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(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission du budget et de l'administration se réunit
avec le mandat de procéder à une consultation
générale portant sur l'avant-projet de loi traitant du
régime de négociation des conventions collectives dans les
secteurs public et parapublic.
Les membres de la commission, pour la séance d'aujourd'hui, sont:
MM. Leduc (Fabre), Bisaillon (Sainte-Marie), Biais (Terrebonne), Pagé
(Portneuf), Beaumier (Nicolet); Mme Dougherty (Jacques-Cartier) en remplacement
de M. Caron; M. Gauthier (Roberval); M. Ryan (Argenteuil) en remplacement de M.
Johnson (Vaudreuil-Soulanges); Mme Juneau (Johnson); MM. Lachance
(Bellechasse), Laplante (Bourassa), Polak (Sainte-Anne), Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce), Tremblay (Chambly) et Clair (Drummond).
M. Clair: M. le Président...
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre.
M. Clair: Je voudrais que vous trouviez le moyen de faire une
place dans votre liste à mon collègue, le député de
Joliette, ministre des Affaires sociales, pour la journée.
M. Chevrette: Pour l'avant-midi, en tout cas.
M. Clair: Pour l'avant-midi. Je ne voulais pas trop l'engager,
mais...
M. Chevrette: Je suis venu pour vous autres, messieurs.
M. Clair: Ah! Pour la journée...
Le Président (M. Lachance): II n'y a pas de
problème, M. le ministre délégué à
l'Administration. Habituellement, la façon de procéder dans un
cas comme cela, c'est tout simplement de permettre au ministre de s'exprimer.
Il est bien certain que, s'il y avait un vote, n'étant pas membre de la
commission, puisque le mandat de l'Assemblée, c'est qu'un ministre...
Compte tenu que le sujet actuel préoccupe ou concerne le ministre
délégué à l'Administration, ce serait le
ministre-député de Drummond qui aurait non seulement droit de
parole, mais droit de vote. Alors, notre collègue de Joliette...
M. Clair: Pourvu qu'il puisse s'exprimer, M. le Président,
le ministre des Affaires sociales ne m'a pas prévenu d'une date de vote
aujourd'hui.
M. Tremblay: Le ministre pourrait remplacer un
député membre de la commission.
Le Président (M. Lachance): II n'y a pas de
problème là-dedans. On ne se perdra pas en paroles inutiles. Cela
a bien été jusqu'à maintenant...
M. Tremblay: Ah non, non! C'est juste que...
M. Pagé: M. le Président, vous semblez vous
interroger à l'intérieur. Nous n'avons pas de problème que
le ministre des Affaires sociales viennent ici pour vous...
M. Clair: Je comprends que vous n'êtes pas placés
pour vous interroger entre vous autres. Vous n'êtes pas très
nombreux ce matin.
M. Pagé: Ah! On n'est pas nombreux! Vous allez voir, cet
après-midi. Ne soyez pas inquiets!
M. Tremblay: II est normal que nous nous interrogions. Nous ne
sommes jamais sûrs de posséder la vérité.
Le Président (M. Lachance): Ah bon! Cela est bien! Quelle
humilité!
M. Pagé: Les orthodoxes!
Le Président (M. Lachance): Je demanderais quand
même qu'on m'indique le nom du député ministériel
à remplacer. D'accord, le droit de parole.
M. Clair: Celui qui a le droit de parole...
Le Président (M. Lachance): Très bien! Il n'y a pas
de problème, M. le ministre des
Affaires sociales et député de Joliette. Cela va. Tour
à tour, aujourd'hui, nous entendrons les représentants de
l'Association des hôpitaux du Québec; cet après-midi, de 15
heures à 17 heures, l'Association des commissions scolaires protestantes
du Québec et, finalement, de 17 heures à 19 heures, la
Fédération québécoise des directeurs
d'école. J'invite immédiatement M. André Brousseau,
président de l'Association des hôpitaux du Québec, à
nous indiquer les noms des personnes qui l'accompagnent. Évidemment, je
souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association des
hôpitaux du Québec et je les remercie d'être venus en
commission parlementaire nous apporter un éclairage sur cet avant-projet
de loi. M. Brousseau.
Association des hôpitaux du
Québec
M. Brousseau (André): M. le Président, à mon
extrême gauche, M. Michel Cléroux, directeur des communications de
l'association, qui a une expérience très vaste dans le domaine
des négociations puisqu'il a participé à six
négociations; immédiatement à ma gauche, M. Claude Boutin,
directeur des ressources humaines, lui aussi fort d'une bonne expérience
de quatre négociations; à mon extrême droite, le Dr
Gérard Roy, premier vice-président de l'association, qui est
aussi directeur général du Centre hospitalier
Saint-François-d'Assise; à ma droite, M. Jacques Nadeau,
vice-président exécutif et directeur général de
l'association; il a été président du CPNAS au cours des
deux dernières négociations.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Brousseau. Tel qu'il
vous a déjà été indiqué probablement, on
apprécierait que votre exposé soit d'une durée de 30
minutes, si possible, de façon à permettre le plus grand nombre
d'échanges possible entre les parlementaires qui auraient à vous
poser des questions ou à vous faire part de leurs observations. M.
Brousseau, vous avez la parole.
M- Brousseau: M. le Président, M. le ministre
délégué à l'Administration, M. le ministre des
Affaires sociales, mesdames et messieurs, membres de la commission, nous vous
remercions de nous fournir l'occasion de vous exposer la position des
dirigeants de centres hospitaliers publics sur l'avant-projet de loi relatif
à la réforme du régime de négociation.
L'Association des hôpitaux représente, comme vous le savez,
les conseils d'administration des 200 hôpitaux publics du Québec.
Ces hôpitaux n'utilisent pas la formule Rand et sont libres
d'adhérer à l'association. Les conseils d'administration sont
composés de représentants socio- économiques nommés
par le ministre, d'un représentant d'un organisme
bénévole, d'un médecin, d'une personne du personnel
clinique, d'une personne du personnel non clinique, de représentants de
CLSC, de centres d'accueil et de CSS. Lorsqu'il y a des affiliations avec les
universités, il y a un représentant de l'université et
aussi, quand il y a des corporations, il y a trois représentants
provenant des corporations. Enfin, là où on trouve des internes
et des résidents, on y trouve aussi un représentant au conseil
d'administration. Tout cela pour vous dire que nous représentons, par le
truchement de nos conseils d'administration, une partie du public et,
personnellement, je n'oeuvre pas dans le réseau des affaires
sociales.
Tel que nous avons déjà eu l'occasion de le mentionner, la
démarche entreprise au printemps dernier par le gouvernement en vue
d'obtenir que les parties intéressées se prononcent sur les
aspects les plus fondamentaux de l'actuel régime de négociation
nous était apparue fort valable et nous tenons à souligner que le
document de consultation, alors soumis par le Conseil du trésor, nous
apportait une importante contribution tant par l'exposé des
problématiques qu'il contenait qu'en regard des orientations que l'on
pouvait en dégager. Nous nous en sommes largement inspirés pour
exprimer la pensée de ceux que nous représentons.
Comme on le sait, la main-d'oeuvre hospitalière se compose
d'environ 135 000 personnes, soit quelque 100 000 équivalents temps
plein, et le gouvernement consacre plus de 3 500 000 000 $ aux programmes de
santé dispensés par les hôpitaux. C'est donc dire que nous
sommes éminemment concernés par cette réforme puisque,
d'une part, le régime de relations du travail et le contenu des
conventions collectives influencent grandement les coûts ainsi que les
modes d'organisation et de distribution des services de santé et que,
d'autre part, c'est surtout dans les hôpitaux que se font sentir les
effets souvent barbares du rapport de forces qui s'exerce à l'occasion
des négociations.
Depuis que nous sommes confrontés aux excès de la
centralisation, chaque ronde de négociations, en particulier, la
question du droit de grève dans les hôpitaux, a donné lieu
à une multitude de débats qui indiquaient clairement que le
régime était contesté de toutes parts et que des
changements importants s'imposaient. Notre organisme a participé
à chacun de ces débats avec l'impression très nette que
l'influence du mouvement syndical était de plus en plus
déterminant par rapport aux positions exprimées par les
groupements comme le nôtre, alors que nous avions le sentiment de
refléter également l'intérêt de la
collectivité.
À ce sujet, il est utile de rappeler que l'étude
effectuée, dans le cadre de la présente démarche du
gouvernement, par MM. Jean-Claude Cadieux et Jean Bernier sur les
caractéristiques de notre régime de relations du travail par
rapport à d'autres pays industrialisés indique bien que le
Québec conjugue un maximum de droits syndicaux à un
mécanisme de négociation permettant aux pressions syndicales
d'avoir le maximum d'impact. C'est ainsi qu'à défaut pour le
gouvernement de faire les concessions qu'impose la situation, les conflits de
travail dégénèrent en conflits sociaux qui aboutissent
ultimement devant l'Assemblée nationale pour trouver leur
dénouement à l'extérieur des règles établies
au départ.
Depuis la première négociation provinciale qui, en 1966,
s'est soldée par l'intervention d'un tiers et la mise en tutelle de tous
les hôpitaux, gestionnaires et syndiqués ont progressivement perdu
le contrôle sur ces opérations gigantesques que sont devenues les
négociations pour la détermination des conditions de travail en
établissement et l'organisation des rapports entre employeurs et
syndicats. Alors qu'à une certaine époque notre organisme mettait
l'essentiel de ses ressources à contribution pour la conduite des
négociations et la réalisation de ses mandats, nous en sommes
maintenant au stade de vouloir y participer pour sauver les meubles et agir
comme conseillers sur les pouvoirs publics, quant à l'implication de
leur décision sur la gestion des établissements.
À commencer par la première, la plupart de ces
opérations ont donné lieu à des concessions excessives du
point de vue des administrateurs hospitaliers puisque, à chaque
occasion, se posait le problème du "prix à payer" pour maintenir
une paix sociale relative et éviter de compromettre la santé ou
la sécurité publique dans un contexte où la
désobéissance civile représentait une menace
grandissante.
Le recours incessant à des lois spéciales n'est
certainement pas une panacée, puisqu'il mine l'autorité
même de l'Assemblée nationale qui voit ses interventions
défiées, le plus souvent impunément. Dans ces conditions,
les conventions collectives ont pris l'allure d'annuaires
téléphoniques dans lesquels s'entasse plutôt mal que bien
l'histoire de 20 années de négociation au palier central.
L'organisation du travail dans les hôpitaux s'est modelée sur la
notion de poste et la compartimentation des fonctions et ce, à l'image
d'un taylorisme incompatible avec les notions modernes axées sur la
flexibilité, l'enrichissement des tâches et, plus globalement, sur
une conciliation des besoins organisationnels et individuels susceptible
d'engendrer des conditions plus satisfaisantes et une meilleure qualité
des services.
Parce que nous partageons les objectifs poursuivis par le Centre de
développement de la productivité dans le secteur public, notre
organisme s'intéresse activement à cette dimension des choses.
Nous réalisons jusqu'à quel point la souplesse et l'innovation
qu'exigent les avenues nouvelles se concilient mal avec le nivellement et la
rigidité des conventions collectives. La vie institutionnelle s'y trouve
organisée, réglementée et, de part et d'autre, l'on
consacre beaucoup d'énergie à se préoccuper
d'éventuelles irrégularités aux multiples dispositions des
contrats de travail qui pourraient faire l'objet d'une contestation, d'une
directive, d'un conflit, d'un arbitrage.
S'ils ont réussi à obtenir l'État comme
interlocuteur principal pour la détermination des conditions de travail
et la réglementation des droits de gérance, les syndicats ont
aussi contribué à la détérioration des milieux de
travail. Cette situation est démontrée de façon
éloquente dans les conventions collectives où s'illustre
l'incapacité de l'État à traiter la totalité des
problèmes qu'on veut lui faire régler sans tomber dans une
rigidité et une étroitesse incompatibles avec la
complexité et l'ampleur des difficultés à
résoudre.
Pour toutes ces raisons, nous nous réjouissons que le
gouvernement manifeste concrètement sa détermination d'apporter
au régime actuel des changements substantiels et c'est avec un certain
optimisme que nous avons considéré les modifications que propose
l'avant-projet de loi dont certaines vont exactement dans le sens des
orientations souhaitées par l'Association des hôpitaux du
Québec.
Il en est ainsi de la création d'un institut de recherche sur la
rémunération, du mode envisagé pour la
détermination des taux d'accroissement des salaires, des dispositions
relatives à l'intervention et au mandat d'un tiers aux paliers
sectoriel, local ou régional et, enfin, de l'organisation de la partie
patronale dans le secteur qui nous concerne.
Sur les composantes de la rémunération totale plus
spécialement, nous partageons entièrement l'orientation du
gouvernement à savoir que cette matière soit retirée du
champ des matières négociables pour être alignée
annuellement sur les conditions observées dans le secteur
privé.
Même si des discussions peuvent se tenir sur la distribution de la
masse salariale pour tenir compte, entre autres, de la protection des bas
salariés, nous sommes d'avis que l'exercice du droit de grève sur
ce qu'il convient d'appeler le "monétaire lourd" met en cause le niveau
de taxation des contribuables, la marge de manoeuvre du gouvernement et
même les priorités de l'État en matière de
développement social et économique. Quant à l'intervention
d'une
étape de médiation sur les dispositions normatives, c'est
également une mesure dont nous préconisons l'application et qui
nous apparaît susceptible de favoriser un règlement entre les
parties sur la base de recommandations rendues publiques. (10 h 30)
Sous réserve des observations plus spécifiques dont nous
faisons état dans notre mémoire et dont les membres de la
commission auront pris connaissance, trois dimensions de la réforme
proposée nous préoccupent d'une façon toute
particulière. Premièrement, nous aurions souhaité que le
gouvernement se retire du champ de la négociation pour s'en tenir
à son rôle plus fondamental de législateur, de gardien de
l'intérêt public et, enfin, d'arbitre ultime
d'intérêts divergents à l'occasion des négociations
pour le renouvellement des conventions collectives dans les secteurs
financés par l'État. Même si nous pouvons admettre que le
Conseil du trésor puisse exceptionnellement émettre des mandats
de négociation sur les sujets d'intérêt gouvernemental, il
nous paraît primordial que l'État, démocratiquement
mandaté pour exprimer et faire respecter la volonté collective,
soit en position pour s'affirmer lorsque l'intérêt national est en
cause et, pour cette raison, nous considérons que le gouvernement peut
difficilement être à la fois législateur et
négociateur, ou juge et partie, et qu'il y a lieu de lever cette
ambiguïté.
Tout en reconnaissant que l'État doive s'impliquer dans des
considérations qui relèvent davantage du contrat social dans les
secteurs public et parapublic, nous croyons toujours que l'entière
responsabilité des négociations devrait reposer sur des
comités sous-sectoriels selon un partage des juridictions qui tiendrait
compte, d'une part, des prérogatives ministérielles en ce qui a
trait à l'allocation des ressources et, d'autre part, du mandat
confié aux administrateurs hospitaliers quant à l'organisation,
la mise en oeuvre et l'administration courante des services de
santé.
Aux articles 15, 16 et 18, l'avant-projet de loi confirme, au contraire,
l'engagement gouvernemental quant à l'organisation des
négociations, leur déroulement ainsi que les enjeux qui y seront
débattus et ce, dans le cadre des mandats déterminés par
le Conseil du trésor. Il confirme également que les
comités patronaux sont placés sous la responsabilité
déléguée par le gouvernement au ministre sectoriel, ce qui
équivaut à dire qu'ils sont encore sous la tutelle
gouvernementale.
L'hypercentralisation a été identifiée par
plusieurs comme étant une lacune majeure de notre régime de
négociation et nous devons déplorer que, sur cet aspect, les
dispositions législatives présentement en vigueur soient
reconduites, puisque nous sommes toujours convaincus que c'est d'abord à
ce niveau que doit se concrétiser l'objectif de décentralisation,
à plus forte raison sur les questions normatives.
Dans les conditions présentes, l'expérience nous enseigne
que les organisations patronales sont difficilement en mesure de faire valoir
leur spécificité orga-nisationnelle et d'être
perçues comme des interlocuteurs valables, d'autant plus que les
centrales syndicales ont, depuis longtemps, pris l'habitude de transiger
directement avec le gouvernement. C'était notre premier aspect.
Le deuxième aspect sur lequel nous tenons à attirer
l'attention des membres de la commission concerne les négociations
locales et, plus spécifiquement, les objets visés par le
deuxième paragraphe de l'article 21.
Tout en convenant qu'il puisse y avoir entente au palier sous-sectoriel
pour se référer au niveau local des objets de négociation,
les administrateurs d'hôpitaux s'opposent à ce que soit ainsi
réglementée l'obligation pour les instances locales de
négocier une partie plus ou moins substantielle des conventions
collectives.
Nous considérons, en effet, qu'il est tout à fait
contre-indiqué et prématuré d'introduire par
législation une liste de stipulations à être
négociées localement. Comme nous l'exposons dans notre
mémoire et tout en considérant que la situation peut être
différente d'un secteur à l'autre, nous sommes d'avis que, dans
le secteur hospitalier, la décentralisation au niveau des
établissements doit être envisagée autrement à ce
moment-ci. Il nous apparaît essentiel qu'elle tienne compte de la
capacité pour les parties locales de l'assumer dans des conditions
favorables, si l'on veut éviter de compromettre une paix industrielle
relativement fragile dans plusieurs milieux.
Tout en étant attrayante en théorie, l'approche retenue
dans l'avant-projet de loi aurait comme conséquence probable de
générer une multitude de conflits locaux et d'alimenter ceux qui,
présentement, orientent encore leur action en fonction d'une conception
des rapports du travail basée surtout sur l'affrontement
systématique.
C'est là une perspective dont les effets seraient
évidemment moins spectaculaires qu'un conflit
généralisé mais dont les conséquences pourraient
être tout aussi néfastes, d'autant plus que le gouvernement serait
encore appelé à intervenir comme il le fait présentement
dans certains conflits illégaux et qui trouvent leur solution en dehors
des règles établies.
À partir des expériences récentes de
Saint-Ferdinand et d'Urgences-santé, nous ne croyons pas que cette
avenue serve les intérêts des bénéficiaires et de
ceux qui ont
pour mission de leur dispenser les services de santé. Comme
alternative nous tenons à faire valoir que dans bon nombre
d'établissements administrateurs et syndiqués ont pu convenir
d'ententes modifiant à plusieurs égards les stipulations
négociées au palier sectoriel.
Tout en étant illégales aux termes de la loi actuelle, ces
ententes ont généralement le mérite d'adapter aux
réalités locales l'application de règles et de
modalités déterminées au palier ou au niveau national.
À notre connaissance, de telles ententes n'ont pas comme
portée d'ajouter aux droits et obligations des parties sur des
matières réputées appartenir à des niveaux de
juridiction supérieure et nous estimons au contraire que, là
où les mentalités le permettent, les parties s'en tiennent
à des adaptations mutuellement satisfaisantes, en tenant compte de
l'économie générale des contrats de travail et en
observant les stipulations qui ont une portée générale
quant à leur application.
C'est précisément sous cet angle que doivent être
envisagées les négociations locales. À cet effet, la loi
devrait contenir une disposition explicite permettant aux instances locales de
disposer de la capacité juridique pour conclure des ententes,
contrairement à l'interdiction qui leur est présentement
imposée. Cette façon de concevoir un autre volet de la
décentralisation représente, à notre avis, une
étape essentielle du processus et, à ce point de vue, si
l'objectif est important, la manière d'y parvenir l'est
également. Pour cette raison, nous sommes convaincus qu'il n'y a pas
lieu de transférer au palier local des objets de négociation, du
moins dans le secteur hospitalier.
Enfin, notre troisième point concerne l'exercice du droit de
grève dans les hôpitaux, élément crucial de notre
système de relations du travail. Dans l'état actuel des choses,
le gouvernement s'en est tenu à des modification au régime de
négociation, tout en limitant l'exercice du droit de grève aux
seules matières négociées au palier sectoriel et en
conférant au Conseil des services essentiels des pouvoirs de
redressement dans le cas de certains conflits affectant les secteurs public et
parapublic.
L'opinion publique s'est déjà exprimée très
majoritairement contre la grève dans les hôpitaux et notre
organisme a fait valoir à de nombreuses reprises que, pour des
considérations essentiellement humanitaires, l'on ne devrait pas
tolérer qu'elle puisse s'y exercer. Toutefois, le retrait pur et simple
du droit de grève n'apparaît possible que dans la mesure où
le gouvernement est en position pour faire respecter ses lois et
qu'implicitement les syndicats respectent les règles
établies.
Jusqu'à maintenant, toutes les tentatives pour restreindre
l'exercice du droit de grève dans le secteur hospitalier se sont
avérées des échecs. Elles n'ont fait que démontrer
en ce domaine l'impossible coexistence du droit des citoyens et du droit des
syndiqués. Qui plus est, nous pouvons avancer que la
réglementation sur les services à maintenir en cas de conflit
produit un effet de camouflage quant aux réelles conséquences
qu'elle engendre pour ceux qui, de différentes façons et à
différents degrés, en sont les victimes anonymes. Refusant
d'admettre l'évidence, ceux qui sont en faveur du libre exercice de la
grève dans les hôpitaux affirment même que les
débrayages illégaux trouvent leur légitimité dans
le respect des droits syndicaux. Nous ne manquons pourtant pas de situations
pour démontrer les inconvénients considérables et, la
plupart du temps, anonymes qu'engendrent les grèves dans les services
les plus névralgiques.
Même si cet aspect de notre problématique sociale reste au
centre des préoccupations, il semble que, dans l'état actuel des
choses, la question importante n'est pas tellement de savoir s'il doit y avoir
retrait du droit de grève, mais bien de voir comment il est possible de
faire face à la désobéissance civile. D'un autre
côté, advenant que l'abolition du droit de grève puisse
être envisagée, encore faudrait-il lui substituer un
mécanisme de règlement des différends, même s'il
s'agit, à la limite, de l'intervention de l'Assemblée nationale
pour décréter les conditions de travail.
Quoi qu'il en soit, la volonté politique, telle qu'elle s'est
manifestée jusqu'à maintenant, visait à réglementer
l'exercice du droit de grève dans les services public et parapublic et
à lui faire perdre éventuellement sa légitimité.
C'est du moins le résultat constaté à travers les
législations des dernières années et, à ce sujet,
signalons le rôle confié au Conseil des services essentiels.
La dernière réglementation n'ayant pas encore
été promulguée quant à la partie applicable au
réseau des affaires sociales, il ne nous apparaît pas opportun de
refaire le débat de la loi 72 et de reprendre ici les arguments que nous
avions fait valoir pour assurer le maintien des services de santé. Qu'il
nous suffise de réitérer qu'il s'agit là d'un
problème fondamental que l'État doit considérer en
fonction du droit inaliénable de nos concitoyens et de nos concitoyennes
à la vie et à la santé.
La situation étant ce qu'elle est, nous nous en tiendrons, en ce
qui nous concerne, à faire des représentations pour que la
grève ne puisse s'exercer de façon significative et autrement que
d'une manière symbolique dans le secteur hospitalier. Si la
primauté du droit des citoyens à la continuité des
services doit avoir un sens, il est nécessaire que le mandat du Conseil
des services essentiels lui
permette d'interdire que la grève puisse s'exercer dans les
hôpitaux. (10 h 45)
Or, en vertu du mandat qui lui est présentement dévolu, le
conseil peut déterminer par règlement l'encadrement relatif
à la forme et au contenu d'une entente ou, à défaut d'une
liste, sur les services qui seront maintenus en cas de conflit. À ce
sujet, il serait donc important que le mandat du conseil soit clarifié
et précisé de façon qu'il puisse, à
l'intérieur même du règlement, statuer sur les services qui
devraient être obligatoirement maintenus dans les différentes
catégories d'établissements, à défaut de quoi la
primauté du droit des citoyens à la continuité des
services risque, dans les faits, d'être sérieusement
compromise.
Cette clarification nous semble d'autant plus importante que le
règlement doit être soumis à l'approbation du gouvernement,
lequel a comme responsabilité ultime d'assurer la sécurité
et la santé publiques. C'est à cette condition et à cette
seule condition que le débat sur le retrait pur et simple du droit de
grève dans les hôpitaux peut encore être
écarté. Sous réserve de l'ensemble des observations et des
recommandations contenues dans notre mémoire, voilà donc en
substance la position des membres de l'Association des hôpitaux du
Québec sur l'avant-projet de loi relatif au régime de
négociation en ce qui concerne le secteur des services de
santé.
Pour les fins des travaux de la commission, nous avons voulu nous en
tenir aux aspects qui nous paraissaient les plus importants. À
l'invitation du président du Conseil du trésor et, de ses
principaux collaborateurs, nous avons eu, au cours des derniers mois,
l'occasion d'échanger sur différents points de vue concernant
cette réforme. Nous sommes conscients que, dans un domaine aussi
complexe, aucune solution ne peut être simple et définitive
puisque le problème fondamental en est un d'attitude. En effet, peu
importe le cadre institutionnel dans lequel les relations du travail
évoluent, celui-ci ne fonctionnera pas si les parties ne prennent pas
leurs responsabilités et décident de ne pas respecter certaines
règles du jeu fondamentales, comme c'est le cas actuellement au
Québec.
Madame et messieurs les membres de la commission, merci de nous avoir
entendus et nous sommes à votre disposition.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Brousseau. J'invite
maintenant le ministre délégué à l'Administration
et président du Conseil du trésor à prendre la parole.
M. Clair: Merci, M. le Président. Je voudrais, dans un
premier temps, souhaiter la bienvenue a M. Brousseau, à M. Nadeau et aux
autres personnes de l'Association des hôpitaux du Québec qui les
accompagnent. Je voudrais les remercier non seulement de venir nous
présenter, aujourd'hui, un mémoire au nom de l'organisme qui
représente, je dirais, l'ossature de base des services de santé
au Québec, mais aussi d'avoir fourni, comme l'a signalé M.
Brousseau, à l'occasion de plusieurs rencontres avec moi-même ou
avec les gens de mon ministère, leur point de vue éclairé
quant à la préparation de cet avant-projet de loi dont une partie
semble refléter les attentes de l'Association des hôpitaux du
Québec.
Je pense qu'on peut conclure du mémoire qui est devant nous
aujourd'hui que, sur plusieurs des dimensions fondamentales en termes
d'orientation de l'avant-projet, nous avons l'appui de l'Association des
hôpitaux du Québec. Cependant, il est trois sujets soulevés
par M. Brousseau lui-même qui, semble-t-il, ne répondent pas tout
à fait, pour diverses raisons, aux attentes de l'Association des
hôpitaux du Québec. M. le Président, je voudrais aborder
deux de ces sujets, soit la question de la décentralisation des
négociations locales de même que la question du droit de
grève dans les hôpitaux. Je laisserai à mon
collègue, le ministre des Affaires sociales, le soin de
s'intéresser à la question du champ de la négociation,
puisqu'il a manifesté son intérêt d'obtenir davantage
d'éclaircissements sur cette question.
J'aborderai donc, dans un premier temps, la question des
négociations locales. Ce que l'Association des hôpitaux du
Québec nous propose, c'est, en quelque sorte, la possibilité
d'arrangements, soit, dans un premier temps, que le fondé de pouvoir
majeur soit le comité sous-sectoriel, avec peu de pouvoirs de la part du
Conseil du trésor, donc que l'Association des hôpitaux du
Québec soit le principal intervenant et que ce soit là le premier
pas de la décentralisation, soit d'aller vers le sous-sectoriel.
L'association nous met en garde quant aux conséquences que pourrait
avoir l'obligation de négocier au niveau local dans le réseau
hospitalier les trois grands thèmes qui étaient prévus
dans l'avant-projet de loi.
M. le Président, il me semble que cette prise de position est
surprenante compte tenu de plusieurs éléments. D'abord, je pense
que l'Association des hôpitaux reconnaît la prolifération
des ententes locales illégales dans le cadre actuel et, donc, laisse
entrevoir qu'il y a possibilité de négocier au niveau local. Il y
aurait d'autant plus possibilité de faire ces négociations si
elles étaient légales, puisqu'il y a déjà une
prolifération d'ententes locales illégales.
Deuxièmement, l'Association des hôpitaux du Québec
représente des institutions qui, dans l'ensemble, sont des institutions
de grande taille. Il ne s'agit pas
ici du réseau des CLSC ou de celui des centres d'accueil, qui ont
souvent un personnel d'encadrement réduit, mais, au contraire, des
institutions les plus lourdes, non pas au sens péjoratif, mais en termes
d'effectif humain, de ressources humaines, tant sur le plan des relations du
travail que sur le plan des salariés qui y sont impliqués.
D'autre part, il semble y avoir un peu une opposition avec le
mémoire qui nous était présenté la semaine
dernière par l'Association des administrateurs des services de
santé et sociaux qui, de son côté -représentant ce
qu'on pourrait appeler les directeurs et les cadres supérieurs de ces
établissements - est venue nous dire qu'elle était favorable
à la négociation locale. Voilà des faits qui,
jusqu'à un certain point, en tout cas, il me semble, militent fortement
en faveur de la négociation au niveau local. Nous sommes en face
d'établissements qui ont un grand nombre d'ententes au niveau local.
Nous sommes en face d'établissements de taille importante qui ont des
ressources humaines qualifiées en termes de possibilités de
négociation. Leurs administrateurs, qui sont sur le terrain à
tous les jours, nous indiquent qu'ils seraient favorables à la
négociation locale.
Finalement, je dirais que tous ceux qui appartiennent au réseau
de la santé et des services sociaux sont venus nous dire que si, dans
leur cas, il leur semblait préférable que la négociation
se fasse, dans un premier temps, au niveau sous-sectoriel avant d'aller au
niveau local, c'était parce que la convention collective du
réseau des affaires sociales était fondamentalement basée
sur le modèle hospitalier à cause du droit d'aînesse et de
la force de l'Association des hôpitaux du Québec, de l'importance
relative très élevée du réseau des hôpitaux
dans l'ensemble des services de santé et des services sociaux au
Québec. Vous devinez ma question: Pourquoi vous opposez-vous à ce
qu'il y ait une négociation obligatoire au niveau local quant à
des sujets dont l'ampleur est quand même limitée?
M. Brousseau: M. le Président, je vais commencer par
répondre au troisième volet de la question de M. le ministre sur
l'apparente opposition entre ce que nous avons dans notre mémoire et la
présentation de la fédération des cadres
supérieurs, la semaine dernière. Cela démontre,
finalement, que la situation des hôpitaux qui représentent les
conseils d'administration ne véhicule pas nécessairement la
position des cadres qui oeuvrent à l'intérieur des
établissements et que les conseils d'administration ont quand même
une démarcation entre les employés et les dirigeants ou les
administrateurs qui sont mandatés par la loi pour établir des
politiques de fonctionnement d'un établissement et rendre les
services.
M. Clair: II serait sûrement intéressant de savoir
quelles sont les prémisses qui sont différentes pour aboutir
à des conclusions différentes.
M. Brousseau: Les prémisses qui pourraient être
différentes, c'est que les conseils d'administration voient l'ampleur
des problèmes qui seraient posés à l'intérieur.
Deuxièmement, que les cadres supérieurs viennent dire qu'ils sont
capables d'y répondre, je pense qu'ils sont capables d'affirmer que les
établissements pourraient y répondre, pour autant qu'on leur
fournisse les ressources pour ce faire. Depuis 1966, les directions de
personnel dans les centres hospitaliers, dans les hôpitaux, ont
été beaucoup plus appelées à gérer des
conventions collectives et des décrets qu'à négocier des
conventions collectives, puisque le tout se faisait au palier central.
L'expérience et l'expertise au niveau local ne portent pas sur
l'ensemble d'une convention ou sur les articles très importants de ce
côté-là, mais on ne peut pas dire qu'ils ne sont pas
capables, évidemment, bien qu'il faille leur fournir
l'infrastructure.
Vous avez dit tantôt que les hôpitaux -parce que votre
deuxième question recoupait la troisième - regroupent des
établissements de grande taille et qu'il y aurait peut-être
là des ressources pour réaliser les objectifs fixés par la
décentralisation. Cela représente à peu près 30%;
les hôpitaux de grande taille représentent à peu
près 30% de notre réseau des affaires sociales. Il en reste
70%.
M. Clair: Qu'est-ce que vous entendez par "grande taille", juste
pour avoir le facteur discriminant?
M. Brousseau: C'est-à-dire des hôpitaux de la taille
de l'hôpital Saint-François d'Assise, de l'hôpital de
L'Enfant-Jésus, de l'hôpital Notre-Dame, de l'hôpital
Maison-neuve-Rosemont, enfin des hôpitaux de 300 lits et plus, où
vous auriez une infrastructure avec des services de personnel bien
équipés. Mais quand vous parlez d'hôpitaux où vous
avez 50 lits, l'infrastructure administrative est un peu à l'image,
mutatis mutandis, de ce qu'on retrouve dans les CLSC et dans les exemples qui
ont été cités la semaine dernière.
Il faut dire que, depuis 1966, on a géré des conventions
collectives et qu'on ne les a pas négociées assez, comme je vous
le disais tantôt. L'approche que nous privilégions est une
approche évolutive. Nous ne pouvons pas passer d'une formule très
centralisée, qui a pris 20 ans, à une approche très
décentralisée rapidement. Il faut y aller par étapes. Nous
préconisons, quant à nous, l'approche selon les désirs et
les besoins des membres. Cela causerait des problèmes
considérables dans certains milieux.
L'autre élément portait sur les négociations
locales. Vous avez formulé plusieurs ententes. Peut-être que M.
Nadeau voudrait ajouter quelques mots là-dessus. De toute façon,
elles sont inégales; donc, on ne les connaît pas. Ceci
étant, il y en a plusieurs.
M. Nadeau (Jacques-A. ): D'abord, M. le ministre, pour
compléter ce que vient de dire notre président, nous ne sommes
pas contre la négociation locale. Nous sommes pour la négociation
locale. L'idéal serait qu'éventuellement il y en ait le plus
possible au niveau local. Cependant, ce qu'on dit, c'est qu'on ne peut pas y
arriver demain matin. Il faut y aller par étapes.
Il y a deux façons, dans le cadre actuel, dont on pourrait aller
en négociation au niveau local. Premièrement, au niveau
sous-sectoriel, dans les comités patronaux, on s'entend sur un certain
nombre de matières qui pourraient aller au niveau local. Il y a
possibilité de s'entendre là-dessus, selon le climat qui existe
entre les parties, d'une part. C'est une façon d'arriver à une
négociation locale.
D'autre part, on peut permettre aux parties locales de modifier les
ententes qui ont lieu au niveau sous-sectoriel et de les adapter à leur
réalité, évidemment, sans changer la nature même des
clauses. On ne pourrait pas au niveau local, par exemple, décider qu'il
y a quatorze congés fériés quand on a décidé
qu'on en donne treize. Ce sont des choses semblables. Il faut que cela soit
dans le même ordre et de même nature.
Quand on va donner au niveau local la possibilité de faire des
ententes, il y en aura probablement plus qu'il n'y en a à l'heure
actuelle. Vous me dites qu'il y en a une quantité industrielle. Je ne
sais pas combien il y en a. Il est sûr qu'il y a un bon nombre
d'ententes. Comme elles sont illégales, les gens n'ont pas tendance
à nous en parler. Ils nous disent qu'il y a des ententes, mais si vous
me demandez demain matin combien il y en a... Est-ce qu'il y en a quinze ou
vingt par centre hospitalier? Je ne le sais pas. Je ne peux pas vous dire cela.
Je sais qu'il y en a. Il y en a probablement plus dans certains centres et il y
en a probablement beaucoup moins dans certains autres.
Je pense que tout cela est pour faire en sorte, comme le disait le
président, qu'on aille graduellement vers une négociation locale.
On ne peut pas demander à des gens, qui ont toujours eu comme mandat
d'appliquer les conventions collectives qui étaient
décidées pour eux ailleurs, de faire cela demain matin. On nous
remettait, ce matin, une liste de sujets qu'on n'a malheureusement pas eu
l'occasion de regarder, on ne l'a reçue que ce matin. Il y a environ une
trentaine de points... Je m'excuse, M. le Président.
