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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Wednesday, January 30, 1985 - Vol. 28 N° 6

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic


Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du budget et de l'administration entreprend sa deuxième journée de travaux avec le mandat de procéder à une consultation générale sur l'avant-projet de loi traitant du régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.

Les membres de la commission pour la séance d'aujourd'hui sont les suivants: MM. Leduc (Fabre), Bisaillon (Sainte-Marie), Biais (Terrebonne), Pagé (Portneuf), Beaumier (Nicolet), Caron (Verdun), Gauthier (Roberval), Rivest (Jean-Talon), Mme Juneau (Johnson), MM. Lachance (Bellechasse), Laplante (Bourassa), Polak (Sainte-Anne), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Tremblay (Chambly), Clair (Drummond).

Nous entendrons tour à tour des représentants des organismes suivants: d'abord, la Chambre de commerce du Québec; ensuite, de 14 heures à 16 heures cet après-midi, l'Association des administrateurs des services de santé et des services sociaux du Québec; finalement, de 16 heures à 18 heures, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.

M. Clair: M. le Président...

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre.

Matières qui pourraient être agréées à l'échelle locale ou régionale

M. Clair:... très rapidement, tel que je m'y étais engagé hier, je voudrais - je ne sais pas si c'est déposer ou distribuer - en tout cas, rendre disponible, tant aux intervenants qu'aux membres de la commission, une avant-liste de matières qui seraient l'objet de stipulations négociées et agréées à l'échelle locale ou régionale. On se souviendra qu'hier on a fait état du fait que l'annexe A était une page blanche dans le projet de loi. On a expliqué pourquoi; on a dit que c'était volontaire et qu'on avait travaillé à une liste préliminaire, et j'avais pris l'engagement de la rendre disponible aujourd'hui. Je voudrais le faire dès maintenant.

Le Président (M. Lachance): Très bien, M. le ministre. En vertu de l'article 158 de nos règles de procédure, c'est avec plaisir que j'accepte que ce document soit déposé en commission.

M. Clair: J'en ai des copies. On est en train d'en distribuer. Il s'agit, M. le député de Portneuf, de la liste des matières qui pourraient être agréées à l'échelle locale ou régionale.

M. Pagé: D'accord.

Auditions

Le Président (M. Lachance): II nous fait plaisir d'accueillir ce matin, pour commencer cette journée, les représentants de la Chambre de commerce du Québec à qui je souhaite la bienvenue. Sans plus tarder, je cède la parole au président, M. François Paradis, à qui je demande de bien vouloir identifier les personnes qui l'accompagnent en commençant par sa gauche et en lui rappelant, tel qu'entendu, afin de faciliter les échanges avec les parlementaires au niveau des questions, de bien vouloir s'en tenir à une période de 20 minutes pour son exposé ou pour l'exposé que ses collègues voudront bien nous présenter. M. Paradis.

Chambre de commerce du Québec

M. Paradis (François): M. le Président, M. le ministre et MM. les députés, au nom de la chambre de commerce, je tiens à vous remercier de votre accueil et aussi de nous avoir permis de faire des représentations auprès de cette commission.

J'aimerais vous présenter les membres qui m'accompagnent. À mon extrême gauche, M. Marcel Tardif, qui est directeur général des affaires publiques à la chambre. À ma gauche immédiate, Me Eugène Turmel, de Lévis, qui est vice-président des ressources humaines à la chambre. À mon extrême droite, M. Jean-Paul Létourneau, qui est vice-président exécutif de la chambre. À ma droite, Me Louis Lagassé, qui est vice-président de premier rang de la chambre et qui s'occupe du dossier de la révision des lois du travail.

Sans plus tarder, vous me permettrez de passer la parole à Me Lagassé qui fera le résumé de la position de la chambre de

commerce sur la question qui nous intéresse.

Le Président (M. Lachance): Merci. Me Lagassé.

M. Lagassé (Louis): Merci, M. le Président. L'avant-projet de loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic, qui a été présenté le 20 décembre 1984 par M. le ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor, M. Michel Clair, commandait, de la part de la Chambre de commerce du Québec, analyse et commentaires et ce, pour trois raisons.

Premièrement, par la nature même des secteurs public et parapublic, toute réforme du mode de négociation qui les touche ne saurait s'engager sans l'étroite collaboration de tous les partenaires sociaux: gouvernement, employeurs locaux, syndicats et corps intermédiaires représentant les contribuables et les entreprises. L'impasse dans laquelle, de l'avis général, s'enlisent les relations du travail dans ces secteurs ne trouvera de solution durable qu'au terme d'une réflexion loyale, courageuse et réaliste qui affirmera clairement les objectifs poursuivis compte tenu de leur incidence sur l'économie et de la capacité limitée de payer des Québécois.

La Chambre de commerce du Québec n'a pas l'intention de se dérober à la responsabilité qui lui incombe, même si ses recommandations risquent, du moins a priori, d'être moins populaires que certaines solutions éphémères, c'est-à-dire de type "fast food" (le tout pour tout le monde et tout de suite), dont l'effet est agréable et, cependant, de courte durée.

La deuxième raison' qui découle de la première: le secteur public étant ce qu'il est, tous les partenaires sociaux sont à la fois utilisateurs et payeurs des services produits. Il n'est donc pas besoin d'insister longuement pour montrer comment leurs intérêts et leurs responsabilités y sont engagés.

Finalement, la distinction entre secteur public et secteur privé, commode au niveau théorique, ne s'avère pas aussi étanche dans la pratique quotidienne. En fait, l'interrelation des secteurs privé et public est constante malgré les spécificités de l'un et de l'autre.

Les modifications apportées au régime de négociation dans les secteurs public et parapublic créeront de nouvelles conditions qui auront un impact sur le secteur privé. Pour s'en convaincre encore davantage, il suffit de rappeler que ce sont les mêmes centrales syndicales qui sont présentes dans les deux secteurs et que leur dédoublement devient alors une notion purement abstraite.

Pour ces raisons, nommément la nature publique des secteurs considérés, le fait que l'implication de tous les partenaires sociaux se situe autant dans leur fonction de payeurs que dans celle d'utilisateurs des services dispensés et l'interrelation des secteurs public, parapublic et privé, la chambre désire soumettre à l'attention de la commission un ensemble de recommandations qu'elle regroupe en cinq volets: 1) la nécessité de décentraliser les négociations; 2) la nécessité de circonscrire la capacité de payer de l'État employeur; 3) le droit de grève, les services essentiels et les mécanismes alternatifs; 4) les autres droits syndicaux et leur réciproque en termes de responsabilité; 5) les moyens dissuasifs pour maintenir l'intégrité du régime de négociation public.

Revenons à chacun des points. La nécessité de décentraliser les négociations. La chambre n'a pas l'intention de reprendre ici tout l'historique des relations du travail dans les secteurs public et parapublic. Il semble bien acquis pour tous que l'État, en s'affirmant comme premier responsable du développement économique et social de la collectivité québécoise, a lui-même fortement contribué à centraliser les négociations dans ces secteurs.

Il n'est toutefois pas sans intérêt de rappeler que les phénomènes de centralisation, de même que la politisation qui en découle, trouvent leur origine dans une volonté d'abord véhiculée par l'État. Ceci nous amène, étant donné les résultats constatés depuis 20 ans, à questionner les assises qui supportent une telle position.

À l'origine, le principal argument invoqué a été l'obligation que l'État se créait de traiter également tous ses salariés en instaurant un régime uniforme. Par la suite, le besoin de contrôle du bailleur de fonds est venu consolider ce postulat.

La nécessité de décentraliser les négociations dans les secteurs public et parapublic s'impose aujourd'hui d'elle-même. Vouloir régler, en même temps et par un seul décideur, toutes les conditions de travail de plus de 350 000 syndiqués est une entreprise vouée à l'échec et elle ne peut conduire qu'à l'impasse que nous connaissons où la politisation des débats a faussé les mécanismes, transformant la négociation d'un contrat de travail en négociation d'un contrat social. Toutefois, si la nécessité d'une décentralisation est manifeste, la remise en question des postulats qui ont soutenu le mouvement inverse nous permet d'entrevoir de nouvelles avenues, évitant ainsi un retour du balancier qui nous fasse tomber dans l'excès contraire.

Ainsi, nous croyons que la première prémisse quant à l'égalité de traitement doit se comprendre comme un énoncé de justice et d'équité, sans que cela présuppose une uniformisation de toutes les conditions de

travail. À notre avis, la décentralisation au profit des paliers locaux et régionaux doit être l'occasion de responsabiliser les secteurs public et parapublic, de leur donner les moyens d'accroître leur productivité, de revaloriser et de reconnaître les conditions d'opération locales et régionales.

Actuellement, l'hypercentralisation des négociations favorise des négociations au sommet, où une poignée d'experts s'entendent sur les bénéfices d'emploi, pour ensuite conclure des ententes, plus ou moins opérantes, parfois, quant aux conditions de fonctionnement quotidien. Nous croyons que les instances locales sont de bien meilleurs juges de ces conditions, étant beaucoup plus au fait des problèmes vécus quotidiennement.

Dans un cadre décentralisé, le palier central aurait pour fonction principale de définir les grands objectifs tant en termes de contenu que d'efficacité et les paliers locaux et régionaux auraient la responsabilité de s'organiser pour rencontrer ces objectifs, cette responsabilité étant circonscrite par l'enveloppe budgétaire définie par l'État. Dans un tel contexte, l'étanchéité entre les paliers devient essentielle, car si le palier supérieur constitue une instance d'appel la décentralisation n'est qu'illusoire.

Quant à la deuxième prémisse, soit le besoin de contrôle par le bailleur de fonds, nous croyons que l'État a la responsabilité absolue de définir sa capacité de payer. Cependant, une fois l'enveloppe budgétaire et les principales conditions de travail définies, le gouvernement doit céder la place à ses partenaires employeurs locaux et régionaux.

Deuxième point, la nécessité de circonscrire la capacité de payer de l'État employeur. La Chambre de commerce du Québec est d'accord avec le principe contenu dans l'avant-projet de loi déposé par M. Clair quant à soustraire l'enveloppe budgétaire globale des objets de la négociation. Nous croyons que le gouvernement élu est le seul responsable de la ponction fiscale faite sur les contribuables. Près de 50% du budget de la province ne peuvent être soumis aux impératifs d'un groupe d'intérêts particuliers. Les secteurs public et parapublic doivent s'astreindre aux mêmes règles économiques qui jouent dans le secteur privé. Il est inéquitable qu'un groupe de salariés accapare une rente économique en prétextant que l'État employeur ne peut faillir puisqu'il lui suffit de reporter son déficit ou d'augmenter taxes et impôts.

Par ailleurs, le retrait du champ de négociation de l'enveloppe budgétaire globale doit être compensé par un mécanisme équitable. L'idée d'un organisme de recherche sur la rémunération dont la direction sera reconnue pour sa compétence et sa crédibilité, nous apparaît une solution alternative valable. Toutefois, la modalité proposée dans l'avant-projet de loi, soit la création d'un organisme ayant une structure paritaire, nous semble inappropriée. En effet, l'expérience de telle structure paritaire nou3 démontre que les deux formations aux intérêts opposés ont trop fortement tendance à s'affronter et à se paralyser mutuellement pendant que la direction effective revient à la direction permanente. Il ne s'agit pas ici de mettre en cause la bonne foi des personnes, mais plutôt de constater qu'une structure non fonctionnelle est trop souvent paralysante. (10 h 30)

L'objectif fondamental qui est recherché est celui d'assurer la plus grande crédibilité possible, tout en impliquant activement les parties concernées. Or, lorsqu'il est question de reconnaissance de crédibilité, il faut bien admettre qu'il s'agit d'abord d'une question d'attitude et qu'aucune structure ne saurait garantir une crédibilité à 100%.

Dans l'état actuel des choses, il nous apparaît peu vraisemblable qu'aucune centrale syndicale n'accepte de se commettre dans un organisme qui, à court terme tout au moins, devrait avoir pour mission de rééquilibrer les salaires entre le secteur privé et les secteurs public et parapublic. À cet égard, les premières réactions syndicales sont assez explicites.

Nous croyons donc que l'objectif de crédibilité et de probité professionnelle doit être recherché par rapport à l'ensemble de la population et non biaisé par la recherche hautement improbable d'un accord syndical.

Ainsi, nous pensons qu'un conseil de recherche sur la rémunération, composé de personnalités reconnues pour leur compétence et leur honnêteté en provenance de divers milieux tant publics que privés, serait une meilleure garantie d'efficacité. Ce conseil pourrait, évidemment, s'appuyer sur un secrétariat professionnel dont l'expertise et l'intégrité sont reconnues.

Cette formule a, de plus, le mérite de ne pas limiter aux deux seules parties immédiatement en cause le mandat confié à l'organisme. Cet aspect nous semble d'autant plus important qu'il permet une interrelation plus systématique entre les secteurs privé, public et parapublic.

À cet égard, nous déplorons que l'avant-projet de loi ne soit pas plus explicite quant aux objectifs sur lesquels se fonderait le mandat d'un tel organisme. Il est certain, d'une part, que le gouvernement n'a pas à couler dans le ciment le mandat d'un organisme qu'il veut, par ailleurs, rendre indépendant. D'autre part, il lui revient, cependant, de définir les grands objectifs de sa gestion. Ainsi, la volonté nouvelle qu'il a manifestée à plusieurs reprises d'ajuster les conditions globales d'emploi et de rémunération des secteurs public et privé devrait être énoncée comme l'un des

objectifs à atteindre sans qu'il soit nécessaire de procéder par normes.

Dans cette même veine, nous croyons qu'il serait judicieux de préciser dès le départ l'orientation fondamentale du gouvernement dans sa recherche de comparabilité et d'équité entre les secteurs privé et public. Pour sa part, la chambre croit que le gouvernement doit cesser de se comparer uniquement à la grande entreprise privée, notamment les 500 employés et plus, cette option offrant un biais vers le haut particulièrement nuisible aux PME.

Un troisième point que nous désirons toucher: le droit de grève, les services essentiels et les mécanismes alternatifs. La dynamique du rapport de forces entre deux parties et son éventuel aboutissement en une grève, propre au régime d'économie libérale, ne nous apparaît pas transférable au secteur public. Ainsi, contrairement au secteur privé où s'exerce le libre jeu de la concurrence, le secteur public se retrouve en situation monopolistique d'exclusivité. Les services qu'il produit n'ont pas leur substitut et deviennent de ce fait irremplaçables. De plus, étant donné la capacité de l'État employeur de taxer ou de reporter son déficit sur un très grand nombre de contribuables actuels ou à venir, il n'est pas soumis aux règles économiques du marché, ni aux contraintes rigoureuses des profits et pertes.

Dans ce contexte, la dynamique de l'affrontement, inopérante au niveau économique, se traduit par une politisation du conflit. Cette politisation modifie radicalement le sens et ta portée de toute grève dans les secteurs public et parapublic, l'affrontement réel devenant l'opposition entre les droits d'un groupe de syndiqués, d'une part, et le droit aux services publics d'un segment ou de l'ensemble de la population plus ou moins captive, d'autre part.

La polarisation des intérêts des groupes a été au coeur de tous les conflits vécus dans les secteurs public et parapublic d'une manière plus ou moins évidente selon les circonstances depuis 20 ans. Le dépôt d'un avant-projet de loi sur les négociations dans ces secteurs nous semble l'occasion pour l'ensemble de la société de redéfinir clairement ses choix.

La situation qui prévaut dans les secteurs public et parapublic a toujours été ambiguë, aucun gouvernement n'ayant accepté de se positionner par rapport aux enjeux véritables, optant pour une politique d'interventions à la pièce (lois spéciales, décrets, etc. ) plutôt que pour une politique globale bien définie. Ce type d'intervention où la règle courante s'est révélée être celle des cas d'exception n'a suscité, depuis vingt ans, qu'affrontements et frustrations de part et d'autre.

Pour certains, retirer le droit de grève du secteur public constitue une proposition futile puisque, même sans ce droit, des grèves risquent d'être déclenchées de façon illégale. Tel que formulé, l'argument nous semble spécieux. Il remet en cause la pertinence de toute législation lorsque celle-ci peut être transgressée. Si ce critère était retenu, combien de nos lois actuelles trouveraient encore droit de cité? Par ailleurs, ne l'oublions pas, le simple retrait du droit de grève ne réglera pas tous les problèmes de relations du travail dans les secteurs public et parapublic, pas plus que la reconnaissance d'un droit de grève sans cesse nié dans les faits par des interventions spéciales.

Pour sa part, la Chambre de commerce du Québec a soutenu, jusqu'en 1960, qu'il fallait retirer le droit de grève dans les secteurs où la santé et la sécurité des personnes étaient manifestement compromises et conserver ce droit en le civilisant par le maintien de services essentiels dans les secteurs moins névralgiques.

L'expérience des dernières années nous a amenés à reconsidérer notre position. À cause de sa nature même, tout service public devient, à plus ou moins long terme, un service essentiel. La différence se situe dans le temps qui peut s'écouler avant que la situation devienne inacceptable. Permettre un droit de grève, sous réserve d'assurer les services essentiels, revient donc finalement à octroyer un certain laps de temps durant lequel une grève pourra durer qui se terminera quasi invariablement par un retour forcé au travail. À l'usage, ce compromis ambigu crée plus de problèmes qu'il n'en résout, d'autant plus que les critères utilisés pour définir ce que devront être les services essentiels sont insuffisants et peu opérationnels, comme on l'a vu récemment dans le cas de la CTCUM. Ils créent des zones grises qui, tout compte fait, sont soumises à l'arbitraire.

Nous croyons qu'il est préférable de renoncer clairement au droit de grève dans les secteurs public et parapublic et de s'attacher dès maintenant à définir des mécanismes alternatifs valables et équitables. Le fait de décentraliser une partie des négociations et de les ramener à un niveau local et régional est une étape préliminaire essentielle à la mise en place de tels mécanismes. La négociation au niveau local et régional permettra d'améliorer les conditions de travail qui, sans avoir une incidence monétaire, sont souvent source de griefs lorsque réglées au niveau central. Ce faisant, la table centrale s'en trouvera, pour sa part, allégée et son efficacité accrue.

Par ailleurs, les périodes de négociation prévues, les mécanismes de médiation préventive, la mise sur pied d'un organisme neutre de recherche sur la rémunération,

l'intervention d'une tierce partie et une information publique adéquate nous semblent des garanties de protection des droits des salariés des secteurs visés.

Quatrième point: les autres droits syndicaux et leur réciproque en termes de responsabilité. L'avant-projet de loi déposé par M. Clair en décembre dernier est particulièrement silencieux au chapitre des droits et des devoirs syndicaux. Pourtant, les problèmes liés à la responsabilité syndicale, aux conditions d'exercice de la vie démocratique, à la représentativité et aux mandats des représentants syndicaux ont été maintes fois soulevés. Ainsi, la chambre croit que le droit d'association devrait trouver son équilibre dans le droit de désassociation et qu'obligation devrait être faite à un syndicat de tenir un vote de désaccréditation lorsque 45% des syndiqués le réclament.

De plus, les représentants syndicaux devraient avoir l'obligation de faire connaître par écrit les offres finales de l'employeur et de les soumettre à un vote avant de rompre les négociations. Nous croyons que cette mesure devrait éliminer la pratique des mandats en blanc confiés à un exécutif syndical avant même le début des négociations, sans que ce dernier soit tenu de revenir devant l'assemblée des syndiqués avant d'y mettre fin.

La Chambre de commerce du Québec croit que ces mesures peuvent limiter les effets abusifs d'une situation de monopole syndical et permettre un meilleur 'exercice de la délégation de pouvoir.

Cinquièmement, les moyens dissuasifs pour maintenir l'intégrité du régime de négociation. L'avant-projet de loi propose un certain nombre de mesures de redressement lorsqu'il y a contravention à une disposition de la loi. Nous croyons que ces mesures sont insuffisantes et n'auront pas nécessairement l'effet dissuasif recherché. Entre autres, lorsqu'il est question de réparer monétairement le préjudice causé par l'interruption ou la diminution de services, les sommes peuvent atteindre un montant tellement faramineux que la mesure devient inapplicable.

Sans éliminer complètement ce type de redressement dans la loi, la chambre pense qu'il faut y ajouter des mesures dont l'efficacité dissuasive est plus élevée. Ainsi, les pénalités encourues pour le non-respect de la loi pourraient recouvrir un éventail de mesures allant de la perte de la retenue syndicale obligatoire effectuée par l'employeur à la décertification de l'unité syndicale dans un cas grave.

Nous croyons que ces mesures devraient s'ajouter à celles déjà énumérées dans l'avant-projet de loi, afin de disposer de mesures flexibles et réalistes qui trouvent leur pleine justification dans le contexte d'évolution économico-sociale que vit actuellement le Québec. Il faut, en effet, cesser de voir dans ces mesures une ultime menace, mais plutôt la conséquence naturelle et logique de gestes posés par des contrevenants à la loi. Si un syndicat viole systématiquement et de propos délibéré les dispositions de la loi, c'est qu'il ne reconnaît plus le cadre législatif. La perte des avantages ou de la protection liés à celui-ci s'ensuit logiquement.

Conclusion. La Chambre de commerce du Québec est donc, dans l'ensemble, favorable aux principes contenus dans l'avant-projet de loi. Par ailleurs, elle soutient qu'il faut profiter de l'occasion de repenser les négociations dans les secteurs public et parapublic pour encadrer de façon cohérente et rationnelle ces négociations.

La chambre recommande donc: 1) que les négociations soient décentralisées à différents paliers, étanches les uns par rapport aux autres; 2) que l'on crée un organisme de recherche sur la rémunération, indépendant, formé de personnes issues de différents milieux, dont la compétence et la probité soient reconnues, qui s'appuie sur un secrétariat disposant de l'expertise requise; 3) que le droit de grève soit supprimé dans les secteurs public et parapublic et remplacé par des mécanismes alternatifs propres à protéger les droits des salariés et ceux de la population; 4) que les autres droits syndicaux soient reconsidérés en fonction de responsabilités qui incombent aux représentants syndicaux; 5) que les pénalités prévues pour le non-respect des dispositions de la loi incluent également la perte éventuelle des privilèges liés à cette même loi. Merci, M. le Président. (10 h 45)

Le Président (M. Lachance): Merci, Me Lagassé. Nous allons maintenant entreprendre la partie des échanges avec les parlementaires. Je vous rappelle que, selon nos règles de procédure, cela doit être fait en alternance par chacune des formations politiques représentées de chaque côté de la table. J'invite d'abord le ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor à prendre la parole.

M. Clair: Oui, M. le Président. Permettez-moi, dans un premier temps, au nom de ma formation politique, de remercier la Chambre de commerce du Québec d'avoir accepté de se pencher sur cet avant-projet de loi concernant une réforme du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic, d'avoir pris le temps de préparer un mémoire et d'être venue nous faire connaître son opinion sur cette question aujourd'hui.

La Chambre de commerce du Québec aborde dans son mémoire cinq thèmes. J'aimerais avoir l'occasion d'échanger avec ses représentants sur au moins quatre d'entre

eux, en les abordant dans l'ordre où ils sont présentés dans le mémoire.

Le premier thème concerne la décentralisation des négociations au niveau local ou régional. Bien sûr, on peut difficilement traiter de l'une des parties de la réforme sans avoir l'ensemble du portrait. Mais, si on fait abstraction pour l'instant de toute la question du droit de grève dans les secteurs public et parapublic on y reviendra - sur le strict plan de la décentralisation, il y a deux grands modèles, au fond, qui s'offrent à nous. Un premier modèle e3t celui proposé par l'avant-projet de loi: compte tenu de la centralisation progressive des négociations, compte tenu aussi qu'il existe un grand nombre d'établissements dans le réseau social notamment où il n'y a jamais eu de négociations locales, on a comme orientation dans l'avant-projet de loi de dire que la décentralisation se fera sur les questions qui sont davantage reliées à l'organisation du travail, aux mouvements de personnel, aux droits syndicaux. Donc, une expression qui recouvre tout cela, c'est la vie au travail. On doit essayer de faire en sorte que la spécificité de chaque établissement soit davantage prise en compte par le système de négociation. La décentralisation se fait donc sur des questions qui ont un impact budgétaire très réduit, voire nul. Une fois qu'on a convenu que la semaine de travail est de 35 heures et que la rémunération est de X dollars, que l'hôpital fonctionne de manière plus intensive l'avant-midi ou l'après-midi, ce n'est pas tellement l'affaire du gouvernement. C'est plus l'affaire du conseil d'administration de savoir de quelle manière il répond le mieux aux besoins de sa clientèle. C'est l'orientation proposée par l'avant-projet de loi.

Je ne connais pas encore la position du Parti libéral. On aura l'occasion de la connaître bientôt, selon ce qu'on m'a indiqué. Mais une autre théorie - c'est peut-être celle-là qui est valable aussi - qui semble être celle qui va nous être proposée et qui nous est d'ores et déjà proposée, par exemple, si ma mémoire est fidèle, par le Fédération des cégeps, c'est de dire qu'il faut aller beaucoup plus loin en termes de décentralisation. L'État fixe d'abord, par des mécanismes sur lesquels on reviendra, la masse salariale. Une fois que la masse est fixée, on envoie cette masse, soit dans une fédération d'employeurs ou dans un établissement et chaque établissement s'arrange avec. Autrement dit, san3 faire de raccourci, c'est ce qu'on pourrait appeler le modèle université au Québec. On sait que les universités reçoivent une enveloppe globale et, jusqu'à un certain point, s'arrangent avec, dans le sens qu'elles déterminent leur propre politique salariale. Bien sûr qu'il y a de la coordination entre les universités, mais c'est à partir d'une enveloppe budgétaire fermée que chaque établissement prend ses orientations, théoriquement du moins.

Ce sont deux grandes avenues. Une avenue qui dit: On décentralise et, compte tenu de la centralisation progressive, on va décentraliser progressivement, et on va commencer par le faire sur des questions non financières, en termes de vie au travail, d'ajustement des conditions de travail à la réalité vécue. Vont demeurer centralisées ou sous-sectorialisées dans certains cas les grandes questions financières, qu'il s'agisse des régimes de retraite ou de la rémunération comme telle ou de tout autre grand enjeu à incidence financière. C'est la direction de l'avant-projet de loi. L'autre, c'est une tout autre approche.

Votre mémoire n'est pas très explicite; il n'y a qu'une phrase qui dit: "Cependant, une fois l'enveloppe budgétaire et les principales conditions de travail définies, le gouvernement doit céder la place à ses partenaires employeurs locaux et régionaux. " C'est assez général, ça n'indique pas dans laquelle des deux écoles vous vous inscrivez.

M. Létoumeau (Jean-Paul): M. le Président, nous nous sommes penchés sur ces alternatives. Effectivement, nous sommes d'avis qu'il faudrait décentraliser le plus possible. Cependant, lorsqu'on aborde la décentralisation sous le deuxième aspect que vient d'expliquer M. le ministre, nous voyons là la possibilité de revenir à une situation qui a existé dans le passé et qui constitue, en fait, une occasion de surenchère entre les institutions habilement menée par une stratégie de négociation syndicale. C'est-à-dire que si on peut négocier à l'intérieur d'une enveloppe à peu près tout ce qu'on veut dans un établissement, il est possible que la partie syndicale, comme stratégie, décide d'obtenir dans certains établissements des conditions particulièrement avantageuses pour certains types d'employés; dans un autre établissement, des conditions particulièrement avantageuses pour un autre type d'employés. Quand les négociations sont terminées, on se met à faire des comparaisons sur le traitement donné à tel type d'employés dans tel établissement par rapport à tel autre et là commence un phénomène de surenchère.

On n'a pas trouvé de solution pour éviter cette possibilité. On s'est dit: Partir d'une table centrale et décentraliser plus brusquement, ce serait peut-être s'embarquer dans de nouveaux problèmes. C'est pourquoi nous avons plutôt opté pour la première recommandation - nous n'avions pas cette liste, mais maintenant nous avons la liste, le ministre nous l'a distribuée ce matin - de négocier sur les questions concernant la qualité de vie.

Vous avez remarqué que nous avons ajouté à cela l'étanchéité, c'est-à-dire rendre

vraiment responsables, sur ces questions, les parties et ne pas leur permettre de retourner ces questions à la table centrale. On pense que, ce faisant, dans un premier temps, on va nettoyer un tas de choses au niveau de la table centrale qui sont peut-être plus embarrassantes - la table centrale n'est pas vraiment très compétente pour en débattre ou en décider - on va renvoyer ça au niveau local en leur disant: Réglez ces questions au niveau local; parce qu'elles n'ont pas de conséquences financières, réglez ces questions au niveau local.

M. Clair: Si je comprends bien, vous êtes davantage favorable à une orientation de décentralisation où on minimise les risques de surenchère. D'ailleurs, la surenchère peut venir d'un côté comme de l'autre. Dans le secteur public comme dans le secteur privé, il y a toujours des patrons et des syndicats qui sont plus ou moins "volontaires", entre guillemets, ou revanchards. Je pense que, à cet égard, personne n'a le monopole de la bonne conduite.

L'orientation du gouvernement, c'est justement celle-là. Afin de favoriser l'émergence d'un contenu de convention qui, sur le plan de l'organisation du travail, de la vie au travail, soit le plus adéquat possible pour un milieu sans que le débat tourne rapidement à la surenchère dans un sens ou dans l'autre sur des questions d'enjeux monétaires, nous avons préféré l'orientation de la décentralisation, aller le plus loin possible sur ce qui n'a pas d'impact financier, plutôt que de prendre le risque d'envoyer des enveloppes budgétaires fermées, par exemple, à chacun des 871 établissements du réseau des affaires sociales au Québec et de leur dire: Nous, une fois qu'on est à l'aise sur le plan de nos équilibres financiers avec telle masse, arrangez-vous avec, le risque étant, effectivement, qu'on mette de la pression dans le système, dans chacun des 871 établissements et qu'on recrée aussi des disparités régionales qui ne favorisent ni les conditions de travail équitables, ni l'harmonie d'un système.

