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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Tuesday, February 5, 1985 - Vol. 28 N° 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic


Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration se réunit avec le mandat de procéder à une consultation générale portant sur l'avant-projet de loi traitant du régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.

Les membres de la commission, pour la séance d'aujourd'hui, sont: MM. Leduc (Fabre), Bisaillon (Sainte-Marie), Biais (Terrebonne), Pagé (Portneuf), Beaumier (Nicolet); Mme Dougherty (Jacques-Cartier) en remplacement de M. Caron; M. Gauthier (Roberval); M. Ryan (Argenteuil) en remplacement de M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges); Mme Juneau (Johnson); MM. Lachance (Bellechasse), Laplante (Bourassa), Polak (Sainte-Anne), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Tremblay (Chambly) et Clair (Drummond).

M. Clair: M. le Président...

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre.

M. Clair: Je voudrais que vous trouviez le moyen de faire une place dans votre liste à mon collègue, le député de Joliette, ministre des Affaires sociales, pour la journée.

M. Chevrette: Pour l'avant-midi, en tout cas.

M. Clair: Pour l'avant-midi. Je ne voulais pas trop l'engager, mais...

M. Chevrette: Je suis venu pour vous autres, messieurs.

M. Clair: Ah! Pour la journée...

Le Président (M. Lachance): II n'y a pas de problème, M. le ministre délégué à l'Administration. Habituellement, la façon de procéder dans un cas comme cela, c'est tout simplement de permettre au ministre de s'exprimer. Il est bien certain que, s'il y avait un vote, n'étant pas membre de la commission, puisque le mandat de l'Assemblée, c'est qu'un ministre... Compte tenu que le sujet actuel préoccupe ou concerne le ministre délégué à l'Administration, ce serait le ministre-député de Drummond qui aurait non seulement droit de parole, mais droit de vote. Alors, notre collègue de Joliette...

M. Clair: Pourvu qu'il puisse s'exprimer, M. le Président, le ministre des Affaires sociales ne m'a pas prévenu d'une date de vote aujourd'hui.

M. Tremblay: Le ministre pourrait remplacer un député membre de la commission.

Le Président (M. Lachance): II n'y a pas de problème là-dedans. On ne se perdra pas en paroles inutiles. Cela a bien été jusqu'à maintenant...

M. Tremblay: Ah non, non! C'est juste que...

M. Pagé: M. le Président, vous semblez vous interroger à l'intérieur. Nous n'avons pas de problème que le ministre des Affaires sociales viennent ici pour vous...

M. Clair: Je comprends que vous n'êtes pas placés pour vous interroger entre vous autres. Vous n'êtes pas très nombreux ce matin.

M. Pagé: Ah! On n'est pas nombreux! Vous allez voir, cet après-midi. Ne soyez pas inquiets!

M. Tremblay: II est normal que nous nous interrogions. Nous ne sommes jamais sûrs de posséder la vérité.

Le Président (M. Lachance): Ah bon! Cela est bien! Quelle humilité!

M. Pagé: Les orthodoxes!

Le Président (M. Lachance): Je demanderais quand même qu'on m'indique le nom du député ministériel à remplacer. D'accord, le droit de parole.

M. Clair: Celui qui a le droit de parole...

Le Président (M. Lachance): Très bien! Il n'y a pas de problème, M. le ministre des

Affaires sociales et député de Joliette. Cela va. Tour à tour, aujourd'hui, nous entendrons les représentants de l'Association des hôpitaux du Québec; cet après-midi, de 15 heures à 17 heures, l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec et, finalement, de 17 heures à 19 heures, la Fédération québécoise des directeurs d'école. J'invite immédiatement M. André Brousseau, président de l'Association des hôpitaux du Québec, à nous indiquer les noms des personnes qui l'accompagnent. Évidemment, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association des hôpitaux du Québec et je les remercie d'être venus en commission parlementaire nous apporter un éclairage sur cet avant-projet de loi. M. Brousseau.

Association des hôpitaux du Québec

M. Brousseau (André): M. le Président, à mon extrême gauche, M. Michel Cléroux, directeur des communications de l'association, qui a une expérience très vaste dans le domaine des négociations puisqu'il a participé à six négociations; immédiatement à ma gauche, M. Claude Boutin, directeur des ressources humaines, lui aussi fort d'une bonne expérience de quatre négociations; à mon extrême droite, le Dr Gérard Roy, premier vice-président de l'association, qui est aussi directeur général du Centre hospitalier Saint-François-d'Assise; à ma droite, M. Jacques Nadeau, vice-président exécutif et directeur général de l'association; il a été président du CPNAS au cours des deux dernières négociations.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Brousseau. Tel qu'il vous a déjà été indiqué probablement, on apprécierait que votre exposé soit d'une durée de 30 minutes, si possible, de façon à permettre le plus grand nombre d'échanges possible entre les parlementaires qui auraient à vous poser des questions ou à vous faire part de leurs observations. M. Brousseau, vous avez la parole.

M- Brousseau: M. le Président, M. le ministre délégué à l'Administration, M. le ministre des Affaires sociales, mesdames et messieurs, membres de la commission, nous vous remercions de nous fournir l'occasion de vous exposer la position des dirigeants de centres hospitaliers publics sur l'avant-projet de loi relatif à la réforme du régime de négociation.

L'Association des hôpitaux représente, comme vous le savez, les conseils d'administration des 200 hôpitaux publics du Québec. Ces hôpitaux n'utilisent pas la formule Rand et sont libres d'adhérer à l'association. Les conseils d'administration sont composés de représentants socio- économiques nommés par le ministre, d'un représentant d'un organisme bénévole, d'un médecin, d'une personne du personnel clinique, d'une personne du personnel non clinique, de représentants de CLSC, de centres d'accueil et de CSS. Lorsqu'il y a des affiliations avec les universités, il y a un représentant de l'université et aussi, quand il y a des corporations, il y a trois représentants provenant des corporations. Enfin, là où on trouve des internes et des résidents, on y trouve aussi un représentant au conseil d'administration. Tout cela pour vous dire que nous représentons, par le truchement de nos conseils d'administration, une partie du public et, personnellement, je n'oeuvre pas dans le réseau des affaires sociales.

Tel que nous avons déjà eu l'occasion de le mentionner, la démarche entreprise au printemps dernier par le gouvernement en vue d'obtenir que les parties intéressées se prononcent sur les aspects les plus fondamentaux de l'actuel régime de négociation nous était apparue fort valable et nous tenons à souligner que le document de consultation, alors soumis par le Conseil du trésor, nous apportait une importante contribution tant par l'exposé des problématiques qu'il contenait qu'en regard des orientations que l'on pouvait en dégager. Nous nous en sommes largement inspirés pour exprimer la pensée de ceux que nous représentons.

Comme on le sait, la main-d'oeuvre hospitalière se compose d'environ 135 000 personnes, soit quelque 100 000 équivalents temps plein, et le gouvernement consacre plus de 3 500 000 000 $ aux programmes de santé dispensés par les hôpitaux. C'est donc dire que nous sommes éminemment concernés par cette réforme puisque, d'une part, le régime de relations du travail et le contenu des conventions collectives influencent grandement les coûts ainsi que les modes d'organisation et de distribution des services de santé et que, d'autre part, c'est surtout dans les hôpitaux que se font sentir les effets souvent barbares du rapport de forces qui s'exerce à l'occasion des négociations.

Depuis que nous sommes confrontés aux excès de la centralisation, chaque ronde de négociations, en particulier, la question du droit de grève dans les hôpitaux, a donné lieu à une multitude de débats qui indiquaient clairement que le régime était contesté de toutes parts et que des changements importants s'imposaient. Notre organisme a participé à chacun de ces débats avec l'impression très nette que l'influence du mouvement syndical était de plus en plus déterminant par rapport aux positions exprimées par les groupements comme le nôtre, alors que nous avions le sentiment de refléter également l'intérêt de la collectivité.

À ce sujet, il est utile de rappeler que l'étude effectuée, dans le cadre de la présente démarche du gouvernement, par MM. Jean-Claude Cadieux et Jean Bernier sur les caractéristiques de notre régime de relations du travail par rapport à d'autres pays industrialisés indique bien que le Québec conjugue un maximum de droits syndicaux à un mécanisme de négociation permettant aux pressions syndicales d'avoir le maximum d'impact. C'est ainsi qu'à défaut pour le gouvernement de faire les concessions qu'impose la situation, les conflits de travail dégénèrent en conflits sociaux qui aboutissent ultimement devant l'Assemblée nationale pour trouver leur dénouement à l'extérieur des règles établies au départ.

Depuis la première négociation provinciale qui, en 1966, s'est soldée par l'intervention d'un tiers et la mise en tutelle de tous les hôpitaux, gestionnaires et syndiqués ont progressivement perdu le contrôle sur ces opérations gigantesques que sont devenues les négociations pour la détermination des conditions de travail en établissement et l'organisation des rapports entre employeurs et syndicats. Alors qu'à une certaine époque notre organisme mettait l'essentiel de ses ressources à contribution pour la conduite des négociations et la réalisation de ses mandats, nous en sommes maintenant au stade de vouloir y participer pour sauver les meubles et agir comme conseillers sur les pouvoirs publics, quant à l'implication de leur décision sur la gestion des établissements.

À commencer par la première, la plupart de ces opérations ont donné lieu à des concessions excessives du point de vue des administrateurs hospitaliers puisque, à chaque occasion, se posait le problème du "prix à payer" pour maintenir une paix sociale relative et éviter de compromettre la santé ou la sécurité publique dans un contexte où la désobéissance civile représentait une menace grandissante.

Le recours incessant à des lois spéciales n'est certainement pas une panacée, puisqu'il mine l'autorité même de l'Assemblée nationale qui voit ses interventions défiées, le plus souvent impunément. Dans ces conditions, les conventions collectives ont pris l'allure d'annuaires téléphoniques dans lesquels s'entasse plutôt mal que bien l'histoire de 20 années de négociation au palier central. L'organisation du travail dans les hôpitaux s'est modelée sur la notion de poste et la compartimentation des fonctions et ce, à l'image d'un taylorisme incompatible avec les notions modernes axées sur la flexibilité, l'enrichissement des tâches et, plus globalement, sur une conciliation des besoins organisationnels et individuels susceptible d'engendrer des conditions plus satisfaisantes et une meilleure qualité des services.

Parce que nous partageons les objectifs poursuivis par le Centre de développement de la productivité dans le secteur public, notre organisme s'intéresse activement à cette dimension des choses. Nous réalisons jusqu'à quel point la souplesse et l'innovation qu'exigent les avenues nouvelles se concilient mal avec le nivellement et la rigidité des conventions collectives. La vie institutionnelle s'y trouve organisée, réglementée et, de part et d'autre, l'on consacre beaucoup d'énergie à se préoccuper d'éventuelles irrégularités aux multiples dispositions des contrats de travail qui pourraient faire l'objet d'une contestation, d'une directive, d'un conflit, d'un arbitrage.

S'ils ont réussi à obtenir l'État comme interlocuteur principal pour la détermination des conditions de travail et la réglementation des droits de gérance, les syndicats ont aussi contribué à la détérioration des milieux de travail. Cette situation est démontrée de façon éloquente dans les conventions collectives où s'illustre l'incapacité de l'État à traiter la totalité des problèmes qu'on veut lui faire régler sans tomber dans une rigidité et une étroitesse incompatibles avec la complexité et l'ampleur des difficultés à résoudre.

Pour toutes ces raisons, nous nous réjouissons que le gouvernement manifeste concrètement sa détermination d'apporter au régime actuel des changements substantiels et c'est avec un certain optimisme que nous avons considéré les modifications que propose l'avant-projet de loi dont certaines vont exactement dans le sens des orientations souhaitées par l'Association des hôpitaux du Québec.

Il en est ainsi de la création d'un institut de recherche sur la rémunération, du mode envisagé pour la détermination des taux d'accroissement des salaires, des dispositions relatives à l'intervention et au mandat d'un tiers aux paliers sectoriel, local ou régional et, enfin, de l'organisation de la partie patronale dans le secteur qui nous concerne.

Sur les composantes de la rémunération totale plus spécialement, nous partageons entièrement l'orientation du gouvernement à savoir que cette matière soit retirée du champ des matières négociables pour être alignée annuellement sur les conditions observées dans le secteur privé.

Même si des discussions peuvent se tenir sur la distribution de la masse salariale pour tenir compte, entre autres, de la protection des bas salariés, nous sommes d'avis que l'exercice du droit de grève sur ce qu'il convient d'appeler le "monétaire lourd" met en cause le niveau de taxation des contribuables, la marge de manoeuvre du gouvernement et même les priorités de l'État en matière de développement social et économique. Quant à l'intervention d'une

étape de médiation sur les dispositions normatives, c'est également une mesure dont nous préconisons l'application et qui nous apparaît susceptible de favoriser un règlement entre les parties sur la base de recommandations rendues publiques. (10 h 30)

Sous réserve des observations plus spécifiques dont nous faisons état dans notre mémoire et dont les membres de la commission auront pris connaissance, trois dimensions de la réforme proposée nous préoccupent d'une façon toute particulière. Premièrement, nous aurions souhaité que le gouvernement se retire du champ de la négociation pour s'en tenir à son rôle plus fondamental de législateur, de gardien de l'intérêt public et, enfin, d'arbitre ultime d'intérêts divergents à l'occasion des négociations pour le renouvellement des conventions collectives dans les secteurs financés par l'État. Même si nous pouvons admettre que le Conseil du trésor puisse exceptionnellement émettre des mandats de négociation sur les sujets d'intérêt gouvernemental, il nous paraît primordial que l'État, démocratiquement mandaté pour exprimer et faire respecter la volonté collective, soit en position pour s'affirmer lorsque l'intérêt national est en cause et, pour cette raison, nous considérons que le gouvernement peut difficilement être à la fois législateur et négociateur, ou juge et partie, et qu'il y a lieu de lever cette ambiguïté.

Tout en reconnaissant que l'État doive s'impliquer dans des considérations qui relèvent davantage du contrat social dans les secteurs public et parapublic, nous croyons toujours que l'entière responsabilité des négociations devrait reposer sur des comités sous-sectoriels selon un partage des juridictions qui tiendrait compte, d'une part, des prérogatives ministérielles en ce qui a trait à l'allocation des ressources et, d'autre part, du mandat confié aux administrateurs hospitaliers quant à l'organisation, la mise en oeuvre et l'administration courante des services de santé.

Aux articles 15, 16 et 18, l'avant-projet de loi confirme, au contraire, l'engagement gouvernemental quant à l'organisation des négociations, leur déroulement ainsi que les enjeux qui y seront débattus et ce, dans le cadre des mandats déterminés par le Conseil du trésor. Il confirme également que les comités patronaux sont placés sous la responsabilité déléguée par le gouvernement au ministre sectoriel, ce qui équivaut à dire qu'ils sont encore sous la tutelle gouvernementale.

L'hypercentralisation a été identifiée par plusieurs comme étant une lacune majeure de notre régime de négociation et nous devons déplorer que, sur cet aspect, les dispositions législatives présentement en vigueur soient reconduites, puisque nous sommes toujours convaincus que c'est d'abord à ce niveau que doit se concrétiser l'objectif de décentralisation, à plus forte raison sur les questions normatives.

Dans les conditions présentes, l'expérience nous enseigne que les organisations patronales sont difficilement en mesure de faire valoir leur spécificité orga-nisationnelle et d'être perçues comme des interlocuteurs valables, d'autant plus que les centrales syndicales ont, depuis longtemps, pris l'habitude de transiger directement avec le gouvernement. C'était notre premier aspect.

Le deuxième aspect sur lequel nous tenons à attirer l'attention des membres de la commission concerne les négociations locales et, plus spécifiquement, les objets visés par le deuxième paragraphe de l'article 21.

Tout en convenant qu'il puisse y avoir entente au palier sous-sectoriel pour se référer au niveau local des objets de négociation, les administrateurs d'hôpitaux s'opposent à ce que soit ainsi réglementée l'obligation pour les instances locales de négocier une partie plus ou moins substantielle des conventions collectives.

Nous considérons, en effet, qu'il est tout à fait contre-indiqué et prématuré d'introduire par législation une liste de stipulations à être négociées localement. Comme nous l'exposons dans notre mémoire et tout en considérant que la situation peut être différente d'un secteur à l'autre, nous sommes d'avis que, dans le secteur hospitalier, la décentralisation au niveau des établissements doit être envisagée autrement à ce moment-ci. Il nous apparaît essentiel qu'elle tienne compte de la capacité pour les parties locales de l'assumer dans des conditions favorables, si l'on veut éviter de compromettre une paix industrielle relativement fragile dans plusieurs milieux.

Tout en étant attrayante en théorie, l'approche retenue dans l'avant-projet de loi aurait comme conséquence probable de générer une multitude de conflits locaux et d'alimenter ceux qui, présentement, orientent encore leur action en fonction d'une conception des rapports du travail basée surtout sur l'affrontement systématique.

C'est là une perspective dont les effets seraient évidemment moins spectaculaires qu'un conflit généralisé mais dont les conséquences pourraient être tout aussi néfastes, d'autant plus que le gouvernement serait encore appelé à intervenir comme il le fait présentement dans certains conflits illégaux et qui trouvent leur solution en dehors des règles établies.

À partir des expériences récentes de Saint-Ferdinand et d'Urgences-santé, nous ne croyons pas que cette avenue serve les intérêts des bénéficiaires et de ceux qui ont

pour mission de leur dispenser les services de santé. Comme alternative nous tenons à faire valoir que dans bon nombre d'établissements administrateurs et syndiqués ont pu convenir d'ententes modifiant à plusieurs égards les stipulations négociées au palier sectoriel.

Tout en étant illégales aux termes de la loi actuelle, ces ententes ont généralement le mérite d'adapter aux réalités locales l'application de règles et de modalités déterminées au palier ou au niveau national.

À notre connaissance, de telles ententes n'ont pas comme portée d'ajouter aux droits et obligations des parties sur des matières réputées appartenir à des niveaux de juridiction supérieure et nous estimons au contraire que, là où les mentalités le permettent, les parties s'en tiennent à des adaptations mutuellement satisfaisantes, en tenant compte de l'économie générale des contrats de travail et en observant les stipulations qui ont une portée générale quant à leur application.

C'est précisément sous cet angle que doivent être envisagées les négociations locales. À cet effet, la loi devrait contenir une disposition explicite permettant aux instances locales de disposer de la capacité juridique pour conclure des ententes, contrairement à l'interdiction qui leur est présentement imposée. Cette façon de concevoir un autre volet de la décentralisation représente, à notre avis, une étape essentielle du processus et, à ce point de vue, si l'objectif est important, la manière d'y parvenir l'est également. Pour cette raison, nous sommes convaincus qu'il n'y a pas lieu de transférer au palier local des objets de négociation, du moins dans le secteur hospitalier.

Enfin, notre troisième point concerne l'exercice du droit de grève dans les hôpitaux, élément crucial de notre système de relations du travail. Dans l'état actuel des choses, le gouvernement s'en est tenu à des modification au régime de négociation, tout en limitant l'exercice du droit de grève aux seules matières négociées au palier sectoriel et en conférant au Conseil des services essentiels des pouvoirs de redressement dans le cas de certains conflits affectant les secteurs public et parapublic.

L'opinion publique s'est déjà exprimée très majoritairement contre la grève dans les hôpitaux et notre organisme a fait valoir à de nombreuses reprises que, pour des considérations essentiellement humanitaires, l'on ne devrait pas tolérer qu'elle puisse s'y exercer. Toutefois, le retrait pur et simple du droit de grève n'apparaît possible que dans la mesure où le gouvernement est en position pour faire respecter ses lois et qu'implicitement les syndicats respectent les règles établies.

Jusqu'à maintenant, toutes les tentatives pour restreindre l'exercice du droit de grève dans le secteur hospitalier se sont avérées des échecs. Elles n'ont fait que démontrer en ce domaine l'impossible coexistence du droit des citoyens et du droit des syndiqués. Qui plus est, nous pouvons avancer que la réglementation sur les services à maintenir en cas de conflit produit un effet de camouflage quant aux réelles conséquences qu'elle engendre pour ceux qui, de différentes façons et à différents degrés, en sont les victimes anonymes. Refusant d'admettre l'évidence, ceux qui sont en faveur du libre exercice de la grève dans les hôpitaux affirment même que les débrayages illégaux trouvent leur légitimité dans le respect des droits syndicaux. Nous ne manquons pourtant pas de situations pour démontrer les inconvénients considérables et, la plupart du temps, anonymes qu'engendrent les grèves dans les services les plus névralgiques.

Même si cet aspect de notre problématique sociale reste au centre des préoccupations, il semble que, dans l'état actuel des choses, la question importante n'est pas tellement de savoir s'il doit y avoir retrait du droit de grève, mais bien de voir comment il est possible de faire face à la désobéissance civile. D'un autre côté, advenant que l'abolition du droit de grève puisse être envisagée, encore faudrait-il lui substituer un mécanisme de règlement des différends, même s'il s'agit, à la limite, de l'intervention de l'Assemblée nationale pour décréter les conditions de travail.

Quoi qu'il en soit, la volonté politique, telle qu'elle s'est manifestée jusqu'à maintenant, visait à réglementer l'exercice du droit de grève dans les services public et parapublic et à lui faire perdre éventuellement sa légitimité. C'est du moins le résultat constaté à travers les législations des dernières années et, à ce sujet, signalons le rôle confié au Conseil des services essentiels.

La dernière réglementation n'ayant pas encore été promulguée quant à la partie applicable au réseau des affaires sociales, il ne nous apparaît pas opportun de refaire le débat de la loi 72 et de reprendre ici les arguments que nous avions fait valoir pour assurer le maintien des services de santé. Qu'il nous suffise de réitérer qu'il s'agit là d'un problème fondamental que l'État doit considérer en fonction du droit inaliénable de nos concitoyens et de nos concitoyennes à la vie et à la santé.

La situation étant ce qu'elle est, nous nous en tiendrons, en ce qui nous concerne, à faire des représentations pour que la grève ne puisse s'exercer de façon significative et autrement que d'une manière symbolique dans le secteur hospitalier. Si la primauté du droit des citoyens à la continuité des services doit avoir un sens, il est nécessaire que le mandat du Conseil des services essentiels lui

permette d'interdire que la grève puisse s'exercer dans les hôpitaux. (10 h 45)

Or, en vertu du mandat qui lui est présentement dévolu, le conseil peut déterminer par règlement l'encadrement relatif à la forme et au contenu d'une entente ou, à défaut d'une liste, sur les services qui seront maintenus en cas de conflit. À ce sujet, il serait donc important que le mandat du conseil soit clarifié et précisé de façon qu'il puisse, à l'intérieur même du règlement, statuer sur les services qui devraient être obligatoirement maintenus dans les différentes catégories d'établissements, à défaut de quoi la primauté du droit des citoyens à la continuité des services risque, dans les faits, d'être sérieusement compromise.

Cette clarification nous semble d'autant plus importante que le règlement doit être soumis à l'approbation du gouvernement, lequel a comme responsabilité ultime d'assurer la sécurité et la santé publiques. C'est à cette condition et à cette seule condition que le débat sur le retrait pur et simple du droit de grève dans les hôpitaux peut encore être écarté. Sous réserve de l'ensemble des observations et des recommandations contenues dans notre mémoire, voilà donc en substance la position des membres de l'Association des hôpitaux du Québec sur l'avant-projet de loi relatif au régime de négociation en ce qui concerne le secteur des services de santé.

Pour les fins des travaux de la commission, nous avons voulu nous en tenir aux aspects qui nous paraissaient les plus importants. À l'invitation du président du Conseil du trésor et, de ses principaux collaborateurs, nous avons eu, au cours des derniers mois, l'occasion d'échanger sur différents points de vue concernant cette réforme. Nous sommes conscients que, dans un domaine aussi complexe, aucune solution ne peut être simple et définitive puisque le problème fondamental en est un d'attitude. En effet, peu importe le cadre institutionnel dans lequel les relations du travail évoluent, celui-ci ne fonctionnera pas si les parties ne prennent pas leurs responsabilités et décident de ne pas respecter certaines règles du jeu fondamentales, comme c'est le cas actuellement au Québec.

Madame et messieurs les membres de la commission, merci de nous avoir entendus et nous sommes à votre disposition.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Brousseau. J'invite maintenant le ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor à prendre la parole.

M. Clair: Merci, M. le Président. Je voudrais, dans un premier temps, souhaiter la bienvenue a M. Brousseau, à M. Nadeau et aux autres personnes de l'Association des hôpitaux du Québec qui les accompagnent. Je voudrais les remercier non seulement de venir nous présenter, aujourd'hui, un mémoire au nom de l'organisme qui représente, je dirais, l'ossature de base des services de santé au Québec, mais aussi d'avoir fourni, comme l'a signalé M. Brousseau, à l'occasion de plusieurs rencontres avec moi-même ou avec les gens de mon ministère, leur point de vue éclairé quant à la préparation de cet avant-projet de loi dont une partie semble refléter les attentes de l'Association des hôpitaux du Québec.

Je pense qu'on peut conclure du mémoire qui est devant nous aujourd'hui que, sur plusieurs des dimensions fondamentales en termes d'orientation de l'avant-projet, nous avons l'appui de l'Association des hôpitaux du Québec. Cependant, il est trois sujets soulevés par M. Brousseau lui-même qui, semble-t-il, ne répondent pas tout à fait, pour diverses raisons, aux attentes de l'Association des hôpitaux du Québec. M. le Président, je voudrais aborder deux de ces sujets, soit la question de la décentralisation des négociations locales de même que la question du droit de grève dans les hôpitaux. Je laisserai à mon collègue, le ministre des Affaires sociales, le soin de s'intéresser à la question du champ de la négociation, puisqu'il a manifesté son intérêt d'obtenir davantage d'éclaircissements sur cette question.

J'aborderai donc, dans un premier temps, la question des négociations locales. Ce que l'Association des hôpitaux du Québec nous propose, c'est, en quelque sorte, la possibilité d'arrangements, soit, dans un premier temps, que le fondé de pouvoir majeur soit le comité sous-sectoriel, avec peu de pouvoirs de la part du Conseil du trésor, donc que l'Association des hôpitaux du Québec soit le principal intervenant et que ce soit là le premier pas de la décentralisation, soit d'aller vers le sous-sectoriel. L'association nous met en garde quant aux conséquences que pourrait avoir l'obligation de négocier au niveau local dans le réseau hospitalier les trois grands thèmes qui étaient prévus dans l'avant-projet de loi.

M. le Président, il me semble que cette prise de position est surprenante compte tenu de plusieurs éléments. D'abord, je pense que l'Association des hôpitaux reconnaît la prolifération des ententes locales illégales dans le cadre actuel et, donc, laisse entrevoir qu'il y a possibilité de négocier au niveau local. Il y aurait d'autant plus possibilité de faire ces négociations si elles étaient légales, puisqu'il y a déjà une prolifération d'ententes locales illégales.

Deuxièmement, l'Association des hôpitaux du Québec représente des institutions qui, dans l'ensemble, sont des institutions de grande taille. Il ne s'agit pas

ici du réseau des CLSC ou de celui des centres d'accueil, qui ont souvent un personnel d'encadrement réduit, mais, au contraire, des institutions les plus lourdes, non pas au sens péjoratif, mais en termes d'effectif humain, de ressources humaines, tant sur le plan des relations du travail que sur le plan des salariés qui y sont impliqués.

D'autre part, il semble y avoir un peu une opposition avec le mémoire qui nous était présenté la semaine dernière par l'Association des administrateurs des services de santé et sociaux qui, de son côté -représentant ce qu'on pourrait appeler les directeurs et les cadres supérieurs de ces établissements - est venue nous dire qu'elle était favorable à la négociation locale. Voilà des faits qui, jusqu'à un certain point, en tout cas, il me semble, militent fortement en faveur de la négociation au niveau local. Nous sommes en face d'établissements qui ont un grand nombre d'ententes au niveau local. Nous sommes en face d'établissements de taille importante qui ont des ressources humaines qualifiées en termes de possibilités de négociation. Leurs administrateurs, qui sont sur le terrain à tous les jours, nous indiquent qu'ils seraient favorables à la négociation locale.

Finalement, je dirais que tous ceux qui appartiennent au réseau de la santé et des services sociaux sont venus nous dire que si, dans leur cas, il leur semblait préférable que la négociation se fasse, dans un premier temps, au niveau sous-sectoriel avant d'aller au niveau local, c'était parce que la convention collective du réseau des affaires sociales était fondamentalement basée sur le modèle hospitalier à cause du droit d'aînesse et de la force de l'Association des hôpitaux du Québec, de l'importance relative très élevée du réseau des hôpitaux dans l'ensemble des services de santé et des services sociaux au Québec. Vous devinez ma question: Pourquoi vous opposez-vous à ce qu'il y ait une négociation obligatoire au niveau local quant à des sujets dont l'ampleur est quand même limitée?

M. Brousseau: M. le Président, je vais commencer par répondre au troisième volet de la question de M. le ministre sur l'apparente opposition entre ce que nous avons dans notre mémoire et la présentation de la fédération des cadres supérieurs, la semaine dernière. Cela démontre, finalement, que la situation des hôpitaux qui représentent les conseils d'administration ne véhicule pas nécessairement la position des cadres qui oeuvrent à l'intérieur des établissements et que les conseils d'administration ont quand même une démarcation entre les employés et les dirigeants ou les administrateurs qui sont mandatés par la loi pour établir des politiques de fonctionnement d'un établissement et rendre les services.

M. Clair: II serait sûrement intéressant de savoir quelles sont les prémisses qui sont différentes pour aboutir à des conclusions différentes.

M. Brousseau: Les prémisses qui pourraient être différentes, c'est que les conseils d'administration voient l'ampleur des problèmes qui seraient posés à l'intérieur. Deuxièmement, que les cadres supérieurs viennent dire qu'ils sont capables d'y répondre, je pense qu'ils sont capables d'affirmer que les établissements pourraient y répondre, pour autant qu'on leur fournisse les ressources pour ce faire. Depuis 1966, les directions de personnel dans les centres hospitaliers, dans les hôpitaux, ont été beaucoup plus appelées à gérer des conventions collectives et des décrets qu'à négocier des conventions collectives, puisque le tout se faisait au palier central. L'expérience et l'expertise au niveau local ne portent pas sur l'ensemble d'une convention ou sur les articles très importants de ce côté-là, mais on ne peut pas dire qu'ils ne sont pas capables, évidemment, bien qu'il faille leur fournir l'infrastructure.

Vous avez dit tantôt que les hôpitaux -parce que votre deuxième question recoupait la troisième - regroupent des établissements de grande taille et qu'il y aurait peut-être là des ressources pour réaliser les objectifs fixés par la décentralisation. Cela représente à peu près 30%; les hôpitaux de grande taille représentent à peu près 30% de notre réseau des affaires sociales. Il en reste 70%.

M. Clair: Qu'est-ce que vous entendez par "grande taille", juste pour avoir le facteur discriminant?

M. Brousseau: C'est-à-dire des hôpitaux de la taille de l'hôpital Saint-François d'Assise, de l'hôpital de L'Enfant-Jésus, de l'hôpital Notre-Dame, de l'hôpital Maison-neuve-Rosemont, enfin des hôpitaux de 300 lits et plus, où vous auriez une infrastructure avec des services de personnel bien équipés. Mais quand vous parlez d'hôpitaux où vous avez 50 lits, l'infrastructure administrative est un peu à l'image, mutatis mutandis, de ce qu'on retrouve dans les CLSC et dans les exemples qui ont été cités la semaine dernière.

Il faut dire que, depuis 1966, on a géré des conventions collectives et qu'on ne les a pas négociées assez, comme je vous le disais tantôt. L'approche que nous privilégions est une approche évolutive. Nous ne pouvons pas passer d'une formule très centralisée, qui a pris 20 ans, à une approche très décentralisée rapidement. Il faut y aller par étapes. Nous préconisons, quant à nous, l'approche selon les désirs et les besoins des membres. Cela causerait des problèmes considérables dans certains milieux.

L'autre élément portait sur les négociations locales. Vous avez formulé plusieurs ententes. Peut-être que M. Nadeau voudrait ajouter quelques mots là-dessus. De toute façon, elles sont inégales; donc, on ne les connaît pas. Ceci étant, il y en a plusieurs.

M. Nadeau (Jacques-A. ): D'abord, M. le ministre, pour compléter ce que vient de dire notre président, nous ne sommes pas contre la négociation locale. Nous sommes pour la négociation locale. L'idéal serait qu'éventuellement il y en ait le plus possible au niveau local. Cependant, ce qu'on dit, c'est qu'on ne peut pas y arriver demain matin. Il faut y aller par étapes.

Il y a deux façons, dans le cadre actuel, dont on pourrait aller en négociation au niveau local. Premièrement, au niveau sous-sectoriel, dans les comités patronaux, on s'entend sur un certain nombre de matières qui pourraient aller au niveau local. Il y a possibilité de s'entendre là-dessus, selon le climat qui existe entre les parties, d'une part. C'est une façon d'arriver à une négociation locale.

D'autre part, on peut permettre aux parties locales de modifier les ententes qui ont lieu au niveau sous-sectoriel et de les adapter à leur réalité, évidemment, sans changer la nature même des clauses. On ne pourrait pas au niveau local, par exemple, décider qu'il y a quatorze congés fériés quand on a décidé qu'on en donne treize. Ce sont des choses semblables. Il faut que cela soit dans le même ordre et de même nature.

Quand on va donner au niveau local la possibilité de faire des ententes, il y en aura probablement plus qu'il n'y en a à l'heure actuelle. Vous me dites qu'il y en a une quantité industrielle. Je ne sais pas combien il y en a. Il est sûr qu'il y a un bon nombre d'ententes. Comme elles sont illégales, les gens n'ont pas tendance à nous en parler. Ils nous disent qu'il y a des ententes, mais si vous me demandez demain matin combien il y en a... Est-ce qu'il y en a quinze ou vingt par centre hospitalier? Je ne le sais pas. Je ne peux pas vous dire cela. Je sais qu'il y en a. Il y en a probablement plus dans certains centres et il y en a probablement beaucoup moins dans certains autres.

Je pense que tout cela est pour faire en sorte, comme le disait le président, qu'on aille graduellement vers une négociation locale. On ne peut pas demander à des gens, qui ont toujours eu comme mandat d'appliquer les conventions collectives qui étaient décidées pour eux ailleurs, de faire cela demain matin. On nous remettait, ce matin, une liste de sujets qu'on n'a malheureusement pas eu l'occasion de regarder, on ne l'a reçue que ce matin. Il y a environ une trentaine de points... Je m'excuse, M. le Président.

