous qui êtes des
parlementaires, savez que dans le comté du député de
Louis-Hébert, par exemple, où il y a une université, deux
cégeps, deux hôpitaux, un certain nombre de centres d'accueil et
des choses comme cela, beaucoup de fonctionnaires demeurent là aussi,
celui-ci pourrait avoir intérêt à voter dans un tel sens
alors que le député d'Abitibi-Témiscamingue ou celui
d'Arthabaska ou de n'importe où ailleurs, qui doit être
confronté au moment de l'élection avec ceux qui paient pour les
services que ces gens-là fournissent peut avoir des
intérêts divergents qui ne tiennent pas compte à ce
moment-là de la ligne de parti. Évidemment, peut-être que
dans l'exemple que j'ai donné, cela se démarquait selon les
partis, mais c'est un hasard historique.
Le Président (M. Lachance): Je m'excuse de vous
interrompre. Serait-il possible de condenser votre exposé de
façon qu'on puisse échanger des opinions avec vous.
M. Lebel: Oui.
Le Président (M. Lachance): Normalement, on alloue une
période de 20 minutes pour l'exposé et, ensuite, une
période de questions.
M. Lebel: D'accord. (21 h 45)
Le Président (M. Lachance): Vos 20 minutes sont
déjà expirées, alors on va vous laisser un peu de temps
pour conclure.
M. Lebel: D'accord. Vous arrivez à temps. Le point
principal de mon argumentation venait de passer.
Toutes les conditions de travail devraient être
négociées localement. Quand je dis localement, c'est là
où il y a des réseaux. Pour l'appareil gouvernemental, je
suggère que cela soit négocié au niveau de chaque
ministère, parce que les négociations centrales, pour reprendre
l'expression qu'un syndicaliste me glissait, cela, c'est le principe du beurre
de peanut, quand tu en mets un motion sur le coin de la tranche, il faut que tu
en mettes égal partout. Les négociations centrales, cela donne
cela. C'est-à-dire que cela donne des conventions épaisses,
d'ailleurs, parce qu'on met des mottons un peu partout mais qui, finalement,
sont là pour régler plusieurs cas particuliers et qui
alourdissent le fonctionnement sans nécessairement rendre justice aux
gens qui vivent les problèmes.
Le droit de grève, je suggère aussi de le maintenir au
niveau des négociations locales. La différence que je fais, c'est
au niveau du délai. Je pense que dans les négociations locales,
il pourrait y avoir un délai plus long avant que le droit à
l'arbitrage soit acquis par l'une ou l'autre des deux parties. L'arbitre
pourrait être choisi d'un commun accord, sinon désigné par
le ministre du Travail. Contrairement à l'arbitrage de la
rémunération, les conditions de travail pourraient être
arbitrées en tenant compte seulement des deux dernières
propositions, mais sans se limiter à l'une ou à l'autre.
Je pense que je vous ai expliqué tout au long de la
présentation le sens de la recommandation que je vous fais.
Évidemment, c'est une suggestion qui ne provient pas d'un groupe
d'intérêt impliqué dans ce jeu. Elle provient plutôt
d'un observateur. Mon intention était de vous inviter à jeter un
regard neuf sur cette situation problématique qui vieillit comme
étant problématique aussi et à élargir
l'éventail des possibilités de changement pour amener le
changement qui est attendu par une majorité de personnes, je crois.
C'est une façon aussi de rechercher un nouvel équilibre dans
lequel... Quand on choisit une solution d'équilibre, on choisit aussi
une solution de risque. Je pense que l'État et les représentants
élus doivent prendre un certain nombre de risques dans cette situation
si on veut arriver à une solution viable.
En terminant, un peu comme tout le monde, je me dis que si on parvient
à un changement dans ce secteur, cela sera un événement
mémorable et que si, comme dans n'importe quelle situation, on souhaite
prendre une photo de famille à l'occasion d'un événement
mémorable, je constate aussi qu'il manque un certain nombre de membres
de la famille qui pourraient apparaître sur la photo si on parvient
à un changement. Je vous avouerai qu'en me présentant ici,
j'avais un peu l'impression de représenter les pays non alignés
aux Jeux olympiques de Los Angeles, c'est-à-dire un groupe qui aurait
décidé de ne pas participer, ce qui n'enlève rien à
la valeur des olympiques sauf que cela amène à nuancer les
résultats. Mon intention était d'élargir l'éventail
d'options que vous pouvez avoir devant vous pour permettre de faire - vous
êtes amenés à faire des choix de toute façon - un
choix qui tiendrait compte de l'ensemble des dimensions et surtout des
dimensions qui vous concernent plus directement. Donc, personne ne pourra vous
accuser d'avoir fait quelque chose sur leur dos. C'est sur votre dos que je
vous suggère de le faire. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Lebel, pour votre
exposé. M. le ministre délégué.
