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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Thursday, January 31, 1985 - Vol. 28 N° 7

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic


Journal des débats

 

(Neuf heures Quarante minutes)

Le Président (M. Lachance): La commission du budget et de l'administration poursuit ses travaux avec le mandat de procéder à une consultation qénérale portant sur l'avant-projet de loi traitant du régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.

Pour la séance d'aujourd'hui, les membres de la commission sont: M. Leduc (Fabre), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Biais (Terrebonne), M. Pagé (Portneuf), M. Beaumier (Nicolet), M. Caron (Verdun), M. Gauthier (Roberval), M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Mme Juneau (Johnson), M. Lachance (Bellechasse), M. Laplante (Bourassa), M. Polak (Sainte-Anne), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grèce), M. Tremblay (Chambly) et M. Michel Clair (Drummond).

Nous entreprenons aujourd'hui la troisième journée des auditions publiques et les qroupes qui seront entendus aujourd'hui, dans l'ordre, sont; d'abord, le Conseil du patronat du Québec... Oui, M. le député de Vaudreuil-Soulanges?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Est-ce qu'on a pourvu au remplacement pour la séance d'aujourd'hui? Je n'ai pas entendu.

Le Président (M. Lachance): Quel nom vouliez-vous voir, M. le député de Vaudreuil-Soulanges?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Celui du député de Jean-Talon.

Le Président (M. Lachance): Celui du député de Jean-Talon à la place de...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanqes): Du député de Notre-Dame-de-Grâce.

Le Président (M. Lachance): Vous êtes d'accord?

M. Clair: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Alors, très bien, M. Rivest (Jean-Talon) à la place de M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

Je disais donc que nous entendrons, tour à tour, aujourd'hui, le Conseil du patronat du Québec, ensuite l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés du Québec; à 15 heures, la Confédération des syndicats nationaux et, finalement, de 20 heures à 22 heures, l'Association des centres d'accueil du Québec.

Je souhaite la bienvenue aux représentants du Conseil du patronat du Québec et je demande à son vice-président exécutif, M. Ghislain Dufour, de bien vouloir nous présenter les personnes oui l'accompaqnent aux fins de l'identification pour les échanges avec les parlementaires de chaque côté de la table et pour les fins du Journal des débats, en commençant, s'il vous plaît, par votre extrême gauche, même si c'est un terme oui, dans votre organisme, ne doit pas être entendu souvent.

Conseil du patronat du Québec

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, vous parlez de mon extrême gauche à moi, ou de la vôtre? Je vous présente donc M. Alexandre Beaulieu, président de Alexandre Beaulieu Inc. et membre du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre; M. Denis Beaureqard, directeur de la recherche au Conseil du patronat du Québec; à ma droite, M. André Trudel, vice-président exécutif du Centre des dirigeants d'entreprise; M. Sarto Paquin, directeur des relations du travail pour l'Association des manufacturiers canadiens, section du Québec; Ghislain Dufour, vice-président exécutif du Conseil du patronat.

Le Président (M. Lachance): Je vous remercie. Je vous demanderais, tel qu'il a déjà été convenu avec le secrétaire de la commission, de nous faire un exposé ne dépassant pas environ vingt minutes, pour nous permettre le plus grand nombre d'échanqes possible entre vous et les parlementaires qui désirent intervenir. Vous avez la parole, M. Dufour.

M. Dufour: Merci, M. le Président. On le fera dans environ vingt minutes, sous réserve que ça puisse être un peu plus long. Le document est quand même assez élaboré. Je ne voudrais pas vous priver de nos sages recommandations non plus.

D'abord, nous signalons notre réaction de plaisir, par rapport au dépôt de l'avant-projet de loi. Nous avons deux raisons fondamentales pour saluer avec plaisir le

dépôt de l'avant-projet. D'une part, ça nous apparaît répondre, en grande partie, aux préoccupations de la population.

Nous avons produit, en annexe à notre mémoire, un certain nombre de sondaqes CROP faits depuis un certain nombre d'années et qui démontrent très clairement que, dans certains secteurs - c'est le cas des services de santé - la population demande un retrait du droit de grève à 89%. Dans l'éducation, ça va dans les 85% ou 86% et, de façon générale, la population demande le retrait du droit de qrève dans un certain nombre de secteurs public et parapubiic à 80%.

Deuxième raison de recevoir l'avant-projet de loi avec plaisir, c'est que, nous le disions, nous, déjà, mais on nous le confirme par le secrétariat du comité des priorités, notre régime de relations du travail dans les secteurs public et parapubiic au Québec est probablement le plus qénéreux au monde.

Il est résumé, dans ce document que le gouvernement a produit, à peu près ce oui suit: Notre régime de relations du travail, depuis 1964, a retenu pour les centrales syndicales et les travailleurs à peu près ce qu'il y a de plus généreux dans tous les pays du monde, incluant, bien sûr, les provinces canadiennes et il a, inversement, retenu à peu près toutes les contraintes patronales qu'on retrouve aussi dans ces différents pays.

Or, tous les avantaqes étant d'un bord, bien sûr, ça devient difficile, en. termes d'équilibre, d'avoir, disent les auteurs, des relations du travail qui ne déqénéreront pas automatiquement en des conflits.

Pour nous, donc, il y a lieu, M. le Président, d'être d'accord avec la démarche - pas nécessairement l'ensemble du contenu, mais la démarche - qu'entreprend le gouvernement, démarche qui, rappelons-le, n'en est cependant toujours qu'à l'étape d'un avant-projet de loi.

Nous, on ne se surprend pas que les syndicats s'opposent à votre démarche et que, du même souffle, ils se déclarent satisfaits du réqime actuel, compte tenu de ce que l'on vient de dire à partir du rapport du comité des priorités. C'est bien évident qu'ils ne peuvent pas être tout à fait d'accord avec les changements que vous proposez. La seule chose qu'on voudrait vous demander, c'est de continuer quand même cette démarche, nonobstant les oppositions qui peuvent vous être adressées.

Nous voudrions, avant de faire nos commentaires sur le projet de loi lui-même, vous siqnaler tout l'intérêt du secteur privé pour un dossier comme celui-là. Les gens, dans le secteur privé, sont d'abord et avant tout des citoyens qui ont besoin de services de santé, de services d'éducation, de services d'électricité comme tous les autres citoyens. En plus, bien sûr, ils sont des citoyens corporatifs qui doivent générer l'économie de cette province. C'est impossible d'exploiter des entreprises lorsqu'il y a un manque d'électricité, aucun transport, aucun col bleu qui ne peut être à l'ouvrage lors d'une tempête l'hiver, par exemple. Tous ces services sont essentiels pour l'entreprise comme citoyens corporatifs.

Nous ferons notre commentaire de la façon suivante: d'une part, le contenu de l'avant-projet. Nous retiendrons, essentiellement, quatre volets de l'avant-projet dont le retrait du droit de grève sur la rémunération. Nous aurons des commentaires sur l'institut de recherche. Nous parlerons du Conseil des services essentiels et nous aborderons rapidement la décentralisation.

Nous avons un deuxième volet que nous appellerons les "oublis" du projet de loi. Nous irons jusqu'à affirmer que le projet de loi ne va pas assez loin et nous regarderons des questions comme la démocratie syndicale, les pénalités, le piquetaqe. Nous vous faisons une proposition; le ministre responsable est à la recherche de mécanismes nouveaux dans le domaine des négociations. Nous lui suqqérerons la création d'un conseil provincial d'arbitrage.

Le contenu, d'abord, de l'avant-projet. Évidemment, c'est d'abord la rémunération oui attire notre attention puisaue la caractéristique majeure de l'avant-projet est de soustraire du droit à la qrève et au lock-out les Questions relatives à la rémunération. Celles-ci seraient, selon notre compréhension, et on pense Qu'elle est tout à fait juste, toujours néqociables, mais la décision finale appartiendrait dorénavant au qouvernement qui fixerait par règlement la rémunération des travailleurs de l'État pour une année en cours.

Compte tenu de ce Que nous avons dit, nous, depuis probablement 1969, quant à la négociation de la masse salariale qui, pour nous, ne doit pas être néqociable, Qu'il n'appartient pas aux travailleurs de l'État de décider du quantum de cette masse salariale, c'est évident qu'on ne peut qu'être d'accord avec l'essentiel de la proposition. Et nous donnons dans notre mémoire toute une série de raisons à l'appui de la position qu'exprime l'avant-projet et nous siqnalons, notamment, le fait que, dans le secteur public, on se situe presque toujours dans des situations de monopole, ce qui donne aux travailleurs de l'État des pouvoirs de négociation énormes qu'ils n'ont qénéralement pas dans le secteur privé. Et ce pouvoir de négociation énorme a fait Que, dans le passé, ils ont pu se donner des conditions de travail au sens des salaires et des avantaqes sociaux qui ont dépassé souvent ceux Qui prévalaient et oui prévalent souvent dans le secteur privé, chose ou état de fait que le gouvernement a tenté de chanqer lors de la dernière négociation, mais les parités ne sont toujours pas établies.

On a pu constater aussi que le fait de permettre ce pouvoir de négociation des centrales sur la masse monétaire a conduit a des qrèves oui, autrement, quant à nous, n'auraient pas eu lieu et cela nous apparaît donc une orientation tout à fait valable.

Ceci étant, cependant, cela obliqe le gouvernement à se donner une politique salariale qui va être une politique salariale cohérente. Vous n'exprimez pas tellement, dans l'avant-projet, vos orientations quant à une politique salariale cohérente. Nous voudrions, quant à nous, vous faire là-dessus six remarques que l'on trouve dans notre mémoire. Vous l'avez déjà exprimé, vous ne l'exprimez pas clairement dans l'avant-projet. Il faut, de façon automatique, un aliqnement sur le secteur privé.

Deuxièmement, même s'il y a un alignement sur le secteur privé, on dit: Mais pas n'importe quel aliqnement. On donne l'exemple de la construction. On sait très bien que, dans le secteur privé, les métiers de la construction peuvent avoir un salaire élevé parce qu'ils vont travailler seulement six mois, sept mois. Si on transpose le même salaire horaire sur une base annuelle dans la fonction publique et parapublique, dans les hôpitaux, dans les cégeps, cela n'aura pas d'allure. Il faut tenir compte, en termes de comparaison, non pas nécessairement du salaire horaire, mais aussi du salaire normal qaqné par un travailleur dans le secteur privé compte tenu des difficultés saisonnières qui peuvent se présenter.

Troisième recommandation que nous vous faisons. Contrairement à certaines demandes syndicales qui vous sont faites parfois, c'est de reconnaître la spécialisation dans une politique de rémunération. Certains syndicats ont une tendance à vouloir éqaliser les salaires; nous, nous considérons qu'il faut récompenser la compétence, récompenser la spécialité et, à ce moment, l'élément moteur productif d'une politique salariale, cela nous apparaît essentiel.

M. le Président, une remarque sur une politique salariale, on l'a dit tout à l'heure, c'est de ne pas jouer un rôle de leader au niveau des conditions du travail. Le gouvernement l'a déjà affirmé, on ne le ressent pas encore assez dans l'avant-projet de loi, cette disposition devrait être davantage resserrée.

Deux dernières considérations sur la question salariale. Il y a souvent, avec nos syndicats des secteurs public et parapublic, une demande de réqler des problèmes sociaux à l'occasion d'une négociation et non pas nécessairement des problèmes économiques. On s'explique de la façon suivante. Souvent on nous dit: II faut absolument payer tel travailleur tel salaire parce qu'il a trois enfants. Cela nous apparaît une politique sociale oui n'a rien à voir avec une négociation dans les secteurs public et parapublic oui doit carrément s'appuyer sur la réalité économique d'une fonction.

Finalement, le problème des avantaqes sociaux, le problème des avantaqes normatifs où le qouvernernent a souvent donné des tendances oui ne pourraient pas se retrouver dans le secteur privé, sinon on ferait faillite. Et je donne un exemple: Lorsque le gouvernement - je ne sais pas lequel d'ailleurs - a accepté que tous les qriefs soumis à l'arbitrage dans le domaine hospitalier soient de responsabilité financière totale par le gouvernement, auant à nous, cela a été une erreur. Parce que c'est beaucoup trop facile, tout le monde va faire des qriefs et il n'y a pas de facture au bout. On a accumulé avec cela toute une série de griefs. C'est une situation qui ne nous apparaît pas acceptable dans le secteur privé. On pourrait donner toute une série d'exemples comme ceux-là, notamment dans une négociation où on a décidé de faire primer l'ancienneté sur le critère de la compétence. On a, à ce moment, établi tout un "pattern" de négociation dans les secteurs public et parapublic. Donc, des éléments de politique salariale oui ne sont peut-être pas assez évidents dans l'avant-projet.

C'est, par ailleurs, sur ce volet très particulier que réaqissent les syndicats en disant que c'est un retrait de leur droit à la négociation, c'est un projet antisyndical, c'est un déni à la négociation. Nous disons non - on y reviendra un peu plus tard - pour une raison pure et simple. Jamais il n'est venu à l'idée des centrales syndicales de dire qu'au Québec les policiers n'avaient pas droit à la négociation, que les pompiers, les policiers et la Sûreté du Québec n'avaient pas droit à la négociation. Ils ont tous droit à la négociation. Ce Qui a été prévu dans leur régime, c'est un mode de règlement des conflits si on ne réussissait pas à s'entendre au moment de la négociation, mais cela ne brime d'aucune façon le droit à la négociation, d'autant plus que, dans ce cas très précis, pendant trois ou Quatre mois, les centrales pourront négocier carrément les salaires avec le gouvernement. Je compte sur elles pour pouvoir mobiliser la population, à ce moment-là, si vraiment les propositions gouvernementales n'étaient pas valables et si elles pouvaient faire accepter cela à la population.

Passons maintenant à l'institut de recherche. On ne fera pas une lonque dissertation là-dessus. Nous sommes d'accord avec la création d'un institut de recherche. On a un certain nombre de suggestions à vous faire, mais, dans sa forme actuelle, quitte à ce que certaines modifications soient faites, on est généralement d'accord avec la création de l'institut. On veut bien s'assurer qu'il sera indépendant du pouvoir politique. Tous les partis politiques ont intérêt à ce que ce soit ainsi. On trouve que

vous ne donnez probablement pas assez de place au secteur privé là-dedans. Vous allez surtout du côté des partenaires patronaux des secteurs public et parapublic. Nous pensons que vous devriez aller chercher aussi des gens du secteur privé. Il faudrait peut-être en revoir la composition.

Finalement, il faudrait immédiatement donner à cet institut de recherche un mandat qui serait celui de la comparaison non seulement des salaires, mais également des postes avec les autres fonctions publiques, parce qu'on constate qu'au Québec ce ne sont pas nécessairement des différences de salaires très élevées, ce sont des différenciations dans les postes. Si on oublie les secteurs des affaires sociales et de l'éducation - je veux bien qu'on les oublie -et qu'on reqarde simplement les ministères, les commissions et les régies, il y a, au Québec, à peu près 14 employés par 1000 de population alors qu'il y en a 11, 5 ou à peu près en Ontario. Donc, il y a, en plus des salaires, carrément des problèmes de postes. M. Clair, vous êtes bien sensibilisé à ce dossier. Mais on ne retrouve pas ce mandat dans le rôle de l'institut de recherche. Selon nous, ce serait essentiel d'aller purement au-delà des comparaisons salariales et des avantaqes sociaux.

Votre troisième volet, M. le Président, c'est le Conseil des services essentiels. Il existe déjà. Nous étions d'accord avec sa mise sur pied lors de la dernière législation. Cette fois, on lui donne des pouvoirs qu'on aurait dû lui donner déjà, selon nous, il y a trois ou quatre ans. C'est sûr qu'on ne peut qu'être d'accord avec les pouvoirs additionnels qui sont donnés au Conseil des services essentiels.

Ce que l'on voudrait, cependant, c'est que vous considériez d'étendre le mandat de ce conseil à d'autres secteurs que ceux qui sont actuellement visés. Les services essentiels n'existent pas que dans les secteurs de la santé, de l'éducation ou dans le fonctionnarisme. Cela existe aussi dans certains organismes parapublics, cela existe pour le gaz par exemple. Or, le gaz n'est d'aucune façon couvert par ce projet de loi. Il y a des services dans le secteur privé qui sont essentiels. Comment tout cela va-t-il se structurer? On vous donne l'exemple suivant: Vous pourrez avoir les plus beaux mécanismes pour ouvrir vos hôpitaux, mais, s'il y a une grève des cols bleus et que les chemins ne sont pas ouverts l'hiver, vous ne pouvez pas vous rendre à la salle d'urgence. Comment réglez-vous le problème des cols bleus qui n'est pas du tout abordé ici parce qu'il a été référé à la commission Beaudry? Vous vous rappelez que nous n'étions pas d'accord de faire ce "split" entre justement le secteur privé et le secteur public parce que, dans le domaine des services essentiels, dans certains cas, cela devient absolument inséparable, les responsabilités des deux secteurs.

La décentralisation: Encore là, nous exprimons un accord sur la décentralisation. Nous avons appris que vous avez déposé hier les objets oui seraient négociables au niveau régional et au niveau local. Nous en avons pris connaissance par les journaux ce matin et nous ne pourrions pas vous faire de commentaires précis sur les 34 articles ou objets de négociation dans le secteur hospitalier, je pense. On va vous donner juste un jugement global. Nous sommes d'accord avec cela et surtout nous sommes d'accord, probablement avec d'autres qroupes aussi -mais je sais qu'il y a des groupes oui s'y opposent - avec la décision gouvernementale exprimée dans l'avant-projet de ne pas permettre le droit de grève sur les matières négociées à l'échelle locale ou régionale. Autrement, pour nous, ce serait le chaos qui nous conduirait à des situations probablement pires que celles que nous connaissons aujourd'hui et on parle ici spécifiquement des services de santé. Il y a beaucoup de choses qui sont transférées en négociables, et tout le monde le veut, aux niveaux local et régional, mais, si l'on permet le droit de grève là-dessus, cela va être bien pire Qu'aujourd'hui, il y aura des grèves un peu partout. Quant à nous, l'orientation gouvernementale là-dessus est tout à fait saine en termes de dispensation de services publics à une population. (10 heures)

C'était le projet de loi et nous allons passer rapidement au deuxième volet de notre mémoire oui s'intitule "Les oublis de l'avant-projet de loi". Ce que l'on dit, c'est qu'on considère Que le projet de loi ne va pas assez loin. En fait, ce Que fait le projet de loi, c'est de soustraire du champ de la négociation qui donne ouverture au droit de grève un seul et unique élément, celui de la rémunération dans les affaires sociales, dans l'éducation et dans la fonction publique, mais même pas dans les organismes gouvernementaux; ce qui veut dire clairement, quant à nous, contrairement à ce oui est dit et véhiculé actuellement, que la qrève demeure autorisée pour tous les autres objets de négociation dans les affaires sociales, l'éducation et la fonction publique. Il n'est pas nécessaire d'être un qrand spécialiste de relations du travail pour imaginer facilement que certains objets de négociation pourront alors prendre - et rapidement - une grande importance avec comme résultante possible toujours la même fichue qrève générale et illimitée tant dans les hôpitaux Qu'ailleurs. Dans le cas des organismes gouvernementaux - et je pense à Hydro-Québec, par exemple - la rémunération n'est même pas soustraite du champ de la négociation Qui donne ouverture à la grève. La grève, dans le cas de l'électricité, restera

strictement possible comme aujourd'hui.

En d'autres mots, le gouvernement n'a pas choisi d'agir en identifiant des activités ou des secteurs où il considère que le droit de la grève devrait être supprimé. Il a mis tous les secteurs sur le même pied et il a retiré le droit de faire la grève sur une seule et unique question. Pour nous, bien sûr, cela ne va pas assez loin et je vous dis pourquoi cela ne va pas assez loin. Nous soutenons, depuis deux ans, qu'on doit supprimer le droit de grève dans quatre secteurs de façon automatique, comme préalable: les services de santé dans leur totalité, la distribution de l'électricité, la distribution du gaz et l'alimentation en eau potable. Nous, on croit qu'il n'y a pas une société civilisée qui peut permettre le droit de grève là-dessus. Cela devrait être, de la part de l'État, une affirmation claire qu'il n'y a pas de droit de grève là-dessus. Ce ne sont pas les seuls services essentiels dans une société - il y en a d'autres - sauf qu'on ne pense pas, contrairement à d'autres qroupes, qu'on devrait interdire de faire la grève a priori là-dessus et on peut confier à votre nouveau Conseil des services essentiels, oui a maintenant des pouvoirs, le soin de regarder quand, dans l'éducation, cela devient essentiel, quand on risque de perdre une année; quand, dans le domaine du transport à Montréal, cela devient essentiel, des situations ad hoc. Je pense que, là-dessus, nous, on ne peut pas dire que le droit de grève comme retrait est une condition. On pourrait vous parler - on en parle souvent -d'organismes comme la Société des alcools qui est du secteur public. On ne peut pas mettre cela sur le même pied que les hôpitaux. Il faut faire un certain nombre de distinctions et on compte beaucoup sur le Conseil des services essentiels, justement, pour faire ce genre de distinctions.

Les autres oublis qu'on vous siqnale très rapidement, il y en a quatre. D'abord, la démocratie syndicale. On y revient. Vous avez, en annexe à notre mémoire, un très beau sondage qui exprime le point de vue de travailleurs syndiqués par rapport au phénomène de la démocratie syndicale et nous, on a l'impression que vous pourriez aller au niveau de cette loi ou du Code du travail beaucoup plus loin dans ce problème-là.

Les pénalités, on vous suggère de ne jamais mettre dans une loi des pénalités qui envoient les gens en prison. Ce n'est pas une façon, quant à nous, de régler les problèmes dans le domaine des relations du travail. Nous vous suqqérons plutôt des choses tout à fait faciles à faire, comme la retenue syndicale. Vous l'avez déjà fait, d'ailleurs, dans un cas à Trois-Rivières, trois mois de pénalité. Trois mois, six mois, neuf mois, à chaque demi-journée ou journée, à ce moment-là, la pénalité est beaucoup plus lourde que des sanctions qui, de toute façon, dans le cadre du système judiciaire traditionnel, se prennent beaucoup trop longtemps après la commission des faits. Nous allons même jusqu'à dire que, si le gouvernement n'a pas le choix et doit affronter un syndicat qui lui tient tête, cela peut aller - vous en avez le pouvoir -jusqu'à la désaccréditation.

Le piquetage. Il n'y a rien dans nos lois du travail au Québec, contrairement aux autres lois, qui régit de quelque façon le piquetage. Je sais que je ne me fais pas nécessairement des amis dans le secteur privé quand je dis qu'on peut accepter une certaine forme de piquetage devant une entreprise de crayons; ce n'est pas tout le monde oui est d'accord avec cela, mais au moins on peut l'accepter. Mais des lignes de piquetaqe serrées devant une salle d'urgence, cela n'est pas acceptable. On l'a vu carrément dans bon nombre de conflits de travail au Québec. On l'a vu dans le cas des enseignants, parce qu'il y avait des enseignants qui voulaient entrer. Cela est une situation qui nous apparaît tout à fait inacceptable. Et si on ne va pas jusqu'à réglementer le piquetage dans le secteur privé, on devrait au moins le réglementer dans les secteurs public et parapublic.

Finalement, nous sommes d'accord avec tous les intervenants - je pense que, là-dessus, il y a consensus patronal-syndical au Québec - pour dire Que le système actuel d'arbitrage n'a pas donné les résultats qu'il aurait dû donner. Voilà pourquoi, en fait, personne ne veut y aller, ni du côté gouvernemental, ni du côté des hôpitaux, ni du côté des syndicats.

Par ailleurs, il reste qu'on a un problème qui est majeur. On ne peut pas continuer de perpétuer le qenre de situation qu'on connaît avec la Sûreté du Québec, actuellement. On ne peut pas continuer le genre de situation qu'on connaît avec les policiers ou les pompiers, où chaque ville s'assujettit à un arbitrage, cela devient facilement de la surenchère. Il faut, quant à nous, essayer de structurer davantaqe l'arbitrage parce que, qu'on le veuille ou non, il est déjà prévu dans nos statuts pour les pompiers et les policiers de la Sûreté du Québec. Si on enlève le droit de qrève aux qroupes dont on vient de parler, il va falloir se trouver des moyens pour régler leurs problèmes.

On se donne quoi? C'est notre suggestion d'un conseil provincial d'arbitrage qui éviterait, quant à nous, les problèmes actuels, dans le sens Que là, vous auriez un organisme oui est provincial, oui est permanent, oui peut s'adjoindre des ressources. S'il s'agit de problèmes de municipalités, il ira à la Commission des affaires municipales se chercher des ressources. S'il s'agit de problèmes

hospitaliers, il ira au ministère des Affaires sociales, il ira se chercher des ressources. Il ne bâtira pas une superstructure, un monstre, mais il est capable, en termes de ressources, de gérer à peu près toutes les difficultés qui pourraient se présenter. Et on croit - un peu comme cela a été le cas au fédéral à un certain moment - que cette réorientation, en structurant l'arbitrage au plan provincial, redonnerait à ce mécanisme un peu de crédibilité. En tout cas, on devrait l'essayer, on ne perd rien à le mettre sur pied; la situation actuelle est tout à fait inacceptable.

On comprend, par ailleurs, votre plainte, qui est à l'effet de dire: C'est moi qui suis responsable et je veux soustraire la masse salariale de la négociation, je confie cela à un arbitre. Alors, vous avez, en page 22, un petit paragraphe que je vous lis et qui m'apparatt essentiel dans ce débat: L'État peut en effet difficilement se soumettre à l'arbitrage traditionnel pour trancher un conflit avec ses employés. C'est probablement ce qu'on vient de vivre avec la Sûreté du Québec, avec tout ce que l'on connaît comme conséquences. Il peut difficilement déléquer à un tiers, sans lui donner des paramètres précis, la responsabilité d'affecter des fonds publics importants à la rémunération des travailleurs de l'État. Mais si l'on donne ces paramètres, dont l'un pourrait être que les décisions des arbitres ne pourraient jamais instituer des conditions de travail supérieures à la moyenne comparable dans le secteur privé, on pense que c'est un système oui pourrait fonctionner.

M. le Président, en trois ou quatre capsules, nous sommes d'accord avec l'avant-projet, quant aux quatre volets que vous nous proposez. On vous fait certaines propositions pour les bonifier. Par ailleurs, déception: Le projet est timide, il enlève un seul point du néqociable qui donne droit à la grève. On fera la grève sur les autres choses et, à ce moment-là, il semble, à moins qu'on ne fasse un acte de foi incroyable, qu'on va se retrouver à peu près dans la même situation qu'aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Johnson, Vaudreuil- Soulanges): Je vous remercie de votre présentation, M. Dufour. Vous avez presque réussi le tour de force de résumer votre mémoire en 20 minutes, c'est très difficile à faire. Je passerais maintenant la parole a M. le ministre.

M. Clair: Merci, M. le Président. Mes premiers mots seront pour remercier le Conseil du patronat du Québec de s'être penché sur cette question de la réforme du réqime de négociation, d'avoir pris connaissance de l'avant-projet de loi et de venir aujourd'hui, en commission parlementaire, nous faire part de sa position, de certains commentaires d'amélioration possible, de son point de vue et de certains oublis quant à une autre partie du mémoire du Conseil du patronat du Québec.

Le premier thème que je voudrais aborder est la question de la politique salariale du qouvernement. La position du Conseil du patronat dans son mémoire indique que la politique de rémunération du qouvernement ne serait pas suffisamment explicite dans l'avant-projet de loi et que les bases sur lesquelles les comparaisons seraient ainsi menées seraient imprécises.

Je voudrais, dans un premier temps, lire l'article 63 parce que c'est à cet article qu'on retrouve la définition des fonctions de l'Institut de recherche sur la rémunération et éqalement ce oui sous-tend le mandat, les fonctions de l'Institut de recherche sur la rémunération, l'orientation du gouvernement en matière salariale, en matière de politique de rémunération. On lit ceci: "L'institut a pour fonction d'informer le public de l'état et de l'évolution comparés de la rémunération globale des salariés du gouvernement, des commissions scolaires, des collèges et des établissements visés dans la partie I, d'une part, et de la rémunération globale des autres salariés québécois de toute catégorie qu'il détermine, d'autre part. " On voit, à l'article 64, que l'institut peut faire effectuer des études ou des recherches et qu'il peut déborder ce mandat en termes de mandat d'étude et de recherche.

D'abord, quant à la façon de faire des comparaisons et quant à la façon d'encadrer le mandat de l'Institut de recherche sur la rémunération à partir de la politique salariale du qouvernement, la façon dont nous avons voulu donner un mandat à l'institut de recherche a été de l'asseoir uniquement sur une position qénérale de comparabilité qlobale de l'évolution et des niveaux de la rémunération qlobale du secteur public et du secteur privé.

J'aimerais savoir si, du côté du Conseil du patronat, vous avez travaillé à définir un indice composé sur la base duquel on pourrait asseoir de manière plus détaillée la politique de rémunération du qouvernement et ce qu'il est. Est-ce qu'il n'y aurait pas un inconvénient, si on commence à attribuer de l'importance à certains paramètres - par exemple, la croissance de l'inflation, la croissance du produit intérieur brut - à essayer d'en venir à définir une politique tellement restrictive qu'à toutes fins utiles le mandat de faire différentes comparaisons quant à l'institut de recherche serait pratiquement inopérant? Cet institut ne serait qu'un institut de constatation de la position que prendrait le Conseil du trésor sur tel ou tel facteur et n'aurait pas de mandat d'initiative un peu plus large.

Est-ce que vous avez travaillé à la

définition d'un tel indice? Si oui, n'y a-t-il pas des inconvénients à rétrécir comme cela, à baliser de manière tellement détaillée la politique salariale du gouvernement que, finalement, il n'y a plus de souplesse pour personne à l'intérieur de cela et que l'institut de recherche ne servirait que de "rubber stamp" - passez-moi l'expression - ou de contradicteur des constatations oui seraient faites par le Conseil du trésor?

Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-Soulanges): M. Dufour.

M. Dufour: La réponse à votre question est non. On ne sait même pas si l'institut existera un jour, on ne s'attardera à lui proposer un indice composé. Ce que nous regardons, nous, c'est la proposition de façon globale. Ce que vous lisez à l'article 63 établit un mandat très qénéral, comme vous le dites d'ailleurs, mais cela ne donne pas les paramètres d'une politique salariale. C'est pour cela que nous vous amenons beaucoup plus loin, nous, dans la préparation d'une politique salariale. Le mémoire fait trois pages là-dessus.

Ce que nous pensons que vous voulez faire avec cet institut, c'est un peu ce que vous faites déjà d'ailleurs au Conseil du trésor, avec votre bureau de rémunération. Il est là, il existe. Comme État-employeur, vous vous êtes donné cet outil sauf que là, vous voulez associer les syndicats à cela de façon que les chiffres ne soient pas contestés de façon automatique dès que vous les déposez sur la table. Vous associez les parties à la démarche qui existe déjà au niveau du Conseil du trésor. (10 h 15)

Si vous me posez la question sur ce qui s'est passé ou sur ce qui existe actuellement, oui, on a eu à y participer. Je ne vous amènerai pas dans vos problèmes de quartile parce qu'on va tomber vraiment dans la technique à savoir comment tu compares la bonne moyenne de l'entreprise privée, par exemple, par rapport à ce qui doit se payer dans les secteurs public et parapublic, surtout lorsque les emplois sont non comparables. On voit bien que des secrétaires et des infirmières dans le secteur privé, il y en a très peu. Tous ces outils existent déjà au niveau technique avec le bureau - je ne sais pas si on se comprend bien - qu'avait mis sur pied M. Gauthier, l'ex-président de l'INP. On voit que c'est un peu un prolongement de ça.

Est-ce qu'on a fait un travail technique à ce moment-ci et des propositions pour savoir comment devrait fonctionner l'institut? On a dit tout à l'heure qu'on voudrait bien que le secteur privé y soit. S'il y était, comptez sur nous, il y aura des spécialistes de la rémunération oui se joindront à ce moment-là à ce groupe de travail. Je ne sais • pas si les collèques veulent ajouter quelque chose là-dessus? Denis?

M. Beauregard (Denis): Oui. M. le Président, bien sûr, un tel institut - on l'appelle parfois différemment - existe dans d'autres pays. Je pense aux États-Unis, par exemple, où un institut est chargé de conseiller le président de qui relève la décision politique d'accorder un niveau de rémunération à la fonction publique qui relève, bien sûr, du fédéral.

Il y a deux choses là-dedans. L'institut, je ne pense pas qu'on puisse un jour l'amener à développer une formule mathématique suffisamment précise pour que le débat politique autour de la politique salariale du gouvernement soit complètement évacué du champ.

M. Clair: C'est important parce que tantôt, dans la présentation faite par M. Dufour, il a parlé d'un alignement automatique au marché. Est-ce qu'un alignement automatique au marché, c'est en termes de politique générale, mais non pas entrevoir le rôle de l'Institut de recherche sur la rémunération comme amenant des conclusions oui sont automatiques, ne laissant plus aucun champ à la négociation? Mais si l'institut dit: C'est 4, 3%, là c'est 3, 8% et c'est 6, 4%...

M. Beaureqard: Non, non, ce n'est pas ça.

M. Dufour: Juste avant que Denis continue... Si j'ai dit "alignement automatique", c'est automatique au sens général du terme, parce que j'ai ajouté que vous aurez, à tous les ans, trois mois de négociation. J'ai même dit: Comptez sur les centrales pour faire cette négociation sur la place publique dans le fond, comme elles la font lors de qrandes négociations.

On a toujours pris une position - elle est claire dans le mémoire - c'est qu'une fois que vous avez décidé de la masse, tout devient négociable après en termes de distribution. L'institut, ce n'est pas la partie qui négocie et ce n'est pas la partie oui a le pouvoir décisionnel. L'institut va faire des recommandations aux parties et, autour de ça, se feront des négociations. Sinon on ne donnerait pas notre appui aux trois mois de négociation oui nous conduisent jusqu'au décret gouvernemental.

M. Clair: Je m'excuse, j'avais interrompu M. Beauregard.

M. Dufour: Non, allez!

M. Beauregard: En fait, c'est tout à fait ce que M. Dufour vient de dire. Il y a deux niveaux de travail. Le niveau qui

appartient à l'institut en est un d'éclairaqe. L'institut se donne, dans toute la crédibilité possible, les moyens d'éclairer le pouvoir politique qui aura tantôt une décision à prendre, mais, comme c'est le cas dans d'autres pays, après avoir passé par une phase de négociation. C'est dans ce sens-là qu'on dit que ce n'est pas vrai que les centrales syndicales perdent leur pouvoir de négociation sur les salaires. Elles ne le perdent pas. La négociation se fait quand même, mais avec, en toile de fond, les travaux de cet institut qui essaient le plus précisément possible de tracer un portrait de la situation salariale au Québec et ailleurs aussi, pour fins de comparaison. Mais la décision politique ne pourra jamais, je pense, appartenir à l'institut. Je ne crois pas qu'un gouvernement puisse croire qu'il va pouvoir évacuer le débat politique parce que l'institut aura statué, quelle que soit la crédibilité d'un tel institut. Cela appartient au pouvoir politique après une phase de négociation.

M. Clair: Je voudrais maintenant, concernant toujours l'Institut de recherche sur la rémunération, que vous explicitiez davantage les mandats additionnels sur les postes que vous voudriez voir confiés à l'Institut de recherche sur la rémunération. Je ne suis pas certain d'avoir bien compris l'orientation du mémoire là-dessus parce que nous n'avons pas voulu confier la politique salariale... La politique de rémunération du gouvernement du Québec n'est pas essentiellement basée sur une comparaison en termes d'évolution de la rémunération, le secteur public québécois, par exemple, par rapport au secteur public aux États-Unis, en Europe ou ailleurs au Canada. Il nous apparaît que c'est une approche qui risque d'être piégée, tant pour le gouvernement que pour les salariés du secteur public, parce qu'il faudrait trouver une économie, si c'est possible d'en trouver une, qui soit exactement comparable, parfaitement comparable à la nôtre. Il y a des économies qui sont plus fortes, d'autres qui sont plus faibles, des niveaux de chômaqe oui varient, donc des situations économiques très différentes. Vous semblez, quant à la possibilité de confier le mandat à l'Institut de recherche sur la rémunération, comparer le nombre de postes dans la fonction publique, par exemple, dans le secteur public au Québec, par rapport à d'autres sociétés. Là-dessus, la question que je me pose et que je vous pose, c'est la suivante: Si je comprends cette orientation, est-ce que ce ne serait pas confier une responsabilité politique, jusqu'à un certain point, à l'Institut de recherche sur la rémunération? Il me semble qu'il appartient au qouvernement du Québec et à l'Assemblée nationale de déterminer si on a plus ou moins de services publics dans la société Québécoise par rapport à la société ontarienne, albertaine ou autre, et ce que l'institut de recherche pourrait venir dire sur ces Questions, c'est de constater ce qu'on sait déjà, qu'il existe, par exemple, une Radio-Québec au Québec et qu'il n'en existe pas à Terre-Neuve. C'est toute une série de constatations Que les hommes et les femmes politiques ont déjà faites, mais sur la base desquelles ils ont fait des choix. J'aimerais que vous en parliez.

M. Dufour: C'est le paragraphe de la paqe 10, bien s'assurer que, si les comparaisons salariales avec le secteur privé sont importantes, les comparaisons de postes avec les fonctions publiques d'ailleurs le sont également. Ce n'est pas la première fois qu'on aborde ce dossier. On l'avait abordé au moment des coupures dans le secteur des affaires sociales et dans le secteur de l'éducation, il y a deux ans. Nous avions été, à ce moment-là, nous aussi, observateurs de ce dossier et on a beaucoup entendu le qouvernement utiliser la comparaison des profs et du nombre d'infirmières dans les hôpitaux avec l'Ontario, notamment. On ne peut pas s'isoler comme société. Il faut se comparer à d'autres, à un moment donné. On a déjà fait cette proposition à l'INP, l'Institut national de productivité. Il faut trouver un forum où on peut comparer la productivité du secteur public par rapport à la productivité d'autres secteurs publics comparables. On a dit que ce n'est pas votre coupure de salaire de 20%, à un moment donné, oui a réglé le problème des dépenses gouvernementales au Québec. Cela peut le faire un petit bout de temps, mais, dès Qu'on remonte, on revient à peu près à la situation actuelle, à la situation de dépenses qlobales. Là où il faut agir, c'est dans les postes. Ce n'est pas en coupant 1500 $ ou 2000 $ qu'on règle un problème. C'est en coupant le poste de 40 000 $, s'il y a lieu de le couper. Vous l'avez déjà fait dans le secteur des affaires sociales et de l'éducation et on pense que Ies coupures sont allées au bout dans ce domaine-là, sauf qu'on n'est pas sûr dans les ministères, on n'est pas sûr dans les commissions et on n'est pas sûr dans les régies. C'est bien sûr qu'il y a des spécificités Québécoises. L'Office de la lanque française en est une. Nos centres de main-d'oeuvre en sont. Il y en a des spécificités Québécoises. Mais est-ce que cela justifie qu'on ait deux fonctionnaires de plus par 1000 de population qu'en Ontario? Nous, on ne le pense pas. En tout cas, on voudrait bien que vous regardiez cela. Peut-être que ce n'est pas le forum, mais vous n'en suggérez pas d'autres. Or, dans la néqociation, les travailleurs sont aussi, je pense, plus intéressés à ce moment-ci par les postes qu'ils sont intéressés par les salaires.

Le débat, quand il y a une manchette de journal sur une qrève, ce n'est pas sur les salaires, c'est sur les coupures de postes. C'est pour cela qu'on voit ça là, et essayer peut-être de dépolitiser. Cela peut se faire factuellement. Combien de fonctionnaires y a-t-il au ministère? Ne parlons pas d'hôpitaux. Combien de fonctionnaires y a-t-il au ministère des Transports à Toronto pour émettre tant de permis de conduire par rapport au Québec? Combien de gens sont affectés à l'impôt au ministère du Revenu de l'Ontario? C'est le sens de notre proposition.

M. Clair: Donc, davantaqe en termes de productivité Qu'en termes de choix. Pour rendre une même quantité de services, combien faut-il de personnes, de ressources humaines et financières au Québec, par rapport à d'autres endroits?

M. Dufour: Non. Le choix politique, c'est vous autres qui allez le faire, mais on pourra dire, en termes d'information à la population, qu'au Québec, produire un permis d'automobile, cela demande tant d'heures par rapport à l'Ontario qui demande tant d'heures. C'est cela qu'on n'a pas pour faire des débats intelligents au Québec lorsqu'il s'agit de négociation dans les secteurs public et para public.

M. Clair: Merci. Le deuxième sujet que je voudrais aborder avec vous, c'est la question de la décentralisation. Vous n'en avez pas beaucoup parlé, mais cette question est importante éqalement. II y a deux façons de voir la décentralisation. Il y a l'orientation retenue par l'avant-projet de loi, à savoir une décentralisation au niveau local ou sous-sectoriel, mais principalement local, de matières à incidence financière très faible.

Une autre orientation oui semble être celle privilégiée par le Parti libéral et qui est privilégiée par d'autres intervenants qui viendront devant nous ou qui sont déjà venus, c'est davantage une décentralisation sur la base d'une enveloppe budgétaire fermée et de faire confiance aux administrateurs d'hôpitaux, de collèges ou de commissions scolaires pour qu'à partir de cette enveloppe budgétaire fermée, en quelque sorte, ils aient toute liberté d'action.

Est-ce que je comprends que votre soutien à l'orientation de la décentralisation telle que proposée dans l'avant-projet de loi implique que vous choisissez également cette voie plutôt que la voie de la décentralisation par enveloppe budgétaire fermée au niveau d'une institution ou d'un réseau d'institutions?

M. Dufour: Pour être capable de répondre à votre question, il aurait fallu avoir avant ce matin la liste des sujets. J'en prends connaissance ce matin. On devait nous l'envoyer; cela a probablement été oublié. Quelles sont ces matières qui sont l'objet...

M. Clair: Ce sont essentiellement des sujets oui concernent l'orqanisation du travail, le mouvement de personnel, les droits syndicaux. Donc, toute une liste de sujets à incidence financière soit très faible ou inexistante, qui ont davantage trait à la qualité de la vie. Ce n'est pas au niveau du détail de la liste. C'est davantaqe en termes d'orientation - après cela, les listes peuvent s'orqaniser - générale.

M. Dufour: En fait, personnellement, je me refuserai à répondre à votre question tant et aussi longtemps qu'on n'a pas vu cela. Je me méfie tout le temps quand on nous dit que ce n'est que du normatif. On en est rendu que, dans nos conventions collectives, le normatif coûte aussi cher que le monétaire. Je vais seulement vous donner un exemple. Je vois libération syndicale. Ne considérez-vous cela du monétaire, la libération syndicale de nos jours? C'est quoi le paquet qui est là? On ne le sait pas. Mais ce n'est pas tellement dans cet esprit que nous avions fait notre suqgestion. Vous voyez, il n'y a qu'une page. On ne veut pas rentrer dans le problème des structures, dans le problème de la centralisation contre la décentralisation. Les commissions scolaires qui sont membres chez nous, les hôpitaux privés vont venir vous dire comment ils voient ce problème. On leur a d'ailleurs laissé ce champ d'action.

Ce que nous réalisons, c'est que vous faites affaires constamment, vous demandez constamment au secteur privé de se joindre à des conseils d'administration de cégeps, de se joindre à des conseils d'administration d'hôpitaux, de se joindre même à des CLSC. Et, ce que les qars font quand ils y vont -je vous dirai pourquoi tout à l'heure j'ai parlé des CLSC - ce qui se passe, c'est qu'on a de plus en plus de misère à intéresser les qens à aller là parce que ceux qui y sont allés et oui parlent à leurs collègues au retour disent: On n'a rien à faire là, sauf de se chicaner avec les profs, les étudiants et les bénéficiaires. On n'a aucun pouvoir. La vraie activité de vie d'un hôpital chez les travailleurs, c'est quand on néqocie sa convention collective.

Complètement évacué, le directeur général l'est; le conseil d'administration l'est encore davantaqe. Je pense que maintenant il siqne la convention collective. Tu ne peux pas intéresser des gens à participer à cela. C'est dans ce sens qu'on parle de la décentralisation oui pourrait réintéqrer les qens du milieu à ce processus. Pas sur les grands objets salariaux. On est d'accord avec cela. Sur les grands objets monétaires, cela doit rester au sommet.

Nous avons tellement entendu les gens de commissions scolaires, d'hôpitaux, nous dire: Écoute, on ne peut pas, on est tout le temps obliqé d'aller demander la permission à Dieu le Père pour faire n'importe quoii. Qu'ils nous donnent donc les pouvoirs. Cela semble l'orientation qui est confirmée ici. On vous donne un appui là-dessus. Jusqu'où cela doit aller? Je pense que les parties et vous -on le sait d'ailleurs - devraient discuter. On vous dit de consulter vraiment vos partenaires patronaux dans ce domaine pour établir les mandats. Je ne sais pas si cela a été fait avec les partenaires patronaux. Je voudrais bien le savoir, en tout cas. Est-ce que, pour ces 29 sujets, on a donné l'accord du côté du partenaire patronal là-dessus? Je ne le sais pas.

Le dernier message qu'on vous livre là-dessus, c'est hyqiène et sécurité, M. le Président. Si cela veut dire la loi 17, vous venez d'en déléquer un fichu de morceau! Alexandre, qu'en penses-tu? Hygiène et sécurité, c'est la loi 17. Je viens de lire cela. Je ne l'avais pas vu avant. Je le vois maintenant. (10 h 30)

M. Clair: D'accord. Je voudrais Qu'on passe à un deuxième sujet sur lequel vos positions sont plus détaillées, c'est la question du droit de qrève dans les secteurs public et parapublic. Nous avons entendu hier la chambre de commerce qui représente substantiellement un bon nombre d'entreprises et quelque 40 000 membres à ce qu'on indiquait hier. La position de la chambre de commerce était hier de demander l'abolition du droit de qrève dans l'ensemble des secteurs public et parapublic, nous indiquant que leurs membres avaient évolué et que, après de multiples discussions, ils en étaient maintenant venus à cette conclusion.