Je comprends que vous êtes davantage d'accord avec une telle approche qu'avec une approche consistant à décentraliser des enveloppes budgétaires.

M. Létourneau: C'est cela. Maintenant, remarquez qu'on aurait aimé aller plus loin, mais c'est parce qu'on n'a pas trouvé de solution pour éviter la surenchère, d'une part; d'autre part, on ne veut pas, non plus, éviter complètement toute différenciation ou reconnaissance de besoins régionaux. Mais, à ce moment-là, ils seront discutés à la table centrale où on pourra avoir un contrôle au moins de leur impact budgétaire global.

Autrement, on ne l'a pas. C'est ce qui nous a amenés à cette position.

M. Clair: Je vous remercie. Le deuxième thème abordé par votre mémoire porte sur la question centrale, fondamentale de la rémunération. Sur cette question, vous dites à la page 7: "Nous croyons que le gouvernement élu est le seul responsable de la ponction fiscale... " Près de 50% du budget sont consacrés à la rémunération des employés de l'État. Vous affirmez par la suite ce qui suit: "Les secteurs public et parapublic doivent s'astreindre aux mêmes règles économiques qui jouent dans le secteur privé. Il est inéquitable qu'un groupe de salariés accapare une rente économique en prétextant que l'État employeur ne peut pas faire faillite et qu'il lui suffit de reporter son déficit ou d'augmenter taxes et impôts".

Je pense que, si l'on veut avancer en termes de discussion, de consensus social et d'entente avec les syndicats et des travailleurs des secteurs public et parapublic, la question de l'évolution, de ce qui nous paraît équitable, acceptable comme traitement des employés de l'État traitement autant en termes de rémunération que de conditions de travail - c'est fondamental. En effet, si, dans notre société, avait cours une opinion assez développée dans le sens que les employés de l'État se doivent d'être moins bien rémunérés que ceux du secteur privé, par exemple, tout le monde s'imagine fort bien à quel point, à ce moment-là, les employés des secteurs public et parapublic percevraient comme une volonté de les écraser d'introduire de nouveaux mécanismes de négociation de la rémunération de toute la masse salariale.

Vous savez sans doute, puisque vous êtes du milieu patronal et que vous surveillez sûrement ces choses-là, que, par exemple, dans certains pays occidentaux qui ne sont pas les moindres, au Royaume-Uni, en Angleterre et aux États-Unis, une orientation du gouvernement fédéral américain consiste à moins rémunérer les employés du secteur public que ceux du secteur privé pour un travail équivalent. Telle n'est pas la position du gouvernement actuel. La position du gouvernement actuel, c'est que, tant en termes de niveau de traitement qu'en termes de croissance de la rémunération des employés des secteurs public et parapublic, nous pensons qu'il y a un consensus au Québec dans le sens que, tant en termes de niveau qu'en termes de croissance, cela devrait se comparer à ce qui se passe dans le secteur privé.

Je pense qu'il est très important de savoir, du côté patronal privé, si le principe, tant en termes de niveau que d'évolution de la rémunération, que cela se fasse en comparaison, d'une manière comparable, équitable par rapport à ce qui se passe dans

le secteur privé, est un principe que vous acceptez ou que vous n'acceptez pas. Je pense que c'est la première question dont on doit disposer. Dans la mesure où on élargira le consensus sur le fait que c'est équitable, qu'il est normal au Québec que les employés du secteur public, tant en termes de niveau de traitement qu'en termes d'évolution de traitement, évoluent de manière comparable à ce qui se passe dans le secteur privé, je pense que c'est quelque chose sur quoi on pourra tabler.

Je vous indique, simplement pour éclairer ou faciliter votre réponse, deux éléments additionnels. Premièrement, selon les comparaisons qui ont été menées jusqu'à maintenant - c'est vrai - avec des entreprises de 500 employés et plus, à la lumière des données dont nous disposons, il nous est permis de croire qu'à la fin de 1985 les secteurs public et parapublic, dans l'ensemble, se situeront à environ 2% ou 3% d'écart plus avancé ou plus élevé que la rémunération dans le secteur privé. (11 heures)

Comme ces comparaisons sont toujours, même si elles sont faites scientifiquement, sujettes à caution pour une marge d'erreur faible, on peut dire que globalement le secteur public serait à peu près en parité avec le secteur privé. Je dis bien globalement parce qu'il faudrait distinguer toute une série de corps d'emploi. C'est la première chose que je voulais vous indiquer.

La deuxième, c'est qu'en termes d'évolution dans l'avenir de la rémunération dans le secteur public, il nous semble que les ajustements devraient se faire annuellement et non pas sur la base de prévisions économiques qui, malheureusement, ont eu comme principale caractéristique, au cours des dernières années, de ne pas se matérialiser et, donc, de piéger l'une ou l'autre des parties.

Si l'on a connu au Québec les problèmes de 1982 et que cela n'a pas été connu, par exemple, aux États-Unis, une bonne partie de l'explication résulte dans notre façon de convenir des salaires. Je rappelle, par exemple, qu'aux États-Unis il n'y a qu'une demi-douzaine d'États sur les 50 États américains qui négocient sur une base triennale à peu près semblable à la nôtre les traitements, la rémunération. Je pense que ce sont deux éléments dont il faut tenir compte dans la réponse à la question que je vous pose.

M. Lagassé: M. le Président, je dois indiquer que la position de la Chambre de commerce du Québec est sans doute semblable à celle que vous avez énoncée, elle s'en rapproche certainement. Parlant de consensus, je vous reporte à un sondage que nous avons fait auprès de nos sociétés membres il y a quelques mois sur la rémunération dans les secteurs public et parapublic. Sur un échantillonnage de 575 réponses qui avaient été reçues, 98, 18% d'entre elles indiquaient une opinion semblable à celle que vous venez d'émettre, c'est-à-dire qu'on était d'accord pour dire qu'on ne voulait pas que les employés des secteurs public et parapublic aient des conditions de travail et de rémunération supérieures à celles des tâches comparables du secteur privé.

Je veux simplement attirer votre attention sur le fait que, pour le secteur privé, la rémunération n'est pas simplement l'enveloppe salariale, comme vous le savez bien, mais bien d'autres choses telles que la sécurité d'emploi, le régime de retraite, les horaires, les vacances et les responsabilités. C'est une gamme de points auxquels il faut également s'attacher et ne pas simplement regarder l'aspect salarial.

M. Clair: D'accord. Vous dites: Nos membres disent que les employés de l'État ne devraient pas être rémunérés de façon plus généreuse ou que les traitements ne devraient pas être supérieurs. Le sens de ma question est plus engageant que cela. Est-ce que vous vous inscrivez, oui ou non, dans le mouvement, pour lequel je n'ai pas d'autre épithète que "de droite", actuellement, qui a cours dans certains pays visant à rémunérer les employés du secteur public à un niveau inférieur? Je pense que c'est une question importante parce que, s'il y a un consensus social à savoir que tel n'est pas le cas au Québec, je pense qu'on a des chances d'avancer plus facilement quant aux nouveaux mécanismes à mettre en marche pour la négociation de la rémunération.

M. Létourneau: M. le Président, je pense que nous serions satisfaits que les travailleurs des secteurs public et parapublic soient traités de manière équivalente. Il y a toutes sortes de façons de considérer ça. Vous avez signalé tantôt la comparaison avec les employeurs du secteur privé de 500 employés et plus. Dans notre mémoire nous disons qu'on doit aller plus loin que ça et qu'on doit regarder, en dessous de ça, ce qui se passe dans le secteur privé. On pourrait avoir aussi la théorie que le gouvernement est le meilleur employeur. On regarde ce qui se passe dans le secteur privé et on voudrait que le gouvernement soit un employeur modèle, c'est-à-dire qu'il donne à peu près ce qui se fait le mieux dans le secteur privé, en regardant à l'intérieur des 500 ou en regardant à l'intérieur des 150 à 500, etc.

Nous aimerions que le gouvernement se situe dans la moyenne des employeurs du secteur privé. Ce serait l'objectif. On sait qu'on ne peut pas arriver à ça du jour au lendemain; ce sera l'objet de négociation, d'une part. C'est un objectif qui peut être

atteint avec le temps parce qu'il faudra dégrader.

Il y a d'autres facteurs qu'a mentionnés Me Lagassé, comme la sécurité d'emploi qui existe dans le secteur public et qui n'existe pas dans le secteur privé, ou à peu près pas. Concernant cette question, je dois vous dire que notre sondage auprès de nos membres dit ceci: "Croyez-vous que la sécurité d'emploi des employés des secteurs public et parapublic doit être augmentée, maintenue, réduite ou abolie? Des 552 répondants, 53, 44% ont dit "réduite" en matière de sécurité d'emploi, 41, 84% ont dit "abolie", à peu près 5% ont dit "maintenue" et aucune personne, 0, n'a dit "augmentée". Donc, l'orientation de notre base est très claire sur ce point, mais il faudra, encore une fois, comme l'a mentionné M. Lagassé - ce sera la tâche des experts - mesurer la valeur de certaines conditions qui existent dans le secteur public et qui n'existent pas dans le secteur privé. Par exemple, la sécurité d'emploi, qu'est-ce que cela vaut au point de vue salarial quand on fait une comparaison avec le secteur privé?

M. Clair: Tantôt, vous avez fait référence au mandat de l'institut de recherche, à l'article 64. L'une des raisons pour lesquelles l'article 64 n'est pas plus spécifique, c'est précisément - je vous l'indique - pour lui laisser toute la liberté de pouvoir faire des comparaisons diverses et non pas de l'enfermer dans un type de comparaison plutôt qu'un autre. Je pense que cela répond en partie à vos préoccupations.

M. Létourneau: Quand on dit "comparaisons diverses", c'est parce qu'on s'imagine, nous, que cela pourrait être des comparaisons avec d'autres secteurs publics ailleurs. Là, on perd notre objectif. Si l'objectif - il semble bien connu de la part du gouvernement; vous l'avez très bien exprimé, M. le ministre - c'est un alignement sur le secteur privé, je pense que la loi ou, enfin, un règlement, je ne sais pas, le mandat de cet institut de recherche devrait indiquer que l'objectif est de faire des comparaisons avec le secteur privé. Autrement, on peut arriver à faire des comparaisons avec des gens, d'abord, de l'extérieur du Québec, avec d'autres fonctions publiques, et c'est très vaste, c'est très vague. Je pense que l'objectif gouvernemental que vous avez bien exprimé devrait se retrouver dans le projet de loi.

M. Clair: Je ne voudrais pas vous corriger, mais, à l'article 63, c'est clairement indiqué: "comparés de la rémunération globale des salariés du gouvernement - on nomme l'ensemble des employeurs - et de la rémunération globale des autres salariés québécois de toute catégorie qu'il détermine, d'autre part. " Il est assez évident que des comparaisons avec des employés du secteur public d'autres provinces de la fédération canadienne ou d'autres États avec lesquels nous sommes en concurrence économique peuvent être, jusqu'à un certain point, utiles, mais je pense que c'est l'évolution de l'économie du Québec dans son ensemble qui doit être prioritaire puisqu'il peut se produire qu'une société X, Y ou 2 soit plus riche ou moins riche, ait un niveau de développement, de chômage, etc., plus ou moins élevé. En conséquence, si quelqu'un veut aller chercher des comparaisons avec un État plus pauvre que le Québec et qu'un autre du côté syndical va chercher des Etats beaucoup plus riches que le Québec, je pense que, là, on risquerait de fausser le débat.

Quant à l'Institut de recherche sur la rémunération, nous avons longuement hésité avant de proposer l'une ou l'autre des deux formes d'institut de recherche, à savoir s'il devait être paritaire ou être neutre. La raison fondamentale pour laquelle nous avons préféré, dans l'avant-projet, un organisme paritaire, c'est la suivante. Nous pensons que, dans l'esprit de la négociation permanente, si l'organisme est paritaire, les chances sont plus grandes qu'au niveau même des représentants syndicaux et patronaux gouvernementaux à la table de l'institut de recherche, un consensus se dégage quant à la comparaison à retenir et quant à la conclusion éventuelle d'une entente, alors que, si on retient le mécanisme d'un institut de recherche purement indépendant, ça n'est pas là que la négociation "permanente" -entre guillemets - pourrait se faire, que la discussion permanente de la politique de rémunération du gouvernement pourrait se faire, mais ce serait en dehors. Donc, on maintiendrait le double système, à savoir un institut de recherche neutre qui fait des comparaisons et les remet aux parties, qui est crédible à 60%, 80% ou 100% idéalement, mais la négociation se ferait encore pendant une période déterminée dans l'année.

Même si l'avant-projet de loi prévoit une période de négociations, en gros, de décembre à mars, jusqu'à ce que le gouvernement dépose son projet à l'Assemblée nationale et finalement prenne sa décision à la lumière des débats qui auraient sûrement lieu, on espérerait, quand même, que la discussion puisse se faire de plus en plus dans un esprit de négociation permanente et non pas par à-coups.

Une fois que je vous ai exprimé cette préoccupation, est-ce que vous maintenez toujours votre préférence pour un organisme paritaire plutôt qu'un organisme neutre? M. Paradis.

M. Paradis (François): M. le Président,

je crois que la chambre va maintenir sa position pour la simple raison que ce qu'on a voulu retrouver, c'est réellement un institut où des recherches objectives seraient faites sur la rémunération entre le secteur public et le secteur privé. Quand vous parlez de négociation permanente au niveau de cet institut, je pense que vous prolongez le débat qui doit se faire à la table centrale par d'autres mécanismes qu'on a suggérés dans d'autres parties de notre mémoire.

Nous pensons que, si vous maintenez seulement un comité paritaire, vous allez prolonger des affrontements continuellement parce que ce sera là que le débat va se faire sur la rémunération. À mon sens, cet institut devrait être un organisme aussi objectif que possible dans ses recherches d'un équilibre entre la rémunération du secteur privé et du secteur public.

M. Clair: M. le Président, vous m'indiquez qu'il ne me reste que trois minutes. Ma dernière question sera brève et avec de très courts commentaires. La fameuse question du droit de grève dans les services publics au Québec. Vous indiquez que la chambre de commerce a évolué. Autrefois, elle réclamait l'abolition du droit de grève dans le secteur hospitalier; maintenant, elle le réclame partout. Certains diront qu'il ne s'agit pas d'une progression, mais plutôt d'une réaction plus grande.

Je voudrais vous poser la question suivante qui porte tant sur la question du droit de grève que sur la question des services essentiels. Vous faites référence vous-mêmes à l'expérience du conseil des services essentiels à la CTCUM et on pourrait ajouter aussi les expériences dans le milieu municipal. Ne pensez-vous pas qu'il est un peu excessif de réclamer l'abolition du droit de grève dans l'ensemble du secteur public au même moment où on essaie, par de nouveaux mécanismes, de faire évoluer les mentalités? Est-ce qu'il n'y a pas là un risque de braquage évident et qui condamne à l'avance toute tentative de modification des mentalités? Deuxièmement, ne pensez-vous pas un peu excessif - sans vous choquer - un peu trop court le jugement que vous portez quant aux mécanismes de services essentiels qui, après avoir péniblement cheminé, ont donné des résultats qui, à mon avis, ont été très satisfaisants dans le milieu municipal? En tout cas, c'est ce qu'on a entendu dire par les élus municipaux, le plus gros exemple étant sans doute celui de la CTCUM où, pendant une période de plusieurs semaines, les services essentiels, à un niveau qu'on n'avait jamais connu, ont pu être maintenus. Comment pouvez-vous porter un jugement aussi dur sur la notion des services essentiels alors qu'il me semble que les faits ont évolué dans le sens contraire à votre mentalité?

M. Létourneau: Si vous le permettez, M. le Président, comme il est indiqué, pendant plusieurs années nous avons accepté le droit de grève dans le secteur public, mais petit à petit la position a été de plus en plus difficile à maintenir dans nos réunions et nos assemblées générales, parce qu'elle était révisée à étapes régulières, jusqu'au point où, à un moment donné, le vent a changé complètement et où les membres ne se sont plus satisfaits de la façon dont le droit de grève 3'exerçait dans le domaine public. (11 h 15)

Notre hypothèse de départ lorsqu'on a accepté que la grève dans le secteur public puisse se produire, c'était que ce serait des grèves civilisées ou qu'on trouverait un moyen de civiliser les grèves avec le temps. Le temps s'est écoulé et pas nécessairement de plus en plus, mais des grèves sauvages ont continué d'avoir lieu et la population a continué d'être prise en otage. Il est arrivé des cas encore récemment. Inutile de parler de l'histoire de Saint-Ferdinand et des tactiques très habiles utilisées pour créer des problèmes considérables concernant la question de la santé et de la sécurité des personnes sans être officiellement en grève dans l'histoire des ambulanciers à Montréal récemment.

Nous évoquons la question de la CTCUM parce qu'il y a des gens qui ont pu vous dire qu'ils étaient satisfaits, mais les utilisateurs, qui n'ont pas beaucoup de voix, étaient loin d'être satisfaits de la situation de grève qu'on a connue dans les transports publics à Montréal. Lorsque les services essentiels sont entrés en cause, on s'est demandé sérieusement s'ils avaient vraiment le mandat de trancher comme ils l'ont fait sur la nature des services essentiels à maintenir. En fait, le mandat qu'ils ont, c'est de protéger la santé et la sécurité des personnes. Mais dans quelle mesure l'obligation d'opérer, à certaines heures, un service de transport en commun est-elle reliée à cette fameuse question de la protection de la santé et de la sécurité des personnes? Est-ce que, au contraire, cela n'aurait pas été plus utile, en fonction de la santé et de la sécurité des personnes, de faire opérer les services d'autobus, de transport en commun et de métro à des heures tardives où il y a peut-être plus de danger pour des personnes d'être obligées de circuler sur la rue ou pour des gens qui travaillent à des heures qui ne sont pas régulières? À ce moment, on était dans une situation fort ambiguë à savoir si cette fameuse décision des services essentiels tiendrait si elle était amenée en cour. En effet, il avait été décidé, comme cela, de fournir des services à certaines heures de points tout simplement pour accommoder un public qui était pris en otage, mais la

fameuse question de la santé et de la sécurité des personnes pouvait certainement être mise en doute.

Il y a donc des situations où vraiment il faut maintenir les services publics, où la population est prise en otage, où on peut difficilement invoquer la santé et la sécurité des personnes. Il pourrait y avoir, par exemple, la menace de dommages matériels très importants, mais le conseil des services essentiels serait inhabile à agir parce que les dommages matériels, ce n'est pas son domaine. Donc, il y a bien des zones grises. La population pourrait certainement être tenue en otage de bien des façons et de manière très négative, très coûteuse et très pénible sans que la question de la santé et de la sécurité des personnes soit mise en cause.

D'où, finalement, pour nous, la décision de dire: Ce n'est qu'une question de temps, parce que, dans le fond, c'est seulement une question de temps pour déterminer si un service est vraiment essentiel. Des services de protection policière, des services de protection contre l'incendie, des services hospitaliers qu'on dit ne devoir jamais s'arrêter, on sait qu'en pratique il arrive des fois qu'ils ne sont pas tellement disponibles et que peu de gens s'en aperçoivent, mais cela ne peut pas durer bien longtemps, c'est sûr. Par contre, si le ministère du Revenu était en grève, il y aurait beaucoup de gens qui seraient très heureux, probablement, pendant un certain temps. Après un certain temps, cela pourrait causer au gouvernement et à la population des embêtements très sérieux et cela deviendrait essentiel.

Maintenant, comment est-ce qu'on va définir cela? Il y a un tas de zones grises là-dedans et on s'aperçoit qu'en fin de compte on serait mieux de maintenir une position qui n'est pas tellement, comment dirais-je, originale puisque c'est celle qui existe un peu partout en Amérique du Nord, où les services publics n'ont pas le droit de grève.

Le Président (M. Lachance): D'accord. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Paradis, M. Lagassé, M. Létourneau, M. Turmel et M. Tardif, au nom de mes collègues de l'Opposition officielle, je voudrais vous souhaiter la plus cordiale bienvenue ce matin à cette commission dans le cadre des auditions relatives à l'avant-projet de loi déposé par le ministre en décembre dernier et portant sur le régime de négociation dans les secteurs public et parapublic.

C'est avec beaucoup d'attention et beaucoup d'intérêt que notre groupe a étudié votre mémoire. Vous représentez au-delà de 41 000 personnes et 3700 entreprises qui font partie du privé que le ministre qualifie de droite, mais on passera le moins de temps possible, si vous voulez, sur les qualificatifs, les préjugés ou les imputations.

M. Clair: En disant les personnes de droite, je voulais simplement qualifier ce qui pourrait être une attitude et on m'a indiquée qu'elle ne l'était pas.

M. Pagé: Quelle distinction!

M. Rivest: Qualifiez cela d'orthodoxe.

M. Pagé: Essentiellement, vous êtes -je vais être obligé de présider - ceux qui donnez du travail au Québec, vous représentez les donneurs d'ouvrage, vous représentez ceux qui investissent, ceux qui ont des petits commerces, ceux qui ont des entreprises, ceux qui, dans le régime économique dans lequel on vit et où on évolue, doivent batailler ferme tous les jours pour faire face à des obligations nombreuses: financement d'entreprise, marchés etc. J'irais même jusqu'à dire que, jusqu'à il y a quelques années, la majorité de vos membres travaillaient très probablement pour faire de l'argent - c'est légitime - alors qu'aujourd'hui on constate que de plus en plus dans l'entreprise privée on travaille très fort et on fait tout ce qui est humainement possible non pas pour faire de l'argent mais surtout pour ne pas en perdre. Avec les nombreux contrôles qu'il y a, avec la concurrence à laquelle les entreprises québécoises ont à faire face, ce n'est certainement pas facile d'évoluer et de vivre aujourd'hui.

Vous venez vous positionner en regard d'un vécu qui, depuis au moins une génération, depuis une vingtaine d'années, est au coeur même de la problématique gouvernementale au Québec, soit la proportion des secteurs public et parapublic, les services qui y sont donnés, la qualité de ces services, le coût et l'effet sur l'entreprise privée et sur l'ensemble de l'économie du Québec de ce qui s'est fait depuis 20 ans. Il a été clairement établi de part et d'autre, et tout le monde est unanime à le constater, qu'on avait un rattrapage significatif à faire au niveau de la qualité de vie des travailleurs des secteurs public et parapublic au début des années soixante, au niveau salarial, au niveau des conditions de travail, au niveau du droit d'association, du droit de défendre leurs propres intérêts, de s'organiser et de négocier finalement leurs conditions. Tout cela a coïncidé avec la Révolution tranquille, avec l'explosion des services gouvernementaux donnés par le gouvernement du Québec notamment aux citoyens.

Aujourd'hui, après quelque 20 années, que ce soit du côté de la majorité ou de

notre côté, on est conscient que des réenlignements, si je peux utiliser le terme, doivent être faits. C'était quand même assez remarquable que le ministre responsable du Conseil du trésor et nous hier évoquions le fait que les secteurs public et parapublic ne pouvaient plus servir de locomotive au secteur privé. On retient que près de 14% des employés québécois qui reçoivent un salaire payé par l'État ont à se distribuer entre 18% et 19% des salaires payés au Québec. On retient comme diagnostic que 50% du budget de l'État québécois vont aux salaires et au coût de la main-d'oeuvre de ces travailleurs. Si on se compare à d'autres provinces, si on se compare à des États américains, on doit retenir que cela diminue d'autant la marge de manoeuvre du gouvernement québécois pour intervenir dans d'autres secteurs.

Vous posez un jugement qu'on peut qualifier de tranchant, si je peux utiliser le terme. Je me réfère, entre autres, à la page 4 de votre mémoire où vous signalez que la centralisation des négociations dans les secteurs public et parapublic fait en sorte que l'exercice est presque voué à l'échec à chaque ronde de négociations. Vous souhaitez une décentralisation. Je reviendrai plus spécifiquement, par des questions que j'ai à vous poser tantôt, sur votre recommandation au niveau de la décentralisation, même si le ministre a eu l'opportunité de l'aborder, tout à l'heure. Toujours dans ce jugement que vous portez, vous évoquez la limite que l'État a de payer et de dépenser, compte tenu que l'État a non seulement l'obligation de dispenser des services, mais aussi une responsabilité budgétaire, et tributaire évidemment de son budget devant ceux qui payent et qui défrayent les coûts des services publics.

Sur le droit de grève et l'utilisation du recours à la grève, votre diagnostic est assez tranchant, lui aussi, il est durement exprimé, mais c'est vrai, il faut le constater, la dynamique se doit d'être remise en cause et d'être complètement réévaluée. En fait, de la façon dont je le comprends, vous dites à peu près ceci: À quoi bon accorder un droit de grève dans la perspective du respect par le gouvernement du droit légitime de ses travailleurs de négocier leurs propres conditions de travail, quand on sait pertinemment que ce même gouvernement a l'obligation de donner des services, sur une base continuelle, à ses clientèles? C'est ce qui fait que le ou les gouvernements qui se sont succédé ont toujours eu à vivre dans ce dilemme ou cette dualité continue qui fait qu'ils donnent le droit de grève, qu'ils le maintiennent, qu'ils ont tenté de le corriger par des services essentiels et des mécaniques pas toujours utiles, puisqu'en même temps ils ne peuvent pas maintenir ce droit-là. Le recours aux nombreuses lois spéciales depuis vingt ans en témoigne. C'est vivre dans "l'artificialité", si je peux utiliser le terme, et le moment est tout désigné, à la lumière de la pression, à la lumière de différents constats comme l'aspect budgétaire et économique, pour réévaluer l'ensemble de cette question, et votre mémoire est certainement très contributif ce matin.

La première question que je voudrais vous poser est la suivante. Est-ce que vous vous êtes penchés sur un aspect qui n'a pas été touché jusqu'à maintenant, qu'on aura peut-être l'opportunité d'aborder ce soir, entre autres, avec les infirmières ou demain avec les représentants de la CSN? Est-ce que vous avez analysé l'impact des coupures budgétaires sur les relations du travail, sur l'aspect contentieux ou conflictuel de ces relations du travail? Je peux me tromper et nous pouvons nous tromper, mais nous sommes d'avis... C'est ce qu'on voulait dire quand on évoquait hier que le climat est de plus en plus propice à la concertation chez les travailleurs et chez les travailleuses. Ce qu'on soutient, ce qu'on allègue, c'est à la suite d'un constat. Les travailleurs syndiqués au Québec, dans le public et le parapublic, leur préoccupation n'est plus portée évidemment sur le revenu, sur les avantages sociaux, sur ces questions-là, sur la qualité de vie au travail, leur préoccupation est de plus en plus portée sur la nature du service qu'ils donnent à leurs citoyens. Nous sommes convaincus que les resserrements budgétaires ont un effet palpable et visible sur l'agressivité, si je peux utiliser le terme, de ces travailleurs lorsque vient le temps de négocier. (11 h 30)

Je vais vous donner deux petits exemples. Il y a douze ans, lorsque j'entrais dans un centre d'accueil pour personnes âgées, la part du budget qui allait aux salaires, à la rémunération, aux avantages sociaux et à tout cela, c'était 62%, 63%. Aujourd'hui, dans plusieurs établissements, ça va à 74%, 75%, 77%, de sorte qu'aujourd'hui, alors qu'on a un vieillissement de la population, alors qu'on a dans chacun de nos comtés des listes d'attente longues comme ça de personnes qui sont dans la condition pour recevoir un service de l'État, on entre dans certains établissements et les lits sont fermés. Les directeurs nous disent: M. le député, ce n'est pas compliqué, si on ouvre ces lits, ça implique un quinzième de tel poste, un huitième de tel poste, un seizième de tel poste et on n'a pas les moyens. Donc, on garde les lits fermés.

Exemple de cela: alors que le coût moyen pour nourrir une personne dans un centre d'accueil au Québec est de 1061 $ par année, on a des centres d'accueil où ça coûte seulement 660 $ par année. Cela, ça veut dire quoi? Cela veut dire que la croissance de la masse devant être affectée

aux services gouvernementaux a impliqué des coupures et ça a eu quoi comme effet? Cela a créé des problèmes de distorsion dans plusieurs établissements du Québec.

Ce qu'on doit retenir de l'analyse, aujourd'hui, c'est que la préoccupation des travailleurs, quand ils parlent de piastres, de cents, de postes, c'est autant, sinon plus, pour plaider la cause des gens à qui ils donnent des services que pour plaider leur propre cause. Quand une préposée aux bénéficiaires, dans plusieurs établissements du Québec, doit donner huit bains dans l'espace de trois heures ou de deux heures et demie dans une matinée, en plus des repas du matin, et qu'elle a un temps limité pour les donner, quand on va dans le réseau de l'enseignement et que le temps se calcule maintenant en minutes et que les enseignants, pour remplir leurs minutes, doivent garder des bouts de corridor même s'il y a pas un chat, il ne faut pas se surprendre qu'à peu près tout le monde soit malheureux, en tout cas qu'il y ait pas mal de monde qui soit malheureux et que ça se témoigne par de l'agressivité quand vient le temps de négocier. Il ne faut pas se surprendre qu'on vive, comme collectivité, des problèmes comme ceux vécus à Saint-Ferdinand d'Halifax où, dans une population d'environ 2000 habitants, 750 décident de faire une grève illégale générale. Ce n'est certainement pas pour le plaisir de la faire qu'ils l'ont faite. Il y a des problèmes à ce chapitre.

Ma première question: Vous faites des études régulières, vous faites des analyses, vous nous soumettez aujourd'hui en annexe à votre mémoire le document que vous aviez déposé, le 26 avril 1982, à la commission spéciale de l'Assemblée nationale sur la fonction publique. Ce document témoigne d'une analyse rigoureuse et exhaustive que vous avez faite, la Chambre de commerce du Québec. Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous pencher sur toute cette problématique des relations du travail engendrée par les coupures budgétaires et les compressions budgétaires?