Une voix: Vingt-neuf.
M. Nadeau: II y a 29 points qui pourraient être
discutés localement. Je vous dis qu'il y a des endroits où on
pourrait convenir que les 29 points pourraient être discutés et
qu'il y a des endroits où il pourrait s'en discuter seulement 3. Ce
qu'on veut, c'est que vous respectiez les parties au niveau local. Donnez-leur
la chance de le faire et, graduellement, elles vont le faire. On souhaite,
comme vous, qu'éventuellement le plus de négociations possible se
fassent au niveau local, mais prenons le temps de le faire. Cela fait 20 ans
qu'on centralise le régime; même si on prenait quatre ans pour le
décentraliser, je pense que ça en vaudrait la peine. (11
heures)
Un autre élément auquel vous avez touché un petit
peu et sur lequel je voudrais revenir, c'est celui de la
décentralisation. Vous disiez: On veut sortir le gouvernement du club
sectoriel, c'est-à-dire qu'on veut qu'il soit
décentralisé. Je veux bien préciser cela parce que c'est
important. On ne veut pas sortir le gouvernement; ce qu'on veut, au niveau
sous-sectoriel, c'est que le club puisse lui-même être responsable
de ses mandats. Le club patronal, c'est le ministère des Affaires
sociales et l'Association des hôpitaux du Québec. Si le
ministère des Affaires sociales a à discuter à
l'intérieur de l'appareil gouvernemental, c'est sa responsabilité
et il le fera. Il l'a toujours fait de toute façon. Cependant, le club
n'est pas obligé de se présenter devant le Conseil du
trésor, ce qui fait qu'il crée un climat tel que la partie
syndicale va nécessairement vouloir discuter avec le Conseil du
trésor. C'est ça qu'on veut éviter. On veut
décentraliser la négociation, on veut faire en sorte que ce
soient les autres parties, en bas, qui se parlent. Si on veut en arriver
à ça, le premier pas à faire, c'est de commencer à
faire en sorte que le Conseil du trésor ne soit pas responsable, comme
c'est mentionné dans le projet de loi, de tous les mandats
donnés. Qu'on parle de mandats où l'intérêt
gouvernemental est en jeu, je pense qu'on peut comprendre ça, mais
l'article 16 est beaucoup plus large, M. le Président. Donc, on ne veut
pas sortir le gouvernement, on veut travailler dans le club, avec le
ministère des Affaires sociales, mais on veut que le Trésor en
soit éloigné.
L'autre élément important qui fait de la
décentralisation, c'est sous l'autorité
déléguée du ministre. Cela donne encore au gouvernement le
monopole sur le club. On veut qu'on fasse une partie à
l'intérieur, un club avec le ministère, avec les associations
où chacun a ses prépondérances. Quand il y a des aspects
monétaires dans le normatif, on comprend que c'est le ministère
des Affaires sociales qui a la prépondérance. On
se donne des règles à l'intérieur de notre propre
club et c'est avec ça qu'on peut fonctionner. C'est ça qu'on vous
suggère. Si on veut en arriver à une décentralisation de
la négociation, pour nous, c'est le premier pas qu'il faut faire et
ça nous paraît impératif.
M. le ministre, ce n'est donc pas pour retirer le gouvernement, mais
pour faire en sorte qu'on travaille différemment.
M. Clair: Je vais essayer de faire rapidement, M. le
Président, parce que nous sommes deux collègues, ce matin, et je
voudrais laisser du temps au ministre des Affaires sociales. Je vais donc
aligner mes trois questions, sans préambule. Des ententes
illégales, au niveau local, ce n'est pas plus difficile a
négocier que des ententes légales. Ma question un peu
piégée est celle-ci: Finalement, est-ce que ça ne ferait
pas un peu l'affaire des patrons que les ententes soient illégales parce
qu'elles sont plus facilement dénonçables en tout temps que des
ententes légales?
Deuxièmement, en ce qui concerne les mandats au niveau du Conseil
du trésor: Dans la mesure où on sait qu'au niveau du
comité sectoriel ou sous-sectoriel il y a des matières à
prépondérance ministère des Affaires sociales et d'autres
à prépondérance patronale, publique, votre association...
Dans la mesure où il y a des sujets à prépondérance
patronale, sur ces sujets-là, vous vous donneriez donc vous-mêmes
les mandats, puisque de deux choses l'une: ou la prépondérance
patronale veut dire quelque chose ou elle ne veut rien dire. Si elle veut dire
quelque chose, ça veut dire, s'il n'y a pas autorisation
préalable, des mandats par le Conseil du trésor, que
l'association patronale se donne elle-même son mandat.
Troisièmement, dans la mesure où vous dites qu'il y aurait
des établissements prêts à aller vers la négociation
locale et d'autres qui ne le seraient pas, est-ce que vous seriez prêts
à accepter que ce soient les établissements qui décident
de l'endroit où les matières seront négociées, que
ce soit au niveau local ou au niveau sectoriel? Autrement dit, ce serait
l'établissement qui, de manière définitive,
déciderait s'il envoie les trois thèmes pour discussion au niveau
sous-sectoriel avec possibilité éventuelle, une fois l'entente
intervenue, de procéder à des arrangements locaux. Ou, encore, si
l'établissement X décide que la négociation sur ces
questions-là est au niveau local, à ce moment-là, ce
serait le processus prévu à l'avant-projet de loi. Seriez-vous
prêts à accepter cette hypothèse que ce soit
l'établissement qui décide du niveau où cela se passe? Ce
sont les trois questions.
M. Boutin (Claude-A): La première question, quant à
savoir si c'est plus difficile de négocier des ententes illégales
ou des ententes légales, en relation avec l'hypothèse qu'on fait,
à savoir que des ententes illégales, cela permet peut-être
aux établissements de les dénoncer éventuellement, je
pense que ce sont des situations qu'on a vues rarement. À ma
connaissance, c'est peut-être arrivé une fois de façon
assez évidente. Je pense que la question se pose difficilement ainsi. Ce
qu'on veut faire valoir surtout, c'est le fait que, dans la perspective
où on réglemente comme telles les négociations locales, on
impose aux parties locales de s'asseoir à partir du moment où la
négociation sectorielle ou sous-sectorielle est terminée. On leur
impose de s'asseoir et de négocier une trentaine de sujets ou une
trentaine d'aspects de la convention collective, avec tout ce que cela engendre
comme processus de négociation au niveau local en termes d'offres et de
demandes.
Il y a des aspects là-dedans qui sont possiblement
extrêmement conflictuels et il y a déjà, dans les
hôpitaux, dans plusieurs milieux, des problématiques de relations
du travail extrêmement importantes et une paix industrielle fragile,
comme on l'a signalé. Cela nous apparaît toute la
différence au monde que de réglementer, tel que l'avant-projet de
loi le prévoit, la négociation locale sur 30 sujets qui force les
parties locales, au lendemain de la signature d'un mémoire d'entente
provinciale, à s'asseoir et à négocier à la limite
pour les six prochains mois, sur la base d'offres et de demandes patronales et
syndicales, des contenus de convention collective. C'est une différence
importante.
M. Clair: Je vous rappelle simplement que le contenu actuel des
conventions au niveau local, ce qui serait décentralisé au niveau
local, le statu quo... En termes de contenu, il y aurait garantie du statu quo
et c'est à partir du statu quo que celui-ci pourrait évoluer
selon les mécanismes prévus, et en tout temps. Donc, ce ne serait
pas nécessairement un alignement pendant une période de six mois
tout le monde en même temps.
M. Boutin: On est très conscient de cela, M. le ministre.
Ce sont les parties qui devront et seront forcées de s'entendre,
finalement, à moins qu'elles ne demandent à un tiers, un
médiateur arbitre, de trancher le litige. Sauf que ce qu'on fait valoir
encore une fois, c'est que cela introduit une problématique de relations
du travail considérable au plan local, là où on n'est pas
prêt dans tous les milieux à l'assumer. On pense que cela peut
produire un gaspillage de ressources humaines éventuellement, alors que
notre approche permet de libéraliser les négociations locales sur
une foule de sujets
de la convention collective. Ce peuvent être d'autres aspects que
ceux qui sont prévus dans une liste de 30 points. Il y a peut-être
d'autres aspects que ceux-là qui font problème au niveau de
l'établissement, comme il y en a, là-dedans, peut-être
à 75%, qui ne posent aucune problème. Sauf que, du point de vue
syndical ou patronal, on pourrait avoir comme objectif de vouloir bonifier,
améliorer ces dispositions-là avec tout ce que cela engendre
comme problématique au plan local. C'est cela qu'on veut éviter
dans un premier temps, d'introduire au plan local une problématique
considérable de relations du travail, alors qu'on pense que les gens
peuvent fonctionner à leur rythme et convenir d'ententes, comme cela
peut se faire actuellement d'une manière illégale. Mais s'ils
avaient la capacité de le faire, on pense que, sur la base de relations
du travail plus ouvertes, les gens peuvent en convenir assez facilement.
L'autre aspect de votre question, M. le ministre, c'est quant à
la source des mandats sous-sectoriels. Il est sûr que ce qu'on envisage,
c'est que chaque catégorie d'établissements puisse, tel qu'on l'a
envisagé, sur des matières normatives, donc qui sont finalement
l'avis de l'établissement ou de chacun des établissements, donner
ses propres mandats, par consensus avec les représentants du
ministère des Affaires sociales, en ce qui nous concerne.
Évidemment, on sait pertinemment que, sur certaines matières, il
y a des objets qui vont devoir se négocier en cartel, donc au palier
sectoriel. Ces matières sont généralement celles qui se
réfèrent au régime collectif, donc à l'ensemble des
dispositions qui ont une portée plus grande que celles de
l'établissement comme tel.
Sur ce qui se négocierait au palier sous-sectoriel, on pense que
l'association d'établissements, à partir des mandats qu'elle
pourra obtenir de ses membres, serait en mesure de conduire ses propres
négociations, en collaboration avec le ministère des Affaires
sociales, et d'avoir la responsabilité de ses propres mandats, comme il
faut en convenir avec le ministère. Je pense qu'il y a là
suffisamment de garanties pour l'ensemble des intervenants que la succession
patronale ne proposera pas des choses qui pourraient
dégénérer en conflits majeurs, par exemple. Je pense que
les gens sont suffisamment responsables pour savoir qu'il y a là-dedans
des pronostics de relations du travail, des approches conflictuelles et qu'il
faut que les choses évoluent au rythme auquel elles doivent
évoluer.
Sur le troisième volet de votre question, finalement, qui est de
savoir si on envisagerait que l'établissement puisse décider
lui-même des objets qui pourraient être négociés au
palier sectoriel, j'imagine que vous pensez au...
M. Clair: À partir d'une liste déterminée.
Pas sur l'ensemble du contenu de la convention, mais à partir des trois
thèmes retenus, par exemple, que ce soit l'établissement qui
puisse décider s'il envoie cela, pour fins de la négociation,
à l'association patronale, donc au niveau sous-sectoriel, ou s'il dit:
Je vais m'en occuper, je le garde. Accepteriez-vous cela?
M. Boutin: Cela nous apparaît difficile de concevoir que,
pour les quelque 200 établissements, on puisse envisager qu'un
établissement puisse donner des mandats sur certaines matières et
non sur d'autres, avec les résultats que cela pourrait donner
éventuellement. Alors que, si on pense à la capacité
juridique pour les établissements de faire des négociations
locales par arrangements locaux, des dispositions de négocier à
un autre niveau, une fois qu'ils ont fait une entente sur une matière,
on peut imaginer que cela devienne leur propriété. Même si
éventuellement, par négociation triennale au plan sectoriel, il y
avait des modifications au canevas, donc à la convention provinciale,
les parties pourraient tout aussi bien convenir de conserver leur entente. On
pourrait penser que cela devient leur propriété ou leur clause
particulière, au niveau local, que cette disposition. Donc, encore une
fois, c'est une question évolutive qu'on avait déjà
envisagée, je pense, dans le cadre de nos discussions avec vos
représentants.
Il y a différentes façons de concevoir cela, mais on pense
qu'il faut disposer de l'essentiel de la problématique des
négociations locales au niveau même de la loi. C'est pour cela
qu'on pense que la loi devrait contenir une disposition explicite donnant aux
parties locales la capacité juridique de négocier des choses pour
adapter les contenus de convention collective à leur
réalité.
Une voix: M. Nadeau, avez-vous quelque chose à ajouter
là-dessus?
M. Nadeau: Oui. Pour bien sécuriser M. le ministre sur la
question du Conseil du trésor, quand vous dites que c'est le club, c'est
l'association patronale qui va décider. Il faut comprendre que
l'association patronale, c'est toujours, dans le cas des hôpitaux, le
ministère des Affaires sociales et l'Association des hôpitaux du
Québec. Ce qui veut dire que, s'il y a des matières à
l'intérieur de l'appareil gouvernemental qui doivent être
discutées, selon les règles que vous établissez, avec le
Conseil du trésor, il est bien évident que le ministère
des Affaires sociales va s'en assurer avant.
M. Clair: Mais c'est dans la mesure où il y a des
matières qui, après entente entre le ministère et l'AHQ,
par exemple, sont de
prépondérance patronale, c'est-à-dire de votre
prépondérance. À ce moment, sur ces questions, vous vous
donneriez vos propres mandats.
M. Nadeau: C'est cela. Mais cela existait avant.
M. Brousseau: C'est dans la loi 55, actuellement.
M. Nadeau: Cela existait avant et cela ne doit pas vous
énerver. C'est ce qu'on a fait avant. C'est vrai que cela ne se
conduisait pas toujours de cette façon.
M. Brousseau: À un moment donné,
l'intérêt gouvernemental venait...
M. Nadeau: C'était écrit.
M. Clair: Sans commentaire.
M. Brousseau: Mais c'est dans la loi.
M. Clair: C'était écrit comme cela?
M. Brousseau: Oui, oui. C'est écrit comme cela.
M. Clair: Je vais laisser mon collègue, le ministre des
Affaires sociales, continuer.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Affaires
sociales.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais tout d'abord
souhaiter, moi aussi la bienvenue aux représentants des centres
hospitaliers et vous dire que je vous suis sur au moins deux principes: tout
d'abord, quand vous affirmez avec assez de force qu'aucun droit, si
légitime soit-il, ne doit primer sur le droit à
l'intégrité physique et mentale d'un concitoyen. Je pense qu'on a
beau parler de droits fondamentaux dans une société, si on ne
faisait pas primer le droit inaliénable a la santé et à la
vie, on serait des malades nous-mêmes, et de graves malades.
D'autre part, dans un même souffle, il faut quand même
affirmer qu'on a l'obligation de chercher des moyens pour qu'une
négociation se situe dans un cadre de justice et d'équité.
C'est bien que vous l'affirmiez parce que j'ai regardé les
comptes-rendus de la semaine dernière - j'ai surtout eu la chance de
m'enquérir dans les journaux - et plusieurs affirmaient qu'ils sont
contre le droit de grève sans proposer d'alternative. 11 y en a d'autres
qui sont pour sans, cependant, proposer d'autres moyens de contrôle de
l'application de ce droit. Puis, il y en a d'autres qui ne sont ni pour ni
contre, bien au contaire. Vous en avez entendu à la
télévision en fin de semaine.
Cela ne va pas loin. On cherche. (11 h 15)
Ceci dit, au niveau de la recherche de solutions, je vais vous poser une
question, parce que votre phrase est plutôt évasive. J'aimerais
que vous apportiez des précisions. Les services essentiels qui satisfont
de façon significative les droits a la vie des
bénéficiaires en centre hospitalier et en centre d'accueil, vous
affirmez cela comme principe. Qu'est-ce que cela veut dire,
concrètement, pour vous? Je comprends que le Conseil des services
essentiels a un boulot à faire. Si vous affirmez une telle chose dans
une phase, de façon significative, quelle sorte de moyens concrets nous
suggérez-vous?
M. Nadeau: D'abord, je veux bien vous expliquer notre position
concernant le droit de grève. Cela fait longtemps que la population a
fait son lit là-dessus, que c'est né. Quel est le message qui
nous vient de la population? Ce n'est pas d'enlever le droit de grève,
c'est qu'on ne veut pas que la grève soit exercée; on ne veut pas
qu'il y ait une rupture dans la continuité des soins. C'est cela que la
population nous dit. C'est clair. Comment peut-on répondre à
cela? On s'est posé cette question à la AHQ. On a essayé
d'être pragmatique et réaliste, parce que c'est important, c'est
un débat crucial. On a dit: On pourrait décider d'enlever le
droit de grève. Qu'est-ce que le droit de grève a comme impact?
Cela suscite dans le monde syndical des passions énormes. Cela mobilise
le mouvement syndical, parce que, pour lui, c'est comme si le rapport de forces
venait de tomber. Il a toujours eu un rapport de forces plus grand que le
côté patronal, parce qu'on joue avec la santé des gens.
Lorsqu'un gouvernement était pris avec la santé des gens et le
choix à faire entre quelques demandes, qu'est-ce qu'il a fait par le
passé? Tous les gouvernements l'ont fait. Il a été
poigné pour donner.
C'est une controverse et cela va susciter un débat
extrêmement important dans notre société. Je pense à
ce que cela pourrait amener sur le plan social. On n'a qu'à regarder -
actuellement, on veut le retirer de la rémunération - ce qu'on
est en train de monter. Cela poigne le monde syndical - je m'excuse de
l'expression, mais c'est clair - aux tripes lorsqu'on parle de lui enlever le
droit de grève. Nous disons: N'enlevons pas le droit de grève, ce
n'est pas cela le véritable débat, dans le fond. Qu'est-ce que la
population veut? C'est qu'il ne puisse pas être exercé. Demandons
au Conseil des services essentiels - d'ailleurs, on aura l'occasion de discuter
du règlement à un moment donné - de faire en sorte que la
grève ne soit que symbolique, comme cela se fait dans les pays
européens, comme cela se fait en France, par exemple. C'est cela
qu'on veut, actuellement. J'ai rencontré un Français, il
n'y a pas tellement longtemps, qui me disait: Si, nous autres, nous faisions un
grève, comme cela se fait au Québec dans les hôpitaux, on
se ferait lyncher. "Symbolique", qu'est-ce que cela veut dire? Cela peut
prendre différentes formes, mais ce qu'il faut faire, ce sont des
manifestations quelconques qui fassent en sorte de sensibiliser la population
aux enjeux de la négociation. C'est cela qu'il faut faire, sans
perturber la continuité des soins.
On pourrait se dire: Si cela se fait -c'est votre interrogation - il n'y
aura plus de rapport de forces. Qu'est-ce qui reste du côté
syndical pour faire pression sur l'employeur pour avoir quelque chose? Je pense
qu'au Québec, ce n'est pas correct qu'on puisse dire cela. D'abord, il a
pas mal de moyens à sa disposition à l'heure actuelle. Le climat
de mobilisation qu'il y a au Québec ne peut pas nécessairement
exister en Europe, mais on a réussi à le bâtir avec les
années. Il existe encore, ce climat de mobilisation. Le syndicat est
capable de mobiliser les gens, on le sait.
Deuxièmement, il a des droits que peu de syndicats ont. Le
monopole de la syndicalisation, cela n'existe pas tellement ailleurs. Il a les
cotisations syndicales, la formule RAND. Il a la liberté d'action
syndicale et, on le sait tous, on la paie largement à même les
fonds de l'État. On finance même le règlement des
arbitrages des règlements de conflits.
Il y a, au niveau des mécanismes prévus, quitte à
en explorer d'autres - il y a moyen de le faire - la médiation. Elle
débouche sur un rapport qui est public. Donc, quand un rapport est
public, il faut, de part et d'autre, faire attention; il ne faut pas charrier.
Il y a déjà eu des expériences au Québec sur la
médiation. Il faut se rappeler le juge Simard en 1969... Elle avait
apporté un résultat intéressant. La formule
proposée par le Conseil du partronat: il y a un conseil d'arbitrage. Ce
sont des mécanismes qui sont regardables. Ce que je veux que vous
compreniez bien, c'est qu'il n'est pas vrai que cela vient de renverser le
rapport de forces complètement, de l'autre côté. Ils sont
encore assez forts pour faire jouer les engins.
M. Chevrette: M. Nadeau, vous me permettrez une intervention
là-dessus. J'ai déjà, moi aussi, une expérience
syndicale assez longue. Je me rends compte que le spectacle triennal auquel on
assiste depuis au moins 1960 est souvent causé par une mobilisation
d'application de contrat collectif et non pas par des négociations ou un
accroissement d'avantages au niveau des négociations. Je suis
persuadé que 75% de la motivation ou de la mobilisation sont
attribuables précisément au non-règlement des griefs en
cours de route d'application. On ne se parle pas. Même au niveau des
centres hospitaliers, cela fait deux mois à peine que je suis aux
Affaires sociales et je me rends compte que, dans certains hôpitaux, on
est à procéder à des réformes et on n'a même
pas assis devant vous les personnes responsables pour leur dire ce qui s'en
vient, comment on entend procéder. Pourtant, il y a une clause
spécifique dans les contrats collectifs de travail qui dit que,
lorsqu'on prépare une transformation quelconque au niveau de
l'établissement, on doit s'asseoir et analyser ensemble conjointement
l'application des modalités de transfert, d'aménagement
différent qu'il faut faire.
Cela est peut-être à la base même de toute la
question de la mobilisation, en tout cas pour un très gros pourcentage
des 2000 griefs accumulés, des 1500 griefs dans un seul
établissement d'accumulés. Ce n'est pas de nature à
préparer une négociation sereine et de bonne foi. Au niveau de la
base même de l'établissement dans le réseau des affaires
sociales, il manque ce dialogue, et il faut se le dire assez ouvertement et
assez honnêtement. J'ai tenté quelques expériences au
niveau des transferts des CLSC et des CSS et c'est drôle comme les
parties, à se parler pendant un seul avant-midi, ont réussi
à dire: Oui, on va prendre telle procédure de fonctionnement.
Tout le monde sortait de là heureux. Ils se sont parlé. Il y a un
manque de dialogue évident et de bonne foi au niveau des relations du
travail. Je qualifie les relations du travail comme étant des relations
humaines. Quand tu es capable de parler à un autre, c'est drôle
comme tu peux régler un tas de problèmes sans te ramasser en
arbitrage. Je vous écoutais parler tantôt, en disant qu'il n'y a
pas d'ententes illégales qui se signent. Dans certains centres
hospitaliers - vous ne le savez même pas - il y a au-delà de 100
lettres d'ententes non déposées au ministère du Travail
qui font foi de fonctionnement à l'interne.
M. Nadeau: On n'a pas dit qu'il n'y en avait pas, on ne sait pas
le nombre.
M. Chevrette: Ah! C'est ce que j'avais saisi. Je m'excuse! Mais
j'étais pour vous dire: II vous en manque un bout parce que, dans un
seul établissement, on pourrait peut-être vous en sortir 119
même, pour être plus précis. C'est pour vous montrer qu'il y
a des endroits où on se parle, il n'y a pas d'explosion. Il y a des
endroits où on ne se parle pas, il y a des explosions et, en cours de
route, en cours d'application, au seul centre hospitalier régional de
Joliette, il y a eu deux grèves illégales depuis que je suis
député. Il y en a eu une de trois jours, imaginez-vous, parce
qu'il manquait 5 $ par semaine à un cuisinier; 1200, 1300, 1400, 1500
personnes ont fait la grève trois jours
illégalement pour corriger le cas d'un cuisinier. J'avais le
goût de le payer de ma poche pour permettre, d'abord, à ces 1200
de ne pas perdre de travail et aux bénéficiaires et concitoyens
d'avoir droit à des services de qualité totale. C'est l'une des
clés: le dialogue de base.
Je voudrais cependant vous parler de la négociation locale. Vous
avez parlé de listes. Il est vrai qu'au niveau des Affaires sociales, on
n'a pas l'expérience de la négociation locale que peut avoir le
réseau de l'éducation. Vous avez entièrement raison
là-dessus. D'autre part, il m'apparait que de tout négocier au
niveau national et donner le choix de la réadaptation de certaines
clauses au niveau local, c'est de la bouillie pour les chats, si vous voulez
avoir mon expérience, parce que cela bloquera sur un point ou sur quinze
et les quinze points seront bannis alors qu'il y en aurait quatorze qui
auraient été extrêmement importants dans la vie, dans le
fonctionnement et dans les relations du travail à l'intérieur de
l'établissement comme tel. Quand on leur laisse la responsabilité
directe de négocier, ils n'ont pas le choix, s'ils ne s'entendent pas,
ils n'ont pas de contenu de convention collective. Ils ont l'obligation de
dialoguer.
Je pense que vous devriez réviser votre position là-dessus
et voir à l'établissement d'une liste; la restreindre au besoin,
si vous en avez peur, mais responsabiliser les parties. Si on veut
décentraliser au niveau de la négociation, il faut
responsabiliser les parties, ne pas leur donner le soin de faire des
arrangements locaux comme on en a déjà eus dans les années
1972 et 1973 où on assistait à des "shows" triennaux et que cela
continue. Je pense qu'il faut responsabiliser les parties, trouver un
mécanisme, cependant - et le médiateur arbitre en est une clef
-pour en arriver à un aboutissement. Mais si vous ne responsabilisez pas
les parties, quand bien même vous auriez une liste de 30 points, tout
sera boycotté. On ne signera rien alors qu'il y a 13, 14 ou 15 points
sur l'ensemble qui auraient aidé au bon fonctionnement, au dialogue et
au règlement des problèmes à l'intérieur de
l'établissement. Je pense qu'il faut aborder les problèmes d'une
façon pragmatique et ne pas penser exclusivement en fonction
théorique, quand on regarde la négociation. Je
répète qu'à mon sens, c'est une question de relations
humaines d'abord.
J'aimerais vous entendre sur mon affirmation quant à la liste.
J'aimerais que vous réanalysiez votre position. Il me semble important
de responsabiliser les parties dans un cadre de décentralisation.
M. Brousseau: Vous avez plusieurs questions, M. le ministre.
Concernant le dialogue et les relations humaines, je pense que tout le monde
convient que, lorsqu'on se parle, il y a moyen de s'entendre, il y a moyen
d'aboutir, avec des personnes de bonne foi, et je pense que le nombre
d'ententes, comme vous l'avez signalé, en fait foi.
Vous aviez un autre élément qui était la liste.
Vous avez insisté énormément sur la liste. Vous avez aussi
parlé des problèmes de griefs. Concernant les négociations
locales et concernant la liste, ne serait-ce que restreinte, j'aimerais que M.
Nadeau aborde cette première partie. Quant aux griefs, j'aimerais
revenir là-dessus.
M. Nadeau: D'abord, je vais reprendre, si tu le permets,
André, le premier élément, le dialogue au niveau local. Je
pense que c'est vrai qu'il est extrêmement important et je pense que
c'est vrai qu'il n'existe pas partout, pour toutes sortes de raisons, et qu'on
a, de part et d'autre, à le favoriser si on veut changer le climat.
Quand on dit que, quel que soit le régime qu'on implante, c'est d'abord
et avant tout une question d'attitude, c'est ce que vous touchez. C'est cela.
C'est l'attitude au niveau local qui doit changer.
D'un autre côté, les exemples que vous me donniez, par
exemple à Joliette, où on est sorti pour une prime au
chef-cuisinier que vous aviez presque envie de payer pour éviter ce
conflit, cela démontre aussi comment la paix, au niveau local, est
fragile. C'est fragile. C'est pour cela qu'on est inquiet de renvoyer au niveau
local un paquet de choses, une trentaine de sujets, parce que c'est fragile
à bien des endroits au niveau local. Si vous pouvez imaginer qu'ils sont
sortis pour 5 $, à même la liste qu'on a reçue ce matin, il
y a bien des sujets qui pourraient les faire sortir aussi là-dedans.
On n'est pas contre la négociation locale, on vous le
répète. On ne veut pas imposer aux gens 30 sujets à
négocier. Ce qu'on veut, c'est qu'ils décident eux-mêmes
pour arriver, dans quelques années, à ce que le niveau local
prenne à peu près tout, s'il le faut, sauf, évidemment, la
question financière. C'est l'objectif qu'on vise et ce serait
l'idéal. Évidemment, cela changerait bien des enjeux. Il y a des
négociateurs qui aimeraient moins cela, etc., sauf que, dans le fond,
c'est ce qu'il faut viser. Les parties qui vivent au niveau local, il faut
qu'elles puissent régler leurs relations du travail et voir comment
elles vont faire cela. C'est ce qu'il faut faire; c'est ce qu'il faut viser.
Dans le fond, dans votre projet de loi, vous voulez nous amener à faire
cela. On n'est pas contre cela; on dit: Ne nous emmenez pas tout de suite,
prenez le temps qu'il faut et on va réussir. Si vous ne prenez pas le
temps qu'il faut, on ne réussira pas.
M. Brousseau: Concernant les griefs, j'ajouterais ceci: II est
vrai qu'il y a de
nombreux griefs, mais vous avez parlé de responsabiliser les
parties. Si les griefs et les frais des griefs étaient payés par
les deux parties, il y en aurait peut-être moins que 1800 ou 2000. Lors
de la dernière négociation, nous avions demandé - ce
n'était pas la dernière fois - à plusieurs reprises que ce
soit une participation 50-50. Tant et aussi longtemps que ce sera l'employeur
qui paiera totalement les frais des griefs, vous allez avoir un "shopping list"
qui va justifier la présence et l'existence d'un certain nombre de
permanents syndicaux qui seront dégagés.
Il y a aussi une responsabilisation à donner de ce
côté, mais je pense que vous aviez raison quand vous parliez de
relations du travail et d'attitude. Nous avons insisté là-dessus
dans notre mémoire. Il faut changer les habitudes, les façons de
procéder; il faut se parler. C'est comme cela qu'on va trouver des
solutions, mais il faut y aller graduellement. C'est notre approche; elle est
pragmatique, réaliste. Donnons aux gens la chance de se rencontrer, mais
ne mettons pas en place la possibilité d'avoir 200 petits feux dans le
Québec au lieu d'une conflagration ou un gros feu tous les trois ans. Il
ne faut pas penser à cela, parce que le gouvernement va être
obligé d'intervenir chaque fois. (11 h 30)
M. Chevrette: Si vous laissiez tout au milieu local, comme vous
dites, au palier local...
M. Brousseau: Éventuellement.
M. Chevrette: Non, non, mais éventuellement. Vous dites:
Laissons les parties choisir les sujets, sur lesquels elles veulent
négocier. Le conseil d'administration, je ne sais pas, de Maisonneuve,
par exemple, décide d'amener à la table locale 20 sujets. Le
syndicat en veut 30. Là, je trouve que vous ne l'évitez pas plus
par votre formule. Ce n'est pas parce qu'on leur en impose 20 ou 15, ou bien
qu'on les laisse libre. Ils ne s'entendront même pas sur le nombre de
sujets au départ, d'une façon pratique.
Deuxièmement, si chaque hôpital fait cela, vous allez avoir
vos 200 feux pareil. Le dilemme - et ce n'est pas précis dans votre
mémoire, j'aimerais que vous le précisiez -c'est que vous ne
limitez pas tellement - en tout cas, à mon point de vue - les objets
à caractère local. Vous dites: Les parties changeront ce qu'elles
veulent localement et vous dites du même souffle qu'il y a des sujets,
comme disent les Anglais "border line", qui peuvent avoir une incidence sur un
palier national. Si on ne les définit pas, à plus forte raison,
et s'ils choisissent des sujets qui sont "border line", vous ne croyez pas
qu'il va y avoir encore beaucoup plus de feux?
M. Brousseau: Là-dessus, M. le ministre, on pense que,
quelle que soit la formule qui va être retenue éventuellement dans
la loi, cela ne comportera absolument aucune garantie. Cela dépendra
toujours de la bonne foi et des attitudes au niveau local. On pense que notre
formule ou notre proposition offre de meilleures garanties à ce point de
vue et, si on pense que les attitudes doivent évoluer et que les gens
doivent assumer éventuellement de façon positive leurs conditions
de travail, dans le sens de les adapter à leur milieu, on n'a pas
à leur donner l'obligation à ce moment-ci de négocier 33
sujets, mais de fonctionner à leur rythme, selon les capacités
qu'ils ont au niveau local de s'entendre. Dans beaucoup de milieux, c'est
possible. Ce n'est malheureusement pas possible partout, mais ce n'est pas par
une loi qu'on va régler cela.
M. Chevrette: Je vais essayer de terminer là-dessus...
M. Nadeau: M. le ministre, si vous me le permettez...
M. Chevrette: Oui.
M. Nadeau:... il faut aussi faire confiance aux parties
sous-sectorielles. Il n'est pas exclu - et vous semblez l'exclure -qu'on puisse
convenir là d'un certain nombre de sujets qui seraient discutés
au niveau local. Ce n'est pas exclu. Je comprends que cela va peut-être
être difficile la première fois parce que, tant du
côté patronal que du côté syndical, il y a des choses
qui partent et qui s'en vont et, là, c'est humain un peu, ces
choses-là, mais ce n'est pas exclu qu'on puisse convenir de choses qui
soient négociées au niveau local. J'espère qu'on va faire
un pas là. Je l'espère.
M. Brousseau: C'est pour cela qu'on dit que les parties "peuvent"
et non "doivent". Peut-être que, dans quatre ans, on dira "doivent".
C'est cela.
M. Chevrette: Parce que l'expérience dans le secteur de
l'éducation, quand on a négocié localement et comme les
points ne sont pas limitatifs... Qu'est-ce qui est arrivé en 1967-1968?
Bon! En 1967-1968, vous vous rappellerez qu'on négociait un endroit
où on était le plus sûr. J'étais négociateur
à l'époque. Je négociais à un endroit où
j'étais sûr et certain de faire ma percée et, comme je suis
le même négociateur de la même centrale, après avoir
fait ma percée à une place, je m'en vais à la
deuxième faire ma percée. Si vous ne délimitez pas le
champ d'action dès le départ et vous laissez ouvert
entièrement le champ de la négociation locale, vous ne risquez
pas de revoir des conventions collectives, du moins en ce qui
touche le normatif même lourd, remis en question dans la
totalité de la province.
Si vous faites confiance à vos conseils d'administration comme
association, pouvez-vou3 croire aussi que les syndicats vont faire confiance
à leur centrale? La centrale assume une cohérence autant que vous
autres et, comme vous le dites, vos associations sont libres d'adhérer
ou pas - selon les paroles du début de votre exposé à
votre association - alors que les syndicats, eux, sont regroupés dans
une centrale et savent très bien que c'est leur protection et leur
sécurité. C'est un peu différent de vous. Vous pourriez
vous ramasser avec trois ou quatre centres hospitaliers non affiliés
à votre association qui permettent la percée nationale et vous
seriez tout à fait déconfits devant cela. Pas vrai?
M. Boutin: Oui, encore une fois...
M. Chevrette: En tout cas, j'aimerais qu'on y
réfléchisse ensemble, le ministère et l'association, et
qu'on puisse peut-être cheminer dans un sens plus modéré.
Je ne suis pas figé dans le ciment en ce qui regarde les sujets, mais il
y a des inconvénients majeurs à prendre peut-être une liste
trop exhaustive. On pourrait peut-être s'entendre sur un minimum pour
bien clarifier les objets, responsabiliser les centres sur ces
objets-là.
M. Boutin: Oui. La difficulté, encore une fois, M. le
ministre, je pense que c'est d'établir une liste de sujets sur lesquels
il n'y aurait pas nécessairement de difficulté au niveau local.