Une voix: Vingt-neuf.

M. Nadeau: II y a 29 points qui pourraient être discutés localement. Je vous dis qu'il y a des endroits où on pourrait convenir que les 29 points pourraient être discutés et qu'il y a des endroits où il pourrait s'en discuter seulement 3. Ce qu'on veut, c'est que vous respectiez les parties au niveau local. Donnez-leur la chance de le faire et, graduellement, elles vont le faire. On souhaite, comme vous, qu'éventuellement le plus de négociations possible se fassent au niveau local, mais prenons le temps de le faire. Cela fait 20 ans qu'on centralise le régime; même si on prenait quatre ans pour le décentraliser, je pense que ça en vaudrait la peine. (11 heures)

Un autre élément auquel vous avez touché un petit peu et sur lequel je voudrais revenir, c'est celui de la décentralisation. Vous disiez: On veut sortir le gouvernement du club sectoriel, c'est-à-dire qu'on veut qu'il soit décentralisé. Je veux bien préciser cela parce que c'est important. On ne veut pas sortir le gouvernement; ce qu'on veut, au niveau sous-sectoriel, c'est que le club puisse lui-même être responsable de ses mandats. Le club patronal, c'est le ministère des Affaires sociales et l'Association des hôpitaux du Québec. Si le ministère des Affaires sociales a à discuter à l'intérieur de l'appareil gouvernemental, c'est sa responsabilité et il le fera. Il l'a toujours fait de toute façon. Cependant, le club n'est pas obligé de se présenter devant le Conseil du trésor, ce qui fait qu'il crée un climat tel que la partie syndicale va nécessairement vouloir discuter avec le Conseil du trésor. C'est ça qu'on veut éviter. On veut décentraliser la négociation, on veut faire en sorte que ce soient les autres parties, en bas, qui se parlent. Si on veut en arriver à ça, le premier pas à faire, c'est de commencer à faire en sorte que le Conseil du trésor ne soit pas responsable, comme c'est mentionné dans le projet de loi, de tous les mandats donnés. Qu'on parle de mandats où l'intérêt gouvernemental est en jeu, je pense qu'on peut comprendre ça, mais l'article 16 est beaucoup plus large, M. le Président. Donc, on ne veut pas sortir le gouvernement, on veut travailler dans le club, avec le ministère des Affaires sociales, mais on veut que le Trésor en soit éloigné.

L'autre élément important qui fait de la décentralisation, c'est sous l'autorité déléguée du ministre. Cela donne encore au gouvernement le monopole sur le club. On veut qu'on fasse une partie à l'intérieur, un club avec le ministère, avec les associations où chacun a ses prépondérances. Quand il y a des aspects monétaires dans le normatif, on comprend que c'est le ministère des Affaires sociales qui a la prépondérance. On

se donne des règles à l'intérieur de notre propre club et c'est avec ça qu'on peut fonctionner. C'est ça qu'on vous suggère. Si on veut en arriver à une décentralisation de la négociation, pour nous, c'est le premier pas qu'il faut faire et ça nous paraît impératif.

M. le ministre, ce n'est donc pas pour retirer le gouvernement, mais pour faire en sorte qu'on travaille différemment.

M. Clair: Je vais essayer de faire rapidement, M. le Président, parce que nous sommes deux collègues, ce matin, et je voudrais laisser du temps au ministre des Affaires sociales. Je vais donc aligner mes trois questions, sans préambule. Des ententes illégales, au niveau local, ce n'est pas plus difficile a négocier que des ententes légales. Ma question un peu piégée est celle-ci: Finalement, est-ce que ça ne ferait pas un peu l'affaire des patrons que les ententes soient illégales parce qu'elles sont plus facilement dénonçables en tout temps que des ententes légales?

Deuxièmement, en ce qui concerne les mandats au niveau du Conseil du trésor: Dans la mesure où on sait qu'au niveau du comité sectoriel ou sous-sectoriel il y a des matières à prépondérance ministère des Affaires sociales et d'autres à prépondérance patronale, publique, votre association... Dans la mesure où il y a des sujets à prépondérance patronale, sur ces sujets-là, vous vous donneriez donc vous-mêmes les mandats, puisque de deux choses l'une: ou la prépondérance patronale veut dire quelque chose ou elle ne veut rien dire. Si elle veut dire quelque chose, ça veut dire, s'il n'y a pas autorisation préalable, des mandats par le Conseil du trésor, que l'association patronale se donne elle-même son mandat.

Troisièmement, dans la mesure où vous dites qu'il y aurait des établissements prêts à aller vers la négociation locale et d'autres qui ne le seraient pas, est-ce que vous seriez prêts à accepter que ce soient les établissements qui décident de l'endroit où les matières seront négociées, que ce soit au niveau local ou au niveau sectoriel? Autrement dit, ce serait l'établissement qui, de manière définitive, déciderait s'il envoie les trois thèmes pour discussion au niveau sous-sectoriel avec possibilité éventuelle, une fois l'entente intervenue, de procéder à des arrangements locaux. Ou, encore, si l'établissement X décide que la négociation sur ces questions-là est au niveau local, à ce moment-là, ce serait le processus prévu à l'avant-projet de loi. Seriez-vous prêts à accepter cette hypothèse que ce soit l'établissement qui décide du niveau où cela se passe? Ce sont les trois questions.

M. Boutin (Claude-A): La première question, quant à savoir si c'est plus difficile de négocier des ententes illégales ou des ententes légales, en relation avec l'hypothèse qu'on fait, à savoir que des ententes illégales, cela permet peut-être aux établissements de les dénoncer éventuellement, je pense que ce sont des situations qu'on a vues rarement. À ma connaissance, c'est peut-être arrivé une fois de façon assez évidente. Je pense que la question se pose difficilement ainsi. Ce qu'on veut faire valoir surtout, c'est le fait que, dans la perspective où on réglemente comme telles les négociations locales, on impose aux parties locales de s'asseoir à partir du moment où la négociation sectorielle ou sous-sectorielle est terminée. On leur impose de s'asseoir et de négocier une trentaine de sujets ou une trentaine d'aspects de la convention collective, avec tout ce que cela engendre comme processus de négociation au niveau local en termes d'offres et de demandes.

Il y a des aspects là-dedans qui sont possiblement extrêmement conflictuels et il y a déjà, dans les hôpitaux, dans plusieurs milieux, des problématiques de relations du travail extrêmement importantes et une paix industrielle fragile, comme on l'a signalé. Cela nous apparaît toute la différence au monde que de réglementer, tel que l'avant-projet de loi le prévoit, la négociation locale sur 30 sujets qui force les parties locales, au lendemain de la signature d'un mémoire d'entente provinciale, à s'asseoir et à négocier à la limite pour les six prochains mois, sur la base d'offres et de demandes patronales et syndicales, des contenus de convention collective. C'est une différence importante.

M. Clair: Je vous rappelle simplement que le contenu actuel des conventions au niveau local, ce qui serait décentralisé au niveau local, le statu quo... En termes de contenu, il y aurait garantie du statu quo et c'est à partir du statu quo que celui-ci pourrait évoluer selon les mécanismes prévus, et en tout temps. Donc, ce ne serait pas nécessairement un alignement pendant une période de six mois tout le monde en même temps.

M. Boutin: On est très conscient de cela, M. le ministre. Ce sont les parties qui devront et seront forcées de s'entendre, finalement, à moins qu'elles ne demandent à un tiers, un médiateur arbitre, de trancher le litige. Sauf que ce qu'on fait valoir encore une fois, c'est que cela introduit une problématique de relations du travail considérable au plan local, là où on n'est pas prêt dans tous les milieux à l'assumer. On pense que cela peut produire un gaspillage de ressources humaines éventuellement, alors que notre approche permet de libéraliser les négociations locales sur une foule de sujets

de la convention collective. Ce peuvent être d'autres aspects que ceux qui sont prévus dans une liste de 30 points. Il y a peut-être d'autres aspects que ceux-là qui font problème au niveau de l'établissement, comme il y en a, là-dedans, peut-être à 75%, qui ne posent aucune problème. Sauf que, du point de vue syndical ou patronal, on pourrait avoir comme objectif de vouloir bonifier, améliorer ces dispositions-là avec tout ce que cela engendre comme problématique au plan local. C'est cela qu'on veut éviter dans un premier temps, d'introduire au plan local une problématique considérable de relations du travail, alors qu'on pense que les gens peuvent fonctionner à leur rythme et convenir d'ententes, comme cela peut se faire actuellement d'une manière illégale. Mais s'ils avaient la capacité de le faire, on pense que, sur la base de relations du travail plus ouvertes, les gens peuvent en convenir assez facilement.

L'autre aspect de votre question, M. le ministre, c'est quant à la source des mandats sous-sectoriels. Il est sûr que ce qu'on envisage, c'est que chaque catégorie d'établissements puisse, tel qu'on l'a envisagé, sur des matières normatives, donc qui sont finalement l'avis de l'établissement ou de chacun des établissements, donner ses propres mandats, par consensus avec les représentants du ministère des Affaires sociales, en ce qui nous concerne. Évidemment, on sait pertinemment que, sur certaines matières, il y a des objets qui vont devoir se négocier en cartel, donc au palier sectoriel. Ces matières sont généralement celles qui se réfèrent au régime collectif, donc à l'ensemble des dispositions qui ont une portée plus grande que celles de l'établissement comme tel.

Sur ce qui se négocierait au palier sous-sectoriel, on pense que l'association d'établissements, à partir des mandats qu'elle pourra obtenir de ses membres, serait en mesure de conduire ses propres négociations, en collaboration avec le ministère des Affaires sociales, et d'avoir la responsabilité de ses propres mandats, comme il faut en convenir avec le ministère. Je pense qu'il y a là suffisamment de garanties pour l'ensemble des intervenants que la succession patronale ne proposera pas des choses qui pourraient dégénérer en conflits majeurs, par exemple. Je pense que les gens sont suffisamment responsables pour savoir qu'il y a là-dedans des pronostics de relations du travail, des approches conflictuelles et qu'il faut que les choses évoluent au rythme auquel elles doivent évoluer.

Sur le troisième volet de votre question, finalement, qui est de savoir si on envisagerait que l'établissement puisse décider lui-même des objets qui pourraient être négociés au palier sectoriel, j'imagine que vous pensez au...

M. Clair: À partir d'une liste déterminée. Pas sur l'ensemble du contenu de la convention, mais à partir des trois thèmes retenus, par exemple, que ce soit l'établissement qui puisse décider s'il envoie cela, pour fins de la négociation, à l'association patronale, donc au niveau sous-sectoriel, ou s'il dit: Je vais m'en occuper, je le garde. Accepteriez-vous cela?

M. Boutin: Cela nous apparaît difficile de concevoir que, pour les quelque 200 établissements, on puisse envisager qu'un établissement puisse donner des mandats sur certaines matières et non sur d'autres, avec les résultats que cela pourrait donner éventuellement. Alors que, si on pense à la capacité juridique pour les établissements de faire des négociations locales par arrangements locaux, des dispositions de négocier à un autre niveau, une fois qu'ils ont fait une entente sur une matière, on peut imaginer que cela devienne leur propriété. Même si éventuellement, par négociation triennale au plan sectoriel, il y avait des modifications au canevas, donc à la convention provinciale, les parties pourraient tout aussi bien convenir de conserver leur entente. On pourrait penser que cela devient leur propriété ou leur clause particulière, au niveau local, que cette disposition. Donc, encore une fois, c'est une question évolutive qu'on avait déjà envisagée, je pense, dans le cadre de nos discussions avec vos représentants.

Il y a différentes façons de concevoir cela, mais on pense qu'il faut disposer de l'essentiel de la problématique des négociations locales au niveau même de la loi. C'est pour cela qu'on pense que la loi devrait contenir une disposition explicite donnant aux parties locales la capacité juridique de négocier des choses pour adapter les contenus de convention collective à leur réalité.

Une voix: M. Nadeau, avez-vous quelque chose à ajouter là-dessus?

M. Nadeau: Oui. Pour bien sécuriser M. le ministre sur la question du Conseil du trésor, quand vous dites que c'est le club, c'est l'association patronale qui va décider. Il faut comprendre que l'association patronale, c'est toujours, dans le cas des hôpitaux, le ministère des Affaires sociales et l'Association des hôpitaux du Québec. Ce qui veut dire que, s'il y a des matières à l'intérieur de l'appareil gouvernemental qui doivent être discutées, selon les règles que vous établissez, avec le Conseil du trésor, il est bien évident que le ministère des Affaires sociales va s'en assurer avant.

M. Clair: Mais c'est dans la mesure où il y a des matières qui, après entente entre le ministère et l'AHQ, par exemple, sont de

prépondérance patronale, c'est-à-dire de votre prépondérance. À ce moment, sur ces questions, vous vous donneriez vos propres mandats.

M. Nadeau: C'est cela. Mais cela existait avant.

M. Brousseau: C'est dans la loi 55, actuellement.

M. Nadeau: Cela existait avant et cela ne doit pas vous énerver. C'est ce qu'on a fait avant. C'est vrai que cela ne se conduisait pas toujours de cette façon.

M. Brousseau: À un moment donné, l'intérêt gouvernemental venait...

M. Nadeau: C'était écrit.

M. Clair: Sans commentaire.

M. Brousseau: Mais c'est dans la loi.

M. Clair: C'était écrit comme cela?

M. Brousseau: Oui, oui. C'est écrit comme cela.

M. Clair: Je vais laisser mon collègue, le ministre des Affaires sociales, continuer.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Affaires sociales.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais tout d'abord souhaiter, moi aussi la bienvenue aux représentants des centres hospitaliers et vous dire que je vous suis sur au moins deux principes: tout d'abord, quand vous affirmez avec assez de force qu'aucun droit, si légitime soit-il, ne doit primer sur le droit à l'intégrité physique et mentale d'un concitoyen. Je pense qu'on a beau parler de droits fondamentaux dans une société, si on ne faisait pas primer le droit inaliénable a la santé et à la vie, on serait des malades nous-mêmes, et de graves malades.

D'autre part, dans un même souffle, il faut quand même affirmer qu'on a l'obligation de chercher des moyens pour qu'une négociation se situe dans un cadre de justice et d'équité. C'est bien que vous l'affirmiez parce que j'ai regardé les comptes-rendus de la semaine dernière - j'ai surtout eu la chance de m'enquérir dans les journaux - et plusieurs affirmaient qu'ils sont contre le droit de grève sans proposer d'alternative. 11 y en a d'autres qui sont pour sans, cependant, proposer d'autres moyens de contrôle de l'application de ce droit. Puis, il y en a d'autres qui ne sont ni pour ni contre, bien au contaire. Vous en avez entendu à la télévision en fin de semaine.

Cela ne va pas loin. On cherche. (11 h 15)

Ceci dit, au niveau de la recherche de solutions, je vais vous poser une question, parce que votre phrase est plutôt évasive. J'aimerais que vous apportiez des précisions. Les services essentiels qui satisfont de façon significative les droits a la vie des bénéficiaires en centre hospitalier et en centre d'accueil, vous affirmez cela comme principe. Qu'est-ce que cela veut dire, concrètement, pour vous? Je comprends que le Conseil des services essentiels a un boulot à faire. Si vous affirmez une telle chose dans une phase, de façon significative, quelle sorte de moyens concrets nous suggérez-vous?

M. Nadeau: D'abord, je veux bien vous expliquer notre position concernant le droit de grève. Cela fait longtemps que la population a fait son lit là-dessus, que c'est né. Quel est le message qui nous vient de la population? Ce n'est pas d'enlever le droit de grève, c'est qu'on ne veut pas que la grève soit exercée; on ne veut pas qu'il y ait une rupture dans la continuité des soins. C'est cela que la population nous dit. C'est clair. Comment peut-on répondre à cela? On s'est posé cette question à la AHQ. On a essayé d'être pragmatique et réaliste, parce que c'est important, c'est un débat crucial. On a dit: On pourrait décider d'enlever le droit de grève. Qu'est-ce que le droit de grève a comme impact? Cela suscite dans le monde syndical des passions énormes. Cela mobilise le mouvement syndical, parce que, pour lui, c'est comme si le rapport de forces venait de tomber. Il a toujours eu un rapport de forces plus grand que le côté patronal, parce qu'on joue avec la santé des gens. Lorsqu'un gouvernement était pris avec la santé des gens et le choix à faire entre quelques demandes, qu'est-ce qu'il a fait par le passé? Tous les gouvernements l'ont fait. Il a été poigné pour donner.

C'est une controverse et cela va susciter un débat extrêmement important dans notre société. Je pense à ce que cela pourrait amener sur le plan social. On n'a qu'à regarder - actuellement, on veut le retirer de la rémunération - ce qu'on est en train de monter. Cela poigne le monde syndical - je m'excuse de l'expression, mais c'est clair - aux tripes lorsqu'on parle de lui enlever le droit de grève. Nous disons: N'enlevons pas le droit de grève, ce n'est pas cela le véritable débat, dans le fond. Qu'est-ce que la population veut? C'est qu'il ne puisse pas être exercé. Demandons au Conseil des services essentiels - d'ailleurs, on aura l'occasion de discuter du règlement à un moment donné - de faire en sorte que la grève ne soit que symbolique, comme cela se fait dans les pays européens, comme cela se fait en France, par exemple. C'est cela

qu'on veut, actuellement. J'ai rencontré un Français, il n'y a pas tellement longtemps, qui me disait: Si, nous autres, nous faisions un grève, comme cela se fait au Québec dans les hôpitaux, on se ferait lyncher. "Symbolique", qu'est-ce que cela veut dire? Cela peut prendre différentes formes, mais ce qu'il faut faire, ce sont des manifestations quelconques qui fassent en sorte de sensibiliser la population aux enjeux de la négociation. C'est cela qu'il faut faire, sans perturber la continuité des soins.

On pourrait se dire: Si cela se fait -c'est votre interrogation - il n'y aura plus de rapport de forces. Qu'est-ce qui reste du côté syndical pour faire pression sur l'employeur pour avoir quelque chose? Je pense qu'au Québec, ce n'est pas correct qu'on puisse dire cela. D'abord, il a pas mal de moyens à sa disposition à l'heure actuelle. Le climat de mobilisation qu'il y a au Québec ne peut pas nécessairement exister en Europe, mais on a réussi à le bâtir avec les années. Il existe encore, ce climat de mobilisation. Le syndicat est capable de mobiliser les gens, on le sait.

Deuxièmement, il a des droits que peu de syndicats ont. Le monopole de la syndicalisation, cela n'existe pas tellement ailleurs. Il a les cotisations syndicales, la formule RAND. Il a la liberté d'action syndicale et, on le sait tous, on la paie largement à même les fonds de l'État. On finance même le règlement des arbitrages des règlements de conflits.

Il y a, au niveau des mécanismes prévus, quitte à en explorer d'autres - il y a moyen de le faire - la médiation. Elle débouche sur un rapport qui est public. Donc, quand un rapport est public, il faut, de part et d'autre, faire attention; il ne faut pas charrier. Il y a déjà eu des expériences au Québec sur la médiation. Il faut se rappeler le juge Simard en 1969... Elle avait apporté un résultat intéressant. La formule proposée par le Conseil du partronat: il y a un conseil d'arbitrage. Ce sont des mécanismes qui sont regardables. Ce que je veux que vous compreniez bien, c'est qu'il n'est pas vrai que cela vient de renverser le rapport de forces complètement, de l'autre côté. Ils sont encore assez forts pour faire jouer les engins.

M. Chevrette: M. Nadeau, vous me permettrez une intervention là-dessus. J'ai déjà, moi aussi, une expérience syndicale assez longue. Je me rends compte que le spectacle triennal auquel on assiste depuis au moins 1960 est souvent causé par une mobilisation d'application de contrat collectif et non pas par des négociations ou un accroissement d'avantages au niveau des négociations. Je suis persuadé que 75% de la motivation ou de la mobilisation sont attribuables précisément au non-règlement des griefs en cours de route d'application. On ne se parle pas. Même au niveau des centres hospitaliers, cela fait deux mois à peine que je suis aux Affaires sociales et je me rends compte que, dans certains hôpitaux, on est à procéder à des réformes et on n'a même pas assis devant vous les personnes responsables pour leur dire ce qui s'en vient, comment on entend procéder. Pourtant, il y a une clause spécifique dans les contrats collectifs de travail qui dit que, lorsqu'on prépare une transformation quelconque au niveau de l'établissement, on doit s'asseoir et analyser ensemble conjointement l'application des modalités de transfert, d'aménagement différent qu'il faut faire.

Cela est peut-être à la base même de toute la question de la mobilisation, en tout cas pour un très gros pourcentage des 2000 griefs accumulés, des 1500 griefs dans un seul établissement d'accumulés. Ce n'est pas de nature à préparer une négociation sereine et de bonne foi. Au niveau de la base même de l'établissement dans le réseau des affaires sociales, il manque ce dialogue, et il faut se le dire assez ouvertement et assez honnêtement. J'ai tenté quelques expériences au niveau des transferts des CLSC et des CSS et c'est drôle comme les parties, à se parler pendant un seul avant-midi, ont réussi à dire: Oui, on va prendre telle procédure de fonctionnement. Tout le monde sortait de là heureux. Ils se sont parlé. Il y a un manque de dialogue évident et de bonne foi au niveau des relations du travail. Je qualifie les relations du travail comme étant des relations humaines. Quand tu es capable de parler à un autre, c'est drôle comme tu peux régler un tas de problèmes sans te ramasser en arbitrage. Je vous écoutais parler tantôt, en disant qu'il n'y a pas d'ententes illégales qui se signent. Dans certains centres hospitaliers - vous ne le savez même pas - il y a au-delà de 100 lettres d'ententes non déposées au ministère du Travail qui font foi de fonctionnement à l'interne.

M. Nadeau: On n'a pas dit qu'il n'y en avait pas, on ne sait pas le nombre.

M. Chevrette: Ah! C'est ce que j'avais saisi. Je m'excuse! Mais j'étais pour vous dire: II vous en manque un bout parce que, dans un seul établissement, on pourrait peut-être vous en sortir 119 même, pour être plus précis. C'est pour vous montrer qu'il y a des endroits où on se parle, il n'y a pas d'explosion. Il y a des endroits où on ne se parle pas, il y a des explosions et, en cours de route, en cours d'application, au seul centre hospitalier régional de Joliette, il y a eu deux grèves illégales depuis que je suis député. Il y en a eu une de trois jours, imaginez-vous, parce qu'il manquait 5 $ par semaine à un cuisinier; 1200, 1300, 1400, 1500 personnes ont fait la grève trois jours

illégalement pour corriger le cas d'un cuisinier. J'avais le goût de le payer de ma poche pour permettre, d'abord, à ces 1200 de ne pas perdre de travail et aux bénéficiaires et concitoyens d'avoir droit à des services de qualité totale. C'est l'une des clés: le dialogue de base.

Je voudrais cependant vous parler de la négociation locale. Vous avez parlé de listes. Il est vrai qu'au niveau des Affaires sociales, on n'a pas l'expérience de la négociation locale que peut avoir le réseau de l'éducation. Vous avez entièrement raison là-dessus. D'autre part, il m'apparait que de tout négocier au niveau national et donner le choix de la réadaptation de certaines clauses au niveau local, c'est de la bouillie pour les chats, si vous voulez avoir mon expérience, parce que cela bloquera sur un point ou sur quinze et les quinze points seront bannis alors qu'il y en aurait quatorze qui auraient été extrêmement importants dans la vie, dans le fonctionnement et dans les relations du travail à l'intérieur de l'établissement comme tel. Quand on leur laisse la responsabilité directe de négocier, ils n'ont pas le choix, s'ils ne s'entendent pas, ils n'ont pas de contenu de convention collective. Ils ont l'obligation de dialoguer.

Je pense que vous devriez réviser votre position là-dessus et voir à l'établissement d'une liste; la restreindre au besoin, si vous en avez peur, mais responsabiliser les parties. Si on veut décentraliser au niveau de la négociation, il faut responsabiliser les parties, ne pas leur donner le soin de faire des arrangements locaux comme on en a déjà eus dans les années 1972 et 1973 où on assistait à des "shows" triennaux et que cela continue. Je pense qu'il faut responsabiliser les parties, trouver un mécanisme, cependant - et le médiateur arbitre en est une clef -pour en arriver à un aboutissement. Mais si vous ne responsabilisez pas les parties, quand bien même vous auriez une liste de 30 points, tout sera boycotté. On ne signera rien alors qu'il y a 13, 14 ou 15 points sur l'ensemble qui auraient aidé au bon fonctionnement, au dialogue et au règlement des problèmes à l'intérieur de l'établissement. Je pense qu'il faut aborder les problèmes d'une façon pragmatique et ne pas penser exclusivement en fonction théorique, quand on regarde la négociation. Je répète qu'à mon sens, c'est une question de relations humaines d'abord.

J'aimerais vous entendre sur mon affirmation quant à la liste. J'aimerais que vous réanalysiez votre position. Il me semble important de responsabiliser les parties dans un cadre de décentralisation.

M. Brousseau: Vous avez plusieurs questions, M. le ministre. Concernant le dialogue et les relations humaines, je pense que tout le monde convient que, lorsqu'on se parle, il y a moyen de s'entendre, il y a moyen d'aboutir, avec des personnes de bonne foi, et je pense que le nombre d'ententes, comme vous l'avez signalé, en fait foi.

Vous aviez un autre élément qui était la liste. Vous avez insisté énormément sur la liste. Vous avez aussi parlé des problèmes de griefs. Concernant les négociations locales et concernant la liste, ne serait-ce que restreinte, j'aimerais que M. Nadeau aborde cette première partie. Quant aux griefs, j'aimerais revenir là-dessus.

M. Nadeau: D'abord, je vais reprendre, si tu le permets, André, le premier élément, le dialogue au niveau local. Je pense que c'est vrai qu'il est extrêmement important et je pense que c'est vrai qu'il n'existe pas partout, pour toutes sortes de raisons, et qu'on a, de part et d'autre, à le favoriser si on veut changer le climat. Quand on dit que, quel que soit le régime qu'on implante, c'est d'abord et avant tout une question d'attitude, c'est ce que vous touchez. C'est cela. C'est l'attitude au niveau local qui doit changer.

D'un autre côté, les exemples que vous me donniez, par exemple à Joliette, où on est sorti pour une prime au chef-cuisinier que vous aviez presque envie de payer pour éviter ce conflit, cela démontre aussi comment la paix, au niveau local, est fragile. C'est fragile. C'est pour cela qu'on est inquiet de renvoyer au niveau local un paquet de choses, une trentaine de sujets, parce que c'est fragile à bien des endroits au niveau local. Si vous pouvez imaginer qu'ils sont sortis pour 5 $, à même la liste qu'on a reçue ce matin, il y a bien des sujets qui pourraient les faire sortir aussi là-dedans.

On n'est pas contre la négociation locale, on vous le répète. On ne veut pas imposer aux gens 30 sujets à négocier. Ce qu'on veut, c'est qu'ils décident eux-mêmes pour arriver, dans quelques années, à ce que le niveau local prenne à peu près tout, s'il le faut, sauf, évidemment, la question financière. C'est l'objectif qu'on vise et ce serait l'idéal. Évidemment, cela changerait bien des enjeux. Il y a des négociateurs qui aimeraient moins cela, etc., sauf que, dans le fond, c'est ce qu'il faut viser. Les parties qui vivent au niveau local, il faut qu'elles puissent régler leurs relations du travail et voir comment elles vont faire cela. C'est ce qu'il faut faire; c'est ce qu'il faut viser. Dans le fond, dans votre projet de loi, vous voulez nous amener à faire cela. On n'est pas contre cela; on dit: Ne nous emmenez pas tout de suite, prenez le temps qu'il faut et on va réussir. Si vous ne prenez pas le temps qu'il faut, on ne réussira pas.

M. Brousseau: Concernant les griefs, j'ajouterais ceci: II est vrai qu'il y a de

nombreux griefs, mais vous avez parlé de responsabiliser les parties. Si les griefs et les frais des griefs étaient payés par les deux parties, il y en aurait peut-être moins que 1800 ou 2000. Lors de la dernière négociation, nous avions demandé - ce n'était pas la dernière fois - à plusieurs reprises que ce soit une participation 50-50. Tant et aussi longtemps que ce sera l'employeur qui paiera totalement les frais des griefs, vous allez avoir un "shopping list" qui va justifier la présence et l'existence d'un certain nombre de permanents syndicaux qui seront dégagés.

Il y a aussi une responsabilisation à donner de ce côté, mais je pense que vous aviez raison quand vous parliez de relations du travail et d'attitude. Nous avons insisté là-dessus dans notre mémoire. Il faut changer les habitudes, les façons de procéder; il faut se parler. C'est comme cela qu'on va trouver des solutions, mais il faut y aller graduellement. C'est notre approche; elle est pragmatique, réaliste. Donnons aux gens la chance de se rencontrer, mais ne mettons pas en place la possibilité d'avoir 200 petits feux dans le Québec au lieu d'une conflagration ou un gros feu tous les trois ans. Il ne faut pas penser à cela, parce que le gouvernement va être obligé d'intervenir chaque fois. (11 h 30)

M. Chevrette: Si vous laissiez tout au milieu local, comme vous dites, au palier local...

M. Brousseau: Éventuellement.

M. Chevrette: Non, non, mais éventuellement. Vous dites: Laissons les parties choisir les sujets, sur lesquels elles veulent négocier. Le conseil d'administration, je ne sais pas, de Maisonneuve, par exemple, décide d'amener à la table locale 20 sujets. Le syndicat en veut 30. Là, je trouve que vous ne l'évitez pas plus par votre formule. Ce n'est pas parce qu'on leur en impose 20 ou 15, ou bien qu'on les laisse libre. Ils ne s'entendront même pas sur le nombre de sujets au départ, d'une façon pratique.

Deuxièmement, si chaque hôpital fait cela, vous allez avoir vos 200 feux pareil. Le dilemme - et ce n'est pas précis dans votre mémoire, j'aimerais que vous le précisiez -c'est que vous ne limitez pas tellement - en tout cas, à mon point de vue - les objets à caractère local. Vous dites: Les parties changeront ce qu'elles veulent localement et vous dites du même souffle qu'il y a des sujets, comme disent les Anglais "border line", qui peuvent avoir une incidence sur un palier national. Si on ne les définit pas, à plus forte raison, et s'ils choisissent des sujets qui sont "border line", vous ne croyez pas qu'il va y avoir encore beaucoup plus de feux?

M. Brousseau: Là-dessus, M. le ministre, on pense que, quelle que soit la formule qui va être retenue éventuellement dans la loi, cela ne comportera absolument aucune garantie. Cela dépendra toujours de la bonne foi et des attitudes au niveau local. On pense que notre formule ou notre proposition offre de meilleures garanties à ce point de vue et, si on pense que les attitudes doivent évoluer et que les gens doivent assumer éventuellement de façon positive leurs conditions de travail, dans le sens de les adapter à leur milieu, on n'a pas à leur donner l'obligation à ce moment-ci de négocier 33 sujets, mais de fonctionner à leur rythme, selon les capacités qu'ils ont au niveau local de s'entendre. Dans beaucoup de milieux, c'est possible. Ce n'est malheureusement pas possible partout, mais ce n'est pas par une loi qu'on va régler cela.

M. Chevrette: Je vais essayer de terminer là-dessus...

M. Nadeau: M. le ministre, si vous me le permettez...

M. Chevrette: Oui.

M. Nadeau:... il faut aussi faire confiance aux parties sous-sectorielles. Il n'est pas exclu - et vous semblez l'exclure -qu'on puisse convenir là d'un certain nombre de sujets qui seraient discutés au niveau local. Ce n'est pas exclu. Je comprends que cela va peut-être être difficile la première fois parce que, tant du côté patronal que du côté syndical, il y a des choses qui partent et qui s'en vont et, là, c'est humain un peu, ces choses-là, mais ce n'est pas exclu qu'on puisse convenir de choses qui soient négociées au niveau local. J'espère qu'on va faire un pas là. Je l'espère.

M. Brousseau: C'est pour cela qu'on dit que les parties "peuvent" et non "doivent". Peut-être que, dans quatre ans, on dira "doivent". C'est cela.

M. Chevrette: Parce que l'expérience dans le secteur de l'éducation, quand on a négocié localement et comme les points ne sont pas limitatifs... Qu'est-ce qui est arrivé en 1967-1968? Bon! En 1967-1968, vous vous rappellerez qu'on négociait un endroit où on était le plus sûr. J'étais négociateur à l'époque. Je négociais à un endroit où j'étais sûr et certain de faire ma percée et, comme je suis le même négociateur de la même centrale, après avoir fait ma percée à une place, je m'en vais à la deuxième faire ma percée. Si vous ne délimitez pas le champ d'action dès le départ et vous laissez ouvert entièrement le champ de la négociation locale, vous ne risquez pas de revoir des conventions collectives, du moins en ce qui

touche le normatif même lourd, remis en question dans la totalité de la province.

Si vous faites confiance à vos conseils d'administration comme association, pouvez-vou3 croire aussi que les syndicats vont faire confiance à leur centrale? La centrale assume une cohérence autant que vous autres et, comme vous le dites, vos associations sont libres d'adhérer ou pas - selon les paroles du début de votre exposé à votre association - alors que les syndicats, eux, sont regroupés dans une centrale et savent très bien que c'est leur protection et leur sécurité. C'est un peu différent de vous. Vous pourriez vous ramasser avec trois ou quatre centres hospitaliers non affiliés à votre association qui permettent la percée nationale et vous seriez tout à fait déconfits devant cela. Pas vrai?

M. Boutin: Oui, encore une fois...

M. Chevrette: En tout cas, j'aimerais qu'on y réfléchisse ensemble, le ministère et l'association, et qu'on puisse peut-être cheminer dans un sens plus modéré. Je ne suis pas figé dans le ciment en ce qui regarde les sujets, mais il y a des inconvénients majeurs à prendre peut-être une liste trop exhaustive. On pourrait peut-être s'entendre sur un minimum pour bien clarifier les objets, responsabiliser les centres sur ces objets-là.