M. Clair: Oui, M. le Président, rapidement, puisque je
pense que je n'ai que cinq minutes. Je voudrais d'abord dire à M. Lebel
que les parlementaires apprécient toujours vivement et sont
édifiés par le fait que de simples citoyens viennent à
titre individuel apporter leur contribution aux travaux d'une commission
parlementaire et, de cette façon, viennent permettre d'apporter des
points de vue, un peu comme vous l'avez dit, de personnes non alignées,
dans le sens de personnes qui, sauf erreur, n'ont pas d'intérêt
direct dans les enjeux qui sont débattus en commission
parlementaire.
Je vous dirai, M. Lebel, que ce qui m'a frappé dans l'analyse que
vous en avez fait avec, à certains égards, passablement de
justesse, cela porte surtout sur Ies distorsions introduites par le
régime de négociation. Vous faites état de
différents exemples réels ou plausibles, dites-vous, de
distorsions dans le système de négociation tel qu'il existe
présentement. Même si je pouvais être en désaccord
avec certaines des affirmations, effectivement, dans une société
démocratique comme la nôtre, on peut prétendre que des
parties tentent, à l'occasion, de se servir des institutions
démocratiques pour des fins de stratégie ou pour tenter de les
utiliser en fonction du meilleur de leurs intérêts. Par ailleurs,
cela n'est pas nécessairement toujours illégitime que de tenter
de faire valoir son point de vue.
Fondamentalement quand même, vous soulignez les principales
distorsions, des distorsions qui peuvent apparaître dans le régime
de négociation actuel et vous dites que vous vous interrogez quant
à savoir si le régime proposé est de nature à
modifier certaines de ces distorsions. Je vous répondrai
brièvement là-dessus que ce que nous pensons, du
côté du gouvernement, c'est que la principale distorsion, la
principale confusion provient de la confusion du rôle de l'État
employeur et de l'État gouvernement chargé d'administrer les
taxes et les impôts, élu pour gouverner, donc pour faire les choix
budgétaires, sociaux, politiques, économiques et financiers au
nom de la société et que
dans la mesure où on clarifiera, d'une part, cela, mais dans la
mesure également où, d'autre part, nous aurons des
mécanismes qui favorisent la solution des problèmes à
l'intérieur du système plutôt qu'en dehors, nous aurons des
chances d'atteindre un équilibre, d'une part, et, d'autre part, de faire
en sorte que le régime lui-même génère des solutions
plutôt que d'inciter en quelque sorte les parties à tenter de
trouver en dehors du régime, devant les tribunaux, devant
l'Assemblée nationale et, s'il y avait un Sénat au Québec,
cela rebondirait probablement jusque devant le Sénat, la solution aux
problèmes générés par les mécanismes que
nous avons. Voilà pour Ies commentaires.
En ce qui concerne les questions, vous avez indiqué, je crois,
que votre point fondamental consistait en une attente, à savoir qu'il
soit possible que, éventuellement, ces questions puissent être
débattues à l'Assemblée nationale, sans ligne de parti
dites-vous, chaque député votant en fonction de ce qu'il
perçoit être l'intérêt général de la
collectivité qu'il représente dans son comté.
Vous faites référence effectivement à "l'arbitrage"
- entre guillemets - de la rémunération sans ligne de parti par
l'Assemblée nationale. Comment voyez-vous le rôle d'un ministre,
par exemple, dans une telle circonstance, lui qui représente à la
fois un comté et le gouvernement, comme on dit parfois, ministre de la
couronne dans notre droit parlementaire, chargé de répondre,
devant l'Assemblée nationale, des gestes et des actes qu'il pose et
n'étant pas à l'Assemblée nationale pour dire: Voyez-vous,
moi, je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire, la position du
gouvernement? Même si j'ai toute l'information sur telle ou telle
dimension, je vote selon les indications qui me sont fournies par mes
électeurs dans mon comté. Comment conciliez-vous ça, d'une
part? D'autre part, je remarquais dans la proposition que vous avez faite en
page 4 de votre mémoire que vous proposiez que s'écoule un
certain nombre de jours de grève avant que l'on recoure à
l'arbitrage tel que vous le décrivez. En quoi cela serait-il utile? Dans
quelle mesure il serait utile de faire passer d'abord le processus de
négociation par une période d'affrontement, c'est-à-dire
grève ou lock-out, avec tout ce que cela signifie, pour, par la suite,
recourir à l'arbitrage?