On peut, à la lecture de la liste qu'on a vue ce matin,
considérer que sur un grand nombre de ces questions qui sont absolument
accessoires, qui ne visent pas des aspects comme ceux qui sont
mentionnés dans l'avant-projet, à savoir l'organisation du
travail, les droits syndicaux et les mouvements de personnel, la plupart n'ont
rien à voir avec cette dimension des choses. Cette dimension des choses
est la substance même des contrats de travail, lorsqu'on essaie
d'introduire des éléments là-dedans. C'est pourquoi on
pense qu'il est difficile d'imaginer une liste de sujets. On pense que les
parties locales ont déjà identifié leur
problématique en fonction de leur milieu et elles en jasent
déjà depuis un certain nombre d'années. On n'a rien
inventé. Cela fait déjà quelques années qu'on est
en relations du travail au niveau des établissements et les gens ont
déjà pris l'habitude de se parler d'une multitude de choses qui
posent des problèmes. Ce ne sont pas nécessairement celles qui
sont dans la liste, comme il pourrait y en avoir qui posent des
problèmes et qui ne sont pas dans la liste.
C'est pour cela qu'on pense que les parties doivent demeurer libres de
négocier à leur rythme des changements aux mémoires qui
seraient intervenus au plan sous-sectoriel.
Le Président (M. Lachance): Très bien. M. le
député de Portneuf, vous avez la parole.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier l'Association des hôpitaux du Québec pour leur
contribution à notre réflexion, ce matin. Merci, MM. Brousseau et
Nadeau et merci aux collègues qui vous accompagnent.
Vous représentez, comme le disait le ministre
délégué à l'Administration et responsable du
Conseil du trésor, M. Clair, un interlocuteur ou un groupe qui est
appelé à jouer un rôle important et même significatif
dans la démarche des établissements et dans les
négociations de conditions de travail, de rémunération et
de vie des employés de l'État et aussi, par conséquent,
évidemment, dans l'établissement et la détermination de la
qualité et de la quantité des services donnés à de
plus en plus de citoyens du Québec. On pense particulièrement au
problème du vieillissement de notre population, entre autres.
Votre mémoire, qu'on a reçu il y a quelques semaines, le
25 janvier, si ma mémoire est fidèle, indique des choses assez
claires. Vous souscrivez à plusieurs éléments de cet
avant-projet de loi et c'est intéressant. La dynamique est
intéressante. Cependant, je dois convenir moi aussi, tout comme les
collègues de la majorité, que la lecture de votre mémoire
m'a amené à conclure à certaines interrogations. Il
semblait y avoir une certaine dualité d'opinion sur certains aspects que
vous avez voulu traiter, notamment au niveau de la décentralisation.
Ce que nous retenons, nous, de notre groupe politique, c'est que vous
êtes d'accord, comme je le disais, sur plusieurs éléments
de cet avant-projet de loi. J'ai eu l'occasion, à l'ouverture de nos
travaux il y a déjà une semaine, d'indiquer notre
intérêt face à une telle démarche. Il y a des
règles du jeu qui doivent être modifiées substantiellement
par rapport à une situation trop conflictuelle qui perdure depuis trop
d'années. Cependant, j'ai eu l'occasion, au nom de notre groupe
politique, d'exprimer non seulement notre intérêt, mais aussi
notre surprise de constater que cet avant-projet de loi vient peut-être
un peu tard, parce qu'il vient après neuf ans d'administration du
gouvernement et dans une année qu'on qualifie d'électorale.
Malgré tout, malgré cet écueil, malgré le
fait que certains soutiennent ou peuvent soutenir que c'est tout d'abord un
avant-projet de loi, deuxièmement, qu'il est
possible qu'il soit réécrit et, troisièmement,
qu'il est possible qu'il ne soit pas adopté, malgré ces
considérations, l'exercice auquel nous sommes conviés depuis une
semaine se doit d'être mené à terme avec le plus
d'ouverture, le plus d'échanges possible. On doit tenir pour acquis que
ce projet est toujours susceptible d'être mis en vigueur
éventuellement.
Ceci étant, on doit retenir que vous êtes d'accord sur
l'établissement et la détermination des niveaux de
rémunération. On a eu l'occasion, à plusieurs reprises, de
traiter de ce point combien délicat, mais aussi combien important de
l'établissement des conditions de rémunération,
l'établissement des offres du gouvernement qui a une
responsabilité, comme gouvernement employeur, de se comporter en bon
citoyen corporatif, si je peux utiliser le terme, envers ses travailleurs et
ses travailleuses.
Il y a des choses intéressantes qui se dégagent: un bureau
qui sera appelé à établir des facteurs comparatifs non
seulement en regard de l'établissement de la détermination et de
la comparaison du travail effectué, mais aussi il y a des
éléments assez intéressants qui ont été
apportés en regard de la tâche et de la quantité de
personnes qu'il faut ici, au Québec, pour doter la population d'un
service donné par rapport à d'autres États ou à
d'autres provinces.
Je retiens que vous êtes en accord avec le principe de, la
décentralisation, quoique je doive retenir en même temps que vous
vous opposez à ce que soit ainsi réglementée l'obligation,
pour les instances locales, de négocier une partie plus ou moins
substantielle des converitipns collectives. De prime abord, ça semble
contradictoire.
En plus, vous ajoutez que vous souhaitez que le gouvernement se retire
de certains champs de négociation. Cet aspect-là, vous avez eu
l'occasion de le traiter avec le ministre. Vous y avez répondu; vous
nous avez très bien indiqué dans quelle perspective cette
dualité semble s'inscrire. On la comprend et on la saisit.
Vous souscrivez au principe du projet de loi voulant que le
législateur adopte des mesures favorisant le déblaiement du plus
grand nombre de problèmes possible avant les affrontements. Vous
souscrivez au principe d'une médiation qu'on peut qualifier de
préventive. Vous êtes bien au fait de la force que peut avoir, sur
les parties, le dépôt d'un rapport et nous sommes pleinement
d'accord avec vous que ces éléments du projet de loi sont
très intéressants et qu'on y souscrit parce qu'ils s'inscrivent
directement dans une démarche de règlement, finalement, des
conflits ou des différends.
Vous êtes d'accord pour les pouvoirs additionnels qui sont
conférés au Conseil des services essentiels. Là, vous
abordez, évidemment, la question très délicate et
très discutée du droit de grève dans les
établissements de santé au Québec. Je ne peux
m'empêcher de me référer aux commentaires que j'ai faits la
semaine dernière et de vous demander votre opinion en regard de certains
des aspects qu'on a soulevés. Je dois dire que, pour nous,
l'expérience et l'analyse, la lecture des négociations dans le
domaine de la santé, plus particulièrement depuis une vingtaine
d'années, commandent une révision importante et globale du
recours à la grève dans ce secteur.
Nous avons établi - vous l'avez réitéré,
vous y avez souscrit, le ministre des Affaires sociales lui-même, s'y est
référé ce matin et je l'apprécie beaucoup - que
dans une société comme la nôtre le droit de l'individu
à des services de santé, en regard de sa sécurité
et des services sociaux auxquels il a droit aussi, doit primer sur tout autre
droit qui peut être accordé à des groupes. Tout le monde
souscrit à ce principe. Il reste maintenant à voir comment cela
peut s'articuler.
Un autre élément intéressant qu'on doit retenir de
l'échange du ministre - ça va pleinement dans la perception qu'on
a de la dynamique interne - c'est lorsque le ministre des Affaires sociales
nous indique que, pour lui, 70% ou 75% des représentations syndicales
dans le monde, entre autres, de la santé, 75% des frustrations ou des
problèmes vécus dans ce secteur-là proviennent du
vécu quotidien de conventions collectives dans leur
établissement. Leur démarche, leurs représentations ne
s'appuient pas sur plus de salaire, de meilleures conditions de travail, plus
d'avantages marginaux, etc. (11 h 45)
C'est la perception que nous en avons aussi. Nous sommes convaincus que
les conditions de travail dans les secteurs public et parapublic sont
avantageuses et sont avantageusement comparables à ce qui se passe dans
le privé. Nous sommes convaincus, de plus, que les travailleurs et les
travailleuses en sont conscients, comme ils sont conscients de la limite de la
capacité de payer d'un État, comme ils sont conscients que le
gouvernement, comme employeur, a non seulement une obligation envers ses
travailleurs, mais qu'il a aussi une obligation envers la population, face
à laquelle un gouvernement, quel qu'il soit, est toujours tributaire au
niveau des services, et aussi face à la population en regard de
l'équilibre des finances publiques d'un gouvernement et de la marge de
manoeuvre qui peut s'en dégager.
On peut convenir que la fin de la décennie 1985 aura
été marquée - si vous n'êtes pas d'accord,
j'apprécierais bien que, sur chacun de ces éléments, vous
me fassiez
vos commentaires - qu'elle permettra au Québec, qu'elle devrait
permettre au gouvernement du Québec, quel qu'il soit... Je ne veux pas
tomber dans un cadre partisan ici, ce matin; ce n'est pas la place; on a trop
de respect pour vous. La fin de cette décennie devra être
marquée au coin d'une plus grande maturité de la part des
gouvernements et du gouvernement. Nous sentons et nous percevons autant de
maturité plus élevée chez les travailleurs et chez les
travailleuses et, à titre d'exemple, nous sommes bien conscients que,
dans le cas de Saint-Ferdinand d'Halifax, ce ne sont pas des centaines de
travailleurs qui ont fait une grève générale et, par
surcroît, illégale pendant plusieurs jours pour le plaisir d'en
faire une. C'est parce qu'il y a des problèmes à
l'intérieur des établissements.
Nous retenons, à l'exercice, que le recours au droit de
grève est devenu, finalement, dans le secteur de la santé, un
droit artificiel et il faut que tous les intervenants aient assez de - je
qualifie le terme de maturité; ce n'est peut-être pas celui qui
colle le plus, qui définit le mieux cette situation, mais quand
même... Il faut que tout le monde convienne que c'est un droit qui est
artificiel. À quoi bon pour les gouvernements de dire: Nous sommes
conscients que l'exercice du rapport de forces, le droit à la
négociation doit impliquer le recours à la grève?
Qu'est-ce qui est arrivé de l'utilisation de ce droit? Il suffit de
faire référence au nombre de lois spéciales qui ont
été adoptées depuis 20 ans à l'Assemblée
nationale du Québec par les différents gouvernements qui sont
passés, des lois qui, parfois, ont été très dures,
et tout récemment, on le sait, avec l'impact que cela a eu. Est-il
opportun, dans un système où le contentieux semble
érigé vraiment en système, de maintenir des structures
qui, elles aussi, finalement, ultimement, risquent d'être
artificielles?
Je m'explique. Je fais référence aux services essentiels.
Vous avez fait référence aux services essentiels et vous dites:
On souscrit, à défaut de l'abolition pure et simple, et tout le
monde s'entend sur le droit de grève. Vous dites - vous me corrigerez si
je me trompe - qu'il faudra que la réglementation entourant
l'établissement, la détermination des services essentiels et leur
maintien soit beucoup plus encadrée, beaucoup plus rigide et beaucoup
plus ferme. On discutait, jeudi soir, avec les administrateurs de centres
d'accueil, si ma mémoire est fidèle, et ces derniers convenaient
que leur souscription à ce principe était davantage tactique,
parce qu'ultimement, après l'établissement des services
essentiels, ce n'était pas grand monde qui pouvait avoir recours
à la grève.
Pour nous, c'est tellement devenu contentieux... Combien, en capital
humain, est investi pour préparer l'affrontement, plutôt que pour
le régler dans l'établissement, et les négociations sur le
maintien des services essentiels? On est allé tellement loin dans le
contentieux et l'affrontement systématique qu'aujourd'hui, c'est devenu
usuel de passer une bonne partie du temps dans la vie de ces gens dans les
hôpitaux, qu'ils soient patronaux ou syndicaux, à négocier,
"bargainer" la façon dont on va se chicaner en fin de course. Là
aussi, c'est un droit qui est artificiel. Ne serait-il pas plus opportun,
à la fin de cette décennie 1985, à la fin de cette
décennie des années quatre-vingt, de s'interroger sur
l'opportunité de continuer à jouer avec des règles qui,
finalement, sont fausses et artificielles? Nous sommes d'accord, cependant,
qu'il serait téméraire pour un gouvernement, quel qu'il soit,
d'affirmer purement et simplement son intention d'abolir le droit de
grève dans le secteur de la santé, de façon arbitraire, en
disant: C'est cela; "that is it, that is ail". Point final, à la
ligne.
Il faudra - et le gouvernement peut encore réviser sa position
à cet égard - que le gouvernement se convie, dans un premier
temps. J'aimerais bien vous entendre là-dessus parce que vous êtes
dans le milieu. C'est vous qui vivez cela quotidiennement. Ce n'est pas nous
ici, à l'Assemblée nationale. Je conclus là-dessus: II
faudra que le gouvernement accompagne l'abolition de ces dispositions d'une
évaluation exhaustive de ce qui... Comment cela va-t-il dans le
réseau? Il faut faire une évaluation des politiques
budgétaires. Je fais référence, entre autres, aux 75% des
problèmes ou des préoccupations des gens du milieu. Ce sont, bien
plus souvent qu'autrement, des transferts de postes, des coupures de postes et
des choses comme cela. Cela impliquera évidemment des
déboursés d'argent, mais les gouvernements ont à agir en
fonction de priorités et de choix et, pour nous, le domaine de la
santé... Je pense qu'on n'a pas à performer ou à indiquer
quoi que ce soit, les gens sont bien conscients que cela a toujours
été une préoccupation pour nous, plus
particulièrement comme suite de la loi 65, l'universalité des
soins de santé, les négociations, etc. Je ne veux pas m'embarquer
là-dedans.
Dans un premier temps, il faudra revoir ce qui se passe dans nos
établissements, l'impact budgétaire et jusqu'où toute
cette mécanique lourde, toutes ces clauses dites nationales avec les
effets que cela comporte dans les établissements, ce que cela a eu comme
impact. Finalement, beaucoup trop de monde se promène dans ces
réseaux. En administration, les administrateurs n'ont pas toujours la
conviction dans les établissements, entre autres dans les centres
d'accueil, d'avoir été associés à
l'établissement des conditions de travail. Dans
certains cas, ils sont finalement obligés de défendre...
Ils nous disent: On défend des choses, finalement, auxquelles on n'a pas
toujours été associés.
Je caricaturais, la semaine dernière, quand j'évoquais le
fait que, bien souvent, les administrateurs se promènent avec le grand
livre des normes et des limites budgétaires, des coupures, des
définitions de postes, définitions de tâches et des temps
limites. Les travailleurs, eux, doivent se promener, malheureusement, compte
tenu de la "conflictualisation" de cette situation, avec leur convention
collective et il y a bien des gens malheureux dans ces bottes. À partir
de ce constat, nous croyons qu'il est plus que temps qu'on s'assoie et qu'on se
parle - c'est important - avec les milieux des travailleurs, avec leurs
représentants syndicaux.
Dernier point, il faudra que le gouvernement dégage des moyens,
des mécanismes de règlement des différends qui seront
engendrés de façon définitive par de telles
négociations. On ne peut se permettre de la désobéissance.
On ne peut se permettre des grèves illégales, toutes
illégales. Il faudra que les mécanismes de règlement se
dégagent. Entre autres, quant à nous, nous pensons - on aura
l'occasion de l'expliciter aujourd'hui même dans un autre forum,
évidemment, plus partisan - que des paramètres de coûts et
de rémunération pour une quantité et une qualité de
services donnés dans le monde de la santé doivent être
définis. C'est le gouvernement qui doit en avoir l'initiative. C'est sa
responsabilité. Nous sommes assurés et convaincus que les
travailleurs, après des échanges utiles, après une analyse
rigoureuse de la situation qui leur est faite dans les établissements -
parce qu'on constate qu'il y a de plus en plus de travailleurs qui
épousent les problèmes de leur établissement en regard des
clientèles et des bénéficiaires...
Pour nous, le règlement de ces différends devra se faire
en fonction d'un arbitrage, purement et simplement, avec certains
paramètres budgétaires, cela va de soi, qu'on aura
justifiés dans le public et face à ces travailleurs. Le Conseil
du patronat s'est référé à un conseil d'arbitrage.
D'autres se sont référés à d'autres groupes, ont
fait référence à des formules particulières
d'arbitrage. Je dois convenir qu'en ce qui nous concerne nous sommes
particulièrement intéressés, quoique conscients de
certains écueils, par le principe de l'offre finale qui oblige chacune
des parties à aller le plus loin possible dans un règlement.
Comme on le sait, l'arbitre doit choisir un projet ou un autre en entier, mais
ne peut faire de modifications internes. Voilà la position qu'on a.
En terminant, vous me permettrez une parenthèse. Mon bon ami, le
député de
Joliette et ministre des Affaires sociales, a ouvert une
parenthèse tout à l'heure en faisant référence
à la prise de position que j'ai formulée au nom de notre groupe
politique et de notre chef, la semaine dernière. Il a fait
référence aux déclarations de la fin de semaine, entre
autres, de mon futur collègue, candidat dans son comté, M.
Corriveau, qui sera susceptible d'ajouter une contribution significative
à notre réflexion, et nous en sommes bien conscients. Je me
limiterai à lui dire, premièrement, que, lorsqu'il aura
l'occasion soit de relire les propos que je viens de tenir ou ses commentaires,
il constatera qu'il n'y a pas de différence entre mon opinion, celle que
j'ai émise au nom du parti, et la sienne.
En terminant, je me permettrai de lui dire que, jusqu'à
maintenant, le dialogue ici a été très
élevé, le moins partisan possible. Finalement, je ne me sens pas
menacé dans mon comté au point de me référer
à mes adversaires dans mon comté.
M. Chevrette: Sacrée pipe!
M. Pagé: C'est cela, la question.
M. Chevrette: Si j'avais eu à choisir, c'est lui que
j'aurais pris.
M. Pagé: Je reviendrai par la suite, M. le
Président, sur l'aspect de la décentralisation.
M. Brousseau: C'est presque une thèse de doctorat que le
député de Portneuf vient de nous présenter, M. le
Président; il y a tellement de questions, d'affirmations, que nous
partageons d'ailleurs dans bien des cas. Vous avez parlé, au tout
début, des conditions de travail avantageuses. Je pense que tout le
monde au Québec reconnaît que les conditions de travail qui sont
données à nos collègues employés dans les
établissements de santé sont très avantageuses. Cependant,
nous vivons, au niveau des établissements - c'est la dure
réalité, depuis 1975-1976, des compressions budgétaires
qui ont été très importantes. D'abord, ce sont des
compressions budgétaires énormes et difficiles aussi à
ajuster et à réaliser. Cela a rendu le climat très
instable, cela a amené un climat de travail insécure, même
si on a ajouté, à un moment donné, lors d'une convention,
la clause de sécurité d'emploi et de mobilité de 50
kilomètres. Il n'en demeure pas moins que tout ce processus de "bumping"
à l'intérieur des établissements...
Pour ne citer qu'un exemple, il y a un hôpital qui vient de
décider de ne pas rénover le système de buanderie, mais
plutôt de donner le contrat à l'extérieur. Cela touche 18
employés et tout le système. Même s'il y a eu de bonnes
relations, de
bonnes discussions et de bonnes informations, finalement, le syndicat a
refusé qu'il y ait entente, et c'est le processus de "bumping" qui est
appliqué. Vous comprendrez que, même s'il y a une
sécurité avec la banque réseau et tout cela, il n'en
demeure pas moins que cela pose des conditions très difficiles. C'est
toujours facile lorsque cela est appliqué ailleurs, mais lorsque c'est
appliqué à des individus qui ont une famille, une femme, des
enfants, cela pose des problèmes sérieux. Les conditions de
travail sont avantageuses. Cependant, les compressions budgétaires que
nous avons connues depuis à peu près neuf ou dix ans sont
extrêmement difficiles et rendent le climat instable.
D'un autre côté, il y a tous ces programmes
régionaux de complémentarité entre les services qui sont
offerts. On parle du réseau des affaires sociales, mais, selon l'opinion
d'un président et d'un membre d'un conseil d'administration et surtout
selon celle d'une personne n'oeuvrant pas dans le milieu, il n'y a pas encore
de véritable réseau comme tel. On est en train d'articuler le
réseau, mais il n'y a pas encore de véritable réseau.
Lorsqu'on oblige les gens à se parler, à se rencontrer et
à discuter, surtout à concéder, c'est difficile, cela pose
des problèmes. C'est un élément qui a joué
énormément.
Il y a aussi les changements d'orientation, les changements de
clientèle, le vieillissement de la clientèle. Cela a posé
des problèmes sérieux. On peut parler des centres hospitaliers
à soins prolongés, par exemple. 11 y avait auparavant des cas
assez légers, si vous voulez, et il y a maintenant des cas très
lourds. Il y a un ajustement à faire dans les catégories de
personnel. Il y a aussi le vieillissement de notre personnel, parce que, dans
certains centres hospitaliers, la rotation est très faible. Cela pose
aussi des problèmes sérieux. Nous avons aussi ce problème
en éducation. Le vieillissement du corps professionnel pose un
problème majeur dans certaines commissions scolaires. C'est la
même chose dans certains centres hospitaliers. Dans les grandes villes,
il y a peut-être une mobilité de personnel plus grande, mais dans
certains endroits où l'industrie "première", c'est le centre
hospitalier, il n'y a pas beaucoup de rotation, de mobilité de
personnel. Cela pose un problème de ce côté. On voit que
l'horizon est bouché, qu'il n'y a pas d'avancement, parce qu'il n'y a
pas de postes qui sont ouverts de ce côté.
Vous avez parlé de l'opportunité de continuer avec des
règles artificielles et fausses. À l'association des
hôpitaux, on s'est dit: On pourrait adopter, demain matin, une loi disant
qu'il n'y a plus de droit de grève, que c'est fini. Sauf que la question
fondamentale, qu'il y ait une loi ou un règlement, dans le cadre de la
loi 72 sur le Conseil des services essentiels, ce qui est important, c'est
qu'il y ait vraiment une volonté politique de faire respecter la loi ou
le règlement. Les gouvernements ont été fautifs
là-dessus - ce sont les gouvernements en tant que société;
en fait, c'est nous tous - parce qu'ils ont accepté, bon an mal an, pour
avoir la paix sociale, pour avoir une paix industrielle, de "pactiser" - entre
guillements - et de régler les problèmes.
(12 heures)
Finalement, on n'a pas pris les moyens. Il y en avait qui étaient
à la disposition des gouvernements; on n'osait pas les prendre dans tous
les conflits depuis une quinzaine d'années parce que c'était
aussi radical. On aurait pu prendre des moyens, mais on ne les a pas pris.
Demain matin, qu'on abolisse le droit ou qu'on arrive avec le règlement,
ce n'est vraiment pas une volonté politique de faire je ne dirais pas un
maître au Québec, mais de vraiment faire respecter les
institutions que nous avons, et l'Assemblée nationale, c'est notre
première institution, il va falloir y penser sérieusement parce
que nous sommes vraiment une société malade. Mais il y a - sur
cela, il faut être optimiste - un changement du côté des
mentalités. On sent le changement au niveau des individus, pas tellement
au niveau des groupes, mais au niveau des individus; il y a un bon nombre
d'indications de ce côté-là.
Nous nous disons que, si on réussissait à faire sortir de
nos moeurs la désobéissance civile, cela serait la plus grande
victoire sociale qu'on aurait remportée dans les dix ou quinze
dernières années, au-delà de tout ce qu'on peut avoir. Les
mécanismes peuvent être là, si on n'a pas une
volonté de les faire appliquer, on ne réglera pas le
problème.
Il y avait un point sur l'évaluation des politiques
budgétaires. Là-dessus, je ne sais combien de mémoires et
d'interventions l'association des hôpitaux a faites auprès du
ministère des Affaires sociales, auprès du Conseil du
trésor et auprès de toutes les instances pour que les politiques
soient révisées. Actuellement, au niveau du ministère des
Affaires sociales, un comité se penche sur toute la problématique
de l'établissement des politiques de financement; pour trouver des
incitatifs pour une meilleure gestion tout en respectant les juridictions qui
sont propres à chacun - cela est très important - afin d'aboutir
à des façons de gérer et à des règles qui
vont permettre une plus grande souplesse, une plus grande autonomie et
répondre davantage à des besoins concrets, immédiats. Mais
ce n'est pas facile parce qu'on part de loin. On est en train de le faire avec
le ministère. Un comité conjoint travaille là-dessus, mais
cela touche tellement de façons de procéder, de modalités,
que cela prend du temps. De ce
côté, il faut être optimiste et les informations que
j'ai sont qu'on s'en va vers une bonne piste. Évidemment, il y a toutes
les priorités sociales. On a un problème majeur au Québec:
on vieillit rapidement. Cela fait drôle de dire cela, mais on vieillit
rapidement. Où est-ce qu'on va trouver l'argent pour répondre aux
besoins? Cela est tout un problème.
L'arbitrage est une solution. Vous avez glissé tantôt sur
la recommandation du Conseil du patronat qui a avancé un conseil
provincial d'arbitrage, un conseil composé de personnes neutres et qui
ferait son travail du côté normatif, sectoriel et sous-sectoriel,
si le gouvernement envisageait, évidemment, le retrait du droit de
grève.
Vous avez parlé aussi de l'offre finale. L'offre finale est une
approche, mais on n'est pas dans le domaine de la production des boîtes
de tomates. On est dans le domaine de la santé. C'est tellement vaste,
tellement lourd de conséquences qu'il faut y peser presque tout ce qu'on
peut y mettre de ce côté-là. C'est un gadget qui est
attrayant, je vous le dis. On est toujours fasciné par ce qui vient du
Sud, mais il y a un peu de roulette russe dans cela. En tout cas, il faudrait
avoir une bonne réflexion sur l'offre finale dans le domaine des
services de santé. Je ne parle pas de la production dans une entreprise
où on a des boulons. C'est tout notre mode de distribution des services.
Est-ce qu'on peut se permettre de faire décider par quelqu'un d'autre
quelle sorte de services et la qualité des services on va fournir
à la population?
Le troisième élément, puisqu'on parlait d'y
substituer, si jamais le droit de grève était enlevé. Il y
avait le conseil provisoire, il y avait l'offre finale et il y avait,
finalement, la commission parlementaire et l'Assemblée nationale. On a
beau s'asseoir, on se vide rapidement dans ce domaine-là.
M. Nadeau, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Nadeau: Je voudrais revenir sur deux éléments
qu'a soulevés le député de Portneuf. La question de la
maturité est excessivement importante: la maturité des
gouvernements, la maturité des parties. Ce n'est pas que je veuille
tourner le fer dans la plaie, mais à Saint-Ferdinand d'Halifax la
décision qui a été prise, je peux vous dire que cela
démotive pas mal d'administrateurs qui essaient de prendre leurs
responsabilités et de jouer leur rôle de gestionnaires. Cela ne
fait pas mal seulement à Saint-Ferdinand d'Halifax, cela fait mai dans
l'ensemble du réseau. C'est encore une victoire de la
désobéissance civile.
Évidemment, je donne cet exemple, mais ce n'est pas parce que je
veux blâmer le présent gouvernement; cela s'est fait sous d'autres
gouvernements aussi. C'est un exemple que je vous donne pour illustrer le fait
qu'il doit y avoir une plus grande maturité. Il faut aussi que, du
côté syndical, il y ait une plus grande maturité parce
qu'ils ont fait cette grève illégale pour le problème
qu'ils avaient à régler. C'est toute une chose à
côté du problème qu'ils avaient à régler.
Cela n'a aucune commune mesure. Cela faisait un petit bout de temps qu'on
cherchait des feux et on en a trouvé un là. Maturité aussi
des deux côtés, je pense que c'est absolument essentiel.
L'autre élément auquel vous nous demandiez de
réfléchir, c'est l'abolition du droit de grève, parce que
vous nous indiquiez - et je pense que c'était assez clair; on a pu le
voir dans les journaux - que votre formation politique s'en va carrément
vers l'abolition du droit de grève. II y a une distinction à
faire entre la position de l'association et la position de votre parti
politique. Les effets devraient être, cependant, les mêmes. Nous,
ce qu'on dit, c'est que faire un débat pour abolir le droit de
grève, c'est un débat social énorme au Québec. Cela
peut nous mener à un chaos important. Si on en arrive plutôt
à faire en sorte qu'il ne puisse s'exercer que de façon
symbolique, comme cela se fait en France, et qu'on n'ait pas besoin de faire le
débat sur l'abolition du droit de grève, on pense qu'on va
arriver aux mêmes résultats sans soulever la
société. C'est une option, c'est un choix. Évidemment,
c'est l'avenir qui va nous le dire. Je ne dis pas que vous avez raison; je ne
dis pas que j'ai raison. Je vous dis que, nous, à ce moment-ci, on
préfère cela et on pense qu'on va arriver aux mêmes
résultats.
M. Pagé: Je vous remercie des commentaires et des propos
que vous teniez en regard des questions que j'ai soulevées. Je dois, M.
Brousseau, vous indiquer que, quand je me suis référé
à l'offre finale, j'ai bien insisté pour dire qu'il y a certains
écueils que nous sommes à examiner. Cela va de soi...
M. Brousseau: II y a des bémols...
M. Pagé:... mais, pour nous, il est clair, net et
précis que le cadre de règlement des différends dans ce
secteur devra passer par une formule d'arbitrage.
À propos de la décentralisation, vous avez proposé
quelque chose qui, de prime abord, semble assez intéressant, quand vous
vous êtes référé au club. Vous savez, le Conseil du
trésor est présent partout dans nos débats. Non seulement
dans nos débats, mais le Conseil du trésor est présent
partout dans la vie des citoyens. C'est peut-être méconnu, mais le
Conseil du trésor est là. Le gouvernement a une obligation,
évidemment. Si on part du principe que
l'établissement des niveaux de rémunération doit se
faire de façon ouverte, objective, à la suite d'une analyse
sérieuse et exhaustive, en même temps, cela doit être
accompagné -cela va de soi - des sommes d'argent, des piastres qu'on va
chercher par le biais des impôts et des taxes dans les poches des
citoyens. Une enveloppe budgétaire se doit d'être affectée
à la suite d'un débat, soit à l'Assemblée nationale
- une loi adoptée à l'Assemblée nationale ou une
consultation de l'Assemblée nationale avec les élus du peuple, il
y a un mécanisme à définir... En contrepartie, il faut
retenir que cela implique pour le gouvernement l'obligation de s'assurer du
suivi des paramètres budgétaires à l'intérieur des
négociations, à l'intérieur de toute cette
mécanique interne.
Vous dites: Donnez-nous donc la chance, au niveau local ou au niveau
sectoriel, de pouvoir s'asseoir, nous, avec le ministère des Affaires
sociales, lequel ira chercher ses mandats du Conseil du trésor, cela va
de soi, à l'interne. Vous mettez en relief un aspect de votre
vécu, c'est-à-dire que, dans le cadre actuel, la réaction
des groupes d'employés, des syndicats, c'est de négocier,
d'échanger avec celui qui décide, c'est-à-dire le Conseil
du trésor. Ne croyez-vous pas que la proposition que vous nous formulez
ce matin est exactement à l'inverse? Le rapport de forces serait
complètement modifié dans le sens que, dans le club, vous
êtes seuls avec le ministère des Affaires sociales. Tout le monde
est unanime à constater - ceux qui suivent cela de près - qu'il
sera beaucoup plus facile pour vous d'influencer celui qui a l'obligation de
donner des services à la population, c'est-à-dire le
ministère des Affaires sociales.
Je comprends, évidemment, que vous souhaitiez avoir à
régler vos différends internes, à régler toute la
dynamique de vos représentations seulement avec le ministère des
Affaires sociales parce que le ministère des Affaires sociales est plus
près de vous. Il est tributaire devant vous des politiques
gouvernementales, etc. En fait, la façon dont je le perçois - je
peux me tromper et vous pouvez me corriger - c'est que vous demandez de prendre
fait et cause dans une situation qui aurait, jusqu'à maintenant,
privilégié davantage le débat entre le Conseil du
trésor et les syndicats. Est-ce que je me trompe?
M. Brousseau: Oui, mais qui a des problèmes?
M. Pagé: C'est vous autres.
M. Brousseau: Bon!
M. Pagé: C'est le gouvernement.
M. Brousseau: Qui donne les services?
M. Pagé: Le gouvernement et vous autres.
M. Brousseau: Qui est sur la première ligne?
M. Pagé: C'est vous autres. M. Brousseau: Merci. Une
voix:...
M. Pagé: C'est nous autres. Des voix: Ah! Ah!
M. Pagé: C'est vrai. Pour le bénéfice de
ceux qui nous écoutent, le ministre vient d'indiquer: Qui écope
de tout? C'est le gouvernement. Cela va de soi, quel qu'il soit, de toute
façon.
M. Brousseau: C'est le huitième volet du mandat du
gouvernement, d'écoper de tout ce qui va mal.
M. Pagé: Ah oui!
M. Nadeau: En fait, on comprend que le Conseil du trésor
doive, comme vous l'avez bien dit, suivre la négociation. On comprend
bien cela parce qu'il y a une question d'harmonisation de secteurs et tout
cela. Mais suivre la négociation et dégager tous les mandats
normatifs de la négociation, ce sont deux choses. Nous, on dit: Les
mandats normatifs de la négociation, c'est à l'intérieur
du club. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas parler aux gens du trésor.
C'est parce qu'on veut vivre une décentralisation et on veut la vivre
comme il faut. On veut que les débats se fassent à
l'intérieur de notre club. D'ailleurs, on s'est toujours donné
comme règle dans le club des affaires sociales - je peux vous dire que
le passé est garant de cela - on a presque toujours, sauf sur des
questions d'intérêt gouvernemental vers la fin des
négociations - et cela, Cléroux pourrait vous en parler
longuement, il les a toutes faites et tout cela s'est fini avec
l'intérêt gouvernemental - mais sur un bon nombre de sujets, on a
réussi à faire un consensus. C'est la règle qu'on tente de
se donner. Je pense qu'à l'intérieur du club des affaires
sociales, on peut essayer au maximum de fonctionner par la voie du consensus.
Je comprends qu'il y aura des prérogatives sur le normatif lourd. Nous
irons au niveau du Conseil du trésor, mais la tendance des syndicats va
être de dire: C'est véritablement dans le club que cela se
décide et c'est avec le club qu'on va vouloir négocier. Le club,
c'est le ministère et l'association des hôpitaux. On pense que
cela va ramener cela là. Si cela ne devait ramener ça qu'au
niveau du ministre des
Affaires sociales, on passe encore à côté de la
décentralisation et on comprend à ce moment-ci, en tout cas, que
le ministre dirait: C'est la responsabilité du club et des parties, mais
il faudrait que cela en soit ainsi. Sans cela, on ne serait pas dans la
décentralisation. On retomberait dans le même "bag".
M. Brousseau: Dans le fond, en fait, le syndicat veut
négocier avec celui qui décide et si un certain nombre de
matières dans le partage qui est établi, c'est vraiment au niveau
du club où se retrouvent le MAS et les associations ou l'association des
hôpitaux au niveau sectoriel, c'est là que la discussion va
arrêter à ce moment-là. Autrement, on va vouloir aller
toujours plus haut et l'intérêt gouvernemental, à 2 heures
du matin, sur la fin, arrive et M. Cléroux pourrait vous donner des
façons de procéder à ce moment-là.
M. Nadeau: D'ailleurs... M. Pagé: Qu'on
connaît.
M. Nadeau: Oui, oui, c'est bien sûr. Rappelez-vous ce que
M. Larose vous a dit ici même: Nous, on veut négocier avec celui
qui décide. Nous, on dit: Celui qui décide sur le normatif,
amenez-le dans le club et il va négocier avec le club. C'est
légitime.
M. Pagé: Votre plaidoyer est bon. Votre argumentation est
bien fondée et logique. Je suis persuadé que tant chez nous qu'au
gouvernement, cela contribue à nous sensibiliser davantage à cet
aspect qui n'est pas négligeable au plan normatif.
Une autre question très spécifique concernant la
décentralisation au niveau local. Vous dites: On n'est pas prêt.
La concentration des efforts depuis plusieurs années au niveau des
établissements a davantage été portée vers le
vécu des conventions collectives, les problèmes de griefs qui
sont payés par la partie patronale uniquement et l'habitude est telle
qu'il serait difficile de s'asseoir et de négocier véritablement.