Le Président (M. Tremblay): M. Paradis.

M. Paradis (François): M. le Président, c'est une question très valable qui est soulevée par M. Pagé, mais, à ce moment-là, on touche l'ensemble de l'économie, la récession qui s'est produite dans le produit brut. Vous savez, les gens du secteur privé n'ont pas été à l'abri de ce malaise, excepté que peut-être ils ont attaqué le problème différemment. Il y a eu du chômage de créé, nécessairement à cause des conditions économiques. Les entreprises ont pris certaines mesures avec l'assentiment de leurs employés pour pallier les conditions économiques difficiles. Il y a des entreprises qui ont fait des gains prodigieux sur la productivité durant cette période pour assurer leur survie.

Dans le secteur public, on se demande quelle est la responsabilité des syndicats, quelle est la responsabilité des gens qui font partie du secteur public, qui ne sont pas à l'abri d'une récession économique, qui ne sont pas à l'abri d'un maximum à dépenser de la part du gouvernement. Le malaise vient de là aussi. Quand on demande au gouvernement de réduire les déficits, quand on lui demande de faire certaines choses, c'est pas mal difficile d'aller lui reprocher les coupures budgétaires. Il est évident que les coupures budgétaires vont faire mal à quelqu'un; mais quelles options a-t-on réellement dans notre société quand on vit une situation économique extrêmement difficile? Il est évident que cela a eu un impact. Je ne peux pas nier cela. Il est évident que cela a apporté un malaise. Je ne le nie pas, mais il faut prendre nos responsabilités. A-t-on trop de services sociaux au Québec? On peut peut-être se poser la question aussi là-dessus. L'universalité dont on parle, ne faudrait-il pas en discuter un jour? On a essayé d'en parler à Ottawa avec les résultats qu'on connaît. C'est la question. Je ne sais pas si un autre membre de la chambre aurait quelques observations à faire.

Le Président (M. Tremblay): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Vous dites essentiellement que le secteur public a eu à vivre ce qu'on a vécu dans le secteur privé. On est bien au fait de ce que vous avez eu à vivre dans le secteur privé avec l'obligation de diminuer le prix de revient pour le produit que vous vendez. Nous sommes bien conscients de cela, mais la question qui était posée était la suivante - vous vous référez beaucoup au caractère d'affrontement, au caractère conflictuel - dans l'analyse que vous avez faite, avez-vous eu l'opportunité de vous pencher et de faire une étude sur l'effet de ces coupures sur la conflictualisation des relations? Vous me confirmez que non. Pas de problème! Passons à autre chose.

Vous évoquez l'Institut de recherche sur la rémunération. Tout le monde, autour de cette table, est unanime à constater que le principe d'équité et de justice qui doit animer le gouvernement quel qu'il soit doit se traduire au niveau de la rémunération par l'établissement de conditions de travail et de rémunération dans le public comparables au secteur privé. Vous êtes en accord avec le principe qu'on ait un organisme qui puisse se pencher sur cet aspect pour la préparation des négociations et pour la préparation aussi de l'établissement des niveaux de rémunération ou d'augmentation. Nous

sommes d'accord avec vous quand vous demandez et soutenez que les comparaisons devraient se faire avec d'autres types d'entreprises que celles qui comptent 500 employés et plus. Avez-vous approfondi cette question? Par exemple, avez-vous étudié des mécanismes en vertu desquels on pourrait comparer tous les emplois du secteur public avec le secteur privé?

Je m'explique. Je conviens que de comparer une infirmière du secteur privé avec une autre du secteur public, ce n'est peut-être pas facile, un professionnel dans le monde de l'éducation, ce n'est pas facile non plus. Mais il y a quand même des États américains qui ont dégagé des solutions assez intéressantes que ce soit à partir: 1° de la formation; 2° de la compétence nécessaire pour faire tel type de travail avec un calibrage de points; 3° du degré de prise de décision que commande l'exercice de telle fonction ou de telle responsabilité, etc. Avez-vous poussé dans ce sens-là? Avez-vous des choses à nous proposer ou que vous pourriez éventuellement nous proposer?

Un autre volet en regard de cet institut ou de ce bureau sur la rémunération. Vous n'êtes pas d'accord avec le paritarisme. On sait que le gouvernement favorise le paritarisme. On l'a vu avec la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Est-ce que c'est à la lumière d'expériences comme celles vécues à la Commission de la santé et de la sécurité du travail que vous en venez à la conclusion que cet organisme-là devrait être neutre, purement et simplement?

Le Président (M. Tremblay): M. Paradis.

M. Paradis (François): M. le Président, je vais demander à M. Létourneau de répondre à cette question-là, s'il vous plaît.

M. Létourneau: M. le Président, en ce qui concerne cette façon d'établir les comparaisons entre les emplois dans le secteur public et ceux dans le secteur privé, il existe déjà plusieurs façons de le faire. Nous ne sommes pas entrés dans ce débat parce que c'est un débat de spécialistes. Les grilles d'analyse des tâches pour décider combien de points on met pour l'effort physique, combien pour la formation, combien pour l'effort intellectuel, combien pour l'ancienneté et ainsi de suite dans l'emploi, il n'y a pas une de ces formules qui est absolument à l'abri de critiques, qui est absolument objective. Mais il y a des formules qui existent et qu'on utilise dans le milieu, qu'on va devoir utiliser de plus en plus, d'ailleurs, en vertu de l'article de la Charte des droits et des libertés de la personne qui dit salaire égal à travail équivalent. Cela va se répandre. Cela a commencé. Ce n'est pas très avancé encore, l'application de ce principe qui existe dans la Charte des droits et libertés de la personnes, mais cela va venir. On va développer ces formules, les experts vont le faire. Nous n'avons pas posé de jugement là-dessus. On a examiné certaines de ces formules. Il y en a qui sont plus utilisées que d'autres, plus ou moins applicables selon les milieux, mais cela existe et cela peut se faire. Donc, on pense qu'on doit laisser cela aux experts qui vont être choisis.

À votre autre question concernant le paritarisme, oui, en effet, c'est compte tenu d'expériences comme celle de la CSST et d'autres que nous avons constaté que, finalement, lorsqu'il y a un grand enjeu, que les parties qui ont un parti pris sont face à face et qu'elles s'affrontent, ce qu'on risque très souvent et ce qu'on observe très souvent dans ces structures, c'est que, pendant que les structures s'affrontent et se neutralisent, à toutes fins utiles, ceux qui ont la direction permanente doivent agir, faire quelque chose. Ce sont, finalement, ces gens qui, très souvent, prennent le pouvoir pendant que les gens au conseil d'administration se chicanent et n'arrivent pas à une entente. Mais comme la vie doit continuer, ce sont des permanents qui prennent les décisions dans ces organismes plus souvent qu'autrement. C'est pourquoi nous avons un préjugé favorable face à une nouvelle approche, c'est-à-dire à une approche qui serait plutôt fondée sur la crédibilité des personnes en cause. Au fur et à mesure qu'il y aura négociation et que les parties voudront avoir plus d'information, elles retourneront vis-à-vis du groupe d'experts et diront: Donnez-nous donc ceci ou cela. Il y aura peut-être beaucoup plus de crédibilité qui se développera et il sortira beaucoup plus d'efficacité de ce groupe d'experts. Le vrai débat se fera au niveau de la négociation pendant les quatre ou six mois déjà prévus.

M. Pagé: Merci. J'aurais beaucoup d'autres questions, mais compte tenu qu'on doit évoluer avec une enveloppe de temps limitée, mon collègue de Jean-Talon aurait des questions à vous poser.

Le Président (M. Tremblay): Oui. Pour rassurer les gens du côté ministériel, l'enveloppe de temps allouée aux députés de l'Opposition - 20 minutes - n'est pas épuisée et le député de Portneuf va laisser le temps qui reste au député de Jean-Talon.

M. Rivest: Oui. D'autant plus que...

Le Président (M. Tremblay): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest:... c'est sur le même sujet. Une très courte question sur l'institut. Comme mon collègue de Portneuf l'a

souligné et voua l'avez indiqué vous-même, M. Létourneau, sur l'aspect paritaire finalement, le rapport de forces peut jouer à ce niveau - au fond, cela transférerait purement et simplement les affrontements.

Par ailleurs, qu'est-ce que vous pensez de la perspective que les conclusions d'un institut de recherche indépendant, complètement sorti des parties, fassent purement figure de recommandations, un peu comme pour d'autres organismes plus ou moins consultatifs, comme le Conseil économique du Canada ou d'autres qui font des recommandations? J'admets l'inconvénient que vous avez souligné, mais si les parties sont directement associées au processus de détermination d'une hypothèse quelconque d'équivalence de rémunération entre le secteur privé et le secteur public dès le début du processus et tout au long, si elles n'arrivent pas à un accord total, il va y avoir en cours de route plusieurs choses dont elles vont convenir. Est-ce que vous êtes conscient de cet avantage et est-ce que vous l'avez souligné?

Le Président (M. Tremblay): M. Paradis.

(11 h 45)

M. Paradis (François): Pour nous, l'institut n'est pas un endroit où on va faire de la négociation sur la rémunération. D'abord, on l'a qualifié d'Institut de recherche sur la rémunération, avec un mandat bien précis qui est de déterminer quelle différence il y a entre le secteur privé et le secteur public et d'en arriver finalement à une recommandation. Si le mandat est assez clair pour dire: On veut arriver à une parité de salaire équivalente, nous disons: Cela, c'est précis. Nous ne voyons pas une négociation permanente qui s'installerait dans cet institut. Ce n'est pas là que la négociation va se faire, à notre point de vue.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Ma question va porter sur le droit de grève. Il y a deux avenues possibles. D'abord, l'abolition totale du droit de grève dans les secteurs public et parapublic avec les risques que l'on court, c'est-à-dire de se retrouver malgré tout avec une ou des grèves et devant la nécessité pour le gouvernement d'adopter une ou des lois spéciales pour mettre fin à des grèves illégales. C'est ce qui a été vécu avant 1964, avant l'actuel régime. On pourrait citer plusieurs cas de grèves illégales. C'est ce qu'on a vécu également récemment dans le cas de Saint-Ferdinand.

On peut choisir aussi la voie d'un meilleur encadrement du droit de grève, avec recours au Conseil sur les services essentiels.

C'est l'objectif qui est poursuivi dans l'avant-projet de loi. Vous adoptez la ligne dure. Le parti de l'Opposition, le Parti libéral, adopte également cette ligne que je qualifie personnellement de dure.

Une voix: Pure.

M. Leduc (Fabre): Pure et dure, oui. La ligne orthodoxe. Ne croyez-vous pas que cette ligne comporte de grands risques? Au moment où on cherche précisément à changer les mentalités d'un côté comme de l'autre, est-ce que vous ne croyez pas que cela risque de durcir les positions et de nous entraîner vers des confrontations inévitables? Autrement dit, j'aimerais que vous resserriez votre argumentation sur l'abolition pure et simple du droit de grève que vous préconisez. Vous êtes prêts à prendre le risque?

M. Létourneau: M. le Président, ce n'est pas nous qui prendrions le risque; nous faisons la recommandation. Comme on l'a indiqué au départ, nous sommes bien déçus. Nous avons attendu bien longtemps, dans une position ouverte sur le droit de grève dans le secteur public, que ces grèves soient civilisées. Or, les grèves prennent toujours les citoyens en otage et de plus en plus.

Il est évident que cette recommandation présume d'une volonté gouvernementale très ferme - quand je dis gouvernementale, j'inclus également un appui de l'Opposition - pour l'application de la loi. Nous avons été bien déçus de voir combien faibles étaient les pénalités subséquentes à des grèves illégales qui avaient terrorisé, à toutes fins utiles, des populations, qui avaient causé des dommages considérables. Tout à coup, ça se finit avec très peu de pénalités pour les personnes responsables.

À un moment donné, je pense que toute l'Amérique a été fort impressionnée d'un geste très osé qu'a posé le président Reagan quand il est arrivé au pouvoir, lorsqu'il a décidé, devant une grève illégale des contrôleurs aériens, qu'il les mettait tous à pied et qu'il les remplaçait. Ça prenait beaucoup de courage, à notre avis, pour poser un geste semblable, mais ce geste symbolique a eu des effets bénéfiques sur la paix sociale, la paix, en tout cas, dans le domaine des relations du travail aux États-Unis depuis ce temps-là.

Nous pensons qu'il est temps, chez nous, comme on dit, que le gouvernement mette le pied à terre et décide qui mène dans le domaine des relations du travail dans le secteur public. Qui mène, dans le sens qu'il y a une loi et qu'il faut qu'elle soit respectée. Là, on avait des lois qui ne sont pas respectées. Nous disons que, si nous éliminons le droit de grève, comme c'est le fait dans plusieurs autres juridictions en

Amérique du Nord, il y aura peut-être encore des grèves qu'on devra arrêter par des lois spéciales, mais elles seront sans doute de moins en moins - d'ailleurs, elles sont moins nombreuses là où il n'y a pas de droit de grève - nombreuses dans la mesure où le gouvernement fera respecter ses lois, lorsqu'elles se produiront. Autrement, ça va continuer probablement comme ça fonctionne actuellement.

M. Paradis (François): Est-ce que vous me permettez d'ajouter quelque chose, M. le Président?

Le Président (M. Lachance): D'accord, M. Paradis.

M. Paradis (François): Quand vous qualifiez notre position de dure, moi je la qualifierais de pragmatique. Les positions sont durcies, elles sont là, on est rendu là. Elles ont durci. On est passé d'un régime à l'autre. Les conditions ne sont pas meilleures qu'avant 1964; elles ont même empiré sous certains aspects. Les positions ont durci. Le seul risque que je vois est celui-ci: les gens en place vont-ils faire face au défi de faire respecter les lois? C'est le grand risque que je vois. Si on n'est pas prêt à relever ce défi, aussi bien rester dans le même régime et continuer à avoir des positions durcies.

M. Létourneau: Les positions, de toute façon, M. le Président, sont très dures. On entendait hier soir, à la télévision, un chef syndical traiter les membres de cette commission, des deux côtés, de barbares. Quand on voit ce qu'ils ont fait, eux, avec les services publics et la population dans plusieurs grèves, c'est à se demander de quel côté ils sont, les barbares.

Une voix: Tous dans le même sac.

M. Leduc (Fabre): Je vous remercie de votre réponse.

Le Président (M. Lachance): La parole est maintenant au député de Sainte-Anne.

M. Polak: Deux courtes questions, M. le Président. C'est peut-être M. Létourneau qui va répondre à mes questions. À l'article 11 de l'avant-projet de loi, on explique que, dans un secteur comme l'éducation, ce qui a été négocié au plan qu'on appelle national, du moment que cela a été agréé, accepté, cela lie toutes les commissions scolaires. Tout à l'heure, vous avez fait référence au fait qu'il y a un jeu de chantage qui peut avoir lieu sur le plan local, parce qu'une unité obtient peut-être des conditions plus favorables qu'une autre et que cela joue ensuite quand il y a une négociation pour une autre unité. Ne pensez-vous pas que la même objection que vous avez soulevée tout à l'heure sur le plan local joue également sur le plan national et qu'à un moment donné, si on est d'accord dans le secteur de l'éducation sur une clause de nature nationale, ceci peut affecter les négociations, par exemple, dans le secteur des affaires sociales? Je vois que le projet de loi prévoit que les deux ministres en question doivent consulter le président du Conseil du trésor, mais, en fait, ils ne sont pas liés par cela. Ils signent directement leur entente. Ne croyez-vous pas que le même danger existe et qu'on peut avoir dans le secteur de l'éducation une clause normative d'ordre national qui va plus loin et qu'ensuite, dans un autre secteur, on en prenne avantage?

M. Létourneau: Je pense, M. le Président, qu'en effet c'est possible. Nous présumons qu'il y aura, comme l'a dit le député, préalablement entente, échange entre les ministres responsables de part et d'autre - disons Affaires sociales et Éducation - pour que, dans des tâches qui pourraient se ressembler dans les deux secteurs, on essaie d'avoir le meilleur appariement possible. Je ne sais pas. Il ne faudrait pas non plus viser à une égalité tout à fait étanche. Je pense que ce serait même un objectif impossible de s'assurer qu'absolument toutes les tâches vont être comparables et égales et d'arriver à des rémunérations totalement égales. Il va toujours se trouver quelque part des différences pour toutes sortes de raisons et il va falloir vivre avec cela. Autrement, quand on cherche la perfection, les derniers 5% coûtent trop cher. On arrête.

M. Polak: M. le Président, l'avant-projet de loi, à l'article 44, parle de la politique de rémunération et de conditions de travail qui sera approuvée par le Conseil du trésor. Comment avez-vous compris cela en lisant cette section? Est-ce que le Conseil du trésor va continuer à consulter ou si cette politique va être établie sans qu'on soit au courant de ce qui se passe? Comment avez-vous interprété cet article quand vous l'avez lu?

M. Létourneau: Je m'excuse, M. le Président.

M. Polak: L'article 44 qui parle de la politique de rémunération et de conditions de travail approuvée par le Conseil du trésor. Avez-vous compris que le Conseil du trésor va publier les opinions qu'il a reçues et ensuite peut-être débattre sur la place publique les renseignements reçus avant d'établir cette politique ou s'il va établir cette politique sans même qu'on sache ce qu'elle sera? Pour moi, le texte n'est pas clair du tout.

M. Létourneau: Nous n'avons pas analysé le détail du mécanisme lorsque l'information est arrivée, puis que le Conseil du trésor a pris ses décisions. Je dois vous admettre qu'on n'a pas examiné de quelle façon cela va être transmis aux parties. Que ce mécanisme soit perfectible, c'est fort possible. Ce qui nous préoccupait avant tout et dont on a fait beaucoup état dans notre mémoire, c'était de s'assurer que le véritable pouvoir de dépenser appartient à l'Assemblée nationale et que c'est là que cela se décide. Ensuite, à l'intérieur de cela, on peut faire des aménagements, mais c'est vraiment à l'Assemblée nationale qu'appartient le véritable pouvoir de dépenser. Cela dépend d'un ministre qui doit évidemment en débattre à ce moment avec ses collègues et qui est soumis à des questions à l'Assemblée nationale sur le sujet en cause.

À ce moment, vous de l'Opposition, êtes impliqués dans le processus, tandis qu'autrement c'est un processus où - enfin, jusqu'à ce qu'on change la loi - vous n'avez pratiquement rien à dire ou rien à faire.

M. Polak: D'accord. Maintenant, ma dernière question. Concernant cet Institut de recherche sur la rémunération, vous avez expliqué que vous êtes contre l'idée d'avoir un comité paritaire. Je comprends très bien vos objections là-dedans, mais je crois que la fonction du président est très importante dans un tel comité. On voit à l'article 58 qu'il a une voix prépondérante. En lisant le texte de la loi, on voit que, parmi les treize membres, il y en a six du côté syndical et six du côté patronal. Je suis certain que ce sont tous des visages différents. Je ne pense pas qu'on aura quelqu'un, qui sera acceptable des deux côtés en même temps. Donc, qui nommera le président? C'est le ministre ou le gouvernement? Qui prendra-t-on comme président? Je n'ai rien contre M. Sauvé, de la CSST, mais on sait un peu où se trouve sa tendance.

Comment voyez-vous cette fonction du président et comment peut-on garantir qu'on aura comme président peut-être quelqu'un d'une qualité absolument acceptable par tout le monde? Il n'y en a pas beaucoup.

M. Létoumeau: Justement, M. le Président, notre proposition vise à ce que le président ne devienne pas ou un arbitre ou le seul décideur parce que les parties présentes au conseil d'administration s'affrontent et se paralysent mutuellement. On voudrait un groupe où le président aura un rôle à jouer, celui de réconcilier des gens compétents qui vont probablement avoir des divergences de vues, mais qui devront à un moment donné trouver un commun dénominateur et faire des propositions concrètes. Le rôle du président ne sera pas de décider à peu près de tout parce que tout le monde se paralyse au niveau du conseil d'administration. C'est l'avantage de la formule que nous proposons.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Jean-Talon. (12 heures)

M. Rivest: Je voudrais revenir, si vous me le permettez, M. Paradis ou M. Létourneau, sur l'abolition du droit de grève dans les secteurs public et parapublic. Vous signalez dans votre mémoire qu'au début vous étiez plutôt pour une abolition sélective dans le domaine de la santé et des services sociaux. Ma première question est la suivante: Est-ce que vous n'admettez pas qu'il y a eu une évolution très fortement sous la pression de l'opinion publique? Par exemple, dans les hôpitaux, depuis quatre ou cinq ans, je pense bien qu'on peut objectivement reconnaître qu'on n'a quand même pas eu de situations barbares, pour reprendre l'expression qui a été évoquée hier dans une autre circonstance. Il me semble qu'il y a eu, quand même, une certaine modération sur ce plan-là. Est-ce que vous constatez ça?

M. Paradis (François): M. le Président, il faudrait réaliser que le changement de position de la Chambre de commerce du Québec ne s'est pas fait du jour au lendemain; cela n'a pas été subit. C'est un cheminement qui s'est fait. Nos membres en assemblée ont accepté de plein gré le droit de grève dans le secteur public. Cela s'est fait en assemblée. Le débat a continué pendant trois ou quatre ans, je crois.

M. Létoumeau: C'est revenu tous les trois ans.

M. Paradis (François): C'est revenu presque tous les trois ans dans les politiques de la chambre et, à un moment donné, on a vu, pour faire suite à ce que vous avez dit, une évolution des mentalités. Lors d'une assemblée, il n'y a pas eu moyen de discuter; cela a été unanime. Personne ne pouvait se lever et défendre le droit de grève. Cela s'est produit en 1980. C'est un cheminement qui s'est fait au cours des années. On ne s'est pas réveillé une journée pour dire: C'est fini.

M. Rivest: Donc, vous vous éloignez sur ce plan des notions qui étaient évoquées -que nous aurons à définir publiquement, à arrêter définitivement, quant à nous, à notre congrès du début de mars - de santé et de sécurité. La santé et la sécurité, vous les étendez - je pense que M. Létourneau l'a évoqué tout à l'heure - à des conséquences économiques également. On pense sans doute au transport en commun ou même à HydroQuébec. C'est ce qui vous amène, autrement dit, à ne pas vous restreindre à la notion

traditionnelle de santé et de sécurité qui, elle, se justifie par elle-même - c'est mon point de vue, en tout cas - dans le domaine hospitalier et des services sociaux.

M. Létourneau: Oui, en effet. C'est peut-être un fait que les récents accrochages n'ont pas été moins vifs, moins douloureux, ni moins difficiles pour la société. Ils ont peut-être été un peu moins nombreux, mais nous les attribuons plutôt à la situation de crise économique que nous avons traversée. Nous sommes à peu près convaincus que, dès que les choses remonteront, on va retomber dans le même problème qu'on a eu il y a quelques années. C'est pourquoi nous maintenons la position que nous avons.

M. Rivest: Un dernier élément. Vous parlez dans votre texte des secteurs public et parapubiic. Est-ce que les entreprises d'utilité publique qui relèvent de l'entreprise privée vous préoccupent également?

M. Létourneau: M. le Président, ce dont nous discutons ici est en fonction de services publics dispensés par l'État. Si on veut embarquer dans le problème des négociations dans le secteur privé, on va regarder cela différemment. Je ne voudrais pas ouvrir cette question ici.

M. Rivest: Mais quand on se place du point de vue des bénéficiaires, parce que c'est le point de vue de base, il y a certaines entreprises d'utilité publique relevant du secteur privé qui ont une importance également lorsque arrive une situation de grève qui risque de causer des inconvénients. La chambre ne s'est pas prononcée sur cet élément.

M. Létourneau: Non. Nous n'avons observé et étudié que le secteur public et c'est sur lui que portent nos recommandations parce que c'est là que sont les problèmes. Du côté du secteur privé, on n'a pas encore vu de problèmes majeurs se dessiner dans ce sens-là. On pense qu'il n'y en aura pas tant et aussi longtemps qu'on ne décidera pas de procéder par la négociation sectorielle. Si le législateur décide d'instaurer la négociation sectorielle, là, on aura des problèmes de cette nature.

M. Rivest: D'accord. Est-ce que la chambre - vous ne l'évoquez pas dans ce mémoire-ci - dans d'autres mémoires antérieurs, s'est préoccupée de maintenir, parce que le gouvernement se situe à trois niveaux, une certaine parité du régime de négociation dans ce que sont les secteurs public et parapubiic entre la législation qui s'applique aux instances municipales, provinciales et fédérales quant à l'exercice du droit de grève, par exemple?

M. Létourneau: Je pense qu'il n'y a pas tout à fait parité actuellement. Il y a certainement des différences appréciables entre ce qui peut se passer à Ottawa, par exemple, ou dans certaines municipalités et ce qui se passe au niveau québécois. Je ne sais pas. Pour le moment, nous avons réfléchi et fait des recommandations sur les services publics qui sont de la responsabilité du gouvernement du Québec. C'est ce qui nous intéresse. Évidemment, des problèmes peuvent surgir au niveau municipal aussi. Évidemment, ils sont plus gros quand ils surviennent à Montréal et, à ce moment-là, le gouvernement provincial intervient, mais on n'a pas abordé la question aux niveaux municipal et fédéral.

M. Rivest: Oui, très bien. Vous croyez, en ce qui concerne les services publics du gouvernement du Québec, que la situation -c'est votre analyse - est à ce point différente que le Québec doit adopter un régime de négociation, un exercice en ce qui a trait à la question du droit de grève qui soit différent de la législation d'autres provinces, radicalement différent.

M. Létourneau: Nous n'avons pas hésité à être différents des autres lorsqu'on a donné le droit de grève. Je ne vois pas pourquoi on aurait à hésiter lorsqu'on juge nécessaire pour le bien de l'ensemble de la population de faire autrement.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, je voudrais remercier MM. Paradis, Létourneau, Lagassé et les gens qui les accompagnent d'être venus se faire entendre ce matin devant notre commission parlementaire. Je voudrais laisser un double message aux gens de la chambre de commerce et non pas un message à double sens. Je pense qu'il est légitime, compte tenu de leur rôle dans notre société, qu'ils continuent à jouer un rôle de chien de garde et à être vigilants à l'égard des actions gouvernementales dans ce domaine fondamental de l'activité humaine, de l'activité même du Québec que sont les négociations dans les secteurs public et parapublic. Donc, une acceptation d'avance de leur vigilance à l'égard de tout ce que le gouvernement peut faire à cet égard, mais aussi un appel à leur sens de la modération. Je pense que, si nous voulons vraiment que les choses évoluent, il faut les bâtir patiemment. C'est par le compromis, par l'ouverture d'esprit, par la modération qu'on peut donner les assises les plus solides à cette réforme du régime de négociation. J'espère que mon appel sera entendu. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. À mon tour, à titre de président de la commission, je voudrais remercier M. Paradis, M. Létourneau, Me Lagassé et M. Turmel de leur présence aux travaux de cette commission. Ceci étant dit, les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 14 heures cet après-midi, alors que nous entendrons les représentants de l'Association des administrateurs des services de santé et des services sociaux du Québec.

(Suspension de la séance à 12 h 9)

(Reprise à 14 h 10)

Le Président (M. Lachance): La commission du budget et de l'administration poursuit ses travaux avec le mandat de procéder à une consultation générale portant sur l'avant-projet de loi traitant du régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.

J'inviterais les représentants de l'Association des administrateurs des services de santé et des services sociaux du Québec à bien vouloir prendre place à la table. Pendant ce temps, je cède immédiatement la parole au ministre délégué à la Forêt et député de Laviolette qui a quelques précisions à nous donner.

M. Jolivet: En fait, c'est pour excuser le ministre responsable, M. Michel Clair, actuellement retenu pour un dossier important au Conseil des ministres. Il m'a demandé de le remplacer pour l'écoute du mémoire. Les questions seront posées par l'équipe ministérielle. Simplement une petite farce en passant, le sujet dont il a à traiter n'est pas celui qui est devant vous aujourd'hui.

Une voix: Ce n'est pas le retrait du projet de loi?

M. Jolivet: C'est un simple remplacement du ministre pour quelques minutes, il m'a demandé d'être à sa place pour vous écouter et pour lui rapporter le contenu de votre mémoire.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre.

Je désire souhaiter la bienvenue au nom des membres de la commission aux porte-parole de l'Association des administrateurs des services de santé et des services sociaux du Québec et en particulier aux personnes qui sont devant nous. Je demanderais à Mme Nicole Dion, présidente, de bien vouloir nous présenter les personnes qui l'accompagnent, en commençant par son extrême gauche, s'il vous plaît.

Association des administrateurs des services de santé et des services sociaux du Québec

Mme Dion (Nicole): À mon extrême gauche, M. Gilles Lavoie; immédiatement à ma gauche, M. Robert Savard, directeur général de l'association; à ma droite, M. André Chagnon qui a été aussi le président de notre comité, pour l'étude du sujet, en titre.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Dion.

Tel qu'il a déjà été convenu, je vous rappelle que la commission souhaiterait que l'exposé que vous allez faire maintenant dure 20 minutes au maximum de façon à permettre le plus grand nombre possible d'échanges avec les membres de la commission parlementaire. Je vous laisse immédiatement la parole, Mme Dion.

Mme Dion: Malgré que cela puisse peut-être vous surpendre il est certain que, même par une femme, vous allez avoir cela en moins de 20 minutes.

Le Président (M. Lachance): Ah oui?

Mme Dion: M. le Président, MM. les membres de la commission, à titre de présidente de l'Association des administrateurs des services de santé et des services sociaux du Québec je tiens à vous présenter le point de vue de nos membres concernant cet avant-projet de loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.