M. Boutin: Oui. La difficulté, encore une fois, M. le ministre, je pense que c'est d'établir une liste de sujets sur lesquels il n'y aurait pas nécessairement de difficulté au niveau local. On peut, à la lecture de la liste qu'on a vue ce matin, considérer que sur un grand nombre de ces questions qui sont absolument accessoires, qui ne visent pas des aspects comme ceux qui sont mentionnés dans l'avant-projet, à savoir l'organisation du travail, les droits syndicaux et les mouvements de personnel, la plupart n'ont rien à voir avec cette dimension des choses. Cette dimension des choses est la substance même des contrats de travail, lorsqu'on essaie d'introduire des éléments là-dedans. C'est pourquoi on pense qu'il est difficile d'imaginer une liste de sujets. On pense que les parties locales ont déjà identifié leur problématique en fonction de leur milieu et elles en jasent déjà depuis un certain nombre d'années. On n'a rien inventé. Cela fait déjà quelques années qu'on est en relations du travail au niveau des établissements et les gens ont déjà pris l'habitude de se parler d'une multitude de choses qui posent des problèmes. Ce ne sont pas nécessairement celles qui sont dans la liste, comme il pourrait y en avoir qui posent des problèmes et qui ne sont pas dans la liste.

C'est pour cela qu'on pense que les parties doivent demeurer libres de négocier à leur rythme des changements aux mémoires qui seraient intervenus au plan sous-sectoriel.

Le Président (M. Lachance): Très bien. M. le député de Portneuf, vous avez la parole.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier l'Association des hôpitaux du Québec pour leur contribution à notre réflexion, ce matin. Merci, MM. Brousseau et Nadeau et merci aux collègues qui vous accompagnent.

Vous représentez, comme le disait le ministre délégué à l'Administration et responsable du Conseil du trésor, M. Clair, un interlocuteur ou un groupe qui est appelé à jouer un rôle important et même significatif dans la démarche des établissements et dans les négociations de conditions de travail, de rémunération et de vie des employés de l'État et aussi, par conséquent, évidemment, dans l'établissement et la détermination de la qualité et de la quantité des services donnés à de plus en plus de citoyens du Québec. On pense particulièrement au problème du vieillissement de notre population, entre autres.

Votre mémoire, qu'on a reçu il y a quelques semaines, le 25 janvier, si ma mémoire est fidèle, indique des choses assez claires. Vous souscrivez à plusieurs éléments de cet avant-projet de loi et c'est intéressant. La dynamique est intéressante. Cependant, je dois convenir moi aussi, tout comme les collègues de la majorité, que la lecture de votre mémoire m'a amené à conclure à certaines interrogations. Il semblait y avoir une certaine dualité d'opinion sur certains aspects que vous avez voulu traiter, notamment au niveau de la décentralisation.

Ce que nous retenons, nous, de notre groupe politique, c'est que vous êtes d'accord, comme je le disais, sur plusieurs éléments de cet avant-projet de loi. J'ai eu l'occasion, à l'ouverture de nos travaux il y a déjà une semaine, d'indiquer notre intérêt face à une telle démarche. Il y a des règles du jeu qui doivent être modifiées substantiellement par rapport à une situation trop conflictuelle qui perdure depuis trop d'années. Cependant, j'ai eu l'occasion, au nom de notre groupe politique, d'exprimer non seulement notre intérêt, mais aussi notre surprise de constater que cet avant-projet de loi vient peut-être un peu tard, parce qu'il vient après neuf ans d'administration du gouvernement et dans une année qu'on qualifie d'électorale.

Malgré tout, malgré cet écueil, malgré le fait que certains soutiennent ou peuvent soutenir que c'est tout d'abord un avant-projet de loi, deuxièmement, qu'il est

possible qu'il soit réécrit et, troisièmement, qu'il est possible qu'il ne soit pas adopté, malgré ces considérations, l'exercice auquel nous sommes conviés depuis une semaine se doit d'être mené à terme avec le plus d'ouverture, le plus d'échanges possible. On doit tenir pour acquis que ce projet est toujours susceptible d'être mis en vigueur éventuellement.

Ceci étant, on doit retenir que vous êtes d'accord sur l'établissement et la détermination des niveaux de rémunération. On a eu l'occasion, à plusieurs reprises, de traiter de ce point combien délicat, mais aussi combien important de l'établissement des conditions de rémunération, l'établissement des offres du gouvernement qui a une responsabilité, comme gouvernement employeur, de se comporter en bon citoyen corporatif, si je peux utiliser le terme, envers ses travailleurs et ses travailleuses.

Il y a des choses intéressantes qui se dégagent: un bureau qui sera appelé à établir des facteurs comparatifs non seulement en regard de l'établissement de la détermination et de la comparaison du travail effectué, mais aussi il y a des éléments assez intéressants qui ont été apportés en regard de la tâche et de la quantité de personnes qu'il faut ici, au Québec, pour doter la population d'un service donné par rapport à d'autres États ou à d'autres provinces.

Je retiens que vous êtes en accord avec le principe de, la décentralisation, quoique je doive retenir en même temps que vous vous opposez à ce que soit ainsi réglementée l'obligation, pour les instances locales, de négocier une partie plus ou moins substantielle des converitipns collectives. De prime abord, ça semble contradictoire.

En plus, vous ajoutez que vous souhaitez que le gouvernement se retire de certains champs de négociation. Cet aspect-là, vous avez eu l'occasion de le traiter avec le ministre. Vous y avez répondu; vous nous avez très bien indiqué dans quelle perspective cette dualité semble s'inscrire. On la comprend et on la saisit.

Vous souscrivez au principe du projet de loi voulant que le législateur adopte des mesures favorisant le déblaiement du plus grand nombre de problèmes possible avant les affrontements. Vous souscrivez au principe d'une médiation qu'on peut qualifier de préventive. Vous êtes bien au fait de la force que peut avoir, sur les parties, le dépôt d'un rapport et nous sommes pleinement d'accord avec vous que ces éléments du projet de loi sont très intéressants et qu'on y souscrit parce qu'ils s'inscrivent directement dans une démarche de règlement, finalement, des conflits ou des différends.

Vous êtes d'accord pour les pouvoirs additionnels qui sont conférés au Conseil des services essentiels. Là, vous abordez, évidemment, la question très délicate et très discutée du droit de grève dans les établissements de santé au Québec. Je ne peux m'empêcher de me référer aux commentaires que j'ai faits la semaine dernière et de vous demander votre opinion en regard de certains des aspects qu'on a soulevés. Je dois dire que, pour nous, l'expérience et l'analyse, la lecture des négociations dans le domaine de la santé, plus particulièrement depuis une vingtaine d'années, commandent une révision importante et globale du recours à la grève dans ce secteur.

Nous avons établi - vous l'avez réitéré, vous y avez souscrit, le ministre des Affaires sociales lui-même, s'y est référé ce matin et je l'apprécie beaucoup - que dans une société comme la nôtre le droit de l'individu à des services de santé, en regard de sa sécurité et des services sociaux auxquels il a droit aussi, doit primer sur tout autre droit qui peut être accordé à des groupes. Tout le monde souscrit à ce principe. Il reste maintenant à voir comment cela peut s'articuler.

Un autre élément intéressant qu'on doit retenir de l'échange du ministre - ça va pleinement dans la perception qu'on a de la dynamique interne - c'est lorsque le ministre des Affaires sociales nous indique que, pour lui, 70% ou 75% des représentations syndicales dans le monde, entre autres, de la santé, 75% des frustrations ou des problèmes vécus dans ce secteur-là proviennent du vécu quotidien de conventions collectives dans leur établissement. Leur démarche, leurs représentations ne s'appuient pas sur plus de salaire, de meilleures conditions de travail, plus d'avantages marginaux, etc. (11 h 45)

C'est la perception que nous en avons aussi. Nous sommes convaincus que les conditions de travail dans les secteurs public et parapublic sont avantageuses et sont avantageusement comparables à ce qui se passe dans le privé. Nous sommes convaincus, de plus, que les travailleurs et les travailleuses en sont conscients, comme ils sont conscients de la limite de la capacité de payer d'un État, comme ils sont conscients que le gouvernement, comme employeur, a non seulement une obligation envers ses travailleurs, mais qu'il a aussi une obligation envers la population, face à laquelle un gouvernement, quel qu'il soit, est toujours tributaire au niveau des services, et aussi face à la population en regard de l'équilibre des finances publiques d'un gouvernement et de la marge de manoeuvre qui peut s'en dégager.

On peut convenir que la fin de la décennie 1985 aura été marquée - si vous n'êtes pas d'accord, j'apprécierais bien que, sur chacun de ces éléments, vous me fassiez

vos commentaires - qu'elle permettra au Québec, qu'elle devrait permettre au gouvernement du Québec, quel qu'il soit... Je ne veux pas tomber dans un cadre partisan ici, ce matin; ce n'est pas la place; on a trop de respect pour vous. La fin de cette décennie devra être marquée au coin d'une plus grande maturité de la part des gouvernements et du gouvernement. Nous sentons et nous percevons autant de maturité plus élevée chez les travailleurs et chez les travailleuses et, à titre d'exemple, nous sommes bien conscients que, dans le cas de Saint-Ferdinand d'Halifax, ce ne sont pas des centaines de travailleurs qui ont fait une grève générale et, par surcroît, illégale pendant plusieurs jours pour le plaisir d'en faire une. C'est parce qu'il y a des problèmes à l'intérieur des établissements.

Nous retenons, à l'exercice, que le recours au droit de grève est devenu, finalement, dans le secteur de la santé, un droit artificiel et il faut que tous les intervenants aient assez de - je qualifie le terme de maturité; ce n'est peut-être pas celui qui colle le plus, qui définit le mieux cette situation, mais quand même... Il faut que tout le monde convienne que c'est un droit qui est artificiel. À quoi bon pour les gouvernements de dire: Nous sommes conscients que l'exercice du rapport de forces, le droit à la négociation doit impliquer le recours à la grève? Qu'est-ce qui est arrivé de l'utilisation de ce droit? Il suffit de faire référence au nombre de lois spéciales qui ont été adoptées depuis 20 ans à l'Assemblée nationale du Québec par les différents gouvernements qui sont passés, des lois qui, parfois, ont été très dures, et tout récemment, on le sait, avec l'impact que cela a eu. Est-il opportun, dans un système où le contentieux semble érigé vraiment en système, de maintenir des structures qui, elles aussi, finalement, ultimement, risquent d'être artificielles?

Je m'explique. Je fais référence aux services essentiels. Vous avez fait référence aux services essentiels et vous dites: On souscrit, à défaut de l'abolition pure et simple, et tout le monde s'entend sur le droit de grève. Vous dites - vous me corrigerez si je me trompe - qu'il faudra que la réglementation entourant l'établissement, la détermination des services essentiels et leur maintien soit beucoup plus encadrée, beaucoup plus rigide et beaucoup plus ferme. On discutait, jeudi soir, avec les administrateurs de centres d'accueil, si ma mémoire est fidèle, et ces derniers convenaient que leur souscription à ce principe était davantage tactique, parce qu'ultimement, après l'établissement des services essentiels, ce n'était pas grand monde qui pouvait avoir recours à la grève.

Pour nous, c'est tellement devenu contentieux... Combien, en capital humain, est investi pour préparer l'affrontement, plutôt que pour le régler dans l'établissement, et les négociations sur le maintien des services essentiels? On est allé tellement loin dans le contentieux et l'affrontement systématique qu'aujourd'hui, c'est devenu usuel de passer une bonne partie du temps dans la vie de ces gens dans les hôpitaux, qu'ils soient patronaux ou syndicaux, à négocier, "bargainer" la façon dont on va se chicaner en fin de course. Là aussi, c'est un droit qui est artificiel. Ne serait-il pas plus opportun, à la fin de cette décennie 1985, à la fin de cette décennie des années quatre-vingt, de s'interroger sur l'opportunité de continuer à jouer avec des règles qui, finalement, sont fausses et artificielles? Nous sommes d'accord, cependant, qu'il serait téméraire pour un gouvernement, quel qu'il soit, d'affirmer purement et simplement son intention d'abolir le droit de grève dans le secteur de la santé, de façon arbitraire, en disant: C'est cela; "that is it, that is ail". Point final, à la ligne.

Il faudra - et le gouvernement peut encore réviser sa position à cet égard - que le gouvernement se convie, dans un premier temps. J'aimerais bien vous entendre là-dessus parce que vous êtes dans le milieu. C'est vous qui vivez cela quotidiennement. Ce n'est pas nous ici, à l'Assemblée nationale. Je conclus là-dessus: II faudra que le gouvernement accompagne l'abolition de ces dispositions d'une évaluation exhaustive de ce qui... Comment cela va-t-il dans le réseau? Il faut faire une évaluation des politiques budgétaires. Je fais référence, entre autres, aux 75% des problèmes ou des préoccupations des gens du milieu. Ce sont, bien plus souvent qu'autrement, des transferts de postes, des coupures de postes et des choses comme cela. Cela impliquera évidemment des déboursés d'argent, mais les gouvernements ont à agir en fonction de priorités et de choix et, pour nous, le domaine de la santé... Je pense qu'on n'a pas à performer ou à indiquer quoi que ce soit, les gens sont bien conscients que cela a toujours été une préoccupation pour nous, plus particulièrement comme suite de la loi 65, l'universalité des soins de santé, les négociations, etc. Je ne veux pas m'embarquer là-dedans.

Dans un premier temps, il faudra revoir ce qui se passe dans nos établissements, l'impact budgétaire et jusqu'où toute cette mécanique lourde, toutes ces clauses dites nationales avec les effets que cela comporte dans les établissements, ce que cela a eu comme impact. Finalement, beaucoup trop de monde se promène dans ces réseaux. En administration, les administrateurs n'ont pas toujours la conviction dans les établissements, entre autres dans les centres d'accueil, d'avoir été associés à l'établissement des conditions de travail. Dans

certains cas, ils sont finalement obligés de défendre... Ils nous disent: On défend des choses, finalement, auxquelles on n'a pas toujours été associés.

Je caricaturais, la semaine dernière, quand j'évoquais le fait que, bien souvent, les administrateurs se promènent avec le grand livre des normes et des limites budgétaires, des coupures, des définitions de postes, définitions de tâches et des temps limites. Les travailleurs, eux, doivent se promener, malheureusement, compte tenu de la "conflictualisation" de cette situation, avec leur convention collective et il y a bien des gens malheureux dans ces bottes. À partir de ce constat, nous croyons qu'il est plus que temps qu'on s'assoie et qu'on se parle - c'est important - avec les milieux des travailleurs, avec leurs représentants syndicaux.

Dernier point, il faudra que le gouvernement dégage des moyens, des mécanismes de règlement des différends qui seront engendrés de façon définitive par de telles négociations. On ne peut se permettre de la désobéissance. On ne peut se permettre des grèves illégales, toutes illégales. Il faudra que les mécanismes de règlement se dégagent. Entre autres, quant à nous, nous pensons - on aura l'occasion de l'expliciter aujourd'hui même dans un autre forum, évidemment, plus partisan - que des paramètres de coûts et de rémunération pour une quantité et une qualité de services donnés dans le monde de la santé doivent être définis. C'est le gouvernement qui doit en avoir l'initiative. C'est sa responsabilité. Nous sommes assurés et convaincus que les travailleurs, après des échanges utiles, après une analyse rigoureuse de la situation qui leur est faite dans les établissements - parce qu'on constate qu'il y a de plus en plus de travailleurs qui épousent les problèmes de leur établissement en regard des clientèles et des bénéficiaires...

Pour nous, le règlement de ces différends devra se faire en fonction d'un arbitrage, purement et simplement, avec certains paramètres budgétaires, cela va de soi, qu'on aura justifiés dans le public et face à ces travailleurs. Le Conseil du patronat s'est référé à un conseil d'arbitrage. D'autres se sont référés à d'autres groupes, ont fait référence à des formules particulières d'arbitrage. Je dois convenir qu'en ce qui nous concerne nous sommes particulièrement intéressés, quoique conscients de certains écueils, par le principe de l'offre finale qui oblige chacune des parties à aller le plus loin possible dans un règlement. Comme on le sait, l'arbitre doit choisir un projet ou un autre en entier, mais ne peut faire de modifications internes. Voilà la position qu'on a.

En terminant, vous me permettrez une parenthèse. Mon bon ami, le député de

Joliette et ministre des Affaires sociales, a ouvert une parenthèse tout à l'heure en faisant référence à la prise de position que j'ai formulée au nom de notre groupe politique et de notre chef, la semaine dernière. Il a fait référence aux déclarations de la fin de semaine, entre autres, de mon futur collègue, candidat dans son comté, M. Corriveau, qui sera susceptible d'ajouter une contribution significative à notre réflexion, et nous en sommes bien conscients. Je me limiterai à lui dire, premièrement, que, lorsqu'il aura l'occasion soit de relire les propos que je viens de tenir ou ses commentaires, il constatera qu'il n'y a pas de différence entre mon opinion, celle que j'ai émise au nom du parti, et la sienne.

En terminant, je me permettrai de lui dire que, jusqu'à maintenant, le dialogue ici a été très élevé, le moins partisan possible. Finalement, je ne me sens pas menacé dans mon comté au point de me référer à mes adversaires dans mon comté.

M. Chevrette: Sacrée pipe!

M. Pagé: C'est cela, la question.

M. Chevrette: Si j'avais eu à choisir, c'est lui que j'aurais pris.

M. Pagé: Je reviendrai par la suite, M. le Président, sur l'aspect de la décentralisation.

M. Brousseau: C'est presque une thèse de doctorat que le député de Portneuf vient de nous présenter, M. le Président; il y a tellement de questions, d'affirmations, que nous partageons d'ailleurs dans bien des cas. Vous avez parlé, au tout début, des conditions de travail avantageuses. Je pense que tout le monde au Québec reconnaît que les conditions de travail qui sont données à nos collègues employés dans les établissements de santé sont très avantageuses. Cependant, nous vivons, au niveau des établissements - c'est la dure réalité, depuis 1975-1976, des compressions budgétaires qui ont été très importantes. D'abord, ce sont des compressions budgétaires énormes et difficiles aussi à ajuster et à réaliser. Cela a rendu le climat très instable, cela a amené un climat de travail insécure, même si on a ajouté, à un moment donné, lors d'une convention, la clause de sécurité d'emploi et de mobilité de 50 kilomètres. Il n'en demeure pas moins que tout ce processus de "bumping" à l'intérieur des établissements...

Pour ne citer qu'un exemple, il y a un hôpital qui vient de décider de ne pas rénover le système de buanderie, mais plutôt de donner le contrat à l'extérieur. Cela touche 18 employés et tout le système. Même s'il y a eu de bonnes relations, de

bonnes discussions et de bonnes informations, finalement, le syndicat a refusé qu'il y ait entente, et c'est le processus de "bumping" qui est appliqué. Vous comprendrez que, même s'il y a une sécurité avec la banque réseau et tout cela, il n'en demeure pas moins que cela pose des conditions très difficiles. C'est toujours facile lorsque cela est appliqué ailleurs, mais lorsque c'est appliqué à des individus qui ont une famille, une femme, des enfants, cela pose des problèmes sérieux. Les conditions de travail sont avantageuses. Cependant, les compressions budgétaires que nous avons connues depuis à peu près neuf ou dix ans sont extrêmement difficiles et rendent le climat instable.

D'un autre côté, il y a tous ces programmes régionaux de complémentarité entre les services qui sont offerts. On parle du réseau des affaires sociales, mais, selon l'opinion d'un président et d'un membre d'un conseil d'administration et surtout selon celle d'une personne n'oeuvrant pas dans le milieu, il n'y a pas encore de véritable réseau comme tel. On est en train d'articuler le réseau, mais il n'y a pas encore de véritable réseau. Lorsqu'on oblige les gens à se parler, à se rencontrer et à discuter, surtout à concéder, c'est difficile, cela pose des problèmes. C'est un élément qui a joué énormément.

Il y a aussi les changements d'orientation, les changements de clientèle, le vieillissement de la clientèle. Cela a posé des problèmes sérieux. On peut parler des centres hospitaliers à soins prolongés, par exemple. 11 y avait auparavant des cas assez légers, si vous voulez, et il y a maintenant des cas très lourds. Il y a un ajustement à faire dans les catégories de personnel. Il y a aussi le vieillissement de notre personnel, parce que, dans certains centres hospitaliers, la rotation est très faible. Cela pose aussi des problèmes sérieux. Nous avons aussi ce problème en éducation. Le vieillissement du corps professionnel pose un problème majeur dans certaines commissions scolaires. C'est la même chose dans certains centres hospitaliers. Dans les grandes villes, il y a peut-être une mobilité de personnel plus grande, mais dans certains endroits où l'industrie "première", c'est le centre hospitalier, il n'y a pas beaucoup de rotation, de mobilité de personnel. Cela pose un problème de ce côté. On voit que l'horizon est bouché, qu'il n'y a pas d'avancement, parce qu'il n'y a pas de postes qui sont ouverts de ce côté.

Vous avez parlé de l'opportunité de continuer avec des règles artificielles et fausses. À l'association des hôpitaux, on s'est dit: On pourrait adopter, demain matin, une loi disant qu'il n'y a plus de droit de grève, que c'est fini. Sauf que la question fondamentale, qu'il y ait une loi ou un règlement, dans le cadre de la loi 72 sur le Conseil des services essentiels, ce qui est important, c'est qu'il y ait vraiment une volonté politique de faire respecter la loi ou le règlement. Les gouvernements ont été fautifs là-dessus - ce sont les gouvernements en tant que société; en fait, c'est nous tous - parce qu'ils ont accepté, bon an mal an, pour avoir la paix sociale, pour avoir une paix industrielle, de "pactiser" - entre guillements - et de régler les problèmes.

(12 heures)

Finalement, on n'a pas pris les moyens. Il y en avait qui étaient à la disposition des gouvernements; on n'osait pas les prendre dans tous les conflits depuis une quinzaine d'années parce que c'était aussi radical. On aurait pu prendre des moyens, mais on ne les a pas pris. Demain matin, qu'on abolisse le droit ou qu'on arrive avec le règlement, ce n'est vraiment pas une volonté politique de faire je ne dirais pas un maître au Québec, mais de vraiment faire respecter les institutions que nous avons, et l'Assemblée nationale, c'est notre première institution, il va falloir y penser sérieusement parce que nous sommes vraiment une société malade. Mais il y a - sur cela, il faut être optimiste - un changement du côté des mentalités. On sent le changement au niveau des individus, pas tellement au niveau des groupes, mais au niveau des individus; il y a un bon nombre d'indications de ce côté-là.

Nous nous disons que, si on réussissait à faire sortir de nos moeurs la désobéissance civile, cela serait la plus grande victoire sociale qu'on aurait remportée dans les dix ou quinze dernières années, au-delà de tout ce qu'on peut avoir. Les mécanismes peuvent être là, si on n'a pas une volonté de les faire appliquer, on ne réglera pas le problème.

Il y avait un point sur l'évaluation des politiques budgétaires. Là-dessus, je ne sais combien de mémoires et d'interventions l'association des hôpitaux a faites auprès du ministère des Affaires sociales, auprès du Conseil du trésor et auprès de toutes les instances pour que les politiques soient révisées. Actuellement, au niveau du ministère des Affaires sociales, un comité se penche sur toute la problématique de l'établissement des politiques de financement; pour trouver des incitatifs pour une meilleure gestion tout en respectant les juridictions qui sont propres à chacun - cela est très important - afin d'aboutir à des façons de gérer et à des règles qui vont permettre une plus grande souplesse, une plus grande autonomie et répondre davantage à des besoins concrets, immédiats. Mais ce n'est pas facile parce qu'on part de loin. On est en train de le faire avec le ministère. Un comité conjoint travaille là-dessus, mais cela touche tellement de façons de procéder, de modalités, que cela prend du temps. De ce

côté, il faut être optimiste et les informations que j'ai sont qu'on s'en va vers une bonne piste. Évidemment, il y a toutes les priorités sociales. On a un problème majeur au Québec: on vieillit rapidement. Cela fait drôle de dire cela, mais on vieillit rapidement. Où est-ce qu'on va trouver l'argent pour répondre aux besoins? Cela est tout un problème.

L'arbitrage est une solution. Vous avez glissé tantôt sur la recommandation du Conseil du patronat qui a avancé un conseil provincial d'arbitrage, un conseil composé de personnes neutres et qui ferait son travail du côté normatif, sectoriel et sous-sectoriel, si le gouvernement envisageait, évidemment, le retrait du droit de grève.

Vous avez parlé aussi de l'offre finale. L'offre finale est une approche, mais on n'est pas dans le domaine de la production des boîtes de tomates. On est dans le domaine de la santé. C'est tellement vaste, tellement lourd de conséquences qu'il faut y peser presque tout ce qu'on peut y mettre de ce côté-là. C'est un gadget qui est attrayant, je vous le dis. On est toujours fasciné par ce qui vient du Sud, mais il y a un peu de roulette russe dans cela. En tout cas, il faudrait avoir une bonne réflexion sur l'offre finale dans le domaine des services de santé. Je ne parle pas de la production dans une entreprise où on a des boulons. C'est tout notre mode de distribution des services. Est-ce qu'on peut se permettre de faire décider par quelqu'un d'autre quelle sorte de services et la qualité des services on va fournir à la population?

Le troisième élément, puisqu'on parlait d'y substituer, si jamais le droit de grève était enlevé. Il y avait le conseil provisoire, il y avait l'offre finale et il y avait, finalement, la commission parlementaire et l'Assemblée nationale. On a beau s'asseoir, on se vide rapidement dans ce domaine-là.

M. Nadeau, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Nadeau: Je voudrais revenir sur deux éléments qu'a soulevés le député de Portneuf. La question de la maturité est excessivement importante: la maturité des gouvernements, la maturité des parties. Ce n'est pas que je veuille tourner le fer dans la plaie, mais à Saint-Ferdinand d'Halifax la décision qui a été prise, je peux vous dire que cela démotive pas mal d'administrateurs qui essaient de prendre leurs responsabilités et de jouer leur rôle de gestionnaires. Cela ne fait pas mal seulement à Saint-Ferdinand d'Halifax, cela fait mai dans l'ensemble du réseau. C'est encore une victoire de la désobéissance civile.

Évidemment, je donne cet exemple, mais ce n'est pas parce que je veux blâmer le présent gouvernement; cela s'est fait sous d'autres gouvernements aussi. C'est un exemple que je vous donne pour illustrer le fait qu'il doit y avoir une plus grande maturité. Il faut aussi que, du côté syndical, il y ait une plus grande maturité parce qu'ils ont fait cette grève illégale pour le problème qu'ils avaient à régler. C'est toute une chose à côté du problème qu'ils avaient à régler. Cela n'a aucune commune mesure. Cela faisait un petit bout de temps qu'on cherchait des feux et on en a trouvé un là. Maturité aussi des deux côtés, je pense que c'est absolument essentiel.

L'autre élément auquel vous nous demandiez de réfléchir, c'est l'abolition du droit de grève, parce que vous nous indiquiez - et je pense que c'était assez clair; on a pu le voir dans les journaux - que votre formation politique s'en va carrément vers l'abolition du droit de grève. II y a une distinction à faire entre la position de l'association et la position de votre parti politique. Les effets devraient être, cependant, les mêmes. Nous, ce qu'on dit, c'est que faire un débat pour abolir le droit de grève, c'est un débat social énorme au Québec. Cela peut nous mener à un chaos important. Si on en arrive plutôt à faire en sorte qu'il ne puisse s'exercer que de façon symbolique, comme cela se fait en France, et qu'on n'ait pas besoin de faire le débat sur l'abolition du droit de grève, on pense qu'on va arriver aux mêmes résultats sans soulever la société. C'est une option, c'est un choix. Évidemment, c'est l'avenir qui va nous le dire. Je ne dis pas que vous avez raison; je ne dis pas que j'ai raison. Je vous dis que, nous, à ce moment-ci, on préfère cela et on pense qu'on va arriver aux mêmes résultats.

M. Pagé: Je vous remercie des commentaires et des propos que vous teniez en regard des questions que j'ai soulevées. Je dois, M. Brousseau, vous indiquer que, quand je me suis référé à l'offre finale, j'ai bien insisté pour dire qu'il y a certains écueils que nous sommes à examiner. Cela va de soi...

M. Brousseau: II y a des bémols...

M. Pagé:... mais, pour nous, il est clair, net et précis que le cadre de règlement des différends dans ce secteur devra passer par une formule d'arbitrage.

À propos de la décentralisation, vous avez proposé quelque chose qui, de prime abord, semble assez intéressant, quand vous vous êtes référé au club. Vous savez, le Conseil du trésor est présent partout dans nos débats. Non seulement dans nos débats, mais le Conseil du trésor est présent partout dans la vie des citoyens. C'est peut-être méconnu, mais le Conseil du trésor est là. Le gouvernement a une obligation, évidemment. Si on part du principe que

l'établissement des niveaux de rémunération doit se faire de façon ouverte, objective, à la suite d'une analyse sérieuse et exhaustive, en même temps, cela doit être accompagné -cela va de soi - des sommes d'argent, des piastres qu'on va chercher par le biais des impôts et des taxes dans les poches des citoyens. Une enveloppe budgétaire se doit d'être affectée à la suite d'un débat, soit à l'Assemblée nationale - une loi adoptée à l'Assemblée nationale ou une consultation de l'Assemblée nationale avec les élus du peuple, il y a un mécanisme à définir... En contrepartie, il faut retenir que cela implique pour le gouvernement l'obligation de s'assurer du suivi des paramètres budgétaires à l'intérieur des négociations, à l'intérieur de toute cette mécanique interne.

Vous dites: Donnez-nous donc la chance, au niveau local ou au niveau sectoriel, de pouvoir s'asseoir, nous, avec le ministère des Affaires sociales, lequel ira chercher ses mandats du Conseil du trésor, cela va de soi, à l'interne. Vous mettez en relief un aspect de votre vécu, c'est-à-dire que, dans le cadre actuel, la réaction des groupes d'employés, des syndicats, c'est de négocier, d'échanger avec celui qui décide, c'est-à-dire le Conseil du trésor. Ne croyez-vous pas que la proposition que vous nous formulez ce matin est exactement à l'inverse? Le rapport de forces serait complètement modifié dans le sens que, dans le club, vous êtes seuls avec le ministère des Affaires sociales. Tout le monde est unanime à constater - ceux qui suivent cela de près - qu'il sera beaucoup plus facile pour vous d'influencer celui qui a l'obligation de donner des services à la population, c'est-à-dire le ministère des Affaires sociales.

Je comprends, évidemment, que vous souhaitiez avoir à régler vos différends internes, à régler toute la dynamique de vos représentations seulement avec le ministère des Affaires sociales parce que le ministère des Affaires sociales est plus près de vous. Il est tributaire devant vous des politiques gouvernementales, etc. En fait, la façon dont je le perçois - je peux me tromper et vous pouvez me corriger - c'est que vous demandez de prendre fait et cause dans une situation qui aurait, jusqu'à maintenant, privilégié davantage le débat entre le Conseil du trésor et les syndicats. Est-ce que je me trompe?

M. Brousseau: Oui, mais qui a des problèmes?

M. Pagé: C'est vous autres.

M. Brousseau: Bon!

M. Pagé: C'est le gouvernement.

M. Brousseau: Qui donne les services?

M. Pagé: Le gouvernement et vous autres.

M. Brousseau: Qui est sur la première ligne?

M. Pagé: C'est vous autres. M. Brousseau: Merci. Une voix:...

M. Pagé: C'est nous autres. Des voix: Ah! Ah!

M. Pagé: C'est vrai. Pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, le ministre vient d'indiquer: Qui écope de tout? C'est le gouvernement. Cela va de soi, quel qu'il soit, de toute façon.

M. Brousseau: C'est le huitième volet du mandat du gouvernement, d'écoper de tout ce qui va mal.

M. Pagé: Ah oui!

M. Nadeau: En fait, on comprend que le Conseil du trésor doive, comme vous l'avez bien dit, suivre la négociation. On comprend bien cela parce qu'il y a une question d'harmonisation de secteurs et tout cela. Mais suivre la négociation et dégager tous les mandats normatifs de la négociation, ce sont deux choses. Nous, on dit: Les mandats normatifs de la négociation, c'est à l'intérieur du club. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas parler aux gens du trésor. C'est parce qu'on veut vivre une décentralisation et on veut la vivre comme il faut. On veut que les débats se fassent à l'intérieur de notre club. D'ailleurs, on s'est toujours donné comme règle dans le club des affaires sociales - je peux vous dire que le passé est garant de cela - on a presque toujours, sauf sur des questions d'intérêt gouvernemental vers la fin des négociations - et cela, Cléroux pourrait vous en parler longuement, il les a toutes faites et tout cela s'est fini avec l'intérêt gouvernemental - mais sur un bon nombre de sujets, on a réussi à faire un consensus. C'est la règle qu'on tente de se donner. Je pense qu'à l'intérieur du club des affaires sociales, on peut essayer au maximum de fonctionner par la voie du consensus. Je comprends qu'il y aura des prérogatives sur le normatif lourd. Nous irons au niveau du Conseil du trésor, mais la tendance des syndicats va être de dire: C'est véritablement dans le club que cela se décide et c'est avec le club qu'on va vouloir négocier. Le club, c'est le ministère et l'association des hôpitaux. On pense que cela va ramener cela là. Si cela ne devait ramener ça qu'au niveau du ministre des

Affaires sociales, on passe encore à côté de la décentralisation et on comprend à ce moment-ci, en tout cas, que le ministre dirait: C'est la responsabilité du club et des parties, mais il faudrait que cela en soit ainsi. Sans cela, on ne serait pas dans la décentralisation. On retomberait dans le même "bag".

M. Brousseau: Dans le fond, en fait, le syndicat veut négocier avec celui qui décide et si un certain nombre de matières dans le partage qui est établi, c'est vraiment au niveau du club où se retrouvent le MAS et les associations ou l'association des hôpitaux au niveau sectoriel, c'est là que la discussion va arrêter à ce moment-là. Autrement, on va vouloir aller toujours plus haut et l'intérêt gouvernemental, à 2 heures du matin, sur la fin, arrive et M. Cléroux pourrait vous donner des façons de procéder à ce moment-là.

M. Nadeau: D'ailleurs... M. Pagé: Qu'on connaît.

M. Nadeau: Oui, oui, c'est bien sûr. Rappelez-vous ce que M. Larose vous a dit ici même: Nous, on veut négocier avec celui qui décide. Nous, on dit: Celui qui décide sur le normatif, amenez-le dans le club et il va négocier avec le club. C'est légitime.

M. Pagé: Votre plaidoyer est bon. Votre argumentation est bien fondée et logique. Je suis persuadé que tant chez nous qu'au gouvernement, cela contribue à nous sensibiliser davantage à cet aspect qui n'est pas négligeable au plan normatif.