Ce n'est pas ce qui a inspiré... Ce "trend", si je peux utiliser le
terme, n'a pas inspiré les relations entre les parties au niveau local
depuis quelques années. Vous dites: Laissez-nous du temps. C'est
intéressant. Vous êtes sur le terrain; nous n'y sommes pas. Je
suis persuadé que toute démarche de décentralisation de la
part du ou des gouvernements quels qu'ils soient devront tenir compte de
cela.
J'aurais une question très particulière. À la
lumière de votre expérience, est-ce que votre association a fait
des analyses en termes de coût sur la disposition en vertu de laquelle
les griefs sont assumés par la partie patronale seulement? Le Conseil du
patronat et d'autres y ont fait référence antérieurement.
La lecture que j'en fais personnellement, après avoir eu à
rencontrer certaines personnes d'établissements, c'est que, dans
certains cas, il devient nettement moins contentieux et plus facile de
régler finalement en payant purement et simplement, en penchant la
tête en disant "that is it!", on paie et on règle plutôt que
d'enclencher un mécanisme d'arbitrage comme tel du grief et une
décision. Enfin, tout cela s'accumule.
(12 h 15)
M. Nadeau: M. le député de Portneuf, je ne peux pas
vous dire combien cela coûte. Je sais que cela coûte cher. Ce que
je peux vous dire cependant, c'est qu'il y a un paquet de coûts qui ne
sont pas évaluables. Cela aussi coûte de l'argent à la
société québécoise. Quand l'arbitrage est
payé par l'employeur, au lieu de discuter des problèmes, souvent
on dépose un grief. Cela affecte beaucoup la mentalité et la
maturité dont vous parliez tantôt. Cela change tout le contexte
des relations du travail au niveau local. Si on avait à payer un
arbitrage de part et d'autre ou si c'était le perdant qui le paie, on
s'assoirait pour le régler avant d'aller en arbitrage. Comme c'est
toujours l'employeur qui le paie, souvent on ne s'assoit pas, on va en
arbitrage et on prend une chance. Si on le perd à un, on a
peut-être une chance de le gagner ailleurs mais cela ne nous coûte
pas un cent. On peut prendre des chances comme cela.
Mais ce qui coûte cher, c'est tout le climat, c'est la
façon dont se déroule la gestion. II y a des administrateurs qui,
parce que cela va leur coûter 2000 $ ou 3000 $ pour aller en arbitrage,
ne prennent pas les décisions qu'ils devraient prendre et ils paient.
Cela coûte cher à la société
québécoise et ce n'est pas évaluable.
M. Pagé: Merci. Je n'ai pas d'autres questions, M. le
Président. Peut-être que mes collègues... M. le
Président, vous avez noté la présence de mon
collègue de Marie-Victorin, M. Pratt.
Le Président (M. Lachance): Certainement, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: D'accord. Merci.
Le Président (M. Lachance): En remplacement du
député...
M. Nadeau: À cette question, M. le Président, M.
Cléroux apporterait un commentaire.
M. Cléroux (Michel): Je voudrais ajouter un commentaire
sur ce que M. Nadeau vient de mentionner. Je vais vous donner un exemple
très concret de ce qui s'est passé
dans un hôpital de Montréal, il n'y a pas longtemps.
À la suite d'une grève illégale d'une journée dans
un hôpital de soins prolongés de 150 employés,
l'hôpital a suspendu les 150 employés en leur enlevant une
journée de salaire. Évidemment, 150 griefs furent
déposés. On a commencé par deux. Évidemment, les
griefs ont été gagnés par l'hôpital et il s'est
produit ceci: le syndicat a rencontré l'employeur discrètement et
lui a dit: Écoute! on en a perdu deux; on sait qu'on va peut-être
perdre les autres, sauf qu'on va te proposer le "deal" suivant: tu nous donnes
5000 $ et on s'arrange avec le paiement des salaires qui ont été
enlevés; sinon les 150 griefs qui vont coûter entre 8000 $
à 10 000 $ à l'employeur vont procéder un par un. C'est le
genre de dilemme qu'un administrateur d'hôpital peut rencontrer. C'est un
exemple tout à fait véridique et concret. C'est peut-être
moins connu mais ça montre, lorsqu'on parle de l'arbitrage payé
totalement par l'employeur, où ça peut mener.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Affaires
sociales.
M. Chevrette: Là-dessus, M. le Président, il y a
beaucoup de griefs, mais très peu sont auditionnés cependant. On
va au moins en parler pour établir les coûts parce que cela
pourrait avoir l'air astronomique aux yeux du public de parler de coûts
de griefs payés. Je ne veux rien défendre, mais je veux donner au
moins les ordres de grandeur. On me dit qu'il y a environ 14 000 griefs dans le
domaine des affaires sociales comme tel et on en auditionne 500 par
année. Nos chiffres ne correspondent pas cependant à ce que vous
venez d'affirmer. Le coût du grief à l'unité est de 2500 $
et non pas 8000 $ à 9000 $ si on fait une moyenne. C'est un ordre de
grandeur qu'il faut quand même donner de sorte que ça fait quelque
1 000 000 $ en ce qui regarde le réseau des affaires sociales. On me dit
que les deux réseaux, éducation et affaires sociales,
coûtent quelque 2 500 000 $ par année en termes d'arbitrage. Par
rapport au nombre de griefs, le problème, c'est qu'ils ne sont pas
auditionnés.
Ceci dit, je voudrais vous amener sur le terrain de la
désobéissance civile et tâcher d'entendre vos remarques par
la suite sur une proposition. Dans les cas de désobéissance
civile, l'employeur a le réflexe de pénaliser un petit groupe
d'individus ou de vouloir donner des leçons à un nombre restreint
d'individus pensant que cela aura un impact sur le groupe. Que penseriez-vous
d'un projet de loi qui voudrait civiliser l'utilisation d'un droit de
grève, empêcher la désobéissance civile et qui
pourrait prévoir une pénalité collective automatique dans
le cas de désobéissance civile ou de l'utilisation
illégale d'un droit?
M. Nadeau: Quand vous dites "collective" vous voulez dire chaque
salarié?
M. Chevrette: Chaque salarié, parce que
théoriquement, avec la formule Rand et l'obligation d'adhérer
à un syndicat, qu'il aille voter ou non il est responsable de la
décision majoritaire. C'est donc le voeu d'une majorité, d'autant
plus que le droit de grève est un vote secret. Je veux juste vous
demander votre réaction face à une telle mesure.
M. Nadeau: Je ne sais pas, M. le ministre, si c'est la solution
qu'il faut trouver. Ce que je sais cependant, c'est que c'est draconien. Si on
veut arrêter la désobéissance civile, il faudra être
draconien. C'est évident que les mesures qu'on prendra devront
être très dures parce que, actuellement, les mesures qu'on a
prises n'ont pas enrayé ça. Donc, si le gouvernement veut faire
respecter ses lois, il lui faudra agir très sévèrement.
C'est malheureux à dire, mais il n'y a pas d'autre solution à
ça.
Ce que vous préconisez, c'en est une formule. Il y en a d'autres,
mais c'en e3t une.
M. Chevrette: Je fais une hypothèse et je vais vous dire
pourquoi. On rencontre un bon nombre de syndiqués qui sont en
grève et qui nous disent: Je suis contre ça. On lui demande:
Es-tu allé voter? Il dit: Non, les dés étaient
pipés. Mais les dés étaient pipés, cela a
voté à 55%. Si vous en rencontrez 45% qui ne sont pas
allés voter sous prétexte que les dés étaient
pipés, mais ils étaient contre, ce n'est plus le portrait
réel. Je ne suis pas porté à respecter tellement celui qui
vient me dire: Je ne suis pas allé voter, mais j'étais contre. Je
lui dis: Vous aviez votre droit fondamental d'aller voter; vous êtes donc
aussi responsable que celui qui est allé et qui a voté pour, si
vous étiez contre et si vous n'y êtes pas allé. Si vous
voulez responsabiliser l'équipe, l'unité, l'entité
juridique, il me semble qu'au lieu d'attribuer la pénalité qui,
bien souvent... En tout cas, j'ai remarqué que, là où on
s'attaque à l'individu, dans bien des cas, il y a une réaction
collective, parce qu'ils disent: Oui, on est un peu responsable; il y a 7, 8,
9, 10 ou 15 personnes, nos collègues, qui sont dehors alors qu'on a pris
une décision majoritaire de poser tel geste, et qu'on n'est pas punis,
nous. Si on voulait responsabiliser l'unité, on saurait au moins... Je
ne dis pas que le moyen que je lance comme hypothèse en est un, mais
j'aimerais qu'on réfléchisse collectivement là-dessus pour
essayer de trouver des mécanismes quelconques pour
responsabiliser l'ensemble de l'unité, de sorte que les gens
seraient conscients que, quand ils posent un geste, c'est comme équipe
qu'ils le posent et la pénalité serait collective comme
équipe. C'est dans ce sens-là que je voulais avoir surtout vos
commentaires.
M. Boutin: C'est une mesure, M. le ministre, qui est certainement
de nature à permettre que les salariés participent de
façon beaucoup plus majoritaire aux décisions qui sont prises
à l'occasion des votes, que ce soit sur un sujet ou sur l'autre, il n'y
a pas de doute. C'est d'ailleurs pour cela que, dans un dernier mémoire,
on préconisait que la tenue des votes de grève, pour être
valide, soit prise par une majorité de salariés, donc au moins
50%. Toute mesure qui permettrait que la grande majorité des
salariés s'expriment, compte tenu des implications qu'une
décision peut avoir en ce qui les concerne, éventuellement
à l'occasion d'une grève illégale, c'est certainement une
mesure qui paraît intéressante.
M. Chevrette: Je n'irais pas sur le nombre. Il y a des
présidents de commission scolaire qui sont élus avec 5% du vote
et ils représentent la population en général ensuite. Je
ne pense pas qu'on puisse rattacher cela à un pourcentage. C'est
responsabiliser l'individu qui sait ce à quoi il s'engage en y allant ou
en n'y allant pas. C'est son droit le plus strict de se prévaloir d'un
droit de vote ou pas. Mais il me semble qu'il doit être conscient des
répercussions qu'il encourt comme collectivité, comme groupe,
ensuite, tout comme dans n'importe quelle structure. Une entité
municipale qui ne respecterait pas la réglementation et le Code
municipal est passible... collectivement. Il y a même des recours
maintenant contre le maire, contre le secrétaire-trésorier, parce
qu'ils ont posé un geste en assemblée publique. Cela pourrait
être la même chose: responsabiliser l'équipe comme telle.
Quand un conseil d'administration d'un centre hospitalier ne respecte pas des
directives fermes et que cela s'en va vers une débandade, il y a un
pouvoir ultime accordé au ministère des Affaires sociales de mise
en tutelle. Il y a donc une substitution de gérance à ce moment.
On va d'ailleurs se parler de cela. Par exemple, un délinquant qui
dépasserait une enveloppe budgétaire prévue pour
l'administration de son hôpital et qui s'en fouterait éperdument,
qui défoncerait de 6 000 000 $, 7 000 000 $, on sait très bien
que c'est la collectivité québécoise qui paierait en bout
de course parce qu'un conseil d'administration peut démissionner au
complet mais la facture est assumée par l'État, donc les
contribuables québécois par la suite. Il va falloir se parler de
cela à un moment donné. Quand on passe de 20 000 000 $ de surplus
à 80 000 000 $ de déficit, il ne faudrait pas laisser faire cela
longtemps, n'est-ce pas? C'est dans un franc dialogue qu'on va en discuter et
qu'on va trouver des solutions à cela.
M. Brousseau: J'aurais une première réaction
là-dessus, M. le ministre. Je vous dirais qu'il faudrait définir
ce qu'est un délinquant. Il faudrait aussi établir quels sont les
critères qui...
M. Chevrette: C'est une expression tout aussi péjorative
que le club patronal. J'aimerais mieux que vous disiez équipe.
M. Brousseau: Oui, équipe. Mais il faudrait aussi
établir les paramètres ou les critères qui nous
conduiraient à établir qu'un établissement X, Y, Z est
considéré comme délinquant.
Dans votre approche tantôt concernant la pénalité
collective, en fait, vous reliez cette "pénalité collective" -
entre guillemets - au fait qu'il y a des avantages provenant du groupe comme
tel. S'ils ont des avantages, ils ont aussi des inconvénients. En fait,
vous voulez "forcer" - entre guillemets - toujours un peu la démocratie
syndicale. Je veux dire qu'il y a des avantages et des intérêts,
mais vous allez y aller et vous allez vous prononcer.
Il y a cet élément qui est un peu, pas mal, radical. Il y
en a d'autres aussi qui ont été avancés lorsqu'il y a eu
des problèmes majeurs. Il y a la désacréditation qui a
été soulevée; il y a eu aussi le problème de
l'abolition de la retenue syndicale. Cela n'a pas été
appliqué, mais ce sont des éléments qui ont
été soulevés et qui ont de l'impact. Tout cela
mérite d'être regardé, étudié et
discuté.
M. Nadeau: M. le ministre, concernant votre dernier point de nous
associer à des problèmes de délinquance, je voudrais vous
dire que si vous voulez nous associer à des problèmes de
délinquance, associez-nous aussi beaucoup à l'allocation
budgétaire avant.
M. Chevrette: C'est comme on fait présentement avec le
comité dont parlait votre président tantôt. Donc, vous vous
êtes déjà associés.
M. Nadeau: Si cela aboutit sur des résultats, M. le
ministre...
M. Chevrette: Oui. On va même avoir les causes
structurelles des déficits dans les hôpitaux, n'est-ce pas? On
n'aura pas que les recettes pour gonfler les budgets dans cela. On va avoir les
causes. On va se demander également dans ce comité... Vous savez
très bien qu'on va découvrir qu'il y en a avec les mêmes
budgets qu'un autre hôpital même
avec des soins, des services accrus. Cela nous fait découvrir des
choses intéressantes. Je pense qu'on pourra se parler d'une façon
intéressante lorsqu'on aura ce rapport.
M. Nadeau: J'imagine qu'on ne découvrira pas seulement des
endroits où des gestionnaires ne font pas leur travail, mais qu'on en
découvrira où ils font un excellent travail aussi.
M. Chevrette: C'est exact. Je l'espère.
M. Nadeau: On pourra parler de tout cela.
M. Chevrette: De toute façon, une société
est composée des deux groupes, c'est clair.
Pour revenir à la négociation, vous avez parlé,
tantôt, en répondant à la question du député
de Portneuf, de la clarté des mandats. Cela m'a amené à
vous dire: On veut tellement que ce soit clair, qu'on veut identifier le palier
de responsabilité. M. le président disait: II faut que les
mandats soient clairs, sans équivoque, si on veut vraiment
négocier d'une façon correcte à chacun des paliers. Vous
avez même ajouté: M. Larose est venu ici nous dire: Je veux parler
à celui qui décide. Donc, M. Larose voudra parler avec le
gouvernement et avec le réseau, avec l'équipe patronale du
réseau de ce qui regarde le pécuniaire, parce qu'il sait que ce
sont les gens qui décident. Il voudra parler des objets à
caractère national, avec la structure au niveau national.
Une voix: L'équipe. (12 h 30)
M. Chevrette: L'équipe. J'ai dit: "la. structure". Ce
n'est pas si mal. C'est moins péjoratif que "club". Il voudra parler
également avec l'autorité locale, puisque vous admettez qu'il y a
un palier de décision local. Il voudra parler des sujets qui sont bien
identifiés au niveau local. C'est là que je voyais l'importance
de la discussion. Même s'il fallait réduire... Je le
répète, je ne suis pas borné ou gelé dans le ciment
en ce qui regarde les objets, mais si on veut vraiment identifier le
décideur, il faut vraiment identifier les objets sur lesquels le
décideur a un pouvoir. S'il a seulement une possibilité ou une
capacité de décider, mais qu'il n'a pas la pleine
responsabilité, je ne crois pas qu'on puisse répondre au voeu que
vous formuliez, à savoir de bien identifier celui qui a le pouvoir de
décision et de lui laisser les pouvoirs réels. Cela, ce serait
une véritable décentralisation. Il y a une certaine contradiction
dans vos propos quand vous affirmez qu'une véritable
décentralisation réside dans le pouvoir de décision ferme
et que vous dites: Pas tout de suite, on n'est pas assez grands garçons
encore - vous parliez de maturité - pour laisser toutes nos
institutions. Moi, je suis prêt à faire confiance à toutes
vos institutions.
M. Brousseau: II n'y a pas de contradiction, M. le
ministre...
M. Chevrette: Non?
M. Brousseau:... sauf qu'on dit: On va y aller par étapes.
On est pour la décentralisation, mais on ne veut pas faire
d'indigestion. On va y aller tranquillement, selon nos moyens, selon nos
ressources, selon notre vécu, selon nos traditions, selon les habitudes
qu'il va falloir corriger. Nous aussi avons des habitudes, bonnes ou mauvaises,
qu'il va falloir corriger; il y a des mentalités à changer. C'est
dans ce sens qu'on dit: Nous sommes d'accord pour qu'il y ait une
décentralisation pour aller au niveau local. Cependant, on veut y aller
par étapes. Il y a un grand principe du côté médical
qu'on a souvent servi au ministère des Affaires sociales et cela a
été ignoré - j'ai l'impression que, parfois, on a perdu
son latin - qui est "primum non nocere", D'abord, ne pas nuire. On ne voudrait
pas que certaines mesures soient entreprises pour nuire. On va y aller par
étapes et, graduellement, on va arriver à des solutions. Mais je
voudrais que M. Boutin ajoute quelque chose là-dessus.
M. Boutin: Je pense que je vais...
Une voix: Primum non nocere, D'abord ne pas nuirel
M. Brousseau: II faut dire que cela m'a été
glissé par mon premier vice-président qui est d'abord
médecin. C'est toujours le naturel qui revient.
M. Boutin: Ce qu'on voulait préciser, M. le ministre... Je
ne sais pas si le fait d'identifier - c'est le sens de votre question - les
matières sur lesquelles les parties locales auraient la capacité
de décider seulement à ce niveau et non pas à un autre
niveau situera déjà là où la décision peut
se prendre. Je pense qu'on arrive essentiellement aux mêmes
résultats sauf qu'on n'introduit pas la problématique à
laquelle je faisais référence tout à l'heure. Ce qu'on
dit, c'est d'autoriser d'abord les parties locales à faire des ententes,
ce qu'elles n'ont pas la capacité de faire actuellement et, du
même coup, cela va leur donner l'autorité pour le faire. Je pense
que les syndicats, au niveau local, sauront très bien qu'ils peuvent
discuter valablement avec des gens qui sont mandatés pour prendre des
décisions sur des objets de négociation locale.
M. Chevrette: Mais je voudrais vous poser une sous-question. Il
va y avoir des appétits très différents si je me base sur
votre argumentation: Laissons-les aller au gré de leur appétit
pour ne pas faire d'indigestion. Je vais prendre exactement votre comparaison.
À supposer qu'un centre hospitalier a un appétit vorace et que
les administrateurs veulent retoucher l'ensemble des clauses pour les
réadapter et que vous vous ramassiez avec des conflits
d'interprétation - vous savez pertinemment qu'il y a des clauses qui ont
une incidence les unes sur les autres - avec un paquet de griefs
d'interprétation et qu'on arrive en grief débouté - vous
savez ce que c'est que de se faire débouter sur un grief parce que
c'était de nature provinciale qu'on n'a pas nettement identifié -
comment concevez-vous une formule qui va permettre qu'il n'y ait pas de conflit
d'interprétation si vous ne limitez pas le champ de la
négociation? Un champ de négociation, cela se détermine.
Si vous le laissez tout aussi vague qu'il peut même aller sur le champ
d'application négocier l'adaptation d'un champ qui est
négocié à un autre palier, ne risquez-vous pas de
dénaturer les objets mêmes de négociation?
M. Boutin: Si vous permettez, M. le ministre, là-dessus,
je pense qu'on part quand même d'une réalité très
concrète qui est celle du contenu actuel de nos conventions collectives,
de l'historique de 20 années de négociation au palier central. On
amorce un virage qui nous amène éventuellement à permettre
aux parties locales de prendre charge progressivement, d'une façon un
peu plus substantielle, des contenus des conventions collectives. On ne pense
pas que du simple fait d'introduire par législation cette
capacité juridique de faire des ententes locales ou des
négociations locales à leur rythme, du jour au lendemain, elles
vont vouloir renégocier l'ensemble des conventions collectives, bien au
contraire. On a déjà un encadrement extrêmement important
dans les conventions collectives. On en a une par législation. Il y a
aussi une foule de communications qui sont adressées tant par le
ministère des Affaires sociales que par les associations,
établissements et les organisations syndicales. Les gens vont avoir
encore cette préoccupation de fournir aux instances locales
l'éclairage qu'il faut pour qu'elles puissent fonctionner à
l'intérieur de règles qui doivent être respectées.
On va sûrement attirer leur attention sur des matières en regard
desquelles il ne doit pas y avoir de négociations locales puisque cela
relève évidemment de juridictions supérieures. Je ne pense
pas qu'on parte en terrain vierge. On a déjà toute une pratique
dans le réseau depuis longtemps établie. Il s'agit d'amorcer un
virage qui nous amène vers autre chose.
M. Chevrette: Donc, je vous interprète bien en disant que
vous êtes d'accord pour qu'on ait à peu près le
système français en ce qui regarde la négociation
salariale, l'application automatique à la suite du bureau de la
recherche qui aura à produire les avis dans un cadre, bien sûr,
balisé. Vous êtes d'accord avec des objets au niveau national,
sous-sectoriel, spécifique à chacun des groupes. Vous
n'êtes pas fermés sur vous-mêmes pour discuter du palier
local.
M. Nadeau: On est d'accord progressivement. Vous nous comprenez
très bien.
M. Clair: M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre.
M. Clair: Quant à moi, il ne me reste qu'une
dernière question qui, je pensais, allait être la dernière
qu'allait poser le député de Portneuf. Dans l'hyposthèse -
je dis bien dans l'hypothèse - où il y aurait retrait ou
abolition du droit de grève, en termes de substitut, entre l'arbitrage
de l'offre finale, le conseil d'arbitrage, la médiation-arbitre,
l'intervention d'une commission parlementaire spéciale, quel est le
choix que vous faites? Quelle est celle que vous privilégiez? Je sais
que c'est une question hypothétique, mais quand même, dans
l'hypothèse où il y aurait retrait du droit de grève,
est-ce que la AHQ privilégie un substitut plutôt qu'un autre et
pourquoi?
M. Brousseau: Les réflexions qu'on avait eues
là-dessus, c'était la médiation, ensuite la commission
parlementaire et l'Assemblée nationale.
Une voix: Ultimement.
M. Brousseau: Ultimement.
M. Clair: Vous apparaîtrait préférable
à tout autre.
M. Brousseau: C'est cela, à l'offre finale, par exemple,
et au Conseil provincial d'arbitrage.
M. Clair: Par rapport à ce que le député de
Portneuf disait en termes d'orientation, je pense qu'on a à tenir
compte, comme je l'ai indiqué dès le départ de cette
commission parlementaire, de l'opinion d'abord de toutes les formations
politiques: de plus, de l'opinion des patrons du secteur public, de celle des
syndicats du secteur public et, finalement, de l'ensemble de la population,
au-delà de cela. Ce que
vous dites au gouvernement, au-delà de l'argumentation que vous
avez faite en ce qui concerne la non-abolition du droit de grève et les
alternatives qui comportent le projet de loi et l'avant-projet de loi et ce que
vous avez indiqué, le Parti libéral et député de
Portneuf disent: Nous, notre orientation est de remplacer le droit de
grève par un substitut qui fait appel à des notions d'arbitrage.
Votre position, c'est plutôt de dire: S'il y avait retrait du droit de
grève, l'arbitrage, c'est celui de l'Assemblée nationale, point
à la ligne.
M. Nadeau: Remarquez bien cependant...
M. Clair: Après, de la médiation, de la
conciliation, etc. L'arbitrage final ne serait pas un arbitrage en dehors du
processus démocratique de l'Assemblée nationale, mais un
arbitrage à l'intérieur du processus démocratique de
l'Assemblée nationale.
M. Brousseau: On parle, M. le ministre, de 300 000
salariés pour l'arbitrage. L'arbitrage, c'est ainsi, est pas mal
requestionné et la crédibilité est mise en cause dans
certains cas. "C'est ainsi" est entre virgules. Notre réflexion conduit
plutôt à une médiation avec tout ce que cela implique et,
ultimement, l'Assemblée nationale.
M. Clair: Eh bien, M. le Président, quant à moi, je
n'ai pas d'autres questions. J'ignore si les collègues de l'Opposition
ou ministériels en ont d'autres. Je vois que non. Il ne me reste
qu'à remercier MM. Brousseau, Nadeau et les gens qui les accompagnent
d'être venus nous faire part de leurs commentaires quant au contenu de
l'avant-projet de loi et les remercier d'avoir éclairé notre
lanterne. Je suis convaincu que cela aura été très
profitable pour tous les membres de cette commission. Je vous remercie.
M. Pagé: Merci, messieurs.
Le Président (M. Lachance): Messieurs de l'Association des
hôpitaux du Québec, merci pour votre contribution aux travaux de
cette commission.
La commission du budget et de l'administration suspend ses travaux
jusqu'à 15 heures, cet après-midi, alors que nous entendrons les
représentants de l'Association des commissions scolaires protestantes du
Québec.
(Suspension de la séance à 12 h 40)
(Reprise à 15 h 10)
Le Président (M. Lachance): La commission du budget et de
l'administration poursuit ses travaux avec le mandat de procéder
à une consultation générale portant sur l'avant-projet de
loi traitant du régime de négociation des conventions collectives
dans les secteurs public et parapublic. Nous entendrons cet après-midi
des représentants de l'Association des commissions scolaires
portestantes du Québec. Je vois que les personnes ont déjà
pris place à la table. Je leur souhaite la bienvenue au nom des membres
de la commission. Je demanderais immédiatement au premier
vice-président, M. Wayne Aalders, de bien vouloir nous présenter
les personnes qui l'accompagnent. Merci, M. le Président.
Association des commissions scolaires protestantes du
Québec
M. Aalders (Wayne): Merci, M. le Président. M. le
ministre, membres de la commission, je me présente, Wayne Aalders,
vice-président de l'Association des commissions scolaires protestantes.
À mon extrême gauche, Mme Grace Hone, vice-présidente de
l'association; à ma gauche, M. William Smith, qui est très bien
connu dans le domaine de l'éducation, notre conseiller qui va
présenter notre mémoire et Me David Wadsworth, directeur
général de notre association.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Aalders. Comme il a
été entendu, nous souhaitons que l'exposé que vous allez
faire soit d'une durée approximative de 20 minutes pour permettre aux
parlementaires de vous poser des questions et faire des échanges
d'opinions concernant votre point de vue sur le sujet dont il est question dans
cette commission. Je vous laisse la parole maintenant.
M. Aalders: Nous n'avons pas l'intention de présenter tout
ce mémoire, autrement dit d'en faire la lecture. Nous avons un
résumé déjà préparé. Nous remercions
la commission de nous donner l'occasion de présenter notre
mémoire. Maintenant, sans plus de mots, je céderai la parole
à M. William Smith.
M. Smith (William): Merci beaucoup M. Aalders. M. le
Président, membres de la commission, les dynamiques du régime de
négociation dans le secteur public, bien que n'étant pas un
phénomène récent, continuent à préoccuper
les législateurs, les practiciens, les journalistes et le grand public.
Au cours des 20 dernières années, les corps législatifs
provinciaux successifs ont discuté, modifié et ajusté les
lois et règlements concernant le régime de négociation du
secteur public. Leurs délibérations ont été
accompagnées des diverses auditions parlementaires,
commissions d'enquête et mémoires présentés
par les parties intéressées. Malgré toute cette attention,
le niveau d'insatisfaction concernant les négociations collectives dans
le secteur public demeure excessivement élevé. Notre
mémoire vise à discuter les questions soulevées par le
gouvernement, soit dans son projet de consultation, soit dans l'avant-projet de
loi. Nous avons visé spécifiquement trois objectifs dans notre
mémoire. Premièrement, réfléchir de façon
critique sur notre expérience collective dans le secteur des relations
du travail du secteur public avec le personnel syndiqué;
deuxièmement, donner nos réactions et avis au gouvernement
concernant les propositions contenues dans l'avant-projet de loi;
troisièmement, présenter et proposer une perspective pour la mise
sur pied d'un nouveau régime de négociation dans le secteur
public.
Nous devons vous dire en guise d'introduction que notre perspective est
limitée au domaine de l'éducation, c'est-à-dire
l'enseignement primaire et secondaire et, notamment, le système scolaire
protestant. C'était par le biais de notre expérience et c'est la
perspective que nous vous offrons dans notre réflexion.
L'état actuel du régime de négociation collective
du secteur public au Québec doit être regardé à la
lumière de son développement historique et dans le contexte
canadien des relations du travail dans le domaine de l'éducation. Nous
n'essaierons pas, dans les quelques minutes que nous avons à notre
disposition, de tracer les grandes lignes de cette expérience ou de ce
contexte canadien. Néanmoins, nous aimerions dire quelques mots sur le
contexte qui nous entoure.
Ce qui nous impressionne à l'examen du contexte canadien des
relations du travail en éducation, c'est sa diversité. Dans les
différentes provinces canadiennes, il y a toutes sortes de
systèmes. Il y a des provinces où tout se négocie
localement; il y a des provinces où il y a un partage dans les
matières de négociation entre un palier provincial et un palier
local; il y a des endroits où tous les sujets sont permis à la
négociation et il y en a d'autres où la restriction existe. En
même temps, on voit que, dans certaines provinces, le moyen pour
régler les impasses est l'arbitrage et ailleurs, c'est le droit de
grève. (15 h 15)
Une province qui nous intéresse particulièrement et qui,
par ailleurs, qui semble avoir intéressé ce gouvernement dans ses
réflexions sur les relations du travail, c'est la province de l'Ontario.
Les lois sur le régime de négociation en Ontario ont
été adoptées il y a une dizaine d'années
après une longue expérience de négociation dans le
secteur, une négociation vécue sans un grand régime de
négociation et les lois qui ont été adoptées ont
été faites seulement après des consultations
prolongées du milieu. En effet, le gouvernement est arrivé en
Ontario vers -de mémoire - 1973 avec une proposition qui prévoit
un cadre illimité pour la négociation, mais qui enlève le
droit de grève. Il est important de noter qu'à ce moment, les
syndicats et les conseils scolaires de l'Ontario ont rejeté cette
proposition. En conséquence, la loi 100 qui a été
adoptée en 1975 confirmait le droit de grève dans le secteur
scolaire et a créé un nouveau mécanisme pour le
règlement des conflits dans le réseau scolaire et a conçu
un régime de négociation qui était à la demande, en
effet, des parties impliquées dans la négociation, les
commissions scolaires et les syndicats d'enseignants.
Plusieurs années plus tard, une commission d'enquête a fait
une révision ou une revue de ce système de négociation et
une conclusion manifeste de tout le monde, c'est que le système marche
bien. Je ne crois pas que nous puissions faire la même réflexion
ici, au Québec, selon notre expérience du régime actuel de
négociation. Je ne prends pas le temps ici de citer les diverses
étapes dans l'historique des négociations au Québec. Je
crois bien que c'est bien connu des membres de la commission. Je dirai tout
simplement que le système que nous avons vu évoluer au
Québec peut être caractérisé comme un grand
recherchiste l'a fait à l'Université Laval quand il a
décrit notre système de la façon suivante: "Un syndrome de
guerre existe au Québec depuis la centralisation de la structure de
négociation qui a conduit à la confrontation rituelle entre le
front commun et le gouvernement à tous les trois ou quatre ans. "
D'après notre réflexion, notre processus actuel de
négociation peut être décrit par quatre
caractéristiques: des discussions prolongées, un niveau
élevé de conflits qu'ils soient intraparties ou interparties, des
arrêts fréquents de travail et une gamme complète de lois
spéciales. Encore une fois, je ne pense pas qu'il soit nécessaire
ici de parler longuement des niveaux de conflits et ainsi de suite. Je pense
que c'est bien connu. Nous aimerions quand même insister sur un point,
à savoir la longue liste des lois spéciales qui ont
accompagné nos négociations provinciales.
De 1967 à 1983, le gouvernement provincial a adopté un
total de dix lois spéciales, soit une moyenne de deux par ronde de
négociation. On avait eu des lois pour mettre fin à des conflits,
qu'ils soient légaux ou illégaux. On a eu une loi pour imposer
les décrets. On a même eu une loi pour changer des conditions de
travail déjà convenues.
Sans entrer dans les détails du contenu
de ces lois, pour nous, une chose est très claire: Tout
régime de négociation dans lequel l'intervention ad hoc du
gouvernement se produit aussi fréquemment que dans le secteur public du
Québec démontre bien que le système ne fonctionne pas.
Les résultats de notre expérience en négociation.
On peut vous citer trois ou quatre résultats typiques de notre processus
de négociation. D'abord, les conventions collectives qui en ressortent
sont longues, détaillées et complexes. Nos textes qui
excèdent les 300 pages ne sont vus nulle part ailleurs dans les
différentes provinces. Je ne veux pas dire nécessairement qu'un
long texte est mauvais et qu'un court texte est bon, mais je pense que cela
nous indique quelque chose.
Pour nous, ces longs textes et des négociations qui encouragent
le développement de ces textes démontrent une approche
cartésienne aux relations du travail où les parties sont à
la recherche de la parfaite convention collective. Lorsque nous l'aurons
trouvée, on aura la vérité.
On voit aussi comme résultat du système un grand nombre et
même un nombre excessif de griefs. Ce sont des milliers et des milliers
de griefs. On peut être d'accord ou en désaccord sur une raison
particulière invoquée sur le nombre élevé de ces
griefs. Mais, encore une fois, cela indique un problème.
Troisièmement et plus particulièrement concernant le
secteur de l'éducation, le résultat des négociations
successives dans notre secteur a une influence négative sur les services
éducatifs que le réseau des commissions scolaires avait à
livrer aux clients du réseau, les élèves et les
étudiants. On a vu, dans différentes rondes de
négociation, la baisse de la tâche des enseignants, la baisse du
régime pédagogique, la baisse des services offerts à la
clientèle. Je n'ose pas commenter les efforts de la ronde
précédente pour essayer de récupérer certaines de
ces baisses.
En plus de ces résultats directs et immédiats de la
négociation, il faudra voir le contexte dans lequel se déroulent
ces négociations et les différentes caractéristiques
contextuelles. Par exemple, dans le réseau des commissions scolaires, on
a récemment parlé de l'organisation des commissions scolaires,
encore une fois, indépendamment de l'opinion des commissions, du
gouvernement ou d'autres sur la configuration d'un réseau de commissions
scolaires. Il faut admettre que la relation entre ces questions d'organisation
et la négociation elle-même sont des questions importantes.
Dernièrement, sur cet aspect de notre mémoire, nous avons
eu des réflexions et des questions sérieuses quant à la
relation entre le système de financement et le régime de
négociation. D'abord, et c'est de toute évidence, notre
système de négociation a résulté dans les
conventions collectives dont le coût moyen par élève est
très excessif. Encore une fois, on n'a pas besoin d'expliquer, c'est
bien connu, comme il est bien connu que les commissions scolaires contestent
les prétentions du ministère ou du gouvernement que les
coûts découlant de la convention collective sont financés
par le système de finance actuel.
Mais, encore une fois, il y a un manque de cohérence entre le
système par lequel on négocie des contrats de travail et le
système par lequel le réseau scolaire est financé. On a eu
des exemples où le gouvernement dit, d'une part, qu'il faut des
contraintes économiques et qui, d'autre part, fait de grandes
concessions en négociation. On a vu d'autres exemples où les
coûts engendrés par la négociation n'ont pas
été compris dans les règles de financement qui en ont
découlé.