Comme vous le savez sans doute, l'association regroupe l'ensemble des cadres supérieurs qui oeuvrent dans le réseau des affaires sociales, à l'exception des directeurs généraux. Nos membres sont donc les cadres supérieurs tant des CLSC, des centres d'accueil, des centres de services sociaux, des centres hospitaliers que des conseils régionaux des services de santé et des services sociaux. Notre association a donc le privilège de regrouper un ensemble de ressources humaines très diversifiées et qui ont de nombreuses années d'expérience tant comme négociateur pour la partie patronale que comme ayant à vivre avec le résultat desdites négociations. Nous croyons donc que les commentaires que nous vous présentons devraient être retenus et vous seront utiles dans l'élaboration des décisions que vous devrez prendre.

Les éléments majeurs de notre mémoire sont donc, d'une part, des points que vous avez soulignés et que l'on considère particulièrement intéressants, l'introduction de l'Institut de recherche sur la rémunération parce que, comme vous le savez sans doute,

dès le départ, nous étions très favorables à l'idée de la réforme, cette réforme qui annonçait un équilibre réel dans le régime des relations de travail. Par contre, comme le bonheur n'est souvent pas sans faille, il nous a fallu regarder certains désappointements et parmi ceux-ci mentionnons que nous considérons que l'hypercentralisation, à nos yeux, demeure, que la négociation locale est perçue, en tout cas, du moins à nos yeux, comme l'exception à la règle, plutôt que comme étant la planche même de base sur laquelle nous voudrions que soit instauré le régime de négociation.

Enfin, nous considérons que la négociation nationale devrait être la résultante de l'ensemble de ce qui se fait sur le niveau local et non inversement et contrairement peut-être à d'autres avis qui vous ont été donnés, nous, on considère que vous ne devriez pas maintenir le droit de grève, nous préférerions aller à l'arbitrage obligatoire. En gros, c'est la synthèse que je fais du mémoire que vous avez déjà lu; maintenant, nous sommes disponibles à répondre à vos questions.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Dion. Je constate que vous avez mis en pratique ce que vous nous aviez dit au début. J'invite maintenant le député de Roberval et adjoint parlementaire du ministre des Finances à amorcer cette période d'échanges.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je vais, dans un premier temps, au nom du ministre, président du Conseil du trésor et délégué à l'Administration, remercier les gens de l'Association des administrateurs des services de santé et des services sociaux du Québec d'avoir accepté de participer à cette commission parlementaire et de nous avoir fait part, via un petit mémoire, de leurs réflexions sur le sujet qui nous intéresse aujourd'hui.

Il y a un aspect sur lequel le ministre aurait aimé vous entendre et sur lequel il ne manquera pas, d'ailleurs, de consulter les réponses que vous donnerez à la question que je vais vous poser, c'est cet aspect de la centralisation. Vous dites dans votre mémoire... En tout cas, un des aspects que vous avez soulevés d'ailleurs, tout à l'heure, comme étant un élément de déception pour votre part, c'est le fait que la négociation se fera encore de façon très centralisée selon vous.

Il y a eu, hier, une association, l'Association des CLSC, si ma mémoire est exacte, qui, au contraire, nous disait que les milieux n'étaient pas nécessairement capables d'assumer dans un temps très court et très rapide les responsabilités d'une négociation locale. Il y a également certaines expériences qui ont déjà été tentées dans d'autres mondes que le vôtre. Par exemple, je pense au monde scolaire où les regroupements locaux avaient une certaine difficulté à assumer cette négociation locale.

Je voudrais savoir si, pour votre part -puisque vous êtes des gens directement, je pense, dans le quotidien, chaque jour, dans le système - vous avez des expériences que vous voudriez nous décrire du vécu qui vous permet de nous demander, actuellement, de décentraliser bien davantage que ce qui est prévu dans le projet de loi.

Est-ce que vous avez des choses à nous raconter qui seraient de nature à nous expliquer, à l'inverse de ce qui nous a été expliqué hier, qu'on aurait avantage à vous en donner beaucoup à négocier localement, plutôt que de procéder comme on voulait le faire dans l'avant-projet de loi?

Mme Dion: On vous a annoncé le vécu. J'ai amené mon expert qui l'a vécu, le vécu. Alors, M. Chagnon va vous répondre.

M. Chagnon (André): L'avant-projet de loi établit et propose un institut de recherche sur la rémunération. On vous a souligné en introduction que c'était, à notre avis, un des éléments très positifs que, déjà, nous avons recommandés sur le document de réflexion du ministre qui a circulé antérieurement à l'avant-projet de loi.

Ces données qui seront le résultat des recherches et études de ce bureau de recherches impartial seront accessibles. Actuellement, les données que les parties ont eues en cours d'année... Je pense que ça fait une vingtaine d'années que nous vivons dans les secteurs parapublics des négociations qui se sont progressivement centralisées. En fait, on avait souvent des données incomplètes, imparfaites et, aussi, c'étaient des données que les parties ramassaient elles-mêmes et qui n'étaient pas nécessairement impartiales. Même si, en soi, elles pouvaient être impartiales, elles n'étaient pas perçues comme des documents ou des données impartiales. Si on rend ces données accessibles aux parties, d'abord, il y a tout de suite là des éléments nouveaux que les régimes antérieurs ne procuraient pas et n'apportaient pas aux parties.

La structuration du projet de loi dit: On se situe aux niveaux national et provincial, mais au niveau de regroupements d'établissements. Encore là, on est centralisé. Tandis que nous suggérons une approche à partir du champ d'exercice des conditions de travail et du fonctionnement des établissements. Si les parties se sentent insuffisamment préparées pour procéder elles-mêmes, elles peuvent toujours décider de se regrouper sur une base ou l'autre, et cela peut être sur certaines matières au niveau des regroupements d'établissements. C'est

une approche tout à fait différente et qui tient compte d'une problématique qui avait été identifiée dans le document de consultation du ministre, M. Clair, à savoir que la négociation se faisait à un niveau tel que les parties les plus concernées recevaient, par courrier, un document qui devait être interprété par des experts. À ce moment-là, cela devenait une approche et une application très techniques et très centralisées et, souvent, les problèmes locaux étaient perçus différemment de ceux qui les vivaient au niveau local. Vous aviez en fait un vécu souvent fort différent de la façon que les parties de niveaux hypercentralisés négociaient des ententes.

M. Gauthier: Ce matin, on a fait état d'une liste d'objets pouvant être négociés sur le plan local et le ministre englobait cela en disant, si ma mémoire est exacte, que tout ce qui touche la nature même de la vie de travail dans le milieu lui paraissait suffisant comme mandat, dans un premier temps. Est-ce que votre demande de décentraliser davantage va au-delà de tout ce qui s'appelle la vie de l'organisation même du travail? Ou, est-ce qu'à l'intérieur de ce qu'on appelle l'organisation du travail, il y a des points qui vous semblent devoir faire l'objet d'une dénomination spécifique dans la liste?

M. Chagnon: L'avant-projet de loi précise que ce sont les parties au niveau provincial qui doivent former des comités et des sous-comités qui, eux, négocient ce qui va être négocié véritablement au niveau local. À ce moment-là, il n'y a aucune garantie que ce que vous retrouvez dans l'annexe au niveau de la gestion des effectifs, des droits syndicaux, de la mobilité interne à l'intérieur des établissements, vous le retrouviez en négociation locale. Il n'y a aucune garantie. Notre approche précise nommément ce qu'on doit négocier au niveau national. Mais la majorité de la négociation devrait se resituer dans le contexte local et les parties au niveau local décideront ce qui devra être regroupé à un autre niveau.

M. Gauthier: Dans le cadre de l'avant-projet, à l'annexe A, on m'indique que cela constitue la base de ce qui doit être négocié sur le plan local avec une possibilité d'ajouter à cela des éléments. Il n'y a peut-être pas un monde qui sépare l'avant-projet de ce que vous souhaitez. Ce qu'on peut noter, je pense, c'est ce désir et cette volonté très ferme que vous exprimez de jouer au niveau local un rôle plus déterminant et plus important dans la négociation. Vous souhaiteriez même que ce soit le rôle le plus important qui soit joué au niveau local. Est-ce que je traduis bien votre pensée lorsque je dis cela?

M. Savard (Robert): II faut dire, M. le Président, que nous n'avions pas, dans notre exemplaire de l'avant-projet de loi, l'annexe avec les sujets. Elle vient tout juste de nous être remise séance tenante. Peut-être qu'effectivement, la liste qui a l'air très longue pourrait ressembler au début de liste que nous avons pris la liberté de mettre dans notre mémoire.

M. Gauthier: Ah! Bon! D'accord.

Le deuxième point sur lequel je voudrais avoir votre point de vue est le suivant. On sait qu'il y a un sujet fort délicat, celui de l'abolition du droit de grève. Je pense qu'on en a discuté avec tous les intervenants qui sont venus ici et qu'on va en discuter avec tous ceux qui vont venir. Le ministre parlait ce matin de ce nouveau climat de confiance qu'il voulait voir s'installer dans les négociations, ce climat qui serait effectivement la résultante d'un nouveau système de négociation qui ferait probablement moins appel à une confrontation sur des sujets comme la rémunération, par exemple, ou sur des choses comme celle-là. Est-ce qu'il ne vous paraîtrait pas normal qu'on puisse dans un premier temps, compte tenu du changement de mentalité qui est anticipé, maintenir un droit de grève dans les secteurs public et parapublic, lequel droit de grève est déjà balisé avec les services essentiels? On peut supposer que ce droit de grève se civilise avec le temps dans une négociation où, peut-être, un certain nombre de sujets ne sont pas l'objet d'enjeux majeurs, qu'il soit utilisé avec un peu plus de discernement. Est-ce qu'il ne vous paraîtrait pas normal de laisser ce droit de grève aux secteurs public et parapublic, compte tenu du changement de climat qui est prévisible dans les négociations à venir?

M. Chagnon: D'abord, cela fait 20 ans que nous avons un régime qui s'est progressivement développé par des expériences que nous vivons, en fait, dans le milieu parapublic. On a tenté, à ma connaissance, cela fait depuis au moins 1971 qu'on essaie de cerner ce qu'est un service essentiel, la notion des services essentiels, et on n'a pas encore réussi à cerner cela. D'accord, il y a une mécanique qui s'est perfectionnée mais on est toujours dans la même problématique. À un moment donné, les parties sont en négociation; elles ont des intérêts différents, il faut l'admettre, et souvent les services qui devraient être essentiels pour le patient, qui a aussi le droit de recevoir des services de qualité, se font à son détriment de façon générale.

Nous disons qu'avec un système qui prévoit maintenant qu'on aura des données -l'Institut de recherche sur la rémunération nous en fournira - accessibles aux parties, on

reconnaît et on accepte alors tous les mécanismes qui sont suggérés dans l'avant-projet de loi, par exemple, la médiation, la conciliation, etc. À ces intervenants, ces données seront accessibles. Notre position est de dire: Comme ces données n'existaient pas avant, on va prétendre du côté syndical qu'on a déjà vécu dans le passé le régime de l'arbitrage obligatoire, c'est exact mais c'était avant 1964. À ce moment-là, c'étaient des juges de tribunaux réguliers qui étaient souvent appelés à trancher à brûle-pourpoint les conflits. On n'avait pas à mettre à leur disposition les données que l'institut pourra fournir aujourd'hui. À ce moment-là, on n'avait pas de système structuré, organisé, de médiation et de conciliation comme on le retrouve dans l'avant-projet de loi. Alors, il y a une ou des garanties qu'on n'avait pas antérieurement qu'on donne, des garanties d'objectivité, des données accessibles.

On se situe aussi dans le respect d'un autre droit qui est celui de donner des soins de qualité, droit du bénéficiaire, d'une population qui est extrêmement démunie, insécure et qui a aussi droit au respect de ses soins et de sa vie, droit à sa qualité de soins et à sa qualité de vie dans nos établissements.

M. Gauthier: Ce que je comprends de votre réponse, c'est que vous estimez que les garanties incluses dans l'avant-projet sont suffisantes pour les employés du secteur public, du secteur hospitalier, principalement, pour assurer la protection de leurs droits au niveau de la négociation de leur régime de travail. En d'autres termes, c'est ce que vous me dites.

M. Savard: En ce qui regarde l'Institut de recherche sur la rémunération, vous avez certainement dû prendre connaissance de notre mémoire et voir que nous préférerions, que nous recommanderions que le président de cet institut soit davantage protégé dans son caractère inamovible plutôt que d'être nommé par le gouvernement. Nous recommanderions qu'il soit nommé par l'Assemblée nationale et qu'il ait ce caractère d'indépendance, je dirais, au-dessus de tout soupçon, qu'ont, par exemple, le Protecteur du citoyen, le Vérificateur général, etc.

Sur la base de ces données, effectivement, la réponse à votre question est affirmative. Nous pensons que des experts, chargés de trancher les différends après une période de négociation, de conciliation, ayant à leur portée les données nécessaires, pourront justement trancher les différends et prendre les décisions qui s'imposeront non seulement aux salariés mais aussi, bien sûr, aux employeurs.

Ce que je voudrais faire ressortir, c'est qu'on voit tout de suite le côté difficile de notre position, le côté difficile de la position de l'association parce qu'on ne s'attend pas qu'il y ait beaucoup d'employeurs qui veuillent se faire imposer ou d'associations d'employeurs qui veuillent se faire imposer l'arbitrage obligatoire. Bien sûr, on connaît déjà les positions des centrales syndicales à ce sujet. (14 h 30)

Nous, comme managers d'un réseau de services généralement essentiels, pour nous, vous savez, et pour les cadres que nous représentons, des services de temps à autre essentiels et de temps à autre moins essentiels, particulièrement à la suite du dégraissage que nous avons connu, pour prendre une expression consacrée, il n'y a plus beaucoup de services qui sont devenus peu essentiels. Le gros des services sont généralement requis. C'est probablement ce que vous diraient d'ailleurs des bénéficiaires.

M. Gauthier: On aura l'occasion de se renseigner là-dessus puisque nous allons rencontrer un peu plus tard le président de l'association provinciale des malades qui aura certainement beaucoup de choses à dire là-dessus.

Pour l'instant, ça va. Je vais laisser à l'Opposition le soin de poursuivre.

Le Président (M. Lachance): J'invite le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Je voudrais discuter comme premier élément de votre mémoire au niveau du sommaire, à l'avant-dernier paragraphe lorsque vous dites... D'ailleurs, en réponse à une question de mon collègue de Roberval vous avez évoqué les hypothèses de décentralisation, c'est-à-dire au niveau des matières à partir du document que le ministre, M. Clair, a rendu public ce matin.

Une fois cette décentralisation réalisée, dites-vous dans votre mémoire, comme pour la gestion des ressources autres que les ressources humaines, les établissements pourront se regrouper entre eux sur une base opérationnelle pour échanger des informations stratégiques, se concerter entre eux et, s'il y a lieu, pour se doter de services communs pour la négociation, et l'application des conditions collectives de travail.

Une des questions que je voudrais vous poser est celle-ci. Dans la démarche où à peu près tout le monde est d'accord pour s'engager dans cette avenue, chacun peut discuter sur les modalités ou sur les éléments du contenu de la décentralisation. Le danger évoqué en contrepartie, enfin la préoccupation qu'on doit avoir, c'est l'espèce de surenchère des conditions négociées localement entre les divers établissements, par exemple, dans le domaine des affaires sociales qui vous intéresse plus

particulièrement. Lorsque vous parlez, pour les établissements, de se regrouper, de se concerter - c'est un sommaire, c'est dans une phrase; je ne voudrais pas faire dire plus à la phrase que ce que vous voulez dire par ça - est-ce que vous voulez dire que les établissements se concerteraient sur la manière ou les choses qui pourraient être accordées aux demandes syndicales? Ce serait une espèce de centralisation à rebours?

M. Savard: Je pense que votre question nous donne l'occasion d'apporter une précision qui est très importante parce que si, effectivement, l'avant-projet de loi demeure tel qu'il est et est adopté, pour nous il s'agit très certainement d'une négociation centralisée, à moins, comme je le mentionnais tout à l'heure, que la liste de l'annexe A soit très généreuse pour les paliers locaux. Sous réserve de cette vérification de la liste que nous venons d'avoir, le fait de faire déterminer par des parties nationales quels doivent être les sujets de négociation risque, d'une part, de faire limiter considérablement la liste des sujets qui pourront être faits de façon locale.

Donc, une première centralisation, c'est certainement celle qui nous paraît être dans le projet de loi, à savoir qu'il pourrait y avoir des sujets très nombreux négociés nationalement.

Pour nous, sont aussi de la centralisation les négociations qui se tiendraient par secteurs mais au niveau national. Par exemple, les établissements des services de santé et de services sociaux ou tous les hôpitaux du Québec qui négocieraient ensemble, pour nous, c'est une plate-forme de centralisation. Ce que nous voulons faire ressortir par la remarque que vous avez citée, c'est que les managers qui rendent des services concrets à la population dans les établissements de santé et de services sociaux, ils travaillent sur une base locale et aussi sur une base de plus en plus régionale à la fois pour administrer des ressources et organiser des services. Nous pensons que l'un des outils qui manquent précisément aux managers locaux pour bien accomplir leurs fonctions, c'est la possibilité réelle d'influencer sur leur base habituelle de travail la détermination des conditions de travail qui s'appliquent aux ressources humaines qu'ils sont chargés d'encadrer. On ne se fait pas d'illusion, des grands ensembles nationaux, même si ce n'est pas tout l'État ou même si ce n'est pas tout le secteur public, des sous-secteurs, cela demeure, à notre avis, trop centralisé et trop loin de l'influence possible et des adaptations que peuvent inspirer, que peuvent arriver à produire les managers locaux dans les relations ordinaires avec leurs ressources humaines et les associations dans lesquelles ces ressources sont regroupées.

M. Rivest: Si je vous comprends bien, vous insistez pour dire que cette concertation des établissements pour développer une stratégie plus ou moins commune, compte tenu aussi des particularités au niveau même des établissements, parce qu'il y en existe, ce serait d'avoir une concertation plutôt au niveau régional - c'est cela? - d'introduire cette dimension-là.

M. Savard: Ou sous-régionale.

M. Rivest: Ou sous-régionale. D'accord. Quand vous introduisez cela... L'idée de la centralisation, si on se rappelle la façon dont c'est survenu, ce fameux problème, il y avait, bien sûr, une volonté de cohérence, d'éviter la surenchère, etc., mais il y avait aussi, dans le phénomène de la centralisation, une volonté d'assurer une répartition équitable des ressources, des moyens, entre les diverses régions. S'il s'opère une décentralisation d'un certain nombre d'objets de négociation qui sont quand même importants au niveau des établissements, que vous reveniez sur la base régionale, est-ce que ce problème ne risque pas de resurgir?

M. Savard: Concernant la gestion des ressources autres que les ressources humaines, je pense que l'expérience, au contraire, démontre qu'il n'y a pas eu de surenchère. Le management de ces ressources, le coût, les coûts publics de ces ressources, n'ont pas diminué; au contraire, ils ont été mieux contrôlé et cela a même été un des outils dont ont pu se servir les managers pour faire face aux compressions décidées par l'État.

D'autre part, il y a une autre chose qu'il faut remarquer. Un des résultats de la centralisation à outrance qu'on a connue - il n'y a pas eu juste des mauvais résultats - je pense qu'il y a eu un effet d'harmonisation ou, en tout cas, les conditions sont pareilles d'un endroit à l'autre. le danger que vous évoquez pourrait peut-être être davantage terrible si nous commençions à zéro, mais on peut vraiment raisonnablement penser que les administrations locales, seules ou regroupées, les associations de salariés ne recommenceront pas à zéro. Le contenu vraiment très détaillé des conventions collectives actuelles ne sera pas balayé du revers de la main. Je pense que l'investissement que ces groupes vont faire, employeurs et employés, va davantage porter sur les adaptations nécessaires. Il y a donc déjà un bon contenu pour préserver un danger terrible de surenchère.

Troisièmement, j'ajouterais qu'il y a maintenant à la disposition des parties,

surtout si les regroupements, soit les centrales syndicales, soit les centrales patronales - si je peux dire une chose comme celle-là - ou les associations patronales, acceptaient volontiers de jouer un rôle staff, ils pourraient, en plus des ressources et des informations en provenance de l'Institut de recherche sur la rémunération, mettre à la disposition des parties des outils qui pourraient être utilisés précisément pour faire ces adaptations qui sont nécessaires.

M. Rivest: Oui, M. Chagnon.

M. Chagnon: J'aimerais ajouter ceci par analogie. Dans le cadre de l'application des conventions collectives, chaque établissement, chaque syndicat local est autonome dans son application. C'est beaucoup et énormément à ce niveau-là que se prépare la prochaine négociation et il s'est développé des expertises à différents niveaux. Vous avez de la concertation dans le cadre de l'application, même si chaque établissement est autonome dans l'application de sa convention ou de ses conventions et, à ce moment-là, il y a déjà des mécanismes. On a vécu ce régime depuis 20 ans, je le soulignais tout à l'heure. Dans le cadre de l'application, aussi, on s'est mieux organisé, mieux structuré. À ce moment-là, la concertation peut se faire aussi bien dans le cadre de la négociation que dans le cadre de l'application.

M. Rivest: Je voudrais vous amener à commenter. Bien sûr, on est dans un domaine de relations de travail où il y a un rapport de forces, des intérêts particuliers sur lesquels il faut en arriver à une espèce d'arbitrage final. Comme administrateur d'institution ou d'établissement de services de santé, concernant le facteur des coupures budgétaires qui est peut-être de nature conjoncturelle, quelle est votre évaluation ou votre commentaire en perspective des prochaines négociations ou même du régime de négociation sur celui-ci comme élément introductif de tensions additionnelles dans le domaine des relations de travail, particulièrement dans le secteur de la santé?

Mme Dion: J'ai peu de commentaires sur ce sujet. J'avoue que, pour donner une réponse qui m'apparaîtrait adéquate à votre question, j'aurais besoin de plus de temps pour y songer. Je n'ai absolument pas analysé le... Pour nous, les coupures budgétaires ont été un processus qu'on a eu à vivre et qui a eu des reliquats, cela va de soi. On sait que la fortune n'arrivera à personne demain. Dans ce sens, on a essayé de penser au régime de négociation dans un contexte économique que tout le monde souhaite meilleur mais qui ne m'apparaîtra pas changer de blanc à noir demain. Dans ce sens, ce qu'on a vécu est comme toute expérience: des choses difficiles mais des choses qui ont aussi permis un certain nombre d'acquis.

M. Rivest: Vous parlez des acquis sans doute au niveau de l'accroisssement de la productivité, j'imagine.

Mme Dion: II y a ce côté mais il y a aussi le côté de... Tout être humain qui a des défis, quand on en a, il y en a qu'on choisit, il y en a qu'on est obligé de supporter parfois lorsqu'ils nous sont imposés. Il n'en demeure pas moins que cela a été un terrible défi à relever. Dans ce sens, je pense que la plupart des gens doivent quand même dire qu'ils ont appris des choses de ce défi.

M. Rivest: Oui. Vous donnez, bien sûr, le point de vue en tant qu'administrateur. Ma question est: Est-ce que vous sentez venir, du côté des employés des établissements, des revendications, par exemple, au niveau de la charge de travail? Souventefois, on a des porte-parole, des travailleurs qui nous disent... C'est dans ce sens que je vous pose la question parce qu'on pourra mettre le meilleur régime de négociation qu'on voudra bien, il va quand même falloir tenir compte que ces éléments qui sont... Est-ce que vous les ressentez dans les établissements actuellement?

M. Chagnon: En fait, ce n'est pas le régime de négociation qui va changer parce que les administrations locales, même dans un régime hypercentralisé, ont eu à faire face localement à l'adaptation de ces coupures. Je pense que, à l'avenir, on va être placé dans des situations semblables mais il m'apparaît qu'on aura la même problématique.

M. Rivest: Très bien. Un dernier sujet, si vous le permettez, M. le Président. Je voudrais m'intéresser davantage à votre proposition au niveau de l'abolition du droit de grève, à toutes fins utiles, dans... Est-ce que cela vise autant les établissements des services de santé que ceux des services sociaux?

M. Chagnon: La position du mémoire de l'association est à l'effet de couvrir l'ensemble du secteur sociosanitaire. Comme je le disais tout à l'heure, depuis 1971 on a essayé de définir la notion de services essentiels et on n'a pas réussi valablement et ce, à tous les niveaux. Je pense que, si on offre des mécanismes raisonnables dans un secteur où, précisément, les bénéficiaires sont des gens qui ont besoin des services qu'on a à leur fournir, qu'on a l'obligation de

leur fournir, à ce moment, on devrait couvrir l'ensemble du secteur sociosanitaire.

M. Rivest: Très bien.

M. Savard: C'est d'autant plus vrai, M. le Président, que je pense qu'il est de commune renommée que dans une période de crise économique comme celle que - je ne sais si je dois parler de cela au passé; en tout cas, je me risque - nous avons traversée, les services sociaux, leur importance et leur caractère essentiel, peuvent apparaître davantage qu'en d'autres périodes où les choses vont mieux.

M. Rivest: Le mécanisme même de l'arbitrage obligatoire que vous mentionnez, toute la théorie, l'hypothèse sur le dépôt des dernières offres finales, est-ce que vous entrez dans cette dynamique, dans ce mécanisme? Quelle va être la base de l'arbitrage? Est-ce qu'il y aura dépôt des offres finales? (14 h 45)

M. Chagnon: En fait, dans notre proposition, il nous apparaissait essentiel de discuter du fond de l'arbitrage obligatoire par rapport au droit de grève, ce qui doit être relié, en fait, à ce qui... Si on enlève le droit de grève, quelles sont les conditions qu'on doit retrouver? Il nous apparaît que, si on donne la possibilité au système d'échange de données tant à ceux qui vont agir comme arbitres qu'à eux qui vont avoir à négocier -c'est l'ensemble des parties, tant la partie syndicale que la partie patronale - à ce moment-là, un mécanisme de conciliation, de médiation sera prévu. À ce moment-là, il nous apparaît que le régime comme tel offre suffisamment de garanties. On n'est pas allé aussi loin que de privilégier une formule plutôt qu'une autre.

M. Rivest: Oui, une technique ou une autre. D'accord. M. Savard.

M. Savard: Ce que j'allais dire, c'est que nous avons tout simplement étendu les dispositions de l'article 31 et des suivants de l'avant-projet de loi qui prévoient que, bien sûr, l'arbitre se fait éclairer par les parties. Nous avons d'ailleurs recommandé qu'à la demande de l'une des parties l'arbitre tranche, alors que dans le projet de loi, si je ne fais pas erreur, à l'article 33, on laisse entendre que la demande devrait être faite par les parties. Nous pensons que, si ce n'était pas corrigé, cela pourrait faire perdurer longtemps un conflit, s'il fallait que les deux parties soient d'accord pour demander l'arbitrage et, d'autre part, cela pourrait rendre cette formule de règlement des différends inefficace.

M. Rivest: Un dernier élément sur lequel j'aimerais avoir vos commentaires: l'abolition du droit de grève dans les services de santé et les services sociaux avec les commentaires que vous avez formulés inclus dans l'avant-projet de loi, l'arbitrage obligatoire. En fin de compte, parce que c'est un changement qui a des implications et des conséquences que tout le monde imagine, le régime de sanction du respect de la sentence arbitrale, songez-vous à ce problème?

M. Savard: Je pense qu'il s'agirait des mécanismes de sanction pour le respect de la sentence arbitrale, comme des mécanismes existent pour le respect des conventions collectives. Ce ne serait plus, à ce moment-là, un différend, mais un grief qui naîtrait, parce que la convention collective ou la sentence arbitrale en tenant lieu ne serait pas respectée.

M. Rivest: II y a déjà eu, d'ailleurs, dans d'autres domaines des sentences arbitrales dites obligatoires, enfin non pas dans beaucoup de cas, mais on en a à l'esprit alors qu'effectivement même une sentence arbitrale obligatoire n'a pas été respectée par l'une ou l'autre des parties. Croyez-vous que, si on adoptait dans la loi cette avenue que vous suggérez, le régime traditionnel des sanctions que vous évoquez serait suffisant? Par exemple, d'autres groupes vont dire: II faudrait aller jusqu'à la décertification en cas de refus, etc. C'est la partie syndicale, bien sûr. Il y aurait d'autres sanctions de la partie patronale.

M. Savard: À vrai dire, puisque nous représentons ici nos membres, effectivement, l'objet de notre consultation auprès de nos membres n'a pas porté sur ce détail spécifique. Bien entendu, de façon implicite cependant, nous pensons que l'Assemblée nationale doit adopter des lois qui comportent en elles-mêmes des mesures suffisantes afin qu'elles soient appliquées.

M. Rivest: Ah! des mesures suffisantes afin qu'elles soient appliquées. Donc, enfin, sans que vous ne soyez plus spécifique, parce que...

M. Savard: D'autre part, sans être exagérément optimistes, nous pensons qu'effectivement peut-être il pourrait y avoir un changement des mentalités surtout si on propose un changement des mentalités et si on est assez exigeants à l'égard des parties. S'il y a une seule partie qui fait des compromis ou si elle en fait beaucoup moins que l'autre ou si une autre en fait beaucoup plus, peut-être qu'on n'assistera pas à un changement des mentalités. Par exemple, l'arbitrage obligatoire étant imposé aussi bien aux employeurs qu'aux salariés, cela nous

paraît être un changement important. Peut-être que, si l'Assemblée nationale décidait d'imposer cela aux employeurs et aux salariés du réseau des affaires sociales, effectivement ce serait un défi suffisamment important pour qu'il soit relevé.

