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(Neuf heures Quarante minutes)
Le Président (M. Lachance): La commission du budget et de
l'administration poursuit ses travaux avec le mandat de procéder
à une consultation qénérale portant sur l'avant-projet de
loi traitant du régime de négociation des conventions collectives
dans les secteurs public et parapublic.
Pour la séance d'aujourd'hui, les membres de la commission sont:
M. Leduc (Fabre), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Biais (Terrebonne), M.
Pagé (Portneuf), M. Beaumier (Nicolet), M. Caron (Verdun), M. Gauthier
(Roberval), M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Mme Juneau (Johnson), M. Lachance
(Bellechasse), M. Laplante (Bourassa), M. Polak (Sainte-Anne), M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grèce), M. Tremblay (Chambly) et M. Michel Clair
(Drummond).
Nous entreprenons aujourd'hui la troisième journée des
auditions publiques et les qroupes qui seront entendus aujourd'hui, dans
l'ordre, sont; d'abord, le Conseil du patronat du Québec... Oui, M. le
député de Vaudreuil-Soulanges?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Est-ce qu'on a pourvu au
remplacement pour la séance d'aujourd'hui? Je n'ai pas entendu.
Le Président (M. Lachance): Quel nom vouliez-vous voir, M.
le député de Vaudreuil-Soulanges?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Celui du député
de Jean-Talon.
Le Président (M. Lachance): Celui du député
de Jean-Talon à la place de...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanqes): Du député de
Notre-Dame-de-Grâce.
Le Président (M. Lachance): Vous êtes d'accord?
M. Clair: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Alors, très bien, M.
Rivest (Jean-Talon) à la place de M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce).
Je disais donc que nous entendrons, tour à tour, aujourd'hui, le
Conseil du patronat du Québec, ensuite l'Association des centres
hospitaliers et des centres d'accueil privés du Québec; à
15 heures, la Confédération des syndicats nationaux et,
finalement, de 20 heures à 22 heures, l'Association des centres
d'accueil du Québec.
Je souhaite la bienvenue aux représentants du Conseil du patronat
du Québec et je demande à son vice-président
exécutif, M. Ghislain Dufour, de bien vouloir nous présenter les
personnes oui l'accompaqnent aux fins de l'identification pour les
échanges avec les parlementaires de chaque côté de la table
et pour les fins du Journal des débats, en commençant, s'il vous
plaît, par votre extrême gauche, même si c'est un terme oui,
dans votre organisme, ne doit pas être entendu souvent.
Conseil du patronat du Québec
M. Dufour (Ghislain): M. le Président, vous parlez de mon
extrême gauche à moi, ou de la vôtre? Je vous
présente donc M. Alexandre Beaulieu, président de Alexandre
Beaulieu Inc. et membre du Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre; M. Denis Beaureqard, directeur de la recherche au Conseil du
patronat du Québec; à ma droite, M. André Trudel,
vice-président exécutif du Centre des dirigeants d'entreprise; M.
Sarto Paquin, directeur des relations du travail pour l'Association des
manufacturiers canadiens, section du Québec; Ghislain Dufour,
vice-président exécutif du Conseil du patronat.
Le Président (M. Lachance): Je vous remercie. Je vous
demanderais, tel qu'il a déjà été convenu avec le
secrétaire de la commission, de nous faire un exposé ne
dépassant pas environ vingt minutes, pour nous permettre le plus grand
nombre d'échanqes possible entre vous et les parlementaires qui
désirent intervenir. Vous avez la parole, M. Dufour.
M. Dufour: Merci, M. le Président. On le fera dans environ
vingt minutes, sous réserve que ça puisse être un peu plus
long. Le document est quand même assez élaboré. Je ne
voudrais pas vous priver de nos sages recommandations non plus.
D'abord, nous signalons notre réaction de plaisir, par rapport au
dépôt de l'avant-projet de loi. Nous avons deux raisons
fondamentales pour saluer avec plaisir le
dépôt de l'avant-projet. D'une part, ça nous
apparaît répondre, en grande partie, aux préoccupations de
la population.
Nous avons produit, en annexe à notre mémoire, un certain
nombre de sondaqes CROP faits depuis un certain nombre d'années et qui
démontrent très clairement que, dans certains secteurs - c'est le
cas des services de santé - la population demande un retrait du droit de
grève à 89%. Dans l'éducation, ça va dans les 85%
ou 86% et, de façon générale, la population demande le
retrait du droit de qrève dans un certain nombre de secteurs public et
parapubiic à 80%.
Deuxième raison de recevoir l'avant-projet de loi avec plaisir,
c'est que, nous le disions, nous, déjà, mais on nous le confirme
par le secrétariat du comité des priorités, notre
régime de relations du travail dans les secteurs public et parapubiic au
Québec est probablement le plus qénéreux au monde.
Il est résumé, dans ce document que le gouvernement a
produit, à peu près ce oui suit: Notre régime de relations
du travail, depuis 1964, a retenu pour les centrales syndicales et les
travailleurs à peu près ce qu'il y a de plus
généreux dans tous les pays du monde, incluant, bien sûr,
les provinces canadiennes et il a, inversement, retenu à peu près
toutes les contraintes patronales qu'on retrouve aussi dans ces
différents pays.
Or, tous les avantaqes étant d'un bord, bien sûr, ça
devient difficile, en. termes d'équilibre, d'avoir, disent les auteurs,
des relations du travail qui ne déqénéreront pas
automatiquement en des conflits.
Pour nous, donc, il y a lieu, M. le Président, d'être
d'accord avec la démarche - pas nécessairement l'ensemble du
contenu, mais la démarche - qu'entreprend le gouvernement,
démarche qui, rappelons-le, n'en est cependant toujours qu'à
l'étape d'un avant-projet de loi.
Nous, on ne se surprend pas que les syndicats s'opposent à votre
démarche et que, du même souffle, ils se déclarent
satisfaits du réqime actuel, compte tenu de ce que l'on vient de dire
à partir du rapport du comité des priorités. C'est bien
évident qu'ils ne peuvent pas être tout à fait d'accord
avec les changements que vous proposez. La seule chose qu'on voudrait vous
demander, c'est de continuer quand même cette démarche, nonobstant
les oppositions qui peuvent vous être adressées.
Nous voudrions, avant de faire nos commentaires sur le projet de loi
lui-même, vous siqnaler tout l'intérêt du secteur
privé pour un dossier comme celui-là. Les gens, dans le secteur
privé, sont d'abord et avant tout des citoyens qui ont besoin de
services de santé, de services d'éducation, de services
d'électricité comme tous les autres citoyens. En plus, bien
sûr, ils sont des citoyens corporatifs qui doivent générer
l'économie de cette province. C'est impossible d'exploiter des
entreprises lorsqu'il y a un manque d'électricité, aucun
transport, aucun col bleu qui ne peut être à l'ouvrage lors d'une
tempête l'hiver, par exemple. Tous ces services sont essentiels pour
l'entreprise comme citoyens corporatifs.
Nous ferons notre commentaire de la façon suivante: d'une part,
le contenu de l'avant-projet. Nous retiendrons, essentiellement, quatre volets
de l'avant-projet dont le retrait du droit de grève sur la
rémunération. Nous aurons des commentaires sur l'institut de
recherche. Nous parlerons du Conseil des services essentiels et nous aborderons
rapidement la décentralisation.
Nous avons un deuxième volet que nous appellerons les "oublis" du
projet de loi. Nous irons jusqu'à affirmer que le projet de loi ne va
pas assez loin et nous regarderons des questions comme la démocratie
syndicale, les pénalités, le piquetaqe. Nous vous faisons une
proposition; le ministre responsable est à la recherche de
mécanismes nouveaux dans le domaine des négociations. Nous lui
suqqérerons la création d'un conseil provincial d'arbitrage.
Le contenu, d'abord, de l'avant-projet. Évidemment, c'est d'abord
la rémunération oui attire notre attention puisaue la
caractéristique majeure de l'avant-projet est de soustraire du droit
à la qrève et au lock-out les Questions relatives à la
rémunération. Celles-ci seraient, selon notre
compréhension, et on pense Qu'elle est tout à fait juste,
toujours néqociables, mais la décision finale appartiendrait
dorénavant au qouvernement qui fixerait par règlement la
rémunération des travailleurs de l'État pour une
année en cours.
Compte tenu de ce Que nous avons dit, nous, depuis probablement 1969,
quant à la négociation de la masse salariale qui, pour nous, ne
doit pas être néqociable, Qu'il n'appartient pas aux travailleurs
de l'État de décider du quantum de cette masse salariale, c'est
évident qu'on ne peut qu'être d'accord avec l'essentiel de la
proposition. Et nous donnons dans notre mémoire toute une série
de raisons à l'appui de la position qu'exprime l'avant-projet et nous
siqnalons, notamment, le fait que, dans le secteur public, on se situe presque
toujours dans des situations de monopole, ce qui donne aux travailleurs de
l'État des pouvoirs de négociation énormes qu'ils n'ont
qénéralement pas dans le secteur privé. Et ce pouvoir de
négociation énorme a fait Que, dans le passé, ils ont pu
se donner des conditions de travail au sens des salaires et des avantaqes
sociaux qui ont dépassé souvent ceux Qui prévalaient et
oui prévalent souvent dans le secteur privé, chose ou état
de fait que le gouvernement a tenté de chanqer lors de la
dernière négociation, mais les parités ne sont toujours
pas établies.
On a pu constater aussi que le fait de permettre ce pouvoir de
négociation des centrales sur la masse monétaire a conduit a des
qrèves oui, autrement, quant à nous, n'auraient pas eu lieu et
cela nous apparaît donc une orientation tout à fait valable.
Ceci étant, cependant, cela obliqe le gouvernement à se
donner une politique salariale qui va être une politique salariale
cohérente. Vous n'exprimez pas tellement, dans l'avant-projet, vos
orientations quant à une politique salariale cohérente. Nous
voudrions, quant à nous, vous faire là-dessus six remarques que
l'on trouve dans notre mémoire. Vous l'avez déjà
exprimé, vous ne l'exprimez pas clairement dans l'avant-projet. Il faut,
de façon automatique, un aliqnement sur le secteur privé.
Deuxièmement, même s'il y a un alignement sur le secteur
privé, on dit: Mais pas n'importe quel aliqnement. On donne l'exemple de
la construction. On sait très bien que, dans le secteur privé,
les métiers de la construction peuvent avoir un salaire
élevé parce qu'ils vont travailler seulement six mois, sept mois.
Si on transpose le même salaire horaire sur une base annuelle dans la
fonction publique et parapublique, dans les hôpitaux, dans les
cégeps, cela n'aura pas d'allure. Il faut tenir compte, en termes de
comparaison, non pas nécessairement du salaire horaire, mais aussi du
salaire normal qaqné par un travailleur dans le secteur privé
compte tenu des difficultés saisonnières qui peuvent se
présenter.
Troisième recommandation que nous vous faisons. Contrairement
à certaines demandes syndicales qui vous sont faites parfois, c'est de
reconnaître la spécialisation dans une politique de
rémunération. Certains syndicats ont une tendance à
vouloir éqaliser les salaires; nous, nous considérons qu'il faut
récompenser la compétence, récompenser la
spécialité et, à ce moment, l'élément moteur
productif d'une politique salariale, cela nous apparaît essentiel.
M. le Président, une remarque sur une politique salariale, on l'a
dit tout à l'heure, c'est de ne pas jouer un rôle de leader au
niveau des conditions du travail. Le gouvernement l'a déjà
affirmé, on ne le ressent pas encore assez dans l'avant-projet de loi,
cette disposition devrait être davantage resserrée.
Deux dernières considérations sur la question salariale.
Il y a souvent, avec nos syndicats des secteurs public et parapublic, une
demande de réqler des problèmes sociaux à l'occasion d'une
négociation et non pas nécessairement des problèmes
économiques. On s'explique de la façon suivante. Souvent on nous
dit: II faut absolument payer tel travailleur tel salaire parce qu'il a trois
enfants. Cela nous apparaît une politique sociale oui n'a rien à
voir avec une négociation dans les secteurs public et parapublic oui
doit carrément s'appuyer sur la réalité économique
d'une fonction.
Finalement, le problème des avantaqes sociaux, le problème
des avantaqes normatifs où le qouvernernent a souvent donné des
tendances oui ne pourraient pas se retrouver dans le secteur privé,
sinon on ferait faillite. Et je donne un exemple: Lorsque le gouvernement - je
ne sais pas lequel d'ailleurs - a accepté que tous les qriefs soumis
à l'arbitrage dans le domaine hospitalier soient de
responsabilité financière totale par le gouvernement, auant
à nous, cela a été une erreur. Parce que c'est beaucoup
trop facile, tout le monde va faire des qriefs et il n'y a pas de facture au
bout. On a accumulé avec cela toute une série de griefs. C'est
une situation qui ne nous apparaît pas acceptable dans le secteur
privé. On pourrait donner toute une série d'exemples comme
ceux-là, notamment dans une négociation où on a
décidé de faire primer l'ancienneté sur le critère
de la compétence. On a, à ce moment, établi tout un
"pattern" de négociation dans les secteurs public et parapublic. Donc,
des éléments de politique salariale oui ne sont peut-être
pas assez évidents dans l'avant-projet.
C'est, par ailleurs, sur ce volet très particulier que
réaqissent les syndicats en disant que c'est un retrait de leur droit
à la négociation, c'est un projet antisyndical, c'est un
déni à la négociation. Nous disons non - on y reviendra un
peu plus tard - pour une raison pure et simple. Jamais il n'est venu à
l'idée des centrales syndicales de dire qu'au Québec les
policiers n'avaient pas droit à la négociation, que les pompiers,
les policiers et la Sûreté du Québec n'avaient pas droit
à la négociation. Ils ont tous droit à la
négociation. Ce Qui a été prévu dans leur
régime, c'est un mode de règlement des conflits si on ne
réussissait pas à s'entendre au moment de la négociation,
mais cela ne brime d'aucune façon le droit à la
négociation, d'autant plus que, dans ce cas très précis,
pendant trois ou Quatre mois, les centrales pourront négocier
carrément les salaires avec le gouvernement. Je compte sur elles pour
pouvoir mobiliser la population, à ce moment-là, si vraiment les
propositions gouvernementales n'étaient pas valables et si elles
pouvaient faire accepter cela à la population.
Passons maintenant à l'institut de recherche. On ne fera pas une
lonque dissertation là-dessus. Nous sommes d'accord avec la
création d'un institut de recherche. On a un certain nombre de
suggestions à vous faire, mais, dans sa forme actuelle, quitte à
ce que certaines modifications soient faites, on est généralement
d'accord avec la création de l'institut. On veut bien s'assurer qu'il
sera indépendant du pouvoir politique. Tous les partis politiques ont
intérêt à ce que ce soit ainsi. On trouve que
vous ne donnez probablement pas assez de place au secteur privé
là-dedans. Vous allez surtout du côté des partenaires
patronaux des secteurs public et parapublic. Nous pensons que vous devriez
aller chercher aussi des gens du secteur privé. Il faudrait
peut-être en revoir la composition.
Finalement, il faudrait immédiatement donner à cet
institut de recherche un mandat qui serait celui de la comparaison non
seulement des salaires, mais également des postes avec les autres
fonctions publiques, parce qu'on constate qu'au Québec ce ne sont pas
nécessairement des différences de salaires très
élevées, ce sont des différenciations dans les postes. Si
on oublie les secteurs des affaires sociales et de l'éducation - je veux
bien qu'on les oublie -et qu'on reqarde simplement les ministères, les
commissions et les régies, il y a, au Québec, à peu
près 14 employés par 1000 de population alors qu'il y en a 11, 5
ou à peu près en Ontario. Donc, il y a, en plus des salaires,
carrément des problèmes de postes. M. Clair, vous êtes bien
sensibilisé à ce dossier. Mais on ne retrouve pas ce mandat dans
le rôle de l'institut de recherche. Selon nous, ce serait essentiel
d'aller purement au-delà des comparaisons salariales et des avantaqes
sociaux.
Votre troisième volet, M. le Président, c'est le Conseil
des services essentiels. Il existe déjà. Nous étions
d'accord avec sa mise sur pied lors de la dernière législation.
Cette fois, on lui donne des pouvoirs qu'on aurait dû lui donner
déjà, selon nous, il y a trois ou quatre ans. C'est sûr
qu'on ne peut qu'être d'accord avec les pouvoirs additionnels qui sont
donnés au Conseil des services essentiels.
Ce que l'on voudrait, cependant, c'est que vous considériez
d'étendre le mandat de ce conseil à d'autres secteurs que ceux
qui sont actuellement visés. Les services essentiels n'existent pas que
dans les secteurs de la santé, de l'éducation ou dans le
fonctionnarisme. Cela existe aussi dans certains organismes parapublics, cela
existe pour le gaz par exemple. Or, le gaz n'est d'aucune façon couvert
par ce projet de loi. Il y a des services dans le secteur privé qui sont
essentiels. Comment tout cela va-t-il se structurer? On vous donne l'exemple
suivant: Vous pourrez avoir les plus beaux mécanismes pour ouvrir vos
hôpitaux, mais, s'il y a une grève des cols bleus et que les
chemins ne sont pas ouverts l'hiver, vous ne pouvez pas vous rendre à la
salle d'urgence. Comment réglez-vous le problème des cols bleus
qui n'est pas du tout abordé ici parce qu'il a été
référé à la commission Beaudry? Vous vous rappelez
que nous n'étions pas d'accord de faire ce "split" entre justement le
secteur privé et le secteur public parce que, dans le domaine des
services essentiels, dans certains cas, cela devient absolument
inséparable, les responsabilités des deux secteurs.
La décentralisation: Encore là, nous exprimons un accord
sur la décentralisation. Nous avons appris que vous avez
déposé hier les objets oui seraient négociables au niveau
régional et au niveau local. Nous en avons pris connaissance par les
journaux ce matin et nous ne pourrions pas vous faire de commentaires
précis sur les 34 articles ou objets de négociation dans le
secteur hospitalier, je pense. On va vous donner juste un jugement global. Nous
sommes d'accord avec cela et surtout nous sommes d'accord, probablement avec
d'autres qroupes aussi -mais je sais qu'il y a des groupes oui s'y opposent -
avec la décision gouvernementale exprimée dans l'avant-projet de
ne pas permettre le droit de grève sur les matières
négociées à l'échelle locale ou régionale.
Autrement, pour nous, ce serait le chaos qui nous conduirait à des
situations probablement pires que celles que nous connaissons aujourd'hui et on
parle ici spécifiquement des services de santé. Il y a beaucoup
de choses qui sont transférées en négociables, et tout le
monde le veut, aux niveaux local et régional, mais, si l'on permet le
droit de grève là-dessus, cela va être bien pire
Qu'aujourd'hui, il y aura des grèves un peu partout. Quant à
nous, l'orientation gouvernementale là-dessus est tout à fait
saine en termes de dispensation de services publics à une population.
(10 heures)
C'était le projet de loi et nous allons passer rapidement au
deuxième volet de notre mémoire oui s'intitule "Les oublis de
l'avant-projet de loi". Ce que l'on dit, c'est qu'on considère Que le
projet de loi ne va pas assez loin. En fait, ce Que fait le projet de loi,
c'est de soustraire du champ de la négociation qui donne ouverture au
droit de grève un seul et unique élément, celui de la
rémunération dans les affaires sociales, dans l'éducation
et dans la fonction publique, mais même pas dans les organismes
gouvernementaux; ce qui veut dire clairement, quant à nous,
contrairement à ce oui est dit et véhiculé actuellement,
que la qrève demeure autorisée pour tous les autres objets de
négociation dans les affaires sociales, l'éducation et la
fonction publique. Il n'est pas nécessaire d'être un qrand
spécialiste de relations du travail pour imaginer facilement que
certains objets de négociation pourront alors prendre - et rapidement -
une grande importance avec comme résultante possible toujours la
même fichue qrève générale et illimitée tant
dans les hôpitaux Qu'ailleurs. Dans le cas des organismes gouvernementaux
- et je pense à Hydro-Québec, par exemple - la
rémunération n'est même pas soustraite du champ de la
négociation Qui donne ouverture à la grève. La
grève, dans le cas de l'électricité, restera
strictement possible comme aujourd'hui.
En d'autres mots, le gouvernement n'a pas choisi d'agir en identifiant
des activités ou des secteurs où il considère que le droit
de la grève devrait être supprimé. Il a mis tous les
secteurs sur le même pied et il a retiré le droit de faire la
grève sur une seule et unique question. Pour nous, bien sûr, cela
ne va pas assez loin et je vous dis pourquoi cela ne va pas assez loin. Nous
soutenons, depuis deux ans, qu'on doit supprimer le droit de grève dans
quatre secteurs de façon automatique, comme préalable: les
services de santé dans leur totalité, la distribution de
l'électricité, la distribution du gaz et l'alimentation en eau
potable. Nous, on croit qu'il n'y a pas une société
civilisée qui peut permettre le droit de grève là-dessus.
Cela devrait être, de la part de l'État, une affirmation claire
qu'il n'y a pas de droit de grève là-dessus. Ce ne sont pas les
seuls services essentiels dans une société - il y en a d'autres -
sauf qu'on ne pense pas, contrairement à d'autres qroupes, qu'on devrait
interdire de faire la grève a priori là-dessus et on peut confier
à votre nouveau Conseil des services essentiels, oui a maintenant des
pouvoirs, le soin de regarder quand, dans l'éducation, cela devient
essentiel, quand on risque de perdre une année; quand, dans le domaine
du transport à Montréal, cela devient essentiel, des situations
ad hoc. Je pense que, là-dessus, nous, on ne peut pas dire que le droit
de grève comme retrait est une condition. On pourrait vous parler - on
en parle souvent -d'organismes comme la Société des alcools qui
est du secteur public. On ne peut pas mettre cela sur le même pied que
les hôpitaux. Il faut faire un certain nombre de distinctions et on
compte beaucoup sur le Conseil des services essentiels, justement, pour faire
ce genre de distinctions.
Les autres oublis qu'on vous siqnale très rapidement, il y en a
quatre. D'abord, la démocratie syndicale. On y revient. Vous avez, en
annexe à notre mémoire, un très beau sondage qui exprime
le point de vue de travailleurs syndiqués par rapport au
phénomène de la démocratie syndicale et nous, on a
l'impression que vous pourriez aller au niveau de cette loi ou du Code du
travail beaucoup plus loin dans ce problème-là.
Les pénalités, on vous suggère de ne jamais mettre
dans une loi des pénalités qui envoient les gens en prison. Ce
n'est pas une façon, quant à nous, de régler les
problèmes dans le domaine des relations du travail. Nous vous
suqqérons plutôt des choses tout à fait faciles à
faire, comme la retenue syndicale. Vous l'avez déjà fait,
d'ailleurs, dans un cas à Trois-Rivières, trois mois de
pénalité. Trois mois, six mois, neuf mois, à chaque
demi-journée ou journée, à ce moment-là, la
pénalité est beaucoup plus lourde que des sanctions qui, de toute
façon, dans le cadre du système judiciaire traditionnel, se
prennent beaucoup trop longtemps après la commission des faits. Nous
allons même jusqu'à dire que, si le gouvernement n'a pas le choix
et doit affronter un syndicat qui lui tient tête, cela peut aller - vous
en avez le pouvoir -jusqu'à la désaccréditation.
Le piquetage. Il n'y a rien dans nos lois du travail au Québec,
contrairement aux autres lois, qui régit de quelque façon le
piquetage. Je sais que je ne me fais pas nécessairement des amis dans le
secteur privé quand je dis qu'on peut accepter une certaine forme de
piquetage devant une entreprise de crayons; ce n'est pas tout le monde oui est
d'accord avec cela, mais au moins on peut l'accepter. Mais des lignes de
piquetaqe serrées devant une salle d'urgence, cela n'est pas acceptable.
On l'a vu carrément dans bon nombre de conflits de travail au
Québec. On l'a vu dans le cas des enseignants, parce qu'il y avait des
enseignants qui voulaient entrer. Cela est une situation qui nous
apparaît tout à fait inacceptable. Et si on ne va pas
jusqu'à réglementer le piquetage dans le secteur privé, on
devrait au moins le réglementer dans les secteurs public et
parapublic.
Finalement, nous sommes d'accord avec tous les intervenants - je pense
que, là-dessus, il y a consensus patronal-syndical au Québec -
pour dire Que le système actuel d'arbitrage n'a pas donné les
résultats qu'il aurait dû donner. Voilà pourquoi, en fait,
personne ne veut y aller, ni du côté gouvernemental, ni du
côté des hôpitaux, ni du côté des
syndicats.
Par ailleurs, il reste qu'on a un problème qui est majeur. On ne
peut pas continuer de perpétuer le qenre de situation qu'on
connaît avec la Sûreté du Québec, actuellement. On ne
peut pas continuer le genre de situation qu'on connaît avec les policiers
ou les pompiers, où chaque ville s'assujettit à un arbitrage,
cela devient facilement de la surenchère. Il faut, quant à nous,
essayer de structurer davantaqe l'arbitrage parce que, qu'on le veuille ou non,
il est déjà prévu dans nos statuts pour les pompiers et
les policiers de la Sûreté du Québec. Si on enlève
le droit de qrève aux qroupes dont on vient de parler, il va falloir se
trouver des moyens pour régler leurs problèmes.
On se donne quoi? C'est notre suggestion d'un conseil provincial
d'arbitrage qui éviterait, quant à nous, les problèmes
actuels, dans le sens Que là, vous auriez un organisme oui est
provincial, oui est permanent, oui peut s'adjoindre des ressources. S'il s'agit
de problèmes de municipalités, il ira à la Commission des
affaires municipales se chercher des ressources. S'il s'agit de
problèmes
hospitaliers, il ira au ministère des Affaires sociales, il ira
se chercher des ressources. Il ne bâtira pas une superstructure, un
monstre, mais il est capable, en termes de ressources, de gérer à
peu près toutes les difficultés qui pourraient se
présenter. Et on croit - un peu comme cela a été le cas au
fédéral à un certain moment - que cette
réorientation, en structurant l'arbitrage au plan provincial,
redonnerait à ce mécanisme un peu de crédibilité.
En tout cas, on devrait l'essayer, on ne perd rien à le mettre sur pied;
la situation actuelle est tout à fait inacceptable.
On comprend, par ailleurs, votre plainte, qui est à l'effet de
dire: C'est moi qui suis responsable et je veux soustraire la masse salariale
de la négociation, je confie cela à un arbitre. Alors, vous avez,
en page 22, un petit paragraphe que je vous lis et qui m'apparatt essentiel
dans ce débat: L'État peut en effet difficilement se soumettre
à l'arbitrage traditionnel pour trancher un conflit avec ses
employés. C'est probablement ce qu'on vient de vivre avec la
Sûreté du Québec, avec tout ce que l'on connaît comme
conséquences. Il peut difficilement déléquer à un
tiers, sans lui donner des paramètres précis, la
responsabilité d'affecter des fonds publics importants à la
rémunération des travailleurs de l'État. Mais si l'on
donne ces paramètres, dont l'un pourrait être que les
décisions des arbitres ne pourraient jamais instituer des conditions de
travail supérieures à la moyenne comparable dans le secteur
privé, on pense que c'est un système oui pourrait
fonctionner.
M. le Président, en trois ou quatre capsules, nous sommes
d'accord avec l'avant-projet, quant aux quatre volets que vous nous proposez.
On vous fait certaines propositions pour les bonifier. Par ailleurs,
déception: Le projet est timide, il enlève un seul point du
néqociable qui donne droit à la grève. On fera la
grève sur les autres choses et, à ce moment-là, il semble,
à moins qu'on ne fasse un acte de foi incroyable, qu'on va se retrouver
à peu près dans la même situation qu'aujourd'hui.
Merci.
Le Président (M. Johnson, Vaudreuil- Soulanges):
Je vous remercie de votre présentation, M. Dufour. Vous avez presque
réussi le tour de force de résumer votre mémoire en 20
minutes, c'est très difficile à faire. Je passerais maintenant la
parole a M. le ministre.
M. Clair: Merci, M. le Président. Mes premiers mots seront
pour remercier le Conseil du patronat du Québec de s'être
penché sur cette question de la réforme du réqime de
négociation, d'avoir pris connaissance de l'avant-projet de loi et de
venir aujourd'hui, en commission parlementaire, nous faire part de sa position,
de certains commentaires d'amélioration possible, de son point de vue et
de certains oublis quant à une autre partie du mémoire du Conseil
du patronat du Québec.
Le premier thème que je voudrais aborder est la question de la
politique salariale du qouvernement. La position du Conseil du patronat dans
son mémoire indique que la politique de rémunération du
qouvernement ne serait pas suffisamment explicite dans l'avant-projet de loi et
que les bases sur lesquelles les comparaisons seraient ainsi menées
seraient imprécises.
Je voudrais, dans un premier temps, lire l'article 63 parce que c'est
à cet article qu'on retrouve la définition des fonctions de
l'Institut de recherche sur la rémunération et éqalement
ce oui sous-tend le mandat, les fonctions de l'Institut de recherche sur la
rémunération, l'orientation du gouvernement en matière
salariale, en matière de politique de rémunération. On lit
ceci: "L'institut a pour fonction d'informer le public de l'état et de
l'évolution comparés de la rémunération globale des
salariés du gouvernement, des commissions scolaires, des collèges
et des établissements visés dans la partie I, d'une part, et de
la rémunération globale des autres salariés
québécois de toute catégorie qu'il détermine,
d'autre part. " On voit, à l'article 64, que l'institut peut faire
effectuer des études ou des recherches et qu'il peut déborder ce
mandat en termes de mandat d'étude et de recherche.
D'abord, quant à la façon de faire des comparaisons et
quant à la façon d'encadrer le mandat de l'Institut de recherche
sur la rémunération à partir de la politique salariale du
qouvernement, la façon dont nous avons voulu donner un mandat à
l'institut de recherche a été de l'asseoir uniquement sur une
position qénérale de comparabilité qlobale de
l'évolution et des niveaux de la rémunération qlobale du
secteur public et du secteur privé.
J'aimerais savoir si, du côté du Conseil du patronat, vous
avez travaillé à définir un indice composé sur la
base duquel on pourrait asseoir de manière plus détaillée
la politique de rémunération du qouvernement et ce qu'il est.
Est-ce qu'il n'y aurait pas un inconvénient, si on commence à
attribuer de l'importance à certains paramètres - par exemple, la
croissance de l'inflation, la croissance du produit intérieur brut -
à essayer d'en venir à définir une politique tellement
restrictive qu'à toutes fins utiles le mandat de faire
différentes comparaisons quant à l'institut de recherche serait
pratiquement inopérant? Cet institut ne serait qu'un institut de
constatation de la position que prendrait le Conseil du trésor sur tel
ou tel facteur et n'aurait pas de mandat d'initiative un peu plus large.
Est-ce que vous avez travaillé à la
définition d'un tel indice? Si oui, n'y a-t-il pas des
inconvénients à rétrécir comme cela, à
baliser de manière tellement détaillée la politique
salariale du gouvernement que, finalement, il n'y a plus de souplesse pour
personne à l'intérieur de cela et que l'institut de recherche ne
servirait que de "rubber stamp" - passez-moi l'expression - ou de contradicteur
des constatations oui seraient faites par le Conseil du trésor?
Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-Soulanges): M.
Dufour.
M. Dufour: La réponse à votre question est non. On
ne sait même pas si l'institut existera un jour, on ne s'attardera
à lui proposer un indice composé. Ce que nous regardons, nous,
c'est la proposition de façon globale. Ce que vous lisez à
l'article 63 établit un mandat très qénéral, comme
vous le dites d'ailleurs, mais cela ne donne pas les paramètres d'une
politique salariale. C'est pour cela que nous vous amenons beaucoup plus loin,
nous, dans la préparation d'une politique salariale. Le mémoire
fait trois pages là-dessus.
Ce que nous pensons que vous voulez faire avec cet institut, c'est un
peu ce que vous faites déjà d'ailleurs au Conseil du
trésor, avec votre bureau de rémunération. Il est
là, il existe. Comme État-employeur, vous vous êtes
donné cet outil sauf que là, vous voulez associer les syndicats
à cela de façon que les chiffres ne soient pas contestés
de façon automatique dès que vous les déposez sur la
table. Vous associez les parties à la démarche qui existe
déjà au niveau du Conseil du trésor. (10 h 15)
Si vous me posez la question sur ce qui s'est passé ou sur ce qui
existe actuellement, oui, on a eu à y participer. Je ne vous
amènerai pas dans vos problèmes de quartile parce qu'on va tomber
vraiment dans la technique à savoir comment tu compares la bonne moyenne
de l'entreprise privée, par exemple, par rapport à ce qui doit se
payer dans les secteurs public et parapublic, surtout lorsque les emplois sont
non comparables. On voit bien que des secrétaires et des
infirmières dans le secteur privé, il y en a très peu.
Tous ces outils existent déjà au niveau technique avec le bureau
- je ne sais pas si on se comprend bien - qu'avait mis sur pied M. Gauthier,
l'ex-président de l'INP. On voit que c'est un peu un prolongement de
ça.
Est-ce qu'on a fait un travail technique à ce moment-ci et des
propositions pour savoir comment devrait fonctionner l'institut? On a dit tout
à l'heure qu'on voudrait bien que le secteur privé y soit. S'il y
était, comptez sur nous, il y aura des spécialistes de la
rémunération oui se joindront à ce moment-là
à ce groupe de travail. Je ne sais pas si les collèques
veulent ajouter quelque chose là-dessus? Denis?
M. Beauregard (Denis): Oui. M. le Président, bien
sûr, un tel institut - on l'appelle parfois différemment - existe
dans d'autres pays. Je pense aux États-Unis, par exemple, où un
institut est chargé de conseiller le président de qui
relève la décision politique d'accorder un niveau de
rémunération à la fonction publique qui relève,
bien sûr, du fédéral.
Il y a deux choses là-dedans. L'institut, je ne pense pas qu'on
puisse un jour l'amener à développer une formule
mathématique suffisamment précise pour que le débat
politique autour de la politique salariale du gouvernement soit
complètement évacué du champ.
M. Clair: C'est important parce que tantôt, dans la
présentation faite par M. Dufour, il a parlé d'un alignement
automatique au marché. Est-ce qu'un alignement automatique au
marché, c'est en termes de politique générale, mais non
pas entrevoir le rôle de l'Institut de recherche sur la
rémunération comme amenant des conclusions oui sont automatiques,
ne laissant plus aucun champ à la négociation? Mais si l'institut
dit: C'est 4, 3%, là c'est 3, 8% et c'est 6, 4%...
M. Beaureqard: Non, non, ce n'est pas ça.
M. Dufour: Juste avant que Denis continue... Si j'ai dit
"alignement automatique", c'est automatique au sens général du
terme, parce que j'ai ajouté que vous aurez, à tous les ans,
trois mois de négociation. J'ai même dit: Comptez sur les
centrales pour faire cette négociation sur la place publique dans le
fond, comme elles la font lors de qrandes négociations.
On a toujours pris une position - elle est claire dans le mémoire
- c'est qu'une fois que vous avez décidé de la masse, tout
devient négociable après en termes de distribution. L'institut,
ce n'est pas la partie qui négocie et ce n'est pas la partie oui a le
pouvoir décisionnel. L'institut va faire des recommandations aux parties
et, autour de ça, se feront des négociations. Sinon on ne
donnerait pas notre appui aux trois mois de négociation oui nous
conduisent jusqu'au décret gouvernemental.
M. Clair: Je m'excuse, j'avais interrompu M. Beauregard.
M. Dufour: Non, allez!
M. Beauregard: En fait, c'est tout à fait ce que M. Dufour
vient de dire. Il y a deux niveaux de travail. Le niveau qui
appartient à l'institut en est un d'éclairaqe. L'institut
se donne, dans toute la crédibilité possible, les moyens
d'éclairer le pouvoir politique qui aura tantôt une
décision à prendre, mais, comme c'est le cas dans d'autres pays,
après avoir passé par une phase de négociation. C'est dans
ce sens-là qu'on dit que ce n'est pas vrai que les centrales syndicales
perdent leur pouvoir de négociation sur les salaires. Elles ne le
perdent pas. La négociation se fait quand même, mais avec, en
toile de fond, les travaux de cet institut qui essaient le plus
précisément possible de tracer un portrait de la situation
salariale au Québec et ailleurs aussi, pour fins de comparaison. Mais la
décision politique ne pourra jamais, je pense, appartenir à
l'institut. Je ne crois pas qu'un gouvernement puisse croire qu'il va pouvoir
évacuer le débat politique parce que l'institut aura
statué, quelle que soit la crédibilité d'un tel institut.
Cela appartient au pouvoir politique après une phase de
négociation.
M. Clair: Je voudrais maintenant, concernant toujours l'Institut
de recherche sur la rémunération, que vous explicitiez davantage
les mandats additionnels sur les postes que vous voudriez voir confiés
à l'Institut de recherche sur la rémunération. Je ne suis
pas certain d'avoir bien compris l'orientation du mémoire
là-dessus parce que nous n'avons pas voulu confier la politique
salariale... La politique de rémunération du gouvernement du
Québec n'est pas essentiellement basée sur une comparaison en
termes d'évolution de la rémunération, le secteur public
québécois, par exemple, par rapport au secteur public aux
États-Unis, en Europe ou ailleurs au Canada. Il nous apparaît que
c'est une approche qui risque d'être piégée, tant pour le
gouvernement que pour les salariés du secteur public, parce qu'il
faudrait trouver une économie, si c'est possible d'en trouver une, qui
soit exactement comparable, parfaitement comparable à la nôtre. Il
y a des économies qui sont plus fortes, d'autres qui sont plus faibles,
des niveaux de chômaqe oui varient, donc des situations
économiques très différentes. Vous semblez, quant à
la possibilité de confier le mandat à l'Institut de recherche sur
la rémunération, comparer le nombre de postes dans la fonction
publique, par exemple, dans le secteur public au Québec, par rapport
à d'autres sociétés. Là-dessus, la question que je
me pose et que je vous pose, c'est la suivante: Si je comprends cette
orientation, est-ce que ce ne serait pas confier une responsabilité
politique, jusqu'à un certain point, à l'Institut de recherche
sur la rémunération? Il me semble qu'il appartient au
qouvernement du Québec et à l'Assemblée nationale de
déterminer si on a plus ou moins de services publics dans la
société Québécoise par rapport à la
société ontarienne, albertaine ou autre, et ce que l'institut de
recherche pourrait venir dire sur ces Questions, c'est de constater ce qu'on
sait déjà, qu'il existe, par exemple, une Radio-Québec au
Québec et qu'il n'en existe pas à Terre-Neuve. C'est toute une
série de constatations Que les hommes et les femmes politiques ont
déjà faites, mais sur la base desquelles ils ont fait des choix.
J'aimerais que vous en parliez.
M. Dufour: C'est le paragraphe de la paqe 10, bien s'assurer que,
si les comparaisons salariales avec le secteur privé sont importantes,
les comparaisons de postes avec les fonctions publiques d'ailleurs le sont
également. Ce n'est pas la première fois qu'on aborde ce dossier.
On l'avait abordé au moment des coupures dans le secteur des affaires
sociales et dans le secteur de l'éducation, il y a deux ans. Nous avions
été, à ce moment-là, nous aussi, observateurs de ce
dossier et on a beaucoup entendu le qouvernement utiliser la comparaison des
profs et du nombre d'infirmières dans les hôpitaux avec l'Ontario,
notamment. On ne peut pas s'isoler comme société. Il faut se
comparer à d'autres, à un moment donné. On a
déjà fait cette proposition à l'INP, l'Institut national
de productivité. Il faut trouver un forum où on peut comparer la
productivité du secteur public par rapport à la
productivité d'autres secteurs publics comparables. On a dit que ce
n'est pas votre coupure de salaire de 20%, à un moment donné, oui
a réglé le problème des dépenses gouvernementales
au Québec. Cela peut le faire un petit bout de temps, mais, dès
Qu'on remonte, on revient à peu près à la situation
actuelle, à la situation de dépenses qlobales. Là
où il faut agir, c'est dans les postes. Ce n'est pas en coupant 1500 $
ou 2000 $ qu'on règle un problème. C'est en coupant le poste de
40 000 $, s'il y a lieu de le couper. Vous l'avez déjà fait dans
le secteur des affaires sociales et de l'éducation et on pense que Ies
coupures sont allées au bout dans ce domaine-là, sauf qu'on n'est
pas sûr dans les ministères, on n'est pas sûr dans les
commissions et on n'est pas sûr dans les régies. C'est bien
sûr qu'il y a des spécificités Québécoises.
L'Office de la lanque française en est une. Nos centres de main-d'oeuvre
en sont. Il y en a des spécificités Québécoises.
Mais est-ce que cela justifie qu'on ait deux fonctionnaires de plus par 1000 de
population qu'en Ontario? Nous, on ne le pense pas. En tout cas, on voudrait
bien que vous regardiez cela. Peut-être que ce n'est pas le forum, mais
vous n'en suggérez pas d'autres. Or, dans la néqociation, les
travailleurs sont aussi, je pense, plus intéressés à ce
moment-ci par les postes qu'ils sont intéressés par les
salaires.
Le débat, quand il y a une manchette de journal sur une
qrève, ce n'est pas sur les salaires, c'est sur les coupures de postes.
C'est pour cela qu'on voit ça là, et essayer peut-être de
dépolitiser. Cela peut se faire factuellement. Combien de fonctionnaires
y a-t-il au ministère? Ne parlons pas d'hôpitaux. Combien de
fonctionnaires y a-t-il au ministère des Transports à Toronto
pour émettre tant de permis de conduire par rapport au Québec?
Combien de gens sont affectés à l'impôt au ministère
du Revenu de l'Ontario? C'est le sens de notre proposition.
M. Clair: Donc, davantaqe en termes de productivité Qu'en
termes de choix. Pour rendre une même quantité de services,
combien faut-il de personnes, de ressources humaines et financières au
Québec, par rapport à d'autres endroits?
M. Dufour: Non. Le choix politique, c'est vous autres qui allez
le faire, mais on pourra dire, en termes d'information à la population,
qu'au Québec, produire un permis d'automobile, cela demande tant
d'heures par rapport à l'Ontario qui demande tant d'heures. C'est cela
qu'on n'a pas pour faire des débats intelligents au Québec
lorsqu'il s'agit de négociation dans les secteurs public et para
public.
M. Clair: Merci. Le deuxième sujet que je voudrais aborder
avec vous, c'est la question de la décentralisation. Vous n'en avez pas
beaucoup parlé, mais cette question est importante éqalement. II
y a deux façons de voir la décentralisation. Il y a l'orientation
retenue par l'avant-projet de loi, à savoir une décentralisation
au niveau local ou sous-sectoriel, mais principalement local, de
matières à incidence financière très faible.
Une autre orientation oui semble être celle
privilégiée par le Parti libéral et qui est
privilégiée par d'autres intervenants qui viendront devant nous
ou qui sont déjà venus, c'est davantage une
décentralisation sur la base d'une enveloppe budgétaire
fermée et de faire confiance aux administrateurs d'hôpitaux, de
collèges ou de commissions scolaires pour qu'à partir de cette
enveloppe budgétaire fermée, en quelque sorte, ils aient toute
liberté d'action.
Est-ce que je comprends que votre soutien à l'orientation de la
décentralisation telle que proposée dans l'avant-projet de loi
implique que vous choisissez également cette voie plutôt que la
voie de la décentralisation par enveloppe budgétaire
fermée au niveau d'une institution ou d'un réseau
d'institutions?
M. Dufour: Pour être capable de répondre à
votre question, il aurait fallu avoir avant ce matin la liste des sujets. J'en
prends connaissance ce matin. On devait nous l'envoyer; cela a probablement
été oublié. Quelles sont ces matières qui sont
l'objet...
M. Clair: Ce sont essentiellement des sujets oui concernent
l'orqanisation du travail, le mouvement de personnel, les droits syndicaux.
Donc, toute une liste de sujets à incidence financière soit
très faible ou inexistante, qui ont davantage trait à la
qualité de la vie. Ce n'est pas au niveau du détail de la liste.
C'est davantaqe en termes d'orientation - après cela, les listes peuvent
s'orqaniser - générale.
M. Dufour: En fait, personnellement, je me refuserai à
répondre à votre question tant et aussi longtemps qu'on n'a pas
vu cela. Je me méfie tout le temps quand on nous dit que ce n'est que du
normatif. On en est rendu que, dans nos conventions collectives, le normatif
coûte aussi cher que le monétaire. Je vais seulement vous donner
un exemple. Je vois libération syndicale. Ne considérez-vous cela
du monétaire, la libération syndicale de nos jours? C'est quoi le
paquet qui est là? On ne le sait pas. Mais ce n'est pas tellement dans
cet esprit que nous avions fait notre suqgestion. Vous voyez, il n'y a qu'une
page. On ne veut pas rentrer dans le problème des structures, dans le
problème de la centralisation contre la décentralisation. Les
commissions scolaires qui sont membres chez nous, les hôpitaux
privés vont venir vous dire comment ils voient ce problème. On
leur a d'ailleurs laissé ce champ d'action.
Ce que nous réalisons, c'est que vous faites affaires
constamment, vous demandez constamment au secteur privé de se joindre
à des conseils d'administration de cégeps, de se joindre à
des conseils d'administration d'hôpitaux, de se joindre même
à des CLSC. Et, ce que les qars font quand ils y vont -je vous dirai
pourquoi tout à l'heure j'ai parlé des CLSC - ce qui se passe,
c'est qu'on a de plus en plus de misère à intéresser les
qens à aller là parce que ceux qui y sont allés et oui
parlent à leurs collègues au retour disent: On n'a rien à
faire là, sauf de se chicaner avec les profs, les étudiants et
les bénéficiaires. On n'a aucun pouvoir. La vraie activité
de vie d'un hôpital chez les travailleurs, c'est quand on néqocie
sa convention collective.
Complètement évacué, le directeur
général l'est; le conseil d'administration l'est encore
davantaqe. Je pense que maintenant il siqne la convention collective. Tu ne
peux pas intéresser des gens à participer à cela. C'est
dans ce sens qu'on parle de la décentralisation oui pourrait
réintéqrer les qens du milieu à ce processus. Pas sur les
grands objets salariaux. On est d'accord avec cela. Sur les grands objets
monétaires, cela doit rester au sommet.
Nous avons tellement entendu les gens de commissions scolaires,
d'hôpitaux, nous dire: Écoute, on ne peut pas, on est tout le
temps obliqé d'aller demander la permission à Dieu le Père
pour faire n'importe quoii. Qu'ils nous donnent donc les pouvoirs. Cela semble
l'orientation qui est confirmée ici. On vous donne un appui
là-dessus. Jusqu'où cela doit aller? Je pense que les parties et
vous -on le sait d'ailleurs - devraient discuter. On vous dit de consulter
vraiment vos partenaires patronaux dans ce domaine pour établir les
mandats. Je ne sais pas si cela a été fait avec les partenaires
patronaux. Je voudrais bien le savoir, en tout cas. Est-ce que, pour ces 29
sujets, on a donné l'accord du côté du partenaire patronal
là-dessus? Je ne le sais pas.
Le dernier message qu'on vous livre là-dessus, c'est
hyqiène et sécurité, M. le Président. Si cela veut
dire la loi 17, vous venez d'en déléquer un fichu de morceau!
Alexandre, qu'en penses-tu? Hygiène et sécurité, c'est la
loi 17. Je viens de lire cela. Je ne l'avais pas vu avant. Je le vois
maintenant. (10 h 30)
M. Clair: D'accord. Je voudrais Qu'on passe à un
deuxième sujet sur lequel vos positions sont plus
détaillées, c'est la question du droit de qrève dans les
secteurs public et parapublic. Nous avons entendu hier la chambre de commerce
qui représente substantiellement un bon nombre d'entreprises et quelque
40 000 membres à ce qu'on indiquait hier. La position de la chambre de
commerce était hier de demander l'abolition du droit de qrève
dans l'ensemble des secteurs public et parapublic, nous indiquant que leurs
membres avaient évolué et que, après de multiples
discussions, ils en étaient maintenant venus à cette
conclusion.