Un dernier commentaire, avant de commencer notre examen du
système lui-même, qui concerne le comportement des gens qui,
d'après nous, est encouragé par le système actuel. Selon
nous, le régime actuel est faible parce qu'il encourage un comportement
peu approprié de l'ensemble des participants. Dans le passé, le
gouvernement a critiqué les commissions scolaires pour avoir soutenu
directement ou indirectement les demandes syndicales d'amélioration des
rapports maître-élèves. Pourtant, ceci ne devrait pas
surprendre lorsqu'on découvre que les règles budgétaires
étaient basées sur les rapports négociés dans la
convention collective. Plus les rapports que les syndicats pouvaient
négocier étaient favorables, plus la commission
bénéficiait d'un grand nombre d'enseignants et des services
éducatifs qu'elle pouvait fournir à ses étudiants, et ce,
aux frais du gouvernement. Par ailleurs, les commissions scolaires se sont
souvent plaintes que le gouvernement offrait peu de résistance aux
demandes syndicales, qu'elles n'avaient d'effet que sur les commissions
scolaires elles-mêmes. Indépendamment de la perspective, que ce
soit celle du gouvernement ou celle des commissions scolaires, c'est un
système qui, selon nous, encourage un comportement qui n'est pas le plus
souhaitable possible.
Dans notre mémoire, au troisième chapitre, nous avons
examiné quelques notions de la négociation collective en
général. Nous avons examiné, par exemple, la
différence entre le secteur public et le secteur privé. Nous
avons examiné le fait que, par exemple, on négocie dans le
secteur de l'éducation avec le personnel professionnel, les enseignants
et d'autres, et le problème qui se présente pour construire ou
pour bâtir un système de négociation. Nous avons
identifié également les différents
éléments d'un régime de négociation
collective et, d'après nous, sur une étude théorique, ce
sont des éléments qu'il faut considérer dans la
construction d'un système de négociation.
A cause du temps qu'il nous reste, à ce stade-ci, nous ne
mentionnerons que les thèmes compris dans ce chapitre III, thèmes
qui sont utilisés par nous dans notre analyse des propositions du
gouvernement ainsi que dans les propos que nous avons à vous faire dans
notre dernier chapitre.
Or, les éléments qui, selon nous, sont essentiels à
considérer sont les suivants: l'accréditation, le niveau de
négociation, les parties à la négociation, les
matières, les propos quant au déroulement de la
négociation, les procédures de sélection des impasses et,
ensuite, comme rubrique générale, des caractéristiques
spéciales.
Nous avons utilisé ces sept thèmes pour revoir les
propositions du gouvernement contenues dans l'avant-projet de loi. En faisant
référence à notre mémoire aux pages 29 et
suivantes, de façon générale, l'Association des
commissions scolaires protestantes ne croit pas que les changements
proposés par le gouvernement vont diminuer les divers problèmes
décrits au chapitre 2 de notre mémoire ni contribuer à
l'atteinte des objectifs retenus par cette association pour
l'élaboration d'un régime de négociation.
Prenons-les un par un. Le niveau de négociation. La proposition
prévoit la négociation à trois niveaux: central, sectoriel
et local. Même si ceci reflète la pratique, c'est la
première fois qu'une négociation à un niveau central se
voit donner un statut légiféré. Nous n'étions
jamais d'accord avec la négociation à un niveau central et nous
ne le sommes pas encore. Pour nous, la négociation au niveau central
centralise un processus de négociation et concentre le pouvoir aux mains
d'un grand front commun des syndicats au détriment du déroulement
des négociations.
Nous avons aussi cité d'autres problèmes avec le
fonctionnement d'un niveau central de négociation, à savoir que
cela crée un niveau d'appel à une cour d'appel en effet pour les
syndicats qui ne sont pas satisfaits des résultats des
négociations à d'autres paliers, sans parler des problèmes
pratiques que cela crée. (15 h 30)
Peut-on imaginer un système qui dit: À une table de
négociation, nous allons négocier combien de dollars vous allez
gagner par semaine, mais à une autre table de négociation, on va
décider ce que vous allez faire? Pour moi, c'est complètement
illogique. Par définition, ce sont des matières qui sont connexes
et interreliées.
La proposition du gouvernement de prévoir un niveau sectoriel au
niveau de l'éducation, par exemple, pour certaines matières est
une proposition qui nous semble correcte et conforme à nos orientations.
Nous sommes totalement en accord avec le maintien de la négociation
entre les commissions scolaires elles-mêmes et les syndicats pour
différents sujets qui ne sont pas visés au niveau sectoriel.
Avant de parler de ces sujets, prenons quelques minutes pour parler des
parties à ces négociations à ces différents
paliers. D'abord, ayant écarté de notre esprit un niveau central,
il va de soi qu'on n'a pas de bon mot à dire pour les parties qui
existent à la proposition gouvernementale quant à un niveau
central.
Au niveau sectoriel, l'avant-projet de loi ressemble étrangement
au statu quo, c'est-à-dire le maintien des comités patronaux de
négociation et a peu près l'organisation des parties qui existe
dans la loi actuelle. Quant à nous, la loi actuelle et celle
proposée, bien sûr, ont érodé et érode le
rôle des commissions scolaires comme négociateurs en chef avec
leurs employés au niveau provincial. On se souviendra qu'avant la loi
actuelle, la loi 55, même au niveau provincial, les commissions scolaires
étaient les négociateurs avec leurs employés. Le
ministère de l'Éducation, plus précisément le
ministre, était partie à la négociation. Depuis l'adoption
de la loi 55, ce n'est plus vrai, c'est le ministre qui négocie avec les
employés des secteurs scolaires et les commissions scolaires sont
maintenant parties à la négociation. Ce n'est pas une perspective
que nous acceptons, et nous ne croyons pas qu'elle soit susceptible de mener
à de bons résultats.
Quant aux matières de négociation, l'avant-projet de loi
donne une idée, une perspective sans trop donner de détails, ce
qui est tout à fait normal dans un avant-projet de loi. On parle, par
exemple, au niveau central d'inclure les matières portant sur la
rémunération. On n'est pas sûr de savoir ce que veulent
dire les stipulations portant sur la rémunération. Est-ce que
cela touche seulement les échelles de salaire, tout ce qui touche la
rémunération, la rémunération globale, le nombre
d'employés? Cela peut être très vague, comme cela peut
être très restreint.
De même, en ce qui a trait aux matières
privilégiées pour les niveaux locaux, l'avant-projet de loi qui a
été publié ne contient aucune liste de ces
matières. Après l'impression de ce mémoire, nous avons
reçu une liste préliminaire à la suite de discussions avec
des représentants du ministère de l'Éducation. Etant
donné que la pensée du gouvernement dans le projet de loi
lui-même n'est pas très claire, c'est difficile de savoir quelle
est la portée des matières visées par celui-ci à
différents paliers. Là-dessus, nous préférons
écarter un
commentaire trop précis sur les propositions du gouvernement et
accentuer notre présentation dans notre perspective sur cette
question.
En ce qui a trait au déroulement des négociations, on
maintient, dans notre proposition, l'approche du statu quo, ce qui nous semble
assez acceptable. Le grand changement dans les propositions du gouvernement se
retrouve à la section qui a trait à la solution des impasses.
Notre association n'a jamais été pour l'abolition du droit de
grève ou des lock-out, à l'exception des services qui peuvent
être jugés essentiels. L'approche du gouvernement, c'est de ne pas
procéder par le biais des services essentiels, mais plutôt par le
biais du niveau de négociation, à savoir qu'au niveau central, il
n'y a pas droit de grève. C'est le gouvernement qui décide
unilatéralement. Au niveau local, à défaut d'entente,
c'est le statu quo. Pour nous, ce ne sont pas des propositions qui peuvent
amener les parties dans une atmosphère de règlement. Pour nous,
il est essentiel que les mécanismes de la solution des impasses soient
perçus comme étant équitables et raisonnables pour
solutionner des problèmes. Le seul aspect de cet avant-projet de loi qui
nous convienne, qui nous apparaisse une "mood" positive, c'est celui de cette
proposition qui prévoit les services de médiation, l'intervention
des tiers pour aider les parties à en venir à une entente.
Une dernière chose sur le projet de loi: nous devrons glisser un
mot sur l'Institut de la recherche sur la rémunération. Dans le
mémoire de l'association la concernant, mémoire publié
à l'automne dernier, on avait dit que c'était une bonne
idée d'avoir un institut indépendant pour faire des comparaisons
avec différentes catégories d'employés, mais nous avons
accentué le besoin, quant à nous, pour le secteur de
l'éducation. Si on parle de certaines catégories de personnel qui
ne se trouvent qu'au secteur de l'éducation comme, par exemple, les
enseignants, on doit faire une certaine comparaison avec d'autres enseignants
ailleurs au Canada et ne pas limiter la comparaison au secteur
privé.
Les stipulations prévues dans le projet de loi ne rencontrent ni
l'un ni l'autre de ces objectifs et nous ne croyons pas que cet institut peut
être très utile dans sa forme actuelle. Pour nous, que faut-il
faire pour changer le système, pour l'améliorer? Nous avons
identifié au début du chapitre 5 de notre mémoire aux
pages 39 et suivantes certains objectifs. D'abord, le premier, c'est que toute
structure de négociation est compatible avec le système de
l'éducation. Le deuxième objectif que nous avons retenu est de
construire un système qui contribue d'une façon positive au
développement des commissions scolaires autonomes et responsables. Le
troisième, c'est de favoriser des relations plus harmonieuses avec les
employés des commissions scolaires et, dernièrement, une
utilisation rationnelle des ressources autant humaines que matérielles.
Nous avons inclus des exemples dans le mémoire. J'espère que les
membres de la commission vont avoir l'occasion, à la suite de notre
représentation, de regarder les détails qui soutiennent ces
grands objectifs.
Dans une perspective de négociation qui réponde aux
besoins du milieu scolaire tel qu'exprimé par les commissions, les
syndicats et d'autres parties concernées et dans la perspective d'un
régime de négociation qui est cohérent avec d'autres
systèmes, tels ceux portant sur les finances et les programmes
d'études, nous avons les propositions suivantes à faire sur
chacun des éléments précités. Prenons d'abord le
niveau de négociation. Les principes qui sous-tendent notre
préférence dans ce domaine sont les suivants: diminution
significative de la participation du gouvernement à la
négociation; décentralisation de l'autorité
négociante de l'employeur aux commissions scolaires; regroupement de
toutes les commissions scolaires pour un nombre limité de sujets;
regroupement de diverses catégories de personnel selon les désirs
des parties. Comme nous l'avons indiqué tout à l'heure, on
écarte dans notre perspective toute négociation que ce soit
à un niveau central. À un niveau sectoriel, nous
préconisons une négociation qui englobe toutes les commissions
scolaires protestantes et catholiques ensemble sur un nombre limité de
sujets dont nous aurons l'occasion de parler dans quelques instants et que tous
les autres sujets, toutes les autres matières de négociation
soient négociées entre les commissions scolaires
elles-mêmes et leurs syndicats sans que le ministère fasse partie
de la négociation. Certaines de nos commissions scolaires pensent qu'une
telle négociation devra se faire au niveau d'une commission scolaire et
d'un syndicat. D'autres pensent que cela pourrait être mieux
structuré entre plusieurs commissions scolaires protestantes et
différents syndicats, ensemble. Notre analyse indique que c'est la
même situation qui existe chez les syndicats. Il y a des syndicats qui
préfèrent tout faire localement; d'autres syndicats disent: Non,
c'est préférable de régionaliser et peut-être
même de le faire au niveau du secteur protestant. Nous, nous laissons
cette option à la discrétion des parties. Pour nous, l'important
dans la détermination des niveaux, c'est que la grande majorité
des sujets soit négociée entre les commissions scolaires
indépendamment des regroupements envisagés et leurs syndicats,
sans que le ministère ou le gouvernement ne fasse partie de la
négociation.
Pour ce qui a trait à la négociation
que nous appelons sectorielle, nous voyons un comité conjoint au
niveau patronal entre le MEQ, la Fédération des commissions
scolaires catholiques et la QAPSB avec les syndicats d'enseignants ou les
syndicats de soutien, selon le cas. Mais ce qu'il est important de souligner,
c'est que le système de prise de décision pour un tel
comité doit être examiné et cohérent avec un
système de finance qui sous-tend la facture pour les
négociations. On nous a dit au ministère de l'Éducation
qu'on allait entreprendre en 1986-1987 une autre grande réforme du
système financier des commissions scolaires. Nous allons avoir des
représentations à faire là-dessus. À ce stade-ci,
nous disons tout simplement que le système de prise de décision
au niveau des négociations sectorielles elles-mêmes doit tenir
compte d'un tel système développé, nous l'espérons,
de concert avec les commissions scolaires.
Pour les matières à un niveau ou l'autre, nous avons dit
que nous n'envisageons que quelques matières au niveau sectoriel,
à savoir les matières qui affectent considérablement la
distribution équitable des ressources à toutes les commissions
scolaires pour que tout le monde, tant syndical que patronal, croit qu'elles
devraient être traitées d'une façon uniforme dans la
province ou aient un impact provincial dans leur implication, par exemple,
certaines mesures nécessitées par la mobilité
intercommissions scolaires. Pour le déroulement des négociations
de ces deux niveaux, sectoriel et commissions scolaires, nous croyons,
malgré certains inconvénients, que ces négociations
doivent se faire concurremment et cela, principalement à cause de notre
suggestion, de notre perspective pour la solution des impasses.
Parlant des impasses, bien que nous reconnaissons l'importance des
services éducatifs dispensés aux enfants dans le réseau
scolaire, nous ne prétendons pas que le réseau scolaire constitue
en soi un service essentiel. Pour nous, un service essentiel devrait avoir une
définition très restreinte. Nous ne faisons qu'une seule
exception: les services éducatifs dispensés à certains
enfants handicapés, surtout ceux qui se trouvent dans les
établissements des affaires sociales et qui sont intégrés
dans le réseau scolaire. Dans cette perspective, nous recommandons, tant
pour les négociations sectorielles qui impliquent le ministère ou
le gouvernement que pour les négociations entre les commissions
scolaires et les divers syndicats, que le droit de grève et de lock-out
soit préservé dans le régime de négociation; que
différentes techniques de médiation y soient prévues et
que le recours à ces étapes de médiation soit obligatoire
avant d'acquérir le droit de grève ou de lock-out. (15 h 45)
Nous avons d'autres détails concernant ces procédures en
cas d'impasse, mais cela, c'est vraiment le coeur de notre recommandation.
C'est pourquoi nous avons recommandé tout à l'heure la
négociation concurrente des niveaux sectoriels et des commissions
scolaires pour qu'il n'y ait qu'une seule ouverture au droit de grève ou
au lock-out de sorte que, pour nous, il faut que la négociation à
chacun de ces deux niveaux soit arrivée à une phase finale avant
que le droit de grève ou de lock-out soit acquis. Si jamais il y a des
arrangements locaux, nous ne prévoyons pas de droit de grève pour
ceux-là, mais dans notre perspective, les arrangements locaux sont
vraiment des arrangements minimes après la signature de l'entente
collective entre la commission scolaire et le réseau ou avec le
ministère, etc. Or, pour nous, quand nous parlons des arrangements
locaux, ce ne sont pas des arrangements locaux comme des négociations
locales déguisées. Ce sont vraiment des arrangements et pas
plus.
En dernier lieu, comme recommandation, nous recommandons la
création d'un organisme analogue à la Commission de relations
à l'éducation en Ontario. Les fonctions de cet organisme sont de
servir la négociation, aider les parties et jouer différents
rôles dans tout le système des relations du travail. Ces
différentes fonctions sont précisées dans notre
mémoire.
Pour résumer et conclure, M. le Président, dans ce
mémoire, nous avons examiné l'état des négociations
dans le secteur de l'éducation au Québec. Cette étude a
révélé un système qui est unique dans le domaine de
l'éducation au Canada. Parmi les provinces très peuplées,
le Québec est la seule qui a un régime de négociation
centralisé dans le secteur de l'éducation. Même dans les
plus petites provinces où les négociations affectant les
enseignants se font au niveau provincial, les régimes ne sont aucunement
aussi centralisés que celui du Québec. Le régime, au
Québec, a pris naissance vers la fin des années soixante à
la suite de la réponse du gouvernement à de nombreux
différends entre certains syndicats et leurs commissions scolaires. Au
lieu de nommer une commission d'enquête ou même d'imposer un
règlement de ce différend par arbitrage, le gouvernement a
décidé de changer le processus de négociation pour le
système scolaire en entier. Cela semble démontrer la
pensée du gouvernement dérivant de la philosophie de la
révolution tranquille qui demande que l'État soit l'agent de tout
changement pour la société québécoise et que c'est
seulement par intervention gouvernementale que le système peut atteindre
un niveau plus équilibré. Nous avons eu l'occasion dans ce
mémoire d'examiner les résultats de ce processus et nous avons
trouvé qu'il faisait défaut. Le
processus de négociation provincial est caractérisé
par de longues négociations, un niveau élevé de conflits
et des arrêts de travail ainsi qu'un degré élevé
d'interventions du gouvernement dans le processus de négociation, tel
que démontré par une série de lois spéciales. Les
résultats d'un tel processus sont un niveau élevé
d'insatisfaction parmi les participants et la population, en
général, des conventions collectives litigieuses, très
coûteuses et un impact global négatif sur le niveau des services
éducatifs que le régime doit dispenser.
Nous avons également examiné brièvement les
problèmes reliés au processus de négociation. Nous avons
analysé les propositions du gouvernement et nous avons trouvé ces
propositions en défaut également. Pour nous, les propositions
mises de l'avant par le gouvernement ne contribuent pas d'une façon
positive à la solution des problèmes. De fait, nous croyons que
de telles propositions ne serviraient qu'à aggraver le problème.
Nous croyons sincèrement que les propositions que nous avons faites
contribueront d'une façon positive à l'amélioration du
régime de négociation collective dans le secteur de
l'éducation. Nous sommes conscients que nos propositions impliquent des
modifications majeures du régime actuel et, si adoptées, elles ne
pourraient pas être implantées du jour au lendemain. Ce que nous
proposons est une décentralisation du processus de négociation et
une revitalisation des relations employeurs-employés, entre les
commissions scolaires et les enseignants et autres catégories de
personnel. Si les changements que nous recommandons devaient être
adoptés et connaître un succès, ils devraient être
accompagnés des changements appropriés aux pouvoirs des
commissions scolaires et au système de financement de l'enseignement
public dans cette province. Si le gouvernement respecte toujours son engagement
concernant le contrôle centralisé de l'éducation, en
général, et de la négociation en particulier, il jugerait
certainement nos recommandations comme étant impraticables ou
irréalistes. S'il en est ainsi, notre seule satisfaction serait d'avoir
fait de notre mieux pour présenter notre cas. Si, d'un autre
côté, le gouvernement veut sincèrement apporter des
changements au régime de négociation, nous espérons que
nos recommandations seront sérieusement considérées.
Même si les idées exprimées dans notre
mémoire reflètent évidemment le point de vue des
commissions scolaires, nous croyons qu'elles tiennent compte des opinions et
des intérêts des employés du système scolaire et des
syndicats qui les représentent. Nous croyons aussi que ces propositions
sont suffisamment flexibles afin de permettre aux parties d'en arriver à
un terrain commun pour les fins de discussion de l'entente.
En conclusion, nous espérons que nos critiques et recommandations
présentées dans ce mémoire seront vues comme une
contribution constructive en vue d'une révision élaborée
du régime de négociation collective dans le secteur de
l'éducation. Nous espérons également que cette commission
ne soit pas la fin mais le commencement du dialogue sur les questions qui nous
concernent tous et que ce dialogue puisse parvenir à un nouveau
régime de négociation collective conforme aux buts et aspirations
du système de l'éducation et acceptable pour toutes les parties
concernées. Je vous remercie.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Smith. Pour amorcer
nos échanges d'opinions, je cède maintenant la parole à M.
le député de Portneuf.
M. Pagé: Tout d'abord, je tiendrais à m'excuser car
je devrai quitter. Je voudrais m'excuser auprès de l'association et lui
indiquer que c'est avec beaucoup d'attention qu'on a pris connaissance de son
mémoire. Ma collègue de Jacques-Cartier, Mme Dougherty, a
plusieurs questions qui sont finalement le résultat de l'analyse de
notre groupe politique. Je m'excuse auprès de mes collègues et
auprès de l'association.
Le Président (M. Lachance): Très bien, M. le
député. Je disais donc que je cède maintenant la parole
à M. le ministre de l'Éducation qui va amorcer les
échanges d'opinions avec les représentants de l'Association des
commissions scolaires protestantes du Québec. M. le ministre.
M. Gendron: M. le Président, membres de la commission, mes
premiers mots vont être pour remercier MM. Aalders, Smith, Wadsworth et
Mme Hone d'avoir accepté l'invitation qui a été faite par
le président du Conseil du trésor, mon collègue de
Drummond, M. Clair, qui préside cette commission sur le nouveau cadre de
négociation proposé par le gouvernement du Québec.
Je vous dis merci, parce que c'est dans cet esprit, en tout cas, que le
gouvernement a voulu tenir cette commission, qu'elle serve d'éclairage
additionnel, tout en étant conscient que ce qui a été mis
sur la table est une réflexion qui a été faite au niveau
du gouvernement. On l'a appelé un avant-projet parce que nous
étions conscients, effectivement, que nous n'avions pas le monopole de
la vérité et qu'il était important de jeter sur la table
une réflexion quand même assez balisée dans laquelle
certains principes étaient clairement évoqués. Nous
croyons que par une contribution
positive de l'ensemble des intervenants intéressés
à ces questions, nous puissions améliorer le produit de ce qui
est sur la table.
J'aurais également un commentaire en vous disant que sur
l'analyse de votre mémoire pour ce qui est généralement de
la partie qu'on appelle la problématique ou l'analyse de la situation,
je ne crois pas qu'il faille faire de longs débats ou de longues
discussions pour convenir que si on a un nouveau cadre proposé sur la
table, c'est parce qu'il y a plusieurs intervenants, et en particulier le
gouvernement du Québec qui ont convenu que nous vivions un régime
de négociation qui, effectivement, ne sert peut-être pas
l'ensemble des intérêts de toutes les personnes concernées,
qu'il s'agisse des affaires sociales, de l'éducation ou d'autres
secteurs de l'activité.
Lorsque dans votre mémoire, en fait, vous évoquiez en
termes de problématique que l'on pourrait résumer notre
régime de négociation en quatre caractéristiques
principales, à savoir que nous avons des négociations qui,
malheureusement, ont tendance à se prolonger indûment, qu'elles
contiennnent un très haut degré de conflit, que cela a
occasionné au fil des ans de très longues et de fréquentes
grèves et également, l'aspect qui est peut-être le plus
difficile, soit la conclusion de multiples lois spéciales, je ne crois
pas que nous devions discourir longuement là-dessus parce que c'est un
portrait où, rapidement, oh arrive bien sûr avec des nuances de
part et d'autre mais on arrive à faire le constat passablement de la
même façon, qui que nous soyons et quels que soient les
intérêts que nous ayons à défendre dans ce
dossier.
Je reconnais également qu'une bonne analyse d'une
problématique ou d'une situation devrait, en règle
générale, nous aider, chacun d'entre nous, à être
mieux équipé et plus en mesure de dégager des orientations
et des propositions ou des modifications qui devraient placer le tout dans un
cadre qui offre de meilleures perspectives que celles que l'on a
décrites.
Si on arrive maintenant à la seconde partie de votre
mémoire - je pense que c'est dans ce sens qu'on tient ces audiences,
pour essayer d'éclairer davantage les choses - ma première
question, très simplement, serait la suivante. Vous avez affirmé
avec énormément de clarté et de précision que vous
vous opposiez à toute forme de négociation au niveau central;
vous avez même ajouté, à moins que je ne fasse erreur, que
non seulement vous le réaffirmiez dans votre mémoire, mais cela a
toujours été la position de l'Association des commissions
scolaires protestantes du Québec.
Voici la question que je pose très précisément.
J'aimerais, en tout cas, en ce qui me concerne, pour mon propre
éclairage et possiblement pour celui des membres de la commission, que
vous vous expliquiez un peu plus sur les raisons, les motivations sur
lesquelles vous vous appuyez pour affirmer avec autant de précision,
autant de clarté, votre opposition à toute forme de
négociation au niveau central. Lorsque le gouvernement avait convenu
qu'il fallait, en tout cas, à certains égards, avoir un palier de
négociation central pour à peu près la plupart des
éléments centraux d'une négociation, il me paraissait que
cela rejoignait des objectifs assez largement partagés par la plupart
des intervenants concernés pour des motifs d'équité, pour
des raisons de meilleur équilibre, et ainsi de suite.
Ma question précise est celle-ci: Est-ce que vous pourriez nous
donner un peu plus de chair autour de cet argument, à savoir que vous
êtes toujours manifestement contre toute forme de négociation
centrale?
M. Aalders: M. le ministre, avant de demander des
précisions à M. Smith, j'aimerais faire le commentaire suivant.
Plus on englobe le processus de négociation, plus on implique du monde
dans le processus, plus nous avons des problèmes. Historiquement, je
crois que nous l'avons vu dans d'autres secteurs. Personnellement, je viens du
secteur privé et, plus on englobe des problèmes, plus on veut
regrouper du monde, plus on a des problèmes très difficiles
à résoudre au niveau national.
M. Smith, s'il vous plaît!
M. Smith: M. le ministre, effectivement, nous reconnaissons que
notre attitude est l'attitude que la QAPSB a toujours manifestée envers
la négociation au niveau central et peut-être différente de
celle manifestée par plusieurs parties dans notre
négociation.
Notre expérience nous porte à croire, comme le dit M.
Aalders, que plus est grande la négociation, moins elle fonctionne.
Quand nous avons examiné le phénomène en
général de la négociation centrale, non pas seulement
notre secteur ou juste le Québec, mais en général, nous
avons constaté que lorsque la négociation s'éloigne des
parties directement impliquées, c'est-à-dire l'employeur
quotidien et les employés, plus il existe une grande distance entre les
négociations et ces personnes, plus nous voyons le degré de
difficulté à répondre aux véritables besoins des
personnes qui sont à la base du système. Donc, par extension, les
négociations centrales, pour nous, sont tout simplement une extension
hypercentralisée de ce problème.
De plus, au niveau sectoriel, nous avons vu assez de problèmes de
cette nature, c'est pourquoi, dans notre analyse de la
négociation au niveau sectoriel, c'est-à-dire les
négociations qui touchent toutes les commissions scolaires, nous avons
recommandé que seules quelques matières y soient prévues.
Nous ne croyons pas que les avantages offerts par la négociation
centralisée sont tels que cela contrebalance les inconvénients.
(16 heures)
Les inconvénients, nous les avons mentionnés
brièvement. D'abord, nous croyons que d'avoir une négociation qui
oppose systématiquement le gouvernement à un front commun qui
représente au-delà d'un quart de million d'employés,
c'est, par définition, créer un grand rapport de force qui peut
difficilement se concilier. C'est trop grand. Il y a trop de pouvoirs en jeu.
D'abord, l'État met sur la table de négociation peut-être
40% de son budget à un seul moment, pour un seul regroupement de
syndicat. Pour nous, par définition, cela crée un affrontement.
Deuxièmement, pour ce qui a trait aux intérêts du
réseau, nous croyons que les meilleures négociations se font
entre les personnes qui sont responsables de l'administration des contrats,
l'administration des entreprises, que ce soit des commissions scolaires ou
autres, et les syndicats directement représentatifs des employés.
C'est une situation qui n'existe évidemment pas au niveau central.
M. Gendron: Je vous remercie. Vous avez mentionné dans
votre mémoire que vous êtes opposés à toute forme de
négociation centrale et vous venez d'expliquer davantage les motifs sur
lesquels repose ce point de vue. Vous ajoutez dans votre mémoire,
à la page 30, je pense, que même sur la
rémunération, vous êtes contre une négociation
centrale, y compris l'aspect de la rémunération. Vous êtes
aussi opposés à ce que la rémunération soit
décidée ou décrétée par le gouvernement ou
légiférée par l'Assemblée nationale. Enfin, vous ne
voulez pas que les mandats viennent du Conseil du trésor, même sur
la rémunération. Vous avez mentionné dans votre
mémoire que vous préféreriez que ce ne soit pas le Conseil
du trésor qui dégage les mandats. Voici la question que je vous
pose. Comment, alors, le gouvernement va-t-il pouvoir jouer son rôle ou
un rôle - cela dépend des points de vue - en particulier sur le
contrôle de la masse salariale, qui m'apparaît sa
responsabilité première, et, deuxièmement, sur
l'équité ou cette notion de parité entre divers secteurs
pour ce qu'on appelle généralement des emplois analogues? Je ne
sais pas si vous avez bien saisi ma question sur les deux volets. À
partir du moment où on est contre, peu importe ce que nous ayons
à dire sur la rémunération, les mandats ne viennent pas du
Trésor. Comment va-t-on arriver à jouer notre rôle pour
certains suivis de la masse salariale de même que pour
l'équité des divers secteurs analogues de
rémunération?
M. Smith: Je vais essayer, M. le ministre, de répondre
à ces deux volets. D'abord, nous ne nierons jamais le rôle du
Conseil du trésor comme un agent privilégié du
gouvernement dans la répartition des masses salariales qui incombent,
qui sont la responsabilité du gouvernement. C'est une chose que le
Conseil du trésor décide combien de dollars le gouvernement va
investir dans tel secteur, dans tel ministère, dans tel domaine. C'est
une autre chose que le conseil qui devrait négocier cette masse ou ces
salaires qui en découlent avec l'ensemble du secteur. Nous avons
déjà indiqué que certains paramètres du
système de rémunération doivent se faire au niveau
sectoriel, par exemple, avec l'ensemble des enseignants. Nous ne croyons pas
que c'est essentiel au plan d'équité ou d'autres plans d'avoir un
regroupement de tout le monde dans les secteurs public et parapublic pour
déterminer les échelles de traitement, etc. C'est même
"questionnable", je dis que même tous les enseignants doivent recevoir le
même salaire, et c'est compréhensible; je le crois
honnêtement pour la plupart de nos commissions, elles acceptent cette
notion, même celles qui la questionnent. Si on regarde d'ailleurs dans
d'autres provinces où la négociation se fait localement entre
commissions et syndicats, le gouvernement de cette province contribue toujours
au financement de l'éducation, mais il n'est pas nécessairement
partie à la négociation. Il faut faire une différence
entre le système de financement et le partage du financement et le
processus de négociation. Même si, pour l'instant, on convient, de
part et d'autre, que le traitement des enseignants doit être
négocié provincialement, on dit: Parfait. Le gouvernement est
représenté par son ministre de l'Éducation ou
peut-être par un représentant du Conseil du trésor, peu
importe. Mais c'est un secteur seulement. Que le gouvernement coordonne
à l'intérieur, c'est normal, mais ne pas dire que le processus de
négociation doit nécessairement être centralisé, et
envisager, englober tout le monde ensemble.
Pour ces raisons, on dit qu'on peut envisager une négociation des
échelles de traitement, peut-être, ou des taux de traitement
à un niveau sectoriel. Quand nous avons dit dans notre mémoire
que le processus de décision pour la prise de décision doit
être regardé en fonction d'un système de financement,
effectivement, M. le ministre, nous avons vu en tête une revue profonde
du système de financement.
En 1969, nous avons entrepris le dialogue avec le ministère de
l'Éducation dans le cadra d'une conférence Québec-
commissions scolaires pour regarder les grandes questions de partage des
responsabilités entre le ministère et le réseau scolaire
concernant la question du mode de financement, etc. Nous croyons qu'il est
encore temps de revoir ces grandes questions.
Si, par exemple, on décide que le système de financement
des commissions scolaires doit faire en sorte que le financement de tous les
points, y compris les salaires des enseignants, soit fait en grande partie par
le réseau, on peut dire que ce n'est pas nécessairement le
ministère ou le gouvernement qui doit décider
unilatéralement, sous une forme ou l'autre, quel est le salaire à
payer à l'enseignant.
Si on décide que non sur cet aspect, c'est vraiment quelque chose
de financé par le gouvernement seul, nous comprendrons tout de suite que
c'est le gouvernement qui doit décider. Mais l'un est tributaire de
l'autre.
M. Clair: Je m'excuse, M. le Président. Je ne voudrais pas
interrompre mon collègue qui va continuer, mais sur cette question,
seulement pour être sûr qu'on se comprend bien, est-ce qu'au fond,
vous ne nous dites pas que la masse est non négociable, qu'elle est
déterminée par le Conseil du trésor ou le gouvernement,
selon ce qu'il voudra et que ce qui sera négociable, non pas avec le
Conseil du trésor mais avec la table sectorielle, c'est la distribution
de la masse? Puisque vous dites que la masse appartient finalement à
l'État, la masse budgétaire, donc la masse salariale, il
appartient à l'État de décider. Je vais vous dire ceci en
toute honnêteté. Si le résultat de votre proposition, c'est
de faire en sorte' que ce soient les associations patronales qui, par le biais
d'une négociation, dorénavant déterminent le niveau des
taxes et des impôts au Québec, je m'excuse, mais cela ne tient pas
debout. Alors, cela ne peut être votre proposition. J'essaie de la saisir
devantage et de la résumer et je me dis: Est-ce que, au fond, ce que
vous dites ce n'est pas... Je comprends bien que tout l'esprit de votre
mémoire est un vibrant plaidoyer en faveur de la
décentralisation. Mais puisque vous reconnaissez le rôle ultime du
gouvernement en termes de détermination de la masse, cela ne revient-il
pas à dire que la masse ne serait pas négociable avec le
gouvernement, mais elle serait déterminée par le gouvernement qui
décide de consacrer, disons, 6 000 000 000 $ à l'éducation
en général pour tous les services et qu'ensuite,
là-dessus, il y en a X milliards qui s'en vont en salaire, mais la
distribution est négociable sectoriellement.
Si tel est le cas, est-ce qu'on ne risque pas de revenir au point de
départ? Quelqu'un nous disait ce matin: Les centrales syndicales vont
vouloir négocier toujours avec celui qui a le vrai pouvoir. Ne
risque-t-on pas de revenir à ce que la vraie négociation soit
celle qui se déroulerait à ce moment en l'absence de toute
participation des associations patronales directement entre le Conseil du
trésor et les centrales syndicales, dans un premier temps, pour
déterminer la masse puis, dans un deuxième temps, sa distribution
serait négociée sectoriellement, tout cela avec le maintien
permanent d'un droit de grève? Je vous avoue que j'ai de la
difficulté à réconcilier tout cela. Vous dites droit de
grève maintenu en tout temps, non négociabilité,
sembie-t-il, de la masse qui est déterminée par le Conseil du
trésor. J'ai de la difficulté à concilier ces deux choses.
Mais par ailleurs, la distribution serait négociée
sectoriellement.
Je ne sais si vous pouvez préciser davantage votre pensée?
Parce que je vous avoue que j'ai un peu de difficulté à suivre,
à voir comment le système que vous préconisez serait
opérationnel.
M. Smith: Je vais essayer de préciser, M. le ministre.
D'abord, nous n'avons jamais dit que la masse est négociable, comme on
n'a jamais dit que c'est non négociable. Pour nous, la masse, si on
parle de masse salariale, masse monétaire quelconque, il est
évident que cela fait partie des pouvoirs de niveau à un niveau
donné.
Si on dit, par exemple, dans un système où la
négociation est complètement décentralisée, que le
syndicat des enseignants vient négocier avec une commission scolaire, la
commission scolaire ne négocie pas la masse d'argent dont elle disposera
avec le syndicat des enseignants; elle ne négocie pas le niveau de
taxation, etc., elle négocie les salaires, ceci et cela, mais elle tient
évidemment compte de la masse dont elle dispose, de la
possibilité de transférer des montants d'un endroit à un
autre, etc. Selon nous, pour la négociation des salaires des enseignants
au niveau provincial, c'est exactement le même phénomène.