M. Rivest: Très bien, merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Bourassa, vous avez la parole.

M. Laplante: Merci, M. le Président. Je vais continuer un peu dans le même esprit que le député de quel comté? Jean-Talon. Lorsque vous parlez des pouvoirs accordés aux arbitres dans le régime proposé d'arbitrage obligatoire, vous dites dans votre document que l'association considère - ce qui est vu comme fondamental - cependant que, comme le soutient l'Organisation internationale du travail, en l'absence du droit de grève, il doit y avoir des garanties adéquates pour protéger les intérêts des travailleurs. Ces protections doivent prendre la forme de procédures de conciliation ou d'arbitrage adéquates, impartiales et rapides auxquelles les parties concernées peuvent prendre part à chaque étape et où les décisions lient dans tous les cas les deux parties et sont complètement et rapidement mises en application. Comme première question je vous demanderais quelle différence vous faites entre l'État et le secteur privé en application dans cela, en application de ce que vous appelez convention de l'Organisation internationale du travail où on ne parle pas du rôle de l'État payeur, où c'est un objectif général qu'on donne. Vous, comme association, quelle différence faites-vous entre l'État, travailleur-État, patron-État et patron-entreprise privée pour en arriver à ces fins sur un arbitrage obligatoire?

M. Savard: Je ne sais pas, M. le Président, si je comprends bien votre question, mais vous me le direz de toute façon si j'erre. Je crois que vous avez bien compris que notre proposition d'instaurer un tel mécanisme de règlement des différends vise le règlement des différends dans le réseau des affaires sociales. Nous ne proposons pas que le droit de grève soit aboli dans d'autres secteurs, même public, ou même dans le secteur privé. Il nous apparaît que le caractère spécifique des services de santé et des services sociaux et l'importance que cela peut avoir pour la population qui a besoin de ces services font que nous n'avons pas trouvé après une longue et douloureuse période d'expérimentation des moyens de régler les différends et peut-être qu'effectivement lorsque ce droit de grève a été instauré la bouchée était trop grosse. Mais combien faudra-t-il encore de périodes d'années, de 20 années, pour comprendre que, même si on raffine et même si on arrive à des solutions très sophistiquées, il n'est pas du tout garanti qu'en jouant avec le feu et en permettant le droit de grève il va s'exercer d'une façon civilisée alors que notre position, c'est qu'il ne doit pas y avoir d'arrêt de travail dans le secteur des affaires sociales, dans le secteur des services de santé et des services sociaux, à cause du caractère généralement essentiel des services?

M, Laplante: La réponse que vous donniez tout à l'heure au député de Jean-Talon, c'est que votre arbitrage obligatoire serait exécutoire.

M. Savard: Pour les deux parties.

M. Laplante: Êtes-vous capable de donner sur la masse salariale s'il n'y a pas entente et qu'on est obligé, en réponse à votre désir, d'aller en arbitrage obligatoire et exécutoire? Est-ce que cela aurait le même effet au point de vue du budget de l'État qu'une entreprise privée?

M. Savard: De toute évidence, notre proposition ne prévoit pas que les budgets de l'État et les orientations gouvernementales en matière de budget pour les services publics soient soumis à l'arbitrage. Cependant, dans une autre section où l'on parle d'un rôle du gouvernement pour le gouvernement nous voulons justement que l'État, le gouvernement, sous le contrôle de l'Assemblée nationale détermine à la fois les ressources qu'il entend mettre à la disposition de la mission affaires sociales, par exemple, détermine aussi les standards généraux applicables mais que tout le reste, comme il le fait pour - passez-moi l'expression - l'huile à chauffage, il le laisse à la volonté des parties de s'adapter aux besoins qui existent. Un employeur ou un groupe d'employeurs devraient, bien sûr, continuer de fonctionner à l'intérieur de la masse budgétaire locale ou régionale qui est mise à leur disposition et utiliser cette masse pour négocier une rémunération appropriée aux ressources humaines qui sont au service des établissements.

M. Laplante: Oui, mais qu'est-ce qui arriverait des priorités de l'État à ce moment si on allait dans votre fonctionnement à vous et dans le comportement du budget, aussi, du ministère des Affaires sociales? Avec les priorités de l'État, à ce moment, qu'est-ce qui arriverait?

M. Savard: C'est très clair dans notre esprit que ces priorités subordonnent et prédominent l'arbitrage qui sert à régler des

différends particuliers. C'est très clair dans notre position que le règlement de ces différends se fait dans le cadre des priorités gouvernementales. Mais, voyez-vous le problème? Au contraire, si vous dites que c'est l'État qui détermine le salaire d'une sténodactylo, telle classe, là, évidemment, vous vous trouvez dans la situation de dire: il y a un affrontement entre le pouvoir de l'Assemblée nationale de voter le budget et la décision d'un arbitre, mais cet affrontement n'est absolument pas inévitable si l'État se contente - et c'est un rôle qui n'est pas du tout sot, au contraire, je pense que c'est un rôle très important - de définir des orientations, de voter les budgets et de laisser les administrations, décentralisées ou déconcentrées, faire leur travail. Les administrations, c'est leur boulot d'opérer et de fonctionner à l'intérieur de leur mandat.

M. Laplante: Comme cela, il pourrait y avoir une différence de salaire d'un établissement à l'autre?

M. Savard: À la limite, théoriquement.

M. Laplante: Vous trouveriez cela sain, une compétition de salaire d'un établissement à l'autre?

M. Savard: Nous ne pensons pas que cela va se produire, comme cela ne se produit pas actuellement. ,

M. Laplante: Avant 1964, qu'est-ce qui arrivait?

M. Savard: Avant 1964, vous n'aviez pas forcément tout ce bagage de conditions. Les vingt ans que nous avons passés nous ont permis d'assister à la définition d'un bagage important de conditions de travail, y compris sur les salaires, et les parties ne mettront certainement pas cela par-dessus bord du jour au lendemain, à partir du moment où elles ont le pouvoir de négocier. Nous ne pensons pas non plus que les établissements, pour référer à une intervention précédente, sont équipés pour faire des négociations extrêmement compliquées sur des sujets trop vastes. Ils vont tout naturellement se regrouper, comme ils le font, pour faire face à d'autres problèmes qu'ils ont et dont ils sont responsables.

M. Laplante: Cela devient compliqué si vous touchez après cela à la sécurité d'emploi. Je ne voudrais pas me retrouver avec une différence dans toutes les parties du Québec, du Témiscouata jusque dans la Gatineau, où j'ai connu des différences de salaire, où on payait un instituteur 3000 $ puis à Montréal on le payait 6000 $ où on écrémait à peu près tout ce qu'il pouvait y avoir partout au Québec pour les amener dans un même centre, les attirer par la paie. Je ne voudrais pas, parce que c'est cela que ça amène, en somme.

M. Savard: Évidemment, je pense que vous avez théoriquement raison. Un système détourné de ses fins, comme il le serait dans cette circonstance, pourrait effectivement amener cela mais je pense que cela ne se produira pas à cause, précisément, du vécu des parties et des résultats concrets auxquels elles sont arrivées actuellement. N'oubliez pas qu'il ne s'agit pas de négocier une première convention collective, il s'agit de ta négociation, dans presque tous les cas, du renouvellement des conventions collectives. D'autre part, aujourd'hui avec l'information qui est disponible et qui ne l'était pas, je ne pense pas que ces choses-là se produisent. Cependant, à la limite - je vais vous répondre très honnêtement, même si cela peut être une difficulté - nous pensons qu'un employeur ou des groupes d'employeurs doivent être prêts à consacrer une partie plus importante de leurs ressources budgétaires pour avoir tel type de ressources si cela correspond à leurs besoins.

M. Laplante: Oui, c'est à long terme. M. Savard: À la limite.

M. Laplante: C'est toujours à long terme que je veux parler. Prenez un cas vécu au Québec actuellement et qu'on vivra encore probablement si on ne change pas les règles, c'est le cas des policiers municipaux. On donne le régime d'arbitrage obligatoire par un juge, on fait trancher obligatoirement par un juge, la sentence qui est donnée les villes sont obligées de l'appliquer. Ce qui est arrivé, c'est que vous êtes rendus avec des policiers, comme à Sorel, qui gagnent 40 000 $ par année. Je n'envie pas leur situation, mais c'est le problème que cela cause entre toutes les municipalités, d'autant plus que le juge ne regarde pas la capacité de la ville de payer. C'est que le budget de la ville est rendu aux mains d'un juge et c'est extrêmement dangereux, ces choses-là, même pour n'importe quel gouvernement local, fédéral ou provincial, appelez-le comme vous le voudrez. Il a à administrer les deniers publics.

M. Savard: M. le Président, je pense que la loi votée par l'Assemblée nationale pourrait prévoir des dispositions qui feraient en sorte de circonscrire la juridiction des arbitres. Je pense que cela n'a absolument pas de bon sens que "the sky" soit "the limit", cela n'a absolument pas de bon sens, ce n'est pas cela du tout qu'on propose. D'autre part, quand vous référez aux policiers, il y a au moins deux distinctions importantes, je ne crois pas qu'ils bénéficient

des données d'un institut de recherche sur la rémunération et, d'autre part, nos établissements n'ont pas un pouvoir de taxation. (15 heures)

M. Laplante: Oui, mais il reste que c'est dans les mains d'un arbitre pareil, d'un juge. Les deux parties ont discuté d'une convention collective devant un juge concernant la rémunération. La ville ou les villes - parce qu'il n'y a pas seulement cette ville-là qui a été prise avec ce problème, plusieurs villes l'ont été - sont prises avec le problème et elles sont obligées d'augmenter les impôts fonciers. Elles sont obligées d'aller chercher l'argent ailleurs parce qu'elles n'ont pas les moyens. D'autres ont tout bonnement cessé de faire travailler leur corps policier ou la loi est obligée de replacer ces corps policiers avec un nombre moindre pour essayer d'arriver avec cela. Ce qu'on ne peut pas faire, nous autres.

Si vous vous en allez dans les entreprises privées, elles ont des pouvoirs. Vous prenez Ménasco, qui n'a pas voulu négocier avec ses employés, qu'ils aient tort ou qu'ils aient raison. Ces gens ont mis la clé dans la porte, eux autres, et "bonjour". Ils ont laissé les ouvriers là sur le parquet. C'est ce qu'un gouvernement ne peut pas faire actuellement, avec tous les services qu'il a à distribuer au point de vue de la santé, des services scolaires. Il y a tout un appareil gouvernemental de services obligatoires là-dedans.

Je ne sais pas, c'est votre passage là-dessus qui m'effraie le plus et j'ai beaucoup de misère à le comprendre, parce que, déjà, vous commencez à me dire: Bien oui, il faudrait baliser, pareil, par des lois à l'Assemblée nationale. Tout de suite, il y a un changement d'orientation que vous prenez en vous servant de la porte arrière de l'Assemblée nationale pour baliser, en somme, les masses de disponibilité d'argent qu'il pourrait y avoir pour les services.

M. Savard: M. le Président, je ne pense pas que ce soit un changement. C'est écrit en toutes lettres dans notre document qu'il revient au gouvernement de déterminer ça. La plupart du temps, les arbitres ont des juridictions bien déterminées à exercer.

M. Laplante: Mais les priorités de l'État, à quel endroit les placez-vous dans tout ça?

Mme Dion: C'est l'État qui le fait.

M. Chagnon: C'est déterminé par l'État, effectivement.

M. Laplante: Oui.

M. Savard: Oui, autant que possible en concertation avec les agents socio-économiques.

M. Laplante: À quel coût? M. Savard: À quel coût? M. Laplante: Oui. M. Savard: La concertation?

M. Laplante: Oui, mais sur les priorités de l'État, je vous demande les priorités de l'État, dans un arbitrage obligatoire, à quelle place elles sont? À donner les services obligatoires que l'État est obligé de donner dans les hôpitaux.

Mme Dion: Nous autres, dans un premier temps, en tout cas, on ne veut pas enlever tout le rôle de l'État. On dit: L'État, dans un premier temps, détermine ses choix prioritaires, détermine ses priorités. Une façon qu'il pourrait regarder ces priorités qu'on suggère, c'est qu'il fasse une table de concertation avec certaines balises et qu'on nous donne une enveloppe globale qu'on a déjà utilisée pour d'autres secteurs qui ne sont pas nécessairement ceux du régime de conditions de travail d'un individu, mais des domaines dans la gestion des établissements où on nous donne des portefeuilles avec tels types de services à remplir et telle enveloppe budgétaire.

À partir de là, on a un certain nombre de choix et de priorités à faire. C'est un peu ça qu'on transposait dans l'autre. On disait: Déterminez des grandes balises, mais ne les déterminez pas à un iota près. Donnez-nous les balises et, à partir de ça, laissez aux interventions locales la possibilité de fonctionner.

Tantôt, vous souligniez qu'il y avait un danger à l'extrême qu'on vienne avec des disparités au niveau de la province absolument abracadabrantes. C'est sûr qu'à la limite, ça pourrait toujours être possible, mais même à l'époque actuelle où c'est super balisé, je ne vous apprends certainement rien, car vous connaissez les problèmes et, justement, de la hyperbalisé qui se fait, des fois, dans certains endroits vis-à-vis les régions éloignées, par rapport aux cités urbaines.

De tout temps, dans la main-d'oeuvre, il y a des problèmes selon cette province avec toutes ses balises. C'est plus facile de trouver des gens pour travailler à Montréal que pour travailler aux Îles-de-la-Madeleine, même si c'est bien beau aux Iles-de-la-Madeleine.

Dans ce sens-là, des régimes comme ça, est-ce qu'ils permettraient plus de disparités? A priori, en tout cas, pour nous autres, la preuve n'est pas faite.

M. Laplante: Je vais vous donner un exemple concret. Vous avez un centre d'accueil...

Mme Dion: Oui.

M. Laplante:... où il est réparti, selon la classe de malades qui sont dedans ou de résidents et la moyenne est d'à peu près 2. 4 heures ou 2. 6 heures par bénéficiaire qui est dans le centre d'accueil. Vous avez une masse salariale. Actuellement, vous l'avez décentralisée, la masse salaire.

Mme Dion: D'accord.

M. Laplante: Ce centre d'accueil, disons qu'il aurait 2 000 000 $ d'administration et que vous décidiez, vous autres, par une négociation que vous feriez avec vos travailleurs, de dire: Moi, avec ces 2 000 000 $, je favorise de payer encore plus mes employés, leur payer 10% de plus qu'ailleurs, et que vous reconnaissiez ce principe.

Au bout de tout ça - c'est la même masse d'argent que vous avez là - il faudra des employés de moins pour servir. Il faudrait que vous diminuiez la qualité des soins et que vous les portiez à 2 ou 2. 2 heures par bénéficiaire qu'il peut y avoir là. Comment administreriez-vous un budget à ce moment-là? Vous ne pouvez pas couper le chauffage; vous ne pouvez pas couper sur la nourriture parce que ces gens doivent manger; il faut faire le lavage et l'entretien et tout ce qui est socio-sanitaire dans une telle entreprise. Comment arrangeriez-vous un budget à ce moment-là?

M. Savard: Vous pensez que des normes déterminées sur une base provinciale et s'apptiquant uniformément à tous peuvent du premier coup et sans aucune exception permettre que, dans un centre d'accueil, les ressources soient idéalement organisées. Nous pensons que non. Il est sûr que, dans l'ensemble, les centres d'accueil se ressembleraient au niveau de l'organisation, mais des adaptations tiendraient compte des caractéristiques de la clientèle à desservir, ce qui n'est absolument pas possible actuellement.

Le Président (M. Lachance): Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. À la page 8 de votre mémoire, vous dites que vous êtes en faveur d'éliminer le droit de grève dans les établissements des affaires sociales. Il y a d'autres théories qui parlent d'éliminer le droit de grève dans le secteur de la santé. Ai-je bien compris que, pour vous, quand vous dites "les établissements des affaires sociales", cela veut dire tous les établissements qui tombent sous la juridiction du ministère des Affaires sociales? Faites-vous une distinction à savoir qu'un certain secteur peut être plus affecté qu'un autre? Je comprends que le problème est toujours très grave. Je peux m'imaginer que, dans un hôpital de soins aigüs ou psychiatriques, ce n'est pas exactement la même chose que dans un établissement où les personnes sont relativement en bonne santé. Pourriez-vous donner quelques commentaires là-dessus?

M. Savard: Au-delà des apparences, les problèmes que suscitent les arrêts de travail dans les établissements de santé ne sont pas plus graves que dans les établissements des services sociaux et vice versa, c'est-à-dire que les problèmes sont aussi graves, au-delà des apparences, dans les services sociaux. Évidemment, quelqu'un qui requiert un service social quelconque ne fait peut-être pas d'hémorragie, mais il a des problèmes très sérieux - je n'ai pas à exposer cela -qui peuvent exister et qui ont besoin d'une solution immédiate. Donc, ils ne peuvent pas souffrir l'arrêt de travail dans les établissements.

M. Polak: Nous connaissons tous M. Brunet. Il est venu devant la commission et même devant d'autres commissions. Je me rappelle que, au tout début, quand j'ai été élu député et quand on a eu une commission toute spéciale justement sur les services essentiels, j'étais très impressionné de la manière dont il parlait du vécu. Existe-t-il des statistiques sur les secteurs qui semblent moins graves au public, où les gens n'ont pas de problème de santé? Par exemple pour les personnes âgées qui souffrent de stress, sur le plan moral peut-il y avoir un traitement psychiatrique après un grève? Y a-t-il des statistiques sur des cas connus comme ceux-là dans vos établissements?

M. Savard: Vous voulez dire des séquelles suivant les arrêts de travail?

M. Polak: Oui.

Mme Dion: Scientifiquement prouvables et méthodologiquement bien calculés, quant à moi en tout cas, sur la foi du serment; je ne serais pas capable de vous donner des chiffres. Nos prétentions sont à l'effet qu'effectivement ces perturbations sont graves pour le public. Elles sont graves au niveau psychologique aussi dans le sens qu'elles insécurisent la population. Si vous parlez strictement... Les grèves au niveau des affaires sociales, je les ai toutes vécues jusqu'à maintenant. Même si au niveau de la qualité des services pour un certain nombre d'heures ou un certain nombre de jours, cela n'a peut-être pas toujours été catastrophique,

il n'en demeure pas moins que l'individu qui a à le subir vit une insécurité importante. Il y a des rumeurs, il s'imagine toutes sortes de choses et, dans ce sens, le public subit des tares difficilement réparables, mais elles ne sont pas nécessairement anatomiquement décelables.

M. Polak: Mais des dossiers existent. Dans ces établissements, des dossiers existent sur le vécu dans une grève, peut-être pas de la manière connue du public, comme dans le cas de M. Brunet, mais tout de même, comme vous le dites, dans des cas aussi graves qui affectent les usagers également.

Mme Dion: II y a aussi toute la problématique... Toute votre clientèle de liste d'attente n'a pas été mesurée avant. Conséquemment, c'est quoi le délai ou la pertinence ou les résultats provoqués par le fait qu'il y a eu huit jours au lieu de quatre jours d'attente? Cela non plus n'est pas calculé méthodologiquement ou scientifiquement.

Une voix: Pourquoi dans une...

Mme Dion: Excusez-moi. Les droits de grève, pour les avoir déjà vécus ou essayés, en tout cas, on ne pense pas que c'est une réussite et on est prêt à essayer une autre formule.

M. Chagnon: Vous avez eu encore ce matin des réclamations à savoir - et on n'est pas dans une période de grève - qu'il était nécessaire d'augmenter le ratio de personnel. C'était essentiel pour la qualité des soins. Pourquoi cette problématique change-t-elle parce qu'on est en période de négociation ou de grève? À ce moment-là, c'est justement une illustration que c'est difficile d'essayer de cerner cette situation. Peut-être qu'à deux heures aujourd'hui une situation n'est pas délicate et intolérable et que, deux heures plus tard, elle peut le devenir. Quand on entre dans ces distinctions, on n'en finit plus et on réussit à justifier que, dans tous les secteurs, le droit de grève est nécessaire et qu'il n'y a jamais eu de situations intolérables pour les soins et la sécurité des bénéficiaires qu'on doit assumer.

M. Polak: Un autre point, c'est à la page 4 de votre document où vous parlez de la rémunération globale, de la politique salariale. Si j'ai bien compris vos documents, vous dites que c'est l'État qui doit établir la politique salariale et, ensuite, vous dites qu'un des principes de cette politique doit être la rémunération globale. Ce n'est pas seulement le chèque de paie, le salaire, mais aussi les bénéfices y inclus, tels que la sécurité d'emploi et d'autres éléments. Ensuite, vous suggérez au gouvernement de procéder avec un organisme indépendant qui doit faire des études et comparer le secteur privé avec le secteur public et ne pas étudier seulement le facteur salarial mais également tous les autres éléments tels que la sécurité d'emploi. Vous dites aussi que tout cela va être évalué en dollars et en coûts relatifs établis. Expliquez-moi cela.

Je suis avocat et je pratique à Montréal. J'ai une secrétaire qui n'a aucune sécurité d'emploi. Je ne le souhaite pas -elle travaille aujourd'hui et elle ne peut donc pas me voir à la télévision - mais disons que je peux lui donner un avis de quelques semaines et c'est la fin du contrat selon le Code civil et le peu de protection qui existe pour cette employée, en vertu de la Loi sur les normes du travail. J'ai une autre secrétaire qui travaille ici au deuxième étage et qui a la sécurité d'emploi. Moi, je vois la différence. Mais je vous demande comment un organisme peut évaluer en argent, en dollars, le coût de cela. Comment évaluer la sécurité d'emploi pour comparer? Moi, je peux faire une comparaison, par exemple, au point de vue de l'initiative, au point de vue de: Je veux garder mon emploi, au point de vue de dire: Je veux améliorer ma situation parce qu'il va peut-être me payer plus. Il y a toutes sortes de systèmes. On appelle cela en anglais l'"incentive", qui joue un très grand rôle, et, pour quelqu'un qui a la sécurité d'emploi, c'est beaucoup moins important. Je trouve intéressante votre observation que cela peut être ramené en dollars et en coûts relatifs. Comment un organisme pourrait-il faire cela?

M. Chagnon: On demande justement à des experts de se pencher là-dessus et d'analyser la question. Je vous renverrais la balle. Il y a eu des propositions faites aux tables de négociation antérieurement qui ont été déposées. J'imagine qu'il doit y avoir des études qui ont été faites sur les propositions qui ont été mises sur la table. Je ne le sais pas, je ne les connais pas. Sauf qu'on a réussi à chiffrer autre chose beaucoup plus difficile à chiffrer. J'ai l'impression que les experts pourraient, en fait, identifier les hypothèses qui resteraient à démontrer et à prouver pour identifier un coût relatif. On identifie des coûts d'avantages sociaux dans l'industrie sans la sécurité d'emploi. On réussit à chiffrer un certain nombre de coûts relatifs à des congés particuliers, par exemple, des vacances, etc. J'imagine que la sécurité d'emploi devrait être chiffrable. Cela me paraît possible de chiffrer cela. (15 h 15)

M. Savard: Je pense qu'on peut dire même qu'il y a déjà des études qui existent et qui ont été faites en particulier au Conseil du trésor pour chiffrer cet avantage. D'ailleurs, pour faire une boutade, lorsque la période des compressions budgétaires s'est

abattue, lorsque le gel des salaires s'est appliqué aux cadres, on a dit aux cadres: Vous pouvez bien accepter cela parce que c'est compensé par la sécurité d'emploi que vous avez. Mais nous avons très mal reçu le message parce que nous avons la particularité d'être le seul groupe de cadres, à la différence de la fonction publique et de l'éducation, à ne pas avoir la sécurité d'emploi. Je dis cela un peu en boutade pour dire qu'effectivement le coût de ces avantages a déjà été mesuré.

M. Polak: Je reviens sur l'abolition du droit de grève dans tout le secteur des affaires sociales. On connaît les réactions de ceux qui travaillent dans le milieu. Je ne parle pas des travailleurs parce que je connais des travailleurs dans mon comté qui penchent déjà de ce côté, qui voient très clairement le fait que les services aux usagers sont peut-être primordiaux. Il faut faire un choix à un moment donné. Disons qu'à un moment donné cela devient une lutte et qu'il faut prendre position. Il y a ceux qui disent: Oui, il faut l'abolir et d'autres qui disent: Cela va être la fin de notre existence. Il ne sert à rien de continuer. Qu'est-ce qu'on va négocier? Si on abolit cela, il ne reste plus rien. En tout cas, comme on le dit en anglais: "Turn the clock back 25 years. "

Comment voyez-vous cela? Pensez-vous que l'opinion publique est assez évoluée et que, si la population demande cela simplement, il faut trouver un accord pour accepter cela? Croyez-vous qu'on fera peut-être face à d'énormes conflits?

M. Chagnon: Les conflits, on y fait face actuellement. Dans les hôpitaux, on vit les reliquats des conflits qui sont générés et hypercentralisés. Les parties, au niveau local, n'y peuvent rien; elles les vivent tant du côté syndical que patronal.

Si on prévoit un système humanisé et rationnel, et qu'on offre des données objectives accessibles aux parties - s'il y a aussi des changements d'attitudes et de comportements qui doivent accompagner ce changement - c'est certain qu'on a des chances. Mais il faudrait qu'on offre certaines garanties en contrepartie dans un régime semblable.

M. Polak: Quant aux employés qui oeuvrent dans votre secteur des services de santé et des services sociaux - je suis certain que vous communiquez avec eux, parce que vous êtes des bons administrateurs et que vous êtes censés avoir des bons contacts avec vos employés - avez-vous l'impression qu'ils sont en évolution vers cette façon de résoudre le problème incluant l'arbitrage? Je crois que vous êtes pour le système d'arbitrage. En parlant avec vos employés, notez-vous une différence par rapport à il y a deux ans, disons, quand on parlait des services essentiels?

M. Chagnon: Offrez des garanties et des objectifs aux gens et consultez les gens individuellement, pas les "establisments" patronaux ou syndicaux, mais les gens sur le terrain et vous allez peut-être avoir un son de cloche différent. Mais offrez des garanties objectives que leurs conditions de travail vont être établies de façon sérieuse et, à ce moment-là, je pense que la position va être clairement identifiable.

M. Polak: D'accord. Ma dernière question. Vous venez de parler de conditions de travail sérieuses et d'un organisme indépendant...

M. Chagnon: C'est cela.

M. Polak:... justement pour arriver à quelque chose de plus objectif, de sorte que les employés vont dire: Ce n'est pas un rapport de forces; c'est quelque chose que je peux accepter. Je comprends très bien votre raisonnement. Est-ce que, par le fait même, vous rejetez cette idée de l'institut de recherche, tel que suggéré par le ministre, où on a treize membres, six du côté syndical et six du côté patronal, dont les visages sont connus partout, et un président?

M. Chagnon: D'abord, fondamentalement, nous sommes pour la création d'un tel institut. On fait des suggestions pour enrichir cette idée de base et obtenir un plus grand degré d'impartialité. Entre autres, au niveau du président - on le mentionnait tout à l'heure - on veut qu'il ait en fait, le même statut que celui du Vérificateur général, qu'il soit nommé par l'Assemblée nationale, qu'il soit non amovible et que la composition du conseil d'administration soit faite à la suite de l'établissement de listes qui ont été, en fait, suggérées par les parties, que les membres soient choisis dans ces listes.

M. Polak: Bon, je termine pour l'instant. Je suis certain qu'il y a d'autres questions des autres membres.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Pour bien comprendre le modèle de décentralisation que vous préconisez, le rôle des établissements et le rôle de l'État, je me réfère à votre mémoire, à la page 4, où, d'une part, vous dites: "Nous préconisons que l'État et le Conseil du trésor se retirent complètement du champ de la négociation collective au profit des établissements". Dans

un deuxième temps, un peu plus bas, vous dites: "L'établissement des masses salariales et leur rythme d'accroissement seraient du ressort exclusif de l'État et non sujets à la négociation. " Au dernier paragraphe, vous dites: "D'autre part, l'établissement de paramètres et de standards d'importance nationale devrait être effectué par voie législative".

Il y a trois indications ici qui me semblent extrêmement importantes. Là, vous donnez aussi, dans la dernière citation que j'ai faite, l'exemple de la Loi sur les normes du travail. Est-ce que j'ai bien compris? La Loi sur les normes du travail touche les conditions de travail minimales dans les entreprises. Est-ce ce à quoi vous pensez, c'est-à-dire une loi qui toucherait la fonction publique et parapublique et qui établirait les normes minimales du travail, de la même façon que la Loi sur les normes du travail le fait pour le secteur privé? Est-ce que j'ai bien compris? Ce serait la façon pour l'État... Enfin, par voie législative, cela veut dire que c'est l'Assemblée nationale qui le fait. Ce peut être fait sur proposition du gouvernement, évidemment. Ce serait une façon pour l'État d'intervenir dans les négociations, mais sous forme de normes minimales du travail dans les secteurs public et parapublic. Est-ce que je comprends bien la référence que vous faites à la page 4?

M. Chagnon: Je pense que la réponse à votre question est oui. Je ne sais pas si vous voulez un commentaire là-dessus, mais la réponse est oui.

Je suppose que votre question n'inclut pas que nous pensons au contenu même de la Loi sur les normes du travail comme étant les normes minimales qui devraient s'appliquer aux affaires sociales; nous n'avons pas examiné une à une les normes minimales qui sont dans la Loi sur les normes du travail pour savoir si c'est suffisant. Nous avons référé à la Loi sur les normes du travail uniquement pour illustrer le mécanisme, pas le contenu.

M. Leduc (Fabre): Non, pas le contenu, je comprends, mais cela pourrait éviter les abus que l'on craint, les excès d'un établissement à l'autre, les disparités trop grandes d'un établissement à l'autre. Cela pourrait, quand même, signifier qu'il y ait des disparités dans le domaine salarial ou sur les modalités de la sécurité d'emploi, de la tâche de travail, en fait, mais il y aurait une base qui serait établie par voie législative. C'est cela? Cela éclaire, cela précise votre pensée.

Deuxième point: la question du médiateur arbitre. Je m'interroge beaucoup sur votre proposition de laisser au médiateur arbitre le soin de déterminer le normatif. Il me semble que, si j'étais du côté de la partie syndicale, je n'hésiterais pas à avoir recours au médiateur arbitre. Je n'ai absolument rien à perdre et tout à gagner. C'est ma première remarque.