De votre côté, vous nous proposez plutôt d'abolir le
droit de qrève par secteur, de manière générale,
donc non seulement sur la néqociation locale, mais d'abolir le droit de
grève sur les questions de services de santé, le gaz,
l'électricité et l'eau potable. Mais vous faites encore
suffisamment confiance aux mécanismes des services essentiels pour
l'éducation, par exemple, pour la fonction publique du gouvernement.
Qu'est-ce qui, dans votre analyse, vous différencie de la Chambre de
commerce du Québec pour en venir à une conclusion
différente quant à l'abolition du droit de qrève qui est
réclamée au complet, on pourrait dire mur à mur, par la
chambre de commerce, alors que votre position est plus nuancée sur cette
question-là, vous oui représentez substantiellement, sinon les
mêmes courants de pensée, tout au moins largement les mêmes
intervenants dans le secteur privé?
M. Dufour: Je dirais presque que c'est une question-piège,
mais on va y répondre. On l'avait prévue. Vous avez
peut-être été surpris par la position hier, mais nous la
connaissons depuis trois ans. Je dois dire d'abord que Ies structures
patronales et les structures de la chambre de commerce ne sont pas les
mêmes. Le Conseil du patronat regroupe essentiellement les associations
patronales, regroupe essentiellement des entreprises. La chambre de commerce
regroupe aussi de ces gens-là, mais aussi des fonctionnaires et
différents éléments de la société. Si tu es
intéressé par le développement économique dans une
ville, tu peux faire partie de la chambre de commerce. Donc, les structures, au
départ, ne sont pas tout à fait les mêmes. Probablement que
ce que la chambre a perçu comme message à partir de certains de
ses membres qui sont déjà syndiqués, c'est le même
message Qu'on retrouve dans nos sondaqes: qu'il faut retirer le droit de
grève un peu partout. Il y a une loqique là-dedans qui est
incroyable. Sauf que nous ne sommes pas le qouvernement, nous n'avons pas la
responsabilité d'assurer les services essentiels, en tout temps, dans
tous les services publics. Nous essayons de voir quel est le message qu'on doit
véhiculer au qouvernement. Il est clair dans les services de
santé. En dehors de cela, on va voir ce qu'est l'environnement de
l'entreprise et il nous apparaît que c'est l'électricité,
le qaz et l'eau potable. Le mécanisme des services essentiels donnera,
pour nous, le transport en commun Quand cela deviendra essentiel, nous donnera
l'enlèvement des ordures ménaqères quand cela deviendra
essentiel, nous donnera Ies cols bleus quand ce sera essentiel. Oui, on fait
confiance à ce mécanisme-là. La chambre a fait un choix
différent. Pourrait-on vous suggérer qu'étant un habile
négociateur, M. Clair, vous pouvez peut-être y voir aussi une
position de négociation? Peut-être qu'on peut demander de mettre
l'ensemble des secteurs sur le même pied, Quitte, après cela,
à faire des choix entre ceux oui sont plus essentiels que d'autres.
Maintenant, le fait de prendre cette position ne nous fait pas dire,
nous - parce que certains nous le disent - Que l'enseignement n'est pas un
service essentiel. L'enseignement est un service essentiel. Mais tout cela
réside en une question de temps. Faire une grève dans le domaine
de l'enseignement à quinze jours de la fin de l'année, c'est bien
différent de faire une grève quinze jours au mois d'octobre. Nous
pensons que le Conseil des services essentiels, si vous ne lui aviez pas
donné tous les pouvoirs oue vous lui avez donnés, on serait
peut-être allé dans le sens de la chambre. Mais on fait confiance
à ce mécanisme des services essentiels avec les pouvoirs oue vous
donnez au conseil, de façon que, dans le temps, on puisse se
retourner de bord et on ne pénalisera personne.
Vous pouvez chercher toute autre explication. Les positions sont connues
depuis deux ou trois ans dans ce domaine-là. La chambre a
réaffirmé sa position; nous avons réaffirmé la
nôtre.
M. Clair: Toujours sur cette question de l'abolition du droit de
grève. Vous proposez une alternative au droit de grève ou, comme
substitut au droit de grève, la création d'un conseil
d'arbitrage. Vous semblez insister, à la paqe 20, quand vous dites, au
bas de la paqe: "Pour solutionner ce problème et proposer du même
coup une alternative à la qrève, nous avons déjà
suggéré la création d'un véritable conseil
provincial d'arbitraqe, à caractère qénéralement
volontaire sauf exception... " Ma première question: Est-ce que je
comprends que les termes "sauf exception", c'est-à-dire là
où l'arbitrage serait obligatoire, ce serait dans les quatre services
énoncés? Quant aux...
M. Dufour: Si vous permettez, plus les policiers et les
pompiers...
M. Clair: Oui.
M. Dufour:... ceux pour qui c'est déjà prévu
qu'ils vont en arbitrage.
M. Clair: C'est le substitut que vous retenez par rapport
à d'autres substituts que peuvent être la
médiation-arbitre, l'arbitrage de l'offre finale. Est-ce que je
comprends que ce conseil d'arbitrage pourrait arbitrer en quelque sorte sur
toutes les matières oui font l'objet d'une convention collective? Est-ce
qu'il n'y aurait pas des effets dangereux, des effets pervers, même si
vous dites qu'il faudrait le baliser, l'encadrer en termes de
rémunération, etc. ? Est-ce qu'il n'y a pas quand même au
fond du principe, au fond des choses, une responsabilité dont
l'État, le gouvernement ou l'Assemblée nationale ne saurait se
départir? Est-ce qu'il n'y a pas Quand même un risque que le
conseil provincial d'arbitrage, même avec des mandats très
stricts, des orientations très claires, prenne une distance par rapport
à la politique salariale ou de rémunération du
gouvernement, surtout dans la mesure où il peut arbitrer sur toutes les
questions, sur l'ensemble du contenu d'une convention collective? J'aimerais
que vous nous disiez comment vous entrevoyez le fonctionnement de ce conseil
d'arbitrage et comment vous pensez qu'on peut éviter les écueils
auxquels je fais référence?
M. Dufour: Je dois dire au départ que je vous suis
très mal, M. Clair, parce que vous dites que ce serait vous
départir d'une responsabilité - c'est une hypothèse de
travail que vous faites - qui vous a été confiée. Par
ailleurs, vous n'appliquez pas ce principe dans les municipalités.
Qu'est-ce que vous faites dans les municipalités concernant les pompiers
et les policiers? Vous leur avez retiré le droit de grève. Et,
qu'est-ce que vous faites? Exactement ce qu'on vous propose -
c'est-à-dire ce que vous proposez -et nous, on vous dit: Non, cela ne
marche pas. Il ne peut pas y avoir deux principes différents. Vous avez
dans les municipalités des élus, comme le gouvernement ici, mais
qui, face aux pompiers et aux policiers, sont obligés de s'assujettir
à un sage arbitre quelque part. On sait ce que cela a donné. Je
pense que tout le monde est d'accord pour dire que la situation n'a pas de bon
sens dans les municipalités. Je ne sais pas s'ils viennent devant vous,
mais, en tout cas, ils nous disent constamment à nous que cela n'a pas
d'allure.
M. Clair: Justement, M. Dufour, à partir de
l'expérience vécue dans les municipalités...
M. Dufour: Les municipalités, oui.
M. Clair:... où on a amendé les lois pour indiquer
que les arbitres pouvaient tenir compte de la situation des autres
salariés dans les municipalités...
M. Dufour: Voilà:
M. Clair:... on en a vu les résultats.
M. Dufour: C'est-à-dire...
M. Clair: On en a essayé quelques-uns au Québec,
des mécanismes d'arbitraqe: l'ancienne formule d'arbitrage dans les
municipalités, celle qui a été implantée
récemment, la formule d'arbitrage-recommandation du régime
syndical applicable à la Sûreté du Québec,
c'est-à-dire que c'est écrit dans les lois du Québec
depuis 1969 que, dans le cas d'impasse dans les négociations avec les
policiers de la Sûreté du Québec, le gouvernement ou le
syndicat peut faire appel aux services d'un arbitre et que sa recommandation
lie la partie syndicale, mais ne lie pas la partie patronale, ne lie pas le
gouvernement. On voit par les temps oui courent que, malgré que la loi
l'indique clairement, l'argument qui a cours dans l'opinion publique - et c'est
l'argument qu'utilise l'Association des policiers provinciaux du Québec
pour dénoncer l'attitude gouvernementale - c'est que le gouvernement a
triché parce que, dans la conception populaire, un arbitrage lie les
parties et que le gouvernement était lié par cela. On commence
à avoir essayé quelques formes d'arbitrage au Québec. Il
me semble que ce que vous dites...
M. Dufour: Je vais vous laisser entre hommes politiques
débattre du problème de la Sûreté du Québec.
D'accord? Mais on va revenir objectivement aux pompiers et aux policiers. Vous
savez très bien, M. Clair, que, dans les derniers amendements au code,
vous n'avez pas dit que les arbitres doivent tenir compte des conditions
comparables, vous l'avez vous-même mentionné tout à
l'heure, mais qu'ils peuvent en tenir compte. Et, au même moment
où vous disiez "peuvent", vous leur enleviez leur droit de lock-out. Or,
on a actuellement dans les municipalités un système d'arbitrage
qui n'a pas d'allure et, face à cela, ce qu'on dit, nous, c'est que,
comme cela n'a pas d'allure - et je sais que l'Union des municipalités
serait d'accord - si vous ne voulez pas l'essayer au niveau de l'ensemble de la
fonction publique et parapublique, suggérez-le aux municipalités
et elles vont fonctionner là-dedans. En tout cas, elles vont faire une
tentative.
Vous parlez de "final offer sélection", de
médiation-arbitre, bon! Ce sont des suqqestions oui sont sur la table
actuellement. Vous ne la faites pas dans votre document. Alors, nous autres,
nous en avons projeté une. On aurait peut-être pu discuter celle
du Parti libéral, la "final offer sélection". S'ils nous la
proposent, d'ailleurs, on va la débattre.
M. Clair: Vous avez vu ça où?
M. Dufour: Cela a été... Nous lisons les journaux.
On vous enverra la coupure. Quand ils ont fait cette proposition, on l'a
analysée. On a réagi. La médiation arbitre, vous la
proposez dans votre projet de loi, sauf que vous la restreignez aux questions
locales. On est d'accord avec ce système, d'ailleurs, sauf que, comme on
vient de le faire dans le cas de Marine Industrie, nous autres, des
médiateurs-arbitres qui viennent se substituer aux parties et oui
viennent se substituer au Législateur, on ne marche pas
là-dedans. On vous dit bravo, d'ailleurs, de ne pas l'avoir
acceptée dans le cas de Marine Industrie, alors que certains de vos
collèques le demandaient. On ne peut pas l'appliquer ici. Il reste quoi?
Il reste le choix de l'offre finale et notre proposition. À ce
moment-ci, comme le Parti libéral n'a pas tellement exploré la
sienne, on trouve la nôtre encore meilleure, mais on pourra mettre Ies
deux sur la table.
M. Clair: Je vous remercie, M. le Président. Je pense que
je vais laisser la parole à mon collègue de l'Opposition.
Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-Soulanges): Je vous remercie,
M. le ministre. La parole est au porte-parole de l'Opposition, M. le
député de Portneuf.
M. Clair: Il pourrait expliciter tout de suite l'arbitrage
final.
M. Pagé: Cela saurait très certainement vous
intéresser, M. le ministre, et nous aurons l'occasion d'y revenir
très probablement la semaine prochaine, plus spécifiquement et
très probablement au moment de la conclusion. On a une période,
une couple d'heures prévues pour la conclusion.
M. le président, M. Dufour, messieurs, merci. C'est
évidemment avec beaucoup d'attention qu'on a parcouru votre
mémoire et ce qu'il proposait. Je peux vous indiquer d'ores et
déjà oue plusieurs des points oue vous avez soulevés ou
des recommandations que vous avez formulées vont exactement dans le sens
de la perception qu'on se fait des actions que commande la situation actuelle
dans les secteurs public et parapublic, situation où on doit retenir
certains indicateurs si on veut poser un diagnostic ou si on veut en donner la
photographie la plus exacte possible. On a, d'un côté, un secteur
public oui a évolué substantiellement au cours des deux
dernières décennies. Le législateur et le gouvernement, en
1964, étaient tout à fait léqitimés - nous le
pensons - d'établir des règles nouvelles, à la
lumière du rattrapage en termes de rémunération et de
conditions de travail pour les employés de l'État à
l'époque, en regard du secteur privé. On sait Qu'il y avait un
rattrapage à faire à ce moment-là. La lecture nous indique
que l'amorce de la révolution tranquille commandait de telles actions
pour amener dans la fonction publique toutes ces femmes et ces hommes qui
étaient susceptibles d'animer et d'articuler, finalement, les politiques
gouvernementales et le développement social, économique et
culturel du Québec.
Aujourd'hui, cependant, on constate qu'il y a des choses oui doivent
être chanqées. La lecture est maintenant différente. On
retient, comme l'évoquait la chambre de commerce hier, que les
employés de l'État sont 14% des travailleurs du Québec,
13, 8%, 14%. La masse salariale, l'apport des salaires qui est affecté
à ces 14% va chercher dans les 18% ou près de 19%, en plus de
certains éléments oui sont difficilement quantifiables comme la
sécurité d'emploi; 50% de notre masse budgétaire est
affectée au paiement des salaires de nos employés et la
locomotive est essoufflée. Le secteur privé ne peut plus suivre
et notre économie s'appuie sur la vitalité, la force et la
compétitivité de l'entreprise privée au Québec. Je
suis heureux de constater qu'il aura fallu, malheureusement mais quand
même, toute cette situation pour que le PQ et le gouvernement le
constatent, malheureusement à la toute fin d'un deuxième mandat.
On aura l'occasion d'y
revenir sur d'autres tribunes. (10 h 45)
Essentiellement, ce Que vous proposez, ce sont des changements aux
règles du jeu, plus de réalisme, plus de bon sens et vous
évoquez - c'est tout à fait normal et légitime de le faire
- que le gouvernement prenne les moyens, mais vraiment les moyens pour
définir deux éléments importants de tout ce
débat:
Premièrement, la comparabilité en termes de revenus, de
rémunération, d'avantages sociaux, en fait tout ce qui concerne
piastres et cents, entre l'employé du secteur public et celui du secteur
privé, avec l'alignement le plus direct possible. L'autre
élément, qui est très intéressant, c'est que vous
demandez au gouvernement non seulement de comparer des postes et des fonctions,
des définitions de tâches ou de responsabilités, mais vous
demandez aussi que le gouvernement s'interroqe sur le volume, la
quantité de capital humain nécessaire pour donner telle
qualité ou telle autre quantité de services par rapport aux
autres provinces. C'est un élément qui est très
intéressant, qui n'avait pas été soulevé
jusqu'à maintenant par nos intervenants. Vous recevrez, à cet
égard, tout notre appui. Souvent les ministres, lorsqu'ils terminent,
disent: Vous savez, on va tenter de donner suite à certains de vos
commentaires. J'espère, M. le ministre délégué
à l'Administration et président du Conseil du trésor, que
cette proposition spécifique du Conseil du patronat, ce matin, de
comparer, plus particulièrement entre les provinces - ce serait
peut-être assez intéressant de le faire entre le Québec et
l'Ontario - combien cela nous coûte en capital humain, évidemment
en capital financier, pour dispenser tel service. Si vous ne reteniez Qu'un
élément comme celui-là, ce serait déjà
très intéressant dans l'approche que l'institut ou le bureau de
rémunération aura pour formuler les recommandations
appropriées.
Le ministre a posé plusieurs questions sur la
rémunération. Vous avez répondu à des questions que
je voulais vous formuler.
Le droit de grève. J'ai évoqué, au nom de notre
qroupe politique, que, pour nous, la primauté du droit des citoyens
à des services à la santé et à la
sécurité en tout temps, cela passe avant tout droit qui peut
être consenti à des groupes organisés. Cela a
été largement interprété depuis.
L'interprétation Qu'il faut y donner est celle qu'on lui a
donnée. Cela voudra dire 1'obligation qu'on aura comme
société et comme gouvernement, avec le consensus qu'on souhaite
le plus large possible, de changer les règles du jeu et de mettre de
côté, finalement, cette dualité à laquelle les
gouvernements successifs ont été confrontés. Un droit de
grève qui existait, entre autres, dans des secteurs aussi vitaux que la
santé - vous avez référé à
l'électricité, le gaz, l'eau potable - qui était parfois
utilisé, que les gouvernements ont tenté de limiter par des
définitions plus ou moins claires, précises et vivables de
services essentiels, les gouvernements ont eu à vivre avec cela et ainsi
donner suite à l'obligation qu'ils se sont fixée d'être un
bon employeur. Mais, en même temps, l'autre aspect de la dualité,
c'est que les gouvernements ont toujours été confrontés
à l'obligation de dispenser des services, particulièrement dans
ces secteurs, aux citoyens et ils ont eu beaucoup de difficultés
à vivre avec cela. Vous savez, c'est devenu tellement faux et
artificiel. Qu'il me suffise de référer au nombre de lois
spéciales qu'on a dû adopter ici pour limiter et mettre fin
à l'exercice de ce recours.
Le temps est donc venu, plus que jamais, de se pencher, de s'asseoir et
de voir sérieusement ce qu'il convient de faire et quelles sont les
modifications oui doivent être faites. À cet égard, vous
recommandez la suppression du recours à la grève dans le domaine
de la santé, de l'électricité, du gaz et de l'eau potable.
Nous sommes très réceptifs à l'extension du retrait du
droit de qrève, même au-delà des services de santé
et des services sociaux au Québec.
Vous dites cependant que ces travailleurs et ces qroupes auront quand
même le droit de négocier leurs conditions de travail; nous en
sommes. Mais on conviendra que, lorsqu'on parle de suppression du droit de
grève, la réponse qu'on a tout de suite de l'autre
côté, c'est: plus de pouvoir de négociation, un rapport de
forces complètement déséquilibré, etc. On a entendu
plusieurs commentaires depuis Quelques jours.
Vous formulez une proposition, l'arbitrage. Vous êtes bien
conscient de l'écueil et, en même temps, de l'obliqation qui est
faite que ce soit le gouvernement qui soit responsable de la masse salariale,
de l'établissement de la masse salariale, et que ce n'en soit pas
d'autres. Vous indiquez Que l'arbitre ou le conseil d'arbitrage pourrait
déterminer cela à partir de certains paramètres. Ma
Question était que je voulais vous entendre sur le principe de l'offre
finale, c'est ce que nous avons indiqué. Il nous apparaît que ce
serait un moyen intéressant, utile tant pour le gouvernement que pour
les travailleurs eux-mêmes. Ce système obligerait les deux parties
à aller à la limite de là où ils veulent, là
où ils peuvent aller et, finalement, ce serait utile pour tout le
Québec et tous ses citoyens.
Ce sera très certainement l'un des éléments
marquants ou majeurs de la proposition qui sera formulée mardi, avec
tous les éléments concrets à son appui, par le chef de
notre formation politique, M. Bourassa. Qu'en pensez-vous?
M. Dufour: Avant de parler du choix de l'offre finale, vous avez
quand même mentionné au tout début toute la Question de la
rémunération, de l'alignement sur le secteur privé. Je
suis content Que vous soyez revenu là-dessus parce qu'il nous faut quand
même camper notre témoignaqe surtout par rapport à cela. Ce
n'est pas tellement le Conseil des services essentiels qui nous amène
ici, ce n'est pas tellement la décentralisation; c'est justement ce
volet de la rémunération et de la politique salariale.
J'ai deux confrères qui viennent du secteur privé, M.
Sarto Paquin et M. Alexandre Beaulieu, qui voudraient peut-être ajouter
un mot sur cela, de façon à bien camper, contrairement à
ce que disent certains syndicats, tout notre intérêt pour un tel
dossier, parce que 15% ou 18% des travailleurs du secteur public sont quand
même payés par les travailleurs du secteur privé et c'est
là que cela se passe, le développement économique. Il
faudrait quand même que mes deux confrères du secteur privé
ajoutent quelque chose sur ce volet. Je reviendrai; je n'escamote pas l'offre
finale, je vais y revenir.
M. Paquin (Sarto): M. le Président, vous me permettrez de
profiter de cette première intervention de ma part pour vous souligner
l'appui total de l'Association des manufacturiers canadiens au mémoire
du CPQ. Ma présence ici ce matin le confirme.
M. le député de Portneuf, je reprends l'une de vos
expressions. Je pense la citer quand vous dites que "le secteur privé ne
peut plus suivre". J'aurais préféré voua entendre dire
qu'il, y a longtemps que le secteur privé ne peut plus suivre. De toute
façon, on s'entend.
M. Pagé: Vous ne vous opposez pas quand même
à ce que je le dise.
M. Paquin: Au contraire. Vous savez, nous avons tout
dernièrement rendu publique une étude qui démontre hors de
tout doute, croyons-nous, que d'ici à l'an 2000, le secteur
manufacturier sera en mesure de créer de 400 000 à 500 000
nouveaux emplois. Par contre, la question qu'on est en droit de se poser, c'est
de savoir quel sera l'apport du Québec dans la création de ces
nouveaux emplois.
En réponse à cette question, je pense que nous pouvons
affirmer hors de tout doute que notre habileté à créer un
climat propice aux investissements jouera un rôle ou sera un facteur, en
tout cas, des plus importants.
Des possibilités, je dis bien des possibilités, de
grève dans des secteurs, tel que nous l'avons mentionné
tantôt, on ne s'en cachera pas, vont carrément à l'encontre
de l'objectif que nous devons tous atteindre et que je décrivais
tantôt, à savoir notre habileté à créer un
tel climat. Vous savez, je n'ai pas de qrands discours a vous faire car vous
êtes déjà convaincus de l'importance, je dirais de la
nécessité du secteur manufacturier d'être
compétitif, tant au niveau national qu'international. Il en va de la
survie de nos entreprises, il en va du maintien de la création de nos
emplois. Malheureusement, nous vivons presque quotidiennement, dans nos
négociations de conventions collectives, avec ce que j'appelle des
pressions extérieures autres que des pressions extérieures que je
qualifie de normales, et je m'explique. Lorsqu'un employeur négocie sa
convention collective, il a, bien sûr, des pressions extérieures
normales, à savoir sa compétition. Mais lorsque nous devons, en
plus, y ajouter des pressions extérieures telles que dictées par
certaines exigences ou certaines politiques qui existent au niveau
gouvernemental, ça devient de plus en plus compliqué.
Lorsque je disais tantôt que le secteur privé ne peut plus
suivre depuis longtemps, je vous donne un exemple et je recule à 1971,
alors que j'étais dans le secteur privé, alors que j'étais
dans le domaine des distilleries - celle à laquelle vous pensez
actuellement, c'est exactement celle-là - où, à chaque
négociation de convention collective, je devais concurrencer avec les
salaires de l'hôpital de Saint-Eusèbe. Pourtant, on était
dans un secteur des distilleries et je vous donne des exemples.
Nos mécaniciens de machines fixes, nos employés
d'entretien - on retrouve quand même ces fonctions-là dans la
fonction publique, dans les hôpitaux - on offrait 5 $ l'heure,
l'hôpital en payait 6 $. Le seul argument que je pouvais amener
était l'aspect compétitif, l'aspect de nos coûts et aussi,
bien sûr, notre capacité de payer, chose que vous retrouvez
sûrement dans le secteur public. Mais vous avez un pouvoir qu'on n'a pas,
c'est-à-dire le pouvoir de taxation, alors que, si nous mettons ce
pouvoir en viqueur, on risque de se mettre à l'extérieur du
marché.
Vous avez éqalement fait mention, M. le député de
Portneuf, des droits des citoyens. Je vous demande respectueusement de ne pas
oublier les droits des citoyens corporatifs. Nous payons des centaines de
millions de dollars en taxes par année, en redevances, en revenus, en
tout ce que vous voulez, et je pense qu'il faut prendre en considération
cet élément, c'est-à-dire que des qrèves dans des
secteurs, comme nous l'avons mentionné tantôt, sont loin de nous
aider, au contraire.
Les employeurs, vous le savez, ont déjà des coûts
sociaux à payer au Québec, lesquels coûts se doivent
d'être comparés, à un certain moment donné, au
niveau de notre compétition, avec ceux de nos amis étranqers
situés ici même au Canada ou ailleurs. Vous
savez, si les syndicats ont parti la bataille depuis Quelque temps sur
les heures de travail hebdomadaire, on sera d'accord pour dire qu'ils n'ont
quand même pas copié le secteur privé là-dessus. Il
y a un paquet d'avantages sociaux qui existent dans la fonction publique et
qu'on n'est tout simplement pas capables de payer. Je vous donne un exemple: je
peux être d'accord avec le principe de dire: C'est le fun, après
un an de travail, d'avoir un mois de vacances; je vous jure qu'il n'y a pas
beaucoup d'employeurs au Québec qui sont capables de payer un mois de
vacances après un an de service. Ce sont ces qenres de pressions
extérieures avec lesquelles nous devons vivre presque à tous les
jours dans nos négociations de conventions collectives.
C'était, en résumé, les quelques remarques que je
voulais ajouter aux propos du député de Portneuf.
M. Dufour: M. Beaulieu.
M. Beaulieu (Alexandre): M. le Président, je suis un chef
d'entreprise qui provient de la PME. J'ai toujours, devant ces
projets-là, un sentiment d'inquiétude, celui de vouloir corriqer
des problèmes. Je m'attarderai quelques secondes au préambule du
député de Portneuf qui nous a fait remonter à
l'époque de la révolution tranquille qui n'était pas,
à ce moment-là, sans erreur sur le plan des relations de travail
de l'État. Il y a eu, à cette époque-là aussi, de
l'improvisation et probablement de l'imprudence que nous avons eu à
subir avec les années. Mettons ça sur le compte de
développements nouveaux. Mais les gouvernements qui se sont
succédé ont continué dans la même veine et on a eu
peut-être à subir le préjugé favorable aux centrales
syndicales. (11 heures)
Aujourd'hui, il semble y avoir unanimité pour faire un virage
pour donner un préjuqé favorable à la population. Les
enquêtes nous démontrent clairement que c'est sa volonté.
Le projet qui est devant nous, nous y sommes favorables. C'est un petit pas,
par contre, dans la bonne direction. Notre inquiétude, même si
votre première préoccupation se situe au niveau de la
santé, de l'éducation, du fonctionnarisme, est aussi qrande au
niveau de l'entreprise, de la population, lorsque l'électricité,
par exemple, est en cause. Imaginez, pour un instant, ce que ce serait si la
province était mise au noir. C'est drôlement plus important que le
travail au noir. Cela affecterait directement les services Que vous voulez
protéger, en particulier la santé. Connaissant un peu le domaine,
il y a bien des secteurs où les génératrices ne
suffiraient pas. Or, ces services, dans l'entreprise, dans la population, que
ce soit l'électricité, que ce soit l'eau, que ce soit le gaz
naturel, nous apparaissent aussi essentiels que la recherche et les solutions
qu'essaie de trouver le projet de loi qui est devant nous.
Toutefois, la politiaue étant ce qu'elle est - je n'accuse
personne; il faut le subir à certains moments - je ne suis pas
sûr, en tout cas j'ai des craintes que ce projet conduise, finalement,
à régler nos problèmes, peut-être bien, on
l'espère énormément, mais j'aurais le goût de dire
qu'il faudrait y croire des deux côtés de la table. Je n'essaierai
pas de mettre le ministre en boîte, mais ce qui m'inquiète dans
cela... Je relève une déclaration qu'il a faite au Devoir
où il dit: Le droit de grève existera tous les trois ans, comme
actuellement, officiellement, sur la question normative dite lourde et
officieusement la grève pourrait avoir comme raison le
mécontentement salarial. C'est peut-être mal
interprété, probablement, mais cela m'inquiète sur le
vouloir de faire proqresser ce projet de loi, surtout lorsque vous voudriez
défendre le droit de grève sur le salaire, par exemple. Tels sont
les propos que j'avais à faire sur cette partie. M. Dufour.
M. Dufour: Je reviens à la question de M. Pagé.
C'est bien sûr que, quand on propose un retrait du droit de grève,
que ce soit nous, que ce soit vous, que ce soit le ministre, il faut avoir des
outils pour réqler les conditions de travail. Il n'y en a pas
actuellement d'autres que la qrève ou la décision
gouvernementale. La proposition du projet de loi, c'est une décision
gouvernementale parce que, si on ne s'entend pas sur les salaires, on
règle par un décret gouvernemental. Nous ne sommes pas des
interventionnistes. Nous ne demandons pas l'intervention de l'État plus
dans ce domaine que dans d'autres. Si on peut trouver des moyens
d'éviter l'intervention gouvernementale, on va tout faire. On est
d'accord avec les syndicats à ce moment, d'autant plus Que - on l'a vu
ces derniers temps - plus vous allez aller comme cela -parce qu'il y a des
grosses chances que vous allez aller constamment comme cela - de plus en plus,
si les syndicats sont militants, on va défier l'Assemblée
nationale et cela nous inquiète grandement.
Les outils, il y en a trois. Il y a celui dont vous avez parlé:
l'arbitre médiateur. Il peut s'appliquer au niveau local, mais nous ne
reprenons pas tellement cette idée au niveau provincial. D'ailleurs,
vous ne la retenez pas non plus. Que reste-t-il? Il reste le conseil provincial
que nous suqqérons avec, évidemment, les paramètres qu'on
lui donne et le choix de l'offre finale. Le choix de l'offre finale, M.
Pagé, c'est un dossier qui était déjà
débattu par le Parti libéral à l'occasion du projet de loi
72, en 1974. C'est un dossier qui est étudié depuis un
certain
nombre d'années. Noua sommes très ouverts à en
débattre, à en discuter. Il nous pose une série de
problèmes. Je comprends que vous mettiez en doute notre conseil
provincial d'arbitrage. Vous allez comprendre qu'on va mettre en doute le choix
de l'offre finale. C'est un qenre d'expérience un peu comme notre
conseil qui n'a pas vécu l'expérience. En tout cas, au
Québec, cela n'existe pas. Cela a existé dans certaines provinces
canadiennes. Il y en a qui sont pour le système dans le monde patronal
et il y en a qui sont contre le système, parce qu'il y en acertains qui disent que c'est de la roulette russe, finalement. On sait
tous Que, dans le choix de l'offre finale, l'arbitre ne peut modifier de
quelque façon que ce soit la proposition ou patronale ou syndicale. Il a
à trancher entre les deux.
Les gens nous disent: Supposons, une année, que le syndicat
décide de ne rien demander de monétaire, sauf qu'il demande
quelques petites clauses d'ancienneté et une petite clause quelque part
dans les droits de gérance. L'arbitre n'a pas le choix. La
difficulté financière de l'entreprise l'oblige à aller du
côté des clauses normatives qui, pour la vie de l'entreprise,
peuvent être drôlement importantes pour le reste de ses jours. En
tout cas, c'est un système que nous sommes prêts à
regarder, qu'on va effectivement reqarder lorsque la proposition sera faite,
sauf que, pour l'instant, on s'interroge. On voudrait que des
spécialistes plus neutres que nous fassent les bilans des avantages et
des désavantages. Cela a été utilisé aux
États-Unis à certains endroits. Il y aurait sûrement
possibilité de faire une mission là, une mission mixte, et
d'aller voir...
M. Paqé: Merci. J'ai encore du temps, M. le
Président?
Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-Soulanqes): Oui, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Tout comme le ministre, j'ai trouvé
intéressant que vous fassiez référence à la
décentralisation. On constate que, depuis le début de nos travaux
et même à l'extérieur, si on se réfère aux
journaux de ce matin, la décentralisation est vue avec beaucoup
d'intérêt et beaucoup de satisfaction. Cela semble finalement
être un voeu qénéral de décentraliser et de
permettre que les instances locales, réqionales ou encore par secteurs
puissent être davantage associées au processus de
négociation de conventions collectives.
Cependant, lorsque vient le temps de mettre de la chair sur cette
ossature qu'est le principe de la décentralisation, cela devient plus
difficile parce qu'on doit reconnaître que le gouvernement, devant
être responsable de la masse budgétaire allouée au secteur
public, ne peut remettre à d'autres instances un pouvoir exorbitant
à ce chapitre.
Notre principe, c'est que le fait de négocier en cartel
confère un pouvoir et une force tellement qrande qu'en compensation de
cette cartellisation, si je peux utiliser le terme, nos interlocuteurs
syndicaux devraient accepter de réduire le champ de négociation
au niveau des tables centrales pour le ramener davantaqe au niveau local.
Vous avez pris connaissance de la liste tout à l'heure, de
façon assez rapide, que vous le vouliez ou non. Vous en avez pris
connaissance seulement ce matin. Vous avez fait référence
à des éléments, entre autres santé et
sécurité. L'arbitrage de qriefs, par exemple, pourrait être
quelque chose à négocier au niveau local, mais vous avez
vous-mêmes fait référence à la disposition
gouvernementale adoptée il y a quelques années, si ma
mémoire est fidèle. Si ma mémoire est aussi fidèle,
M. Marois s'était battu pour cela, pour faire en sorte que, dans le
secteur public, lorsque la partie syndicale faisait un grief, il était
entièrement à la charge de l'État. Cela a eu de l'impact.
Peut-être que cela pourrait se néqocier au niveau local, mais cela
a eu un impact. Le chiffre n'est peut-être pas quantifiable parce qu'il y
a là un chiffre noir. Finalement, combien de griefs se sont
réqlés sans être plaidés, strictement parce que
c'était moins coûteux et moins onéreux de les accorder
plutôt que de payer les procédures, etc. ? Cela, sans tenir compte
du fait qu'on a vu, dans certains établissements, des directeurs
généraux, des administrateurs, tellement pas associés
à ce régime qu'ils se voyaient obligés, à certains
moments, de demander à leur syndicat: Fais-moi donc un qrief ou fais-moi
donc une dizaine de griefs sur tel point pour Que le ministère puisse
m'accorder mon budqet. C'est rendu aussi ridicule que cela. Excusez le terme,
mais c'est comme cela dans certains milieux.
Doit-on, selon vous, se diriger vers un processus, un mécanisme
de décentralisation qui contiendra plus de chair sur l'ossature, quitte
à ce que cela ait un impact budqétaire? Ne serait-il pas opportun
de décentraliser et de tenter de quantifier ou d'établir des
paramètres et des limites aux coûts de ce qui sera accordé
au niveau local par la décentralisation? En fait, il ne faudrait pas non
plus créer des choses artificielles. Il ne faudrait pas
décentraliser pour le plaisir de dire qu'il y a des pouvoirs aux niveaux
locaux et que, finalement, il n'y a pas qrand-chose là. Et surtout, il
ne faudrait pas, avant que la loi soit adoptée, avant que la
démarche soit enclenchée, avant qu'un consensus puisse se tirer,
dire: Le droit de grève pourrait être utilisé là-bas
comme moyen ou par résultat de la frustration qu'ils auront eue comme
suite de l'établissement
du niveau de rémunération pour lequel ils n'ont pas le
droit de grève. C'est se donner deux prises en partant et mettre le
premier coussin à 300 pieds. Peut-être Que les paroles du ministre
ont dépassé sa pensée cette journée-là, mais
ce n'était pas sa meilleure; en tout cas, on aura d'autres tribunes pour
y revenir.
La décentralisation, jusqu'où devrait-on y aller pour que
ce ne soit pas artificiel?
M. Dufour: M. Pagé, je vais simplement vous retourner
à ma réponse de tout à l'heure au ministre. Les 34 sujets
que vous voyez à la page 34 devraient être, quant à moi,
discutés de façon très concrète - si cela fait
référence aux commissions scolaires ou aux hôpitaux; comme
à la paqe 7, je ne sais pas - en tout cas, avec les intervenants
patronaux du secteur. Par exemple, si on parle de mobilité, cela ne me
dit rien. Quand je vois cela, mobilité, quel est le contenu de la
mobilité? Si on négocie cela au niveau local et qu'on
décide de s'y arrêter, qu'il n'y a aucune mobilité d'un
poste à l'autre, on aura des problèmes de postes. Comme les
postes se négocient au sommet, on aura un problème
immédiat. On va revenir dans la même situation et on va demander
des postes additionnels, et on n'aura rien réglé. Chacun de ces
cas-là devrait être débattu. Je dis qu'on prend
connaissance des mots: hygiène-santé, qu'est-ce que cela veut
dire? Est-ce que cela veut dire le nombre d'heures de libération, par
exemple, de représentants en prévention? Est-ce que cela veut
dire le nombre de travailleurs affectés de façon volontaire, en
dehors de la loi 17, aux comités de santé et de
sécurité? C'est de l'argent, cela! C'est marqué:
équipement de protection; j'ai vu cela tout à l'heure. Dans les
écoles où il se fait de la formation professionnelle, à
partir de la loi 17 maintenant, c'est le comité paritaire de la
santé et de la sécurité qui va décider du choix de
l'équipement de protection individuel et collectif. M. Cusano, il y a de
l'argent là-dedansl
Quel est le "pot"? Quel est le "pot" qu'on transfère? Je suis
incapable de l'analyser, M. Pagé. Je reviens à la même
question que tout à l'heure. Nous répétons ce que nous
avons comme message, c'est que les partenaires patronaux veulent être
intéqrés à la démarche. Ils veulent que ce qui est
vécu dans la réalité, en bas, soit une
responsabilité qu'ils ont pris aussi en partie. Si la démarche
conduit à cela, nous serons d'accord.
Je ne sais pas si André qui vit du secteur public à
certains moments peut ajouter sur le problème de la
décentralisation.
M. Pagé: Merci, M. Dufour. (11 h 15)
M. Trudel (André): Je voudrais d'abord rappeler que le
Centre des dirigeants d'entreprises oui est une association membre du Conseil
du patronat est d'accord avec le contenu du document. Par rapport au sujet de
la décentralisation, je voudrais revenir sur une remarque qu'a faite le
député tout à l'heure, à savoir que, dans la mesure
où il y a eu un effort, dans les années dernières, pour
associer à la démarche des représentants externes des
institutions d'enseiqnement ou du secteur social, il faut s'assurer, justement,
que la décentralisation ne soit pas faussée, qu'il n'y ait pas de
contenu, qu'on ne fasse que tenter de remettre aux organisations locales des
secteurs de négociation lors de cette décentralisation, mais que
ce ne soient pas vraiment des dossiers qui permettent aux qens oui
s'intéressent à ce dossier, oui ont accepté de participer
au conseil d'administration, de prendre de vraies décisions. Je pense
que c'est dans ce sens qu'il y a un effort important à faire et nous
convenons qu'il est important de discuter de ces matières avec les
différentes associations patronales qui sont impliquées.
M. Dufour: J'ai vu récemment... Je continue, M.
Pagé, juste sur un point. Je ne sais pas où sont
négociés les changemnents technologiques dans la proposition.
Sont-ils négociés en haut, en bas? Où sont
négociés les changements technologiques?
M. Clair: L'impact des changements technologiques - parce qu'on
ne prévoit pas la négociation des changements technologiques
comme tels; les changements technologiques se font par décision du
gouvernement, en termes de modernisation des équipements, etc. -
jusqu'à maintenant, ce qui était entrevu, c'était de
laisser à la négociation nationale la question des impacts quant
aux chanqements technologiques puisque nous n'avons même pas
commencé à discuter vraiment de ces questions. Je pense qu'il y
aurait avantage à faire un premier déblayage avant d'envoyer cela
au niveau local.
M. Dufour: Des impacts économiques... Je vais vous dire
pourquoi. Malheureusement, je ne l'ai pas en main, mais j'ai vu un projet de
négociation de convention locale - il y en a qui commencent à
s'inspirer du projet de loi, nonobstant ce qu'on dit sur la place publique, et
qui préparent des projets de néqociation locale et
régionale - et j'ai vu la façon, par exemple, dont on fait une
proposition à une entreprise qui est le CSS à Montréal sur
les changements technologiques. Il est bien sûr que cela ne serait pas
acceptable, parce que la proposition locale actuelle est que
l'établissement prévienne un an à l'avance du changement
technologique.
Quels sont les liens que vous allez faire si la décision est en
haut au plan économique? En tout cas, je pense que c'est très
difficile de faire une analyse le moindrement sensée sans en
connaître l'impact.
M. Pagé: Merci.
Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-Soulanges): M. Dufour,
avant de céder la parole au député de Fabre, si je peux me
permettre une Question, on a déjà discuté de beaucoup de
choses générales et, à mesure que le temps file, il reste
de moins en moins de questions d'ordre spécifique. J'aimerais avoir
votre avis sur l'importance que vous accordez au maintien de la
sécurité d'emploi dans le secteur public. Cela devient une
monnaie d'échange de la façon qu'on peut l'interpréter.
Avec la sécurité d'emploi accordée aux employés du
secteur public, il peut se faire un échange d'ordre financier, si on
veut. Les conditions salariales peuvent être affectées du fait que
la personne sait qu'elle a une sécurité d'emploi. La description
des tâches auxquelles elle peut être appelée à
contribuer peut être différente. Est-ce qu'on peut aller dans une
direction où on maintient à vos yeux la sécurité
d'emploi, lorsque les questions qui se posent, soit les questions de savoir
comment l'État peut être le plus efficace possible, comment il
peut dépenser le moins possible pour les mêmes services, sont en
train de nous amener - il y a des débats là-dessus -sur le faire
faire ou la sous-traitance de certains services gouvernementaux par
l'entreprise privée, par voie de soumissions ou autrement, là
où on ne peut pas prétendre qu'il y a un monopole naturel oui
devrait être conservé à l'État dans le sens de ne
pas laisser l'entreprise privée décider ce qu'est le niveau de
services minimum qui peut être accordé en matière de
santé ou d'éducation.
Il est entendu qu'on doit normer certains des services au niveau
gouvernemental, donc politique, dans le fond. Mais la question se pose encore,
à savoir si on devrait en laisser aller, dans certains cas, au secteur
privé. Je ne parle pas des sociétés d'État et de
toutes les sortes de rôles qu'elles jouent. Je parle de certaines
fonctions d'État oui ne sont pas impossibles à imaginer, au
contraire, et qu'on pourrait remettre au secteur privé. Là, on
arrive de front avec le concept de la sécurité d'emploi à
l'égard duquel vous avez semblé indiquer que c'est souhaitable de
le conserver, mais que c'est une monnaie d'échange. Il y a comme deux
questions. C'est une monnaie d'échange, pourquoi? Pour les conditions
salariales, la mobilité, la flexibilité, le recyclage
éventuel, le droit de gérance d'assigner les ressources humaines
là où, selon la gérance, elles sont le plus efficace?
Donc, on est en train de limiter considérablement ce qu'il y
aurait dans une convention collective.
M. Dufour: En fait, M. le Président, vous touchez à
trois dossiers, celui de la sécurité d'emploi, celui de la
privatisation de certaines activités gouvernementales l'exemple qui me
vient rapidement en tête, c'est d'ailleurs annoncé comme
hypothèse, c'est la Régie des alcools - et, finalement, tout le
problème de la sous-traitance. Je pense que la privatisation et la
sous-traitance feraient l'objet dans les deux cas de mémoire. Sur la
sécurité d'emploi - parce que vous avez accolé les deux
autres simplement en parenthèse - non, on pense que la
sécurité d'emploi est devenue une condition de travail dans les
secteurs public, parapublic et même péripublic souvent et qu'il
serait à peu près impossible de la mettre en cause. C'est
maintenant de l'acquis et probablement que c'est l'acquis auquel les centrales
syndicales tiennent le plus, celui de la sécurité d'emploi, et ce
serait probablement s'embarquer dans des discussions stériles que de
vouloir remettre cela en cause, sauf que - et vous donnez vous-même la
réponse à la question - cette sécurité d'emploi
n'existe nulle part dans le secteur privé, même si ce sont
généralement les qens qui paient les salaires des autres. On doit
en tenir compte, non seulement, comme vous le dites, pour la
rémunération, mais dans les autres conditions de travail, qu'il
s'agisse de mobilité, qu'il s'agisse de la nécessité de se
recycler dans certains cas, parce que c'est vers là qu'on s'en va; on ne
pourra plus tout simplement confirmer une sécurité d'emploi sans
en contrepartie exiqer des choses dont la formation professionnelle, dont le
recyclage. Ce genre de négociation n'a rien à voir avec le
monétaire, mais il faudra, un jour, y arriver. Il y a des qens gui ne
sont plus capables de faire certaines tâches. Au lieu de les mettre sur
des tablettes comme on l'a fait trop souvent, parce qu'ils ont une
sécurité d'emploi, il faudra les recycler. Mais sur le principe
même, M. Johnson, de la sécurité d'emploi, non, nous, on ne
le remettrait pas en cause.
Par ailleurs, juste une mot sur la sous-traitance. C'est bien sûr
- et on l'a dit souvent - que quand, à cause de départs, il y a
des postes qui se libèrent et qu'il y a encore des activités
à compléter pour le gouvernement, il y aurait avantage à
exploiter beaucoup plus la sous-traitance qu'on ne le fait actuellement. C'est
une forme de privatisation, finalement, de l'activité sans que cela
prenne toujours l'aspect d'une manchette à projeter parce qu'on va
privatiser telle chose. S'il y a des postes qui se libèrent, on peut
aller en sous-traitance. André?
M. Trudel: À la Question qui a été
posée par le président, j'aimerais apporter un
élément supplémentaire. Nous croyons qu'il faut
ménager plus de voies de sortie à ceux qui sont dans le
réseau et donc favoriser l'intérêt pour certains de quitter
le secteur et de joindre le secteur privé. Il y a quand même
actuellement un intérêt de plus en plus grand pour
l'"entrepreneurship" et, dans la mesure où les moyens pour quitter le
secteur ne seraient pas trop onéreux, je pense Qu'on pourrait favoriser,
dans le sens que vous le mentionniez tout à l'heure, soit par un
échange quelconque lors de certaines néqociations, la
capacité ou la possibilité plus grande de pouvoir quitter le
secteur.
Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-Soulanges): Oui, tout
en remarquant que, même dans votre réponse - cela paraît -
il existe une confusion qui est peut-être entretenue du côté
des employés - c'est dans leur intérêt; donc, ce n'est pas
étonnant -entre la sécurité d'emploi des individus en
place et la permanence des postes qu'ils occupent. Ce sont deux notions
absolument différentes, et c'est dans le sens de dire: On ne remet pas
la sécurité d'emploi en cause -c'est entendu, c'est un acquis -
mais, par attrition, quand les postes vont se libérer, on ne les
renouvellera pas. On ne les occupera pas avec des qens du secteur public. On va
trouver une façon de retourner cela au secteur privé. Vous me
permettrez de dire que cela paraît contradictoire, dans le fond,
d'être pour la sécurité d'emploi, tel qu'on l'entend
généralement au point de vue du nombre de postes, et d'être
pour la sous-traitance ou de favoriser la sous-traitance. On ne peut pas faire
les deux. Il y a un choix qui m'apparaît beaucoup plus sérieux et
fondamental dans le sens qu'on est presque appelé à se brancher
sur un ou sur l'autre. Cela m'apparaît mutuellement contradictoire,
peut-être, à moins que vous ne puissiez les concilier. J'ai
hâte de vous entendre.
M. Dufour: Juste un mot. C'est bien sûr que la
sécurité d'emploi doit sous-entendre la mobilité aussi,
parce que cela ne peut pas être quelqu'un qui est vissé à
son travail indéfiniment. Il doit être mobile. Mais on regardait
les chiffres, récemment, de Mme Marois, des gens qui ont pris leur
retraite dans tout le débat de la loi 65, et quand même, dans
l'ensemble de la fonction publique, il y a eu une quantité
impressionnante de postes oui se sont libérés. C'est pour cela
que je dis que ce n'est pas contradictoire avec la sous-traitance. Le fait que
quelqu'un abandonne sa sécurité d'emploi et transfère au
secteur privé, selon des méthodes qui sont de plus en plus
acceptées par les deux parties, cela libère des fonctions -
appelons cela des fonctions - ou des postes; ces derniers ne devraient pas
automatiquement être remplacés par des gens à qui on
redonne de nouveau la sécurité d'emploi, mais aller en
privatisation par l'intermédiaire de la sous-traitance. C'est ce qu'on
favorise beaucoup.
Par ailleurs - on vous enverra une copie du mémoire qu'on a fait
sur le Code du travail - votre article 45 du Code du travail actuel
empêche tout cela.
Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-
Soulanqes): Je vous remercie de la réconciliation des termes que
vous venez de faire. Je passe la parole au député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais
revenir à votre proposition d'un conseil provincial d'arbitrage, puisque
cela me semble être une proposition clé de votre mémoire.
D'ailleurs, vous le dites au tout début, à la page 20, puisque
vous reprochez à l'avant-projet de loi de ne suqqérer aucun
mécanisme vraiment nouveau pour résoudre les différends.
Donc, vous proposez le conseil provincial d'arbitrage.
L'avant-projet de loi retire le droit de qrève sur le salarial,
maintient cependant le droit de grève sur le normatif, renforce les
pouvoirs du Conseil des services essentiels oui a des pouvoirs de
redressement.
Vous proposez donc cette formule d'arbitraqe. Si je comprends bien, en
ce oui concerne l'éducation, le droit de grève s'appliquerait,
c'est bien cela; sauf que l'arbitrage s'appliquerait dans le domaine de la
santé et des affaires sociales en général, je crois, si
j'ai bien compris votre proposition.
Vous l'appliquez et au salarial et au normatif. Vous dites, cependant -
vous apportez cette restriction à la page 22 -qu'on ne peut pas
déléquer l'entière responsabilité à ce
conseil provincial a cause des fonds publics importants oui sont
rattachés à la rémunération des travailleurs de
l'État. Il faudrait ajouter aussi: et aux choix oui sont faits en ce qui
touche le normatif, vous l'avez dit vous-même; le normatif, en termes
budgétaires, représente des sommes aussi importantes que le
salarial.
Voici la question que je vaudrais vous poser: Croyez-vous possible
d'instaurer des paramètres? Parce que vous parlez de la
nécessité de se doter de paramètres précis pour
éviter, justement, que des décisions de ce conseil provincial
aient une trop qrande influence sur le budget. Est-ce que vous croyez possible
de se doter de paramètres précis dans le domaine du normatif? Je
vais donner simplement un exemple oui me vient à l'esprit. Comment se
doter de paramètres en ce qui concerne, par exemple, le ratio
infirmière-patients? On ne peut pas se référer au secteur
privé pour se doter de tels paramètres. Est-ce que cela
n'impliquerait pas, dans cet exemple... Je pourrais en donner beaucoup
d'autres: le nombre de travailleurs sociaux dans les CLSC, comment se doter de
paramètres pour définir le nombre de travailleurs sociaux dans un
CLSC, par rapport à une population donnée, sans influencer
directement les décisions politiques qui doivent être prises? Dans
le domaine salarial, je pense qu'on peut s'entendre sur le fait qu'on peut
établir des paramètres, on peut discuter des paramètres.
Je pense que c'est possible d'en établir. Mais, dans le domaine
normatif, je me pose vraiment une question, à savoir si c'est possible.
Je voudrais savoir si vous vous êtes penchés sur les
problèmes que cela peut représenter. (11 h 30)
M. Dufour: Je pense qu'on est beaucoup plus large, quand on parle
de paramètres précis, que vous ne l'êtes; je pense qu'on ne
se référerait pas qu'aux salaires et aux
à-côtés salaires-vacances, par exemple; ce sont des choses
importantes. Je pense que les ratios, c'est carrément une
responsabilité politique parce que le nombre d'élèves par
prof, c'est une décision politique, et c'est la qualité de
l'enseignement? La même chose pour le nombre d'infirmières
auprès d'un malade. Ce sont finalement des décisions un peu
politiques et, pour nous, cela va dans des paramètres précis, au
même titre que les salaires ou que les ratios.
Il se règle quand même... Il ne faut pas penser que, parce
qu'on va en arbitraqe, tout est soumis à l'arbitrage. Il ne faudrait pas
faire un déni de la négociation de la convention collective. On
peut imaginer que les problèmes d'ancienneté se
régleraient, que les problèmes de libération syndicale se
régleraient. De toute façon, ce sont des politiques qui sont
généralement provinciales pour les syndicats; ils les appliquent
un peu partout, ces mêmes règles. Ce serait beaucoup plus,
à ce moment-là, des questions de changements technologiques - on
en parlait tout à l'heure - de santé et de
sécurité, qui mettent souvent des sommes d'argent importantes en
cause.
Dans ma tête, si vous me demandez si un ratio est un
paramètre précis qu'on devrait donner, je dis oui, au même
titre que les orientations salariales. Sinon, on retombe dans le ad hoc
d'aujourd'hui où chaque juge, en région, va décider de son
propre ratio et décider de sa propre politique salariale.
M. Leduc (Fabre): Alors, je vous pose la question: Donc, c'est le
conseil provincial, c'est-à-dire que c'est le gouvernement qui donnerait
au conseil provincial des paramètres aussi précis que le ratio,
par exemple, le nombre d'infirmières dans un hôpital. Il me semble
qu'il n'y a plus de négociation possible, il n'y a plus de discussion
possible si, d'ores et déjà, le conseil d'arbitrage est saisi de
paramètres aussi précis. Enfin, cela me semble être une des
faiblesses de votre proposition par rapport au normatif, encore une fois.
M. Dufour: Si j'étais un syndicat, de toute façon,
je préférerais cette proposition à la vôtre oui ne
me permet rien d'autre que de me placer face à l'arrêté
ministériel qui va me l'établir. La rémunération,
cela comprend les postes, si on a bien compris; c'est cela.
La proposition n'est probablement pas parfaite, on peut la regarder
ensemble beaucoup plus qu'on ne le fait ici. Ce qu'on veut éviter, c'est
de se retrouver, même dans un projet du genre de celui du ministre Clair
qu'on appuie, c'est-à-dire de soustraire la rémunération
globale de la négociation, avec une fixation automatique des
échelles de salaire tous les trois ans. On veut essayer de voir s'il n'y
a pas d'autres possibilités. Le droit de grève étant
toujours exclu - on est d'accord avec cela - y a-t-il des formules autres? Le
système actuel de faire décider à l'hôpital
Notre-Dame par l'arbitre X, cela n'a pas fonctionné. On ne peut pas. Il
faut regrouper... Dans une hypothèse, ce serait l'ensemble des
hôpitaux sous un conseil quelconque qui serait provincial.
Là, vous n'avez pas d'alternative. La seule possibilité,
après avoir négocié trois mois, est qu'on va se retrouver
devant l'arrêté ministériel oui va décider des
salaires. C'est peut-être cela, la formule, sauf aue le gouvernement
voudra peut-être, a un moment donné de son histoire, dire non pour
un secteur X. On voudrait bien soumettre cela à la considération
de quelqu'un d'autre que notre propre pouvoir exécutif. C'est la
proposition qu'on fait.
Elle ne rejette pas la proposition Clair de régler le
problème par le Conseil des ministres, à un moment donné;
elle ne la rejette pas. C'est une solution de rechange. Maintenant, je suis
d'accord avec vous pour dire qu'on devrait peut-être discuter longuement
de ce que sont les paramètres, de ce que l'État devrait donner
comme directive à son conseil provincial d'arbitrage, parce qu'il peut
aller aussi loin Qu'être très directif et finalement ne rien
donner. Pour cela, je suis d'accord avec vous. Mais je ne rejetterais pas la
proposition globale parce qu'aujourd'hui on ne peut pas s'entendre exactement
sur les paramètres.
M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.
Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le
député de Fabre. Tout en faisant remarquer aux membres de la
commission que le temps prévu pour la tenue de cette présentation
est écoulé, sauf le droit du ministre de saluer les
représentants du Conseil du patronat... À
moins que le ministre ne puisse accorder une partie des quelques
secondes, ou à peu près, qui restent à mon collègue
de Verdun...
M. Clair: Je ne voudrais pas empêcher le
député de Verdun de s'exprimer brièvement, si c'est pour
une ou deux minutes.
M. Caron: Très brièvement, M. le Président.
On n'a pas parlé ce matin... Le ministre nous suggère un
comité de six-six plus une personne qui serait nommée par le
gouvernement. On n'a pas abordé le sujet ce matin et j'aimerais avoir
votre opinion, si c'est possible.
M. Dufour: Très rapidement, sur la composition de
l'institut, on ne s'est pas beaucoup attardé à cette
question-là. Pour nous, ce qui apparaît important, c'est qu'on le
mette sur pied. Par ailleurs - on le siqnale rapidement dans notre
mémoire - il devrait y avoir une participation du secteur privé
et non pas purement des partenaires patronaux du gouvernement. Quand on parle
de la partie patronale, on devrait, à cause des effets
d'entraînement de l'un sur l'autre, trouver le moyen d'impliquer le
secteur privé plus qu'on ne le fait dans la proposition qui est ici.
M. Caron: Merci. !
Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-Soulanges): Merci, M.
le député de Verdun. M. le ministre, en vous remerciant encore
d'avoir cédé quelques secondes de votre temps au
député de Verdun.
M. Clair: Merci, M. le Président. Je ne voudrais pas
laisser sans réponse la question qui m'était posée par M.
Beaulieu concernant une déclaration au Devoir. Je voudrais dire
que les propos qui étaient rapportés étaient exacts, mais
ils n'étaient que partiels dans ce que j'avais évoqué. Si
vous les avez interprétés comme étant un souhait de ma
part qu'une fois tous les trois ans l'enjeu de la grève soit
modifié par rapport aux droits qui seraient consentis si l'avant-projet
de loi était adopté, c'est une mauvaise interprétation.
Tout ce que j'ai voulu indiquer, c'était que nous avions confiance dans
le mécanisme que nous proposions, soit un Institut de recherche sur la
rémunération avec un rapport annuel qui permettrait d'apporter
satisfaction aux attentes des employés des secteurs public et parapublic
et qu'ainsi cette question-là ne se pose plus une fois tous les trois
ans. J'ai indiqué, par ailleurs, que si jamais, effectivement, notre
mécanisme n'était pas satisfaisant, on ne pourrait pas
empêcher intellectuellement une personne d'être insatisfaite du
régime et, au moment où la négociation triennale - tous
les trois ans - portant sur des enjeux limités s'effectuerait, c'est
évident qu'il y aurait un lien, en termes sociologiques et
psychologiques également, au niveau de chacun des individus, entre sa
satisfaction à l'égard des mécanismes et des
résultats obtenus et son attitude générale sur la
négociation sur les autres enjeux, une fois tous les trois ans.
Quant à nous, nous avons suffisamment confiance dans les
mécanismes que nous proposons à cet égard-là pour
être convaincus que, justement, loin de venir ajouter des enjeux tous les
trois ans, les mécanismes viendraient faire baisser la pression parce
qu'ils donneraient un résultat satisfaisant, équitable, juste et
raisonnable, en termes de rémunération, pour les employés
de l'État.
Je termine en utilisant la porte que m'a ouverte M. Dufour tantôt,
en me complimentant sur mes qualités de négociateur et en disant
que j'avais sûrement perçu, dans la différence de positions
entre celle du Conseil du patronat du Québec et de la Chambre de
commerce du Québec, une ouverture à la négociation
possible. J'utiliserai donc cette porte pour passer au Conseil du patronat le
même message que j'ai passé hier a la Chambre de commerce du
Québec, soit celui de dire qu'en tout état de cause je pense que
c'est par ouverture d'esprit, modération, pondération et une
volonté d'être davantaqe tournés vers les problèmes
actuels et d'avenir plutôt que d'être tournés sur les
rengaines du passé qu'on saura bâtir un régime de
néqociation qui satisfera non seulement les employés du secteur
public, non seulement les patrons privés que vous êtes, les
patrons publics et le gouvernement, mais l'ensemble de la collectivité
québécoise. C'est donc un appel à la modération
à partir de l'ouverture que vous m'avez faite. Merci, M. le
Président.
M. Dufour: Étant axés nous aussi sur le futur, M.
le ministre, nous sommes convaincus qu'il n'y aura plus de grèves dans
les services de santé, dans l'électricité, le gaz et l'eau
potable.
Le Président (M. Johnson, Vaudreuil- Soulanges): M.
Dufour, au nom de la commission, vous me permettrez de vous remercier de votre
présence ici et, bien honnêtement, au nom de tous les membres de
la commission, de vous féliciter de la qualité de la
préparation qui était évidente lors de votre
présentation. Nous vous souhaitons bonne route à partir de tout
de suite.
M. Dufour: Merci.
Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-Soulanges): La
commission poursuit ses
travaux en demandant à l'Association des centres hospitaliers et
des centres d'accueil privés du Québec de bien vouloir prendre
place à la table devant nous. Nous vous souhaitons la bienvenue à
notre commission. Je vous rappelle que l'ordre de nos travaux prévoit
que vous disposez, au départ, d'une période de 20 minutes pour
faire une présentation fondée sur le mémoire que vous nous
avez fait parvenir. Je demanderais tout de suite à celui ou celle qui
est le porte-parole de l'association...
Une voix: M. Groulx.
Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-Soulanges):... M.
Groulx, de bien vouloir nous présenter les personnes oui l'accompagnent,
a partir de sa gauche, aux fins du Journal des débats.
Association des centres hospitaliers et des centres
d'accueil privés du Québec
M. Groulx (André): C'est précisément l'ordre
dans lequel je voulais procéder. À ma qauche, Mme Clémence
Labrèche, vice-présidente de l'association; à ma droite,
M. Gilles Gaudreault, directeur général de l'association à
la permanence, et M. Claude Berlinquette, directeur des relations du travail
à l'association; et moi-même oui en suis le président.
M. le Président, nous voudrions d'abord remercier la commission
de nous accorder l'opportunité d'exprimer notre point de vue sur
l'avant-projet de loi. L'ACHAP, l'Association des centres hospitaliers et des
centres d'accueil privés du Québec, est une association patronale
du réseau des affaires sociales. Elle reqroupe essentiellement des
établissements privés conventionnés dans les
catégories des centres d'accueil d'hébergement, des centres
d'accueil d'adaptation et des centres hospitaliers de longue durée.
L'association représente plus de 100 établissements regroupant
6000 lits et a peu près le même nombre de salariés y
travaillent. Ceux-ci sont regroupés à l'intérieur de sept
groupements syndicaux.
Nous sommes, en tant que partenaire patronal du réseau des
affaires sociales, fortement intéressés par toute
réflexion concernant le régime de négociation des
conditions de travail des employés. Nous le sommes aussi en tant que
gestionnaires d'établissements dont la finalité première
est la dispensation de services à des personnes, ces personnes que l'on
appelle bénéficiaires et qui, à toutes fins utiles,
peuvent voir ces services modifiés ou altérés par le
régime de relations du travail qui existe ou existera dans le
réseau des affaires sociales.
Le système actuel a fait l'objet de fréquentes critiques.
Son inefficacité à résoudre adéquatement les
problèmes a été dénoncée et
démontrée à de nombreuses reprises, autant par des
organismes du réseau des affaires sociales que par les observateurs de
cette scène et par le public en qénéral. Très
nombreux sont ceux qui désirent y voir des changements; nous en sommes.
Dans cet esprit, nous appuyons totalement la volonté qui s'est
exprimée par le dépôt de l'avant-projet de loi et oui
s'exprime actuellement par les séances de cette commission. Nous
appuyons donc cette volonté de changer le régime. Nous souhaitons
que cette volonté perdure et qu'elle puisse se matérialiser dans
les plus brefs délais possible par un changement du régime de
négociation dans le réseau des affaires sociales. L'avant-projet
de loi propose des modifications oui ne sont certes pas sans importance: un
nouveau mode de détermination de la rémunération, une
décentralisation de la négociation aux catégories
d'établissements et aux établissements eux-mêmes, des
restrictions quant à l'exercice du droit de grève. Ce sont les
trois aspects sur lesquels, aujourd'hui, nous allons vous faire part de nos
commentaires. (11 h 45)
Un nouveau mode de détermination de la
rémunération. Une première modification importante
proposée par l'avant-projet de loi concerne la
rémunération. Nous désirons d'abord énoncer les
règles ou principes que vous avez, certes, déjà entendus,
et ce, probablement à plusieurs reprises, qui, à notre avis,
doivent guider la réflexion. La rémunération des
salariés de l'État occupe plus de la moitié de son budget.
Une variation de celle-ci a des conséquences importantes sur la marge de
manoeuvre du gouvernement. Cette variation influe sur les priorités de
l'État et sur les choix sociaux à exercer. Cette influence peut
s'étendre à la détermination du taux de taxation. À
notre avis, ces éléments sont du ressort et de la
responsabilité exclusive du gouvernement. C'est pourquoi nous ne pouvons
accepter que celui-ci négocie cette faible marqe de manoeuvre avec des
partenaires sociaux.
Nous appuyons donc la proposition avancée dans l'avant-projet de
loi voulant qu'en dernier ressort, c'est le qouvernement qui décide de
l'augmentation de la masse salariale qu'il entend accorder à ses
salariés. Nous n'avons pas de commentaires spécifiques à
formuler sur la méthodoloqie présentée. Il nous suffit de
constater que l'orientation gouvernementale est annoncée dans tous ses
détails, permettant ainsi un débat public sur la question et
qu'en définitive le qouvernement en décide.
À notre avis, la rémunération des salariés
de l'État doit être au diapason de celle des travailleurs du
secteur privé au Québec. Le gouvernement doit adopter, dans la
mesure de ses capacités et moyens, une politique de parité
salariale avec le secteur
privé. La création d'un institut de recherche sur la
rémunération, orqanisme paritaire ayant pour but d'informer le
public de l'évolution comparée de la rémunération,
secteur public et secteur privé, permet la réalisation de cette
politique. Nous concourons à sa création et à ses
objectifs.
M. Gaudreault (Gilles): Une décentralisation de la
négociation. Les dernières rondes de négociations se sont
effectuées d'une façon très centralisée. Les textes
ont été négociés et agréés par des
structures qui se trouvaient fort éloignées des
établissements. Certains établissements perçoivent ces
textes comme des normes et des règles qui viennent d'ailleurs. On les
consulte Quelquefois lorsqu'un problème survient et on réalise
leur complexité. On fait alors appel à des personnes-ressources.
Dans le coure des années, cette situation a eu comme conséquence
une sorte de désengagernent de l'établissement face à la
convention collective. La décentralisation permettrait, croyons-nous,
une forme de réappropriation du texte. Ce désengagement oui a
pour principale cause la centralisation des négociations provient aussi
du fait que les textes ne correspondent pas toujours, pour ne pas dire souvent,
à la réalité même de l'établissement.
Aussi, croyons-nous que la décentralisation des
négociations est devenue nécessaire. Nous appuyons donc
l'idée proposée dans l'avant-projet de loi que le pouvoir de
négocier la convention collective appartienne aux sous-comités
patronaux de négociation. Ceux-ci vont se créer par
catégorie d'établissements. Nous voyons là un pas
important vers la décentralisation. L'avant-projet de loi propose un pas
de plus en conférant, dès le départ, aux parties au niveau
local, le pouvoir de négocier et d'agréer un certain nombre de
stipulations de la convention.
Les membres de notre association considèrent que, dans un premier
temps, les objets de cette négociation locale doivent être peu
nombreux. Comme nous l'avons mentionné précédemment, les
établissements se sont, au cours des années,
désintéressés du texte de la convention collective. Ils
n'ont pas d'expertise et, pour la très grande majorité des
établissements membres, pas de ressources à consacrer à la
négociation.
Ils ont certes l'habitude des arrangements locaux et quelques-uns ont
pu, a l'occasion, signer des ententes qui modifiaient une stipulation de la
convention collective. Mais, à notre avis, cet exercice de
négociation est différent de celui d'un réel pouvoir de
néqocier et d'agréer d'une façon exclusive des
stipulations d'une convention collective. L'impact et la pression sur
l'établissement ne sont pas les mêmes.
La gestion des ressources humaines et, particulièrement, la
facette des relations du travail ne relèvent pas nécessairement,
dans nos organisations, d'une seule personne. La direction
générale et les cadres hiérarchiques se partagent cette
fonction.
Le pouvoir, mais aussi le devoir, de négocier localement a pour
risque de semer, au début à tout le moins, une certaine
confusion. Les énergies du personnel d'encadrement seront
canalisées vers la négociation avec peut-être,
croyons-nous, des effets sur la qualité des soins. Certains
établissements devront ajuster leur plan d'organisation. Ils devront
aussi accroître leur connaissance de la convention collective et
apprendre à négocier. Nous croyons que la négociation de
la convention collective au niveau des sous-comités est
déjà un pas important vers la décentralisation. Nous
croyons, de plus, que les établissements doivent faire progressivement
l'apprentissage de la négociation.
Nous vous suggérons donc d'apporter des modifications à
l'avant-projet de loi. Nous proposons que les stipulations prévues pour
la négociation locale deviennent des stipulations négociables et
non pas, comme le prévoit l'avant-projet de loi, des stipulations
à être négociées exclusivement à ce niveau.
Nous voudrions les voir se transformer en des éléments d'un champ
de juridiction dans lequel les parties au niveau local pourraient puiser au
besoin.
Cette distinction permettrait d'attribuer au sous-comité de la
catéqorie d'établissements, c'est-à-dire au niveau
national, le pouvoir de négocier ces mêmes stipulations et ainsi
d'établir un texte plus approprié à la catéqorie
d'établissements. Nous croyons que la pression au niveau local pour
modifier un texte s'en trouverait alors diminuée. Les parties au niveau
local puiseraient au besoin dans le champ de juridiction oui leur est
attribué. Ainsi, à la demande d'une partie, les
négociations débuteraient. Advenant une entente sur une
stipulation, celle-ci deviendrait la loi des parties au niveau local mais cette
entente aurait comme conséquence que, dorénavant, cette
stipulation demeurerait de juridiction exclusive au niveau local. Ainsi,
progressivement, les établissements auraient à négocier un
plus qrand nombre de stipulations appropriant à leur rythme des
éléments d'un champ de juridiction fixé à
l'avance.
Mme Labrèche (Clémence): Nous sommes heureux de
constater que le gouvernement, par le dépôt de l'avant-projet de
loi, a fait un pas important dans une opinion que nous avons toujours soutenue
avec force et que nous soutenons toujours. L'avant-projet de loi abolit
l'exercice du droit de grève pour les matières relatives à
la rémunération et celles qui sont de niveau
local ou régional. Il maintient, toutefois, la possibilité
de cet exercice pour les matières de niveau national.
Nous aurions souhaité et proposons que l'exercice du droit de
grève ne soit plus un mode de règlement des différends
pour aucune matière de la convention collective dans les centres
d'accueil d'hébergement (CAH), dans les centres hospitaliers de soins de
lonque durée (CHLD) et dans les centres d'accueil d'adaptation (CAA). Si
l'on reqarde le passé, l'histoire récente de l'exercice du droit
de grève dans le réseau des affaires sociales, l'on remarquera
que ce droit n'a été maintenu qu'artificiellement. L'exercice de
la grève fait mal, et lorsqu'elle a fait trop mal, le léqislateur
est intervenu. Pourquoi conserver un droit qu'à toutes fins utiles on ne
peut exercer? Pourquoi conserver un droit qu'à toutes fins utiles on ne
veut voir exercer?
Il faut vivre près des bénéficiaires pour mesurer
l'impact que l'exercice de ce droit occasionne sur les personnes. Imaginez-vous
en centre d'accueil, dans une chambre oui est devenue votre chez-vous. Vous
fonctionnez avec difficulté et l'on vous accorde de l'aide; mais l'on
vous retire cette aide à l'occasion d'une grève. L'impact est
grand en situation de grève, mais l'impact est tout aussi important par
la simple appréhension de son exercice. Nous sommes en présence
de deux droits, l'un qui est de recevoir des services de santé et des
services sociaux, l'autre oui est celui de faire la grève pour appuyer
ses revendications en tant que travailleur. S'il existe un ordre de
priorités entre des droits, nous choisissons d'emblée le premier.
Ces droits sont, à notre avis, incompatibles et le premier ne peut
souffrir d'aucun compromis. Nous le répétons, le droit à
l'exercice de la qrève ne doit pas exister dans nos catégories
d'établissements.
Nous ne pouvons même pas accepter l'idée de services
essentiels. Les établissements fonctionnent actuellement avec juste ce
qu'il faut de personnel et une étude récente de notre association
démontre que, dans plusieurs cas, les établissements administrent
avec une pénurie de personnel. Dans les établissements, dans des
organisations comme les nôtres, la finalité même est de
donner des services aux bénéficiaires. Tous les services, de
près ou de loin, concourent à cette finalité. Tous les
services sont donc essentiels. Il faut, à notre avis, faire le pas
important, difficile et peut-être même déchirant, de
renoncer à l'exercice de la qrève. Les règles du jeu
seront ainsi clairement établies. Une personne travaillant dans le
secteur des affaires sociales saura qu'elle ne pourra exercer un tel droit pour
faire valoir ses revendications pourtant légitimes. Se pose alors la
question de la solution. Elle est certes difficile à trouver. Nous
croyons toutefois qu'un arbitraqe sous la forme d'un conseil provincial
d'arbitrage, tel que certains orqanismes vous l'ont déjà
proposé, pourrait dans un premier temps être une avenue
intéressante.
Il faut, à notre avis, mettre en place un nouveau
mécanisme et le temps et l'expérience nous diront s'il faut le
modifier ou tout simplement le rejeter pour en créer un autre sur la
base de l'expérience qui sera acquise.
Il faut s'engager résolument dans cette voie et cette alternative
sera trouvée qui satisfera sans doute les principaux intervenants. Nous
ne devons pas, à notre avis, maintenir le droit à la grève
jusqu'à ce que l'on trouve une alternative théorique parfaite.
C'est en forqeant que l'on devient forqeron et c'est en faisant
l'expérience d'une autre voie que l'on saura s'y qouverner. Merci!
Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Labrèche.
J'invite le ministre à poser ses questions ou à faire ses
observations.
M. Clair: Oui, M. le ministre - pardon, M. le Président -
je voudrais d'abord remercier... Non, c'est à l'avenir de mon
collègue que je pensais. M. le Président, je voudrais dans un
premier temps remercier M. Groulx et les gens qui l'accompagnent de
l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés
du Québec de m'avoir donné l' occasion au cours des derniers mois
d'échanger des idées avec eux sur la réforme du
régime de négociation dans les secteurs public et parapublic, de
s'être penchés sur l'avant-projet de loi et, aujourd'hui, de venir
nous faire part de leurs commentaires, principalement quant à trois
grands sujets. Quant à moi, j'aurai des questions seulement sur deux
d'entre eux puisqu'en ce qui concerne le nouveau mode de détermination
de la rémunération, compte tenu de la position de l'association
oui en est une d'appui à la proposition qouver-nementale, je n'ai pas
à m'étendre ni à vous interroger beaucoup sur cette
partie. Je voudrais m'attarder davantage a la question de la
décentralisation de la négociation et du règlement des
différends.
En ce oui concerne la négociation au niveau local et la
façon de procéder à la décentralisation, vous
abordez cette question à partir de la page 6 de votre mémoire et,
particulièrement, à la paqe 7, où on lit ceci en parlant
des établissements membres: "Ils ont certes l'habitude des arrangements
locaux et quelques-uns ont pu, à l'occasion, signer des ententes qui
modifiaient une stipulation de la convention collective. " Vous indiquez,
à la page 8, que c'est très différent, à votre
avis, du pouvoir réel de négocier et d'agréer d'une
façon exclusive des stipulations d'une
convention collective. À la page 9, vous proposez, plutôt
que d'avoir l'obligation en quelque sorte de négocier sur une liste de
sujets, de pouvoir transformer cette liste en un cataloque à
l'intérieur duquel vous pourriez puiser et que cela se fasse à
partir de la volonté de l'une ou l'autre des deux parties. (12
heures)
L'avant-projet de loi a une orientation et un contenu différents
et, justement parce qu'il existe des arrangements locaux, qu'il existe
déjà une base à partir de laquelle on pourrait commencer
à travailler et à néqocier dès l'adoption de la
loi, si ces dispositions étaient reproduites, il me semble qu'il y
aurait avantage, puisque nous prenons ce qui est dans les conventions
collectives actuelles comme étant le statu quo... susceptible
d'évoluer selon la volonté des parties au niveau local, il me
semble qu'il y aurait des avantages à ce que, de manière
permanente et à partir de l'adoption de la loi en quelque sorte, ces
mécanismes puissent se mettre à opérer. J'ai deux
questions. Quand vous affirmez que vous avez eu, dans quelques cas, à
signer des ententes qui modifiaient une stipulation de la convention
collective, des arrangements locaux, en termes de nombre de sujets ou de
matières sur lesquels portaient ces arrangements locaux, est-ce que,
quand on dit "quelques-uns", cela veut dire que c'est dans très peu de
cas, ce qui viendrait confirmer, en ce qui concerne le réseau que vous
représentez, qu'il n'y a pas beaucoup de problèmes à
qérer les conventions collectives telles qu'elles existent
présentement? Deuxièmement, qu'est-ce qui vous amène, de
façon aussi nette, à vous orienter davantage en fonction de la
proposition de la coalition des syndicats du secteur public oui, eux aussi, ont
plutôt une orientation d'arrangement local à partir d'une liste
plutôt que l'approche oui est retenue par l'avant-projet de loi?
J'aimerais vous entendre dans un premier temps sur ces deux questions.
M. Berlinguette (Claude): En ce qui concerne la première
question, vous vous interrogez en termes de nombre ou de volume. Il y a 103
établissements membres de l'association. Sur les 103, il y en a 71 de
syndiqués. On demande à nos établissements lors des
périodes ou d'une ronde de négociations de nous faire parvenir,
en fait, leurs arrangements locaux pour qu'on puisse éventuellement les
consulter et les orienter en leur donnant notre opinion là-dessus. Sur
les 71 établissements, nous avons peut-être 30 arrangements locaux
qui ont été négociés. Pour l'ensemble des autres
établissements, il n'y en a pas. J'imagine que les parties fonctionnent,
soit d'une façon verbale, soit qu'elles ont une habitude dans le
passé qu'elles ont maintenue ou soit simplement qu'elles n'ont pas senti
le besoin de modifier le texte provincial. Sur les 30 documents que l'on a, les
sujets sont peu étendus. Si on fait référence à
notre convention collective, il y a peut-être une quinzaine de sujets sur
lesquels les parties peuvent faire des arrangements locaux. On ne retrouve pas
ces quinze sujets dans les textes néqociés localement. On
retrouve sept ou huit sujets, généralement, quelques-uns
quelquefois à l'extérieur des éléments qu'elles ont
le droit de négocier, ce oui rend ces éléments
illégaux d'une façon technique, mais c'est très peu.
Globalement, sur les 30, l'aspect le plus important qui est traité,
c'est peut-être la gestion de la liste de rappel. C'est un peu l'ensemble
du portrait.
M. Clair: Vous dites qu'au-delà des siqnatures
d'arrangements, il y a des ententes verbales. Est-ce à dire
qu'au-delà de la trentaine de documents signés, il y aurait de
nombreux arrangements de nature verbale, de "bonne entente", où l'on
modifie le contenu des conventions collectives, mais sans nécessairement
le mettre par écrit? Je vois que dans votre mémoire, vous dites,
par exemple - et ce sont des mots importants -qu'au départ la convention
collective est un document auquel vous vous référez quelquefois.
Je cherche la citation, là. En tout cas, vous affirmez... À
toutes fins utiles, à deux ou trois endroits, le mémoire laisse
entendre que vous allez devoir approfondir votre connaissance des conventions
collectives, s'il y a une décentralisation au niveau local, que vous
allez devoir former vos cadres ou les préparer à pouvoir
négocier, que c'est un document auquel vous vous référez
quelquefois. L'impression que cela donne, c'est que dans votre réseau -
et surtout avec ce que vous venez de dire - il y aurait beaucoup d'ententes
orales ou verbales puisque la convention collective ne semble pas être
l'objet de chicanes permanentes et le document dont on se sert de
manière quotidienne dans le rèqlement des problèmes.
M. Berlinguette: J'aimerais peut-être préciser ma
pensée. Lorsque je faisais allusion à des ententes verbales,
c'est par rapport aux autres arrangements locaux. Je disais qu'il y avait
peut-être 30 arrangements locaux qui étaient écrits. Pour
les autres, on ne sentait pas le besoin d'écrire ces textes, mais on
traitait à peu près des mêmes sujets. On ne sortait pas
vraiment du cadre de ce qui est prévu à l'heure actuelle par la
loi 55 pour néqocier d'autres sujets de vive voix ou par
écrit.
M. Groulx: La grosseur de nos établissements a
certainement une influence sur l'ensemble de ce mécanisme. En
principe,
ce qui s'est vécu depuis les dernières années,
c'est évidemment... Les gens au niveau local avec les mécanismes
de la négociation qu'on connaissait n'avaient que très peu de
choses a dire et, dans le concret, on était pris avec quelque chose qui
ne s'appliquait pas, dans le fond, quotidiennement et intelligemment, de telle
sorte que les gens, par la voie d'à côté,
évidemment, s'entendaient par coutumes ou par ententes verbales, d'une
façon réaliste mais non conforme aux lois existantes et le jour
où cela ne fonctionnait plus, le syndicat, avec les mécanismes,
pouvait dénoncer et recommencer.
Ce qu'on propose là-dedans, dans le fond -c'est là notre
interrogation - c'est de permettre au niveau local d'évoluer au fur et
à mesure de l'expérience de la négociation. Parce que
s'entendre sur une situation des tableaux d'affichage, c'est bien beau mais ce
n'est pas une grosse négociation; s'entendre sur les vestiaires, sur
certains petits arrangements, cela ne fait pas partie de la négociation
et de l'impact direct d'une saine gestion. Ce qu'on voudrait plutôt,
c'est qu'au niveau national ou des catégories d'établissements,
le pattern s'établisse et qu'après, au niveau local, on puisse
essayer de rapatrier au fur et à mesure les sujets qui ont
déjà un certain pattern d'établi et, si on s'entend sur un
nouveau texte, ce sujet dorénavant deviendrait du ressort local.
C'est un peu une phase qui nous apparaît de transition entre la
mécanique telle qu'elle est présentée actuellement et, en
fin de compte, on pense qu'évidemment cela devrait conduire vers cela.
Mais il y a une phase de transition qui permettrait à tous les
intervenants de faire de l'apprentissage dans le réel et de ne pas
risquer à connaître ce qu'on a déjà défini,
soit un paquet de choses qui soient extrêmement différentes dans
chacun des établissements, ce qui nous causait, avant la centralisation,
un paquet de problèmes dans le réseau. Alors, au sujet de la
centralisation, on ne voudrait pas se voir complètement
décentralisé, mais on pense qu'il faut apprendre un cheminement
mitoyen. C'est à peu près cet aspect-là.
M. Clair: Donc, dans votre esprit, une possibilité
d'arrangements locaux à partir d'un cataloque - je reprends l'expression
-une négociation sous-sectorielle, tout cela étant vu comme un
premier pas ou une orientation dans la direction de la décentralisation,
mais qui pourrait être suivi par un autre pas, éventuellement.
M. Groulx: C'est cela. Sauf qu'on ne va pas directement au niveau
local dans le cataloque, on va au niveau des catégories
d'établissements, d'une certaine centralisation pour servir de pattern
et tous ces points pourraient faire l'objet au niveau local, si l'une ou
l'autre des parties désire négocier... S'il y a entente, à
ce moment-là, c'est ce texte qui devient dorénavant
matière locale clairement identifiée, parce qu'on a
démontré sa capacité, dans le fond, d'en arriver à
un nouveau texte. À ce moment-là, la responsabilité est
acquise au niveau local. S'il n'y a pas cette négociation ou cet
aboutissement, c'est le pattern qénéral qui s'appliquerait.
M. Clair: Et dans votre esprit, c'est renégociable tous
les trois ans?
M. Groulx: C'est cela.
M. Clair; Donc, c'est un concept qui s'inspire moins de celui de la
négociation permanente que celui qui est proposé dans
l'avant-projet.
M. Groulx: C'est-à-dire au niveau local, au cours de ces
trois ans, on peut faire le cheminement de reprendre les points au fur et
à mesure des parties et des besoins des parties. Alors, cela
n'enlève pas l'élément de négociation permanente.
Ce qu'on enlève, c'est l'obligation systématique de
négocier des choses alors que les parties ne sont pas prêtes,
qu'elles n'ont pas l'expertise et l'expérience nécessaires pour
tout accaparer cela.
Cela nous apparaît une phase de transition entre les deux. Mais,
cela conduirait au même résultat, sauf qu'en termes de temps, la
responsabilité des parties serait, à ce moment-là, plus
facilement identifiable et quantifiable. On ne partirait pas en guerre sur tous
les sujets; on irait sans doute aux sujets qui préoccupent d'abord le
niveau local dans son quotidien et on ferait suivre par la suite.
M. Berlinquette: Si vous me le permettez, M. le ministre.
M. Clair: Oui.
M. Berlinquette: J'aimerais préciser un peu la
pensée qu'on tente de... la question que vous posez. En fait, on irait
à la négociation locale, mais d'une façon un peu plus
lente. Ce ne sont pas des arrangements locaux qu'on tente d'inclure au texte
qu'on vous propose ici. Une fois qu'on aurait, pour employer une expression
anglaise, un pattern sous-sectoriel, une catégorie
d'établissements pour les établissements privés
conventionnés, les établissements, au niveau local, pourraient
vraiment négocier à partir des éléments contenus,
qu'on aurait prévus dans l'annexe A à l'heure actuelle. Ils
néqocient ces éléments et, s'il n'y a pas d'entente, on
revient au statu quo négocié provincialement.
Si une entente se réalise, avec tous les mécanismes
prévus dans l'avant-projet à
l'heure actuelle, cet élément précis devient
dorénavant de juridiction locale, c'est-à-dire que, lors de la
prochaine ronde de négociations au niveau national, dans la
troisième année, en prenant pour hypothèse une convention
de trois ans, le nouveau pattern qui serait néqocié à ce
niveau ne toucherait plus cet établissement au niveau local. Ce dernier
aurait son champ de juridiction très limité et dirait: Ce pattern
ne s'applique plus à moi. À ce moment-là, il embarque dans
une négociation purement locale sur cet élément. Il peut
revenir au pattern provincial ou en faire un nouveau ou garder son ancien
texte. Pour cet établissement, le national n'a plus d'influence sur cet
élément; ainsi, on considère que, tranquillement, les
parties faisant l'expérience de la négociation, vont rapatrier
l'ensemble des éléments du champ de juridiction et on pourra
imaginer, après une certaine période - comme on le voit
présentement, il y a 34 sujets dans l'annexe - que nos
établissements au niveau local vont vraiment négocier
exclusivement ces 34 éléments.
M. Clair: Je comprends. Je voudrais maintenant aborder le
deuxième sujet, la question du droit de grève et du substitut au
droit de qrève. Vous affirmez très catégoriquement,
très clairement votre position sur cette question, soit que, pour aucune
considération, le droit de grève ne devrait être maintenu
dans le secteur de la santé, dans les établissements que vous
représentez; c'est une position très claire que vous
réaffirmez puisqu'elle était déjà connue.
Maintenant, vous parlez d'un substitut au droit de grève dans le
secteur de la santé. Vous proposez comme option le conseil provincial
d'arbitrage qui nous a été présenté tantôt
par le Conseil du patronat. Je voudrais vous poser la question suivante, dans
un premier temps. Qu'est-ce qui vous a amenés à retenir cette
proposition plutôt qu'une proposition de médiation par un arbitre,
d'arbitrage de l'offre finale? En quoi un conseil provincial d'arbitrage du
type de celui, si j'ai bien compris, évoqué par le Conseil du
patronat, vous paraît-il être la solution, l'alternative, le
substitut au droit de qrève dans le secteur de la santé?
Deuxième question: Votre objectif, le nôtre, celui de
l'ensemble de la société, c'est qu'il n'y ait plus de
qrève dans le secteur de la santé. Tout le monde s'entend sur
l'objectif. Reste à déterminer quel est le meilleur moyen pour
atteindre l'objectif. Est-ce que vous pensez, à partir des
établissements de votre réseau, que les mentalités chez
les travailleurs et les travailleuses du secteur de la santé ont
suffisamment évolué pour que le retrait du droit de grève
et son remplacement par un conseil provincial d'arbitraqe, pour qu'un tel
substitut reçoive l'adhésion des salariés à la base
et que l'on ne soit pas confronté avec plus de qrèves
illégales qu'auparavant et avec encore plus de difficultés
à éviter qu'il y ait des grèves? Telles sont mes deux
questions sur ce sujet-là. (12 h 15)
M. Gaudreault: Notre orientation dans ce domaine est
basée, à titre d'expérience, sur cette proposition qu'a
présentée le Conseil du patronat du Québec et
peut-être d'autres organismes, selon laquelle les conflits passeraient
par l'audition d'un conseil provincial d'arbitrage constitué de
personnes absolument indépendantes de tout pouvoir législatif ou
exécutif et qui pourraient donner une orientation au règlement du
conflit. Cela nous apparaît une forme qui mériterait d'être
expérimentée pour la solution des conflits possibles dans le
secteur hospitalier.
Quant a savoir si les mentalités ont suffisamment
évolué, c'est assez difficile de se prononcer là-dessus.
Encore là, il faudra faire l'expérience. On semble tout de
même vivre, au moment où on se parle, des réactions assez
violentes de la part du mouvement syndical concernant, évidemment, la
proposition que vous faites, M. le ministre, et le cheminement de cette
opération.
Est-ce que l'ensemble des membres, les syndiqués, les membres de
ces syndicats, auront une voix prépondérante et verront à
ce que les organismes déléqués au règlement de ces
conflits aient véritablement autorité? C'est l'avenir oui nous le
dira.
M. Clair: Dans la mesure où vous me dites vous-même
que vous n'êtes pas certain que les mentalités aient suffisamment
évolué pour qu'il soit accepté, par l'ensemble des
travailleurs de ce secteur-là, que l'on enlève
complètement le droit de grève pour le remplacer par un
substitut, c'est donc que vous acceptez à l'avance la conséquence
de cela, c'est-à-dire le risque d'une prolifération des
qrèves illégales. S'il y a un tel risque de prolifération
des grèves illégales, la question que le député de
Fabre posait hier à d'autres organismes est tout à fait
pertinente: Jusqu'où faut-il aller dans les sanctions si quelqu'un
n'accepte pas, s'il n'y a pas, dans le contrat social entre les travailleurs du
secteur de la santé, l'État et l'ensemble de la
société, y compris les bénéficiaires, une
acceptation de ce nouveau mécanisme? Il apparaît évident
que cela conduit à des grèves illégales, surtout si vous
me dites que vous êtes plutôt d'avis que les mentalités
n'ont pas assez évolué à cet égard. Cela
amène donc la nécessité de sanctions, de mesures
répressives plus lourdes qui, elles-mêmes, ont comme
conséquence possible un durcissement additionnel du côté
des
travailleurs, d'engendrer encore davantage de frustrations et de les
faire recourir encore plus à des grèves illégales. Comment
se sort-on de cela? Est-ce que j'ai tort de m'interroger sur cette
problématique? Est-ce qu'elle est fausse, inexacte? Est-ce que j'ai fait
un scénario catastrophique ou s'il vous apparaît que, par un choix
judicieux de sanctions, ce serait possible de faire accepter de gré ou
de force votre proposition?
M. Groulx: Je pense que vous n'avez pas tort, M. le ministre, et
on serait malvenus de vous dire que vous avez tort de vous interroger avec tous
les efforts que vous avez déployés depuis la dernière
année pour essayer d'obtenir des consensus. Je pense qu'il faut se
rappeler qu'il y a dix ans on tenait la même ligne de pensée
lorsqu'on affirmait catégoriquement qu'on était contre le droit
de grève dans nos établissements. Nos établissements, ce
sont des centres d'accueil d'hébergement, des centres hospitaliers de
longue durée et des centres de réadaptation ou d'adaptation. Ce
sont des personnes qui ont besoin d'hébergement et qu'on ne peut pas
retourner chez elles. Il y a une grande marge, quant à nous, entre cette
clientèle et ce qu'on appelle un hôpital général,
parce qu'un hôpital général peut toujours décider de
fermer des lits. Dans nos centres, il n'en est pas question. Si on doit
pourvoir aux besoins directs de ces gens hébergés, on est pris
avec et on est pris pour leur donner les services qu'on doit leur donner.
Il y a dix ans, lorsqu'on affirmait cela, on était les seuls et,
aujourd'hui, lorsque vous me parlez de l'objectif général, on a
déjà franchi des pas parce qu'on commence à se
réinterroger sérieusement sur l'opportunité du droit de
grève, en tout cas dans certains secteurs, dont le nôtre, et
à le remettre en cause. Nous maintenons qu'il ne devrait pas exister. On
a dit dans notre mémoire qu'une grève possible a les mêmes
influences et on le répète encore. La grève n'a pas lieu,
mais cela a la même influence chez les bénéficiaires en ce
qui a trait à leur comportement d'insécurité. Ils se
demandent s'ils vont manger, s'il va y avoir du monde, s'ils vont être
changés. Et il n'y a pas de grève: il y a juste une
appréhension de grève. C'est la même situation que
lorsqu'il y a une grève.
Évidemment, il faut avoir le couraqe de choisir et ce n'est
facile pour personne dans une telle situation. On vous a dit que, quant
à nous, la primauté du droit aux services de santé est
évidente par rapport au droit de défendre ses
intérêts au niveau d'une grève.
L'on pense, par contre, qu'il est effectivement possible d'avoir des
mécanismes qui décourageraient le recours à ces
grèves illégales. Cette mentalité, nous pensons qu'elle a
grandement évolué au niveau des salariés. Au niveau des
centrales, c'est une autre paire de manches. Je ne vous cacherai pas que
dernièrement un chef syndical a même mis en demeure, en plus du
gouvernement, l'Opposition à savoir que, s'ils touchaient au droit de
grève, ils ne seraient jamais au pouvoir. À mon sens, penser une
telle chose et faire une telle affirmation a des conséquences
dramatiques. D'abord, ce n'est pas une personne élue par les citoyens du
Québec, je pense. Ensuite, cette orientation et cette philosophie se
basent sur quoi et sur oui? Les syndicats, comme les patrons, évidemment
n'obtiennent pas leur existence par la rosée du matin ou l'eau qui
coule. Ils ont des ressources. Ils ont besoin de ressources financières
à la base pour exister. Enlevez-leur une possibilité de
ressources financières lorsqu'il y a une qrève illégale et
je suis convaincu que vous allez toucher là un point vital. Souvent, on
a tendance à penser que les syndiqués sont uniquement des qens
faisant partie d'un syndicat; ce sont nos employés. Pour en avoir fait
l'expérience lors de grèves illégales où j'ai
personnellement rencontré mes salariés pour leur expliquer la
situation dans laquelle ils se mettaient lors d'une qrève
illégale par rapport aux bénéficiaires, par rapport
à ce que cela comportait, je peux vous dire qu'on a eu des comportements
qui nous ont beaucoup surpris, agréablement surpris.
Ce qu'on dit, c'est que ce n'est pas facile. C'est vrai qu'il va y en
avoir mais si on ne le fait pas, on sera toujours au même point, un point
de peur quant à ce qu'on devra affronter. Pour nous, un gouvernement est
là pour gérer et donner des priorités, c'est sa
responsabilité. Si une démocratie doit exister, c'est parce qu'on
a une certaine convenance des lois et qu'on est prêt à se plier
à certaines mécaniques. On accepte cela et on pense que les
parties doivent accepter cette mécanique.
M. Clair: Je vous remercie, M. le Président. Mon temps est
écoulé. Je vais laisser le temps au porte-parole de l'Opposition
de poser ses questions.
Le Président (M. Lachance): C'est bien cela. M. le
député de Jean-Talon.
M. Rivest; Comme le ministre, je pense qu'il y a deux paramètres
principaux au niveau de votre mémoire. Je vais enchaîner avec la
discussion ou l'échange que vous avez eu avec le ministre sur la
question du droit de grève. Vous savez déjà que, quant
à nous, entre autres certainement pour les établissements qui
vous concernent, la position du Parti libéral du Québec - elle va
être clarifiée et arrêtée d'une façon
définitive au début du mois de mars lors de
notre congrès plénier - d'après les
déclarations préliminaires du chef du parti, M. Bourassa, hier et
du porte-parole dans le dossier, M. Pagé, va dans le sens des
dernières remarques que vous venez de formuler.