Une autre question très spécifique concernant la décentralisation au niveau local. Vous dites: On n'est pas prêt. La concentration des efforts depuis plusieurs années au niveau des établissements a davantage été portée vers le vécu des conventions collectives, les problèmes de griefs qui sont payés par la partie patronale uniquement et l'habitude est telle qu'il serait difficile de s'asseoir et de négocier véritablement. Ce n'est pas ce qui a inspiré... Ce "trend", si je peux utiliser le terme, n'a pas inspiré les relations entre les parties au niveau local depuis quelques années. Vous dites: Laissez-nous du temps. C'est intéressant. Vous êtes sur le terrain; nous n'y sommes pas. Je suis persuadé que toute démarche de décentralisation de la part du ou des gouvernements quels qu'ils soient devront tenir compte de cela.

J'aurais une question très particulière. À la lumière de votre expérience, est-ce que votre association a fait des analyses en termes de coût sur la disposition en vertu de laquelle les griefs sont assumés par la partie patronale seulement? Le Conseil du patronat et d'autres y ont fait référence antérieurement. La lecture que j'en fais personnellement, après avoir eu à rencontrer certaines personnes d'établissements, c'est que, dans certains cas, il devient nettement moins contentieux et plus facile de régler finalement en payant purement et simplement, en penchant la tête en disant "that is it!", on paie et on règle plutôt que d'enclencher un mécanisme d'arbitrage comme tel du grief et une décision. Enfin, tout cela s'accumule.

(12 h 15)

M. Nadeau: M. le député de Portneuf, je ne peux pas vous dire combien cela coûte. Je sais que cela coûte cher. Ce que je peux vous dire cependant, c'est qu'il y a un paquet de coûts qui ne sont pas évaluables. Cela aussi coûte de l'argent à la société québécoise. Quand l'arbitrage est payé par l'employeur, au lieu de discuter des problèmes, souvent on dépose un grief. Cela affecte beaucoup la mentalité et la maturité dont vous parliez tantôt. Cela change tout le contexte des relations du travail au niveau local. Si on avait à payer un arbitrage de part et d'autre ou si c'était le perdant qui le paie, on s'assoirait pour le régler avant d'aller en arbitrage. Comme c'est toujours l'employeur qui le paie, souvent on ne s'assoit pas, on va en arbitrage et on prend une chance. Si on le perd à un, on a peut-être une chance de le gagner ailleurs mais cela ne nous coûte pas un cent. On peut prendre des chances comme cela.

Mais ce qui coûte cher, c'est tout le climat, c'est la façon dont se déroule la gestion. II y a des administrateurs qui, parce que cela va leur coûter 2000 $ ou 3000 $ pour aller en arbitrage, ne prennent pas les décisions qu'ils devraient prendre et ils paient. Cela coûte cher à la société québécoise et ce n'est pas évaluable.

M. Pagé: Merci. Je n'ai pas d'autres questions, M. le Président. Peut-être que mes collègues... M. le Président, vous avez noté la présence de mon collègue de Marie-Victorin, M. Pratt.

Le Président (M. Lachance): Certainement, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: D'accord. Merci.

Le Président (M. Lachance): En remplacement du député...

M. Nadeau: À cette question, M. le Président, M. Cléroux apporterait un commentaire.

M. Cléroux (Michel): Je voudrais ajouter un commentaire sur ce que M. Nadeau vient de mentionner. Je vais vous donner un exemple très concret de ce qui s'est passé

dans un hôpital de Montréal, il n'y a pas longtemps. À la suite d'une grève illégale d'une journée dans un hôpital de soins prolongés de 150 employés, l'hôpital a suspendu les 150 employés en leur enlevant une journée de salaire. Évidemment, 150 griefs furent déposés. On a commencé par deux. Évidemment, les griefs ont été gagnés par l'hôpital et il s'est produit ceci: le syndicat a rencontré l'employeur discrètement et lui a dit: Écoute! on en a perdu deux; on sait qu'on va peut-être perdre les autres, sauf qu'on va te proposer le "deal" suivant: tu nous donnes 5000 $ et on s'arrange avec le paiement des salaires qui ont été enlevés; sinon les 150 griefs qui vont coûter entre 8000 $ à 10 000 $ à l'employeur vont procéder un par un. C'est le genre de dilemme qu'un administrateur d'hôpital peut rencontrer. C'est un exemple tout à fait véridique et concret. C'est peut-être moins connu mais ça montre, lorsqu'on parle de l'arbitrage payé totalement par l'employeur, où ça peut mener.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Affaires sociales.

M. Chevrette: Là-dessus, M. le Président, il y a beaucoup de griefs, mais très peu sont auditionnés cependant. On va au moins en parler pour établir les coûts parce que cela pourrait avoir l'air astronomique aux yeux du public de parler de coûts de griefs payés. Je ne veux rien défendre, mais je veux donner au moins les ordres de grandeur. On me dit qu'il y a environ 14 000 griefs dans le domaine des affaires sociales comme tel et on en auditionne 500 par année. Nos chiffres ne correspondent pas cependant à ce que vous venez d'affirmer. Le coût du grief à l'unité est de 2500 $ et non pas 8000 $ à 9000 $ si on fait une moyenne. C'est un ordre de grandeur qu'il faut quand même donner de sorte que ça fait quelque 1 000 000 $ en ce qui regarde le réseau des affaires sociales. On me dit que les deux réseaux, éducation et affaires sociales, coûtent quelque 2 500 000 $ par année en termes d'arbitrage. Par rapport au nombre de griefs, le problème, c'est qu'ils ne sont pas auditionnés.

Ceci dit, je voudrais vous amener sur le terrain de la désobéissance civile et tâcher d'entendre vos remarques par la suite sur une proposition. Dans les cas de désobéissance civile, l'employeur a le réflexe de pénaliser un petit groupe d'individus ou de vouloir donner des leçons à un nombre restreint d'individus pensant que cela aura un impact sur le groupe. Que penseriez-vous d'un projet de loi qui voudrait civiliser l'utilisation d'un droit de grève, empêcher la désobéissance civile et qui pourrait prévoir une pénalité collective automatique dans le cas de désobéissance civile ou de l'utilisation illégale d'un droit?

M. Nadeau: Quand vous dites "collective" vous voulez dire chaque salarié?

M. Chevrette: Chaque salarié, parce que théoriquement, avec la formule Rand et l'obligation d'adhérer à un syndicat, qu'il aille voter ou non il est responsable de la décision majoritaire. C'est donc le voeu d'une majorité, d'autant plus que le droit de grève est un vote secret. Je veux juste vous demander votre réaction face à une telle mesure.

M. Nadeau: Je ne sais pas, M. le ministre, si c'est la solution qu'il faut trouver. Ce que je sais cependant, c'est que c'est draconien. Si on veut arrêter la désobéissance civile, il faudra être draconien. C'est évident que les mesures qu'on prendra devront être très dures parce que, actuellement, les mesures qu'on a prises n'ont pas enrayé ça. Donc, si le gouvernement veut faire respecter ses lois, il lui faudra agir très sévèrement. C'est malheureux à dire, mais il n'y a pas d'autre solution à ça.

Ce que vous préconisez, c'en est une formule. Il y en a d'autres, mais c'en e3t une.

M. Chevrette: Je fais une hypothèse et je vais vous dire pourquoi. On rencontre un bon nombre de syndiqués qui sont en grève et qui nous disent: Je suis contre ça. On lui demande: Es-tu allé voter? Il dit: Non, les dés étaient pipés. Mais les dés étaient pipés, cela a voté à 55%. Si vous en rencontrez 45% qui ne sont pas allés voter sous prétexte que les dés étaient pipés, mais ils étaient contre, ce n'est plus le portrait réel. Je ne suis pas porté à respecter tellement celui qui vient me dire: Je ne suis pas allé voter, mais j'étais contre. Je lui dis: Vous aviez votre droit fondamental d'aller voter; vous êtes donc aussi responsable que celui qui est allé et qui a voté pour, si vous étiez contre et si vous n'y êtes pas allé. Si vous voulez responsabiliser l'équipe, l'unité, l'entité juridique, il me semble qu'au lieu d'attribuer la pénalité qui, bien souvent... En tout cas, j'ai remarqué que, là où on s'attaque à l'individu, dans bien des cas, il y a une réaction collective, parce qu'ils disent: Oui, on est un peu responsable; il y a 7, 8, 9, 10 ou 15 personnes, nos collègues, qui sont dehors alors qu'on a pris une décision majoritaire de poser tel geste, et qu'on n'est pas punis, nous. Si on voulait responsabiliser l'unité, on saurait au moins... Je ne dis pas que le moyen que je lance comme hypothèse en est un, mais j'aimerais qu'on réfléchisse collectivement là-dessus pour essayer de trouver des mécanismes quelconques pour

responsabiliser l'ensemble de l'unité, de sorte que les gens seraient conscients que, quand ils posent un geste, c'est comme équipe qu'ils le posent et la pénalité serait collective comme équipe. C'est dans ce sens-là que je voulais avoir surtout vos commentaires.

M. Boutin: C'est une mesure, M. le ministre, qui est certainement de nature à permettre que les salariés participent de façon beaucoup plus majoritaire aux décisions qui sont prises à l'occasion des votes, que ce soit sur un sujet ou sur l'autre, il n'y a pas de doute. C'est d'ailleurs pour cela que, dans un dernier mémoire, on préconisait que la tenue des votes de grève, pour être valide, soit prise par une majorité de salariés, donc au moins 50%. Toute mesure qui permettrait que la grande majorité des salariés s'expriment, compte tenu des implications qu'une décision peut avoir en ce qui les concerne, éventuellement à l'occasion d'une grève illégale, c'est certainement une mesure qui paraît intéressante.

M. Chevrette: Je n'irais pas sur le nombre. Il y a des présidents de commission scolaire qui sont élus avec 5% du vote et ils représentent la population en général ensuite. Je ne pense pas qu'on puisse rattacher cela à un pourcentage. C'est responsabiliser l'individu qui sait ce à quoi il s'engage en y allant ou en n'y allant pas. C'est son droit le plus strict de se prévaloir d'un droit de vote ou pas. Mais il me semble qu'il doit être conscient des répercussions qu'il encourt comme collectivité, comme groupe, ensuite, tout comme dans n'importe quelle structure. Une entité municipale qui ne respecterait pas la réglementation et le Code municipal est passible... collectivement. Il y a même des recours maintenant contre le maire, contre le secrétaire-trésorier, parce qu'ils ont posé un geste en assemblée publique. Cela pourrait être la même chose: responsabiliser l'équipe comme telle. Quand un conseil d'administration d'un centre hospitalier ne respecte pas des directives fermes et que cela s'en va vers une débandade, il y a un pouvoir ultime accordé au ministère des Affaires sociales de mise en tutelle. Il y a donc une substitution de gérance à ce moment. On va d'ailleurs se parler de cela. Par exemple, un délinquant qui dépasserait une enveloppe budgétaire prévue pour l'administration de son hôpital et qui s'en fouterait éperdument, qui défoncerait de 6 000 000 $, 7 000 000 $, on sait très bien que c'est la collectivité québécoise qui paierait en bout de course parce qu'un conseil d'administration peut démissionner au complet mais la facture est assumée par l'État, donc les contribuables québécois par la suite. Il va falloir se parler de cela à un moment donné. Quand on passe de 20 000 000 $ de surplus à 80 000 000 $ de déficit, il ne faudrait pas laisser faire cela longtemps, n'est-ce pas? C'est dans un franc dialogue qu'on va en discuter et qu'on va trouver des solutions à cela.

M. Brousseau: J'aurais une première réaction là-dessus, M. le ministre. Je vous dirais qu'il faudrait définir ce qu'est un délinquant. Il faudrait aussi établir quels sont les critères qui...

M. Chevrette: C'est une expression tout aussi péjorative que le club patronal. J'aimerais mieux que vous disiez équipe.

M. Brousseau: Oui, équipe. Mais il faudrait aussi établir les paramètres ou les critères qui nous conduiraient à établir qu'un établissement X, Y, Z est considéré comme délinquant.

Dans votre approche tantôt concernant la pénalité collective, en fait, vous reliez cette "pénalité collective" - entre guillemets - au fait qu'il y a des avantages provenant du groupe comme tel. S'ils ont des avantages, ils ont aussi des inconvénients. En fait, vous voulez "forcer" - entre guillemets - toujours un peu la démocratie syndicale. Je veux dire qu'il y a des avantages et des intérêts, mais vous allez y aller et vous allez vous prononcer.

Il y a cet élément qui est un peu, pas mal, radical. Il y en a d'autres aussi qui ont été avancés lorsqu'il y a eu des problèmes majeurs. Il y a la désacréditation qui a été soulevée; il y a eu aussi le problème de l'abolition de la retenue syndicale. Cela n'a pas été appliqué, mais ce sont des éléments qui ont été soulevés et qui ont de l'impact. Tout cela mérite d'être regardé, étudié et discuté.

M. Nadeau: M. le ministre, concernant votre dernier point de nous associer à des problèmes de délinquance, je voudrais vous dire que si vous voulez nous associer à des problèmes de délinquance, associez-nous aussi beaucoup à l'allocation budgétaire avant.

M. Chevrette: C'est comme on fait présentement avec le comité dont parlait votre président tantôt. Donc, vous vous êtes déjà associés.

M. Nadeau: Si cela aboutit sur des résultats, M. le ministre...

M. Chevrette: Oui. On va même avoir les causes structurelles des déficits dans les hôpitaux, n'est-ce pas? On n'aura pas que les recettes pour gonfler les budgets dans cela. On va avoir les causes. On va se demander également dans ce comité... Vous savez très bien qu'on va découvrir qu'il y en a avec les mêmes budgets qu'un autre hôpital même

avec des soins, des services accrus. Cela nous fait découvrir des choses intéressantes. Je pense qu'on pourra se parler d'une façon intéressante lorsqu'on aura ce rapport.

M. Nadeau: J'imagine qu'on ne découvrira pas seulement des endroits où des gestionnaires ne font pas leur travail, mais qu'on en découvrira où ils font un excellent travail aussi.

M. Chevrette: C'est exact. Je l'espère.

M. Nadeau: On pourra parler de tout cela.

M. Chevrette: De toute façon, une société est composée des deux groupes, c'est clair.

Pour revenir à la négociation, vous avez parlé, tantôt, en répondant à la question du député de Portneuf, de la clarté des mandats. Cela m'a amené à vous dire: On veut tellement que ce soit clair, qu'on veut identifier le palier de responsabilité. M. le président disait: II faut que les mandats soient clairs, sans équivoque, si on veut vraiment négocier d'une façon correcte à chacun des paliers. Vous avez même ajouté: M. Larose est venu ici nous dire: Je veux parler à celui qui décide. Donc, M. Larose voudra parler avec le gouvernement et avec le réseau, avec l'équipe patronale du réseau de ce qui regarde le pécuniaire, parce qu'il sait que ce sont les gens qui décident. Il voudra parler des objets à caractère national, avec la structure au niveau national.

Une voix: L'équipe. (12 h 30)

M. Chevrette: L'équipe. J'ai dit: "la. structure". Ce n'est pas si mal. C'est moins péjoratif que "club". Il voudra parler également avec l'autorité locale, puisque vous admettez qu'il y a un palier de décision local. Il voudra parler des sujets qui sont bien identifiés au niveau local. C'est là que je voyais l'importance de la discussion. Même s'il fallait réduire... Je le répète, je ne suis pas borné ou gelé dans le ciment en ce qui regarde les objets, mais si on veut vraiment identifier le décideur, il faut vraiment identifier les objets sur lesquels le décideur a un pouvoir. S'il a seulement une possibilité ou une capacité de décider, mais qu'il n'a pas la pleine responsabilité, je ne crois pas qu'on puisse répondre au voeu que vous formuliez, à savoir de bien identifier celui qui a le pouvoir de décision et de lui laisser les pouvoirs réels. Cela, ce serait une véritable décentralisation. Il y a une certaine contradiction dans vos propos quand vous affirmez qu'une véritable décentralisation réside dans le pouvoir de décision ferme et que vous dites: Pas tout de suite, on n'est pas assez grands garçons encore - vous parliez de maturité - pour laisser toutes nos institutions. Moi, je suis prêt à faire confiance à toutes vos institutions.

M. Brousseau: II n'y a pas de contradiction, M. le ministre...

M. Chevrette: Non?

M. Brousseau:... sauf qu'on dit: On va y aller par étapes. On est pour la décentralisation, mais on ne veut pas faire d'indigestion. On va y aller tranquillement, selon nos moyens, selon nos ressources, selon notre vécu, selon nos traditions, selon les habitudes qu'il va falloir corriger. Nous aussi avons des habitudes, bonnes ou mauvaises, qu'il va falloir corriger; il y a des mentalités à changer. C'est dans ce sens qu'on dit: Nous sommes d'accord pour qu'il y ait une décentralisation pour aller au niveau local. Cependant, on veut y aller par étapes. Il y a un grand principe du côté médical qu'on a souvent servi au ministère des Affaires sociales et cela a été ignoré - j'ai l'impression que, parfois, on a perdu son latin - qui est "primum non nocere", D'abord, ne pas nuire. On ne voudrait pas que certaines mesures soient entreprises pour nuire. On va y aller par étapes et, graduellement, on va arriver à des solutions. Mais je voudrais que M. Boutin ajoute quelque chose là-dessus.

M. Boutin: Je pense que je vais...

Une voix: Primum non nocere, D'abord ne pas nuirel

M. Brousseau: II faut dire que cela m'a été glissé par mon premier vice-président qui est d'abord médecin. C'est toujours le naturel qui revient.

M. Boutin: Ce qu'on voulait préciser, M. le ministre... Je ne sais pas si le fait d'identifier - c'est le sens de votre question - les matières sur lesquelles les parties locales auraient la capacité de décider seulement à ce niveau et non pas à un autre niveau situera déjà là où la décision peut se prendre. Je pense qu'on arrive essentiellement aux mêmes résultats sauf qu'on n'introduit pas la problématique à laquelle je faisais référence tout à l'heure. Ce qu'on dit, c'est d'autoriser d'abord les parties locales à faire des ententes, ce qu'elles n'ont pas la capacité de faire actuellement et, du même coup, cela va leur donner l'autorité pour le faire. Je pense que les syndicats, au niveau local, sauront très bien qu'ils peuvent discuter valablement avec des gens qui sont mandatés pour prendre des décisions sur des objets de négociation locale.

M. Chevrette: Mais je voudrais vous poser une sous-question. Il va y avoir des appétits très différents si je me base sur votre argumentation: Laissons-les aller au gré de leur appétit pour ne pas faire d'indigestion. Je vais prendre exactement votre comparaison. À supposer qu'un centre hospitalier a un appétit vorace et que les administrateurs veulent retoucher l'ensemble des clauses pour les réadapter et que vous vous ramassiez avec des conflits d'interprétation - vous savez pertinemment qu'il y a des clauses qui ont une incidence les unes sur les autres - avec un paquet de griefs d'interprétation et qu'on arrive en grief débouté - vous savez ce que c'est que de se faire débouter sur un grief parce que c'était de nature provinciale qu'on n'a pas nettement identifié - comment concevez-vous une formule qui va permettre qu'il n'y ait pas de conflit d'interprétation si vous ne limitez pas le champ de la négociation? Un champ de négociation, cela se détermine. Si vous le laissez tout aussi vague qu'il peut même aller sur le champ d'application négocier l'adaptation d'un champ qui est négocié à un autre palier, ne risquez-vous pas de dénaturer les objets mêmes de négociation?

M. Boutin: Si vous permettez, M. le ministre, là-dessus, je pense qu'on part quand même d'une réalité très concrète qui est celle du contenu actuel de nos conventions collectives, de l'historique de 20 années de négociation au palier central. On amorce un virage qui nous amène éventuellement à permettre aux parties locales de prendre charge progressivement, d'une façon un peu plus substantielle, des contenus des conventions collectives. On ne pense pas que du simple fait d'introduire par législation cette capacité juridique de faire des ententes locales ou des négociations locales à leur rythme, du jour au lendemain, elles vont vouloir renégocier l'ensemble des conventions collectives, bien au contraire. On a déjà un encadrement extrêmement important dans les conventions collectives. On en a une par législation. Il y a aussi une foule de communications qui sont adressées tant par le ministère des Affaires sociales que par les associations, établissements et les organisations syndicales. Les gens vont avoir encore cette préoccupation de fournir aux instances locales l'éclairage qu'il faut pour qu'elles puissent fonctionner à l'intérieur de règles qui doivent être respectées. On va sûrement attirer leur attention sur des matières en regard desquelles il ne doit pas y avoir de négociations locales puisque cela relève évidemment de juridictions supérieures. Je ne pense pas qu'on parte en terrain vierge. On a déjà toute une pratique dans le réseau depuis longtemps établie. Il s'agit d'amorcer un virage qui nous amène vers autre chose.

M. Chevrette: Donc, je vous interprète bien en disant que vous êtes d'accord pour qu'on ait à peu près le système français en ce qui regarde la négociation salariale, l'application automatique à la suite du bureau de la recherche qui aura à produire les avis dans un cadre, bien sûr, balisé. Vous êtes d'accord avec des objets au niveau national, sous-sectoriel, spécifique à chacun des groupes. Vous n'êtes pas fermés sur vous-mêmes pour discuter du palier local.

M. Nadeau: On est d'accord progressivement. Vous nous comprenez très bien.

M. Clair: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre.

M. Clair: Quant à moi, il ne me reste qu'une dernière question qui, je pensais, allait être la dernière qu'allait poser le député de Portneuf. Dans l'hyposthèse - je dis bien dans l'hypothèse - où il y aurait retrait ou abolition du droit de grève, en termes de substitut, entre l'arbitrage de l'offre finale, le conseil d'arbitrage, la médiation-arbitre, l'intervention d'une commission parlementaire spéciale, quel est le choix que vous faites? Quelle est celle que vous privilégiez? Je sais que c'est une question hypothétique, mais quand même, dans l'hypothèse où il y aurait retrait du droit de grève, est-ce que la AHQ privilégie un substitut plutôt qu'un autre et pourquoi?

M. Brousseau: Les réflexions qu'on avait eues là-dessus, c'était la médiation, ensuite la commission parlementaire et l'Assemblée nationale.

Une voix: Ultimement.

M. Brousseau: Ultimement.

M. Clair: Vous apparaîtrait préférable à tout autre.

M. Brousseau: C'est cela, à l'offre finale, par exemple, et au Conseil provincial d'arbitrage.

M. Clair: Par rapport à ce que le député de Portneuf disait en termes d'orientation, je pense qu'on a à tenir compte, comme je l'ai indiqué dès le départ de cette commission parlementaire, de l'opinion d'abord de toutes les formations politiques: de plus, de l'opinion des patrons du secteur public, de celle des syndicats du secteur public et, finalement, de l'ensemble de la population, au-delà de cela. Ce que

vous dites au gouvernement, au-delà de l'argumentation que vous avez faite en ce qui concerne la non-abolition du droit de grève et les alternatives qui comportent le projet de loi et l'avant-projet de loi et ce que vous avez indiqué, le Parti libéral et député de Portneuf disent: Nous, notre orientation est de remplacer le droit de grève par un substitut qui fait appel à des notions d'arbitrage. Votre position, c'est plutôt de dire: S'il y avait retrait du droit de grève, l'arbitrage, c'est celui de l'Assemblée nationale, point à la ligne.

M. Nadeau: Remarquez bien cependant...

M. Clair: Après, de la médiation, de la conciliation, etc. L'arbitrage final ne serait pas un arbitrage en dehors du processus démocratique de l'Assemblée nationale, mais un arbitrage à l'intérieur du processus démocratique de l'Assemblée nationale.

M. Brousseau: On parle, M. le ministre, de 300 000 salariés pour l'arbitrage. L'arbitrage, c'est ainsi, est pas mal requestionné et la crédibilité est mise en cause dans certains cas. "C'est ainsi" est entre virgules. Notre réflexion conduit plutôt à une médiation avec tout ce que cela implique et, ultimement, l'Assemblée nationale.

M. Clair: Eh bien, M. le Président, quant à moi, je n'ai pas d'autres questions. J'ignore si les collègues de l'Opposition ou ministériels en ont d'autres. Je vois que non. Il ne me reste qu'à remercier MM. Brousseau, Nadeau et les gens qui les accompagnent d'être venus nous faire part de leurs commentaires quant au contenu de l'avant-projet de loi et les remercier d'avoir éclairé notre lanterne. Je suis convaincu que cela aura été très profitable pour tous les membres de cette commission. Je vous remercie.

M. Pagé: Merci, messieurs.

Le Président (M. Lachance): Messieurs de l'Association des hôpitaux du Québec, merci pour votre contribution aux travaux de cette commission.

La commission du budget et de l'administration suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi, alors que nous entendrons les représentants de l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec.

(Suspension de la séance à 12 h 40)

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Lachance): La commission du budget et de l'administration poursuit ses travaux avec le mandat de procéder à une consultation générale portant sur l'avant-projet de loi traitant du régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. Nous entendrons cet après-midi des représentants de l'Association des commissions scolaires portestantes du Québec. Je vois que les personnes ont déjà pris place à la table. Je leur souhaite la bienvenue au nom des membres de la commission. Je demanderais immédiatement au premier vice-président, M. Wayne Aalders, de bien vouloir nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Merci, M. le Président.

Association des commissions scolaires protestantes du Québec

M. Aalders (Wayne): Merci, M. le Président. M. le ministre, membres de la commission, je me présente, Wayne Aalders, vice-président de l'Association des commissions scolaires protestantes. À mon extrême gauche, Mme Grace Hone, vice-présidente de l'association; à ma gauche, M. William Smith, qui est très bien connu dans le domaine de l'éducation, notre conseiller qui va présenter notre mémoire et Me David Wadsworth, directeur général de notre association.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Aalders. Comme il a été entendu, nous souhaitons que l'exposé que vous allez faire soit d'une durée approximative de 20 minutes pour permettre aux parlementaires de vous poser des questions et faire des échanges d'opinions concernant votre point de vue sur le sujet dont il est question dans cette commission. Je vous laisse la parole maintenant.

M. Aalders: Nous n'avons pas l'intention de présenter tout ce mémoire, autrement dit d'en faire la lecture. Nous avons un résumé déjà préparé. Nous remercions la commission de nous donner l'occasion de présenter notre mémoire. Maintenant, sans plus de mots, je céderai la parole à M. William Smith.

M. Smith (William): Merci beaucoup M. Aalders. M. le Président, membres de la commission, les dynamiques du régime de négociation dans le secteur public, bien que n'étant pas un phénomène récent, continuent à préoccuper les législateurs, les practiciens, les journalistes et le grand public. Au cours des 20 dernières années, les corps législatifs provinciaux successifs ont discuté, modifié et ajusté les lois et règlements concernant le régime de négociation du secteur public. Leurs délibérations ont été accompagnées des diverses auditions parlementaires,

commissions d'enquête et mémoires présentés par les parties intéressées. Malgré toute cette attention, le niveau d'insatisfaction concernant les négociations collectives dans le secteur public demeure excessivement élevé. Notre mémoire vise à discuter les questions soulevées par le gouvernement, soit dans son projet de consultation, soit dans l'avant-projet de loi. Nous avons visé spécifiquement trois objectifs dans notre mémoire. Premièrement, réfléchir de façon critique sur notre expérience collective dans le secteur des relations du travail du secteur public avec le personnel syndiqué; deuxièmement, donner nos réactions et avis au gouvernement concernant les propositions contenues dans l'avant-projet de loi; troisièmement, présenter et proposer une perspective pour la mise sur pied d'un nouveau régime de négociation dans le secteur public.

Nous devons vous dire en guise d'introduction que notre perspective est limitée au domaine de l'éducation, c'est-à-dire l'enseignement primaire et secondaire et, notamment, le système scolaire protestant. C'était par le biais de notre expérience et c'est la perspective que nous vous offrons dans notre réflexion.

L'état actuel du régime de négociation collective du secteur public au Québec doit être regardé à la lumière de son développement historique et dans le contexte canadien des relations du travail dans le domaine de l'éducation. Nous n'essaierons pas, dans les quelques minutes que nous avons à notre disposition, de tracer les grandes lignes de cette expérience ou de ce contexte canadien. Néanmoins, nous aimerions dire quelques mots sur le contexte qui nous entoure.

Ce qui nous impressionne à l'examen du contexte canadien des relations du travail en éducation, c'est sa diversité. Dans les différentes provinces canadiennes, il y a toutes sortes de systèmes. Il y a des provinces où tout se négocie localement; il y a des provinces où il y a un partage dans les matières de négociation entre un palier provincial et un palier local; il y a des endroits où tous les sujets sont permis à la négociation et il y en a d'autres où la restriction existe. En même temps, on voit que, dans certaines provinces, le moyen pour régler les impasses est l'arbitrage et ailleurs, c'est le droit de grève. (15 h 15)

Une province qui nous intéresse particulièrement et qui, par ailleurs, qui semble avoir intéressé ce gouvernement dans ses réflexions sur les relations du travail, c'est la province de l'Ontario. Les lois sur le régime de négociation en Ontario ont été adoptées il y a une dizaine d'années après une longue expérience de négociation dans le secteur, une négociation vécue sans un grand régime de négociation et les lois qui ont été adoptées ont été faites seulement après des consultations prolongées du milieu. En effet, le gouvernement est arrivé en Ontario vers -de mémoire - 1973 avec une proposition qui prévoit un cadre illimité pour la négociation, mais qui enlève le droit de grève. Il est important de noter qu'à ce moment, les syndicats et les conseils scolaires de l'Ontario ont rejeté cette proposition. En conséquence, la loi 100 qui a été adoptée en 1975 confirmait le droit de grève dans le secteur scolaire et a créé un nouveau mécanisme pour le règlement des conflits dans le réseau scolaire et a conçu un régime de négociation qui était à la demande, en effet, des parties impliquées dans la négociation, les commissions scolaires et les syndicats d'enseignants.

Plusieurs années plus tard, une commission d'enquête a fait une révision ou une revue de ce système de négociation et une conclusion manifeste de tout le monde, c'est que le système marche bien. Je ne crois pas que nous puissions faire la même réflexion ici, au Québec, selon notre expérience du régime actuel de négociation. Je ne prends pas le temps ici de citer les diverses étapes dans l'historique des négociations au Québec. Je crois bien que c'est bien connu des membres de la commission. Je dirai tout simplement que le système que nous avons vu évoluer au Québec peut être caractérisé comme un grand recherchiste l'a fait à l'Université Laval quand il a décrit notre système de la façon suivante: "Un syndrome de guerre existe au Québec depuis la centralisation de la structure de négociation qui a conduit à la confrontation rituelle entre le front commun et le gouvernement à tous les trois ou quatre ans. "

D'après notre réflexion, notre processus actuel de négociation peut être décrit par quatre caractéristiques: des discussions prolongées, un niveau élevé de conflits qu'ils soient intraparties ou interparties, des arrêts fréquents de travail et une gamme complète de lois spéciales. Encore une fois, je ne pense pas qu'il soit nécessaire ici de parler longuement des niveaux de conflits et ainsi de suite. Je pense que c'est bien connu. Nous aimerions quand même insister sur un point, à savoir la longue liste des lois spéciales qui ont accompagné nos négociations provinciales.

De 1967 à 1983, le gouvernement provincial a adopté un total de dix lois spéciales, soit une moyenne de deux par ronde de négociation. On avait eu des lois pour mettre fin à des conflits, qu'ils soient légaux ou illégaux. On a eu une loi pour imposer les décrets. On a même eu une loi pour changer des conditions de travail déjà convenues.

Sans entrer dans les détails du contenu

de ces lois, pour nous, une chose est très claire: Tout régime de négociation dans lequel l'intervention ad hoc du gouvernement se produit aussi fréquemment que dans le secteur public du Québec démontre bien que le système ne fonctionne pas.

Les résultats de notre expérience en négociation. On peut vous citer trois ou quatre résultats typiques de notre processus de négociation. D'abord, les conventions collectives qui en ressortent sont longues, détaillées et complexes. Nos textes qui excèdent les 300 pages ne sont vus nulle part ailleurs dans les différentes provinces. Je ne veux pas dire nécessairement qu'un long texte est mauvais et qu'un court texte est bon, mais je pense que cela nous indique quelque chose.

Pour nous, ces longs textes et des négociations qui encouragent le développement de ces textes démontrent une approche cartésienne aux relations du travail où les parties sont à la recherche de la parfaite convention collective. Lorsque nous l'aurons trouvée, on aura la vérité.

On voit aussi comme résultat du système un grand nombre et même un nombre excessif de griefs. Ce sont des milliers et des milliers de griefs. On peut être d'accord ou en désaccord sur une raison particulière invoquée sur le nombre élevé de ces griefs. Mais, encore une fois, cela indique un problème.

Troisièmement et plus particulièrement concernant le secteur de l'éducation, le résultat des négociations successives dans notre secteur a une influence négative sur les services éducatifs que le réseau des commissions scolaires avait à livrer aux clients du réseau, les élèves et les étudiants. On a vu, dans différentes rondes de négociation, la baisse de la tâche des enseignants, la baisse du régime pédagogique, la baisse des services offerts à la clientèle. Je n'ose pas commenter les efforts de la ronde précédente pour essayer de récupérer certaines de ces baisses.

En plus de ces résultats directs et immédiats de la négociation, il faudra voir le contexte dans lequel se déroulent ces négociations et les différentes caractéristiques contextuelles. Par exemple, dans le réseau des commissions scolaires, on a récemment parlé de l'organisation des commissions scolaires, encore une fois, indépendamment de l'opinion des commissions, du gouvernement ou d'autres sur la configuration d'un réseau de commissions scolaires. Il faut admettre que la relation entre ces questions d'organisation et la négociation elle-même sont des questions importantes.

Dernièrement, sur cet aspect de notre mémoire, nous avons eu des réflexions et des questions sérieuses quant à la relation entre le système de financement et le régime de négociation. D'abord, et c'est de toute évidence, notre système de négociation a résulté dans les conventions collectives dont le coût moyen par élève est très excessif. Encore une fois, on n'a pas besoin d'expliquer, c'est bien connu, comme il est bien connu que les commissions scolaires contestent les prétentions du ministère ou du gouvernement que les coûts découlant de la convention collective sont financés par le système de finance actuel.

Mais, encore une fois, il y a un manque de cohérence entre le système par lequel on négocie des contrats de travail et le système par lequel le réseau scolaire est financé. On a eu des exemples où le gouvernement dit, d'une part, qu'il faut des contraintes économiques et qui, d'autre part, fait de grandes concessions en négociation. On a vu d'autres exemples où les coûts engendrés par la négociation n'ont pas été compris dans les règles de financement qui en ont découlé.