Ma deuxième remarque est que le médiateur arbitre va prendre des décisions qui touchent le budget de l'État. Quand on connaît le budget dans le domaine de la santé et des affaires sociales, c'est un budget qui touche les milliards. Cela veut dire que vous laissez à une personne le soin de déterminer des masses d'argent qui ont directement trait ou qui touchent directement le budget de l'État. Ne trouvez-vous pas cela un peu excessif comme règlement des différends?

M. Savard: Notre lecture n'est pas tout à fait la même. Sans jouer sur les mots, nous pensons qu'un arbitre pourrait prendre des décisions qui pourraient avoir un effet sur les affectations budgétaires que ferait un employeur. C'est très différent de déterminer les masses salariales que l'État mettrait à la disposition de telle mission qui est la sienne, par exemple.

M. Leduc (Fabre): Oui, mais si un médiateur arbitre doit trancher sur une question qui touche... Si je comprends bien, vous proposez que le médiateur arbitre ait autorité sur les salaires aussi.

M. Savard: Sous réserve des résultats de l'Institut de recherche sur la rémunération.

M. Leduc (Fabre): Oui, mais il reste que le tout serait remis entre les mains du médiateur arbitre. Encore une fois, la partie syndicale...

M. Savard: Les modalités.

M. Leduc (Fabre):... a tout à gagner et rien à perdre là-dedans.

M. Savard: Ce n'est pas un projet antisyndical, notre mémoire.

M. Leduc (Fabre): Non, je comprends, mais ça me semble être un peu facile comme solution, surtout qu'il appartient à l'État de déterminer la masse d'argent qui doit être attribuée à tel ou tel secteur de la vie publique.

M. Savard: Mais vous avez bien compris qu'on est entièrement d'accord avec ça.

M. Leduc (Fabre): II me semble y avoir contradiction, mais je vous remercie pour vos réponses.

M. Rivest: Cet argument-là est souventefois invoqué, contre l'arbitrage. Il

est bien clair que c'est à l'État, mais quand même, finalement, ce que l'arbitre décide, ça peut être des montants très importants, bien sûr, mais c'est juste le taux de croissance des salaires et non pas la masse qui reste substantiellement la même. C'est un ajout. On parle de 2%, 3% ou 4%.

M. Savard: Ce n'est pas à l'arbitre de déterminer quel devra être le budget de l'établissement. C'est au ministère des Affaires sociales, à l'intérieur du budget qui lui est alloué. Cependant, un établissement employeur qui ne réussirait pas à s'entendre pour savoir quelle affectation de telle partie de son budget...

M. Rivest: J'amène cette précision-là parce que les gens disent qu'ils sont contre l'arbitrage obligatoire parce que ça donne à un tiers le soin de déterminer le budget de l'État. Ce n'est pas tout à fait exact; c'est loin d'être exact, d'ailleurs.

M. Savard: Non.

M. Caron: II faudrait être sûr...

Le Président (M. Lachance): M. le député de Verdun, voulez-vous intervenir? Allez-y, M. le député!

M. Caron: Dans la même ligne de pensée, si jamais le gouvernement, décidait d'aller à l'arbitrage, il faudrait s'entendre avant pour ne pas avoir le même problème qu'on a eu avec la Sûreté du Québec. Sans vouloir mettre le couteau dans la plaie, il faudrait bien que ce soit clair avant de partir.

M. Clair: Justement, M. le Président, je pense que c'est important dans ces matières-là d'avoir des règles claires et que chaque partie les accepte. Puisque dans le cas auquel le député se réfère, justement, il est spécifiquement prévu dans la loi qu'il ne s'agit pas d'un arbitrage qui lie les deux parties, l'arbitrage ne pouvait lier que les policiers et non pas le gouvernement, ce qui, effectivement, compte tenu de la nature très spécifique de ce genre d'arbitrage, a amené toute l'ambiguïté qui a entouré cette question-là. Je pense que ce qu'on peut en retenir aussi, c'est qu'avant de songer à importer exactement ce mécanisme-là tel qu'il existe dans la loi pour le régime de négociation à la Sûreté du Québec, il faudrait autant que possible que les règles soient claires.

M. Rivest: Je pense que vous serez d'accord également pour convenir, M. le ministre, qu'il ne faudrait pas, non plus, que le recours lui-même à l'arbitrage obligatoire soit laissé à l'initiative du gouvernement qui l'utilise à des fins stratégiques à l'occasion de visite papale et autres, comme dans le cas de la sûreté, n'est-ce pas?

M. Clair: II y a un intervenant hier qui faisait état, justement, non seulement pour l'une, mais pour toutes les parties dans toutes les négociations dans le secteur public, de certaines distorsions dues au fait que, lorsque quelqu'un n'utilise pas les tribunaux ou autre chose à des fins stratégiques - il peut arriver qu'il le fasse -on pense qu'il l'a fait. Là, on passe a un deuxième niveau, je dirais, de présomption de mauvaise foi, ce qui vient compliquer le système; d'où la nécessité de le réformer.

M. Rivest: II faut être très orthodoxe dans ce domaine-là.

M. Clair: En toute chose.

Le Président (M. Lachance): Ceci étant dit, je...

M. Clair: M. le Président...

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre. (15 h 30)

M. Clair:... juste quelques mots pour m'excuser auprès de l'Association des administrateurs des services de santé et des services sociaux du Québec de mon absence pour la présentation de son mémoire. Je n'ai pas voulu ajouter mes questions à celles des collègues ministériels ou de l'Opposition. J'étais retenu par d'autres fonctions au Conseil des ministres et je m'en excuse.

M. Rivest: Ça existe encore?

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre.

À mon tour, à titre de président de cette commission, je désire remercier les représentants de l'Association des administrateurs des services de santé et des services sociaux du Québec d'avoir bien voulu rendre aux membres de la commission le fruit de leur réflexion sur l'avant-projet de loi. Merci beaucoup à Mme Dion et aux personnes qui l'accompagnent.

Je demanderais maintenant aux porte-parole du groupe qui doit suivre, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, de bien vouloir se présenter.

Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec ainsi qu'à leur présidente, Mme Jeannine Pelland-Baudry à qui je demanderais de bien vouloir présenter les personnes qui l'accompagnent pour les membres de la commission et le Journal des débats. Mme Baudry, si vous voulez bien nous présenter vos collègues à partir de

votre extrême gauche, s'il vous platti

Mme Pelland-Baudry (Jeannine); À ma gauche, Mme Thérèse Guimond, directrice générale et secrétaire, et Mme France Duchesne, conseillère; à ma droite, Me Pierre Bourbonnais, conseiller juridique.

Ordre des infirmières et

infirmiers du Québec

Le Président (M. Lachance): Merci. J'apprécie votre ponctualité puisqu'il était prévu qu'on devait vous entendre à 16 heures. Il est environ 15 h 30 et vous êtes là, ce qui nous permet d'anticiper. Si vous êtes prête, nous serions prêts à vous entendre immédiatement.

Mme Pelland-Baudry: Nous sommes prêts. M. le Président, M. le ministre et MM. les députés, notre mémoire n'étant pas tellement long et comme vous nous avez offert 20 minutes de présentation, je pense que je vais le lire tout simplement et, ensuite, nous répondrons aux questions que vous voudrez bien nous poser.

C'est avec intérêt que l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec a pris connaissance de l'avant-projet de loi intitulé Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. Cet avant-projet de loi contient certaines dispositions qui démontrent la volonté du gouvernement d'effectuer un meilleur encadrement des négociations des conventions collectives dans les secteurs de l'éducation, des affaires sociales et des organismes gouvernementaux. Toutefois, les changements proposés, à notre avis, ne constituent qu'une amorce de réforme du régime de négociation.

L'ordre transmet ses préoccupations aux membres de la commission du budget et de l'administration quant aux droits de la population de recevoir, en tout temps, des services de santé et des services sociaux que leur état de santé exige, en rappelant la prise de position que le bureau a émise en 1982 au sujet du retrait des services dans le secteur de la santé, et apporte quelques commentaires spécifiques sur le mode de négociation, l'Institut de recherche sur la rémunération, le Conseil des services essentiels et l'information à la population.

C'est dans le but de participer à l'effort collectif pour modifier la situation qui prévaut actuellement et depuis les 20 dernières années dans le domaine des relations du travail, et en tenant compte de l'intérêt de la collectivité, de la protection du public et de la nature "essentielle" des services rendus par les employés de l'État, surtout ceux du secteur des affaires sociales, que l'ensemble de ces commentaires sont apportés.

L'ordre ne prétend pas détenir une expertise en relations du travail. Par contre, ayant comme fonction principale la protection du public, il croit qu'il est de sa responsabilité sociale de soumettre aux membres de la commission ses commentaires concernant le sujet complexe et controversé que constitue le droit de grève. Même si l'avant-projet de loi assujettit la grève et le lock-out à des conditions telles qu'il devient, à toutes fins utiles, très difficile d'y recourir, l'ordre demeure déçu que le gouvernement ne les ait pas interdits, surtout dans les services de santé. Le droit de grève dans ces services a, en effet, été l'objet de nombreuses discussions au cours desquelles l'opportunité de le maintenir a été fortement remise en question. Interdire le droit de grève, particulièrement dans les services de santé, était en définitive le pas à faire de la part du gouvernement et la décision normale à laquelle la population pouvait s'attendre.

L'ordre réitère aux membres de cette commission la position qu'il avait fait connaître en 1982 aux membres de la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre. À cette époque, au terme d'une réflexion ayant pris en considération, entre autres, les paradoxes vécus par les employés du secteur de la santé, l'impossibilité de définir les services essentiels dans ce secteur et les préjudices subis par la population, le bureau de l'ordre s'est prononcé contre le retrait des services dans le domaine de la santé. Cette position était basée sur différents faits qui sont encore d'actualité.

Un bref examen de la situation des employés du secteur de la santé fait ressortir un certain nombre de paradoxes. Les employés de ce secteur ont, par leur appartenance au secteur de la santé, certaines obligations et, par leur allégeance syndicale, certains droits. Ces différentes facettes ne sont pas toujours faciles à concilier dans la réalité quotidienne et elles deviennent inconciliables lors d'un conflit de travail alors que les négociations se corsent et que la décision de devoir utiliser des moyens de pression doit être prise. Il faut aussi se rappeler que les valeurs humanitaires véhiculées dans le secteur de la santé ne furent pas toujours reconnues sur le plan socio-économique. De plus, les employés du secteur de la santé font partie intégrante d'une société qui reconnaît à tout individu le droit de négocier ses conditions de travail et de salaire et qui reconnaît également la liberté d'action syndicale. Dans ce contexte, les valeurs humanitaires s'opposent aux exigences de la confrontation inhérente à la négociation.

En outre, tous les aspects de l'exercice des professions dans le domaine de la santé sont régis par des responsabilités déontologiques ayant comme raison d'être le bénéficiaire, de sorte que toutes les activités

professionnelles sont subordonnées au droit qu'ont les bénéficiaires et les usagers de recevoir les services que requiert leur condition de santé. Par ailleurs, les professionnels syndiqués ont, par ce statut, des droits et des privilèges, lesquels, lorsqu'il y a conflit de travail, viennent en contradiction avec les valeurs que ces professionnels véhiculent à travers le service qu'ils rendent à la population... C'est là le principal paradoxe qui les confronte lorsque, au cours des négociations, ils en viennent à décider de retirer leurs services. Compte tenu de leurs responsabilités déontologiques, la promotion de leurs intérêts socio-économiques doit être subordonnée aux droits des bénéficiaires de recevoir des services. Dans ce contexte, le retrait de leurs services est difficile à envisager comme moyen de pression acceptable.

En ce qui concene les services essentiels, la notion même de services essentiels est ambiguë et prête à controverse. Pour pouvoir obtenir une description des services essentiels dans un domaine aussi complexe et diversifié que le domaine de la santé, il faudrait être capable de dépasser le stade de données quantitatives et développer des instruments qualitatifs valides pour vraiment identifier dans toutes leurs ramifications les effets et l'impact des services de santé sur la qualité de vie et le niveau de santé des citoyens. Des critères objectifs n'ont jamais été utilisés de façon rationnelle puisque ces variables n'ont pu être identifiées.

Les services de santé comprennent un ensemble de facteurs et de variables tous aussi complexes les uns que les autres et ne peuvent être comparés à un autre type de services publics. L'identification des services de santé dits essentiels suggère qu'il faille procéder à une classification des besoins de santé accordant une priorité à l'un par rapport à l'autre ou encore déterminer des catégories de soins en portant un jugement entre la valeur accordée à des soins à domicile, à des soins aux malades chroniques ou bien à des soins en phase aiguë de maladie.

Une autre dimension importante dans une tentative de clarifier des services essentiels réside dans le fait que tout service jugé essentiel à l'avance sera éventuellement soumis à des impondérables tels que la durée du conflit, l'ampleur du rapport de forces, le climat, le taux d'utilisation des services disponibles, la variation du taux d'occupation, l'impossibilité de prévoir les urgences et les modifications de l'état de santé des bénéficiaires.

En somme, aucun des processus de détermination des services essentiels déjà employés ne s'est avéré valable et efficace.

La situation des bénéficiaires préoccupe l'ordre. Les bénéficiaires des services de santé subissent les répercussions non seulement des décisions des syndicats, mais aussi de celles de l'employeur sans qu'il leur soit possible d'intervenir. Il est difficile de connaître dans quelle mesure il est tenu compte de leurs besoins par l'une ou l'autre des parties. On est même dans l'impossibilité de mesurer les effets dévastateurs sur les bénéficiaires, leur famille et la population des arrêts ou des ralentissements de travail. De plus, ils sont actuellement tenus à l'écart des mécanismes de négociation, n'y étant même pas représentés.

Les citoyens du Québec ont un droit reconnu de recevoir les services de santé nécessaires au maintien et à la promotion de leur santé ainsi qu'à la prévention et au traitement. Lorsque le retrait des services est utilisé comme moyen de pression pour résoudre des conflits de travail dans le secteur de la santé, la population est dépourvue des services auxquels elle a droit, mettant ainsi en péril la santé et parfois même la vie des citoyens. De plus, l'absence du public dans les processus actuels de décision concourt à le faire percevoir comme otage de l'une et l'autre des parties en cause.

Presque chaque renouvellement des conventions collectives dans le secteur de la santé a donné lieu à des manifestations publiques de conflits et à l'emploi de moyens de pression tels que des mesures légales d'exception forçant le retour au travail des syndiqués durent être utilisées dans le but d'empêcher que la santé publique ne soit davantage menacée. Là encore, tout porte à croire que le système des relations du travail dans le domaine de la santé n'est pas doté des instruments requis à un fonctionnement efficace et en accord avec les besoins de la population et les droits des travailleurs. Somme toute, le gouvernement n'a pas encore assez fait pour que le système de négociations soit doté de mécanismes et d'instruments appropriés.

C'est en tenant compte des paradoxes vécus par les employés, de l'impossibilité de définir les services essentiels et surtout de la situation des bénéficiaires des services de santé qu'en 1982 le bureau de l'ordre s'était prononcé contre le retrait des services dans le secteur de la santé.

Or, dans le cadre de ce début de réforme du régime des négociations collectives dans les secteurs public et parapublic, l'avant-projet de loi constituait le véhicule idéal pour concrétiser des convictions et des demandes de la société, et même certaines volontés politiques ayant démontré que le droit de grève dans le secteur de la santé n'est plus une réalité désirée, tolérée et acceptée. Sur ce point, la seule amélioration apportée est d'interdire la grève ou le lock-out à l'égard d'une matière définie comme faisant l'objet de stipulations

négociées et agréées à l'échelle locale ou régionale, de même qu'à l'égard de la rémunération.

L'ordre croit fermement que les gouvernements ne peuvent plus s'en tenir uniquement à des considérations politiques, à des dispositions mitoyennes et au recours à des décrets, les syndicats poursuivre leur lutte au détriment des valeurs humaines fondamentales et que les administrateurs du secteur de la santé ne peuvent plus laisser les situations se détériorer et passer outre aux insatisfactions souvent profondes des employés. (15 h 45)

II apparaît essentiel d'établir une ligne d'action cohérente qui définirait, dans un cadre d'intervention souple, les rôles de l'État, des administrateurs et des divers groupes de professionnels. Cette ligne d'action devrait tenir compte des exigences éthiques dans les rapports collectifs inhérents aux relations du travail et du respect des droits aux services de santé de la population.

C'est dans cette même perspective que nous abordons les sujets concernant le mode de négociation, l'Institut de recherche sur la rémunération, le Conseil des services essentiels et l'information de la population.

Mode de négociation. L'ordre est sceptique quant à l'application et à l'articulation des articles 20, 21 et 22. Il est vrai qu'à l'article 21 des matières telles que l'organisation du travail, les mouvements de personnel et les droits syndicaux sont explicitement prévues comme devant être l'objet de stipulations négociées et agréées à l'échelle locale, mais il existe une ouverture qui permet aux parties de les définir autrement. Les autres matières sur lesquelles portent les stipulations négociées à l'échelle locale ou régionale doivent être définies par les parties à l'occasion de la négociation des stipulations négociées et agréées à l'échelle nationale. L'on peut penser que la définition même des matières que les gestionnaires et les syndiqués au niveau local pourront négocier et agréer pourrait être une occasion de litige entre les parties à l'échelle nationale. Bien que ces dispositions démontrent une préoccupation de favoriser la négociation permanente et d'amener une certaine décentralisation, l'ordre croit que le gouvernement doit établir un cadre législatif plus explicite en ce qui concerne les matières qui font l'objet de stipulations négociées et agréées à l'échelle nationale par rapport à celles qui font l'objet de stipulations négociées et agréées à l'échelle locale ou régionale.

Par ailleurs, les articles 23 et 25 qui permettent d'avoir recours à l'intervention soit d'un médiateur, soit d'un conseil de médiation ou d'un groupe d'intérêt public pour régler un différend à l'échelle nationale constituent une nette amélioration dans le processus de négociation. Toutefois, étant contre le retrait des services, l'ordre recommande que ces articles soient assortis d'une disposition qui rende l'arbitrage obligatoire à défaut d'une entente.

La création d'un organisme sous le nom de "Institut de recherche sur la rémunération" est un aspect positif de l'avant-projet de loi sur le régime de négociation des conventions collectives. En effet, les dispositions de la section I retirent du champ des négociations la rémunération des employés de l'État. L'ordre appuie ce nouveau mécanisme puisque le gouvernement se réserve un pouvoir décisionnel conforme à ses responsabilités. Cependant, une ambiguïté demeure quant à la notion de rémunération. En effet, on peut se demander si la rémunération comprend les salaires et les avantages sociaux, et même d'autres avantages.

Tout en prévoyant la possibilité de négocier avec les groupements d'associations de salariés et les associations de salariés, en collaboration avec les comités patronaux, le Conseil du trésor fixera les stipulations relatives à la rémunération pour l'année en cours dans le cadre d'un projet de règlement déposé devant l'Assemblée nationale, et ce, après analyse du rapport publié par l'institut. Ce rapport étant basé sur les résultats d'études et de recherches, l'ordre considère que les décisions de l'État pourront s'appuyer sur des faits et de l'information plus objective, tout en tenant compte de la capacité de payer des citoyens du Québec et des objectifs sociopolitiques et économiques poursuivis par le gouvernement. Procéder ainsi permet d'éviter que des décisions d'ordre économique soient prises à la suite d'affrontements, de confrontations et de rapports de forces, ce qui ne saurait exister dans une société où les services fournis relèvent des secteurs public et parapublic.

L'avant-projet de loi confère des pouvoirs de redressement au Conseil des services essentiels. Malgré ce pouvoir de rendre une ordonnance s'il estime qu'un conflit affecte ou est vraisemblablement susceptible d'affecter de façon préjudiciable un service auquel le public a droit, l'ordre est en désaccord avec ces dispositions législatives. Dans le secteur des affaires sociales, lorsque la vie et la santé des bénéficiaires des établissements de santé et des usagers des services connexes sont en danger, il relève du gouvernement de prendre les mesures qui s'imposent pour que ces citoyens reçoivent les services auxquels ils ont droit. D'ailleurs, des dispositions devraient être ajoutées à l'avant-projet de loi pour prévoir des sanctions exemplaires pour tout lock-out ou fermeture de services ou pour toute activité de nature à causer préjudice à la santé, que ce soit un ralentissement de travail, une grève illégale,

un débrayage spontané, des absences collectives ou tout autre moyen de pression utilisé tant par les administrateurs que par les syndiqués.

L'avant-projet de loi prévoit qu'à défaut d'entente le rapport d'un médiateur, celui des parties sur l'objet de leur différend à l'échelle nationale et celui d'un médiateur-arbitre doivent être rendus publics. L'ordre appuie ces dispositions qui permettront à la population d'être mieux informée des dimensions réelles des différends ou des désaccords qui existent entre la partie patronale et la partie syndicale, et de la dynamique du contexte des relations du travail dans les secteurs public et parapublic.

Par ailleurs, l'avant-projet de loi n'est pas allé assez loin en regard de la participation des bénéficiaires, surtout si l'on considère qu'ils réclament d'être entendus depuis des années. Cette participation pourrait prendre diverses formes soit: une représentation au Conseil des services essentiels, une consultation des groupes concernés, la nomination par ces groupes de personnes pour les représenter. Chacune de ces modalités est susceptible de permettre que leurs besoins soient mieux identifiés et leurs droits davantage reconnus.

Conclusion. Il existe un fait indéniable. Les mécanismes de négociations collectives doivent être améliorés, et tout spécialement lorsque des conflits de travail surgissent, afin d'éviter que la population soit prise en otage au moment où elle nécessite de l'aide, du support et des services de santé. Dans de telles circonstances, les citoyens nécessitant des services sont en effet lésés dans leur droit le plus fondamental puisque atteints dans leur intégrité de personne humaine libre et autonome.

En conséquence, l'ordre recommande que le gouvernement respecte les engagements qu'il a pris à travers les déclarations et les interventions de quelques-uns de ses ministres d'abolir le droit de grève dans les services de santé et répondre ainsi aux volontés exprimées par la population à travers les divers groupes qui la représentent. L'ordre requiert du gouvernement qu'il s'engage à doter le système des relations du travail dans le domaine de la santé d'instruments requis à un fonctionnement efficace et en accord avec les besoins de la population et les droits des travailleurs. Enfin, l'ordre recommande que l'avant-projet de loi soit doté de mécanismes ou de dispositions permettant que les bénéficiaires soient consultés et entendus, et que leurs intérêts soient pris en considération dans le processus de négociation.

Nous répondrons, et mes collègues le pourront également, aux questions que vous poserez.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Baudry. Vous êtes effectivement entrée dans les 20 minutes allouées pour l'exposé. Je cède immédiatement la parole au ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor.

M. Clair: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec de s'être penché sur cette question du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic, de s'y être intéressé depuis plusieurs années, d'ailleurs, puisqu'on sait que l'ordre des infirmières a déjà eu l'occasion dans d'autres commissions parlementaires de faire part de son point de vue quant à certains éléments de ce régime et, également, de s'être penché de manière plus récente sur l'avant-projet de loi. Je suis d'autant plus heureux d'entendre l'Ordre des infirmières et infirmiers aujourd'hui, M. le Président, qu'en ce qui me concerne, comme président du Conseil du trésor, je n'ai pas eu de contact officiel avec l'Ordre des infirmières et infirmiers, depuis ma nomination, sur ces questions. L'ordre peut effectivement apporter un point de vue et une contribution importante à ces travaux. Donc, je remercie Mme Pelland-Baudry et les gens qui l'accompagnent.

M. le Président, je voudrais rapidement aborder trois sujets qui sont touchés par le mémoire de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Le premier est la fameuse question du droit de grève. Déjà, en mai dernier, dans le document intitulé "A la recherche d'un nouvel équilibre", le gouvernement, sous ma signature, faisait état de deux principes - dont l'un a été repris par mon collègue, le député de Portneuf -qui sont en cause dans la question de la primauté des droits. Tout le monde considère que le droit à la vie, à la santé et à la sécurité est un droit individuel fondamental dans notre société. L'immense majorité des gens considèrent aussi que le droit à l'association syndicale, le droit à la libre négociation de ses conditions de travail est, en matière de droits collectifs, un droit fondamental. On est donc en présence d'une question très difficile à résoudre puisqu'il s'agit dans ce cas de déterminer quel droit l'emporte. Je crois que je peux affirmer que n'importe quel gouvernant ayant une tête sur les épaules et le coeur à la bonne place va vite en conclure que le droit à la santé, à la vie et à la sécurité de la personne est un droit qui doit l'emporter sur le second. Cependant, il y a plusieurs façons de voir comment on peut s'assurer que ce droit à la vie, à la santé et à la sécurité prime sur le second. Il y a une manière juridique, stricte de l'envisager. C'est de dire: Puisqu'en droit naturel, sans faire de judiciarisme, cela paraît évident à tout humain que le droit à

la vie l'emporte sur le droit à l'association, quelle est, au-delà du juridisme, la meilleure façon de s'assurer effectivement, non seulement au niveau des symboles et du droit, mais dans les faits, que le droit à la santé, à la vie et à la sécurité de la personne soit du plus haut niveau possible?

L'approche de l'Opposition - du moins ce qui semble avoir été annoncé par le député de Portneuf et ce qu'on a pu lire dans les journaux ce matin - c'est que le Parti libéral va aller effectivement dans le sens que vous suggérez, en termes de prise de position, soit le retrait du droit de grève. La position retenue par le gouvernement et qui paraît dans l'avant-projet de loi est plutôt de dire: Recherchons par tous les moyens possibles et imaginables des mécanismes qui éloigneront le recours au droit de grève et qui amèneront une situation où, dans les faits, effectivement, prévaudra le droit à la vie et à la santé sur celui de faire valoir ses intérêts par le biais de la libre association, de la négociation et des moyens de pression qu'on connaît.

Votre position est, je dirais, assise d'abord et avant tout sur la déontologie et sur le droit naturel. Vous affirmez que le droit de grève n'est plus une réalité désirée, tolérée et acceptée par la société. On pourrait se poser une première question: Est-ce que c'est le droit de grève qui est dans cette situation ou si ce n'est pas davantage le résultat, c'est-à-dire son exercice, qui est mis en cause par la société dans son ensemble? Mais je pense, encore une fois, que l'autre côté de la médaille, c'est-à-dire la légitimité du droit d'association, le droit de négocier les conditions de travail, etc., est, lui aussi, un droit légitime. Je sais que vous avez indiqué que vous n'étiez pas des spécialistes en matière de relations du travail et je ne vous demande pas une opinion d'experts, mais je vous fais une demande quand même. Si ce droit est légitime, une fois qu'on a dit: On abolit le droit de grève, on fait déjà un premier pas et on retranche un droit. Mais, dans votre esprit, quelle serait la solution pour ce3 travailleurs et travailleuses, les infirmiers et infirmières, par exemple, quant au rapport de forces, au droit de grève pour, effectivement, faire valoir leurs revendications et s'assurer qu'ils sont pris en considération par les "décideurs" - entre guillemets? Autrement dit, au-delà du consensus où tout le monde dit: Oui, la vie avant des droits collectifs, un droit individuel fondamental avant des droits collectifs, eux aussi fondamentaux, il y a deux grandes avenues. Nous, on en emprunte une dans l'avant-projet de loi; vous en empruntez une autre. Mais, dans les deux cas, on continue de se poser la question: C'est quoi la solution pour ces salariés de faire valoir leurs points de vue, leurs revendications, de défendre leurs intérêts collectifs? Je vous pose la question. Est-ce que, selon vous, il s'agit simplement d'abolir le droit de grève et de tomber dans ce qu'on nous reproche, et qui est inexact, dans ce projet à certains égards, du point de vue syndical, dans le sens de dire que le gouvernement va tout décréter dorénavant, ce qui n'est absolument pas le cas? J'imagine que ce n'est pas non plus votre recommandation. Quelle est-elle alors? (16 heures)

Mme Pelland-Baudry: Oui, je vais commencer et mes collègues pourront probablement continuer. Je me réfère d'abord à votre intervention: Est-ce le droit de grève ou l'exercice du droit de grève? C'est l'histoire de la poule ou l'oeuf. Qu'est-ce qui vient avant? De toute façon, nous représentons une corporation professionnelle et le législateur qui a décidé de donner le droit de grève a aussi décidé de donner comme principale responsabilité à une corporation professionnelle et aux professionnels qui composent cette corporation la protection du public.

Pour revenir à votre question de savoir si c'est le droit de grève ou l'exercice, je ne sais pas ce qui vient avant ou ce qui est le plus pertinent de traiter. De toute façon, je vous dirai que les deux dans la pratique, jusqu'à maintenant, nous ont amenés à prendre l'attitude que nous vous présentons aujourd'hui parce que, dans la pratique, que ce soit le droit de grève ou l'exercice de celui-ci, cela a donné absolument les mêmes résultats, c'est-à-dire que les bénéficiaires ont été privés de services. Nous trouvons que c'est incompatible avec la responsabilité du professionnel lui-même et nous avons le témoignage de plusieurs de nos professionnels qui ont énormément de difficultés à vivre cette situation de savoir qu'ils ont la responsabilité de protéger le public et de donner des services à ce public - ils sont, à l'occasion d'ailleurs, bénéficiaires eux-mêmes - et de pouvoir exercer leur droit de grève comme on leur demande de l'exercer à l'heure actuelle.

Je ne sais pas si quelqu'une de mes compagnes voudrait intervenir. Non. Quel serait les recours de ces travailleuses ou travailleurs? Je pense que votre avant-projet en mentionne déjà quelques-uns. On parle d'arbitrage obligatoire. On parle de conciliateur. On parle de médiateur-arbitre.