D'abord, comme vous l'indiquez, sur le plan des principes, il est
sûr qu'on est en présence d'un effort difficile et probablement
impossible de concilier, d'articuler ou d'assurer une certaine
complémentarité entre le droit à la santé, le droit
des bénéficiaires aux services qu'exige leur condition et les
droits des travailleurs de négocier d'une façon libre, avec les
instruments de négociation, leurs conditions de travail. Le sens de
votre mémoire, c'est que vous êtes bien conscients des droits de
vos employés, vous l'indiquez assez clairement, sur le plan de leurs
conditions de travail, mais vous faites un choix en affirmant la
primauté des droits des bénéficiaires. On est presque au
niveau d'une certaine philosophie, d'une conception de la vie et cela est
fondamental. Sur ce plan, nous partageons votre type de
préoccupation.
L'une des faiblesses, je pense, de l'avant-projet de loi sur cet aspect
capital, c'est que le gouvernement ne semble pas choisir. Dans l'analyse faite
par le ministre tantôt, il vous disait que le scénario qu'il
essayait de développer relevait d'une certaine apocalypse. C'est une
interrogation sérieuse que le ministre avait, que nous avons et vous
dites, d'ailleurs, avoir et partager un certain nombre d'inquiétudes
à ce sujet. Au niveau politique, au niveau de l'Assemblée
nationale, au niveau des élus et des partis politiques, ces
choix-là doivent être faits, surtout après l'histoire des
dix ou quinze dernières années qu'on a vécues comme
société dans ce domaine. Comme le signalait, je pense, d'une
façon très pertinente le groupe qui vous a
précédés, le Conseil du patronat, lorsqu'il disait -
puisque sur les questions de rémunération le droit de
grève sera enlevé -en conclusion de son mémoire, posant la
question assez directe de la faiblesse de l'avant-projet à cet
éqard, c'est-à-dire au niveau du droit de grève:
"D'ailleurs, allez donc expliquer à un malade hospitalisé - ou
à une personne qui est dans un établissement comme vous l'avez
indiqué - qu'une grève dans un hôpital peut se justifier
sur une question d'ancienneté, de changements technologiques ou de
formation - ou autres sujets - mais pas sur une question de
rémunération. " En fin de compte, dans l'avant-projet de loi, sur
cet aspect particulier, quels que soient ses mérites, et ils sont
nombreux, sur les autres aspects, il nous semble - et je pense que c'est le
sens de votre mémoire - que vous regrettez que ce choix n'ait pas
été fait.
Sur les mécanismes, comme le ministre le signalait à bon
droit, si on enlève le droit de grève, il existe des situations
où on peut arriver à une qrève illégale. Donc, il
faut voir, avant de penser à arriver à une grève
illégale, les mécanismes de compensation. Par exemple, dans votre
mémoire - c'est la première question que je veux vous poser -vous
ne parlez que des établissements qui vous concernent, mais est-ce que
votre groupe a une opinion pour l'exercice du droit de qrève dans le
secteur hospitalier? (12 h 30)
M. Groulx: Dans l'ensemble du secteur, évidemment, les
centres d'accueil d'hébergement et les centres d'adaptation et de
réadaptation des établissements qui existent aussi au niveau
public et, à ce que l'on sache en tout cas, ils vivent les mêmes
problèmes que nous. Alors, on dit qu'au niveau de la catégorie de
clients qui sont hébergés dans nos établissements, c'est
une catégorie qui est particulière et on doit peut-être
faire une annotation spécifique à ce genre de clients compte tenu
de ce que j'ai expliqué, qu'on ne peut pas les retourner chez eux en
fermant des lits. On ne peut pas couper des soins directs - dans un
hôpital général, on peut réduire des
opérations, on peut réduire le temps d'hospitalisation - dans nos
établissements compte tenu de l'ensemble, sauf que d'autres associations
qui sont d'ordre public ont la même clientèle que nous.
M. Rivest: D'accord. Quand on arrive ensuite au niveau du
régime à la suqqestion que vous faites d'un tribunal d'arbitraqe,
je pense que vous n'avez pas répondu directement à la question
évoquée par le ministre lorsqu'il parlait des hypothèses
ou des "technicalités" au niveau des formules d'arbitrage, par exemple,
sur la base de l'offre finale. Sauf erreur, à moins que je n'aie pas
compris votre réponse, je ne pense pas que vous ayez commenté
cette question que le ministre vous posait d'une façon
particulière. Quelle serait la base ou la nature de l'arbitrage que vous
envisageriez au niveau du conseil provincial d'arbitrage que vous
évoquez?
M. Groulx: M. le député, ce n'est pas une question
sur laquelle on s'est penchés de façon approfondie. On avait eu
l'occasion, par exemple, de discuter avec les représentants du Conseil
du patronat - on fait partie, d'ailleurs, du Conseil du patronat - et sa
position sur cela nous convenait. On a même agréé cette
position de façon très formelle. Alors, c'est un peu la raison
pour laquelle on ne s'est pas penchés plus directement sur cette
méthodologie.
M. Rivest: L'approche ou les hypothèses ou les
"technicalités" évoquées ou suggérées sont
sensiblement celles dont le Conseil du patronat a discuté.
M. Groulx: Plus que sensiblement, ce sont celles du Conseil du
patronat.
Nous, vous savez, on est toujours un peu surpris que
l'illégalité, à un moment donné, devienne quasiment
rentable. On n'ose pas appuyer trop sur cela. On sait que dans le secteur on
constitue un groupe un peu particulier, étant donné le
caractère privé. Les relations du travail qui existent
également au niveau de nos établissements reflètent ce
caractère privé. M. le président vous disait tout à
l'heure qu'il a lui-même rencontré ses employés. J'ai eu
l'occasion de le faire aussi dans le secteur public, mais peut-être pas
avec le même succès qu'il l'a fait chez lui. Ce que les
employés savent dans un établissement privé, c'est que
celui qui est en face d'eux, c'est lui le patron et qu'ils ne peuvent pas
passer par-dessus. Cela a l'avantage de tempérer un peu les ardeurs des
dirigeants de syndicat. C'est un peu le portrait de chacun de nos
établissements.
M. Rivest: Comme troisième élément, au
niveau de la sanction, au fond, d'un exercice du droit de grève qui
serait aboli, je pense que votre porte-parole a indiqué tantôt,
d'une façon indirecte et prudente: Vous savez, les syndicats ont besoin
de revenus, etc., enfin ce sont les droits syndicaux qui sont, par ailleurs,
accordés dans d'autres lois. Au niveau du régime de sanction de
l'illégalité ou des situations d'illéqalité qui
pourraient survenir, est-ce que vous envisageriez un réqime de sanctions
ad hoc, c'est-à-dire des sanctions un peu traditionnelles de nos lois
dans le domaine des relations du travail ou des sanctions formellement
écrites à l'avance et clairement indiquées dans la loi, de
sorte qu'en cas d'illégalité cela entraîne telle
conséquence pour le syndicat au niveau des avenues que vous avez
évoquées tantôt? Par exemple, l'on pense aux formules de
contributions obligatoires, etc. Est-ce que cela devrait être clairement
dit dans les lois, comme premier élément? Deuxièmement,
est-ce que l'applicabilité de la sanction devrait ou pourrait, dans
votre esprit, revêtir un certain caractère d'automaticité,
devrait être immédiate? Lorsque la situation aurait
été constatée, automatiquement, ce serait ça, la
sanction. Autrement dit, que les règles du jeu soient connues. Que des
gens, des syndicats ou des patrons qui recourraient à
l'illégalité, que tout le monde sache d'avance dans les lois,
dans la volonté politique exprimée, que c'est clair que c'est
ça, la réalité, que cela ne sera pas négociable,
parce que, évidemment, la loi n'est pas négociable. Est-ce que
vous avez pensé à ce type d'approche?
M. Gaudreault: Dans notre mémoire, on dit également
que l'abolition du droit de grève rendrait la situation très
claire en ce oui concerne nos établissements, puisque quelqu'un qui
viendrait travailler dans ce réseau des établissements
privés, en particulier, saurait qu'il n'y a pas de droit de
grève. Alors, la situation serait claire. Je pense que la situation
devrait être claire pour tout le monde, également, et que ces
sanctions en cas de grève illégale devraient être connues
à l'avance et ne pourraient pas être négociées,
puisque ça deviendrait loi.
M. Rivest: Non plus qu'être l'objet de pressions politiques
au niveau de la détermination ou du contenu d'un projet de loi
spécial qui sanctionnerait, après coup,
l'illéqalité ou qui augmenterait les amendes ou les sanctions
préalablement prévues. C'est ça que vous voulez
indiquer?
M. Gaudreault: C'est ça, exactement. M. Groulx: C'est
exactement ça.
M. Gaudreault: Ce qui est connu et clairement identifié,
on ne peut pas prétendre l'ignorer.
M. Rivest: Pour conclure sur cet aspect, ça se
ramène, je pense, à l'affirmation assez forte que vous avez faite
en commentant une déclaration récemment, que c'est au niveau de
l'Assemblée, du gouvernement et de ceux qui ont été
élus par la population que le leadership - appelons ça le
leadership - dans cette question-là doit se situer, qu'il doit
être clair, définitif et enqaqé avec, bien sûr, les
difficultés ou les risques que l'exercice comporte, mais, tout de
même, que, dans l'état actuel et l'évolution de l'ensemble
de notre expérience dans le domaine des relations du travail, le moment
était venu au Québec d'avoir une telle approche du
problème. C'est cela?
M. Groulx: C'est exactement ça.
M. Rivest: Deuxième élément de ma question,
mais peut-être plus court, si vous voulez. Vous avez pris connaissance,
je pense, de la liste, de l'annexe, que le ministre a déposée
hier au niveau de la décentralisation des négociations. Entre
autres, j'ai compris, dans votre mémoire et dans l'échange que
vous avez eu avec votre ministre, qu'une fois qu'il y avait eu entente
localement, c'était arraché au niveau des sous-comités;
autrement dit, il y a un certain étapisme dans la
négociation.
La liste qui a été soumise et oui concerne les affaires
sociales, M. le ministre, elle est purement exploratoire et elle n'est
peut-être pas limitative, même.
M. Clair: J'ai clairement indiqué qu'il s'agissait d'une
avant-avant-liste et qu'elle n'était pas définitive. Si vous
remarquez, si
ma mémoire est fidèle, pour le secteur scolaire protestant
la liste est encore vierqe. Alors, c'est vraiment un travail
préliminaire.
M. Rivest: D'accord. Dans les sujets, vous avez dit l'affichage
et tout ça. Bon, très bien. Quels sont les types de sujets oui,
d'après votre expérience - peut-être que vous ne serez pas
en mesure de me répondre -vous paraîtraient importants ou de
substance et qui pourraient, effectivement, dès maintenant, être
négociés localement? Enfin, à l'expérience, vous
seriez presque prêts a accepter une décentralisation. Ce serait
quoi - il y a 34 sujets qui sont évoqués, il y en a
peut-être d'autres - les trois ou quatre par lesquels, selon vous, il
faudrait commencer sur le plan local, sans trop de difficulté?
M. Gaudreault: Il y en a une bonne majorité dans la liste
des 34, qui pourraient déjà faire l'objet d'une
négociation locale, parce que, à toutes fins utiles, ce ne sont
pas véritablement des négociations. Il y en a, cependant,
d'autres qui méritent très certainement, à notre sens,
d'être d'abord déblayés par le niveau national ou, en tout
cas, par le sous-comité qui serait constitué de personnes ayant
beaucoup plus d'expérience de la négociation.
Je peux vous donner à titre d'exemple le poste temporairement
dépourvu de son titulaire, s'il y a lieu, définition et
circonstances requises pour le combler. Dans le secteur qui nous
intéresse en particulier, je pense bien que c'est une chose qui ne
devrait pas aller, dans un premier temps, du moins, au niveau de la
consultation locale.
À toutes fins utiles, c'est une liste qui nous aqrée, mais
par un processus un peu plus marqué d'étapisme que directement,
pour le moment.
M. Rivest: Une dernière question, si vous le permettez. Au
niveau de la question des mentalités des gens, qui était
importante, soulevée par le ministre, vous évoquez, bien
sûr, que, comme administrateurs, vous avez été
sensibilisés aux difficultés et aux contraintes parfois
extrêmement sévères en ce oui concerne les coupures
budgétaires. Il y a une volonté politique, à tout le
moins, du gouvernement de modifier substantiellement, malgré les regrets
qu'on peut avoir à l'égard de l'avant-projet de loi sous certains
aspects, le régime de négociation. Mais, alors que les
employés sur le terrain vivent également - vous les vivez comme
administrateurs - les coupures budgétaires, au niveau des
mentalités de la réclamation, du sentiment d'avoir droit à
de meilleures conditions de travail, est-ce que le contexte des coupures
budgétaires ne vient pas donner un peu raison à la
préoccupation qu'avait le ministre, à savoir que la
réaction des employés risque d'être plus agressive -
certainement à bon droit - quant à certains aspects de leur
travail que dans un contexte où Us n'auraient pas à vivre ces
situations? Parce que les employés aussi le vivent au niveau de leur
charge de travail, par exemple. Est-ce que cela peut avoir un impact
significatif?
M. Groulx: Disons que, dans le réseau privé
conventionné - on l'a souliqné déjà -on a toujours
eu un certain minimum de personnel. Donc, la tâche a toujours
été une chose que les gens ont vécue d'une façon
concrète et leur productivité, quant à nous, est
excellente. Leur attitude est bien différente d'une catéqorie de
personnel qui, peut-être, a été trop nombreux pour une
tâche et qui, avec certaines coupures, s'est ramassé à un
niveau qui laissait certainement à désirer.
Alors, je pense que nos employés sont satisfaits de leurs
conditions générales de travail. Pour cela, je m'appuie sur les
expériences que nous avons vécues durant les dernières
années avec l'ouverture de nouveaux centres d'accueil, comparativement
à nos établissements qui étaient voisins. Le taux de
roulement du personnel était quasiment nul chez nous par rapport
à de nouveaux postes avec des gens oui avaient de l'expérience.
Donc, on pense, quand même, qu'ils ont évolué en termes de
mentalité; ils comprennent beaucoup mieux. On vous a expliqué
tantôt que, quand même, dans un établissement privé,
la corporation ou le propriétaire est directement sur la ligne de feu
avec ses employés, de telle sorte que la relation qui s'est
établie est un peu différente. On ne pense pas qu'ils soient
très néqatifs par rapport à cette situation. Je ne sais
pas si cela répond?
M. Rivest: M. le Président, je n'ai pas d'autre
question.
Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, le
député de Fabre m'a demandé la parole, je la lui
cède immédiatement.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Dans vos
établissements, centres hospitaliers et centres d'accueil privés,
cela remonte à quand, les dernières grèves que vous avez
connues lors d'une négociation officielle, d'une négociation dans
la fonction publique et parapublique Qu'on connaît tous les trois ou
quatre ans? Il n'y a pas eu de qrève en 1982 dans vos
établissements?
M. Groulx: Non, en 1982, il n'y en a pas eu. La ronde
précédente, il y en a eu, avec la loi 253 et la notion, il y a eu
des 24 heures, dans certains des 48 heures.
M. Leduc (Fabre): Oui?
M. Gaudreault: Nos syndiqués ou nos syndicats font partie
des mêmes centrales. À certains moments, ils sont obligés
de suivre des ordres qui viennent d'ailleurs. (12 h 45)
M. Leduc (Fabre): Le but de ma question, c'est de voir un peu
l'effet des grèves dans vos établissements depuis un certain
nombre d'années, disons si on remonte à une dizaine
d'années. Vous dites que, lors les dernières négociations,
il n'y en a pas eu dans vos établissements.
M. Groulx: Le climat que j'expliquais était là et
c'est pour nous le même vécu dans l'établissement.
Lorsqu'on commence, dans le réseau des affaires sociales, a
débrayer dans des établissements, les
bénéficiaires, évidemment, qui regardent la
télévision parce que c'est une des activités excessivement
populaires et importantes pour ces gens, se sentent immédiatement
menacés. C'est cette notion qui est difficilement quantifiable mais qui,
dans le vécu, a pour nous une importance primordiale.
L'insécurité engendre, vous le savez sans doute, lorsqu'on est
déjà dépourvu de certains éléments
d'autonomie, des mécanismes qui ont de l'influence sur le
métabolisme des gens. L'insécurité engendre des
anxiétés, de la tension artérielle, de l'insomnie et toute
la kyrielle qui s'établit. Dans des établissements comme les
nôtres, cela fait boule de neige. Vous devez développer des.
énergies considérables pour rassurer ces gens en leur disant que,
d'abord, ce n'est pas rendu au niveau d'une grève, qu'il y a peu de
probabilité que cela vienne chez vous, que les gens sont au courant de
l'impact. Il faut développer une quantité énorme
d'énergie et l'insécurité reste là. C'est cela
qu'ils vivent.
M. Leduc (Fabre): Oui, on s'entend avec vous que le climat dans
les hôpitaux, au moment des négociations et dans vos centres, en
particulier, doit engendrer une profonde insécurité chez les
bénéficiaires. Je pense qu'on s'entend parfaitement
là-dessus. Vous avez une expérience de ces centres d'accueil et
j'aimerais que vous éclairiez la commission par rapport aux effets
qu'ont eus les grèves dans le passé. Je ne parle pas du climat.
Je reviendrai rapidement sur cette question de climat après. J'aimerais
que vous puissiez donner un tableau des effets qu'ont eus les grèves
depuis 1976, par exemple. Quel a été le nombre de jours de
grève en 1976 - en 1982, il n'y en a pas eu - en 1979, pour qu'on ait
une idée, véritablement, des effets produits par les
grèves, si grève il y a eu? J'aimerais que vous puissiez donner
des faits.
M. Groulx: II y a eu, effectivement, une grève. Je n'ai,
malheureusement, pas avec moi les chiffres précis, mais je peux quand
même vous dire qu'au niveau de l'association, lors d'une grève de
24 heures ou de 48 heures, les effets sont ceux que vous imaginez et que vous
connaissez d'une façon concrète. Je peux vous les
énumérer. Les repas qui, dans un établissement de 200
lits, peuvent être normalement préparés par une douzaine de
personnes sont préparés par deux personnes. Le repas va arriver,
s'il finit par arriver, dans des conditions de présentation,
évidemment, qui ne sont pas tout à fait acceptables. Il va
arriver dans de la vaisselle de papier et la mécanique de cela c'est
qu'en le mettant dedans il risque d'être froid. La nourriture de base va
être donnée sur une période de 48 heures. Je charrierais en
disant l'inverse, sauf que ce ne sont pas des contextes globaux. Les patients
qui sont incontinents, évidemment, vont être changés, mais
on se retrouve avec la mécanique: est-ce que cela fait une heure qu'il
est dans ses excréments ou est-ce que cela fait six heures?
D'une façon normale, avec le personnel dont on dispose, le rythme
de travail et la supervision font qu'on est en mesure d'affirmer qu'un patient
qui est incontinent est changé quasi instantanément lorsque la
chose est constatée et, pour la constater, on a développé
des mécanismes de travail. En temps de grève, il va rester je ne
sais pas combien de temps dans cet état. On va le changer dans une
journée, oui. On va le changer - on a fait des 24 heures et des 48
heures avec les cadres - sauf que je ne suis pas en mesure de vous dire depuis
combien de temps il était là-dedans. Évidemment, je peux
vous dire, pour avoir vécu des 48 heures en soins prolongés, que
lorsque vous êtes un dixième du personnel et que vous avez juste
des cadres, après 48 heures, vous n'avez pratiquement pas dormi, vous
commencez à traîner de la patte. Vous savez que ces
gens-là, il faut leur donner des médicaments et les changer. Sur
200 bénéficiaires, on a 90 incontinents en général,
c'est dramatique. À cela s'ajoute la senteur si les gens ne sont pas
changés. Alors, il se développe en plus dans l'unité ou
dans les locaux, évidemment, ce que j'appelle cette mécanique de
catastrophe et de peur. C'est cela qu'on vit.
M. Leduc (Fabre): Vous parlez de 24 heures et de 48 heures. Dans
les cas que vous évoquez, est-ce que des services essentiels
s'appliquaient? Est-ce qu'il y avait eu entente avec les syndicats sur
l'application des services essentiels?
M. Groulx: Dans une infime minorité
d'établissements; dans la majorité, il n'y avait pas eu
entente.
M. Leduc (Fabre): Dans la majorité, il n'y avait pas eu
d'entente.
M. Groulx: Non.
M. Leduc (Fabre): II reste que le projet de loi prévoit,
quand même, un pouvoir de redressement de la part du Conseil sur les
services essentiels qui pourrait intervenir. C'est évident et on est
d'accord avec vous que, si la grève se prolonge pendant un certain
temps, cela peut avoir des effets très graves. Si on parle de 24 heures,
c'est très différent. Les services essentiels peuvent être
efficaces, j'imagine, sur 24 heures. Encore là, c'est sans doute
discutable, mais, en tout cas, ils sont sûrement beaucoup plus efficaces
sur 24 ou 48 heures.
Ce qui m'amène à me poser ces questions, c'est que vous
semblez croire, comme d'autres qui sont venus ici, que le fait de
légiférer nous donne l'assurance absolue qu'il n'y a plus
d'exercice de grève. Or, on a vécu des expériences avant
1964 qui contredisent une telle affirmation, une telle garantie absolue. Cette
année, c'est bien connu, à Saint-Ferdinand, dans un centre
hospitalier, on a vécu un conflit assez long, une grève
illégale. Malgré la loi, malgré toutes les
démarches qui ont été entreprises, on l'a quand même
vécu. Donc, le fait de légiférer ne donne pas une garantie
absolue. Dans nombre de pays, on ne légifère pas et la
grève ne se fait pas parce qu'on a réussi à changer les
mentalités ou parce qu'on vit selon d'autres mentalités.
Comment agir sur les mentalités? C'est la question. Vous semblez
dire comme d'autres que la crainte, c'est le commencement de la sagesse.
Donnons-nous une loi avec des dents, mettons dans une loi des sanctions
très dures à l'égard des syndicats et on va
décourager tout mouvement de grève ou on va faire
disparaître tout élément de frustration qui,
évidemment, entraîne des grèves illégales. Enfin, on
peut se poser des questions sur la façon d'amener les gens à
changer de mentalité.
Cela fait 20 ans que nos syndicats vivent suivant un certain
régime. Là, on s'imagine qu'en légiférant durement,
eh bien, on change les mentalités automatiquement. Disons que c'est un
peu la réserve que j'ai face aux opinions que vous émettez et que
je respecte profondément, parce que vous vivez dans un milieu qui risque
de vivre ces choses épouvantables que vous évoquez. Disons que
c'est quand même le commentaire que je voulais émettre.
L'Ordre des infirmières et infirmiers, hier, a fait à peu
près les mêmes commentaires que vous, mais a dit en même
temps: Écoutez, il y a peut-être moyen aussi de changer le
fonctionnement du système en accentuant davantage la
décentralisation. Vous, au contraire, vous n'allez pas trop dans le sens
de la décentralisation. Elles et eux semblaient croire que la
décentralisation pourrait entraîner des changements de
mentalités, en tout cas, pourrait aller dans le sens des changements de
mentalités, en donnant davantage de marge de manoeuvre au niveau local
afin d'adapter davantage les conditions de travail aux besoins des travailleurs
au niveau local. Cela me semble être une porte intéressante
à explorer, que le projet de loi, d'ailleurs, propose, mais vous semblez
fermer cette porte pour des raisons que je comprends. Vous dites: On n'est pas
tout à fait équipés, nous centres privés, pour
s'engager dans une décentralisation.
M. Gaudreault: On ne ferme pas cette porte, M. le
député. On est tout à fait d'accord avec cette avenue,
également, sauf qu'on dit: II faut prendre le temps de s'y rendre. Quand
je dis prendre le temps de s'y rendre, ce n'est pas reporter aux calendes
grecques cette situation, mais c'est d'y arriver dans un laps de temps qui peut
s'échelonner sur la durée d'une convention, tout au plus.
J'aimerais discuter avec l'Ordre des infirmières, que je connais
très bien, de cette situation. Je serais fort surpris qu'il ne soit pas
d'accord avec ce point de vue.
M. Groulx: Évidemment, la notion des sanctions pour nous,
c'est quand même un nouveau dynamisme. Si on fait l'historique -je suis
certain que la majorité d'entre vous le connaît - lorsqu'on a
octroyé le droit de grève dans les hôpitaux, en
particulier, je me rappelle pertinemment que certains chefs syndicaux ont dit
à nos gouvernements, à l'époque: Bien, voyons donc, c'est
juste symbolique. Alors, nous, on a fait une expérience et on a fait un
choix. On a vécu des situations, on a choisi et on pense
qu'évidemment des sanctions clairement établies, qui n'existent
pas actuellement, peuvent être une façon de contrer ou de
décourager la grève illégale. Si on réussit quand
même par des lois à décourager des gens de voler, je pense
qu'on peut, par certaines choses, décourager des gens d'aller dans
l'illégalité; sinon, je ne croirais pas en la démocratie
et aux lois.
Je me considérerais un peu comme un illuminé de penser
que, demain matin, je vais arriver à ces fins. Je pense qu'il faut
essayer autre chose. Il faut arrêter de dire qu'on va avoir quand
même des grèves illégales. Il faut trouver une
mécanique et l'essayer parce que ce qu'on a fait, c'est le contraire
à l'heure actuelle dans notre système. C'est notre position.
M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.
M. Clair: Alors, M. le Président, il ne me reste
qu'à remercier M. Groulx et les autres personnes de l'Association des
centres hospitaliers et des centres d'accueil privés du
Québec d'être venus nous communiquer leurs opinions en ce
qui concerne la réforme du régime de négociation. Je pense
que les échanges ont été utiles pour tous lesparlementaires. Alors, je vous remercie.
Le Président (M. Lachance): À titre de
président de la commission, je voudrais également remercier les
porte-parole de l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil
privés du Québec d'avoir rehaussé de leur présence
les travaux de cette commission. Je les remercie de leur contribution. Alors,
merci beaucoup, madame et messieurs.
Ceci étant dit, la commission du budget et de l'administration
suspend ses travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi, alors que
nous entendrons les représentants de la Confédération des
syndicats nationaux.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise à 15 h 8)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La
commission du budget et de l'administration se réunit avec le mandat de
procéder à une consultation générale portant sur
l'avant-projet de loi traitant du régime de négociation des
conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. Jusqu'à
18 heures, dans le calendrier que nous avions prévu, nous entendrons les
porte-parole de la Confédération des syndicats nationaux à
qui je souhaite la bienvenue à cette commission et que je remercie de
leur participation. J'inviterais immédiatement M. Gérald Larose,
le président, à bien vouloir nous identifier les personnes qui
l'accompagnent. Ce matin, j'ai demandé la même chose au
président du Conseil du patronat en lui demandant de commencer par son
extrême gauche. Alors, peut-être que vous pourriez commencer par
l'extrême droite. Non, blague à part, cela va être plus
facile de commencer dans l'ordre. Cela va permettre aux parlementaires
d'identifier les personnes à votre extrême gauche en allant vers
la droite.
M. Pagé: Vous devriez leur demander de se
présenter. Ce serait peut-être moins compliqué pour vous,
M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Vous pensez, M. le
député de Portneuf?
M. Pagé: Ah oui, je pense cela.
Le Président (M. Lachance): Allez-y.
CSN
M. Larose (Gérald): À ma gauche, Céline
Lamontagne, présidente de la Fédération des
employés des services publics; Alfred Charland, président de la
Fédération des professionnels, salariés et cadres du
Québec; Michel Gauthier, secrétaire général de la
Confédération des syndicats nationaux; Normand Brouillet,
coordonnateur des négociations dans le secteur public; Monique Simard,
première vice-présidente à l'exécutif de la
Confédération des syndicats nationaux, responsable politique de
la négociation dans le secteur public et dans le secteur privé;
Yves Lessard, président de la Fédération des affaires
sociales; Rose Pellerin, présidente de la Fédération
nationale des enseignants et des enseignantes du Québec; Léopold
Beaulieu, trésorier de la Confédération des syndicats
nationaux.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le président.
Je vous inviterais maintenant à nous donner votre exposé. Tel
qu'on vous l'a probablement indiqué, si vous pouviez vous en tenir
à un maximum d'une demi-heure pour l'exposé, c'est un ordre de
grandeur qui permettrait des échanges avec ceux qui voudront vous
interroger par la suite. Vous avez la parole, M. Larose.
M. Larose: Je vous remercie, M. le Président. Nous serons
trois personnes à vous faire la présentation de cet
après-midi; Monique Simard et Normand Brouillet m'accompagneront pour
vous faire non pas la lecture du mémoire, mais l'exposé global de
ce que nous voulons dire aujourd'hui et ensuite pour entreprendre le
débat.
Je n'ai pas à vous apprendre, ni à vous, M. le
Président, ni aux membres de cette commission - je pense que c'est de
notoriété publique et que c'est connu - que la CSN, qui regroupe
230 000 membres dans toutes les sphères d'activités
privées ou publiques et qui connaît toutes sortes de situations
à partir des secteurs qu'elle occupe, rejette l'avant-projet de loi,
demande son retrait et le fait de façon carrée, sans aucune
hésitation et sans aucune ambiguïté.
La CSN n'est pas la seule à le faire. Toutes les organisations
qui représentent d'une manière ou d'une autre des travailleuses
et des travailleurs du secteur public, réunies dans une coalition dont
nous avons favorisé la naissance, rejettent cet avant-projet de loi sans
aucune ambiguïté et le font au-delà de leurs traditionnelles
divergences. La CSN est ici pour le dire, elle est ici pour l'expliquer, elle
est ici pour faire le débat, pour soumettre ses propositions, car la CSN
a toujours été d'avis, en dépit des propos qu'on lui
prête, que ce système, ce régime est perfectible. On est
ici pour ouvrir un large débat, pour
faire connaître à la population notre point de vue, lui
soumettre nos réflexions et poursuivre avec cette même population
le même débat car les enjeux que cela soulève sont
extrêmement importants. Ces enjeux ne touchent pas seulement les
travailleuses et les travailleurs du secteur public, ces enjeux ne touchent pas
seulement les travailleurs et travailleuses syndiqués, que ce soit dans
le privé ou dans le public; cela touche toute la population, pas
seulement nos outils collectifs.
L'avant-projet de loi soulève et discute des droits, discute des
libertés, discute de la démocratie. L'avant-projet de loi remet
en question un principe fondamental qui est à la base même du
fonctionnement démocratique de notre société, celui de
l'égalité des personnes. Il y a une conception derrière
l'avant-projet de loi qui nous inquiète profondément, comme il y
a une conception de l'État aussi - mais c'est de bon ton, on est dans la
vague - qui ratatine le rôle de l'État, lui enlève son
rôle dynamique dans le développement des outils collectifs.
Cet avant-projet de loi invoque, sinon prépare un retour aux lois
du marché. Ce n'est pas parce qu'on est travailleuse dans le secteur
public, ce n'est pas parce que dans ce secteur-là ce sont
majoritairement des femmes que ces mêmes personnes n'auraient pas le
droit aux mêmes règles, n'auraient pas le même droit de
négocier, n'auraient pas droit à la même capacité et
à la même dynamique syndicale. Il y a des enjeux syndicaux
très importants, mais je vous dirai tout de suite qu'il y a des enjeux
sociaux archiimportants. C'est le ministre lui-même, dans la
présentation du débat, qui l'admet.
Il reconnaît que les syndiqués du secteur public ont
contribué et forcé une certaine forme de rationalisation des
services, le développement de standards de compétence, le
développement d'une capacité pour répondre aux besoins,
anciens et nouveaux. Les syndiqués du secteur public prétendent
et veulent continuer à le faire, car ils sont les premiers
concernés, ceux qui desservent la population, ceux qui en sont proches
et ceux et celles qui en sont à l'écoute. Enlever le droit de
négocier, c'est affaiblir notre capacité collective de forcer
l'État à développer les services, à faire
connaître les carences, à faire connaître les nouveaux
besoins, à faire connaître les anciens ou à les rappeler et
à obliger à les combler. Cette responsabilité n'appartient
pas uniquement aux travailleurs et travailleuses syndiqués. Cela
appartient à l'ensemble des travailleurs et des travailleuses, cela
appartient à la population, comme cela appartient aussi aux
décideurs, mais ce n'est pas vrai que les décideurs sont en
position de s'arroger l'ensemble de cette responsabilité.
Il y a, dans l'avant-projet de loi, des choix de société,
mais il y a un aspect dramatique dans l'avant-projet de loi. Je dirais
même qu'il y a un aspect un peu fourbe. Quand cet avant-projet de loi a
pour effet de faire dévier les questions, de polariser l'attention
ailleurs que sur les vrais problèmes, de faire accroire que les
problèmes réels des relations de travail sont techniques, sont
légaux, sont dus à un mécanisme de régime, sont dus
à des structures difficiles des syndicats, qu'il suffit de changer les
mécanismes, affaiblir la capacité syndicale pour régler
les problèmes, ce n'est pas vrai. C'est une mystification.
L'avant-projet de loi repose, comme la présentation du ministre
lui-même, sur une analyse très réductrice de la
réalité des relations du travail dans le secteur public,
où on fait fi du quotidien pour tout polariser sur
l'événement triennal du renouvellement des conventions
collectives. La réalité des relations du travail, c'est une
réalité qui a des visages. C'est une réalité qui
connaît des situations dans le quotidien et c'est d'abord à ce
quotidien qu'il nous faut répondre.
Autre aspect dramatique dans la présentation d'un avant-projet de
loi de cette teneur qui nous amène à nous poser la question:
Quand va cesser cette campagne sourde, lancinante, de dénigrement des
femmes et des hommes qui travaillent dans le secteur public avec tout ce qu'on
présuppose? À vous entendre du patronat et des gouvernements, les
femmes et les hommes de ce secteur, globalement, massivement, sont des
privilégiés, des paresseux, des profiteurs, des irresponsables,
des égoïstes. Quand va-t-on arrêter cette pollution du climat
social, cette pollution des consciences? À la longue, cela mine, cela
gruge, cela détruit. On n'a pas le droit collectivement, comme les
décideurs eux-mêmes n'ont pas le droit de systématiquement
mettre en doute la compétence, la dignité, la qualité. Il
me semble que collectivement, les décideurs inclus, on devrait avoir un
minimum de respect pour les hommes et les femmes qui oeuvrent dans nos outils
collectifs, qui servent la population, qui donnent à cette
société une bonne partie de son originalité. Les hommes et
les femmes du secteur public sont, à plusieurs égards, une des
premières richesses nationales que nous avons. Quand on regarde de
très près cette richesse nationale, il faut se rendre compte de
caractéristiques bien particulières et je vais demander tout de
suite à Monique de les préciser.
Mme Simard (Monique): II y a une dimension de la
réalité des employés des secteurs public et parapublic qui
est trop souvent cachée. Parfois, je me demande si elle n'est pas
camouflée volontairement.
Lorsqu'on parle du secteur public, il faut se rappeler qu'au-delà
des organisations, qu'au-delà des grandes règles ou des
mécaniques qu'on peut se donner, cela concerne des personnes, des
hommes, des femmes, 350 000 environ. À la CSN, on en représente
115 000, des membres, des hommes et des femmes, mais, très
particulièrement, surtout des travailleuses, des femmes.
Il s'agit ici du plus grand groupe de femmes sur le marché du
travail à négocier des conventions collectives. Au cours des
quinze dernières années, si on peut se flatter au Québec
d'avoir modifié un tant soit peu les statistiques quant à la
discrimination dont les femmes ont été victimes et sont encore
largement victimes - les statistiques là-dessus sont très
éloquentes - c'est par les efforts investis dans les négociations
des secteurs public et parapublic, par la volonté de milliers de femmes
au cours des années soixante de se syndiquer et de faire
reconnaître la valeur du travail qu'elles exécutent dans ces
secteurs.
Les privilégiés du secteur public sont, très
majoritairement, des femmes préposées aux
bénéficiaires dans des hôpitaux, dans des centres
d'accueil, des employées de bureau dans des écoles, des
préposées aux cafétérias dans des collèges
ou dans des centres hospitaliers. Très majoritairement, ce sont des
personnes, des parentes, des voisines, des gens très ordinaires, pas
plus ni moins ordinaires que l'ensemble de la population. C'est la
réalité et il faut le reconnaître. Il était
absolument incroyable, il y a encore quelques mois, d'entendre un ministre des
Affaires sociales parler des ouvriers de Saint-Ferdinand alors qu'il s'agissait
de 500 femmes et quelques dizaines d'hommes. À chaque fois qu'on
modifiera les règles de négociation dans les secteurs public ou
parapublic, il faut se rappeler que les effets ou les conséquences
seront, en tout premier lieu, vécus et, tout probablement, subis par ces
femmes travailleuses qui ont réussi à améliorer leur
situation et aussi, à un autre niveau, lorsqu'on modifie la
qualité ou la quantité de services, par les femmes
québécoises qui, encore aujourd'hui, très largement, sont
responsables des soins aux personnes, qu'ils soient socialisés ou qu'ils
soient encore privés, c'est-à-dire assumés par la
famille.
Cela nous amène à nous questionner fortement sur les
véritables intentions du gouvernement quant à une réforme
telle qu'il la propose dans un avant-projet de loi. Quelles sont les
intentions? Cela vise qui exactement? Cela vise les intérêts de
qui? Il y a évidemment les intentions, on pourrait dire, qui sont
avouées. Celles de dire: Oui, mettons fin à ces affrontements
stériles. Il y a peut-être des intentions qui sont moins faciles
à dire publiquement, mais qui sont les plus véritables,
c'est-à-dire de tenter de récupérer des personnes, des
femmes, des hommes qui gagnent leur vie en travaillant et qui ont pour seul
revenu leur salaire, de récupérer les manques à
gagner.
À qui servira cette réforme si elle était
adoptée telle que proposée? Je suis très peu
étonnée que les représentants des employeurs donnent leur
appui au contenu de l'avant-projet de loi. C'est peut-être la meilleure
façon ou une des façons pour eux de consolider leur pouvoir et de
pouvoir rendre la pareille ensuite à leurs propres employés dans
le secteur privé.
On n'a, je pense, rien à se cacher, parce que nous, de la CSN, on
n'est pas une organisation, on est ici les représentants de 115 000
personnes qui travaillent dans ce secteur. On doit, je pense, dans
l'intérêt de ces membres, dire que l'on n'est pas dupe d'une
stratégie du pire, alors qu'on nous dirait: Vous êtes mieux
d'accepter maintenant, parce qu'on ne peut pas vous promettre que, dans
quelques semaines ou dans quelques mois, ce qu'on vous offrira ne sera pas
encore pire.
Cela nous amène à regarder le contenu de l'avant-projet de
loi et à voir comment, très concrètement, cela affecterait
la vie de tous les jours de nos membres soit au chapitre de leurs conditions de
travail, de l'organisation du travail ou du salaire qu'ils retirent pour le
travail qu'ils livrent.
Il y a le chapitre de la rémunération, celui de la
décentralisation, celui de la médiation, enfin celui du droit de
grève et celui des services essentiels.
Au chapitre de la rémunération, il nous paraît qu'on
tente de rendre permanent ce qui a été commencé en 1982
par l'imposition de décrets. À toutes fins utiles, la
rémunération ne serait plus négociable, parce qu'on ne
pourrait pas avoir le droit de grève lorsqu'on en discuterait. Eh bien!
à toutes fins utiles, la rémunération serait
désormais décrétée annuellement, évidemment
dans le cadre d'un mécanisme établi par un institut de
recherche.
Il ne faut pas se le cacher, la rémunération, c'est un des
points centraux d'une convention collective. Ce n'est pas seulement le salaire
à l'échelle qui est gagné, selon le type de travail qu'on
exécute, mais c'est aussi un ensemble de dispositions comme les
vacances, les congés, les régimes d'avantages sociaux tels que
les assurances et les autres congés de perfectionnement, et j'en passe.
C'est donc extrêmement important. Si on avait une convention ici et si on
enlevait tout ce qui concerne la rémunération, le reste serait
relativement mince. Ce n'est pas anodin, pour nous en tout cas, que,
désormais, ce chapitre ne soit plus négociable. Si cela n'est pas
négociable, comment pourra-t-on en arriver à négocier le
reste de la convention collective?
Un des aspects importants, c'est celui d'établir que,
désormais, une des règles ou un des principes sur lesquels seront
décrétés les salaires, c'est la comparaison avec le
secteur privé. Je suis obligée, encore ici, d'ouvrir la
parenthèse sur ce que cela peut représenter pour les femmes. On
sait et cela n'est pas contredit que, dans le secteur public, ce sont
très majoritairement des femmes qui y travaillent dans différents
corps d'emplois. Si l'on érigeait en règle la comparaison avec le
privé, c'est dire que l'on va comparer le sort des femmes qui ont
réussi à mettre fin à leur situation de discrimination au
niveau du salaire à celle de femmes qui sont encore très
largement discriminées - et c'est le propre gouvernement du
Québec dans ses recherches qui l'affirme. Donc, renverser, je dirais, le
cours de l'histoire et abaisser ou geler tout au moins la situation de celles
qui ont réussi à améliorer leur situation à celle
de femmes qui n'ont pas encore réussi à le faire. Si c'est cela
les nouvelles règles du jeu, on peut aisément affirmer que cela
constituerait un recul important pour les femmes au Québec. (15 h
30)
D'ailleurs, lorsque les décrets ont été
imposés, en 1982, on remarquera que le seul groupe qui n'a pas
été gelé ou coupé, en faisant des comparaisons,
c'est le groupe des métiers. Or, le groupe des métiers, ce sont
des corps d'emploi exclusivement ou presque exclusivement masculins. Je pense
que déjà l'exercice qui a été fait le confirme.
Et, au-delà de ce que cela pourrait comporter comme effet sur la
main-d'oeuvre féminine au Québec, il faut aussi voir comment, si
la moitié, des syndiqués au Québec sont dans le secteur
public - parce qu'il faut aussi rappeler que la moitié des effectifs
syndiqués sont dans le secteur public - si on retire ou si on limite
à l'extrême leur possibilité de négocier leur
rémunération, cela a pour conséquence de faire porter sur
les seuls syndiqués du secteur privé - et, malheureusement, ils
ne sont que dans une proportion de 20% - la responsabilité de
négocier ou de tenter de rehausser les niveaux de salaires au
Québec des syndiqués du secteur privé. Là encore,
l'appui des employeurs du privé nous indique - en principe, ils ne
représentent que les entreprises privées - que les employeurs y
trouveraient un certain intérêt.
On peut dire, et certains vous le diront, et vous allez peut-être
nous le dire, qu'il est faux de prétendre que l'avant-projet de loi nous
enlève le droit de négocier et que, par exemple, sur les
avantages sociaux, on pourrait faire des discussions et qu'on
n'enlèverait pas le droit de négocier et qu'on aurait une
période de quatre mois. Cependant, il faut être très clair
entre nous. C'est que, même si on avait l'occasion de discuter, il n'en
demeure pas moins que, si nous n'avons pas la reconnaissance de pouvoir exercer
des pressions, eh bien! à toutes fins utiles, le droit de
négocier tel qu'on l'entend dans notre société n'est plus
reconnu. Mais, au-delà de ces considérations, nous croyons qu'il
est important que, pour de véritables négociations futures, nous
puissions avoir accès à des données, aux recherches ou aux
différentes études que le gouvernement entreprend.
D'ailleurs, très récemment, je fouillais dans les archives
et je retrouvais une lettre de décembre 1971 adressée par le
président de la CSN de l'époque, demandant au gouvernement une
série de données. Mon expérience m'a montré
qu'encore en 1979 et encore en 1982 on demandait des données de base au
gouvernement et que, plus souvent qu'autrement, il était très
difficile pour nous de les obtenir. Donc, ce n'est pas nous qui allons nous
opposer à ce qu'il y ait une plus grande transparence dans les
données. On ne croit pas qu'avoir accès à ces
données nécessite la mise sur pied d'un institut spécial
tel que proposé.
D'autre part, on ne croit pas non plus qu'un gouvernement base sa
politique salariale exclusivement sur des comparaisons. Des comparaisons, pour
nous, cela n'a qu'une valeur relative. On peut s'en servir dans telle
conjoncture, dans tel contexte, et dans d'autres, pas du tout. Il s'agit, en
soi, d'éléments de négociations et je pense qu'on a
suffisamment d'expérience, de part et d'autre, pour savoir que c'est
extrêmement relatif.
Il y a beaucoup d'autres facteurs qui, pour nous, influencent une
politique salariale et c'est dans ce cadre-là, dans le cadre d'une
négociation, qu'on établit effectivement ces autres facteurs.
Nous croyons, cependant, qu'il faut rectifier un certain nombre de choses dans
le discours gouvernemental qui, entre autres, rapporte constamment que nous
négocions la moitié du budget de l'État. Il est important
pour la population qui est souvent alertée et dont on attire l'attention
en disant: C'est incroyable! c'est la moitié du budget de l'État
qu'on est en train de négocier! de rectifier que ce n'est pas
nécessairement le cas.
Il faut dire que le gouvernement du Québec a la
responsabilité de donner des services de santé,
d'éducation, des services sociaux. C'est sa compétence telle que
définie dans la Confédération canadienne.
Évidemment, pour pouvoir exercer ses compétences, il y a une
grande partie de son budget qui y est consacré. À moins qu'on ne
veuille revenir au bénévolat complet sur ces questions, il y a
déjà un engagement de cet État à fournir ces
prestations et, évidemment, cela coûte de l'argent. Ce que nous
négocions avec vous, tous les trois ans, ce n'est pas la moitié
de ce budget, c'est
uniquement l'augmentation qui va à la part des salaires pour une
période X. Par exemple, si on demande une augmentation salariale de 6%
et qu'on règle à moins, ce n'est que ça qu'on a
négocié et non pas la moitié du budget de l'État,
à moins que cet État n'ait l'intention de revenir en
arrière.
C'est dans ce sens-là qu'on pense que ce qui est proposé
au chapitre de la rémunération est inacceptable, puisqu'il y a un
certain nombre de choses qui sont affirmées qui sont erronées et
ériger des bases de négociations sur des comparaisons, tel qu'il
est indiqué, ça nous parait tout à fait inapproprié
pour bon nombre de raisons.
II y a un autre chapitre important dans l'avant-projet de loi
préparé par le gouvernement, il s'agit de la
décentralisation. Il s'agit certainement du chapitre où il est le
plus facile de faire des excès, je dirais, de jouer sur les frustrations
qu'ont engendrées particulièrement les dernières
négociations ou semblants de négociations.
C'est particulièrement à ce chapitre qu'il est facile de
faire miroiter les attraits d'une formule, dite à l'échelle de
l'institution, de croire au "small is beautiful", de jouer, en quelque sorte,
je dirais, sur le manque de connaissances ou de compréhension qu'a la
très grande majorité des Québécois et des
Québécoises du régime de négociations.
Il est évident qu'on va admettre qu'il y a des problèmes
d'aménagement locaux. On connaît les réalités, on
sait très bien comment, dans chacune des institutions -seulement
à la CSN, je pense que nous sommes présents dans plus de 700 ou
800 de ces institutions - il y a des aménagements propres à la
réalité dp chacune de ces institutions qui doivent se faire. On
sait aussi, parce qu'il y a des méthodes de gestion parfois douteuses ou
tout simplement parce qu'il n'y a pas de volonté, localement, de
régler des problèmes, que beaucoup de nos membres sont
insatisfaits de leurs conditions de travail.
La réalité, aujourd'hui, dans la majorité des
institutions, c'est la détérioration lente et certaine des
conditions de travail. C'est le développement de plus en plus important
dans tous les secteurs de statuts de travail précaires, d'augmentation
de charges de travail, que ce soit dans les cégeps, dans les centres
d'accueil ou dans les hôpitaux; c'est la situation qui
prévaut.