Or, par exemple, si nous avons une négociation avec les enseignants au
niveau sectoriel - nous l'avons mentionné dans notre mémoire -
nous avons bien dit que le ministère de l'Éducation ou un autre
agent du gouvernement, si vous le préférez, est partie à
ces négociations. C'est sûr que les propositions salariales mises
sur la table sont ultimement, en ce qui a trait aux représentants du
gouvernement, sanctionnées par le Conseil du trésor qui est
conscient de la masse disponible, des possibilités de transferts, de
leur impact sur d'autres secteurs, etc. Selon nous, ce n'est pas inconciliable
du tout avec les système que nous proposons. Tout ce que nous avons dit
quant au pouvoir de prise de décision à ce niveau, c'est qu'il
faut tenir compte du
système de financement en vigueur.
Le Président (M. Lachance): Pouvez-vous poursuivre? Est-ce
terminé?
M. Smith: Si, par exemple, on décidait au niveau
provincial que le système de financement est tel que les salaires des
enseignants sont complètement financés par le ministère ou
le gouvernement, c'est sûr que nous reconnaîtrions le droit du
gouvernement de déterminer les propositions patronales que nous
pourrions mettre sur la table et en convenir avec le syndicat, mais, selon
nous, ce n'est pas nécessaire de dire qu'il faudra tout négocier
à la même place et en même temps avec tous les syndicats
ensemble.
M. Gendron: Rapidement, parce que le temps passe, j'aurais une
dernière question, mais je vais la poser en deux parties, avant de
terminer en ce qui me concerne. Vous avez évoqué, à un
moment donné, dans votre mémoire, la création d'un
comité patronal regroupant les catholiques, les protestants et le
ministère. Vous avez dit que ce comité négocierait le
traitement, de même que les conditions de travail à
caractère normatif lourd avec un mécanisme par lequel le
ministère aurait un vote prépondérant en cas de
désaccord. J'aimerais que vous précisiez davantage, selon votre
point de vue, les éléments, les charnières que vous
incluez dans ce que vous avez appelé le normatif lourd. Parce
qu'habituellement, il y a certains principes de négocation, lorsqu'on
parle de normatif lourd, on inscrit tel et tel élément. Puisque
votre insistance est très marquée quant à l'essentiel des
négociations au niveau local et que la grande majorité des
négociations porterait directement sur les commissions scolaires au
niveau local, pourriez-vous préciser les éléments que vous
voudriez inclure dans le caractère dit normatif lourd? Ma
dernière question est celle-ci: Seriez-vous favorables à ce que
les commissions scolaires puissent négocier localement, mais
individuellement, c'est-à-dire chacune avec son syndicat ou à ce
qu'il y ait un regroupement au niveau de l'association comme
négociation?
M. Smith: D'accord. M. le ministre, en ce qui a trait à
vos deux questions, concernant la première touchant les matières
de négociation, à notre esprit, les matières qui doivent
être négociées à un niveau sectoriel doivent
être limitées à une très petite liste, par exemple,
les échelles de salaire, quelques avantages relatifs à la
sécurité d'emploi, parce que cela a un impact sur l'ensemble des
commissions scolaires, peut-être le régime d'assurance, mais pas
nécessairement, car les éléments du régime
d'assurance ne sont pas nécessairement uniformes dans tout le
réseau. Il y peut-être d'autres matières sur lesquelles les
parties peuvent convenir.
M. Gendron: La tâche.
M. Smith: La tâche. Les éléments quantitatifs
qui déterminent en soi le niveau des ressources pour le réseau,
que ce soit le nombre prédéterminé d'heures de travail par
semaine ou que ce soit plutôt une formule dans laquelle on dit: Le niveau
de prestations de travail et de rémunération des enseignants est
fait en fonction des paramètres suivants. Là, on pourrait
imaginer les différents taux, les différentes tailles des
groupes, etc. Mais à part cela, on pense que tout le reste peut
être négocié entre le réseau des commissions
scolaires et ses syndicats, (16 h 15)
Pour votre deuxième question, la configuration de ce second
palier des négociations. Comme nous l'avons dit dans le mémoire,
ce n'est pas un sujet facile à solutionner. Nous avons les commissions
scolaires qui, individuellement, préfèrent négocier
l'ensemble de ces autres sujets avec leurs propres syndicats. D'autres
commissions scolaires disent: Non, pour les raisons d'économie, de
manque de ressources, d'existence d'objectifs communs, etc. On pense qu'on peut
faire cela en regroupant certaines ou peut-être toutes les commissions
protestantes vis-à-vis d'un regroupement syndical semblable. Nous
croyons que c'est le même problème chez les syndicats. Nous
connaissons les syndicats qui préfèrent le faire
complètement au local et d'autres qui préfèrent avoir un
regroupement. C'est pourquoi notre propos est flexible là-dessus en
espérant que dans le dialogue futur, nous pourrions trouver un compromis
satisfaisant et qui pourrait différer pour différentes
catégories de personnels.
M. Gendron: Merci beaucoup.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. J'aimerais remercier les
représentants de l'Association des commissions scolaires protestantes
pour leur excellent mémoire. L'analyse que vous avez
présentée reflète fidèlement, je crois, la triste
histoire des négociations dans le secteur de l'éducation que j'ai
vécue personnellement pendant les années où j'ai
été présidente de La commission scolaire protestante du
Grand Montréal. Nous avons vécu... Comme vous avez signalé
dans votre mémoire, avec chaque ronde de négociation, on a
réussi à démoraliser tous les participants. Ce qui est
pire, on a réussi à diminuer la qualité de
l'éducation d'une façon systématique. Selon votre analyse,
les
propositions du gouvernement ne constituent pas une réponse
adéquate aux problèmes que vous avez soulevés. Pour ma
première question, j'aimerais aller au coeur de votre argumentation, ce
qui me semble être le coeur de vos propositions et surtout cette question
soulevée par les ministres. D'abord, vous avez parlé de la
nécessité d'être cohérent, d'avoir un système
de négociation et un système de financement qui sont
cohérents. Cette situation n'a pas existé depuis longtemps. Mais
de plus, il y a certaines conditions essentielles qu'il faut respecter en
construisant le système de négociation et le système de
financement. D'abord, il y a les responsabilités du gouvernement et des
élus pour les dépenses gouvernementales et une certaine
équité dans la distribution des ressources de l'État.
Il y a une deuxième condition, c'est que le gouvernement doit
garantir un certain niveau de services, une certaine qualité de services
dans nos écoles publiques. Troisièmement, il faut respecter
l'autonomie des élus des gouvernements locaux, les commissions scolaires
qui sont imputables à leurs communautés, donc il faut qu'ils
aient la marge de manoeuvre nécessaire pour répondre aux besoins
locaux.
Maintenant, il semble que le système que nous avons vécu
depuis longtemps ne respecte pas la nécessité de cohérence
entre le système de négociation et le système de
financement et les conditions essentielles, les trois conditions que j'ai
énumérées ne sont pas respectées non plus. Dans
votre mémoire, vous parlez à plusieurs reprises de la situation
en Ontario. Pourriez-vous nous expliquer ce qui se passe en Ontario? Il semble
qu'ils aient trouvé une formule avec plus de cohérence entre les
deux systèmes qui respecte... Tout le monde, apparemment, est satisfait,
y compris les gouvernements locaux et le gouvernement provincial. Pouvez-vous
nous décrire comment ils en sont arrivés à cette
cohérence et à satisfaire tout le monde?
M. Smith: Très brièvement, l'expérience en
Ontario, avant les années soixante-dix, ressemblait à celle du
Québec, à savoir qu'il y avait des négociations locales
entre différents conseils scolaires et différents syndicats
d'enseignants. Dans les années soixante-dix, à peu près
six ou sept ans après que le Québec ait décidé de
centraliser le processus de négociation, le gouvernement de l'Ontario,
lui aussi, avait pris le temps de faire une grande réflexion sur le
système de négociation dans le secteur de l'éducation. Les
premières propositions du gouvernement ont conduit à maintenir le
système de négociation local, mais la législation qui a
suivi n'a pas été appliquée durant deux ans, après
une vaste consultation des parties. La loi qui a été
adoptée par la suite, la loi 100, appelée la loi sur la
négociation collective entre conseils scolaires et enseignants, a
effectivement maintenu la négociation décentralisée entre
commissions scolaires et syndicats après un grand nombre de moyens de
médiation, de techniques de conciliation, etc., pour aider les parties
et à créer la commission dont je vous ai parlé tout
à l'heure, la commission de relations en éducation. C'est une
commission qui était dirigée par des personnes fort
respectées dans le domaine des relations du travail en Ontario.
Actuellement, le président de cette commission est M. Brian Downie,
auteur des textes que nous avons cités dans notre mémoire et
qu'il a écrits avant de devenir président de la commission. Ce
sont des personnes qui sont respectées par les syndicats, par les
commissions scolaires.
Deuxièmement, il est évident qu'en Ontario comme ailleurs,
il y a certains conflits scolaires qui sont très difficiles, mais la
grande différence, c'est que la législation, en Ontario, donne un
cadre qui, dans l'état normal des choses, permet aux parties de
réconcilier leurs différences dans un processus dans lequel le
gouvernement n'interfère pas. Il y a très peu de cas
d'interventions gouvernementales dans le processus de négociation.
Le deuxième long commentaire que je ferai sur le système
en Ontario touche le système de financement des commissions scolaires.
En Ontario, il y a un système de subvention de péréquation
par lequel le gouvernement contribue aux revenus des commissions scolaires
selon une gamme de facteurs, comme la richesse d'un conseil scolaire
particulier et d'autres facteurs, la distance, la situation
géographique, etc., de sorte que la contribution financière du
gouvernement de l'Ontario varie d'environ 10% pour les commissions scolaires du
Grand Toronto jusqu'à 90% de certains conseils scolaires du nord de
l'Ontario.
Dans les années soixante-dix, il y avait aussi un problème
semblable à celui que nous avons vécu au Québec en 1966,
à savoir que le gouvernement a essayé de contrôler la
négociation des salaires des enseignants avec le système de
financement. Personne n'a accepté et le gouvernement a
décidé de changer de tactique. Après cela, il a dit: D'une
part, il y a une contribution du gouvernement au système
d'éducation que les commissions scolaires négocient avec le
gouvernement et, par la suite, c'est aux commissions scolaires de
négocier avec leurs enseignants. Il est bien sûr que lorsqu'une
commission scolaire est face à un syndicat d'enseignants qui veut une
augmentation salariale de 15% et que la commission scolaire sait que
l'augmentation de ses subventions est de l'ordre de 4%, si la population pense
qu'elle est déjà assez taxée, elle va y penser deux fois
avant de dire oui,
mais l'important, c'est que les parties elles-mêmes sont
laissées seules a solutionner leurs problèmes. La grande
différence, Mme la députée, avec la situation ici au
Québec, c'est qu'en Ontario, ce système de négociation
locale a toujours été préservé. Or, même si
nous décidons aujourd'hui que c'est la chose à faire, on ne peut
pas la faire du jour au lendemain. C'est pourquoi, dans notre mémoire,
on essaie de prévuir une transition, un système qui permette
graduellement une décentralisation du processus sans prétendre
que du jour au lendemain, on puisse mettre sur pied un système comme
celui que nous retrouvons en Ontario.
Mme Dougherty: Votre recommandation qu'on garde les
négociations au niveau sectoriel est une espèce de compromis.
Cela ne reflète pas la logique de votre pensée. Donc, c'est une
disposition transitoire qui pourrait graduellement évoluer vers une
décentralisation totale, n'est-ce pas?
M. Smith: C'est cela.
Mme Dougherty: Si je comprends bien ce qui se passe en Ontario -
et je crois que cela répond un peu à la question du ministre - un
système comme vous le proposez, un système
décentralisé de négociation implique forcément plus
de marge de manoeuvre, un changement du système de financement des
commissions scolaires. Si c'est vrai; si c'est la clé de l'affaire, je
crois que c'est un point capital qu'il faut souligner ici au Québec,
parce que le droit de taxation foncière est un débat qui existe
depuis longtemps ici au Québec. Il semble qu'il faut examiner ce
système de financement en Ontario parce que si je comprends bien votre
analyse, il est impossible de vraiment décentraliser, une vraie
décentralisation des négociations, afin de respecter l'autonomie
des commissions scolaires sans réviser et sans repenser le
système de financement des commissions scolaires afin d'élargir
la marge de manoeuvre des commissions scolaires. Est-ce que j'ai raison?
M. Smith: Oui. Je crois que vous avez bien raison. C'est pourquoi
nous avons insisté, comme vous l'avez remarqué, à travers
notre mémoire, sur l'importance de la cohérence entre les
différents systèmes de gérance - si on peut les appeler
ainsi -applicables au secteur de l'éducation. C'est pourquoi notre
perspective est une décentralisation générale du
système de l'éducation, d'abord au niveau du partage des pouvoirs
et des responsabilités, secundo, au niveau du financement des sources
autonomes de revenus et, troisièmement, comme matière
d'importance capitale, la négociation.
Mme Dougherty: J'aimerais poser la question d'une autre
façon. À votre avis, est-ce possible de garder le système
actuel de financement des commissions scolaires et décentraliser en
même temps, peut-être pas complètement, mais partiellement,
le système de négociation, ou si on garde le système de
financement actuel et qu'on essaie de décentraliser les
négociations, est-ce que le résultat sera une espèce de
fausse décentralisation?
M. Smith: Je pense que je comprends très bien votre
question. Effectivement, il faut encore que les personnes qui prennent les
décisions aient les moyens d'en payer le prix. Nous avons vu, dans les
négociations provinciales que nous avons mentionnées tout
à l'heure, des conflits d'intérêts à
l'intérieur de la partie patronale à cause de ce problème.
Si, poursuivant votre question, nous décentralisons les
négociations au niveau des commissions scolaires sans changer le
système de financement, nous allons avoir un système où
les commissions scolaires seront appelées à négocier des
salaires, par exemple, avec les enseignants sans avoir le pouvoir d'en payer le
prix. C'est le complément incohérent et un complément
inacceptable comme situation. Or, si jamais on décide pour une raison ou
pour une autre qu'on ne veut pas changer le système de financement et
qu'on veuille que ce soit le gouvernement qui paie 95% des dépenses
à l'éducation, forcément, vous avez des
négociations centralisées, d'après notre analyse,
forcément avec l'ensemble des problèmes que nous avons
vécus, car nous sommes convaincus qu'on ne peut pas améliorer
sensiblement le système de négociation tant et aussi longtemps
qu'il demeure centralisé. (16 h 30)
Mme Dougherty: Merci de votre clarification. J'ai d'autres
questions. C'est une question qui poursuit un peu celle posée par un des
ministres. À la page 47, vous parlez des négociations
sectorielles. Je n'ai pas vraiment compris ce que vous proposez ici. Dans votre
analyse des problèmes à la page 31, vous avez soulevé
l'illogique de la situation quand on négocie le salaire à un
niveau et la tâche à un autre niveau. À la page 47, vous
dites: "De même les composantes - on parle des matières au niveau
sectoriel - quantitatives utilisées pour déterminer la
rémunération des enseignants pourraient se négocier
à ce niveau". Plus loin, vous dites: "Nous proposons que la
détermination des paramètres... " Dans votre explication, il me
semble que vous séparez un peu la tâche du salaire. Donc, il me
semble qu'il y a une contradiction ici avec l'affirmation que vous avez faite
à la page 31.
M. Smith: Ce que nous prévoyons ici comme matières
sectorielles et, encore une fois, ce n'est pas une proposition très
précise et détaillée, c'est de négocier les
éléments essentiels ensemble dans un seul endroit. Par exemple,
cela peut être une échelle de traitement, une grille salariale
comme celle que nous connaissons pour les enseignants de 14 à 20 ans de
scolarité, etc., et ce, par rapport à X nombre d'heures de
travail par semaine, comme nous le faisons actuellement par exemple pour le
personnel de soutien où on dit: Voilà un taux horaire de travail,
ou pour le personnel professionnel à qui on dit: Voilà une grille
salariale basée sur 35 heures par semaine. Si, localement, ils
travaillent 32 heures et demie, il n'y a pas de problème, c'est
réduit proportionnellement. Ce sont des paramètres dans ce
sens-là.
Nous disons que la solution est peut-être d'avoir une grille
salariale traditionnelle pour X ou Y heures par semaine, qu'elles soient X
heures globales ou X heures d'enseignement, etc., les détails sont
à convenir. Ou plutôt, il s'agirait peut-être de dire que
dans le concept de ce genre de travail qu'est l'enseignement, le taux est
fixé à tel échelon. Ou peut-être que ce serait une
formule qui envisage le nombre d'élèves impliqués pour un
professeur donné, le nombre d'heures qu'il enseigne, sa catégorie
d'expérience, etc., pour dire: Voilà les paramètres
à la fois de la prestation de travail et de la
rémunération.
Par exemple, on a vu dans certaines commissions scolaires de l'Ontario
que la tâche des enseignants est établie en fonction du nombre
d'élèves et du nombre de périodes, pour avoir une
équation de ces éléments. Peut-être que c'est ce
qu'il faut faire. On n'a pas d'idée précise, mais on essaie
toujours d'être cohérents avec la critique posée à
la page 31, à savoir que l'ensemble de ces éléments
quantitatifs soient négociés en un seul endroit, que les parties,
par la suite, localement, aient l'occasion de dire: Ici, on va travailler plus
d'heures avec moins d'élèves. Peut-être qu'il n'est pas
nécessaire d'avoir les mêmes règles de formation de groupes
pour tout le monde, mais que ces différents éléments
correspondent de sorte qu'il y ait une équité dans toute la
province, même si cette équité est exprimée
différemment dans un endroit ou dans un autre.
Mme Dougherty: À la page 23, on parle de la tâche,
des responsabilités des enseignants. Vous posez une question: Est-ce que
les devoirs et responsabilités des enseignants devraient être un
sujet de négociation ou est-ce qu'ils devraient être
définis dans la Loi sur l'instruction publique ou dans une loi
concernant la profession des enseignants? Quelle est votre réponse
à cette question? Vous n'avez pas répondu.
M. Smith: Non.
Mme Dougherty: Je pourrais deviner.
M. Smith: C'est une question effectivement très difficile,
surtout à cause de l'expérience que nous avons vécue,
à savoir qu'il y a plus de quinze ans que nous négocions les
devoirs et responsabilités des enseignants à une table de
négociation. Dire encore demain qu'on ne négocie plus ces
tâches, ce serait très difficile à envisager.
II est souhaitable qu'au niveau professionnel, les devoirs d'un
enseignant soient inscrits dans la Loi sur l'instruction publique; c'est
d'ailleurs le cas en Ontario. Évidemment, nous appuierons un tel
encadrement dans la Loi sur l'instruction publique, les devoirs professionnels
d'un enseignant, mais nous ne pouvons pas dire que nous nous opposons à
retirer comme matière de négociation complètement la
discussion de cette question avec les enseignants. Bien sûr, c'est ici
qu'on voit la conjoncture entre la question professionnelle et la question des
relations du travail. C'est une ligne de démarcation difficile à
désigner. Bien sûr, comme syndicat, comme groupement
d'employés, ils ont le droit de dire: J'ai quelque chose à dire
sur ce que je vais faire pour gagner mon salaire. C'est normal. Nous n'avons
aucun propos précis, mais nous reconnaissons que ce devrait être
précisé d'une certaine façon dans la loi, mais qu'il y a
une marge pour la négociation à une table de
négociation.
Mme Dougherty: Est-ce que vous avez discuté de ce
problème avec les syndicats, lors des négociations?
M. Smith: À maintes reprises... Pas récemment.
Mme Dougherty: Croyez-vous que le syndicat serait favorable
à une certaine définition hors des négociations?
M. Smith: Je préférerais que les syndicats parlent
pour eux-mêmes mais...
Mme Dougherty: Alors, merci.
M. Smith:... je pense que notre expérience nous indique
qu'en général ils préfèrent régler leurs
affaires à la table des négociations.
Mme Dougherty: Merci. À la page 38, l'institut de
recherche proposé par l'avant-projet de loi du gouvernement. Vous avez
établi une certaine position il y a quelques années sur cette
question. Voudriez-vous expliquer un peu pourquoi vous favorisez une
comparaison avec les salaires équivalents en Ontario au lieu des
salaires dans le
secteur privé au Québec?
Deuxièmement, est-ce vraiment possible d'établir des
équivalences entre le secteur public, l'éducation, par exemple,
et le secteur privé? Où sont les équivalences dans le
secteur privé? Je partage votre préférence, mais
j'aimerais que vous vous expliquiez un peu?
M. Smith: Certainement. D'abord, nous devrons dire que notre
idée, en parlant d'une comparaison, que ce soit dans le secteur
privé ou d'autres secteurs de l'éducation, ailleurs, ce n'est pas
d'avoir une équivalence parfaite, ce n'est pas de dire: On va prendre le
salaire moyen des enseignants au Canada et c'est cela qu'il faut payer aux
enseignants du Québec. Ce n'est pas notre idée du tout, c'est
plutôt pour avoir une comparaison à titre d'information, comme
base de réflexion.
Comme nous l'avons mentionné, dans le secteur public, les
salaires que nous payons à nos employés résultent du
système politique. Ce sont des décisions politiques et sociales
que prendrait un gouvernement, une commission scolaire ou un hôpital avec
les valeurs sociales qui sont comprises dans ces salaires. Donc, il n'est pas
pour nous question de dire d'une façon mathématique, d'une
façon systématique: On va prendre telle comparaison et, en vertu
de cela, on va établir nos salaires. Mais nous croyons que la
restriction de la comparaison avec le secteur privé du Québec se
limite tout simplement au contexte économique de la province. C'est une
comparaison très valable. On ne nie pas que c'est valable, mais on dit
que c'est trop restrictif. Lors de la dernière ronde des
négociations, on avait eu, à maintes reprises, l'occasion de
comparer la tâche de nos enseignants avec la tâche des enseignants
en Ontario et ailleurs. Nous avons eu également l'occasion de comparer
le coût de l'éducation avec celui d'autres provinces. On a dit: De
la même façon, regardons ailleurs pour déterminer une base
de comparaison pour la rémunération de nos enseignants, de nos
principaux d'école, de nos cadres supérieurs, etc. Regardons le
secteur privé, mais regardons ailleurs. De plus, lorsque vous ne vous
concentrez que sur le secteur privé, vous risquez de briser une logique
salariale interne et propre au secteur, parce que vous bâtissez un
système qui prend les employés un peu comme soutien du
système pour établir les salaires des personnes clés du
système. Dans un système d'éducation, c'est très
clair que le personnel clé, ce sont les enseignants. Tout le
système tourne autour d'eux. Tout le monde est là pour appuyer
leurs activités et pour dire: On va faire des comparaisons entre les
secrétaires, les concierges, les techniciens, les gérants, etc.,
où on peut trouver une cible dans le privé, ensuite on va reculer
pour déterminer les salaires des enseignants. Pour nous, ce serait un
peu mettre le système à l'envers. C'est pourquoi on favorise une
approche plus globale en faisant des comparaisons.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Lachance): M. le président du
Conseil du trésor, vous avez maintenant la parole.
M. Clair: Oui, M. le Président, et je continue exactement
sur le même sujet, parce que je pense que l'autre point de vue
mérite d'être évoqué, et je pose, à partir de
là, la question à nos invités quant à
l'évolution de la rémunération. Lorsqu'on parle de
rémunération, dans les secteurs public et parapublic, et de
comparaison, que ce soit avec le secteur privé ou avec d'autres
provinces, il y a toujours deux questions, deux éléments de la
rémunération. Il y a d'abord la question de niveau de
rémunération, à savoir à quel niveau se situe la
rémunération, pour une année donnée, pour un
enseignant avec 19 ans de scolarité et tant d'années
d'expérience, etc., et pour un ingénieur dans le privé
avec tant d'années d'expérience et tant d'années de
scolarité. C'est une question de niveau. Ensuite, il y a la question de
croissance annuelle. Si on a choisi au Québec de se donner une politique
salariale orientée vers la comparaison du secteur public avec le secteur
privé, ce n'était pas pour avoir comme résultat un
alignement, je dirais, automatique et on n'entrevoit pas d'automatisme
là-dedans. Je pense que vous reconnaissez, M. Smith, que ce serait la
même chose si on le faisait par rapport à d'autres provinces
canadiennes, parce qu'encore là, les comparaisons sont souvent
très difficiles a faire de façon scientifique. On a eu des
études comparatives entre le Québec et l'Ontario et on se rend
compte à quel point cela peut être difficile de faire de telles
comparaisons. C'est presque aussi compliqué que de faire des
comparaisons entre le secteur public et le secteur privé. Mais,
fondamentalement, surtout en ce qui concerne la croissance de la
rémunération du secteur public, quelles seraient, selon vous, une
fois que les niveaux de rémunération sont - entre guillemets
-"acceptés ou tenus pour acquis", la justification ou les justifications
pour que la rémunération dans le secteur public
québécois croisse plus rapidement que celle du secteur
privé ou encore qu'elle s'aligne sur la croissance d'un autre service
public dans une autre province canadienne dont le niveau, la croissance
économique, la croissance des salaires peut être différent
de celui du Québec? Autrement dit, si on prend simplement la
fédération canadienne - on pourrait prendre d'autres
sociétés - on sait très bien que le taux de chômage
varie d'une province à l'autre, que le taux de croissance
économique est très variable d'une province à
l'autre, que la conjoncture n'est jamais la même ou à peu
près dans toutes et chacune des provinces canadiennes. Est-ce que ce ne
serait pas - je m'excuse de l'expression un peu forte - un non-sens
économique que d'avoir comme principale préoccupation d'aligner
la croissance de la rémunération et le niveau de
rémunération des services publics québécois sur
celle d'autres provinces canadiennes quand on sait fort bien que, dans les
secteurs où cela s'est passé, il n'y a jamais un syndicat dans le
secteur public qui ait dit: Je demande ia comparaison avec une autre province
canadienne afin d'être bien sûr que je n'abîme pas la
capacité de payer du gouvernement, je ne veux pas taxer la
concurrentialité de l'économie québécoise et, en
conséquence, je veux me situer à 10% en bas de la moyenne dans
l'ensemble canadien pour être bien sûr que l'économie
québécoise soit vraiment concurrentielle parce qu'il ne sera pas
nécessaire d'avoir plus de taxes, donc, bien souvent, selon d'où
on impose ces taxes, plus de chômage? (16 h 45)
N'est-ce pas un peu un non-sens économique? On peut prendre
l'exemple de la rémunération des corps de police. Prenez celui de
la Sûreté du Québec, par exemple. Pendant des
années, le critère de comparaison était les grands corps
de police au Canada. Il y avait l'Ontario Police, la Toronto Metropolitan, la
Gendarmerie royale du Canada et, si ma mémoire est fidèle,
également celle du Greater Vancouver.
Tant et aussi longtemps que la comparaison était à
l'avantage des membres de la Sûreté du Québec cela allait
fort bien. On ne se préoccupait pas trop des conséquences
budgétaires et du niveau de taxes que cela pouvait entraîner,
parce qu'il s'agissait de seulement 4000 ou 5000 policiers. Je ne le dis pas au
sens péjoratif, mais cela pouvait, budgétairement, ne pas
être la première préoccupation.
Qu'a-t-on vu après un certain nombre d'années? On a dit:
Non, non, non. Les comparaisons ne sont plus bonnes, voyons donc! II faut se
rabattre uniquement sur le Québec et comparer la police provinciale du
Québec à celle de la Communauté urbaine de
Montréal. Or, la Communauté urbaine de Montréal est mieux
rémunérée que la Sûreté du Québec. En
conséquence, il faut se faire de nouvelles comparaisons.
Je pense que c'est une approche piégée dans le sens qu'on
ne peut comparer aisément des niveaux de rémunération
ainsi qu'une évolution des rémunérations par rapport a
d'autres économies de la fédération canadienne ou a
d'autres sociétés sans risquer de créer une
surenchère dans le sens du toujours plus et sans aussi être
prêts à faire face aux conséquences budgétaires
fiscales de déficit, de chômage, etc., qui risquent de
s'ensuivre.
Seulement un petit commentaire pour Mme la députée de
Jacques-Cartier. Cela me surprend quand on sait que son collègue, le
député de Notre-Dame-de-Grâce, insistait il y a peu de
temps pour dire que si on voulait que l'économie
québécoise soit concurrentielle il importait que le coût de
nos services publics le soit aussi. Je vous pose la question. Malgré les
difficultés inhérentes à des comparaisons à
l'intérieur de l'économie québécoise, secteur
public, secteur privé, tant en termes de niveaux qu'en termes
d'évolution de rémunération, est-ce que cela n'est pas une
voie à la fois plus équitable en termes d'évolution des
rémunérations et plus réaliste en termes de niveau de
rémunération par rapport à notre capacité de payer,
par rapport à la situation de l'économie
québécoise?
M. Smith: D'abord, M. le ministre, je pense que vous avez
pleinement raison quand vous dites, par exemple, qu'il ne faut pas que le taux
de croissance de la rémunération dans le secteur public
québécois évolue d'une façon plus grande, plus
rapide que celui observé dans le secteur privé. Je pense qu'il
n'y a pas d'erreur là-dessus. On est aussi d'accord avec vous en disant
qu'il faut absolument que le gouvernement à l'échelle provinciale
ou d'autres instances à leur niveau tienne compte de la capacité
de leur milieu à payer. On n'a aucune objection, au contraire. Ce serait
un signe d'irresponsabilité que de penser autrement.
Comme je l'avais mentionné, notre attitude n'est pas pour dire
qu'on va prendre le salaire moyen des enseignants au Canada et vlan! c'est ce
qu'il faut payer. Non, non. Ce n'est pas du tout ce qu'on recommande. Tout ce
que nous disons, c'est qu'en établissant la relativité des
salaires, un des éléments à considérer, c'est la
rémunération de ces genres d'employés qui ne se comparent
pas facilement avec des personnes du secteur privé, avec leurs
homologues dans d'autres provinces. Cela se peut très bien si on prend,
par exemple, le salaire des enseignants. On va voir qu'il y a tel salaire moyen
en Alberta, un autre au Nouveau-Brunswick, etc. Il est évident qu'au
moment où on se parle on peut dire: Bon, nous sommes à peu
près les cinquièmes, on paie au milieu. Cela peut nous amener
à faire d'autres comparaisons avec le niveau de richesse de chacune de
ces provinces et dire: Bon, relativement à telle province qui est moins
riche et telle autre qui est plus riche, nos salaires semble être
relativement les mêmes, compte tenu de notre capacité de payer.
Cela peut nous pousser aussi à réévaluer, en faisant de
telles comparaisons, la relativité des salaires que nous payons sans que
la croissance générale des salaires évolue plus rapidement
que notre capacité de
payer par rapport aux marchés privés du Québec. Ce
sont tout simplement des éléments qui, croyons-nous, doivent
être pris en considération, de la même façon que si,
par exemple, dans une négociation dans une province
décentralisée, une commission scolaire décidait du salaire
à payer à un enseignant. Elle négocierait avec ses propres
syndicats, selon la richesse de son milieu. On voit que les échelles de
traitement, par exemple, en Ontario, au Manitoba, en Alberta, varient d'une
commission à l'autre, mais on dit que, dans ces cas, on doit tenir
compte de ce qu'on fait pour les enseignants ailleurs, qu'on doit tenir compte
de leur milieu, de leur niveau de richesse, mais aussi de ce qui se fait
ailleurs. Nous croyons qu'en faisant de telles comparaisons, comme nous l'avons
fait, nous pourrons peut-être décider de ce qu'il faut faire ou de
ce que nous devons tenter de faire comme peut-être avoir un salaire plus
élevé, mais une plus lourde charge de travail ou d'autres
combinaisons, en regardant l'ensemble de la problématique,
c'est-à-dire la charge de travail exigée des employés et
le niveau de rémunération. C'est sûr que, lorsqu'on fait
des comparaisons, il faut regarder ces deux aspects. Bien sûr, on a vu
des personnes faire des comparaisons qui ont ignoré les charges de
travail exigées, qui ne se sont concentrées que sur la
rémunération ou vice versa. Évidemment, c'est un
ensemble.
M. Clair: Ma dernière question, M. le Président,
concernera également cette question de la décentralisation. Tout
votre mémoire est, en fait, effectivement, un vibrant plaidoyer, comme
je l'ai indiqué tantôt, pour une décentralisation
très poussée, ce qui entraînerait, de façon
inévitable, des changements très importants dans les
règles de financement. Vous avez tout à fait raison. Si on veut
avoir le modèle ontarien, il faut se rappeler que, sauf erreur, les
commissions scolaires ontariennes s'autofinancent à partir des leurs
taxes propres à environ 53%.
Une voix: Tout dépend de la commission scolaire.
M. Clair: Oui, mais je pense que la moyenne qu'on indiquait
tantôt était de cet ordre de grandeur et que, deuxièmement,
il y avait, comme vous le souligniez, des disparités. Certains diraient
que ce sont des disparités au sens positif et, d'autres, que ce sont des
disparités régionales négatives, donc à combler. Ne
croyez-vous pas que, si les chances sont que le gouvernement ne retienne pas
pour le moment une telle approche de faire marche arrière sur le pouvoir
de taxation des commissions scolaires, par exemple, qui dit plus dit moins, et
qu'en conséquence, à défaut de voir votre orientation
rentenue, l'approche retenue dans l'avant-projet, à savoir au moins une
décentralisation locale sur trois thèmes, serait un moindre mal
dans votre perspective ou si vous pensez que, dans la mesure où le
gouvernement ne retiendrait pas votre approche, il serait
préférable que tout reste centralisé, parce que, selon
vous, à ce moment-là, la décentralisation, telle qu'on
l'envisage, ne porterait aucun fruit et que, si l'on demeure inscrit dans une
perspective de négociation centralisée, il vaut mieux la laisser
complètement centralisée et ne pas tenter de retourner à
la base, au local, un certain nombre d'éléments?
M. Smith: Non, nous croyons, M. le ministre, que...
M. Clair: Remarquez que je comprends bien votre position
fondamentale, mais je dis: Advenant que celle-ci ne soit pas retenue.
M. Smith: Au cas où.
M. Clair: Au cas où.
M. Smith: C'est évident, M. le ministre, qu'il est
difficile de concilier un aspect du système avec un autre lorsqu'une
perspective fondamentale est écartée. J'essaie de répondre
à votre question, en vous rappelant la réflexion que nous avons
faite en 1967-1968 concernant le système de négociation. À
cette époque, face au même problème, nous avons dit:
Essayons de négocier tous les sujets, ou à peu près tous
les sujets, à un niveau sectoriel. Par niveau sectoriel, nous avons
envisagé un groupement patronal: ministère QAPSB versus le
syndicat PAPT ou d'autres syndicats c'est-à-dire provincial, mais pour
le secteur protestant. L'idée en arrière de cette
réflexion était exactement pour tenir compte de cette
réalité que, à ce moment-là, le gouvernement ne
voulait pas décentraliser les pouvoirs fiscaux, etc. Or, notre
réponse, c'est de dire: Comme compromis dans l'état actuel des
affaires, faisons-le à un niveau sectoriel et écartons ce niveau
central avec le plein partnership du réseau scolaire avec le
ministère. Notre expérience depuis lors nous indique que le
partnership n'en est pas un, c'est un système dans lequel le
gouvernement décide et les commissions scolaires ne sont qu'un corps
consultatif. À cause de cette réflexion, si en 1985 on nous pose
la même question et on constate que le même manquement de
volonté pour la décentralisation existe, je présume -
c'est tout simplement une présomption - que notre réponse serait
de dire: Décentralisons autant que possible les matières des
négociations, possiblement dans une espèce de regroupement des
commissions scolaires protestantes, des syndicats
protestants sans que le ministère n'en fasse partie, mais
évidemment les détails déterminent beaucoup les
matières envisagées, à savoir qu'il est impossible
d'envisager les matières à un tel niveau si le niveau de
ressources n'est pas prévu pour cela. Pour un grand nombre de
matières qui, en soi, ne prévoient pas de grands
déboursés, je dirais oui. Malgré les inconvénients,
la préférence serait pour un système qui permette aux
commissions scolaires de négocier avec les employés, sans doute
tout en réclamant une décentralisation par la suite pour le
reste.