M. le Président, j'indique tout de suite que ce seront les deux
seules questions. Je n'en aurai pas d'additionnelles, de sorte que je remercie
immédiatement M. Lebel, parce que je voudrais être
équitable et laisser le temps à mon collègue de Portneuf
de pouvoir bénéficier de sa juste part du temps qu'il nous
reste.
Le Président (M. Lachance): Très bien.
M. Lebel.
M. Lebel: Sur la première question concernant le
rôle du ministre, celui-ci est évidemment un homme politique
responsable d'un secteur d'activité gouvernementale. À ce
titre-là, il est impliqué dans les négociations. Il doit
agir comme quelqu'un qui a la charge d'administrer les affaires de
l'État. C'est le rôle du gouvernement, mais le ministre est aussi
député. Les ministres ne sont pas, sauf exception à peu
près une fois tous les treize ans, choisis en dehors de
l'Assemblée nationale.
M. Pagé:...
Une voix: II n'en reste plus.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Lebel: L'avant-dernière fois, c'était un
gouvernement libéral qui était allé en chercher un
à l'extérieur.
M. Clair:...
M. Pagé: C'est cela, et je n'étais pas
là.
M. Lebel: Je ne me rappelle pas si vous étiez
député à ce moment-là d'ailleurs.
M. Pagé: Pas encore.
M. Lebel: C'est peut-être pour cela.
M. Clair: II était comme moi; il n'était pas au
monde. (22 heures)
M. Lebel: Mais le ministre est aussi un député,
c'est-à-dire que le ministre a aussi la responsabilité - vous
devez probablement le savoir et vous devez être aussi chargé des
affaires de votre comté - de représentant de comté. Pour
mon information personnelle, aujourd'hui je me suis acheté le
vocabulaire des élections. Je suis un amateur de dictionnaires en
général et de choses publiques aussi. Quand on parle
d'élections, on dit "opération par laquelle les électeurs
choisissent leur représentant". Le député qui devient
ministre n'en demeure pas moins un représentant d'un certain nombre
d'électeurs qui ont des intérêts, qui ont des
problèmes, qui ont des besoins et qui ont une certaine vision aussi de
la répartition des droits, des pouvoirs et des privilèges dans la
société. Le ministre appelé à voter à
l'Assemblée nationale sans tenir compte de la ligne de parti,
évidemment, cela pose un problème nouveau, mais cela
représente un risque par rapport à ses objectifs personnels et
ses intentions personnelles. C'est sûr que, comme député,
il est davantage redevable à ses électeurs qu'à l'appareil
du parti ou à
l'appareil administratif gouvernemental. C'est cela le sens de la
proposition que je fais.
La deuxième question portait sur un nombre limité de jours
de grève avant l'arbitrage. Il y a deux motifs pour lesquels
j'amène ce sujet. D'abord, le droit de négocier des conditions de
rémunération a été acquis dans les secteurs public
et parapublic il y a déjà un certain nombre d'années et
c'est un élément, à mon avis, d'égalité
entre les citoyens travailleurs. Avant de le retirer, il faut explorer d'autres
possibilités. Ce pourquoi je le limite, je ne l'ai pas expliqué
au moment de l'exposé, mais c'est contenu dans le mémoire. Dans
le secteur privé, le droit de grève existe, mais il est
limité naturellement par la survie de l'entreprise, c'est-à-dire
qu'il n'y a pas un syndicat qui va mettre en cause la survie de l'entreprise
par une grève de façon consciente, alors que, dans le secteur
public, on sait que, de toute façon, au lendemain de la grève les
hôpitaux devront fonctionner à nouveau, les écoles devront
fonctionner à nouveau. Donc, à la limite, la grève
pourrait durer jusqu'à ce que l'État ait plié sur tous les
points. C'est pour cela que je limite. Pourquoi est-ce que je dis que le droit
de grève peut être exercé? Je me dis que, lorsque les gens
revendiquent quelque chose, la grève est un moyen pour eux de faire la
preuve du sérieux de leurs intentions, de leurs revendications. En
même temps, dans cette perspective, contrairement au; secteur
privé, je me dis: II faut peut-être éviter que cela se
prolonge indûment, parce que lorsque cela arrive, on en arrive à
un niveau d'arguments - l'histoire est là pour en témoigner -
entre syndiqués et représentants patronaux qui, à mon
avis, déshonorent assez sérieusement tout l'appareil public
québécois. On m'a dit: II y a eu des grèves difficiles
dans le secteur privé, des grèves dommageables, mais jamais on
n'a entendu un syndicat ou un patron dire: Les gens en face de moi sont des
irresponsables. On a entendu cela lors des dernières
négociations, lors des négociations précédentes et
les autres avant celles-là aussi. Mais imaginez-vous que si les gens
à la United Aircraft, avec la grosse grève qu'il y a eue il y a
déjà plusieurs années, avaient discuté ainsi sur la
place publique, il n'y aurait pas eu tellement de gens qui auraient
acheté des avions après cela, parce que, normalement, les moteurs
d'avion sont faits par des gens responsables. Je me dis que les gens qui
veillent à la santé et à l'éducation des gens, que
ceux qui travaillent dans les services publics devraient être aussi des
gens responsables. Lorqu'on prolonge de façon absolue la
possibilité d'affrontements, on court des risques de mettre en cause la
qualité même des activités de l'État et même
son prolongement dans les institutions publiques
décentralisées.