Mais, il ne faudrait pas dire que cette détérioration des
conditions de travail ou le développement de ces statuts
précaires est dû au fait qu'il y a des négociations
centralisées. En fait, on peut constater une détérioration
des conditions de travail dans le secteur privé aussi, où il n'y
a pas de négociations centralisées ou de conventions collectives
contraignantes, comme disent les administrateurs locaux. Finalement, on associe
essentiellement cette détérioration des conditions de travail au
choix de compressions budgétaires qui ont été faites par
le gouvernement et qui se traduisent tous les jours par une
détérioration par-ci, une détérioration
par-là. Donc, ce n'est pas en décentralisant qu'on va
régler des problèmes puisque la source de ces problèmes et
les possiblités réelles de les régler ne se trouvent pas
à ce niveau-là, mais davantage là où l'ensemble des
décisions sont prises, c'est-à-dire, plus souvent qu'autrement,
au Conseil du trésor.
Encore là, il me semble important de rappeler que ce qui est
important pour nos membres, ce sont justement ces conditions de travail. C'est
justement comment leur travail est organisé tous les jours. Peuvent-ils
exercer leur travail dans des conditions adéquates ou pas? Il semble que
faire miroiter comme solution la décentralisation, c'est les leurrer un
peu, en quelque sorte, puisque, à notre connaissance, il n'est pas
question de décentraliser les pouvoirs du gouvernement du Québec
au chapitre des conditions de travail et, particulièrement, de la
rémunération. Le projet de loi indique le contraire.
Le danger, si la formule telle qu'appliquée ou telle que
proposée dans le projet de loi était adoptée, c'est
peut-être de revenir en arrière et de se retrouver avec des
inégalités d'une région à une autre, d'un
établissement à un autre.
À notre avis, parce que nous savons qu'il y a des besoins urgents
d'aménagements locaux, ce qui est important, c'est de distinguer deux
choses: d'une part, il y a la négociation des conditions de travail
là où les choses se décident et il y a un autre niveau
où on applique les conditions de travail négociées. Or, ni
la formule actuelle qu'on connaît et qu'on a connue ni l'avant-projet de
loi tel que proposé ne peuvent résoudre ces problèmes.
Donc, encore là, cela nous fait douter des véritables intentions
du gouvernement lorsqu'il propose des formules de décentralisation.
Est-ce pour mieux contrôler, en fin de compte? Est-ce pour morceler,
éclater, diviser? On a des raisons de croire que c'est peut-être
cela qui est davantage recherché que la solution de problèmes
concrets vécus dans les établissements. (15 h 45)
D'autre part, il y a une dimension qui n'est soulevée ni dans le
discours du gouvernement ni dans le contenu de l'avant-projet de loi, et qui
nous semble importante. Lorsqu'on parle de décentralisation, jamais vous
n'avez fait référence à la décentralisation
éventuelle, à la démocratisation éventuelle des
niveaux de décision dans les différents réseaux ou dans
les établissements, et plus particulièrement en ce qui a trait
aux droits des usagères et
usagers. Ce serait peut-être là une vraie
décentralisation, sauf que, là, rien n'est mentionné.
Alors, cela nous fait douter encore plus des intentions.
Enfin, un autre aspect qui mérite l'attention de cette commission
parlementaire et qui est important, c'est que l'argument ou l'objectif
principal avoué pour justifier qu'on procède à cette
réforme, ce sont les affrontements, c'est de dire que les
négociations sont, à toutes fins utiles, stériles. Il y a
des mécanismes autres que celui de nier le droit à la
négociation qui pourraient être envisagés et qui pourraient
peut-être améliorer les relations de travail qu'on a connues au
cours des dernières années. Ici, je fais référence
particulièrement à l'intervention de tiers, à
l'intervention de médiateurs dans le cours des négociations des
secteurs public et parapublic. Déjà, au cours des années
soixante-dix, on a réclamé que de telles interventions puissent
se faire. Comme vous le savez, cela n'a jamais été fait. Donc,
quand on arrive à constater qu'il y a impasse entre les parties, plus
souvent qu'autrement c'est l'imposition de façon unilatérale
d'une solution au lieu d'explorer d'autres moyens, comme l'intervention de
médiation, pour tenter d'en arriver à une solution. C'est un
mécanisme qui s'applique dans les négociations du secteur
privé et qui, plus souvent qu'autrement, porte fruit. Tout en ne croyant
pas que cela puisse résoudre tous les problèmes, on croit qu'il
serait important qu'on puisse introduire ce type de mécanisme dans le
secteur public. On pourrait, par exemple, instituer un conseil qui pourrait
intervenir à la demande de l'une ou l'autre des parties et qui tenterait
de les rapprocher avant que les, moyens de pression ne soient acquis. C'est un
moyen concret, parce que, très sincèrement, on ne pense pas qu'on
puisse arriver à s'entendre en enlevant des droits, en ne reconnaissant
plus de droits, en agissant de façon autoritaire ou en imposant
unilatéralement des formules ou de nouvelles règles du jeu.
C'est dans ce sens que, d'aucune façon, l'avant-projet de loi,
tel que déposé, ne peut nous satisfaire et, à la limite,
on pourrait dire que le contenu de cet avant-projet de loi, quant à une
volonté réelle de trouver des moyens pour que cela fonctionne
mieux, est complètement inadéquat. Il ne propose pas, à
toutes fins utiles, de moyens dont les parties pourraient se servir pour
arriver à s'entendre. Pour toutes ces raisons, on croit qu'il devrait
être retiré et reconsidéré dans tous ses
aspects.
Je vais céder la parole à Gérald Larose sur un des
éléments dont on parle le plus, c'est-à-dire la question
du droit de grève, parce que, même s'il n'est pas dit que le droit
de grève n'est pas reconnu, il est si limité que son exercice
réel ne serait, à toutes fins utiles, plus réalisable tel
que défini.
M. Larose: Si on fait une lecture attentive, je pense, de
l'avant-projet de loi, il est clairement spécifié qu'il n'y a pas
de droit de grève sur les salaires. Il n'y a pas de droit de
grève sur les matières qui ont été
décentralisées, soit l'organisation du travail, les droits
syndicaux, ensuite les mouvements de main-d'oeuvre. Il y aurait droit de
grève sur ce qui reste pour les matières nationales ou
provinciales. Je vous dirai que ce sujet est peut-être un des sujets qui
est le plus soumis, je dirais, au simplisme ou à la démagogie. Il
est clair que le droit de grève, dans l'économie
générale d'un Code du travail, c'est le corollaire du droit de
négocier. Et la pratique quotidienne dans la négociation nous
indique que l'imminence d'être pendu force la concentration et qu'il y a
plusieurs règlements dans 92% des cas à la CSN qui se font dans
ces conditions. Il est clair que, tant que tu peux te faire des "bye bye", des
sparages et échanger des textes de virgules, surtout par avocats
interposés, le règlement, tu peux l'attendre et passer deux jours
de l'an sur la brosse sans problème.
Dans le secteur public, il y a quelques conditions particulières
qu'on reconnaît. On les reconnaît tellement qu'on a fait des tas de
propositions pour, effectivement, tout en ayant une efficacité - parce
que je ne connais pas encore de travailleuse ou de travailleur, en dépit
de la démagogie, qui fait cela pour le "fun" et par sport... La
grève, on fait cela pour quelque objectif. On a fait des tas de
propositions pour que, tout en maintenant une certaine efficacité, le
droit fondamental aux services à la population soit respecté et
qu'on puisse jouer sur des marges de services qui peuvent être
reportés ou de personnes dans l'institution qui doivent en faire plus
temporairement. On a travaillé sur toutes ces questions, mais ce n'est
pas vrai qu'on va opposer ces deux droits de telle sorte que l'un va nier
l'autre. Je vous ramène à la pratique, en comparant 1976, 1979 et
1982, pour vous dire que le seul moment où l'Etat a remis à la
responsabilité des parties le soin de disposer des services essentiels,
c'était en 1979; et si vous voulez être francs et honnêtes,
vous allez interroger ceux qui avaient mission de surveiller cela, y compris
des attachés politiques du ministre des Affaires sociales du temps. Ils
vont vous rappeler que c'est la seule fois que cela a à peu près
très bien marché; lorsqu'il y a eu quelques accrocs, cela s'est
vite réglé. À partir du moment où vous allez
vouloir imposer un tiers pour définir les services essentiels, on vous
le dit, on vous le répète, le bordel va poigner. C'est ce qui
s'est fait en 1976. C'est ce qui s'est fait en 1982. Ce n'est pas "trustable",
un tiers, dans ces circonstances, parce qu'il
ne connaît pas cela, d'abord, et, deuxièmement, il vient
avec des mandats en dépit des coups de violon qu'on nous dit.
On vous répète que, pour nous autres, le seul
fonctionnement possible, c'est sur la base de la responsabilité des
parties, la responsabilité des travailleuses et des travailleurs, parce
que ce n'est pas vrai que les travailleuses et les travailleurs dans le secteur
public, qui servent huit heures par jour les patients ou qui ont des
élèves, ils vont tous "déconcrisser" la machine. Ce n'est
pas vrai. Si on est bien haut et qu'on a une mentalité de bureaucrate et
de technocrate et qu'on ne voit rien que des chiffres, là, cela se peut
bien qu'on en arrive à cela, et on arrive trop souvent à
cela.
Le droit de grève à Saint-Ferdinand - il paraît que
c'est un traumatisme, cela, mais il faut en parler pour dédramatiser les
affaires - ils n'avaient pas le droit de grève, les gens de
Saint-Ferdinand. L'exécutif était même contre la
grève. L'assemblée l'a votée à 82%. Y a-t-il une
situation où il y avait plus d'adversité pour faire la
grève? L'assemblée décida qu'il y aura une grève.
Le problème, ce n'est pas d'avoir le droit de grève, ce n'est pas
que ce soit illégal. Le problème, c'est que le problème ne
se règle pas. Il ne faudrait peut-être pas faire dévier les
affaires.
La RETAQ, le problème était réglé. Il y
avait une loi spéciale. Tout était clair, tout était
réglé, etc. Cela n'a pas été réglé.
Ce qu'on dit, c'est qu'il faut avoir des mécanismes qui règlent
concrètement les vrais problèmes et il se peut que des
grèves, légales ou illégales, il s'en pose un peu moins.
Même quand c'est le temps de faire la grève, je vous dis que c'est
propice à favoriser le règlement; sinon, c'est propice à
développer la pourriture, l'étirement des situations, etc. En
1979, je pense que les travailleuses et les travailleurs ont pris leurs
responsabilités, comme quelques employeurs aussi; il a fallu leur forcer
la main de temps à autre, mais il n'y a que sur cette base que le droit
de grève... Je pense que l'arrivée des règlements va
servir à renvoyer le monde à leurs responsabilités.
On vous propose même, rien que pour peaufiner un peu toute cette
situation, qui peut être dramatique si jamais c'était
incontrôlé - Monique va vous en parler tout de suite - on vous
propose le développement, entre autres, d'un code d'éthique ou
d'un code de conduite pour ces situations, pas à être
négocié 24 heures avant la grève, pas à être
établi 24 heures avant la grève. Y aurait-il moyen qu'on se parle
de ces choses et que les parties, en période plus
régulière et normale, réfléchissent à
"frette" sur comment cela pourrait s'organiser? On vous fait des propositions
concrètes là-dessus que Monique peut détailler tout de
suite.
Mme Simard: Au-delà des appréciations
stratégiques qu'on pourrait s'échanger entre nous, il y a des
problèmes sérieux de relations du travail dans le secteur public.
On en est extrêmement conscient, étant un des principaux acteurs,
et on veut vraiment en débattre. Je pense que notre présence ici
aujourd'hui est très éloquente à ce sujet. On veut faire
le débat le plus large possible avec la population.
Par exemple, on sait que la question de l'exercice du droit de
grève, particulièrement dans le secteur de la santé,
inquiète la population. On sait que cela peut effectivement soulever des
problèmes de moralité, d'éthique, mais il y a des
solutions et il faut s'en parler. Il faut dire à la population que ce
n'est pas pour rien, que ce n'est pas pour le "fun" que des femmes et des
hommes qui travaillent dans les hôpitaux ont ultimement recours à
la grève. Avant d'avoir recours à la grève, il y a eu
d'autres moyens qui ont peut-être été tentés et qui
n'ont rien donné.
En ce moment, il y a un litige dans un centre hospitalier à
Montréal qui est très éloquent et où, lorsqu'on
tente d'exercer un certain nombre de moyens pour essayer de régler les
problèmes, c'est à toutes fins utiles une fin de non-recevoir. Ce
n'est pas vrai que des femmes et des hommes qui travaillent tous les jours avec
des malades, avec des bénéficiaires, que ces personnes n'ont pas
une conscience, un sens de la responsabilité par rapport aux patients.
Au contraire, travailler dans les centres d'accueil, travailler dans des
hôpitaux, généralement, cela ne fait qu'élever, je
pense, la conscience des personnes qui livrent tous les jours ces services et
qui, souvent, constatent avec impuissance la diminution des services, la
détérioration de la qualité des services à cause de
telle coupure budgétaire, à cause de tel
réaménagement.
Un des moyens que nous proposons est effectivement d'établir un
code d'éthique -nous sommes en train de travailler sur cette question -
qui établirait, qui aurait pour but de démontrer que deux droits
peuvent coexister mutuellement, qu'on n'est pas obligé d'abroger un
droit pour en faire respecter un autre; bref, de pouvoir maintenir la
coexistence du droit à la santé, qui est un droit fondamental
dans notre société, avec le droit de grève qui permet
d'exercer des pressions pour que la négociation puisse se conclure. (16
heures)
On ne pense pas qu'il y ait contradiction entre ces deux droits, il
s'agit d'établir des règles et un un code d'éthique qui
pourrait faire en sorte que ça se réalise. Rechercher un code
d'éthique, je pense que c'est une démonstration de notre
volonté de se situer en face de nos responsabilités par rapport
à nos membres et aussi par rapport
à la population. Gérald l'a dit, la question des services
essentiels, c'est institution par institution qu'on arrive à les
définir. C'est là que les parties qui vivent dans une institution
sont les mieux placées pour pouvoir les définir et les
établir. Cela change; si c'est un arrêt de travail d'une
demi-journée, ce n'est pas la même chose que si c'est pour deux
jours.
On pense que c'est un moyen qu'on pourrait mettre en place, qui aurait
des garanties de succès et qui ferait en sorte que les droits seraient
maintenus. Les parties pourraient, par l'établissement d'un code
d'éthique comme ça, informer la population des engagements qui
sont pris et, je dirais, faire baisser un peu la pression et l'alarmisme
constant développé sur cette question-là. C'est un peu
comme sur la décentralisation, comme je vous le disais tout à
l'heure. Il y a des moyens à explorer, il y a des moyens à
proposer pour arriver à régler les vrais problèmes. Ce
n'est pas en disant: On renverse la formule, on renverse la pyramide qu'on va
régler ces problèmes-là. C'est dans ce cadre-là et
en discutant le plus largement possible avec l'ensemble de la population qu'on
pense pouvoir y arriver. Malheureusement, les formules qui ont
été retenues par le gouvernement de procéder de cette
façon nous inquiètent parce qu'on risque d'atteindre le
contraire. Il est facile de dire que les employés des services publics
veulent ceci ou cela. Je pense qu'il faut reconnaître que l'ensemble de
ces employés se sont donné des organisations, car les
organisations ne sont que la somme de tous ces syndiqués qui sont
conscients des problèmes qui se vivent dans chacune de leurs
institutions et qui. vous proposent des solutions.
Vous me permettrez en terminant de vous dire que nous avons une
inquiétude importante sur la démarche qu'entreprend le
gouvernement. Au mois d'octobre, il nous faisait une proposition qui nous
disait qu'on pouvait considérer que le droit de négociation sur
la rémunération était maintenu. Au mois de novembre, nous
lui avons soumis une proposition exceptionnelle qui démontrait notre
volonté de négocier nos conditions de travail, parce qu'il y
avait des problèmes urgents à régler, que la situation
était intenable et que nous étions également
disposés à discuter du régime de négociation et
à le modifier, s'il y avait lieu, par entente. Un mois plus tard, on se
retrouve avec un avant-projet de loi qui contredit, je dirais, sur certains
aspects, ce qu'on nous affirmait au mois d'octobre. Cette semaine, on nous dit
qu'il est peut-être encore temps de négocier une formule.
Je vous avoue que je ne sais pas si c'est pour semer la confusion, mais
il est difficile pour nous de pouvoir comprendre la démarche choisie.
Nos positions sont encore très claires: nous croyons qu'il y a une
urgence à négocier les conditions de travail dans le secteur
public et nous sommes toujours disposés à discuter et à
négocier, s'il y a lieu, des améliorations au régime de
négociation dans le secteur public.
M. Larose: M. le Président, pour enclencher le
débat, je vous dirai... D'ailleurs, dans les journaux, ce matin, la
déclaration du ministre m'a un peu surpris, comme si on venait tout
juste de découvrir qu'il fallait améliorer des choses. Ce n'est
pas vrai. Il est informé - on s'est parlé à plusieurs
reprises depuis le printemps dernier - que nous étions en question et en
route sur plusieurs aspects, au moins sur quatre, sinon cinq. On était
prêt à faire le débat, mais en même temps il y a une
mission fondamentale qu'on a à faire, c'est de résoudre les
problèmes concrets. On a aussi fait des propositions dans ce
sens-là. La dernière rencontre qu'on a eue au mois de
décembre, c'est pour lui dire que, s'il "startait" le débat
à partir d'un avant-projet de loi, on pense que cela allait un peu
perturber les affaires. C'était mieux qu'on puisse continuer sur la base
dans laquelle on était en octobre et en novembre. Des choix
différents ont été faits. On peut vous réaffirmer
que le fond de la question soumis par l'avant-projet de loi est imbuvable, pas
seulement par la CSN, pas seulement par les organisations syndicales. À
mon avis, il est imbuvable pour tout citoyen et toute citoyenne qui pense que,
dans les 20 dernières années, il s'est quand même fait des
choses très positives dans le secteur public. On ne peut pas accepter de
virer cela "boutte pour boutte". On est prêt à améliorer
des choses, mais pas à chambarder. On est prêt à ajuster
des choses, mais pas à tout "déconcrisser". On est prêt
à assouplir des aspects, mais pas à casser.
Là-dessus, je vous dirai qu'à la CSN on fait des efforts
régulièrement sur plusieurs questions non seulement pour analyser
les propositions qui sont faites, mais aussi pour proposer des avenues, que ce
soit en termes de décentralisation, que ce soit sur la
rémunération, que ce soit sur le droit de grève ou pour
toute question, on est prêt à avancer des choses. On l'a fait,
mais dans le respect le plus intégral des règles que nous
connaissons, pas des règles, des droits que nous connaissons. On n'est
pas de ceux qui disent que la société doit être
divisée en deux - il y en a qui disent même en trois -au niveau
des relations du travail: un code pour le privé, un code pour le public
et un code pour la construction. C'est avoir une intelligence en tiroirs et ce
n'est pas commode pour aller bien loin dans la vie. On pense qu'une
société doit donner les mêmes droits à tout le
monde, trouver les mécanismes qu'il faut pour pouvoir faire face
aux réalités, mais, au niveau des droits et des
libertés, on ne compose pas avec des différences. On n'est pas de
cette école. Je pense qu'on a fait un peu le tour de la question. On a
peut-être pris plus d'une demi-heure.
Une voix: Une heure.
M. Larose: 50 minutes. On s'excuse, M. le Président, mais
on est prêt à faire le débat.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Larose. J'invite
maintenant le ministre délégué à l'Administration
et président du Conseil du trésor à vous faire part de ses
commentaires et questions.
M. Clair: Merci, M. le Président. Je serai bref dans mes
commentaires puisque le sens de la commission parlementaire, c'est davantage un
jeu de questions et réponses avec les invités et, dans ce
sens-là, même si j'aurais la tentation, après toutes les
notes que j'ai prises, de faire une longue intervention, elle sera
brève.
Dans un premier temps, je voudrais vous souhaiter, au nom des
députés ministériels et, j'en suis convaincu, de mes
collègues de l'Opposition, la bienvenue à cette commission
parlementaire qui touche l'un des sujets les plus fondamentaux dont notre
société est appelée à débattre
présentement, toute la question du régime de négociation
dans les secteurs public et parapublic. Sans demander de commentaires, d'aucune
façon, ni à M. Larose, ni à Mme la vice-présidente,
Mme Simard, je dirai que, quant à nous, comme parlementaires, comme
élus de l'Assemblée nationale, nous considérons qu'il est
effectivement beaucoup plus positif, beaucoup plus respectueux du processus
démocratique, de venir ici, en commission parlementaire, débattre
de ces enjeux, contribuer à faire avancer le point de vue que vous
représentez et faire en sorte que toute la population sache les enjeux,
les positions de chacun, plutôt que de refuser de se prêter
à un processus, le processus le plus démocratique qu'on puisse
connaître, celui de l'Assemblée nationale.
Une fois ces paroles de bienvenue prononcées, M. le
Président, je dirai que ce qui m'apparaît fondamental dans ce
débat, et je pense d'ailleurs que la présence de la CSN devant
cette commission en témoigne, c'est qu'il ne s'agit pas ici d'un
affrontement entre le gouvernement du Québec et ses employés ou
les syndicats du secteur public, il ne s'agit pas de dresser des patrons contre
des employés dans le secteur public. L'affrontement, s'il en existe un,
c'est un affrontement d'idées, de concepts, de conceptions de la
société en général, du rôle de l'État,
du rôle des syndicats dans les secteurs public et parapublic, de la
façon dont on doit déterminer des priorités dans notre
société, de la façon dont on doit envisager l'avenir et
non le passé. C'est tout cela qui est en cause, bien plus qu'un
affrontement entre un gouvernement et les centrales syndicales ou les syndicats
du secteur public.
Il nous est facile, M. le Président, de tomber rapidement
d'accord quant à des objectifs qui étaient évoqués
tantôt par M. Larose ou par Mme Simard. Qu'il s'agisse, en ce qui
concerne la formation politique à laquelle j'appartiens, de tout faire
pour que l'État québécois puisse continuer à
intervenir dans le développement économique, dans le
développement social, dans le développement de ses services
publics, dans la lutte à mener au chômage, ce n'est pas difficile
de m'en convaincre. Tous les efforts que le gouvernement déploie en
utilisant les bons ou les mauvais moyens - chacun jugera - sont orientés
effectivement dans cette direction.
Dire qu'il faut combattre la dévalorisation des employés
des secteurs public et parapublic, j'en suis. Je pense qu'effectivement, les
employés du secteur public et parapublic, à cause
d'événements ou de circonstances, de conjonctures ou de tout ce
qu'on voudra, de difficultés qu'on a rencontrées, ont pu
certainement se sentir à certains moments dévalorisés dans
l'importance du rôle qu'ils jouaient. Comme collectivité, dans
notre ensemble, nous oublions trop souvent l'importance des services publics
dont nous nous sommes dotés, que ce soit dans le domaine de la
santé ou de l'éducation.
Donc, quant à des objectifs, je pourrais parler de la lutte
à la discrimination en ce qui concerne les femmes, les personnes
handicapées, les communautés culturelles dans le gouvernement,
nous sommes toujours insatisfaits des résultats obtenus même si,
comme les documents officiels de la CSN et comme Mme Simard le reconnaissaient
tantôt, il y a eu des pas significatifs -insatisfaisants, dirait-elle -
de franchis.
M. le Président, je voudrais aborder le premier thème avec
M. Larose et les gens qui l'accompagnent précisément en termes
d'idées, de concepts. Comme gouvernement, nous avons fait notre acte de
contrition quant à la confusion du rôle de l'État
gouvernement, de l'État employeur, de l'Etat législateur et,
encore une fois, est-ce qu'on y parvient par l'avant-projet ou non? Chacun
jugera. Je pense qu'il importe, dans notre propre cuisine, de bien
différencier le rôle de l'État employeur de l'État
gouvernement, de l'État législateur. Mais, du côté
des centrales syndicales et des syndicats dans le secteur public, je pense - et
je ne le dis pas pour provoquer qui que ce soit - qu'aussi il y a une
révision à faire en termes de conception du rôle des
syndicats dans les
secteurs public et parapublic.
Je m'explique un peu là-dessus, et cela sera ma première
question. Des phrases que j'ai notées au fil de l'intervention de M.
Larose: Nous avons forcé l'État à développer des
services publics. Le rôle de l'État dans la société
québécoise ne doit pas être seulement un gouvernement de
services - ce avec quoi je suis d'accord. Une autre affirmation: Les
décideurs - je comprends principalement les plus importants, ceux en
tout cas qui sont censés être le plus représentatifs de
l'ensemble de la société, demeurent ceux qui sont élus
pour venir siéger ici au salon bleu de l'autre côté
-n'auraient pas à s'arroger le droit de décider seuls des grands
enjeux. (16 h 15)
Je pense que dans la conception même du rôle du syndicalisme
dans les secteurs public et parapublic il y a nécessité de revoir
un peu cela au niveau des conceptions plus qu'au niveau des lois dans le sens:
Est-ce que le développement des services publics, par exemple, n'est pas
venu un peu de la pression des syndicats du secteur privé, de l'opinion
publique en général, des groupes communautaires organisés
sur l'ensemble du territoire? N'est-il pas venu un peu du programme des partis
politiques aussi? Je pense que là où on entretient une certaine
confusion nuisible à tout le monde, c'est que l'État aurait une
fois tous les trois ans à négocier avec les seuls syndicats des
secteurs public et parapublic, si importants soient-ils en termes de
représentativité, de force de changements, les grandes
orientations sociales, économiques, culturelles, budgétaires du
gouvernement.
Je m'inscris en faux quant à la façon habile de Mme Simard
de dire: Lorsqu'on négocie les salaires, par exemple, la moitié
du budget de l'État, c'est faux. Si je prends cette théorie et si
je dis: Oui, effectivement, imaginons une augmentation de 5% sur une masse de
12 000 000 000 $, cela donne 500 000 000 $, en ordre de grandeur. S'il est vrai
qu'à la base de la mission du gouvernement du Québec il y a la
dispensation de services publics et, bien sûr, qu'il doit
rémunérer équitablement ses employés, il y a aussi
d'autres services. Que fait-on de la base de la sécurité du
revenu? Cela n'existerait pas. On n'aurait pas à s'en préoccuper.
Le rôle et la capacité d'intervention du gouvernement du
Québec en matière de développement économique, de
développement d'infrastructures industrielles, d'infrastructures de
transport, etc., 5%, cela peut sembler peu, mais 5% ou 500 000 000 $, c'est une
marge de manoeuvre très généreuse que celle qu'on pourrait
imaginer par les années qui passent.
Ce que je me pose comme question -je vous la pose également -
c'est: Est-ce que la façon de voir l'avenir, d'impliquer, comme c'est
légitime qu'ils le soient, les syndicats des secteurs public et
parapublic dans la discussion avec le gouvernement, l'État
législateur, "taxeur", la façon de discuster des grands enjeux,
ne devrait pas être de sortir cette question des négociations
triennales et de s'orienter plutôt vers ce que certains ont appelé
la constitution d'un conseil économique et social où les
syndiqués pourraient être représentés et où
on discuterait avec le gouvernement ou, éventuellement, avec des
parlementaires des deux côtés de la Chambre, si cela semblait
utile, des grandes orientations politiques, financières,
budgétaires, du niveau des taxes, de la capacité de payer, des
orientations sociales et culturelles et de ne pas vous positionner
vous-mêmes, comme syndicats des secteurs public et parapublic, dans une
situation où, si j'allais au bout du raisonnement, on pourrait en venir
presque à la conclusion que, finalement, sans la poussée du
syndicalisme dans le secteur public, il ne se ferait rien en termes de
développement des services publics, alors que c'est le seul moteur de
développement social et économique du Québec? Je pose
cette question parce qu'elle me paraît fondamentale.
Encore une fois, ce n'est écrit nulle part dans l'avant-projet de
loi et cela ne se fait pas dans une loi, mais est-ce qu'au niveau des concepts,
du rôle, d'une part, il n'y a pas place à clarification, à
bien démarquer le rôle de l'État employeur, de
l'État gouvernement, de l'État législateur et, d'autre
part, du vôtre, de bien faire la différence entre le rôle
des syndicats du secteur public, porte-parole, représentants
démocratiquement élus des employés du secteur public pour
représenter leurs intérêts, et de faire la
différence aussi entre le rôle positif, d'ailleurs,
légitime, des promoteurs du développement social, mais sans en
avoir le monopole?
Je m'excuse, M. le Président, je n'ai pas tenu parole, j'ai
été trop long. Cela mange mon propre temps, j'en suis
conscient.
Le Président (M. Lachance): Vous aurez l'occasion de vous
reprendre. M. Larose.
M. Larose: Je vous dirai que j'apprécie que le ministre
ouvre le débat en essayant de se donner un certain éclairage sur,
je dirais, les grandes idées ou les grandes conceptions qu'on se fait du
rôle de l'État, des services, de la prestation des services, qui,
dans la société, est moteur, qui est frein, etc. Je pense qu'il
faut nous éclairer, parce qu'on peut, pour vouloir se sortir d'une
confusion, en entretenir une autre. Il est clair... Là-dessus, il faut
aussi reconnaître que, dans la société
québécoise comme dans toutes les sociétés, il n'y a
pas nécessairement et surtout pas de consensus
sur les conceptions qu'on doit avoir du rôle de l'État. Il
n'y a pas consensus parce qu'il y a des intérêts bien
campés et qui sont comme divergents. Vous avez eu l'occasion de
rencontrer le Conseil du patronat ce matin. L'espace d'un dîner et vous
rencontrez la CSN. Il se peut que l'univers idéologique des analyses et
des propositions politiques divergent. Si cela ne divergeait pas, cela
m'inquiéterait, là, j'avoue.
À la CSN, on pense que la société
québécoise a besoin d'un État fort, d'appareils de
l'État constitués, efficaces, compétents, d'appareils qui
soient contrôlés démocratiquement, qui soient le moins
possible objet d'intérêts particuliers. Quand je parle
d'intérêts particuliers, je pense aux intérêts
économiques et politiques particuliers. Il est clair qu'on a une
conception de l'État qui est peut-être un peu à
l'opposé de celle que le Conseil du patronat peut avoir. Pour nous,
c'est un progrès social quand on réussit à se donner un
service accessible à tout le monde, peu importe sa condition. C'est vrai
dans le secteur de la santé, de l'éducation, et cela sera vrai
dans d'autres types d'activités.
Qui force la naissance de ces services publics ou de ces outils
collectifs? Je vous dis tout de go, sans aucune espèce
d'hésitation, que je n'ai jamais entendu de ma courte vie, qui est un
peu plus longue par les lectures que j'ai pu faire, que la Chambre de commerce
notamment ou le Conseil du patronat ait été un aiguillon vigilant
pour l'ajustement démocratique de nos outils collectifs, que ce soit le
réseau de santé, que ce soit le droit à l'éducation
ou les autres. Lorsqu'il y avait un peu de tension et qu'il était
question du droit des travailleurs et des travailleuses, oui, ils sont venus
vous communiquer leurs impressions. Mais j'avoue que, dans la
société, là peut-être qu'on est complètement
obnubilé, mais ce n'est pas tout le monde qui donne ce rôle
à l'État et qui force pour que, effectivement, on ait des outils
collectifs qui puissent favoriser davantage l'égalité, davantage
une répartition de la richesse qui soit potable, davantage de justice,
etc. Ce n'est pas seulement la CSN et ce n'est pas seulement le mouvement
syndical. Ce sont, comme vous l'avez dit, les organisations syndicales, les
groupes populaires, enfin, des groupes constitués. Par ailleurs, il
n'est pas vrai que c'est la majorité silencieuse; cela n'est pas vrai.
La majorité silencieuse, sa caractéristique, c'est d'être
silencieuse. Mais, il s'en trouve plusieurs, par exemple, pour invoquer sa
force ou sa faiblesse pour promouvoir des politiques. La vie sociale et la vie
en société se développent par des propositions et des
rapports de forces véhiculés par des groupes organisés,
qu'ils soient syndicaux, populaires, patronaux ou autres.
Dans ce sens, au niveau des concepts et au niveau des perspectives et
des objectifs poursuivis, il est clair que nous allons toujours valoriser un
rôle actif, important, fort de l'État, mais en même temps
démocratiser, c'est-à-dire avec une prise. On pourrait avoir des
appareils d'État qui fonctionnent exactement avec les mêmes
rapports de domination ou d'écrasement. On favorise qu'il y ait des
efforts de démocratisation de ces mêmes institutions.
Là-dessus, on a pas mal de croûtes à manger encore
collectivement. II y a bien des appareils qui fonctionnent un peu sans tenir
compte de la réalité, entre autres, de ceux à qui ces
services-là s'adressent.
Comme on doit aussi travailler à éviter le gaspillage ou
à rationaliser un certain nombre de fonctionnements, là-dessus,
on est parfaitement ouvert, sauf qu'on veut le faire de manière, je
dirais, que ceux qui sont concernés fassent partie de ce débat.
Qu'est-ce que cela veut dire pour nous de situer les relations du travail dans
ce cadre? Comme organisation syndicale, on regroupe des hommes et des femmes
bien vivants. On n'est pas, comme organisation syndicale, une organisation qui
arrive de la planète Mars. On est de ce peuple, on est de cette
société, on est confronté au quotidien et à un
quotidien davantage secoué que d'autres quotidiens d'autres
organisations qui étaient peut-être ici il y a quatre heures. Le
quotidien auquel on est confronté, c'est le quotidien des travailleuses
et des travailleurs soumis à toutes les secousses qu'on
connaît.
Bon! Pour nous, le rôle de l'État et le rôle des
organisations syndicales dans le rôle de l'État va toujours
demeurer un rôle de proposition, un rôle de vigilance, de
négociation qui vous sera toujours beaucoup plus évident et
explicite que le même rôle que jouent d'autres organisations. Quand
vous négociez vos emprunts à New York ou ailleurs sur Ies
marchés financiers, ils ne font pas souvent de grève, mais ils
peuvent vous dire non et vous n'avez pas le choix. Leur droit de grève
ne s'exprime pas de la même façon; c'est leur rapport de forces.
Nous, pour vous dire non, nous devons faire la grève parfois. Il faut
être conscient de cela. À un conseil économique ou, enfin,
un forum - on ne sera jamais contre les forums - on ne vous dira pas que c'est
là qu'on va épuiser notre intervention, parce qu'on peut, sur la
gueule comme cela, faire de grands débats, mais quand le rapport de
forces est en dehors du forum et que les vraies décisions se prennent en
dehors du forum, je vais vous dire qu'on va toujours s'organiser comme
organisation syndicale pour avoir un poids sur les décisions. Des fois,
cela s'exprime par la grève, mais, bien souvent, cela s'exprime par un
rapport de forces serré. Je ne sais pas si cela éclaire un peu
les positions qui nous habitent, mais c'est un
peu comme cela qu'on fait des analyses.
M. Clair: C'est fondamentalement, encore une fois, ne pas
confondre le rôle des syndicats du secteur public de représenter
les intérêts de leurs travailleurs et travailleuses, rôle
fondamental et distinct du rôle légitime des syndicats du secteur
public d'être les promoteurs d'un développement au sens le plus
noble et le plus large du terme. Mais vous dites, par exemple: À
condition que ceux qui sont concernés fassent partie de ce débat
et aient l'occasion d'infléchir les décisions. Mon seul point,
c'était celui-là, c'était simplement de dire: Nous
reconnaissons la légitimité pour les organisations syndicales des
secteurs public et parapublic d'être les promoteurs, les
défenseurs - le mot le plus juste est sans doute "promoteurs" - du
développement du Québec au sens positif du terme. Mais,
justement, si on veut que tout le monde concerné fasse partie de ce
débat, je ne vois pas, malgré toute l'importance du syndicalisme
dans les secteurs public et parapublic, que cela puisse être
monopolisé, en quelque sorte, par les centrales syndicales et les
syndicats du secteur public au moment de la négociation. C'est pour cela
que je pense que c'est là qu'il y a une divergence d'opinions. Chacun
peut avoir son point de vue là-dessus et les théories se
défendent, mais je pense que c'est là où,
fondamentalement, il y a une erreur, dans la perception du rôle des
syndicats des secteurs public et parapublic, à savoir l'endroit, le
moment où faire valoir la promotion et sa vision de l'avenir du
Québec. (16 h 30)
M. le Président, je. sais que le temps m'est compté.
Peut-être que M. Larose pourra y revenir plus tard. Je voudrais
maintenant aborder la question de la rémunération. Comme j'ai
plusieurs questions, je vais essayer d'aller rapidement sans allonger. Sur la
question de la rémunération, fondamentalement et en
résumé - vous me corrigerez si c'est inexact - ce que vous dites,
c'est: L'avant-projet, c'est l'équivalent de la négation du droit
de négocier. Nous avons et vous avez sans doute regardé ce qui se
faisait ailleurs dans le monde - et je parle du monde démocratique, du
monde occidental, dans les sociétés européennes et
nord-américaines - et on peut constater - je ne ferai pas de
nomenclature - qu'il n'y a que dans 7 États sur 50 aux États-Unis
où la masse salariale proprement dite est négociable selon des
concepts s'apparentant à ceux qu'on connaît ici, au Québec
et au Canada. En Europe, à cause de l'absence de monopole syndical et
d'une façon complètement différente de concevoir le
rôle et le fonctionnement du syndicalisme dans les secteurs public et
parapublic, il y a toute une variété de situations. Je ne suis
pas le seul à le prétendre et je pense que ce serait difficile de
votre part de le nier. Le régime de négociation des secteurs
public et parapublic québécois est le plus libéral
à peu près du monde entier. Ce que l'on propose dans
l'avant-projet de loi s'apparente à ce qui se passe dans d'autres
sociétés. Est-ce que vous ne pensez pas que vous - comment
dirais-je? - exagérez - c'est le mot qui me vient à l'esprit - ou
que prisonniers que nous serions collectivement de notre passé, de notre
façon de concevoir la négociation dans les secteurs public et
parapublic, nous en serions venus à considérer que toute autre
forme plus sophistiquée de négociation sans droit de grève
en ce qui concerne la rémunération serait
antidémocratique, barbare, comme a dit quelqu'un, etc. ? Autrement dit,
en quoi sommes-nous si différents de tout le monde occidental pour que
des mesures qui sont proposées dans l'avant-projet de loi et qui
demeureraient des mesures de négociation plus libérales que ce
qui existe en termes de rémunération dans la plupart des
sociétés développées soient inacceptables et
antidémocratiques au Québec? C'est la question que je vous
pose.
Mme Simard: Le premier élément de réponse,
c'est que, quand vous dites: Nous avons le meilleur régime, vous faites
allusion, évidemment, à...
M. Clair: Je n'oserais jamais prétendre cela. J'ai dit "le
plus libéral".
Mme Simard: Bon! Un des meilleurs ou un des plus... En tout cas!
On peut renchérir, renchérir et renchérir.
M. Rivest: C'est un synonyme.
Mme Simard: Bon! Évidemment, vous faites allusion à
l'étude que vous avez commandée et que j'ai lue avec attention.
D'une part, je pense qu'il ne faut pas mélanger les choux et les
carottes. II y a, évidemment, les règles d'adhésion et de
reconnaissance syndicale. On vit dans un régime nord-américain
que vous connaissez. C'est une chose. Il y a ensuite les règles de
négociation. On ne croit pas, sincèrement, qu'on puisse
établir de saines relations du travail en niant le droit de
négocier, parce que, oui, on prétend et on croit que c'est,
à toutes fins utiles, nier le droit de négocier, si une des
parties n'a aucune espèce de possibilité de pouvoir exercer des
pressions pour faire valoir ses positions. Donc, même si ce n'est pas dit
clairement, la proposition qui est avancée, quant a moi, est loin
d'être libérale. En fait, ce qu'elle dit, c'est: Bon!
Annuellement, il y aura un examen de la situation. Il y aura une période
de quatre mois pour négocier sans droit de grève et, ensuite, on
établira les taux de rémunération.
On ne peut pas dire que ce sera de la négociation. Je
m'excuse.
D'autre part, un des arguments qui est souvent utilisé par le
gouvernement pour procéder à une réforme, c'est de dire:
On ne veut plus être obligé, tous les deux ans ou tous les trois
ans, de consacrer tant d'énergie, d'être monopolisé pendant
de longues périodes pour renouveler les conventions collectives. Si,
réellement, c'est une proposition de négociation annuelle que
vous nous faites, rendez-vous compte des énergies que cela exigerait de
l'ensemble des intervenants. Or, je ne crois pas que ce soit votre intention
et, par conséquent, je ne pense pas qu'on puisse parler ici denégociation de rémunération.
D'autre part, on peut, comme cela, dire: Oui, un système est
meilleur par rapport à un autre ou telle règle peut s'appliquer
par rapport à une autre. On n'a peut-être pas suffisamment
répété que tout cela est relatif, tous ces
éléments sont relatifs et s'inscrivent généralement
dans des conjonctures précises. Je vous dirai que les arguments
utilisés par le gouvernement du Québec il y a quinze ans
étaient peut-être à l'opposé de ceux qui sont
aujourd'hui utilisés; c'est le jeu de la négociation. Les
comparaisons sont tout aussi relatives dans le temps et leur utilisation se
situe dans des conjonctures extrêmement précises.
Dans le même sens, comparer des régimes de pays en pays ou
d'État à État, cela aussi se fait difficilement parce que
chacun de ces régimes, l'établissement de ces régimes
s'est inscrit dans des conjonctures spécifiques. Donc, nous ne croyons
pas qu'on soit à ce point privilégié, parce que c'est ce
que vous voulez dire en disant que ce régime est tellement
libéral. Non. Nous pensons, cependant, que ce régime
mérite d'être perfectionné, qu'il y a des moyens qu'il faut
se donner pour arriver, finalement, à conclure des ententes, pour en
arriver à s'entendre sur les niveaux de salaires et sur les conditions
de travail. C'est tout.
On ne pense pas que, dans une société qui se dit
démocratique, qui dit respecter un certain nombre de droits, les moyens
proposés sont des substituts, qui ont de l'allure, aux droits
négociés et, surtout, à la négociation de bonne
foi. On pourrait longuement ici parler de la manière dont se sont
négociées les dernières conventions collectives dans le
secteur public. Comment cela s'est-il passé, combien cela a-t-il
réellement pris de temps, comment tel règlement s'est fait? C'est
une histoire qui n'est généralement pas dite.
Donc, il ne faut pas, je pense, se mettre à utiliser des
comparaisons d'ailleurs pour tenter, ici, d'atteindre des objectifs qui ne sont
peut-être pas ceux qui sont publiquement avoués. Comme dans
beaucoup de négociations, le véritable déroulement n'est
pas nécessairement connu aussi largement que ce serait souhaitable pour
la population. Maintenant, on pourrait vous donner une foule d'arguments -
notre mémoire, là-dessus, est assez éloquent - sur les
mécaniques que vous proposez pour établir les salaires; nous ne
les pensons pas adéquats. Nous pensons pouvoir regarder effectivement
ces nouvelles formules, nous réclamons un certain nombre de
renseignements qui, nous le pensons, faciliteraient les choses. Ce n'est pas en
nous enlevant un droit que cela va régler quoi que ce soit.
M. Clair: M. le Président, je pense que le parti le plus
libéral du monde insiste pour avoir son temps de parole, alors, je vais
le lui laisser.
Le Président (M. Lachance): Très bien, M. le
ministre. En vertu de la règle de l'alternance, effectivement, c'est au
tour du député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. J'ai presque envie
de remercier le ministre qui a pris trente minutes au lieu de vingt minutes.
J'ai quand même témoigné de beaucoup d'ouverture; j'aurai
droit à trente minutes moi aussi, évidemment.
Tout d'abord, je voudrais remercier M. Larose, Mme Simard, mesdames,
messieurs de la Confédération des syndicats nationaux
d'être avec nous cet après-midi pour venir, finalement, discuter
de ce projet de loi qui est discutable, controversé à certains
égards, critiqué, dénoncé, qui constitue un
avant-projet de loi qui, comme je l'indiquais hier, arrive en fin de mandat,
qui arrive au beau milieu d'un processus qui semblait vouloir déboucher
sur quelque chose d'utile dans le cadre des échanges entre vous,
d'autres groupes syndicaux du Québec et le gouvernement en novembre et
décembre et qui, par son simple dépôt est venu remettre en
cause l'ensemble de l'exercice, et c'est explicable.
Vous avez eu l'occasion d'échanger pendant plusieurs minutes du
temps de parole du ministre au regard de la philosophie sociale,
économique, le développement et la promotion d'une
collectivité comme la nôtre par rapport à l'action
gouvernementale dans une société comme le Québec. C'est
intéressant, et il y aurait certainement lieu de passer plus que les
trois heures qui vous sont allouées pour voir peut-être nos
distinctions mais aussi voir surtout nos points en commun, parce que je suis
persuadé qu'il y en a, malgré les distinctions qui sont trop
souvent et facilement apparentes.
Un commentaire que je voudrai le plus bref possible et quelques
questions, parce que ce n'est pas souvent, malheureusement, qu'on
a l'occasion de s'asseoir ensemble et de se parler parce qu'il faut
s'asseoir et se parler, si on veut un jour se comprendre. Vous évoquez
le fait que le gouvernement a l'obligation fondamentale de déterminer,
d'enclencher les processus, les conditions du progrès social d'une
collectivité comme la nôtre. C'est vrai. Par contre, et, à
cet égard, il faut convenir et retenir que les gouvernements qui se sont
succédé... Notre équipe, lorsqu'on a eu le mandat de
former ce gouvernement, nous avons fait beaucoup, comme d'autres gouvernements,
pour, finalement, l'amélioration de la qualité de vie des
citoyens du Québec.
On pourrait remonter au début des années soixante et
comparer aujourd'hui ce qui a été fait, ce qu'on a aujourd'hui,
mais le but de nos travaux n'est pas de faire une étude exhaustive et
à rebours des progrès qui ont marqué notre
société.
C'est indéniable que les progrès qu'a connus le
Québec l'ont été, entre autres, par suite de l'action
gouvernementale qui s'est appuyée sur l'effort, le capital humain
investi par des milliers et des milliers de travailleuses et de travailleurs au
Québec dans différents champs d'activités.
Aujourd'hui on a eu l'occasion de traverser une crise qui a
été durement ressentie au Québec, peut-être un peu
plus durement ressentie que dans d'autres provinces. On pourrait parler de
notre structure économique, notre structure industrielle et on pourrait
en jaser bien longtemps, crise qui a affecté le gouvernement, les
citoyens, vos travailleurs et vos travailleuses.
En ce début d'année 1985, le gouvernement qui est la, qui
était social-démocrate, qui est inspiré actuellement "non
seulement par un néofédéralisme mais aussi par un
néolibéralisme", se retrouve placé devant un tableau et
une photographie auxquels il ne peut se dérober. Le gouvernement a
l'obligation, dans un premier temps, d'être animé par le plus
grand souci de justice et d'équité envers ses travailleurs et ses
travailleuses. Cela implique, évidemment, si tu veux être un bon
employeur, de négocier tes conditions de travail avec tes travailleurs
et tes travailleuses. Il y a cette première obligation. (16 h 45)
II y a aussi l'obligation de donner des services à la population,
que ce soit dans le domaine de l'éducation, de la santé, peu
importe. Il y a aussi, évidemment, l'obligation de s'assurer de la
capacité de payer des contribuables au regard de ces régimes. Ces
sommes d'argent qui sont perçues selon ses priorités, il les
affecte dans certains champs d'activités ou d'autres. Je n'ai pas
l'intention de revenir plus particulièrement sur ce que le ministre
évoquait quand il parlait de ses 5% et de la marge de manoeuvre
d'environ 500 000 000 $ qu'un gouvernement pourrait ou souhaiterait avoir, mais
la lecture budgétaire et économique du gouvernement du
Québec commande une analyse comme celle qu'on est en train de faire
actuellement. C'est ce pourquoi plusieurs auront peut-être
été surpris de voir ou de constater que les propos du ministre
d'un gouvernement péquiste et les propos du Parti libéral du
Québec se rejoignaient à plusieurs égards.