Un dernier commentaire, avant de commencer notre examen du système lui-même, qui concerne le comportement des gens qui, d'après nous, est encouragé par le système actuel. Selon nous, le régime actuel est faible parce qu'il encourage un comportement peu approprié de l'ensemble des participants. Dans le passé, le gouvernement a critiqué les commissions scolaires pour avoir soutenu directement ou indirectement les demandes syndicales d'amélioration des rapports maître-élèves. Pourtant, ceci ne devrait pas surprendre lorsqu'on découvre que les règles budgétaires étaient basées sur les rapports négociés dans la convention collective. Plus les rapports que les syndicats pouvaient négocier étaient favorables, plus la commission bénéficiait d'un grand nombre d'enseignants et des services éducatifs qu'elle pouvait fournir à ses étudiants, et ce, aux frais du gouvernement. Par ailleurs, les commissions scolaires se sont souvent plaintes que le gouvernement offrait peu de résistance aux demandes syndicales, qu'elles n'avaient d'effet que sur les commissions scolaires elles-mêmes. Indépendamment de la perspective, que ce soit celle du gouvernement ou celle des commissions scolaires, c'est un système qui, selon nous, encourage un comportement qui n'est pas le plus souhaitable possible.

Dans notre mémoire, au troisième chapitre, nous avons examiné quelques notions de la négociation collective en général. Nous avons examiné, par exemple, la différence entre le secteur public et le secteur privé. Nous avons examiné le fait que, par exemple, on négocie dans le secteur de l'éducation avec le personnel professionnel, les enseignants et d'autres, et le problème qui se présente pour construire ou pour bâtir un système de négociation. Nous avons identifié également les différents

éléments d'un régime de négociation collective et, d'après nous, sur une étude théorique, ce sont des éléments qu'il faut considérer dans la construction d'un système de négociation.

A cause du temps qu'il nous reste, à ce stade-ci, nous ne mentionnerons que les thèmes compris dans ce chapitre III, thèmes qui sont utilisés par nous dans notre analyse des propositions du gouvernement ainsi que dans les propos que nous avons à vous faire dans notre dernier chapitre.

Or, les éléments qui, selon nous, sont essentiels à considérer sont les suivants: l'accréditation, le niveau de négociation, les parties à la négociation, les matières, les propos quant au déroulement de la négociation, les procédures de sélection des impasses et, ensuite, comme rubrique générale, des caractéristiques spéciales.

Nous avons utilisé ces sept thèmes pour revoir les propositions du gouvernement contenues dans l'avant-projet de loi. En faisant référence à notre mémoire aux pages 29 et suivantes, de façon générale, l'Association des commissions scolaires protestantes ne croit pas que les changements proposés par le gouvernement vont diminuer les divers problèmes décrits au chapitre 2 de notre mémoire ni contribuer à l'atteinte des objectifs retenus par cette association pour l'élaboration d'un régime de négociation.

Prenons-les un par un. Le niveau de négociation. La proposition prévoit la négociation à trois niveaux: central, sectoriel et local. Même si ceci reflète la pratique, c'est la première fois qu'une négociation à un niveau central se voit donner un statut légiféré. Nous n'étions jamais d'accord avec la négociation à un niveau central et nous ne le sommes pas encore. Pour nous, la négociation au niveau central centralise un processus de négociation et concentre le pouvoir aux mains d'un grand front commun des syndicats au détriment du déroulement des négociations.

Nous avons aussi cité d'autres problèmes avec le fonctionnement d'un niveau central de négociation, à savoir que cela crée un niveau d'appel à une cour d'appel en effet pour les syndicats qui ne sont pas satisfaits des résultats des négociations à d'autres paliers, sans parler des problèmes pratiques que cela crée. (15 h 30)

Peut-on imaginer un système qui dit: À une table de négociation, nous allons négocier combien de dollars vous allez gagner par semaine, mais à une autre table de négociation, on va décider ce que vous allez faire? Pour moi, c'est complètement illogique. Par définition, ce sont des matières qui sont connexes et interreliées.

La proposition du gouvernement de prévoir un niveau sectoriel au niveau de l'éducation, par exemple, pour certaines matières est une proposition qui nous semble correcte et conforme à nos orientations. Nous sommes totalement en accord avec le maintien de la négociation entre les commissions scolaires elles-mêmes et les syndicats pour différents sujets qui ne sont pas visés au niveau sectoriel.

Avant de parler de ces sujets, prenons quelques minutes pour parler des parties à ces négociations à ces différents paliers. D'abord, ayant écarté de notre esprit un niveau central, il va de soi qu'on n'a pas de bon mot à dire pour les parties qui existent à la proposition gouvernementale quant à un niveau central.

Au niveau sectoriel, l'avant-projet de loi ressemble étrangement au statu quo, c'est-à-dire le maintien des comités patronaux de négociation et a peu près l'organisation des parties qui existe dans la loi actuelle. Quant à nous, la loi actuelle et celle proposée, bien sûr, ont érodé et érode le rôle des commissions scolaires comme négociateurs en chef avec leurs employés au niveau provincial. On se souviendra qu'avant la loi actuelle, la loi 55, même au niveau provincial, les commissions scolaires étaient les négociateurs avec leurs employés. Le ministère de l'Éducation, plus précisément le ministre, était partie à la négociation. Depuis l'adoption de la loi 55, ce n'est plus vrai, c'est le ministre qui négocie avec les employés des secteurs scolaires et les commissions scolaires sont maintenant parties à la négociation. Ce n'est pas une perspective que nous acceptons, et nous ne croyons pas qu'elle soit susceptible de mener à de bons résultats.

Quant aux matières de négociation, l'avant-projet de loi donne une idée, une perspective sans trop donner de détails, ce qui est tout à fait normal dans un avant-projet de loi. On parle, par exemple, au niveau central d'inclure les matières portant sur la rémunération. On n'est pas sûr de savoir ce que veulent dire les stipulations portant sur la rémunération. Est-ce que cela touche seulement les échelles de salaire, tout ce qui touche la rémunération, la rémunération globale, le nombre d'employés? Cela peut être très vague, comme cela peut être très restreint.

De même, en ce qui a trait aux matières privilégiées pour les niveaux locaux, l'avant-projet de loi qui a été publié ne contient aucune liste de ces matières. Après l'impression de ce mémoire, nous avons reçu une liste préliminaire à la suite de discussions avec des représentants du ministère de l'Éducation. Etant donné que la pensée du gouvernement dans le projet de loi lui-même n'est pas très claire, c'est difficile de savoir quelle est la portée des matières visées par celui-ci à différents paliers. Là-dessus, nous préférons écarter un

commentaire trop précis sur les propositions du gouvernement et accentuer notre présentation dans notre perspective sur cette question.

En ce qui a trait au déroulement des négociations, on maintient, dans notre proposition, l'approche du statu quo, ce qui nous semble assez acceptable. Le grand changement dans les propositions du gouvernement se retrouve à la section qui a trait à la solution des impasses. Notre association n'a jamais été pour l'abolition du droit de grève ou des lock-out, à l'exception des services qui peuvent être jugés essentiels. L'approche du gouvernement, c'est de ne pas procéder par le biais des services essentiels, mais plutôt par le biais du niveau de négociation, à savoir qu'au niveau central, il n'y a pas droit de grève. C'est le gouvernement qui décide unilatéralement. Au niveau local, à défaut d'entente, c'est le statu quo. Pour nous, ce ne sont pas des propositions qui peuvent amener les parties dans une atmosphère de règlement. Pour nous, il est essentiel que les mécanismes de la solution des impasses soient perçus comme étant équitables et raisonnables pour solutionner des problèmes. Le seul aspect de cet avant-projet de loi qui nous convienne, qui nous apparaisse une "mood" positive, c'est celui de cette proposition qui prévoit les services de médiation, l'intervention des tiers pour aider les parties à en venir à une entente.

Une dernière chose sur le projet de loi: nous devrons glisser un mot sur l'Institut de la recherche sur la rémunération. Dans le mémoire de l'association la concernant, mémoire publié à l'automne dernier, on avait dit que c'était une bonne idée d'avoir un institut indépendant pour faire des comparaisons avec différentes catégories d'employés, mais nous avons accentué le besoin, quant à nous, pour le secteur de l'éducation. Si on parle de certaines catégories de personnel qui ne se trouvent qu'au secteur de l'éducation comme, par exemple, les enseignants, on doit faire une certaine comparaison avec d'autres enseignants ailleurs au Canada et ne pas limiter la comparaison au secteur privé.

Les stipulations prévues dans le projet de loi ne rencontrent ni l'un ni l'autre de ces objectifs et nous ne croyons pas que cet institut peut être très utile dans sa forme actuelle. Pour nous, que faut-il faire pour changer le système, pour l'améliorer? Nous avons identifié au début du chapitre 5 de notre mémoire aux pages 39 et suivantes certains objectifs. D'abord, le premier, c'est que toute structure de négociation est compatible avec le système de l'éducation. Le deuxième objectif que nous avons retenu est de construire un système qui contribue d'une façon positive au développement des commissions scolaires autonomes et responsables. Le troisième, c'est de favoriser des relations plus harmonieuses avec les employés des commissions scolaires et, dernièrement, une utilisation rationnelle des ressources autant humaines que matérielles. Nous avons inclus des exemples dans le mémoire. J'espère que les membres de la commission vont avoir l'occasion, à la suite de notre représentation, de regarder les détails qui soutiennent ces grands objectifs.

Dans une perspective de négociation qui réponde aux besoins du milieu scolaire tel qu'exprimé par les commissions, les syndicats et d'autres parties concernées et dans la perspective d'un régime de négociation qui est cohérent avec d'autres systèmes, tels ceux portant sur les finances et les programmes d'études, nous avons les propositions suivantes à faire sur chacun des éléments précités. Prenons d'abord le niveau de négociation. Les principes qui sous-tendent notre préférence dans ce domaine sont les suivants: diminution significative de la participation du gouvernement à la négociation; décentralisation de l'autorité négociante de l'employeur aux commissions scolaires; regroupement de toutes les commissions scolaires pour un nombre limité de sujets; regroupement de diverses catégories de personnel selon les désirs des parties. Comme nous l'avons indiqué tout à l'heure, on écarte dans notre perspective toute négociation que ce soit à un niveau central. À un niveau sectoriel, nous préconisons une négociation qui englobe toutes les commissions scolaires protestantes et catholiques ensemble sur un nombre limité de sujets dont nous aurons l'occasion de parler dans quelques instants et que tous les autres sujets, toutes les autres matières de négociation soient négociées entre les commissions scolaires elles-mêmes et leurs syndicats sans que le ministère fasse partie de la négociation. Certaines de nos commissions scolaires pensent qu'une telle négociation devra se faire au niveau d'une commission scolaire et d'un syndicat. D'autres pensent que cela pourrait être mieux structuré entre plusieurs commissions scolaires protestantes et différents syndicats, ensemble. Notre analyse indique que c'est la même situation qui existe chez les syndicats. Il y a des syndicats qui préfèrent tout faire localement; d'autres syndicats disent: Non, c'est préférable de régionaliser et peut-être même de le faire au niveau du secteur protestant. Nous, nous laissons cette option à la discrétion des parties. Pour nous, l'important dans la détermination des niveaux, c'est que la grande majorité des sujets soit négociée entre les commissions scolaires indépendamment des regroupements envisagés et leurs syndicats, sans que le ministère ou le gouvernement ne fasse partie de la négociation.

Pour ce qui a trait à la négociation

que nous appelons sectorielle, nous voyons un comité conjoint au niveau patronal entre le MEQ, la Fédération des commissions scolaires catholiques et la QAPSB avec les syndicats d'enseignants ou les syndicats de soutien, selon le cas. Mais ce qu'il est important de souligner, c'est que le système de prise de décision pour un tel comité doit être examiné et cohérent avec un système de finance qui sous-tend la facture pour les négociations. On nous a dit au ministère de l'Éducation qu'on allait entreprendre en 1986-1987 une autre grande réforme du système financier des commissions scolaires. Nous allons avoir des représentations à faire là-dessus. À ce stade-ci, nous disons tout simplement que le système de prise de décision au niveau des négociations sectorielles elles-mêmes doit tenir compte d'un tel système développé, nous l'espérons, de concert avec les commissions scolaires.

Pour les matières à un niveau ou l'autre, nous avons dit que nous n'envisageons que quelques matières au niveau sectoriel, à savoir les matières qui affectent considérablement la distribution équitable des ressources à toutes les commissions scolaires pour que tout le monde, tant syndical que patronal, croit qu'elles devraient être traitées d'une façon uniforme dans la province ou aient un impact provincial dans leur implication, par exemple, certaines mesures nécessitées par la mobilité intercommissions scolaires. Pour le déroulement des négociations de ces deux niveaux, sectoriel et commissions scolaires, nous croyons, malgré certains inconvénients, que ces négociations doivent se faire concurremment et cela, principalement à cause de notre suggestion, de notre perspective pour la solution des impasses.

Parlant des impasses, bien que nous reconnaissons l'importance des services éducatifs dispensés aux enfants dans le réseau scolaire, nous ne prétendons pas que le réseau scolaire constitue en soi un service essentiel. Pour nous, un service essentiel devrait avoir une définition très restreinte. Nous ne faisons qu'une seule exception: les services éducatifs dispensés à certains enfants handicapés, surtout ceux qui se trouvent dans les établissements des affaires sociales et qui sont intégrés dans le réseau scolaire. Dans cette perspective, nous recommandons, tant pour les négociations sectorielles qui impliquent le ministère ou le gouvernement que pour les négociations entre les commissions scolaires et les divers syndicats, que le droit de grève et de lock-out soit préservé dans le régime de négociation; que différentes techniques de médiation y soient prévues et que le recours à ces étapes de médiation soit obligatoire avant d'acquérir le droit de grève ou de lock-out. (15 h 45)

Nous avons d'autres détails concernant ces procédures en cas d'impasse, mais cela, c'est vraiment le coeur de notre recommandation. C'est pourquoi nous avons recommandé tout à l'heure la négociation concurrente des niveaux sectoriels et des commissions scolaires pour qu'il n'y ait qu'une seule ouverture au droit de grève ou au lock-out de sorte que, pour nous, il faut que la négociation à chacun de ces deux niveaux soit arrivée à une phase finale avant que le droit de grève ou de lock-out soit acquis. Si jamais il y a des arrangements locaux, nous ne prévoyons pas de droit de grève pour ceux-là, mais dans notre perspective, les arrangements locaux sont vraiment des arrangements minimes après la signature de l'entente collective entre la commission scolaire et le réseau ou avec le ministère, etc. Or, pour nous, quand nous parlons des arrangements locaux, ce ne sont pas des arrangements locaux comme des négociations locales déguisées. Ce sont vraiment des arrangements et pas plus.

En dernier lieu, comme recommandation, nous recommandons la création d'un organisme analogue à la Commission de relations à l'éducation en Ontario. Les fonctions de cet organisme sont de servir la négociation, aider les parties et jouer différents rôles dans tout le système des relations du travail. Ces différentes fonctions sont précisées dans notre mémoire.

Pour résumer et conclure, M. le Président, dans ce mémoire, nous avons examiné l'état des négociations dans le secteur de l'éducation au Québec. Cette étude a révélé un système qui est unique dans le domaine de l'éducation au Canada. Parmi les provinces très peuplées, le Québec est la seule qui a un régime de négociation centralisé dans le secteur de l'éducation. Même dans les plus petites provinces où les négociations affectant les enseignants se font au niveau provincial, les régimes ne sont aucunement aussi centralisés que celui du Québec. Le régime, au Québec, a pris naissance vers la fin des années soixante à la suite de la réponse du gouvernement à de nombreux différends entre certains syndicats et leurs commissions scolaires. Au lieu de nommer une commission d'enquête ou même d'imposer un règlement de ce différend par arbitrage, le gouvernement a décidé de changer le processus de négociation pour le système scolaire en entier. Cela semble démontrer la pensée du gouvernement dérivant de la philosophie de la révolution tranquille qui demande que l'État soit l'agent de tout changement pour la société québécoise et que c'est seulement par intervention gouvernementale que le système peut atteindre un niveau plus équilibré. Nous avons eu l'occasion dans ce mémoire d'examiner les résultats de ce processus et nous avons trouvé qu'il faisait défaut. Le

processus de négociation provincial est caractérisé par de longues négociations, un niveau élevé de conflits et des arrêts de travail ainsi qu'un degré élevé d'interventions du gouvernement dans le processus de négociation, tel que démontré par une série de lois spéciales. Les résultats d'un tel processus sont un niveau élevé d'insatisfaction parmi les participants et la population, en général, des conventions collectives litigieuses, très coûteuses et un impact global négatif sur le niveau des services éducatifs que le régime doit dispenser.

Nous avons également examiné brièvement les problèmes reliés au processus de négociation. Nous avons analysé les propositions du gouvernement et nous avons trouvé ces propositions en défaut également. Pour nous, les propositions mises de l'avant par le gouvernement ne contribuent pas d'une façon positive à la solution des problèmes. De fait, nous croyons que de telles propositions ne serviraient qu'à aggraver le problème. Nous croyons sincèrement que les propositions que nous avons faites contribueront d'une façon positive à l'amélioration du régime de négociation collective dans le secteur de l'éducation. Nous sommes conscients que nos propositions impliquent des modifications majeures du régime actuel et, si adoptées, elles ne pourraient pas être implantées du jour au lendemain. Ce que nous proposons est une décentralisation du processus de négociation et une revitalisation des relations employeurs-employés, entre les commissions scolaires et les enseignants et autres catégories de personnel. Si les changements que nous recommandons devaient être adoptés et connaître un succès, ils devraient être accompagnés des changements appropriés aux pouvoirs des commissions scolaires et au système de financement de l'enseignement public dans cette province. Si le gouvernement respecte toujours son engagement concernant le contrôle centralisé de l'éducation, en général, et de la négociation en particulier, il jugerait certainement nos recommandations comme étant impraticables ou irréalistes. S'il en est ainsi, notre seule satisfaction serait d'avoir fait de notre mieux pour présenter notre cas. Si, d'un autre côté, le gouvernement veut sincèrement apporter des changements au régime de négociation, nous espérons que nos recommandations seront sérieusement considérées.

Même si les idées exprimées dans notre mémoire reflètent évidemment le point de vue des commissions scolaires, nous croyons qu'elles tiennent compte des opinions et des intérêts des employés du système scolaire et des syndicats qui les représentent. Nous croyons aussi que ces propositions sont suffisamment flexibles afin de permettre aux parties d'en arriver à un terrain commun pour les fins de discussion de l'entente.

En conclusion, nous espérons que nos critiques et recommandations présentées dans ce mémoire seront vues comme une contribution constructive en vue d'une révision élaborée du régime de négociation collective dans le secteur de l'éducation. Nous espérons également que cette commission ne soit pas la fin mais le commencement du dialogue sur les questions qui nous concernent tous et que ce dialogue puisse parvenir à un nouveau régime de négociation collective conforme aux buts et aspirations du système de l'éducation et acceptable pour toutes les parties concernées. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Smith. Pour amorcer nos échanges d'opinions, je cède maintenant la parole à M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Tout d'abord, je tiendrais à m'excuser car je devrai quitter. Je voudrais m'excuser auprès de l'association et lui indiquer que c'est avec beaucoup d'attention qu'on a pris connaissance de son mémoire. Ma collègue de Jacques-Cartier, Mme Dougherty, a plusieurs questions qui sont finalement le résultat de l'analyse de notre groupe politique. Je m'excuse auprès de mes collègues et auprès de l'association.

Le Président (M. Lachance): Très bien, M. le député. Je disais donc que je cède maintenant la parole à M. le ministre de l'Éducation qui va amorcer les échanges d'opinions avec les représentants de l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec. M. le ministre.

M. Gendron: M. le Président, membres de la commission, mes premiers mots vont être pour remercier MM. Aalders, Smith, Wadsworth et Mme Hone d'avoir accepté l'invitation qui a été faite par le président du Conseil du trésor, mon collègue de Drummond, M. Clair, qui préside cette commission sur le nouveau cadre de négociation proposé par le gouvernement du Québec.

Je vous dis merci, parce que c'est dans cet esprit, en tout cas, que le gouvernement a voulu tenir cette commission, qu'elle serve d'éclairage additionnel, tout en étant conscient que ce qui a été mis sur la table est une réflexion qui a été faite au niveau du gouvernement. On l'a appelé un avant-projet parce que nous étions conscients, effectivement, que nous n'avions pas le monopole de la vérité et qu'il était important de jeter sur la table une réflexion quand même assez balisée dans laquelle certains principes étaient clairement évoqués. Nous croyons que par une contribution

positive de l'ensemble des intervenants intéressés à ces questions, nous puissions améliorer le produit de ce qui est sur la table.

J'aurais également un commentaire en vous disant que sur l'analyse de votre mémoire pour ce qui est généralement de la partie qu'on appelle la problématique ou l'analyse de la situation, je ne crois pas qu'il faille faire de longs débats ou de longues discussions pour convenir que si on a un nouveau cadre proposé sur la table, c'est parce qu'il y a plusieurs intervenants, et en particulier le gouvernement du Québec qui ont convenu que nous vivions un régime de négociation qui, effectivement, ne sert peut-être pas l'ensemble des intérêts de toutes les personnes concernées, qu'il s'agisse des affaires sociales, de l'éducation ou d'autres secteurs de l'activité.

Lorsque dans votre mémoire, en fait, vous évoquiez en termes de problématique que l'on pourrait résumer notre régime de négociation en quatre caractéristiques principales, à savoir que nous avons des négociations qui, malheureusement, ont tendance à se prolonger indûment, qu'elles contiennnent un très haut degré de conflit, que cela a occasionné au fil des ans de très longues et de fréquentes grèves et également, l'aspect qui est peut-être le plus difficile, soit la conclusion de multiples lois spéciales, je ne crois pas que nous devions discourir longuement là-dessus parce que c'est un portrait où, rapidement, oh arrive bien sûr avec des nuances de part et d'autre mais on arrive à faire le constat passablement de la même façon, qui que nous soyons et quels que soient les intérêts que nous ayons à défendre dans ce dossier.

Je reconnais également qu'une bonne analyse d'une problématique ou d'une situation devrait, en règle générale, nous aider, chacun d'entre nous, à être mieux équipé et plus en mesure de dégager des orientations et des propositions ou des modifications qui devraient placer le tout dans un cadre qui offre de meilleures perspectives que celles que l'on a décrites.

Si on arrive maintenant à la seconde partie de votre mémoire - je pense que c'est dans ce sens qu'on tient ces audiences, pour essayer d'éclairer davantage les choses - ma première question, très simplement, serait la suivante. Vous avez affirmé avec énormément de clarté et de précision que vous vous opposiez à toute forme de négociation au niveau central; vous avez même ajouté, à moins que je ne fasse erreur, que non seulement vous le réaffirmiez dans votre mémoire, mais cela a toujours été la position de l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec.

Voici la question que je pose très précisément. J'aimerais, en tout cas, en ce qui me concerne, pour mon propre éclairage et possiblement pour celui des membres de la commission, que vous vous expliquiez un peu plus sur les raisons, les motivations sur lesquelles vous vous appuyez pour affirmer avec autant de précision, autant de clarté, votre opposition à toute forme de négociation au niveau central. Lorsque le gouvernement avait convenu qu'il fallait, en tout cas, à certains égards, avoir un palier de négociation central pour à peu près la plupart des éléments centraux d'une négociation, il me paraissait que cela rejoignait des objectifs assez largement partagés par la plupart des intervenants concernés pour des motifs d'équité, pour des raisons de meilleur équilibre, et ainsi de suite.

Ma question précise est celle-ci: Est-ce que vous pourriez nous donner un peu plus de chair autour de cet argument, à savoir que vous êtes toujours manifestement contre toute forme de négociation centrale?

M. Aalders: M. le ministre, avant de demander des précisions à M. Smith, j'aimerais faire le commentaire suivant. Plus on englobe le processus de négociation, plus on implique du monde dans le processus, plus nous avons des problèmes. Historiquement, je crois que nous l'avons vu dans d'autres secteurs. Personnellement, je viens du secteur privé et, plus on englobe des problèmes, plus on veut regrouper du monde, plus on a des problèmes très difficiles à résoudre au niveau national.

M. Smith, s'il vous plaît!

M. Smith: M. le ministre, effectivement, nous reconnaissons que notre attitude est l'attitude que la QAPSB a toujours manifestée envers la négociation au niveau central et peut-être différente de celle manifestée par plusieurs parties dans notre négociation.

Notre expérience nous porte à croire, comme le dit M. Aalders, que plus est grande la négociation, moins elle fonctionne. Quand nous avons examiné le phénomène en général de la négociation centrale, non pas seulement notre secteur ou juste le Québec, mais en général, nous avons constaté que lorsque la négociation s'éloigne des parties directement impliquées, c'est-à-dire l'employeur quotidien et les employés, plus il existe une grande distance entre les négociations et ces personnes, plus nous voyons le degré de difficulté à répondre aux véritables besoins des personnes qui sont à la base du système. Donc, par extension, les négociations centrales, pour nous, sont tout simplement une extension hypercentralisée de ce problème.

De plus, au niveau sectoriel, nous avons vu assez de problèmes de cette nature, c'est pourquoi, dans notre analyse de la

négociation au niveau sectoriel, c'est-à-dire les négociations qui touchent toutes les commissions scolaires, nous avons recommandé que seules quelques matières y soient prévues. Nous ne croyons pas que les avantages offerts par la négociation centralisée sont tels que cela contrebalance les inconvénients. (16 heures)

Les inconvénients, nous les avons mentionnés brièvement. D'abord, nous croyons que d'avoir une négociation qui oppose systématiquement le gouvernement à un front commun qui représente au-delà d'un quart de million d'employés, c'est, par définition, créer un grand rapport de force qui peut difficilement se concilier. C'est trop grand. Il y a trop de pouvoirs en jeu. D'abord, l'État met sur la table de négociation peut-être 40% de son budget à un seul moment, pour un seul regroupement de syndicat. Pour nous, par définition, cela crée un affrontement. Deuxièmement, pour ce qui a trait aux intérêts du réseau, nous croyons que les meilleures négociations se font entre les personnes qui sont responsables de l'administration des contrats, l'administration des entreprises, que ce soit des commissions scolaires ou autres, et les syndicats directement représentatifs des employés. C'est une situation qui n'existe évidemment pas au niveau central.

M. Gendron: Je vous remercie. Vous avez mentionné dans votre mémoire que vous êtes opposés à toute forme de négociation centrale et vous venez d'expliquer davantage les motifs sur lesquels repose ce point de vue. Vous ajoutez dans votre mémoire, à la page 30, je pense, que même sur la rémunération, vous êtes contre une négociation centrale, y compris l'aspect de la rémunération. Vous êtes aussi opposés à ce que la rémunération soit décidée ou décrétée par le gouvernement ou légiférée par l'Assemblée nationale. Enfin, vous ne voulez pas que les mandats viennent du Conseil du trésor, même sur la rémunération. Vous avez mentionné dans votre mémoire que vous préféreriez que ce ne soit pas le Conseil du trésor qui dégage les mandats. Voici la question que je vous pose. Comment, alors, le gouvernement va-t-il pouvoir jouer son rôle ou un rôle - cela dépend des points de vue - en particulier sur le contrôle de la masse salariale, qui m'apparaît sa responsabilité première, et, deuxièmement, sur l'équité ou cette notion de parité entre divers secteurs pour ce qu'on appelle généralement des emplois analogues? Je ne sais pas si vous avez bien saisi ma question sur les deux volets. À partir du moment où on est contre, peu importe ce que nous ayons à dire sur la rémunération, les mandats ne viennent pas du Trésor. Comment va-t-on arriver à jouer notre rôle pour certains suivis de la masse salariale de même que pour l'équité des divers secteurs analogues de rémunération?

M. Smith: Je vais essayer, M. le ministre, de répondre à ces deux volets. D'abord, nous ne nierons jamais le rôle du Conseil du trésor comme un agent privilégié du gouvernement dans la répartition des masses salariales qui incombent, qui sont la responsabilité du gouvernement. C'est une chose que le Conseil du trésor décide combien de dollars le gouvernement va investir dans tel secteur, dans tel ministère, dans tel domaine. C'est une autre chose que le conseil qui devrait négocier cette masse ou ces salaires qui en découlent avec l'ensemble du secteur. Nous avons déjà indiqué que certains paramètres du système de rémunération doivent se faire au niveau sectoriel, par exemple, avec l'ensemble des enseignants. Nous ne croyons pas que c'est essentiel au plan d'équité ou d'autres plans d'avoir un regroupement de tout le monde dans les secteurs public et parapublic pour déterminer les échelles de traitement, etc. C'est même "questionnable", je dis que même tous les enseignants doivent recevoir le même salaire, et c'est compréhensible; je le crois honnêtement pour la plupart de nos commissions, elles acceptent cette notion, même celles qui la questionnent. Si on regarde d'ailleurs dans d'autres provinces où la négociation se fait localement entre commissions et syndicats, le gouvernement de cette province contribue toujours au financement de l'éducation, mais il n'est pas nécessairement partie à la négociation. Il faut faire une différence entre le système de financement et le partage du financement et le processus de négociation. Même si, pour l'instant, on convient, de part et d'autre, que le traitement des enseignants doit être négocié provincialement, on dit: Parfait. Le gouvernement est représenté par son ministre de l'Éducation ou peut-être par un représentant du Conseil du trésor, peu importe. Mais c'est un secteur seulement. Que le gouvernement coordonne à l'intérieur, c'est normal, mais ne pas dire que le processus de négociation doit nécessairement être centralisé, et envisager, englober tout le monde ensemble.

Pour ces raisons, on dit qu'on peut envisager une négociation des échelles de traitement, peut-être, ou des taux de traitement à un niveau sectoriel. Quand nous avons dit dans notre mémoire que le processus de décision pour la prise de décision doit être regardé en fonction d'un système de financement, effectivement, M. le ministre, nous avons vu en tête une revue profonde du système de financement.

En 1969, nous avons entrepris le dialogue avec le ministère de l'Éducation dans le cadra d'une conférence Québec-

commissions scolaires pour regarder les grandes questions de partage des responsabilités entre le ministère et le réseau scolaire concernant la question du mode de financement, etc. Nous croyons qu'il est encore temps de revoir ces grandes questions.

Si, par exemple, on décide que le système de financement des commissions scolaires doit faire en sorte que le financement de tous les points, y compris les salaires des enseignants, soit fait en grande partie par le réseau, on peut dire que ce n'est pas nécessairement le ministère ou le gouvernement qui doit décider unilatéralement, sous une forme ou l'autre, quel est le salaire à payer à l'enseignant.

Si on décide que non sur cet aspect, c'est vraiment quelque chose de financé par le gouvernement seul, nous comprendrons tout de suite que c'est le gouvernement qui doit décider. Mais l'un est tributaire de l'autre.

M. Clair: Je m'excuse, M. le Président. Je ne voudrais pas interrompre mon collègue qui va continuer, mais sur cette question, seulement pour être sûr qu'on se comprend bien, est-ce qu'au fond, vous ne nous dites pas que la masse est non négociable, qu'elle est déterminée par le Conseil du trésor ou le gouvernement, selon ce qu'il voudra et que ce qui sera négociable, non pas avec le Conseil du trésor mais avec la table sectorielle, c'est la distribution de la masse? Puisque vous dites que la masse appartient finalement à l'État, la masse budgétaire, donc la masse salariale, il appartient à l'État de décider. Je vais vous dire ceci en toute honnêteté. Si le résultat de votre proposition, c'est de faire en sorte' que ce soient les associations patronales qui, par le biais d'une négociation, dorénavant déterminent le niveau des taxes et des impôts au Québec, je m'excuse, mais cela ne tient pas debout. Alors, cela ne peut être votre proposition. J'essaie de la saisir devantage et de la résumer et je me dis: Est-ce que, au fond, ce que vous dites ce n'est pas... Je comprends bien que tout l'esprit de votre mémoire est un vibrant plaidoyer en faveur de la décentralisation. Mais puisque vous reconnaissez le rôle ultime du gouvernement en termes de détermination de la masse, cela ne revient-il pas à dire que la masse ne serait pas négociable avec le gouvernement, mais elle serait déterminée par le gouvernement qui décide de consacrer, disons, 6 000 000 000 $ à l'éducation en général pour tous les services et qu'ensuite, là-dessus, il y en a X milliards qui s'en vont en salaire, mais la distribution est négociable sectoriellement.

Si tel est le cas, est-ce qu'on ne risque pas de revenir au point de départ? Quelqu'un nous disait ce matin: Les centrales syndicales vont vouloir négocier toujours avec celui qui a le vrai pouvoir. Ne risque-t-on pas de revenir à ce que la vraie négociation soit celle qui se déroulerait à ce moment en l'absence de toute participation des associations patronales directement entre le Conseil du trésor et les centrales syndicales, dans un premier temps, pour déterminer la masse puis, dans un deuxième temps, sa distribution serait négociée sectoriellement, tout cela avec le maintien permanent d'un droit de grève? Je vous avoue que j'ai de la difficulté à réconcilier tout cela. Vous dites droit de grève maintenu en tout temps, non négociabilité, sembie-t-il, de la masse qui est déterminée par le Conseil du trésor. J'ai de la difficulté à concilier ces deux choses. Mais par ailleurs, la distribution serait négociée sectoriellement.

Je ne sais si vous pouvez préciser davantage votre pensée? Parce que je vous avoue que j'ai un peu de difficulté à suivre, à voir comment le système que vous préconisez serait opérationnel.

M. Smith: Je vais essayer de préciser, M. le ministre. D'abord, nous n'avons jamais dit que la masse est négociable, comme on n'a jamais dit que c'est non négociable. Pour nous, la masse, si on parle de masse salariale, masse monétaire quelconque, il est évident que cela fait partie des pouvoirs de niveau à un niveau donné.

Si on dit, par exemple, dans un système où la négociation est complètement décentralisée, que le syndicat des enseignants vient négocier avec une commission scolaire, la commission scolaire ne négocie pas la masse d'argent dont elle disposera avec le syndicat des enseignants; elle ne négocie pas le niveau de taxation, etc., elle négocie les salaires, ceci et cela, mais elle tient évidemment compte de la masse dont elle dispose, de la possibilité de transférer des montants d'un endroit à un autre, etc. Selon nous, pour la négociation des salaires des enseignants au niveau provincial, c'est exactement le même phénomène. Or, par exemple, si nous avons une négociation avec les enseignants au niveau sectoriel - nous l'avons mentionné dans notre mémoire - nous avons bien dit que le ministère de l'Éducation ou un autre agent du gouvernement, si vous le préférez, est partie à ces négociations. C'est sûr que les propositions salariales mises sur la table sont ultimement, en ce qui a trait aux représentants du gouvernement, sanctionnées par le Conseil du trésor qui est conscient de la masse disponible, des possibilités de transferts, de leur impact sur d'autres secteurs, etc. Selon nous, ce n'est pas inconciliable du tout avec les système que nous proposons. Tout ce que nous avons dit quant au pouvoir de prise de décision à ce niveau, c'est qu'il faut tenir compte du

système de financement en vigueur.