M. Clair: Merci beaucoup. Le temps qu'il reste devrait appartenir
à ma collègue de Jacques-Cartier. Je vous remercie pour votre
mémoire et de votre présence aujourd'hui.
Le Président (M. Lachance): C'est bien cela, M. le
ministre. Je cède la parole à Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. Vous avez parlé à plusieurs
reprises de l'Ontario Education Relations Commission. Il semble que cet
organisme ait eu un impact positif sur les négociations. Je me demande
d'où vient leur succès. La source de leur succès
vient-elle de la composition de l'organisme? Leur succès est-il
fondé sur une législation propice? Ou s'agit-il d'une certaine
confiance publique, une confiance des partenaires peut-être, des
participants à la négociation? Il semble que, selon votre
mémoire, cet organisme ait joué un rôle très
important en Ontario. Je me demande quelle est la source de leur succès.
(17 heures)
M. Smith: En guise de réponse, d'abord, je citerais un
rapport de la commission Mathews, une commission dont le rôle
était de revoir le système de négociation en Ontario cinq
ans après à l'instar de la législation et,
particulièrement, le rôle de la commission sur les relations en
éducation. Ce rapport dit: "La discussion sur l'évolution de la
loi 100 a mis en relief le besoin d'une barrière entre le
ministère et les participants à la négociation. " Le ERC
a, jusqu'à maintenant, rempli sa tâche d'une façon
singulière et productive. La commission a tenté d'assurer aux
enseignants que leurs droits puissent être effectivement exercés
mais, par ailleurs, elle a soutenu le processus de la négociation
collective par l'entremise d'interventions stratégiques afin de forcer
les ententes conclues librement et de protéger les intérêts
des étudiants. Je pense qu'en un mot, c'est cela leur succès.
Effectivement, les personnes qui sont membres de la commission et les personnes
qui travaillent pour leur compte sont des personnes hautement
compétentes et respectées par les parties. Au lieu d'être
un bras du gouvernement pour mettre une main sur la négociation, elles
ont gardé une distance entre le gouvernement et les négociations.
Je pense que c'est un premier point clef. Par leur compétence
professionnelle et personnelle, les enseignants, les syndicats, les commissions
scolaires, les syndics d'écoles, etc., ont tous développé
un respect pour la commission en la voyant comme une aide positive dans leurs
négociations et en maintenant leurs droits respectifs dans le
processus.
Mme Dougherty: Donc, c'est un rôle de surveillance,
d'appui, et non un rôle d'intervention en général.
M. Smith: L'intervention, c'est simplement une intervention
d'ensemble des tiers, comme les médiateurs, les conciliateurs, etc.,
mais pas pour dire: Vous allez faire ceci ou cela. Au contraire, il y a eu des
exemples dans l'histoire où le gouvernement ontarien a été
tenté d'entrer dans un tel conflit et la commission l'a convaincu de ne
pas le faire mais de laisser les parties solutionner leurs propres
problèmes.
Mme Dougherty: Donc, c'est une influence de modération
aussi?
M. Smith; C'est cela, en effet.
M. Aalders: M. le Président, je pense que le point le plus
important à souligner dans ce processus, c'est un rôle
préventif. Ce n'est pas seulement quand il survient des problèmes
qu'il faut les régler. C'est un processus continu.
Mme Dougherty: Une autre question. À la page 5, encore en
Ontario - comme il semble que tout va bien; je ne sais pas si c'est la
réalité, mais tout va peut-être un peu mieux - vous avez
dit que la négociation se maintenait au niveau local sans restriction
sur les matières qui pouvaient être négociées.
Alors, selon leur expérience, est-ce qu'il n'y avait pas tendance
à élargir le champ des matières? Comment est-ce qu'on a,
sans restrictions légales, réussi à limiter le champ de
négociation?
M. Smith: Je pense que le seul commentaire que je peux vous
offrir, c'est que c'est le même phénomène qu'on voit
partout, que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public. En
général, le régime de négociation en
Amérique du Nord pour le secteur privé ne prévoit pas de
restrictions et les parties sont libres de négocier. La raison pour
laquelle les champs de négociation sont élargis, c'est à
cause de la force d'une partie ou de la faiblesse d'une autre ou,
peut-être, le besoin ressenti par les
deux parties de régler certains problèmes par le biais de
la convention collective. Je pense que le point clef ici, c'est qu'en
prévoyant les négociations locales, il y a certains endroits,
généralement parlant, des endroits au milieu urbain avec les
grands conseils et les grands syndicats où nous verrons des conventions
collectives plus larges et plus étendues. Par contre, nous voyons
d'autres conseils scolaires plus petits et d'autres regroupements d'enseignants
plus petits ayant une aire de négociation moins large. Parce que le
système est décentralisé, cela permet aux parties qui ne
veulent pas élargir leur champ de négociation de le faire sans
empêcher pour autant ceux qui le veulent.
Mme Dougherty: Merci. Une dernière question. Après
tout ce que vous avez dit sur l'importance de l'autonomie des commissions
scolaires et des gouvernements locaux, pourquoi avez-vous - je parle
spécifiquement des pages 15 et 16 où c'est une position de
l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec -
défendu depuis longtemps le premier principe énoncé par le
QAPSB dans son analyse du projet de réforme scolaire qui était
que tout citoyen a le droit d'élire des commissions scolaires publiques
locales ayant les pouvoirs et les moyens d'administrer, de gérer et de
maintenir les écoles selon les besoins et priorités des
communautés qu'elles desservent? Boni Alors, pourquoi avez-vous
recommandé que les catholiques et les protestants se regroupent ensemble
au niveau sectoriel?
M. Smith: Pour la simple raison que pour nous, encore une fois,
en disant que les seules matières visées pour le niveau
sectoriel, ce sont des matières pour lesquelles, nous croyons,
collectivement, qu'il faut avoir une équité de distribution dans
toute la province. Si nous décidons - et je dis vraiment "si", mais
jusqu'alors, cela a créé une approche, assez typique dans le
réseau... Si nous disons qu'on doit payer les enseignants au
Québec le même salaire, la raison de cela, qui date des
années soixante, c'est pour dire: Si on veut attirer un enseignant en
Gaspésie, on ne veut pas être pénalisés parce que
les salaires que nous offrons sont moins grands que ceux offerts à
Montréal. Nous connaissons tous ce débat. Si on retient pour une
telle matière une telle orientation, il nous semble que c'est une
orientation qui est bonne pour l'ensemble du réseau de
l'éducation et pas uniquement pour le réseau protestant ou le
réseau catholique. C'est pourquoi, pour très peu de ces
matières, nous croyons que la meilleure façon de le faire, c'est
ensemble avec nos collègues du secteur catholique.
Mme Dougherty: Mais vous admettrez que pour être logique
à 100% avec votre argumentation, si on décentralise, on
décentralise...
M. Smith: Oui.
Mme Dougherty:... et c'est la même façon si on a des
commissions scolaires linguistiques. Le même principe s'applique.
Pourquoi? Si c'est possible comme en Ontario, par exemple, de
décentraliser et d'équilibrer les ressources et arriver à
une certaine équité en ce qui concerne la qualité de
l'éducation sans ce niveau sectoriel, pourquoi insister pour qu'on garde
ce niveau sectoriel, sauf pour des raisons historiques, pour ne pas changer le
système trop rapidement et tout cela.
M. Smith: C'est plutôt cela. Vous avez absolument raison.
La logique pleine et complète de notre perspective dicte une
décentralisation complète et totale du système. Quand nous
avons mentionné que même si tout le monde décide que c'est
ce qu'il faut faire, je ne pense pas, à cause de notre expérience
de 18 ans de négociations au niveau provincial, que cela puisse se
faire. Et aussi, nous pensons peut-être qu'en mettant cela là,
cela va convaincre le président du Conseil du trésor d'être
d'accord avec le reste.
Mme Dougherty: Merci infiniment.
Le Président (M. Lachance): Madame et messieurs de
l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec, merci
beaucoup d'être venus à cette commission parlementaire pour nous
faire part de votre point de vue.
M. Smith: Merci beaucoup.
Le Président (M. Lachance): J'invite maintenant les
représentants de la Fédération québécoise
des directeurs d'école à bien vouloir prendre place. Il me fait
plaisir, à titre de président de la commission, de souhaiter la
bienvenue à ce groupe de directeurs d'école du Québec et
en particulier à leurs porte-parole qui sont ici présents.
J'invite maintenant le président, M. Réal De Guire, à bien
vouloir identifier les personnes qui l'accompagnent.
Fédération québécoise des
directeurs d'école
M. De Guire (Réal): M. le Président, merci. C'est
d'abord avec plaisir que je voudrais vous présenter les
représentants des 27 associations affiliées à la
Fédération québécoise des directeurs
d'école, qui regroupent près de 4000 directeurs et directrices
d'école, adjoints et adjointes
répartis dans tout le Québec, surtout du côté
francophone, parce que nous avons aussi des membres qui sont anglophones. J'ai
des membres du conseil d'administration de la fédération.
À ma droite, M. Marcel Lebel, qui est vice-président de la
fédération et aussi le représentant de la grande
région du Bas-du-Fleuve. À sa droite, M. Robert Rondeau, qui est
aussi membre du conseil d'administration et président de l'Association
des directeurs d'école de la Commission scolaire Jérome-Le Royer,
sur l'île de Montréal, donc, représentant la région
de Montréal. À ma gauche, un autre membre du conseil
d'administration et qui est aussi président de l'Association des
directeurs d'école de la grande région de Québec.
Le mandat des directeurs et directrices d'école et des adjoints
et adjointes est de gérer les établissements publics
d'éducation préscolaire, scolaire, primaire et secondaire. Nous
sommes chargés de voir à l'éducation des jeunes
Québécois. C'est à la lumière de ce mandat que le
personnel de direction des écoles, membres de la
Fédération québécoise des directeurs
d'école, s'est penché sur le régime de négociation
dans le secteur public. C'est en tenant compte de ce mandat que notre
fédération désire transmettre à la commission
parlementaire son point de vue sur cet avant-projet de loi.
Compte tenu des nombreux problèmes et des nombreux affrontements
qu'on a connus depuis plus de quinze ans, on se réjouit quand même
que le gouvernement ait décidé de permettre un débat
public le plus large possible sur cette question des négociations. Vous
comprendrez que nous avons concentré notre étude et nos
commentaires davantage sur le secteur de l'éducation puisque nous'
oeuvrons dans ce secteur. Nos commentaires se veulent aussi à
caractère général parce que notre but est d'abord
d'informer le législateur de notre vision globale du régime.
Notre vision du régime de négociation est
conditionnée par la recherche de l'équilibre entre deux principes
majeurs: Le droit à l'éducation pour l'élève dans
un climat plus propice aux apprentissages et le droit à la
négociation des conditions de travail pour le personnel oeuvrant dans le
secteur de l'éducation.
En premier lieu, nous voudrions traiter de la question des
régimes pédagogiques. Un régime pédagogique n'est
pas un régime de convention collective. Cependant, les
négociations dans le secteur de l'éducation nous ont
malheureusement trop souvent habitués à un bouleversement des
régimes pédagogiques et, conséquemment, des programmes
d'études. Les négociations ont eu ainsi sur les
élèves un double impact négatif: ils ont perdu des
journées et on a aussi diminué le temps d'enseignement. Qu'il
suffise de se rappeler que la négociation des conditions de travail des
enseignants en 1976 avait amené le gouvernement à sacrifier
jusqu'à deux heures d'enseignement par semaine aux élèves
du primaire. Il est bien sûr qu'on ne négocie pas le régime
pédagogique mais c'est quand même là, bien
carré.
Cet exemple - on pourrait en donner au primaire et au secondaire - ne
constitue pas une exception puisqu'en 1983, alors que le gouvernement avait
pris la décision d'augmenter de deux heures par semaine le régime
pédagogique, la réouverture des décrets l'a amené
à sacrifier une heure de l'augmentation prévue, à
débalancer ainsi l'enseignement des spécialités et
à remettre en cause l'enseignement de certains volets de ces
spécialités.
Nous considérons que les régimes pédagogiques ne
devraient jamais être l'objet de marchandage lors de négociation
dans le secteur de l'éducation. La négociation est un processus
des plus légitimes que nous voulons nullement remettre en cause. Mais
les négociations doivent servir à l'établissement des
conditions de travail et non pas à la négociation de
l'enseignement ni des besoins des élèves. C'est pour cela qu'il
nous paraît qu'il appartient au gouvernement, après les
consultations nécessaires auprès des divers intervenants,
d'établir les régimes pédagogiques et les conditions
générales de l'enseignement donné aux
élèves. La négociation des conditions de travail de ceux
et celles qui assurent directement cet enseignement ou qui en facilitent la
réalisation doit venir en second lieu et être subordonnée
en tout temps au régime pédagogique. (17 h 15)
La détermination de la rémunération. Nous
considérons que l'avant-projet de loi replace le problème de la
détermination de la rémunération des secteurs public et
parapublic dans une perspective, en tout cas, qui nous paraît plus
appropriée, soit sa dimension budgétaire tout en ayant le souci
d'assurer une plus grande objectivité.
Il nous apparaît de la responsabilité des
députés d'établir les priorités et le budget du
gouvernement du Québec et on considère qu'il appartient aux
personnes élues par l'ensemble de la population de fixer les proportions
du budget qui doivent servir à la masse salariale des employés du
secteur public. Une partie aussi importante des ressources de la
collectivité ne peut être déterminée par des
pressions ou des affrontements basés sur la règle du plus fort du
moment. Nous ne croyons pas que ceci doive se faire au mépris cependant
ni au détriment des employés du secteur public.
À l'heure actuelle - on l'a souvent démontré par le
passé - le gouvernement peut toujours adopter une loi et imposer sa
volonté. Le fait de modifier cette partie du
régime de négociation doit se faire avec la
préoccupation d'assurer la détermination la plus objective
possible de la masse salariale et le plus large débat public possible.
C'est à ce prix que les employés des secteurs public et
parapublic auraient la chance, la garantie surtout et l'impression qu'ils sont
traités avec justice et que leur cause ne se règle pas en
catimini, mais au grand jour.
Cependant, même si on est entièrement d'accord avec la
formation d'un Institut de recherche sur la rémunération, pour en
faire un organisme plus crédible et avec des meilleures chances
d'impartialité, nous croyons que les six représentants des
groupements de salariés devraient être désignés
directement par les groupements concernés, c'est-à-dire par les
syndiqués, en fonction de l'importance numérique des
employés qu'ils représentent. De même, nous croyons, dans
le même souci de rendre le débat plus objectif, que l'adoption des
stipulations relatives a la rémunération devrait relever de
l'Assemblée nationale plutôt que du Conseil des ministres puisque,
d'une part, le Conseil des ministres est impliqué directement dans le
processus de négociation et que, d'autre part, il appartient à
l'Assemblée nationale d'adopter les budgets. Il nous apparaît que
l'article 71 devrait être modifié dans ce sens.
Afin d'alimenter un débat le plus large possible, il y a
peut-être des étapes qui pourraient être franchies comme,
par exemple, l'étude par l'institut de recherche. Après son
étude, compte tenu que les représentants des syndiqués
sont nommés par les syndiqués, on pourrait publier ces premiers
résultats; il pourrait y avoir une consultation par le gouvernement des
principaux organismes sdcio-économiques du Québec. Il pourrait y
avoir, par la suite, une discussion avec les centrales syndicales sur la masse
salariale, on pourrait établir la masse salariale par l'Assemblée
nationale et puis, une nouvelle discussion avec les centrales syndicales sur la
répartition de la masse.
Enfin, la détermination de la rémunération par
l'Assemblée nationale. Il nous semble que ces étapes
permettraient aux employés des secteurs public et parapublic de se
sentir moins menacés.
Quant au principe d'une révision annuelle de la
rémunération, cela nous semble excellent, cela peut tenir compte
de la réalité économique.
Quant au normatif lourd, la fédération est d'accord que
les conditions de travail touchant ce qui s'appelle communément la
charge de travail, la sécurité d'emploi, les assurances, cela
devrait être négocié au niveau national. Cette
négociation devrait impliquer cependant, au premier chef, la partie
patronale, c'est-à-dire les fédérations ou les
associations d'employeurs. Dans notre cas, ce sont les
fédérations de commissions scolaires.
La FQDE considère qu'il appartient clairement au gouvernement,
dans le cadre des règles budgétaires et des règles de
taxation, de fixer les sommes disponibles pour le normatif lourd. Cependant,
une fois que cela est fait, une fois que les consultations ont
été établies avec les employeurs, il faudrait que le
rôle des associations d'employeurs soit prépondérant. Pour
nous, l'article 18 devrait être modifié puisqu'il réserve,
d'après nous, un trop grand pouvoir au Conseil du trésor dans
l'autorisation des mandats de négociation. En vertu de cet article, le
Conseil du trésor pourrait juger d'intérêt gouvernemental
à peu près tous les mandats de négociation; cela n'a pas
de bon sens.
Les mandats du Conseil du trésor devraient se limiter à
autoriser ou refuser des masses salariales et à se prononcer sur des
grands thèmes de négociation, tels le principe de la
sécurité d'emploi et le quantum de la semaine de travail.
Depuis 1967, vous savez que le rôle du gouvernement s'est
constamment accru avec la centralisation du processus de négociation.
Une décentralisation et une déconcentration sont
nécessaires à la responsabilisation d'ailleurs des secteurs
concernés. C'est pour cela que nous sommes convaincus que les
responsables du secteur de l'éducation sont plus en mesure de prendre
des décisions qui collent à la réalité de leur
secteur que le Conseil du trésor.
D'autre part, afin de dédramatiser les négociations dans
les secteurs public et parapublic, nous suggérons que les
négociations se déroulent à des moments différents
d'un secteur à l'autre. Cette façon de procéder
éviterait de mélanger les enjeux, réduirait l'ampleur des
affrontements et leurs conséquences négatives et permettrait de
clarifier le débat pour la population, parce que les enjeux du secteur
de l'éducation et du secteur hospitalier ne seraient pas confondus et la
population cernerait peut-être beaucoup mieux les questions en litige. De
plus, on pourrait éviter ainsi de mobiliser, voire de paralyser en
même temps toutes les énergies et les ressources de la
société québécoise. On a souvent, M. le
Président, l'impression, qui n'est peut-être pas toujours fausse,
que la seule activité qui se déroule dans l'administration
publique québécoise pendant un an, et ce à tous les trois
ans, c'est la négociation dans le secteur public.
L'encadrement des négociations nationales. Compte tenu du volume
des conventions collectives et de leur incroyable complexité, il est
inconcevable que l'on continue à renégocier, à chaque
ronde, toutes et chacune des matières et des clauses de la convention.
Le raffinement n'aurait plus de fin. Il y a là une perte
d'énergie incroyable
et des difficultés grandissantes pour les gestionnaires et les
salariés de s'y retrouver d'une convention à l'autre. Nous
souhaiterions que le temps et l'énergie consacrés après
chaque négociation à l'apprentissage des nouveaux contenus de
convention collective et à leur gestion diminuent au profit du temps
consacré à l'amélioration du vécu des
élèves et à la vie de l'école.
D'autre part, tout en étant d'accord avec le maintien des
mécanismes existants du Code du travail dans le secteur de
l'éducation, soit le droit de grève et le droit du lock-out, nous
souhaitons cependant que le retour à la médiation soit une
étape obligatoire et essentielle à l'exercice de ces deux droits
du Code du travail.
Nous avons trop vécu, depuis quinze ans, de recours
systématiques à la grève pour ne pas vouloir replacer
l'exercice de ce droit dans sa réelle perspective. L'exercice du droit
de grève dans les secteurs public et parapublic est devenu un moyen de
négociation comme un autre. Il faut ramener cet affrontement ultime
comme dernier moyen quand la négociation a eu toute sa chance de
s'exercer et quand, même l'intervention d'un tiers n'a pu rapprocher les
parties. Notre volonté n'est que de retarder l'exercice, et non pas de
l'éliminer, du droit de grève.
Est-il si irréaliste, M. le Président, de penser qu'en
mettant en place des mécanismes facilitant la réconciliation
plutôt que l'affrontement on pourrait voir le jour où on pourra en
arriver, dans le secteur de l'éducation, à des conventions
collectives négociées à la satisfaction des deux
parties?
Les services essentiels. Nous allons vous surprendre parce que nous
allons parler des services essentiels en éducation. Dans le cadre du
maintien du droit de grève et de lock-out, nous désirons
souligner qu'il y a lieu de se pencher avec soin sur les services essentiels
pour les institutions spécialisées dans le secteur de
l'éducation. Ces institutions, d'après nous, ne devraient pas
subir les effets de la grève ou du lock-out et être
considérées comme des services essentiels du secteur de
l'éducation. Nous croyons que Ies exclure ne changerait rien à la
force ou à la faiblesse des moyens de pression. Les employés de
ces institutions ne seraient pas pénalisés puisqu'ils sont inclus
dans les mêmes unités de négociation.
Au même titre qu'on ne devrait pas mettre en cause les services
aux malades en milieu hospitalier, une société qui se respecte
n'a pas le droit de mettre en cause les services dispensés aux
clientèles les plus démunies du secteur de
l'éducation.
L'absence de services éducatifs appropriés pendant une
période aussi significative que les arrêts de travail, les
dernières rondes de négociation, peut mettre en cause, pour
plusieurs de ces élèves, les développements moteurs ou
intellectuels que des services éducatifs appropriés leur
permettent souvent de réaliser.
C'est bien sûr qu'on pense aux élèves qui sont dans
des centres pour handicapés physiques ou intellectuels graves. Je
pourrais souligner l'un ou l'autre. Pensons, par exemple, à
l'Hôpital psychiatrique de Rivière-des-Prairies à
Montréal ou pensons à l'Hôpital Sacré-Coeur dans la
région de Québec et j'en passe.
Le Conseil des services essentiels prévu au Code du travail
devrait, selon nous, recevoir un mandat particulier afin de n'autoriser le
déclenchement d'une grève dans le secteur de l'éducation
que si les services essentiels sont assurés de façon
adéquate dans ce type d'établissement.
Les négociations au niveau local. Dans l'optique d'une
décentralisation partielle, les directeurs et directrices d'école
sont principalement préoccupés de ne pas revivre les situations
subies en 1976 et en 1979, alors que des grèves locales ont
succédé aux grèves nationales, que des négociations
locales se sont déroulées sur des périodes allant
jusqu'à deux ans, mobilisant pendant ce temps des ressources et des
énergies d'un milieu donné au détriment de la
qualité de l'éducation et d'un climat propice à
l'enseignement.
On cite en exemple le climat des Vieilles-Forges, le cas de Sorel-Tracy,
celui de la CECM. Rappelons-nous qu'il a fallu deux ans dans la région
de Drummondville pour obtenir une convention collective complète avec le
personnel enseignant.
La formule retenue par l'avant-projet de loi nous semble
intéressante en ce sens qu'elle permet aux parties locales de discuter
des sujets concrets comme l'organisation du travail, les mouvements de
personnel et les droits syndicaux pour lesquels un texte national uniforme peut
difficilement tenir compte des particularités locales.
Cette formule a, d'autre part, l'avantage d'éviter la
perturbation des écoles par des conflits, d'éviter les matches
revanches sur les dossiers nationaux. Nous estimons qu'il y aurait lieu de
prévoir un meilleur encadrement pour les négociations au niveau
local, principalement pour en limiter la durée, donc limiter le drainage
exagéré d'énergie et de temps d'un milieu scolaire afin
que les écoles puissent connaître les règles du jeu dans un
délai raisonnable.
Aussi nous proposons de fixer un temps limite à la
négociation directe entre les commissions scolaires et les syndicats.
Une durée qui nous semble réaliste et qui a déjà
été expérimentée dans le secteur anglo-catholique
en 1976, en 1978, en 1980, est un délai de 60 jours après la
conclusion de l'entente nationale au niveau sectoriel.
À l'expiration de ce délai, les parties
devraient s'entendre pour choisir la voie de la médiation et de
l'arbitrage avec, là aussi, un délai limite de 60 jours. À
défaut d'entente pour recourir à l'arbitrage, pour nous, le statu
quo s'appliquerait sur l'ensemble des matières devant faire l'objet de
négociations. L'application du statu quo recueille spontanément
notre adhésion parce que, pour nous, le recours à l'arbitrage
prolonge les délais avant l'obtention d'une convention collective
complète. Si on y a recours de façon systématique, cela
nécessite plus d'arbitres compétents qu'il n'y en a.
Par contre, le contenu du statu quo a quand même l'avantage
d'être connu des parties qui n'ont pas à se réajuster
à de nouvelles conditions de travail, à de nouveaux
mécanismes de mouvement de personnel et il a le mérite d'avoir
fait le consensus des parties antérieurement. Nous sommes cependant
d'avis qu'il faille, du moins pour la prochaine ronde de négociations,
éviter de déléguer au niveau local des matières
à incidence monétaire directe. Notre fédération est
également préoccupée du fait que les avantages
monétaires devraient être les mêmes pour tous les
employés d'un corps d'emploi donné d'une commission scolaire
à l'autre. Corriger les excès de la centralisation ne doit pas
nous inciter à retourner à la situation antérieure
à 1967 et à l'adoption du projet de loi 25 en ce qui concerne les
enseignants.
Quant à la durée de la convention collective, il nous
apparaît qu'on comprend difficilement le projet de loi qui parle
tantôt de deux ans, tantôt de trois ans. Il nous semble qu'une
durée uniforme de trois ans serait souhaitable. (17 h 30)
Quant à la négociation permanente, l'avant-projet de loi
indique une volonté gouvernementale d'ouvrir la porte à une
négociation permanente. On a beaucoup de réticence. Les
écoles du Québec ont dû vivre, au printemps 1983 et 1984,
des ententes de dernière minute qui ont obligé les commissions
scolaires et les écoles à revoir l'organisation scolaire et la
planification du personnel en catastrophe. Cela a causé beaucoup
d'incertitude et des dépenses énormes d'énergie et de
temps. Nous considérons que les écoles ont besoin d'une
organisation plus stable pour fonctionner. L'incertitute annuelle dessert les
écoles. Une négociation permanente sert peut-être les
spécialistes en relation du travail des deux parties, mais nous voulons
clairement affirmer que l'expérience récente et celle que nous
appréhendons pour le printemps qui s'en vient prouve qu'elle nuit au bon
fonctionnement du système scolaire et à la cause de
l'éducation. Il faut arrêter de voir les écoles par la
loupe des relations du travail.
M. le Président, dans tout l'avant-projet de loi, on a
oublié un certain nombre de salariés qui sont les cadres. Les
directeurs et les directrices d'école, ce n'est pas important. On
voudrait profiter de cette occasion pour rappeler au législateur que les
règles de détermination de conditions de travail n'ont pas
été revues pour les employés du secteur public qui sont du
personnel-cadre. Le gouvernement donne, malheureusement, trop souvent
l'impression de se foutre complètement des cadres et de leurs
associations. Une fois de plus - c'est la troisième fois en dix ans - le
gouvernement se penche sur le régime de négociation avec ses
employés en ignorant complètement et totalement le
personnel-cadre. Pourtant, les problèmes sont nombreux à ce
niveau aussi. La loi ne contraint pas l'employeur à négocier et
à en venir à une entente avec les associations des cadres. Les
conditions de travail de ceux à qui on demande d'assumer le leadership
et de gérer la fonction publique dans le milieu hospitalier et dans le
monde de l'éducation sont déterminées
unilatéralement par l'employeur, sans droit de recours aux
mécanismes de règlement de différends. Les associations de
cadres n'ont pas même une reconnaissance juridique pour discuter des
conditions de travail si ce n'est celle d'être incorporées en
vertu de la Loi sur les syndicats professionnels, c'est-à-dire qu'elles
ne sont ni une corporation ni un syndicat, qu'elles sont entre les deux. Les
uns ont le droit de négocier, mais elles ont le droit de papoter.
Lorsqu'elles ont fini de papoter, elles décrètent leurs
conditions.
M. le Président, les conditions de travail des cadres sont une
préoccupation beaucoup plus importante et elles sont établies
lorsque c'est le temps. Dans le secteur public, le gouvernement négocie
les conditions de travail avec les salariés et il se préoccupe
des cadres lorsque c'est le temps et après, lorsque tout a
été réglé avec les autres, il fait une adaption de
ce qui a été décidé au niveau des
syndiqués.
Nous croyons qu'un régime particulier de relations du travail
devrait être établi pour les cadres. Il pourrait comprendre les
éléments suivants: la reconnaissance juridique des associations
de cadres; la reconnaissance des associations sur représentation de
requêtes pour la conclusion d'entente collective; l'établissement
d'une formule de cotisation obligatoire; le droit d'affiliation à une
fédération, mais non à une fédération
regroupant des salariés au sens du Code du travail,
l'établissement des objets, des modes et des échéanciers
de négociations et la mise en place de mécanismes de
médiation et d'arbitrage des différends, en lieu et place de la
détermination unilatérale des conditions de travail et du droit
de grève.
C'était, en résumé, M. le Président, le plus
rapidement possible, compte tenu du
temps qui nous est alloué, un tour d'horizon de notre vision de
l'avant-projet de loi déposé.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. De Guire, pour nous
avoir fait part du contenu de votre mémoire que je peux qualifier
d'extrêmement intéressant, et je parle en connaissance de cause.
Je cède la parole au ministre délégué à
l'Administration et président du Conseil du trésor qui va vous
faire part de ses commentaires et va certainement aussi poser des
questions.
M. Clair: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier,
effectivement, la Fédération québécoise des
directeurs d'école de venir aujourd'hui nous communiquer son point de
vue sur la réforme du régime de négociation. Je pense que
vous auriez eu raison de souligner, M. le Président, que les directeurs
d'école et leur fédération sont ceux qui sont directement
touchés par les conséquences, le résultat de ce
régime de négociation, puisque, effectivement, ils ont à
gérer quotidiennent des établissements publics et à vivre
avec les conséquences des négociations qui elles-mêmes
résultent bien souvent du genre de régime de négociation
que nous avons. Tout cela pour dire que nous les recevons comme des praticiens,
comme des gens qui sont impliqués dans le quotidien des écoles du
Québec.
J'indique tout de suite, M. le Président, pour ma
collègue, la députée de Jacques-Cartier, et le
député de Marie-Victorin que je ne prendrai pas tout le temps qui
m'est alloué parce que je voudrais en réserver une partie pour le
ministre de l'Éducation qui devrait pouvoir venir se joindre à
nous plus tard et qui avait l'intention de poser des questions, de sorte que je
me limiterai à deux ou trois sujets.
Le premier que je voudrais aborder, c'est celui de la
non-négociabilité des régimes pédagogiques. Vous
insistez là-dessus en première partie. Vous y revenez en
conclusion pour dire que "Nous tenons à réaffirmer - je vous cite
a la page 23 - que les régimes pédagogiques ne doivent faire
l'objet d'aucun marchandage lors des négociations et ce, autant de la
part du gouvernement que des syndiqués. " Sauf erreur, légalement
parlant, les régimes pédagogiques n'ont jamais été
négociables, mais ils étaient rejoints par la bande, si je peux
employer l'expression, par voie de conséquence par rapport à ce
qui se négociait. Hormis de demander au gouvernement d'avoir le ferme
propos de ne pas s'engager dans la négociation des régimes
pédagogiques et de demander aux syndicats de faire la même chose,
quel mécanisme, quelles sont les implications concrètes et les
conséquences qu'il faudrait tirer de cette affirmation que ni
directement ni indirectement le gouvernement ne devrait être
appelé à négocier les régimes pédagogiques?
Je ne sais pas si je me fais comprendre, c'est qu'au-delà de cette
affirmation, puisque c'est déjà le cas légalement, et que
tout le monde peut faire un acte de contrition et dire: Je ne recommencerai
plus, j'ai le ferme propos, en dehors de cela, concrètement, quelles
sont les implications de cette demande?
M. De Guire: En fait, les implications, un peu comme on l'a
souligné tantôt, c'est qu'on change, à chaque fois qu'il y
a une ronde de négociation, les règles du jeu, on change le
régime pédagogique. On donne des heures de plus aux
élèves, on donne des heures de moins aux élèves. On
joue avec ces questions de façon régulière. Pour nous,
cela est du marchandage de régime pédagogique.
M. Clair: Oui, M. De Guire, je vous comprends bien que ce soit
cela comme résultat. Mais ma question n'est pas pour me faire dresser le
bilan de ce qui s'est passé antérieurement, mais plutôt de
vous demander quelles sont les implications pour l'avenir de votre demande de
non-négociabilité absolue des régimes pédagogiques
ni directement, ni indirectement. Autrement dit, ma question sous-tend que, si
on va au bout de cette logique, que resterait-il de négociable, puisque
vous avez soulevé vous-même dans le mémoire le fait que ce
n'était pas directement négocié, mais que c'était
par voie de conséquence par rapport è la tâche, par rapport
à la rémunération et d'autres éléments du
contenu des conventions collectives que l'on finissait par rejoindre les
régimes pédagogiques? Ma question n'est pas tournée vers
le passé pour savoir comment c'est arrivé, je le sais, je le
comprends, c'est l'avenir. Quelles sont les implications concrètes de
cela?
M. De Guire: À l'article 40. 2, on discute au niveau de la
négociation de l'augmentation de la tâche des enseignants ou qu'on
discute de la diminution de la tâche des enseignants, cela devrait
être fait strictement en fonction de cela et non pas de ce que cela peut
toucher au niveau des élèves. Cela devrait se régler par
des questions salariales puisqu'il s'agit là des augmentations ou des
diminutions de tâche, il s'agit de l'augmentation ou d'une diminution de
personnel, il s'agit d'une capacité de payer. Ce qui arrive au bout, on
dit: Bien là, on est bien prêt à vous donner ceci, on est
bien prêt à faire cela, mais on ne peut pas. Si, dans une
mécanique, on enlève une heure ici et une heure là, cela
va faire au bout qu'on va pouvoir donner... C'est un peu ce petit jeu qu'on
dit: On devrait négocier des
conditions de travail qui regardent strictement le personnel, qu'elles
soient en termes de temps pour le personnel, mais que cela n'ait jamais
d'incidence du côté des élèves. C'est ce qui, pour
nous, nous apparaît important.
M. Lebel (Marcel): Là-dessus, M. le Président, la
situation dans laquelle on se trouve, c'est que si on dit qu'on avait
prévu que le régime pédagogique avait 25 heures
d'activité éducative pour les jeunes du secteur primaire en telle
année, si le taux de richesse affecté aux ressources humaines
enseignantes ne permet pas d'aller à 25 heures et on décide que
le régime qui avait été prévu à 25 heures
est ramené è 24 ou à 24, 5 heures, c'est à ce
débat qu'il ne faut pas toucher. Si le ministère de
l'Éducation a convenu que, pour tous les jeunes de tel degré ou
de tel niveau, il y a tels services minima nécessaires, après que
c'est établi, les ressources pour voir à l'application de ce
régime seront différentes de la définition même des
services. C'est cela, l'esprit de notre demande. Si le régime
pédagogique est à modifier, qu'il le soit par la bande. Il sera
modifié, mais pas par le canal de la négociation, par le biais de
consultations qui peuvent être établies ou déjà en
marche. Il y a des comités consultatifs au ministère; il y a du
personnel professionnel enseignant qui est consulté de
différentes façons dans le réseau de l'éducation.
Si les, services éducatifs prévus au régime
pédagogique ne sont pas congruents avec les besoins des jeunes du
préscolaire, du primaire ou du secondaire, c'est à ce niveau
qu'on changera le régime pédagogique, mais on ne dira pas: II y a
aura 1200 enseignants de moins dans le réseau si on augmente ou on
n'augmente pas le régime pédagogique en termes de
longévité de présence des élèves à
l'école. C'est cela, notre objectif.