De votre côté, vous nous proposez plutôt d'abolir le droit de qrève par secteur, de manière générale, donc non seulement sur la néqociation locale, mais d'abolir le droit de grève sur les questions de services de santé, le gaz, l'électricité et l'eau potable. Mais vous faites encore suffisamment confiance aux mécanismes des services essentiels pour l'éducation, par exemple, pour la fonction publique du gouvernement. Qu'est-ce qui, dans votre analyse, vous différencie de la Chambre de commerce du Québec pour en venir à une conclusion différente quant à l'abolition du droit de qrève qui est réclamée au complet, on pourrait dire mur à mur, par la chambre de commerce, alors que votre position est plus nuancée sur cette question-là, vous oui représentez substantiellement, sinon les mêmes courants de pensée, tout au moins largement les mêmes intervenants dans le secteur privé?

M. Dufour: Je dirais presque que c'est une question-piège, mais on va y répondre. On l'avait prévue. Vous avez peut-être été surpris par la position hier, mais nous la connaissons depuis trois ans. Je dois dire d'abord que Ies structures patronales et les structures de la chambre de commerce ne sont pas les mêmes. Le Conseil du patronat regroupe essentiellement les associations patronales, regroupe essentiellement des entreprises. La chambre de commerce regroupe aussi de ces gens-là, mais aussi des fonctionnaires et différents éléments de la société. Si tu es intéressé par le développement économique dans une ville, tu peux faire partie de la chambre de commerce. Donc, les structures, au départ, ne sont pas tout à fait les mêmes. Probablement que ce que la chambre a perçu comme message à partir de certains de ses membres qui sont déjà syndiqués, c'est le même message Qu'on retrouve dans nos sondaqes: qu'il faut retirer le droit de grève un peu partout. Il y a une loqique là-dedans qui est incroyable. Sauf que nous ne sommes pas le qouvernement, nous n'avons pas la responsabilité d'assurer les services essentiels, en tout temps, dans tous les services publics. Nous essayons de voir quel est le message qu'on doit véhiculer au qouvernement. Il est clair dans les services de santé. En dehors de cela, on va voir ce qu'est l'environnement de l'entreprise et il nous apparaît que c'est l'électricité, le qaz et l'eau potable. Le mécanisme des services essentiels donnera, pour nous, le transport en commun Quand cela deviendra essentiel, nous donnera l'enlèvement des ordures ménaqères quand cela deviendra essentiel, nous donnera Ies cols bleus quand ce sera essentiel. Oui, on fait confiance à ce mécanisme-là. La chambre a fait un choix différent. Pourrait-on vous suggérer qu'étant un habile négociateur, M. Clair, vous pouvez peut-être y voir aussi une position de négociation? Peut-être qu'on peut demander de mettre l'ensemble des secteurs sur le même pied, Quitte, après cela, à faire des choix entre ceux oui sont plus essentiels que d'autres.

Maintenant, le fait de prendre cette position ne nous fait pas dire, nous - parce que certains nous le disent - Que l'enseignement n'est pas un service essentiel. L'enseignement est un service essentiel. Mais tout cela réside en une question de temps. Faire une grève dans le domaine de l'enseignement à quinze jours de la fin de l'année, c'est bien différent de faire une grève quinze jours au mois d'octobre. Nous pensons que le Conseil des services essentiels, si vous ne lui aviez pas donné tous les pouvoirs oue vous lui avez donnés, on serait peut-être allé dans le sens de la chambre. Mais on fait confiance à ce mécanisme des services essentiels avec les pouvoirs oue vous donnez au conseil, de façon que, dans le temps, on puisse se

retourner de bord et on ne pénalisera personne.

Vous pouvez chercher toute autre explication. Les positions sont connues depuis deux ou trois ans dans ce domaine-là. La chambre a réaffirmé sa position; nous avons réaffirmé la nôtre.

M. Clair: Toujours sur cette question de l'abolition du droit de grève. Vous proposez une alternative au droit de grève ou, comme substitut au droit de grève, la création d'un conseil d'arbitrage. Vous semblez insister, à la paqe 20, quand vous dites, au bas de la paqe: "Pour solutionner ce problème et proposer du même coup une alternative à la qrève, nous avons déjà suggéré la création d'un véritable conseil provincial d'arbitraqe, à caractère qénéralement volontaire sauf exception... " Ma première question: Est-ce que je comprends que les termes "sauf exception", c'est-à-dire là où l'arbitrage serait obligatoire, ce serait dans les quatre services énoncés? Quant aux...

M. Dufour: Si vous permettez, plus les policiers et les pompiers...

M. Clair: Oui.

M. Dufour:... ceux pour qui c'est déjà prévu qu'ils vont en arbitrage.

M. Clair: C'est le substitut que vous retenez par rapport à d'autres substituts que peuvent être la médiation-arbitre, l'arbitrage de l'offre finale. Est-ce que je comprends que ce conseil d'arbitrage pourrait arbitrer en quelque sorte sur toutes les matières oui font l'objet d'une convention collective? Est-ce qu'il n'y aurait pas des effets dangereux, des effets pervers, même si vous dites qu'il faudrait le baliser, l'encadrer en termes de rémunération, etc. ? Est-ce qu'il n'y a pas quand même au fond du principe, au fond des choses, une responsabilité dont l'État, le gouvernement ou l'Assemblée nationale ne saurait se départir? Est-ce qu'il n'y a pas Quand même un risque que le conseil provincial d'arbitrage, même avec des mandats très stricts, des orientations très claires, prenne une distance par rapport à la politique salariale ou de rémunération du gouvernement, surtout dans la mesure où il peut arbitrer sur toutes les questions, sur l'ensemble du contenu d'une convention collective? J'aimerais que vous nous disiez comment vous entrevoyez le fonctionnement de ce conseil d'arbitrage et comment vous pensez qu'on peut éviter les écueils auxquels je fais référence?

M. Dufour: Je dois dire au départ que je vous suis très mal, M. Clair, parce que vous dites que ce serait vous départir d'une responsabilité - c'est une hypothèse de travail que vous faites - qui vous a été confiée. Par ailleurs, vous n'appliquez pas ce principe dans les municipalités. Qu'est-ce que vous faites dans les municipalités concernant les pompiers et les policiers? Vous leur avez retiré le droit de grève. Et, qu'est-ce que vous faites? Exactement ce qu'on vous propose - c'est-à-dire ce que vous proposez -et nous, on vous dit: Non, cela ne marche pas. Il ne peut pas y avoir deux principes différents. Vous avez dans les municipalités des élus, comme le gouvernement ici, mais qui, face aux pompiers et aux policiers, sont obligés de s'assujettir à un sage arbitre quelque part. On sait ce que cela a donné. Je pense que tout le monde est d'accord pour dire que la situation n'a pas de bon sens dans les municipalités. Je ne sais pas s'ils viennent devant vous, mais, en tout cas, ils nous disent constamment à nous que cela n'a pas d'allure.

M. Clair: Justement, M. Dufour, à partir de l'expérience vécue dans les municipalités...

M. Dufour: Les municipalités, oui.

M. Clair:... où on a amendé les lois pour indiquer que les arbitres pouvaient tenir compte de la situation des autres salariés dans les municipalités...

M. Dufour: Voilà:

M. Clair:... on en a vu les résultats.

M. Dufour: C'est-à-dire...

M. Clair: On en a essayé quelques-uns au Québec, des mécanismes d'arbitraqe: l'ancienne formule d'arbitrage dans les municipalités, celle qui a été implantée récemment, la formule d'arbitrage-recommandation du régime syndical applicable à la Sûreté du Québec, c'est-à-dire que c'est écrit dans les lois du Québec depuis 1969 que, dans le cas d'impasse dans les négociations avec les policiers de la Sûreté du Québec, le gouvernement ou le syndicat peut faire appel aux services d'un arbitre et que sa recommandation lie la partie syndicale, mais ne lie pas la partie patronale, ne lie pas le gouvernement. On voit par les temps oui courent que, malgré que la loi l'indique clairement, l'argument qui a cours dans l'opinion publique - et c'est l'argument qu'utilise l'Association des policiers provinciaux du Québec pour dénoncer l'attitude gouvernementale - c'est que le gouvernement a triché parce que, dans la conception populaire, un arbitrage lie les parties et que le gouvernement était lié par cela. On commence à avoir essayé quelques formes d'arbitrage au Québec. Il me semble que ce que vous dites...

M. Dufour: Je vais vous laisser entre hommes politiques débattre du problème de la Sûreté du Québec. D'accord? Mais on va revenir objectivement aux pompiers et aux policiers. Vous savez très bien, M. Clair, que, dans les derniers amendements au code, vous n'avez pas dit que les arbitres doivent tenir compte des conditions comparables, vous l'avez vous-même mentionné tout à l'heure, mais qu'ils peuvent en tenir compte. Et, au même moment où vous disiez "peuvent", vous leur enleviez leur droit de lock-out. Or, on a actuellement dans les municipalités un système d'arbitrage qui n'a pas d'allure et, face à cela, ce qu'on dit, nous, c'est que, comme cela n'a pas d'allure - et je sais que l'Union des municipalités serait d'accord - si vous ne voulez pas l'essayer au niveau de l'ensemble de la fonction publique et parapublique, suggérez-le aux municipalités et elles vont fonctionner là-dedans. En tout cas, elles vont faire une tentative.

Vous parlez de "final offer sélection", de médiation-arbitre, bon! Ce sont des suqqestions oui sont sur la table actuellement. Vous ne la faites pas dans votre document. Alors, nous autres, nous en avons projeté une. On aurait peut-être pu discuter celle du Parti libéral, la "final offer sélection". S'ils nous la proposent, d'ailleurs, on va la débattre.

M. Clair: Vous avez vu ça où?

M. Dufour: Cela a été... Nous lisons les journaux. On vous enverra la coupure. Quand ils ont fait cette proposition, on l'a analysée. On a réagi. La médiation arbitre, vous la proposez dans votre projet de loi, sauf que vous la restreignez aux questions locales. On est d'accord avec ce système, d'ailleurs, sauf que, comme on vient de le faire dans le cas de Marine Industrie, nous autres, des médiateurs-arbitres qui viennent se substituer aux parties et oui viennent se substituer au Législateur, on ne marche pas là-dedans. On vous dit bravo, d'ailleurs, de ne pas l'avoir acceptée dans le cas de Marine Industrie, alors que certains de vos collèques le demandaient. On ne peut pas l'appliquer ici. Il reste quoi? Il reste le choix de l'offre finale et notre proposition. À ce moment-ci, comme le Parti libéral n'a pas tellement exploré la sienne, on trouve la nôtre encore meilleure, mais on pourra mettre Ies deux sur la table.

M. Clair: Je vous remercie, M. le Président. Je pense que je vais laisser la parole à mon collègue de l'Opposition.

Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-Soulanges): Je vous remercie, M. le ministre. La parole est au porte-parole de l'Opposition, M. le député de Portneuf.

M. Clair: Il pourrait expliciter tout de suite l'arbitrage final.

M. Pagé: Cela saurait très certainement vous intéresser, M. le ministre, et nous aurons l'occasion d'y revenir très probablement la semaine prochaine, plus spécifiquement et très probablement au moment de la conclusion. On a une période, une couple d'heures prévues pour la conclusion.

M. le président, M. Dufour, messieurs, merci. C'est évidemment avec beaucoup d'attention qu'on a parcouru votre mémoire et ce qu'il proposait. Je peux vous indiquer d'ores et déjà oue plusieurs des points oue vous avez soulevés ou des recommandations que vous avez formulées vont exactement dans le sens de la perception qu'on se fait des actions que commande la situation actuelle dans les secteurs public et parapublic, situation où on doit retenir certains indicateurs si on veut poser un diagnostic ou si on veut en donner la photographie la plus exacte possible. On a, d'un côté, un secteur public oui a évolué substantiellement au cours des deux dernières décennies. Le législateur et le gouvernement, en 1964, étaient tout à fait léqitimés - nous le pensons - d'établir des règles nouvelles, à la lumière du rattrapage en termes de rémunération et de conditions de travail pour les employés de l'État à l'époque, en regard du secteur privé. On sait Qu'il y avait un rattrapage à faire à ce moment-là. La lecture nous indique que l'amorce de la révolution tranquille commandait de telles actions pour amener dans la fonction publique toutes ces femmes et ces hommes qui étaient susceptibles d'animer et d'articuler, finalement, les politiques gouvernementales et le développement social, économique et culturel du Québec.

Aujourd'hui, cependant, on constate qu'il y a des choses oui doivent être chanqées. La lecture est maintenant différente. On retient, comme l'évoquait la chambre de commerce hier, que les employés de l'État sont 14% des travailleurs du Québec, 13, 8%, 14%. La masse salariale, l'apport des salaires qui est affecté à ces 14% va chercher dans les 18% ou près de 19%, en plus de certains éléments oui sont difficilement quantifiables comme la sécurité d'emploi; 50% de notre masse budgétaire est affectée au paiement des salaires de nos employés et la locomotive est essoufflée. Le secteur privé ne peut plus suivre et notre économie s'appuie sur la vitalité, la force et la compétitivité de l'entreprise privée au Québec. Je suis heureux de constater qu'il aura fallu, malheureusement mais quand même, toute cette situation pour que le PQ et le gouvernement le constatent, malheureusement à la toute fin d'un deuxième mandat. On aura l'occasion d'y

revenir sur d'autres tribunes. (10 h 45)

Essentiellement, ce Que vous proposez, ce sont des changements aux règles du jeu, plus de réalisme, plus de bon sens et vous évoquez - c'est tout à fait normal et légitime de le faire - que le gouvernement prenne les moyens, mais vraiment les moyens pour définir deux éléments importants de tout ce débat:

Premièrement, la comparabilité en termes de revenus, de rémunération, d'avantages sociaux, en fait tout ce qui concerne piastres et cents, entre l'employé du secteur public et celui du secteur privé, avec l'alignement le plus direct possible. L'autre élément, qui est très intéressant, c'est que vous demandez au gouvernement non seulement de comparer des postes et des fonctions, des définitions de tâches ou de responsabilités, mais vous demandez aussi que le gouvernement s'interroqe sur le volume, la quantité de capital humain nécessaire pour donner telle qualité ou telle autre quantité de services par rapport aux autres provinces. C'est un élément qui est très intéressant, qui n'avait pas été soulevé jusqu'à maintenant par nos intervenants. Vous recevrez, à cet égard, tout notre appui. Souvent les ministres, lorsqu'ils terminent, disent: Vous savez, on va tenter de donner suite à certains de vos commentaires. J'espère, M. le ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor, que cette proposition spécifique du Conseil du patronat, ce matin, de comparer, plus particulièrement entre les provinces - ce serait peut-être assez intéressant de le faire entre le Québec et l'Ontario - combien cela nous coûte en capital humain, évidemment en capital financier, pour dispenser tel service. Si vous ne reteniez Qu'un élément comme celui-là, ce serait déjà très intéressant dans l'approche que l'institut ou le bureau de rémunération aura pour formuler les recommandations appropriées.

Le ministre a posé plusieurs questions sur la rémunération. Vous avez répondu à des questions que je voulais vous formuler.

Le droit de grève. J'ai évoqué, au nom de notre qroupe politique, que, pour nous, la primauté du droit des citoyens à des services à la santé et à la sécurité en tout temps, cela passe avant tout droit qui peut être consenti à des groupes organisés. Cela a été largement interprété depuis. L'interprétation Qu'il faut y donner est celle qu'on lui a donnée. Cela voudra dire 1'obligation qu'on aura comme société et comme gouvernement, avec le consensus qu'on souhaite le plus large possible, de changer les règles du jeu et de mettre de côté, finalement, cette dualité à laquelle les gouvernements successifs ont été confrontés. Un droit de grève qui existait, entre autres, dans des secteurs aussi vitaux que la santé - vous avez référé à l'électricité, le gaz, l'eau potable - qui était parfois utilisé, que les gouvernements ont tenté de limiter par des définitions plus ou moins claires, précises et vivables de services essentiels, les gouvernements ont eu à vivre avec cela et ainsi donner suite à l'obligation qu'ils se sont fixée d'être un bon employeur. Mais, en même temps, l'autre aspect de la dualité, c'est que les gouvernements ont toujours été confrontés à l'obligation de dispenser des services, particulièrement dans ces secteurs, aux citoyens et ils ont eu beaucoup de difficultés à vivre avec cela. Vous savez, c'est devenu tellement faux et artificiel. Qu'il me suffise de référer au nombre de lois spéciales qu'on a dû adopter ici pour limiter et mettre fin à l'exercice de ce recours.

Le temps est donc venu, plus que jamais, de se pencher, de s'asseoir et de voir sérieusement ce qu'il convient de faire et quelles sont les modifications oui doivent être faites. À cet égard, vous recommandez la suppression du recours à la grève dans le domaine de la santé, de l'électricité, du gaz et de l'eau potable. Nous sommes très réceptifs à l'extension du retrait du droit de qrève, même au-delà des services de santé et des services sociaux au Québec.

Vous dites cependant que ces travailleurs et ces qroupes auront quand même le droit de négocier leurs conditions de travail; nous en sommes. Mais on conviendra que, lorsqu'on parle de suppression du droit de grève, la réponse qu'on a tout de suite de l'autre côté, c'est: plus de pouvoir de négociation, un rapport de forces complètement déséquilibré, etc. On a entendu plusieurs commentaires depuis Quelques jours.

Vous formulez une proposition, l'arbitrage. Vous êtes bien conscient de l'écueil et, en même temps, de l'obliqation qui est faite que ce soit le gouvernement qui soit responsable de la masse salariale, de l'établissement de la masse salariale, et que ce n'en soit pas d'autres. Vous indiquez Que l'arbitre ou le conseil d'arbitrage pourrait déterminer cela à partir de certains paramètres. Ma Question était que je voulais vous entendre sur le principe de l'offre finale, c'est ce que nous avons indiqué. Il nous apparaît que ce serait un moyen intéressant, utile tant pour le gouvernement que pour les travailleurs eux-mêmes. Ce système obligerait les deux parties à aller à la limite de là où ils veulent, là où ils peuvent aller et, finalement, ce serait utile pour tout le Québec et tous ses citoyens.

Ce sera très certainement l'un des éléments marquants ou majeurs de la proposition qui sera formulée mardi, avec tous les éléments concrets à son appui, par le chef de notre formation politique, M. Bourassa. Qu'en pensez-vous?

M. Dufour: Avant de parler du choix de l'offre finale, vous avez quand même mentionné au tout début toute la Question de la rémunération, de l'alignement sur le secteur privé. Je suis content Que vous soyez revenu là-dessus parce qu'il nous faut quand même camper notre témoignaqe surtout par rapport à cela. Ce n'est pas tellement le Conseil des services essentiels qui nous amène ici, ce n'est pas tellement la décentralisation; c'est justement ce volet de la rémunération et de la politique salariale.

J'ai deux confrères qui viennent du secteur privé, M. Sarto Paquin et M. Alexandre Beaulieu, qui voudraient peut-être ajouter un mot sur cela, de façon à bien camper, contrairement à ce que disent certains syndicats, tout notre intérêt pour un tel dossier, parce que 15% ou 18% des travailleurs du secteur public sont quand même payés par les travailleurs du secteur privé et c'est là que cela se passe, le développement économique. Il faudrait quand même que mes deux confrères du secteur privé ajoutent quelque chose sur ce volet. Je reviendrai; je n'escamote pas l'offre finale, je vais y revenir.

M. Paquin (Sarto): M. le Président, vous me permettrez de profiter de cette première intervention de ma part pour vous souligner l'appui total de l'Association des manufacturiers canadiens au mémoire du CPQ. Ma présence ici ce matin le confirme.

M. le député de Portneuf, je reprends l'une de vos expressions. Je pense la citer quand vous dites que "le secteur privé ne peut plus suivre". J'aurais préféré voua entendre dire qu'il, y a longtemps que le secteur privé ne peut plus suivre. De toute façon, on s'entend.

M. Pagé: Vous ne vous opposez pas quand même à ce que je le dise.

M. Paquin: Au contraire. Vous savez, nous avons tout dernièrement rendu publique une étude qui démontre hors de tout doute, croyons-nous, que d'ici à l'an 2000, le secteur manufacturier sera en mesure de créer de 400 000 à 500 000 nouveaux emplois. Par contre, la question qu'on est en droit de se poser, c'est de savoir quel sera l'apport du Québec dans la création de ces nouveaux emplois.

En réponse à cette question, je pense que nous pouvons affirmer hors de tout doute que notre habileté à créer un climat propice aux investissements jouera un rôle ou sera un facteur, en tout cas, des plus importants.

Des possibilités, je dis bien des possibilités, de grève dans des secteurs, tel que nous l'avons mentionné tantôt, on ne s'en cachera pas, vont carrément à l'encontre de l'objectif que nous devons tous atteindre et que je décrivais tantôt, à savoir notre habileté à créer un tel climat. Vous savez, je n'ai pas de qrands discours a vous faire car vous êtes déjà convaincus de l'importance, je dirais de la nécessité du secteur manufacturier d'être compétitif, tant au niveau national qu'international. Il en va de la survie de nos entreprises, il en va du maintien de la création de nos emplois. Malheureusement, nous vivons presque quotidiennement, dans nos négociations de conventions collectives, avec ce que j'appelle des pressions extérieures autres que des pressions extérieures que je qualifie de normales, et je m'explique. Lorsqu'un employeur négocie sa convention collective, il a, bien sûr, des pressions extérieures normales, à savoir sa compétition. Mais lorsque nous devons, en plus, y ajouter des pressions extérieures telles que dictées par certaines exigences ou certaines politiques qui existent au niveau gouvernemental, ça devient de plus en plus compliqué.

Lorsque je disais tantôt que le secteur privé ne peut plus suivre depuis longtemps, je vous donne un exemple et je recule à 1971, alors que j'étais dans le secteur privé, alors que j'étais dans le domaine des distilleries - celle à laquelle vous pensez actuellement, c'est exactement celle-là - où, à chaque négociation de convention collective, je devais concurrencer avec les salaires de l'hôpital de Saint-Eusèbe. Pourtant, on était dans un secteur des distilleries et je vous donne des exemples.

Nos mécaniciens de machines fixes, nos employés d'entretien - on retrouve quand même ces fonctions-là dans la fonction publique, dans les hôpitaux - on offrait 5 $ l'heure, l'hôpital en payait 6 $. Le seul argument que je pouvais amener était l'aspect compétitif, l'aspect de nos coûts et aussi, bien sûr, notre capacité de payer, chose que vous retrouvez sûrement dans le secteur public. Mais vous avez un pouvoir qu'on n'a pas, c'est-à-dire le pouvoir de taxation, alors que, si nous mettons ce pouvoir en viqueur, on risque de se mettre à l'extérieur du marché.

Vous avez éqalement fait mention, M. le député de Portneuf, des droits des citoyens. Je vous demande respectueusement de ne pas oublier les droits des citoyens corporatifs. Nous payons des centaines de millions de dollars en taxes par année, en redevances, en revenus, en tout ce que vous voulez, et je pense qu'il faut prendre en considération cet élément, c'est-à-dire que des qrèves dans des secteurs, comme nous l'avons mentionné tantôt, sont loin de nous aider, au contraire.

Les employeurs, vous le savez, ont déjà des coûts sociaux à payer au Québec, lesquels coûts se doivent d'être comparés, à un certain moment donné, au niveau de notre compétition, avec ceux de nos amis étranqers situés ici même au Canada ou ailleurs. Vous

savez, si les syndicats ont parti la bataille depuis Quelque temps sur les heures de travail hebdomadaire, on sera d'accord pour dire qu'ils n'ont quand même pas copié le secteur privé là-dessus. Il y a un paquet d'avantages sociaux qui existent dans la fonction publique et qu'on n'est tout simplement pas capables de payer. Je vous donne un exemple: je peux être d'accord avec le principe de dire: C'est le fun, après un an de travail, d'avoir un mois de vacances; je vous jure qu'il n'y a pas beaucoup d'employeurs au Québec qui sont capables de payer un mois de vacances après un an de service. Ce sont ces qenres de pressions extérieures avec lesquelles nous devons vivre presque à tous les jours dans nos négociations de conventions collectives.

C'était, en résumé, les quelques remarques que je voulais ajouter aux propos du député de Portneuf.

M. Dufour: M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Alexandre): M. le Président, je suis un chef d'entreprise qui provient de la PME. J'ai toujours, devant ces projets-là, un sentiment d'inquiétude, celui de vouloir corriqer des problèmes. Je m'attarderai quelques secondes au préambule du député de Portneuf qui nous a fait remonter à l'époque de la révolution tranquille qui n'était pas, à ce moment-là, sans erreur sur le plan des relations de travail de l'État. Il y a eu, à cette époque-là aussi, de l'improvisation et probablement de l'imprudence que nous avons eu à subir avec les années. Mettons ça sur le compte de développements nouveaux. Mais les gouvernements qui se sont succédé ont continué dans la même veine et on a eu peut-être à subir le préjugé favorable aux centrales syndicales. (11 heures)

Aujourd'hui, il semble y avoir unanimité pour faire un virage pour donner un préjuqé favorable à la population. Les enquêtes nous démontrent clairement que c'est sa volonté. Le projet qui est devant nous, nous y sommes favorables. C'est un petit pas, par contre, dans la bonne direction. Notre inquiétude, même si votre première préoccupation se situe au niveau de la santé, de l'éducation, du fonctionnarisme, est aussi qrande au niveau de l'entreprise, de la population, lorsque l'électricité, par exemple, est en cause. Imaginez, pour un instant, ce que ce serait si la province était mise au noir. C'est drôlement plus important que le travail au noir. Cela affecterait directement les services Que vous voulez protéger, en particulier la santé. Connaissant un peu le domaine, il y a bien des secteurs où les génératrices ne suffiraient pas. Or, ces services, dans l'entreprise, dans la population, que ce soit l'électricité, que ce soit l'eau, que ce soit le gaz naturel, nous apparaissent aussi essentiels que la recherche et les solutions qu'essaie de trouver le projet de loi qui est devant nous.

Toutefois, la politiaue étant ce qu'elle est - je n'accuse personne; il faut le subir à certains moments - je ne suis pas sûr, en tout cas j'ai des craintes que ce projet conduise, finalement, à régler nos problèmes, peut-être bien, on l'espère énormément, mais j'aurais le goût de dire qu'il faudrait y croire des deux côtés de la table. Je n'essaierai pas de mettre le ministre en boîte, mais ce qui m'inquiète dans cela... Je relève une déclaration qu'il a faite au Devoir où il dit: Le droit de grève existera tous les trois ans, comme actuellement, officiellement, sur la question normative dite lourde et officieusement la grève pourrait avoir comme raison le mécontentement salarial. C'est peut-être mal interprété, probablement, mais cela m'inquiète sur le vouloir de faire proqresser ce projet de loi, surtout lorsque vous voudriez défendre le droit de grève sur le salaire, par exemple. Tels sont les propos que j'avais à faire sur cette partie. M. Dufour.

M. Dufour: Je reviens à la question de M. Pagé. C'est bien sûr que, quand on propose un retrait du droit de grève, que ce soit nous, que ce soit vous, que ce soit le ministre, il faut avoir des outils pour réqler les conditions de travail. Il n'y en a pas actuellement d'autres que la qrève ou la décision gouvernementale. La proposition du projet de loi, c'est une décision gouvernementale parce que, si on ne s'entend pas sur les salaires, on règle par un décret gouvernemental. Nous ne sommes pas des interventionnistes. Nous ne demandons pas l'intervention de l'État plus dans ce domaine que dans d'autres. Si on peut trouver des moyens d'éviter l'intervention gouvernementale, on va tout faire. On est d'accord avec les syndicats à ce moment, d'autant plus Que - on l'a vu ces derniers temps - plus vous allez aller comme cela -parce qu'il y a des grosses chances que vous allez aller constamment comme cela - de plus en plus, si les syndicats sont militants, on va défier l'Assemblée nationale et cela nous inquiète grandement.

Les outils, il y en a trois. Il y a celui dont vous avez parlé: l'arbitre médiateur. Il peut s'appliquer au niveau local, mais nous ne reprenons pas tellement cette idée au niveau provincial. D'ailleurs, vous ne la retenez pas non plus. Que reste-t-il? Il reste le conseil provincial que nous suqqérons avec, évidemment, les paramètres qu'on lui donne et le choix de l'offre finale. Le choix de l'offre finale, M. Pagé, c'est un dossier qui était déjà débattu par le Parti libéral à l'occasion du projet de loi 72, en 1974. C'est un dossier qui est étudié depuis un certain

nombre d'années. Noua sommes très ouverts à en débattre, à en discuter. Il nous pose une série de problèmes. Je comprends que vous mettiez en doute notre conseil provincial d'arbitrage. Vous allez comprendre qu'on va mettre en doute le choix de l'offre finale. C'est un qenre d'expérience un peu comme notre conseil qui n'a pas vécu l'expérience. En tout cas, au Québec, cela n'existe pas. Cela a existé dans certaines provinces canadiennes. Il y en a qui sont pour le système dans le monde patronal et il y en a qui sont contre le système, parce qu'il y en acertains qui disent que c'est de la roulette russe, finalement. On sait tous Que, dans le choix de l'offre finale, l'arbitre ne peut modifier de quelque façon que ce soit la proposition ou patronale ou syndicale. Il a à trancher entre les deux.

Les gens nous disent: Supposons, une année, que le syndicat décide de ne rien demander de monétaire, sauf qu'il demande quelques petites clauses d'ancienneté et une petite clause quelque part dans les droits de gérance. L'arbitre n'a pas le choix. La difficulté financière de l'entreprise l'oblige à aller du côté des clauses normatives qui, pour la vie de l'entreprise, peuvent être drôlement importantes pour le reste de ses jours. En tout cas, c'est un système que nous sommes prêts à regarder, qu'on va effectivement reqarder lorsque la proposition sera faite, sauf que, pour l'instant, on s'interroge. On voudrait que des spécialistes plus neutres que nous fassent les bilans des avantages et des désavantages. Cela a été utilisé aux États-Unis à certains endroits. Il y aurait sûrement possibilité de faire une mission là, une mission mixte, et d'aller voir...

M. Paqé: Merci. J'ai encore du temps, M. le Président?

Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-Soulanqes): Oui, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Tout comme le ministre, j'ai trouvé intéressant que vous fassiez référence à la décentralisation. On constate que, depuis le début de nos travaux et même à l'extérieur, si on se réfère aux journaux de ce matin, la décentralisation est vue avec beaucoup d'intérêt et beaucoup de satisfaction. Cela semble finalement être un voeu qénéral de décentraliser et de permettre que les instances locales, réqionales ou encore par secteurs puissent être davantage associées au processus de négociation de conventions collectives.

Cependant, lorsque vient le temps de mettre de la chair sur cette ossature qu'est le principe de la décentralisation, cela devient plus difficile parce qu'on doit reconnaître que le gouvernement, devant être responsable de la masse budgétaire allouée au secteur public, ne peut remettre à d'autres instances un pouvoir exorbitant à ce chapitre.

Notre principe, c'est que le fait de négocier en cartel confère un pouvoir et une force tellement qrande qu'en compensation de cette cartellisation, si je peux utiliser le terme, nos interlocuteurs syndicaux devraient accepter de réduire le champ de négociation au niveau des tables centrales pour le ramener davantaqe au niveau local.

Vous avez pris connaissance de la liste tout à l'heure, de façon assez rapide, que vous le vouliez ou non. Vous en avez pris connaissance seulement ce matin. Vous avez fait référence à des éléments, entre autres santé et sécurité. L'arbitrage de qriefs, par exemple, pourrait être quelque chose à négocier au niveau local, mais vous avez vous-mêmes fait référence à la disposition gouvernementale adoptée il y a quelques années, si ma mémoire est fidèle. Si ma mémoire est aussi fidèle, M. Marois s'était battu pour cela, pour faire en sorte que, dans le secteur public, lorsque la partie syndicale faisait un grief, il était entièrement à la charge de l'État. Cela a eu de l'impact. Peut-être que cela pourrait se néqocier au niveau local, mais cela a eu un impact. Le chiffre n'est peut-être pas quantifiable parce qu'il y a là un chiffre noir. Finalement, combien de griefs se sont réqlés sans être plaidés, strictement parce que c'était moins coûteux et moins onéreux de les accorder plutôt que de payer les procédures, etc. ? Cela, sans tenir compte du fait qu'on a vu, dans certains établissements, des directeurs généraux, des administrateurs, tellement pas associés à ce régime qu'ils se voyaient obligés, à certains moments, de demander à leur syndicat: Fais-moi donc un qrief ou fais-moi donc une dizaine de griefs sur tel point pour Que le ministère puisse m'accorder mon budqet. C'est rendu aussi ridicule que cela. Excusez le terme, mais c'est comme cela dans certains milieux.

Doit-on, selon vous, se diriger vers un processus, un mécanisme de décentralisation qui contiendra plus de chair sur l'ossature, quitte à ce que cela ait un impact budqétaire? Ne serait-il pas opportun de décentraliser et de tenter de quantifier ou d'établir des paramètres et des limites aux coûts de ce qui sera accordé au niveau local par la décentralisation? En fait, il ne faudrait pas non plus créer des choses artificielles. Il ne faudrait pas décentraliser pour le plaisir de dire qu'il y a des pouvoirs aux niveaux locaux et que, finalement, il n'y a pas qrand-chose là. Et surtout, il ne faudrait pas, avant que la loi soit adoptée, avant que la démarche soit enclenchée, avant qu'un consensus puisse se tirer, dire: Le droit de grève pourrait être utilisé là-bas comme moyen ou par résultat de la frustration qu'ils auront eue comme suite de l'établissement

du niveau de rémunération pour lequel ils n'ont pas le droit de grève. C'est se donner deux prises en partant et mettre le premier coussin à 300 pieds. Peut-être Que les paroles du ministre ont dépassé sa pensée cette journée-là, mais ce n'était pas sa meilleure; en tout cas, on aura d'autres tribunes pour y revenir.

La décentralisation, jusqu'où devrait-on y aller pour que ce ne soit pas artificiel?

M. Dufour: M. Pagé, je vais simplement vous retourner à ma réponse de tout à l'heure au ministre. Les 34 sujets que vous voyez à la page 34 devraient être, quant à moi, discutés de façon très concrète - si cela fait référence aux commissions scolaires ou aux hôpitaux; comme à la paqe 7, je ne sais pas - en tout cas, avec les intervenants patronaux du secteur. Par exemple, si on parle de mobilité, cela ne me dit rien. Quand je vois cela, mobilité, quel est le contenu de la mobilité? Si on négocie cela au niveau local et qu'on décide de s'y arrêter, qu'il n'y a aucune mobilité d'un poste à l'autre, on aura des problèmes de postes. Comme les postes se négocient au sommet, on aura un problème immédiat. On va revenir dans la même situation et on va demander des postes additionnels, et on n'aura rien réglé. Chacun de ces cas-là devrait être débattu. Je dis qu'on prend connaissance des mots: hygiène-santé, qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que cela veut dire le nombre d'heures de libération, par exemple, de représentants en prévention? Est-ce que cela veut dire le nombre de travailleurs affectés de façon volontaire, en dehors de la loi 17, aux comités de santé et de sécurité? C'est de l'argent, cela! C'est marqué: équipement de protection; j'ai vu cela tout à l'heure. Dans les écoles où il se fait de la formation professionnelle, à partir de la loi 17 maintenant, c'est le comité paritaire de la santé et de la sécurité qui va décider du choix de l'équipement de protection individuel et collectif. M. Cusano, il y a de l'argent là-dedansl

Quel est le "pot"? Quel est le "pot" qu'on transfère? Je suis incapable de l'analyser, M. Pagé. Je reviens à la même question que tout à l'heure. Nous répétons ce que nous avons comme message, c'est que les partenaires patronaux veulent être intéqrés à la démarche. Ils veulent que ce qui est vécu dans la réalité, en bas, soit une responsabilité qu'ils ont pris aussi en partie. Si la démarche conduit à cela, nous serons d'accord.

Je ne sais pas si André qui vit du secteur public à certains moments peut ajouter sur le problème de la décentralisation.

M. Pagé: Merci, M. Dufour. (11 h 15)

M. Trudel (André): Je voudrais d'abord rappeler que le Centre des dirigeants d'entreprises oui est une association membre du Conseil du patronat est d'accord avec le contenu du document. Par rapport au sujet de la décentralisation, je voudrais revenir sur une remarque qu'a faite le député tout à l'heure, à savoir que, dans la mesure où il y a eu un effort, dans les années dernières, pour associer à la démarche des représentants externes des institutions d'enseiqnement ou du secteur social, il faut s'assurer, justement, que la décentralisation ne soit pas faussée, qu'il n'y ait pas de contenu, qu'on ne fasse que tenter de remettre aux organisations locales des secteurs de négociation lors de cette décentralisation, mais que ce ne soient pas vraiment des dossiers qui permettent aux qens oui s'intéressent à ce dossier, oui ont accepté de participer au conseil d'administration, de prendre de vraies décisions. Je pense que c'est dans ce sens qu'il y a un effort important à faire et nous convenons qu'il est important de discuter de ces matières avec les différentes associations patronales qui sont impliquées.

M. Dufour: J'ai vu récemment... Je continue, M. Pagé, juste sur un point. Je ne sais pas où sont négociés les changemnents technologiques dans la proposition. Sont-ils négociés en haut, en bas? Où sont négociés les changements technologiques?

M. Clair: L'impact des changements technologiques - parce qu'on ne prévoit pas la négociation des changements technologiques comme tels; les changements technologiques se font par décision du gouvernement, en termes de modernisation des équipements, etc. - jusqu'à maintenant, ce qui était entrevu, c'était de laisser à la négociation nationale la question des impacts quant aux chanqements technologiques puisque nous n'avons même pas commencé à discuter vraiment de ces questions. Je pense qu'il y aurait avantage à faire un premier déblayage avant d'envoyer cela au niveau local.

M. Dufour: Des impacts économiques... Je vais vous dire pourquoi. Malheureusement, je ne l'ai pas en main, mais j'ai vu un projet de négociation de convention locale - il y en a qui commencent à s'inspirer du projet de loi, nonobstant ce qu'on dit sur la place publique, et qui préparent des projets de néqociation locale et régionale - et j'ai vu la façon, par exemple, dont on fait une proposition à une entreprise qui est le CSS à Montréal sur les changements technologiques. Il est bien sûr que cela ne serait pas acceptable, parce que la proposition locale actuelle est que l'établissement prévienne un an à l'avance du changement technologique.

Quels sont les liens que vous allez faire si la décision est en haut au plan économique? En tout cas, je pense que c'est très difficile de faire une analyse le moindrement sensée sans en connaître l'impact.

M. Pagé: Merci.

Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-Soulanges): M. Dufour, avant de céder la parole au député de Fabre, si je peux me permettre une Question, on a déjà discuté de beaucoup de choses générales et, à mesure que le temps file, il reste de moins en moins de questions d'ordre spécifique. J'aimerais avoir votre avis sur l'importance que vous accordez au maintien de la sécurité d'emploi dans le secteur public. Cela devient une monnaie d'échange de la façon qu'on peut l'interpréter. Avec la sécurité d'emploi accordée aux employés du secteur public, il peut se faire un échange d'ordre financier, si on veut. Les conditions salariales peuvent être affectées du fait que la personne sait qu'elle a une sécurité d'emploi. La description des tâches auxquelles elle peut être appelée à contribuer peut être différente. Est-ce qu'on peut aller dans une direction où on maintient à vos yeux la sécurité d'emploi, lorsque les questions qui se posent, soit les questions de savoir comment l'État peut être le plus efficace possible, comment il peut dépenser le moins possible pour les mêmes services, sont en train de nous amener - il y a des débats là-dessus -sur le faire faire ou la sous-traitance de certains services gouvernementaux par l'entreprise privée, par voie de soumissions ou autrement, là où on ne peut pas prétendre qu'il y a un monopole naturel oui devrait être conservé à l'État dans le sens de ne pas laisser l'entreprise privée décider ce qu'est le niveau de services minimum qui peut être accordé en matière de santé ou d'éducation.

Il est entendu qu'on doit normer certains des services au niveau gouvernemental, donc politique, dans le fond. Mais la question se pose encore, à savoir si on devrait en laisser aller, dans certains cas, au secteur privé. Je ne parle pas des sociétés d'État et de toutes les sortes de rôles qu'elles jouent. Je parle de certaines fonctions d'État oui ne sont pas impossibles à imaginer, au contraire, et qu'on pourrait remettre au secteur privé. Là, on arrive de front avec le concept de la sécurité d'emploi à l'égard duquel vous avez semblé indiquer que c'est souhaitable de le conserver, mais que c'est une monnaie d'échange. Il y a comme deux questions. C'est une monnaie d'échange, pourquoi? Pour les conditions salariales, la mobilité, la flexibilité, le recyclage éventuel, le droit de gérance d'assigner les ressources humaines là où, selon la gérance, elles sont le plus efficace?

Donc, on est en train de limiter considérablement ce qu'il y aurait dans une convention collective.

M. Dufour: En fait, M. le Président, vous touchez à trois dossiers, celui de la sécurité d'emploi, celui de la privatisation de certaines activités gouvernementales l'exemple qui me vient rapidement en tête, c'est d'ailleurs annoncé comme hypothèse, c'est la Régie des alcools - et, finalement, tout le problème de la sous-traitance. Je pense que la privatisation et la sous-traitance feraient l'objet dans les deux cas de mémoire. Sur la sécurité d'emploi - parce que vous avez accolé les deux autres simplement en parenthèse - non, on pense que la sécurité d'emploi est devenue une condition de travail dans les secteurs public, parapublic et même péripublic souvent et qu'il serait à peu près impossible de la mettre en cause. C'est maintenant de l'acquis et probablement que c'est l'acquis auquel les centrales syndicales tiennent le plus, celui de la sécurité d'emploi, et ce serait probablement s'embarquer dans des discussions stériles que de vouloir remettre cela en cause, sauf que - et vous donnez vous-même la réponse à la question - cette sécurité d'emploi n'existe nulle part dans le secteur privé, même si ce sont généralement les qens qui paient les salaires des autres. On doit en tenir compte, non seulement, comme vous le dites, pour la rémunération, mais dans les autres conditions de travail, qu'il s'agisse de mobilité, qu'il s'agisse de la nécessité de se recycler dans certains cas, parce que c'est vers là qu'on s'en va; on ne pourra plus tout simplement confirmer une sécurité d'emploi sans en contrepartie exiqer des choses dont la formation professionnelle, dont le recyclage. Ce genre de négociation n'a rien à voir avec le monétaire, mais il faudra, un jour, y arriver. Il y a des qens gui ne sont plus capables de faire certaines tâches. Au lieu de les mettre sur des tablettes comme on l'a fait trop souvent, parce qu'ils ont une sécurité d'emploi, il faudra les recycler. Mais sur le principe même, M. Johnson, de la sécurité d'emploi, non, nous, on ne le remettrait pas en cause.

Par ailleurs, juste une mot sur la sous-traitance. C'est bien sûr - et on l'a dit souvent - que quand, à cause de départs, il y a des postes qui se libèrent et qu'il y a encore des activités à compléter pour le gouvernement, il y aurait avantage à exploiter beaucoup plus la sous-traitance qu'on ne le fait actuellement. C'est une forme de privatisation, finalement, de l'activité sans que cela prenne toujours l'aspect d'une manchette à projeter parce qu'on va privatiser telle chose. S'il y a des postes qui se libèrent, on peut aller en sous-traitance. André?

M. Trudel: À la Question qui a été posée par le président, j'aimerais apporter un élément supplémentaire. Nous croyons qu'il faut ménager plus de voies de sortie à ceux qui sont dans le réseau et donc favoriser l'intérêt pour certains de quitter le secteur et de joindre le secteur privé. Il y a quand même actuellement un intérêt de plus en plus grand pour l'"entrepreneurship" et, dans la mesure où les moyens pour quitter le secteur ne seraient pas trop onéreux, je pense Qu'on pourrait favoriser, dans le sens que vous le mentionniez tout à l'heure, soit par un échange quelconque lors de certaines néqociations, la capacité ou la possibilité plus grande de pouvoir quitter le secteur.

Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-Soulanges): Oui, tout en remarquant que, même dans votre réponse - cela paraît - il existe une confusion qui est peut-être entretenue du côté des employés - c'est dans leur intérêt; donc, ce n'est pas étonnant -entre la sécurité d'emploi des individus en place et la permanence des postes qu'ils occupent. Ce sont deux notions absolument différentes, et c'est dans le sens de dire: On ne remet pas la sécurité d'emploi en cause -c'est entendu, c'est un acquis - mais, par attrition, quand les postes vont se libérer, on ne les renouvellera pas. On ne les occupera pas avec des qens du secteur public. On va trouver une façon de retourner cela au secteur privé. Vous me permettrez de dire que cela paraît contradictoire, dans le fond, d'être pour la sécurité d'emploi, tel qu'on l'entend généralement au point de vue du nombre de postes, et d'être pour la sous-traitance ou de favoriser la sous-traitance. On ne peut pas faire les deux. Il y a un choix qui m'apparaît beaucoup plus sérieux et fondamental dans le sens qu'on est presque appelé à se brancher sur un ou sur l'autre. Cela m'apparaît mutuellement contradictoire, peut-être, à moins que vous ne puissiez les concilier. J'ai hâte de vous entendre.

M. Dufour: Juste un mot. C'est bien sûr que la sécurité d'emploi doit sous-entendre la mobilité aussi, parce que cela ne peut pas être quelqu'un qui est vissé à son travail indéfiniment. Il doit être mobile. Mais on regardait les chiffres, récemment, de Mme Marois, des gens qui ont pris leur retraite dans tout le débat de la loi 65, et quand même, dans l'ensemble de la fonction publique, il y a eu une quantité impressionnante de postes oui se sont libérés. C'est pour cela que je dis que ce n'est pas contradictoire avec la sous-traitance. Le fait que quelqu'un abandonne sa sécurité d'emploi et transfère au secteur privé, selon des méthodes qui sont de plus en plus acceptées par les deux parties, cela libère des fonctions - appelons cela des fonctions - ou des postes; ces derniers ne devraient pas automatiquement être remplacés par des gens à qui on redonne de nouveau la sécurité d'emploi, mais aller en privatisation par l'intermédiaire de la sous-traitance. C'est ce qu'on favorise beaucoup.