Le Président (M. Lachance): Pouvez-vous poursuivre? Est-ce terminé?

M. Smith: Si, par exemple, on décidait au niveau provincial que le système de financement est tel que les salaires des enseignants sont complètement financés par le ministère ou le gouvernement, c'est sûr que nous reconnaîtrions le droit du gouvernement de déterminer les propositions patronales que nous pourrions mettre sur la table et en convenir avec le syndicat, mais, selon nous, ce n'est pas nécessaire de dire qu'il faudra tout négocier à la même place et en même temps avec tous les syndicats ensemble.

M. Gendron: Rapidement, parce que le temps passe, j'aurais une dernière question, mais je vais la poser en deux parties, avant de terminer en ce qui me concerne. Vous avez évoqué, à un moment donné, dans votre mémoire, la création d'un comité patronal regroupant les catholiques, les protestants et le ministère. Vous avez dit que ce comité négocierait le traitement, de même que les conditions de travail à caractère normatif lourd avec un mécanisme par lequel le ministère aurait un vote prépondérant en cas de désaccord. J'aimerais que vous précisiez davantage, selon votre point de vue, les éléments, les charnières que vous incluez dans ce que vous avez appelé le normatif lourd. Parce qu'habituellement, il y a certains principes de négocation, lorsqu'on parle de normatif lourd, on inscrit tel et tel élément. Puisque votre insistance est très marquée quant à l'essentiel des négociations au niveau local et que la grande majorité des négociations porterait directement sur les commissions scolaires au niveau local, pourriez-vous préciser les éléments que vous voudriez inclure dans le caractère dit normatif lourd? Ma dernière question est celle-ci: Seriez-vous favorables à ce que les commissions scolaires puissent négocier localement, mais individuellement, c'est-à-dire chacune avec son syndicat ou à ce qu'il y ait un regroupement au niveau de l'association comme négociation?

M. Smith: D'accord. M. le ministre, en ce qui a trait à vos deux questions, concernant la première touchant les matières de négociation, à notre esprit, les matières qui doivent être négociées à un niveau sectoriel doivent être limitées à une très petite liste, par exemple, les échelles de salaire, quelques avantages relatifs à la sécurité d'emploi, parce que cela a un impact sur l'ensemble des commissions scolaires, peut-être le régime d'assurance, mais pas nécessairement, car les éléments du régime d'assurance ne sont pas nécessairement uniformes dans tout le réseau. Il y peut-être d'autres matières sur lesquelles les parties peuvent convenir.

M. Gendron: La tâche.

M. Smith: La tâche. Les éléments quantitatifs qui déterminent en soi le niveau des ressources pour le réseau, que ce soit le nombre prédéterminé d'heures de travail par semaine ou que ce soit plutôt une formule dans laquelle on dit: Le niveau de prestations de travail et de rémunération des enseignants est fait en fonction des paramètres suivants. Là, on pourrait imaginer les différents taux, les différentes tailles des groupes, etc. Mais à part cela, on pense que tout le reste peut être négocié entre le réseau des commissions scolaires et ses syndicats, (16 h 15)

Pour votre deuxième question, la configuration de ce second palier des négociations. Comme nous l'avons dit dans le mémoire, ce n'est pas un sujet facile à solutionner. Nous avons les commissions scolaires qui, individuellement, préfèrent négocier l'ensemble de ces autres sujets avec leurs propres syndicats. D'autres commissions scolaires disent: Non, pour les raisons d'économie, de manque de ressources, d'existence d'objectifs communs, etc. On pense qu'on peut faire cela en regroupant certaines ou peut-être toutes les commissions protestantes vis-à-vis d'un regroupement syndical semblable. Nous croyons que c'est le même problème chez les syndicats. Nous connaissons les syndicats qui préfèrent le faire complètement au local et d'autres qui préfèrent avoir un regroupement. C'est pourquoi notre propos est flexible là-dessus en espérant que dans le dialogue futur, nous pourrions trouver un compromis satisfaisant et qui pourrait différer pour différentes catégories de personnels.

M. Gendron: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. J'aimerais remercier les représentants de l'Association des commissions scolaires protestantes pour leur excellent mémoire. L'analyse que vous avez présentée reflète fidèlement, je crois, la triste histoire des négociations dans le secteur de l'éducation que j'ai vécue personnellement pendant les années où j'ai été présidente de La commission scolaire protestante du Grand Montréal. Nous avons vécu... Comme vous avez signalé dans votre mémoire, avec chaque ronde de négociation, on a réussi à démoraliser tous les participants. Ce qui est pire, on a réussi à diminuer la qualité de l'éducation d'une façon systématique. Selon votre analyse, les

propositions du gouvernement ne constituent pas une réponse adéquate aux problèmes que vous avez soulevés. Pour ma première question, j'aimerais aller au coeur de votre argumentation, ce qui me semble être le coeur de vos propositions et surtout cette question soulevée par les ministres. D'abord, vous avez parlé de la nécessité d'être cohérent, d'avoir un système de négociation et un système de financement qui sont cohérents. Cette situation n'a pas existé depuis longtemps. Mais de plus, il y a certaines conditions essentielles qu'il faut respecter en construisant le système de négociation et le système de financement. D'abord, il y a les responsabilités du gouvernement et des élus pour les dépenses gouvernementales et une certaine équité dans la distribution des ressources de l'État.

Il y a une deuxième condition, c'est que le gouvernement doit garantir un certain niveau de services, une certaine qualité de services dans nos écoles publiques. Troisièmement, il faut respecter l'autonomie des élus des gouvernements locaux, les commissions scolaires qui sont imputables à leurs communautés, donc il faut qu'ils aient la marge de manoeuvre nécessaire pour répondre aux besoins locaux.

Maintenant, il semble que le système que nous avons vécu depuis longtemps ne respecte pas la nécessité de cohérence entre le système de négociation et le système de financement et les conditions essentielles, les trois conditions que j'ai énumérées ne sont pas respectées non plus. Dans votre mémoire, vous parlez à plusieurs reprises de la situation en Ontario. Pourriez-vous nous expliquer ce qui se passe en Ontario? Il semble qu'ils aient trouvé une formule avec plus de cohérence entre les deux systèmes qui respecte... Tout le monde, apparemment, est satisfait, y compris les gouvernements locaux et le gouvernement provincial. Pouvez-vous nous décrire comment ils en sont arrivés à cette cohérence et à satisfaire tout le monde?

M. Smith: Très brièvement, l'expérience en Ontario, avant les années soixante-dix, ressemblait à celle du Québec, à savoir qu'il y avait des négociations locales entre différents conseils scolaires et différents syndicats d'enseignants. Dans les années soixante-dix, à peu près six ou sept ans après que le Québec ait décidé de centraliser le processus de négociation, le gouvernement de l'Ontario, lui aussi, avait pris le temps de faire une grande réflexion sur le système de négociation dans le secteur de l'éducation. Les premières propositions du gouvernement ont conduit à maintenir le système de négociation local, mais la législation qui a suivi n'a pas été appliquée durant deux ans, après une vaste consultation des parties. La loi qui a été adoptée par la suite, la loi 100, appelée la loi sur la négociation collective entre conseils scolaires et enseignants, a effectivement maintenu la négociation décentralisée entre commissions scolaires et syndicats après un grand nombre de moyens de médiation, de techniques de conciliation, etc., pour aider les parties et à créer la commission dont je vous ai parlé tout à l'heure, la commission de relations en éducation. C'est une commission qui était dirigée par des personnes fort respectées dans le domaine des relations du travail en Ontario. Actuellement, le président de cette commission est M. Brian Downie, auteur des textes que nous avons cités dans notre mémoire et qu'il a écrits avant de devenir président de la commission. Ce sont des personnes qui sont respectées par les syndicats, par les commissions scolaires.

Deuxièmement, il est évident qu'en Ontario comme ailleurs, il y a certains conflits scolaires qui sont très difficiles, mais la grande différence, c'est que la législation, en Ontario, donne un cadre qui, dans l'état normal des choses, permet aux parties de réconcilier leurs différences dans un processus dans lequel le gouvernement n'interfère pas. Il y a très peu de cas d'interventions gouvernementales dans le processus de négociation.

Le deuxième long commentaire que je ferai sur le système en Ontario touche le système de financement des commissions scolaires. En Ontario, il y a un système de subvention de péréquation par lequel le gouvernement contribue aux revenus des commissions scolaires selon une gamme de facteurs, comme la richesse d'un conseil scolaire particulier et d'autres facteurs, la distance, la situation géographique, etc., de sorte que la contribution financière du gouvernement de l'Ontario varie d'environ 10% pour les commissions scolaires du Grand Toronto jusqu'à 90% de certains conseils scolaires du nord de l'Ontario.

Dans les années soixante-dix, il y avait aussi un problème semblable à celui que nous avons vécu au Québec en 1966, à savoir que le gouvernement a essayé de contrôler la négociation des salaires des enseignants avec le système de financement. Personne n'a accepté et le gouvernement a décidé de changer de tactique. Après cela, il a dit: D'une part, il y a une contribution du gouvernement au système d'éducation que les commissions scolaires négocient avec le gouvernement et, par la suite, c'est aux commissions scolaires de négocier avec leurs enseignants. Il est bien sûr que lorsqu'une commission scolaire est face à un syndicat d'enseignants qui veut une augmentation salariale de 15% et que la commission scolaire sait que l'augmentation de ses subventions est de l'ordre de 4%, si la population pense qu'elle est déjà assez taxée, elle va y penser deux fois avant de dire oui,

mais l'important, c'est que les parties elles-mêmes sont laissées seules a solutionner leurs problèmes. La grande différence, Mme la députée, avec la situation ici au Québec, c'est qu'en Ontario, ce système de négociation locale a toujours été préservé. Or, même si nous décidons aujourd'hui que c'est la chose à faire, on ne peut pas la faire du jour au lendemain. C'est pourquoi, dans notre mémoire, on essaie de prévuir une transition, un système qui permette graduellement une décentralisation du processus sans prétendre que du jour au lendemain, on puisse mettre sur pied un système comme celui que nous retrouvons en Ontario.

Mme Dougherty: Votre recommandation qu'on garde les négociations au niveau sectoriel est une espèce de compromis. Cela ne reflète pas la logique de votre pensée. Donc, c'est une disposition transitoire qui pourrait graduellement évoluer vers une décentralisation totale, n'est-ce pas?

M. Smith: C'est cela.

Mme Dougherty: Si je comprends bien ce qui se passe en Ontario - et je crois que cela répond un peu à la question du ministre - un système comme vous le proposez, un système décentralisé de négociation implique forcément plus de marge de manoeuvre, un changement du système de financement des commissions scolaires. Si c'est vrai; si c'est la clé de l'affaire, je crois que c'est un point capital qu'il faut souligner ici au Québec, parce que le droit de taxation foncière est un débat qui existe depuis longtemps ici au Québec. Il semble qu'il faut examiner ce système de financement en Ontario parce que si je comprends bien votre analyse, il est impossible de vraiment décentraliser, une vraie décentralisation des négociations, afin de respecter l'autonomie des commissions scolaires sans réviser et sans repenser le système de financement des commissions scolaires afin d'élargir la marge de manoeuvre des commissions scolaires. Est-ce que j'ai raison?

M. Smith: Oui. Je crois que vous avez bien raison. C'est pourquoi nous avons insisté, comme vous l'avez remarqué, à travers notre mémoire, sur l'importance de la cohérence entre les différents systèmes de gérance - si on peut les appeler ainsi -applicables au secteur de l'éducation. C'est pourquoi notre perspective est une décentralisation générale du système de l'éducation, d'abord au niveau du partage des pouvoirs et des responsabilités, secundo, au niveau du financement des sources autonomes de revenus et, troisièmement, comme matière d'importance capitale, la négociation.

Mme Dougherty: J'aimerais poser la question d'une autre façon. À votre avis, est-ce possible de garder le système actuel de financement des commissions scolaires et décentraliser en même temps, peut-être pas complètement, mais partiellement, le système de négociation, ou si on garde le système de financement actuel et qu'on essaie de décentraliser les négociations, est-ce que le résultat sera une espèce de fausse décentralisation?

M. Smith: Je pense que je comprends très bien votre question. Effectivement, il faut encore que les personnes qui prennent les décisions aient les moyens d'en payer le prix. Nous avons vu, dans les négociations provinciales que nous avons mentionnées tout à l'heure, des conflits d'intérêts à l'intérieur de la partie patronale à cause de ce problème. Si, poursuivant votre question, nous décentralisons les négociations au niveau des commissions scolaires sans changer le système de financement, nous allons avoir un système où les commissions scolaires seront appelées à négocier des salaires, par exemple, avec les enseignants sans avoir le pouvoir d'en payer le prix. C'est le complément incohérent et un complément inacceptable comme situation. Or, si jamais on décide pour une raison ou pour une autre qu'on ne veut pas changer le système de financement et qu'on veuille que ce soit le gouvernement qui paie 95% des dépenses à l'éducation, forcément, vous avez des négociations centralisées, d'après notre analyse, forcément avec l'ensemble des problèmes que nous avons vécus, car nous sommes convaincus qu'on ne peut pas améliorer sensiblement le système de négociation tant et aussi longtemps qu'il demeure centralisé. (16 h 30)

Mme Dougherty: Merci de votre clarification. J'ai d'autres questions. C'est une question qui poursuit un peu celle posée par un des ministres. À la page 47, vous parlez des négociations sectorielles. Je n'ai pas vraiment compris ce que vous proposez ici. Dans votre analyse des problèmes à la page 31, vous avez soulevé l'illogique de la situation quand on négocie le salaire à un niveau et la tâche à un autre niveau. À la page 47, vous dites: "De même les composantes - on parle des matières au niveau sectoriel - quantitatives utilisées pour déterminer la rémunération des enseignants pourraient se négocier à ce niveau". Plus loin, vous dites: "Nous proposons que la détermination des paramètres... " Dans votre explication, il me semble que vous séparez un peu la tâche du salaire. Donc, il me semble qu'il y a une contradiction ici avec l'affirmation que vous avez faite à la page 31.

M. Smith: Ce que nous prévoyons ici comme matières sectorielles et, encore une fois, ce n'est pas une proposition très précise et détaillée, c'est de négocier les éléments essentiels ensemble dans un seul endroit. Par exemple, cela peut être une échelle de traitement, une grille salariale comme celle que nous connaissons pour les enseignants de 14 à 20 ans de scolarité, etc., et ce, par rapport à X nombre d'heures de travail par semaine, comme nous le faisons actuellement par exemple pour le personnel de soutien où on dit: Voilà un taux horaire de travail, ou pour le personnel professionnel à qui on dit: Voilà une grille salariale basée sur 35 heures par semaine. Si, localement, ils travaillent 32 heures et demie, il n'y a pas de problème, c'est réduit proportionnellement. Ce sont des paramètres dans ce sens-là.

Nous disons que la solution est peut-être d'avoir une grille salariale traditionnelle pour X ou Y heures par semaine, qu'elles soient X heures globales ou X heures d'enseignement, etc., les détails sont à convenir. Ou plutôt, il s'agirait peut-être de dire que dans le concept de ce genre de travail qu'est l'enseignement, le taux est fixé à tel échelon. Ou peut-être que ce serait une formule qui envisage le nombre d'élèves impliqués pour un professeur donné, le nombre d'heures qu'il enseigne, sa catégorie d'expérience, etc., pour dire: Voilà les paramètres à la fois de la prestation de travail et de la rémunération.

Par exemple, on a vu dans certaines commissions scolaires de l'Ontario que la tâche des enseignants est établie en fonction du nombre d'élèves et du nombre de périodes, pour avoir une équation de ces éléments. Peut-être que c'est ce qu'il faut faire. On n'a pas d'idée précise, mais on essaie toujours d'être cohérents avec la critique posée à la page 31, à savoir que l'ensemble de ces éléments quantitatifs soient négociés en un seul endroit, que les parties, par la suite, localement, aient l'occasion de dire: Ici, on va travailler plus d'heures avec moins d'élèves. Peut-être qu'il n'est pas nécessaire d'avoir les mêmes règles de formation de groupes pour tout le monde, mais que ces différents éléments correspondent de sorte qu'il y ait une équité dans toute la province, même si cette équité est exprimée différemment dans un endroit ou dans un autre.

Mme Dougherty: À la page 23, on parle de la tâche, des responsabilités des enseignants. Vous posez une question: Est-ce que les devoirs et responsabilités des enseignants devraient être un sujet de négociation ou est-ce qu'ils devraient être définis dans la Loi sur l'instruction publique ou dans une loi concernant la profession des enseignants? Quelle est votre réponse à cette question? Vous n'avez pas répondu.

M. Smith: Non.

Mme Dougherty: Je pourrais deviner.

M. Smith: C'est une question effectivement très difficile, surtout à cause de l'expérience que nous avons vécue, à savoir qu'il y a plus de quinze ans que nous négocions les devoirs et responsabilités des enseignants à une table de négociation. Dire encore demain qu'on ne négocie plus ces tâches, ce serait très difficile à envisager.

II est souhaitable qu'au niveau professionnel, les devoirs d'un enseignant soient inscrits dans la Loi sur l'instruction publique; c'est d'ailleurs le cas en Ontario. Évidemment, nous appuierons un tel encadrement dans la Loi sur l'instruction publique, les devoirs professionnels d'un enseignant, mais nous ne pouvons pas dire que nous nous opposons à retirer comme matière de négociation complètement la discussion de cette question avec les enseignants. Bien sûr, c'est ici qu'on voit la conjoncture entre la question professionnelle et la question des relations du travail. C'est une ligne de démarcation difficile à désigner. Bien sûr, comme syndicat, comme groupement d'employés, ils ont le droit de dire: J'ai quelque chose à dire sur ce que je vais faire pour gagner mon salaire. C'est normal. Nous n'avons aucun propos précis, mais nous reconnaissons que ce devrait être précisé d'une certaine façon dans la loi, mais qu'il y a une marge pour la négociation à une table de négociation.

Mme Dougherty: Est-ce que vous avez discuté de ce problème avec les syndicats, lors des négociations?

M. Smith: À maintes reprises... Pas récemment.

Mme Dougherty: Croyez-vous que le syndicat serait favorable à une certaine définition hors des négociations?

M. Smith: Je préférerais que les syndicats parlent pour eux-mêmes mais...

Mme Dougherty: Alors, merci.

M. Smith:... je pense que notre expérience nous indique qu'en général ils préfèrent régler leurs affaires à la table des négociations.

Mme Dougherty: Merci. À la page 38, l'institut de recherche proposé par l'avant-projet de loi du gouvernement. Vous avez établi une certaine position il y a quelques années sur cette question. Voudriez-vous expliquer un peu pourquoi vous favorisez une comparaison avec les salaires équivalents en Ontario au lieu des salaires dans le

secteur privé au Québec?

Deuxièmement, est-ce vraiment possible d'établir des équivalences entre le secteur public, l'éducation, par exemple, et le secteur privé? Où sont les équivalences dans le secteur privé? Je partage votre préférence, mais j'aimerais que vous vous expliquiez un peu?

M. Smith: Certainement. D'abord, nous devrons dire que notre idée, en parlant d'une comparaison, que ce soit dans le secteur privé ou d'autres secteurs de l'éducation, ailleurs, ce n'est pas d'avoir une équivalence parfaite, ce n'est pas de dire: On va prendre le salaire moyen des enseignants au Canada et c'est cela qu'il faut payer aux enseignants du Québec. Ce n'est pas notre idée du tout, c'est plutôt pour avoir une comparaison à titre d'information, comme base de réflexion.

Comme nous l'avons mentionné, dans le secteur public, les salaires que nous payons à nos employés résultent du système politique. Ce sont des décisions politiques et sociales que prendrait un gouvernement, une commission scolaire ou un hôpital avec les valeurs sociales qui sont comprises dans ces salaires. Donc, il n'est pas pour nous question de dire d'une façon mathématique, d'une façon systématique: On va prendre telle comparaison et, en vertu de cela, on va établir nos salaires. Mais nous croyons que la restriction de la comparaison avec le secteur privé du Québec se limite tout simplement au contexte économique de la province. C'est une comparaison très valable. On ne nie pas que c'est valable, mais on dit que c'est trop restrictif. Lors de la dernière ronde des négociations, on avait eu, à maintes reprises, l'occasion de comparer la tâche de nos enseignants avec la tâche des enseignants en Ontario et ailleurs. Nous avons eu également l'occasion de comparer le coût de l'éducation avec celui d'autres provinces. On a dit: De la même façon, regardons ailleurs pour déterminer une base de comparaison pour la rémunération de nos enseignants, de nos principaux d'école, de nos cadres supérieurs, etc. Regardons le secteur privé, mais regardons ailleurs. De plus, lorsque vous ne vous concentrez que sur le secteur privé, vous risquez de briser une logique salariale interne et propre au secteur, parce que vous bâtissez un système qui prend les employés un peu comme soutien du système pour établir les salaires des personnes clés du système. Dans un système d'éducation, c'est très clair que le personnel clé, ce sont les enseignants. Tout le système tourne autour d'eux. Tout le monde est là pour appuyer leurs activités et pour dire: On va faire des comparaisons entre les secrétaires, les concierges, les techniciens, les gérants, etc., où on peut trouver une cible dans le privé, ensuite on va reculer pour déterminer les salaires des enseignants. Pour nous, ce serait un peu mettre le système à l'envers. C'est pourquoi on favorise une approche plus globale en faisant des comparaisons.

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le président du Conseil du trésor, vous avez maintenant la parole.

M. Clair: Oui, M. le Président, et je continue exactement sur le même sujet, parce que je pense que l'autre point de vue mérite d'être évoqué, et je pose, à partir de là, la question à nos invités quant à l'évolution de la rémunération. Lorsqu'on parle de rémunération, dans les secteurs public et parapublic, et de comparaison, que ce soit avec le secteur privé ou avec d'autres provinces, il y a toujours deux questions, deux éléments de la rémunération. Il y a d'abord la question de niveau de rémunération, à savoir à quel niveau se situe la rémunération, pour une année donnée, pour un enseignant avec 19 ans de scolarité et tant d'années d'expérience, etc., et pour un ingénieur dans le privé avec tant d'années d'expérience et tant d'années de scolarité. C'est une question de niveau. Ensuite, il y a la question de croissance annuelle. Si on a choisi au Québec de se donner une politique salariale orientée vers la comparaison du secteur public avec le secteur privé, ce n'était pas pour avoir comme résultat un alignement, je dirais, automatique et on n'entrevoit pas d'automatisme là-dedans. Je pense que vous reconnaissez, M. Smith, que ce serait la même chose si on le faisait par rapport à d'autres provinces canadiennes, parce qu'encore là, les comparaisons sont souvent très difficiles a faire de façon scientifique. On a eu des études comparatives entre le Québec et l'Ontario et on se rend compte à quel point cela peut être difficile de faire de telles comparaisons. C'est presque aussi compliqué que de faire des comparaisons entre le secteur public et le secteur privé. Mais, fondamentalement, surtout en ce qui concerne la croissance de la rémunération du secteur public, quelles seraient, selon vous, une fois que les niveaux de rémunération sont - entre guillemets -"acceptés ou tenus pour acquis", la justification ou les justifications pour que la rémunération dans le secteur public québécois croisse plus rapidement que celle du secteur privé ou encore qu'elle s'aligne sur la croissance d'un autre service public dans une autre province canadienne dont le niveau, la croissance économique, la croissance des salaires peut être différent de celui du Québec? Autrement dit, si on prend simplement la fédération canadienne - on pourrait prendre d'autres sociétés - on sait très bien que le taux de chômage varie d'une province à l'autre, que le taux de croissance

économique est très variable d'une province à l'autre, que la conjoncture n'est jamais la même ou à peu près dans toutes et chacune des provinces canadiennes. Est-ce que ce ne serait pas - je m'excuse de l'expression un peu forte - un non-sens économique que d'avoir comme principale préoccupation d'aligner la croissance de la rémunération et le niveau de rémunération des services publics québécois sur celle d'autres provinces canadiennes quand on sait fort bien que, dans les secteurs où cela s'est passé, il n'y a jamais un syndicat dans le secteur public qui ait dit: Je demande ia comparaison avec une autre province canadienne afin d'être bien sûr que je n'abîme pas la capacité de payer du gouvernement, je ne veux pas taxer la concurrentialité de l'économie québécoise et, en conséquence, je veux me situer à 10% en bas de la moyenne dans l'ensemble canadien pour être bien sûr que l'économie québécoise soit vraiment concurrentielle parce qu'il ne sera pas nécessaire d'avoir plus de taxes, donc, bien souvent, selon d'où on impose ces taxes, plus de chômage? (16 h 45)

N'est-ce pas un peu un non-sens économique? On peut prendre l'exemple de la rémunération des corps de police. Prenez celui de la Sûreté du Québec, par exemple. Pendant des années, le critère de comparaison était les grands corps de police au Canada. Il y avait l'Ontario Police, la Toronto Metropolitan, la Gendarmerie royale du Canada et, si ma mémoire est fidèle, également celle du Greater Vancouver.

Tant et aussi longtemps que la comparaison était à l'avantage des membres de la Sûreté du Québec cela allait fort bien. On ne se préoccupait pas trop des conséquences budgétaires et du niveau de taxes que cela pouvait entraîner, parce qu'il s'agissait de seulement 4000 ou 5000 policiers. Je ne le dis pas au sens péjoratif, mais cela pouvait, budgétairement, ne pas être la première préoccupation.

Qu'a-t-on vu après un certain nombre d'années? On a dit: Non, non, non. Les comparaisons ne sont plus bonnes, voyons donc! II faut se rabattre uniquement sur le Québec et comparer la police provinciale du Québec à celle de la Communauté urbaine de Montréal. Or, la Communauté urbaine de Montréal est mieux rémunérée que la Sûreté du Québec. En conséquence, il faut se faire de nouvelles comparaisons.

Je pense que c'est une approche piégée dans le sens qu'on ne peut comparer aisément des niveaux de rémunération ainsi qu'une évolution des rémunérations par rapport a d'autres économies de la fédération canadienne ou a d'autres sociétés sans risquer de créer une surenchère dans le sens du toujours plus et sans aussi être prêts à faire face aux conséquences budgétaires fiscales de déficit, de chômage, etc., qui risquent de s'ensuivre.

Seulement un petit commentaire pour Mme la députée de Jacques-Cartier. Cela me surprend quand on sait que son collègue, le député de Notre-Dame-de-Grâce, insistait il y a peu de temps pour dire que si on voulait que l'économie québécoise soit concurrentielle il importait que le coût de nos services publics le soit aussi. Je vous pose la question. Malgré les difficultés inhérentes à des comparaisons à l'intérieur de l'économie québécoise, secteur public, secteur privé, tant en termes de niveaux qu'en termes d'évolution de rémunération, est-ce que cela n'est pas une voie à la fois plus équitable en termes d'évolution des rémunérations et plus réaliste en termes de niveau de rémunération par rapport à notre capacité de payer, par rapport à la situation de l'économie québécoise?

M. Smith: D'abord, M. le ministre, je pense que vous avez pleinement raison quand vous dites, par exemple, qu'il ne faut pas que le taux de croissance de la rémunération dans le secteur public québécois évolue d'une façon plus grande, plus rapide que celui observé dans le secteur privé. Je pense qu'il n'y a pas d'erreur là-dessus. On est aussi d'accord avec vous en disant qu'il faut absolument que le gouvernement à l'échelle provinciale ou d'autres instances à leur niveau tienne compte de la capacité de leur milieu à payer. On n'a aucune objection, au contraire. Ce serait un signe d'irresponsabilité que de penser autrement.

Comme je l'avais mentionné, notre attitude n'est pas pour dire qu'on va prendre le salaire moyen des enseignants au Canada et vlan! c'est ce qu'il faut payer. Non, non. Ce n'est pas du tout ce qu'on recommande. Tout ce que nous disons, c'est qu'en établissant la relativité des salaires, un des éléments à considérer, c'est la rémunération de ces genres d'employés qui ne se comparent pas facilement avec des personnes du secteur privé, avec leurs homologues dans d'autres provinces. Cela se peut très bien si on prend, par exemple, le salaire des enseignants. On va voir qu'il y a tel salaire moyen en Alberta, un autre au Nouveau-Brunswick, etc. Il est évident qu'au moment où on se parle on peut dire: Bon, nous sommes à peu près les cinquièmes, on paie au milieu. Cela peut nous amener à faire d'autres comparaisons avec le niveau de richesse de chacune de ces provinces et dire: Bon, relativement à telle province qui est moins riche et telle autre qui est plus riche, nos salaires semble être relativement les mêmes, compte tenu de notre capacité de payer. Cela peut nous pousser aussi à réévaluer, en faisant de telles comparaisons, la relativité des salaires que nous payons sans que la croissance générale des salaires évolue plus rapidement que notre capacité de

payer par rapport aux marchés privés du Québec. Ce sont tout simplement des éléments qui, croyons-nous, doivent être pris en considération, de la même façon que si, par exemple, dans une négociation dans une province décentralisée, une commission scolaire décidait du salaire à payer à un enseignant. Elle négocierait avec ses propres syndicats, selon la richesse de son milieu. On voit que les échelles de traitement, par exemple, en Ontario, au Manitoba, en Alberta, varient d'une commission à l'autre, mais on dit que, dans ces cas, on doit tenir compte de ce qu'on fait pour les enseignants ailleurs, qu'on doit tenir compte de leur milieu, de leur niveau de richesse, mais aussi de ce qui se fait ailleurs. Nous croyons qu'en faisant de telles comparaisons, comme nous l'avons fait, nous pourrons peut-être décider de ce qu'il faut faire ou de ce que nous devons tenter de faire comme peut-être avoir un salaire plus élevé, mais une plus lourde charge de travail ou d'autres combinaisons, en regardant l'ensemble de la problématique, c'est-à-dire la charge de travail exigée des employés et le niveau de rémunération. C'est sûr que, lorsqu'on fait des comparaisons, il faut regarder ces deux aspects. Bien sûr, on a vu des personnes faire des comparaisons qui ont ignoré les charges de travail exigées, qui ne se sont concentrées que sur la rémunération ou vice versa. Évidemment, c'est un ensemble.

M. Clair: Ma dernière question, M. le Président, concernera également cette question de la décentralisation. Tout votre mémoire est, en fait, effectivement, un vibrant plaidoyer, comme je l'ai indiqué tantôt, pour une décentralisation très poussée, ce qui entraînerait, de façon inévitable, des changements très importants dans les règles de financement. Vous avez tout à fait raison. Si on veut avoir le modèle ontarien, il faut se rappeler que, sauf erreur, les commissions scolaires ontariennes s'autofinancent à partir des leurs taxes propres à environ 53%.

Une voix: Tout dépend de la commission scolaire.

M. Clair: Oui, mais je pense que la moyenne qu'on indiquait tantôt était de cet ordre de grandeur et que, deuxièmement, il y avait, comme vous le souligniez, des disparités. Certains diraient que ce sont des disparités au sens positif et, d'autres, que ce sont des disparités régionales négatives, donc à combler. Ne croyez-vous pas que, si les chances sont que le gouvernement ne retienne pas pour le moment une telle approche de faire marche arrière sur le pouvoir de taxation des commissions scolaires, par exemple, qui dit plus dit moins, et qu'en conséquence, à défaut de voir votre orientation rentenue, l'approche retenue dans l'avant-projet, à savoir au moins une décentralisation locale sur trois thèmes, serait un moindre mal dans votre perspective ou si vous pensez que, dans la mesure où le gouvernement ne retiendrait pas votre approche, il serait préférable que tout reste centralisé, parce que, selon vous, à ce moment-là, la décentralisation, telle qu'on l'envisage, ne porterait aucun fruit et que, si l'on demeure inscrit dans une perspective de négociation centralisée, il vaut mieux la laisser complètement centralisée et ne pas tenter de retourner à la base, au local, un certain nombre d'éléments?

M. Smith: Non, nous croyons, M. le ministre, que...

M. Clair: Remarquez que je comprends bien votre position fondamentale, mais je dis: Advenant que celle-ci ne soit pas retenue.

M. Smith: Au cas où.

M. Clair: Au cas où.

M. Smith: C'est évident, M. le ministre, qu'il est difficile de concilier un aspect du système avec un autre lorsqu'une perspective fondamentale est écartée. J'essaie de répondre à votre question, en vous rappelant la réflexion que nous avons faite en 1967-1968 concernant le système de négociation. À cette époque, face au même problème, nous avons dit: Essayons de négocier tous les sujets, ou à peu près tous les sujets, à un niveau sectoriel. Par niveau sectoriel, nous avons envisagé un groupement patronal: ministère QAPSB versus le syndicat PAPT ou d'autres syndicats c'est-à-dire provincial, mais pour le secteur protestant. L'idée en arrière de cette réflexion était exactement pour tenir compte de cette réalité que, à ce moment-là, le gouvernement ne voulait pas décentraliser les pouvoirs fiscaux, etc. Or, notre réponse, c'est de dire: Comme compromis dans l'état actuel des affaires, faisons-le à un niveau sectoriel et écartons ce niveau central avec le plein partnership du réseau scolaire avec le ministère. Notre expérience depuis lors nous indique que le partnership n'en est pas un, c'est un système dans lequel le gouvernement décide et les commissions scolaires ne sont qu'un corps consultatif. À cause de cette réflexion, si en 1985 on nous pose la même question et on constate que le même manquement de volonté pour la décentralisation existe, je présume - c'est tout simplement une présomption - que notre réponse serait de dire: Décentralisons autant que possible les matières des négociations, possiblement dans une espèce de regroupement des commissions scolaires protestantes, des syndicats

protestants sans que le ministère n'en fasse partie, mais évidemment les détails déterminent beaucoup les matières envisagées, à savoir qu'il est impossible d'envisager les matières à un tel niveau si le niveau de ressources n'est pas prévu pour cela. Pour un grand nombre de matières qui, en soi, ne prévoient pas de grands déboursés, je dirais oui. Malgré les inconvénients, la préférence serait pour un système qui permette aux commissions scolaires de négocier avec les employés, sans doute tout en réclamant une décentralisation par la suite pour le reste.