M. Clair: D'accord, je comprends. Autrement dit, par exemple,
l'an dernier -on s'en souvient tous - il y avait eu le report d'une
augmentation prévue de la tâche et donc le report d'une
augmentation du temps de présence prévu des enfants... Ce que
vous dites, dans le fond, au gouvernement, c'est: À la limite, fais ce
que tu veux sur la question de la négociation, sur le plan du
régime de négociation dans les secteurs public et parapublic,
mais ne fais plus de telles transactions. Si tu règles plus haut, paie.
C'est cela que vous indiquez.
M. Lebel: C'est en plein cela.
M. De Guire: En fait, le régime pédagogique peut se
discuter, se négocier, peu importe les termes qu'on peut utiliser. Cela
peut se faire pendant des années; cela peut se faire pendant des mois,
mais en dehors de la période de négociation. Une fois que le
gouvernement a décidé ce qu'est le régime
pédagogique...
M. Clair: Cela devrait être un absolu.
M. De Guire:... il ne doit plus le mettre dans la balance pour
négocier et régler d'autres problèmes. C'est avant qu'il
doit y penser et dire: Si je fixe telle chose, tel cadre, c'est parce que cela
doit être essentiel. À partir du moment où il
décrète lui-même que cela devient essentiel, on comprend
mal qu'ensuite, il recommence à en discuter.
M. Clair: D'accord. Merci.
Je voudrais passer au deuxième sujet, parce que vous avez sans
doute remarqué que mon collègue, le ministre de
l'Éducation est arrivé et je voudrais lui laisser du temps. Quant
à la question de la rémunération, vous dites que cela doit
être une question qui doit être réglée au grand jour
et ce que vous proposez, à toutes fins utiles, quand vous proposez
l'arbitrage annuel de l'Assemblée nationale, c'est ce qu'on appelle dans
d'autres pays une loi annuelle des salaires de la fonction publique, des
secteurs public et parapublic. C'est bien cela que vous proposez. Est-ce que je
comprends bien?
M. De Guire: En fait, pour nous, il ne s'agit pas d'aller
vérifier ce qui peut se faire ailleurs. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut
que l'Assemblée nationale ait le dernier mot en ce qui concerne la
détermination de la rémunération. Donc, il peut y avoir
des négociations mais, pour éviter que des tractations ou quoi
que ce soit se fasse de part et d'autre... Pour nous, que ce soit d'un
côté ou de l'autre de la clôture, quand on négocie
à minuit moins cinq, on peut arriver à bien des choses, à
bien des décisions et nous, le lendemain matin, il faut prendre le
paquet qui, à minuit moins cinq, a été
décidé. Cela, on n'en veut plus. Ce qu'on veut, c'est qu'on
négocie et qu'on discute, d'accord, mais une fois qu'on a
négocié par le biais du Conseil du trésor et du
gouvernement, que cela soit amené à l'Assemblée nationale
et que ce soit l'Assemblée nationale qui détermine.
M. Clair: C'est la question que je posais, parce que
l'avant-projet de loi permettrait à la fois un débat possible
à l'Assemblée nationale, mais la rémunération des
employés de l'État ne risquerait pas de faire l'objet de ce qu'on
appelle un filibuster et de traîner des mois et des mois à
l'Assemblée nationale puisque, effectivement, le dépôt des
conclusions du gouvernement se ferait quelque part au début du mois de
mars. A ce moment-là, il y aurait une période de discussions
possibles, de débats
possibles à l'Assemblée nationale et si vous remarquez, le
dépôt à l'Assemblée nationale des conclusions du
gouvernement viendrait à peu près à la même
période pendant laquelle le gouvernement dépose son livre des
crédits et fait donc adopter son budget de dépenses par
l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale aurait, oui, de
cette façon, le contrôle ultime sur l'adoption du budget puisque,
à la limite, l'Assemblée nationale peut toujours refuser
l'adoption du budget de dépenses du gouvernement. Cela s'appelle une
motion de non-confiance et le gouvernement doit déclencher des
élections sur cet enjeu. J'ai de la difficulté, personnellement,
à voir les avantages d'une loi annuelle des salaires par rapport au
processus que nous proposons, parce qu'il me semble que les objectifs que vous
poursuivez seraient plus avantageusement atteints par la proposition qu'on met
de l'avant que par un double débat, dans le fond, qui aurait lieu en
même temps. Si on avait une loi annuelle des salaires - pour bien
comprendre ce que cela voudrait dire - cela voudrait dire que tout le processus
budgétaire du gouvernement serait arrêté puisque c'est la
moitié du budget de l'État. De deux choses l'une, ou adopter
cette loi veut dire quelque chose, ou cela ne veut rien dire. Si cela veut dire
quelque chose, il faudrait que l'adoption de cette loi annuelle sur les
salaires soit antérieure à l'adoption du livre des
crédits, donc, de l'ensemble du budget de dépenses de
l'État, ce qui risquerait d'entraîner un filibuster. Parce que,
qui dit projet de loi dit possibilité de débats interminables
à l'Assemblée nationale; qui dit filibuster dit
possibilité de bâillon, ce qu'on appelle la clôture, la
motion de clôture, ou encore l'introduction d'une toute nouvelle
mécanique à l'Assemblée nationale qui viendrait remplacer
à la fois le discours sur le budget ou le livre des crédits.
Là, on remet en cause fondamentalement le fonctionnement de nos
institutions telles qu'on les a connues jusqu'à maintenant. Je ne dis
pas qu'il ne faut pas le faire, mais il me semble que cette
préoccupation, de faire en sorte que le débat soit public, que
l'Assemblée nationale ait le dernier mot, est mieux rencontrée
par la mécanique proposée que par une loi annuelle des salaires.
(17 h 45)
M. De Guire: Je vous comprends, M. le ministre. Je comprends
très bien qu'il peut y avoir du filibuster, il peut y avoir du
bâillon, mais pour nous... Vous savez, on ne vient pas réagir ici
en spécialistes de relations du travail ou de négociations, de
négociateurs ou en spécialistes du gouvernement. On vient vous
donner notre vision. Pour nous autres, toute cette histoire, cela se passe en
catimini. Cela se passe dans le jargon, qu'on appelle, cela se passe au mont
Hilton, et le mont Hilton, nous autres, on en a six pieds par-dessus la
tête du mont Hilton. C'est pour cela qu'on souhaite que cela se passe au
grand jour, à l'Assemblée nationale, que cela se passe sur la
place publique. C'est pour cela, d'ailleurs, qu'on disait qu'on était
d'accord avec certaines parties du projet de loi, non pas parce qu'on est
entièrement en accord avec chacun des articles. Pas du tout. C'est que,
pour nous, pour une fois, cela va se passer sur la place publique et les vrais
enjeux vont être connus de tout le monde. C'est qu'en fait, ce qui se
passe au mont Hilton, les vrais enjeux, on ne les connaît pas et quand on
négocie le régime pédagogique par incidence, c'est au mont
Hilton à minuit moins cinq qu'on le fait. C'est tout cela qu'on ne veut
plus. C'est pour cela que, pour nous, que cela soit avant le budget ou que cela
soit après le budget, si c'est vrai que c'est une partie importante du
budget, que cela soit décidé par l'Assemblée nationale;
que l'Assemblée nationale décide du budget en deux parties ou en
une partie, ce qu'on voit dans cela, c'est que le budget global du gouvernement
est de X montant d'argent. À l'intérieur de cela, quand la
pression est trop forte ou quand la pression n'est pas assez forte, on
transfère des sommes qu'on avait présumément
accordées pour des salaires à autres choses et on en ajoute un
peu plus ou un peu moins, selon la conjoncture, selon le moment. C'est ce qu'on
a dit.
En fait, les moyens de pression, les histoires de pressions et de
"jouage" avec toutes ces affaires-là, pour nous, cela doit avoir une
limite. Et cela n'a pas de limite actuellement. Pas plus du côté
du gouvernement que du côté des syndiqués. Pour nous, quel
que soit celui qui a le gros bout du bâton dans le moment présent,
cela ne nous intéresse pas plus. Ce qui nous intéresse, c'est que
tout cela se fasse au grand jour, que cela se fasse à l'Assemblée
nationale. Ce sont eux les représentants, les élus du peuple. Si
les uns veulent faire du "filibuster" et si les autres veulent imposer le
bâillon, ils auront à en répondre après dans leur
comté et au moment des élections.
M. Clair: Une dernière question sur un autre sujet. Quant
à la question des services essentiels dans certaines institutions du
réseau scolaire, vous n'avez pas précisé un point. Vous
parlez de la nécessité de maintenir des services essentiels, mais
vous n'avez pas précisé votre pensée suffisamment pour me
faire comprendre si ce que vous vouliez indiquer, c'est que les services soient
maintenus intégralement, au complet dans certaines des institutions, ce
qui revient à dire l'abolition du droit de grève dans certaines
institutions, ou si vous vous attendiez plutôt à ce que dans ces
institutions, il fallait maintenir un haut niveau de services essentiels.
Voudriez-vous
préciser votre pensée là-dessus, parce que cela
n'était pas clair et je ne suis pas sûr de l'avoir compris dans
votre mémoire?
M. De Guire: Évidemment, on aurait pu dire tout à
fait facilement: Enlevons le droit de grève dans ces institutions. Sauf
que toutes les institutions ne nous paraissent pas être identiques ou
avoir les mêmes difficultés ou avoir des types
d'élèves qui ont des difficultés au même niveau. On
dit que cela devrait relever du Conseil des services essentiels. Le Conseil des
services essentiels pourrait établir un certain degré de
façon à maintenir un service pour des élèves chez
qui cela pourrait être très grave d'avoir un arrêt qui se
prolonge trop longtemps, parce qu'on a des élèves qui sont
véritablement handicapés et nous croyons qu'il faut
protéger ces élèves.
Dans certains cas, cela pourrait aller à l'abolition totale du
droit de grève et, dans d'autres, cela pourrait être le maintien
d'un service qui soit minimal.
M. Clair: Mais vous reconnaissez que pour les institutions les
plus lourdes que votre association représente, il ne s'agit pas
d'introduire un concept de services essentiels, mais pour certaines d'entre
elles, votre position est à savoir que tous les services sont essentiels
et qu'à ce moment-là, il devrait y avoir disparition du droit de
grève pour un certain nombre des institutions que vous
représentez.
M. De Guire: Non, on ne dit pas que tous les services doivent
être maintenus dans toutes ces institutions.
M. Clair: Mais dans certaines d'entre elles, c'est
là-dessus que j'insiste.
M. De Guire: Dans certaines d'entre elles, des services doivent
être maintenus, d'accord. Dans d'autres, à des degrés
divers. C'est pourquoi nous disons: Amendons la loi sur le Conseil des services
essentiels qui, elle, devra analyser la situation avec les syndiqués et
avec les associations patronales pour voir à établir une
distinction entre les deux.
M. Clair: Donc, j'ai raison de conclure que votre proposition
pour certaines des institutions les plus lourdes, c'est l'abolition du droit de
grève. Quel est le substitut que vous proposeriez ou que vous
préféreriez dans ceux qui ont été mis de l'avant en
commission parlementaire, arbitrage de l'offre finale,
médiation-arbitre, conseil d'arbitrage? Avez-vous réfléchi
là-dessus? Je vous indique, M. le Président - je vois que vous
parlez dans mon dos - que c'est ma dernière question.
M. De Guire: Ce que nous avons dit, M. le ministre, c'est que les
employés de ces secteurs qu'on dit essentiels, à notre point de
vue, devraient bénéficier de ce que les autres du secteur
négociation négocient pour eux. En fait, on ne veut pas qu'ils
soient ni pénalisés dans un sens, ni pénalisés dans
un autre, ni avoir des avantages, ni avoir des désavantages. Pour nous,
cela n'a rien à voir. Ces gens, pendant qu'ils sont au travail, leurs
représentants négocient pour eux comme pour les autres et ils
bénéficient des mêmes avantages que les autres ont
reçu pendant qu'eux devaient maintenir des services essentiels.
M. Clair: Je vous remercie.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre, je voudrais
vous faire remarquer que si j'ai parlé dans votre dos, je n'ai pas
parlé sur votre dos. Alors, il n'y a pas de problème.
Je cède immédiatement la parole à Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci de votre mémoire que je trouve
très intéressant. Je n'ai qu'une question. Vous êtes
favorables à la revalorisation du rôle des commissions scolaires
en ce qui concerne les négociations. Mais à la fin de votre
mémoire, vous parlez du problème non résolu de la
détermination des conditions de travail des directeurs et directrices
d'école, les cadres, le personnel cadre qui est totalement
ignoré, selon votre document.
Ai-je bien compris votre proposition à la fin du mémoire,
qu'effectivement vous proposez qu'un système de négociation des
relations du travail soit établi directement avec le gouvernement?
À la page 22, par exemple, deuxième paragraphe, on lit: "La
fédération croit qu'il est plus que temps que le gouvernement
accepte à tout le moins d'étudier la question des relations du
travail avec ses cadres". Vous ne parlez pas des commissions scolaires, vous
parlez du gouvernement. J'aimerais vous demander comment vous
réconcilier ces deux orientations.
M. De Guire: Je dois vous dire, madame, que pour nous,
l'établissement d'un régime particulier du travail, c'est
négocier avec le gouvernement l'établissement d'une loi ou d'un
code du travail, pour employer une expression qui peut être davantage
connue. Il s'agit d'avoir un code du travail pour les directeurs
d'école, pour les cadres en général. Dans ce cadre
établi qui réglerait nos conditions de travail dans le sens que
cela nous permettrait de négocier avec l'employeur - l'employeur n'est
pas nécessairement le gouvernement - cela peut être au niveau
complètement décentralisé et
cela pourrait être les commissions scolaires, sauf que ce qui est
important, c'est qu'il n'y a pas de loi qui régisse nos conditions de
travail. Je pense que la première étape, c'est qu'une loi soit
adoptée à l'Assemblée nationale concernant nos conditions
de travail et, par la suite, les négociations pourraient se faire avec
les personnes qui engagent les directeurs d'école ou les autres cadres
dans le système et, à ce moment-là, conclure des ententes
ou des conventions avec l'employeur qui est la commission scolaire. Mais au
moins le code qui régirait les cadres permettrait de telles ententes.
Actuellement, cela se fait unilatéralement. Que ce soit au niveau d'une
commission scolaire ou que ce soit au niveau du gouvernement, nos conditions,
qu'elles soient locales ou qu'elles soient nationales, elles se font
unilatéralement dans les deux cas.
Mme Dougherty: Vous avez dit: Pas nécessairement avec le
gouvernement; possiblement. Vous n'êtes pas très clair
là-dessus.
M. De Guire: Pour nous, Mme la députée, la
première chose qu'on doit établir, c'est le code, la loi.
Mme Dougherty: Oui.
M. De Guire: Cela se discute avec le gouvernement, avec
l'Assemblée nationale. Une fois que cela est établi, les
conventions collectives pour ces employés, les conventions collectives
pour les cadres et pour les directeurs d'école se feraient avec les
employeurs de ces gens-là, c'est-à-dire les commissions
scolaires., On serait peut-être aussi régi de la même
façon que les employés du secteur public, puisque nous en sommes,
c'est-à-dire que les questions salariales pourraient être
discutées au niveau national, mais toutes les autres discussions
pourraient être faites au niveau local. Nous sommes parfaitement d'accord
avec cela. Mon collègue pourrait compléter.
M. Lebel: Si on prend la logique du système administratif
dans lequel on vit, on a un décret qui régit nos conditions
salariales, nos avantages d'emploi, de sécurité d'emploi et de
stabilité. Il y aussi dans les décrets qui régissent les
cadres une prescription d'aménagements locaux, ce qu'on appelle les
politiques de gestion locale. Si on s'inspire de la démarche que les
décrets donnent comme vécu, ce pourrait être le même
modèle. On le vit déjà, mais dans le cadre d'une
réglementation décrétée et non pas dans un cadre de
mécanisme prévu au code.
Mme Dougherty: Un simple commentaire. Je crois que vos
préoccupations sont très importantes et c'est malheureux parce
que vous avez décidé, je crois, de ne pas vous présenter
lors des audiences sur la loi 3 quand on a discuté le rôle,
l'imputabilité, et tout cela, le rôle du directeur
d'école.
M. De Guire: Écoutez! Je comprends que la loi 3
était une question importante pour nous, sauf que nos membres voulaient
prendre le temps de réfléchir sur la question, voulaient prendre
le temps de se consulter et, après cette consultation, se
présenter en commission parlementaire. Malheureusement, au moment
où notre consultation dans tout le Québec s'est terminée,
la commission, elle, était terminée.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Lachance): Vous l'aviez fait, je crois,
M. De Guire, sur la loi 40.
M. De Guire:
Pardon?
Le Président (M. Lachance): Vous l'aviez fait sur la loi
40. Vous étiez venu ici.
M. De Guire: Oui, M. le Président. Le Président
(M. Lachance): M. Jean.
M. Jean (Bertrand): Je voudrais ajouter qu'au niveau de la loi
40, on nous avait quand même fait philosopher pendant deux ans. On nous a
donné le loisir de faire le tour de la province; moi, personnellement,
au niveau de l'ADER 03 j'avais fait le tour de tout le monde. On avait eu le
temps de consulter notre monde.
Au niveau de la loi 3, tout s'est précipité. En toute
logique, on devrait retourner vers notre monde pour savoir s'ils n'avaient pas
réduit de 37 problèmes pour aboutir à la loi 3. La
consultation était faite au moment où on a reçu vraiment
le mandat de donner à la fédération nos positions sur la
loi. Quant à la commission parlementaire, nous avions demandé un
certain délai, je pense, M. De Guire, pour déposer ce que nous
pensions sur la loi 3. Ce délai n'a pas été... Je voulais
quand même souligner que nous avons eu deux ans pour discuter la loi 40.
C'est peut-être trop long d'ailleurs. (18 heures)
M. De Guire: Si vous permettez, M. le Président, mon
collègue aurait un complément pour madame.
Le Président (M. Lachance): Très bien. Allez-y.
M. Rondeau (Robert): Pour revenir au sujet de l'autre commentaire
de Mme
Dougherty, je voudrais vous faire part d'une situation qui se vit
annuellement dans toutes les commissions scolaires. À un moment
donné, dans les directions d'école, on prend connaissance de la
déclaration des effectifs des commissions scolaires pour l'année
suivante. Bien souvent, étant donné que maintenant nous pouvons
changer l'argent d'une poche pour le mettre dans l'autre poche, ce sont les
directions d'école qui sont changées de poche, dans le sens que
c'est l'argent qui disparaît pour aller ailleurs, dans la commission
scolaire toujours, pour le bien des enfants. Sauf que sans la reconnaissance
devant la loi, c'est très difficile pour une direction d'école,
pour une association, d'aller faire le dessin à la commission scolaire
de l'importance de l'existence d'une direction d'école dans une
école ou celle d'un adjoint. C'est un peu la problématique que
nous vivons à ce niveau.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre de
l'Éducation.
M. Gendron: M. le Président, j'ai eu l'occasion de prendre
connaissance du mémoire de la Fédération
québécoise des directeurs d'école. Je suis convaincu que
cela a été fait, mais je tiens, comme ministre de
l'Éducation, à vous remercier d'avoir accepté de venir
nous donner votre point de vue et d'avoir apporté votre contribution
fort positive dans l'évolution de tout ce débat qui n'est pas
facile. On le reconnaît. Je ne veux pas être très long, mais
il m'est apparu -vous pourrez me corriger si cela n'est pas le cas - que vous
avez vraiment insisté sur un point qui a d'ailleurs été
soulevé par Mme Dougherty, c'est-à-dire la revendication d'un
régime particulier de relations du travail pour les directeurs
d'école. Pour ma part, même si ce n'était pas ma
responsabilité, je reconnais là une demande qui a
été répétée depuis un certain temps, et vous
avez la liberté, la légitimité de le faire, mais ma
question est la suivante. Au-delà des éléments que vous
avez évoqués dans votre mémoire comme devant faire partie
d'un régime syndical particulier pour les directeurs d'école, je
n'ai pas été en mesure d'apprécier la différence
assez précise que vous faites entre ce régime syndical
souhaité, demandé et celui des salariés au sens du Code du
travail. J'aimerais que vous me donniez un peu plus de précisions sur,
éventuellement, les différences fondamentales que les deux
régimes devraient contenir ou, dans votre esprit, y a-t-il ou non lieu
qu'il y ait des différences fondamentales? C'est cela que je voudrais
savoir.
M. De Guire: Si au moins on pouvait s'asseoir avec le
gouvernement pour discuter des conditions de travail des directeurs
d'école, non pas pour discuter des conditions de travail, parce que nous
en discutons des conditions de travail avec des représentants du
gouvernement, mais, après, c'est décrété,
c'est-à-dire qu'on ne peut pas négocier. Je ne dis pas qu'il
faille avoir sur toute la ligne les mêmes conditions que celles des
syndiqués au sens du Code du travail, ce n'est pas le sens absolu de
notre revendication. Ce qui est important pour nous, c'est qu'on soit au moins
capables de négocier une convention collective pour les membres que nous
représentons, c'est-à-dire d'être reconnus comme le
porte-parole et de pouvoir négocier des conditions de travail qui soient
applicables à des gens qui ont à faire appliquer tout ce que vous
décrétez de toute façon. Pour nous, ce n'est pas tellement
facile de gérer des écoles. On a donné des exemples
tantôt. Lorsqu'il n'y a plus d'argent dans une poche, on va dans l'autre.
Si vous remarquez, depuis qu'on augmente du côté des enseignants,
on n'a pas beaucoup augmenté du côté des directeurs
d'école, des directrices d'école. Au contraire, la tâche
est de plus en plus lourde et on a de moins en moins de monde pour faire face
à la responsabilité de plus en plus grande qu'on a mise sur nos
épaules. On ne recule pas devant la tâche, sauf qu'on se dit que
si on pouvait négocier que, pour nous aussi, il y aurait peut-être
un certain nombre de conditions à respecter, un certain nombre d'heures
de travail, un certain nombre de semaines à superviser, un certain
nombre d'adjoints ou d'aides de façon à pouvoir remplir
efficacement nos tâches, sauf qu'on ne peut pas discuter de cela, on ne
peut pas négocier cela. On peut toujours le demander, sauf que tout ce
qu'on réussira à obtenir, c'est qu'on établira que, dans
une école de tant d'élèves, il y aura tant de personnes
à la direction, et cela finit là. C'est payé. Si les gens
veulent en avoir plus, on dit aux commissions scolaires: Donnez-en plus,
accordez-leur des gens de plus. Mais où peuvent-elles prendre l'argent.
Il faut absolument qu'elles aillent régler cela avec les taxes.
Par contre, du côté des syndiqués, au mont Hilton,
à 23 h 55, on pourrait peut-être décider d'injecter 1 000
000 000 $, 2 000 000 000 $ ou 3 000 000 000 $. Pour nous, les 23 h 55
n'existent pas, M. le ministre.
M. Gendron: Je pense que vous m'avez donné plutôt
les motivations sur lesquelles repose votre revendication. Vous avez, je pense,
ajouté dans votre commentaire: Je pense vous citer. "Nous ne
réclamons pas nécessairement exactement le même
régime. " Mais j'aimerais savoir, dans votre réflexion, dans la
perspective où le gouvernement envisagerait sérieusement de
regarder la possibilité de donner un régime syndical, quelles
seraient en fin de compte les
différences fondamentales entre ce type de régime
revendiqué par les directeurs d'école et celui que les
salariés syndiqués régis par le Code du travail ont dans
les faits? Y aurait-il quand même une couple de points sur lesquels vous
dites: Oui, on convient que même si on avait le régime, il serait
difficile de nous donner tel et tel élément?
M. De Guire: Je pourrais vous répondre dès le
départ. Il serait peut-être difficile de leur donner le droit de
grève, mais je ne veux pas commencer par celui-là parce que ce
n'est pas la raison fondamentale de notre demande. Pour nous, ce n'est pas
cela. Ce qui est important, c'est la première raison, c'est d'une
reconnaissance légale des associations pour qu'on puisse négocier
une convention collective pour nos membres. Cela est fondamental et important.
Je dois vous dires cependant que je me réjouis fort de ce que vous venez
de dire. Vous venez de dire: En supposant que le gouvernement pourrait
s'asseoir et discuter de cela... Vous savez que cela fait des années
qu'on demande cela et je ne peux pas croire qu'un ministre va dire
officiellement à l'Assemblée nationale que le gouvernement
pourrait peut-être s'asseoir et discuter avec ses cadres. Mon Dieu! Ce
serait merveilleux. Je n'aurais obtenu que cela aujourd'hui que cela serait
toute une victoire. Vas-y donc, pour compléter.
M. Lebel: II ne faut pas chercher les différences.
D'abord, l'expérience qu'on a dans le régime de relations du
travail des cadres, on n'est quand même pas assis sur une
expérience énorme pour commencer à jouer dans des zones
très névralgiques. On a identifié dans notre
mémoire les éléments fondamentaux du début d'un
régime de relations du travail pour les cadres. On n'est pas dans
l'histoire, on est dans de la prospective. Si on était basé sur
des événements historiques, on pourrait toujours comparer des
opinions, des démarches, des modifications dans des comportements ou des
attitudes, mais on n'est pas à cette époque. On est encore aux
premiers balbutiements des membres. Lorsqu'on aura une expertise, après
un certain nombre d'années et qu'on pourra s'arrêter avec les
législateurs, qu'est-ce qu'on va corriger? Comme on le fait dans le Code
du travail pour les syndiqués actuellement. On est dans un exercice de
révision, mais là il y a une tradition. On en a parlé
quinze ou vingt ans. Mais dans le domaine des cadres, on ne peut pas
bénéficier de cette expertise professionnelle et conjointe. On
n'est pas à néant, mais presque. Commençons par se parler.
Organisons les premiers éléments d'une législation sur les
cadres et, avec l'expérience, on va les raffiner. On va leur donner une
meilleure perspective, des meilleures façons de les traiter et de les
percevoir. De part et d'autre, il est bien certain que dans les premiers pas,
on peut trébucher, mais il n'y a rien là, de trébucher
pour une première fois. Notre intention n'est pas d'avoir l'excellence
en partant. Ce n'est pas l'excellence qui est cherchée, c'est d'avoir un
régime qui nous paraît fondamental. On ne veut pas "Fondamental"
-avec un grand F - on veut un régime où on a l'impression qu'on
est des citoyens à part entière, avec des responsabilités
et on va jouer notre rôle à partir des mandats qui nous sont
dévolus. Allons à la page 22, jusqu'au bas de la page, et je vous
dis qu'on aura beaucoup de travail de fait. On vous dit d'avance qu'on est au
rendez-vous. On espère que vous serez là pour en parler avec
intensité.
M. Gendron: Je trouvais que si on allait jusqu'au bas de la page,
cela ferait un pas pire régime syndical. Mon autre question, la
dernière en ce qui me concerne. Vous vous prononcez carrément
contre les réouvertures de conventions collectives ou les
décrets. Dans votre mémoire, vous exprimez là-dessus que
vous êtes contre les réouvertures. Ma question est de deux ordres:
est-ce que c'est en cours de convention, dans le sens que vous ne seriez pas
favorables à des mécanismes d'ajustement quitte à ce que
cela puisse se traduire par la réouverture de clauses? Oui, si vous
dites carrément: Après que ces choses-là sont
décrétées ou conventionnées, on n'a pas à
toucher à cela? Si c'était votre réponse, je vous
demanderais quelle est l'alternative. On sait où cela nous conduit, le
fait de ne pas avoir de mécanismes qui permettent de rouvrir les
conventions collectives.
M. De Guire: En fait, pour nous, ce qui nous apparaît en
tout cas fondamentalement dangereux, c'est d'avoir une négociation
permanente. C'est beaucoup plus cela que de dire qu'on ne veut pas ouvrir les
décrets. En ce qui concerne les décrets actuels, nous sommes
actuellement à terminer une étude et peut-être que d'ici
une dizaine de jours, on pourra vous adresser nos commentaires tout à
fait particuliers en ce qui concerne la question des décrets de cette
année. Mais pour nous, ce n'est pas ce que nous avons voulu dire. Ce qui
nous intéresse, c'est cette fameuse négociation permanente qui
nous paraît dangereuse dans le sens qu'on pourrait être
perpétuellement en changement. Cela veut dire que, rendu au mois de
novembre ou décembre, on pourrait avoir convenu entre les parties, quand
je dis entre les parties, c'est-à-dire entre les patrons d'un
côté et les employés de l'autre, mais comme nous, on n'est
pas là, parce qu'on est des exécutants en bas de la ligne, les
enseignants, quand ils nous regardent, nous
considèrent comme des patrons et jettent sur nous le
dévolu de tout ce que peut représenter un patron, même s'il
est très loin...
M. Gendron: Cela n'a pas changé?
M. De Guire: Cela n'a pas changé du tout, M. le
ministre.
M. Gendron: Ah! bon!
M. De Guire: Vous vous rappelez que c'est la même chose.
Mais, en fait, ce qui nous paraît important, c'est qu'on ne puisse pas
modifier, par exemple, les conditions d'enseignement à tout bout de
champ en cours d'année, que cela puisse se faire à
périodes fixes ou à des périodes normales, d'accord. On
est absolument d'accord avec cela, mais pas dans une négociation
permanente. On a l'impression qu'on va servir uniquement les grands
spécialistes en relations du travail des deux côtés. Nous,
on est bien occupé et ils vont avoir la chance de ne pas avoir des
moments qui sont des sommets. Je vais encore rappeler le mont Hilton. Cela va
éviter des monts Hilton. Par contre, cela va être, au niveau de
l'éducation, un perpétuel dérangement, un perpétuel
recommencement. L'éducation, contrairement aux affaires sociales ou
ailleurs, s'il y a une amélioration dans les soins apportés aux
malades, je pense que personne ne va s'en plaindre, mais un changement de
régime au niveau des enseignants, au niveau des élèves
dans une école, cela perturbe l'éducation, cela perturbe le
service donné à l'élève et on n'a pas le droit
d'accepter une négociation permanente en vertu de cela.
M. Gendron: Je vous remercie très sincèrement pour
cette partie. En ce qui me concerne, cela m'éclaire et je pense qu'on
peut convenir ou conclure de vos propos sur ce sujet que vous n'êtes pas
complètement opposés. Mais vous dites qu'une négociation
permanente qui aurait comme conséquence de bousculer constamment
l'organisation pédagogique majeure au niveau d'éléments
plus importants, cela représente des inconvénients auxquels on ne
peut pas souscrire, et c'est vous qui parlez. Je pense que dans ce sens, pour
avoir déjà oeuvré dans le milieu, il faut, effectivement,
être assez attentif à cette question pour que, si jamais les
négociations en cours de convention, qu'on appelle cela
réouverture ou non, ce soit sur des points qui n'ont pas comme
conséquence de bousculer d'une façon majeure et significative
l'organisation scolaire. C'est cela que vous mentionnez.
M. De Guire: Exactement.
Le Président (M. Lachance): J'aurais peut-être une
question...
M. De Guire: M. le Président, on aurait voulu
compléter.
Le Président (M. Lachance): Oui.
M. Lebel: Un élément supplémentaire à
la réflexion. Si, a posteriori, on dit qu'il faudrait aller modifier, il
faudrait peut-être mettre une autre contrainte, si on veut l'appeler
ainsi, c'est celle de le faire assez tôt pour qu'on puisse être
capable d'endosser les impacts. Si, deux jours avant les mouvements de
personnel, il faut commencer à faire toute une gymnastique pour faire
rebâtir des tâches, ce n'est pas nécessairement d'abord les
employés qui en sont les bénéficiaires parce qu'on les
bouleverse. C'est pour cela que je dis que si c'est pour arriver - ce qu'on ne
souhaite pas - cela devrait être prévu que cela se fasse à
un moment où c'est moins névralgique.
Le Président (M. Lachance): J'aurais une question à
vous poser concernant les négociations locales. Aux pages 17 et 18 de
votre mémoire, vous faites allusion aux expériences vécues
des négociations locales de 1976 et de 1979 et vous parlez de celle de
1982 où, à votre avis, la centralisation a été
excessive. J'aimerais savoir de votre part, à titre d'exemple, ce que
vous verriez qui devrait être maintenu comme points de négociation
locale, d'une part, et, deuxièmement, est-ce que le mécanisme
d'affectation du personnel devrait être de négociation locale?
M. De Guire: Ce qui nous paraît devant faire l'objet de
négociation locale, ce serait l'organisation du travail, les mouvements
de personnel et les droits syndicaux. Ces choses nous paraissent comme devant
être discutées au niveau local. Est-ce que c'est le sens de votre
question, M. le Président?
Le Président (M. Lachance): Oui, exactement. Par exemple,
le phénomène qu'on a appelé le phénomène du
"bumping", est-ce que vous voyez cela de négociation locale au niveau de
l'affectation du personnel? Vous savez bien que, dans les écoles, c'est
un problème qui crée beaucoup d'anxiété d'une
année à l'autre. (18 h 15)
M. De Guire: Oui, mais le "bumping", c'est un
phénomène qui résulte d'une négociation, qui
résulte de... Voici ce qu'on dit: Ce qui devrait être
négocié localement, c'est l'organisation du travail, les
mouvements de personnel et les droits syndicaux. C'est bien sûr que si
les critères qui sont discutés et négociés,
c'est
l'ancienneté, ce sont des choses comme ça, au bout du
compte, on se retrouvera dans nos organisations scolaires avec du "bumping"
à la chaîne. On pourrait compléter.
M. Lebel: Peut-être comme indice, lors de
représentations au Conseil supérieur, la fédération
avait donné comme principe d'orientation le plus possible le maintien
d'une équipe école, comme orientation. La négociation des
mouvements de personnel, si elle vient mettre de côté ce
principe-là, on serait déçu, mais l'objectif qu'on
recherche et sur lequel on a déjà donné notre avis, c'est
le plus possible le maintien d'une équipe école. C'est cela,
l'orientation.
M. De Guïre: On pourrait compléter.
M. Rondeau: Un autre exemple, c'est au niveau, non seulement
à l'intérieur d'une école du mouvement du personnel, mais
le mouvement d'un enseignant d'une école à l'autre et quand on
regarde Ies conventions locales, etc., les interprétations de
commissions scolaires et tout ce que le service du personnel doit mettre
d'études pour en arriver à comprendre comment on peut bouger sans
faire d'erreurs un enseignant d'une école à une autre
école... Il y a sûrement une place dans la négociation
locale pour assurer une plus grande flexibilité à ce niveau.
C'est comme des châteaux forts un peu partout. C'est très
difficile pour un enseignant de vouloir dires Moi, je voudrais changer
d'école, pour toutes sortes de raisons, parce que quand il fait cela, il
y aura toute une série de choses d'enclenchées qui, au bout de la
ligne, sont très démotivantes pour un enseignant de vouloir
faire.
Le Président (M. Lachance): Une dernière question
quant à moi. Cela concerne un sujet, sauf erreur, qui n'a pas
été mentionné dans votre mémoire. C'est
peut-être parce que cela ne vous préoccupe pas directement dans le
sens que ce n'est pas vous qui avez à résoudre le
problème. C'est plutôt la commission scolaire. Ce sont les griefs.
Est-ce que la Fédération québécoise des directeurs
d'école a constaté qu'il y avait des problèmes
particuliers avec le nombre de griefs qui sont déposés par des
enseignants, parce que dans le domaine hospitalier, on nous a souligné
la chose de façon assez marquée?
M. De Guire: M. le Président, nous n'avons pas
étudié cette question et je ne peux pas malheureusement vous
répondre puisque nous n'avons pas consulté nos membres sur cette
question.
Le Président (M. Lachance): Je vous remercie, MM. de la
Fédération québécoise des directeurs d'école
de votre présence à cette commission parlementaire. On
l'apprécie beaucoup et on espère, en tout cas, que finalement,
votre participation va se concrétiser par un aboutissement heureux.
Merci beaucoup, messieurs.
M. De Guire: Cela nous a fait plaisir. Madame, messieurs,
merci.
Le Président (M. Lachance): La commission du budget et de
l'administration ajourne ses travaux a demain matin, 10 heures, alors que nous
entendrons des représentants de la Fédération des
commissions scolaires du Québec.
(Fin de la séance à 18 h 19)