Lors des audiences d'il y a deux ans et demi, je crois, divers organismes s'étaient référés à différentes solutions. On avait mentionné l'offre finale. Je pense qu'on y revient. Nous-mêmes, dans le document que nous avions présenté, disions simplement être contre le retrait des services à ce moment-là. Nous proposions une solution. Nous proposions, entre autres, qu'un organisme permanent soit créé, une espèce de régie, et

que cet organisme soit formé de spécialistes reconnus pour leur impartialité et leur connaissance du domaine des relations du travail dans le secteur de la santé et jouissant de crédibilité auprès des parties en cause. Ce seraient des moyens pour nos travailleurs et travailleuses, nos professionnels des soins infirmiers, de se faire entendre. Je sais que certains organismes, à ce moment-là, s'étaient référés à certaines expériences faites aux États-Unis. Il y a des articles, et je peux me référer à l'article de M. Martin, un médiateur qui est assez connu, qui fait référence à certaines expériences qui ont été faites aux États-Unis. Je pense que nous avons dit que nous n'avions pas l'expertise mais ce que nous demandons c'est de chercher sérieusement des moyens pour permettre à nos professionnels de ne pas être pris entre leur obligation de professionnel et la possibilité d'exercer leur droit de grève, tel qu'ils sont amenés à l'exercer à l'heure actuelle.

Est-ce que quelqu'un d'autre veut ajouter quelque chose?

M. Clair: Je pense que vous faites état d'autres possibilités, d'autres substituts au droit de grève. Cette question me paraît fondamentale. Au delà de la question du droit naturel, de la primauté des droits sur le plan humain, je pense qu'il faut, en matière de droits collectifs, trouver des substituts au droit de grève. Ce n'est pas, je pense, en enlevant des droits et en ignorant les conséquences de l'enlèvement de ces droits qu'on va faire avancer les choses. C'est pour cela que l'avant-projet, par exemple, prévoit, sur les questions locales décentralisées, comme substitut au droit de grève, le statu quo dans la base des conditions, la médiation, et la médiation-arbitrage, éventuellement, la création d'un institut de recherche en rémunération et tout un processus de négociation quasi continue, finalement, sur la rémunération comme substitut au droit de grève et l'acceptation d'un certain nombre de principes qui sont reconnus.

C'est, jusqu'à maintenant, mon opinion personnelle et je pense bien qu'elle est largement partagée par tous les membres de ma formation politique. On ne peut pas envisager le retrait du droit de grève, par exemple, dans l'ensemble des services de santé sans qu'il y ait de substitut valable, efficace, ayant des standards très élevés de respect des règles du jeu, de la démocratie et du droit des salariés de faire valoir leur point de vue et leurs intérêts.

Sur le même sujet, avant d'aborder une autre question, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec doit regrouper combien? 50 000 membres, environ.

Mme Pelland-Baudry: 53 000.

M. Clair: 53 000 membres. Vous avez vous-même affirmé tantôt, Mme Pelland-Baudry, que vos membres étaient tiraillés par, dans le fond, une double allégeance ou une double préoccupation; d'une part, leur serment d'office, en quelque sorte, ou leur vocation, leur mandat en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et la Loi sur les infirmières et les infirmiers; d'autre part, à cause des mécanismes de négociation du secteur public et du genre de syndicalisme, de règles du jeu que nous avons, à peu près tous vos membres ou l'immense majorité d'entre elles et d'entre eux sont par ailleurs syndiqués dans l'un des syndicats d'infirmières et d'infirmiers.

La question qui vient à l'esprit de toute personne et qui me vient à l'esprit en vous entendant aujourd'hui demander, d'une part, l'abolition du droit de grève dans les services de santé et, d'autre part, vous entendant me dire que vos membres sont mal à l'aise, la question qui me vient, c'est: Est-ce que je dois entendre et recevoir davantage l'opinion de l'ordre, qui dit "abolition du droit de grève" ou, de l'autre côté, celle des syndicats? Jusqu'à maintenant, même si certains syndicats d'infirmières et d'infirmiers ont évolué sur ces questions, il n'y a pas encore une majorité qui me demande de retirer ce droit de grève.

Ma question est la suivante: En termes de représentativité, est-ce que vous avez fait des sondages, est-ce que vous avez recueilli l'opinion de vos membres ou si, quand vous faites cette affirmation et que vous prenez cette position, c'est davantage le résultat d'une réflexion au niveau de la direction de l'ordre et que c'est basé également sur des impressions en ce qui concerne le malaise que vous évoquiez chez les infirmiers et infirmières du Québec au moment où vient le temps de prendre la décision d'aller en grève ou pas? Est-ce que vous avez des statistiques ou des sondages qui ont été faits là-dessus, une consultation générale ou partielle? Qu'en est-il?

Mme Pelland-Baudry: Nous n'avons pas fait de sondage sur ce sujet. Ce n'est pas uniquement une décision des représentants de l'ordre, cependant. Depuis plusieurs années que le droit de grève est exercé par nos membres, nous avons recueilli des témoignages et nous continuons d'en recueillir continuellement.

Des statistiques, je n'en ai pas qui concernent uniquement les infirmières, mais je pense qu'on peut se référer à des statistiques qui avaient été fournies en 1982. Je pense qu'elles sont encore très pertinentes parce que beaucoup de situations sont encore très pertinentes à celles qui avaient été décrites en 1982. En 1982, vous vous

rappellerez probablement le sondage CROP de la Presse qui avait été fait et qui disait alors que l'ensemble des Québécois s'opposait à l'exercice du droit de grève dans les hôpitaux dans la proportion de 89%; dans les écoles, dans la proportion de 85% et, dans les services de police et de pompiers, à 90%. On ajoutait un peu plus loin que les syndiqués eux-mêmes étaient réticents au droit de grève dans les secteurs publics et spécialement dans les hôpitaux, dans une proportion de 78%. Là, on le donne pour l'ensemble des services publics mais je pense qu'on peut faire un parallèle avec l'ensemble des membres de la profession, qui sont très mal à l'aise avec le droit de grève et l'utilisation de celui-ci dans le secteur public et spécialement dans le milieu des affaires sociales.

M. Clair: Merci. Je voudrais maitenant aborder un deuxième sujet, la question...

Mme Pelland-Baudry: Je pense qu'un collègue veut...

M. Bourbonnais (Pierre): Je ne prétends pas nécessairement répondre entièrement à la question que vous nous posez mais celle-ci, en regard de la représentation de l'ordre, pourrait peut-être également se poser à l'endroit des représentants des différents syndicats.

Il est une réalité, je pense, l'infirmière, par son code de déontologie et par ses valeurs professionnelles reconnues ou non dans une loi ou dans un règlement, est en situation de conflits vécus - je pense que Mme Baudry a pu faire référence à cela tout à l'heure - lors de conflits qui dégénèrent très souvent, comme on le sait. À ce niveau-là, bien sûr, l'ordre suscite une réflexion et tente, au sein de la présente commission, de parler pour les silencieuses et les silencieux qui sont pris et qui ne peuvent pas toujours s'exprimer et ce, même au sein du syndicalisme. C'est dans ce sens-là que, bien sûr, nous avons nos limites en regard de la représentation que nous avons aujourd'hui mais je pense que la question peut aussi se poser à l'endroit des représentants des différentes associations de salariés où nos membres sont regroupés.

Mme Pelland-Baudry: Sans avoir de statistique, nous pouvons dire cependant que lorsque nous avons à intervenir, malheureusement, parce qu'en cas de conflits certains de nos membres sont accusés d'actes dérogatoires... Cela a très souvent une importance non seulement pour les personnes qui sont accusées mais pour énormément d'infirmières qui sont sensibilisées à de tels actes. Les réactions qui nous sont connues vont dans le sens de dire: C'est vrai, nous sommes prises dans un étau, dans des situations où on n'a vraiment pas le choix de penser à notre première responsabilité. Nous sommes obligées d'intervenir, vous le savez.

M. Clair: Merci. Je voudrais aborder la deuxième question. J'ai encore un peu de temps, M. le Président. Il s'agit de la question des services essentiels, et je vais tenter de faire vite. Au fond, ce que vous indiquez et ce que sous-tend votre position sur la question des services essentiels, c'est de dire, à toutes fins utiles, que tous les services en matière de santé, en tout cas ceux dispensés par les infirmiers et infirmières, sont de la nature des services essentiels, et essayer de discriminer là-dedans c'est très très difficile.

Une question qui vient immédiatement dans la bouche de quelqu'un qui défendrait la thèse contraire serait de dire: Est-ce que le niveau de services dans les hôpitaux, par exemple, est le même à longueur d'année, douze mois par année, 24 heures par jour? J'entends par là le niveau de services la nuit, le niveau de services la fin de semaine, pendant les vacances estivales. Je me suis moi-même fait poser la question dans de multiples occasions par des syndiqués qui affirmaient: Si vous pensez à l'abolition du droit de grève dans le secteur hospitalier, en prétextant l'impossibilité de développer des services essentiels, comment se fait-il que pendant l'été il y a tant de personnes absentes - je n'ai pas de chiffres en tête mais disons 10% du personnel est absent -que la nuit le niveau de services est moins élevé, etc., etc. ? Qu'est-ce que vous répondez à cet argument? (16 h 15)

Mme Pelland-Baudry: Pour avoir fait le tour du sujet, je pense qu'on s'est arrêtées nous aussi à dire: On va essayer de voir s'il y a des endroits où les services pourraient être moins essentiels et en quelle période de l'année. On regarde, par exemple, dans les types d'institutions. Est-ce que dans les soins de courte durée on pourrait dire que des types de services essentiels sont parfois non nécessaires? Plus ça va, plus on sait, compte tenu des orientations du gouvernement, des orientations du système de santé, que les temps d'hospitalisation dans les soins de courte durée sont courts. C'est de plus en plus court. Donc, c'est toujours des malades en phase aiguë. Concernant les soins prolongés, il n'y a sûrement pas moyen de penser que des malades en institution de soins prolongés ne nécessitent pas toujours des soins essentiels. Dans les centres d'accueil et d'hébergement, on répète à longueur d'année, depuis quelques années, l'alourdissement de la clientèle qui ne diminuera pas, mais qui va aller en augmentant. En centres de réadaptation, c'est aussi une clientèle très lourde, sans cela elle n'y serait pas. On serait peut-être

tenté de dire: Dans les CLSC. Mais, si on regarde le rôle que veulent faire jouer aux CLSC, dans l'organisation et l'orientation du système de santé, nos dirigeants, on pense que les CLSC devraient s'en aller vers les satisfactions de besoins que ne donnent pas les autres institutions et probablement augmenter non seulement en quantité sur le nombre, mais en quantité sur les heures d'ouverture, ce qui nous amènerait peut-être à dire 24 heures par jour, éventuellement, sept jours par semaine. On parle beaucoup des urgences à l'heure actuelle. Je pense que, dans l'orientation du système de santé, on avait prévu que les CLSC pourraient aussi alléger les urgences et être un moyen de contrer les problèmes qu'on a dans les urgences à l'heure actuelle.

La question de l'été, elle nous est souvent amenée. Pour les gens qui y ont travaillé - peut-être que mes collègues de ma gauche pourront compléter à ce moment-là - pour les gens qui connaissent le milieu hospitalier, pour y avoir été en tant que soignante et en tant qu'organisatrice des services, au moment où on diminue effectivement le nombre de lits, le nombre de bénéficiaires dans les centres, on le fait graduellement, ce qui n'est pas le cas en situation de conflit de grève. C'est brusque, c'est radical, c'est souvent sans trop d'organisation et de planification, ce qui n'est pas le cas l'été. C'est habituellement planifié et pour un nombre assez limité, compte tenu de ce que l'on vit en situation de conflit de travail.

Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?

Mme Guimond (Thérèse): Ce que j'ajouterais, c'est qu'ayant vécu plusieurs grèves à l'intérieur des centres hospitaliers de soins aigus et de soins prolongés, ayant vécu aussi des fermetures de lits au cours de l'été ou à d'autre périodes, par exemple le temps de Noël, je puis vous affirmer que la situation est drôlement différente. Vous avez le climat, et c'est facile à expliquer. La situation de négociation au moment où les gens entrent en grève ou décident d'entrer en grève, il y a toute une période où on ne se préoccupe pas trop, parce qu'on est pris dans les négociations au niveau du gouvernement et des tables de concertation. Mais, dans les centres hospitaliers, nous vivons de 6 à 8 à 10 semaines de préparation de cet état de grève et le climat est loin d'être celui qui accompagne les fermetures de lits pour le bénéfice du personnel, soit les vacances à la période de Noël ou à la période de l'été. Je trouve facile cet argument et c'est rester en surface que de penser que c'est le seul qui doit être retenu puisqu'à toutes fins utiles on accuserait, finalement, l'administrateur ou le gouvernement de ne pas imputer suffisamment d'argent pour que tous les services soient ouverts douze mois par année. Il y a cela derrière l'accusation qu'on fait; quand plusieurs personnes apportent à un ministre, par exemple, cette accusation ou cette comparaison, il y a une accusation derrière cela.

M. Clair: Vous dites que les vacances d'été, par exemple, cela se planifie, cela se fait en termes de décroissance progressive et non pas d'une manière brusque, non plus que totale. Si le service essentiel reconnu c'est la présence de 2% du personnel, c'est évident que les services essentiels dans une institution du type de celui dont on a tellement parlé, par exemple, à Saint-Ferdinand d'Halifax, récemment, cela ne peut être cela une définition de services essentiels. Mais, dans la mesure où vous reconnaissez que c'est effectivement possible de réduire le niveau de services sans pour autant mettre en danger la vie, la sécurité et la santé de qui que ce soit, si je renverse votre argument, n'est-ce pas précisément un argument qui, objectivement, pourrait militer en faveur du maintien d'une notion de services essentiels dans la mesure où, effectivement, cela est une règle du jeu qui est acceptée par les parties et où on s'assure qu'il n'y aura pas de fermeture totale et brusque des services? Autrement dit, est-ce que l'argument ne se revire pas en faveur de la notion de services essentiels?

Mme Guimond: M. le Président, il y a services essentiels et services essentiels. Encore selon mon expérience de ce que j'ai vu, les services essentiels qui, à toutes fins utiles, ne sont pas décrits dans l'avant-projet de loi et qui n'ont jamais été décrits, qu'est-ce que c'est des services essentiels? Je peux vous dire ce que j'ai vécu. Ce sont d'abord des services essentiels qu'on fait. C'est 80 jours avant qu'il faut les déposer. Déjà là, il y a quelque chose d'assez comique. Quand on parle d'un hôpital de soins prolongés et de centres d'accueil, on peut penser que c'est la même clientèle. Mais, quand on parle d'un hôpital de soins de courte durée, c'est absolument aberrant de penser que 80 jours avant on va savoir exactement l'état de la clientèle.

J'ai vu des listes de services essentiels...

M. Clair: Je m'excuse de vous interrompre.

Mme Guimond: Oui.

M. Clair: Mais quelqu'un pourrait argumenter que cela peut être la même chose en été.

Mme Guimond: Oui, mais on réajuste en

été. On réajuste aussi... Je vais essayer de vous parler d'une expérience que j'ai vécue, mais je ne peux prendre toute la province. Je n'ai pas été partout dans la province.

M. Clair: Non, mais je pense que cela peut être utile. Je ne pose pas toutes ces questions pour vous embarrasser mais, au contraire, pour faire profiter les membres de vos expériences.

Mme Guimond: Non, non. Mais on essaie aussi de réfléchir là-dessus et de comprendre ce que cela peut être, des services essentiels. Une liste de services essentiels, cela peut être celle-ci en situation de grève: deux infirmières de jour pour une unité, pas d'infirmière le soir et pas d'infirmière la nuit. Je vous défie de trouver cela pendant l'été. Cela peut être un préposé aux deux jours pour faire l'entretien ménager dans tout un hôpital de 300 lits. J'ai vu des listes de services essentiels comme cela. Vous savez que la liste de services essentiels, c'est celle du syndicat qui l'emporte parce que c'est ce qui est écrit.

C'est avec cela qu'on a vécu. Je sais qu'il y a des centres qui ont réussi ce qu'on appelle des services essentiels mais ce n'était jamais ce qu'on maintient l'été dans un certain nombre d'unités données. Vous fermez des unités complètes mais vous n'arrivez pas à discuter, au niveau des soins intensifs, par exemple, des services essentiels pendant l'été. La main-d'oeuvre est mise là prioritairement. C'est la même chose pour l'hémodyalise. Quand on discute de services essentiels, je me dis qu'on ne peut comparer cela du tout à une fermeture au moment de l'été ou des fêtes. Pas du tout.

M. Clair: Je vous remercie. Le dernier sujet, à la page 8 de votre mémoire, de même qu'à la page 9. Vous indiquez, à la fin de la page 8, en ce qui concerne l'information de la population et la participation des bénéficiaires: "Par ailleurs, l'avant-projet n'est pas allé assez loin en regard de la participation des bénéficiaires, surtout si l'on considère qu'ils réclament d'être entendus depuis des années. Cette participation pourrait prendre diverses formes: une représentation au Conseil des services essentiels - mais qui disparaîtrait dans la mesure où votre proposition serait acceptée; en tout cas, il n'y aurait pas de rôle, pas de mandat dans ce secteur - une consultation des groupes concernés - ce n'est pas très élaboré - la nomination par ces groupes de personnes pour les représenter. " Vous y refaites allusion également à la fin de la page 9 en demandant "que l'avant-projet soit doté de mécanismes ou de dispositions permettant que les bénéficiaires soient consultés et entendus, et que leurs intérêts soient pris en considération dans le processus de négociation. "

C'est certainement un objectif louable, valable en soi. Je me souviens, par exemple, à l'époque où j'étais dans un autre secteur, celui des transports, d'avoir longuement réfléchi, cherché moyen de faire en sorte que les usagers du transport en commun, qui, dans certains cas, réclamaient une représentation au niveau du conseil d'administration, soient impliqués. Mais, à part de nommer quelqu'un, de l'obliger d'être un usager du transport en commun et d'être sur la route à longueur d'année à consulter les gens, je n'étais pas parvenu à trouver de moyens, à part celui d'organiser une élection générale pour élire les membres d'une commission de transport. Encore là, il faudrait vérifier les tickets. Cela devient impossible. C'est un peu ici le même problème. Jusqu'à maintenant les bénéficiaires ont été impliqués dans la gestion des soins de santé et des services sociaux par la nomination de ce qu'on appelle les "socio-économiques" au niveau des conseils d'administration des établissements, que ce soit le réseau hospitalier ou les autres réseaux. Ma question est celle-ci: En dehors de ce principe valable, généreux et qui serait souhaitable, comment voyez-vous une implication plus articulée, plus développée? Comment est-ce que l'implication des bénéficiaires dans ce processus de négociation se passerait sur le plan opérationnel? Avez-vous des idées plus précises là-dessus à part celle de le souhaiter comme objectif?

Mme Guimond: M. le ministre, je pense que le regroupement des bénéficiaires du secteur de la santé est très différent de celui des bénéficiaires des services publics dans le domaine du transport, entre autres, même si vous vous y référez.

M. Clair. Sûrement.

Mme Guimond: II n'y a probablement pas de regroupement spontané ou organisé des gens qui voyagent. Par contre, des regroupements de bénéficiaires du domaine de la santé existent - ils sont très bien connus - qui sont prêts à se faire entendre, je pense. Je n'ai pas besoin de les nommer. Ils sont assez nombreux et très bien connus. On peut facilement les consulter. Comment les amener à être entendus? Je pense qu'il y a différents moyens. Je vais me référer encore au document que nous avons présenté en 1982. C'est vrai que, si le droit de grève n'existait pas, on n'aurait pas besoin de déterminer des services essentiels à ce moment-là, mais on pense qu'il pourrait quand même y avoir un organisme qui serait un mécanisme quelconque où les parties se rencontreraient qui, obligatoirement, devrait

consulter des représentants de bénéficiaires, lesquels pourraient se faire entendre par des personnes comme le Protecteur du citoyen. Enfin, ils pourraient prendre qui ils voudraient comme représentant de leurs intérêts ou eux-mêmes nommer des personnes. Je pense qu'il y aurait moyen de trouver un mécanisme quelconque, un organisme quelconque, à un niveau très près du décisionnel, qui devrait avoir la responsabilité de consulter et de penser aux bénéficiaires qui sont, dans le secteur de la santé - je le répète - regroupés et facilement identifiables.

M. Clair: Ce serait plus par le biais d'une consultation de ces gens que par une implication des représentants des bénéficiaires dans le processus même de négociation? C'est plus en termes de consultation des bénéficiaires?

Mme Pelland-Baudry: L'organisme qui pourrait exister pourrait avoir comme responsabilité de consulter continuellement ou d'impliquer continuellement, à chacune des étapes de négociation, les bénéficiaires. Il s'agirait de définir ce mécanisme.

M. Clair: Comme je vous l'indiquais tantôt, je sais à quel groupe vous faites référence, lorsque vous dites que de tels groupes existent déjà. Il en existe aussi dans le secteur des transports. ,

Mme Pelland-Baudry: II en existe plusieurs.

M. Clair: II en existe dans tous les secteurs des associations, de bénéficiaires ou de consommateurs de certains services, qu'ils soient publics ou privés d'ailleurs, mais il y a toujours, premièrement, la question de la représentativité qui se pose et, deuxièmement, la question d'opérationnaliser l'implication de tiers qui ne sont pas partie prenante à une négociation ou à la détermination de règles budgétaires, de règles du jeu ou autres. Les impliquer là-dedans, c'est très compliqué et c'est pour cela que je vous demandais si vous aviez trouvé la solution à ce problème.

M. le Président, quant à moi, ce sont les questions que je voulais poser à l'Ordre des infirmières et infirmiers. J'aurai peut-être l'occasion de revenir à la fin si les débats suscitent d'autres interrogations. Peut-être que monsieur voulait...

M. Bourbonnais: J'aurai simplement une remarque à faire en regard d'une représentation au Conseil des services essentiels. Je comprends qu'il y a deux personnes actuellement qui peuvent être nommées et agir comme représentants d'organismes socio-économiques. On consulte, à ce moment-là, le Protecteur du citoyen, le Comité de la protection de la jeunesse, etc. Ce que je me dis, c'est qu'il devrait y avoir certainement, dans le cadre des pouvoirs qui sont accordés au Conseil des services essentiels, une place privilégiée pour les bénéficiaires lorsque c'est le domaine de la santé qui est concerné, surtout que l'on sait que le projet de loi accorde des pouvoirs surprenants et intéressants à ce conseil dans le cadre de conflits. À ce moment-là, pourquoi ne verrait-on pas des représentants des bénéficiaires, également, prendre part aux décisions du Conseil des services essentiels? (16 h 30)

M. Clair: C'est un bon exemple. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): D'accord. Je cède la parole au député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. Au point de vue pratique, on a l'intention de réserver quatre à cinq minutes de notre temps au député de Verdun. Donc, voulez-vous m'avertir quand on sera rendu là?

Le Président (M. Lachance): Très bien.

M. Polak: D'abord, au nom de l'Opposition, je voudrais féliciter l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec d'être venu ici, d'avoir préparé un mémoire. J'ai d'ailleurs noté que le ministre vous a félicités pour être déjà venus plusieurs fois, notamment en 1982. Dans votre mémoire, vous vous référez à 1982. Il y a déjà une grande différence entre le ministre et nous, c'est que, moi au moins, j'ai appris quelque chose de vous depuis 1982 et lui n'a pas encore appris beaucoup parce que je n'ai pas vu beaucoup de vos suggestions qui ont été acceptées depuis 1982. C'est très important pour la population. Très souvent, dans une commission comme celle-ci, j'ai essayé depuis 1981, depuis que je suis ici, de convaincre le gouvernement d'accepter d'autres opinions, et c'est très difficile. De temps en temps, il faut les oublier. On parle devant ceux qui nous écoutent et qui veulent savoir ce qu'il y a exactement dans des termes faciles et logiques. Vous dites - et je trouve cela très important - que vous êtes déjà venus; vous êtes tout de même représentatifs d'un organisme très important, et moi et ma formation politique, respectons énormément le travail des infirmières et infirmiers...

Vous dites ici, d'abord à la page 2: II y a le droit de la population de recevoir en tout temps - il faut bien comprendre, vous dites: de recevoir en tout temps, pas de temps en temps, pas par des petits services essentiels ici et là, pas seulement l'hiver et pas l'été, pas quand c'est le temps de faire

des cadeaux ou de ne pas en faire, mais en tout temps - vous dites: "La population a droit à des services de santé et des services sociaux. " Vous allez beaucoup plus loin à la page 5 quand vous dites: "Le droit de grève dans le secteur de la santé - on parle du secteur de la santé - n'est plus une réalité désirée, tolérée et acceptée. " Peut-être qu'il y a une évolution depuis 1982, peut-être étiez-vous des avant-gardistes en 1982 et que vous êtes maintenant des réalistes en 1985, mais, à tout événement, vous le dites très clairement. Le ministre a tenté d'expliquer que c'était une question de terminologie. Vous êtes en faveur de l'abolition du droit de grève dans le secteur de la santé. Mais, vraiment, la solution dans l'avant-projet de loi ne diffère pas beaucoup de ce que vous suggérez. C'est une question de terminologie. Et, là, il vient de dire qu'il y a toutes sortes de manières d'agir, qu'il n'y a presque plus de grève et que, s'il y a une grève, ce sera une grève douce; cela va se régler à l'amiable.

Je veux répéter ici que j'étais devant la commission tenue par la ministre Mme Marois quand on a parlé des services essentiels. Je me rappelle très bien parce que les mêmes points ont été soulevés par vous ou par d'autres organismes et par le syndicat qui, heureusement, était présent à ce moment-là et, malheureusement, ils sont absents aujourd'hui. J'aurais bien aimé les questionner aujourd'hui, mais qu'est-ce qu'on peut faire? La remarque a été faite par MM. Laberge et Rodrigue. Je me rappelle bien: Une grève, pour réussir, doit faire du mal. C'est un principe. C'est son métier, je le respecte pour son métier. Mais il faut bien comprendre qu'il a dit: C'est le principe, il n'y a pas moyen d'y déroger. Une grève, pour réussir, doit faire du mal.

Le ministre parle d'une grève douce et des services essentiels. Par exemple, la grève d'autobus qu'on a eue à Montréal dernièrement, je peux vous assurer que c'était peut-être une grève douce pour certaines catégories de travailleurs, pour ceux qui prenaient l'autobus aux heures de pointe, mais ce n'était pas une grève douce du tout. C'était une grève qui faisait beaucoup de mal, dans le comté de Sainte-Anne et dans le comté de mon voisin de Verdun, aux assistés sociaux qui n'avaient pas d'argent pour prendre un taxi ou la grande limousine que le ministre utilise quand il voyage. C'était une grève très dure pour les personnes âgées et pour les étudiants. Il y a des catégories de milliers et de milliers d'usagers. Pour eux, cette grève était aussi dure que si cela n'avait pas été une grève douce. Quand le ministre essaie de... Je suis très content que vous ayez gardé votre position, parce que je pense comprendre que vous dites: Pas de grève en tout temps. C'est ce que vous avez dit dans votre document et vous le répétez. Lui, c'est un peu comme... II y a une ancienne expression anglaise qui dit: "I think I am a little bit pregnant", "Je pense que je suis un peu enceinte". Ce n'est pas possible, M. le ministre. On est enceinte ou on ne l'est pas. Ou encore on va changer l'expression sur le plan politique. De nos jours, un péquiste qui dit: Je suis souverainiste-néofédéraliste, ce n'est pas possible non plus.

M. Clair: Libéral-conservateur.

M. Polak: En tout cas, madame, je dois vous dire que, peut-être vous êtes en face d'un mouvement qui essaie d'être de tous les côtés de la clôture. Au moins, en ce qui nous concerne, nous serons prêts à vous écouter, à apprendre et à bien comprendre votre explication quand vous dites: grèves prohibées dans le secteur de la santé.

Le groupe qui vous a précédés et à qui je posais la question: Est-ce que cela veut dire que cela inclut tous les établissements du secteur de la santé? a répondu oui. Pour vous, est-ce que... Je comprends que vous travaillez plutôt dans le domaine hospitalier, mais, les autres établissements du secteur social, croyez-vous qu'ils sont inclus dans cette formulation?

Mme Pelland-Baudry: Je pense que la réponse que j'ai donnée tout à l'heure en essayant de décrire l'exercice que nous avons fait... Compte tenu des divers types d'institutions dans lesquelles nous travaillons: centres de courte durée, soins prolongés, centres d'accueil d'hébergement et de réadaptation, CLSC, cela nous a amenés à dire oui dans tous les types de milieux où nos services sont nécessaires et dans les affaires sociales en général.

M. Polak: Évidemment, il y a la contrepartie de cet élément de grève défendue, comme, d'ailleurs, le groupe qui vous a précédés l'a expliqué, c'est qu'il faut prendre aussi le côté syndical. Disons que le droit de grève est prohibé dans ce secteur. Comment va-t-on être certain et comment voyez-vous qu'il peut y avoir tout de même des négociations, au moins l'établissement d'une manière objective de conditions de travail? Je comprends qu'il y a l'élément national, l'élément local et régional et je ne veux pas aller dans tous les détails. Je veux en rester aux grands principes. Comment pourriez-vous répondre, par exemple, si M. Laberge était ici et vous posait la question: C'est bien beau, madame, que vous recommandiez d'abolir cela, mais comment peut-on retourner à nos membres pour leur dire: Voici un mécanisme du système qui va vous garantir tout de même d'une manière objective que vous aurez un résultat acceptable?

Mme Pelland-Baudry: II y a différents moyens. Je pense que l'avant-projet de loi en prévoit quelques-uns. Entre autres, il y a l'arbitrage obligatoire. On part du fait que, si on était sérieux, de part et d'autre, on empêcherait certaines situations de se dégrader et la négociation empêcherait des conflits sérieux de s'installer qui mènent très souvent à la grève. On dit: "Si on était sérieux, de part et d'autre", pas seulement de la part des syndiqués; de la part également des administrateurs. C'est ce que notre mémoire veut véhiculer également. Si je l'applique maintenant aux infirmières, il y a déjà tout le secteur des salaires que l'avant-projet de loi prévoit pour un institut. Si j'applique maintenant le reste qui pourrait être négocié pour nos infirmières, c'est-à-dire les conditions de travail, le milieu de travail, l'environnement, cela aussi pourrait être négocié continuellement. À mesure que des situations difficiles sont vécues, quel que soit le milieu de travail, si on y faisait attention et qu'on essayait d'aller vraiment au coeur des vrais problèmes, je pense qu'on n'arriverait pas à des conflits majeurs qui mènent à des déclenchements de grèves.