On a entendu des groupes jusqu'à maintenant. On espère
avoir l'occasion d'entendre non seulement ceux qui sont prévus pour la
semaine prochaine, mais d'autres, s'ils veulent bien se faire entendre et s'ils
acceptent l'invitation qu'on leur a formulée le plus objectivement
possible. On a souvent parlé de l'entreprise privée au
Québec. Un nombre de plus en plus grand de gens constatent que
l'élément principal qui peut permettre à un gouvernement
de redistribuer la richesse à ses citoyens, à ses travailleurs,
c'est d'avoir une économie qui soit forte, qui soit concurrentielle, qui
soit capable de faire face à la concurrence des marchés
internationaux, qui devra faire face à toute cette dimension des
technologies nouvelles. Aujourd'hui, le gouvernement dit: 50% de notre budget
est affecté aux salaires; dans les secteurs public et parapublic, des
gains importants ont été acquis par les travailleurs et les
travailleuses; il faut revoir les mécanismes et il faut revoir tout
cela. C'est explicable. Votre position est explicable parce que, quand il est
dit dans un projet de loi que vous n'aurez pas le droit de grève sur la
rémunération ou encore quand une formation politique d'opposition
dit: Aujourd'hui, on ne peut plus se permettre comme société de
vivre dans une situation de droit et de fait où un droit de grève
existerait dans le domaine de la santé, je comprends que vous
n'êtes pas réceptifs, avec des tapes dans le dos, à de tels
interlocuteurs. Mais il faudra, un jour, que la question soit
réglée, que la question soit posée et que ces questions
fassent l'objet d'un consensus au Québec et d'un véritable
consensus.
Pour nous - c'est là le sens de ma première question -
l'exercice du droit de grève, le recours à la grève, cela
a été utilisé. C'est évident que, pour un groupe
aussi important que le vôtre, c'est un droit qui, pour l'organisation
syndicale, est presque fondamental. Mais que dire de ces conflits qui, bien
souvent, ont fait mal non pas en raison du nombre de jours que les conflits ont
duré, mais par toutes ces mentalités, ces appréhensions,
ces craintes de conflit éventuel avec des effets peut-être non
palpables ni quantifiables, dans les établissements, des grèves
qui ne faisaient
certainement pas plaisir aux travailleurs et aux travailleuses? J'en
conviens, je suis d'accord avec vous que les travailleurs et les travailleuses
de Saint-Ferdinand d'Halifax n'ont pas fait une grève pour le plaisir
d'en faire une. D'ailleurs, on pourra y revenir tantôt au regard d'un
autre volet de la problématique. Mais ce droit, vous le voyez -c'est
légitime que vous le voyiez ainsi - en termes d'un rapport de forces,
d'un élément principal dans un rapport de forces donné,
mais assoyez-vous de ce côté-ci de la table et voyez l'action du
gouvernement ou des gouvernements depuis que ce droit a été
accordé, quel qu'il soit, qu'il ait été libéral,
qu'il ait été péquiste ou qu'il ait été de
l'Union Nationale. Le gouvernement a toujours eu à faire face à
sa fameuse dualité. Premièrement, le droit est là, il est
dans nos lois, il est dans la dynamique des relations du travail. II affecte
des citoyens et des citoyennes qui sont en droit légitime de recevoir
une qualité et une quantité de services et qui ont, eux aussi,
des droits. Comment s'est soldée cette dualité au cours des
années? Par une situation de fait où les gouvernements ont eu
à vivre des conflits, à patienter, à écoper, soit
dit en passant, parce que c'est un rapport de forces qui vous place dans une
position nettement privilégiée, car. le premier critiqué,
c'est, évidemment, le gouvernement et c'est explicable qu'il en soit
ainsi. Mais, combien de conflits se sont réglés par des lois,
spéciales qui sont venues annihiler complètement ce droit?
Ne croyez-vous pas qu'il serait temps de s'asseoir et, dans un premier
temps, de voir pourquoi vos travailleurs et travailleuses font des
grèves? C'est quoi? Selon l'expérience qu'on a ou l'analyse qu'on
en fait, on doit constater et retenir que les batailles, les argumentations,
tes demandes que vous formulez vont de moins en moins sur des questions comme
le salaire, le normatif, les avantages sociaux et tout cela. Le gouvernement
devrait constater que le langage des syndicats dans les secteurs public et
parapublic porte de plus en plus actuellement sur l'organisation du travail
à l'intérieur des établissements, la tâche, le
service donné par ce travailleur ou cette travailleuse à la
personne qui le reçoit, par exemple, dans le domaine de la santé.
On peut même retenir et conclure que, de plus en plus, la bataille
syndicale se fait dans un contexte où les gens épousent,
finalement, les causes de ceux qui reçoivent de tels services.
Je n'ai qu'à citer quelques exemples bien précis. Quand on
entre dans un établissement de santé et qu'on échange des
propos avec les gens que vous représentez, leur militantisme est
porté, d'abord, vers l'effet des coupures, ensuite, vers la
dégradation des services aux bénéficiaires, la
détérioration du climat de travail, des échanges et des
relations entre ces administrations locales et ces travailleurs, parce
qu'à peu près personne ne se comprend, d'autant plus que les
patrons locaux ne sont pas beaucoup associés au processus
d'établissement des budgets et de négociation des conditions de
travail.
Ma première question, M. Larose. Ne croyez-vous pas que le droit
à la négociation ne passe pas nécessairement par le
recours à la grève? Ne croyez-vous pas qu'à l'exercice,
à la lumière de l'expérience des dernières
années et de l'utilisation que le gouvernement a faite, finalement, des
lois spéciales, c'est le temps plus que jamais de s'asseoir et de voir
ensemble tout cet aspect du recours à la grève, en particulier
dans des secteurs aussi importants pour les citoyens que la santé et la
sécurité et que, finalement, le recours à ce droit est
devenu artificiel, faux, pratiquement illusoire? Si tel est le cas, il serait
peut-être temps de s'asseoir et que le gouvernement revoie vraiment tout
l'aspect de la dégradation des services dans les réseaux, qu'il
apporte les correctifs nécessaires. Nous convenons que cela impliquera
des budgets, mais c'est là une question de priorité, de gestion
et de dépense d'argent.
M. Larose: Je reprends un peu ce que je disais dans ma
présentation: Le droit de négocier à son corollaire qui
est le droit de grève. Je ne connais pas de situation où un
groupe voulant négocier a averti d'avance son patron que, de toute
façon, il n'est pas question qu'il fasse la grève, ni de moyens
de pression. Ah, il va peut-être y avoir d'excellents débats
philosophiques, mais il n'y aura pas de convention collective. L'image que je
vous donnais tantôt, tirée d'un philosophe dont je ne me souviens
pas du nom, selon moi, c'est la réalité. Mais, en posant la
question, je ne veux pas qu'on perde de vue deux petites
réalités. En faisant votre introduction, vous dites: Le
gouvernement, pris avec ses contraintes à la suite de la crise
économique, etc. C'est une partie de la réalité. Le
ministre Clair disait lui-même tantôt: Lorsqu'on a une marge de
manoeuvre qui pourrait atteindre 500 000 000 $ dans les meilleures
conditions... Mais, c'est le même gouvernement, les mêmes
décideurs qui décident que cette marge de manoeuvre sera de 500
000 000 $; c'est ce même gouvernement qui décide du taux de
taxation, qui décide des abris fiscaux, qui cogite sur la
fiscalité, disons, d'une manière un peu particulière. Ce
sont les mêmes décideurs qui, au cours du processus du
renouvellement des conventions collectives, décident de dévier
des règles sur lesquelles on s'était entendu et qui
émettent des lois spéciales. Si, à la fois, ce même
gouvernement se
plaint des effets des décisions qu'il prend, je suis prêt
à compatir, mais je ne le ferai pas au détriment d'un droit qui
n'est pas seulement un droit fondamental, mais qui est aussi un droit efficace
qui assure le droit de négocier.
Ceci dit, je rappelle que la réalité quotidienne de la
négociation fait qu'on n'arrive pas nécessairement à la
grève. Comme je le dis, à la CSN, les conventions sont
renouvelées à 92% sans grève. Cela doit être parce
que des gens se parlent des vraies affaires pour trouver les vraies
solutions.
Ce qu'on prétend, c'est que, depuis trop longtemps, dans le
secteur public, on ne parle pas des vraies affaires pour trouver les vraies
solutions. À Saint-Ferdinand, c'était évident. Dans ce
cas, ce n'était même pas le ministère, c'était la
direction locale qui avait décidé que cela passait par là.
Pour les ambulances, c'est une autre affaire. De toute façon,
organisés comme on l'est avec les ambulances, d'autres "flops" s'en
viennent sur la rive sud. Je vous annonce cela. Être en sous-traitance
dans un domaine névralgique comme cela, c'est socialement inacceptable:
18 compagnies, 7 employeurs qui sont là pour faire la piastre sur les
crises cardiaques.
Ce qu'on veut dire, c'est que la seule réforme possible, c'est
celle qui va nous amener à trouver les mécanismes les plus
efficaces, à les ajuster pour régler les vraies questions au
moment où elles sont posées. Sinon, c'est se leurrer. Vous le
dites vous-même. Il a toujours fallu des lois spéciales. Il faut
croire que ce n'est pas le caractère de la légalité ou de
l'illégalité qui pose un problème. Le problème,
c'est de trouver des mécanismes, d'avoir les mécanismes pour
régler les vraies questions. C'est aussi simple que cela.
M. Pagé: En matière de mécanismes, vous avez
abordé un point intéressant. Vous avez dit - vous me corrigerez
si j'erre -qu'on ne pouvait pas se permettre, dans une société
comme la nôtre, d'avoir trois régimes de relation du travail, un
Code du travail pour le secteur privé, un régime pour le secteur
public et un code pour le secteur de la construction, que l'État
employeur, le gouvernement employeur, se devait d'établir les
mêmes règles pour lui-même que pour l'entreprise
privée. Je conçois mal cette approche. Je ne vois pas comment
elle peut être conciliable avec le fait qu'au niveau de la
rémunération vous exprimez des réserves -mais des
réserves! - sur le fait que le gouvernement veuille comparer ce qu'il en
coûte dans le secteur public et le secteur privé. (17 heures)
M. Larose: On n'a pas de réserves sur les comparaisons. On
a des réserves et des objections à ce que la décision
découle de la comparaison. Qu'on nous fasse toutes les
démonstrations de comparaisons entre le privé et le public, et
qu'on nous inonde de chiffres, on est prêt à regarder cela. On n'a
pas de honte à comparer toutes ces choses-là. Mais le principe de
négocier les salaires dans le secteur public, cela demeure. On peut se
laisser éclairer par le secteur privé ou semi-privé. En
fait, là, je ne voudrais pas qu'on revive la théorie de la
locomotive à l'envers. Il paraît que, pendant un certain temps,
les gens disaient: Le public doit tirer le privé. Il fallait quitter la
théorie de la locomotive. Ce qu'on nous propose, c'est que le
privé tire le public. On est encore dans la locomotive. Il faudrait
sortir des "tracks".
M. Pagé: Mais le problème, c'est qu'il est possible
que le privé ne puisse plus suivre. Vous avez dit tout à l'heure
au ministre: Quand vous allez faire un emprunt, le banquier peut dire non et
là il vient de faire la grève. Mais quand le gouvernement du
Québec décrète une augementation de taxes et
d'impôts et qu'il dit, par exemple: La contribution des employeurs au
Régime d'assurance-maladie passe de 1, 5% à 3%, l'entreprise
privée ne peut pas faire la grève, il faut qu'elle paie.
Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire un prix de revient d'un produit
vendu qui est plus élevé. Cela peut vouloir dire et cela veut
dire, dans certains cas, des difficultés à concurrencer. Cela
veut dire des pertes d'emplois. Cela peut vouloir dire des fermetures
d'entreprises. En un an et demi, ici, dans la région de Québec,
dans l'ensemble de la région 03, les faillites des entreprises
commerciales et manufacturières ont dépassé 1700. Ce sont
des emplois perdus. C'est grave et inquiétant! Le secteur privé
ne peut pas faire la grève, il faut qu'il paie! Quand il n'est plus
capable de suivre, il ferme. On se ramasse avec des déficits. On se
ramasse avec des milliers de personnes à l'aide sociale, des centaines
de milliers de personnes qui doivent vivre de prestations
d'assurance-chômage. Est-ce qu'une personne peut être plus
affectée dans sa dignité humaine que de n'avoir aucun travail,
aucun débouché? C'est cela, la problématique du
Québec, actuellement.
M. Larose, je ne veux pas jeter de pierres dans votre jardin, je veux
qu'on ait l'échange le plus ouvert possible. On rencontre des
travailleurs qui sont syndiqués, qui ont consacré leur vie,
finalement, à la construction d'une entreprise dans un milieu
donné de travail: qu'on pense au secteur des pâtes et papiers, au
secteur des scieries, à tout cela, où vous êtes fortement
présents. Les gens n'ont plus de job. Et les gens souhaitent que le
gouvernement, par la responsabilité des orientations économiques
qui lui sont dévolues selon ses mandats, intervienne à ce niveau.
Alors, la locomotive?
M. Larose: Essayez-vous de me dire que c'est l'État et les
taxes qu'il pompe dans le secteur privé qui font qu'il y a des
faillites?
M. Pagé: Quand on voit l'augmentation des revenus
tirés des taxes et des impôts depuis quelques années, on
doit convenir que cela a certainement des effets sur l'entreprise
privée.
M. Larose: Nos études nous disent, globalement, que le
phénomène des faillites est dû à deux choses, soit,
effectivement, à la hausse des taux d'intérêt. Cela
s'adonne que je ne pense pas que ce soit le gouvernement qui gère tout
à fait directement ce phénomène. Entre capitalistes, on se
fait des civilités qui sont préjudiciables pour un certain type
d'entreprises. Au plus profond de la crise en 1982, le nombre de faillites,
multiplié je ne me souviens plus si c'est par trois ou par quatre,
était essentiellement dû à la hausse du taux
d'intérêt.
La deuxième chose, c'est effectivement un problème de
gestion et il y a d'autres raisons. C'est tout à fait faux, à
notre avis, de dire: C'est le niveau de taxation des entreprises. De toute
façon, peut-être que le président du Conseil du
trésor peut nous dire exactement combien il tire de revenus des
entreprises par rapport aux revenus provenant des particuliers et le retour qui
se fait par voie de subventions. Je pense qu'il reste au total 450 $ dans les
coffres de l'État quand on a tout retourné. On commence à
trouver qu'on joue avec notre argent.
M. Clair: II manque 3 000 000 000 $ par année, en fait.
M. Larose: Pardon?
M. Clair: Dans les coffres du Trésor, il manque 3 000 000
000 $ par année, au bout de l'année.
M. Larose: Oui. Mais la différence entre ce que les
compagnies vous paient et ce que vous leur retournez en subventions, il ne vous
en reste pas épais et même il vous en coûte par les
années qui courent. Alors, il faudrait parler des vraies affaires. Ce
n'est certainement pas la situation du secteur public et le niveau de
rémunération des travailleuses et des travailleurs du secteur
public qui font crever les entreprises. Cela n'a rien a voir.
M. Pagé: Je suis d'accord avec vous là-dessus, M.
Larose, mais vous allez convenir quand même avec moi que l'entreprise
privée au Québec, c'est le générateur
économique en termes d'emplois pour permettre au gouvernement de donner
une qualité de services et de vie à ses citoyens. Si elle est
essoufflée, le gouvernement est essoufflé et on assiste à
des coupures et à des éléments comme ceux-là.
M. Larose: Écoutez, en tout cas, on peut continuer ce
débat. Je vous dirai que ceux de l'entreprise privée qui se
plaignent d'être essoufflés, ils le font tous les trimestres.
C'est insatiable. Ils le seront toujours, essoufflés. Ce n'est pas cela,
la réalité. Je ne vois pas les rapports que vous essayez de faire
entre la rémunération des travailleuses et des travailleurs du
secteur public et le fait qu'il y aurait des entreprises qui feraient faillite
et que là, nous voilà partis sur la glissade. Il manque quelque
chaînons, pour reprendre notre sigle.
M. Pagé: Vous avez voulu laisser croire que c'est ce que
j'invoquais comme étant le principal élément de
difficulté des entreprises. Loin de là, voyons: Mais chose
certaine, quand on évoque et quand on constate que, toutes choses
étant comparables, le secteur privé ne peut pas suivre ce que
l'État donne, c'est explicable et le gouvernement, quel qu'il soit, est
justifié de s'y pencher, est justifié de vouloir établir
les meilleurs paramètres possible pour être juste envers ses
travailleurs, équitable envers ceux-là et celles-là, et
aussi, en même temps, être juste et équitable envers ceux
qui oeuvrent dans le secteur privé.
Mme Simard: Mais, êtes-vous en train de dire que nous avons
dit que nous exigeons que ce qui existe dans le public doit être
donné dans le privé? Personne n'est venu dire cela ici
aujourd'hui. Je pense que les théories de locomotive qui ont pu
être véhiculées, ce n'est pas si simple que cela. Je pense
qu'on va admettre que ce n'est pas si simple et qu'il y a beaucoup de facteurs.
Moi, je veux bien comprendre ce que vous êtes en train de nous dire.
Est-ce que, ce que vous proposez, c'est qu'on en enlève ou qu'on en
retranche un tant soit peu à celles et à ceux qui travaillent
dans le secteur public pour en donner plus aux entreprises dans le secteur
privé? Je ne pense pas que ce soit cela.
M. Pagé: Ce n'est pas cela.
Mme Simard: Bon. Et on n'est pas en train ici de vous dire qu'il
faudra que ce soit appliqué. Ce qu'on vous dit, c'est que les
comparaisons sont toujours relatives et qu'on sait qu'ériger cela en
principe pour que ce soit la base d'une politique salariale, cela ne peut pas
marcher. Cependant, on va être les premiers, à titre de centrale
syndicale, à vous dire que, oui, notre plus grande préoccupation
actuellement au Québec, c'est l'emploi; que, oui, une de nos grandes
préoccupations, c'est que le plus grand
nombre possible ait droit au travail, de gagner sa vie et non pas de
dépendre de prestations de chômage ou d'aide sociale.
Mais on ne croit pas, cependant, que c'est en retranchant, en modifiant
ou en limitant des droits à 350 000 personnes au Québec qu'on va
réussir à régler les autres problèmes. Les
interventions qui s'imposent sont beaucoup plus sérieuses que
celles-là. On n'arrête pas d'en présenter et de revendiquer
cela au gouvernement. Je ne voudrais pas qu'ici on tente d'insinuer qu'en
enlever aux uns permettrait d'en donner aux autres. Je pense que, dans le
passé, cela a été prouvé: cela ne fonctionne pas.
Je voudrais juste répéter que, lorsqu'on parle des revenus de
l'État, il faut se rappeler qu'effectivement la plus grande proportion
de ses revenus vient de l'impôt sur les revenus des particuliers et que
les 350 000 salariés du secteur public paient aussi des taxes. Ce n'est
peut-être pas dit assez souvent, mais ces 350 000 personnes qui
consomment stimulent aussi la demande des produits qui est faite dans
l'entreprise privée. Je pense que, si on veut aborder l'équilibre
ou les rapports entre le public et le privé, il faut le regarder
peut-être plus globalement. Ces dimensions, on n'en parle pas trop.
M. Pagé: Dois-je comprendre, Mme Simard, que vous
êtes...
Le Président (M. Lachance): En concluant, M. le
député.
M. Pagé: Oui. J'aurai d'autres questions après. On
pourra y revenir. Dois-je comprendre que vous acceptez le principe que le
gouvernement, par un bureau, par un institut, en arrive à établir
une comparabilité des niveaux de rémunération et
d'avantages entre le public et le privé, mais qu'elle ne doit pas servir
à l'établissement des conditions de travail
négociées par le gouvernement pour ses travailleurs? Auquel cas,
quelle en serait l'utilité?
Mme Simard: Ce que nous avons dit, c'est qu'on ne pense pas qu'il
y ait besoin de créer un institut pour le faire. On a déjà
tous les organismes nécessaires pour faire des recherches et des
études. Ce qu'on dit, c'est que ces études et ces recherches
peuvent être faites. D'ailleurs, elles se font. On voudrait y avoir
accès, d'ailleurs. Ce qu'on dit, c'est que, pour un gouvernement, cela
ne peut pas être le seul élément, ces comparaisons entre
privé et public, pour bâtir une politique salariale et dire: Bon!
Voici le niveau des uns. Voici le niveau des autres. Eh bien, c'est
gelé, c'est coupé au c'est baissé parce qu'on va
rétablir l'équilibre. C'est beaucoup plus complexe que cela et
les effets sur les uns et les autres aussi sont plus complexes et moins
mécaniques, je dirais, que ce que certains ont voulu faire croire par le
passé.
De toute façon, quand je dis: Les comparaisons, tout le monde
s'en sert, oui, tout le monde s'en sert, mais elles sont toujours relatives et
elles sont toujours liées à des conjonctures très
spécifiques. Ce que je vous disais, c'est qu'il y a quinze ans, on
pouvait faire des comparaisons tout à fait à l'inverse. Cela
servait une partie par rapport à l'autre. Aujourd'hui, compte tenu d'une
multitude de facteurs, on peut utiliser exactement la comparaison inverse pour
arriver à ces fins, c'est-à-dire que les négociations ne
sont pas chose de statistiques. Il y a beaucoup d'éléments. Juste
comparer les niveaux de rémunération entre le public et le
privé, il peut y avoir 120 variables. Qu'est-ce qu'on va comparer? Les
petits par rapport aux gros, les secteurs syndiqués par rapport aux
autres. Qu'est-ce qu'on fait lorsque c'est l'État qui a le monopole d'un
certain nombre de tâches ou d'emplois, ce qui est le cas? Quelles sont
les structures? C'est quoi, les règles du marché? Qu'est-ce qu'on
a pu corriger? C'est beaucoup. C'est simplement cela qu'on vient vous dire:
Attention! Mais on sait également que, dans une conjoncture et dans un
climat tel que celui qu'on connaît aujourd'hui au Québec, la
crise, où il y a 1 000 000 de personnes sans emploi qui dépendent
de prestations et de revenus tout à fait insuffisants, il est facile de
faire passer certains pour des privilégiés à un tel point
qu'à un moment donné ils se disent: Voyons! Je ne suis pas un
paria parce que j'ai un emploi et que je gagne un salaire. (17 h 15)
Faire passer ceux-ci pour des privilégiés et dire: Si on
leur en enlevait un peu, à eux, j'en aurais peut-être plus
à l'autre bout, c'est trop facile. Je pense que notre
responsabilité est justement de venir dire ici que ce n'est pas si
simple. C'est beaucoup plus complexe que cela. La théorie des vases
communicants, ce n'est pas automatique comme cela dans le problème qui
nous occupe. C'est exclusivement cela.
Le Président (M. Lachance): À ce moment-ci, je
voudrais indiquer aux parlementaires qu'il reste un bloc de 46 minutes, soit 25
minutes pour la formation ministérielle et 21 minutes pour le Parti
libéral. M. le ministre.
M. Clair: Oui, M. le Président, je voudrais continuer sur
la question de la rémunération. La CSN représente des
salariés tant du secteur public que du secteur privé. Quant
à la fameuse théorie de la locomotive, est-ce que, globalement,
le jeu de la libre négociation, entre guillemets le "rapport de forces",
auquel vous tenez dans le secteur public, a conduit, selon vous, après
20 ans de
fonctionnement, tant en termes de rémunération, avantages
sociaux, etc., de manière générale, à de meilleures
conditions de travail dans le secteur public et dans le secteur
privé?
Mme Simard: Je vais vous dire que cela varie.
M. Clair: Mais globalement?
Mme Simard: Cela varie. Justement, je ne peux pas vous
répondre globalement. C'est cela, il ne faut pas tomber dans ces
pièges. Je pourrais vous dire oui, il y a des conditions de travail qui
ont été négociées dans le secteur public, qui ont
eu des effets d'entraînement dans d'autres secteurs. Je pense aux
congés de maternité, par exemple; oui, cela a eu des effets, oui,
cela a été marquant, cela a eu un effet d'entraînement et
ce n'est pas uniquement une condition. Cela coûte de l'argent...
M. Clair: Ma question...
Mme Simard: Laissez-moi finir!
M. Clair: Je veux que vous répondiez.
Mme Simard: Cela dépend des secteurs. Comme je vous l'ai
dit, je ne pourrais pas vous répondre que cela n'a pas eu d'effet
d'entraînement; oui, cela a eu des effets d'entraînement. Je vais
vous dire à quel chapitre il y a eu des effets positifs pour l'ensemble
des travailleurs et des travailleuses au Québec; dans d'autres cas, cela
n'a pas eu d'effet, à toutes fins utiles.
M. Clair: La CSN, comme centrale syndicale, dit que ce n'est pas
un seul élément, que dans certains secteurs il y a de l'avance et
que dans d'autres secteurs peut-être que non, en termes de conditions de
travail dans le secteur public et dans le secteur privé; là, je
ne parle pas de l'effet d'entraînement, mais de la photographie
d'aujourd'hui. Pour orienter l'action syndicale de la CSN, j'imagine que de
telles comparaisons ont dû être faites et, dans la mesure où
on voudrait rendre utiles des comparaisons entre le secteur privé et le
secteur public, les travaux de la CSN elle-même pourraient être
utiles. Sans cela, ce que j'en retiendrais, c'est que la théorie de la
locomotive, cela valait pour le secteur public, oui, mais on ne se
préoccupait pas beaucoup d'essayer de savoir comment cela
évoluait dans le secteur privé. Qu'en est-il là-dessus en
termes de disponibilité de données comparatives non pas
uniquement en termes de niveau, mais en termes de résultat aujourd'hui
et d'évolution sur les différentes années?
Finalement, ma dernière question: En termes
d'équité sociale par rapport à cela, qu'est-ce qui
fondamentalement, au niveau des principes, peut justifier un écart en
termes de non-discrimination, je dirais un écart en termes de conditions
de travail générales entre le secteur public et le secteur
privé?
Mme Simard: Premièrement, je vais vous dire que,
généralement, les recherches de la CSN, j'en suis convaincue, le
gouvernement y a accès parce qu'elles sont toutes publiques. À
l'inverse, cependant, on n'a pas accès à toutes vos recherches.
Parlons d'équité. On est en train, évidemmment, encore une
fois, de tomber dans le panneau de l'équité entre le privé
et le public. Parlons donc du privé.
M. Clair: Cela n'existe pas, cela?
Mme Simard: Parlons donc du privé. On a trop souvent
tendance à penser que c'est un bloc monolithique où les
mêmes conditions s'appliquent et où tous les mêmes droits
sont reconnus ou ne le sont pas. Ce n'est pas le cas du tout.
Parlons d'équité, d'un gouvernement qui a la
responsabilité d'adopter ou d'établir des conditions minimales
dans l'ensemble des secteurs, justement. On sait quelles sont les dispositions
de la loi 126 à ce chapitre. Donc, oui, on a un souci constant que dans
l'ensemble des secteurs, dans tous les secteurs où il y a des femmes et
des hommes qui travaillent, les droits fondamentaux soient reconnus, que des
conditions de travail, qu'on considère, nous, comme minimales, soient
appliquées, peu importe qu'on travaille dans une usine à papier,
dans une usine de chaussures ou dans un magasin. C'est ce que nous pratiquons
quotidiennement et qu'on tente d'obtenir quotidiennement pour les personnes
qu'on représente.
Oui, c'est vrai qu'on fait des comparaisons; oui, c'est vrai qu'on a
invoqué des comparaisons. Il y a une admission là-dessus, on le
fait constamment pour tenter d'améliorer la condition des membres des
syndicats de la CSN. Cependant, parce que, justement, on fait des
études, on travaille et on en invoque, on sait combien c'est relatif et
c'est ce qu'on vient vous dire ici.
Vous aussi, vous savez combien c'est relatif. Alors, tout simplement,
notre message c'est que non, on ne peut pas utiliser ça comme base
exclusive parce que la situation d'aujourd'hui sera peut-être tout
à fait différente dans cinq ans.
M. Clair: II y a dix ans ou dans cinq ans, est-ce qu'il y a
quelque chose qui justifierait fondamentalement qu'en tout état de cause
il puisse y avoir un écart en termes de conditions de travail? Je ne
parle
pas d'un alignement systématique, poste à poste, condition
par condition mais, sans tomber dans le globalisme non plus, mais de
manière générale, ne serait-ce qu'en termes de
croissance... C'est facile à mesurer la croissance
générale des salaires dans le secteur public par rapport à
celle du secteur privé. Il y a dix ans, dans cinq ans ou cette
année, qu'est-ce qui peut justifier des écarts substantiels?
M. Larose: Cela fait partie de l'argumentation que vous allez
développer dans un processus de négociation. Vous allez invoquer
que, pour telle catégorie d'emploi, le secteur privé est en
avance ou est en arrière, etc. On va vous entendre, comme nous allons
vous faire le même type d'argument pour d'autres types d'emplois. Ce
qu'on vous dit c'est qu'on n'a rien contre les comparaisons mais la formule
où ce serait un secteur qui décréterait les salaires dans
un autre secteur, on ne comprend pas en vertu de quel principe, en vertu de
quel droit ces choses-là devraient se faire de cette
façon-là.
C'est faire reposer sur les épaules d'un secteur le sort de tout
un autre secteur. Je pense qu'il a déjà pas mal de misère
pour sortir des conditions qui lui sont faites sans qu'il ait tous les
travailleurs et travailleuses à tirer derrière lui. Ce qu'on vous
dit c'est que c'est non seulement impraticable mais c'est
antidémocratique. Pourquoi? Parce que tu es travailleuse dans le secteur
public, tu n'as pas le droit de négocier avec les autres tes salaires
dans le même cadre que toute négociation. D'où est-ce que
ça vient? C'est parce que tu tires ton chèque du cégep ou
du CLSC Hochelaga-Maisonneuve?
L'infirmière du CLSC Hochelaga-Maisonneuve et le professeur du
cégep Édouard-Montpetit sont des travailleurs et des
travailleuses comme tout le monde et ils n'ont pas à s'adresser à
la Vickers pour savoir combien ils vont avoir cette année.
M. Clair: Dans votre esprit, l'égalité dans les
moyens prime sur l'égalité dans les résultats.
M. Larose: L'égalité dans les droits, d'abord.
Effectivement, si on veut faire un débat sur l'égalité des
moyens, je vous dirai qu'il y a une autre commission, la commission Beaudry -
d'ailleurs, on aurait voulu que tout ce débat aille là - pour
voir ce qu'est l'égalité des moyens. Si, à votre avis, il
y a des moyens qui sont plus forts dans le secteur public, pourquoi cela
n'existe-t-il pas dans le secteur privé? C'est un autre débat. Je
serai très content de venir faire ce débat avec vous parce qu'il
y a des responsabilités gouvernementales qui ne se prennent pas
là-dessus. On est prêt à faire ce débat-là
mais on ne partira pas en descendant, par exemple, pour niveler par le bas.
Mme Simard: On va prendre les deux groupes. Parlons-en des
écarts publics et privés. Il y a un groupe où
l'écart est le plus grand. Je vais revenir, c'est ça, les femmes.
Là où l'écart est le plus important, c'est entre les
femmes du secteur public et les femmes du secteur privé; plus grand
qu'entre les hommes du secteur public et les hommes du secteur
privé.
Quand vous parlez d'inégalité ou d'égalité
de résultats ou qu'on parle d'égalité de droits, il n'y a
pas d'égalité de droits. Donc, manifestement il y a
inégalité de résultats. Est-ce qu'on va reprocher que,
oui, l'écart s'est accru parce que les femmes du secteur public se sont
servi de leurs droits pour modifier substantiellement leur situation?
Malheureusement, pour différentes raisons, à cause des
règles d'adhésion et de reconnaissance syndicale, entre autres,
dans le secteur privé, cela n'a pas pu être réalisé
globalement et elles sont encore très peu syndiquées; là
où elles le sont, leurs capacités réelles de pouvoir faire
valoir leurs droits sont assez limitées. Je vous dirais que cela a
débuté cinq ans avant l'adoption de la charte dans le secteur
public, tenter de corriger un tant soit peu les inégalités. C'est
normal que cela ait apporté des effets. C'est un exemple. Oui, il y a
une inégalité de résultats parce que les droits, au
départ, sont différents. Alors, ce n'est pas en maintenant, en
constatant cette inégalité de résultats qu'on va dire: On
va ajuster les droits à la baisse, parce qu'il y a une
inégalité de résultats. Il faudrait peut-être
regarder - c'était précisément comme Gérald Larose
nous l'indique - notre demande de l'hiver dernier quand on disait: On devrait
regarder cela dans sa globalité, l'ensemble des règles,
l'ensemble des mécanismes qui régissent les relations du travail,
pour précisément faire le point sur ce type de
considération. Malheureusement, ce n'est pas ce qui a été
retenu.
M. Clair: M. le Président, on poursuit -je m'adresse
à Mme Simard - l'objectif d'éliminer les discriminations
salariales hommes-femmes dans le secteur public; c'est un objectif
partagé par le gouvernement et je pense qu'il a eu l'occasion de le
démontrer. La question de l'effet d'entraînement de
l'amélioration de la condition des femmes dans le secteur public par
rapport à celle du secteur privé, c'est une tout autre question.
Je lisais, dans le document qui a été rendu public par la CSN,
que les femmes seraient les premières à écoper des
conséquences de ce projet gouvernemental en matière de politique
salariale, de comparaison. J'indique tout de suite que tel n'est pas la
volonté du
gouvernement et je pense qu'il l'a démontré, au contraire,
dans les secteurs public et parapublic. Le mécanisme de comparaison, ce
n'est pas un mécanisme de comparaison de poste à poste et dire:
Le gouvernement a comme orientation de prendre, je ne sais pas, une
secrétaire dans le secteur public et de la réaligner sur une
période de six mois ou un an dans le secteur privé, ou de deux
ans ou trois ans; ce n'est pas cela dont il s'agit. Il s'agit de
mécanismes de comparaison fort différents, et je pense que les
gens de la CSN le savent fort bien. Mais ce sont deux questions
différentes que l'élimination de la discrimination homme-femme
dans le secteur public et l'effet d'entraînement sur le secteur
privé. Abordons précisément cette question de l'effet
d'entraînement, l'effet de locomotive, pour l'amélioration de la
condition des femmes du secteur public par rapport aux femmes du secteur
privé.
Sauf erreur, les statistiques dont on dispose, de Statistique Canada,
nous apprennent qu'en 1971 le salaire dans le secteur privé ou dans
l'ensemble de l'économie du Québec pour les femmes occupant un
emploi à temps plein représentait 58, 9% de celui des hommes. Les
chiffres qui sont dans votre mémoire nous apprennent qu'il serait
aujourd'hui aux environs de 57%. On ne se chicanera pas pour 2% ou 3%, mais, en
termes de tendance lourde, on voit qu'il n'y a pas eu une amélioration
substantielle. Par ailleurs, pour l'année 1980 - je pense que l'autre
chiffre aussi, 57%, datait de 1981; je crois que c'est le recensement de 1981 -
dans la fonction publique québécoise, le revenu salarial moyen
femme-homme est de 82, 3%. C'est là le résultat effectivement, '
sans doute, d'une volonté syndicale d'éliminer des
discriminations et d'une volonté gouvernementale aussi de le faire. Mais
le moins qu'on puisse dire, c'est que, sur une période de quinze ans,
l'effet de locomotive pour éliminer ces discriminations ou rehausser le
salaire moyen des femmes par rapport à celui des hommes n'a pas
donné des résultats très probants. Au contraire, quelqu'un
pourrait prétendre que la locomotive s'est distancée
considérablement par rapport aux femmes du secteur public et aux femmes
du secteur privé et, jusqu'à un certain point, quelqu'un pourrait
prétendre qu'à toutes fins utiles les wagons de la locomotive ne
suivent pas. (17 h 30)
À cet égard - j'en reviens à l'idée des
comparaisons, à la comparabilité, l'évolution comparative
du secteur public par rapport au secteur privé - c'est un des objectifs
du gouvernement, tant à l'égard du secteur public que du secteur
privé, de continuer à travailler à l'élimination
des discriminations. On peut se chicaner sur les moyens, dire que le
gouvernement ne fait pas assez, etc., mais, en termes d'orientation, c'est
substantiellement la même orientation.
Si on veut éliminer ces discriminations... Prenons, par exemple,
la Charte des droits et libertés de la personne. Les entreprises
elles-mêmes sont inquiètes de l'impact qu'auront les chartes des
droits et libertés, tant fédérale que
québécoise, en matière d'élimination, de
discrimination homme-femme, dans l'emploi et au niveau des salaires. Que ce
soit du côté syndical ou gouvernemental ou patronal, comment
pourrons-nous le plus intelligemment combattre ces discriminations si ce n'est
en se dotant d'outils, qui vont être compliqués,
d'évaluation, de définition de tâches, de toute une
série de critères et finalement tenter d'établir ces
comparaisons?
Autrement, que faisons-nous? Nous avons de beaux discours de part et
d'autre mais nous ne faisons pas les choses d'une manière scientifique,
d'une manière logique, d'une manière à évaluer
précisément de quoi il s'agit. Je pense que ce que propose
l'avant-projet de loi en matière de rémunération c'est
d'abord un principe d'équité sociale. Maintenant que les salaires
du secteur public et du secteur privé, globalement, commencent à
être à des niveaux comparables, en termes d'évolution il
s'agit maintenant de se bâtir des instruments complexes, il est vrai,
difficiles, toujours sujets à appréciation, desquels ne peut
déboucher un automatisme parfait avec des résultats de 4, 5% ici,
3, 5% là. Il y aura toujours une responsabilité, un jugement
à exercer. Il faudra aussi mesurer les discriminations, voir dans quelle
mesure on protège davantage les bas salariés plutôt que les
hauts salariés.
Je pense que, si on n'a pas cette approche, comme société,
de comprendre les discriminations, de les combattre par l'intelligence, la
compréhension, la comparaison des données sur une base
d'équité sociale, à ce moment on se limitera à
avoir d'excellentes causes et d'essayer de les régler par un rapport de
forces plutôt que par intelligence, compréhension véritable
de la situation.
Mme Simard: M. le ministre, je pense que vous n'avez pas compris
ce que je voulais dire. Précisément, ce que j'ai dit, c'est
bravo, dans le secteur public, l'écart de rémunération
entre les hommes et les femmes est maintenant d'à peine 15% -bravo -
alors que la règle du marché privé est de près de
40%, l'écart est de près de 40%. Pourquoi existe-t-il un
écart aussi important au chapitre des discriminations? C'est parce qu'un
groupe a réussi à combattre la discrimination et que l'autre n'a
pas réussi, n'a pas eu les moyens pour la combattre.
Ce qu'on dit c'est tout simplement: Est-ce que maintenant, parce qu'il y
a un écart significatif entre les unes et les autres, on va ramener
celles qui ont réussi à améliorer leur situation...
M. Clair:...
Mme Simard: Pardon? Je pense que la solution pour un gouvernement
qui se dit prêt à lutter contre les discriminations c'est de
donner les moyens, dans le secteur privé, pour que cette situation soit
corrigée et qu'effectivement, d'ici quelques années, on puisse
avoir un écart aussi restreint que dans le secteur public et que,
quelques années plus tard, il n'y ait plus d'écart. C'est ce
qu'on est en train de dire.
Je ne faisais pas référence à des comparaisons
poste à poste. Il faut comprendre que la règle du marché
qui s'applique au secteur privé, c'est encore une situation de
discrimination systémique qui prévaut et qu'il va de soi que la
moyenne des taux de rémunération dans ce secteur est
conditionnée par cela. C'est cela la réalité. Donc, il ne
s'agit pas ici - c'est seulement cela qu'on vient de dire - de reprocher ou de
dire: Oh! cet écart est important. Socialement, il est inacceptable. Il
est trop grand. Mais il faut essayer de comprendre pourquoi il y a un.
écart. Il ne faudrait pas faire reculer celles qui ont réussi
à avancer. Je pense qu'on est mieux de faire avancer celles qui n'ont
pas réussi à avancer1 encore.
M. Clair: Je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il ne
s'agit pas de faire reculer celles qui ont avancé. Ce n'est aucunement
de cela qu'il est question. D'ailleurs, le mécanisme de comparaison qui
a été utilisé dans le passé et qu'il serait
équitable de continuer à utiliser n'aurait pas cela comme effet,
d'aucune manière, mais la question fondamentale, c'est celle de savoir
-je reviens à l'ensemble de la question salariale, parce que je voudrais
laisser la parole à mon collègue, le député de
Fabre -si, globalement, en termes de conditions de travail et de
rémunération... Je pense qu'on peut constater que l'effet de
locomotive, en ce qui concerne les femmes, malheureusement, factuellement, n'a
pas obtenu les résultats escomptés et que, si cela est vrai dans
le cas des femmes, je pense que l'équité de traitement, en termes
de croissance au moins, de la rémunération globale du secteur
public et du secteur privé pour l'ensemble des salariés demeure
une donnée fondamentale qu'on se doit de rechercher par des moyens de
compréhension des données, de comparaison, sans encore une fois
tomber dans des automatismes alors que ce serait des statisticiens qui
viendraient régler le sort des conventions collectives et remplacer le
gouvernement ou les syndicats.
Je pense que, globalement, c'est un objectif valable.
Je vais laisser la parole... Oui...
Mme Simard: Les globalités sont très abstraites et
elles ne correspondent pas à la réalité, plus souvent
qu'autrement. C'est le piège et le danger des dispositions que vous
proposez.
M. Clair: On aura l'occasion d'y revenir.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Fabre, vous avez cinq minutes.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je vais
abréger, je vais dire l'essentiel. Je reviens à la question du
droit de grève. Vous avez parlé du droit de grève comme
corollaire à la liberté de négociation. À la page
24 de votre mémoire, vous parlez d'un élément vital
à la libre négociation. La question que je me pose est celle-ci:
Depuis 1970, le droit de grève, à toutes fins utiles, a
été suspendu, soit avant qu'il n'ait été
exercé, soit après. Donc, dans les faits, le droit de
grève est établi en principe. En pratique, il a été
exercé ou peu exercé, assez peu d'ailleurs, à cause des
lois spéciales. Ne serait-il pas temps, compte tenu de cette situation
qui a été vécue au Québec - on le constate - de
trouver des solutions? J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Vous
avez ouvert la porte à des choix. Vous avez mentionné, un peu
rapidement, mais quand même, des moyens. Vous êtes à la
recherche de moyens, dites-vous, de rapprocher les parties, pour une
conciliation, etc. L'Organisation internationale du travail - on en trouve un
extrait justement dans la petite brochure publiée par le
ministère - fait du droit de grève non pas un droit fondamental,
mais un droit relatif. Elle admet qu'il y a des solutions de rechange à
la grève. On parle d'une forme de procédure de conciliation,
d'arbitrage adéquat, impartial et rapide dans laquelle les
décisions lient dans tous les cas les deux parties et sont
complètement et rapidement mises en application. On dit: C'est
acceptable. C'est l'Organisation internationale du travail qui le dit. N'y
a-t-il pas moyen de trouver des solutions de rechange à la grève,
compte tenu que cela n'a pas fonctionné? C'est un constat
général dans la société québécoise.
Les centrales ne l'ont pas fait encore, mais j'aimerais vous entendre
là-dessus. Il me semble que c'est un constat d'échec. N'y a-t-il
pas moyen de trouver des solutions de rechange à la grève qui
respectent le droit à la libre négociation?
M. Larose: Le constat d'échec qu'il faut faire, c'est le
caractère légal de
l'exercice du droit de grève, c'est-à-dire que ce n'est
pas les syndicats qui ont décidé que ce ne serait pas
légal, ce sont les gouvernements qui ont décidé, l'un
après l'autre, que ce ne serait pas légal, même si
c'était dans le Code du travail, même si les règles
étaient cela, etc. Les gouvernements ont décidé de se
donner dans leur rapport de forces le pouvoir de déclarer cela
illégal. Cela n'a pas empêché les grèves, mais elles
se sont adonnées à être illégales plutôt que
légales. Dans ce sens-là, il ne faut pas chercher notre accord
pour rendre légaux les coups de forces qui sont faits du
côté du législateur. Quant aux solutions que vous proposez,
que vous recherchez, je vous dirai que, même dans le cadre de la
prestation d'aujourd'hui, on pense qu'il y a moyen de trouver des ajustements
pour, effectivement, faciliter le processus de négociation, non pas
l'enlever, non pas l'affaiblir, mais le faciliter pour que le
déploiement du rapport de forces évite la grève en bout de
piste. Mais si vous partez d'entrée de jeu en disant: La grève,
il n'y en aura pas! vous pouvez partir comme cela, mais ce que je vous dis,
c'est que, loin de régler quoi que ce soit, on va "morpionner" davantage
le climat qui s'est développé dans les dernières rondes de
négociation. Mais, pour parfaire le mécanisme qui nous
permettrait davantage d'asseoir le processus de négociation,
là-dessus on est ouvert. On a fait des propositions.
Le Président (M. Lachance): D'accord. Il reste un bloc de
temps pour l'Opposition. M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Dans cette veine, vous avez l'une de vos
représentations qui met, entre autres, l'accent sur la médiation.
Qu'est-ce que vous pensez de l'arbitrage? Pour autant qu'il lie le
gouvernement. Évidemment, je ne fais pas référence au cas
de la Sûreté du Québec où, sans droit de
grève, pour substituer au recours à la grève, on a
établi un mécanisme d'arbitrage. Pour nous, lorsque le
gouvernement dit à un groupe de travailleurs et travailleuses: On va
déférer cela à l'arbitrage à défaut
d'entente... Le texte dit peut-être qu'il n'est pas lié
légalement, mais moralement il l'est. Mais il ne faut pas se surprendre,
après les lois 109 et 111, en particulier, adoptées en 1982.
L'arbitrage.
Mme Simard: On propose effectivement la formule de la
conciliation et de la médiation qui est appliquée ici au
Québec, d'ailleurs, dans la très grande majorité des
négociations. On doit se le dire, comme on vous le disait tout à
l'heure: II y a peu de négociations, somme toute, qui se terminent par
une grève. Il est donc possible d'affirmer que le mécanisme de
conciliation et de médiation fonctionne assez bien. On ne l'a jamais
tenté dans les négociations du secteur public et il nous semble
que cela mériterait d'être essayé comme formule. Ce qu'il
faut dire, c'est que la formule de la conciliation et de la médiation se
fait dans un contexte de négociation, une négociation de bonne
foi, espérons-le, et c'est lorsqu'il y a une impasse, des
incompréhensions, qu'on tente -et, là, l'intervention d'un
médiateur peut être intéressante - de rapprocher les
parties pour en arriver à une entente. Par opposition pas par
opposition, mais de façon différente - l'arbitrage se fait dans
un contexte tout autre où les règles sont tout autres. Nous
préférons, s'il s'agit d'instaurer de nouveaux mécanismes
qui peuvent être une garantie d'un déroulement plus harmonieux des
négociations, cette formule. Comme vous l'avez si bien dit, on est
peut-être un peu sceptique vis-à-vis de la formule d'arbitrage
telle qu'elle a pu être reçue ou appliquée au cours des
derniers mois. (17 h 45)
M. Pagé: Mais vous dites que cela mérite
d'être essayé, cette approche de conciliation et de
médiation. Ne croyez-vous pas qu'un arbitrage, entre autres - comme on y
a référé ce matin avec le Conseil du patronat, qui ne
semblait pas plus favorable qu'il le fallait - fondé sur le principe de
l'offre finale, mériterait aussi d'être essayé? Cela
éviterait peut-être bien des heurts et bien des pleurs.
M. Larose: Je dirais qu'on connaît déjà la
formule de l'arbitrage de la première convention collective. Ce n'est
pas très régulier, mais il y a des syndicats chez nous qui s'y
réfèrent et, effectivement, cela peut être une solution.
Dans des situations particulières ou dans des cas exceptionnels,
à la demande des parties, je pense que c'est une formule qui n'est pas
à exclure. Cela me surprendrait que cela devienne la formule par
où vont passer toutes les négociations dans le secteur public.
À la demande des parties, à mon avis, c'est une formule un peu...
Je dirais, à titre très exceptionnel, comme chez les ambulanciers
récemment, où les parties se sont entendues pour avoir un tiers
afin de pouvoir poursuivre des affaires. Dans ce sens, ce n'est pas à
rejeter, mais cela ne serait pas le mécanisme par où passeraient
toutes les négociations.
M. Pagé: Mais cela mérite d'être
essayé.
M. Larose: À la demande des parties.
M. Pagé: Ah! II s'agit de faire un consensus pour que les
parties s'entendent pour l'essayer.