M. Clair: Merci beaucoup. Le temps qu'il reste devrait appartenir à ma collègue de Jacques-Cartier. Je vous remercie pour votre mémoire et de votre présence aujourd'hui.

Le Président (M. Lachance): C'est bien cela, M. le ministre. Je cède la parole à Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. Vous avez parlé à plusieurs reprises de l'Ontario Education Relations Commission. Il semble que cet organisme ait eu un impact positif sur les négociations. Je me demande d'où vient leur succès. La source de leur succès vient-elle de la composition de l'organisme? Leur succès est-il fondé sur une législation propice? Ou s'agit-il d'une certaine confiance publique, une confiance des partenaires peut-être, des participants à la négociation? Il semble que, selon votre mémoire, cet organisme ait joué un rôle très important en Ontario. Je me demande quelle est la source de leur succès. (17 heures)

M. Smith: En guise de réponse, d'abord, je citerais un rapport de la commission Mathews, une commission dont le rôle était de revoir le système de négociation en Ontario cinq ans après à l'instar de la législation et, particulièrement, le rôle de la commission sur les relations en éducation. Ce rapport dit: "La discussion sur l'évolution de la loi 100 a mis en relief le besoin d'une barrière entre le ministère et les participants à la négociation. " Le ERC a, jusqu'à maintenant, rempli sa tâche d'une façon singulière et productive. La commission a tenté d'assurer aux enseignants que leurs droits puissent être effectivement exercés mais, par ailleurs, elle a soutenu le processus de la négociation collective par l'entremise d'interventions stratégiques afin de forcer les ententes conclues librement et de protéger les intérêts des étudiants. Je pense qu'en un mot, c'est cela leur succès. Effectivement, les personnes qui sont membres de la commission et les personnes qui travaillent pour leur compte sont des personnes hautement compétentes et respectées par les parties. Au lieu d'être un bras du gouvernement pour mettre une main sur la négociation, elles ont gardé une distance entre le gouvernement et les négociations. Je pense que c'est un premier point clef. Par leur compétence professionnelle et personnelle, les enseignants, les syndicats, les commissions scolaires, les syndics d'écoles, etc., ont tous développé un respect pour la commission en la voyant comme une aide positive dans leurs négociations et en maintenant leurs droits respectifs dans le processus.

Mme Dougherty: Donc, c'est un rôle de surveillance, d'appui, et non un rôle d'intervention en général.

M. Smith: L'intervention, c'est simplement une intervention d'ensemble des tiers, comme les médiateurs, les conciliateurs, etc., mais pas pour dire: Vous allez faire ceci ou cela. Au contraire, il y a eu des exemples dans l'histoire où le gouvernement ontarien a été tenté d'entrer dans un tel conflit et la commission l'a convaincu de ne pas le faire mais de laisser les parties solutionner leurs propres problèmes.

Mme Dougherty: Donc, c'est une influence de modération aussi?

M. Smith; C'est cela, en effet.

M. Aalders: M. le Président, je pense que le point le plus important à souligner dans ce processus, c'est un rôle préventif. Ce n'est pas seulement quand il survient des problèmes qu'il faut les régler. C'est un processus continu.

Mme Dougherty: Une autre question. À la page 5, encore en Ontario - comme il semble que tout va bien; je ne sais pas si c'est la réalité, mais tout va peut-être un peu mieux - vous avez dit que la négociation se maintenait au niveau local sans restriction sur les matières qui pouvaient être négociées. Alors, selon leur expérience, est-ce qu'il n'y avait pas tendance à élargir le champ des matières? Comment est-ce qu'on a, sans restrictions légales, réussi à limiter le champ de négociation?

M. Smith: Je pense que le seul commentaire que je peux vous offrir, c'est que c'est le même phénomène qu'on voit partout, que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public. En général, le régime de négociation en Amérique du Nord pour le secteur privé ne prévoit pas de restrictions et les parties sont libres de négocier. La raison pour laquelle les champs de négociation sont élargis, c'est à cause de la force d'une partie ou de la faiblesse d'une autre ou, peut-être, le besoin ressenti par les

deux parties de régler certains problèmes par le biais de la convention collective. Je pense que le point clef ici, c'est qu'en prévoyant les négociations locales, il y a certains endroits, généralement parlant, des endroits au milieu urbain avec les grands conseils et les grands syndicats où nous verrons des conventions collectives plus larges et plus étendues. Par contre, nous voyons d'autres conseils scolaires plus petits et d'autres regroupements d'enseignants plus petits ayant une aire de négociation moins large. Parce que le système est décentralisé, cela permet aux parties qui ne veulent pas élargir leur champ de négociation de le faire sans empêcher pour autant ceux qui le veulent.

Mme Dougherty: Merci. Une dernière question. Après tout ce que vous avez dit sur l'importance de l'autonomie des commissions scolaires et des gouvernements locaux, pourquoi avez-vous - je parle spécifiquement des pages 15 et 16 où c'est une position de l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec - défendu depuis longtemps le premier principe énoncé par le QAPSB dans son analyse du projet de réforme scolaire qui était que tout citoyen a le droit d'élire des commissions scolaires publiques locales ayant les pouvoirs et les moyens d'administrer, de gérer et de maintenir les écoles selon les besoins et priorités des communautés qu'elles desservent? Boni Alors, pourquoi avez-vous recommandé que les catholiques et les protestants se regroupent ensemble au niveau sectoriel?

M. Smith: Pour la simple raison que pour nous, encore une fois, en disant que les seules matières visées pour le niveau sectoriel, ce sont des matières pour lesquelles, nous croyons, collectivement, qu'il faut avoir une équité de distribution dans toute la province. Si nous décidons - et je dis vraiment "si", mais jusqu'alors, cela a créé une approche, assez typique dans le réseau... Si nous disons qu'on doit payer les enseignants au Québec le même salaire, la raison de cela, qui date des années soixante, c'est pour dire: Si on veut attirer un enseignant en Gaspésie, on ne veut pas être pénalisés parce que les salaires que nous offrons sont moins grands que ceux offerts à Montréal. Nous connaissons tous ce débat. Si on retient pour une telle matière une telle orientation, il nous semble que c'est une orientation qui est bonne pour l'ensemble du réseau de l'éducation et pas uniquement pour le réseau protestant ou le réseau catholique. C'est pourquoi, pour très peu de ces matières, nous croyons que la meilleure façon de le faire, c'est ensemble avec nos collègues du secteur catholique.

Mme Dougherty: Mais vous admettrez que pour être logique à 100% avec votre argumentation, si on décentralise, on décentralise...

M. Smith: Oui.

Mme Dougherty:... et c'est la même façon si on a des commissions scolaires linguistiques. Le même principe s'applique. Pourquoi? Si c'est possible comme en Ontario, par exemple, de décentraliser et d'équilibrer les ressources et arriver à une certaine équité en ce qui concerne la qualité de l'éducation sans ce niveau sectoriel, pourquoi insister pour qu'on garde ce niveau sectoriel, sauf pour des raisons historiques, pour ne pas changer le système trop rapidement et tout cela.

M. Smith: C'est plutôt cela. Vous avez absolument raison. La logique pleine et complète de notre perspective dicte une décentralisation complète et totale du système. Quand nous avons mentionné que même si tout le monde décide que c'est ce qu'il faut faire, je ne pense pas, à cause de notre expérience de 18 ans de négociations au niveau provincial, que cela puisse se faire. Et aussi, nous pensons peut-être qu'en mettant cela là, cela va convaincre le président du Conseil du trésor d'être d'accord avec le reste.

Mme Dougherty: Merci infiniment.

Le Président (M. Lachance): Madame et messieurs de l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec, merci beaucoup d'être venus à cette commission parlementaire pour nous faire part de votre point de vue.

M. Smith: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): J'invite maintenant les représentants de la Fédération québécoise des directeurs d'école à bien vouloir prendre place. Il me fait plaisir, à titre de président de la commission, de souhaiter la bienvenue à ce groupe de directeurs d'école du Québec et en particulier à leurs porte-parole qui sont ici présents. J'invite maintenant le président, M. Réal De Guire, à bien vouloir identifier les personnes qui l'accompagnent.

Fédération québécoise des directeurs d'école

M. De Guire (Réal): M. le Président, merci. C'est d'abord avec plaisir que je voudrais vous présenter les représentants des 27 associations affiliées à la Fédération québécoise des directeurs d'école, qui regroupent près de 4000 directeurs et directrices d'école, adjoints et adjointes

répartis dans tout le Québec, surtout du côté francophone, parce que nous avons aussi des membres qui sont anglophones. J'ai des membres du conseil d'administration de la fédération. À ma droite, M. Marcel Lebel, qui est vice-président de la fédération et aussi le représentant de la grande région du Bas-du-Fleuve. À sa droite, M. Robert Rondeau, qui est aussi membre du conseil d'administration et président de l'Association des directeurs d'école de la Commission scolaire Jérome-Le Royer, sur l'île de Montréal, donc, représentant la région de Montréal. À ma gauche, un autre membre du conseil d'administration et qui est aussi président de l'Association des directeurs d'école de la grande région de Québec.

Le mandat des directeurs et directrices d'école et des adjoints et adjointes est de gérer les établissements publics d'éducation préscolaire, scolaire, primaire et secondaire. Nous sommes chargés de voir à l'éducation des jeunes Québécois. C'est à la lumière de ce mandat que le personnel de direction des écoles, membres de la Fédération québécoise des directeurs d'école, s'est penché sur le régime de négociation dans le secteur public. C'est en tenant compte de ce mandat que notre fédération désire transmettre à la commission parlementaire son point de vue sur cet avant-projet de loi.

Compte tenu des nombreux problèmes et des nombreux affrontements qu'on a connus depuis plus de quinze ans, on se réjouit quand même que le gouvernement ait décidé de permettre un débat public le plus large possible sur cette question des négociations. Vous comprendrez que nous avons concentré notre étude et nos commentaires davantage sur le secteur de l'éducation puisque nous' oeuvrons dans ce secteur. Nos commentaires se veulent aussi à caractère général parce que notre but est d'abord d'informer le législateur de notre vision globale du régime.

Notre vision du régime de négociation est conditionnée par la recherche de l'équilibre entre deux principes majeurs: Le droit à l'éducation pour l'élève dans un climat plus propice aux apprentissages et le droit à la négociation des conditions de travail pour le personnel oeuvrant dans le secteur de l'éducation.

En premier lieu, nous voudrions traiter de la question des régimes pédagogiques. Un régime pédagogique n'est pas un régime de convention collective. Cependant, les négociations dans le secteur de l'éducation nous ont malheureusement trop souvent habitués à un bouleversement des régimes pédagogiques et, conséquemment, des programmes d'études. Les négociations ont eu ainsi sur les élèves un double impact négatif: ils ont perdu des journées et on a aussi diminué le temps d'enseignement. Qu'il suffise de se rappeler que la négociation des conditions de travail des enseignants en 1976 avait amené le gouvernement à sacrifier jusqu'à deux heures d'enseignement par semaine aux élèves du primaire. Il est bien sûr qu'on ne négocie pas le régime pédagogique mais c'est quand même là, bien carré.

Cet exemple - on pourrait en donner au primaire et au secondaire - ne constitue pas une exception puisqu'en 1983, alors que le gouvernement avait pris la décision d'augmenter de deux heures par semaine le régime pédagogique, la réouverture des décrets l'a amené à sacrifier une heure de l'augmentation prévue, à débalancer ainsi l'enseignement des spécialités et à remettre en cause l'enseignement de certains volets de ces spécialités.

Nous considérons que les régimes pédagogiques ne devraient jamais être l'objet de marchandage lors de négociation dans le secteur de l'éducation. La négociation est un processus des plus légitimes que nous voulons nullement remettre en cause. Mais les négociations doivent servir à l'établissement des conditions de travail et non pas à la négociation de l'enseignement ni des besoins des élèves. C'est pour cela qu'il nous paraît qu'il appartient au gouvernement, après les consultations nécessaires auprès des divers intervenants, d'établir les régimes pédagogiques et les conditions générales de l'enseignement donné aux élèves. La négociation des conditions de travail de ceux et celles qui assurent directement cet enseignement ou qui en facilitent la réalisation doit venir en second lieu et être subordonnée en tout temps au régime pédagogique. (17 h 15)

La détermination de la rémunération. Nous considérons que l'avant-projet de loi replace le problème de la détermination de la rémunération des secteurs public et parapublic dans une perspective, en tout cas, qui nous paraît plus appropriée, soit sa dimension budgétaire tout en ayant le souci d'assurer une plus grande objectivité.

Il nous apparaît de la responsabilité des députés d'établir les priorités et le budget du gouvernement du Québec et on considère qu'il appartient aux personnes élues par l'ensemble de la population de fixer les proportions du budget qui doivent servir à la masse salariale des employés du secteur public. Une partie aussi importante des ressources de la collectivité ne peut être déterminée par des pressions ou des affrontements basés sur la règle du plus fort du moment. Nous ne croyons pas que ceci doive se faire au mépris cependant ni au détriment des employés du secteur public.

À l'heure actuelle - on l'a souvent démontré par le passé - le gouvernement peut toujours adopter une loi et imposer sa volonté. Le fait de modifier cette partie du

régime de négociation doit se faire avec la préoccupation d'assurer la détermination la plus objective possible de la masse salariale et le plus large débat public possible. C'est à ce prix que les employés des secteurs public et parapublic auraient la chance, la garantie surtout et l'impression qu'ils sont traités avec justice et que leur cause ne se règle pas en catimini, mais au grand jour.

Cependant, même si on est entièrement d'accord avec la formation d'un Institut de recherche sur la rémunération, pour en faire un organisme plus crédible et avec des meilleures chances d'impartialité, nous croyons que les six représentants des groupements de salariés devraient être désignés directement par les groupements concernés, c'est-à-dire par les syndiqués, en fonction de l'importance numérique des employés qu'ils représentent. De même, nous croyons, dans le même souci de rendre le débat plus objectif, que l'adoption des stipulations relatives a la rémunération devrait relever de l'Assemblée nationale plutôt que du Conseil des ministres puisque, d'une part, le Conseil des ministres est impliqué directement dans le processus de négociation et que, d'autre part, il appartient à l'Assemblée nationale d'adopter les budgets. Il nous apparaît que l'article 71 devrait être modifié dans ce sens.

Afin d'alimenter un débat le plus large possible, il y a peut-être des étapes qui pourraient être franchies comme, par exemple, l'étude par l'institut de recherche. Après son étude, compte tenu que les représentants des syndiqués sont nommés par les syndiqués, on pourrait publier ces premiers résultats; il pourrait y avoir une consultation par le gouvernement des principaux organismes sdcio-économiques du Québec. Il pourrait y avoir, par la suite, une discussion avec les centrales syndicales sur la masse salariale, on pourrait établir la masse salariale par l'Assemblée nationale et puis, une nouvelle discussion avec les centrales syndicales sur la répartition de la masse.

Enfin, la détermination de la rémunération par l'Assemblée nationale. Il nous semble que ces étapes permettraient aux employés des secteurs public et parapublic de se sentir moins menacés.

Quant au principe d'une révision annuelle de la rémunération, cela nous semble excellent, cela peut tenir compte de la réalité économique.

Quant au normatif lourd, la fédération est d'accord que les conditions de travail touchant ce qui s'appelle communément la charge de travail, la sécurité d'emploi, les assurances, cela devrait être négocié au niveau national. Cette négociation devrait impliquer cependant, au premier chef, la partie patronale, c'est-à-dire les fédérations ou les associations d'employeurs. Dans notre cas, ce sont les fédérations de commissions scolaires.

La FQDE considère qu'il appartient clairement au gouvernement, dans le cadre des règles budgétaires et des règles de taxation, de fixer les sommes disponibles pour le normatif lourd. Cependant, une fois que cela est fait, une fois que les consultations ont été établies avec les employeurs, il faudrait que le rôle des associations d'employeurs soit prépondérant. Pour nous, l'article 18 devrait être modifié puisqu'il réserve, d'après nous, un trop grand pouvoir au Conseil du trésor dans l'autorisation des mandats de négociation. En vertu de cet article, le Conseil du trésor pourrait juger d'intérêt gouvernemental à peu près tous les mandats de négociation; cela n'a pas de bon sens.

Les mandats du Conseil du trésor devraient se limiter à autoriser ou refuser des masses salariales et à se prononcer sur des grands thèmes de négociation, tels le principe de la sécurité d'emploi et le quantum de la semaine de travail.

Depuis 1967, vous savez que le rôle du gouvernement s'est constamment accru avec la centralisation du processus de négociation. Une décentralisation et une déconcentration sont nécessaires à la responsabilisation d'ailleurs des secteurs concernés. C'est pour cela que nous sommes convaincus que les responsables du secteur de l'éducation sont plus en mesure de prendre des décisions qui collent à la réalité de leur secteur que le Conseil du trésor.

D'autre part, afin de dédramatiser les négociations dans les secteurs public et parapublic, nous suggérons que les négociations se déroulent à des moments différents d'un secteur à l'autre. Cette façon de procéder éviterait de mélanger les enjeux, réduirait l'ampleur des affrontements et leurs conséquences négatives et permettrait de clarifier le débat pour la population, parce que les enjeux du secteur de l'éducation et du secteur hospitalier ne seraient pas confondus et la population cernerait peut-être beaucoup mieux les questions en litige. De plus, on pourrait éviter ainsi de mobiliser, voire de paralyser en même temps toutes les énergies et les ressources de la société québécoise. On a souvent, M. le Président, l'impression, qui n'est peut-être pas toujours fausse, que la seule activité qui se déroule dans l'administration publique québécoise pendant un an, et ce à tous les trois ans, c'est la négociation dans le secteur public.

L'encadrement des négociations nationales. Compte tenu du volume des conventions collectives et de leur incroyable complexité, il est inconcevable que l'on continue à renégocier, à chaque ronde, toutes et chacune des matières et des clauses de la convention. Le raffinement n'aurait plus de fin. Il y a là une perte d'énergie incroyable

et des difficultés grandissantes pour les gestionnaires et les salariés de s'y retrouver d'une convention à l'autre. Nous souhaiterions que le temps et l'énergie consacrés après chaque négociation à l'apprentissage des nouveaux contenus de convention collective et à leur gestion diminuent au profit du temps consacré à l'amélioration du vécu des élèves et à la vie de l'école.

D'autre part, tout en étant d'accord avec le maintien des mécanismes existants du Code du travail dans le secteur de l'éducation, soit le droit de grève et le droit du lock-out, nous souhaitons cependant que le retour à la médiation soit une étape obligatoire et essentielle à l'exercice de ces deux droits du Code du travail.

Nous avons trop vécu, depuis quinze ans, de recours systématiques à la grève pour ne pas vouloir replacer l'exercice de ce droit dans sa réelle perspective. L'exercice du droit de grève dans les secteurs public et parapublic est devenu un moyen de négociation comme un autre. Il faut ramener cet affrontement ultime comme dernier moyen quand la négociation a eu toute sa chance de s'exercer et quand, même l'intervention d'un tiers n'a pu rapprocher les parties. Notre volonté n'est que de retarder l'exercice, et non pas de l'éliminer, du droit de grève.

Est-il si irréaliste, M. le Président, de penser qu'en mettant en place des mécanismes facilitant la réconciliation plutôt que l'affrontement on pourrait voir le jour où on pourra en arriver, dans le secteur de l'éducation, à des conventions collectives négociées à la satisfaction des deux parties?

Les services essentiels. Nous allons vous surprendre parce que nous allons parler des services essentiels en éducation. Dans le cadre du maintien du droit de grève et de lock-out, nous désirons souligner qu'il y a lieu de se pencher avec soin sur les services essentiels pour les institutions spécialisées dans le secteur de l'éducation. Ces institutions, d'après nous, ne devraient pas subir les effets de la grève ou du lock-out et être considérées comme des services essentiels du secteur de l'éducation. Nous croyons que Ies exclure ne changerait rien à la force ou à la faiblesse des moyens de pression. Les employés de ces institutions ne seraient pas pénalisés puisqu'ils sont inclus dans les mêmes unités de négociation.

Au même titre qu'on ne devrait pas mettre en cause les services aux malades en milieu hospitalier, une société qui se respecte n'a pas le droit de mettre en cause les services dispensés aux clientèles les plus démunies du secteur de l'éducation.

L'absence de services éducatifs appropriés pendant une période aussi significative que les arrêts de travail, les dernières rondes de négociation, peut mettre en cause, pour plusieurs de ces élèves, les développements moteurs ou intellectuels que des services éducatifs appropriés leur permettent souvent de réaliser.

C'est bien sûr qu'on pense aux élèves qui sont dans des centres pour handicapés physiques ou intellectuels graves. Je pourrais souligner l'un ou l'autre. Pensons, par exemple, à l'Hôpital psychiatrique de Rivière-des-Prairies à Montréal ou pensons à l'Hôpital Sacré-Coeur dans la région de Québec et j'en passe.

Le Conseil des services essentiels prévu au Code du travail devrait, selon nous, recevoir un mandat particulier afin de n'autoriser le déclenchement d'une grève dans le secteur de l'éducation que si les services essentiels sont assurés de façon adéquate dans ce type d'établissement.

Les négociations au niveau local. Dans l'optique d'une décentralisation partielle, les directeurs et directrices d'école sont principalement préoccupés de ne pas revivre les situations subies en 1976 et en 1979, alors que des grèves locales ont succédé aux grèves nationales, que des négociations locales se sont déroulées sur des périodes allant jusqu'à deux ans, mobilisant pendant ce temps des ressources et des énergies d'un milieu donné au détriment de la qualité de l'éducation et d'un climat propice à l'enseignement.

On cite en exemple le climat des Vieilles-Forges, le cas de Sorel-Tracy, celui de la CECM. Rappelons-nous qu'il a fallu deux ans dans la région de Drummondville pour obtenir une convention collective complète avec le personnel enseignant.

La formule retenue par l'avant-projet de loi nous semble intéressante en ce sens qu'elle permet aux parties locales de discuter des sujets concrets comme l'organisation du travail, les mouvements de personnel et les droits syndicaux pour lesquels un texte national uniforme peut difficilement tenir compte des particularités locales.

Cette formule a, d'autre part, l'avantage d'éviter la perturbation des écoles par des conflits, d'éviter les matches revanches sur les dossiers nationaux. Nous estimons qu'il y aurait lieu de prévoir un meilleur encadrement pour les négociations au niveau local, principalement pour en limiter la durée, donc limiter le drainage exagéré d'énergie et de temps d'un milieu scolaire afin que les écoles puissent connaître les règles du jeu dans un délai raisonnable.

Aussi nous proposons de fixer un temps limite à la négociation directe entre les commissions scolaires et les syndicats. Une durée qui nous semble réaliste et qui a déjà été expérimentée dans le secteur anglo-catholique en 1976, en 1978, en 1980, est un délai de 60 jours après la conclusion de l'entente nationale au niveau sectoriel.

À l'expiration de ce délai, les parties

devraient s'entendre pour choisir la voie de la médiation et de l'arbitrage avec, là aussi, un délai limite de 60 jours. À défaut d'entente pour recourir à l'arbitrage, pour nous, le statu quo s'appliquerait sur l'ensemble des matières devant faire l'objet de négociations. L'application du statu quo recueille spontanément notre adhésion parce que, pour nous, le recours à l'arbitrage prolonge les délais avant l'obtention d'une convention collective complète. Si on y a recours de façon systématique, cela nécessite plus d'arbitres compétents qu'il n'y en a.

Par contre, le contenu du statu quo a quand même l'avantage d'être connu des parties qui n'ont pas à se réajuster à de nouvelles conditions de travail, à de nouveaux mécanismes de mouvement de personnel et il a le mérite d'avoir fait le consensus des parties antérieurement. Nous sommes cependant d'avis qu'il faille, du moins pour la prochaine ronde de négociations, éviter de déléguer au niveau local des matières à incidence monétaire directe. Notre fédération est également préoccupée du fait que les avantages monétaires devraient être les mêmes pour tous les employés d'un corps d'emploi donné d'une commission scolaire à l'autre. Corriger les excès de la centralisation ne doit pas nous inciter à retourner à la situation antérieure à 1967 et à l'adoption du projet de loi 25 en ce qui concerne les enseignants.

Quant à la durée de la convention collective, il nous apparaît qu'on comprend difficilement le projet de loi qui parle tantôt de deux ans, tantôt de trois ans. Il nous semble qu'une durée uniforme de trois ans serait souhaitable. (17 h 30)

Quant à la négociation permanente, l'avant-projet de loi indique une volonté gouvernementale d'ouvrir la porte à une négociation permanente. On a beaucoup de réticence. Les écoles du Québec ont dû vivre, au printemps 1983 et 1984, des ententes de dernière minute qui ont obligé les commissions scolaires et les écoles à revoir l'organisation scolaire et la planification du personnel en catastrophe. Cela a causé beaucoup d'incertitude et des dépenses énormes d'énergie et de temps. Nous considérons que les écoles ont besoin d'une organisation plus stable pour fonctionner. L'incertitute annuelle dessert les écoles. Une négociation permanente sert peut-être les spécialistes en relation du travail des deux parties, mais nous voulons clairement affirmer que l'expérience récente et celle que nous appréhendons pour le printemps qui s'en vient prouve qu'elle nuit au bon fonctionnement du système scolaire et à la cause de l'éducation. Il faut arrêter de voir les écoles par la loupe des relations du travail.

M. le Président, dans tout l'avant-projet de loi, on a oublié un certain nombre de salariés qui sont les cadres. Les directeurs et les directrices d'école, ce n'est pas important. On voudrait profiter de cette occasion pour rappeler au législateur que les règles de détermination de conditions de travail n'ont pas été revues pour les employés du secteur public qui sont du personnel-cadre. Le gouvernement donne, malheureusement, trop souvent l'impression de se foutre complètement des cadres et de leurs associations. Une fois de plus - c'est la troisième fois en dix ans - le gouvernement se penche sur le régime de négociation avec ses employés en ignorant complètement et totalement le personnel-cadre. Pourtant, les problèmes sont nombreux à ce niveau aussi. La loi ne contraint pas l'employeur à négocier et à en venir à une entente avec les associations des cadres. Les conditions de travail de ceux à qui on demande d'assumer le leadership et de gérer la fonction publique dans le milieu hospitalier et dans le monde de l'éducation sont déterminées unilatéralement par l'employeur, sans droit de recours aux mécanismes de règlement de différends. Les associations de cadres n'ont pas même une reconnaissance juridique pour discuter des conditions de travail si ce n'est celle d'être incorporées en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels, c'est-à-dire qu'elles ne sont ni une corporation ni un syndicat, qu'elles sont entre les deux. Les uns ont le droit de négocier, mais elles ont le droit de papoter. Lorsqu'elles ont fini de papoter, elles décrètent leurs conditions.

M. le Président, les conditions de travail des cadres sont une préoccupation beaucoup plus importante et elles sont établies lorsque c'est le temps. Dans le secteur public, le gouvernement négocie les conditions de travail avec les salariés et il se préoccupe des cadres lorsque c'est le temps et après, lorsque tout a été réglé avec les autres, il fait une adaption de ce qui a été décidé au niveau des syndiqués.

Nous croyons qu'un régime particulier de relations du travail devrait être établi pour les cadres. Il pourrait comprendre les éléments suivants: la reconnaissance juridique des associations de cadres; la reconnaissance des associations sur représentation de requêtes pour la conclusion d'entente collective; l'établissement d'une formule de cotisation obligatoire; le droit d'affiliation à une fédération, mais non à une fédération regroupant des salariés au sens du Code du travail, l'établissement des objets, des modes et des échéanciers de négociations et la mise en place de mécanismes de médiation et d'arbitrage des différends, en lieu et place de la détermination unilatérale des conditions de travail et du droit de grève.

C'était, en résumé, M. le Président, le plus rapidement possible, compte tenu du

temps qui nous est alloué, un tour d'horizon de notre vision de l'avant-projet de loi déposé.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. De Guire, pour nous avoir fait part du contenu de votre mémoire que je peux qualifier d'extrêmement intéressant, et je parle en connaissance de cause. Je cède la parole au ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor qui va vous faire part de ses commentaires et va certainement aussi poser des questions.

M. Clair: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier, effectivement, la Fédération québécoise des directeurs d'école de venir aujourd'hui nous communiquer son point de vue sur la réforme du régime de négociation. Je pense que vous auriez eu raison de souligner, M. le Président, que les directeurs d'école et leur fédération sont ceux qui sont directement touchés par les conséquences, le résultat de ce régime de négociation, puisque, effectivement, ils ont à gérer quotidiennent des établissements publics et à vivre avec les conséquences des négociations qui elles-mêmes résultent bien souvent du genre de régime de négociation que nous avons. Tout cela pour dire que nous les recevons comme des praticiens, comme des gens qui sont impliqués dans le quotidien des écoles du Québec.

J'indique tout de suite, M. le Président, pour ma collègue, la députée de Jacques-Cartier, et le député de Marie-Victorin que je ne prendrai pas tout le temps qui m'est alloué parce que je voudrais en réserver une partie pour le ministre de l'Éducation qui devrait pouvoir venir se joindre à nous plus tard et qui avait l'intention de poser des questions, de sorte que je me limiterai à deux ou trois sujets.

Le premier que je voudrais aborder, c'est celui de la non-négociabilité des régimes pédagogiques. Vous insistez là-dessus en première partie. Vous y revenez en conclusion pour dire que "Nous tenons à réaffirmer - je vous cite a la page 23 - que les régimes pédagogiques ne doivent faire l'objet d'aucun marchandage lors des négociations et ce, autant de la part du gouvernement que des syndiqués. " Sauf erreur, légalement parlant, les régimes pédagogiques n'ont jamais été négociables, mais ils étaient rejoints par la bande, si je peux employer l'expression, par voie de conséquence par rapport à ce qui se négociait. Hormis de demander au gouvernement d'avoir le ferme propos de ne pas s'engager dans la négociation des régimes pédagogiques et de demander aux syndicats de faire la même chose, quel mécanisme, quelles sont les implications concrètes et les conséquences qu'il faudrait tirer de cette affirmation que ni directement ni indirectement le gouvernement ne devrait être appelé à négocier les régimes pédagogiques? Je ne sais pas si je me fais comprendre, c'est qu'au-delà de cette affirmation, puisque c'est déjà le cas légalement, et que tout le monde peut faire un acte de contrition et dire: Je ne recommencerai plus, j'ai le ferme propos, en dehors de cela, concrètement, quelles sont les implications de cette demande?

M. De Guire: En fait, les implications, un peu comme on l'a souligné tantôt, c'est qu'on change, à chaque fois qu'il y a une ronde de négociation, les règles du jeu, on change le régime pédagogique. On donne des heures de plus aux élèves, on donne des heures de moins aux élèves. On joue avec ces questions de façon régulière. Pour nous, cela est du marchandage de régime pédagogique.

M. Clair: Oui, M. De Guire, je vous comprends bien que ce soit cela comme résultat. Mais ma question n'est pas pour me faire dresser le bilan de ce qui s'est passé antérieurement, mais plutôt de vous demander quelles sont les implications pour l'avenir de votre demande de non-négociabilité absolue des régimes pédagogiques ni directement, ni indirectement. Autrement dit, ma question sous-tend que, si on va au bout de cette logique, que resterait-il de négociable, puisque vous avez soulevé vous-même dans le mémoire le fait que ce n'était pas directement négocié, mais que c'était par voie de conséquence par rapport è la tâche, par rapport à la rémunération et d'autres éléments du contenu des conventions collectives que l'on finissait par rejoindre les régimes pédagogiques? Ma question n'est pas tournée vers le passé pour savoir comment c'est arrivé, je le sais, je le comprends, c'est l'avenir. Quelles sont les implications concrètes de cela?

M. De Guire: À l'article 40. 2, on discute au niveau de la négociation de l'augmentation de la tâche des enseignants ou qu'on discute de la diminution de la tâche des enseignants, cela devrait être fait strictement en fonction de cela et non pas de ce que cela peut toucher au niveau des élèves. Cela devrait se régler par des questions salariales puisqu'il s'agit là des augmentations ou des diminutions de tâche, il s'agit de l'augmentation ou d'une diminution de personnel, il s'agit d'une capacité de payer. Ce qui arrive au bout, on dit: Bien là, on est bien prêt à vous donner ceci, on est bien prêt à faire cela, mais on ne peut pas. Si, dans une mécanique, on enlève une heure ici et une heure là, cela va faire au bout qu'on va pouvoir donner... C'est un peu ce petit jeu qu'on dit: On devrait négocier des

conditions de travail qui regardent strictement le personnel, qu'elles soient en termes de temps pour le personnel, mais que cela n'ait jamais d'incidence du côté des élèves. C'est ce qui, pour nous, nous apparaît important.

M. Lebel (Marcel): Là-dessus, M. le Président, la situation dans laquelle on se trouve, c'est que si on dit qu'on avait prévu que le régime pédagogique avait 25 heures d'activité éducative pour les jeunes du secteur primaire en telle année, si le taux de richesse affecté aux ressources humaines enseignantes ne permet pas d'aller à 25 heures et on décide que le régime qui avait été prévu à 25 heures est ramené è 24 ou à 24, 5 heures, c'est à ce débat qu'il ne faut pas toucher. Si le ministère de l'Éducation a convenu que, pour tous les jeunes de tel degré ou de tel niveau, il y a tels services minima nécessaires, après que c'est établi, les ressources pour voir à l'application de ce régime seront différentes de la définition même des services. C'est cela, l'esprit de notre demande. Si le régime pédagogique est à modifier, qu'il le soit par la bande. Il sera modifié, mais pas par le canal de la négociation, par le biais de consultations qui peuvent être établies ou déjà en marche. Il y a des comités consultatifs au ministère; il y a du personnel professionnel enseignant qui est consulté de différentes façons dans le réseau de l'éducation. Si les, services éducatifs prévus au régime pédagogique ne sont pas congruents avec les besoins des jeunes du préscolaire, du primaire ou du secondaire, c'est à ce niveau qu'on changera le régime pédagogique, mais on ne dira pas: II y a aura 1200 enseignants de moins dans le réseau si on augmente ou on n'augmente pas le régime pédagogique en termes de longévité de présence des élèves à l'école. C'est cela, notre objectif.

M. Clair: D'accord, je comprends. Autrement dit, par exemple, l'an dernier -on s'en souvient tous - il y avait eu le report d'une augmentation prévue de la tâche et donc le report d'une augmentation du temps de présence prévu des enfants... Ce que vous dites, dans le fond, au gouvernement, c'est: À la limite, fais ce que tu veux sur la question de la négociation, sur le plan du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic, mais ne fais plus de telles transactions. Si tu règles plus haut, paie. C'est cela que vous indiquez.