Le Président (M. Lachance): Merci. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je remercie M.
Lebel d'avoir préparé un document comme résultat de sa
réflexion concernant le problème très épineux,
délicat, important qui touche notre société en rapport
avec les négociations dans les secteurs public et parapublic. C'est
enrichissant de constater que, malgré toute la lourdeur de notre
système, malgré qu'à chaque occasion que
l'Assemblée nationale a de s'asseoir et de discuter de ce
problème-là, on voit généralement l'affrontement de
systèmes qu'un simple citoyen - comme vous l'avez dit, M. le ministre -
puisse faire son chemin parmi tout cela et venir nous livrer ses
pensées.
Le premier élément de commentaire sera de parodier un peu
comme vous l'avez fait quand vous avez référé aux
créditistes, vous avez dit M. Lebel que ceux-ci soutenaient que cela
irait mieux si les enseignants enseignaient, que les étudiants
étudiaient et d'après votre théorie, et selon la mienne,
cela irait peut-être mieux si le gouvernement gouvernait. Je ne suis pas
convaincu que d'après votre proposition cela serait le gouvernement qui
gouvernerait parce que vous confiez tout cela à l'Assemblée
nationale et vous confiez un pouvoir très important, non pas seulement
au niveau de l'échange, de la discussion et du débat sur la
rémunération à l'Assemblée, mais vous confiez la
responsabilité à l'Assemblée de trancher dans le concept
de l'offre finale selon l'une des deux dernières propositions. Ce
concept de l'offre finale, notre formation politique, nous la trouvons
très intéressante, pas dans le même cadre évidemment
que l'Assemblée nationale, mais on aura l'occasion d'y revenir comme je
l'indiquais ce matin d'ici quelques jours et cela fera très probablement
partie de la mécanique qui entourera les propositions qu'on formulera,
c'est-à-dire, notre conception à nous, comme groupe politique, si
demain matin, la majorité des citoyens nous désignait pour
administrer les choses de l'État.
Vous évoquez quatorze propositions bien particulières, je
n'ai malheureusement pas le temps, dans les quelques minutes qu'il nous reste,
de faire le tour avec vous de ces propositions qui ont leur mérite et
qui, j'en suis persuadé, seront étudiées attentivement par
les membres de cette commission et plus particulièrement par le ministre
délégué à l'Administration et responsable du
Conseil du trésor.
Ce qui me surprend, cependant, quand j'ai vu lors de la séance
préparatoire que quelques citoyens se proposaient de venir nous
entretenir de leurs considérations sur le sujet, je m'attendais que ces
gens, vous en
particulier, vous vous fassiez le porte-parole de l'utilisateur de
service gouvernemental, la personne qui est en contact avec les hôpitaux,
qui est en contact avec le milieu de l'enseignement, etc. Essentiellement, je
me disais, on aura la réaction de ceux qui sont affectés par ces
conflits et ces affrontements. Or, tel n'est pas le cas, puisque vous vous
êtes inscrit directement dans un cadre de technique de
négociation, d'approche, de système, de méthode, etc. Vous
maintenez le droit de grève et de lock-out qui peut être acquis
selon les mêmes dispositions que prévoit l'avant-projet de loi:
médiation, période de refroidissement, etc. Cela me surprend,
mais c'est votre droit le plus fondamental de le faire.