Mme Simard: Je voudrais seulement
souligner que, par exemple, ce qui est important dans la formule de
médiation qui pourrait s'appliquer, c'est qu'il faudrait s'assurer,
évidemment, que ce ne soit pas des personnes employées ou
nommées par le gouvernement. Il faudrait fonctionner selon un certain
nombre de règles. Cela existe ailleurs et cela a porté fruit.
Juste à regarder ici les résultats des négociations, c'est
relativement positif.
M. Pagé: Merci. Madame, vous avez évoqué
aussi un autre aspect. Vous avez dit: La décentralisation, il ne
faudrait pas laisser miroiter que ce serait une formule idéale, qu'on
négocierait à l'échelle locale de l'institution. On a eu
l'occasion d'échanger, mais de façon quand même
limitée, sur la portée de la décentralisation des
matières qui peuvent faire l'objet de négociations au niveau
régional, au niveau local, ou encore par secteurs. Ne croyez-vous pas
que, de par le principe de négociation à une table centrale pour
la création d'un cartel intersyndical qui négocie, l'État
vous donne un pouvoir et une force qui est très significative en termes
de pressions sur le gouvernement? Ne croyez-vous pas qu'en compensation de cela
vous devriez accepter que des éléments importants soient
retranchés pour être négociés au niveau local ou au
niveau des institutions, au niveau régional ou par secteurs? On l'a
évoqué, mais dès le moment où on touche à
quelque chose de piastres et cents, il faut arrêter. Il faut aller
chercher le O. K. Il faut que ce soit avec le consentement des tables, des
interlocuteurs patronal et syndical et il faut que le Conseil du trésor
y soit, évidemment. Seriez-vous réceptifs à une formule en
vertu de laquelle, toujours ' à l'intérieur de paramètres
et de limites financières, on pourrait donner plus de pouvoirs au niveau
des instances, au niveau des secteurs ou encore au niveau des régions ou
même au niveau des institutions?
Mme Simard: II y a un vieux dicton, particulièrement quand
on travaille avec un nouveau syndicat, dans la négociation, on dit:
Généralement, arrange-toi pour négocier avec celui qui
décide, sinon, tu risques de perdre ton temps. La même
règle s'applique dans les secteurs public et parapublic. Il est plus
efficace de négocier directement avec celui ou celle - celui,
généralement - qui décide...
M. Pagé:...
Mme Simard:... et voilà pourquoi on a, depuis plusieurs
années, une structure qui est centralisée, mais il faut aussi
voir que cette structure centralisée a servi au gouvernement quant
à la mise en place et je dirais la standardisation, dans le secteur de
la santé et dans le secteur de l'éducation, des services. Cela
peut paraître monstrueux, comme machine et, à bien des
égards, je pourrais vous dire que cela l'est. Cependant, c'est une
formule qui permet de porter les problèmes qui se présentent
là où les décisions se prennent. C'est tellement vrai que
les décisions se prennent à un niveau très
centralisé que je pourrais vous dire que dans beaucoup de
négociations qui ne sont pas couvertes par la loi 55, qui ne sont pas
dans cette structure-là, dans un nombre important de conflits, il n'y a
rien qui se règle parce que c'est au Conseil du trésor qu'on
décide in extremis. On doit faire appel au Conseil du trésor pour
qu'il intervienne et qu'on règle le problème.
C'est dans ce sens-là qu'on dit: II faut faire attention à
l'illusion de la décentralisation parce que, si tout est
centralisé tel que c'est aujourd'hui, il n'y a rien qui va se
négocier. On ne voit pas - en tout cas, il n'y a rien qui nous le laisse
croire - qu'il y aura une volonté de décentralisation dans un
sens démocratique des prises de décision des réseaux. Et
je faisais aussi référence à ceci, comment les
usagères et les usagers des différents services pourraient-ils
s'associer à cette forme de décentralisation? Pour toutes ces
raisons, parce que c'est la réalité, on ne peut pas être
d'accord avec la formule proposée. D'ailleurs, on ne devrait pas appeler
cela des négociations locales. Je ne reprendrai pas notre argumentation
sur "il n'y a pas de droit de négocier s'il n'y a pas de droit de
grève"; là aussi, il n'y a pas de droit de négocier
véritablement.
D'autre part, cependant - c'est important et je pense qu'il faut qu'on
le répète - il y a des aménagements qui sont
nécessaires, qui doivent être faits selon la réalité
de chacune des institutions. Là, nous sommes tout à fait ouverts
pour trouver des formules qui permettraient que ces aménagements
puissent se faire en fonction des besoins spécifiques, que ce soit dans
une région, dans un centre d'accueil, dans un hôpital.
Actuellement, les mécanismes n'existent pas. Est-ce dû au
fonctionnement des gestionnaires? Est-ce dû à un manque de
dispositions? Le résultat est qu'on n'arrive pas à régler
ces questions d'aménagement, d'organisation du travail. Vous l'avez dit
tout à l'heure, notre préoccupation est beaucoup l'organisation
du travail. C'est vrai. Les coupures, l'alourdissement des tâches,
l'introduction de nouvelles technologies.
Pensez-vous que c'est au niveau local qu'on va réussir à
négocier, par exemple, toute la question des droits entourant
l'introduction des nouvelles technologies? En 1982, on a essuyé une fin
de non-recevoir à la table centrale quand on a discuté de cela.
Ce n'est pas au niveau local, compte tenu de leur envergure, que cela va
pouvoir se faire.
Les coupures de postes. Je vous rappelle, il y a trois ans, les
pressions qui
ont été exercées par les syndicats pour alerter
l'opinion publique face à la vague des coupures qui s'amorçait.
Aujourd'hui, on vit la situation des coupures et on commence à
s'alarmer. Oui, il n'y en a pas assez dans les départements, il manque
un peu de monde aux urgences et partout. Pensez-vous qu'on peut régler
cela au niveau local? Je ne pense pas, parce que ce sont les
conséquences et les excès de décisions qui ont
été prises tout en haut de la pyramide.
Pour bien représenter nos membres qui ont, à juste titre,
des revendications, pour mieux les représenter, c'est d'aller
directement là où les décisions se prennent et c'est au
niveau du Conseil du trésor. Voilà pourquoi... Un régime
de négociation, cela n'a pas de vertu en soi. Une structure, cela
correspond à une réalité. Or, la réalité est
là, c'est une structure de décision qui est fortement
centralisée et standardisée et on a donc un régime qui
correspond.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Brièvement, il reste une minute. Dans
l'évaluation du droit de grève ou de l'exercice du droit de
grève - je comprends mais malheureusement on n'a pas eu l'occasion de
vous poser la question, d'être peut-être plus spécifiques
sur le projet que vous avez au niveau du code d'éthique -il est de
commune renommée, dans l'opinion publique et, je pense, l'ensemble des
parlementaires et sans doute les travailleurs impliqués dans les
organisations syndicales, qu'avec la constitution des fronts communs, la
façon dont notre régime de négociation a
fonctionné, l'affrontement, la grève plus ou moins
générale, c'est dans le secteur de la santé et des
services sociaux, substantiellement, que l'utilisation du droit de grève
a soulevé des situations inacceptables, malgré les efforts et la
volonté.
On entend - ce n'est pas la première fois - des
représentants syndicaux venir dire: Écoutez! les situations n'ont
pas été aussi alarmantes qu'on a voulu le laisser croire de part
et d'autre parce que nos gens travaillent au niveau des institutions, ils
savent comment ça se passe, ils ne veulent pas blesser ou heurter
inutilement. Tout le monde en convient. On a des administrateurs
d'établissements locaux qui viennent dire, face à l'opinion
publique, qu'il faut abolir dans ce secteur le droit de grève ou
l'exercice du droit de grève, et on a l'opinion publique et les valeurs
qui sont également en cause au niveau de la primauté du droit
à la santé. J'aimerais avoir - je sais que c'est un
problème complexe et qu'il faudrait nuancer - quand même une
brève réaction de votre part. Est-ce que, effectivement, on erre
dans l'opinion publique, chez nous et sans doute au niveau des collègues
ministériels, lorsqu'on a tendance à dire que, dans le domaine de
la santé et des services sociaux, le droit de grève, l'exercice
du droit de grève est une chose inacceptable au niveau des principes?
Est-ce que votre centrale est sensible à la réalité qui se
cache derrière cette perception que nous avons, indépendamment
des affirmations plus ou moins alarmistes que, de part et d'autre, on peut
avoir à l'occasion au niveau du discours ou de l'argumentation?
Mme Simard: M. le député, je pense que je dois vous
réaffirmer que nous défendons et reconnaissons le droit
fondamental à la santé des bénéficiaires,
usagères et usagers des services de santé. Le droit de
grève ne doit pas compromettre leur droit à la santé.
Cependant, vous l'avez dit, il y a un peu d'alarmisme qui est bien
entretenu sur la question de l'exercice du droit de grève dans le
secteur de la santé. Quand on aborde cette question, voici comment on
l'aborde. Les patients et les patientes ont un droit à la santé.
Cependant, pour négocier, nous avons besoin, dans ce secteur, du droit
de grève pour faire avancer les négociations si c'est
nécessaire. Malheureusement, c'est trop souvent nécessaire
peut-être. Donc, posons-nous la question: Comment se fait-il que, dans ce
secteur-là, il faut toujours le brandir pour faire débloquer des
négociations? Ce n'est pas nécessairement le cas dans d'autres
secteurs. Ça, c'est une chose. Cependant, si on est forcé de
l'utiliser, cela ne doit pas être les patients ou les patientes qui
soient pénalisés. Cela doit davantage viser ceux qui
décident, donc les administrateurs, le gouvernement comme tel. C'est
là qu'il est important que nous réaffirmions notre volonté
d'assurer Ies services essentiels, de faire profiter de la connaissance qu'ont
nos membres de chacune de leurs institutions quant à
l'établissement de ces services essentiels et, comme organisation
syndicale, comme collectivité, assumer notre responsabilité par
l'établissement d'un code d'éthique qui, je crois
sincèrement, rassurerait beaucoup et, disons, dissiperait ou
empêcherait les campagnes alarmantes qu'on a à subir et que tout
le monde a à subir tous les trois ans et même plus souvent que
cela maintenant. Oui, on pense qu'il y a un petit peu trop d'alarmisme parce
que, finalement, nos membres sont des gens responsables et, lorsqu'ils sont
forcés d'utiliser le moyen qu'est la grève, ils ont le souci et
la responsabilité de voir à ce que ce ne soit pas leurs patients
ou leurs patientes qui le subissent. (18 heures)
Mais, vous savez, des excès de langage, cela peut se faire sur
tout sujet et celui-là, on l'a reconnu, est un sujet dont sont
particulièrement friands les gens qui
cherchent Ies scandales, qui cherchent à monter en épingle
un tout et un rien. Je ne dis pas qu'ici c'est un tout et un rien, mais je
pense qu'il faut faire attention lorsqu'on parle de l'exercice du droit de
grève dans le secteur de la santé. Malheureusement, trop souvent,
c'est un discours démagogique qui prédomine.
M. Rivest: Seulement une précision, M. Larose. Ce que je
voudrais vous demander c'est ceci. Dans l'opinion publique, on voit, par
exemple, les travailleurs des services de santé et des services sociaux
inscrits dans une démarche analogue à celle de l'ensemble des
syndiqués du secteur public et parapublic au niveau des fronts communs
et ils sont engagés dans une même démarche de grève.
Une grève s'annonce ou est appréhendée comme étant
générale, et on sait très bien que la nature des services
ou des clientèles auxquelles ces employés s'adressent n'est
vraiment pas la même que celle d'autres travailleurs. Par ailleurs, ils
ne peuvent, compte tenu, à leur point de vue, de la
légitimité de leur cause, se désolidariser de l'ensemble
du groupe. Cela crée également, simplement au niveau de
l'appréhension, une inquiétude et j'aimerais peut-être
entendre une brève réflexion là-dessus.
La deuxième chose, vous nous dites -vous n'êtes pas la
première a l'avoir dit -qu'il y a des côtés alarmistes. On
convient de part et d'autre qu'il y a eu des affirmations. Mais on a des
administrateurs d'aussi bonne foi que vous-mêmes et les gens que vous
représentez qui viennent nous dire à cette même tribune,
avec la même honnêteté: Les situations qu'on a vécues
son inacceptables. On ne veut pas être alarmistes. Ils prennent toutes
les précautions oratoires ou autres que vous prenez. Qui croire? En
fait, c'est mal poser ma question mais quelle est la vraie
réalité de cette chose? À ce moment, la
réalité qu'on doit décider comme parlementaire ou comme
élu ou simplement sur le plan humain, c'est de dire: Est-ce que cela a
un sens? Et porter cela au-delà du mécanisme de
négociation ou des droits de grève et dire: C'est une valeur. Et
porter cela au niveau des valeurs et dire: Non, vraiment cela n'a pas de sens
de priver des bénéficiaires des services de santé des
services auxquels ils ont droit en vertu de leur condition.
M. Larose: Je vais laisser M. Yves Lessard, qui est le
président de la fédération, vous répondre dans une
première partie. Si vous me le permettiez, je voudrais tout simplement
tirer une petite conclusion, si le président me l'accorde.
M. Lessard (Yves): II est peut-être juste de dire que les
salariés, par exemple, de la santé, des services sociaux vont
s'inscrire dans une démarche générale de grève. Ce
qu'il faut dire aussi c'est que, lorsqu'il s'agit d'exercer la grève,
ils ne l'exercent pas de la même façon que les autres compagnes,
compagnons de travail de l'enseignement, par exemple. Il y a des
précautions qu'ils prennent. Ces précautions sont d'assurer les
services que nous appelons les services essentiels, c'est donc dire les
services qui assurent la santé, la sécurité, le
bien-être et le confort des bénéficiaires, ce qu'on appelle
les services de première ligne. C'est là une précaution
qu'on fait.
Il n'est pas étonnant que les administrateurs viennent vous dire
que, sans être alarmistes et en prenant toutes les précautions,
cela crée des cas sérieux et tout cela à l'occasion. On ne
peut pas dire que c'est net partout. Pour notre part, on a plus de 500
syndicats. C'est sûr qu'il faut corriger des situations à des
endroits. Bien sûr qu'ils vont se plaindre, parce que, lorsque vous
faites la grève, c'est pour faire des pressions. Ce sur quoi on s'entend
bien avec les syndiqués, c'est de dire: II faut faire attention. La
pression, il ne faut pas qu'elle soit exercée sur les
bénéficiaires, mais sur les administrateurs, parce que, si vous
ne faites pas des pressions sur les administrateurs, cela ne donnera rien de
faire la grève. Qui va se plaindre, maintenant? Ce sont surtout les
administrateurs. Il va arriver, bien sûr, que les
bénéficiaires vont se plaindre, mais en fouillant plus
précisément, comme ce fut le cas en 1979, à une commission
très crédible qui a fait le portrait de la situation, on a dit:
Les services, dans ce contexte, c'étaient des services essentiels
raisonnables et convenables dans les circonstances. Si on prend cela comme
exemple par opposition aux autres grèves qui sont survenues à
d'autres époques, alors qu'il n'y avait pas d'organisme pour faire cette
vérification, on peut en conclure que, souvent, cela a été
très dramatisé.
Avec votre permission, M. le Président, il y a une chose sur
laquelle je voudrais revenir. Le député de Portneuf soulevait cet
aspect un peu plus tôt. C'est l'obligation aux salariés de donner
des services. Effectivement, il y a obligation, mais il me semble que ces
services, ils n'ont pas l'obligation de les donner dans n'importe quelle
condition non plus. On doit dire que, depuis quelques années, les
conditions non seulement de travail comme telles, mais les prestations de
services qu'ils donnent aux bénéficiaires se sont
détériorées grandement. Qui doit assumer cette
responsabilité d'expliquer aux bénéficiaires la
détérioration des services si ce ne sont les salariés qui
sont directement en contact avec les bénéficiaires? Ce n'est pas
l'Assemblée nationale, elle qui, par des décisions
budgétaires, a engendré des coupures
budgétaires, des choix politiques de déplacements d'argent
vers le secteur privé, etc. Qui explique, par exemple, aux
bénéfiaires qu'ils vont attendre sept ou huit heures par jour
dans les salles d'urgence avant d'être soignés dans des
régions éloignées comme celle d'où je viens, le
Nord-Ouest québécois? Souvent, vous êtes obligés de
revenir le lendemain ou le surlendemain. Qui va expliquer aux
bénéficiaires pourquoi on n'a plus le temps de leur expliquer ou
encore, moralement, qu'on n'a pas le temps de converser avec eux pour leur
expliquer un peu la situation, etc. ? On pourrait prendre les mêmes
exemples du côté de l'enseignement. Des matières sont
disparues ou encore on n'a plus le temps de converser avec les étudiants
pour pouvoir les aider dans leurs études, etc. C'est cette
partie-là. Il est facile de dire: Les salariés ont la
responsabilité de donner les services, mais ils n'ont pas l'obligation
de les donner a n'importe quelle condition. Quand les salariés des
affaires sociales notamment et, aussi, de l'éducation sortent de la
boîte, c'est parce que cela va mal en maudit en dedans. Le
président de la CSN citait un exemple assez récent qui s'est
passé au Québec. Ce sont des choses sur lesquelles on ne
s'arrête pas suffisamment. Ce n'est pas vrai que ce sont des gens qui
sont des irresponsables et des bourreaux. Quand vous travaillez auprès
des bénéficiaires pendant un aussi grand nombre d'années
que les gens de Saint-Ferdinand, par exemple, il y a un attachement. Il y a
aussi toute cette question que vous vous sentez responsables du
bien-être, de la sécurité et du confort encore bien plus
que les personnes qui prennent des décisions qui créent les
conditions dans lesquelles' vous travaillez.
Je saute rapidement aux conditions qui sont faites aux femmes dans les
endroits précaires. Par exemple, les conditions de service de garde,
etc. Ce sont des choses qui font en sorte que, souvent, les gens vont exprimer
les mécontentements que vous retrouvez dans les situations que je
décrivais tout à l'heure. Je rappelle toujours que les services
essentiels... Quand on parle de code d'éthique, ce n'est pas parce qu'on
n'a pas assumé cela avec une certaine éthique, au contraire, le
manque qu'on a eu a été de ne pas avoir suffisamment
expliqué sur le plan public de quelle façon nous assumions ces
services essentiels. Dorénavant, on devra le faire.
Le Président (M. Lachance): M. Larose.
M. Larose: Rien qu'une petite conclusion. Je n'ai pas eu le temps
de reprendre la parole à la suite de l'explication du ministre dans le
débat sur la comparaison. Quand vous nous dites, sur l'aspect de la
discrimination, entre autres, à l'endroit des femmes, il est clair que
de s'ajuster sur le secteur privé, cela va poser des problèmes,
etc., vous êtes conscient que vous venez de sortir du portrait les deux
tiers des gens que vous voulez comparer. Que vous reste-t-il? Je veux dire: Ou
bien qu'on parle ou bien qu'on ne parle pas!
La deuxième chose: Vous ne nous avez pas expliqué la
théorie de la locomotive à l'envers. Si, effectivement, on
n'avait pas réussi à négocier les actuels salaires dans le
secteur public, quel effet cela aurait-il eu dans le secteur privé? Les
salaires dans le secteur privé auraient-ils connu la progression
actuelle? Il n'y a pas de chiffre magique dans la comparaison des secteurs
public et privé. Cela va toujours demeurer un instrument pour
éclairer des arguments pour négocier, mais il n'y aura pas de
mécanismes qui vont vous permettre de dire: Cette année, c'est
comme cela que cela marche! Cela, c'est se leurrer profondément.
Plus globalement, je vous dirai que, pour nous - il me semble que c'est
la démonstration qu'on a faite cet après-midi -s'il y a respect
des droits fondamentaux de tout travailleur et de toute travailleuse dans le
secteur public, on est prêt à travailler -et on a ouvert
l'ensemble des choses sur lesquelles on est prêt à travailler -
pour, effectivement, "performer" le processus de négociation. Non pas
travailler sur les conséquences d'un processus qui foire, mais sur les
causes qui font qu'on pourrait arriver à une véritable
négociation ou à une négociation qui devrait
connaître son terme normal. Dans ce sens, je vous répète la
disponibilité de la CSN pour ce travail. Sinon, on est convaincu qu'une
opération à ['encontre du secteur public ne sera pas seulement
à l'encontre du secteur public, mais sera une opération à
l'encontre des droits de l'ensemble des travailleurs. Ce n'est pas vrai qu'en
affaiblissant un secteur on renforce un autre secteur. Cela n'a jamais
marché de même, pas plus au Québec qu'ailleurs. Si vous
battez le secteur public, vous allez affaiblir le secteur privé. Cela,
c'est clair, pas seulement en termes de droit, mais en termes de
conséquences de l'exercice de ces mêmes droits. C'est pour cela
que cet avant-projet de loi est extrêmement lourd de conséquences
pour nous selon le sort que vous allez faire aux droits fondamentaux et aux
libertés fondamentales qui n'appartiennent pas seulement aux
syndiqués mais à l'ensemble des travailleurs et des
travailleuses.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre, une
brève conclusion.
M. Clair: M. le Président, il m'arrive parfois d'avoir
peur que le Québec soit toujours un rêve en retard, comme
quelqu'un l'a déjà dit, et que ce soit pour cela qu'on a
tellement de difficulté à atteindre toutes nos aspirations
légitimes.
Sans aucun doute, dans ce qui nous a été
présenté aujourd'hui, il y a des propositions de bonification du
régime actuel de négociation. Qu'il s'agisse de propositions de
médiation, qu'il s'agisse de propositions de conciliation,
d'établissement d'un code d'éthique au niveau de l'exercice du
droit de grève dans le domaine de la santé, cela est certainement
positif en termes d'amélioration du régime tel qu'il existe.
Mais, revenant à mon propos d'introduction lors de cette rencontre, je
pense que, là où on se sépare, c'est davantage sur la
question de la vision de l'avenir des relations du travail dans les secteurs
public et parapublic et des concepts fondamentaux sur lesquels celles-ci
devraient s'appuyer.
Quant à nous, du côté du gouvernement, sans aucun
goût de revanche, sans aucun goût de retour en arrière,
mais, au contraire, avec une volonté ferme de nous donner des
instruments pour relever les défis du présent et de l'avenir pour
permettre au Québec de continuer à progresser tant socialement,
culturellement qu'économiquement, nous avions modestement pensé
-et nous le pensons toujours - qu'un certain nombre de concepts devaient
évoluer et c'est là qu'on se sépare, comme je l'indiquais
tantôt. Par exemple, en ce qui concerne la rémunération, ce
qu'on dit au fond, simplement, c'est que nous pensons -et nous en sommes
convaincus - que ce qui doit primer en termes de responsabilités
gouvernementales et sociales, c'est l'équité, d'avoir des
conditions de travail justes et équitables dans le secteur public pris
globalement par rapport à celles du secteur privé, quitte
à discuter sur les mécanismes pour atteindre cet objectif. Nous
pensions -et nous pensons toujours - que la meilleure façon d'atteindre
cet objectif, c'est à partir de l'appréhension de la
réalité telle qu'elle nous entoure et non pas à partir
d'un simple rapport de forces. Là-dessus, je pense qu'on ne peut que
constater que la conception est très différente. Du
côté de la CSN, on nous dit: Bon! Peut-être, à la
limite, si vous voulez créer un autre institut de recherche sur la
rémunération, faites-le, mais tel ne sera pas, quant a nous,
l'enjeu. Je pense que c'est une façon fondamentalement différente
en termes de concept de voir les choses.
Quant à la décentralisation, ce que propose
l'avant-projet, au fond, en tout cas, ce qui le sous-tend comme orientation,
c'est de dire en termes de souplesse, de qualité de la vie au travail,
d'organisation du travail, de mouvement de personnel, il nous semble que
maintenant que le secteur public a atteint le niveau de développement
qu'il a atteint et que, justement, ces disparités régionales
n'existent plus, sans aucunement vouloir les recréer, mais en voulant,
au contraire, donner de la souplesse dans le système, on fait une
proposition et, encore là, je pense qu'en termes de changements
fondamentaux d'orientation on ne peut pas en percevoir dans le contenu du
mémoire qui nous a été présenté.
Quant au fameux droit de grève et mode de règlement des
différends, je pense que deux mots peuvent résumer l'écart
qui a été mis en évidence, surtout par l'Opposition. Dans
les documents de la CSN, on parle de droit inaliénable, donc, un peu
comme s'il s'agissait d'un droit absolu, le droit à la grève,
alors que de notre point de vue, certes, c'est un droit important, mais ce
droit est à exercer et à encadrer en fonction de l'ensemble des
autres droits collectifs et individuels. Encore là, je pense que
l'évolution des mentalités et des concepts du côté
de la CSN, pour le moins que je puisse dire, n'est pas celle du
gouvernement.
En ce qui concerne les services essentiels, après ce que nous
considérons être des développements positifs du
côté des mécanismes et des services essentiels, comme les
expériences que nous avons vécues à la CTCUM ou ailleurs,
dans des domaines municipaux, ce que la CSN nous propose, c'est de revenir en
arrière, de revenir en 1979, au rapport Picard, et à la liste
syndicale. De notre côté, nous avons une approche
différente et, encore là, c'est quelque chose de fondamental, je
le reconnais. Je pense que jamais personne ne pourra croire ou affirmer qu'il y
ait des vérités absolues dans ni l'une ni l'autre des
approches.
Une chose est certaine, quant à nous, sans nullement le faire par
simple souci de plaire au peuple, ce qui s'appelle de la démagogie, mais
fondamentalement parce que nous pensons que notre société en est
rendue là, à revoir un certain nombre de ces concepts dans le
domaine des relations du travail dans les secteurs public et parapublic, tout
ce que je peux dire là-dessus, c'est non, nous ne retirerons pas
l'avant-projet. Nous continuerons à y travailler, à
l'améliorer et en tenant compte effectivement des éléments
positifs qui nous ont été soumis aujourd'hui.
En terminant, M. le Président, il ne me reste qu'à
remercier encore une fois la CSN, malgré ce constat de désaccord
quant à des choses fondamentales, en termes de moyens bien davantage
qu'en termes d'objectifs - je pense qu'on peut le reconnaître facilement
-il ne me reste, dis-je, qu'à remercier la CSN d'être venue
communiquer aux parlementaires son point de vue, ses opinions sur ces
questions. Je la remercie d'avoir ainsi contribué à
l'amélioration de l'avant-projet de loi, j'en suis convaincu, mais
également d'avoir contribué à la qualité du
processus démocratique au Québec en venant nous dire ici
même ce qu'elle en pense.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre.
Mesdames et messieurs de la CSN, vous avez certainement noté la
satisfaction de tous les membres de la commission parlementaire de vous voir
ici aujourd'hui. À titre de président de cette commission
parlementaire, je veux, à mon tour, vous dire mon appréciation
quant à votre participation active aux travaux de la commission
parlementaire et surtout d'être venus nous faire part directement de
votre point de vue sur une question aussi capitale. J'estime, quant à
moi, que cette attitude positive non seulement vous honore, mais honore aussi
les milliers de personnes que vous représentez dans votre groupe
syndical. M. Larose, ainsi que toutes les personnes qui vous accompagnent,
merci.
M. Larose: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): La commission parlementaire du
budget et de l'administration suspend ses travaux jusqu'à 20 heures ce
soir alors que nous entendrons les représentants de l'Association des
centres d'accueil du Québec.
(Suspension de la séance à 18 h 19)
(Reprise à 20 h 8)
Le Président (M. Lachance): La commission du budget et de
l'administration poursuit ses travaux avec le mandat de procéder
à une consultation générale portant sur l'avant-projet de
loi traitant du régime de négociation des conventions collectives
dans les secteurs public et parapublic.
Nous entendrons, ce soir, des représentants de l'Association des
centres d'accueil du Québec.
Je vois que les personnes ont déjà pris place. Je vous
souhaite la bienvenue et j'invite le président, M. Marcellin Dallaire,
à bien vouloir nous présenter les personnes qui l'accompagnent en
commençant par sa gauche, s'il vous plaît!
Association des centres d'accueil du
Québec
M. Dallaire (Marcellin): M. le Président, MM. les membres
de la commission, à ma gauche, M. Roger Pedneault, qui est membre du
conseil d'administration de l'Association des centres d'accueil du
Québec. Il est membre du conseil d'administration du Centre d'accueil
Dominique-Savio et également membre de l'étude Monette, Clerk et
Associés de Montréal; immédiatement à ma gauche, M.
Pierre Cloutier, directeur général de l'Association des centres
d'accueil du Québec; à ma droite, M. Yves Neveu, directeur des
services-conseils en ressources humaines à l'Association des centres
d'accueil du Québec; à sa droite, M. Jean-Marie Girard, membre du
conseil d'administration de l'Association des centres d'accueil du
Québec et directeur général du Centre d'accueil Beaumanoir
de Chicoutimi.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Dallaire.
Tel que convenu, si vous pouviez vous en tenir à un exposé
d'une durée d'environ 20 minutes, par la suite, les
députés de chaque côté pourront vous interroger sur
votre mémoire et donner leurs commentaires.
La parole vous appartient, M. Dallaire, on vous écoute.
M. Dallaire: M. le Président, les quelque 400 centres
d'accueil publics membres de l'Association des centres d'accueil du
Québec occupent une place importante dans le réseau des services
de santé et de services sociaux du Québec. Ils ont pour mission
d'assumer l'hébergement et la réadaptation de plus de 87 000
bénéficiaires auprès desquels oeuvrent quelque 30 000
personnes.
Les segments de la population auxquels s'adressent les services
dispensés par les centres d'accueil constituent une clientèle
particulièrement démunie lorsque surviennent les
difficultés trop souvent inhérentes au processus de
négociation des conventions collectives.
Vous comprendrez donc notre intérêt lorsque, le 20
décembre dernier, le gouvernement déposait à
l'Assemblée nationale un avant-projet de loi visant à modifier le
régime de négociation des conventions collectives dans les
secteurs public et parapublic.
L'Association des centres d'accueil du Québec ne peut que
souscrire à cette affirmation de la volonté gouvernementale de
procéder maintenant à la réforme d'un régime qui ne
satisfait à peu près personne et de prendre les moyens pour
éviter les conflits à répétition que le
Québec a connus depuis 20 ans. Nous estimons que l'actuel avant-projet
de loi déposé par le gouvernement est un effort louable qui
tranche sur les opérations antérieures de révision du
régime de négociation en ce qu'il propose des solutions nouvelles
qui méritent d'être étudiées plus à fond.
De façon générale, nous souscrivons aux objectifs
de redéfinir le cadre de négociation dans une approche favorisant
la décentralisation, d'établir une nouvelle méthode de
détermination de la rémunération, d'exclure certains
différends du champ d'exercice du droit de grève et
d'accroître les pouvoirs du Conseil des services essentiels, même
si l'avant-projet de loi bouscule sérieusement toutes les parties
impliquées ou appelées à s'impliquer dans le
processus de négociation, en leur donnant de nouvelles
responsabilités.
Tout est cependant perfectible et, dans les propos qui suivent, nous
discuterons plus en détail des modalités prévues et
décrites dans l'avant-projet de loi.
Le cadre de négociation. Pour les établissements que nous
représentons, l'excessive centralisation des négociations aux
mains des parties nationales a toujours comporté des avantages et des
inconvénients dont il est difficile d'établir le poids relatif.
Parmi ces inconvénients, la centralisation a restreint, de façon
quasi totale, la capacité des principaux intéressés,
gestionnaires et employés, d'aménager, de façon
satisfaisante, leurs rapports de travail. Nous ne pouvons que déplorer
cette situation dans la mesure où elle condamne les
établissements à vivre éloignés de leur
réalité et préoccupés d'intérêts sinon
divergents, du moins différents, d'autant plus que les conventions
collectives du réseau des affaires sociales reflètent davantage
la réalité des grands centres hospitaliers que celle des petits
établissements que sont les centres d'accueil.
Par ailleurs, c'est précisément la petite taille de nos
organisations qui a toujours donné à la centralisation un visage
acceptable, puisqu'elle permettait à nos gestionnaires de se
libérer d'un fardeau qu'ils n'ont pas les moyens d'assumer, à
moins de le faire au détriment de leurs responsabilités
primordiales vis-à-vis des bénéficiaires qui leur sont
confiés. Les centres d'accueil, nous nous permettons de le rappeler,
sont pour la plupart des petits établissements dont les ressources
humaines et financières sont maintenues en deçà du minimum
requis pour garantir toute la qualité et la quantité des services
auxquels les bénéficiaires ont droit. C'est cette
réalité vitale qui a toujours conduit l'Association des centres
d'accueil du Québec à considérer la
décentralisation avec beaucoup d'appréhension.
L'article 13 de l'avant-projet de loi propose la création au
niveau national d'un comité patronal de négociation pour le
secteur des affaires sociales et de sous-comités pour chacune des cinq
catégories d'établissements de santé et de services
sociaux. La création d'un palier sous-sectoriel correspond aux
différents types d'établissements, constitue une première
étape essentielle à la décentralisation. Nous ne pouvons
que souscrire à la mise en place d'une structure qui nous permettra
enfin de donner à nos conventions collectives un visage à la
dimension de nos établissements et plus adapté à ce qu'est
un centre d'accueil.
Sur le plan technique toutefois, la formulation de l'article 13
présente une incongruité qui nous apparaît
nécessaire de corriger. Selon les dispositions de l'article 15 de
l'avant-projet de loi, les comités sous-sectoriels et les
sous-comités, comme les appelle le législateur, sont le
maître d'oeuvre de la négociation au niveau national. Dans ce
sens, l'article 13 devrait prévoir qu'ils sont composés de
personnes nommées par le ministre de Affaires sociales et de personnes
nommées par les catégories d'établissements
concernées et que le comité sectoriel est composé de
personnes représentant le ministre des Affaires sociales et de personnes
représentant chacune des catégories d'établissements,
choisies parmi les membres des comités sous-sectoriels. (20 h 15)
En vertu des principes de gestion, la délégation de
responsabilités ne va pas sans délégation
d'autorité et on ne peut parler de décentralisation si tous les
pouvoirs décisionnels demeurent centralisés. Dans ce sens, nous
sommes d'avis que l'avant-projet de loi pèche par absence de
cohérence en maintenant aux articles 15 et 16 des dispositions
déjà présentes dans la loi actuelle qui, pourtant,
assuraient la centralisation. Â l'article 15 en effet, il est
prévu que le comité et les sous-comités doivent assumer la
décentralisation sous l'autorité déléguée au
ministre par le gouvernement, que, de plus, ils doivent requérir du
Conseil du trésor leurs mandats de négociation et qu'enfin, ils
doivent négocier, diriger et coordonner les négociations dans le
cadre des mandats que ce dernier détermine. Ces dispositions constituent
à tout le moins un croc-en-jambe sérieux et efficace à la
décentralisation.
Pour que celle-ci soit réelle, il faut accepter de jouer le jeu.
L'article 14 prévoit déjà que les membres des
sous-comités et du comité doivent convenir par écrit de la
détermination des matières à l'égard desquelles les
représentants du gouvernement et les représentants du ministre
ont une voix prépondérante lors des délégations du
comité et des sous-comités. Cela suffit, à notre avis,
pour que les responsabilités respectives des partenaires soient
protégées. Nous recommandons donc que l'article 15 soit
modifié par la suppression à ses deux alinéas de
l'expression "sous l'autorité déléguée au ministre
par le gouvernement".
Quant à l'obligation de requérir tous les mandats du
Conseil du trésor, on nous arguera que celui-ci doit se réserver
le pouvoir ultime de refuser ou de donner des mandats dans des matières
qui peuvent être jugées ou devenir d'intérêt
gouvernemental. L'article 18 de l'avant-projet de loi contient
déjà une disposition qui offre toutes les garanties à cet
égard et c'est, à notre avis contraindre inutilement la
décentralisation que d'exiger, comme le fait l'article 16, que tous les
mandats soient autorisés par le Conseil du trésor. Selon nous,
les matières qui ne sont pas d'intérêt gouvernemental
ou
qui ne sont pas dans la prépondérance du ministre des
Affaires sociales, les mandants devraient être les établissements.
Nous recommandons donc que l'article 16 soit modifié de façon
à permettre à chaque partenaire d'assumer ses
responsabilités et de laisser à l'article 18 le soin de
protéger les droits et pouvoirs du Conseil du trésor sur les
matières jugées d'intérêt gouvernemental.
La décentralisation au niveau local, nous l'avons
déjà dit, nous est toujours apparue hasardeuse et non souhaitable
dans l'état actuel des choses et dans la mesure où elle se ferait
en l'absence de certaines conditions qui permettent aux centres d'accueil de
l'assumer progressivement. Ces conditions ne sont pas toutes réunies
dans l'avant-projet de loi, mais nous croyons qu'il est possible d'envisager et
de proposer certaines modifications qui, si elles étaient
acceptées, rendraient la décentralisation acceptable et
même peut-être avantageuse, puisqu'elle permettrait aux conventions
collectives de refléter davantage la réalité des
établissements.
À son article 21, l'avant-projet de loi précise que les
matières sur lesquelles portent les négociations locales sont
établies de deux façons. En premier lieu, les parties au niveau
national pourraient convenir de décentraliser certaines matières.
En second lieu, l'avant-projet de loi prévoit en annexe une liste des
matières qui seraient de facto décentralisées à
moins que les parties n'en conviennent autrement. Cette approche à deux
volets s'inspire sans doute de la présomption que les parties au niveau
national ne conviendront que très difficilement de la
décentralisation au niveau local. C'est une présomption qui nous
apparaît fondée. Pour s'en prémunir, l'avant-projet de loi
prévoit la présence d'une liste de matières
décentralisées. Nous sommes d'avis que cette façon de
procéder ne répond pas aux conditions qui nous apparaissent
préalables à la décentralisation. Il faut voir, en premier
lieu, que cette façon de procéder enlève au
sous-comité représentant les centres d'accueil au niveau
national, toute possibilité d'inscrire dans les prochaines conventions
collectives la spécificité de leurs établissements en se
démarquant du modèle hospitalier inscrit actuellement dans les
conventions collectives. En second lieu, cette façon de procéder
nous éloignerait de notre objectif d'y aller par étapes en
créant de façon immédiate une quasi-obligation de
négocier tout de suite et sur des matières apparaissant en
annexe.
Pour atteindre la décentralisation recherchée aux
conditions que nous venons de décrire, spécificité des
types d'établissements et progressivité, nous proposons que la
liste des matières apparaissant en annexe de la loi soit une liste -
permettez le néologisme -des matières
décentralisâmes plutôt qu'une liste de matières
effectivement décentralisées. Dans cette formule, les parties au
niveau national seraient d'abord appelées à négocier la
totalité des dispositions des conventions collectives, rendant ainsi
possible l'inscription de la spécificité des types
d'établissements. Par la suite, dans chaque établissement, au
rythme déterminé par les parties au niveau local et sur les
matières que ces parties choisiraient de négocier, elles
pourraient convenir de dispositions différentes des conventions
collectives nationales selon les mêmes modalités que celles
prévues aux articles 28 à 39 de l'avant-projet de loi. Sur ces
matières et pour les établissements qui auraient
décidé de convenir des dispositions locales, la
décentralisation serait ainsi complétée. Les parties au
niveau national pourraient, par la suite, ajouter des matières à
la liste prévue initialement. Cette façon de procéder
permettrait la décentralisation en accord avec le rythme,
l'intérêt et la capacité des parties au niveau de chaque
établissement.
D'autres conditions à la décentralisation existent, bien
sûr, et ne relèvent pa3 de la législation elle-même.
Parmi celles-ci, il en est une qui relève du trésor public. Les
centres d'accueil, pour la plupart, n'ont pas les moyens humains et financiers
pour prendre en charge la décentralisation. Dans ce sens, l'association
ne peut qu'ajouter aux inquiétudes formulées par ses membres
relativement à l'insuffisance des ressources pour assumer les nouvelles
responsabilités qui découleront inévitablement des
changements envisagés. La décentralisation, la concertation et la
négociation permanente mobiliseront des énergies importantes au
niveau local qui risquent d'être soutirées à des mandats et
à des activités directement reliés aux
bénéficiaires ou à d'autres aspects de la gestion des
établissements et feront appel à des expertises qui ne sont que
rarement disponibles dans les centres d'accueil. Ceux-ci, par la voie de leur
association, prient instamment le gouvernement, pour l'efficacité
même des structures qui seront mises en place, de pallier aux lacunes
actuelles par l'injection de ressources qui pourraient permettre aux centres
d'accueil de recourir aux services d'un conseiller en relations du travail. Les
modalités de cet ajout aux ressources actuelles pourraient être
débattues plus tard, mais la nécessité nous en
paraît évidente et, selon nous, le rythme de la
décentralisation effective en dépend.
Ayant partagé les champs de négociation, le
législateur prévoit en même temps les modes de
règlement des différends. La clientèle des centres
d'accueil est particulièrement vulnérable et la
réalité veut que cette vulnérabilité s'accroisse
à la moindre rumeur de grève ou de
ralentissement de travail, quelle que soit la forme qu'un tel
ralentissement puisse prendre. Nous avons déjà affirmé
à plusieurs occasions et nous réitérons notre conviction
de la primauté absolue du droit de nos bénéficiaires
à des services de qualité sur le droit des travailleurs à
faire la grève. Si les centres d'accueil acceptent de mettre sous le
boisseau leur désir de voir interdire toute forme de grève, c'est
dans l'espoir que le législateur parviendra à définir un
cadre juridique facilitant le règlement civilisé des
différends dans le respect total des droits des
bénéficiaires. Dans ce sens, le fait que le droit de grève
soit maintenu au niveau national ne nous paraît tolérable que dans
la mesure où le Conseil des services essentiels pourra nous offrir les
garanties appropriées à cet effet. On y reviendra plus tard.
Par ailleurs, nous souscrivons totalement à la volonté du
gouvernement de ne pas permettre l'exercice du droit de grève sur les
matières de négociation locale. A ce niveau, l'intervention d'un
médiateur-arbitre, à la demande des deux parties, nous
apparaît un mécanisme de règlement des différends
beaucoup plus civilisé et qui protège le maintien d'un climat
social indispensable à la qualité des soins aux
bénéficiaires au niveau de chaque centre d'accueil. Cela nous
apparaît d'autant plus vrai dans le cadre de la négociation
permanente prévue de l'avant-projet de loi.
La détermination de la rémunération. Dans le
mémoire que nous soumettions en février 1981 sur le même
sujet à la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de
la sécurité du revenu, nous recommandions notamment au
gouvernement: que la politique salariale de l'État soit
déterminée par une loi votée par l'Assemblée
nationale; que cette même législation prévoie l'existence
d'un organisme chargé de quantifier la politique salariale de
l'État créant par le fait même une banque de données
complète sur les matières salariales et possiblement sur les
matières normatives.
Il n'y a pas lieu de répéter ici toute l'argumentation que
nous développions alors sur ce thème. Cette argumentation a
d'ailleurs été reprise par plusieurs intervenants autant que par
les éditorialistes de la plupart des médias d'information. Qu'il
nous suffise de rappeler qu'elle nous amenait à conclure non seulement
que cette matière ne devrait pas être sujette à l'exercice
du droit de grève, mais qu'en plus, elle ne devrait pas être
négociable. Nous croyons en effet qu'on ne doit pas permettre à
un corps intermédiaire, quel qu'il soit, de négocier 50% du
budget de l'État, lui donnant ainsi des pouvoirs d'agir directement sur
les priorités gouvernementales ou sur le niveau de taxation. Aussi ne
surprendrons-nous personne en affichant notre accord entier aux pas franchis
par le législateur dans l'avant-projet de loi lorsqu'il crée un
Institut de recherche sur la rémunération et qu'il soustrait ce
champ de négociation à l'exercice du droit de grève.
Les services essentiels. Une analyse, même très sommaire,
des besoins concrets et fondamentaux des bénéficiaires nous
amène à conclure que tous les besoins des personnes recevant des
soins et services en centre d'accueil sont fondamentaux, intrinsèquement
liés à la personne humaine elle-même, à sa
santé physique et mentale, a son développement et à sa
sécurité. On comprendra alors toute l'importance que les centres
d'accueil attachent à la question des services essentiels.
Dans le cadre de notre appui sans réserve à la
primauté du droit des bénéficiaires à recevoir en
tout temps des soins et des services de qualité, nous supportons donc
pleinement la volonté gouvernementale d'élargir le champ
d'intervention du Conseil des services essentiels aux situations de
grèves illégales ou de moyens de pression visant à
ralentir la dispensation de soins et de services. Le recours à la
grève ou à des moyens de pression ne sont pas moins
menaçants lorsqu'ils sont illégaux, ils n'en sont que doublement
condamnables. Il ne faudrait pas toutefois que le fait de donner au Conseil des
services essentiels le pouvoir d'intervenir en cas de situations
illégales confère à ces situations quelque aspect de
légalité ou qu'il leur accorde le même statut qu'aux
grèves légales.
Nous souscrivons également au principe de l'attribution de
certains pouvoirs de redressement. Nous nous interrogeons toutefois
sérieusement sur la portée de certains des pouvoirs
conférés au conseil, notamment, quant à la portée
des stipulations prévues au premier alinéa du futur article 111.
17 du Code du travail. Nous craignons en effet que le texte proposé
permette au Conseil des services essentiels de statuer sur
l'interprétation de la convention collective en vigueur dans un
établissement. En toute déférence pour lesdites
autorités du conseil, nous estimons que doit être respecté
le principe de l'arbitrage des griefs pour trancher les différends
portant sur l'interprétation des dispositions des conventions
collectives. (20 h 30)
À l'origine de tout moyen de pression syndical ou de toute
grève illégale, on trouve généralement une
difficulté d'interprétation de la convention collective en
vigueur. Si l'éventuel article 111. 17 du Code du travail autorise le
conseil à ordonner de faire ce qui est nécessaire pour se
conformer à la convention collective, celui-ci risque de se retrouver
chaque fois devant l'obligation de devoir statuer sur l'interprétation
d'une
clause de contrat de travail. Nous croyons que cela ne doit pas
être.
Nous reeommendons donc que le texte proposé à l'article
111. 17, premier alinéa, soit modifié pour limiter les pouvoirs
du conseil à celui d'ordonner aux parties de se conformer à la
loi et aux mécanismes prévus aux conventions collectives pour
trancher leurs différends.
Depuis plusieurs années, dans le cadre de nos inquiétudes
sur la capacité matérielle du Conseil des services essentiels
d'intervenir dans 800 établissements du réseau des affaires
sociales si une grève était déclenchée, nous
pressons le gouvernement de lui donner le pouvoir de définir les
paramètres nationaux, par type d'établissements au besoin, pour
le maintien des services essentiels. Ces paramètres faciliteraient la
tâche de tous les intervenants dans le processus et pourraient s'inspirer
des principes suivants: libre accès à l'établissement pour
tous les ayants droit, fournisseurs, bénéficiaires, parents,
bénévoles, salariés non en grève, cadres; garantie
du droit des bénéficiaires de l'établissement à
recevoir tous les services que leur état commande; établissement
d'une norme mathématique par type d'établissements quant au
nombre de salariés requis dans chaque service maintenu;
possibilité d'ajustement en cours de route; exclusion des cadres et des
bénévoles de l'application de la norme mathématique.
Il est exact que certains ' de ces principes apparaissent
déjà dans les dispositions du Code du travail relatives aux
services essentiels. Il est exact également que certains
prétendent que l'actuel article 111. 0. 12 du Code du travail
confère déjà au conseil le pouvoir d'établir de
tels paramètres. Cependant l'examen minutieux du texte de cet article
nous laisse suffisamment perplexes pour recommander au gouvernement de le
modifier de façon que ce pouvoir soit clairement explicite.
Notons enfin qu'il devient nécessaire que les articles
actuellement non promulgués qui touchent la compétence du Conseil
des services essentiels soient mis en vigueur afin d'assurer au conseil la
possibilité d'assumer tous les pouvoirs et responsabilités qui
lui incombent.
L'analyse de l'avant-projet nous a permis de déceler quelques
imprécisions ou difficultés techniques. La liste de ces
difficultés apparaît au document que nous avons
déposé à la commission.