Par ailleurs - on vous enverra une copie du mémoire qu'on a fait sur le Code du travail - votre article 45 du Code du travail actuel empêche tout cela.

Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-

Soulanqes): Je vous remercie de la réconciliation des termes que vous venez de faire. Je passe la parole au député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais revenir à votre proposition d'un conseil provincial d'arbitrage, puisque cela me semble être une proposition clé de votre mémoire. D'ailleurs, vous le dites au tout début, à la page 20, puisque vous reprochez à l'avant-projet de loi de ne suqqérer aucun mécanisme vraiment nouveau pour résoudre les différends. Donc, vous proposez le conseil provincial d'arbitrage.

L'avant-projet de loi retire le droit de qrève sur le salarial, maintient cependant le droit de grève sur le normatif, renforce les pouvoirs du Conseil des services essentiels oui a des pouvoirs de redressement.

Vous proposez donc cette formule d'arbitraqe. Si je comprends bien, en ce oui concerne l'éducation, le droit de grève s'appliquerait, c'est bien cela; sauf que l'arbitrage s'appliquerait dans le domaine de la santé et des affaires sociales en général, je crois, si j'ai bien compris votre proposition.

Vous l'appliquez et au salarial et au normatif. Vous dites, cependant - vous apportez cette restriction à la page 22 -qu'on ne peut pas déléquer l'entière responsabilité à ce conseil provincial a cause des fonds publics importants oui sont rattachés à la rémunération des travailleurs de l'État. Il faudrait ajouter aussi: et aux choix oui sont faits en ce qui touche le normatif, vous l'avez dit vous-même; le normatif, en termes budgétaires, représente des sommes aussi importantes que le salarial.

Voici la question que je vaudrais vous poser: Croyez-vous possible d'instaurer des paramètres? Parce que vous parlez de la nécessité de se doter de paramètres précis pour éviter, justement, que des décisions de ce conseil provincial aient une trop qrande influence sur le budget. Est-ce que vous croyez possible de se doter de paramètres précis dans le domaine du normatif? Je vais donner simplement un exemple oui me vient à l'esprit. Comment se doter de paramètres en ce qui concerne, par exemple, le ratio infirmière-patients? On ne peut pas se référer au secteur privé pour se doter de tels paramètres. Est-ce que cela

n'impliquerait pas, dans cet exemple... Je pourrais en donner beaucoup d'autres: le nombre de travailleurs sociaux dans les CLSC, comment se doter de paramètres pour définir le nombre de travailleurs sociaux dans un CLSC, par rapport à une population donnée, sans influencer directement les décisions politiques qui doivent être prises? Dans le domaine salarial, je pense qu'on peut s'entendre sur le fait qu'on peut établir des paramètres, on peut discuter des paramètres. Je pense que c'est possible d'en établir. Mais, dans le domaine normatif, je me pose vraiment une question, à savoir si c'est possible. Je voudrais savoir si vous vous êtes penchés sur les problèmes que cela peut représenter. (11 h 30)

M. Dufour: Je pense qu'on est beaucoup plus large, quand on parle de paramètres précis, que vous ne l'êtes; je pense qu'on ne se référerait pas qu'aux salaires et aux à-côtés salaires-vacances, par exemple; ce sont des choses importantes. Je pense que les ratios, c'est carrément une responsabilité politique parce que le nombre d'élèves par prof, c'est une décision politique, et c'est la qualité de l'enseignement? La même chose pour le nombre d'infirmières auprès d'un malade. Ce sont finalement des décisions un peu politiques et, pour nous, cela va dans des paramètres précis, au même titre que les salaires ou que les ratios.

Il se règle quand même... Il ne faut pas penser que, parce qu'on va en arbitraqe, tout est soumis à l'arbitrage. Il ne faudrait pas faire un déni de la négociation de la convention collective. On peut imaginer que les problèmes d'ancienneté se régleraient, que les problèmes de libération syndicale se régleraient. De toute façon, ce sont des politiques qui sont généralement provinciales pour les syndicats; ils les appliquent un peu partout, ces mêmes règles. Ce serait beaucoup plus, à ce moment-là, des questions de changements technologiques - on en parlait tout à l'heure - de santé et de sécurité, qui mettent souvent des sommes d'argent importantes en cause.

Dans ma tête, si vous me demandez si un ratio est un paramètre précis qu'on devrait donner, je dis oui, au même titre que les orientations salariales. Sinon, on retombe dans le ad hoc d'aujourd'hui où chaque juge, en région, va décider de son propre ratio et décider de sa propre politique salariale.

M. Leduc (Fabre): Alors, je vous pose la question: Donc, c'est le conseil provincial, c'est-à-dire que c'est le gouvernement qui donnerait au conseil provincial des paramètres aussi précis que le ratio, par exemple, le nombre d'infirmières dans un hôpital. Il me semble qu'il n'y a plus de négociation possible, il n'y a plus de discussion possible si, d'ores et déjà, le conseil d'arbitrage est saisi de paramètres aussi précis. Enfin, cela me semble être une des faiblesses de votre proposition par rapport au normatif, encore une fois.

M. Dufour: Si j'étais un syndicat, de toute façon, je préférerais cette proposition à la vôtre oui ne me permet rien d'autre que de me placer face à l'arrêté ministériel qui va me l'établir. La rémunération, cela comprend les postes, si on a bien compris; c'est cela.

La proposition n'est probablement pas parfaite, on peut la regarder ensemble beaucoup plus qu'on ne le fait ici. Ce qu'on veut éviter, c'est de se retrouver, même dans un projet du genre de celui du ministre Clair qu'on appuie, c'est-à-dire de soustraire la rémunération globale de la négociation, avec une fixation automatique des échelles de salaire tous les trois ans. On veut essayer de voir s'il n'y a pas d'autres possibilités. Le droit de grève étant toujours exclu - on est d'accord avec cela - y a-t-il des formules autres? Le système actuel de faire décider à l'hôpital Notre-Dame par l'arbitre X, cela n'a pas fonctionné. On ne peut pas. Il faut regrouper... Dans une hypothèse, ce serait l'ensemble des hôpitaux sous un conseil quelconque qui serait provincial.

Là, vous n'avez pas d'alternative. La seule possibilité, après avoir négocié trois mois, est qu'on va se retrouver devant l'arrêté ministériel oui va décider des salaires. C'est peut-être cela, la formule, sauf aue le gouvernement voudra peut-être, a un moment donné de son histoire, dire non pour un secteur X. On voudrait bien soumettre cela à la considération de quelqu'un d'autre que notre propre pouvoir exécutif. C'est la proposition qu'on fait.

Elle ne rejette pas la proposition Clair de régler le problème par le Conseil des ministres, à un moment donné; elle ne la rejette pas. C'est une solution de rechange. Maintenant, je suis d'accord avec vous pour dire qu'on devrait peut-être discuter longuement de ce que sont les paramètres, de ce que l'État devrait donner comme directive à son conseil provincial d'arbitrage, parce qu'il peut aller aussi loin Qu'être très directif et finalement ne rien donner. Pour cela, je suis d'accord avec vous. Mais je ne rejetterais pas la proposition globale parce qu'aujourd'hui on ne peut pas s'entendre exactement sur les paramètres.

M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.

Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le député de Fabre. Tout en faisant remarquer aux membres de la commission que le temps prévu pour la tenue de cette présentation est écoulé, sauf le droit du ministre de saluer les représentants du Conseil du patronat... À

moins que le ministre ne puisse accorder une partie des quelques secondes, ou à peu près, qui restent à mon collègue de Verdun...

M. Clair: Je ne voudrais pas empêcher le député de Verdun de s'exprimer brièvement, si c'est pour une ou deux minutes.

M. Caron: Très brièvement, M. le Président. On n'a pas parlé ce matin... Le ministre nous suggère un comité de six-six plus une personne qui serait nommée par le gouvernement. On n'a pas abordé le sujet ce matin et j'aimerais avoir votre opinion, si c'est possible.

M. Dufour: Très rapidement, sur la composition de l'institut, on ne s'est pas beaucoup attardé à cette question-là. Pour nous, ce qui apparaît important, c'est qu'on le mette sur pied. Par ailleurs - on le siqnale rapidement dans notre mémoire - il devrait y avoir une participation du secteur privé et non pas purement des partenaires patronaux du gouvernement. Quand on parle de la partie patronale, on devrait, à cause des effets d'entraînement de l'un sur l'autre, trouver le moyen d'impliquer le secteur privé plus qu'on ne le fait dans la proposition qui est ici.

M. Caron: Merci. !

Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le député de Verdun. M. le ministre, en vous remerciant encore d'avoir cédé quelques secondes de votre temps au député de Verdun.

M. Clair: Merci, M. le Président. Je ne voudrais pas laisser sans réponse la question qui m'était posée par M. Beaulieu concernant une déclaration au Devoir. Je voudrais dire que les propos qui étaient rapportés étaient exacts, mais ils n'étaient que partiels dans ce que j'avais évoqué. Si vous les avez interprétés comme étant un souhait de ma part qu'une fois tous les trois ans l'enjeu de la grève soit modifié par rapport aux droits qui seraient consentis si l'avant-projet de loi était adopté, c'est une mauvaise interprétation. Tout ce que j'ai voulu indiquer, c'était que nous avions confiance dans le mécanisme que nous proposions, soit un Institut de recherche sur la rémunération avec un rapport annuel qui permettrait d'apporter satisfaction aux attentes des employés des secteurs public et parapublic et qu'ainsi cette question-là ne se pose plus une fois tous les trois ans. J'ai indiqué, par ailleurs, que si jamais, effectivement, notre mécanisme n'était pas satisfaisant, on ne pourrait pas empêcher intellectuellement une personne d'être insatisfaite du régime et, au moment où la négociation triennale - tous les trois ans - portant sur des enjeux limités s'effectuerait, c'est évident qu'il y aurait un lien, en termes sociologiques et psychologiques également, au niveau de chacun des individus, entre sa satisfaction à l'égard des mécanismes et des résultats obtenus et son attitude générale sur la négociation sur les autres enjeux, une fois tous les trois ans.

Quant à nous, nous avons suffisamment confiance dans les mécanismes que nous proposons à cet égard-là pour être convaincus que, justement, loin de venir ajouter des enjeux tous les trois ans, les mécanismes viendraient faire baisser la pression parce qu'ils donneraient un résultat satisfaisant, équitable, juste et raisonnable, en termes de rémunération, pour les employés de l'État.

Je termine en utilisant la porte que m'a ouverte M. Dufour tantôt, en me complimentant sur mes qualités de négociateur et en disant que j'avais sûrement perçu, dans la différence de positions entre celle du Conseil du patronat du Québec et de la Chambre de commerce du Québec, une ouverture à la négociation possible. J'utiliserai donc cette porte pour passer au Conseil du patronat le même message que j'ai passé hier a la Chambre de commerce du Québec, soit celui de dire qu'en tout état de cause je pense que c'est par ouverture d'esprit, modération, pondération et une volonté d'être davantaqe tournés vers les problèmes actuels et d'avenir plutôt que d'être tournés sur les rengaines du passé qu'on saura bâtir un régime de néqociation qui satisfera non seulement les employés du secteur public, non seulement les patrons privés que vous êtes, les patrons publics et le gouvernement, mais l'ensemble de la collectivité québécoise. C'est donc un appel à la modération à partir de l'ouverture que vous m'avez faite. Merci, M. le Président.

M. Dufour: Étant axés nous aussi sur le futur, M. le ministre, nous sommes convaincus qu'il n'y aura plus de grèves dans les services de santé, dans l'électricité, le gaz et l'eau potable.

Le Président (M. Johnson, Vaudreuil- Soulanges): M. Dufour, au nom de la commission, vous me permettrez de vous remercier de votre présence ici et, bien honnêtement, au nom de tous les membres de la commission, de vous féliciter de la qualité de la préparation qui était évidente lors de votre présentation. Nous vous souhaitons bonne route à partir de tout de suite.

M. Dufour: Merci.

Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-Soulanges): La commission poursuit ses

travaux en demandant à l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés du Québec de bien vouloir prendre place à la table devant nous. Nous vous souhaitons la bienvenue à notre commission. Je vous rappelle que l'ordre de nos travaux prévoit que vous disposez, au départ, d'une période de 20 minutes pour faire une présentation fondée sur le mémoire que vous nous avez fait parvenir. Je demanderais tout de suite à celui ou celle qui est le porte-parole de l'association...

Une voix: M. Groulx.

Le Président (M. Johnson, Vaudreuil-Soulanges):... M. Groulx, de bien vouloir nous présenter les personnes oui l'accompagnent, a partir de sa gauche, aux fins du Journal des débats.

Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés du Québec

M. Groulx (André): C'est précisément l'ordre dans lequel je voulais procéder. À ma qauche, Mme Clémence Labrèche, vice-présidente de l'association; à ma droite, M. Gilles Gaudreault, directeur général de l'association à la permanence, et M. Claude Berlinquette, directeur des relations du travail à l'association; et moi-même oui en suis le président.

M. le Président, nous voudrions d'abord remercier la commission de nous accorder l'opportunité d'exprimer notre point de vue sur l'avant-projet de loi. L'ACHAP, l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés du Québec, est une association patronale du réseau des affaires sociales. Elle reqroupe essentiellement des établissements privés conventionnés dans les catégories des centres d'accueil d'hébergement, des centres d'accueil d'adaptation et des centres hospitaliers de longue durée. L'association représente plus de 100 établissements regroupant 6000 lits et a peu près le même nombre de salariés y travaillent. Ceux-ci sont regroupés à l'intérieur de sept groupements syndicaux.

Nous sommes, en tant que partenaire patronal du réseau des affaires sociales, fortement intéressés par toute réflexion concernant le régime de négociation des conditions de travail des employés. Nous le sommes aussi en tant que gestionnaires d'établissements dont la finalité première est la dispensation de services à des personnes, ces personnes que l'on appelle bénéficiaires et qui, à toutes fins utiles, peuvent voir ces services modifiés ou altérés par le régime de relations du travail qui existe ou existera dans le réseau des affaires sociales.

Le système actuel a fait l'objet de fréquentes critiques. Son inefficacité à résoudre adéquatement les problèmes a été dénoncée et démontrée à de nombreuses reprises, autant par des organismes du réseau des affaires sociales que par les observateurs de cette scène et par le public en qénéral. Très nombreux sont ceux qui désirent y voir des changements; nous en sommes. Dans cet esprit, nous appuyons totalement la volonté qui s'est exprimée par le dépôt de l'avant-projet de loi et oui s'exprime actuellement par les séances de cette commission. Nous appuyons donc cette volonté de changer le régime. Nous souhaitons que cette volonté perdure et qu'elle puisse se matérialiser dans les plus brefs délais possible par un changement du régime de négociation dans le réseau des affaires sociales. L'avant-projet de loi propose des modifications oui ne sont certes pas sans importance: un nouveau mode de détermination de la rémunération, une décentralisation de la négociation aux catégories d'établissements et aux établissements eux-mêmes, des restrictions quant à l'exercice du droit de grève. Ce sont les trois aspects sur lesquels, aujourd'hui, nous allons vous faire part de nos commentaires. (11 h 45)

Un nouveau mode de détermination de la rémunération. Une première modification importante proposée par l'avant-projet de loi concerne la rémunération. Nous désirons d'abord énoncer les règles ou principes que vous avez, certes, déjà entendus, et ce, probablement à plusieurs reprises, qui, à notre avis, doivent guider la réflexion. La rémunération des salariés de l'État occupe plus de la moitié de son budget. Une variation de celle-ci a des conséquences importantes sur la marge de manoeuvre du gouvernement. Cette variation influe sur les priorités de l'État et sur les choix sociaux à exercer. Cette influence peut s'étendre à la détermination du taux de taxation. À notre avis, ces éléments sont du ressort et de la responsabilité exclusive du gouvernement. C'est pourquoi nous ne pouvons accepter que celui-ci négocie cette faible marqe de manoeuvre avec des partenaires sociaux.

Nous appuyons donc la proposition avancée dans l'avant-projet de loi voulant qu'en dernier ressort, c'est le qouvernement qui décide de l'augmentation de la masse salariale qu'il entend accorder à ses salariés. Nous n'avons pas de commentaires spécifiques à formuler sur la méthodoloqie présentée. Il nous suffit de constater que l'orientation gouvernementale est annoncée dans tous ses détails, permettant ainsi un débat public sur la question et qu'en définitive le qouvernement en décide.

À notre avis, la rémunération des salariés de l'État doit être au diapason de celle des travailleurs du secteur privé au Québec. Le gouvernement doit adopter, dans la mesure de ses capacités et moyens, une politique de parité salariale avec le secteur

privé. La création d'un institut de recherche sur la rémunération, orqanisme paritaire ayant pour but d'informer le public de l'évolution comparée de la rémunération, secteur public et secteur privé, permet la réalisation de cette politique. Nous concourons à sa création et à ses objectifs.

M. Gaudreault (Gilles): Une décentralisation de la négociation. Les dernières rondes de négociations se sont effectuées d'une façon très centralisée. Les textes ont été négociés et agréés par des structures qui se trouvaient fort éloignées des établissements. Certains établissements perçoivent ces textes comme des normes et des règles qui viennent d'ailleurs. On les consulte Quelquefois lorsqu'un problème survient et on réalise leur complexité. On fait alors appel à des personnes-ressources. Dans le coure des années, cette situation a eu comme conséquence une sorte de désengagernent de l'établissement face à la convention collective. La décentralisation permettrait, croyons-nous, une forme de réappropriation du texte. Ce désengagement oui a pour principale cause la centralisation des négociations provient aussi du fait que les textes ne correspondent pas toujours, pour ne pas dire souvent, à la réalité même de l'établissement.

Aussi, croyons-nous que la décentralisation des négociations est devenue nécessaire. Nous appuyons donc l'idée proposée dans l'avant-projet de loi que le pouvoir de négocier la convention collective appartienne aux sous-comités patronaux de négociation. Ceux-ci vont se créer par catégorie d'établissements. Nous voyons là un pas important vers la décentralisation. L'avant-projet de loi propose un pas de plus en conférant, dès le départ, aux parties au niveau local, le pouvoir de négocier et d'agréer un certain nombre de stipulations de la convention.

Les membres de notre association considèrent que, dans un premier temps, les objets de cette négociation locale doivent être peu nombreux. Comme nous l'avons mentionné précédemment, les établissements se sont, au cours des années, désintéressés du texte de la convention collective. Ils n'ont pas d'expertise et, pour la très grande majorité des établissements membres, pas de ressources à consacrer à la négociation.

Ils ont certes l'habitude des arrangements locaux et quelques-uns ont pu, a l'occasion, signer des ententes qui modifiaient une stipulation de la convention collective. Mais, à notre avis, cet exercice de négociation est différent de celui d'un réel pouvoir de néqocier et d'agréer d'une façon exclusive des stipulations d'une convention collective. L'impact et la pression sur l'établissement ne sont pas les mêmes.

La gestion des ressources humaines et, particulièrement, la facette des relations du travail ne relèvent pas nécessairement, dans nos organisations, d'une seule personne. La direction générale et les cadres hiérarchiques se partagent cette fonction.

Le pouvoir, mais aussi le devoir, de négocier localement a pour risque de semer, au début à tout le moins, une certaine confusion. Les énergies du personnel d'encadrement seront canalisées vers la négociation avec peut-être, croyons-nous, des effets sur la qualité des soins. Certains établissements devront ajuster leur plan d'organisation. Ils devront aussi accroître leur connaissance de la convention collective et apprendre à négocier. Nous croyons que la négociation de la convention collective au niveau des sous-comités est déjà un pas important vers la décentralisation. Nous croyons, de plus, que les établissements doivent faire progressivement l'apprentissage de la négociation.

Nous vous suggérons donc d'apporter des modifications à l'avant-projet de loi. Nous proposons que les stipulations prévues pour la négociation locale deviennent des stipulations négociables et non pas, comme le prévoit l'avant-projet de loi, des stipulations à être négociées exclusivement à ce niveau. Nous voudrions les voir se transformer en des éléments d'un champ de juridiction dans lequel les parties au niveau local pourraient puiser au besoin.

Cette distinction permettrait d'attribuer au sous-comité de la catéqorie d'établissements, c'est-à-dire au niveau national, le pouvoir de négocier ces mêmes stipulations et ainsi d'établir un texte plus approprié à la catéqorie d'établissements. Nous croyons que la pression au niveau local pour modifier un texte s'en trouverait alors diminuée. Les parties au niveau local puiseraient au besoin dans le champ de juridiction oui leur est attribué. Ainsi, à la demande d'une partie, les négociations débuteraient. Advenant une entente sur une stipulation, celle-ci deviendrait la loi des parties au niveau local mais cette entente aurait comme conséquence que, dorénavant, cette stipulation demeurerait de juridiction exclusive au niveau local. Ainsi, progressivement, les établissements auraient à négocier un plus qrand nombre de stipulations appropriant à leur rythme des éléments d'un champ de juridiction fixé à l'avance.

Mme Labrèche (Clémence): Nous sommes heureux de constater que le gouvernement, par le dépôt de l'avant-projet de loi, a fait un pas important dans une opinion que nous avons toujours soutenue avec force et que nous soutenons toujours. L'avant-projet de loi abolit l'exercice du droit de grève pour les matières relatives à la rémunération et celles qui sont de niveau

local ou régional. Il maintient, toutefois, la possibilité de cet exercice pour les matières de niveau national.

Nous aurions souhaité et proposons que l'exercice du droit de grève ne soit plus un mode de règlement des différends pour aucune matière de la convention collective dans les centres d'accueil d'hébergement (CAH), dans les centres hospitaliers de soins de lonque durée (CHLD) et dans les centres d'accueil d'adaptation (CAA). Si l'on reqarde le passé, l'histoire récente de l'exercice du droit de grève dans le réseau des affaires sociales, l'on remarquera que ce droit n'a été maintenu qu'artificiellement. L'exercice de la grève fait mal, et lorsqu'elle a fait trop mal, le léqislateur est intervenu. Pourquoi conserver un droit qu'à toutes fins utiles on ne peut exercer? Pourquoi conserver un droit qu'à toutes fins utiles on ne veut voir exercer?

Il faut vivre près des bénéficiaires pour mesurer l'impact que l'exercice de ce droit occasionne sur les personnes. Imaginez-vous en centre d'accueil, dans une chambre oui est devenue votre chez-vous. Vous fonctionnez avec difficulté et l'on vous accorde de l'aide; mais l'on vous retire cette aide à l'occasion d'une grève. L'impact est grand en situation de grève, mais l'impact est tout aussi important par la simple appréhension de son exercice. Nous sommes en présence de deux droits, l'un qui est de recevoir des services de santé et des services sociaux, l'autre oui est celui de faire la grève pour appuyer ses revendications en tant que travailleur. S'il existe un ordre de priorités entre des droits, nous choisissons d'emblée le premier. Ces droits sont, à notre avis, incompatibles et le premier ne peut souffrir d'aucun compromis. Nous le répétons, le droit à l'exercice de la qrève ne doit pas exister dans nos catégories d'établissements.

Nous ne pouvons même pas accepter l'idée de services essentiels. Les établissements fonctionnent actuellement avec juste ce qu'il faut de personnel et une étude récente de notre association démontre que, dans plusieurs cas, les établissements administrent avec une pénurie de personnel. Dans les établissements, dans des organisations comme les nôtres, la finalité même est de donner des services aux bénéficiaires. Tous les services, de près ou de loin, concourent à cette finalité. Tous les services sont donc essentiels. Il faut, à notre avis, faire le pas important, difficile et peut-être même déchirant, de renoncer à l'exercice de la qrève. Les règles du jeu seront ainsi clairement établies. Une personne travaillant dans le secteur des affaires sociales saura qu'elle ne pourra exercer un tel droit pour faire valoir ses revendications pourtant légitimes. Se pose alors la question de la solution. Elle est certes difficile à trouver. Nous croyons toutefois qu'un arbitraqe sous la forme d'un conseil provincial d'arbitrage, tel que certains orqanismes vous l'ont déjà proposé, pourrait dans un premier temps être une avenue intéressante.

Il faut, à notre avis, mettre en place un nouveau mécanisme et le temps et l'expérience nous diront s'il faut le modifier ou tout simplement le rejeter pour en créer un autre sur la base de l'expérience qui sera acquise.

Il faut s'engager résolument dans cette voie et cette alternative sera trouvée qui satisfera sans doute les principaux intervenants. Nous ne devons pas, à notre avis, maintenir le droit à la grève jusqu'à ce que l'on trouve une alternative théorique parfaite. C'est en forqeant que l'on devient forqeron et c'est en faisant l'expérience d'une autre voie que l'on saura s'y qouverner. Merci!

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Labrèche. J'invite le ministre à poser ses questions ou à faire ses observations.

M. Clair: Oui, M. le ministre - pardon, M. le Président - je voudrais d'abord remercier... Non, c'est à l'avenir de mon collègue que je pensais. M. le Président, je voudrais dans un premier temps remercier M. Groulx et les gens qui l'accompagnent de l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés du Québec de m'avoir donné l' occasion au cours des derniers mois d'échanger des idées avec eux sur la réforme du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic, de s'être penchés sur l'avant-projet de loi et, aujourd'hui, de venir nous faire part de leurs commentaires, principalement quant à trois grands sujets. Quant à moi, j'aurai des questions seulement sur deux d'entre eux puisqu'en ce qui concerne le nouveau mode de détermination de la rémunération, compte tenu de la position de l'association oui en est une d'appui à la proposition qouver-nementale, je n'ai pas à m'étendre ni à vous interroger beaucoup sur cette partie. Je voudrais m'attarder davantage a la question de la décentralisation de la négociation et du règlement des différends.

En ce oui concerne la négociation au niveau local et la façon de procéder à la décentralisation, vous abordez cette question à partir de la page 6 de votre mémoire et, particulièrement, à la paqe 7, où on lit ceci en parlant des établissements membres: "Ils ont certes l'habitude des arrangements locaux et quelques-uns ont pu, à l'occasion, signer des ententes qui modifiaient une stipulation de la convention collective. " Vous indiquez, à la page 8, que c'est très différent, à votre avis, du pouvoir réel de négocier et d'agréer d'une façon exclusive des stipulations d'une

convention collective. À la page 9, vous proposez, plutôt que d'avoir l'obligation en quelque sorte de négocier sur une liste de sujets, de pouvoir transformer cette liste en un cataloque à l'intérieur duquel vous pourriez puiser et que cela se fasse à partir de la volonté de l'une ou l'autre des deux parties. (12 heures)

L'avant-projet de loi a une orientation et un contenu différents et, justement parce qu'il existe des arrangements locaux, qu'il existe déjà une base à partir de laquelle on pourrait commencer à travailler et à néqocier dès l'adoption de la loi, si ces dispositions étaient reproduites, il me semble qu'il y aurait avantage, puisque nous prenons ce qui est dans les conventions collectives actuelles comme étant le statu quo... susceptible d'évoluer selon la volonté des parties au niveau local, il me semble qu'il y aurait des avantages à ce que, de manière permanente et à partir de l'adoption de la loi en quelque sorte, ces mécanismes puissent se mettre à opérer. J'ai deux questions. Quand vous affirmez que vous avez eu, dans quelques cas, à signer des ententes qui modifiaient une stipulation de la convention collective, des arrangements locaux, en termes de nombre de sujets ou de matières sur lesquels portaient ces arrangements locaux, est-ce que, quand on dit "quelques-uns", cela veut dire que c'est dans très peu de cas, ce qui viendrait confirmer, en ce qui concerne le réseau que vous représentez, qu'il n'y a pas beaucoup de problèmes à qérer les conventions collectives telles qu'elles existent présentement? Deuxièmement, qu'est-ce qui vous amène, de façon aussi nette, à vous orienter davantage en fonction de la proposition de la coalition des syndicats du secteur public oui, eux aussi, ont plutôt une orientation d'arrangement local à partir d'une liste plutôt que l'approche oui est retenue par l'avant-projet de loi? J'aimerais vous entendre dans un premier temps sur ces deux questions.

M. Berlinguette (Claude): En ce qui concerne la première question, vous vous interrogez en termes de nombre ou de volume. Il y a 103 établissements membres de l'association. Sur les 103, il y en a 71 de syndiqués. On demande à nos établissements lors des périodes ou d'une ronde de négociations de nous faire parvenir, en fait, leurs arrangements locaux pour qu'on puisse éventuellement les consulter et les orienter en leur donnant notre opinion là-dessus. Sur les 71 établissements, nous avons peut-être 30 arrangements locaux qui ont été négociés. Pour l'ensemble des autres établissements, il n'y en a pas. J'imagine que les parties fonctionnent, soit d'une façon verbale, soit qu'elles ont une habitude dans le passé qu'elles ont maintenue ou soit simplement qu'elles n'ont pas senti le besoin de modifier le texte provincial. Sur les 30 documents que l'on a, les sujets sont peu étendus. Si on fait référence à notre convention collective, il y a peut-être une quinzaine de sujets sur lesquels les parties peuvent faire des arrangements locaux. On ne retrouve pas ces quinze sujets dans les textes néqociés localement. On retrouve sept ou huit sujets, généralement, quelques-uns quelquefois à l'extérieur des éléments qu'elles ont le droit de négocier, ce oui rend ces éléments illégaux d'une façon technique, mais c'est très peu. Globalement, sur les 30, l'aspect le plus important qui est traité, c'est peut-être la gestion de la liste de rappel. C'est un peu l'ensemble du portrait.

M. Clair: Vous dites qu'au-delà des siqnatures d'arrangements, il y a des ententes verbales. Est-ce à dire qu'au-delà de la trentaine de documents signés, il y aurait de nombreux arrangements de nature verbale, de "bonne entente", où l'on modifie le contenu des conventions collectives, mais sans nécessairement le mettre par écrit? Je vois que dans votre mémoire, vous dites, par exemple - et ce sont des mots importants -qu'au départ la convention collective est un document auquel vous vous référez quelquefois. Je cherche la citation, là. En tout cas, vous affirmez... À toutes fins utiles, à deux ou trois endroits, le mémoire laisse entendre que vous allez devoir approfondir votre connaissance des conventions collectives, s'il y a une décentralisation au niveau local, que vous allez devoir former vos cadres ou les préparer à pouvoir négocier, que c'est un document auquel vous vous référez quelquefois. L'impression que cela donne, c'est que dans votre réseau - et surtout avec ce que vous venez de dire - il y aurait beaucoup d'ententes orales ou verbales puisque la convention collective ne semble pas être l'objet de chicanes permanentes et le document dont on se sert de manière quotidienne dans le rèqlement des problèmes.

M. Berlinguette: J'aimerais peut-être préciser ma pensée. Lorsque je faisais allusion à des ententes verbales, c'est par rapport aux autres arrangements locaux. Je disais qu'il y avait peut-être 30 arrangements locaux qui étaient écrits. Pour les autres, on ne sentait pas le besoin d'écrire ces textes, mais on traitait à peu près des mêmes sujets. On ne sortait pas vraiment du cadre de ce qui est prévu à l'heure actuelle par la loi 55 pour néqocier d'autres sujets de vive voix ou par écrit.

M. Groulx: La grosseur de nos établissements a certainement une influence sur l'ensemble de ce mécanisme. En principe,

ce qui s'est vécu depuis les dernières années, c'est évidemment... Les gens au niveau local avec les mécanismes de la négociation qu'on connaissait n'avaient que très peu de choses a dire et, dans le concret, on était pris avec quelque chose qui ne s'appliquait pas, dans le fond, quotidiennement et intelligemment, de telle sorte que les gens, par la voie d'à côté, évidemment, s'entendaient par coutumes ou par ententes verbales, d'une façon réaliste mais non conforme aux lois existantes et le jour où cela ne fonctionnait plus, le syndicat, avec les mécanismes, pouvait dénoncer et recommencer.

Ce qu'on propose là-dedans, dans le fond -c'est là notre interrogation - c'est de permettre au niveau local d'évoluer au fur et à mesure de l'expérience de la négociation. Parce que s'entendre sur une situation des tableaux d'affichage, c'est bien beau mais ce n'est pas une grosse négociation; s'entendre sur les vestiaires, sur certains petits arrangements, cela ne fait pas partie de la négociation et de l'impact direct d'une saine gestion. Ce qu'on voudrait plutôt, c'est qu'au niveau national ou des catégories d'établissements, le pattern s'établisse et qu'après, au niveau local, on puisse essayer de rapatrier au fur et à mesure les sujets qui ont déjà un certain pattern d'établi et, si on s'entend sur un nouveau texte, ce sujet dorénavant deviendrait du ressort local.

C'est un peu une phase qui nous apparaît de transition entre la mécanique telle qu'elle est présentée actuellement et, en fin de compte, on pense qu'évidemment cela devrait conduire vers cela. Mais il y a une phase de transition qui permettrait à tous les intervenants de faire de l'apprentissage dans le réel et de ne pas risquer à connaître ce qu'on a déjà défini, soit un paquet de choses qui soient extrêmement différentes dans chacun des établissements, ce qui nous causait, avant la centralisation, un paquet de problèmes dans le réseau. Alors, au sujet de la centralisation, on ne voudrait pas se voir complètement décentralisé, mais on pense qu'il faut apprendre un cheminement mitoyen. C'est à peu près cet aspect-là.

M. Clair: Donc, dans votre esprit, une possibilité d'arrangements locaux à partir d'un cataloque - je reprends l'expression -une négociation sous-sectorielle, tout cela étant vu comme un premier pas ou une orientation dans la direction de la décentralisation, mais qui pourrait être suivi par un autre pas, éventuellement.

M. Groulx: C'est cela. Sauf qu'on ne va pas directement au niveau local dans le cataloque, on va au niveau des catégories d'établissements, d'une certaine centralisation pour servir de pattern et tous ces points pourraient faire l'objet au niveau local, si l'une ou l'autre des parties désire négocier... S'il y a entente, à ce moment-là, c'est ce texte qui devient dorénavant matière locale clairement identifiée, parce qu'on a démontré sa capacité, dans le fond, d'en arriver à un nouveau texte. À ce moment-là, la responsabilité est acquise au niveau local. S'il n'y a pas cette négociation ou cet aboutissement, c'est le pattern qénéral qui s'appliquerait.

M. Clair: Et dans votre esprit, c'est renégociable tous les trois ans?

M. Groulx: C'est cela.

M. Clair; Donc, c'est un concept qui s'inspire moins de celui de la négociation permanente que celui qui est proposé dans l'avant-projet.

M. Groulx: C'est-à-dire au niveau local, au cours de ces trois ans, on peut faire le cheminement de reprendre les points au fur et à mesure des parties et des besoins des parties. Alors, cela n'enlève pas l'élément de négociation permanente. Ce qu'on enlève, c'est l'obligation systématique de négocier des choses alors que les parties ne sont pas prêtes, qu'elles n'ont pas l'expertise et l'expérience nécessaires pour tout accaparer cela.

Cela nous apparaît une phase de transition entre les deux. Mais, cela conduirait au même résultat, sauf qu'en termes de temps, la responsabilité des parties serait, à ce moment-là, plus facilement identifiable et quantifiable. On ne partirait pas en guerre sur tous les sujets; on irait sans doute aux sujets qui préoccupent d'abord le niveau local dans son quotidien et on ferait suivre par la suite.

M. Berlinquette: Si vous me le permettez, M. le ministre.

M. Clair: Oui.

M. Berlinquette: J'aimerais préciser un peu la pensée qu'on tente de... la question que vous posez. En fait, on irait à la négociation locale, mais d'une façon un peu plus lente. Ce ne sont pas des arrangements locaux qu'on tente d'inclure au texte qu'on vous propose ici. Une fois qu'on aurait, pour employer une expression anglaise, un pattern sous-sectoriel, une catégorie d'établissements pour les établissements privés conventionnés, les établissements, au niveau local, pourraient vraiment négocier à partir des éléments contenus, qu'on aurait prévus dans l'annexe A à l'heure actuelle. Ils néqocient ces éléments et, s'il n'y a pas d'entente, on revient au statu quo négocié provincialement.

Si une entente se réalise, avec tous les mécanismes prévus dans l'avant-projet à

l'heure actuelle, cet élément précis devient dorénavant de juridiction locale, c'est-à-dire que, lors de la prochaine ronde de négociations au niveau national, dans la troisième année, en prenant pour hypothèse une convention de trois ans, le nouveau pattern qui serait néqocié à ce niveau ne toucherait plus cet établissement au niveau local. Ce dernier aurait son champ de juridiction très limité et dirait: Ce pattern ne s'applique plus à moi. À ce moment-là, il embarque dans une négociation purement locale sur cet élément. Il peut revenir au pattern provincial ou en faire un nouveau ou garder son ancien texte. Pour cet établissement, le national n'a plus d'influence sur cet élément; ainsi, on considère que, tranquillement, les parties faisant l'expérience de la négociation, vont rapatrier l'ensemble des éléments du champ de juridiction et on pourra imaginer, après une certaine période - comme on le voit présentement, il y a 34 sujets dans l'annexe - que nos établissements au niveau local vont vraiment négocier exclusivement ces 34 éléments.

M. Clair: Je comprends. Je voudrais maintenant aborder le deuxième sujet, la question du droit de grève et du substitut au droit de qrève. Vous affirmez très catégoriquement, très clairement votre position sur cette question, soit que, pour aucune considération, le droit de grève ne devrait être maintenu dans le secteur de la santé, dans les établissements que vous représentez; c'est une position très claire que vous réaffirmez puisqu'elle était déjà connue.

Maintenant, vous parlez d'un substitut au droit de grève dans le secteur de la santé. Vous proposez comme option le conseil provincial d'arbitrage qui nous a été présenté tantôt par le Conseil du patronat. Je voudrais vous poser la question suivante, dans un premier temps. Qu'est-ce qui vous a amenés à retenir cette proposition plutôt qu'une proposition de médiation par un arbitre, d'arbitrage de l'offre finale? En quoi un conseil provincial d'arbitrage du type de celui, si j'ai bien compris, évoqué par le Conseil du patronat, vous paraît-il être la solution, l'alternative, le substitut au droit de qrève dans le secteur de la santé?

Deuxième question: Votre objectif, le nôtre, celui de l'ensemble de la société, c'est qu'il n'y ait plus de qrève dans le secteur de la santé. Tout le monde s'entend sur l'objectif. Reste à déterminer quel est le meilleur moyen pour atteindre l'objectif. Est-ce que vous pensez, à partir des établissements de votre réseau, que les mentalités chez les travailleurs et les travailleuses du secteur de la santé ont suffisamment évolué pour que le retrait du droit de grève et son remplacement par un conseil provincial d'arbitraqe, pour qu'un tel substitut reçoive l'adhésion des salariés à la base et que l'on ne soit pas confronté avec plus de qrèves illégales qu'auparavant et avec encore plus de difficultés à éviter qu'il y ait des grèves? Telles sont mes deux questions sur ce sujet-là. (12 h 15)

M. Gaudreault: Notre orientation dans ce domaine est basée, à titre d'expérience, sur cette proposition qu'a présentée le Conseil du patronat du Québec et peut-être d'autres organismes, selon laquelle les conflits passeraient par l'audition d'un conseil provincial d'arbitrage constitué de personnes absolument indépendantes de tout pouvoir législatif ou exécutif et qui pourraient donner une orientation au règlement du conflit. Cela nous apparaît une forme qui mériterait d'être expérimentée pour la solution des conflits possibles dans le secteur hospitalier.

Quant a savoir si les mentalités ont suffisamment évolué, c'est assez difficile de se prononcer là-dessus. Encore là, il faudra faire l'expérience. On semble tout de même vivre, au moment où on se parle, des réactions assez violentes de la part du mouvement syndical concernant, évidemment, la proposition que vous faites, M. le ministre, et le cheminement de cette opération.

Est-ce que l'ensemble des membres, les syndiqués, les membres de ces syndicats, auront une voix prépondérante et verront à ce que les organismes déléqués au règlement de ces conflits aient véritablement autorité? C'est l'avenir oui nous le dira.

M. Clair: Dans la mesure où vous me dites vous-même que vous n'êtes pas certain que les mentalités aient suffisamment évolué pour qu'il soit accepté, par l'ensemble des travailleurs de ce secteur-là, que l'on enlève complètement le droit de grève pour le remplacer par un substitut, c'est donc que vous acceptez à l'avance la conséquence de cela, c'est-à-dire le risque d'une prolifération des qrèves illégales. S'il y a un tel risque de prolifération des grèves illégales, la question que le député de Fabre posait hier à d'autres organismes est tout à fait pertinente: Jusqu'où faut-il aller dans les sanctions si quelqu'un n'accepte pas, s'il n'y a pas, dans le contrat social entre les travailleurs du secteur de la santé, l'État et l'ensemble de la société, y compris les bénéficiaires, une acceptation de ce nouveau mécanisme? Il apparaît évident que cela conduit à des grèves illégales, surtout si vous me dites que vous êtes plutôt d'avis que les mentalités n'ont pas assez évolué à cet égard. Cela amène donc la nécessité de sanctions, de mesures répressives plus lourdes qui, elles-mêmes, ont comme conséquence possible un durcissement additionnel du côté des

travailleurs, d'engendrer encore davantage de frustrations et de les faire recourir encore plus à des grèves illégales. Comment se sort-on de cela? Est-ce que j'ai tort de m'interroger sur cette problématique? Est-ce qu'elle est fausse, inexacte? Est-ce que j'ai fait un scénario catastrophique ou s'il vous apparaît que, par un choix judicieux de sanctions, ce serait possible de faire accepter de gré ou de force votre proposition?

M. Groulx: Je pense que vous n'avez pas tort, M. le ministre, et on serait malvenus de vous dire que vous avez tort de vous interroger avec tous les efforts que vous avez déployés depuis la dernière année pour essayer d'obtenir des consensus. Je pense qu'il faut se rappeler qu'il y a dix ans on tenait la même ligne de pensée lorsqu'on affirmait catégoriquement qu'on était contre le droit de grève dans nos établissements. Nos établissements, ce sont des centres d'accueil d'hébergement, des centres hospitaliers de longue durée et des centres de réadaptation ou d'adaptation. Ce sont des personnes qui ont besoin d'hébergement et qu'on ne peut pas retourner chez elles. Il y a une grande marge, quant à nous, entre cette clientèle et ce qu'on appelle un hôpital général, parce qu'un hôpital général peut toujours décider de fermer des lits. Dans nos centres, il n'en est pas question. Si on doit pourvoir aux besoins directs de ces gens hébergés, on est pris avec et on est pris pour leur donner les services qu'on doit leur donner.

Il y a dix ans, lorsqu'on affirmait cela, on était les seuls et, aujourd'hui, lorsque vous me parlez de l'objectif général, on a déjà franchi des pas parce qu'on commence à se réinterroger sérieusement sur l'opportunité du droit de grève, en tout cas dans certains secteurs, dont le nôtre, et à le remettre en cause. Nous maintenons qu'il ne devrait pas exister. On a dit dans notre mémoire qu'une grève possible a les mêmes influences et on le répète encore. La grève n'a pas lieu, mais cela a la même influence chez les bénéficiaires en ce qui a trait à leur comportement d'insécurité. Ils se demandent s'ils vont manger, s'il va y avoir du monde, s'ils vont être changés. Et il n'y a pas de grève: il y a juste une appréhension de grève. C'est la même situation que lorsqu'il y a une grève.

Évidemment, il faut avoir le couraqe de choisir et ce n'est facile pour personne dans une telle situation. On vous a dit que, quant à nous, la primauté du droit aux services de santé est évidente par rapport au droit de défendre ses intérêts au niveau d'une grève.

L'on pense, par contre, qu'il est effectivement possible d'avoir des mécanismes qui décourageraient le recours à ces grèves illégales. Cette mentalité, nous pensons qu'elle a grandement évolué au niveau des salariés. Au niveau des centrales, c'est une autre paire de manches. Je ne vous cacherai pas que dernièrement un chef syndical a même mis en demeure, en plus du gouvernement, l'Opposition à savoir que, s'ils touchaient au droit de grève, ils ne seraient jamais au pouvoir. À mon sens, penser une telle chose et faire une telle affirmation a des conséquences dramatiques. D'abord, ce n'est pas une personne élue par les citoyens du Québec, je pense. Ensuite, cette orientation et cette philosophie se basent sur quoi et sur oui? Les syndicats, comme les patrons, évidemment n'obtiennent pas leur existence par la rosée du matin ou l'eau qui coule. Ils ont des ressources. Ils ont besoin de ressources financières à la base pour exister. Enlevez-leur une possibilité de ressources financières lorsqu'il y a une qrève illégale et je suis convaincu que vous allez toucher là un point vital. Souvent, on a tendance à penser que les syndiqués sont uniquement des qens faisant partie d'un syndicat; ce sont nos employés. Pour en avoir fait l'expérience lors de grèves illégales où j'ai personnellement rencontré mes salariés pour leur expliquer la situation dans laquelle ils se mettaient lors d'une qrève illégale par rapport aux bénéficiaires, par rapport à ce que cela comportait, je peux vous dire qu'on a eu des comportements qui nous ont beaucoup surpris, agréablement surpris.

Ce qu'on dit, c'est que ce n'est pas facile. C'est vrai qu'il va y en avoir mais si on ne le fait pas, on sera toujours au même point, un point de peur quant à ce qu'on devra affronter. Pour nous, un gouvernement est là pour gérer et donner des priorités, c'est sa responsabilité. Si une démocratie doit exister, c'est parce qu'on a une certaine convenance des lois et qu'on est prêt à se plier à certaines mécaniques. On accepte cela et on pense que les parties doivent accepter cette mécanique.

M. Clair: Je vous remercie, M. le Président. Mon temps est écoulé. Je vais laisser le temps au porte-parole de l'Opposition de poser ses questions.

Le Président (M. Lachance): C'est bien cela. M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest; Comme le ministre, je pense qu'il y a deux paramètres principaux au niveau de votre mémoire. Je vais enchaîner avec la discussion ou l'échange que vous avez eu avec le ministre sur la question du droit de grève. Vous savez déjà que, quant à nous, entre autres certainement pour les établissements qui vous concernent, la position du Parti libéral du Québec - elle va être clarifiée et arrêtée d'une façon définitive au début du mois de mars lors de

notre congrès plénier - d'après les déclarations préliminaires du chef du parti, M. Bourassa, hier et du porte-parole dans le dossier, M. Pagé, va dans le sens des dernières remarques que vous venez de formuler.