M. Lebel: C'est en plein cela.

M. De Guire: En fait, le régime pédagogique peut se discuter, se négocier, peu importe les termes qu'on peut utiliser. Cela peut se faire pendant des années; cela peut se faire pendant des mois, mais en dehors de la période de négociation. Une fois que le gouvernement a décidé ce qu'est le régime pédagogique...

M. Clair: Cela devrait être un absolu.

M. De Guire:... il ne doit plus le mettre dans la balance pour négocier et régler d'autres problèmes. C'est avant qu'il doit y penser et dire: Si je fixe telle chose, tel cadre, c'est parce que cela doit être essentiel. À partir du moment où il décrète lui-même que cela devient essentiel, on comprend mal qu'ensuite, il recommence à en discuter.

M. Clair: D'accord. Merci.

Je voudrais passer au deuxième sujet, parce que vous avez sans doute remarqué que mon collègue, le ministre de l'Éducation est arrivé et je voudrais lui laisser du temps. Quant à la question de la rémunération, vous dites que cela doit être une question qui doit être réglée au grand jour et ce que vous proposez, à toutes fins utiles, quand vous proposez l'arbitrage annuel de l'Assemblée nationale, c'est ce qu'on appelle dans d'autres pays une loi annuelle des salaires de la fonction publique, des secteurs public et parapublic. C'est bien cela que vous proposez. Est-ce que je comprends bien?

M. De Guire: En fait, pour nous, il ne s'agit pas d'aller vérifier ce qui peut se faire ailleurs. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut que l'Assemblée nationale ait le dernier mot en ce qui concerne la détermination de la rémunération. Donc, il peut y avoir des négociations mais, pour éviter que des tractations ou quoi que ce soit se fasse de part et d'autre... Pour nous, que ce soit d'un côté ou de l'autre de la clôture, quand on négocie à minuit moins cinq, on peut arriver à bien des choses, à bien des décisions et nous, le lendemain matin, il faut prendre le paquet qui, à minuit moins cinq, a été décidé. Cela, on n'en veut plus. Ce qu'on veut, c'est qu'on négocie et qu'on discute, d'accord, mais une fois qu'on a négocié par le biais du Conseil du trésor et du gouvernement, que cela soit amené à l'Assemblée nationale et que ce soit l'Assemblée nationale qui détermine.

M. Clair: C'est la question que je posais, parce que l'avant-projet de loi permettrait à la fois un débat possible à l'Assemblée nationale, mais la rémunération des employés de l'État ne risquerait pas de faire l'objet de ce qu'on appelle un filibuster et de traîner des mois et des mois à l'Assemblée nationale puisque, effectivement, le dépôt des conclusions du gouvernement se ferait quelque part au début du mois de mars. A ce moment-là, il y aurait une période de discussions possibles, de débats

possibles à l'Assemblée nationale et si vous remarquez, le dépôt à l'Assemblée nationale des conclusions du gouvernement viendrait à peu près à la même période pendant laquelle le gouvernement dépose son livre des crédits et fait donc adopter son budget de dépenses par l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale aurait, oui, de cette façon, le contrôle ultime sur l'adoption du budget puisque, à la limite, l'Assemblée nationale peut toujours refuser l'adoption du budget de dépenses du gouvernement. Cela s'appelle une motion de non-confiance et le gouvernement doit déclencher des élections sur cet enjeu. J'ai de la difficulté, personnellement, à voir les avantages d'une loi annuelle des salaires par rapport au processus que nous proposons, parce qu'il me semble que les objectifs que vous poursuivez seraient plus avantageusement atteints par la proposition qu'on met de l'avant que par un double débat, dans le fond, qui aurait lieu en même temps. Si on avait une loi annuelle des salaires - pour bien comprendre ce que cela voudrait dire - cela voudrait dire que tout le processus budgétaire du gouvernement serait arrêté puisque c'est la moitié du budget de l'État. De deux choses l'une, ou adopter cette loi veut dire quelque chose, ou cela ne veut rien dire. Si cela veut dire quelque chose, il faudrait que l'adoption de cette loi annuelle sur les salaires soit antérieure à l'adoption du livre des crédits, donc, de l'ensemble du budget de dépenses de l'État, ce qui risquerait d'entraîner un filibuster. Parce que, qui dit projet de loi dit possibilité de débats interminables à l'Assemblée nationale; qui dit filibuster dit possibilité de bâillon, ce qu'on appelle la clôture, la motion de clôture, ou encore l'introduction d'une toute nouvelle mécanique à l'Assemblée nationale qui viendrait remplacer à la fois le discours sur le budget ou le livre des crédits. Là, on remet en cause fondamentalement le fonctionnement de nos institutions telles qu'on les a connues jusqu'à maintenant. Je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire, mais il me semble que cette préoccupation, de faire en sorte que le débat soit public, que l'Assemblée nationale ait le dernier mot, est mieux rencontrée par la mécanique proposée que par une loi annuelle des salaires. (17 h 45)

M. De Guire: Je vous comprends, M. le ministre. Je comprends très bien qu'il peut y avoir du filibuster, il peut y avoir du bâillon, mais pour nous... Vous savez, on ne vient pas réagir ici en spécialistes de relations du travail ou de négociations, de négociateurs ou en spécialistes du gouvernement. On vient vous donner notre vision. Pour nous autres, toute cette histoire, cela se passe en catimini. Cela se passe dans le jargon, qu'on appelle, cela se passe au mont Hilton, et le mont Hilton, nous autres, on en a six pieds par-dessus la tête du mont Hilton. C'est pour cela qu'on souhaite que cela se passe au grand jour, à l'Assemblée nationale, que cela se passe sur la place publique. C'est pour cela, d'ailleurs, qu'on disait qu'on était d'accord avec certaines parties du projet de loi, non pas parce qu'on est entièrement en accord avec chacun des articles. Pas du tout. C'est que, pour nous, pour une fois, cela va se passer sur la place publique et les vrais enjeux vont être connus de tout le monde. C'est qu'en fait, ce qui se passe au mont Hilton, les vrais enjeux, on ne les connaît pas et quand on négocie le régime pédagogique par incidence, c'est au mont Hilton à minuit moins cinq qu'on le fait. C'est tout cela qu'on ne veut plus. C'est pour cela que, pour nous, que cela soit avant le budget ou que cela soit après le budget, si c'est vrai que c'est une partie importante du budget, que cela soit décidé par l'Assemblée nationale; que l'Assemblée nationale décide du budget en deux parties ou en une partie, ce qu'on voit dans cela, c'est que le budget global du gouvernement est de X montant d'argent. À l'intérieur de cela, quand la pression est trop forte ou quand la pression n'est pas assez forte, on transfère des sommes qu'on avait présumément accordées pour des salaires à autres choses et on en ajoute un peu plus ou un peu moins, selon la conjoncture, selon le moment. C'est ce qu'on a dit.

En fait, les moyens de pression, les histoires de pressions et de "jouage" avec toutes ces affaires-là, pour nous, cela doit avoir une limite. Et cela n'a pas de limite actuellement. Pas plus du côté du gouvernement que du côté des syndiqués. Pour nous, quel que soit celui qui a le gros bout du bâton dans le moment présent, cela ne nous intéresse pas plus. Ce qui nous intéresse, c'est que tout cela se fasse au grand jour, que cela se fasse à l'Assemblée nationale. Ce sont eux les représentants, les élus du peuple. Si les uns veulent faire du "filibuster" et si les autres veulent imposer le bâillon, ils auront à en répondre après dans leur comté et au moment des élections.

M. Clair: Une dernière question sur un autre sujet. Quant à la question des services essentiels dans certaines institutions du réseau scolaire, vous n'avez pas précisé un point. Vous parlez de la nécessité de maintenir des services essentiels, mais vous n'avez pas précisé votre pensée suffisamment pour me faire comprendre si ce que vous vouliez indiquer, c'est que les services soient maintenus intégralement, au complet dans certaines des institutions, ce qui revient à dire l'abolition du droit de grève dans certaines institutions, ou si vous vous attendiez plutôt à ce que dans ces institutions, il fallait maintenir un haut niveau de services essentiels. Voudriez-vous

préciser votre pensée là-dessus, parce que cela n'était pas clair et je ne suis pas sûr de l'avoir compris dans votre mémoire?

M. De Guire: Évidemment, on aurait pu dire tout à fait facilement: Enlevons le droit de grève dans ces institutions. Sauf que toutes les institutions ne nous paraissent pas être identiques ou avoir les mêmes difficultés ou avoir des types d'élèves qui ont des difficultés au même niveau. On dit que cela devrait relever du Conseil des services essentiels. Le Conseil des services essentiels pourrait établir un certain degré de façon à maintenir un service pour des élèves chez qui cela pourrait être très grave d'avoir un arrêt qui se prolonge trop longtemps, parce qu'on a des élèves qui sont véritablement handicapés et nous croyons qu'il faut protéger ces élèves.

Dans certains cas, cela pourrait aller à l'abolition totale du droit de grève et, dans d'autres, cela pourrait être le maintien d'un service qui soit minimal.

M. Clair: Mais vous reconnaissez que pour les institutions les plus lourdes que votre association représente, il ne s'agit pas d'introduire un concept de services essentiels, mais pour certaines d'entre elles, votre position est à savoir que tous les services sont essentiels et qu'à ce moment-là, il devrait y avoir disparition du droit de grève pour un certain nombre des institutions que vous représentez.

M. De Guire: Non, on ne dit pas que tous les services doivent être maintenus dans toutes ces institutions.

M. Clair: Mais dans certaines d'entre elles, c'est là-dessus que j'insiste.

M. De Guire: Dans certaines d'entre elles, des services doivent être maintenus, d'accord. Dans d'autres, à des degrés divers. C'est pourquoi nous disons: Amendons la loi sur le Conseil des services essentiels qui, elle, devra analyser la situation avec les syndiqués et avec les associations patronales pour voir à établir une distinction entre les deux.

M. Clair: Donc, j'ai raison de conclure que votre proposition pour certaines des institutions les plus lourdes, c'est l'abolition du droit de grève. Quel est le substitut que vous proposeriez ou que vous préféreriez dans ceux qui ont été mis de l'avant en commission parlementaire, arbitrage de l'offre finale, médiation-arbitre, conseil d'arbitrage? Avez-vous réfléchi là-dessus? Je vous indique, M. le Président - je vois que vous parlez dans mon dos - que c'est ma dernière question.

M. De Guire: Ce que nous avons dit, M. le ministre, c'est que les employés de ces secteurs qu'on dit essentiels, à notre point de vue, devraient bénéficier de ce que les autres du secteur négociation négocient pour eux. En fait, on ne veut pas qu'ils soient ni pénalisés dans un sens, ni pénalisés dans un autre, ni avoir des avantages, ni avoir des désavantages. Pour nous, cela n'a rien à voir. Ces gens, pendant qu'ils sont au travail, leurs représentants négocient pour eux comme pour les autres et ils bénéficient des mêmes avantages que les autres ont reçu pendant qu'eux devaient maintenir des services essentiels.

M. Clair: Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, je voudrais vous faire remarquer que si j'ai parlé dans votre dos, je n'ai pas parlé sur votre dos. Alors, il n'y a pas de problème.

Je cède immédiatement la parole à Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci de votre mémoire que je trouve très intéressant. Je n'ai qu'une question. Vous êtes favorables à la revalorisation du rôle des commissions scolaires en ce qui concerne les négociations. Mais à la fin de votre mémoire, vous parlez du problème non résolu de la détermination des conditions de travail des directeurs et directrices d'école, les cadres, le personnel cadre qui est totalement ignoré, selon votre document.

Ai-je bien compris votre proposition à la fin du mémoire, qu'effectivement vous proposez qu'un système de négociation des relations du travail soit établi directement avec le gouvernement? À la page 22, par exemple, deuxième paragraphe, on lit: "La fédération croit qu'il est plus que temps que le gouvernement accepte à tout le moins d'étudier la question des relations du travail avec ses cadres". Vous ne parlez pas des commissions scolaires, vous parlez du gouvernement. J'aimerais vous demander comment vous réconcilier ces deux orientations.

M. De Guire: Je dois vous dire, madame, que pour nous, l'établissement d'un régime particulier du travail, c'est négocier avec le gouvernement l'établissement d'une loi ou d'un code du travail, pour employer une expression qui peut être davantage connue. Il s'agit d'avoir un code du travail pour les directeurs d'école, pour les cadres en général. Dans ce cadre établi qui réglerait nos conditions de travail dans le sens que cela nous permettrait de négocier avec l'employeur - l'employeur n'est pas nécessairement le gouvernement - cela peut être au niveau complètement décentralisé et

cela pourrait être les commissions scolaires, sauf que ce qui est important, c'est qu'il n'y a pas de loi qui régisse nos conditions de travail. Je pense que la première étape, c'est qu'une loi soit adoptée à l'Assemblée nationale concernant nos conditions de travail et, par la suite, les négociations pourraient se faire avec les personnes qui engagent les directeurs d'école ou les autres cadres dans le système et, à ce moment-là, conclure des ententes ou des conventions avec l'employeur qui est la commission scolaire. Mais au moins le code qui régirait les cadres permettrait de telles ententes. Actuellement, cela se fait unilatéralement. Que ce soit au niveau d'une commission scolaire ou que ce soit au niveau du gouvernement, nos conditions, qu'elles soient locales ou qu'elles soient nationales, elles se font unilatéralement dans les deux cas.

Mme Dougherty: Vous avez dit: Pas nécessairement avec le gouvernement; possiblement. Vous n'êtes pas très clair là-dessus.

M. De Guire: Pour nous, Mme la députée, la première chose qu'on doit établir, c'est le code, la loi.

Mme Dougherty: Oui.

M. De Guire: Cela se discute avec le gouvernement, avec l'Assemblée nationale. Une fois que cela est établi, les conventions collectives pour ces employés, les conventions collectives pour les cadres et pour les directeurs d'école se feraient avec les employeurs de ces gens-là, c'est-à-dire les commissions scolaires., On serait peut-être aussi régi de la même façon que les employés du secteur public, puisque nous en sommes, c'est-à-dire que les questions salariales pourraient être discutées au niveau national, mais toutes les autres discussions pourraient être faites au niveau local. Nous sommes parfaitement d'accord avec cela. Mon collègue pourrait compléter.

M. Lebel: Si on prend la logique du système administratif dans lequel on vit, on a un décret qui régit nos conditions salariales, nos avantages d'emploi, de sécurité d'emploi et de stabilité. Il y aussi dans les décrets qui régissent les cadres une prescription d'aménagements locaux, ce qu'on appelle les politiques de gestion locale. Si on s'inspire de la démarche que les décrets donnent comme vécu, ce pourrait être le même modèle. On le vit déjà, mais dans le cadre d'une réglementation décrétée et non pas dans un cadre de mécanisme prévu au code.

Mme Dougherty: Un simple commentaire. Je crois que vos préoccupations sont très importantes et c'est malheureux parce que vous avez décidé, je crois, de ne pas vous présenter lors des audiences sur la loi 3 quand on a discuté le rôle, l'imputabilité, et tout cela, le rôle du directeur d'école.

M. De Guire: Écoutez! Je comprends que la loi 3 était une question importante pour nous, sauf que nos membres voulaient prendre le temps de réfléchir sur la question, voulaient prendre le temps de se consulter et, après cette consultation, se présenter en commission parlementaire. Malheureusement, au moment où notre consultation dans tout le Québec s'est terminée, la commission, elle, était terminée.

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Lachance): Vous l'aviez fait, je crois, M. De Guire, sur la loi 40.

M. De Guire: Pardon?

Le Président (M. Lachance): Vous l'aviez fait sur la loi 40. Vous étiez venu ici.

M. De Guire: Oui, M. le Président. Le Président (M. Lachance): M. Jean.

M. Jean (Bertrand): Je voudrais ajouter qu'au niveau de la loi 40, on nous avait quand même fait philosopher pendant deux ans. On nous a donné le loisir de faire le tour de la province; moi, personnellement, au niveau de l'ADER 03 j'avais fait le tour de tout le monde. On avait eu le temps de consulter notre monde.

Au niveau de la loi 3, tout s'est précipité. En toute logique, on devrait retourner vers notre monde pour savoir s'ils n'avaient pas réduit de 37 problèmes pour aboutir à la loi 3. La consultation était faite au moment où on a reçu vraiment le mandat de donner à la fédération nos positions sur la loi. Quant à la commission parlementaire, nous avions demandé un certain délai, je pense, M. De Guire, pour déposer ce que nous pensions sur la loi 3. Ce délai n'a pas été... Je voulais quand même souligner que nous avons eu deux ans pour discuter la loi 40. C'est peut-être trop long d'ailleurs. (18 heures)

M. De Guire: Si vous permettez, M. le Président, mon collègue aurait un complément pour madame.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Allez-y.

M. Rondeau (Robert): Pour revenir au sujet de l'autre commentaire de Mme

Dougherty, je voudrais vous faire part d'une situation qui se vit annuellement dans toutes les commissions scolaires. À un moment donné, dans les directions d'école, on prend connaissance de la déclaration des effectifs des commissions scolaires pour l'année suivante. Bien souvent, étant donné que maintenant nous pouvons changer l'argent d'une poche pour le mettre dans l'autre poche, ce sont les directions d'école qui sont changées de poche, dans le sens que c'est l'argent qui disparaît pour aller ailleurs, dans la commission scolaire toujours, pour le bien des enfants. Sauf que sans la reconnaissance devant la loi, c'est très difficile pour une direction d'école, pour une association, d'aller faire le dessin à la commission scolaire de l'importance de l'existence d'une direction d'école dans une école ou celle d'un adjoint. C'est un peu la problématique que nous vivons à ce niveau.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre de l'Éducation.

M. Gendron: M. le Président, j'ai eu l'occasion de prendre connaissance du mémoire de la Fédération québécoise des directeurs d'école. Je suis convaincu que cela a été fait, mais je tiens, comme ministre de l'Éducation, à vous remercier d'avoir accepté de venir nous donner votre point de vue et d'avoir apporté votre contribution fort positive dans l'évolution de tout ce débat qui n'est pas facile. On le reconnaît. Je ne veux pas être très long, mais il m'est apparu -vous pourrez me corriger si cela n'est pas le cas - que vous avez vraiment insisté sur un point qui a d'ailleurs été soulevé par Mme Dougherty, c'est-à-dire la revendication d'un régime particulier de relations du travail pour les directeurs d'école. Pour ma part, même si ce n'était pas ma responsabilité, je reconnais là une demande qui a été répétée depuis un certain temps, et vous avez la liberté, la légitimité de le faire, mais ma question est la suivante. Au-delà des éléments que vous avez évoqués dans votre mémoire comme devant faire partie d'un régime syndical particulier pour les directeurs d'école, je n'ai pas été en mesure d'apprécier la différence assez précise que vous faites entre ce régime syndical souhaité, demandé et celui des salariés au sens du Code du travail. J'aimerais que vous me donniez un peu plus de précisions sur, éventuellement, les différences fondamentales que les deux régimes devraient contenir ou, dans votre esprit, y a-t-il ou non lieu qu'il y ait des différences fondamentales? C'est cela que je voudrais savoir.

M. De Guire: Si au moins on pouvait s'asseoir avec le gouvernement pour discuter des conditions de travail des directeurs d'école, non pas pour discuter des conditions de travail, parce que nous en discutons des conditions de travail avec des représentants du gouvernement, mais, après, c'est décrété, c'est-à-dire qu'on ne peut pas négocier. Je ne dis pas qu'il faille avoir sur toute la ligne les mêmes conditions que celles des syndiqués au sens du Code du travail, ce n'est pas le sens absolu de notre revendication. Ce qui est important pour nous, c'est qu'on soit au moins capables de négocier une convention collective pour les membres que nous représentons, c'est-à-dire d'être reconnus comme le porte-parole et de pouvoir négocier des conditions de travail qui soient applicables à des gens qui ont à faire appliquer tout ce que vous décrétez de toute façon. Pour nous, ce n'est pas tellement facile de gérer des écoles. On a donné des exemples tantôt. Lorsqu'il n'y a plus d'argent dans une poche, on va dans l'autre. Si vous remarquez, depuis qu'on augmente du côté des enseignants, on n'a pas beaucoup augmenté du côté des directeurs d'école, des directrices d'école. Au contraire, la tâche est de plus en plus lourde et on a de moins en moins de monde pour faire face à la responsabilité de plus en plus grande qu'on a mise sur nos épaules. On ne recule pas devant la tâche, sauf qu'on se dit que si on pouvait négocier que, pour nous aussi, il y aurait peut-être un certain nombre de conditions à respecter, un certain nombre d'heures de travail, un certain nombre de semaines à superviser, un certain nombre d'adjoints ou d'aides de façon à pouvoir remplir efficacement nos tâches, sauf qu'on ne peut pas discuter de cela, on ne peut pas négocier cela. On peut toujours le demander, sauf que tout ce qu'on réussira à obtenir, c'est qu'on établira que, dans une école de tant d'élèves, il y aura tant de personnes à la direction, et cela finit là. C'est payé. Si les gens veulent en avoir plus, on dit aux commissions scolaires: Donnez-en plus, accordez-leur des gens de plus. Mais où peuvent-elles prendre l'argent. Il faut absolument qu'elles aillent régler cela avec les taxes.

Par contre, du côté des syndiqués, au mont Hilton, à 23 h 55, on pourrait peut-être décider d'injecter 1 000 000 000 $, 2 000 000 000 $ ou 3 000 000 000 $. Pour nous, les 23 h 55 n'existent pas, M. le ministre.

M. Gendron: Je pense que vous m'avez donné plutôt les motivations sur lesquelles repose votre revendication. Vous avez, je pense, ajouté dans votre commentaire: Je pense vous citer. "Nous ne réclamons pas nécessairement exactement le même régime. " Mais j'aimerais savoir, dans votre réflexion, dans la perspective où le gouvernement envisagerait sérieusement de regarder la possibilité de donner un régime syndical, quelles seraient en fin de compte les

différences fondamentales entre ce type de régime revendiqué par les directeurs d'école et celui que les salariés syndiqués régis par le Code du travail ont dans les faits? Y aurait-il quand même une couple de points sur lesquels vous dites: Oui, on convient que même si on avait le régime, il serait difficile de nous donner tel et tel élément?

M. De Guire: Je pourrais vous répondre dès le départ. Il serait peut-être difficile de leur donner le droit de grève, mais je ne veux pas commencer par celui-là parce que ce n'est pas la raison fondamentale de notre demande. Pour nous, ce n'est pas cela. Ce qui est important, c'est la première raison, c'est d'une reconnaissance légale des associations pour qu'on puisse négocier une convention collective pour nos membres. Cela est fondamental et important. Je dois vous dires cependant que je me réjouis fort de ce que vous venez de dire. Vous venez de dire: En supposant que le gouvernement pourrait s'asseoir et discuter de cela... Vous savez que cela fait des années qu'on demande cela et je ne peux pas croire qu'un ministre va dire officiellement à l'Assemblée nationale que le gouvernement pourrait peut-être s'asseoir et discuter avec ses cadres. Mon Dieu! Ce serait merveilleux. Je n'aurais obtenu que cela aujourd'hui que cela serait toute une victoire. Vas-y donc, pour compléter.

M. Lebel: II ne faut pas chercher les différences. D'abord, l'expérience qu'on a dans le régime de relations du travail des cadres, on n'est quand même pas assis sur une expérience énorme pour commencer à jouer dans des zones très névralgiques. On a identifié dans notre mémoire les éléments fondamentaux du début d'un régime de relations du travail pour les cadres. On n'est pas dans l'histoire, on est dans de la prospective. Si on était basé sur des événements historiques, on pourrait toujours comparer des opinions, des démarches, des modifications dans des comportements ou des attitudes, mais on n'est pas à cette époque. On est encore aux premiers balbutiements des membres. Lorsqu'on aura une expertise, après un certain nombre d'années et qu'on pourra s'arrêter avec les législateurs, qu'est-ce qu'on va corriger? Comme on le fait dans le Code du travail pour les syndiqués actuellement. On est dans un exercice de révision, mais là il y a une tradition. On en a parlé quinze ou vingt ans. Mais dans le domaine des cadres, on ne peut pas bénéficier de cette expertise professionnelle et conjointe. On n'est pas à néant, mais presque. Commençons par se parler. Organisons les premiers éléments d'une législation sur les cadres et, avec l'expérience, on va les raffiner. On va leur donner une meilleure perspective, des meilleures façons de les traiter et de les percevoir. De part et d'autre, il est bien certain que dans les premiers pas, on peut trébucher, mais il n'y a rien là, de trébucher pour une première fois. Notre intention n'est pas d'avoir l'excellence en partant. Ce n'est pas l'excellence qui est cherchée, c'est d'avoir un régime qui nous paraît fondamental. On ne veut pas "Fondamental" -avec un grand F - on veut un régime où on a l'impression qu'on est des citoyens à part entière, avec des responsabilités et on va jouer notre rôle à partir des mandats qui nous sont dévolus. Allons à la page 22, jusqu'au bas de la page, et je vous dis qu'on aura beaucoup de travail de fait. On vous dit d'avance qu'on est au rendez-vous. On espère que vous serez là pour en parler avec intensité.

M. Gendron: Je trouvais que si on allait jusqu'au bas de la page, cela ferait un pas pire régime syndical. Mon autre question, la dernière en ce qui me concerne. Vous vous prononcez carrément contre les réouvertures de conventions collectives ou les décrets. Dans votre mémoire, vous exprimez là-dessus que vous êtes contre les réouvertures. Ma question est de deux ordres: est-ce que c'est en cours de convention, dans le sens que vous ne seriez pas favorables à des mécanismes d'ajustement quitte à ce que cela puisse se traduire par la réouverture de clauses? Oui, si vous dites carrément: Après que ces choses-là sont décrétées ou conventionnées, on n'a pas à toucher à cela? Si c'était votre réponse, je vous demanderais quelle est l'alternative. On sait où cela nous conduit, le fait de ne pas avoir de mécanismes qui permettent de rouvrir les conventions collectives.

M. De Guire: En fait, pour nous, ce qui nous apparaît en tout cas fondamentalement dangereux, c'est d'avoir une négociation permanente. C'est beaucoup plus cela que de dire qu'on ne veut pas ouvrir les décrets. En ce qui concerne les décrets actuels, nous sommes actuellement à terminer une étude et peut-être que d'ici une dizaine de jours, on pourra vous adresser nos commentaires tout à fait particuliers en ce qui concerne la question des décrets de cette année. Mais pour nous, ce n'est pas ce que nous avons voulu dire. Ce qui nous intéresse, c'est cette fameuse négociation permanente qui nous paraît dangereuse dans le sens qu'on pourrait être perpétuellement en changement. Cela veut dire que, rendu au mois de novembre ou décembre, on pourrait avoir convenu entre les parties, quand je dis entre les parties, c'est-à-dire entre les patrons d'un côté et les employés de l'autre, mais comme nous, on n'est pas là, parce qu'on est des exécutants en bas de la ligne, les enseignants, quand ils nous regardent, nous

considèrent comme des patrons et jettent sur nous le dévolu de tout ce que peut représenter un patron, même s'il est très loin...

M. Gendron: Cela n'a pas changé?

M. De Guire: Cela n'a pas changé du tout, M. le ministre.

M. Gendron: Ah! bon!

M. De Guire: Vous vous rappelez que c'est la même chose. Mais, en fait, ce qui nous paraît important, c'est qu'on ne puisse pas modifier, par exemple, les conditions d'enseignement à tout bout de champ en cours d'année, que cela puisse se faire à périodes fixes ou à des périodes normales, d'accord. On est absolument d'accord avec cela, mais pas dans une négociation permanente. On a l'impression qu'on va servir uniquement les grands spécialistes en relations du travail des deux côtés. Nous, on est bien occupé et ils vont avoir la chance de ne pas avoir des moments qui sont des sommets. Je vais encore rappeler le mont Hilton. Cela va éviter des monts Hilton. Par contre, cela va être, au niveau de l'éducation, un perpétuel dérangement, un perpétuel recommencement. L'éducation, contrairement aux affaires sociales ou ailleurs, s'il y a une amélioration dans les soins apportés aux malades, je pense que personne ne va s'en plaindre, mais un changement de régime au niveau des enseignants, au niveau des élèves dans une école, cela perturbe l'éducation, cela perturbe le service donné à l'élève et on n'a pas le droit d'accepter une négociation permanente en vertu de cela.

M. Gendron: Je vous remercie très sincèrement pour cette partie. En ce qui me concerne, cela m'éclaire et je pense qu'on peut convenir ou conclure de vos propos sur ce sujet que vous n'êtes pas complètement opposés. Mais vous dites qu'une négociation permanente qui aurait comme conséquence de bousculer constamment l'organisation pédagogique majeure au niveau d'éléments plus importants, cela représente des inconvénients auxquels on ne peut pas souscrire, et c'est vous qui parlez. Je pense que dans ce sens, pour avoir déjà oeuvré dans le milieu, il faut, effectivement, être assez attentif à cette question pour que, si jamais les négociations en cours de convention, qu'on appelle cela réouverture ou non, ce soit sur des points qui n'ont pas comme conséquence de bousculer d'une façon majeure et significative l'organisation scolaire. C'est cela que vous mentionnez.

M. De Guire: Exactement.

Le Président (M. Lachance): J'aurais peut-être une question...

M. De Guire: M. le Président, on aurait voulu compléter.

Le Président (M. Lachance): Oui.

M. Lebel: Un élément supplémentaire à la réflexion. Si, a posteriori, on dit qu'il faudrait aller modifier, il faudrait peut-être mettre une autre contrainte, si on veut l'appeler ainsi, c'est celle de le faire assez tôt pour qu'on puisse être capable d'endosser les impacts. Si, deux jours avant les mouvements de personnel, il faut commencer à faire toute une gymnastique pour faire rebâtir des tâches, ce n'est pas nécessairement d'abord les employés qui en sont les bénéficiaires parce qu'on les bouleverse. C'est pour cela que je dis que si c'est pour arriver - ce qu'on ne souhaite pas - cela devrait être prévu que cela se fasse à un moment où c'est moins névralgique.

Le Président (M. Lachance): J'aurais une question à vous poser concernant les négociations locales. Aux pages 17 et 18 de votre mémoire, vous faites allusion aux expériences vécues des négociations locales de 1976 et de 1979 et vous parlez de celle de 1982 où, à votre avis, la centralisation a été excessive. J'aimerais savoir de votre part, à titre d'exemple, ce que vous verriez qui devrait être maintenu comme points de négociation locale, d'une part, et, deuxièmement, est-ce que le mécanisme d'affectation du personnel devrait être de négociation locale?

M. De Guire: Ce qui nous paraît devant faire l'objet de négociation locale, ce serait l'organisation du travail, les mouvements de personnel et les droits syndicaux. Ces choses nous paraissent comme devant être discutées au niveau local. Est-ce que c'est le sens de votre question, M. le Président?

Le Président (M. Lachance): Oui, exactement. Par exemple, le phénomène qu'on a appelé le phénomène du "bumping", est-ce que vous voyez cela de négociation locale au niveau de l'affectation du personnel? Vous savez bien que, dans les écoles, c'est un problème qui crée beaucoup d'anxiété d'une année à l'autre. (18 h 15)

M. De Guire: Oui, mais le "bumping", c'est un phénomène qui résulte d'une négociation, qui résulte de... Voici ce qu'on dit: Ce qui devrait être négocié localement, c'est l'organisation du travail, les mouvements de personnel et les droits syndicaux. C'est bien sûr que si les critères qui sont discutés et négociés, c'est

l'ancienneté, ce sont des choses comme ça, au bout du compte, on se retrouvera dans nos organisations scolaires avec du "bumping" à la chaîne. On pourrait compléter.

M. Lebel: Peut-être comme indice, lors de représentations au Conseil supérieur, la fédération avait donné comme principe d'orientation le plus possible le maintien d'une équipe école, comme orientation. La négociation des mouvements de personnel, si elle vient mettre de côté ce principe-là, on serait déçu, mais l'objectif qu'on recherche et sur lequel on a déjà donné notre avis, c'est le plus possible le maintien d'une équipe école. C'est cela, l'orientation.

M. De Guïre: On pourrait compléter.

M. Rondeau: Un autre exemple, c'est au niveau, non seulement à l'intérieur d'une école du mouvement du personnel, mais le mouvement d'un enseignant d'une école à l'autre et quand on regarde Ies conventions locales, etc., les interprétations de commissions scolaires et tout ce que le service du personnel doit mettre d'études pour en arriver à comprendre comment on peut bouger sans faire d'erreurs un enseignant d'une école à une autre école... Il y a sûrement une place dans la négociation locale pour assurer une plus grande flexibilité à ce niveau. C'est comme des châteaux forts un peu partout. C'est très difficile pour un enseignant de vouloir dires Moi, je voudrais changer d'école, pour toutes sortes de raisons, parce que quand il fait cela, il y aura toute une série de choses d'enclenchées qui, au bout de la ligne, sont très démotivantes pour un enseignant de vouloir faire.

Le Président (M. Lachance): Une dernière question quant à moi. Cela concerne un sujet, sauf erreur, qui n'a pas été mentionné dans votre mémoire. C'est peut-être parce que cela ne vous préoccupe pas directement dans le sens que ce n'est pas vous qui avez à résoudre le problème. C'est plutôt la commission scolaire. Ce sont les griefs. Est-ce que la Fédération québécoise des directeurs d'école a constaté qu'il y avait des problèmes particuliers avec le nombre de griefs qui sont déposés par des enseignants, parce que dans le domaine hospitalier, on nous a souligné la chose de façon assez marquée?

M. De Guire: M. le Président, nous n'avons pas étudié cette question et je ne peux pas malheureusement vous répondre puisque nous n'avons pas consulté nos membres sur cette question.

Le Président (M. Lachance): Je vous remercie, MM. de la Fédération québécoise des directeurs d'école de votre présence à cette commission parlementaire. On l'apprécie beaucoup et on espère, en tout cas, que finalement, votre participation va se concrétiser par un aboutissement heureux. Merci beaucoup, messieurs.

M. De Guire: Cela nous a fait plaisir. Madame, messieurs, merci.

Le Président (M. Lachance): La commission du budget et de l'administration ajourne ses travaux a demain matin, 10 heures, alors que nous entendrons des représentants de la Fédération des commissions scolaires du Québec.

(Fin de la séance à 18 h 19)

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