Ne croyez-vous pas que la primauté du droit du citoyen, en regard
de tout droit qui peut être accordé à des groupes, doit
inspirer l'action gouvernementale et que cela commanderait,
éventuellement, la suppression de l'exercice du droit, de grève
dans certains secteurs? Vous aurez très certainement compris que je
réfère plus particulièrement au domaine de la
santé.
Le Président (M. Lachance): M. Lebel.
M. Lebel: J'ai indiqué, au début de mon
intervention, que j'allais limiter ma présentation au fonctionnement de
l'État aux implications que le régime actuel de
négociation a sur le fonctionnement de l'État. Là-dessus,
je vais réagir rapidement au premier considérant que vous avez
fait à propos de l'intervention de l'Assemblée nationale qui
ferait que le gouvernement ne gouvernerait pas. Dans ma proposition, je n'ai
pas l'impression de suggérer que le gouvernement ne gouverne pas.
Cependant, ce que je propose, c'est une mesure d'arbitrage d'exception qui
ramène, devant l'Assemblée nationale, un enjeu fiscal dont la
responsabilité de la fiscalité revient à
l'Assemblée nationale. Lever des impôts, c'est un droit des
représentants des citoyens. Cela fait partie des principes de la
démocratie parlementaire.
Maintenant, quant à la question du droit de grève, en
particulier en ce qui concerne les services de santé, ce que je pourrais
émettre, c'est une opinion tout à fait personnelle. Je ne suis
pas un gros consommateur de services gouvernementaux ou paragouvernementaux.
J'accumule, à l'occasion, des points de démérite et je
paie mon permis de conduire, c'est à peu près la seule
utilisation que je fais des services gouvernementaux. Je ne peux pas
témoigner au nom des usagers. J'ai appris, aujourd'hui, que la
commission s'apprêtait à aller entendre les représentants
d'usagers des services de santé, mais mon opinion tout à fait
personnelle, c'est que dans la mesure où on maintient des services
essentiels dans la définition, il faudrait que les mots veulent dire
vraiment ce qu'ils veulent dire, quand les services sont essentiels à la
santé et à la sécurité physique des personnes, il
faut que des mesures soient prises pour assurer cela. Dans l'avant-projet de
loi, on indique qu'il y aura un renforcement des pouvoirs du Conseil des
services essentiels qui aura le pouvoir d'ordonner que tel service soit rendu.
C'est une gageure qui est aussi valable que - ce n'est pas une opinion
d'usager; si j'étais un usager, peut-être que je dirais autre
chose -de dire que les syndiqués des hôpitaux n'ont plus le droit
de faire la grève, alors qu'ils l'ont depuis 20 ans. Quand ils ne l'ont
pas, guelquefois ils la font quand même. Evidemment, c'est une gageure,
cela ne se tranche pas comme cela. Dans les deux positions, il y a quelque
chose de valable, mais je pense que ce qui est contenu dans l'avant-projet de
loi, compte tenu de la conjoncture historique, me semble aller. Comme je le
rappelle, je ne suis pas un témoin particulièrement valable des
usagers, je suis plutôt un amateur de processus décisionnel et de
fonctionnement d'appareil public.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Lebel. Au terme de
cette première journée d'auditions publiques, je voudrais d'abord
souligner le ton particulièrement non partisan qui a été
tenu par les deux parlementaires des deux côtés de la Chambre, je
l'apprécie personnellement. Cela facilite mon travail de
président. J'espère que cela va continuer dans le même
sens.
Enfin, à titre de président de la commission, je voudrais
de façon non équivoque, comme l'ont fait
précédemment au cours de la journée, au début de
nos délibérations, tour à tour le ministre ainsi que le
porte-parole de l'Opposition, le député de Portneuf, inviter les
syndicats qui sont concernés par le sujet très important dont
nous discutons, à reconsidérer leur décision et à
faire valoir leur point de vue directement auprès des parlementaires,
plutôt que de choisir uniquement la vois des conférence de presse
ou d'autres moyens à l'extérieur de la Chambre. Je lance
l'invitation. J'espère qu'il y aura reconsidération de la
décision qui a été prise à ce niveau. Comme nous
sommes au début de nos travaux, la commission pourrait revoir son
calendrier. Je considère qu'il y aurait une porte ouverte dans ce
sens.
Cela dit, la commission du budget et de l'administration ajourne ses
travaux à demain matin, 10 heures, alors que nous entendrons les
représentants de la Chambre de commerce du Québec. Bonsoir.
(Fin de la séance à 22 h 13)