D'abord, comme vous l'indiquez, sur le plan des principes, il est sûr qu'on est en présence d'un effort difficile et probablement impossible de concilier, d'articuler ou d'assurer une certaine complémentarité entre le droit à la santé, le droit des bénéficiaires aux services qu'exige leur condition et les droits des travailleurs de négocier d'une façon libre, avec les instruments de négociation, leurs conditions de travail. Le sens de votre mémoire, c'est que vous êtes bien conscients des droits de vos employés, vous l'indiquez assez clairement, sur le plan de leurs conditions de travail, mais vous faites un choix en affirmant la primauté des droits des bénéficiaires. On est presque au niveau d'une certaine philosophie, d'une conception de la vie et cela est fondamental. Sur ce plan, nous partageons votre type de préoccupation.

L'une des faiblesses, je pense, de l'avant-projet de loi sur cet aspect capital, c'est que le gouvernement ne semble pas choisir. Dans l'analyse faite par le ministre tantôt, il vous disait que le scénario qu'il essayait de développer relevait d'une certaine apocalypse. C'est une interrogation sérieuse que le ministre avait, que nous avons et vous dites, d'ailleurs, avoir et partager un certain nombre d'inquiétudes à ce sujet. Au niveau politique, au niveau de l'Assemblée nationale, au niveau des élus et des partis politiques, ces choix-là doivent être faits, surtout après l'histoire des dix ou quinze dernières années qu'on a vécues comme société dans ce domaine. Comme le signalait, je pense, d'une façon très pertinente le groupe qui vous a précédés, le Conseil du patronat, lorsqu'il disait - puisque sur les questions de rémunération le droit de grève sera enlevé -en conclusion de son mémoire, posant la question assez directe de la faiblesse de l'avant-projet à cet éqard, c'est-à-dire au niveau du droit de grève: "D'ailleurs, allez donc expliquer à un malade hospitalisé - ou à une personne qui est dans un établissement comme vous l'avez indiqué - qu'une grève dans un hôpital peut se justifier sur une question d'ancienneté, de changements technologiques ou de formation - ou autres sujets - mais pas sur une question de rémunération. " En fin de compte, dans l'avant-projet de loi, sur cet aspect particulier, quels que soient ses mérites, et ils sont nombreux, sur les autres aspects, il nous semble - et je pense que c'est le sens de votre mémoire - que vous regrettez que ce choix n'ait pas été fait.

Sur les mécanismes, comme le ministre le signalait à bon droit, si on enlève le droit de grève, il existe des situations où on peut arriver à une qrève illégale. Donc, il faut voir, avant de penser à arriver à une grève illégale, les mécanismes de compensation. Par exemple, dans votre mémoire - c'est la première question que je veux vous poser -vous ne parlez que des établissements qui vous concernent, mais est-ce que votre groupe a une opinion pour l'exercice du droit de qrève dans le secteur hospitalier? (12 h 30)

M. Groulx: Dans l'ensemble du secteur, évidemment, les centres d'accueil d'hébergement et les centres d'adaptation et de réadaptation des établissements qui existent aussi au niveau public et, à ce que l'on sache en tout cas, ils vivent les mêmes problèmes que nous. Alors, on dit qu'au niveau de la catégorie de clients qui sont hébergés dans nos établissements, c'est une catégorie qui est particulière et on doit peut-être faire une annotation spécifique à ce genre de clients compte tenu de ce que j'ai expliqué, qu'on ne peut pas les retourner chez eux en fermant des lits. On ne peut pas couper des soins directs - dans un hôpital général, on peut réduire des opérations, on peut réduire le temps d'hospitalisation - dans nos établissements compte tenu de l'ensemble, sauf que d'autres associations qui sont d'ordre public ont la même clientèle que nous.

M. Rivest: D'accord. Quand on arrive ensuite au niveau du régime à la suqqestion que vous faites d'un tribunal d'arbitraqe, je pense que vous n'avez pas répondu directement à la question évoquée par le ministre lorsqu'il parlait des hypothèses ou des "technicalités" au niveau des formules d'arbitrage, par exemple, sur la base de l'offre finale. Sauf erreur, à moins que je n'aie pas compris votre réponse, je ne pense pas que vous ayez commenté cette question que le ministre vous posait d'une façon particulière. Quelle serait la base ou la nature de l'arbitrage que vous envisageriez au niveau du conseil provincial d'arbitrage que vous évoquez?

M. Groulx: M. le député, ce n'est pas une question sur laquelle on s'est penchés de façon approfondie. On avait eu l'occasion, par exemple, de discuter avec les représentants du Conseil du patronat - on fait partie, d'ailleurs, du Conseil du patronat - et sa position sur cela nous convenait. On a même agréé cette position de façon très formelle. Alors, c'est un peu la raison pour laquelle on ne s'est pas penchés plus directement sur cette méthodologie.

M. Rivest: L'approche ou les hypothèses ou les "technicalités" évoquées ou suggérées sont sensiblement celles dont le Conseil du patronat a discuté.

M. Groulx: Plus que sensiblement, ce sont celles du Conseil du patronat.

Nous, vous savez, on est toujours un peu surpris que l'illégalité, à un moment donné, devienne quasiment rentable. On n'ose pas appuyer trop sur cela. On sait que dans le secteur on constitue un groupe un peu particulier, étant donné le caractère privé. Les relations du travail qui existent également au niveau de nos établissements reflètent ce caractère privé. M. le président vous disait tout à l'heure qu'il a lui-même rencontré ses employés. J'ai eu l'occasion de le faire aussi dans le secteur public, mais peut-être pas avec le même succès qu'il l'a fait chez lui. Ce que les employés savent dans un établissement privé, c'est que celui qui est en face d'eux, c'est lui le patron et qu'ils ne peuvent pas passer par-dessus. Cela a l'avantage de tempérer un peu les ardeurs des dirigeants de syndicat. C'est un peu le portrait de chacun de nos établissements.

M. Rivest: Comme troisième élément, au niveau de la sanction, au fond, d'un exercice du droit de grève qui serait aboli, je pense que votre porte-parole a indiqué tantôt, d'une façon indirecte et prudente: Vous savez, les syndicats ont besoin de revenus, etc., enfin ce sont les droits syndicaux qui sont, par ailleurs, accordés dans d'autres lois. Au niveau du régime de sanction de l'illégalité ou des situations d'illéqalité qui pourraient survenir, est-ce que vous envisageriez un réqime de sanctions ad hoc, c'est-à-dire des sanctions un peu traditionnelles de nos lois dans le domaine des relations du travail ou des sanctions formellement écrites à l'avance et clairement indiquées dans la loi, de sorte qu'en cas d'illégalité cela entraîne telle conséquence pour le syndicat au niveau des avenues que vous avez évoquées tantôt? Par exemple, l'on pense aux formules de contributions obligatoires, etc. Est-ce que cela devrait être clairement dit dans les lois, comme premier élément? Deuxièmement, est-ce que l'applicabilité de la sanction devrait ou pourrait, dans votre esprit, revêtir un certain caractère d'automaticité, devrait être immédiate? Lorsque la situation aurait été constatée, automatiquement, ce serait ça, la sanction. Autrement dit, que les règles du jeu soient connues. Que des gens, des syndicats ou des patrons qui recourraient à l'illégalité, que tout le monde sache d'avance dans les lois, dans la volonté politique exprimée, que c'est clair que c'est ça, la réalité, que cela ne sera pas négociable, parce que, évidemment, la loi n'est pas négociable. Est-ce que vous avez pensé à ce type d'approche?

M. Gaudreault: Dans notre mémoire, on dit également que l'abolition du droit de grève rendrait la situation très claire en ce oui concerne nos établissements, puisque quelqu'un qui viendrait travailler dans ce réseau des établissements privés, en particulier, saurait qu'il n'y a pas de droit de grève. Alors, la situation serait claire. Je pense que la situation devrait être claire pour tout le monde, également, et que ces sanctions en cas de grève illégale devraient être connues à l'avance et ne pourraient pas être négociées, puisque ça deviendrait loi.

M. Rivest: Non plus qu'être l'objet de pressions politiques au niveau de la détermination ou du contenu d'un projet de loi spécial qui sanctionnerait, après coup, l'illéqalité ou qui augmenterait les amendes ou les sanctions préalablement prévues. C'est ça que vous voulez indiquer?

M. Gaudreault: C'est ça, exactement. M. Groulx: C'est exactement ça.

M. Gaudreault: Ce qui est connu et clairement identifié, on ne peut pas prétendre l'ignorer.

M. Rivest: Pour conclure sur cet aspect, ça se ramène, je pense, à l'affirmation assez forte que vous avez faite en commentant une déclaration récemment, que c'est au niveau de l'Assemblée, du gouvernement et de ceux qui ont été élus par la population que le leadership - appelons ça le leadership - dans cette question-là doit se situer, qu'il doit être clair, définitif et enqaqé avec, bien sûr, les difficultés ou les risques que l'exercice comporte, mais, tout de même, que, dans l'état actuel et l'évolution de l'ensemble de notre expérience dans le domaine des relations du travail, le moment était venu au Québec d'avoir une telle approche du problème. C'est cela?

M. Groulx: C'est exactement ça.

M. Rivest: Deuxième élément de ma question, mais peut-être plus court, si vous voulez. Vous avez pris connaissance, je pense, de la liste, de l'annexe, que le ministre a déposée hier au niveau de la décentralisation des négociations. Entre autres, j'ai compris, dans votre mémoire et dans l'échange que vous avez eu avec votre ministre, qu'une fois qu'il y avait eu entente localement, c'était arraché au niveau des sous-comités; autrement dit, il y a un certain étapisme dans la négociation.

La liste qui a été soumise et oui concerne les affaires sociales, M. le ministre, elle est purement exploratoire et elle n'est peut-être pas limitative, même.

M. Clair: J'ai clairement indiqué qu'il s'agissait d'une avant-avant-liste et qu'elle n'était pas définitive. Si vous remarquez, si

ma mémoire est fidèle, pour le secteur scolaire protestant la liste est encore vierqe. Alors, c'est vraiment un travail préliminaire.

M. Rivest: D'accord. Dans les sujets, vous avez dit l'affichage et tout ça. Bon, très bien. Quels sont les types de sujets oui, d'après votre expérience - peut-être que vous ne serez pas en mesure de me répondre -vous paraîtraient importants ou de substance et qui pourraient, effectivement, dès maintenant, être négociés localement? Enfin, à l'expérience, vous seriez presque prêts a accepter une décentralisation. Ce serait quoi - il y a 34 sujets qui sont évoqués, il y en a peut-être d'autres - les trois ou quatre par lesquels, selon vous, il faudrait commencer sur le plan local, sans trop de difficulté?

M. Gaudreault: Il y en a une bonne majorité dans la liste des 34, qui pourraient déjà faire l'objet d'une négociation locale, parce que, à toutes fins utiles, ce ne sont pas véritablement des négociations. Il y en a, cependant, d'autres qui méritent très certainement, à notre sens, d'être d'abord déblayés par le niveau national ou, en tout cas, par le sous-comité qui serait constitué de personnes ayant beaucoup plus d'expérience de la négociation.

Je peux vous donner à titre d'exemple le poste temporairement dépourvu de son titulaire, s'il y a lieu, définition et circonstances requises pour le combler. Dans le secteur qui nous intéresse en particulier, je pense bien que c'est une chose qui ne devrait pas aller, dans un premier temps, du moins, au niveau de la consultation locale.

À toutes fins utiles, c'est une liste qui nous aqrée, mais par un processus un peu plus marqué d'étapisme que directement, pour le moment.

M. Rivest: Une dernière question, si vous le permettez. Au niveau de la question des mentalités des gens, qui était importante, soulevée par le ministre, vous évoquez, bien sûr, que, comme administrateurs, vous avez été sensibilisés aux difficultés et aux contraintes parfois extrêmement sévères en ce oui concerne les coupures budgétaires. Il y a une volonté politique, à tout le moins, du gouvernement de modifier substantiellement, malgré les regrets qu'on peut avoir à l'égard de l'avant-projet de loi sous certains aspects, le régime de négociation. Mais, alors que les employés sur le terrain vivent également - vous les vivez comme administrateurs - les coupures budgétaires, au niveau des mentalités de la réclamation, du sentiment d'avoir droit à de meilleures conditions de travail, est-ce que le contexte des coupures budgétaires ne vient pas donner un peu raison à la préoccupation qu'avait le ministre, à savoir que la réaction des employés risque d'être plus agressive - certainement à bon droit - quant à certains aspects de leur travail que dans un contexte où Us n'auraient pas à vivre ces situations? Parce que les employés aussi le vivent au niveau de leur charge de travail, par exemple. Est-ce que cela peut avoir un impact significatif?

M. Groulx: Disons que, dans le réseau privé conventionné - on l'a souliqné déjà -on a toujours eu un certain minimum de personnel. Donc, la tâche a toujours été une chose que les gens ont vécue d'une façon concrète et leur productivité, quant à nous, est excellente. Leur attitude est bien différente d'une catéqorie de personnel qui, peut-être, a été trop nombreux pour une tâche et qui, avec certaines coupures, s'est ramassé à un niveau qui laissait certainement à désirer.

Alors, je pense que nos employés sont satisfaits de leurs conditions générales de travail. Pour cela, je m'appuie sur les expériences que nous avons vécues durant les dernières années avec l'ouverture de nouveaux centres d'accueil, comparativement à nos établissements qui étaient voisins. Le taux de roulement du personnel était quasiment nul chez nous par rapport à de nouveaux postes avec des gens oui avaient de l'expérience. Donc, on pense, quand même, qu'ils ont évolué en termes de mentalité; ils comprennent beaucoup mieux. On vous a expliqué tantôt que, quand même, dans un établissement privé, la corporation ou le propriétaire est directement sur la ligne de feu avec ses employés, de telle sorte que la relation qui s'est établie est un peu différente. On ne pense pas qu'ils soient très néqatifs par rapport à cette situation. Je ne sais pas si cela répond?

M. Rivest: M. le Président, je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, le député de Fabre m'a demandé la parole, je la lui cède immédiatement.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Dans vos établissements, centres hospitaliers et centres d'accueil privés, cela remonte à quand, les dernières grèves que vous avez connues lors d'une négociation officielle, d'une négociation dans la fonction publique et parapublique Qu'on connaît tous les trois ou quatre ans? Il n'y a pas eu de qrève en 1982 dans vos établissements?

M. Groulx: Non, en 1982, il n'y en a pas eu. La ronde précédente, il y en a eu, avec la loi 253 et la notion, il y a eu des 24 heures, dans certains des 48 heures.

M. Leduc (Fabre): Oui?

M. Gaudreault: Nos syndiqués ou nos syndicats font partie des mêmes centrales. À certains moments, ils sont obligés de suivre des ordres qui viennent d'ailleurs. (12 h 45)

M. Leduc (Fabre): Le but de ma question, c'est de voir un peu l'effet des grèves dans vos établissements depuis un certain nombre d'années, disons si on remonte à une dizaine d'années. Vous dites que, lors les dernières négociations, il n'y en a pas eu dans vos établissements.

M. Groulx: Le climat que j'expliquais était là et c'est pour nous le même vécu dans l'établissement. Lorsqu'on commence, dans le réseau des affaires sociales, a débrayer dans des établissements, les bénéficiaires, évidemment, qui regardent la télévision parce que c'est une des activités excessivement populaires et importantes pour ces gens, se sentent immédiatement menacés. C'est cette notion qui est difficilement quantifiable mais qui, dans le vécu, a pour nous une importance primordiale. L'insécurité engendre, vous le savez sans doute, lorsqu'on est déjà dépourvu de certains éléments d'autonomie, des mécanismes qui ont de l'influence sur le métabolisme des gens. L'insécurité engendre des anxiétés, de la tension artérielle, de l'insomnie et toute la kyrielle qui s'établit. Dans des établissements comme les nôtres, cela fait boule de neige. Vous devez développer des. énergies considérables pour rassurer ces gens en leur disant que, d'abord, ce n'est pas rendu au niveau d'une grève, qu'il y a peu de probabilité que cela vienne chez vous, que les gens sont au courant de l'impact. Il faut développer une quantité énorme d'énergie et l'insécurité reste là. C'est cela qu'ils vivent.

M. Leduc (Fabre): Oui, on s'entend avec vous que le climat dans les hôpitaux, au moment des négociations et dans vos centres, en particulier, doit engendrer une profonde insécurité chez les bénéficiaires. Je pense qu'on s'entend parfaitement là-dessus. Vous avez une expérience de ces centres d'accueil et j'aimerais que vous éclairiez la commission par rapport aux effets qu'ont eus les grèves dans le passé. Je ne parle pas du climat. Je reviendrai rapidement sur cette question de climat après. J'aimerais que vous puissiez donner un tableau des effets qu'ont eus les grèves depuis 1976, par exemple. Quel a été le nombre de jours de grève en 1976 - en 1982, il n'y en a pas eu - en 1979, pour qu'on ait une idée, véritablement, des effets produits par les grèves, si grève il y a eu? J'aimerais que vous puissiez donner des faits.

M. Groulx: II y a eu, effectivement, une grève. Je n'ai, malheureusement, pas avec moi les chiffres précis, mais je peux quand même vous dire qu'au niveau de l'association, lors d'une grève de 24 heures ou de 48 heures, les effets sont ceux que vous imaginez et que vous connaissez d'une façon concrète. Je peux vous les énumérer. Les repas qui, dans un établissement de 200 lits, peuvent être normalement préparés par une douzaine de personnes sont préparés par deux personnes. Le repas va arriver, s'il finit par arriver, dans des conditions de présentation, évidemment, qui ne sont pas tout à fait acceptables. Il va arriver dans de la vaisselle de papier et la mécanique de cela c'est qu'en le mettant dedans il risque d'être froid. La nourriture de base va être donnée sur une période de 48 heures. Je charrierais en disant l'inverse, sauf que ce ne sont pas des contextes globaux. Les patients qui sont incontinents, évidemment, vont être changés, mais on se retrouve avec la mécanique: est-ce que cela fait une heure qu'il est dans ses excréments ou est-ce que cela fait six heures?

D'une façon normale, avec le personnel dont on dispose, le rythme de travail et la supervision font qu'on est en mesure d'affirmer qu'un patient qui est incontinent est changé quasi instantanément lorsque la chose est constatée et, pour la constater, on a développé des mécanismes de travail. En temps de grève, il va rester je ne sais pas combien de temps dans cet état. On va le changer dans une journée, oui. On va le changer - on a fait des 24 heures et des 48 heures avec les cadres - sauf que je ne suis pas en mesure de vous dire depuis combien de temps il était là-dedans. Évidemment, je peux vous dire, pour avoir vécu des 48 heures en soins prolongés, que lorsque vous êtes un dixième du personnel et que vous avez juste des cadres, après 48 heures, vous n'avez pratiquement pas dormi, vous commencez à traîner de la patte. Vous savez que ces gens-là, il faut leur donner des médicaments et les changer. Sur 200 bénéficiaires, on a 90 incontinents en général, c'est dramatique. À cela s'ajoute la senteur si les gens ne sont pas changés. Alors, il se développe en plus dans l'unité ou dans les locaux, évidemment, ce que j'appelle cette mécanique de catastrophe et de peur. C'est cela qu'on vit.

M. Leduc (Fabre): Vous parlez de 24 heures et de 48 heures. Dans les cas que vous évoquez, est-ce que des services essentiels s'appliquaient? Est-ce qu'il y avait eu entente avec les syndicats sur l'application des services essentiels?

M. Groulx: Dans une infime minorité d'établissements; dans la majorité, il n'y avait pas eu entente.

M. Leduc (Fabre): Dans la majorité, il n'y avait pas eu d'entente.

M. Groulx: Non.

M. Leduc (Fabre): II reste que le projet de loi prévoit, quand même, un pouvoir de redressement de la part du Conseil sur les services essentiels qui pourrait intervenir. C'est évident et on est d'accord avec vous que, si la grève se prolonge pendant un certain temps, cela peut avoir des effets très graves. Si on parle de 24 heures, c'est très différent. Les services essentiels peuvent être efficaces, j'imagine, sur 24 heures. Encore là, c'est sans doute discutable, mais, en tout cas, ils sont sûrement beaucoup plus efficaces sur 24 ou 48 heures.

Ce qui m'amène à me poser ces questions, c'est que vous semblez croire, comme d'autres qui sont venus ici, que le fait de légiférer nous donne l'assurance absolue qu'il n'y a plus d'exercice de grève. Or, on a vécu des expériences avant 1964 qui contredisent une telle affirmation, une telle garantie absolue. Cette année, c'est bien connu, à Saint-Ferdinand, dans un centre hospitalier, on a vécu un conflit assez long, une grève illégale. Malgré la loi, malgré toutes les démarches qui ont été entreprises, on l'a quand même vécu. Donc, le fait de légiférer ne donne pas une garantie absolue. Dans nombre de pays, on ne légifère pas et la grève ne se fait pas parce qu'on a réussi à changer les mentalités ou parce qu'on vit selon d'autres mentalités.

Comment agir sur les mentalités? C'est la question. Vous semblez dire comme d'autres que la crainte, c'est le commencement de la sagesse. Donnons-nous une loi avec des dents, mettons dans une loi des sanctions très dures à l'égard des syndicats et on va décourager tout mouvement de grève ou on va faire disparaître tout élément de frustration qui, évidemment, entraîne des grèves illégales. Enfin, on peut se poser des questions sur la façon d'amener les gens à changer de mentalité.

Cela fait 20 ans que nos syndicats vivent suivant un certain régime. Là, on s'imagine qu'en légiférant durement, eh bien, on change les mentalités automatiquement. Disons que c'est un peu la réserve que j'ai face aux opinions que vous émettez et que je respecte profondément, parce que vous vivez dans un milieu qui risque de vivre ces choses épouvantables que vous évoquez. Disons que c'est quand même le commentaire que je voulais émettre.

L'Ordre des infirmières et infirmiers, hier, a fait à peu près les mêmes commentaires que vous, mais a dit en même temps: Écoutez, il y a peut-être moyen aussi de changer le fonctionnement du système en accentuant davantage la décentralisation. Vous, au contraire, vous n'allez pas trop dans le sens de la décentralisation. Elles et eux semblaient croire que la décentralisation pourrait entraîner des changements de mentalités, en tout cas, pourrait aller dans le sens des changements de mentalités, en donnant davantage de marge de manoeuvre au niveau local afin d'adapter davantage les conditions de travail aux besoins des travailleurs au niveau local. Cela me semble être une porte intéressante à explorer, que le projet de loi, d'ailleurs, propose, mais vous semblez fermer cette porte pour des raisons que je comprends. Vous dites: On n'est pas tout à fait équipés, nous centres privés, pour s'engager dans une décentralisation.

M. Gaudreault: On ne ferme pas cette porte, M. le député. On est tout à fait d'accord avec cette avenue, également, sauf qu'on dit: II faut prendre le temps de s'y rendre. Quand je dis prendre le temps de s'y rendre, ce n'est pas reporter aux calendes grecques cette situation, mais c'est d'y arriver dans un laps de temps qui peut s'échelonner sur la durée d'une convention, tout au plus. J'aimerais discuter avec l'Ordre des infirmières, que je connais très bien, de cette situation. Je serais fort surpris qu'il ne soit pas d'accord avec ce point de vue.

M. Groulx: Évidemment, la notion des sanctions pour nous, c'est quand même un nouveau dynamisme. Si on fait l'historique -je suis certain que la majorité d'entre vous le connaît - lorsqu'on a octroyé le droit de grève dans les hôpitaux, en particulier, je me rappelle pertinemment que certains chefs syndicaux ont dit à nos gouvernements, à l'époque: Bien, voyons donc, c'est juste symbolique. Alors, nous, on a fait une expérience et on a fait un choix. On a vécu des situations, on a choisi et on pense qu'évidemment des sanctions clairement établies, qui n'existent pas actuellement, peuvent être une façon de contrer ou de décourager la grève illégale. Si on réussit quand même par des lois à décourager des gens de voler, je pense qu'on peut, par certaines choses, décourager des gens d'aller dans l'illégalité; sinon, je ne croirais pas en la démocratie et aux lois.

Je me considérerais un peu comme un illuminé de penser que, demain matin, je vais arriver à ces fins. Je pense qu'il faut essayer autre chose. Il faut arrêter de dire qu'on va avoir quand même des grèves illégales. Il faut trouver une mécanique et l'essayer parce que ce qu'on a fait, c'est le contraire à l'heure actuelle dans notre système. C'est notre position.

M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.

M. Clair: Alors, M. le Président, il ne me reste qu'à remercier M. Groulx et les autres personnes de l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés du

Québec d'être venus nous communiquer leurs opinions en ce qui concerne la réforme du régime de négociation. Je pense que les échanges ont été utiles pour tous lesparlementaires. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): À titre de président de la commission, je voudrais également remercier les porte-parole de l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés du Québec d'avoir rehaussé de leur présence les travaux de cette commission. Je les remercie de leur contribution. Alors, merci beaucoup, madame et messieurs.

Ceci étant dit, la commission du budget et de l'administration suspend ses travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi, alors que nous entendrons les représentants de la Confédération des syndicats nationaux.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 15 h 8)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La commission du budget et de l'administration se réunit avec le mandat de procéder à une consultation générale portant sur l'avant-projet de loi traitant du régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. Jusqu'à 18 heures, dans le calendrier que nous avions prévu, nous entendrons les porte-parole de la Confédération des syndicats nationaux à qui je souhaite la bienvenue à cette commission et que je remercie de leur participation. J'inviterais immédiatement M. Gérald Larose, le président, à bien vouloir nous identifier les personnes qui l'accompagnent. Ce matin, j'ai demandé la même chose au président du Conseil du patronat en lui demandant de commencer par son extrême gauche. Alors, peut-être que vous pourriez commencer par l'extrême droite. Non, blague à part, cela va être plus facile de commencer dans l'ordre. Cela va permettre aux parlementaires d'identifier les personnes à votre extrême gauche en allant vers la droite.

M. Pagé: Vous devriez leur demander de se présenter. Ce serait peut-être moins compliqué pour vous, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Vous pensez, M. le député de Portneuf?

M. Pagé: Ah oui, je pense cela.

Le Président (M. Lachance): Allez-y.

CSN

M. Larose (Gérald): À ma gauche, Céline Lamontagne, présidente de la Fédération des employés des services publics; Alfred Charland, président de la Fédération des professionnels, salariés et cadres du Québec; Michel Gauthier, secrétaire général de la Confédération des syndicats nationaux; Normand Brouillet, coordonnateur des négociations dans le secteur public; Monique Simard, première vice-présidente à l'exécutif de la Confédération des syndicats nationaux, responsable politique de la négociation dans le secteur public et dans le secteur privé; Yves Lessard, président de la Fédération des affaires sociales; Rose Pellerin, présidente de la Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du Québec; Léopold Beaulieu, trésorier de la Confédération des syndicats nationaux.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le président. Je vous inviterais maintenant à nous donner votre exposé. Tel qu'on vous l'a probablement indiqué, si vous pouviez vous en tenir à un maximum d'une demi-heure pour l'exposé, c'est un ordre de grandeur qui permettrait des échanges avec ceux qui voudront vous interroger par la suite. Vous avez la parole, M. Larose.

M. Larose: Je vous remercie, M. le Président. Nous serons trois personnes à vous faire la présentation de cet après-midi; Monique Simard et Normand Brouillet m'accompagneront pour vous faire non pas la lecture du mémoire, mais l'exposé global de ce que nous voulons dire aujourd'hui et ensuite pour entreprendre le débat.

Je n'ai pas à vous apprendre, ni à vous, M. le Président, ni aux membres de cette commission - je pense que c'est de notoriété publique et que c'est connu - que la CSN, qui regroupe 230 000 membres dans toutes les sphères d'activités privées ou publiques et qui connaît toutes sortes de situations à partir des secteurs qu'elle occupe, rejette l'avant-projet de loi, demande son retrait et le fait de façon carrée, sans aucune hésitation et sans aucune ambiguïté.

La CSN n'est pas la seule à le faire. Toutes les organisations qui représentent d'une manière ou d'une autre des travailleuses et des travailleurs du secteur public, réunies dans une coalition dont nous avons favorisé la naissance, rejettent cet avant-projet de loi sans aucune ambiguïté et le font au-delà de leurs traditionnelles divergences. La CSN est ici pour le dire, elle est ici pour l'expliquer, elle est ici pour faire le débat, pour soumettre ses propositions, car la CSN a toujours été d'avis, en dépit des propos qu'on lui prête, que ce système, ce régime est perfectible. On est ici pour ouvrir un large débat, pour

faire connaître à la population notre point de vue, lui soumettre nos réflexions et poursuivre avec cette même population le même débat car les enjeux que cela soulève sont extrêmement importants. Ces enjeux ne touchent pas seulement les travailleuses et les travailleurs du secteur public, ces enjeux ne touchent pas seulement les travailleurs et travailleuses syndiqués, que ce soit dans le privé ou dans le public; cela touche toute la population, pas seulement nos outils collectifs.

L'avant-projet de loi soulève et discute des droits, discute des libertés, discute de la démocratie. L'avant-projet de loi remet en question un principe fondamental qui est à la base même du fonctionnement démocratique de notre société, celui de l'égalité des personnes. Il y a une conception derrière l'avant-projet de loi qui nous inquiète profondément, comme il y a une conception de l'État aussi - mais c'est de bon ton, on est dans la vague - qui ratatine le rôle de l'État, lui enlève son rôle dynamique dans le développement des outils collectifs.

Cet avant-projet de loi invoque, sinon prépare un retour aux lois du marché. Ce n'est pas parce qu'on est travailleuse dans le secteur public, ce n'est pas parce que dans ce secteur-là ce sont majoritairement des femmes que ces mêmes personnes n'auraient pas le droit aux mêmes règles, n'auraient pas le même droit de négocier, n'auraient pas droit à la même capacité et à la même dynamique syndicale. Il y a des enjeux syndicaux très importants, mais je vous dirai tout de suite qu'il y a des enjeux sociaux archiimportants. C'est le ministre lui-même, dans la présentation du débat, qui l'admet.

Il reconnaît que les syndiqués du secteur public ont contribué et forcé une certaine forme de rationalisation des services, le développement de standards de compétence, le développement d'une capacité pour répondre aux besoins, anciens et nouveaux. Les syndiqués du secteur public prétendent et veulent continuer à le faire, car ils sont les premiers concernés, ceux qui desservent la population, ceux qui en sont proches et ceux et celles qui en sont à l'écoute. Enlever le droit de négocier, c'est affaiblir notre capacité collective de forcer l'État à développer les services, à faire connaître les carences, à faire connaître les nouveaux besoins, à faire connaître les anciens ou à les rappeler et à obliger à les combler. Cette responsabilité n'appartient pas uniquement aux travailleurs et travailleuses syndiqués. Cela appartient à l'ensemble des travailleurs et des travailleuses, cela appartient à la population, comme cela appartient aussi aux décideurs, mais ce n'est pas vrai que les décideurs sont en position de s'arroger l'ensemble de cette responsabilité.

Il y a, dans l'avant-projet de loi, des choix de société, mais il y a un aspect dramatique dans l'avant-projet de loi. Je dirais même qu'il y a un aspect un peu fourbe. Quand cet avant-projet de loi a pour effet de faire dévier les questions, de polariser l'attention ailleurs que sur les vrais problèmes, de faire accroire que les problèmes réels des relations de travail sont techniques, sont légaux, sont dus à un mécanisme de régime, sont dus à des structures difficiles des syndicats, qu'il suffit de changer les mécanismes, affaiblir la capacité syndicale pour régler les problèmes, ce n'est pas vrai. C'est une mystification. L'avant-projet de loi repose, comme la présentation du ministre lui-même, sur une analyse très réductrice de la réalité des relations du travail dans le secteur public, où on fait fi du quotidien pour tout polariser sur l'événement triennal du renouvellement des conventions collectives. La réalité des relations du travail, c'est une réalité qui a des visages. C'est une réalité qui connaît des situations dans le quotidien et c'est d'abord à ce quotidien qu'il nous faut répondre.

Autre aspect dramatique dans la présentation d'un avant-projet de loi de cette teneur qui nous amène à nous poser la question: Quand va cesser cette campagne sourde, lancinante, de dénigrement des femmes et des hommes qui travaillent dans le secteur public avec tout ce qu'on présuppose? À vous entendre du patronat et des gouvernements, les femmes et les hommes de ce secteur, globalement, massivement, sont des privilégiés, des paresseux, des profiteurs, des irresponsables, des égoïstes. Quand va-t-on arrêter cette pollution du climat social, cette pollution des consciences? À la longue, cela mine, cela gruge, cela détruit. On n'a pas le droit collectivement, comme les décideurs eux-mêmes n'ont pas le droit de systématiquement mettre en doute la compétence, la dignité, la qualité. Il me semble que collectivement, les décideurs inclus, on devrait avoir un minimum de respect pour les hommes et les femmes qui oeuvrent dans nos outils collectifs, qui servent la population, qui donnent à cette société une bonne partie de son originalité. Les hommes et les femmes du secteur public sont, à plusieurs égards, une des premières richesses nationales que nous avons. Quand on regarde de très près cette richesse nationale, il faut se rendre compte de caractéristiques bien particulières et je vais demander tout de suite à Monique de les préciser.

Mme Simard (Monique): II y a une dimension de la réalité des employés des secteurs public et parapublic qui est trop souvent cachée. Parfois, je me demande si elle n'est pas camouflée volontairement.

Lorsqu'on parle du secteur public, il faut se rappeler qu'au-delà des organisations, qu'au-delà des grandes règles ou des mécaniques qu'on peut se donner, cela concerne des personnes, des hommes, des femmes, 350 000 environ. À la CSN, on en représente 115 000, des membres, des hommes et des femmes, mais, très particulièrement, surtout des travailleuses, des femmes.

Il s'agit ici du plus grand groupe de femmes sur le marché du travail à négocier des conventions collectives. Au cours des quinze dernières années, si on peut se flatter au Québec d'avoir modifié un tant soit peu les statistiques quant à la discrimination dont les femmes ont été victimes et sont encore largement victimes - les statistiques là-dessus sont très éloquentes - c'est par les efforts investis dans les négociations des secteurs public et parapublic, par la volonté de milliers de femmes au cours des années soixante de se syndiquer et de faire reconnaître la valeur du travail qu'elles exécutent dans ces secteurs.

Les privilégiés du secteur public sont, très majoritairement, des femmes préposées aux bénéficiaires dans des hôpitaux, dans des centres d'accueil, des employées de bureau dans des écoles, des préposées aux cafétérias dans des collèges ou dans des centres hospitaliers. Très majoritairement, ce sont des personnes, des parentes, des voisines, des gens très ordinaires, pas plus ni moins ordinaires que l'ensemble de la population. C'est la réalité et il faut le reconnaître. Il était absolument incroyable, il y a encore quelques mois, d'entendre un ministre des Affaires sociales parler des ouvriers de Saint-Ferdinand alors qu'il s'agissait de 500 femmes et quelques dizaines d'hommes. À chaque fois qu'on modifiera les règles de négociation dans les secteurs public ou parapublic, il faut se rappeler que les effets ou les conséquences seront, en tout premier lieu, vécus et, tout probablement, subis par ces femmes travailleuses qui ont réussi à améliorer leur situation et aussi, à un autre niveau, lorsqu'on modifie la qualité ou la quantité de services, par les femmes québécoises qui, encore aujourd'hui, très largement, sont responsables des soins aux personnes, qu'ils soient socialisés ou qu'ils soient encore privés, c'est-à-dire assumés par la famille.

Cela nous amène à nous questionner fortement sur les véritables intentions du gouvernement quant à une réforme telle qu'il la propose dans un avant-projet de loi. Quelles sont les intentions? Cela vise qui exactement? Cela vise les intérêts de qui? Il y a évidemment les intentions, on pourrait dire, qui sont avouées. Celles de dire: Oui, mettons fin à ces affrontements stériles. Il y a peut-être des intentions qui sont moins faciles à dire publiquement, mais qui sont les plus véritables, c'est-à-dire de tenter de récupérer des personnes, des femmes, des hommes qui gagnent leur vie en travaillant et qui ont pour seul revenu leur salaire, de récupérer les manques à gagner.

À qui servira cette réforme si elle était adoptée telle que proposée? Je suis très peu étonnée que les représentants des employeurs donnent leur appui au contenu de l'avant-projet de loi. C'est peut-être la meilleure façon ou une des façons pour eux de consolider leur pouvoir et de pouvoir rendre la pareille ensuite à leurs propres employés dans le secteur privé.

On n'a, je pense, rien à se cacher, parce que nous, de la CSN, on n'est pas une organisation, on est ici les représentants de 115 000 personnes qui travaillent dans ce secteur. On doit, je pense, dans l'intérêt de ces membres, dire que l'on n'est pas dupe d'une stratégie du pire, alors qu'on nous dirait: Vous êtes mieux d'accepter maintenant, parce qu'on ne peut pas vous promettre que, dans quelques semaines ou dans quelques mois, ce qu'on vous offrira ne sera pas encore pire.

Cela nous amène à regarder le contenu de l'avant-projet de loi et à voir comment, très concrètement, cela affecterait la vie de tous les jours de nos membres soit au chapitre de leurs conditions de travail, de l'organisation du travail ou du salaire qu'ils retirent pour le travail qu'ils livrent.

Il y a le chapitre de la rémunération, celui de la décentralisation, celui de la médiation, enfin celui du droit de grève et celui des services essentiels.

Au chapitre de la rémunération, il nous paraît qu'on tente de rendre permanent ce qui a été commencé en 1982 par l'imposition de décrets. À toutes fins utiles, la rémunération ne serait plus négociable, parce qu'on ne pourrait pas avoir le droit de grève lorsqu'on en discuterait. Eh bien! à toutes fins utiles, la rémunération serait désormais décrétée annuellement, évidemment dans le cadre d'un mécanisme établi par un institut de recherche.

Il ne faut pas se le cacher, la rémunération, c'est un des points centraux d'une convention collective. Ce n'est pas seulement le salaire à l'échelle qui est gagné, selon le type de travail qu'on exécute, mais c'est aussi un ensemble de dispositions comme les vacances, les congés, les régimes d'avantages sociaux tels que les assurances et les autres congés de perfectionnement, et j'en passe. C'est donc extrêmement important. Si on avait une convention ici et si on enlevait tout ce qui concerne la rémunération, le reste serait relativement mince. Ce n'est pas anodin, pour nous en tout cas, que, désormais, ce chapitre ne soit plus négociable. Si cela n'est pas négociable, comment pourra-t-on en arriver à négocier le reste de la convention collective?

Un des aspects importants, c'est celui d'établir que, désormais, une des règles ou un des principes sur lesquels seront décrétés les salaires, c'est la comparaison avec le secteur privé. Je suis obligée, encore ici, d'ouvrir la parenthèse sur ce que cela peut représenter pour les femmes. On sait et cela n'est pas contredit que, dans le secteur public, ce sont très majoritairement des femmes qui y travaillent dans différents corps d'emplois. Si l'on érigeait en règle la comparaison avec le privé, c'est dire que l'on va comparer le sort des femmes qui ont réussi à mettre fin à leur situation de discrimination au niveau du salaire à celle de femmes qui sont encore très largement discriminées - et c'est le propre gouvernement du Québec dans ses recherches qui l'affirme. Donc, renverser, je dirais, le cours de l'histoire et abaisser ou geler tout au moins la situation de celles qui ont réussi à améliorer leur situation à celle de femmes qui n'ont pas encore réussi à le faire. Si c'est cela les nouvelles règles du jeu, on peut aisément affirmer que cela constituerait un recul important pour les femmes au Québec. (15 h 30)

D'ailleurs, lorsque les décrets ont été imposés, en 1982, on remarquera que le seul groupe qui n'a pas été gelé ou coupé, en faisant des comparaisons, c'est le groupe des métiers. Or, le groupe des métiers, ce sont des corps d'emploi exclusivement ou presque exclusivement masculins. Je pense que déjà l'exercice qui a été fait le confirme.

Et, au-delà de ce que cela pourrait comporter comme effet sur la main-d'oeuvre féminine au Québec, il faut aussi voir comment, si la moitié, des syndiqués au Québec sont dans le secteur public - parce qu'il faut aussi rappeler que la moitié des effectifs syndiqués sont dans le secteur public - si on retire ou si on limite à l'extrême leur possibilité de négocier leur rémunération, cela a pour conséquence de faire porter sur les seuls syndiqués du secteur privé - et, malheureusement, ils ne sont que dans une proportion de 20% - la responsabilité de négocier ou de tenter de rehausser les niveaux de salaires au Québec des syndiqués du secteur privé. Là encore, l'appui des employeurs du privé nous indique - en principe, ils ne représentent que les entreprises privées - que les employeurs y trouveraient un certain intérêt.

On peut dire, et certains vous le diront, et vous allez peut-être nous le dire, qu'il est faux de prétendre que l'avant-projet de loi nous enlève le droit de négocier et que, par exemple, sur les avantages sociaux, on pourrait faire des discussions et qu'on n'enlèverait pas le droit de négocier et qu'on aurait une période de quatre mois. Cependant, il faut être très clair entre nous. C'est que, même si on avait l'occasion de discuter, il n'en demeure pas moins que, si nous n'avons pas la reconnaissance de pouvoir exercer des pressions, eh bien! à toutes fins utiles, le droit de négocier tel qu'on l'entend dans notre société n'est plus reconnu. Mais, au-delà de ces considérations, nous croyons qu'il est important que, pour de véritables négociations futures, nous puissions avoir accès à des données, aux recherches ou aux différentes études que le gouvernement entreprend.

D'ailleurs, très récemment, je fouillais dans les archives et je retrouvais une lettre de décembre 1971 adressée par le président de la CSN de l'époque, demandant au gouvernement une série de données. Mon expérience m'a montré qu'encore en 1979 et encore en 1982 on demandait des données de base au gouvernement et que, plus souvent qu'autrement, il était très difficile pour nous de les obtenir. Donc, ce n'est pas nous qui allons nous opposer à ce qu'il y ait une plus grande transparence dans les données. On ne croit pas qu'avoir accès à ces données nécessite la mise sur pied d'un institut spécial tel que proposé.

D'autre part, on ne croit pas non plus qu'un gouvernement base sa politique salariale exclusivement sur des comparaisons. Des comparaisons, pour nous, cela n'a qu'une valeur relative. On peut s'en servir dans telle conjoncture, dans tel contexte, et dans d'autres, pas du tout. Il s'agit, en soi, d'éléments de négociations et je pense qu'on a suffisamment d'expérience, de part et d'autre, pour savoir que c'est extrêmement relatif.

Il y a beaucoup d'autres facteurs qui, pour nous, influencent une politique salariale et c'est dans ce cadre-là, dans le cadre d'une négociation, qu'on établit effectivement ces autres facteurs. Nous croyons, cependant, qu'il faut rectifier un certain nombre de choses dans le discours gouvernemental qui, entre autres, rapporte constamment que nous négocions la moitié du budget de l'État. Il est important pour la population qui est souvent alertée et dont on attire l'attention en disant: C'est incroyable! c'est la moitié du budget de l'État qu'on est en train de négocier! de rectifier que ce n'est pas nécessairement le cas.

Il faut dire que le gouvernement du Québec a la responsabilité de donner des services de santé, d'éducation, des services sociaux. C'est sa compétence telle que définie dans la Confédération canadienne. Évidemment, pour pouvoir exercer ses compétences, il y a une grande partie de son budget qui y est consacré. À moins qu'on ne veuille revenir au bénévolat complet sur ces questions, il y a déjà un engagement de cet État à fournir ces prestations et, évidemment, cela coûte de l'argent. Ce que nous négocions avec vous, tous les trois ans, ce n'est pas la moitié de ce budget, c'est

uniquement l'augmentation qui va à la part des salaires pour une période X. Par exemple, si on demande une augmentation salariale de 6% et qu'on règle à moins, ce n'est que ça qu'on a négocié et non pas la moitié du budget de l'État, à moins que cet État n'ait l'intention de revenir en arrière.

C'est dans ce sens-là qu'on pense que ce qui est proposé au chapitre de la rémunération est inacceptable, puisqu'il y a un certain nombre de choses qui sont affirmées qui sont erronées et ériger des bases de négociations sur des comparaisons, tel qu'il est indiqué, ça nous parait tout à fait inapproprié pour bon nombre de raisons.

II y a un autre chapitre important dans l'avant-projet de loi préparé par le gouvernement, il s'agit de la décentralisation. Il s'agit certainement du chapitre où il est le plus facile de faire des excès, je dirais, de jouer sur les frustrations qu'ont engendrées particulièrement les dernières négociations ou semblants de négociations.

C'est particulièrement à ce chapitre qu'il est facile de faire miroiter les attraits d'une formule, dite à l'échelle de l'institution, de croire au "small is beautiful", de jouer, en quelque sorte, je dirais, sur le manque de connaissances ou de compréhension qu'a la très grande majorité des Québécois et des Québécoises du régime de négociations.

Il est évident qu'on va admettre qu'il y a des problèmes d'aménagement locaux. On connaît les réalités, on sait très bien comment, dans chacune des institutions -seulement à la CSN, je pense que nous sommes présents dans plus de 700 ou 800 de ces institutions - il y a des aménagements propres à la réalité dp chacune de ces institutions qui doivent se faire. On sait aussi, parce qu'il y a des méthodes de gestion parfois douteuses ou tout simplement parce qu'il n'y a pas de volonté, localement, de régler des problèmes, que beaucoup de nos membres sont insatisfaits de leurs conditions de travail.

La réalité, aujourd'hui, dans la majorité des institutions, c'est la détérioration lente et certaine des conditions de travail. C'est le développement de plus en plus important dans tous les secteurs de statuts de travail précaires, d'augmentation de charges de travail, que ce soit dans les cégeps, dans les centres d'accueil ou dans les hôpitaux; c'est la situation qui prévaut.

Mais, il ne faudrait pas dire que cette détérioration des conditions de travail ou le développement de ces statuts précaires est dû au fait qu'il y a des négociations centralisées. En fait, on peut constater une détérioration des conditions de travail dans le secteur privé aussi, où il n'y a pas de négociations centralisées ou de conventions collectives contraignantes, comme disent les administrateurs locaux. Finalement, on associe essentiellement cette détérioration des conditions de travail au choix de compressions budgétaires qui ont été faites par le gouvernement et qui se traduisent tous les jours par une détérioration par-ci, une détérioration par-là. Donc, ce n'est pas en décentralisant qu'on va régler des problèmes puisque la source de ces problèmes et les possiblités réelles de les régler ne se trouvent pas à ce niveau-là, mais davantage là où l'ensemble des décisions sont prises, c'est-à-dire, plus souvent qu'autrement, au Conseil du trésor.