M. Polak: D'accord.

Mme Pelland-Baudry: Je ne sais pas si mes collègues veulent ajouter quelque chose.

Mme Guimond: De toute façon, nous sentons une certaine volonté du gouvernement d'interdire la grève dans les centres hospitaliers, entre autres. C'est ce que nous avons comme expérience assez récente. Les hôpitaux ne sont pas allés en grève la dernière fois, à quelques heures près. On s'en souvient. On se dit: Le gouvernement qui laisse un droit de grève et qui, à toutes fins utiles, utilise le décret et que c'est bien inscrit dans le code, cela nous fait se demander si on peut vraiment exercer un droit de grève, en réalité.

Je crois que si d'autres pays y arrivent - nous aimons beaucoup nous comparer à la France, je pense que c'est un pays où le droit de grève dans les hôpitaux n'existe pas ou n'est jamais utilisé. Aux États-Unis, plusieurs des États ne reconnaissent pas aux personnels des hôpitaux, du milieu hospitalier et autres secteurs de la santé le droit d'exercer la grève. Ici, nous l'avons donné croyant que notre population aurait cette sagesse de ne pas l'utiliser. Mais ce n'est pas ce que nous avons vu.

M. Polak: On parle du droit de grève, de la période qui précède la grève ou la menace de grève, et vous avez fait référence tout à l'heure à la négociation. Est-ce une négociation avec un couteau au-dessus de la tête? Savez-vous qu'il peut tomber? J'ai toujours cru par la description; je me rappelle que, dans le temps, je fus très impressionné par M. Brunet qui était venu témoigner et qui nous avait donné des exemples de quelqu'un qui passe une journée dans une institution hospitalière et qui nous a décrit ce qui est arrivé.

L'infirmière qui était encore mon amie hier et avec qui je parlais, qui lisait la lettre que j'avais reçue de ma mère, etc., soudainement elle commence à devenir un peu plus timide et ne me parle plus après deux semaines. C'est ce que je veux dire. Même avant une grève. Donc, cela doit affecter la clientèle, le patient qui est là.

Mme Guimond: Je pense que le gouvernement est bien au courant de tout ce qui se passe dans les hôpitaux avant qu'une grève éclate. C'est une période de plus en plus difficile.

M. Polak: D'accord.

Mme Pelland-Baudry: Est-ce que je peux ajouter quelque chose?

M. Polak: Oui.

Mme Pelland-Baudry: Et peut-être que ma collègue de l'extrême gauche pourra compléter parce qu'elle a une expérience très pertinente en milieu psychiatrique.

Vous parlez des temps de négociation. Les temps de négociation, qui ne déboucheraient pas nécessairement, puisque la négociation serait permanente, sur un conflit tel qu'une grève, seraient vécus beaucoup plus facilement et avec beaucoup moins d'anxiété par les bénéficiaires. Maintenant, ces périodes de négociation, et encore plus en période de grève, sont vécues par des bénéficiaires et par plusieurs types de bénéficiaires de façon désastreuse. Cela amène un certain nombre de personnels, à leur corps défendant, un certain nombre de professionnels devrais-je dire, à utiliser des moyens qui, en temps ordinaire, ne sont pas utilisés. Je ne donnerai qu'un seul moyen, et je pense que ma collègue va pouvoir en parler en toute connaissance de cause, c'est la surmédicalisation qui précède un conflit anticipé et des négociations qui peuvent aboutir à un conflit tel qu'une grève. C'est vécu dans plusieurs secteurs et si France veut en parler.

Mme Duchesne (France): Oui, je pense que Mme Baudry fait référence à l'expérience qu'on vit en milieu psychiatrique avant le déclenchement d'une grève, pendant la grève et lors du retour au travail. Il est certain qu'en psychiatrie le travail principal de l'infirmière est d'établir un rapport, une relation de confiance avec les bénéficiaires. Les bénéficiaires peuvent être constamment menacés, non pas par l'infirmière mais par le

climat qui entoure le déclenchement d'une grève, de voir ce rapport de confiance s'effriter. En psychiatrie, pendant les grèves, on doit avoir recours automatiquement à une augmentation de l'administration de tranquillisants. Ce n'est pas par mauvaise volonté du personnel, mais simplement parce que l'anxiété des bénéficiaires est à son comble et il faut bien, à ce moment-là, reconnaître que leur état se détériore en situation de grève. Cela ne facilite pas, évidemment, lors du retour au travail des professionnels, le rétablissement des bénéficiaires dans une situation de confiance. (16 h 45)

M. Polak: D'accord. Dans un autre domaine...

Mme Pelland-Baudry: Je voudrais ajouter que ce qui est vécu dans le milieu psychiatrique est vécu également dans les centres d'hébergement avec les personnes âgées. On sait ce que cela prend pour démédicaliser des personnes âgées: une diminution graduelle de la quantité de médicaments. Alors, quand on doit l'augmenter de façon drastique, cela prend encore beaucoup plus de temps et c'est aux dépens d'un organisme qui doit le supporter.

M. Polak: D'accord. Une autre question. Dans votre mémoire, à la page 7, vous vous référez à un aspect positif de l'avant-projet de loi. Vous voyez, M. le ministre,, qu'ils ne sont pas toujours négatifs, ceux qui viennent ici, ils ont trouvé un aspect positif dans l'avant-projet de loi, c'est-à-dire l'Institut de recherche sur la rémunération.

Vous n'avez pas parlé de la composition de cet organisme. Vous savez, il y a treize personnes dont six du milieu syndical et six du milieu patronal et un président. On ne sait pas qui, mais il va jouer un rôle très important. Ce matin, la chambre de commerce a déclaré qu'elle ne préférait pas cette formule paritaire, pensant peut-être à l'expérience de la CSST, mais plutôt un organisme composé de gens experts dans le milieu.

Avez-vous pensé à cette composition? L'avez-vous étudiée ou pas du tout, ou si vous êtes d'accord avec la suggestion de la composition de cet institut?

Mme Pelland-Baudry: Moi, je ne m'y suis pas arrêtée, je ne sais pas si quelqu'un de mes compagnons ou de mes compagnes l'a fait. Je voudrais simplement ajouter que cet institut, c'est un syndicat qui l'a proposé en 1982. C'était une idée originale d'un syndicat dans un des mémoires. Je me suis référée à ce qui avait été préparé pour 1982 et je l'ai retrouvé dans le mémoire de la CSD.

M. Polak: D'accord, dernière question, M. le Président, avant que je passe la parole au député de Verdun. À la page 8, vous parlez du Conseil des services essentiels qui aura, selon l'avant-projet de loi, un rôle de redressement, un peu comme une autorité policière, disons. Vous dites dans votre mémoire que vous n'êtes pas d'accord avec cela parce qu'il relève du gouvernement de prendre les mesures qui s'imposent pour que les citoyens reçoivent les services auxquels ils ont droit.

Je ne sais pas si avant votre mémoire vous avez lu l'article écrit par Mme Lysiane Gagnon, qui s'appelle "Encore la lâcheté"; je l'ai ici devant moi. Elle parle de lâcheté en parlant de l'avant-projet de loi. Je la cite. Je trouve cela intéressant, c'est presque le mot-à-mot. Elle pense comme vous ou vous pensez comme elle, c'est intéressant.

Elle dit ici: "C'est le Conseil des services essentiels qui héritera des responsabilités que les politiciens n'ont pas eu le courage d'exercer. " Elle va un peu plus loin. Je comprends que c'est difficile pour vous de dire: M. le ministre, je vous accuse de lâcheté. Je ne demande pas cela; il faut être un peu plus poli, évidemment, quand on présente un mémoire. Mais n'est-ce pas ce que vous voulez dire dans votre mémoire, que vraiment il ne faut pas essayer de passer la responsabilité à un autre, que c'est le gouvernement qui doit faire face à ses responsabilités? N'est-ce pas ce que vous voulez dire?

Mme Pelland-Baudry: Oui, c'est ce que nous voulons dire. Le redressement qui est donné au Conseil des services essentiels... Si on part du fait qu'il est très difficile de définir les services essentiels - on n'y est pas arrivé jusqu'à maintenant, d'après nous -que c'est impossible à faire, cela nous amène à dire qu'un Conseil des services essentiels ne résoudra pas les problèmes; puisqu'il ne doit pas y avoir de grève, donc, il n'y aura pas de définition de services essentiels. Par contre, il devrait y avoir un organisme quelconque qui facilite la rencontre des parties en cause et qui puisse entendre à l'occasion les bénéficiaires.

M. Polak: D'accord. Je vous remercie, madame, d'avoir répondu à ma question. M. le Président, je transfère le temps qu'il nous reste au député de Verdun.

Le Président (M. Lachance): Très bien, M. le député. La parole est au député de Verdun.

M. Caron: Merci, M. le Président. Quelques mots seulement parce que le ministre a posé des questions que j'aurais aimé vous poser et mon collègue aussi. Je vous félicite aussi des commentaires que vous nous faites sur l'avant-projet de loi qui sera probablement modifié après avoir

entendu tous les groupes qui viendront ici.

La question a été posée ce matin concernant les coupures qui ont eu lieu il y a deux ans. À quel point cela a pu affecter le personnel?

Mme Pelland-Baudry: Dans certains milieux les coupures ont été subies, je ne dirai pas en douceur parce que des coupures c'est toujours un peu difficile parce que cela amène le personnel à repenser un peu le service et les priorités dans le service. Il y a des coupures qui ont été vécues de façon dramatique. Là, je ne voudrais pas accuser uniquement le pouvoir central, je pense qu'il y a eu aussi des problèmes d'organisation locale et de gestion locale mais pour être très précise, sans l'être trop trop, les coupures, après un certain temps, ne pouvaient plus être augmentées. Je pense qu'à certains endroits on a dû réajuster certaines coupures avec lesquelles on ne pouvait pas vivre. À l'heure actuelle il n'y a plus de gras sur les os où on peut couper de façon générale dans toute la province. Au contraire, il y a des endroits où on doit injecter dans les soins infirmiers.

M. Caron: Avec les coupures, cela a donné du travail additionnel au personnel. Est-ce que le personnel qui est obligé de traiter une trentaine ou une quarantaine de patients de plus... S'il n'y a qu'une ou deux infirmières sur le plancher je pense que c'est anormal qu'elles puissent donner les mêmes services qui se donnaient auparavant.

Mme Pelland-Baudry: D'autant plus que la clientèle change énormément. J'ai été amenée tout à l'heure à mentionner que dans les soins aigus ce sont toujours des bénéficiaires qui sont en phase aiguë de maladie. Je ne saurais trop insister sur certains aspects qui sont très importants à négocier pour les infirmières et qui seraient peut-être plus facilement négociables. Je ne veux pas entrer dans les responsabilités des syndicats, ils ont leurs responsabilités et ils les ont prises jusqu'à maintenant. Par contre, le fait de se joindre à certains autres travailleurs de la santé, certains autres professionnels, ne les a pas toujours bien servis, je crois.

Nous représentons des infirmières et nous sommes certaines que les infirmières doivent avoir un milieu, un environnement de travail pour être capables de donner le meilleur service qui est beaucoup plus indispensable que celui de certains autres travailleurs de la santé. Elles sont toujours sur la ligne de feu, quel que soit l'endroit où elles sont. Beaucoup plus dans certains secteurs mais je dirais que, de façon générale, les infirmières sont toujours sur la ligne de feu si on compare à d'autres professionnels de la santé qui sont un peu plus loin de la ligne de feu.

On n'a qu'à voir en période de conflit; videz l'hôpital des infirmières et ça va être la catastrophe en gardant tous les autres professionnels de la santé. Par contre, laissez les infirmières, faites disparaître la majeure partie des professionnels de la santé et je pense qu'on pourra continuer à fonctionner. On l'a déjà vécu. Il vaudrait la peine qu'on puisse négocier pour des infirmières des conditions de travail, des conditions de dispensation de soins qui soient très particulières et, entre autres, pour répondre à votre question, des conditions qui ne les amènenent pas à être continuellement surchargées.

M. Caron: Si je comprends bien, le fait que les coupures... Vous savez, on est dans les années quatre-vingt. Je pense que je n'irai pas aussi loin que ce que mon collègue a souligné tout à l'heure. Je ne blâmerai pas le ministre personnellement, parce qu'il est une personne au Conseil des ministres et c'est un groupe. J'espère qu'après avoir entendu votre exposé et les autres ils se pencheront sur les problèmes dans les hôpitaux du Québec. Il ne faut pas généraliser non plus. Il y a aussi des hôpitaux qui ont moins de problèmes qu'ailleurs. Je suis personnellement assez chanceux dans ma section de ne pas avoir de problèmes majeurs comparativement à d'autres. Là-dessus, il ne faut pas généraliser pour tout l'ensemble du Québec. Où je pense que le gouvernement...

M. Clair: Vous passerez le message à votre chef et au député de Brome-Missisquoi.

Une voix: II parle de la grève.

M. Caron: Écoutez! Je parle de la grève. M. le ministre...

M. Clair: Je m'excuse de vous avoir interrompu.

M. Caron:... je veux être très délicat et je voudrais essayer, dans mon exposé... Ici, on ne fera pas de politique sur le dos des malades. J'ai été dans des hôpitaux et je peux vous dire qu'il y a beaucoup de gens qui attendent. Samedi dernier, je suis allé à une place et il y avait beaucoup de gens qui attendaient dans le corridor, et ce n'était pas dans Verdun. Cela dit, je pense que l'article de La Presse dit vrai, que les politiciens doivent prendre leurs responsabilités. Personnellement - je parle en mon nom personnel - les services essentiels dans les hôpitaux, cela comprend tout, y compris le lavage des planchers, le lavage des draps, enfin, tout. Je suis certain que vous aurez l'appui de notre côté pour mettre fin... Il y a certains endroits qui ne sont pas

syndiqués et cela va très bien, aussi bien que dans d'autres. Il faut vivre avec les syndicats. C'est tout à fait normal que les paliers de gouvernement, quels qu'ils soient, doivent vivre avec les syndicats. Nous autres, on vit avec eux. Eux autres aussi doivent vivre avec nous autres. Mais s'il y a un endroit où on doit y mettre fin, je parle en mon nom personnel, je pense qu'il est temps qu'on mette fin à ces fameuses grèves dans les hôpitaux.

M. le ministre, vous avez dit quelque chose aussi ce matin. Je vais sortir un peu du sujet. Cela concerne la grève du transport en commun à Montréal. Je demeure à Montréal et je l'ai vécue. Évidemment, vous ne demeurez pas à Montréal. Vous vous basez sur des informations. Vous ne pouvez pas savoir tout ce qui se passe et c'est tout à fait normal. Je représente un secteur ouvrier, comme mon collègue de Sainte-Anne. On est voisins. Je peux vous dire qu'il y a des gens qui étaient obligés d'aller travailler les fins de semaine et d'y aller en taxi, aller-retour. Ils n'avaient pas les moyens de le faire et ils ont été obligés de le faire. C'est pour cela que durant les années quatre-vingt il va falloir - comme Mme Gagnon disait dans La Presse - qu'on prenne nos responsabilités. On est peureux souvent. On est peureux, pour avoir quelques votes d'un bord ou de l'autre.

Personnellement, je les félicite de prendre la position qu'ils prennent et j'espère pour tout le monde qu'ensemble, une fois pour toutes, on en finira. C'est la vie des humains. Demain, ce sera peut-être vous, ce sera peut-être moi. Le syndicat va le comprendre parce qu'avec le temps les syndiqués comprennent et il faut aussi les comprendre. À certains moments, il ne faut pas que les patrons ambitionnent sur eux autres. Depuis quelques années, ils ont compris le contexte économique difficile et je peux vous dire qu'il y a un rapprochement qui se fait. Il s'agit de le faire. Il s'agit aussi de prendre nos responsabilités. Je veux vous féliciter de votre travail et je veux vous dire que tout dans les hôpitaux, quel que soit le travail à faire, c'est essentiel. Je sais bien qu'une personne qui est dans un lit 24 heures par jour, les draps et les taies d'oreiller doivent être changés tous les jours. Je pense qu'il est assez difficile de se pencher et donner un juste milieu. Pour régler ce problème une fois pour toutes, qu'on abolisse donc le droit de grève dans les hôpitaux. (17 heures)

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Verdun. Je cède maintenant la parole au député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je pense que la question qu'il faut se poser c'est de savoir si l'abolition du droit de grève nous préserve de l'exercice du droit de grève. À cette question, vous n'avez pas répondu, pas plus d'ailleurs que le Parti libéral, qui s'imagine que le fait que décréter l'abolition du droit de grève va nous préserver pour toujours de l'exercice de cette grève. Le Parti libéral ne nous a pas encore fait savoir les sanctions qu'on réserverait aux syndicats qui ne respecteraient pas cette abolition. Il faudrait peut-être, à un moment donné, qu'on connaisse ces sanctions pour savoir s'il y a une efficacité au bout de ce décret d'abolition du droit de grève.

Il me semble que c'est là une première considération. Avant 1964, le droit de grève n'existait pas. Pourtant, on a connu des grèves illégales. On a connu une grève illégale encore cette année à Saint-Ferdinand. Ce n'est donc pas le fait d'abolir qui nous préserve de l'exercice. Je pense qu'on s'entend là-dessus. Cela peut avoir un effet dissuasif. Mais, ce matin, la chambre de commerce est venue nous dire qu'il faut que l'État prenne ses responsabilités et même, au besoin, avoir recours à des solutions extrêmes. On nous citait l'exemple de M. Reagan qui, effectivement, avait pris une solution extrême pour régler un cas de grève, qui avait tout simplement licencié les employés. Je pense que vous ne souhaitez pas cela et je ne pense pas que le Parti libéral souhaite des mesures aussi extrêmes. Quand il y a 5000 ou 10 000 personnes dans la rue, je pense qu'il n'y a aucune sanction possible. On peut toujours tenter de les appliquer mais en espérant que les syndicats vont se résoudre à accepter de rentrer au travail. C'est tout ce qu'on peut souhaiter. À un moment donné, devant une masse insatisfaite des conditions" qui lui sont faites, je pense que les solutions préconisées sont limitées à moins d'avoir recours, encore une fois, aux policiers ou à l'armée. Je pense que personne ne souhaite ces solutions.

Finalement, n'est-ce pas dans les mentalités qu'il faut changer? Vous avez parlé de la France tout à l'heure. Or, en France, on ne légifère pas sur la question du droit de grève. Dans ce pays, la mentalité fait que les syndicats n'abusent pas du droit de grève. C'est donc une question de mentalité.

Tout à l'heure, vous avez dit que les mentalités sont en voie de changer dans les hôpitaux. Vous avez constaté - vous êtes dans le milieu; on peut donc faire référence à votre expérience. Vous avez dit: Les mentalités changent. Les gens n'acceptent plus d'avoir recours à ce moyen. Vous avez parlé de la dernière négociation. Dans les hôpitaux, on n'a pas fait la grève. La question que je vous pose est: Est-on obligé d'abolir, d'aller jusque-là ou ne doit-on pas amener un changement de mentalité? Dans l'avant-projet de loi, c'est la solution qu'on

préconise. On limite le droit de grève. Il est aboli quant à la rémunération, pour tout ce qui touche la rémunération; il est maintenu pour ce qui touche le normatif. Si on a, malgré tout, recours à ce droit, le Conseil des services essentiels intervient et on sait ce que cela veut dire. On limite les effets que pourrait avoir cette grève dans une institution.

Ne croyez-vous pas qu'une mesure comme celle-là, prévue dans l'avant-projet, va dans le sens du changement des mentalités dont vous parlez? Plutôt que d'aller à coups de sanctions dans un projet de loi, je veux dire seulement préconiser l'abolition, cela ne sert à rien, c'est un principe en l'air, il faut prévoir des sanctions si on veut qu'il y ait une efficacité à cette abolition. Mais, entre un recours qui me semble extrême et un recours qui va dans le sens du changement des mentalités, ne croyez-vous pas que l'avant-projet pourrait répondre à ce voeu de la société entière qu'on change les mentalités au Québec en rapport avec l'utilisation du droit de grève?

Mme Guimond: Oui, je peux commencer. On est fortement d'accord avec vous pour penser que c'est un changement des mentalités qui est le plus important. On n'est pas naïves et naïfs à ce point pour penser qu'en enlevant le droit de grève les gens, dans certains endroits, n'exerceront pas un droit de grève. Lorsque vous avez un droit, vous êtes plus tenté de l'exercer que lorsqu'il n'est plus là. Est-ce que nous avons du temps devant nous pour changer les mentalités? Comment cela prend-il de temps pour changer les mentalités? Dix ans? Quinze ans? Vingt ans? Nous ne sommes pas dans le secteur du transport, nous sommes dans un secteur de vie et de mort, et je n'exagère pas.

Je dis: C'est vrai, les valeursl nous avons grandi avec des valeurs curieuses à certains points de vue. Lorsqu'on est rendu une société - je pense que Claude Brunet nous l'a bien dit en 1982 - qui se demande si on doit donner la primauté à la santé plutôt qu'au droit d'association collective, je me dis: Où est-on rendus? Avons-nous beaucoup de temps à donner à la population pour l'amener à changer de mentalité? N'avons-nous pas une population qui apprécierait - peut-être qu'on peut vérifier les sondages en 1985 - tout compte fait, d'avoir un petit coup de fouet pour changer les mentalités, parce, que je pense qu'on a commencé à changer les mentalités?

Si vous avez un Conseil des services essentiels qui intervient, je peux vous dire, par expérience, que celui-ci ne peut pas intervenir immédiatement. Ce qui se passe avec les services essentiels, c'est que vous avez à réagir à une situation d'une heure à l'autre dans les hôpitaux. Nous avons des exemples. J'en ai personnellement et nous en avons à l'ordre prouvant que des situations morbides se présentent autant à 9 heures le matin qu'à 11 heures, 17 hereus ou minuit le soir. Pour les services essentiels, tout conseil, et tout excellent conseil qu'il puisse être, ne peut pas réagir dans des délais aussi courts et il ne peut pas non plus réagir lorsqu'il a un territoire provincial à couvrir. C'est cette réflexion, rapidement dite, qui nous amène à dire que le Conseil des services essentiels, c'est bien, mais ce n'est pas pratique. Ce n'est pas pratique dans les services de santé; ce n'est pas pratique dans une unité de soins intensifs dans un hôpital. Cela ne peut pas changer une mentalité d'infirmière; cela ne peut pas changer une mentalité d'administrateur d'une minute à l'autre; ce n'est pas vrai. En 1985, d'après ce que nous avons vécu depuis X années, est-ce qu'il n'y a pas déjà un changement des mentalités d'amorcé pour pouvoir penser que le gouvernement a un geste officiel à poser pour appuyer cette partie de la population, qu'on peut souhaiter une majorité, qui est prête à sacrifier ce droit de grève dans les hôpitaux? Mais lorsque je dis cela, j'ai un peu peur de ce pouvoir du gouvernement, de ce pouvoir de l'État-employeur et je me dis, surtout avec le front commun et tout ce que cela entraîne, notre façon de négocier ici dans la province, que le gouvernement aussi, celui qui a le pouvoir, doit regarder sérieusement les étapes de négociation. Le droit, il l'enlève aux syndiqués, aux travailleurs, mais il demeure une personne responsable, une personne morale responsable qui doit tenir compte que ce droit de grève n'existe plus, si telle est sa décision. Il ne peut pas continuer à fonctionner de la même façon que lorsqu'il y a droit de grève, parce que je pense que le droit de grève sert les deux parties. C'est mon expérience qui me fait dire cela.

M. Leduc (Fabre): Merci. À cet égard, cela me permet d'aborder un deuxième sujet qui ne l'a pas encore été, qu'on retrouve à la page 6 de votre mémoire: le fonctionnement des négociations, le rôle de l'État par rapport au rôle des établissements. Plusieurs groupes sont venus défendre ici la décentralisation des négociations. On a même vu un groupe, le groupe qui vous a précédés, préconiser, une décentralisation très poussée, vers les établissements, de la négociation. Iriez-vous jusque-là? Vous en parlez à la page 6, vous dites que vous souhaitez l'établissement d'un cadre législatif plus explicite en ce qui concerne les matières qui font l'objet de stipulations négociées et agréées à l'échelle nationale par rapport à celles qui font l'objet de stipulations négociées et agréées à l'échelle locale ou régionale. C'est une indication. Pourriez-vous

préciser votre pensée sur ta décentralisation? Jusqu'où souhaitez-vous que cette décentralisation puisse aller? Est-ce que cela peut jouer un rôle dans le nouveau fonctionnement que vous souhaitez pour un meilleur équilibre des forces en vue d'éviter le recours possible à la grève?

Mme Pelland-Baudry: Une certaine décentralisation est déjà prévue, comme par exemple à l'article 21. On se pose des questions sur la praticabilité et l'applicabilité de ce qui est inclus dans cet article., On se demande si, vraiment, tout ce qui est décrit ou mentionné comme pouvant être négocié au niveau local, par exemple, en décentralisant beaucoup, comme l'organisation du travail, les mouvements de personnel et les droits syndicaux... Dans l'application, permettra-t-on que ce soit vraiment à ce niveau que cela se fasse, compte tenu de ce que l'on connaît actuellement? On a de grandes questions. C'est pour cela qu'on dit que le cadre législatif devrait être beaucoup plus explicite parce qu'on croit qu'il y aura des accrochages tout de suite au niveau de la définition de ce qui pourra être négocié au niveau national et au niveau local. On risque de rester accroché très longtemps.

M. Leduc (Fabre): Si je comprends bien, vous souhaitez que ce soit clairement défini ce qui doit être du ressort de la négociation locale, que ce soit clairement défini et que ce ne soit pas négociable.

Mme Pelland-Baudry: Oui. Que ce soit très clair pour ce qui devra être négocié au niveau national également.

M. Leduc (Fabre): Oui. Donc, qu'on n'ait pas le choix.

Mme Pelland-Baudry: Pardon?

M. Leduc (Fabre): Qu'il n'y ait pas de choix. Que ce soit clairement dans la loi.

Mme Pelland-Baudry: Oui. Pour éviter des lenteurs et des réactions des parties adverses. On a l'expérience des années antérieures. On peut rester accroché très longtemps. À l'occasion, cela devient même des jeux, c'est dommage d'être obligé de le dire. Ma collègue disait tout à l'heure que les mentalités se changent lentement. Je vais renchérir là-dessus: Cela se change très lentement. Par contre, je serais prête à dire que des mentalités sont changées, aussi bien du côté des individus, des travailleurs que du côté des administrateurs. Il y en a encore qui n'ont pas changé cela et qui jouent le jeu jusqu'au bout au point que cela devient des situations presque intenables. Il semble qu'actuellement, avec le droit de grève, il faille en arriver là. Tandis que, s'il n'existait pas, peut-être que tout de suite on prendrait plus au sérieux de véritables négociations, qu'on saurait entre autres ce qu'on doit négocier au niveau national et ce qu'on peut laisser au niveau local pour faire en sorte que cela fonctionne très bien. On a l'impression quelquefois qu'on ne veut rien laisser au niveau local parce qu'on sait que cela pourrait aller trop bien à certains endroits de niveaux locaux. Des endroits sont moins durs que d'autres, localement parlant.

M. Leduc (Fabre): Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de voir la liste des sujets qui pourraient être négociés localement. Cela touche l'organisation...

Mme Pelland-Baudry: L'organisation du travail, Ies mouvements de personnel et les droits syndicaux, à l'article 21.

M. Leduc (Fabre): C'est cela. Est-ce suffisant, d'après vous, ou si on devrait décentraliser davantage?

Mme Pelland-Baudry: Je vais vous répondre par une question. Est-ce que ce sera vraiment négocié au niveau local? Il faut entendre les deux parties en cause. Est-ce que cela sera négocié au niveau local?

M. Bourbonnais: II faut dire qu'une nouvelle dynamique est introduite dans le projet de loi qui est le fait qu'il n'y a pas de droit de grève au niveau local mais qu'il y a un droit de grève au niveau national. Quel sera l'effet de cette nouvelle dynamique?

Mme Pelland-Baudry: Vous savez, c'est important l'organisation du travail. Pour qu'on laisse cela au niveau local - les mouvements de personnel, c'est très important aussi - le cadre législatif devrait être plus explicite.

M. Leduc (Fabre): Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole au ministre.

M. Clair: M. le Président, pendant tout près de deux heures nous avons eu l'occasion d'échanger avec l'Ordre des infirmières et infirmiers. Cela a été, je pense, un échange fort intéressant avec ces professionnels de la santé. Je pense qu'il ne me reste plus, après toutes ces questions, qu'à remercier les gens de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, notamment la présidente, Mme Pelland-Baudry, ainsi que les gens qui l'accompagnent, d'être venus nous faire part du point de vue de l'Ordre des infirmières et infirmiers en commission parlementaire sur

l'avant-projet de loi. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Je voudrais à mon tour remercier les représentants de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec de leur présence à notre commission parlementaire. Je voudrais dire aux membres de la commission que, demain, nous entreprendrons une journée assez chargée qui commencera, notez-le bien, à 9 h 30 avec l'audition du mémoire du Conseil du patronat du Québec. Par la suite, il y aura l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés du Québec, cela avant la suspension pour la période du lunch. À 15 heures, ce sera au tour de la CSN, la Confédération des syndicats nationaux. Finalement, de 20 heures à 22 heures, ce sera l'Association des centres d'accueil du Québec. Donc, à 9 h 30 demain matin, avec le Conseil du patronat.

Sur ce, la commission du budget et de l'administration ajourne ses travaux à demain matin, 9 h 30. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 17) t

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