Conclusion: II nous reste à réitérer que nous
sommes d'avis que l'avant-projet de loi soumis actuellement à la
discussion publique met de l'avant des principes et des idées qui sont
susceptibles d'améliorer le régime de relations du travil dans
les secteurs public et parapublic en reconnaissant formellement que le secteur
des services de santé et de services sociaux contient en soi des
caractéristiques particulières qui font qu'il ne peut être
soumis au régime général des relations du travail
prévu au Code du travail. Nous sommes également d'opinion que si
les parties acceptent loyalement de jouer le jeu, les dispositions de
l'avant-projet de loi amèneront de meilleures garanties à
l'endroit du droit des bénéficiaires et de la population au
maintien en tout temps des services de santé et de services sociaux.
C'est un enjeu qui vaut bien qu'on lui consacre quelques efforts.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Dallaire.
J'invite d'abord M. le ministre délégué à
l'Administration et président du Conseil du trésor à faire
ses commentaires et à vous poser les questions qu'il veut bien vous
poser.
M. Clair: Merci, M. le Président. Quelques mots au
début pour remercier M. Dallaire et les gens qui l'accompagnent de
l'Association des centres d'accueil du Québec d'avoir accepté
d'échanger des opinions avec moi au cours des derniers mois sur cette
question, de s'être penchés sur l'avant-projet de loi et,
aujourd'hui, de venir nous soumettre un mémoire qui, en quatre
chapitres, traite de la question de la rémunération, de la
question du cadre de la négociation, c'est-à-dire la
décentralisation en fait des services essentiels et de certaines
technicités.
J'indique immédiatement qu'en ce qui concerne le chapitre
consacré à la détermination de la
rémunération, je pense que la position de l'Association des
centres d'accueil du Québec étant parfaitement en ligne et, je
suppose, pour les mêmes motifs que ceux que le gouvernement avait
lorsqu'il a proposé ce qu'il a proposé dans l'avant-projet, je
n'aurai pas de questions sur cette partie-là non plus que sur la partie
du chapitre ititulé "De certaines technicités". Les techniciens
sont en arrière et ont déjà sans doute commencé
à y travailler.
J'aurais donc des questions sur deux sujets. La première
interrogation qui vient à qui que ce soit qui rencontre un groupe
patronal dans le secteur public santé et, en particulier, centres
d'accueil, c'est certainement la question que je vous pose parce que les gens
vous la poseraient sûrement. Qu'est-ce qui vous amène à ne
pas demander l'abolition du droit de grève dans le secteur de la
santé, en particulier dans le secteur des centres d'accueil? J'ai eu
l'occasion d'entendre le député de Portneuf argumenter avec
plusieurs intervenants quant à l'orientation de son parti qui favorise
plutôt l'abolition du droit de grève dans le secteur de la
santé. Cela devrait être confirmé officiellement,
semble-t-il, dans les
prochains jours, si ce n'est pas déjà fait, par son parti,
par ses instances. L'orientation retenue par le gouvernement, c'est
effectivement d'aller du côté du maintien des services essentiels
avec des nouveaux pouvoirs au Conseil des services essentiels et
différentes mesures qui ont quand même aussi un impact dans le
domaine de la santé, par exemple, la question de la
rémunération. Fondamentalement, qu'est-ce qui vous amène
à choisir l'approche de services essentiels avec des commentaires que
vous y faites, mais en termes d'approche? Qu'est-ce qui, chez vos membres, vous
amène à retenir cette orientation?
M. Dallaire: Je pense que notre première approche, c'est
de tenter de voir comment peuvent s'exercer, dans nos milieux, les droits de
chacun. En analysant nos milieux, leurs restrictions, Ies besoins de nos
bénéficiaires, le fait qu'ils soient captifs, le fait qu'ils
aient des besoins, et l'apprentissage qu'on a fait de la dernière ronde
surtout, on pense qu'à l'heure actuelle la primauté de leurs
besoins fait déjà foi d'un impact important et que cet impact est
respecté par les parties impliquées ou semble respecté de
plus en plus par les parties impliquées.
M. Clair: Donc, les salariés impliqués dans les
services quotidiens.
M. Dallaire: La dernière ronde, dans les centres
d'accueil, nous a permis de présumer que, de plus en plus, la
primauté des droits des bénéficiaires était
respectée dans la démarche concrète, en
général.
M. Clair: Donc, c'est une approche basée sur le
vécu, sur la pratique, sur l'expérience, davantage que sur une
approche légaliste, juridique et, à mon point de vue, un peu
théorique.
M. Cloutier (Pierre): Précisément. Je pense que
notre approche de cette question ne se veut pas théorique, mais
collée aux réalités du terrain. Vous avez choisi, comme
perspective gouvernementale dans votre proposition, d'y aller par la formule de
réglementation, d'encadrement, de civilisation du droit de grève.
Je pense que c'est sous-jacent à toute cette partie du document que vous
avez déposé. C'est une piste. L'autre piste, c'est
peut-être de dire non, radicalement, à certains secteurs. On
souscrit à la piste que vous mettez sur la table, c'est-à-dire de
civiliser l'utilisation du droit de grève. On ne vous dit pas
qu'à 100%, dans tous les centres d'accueil du Québec, tous les
employés ou les travailleurs devraient ne pas bénéficier
du droit de grève. On vous dit par contre, et je pense que c'est
fondamental - fixer des pourcentages est un peu complexe ce soir -que dans
l'esprit, ce sont les droits des bénéficiaires à recevoir
des services.
Rappelons-nous les bénéficiaires de qui on parle. On parle
de bénéficiaires captifs. On ne peut baisser les taux
d'occupation facilement en centre d'accueil. La moyenne d'âge des
personnes âgées est de 82 ans et demi, possédant à
85% des cas moins de 1500 $ d'avoirs, donc des cas qu'on appelle, dans la
société, d'assistance sociale. Donc, peu de familles, peu de
ressources communautaires pour s'organiser. Dans ces cas, ce sont des
clientèles totalement captives. Les services dont on parle - c'est dans
l'esprit de notre mémoire - il faut absolument garantir à ces
clientèles les services dont elles ont besoin.
Ces services ne sont pas seulement les services de nursing ou de
préposés aux bénéficiaires pour l'entretien
physique, etc. II faut aussi parler de services alimentaires, de services de
chauffage, de services de sécurité minimale, etc. Ce qui fait que
vous allez arriver au total, je pense, dans cette perspective que nous jugeons
raisonnable, peut-être à 95%. Mais la piste de dire qu'il y a
moyen, raisonnablement, d'encadrer et de civiliser le droit de grèv'e,
c'est celle qu'on a voulu regarder plutôt que de dire radicalement: Non,
totalement, tout le monde devrait ne pas jouir du droit de grève dans
notre secteur.
On en est peut-être à une nuance entre les 95% et les 100%
- je donne un chiffre approximatif - mais je pense que sur le plan de l'esprit,
lorsque les droits des uns peuvent être exprimés sans
fondamentalement atteindre les droits des plus faibles, ce qu'on appelle nos
bénéficiaires dans le cas, il me semble qu'on doit tenter de
respecter cela.
M. Clair: Est-ce que cette approche pratique également se
base sur une certaine évolution des mentalités qui se serait
produite au cours des dix, quinze dernières années? On sait que
le réseau des centres d'accueil a quand même pris passablement
d'expansion depuis le début de la négociation en 1964,
négociation de plus en plus centralisée telle qu'on la
connaît. Mais, comment cela s'est-il passé lors de la
dernière négociation et des deux ou trois dernières avant
et sur une période de quelques années? Est-ce que votre position
est assise également sur une évolution des mentalités?
M. Cloutier: Oui. Il y a effectivement une évolution des
mentalités. Je pense que la pression et l'escalade des moyens de
pression, notamment de la dernière ronde de négociation,
faisaient en sorte que les centres d'accueil étaient les derniers en fin
de compte à être affectés par cela.
Le seul problème qu'on vous pose par rapport à cela, M. le
ministre, et à
n'importe quel gouvernement, c'est que dans notre cas
l'appréhension de la grève, dans beaucoup de cas, est aussi grave
que la grève elle-même. Dans ce sens, il faut que les garanties
soient préalables aux possibilités de grève qui seront ou
non utilisées. Chez les personnes âgées notamment, chez les
délinquants que la Loi sur la protection de la jeunesse nous confie,
chez les handicapés mentaux profonds qui sont en centre d'accueil, les
effets d'appréhension de grève dans autant de cas sont aussi
graves que la grève elle-même. (20 h 45)
II faut donc se donner préalablement un encadrement qui fasse en
sorte qu'on ne puisse pas jouer avec cela. Sur le terrain, il y a des pressions
artérielles la veille de la grève, parce qu'une circulaire
syndicale a été donnée aux employés, disant
qu'à partir de telle date, il y aura grève. Ne vous en faites
pas, pour les gens de 83 ans, la pression artérielle monte. Ils se
demandent s'ils vont manger, s'il vont continuer d'être chauffés
et comment ils vont vivre dans ces conditions. C'est une affaire dans laquelle
on ne veut pas s'embarquer. Je pense qu'à la base, il faut garantir un
minimum de ces choses. L'appréhension de la grève est difficile
à vivre.
M. Clair: Je crois que M. Dallaire voulait ajouter
là-dessus.
M. Neveu (Yves): C'est ce qui nous amène, à toutes
fins utiles, à proposer au gouvernement de préciser les pouvoirs
du Conseil des services essentiels en matière d'établissements et
de paramètres, ce qui constituerait en quelque sorte à tout le
moins des minimums sur lesquels les parties au niveau local pourraient, bien
sûr, ajouter, mais, en tout cas, on serait en mesure de garantir que ces
minimums seraient préservés en termes de garanties pour les
bénéficiaires.
M. Clair: Cet après-midi, la Centrale des syndicats
nationaux - la CSN - a indiqué qu'elle était à travailler
à un code d'éthique, qu'elle en discuterait dans son milieu et
qu'elle rendrait public éventuellement quant à la nature des
services essentiels et à l'exercice du droit de grève, notamment,
dans le secteur de la santé. À partir de votre expérience,
dans la mesure où vous vous inscrivez dans une perspective de
renforcement des services essentiels plutôt que dans celle d'une
abolition juridique du droit de grève - tout le monde a comme objectif
de faire en sorte qu'il n'y en ait plus ou, en tout cas, le moins possible et
que les grèves aient le moins d'impact possible; c'est vrai pour les
libéraux; c'est vrai pour nous; c'est vrai pour vous et je pense que
c'est vrai pour l'ensemble de la société, mais c'est une approche
pratique - comment recevez-vous cette proposition de la CSN? Je pense que vous
en avez eu connaissance, cet après-midi, au moment des explications. Je
crois que certains d'entre vous étaient présents. En ce qui
concerne un code d'éthique concernant l'exercice du droit de
grève dans le secteur de la santé, avez-vous confiance à
cela? Est-ce que cela peut être utile? Est-ce quelque chose qui vient
confirmer un avancement, une évolution des mentalités ou quoi?
Quelle est votre appréciation de cela?
M. Dallaire: M. Pedneault.
M. Pedneault (Roger): C'est évidemment un premier pas
d'une centrale importante qui a été, il ne faut se le cacher,
l'une de celles qui ont fait le plus souvent la grève et qui l'ont
souvent provoquée. Personnellement et, je pense, aussi bien au nom des
membres du comité, je crois que ce désir est vrai, parce qu'il
est exprimé par les membres qui composent cette centrale syndicale. Je
pense bien que les dirigeants syndicaux ne peuvent pas ignorer que, dans la
réalité, il commence à y avoir une très grande
proportion de leurs membres qui ne veulent plus faire la grève comme ils
l'ont fait dans le passé avec ce que cela coûte et ce que cela
représente d'indécence sociale. Ils y vont beaucoup trop
lentement. Je ne crois pas que de leur laisser le libre champ d'action et que
de les laisser régler ce problème, cela va aller assez vite. Je
ne crois pas qu'ils soient prêts non plus à faire des pas
suffisamment significatifs dans les prochains mois ou dans les prochaines
années pour réaliser ce qu'on souhaite et ce que le gouvernement
souhaite, mais je pense que l'expression de leur désir, même si au
niveau des grandes directions syndicales, est forcée par la base, ce qui
correspond à une réalité à laquelle ils vont devoir
faire face et répondre. Malgré cela, je dis: C'est trop peu;
c'est trop tard. Je pense que le gouvernement doit quand même agir, que
la loi doit quand même être modifiée et que l'avant-projet
de loi répond mieux à cela que de vagues études sur de
vagues projets d'éthique.
M. Clair: Mais, quand même, ce qu'ils
désirent...
M. Cloutier: J'aimerais ajouter que, dans l'hypothèse la
plus positive de cette perspective, l'ultime responsabilité, et on
s'inscrit là-dedans, c'est le gouvernement, les élus, qui doivent
fixer les services à être rendus à la population. Tant
mieux! Et dans la situation la plus idéale, ces deux, le code
d'éthique et la règle gouvernementale seront parfaitement
coïncidentes. Allons-y comme cela! Mais je pense qu'en termes de
responsabilité gouvernementale, il doit être
dit quelque part par les élus que les services assurés par
les centres d'accueil au Québec à la population démunie
dont on parle seront de telle nature.
M. Dallaire: Dans une situation concrète de conflit,
puisqu'on va parler de conflit à ce moment, il est important et sain
qu'il y ait une tierce partie qui puisse juger d'où l'importance du
Conseil des services essentiels dans cette situation.
M. Clair: Si je résume la position de l'Association des
centres d'accueil du Québec, et c'est très important, si on met
dans une colonne les améliorations générales au
régime de négociation, plus le renforcement du Conseil des
services essentiels, plus le code d'éthique qui serait adopté,
semble-t-il, par les gens de la CSN, tout cela donne de meilleures garanties,
selon vous, sur la base du vécu de votre réseau, de votre
expérience qu'il n'y aura plus ou pas de grève dans votre secteur
que l'abolition pure et simple du droit de grève en matière de
services de santé, point final. Inutile de demander à quelqu'un
effectivement de travailler à un Conseil des services essentiels, si le
droit de grève est aboli, inutile de dire à la CSN: Oui, c'est
une bonne idée d'avoir un code d'éthique; inutile de dire: On a
des nouveaux mécanismes de conciliation, il n'y en a plus.
Fondamentalement, votre approche vous amène à cela comme
conclusion. C'est-à-dire que votre constatation était cela.
M. Cloutier: C'est cela. On joue sur des percentiles relativement
minimes entre les deux hypothèses que, vous mettez sur la table dans le
cas des centres d'accueil...
M. Clair: Ah! Mais c'est le résultat qui vous
préoccupe et nous aussi.
M. Cloutier: C'est cela. Il faut choisir la piste qui nous
garantit les meilleures chances de résultat. Il nous est apparu que dans
le climat et dans l'ensemble des évaluations que vous avez faites et que
nous avons faites que la piste de la réglementation par le Conseil des
services essentiels, l'évolution des mentalités, la
conscientisation de ce qui se passe aux alentours des clientèles des
centres d'accueil, cette piste, et selon un certain nombre de
technicités dont on parle notamment des paramètres, nous
apparaît le moyen qui nous donne le plus de chance de
réussite.
M. Clair: J'ai déjà pris beaucoup de temps, M. le
Président, je vais passer rapidement à l'autre thème que
je voulais aborder. La question de la décentralisation. Je caricature et
je résume rapidement. L'avant-projet de loi dit: En annexe, se trouve
une liste de sujets qui sont obligatoirement décentralisés. Ce
qu'il y a comme contenu actuel, c'est le statu quo. C'est à partir de
cela que, d'une manière permanente, on ajustera au niveau local selon la
mécanique prévue dans l'avant-projet.
Votre organisme, comme plusieurs autres, tout en affirmant vouloir
s'inscrire dans cette perspective de décentralisation dit: Holà!
N'allez pas trop vite! Vous risquez de compliquer la situation plus que de la
solutionner. Vous proposez, dans le fond, pour refaire au moins une
première fois une convention collective adaptée aux centres
d'accueil que cela se fasse au niveau sous-sectorial et qu'après cela,
il puisse y avoir à partir d'une liste décentralisable, pour
employer l'expression de M. Dallaire, que chacun puisse piger
là-dedans.
J'ajoute une troisième possibilité. Si c'était
effectivement pour donner la chance - je fais une pure hypothèse, je ne
vous dis pas que c'est une proposition du gouvernement - que les sous-secteurs
aient au moins une fois une convention collective, la prochaine fois tout est
négociable sous-sectoriellement; une liste, en annexe de la loi, du
décentralisable, mais afin de s'inscrire pleinement dans une perspective
de négociation permanente. Une fois que, dans un étabissement, on
s'est accaparé d'un sujet à un niveau local, il y demeure
à perpétuité par l'effet de la loi et, en
conséquence, cela n'est plus quelque chose qui est remis en cause et qui
recommence tous les trois ans. Cela devient la loi permanente en quelque sorte,
quitte à ce que les parties puissent la modifier entre elles, mais dans
le sens que cela ne peut plus remonter au niveau sous-sectoriel ou au niveau
national. Comment réagiriez-vous à une telle
hypothèse?
M. Neveu: C'est exactement le sens de la proposition que nous
formulons.
M. Clair: Vous comprenez bien qu'elle serait...
M. Neveu: Oui.
M. Clair:... une fois que ce serait décentralisé,
rendu au local, c'est permanent.
M. Neveu: Oui. La seule précision à ajouter
à ce que vous dites, c'est qu'à cette ronde, ou à la
prochaine ronde de négociations, il est bien entendu que nous
souhaiterions pouvoir adapter les conventions collectives aux centres
d'accueil. La liste de matières, c'est pour cela qu'on l'appelle
"décentralisable", ne serait pas forcément
décentralisée tout de suite après cette ronde. La raison
pour laquelle on l'appelle "décentralisable", c'est qu'à leur
rythme et selon la volonté des parties au niveau local, ces parties
pourraient s'approprier un ou des
sujets. Ce qu'on dit, c'est qu'une fois que chaque établissement
se serait approprié, avec son ou ses syndicats, une des matières
pour cet établissement, la matière serait effectivement
décentralisée. La nuance c'est que ce n'est pas
nécessairement dans la ronde qui suivra la prochaine ronde que toutes
les matières seraient décentralisées au sens où il
est possible, qu'en 1988, par exemple, si on parle d'une convention de trois
ans, qu'un certain nombre de centres d'accueil acceptent de
décentraliser pour eux une quinzaine de clauses qui paraîtraient
sur cette liste et que d'autres, parce qu'ils ne sont pas prêts ou parce
qu'ils ne le désirent pas, acceptent d'en décentraliser seulement
deux. Ce qu'on dit, c'est que, même en 1988, pour les
établissements qui ne se seraient pas effectivement approprié un
certain nombre de clauses, il faudrait continuer à négocier
l'ensemble du pattern jusqu'à ce qu'il y ait suffisamment de centres
d'accueil qui se soient approprié une clause spécifique. À
partir de ce moment-là, les parties au niveau sectoriel pourraient
décider que, puisque tous les établissements se sont
approprié cette clause, il n'y a plus lieu de la négocier au
niveau sectoriel. Cela prolonge le rythme de la décentralisation, bien
sûr. Cela peut nous amener plus loin qu'en 1985 ou en 1988 parce qu'il y
a des établissements qui voudront aller plus lentement, mais c'est une
chose qui peut, dans le temps, donner des résultats satisfaisants en
termes de décentralisation pour nos établissements.
M. Cloutier: Si vous me permettez, l'hypothèse que vous
faites, c'est de dire: Si au bout de deux ou trois exercices semblables, on
découvrait que 80% des centres d'accueil ont convenu avec leurs
syndicats locaux de la même forme d'adaptation locale par rapport
à leur terrain - mais carrément de la même forme - ce
serait la découverte de l'errance du niveau national d'avoir toujours
négocié cet article d'une certaine façon. Il s'agirait...
Et, moi, je pense que de clouer mécaniquement cet article au niveau
local, alors qu'à peu près tout le monde le règle de la
même façon sur le terrain et parce qu'ils ont découvert une
façon plus intelligente, c'est peut-être plus simple de permettre
à cette clause d'être négociée à nouveau au
niveau national, mais elle sera davantage collée aux
réalités du terrain parce que ce sont eux qui nous les auront
fait découvrir. Je pense que c'est cimenter le mouvement de
décentralisation dans la voie unique vers le niveau local alors que
certains cas, avec l'histoire, pourront peut-être nous permettre de
découvrir qu'après un exercice de niveau local pendant X temps,
il y a des intérêts de part et d'autre, à les ramener
à un certain niveau un peu plus centralisé. Je vois difficilement
quel est l'intérêt en ce moment de bloquer cette
possibilité. Je pense qu'il faut accentuer le mouvement vers le bas et,
dans ce sens, on souscrit tout à fait à la perspective que vous
proposez. Pourquoi figer le reste maintenant? Je ne le sais pas.
M. Clair: M. le Président, je vois que le temps à
ma disposition est à peu près écoulé. Je vais
laisser l'occasion aux porte-parole du Parti libéral de poser des
questions. Je vous remercie.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le
député de Portneuf. (21 heures)
M. Pagé: Merci, M. le Président. Moi aussi, je veux
remercier M. Dallaire et ses compagnons de l'Association des centres d'accueil
du Québec qui, ce soir, viennent livrer leur mémoire. Vous
représentez un secteur ou un pan particulier des services donnés
à des clientèles qui, le moins qu'on puisse dire, sont vraiment
dans un état de dépendance, de besoins très aigus face aux
services qui leur sont dispensés. Votre mémoire se veut
particulier en ce qu'il recommande et touche des points bien
intéressants qui réfèrent, finalement, au vécu
quotidien des établissements.
On doit retenir de votre mémoire que vous acceptez, avec
certaines réserves, le principe de la décentralisation, que vous
êtes en faveur d'un accroissement des pouvoirs du Conseil sur les
services essentiels en cas de conflit et en cas de grève. Vous
êtes d'accord avec le fait que le droit de grève puisse être
exercé sur les matières de négociations locales. C'est ce
qu'on retient. Finalement, vous ajoutez votre voix à d'autres et vous
êtes d'accord pour que l'établissement de la
rémunération se fasse à partir de règles du jeu
nouvellement établies ou proposées par le projet de loi en ce qui
a trait à l'institut de recherche, en particulier.
Au chapitre de la décentralisation, un commentaire. Vous
témoignez de beaucoup de réalisme, je crois, lorsque vous voulez
que des établissements comme le vôtre, les directeurs
généraux, les administrateurs soient davantage associés
à l'équipe patronale pour négocier lesdits contrats ou les
conventions collectives. J'ose croire que le gouvernement ou que le ministre
prêtera non seulement une oreille attentive à cet aspect de votre
mémoire, mais qu'il y donnera suite de façon bien
concrète. Essentiellement, ce que nous, on veut et ce qu'on
espère, c'est que le gouvernement pourra vous associer le plus possible
dans ce mécanisme qu'on dit large, qu'on dit lourd, de
négociation des conventions collectives, parce qu'il faut
déplorer, il faut constater que, finalement, vous avez à vivre
pendant un certain nombre d'années avec des contrats que vous avez
à défendre, avec des contraintes budgétaires
que vous avez à justifier ou à défendre là
aussi - c'est dans le grand livre - mais vous n'avez pas toujours
été associés à cette démarche. C'est tout
à fait légitime et peut-être que le ministre dans sa
conclusion ce soir pourra y revenir. Nous, on va appuyer toute mesure dans ce
sens-là. Soyez-en persuadés.
Vous avez abordé un autre aspect qui est intéressant et
que j'ai eu l'occasion de soulever cet après-midi de façon
indirecte avec la CSN. Supposons que le projet de loi est adopté. Le
recours à la grève sera toujours possible dans un cadre ou dans
un champ bien limité. Vous avez évoqué un aspect, un
élément important de problèmes engendrés, soit par
un conflit ou un conflit appréhendé. Vous avez indiqué
jusqu'où les bénéficiaires chez vous pouvaient être
perturbés, non seulement par un conflit, mais aussi et
particulièrement par l'appréhension d'un conflit. C'est la
même chose dans le domaine hospitalier. La grève s'en vient. Donc,
on limite évidemment les entrées. C'est le branle-bas de combat,
en fait - le terme est pratiquement exact - en fonction d'un affrontement qui
s'en vient et la quantité des services, entre autres, dans les centres
hospitaliers, s'en trouve affectée. À la lumière de votre
expérience, quelles seraient les recommandations que vous pourriez
formuler ce soir au gouvernement, entre autres, dans vos établissements,
pour être certain que de tels écueils ne se reproduisent pas et
que ce soit, finalement, le moins dur possible, cet aspect du conflit
appréhendé?
M. Dallaire: Peut-être que je me permettrais de situer le
contexte des centres d'accueil en le distinguant des centres hospitaliers.
C'est important, je pense, qu'on se rappelle cela, dû au fait que les
centres d'accueil, en plus d'avoir une clientèle qui a besoin d'appui
à tous les niveaux et de toutes les formes... Je vais employer un terme;
c'est une clientèle captive et ce sont des centres d'accueil qui sont
pleins à 95% et 98%. En cas de conflit appréhendé, la
direction n'a absolument aucune flexibilité pour pouvoir se permettre de
dire: II y a une intervention qui est à caractère électif.
Il n'y a pas d'élection. Les personnes sont là. Elles ont besoin
d'une façon permanente, à cause de leur état
présent, d'un appui. Donc, dans la situation de conflit
appréhendé, dans la situation de conflit, les centres d'accueil
sont véritablement dans une situation plus tragique. J'utilise le terme.
Je pense que c'est une réalité et que souvent on n'est
peut-être pas assez sensible dans le public en général face
à cette réalité. La personne âgée, qui est en
centre d'accueil, souvent, si elle est rendue là, c'est à cause
de grandes difficultés et, en plus, il n'y a plus de flexibilité
à la maison pour la prendre. II faut qu'elle demeure là et elle
est très sensible à cause de son âge, à cause de son
état, avec toute l'insécurité que le milieu peut lui
suggérer. Donc, il faut absolument que tous Ies moyens soient pris de
façon que, par de la mécanique, par des droits ou des lois,
l'exercice du droit fasse en sorte que la personne ne sente pas cette
insécurité qui s'en vient, qu'elle sache que malgré qu'il
y a un conflit au niveau du travail, elle ne sera pas menacée dans sa
sécurité. C'est cela qui est un peu un risque.
On dit: Si les mécaniques sont bien établies, si les
paramètres sont bien établis, les travailleurs auront la
possibilité de taire sentir qu'ils ont des besoins et qu'ils font des
pressions, mais les bénéficiaires sauront qu'il y a des garanties
qui leur sont données, qu'ils auront, qu'ils recevront en tout temps les
services dont ils ont besoin. J'ai parlé des personnes
âgées en exemple, mais la situation n'est jamais plus facile dans
des centres d'accueil où il y a des personnes avec un handicap mental ou
encore un handicap physique, des personnes qui ont été
placées par la Direction de la protection de la jeunesse et autres.
Je pense que c'est important - en tant que centre d'accueil - que la loi
ou les ajouts à la loi, les corrections à la loi permettent que
le droit de grève ne soit exercé que dans les possibilités
de son exercice et sans nuire aux personnes; pour nous, c'est important.
M. Pagé: Là-dessus, M. Dallaire, qu'on
réfère à l'exemple des centres d'accueil pour personnes
âgées, vous êtes confrontés à un
problème de vieillissement de vos propres clientèles. Tout le
monde est unanime à constater que dans beaucoup de centres d'accueil du
Québec actuellement on a, par exemple, des cas psychiatriques qui
devraient, en principe, être dans d'autres types d'institutions mais,
compte tenu des capacités limitées d'accueil dans de telles
institutions, elles sont, ces personnes, dans des centres d'accueil.
Vous avez, avec l'alourdissement de la clientèle, un pourcentage
important de malades chroniques qui sont actuellement dans des centres
d'accueil et cela amène des distorsions dans le sens que vos budgets,
vos ressources en personnel ne sont pas nécessairement adaptées
à de tels besoins. Ajouté à cela l'effet des coupures
budgétaires qui, qu'on le veuille ou pas et quoi qu'en dise le
gouvernement, ont des effets tangibles, palpables en termes de diminution de la
qualité des services ou encore l'augmentation de la tâche de
façon très appréciable pour les travailleuses et les
travailleurs, à la lumière de ces éléments, vous
dites, à la page 18 de votre mémoire: "L'établissement
d'une norme mathématique par type d'établissements quant au
nombre
de salariés requis dans chaque service maintenu... "
Vous savez, je ne veux pas généraliser, mais on constate
que dans certains centres d'accueil du Québec, actuellement, au moment
où on se parle, dans une société dite
évoluée, avancée et riche, etc., on calcule maintenant
bien souvent à la minute le nombre de personnes qu'une
préposée aux bénéficiaires doit nourrir par repas;
on sait pertinemment que des personnes âgées, qui pourraient
manger à la cuillère, avec de l'aide, mangent actuellement par
des seringues, pour sauver du temps. Cela se passe dans les centres d'accueil
du Québec et c'est l'effet des coupures budgétaires. On sait que
dans certains centres d'accueil, il n'y a pas de bain pour les personnes
âgées autrement qu'aux huit ou neuf jours, on sait que les lits ne
sont pas changés autrement qu'aux sept ou neuf jours et on va couper
dans ce personnel. C'est quoi? Quel est le pourcentage des services qui sont
essentiels, sinon la totalité des services compte tenu de
l'alourdissement des clientèles et des réductions de
personnel?
M. Cloutier: Les mémoires déposés par
l'Association des centres d'accueil au ministère des Affaires sociales
et chez M. Clair conséquemment à cet effet, je pense qu'ils sont
publics et connus. Nos évaluations là-dessus sont sur la table.
Je pense qu'on peut longuement discuter de cette question.
L'objet principal de votre préoccupation, M. Pagé,
à savoir les services essentiels versus l'abolition du droit de
grève qui était le départ du problème parce que, au
fond, je disais tantôt à M. Clair: On en est peut-être
à des nuances dans le cas des centres d'accueil que vous venez de
décrire, que je ne voudrais pas, par contre, qu'on
généralise de façon systématique...
Effectivement, vous souscrivez à certaines perceptions qu'on peut
avoir aussi, mais je pense qu'on en est à des nuances entre
stratégiquement choisir la formule des services essentiels et un
encadrement paramètre, norme mathématique. Ça peut
ressembler à... Dans un centre d'accueil où vous retrouvez des
clientèles ayant tel niveau de besoin, on a des normes pour
établir ce genre de chose, le niveau de services essentiels se situe
à 94%, 95%, 96% ou 97%. On en est à la forme avec laquelle on va
aborder la question.
Il nous est apparu que les 2%, 3% ou 5% dans certains cas, de
travailleurs qui peuvent exprimer au gouvernement ou aux sous-comités
leur mécontentement de la situation d'une négociation doivent
être, sur le plan du principe, respectés. Ce qui peut être
respecté dans le droit des travailleurs qui ne va pas à
l'encontre fondamentalement des droits des bénéficiaires, je
pense que là-dessus on vous dit qu'il faut quand même conserver
cet esprit-là. C'est un choix qu'on fait, fort conscient, mais c'est
l'optique qu'on prend.
On en est à des niveaux de services, quand on parle de services
essentiels en centres d'accueil. Les discussions qu'on a eues avec le Conseil
des services essentiels sur cette question-là, on ne leur a pas dit
qu'on jasait de quelque chose comme 30% des services essentiels. On n'a jamais
parlé non plus de diminution des clientèles. Lorsque vous parliez
du secteur hospitalier tantôt qui pouvait réduire un certain
nombre d'admissions, ce n'est pas notre cas, la botte est pleine
déjà, la liste d'attente est longue.
Donc, on ne peut pas considérer l'éventualité d'une
grève comme ça. Il faut donc parler de services essentiels comme
étant dans des normes très élevées. On en est
à des nuances, je pense, à des choix plus de forme que de fond
finalement quant au résultat.
M. Clair nous demandait, et je pense que ça s'inscrit dans la
même perspective: quel est le moyen qui garantit le plus que
l'appréhension ou la grève aura des effets limités? On
vous a présenté ce choix-là.
Ultimement, sur le terrain, en termes de personnes qui devront prendre
leurs responsabilités auprès des bénéficiaires, il
n'y a pas une grande différence.
M. Pagé: Mais vous allez convenir avec moi que je suis
tout à fait légitimé de questionner l'occasion de se
prêter à un tel exercice de négociation, d'échange,
d'établissement de services essentiels, de nombre de personnes, etc.,
pour en arriver à un quantum de 95% ou 96%. Dans un foyer pour personnes
âgées, un centre d'accueil pour personnes âgées
où vous avez 75 lits, vous avez combien d'employés? 33, 34 ou 35
employés incluant les cadres, environ?
M. Cloutier: À peu près.
M. Pagé: À 95% vous allez en avoir 31 en dedans et
trois dehors. À un moment donné il faut arrêter de...
M. Cloutier: Je souscris à la légitimité de
votre question.
M. Pagé: Combien de capital humain est investi
là-dedans pour en arriver à deux ou trois qui vont faire du
piquetage symbolique à la porte? Ce serait peut-être pas mal plus
facile d'être moins artificiel et de dire exactement ce qui en est.
Je dois vous exprimer ma surprise ce soir de constater que par votre
mémoire, votre association veut s'associer à une démarche
comme celle-là. Vous avez évoqué la stratégie. Cela
a son mérite, évidemment.
Quand on rencontre les directeurs
d'établissements et ceux qui administrent ces
établissements, ils s'empressent de nous dire que tout est essentiel,
que tout est nécessaire et qu'on ne doit pas se permettre de souffrir un
conflit de travail dans un établissement comme les vôtres. Votre
association arrive ce soir et dit: On est prêt à composer;
tactique; stratégie; 95%. Je vous exprime ma surprise. (21 h 15)
L'autre élément qui a été abordé ce
matin par le Conseil du patronat du Québec va dans le sens aussi des
recommandations que vous formulez aux pages 17 et 18. Vous recommandez que tous
les moyens soient pris pour assurer le libre accès aux
établissements, les ayants droit, les bénéficiaires, les
bénévoles, etc. Je crois que tout le monde est unanime à
vouloir renforcir les règles du jeu dans ce sens, qu'il y ait le moins
de problèmes et d'intimidation possible.
On a évoqué la question des griefs à charge de
l'employeur. Pourriez-vous nous indiquer le résultat de votre
expérience dans ce sens-là? Est-ce que vous allez dans la
même direction que le Conseil du patronat qui demande de rétablir
la participation conjointe aux coûts des griefs qui sont
déposés ou qui sont soulevés?
M. Neveu: Je pense que, traditionnellement, tous les employeurs
du réseau des affaires sociales ont déploré que le
financement des frais d'arbitrage soit à la charge complète des
employeurs. Effectivement, on croit que cette disposition de nos conventions
collectives entraîne un plus grand nombre de griefs qu'une approche qui
mettrait de l'avant |e partage des frais d'arbitrage. Il n'y a aucune doute
que, là-dessus, on serait favorable à toute forme de partage des
frais d'arbitrage ou d'autres formes de frais d'arbitrage au perdant, ou
quelque forme que ce soit, pour enlever la totalité du fardeau à
l'employeur. On croit toutefois qu'il s'agit là d'une matière
négociable. Cela fait actuellement partie des conventions collectives.
La plupart du temps, on cherche à la négocier sauf qu'on doit
admettre que ce n'est pas une chose facile de récupérer une
question capitale comme celle-là, le partage des frais d'arbitrage. Je
pense que tous les établissements de centres d'accueil favoriseraient
qu'on se fixe comme objectif de négociation une forme quelconque de
partage des frais.
M. Pagé: Voulez-vous dire par là qu'il est
arrivé peut-être parfois, peut-être souvent, que vous vous
êtes retrouvés, comme administrateurs d'établissements,
dans une situation où il était moins coûteux de payer le
grief purement et simplement et de régler que de le plaider?
M. Neveu: C'est exact. Cela se présente sûrement
à l'occasion.
M. Pagé: J'espère que le ministre vous a bien
entendu et qu'il va y donner suite parce que c'est un aspect important du
vécu quotidien de ce type d'établissement. J'ai vu dans des
établissements de mon comté jusqu'à douze griefs par jour.
Dépôt, dépôt. Ce n'est pas compliqué
déposer des griefs. C'est l'employeur qui paie de l'autre
côté. À un moment donné, l'administration dit: On va
lâcher; on va céder et on va payer; on va avoir la paix. Ce n'est
pas de nature à améliorer la qualité des relations du
travail et le vécu à l'intérieur de tels
établissements.
C'était l'essentiel des commentaires et des questions que j'avais
à vous poser. Messieurs, je vous remercie.
M. Cloutier: Historiquement, d'ailleurs, sur cette question, on
doit vous dire que cela date d'au moins une quinzaine d'années au
Québec, cette approche de cette question et, depuis un certain temps,
nous la soumettons.
M. Clair:... quatorze.
M. Cloutier: J'étais proche de quinze.
M. Clair: 85 moins 14...
M. Cloutier: 66 ou 68, quelque part par là.
M. Clair: Vous êtes diplomate.
M. Pagé: Non, ce n'est pas nous. C'est ce que vous voulez
dire, M. le ministre?
M. Clair: Non, je posais la question.
M. Pagé: Vous demandez si c'est le gouvernement de M.
Bourassa. Non, ce n'est pas nous. C'est arrivé sous un parti...
M. Cloutier: Non, c'est préalable.
M. Pagé:... vers lequel vous vous rapprochez le plus,
à la bonne vieille Union Nationale.
Une voix: Vous ne l'avez pas enlevé cependant.
M. Clair: On était des néo-libéraux ce matin
et, en fin de journée, on est des unionistes.
M. Pagé: Vous zigzaguez tellement que vous en
divaguez.
M. Clair: Je n'avais pas, quant à moi... Je pense que le
député a terminé.
M. Pagé: Je voulais me limiter à vous
remercier.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Bourassa a demandé la parole.
M. Laplante: Quelques commentaires, M. le Président. Je
trouve un peu triste d'apporter des cas particuliers à une commission
comme celle-ci qui peuvent se présenter dans un centre d'accueil et
essayer de généraliser des cas qui peuvent devenir pitoyables
à un moment donné. Je sais toujours bien que, dans mon
comté, il y a aussi des centres d'accueil. Je crois qu'ils sont
très bien administrés. Il y a déjà eu des abus de
la part de certaines administrations. On refusait même des biscuits
à des personnes âgées. Même, on les faisait souper,
des soirs, seulement avec une banane. La minute que j'ai su cela, que les
usagers s'en sont plaints, cela a été corrigé, mais je
n'ai pas fait un événement national, par exemple, avec tout cela.
C'est que, parfois, il y a des directeurs aussi qui ont d'autres
priorités qu'ils recherchent en essayant d'économiser des bouts
de chandelle comme cela, mais lorsque ces cas nous sont rapportés -
parce que je me suis occupé énormément des centres
d'accueil ici depuis 1976, autant dans la planification aussi que dans d'autres
domaines - je suis assuré qu'à chaque plainte qu'il y a eu
d'usagers de centres d'accueil, elles ont été acheminées
aux bonnes places.
Je ne voudrais pas que cette commission, pour essayer de gagner un point
arrive en disant que nous abolissons le droit de grève, qu'on se serve
de cas particuliers comme cela. C'est de là que le mouvement syndical
nous jugerait d'une façon incorrecte de jouer avec la sensibilité
des Québécois de cette façon.
Cela dit, la décentralisation, il y a un organisme qui nous a
proposé que la masse salariale, après qu'elle a été
acceptée au niveau national proposée par le gouvernement soit
décentralisée au niveau local pour application, que
penseriez-vous de cela?
M. Neveu: Notre approche à la question de la masse
salariale, nous pensons que c'est une responsabilité de l'État de
fixer le niveau de la masse. Cela dit, que pourrait-on décentraliser en
matière de rémunération? Décentraliser la
répartition par titre d'emploi? Cela nous apparaît très
difficile. On reviendrait à des situations où,
géogra-phiquement, on aurait des différences importantes entre le
salaire payé à une infirmière à un endroit et celui
payé à une infirmière à un autre endroit.
Il y a un équilibre très important qui existe sur le plan
géographique, mais un équilibre qui existe aussi entre les
différents types d'emploi. On pense que les parties au niveau local
risqueraient de compromettre cet équilibre, par exemple, entre le
salaire d'une infirmière et celui d'une auxiliaire ou d'une
préposée aux bénéficiaires. On pense que cela doit
répondre à des paramètres nationaux. Pour cette raison, on
ne pense pas que cela doit être décentralisé.
M. Laplante: Comme cela, vous pensez que cela apporterait
beaucoup plus une surenchère entre les centres au point de vue du
personnel et aussi au point de vue du service. Là-dessus, merci.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, un seul commentaire. Je
ne peux m'empêcher de laisser passer le propos du député de
Bourassa qui semblait vouloir 1° m'imputer des motifs et 2° m'adresser
indirectement un reproche parce que j'ai fait référence à
des cas.
Quand j'ai fait référence à des situations
difficiles et pénibles vécues dans les établissements, le
député aura très mal compris, s'il a compris que je
voulais ainsi adresser des reproches ou blâmer les administrateurs. Au
contraire, j'ai bel et bien indiqué que ces situations malheureuses de
fait qu'on ne vit pas seulement dans un établissement, M. le
député, mais dans plusieurs établissements du
Québec et vous devriez faire le tour, c'est le résultat des
coupures budgétaires. Deuxièmement, vous avez semblé
vouloir laisser dire que c'étaient des cas isolés. C'est dans
plusieurs cas. Je constate que vous avez dénoncé le fait de
soulever des cas d'espèce et vous avez plongé
immédiatement dans le même piège faisant
référence au cas dans votre comté, la banane le soir. Les
auditeurs seront à même de juger.
M. le Président, encore une fois, merci aux intervenants. Je
pense que la semaine a été utile et profitable et on sera
là mardi matin.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, je ne peux laisser passer non
plus les commentaires du député de Portneuf. Je pense que je l'ai
laissé aller pendant longtemps sur sa tentative de démontrer que
s'il y avait des problèmes dans le secteur des relations du travail au
Québec c'était uniquement à cause des compressions
budgétaires. M. le Président, nous n'avons jamais nié que
nous avions demandé un effort de rationalisation dans le réseau
des services de santé au Québec comme dans les autres
réseaux pour des circonstances économiques et budgétaires
que le député connaît fort bien.
À partir de cas particuliers, d'essayer
d'en généraliser l'impact dans l'opinion publique en
laissant croire qu'il y a une détérioration massive de l'ensemble
des services de santé au Québec et, notamment, des centres
d'accueil, je pense que le pas est trop vite franchi. Je voudrais lui rappeler,
M. le Président... Je n'ai pas les chiffres avec moi; je suis convaincu
que M. Dallaire pourrait nous dire combien de places ont été
ouvertes dans les centres d'accueil depuis 1976. Mon collègue m'affirme
qu'il y en aurait près de 5000.
M. Laplante: 7000 places.
M. Clair: Près de 7000 places.
M. Laplante: II n'y en avait pas avant. Il n'y avait que des
hospices avant.
M. Clair: Environ 7000 places.
M. Pagé: Le monde a commencé à vivre depuis
que la PQ est arrivé.
M. Laplante: Oui, c'est un fait.
M. Clair: Non, mais je pense, M. le Président...
M. Pagé: On va finir la semaine avec un degré de
partisanerie. On serait mieux d'aller regarder la fin de la partie de hockey.
M. Clair: Non, mais, M. le Président, j'ai reconnu cette
semaine, dans mon discours d'ouverture, la contribution du gouvernement du
Parti libéral, à l'époque où il gouvernait, en
matière de développement des services de santé. Je pense
que ce n'est que justice que le député reconnaisse qu'en termes
de places dans les centres d'accueil et dans les familles d'accueil, de
ressources pour les personnes âgées en termes de services à
domicile, il y a eu un développement très important au cours de
dernières années, et je pense qu'il ne rend pas justice à
la réalité en parlant de situations particulières qui,
comme l'a indiqué le député de Bourassa, sont
corrigées au fur et à mesure où on les voit et où
on les découvre et qu'il a un peu exagéré et que si,
justement, on ne veut pas terminer la semaine sur une note partisane, il
devrait presque s'excuser d'avoir exagéré les faits ainsi et que
ce n'est pas correct. M. le Président, c'était le commentaire que
je voulais faire. On aura peut-être l'occasion d'y revenir la semaine
dernière.
M. Pagé: La semaine prochaine.
M. Clair: Mais s'il pense que le Parti libéral a le
monopole des choses correctes en matière de santé au
Québec, on pourra en parler à nouveau, mais j'avais cru que ce
n'était pas l'objet de la commission parlementaire.
M. le Président, je termine en remerciant le président de
l'Association des centres d'accueil du Québec, M. Dallaire, ainsi que
les personnes qui l'accompagnent d'être venus nous présenter leur
mémoire. Je pense que cela a contribué à enrichir les
parlementaires et sans doute la réflexion du député de
Portneuf.
Le Président (M. Lachance): À titre de
président, je voudrais remercier également les porte-parole de
l'Association des centres d'accueil du Québec pour leur contribution aux
travaux de la commission. J'ai remarqué que leur mémoire
était particulièrement bien fait dans sa présentation
ainsi que la clarté et la limpidité des propos qu'on y retrouve.
Merci pour votre contribution.
M. Dallaire: M. le Président, je vous remercie.
Peut-être que, du même coup, on aimerait ajouter une petite
virgule, si vous le permettez.
M. Pedneault: Sans allonger le débat, j'aimerais faire une
réflexion sur la fameuse question fondamentale qui a été
posée des deux côtés concernant le droit de grève.
Je pense que c'est la question qui, finalement, surprend le plus dans le
mémoire. La discussion à l'intérieur d'une association
comme la nôtre est très douloureuse, celle de faire un choix pour
savoir si, dans un mémoire, on doit se prononcer contre
définitivement ou si on doit aménager avec les formules
proposées. C'est évident qu'on pourrait facilement passer de
l'autre côté. Pour un radical comme moi qui est contre le droit de
grève depuis des années, je souscris quand même à la
position d'une association. Je vais essayer de dire pourquoi. C'est un peu de
l'évolution à rebours qu'on fait actuellement. Des membres comme
ceux des établissements de santé au Québec ont à
vivre avec les gens qui sont les syndiqués tous les jours. Je pense que,
dans le fond de leur esprit, ils gardent l'espoir que des solutions
intermédaires, progressives finiront peut-être par leur faire
comprendre qu'on est mieux de s'entendre que de se frapper sur la gueule. Je
crois que si on souscrit encore à la formule du compromis, celle de ne
pas enlever complètement le droit de grève, même si on est
rendu en 1985 avec les excès qui ont eu lieu durant les derniers vingt
ans, c'est la dernière chance que la société, son
gouvernement et ses organismes sociaux offrent aux forces syndicales afin
qu'elles ne puissent pas dire par la suite qu'on les a écrasées
ou qu'on leur a enlevé le droit de négocier. Qu'elles saisissent
une dernière chance de prouver qu'elles sont capables de s'entendre avec
le gouvernement
ou les organismes patronaux. Si elles ne courent pas celle-là, M.
le ministre, il n'y en aura pas d'autre, je ne le crois pas. La consolation
qu'on aura eu de ne pas être assez radicaux, si cela réussit, on
aura un consolation, on dira: On y est arrivé par la conviction. Sinon,
on aura été tout simplement trop mou. J'ai peur qu'on soit trop
mou, mais j'ai encore un espoir.
M. Clair: Merci.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Pedneault. Merci,
messieurs. Je voudrais, à ce moment-ci, informer officiellement les
membres de la commission que la commission de l'Assemblée nationale a
accepté, ce matin, d'entériner la motion qui avait
été adoptée plus tôt par la commission du budget et
de l'administration afin qu'une sous-commission se rende siéger à
Montréal afin d'entendre la Coalition pour les droits des malades dont
le porte-parole est M. Claude Brunet. La sous-commission du budget et de
l'administration se tiendra le 8 février prochain, à 14 h 30, et
l'endroit précis sera indiqué, à ce moment-là,
à un moment ou à un autre de nos travaux la semaine
prochaine.
Maintenant, j'ajourne les travaux de la commission du budget et de
l'administration à mardi prochain, 5 février, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 30) , i i