Encore là, il me semble important de rappeler que ce qui est important pour nos membres, ce sont justement ces conditions de travail. C'est justement comment leur travail est organisé tous les jours. Peuvent-ils exercer leur travail dans des conditions adéquates ou pas? Il semble que faire miroiter comme solution la décentralisation, c'est les leurrer un peu, en quelque sorte, puisque, à notre connaissance, il n'est pas question de décentraliser les pouvoirs du gouvernement du Québec au chapitre des conditions de travail et, particulièrement, de la rémunération. Le projet de loi indique le contraire.

Le danger, si la formule telle qu'appliquée ou telle que proposée dans le projet de loi était adoptée, c'est peut-être de revenir en arrière et de se retrouver avec des inégalités d'une région à une autre, d'un établissement à un autre.

À notre avis, parce que nous savons qu'il y a des besoins urgents d'aménagements locaux, ce qui est important, c'est de distinguer deux choses: d'une part, il y a la négociation des conditions de travail là où les choses se décident et il y a un autre niveau où on applique les conditions de travail négociées. Or, ni la formule actuelle qu'on connaît et qu'on a connue ni l'avant-projet de loi tel que proposé ne peuvent résoudre ces problèmes. Donc, encore là, cela nous fait douter des véritables intentions du gouvernement lorsqu'il propose des formules de décentralisation. Est-ce pour mieux contrôler, en fin de compte? Est-ce pour morceler, éclater, diviser? On a des raisons de croire que c'est peut-être cela qui est davantage recherché que la solution de problèmes concrets vécus dans les établissements. (15 h 45)

D'autre part, il y a une dimension qui n'est soulevée ni dans le discours du gouvernement ni dans le contenu de l'avant-projet de loi, et qui nous semble importante. Lorsqu'on parle de décentralisation, jamais vous n'avez fait référence à la décentralisation éventuelle, à la démocratisation éventuelle des niveaux de décision dans les différents réseaux ou dans les établissements, et plus particulièrement en ce qui a trait aux droits des usagères et

usagers. Ce serait peut-être là une vraie décentralisation, sauf que, là, rien n'est mentionné. Alors, cela nous fait douter encore plus des intentions.

Enfin, un autre aspect qui mérite l'attention de cette commission parlementaire et qui est important, c'est que l'argument ou l'objectif principal avoué pour justifier qu'on procède à cette réforme, ce sont les affrontements, c'est de dire que les négociations sont, à toutes fins utiles, stériles. Il y a des mécanismes autres que celui de nier le droit à la négociation qui pourraient être envisagés et qui pourraient peut-être améliorer les relations de travail qu'on a connues au cours des dernières années. Ici, je fais référence particulièrement à l'intervention de tiers, à l'intervention de médiateurs dans le cours des négociations des secteurs public et parapublic. Déjà, au cours des années soixante-dix, on a réclamé que de telles interventions puissent se faire. Comme vous le savez, cela n'a jamais été fait. Donc, quand on arrive à constater qu'il y a impasse entre les parties, plus souvent qu'autrement c'est l'imposition de façon unilatérale d'une solution au lieu d'explorer d'autres moyens, comme l'intervention de médiation, pour tenter d'en arriver à une solution. C'est un mécanisme qui s'applique dans les négociations du secteur privé et qui, plus souvent qu'autrement, porte fruit. Tout en ne croyant pas que cela puisse résoudre tous les problèmes, on croit qu'il serait important qu'on puisse introduire ce type de mécanisme dans le secteur public. On pourrait, par exemple, instituer un conseil qui pourrait intervenir à la demande de l'une ou l'autre des parties et qui tenterait de les rapprocher avant que les, moyens de pression ne soient acquis. C'est un moyen concret, parce que, très sincèrement, on ne pense pas qu'on puisse arriver à s'entendre en enlevant des droits, en ne reconnaissant plus de droits, en agissant de façon autoritaire ou en imposant unilatéralement des formules ou de nouvelles règles du jeu.

C'est dans ce sens que, d'aucune façon, l'avant-projet de loi, tel que déposé, ne peut nous satisfaire et, à la limite, on pourrait dire que le contenu de cet avant-projet de loi, quant à une volonté réelle de trouver des moyens pour que cela fonctionne mieux, est complètement inadéquat. Il ne propose pas, à toutes fins utiles, de moyens dont les parties pourraient se servir pour arriver à s'entendre. Pour toutes ces raisons, on croit qu'il devrait être retiré et reconsidéré dans tous ses aspects.

Je vais céder la parole à Gérald Larose sur un des éléments dont on parle le plus, c'est-à-dire la question du droit de grève, parce que, même s'il n'est pas dit que le droit de grève n'est pas reconnu, il est si limité que son exercice réel ne serait, à toutes fins utiles, plus réalisable tel que défini.

M. Larose: Si on fait une lecture attentive, je pense, de l'avant-projet de loi, il est clairement spécifié qu'il n'y a pas de droit de grève sur les salaires. Il n'y a pas de droit de grève sur les matières qui ont été décentralisées, soit l'organisation du travail, les droits syndicaux, ensuite les mouvements de main-d'oeuvre. Il y aurait droit de grève sur ce qui reste pour les matières nationales ou provinciales. Je vous dirai que ce sujet est peut-être un des sujets qui est le plus soumis, je dirais, au simplisme ou à la démagogie. Il est clair que le droit de grève, dans l'économie générale d'un Code du travail, c'est le corollaire du droit de négocier. Et la pratique quotidienne dans la négociation nous indique que l'imminence d'être pendu force la concentration et qu'il y a plusieurs règlements dans 92% des cas à la CSN qui se font dans ces conditions. Il est clair que, tant que tu peux te faire des "bye bye", des sparages et échanger des textes de virgules, surtout par avocats interposés, le règlement, tu peux l'attendre et passer deux jours de l'an sur la brosse sans problème.

Dans le secteur public, il y a quelques conditions particulières qu'on reconnaît. On les reconnaît tellement qu'on a fait des tas de propositions pour, effectivement, tout en ayant une efficacité - parce que je ne connais pas encore de travailleuse ou de travailleur, en dépit de la démagogie, qui fait cela pour le "fun" et par sport... La grève, on fait cela pour quelque objectif. On a fait des tas de propositions pour que, tout en maintenant une certaine efficacité, le droit fondamental aux services à la population soit respecté et qu'on puisse jouer sur des marges de services qui peuvent être reportés ou de personnes dans l'institution qui doivent en faire plus temporairement. On a travaillé sur toutes ces questions, mais ce n'est pas vrai qu'on va opposer ces deux droits de telle sorte que l'un va nier l'autre. Je vous ramène à la pratique, en comparant 1976, 1979 et 1982, pour vous dire que le seul moment où l'Etat a remis à la responsabilité des parties le soin de disposer des services essentiels, c'était en 1979; et si vous voulez être francs et honnêtes, vous allez interroger ceux qui avaient mission de surveiller cela, y compris des attachés politiques du ministre des Affaires sociales du temps. Ils vont vous rappeler que c'est la seule fois que cela a à peu près très bien marché; lorsqu'il y a eu quelques accrocs, cela s'est vite réglé. À partir du moment où vous allez vouloir imposer un tiers pour définir les services essentiels, on vous le dit, on vous le répète, le bordel va poigner. C'est ce qui s'est fait en 1976. C'est ce qui s'est fait en 1982. Ce n'est pas "trustable", un tiers, dans ces circonstances, parce qu'il

ne connaît pas cela, d'abord, et, deuxièmement, il vient avec des mandats en dépit des coups de violon qu'on nous dit.

On vous répète que, pour nous autres, le seul fonctionnement possible, c'est sur la base de la responsabilité des parties, la responsabilité des travailleuses et des travailleurs, parce que ce n'est pas vrai que les travailleuses et les travailleurs dans le secteur public, qui servent huit heures par jour les patients ou qui ont des élèves, ils vont tous "déconcrisser" la machine. Ce n'est pas vrai. Si on est bien haut et qu'on a une mentalité de bureaucrate et de technocrate et qu'on ne voit rien que des chiffres, là, cela se peut bien qu'on en arrive à cela, et on arrive trop souvent à cela.

Le droit de grève à Saint-Ferdinand - il paraît que c'est un traumatisme, cela, mais il faut en parler pour dédramatiser les affaires - ils n'avaient pas le droit de grève, les gens de Saint-Ferdinand. L'exécutif était même contre la grève. L'assemblée l'a votée à 82%. Y a-t-il une situation où il y avait plus d'adversité pour faire la grève? L'assemblée décida qu'il y aura une grève. Le problème, ce n'est pas d'avoir le droit de grève, ce n'est pas que ce soit illégal. Le problème, c'est que le problème ne se règle pas. Il ne faudrait peut-être pas faire dévier les affaires.

La RETAQ, le problème était réglé. Il y avait une loi spéciale. Tout était clair, tout était réglé, etc. Cela n'a pas été réglé. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut avoir des mécanismes qui règlent concrètement les vrais problèmes et il se peut que des grèves, légales ou illégales, il s'en pose un peu moins. Même quand c'est le temps de faire la grève, je vous dis que c'est propice à favoriser le règlement; sinon, c'est propice à développer la pourriture, l'étirement des situations, etc. En 1979, je pense que les travailleuses et les travailleurs ont pris leurs responsabilités, comme quelques employeurs aussi; il a fallu leur forcer la main de temps à autre, mais il n'y a que sur cette base que le droit de grève... Je pense que l'arrivée des règlements va servir à renvoyer le monde à leurs responsabilités.

On vous propose même, rien que pour peaufiner un peu toute cette situation, qui peut être dramatique si jamais c'était incontrôlé - Monique va vous en parler tout de suite - on vous propose le développement, entre autres, d'un code d'éthique ou d'un code de conduite pour ces situations, pas à être négocié 24 heures avant la grève, pas à être établi 24 heures avant la grève. Y aurait-il moyen qu'on se parle de ces choses et que les parties, en période plus régulière et normale, réfléchissent à "frette" sur comment cela pourrait s'organiser? On vous fait des propositions concrètes là-dessus que Monique peut détailler tout de suite.

Mme Simard: Au-delà des appréciations stratégiques qu'on pourrait s'échanger entre nous, il y a des problèmes sérieux de relations du travail dans le secteur public. On en est extrêmement conscient, étant un des principaux acteurs, et on veut vraiment en débattre. Je pense que notre présence ici aujourd'hui est très éloquente à ce sujet. On veut faire le débat le plus large possible avec la population.

Par exemple, on sait que la question de l'exercice du droit de grève, particulièrement dans le secteur de la santé, inquiète la population. On sait que cela peut effectivement soulever des problèmes de moralité, d'éthique, mais il y a des solutions et il faut s'en parler. Il faut dire à la population que ce n'est pas pour rien, que ce n'est pas pour le "fun" que des femmes et des hommes qui travaillent dans les hôpitaux ont ultimement recours à la grève. Avant d'avoir recours à la grève, il y a eu d'autres moyens qui ont peut-être été tentés et qui n'ont rien donné.

En ce moment, il y a un litige dans un centre hospitalier à Montréal qui est très éloquent et où, lorsqu'on tente d'exercer un certain nombre de moyens pour essayer de régler les problèmes, c'est à toutes fins utiles une fin de non-recevoir. Ce n'est pas vrai que des femmes et des hommes qui travaillent tous les jours avec des malades, avec des bénéficiaires, que ces personnes n'ont pas une conscience, un sens de la responsabilité par rapport aux patients. Au contraire, travailler dans les centres d'accueil, travailler dans des hôpitaux, généralement, cela ne fait qu'élever, je pense, la conscience des personnes qui livrent tous les jours ces services et qui, souvent, constatent avec impuissance la diminution des services, la détérioration de la qualité des services à cause de telle coupure budgétaire, à cause de tel réaménagement.

Un des moyens que nous proposons est effectivement d'établir un code d'éthique -nous sommes en train de travailler sur cette question - qui établirait, qui aurait pour but de démontrer que deux droits peuvent coexister mutuellement, qu'on n'est pas obligé d'abroger un droit pour en faire respecter un autre; bref, de pouvoir maintenir la coexistence du droit à la santé, qui est un droit fondamental dans notre société, avec le droit de grève qui permet d'exercer des pressions pour que la négociation puisse se conclure. (16 heures)

On ne pense pas qu'il y ait contradiction entre ces deux droits, il s'agit d'établir des règles et un un code d'éthique qui pourrait faire en sorte que ça se réalise. Rechercher un code d'éthique, je pense que c'est une démonstration de notre volonté de se situer en face de nos responsabilités par rapport à nos membres et aussi par rapport

à la population. Gérald l'a dit, la question des services essentiels, c'est institution par institution qu'on arrive à les définir. C'est là que les parties qui vivent dans une institution sont les mieux placées pour pouvoir les définir et les établir. Cela change; si c'est un arrêt de travail d'une demi-journée, ce n'est pas la même chose que si c'est pour deux jours.

On pense que c'est un moyen qu'on pourrait mettre en place, qui aurait des garanties de succès et qui ferait en sorte que les droits seraient maintenus. Les parties pourraient, par l'établissement d'un code d'éthique comme ça, informer la population des engagements qui sont pris et, je dirais, faire baisser un peu la pression et l'alarmisme constant développé sur cette question-là. C'est un peu comme sur la décentralisation, comme je vous le disais tout à l'heure. Il y a des moyens à explorer, il y a des moyens à proposer pour arriver à régler les vrais problèmes. Ce n'est pas en disant: On renverse la formule, on renverse la pyramide qu'on va régler ces problèmes-là. C'est dans ce cadre-là et en discutant le plus largement possible avec l'ensemble de la population qu'on pense pouvoir y arriver. Malheureusement, les formules qui ont été retenues par le gouvernement de procéder de cette façon nous inquiètent parce qu'on risque d'atteindre le contraire. Il est facile de dire que les employés des services publics veulent ceci ou cela. Je pense qu'il faut reconnaître que l'ensemble de ces employés se sont donné des organisations, car les organisations ne sont que la somme de tous ces syndiqués qui sont conscients des problèmes qui se vivent dans chacune de leurs institutions et qui. vous proposent des solutions.

Vous me permettrez en terminant de vous dire que nous avons une inquiétude importante sur la démarche qu'entreprend le gouvernement. Au mois d'octobre, il nous faisait une proposition qui nous disait qu'on pouvait considérer que le droit de négociation sur la rémunération était maintenu. Au mois de novembre, nous lui avons soumis une proposition exceptionnelle qui démontrait notre volonté de négocier nos conditions de travail, parce qu'il y avait des problèmes urgents à régler, que la situation était intenable et que nous étions également disposés à discuter du régime de négociation et à le modifier, s'il y avait lieu, par entente. Un mois plus tard, on se retrouve avec un avant-projet de loi qui contredit, je dirais, sur certains aspects, ce qu'on nous affirmait au mois d'octobre. Cette semaine, on nous dit qu'il est peut-être encore temps de négocier une formule.

Je vous avoue que je ne sais pas si c'est pour semer la confusion, mais il est difficile pour nous de pouvoir comprendre la démarche choisie. Nos positions sont encore très claires: nous croyons qu'il y a une urgence à négocier les conditions de travail dans le secteur public et nous sommes toujours disposés à discuter et à négocier, s'il y a lieu, des améliorations au régime de négociation dans le secteur public.

M. Larose: M. le Président, pour enclencher le débat, je vous dirai... D'ailleurs, dans les journaux, ce matin, la déclaration du ministre m'a un peu surpris, comme si on venait tout juste de découvrir qu'il fallait améliorer des choses. Ce n'est pas vrai. Il est informé - on s'est parlé à plusieurs reprises depuis le printemps dernier - que nous étions en question et en route sur plusieurs aspects, au moins sur quatre, sinon cinq. On était prêt à faire le débat, mais en même temps il y a une mission fondamentale qu'on a à faire, c'est de résoudre les problèmes concrets. On a aussi fait des propositions dans ce sens-là. La dernière rencontre qu'on a eue au mois de décembre, c'est pour lui dire que, s'il "startait" le débat à partir d'un avant-projet de loi, on pense que cela allait un peu perturber les affaires. C'était mieux qu'on puisse continuer sur la base dans laquelle on était en octobre et en novembre. Des choix différents ont été faits. On peut vous réaffirmer que le fond de la question soumis par l'avant-projet de loi est imbuvable, pas seulement par la CSN, pas seulement par les organisations syndicales. À mon avis, il est imbuvable pour tout citoyen et toute citoyenne qui pense que, dans les 20 dernières années, il s'est quand même fait des choses très positives dans le secteur public. On ne peut pas accepter de virer cela "boutte pour boutte". On est prêt à améliorer des choses, mais pas à chambarder. On est prêt à ajuster des choses, mais pas à tout "déconcrisser". On est prêt à assouplir des aspects, mais pas à casser.

Là-dessus, je vous dirai qu'à la CSN on fait des efforts régulièrement sur plusieurs questions non seulement pour analyser les propositions qui sont faites, mais aussi pour proposer des avenues, que ce soit en termes de décentralisation, que ce soit sur la rémunération, que ce soit sur le droit de grève ou pour toute question, on est prêt à avancer des choses. On l'a fait, mais dans le respect le plus intégral des règles que nous connaissons, pas des règles, des droits que nous connaissons. On n'est pas de ceux qui disent que la société doit être divisée en deux - il y en a qui disent même en trois -au niveau des relations du travail: un code pour le privé, un code pour le public et un code pour la construction. C'est avoir une intelligence en tiroirs et ce n'est pas commode pour aller bien loin dans la vie. On pense qu'une société doit donner les mêmes droits à tout le monde, trouver les mécanismes qu'il faut pour pouvoir faire face

aux réalités, mais, au niveau des droits et des libertés, on ne compose pas avec des différences. On n'est pas de cette école. Je pense qu'on a fait un peu le tour de la question. On a peut-être pris plus d'une demi-heure.

Une voix: Une heure.

M. Larose: 50 minutes. On s'excuse, M. le Président, mais on est prêt à faire le débat.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Larose. J'invite maintenant le ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor à vous faire part de ses commentaires et questions.

M. Clair: Merci, M. le Président. Je serai bref dans mes commentaires puisque le sens de la commission parlementaire, c'est davantage un jeu de questions et réponses avec les invités et, dans ce sens-là, même si j'aurais la tentation, après toutes les notes que j'ai prises, de faire une longue intervention, elle sera brève.

Dans un premier temps, je voudrais vous souhaiter, au nom des députés ministériels et, j'en suis convaincu, de mes collègues de l'Opposition, la bienvenue à cette commission parlementaire qui touche l'un des sujets les plus fondamentaux dont notre société est appelée à débattre présentement, toute la question du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic. Sans demander de commentaires, d'aucune façon, ni à M. Larose, ni à Mme la vice-présidente, Mme Simard, je dirai que, quant à nous, comme parlementaires, comme élus de l'Assemblée nationale, nous considérons qu'il est effectivement beaucoup plus positif, beaucoup plus respectueux du processus démocratique, de venir ici, en commission parlementaire, débattre de ces enjeux, contribuer à faire avancer le point de vue que vous représentez et faire en sorte que toute la population sache les enjeux, les positions de chacun, plutôt que de refuser de se prêter à un processus, le processus le plus démocratique qu'on puisse connaître, celui de l'Assemblée nationale.

Une fois ces paroles de bienvenue prononcées, M. le Président, je dirai que ce qui m'apparaît fondamental dans ce débat, et je pense d'ailleurs que la présence de la CSN devant cette commission en témoigne, c'est qu'il ne s'agit pas ici d'un affrontement entre le gouvernement du Québec et ses employés ou les syndicats du secteur public, il ne s'agit pas de dresser des patrons contre des employés dans le secteur public. L'affrontement, s'il en existe un, c'est un affrontement d'idées, de concepts, de conceptions de la société en général, du rôle de l'État, du rôle des syndicats dans les secteurs public et parapublic, de la façon dont on doit déterminer des priorités dans notre société, de la façon dont on doit envisager l'avenir et non le passé. C'est tout cela qui est en cause, bien plus qu'un affrontement entre un gouvernement et les centrales syndicales ou les syndicats du secteur public.

Il nous est facile, M. le Président, de tomber rapidement d'accord quant à des objectifs qui étaient évoqués tantôt par M. Larose ou par Mme Simard. Qu'il s'agisse, en ce qui concerne la formation politique à laquelle j'appartiens, de tout faire pour que l'État québécois puisse continuer à intervenir dans le développement économique, dans le développement social, dans le développement de ses services publics, dans la lutte à mener au chômage, ce n'est pas difficile de m'en convaincre. Tous les efforts que le gouvernement déploie en utilisant les bons ou les mauvais moyens - chacun jugera - sont orientés effectivement dans cette direction.

Dire qu'il faut combattre la dévalorisation des employés des secteurs public et parapublic, j'en suis. Je pense qu'effectivement, les employés du secteur public et parapublic, à cause d'événements ou de circonstances, de conjonctures ou de tout ce qu'on voudra, de difficultés qu'on a rencontrées, ont pu certainement se sentir à certains moments dévalorisés dans l'importance du rôle qu'ils jouaient. Comme collectivité, dans notre ensemble, nous oublions trop souvent l'importance des services publics dont nous nous sommes dotés, que ce soit dans le domaine de la santé ou de l'éducation.

Donc, quant à des objectifs, je pourrais parler de la lutte à la discrimination en ce qui concerne les femmes, les personnes handicapées, les communautés culturelles dans le gouvernement, nous sommes toujours insatisfaits des résultats obtenus même si, comme les documents officiels de la CSN et comme Mme Simard le reconnaissaient tantôt, il y a eu des pas significatifs -insatisfaisants, dirait-elle - de franchis.

M. le Président, je voudrais aborder le premier thème avec M. Larose et les gens qui l'accompagnent précisément en termes d'idées, de concepts. Comme gouvernement, nous avons fait notre acte de contrition quant à la confusion du rôle de l'État gouvernement, de l'État employeur, de l'Etat législateur et, encore une fois, est-ce qu'on y parvient par l'avant-projet ou non? Chacun jugera. Je pense qu'il importe, dans notre propre cuisine, de bien différencier le rôle de l'État employeur de l'État gouvernement, de l'État législateur. Mais, du côté des centrales syndicales et des syndicats dans le secteur public, je pense - et je ne le dis pas pour provoquer qui que ce soit - qu'aussi il y a une révision à faire en termes de conception du rôle des syndicats dans les

secteurs public et parapublic.

Je m'explique un peu là-dessus, et cela sera ma première question. Des phrases que j'ai notées au fil de l'intervention de M. Larose: Nous avons forcé l'État à développer des services publics. Le rôle de l'État dans la société québécoise ne doit pas être seulement un gouvernement de services - ce avec quoi je suis d'accord. Une autre affirmation: Les décideurs - je comprends principalement les plus importants, ceux en tout cas qui sont censés être le plus représentatifs de l'ensemble de la société, demeurent ceux qui sont élus pour venir siéger ici au salon bleu de l'autre côté -n'auraient pas à s'arroger le droit de décider seuls des grands enjeux. (16 h 15)

Je pense que dans la conception même du rôle du syndicalisme dans les secteurs public et parapublic il y a nécessité de revoir un peu cela au niveau des conceptions plus qu'au niveau des lois dans le sens: Est-ce que le développement des services publics, par exemple, n'est pas venu un peu de la pression des syndicats du secteur privé, de l'opinion publique en général, des groupes communautaires organisés sur l'ensemble du territoire? N'est-il pas venu un peu du programme des partis politiques aussi? Je pense que là où on entretient une certaine confusion nuisible à tout le monde, c'est que l'État aurait une fois tous les trois ans à négocier avec les seuls syndicats des secteurs public et parapublic, si importants soient-ils en termes de représentativité, de force de changements, les grandes orientations sociales, économiques, culturelles, budgétaires du gouvernement.

Je m'inscris en faux quant à la façon habile de Mme Simard de dire: Lorsqu'on négocie les salaires, par exemple, la moitié du budget de l'État, c'est faux. Si je prends cette théorie et si je dis: Oui, effectivement, imaginons une augmentation de 5% sur une masse de 12 000 000 000 $, cela donne 500 000 000 $, en ordre de grandeur. S'il est vrai qu'à la base de la mission du gouvernement du Québec il y a la dispensation de services publics et, bien sûr, qu'il doit rémunérer équitablement ses employés, il y a aussi d'autres services. Que fait-on de la base de la sécurité du revenu? Cela n'existerait pas. On n'aurait pas à s'en préoccuper. Le rôle et la capacité d'intervention du gouvernement du Québec en matière de développement économique, de développement d'infrastructures industrielles, d'infrastructures de transport, etc., 5%, cela peut sembler peu, mais 5% ou 500 000 000 $, c'est une marge de manoeuvre très généreuse que celle qu'on pourrait imaginer par les années qui passent.

Ce que je me pose comme question -je vous la pose également - c'est: Est-ce que la façon de voir l'avenir, d'impliquer, comme c'est légitime qu'ils le soient, les syndicats des secteurs public et parapublic dans la discussion avec le gouvernement, l'État législateur, "taxeur", la façon de discuster des grands enjeux, ne devrait pas être de sortir cette question des négociations triennales et de s'orienter plutôt vers ce que certains ont appelé la constitution d'un conseil économique et social où les syndiqués pourraient être représentés et où on discuterait avec le gouvernement ou, éventuellement, avec des parlementaires des deux côtés de la Chambre, si cela semblait utile, des grandes orientations politiques, financières, budgétaires, du niveau des taxes, de la capacité de payer, des orientations sociales et culturelles et de ne pas vous positionner vous-mêmes, comme syndicats des secteurs public et parapublic, dans une situation où, si j'allais au bout du raisonnement, on pourrait en venir presque à la conclusion que, finalement, sans la poussée du syndicalisme dans le secteur public, il ne se ferait rien en termes de développement des services publics, alors que c'est le seul moteur de développement social et économique du Québec? Je pose cette question parce qu'elle me paraît fondamentale.

Encore une fois, ce n'est écrit nulle part dans l'avant-projet de loi et cela ne se fait pas dans une loi, mais est-ce qu'au niveau des concepts, du rôle, d'une part, il n'y a pas place à clarification, à bien démarquer le rôle de l'État employeur, de l'État gouvernement, de l'État législateur et, d'autre part, du vôtre, de bien faire la différence entre le rôle des syndicats du secteur public, porte-parole, représentants démocratiquement élus des employés du secteur public pour représenter leurs intérêts, et de faire la différence aussi entre le rôle positif, d'ailleurs, légitime, des promoteurs du développement social, mais sans en avoir le monopole?

Je m'excuse, M. le Président, je n'ai pas tenu parole, j'ai été trop long. Cela mange mon propre temps, j'en suis conscient.

Le Président (M. Lachance): Vous aurez l'occasion de vous reprendre. M. Larose.

M. Larose: Je vous dirai que j'apprécie que le ministre ouvre le débat en essayant de se donner un certain éclairage sur, je dirais, les grandes idées ou les grandes conceptions qu'on se fait du rôle de l'État, des services, de la prestation des services, qui, dans la société, est moteur, qui est frein, etc. Je pense qu'il faut nous éclairer, parce qu'on peut, pour vouloir se sortir d'une confusion, en entretenir une autre. Il est clair... Là-dessus, il faut aussi reconnaître que, dans la société québécoise comme dans toutes les sociétés, il n'y a pas nécessairement et surtout pas de consensus

sur les conceptions qu'on doit avoir du rôle de l'État. Il n'y a pas consensus parce qu'il y a des intérêts bien campés et qui sont comme divergents. Vous avez eu l'occasion de rencontrer le Conseil du patronat ce matin. L'espace d'un dîner et vous rencontrez la CSN. Il se peut que l'univers idéologique des analyses et des propositions politiques divergent. Si cela ne divergeait pas, cela m'inquiéterait, là, j'avoue.

À la CSN, on pense que la société québécoise a besoin d'un État fort, d'appareils de l'État constitués, efficaces, compétents, d'appareils qui soient contrôlés démocratiquement, qui soient le moins possible objet d'intérêts particuliers. Quand je parle d'intérêts particuliers, je pense aux intérêts économiques et politiques particuliers. Il est clair qu'on a une conception de l'État qui est peut-être un peu à l'opposé de celle que le Conseil du patronat peut avoir. Pour nous, c'est un progrès social quand on réussit à se donner un service accessible à tout le monde, peu importe sa condition. C'est vrai dans le secteur de la santé, de l'éducation, et cela sera vrai dans d'autres types d'activités.

Qui force la naissance de ces services publics ou de ces outils collectifs? Je vous dis tout de go, sans aucune espèce d'hésitation, que je n'ai jamais entendu de ma courte vie, qui est un peu plus longue par les lectures que j'ai pu faire, que la Chambre de commerce notamment ou le Conseil du patronat ait été un aiguillon vigilant pour l'ajustement démocratique de nos outils collectifs, que ce soit le réseau de santé, que ce soit le droit à l'éducation ou les autres. Lorsqu'il y avait un peu de tension et qu'il était question du droit des travailleurs et des travailleuses, oui, ils sont venus vous communiquer leurs impressions. Mais j'avoue que, dans la société, là peut-être qu'on est complètement obnubilé, mais ce n'est pas tout le monde qui donne ce rôle à l'État et qui force pour que, effectivement, on ait des outils collectifs qui puissent favoriser davantage l'égalité, davantage une répartition de la richesse qui soit potable, davantage de justice, etc. Ce n'est pas seulement la CSN et ce n'est pas seulement le mouvement syndical. Ce sont, comme vous l'avez dit, les organisations syndicales, les groupes populaires, enfin, des groupes constitués. Par ailleurs, il n'est pas vrai que c'est la majorité silencieuse; cela n'est pas vrai. La majorité silencieuse, sa caractéristique, c'est d'être silencieuse. Mais, il s'en trouve plusieurs, par exemple, pour invoquer sa force ou sa faiblesse pour promouvoir des politiques. La vie sociale et la vie en société se développent par des propositions et des rapports de forces véhiculés par des groupes organisés, qu'ils soient syndicaux, populaires, patronaux ou autres.

Dans ce sens, au niveau des concepts et au niveau des perspectives et des objectifs poursuivis, il est clair que nous allons toujours valoriser un rôle actif, important, fort de l'État, mais en même temps démocratiser, c'est-à-dire avec une prise. On pourrait avoir des appareils d'État qui fonctionnent exactement avec les mêmes rapports de domination ou d'écrasement. On favorise qu'il y ait des efforts de démocratisation de ces mêmes institutions. Là-dessus, on a pas mal de croûtes à manger encore collectivement. II y a bien des appareils qui fonctionnent un peu sans tenir compte de la réalité, entre autres, de ceux à qui ces services-là s'adressent.

Comme on doit aussi travailler à éviter le gaspillage ou à rationaliser un certain nombre de fonctionnements, là-dessus, on est parfaitement ouvert, sauf qu'on veut le faire de manière, je dirais, que ceux qui sont concernés fassent partie de ce débat. Qu'est-ce que cela veut dire pour nous de situer les relations du travail dans ce cadre? Comme organisation syndicale, on regroupe des hommes et des femmes bien vivants. On n'est pas, comme organisation syndicale, une organisation qui arrive de la planète Mars. On est de ce peuple, on est de cette société, on est confronté au quotidien et à un quotidien davantage secoué que d'autres quotidiens d'autres organisations qui étaient peut-être ici il y a quatre heures. Le quotidien auquel on est confronté, c'est le quotidien des travailleuses et des travailleurs soumis à toutes les secousses qu'on connaît.

Bon! Pour nous, le rôle de l'État et le rôle des organisations syndicales dans le rôle de l'État va toujours demeurer un rôle de proposition, un rôle de vigilance, de négociation qui vous sera toujours beaucoup plus évident et explicite que le même rôle que jouent d'autres organisations. Quand vous négociez vos emprunts à New York ou ailleurs sur Ies marchés financiers, ils ne font pas souvent de grève, mais ils peuvent vous dire non et vous n'avez pas le choix. Leur droit de grève ne s'exprime pas de la même façon; c'est leur rapport de forces. Nous, pour vous dire non, nous devons faire la grève parfois. Il faut être conscient de cela. À un conseil économique ou, enfin, un forum - on ne sera jamais contre les forums - on ne vous dira pas que c'est là qu'on va épuiser notre intervention, parce qu'on peut, sur la gueule comme cela, faire de grands débats, mais quand le rapport de forces est en dehors du forum et que les vraies décisions se prennent en dehors du forum, je vais vous dire qu'on va toujours s'organiser comme organisation syndicale pour avoir un poids sur les décisions. Des fois, cela s'exprime par la grève, mais, bien souvent, cela s'exprime par un rapport de forces serré. Je ne sais pas si cela éclaire un peu les positions qui nous habitent, mais c'est un

peu comme cela qu'on fait des analyses.

M. Clair: C'est fondamentalement, encore une fois, ne pas confondre le rôle des syndicats du secteur public de représenter les intérêts de leurs travailleurs et travailleuses, rôle fondamental et distinct du rôle légitime des syndicats du secteur public d'être les promoteurs d'un développement au sens le plus noble et le plus large du terme. Mais vous dites, par exemple: À condition que ceux qui sont concernés fassent partie de ce débat et aient l'occasion d'infléchir les décisions. Mon seul point, c'était celui-là, c'était simplement de dire: Nous reconnaissons la légitimité pour les organisations syndicales des secteurs public et parapublic d'être les promoteurs, les défenseurs - le mot le plus juste est sans doute "promoteurs" - du développement du Québec au sens positif du terme. Mais, justement, si on veut que tout le monde concerné fasse partie de ce débat, je ne vois pas, malgré toute l'importance du syndicalisme dans les secteurs public et parapublic, que cela puisse être monopolisé, en quelque sorte, par les centrales syndicales et les syndicats du secteur public au moment de la négociation. C'est pour cela que je pense que c'est là qu'il y a une divergence d'opinions. Chacun peut avoir son point de vue là-dessus et les théories se défendent, mais je pense que c'est là où, fondamentalement, il y a une erreur, dans la perception du rôle des syndicats des secteurs public et parapublic, à savoir l'endroit, le moment où faire valoir la promotion et sa vision de l'avenir du Québec. (16 h 30)

M. le Président, je. sais que le temps m'est compté. Peut-être que M. Larose pourra y revenir plus tard. Je voudrais maintenant aborder la question de la rémunération. Comme j'ai plusieurs questions, je vais essayer d'aller rapidement sans allonger. Sur la question de la rémunération, fondamentalement et en résumé - vous me corrigerez si c'est inexact - ce que vous dites, c'est: L'avant-projet, c'est l'équivalent de la négation du droit de négocier. Nous avons et vous avez sans doute regardé ce qui se faisait ailleurs dans le monde - et je parle du monde démocratique, du monde occidental, dans les sociétés européennes et nord-américaines - et on peut constater - je ne ferai pas de nomenclature - qu'il n'y a que dans 7 États sur 50 aux États-Unis où la masse salariale proprement dite est négociable selon des concepts s'apparentant à ceux qu'on connaît ici, au Québec et au Canada. En Europe, à cause de l'absence de monopole syndical et d'une façon complètement différente de concevoir le rôle et le fonctionnement du syndicalisme dans les secteurs public et parapublic, il y a toute une variété de situations. Je ne suis pas le seul à le prétendre et je pense que ce serait difficile de votre part de le nier. Le régime de négociation des secteurs public et parapublic québécois est le plus libéral à peu près du monde entier. Ce que l'on propose dans l'avant-projet de loi s'apparente à ce qui se passe dans d'autres sociétés. Est-ce que vous ne pensez pas que vous - comment dirais-je? - exagérez - c'est le mot qui me vient à l'esprit - ou que prisonniers que nous serions collectivement de notre passé, de notre façon de concevoir la négociation dans les secteurs public et parapublic, nous en serions venus à considérer que toute autre forme plus sophistiquée de négociation sans droit de grève en ce qui concerne la rémunération serait antidémocratique, barbare, comme a dit quelqu'un, etc. ? Autrement dit, en quoi sommes-nous si différents de tout le monde occidental pour que des mesures qui sont proposées dans l'avant-projet de loi et qui demeureraient des mesures de négociation plus libérales que ce qui existe en termes de rémunération dans la plupart des sociétés développées soient inacceptables et antidémocratiques au Québec? C'est la question que je vous pose.

Mme Simard: Le premier élément de réponse, c'est que, quand vous dites: Nous avons le meilleur régime, vous faites allusion, évidemment, à...

M. Clair: Je n'oserais jamais prétendre cela. J'ai dit "le plus libéral".

Mme Simard: Bon! Un des meilleurs ou un des plus... En tout cas! On peut renchérir, renchérir et renchérir.

M. Rivest: C'est un synonyme.

Mme Simard: Bon! Évidemment, vous faites allusion à l'étude que vous avez commandée et que j'ai lue avec attention. D'une part, je pense qu'il ne faut pas mélanger les choux et les carottes. II y a, évidemment, les règles d'adhésion et de reconnaissance syndicale. On vit dans un régime nord-américain que vous connaissez. C'est une chose. Il y a ensuite les règles de négociation. On ne croit pas, sincèrement, qu'on puisse établir de saines relations du travail en niant le droit de négocier, parce que, oui, on prétend et on croit que c'est, à toutes fins utiles, nier le droit de négocier, si une des parties n'a aucune espèce de possibilité de pouvoir exercer des pressions pour faire valoir ses positions. Donc, même si ce n'est pas dit clairement, la proposition qui est avancée, quant a moi, est loin d'être libérale. En fait, ce qu'elle dit, c'est: Bon! Annuellement, il y aura un examen de la situation. Il y aura une période de quatre mois pour négocier sans droit de grève et, ensuite, on établira les taux de rémunération.

On ne peut pas dire que ce sera de la négociation. Je m'excuse.

D'autre part, un des arguments qui est souvent utilisé par le gouvernement pour procéder à une réforme, c'est de dire: On ne veut plus être obligé, tous les deux ans ou tous les trois ans, de consacrer tant d'énergie, d'être monopolisé pendant de longues périodes pour renouveler les conventions collectives. Si, réellement, c'est une proposition de négociation annuelle que vous nous faites, rendez-vous compte des énergies que cela exigerait de l'ensemble des intervenants. Or, je ne crois pas que ce soit votre intention et, par conséquent, je ne pense pas qu'on puisse parler ici denégociation de rémunération.

D'autre part, on peut, comme cela, dire: Oui, un système est meilleur par rapport à un autre ou telle règle peut s'appliquer par rapport à une autre. On n'a peut-être pas suffisamment répété que tout cela est relatif, tous ces éléments sont relatifs et s'inscrivent généralement dans des conjonctures précises. Je vous dirai que les arguments utilisés par le gouvernement du Québec il y a quinze ans étaient peut-être à l'opposé de ceux qui sont aujourd'hui utilisés; c'est le jeu de la négociation. Les comparaisons sont tout aussi relatives dans le temps et leur utilisation se situe dans des conjonctures extrêmement précises.

Dans le même sens, comparer des régimes de pays en pays ou d'État à État, cela aussi se fait difficilement parce que chacun de ces régimes, l'établissement de ces régimes s'est inscrit dans des conjonctures spécifiques. Donc, nous ne croyons pas qu'on soit à ce point privilégié, parce que c'est ce que vous voulez dire en disant que ce régime est tellement libéral. Non. Nous pensons, cependant, que ce régime mérite d'être perfectionné, qu'il y a des moyens qu'il faut se donner pour arriver, finalement, à conclure des ententes, pour en arriver à s'entendre sur les niveaux de salaires et sur les conditions de travail. C'est tout.

On ne pense pas que, dans une société qui se dit démocratique, qui dit respecter un certain nombre de droits, les moyens proposés sont des substituts, qui ont de l'allure, aux droits négociés et, surtout, à la négociation de bonne foi. On pourrait longuement ici parler de la manière dont se sont négociées les dernières conventions collectives dans le secteur public. Comment cela s'est-il passé, combien cela a-t-il réellement pris de temps, comment tel règlement s'est fait? C'est une histoire qui n'est généralement pas dite.

Donc, il ne faut pas, je pense, se mettre à utiliser des comparaisons d'ailleurs pour tenter, ici, d'atteindre des objectifs qui ne sont peut-être pas ceux qui sont publiquement avoués. Comme dans beaucoup de négociations, le véritable déroulement n'est pas nécessairement connu aussi largement que ce serait souhaitable pour la population. Maintenant, on pourrait vous donner une foule d'arguments - notre mémoire, là-dessus, est assez éloquent - sur les mécaniques que vous proposez pour établir les salaires; nous ne les pensons pas adéquats. Nous pensons pouvoir regarder effectivement ces nouvelles formules, nous réclamons un certain nombre de renseignements qui, nous le pensons, faciliteraient les choses. Ce n'est pas en nous enlevant un droit que cela va régler quoi que ce soit.

M. Clair: M. le Président, je pense que le parti le plus libéral du monde insiste pour avoir son temps de parole, alors, je vais le lui laisser.

Le Président (M. Lachance): Très bien, M. le ministre. En vertu de la règle de l'alternance, effectivement, c'est au tour du député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. J'ai presque envie de remercier le ministre qui a pris trente minutes au lieu de vingt minutes. J'ai quand même témoigné de beaucoup d'ouverture; j'aurai droit à trente minutes moi aussi, évidemment.

Tout d'abord, je voudrais remercier M. Larose, Mme Simard, mesdames, messieurs de la Confédération des syndicats nationaux d'être avec nous cet après-midi pour venir, finalement, discuter de ce projet de loi qui est discutable, controversé à certains égards, critiqué, dénoncé, qui constitue un avant-projet de loi qui, comme je l'indiquais hier, arrive en fin de mandat, qui arrive au beau milieu d'un processus qui semblait vouloir déboucher sur quelque chose d'utile dans le cadre des échanges entre vous, d'autres groupes syndicaux du Québec et le gouvernement en novembre et décembre et qui, par son simple dépôt est venu remettre en cause l'ensemble de l'exercice, et c'est explicable.

Vous avez eu l'occasion d'échanger pendant plusieurs minutes du temps de parole du ministre au regard de la philosophie sociale, économique, le développement et la promotion d'une collectivité comme la nôtre par rapport à l'action gouvernementale dans une société comme le Québec. C'est intéressant, et il y aurait certainement lieu de passer plus que les trois heures qui vous sont allouées pour voir peut-être nos distinctions mais aussi voir surtout nos points en commun, parce que je suis persuadé qu'il y en a, malgré les distinctions qui sont trop souvent et facilement apparentes.

Un commentaire que je voudrai le plus bref possible et quelques questions, parce que ce n'est pas souvent, malheureusement, qu'on

a l'occasion de s'asseoir ensemble et de se parler parce qu'il faut s'asseoir et se parler, si on veut un jour se comprendre. Vous évoquez le fait que le gouvernement a l'obligation fondamentale de déterminer, d'enclencher les processus, les conditions du progrès social d'une collectivité comme la nôtre. C'est vrai. Par contre, et, à cet égard, il faut convenir et retenir que les gouvernements qui se sont succédé... Notre équipe, lorsqu'on a eu le mandat de former ce gouvernement, nous avons fait beaucoup, comme d'autres gouvernements, pour, finalement, l'amélioration de la qualité de vie des citoyens du Québec.

On pourrait remonter au début des années soixante et comparer aujourd'hui ce qui a été fait, ce qu'on a aujourd'hui, mais le but de nos travaux n'est pas de faire une étude exhaustive et à rebours des progrès qui ont marqué notre société.

C'est indéniable que les progrès qu'a connus le Québec l'ont été, entre autres, par suite de l'action gouvernementale qui s'est appuyée sur l'effort, le capital humain investi par des milliers et des milliers de travailleuses et de travailleurs au Québec dans différents champs d'activités.

Aujourd'hui on a eu l'occasion de traverser une crise qui a été durement ressentie au Québec, peut-être un peu plus durement ressentie que dans d'autres provinces. On pourrait parler de notre structure économique, notre structure industrielle et on pourrait en jaser bien longtemps, crise qui a affecté le gouvernement, les citoyens, vos travailleurs et vos travailleuses.

En ce début d'année 1985, le gouvernement qui est la, qui était social-démocrate, qui est inspiré actuellement "non seulement par un néofédéralisme mais aussi par un néolibéralisme", se retrouve placé devant un tableau et une photographie auxquels il ne peut se dérober. Le gouvernement a l'obligation, dans un premier temps, d'être animé par le plus grand souci de justice et d'équité envers ses travailleurs et ses travailleuses. Cela implique, évidemment, si tu veux être un bon employeur, de négocier tes conditions de travail avec tes travailleurs et tes travailleuses. Il y a cette première obligation. (16 h 45)

II y a aussi l'obligation de donner des services à la population, que ce soit dans le domaine de l'éducation, de la santé, peu importe. Il y a aussi, évidemment, l'obligation de s'assurer de la capacité de payer des contribuables au regard de ces régimes. Ces sommes d'argent qui sont perçues selon ses priorités, il les affecte dans certains champs d'activités ou d'autres. Je n'ai pas l'intention de revenir plus particulièrement sur ce que le ministre évoquait quand il parlait de ses 5% et de la marge de manoeuvre d'environ 500 000 000 $ qu'un gouvernement pourrait ou souhaiterait avoir, mais la lecture budgétaire et économique du gouvernement du Québec commande une analyse comme celle qu'on est en train de faire actuellement. C'est ce pourquoi plusieurs auront peut-être été surpris de voir ou de constater que les propos du ministre d'un gouvernement péquiste et les propos du Parti libéral du Québec se rejoignaient à plusieurs égards.

On a entendu des groupes jusqu'à maintenant. On espère avoir l'occasion d'entendre non seulement ceux qui sont prévus pour la semaine prochaine, mais d'autres, s'ils veulent bien se faire entendre et s'ils acceptent l'invitation qu'on leur a formulée le plus objectivement possible. On a souvent parlé de l'entreprise privée au Québec. Un nombre de plus en plus grand de gens constatent que l'élément principal qui peut permettre à un gouvernement de redistribuer la richesse à ses citoyens, à ses travailleurs, c'est d'avoir une économie qui soit forte, qui soit concurrentielle, qui soit capable de faire face à la concurrence des marchés internationaux, qui devra faire face à toute cette dimension des technologies nouvelles. Aujourd'hui, le gouvernement dit: 50% de notre budget est affecté aux salaires; dans les secteurs public et parapublic, des gains importants ont été acquis par les travailleurs et les travailleuses; il faut revoir les mécanismes et il faut revoir tout cela. C'est explicable. Votre position est explicable parce que, quand il est dit dans un projet de loi que vous n'aurez pas le droit de grève sur la rémunération ou encore quand une formation politique d'opposition dit: Aujourd'hui, on ne peut plus se permettre comme société de vivre dans une situation de droit et de fait où un droit de grève existerait dans le domaine de la santé, je comprends que vous n'êtes pas réceptifs, avec des tapes dans le dos, à de tels interlocuteurs. Mais il faudra, un jour, que la question soit réglée, que la question soit posée et que ces questions fassent l'objet d'un consensus au Québec et d'un véritable consensus.

Pour nous - c'est là le sens de ma première question - l'exercice du droit de grève, le recours à la grève, cela a été utilisé. C'est évident que, pour un groupe aussi important que le vôtre, c'est un droit qui, pour l'organisation syndicale, est presque fondamental. Mais que dire de ces conflits qui, bien souvent, ont fait mal non pas en raison du nombre de jours que les conflits ont duré, mais par toutes ces mentalités, ces appréhensions, ces craintes de conflit éventuel avec des effets peut-être non palpables ni quantifiables, dans les établissements, des grèves qui ne faisaient

certainement pas plaisir aux travailleurs et aux travailleuses? J'en conviens, je suis d'accord avec vous que les travailleurs et les travailleuses de Saint-Ferdinand d'Halifax n'ont pas fait une grève pour le plaisir d'en faire une. D'ailleurs, on pourra y revenir tantôt au regard d'un autre volet de la problématique. Mais ce droit, vous le voyez -c'est légitime que vous le voyiez ainsi - en termes d'un rapport de forces, d'un élément principal dans un rapport de forces donné, mais assoyez-vous de ce côté-ci de la table et voyez l'action du gouvernement ou des gouvernements depuis que ce droit a été accordé, quel qu'il soit, qu'il ait été libéral, qu'il ait été péquiste ou qu'il ait été de l'Union Nationale. Le gouvernement a toujours eu à faire face à sa fameuse dualité. Premièrement, le droit est là, il est dans nos lois, il est dans la dynamique des relations du travail. II affecte des citoyens et des citoyennes qui sont en droit légitime de recevoir une qualité et une quantité de services et qui ont, eux aussi, des droits. Comment s'est soldée cette dualité au cours des années? Par une situation de fait où les gouvernements ont eu à vivre des conflits, à patienter, à écoper, soit dit en passant, parce que c'est un rapport de forces qui vous place dans une position nettement privilégiée, car. le premier critiqué, c'est, évidemment, le gouvernement et c'est explicable qu'il en soit ainsi. Mais, combien de conflits se sont réglés par des lois, spéciales qui sont venues annihiler complètement ce droit?

Ne croyez-vous pas qu'il serait temps de s'asseoir et, dans un premier temps, de voir pourquoi vos travailleurs et travailleuses font des grèves? C'est quoi? Selon l'expérience qu'on a ou l'analyse qu'on en fait, on doit constater et retenir que les batailles, les argumentations, tes demandes que vous formulez vont de moins en moins sur des questions comme le salaire, le normatif, les avantages sociaux et tout cela. Le gouvernement devrait constater que le langage des syndicats dans les secteurs public et parapublic porte de plus en plus actuellement sur l'organisation du travail à l'intérieur des établissements, la tâche, le service donné par ce travailleur ou cette travailleuse à la personne qui le reçoit, par exemple, dans le domaine de la santé. On peut même retenir et conclure que, de plus en plus, la bataille syndicale se fait dans un contexte où les gens épousent, finalement, les causes de ceux qui reçoivent de tels services.

Je n'ai qu'à citer quelques exemples bien précis. Quand on entre dans un établissement de santé et qu'on échange des propos avec les gens que vous représentez, leur militantisme est porté, d'abord, vers l'effet des coupures, ensuite, vers la dégradation des services aux bénéficiaires, la détérioration du climat de travail, des échanges et des relations entre ces administrations locales et ces travailleurs, parce qu'à peu près personne ne se comprend, d'autant plus que les patrons locaux ne sont pas beaucoup associés au processus d'établissement des budgets et de négociation des conditions de travail.

Ma première question, M. Larose. Ne croyez-vous pas que le droit à la négociation ne passe pas nécessairement par le recours à la grève? Ne croyez-vous pas qu'à l'exercice, à la lumière de l'expérience des dernières années et de l'utilisation que le gouvernement a faite, finalement, des lois spéciales, c'est le temps plus que jamais de s'asseoir et de voir ensemble tout cet aspect du recours à la grève, en particulier dans des secteurs aussi importants pour les citoyens que la santé et la sécurité et que, finalement, le recours à ce droit est devenu artificiel, faux, pratiquement illusoire? Si tel est le cas, il serait peut-être temps de s'asseoir et que le gouvernement revoie vraiment tout l'aspect de la dégradation des services dans les réseaux, qu'il apporte les correctifs nécessaires. Nous convenons que cela impliquera des budgets, mais c'est là une question de priorité, de gestion et de dépense d'argent.

M. Larose: Je reprends un peu ce que je disais dans ma présentation: Le droit de négocier à son corollaire qui est le droit de grève. Je ne connais pas de situation où un groupe voulant négocier a averti d'avance son patron que, de toute façon, il n'est pas question qu'il fasse la grève, ni de moyens de pression. Ah, il va peut-être y avoir d'excellents débats philosophiques, mais il n'y aura pas de convention collective. L'image que je vous donnais tantôt, tirée d'un philosophe dont je ne me souviens pas du nom, selon moi, c'est la réalité. Mais, en posant la question, je ne veux pas qu'on perde de vue deux petites réalités. En faisant votre introduction, vous dites: Le gouvernement, pris avec ses contraintes à la suite de la crise économique, etc. C'est une partie de la réalité. Le ministre Clair disait lui-même tantôt: Lorsqu'on a une marge de manoeuvre qui pourrait atteindre 500 000 000 $ dans les meilleures conditions... Mais, c'est le même gouvernement, les mêmes décideurs qui décident que cette marge de manoeuvre sera de 500 000 000 $; c'est ce même gouvernement qui décide du taux de taxation, qui décide des abris fiscaux, qui cogite sur la fiscalité, disons, d'une manière un peu particulière. Ce sont les mêmes décideurs qui, au cours du processus du renouvellement des conventions collectives, décident de dévier des règles sur lesquelles on s'était entendu et qui émettent des lois spéciales. Si, à la fois, ce même gouvernement se

plaint des effets des décisions qu'il prend, je suis prêt à compatir, mais je ne le ferai pas au détriment d'un droit qui n'est pas seulement un droit fondamental, mais qui est aussi un droit efficace qui assure le droit de négocier.

Ceci dit, je rappelle que la réalité quotidienne de la négociation fait qu'on n'arrive pas nécessairement à la grève. Comme je le dis, à la CSN, les conventions sont renouvelées à 92% sans grève. Cela doit être parce que des gens se parlent des vraies affaires pour trouver les vraies solutions.

Ce qu'on prétend, c'est que, depuis trop longtemps, dans le secteur public, on ne parle pas des vraies affaires pour trouver les vraies solutions. À Saint-Ferdinand, c'était évident. Dans ce cas, ce n'était même pas le ministère, c'était la direction locale qui avait décidé que cela passait par là. Pour les ambulances, c'est une autre affaire. De toute façon, organisés comme on l'est avec les ambulances, d'autres "flops" s'en viennent sur la rive sud. Je vous annonce cela. Être en sous-traitance dans un domaine névralgique comme cela, c'est socialement inacceptable: 18 compagnies, 7 employeurs qui sont là pour faire la piastre sur les crises cardiaques.

Ce qu'on veut dire, c'est que la seule réforme possible, c'est celle qui va nous amener à trouver les mécanismes les plus efficaces, à les ajuster pour régler les vraies questions au moment où elles sont posées. Sinon, c'est se leurrer. Vous le dites vous-même. Il a toujours fallu des lois spéciales. Il faut croire que ce n'est pas le caractère de la légalité ou de l'illégalité qui pose un problème. Le problème, c'est de trouver des mécanismes, d'avoir les mécanismes pour régler les vraies questions. C'est aussi simple que cela.

M. Pagé: En matière de mécanismes, vous avez abordé un point intéressant. Vous avez dit - vous me corrigerez si j'erre -qu'on ne pouvait pas se permettre, dans une société comme la nôtre, d'avoir trois régimes de relation du travail, un Code du travail pour le secteur privé, un régime pour le secteur public et un code pour le secteur de la construction, que l'État employeur, le gouvernement employeur, se devait d'établir les mêmes règles pour lui-même que pour l'entreprise privée. Je conçois mal cette approche. Je ne vois pas comment elle peut être conciliable avec le fait qu'au niveau de la rémunération vous exprimez des réserves -mais des réserves! - sur le fait que le gouvernement veuille comparer ce qu'il en coûte dans le secteur public et le secteur privé. (17 heures)

M. Larose: On n'a pas de réserves sur les comparaisons. On a des réserves et des objections à ce que la décision découle de la comparaison. Qu'on nous fasse toutes les démonstrations de comparaisons entre le privé et le public, et qu'on nous inonde de chiffres, on est prêt à regarder cela. On n'a pas de honte à comparer toutes ces choses-là. Mais le principe de négocier les salaires dans le secteur public, cela demeure. On peut se laisser éclairer par le secteur privé ou semi-privé. En fait, là, je ne voudrais pas qu'on revive la théorie de la locomotive à l'envers. Il paraît que, pendant un certain temps, les gens disaient: Le public doit tirer le privé. Il fallait quitter la théorie de la locomotive. Ce qu'on nous propose, c'est que le privé tire le public. On est encore dans la locomotive. Il faudrait sortir des "tracks".

M. Pagé: Mais le problème, c'est qu'il est possible que le privé ne puisse plus suivre. Vous avez dit tout à l'heure au ministre: Quand vous allez faire un emprunt, le banquier peut dire non et là il vient de faire la grève. Mais quand le gouvernement du Québec décrète une augementation de taxes et d'impôts et qu'il dit, par exemple: La contribution des employeurs au Régime d'assurance-maladie passe de 1, 5% à 3%, l'entreprise privée ne peut pas faire la grève, il faut qu'elle paie. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire un prix de revient d'un produit vendu qui est plus élevé. Cela peut vouloir dire et cela veut dire, dans certains cas, des difficultés à concurrencer. Cela veut dire des pertes d'emplois. Cela peut vouloir dire des fermetures d'entreprises. En un an et demi, ici, dans la région de Québec, dans l'ensemble de la région 03, les faillites des entreprises commerciales et manufacturières ont dépassé 1700. Ce sont des emplois perdus. C'est grave et inquiétant! Le secteur privé ne peut pas faire la grève, il faut qu'il paie! Quand il n'est plus capable de suivre, il ferme. On se ramasse avec des déficits. On se ramasse avec des milliers de personnes à l'aide sociale, des centaines de milliers de personnes qui doivent vivre de prestations d'assurance-chômage. Est-ce qu'une personne peut être plus affectée dans sa dignité humaine que de n'avoir aucun travail, aucun débouché? C'est cela, la problématique du Québec, actuellement.

M. Larose, je ne veux pas jeter de pierres dans votre jardin, je veux qu'on ait l'échange le plus ouvert possible. On rencontre des travailleurs qui sont syndiqués, qui ont consacré leur vie, finalement, à la construction d'une entreprise dans un milieu donné de travail: qu'on pense au secteur des pâtes et papiers, au secteur des scieries, à tout cela, où vous êtes fortement présents. Les gens n'ont plus de job. Et les gens souhaitent que le gouvernement, par la responsabilité des orientations économiques qui lui sont dévolues selon ses mandats, intervienne à ce niveau. Alors, la locomotive?

M. Larose: Essayez-vous de me dire que c'est l'État et les taxes qu'il pompe dans le secteur privé qui font qu'il y a des faillites?

M. Pagé: Quand on voit l'augmentation des revenus tirés des taxes et des impôts depuis quelques années, on doit convenir que cela a certainement des effets sur l'entreprise privée.

M. Larose: Nos études nous disent, globalement, que le phénomène des faillites est dû à deux choses, soit, effectivement, à la hausse des taux d'intérêt. Cela s'adonne que je ne pense pas que ce soit le gouvernement qui gère tout à fait directement ce phénomène. Entre capitalistes, on se fait des civilités qui sont préjudiciables pour un certain type d'entreprises. Au plus profond de la crise en 1982, le nombre de faillites, multiplié je ne me souviens plus si c'est par trois ou par quatre, était essentiellement dû à la hausse du taux d'intérêt.

La deuxième chose, c'est effectivement un problème de gestion et il y a d'autres raisons. C'est tout à fait faux, à notre avis, de dire: C'est le niveau de taxation des entreprises. De toute façon, peut-être que le président du Conseil du trésor peut nous dire exactement combien il tire de revenus des entreprises par rapport aux revenus provenant des particuliers et le retour qui se fait par voie de subventions. Je pense qu'il reste au total 450 $ dans les coffres de l'État quand on a tout retourné. On commence à trouver qu'on joue avec notre argent.

M. Clair: II manque 3 000 000 000 $ par année, en fait.

M. Larose: Pardon?

M. Clair: Dans les coffres du Trésor, il manque 3 000 000 000 $ par année, au bout de l'année.

M. Larose: Oui. Mais la différence entre ce que les compagnies vous paient et ce que vous leur retournez en subventions, il ne vous en reste pas épais et même il vous en coûte par les années qui courent. Alors, il faudrait parler des vraies affaires. Ce n'est certainement pas la situation du secteur public et le niveau de rémunération des travailleuses et des travailleurs du secteur public qui font crever les entreprises. Cela n'a rien a voir.

M. Pagé: Je suis d'accord avec vous là-dessus, M. Larose, mais vous allez convenir quand même avec moi que l'entreprise privée au Québec, c'est le générateur économique en termes d'emplois pour permettre au gouvernement de donner une qualité de services et de vie à ses citoyens. Si elle est essoufflée, le gouvernement est essoufflé et on assiste à des coupures et à des éléments comme ceux-là.

M. Larose: Écoutez, en tout cas, on peut continuer ce débat. Je vous dirai que ceux de l'entreprise privée qui se plaignent d'être essoufflés, ils le font tous les trimestres. C'est insatiable. Ils le seront toujours, essoufflés. Ce n'est pas cela, la réalité. Je ne vois pas les rapports que vous essayez de faire entre la rémunération des travailleuses et des travailleurs du secteur public et le fait qu'il y aurait des entreprises qui feraient faillite et que là, nous voilà partis sur la glissade. Il manque quelque chaînons, pour reprendre notre sigle.

M. Pagé: Vous avez voulu laisser croire que c'est ce que j'invoquais comme étant le principal élément de difficulté des entreprises. Loin de là, voyons: Mais chose certaine, quand on évoque et quand on constate que, toutes choses étant comparables, le secteur privé ne peut pas suivre ce que l'État donne, c'est explicable et le gouvernement, quel qu'il soit, est justifié de s'y pencher, est justifié de vouloir établir les meilleurs paramètres possible pour être juste envers ses travailleurs, équitable envers ceux-là et celles-là, et aussi, en même temps, être juste et équitable envers ceux qui oeuvrent dans le secteur privé.

Mme Simard: Mais, êtes-vous en train de dire que nous avons dit que nous exigeons que ce qui existe dans le public doit être donné dans le privé? Personne n'est venu dire cela ici aujourd'hui. Je pense que les théories de locomotive qui ont pu être véhiculées, ce n'est pas si simple que cela. Je pense qu'on va admettre que ce n'est pas si simple et qu'il y a beaucoup de facteurs. Moi, je veux bien comprendre ce que vous êtes en train de nous dire. Est-ce que, ce que vous proposez, c'est qu'on en enlève ou qu'on en retranche un tant soit peu à celles et à ceux qui travaillent dans le secteur public pour en donner plus aux entreprises dans le secteur privé? Je ne pense pas que ce soit cela.

M. Pagé: Ce n'est pas cela.

Mme Simard: Bon. Et on n'est pas en train ici de vous dire qu'il faudra que ce soit appliqué. Ce qu'on vous dit, c'est que les comparaisons sont toujours relatives et qu'on sait qu'ériger cela en principe pour que ce soit la base d'une politique salariale, cela ne peut pas marcher. Cependant, on va être les premiers, à titre de centrale syndicale, à vous dire que, oui, notre plus grande préoccupation actuellement au Québec, c'est l'emploi; que, oui, une de nos grandes préoccupations, c'est que le plus grand

nombre possible ait droit au travail, de gagner sa vie et non pas de dépendre de prestations de chômage ou d'aide sociale.

Mais on ne croit pas, cependant, que c'est en retranchant, en modifiant ou en limitant des droits à 350 000 personnes au Québec qu'on va réussir à régler les autres problèmes. Les interventions qui s'imposent sont beaucoup plus sérieuses que celles-là. On n'arrête pas d'en présenter et de revendiquer cela au gouvernement. Je ne voudrais pas qu'ici on tente d'insinuer qu'en enlever aux uns permettrait d'en donner aux autres. Je pense que, dans le passé, cela a été prouvé: cela ne fonctionne pas. Je voudrais juste répéter que, lorsqu'on parle des revenus de l'État, il faut se rappeler qu'effectivement la plus grande proportion de ses revenus vient de l'impôt sur les revenus des particuliers et que les 350 000 salariés du secteur public paient aussi des taxes. Ce n'est peut-être pas dit assez souvent, mais ces 350 000 personnes qui consomment stimulent aussi la demande des produits qui est faite dans l'entreprise privée. Je pense que, si on veut aborder l'équilibre ou les rapports entre le public et le privé, il faut le regarder peut-être plus globalement. Ces dimensions, on n'en parle pas trop.

M. Pagé: Dois-je comprendre, Mme Simard, que vous êtes...

Le Président (M. Lachance): En concluant, M. le député.

M. Pagé: Oui. J'aurai d'autres questions après. On pourra y revenir. Dois-je comprendre que vous acceptez le principe que le gouvernement, par un bureau, par un institut, en arrive à établir une comparabilité des niveaux de rémunération et d'avantages entre le public et le privé, mais qu'elle ne doit pas servir à l'établissement des conditions de travail négociées par le gouvernement pour ses travailleurs? Auquel cas, quelle en serait l'utilité?

Mme Simard: Ce que nous avons dit, c'est qu'on ne pense pas qu'il y ait besoin de créer un institut pour le faire. On a déjà tous les organismes nécessaires pour faire des recherches et des études. Ce qu'on dit, c'est que ces études et ces recherches peuvent être faites. D'ailleurs, elles se font. On voudrait y avoir accès, d'ailleurs. Ce qu'on dit, c'est que, pour un gouvernement, cela ne peut pas être le seul élément, ces comparaisons entre privé et public, pour bâtir une politique salariale et dire: Bon! Voici le niveau des uns. Voici le niveau des autres. Eh bien, c'est gelé, c'est coupé au c'est baissé parce qu'on va rétablir l'équilibre. C'est beaucoup plus complexe que cela et les effets sur les uns et les autres aussi sont plus complexes et moins mécaniques, je dirais, que ce que certains ont voulu faire croire par le passé.

De toute façon, quand je dis: Les comparaisons, tout le monde s'en sert, oui, tout le monde s'en sert, mais elles sont toujours relatives et elles sont toujours liées à des conjonctures très spécifiques. Ce que je vous disais, c'est qu'il y a quinze ans, on pouvait faire des comparaisons tout à fait à l'inverse. Cela servait une partie par rapport à l'autre. Aujourd'hui, compte tenu d'une multitude de facteurs, on peut utiliser exactement la comparaison inverse pour arriver à ces fins, c'est-à-dire que les négociations ne sont pas chose de statistiques. Il y a beaucoup d'éléments. Juste comparer les niveaux de rémunération entre le public et le privé, il peut y avoir 120 variables. Qu'est-ce qu'on va comparer? Les petits par rapport aux gros, les secteurs syndiqués par rapport aux autres. Qu'est-ce qu'on fait lorsque c'est l'État qui a le monopole d'un certain nombre de tâches ou d'emplois, ce qui est le cas? Quelles sont les structures? C'est quoi, les règles du marché? Qu'est-ce qu'on a pu corriger? C'est beaucoup. C'est simplement cela qu'on vient vous dire: Attention! Mais on sait également que, dans une conjoncture et dans un climat tel que celui qu'on connaît aujourd'hui au Québec, la crise, où il y a 1 000 000 de personnes sans emploi qui dépendent de prestations et de revenus tout à fait insuffisants, il est facile de faire passer certains pour des privilégiés à un tel point qu'à un moment donné ils se disent: Voyons! Je ne suis pas un paria parce que j'ai un emploi et que je gagne un salaire. (17 h 15)

Faire passer ceux-ci pour des privilégiés et dire: Si on leur en enlevait un peu, à eux, j'en aurais peut-être plus à l'autre bout, c'est trop facile. Je pense que notre responsabilité est justement de venir dire ici que ce n'est pas si simple. C'est beaucoup plus complexe que cela. La théorie des vases communicants, ce n'est pas automatique comme cela dans le problème qui nous occupe. C'est exclusivement cela.

Le Président (M. Lachance): À ce moment-ci, je voudrais indiquer aux parlementaires qu'il reste un bloc de 46 minutes, soit 25 minutes pour la formation ministérielle et 21 minutes pour le Parti libéral. M. le ministre.

M. Clair: Oui, M. le Président, je voudrais continuer sur la question de la rémunération. La CSN représente des salariés tant du secteur public que du secteur privé. Quant à la fameuse théorie de la locomotive, est-ce que, globalement, le jeu de la libre négociation, entre guillemets le "rapport de forces", auquel vous tenez dans le secteur public, a conduit, selon vous, après 20 ans de

fonctionnement, tant en termes de rémunération, avantages sociaux, etc., de manière générale, à de meilleures conditions de travail dans le secteur public et dans le secteur privé?

Mme Simard: Je vais vous dire que cela varie.

M. Clair: Mais globalement?

Mme Simard: Cela varie. Justement, je ne peux pas vous répondre globalement. C'est cela, il ne faut pas tomber dans ces pièges. Je pourrais vous dire oui, il y a des conditions de travail qui ont été négociées dans le secteur public, qui ont eu des effets d'entraînement dans d'autres secteurs. Je pense aux congés de maternité, par exemple; oui, cela a eu des effets, oui, cela a été marquant, cela a eu un effet d'entraînement et ce n'est pas uniquement une condition. Cela coûte de l'argent...

M. Clair: Ma question...

Mme Simard: Laissez-moi finir!

M. Clair: Je veux que vous répondiez.

Mme Simard: Cela dépend des secteurs. Comme je vous l'ai dit, je ne pourrais pas vous répondre que cela n'a pas eu d'effet d'entraînement; oui, cela a eu des effets d'entraînement. Je vais vous dire à quel chapitre il y a eu des effets positifs pour l'ensemble des travailleurs et des travailleuses au Québec; dans d'autres cas, cela n'a pas eu d'effet, à toutes fins utiles.

M. Clair: La CSN, comme centrale syndicale, dit que ce n'est pas un seul élément, que dans certains secteurs il y a de l'avance et que dans d'autres secteurs peut-être que non, en termes de conditions de travail dans le secteur public et dans le secteur privé; là, je ne parle pas de l'effet d'entraînement, mais de la photographie d'aujourd'hui. Pour orienter l'action syndicale de la CSN, j'imagine que de telles comparaisons ont dû être faites et, dans la mesure où on voudrait rendre utiles des comparaisons entre le secteur privé et le secteur public, les travaux de la CSN elle-même pourraient être utiles. Sans cela, ce que j'en retiendrais, c'est que la théorie de la locomotive, cela valait pour le secteur public, oui, mais on ne se préoccupait pas beaucoup d'essayer de savoir comment cela évoluait dans le secteur privé. Qu'en est-il là-dessus en termes de disponibilité de données comparatives non pas uniquement en termes de niveau, mais en termes de résultat aujourd'hui et d'évolution sur les différentes années?

Finalement, ma dernière question: En termes d'équité sociale par rapport à cela, qu'est-ce qui fondamentalement, au niveau des principes, peut justifier un écart en termes de non-discrimination, je dirais un écart en termes de conditions de travail générales entre le secteur public et le secteur privé?

Mme Simard: Premièrement, je vais vous dire que, généralement, les recherches de la CSN, j'en suis convaincue, le gouvernement y a accès parce qu'elles sont toutes publiques. À l'inverse, cependant, on n'a pas accès à toutes vos recherches. Parlons d'équité. On est en train, évidemmment, encore une fois, de tomber dans le panneau de l'équité entre le privé et le public. Parlons donc du privé.

M. Clair: Cela n'existe pas, cela?

Mme Simard: Parlons donc du privé. On a trop souvent tendance à penser que c'est un bloc monolithique où les mêmes conditions s'appliquent et où tous les mêmes droits sont reconnus ou ne le sont pas. Ce n'est pas le cas du tout.

Parlons d'équité, d'un gouvernement qui a la responsabilité d'adopter ou d'établir des conditions minimales dans l'ensemble des secteurs, justement. On sait quelles sont les dispositions de la loi 126 à ce chapitre. Donc, oui, on a un souci constant que dans l'ensemble des secteurs, dans tous les secteurs où il y a des femmes et des hommes qui travaillent, les droits fondamentaux soient reconnus, que des conditions de travail, qu'on considère, nous, comme minimales, soient appliquées, peu importe qu'on travaille dans une usine à papier, dans une usine de chaussures ou dans un magasin. C'est ce que nous pratiquons quotidiennement et qu'on tente d'obtenir quotidiennement pour les personnes qu'on représente.

Oui, c'est vrai qu'on fait des comparaisons; oui, c'est vrai qu'on a invoqué des comparaisons. Il y a une admission là-dessus, on le fait constamment pour tenter d'améliorer la condition des membres des syndicats de la CSN. Cependant, parce que, justement, on fait des études, on travaille et on en invoque, on sait combien c'est relatif et c'est ce qu'on vient vous dire ici.

Vous aussi, vous savez combien c'est relatif. Alors, tout simplement, notre message c'est que non, on ne peut pas utiliser ça comme base exclusive parce que la situation d'aujourd'hui sera peut-être tout à fait différente dans cinq ans.

M. Clair: II y a dix ans ou dans cinq ans, est-ce qu'il y a quelque chose qui justifierait fondamentalement qu'en tout état de cause il puisse y avoir un écart en termes de conditions de travail? Je ne parle

pas d'un alignement systématique, poste à poste, condition par condition mais, sans tomber dans le globalisme non plus, mais de manière générale, ne serait-ce qu'en termes de croissance... C'est facile à mesurer la croissance générale des salaires dans le secteur public par rapport à celle du secteur privé. Il y a dix ans, dans cinq ans ou cette année, qu'est-ce qui peut justifier des écarts substantiels?

M. Larose: Cela fait partie de l'argumentation que vous allez développer dans un processus de négociation. Vous allez invoquer que, pour telle catégorie d'emploi, le secteur privé est en avance ou est en arrière, etc. On va vous entendre, comme nous allons vous faire le même type d'argument pour d'autres types d'emplois. Ce qu'on vous dit c'est qu'on n'a rien contre les comparaisons mais la formule où ce serait un secteur qui décréterait les salaires dans un autre secteur, on ne comprend pas en vertu de quel principe, en vertu de quel droit ces choses-là devraient se faire de cette façon-là.

C'est faire reposer sur les épaules d'un secteur le sort de tout un autre secteur. Je pense qu'il a déjà pas mal de misère pour sortir des conditions qui lui sont faites sans qu'il ait tous les travailleurs et travailleuses à tirer derrière lui. Ce qu'on vous dit c'est que c'est non seulement impraticable mais c'est antidémocratique. Pourquoi? Parce que tu es travailleuse dans le secteur public, tu n'as pas le droit de négocier avec les autres tes salaires dans le même cadre que toute négociation. D'où est-ce que ça vient? C'est parce que tu tires ton chèque du cégep ou du CLSC Hochelaga-Maisonneuve?

L'infirmière du CLSC Hochelaga-Maisonneuve et le professeur du cégep Édouard-Montpetit sont des travailleurs et des travailleuses comme tout le monde et ils n'ont pas à s'adresser à la Vickers pour savoir combien ils vont avoir cette année.

M. Clair: Dans votre esprit, l'égalité dans les moyens prime sur l'égalité dans les résultats.

M. Larose: L'égalité dans les droits, d'abord. Effectivement, si on veut faire un débat sur l'égalité des moyens, je vous dirai qu'il y a une autre commission, la commission Beaudry - d'ailleurs, on aurait voulu que tout ce débat aille là - pour voir ce qu'est l'égalité des moyens. Si, à votre avis, il y a des moyens qui sont plus forts dans le secteur public, pourquoi cela n'existe-t-il pas dans le secteur privé? C'est un autre débat. Je serai très content de venir faire ce débat avec vous parce qu'il y a des responsabilités gouvernementales qui ne se prennent pas là-dessus. On est prêt à faire ce débat-là mais on ne partira pas en descendant, par exemple, pour niveler par le bas.

Mme Simard: On va prendre les deux groupes. Parlons-en des écarts publics et privés. Il y a un groupe où l'écart est le plus grand. Je vais revenir, c'est ça, les femmes. Là où l'écart est le plus important, c'est entre les femmes du secteur public et les femmes du secteur privé; plus grand qu'entre les hommes du secteur public et les hommes du secteur privé.

Quand vous parlez d'inégalité ou d'égalité de résultats ou qu'on parle d'égalité de droits, il n'y a pas d'égalité de droits. Donc, manifestement il y a inégalité de résultats. Est-ce qu'on va reprocher que, oui, l'écart s'est accru parce que les femmes du secteur public se sont servi de leurs droits pour modifier substantiellement leur situation? Malheureusement, pour différentes raisons, à cause des règles d'adhésion et de reconnaissance syndicale, entre autres, dans le secteur privé, cela n'a pas pu être réalisé globalement et elles sont encore très peu syndiquées; là où elles le sont, leurs capacités réelles de pouvoir faire valoir leurs droits sont assez limitées. Je vous dirais que cela a débuté cinq ans avant l'adoption de la charte dans le secteur public, tenter de corriger un tant soit peu les inégalités. C'est normal que cela ait apporté des effets. C'est un exemple. Oui, il y a une inégalité de résultats parce que les droits, au départ, sont différents. Alors, ce n'est pas en maintenant, en constatant cette inégalité de résultats qu'on va dire: On va ajuster les droits à la baisse, parce qu'il y a une inégalité de résultats. Il faudrait peut-être regarder - c'était précisément comme Gérald Larose nous l'indique - notre demande de l'hiver dernier quand on disait: On devrait regarder cela dans sa globalité, l'ensemble des règles, l'ensemble des mécanismes qui régissent les relations du travail, pour précisément faire le point sur ce type de considération. Malheureusement, ce n'est pas ce qui a été retenu.

M. Clair: M. le Président, on poursuit -je m'adresse à Mme Simard - l'objectif d'éliminer les discriminations salariales hommes-femmes dans le secteur public; c'est un objectif partagé par le gouvernement et je pense qu'il a eu l'occasion de le démontrer. La question de l'effet d'entraînement de l'amélioration de la condition des femmes dans le secteur public par rapport à celle du secteur privé, c'est une tout autre question. Je lisais, dans le document qui a été rendu public par la CSN, que les femmes seraient les premières à écoper des conséquences de ce projet gouvernemental en matière de politique salariale, de comparaison. J'indique tout de suite que tel n'est pas la volonté du

gouvernement et je pense qu'il l'a démontré, au contraire, dans les secteurs public et parapublic. Le mécanisme de comparaison, ce n'est pas un mécanisme de comparaison de poste à poste et dire: Le gouvernement a comme orientation de prendre, je ne sais pas, une secrétaire dans le secteur public et de la réaligner sur une période de six mois ou un an dans le secteur privé, ou de deux ans ou trois ans; ce n'est pas cela dont il s'agit. Il s'agit de mécanismes de comparaison fort différents, et je pense que les gens de la CSN le savent fort bien. Mais ce sont deux questions différentes que l'élimination de la discrimination homme-femme dans le secteur public et l'effet d'entraînement sur le secteur privé. Abordons précisément cette question de l'effet d'entraînement, l'effet de locomotive, pour l'amélioration de la condition des femmes du secteur public par rapport aux femmes du secteur privé.

Sauf erreur, les statistiques dont on dispose, de Statistique Canada, nous apprennent qu'en 1971 le salaire dans le secteur privé ou dans l'ensemble de l'économie du Québec pour les femmes occupant un emploi à temps plein représentait 58, 9% de celui des hommes. Les chiffres qui sont dans votre mémoire nous apprennent qu'il serait aujourd'hui aux environs de 57%. On ne se chicanera pas pour 2% ou 3%, mais, en termes de tendance lourde, on voit qu'il n'y a pas eu une amélioration substantielle. Par ailleurs, pour l'année 1980 - je pense que l'autre chiffre aussi, 57%, datait de 1981; je crois que c'est le recensement de 1981 - dans la fonction publique québécoise, le revenu salarial moyen femme-homme est de 82, 3%. C'est là le résultat effectivement, ' sans doute, d'une volonté syndicale d'éliminer des discriminations et d'une volonté gouvernementale aussi de le faire. Mais le moins qu'on puisse dire, c'est que, sur une période de quinze ans, l'effet de locomotive pour éliminer ces discriminations ou rehausser le salaire moyen des femmes par rapport à celui des hommes n'a pas donné des résultats très probants. Au contraire, quelqu'un pourrait prétendre que la locomotive s'est distancée considérablement par rapport aux femmes du secteur public et aux femmes du secteur privé et, jusqu'à un certain point, quelqu'un pourrait prétendre qu'à toutes fins utiles les wagons de la locomotive ne suivent pas. (17 h 30)

À cet égard - j'en reviens à l'idée des comparaisons, à la comparabilité, l'évolution comparative du secteur public par rapport au secteur privé - c'est un des objectifs du gouvernement, tant à l'égard du secteur public que du secteur privé, de continuer à travailler à l'élimination des discriminations. On peut se chicaner sur les moyens, dire que le gouvernement ne fait pas assez, etc., mais, en termes d'orientation, c'est substantiellement la même orientation.

Si on veut éliminer ces discriminations... Prenons, par exemple, la Charte des droits et libertés de la personne. Les entreprises elles-mêmes sont inquiètes de l'impact qu'auront les chartes des droits et libertés, tant fédérale que québécoise, en matière d'élimination, de discrimination homme-femme, dans l'emploi et au niveau des salaires. Que ce soit du côté syndical ou gouvernemental ou patronal, comment pourrons-nous le plus intelligemment combattre ces discriminations si ce n'est en se dotant d'outils, qui vont être compliqués, d'évaluation, de définition de tâches, de toute une série de critères et finalement tenter d'établir ces comparaisons?

Autrement, que faisons-nous? Nous avons de beaux discours de part et d'autre mais nous ne faisons pas les choses d'une manière scientifique, d'une manière logique, d'une manière à évaluer précisément de quoi il s'agit. Je pense que ce que propose l'avant-projet de loi en matière de rémunération c'est d'abord un principe d'équité sociale. Maintenant que les salaires du secteur public et du secteur privé, globalement, commencent à être à des niveaux comparables, en termes d'évolution il s'agit maintenant de se bâtir des instruments complexes, il est vrai, difficiles, toujours sujets à appréciation, desquels ne peut déboucher un automatisme parfait avec des résultats de 4, 5% ici, 3, 5% là. Il y aura toujours une responsabilité, un jugement à exercer. Il faudra aussi mesurer les discriminations, voir dans quelle mesure on protège davantage les bas salariés plutôt que les hauts salariés.

Je pense que, si on n'a pas cette approche, comme société, de comprendre les discriminations, de les combattre par l'intelligence, la compréhension, la comparaison des données sur une base d'équité sociale, à ce moment on se limitera à avoir d'excellentes causes et d'essayer de les régler par un rapport de forces plutôt que par intelligence, compréhension véritable de la situation.

Mme Simard: M. le ministre, je pense que vous n'avez pas compris ce que je voulais dire. Précisément, ce que j'ai dit, c'est bravo, dans le secteur public, l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes est maintenant d'à peine 15% -bravo - alors que la règle du marché privé est de près de 40%, l'écart est de près de 40%. Pourquoi existe-t-il un écart aussi important au chapitre des discriminations? C'est parce qu'un groupe a réussi à combattre la discrimination et que l'autre n'a pas réussi, n'a pas eu les moyens pour la combattre.

Ce qu'on dit c'est tout simplement: Est-ce que maintenant, parce qu'il y a un écart significatif entre les unes et les autres, on va ramener celles qui ont réussi à améliorer leur situation...

M. Clair:...

Mme Simard: Pardon? Je pense que la solution pour un gouvernement qui se dit prêt à lutter contre les discriminations c'est de donner les moyens, dans le secteur privé, pour que cette situation soit corrigée et qu'effectivement, d'ici quelques années, on puisse avoir un écart aussi restreint que dans le secteur public et que, quelques années plus tard, il n'y ait plus d'écart. C'est ce qu'on est en train de dire.

Je ne faisais pas référence à des comparaisons poste à poste. Il faut comprendre que la règle du marché qui s'applique au secteur privé, c'est encore une situation de discrimination systémique qui prévaut et qu'il va de soi que la moyenne des taux de rémunération dans ce secteur est conditionnée par cela. C'est cela la réalité. Donc, il ne s'agit pas ici - c'est seulement cela qu'on vient de dire - de reprocher ou de dire: Oh! cet écart est important. Socialement, il est inacceptable. Il est trop grand. Mais il faut essayer de comprendre pourquoi il y a un. écart. Il ne faudrait pas faire reculer celles qui ont réussi à avancer. Je pense qu'on est mieux de faire avancer celles qui n'ont pas réussi à avancer1 encore.

M. Clair: Je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il ne s'agit pas de faire reculer celles qui ont avancé. Ce n'est aucunement de cela qu'il est question. D'ailleurs, le mécanisme de comparaison qui a été utilisé dans le passé et qu'il serait équitable de continuer à utiliser n'aurait pas cela comme effet, d'aucune manière, mais la question fondamentale, c'est celle de savoir -je reviens à l'ensemble de la question salariale, parce que je voudrais laisser la parole à mon collègue, le député de Fabre -si, globalement, en termes de conditions de travail et de rémunération... Je pense qu'on peut constater que l'effet de locomotive, en ce qui concerne les femmes, malheureusement, factuellement, n'a pas obtenu les résultats escomptés et que, si cela est vrai dans le cas des femmes, je pense que l'équité de traitement, en termes de croissance au moins, de la rémunération globale du secteur public et du secteur privé pour l'ensemble des salariés demeure une donnée fondamentale qu'on se doit de rechercher par des moyens de compréhension des données, de comparaison, sans encore une fois tomber dans des automatismes alors que ce serait des statisticiens qui viendraient régler le sort des conventions collectives et remplacer le gouvernement ou les syndicats.

Je pense que, globalement, c'est un objectif valable.

Je vais laisser la parole... Oui...

Mme Simard: Les globalités sont très abstraites et elles ne correspondent pas à la réalité, plus souvent qu'autrement. C'est le piège et le danger des dispositions que vous proposez.

M. Clair: On aura l'occasion d'y revenir.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Fabre, vous avez cinq minutes.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je vais abréger, je vais dire l'essentiel. Je reviens à la question du droit de grève. Vous avez parlé du droit de grève comme corollaire à la liberté de négociation. À la page 24 de votre mémoire, vous parlez d'un élément vital à la libre négociation. La question que je me pose est celle-ci: Depuis 1970, le droit de grève, à toutes fins utiles, a été suspendu, soit avant qu'il n'ait été exercé, soit après. Donc, dans les faits, le droit de grève est établi en principe. En pratique, il a été exercé ou peu exercé, assez peu d'ailleurs, à cause des lois spéciales. Ne serait-il pas temps, compte tenu de cette situation qui a été vécue au Québec - on le constate - de trouver des solutions? J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Vous avez ouvert la porte à des choix. Vous avez mentionné, un peu rapidement, mais quand même, des moyens. Vous êtes à la recherche de moyens, dites-vous, de rapprocher les parties, pour une conciliation, etc. L'Organisation internationale du travail - on en trouve un extrait justement dans la petite brochure publiée par le ministère - fait du droit de grève non pas un droit fondamental, mais un droit relatif. Elle admet qu'il y a des solutions de rechange à la grève. On parle d'une forme de procédure de conciliation, d'arbitrage adéquat, impartial et rapide dans laquelle les décisions lient dans tous les cas les deux parties et sont complètement et rapidement mises en application. On dit: C'est acceptable. C'est l'Organisation internationale du travail qui le dit. N'y a-t-il pas moyen de trouver des solutions de rechange à la grève, compte tenu que cela n'a pas fonctionné? C'est un constat général dans la société québécoise. Les centrales ne l'ont pas fait encore, mais j'aimerais vous entendre là-dessus. Il me semble que c'est un constat d'échec. N'y a-t-il pas moyen de trouver des solutions de rechange à la grève qui respectent le droit à la libre négociation?

M. Larose: Le constat d'échec qu'il faut faire, c'est le caractère légal de

l'exercice du droit de grève, c'est-à-dire que ce n'est pas les syndicats qui ont décidé que ce ne serait pas légal, ce sont les gouvernements qui ont décidé, l'un après l'autre, que ce ne serait pas légal, même si c'était dans le Code du travail, même si les règles étaient cela, etc. Les gouvernements ont décidé de se donner dans leur rapport de forces le pouvoir de déclarer cela illégal. Cela n'a pas empêché les grèves, mais elles se sont adonnées à être illégales plutôt que légales. Dans ce sens-là, il ne faut pas chercher notre accord pour rendre légaux les coups de forces qui sont faits du côté du législateur. Quant aux solutions que vous proposez, que vous recherchez, je vous dirai que, même dans le cadre de la prestation d'aujourd'hui, on pense qu'il y a moyen de trouver des ajustements pour, effectivement, faciliter le processus de négociation, non pas l'enlever, non pas l'affaiblir, mais le faciliter pour que le déploiement du rapport de forces évite la grève en bout de piste. Mais si vous partez d'entrée de jeu en disant: La grève, il n'y en aura pas! vous pouvez partir comme cela, mais ce que je vous dis, c'est que, loin de régler quoi que ce soit, on va "morpionner" davantage le climat qui s'est développé dans les dernières rondes de négociation. Mais, pour parfaire le mécanisme qui nous permettrait davantage d'asseoir le processus de négociation, là-dessus on est ouvert. On a fait des propositions.

Le Président (M. Lachance): D'accord. Il reste un bloc de temps pour l'Opposition. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Dans cette veine, vous avez l'une de vos représentations qui met, entre autres, l'accent sur la médiation. Qu'est-ce que vous pensez de l'arbitrage? Pour autant qu'il lie le gouvernement. Évidemment, je ne fais pas référence au cas de la Sûreté du Québec où, sans droit de grève, pour substituer au recours à la grève, on a établi un mécanisme d'arbitrage. Pour nous, lorsque le gouvernement dit à un groupe de travailleurs et travailleuses: On va déférer cela à l'arbitrage à défaut d'entente... Le texte dit peut-être qu'il n'est pas lié légalement, mais moralement il l'est. Mais il ne faut pas se surprendre, après les lois 109 et 111, en particulier, adoptées en 1982. L'arbitrage.

Mme Simard: On propose effectivement la formule de la conciliation et de la médiation qui est appliquée ici au Québec, d'ailleurs, dans la très grande majorité des négociations. On doit se le dire, comme on vous le disait tout à l'heure: II y a peu de négociations, somme toute, qui se terminent par une grève. Il est donc possible d'affirmer que le mécanisme de conciliation et de médiation fonctionne assez bien. On ne l'a jamais tenté dans les négociations du secteur public et il nous semble que cela mériterait d'être essayé comme formule. Ce qu'il faut dire, c'est que la formule de la conciliation et de la médiation se fait dans un contexte de négociation, une négociation de bonne foi, espérons-le, et c'est lorsqu'il y a une impasse, des incompréhensions, qu'on tente -et, là, l'intervention d'un médiateur peut être intéressante - de rapprocher les parties pour en arriver à une entente. Par opposition pas par opposition, mais de façon différente - l'arbitrage se fait dans un contexte tout autre où les règles sont tout autres. Nous préférons, s'il s'agit d'instaurer de nouveaux mécanismes qui peuvent être une garantie d'un déroulement plus harmonieux des négociations, cette formule. Comme vous l'avez si bien dit, on est peut-être un peu sceptique vis-à-vis de la formule d'arbitrage telle qu'elle a pu être reçue ou appliquée au cours des derniers mois. (17 h 45)

M. Pagé: Mais vous dites que cela mérite d'être essayé, cette approche de conciliation et de médiation. Ne croyez-vous pas qu'un arbitrage, entre autres - comme on y a référé ce matin avec le Conseil du patronat, qui ne semblait pas plus favorable qu'il le fallait - fondé sur le principe de l'offre finale, mériterait aussi d'être essayé? Cela éviterait peut-être bien des heurts et bien des pleurs.

M. Larose: Je dirais qu'on connaît déjà la formule de l'arbitrage de la première convention collective. Ce n'est pas très régulier, mais il y a des syndicats chez nous qui s'y réfèrent et, effectivement, cela peut être une solution. Dans des situations particulières ou dans des cas exceptionnels, à la demande des parties, je pense que c'est une formule qui n'est pas à exclure. Cela me surprendrait que cela devienne la formule par où vont passer toutes les négociations dans le secteur public. À la demande des parties, à mon avis, c'est une formule un peu... Je dirais, à titre très exceptionnel, comme chez les ambulanciers récemment, où les parties se sont entendues pour avoir un tiers afin de pouvoir poursuivre des affaires. Dans ce sens, ce n'est pas à rejeter, mais cela ne serait pas le mécanisme par où passeraient toutes les négociations.

M. Pagé: Mais cela mérite d'être essayé.

M. Larose: À la demande des parties.

M. Pagé: Ah! II s'agit de faire un consensus pour que les parties s'entendent pour l'essayer.

Mme Simard: Je voudrais seulement

souligner que, par exemple, ce qui est important dans la formule de médiation qui pourrait s'appliquer, c'est qu'il faudrait s'assurer, évidemment, que ce ne soit pas des personnes employées ou nommées par le gouvernement. Il faudrait fonctionner selon un certain nombre de règles. Cela existe ailleurs et cela a porté fruit. Juste à regarder ici les résultats des négociations, c'est relativement positif.

M. Pagé: Merci. Madame, vous avez évoqué aussi un autre aspect. Vous avez dit: La décentralisation, il ne faudrait pas laisser miroiter que ce serait une formule idéale, qu'on négocierait à l'échelle locale de l'institution. On a eu l'occasion d'échanger, mais de façon quand même limitée, sur la portée de la décentralisation des matières qui peuvent faire l'objet de négociations au niveau régional, au niveau local, ou encore par secteurs. Ne croyez-vous pas que, de par le principe de négociation à une table centrale pour la création d'un cartel intersyndical qui négocie, l'État vous donne un pouvoir et une force qui est très significative en termes de pressions sur le gouvernement? Ne croyez-vous pas qu'en compensation de cela vous devriez accepter que des éléments importants soient retranchés pour être négociés au niveau local ou au niveau des institutions, au niveau régional ou par secteurs? On l'a évoqué, mais dès le moment où on touche à quelque chose de piastres et cents, il faut arrêter. Il faut aller chercher le O. K. Il faut que ce soit avec le consentement des tables, des interlocuteurs patronal et syndical et il faut que le Conseil du trésor y soit, évidemment. Seriez-vous réceptifs à une formule en vertu de laquelle, toujours ' à l'intérieur de paramètres et de limites financières, on pourrait donner plus de pouvoirs au niveau des instances, au niveau des secteurs ou encore au niveau des régions ou même au niveau des institutions?

Mme Simard: II y a un vieux dicton, particulièrement quand on travaille avec un nouveau syndicat, dans la négociation, on dit: Généralement, arrange-toi pour négocier avec celui qui décide, sinon, tu risques de perdre ton temps. La même règle s'applique dans les secteurs public et parapublic. Il est plus efficace de négocier directement avec celui ou celle - celui, généralement - qui décide...

M. Pagé:...

Mme Simard:... et voilà pourquoi on a, depuis plusieurs années, une structure qui est centralisée, mais il faut aussi voir que cette structure centralisée a servi au gouvernement quant à la mise en place et je dirais la standardisation, dans le secteur de la santé et dans le secteur de l'éducation, des services. Cela peut paraître monstrueux, comme machine et, à bien des égards, je pourrais vous dire que cela l'est. Cependant, c'est une formule qui permet de porter les problèmes qui se présentent là où les décisions se prennent. C'est tellement vrai que les décisions se prennent à un niveau très centralisé que je pourrais vous dire que dans beaucoup de négociations qui ne sont pas couvertes par la loi 55, qui ne sont pas dans cette structure-là, dans un nombre important de conflits, il n'y a rien qui se règle parce que c'est au Conseil du trésor qu'on décide in extremis. On doit faire appel au Conseil du trésor pour qu'il intervienne et qu'on règle le problème.

C'est dans ce sens-là qu'on dit: II faut faire attention à l'illusion de la décentralisation parce que, si tout est centralisé tel que c'est aujourd'hui, il n'y a rien qui va se négocier. On ne voit pas - en tout cas, il n'y a rien qui nous le laisse croire - qu'il y aura une volonté de décentralisation dans un sens démocratique des prises de décision des réseaux. Et je faisais aussi référence à ceci, comment les usagères et les usagers des différents services pourraient-ils s'associer à cette forme de décentralisation? Pour toutes ces raisons, parce que c'est la réalité, on ne peut pas être d'accord avec la formule proposée. D'ailleurs, on ne devrait pas appeler cela des négociations locales. Je ne reprendrai pas notre argumentation sur "il n'y a pas de droit de négocier s'il n'y a pas de droit de grève"; là aussi, il n'y a pas de droit de négocier véritablement.

D'autre part, cependant - c'est important et je pense qu'il faut qu'on le répète - il y a des aménagements qui sont nécessaires, qui doivent être faits selon la réalité de chacune des institutions. Là, nous sommes tout à fait ouverts pour trouver des formules qui permettraient que ces aménagements puissent se faire en fonction des besoins spécifiques, que ce soit dans une région, dans un centre d'accueil, dans un hôpital. Actuellement, les mécanismes n'existent pas. Est-ce dû au fonctionnement des gestionnaires? Est-ce dû à un manque de dispositions? Le résultat est qu'on n'arrive pas à régler ces questions d'aménagement, d'organisation du travail. Vous l'avez dit tout à l'heure, notre préoccupation est beaucoup l'organisation du travail. C'est vrai. Les coupures, l'alourdissement des tâches, l'introduction de nouvelles technologies.

Pensez-vous que c'est au niveau local qu'on va réussir à négocier, par exemple, toute la question des droits entourant l'introduction des nouvelles technologies? En 1982, on a essuyé une fin de non-recevoir à la table centrale quand on a discuté de cela. Ce n'est pas au niveau local, compte tenu de leur envergure, que cela va pouvoir se faire.

Les coupures de postes. Je vous rappelle, il y a trois ans, les pressions qui

ont été exercées par les syndicats pour alerter l'opinion publique face à la vague des coupures qui s'amorçait. Aujourd'hui, on vit la situation des coupures et on commence à s'alarmer. Oui, il n'y en a pas assez dans les départements, il manque un peu de monde aux urgences et partout. Pensez-vous qu'on peut régler cela au niveau local? Je ne pense pas, parce que ce sont les conséquences et les excès de décisions qui ont été prises tout en haut de la pyramide.

Pour bien représenter nos membres qui ont, à juste titre, des revendications, pour mieux les représenter, c'est d'aller directement là où les décisions se prennent et c'est au niveau du Conseil du trésor. Voilà pourquoi... Un régime de négociation, cela n'a pas de vertu en soi. Une structure, cela correspond à une réalité. Or, la réalité est là, c'est une structure de décision qui est fortement centralisée et standardisée et on a donc un régime qui correspond.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Brièvement, il reste une minute. Dans l'évaluation du droit de grève ou de l'exercice du droit de grève - je comprends mais malheureusement on n'a pas eu l'occasion de vous poser la question, d'être peut-être plus spécifiques sur le projet que vous avez au niveau du code d'éthique -il est de commune renommée, dans l'opinion publique et, je pense, l'ensemble des parlementaires et sans doute les travailleurs impliqués dans les organisations syndicales, qu'avec la constitution des fronts communs, la façon dont notre régime de négociation a fonctionné, l'affrontement, la grève plus ou moins générale, c'est dans le secteur de la santé et des services sociaux, substantiellement, que l'utilisation du droit de grève a soulevé des situations inacceptables, malgré les efforts et la volonté.

On entend - ce n'est pas la première fois - des représentants syndicaux venir dire: Écoutez! les situations n'ont pas été aussi alarmantes qu'on a voulu le laisser croire de part et d'autre parce que nos gens travaillent au niveau des institutions, ils savent comment ça se passe, ils ne veulent pas blesser ou heurter inutilement. Tout le monde en convient. On a des administrateurs d'établissements locaux qui viennent dire, face à l'opinion publique, qu'il faut abolir dans ce secteur le droit de grève ou l'exercice du droit de grève, et on a l'opinion publique et les valeurs qui sont également en cause au niveau de la primauté du droit à la santé. J'aimerais avoir - je sais que c'est un problème complexe et qu'il faudrait nuancer - quand même une brève réaction de votre part. Est-ce que, effectivement, on erre dans l'opinion publique, chez nous et sans doute au niveau des collègues ministériels, lorsqu'on a tendance à dire que, dans le domaine de la santé et des services sociaux, le droit de grève, l'exercice du droit de grève est une chose inacceptable au niveau des principes? Est-ce que votre centrale est sensible à la réalité qui se cache derrière cette perception que nous avons, indépendamment des affirmations plus ou moins alarmistes que, de part et d'autre, on peut avoir à l'occasion au niveau du discours ou de l'argumentation?

Mme Simard: M. le député, je pense que je dois vous réaffirmer que nous défendons et reconnaissons le droit fondamental à la santé des bénéficiaires, usagères et usagers des services de santé. Le droit de grève ne doit pas compromettre leur droit à la santé.

Cependant, vous l'avez dit, il y a un peu d'alarmisme qui est bien entretenu sur la question de l'exercice du droit de grève dans le secteur de la santé. Quand on aborde cette question, voici comment on l'aborde. Les patients et les patientes ont un droit à la santé. Cependant, pour négocier, nous avons besoin, dans ce secteur, du droit de grève pour faire avancer les négociations si c'est nécessaire. Malheureusement, c'est trop souvent nécessaire peut-être. Donc, posons-nous la question: Comment se fait-il que, dans ce secteur-là, il faut toujours le brandir pour faire débloquer des négociations? Ce n'est pas nécessairement le cas dans d'autres secteurs. Ça, c'est une chose. Cependant, si on est forcé de l'utiliser, cela ne doit pas être les patients ou les patientes qui soient pénalisés. Cela doit davantage viser ceux qui décident, donc les administrateurs, le gouvernement comme tel. C'est là qu'il est important que nous réaffirmions notre volonté d'assurer Ies services essentiels, de faire profiter de la connaissance qu'ont nos membres de chacune de leurs institutions quant à l'établissement de ces services essentiels et, comme organisation syndicale, comme collectivité, assumer notre responsabilité par l'établissement d'un code d'éthique qui, je crois sincèrement, rassurerait beaucoup et, disons, dissiperait ou empêcherait les campagnes alarmantes qu'on a à subir et que tout le monde a à subir tous les trois ans et même plus souvent que cela maintenant. Oui, on pense qu'il y a un petit peu trop d'alarmisme parce que, finalement, nos membres sont des gens responsables et, lorsqu'ils sont forcés d'utiliser le moyen qu'est la grève, ils ont le souci et la responsabilité de voir à ce que ce ne soit pas leurs patients ou leurs patientes qui le subissent. (18 heures)

Mais, vous savez, des excès de langage, cela peut se faire sur tout sujet et celui-là, on l'a reconnu, est un sujet dont sont particulièrement friands les gens qui

cherchent Ies scandales, qui cherchent à monter en épingle un tout et un rien. Je ne dis pas qu'ici c'est un tout et un rien, mais je pense qu'il faut faire attention lorsqu'on parle de l'exercice du droit de grève dans le secteur de la santé. Malheureusement, trop souvent, c'est un discours démagogique qui prédomine.

M. Rivest: Seulement une précision, M. Larose. Ce que je voudrais vous demander c'est ceci. Dans l'opinion publique, on voit, par exemple, les travailleurs des services de santé et des services sociaux inscrits dans une démarche analogue à celle de l'ensemble des syndiqués du secteur public et parapublic au niveau des fronts communs et ils sont engagés dans une même démarche de grève. Une grève s'annonce ou est appréhendée comme étant générale, et on sait très bien que la nature des services ou des clientèles auxquelles ces employés s'adressent n'est vraiment pas la même que celle d'autres travailleurs. Par ailleurs, ils ne peuvent, compte tenu, à leur point de vue, de la légitimité de leur cause, se désolidariser de l'ensemble du groupe. Cela crée également, simplement au niveau de l'appréhension, une inquiétude et j'aimerais peut-être entendre une brève réflexion là-dessus.

La deuxième chose, vous nous dites -vous n'êtes pas la première a l'avoir dit -qu'il y a des côtés alarmistes. On convient de part et d'autre qu'il y a eu des affirmations. Mais on a des administrateurs d'aussi bonne foi que vous-mêmes et les gens que vous représentez qui viennent nous dire à cette même tribune, avec la même honnêteté: Les situations qu'on a vécues son inacceptables. On ne veut pas être alarmistes. Ils prennent toutes les précautions oratoires ou autres que vous prenez. Qui croire? En fait, c'est mal poser ma question mais quelle est la vraie réalité de cette chose? À ce moment, la réalité qu'on doit décider comme parlementaire ou comme élu ou simplement sur le plan humain, c'est de dire: Est-ce que cela a un sens? Et porter cela au-delà du mécanisme de négociation ou des droits de grève et dire: C'est une valeur. Et porter cela au niveau des valeurs et dire: Non, vraiment cela n'a pas de sens de priver des bénéficiaires des services de santé des services auxquels ils ont droit en vertu de leur condition.

M. Larose: Je vais laisser M. Yves Lessard, qui est le président de la fédération, vous répondre dans une première partie. Si vous me le permettiez, je voudrais tout simplement tirer une petite conclusion, si le président me l'accorde.

M. Lessard (Yves): II est peut-être juste de dire que les salariés, par exemple, de la santé, des services sociaux vont s'inscrire dans une démarche générale de grève. Ce qu'il faut dire aussi c'est que, lorsqu'il s'agit d'exercer la grève, ils ne l'exercent pas de la même façon que les autres compagnes, compagnons de travail de l'enseignement, par exemple. Il y a des précautions qu'ils prennent. Ces précautions sont d'assurer les services que nous appelons les services essentiels, c'est donc dire les services qui assurent la santé, la sécurité, le bien-être et le confort des bénéficiaires, ce qu'on appelle les services de première ligne. C'est là une précaution qu'on fait.

Il n'est pas étonnant que les administrateurs viennent vous dire que, sans être alarmistes et en prenant toutes les précautions, cela crée des cas sérieux et tout cela à l'occasion. On ne peut pas dire que c'est net partout. Pour notre part, on a plus de 500 syndicats. C'est sûr qu'il faut corriger des situations à des endroits. Bien sûr qu'ils vont se plaindre, parce que, lorsque vous faites la grève, c'est pour faire des pressions. Ce sur quoi on s'entend bien avec les syndiqués, c'est de dire: II faut faire attention. La pression, il ne faut pas qu'elle soit exercée sur les bénéficiaires, mais sur les administrateurs, parce que, si vous ne faites pas des pressions sur les administrateurs, cela ne donnera rien de faire la grève. Qui va se plaindre, maintenant? Ce sont surtout les administrateurs. Il va arriver, bien sûr, que les bénéficiaires vont se plaindre, mais en fouillant plus précisément, comme ce fut le cas en 1979, à une commission très crédible qui a fait le portrait de la situation, on a dit: Les services, dans ce contexte, c'étaient des services essentiels raisonnables et convenables dans les circonstances. Si on prend cela comme exemple par opposition aux autres grèves qui sont survenues à d'autres époques, alors qu'il n'y avait pas d'organisme pour faire cette vérification, on peut en conclure que, souvent, cela a été très dramatisé.

Avec votre permission, M. le Président, il y a une chose sur laquelle je voudrais revenir. Le député de Portneuf soulevait cet aspect un peu plus tôt. C'est l'obligation aux salariés de donner des services. Effectivement, il y a obligation, mais il me semble que ces services, ils n'ont pas l'obligation de les donner dans n'importe quelle condition non plus. On doit dire que, depuis quelques années, les conditions non seulement de travail comme telles, mais les prestations de services qu'ils donnent aux bénéficiaires se sont détériorées grandement. Qui doit assumer cette responsabilité d'expliquer aux bénéficiaires la détérioration des services si ce ne sont les salariés qui sont directement en contact avec les bénéficiaires? Ce n'est pas l'Assemblée nationale, elle qui, par des décisions budgétaires, a engendré des coupures

budgétaires, des choix politiques de déplacements d'argent vers le secteur privé, etc. Qui explique, par exemple, aux bénéfiaires qu'ils vont attendre sept ou huit heures par jour dans les salles d'urgence avant d'être soignés dans des régions éloignées comme celle d'où je viens, le Nord-Ouest québécois? Souvent, vous êtes obligés de revenir le lendemain ou le surlendemain. Qui va expliquer aux bénéficiaires pourquoi on n'a plus le temps de leur expliquer ou encore, moralement, qu'on n'a pas le temps de converser avec eux pour leur expliquer un peu la situation, etc. ? On pourrait prendre les mêmes exemples du côté de l'enseignement. Des matières sont disparues ou encore on n'a plus le temps de converser avec les étudiants pour pouvoir les aider dans leurs études, etc. C'est cette partie-là. Il est facile de dire: Les salariés ont la responsabilité de donner les services, mais ils n'ont pas l'obligation de les donner a n'importe quelle condition. Quand les salariés des affaires sociales notamment et, aussi, de l'éducation sortent de la boîte, c'est parce que cela va mal en maudit en dedans. Le président de la CSN citait un exemple assez récent qui s'est passé au Québec. Ce sont des choses sur lesquelles on ne s'arrête pas suffisamment. Ce n'est pas vrai que ce sont des gens qui sont des irresponsables et des bourreaux. Quand vous travaillez auprès des bénéficiaires pendant un aussi grand nombre d'années que les gens de Saint-Ferdinand, par exemple, il y a un attachement. Il y a aussi toute cette question que vous vous sentez responsables du bien-être, de la sécurité et du confort encore bien plus que les personnes qui prennent des décisions qui créent les conditions dans lesquelles' vous travaillez.

Je saute rapidement aux conditions qui sont faites aux femmes dans les endroits précaires. Par exemple, les conditions de service de garde, etc. Ce sont des choses qui font en sorte que, souvent, les gens vont exprimer les mécontentements que vous retrouvez dans les situations que je décrivais tout à l'heure. Je rappelle toujours que les services essentiels... Quand on parle de code d'éthique, ce n'est pas parce qu'on n'a pas assumé cela avec une certaine éthique, au contraire, le manque qu'on a eu a été de ne pas avoir suffisamment expliqué sur le plan public de quelle façon nous assumions ces services essentiels. Dorénavant, on devra le faire.

Le Président (M. Lachance): M. Larose.

M. Larose: Rien qu'une petite conclusion. Je n'ai pas eu le temps de reprendre la parole à la suite de l'explication du ministre dans le débat sur la comparaison. Quand vous nous dites, sur l'aspect de la discrimination, entre autres, à l'endroit des femmes, il est clair que de s'ajuster sur le secteur privé, cela va poser des problèmes, etc., vous êtes conscient que vous venez de sortir du portrait les deux tiers des gens que vous voulez comparer. Que vous reste-t-il? Je veux dire: Ou bien qu'on parle ou bien qu'on ne parle pas!

La deuxième chose: Vous ne nous avez pas expliqué la théorie de la locomotive à l'envers. Si, effectivement, on n'avait pas réussi à négocier les actuels salaires dans le secteur public, quel effet cela aurait-il eu dans le secteur privé? Les salaires dans le secteur privé auraient-ils connu la progression actuelle? Il n'y a pas de chiffre magique dans la comparaison des secteurs public et privé. Cela va toujours demeurer un instrument pour éclairer des arguments pour négocier, mais il n'y aura pas de mécanismes qui vont vous permettre de dire: Cette année, c'est comme cela que cela marche! Cela, c'est se leurrer profondément.

Plus globalement, je vous dirai que, pour nous - il me semble que c'est la démonstration qu'on a faite cet après-midi -s'il y a respect des droits fondamentaux de tout travailleur et de toute travailleuse dans le secteur public, on est prêt à travailler -et on a ouvert l'ensemble des choses sur lesquelles on est prêt à travailler - pour, effectivement, "performer" le processus de négociation. Non pas travailler sur les conséquences d'un processus qui foire, mais sur les causes qui font qu'on pourrait arriver à une véritable négociation ou à une négociation qui devrait connaître son terme normal. Dans ce sens, je vous répète la disponibilité de la CSN pour ce travail. Sinon, on est convaincu qu'une opération à ['encontre du secteur public ne sera pas seulement à l'encontre du secteur public, mais sera une opération à l'encontre des droits de l'ensemble des travailleurs. Ce n'est pas vrai qu'en affaiblissant un secteur on renforce un autre secteur. Cela n'a jamais marché de même, pas plus au Québec qu'ailleurs. Si vous battez le secteur public, vous allez affaiblir le secteur privé. Cela, c'est clair, pas seulement en termes de droit, mais en termes de conséquences de l'exercice de ces mêmes droits. C'est pour cela que cet avant-projet de loi est extrêmement lourd de conséquences pour nous selon le sort que vous allez faire aux droits fondamentaux et aux libertés fondamentales qui n'appartiennent pas seulement aux syndiqués mais à l'ensemble des travailleurs et des travailleuses.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, une brève conclusion.

M. Clair: M. le Président, il m'arrive parfois d'avoir peur que le Québec soit toujours un rêve en retard, comme quelqu'un l'a déjà dit, et que ce soit pour cela qu'on a

tellement de difficulté à atteindre toutes nos aspirations légitimes.

Sans aucun doute, dans ce qui nous a été présenté aujourd'hui, il y a des propositions de bonification du régime actuel de négociation. Qu'il s'agisse de propositions de médiation, qu'il s'agisse de propositions de conciliation, d'établissement d'un code d'éthique au niveau de l'exercice du droit de grève dans le domaine de la santé, cela est certainement positif en termes d'amélioration du régime tel qu'il existe. Mais, revenant à mon propos d'introduction lors de cette rencontre, je pense que, là où on se sépare, c'est davantage sur la question de la vision de l'avenir des relations du travail dans les secteurs public et parapublic et des concepts fondamentaux sur lesquels celles-ci devraient s'appuyer.

Quant à nous, du côté du gouvernement, sans aucun goût de revanche, sans aucun goût de retour en arrière, mais, au contraire, avec une volonté ferme de nous donner des instruments pour relever les défis du présent et de l'avenir pour permettre au Québec de continuer à progresser tant socialement, culturellement qu'économiquement, nous avions modestement pensé -et nous le pensons toujours - qu'un certain nombre de concepts devaient évoluer et c'est là qu'on se sépare, comme je l'indiquais tantôt. Par exemple, en ce qui concerne la rémunération, ce qu'on dit au fond, simplement, c'est que nous pensons -et nous en sommes convaincus - que ce qui doit primer en termes de responsabilités gouvernementales et sociales, c'est l'équité, d'avoir des conditions de travail justes et équitables dans le secteur public pris globalement par rapport à celles du secteur privé, quitte à discuter sur les mécanismes pour atteindre cet objectif. Nous pensions -et nous pensons toujours - que la meilleure façon d'atteindre cet objectif, c'est à partir de l'appréhension de la réalité telle qu'elle nous entoure et non pas à partir d'un simple rapport de forces. Là-dessus, je pense qu'on ne peut que constater que la conception est très différente. Du côté de la CSN, on nous dit: Bon! Peut-être, à la limite, si vous voulez créer un autre institut de recherche sur la rémunération, faites-le, mais tel ne sera pas, quant a nous, l'enjeu. Je pense que c'est une façon fondamentalement différente en termes de concept de voir les choses.

Quant à la décentralisation, ce que propose l'avant-projet, au fond, en tout cas, ce qui le sous-tend comme orientation, c'est de dire en termes de souplesse, de qualité de la vie au travail, d'organisation du travail, de mouvement de personnel, il nous semble que maintenant que le secteur public a atteint le niveau de développement qu'il a atteint et que, justement, ces disparités régionales n'existent plus, sans aucunement vouloir les recréer, mais en voulant, au contraire, donner de la souplesse dans le système, on fait une proposition et, encore là, je pense qu'en termes de changements fondamentaux d'orientation on ne peut pas en percevoir dans le contenu du mémoire qui nous a été présenté.

Quant au fameux droit de grève et mode de règlement des différends, je pense que deux mots peuvent résumer l'écart qui a été mis en évidence, surtout par l'Opposition. Dans les documents de la CSN, on parle de droit inaliénable, donc, un peu comme s'il s'agissait d'un droit absolu, le droit à la grève, alors que de notre point de vue, certes, c'est un droit important, mais ce droit est à exercer et à encadrer en fonction de l'ensemble des autres droits collectifs et individuels. Encore là, je pense que l'évolution des mentalités et des concepts du côté de la CSN, pour le moins que je puisse dire, n'est pas celle du gouvernement.

En ce qui concerne les services essentiels, après ce que nous considérons être des développements positifs du côté des mécanismes et des services essentiels, comme les expériences que nous avons vécues à la CTCUM ou ailleurs, dans des domaines municipaux, ce que la CSN nous propose, c'est de revenir en arrière, de revenir en 1979, au rapport Picard, et à la liste syndicale. De notre côté, nous avons une approche différente et, encore là, c'est quelque chose de fondamental, je le reconnais. Je pense que jamais personne ne pourra croire ou affirmer qu'il y ait des vérités absolues dans ni l'une ni l'autre des approches.

Une chose est certaine, quant à nous, sans nullement le faire par simple souci de plaire au peuple, ce qui s'appelle de la démagogie, mais fondamentalement parce que nous pensons que notre société en est rendue là, à revoir un certain nombre de ces concepts dans le domaine des relations du travail dans les secteurs public et parapublic, tout ce que je peux dire là-dessus, c'est non, nous ne retirerons pas l'avant-projet. Nous continuerons à y travailler, à l'améliorer et en tenant compte effectivement des éléments positifs qui nous ont été soumis aujourd'hui.

En terminant, M. le Président, il ne me reste qu'à remercier encore une fois la CSN, malgré ce constat de désaccord quant à des choses fondamentales, en termes de moyens bien davantage qu'en termes d'objectifs - je pense qu'on peut le reconnaître facilement -il ne me reste, dis-je, qu'à remercier la CSN d'être venue communiquer aux parlementaires son point de vue, ses opinions sur ces questions. Je la remercie d'avoir ainsi contribué à l'amélioration de l'avant-projet de loi, j'en suis convaincu, mais également d'avoir contribué à la qualité du processus démocratique au Québec en venant nous dire ici même ce qu'elle en pense.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre.

Mesdames et messieurs de la CSN, vous avez certainement noté la satisfaction de tous les membres de la commission parlementaire de vous voir ici aujourd'hui. À titre de président de cette commission parlementaire, je veux, à mon tour, vous dire mon appréciation quant à votre participation active aux travaux de la commission parlementaire et surtout d'être venus nous faire part directement de votre point de vue sur une question aussi capitale. J'estime, quant à moi, que cette attitude positive non seulement vous honore, mais honore aussi les milliers de personnes que vous représentez dans votre groupe syndical. M. Larose, ainsi que toutes les personnes qui vous accompagnent, merci.

M. Larose: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): La commission parlementaire du budget et de l'administration suspend ses travaux jusqu'à 20 heures ce soir alors que nous entendrons les représentants de l'Association des centres d'accueil du Québec.

(Suspension de la séance à 18 h 19)

(Reprise à 20 h 8)

Le Président (M. Lachance): La commission du budget et de l'administration poursuit ses travaux avec le mandat de procéder à une consultation générale portant sur l'avant-projet de loi traitant du régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.

Nous entendrons, ce soir, des représentants de l'Association des centres d'accueil du Québec.

Je vois que les personnes ont déjà pris place. Je vous souhaite la bienvenue et j'invite le président, M. Marcellin Dallaire, à bien vouloir nous présenter les personnes qui l'accompagnent en commençant par sa gauche, s'il vous plaît!

Association des centres d'accueil du Québec

M. Dallaire (Marcellin): M. le Président, MM. les membres de la commission, à ma gauche, M. Roger Pedneault, qui est membre du conseil d'administration de l'Association des centres d'accueil du Québec. Il est membre du conseil d'administration du Centre d'accueil Dominique-Savio et également membre de l'étude Monette, Clerk et Associés de Montréal; immédiatement à ma gauche, M. Pierre Cloutier, directeur général de l'Association des centres d'accueil du Québec; à ma droite, M. Yves Neveu, directeur des services-conseils en ressources humaines à l'Association des centres d'accueil du Québec; à sa droite, M. Jean-Marie Girard, membre du conseil d'administration de l'Association des centres d'accueil du Québec et directeur général du Centre d'accueil Beaumanoir de Chicoutimi.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Dallaire.

Tel que convenu, si vous pouviez vous en tenir à un exposé d'une durée d'environ 20 minutes, par la suite, les députés de chaque côté pourront vous interroger sur votre mémoire et donner leurs commentaires.

La parole vous appartient, M. Dallaire, on vous écoute.

M. Dallaire: M. le Président, les quelque 400 centres d'accueil publics membres de l'Association des centres d'accueil du Québec occupent une place importante dans le réseau des services de santé et de services sociaux du Québec. Ils ont pour mission d'assumer l'hébergement et la réadaptation de plus de 87 000 bénéficiaires auprès desquels oeuvrent quelque 30 000 personnes.

Les segments de la population auxquels s'adressent les services dispensés par les centres d'accueil constituent une clientèle particulièrement démunie lorsque surviennent les difficultés trop souvent inhérentes au processus de négociation des conventions collectives.

Vous comprendrez donc notre intérêt lorsque, le 20 décembre dernier, le gouvernement déposait à l'Assemblée nationale un avant-projet de loi visant à modifier le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.

L'Association des centres d'accueil du Québec ne peut que souscrire à cette affirmation de la volonté gouvernementale de procéder maintenant à la réforme d'un régime qui ne satisfait à peu près personne et de prendre les moyens pour éviter les conflits à répétition que le Québec a connus depuis 20 ans. Nous estimons que l'actuel avant-projet de loi déposé par le gouvernement est un effort louable qui tranche sur les opérations antérieures de révision du régime de négociation en ce qu'il propose des solutions nouvelles qui méritent d'être étudiées plus à fond.

De façon générale, nous souscrivons aux objectifs de redéfinir le cadre de négociation dans une approche favorisant la décentralisation, d'établir une nouvelle méthode de détermination de la rémunération, d'exclure certains différends du champ d'exercice du droit de grève et d'accroître les pouvoirs du Conseil des services essentiels, même si l'avant-projet de loi bouscule sérieusement toutes les parties

impliquées ou appelées à s'impliquer dans le processus de négociation, en leur donnant de nouvelles responsabilités.

Tout est cependant perfectible et, dans les propos qui suivent, nous discuterons plus en détail des modalités prévues et décrites dans l'avant-projet de loi.

Le cadre de négociation. Pour les établissements que nous représentons, l'excessive centralisation des négociations aux mains des parties nationales a toujours comporté des avantages et des inconvénients dont il est difficile d'établir le poids relatif. Parmi ces inconvénients, la centralisation a restreint, de façon quasi totale, la capacité des principaux intéressés, gestionnaires et employés, d'aménager, de façon satisfaisante, leurs rapports de travail. Nous ne pouvons que déplorer cette situation dans la mesure où elle condamne les établissements à vivre éloignés de leur réalité et préoccupés d'intérêts sinon divergents, du moins différents, d'autant plus que les conventions collectives du réseau des affaires sociales reflètent davantage la réalité des grands centres hospitaliers que celle des petits établissements que sont les centres d'accueil.

Par ailleurs, c'est précisément la petite taille de nos organisations qui a toujours donné à la centralisation un visage acceptable, puisqu'elle permettait à nos gestionnaires de se libérer d'un fardeau qu'ils n'ont pas les moyens d'assumer, à moins de le faire au détriment de leurs responsabilités primordiales vis-à-vis des bénéficiaires qui leur sont confiés. Les centres d'accueil, nous nous permettons de le rappeler, sont pour la plupart des petits établissements dont les ressources humaines et financières sont maintenues en deçà du minimum requis pour garantir toute la qualité et la quantité des services auxquels les bénéficiaires ont droit. C'est cette réalité vitale qui a toujours conduit l'Association des centres d'accueil du Québec à considérer la décentralisation avec beaucoup d'appréhension.

L'article 13 de l'avant-projet de loi propose la création au niveau national d'un comité patronal de négociation pour le secteur des affaires sociales et de sous-comités pour chacune des cinq catégories d'établissements de santé et de services sociaux. La création d'un palier sous-sectoriel correspond aux différents types d'établissements, constitue une première étape essentielle à la décentralisation. Nous ne pouvons que souscrire à la mise en place d'une structure qui nous permettra enfin de donner à nos conventions collectives un visage à la dimension de nos établissements et plus adapté à ce qu'est un centre d'accueil.

Sur le plan technique toutefois, la formulation de l'article 13 présente une incongruité qui nous apparaît nécessaire de corriger. Selon les dispositions de l'article 15 de l'avant-projet de loi, les comités sous-sectoriels et les sous-comités, comme les appelle le législateur, sont le maître d'oeuvre de la négociation au niveau national. Dans ce sens, l'article 13 devrait prévoir qu'ils sont composés de personnes nommées par le ministre de Affaires sociales et de personnes nommées par les catégories d'établissements concernées et que le comité sectoriel est composé de personnes représentant le ministre des Affaires sociales et de personnes représentant chacune des catégories d'établissements, choisies parmi les membres des comités sous-sectoriels. (20 h 15)

En vertu des principes de gestion, la délégation de responsabilités ne va pas sans délégation d'autorité et on ne peut parler de décentralisation si tous les pouvoirs décisionnels demeurent centralisés. Dans ce sens, nous sommes d'avis que l'avant-projet de loi pèche par absence de cohérence en maintenant aux articles 15 et 16 des dispositions déjà présentes dans la loi actuelle qui, pourtant, assuraient la centralisation. Â l'article 15 en effet, il est prévu que le comité et les sous-comités doivent assumer la décentralisation sous l'autorité déléguée au ministre par le gouvernement, que, de plus, ils doivent requérir du Conseil du trésor leurs mandats de négociation et qu'enfin, ils doivent négocier, diriger et coordonner les négociations dans le cadre des mandats que ce dernier détermine. Ces dispositions constituent à tout le moins un croc-en-jambe sérieux et efficace à la décentralisation.

Pour que celle-ci soit réelle, il faut accepter de jouer le jeu. L'article 14 prévoit déjà que les membres des sous-comités et du comité doivent convenir par écrit de la détermination des matières à l'égard desquelles les représentants du gouvernement et les représentants du ministre ont une voix prépondérante lors des délégations du comité et des sous-comités. Cela suffit, à notre avis, pour que les responsabilités respectives des partenaires soient protégées. Nous recommandons donc que l'article 15 soit modifié par la suppression à ses deux alinéas de l'expression "sous l'autorité déléguée au ministre par le gouvernement".

Quant à l'obligation de requérir tous les mandats du Conseil du trésor, on nous arguera que celui-ci doit se réserver le pouvoir ultime de refuser ou de donner des mandats dans des matières qui peuvent être jugées ou devenir d'intérêt gouvernemental. L'article 18 de l'avant-projet de loi contient déjà une disposition qui offre toutes les garanties à cet égard et c'est, à notre avis contraindre inutilement la décentralisation que d'exiger, comme le fait l'article 16, que tous les mandats soient autorisés par le Conseil du trésor. Selon nous, les matières qui ne sont pas d'intérêt gouvernemental ou

qui ne sont pas dans la prépondérance du ministre des Affaires sociales, les mandants devraient être les établissements. Nous recommandons donc que l'article 16 soit modifié de façon à permettre à chaque partenaire d'assumer ses responsabilités et de laisser à l'article 18 le soin de protéger les droits et pouvoirs du Conseil du trésor sur les matières jugées d'intérêt gouvernemental.

La décentralisation au niveau local, nous l'avons déjà dit, nous est toujours apparue hasardeuse et non souhaitable dans l'état actuel des choses et dans la mesure où elle se ferait en l'absence de certaines conditions qui permettent aux centres d'accueil de l'assumer progressivement. Ces conditions ne sont pas toutes réunies dans l'avant-projet de loi, mais nous croyons qu'il est possible d'envisager et de proposer certaines modifications qui, si elles étaient acceptées, rendraient la décentralisation acceptable et même peut-être avantageuse, puisqu'elle permettrait aux conventions collectives de refléter davantage la réalité des établissements.

À son article 21, l'avant-projet de loi précise que les matières sur lesquelles portent les négociations locales sont établies de deux façons. En premier lieu, les parties au niveau national pourraient convenir de décentraliser certaines matières. En second lieu, l'avant-projet de loi prévoit en annexe une liste des matières qui seraient de facto décentralisées à moins que les parties n'en conviennent autrement. Cette approche à deux volets s'inspire sans doute de la présomption que les parties au niveau national ne conviendront que très difficilement de la décentralisation au niveau local. C'est une présomption qui nous apparaît fondée. Pour s'en prémunir, l'avant-projet de loi prévoit la présence d'une liste de matières décentralisées. Nous sommes d'avis que cette façon de procéder ne répond pas aux conditions qui nous apparaissent préalables à la décentralisation. Il faut voir, en premier lieu, que cette façon de procéder enlève au sous-comité représentant les centres d'accueil au niveau national, toute possibilité d'inscrire dans les prochaines conventions collectives la spécificité de leurs établissements en se démarquant du modèle hospitalier inscrit actuellement dans les conventions collectives. En second lieu, cette façon de procéder nous éloignerait de notre objectif d'y aller par étapes en créant de façon immédiate une quasi-obligation de négocier tout de suite et sur des matières apparaissant en annexe.

Pour atteindre la décentralisation recherchée aux conditions que nous venons de décrire, spécificité des types d'établissements et progressivité, nous proposons que la liste des matières apparaissant en annexe de la loi soit une liste - permettez le néologisme -des matières décentralisâmes plutôt qu'une liste de matières effectivement décentralisées. Dans cette formule, les parties au niveau national seraient d'abord appelées à négocier la totalité des dispositions des conventions collectives, rendant ainsi possible l'inscription de la spécificité des types d'établissements. Par la suite, dans chaque établissement, au rythme déterminé par les parties au niveau local et sur les matières que ces parties choisiraient de négocier, elles pourraient convenir de dispositions différentes des conventions collectives nationales selon les mêmes modalités que celles prévues aux articles 28 à 39 de l'avant-projet de loi. Sur ces matières et pour les établissements qui auraient décidé de convenir des dispositions locales, la décentralisation serait ainsi complétée. Les parties au niveau national pourraient, par la suite, ajouter des matières à la liste prévue initialement. Cette façon de procéder permettrait la décentralisation en accord avec le rythme, l'intérêt et la capacité des parties au niveau de chaque établissement.

D'autres conditions à la décentralisation existent, bien sûr, et ne relèvent pa3 de la législation elle-même. Parmi celles-ci, il en est une qui relève du trésor public. Les centres d'accueil, pour la plupart, n'ont pas les moyens humains et financiers pour prendre en charge la décentralisation. Dans ce sens, l'association ne peut qu'ajouter aux inquiétudes formulées par ses membres relativement à l'insuffisance des ressources pour assumer les nouvelles responsabilités qui découleront inévitablement des changements envisagés. La décentralisation, la concertation et la négociation permanente mobiliseront des énergies importantes au niveau local qui risquent d'être soutirées à des mandats et à des activités directement reliés aux bénéficiaires ou à d'autres aspects de la gestion des établissements et feront appel à des expertises qui ne sont que rarement disponibles dans les centres d'accueil. Ceux-ci, par la voie de leur association, prient instamment le gouvernement, pour l'efficacité même des structures qui seront mises en place, de pallier aux lacunes actuelles par l'injection de ressources qui pourraient permettre aux centres d'accueil de recourir aux services d'un conseiller en relations du travail. Les modalités de cet ajout aux ressources actuelles pourraient être débattues plus tard, mais la nécessité nous en paraît évidente et, selon nous, le rythme de la décentralisation effective en dépend.

Ayant partagé les champs de négociation, le législateur prévoit en même temps les modes de règlement des différends. La clientèle des centres d'accueil est particulièrement vulnérable et la réalité veut que cette vulnérabilité s'accroisse à la moindre rumeur de grève ou de

ralentissement de travail, quelle que soit la forme qu'un tel ralentissement puisse prendre. Nous avons déjà affirmé à plusieurs occasions et nous réitérons notre conviction de la primauté absolue du droit de nos bénéficiaires à des services de qualité sur le droit des travailleurs à faire la grève. Si les centres d'accueil acceptent de mettre sous le boisseau leur désir de voir interdire toute forme de grève, c'est dans l'espoir que le législateur parviendra à définir un cadre juridique facilitant le règlement civilisé des différends dans le respect total des droits des bénéficiaires. Dans ce sens, le fait que le droit de grève soit maintenu au niveau national ne nous paraît tolérable que dans la mesure où le Conseil des services essentiels pourra nous offrir les garanties appropriées à cet effet. On y reviendra plus tard.

Par ailleurs, nous souscrivons totalement à la volonté du gouvernement de ne pas permettre l'exercice du droit de grève sur les matières de négociation locale. A ce niveau, l'intervention d'un médiateur-arbitre, à la demande des deux parties, nous apparaît un mécanisme de règlement des différends beaucoup plus civilisé et qui protège le maintien d'un climat social indispensable à la qualité des soins aux bénéficiaires au niveau de chaque centre d'accueil. Cela nous apparaît d'autant plus vrai dans le cadre de la négociation permanente prévue de l'avant-projet de loi.

La détermination de la rémunération. Dans le mémoire que nous soumettions en février 1981 sur le même sujet à la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu, nous recommandions notamment au gouvernement: que la politique salariale de l'État soit déterminée par une loi votée par l'Assemblée nationale; que cette même législation prévoie l'existence d'un organisme chargé de quantifier la politique salariale de l'État créant par le fait même une banque de données complète sur les matières salariales et possiblement sur les matières normatives.

Il n'y a pas lieu de répéter ici toute l'argumentation que nous développions alors sur ce thème. Cette argumentation a d'ailleurs été reprise par plusieurs intervenants autant que par les éditorialistes de la plupart des médias d'information. Qu'il nous suffise de rappeler qu'elle nous amenait à conclure non seulement que cette matière ne devrait pas être sujette à l'exercice du droit de grève, mais qu'en plus, elle ne devrait pas être négociable. Nous croyons en effet qu'on ne doit pas permettre à un corps intermédiaire, quel qu'il soit, de négocier 50% du budget de l'État, lui donnant ainsi des pouvoirs d'agir directement sur les priorités gouvernementales ou sur le niveau de taxation. Aussi ne surprendrons-nous personne en affichant notre accord entier aux pas franchis par le législateur dans l'avant-projet de loi lorsqu'il crée un Institut de recherche sur la rémunération et qu'il soustrait ce champ de négociation à l'exercice du droit de grève.

Les services essentiels. Une analyse, même très sommaire, des besoins concrets et fondamentaux des bénéficiaires nous amène à conclure que tous les besoins des personnes recevant des soins et services en centre d'accueil sont fondamentaux, intrinsèquement liés à la personne humaine elle-même, à sa santé physique et mentale, a son développement et à sa sécurité. On comprendra alors toute l'importance que les centres d'accueil attachent à la question des services essentiels.

Dans le cadre de notre appui sans réserve à la primauté du droit des bénéficiaires à recevoir en tout temps des soins et des services de qualité, nous supportons donc pleinement la volonté gouvernementale d'élargir le champ d'intervention du Conseil des services essentiels aux situations de grèves illégales ou de moyens de pression visant à ralentir la dispensation de soins et de services. Le recours à la grève ou à des moyens de pression ne sont pas moins menaçants lorsqu'ils sont illégaux, ils n'en sont que doublement condamnables. Il ne faudrait pas toutefois que le fait de donner au Conseil des services essentiels le pouvoir d'intervenir en cas de situations illégales confère à ces situations quelque aspect de légalité ou qu'il leur accorde le même statut qu'aux grèves légales.

Nous souscrivons également au principe de l'attribution de certains pouvoirs de redressement. Nous nous interrogeons toutefois sérieusement sur la portée de certains des pouvoirs conférés au conseil, notamment, quant à la portée des stipulations prévues au premier alinéa du futur article 111. 17 du Code du travail. Nous craignons en effet que le texte proposé permette au Conseil des services essentiels de statuer sur l'interprétation de la convention collective en vigueur dans un établissement. En toute déférence pour lesdites autorités du conseil, nous estimons que doit être respecté le principe de l'arbitrage des griefs pour trancher les différends portant sur l'interprétation des dispositions des conventions collectives. (20 h 30)

À l'origine de tout moyen de pression syndical ou de toute grève illégale, on trouve généralement une difficulté d'interprétation de la convention collective en vigueur. Si l'éventuel article 111. 17 du Code du travail autorise le conseil à ordonner de faire ce qui est nécessaire pour se conformer à la convention collective, celui-ci risque de se retrouver chaque fois devant l'obligation de devoir statuer sur l'interprétation d'une

clause de contrat de travail. Nous croyons que cela ne doit pas être.

Nous reeommendons donc que le texte proposé à l'article 111. 17, premier alinéa, soit modifié pour limiter les pouvoirs du conseil à celui d'ordonner aux parties de se conformer à la loi et aux mécanismes prévus aux conventions collectives pour trancher leurs différends.

Depuis plusieurs années, dans le cadre de nos inquiétudes sur la capacité matérielle du Conseil des services essentiels d'intervenir dans 800 établissements du réseau des affaires sociales si une grève était déclenchée, nous pressons le gouvernement de lui donner le pouvoir de définir les paramètres nationaux, par type d'établissements au besoin, pour le maintien des services essentiels. Ces paramètres faciliteraient la tâche de tous les intervenants dans le processus et pourraient s'inspirer des principes suivants: libre accès à l'établissement pour tous les ayants droit, fournisseurs, bénéficiaires, parents, bénévoles, salariés non en grève, cadres; garantie du droit des bénéficiaires de l'établissement à recevoir tous les services que leur état commande; établissement d'une norme mathématique par type d'établissements quant au nombre de salariés requis dans chaque service maintenu; possibilité d'ajustement en cours de route; exclusion des cadres et des bénévoles de l'application de la norme mathématique.

Il est exact que certains ' de ces principes apparaissent déjà dans les dispositions du Code du travail relatives aux services essentiels. Il est exact également que certains prétendent que l'actuel article 111. 0. 12 du Code du travail confère déjà au conseil le pouvoir d'établir de tels paramètres. Cependant l'examen minutieux du texte de cet article nous laisse suffisamment perplexes pour recommander au gouvernement de le modifier de façon que ce pouvoir soit clairement explicite.

Notons enfin qu'il devient nécessaire que les articles actuellement non promulgués qui touchent la compétence du Conseil des services essentiels soient mis en vigueur afin d'assurer au conseil la possibilité d'assumer tous les pouvoirs et responsabilités qui lui incombent.

L'analyse de l'avant-projet nous a permis de déceler quelques imprécisions ou difficultés techniques. La liste de ces difficultés apparaît au document que nous avons déposé à la commission.

Conclusion: II nous reste à réitérer que nous sommes d'avis que l'avant-projet de loi soumis actuellement à la discussion publique met de l'avant des principes et des idées qui sont susceptibles d'améliorer le régime de relations du travil dans les secteurs public et parapublic en reconnaissant formellement que le secteur des services de santé et de services sociaux contient en soi des caractéristiques particulières qui font qu'il ne peut être soumis au régime général des relations du travail prévu au Code du travail. Nous sommes également d'opinion que si les parties acceptent loyalement de jouer le jeu, les dispositions de l'avant-projet de loi amèneront de meilleures garanties à l'endroit du droit des bénéficiaires et de la population au maintien en tout temps des services de santé et de services sociaux. C'est un enjeu qui vaut bien qu'on lui consacre quelques efforts.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Dallaire.

J'invite d'abord M. le ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor à faire ses commentaires et à vous poser les questions qu'il veut bien vous poser.

M. Clair: Merci, M. le Président. Quelques mots au début pour remercier M. Dallaire et les gens qui l'accompagnent de l'Association des centres d'accueil du Québec d'avoir accepté d'échanger des opinions avec moi au cours des derniers mois sur cette question, de s'être penchés sur l'avant-projet de loi et, aujourd'hui, de venir nous soumettre un mémoire qui, en quatre chapitres, traite de la question de la rémunération, de la question du cadre de la négociation, c'est-à-dire la décentralisation en fait des services essentiels et de certaines technicités.

J'indique immédiatement qu'en ce qui concerne le chapitre consacré à la détermination de la rémunération, je pense que la position de l'Association des centres d'accueil du Québec étant parfaitement en ligne et, je suppose, pour les mêmes motifs que ceux que le gouvernement avait lorsqu'il a proposé ce qu'il a proposé dans l'avant-projet, je n'aurai pas de questions sur cette partie-là non plus que sur la partie du chapitre ititulé "De certaines technicités". Les techniciens sont en arrière et ont déjà sans doute commencé à y travailler.

J'aurais donc des questions sur deux sujets. La première interrogation qui vient à qui que ce soit qui rencontre un groupe patronal dans le secteur public santé et, en particulier, centres d'accueil, c'est certainement la question que je vous pose parce que les gens vous la poseraient sûrement. Qu'est-ce qui vous amène à ne pas demander l'abolition du droit de grève dans le secteur de la santé, en particulier dans le secteur des centres d'accueil? J'ai eu l'occasion d'entendre le député de Portneuf argumenter avec plusieurs intervenants quant à l'orientation de son parti qui favorise plutôt l'abolition du droit de grève dans le secteur de la santé. Cela devrait être confirmé officiellement, semble-t-il, dans les

prochains jours, si ce n'est pas déjà fait, par son parti, par ses instances. L'orientation retenue par le gouvernement, c'est effectivement d'aller du côté du maintien des services essentiels avec des nouveaux pouvoirs au Conseil des services essentiels et différentes mesures qui ont quand même aussi un impact dans le domaine de la santé, par exemple, la question de la rémunération. Fondamentalement, qu'est-ce qui vous amène à choisir l'approche de services essentiels avec des commentaires que vous y faites, mais en termes d'approche? Qu'est-ce qui, chez vos membres, vous amène à retenir cette orientation?

M. Dallaire: Je pense que notre première approche, c'est de tenter de voir comment peuvent s'exercer, dans nos milieux, les droits de chacun. En analysant nos milieux, leurs restrictions, Ies besoins de nos bénéficiaires, le fait qu'ils soient captifs, le fait qu'ils aient des besoins, et l'apprentissage qu'on a fait de la dernière ronde surtout, on pense qu'à l'heure actuelle la primauté de leurs besoins fait déjà foi d'un impact important et que cet impact est respecté par les parties impliquées ou semble respecté de plus en plus par les parties impliquées.

M. Clair: Donc, les salariés impliqués dans les services quotidiens.

M. Dallaire: La dernière ronde, dans les centres d'accueil, nous a permis de présumer que, de plus en plus, la primauté des droits des bénéficiaires était respectée dans la démarche concrète, en général.

M. Clair: Donc, c'est une approche basée sur le vécu, sur la pratique, sur l'expérience, davantage que sur une approche légaliste, juridique et, à mon point de vue, un peu théorique.

M. Cloutier (Pierre): Précisément. Je pense que notre approche de cette question ne se veut pas théorique, mais collée aux réalités du terrain. Vous avez choisi, comme perspective gouvernementale dans votre proposition, d'y aller par la formule de réglementation, d'encadrement, de civilisation du droit de grève. Je pense que c'est sous-jacent à toute cette partie du document que vous avez déposé. C'est une piste. L'autre piste, c'est peut-être de dire non, radicalement, à certains secteurs. On souscrit à la piste que vous mettez sur la table, c'est-à-dire de civiliser l'utilisation du droit de grève. On ne vous dit pas qu'à 100%, dans tous les centres d'accueil du Québec, tous les employés ou les travailleurs devraient ne pas bénéficier du droit de grève. On vous dit par contre, et je pense que c'est fondamental - fixer des pourcentages est un peu complexe ce soir -que dans l'esprit, ce sont les droits des bénéficiaires à recevoir des services.

Rappelons-nous les bénéficiaires de qui on parle. On parle de bénéficiaires captifs. On ne peut baisser les taux d'occupation facilement en centre d'accueil. La moyenne d'âge des personnes âgées est de 82 ans et demi, possédant à 85% des cas moins de 1500 $ d'avoirs, donc des cas qu'on appelle, dans la société, d'assistance sociale. Donc, peu de familles, peu de ressources communautaires pour s'organiser. Dans ces cas, ce sont des clientèles totalement captives. Les services dont on parle - c'est dans l'esprit de notre mémoire - il faut absolument garantir à ces clientèles les services dont elles ont besoin.

Ces services ne sont pas seulement les services de nursing ou de préposés aux bénéficiaires pour l'entretien physique, etc. II faut aussi parler de services alimentaires, de services de chauffage, de services de sécurité minimale, etc. Ce qui fait que vous allez arriver au total, je pense, dans cette perspective que nous jugeons raisonnable, peut-être à 95%. Mais la piste de dire qu'il y a moyen, raisonnablement, d'encadrer et de civiliser le droit de grèv'e, c'est celle qu'on a voulu regarder plutôt que de dire radicalement: Non, totalement, tout le monde devrait ne pas jouir du droit de grève dans notre secteur.

On en est peut-être à une nuance entre les 95% et les 100% - je donne un chiffre approximatif - mais je pense que sur le plan de l'esprit, lorsque les droits des uns peuvent être exprimés sans fondamentalement atteindre les droits des plus faibles, ce qu'on appelle nos bénéficiaires dans le cas, il me semble qu'on doit tenter de respecter cela.

M. Clair: Est-ce que cette approche pratique également se base sur une certaine évolution des mentalités qui se serait produite au cours des dix, quinze dernières années? On sait que le réseau des centres d'accueil a quand même pris passablement d'expansion depuis le début de la négociation en 1964, négociation de plus en plus centralisée telle qu'on la connaît. Mais, comment cela s'est-il passé lors de la dernière négociation et des deux ou trois dernières avant et sur une période de quelques années? Est-ce que votre position est assise également sur une évolution des mentalités?

M. Cloutier: Oui. Il y a effectivement une évolution des mentalités. Je pense que la pression et l'escalade des moyens de pression, notamment de la dernière ronde de négociation, faisaient en sorte que les centres d'accueil étaient les derniers en fin de compte à être affectés par cela.

Le seul problème qu'on vous pose par rapport à cela, M. le ministre, et à

n'importe quel gouvernement, c'est que dans notre cas l'appréhension de la grève, dans beaucoup de cas, est aussi grave que la grève elle-même. Dans ce sens, il faut que les garanties soient préalables aux possibilités de grève qui seront ou non utilisées. Chez les personnes âgées notamment, chez les délinquants que la Loi sur la protection de la jeunesse nous confie, chez les handicapés mentaux profonds qui sont en centre d'accueil, les effets d'appréhension de grève dans autant de cas sont aussi graves que la grève elle-même. (20 h 45)

II faut donc se donner préalablement un encadrement qui fasse en sorte qu'on ne puisse pas jouer avec cela. Sur le terrain, il y a des pressions artérielles la veille de la grève, parce qu'une circulaire syndicale a été donnée aux employés, disant qu'à partir de telle date, il y aura grève. Ne vous en faites pas, pour les gens de 83 ans, la pression artérielle monte. Ils se demandent s'ils vont manger, s'il vont continuer d'être chauffés et comment ils vont vivre dans ces conditions. C'est une affaire dans laquelle on ne veut pas s'embarquer. Je pense qu'à la base, il faut garantir un minimum de ces choses. L'appréhension de la grève est difficile à vivre.

M. Clair: Je crois que M. Dallaire voulait ajouter là-dessus.

M. Neveu (Yves): C'est ce qui nous amène, à toutes fins utiles, à proposer au gouvernement de préciser les pouvoirs du Conseil des services essentiels en matière d'établissements et de paramètres, ce qui constituerait en quelque sorte à tout le moins des minimums sur lesquels les parties au niveau local pourraient, bien sûr, ajouter, mais, en tout cas, on serait en mesure de garantir que ces minimums seraient préservés en termes de garanties pour les bénéficiaires.

M. Clair: Cet après-midi, la Centrale des syndicats nationaux - la CSN - a indiqué qu'elle était à travailler à un code d'éthique, qu'elle en discuterait dans son milieu et qu'elle rendrait public éventuellement quant à la nature des services essentiels et à l'exercice du droit de grève, notamment, dans le secteur de la santé. À partir de votre expérience, dans la mesure où vous vous inscrivez dans une perspective de renforcement des services essentiels plutôt que dans celle d'une abolition juridique du droit de grève - tout le monde a comme objectif de faire en sorte qu'il n'y en ait plus ou, en tout cas, le moins possible et que les grèves aient le moins d'impact possible; c'est vrai pour les libéraux; c'est vrai pour nous; c'est vrai pour vous et je pense que c'est vrai pour l'ensemble de la société, mais c'est une approche pratique - comment recevez-vous cette proposition de la CSN? Je pense que vous en avez eu connaissance, cet après-midi, au moment des explications. Je crois que certains d'entre vous étaient présents. En ce qui concerne un code d'éthique concernant l'exercice du droit de grève dans le secteur de la santé, avez-vous confiance à cela? Est-ce que cela peut être utile? Est-ce quelque chose qui vient confirmer un avancement, une évolution des mentalités ou quoi? Quelle est votre appréciation de cela?

M. Dallaire: M. Pedneault.

M. Pedneault (Roger): C'est évidemment un premier pas d'une centrale importante qui a été, il ne faut se le cacher, l'une de celles qui ont fait le plus souvent la grève et qui l'ont souvent provoquée. Personnellement et, je pense, aussi bien au nom des membres du comité, je crois que ce désir est vrai, parce qu'il est exprimé par les membres qui composent cette centrale syndicale. Je pense bien que les dirigeants syndicaux ne peuvent pas ignorer que, dans la réalité, il commence à y avoir une très grande proportion de leurs membres qui ne veulent plus faire la grève comme ils l'ont fait dans le passé avec ce que cela coûte et ce que cela représente d'indécence sociale. Ils y vont beaucoup trop lentement. Je ne crois pas que de leur laisser le libre champ d'action et que de les laisser régler ce problème, cela va aller assez vite. Je ne crois pas qu'ils soient prêts non plus à faire des pas suffisamment significatifs dans les prochains mois ou dans les prochaines années pour réaliser ce qu'on souhaite et ce que le gouvernement souhaite, mais je pense que l'expression de leur désir, même si au niveau des grandes directions syndicales, est forcée par la base, ce qui correspond à une réalité à laquelle ils vont devoir faire face et répondre. Malgré cela, je dis: C'est trop peu; c'est trop tard. Je pense que le gouvernement doit quand même agir, que la loi doit quand même être modifiée et que l'avant-projet de loi répond mieux à cela que de vagues études sur de vagues projets d'éthique.

M. Clair: Mais, quand même, ce qu'ils désirent...

M. Cloutier: J'aimerais ajouter que, dans l'hypothèse la plus positive de cette perspective, l'ultime responsabilité, et on s'inscrit là-dedans, c'est le gouvernement, les élus, qui doivent fixer les services à être rendus à la population. Tant mieux! Et dans la situation la plus idéale, ces deux, le code d'éthique et la règle gouvernementale seront parfaitement coïncidentes. Allons-y comme cela! Mais je pense qu'en termes de responsabilité gouvernementale, il doit être

dit quelque part par les élus que les services assurés par les centres d'accueil au Québec à la population démunie dont on parle seront de telle nature.

M. Dallaire: Dans une situation concrète de conflit, puisqu'on va parler de conflit à ce moment, il est important et sain qu'il y ait une tierce partie qui puisse juger d'où l'importance du Conseil des services essentiels dans cette situation.

M. Clair: Si je résume la position de l'Association des centres d'accueil du Québec, et c'est très important, si on met dans une colonne les améliorations générales au régime de négociation, plus le renforcement du Conseil des services essentiels, plus le code d'éthique qui serait adopté, semble-t-il, par les gens de la CSN, tout cela donne de meilleures garanties, selon vous, sur la base du vécu de votre réseau, de votre expérience qu'il n'y aura plus ou pas de grève dans votre secteur que l'abolition pure et simple du droit de grève en matière de services de santé, point final. Inutile de demander à quelqu'un effectivement de travailler à un Conseil des services essentiels, si le droit de grève est aboli, inutile de dire à la CSN: Oui, c'est une bonne idée d'avoir un code d'éthique; inutile de dire: On a des nouveaux mécanismes de conciliation, il n'y en a plus. Fondamentalement, votre approche vous amène à cela comme conclusion. C'est-à-dire que votre constatation était cela.

M. Cloutier: C'est cela. On joue sur des percentiles relativement minimes entre les deux hypothèses que, vous mettez sur la table dans le cas des centres d'accueil...

M. Clair: Ah! Mais c'est le résultat qui vous préoccupe et nous aussi.

M. Cloutier: C'est cela. Il faut choisir la piste qui nous garantit les meilleures chances de résultat. Il nous est apparu que dans le climat et dans l'ensemble des évaluations que vous avez faites et que nous avons faites que la piste de la réglementation par le Conseil des services essentiels, l'évolution des mentalités, la conscientisation de ce qui se passe aux alentours des clientèles des centres d'accueil, cette piste, et selon un certain nombre de technicités dont on parle notamment des paramètres, nous apparaît le moyen qui nous donne le plus de chance de réussite.

M. Clair: J'ai déjà pris beaucoup de temps, M. le Président, je vais passer rapidement à l'autre thème que je voulais aborder. La question de la décentralisation. Je caricature et je résume rapidement. L'avant-projet de loi dit: En annexe, se trouve une liste de sujets qui sont obligatoirement décentralisés. Ce qu'il y a comme contenu actuel, c'est le statu quo. C'est à partir de cela que, d'une manière permanente, on ajustera au niveau local selon la mécanique prévue dans l'avant-projet.

Votre organisme, comme plusieurs autres, tout en affirmant vouloir s'inscrire dans cette perspective de décentralisation dit: Holà! N'allez pas trop vite! Vous risquez de compliquer la situation plus que de la solutionner. Vous proposez, dans le fond, pour refaire au moins une première fois une convention collective adaptée aux centres d'accueil que cela se fasse au niveau sous-sectorial et qu'après cela, il puisse y avoir à partir d'une liste décentralisable, pour employer l'expression de M. Dallaire, que chacun puisse piger là-dedans.

J'ajoute une troisième possibilité. Si c'était effectivement pour donner la chance - je fais une pure hypothèse, je ne vous dis pas que c'est une proposition du gouvernement - que les sous-secteurs aient au moins une fois une convention collective, la prochaine fois tout est négociable sous-sectoriellement; une liste, en annexe de la loi, du décentralisable, mais afin de s'inscrire pleinement dans une perspective de négociation permanente. Une fois que, dans un étabissement, on s'est accaparé d'un sujet à un niveau local, il y demeure à perpétuité par l'effet de la loi et, en conséquence, cela n'est plus quelque chose qui est remis en cause et qui recommence tous les trois ans. Cela devient la loi permanente en quelque sorte, quitte à ce que les parties puissent la modifier entre elles, mais dans le sens que cela ne peut plus remonter au niveau sous-sectoriel ou au niveau national. Comment réagiriez-vous à une telle hypothèse?

M. Neveu: C'est exactement le sens de la proposition que nous formulons.

M. Clair: Vous comprenez bien qu'elle serait...

M. Neveu: Oui.

M. Clair:... une fois que ce serait décentralisé, rendu au local, c'est permanent.

M. Neveu: Oui. La seule précision à ajouter à ce que vous dites, c'est qu'à cette ronde, ou à la prochaine ronde de négociations, il est bien entendu que nous souhaiterions pouvoir adapter les conventions collectives aux centres d'accueil. La liste de matières, c'est pour cela qu'on l'appelle "décentralisable", ne serait pas forcément décentralisée tout de suite après cette ronde. La raison pour laquelle on l'appelle "décentralisable", c'est qu'à leur rythme et selon la volonté des parties au niveau local, ces parties pourraient s'approprier un ou des

sujets. Ce qu'on dit, c'est qu'une fois que chaque établissement se serait approprié, avec son ou ses syndicats, une des matières pour cet établissement, la matière serait effectivement décentralisée. La nuance c'est que ce n'est pas nécessairement dans la ronde qui suivra la prochaine ronde que toutes les matières seraient décentralisées au sens où il est possible, qu'en 1988, par exemple, si on parle d'une convention de trois ans, qu'un certain nombre de centres d'accueil acceptent de décentraliser pour eux une quinzaine de clauses qui paraîtraient sur cette liste et que d'autres, parce qu'ils ne sont pas prêts ou parce qu'ils ne le désirent pas, acceptent d'en décentraliser seulement deux. Ce qu'on dit, c'est que, même en 1988, pour les établissements qui ne se seraient pas effectivement approprié un certain nombre de clauses, il faudrait continuer à négocier l'ensemble du pattern jusqu'à ce qu'il y ait suffisamment de centres d'accueil qui se soient approprié une clause spécifique. À partir de ce moment-là, les parties au niveau sectoriel pourraient décider que, puisque tous les établissements se sont approprié cette clause, il n'y a plus lieu de la négocier au niveau sectoriel. Cela prolonge le rythme de la décentralisation, bien sûr. Cela peut nous amener plus loin qu'en 1985 ou en 1988 parce qu'il y a des établissements qui voudront aller plus lentement, mais c'est une chose qui peut, dans le temps, donner des résultats satisfaisants en termes de décentralisation pour nos établissements.

M. Cloutier: Si vous me permettez, l'hypothèse que vous faites, c'est de dire: Si au bout de deux ou trois exercices semblables, on découvrait que 80% des centres d'accueil ont convenu avec leurs syndicats locaux de la même forme d'adaptation locale par rapport à leur terrain - mais carrément de la même forme - ce serait la découverte de l'errance du niveau national d'avoir toujours négocié cet article d'une certaine façon. Il s'agirait... Et, moi, je pense que de clouer mécaniquement cet article au niveau local, alors qu'à peu près tout le monde le règle de la même façon sur le terrain et parce qu'ils ont découvert une façon plus intelligente, c'est peut-être plus simple de permettre à cette clause d'être négociée à nouveau au niveau national, mais elle sera davantage collée aux réalités du terrain parce que ce sont eux qui nous les auront fait découvrir. Je pense que c'est cimenter le mouvement de décentralisation dans la voie unique vers le niveau local alors que certains cas, avec l'histoire, pourront peut-être nous permettre de découvrir qu'après un exercice de niveau local pendant X temps, il y a des intérêts de part et d'autre, à les ramener à un certain niveau un peu plus centralisé. Je vois difficilement quel est l'intérêt en ce moment de bloquer cette possibilité. Je pense qu'il faut accentuer le mouvement vers le bas et, dans ce sens, on souscrit tout à fait à la perspective que vous proposez. Pourquoi figer le reste maintenant? Je ne le sais pas.

M. Clair: M. le Président, je vois que le temps à ma disposition est à peu près écoulé. Je vais laisser l'occasion aux porte-parole du Parti libéral de poser des questions. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le député de Portneuf. (21 heures)

M. Pagé: Merci, M. le Président. Moi aussi, je veux remercier M. Dallaire et ses compagnons de l'Association des centres d'accueil du Québec qui, ce soir, viennent livrer leur mémoire. Vous représentez un secteur ou un pan particulier des services donnés à des clientèles qui, le moins qu'on puisse dire, sont vraiment dans un état de dépendance, de besoins très aigus face aux services qui leur sont dispensés. Votre mémoire se veut particulier en ce qu'il recommande et touche des points bien intéressants qui réfèrent, finalement, au vécu quotidien des établissements.

On doit retenir de votre mémoire que vous acceptez, avec certaines réserves, le principe de la décentralisation, que vous êtes en faveur d'un accroissement des pouvoirs du Conseil sur les services essentiels en cas de conflit et en cas de grève. Vous êtes d'accord avec le fait que le droit de grève puisse être exercé sur les matières de négociations locales. C'est ce qu'on retient. Finalement, vous ajoutez votre voix à d'autres et vous êtes d'accord pour que l'établissement de la rémunération se fasse à partir de règles du jeu nouvellement établies ou proposées par le projet de loi en ce qui a trait à l'institut de recherche, en particulier.

Au chapitre de la décentralisation, un commentaire. Vous témoignez de beaucoup de réalisme, je crois, lorsque vous voulez que des établissements comme le vôtre, les directeurs généraux, les administrateurs soient davantage associés à l'équipe patronale pour négocier lesdits contrats ou les conventions collectives. J'ose croire que le gouvernement ou que le ministre prêtera non seulement une oreille attentive à cet aspect de votre mémoire, mais qu'il y donnera suite de façon bien concrète. Essentiellement, ce que nous, on veut et ce qu'on espère, c'est que le gouvernement pourra vous associer le plus possible dans ce mécanisme qu'on dit large, qu'on dit lourd, de négociation des conventions collectives, parce qu'il faut déplorer, il faut constater que, finalement, vous avez à vivre pendant un certain nombre d'années avec des contrats que vous avez à défendre, avec des contraintes budgétaires

que vous avez à justifier ou à défendre là aussi - c'est dans le grand livre - mais vous n'avez pas toujours été associés à cette démarche. C'est tout à fait légitime et peut-être que le ministre dans sa conclusion ce soir pourra y revenir. Nous, on va appuyer toute mesure dans ce sens-là. Soyez-en persuadés.

Vous avez abordé un autre aspect qui est intéressant et que j'ai eu l'occasion de soulever cet après-midi de façon indirecte avec la CSN. Supposons que le projet de loi est adopté. Le recours à la grève sera toujours possible dans un cadre ou dans un champ bien limité. Vous avez évoqué un aspect, un élément important de problèmes engendrés, soit par un conflit ou un conflit appréhendé. Vous avez indiqué jusqu'où les bénéficiaires chez vous pouvaient être perturbés, non seulement par un conflit, mais aussi et particulièrement par l'appréhension d'un conflit. C'est la même chose dans le domaine hospitalier. La grève s'en vient. Donc, on limite évidemment les entrées. C'est le branle-bas de combat, en fait - le terme est pratiquement exact - en fonction d'un affrontement qui s'en vient et la quantité des services, entre autres, dans les centres hospitaliers, s'en trouve affectée. À la lumière de votre expérience, quelles seraient les recommandations que vous pourriez formuler ce soir au gouvernement, entre autres, dans vos établissements, pour être certain que de tels écueils ne se reproduisent pas et que ce soit, finalement, le moins dur possible, cet aspect du conflit appréhendé?

M. Dallaire: Peut-être que je me permettrais de situer le contexte des centres d'accueil en le distinguant des centres hospitaliers. C'est important, je pense, qu'on se rappelle cela, dû au fait que les centres d'accueil, en plus d'avoir une clientèle qui a besoin d'appui à tous les niveaux et de toutes les formes... Je vais employer un terme; c'est une clientèle captive et ce sont des centres d'accueil qui sont pleins à 95% et 98%. En cas de conflit appréhendé, la direction n'a absolument aucune flexibilité pour pouvoir se permettre de dire: II y a une intervention qui est à caractère électif. Il n'y a pas d'élection. Les personnes sont là. Elles ont besoin d'une façon permanente, à cause de leur état présent, d'un appui. Donc, dans la situation de conflit appréhendé, dans la situation de conflit, les centres d'accueil sont véritablement dans une situation plus tragique. J'utilise le terme. Je pense que c'est une réalité et que souvent on n'est peut-être pas assez sensible dans le public en général face à cette réalité. La personne âgée, qui est en centre d'accueil, souvent, si elle est rendue là, c'est à cause de grandes difficultés et, en plus, il n'y a plus de flexibilité à la maison pour la prendre. II faut qu'elle demeure là et elle est très sensible à cause de son âge, à cause de son état, avec toute l'insécurité que le milieu peut lui suggérer. Donc, il faut absolument que tous Ies moyens soient pris de façon que, par de la mécanique, par des droits ou des lois, l'exercice du droit fasse en sorte que la personne ne sente pas cette insécurité qui s'en vient, qu'elle sache que malgré qu'il y a un conflit au niveau du travail, elle ne sera pas menacée dans sa sécurité. C'est cela qui est un peu un risque.

On dit: Si les mécaniques sont bien établies, si les paramètres sont bien établis, les travailleurs auront la possibilité de taire sentir qu'ils ont des besoins et qu'ils font des pressions, mais les bénéficiaires sauront qu'il y a des garanties qui leur sont données, qu'ils auront, qu'ils recevront en tout temps les services dont ils ont besoin. J'ai parlé des personnes âgées en exemple, mais la situation n'est jamais plus facile dans des centres d'accueil où il y a des personnes avec un handicap mental ou encore un handicap physique, des personnes qui ont été placées par la Direction de la protection de la jeunesse et autres.

Je pense que c'est important - en tant que centre d'accueil - que la loi ou les ajouts à la loi, les corrections à la loi permettent que le droit de grève ne soit exercé que dans les possibilités de son exercice et sans nuire aux personnes; pour nous, c'est important.

M. Pagé: Là-dessus, M. Dallaire, qu'on réfère à l'exemple des centres d'accueil pour personnes âgées, vous êtes confrontés à un problème de vieillissement de vos propres clientèles. Tout le monde est unanime à constater que dans beaucoup de centres d'accueil du Québec actuellement on a, par exemple, des cas psychiatriques qui devraient, en principe, être dans d'autres types d'institutions mais, compte tenu des capacités limitées d'accueil dans de telles institutions, elles sont, ces personnes, dans des centres d'accueil.

Vous avez, avec l'alourdissement de la clientèle, un pourcentage important de malades chroniques qui sont actuellement dans des centres d'accueil et cela amène des distorsions dans le sens que vos budgets, vos ressources en personnel ne sont pas nécessairement adaptées à de tels besoins. Ajouté à cela l'effet des coupures budgétaires qui, qu'on le veuille ou pas et quoi qu'en dise le gouvernement, ont des effets tangibles, palpables en termes de diminution de la qualité des services ou encore l'augmentation de la tâche de façon très appréciable pour les travailleuses et les travailleurs, à la lumière de ces éléments, vous dites, à la page 18 de votre mémoire: "L'établissement d'une norme mathématique par type d'établissements quant au nombre

de salariés requis dans chaque service maintenu... "

Vous savez, je ne veux pas généraliser, mais on constate que dans certains centres d'accueil du Québec, actuellement, au moment où on se parle, dans une société dite évoluée, avancée et riche, etc., on calcule maintenant bien souvent à la minute le nombre de personnes qu'une préposée aux bénéficiaires doit nourrir par repas; on sait pertinemment que des personnes âgées, qui pourraient manger à la cuillère, avec de l'aide, mangent actuellement par des seringues, pour sauver du temps. Cela se passe dans les centres d'accueil du Québec et c'est l'effet des coupures budgétaires. On sait que dans certains centres d'accueil, il n'y a pas de bain pour les personnes âgées autrement qu'aux huit ou neuf jours, on sait que les lits ne sont pas changés autrement qu'aux sept ou neuf jours et on va couper dans ce personnel. C'est quoi? Quel est le pourcentage des services qui sont essentiels, sinon la totalité des services compte tenu de l'alourdissement des clientèles et des réductions de personnel?

M. Cloutier: Les mémoires déposés par l'Association des centres d'accueil au ministère des Affaires sociales et chez M. Clair conséquemment à cet effet, je pense qu'ils sont publics et connus. Nos évaluations là-dessus sont sur la table. Je pense qu'on peut longuement discuter de cette question.

L'objet principal de votre préoccupation, M. Pagé, à savoir les services essentiels versus l'abolition du droit de grève qui était le départ du problème parce que, au fond, je disais tantôt à M. Clair: On en est peut-être à des nuances dans le cas des centres d'accueil que vous venez de décrire, que je ne voudrais pas, par contre, qu'on généralise de façon systématique...

Effectivement, vous souscrivez à certaines perceptions qu'on peut avoir aussi, mais je pense qu'on en est à des nuances entre stratégiquement choisir la formule des services essentiels et un encadrement paramètre, norme mathématique. Ça peut ressembler à... Dans un centre d'accueil où vous retrouvez des clientèles ayant tel niveau de besoin, on a des normes pour établir ce genre de chose, le niveau de services essentiels se situe à 94%, 95%, 96% ou 97%. On en est à la forme avec laquelle on va aborder la question.

Il nous est apparu que les 2%, 3% ou 5% dans certains cas, de travailleurs qui peuvent exprimer au gouvernement ou aux sous-comités leur mécontentement de la situation d'une négociation doivent être, sur le plan du principe, respectés. Ce qui peut être respecté dans le droit des travailleurs qui ne va pas à l'encontre fondamentalement des droits des bénéficiaires, je pense que là-dessus on vous dit qu'il faut quand même conserver cet esprit-là. C'est un choix qu'on fait, fort conscient, mais c'est l'optique qu'on prend.

On en est à des niveaux de services, quand on parle de services essentiels en centres d'accueil. Les discussions qu'on a eues avec le Conseil des services essentiels sur cette question-là, on ne leur a pas dit qu'on jasait de quelque chose comme 30% des services essentiels. On n'a jamais parlé non plus de diminution des clientèles. Lorsque vous parliez du secteur hospitalier tantôt qui pouvait réduire un certain nombre d'admissions, ce n'est pas notre cas, la botte est pleine déjà, la liste d'attente est longue.

Donc, on ne peut pas considérer l'éventualité d'une grève comme ça. Il faut donc parler de services essentiels comme étant dans des normes très élevées. On en est à des nuances, je pense, à des choix plus de forme que de fond finalement quant au résultat.

M. Clair nous demandait, et je pense que ça s'inscrit dans la même perspective: quel est le moyen qui garantit le plus que l'appréhension ou la grève aura des effets limités? On vous a présenté ce choix-là.

Ultimement, sur le terrain, en termes de personnes qui devront prendre leurs responsabilités auprès des bénéficiaires, il n'y a pas une grande différence.

M. Pagé: Mais vous allez convenir avec moi que je suis tout à fait légitimé de questionner l'occasion de se prêter à un tel exercice de négociation, d'échange, d'établissement de services essentiels, de nombre de personnes, etc., pour en arriver à un quantum de 95% ou 96%. Dans un foyer pour personnes âgées, un centre d'accueil pour personnes âgées où vous avez 75 lits, vous avez combien d'employés? 33, 34 ou 35 employés incluant les cadres, environ?

M. Cloutier: À peu près.

M. Pagé: À 95% vous allez en avoir 31 en dedans et trois dehors. À un moment donné il faut arrêter de...

M. Cloutier: Je souscris à la légitimité de votre question.

M. Pagé: Combien de capital humain est investi là-dedans pour en arriver à deux ou trois qui vont faire du piquetage symbolique à la porte? Ce serait peut-être pas mal plus facile d'être moins artificiel et de dire exactement ce qui en est.

Je dois vous exprimer ma surprise ce soir de constater que par votre mémoire, votre association veut s'associer à une démarche comme celle-là. Vous avez évoqué la stratégie. Cela a son mérite, évidemment.

Quand on rencontre les directeurs

d'établissements et ceux qui administrent ces établissements, ils s'empressent de nous dire que tout est essentiel, que tout est nécessaire et qu'on ne doit pas se permettre de souffrir un conflit de travail dans un établissement comme les vôtres. Votre association arrive ce soir et dit: On est prêt à composer; tactique; stratégie; 95%. Je vous exprime ma surprise. (21 h 15)

L'autre élément qui a été abordé ce matin par le Conseil du patronat du Québec va dans le sens aussi des recommandations que vous formulez aux pages 17 et 18. Vous recommandez que tous les moyens soient pris pour assurer le libre accès aux établissements, les ayants droit, les bénéficiaires, les bénévoles, etc. Je crois que tout le monde est unanime à vouloir renforcir les règles du jeu dans ce sens, qu'il y ait le moins de problèmes et d'intimidation possible.

On a évoqué la question des griefs à charge de l'employeur. Pourriez-vous nous indiquer le résultat de votre expérience dans ce sens-là? Est-ce que vous allez dans la même direction que le Conseil du patronat qui demande de rétablir la participation conjointe aux coûts des griefs qui sont déposés ou qui sont soulevés?

M. Neveu: Je pense que, traditionnellement, tous les employeurs du réseau des affaires sociales ont déploré que le financement des frais d'arbitrage soit à la charge complète des employeurs. Effectivement, on croit que cette disposition de nos conventions collectives entraîne un plus grand nombre de griefs qu'une approche qui mettrait de l'avant |e partage des frais d'arbitrage. Il n'y a aucune doute que, là-dessus, on serait favorable à toute forme de partage des frais d'arbitrage ou d'autres formes de frais d'arbitrage au perdant, ou quelque forme que ce soit, pour enlever la totalité du fardeau à l'employeur. On croit toutefois qu'il s'agit là d'une matière négociable. Cela fait actuellement partie des conventions collectives. La plupart du temps, on cherche à la négocier sauf qu'on doit admettre que ce n'est pas une chose facile de récupérer une question capitale comme celle-là, le partage des frais d'arbitrage. Je pense que tous les établissements de centres d'accueil favoriseraient qu'on se fixe comme objectif de négociation une forme quelconque de partage des frais.

M. Pagé: Voulez-vous dire par là qu'il est arrivé peut-être parfois, peut-être souvent, que vous vous êtes retrouvés, comme administrateurs d'établissements, dans une situation où il était moins coûteux de payer le grief purement et simplement et de régler que de le plaider?

M. Neveu: C'est exact. Cela se présente sûrement à l'occasion.

M. Pagé: J'espère que le ministre vous a bien entendu et qu'il va y donner suite parce que c'est un aspect important du vécu quotidien de ce type d'établissement. J'ai vu dans des établissements de mon comté jusqu'à douze griefs par jour. Dépôt, dépôt. Ce n'est pas compliqué déposer des griefs. C'est l'employeur qui paie de l'autre côté. À un moment donné, l'administration dit: On va lâcher; on va céder et on va payer; on va avoir la paix. Ce n'est pas de nature à améliorer la qualité des relations du travail et le vécu à l'intérieur de tels établissements.

C'était l'essentiel des commentaires et des questions que j'avais à vous poser. Messieurs, je vous remercie.

M. Cloutier: Historiquement, d'ailleurs, sur cette question, on doit vous dire que cela date d'au moins une quinzaine d'années au Québec, cette approche de cette question et, depuis un certain temps, nous la soumettons.

M. Clair:... quatorze.

M. Cloutier: J'étais proche de quinze.

M. Clair: 85 moins 14...

M. Cloutier: 66 ou 68, quelque part par là.

M. Clair: Vous êtes diplomate.

M. Pagé: Non, ce n'est pas nous. C'est ce que vous voulez dire, M. le ministre?

M. Clair: Non, je posais la question.

M. Pagé: Vous demandez si c'est le gouvernement de M. Bourassa. Non, ce n'est pas nous. C'est arrivé sous un parti...

M. Cloutier: Non, c'est préalable.

M. Pagé:... vers lequel vous vous rapprochez le plus, à la bonne vieille Union Nationale.

Une voix: Vous ne l'avez pas enlevé cependant.

M. Clair: On était des néo-libéraux ce matin et, en fin de journée, on est des unionistes.

M. Pagé: Vous zigzaguez tellement que vous en divaguez.

M. Clair: Je n'avais pas, quant à moi... Je pense que le député a terminé.

M. Pagé: Je voulais me limiter à vous remercier.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Bourassa a demandé la parole.

M. Laplante: Quelques commentaires, M. le Président. Je trouve un peu triste d'apporter des cas particuliers à une commission comme celle-ci qui peuvent se présenter dans un centre d'accueil et essayer de généraliser des cas qui peuvent devenir pitoyables à un moment donné. Je sais toujours bien que, dans mon comté, il y a aussi des centres d'accueil. Je crois qu'ils sont très bien administrés. Il y a déjà eu des abus de la part de certaines administrations. On refusait même des biscuits à des personnes âgées. Même, on les faisait souper, des soirs, seulement avec une banane. La minute que j'ai su cela, que les usagers s'en sont plaints, cela a été corrigé, mais je n'ai pas fait un événement national, par exemple, avec tout cela. C'est que, parfois, il y a des directeurs aussi qui ont d'autres priorités qu'ils recherchent en essayant d'économiser des bouts de chandelle comme cela, mais lorsque ces cas nous sont rapportés - parce que je me suis occupé énormément des centres d'accueil ici depuis 1976, autant dans la planification aussi que dans d'autres domaines - je suis assuré qu'à chaque plainte qu'il y a eu d'usagers de centres d'accueil, elles ont été acheminées aux bonnes places.

Je ne voudrais pas que cette commission, pour essayer de gagner un point arrive en disant que nous abolissons le droit de grève, qu'on se serve de cas particuliers comme cela. C'est de là que le mouvement syndical nous jugerait d'une façon incorrecte de jouer avec la sensibilité des Québécois de cette façon.

Cela dit, la décentralisation, il y a un organisme qui nous a proposé que la masse salariale, après qu'elle a été acceptée au niveau national proposée par le gouvernement soit décentralisée au niveau local pour application, que penseriez-vous de cela?

M. Neveu: Notre approche à la question de la masse salariale, nous pensons que c'est une responsabilité de l'État de fixer le niveau de la masse. Cela dit, que pourrait-on décentraliser en matière de rémunération? Décentraliser la répartition par titre d'emploi? Cela nous apparaît très difficile. On reviendrait à des situations où, géogra-phiquement, on aurait des différences importantes entre le salaire payé à une infirmière à un endroit et celui payé à une infirmière à un autre endroit.

Il y a un équilibre très important qui existe sur le plan géographique, mais un équilibre qui existe aussi entre les différents types d'emploi. On pense que les parties au niveau local risqueraient de compromettre cet équilibre, par exemple, entre le salaire d'une infirmière et celui d'une auxiliaire ou d'une préposée aux bénéficiaires. On pense que cela doit répondre à des paramètres nationaux. Pour cette raison, on ne pense pas que cela doit être décentralisé.

M. Laplante: Comme cela, vous pensez que cela apporterait beaucoup plus une surenchère entre les centres au point de vue du personnel et aussi au point de vue du service. Là-dessus, merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, un seul commentaire. Je ne peux m'empêcher de laisser passer le propos du député de Bourassa qui semblait vouloir 1° m'imputer des motifs et 2° m'adresser indirectement un reproche parce que j'ai fait référence à des cas.

Quand j'ai fait référence à des situations difficiles et pénibles vécues dans les établissements, le député aura très mal compris, s'il a compris que je voulais ainsi adresser des reproches ou blâmer les administrateurs. Au contraire, j'ai bel et bien indiqué que ces situations malheureuses de fait qu'on ne vit pas seulement dans un établissement, M. le député, mais dans plusieurs établissements du Québec et vous devriez faire le tour, c'est le résultat des coupures budgétaires. Deuxièmement, vous avez semblé vouloir laisser dire que c'étaient des cas isolés. C'est dans plusieurs cas. Je constate que vous avez dénoncé le fait de soulever des cas d'espèce et vous avez plongé immédiatement dans le même piège faisant référence au cas dans votre comté, la banane le soir. Les auditeurs seront à même de juger.

M. le Président, encore une fois, merci aux intervenants. Je pense que la semaine a été utile et profitable et on sera là mardi matin.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, je ne peux laisser passer non plus les commentaires du député de Portneuf. Je pense que je l'ai laissé aller pendant longtemps sur sa tentative de démontrer que s'il y avait des problèmes dans le secteur des relations du travail au Québec c'était uniquement à cause des compressions budgétaires. M. le Président, nous n'avons jamais nié que nous avions demandé un effort de rationalisation dans le réseau des services de santé au Québec comme dans les autres réseaux pour des circonstances économiques et budgétaires que le député connaît fort bien.

À partir de cas particuliers, d'essayer

d'en généraliser l'impact dans l'opinion publique en laissant croire qu'il y a une détérioration massive de l'ensemble des services de santé au Québec et, notamment, des centres d'accueil, je pense que le pas est trop vite franchi. Je voudrais lui rappeler, M. le Président... Je n'ai pas les chiffres avec moi; je suis convaincu que M. Dallaire pourrait nous dire combien de places ont été ouvertes dans les centres d'accueil depuis 1976. Mon collègue m'affirme qu'il y en aurait près de 5000.

M. Laplante: 7000 places.

M. Clair: Près de 7000 places.

M. Laplante: II n'y en avait pas avant. Il n'y avait que des hospices avant.

M. Clair: Environ 7000 places.

M. Pagé: Le monde a commencé à vivre depuis que la PQ est arrivé.

M. Laplante: Oui, c'est un fait.

M. Clair: Non, mais je pense, M. le Président...

M. Pagé: On va finir la semaine avec un degré de partisanerie. On serait mieux d'aller regarder la fin de la partie de hockey.

M. Clair: Non, mais, M. le Président, j'ai reconnu cette semaine, dans mon discours d'ouverture, la contribution du gouvernement du Parti libéral, à l'époque où il gouvernait, en matière de développement des services de santé. Je pense que ce n'est que justice que le député reconnaisse qu'en termes de places dans les centres d'accueil et dans les familles d'accueil, de ressources pour les personnes âgées en termes de services à domicile, il y a eu un développement très important au cours de dernières années, et je pense qu'il ne rend pas justice à la réalité en parlant de situations particulières qui, comme l'a indiqué le député de Bourassa, sont corrigées au fur et à mesure où on les voit et où on les découvre et qu'il a un peu exagéré et que si, justement, on ne veut pas terminer la semaine sur une note partisane, il devrait presque s'excuser d'avoir exagéré les faits ainsi et que ce n'est pas correct. M. le Président, c'était le commentaire que je voulais faire. On aura peut-être l'occasion d'y revenir la semaine dernière.

M. Pagé: La semaine prochaine.

M. Clair: Mais s'il pense que le Parti libéral a le monopole des choses correctes en matière de santé au Québec, on pourra en parler à nouveau, mais j'avais cru que ce n'était pas l'objet de la commission parlementaire.

M. le Président, je termine en remerciant le président de l'Association des centres d'accueil du Québec, M. Dallaire, ainsi que les personnes qui l'accompagnent d'être venus nous présenter leur mémoire. Je pense que cela a contribué à enrichir les parlementaires et sans doute la réflexion du député de Portneuf.

Le Président (M. Lachance): À titre de président, je voudrais remercier également les porte-parole de l'Association des centres d'accueil du Québec pour leur contribution aux travaux de la commission. J'ai remarqué que leur mémoire était particulièrement bien fait dans sa présentation ainsi que la clarté et la limpidité des propos qu'on y retrouve. Merci pour votre contribution.

M. Dallaire: M. le Président, je vous remercie. Peut-être que, du même coup, on aimerait ajouter une petite virgule, si vous le permettez.

M. Pedneault: Sans allonger le débat, j'aimerais faire une réflexion sur la fameuse question fondamentale qui a été posée des deux côtés concernant le droit de grève. Je pense que c'est la question qui, finalement, surprend le plus dans le mémoire. La discussion à l'intérieur d'une association comme la nôtre est très douloureuse, celle de faire un choix pour savoir si, dans un mémoire, on doit se prononcer contre définitivement ou si on doit aménager avec les formules proposées. C'est évident qu'on pourrait facilement passer de l'autre côté. Pour un radical comme moi qui est contre le droit de grève depuis des années, je souscris quand même à la position d'une association. Je vais essayer de dire pourquoi. C'est un peu de l'évolution à rebours qu'on fait actuellement. Des membres comme ceux des établissements de santé au Québec ont à vivre avec les gens qui sont les syndiqués tous les jours. Je pense que, dans le fond de leur esprit, ils gardent l'espoir que des solutions intermédaires, progressives finiront peut-être par leur faire comprendre qu'on est mieux de s'entendre que de se frapper sur la gueule. Je crois que si on souscrit encore à la formule du compromis, celle de ne pas enlever complètement le droit de grève, même si on est rendu en 1985 avec les excès qui ont eu lieu durant les derniers vingt ans, c'est la dernière chance que la société, son gouvernement et ses organismes sociaux offrent aux forces syndicales afin qu'elles ne puissent pas dire par la suite qu'on les a écrasées ou qu'on leur a enlevé le droit de négocier. Qu'elles saisissent une dernière chance de prouver qu'elles sont capables de s'entendre avec le gouvernement

ou les organismes patronaux. Si elles ne courent pas celle-là, M. le ministre, il n'y en aura pas d'autre, je ne le crois pas. La consolation qu'on aura eu de ne pas être assez radicaux, si cela réussit, on aura un consolation, on dira: On y est arrivé par la conviction. Sinon, on aura été tout simplement trop mou. J'ai peur qu'on soit trop mou, mais j'ai encore un espoir.

M. Clair: Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Pedneault. Merci, messieurs. Je voudrais, à ce moment-ci, informer officiellement les membres de la commission que la commission de l'Assemblée nationale a accepté, ce matin, d'entériner la motion qui avait été adoptée plus tôt par la commission du budget et de l'administration afin qu'une sous-commission se rende siéger à Montréal afin d'entendre la Coalition pour les droits des malades dont le porte-parole est M. Claude Brunet. La sous-commission du budget et de l'administration se tiendra le 8 février prochain, à 14 h 30, et l'endroit précis sera indiqué, à ce moment-là, à un moment ou à un autre de nos travaux la semaine prochaine.

Maintenant, j'ajourne les travaux de la commission du budget et de l'administration à mardi prochain, 5 février, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 30) , i i

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